Trouble Dans Le Genre - Judith Butler
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Judith Butler TROUBLE DANS LE GENRE : POUR UN FÉMINISME DE LA SUBVERSION Préface d’Éric Fassin, traduit par Cynthia Kraus, La Découverte, Paris, 2005, 283 p., 23 euros Il est rare de rendre compte d’un livre génial, qui se referme sur des questions restées en suspens. Celui-ci s’apparente aux Gender Studies, études portant sur la question du « genre » au sens sexué du mot (masculin, féminin, neutre), développées depuis les années 1970 dans les universités américaines sous le contrôle des féministes : la séparation des sexes serait la réplique de la séparation des pouvoirs entre hommes dominants et femmes dominées. Le livre comprend trois sections. La première, « Sujets de sexe/genre/désir », dévoile la dimension normative du féminisme classique. Judith Butler remplace cette contestation conformiste par une critique qui déstabilise tout l’ordre sexuel, selon le mot clé du titre : « trouble », qui signifie une perturbation des sens (troubles visuels…) ou de l’esprit (« Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue » soupire Phèdre évoquant Hyppolite). Qu’est-ce, au fond, que le sexe ? Où passent ses frontières ? Estil anatomique, hormonal, culturel ? La généalogie, au sens nietzschéen du terme, de cette différence des sexes montre combien l’appartenance sexuelle relève plus de la domination sociale que du règne de la nature.
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L’auteure critique radicalement la « présomption d’hétérosexualité » (p. 26) qui impose une norme sexuelle – c’est-àdire qui associe la constante biologique à une loi morale, donc culturelle, seulement en vue de perpétuer l’espèce. S’exclamer : « C’est une fille ! C’est un garçon ! », c’est introduire un nouveauné dans l’ordre de la nature, mais c’est aussi le placer dans un « genre » masculin ou féminin déterminé par la culture. Le sujet n’a rien à dire sur cette détermination, il la reçoit comme un destin sociologique. Il n’a d’autres moyens de se défendre, pour faire parler son désir en propre – et par là le socialiser – que d’afficher son nonconformisme ou sa rébellion par l’homosexualité, le lesbianisme, le travestissement, le transsexualisme, etc., dont la fonction essentielle sont de jeter le trouble dans les « genres » prédéterminés. L’auteure pousse la critique plus loin : le sujet est une « construction masculiniste » qui exclut « la possibilité structurale et sémantique du genre féminin » (p. 75) ; la femme n’est construite comme « féminine » que par et pour le désir masculin. Le masculin serait essentiel, le féminin seulement un « accident » au service des appétits légitimes (en ce sens, ils sont transcendants) du masculin. Dans cette idéologie, « on ne naît pas femme, on le devient », comme l’a écrit Simone de Beauvoir. La généalogie nietzschéenne démolit la transcendance de la sexualité chère aux romantiques, et dévoile son vrai mobile : seuls les usages sociaux déterminent le sujet dans l’hétérosexualité normale appelée aussi « hétéronormativité » – comme l’écrit Serge Chaumier1. Le « genre » n’est pas donné de toute éternité (Ewigkeit), il est un « faire », une « pratique » (a doing), qui s’accomplit en s’adaptant à
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L’hétérosexualité ne serait pas l’origine mais la conséquence d’une prohibition homosexuelle primordiale. Dans la troisième partie, « Actes corporels subversifs », Judith Butler critique d’abord le travail de Julia Kristeva, et lui oppose Foucault et surtout Monique Wittig. Le corps, convoité, est un champ de bataille entre les pouvoirs, hétérosexuel et homosexuel. Le corps « corporé », si l’on ose dire, n’existe que dominé. Le sexe visible, lui, est objectif et invariable, mais le genre (gender) est variable et incertain : la culture peut déguiser le sexe en lui faisant dire autre chose que ce qu’il dit qu’il est dans la nature. Monique Wittig va plus loin. Le sexe « femelle » des lesbiennes n’est pas une marque « corporée », mais une variable culturelle qui dit que seule la femme est sexuée. La femme n’est pas « femme » en tant qu’opposée à l’homme, elle est – dit d’ailleurs la langue française – « une personne du sexe », comme s’il n’y avait pas de sexe ailleurs que dans, ou sur, la femme, et (si l’on ose dire) « en vue » du masculin. L’appartenance sexuelle est décisive : elle est au fondement de toute dérive comme de toute norme. Dans l’anglo-américain, queer (« étrange », « bizarre » ; d’où « homosexuel », « pédé » ; verbes : « gâter », « abîmer » ; adverbe : « de travers ») s’oppose à straight (« carré », « droit », « direct », « normal » ; adverbes : « en ordre », « sans hésitation »), non seulement comme l’homosexualité, « déviante », s’oppose à l’hétérosexualité, « normale », mais comme le désir du semblable absolu, primaire et archaïque (homo-) s’oppose à la loi sociale secondaire et collective (nécessairement hétéro-) qui le restreint pour l’étouffer. Alors, le désir fondamental – fontal et originel – du sujet se rebelle par la guerre théâtralisée des
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l’histoire. Il est « performatif » : il fait ce qu’il dit (p. 96.) Ce chamboulement « trouble » l’ordre en invitant sur scène ce qui a été « forclos » du représentable et du pensable. Le genre sexuel ne se réduit pas à l’anatomie binaire, au contraire, il est incertain (mâle et femelle à la fois), pluriel (plus que binaire), vagabond (aventurier) et polymorphe (transformable). La deuxième partie « Prohibition, psychanalyse et production de la matrice hétérosexuelle », inspirée par la French Theorie (Foucault, Lacan, Derrida, Deleuze, Lévi-Strauss, etc.) interroge les définitions de l’altérité et de l’échange promues par la psychanalyse et par l’anthropologie structurale. Le tabou de l’inceste, interdit majeur, structure ces deux concepts. L’idée principale est que ce n’est pas ce tabou qui est au commencement du complexe d’Œdipe, mais celui de l’homosexualité : « Le tabou de l’homosexualité semble devoir précéder le tabou hétérosexuel de l’inceste ; le tabou de l’homosexualité crée en fait les “prédispositions” hétérosexuelles sans lesquelles le conflit œdipien n’est pas possible » (p. 156-157, et circa). Cette révolution des perspectives provient d’une réflexion sur la mélancolie. Cette tristesse chronique (« défaillance de l’amour-propre », écrit William Styron2) proviendrait d’une identification avec l’objet d’amour du même sexe. Mais une prescription de l’ordre social a déjà « interdit » cette identification, sans parvenir à l’abolir : il reste comme un territoire lointain et perdu, mais ineffaçable. La perception de cet objet, refoulée par la censure et cependant là (absent/présent), dont on perçoit les ombres derrière le rideau, persiste elle aussi. Le résultat, c’est un deuil mélancolique sans fin – et, ajoutons-nous, sans autre cause que fantasmatique.
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genres qui est, en réalité, la guerre toujours recommencée du sexe contre luimême. Éros et Polèmos n’ont pas encore fini de… s’aimer3 !
Au terme d’un si beau travail, dont nous n’avons montré que quelques aspects, il reste des questions. D’abord, dans cette polémique, que devient le masculin ? À force d’être accusé de tous les maux, ne risque-t-il pas d’être caricaturé ? De devenir à son tour aussi méconnu qu’on se plaint que le féminin l’a été ? Ne sera-t-il pas la prochaine terre inconnue des genres ? Ensuite, pourquoi cette référence à la French Theory ? Celle-ci relève d’un club mondain de femmes et d’hommes qui appartiennent à des institutions prestigieuses qui échangent leurs sujets comme des dons et des contredons. Il y eut, sans doute, quelques génies, mais combien de bavards, d’« importants », d’ambitieux. Judith Butler cite longuement Lacan – discutable sans doute, mais un génie sui generis. Que n’a-t-elle lu Certeau, Dolto, Gauchet, Leclaire, Perrier, Sédat, Swain, Vasse – qui sais-je encore ? –, qui ont beaucoup écrit sur l’interdit, l’altérité, l’identité et ses troubles… Et que dire des anthropologues qui, dans ce livre, se résument presque au seul LéviStrauss ? En revanche, on lui sait gré de nous présenter des auteures comme Joan Riviere ou Monique Wittig. Le dernier point, plus sérieux, est au cœur de la deuxième partie. En remplaçant le désir hétérosexuel par le désir homosexuel, Judith Butler n’opère en réalité que la substitution d’une carte par une autre qui appartient au même jeu. On peut changer les cartes à l’infini jusqu’à trouver celle qui « répond » le mieux, sans modifier d’un iota la structure du désir érotique initial. Or, la frontière entre le processus primaire et le
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processus secondaire n’est pas tranchée au couperet, comme dans les livres, mais elle est fluide – comme un estuaire. Des images secondaires viennent peu à peu revêtir les pulsions primaires qui sont des forces obscures sans visage et sans nom. Ce que nous appelons l’instinct, et que nous versons au bénéfice du « donné » sans lequel on ne peut vivre (la faim, la soif, le souffle, l’évitement « spontané » des dangers…) est en réalité l’ébauche du processus secondaire : il distingue l’attendu de l’inattendu, il donne du « temps au temps » par la répétition, la régularité (en particulier des assouvissements), le rythme, autant de conforts physiques qui fortifient la constitution du sujet et diminuent son angoisse. Puis la mémoire prend le relais, et propose des représentations plus adaptées qui articulent l’irreprésenté à la représentation. C’est là, dans ce remous, que sévit peut-être le fantasme originaire qui n’est ni hétéro-, ni homo-, mais auto- : car il s’agit d’un auto-engendrement incestueux, prohibé par la morale et impossible dans les faits. C’est là que sourd, peut-être encore, la source de la mélancolie : la perte d’une « position » impossible à tenir mais qui continue de faire signe à travers les fantasmes. Alors on comprend mieux pourquoi ce livre insiste tant sur la transgression des normes, seule possibilité, à jamais impossible dans les faits, de recommencer, de repartir à zéro.
Pierre Mayol
1. CHAUMIER S., L’amour fissionnel : le nouvel art d’aimer, Fayard, Paris, 2004, p. 112. Cet excellent livre développe des thèses inspirées par Judith Butler et les élargit à la réflexion et à l’expérience européennes.
Christine Détrez, Anne Simon À LEUR CORPS DÉFENDANT : LES FEMMES À L’ÉPREUVE DU NOUVEL ORDRE MORAL Le Seuil, Paris, 2006, 281 pages, 21 euros. Christine Détrez et Anne Simon s’attachent dans ce livre à rendre compte des normes sociales omniprésentes dans les représentations artistiques, littéraires, publicitaires et médiatiques, qui perpétuent et essentialisent le corps féminin. Elles précisent en ce sens que les « représentations artistiques, comme les discours médiatiques ou scientifiques les plus vulgarisés, tendent à maintenir, tout en le cautionnant sous des apparences modernes, un rapport mythique et intimiste de la femme à son corps » (p. 17) et, en ce sens, ces représentations rappelées dans les écrits contemporains ne cessent de cantonner les femmes aux valeurs familialistes, au prix de quelques aménagements avec la morale traditionnelle. Les auteures travaillent principalement à partir d’un corpus d’œuvres littéraires, privilégiant la littérature féminine métropolitaine. L’ouvrage s’organise en trois parties. La première, « Le charme discret des
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anciens stéréotypes », montre comment les apparentes transgressions sexuelles décrites dans la littérature contemporaine empruntent aux clichés les plus communs de l’intimité féminine et reproduisent les stéréotypes de sexe (et sexuels). La deuxième partie, « Questions de littérature, questions politiques ? » questionne la façon dont l’écriture intimiste reconduit l’opposition traditionnelle entre espace public/masculin et espace privé/féminin, comment les expositions de pratiques corporelles (notamment sportives) véhiculent les clichés essentialistes, replaçant symboliquement chacun et chacune « à sa place », à ce qui lui est permis de faire, d’espérer. La troisième partie du livre se consacre au thème « Corps féminin et vulgates morales » et montre comment des propos se prétendant scientifiques, ou faisant références aux sciences, détournent le savoir en reproduisant là encore les clichés et le sens commun. L’ordre sexuel du monde et la morale, qui assignent les femmes à certains comportements, conduites, manières d’être et rapports au corps, et ceci depuis l’enfance, trouvent donc dans l’illusion du savoir scientifique et dans la vulgate hygiéniste, de nouveaux supports de légitimation. Les magnifiques analyses sociolittéraires et la qualité du style d’écriture des auteures font la force de l’ouvrage. Terminons donc en leur laissant la plume : « Discours littéraires, discours scientifiques, discours médiatiques, ces robes de mots taillées sur le corps des femmes gênent souvent aux entournures. Certes, les nouveaux habits de la moralité découvrent désormais sans problème ce sein que Tartuffe ne voulait voir. Mais, que ce soit par la reconduction à peine voilée des stéréotypes les plus éculés ou par la diffusion de
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2. STYRON W., Face aux ténèbres, Paris, Gallimard, 1990, p. 15. 3. Lire GONTIER F., Homme ou femme ? La confusion des sexes, Perrin, Paris, 2006. Historique et anecdotique, ce livre est passionnant par les « cas » qu’il présente : le « bal des métamorphoses » à la cour de Russie, les « déviances » sexuelles dans la religion ou dans l’armée, les amours homosexuelles, l’opinion des médecins, celle des moralistes, etc.
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normes morales, les corsets symboliques, visant à garder la femme dans le droit chemin du convenable, enserrent toujours les corps » (p. 251).
Sylvia Faure
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Sous la direction de Mircea Vultur LES JEUNES EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE Les Presses de l’université Laval, coll. « Regards sur la jeunesse du monde », Québec, 2004, 142 p., 14 euros. Les livres sur les jeunes Européens ne sont guère nombreux. Plus rares encore sont les publications en langue française concernant les jeunes d’Europe centrale et orientale. C’est donc avec grand intérêt qu’il faut considérer la parution sur ce sujet d’un ouvrage collectif publié sous la direction de Mircea Vultur, professeur d’économie et de sociologie au centre « Urbanisation, culture et société » de l’Institut national de la recherche scientifique (université du Québec) et membre de l’observatoire Jeunes et société du même institut. Ce livre s’inscrit dans la collection « Regards sur la jeunesse du monde » dirigée par Madeleine Gauthier, responsable de l’observatoire Jeunes et société, collection qui se propose « de réunir des ouvrages portant sur l’état des travaux réalisés sur la jeunesse dans différents pays du monde afin […] d’en identifier les principales thématiques et la manière de les aborder selon les sociétés ». Perspective pleinement tenue pour ce troisième livre de la collection, faisant suite à La recherche sur les jeunes et la sociologie au Canada
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(Madeleine Gauthier et Diane Pacom, dir., 2001), La jeunesse au Québec (Madeleine Gauthier, dir., 2003) et précédant La jeunesse au Mexique (José Antonio Pérez Islas et Monica Valdez, dir., 2004). À l’exception de Guy Bajoit, professeur émérite de sociologie à l’université catholique de Louvain-la-Neuve, qui a signé la postface du livre, tous les auteurs de cet ouvrage sont originaires d’Europe centrale et orientale. Venant de différentes disciplines (sociologie, économie, sciences politiques ou sciences de l’éducation) et de différents pays, ils sont animés par une même volonté de comprendre, en analysant la situation des jeunes, les tendances d’évolutions qui caractérisent ces sociétés. Privilégiant une approche thématique, le livre comporte sept chapitres étudiant la participation civique, la formation scolaire, les valeurs religieuses des jeunes, les itinéraires socioprofessionnels et les politiques de l’emploi, tant dans des cas nationaux (Roumanie, Russie, Slovaquie) que dans une perspective d’ensemble sur cette partie de l’Europe. Ainsi que le souligne Mircea Vultur dans l’introduction du livre (« L’“autre Europe” et ses jeunes »), la technocratie bureaucratique des pays du bloc soviétique a voulu construire politiquement le lien social. Dès lors, la jeunesse était considérée comme un groupe social défini de façon exogène, comme une entité spécifique et homogène, afin de faciliter le contrôle social et l’imposition d’un ordre au sein d’une société réglementée. Après les transformations de 1989, la jeunesse perd son caractère de notion abstraite instituée par les régimes communistes. Les jeunes passent du statut de membres d’un groupe à celui d’individus. Dès lors, dans les sociétés post-totalitaires,
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dentale, dans la longue durée d’un processus de rationalisation et de différenciation de la société. En même temps qu’il combattait la religion traditionnelle, le pouvoir politique tentait d’implanter une « religion politique » qui prenait la forme de cérémonies politiques, de fêtes laïques ou de rites d’initiation utilisés comme moyen de socialisation dans les mouvements de jeunesse. Mais le pouvoir communiste a moins réussi à effacer la religion qu’à faire obstacle à sa présence institutionnelle. La religion perdura au niveau individuel ou dans des modes d’organisation informels. Très présent dans les mouvements qui ont provoqué l’écroulement du régime communiste, le religieux s’est lui-même érigé contre le politique. En ce sens, comme le souligne Alexandru Gurau, il s’agit moins aujourd’hui d’un « retour du religieux » que d’un « renouveau religieux ». L’individualisation du croire, présente en Europe occidentale, se manifeste aussi en Europe centrale et orientale. On assiste dans toute l’Europe à une redéfinition du rapport à l’institution religieuse. On pourrait d’ailleurs appliquer à d’autres domaines de la vie sociale ce qu’Alexandru Gurau nous dit des relations des jeunes à la religion. L’adhésion et les modes d’engagement découlent non plus de relations d’autorité, mais de choix personnels orientés vers la mobilisation de ressources variées dans un projet d’accomplissement identitaire individuel. « La coexistence des valeurs pragmatiques, matérialistes et religieuses apparaît comme le résultat d’une opération de bricolage qui vise la réalisation de soi. » Plus globalement, les modes de vie et les valeurs se diversifient et s’individualisent ; les jeunes font leurs propres choix et mettent en avant des projets de réalisation personnelle.
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comme dans les sociétés industrielles avancées, le fait d’être jeune n’a pas la même signification selon les catégories sociales, les situations scolaires et professionnelles. Les ancrages identitaires diffèrent et les jeunes ont des représentations nouvelles des rapports au travail, à la politique, à la religion. Concernant le travail, il apparaît notamment que son utilité pour la société est peu valorisée par les jeunes. Présenté dans les sociétés communistes comme un devoir social, le travail était chargé d’une vision normative aujourd’hui remise en cause. Mircea Vultur et Elena Fecioru pensent que les jeunes sont le vecteur d’un processus qui amorce la fin d’une morale sociale du travail, celle qui soumettait les individus aux impératifs de la société. Ainsi, les jeunes Roumains ayant suivi des études universitaires privilégient les perspectives de promotions individuelles qu’on leur offre. En matière de participation politique et d’implication civique, les jeunes ont été très présents dans les mouvements sociaux ayant entraîné la transition démocratique. Ils ont fait preuve d’une participation politique relativement active dans les années qui ont suivi la chute des régimes communistes. Cet engagement s’est progressivement affaibli, éloignant les jeunes des questions politiques au profit de préoccupations professionnelles ou personnelles et témoignant sans doute d’une perte de confiance vis-à-vis du personnel et des institutions politiques. Quant au regain religieux constaté parmi les jeunes d’Europe centrale et orientale, il témoigne lui aussi d’une réaction face aux volontés politiques de construction du social. Par des décisions politiques, le pouvoir communiste a tenté de produire et d’accélérer une sécularisation de la société, sécularisation qui s’est inscrite, en Europe occi-
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Toutefois, si les jeunes pouvaient se prévaloir dans les sociétés communistes d’un statut social relativement protégé, ils ne bénéficient guère désormais de politiques publiques visant à remédier aux problèmes qu’ils affrontent, pauvreté et chômage notamment. En Europe centrale et orientale, les jeunes se trouvent dorénavant confrontés à la transition vers un avenir incertain. Comme le souligne Guy Bajoit dans sa postface (« D’une Europe à l’autre »), les conditions du changement social et culturel ont été très différentes en Europe de l’Ouest : la lenteur des évolutions a permis une transition politique, juridique et administrative mieux contrôlée, la crise économique a été moins profonde, les jeunes peuvent s’appuyer sur les « beaux restes » de l’État providence… et il n’y a pas eu de grand espoir déçu ! Plus les éléments du cadre politique et institutionnel des anciens régimes communistes se transforment, ainsi que le remarque Mircea Vultur, plus les parcours individuels des jeunes se construisent de manières diversifiées, sous l’influence de temporalités différentes. « Imbriqués dans la substance flottante du social postcommuniste, les jeunes ont tout à refaire mais la communauté évoquée par Tönnies, les classes sociales exaltées par Marx et les règles sociales valorisées par Durkheim ne constituent pas des repères pour donner une orientation claire à leurs actions. » Les jeunes changent, tant individuellement que dans leurs relations les uns avec les autres, et que dans leur rapport à la société dans son ensemble : à travers eux, les rapports sociaux, économiques et politiques se reconstruisent dans cette partie de l’Europe. Ce livre nous propose un ensemble suggestif d’analyses et d’interprétations de ces chan-
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gements à l’œuvre dans les sociétés d’Europe centrale et orientale, changements dont les jeunes sont des acteurs privilégiés.
Bernard Roudet
* « ENFERMEMENTS ET ÉDUCATIONS » Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » : le temps de l’histoire, no 7, CNFE-PJJ, décembre 2005. Le temps de l’histoire, revue du CNFEPJJ, connaît quelques changements. Le titre devient sous-titre et la voilà rebaptisée, à l’occasion de son inscription sur le site www.revues.org, d’un intitulé qui explicite son champ d’investigation. Occasion aussi d’ouvrir son comité de rédaction à quelques jeunes historiens. Mais la ligne éditoriale et les préoccupations restent les mêmes. Après des numéros précédemment signalés dans cette rubrique (« Images de l’enfance et de la jeunesse “irrégulières” », « Pratiques éducatives et système judiciaire », « Les sciences du psychisme et l’enfance “irrégulière” ») – désormais accessibles en ligne – et avant « Le corps du délinquant », c’est tout « naturellement » que cette nouvelle livraison se consacre à un couple en tension qui traverse toute l’histoire de l’institution judiciaire et au traitement des enfants et des jeunes « irréguliers » (orphelins, enfants abandonnés et délaissés, mineurs déficients et handicapés, délinquants juvéniles, etc.), qui, comme le rappellent en introduction J.-J. Yvorel et É. Yvorel, les codirecteurs du dossier, « oscille entre des dispositifs d’isolement, d’enfermement plus ou moins stricts de ces
* Bernard Bier
* Yves Raibaud TERRITOIRES MUSICAUX EN RÉGION : L’ÉMERGENCE DES MUSIQUES AMPLIFIÉES EN AQUITAINE Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, Pessac, 2005, 332 p., 21 euros La nouvelle collection « Culture en région » des éditions de la Maison des
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Goffman : A. Thomazeau, analyse le système de contraintes et les paradoxes auxquels sont confrontées les éducatrices des internats de rééducation pour filles, de la Libération au début des années 1960 » ; et F. Backman la « construction d’espaces et de temporalités de référence » au petit séminaire missionnaire auvergnat de Cellule (sic !) en Puy-de-Dôme, qui se révèle instance autant d’enfermement qu’éducative. La troisième partie, « Alternatives et résistances », nous donne à voir l’expérimentation des communes pédagogiques en Ukraine soviétique – 1920-1924 – (E. Aunoble), la résistance des familles populaires à l’égard de l’assistance publique de la Seine – 1870-1930 – (I. Jablonka), suivi dans une partie « Pistes de recherche » de la présentation de l’expérience philanthropique des Lads’Club à Manchester – 1888-1914 – (C. Boli). Autant de tentatives pour concilier enfermement et éducation, qui s’avèrent génératrices de dérives institutionnelles et d’échec éducatif, mais dont le projet resurgit pourtant périodiquement. Force de l’utopie ? Déni des enseignements de l’histoire ?
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populations et des dispositifs plus ouverts sur la société civile ». Revue d’histoire et d’historiens, s’appuyant sur des archives, et qui nous donne à voir les éléments d’une archéologie des questions qui continuent à interroger aujourd’hui les acteurs des politiques de réparation et de prévention, et plus généralement ceux des politiques d’éducation et de jeunesse. Quatre parties ponctuent ce numéro. Dans la première, « Impossible prison éducative », des auteurs se penchent sur quelques essais de conciliation de l’enfermement et de la démarche éducative. La hausse de l’incarcération des mineurs de justice, étudiée par J.-J. Yvorel à partir d’archives officielles du XIXe siècle, naît au croisement de croyances sur les vertus éducatives de l’enfermement, de la désignation de populations comme potentiellement dangereuses (les migrants paupérisés en zone urbaine) et de la montée d’un pouvoir autoritaire. Deux expériences éducatives dans le cadre carcéral montrent leurs limites : l’une, étudiée par J.-F. Condette, est celle des colonies agricoles autour de la centrale de Clairvaux (1850-1864), qui aboutit à une exploitation des jeunes mineurs détenus, l’autre, par É. Yvorel, témoigne des limites d’une utopie lancée par l’administration au lendemain de la Seconde Guerre mondiale de prisonsécoles, qui seraient axées sur l’enseignement initial et professionnel : elle n’arrivera pas à avoir une offre adaptée et sera finalement abandonnée. La deuxième partie, « Ordre éducatif et enfermement », qui s’ouvre par une généalogie, signée L. Mucchielli, de la loi du 9 septembre 2002 sur les « centres éducatifs fermés », est consacrée à deux « institutions éducatives totales », pour reprendre les termes de
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sciences de l’homme d’Aquitaine accueille pour sa deuxième livraison l’ouvrage d’Yves Raibaud, qui est à la fois un universitaire (actuellement maître de conférences associé à l’IUT Michel de Montaigne) et un responsable culturel (il dirige l’école de musique de Blanquefort à proximité de Bordeaux). L’ouvrage est issu d’une thèse préparée sous la direction de Jean-Pierre Augustin et soutenue en 2004. L’origine académique du livre pourrait inquiéter le lecteur rebuté par les inconvénients inhérents à ce genre littéraire : le texte d’Yves Raibaud est parfois touffu, chargé de références, et il comporte un certain nombre de répétitions qui auraient sans doute pu être évitées. Mais ces légers défauts sont largement compensés par le contenu et la richesse de l’ouvrage qui, de fait, propose trois écrits en un seul volume. Nous avons d’abord une description précise et documentée des actions et initiatives en matière de musique amplifiée dans la région Aquitaine. Elle s’accompagne d’une réflexion bien argumentée sur les entrées théoriques relatives au domaine, l’auteur empruntant beaucoup à la sociologie, mais aussi à la science politique et évidemment à la géographie, pour tenter d’élaborer une « géographie sociale des phénomènes culturels ». Le lecteur trouvera par ailleurs ici une approche des politiques culturelles territorialisées qui tranche délibérément avec nombre d’analyses politistes : le territoire d’Yves Raibaud se dévoile ici, non pas comme un simple réceptacle de données et de logiques sociales exogènes, mais comme un véritable construit social. Trois entrées par conséquent mais également un effort constant pour les arti-
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culer dans une perspective systémique. L’auteur, acteur et observateur privilégié des politiques culturelles territoriales, est bien placé pour constater la stagnation de la démocratisation culturelle et le désenchantement des professionnels de ce domaine. Il reconnaît la nécessité de renouveler les perspectives en ouvrant les espaces publics de la culture et en favorisant leur coproduction avec les usagers. L’émergence d’une forme de culture populaire venue du rock, qui tend à s’instituer sous l’appellation de musiques actuelles ou musiques amplifiées, lui semble constituer un exemple prometteur à cet égard. Mais l’ouvrage postule également le fait que les cultures dites émergentes entretiennent des liens étroits avec les transformations des espaces vécus. Elles participent à la construction des territoires, au point de constituer avec ces derniers des sortes de figures duelles (ex : hip-hop et banlieue). Pour autant, l’auteur récuse la thèse d’une relation à sens unique qui ferait de la culture sur les territoires une simple conséquence de déterminants socio-économiques ou d’une volonté politique fondée sur le principe de l’équité sociale et territoriale. En adoptant, dans la lignée de Guy Di Méo, l’hypothèse de l’instance culturelle comme superstructure partie prenante de la formation sociospatiale des territoires, Yves Raibaud reconnaît l’autonomie du champ artistique et la multiplicité des fonctions sociales de la culture (objet de consommation mais aussi facteur d’intégration ou production de normes et de valeurs). Pour éviter le terrain piégé des définitions de la culture, il emprunte à Matthieu Béra et Yvon Lamy leur approche d’une sociologie du « bien culturel » qui considère ce dernier comme « un processus collectif de qualification ».
L’auteur démontre avec pertinence que c’est à l’intersection des lieux et des pratiques musicales que les changements se produisent et que les questions d’organisation et de politique se posent. On peut cependant lui reprocher d’avoir trop laissé de côté ce volet institutionnel. À l’heure d’une décentralisation administrative de plus en plus contestée, tant elle ressemble à un désengagement pur et simple de l’État, comment les acteurs territoriaux (publics et privés) de cette nouvelle scène musicale vont-ils pouvoir construire un « vivre et faire ensemble » ? Cette interrogation pose la question des référentiels communs à ces différents acteurs mais aussi celle des structures d’accompagnement et de soutien. L’avenir des émergences musicales brillamment décrites par Yves Raibaud n’est certainement pas garanti par un délitement progressif des politiques publiques de la culture, ni par une territorialisation conduite de façon
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* S’il n’est pas totalement novateur (voir les études d’Howard S. Becker sur les chaînes interactives de production
culturelle ou, sur un plan différent, ceux d’Antoine Hennion sur la médiation), le propos d’Yves Raibaud est très stimulant. Il donne un éclairage très intéressant de la notion de territorialisation des politiques culturelles en refusant de réduire celle-ci à des stratégies d’acteurs institutionnels coupées de leurs racines spatio-culturelles. Les leaders des musiques amplifiées et/ou des cultures urbaines, porte-parole des jeunes et des quartiers fragiles, deviennent les acteurs de la construction de la banlieue par leur capacité à mettre en œuvre « une technologie de l’intervention culturelle simple et communicante ». Ce qui n’empêche pas, bien au contraire, que des jeunes s’emparent de ce qui leur est proposé pour en faire un outil de promotion personnelle et de création artistique.
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Cette approche lui semble particulièrement fructueuse pour analyser l’émergence des musiques amplifiées au moment même où, dans les années 1990, elles s’organisent en réseau et s’inscrivent dans des politiques publiques qui se concrétisent par des équipements spécialisés. L’auteur montre ainsi que les disputes entre acteurs, préalables au tour de table du financement de la Rock-School Barbey (Bordeaux) ou du Florida (Agen), produisent de nouveaux critères de qualification faisant appel à des ordres de grandeur compatibles avec la culture professionnelle de chaque service de l’État (Jeunesse et Sports, Politique de la ville, Culture, Santé, Environnement) et à leurs correspondants aux différentes échelles territoriales. La particularité des musiques amplifiées est qu’elles entrent de droit dans les politiques publiques de la culture par la Politique de la ville, c’est-à-dire par le biais d’un dispositif territorialisé. Yves Raibaud montre de manière convaincante que la qualification culturelle des musiques amplifiées (musiques des jeunes et des quartiers) est à l’origine une qualification territoriale avant d’être une qualification esthétique. Les musiques amplifiées et, plus largement, ce qu’on nomme à présent cultures urbaines, sont attachées au contexte des villes et particulièrement à celui des banlieues. L’assemblage symbolique entre cultures et territoires se décrit comme un catalogue des objets culturels qualifiant ces lieux (danse hip-hop, graff, rap, skate…) qui est indissociable de leur représentation dans un cadre urbain : la barre d’immeuble, les cages d’escalier, les parkings, les grillages…
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hasardeuse, encore moins par le jeu spontané de toutes les « forces » en présence.
Alain Lefebvre
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Muriel Darmon LA SOCIALISATION Armand Colin, coll. « 128 », Paris, 2006, 128 pages, 9 euros Comment la société construit-elle les individus ? Qu’appelle-t-on la socialisation ? L’ouvrage de Muriel Darmon éclaire avec rigueur mais très clairement, les questions de socialisation. Quatre grands chapitres structurent le livre. Le premier s’intéresse à la socialisation primaire, aux questions d’éducation, aux dimensions inconscientes de la socialisation et invite à lire les travaux portant ou croisant les variables de classe ou de genre. Le deuxième chapitre ouvre le questionnement sur la socialisation plurielle, s’intéresse aux analyses se rapportant aux effets des influences plurielles, aux conditions hétérogènes de la socialisation, mais aussi à la confrontation d’instances différentes de socialisation (la famille, la garde d’enfants, les pairs, l’école). Les modes de la socialisation secondaire, notamment professionnels, sont présentés dans le troisième chapitre. L’ouvrage s’achève sur un quatrième et dernier chapitre qui questionne les instances institutionnelles et politiques de la socialisation, ainsi que les effets des processus de socialisation sur les individus. Finalement : qu’est-ce que la socialisation ? L’auteure présente de manière habile différentes théories, sans que jamais le propos soit jargon-
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nant. Elle part d’une définition préalable, discutée tout au long des pages : « La définition la plus simple que nous pouvons proposer, et qui va nous servir de fil directeur pour parcourir théories et enquêtes empiriques, est donc la suivante : “façon dont la société forme et transforme les individus”. Une telle définition pose plus de problèmes qu’elle n’en résout, et donne ce faisant une première idée de la tâche à laquelle sont confrontées les analyses de la socialisation : substituer au terme vague de “façon” des processus réels et déterminés (comment la socialisation s’opère-t-elle ?), au terme abstrait et global de “société” des agents ou instances précis (“qui” ou “qu’est-ce qui” socialise ?), à la désignation générique de l’action de la socialisation sur les individus l’analyse de ses effets, de ses produits, de ses résultats spécifiques (qu’est-ce qui est intériorisé par l’individu socialisé ?) » (p. 6). Chacun, étudiants, chercheurs, ou professionnels de l’éducation, de la formation, de l’animation, etc., trouvera dans ce livre une aide précieuse pour mieux appréhender à la fois un champ social (l’éducation, la formation, l’animation…), un domaine conceptuel (sociologie de la socialisation) et des outils théoriques permettant de mieux comprendre ou de faire comprendre les actions socialisatrices émanant de la famille, de l’école, des professionnels de l’éducation et de la santé, des institutions de la jeunesse ou de la socialisation entre pairs.
Sylvia Faure
* FRANCOSCOPIE : ÉDITION 2007 Larousse, Paris, 2006, 510 p., 32 euros Francoscopie est considéré comme l’ouvrage de référence sur l’état de la France et des Français. Tous les deux ans, il décrit et analyse les attitudes, les comportements, les opinions et les valeurs dans tous les domaines de la vie quotidienne : santé, famille, vie sociale, travail, revenus, consommation, loisirs, et met en évidence les évolutions dans le temps, fournit des comparaisons avec les autres pays, notamment de l’Union européenne. L’ouvrage dresse un portrait détaillé et argumenté des « vraies gens », dans une société traversée de tensions, où le fantasme et l’émotion l’emportent parfois sur la réalité et la raison. Il souligne ainsi les singularités et « exceptions » nationales, atouts mais aussi à certains moments handicaps à l’adaptation au monde. Il identifie les tendances et propose une vision prospective de la France. Cette douzième édition accorde une place particulière aux grandes transformations en cours : la nouvelle relation au corps, au temps, au travail, aux autres ; la place croissante du foyer ; l’évolution réelle du pouvoir d’achat ; les nouveaux modes de consommation ; l’influence des médias sur la vie collective et individuelle ; l’incidence des nouveaux outils de communication et de loisirs… Depuis plus de vingt ans, Gérard Mermet raconte dans Francoscopie l’histoire de la France et des Français. Elle intéresse tous ceux qui cherchent à savoir, com-
Sous la direction de Marie-Christine Bureau, Élisabeth Dugué, Barbara Rist, Françoise Rouard DÉFAILLANCE ET INVENTIONS DE L’ACTION SOCIALE L’Harmattan, coll. « Logiques sociales », Paris, 2006, 315 p., 28,30 euros Cet ouvrage est le fruit d’une collaboration entre deux équipes de recherche : l’équipe « Politiques et action sociales : acteurs et régulation » du laboratoire Lise (UNIR CNAM/CNRS) et l’équipe « Expérience des personnes aux prises avec l’action publique » du Centre d’études de l’emploi. Au croisement de diverses disciplines (sociologie, mais aussi psychologie et linguistique), les travaux des chercheurs interrogent la mise en œuvre actuelle des politiques sociales. Des études de cas montrent les limites de ces politiques, confrontées à la montée de la pauvreté et aux nouvelles formes d’exclusion : la distance se creuse entre l’action sociale et les publics qu’elle devrait soutenir. Mais, de ce fait même, les populations, méconnues tant comme sujets qu’acteurs, développent des stratégies, individuelles ou collectives, qui constituent un travail d’invention de la société. Les contributions sociohistoriques qui précèdent l’exposé des recherches empiriques réunies dans ce volume permettent de situer ce mouvement d’invention du social dans la durée. Aujourd’hui comme hier, la société se crée à partir des manques caractérisant l’action en direction des populations les plus fragiles. Les attaques suscitées par les défaillances des politiques, les efforts pour combler leurs manques,
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PARUTIONS
Gérard Mermet
prendre, comparer, se situer, agir, participer, anticiper.
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PARUTIONS
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font surgir de nouveaux acteurs et forgent de nouvelles conceptions. C’est dire que cet ouvrage, tout autant qu’au monde académique, s’adresse aux professionnels du social et aussi aux décideurs qui devraient y trouver matière à alimenter leur action.
Anne Dhoquois BANLIEUES CRÉATIVES : 150 ACTIONS DANS LES QUARTIERS EN FRANCE Autrement, Paris, 2006, 208 p., 15 euros Au-delà des événements dont la banlieue a été le théâtre à l’automne 2005, au-delà de l’image négative dont elle souffre, au-delà de la stigmatisation de ses habitants, si les quartiers étaient avant tout un lieu propice à l’innovation sociale ? Porteurs de projet en tout genre y développent en effet une créativité hors du commun pour faire face aux difficultés sociales ou économiques, mais aussi pour valoriser une richesse humaine trop peu considérée par l’ensemble de la société. Ce livreenquête se veut un outil de travail pour ceux qui vivent dans ces quartiers et s’engagent sur tous les fronts pour y améliorer le quotidien, mais aussi une source d’informations originales, variées et grand public pour ceux qui veulent changer leur regard : 150 monographies, des portraits, des fiches-action, un lexique et des index. Pour agir, reproduire, réfléchir… et comprendre !
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Jean-Claude Gillet L’ANIMATION EN QUESTIONS Érès, coll. « Trames », Ramonville Saint-Agne, 2006, 221 p., 13 euros Cet ouvrage a été écrit en pensant aux questions souvent répétées que les quelque 6 000 animateurs rencontrés par l’auteur depuis plus de dix ans n’ont pas manqué de lui poser de façon très régulière. Peu à peu, le schéma de ses réponses s’est construit autour de quatre enjeux de cette profession : la quantification des animateurs – il existe aujourd’hui suffisamment de statistiques en la matière pour lever beaucoup d’ambiguïtés concernant le champ des animateurs professionnels ; le point sur la perte des valeurs dites « historiques » chez les animateurs d’aujourd’hui ; les nouveaux métiers qui entrent (ou ont tenté d’entrer) en concurrence avec les animateurs professionnels ; les rapports difficiles entre travail social et animation. Jean-Claude Gillet synthétise les courants sociologiques actuels et développe une vision engagée et personnelle des différentes facettes de ce métier (quartiers, hôpital, établissements pour personnes âgées ou handicapées…). Sa conception de l’animation est politique : quel que soit son statut, l’animateur a pour rôle de développer les compétences psychosociales de l’individu acteur, c’est un vecteur de changement, de transformation sociale, un élément de « désordre » favorisant le développement de la créativité, et qui provoque souvent la résistance des institutions. Cet état des lieux constitue une réflexion stimulante sur ce métier qui suscitera sûrement le débat et pose implicitement la question de son devenir.
* Infolio, coll. « Illico », Gollion (Suisse), 157 p., 11 euros Vivre ensemble ou séparés, établir des rapports de collaboration ou de sujétion, jouer des rôles complémentaires ou parallèles : nos sociétés règlent de manière variable la question des relations entre les hommes et les femmes. Ce livre propose une synthèse des avancées et des reculs de la mixité depuis la Renaissance. Il examine la manière dont elle s’inscrit dans la société, l’éducation, le travail et la politique, à travers des expériences pionnières, des progrès et des régressions. L’ouvrage montre comment la mixité s’articule sur une série de valeurs qui lui sont proches : l’égalité, la liberté, la laïcité et la civilité.
Vincent Delahaye, Robert Rochefort PROMESSES DE BANLIEUE L’Aube, La Tour-d’Aigues, coll. « Monde en cours – essai », 2006, 220 p., 18 euros. L’image de la banlieue est mal en point : insécurité, chômage, violence, dégradations… Tous ces qualificatifs sont aujourd’hui de véritables clichés. Les événements de novembre 2005 n’ont rien arrangé, ils ont au contraire accentué cette perception. Il suffit de lire n’importe quel article pour retrouver les mêmes excès : les banlieues flambent, l’insécurité y règne en permanence, le banlieusard est un « sous-citoyen ». La banlieue représente une zone de non-droit où les jeunes n’ont aucun avenir. Trop, c’est trop ! On ne peut plus accepter ces stéréotypes, on ne peut plus vivre avec ces principes manichéens. Pour
Jacques Vauthier, Cyril Duchamp AU SECOURS ! LA GÉNÉRATION INTERNET ARRIVE… Eska, Paris, 2006, 121 p., 25 euros. Voici qu’apparaît une nouvelle génération que l’on pourrait appeler la « génération Internet ». Des 500 ordinateurs de l’an 1983 qui étaient connectés, nous sommes passés à plus de 300 millions avec un bon milliard d’utilisateurs. La France comptait plus de 25 millions de personnes qui se sont branchés sur la toile en 2005 dont 85 % de jeunes de moins de 25 ans. Quoi offrir à ces générations qui sont si à l’aise sur Internet pour discuter en ligne, télécharger de la musique, se créer des blogs dont certains ont un véritable succès ? Ne sommes-nous pas confrontés à une rupture dans la constitution des connaissances pour ces jeunes générations qui pensent autrement à partir de la masse d’informations qui leur est proposée ? Les
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PARUTIONS
LA MIXITÉ : DES HOMMES ET DES FEMMES
Vincent Delahaye, maire de banlieue, et Robert Rochefort, sociologue, la coupe est pleine. Dans ce livre, ils donnent une autre image de la banlieue, beaucoup plus pragmatique et optimiste. Ils allient leurs expériences, à la fois différentes et complémentaires : le terrain et la réflexion. Au cours d’un voyage à travers la banlieue, ils portent un regard réaliste, sans complaisance, et sans méconnaître les problèmes pour lesquels ils proposent des solutions. Maintenant, il est temps de parler de la banlieue qui gagne, de son potentiel, de sa perspective d’avenir pour les jeunes. La banlieue est un vivier où l’esprit d’entreprise se développe, où vivre ensemble et intégration ont déjà acquis un véritable sens.
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Corinne Chaponnière, Martine Chaponnière
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USA ont commencé une formidable réadaptation de leurs méthodes pédagogiques en lien avec l’utilisation des données disponibles sur la toile. L’Angleterre équipe toutes ses classes élémentaires de tableaux interactifs permettant non seulement de montrer en direct aux petits élèves des ressources numériques disponibles sur les sites mais aussi de faire des tests d’évaluation avec ces mêmes boîtes de vote que l’on voit lors des débats télévisés, laissant ainsi au placard les bons vieux tableaux noirs. Au-delà de ces données locales, nous assistons à une véritable géopolitique des réseaux permettant des formations à distance dont le poids économique ne cesse de croître, comme l’avait prédit le cabinet Meryl Lynch en l’an 2000. Les entreprises sont, de fait, en train de se recomposer autour de cette mondialisation des compétences. Les pays qui ont parié sur ces nouvelles technologies de l’information et de la communication voient leur dynamisme économique se développer à grande vitesse. L’Afrique peut, en particulier, faire un saut technologique qui laissera au rang de mauvais souvenir l’état de ses universités, délabrées, et son isolement scientifique. Oui mais comment prendre en compte ces nouvelles donnes générationnelles ? Où en est la réflexion sur ces contraintes de la mondialisation où les entreprises de services peuvent travailler 24 h sur 24 grâce au décalage horaire… ? Comment aider la « génération Internet » à s’insérer dans une nouvel ordre mondial ? Tel est le but de cet ouvrage : amener le grand public à une prise de conscience de cette nouvelle réalité qui éclaire singulièrement les angoisses des jeunes.
Claude Dilain CHRONIQUE D’UNE PROCHE BANLIEUE Stock, Paris, 2006, 228 p., 16,50 euros C’est à Clichy-sous-Bois, à l’automne 2005, après la mort tragique de deux adolescents, que les émeutes qui ont ébranlé la France ont vraiment commencé. Les images des affrontements avec la police et des voitures calcinées ont fait le tour du monde. Mais qui connaît vraiment Clichy-sous-Bois ? Claude Dilain est maire de cette commune depuis 1995. Né à Saint-Denis d’une famille modeste, c’est à Clichy qu’il s’installe comme pédiatre et qu’il découvre la violence du combat politique lors de campagnes électorales houleuses. Loin des clichés, il évoque le courage et la dignité des habitants d’une des villes les plus pauvres de France. Il exprime la colère et le désespoir d’une population abandonnée par la République. N’est-il pas temps de changer notre regard sur ces banlieues, si proches et si lointaines, dans lesquelles se concentrent tous les maux de notre société, se demande Claude Dilain. Cette chronique du quotidien est un témoignage émouvant et passionné. Celui d’un homme amoureux de sa ville, qui croit profondément aux valeurs de la République. Au-delà de la crise des banlieues, il nous alerte sur le discrédit qui touche nos institutions. Un livre essentiel pour comprendre les enjeux politiques et humains des débats à venir.
Caroline Glorion, Ludovic Aubert ÉCOUTEZ-NOUS ! Plon, Paris, 2006, 166 p., 17,50 euros « Ali est mort. C’était un de nos copains. Poursuivi par les flics, chute de
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* LA CULTURE DES CITÉS : UNE ÉNERGIE POSITIVE Autrement, coll. « Frontières », Paris, 2006, 105 p., 13 euros Les cités de la banlieue ne se réduisent pas aux problèmes qu’elles posent… Elles s’offrent aussi comme une richesse potentielle pour la collectivité. Ressource d’initiatives économiques adaptées à des niches inexploitées, ressource d’énergie entrepreneuriale, ressource de transgression des idées reçues, ressource de débrouillardise et d’audace à tous les niveaux, ressource d’inventivité finalement. Il s’y produit le meilleur et le pire, selon le point de vue ou la morale de chacun, mais il s’y produit des idées, des langages, des musiques, des familles, des métissages, des ruptures, des valeurs, des mœurs nouvelles. En ethnologue, Marc Hatzfeld invite à ajuster notre regard, sans angélisme, sans prétendre à quelque vertu intrinsèque de la tradition populaire ou du supposé exotisme ethnique. L’enjeu est ici d’inciter à l’usage et au partage de la culture des cités.
Zlata Filipovic, Mélanie Challenger PAROLES D’ENFANTS DANS LA GUERRE : JOURNAUX INTIMES D’ENFANTS ET DE JEUNES GENS 1914-2004 XO, Paris, 2006, 453 p., 19,90 euros Tous les jours, nous voyons les ravages de la guerre à la télévision. Nous voyons, mais nous ne voulons pas vraiment savoir. Ces enfants, eux, ont vécu la guerre. Leurs journaux sont bouleversants. « Je pensais que la guerre n’arrivait qu’aux autres. Mais elle allait entrer dans ma vie sans prévenir, et mon journal serait un journal de guerre. »
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Marc Hatzfeld
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Mobylette… Ils lui ont roulé sur la tête ! La nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Je sens que ce soir il va y avoir du grabuge. J’ai 16 ans. J’habite à la cité des 4 000 à La Courneuve. Nous sommes en 1986. Vingt ans après, la même violence embrase les cités. La même rage, la même haine de l’État, des institutions, précipitent des centaines de jeunes dans la rue face aux forces de l’ordre. Derrière les voitures qui brûlent, il y a des gars comme moi. J’ai 36 ans aujourd’hui, et j’ai passé pas loin de dix ans derrière les barreaux. Si ma révolte est toujours tenace, j’ai pris du recul et j’ai envie de raconter ce que nous vivons. Vous apprendrez à nous connaître. L’engrenage, la spirale de la violence et de l’exclusion, l’échec scolaire, l’insalubrité des prisons, le chômage de nos parents, la démission des responsables politiques, l’intoxication intégriste ou frontiste qui côtoie celle du hasch ou du crack qui inonde les cités. Vous découvrirez nos codes, nos valeurs, notre état d’esprit, notre haine et notre détresse, nos ambitions et nos rêves… Je veux raconter pour éclairer les événements, donner des clefs pour comprendre et réfléchir tout haut à ma propre responsabilité. Alors… Écoutez-nous ! » Ludovic Aubert a grandi en cité. Violence, délinquance, prison, errance. Aujourd’hui, il travaille à la communauté Emmaüs de Pau. Caroline Glorion, journaliste et réalisatrice, travaille à l’unité Documentaires de France 2. Elle rencontre Ludovic Aubert dans le cadre d’un reportage. Un long compagnonnage de presque vingt ans leur permet de tisser des liens étroits et confiants. Lors des visites au parloir, dans les prisons où Ludovic sera incarcéré, naît l’idée de ce récit.
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Zlata avait 11 ans, et son journal a bouleversé le monde entier. Aujourd’hui, à 25 ans, Zlata n’a rien oublié, et elle a voulu faire entendre la voix d’autres enfants qui, pris dans la guerre, se sont confiés à un journal. Dans une cave sans eau ni électricité, séparés des parents, avalant des souris pour survivre, s’endormant au son des sirènes, réveillés par le fracas des bombes, au milieu de blessés et de mourants, Piete, Nina, Inge, Gunner, Hans, Sheila, Stanley, Yitskhok, Clara, Ed, Zlata, Shiran, Mary et Hoda ont vu, un jour, leur vie basculer. La guerre est arrivée chez eux, leur volant leur enfance. Les balles ont tué ceux qu’ils aimaient, les privant de leur famille, de leurs amis, et, parfois, de leur avenir, les forçant à devenir adultes avant l’heure. Ces paroles d’enfants dans la guerre constituent un témoignage exceptionnel. De l’Allemagne de 1914 à l’Irak de 2004, la douleur et la force qui émanent des journaux sont les mêmes. Dans la violence de la guerre, les enfants sont égaux. Et notre impuissance à empêcher leur souffrance devient un renoncement insupportable. Pendant deux ans, Zlata Filipovic et Melanie Challenger, de la fondation Mostar, ont cherché, lu, exploré des archives pour sélectionner ces textes, inédits pour la plupart, introuvables pour les autres. L’émotion qui court sur ces pages, à travers le XXe siècle et à travers le monde, est intense, poignante.
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Patrick Clastres, Paul Dietschy SPORT, CULTURE ET SOCIÉTÉ EN FRANCE DU XIXE SIÈCLE À NOS JOURS Hachette, coll. « Carré – Histoire », Paris, 2006, 254 p.,15,90 euros Cet ouvrage explore deux aspects importants mais longtemps négligés de l’histoire de la France contemporaine : le sport et, par extension, l’éducation physique. Le pays de Pierre de Coubertin a compté parmi les acteurs essentiels du sport moderne. Infatigables promoteurs du sport international, inventeurs d’épreuves connues dans le monde entier comme le Tour de France ou les 24 heures du Mans, les Français ont donné naissance à un modèle original d’organisation sportive, creuset pour certains de la nation française et dans lequel l’État joue un rôle fondamental. C’est cette originalité et son insertion dans l’histoire de la France, son évolution sociale et culturelle, que le livre traite, en envisageant depuis la fin du XVIe siècle l’émergence d’une attention nouvelle au corps, pour arriver au sport contemporain, miroir, dans l’âge de la consommation de masse, des dynamismes et des contradictions de la société française. L’ouvrage insiste aussi sur les moments fondamentaux que furent pour le sport la Belle Époque, le Front populaire, le régime de Vichy ou la République gaullienne. Il se veut enfin une synthèse des travaux universitaires produits depuis vingt-cinq ans en France, accompagnée de documents inédits.
* Cheminements, Coudray, 2006, 360 p., 22 euros Ce livre retrace l’histoire de l’enseignement spécialisé dans l’école publique et privée, mais l’auteure a voulu aller audelà de cette vision macrosociologique pour relater la difficulté de coexister au jour le jour dans ces structures. Pour cela, elle a étudié deux sections d’enseignement général et adapté pendant un an et interrogé les enseignants et les élèves. À la manière du sociologue, elle définit avec précision les relations de violence et de violence symbolique, les rapports des dominations qui se nouent et se dénouent sans que personne ne perçoive réellement les enjeux implicites et explicites qui se jouent dans ce monde scolaire. Elle s’efforce de montrer la complexité des relations qui résulte des changements paradigmatiques dans la société scolaire française.
Patrick Pelège, Chantal Picod Édith Tartar-Goddet
ÉDUQUER À LA SEXUALITÉ : UN ENJEU DE SOCIÉTÉ
PRÉVENIR ET GÉRER LA VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE
Dunod, coll. « Enfances », Paris, 2006, 262 p., 25 euros
Retz, coll. « Éducation », Paris, 2006, 253 p., 17,50 euros La violence scolaire est un thème d’une brûlante actualité. Elle est la résultante d’une violence généralisée qui se manifeste de différentes façons dans notre société : violences familiales et relationnelles, violences des médias, violences professionnelles et économiques, violences politiques… Ce livre aborde la violence scolaire sous l’angle relationnel. Il s’adresse à tous ceux qui, dans les établissements, travaillent,
Contrairement aux idées reçues, l’entrée privilégiée de l’éducation à la sexualité n’est pas que du côté de la biologie et de la prévention, mais elle se situe résolument du côté des sciences humaines. Il s’agit ici de sortir des discours convenus, et particulièrement de la vogue du dévoilement du sexe, de la technicité, de la commercialisation, pour comprendre et éclairer l’importance de l’éducation à la sexualité dans la construction de l’individu et de ses relations aux autres. Coécrit par
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PARUTIONS
LES DISCRIMINATIONS POSITIVES À L’ÉCOLE : ENTRE RELÉGATION ET SOCIALISATION
étudient, apportent leur aide, participent à des actions contre la violence en espérant qu’elles auront des répercussions positives à l’extérieur des établissements. La prise en charge de la violence consiste en effet, d’abord et avant tout, à poser des actes éducatifs qui participeront, de près ou de loin, à l’étayage et à la construction psychique et sociale des enfants et des adolescents. L’auteure met à jour les conséquences directes et indirectes, visibles et sournoises de la violence sur les personnes, les groupes, les établissements afin de contrebalancer ces effets par des conduites appropriées et des actions spécifiques. Les lecteurs trouveront tout au long du livre des méthodes, des outils, des compétences, des savoir-être et des savoirfaire déjà expérimentés dans de nombreux établissements et ayant montré leur efficacité. Une vision forte et des pistes d’actions concrètes et mobilisatrices pour les professionnels et les parents.
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Catherine Nafti-Malherbe
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deux spécialistes très fortement impliqués dans la réflexion sur l’éducation à la sexualité en institution, l’ouvrage traite de ses aspects fondamentaux en six chapitres qui abordent tour à tour une perspective anthropologique de la sexualité ; les modèles familiaux et sociaux qui balisent l’identité sexuelle ; la construction sociale de l’homophobie et du sexisme ; la place et la question des images et des représentations médiatisées, dont celles de la pornographie ; le développement psychosexuel de la naissance à l’âge adulte ; les enjeux relationnels et éthiques de l’éducation à la sexualité. Le propos s’adresse aux professionnels de l’Éducation nationale, de l’éducation spécialisée, de la protection de l’enfance et de l’adolescence, de l’éducation à la santé et de la réduction des risques sexuels.
Isabelle Méténier HISTOIRE PERSONNELLE, DESTINÉE PROFESSIONNELLE : ENFANCE, ADOLESCENCE ET CARRIÈRE PROFESSIONNELLE – LES LIENS INVISIBLES Demos, coll. « Développement personnel », Paris, 2006, 160 p., 26 euros Pourquoi sommes-nous attirés par un métier plutôt qu’un autre ? Une bonne scolarité garantit-elle le bonheur au travail ? En quoi notre histoire familiale a-telle une influence sur notre réussite et nos choix professionnels ? Nous pouvons décider inconsciemment de « réparer » l’échec de nos parents en réalisant une « belle carrière » ou, à l’inverse, rester dans un emploi sans envergure pour ne pas les dépasser ou reproduire leurs erreurs. Pourquoi ces différences de choix ? Et peuton d’ailleurs parler de choix ? Il y a dans chaque famille des « mythes
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professionnels ». Un travail peut nous aider à combler des carences affectives, ou au contraire à nous différencier d’un frère, d’un parent qui fait référence pour la famille. Sans aucun doute, la vie professionnelle est le théâtre d’enjeux existentiels plus importants que le simple fait d’avoir une sécurité financière. Ce livre montre que nos choix se forgent sur des « fidélités inconscientes » à nos parents et nos aïeux, et que celles-ci ont une influence dans notre sentiment de nous « accomplir » au travail.
Stéphanie Marteau, Pascale Tournier BLACK, BLANC, BEUR… LA GUERRE CIVILE AURA-T-ELLE VRAIMENT LIEU ? Albin Michel, Paris, 224 p., 16 euros L’égalité républicaine : leurre ou réalité ? Malgré l’existence d’une Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et les promesses de la classe politique, les résistances restent vives : certains n’admettent pas que la France, en se métissant, a changé. Pascale Tournier et Stéphanie Marteau ont enquêté sur cette ségrégation qui ne dit pas son nom. Des origines de la commission Stasi à l’ascension fulgurante de l’association Ni putes ni soumises, les deux journalistes montrent comment manœuvres d’appareil et conformisme se conjuguent pour maintenir des situations acquises, que ce soit dans les partis politiques, les médias, ou même les syndicats dont le conservatisme en la matière stupéfie. Une petite révolution est pourtant à l’œuvre. Insensiblement, elle gagne les grandes entreprises, notamment sous l’impulsion de patrons charismatiques tels Claude Bébéar ou Yazid Sabeg. Mais il faudra encore beaucoup de protestations, de
* ÊTRE BÉNÉVOLE AUJOURD’HUI : MOTIVATIONS - ENGAGEMENT RECONNAISSANCE Marabout, coll. « Vie quotidienne », Paris, 2006, 5,90 euros Vous souhaitez devenir bénévole et rejoindre, comme près de dix millions de Français, une association répondant clairement à votre désir d’engagement ? Cet ouvrage va vous être d’une aide précieuse. Donner de son temps, partager affectivement et concrètement sa réalisation, prendre des responsabilités… Entre plaisir et contraintes, l’engagement bénévole pose de multiples questions. Pour vous aider à y répondre et identifier la cause qui vous touche et l’association avec laquelle agir, ce guide vous propose : un panorama de la vie associative ; des témoignages de bénévoles de tous âges et statuts sociaux ; des conseils pratiques pour vous accompagner dans vos choix ; les principaux points juridiques pour connaître vos droits.
Fadela Amara, Mohamed Abdi LA RACAILLE DE LA RÉPUBLIQUE Le Seuil, Paris, 2006, 17 euros Trois ans déjà que, face aux violences exercées contre certaines filles des quartiers, Fadela Amara lançait ce cri du coeur : « Ni putes ni soumises. » Elle est alors devenue le symbole d’un féminisme d’urgence, d’un féminisme populaire. Après la publication du Guide du respect – immense succès –, voici
Sous la direction de Jean-Pierre Augustin, Observatoire national des métiers de l’animation et du sport (ONMAS) VERS LES MÉTIERS DE L’ANIMATION ET DU SPORT : LA TRANSITION PROFESSIONNELLE La Documentation française, Paris, 2006, 280 p., 24 euros La transition professionnelle vers les métiers de l’animation et du sport est déjà largement engagée et l’on peut observer une forte progression des emplois dans ces deux secteurs d’activités depuis une vingtaine d’années. Cette transition, liée à l’émergence d’une société de loisirs, modifie le statut socioprofessionnel des individus, les règles d’appartenance aux groupes et la hiérarchie sociale des goûts. À ce titre, l’action publique est face à des choix politiques dans les domaines des loisirs, de l’animation et du sport. Les enjeux de cette régulation distribuée entre de multiples acteurs publics et
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PARUTIONS
Pascal Dreyer
La racaille de la République, où, à partir de leurs origines, des souffrances par eux endurées, Fadela Amara et Mohammed Abdi analysent et dénoncent des situations d’injustice, dressent un constat de l’augmentation de l’inégalité des chances, de la montée des violences, de la difficulté à intégrer et à accepter ces Françaises et ces Français qu’on continue encore à traiter comme des immigrés. Dénonçant les faux prophètes et la recrudescence de discours religieux où l’islam est détourné à des fins politiques, cartographiant la situation dans certains quartiers où d’autres lois que celles de la République règnent, ils en appellent à une société où la loi, le droit et la justice nous permettraient de mieux vivre ensemble dans le respect du bien commun ancré dans les valeurs de la République.
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polémiques, mais aussi de lobbying pour que l’ascenseur social passe d’un étage à l’autre.
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privés appellent à un effort d’analyse, de coopération et de coordination. Malgré de multiples initiatives, force est de constater que la plupart des actions visant à connaître les branches animation et sport ne permettent pas aujourd’hui d’avoir une évaluation suffisamment précise de l’emploi, de ses mécanismes d’évolution et de ses relations complexes avec les formations initiales ou continues. Afin de dépasser une mosaïque de dispositifs et de proposer une organisation susceptible de produire des études, l’ONMAS a été créé en avril 2002. Après une évocation historique de l’émergence d’une société de loisirs et des prémices de la professionnalisation de l’animation et du sport, cet ouvrage propose – au-delà de ses rapports annuels d’activités, colloques et études – une réflexion approfondie dans le champ concerné et se veut une entrée en matière pour comprendre comment s’organisent les négociations autour de la constitution des métiers de l’animation et du sport.
Henri Eckert AVOIR VINGT ANS À L’USINE La Dispute, coll. « Essais », Paris, 2006, 218 p., 18 euros Parmi les jeunes hommes de 15 à 29 ans en emploi en France aujourd’hui, un sur deux est ouvrier ! Ainsi le groupe ouvrier, vieux par son histoire, est-il jeune, de la jeunesse de ceux qui, au sortir de l’école, entrent à l’usine. S’appuyant sur de nombreux récits de jeunes ouvriers, recueillis en milieu industriel ou lors d’entretiens hors de l’usine, Henri Eckert reconstitue le récit global des moments essentiels de l’entrée dans la condition ouvrière aujourd’hui. On suit donc ces « simples ouvriers », comme ils disent, depuis le
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temps d’avant, celui de l’école, jusqu’à l’entrée à l’usine, de l’apprentissage du travail industriel à la soumission à la discipline qu’il requiert. On accède à la quotidienneté de l’usine où ces jeunes produisent sous surveillance. Puis l’auteur nous invite à quitter les ateliers pour aborder quelques aspects de la vie ouvrière hors travail, du loisir jusqu’à l’investissement dans la maison et la vie familiale. Henri Eckert, fils d’ouvrier, enseignant puis conseiller d’orientation psychologue, aujourd’hui sociologue au CEREQ à Marseille, nous fait pénétrer dans la réalité de l’usine et de la culture ouvrière contemporaine. À travers l’histoire de ceux et celles qui y consacrent leurs forces, il nous raconte l’aventure de la production des biens matériels avant qu’ils nous apparaissent sous la forme abstraite de marchandises sur les rayons des temples de la consommation postmoderne.
Catherine Tricot J’AI 18 ANS : LE GUIDE DE MES DROITS La Dispute, coll. « Chroniques », Paris, 149 p., 16 euros Ce guide coordonné par Katia Meimoun et sous la direction de Catherine Tricot, est un outil pédagogique permettant de faire connaître le droit, et ses limites, aux jeunes générations. Alors que de nombreux pédagogues en appellent aujourd’hui à une meilleure inscription de l’éducation civique et juridique dans les établissements scolaires (voir le numéro du Monde de l’éducation de l’été 2006) et que le ministère de l’Éducation nationale instaure les prémices d’une « culture humaniste » aux élèves par le biais d’initiation à la culture juridique, à la sociologie et l’anthropologie, à l’histoire de l’art, et à la culture scientifique, ce guide présente de manière
* N° 41 AGORA
* DÉBATS/JEUNESSE 163
PARUTIONS
LIRE, FAIRE LIRE
ludique les droits qui s’appliquent aujourd’hui en France aux personnes vivant sur ce territoire, quelle que soit leur nationalité. Des droits à la citoyenneté, à ceux du travail, de la famille, de la formation aux lois de protection des individus, des droits de l’enfant, du corps et celles concernant la vie quotidienne (passer son permis de conduire, les assurances, le logement…), les informations sont nombreuses, organisées de façon thématique et donc clairement accessibles. Un recueil utile aux formateurs et animateurs, enseignants et pédagogues, aux parents et aux responsables d’institutions de jeunesse, autant qu’aux jeunes.
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