Zourabichvili, François. Vocabulaire de Deleuze
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v 0 cab u 1air ed e ... Collection dirigée par jean-Pierre Zarader
Le vocabulaire de
Deleuze François Zourabichvili Maître de conférences à l'Université de Montpellier III - Paul Valéry Directeur de programme au Collège International de Philosophie
Dans la collection Le vocabulaire de ...
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Présocratiques, par J.-F. Balaudé Sceptiques, par E. Naya Stoïciens, par V. Laurand
ISBN 2-7298-1291-1 © Ellipses Édition Marketing S.A., 2003 - www.editions-ellipses.fr
32, rue Bargue 75740 Paris cedex 15 Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant. aux lennes de J'article L. 122-5.2) et 3)a), d'une part. que les« copies ou reproduc[Îons strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ». et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration. «toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (Art. L.I22A). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
1. « À la lettre» : quel auditeur de Deleuze n'a pas gardé le souvenir de cette manie de langage? Et comment, sous son insignifiance apparente, ne pas entendre le rappel inlassable et presque imperceptible d'un geste qui sous-tend toute la philosophie de la «disjonction incluse », de l' « univocité» et de la « distribution nomade» ? Les écrits, de leur côté, témoignent partout de la même mise en garde insistante! : ne prenez pas pour métaphores des concepts qui, malgré l'apparence, n'en sont pas; comprenez que le mot même de métaphore est un leurre, un pseudo-concept, auquel se laissent prendre en philosophie non seulement ses adeptes mais ses contempteurs, et dont tout le système des « devenirs» ou de la production du sens est la réfutation. Cette chaîne étrange et bigarrée que déployait la parole de Deleuze, l'auditeur de bon sens pouvait bien lui opposer son cadastre et n'y trouver que du figuré. Il n'en recevait pas moins en sourdine le perpétuel démenti du « à la lettre », l'invitation à placer son écoute en-deçà du partage établi d'un sens propre et d'un sens figuré. Faut-il, conformément au sens que lui ont donné Deleuze et Guattari, appeler « ritournelle» cette signature discrète - appel lancinant, toujours familier et toujours déconcertant, à « quitter le territoire» pour la terre immanente et sans partage de la littéralité? Supposons que lire Deleuze, ce soit entendre, ne serait-ce que par intermittences, l'appel du « à la lettre ». 2. Nous ne connaissons pas encore la pensée de Deleuze. Trop souvent, hostiles ou adorateurs, nous faisons comme si ses concepts nous étaient familiers, comme s'il suffisait qu'ils nous touchent pour que nous estimions les comprendre à demi-mot, ou comme si nous avions déjà fait le tour de leurs promesses. Cette attitude est ruineuse pour la philosophie en général: d'abord parce que la force du concept risque d'être confondue avec un effet de séduction verbale, qui sans doute est irréductible et appartient de plein droit au champ de la philo1. À titre d'exemples pris au hasard: DR, 235, 246, 257; AŒ, 7,43,49, 100, 165-166, 348, 464; Kplm, 40,65,83; D, 9,134, 140,169; MP, 242, 245-246, 286-292,336,567; fT, 32, 78,169,238,315; CC, 89; etc.
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sophie, mais ne dispense pas d'accomplir le mouvement logique que le concept enveloppe; ensuite parce que cela revient à préserver la philosophie de la nouveauté deleuzienne. C'est pourquoi nous ne souffrons pas d'un excès de monographies sur Deleuze; au contraire, nous manquons de monographies consistantes, c'est-à-dire de livres qui exposent ses concepts. Par là, nous n'excluons nullement les livres avec Deleuze, ou n'importe quel usage même aberrant, pourvu qu'il ait sa nécessité propre. Nous croyons pourtant que de tels usages ne pourraient que se multiplier et se diversifier si les concepts deleuziens étaient mieux connus, pris au sérieux dans leur teneur réelle qui réclame de l'esprit des mouvements insolites qu'il ne lui est pas toujours facile de faire ni de deviner. On croit parfois qu'exposer un concept relève de la réplique scolaire, alors que c'est en accomplir pour soi et sur soi le mouvement. Peut-être la philosophie d'aujourd'hui est-elle trop souvent malade d'une fausse alternative: exposer ou utiliser, et d'un faux problème: ·le sentiment qu'une approche trop précise reviendrait à faire d'un auteur de maintenant un classique. Qu'on ne s'étonne pas alors si la production philosophique tend parfois à se diviser en exégèses désincarnées d'un côté, de l'autre en essais ambitieux mais qui prennent les concepts de haut. Même l'artiste, l'architecte, le sociologue qui utilisent, à un moment donné de leur travail, un aspect de la pensée de Deleuze, sont amenés, si cet usage n'est pas décoratif, à s'en faire pour eux-mêmes l'exposé (que cette méditation prenne une forme écrite est une autre affaire). En effet, c'est seulement de cette façon que les choses changent, qu'une pensée déconcerte par sa nouveauté et nous entraîne vers des contrées auxquelles nous n'étions pas préparés - contrées qui ne sont pas celles de l'auteur mais bien les nôtres. Tant il est vrai que nous n'exposons pas la pensée d'autrui sans faire une expérience qui concerne proprement la nôtre, jusqu'au moment de prendre congé ou de poursuivre le commentaire dans des conditions d'assimilation et de déformation qui ne se discernent plus de la fidélité. Car il y a un autre faux problème, celui de l'approche «externe» ou « interne» d'un auteur. Tantôt c'est à l'étude d'une pensée pour ellemême qu'on reproche d'être interne, vouée au didactisme stérile et au prosélytisme; tantôt on la soupçonne à l'inverse d'une incurable exté4
riorité, du point de vue d'une familiarité présumée, d'une affinité élective avec la pulsation intime et ineffable de cette pensée. Nous dirions volontiers que l'exposition des concepts est la seule garantie d'une rencontre avec une pensée. Non pas l'agent de cette rencontre, mais la chance de son accomplissement sous la double condition du sympathique et de l'étrange, aux antipodes et de la méconnaissance et de l'immersion pour ainsi dire congénitale: parce qu'éclatent alors les difficultés, la nécessité de rejouer cette pensée à partir d'une autre vie, en même temps que la patience de supporter l'aride devient infinie. Que le cœur batte à la lecture des textes est un préambule nécessaire, mieux encore une affinité requise pour comprendre; mais ce 11 'est qu'une moitié de la compréhension, la part, comme dit Deleuze, de « compréhension non philosophique» des concepts. Il est vrai que cette part mérite qu'on y insiste puisque la pratique universitaire de la philosophie l'exclut presque méthodiquement, tandis que le dilettantisme, croyant la cultiver, la confond avec une certaine doxa du moment. Mais qu'un concept n'ait ni sens ni nécessité sans un «affect» et un «percept» correspondants n'empêche pas qu'il soit autre chose qu'eux: un condensé de mouvements logiques que l'esprit doit effectuer s'il veut philosopher, sous peine d'en rester à la fascination initiale des mots et des phrases, qu'il prend alors à tort pour la part irréductible de compréhension intuitive. Car comme l'écrit Deleuze', «il faut les trois pour faire le mouvement» (P, 224). Nous n'aurions pas besoin de Deleuze si nous ne pressentions dans son œuvre quelque chose à penser qui ne l'a pas encore été, et dont nous ne mesurons pas bien encore comment la philosophie pourrait s'en trouver affectée - faute de nous laisser affecter par elle philosophiquement. 3. Rien ne semble plus propice à Deleuze qu'un lexique épelant les concepts un à un tout en soulignant leurs implications réciproques. En premier lieu, Deleuze s'est attaché lui-même à rendre au concept de concept un poids et une précision qui lui faisaient souvent défaut en philosophie (QPh, ch. 1). Un concept n'est ni un thème, ni une opinion particulière se prononçant sur un thème. Chaque concept participe d'un acte de penser qui déplace le champ de l'intelligibilité, modifie les conditions du problème que nous nous posons; il ne se laisse donc pas assigner sa place dans un espace de compréhension commune donné d'avance, pour d'agréables ou d'agressives discussions avec ses
concurrents. Mais s'il n'y a de thèmes généraux ou éternels que pour l'illusion du sens commun, l'histoire de la philosophie ne se réduit-elle pas à un alignement d'homonymes? Elle témoigne plutôt des mutations de variables qu'explore 1'« empirisme transcendantal ». En outre, Deleuze a lui-même pratiqué par trois fois le lexique: on se reportera au « dictionnaire des principaux personnages de Nietzsche» (N, 43-48), à 1'« index des principaux concepts de l'Éthique» (SPP, ch. IV), enfin à la « conclusion» de Mille plateaux. L'écho entre cette dernière et l'introduction du livre (
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