Vandier_Journal_Des_Savants_1964

January 5, 2018 | Author: Angelo_Colonna | Category: Funeral, Louvre, Death, Religion And Belief
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Jacques Vandier

La Découverte du Sérapéum et les funérailles de l'Apis d'après certaines stèles du Sérapéum In: Journal des savants. 1964, N°2. pp. 128-135.

Citer ce document / Cite this document : Vandier Jacques. La Découverte du Sérapéum et les funérailles de l'Apis d'après certaines stèles du Sérapéum. In: Journal des savants. 1964, N°2. pp. 128-135. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1964_num_2_1_1073

LA DÉCOUVERTE DU SÊRAPÊUM ET LES FUNÉRAILLES DE L'AVIS D'APRÈS CERTAINES STÈLES DU SÉRAPÉUM

Jean Vercoutter, Textes biographiques du Sérapéum de Memphis. Contri bution à l'étude des stèles votives du Sérapéum (Bibliothèque de l'École des Hautes Études, IVe section (Sciences historiques et philologiques), trois cent seizième fascicule). Paris, Champion, 1962, un volume in-8°, xxiii-155 pages et XIX planches. La découverte du Sérapéum de Memphis1, due à Auguste Mariette, peut être considérée comme un des grands moments de l'archéologie égyp tienne au xixe siècle. Comme si souvent, ce fut un pur hasard qui fut à l'origine de la trouvaille. Mariette, qui avait été chargé, au Louvre, d'une humble besogne matérielle, avait obtenu, grâce à l'appui de Charles Lenormant et de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, une mission dont l'objet était de réunir une collection de manuscrits coptes, éthiopiens ou syria ques. Il débarqua à Alexandrie le 2 octobre 1850, éprouvant une des joies les plus vives de son existence, celle à laquelle il avait rêvé depuis des années. S'étant heurté, dès son arrivée, à de graves difficultés, il ne put consacrer les premières semaines de son séjour à l'objet de sa mission, et employa le temps libre que lui accordaient les circonstances à la visite du Caire et de ses environs. Le 27 octobre2, il se rendit à Saqqara et « aperçut par hasard une tête humaine en calcaire qui saillait du sable et dont le type lui rappela celui des sphinx qu'il avait admirés aux jardins Zizinia et chez ses amis du Caire » 3. 1. Nous avons conservé la forme fautive de ce nom, par fidélité au souvenir de Mariette qui n'a jamais cessé de l'utiliser. 2. Nous résumons, ici, très brièvement, le récit passionnant que Mariette lui-même a donné des événements dans le Sérapéum de Memphis et que Maspero a repris dans la notice biographique de Mariette, publiée au début des Œuvres diverses de Mariette dans le tome 18 de la Bibliothèque égyptologique. 3. Maspero, op. cit., p. XXVIII.

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Cette tête évoqua immédiatement dans son esprit un texte de Strabon (XVII) : « On trouve de plus (à Memphis) un temple de Sérapis dans un endroit tellement sablonneux que les vents y amoncellent des amas de sable sous lesquels nous vîmes les sphinx enterrés, les uns à moitié, les autres jusqu'à la tête, d'où l'on peut conjecturer que la route vers ce temple ne serait pas sans danger, si l'on était surpris par un coup de vent ». Par une intuition géniale, Mariette comprit qu'il se trouvait, ce jour-là, au-dessus de l'avenue qui conduisait au Sérapéum de Memphis. Quelques jours plus tard, le 1er novembre 1850, il commençait à déblayer, avec trente ouvriers, le secteur qu'il avait remarqué. L'entreprise était risquée, puisque Mariette, au lieu d'acquérir, avec les crédits qui lui avaient été alloués, des manuscrits anciens, consacrait ces crédits à une fouille qu'il avait décidée de son propre chef, jouant, en quelque sorte, son avenir sur un coup de dé. Seul un succès éclatant pouvait justifier une telle faute administrative. Nous n'avons pas l'intention de suivre Mariette, pas à pas, dans ses recherches, qui lui apportèrent, quelquefois, des échecs, sources de désespoir passager, mais, beaucoup plus souvent, d'admirables découvertes, heureuses promesses d'un avenir radieux. En quelques semaines, Mariette mit au jour l'allée des sphinx de Nectanébo Ier, quelques tombes d'Ancien Empire, dans lesquelles se trouvaient de belles statues et, parmi elles, le scribe accroupi du Louvre, un aréopage de poètes et de philosophes grecs 4 et, enfin, un sanctuaire élevé par Nectanébo Ier en l'honneur d'Apis. Ces divers travaux avaient, à peu près, épuisé les crédits de Mariette qui se décida, en mars 1851, à informer Charles Lenormant, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et le Ministère des résultats auxquels il était arrivé et qui justifiaient, semblait-il, par leur intérêt considérable, le renouvellement et même l'augmentation des premiers crédits. Il eut aisément gain de cause, mais son travail fut ralenti, en Egypte, non seulement par sa santé qu'une trop longue fatigue avait altérée, mais aussi par les difficultés qu'il rencontra du côté des autorités égyptiennes, soigneuse ment alertées par plusieurs fouilleurs européens, jaloux de Mariette. Tout finit par s'arranger, mais ce ne fut que le 12 novembre 1851, un an et douze jours après le premier coup de pioche, que Mariette pénétra dans le Sérapéum : « Comme étendue, la tombe d'Apis a dépassé toutes nos espé rances. C'est un ample souterrain, avec ses chambres, ses galeries, ses couloirs. Évidemment, les Apis avaient, dans la nécropole de Memphis, une sépulture commune, et non, comme je l'avais pensé quelquefois, des caveaux isolés, 4. Cf. Lauer et Picard, Les Statues ptolémaiques du Sarapieion de Memphis, Paris, 1955.

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creusés séparément et enfermés dans l'enceinte du Sérapéum. Quand un Apis mourait à Memphis, on prolongeait d'une chambre le souterrain, et de géné ration en génération, la tombe du dieu s'allongeait, à mesure que les momies qu'on y déposait devenaient plus nombreuses... La tombe se compose d'une longue galerie principale, taillée en voûte, sur laquelle se greffent à angle droit des galeries plus petites, venues d'autre part... : ses galeries mises bout à bout, sans compter, bien entendu, les chambres latérales, ont environ 250 mètres de développement » 5. Ainsi furent trouvées, en fait dans deux sou terrains différents, les sépultures des Apis, s'échelonnant de la XVIIIe Dynastie à l'époque ptolémaïque. Il eût été trop beau que les documents qui furent mis au jour, eussent été si méthodiquement classés qu'on eût retrouvé, sans hiatus, la série complète des Apis. Si regrettable qu'ait été l'absence d'un tel état de choses, les décou vertes de Mariette n'en ont pas moins été miraculeuses par l'éblouissante moisson d'objets qu'elles nous ont apportée et qui a enrichi nos connaissances historiques, archéologiques et artistiques. Ce sont surtout les stèles qui ont été précieuses pour l'histoire. Ces stèles, qui dépassent le millier, et qui sont conservées au Musée du Caire et au Musée du Louvre, attendent encore, plus de 110 ans après leur découverte, une publication d'ensemble. Toutes, cependant, ne sont pas inédites. Plusieurs égyptologues, en effet, les ont utilisées sans les publier, et nous devons à Chassinat la publication typographique de 181 stèles6, choisies parmi les plus importantes. Puis, le silence se fit de nouveau sur les stèles du Sérapéum. En 1936, G. Posener, étudiant l'époque perse en Egypte, édita les documents contemporains qui provenaient du Sérapéum, dans son ouvrage La première domination perse en Egypte. Ce travail réveilla, dans la conscience des conser vateurs du Louvre, un très ancien remords, et ce fut ainsi que G. Posener fut chargé de publier les stèles découvertes par Mariette, celles, du moins, qui se trouvaient au Louvre. La deuxième guerre mondiale, qui éclata peu après, interrompit de nouveau le travail ; lorsque la paix fut revenue, G. Pose nerdemanda et obtint la collaboration de M. Malinine et de J. Vercoutter, et un premier volume fut achevé en manuscrit aux environs de 1950. Le signa taire de ces lignes aurait aimé que ce volume pût paraître en 1951, pour le centenaire de l'entrée de Mariette dans les souterrains du Sérapéum, mais 5. Mariette, he Sérapéum de Memphis, éd. 1883, p. 44-45. 6. Recueil de Travaux, 21 (1899), p. 56-73; 22 (1900), p. 9-26 et 163-180; 23 (1901), p. 76-90; 25 (1903), p. 50-62.

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il ne put obtenir les fonds nécessaires, et ce ne fut qu'en 1961 que les crédits furent votés. Nous sommes évidemment très heureux de voir sortir le catalogue des stèles du Sérapéum, mais notre simple joie n'aurait pas suffi à justifier l'élabo ration du présent article. En préparant l'édition des stèles, les auteurs ont remarqué que certains documents apportaient, sur les cérémonies célébrées pour les funérailles de l'Apis, des détails extrêmement intéressants, qui méritaient d'être mis en relief. Jean Vercoutter se chargea du travail, qu'il présenta comme thèse secondaire et qui vient d'être publié. Dix-huit stèles, les unes déjà connues, les autres entièrement inédites, ont été réunies par l'auteur ; elles sont toutes du plus grand intérêt, et leur publication, accompagnée d'un commentaire méthodique et minutieux, renouvelle, en quelque sorte, une question importante qui, jusqu'ici, n'avait été qu'effleurée. Ces documents, en effet, au lieu d'être, comme la plupart des stèles du Sérapéum, de simples fiches généalogiques, précédées d'une courte invo cation à Apis, évoquent la période, assez longue, qui séparait la mort de l'inhumation du taureau sacré, et au cours de laquelle étaient célébrées les différentes cérémonies des funérailles. C'est ainsi que nous voyons en action les fonctionnaires qui, par dévotion ou par devoir professionnel, assistaient à ces cérémonies ou y participaient. Ces documents sont donc particulièrement précieux sur le plan religieux et social. J. Vercoutter constate, d'abord, que la première classification chronolo gique des stèles, établie par Mariette, et modifiée par lui à différentes reprises, doit être révisée. Les dates proposées par le fouilleur sont, dans l'ensemble, exactes, mais, comme il l'avait lui-même redouté, certains documents lui ont échappé, et c'est ainsi que Vercoutter a pu établir qu'un taureau était mort en l'an 4 ou en l'an 5 du règne d'Amasis, taureau dont Mariette n'avait pas eu le moindre soupçon. Des cas analogues existent certainement, de telles erreurs étant justifiées par l'état déplorable dans lequel furent trouvés les souterrains : les stèles avaient été presque partout arrachées aux parois dans lesquelles elles avaient été primitivement encastrées, et elles avaient été aban données assez loin, souvent, de leur premier logement. L'auteur ne cherche pas, son étude ayant porté sur un trop petit nombre de documents, à compléter les conclusions théologiques établies, en 1938, par Otto 7, d'après les documents qui étaient alors connus ; en revanche, il insiste

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7. Beitràge zur Gescbichte der Stierkulte in Aegypten = Untersuchungen XIII, Leipzig,

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sur un aspect tout nouveau de la question, celui qui sert de lien aux dix-huit documents publiés, et qu'il présente dans les termes suivants 8 : « J'ai insisté sur l'aspect matériel des dernières cérémonies au cours desquelles Apis était conduit à sa dernière demeure. En effet, le Papyrus démotique de Vienne que Spiegelberg a publié, s'il nous renseigne sur le rituel minutieux que suivaient les prêtres chargés de Y embaumement du taureau sacré, ne nous parle pas en revanche des cérémonies qui se déroulaient à la mort de l'Apis, avant la momification et encore moins de l'enterrement proprement dit ». La procession partait du temple de Ptah, gagnait, probablement, le lac du Roi 9, où avait lieu une première purification, et se rendait ensuite à la Ouâbet, salle dont le rôle sera précisé plus bas. Cette première procession était marquée par la prise des vêtements de deuil ; elle ne durait que peu de temps, car la Ouâbet était proche du temple de Ptah, et le trajet, même si Vercoutter a raison d'admettre qu'un détour avait lieu, au cours de la procession, jusqu'au lac du Roi, ne pouvait pas durer longtemps. Les ruines de cette salle Ouâbet ont très probablement été mises au jour, en 1936, par Mustapha el-Amir, agissant pour le compte du Service des Antiquités d'Egypte10. Le fouilleur avait cru découvrir un sanctuaire de l'Apis vivant, alors qu'il s'agissait, comme l'a très bien montré J. Vercoutter n, de la salle dans laquelle on procédait aux rites de l'embaumement. Ces rites étaient précédés d'une veille et d'un double jeûne. Pendant quatre jours, les fidèles du dieu s'abstenaient de toute nourriture et de toute boisson, et il semble que, pendant ce jeûne pénible, il ait été d'usage de se dépouiller de ses vête ments ; plusieurs de nos textes font allusion à cette pratique. En outre, un jeûne de soixante-dix jours, partiel celui-là, était prescrit ; ceux qui l'obser vaient pouvaient boire de l'eau et manger du pain et des légumes. Ce jeûne, autant qu'on peut dire, précédait, plutôt qu'il ne suivait, la période d'abst inence totale 12. Quoi qu'il en soit, on comprend que ceux qui s'étaient adonnés à de telles pratiques aient tenu à s'en prévaloir, espérant que le dieu, en échange, leur accorderait, sur terre, une vie agréable. Lorsque les rites de l'embaumement étaient accomplis, une nouvelle procession se formait. Elle quittait la Ouâbet par la porte Ouest, gagnait 8. textes biographiques du Sérapéum, p. XII. 9. Op. cit., o. 53. 10. Journal of Egyptian Archaeology, bA (1948), p. 51-56; Anthes, Mit-Rahineh 1955, p. 75-79. 11. Op. cit., p. 55 et seq. Les arguments qu'il avance sont, à notre avis, irréfutables. 12. Op. cit., p. 126.

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le lac du Roi, où on procédait à une seconde purification13, dans un édifice que J. Vercoutter, en se fondant sur des raisons solides, identifie avec la « tente de purification », déjà mentionnée par les textes de l'Ancien Empire 14. Le cortège traversait ensuite une pièce d'eau, le lac lui-même ou un canal, et gagnait le Sérapéum par un chemin désertique, montant et difficile. D'après certains textes, il semble que l'armée ait été requise pour ce travail, mais, en plus des soldats, il y avait des volontaires, appartenant aux classes les plus diverses de la société, et qui recevaient, comme les jeûneurs — il s'agissait souvent des mêmes personnages — l'autorisation d'ériger une stèle dans les souterrains. Ce privilège, jusqu'à l'époque perse, fut octroyé par le roi ; plus tard, il fut consenti par le clergé de Ptah. La charge qu'il fallait traîner jusqu'au Sérapéum était, sans aucun doute, très lourde ; nous ne savons pas, cependant, si la momie du taureau était ou non enfermée dans un cercueil de bois, ou si elle était simplement entourée d'un cartonnage peint. De toute façon, le sarcophage de granit, préparé pour le taureau à partir du règne d'Amasis, était déjà en place dans le caveau prévu pour recevoir la momie. Lorsque le cortège arrivait devant le Sérapéum, on procédait aux cérémonies de l'ouverture de la bouche et des yeux ; ces rites étaient accomplis à l'entrée des souterrains, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur15. Après quoi il fallait traîner la momie, à travers les couloirs et les galeries, jusqu'au caveau, introduire le taureau dans le sarcophage de pierre16 et faire descendre, enfin, ce sarcophage dans l'alvéole où il devait reposer. Les cérémonies achevées, les stèles des fidèles étaient encastrées dans les parois du caveau, et le cortège quittait le Sérapéum, les souterrains restant inaccessibles jusqu'à l'enterrement du taureau suivant. Les cérémonies devaient coûter très cher. Si on en croit Diodore17, elles étaient à la charge de celui qui avait la garde de l'Apis. L'un d'eux, pourtant très riche, y consacra toute sa fortune et dut même emprunter cinquante talents d'argent au roi pour enterrer le taureau mort peu après l'avènement du premier Ptolémée. Diodore ajoute que les funérailles, encore à son époque, n'exigeaient pas moins de cent talents. Aucun document égyptien ne confirme le récit de Diodore. Les stèles publiées par J. Vercoutter, toutes, semble-t-il 18, antérieures aux Lagides, donnent l'impression que les frais d'inhumation 13. Cf. supra, la note 9. 14. Op. cit., p. 53. 15. C'était, peut-être, là qu'avait lieu la danse sacrée dont l'existence nous a été révélée par un sarcophage d'époque perse: cf. op. cit., p. 126 et note 1. 16. Nous rappelons que le plus ancien sarcophage de granit date du règne d'Amasis. 17. I, 84. 18. Il y a un petit doute pour la stèle S.

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étaient couverts, en partie, par les fidèles d'Apis et, en partie, par le roi. En effet, on voit intervenir, au cours des funérailles, des représentants de l'autorité royale, chargés de vérifier l'appel nominal du clergé memphite, d'apporter les denrées indispensables à l'enterrement du dieu et de surveiller les travaux dans la Ouâbet, ce qui laisse supposer une participation financière du Pouvoir. D'autre part, le général Amasis, qui vivait sous le règne de Darius Ier, nous apprend qu'il avait envoyé des émissaires en Haute Egypte et en Basse Egypte pour faire venir à Memphis les maires des villes et les princes des nomes avec les cadeaux qu'ils destinaient à la Ouâbet. On en a déduit que le taureau sacré avait des fidèles dans l'Egypte entière et que ceux-ci, même s'ils ne venaient pas personnellement à Memphis, contribuaient, par leurs dons, aux frais des funérailles. La province n'était pas exclusivement représentée par les maires des villes et par les princes des nomes, mais aussi par des membres des clergés locaux. Les documents qui font l'objet du présent article mentionnent des prêtres de Létopolis, de Nébécheh, de Béhébet el-Haggar, de Sénet, d'Antinoé, d'el-Kab, d'Hérakléopolis et de Hébénou. On peut presque dire que l'Egypte entière devait participer aux funérailles de l'Apis. Ce n'est, peut-être, pas cette diffusion, assez naturelle après tout, du culte du taureau sacré de Memphis qui nous frappe le plus, mais la piété profonde de ceux qui assistaient aux cérémonies. Toutes les classes sociales se confondaient, et le futur Psammétique III, alors qu'il n'était que prince royal, n'avait pas hésité à se mêler à la foule. Voici le récit qui nous a été conservé par sa stèle 19 : « Je suis un serviteur véritable et favori du grand dieu (Apis). J'ai pris le deuil, lors de la mort (d'Apis) ; je me suis privé de toute nourriture solide et liquide jusqu'à l'accomplissement des quatre jours. J'étais nu et je tremblais (?) sur mon séant ; j'ai été parmi les malheureux (les pleureurs ?) , étant en deuil et m'afrligeant. Aucune nourriture ne descend it dans mon ventre, à l'exception de pain, d'eau et de légumes jusqu'à l'accomplissement des 70 jours ; lorsque le grand dieu (Apis) sortit de la Ouâbet et qu'il occupa sa grande tombe de la nécropole, dans le désert occidental de Het-ka-Ptah (Memphis), je fus devant lui en me lamentant». Nous pourrions citer d'autres textes émanant, non plus du prince héritier, mais de divers hauts fonctionnaires. Il est probable que de petites gens prenaient également part aux cérémonies, mais la preuve, dans la série étudiée par J. Vercoutter, nous manque, soit que les humbles n'aient pas 19. Stèle £ — op. cit., p. 37-39. La traduction est celle de J. Vercoutter.

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eu le moyen de se faire ériger une stèle, soit qu'ils n'aient pu consacrer qu'une de ces petites stèles généalogiques dont il a été question plus haut, et qui sont dépourvues de tout récit circonstancié. Il faut attendre la publi cation intégrale des stèles pour avoir, sur ce point, une idée plus précise. La question est importante pour l'étude des sentiments religieux à cette époque. Plusieurs textes biographiques contemporains20 nous apportent la preuve qu'une piété individuelle, fondée, en partie, sur la crainte de Dieu, s'était développée au cours des dernières dynasties indigènes. A la lumière d'une telle évolution, on comprend mieux des textes comme ceux que vient de publier J. Vercoutter. Sans doute l'attitude des fidèles d'Apis n'était-elle pas entièrement désintéressée, mais elle témoigne, cependant, d'une certaine humilité. Il semble que les Égyptiens à qui sont dues ces stèles aient eu, souvent, le sentiment de l'égalité des hommes devant la divinité. Peut-être n'éprouvaient-ils pas ce sentiment dans toutes les circonstances de leur vie, mais certaines cérémonies, comme les funérailles de l'Apis, leur en donnaient conscience et leur fournissaient l'occasion de mettre en pratique une vertu que d'autres textes exaltent en théorie. Nous croyons que c'est là l'aspect le plus intéressant, le plus nouveau aussi, des textes du Sérapéum réunis par J. Vercoutter, mais nous ne voulons pas dire que ce soit le seul qui mérite de retenir notre attention. Les comment airesde l'auteur sont aussi variés que fournis : qu'il s'agisse de la topo graphie du Sérapéum, de la date des stèles, de la personnalité des dédicateurs, de l'établissement du texte et de la traduction, de la suite et du sens des cérémonies, on trouvera, dans ce travail, des remarques intéressantes et des conclusions fondées sur des arguments presque toujours irréfutables. Une telle publication est une utile introduction au catalogue prévu. Nous pensons, cependant, que, loin de « tromper » notre attente, elle accroît notre impat ience de pouvoir disposer, dans un ouvrage bien fait, de la mine de renseigne ments que nous apporte le Sérapéum de Memphis, découvert, il y a cent douze ans, par Mariette. Jacques Vandier.

20. Réunis et étudiés par Otto, Die biograpbischen Inschriften der agyptischen Spàtzeit, Leiden. 1954.

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