Valbelle_RHR_1992

November 21, 2017 | Author: Angelo_Colonna | Category: Thebes, Oracle, Religion And Belief
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Dominique Valbelle

Les métamorphoses d'une hypostase divine en Égypte In: Revue de l'histoire des religions, tome 209 n°1, 1992. pp. 3-21.

Résumé A l'époque gréco-romaine, le taureau, animal sacré du dieu Montou depuis au moins le Moyen Empire, disposait à Médamoud d'une « demeure », chapelle située au sud du grand temple et d'une « place » à l'arrière de celui-ci. L'incarnation du dieu dans un taureau vivant n'est confirmée qu'à partir de la fin de la XXXe dynastie par le Bucheum d'Armant. Le temple de Médamoud est, en outre, le théâtre d'oracles rendus par le taureau. Celui-ci est alors une entité si populaire dans la région thébaine — figurations, serments — qu'une statue oraculaire anthropomorphe le représentant est bientôt élevée par les théologiens locaux au rang de divinité, au côté de Montou dont il est l'émanation. Abstract The metamorphoses of a divine hypostasis in Egypt In the Greco-roman period, the Bull, the sacred animal of the god Montu from at least the Middle Kingdom onwards, had at his disposal in Medamud a « house » — a chapel south of the great temple — and a « place » at the rear of the same temple. The embodiment of the god in a living bull is not, however, attested before the end of the XXXth dynasty in the Bucheum of Armant. The temple of Medamud, moreover, was the scene of oracles pronounced by the Bull. He was such a popular entity in the Theban region — representations, oaths — that an anthropomorphic oracular statue of him was soon promoted by the local theologians to the position of a god, beside Montu, of whom he was, in fact, the hypostasis.

Citer ce document / Cite this document : Valbelle Dominique. Les métamorphoses d'une hypostase divine en Égypte. In: Revue de l'histoire des religions, tome 209 n°1, 1992. pp. 3-21. doi : 10.3406/rhr.1992.1625 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1992_num_209_1_1625

DOMINIQUE VALBELLE Université Charles-de-Gaulle (Lille III)

LES MÉTAMORPHOSES D'UNE HYPOSTASE DIVINE EN EGYPTE

A l'époque gréco-romaine, le taureau, animal sacré du dieu Monlou depuis au moins le Moyen Empire, disposait à Médamoud d'une « demeure », chapelle située au sud du grand temple et d'une « place » à l'arrière de celui-ci. L'incarnation du dieu dans un taureau vivant n'est confirmée qu'à partir de la fin de la XXXe dynastie par le Bucheum d'Armant Le temple de Médamoud est, en outre, le théâtre d'oracles rendus par le taureau. Celui-ci est alors une entité si populaire dans la région ihébaine — figurations, serments — qu'une statue oraculaire anthropomorphe le représentant est bientôt élevée par les théo logiens locaux au rang de divinité, au côté de Monlou dont il est l'émanation. The metamorphoses of a divine hypostasis in Egypt In the Greco-roman period, the Bull, the sacred animal of the god Montu from at least the Middle Kingdom onwards, had at his disposal in Medamud a « house » — a chapel south of the great temple — and a « place » at the rear of the same temple. The embodiment of the god in a living bull is not, however, attested before the end of the XXXlh dynasty in the Bucheum of Armani. The temple of Medamud, moreover, was the scene of oracles pronounced by the Bull. He was such a popular entity in the Theban region — representations, oaths — that an anthro pomorphic oracular statue of him was soon promoted by the local theologians to the position of a god, beside Montu, of whom he was, in fact, the hypostasis. Revue de l'Histoire des Religions, ccix-1/1992, p. 3 à 21

Le taureau de Montou Les plus anciennes mentions qui nous soient parvenues du dieu Montou datent de la VIe dynastie1. Elles restent dis crètes sur la personnalité du dieu et sur son culte2. Après l'éclipsé de la Première Période intermédiaire, ce sont les rois de la XIe dynastie qui portent Montou au rang de dieu dynastique et qui forment leur nom de « fils de Rê » sur le sien : les Montouhotep3. Des temples lui sont élevés non seulement à Thèbes, la nouvelle capitale du pays, mais dans les villes voisines d'Armant, Tod et Médamoud. Dès cette époque, il règne sur ces quatre cités, ainsi que le démontrent ses épithètes. Dès cette époque également, le dieu quoique hiéracocéphale est qualifié de « taureau qui descend de Tod »4 ou de « taureau qui réside à Tod »5. Lorsque les fondateurs de la XIIe dynastie, eux aussi d'origine thébaine, décident de transporter leur capitale à Licht, au sud du Fayoum, ils ne se présentent pas, à Thèbes du moins, comme des sauveurs du pays en rupture avec leurs prédécesseurs6. Ils poursuivent l'œuvre pieuse de ces derniers au bénéfice de Montou, bien qu'ils lui substituent Amon comme dieu dynastique. Sous le règne d'Amenemhat Ier, Montou s'appelle « le taureau d'Armant qui sort de Tod »7 ; sous celui de Sésostris III, il est « le taureau qui réside à 1. LÀ, IV, 200. 2. Un relief du temple funéraire de Pépi II, malheureusement très endom magé, conservait son aspect physique : cf. G. Jéquier, Le monument funéraire de Pépi II, II, Le Caire, 1938, pi. 47. A Thèbes, le dieu est qualifié de « seigneur d'Armant » : cf. M. Saleh, Three Old kingdom Tombs at Thebes, Mayence, 1977, p. 24-26 et pi. 15. D'autre part, un « supérieur des prophètes de Montou » est attesté sur un sceau de Pépi Ier : cf. H. Goedicke, MDAIK, 17, 1961, p. 81 et pi. XIX, 12. 3. Lit. « Montou-est-satisfait ». 4. FIFAO, XVII, 1937, p. 71-72, inv. 2114, fig. 25, p. 74 et pi. XX. 5. O.C, p. 69, inv. 2121, fig. 22. 6. G. Posener, Littérature et politique dans VEgypte de la XIIй dynastie, Paris, 1969, p. 2-3. 7. R. Mond et O. H. Myers, Temples of Armant, II, Londres, 1940, pi. XCIX, 2.

Les métamorphoses d'une hypostase

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Médamoud »8, Cette dernière épithète, qui suit habituellement celle de « seigneur de Thèbes » ou « seigneur du nome thébain », devient l'une des plus courantes du dieu, de la fin du Moyen Empire à l'époque romaine comprise. A partir du Moyen Empire, pour le moins, l'animal sacré de Montou est donc un taureau. Taureau qui se manifeste, si l'on en croit la documentation conservée, d'abord à Tod, puis à Armant avant d'être associé à Thèbes et Médamoud. Mais aucune représentation n'a survécu de cette hypostase divine avant la Basse Epoque, cependant que le plus ancien cimetière connu de ces animaux — le Bucheum d'Armant — n'a pas livré la moindre sépulture de taureau Boukhis anté rieure à la fin de la XXXe dynastie9. Néanmoins, à Médamoud, l'étude des fondations du temple gréco-romain a montré l'existence ancienne d'un lieu sacré réservé au taureau, sur l'emplacement du temple du Moyen Empire et respectant globalement la disposition de ce dernier. La « place du taureau de Médamoud » C'est en fouillant les fondations de Parrière-temple grécoromain de Montou à Médamoud que F. Bisson de La Roque découvrit les restes de huit statues en calcaire doré10. Quatre d'entre elles représentaient le dieu Montou bucéphale. Les quatre autres étaient des effigies de sa parèdre, la déesse Rattaouy. Chacun des quatre couples était attaché respect ivement à l'une des quatre villes de Montou : Tod, Armant, Thèbes et Médamoud. Mais les huit entités divines étaient dites « de la place du taureau de Médamoud »u. Or le lieu de trouvaille de ces statues est précisément une structure architec turale remarquable puisque l'arrière-temple, dans son ensemble, présente un axe perpendiculaire à l'axe principal du temple. 8. FIFAO, VII/l, 1930, p. 98, fig. 88. 9. R. Mond et O. H. Myers, The Bucheum, I, Londres, 1934, p. 10. 10. FIFAO, IV 11, 1927, p. 110-116 et pi. VI-VII. 11. E. Drioton, Les quatre Montou de Médamoud, palladium de Thèbes, CdE, XII, 1931, p. 259-270.

Plan 1. — Le grand taureau dans le temple gréco-romain de Médamoud : 1. Arrière-temple = « la place du taureau » ; 2. Processions de Nils consacrés au grand taureau ; 3. Sanctuaire du taureau ; 4. Porte de Sésostris III ; 5. Oracle du taureau ; 6. Situation probable de la chapelle des premiers Ptolémées = « demeure du grand taureau » ; 7. Relief d'Aménopé voilé ; 8. « Porte-où-1'onrend-la-justice ».

Les métamorphoses d'une hyposiase

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L'orientation nord-sud de cet arrière-temple coïncide avec celle du temple du Moyen Empire dont seules les fondations ont pu être reconstituées (plan 1,1). Cette partie de l'édifice gréco-romain est elle-même détruite au-dessus du soubasse ment. Le décor de celui-ci est cependant largement conservé. Il s'agit de processions géographiques et économiques dés ignant clairement « le grand taureau ancien et vénérable qui réside à Médamoud » (plan 1, 2) comme le bénéficiaire des offrandes offertes par le roi dans tout ce secteur du temple12. En outre, un fragment du bandeau qui surmontait le soubas sement extérieur mentionne « [...] caché, la propriété des habitants de l'au-delà, le sanctuaire inaccessible du taureau [...] »13. Il a été recueilli au pied du mur est. A l'intérieur de l'espace déterminé, au nord, à l'est et au sud par le mur extérieur, à l'ouest par le mur arrière du sanc tuaire principal, la place du taureau se compose de trois pièces allongées adossées à un escalier qui devait mener sur le toit de l'édifice (plan 1, 3). Dans l'axe de la pièce centrale, subsistait la porte monumentale de Sésostris III dans sa situation initiale (plan 1, 4) donnant accès à une salle ou une cour en rapport avec les cérémonies oraculaires évoquées par le bas-relief de l'oracle du taureau (plan 1, 5) disposé, sur le mur extérieur sud, dans l'alignement de la porte de Sésostris III14. La demeure du grand taureau ancien et vénérable résidant à Médamoud Un second édifice, dans l'enceinte sacrée de Médamoud, était consacré au taureau. La porte de Ptolémée IV appartient à une construction dont les blocs furent remployés dans les fondations du grand temple15. Plusieurs des textes gravés sur 12. 13. 14. 15.

FIFAO, Ш/2, 1926, p. 36-40, n
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