Tresmontant Claude - Evangile de Jean , Traduction Et Notes

December 19, 2017 | Author: Emiliano Fiore | Category: Hebrew Language, Translations, Septuagint, New Testament, Tetragrammaton
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chiesa...

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ÉVANGILE DE JEAN

Traduction et notes Claude Tresmontant

O.E.I.L. 12, rue du Dragon 75006 Paris

2 AVANT-PROPOS

Les anciens manuscrits hébreux et grecs ne comportaient pas la dualité, à laquelle nous sommes habitués depuis l'invention de l'imprimerie, entre les lettres majuscules et les lettres minuscules. Certains manuscrits étaient écrits en lettres minuscules, d'autres en lettres majuscules. Mais dans les manuscrits écrits en minuscules, les noms propres ne sont pas inaugurés par une majuscule. Ils ne comportaient pas non plus de signes de ponctuation. Nous avons fait comme eux. Nous avons supprimé les majuscules et les signes de ponctuation. Nous laissons aux mots le soin d'exprimer et de manifester toute leur puissance, sans leur adjoindre cet élément d'emphase inutile qui est la première lettre majuscule. La disposition typographique que nous avons adoptée est celle des plus anciens manuscrits en langue latine de la vieille traduction des livres du Nouveau Testament, celle qui a précédé la révision de saint Jérôme. Et cette disposition, cette présentation des phrases dans ces anciens manuscrits latins, reproduit évidemment la disposition qui était celle des manuscrits en langue grecque, que les inconnus qui ont traduit le Nouveau Testament, du grec en latin, avaient sous les yeux. C'est la disposition rationnelle : proposition par proposition. Elle dispense d'utiliser les signes de ponctuation que les anciens manuscrits ne connaissaient pas. Les inconnus qui ont traduit la sainte Bibliothèque hébraïque de l'hébreu en grec, aux ive, iiie et ii siècles avant notre ère, ont voulu suivre pas à pas, mot à mot le texte hébreu inspiré et saint. Cette traduction était destinée aux frères et aux sœurs des synagogues de la Diaspora, dispersées ou parsemées sur tout le pourtour de la mer Méditerranée, et qui ne connaissaient plus suffisamment la langue hébraïque pour lire les livres saints directement et sans l'aide de cette traduction, que nous appelons la traduction des Septante, à cause d'une histoire, à cause d'une légende racontée par la Lettre d'Aristée à Philocrate, au iie siècle avant notre ère. e

Les inconnus qui ont traduit de l'hébreu en grec les documents qui ont donné nos Évangiles de Matthieu, de Jean, de Luc et de Marc, ont procédé de même. Ils ont voulu suivre pas à pas, mot à mot, le document hébreu qu'ils avaient sous les yeux. Et leurs traductions ont été destinées, tout d'abord et en premier lieu, aux frères et aux sœurs des synagogues du pourtour de la Méditerranée qui avaient reçu le message qui venait de Jérusalem, la besorah, l'heureuse nouvelle. Ils ont utilisé le même lexique, le même système de correspondance entre l'hébreu et le grec, que les inconnus qui avaient traduit la Bibliothèque hébraïque de l'hébreu en grec. Et lorsque Schaoul-Paul dicte ses lettres — directement en grec ? en hébreu ? — il se sert lui aussi de ce lexique hébreu-grec traditionnel. Nous avons fait comme les inconnus qui ont traduit les documents hébreux qui ont donné nos Évangiles de Matthieu, de Jean, de Luc et de Marc. Nous avons suivi notre texte mot à mot, pas à pas, en sorte que nous retrouvons l'ordre et le rythme de la phrase hébraïque, qui se trouve sous notre document grec, qui est lui-même une traduction de l'hébreu. Dans la sainte Bibliothèque hébraïque tout entière, les propositions se succèdent reliées entre elles le plus souvent par la particule we qui signifie et, mais qui selon les cas et les occasions peut comporter une fonction logique.

3 Les inconnus qui ont traduit la sainte Bibliothèque des Hébreux, de l'hébreu en grec, ont préféré, dans des milliers et des milliers de cas, remplacer la première proposition d'une phrase hébraïque qui commence par un verbe à l'indicatif, par une proposition grecque qui commence par un participe. EXEMPLES :

Genèse 8,9 : Et elle ne trouva pas, la colombe, du repos pour la plante de son pied, et elle retourna vers lui dans l'arche... Les traducteurs en langue grecque ont rendu : Et n'ayant pas trouvé, la colombe, du repos pour ses pieds, elle retourna vers lui dans l'arche. Genèse 16,5 : Et elle vit qu'elle était enceinte, et je deviens légère à ses yeux [je deviens moins que rien à ses yeux]... Traduction grecque : Ayant vu qu'elle tenait dans le ventre, je fus méprisée à ses yeux... Genèse 18, 2 : Et il leva les yeux et il vit, et voici trois hommes... Traduction grecque : Ayant levé les yeux, il vit et voici trois hommes... Genèse 18, 16 : Et ils se levèrent de là, les hommes, et ils regardèrent la face tournée vers Sodome... Traduction grecque : S'étant levés de là, les hommes regardèrent vers la face de Sodome... Genèse 18, 27 : Et il répondit, Abraham, et il dit... Traduction grecque : Et répondant, Abraham dit... Genèse 19, 10 : Et ils envoyèrent [ils étendirent] les hommes, leurs mains, et ils firent venir Loth vers eux dans la maison... Traduction grecque : Ayant étendu, les hommes, leurs mains, ils firent venir Loth vers eux dans la maison... Genèse 22, 4 : Au troisième jour, il leva, Abraham, ses yeux, et il vit le lieu, de loin... Grec : Le troisième jour, ayant levé les yeux, Abraham, il vit le lieu, de loin... Genèse 22, 13 : Et il leva, Abraham, ses yeux, et il vit, et voici un bélier... Grec : Et ayant levé les yeux, Abraham, il vit et voici un bélier... Genèse 23, 7 : Et il se leva, Abraham, et il se prosterna devant le peuple du pays... Grec : S'étant levé, Abraham, il se prosterna devant le peuple du pays... Genèse 24, 16 : Et elle est descendue à la source et elle a rempli sa cruche et elle est remontée... Grec : Étant descendue à la source, elle a rempli sa cruche, et elle est remontée... Genèse 24, 28 : Et elle a couru, la jeune fille, et elle a raconté (tout cela) à la maison de sa mère... Grec : Et ayant couru, la jeune fille, elle a annoncé (tout cela) dans la maison de sa mère...

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Genèse 24, 63 : Et il a levé les yeux et il a regardé et voici des chameaux qui arrivent... Grec : Et ayant levé les yeux, il a vu des chameaux qui arrivent... Genèse 28, 1 : Et il a appelé, Isaac, Jacob, et il l'a béni... Grec : Ayant appelé, Isaac, Jacob, il l'a béni... Genèse 29, 1 : Et il a levé, Jacob, ses pieds et il s'en est allé au pays des fils de l'Orient... Grec : Et ayant levé, Jacob, les pieds, il s'en est allé au pays de l'Orient... Genèse 31,17: Et il s'est levé, Jacob, et il a soulevé ses fils et ses femmes sur les chameaux... Grec : S'étant levé, Jacob, il a élevé ses femmes et ses fils sur les chameaux... Genèse 32, 23 : Et il s'est levé dans cette nuit-là, et il a pris ses deux femmes... Grec : S'étant levé, cette nuit-là, il a pris ses deux femmes... Genèse 37, 31 : Et ils ont pris la tunique de Joseph, et ils ont sacrifié un bouc, et ils ont trempé la tunique dans le sang... Grec : Ayant pris la tunique de Joseph, ils ont sacrifié un bouc, et ils ont trempé la tunique dans le sang... Et ainsi de suite, des milliers et des milliers de fois, dans toute la sainte Bibliothèque hébraïque. Les traducteurs inconnus de la sainte Bibliothèque hébraïque ont préféré remplacer la première proposition, gouvernée par un verbe à l'indicatif, par une proposition grecque gouvernée par un participe. Les inconnus qui ont traduit de l'hébreu en grec les documents qui ont donné nos Évangiles de Matthieu, de Jean, de Luc et de Marc, ont fait de même. Ils ont constamment remplacé la première d'une série de propositions qui se suivaient en hébreu simplement reliées par we : et — et qui étaient gouvernées par des verbes à l'indicatif — par une proposition gouvernée par un participe. EXEMPLES : Matthieu 3,15 : Répondant, Ièsous lui dit... Ce qui correspond à l'hébreu : Et il lui répondit, Ieschoua, et il lui dit Matthieu 8,1 : Lui, descendant de la montagne, l'accompagnaient des foules nombreuses... Hébreu : Et il descendait de la montagne, et l'accompagnaient des foules nombreuses... Matthieu 8,1 : Et voici qu'un lépreux s'avançant se prosterna devant lui... Hébreu : Et voici qu'un lépreux s'avança, et il se prosterna devant sa face... Luc I, 39 : S'étant levée, Mariam dans ces jours-là, elle alla... Hébreu : Et elle se leva Mariam, dans ces jours-là, et elle alla...

5 Et ainsi de suite, constamment, dans le tissu du texte grec des quatre Évangiles. Le même système de traduction est adopté par le traducteur en langue grecque de l'Évangile de Jean. Nous avons donc à notre tour et systématiquement restauré la construction hébraïque qui se trouve sous le texte grec, et remis des propositions commandées par des verbes à l'indicatif là où le texte grec nous offre une construction dans laquelle la première proposition est régie par un participe. Cela allège d'ailleurs sérieusement la traduction. Nous avons laissé en hébreu, dans notre texte français, les mots hébreux qui n'ont pas été traduits par les traducteurs en langue grecque des documents hébreux qui ont donné nos Évangiles de Matthieu, de Jean, de Luc et de Marc, mais qui ont simplement été transcrits, en caractères grecs. Et nous avons restauré le mot hébreu exact, là où cette transcription en caractères grecs s'éloignait de l'original hébreu. Nous avons expliqué en note le sens de ces termes que le traducteur en langue grecque du document hébreu n'a pas lui-même traduit. Nous demanderons ainsi à notre lecteur d'apprendre quelques rares mots hébreux : mes-chiah, Torah, pesah, peronschim, schabbat, etc. Nous avons restauré les noms propres hébreux qui avaient été plus ou moins déformés par la transcription en caractères grecs. Nous avons mis entre crochets [ ] les mots français qui ne se trouvent pas dans le texte grec de notre Évangile, mais qui sont indispensables pour que la phrase française tienne debout et soit intelligible. Il ne faut jamais oublier lorsqu'on lit l'Évangile de Jean, que nous avons affaire à des notes prises sur le vif en hébreu, puis traduites en langue grecque. Ces notes sont bien entendu incomplètes par rapport à la réalité dont elles prennent des extraits, par rapport aux propos tenus, par rapport aux enseignements donnés, et cela est encore plus sensible dans les controverses et les discussions. Celui qui a noté les propos tenus par les uns et par les autres a relevé quelques-uns de ces propos. Nous avons donc affaire à un extrait. Il nous faut donc souvent nous efforcer de reconstituer la logique de la discussion, la logique des arguments qui sont mis en avant, à partir de ces quelques notations qui nous ont été conservées. Et de plus, lorsque deux propos du Seigneur se trouvent l'un à la suite de l'autre dans notre texte, il ne faut pas s'imaginer pour autant que ces deux propos ont forcément été tenus ou prononcés immédiatement l'un après l'autre. Ce sont des notes ou notations qui se suivent. Entre les deux, il a pu se passer divers événements. Nous utiliserons largement les blancs, afin d'avertir le lecteur que les propos sont disjoints. Il est vraisemblable que la traduction de l'hébreu en grec qui a abouti à notre Évangile de Jean s'est faite selon la méthode qui avait déjà été celle de ces anciens traducteurs de la Bible hébraïque que par convention, et par respect pour la vieille légende, on appelle les Septante. Divers indices permettent de supposer qu'un lecteur lisait tout haut le texte hébreu de la Torah, des prophètes ou de tout autre livre de la sainte Bibliothèque des Hébreux. Il lisait sans doute, proposition par proposition. Un compagnon, qui était bilingue, traduisait le texte de l'hébreu en grec. Nous ne savons pas pour l'instant, et peut-être ne saurons-nous jamais, si le traducteur était aussi le scribe, mais cela est sans doute de peu d'importance. Ce que le traducteur en langue grecque entendait de la bouche de son compagnon, qui lisait tout haut le texte hébreu, il le traduisait en grec. Il est vraisemblable que les évangiles ont été traduits de la même manière, c'est-à-dire que deux personnes au moins, et peut-être trois s'il faut compter un scribe capable de former les caractères grecs, entrent en jeu dans une telle traduction. Quelques indices laissent supposer qu'il en a été de

6 même pour la traduction en langue grecque, à partir d'un original hébreu et non pas araméen, des œuvres de Flavius Josèphe. Dans le texte grec de notre Évangile de Jean, nous distinguons donc au moins deux mains. 1. Celui qui a noté en hébreu et rédigé les propos et les actes du Seigneur. Il est le disciple qui ne veut pas dire son nom et qui se désigne lui-même par les périphrases : « l'autre disciple », « le disciple que Jésus aimait ». 2. Le traducteur en langue grecque du document hébreu, qui a ajouté son point de vue et sa marque, comme nous le verrons en traduisant à notre tour ce texte grec en langue française. Il n'est même pas certain que le traducteur du document hébreu en langue grecque ait tout traduit, ait communiqué dans sa traduction la totalité du document hébreu qu'il avait sous les yeux, ou bien que Jean lui-même lui dictait. Il est très possible qu'il ait laissé de côté certains passages, certains faits, certains actes, qui étaient notés dans le document hébreu, et qui ne se retrouvent plus dans la traduction grecque, car cette traduction grecque pouvait tomber entre les mains des païens, et même des autorités romaines. Il est évident qu'une traduction qui va de l'hébreu au grec, puis du grec au français, ou tout simplement de l'hébreu au français, ne peut être qu'une approximation. Il n'est pas possible d'espérer trouver un mot français qui corresponde exactement au mot hébreu sous-jacent. Même pour des termes aussi simples que le pain, le vin et l'eau, les termes français ne sont pas égaux aux termes hébreux, tout simplement parce que le pain d'aujourd'hui, dans notre expérience d'hommes des villes de cette fin du xxe siècle, n'est pas le pain que mangeaient les Hébreux au temps d'Abraham. Le mot est le même, la chose n'est plus la même. Il est évident encore que dans le passage de l'hébreu au grec, du grec au latin, du latin au français ou aux diverses langues modernes, à partir principalement du xvie siècle, l'information diminue et l'entropie du système augmente. Des contresens, des non-sens, des faux sens s'accumulent, et le texte qui résulte de ces diverses traductions est de plus en plus chargé d'erreurs. L'effort pour retourner à l'hébreu est tout simplement l'effort pour retourner à la source, ou origine de l'information, et remonter autant que faire se peut l'inévitable pente de l'entropie. La traduction d'un texte hébreu en langue grecque ne peut être qu'une approximation plus ou moins réussie, plus ou moins heureuse. La traduction de ces textes grecs, qui sont eux-mêmes déjà des traductions, est une seconde approximation, elle aussi plus ou moins réussie. En s'efforçant de retrouver le texte hébreu initial, on s'efforce de diminuer la part inévitable d'approximation. Une traduction qui va de l'hébreu au français, directement ou en passant — ce qui est le cas ici pour notre Évangile de Jean — par l'intermédiaire d'un texte grec qui est déjà lui-même une traduction, est une approximation ou une série d'approximations qui peut se comparer, pour chaque terme, pour chaque expression, à une zone de probabilités que l'on s'efforce de resserrer le plus possible autour du mot hébreu qu'il s'agit de rendre en français. Pour établir cette zone de probabilités, pour dessiner cette nuée de sens possibles qui entourent le mot hébreu, un peu comme une nuée d'électrons entoure le noyau de l'atome, on peut user de cette méthode qu'a souvent pratiquée saint Paul, ou plus précisément son traducteur : lorsqu'un mot grec ne suffit pas à rendre exactement et complètement un mot hébreu, on en prend deux. Puisque pistis ne suffit pas à rendre l'hébreu émounah, on met pistis et alètheia : la certitude de la vérité. Nous ferons usage nous aussi de cette méthode lorsque le besoin s'en fera impérativement sentir.

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Lorsque le texte grec de notre Évangile est incorrect du point de vue de la grammaire grecque, nous n'avons pas cru devoir le dissimuler dans notre traduction française. On verra que ces incorrections proviennent de ce que le traducteur a suivi de très près, de trop près si l'on veut, son texte hébreu. Lorsqu'on lit pour la première fois l'Évangile de Jean, dans une traduction française ou autre, on est souvent sensible à la beauté du texte, qui se présente un peu comme une somptueuse draperie, parfois un peu floue, dans les traductions... Mais lorsqu'on regarde le texte de près, à la loupe et puis au microscope, — le texte grec bien entendu — alors on est de plus en plus effrayé par la difficulté de ce texte, par l'obscurité d'un grand nombre de propositions, par la complexité inextricable du tissage. Cette extraordinaire complexité et difficulté tient à ce que nous sommes en présence d'un texte grec qui est déjà lui-même une traduction d'un texte hébreu antérieur. Pour comprendre exactement chaque proposition de notre texte grec, il faudrait reconstituer le texte hébreu dont notre traducteur est parti. Cela n'est possible bien évidemment, dans l'état actuel des choses, que par conjecture, en étudiant la manière dont les inconnus, qui avaient traduit la sainte Bibliothèque hébraïque de l'hébreu en grec, avaient procédé. Nous avons découpé les propositions dans la mise en page de notre traduction, en sorte qu'un lecteur qui lit à haute voix puisse reprendre son souffle, après chaque proposition, et que celui qui entend ait le temps de penser à ce qu'il entend et d'assimiler la nourriture intelligible qui lui est communiquée. Il est très possible, il est même vraisemblable que, lorsque le texte hébreu a été dicté, il a été dicté proposition par proposition, au compagnon qui était chargé de le traduire en langue grecque. Il est vraisemblable que la traduction se faisait ainsi proposition par proposition. On remarquera que les propositions sont toutes très brèves, et qu'on ne trouve jamais de longue période, comme c'est le cas chez les prosateurs latins ou chez les écrivains classiques de langue française. La Bible hébraïque est écrite dans une langue populaire, une langue simple, une langue de paysans, de bergers, d'artisans, d'ouvriers. Il convient donc que la traduction en langue française de la Bible hébraïque soit lisible, elle aussi, par et pour des hommes de la terre et des champs. La même remarque est valable pour une traduction en langue française des livres de la nouvelle alliance. Elle doit être intelligible pour un enfant. Elle ne doit pas être écrite dans une langue faite de mots qui sont des décalques de mots grecs et de mots latins, puisque d'ailleurs les langues grecque et latine sont de moins en moins enseignées dans les écoles de France. Le quatrième Évangile est constitué de tableaux, ou de scènes, qui se suivent sans nécessairement se rattacher les unes aux autres. Une grande partie de ces tableaux ou de ces scènes se situe à Jérusalem, plus précisément dans la grande enceinte sacrée que nos textes grecs appellent le hieron, la grande enceinte sacrée, l'ensemble des constructions, avec ses grands espaces, ses portiques, ses salles, dans lequel était construit le Temple proprement dit, en grec le naos, en hébreu le heikal. Quelqu'un était là, qui a observé, écouté, et noté. C'est le disciple préféré, le disciple par excellence, qui ne donne pas son nom. Il avait ses raisons. Titre : de la bouche de... Peut-être l'hébreu al pi, sur la bouche de... Genèse 45, 21 ; Exode 17, 1 ; 38, 21 ; Nombres 3, 16 ; 3, 39 ; 3, 51 ; etc. Il est très possible que Jean ait dicté le texte hébreu de son Évangile, comme Jérémie a dicté ses oracles, Jérémie 36, 1 : Et il advint, dans

8 l'année quatrième de Joachim, fils de Josias, roi de Juda, elle fut, cette parole, adressée à Jérémie de la part de YHWH, pour dire : Prends pour toi un rouleau de livre, hébreu megilat sepher, et tu écriras sur lui toutes les paroles que je t'ai dites, au sujet d'Israël et au sujet de Juda et au sujet de toutes les nations, depuis le jour où je t'ai parlé, depuis les jours de Josias, et jusqu'aujourd'hui... Alors il appela, Jérémie, Baruk fils de Neriia, et il écrivit, Baruk, de la bouche de Jérémie, hébreu mi-pi iremeiahou, toutes les paroles de YHWH, qu'il lui avait dites, sur un rouleau de livre... Nous sommes dans un milieu ethnique de savants, de lettrés, d'hommes qui savent lire et écrire, depuis des siècles, d'hommes du Livre. Nous ne sommes pas dans un milieu ethnique de type oral. L'information est conservée dans des rouleaux, ce qui n'empêche personne d'apprendre par cœur ce qui est écrit dans les rouleaux de la Torah, des prophètes, des psaumes, etc. On remarque que Jérémie n'écrit pas lui-même. Il dicte. On peut se demander comment Paul écrivait ses lettres, et si ce n'était pas selon le même procédé, la dictée. Nombre d'indices permettent de supposer que la Bibliothèque hébraïque a été traduite selon le système suivant : 1. Un lecteur hébreu lit le texte sacré. 2. Un compagnon bilingue traduit oralement le texte hébreu en langue grecque. 3. Un scribe qui sait écrire le grec, écrit la traduction sous la dictée. Certaines erreurs dans la traduction grecque de la Bible hébraïque, que nous appelons par convention les Septante, ne s'expliquent que par ce procédé. Il est très vraisemblable que Flavius Josèphe a fait traduire son œuvre de la même manière, à partir de l'original hébreu, et non pas araméen. C'est ainsi que s'explique, par exemple, la faute célèbre de traduction de la Guerre des Judéens, V, 272 : Les Romains de la dixième légion envoyaient sur les défenseurs de Jérusalem des pierres d'environ 40 kilos avec des machines. Ces pierres étaient blanches. On les voyait venir de loin et on les entendait aussi siffler. Des guetteurs qui étaient postés sur les tours, avertissaient les patriotes qui défendaient Jérusalem chaque fois qu'une des machines romaines envoyait une de ces énormes pierres. Les guetteurs criaient dans leur langue paternelle, la langue de leurs pères, tè patriô glôssè, nous dit la traduction en langue grecque de l'ouvrage de Flavius Josèphe : ho huios erchetai, traduction littérale en langue française : le fils arrive ! Cette expression qu'on lit dans le texte grec de Flavius Josèphe a donné du souci aux interprètes et éditeurs du texte. L'explication de l'énigme est simple et a été aperçue depuis longtemps : en hébreu, le fils se dit : ha-ben. La pierre se dit ha-eben. Le lecteur du texte hébreu de Flavius Josèphe a lu ha-eben, la pierre. Celui qui effectuait la transformation du texte hébreu en grec a entendu ha-ben, le fils. Et il a dicté au scribe : le fils arrive ! Cela prouve que bien évidemment les Judéens, au temps de la grande guerre contre Rome, parlaient hébreu entre eux, comme l'attestent d'ailleurs, beaucoup plus tard, les lettres autographes de Schiméon ben Kôseba, de l'année 135, découvertes il y a quelques années. Cela prouve que la traduction se faisait selon le système que nous avons indiqué, car sur un texte écrit la confusion était difficilement explicable. Et cela prouve enfin que Flavius Josèphe n'a pas relu attentivement la traduction grecque de son œuvre.

9 CHAPITRE 1 1, 11

au commencement était le parler et le parler était à dieu et dieu il était le parler

1

1, 1 Au commencement était le parler... Hébreu probable : bereschit haïa ha-dabar. Nous avions le choix pour traduire le mot grec logos, qui traduit lui-même le mot hébreu dabar, entre 1. la parole, 2. le dire, 3. le parler. Parole présente l'inconvénient d'être au féminin en français. De plus le mot français parole ne contient pas ce que contient l'hébreu dabar et l'araméen memra, à savoir l'acte même de dire, l'acte même de parler. Il nous restait donc le choix entre parler et dire. Notre verset est évidemment un commentaire théologique de Genèse 1 : Et il dit, Dieu : soit lumière ! et fut lumière. Et il dit, Dieu : soit une surface solide... Et il dit, Dieu : Que se rassemblent les eaux de dessous les cieux, en un lieu unique... Et il dit Dieu : Qu'elle verdisse la terre de verdure..., etc. Toute création dans l'Univers et dans la nature est l'œuvre d'une parole créatrice. Rien n'est créé sans cette parole créatrice. C'est l'acte de dire qui est au principe de toute création. Le mot parole en français présente l'inconvénient de désigner ce qui est dit, la chose qui est dite. Dans Genèse 1, c'est l'acte même de dire qui est à l'origine de chaque création nouvelle. La parole de Dieu est créatrice. Ce qui est dit, c'est l'être créé. L'acte de dire, c'est l'acte de créer. Il faut donc distinguer soigneusement entre ce qui est dit, la parole dite, et l'acte même de dire, qui est créateur. Et le parler était à Dieu... La question est de savoir comment il faut traduire le mot grec pros dans la proposition kai ho logos ènpros ton theon. Le mot grec pros traduit plusieurs mots hébreux, ou plusieurs particules : be qui signifie dans : Genèse 2, 24 ; el qui signifie vers et comporte un mouvement : Genèse 3, 16 ; 4, 7 ; 4, 8 ; 4, 9 ; 6, 4 ; etc. ; le qui signifie à : Genèse 6, 13 ; 7, 2 ; 8, 11 ; etc ; et qui signifie avec : Genèse 6, 18 ; 9, 11 ; 17, 19 ; etc. ; al qui signifie sur, auprès de : Genèse 18, 5 ; 18, 19 ; etc. ; im qui signifie avec : Genèse 31,2; etc. Le théologien qui a conçu et rédigé ce texte que nous appelons le prologue du quatrième Évangile, est un théologien monothéiste. Il n'est donc pas question de traduire : le logos de Dieu était auprès de Dieu, ni avec Dieu, ni, et encore moins, dirigé vers Dieu... Parce que le logos de Dieu, qui est l'acte même de dire, le dire ou le parler de Dieu, n'est pas un être autre que Dieu. C'est Dieu lui-même, qui est unique, absolument unique. Dieu et son propre logos ne constituent pas deux êtres. L'hypothèse vraisemblable c'est donc, qu'ici et dans ce texte, le mot grec pros traduit l'hébreu le qui signifie à. Étant donné qu'en hébreu il n'y a pas de verbe avoir, pour dire ce que nous exprimons avec notre verbe avoir, l'hébreu utilise la construction suivante : Ceci est à un tel... L'hébreu utilise le verbe être suivi de le, qui signifie à, signe de l'appartenance. Dans notre traduction, chaque fois que nous rencontrons dans le texte grec une proposition avec le verbe avoir, nous restaurons ou rétablissons la construction hébraïque : être à... Pour dire que le logos de Dieu est à Dieu, que l'acte de dire ou de parler appartient à Dieu, notre document hébreu a sans doute utilisé la construction : le verbe être + la particule le. C'est vraisemblablement cette construction qui a été traduite en grec : kai ho logos en pros ton theon, ce que nous pourrions donc aussi bien traduire par : Dieu avait son propre parler. L'acte de parler appartenait à Dieu, était l'acte de Dieu. Exode 32, 26 : Et il se tint debout, Môscheh, à la porte du camp et il dit : Qui [est] à YHWH ? ou : Celui qui [est] à YHWH, à moi ! L'expression : Qui [est] à YHWH, en hébreu : Mi la-YHWH. Traduction grecque : Tis pros kurion. Le pros grec traduit le lamed hébreu, signe de l'appartenance. Et Dieu était l'acte de parler... Le plus souvent sinon toujours, notre Évangile grec de Jean respecte l'ordre hébreu des mots, qui n'est pas l'ordre grec. C'est l'un des signes nombreux que notre Évangile grec de Jean est évidemment une traduction dictée à partir d'un original hébreu écrit. Si dans cette proposition, nous traduisons en respectant l'ordre des mots qui est celui de l'hébreu, nous devons traduire : Dieu était l'acte même de parler... Hébreu : we-elohim haïah hadabar. Si l'on estime qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de l'ordre des mots, on peut traduire : et le logos de Dieu était Dieu, ce qui renverse le sens de la proposition. La Vulgate latine a traduit : et deus erat verbum, ce qui peut s'interpréter des deux manières puis-qu'en latin l'ordre des mots n'est pas décisif.

10 1, 22

lui il était au commencement à dieu

1, 33

tout par lui a été créé et sans lui rien n'a été créé de ce qui a été créé

1, 44

en lui était la vie

2

1, 2 Il était lui au commencement à Dieu... Même remarque que précédemment en ce qui concerne le sens du mot grec pros qui traduit vraisemblablement ici la particule hébraïque le, signe de l'appartenance. 3 1, 3 Tout par lui a été créé : nous avons traduit le verbe grec ege-neto par : a été créé, parce que précisément dans Genèse 2, 4 : Voici les générations des cieux et de la terre, lorsqu'ils furent créés, le verbe hébreu bara, créer, est traduit en grec par egeneto. De même Isaïe 48, 7 : C'est maintenant qu'elles sont créées, hébreu nibereou — du verbe bara — traduction grecque : nun ginetai. Exode 34, 10 : Je vais faire des merveilles telles qu'elles n'ont pas encore été créées, hébreu nibereou, grec ha ou gegonen, sur toute la terre... Psaume 148, 5 : Qu'ils louent le nom de YHWH, car lui il a commandé, et ils furent créés, hébreu we-nibereou, grec deux traductions successives : 1. hoti autos eipen kai egenèthèsan. 2. autos enetei-lato kai ektisthèsan. Les traducteurs en langue grecque de la sainte Bible hébraïque ont eu du mal à trouver des mots grecs pour traduire l'hébreu bara, créer. Ils ont pris ktizô, poiein, et puis gignomai, pour traduire le verbe bara à la forme passive. Le plus souvent, dans des centaines de cas, le grec egeneto traduit le verbe être hébreu. Dans le Targum palestinien édité par Alejandro Diez Macho, Neophyti 1, Madrid-Barcelone 1968, nous lisons ceci : « Mileqadmin, dès le commencement, ou depuis le commencement, be-hôkema, dans la sagesse, bara, il a créé, (ici il manque semble-t-il un mot) [...] de YHWH, (ici un waw a été gratté dans le manuscrit) [...] acheva les cieux et la terre... » Dans la suite de ce Targum palestinien, et dès le verset 3, là où il y avait dans le texte hébreu : Et il dit, Dieu..., le Targum araméen remplace le mot Dieu, elohim en hébreu, par l'araméen memra di-YHWH, la parole de YHWH. Au lieu du texte hébreu : Et il dit, Dieu : soit lumière ! nous avons donc dans le Targum : Et elle dit, la Parole de YHWH... Genèse 1, 5, hébreu : Et il vit, Dieu, la lumière, que belle et bonne (sous-entendu : elle était)... et il sépara, Dieu, entre la lumière et entre la ténèbre... Targum palestinien : Et elle sépara, la Parole de YHWH, entre la lumière et la ténèbre... Genèse 1,5, hébreu : Et il cria, Dieu, à la lumière : Jour ! et à la ténèbre il cria : Nuit !... Targum : Et elle appela, la Parole de YHWH, la lumière jour, etc. Genèse 1, 6, hébreu : Et il dit, Dieu : Soit une surface solide au milieu des eaux... Targum : Et elle dit, la Parole de YHWH... Genèse 1, 8, hébreu : Et il appela, Dieu, l'étendue solide : Cieux ! Targum : Et elle appela, la Parole de YHWH... Et ainsi de suite, Genèse 1, 9 ; 1, 10 ; 1, 11 ; 1, 16 ; 1, 20 ; 1,22 ; 1,24 ; 1,25 ; 1,27 ; 1,28 ; 2, 2. Par conséquent, dans cette traduction araméenne de Genèse 1 et 2, l'expression : la Parole de YHWH se substitue au mot hébreu Dieu. C'est dire que pour les inconnus qui ont élaboré cette traduction araméenne de la Genèse, et pour le milieu qui admettait cette traduction, l'expression Parole de YHWH est un substitut pour Dieu lui-même. Lorsque donc l'auteur du prologue de Jean établit une identité entre Dieu et sa Parole, ou son acte de parler, il pense comme pensaient les théologiens hébreux inconnus qui ont traduit Genèse 1 de l'hébreu en araméen. La parole de Dieu, l'acte de dire de Dieu, c'est Dieu lui-même. Ce n'est pas un autre dieu que Dieu, puisque Dieu est absolument unique et absolument simple. Ce n'est surtout pas un dieu second, deuteros theos, l'expression est de Numénius d'Apamée, l'un des maîtres en métaphysique d'Origène d'Alexandrie et de Plotin, fragment II (édition E. des Places, p. 53). L'arianisme est une entreprise métaphysique et théologique qui consiste à lire le prologue de Jean à travers un prisme, à travers un système optique, qui est celui du néoplatonisme. C'est la raison pour laquelle il importe souverainement de souligner que le logos de Dieu n'est pas un être autre que Dieu. C'est bien ainsi qu'ont pensé les grands docteurs scolastiques, par exemple saint Thomas d'Aquin et le bienheureux Jean Duns Scot. 4 1, 4 En lui était la vie... Plusieurs manuscrits grecs donnent : en lui est la vie... Ce qui permet de se poser la question de savoir si ces variantes ou variations que nous lisons dans les manuscrits anciens, ne dériveraient pas de plusieurs traductions en langue grecque de l'original hébreu primitif. Nous aurons l'occasion de rappeler très souvent dans ces notes que la vieille langue hébraïque fait l'économie du verbe être. Elle n'emploie le verbe être qu'à bon

11 et la vie était la lumière des hommes 1, 55

et la lumière dans la ténèbre a resplendi et la ténèbre ne l'a pas reçue

1, 66

il y a eu un homme il était envoyé de la part de dieu son nom [c'est] iôhanan

1, 77

lui il est venu pour l'attestation afin d'attester en faveur de la lumière afin que tous soient certains de la vérité par sa main

1, 8

il n'était pas lui-même la lumière mais [c'est] pour attester en faveur de la lumière

1, 98

c'était la lumière de vérité

escient, lorsqu'il s'agit de signifier l'acte d'être, l'acte d'exister. Elle se passe du verbe être lorsqu'il s'agit de rattacher un prédicat à son sujet. Le vieil hébreu fait fort peu usage des adjectifs. Il préfère les substantifs. Dans le texte grec que nous lisons ici, en auto zôè en, ou, selon nombre de manuscrits, estin, il est fort possible que le traducteur, ou les traducteurs, ait, ou aient, ajouté ou introduit un verbe être qui n'existait pas dans le texte hébreu. Les uns ont préféré mettre un verbe être à l'imparfait, les autres au présent de l'indicatif. 5 1,5 Et la ténèbre ne l'a pas reçue... Le théologien qui a composé ce texte, que nous avons l'habitude d'appeler le prologue de l'Évangile de Jean, enseigne que la parole créatrice de Dieu, celle par laquelle l'Univers entier est créé, rencontre une résistance lorsqu'elle s'adresse à l'humanité, qui est comme une ténèbre par rapport à la lumière. C'est en effet l'expérience séculaire du prophétisme hébreu que cette résistance à la parole de Dieu, de la part de l'humanité. 6 1,6 II y a eu un homme : le mot grec egeneto ici et dans nombre de cas traduit l'hébreu waiehi, et il fut... De la part de : grec para, qui traduit l'hébreu min, venant de, lorsque para gouverne le génitif. Et son nom Iohanan : sans le verbe être dans le texte grec, hébreu ou-schemô iôhanan. 7 1, 7 Celui-là il est venu pour l'attestation, afin d'attester en faveur de la lumière... Le grec marturia, le verbe marturein, le substantif grec martus, traduisent les mots hébreux de la famille he-id, attester la vérité de... ; ed, le témoin, celui qui peut attester la vérité de... ; edout, l'attestation, le témoignage solennel. Genèse 43, 3 : Il a attesté, en nous l'affirmant à nous, l'homme, en disant : Vous ne verrez pas ma face, sauf si votre frère est avec vous... Deutéronome 4, 26 : J'ai attesté solennellement la vérité, en vous l'affirmant, aujourd'hui, (et j'ai pris à témoin) les cieux et la terre, que disparaître, vous disparaîtrez de cette terre, vous qui allez passer le Jourdain (pour y entrer)... Il s'agit donc de l'affirmation solennelle de la vérité, affirmation qui conduit celui qui écoute à la certitude. C'est ce même emploi que nous retrouvons en traduction grecque dans Luc 16, 28 ; Actes 10, 42 ; Actes 18, 5 ; Actes 20, 23 ; etc. L'expression grecque eis marturian que nous trouvons ici dans notre Évangile de Jean, traduit Genèse 31, 44 : être témoin entre moi et toi... La traduction française témoin, témoignage, témoigner est trop faible, compte tenu de l'usure des mots et des abus dans l'utilisation. L'hébreu a le sens fort de l'attestation objective et certaine de la vérité, attestation qui conduit celui qui l'entend à la certitude. Afin que tous soient certains de la vérité... Grec pisteusôsin. Le verbe grec pisteuein traduit le verbe hébreu aman à la forme hiphil, heemin. Heemin signifie : être certain de la vérité de... Nous traduirons donc toujours le verbe pisteuein par la périphrase : être certain de la vérité de... C'est lourd, c'est même très lourd, mais nous avons pensé qu'il vaut mieux traduire lourdement que de fausser le sens du texte. 8 1, 9 C'était la lumière de vérité... En grec tophôs to alèthinon, hébreu ôr émet. L'hébreu utilise fort peu les adjectifs. L'adjectif grec alèthinos traduit le substantif hébreu émet, 2 Samuel 7, 28 ; 1 Rois 10, 6 ; 17,24 ;etc.

12 qui illumine tout homme elle est venue dans le monde de la durée présente 1, 10

dans le monde de la durée présente elle était et le monde par sa main a été créé et le monde ne l'a pas connue

1, 11

chez ceux qui sont à elle elle est venue et ceux qui sont à elle ne l'ont pas reçue

1, 12

mais tous ceux qui l'ont reçue elle leur a donné la puissance de devenir des enfants de dieu à ceux qui sont certains de la vérité [qui est] en son nom

1, 139

ceux-là ni des sangs ni de la volonté d'un être de chair ni de la volonté de l'homme mais de dieu ils sont nés

1, 1410

et le parler

Qui vient dans le monde de la durée présente : le mot grec kosmos traduit l'hébreu olam, qui signifie la durée indéfinie dans le passé, ou la durée indéfinie dans l'avenir et qui, dans l'hébreu tardif, en est venu à signifier la durée du monde. Olam ha-zeh : la durée du monde présent. Olam ha-bah : la durée du monde à venir. Nous traduirons donc constamment le grec kosmos par : la durée du monde présent, ou le monde de la durée présente, lorsque le grec kosmos recouvre olam ha-zeh. Il ne faut jamais oublier, lorsqu'on lit le quatrième Évangile, que le grec kosmos ne signifie pas ce que signifie en français le monde. En français le monde signifie la même chose que l'Univers physique. Dans le quatrième Évangile kosmos correspond à l'expression rabbi-nique olam ha-zeh, la durée présente de ce monde, ou la durée présente de l'histoire. Il ne s'agit pas de l'univers physique. Il s'agit de la durée de l'histoire humaine, de l'humanité en tant qu'elle vit et pense dans cette durée de l'histoire humaine présente. 9 1, 13 Les sangs : grec aimatôn, hébreu damin, très fréquent ; Exode 4, 25 ; 1 Samuel 25, 26 ; 25, 33 ; 2 Samuel 16, 7 ; etc. Évidemment impossible en grec naturel. 10 1, 14 Et le parler [de Dieu] a été un être de chair : le grec sarx recouvre et traduit l'hébreu basar, qui a en gros deux sens dans la Bibliothèque hébraïque : 1. Dans nombre d'expressions telles que kôl-basar — Joël 3, 1 — il signifie : tous les êtres vivants, et plus particulièrement tous les hommes. Il est alors synonyme de adam. Psaume 56, 5 : Que fera un être de chair, basar. Psaume 56, 12 : Que fera l'homme, adam. 2. Dans une série de textes, par exemple Genèse 9, 4 ; Exode 12, 8 ; Nombres 11, 13 ; etc., basar signifie ce que nous appelons en français la viande. Il est alors traduit en grec par kreas, et non plus par sarx. Le verbe grec egeneto, nous l'avons déjà noté, traduit dans des centaines de cas le verbe être hébreu. En particulier lorsqu'il s'agit d'indiquer un certain devenir, l'hébreu utilise le verbe être avec, en plus, la particule le, qui signifie la direction, l'intention, et que nous pourrions symboliser par une flèche. Genèse 2, 7 : Et il fut — ou il devint — l'Homme, une âme vivante : Hébreu : waiehi ha-adam le-nephesch haiiah. Traduction grecque kai egeneto ho anthrôpos eis psuchèn zôsan. Ici, dans notre Évangile de Jean, nous n'avons pas le mot eis qui indique la direction et qui traduit l'hébreu le.

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Du point de vue théologique il faut se souvenir que, bien entendu, il n'y a de la part du logos de Dieu aucune modification, aucune transformation et aucun devenir. Sur ce point et très vite l'orthodoxie a formulé sa pensée avec la dernière énergie. Et les grands théologiens scolastiques, comme par exemple saint Thomas d'Aquin et le bienheureux Jean Duns Scot, soulignent à leur tour que de la part de la Parole de Dieu, en latin verbum, qui est Dieu lui-même, il n'y a aucune modification, aucune transformation, aucune genèse, aucun devenir, encore moins aucune aliénation. Et il a campé au milieu de nous... Grec eskènôsen, hébreu schakan. 1 Rois 8, 10 : Et il advint que, lorsqu'ils sont sortis les kôhanim du [lieu] saint, la nuée a rempli la Maison de YHWH. Et ils n'ont pas pu, les kôhanim, rester là debout pour faire le service, à cause de (hébreu : mi-penei, devant la face de) la nuée, parce qu'elle remplissait, la gloire de YHWH, la Maison de YHWH. Alors il a dit, Salomon : YHWH a dit habiter, li-schekôn, dans la nuée, grec skènôsai. Le mot grec skènè traduit l'hébreu ôhel, la tente, Genèse 4, 20 ; 12, 8 ; 13, 3 ; etc., ou bien l'hébreu mischekan, Exode 26, 1 ; 26, 6 ; 26, 7 ; etc. La skènopègia, dans la traduction grecque, c'est la fête des tentes, des huttes de branchages, soukkoth, Deutéronome 16, 16 ; 31, 10 ; etc. Lévitique 26, 11 : Et je mettrai ma tente, mischekani, au milieu de vous... 1 Rois 6, 13 : Et j'habiterai, schakaneti, grec katas-kènôsô, au milieu des enfants d'Israël. Psaume 74, 2 : La montagne de Sion, c'est là où tu as habité, zeh schakaneta bô, grec kateskènôsas en auto. Psaume 74, 7 : Us ont jeté dans le feu ton sanctuaire, à terre ils ont profané la demeure de ton nom, mischekan schemeka, grec to skènôma tou onomatos sou. Épître aux Hébreux 1, 1 : Un grand nombre de fois et de multiples manières autrefois Dieu a parlé à nos pères dans les prophètes. Mais voici que, dans l'après des jours [qu'ils avaient annoncés] — et ce sont ces jours-ci, c'est maintenant — Dieu a parlé dans son fils, qu'il a établi l'héritier de toute la création, et pour qui, en faveur de qui, il a créé les durées du monde. Il est, ce fils, la splendeur de la gloire de Dieu... Nous aurons constamment l'occasion de vérifier que la pensée de l'Évangile de Jean coïncide avec la pensée théologique développée dans cette Lettre aux Hébreux dont l'auteur n'est toujours pas déterminé, mais qui écrivait cette lettre alors que la liturgie du Temple de Jérusalem était encore en pleine activité. La gloire comme celle d'un fils unique et chéri venant du père : le grec monogenès traduit l'hébreu iahid qui signifie à la fois : fils — ou fille — unique, et chéri, ou chérie : Juges 11, 34 ; Psaume 22, 21 ; Psaume 26, 16 ; Psaume 35, 17. Le même mot hébreu iahid est traduit par le grec agapètos, chéri, Genèse 22, 2 ; 22, 12 ; 22, 16. Les expressions fils chéri : Matthieu 3, 17 ; Marc 1,11; Luc 3, 22 ; Matthieu 17, 5 ; Marc 9, 7 ; deuxième lettre de Pierre 1, 17, et monogenès que nous lisons ici dans Jean, sont donc au fond synonymes. Elles désignent le fils unième de Dieu, qui est le fils chéri de Dieu. Venant du père : grec para qui recouvre toujours, lorsqu'il est suivi du génitif, l'hébreu min, venant de... Dans tous les livres du Nouveau Testament, dans tous les textes de tous les livres du Nouveau Testament, sans exception, le terme ou l'expression fils de Dieu vise et désigne directement Jésus le Christ, l'homme Jésus le Christ, ho anthrôpos ièsous christos comme dit Paul, Romains 5, 15. Unique est le médiateur de Dieu et des hommes, l'homme Christ Jésus, anthrôpos christos ièsous, 1 Timothée 2, 5. Dans aucun texte du Nouveau Testament, le propre logos de Dieu, envisagé avant l'incarnation ou indépendamment de l'incarnation, n'est appelé fils de Dieu. Cette proposition affirmative est aisément vérifiable, ou falsi-fiable, puisqu'il suffit de lire tout le Nouveau Testament depuis la première ligne jusqu'à la dernière, pour voir s'il se trouve un texte, un seul, qui appelle///^ de Dieu le logos de Dieu envisagé avant l'incarnation ou indépendamment de l'incarnation. L'idée d'appeler fils de Dieu le logos de Dieu avant l'incarnation ou indépendamment de l'incarnation, remonte à des sources qui sont étrangères aux livres canoniques du Nouveau Testament. On trouve cette manière de voir ou de penser exprimée par Philon d'Alexandrie, par Origène d'Alexandrie, par l'auteur quel qu'il soit de YElenchos contre toutes les hérésies, (les manuscrits du livre 1 de YElenchos désignent Origène comme auteur... !), par Tertullien de Carthage (certains érudits au siècle dernier ont attribué à Tertullien la paternité de YElenchos !), puis par les Pères grecs et latins qui dépendent d'Ori-gène et de Tertullien. Les symboles baptismaux des églises des premiers siècles ont gardé la manière concrète de penser du Nouveau Testament, A. Hahn, Bibliothek der Symbole und Glaubensregeln der Alten Kirche, Bres-lau, 1897. On a donc à travers les siècles et jusqu'aujourd'hui deux systèmes : 1. Le système concret du Nouveau Testament, le terme ou l'expression fils de Dieu désigne Jésus le Christ considéré concrètement. 2. Le système qui dérive d'Origène d'Alexandrie, et qui appelle fils de Dieu le logos de Dieu envisagé en son éternité, avant et indépendamment de l'incarnation. La liturgie romaine a gardé le langage simple et concret du Nouveau Testament et des antiques symboles baptismaux. Le mot grec charis, que nous avons traduit par le français grâce, traduit dans l'immense majorité des cas l'hébreu hen. Genèse 6, 8 : Et Noah trouva grâce, hébreu hen, grec charin, aux yeux de YHWH. Genèse 18, 3 : Si donc j'ai

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trouvé grâce, hébreu hen, grec charin, à tes yeux... Genèse 30, 27 : même expression hébraïque, même traduction grecque. Genèse 32, 6 ; Genèse 39, 4 : Et il a trouvé, Joseph, grâce, hébreu hen, grec charin, devant ses yeux... Genèse 47, 25 ; Genèse 47, 29 : Si donc j'ai trouvé grâce, hébreu hen, grec charin, à tes yeux... Genèse 50, 4 : idem. Exode 3,31 : Et je donnerai la grâce, hébreu et-hen, grec charin, de ce peuple aux yeux des Égyptiens... Ce qui signifie sans doute en français : Je donnerai à ce peuple de trouver grâce... Exode 12, 36 : Et c'est YHWH qui a donné la grâce, hébreu hen, grec charin, aux yeux des Égyptiens... c'est-à-dire : Qui a donné à ce peuple de trouver grâce aux yeux de... Exode 33, 12 : Tu as trouvé grâce à mes yeux, hébreu hen, grec charin... Exode 33, 13 : Si j'ai trouvé grâce à tes yeux, hébreu hen, grec charin... Fais-moi connaître ta route, ton chemin, hébreu derek, et je te connaîtrai afin de trouver grâce, hébreu hen, grec charin, à tes yeux... Exode 33, 16 : Et dans quoi (par quoi) saura-t-on ici que j'ai trouvé grâce, hébreu hen, grec charin, à tes yeux... Exode 33, 17 : Tu as trouvé grâce, hébreu hen, grec charin, à mes yeux... Le mot grec éléos peut aussi traduire l'hébreu hen, comme on le voit à la double traduction de Juges 6, 17. Un traducteur a traduit Phébreu hen par le grec charis. Un autre traducteur a traduit l'hébreu hen par le grec éléos. Mais le plus souvent, le grec éléos traduit l'hébreu hesed, que nous traduisons en français par : la grâce, la bienveillance, la bonté, le don gracieux... A nos oreilles, en cette fin du xxe siècle, le terme de grâce est troublé à cause des grandes querelles concernant la grâce, la prédestination et la liberté humaine du xvie siècle. Donc, dans l'immense majorité des cas, le mot grec charis traduit le mot hébreu hen. Mais il arrive que le mot grec charis traduise lui aussi le mot hébreu hesed, Esther 2, 9 : Et elle fut belle et bonne, la jeune fille, à ses yeux, et elle releva la grâce, la bienveillance, la bonté, hébreu hesed, grec charin, devant sa face... L'expression : relever la grâce, que nous lisons ici, est parente de l'expression élever la face d'un suppliant, afin de lui accorder ce qu'il demande. Exode 34, 6 : Et alors il est passé, YHWH, devant sa face et il a crié : YHWH YHWH Dieu qui a pitié et qui fait grâce, hébreu el rahoum we-hanoun, lent à fureur (long quant aux narines...) et abondant en grâce et vérité, hébreu hesed we-emet. C'est cette expression hébraïque qui est traduite en grec (Jean 1, 14) par les deux termes grecs charis et alètheia. Exode 34, 7 : Lui qui garde — hébreu nôtzer que nous allons retrouver souvent — la grâce, la bienveillance, la bonté, hébreu hesed, ici traduit en grec par dikaiôsunè ! C'est le terme que Paul va utiliser abondamment, et que nous traduisons par : justice ! Lui qui porte — hébreu nôse du verbe nasa que nous allons aussi retrouver — lui qui porte, qui supporte, qui pardonne, la faute, hébreu awôn, le péché, hébreu pescha et le crime, hébreu hathaah... Le mot grec charis que nous lisons ici n'est pas utilisé par le traducteur en langue grecque de Matthieu, ni par le traducteur en langue grecque de l'Evangile de Marc. Par contre on le trouve dans l'Évangile de Luc 1, 30 : Tu as trouvé grâce aux yeux de Dieu... C'est notre vieille expression hébraïque ici traduite en grec. Très fréquent dans le livre des Actes des Apôtres, surabondant dans les lettres de Paul. Le mot grec alètheia traduit le plus souvent l'hébreu émet, la vérité. Genèse 24, 27 : Béni [soit] YHWH Dieu de mon seigneur Abraham, qui n'a pas abandonné sa grâce, sa bienveillance, hébreu hesed, traduction grecque : dikaiosunèn ! et sa vérité, hébreu amitô, grec alètheian, en les éloignant de, hébreu me-im, grec apo, mon seigneur... Genèse 24, 48 : Et je me suis mis à genoux et je me suis prosterné devant YHWH et j'ai béni YHWH, Dieu de mon seigneur Abraham, qui m'a conduit sur une route, sur un chemin de vérité, hébreu be-derek émet, grec en odô alètheias. Genèse 47, 29 : Et ils s'étaient approchés les jours d'Israël, où il lui fallait mourir, et il fit appeler son fils, Joseph et il lui dit : si donc j'ai trouvé grâce à tes yeux, hébreu hen, grec charin, mets donc ta main sous ma cuisse et tu feras avec moi grâce et vérité, hesed we-emet, grec eleèmosunèn kai alètheian... Deutéronome 22, 20 : Mais si [elle est] vérité, cette parole [qui a été rapportée] et si l'on ne trouve pas les signes de la virginité chez la jeune fille, hébreu we-im émet haiah ha-dabar, grec ean de ep alètheias genètai ho logos. Josué 2,14 : Et il adviendra, lorsqu'il donnera, YHWH, à nous le pays, alors nous.ferons avec toi grâce et vérité, hébreu hesed we-emet, grec éléos kai alètheian. 2 Samuel 2, 6 : Et maintenant, qu'il fasse, YHWH, avec vous grâce et vérité, hébreu hesed we-emet, grec éléos kai alètheian. Psaume 25, 10 : Tous les chemins de YHWH [sont] grâce et vérité, hébreu hesed we-emet, grec éléos kai alètheia. Mais dans plusieurs cas le mot grec alètheia traduit l'hébreu émounah, qui se rattache à la racine hébraïque aman, être certain, être sûr. La émounah, c'est la certitude objective de la vérité, et c'est la vérité dont on peut être certain. Psaume 36, 6 : YHWH, dans les deux [se trouve] ta grâce, hébreu hesed, grec éléos. Ta vérité, hébreu énit Iteka, grec hè alètheia sou, jusqu'aux nuées. Psaume 89, 1 : Les grâces de YHWH, hébreu hasedei YHWH, dans la durée indéfinie qui vient, hébreu ôlam, grec eis ton aiôna, je chanterai. A une génération et à une (autre) génération je ferai connaître ta vérité, hébreu émounateka, grec tèn alètheian sou, dans ma bouche... Car j'ai dit : Pour une durée éternelle, hébreu ôlam, grec eis ton aiôna, la grâce, hébreu hesed, grec éléos, est construite. Dans les cieux elle est prête ta vérité, hébreu émounateka, grec hè alètheia sou. Psaume 89, 6 : Et ils célèbrent, les cieux, ta merveille, YHWH, et même ta vérité, hébreu émounateka, grec tèn alètheian sou, dans l'assemblée des saints... Psaume 89, 15 : Justice et jugement [sont] le fondement de ton trône. Grâce et vérité, ici de nouveau l'hébreu hesed we-emet, grec éléos kai alètheia, marchent devant ta face... Psaume 89, 21 : J'ai trouvé David mon serviteur. Dans mon huile sainte je l'ai oint... Ma vérité, et ma grâce, hébreu émounati we-

15 un homme de chair il a été et il a campé au milieu de nous et nous avons contemplé sa gloire gloire [qui est] comme celle d'un fils unique et chéri qui vient du père plein de grâce et de vérité 1, 1511

iôhanan a attesté à son sujet

hasedi, grec hè alètheia mou kai to éléos mou, [seront] avec lui... Lui il m'appellera : Mon père [tu es] toi ! Mon Dieu et le rocher de mon salut ! Et c'est pourquoi moi, je ferai de lui le premier-né, hébreu bekôr, grecprôtotokos... Le mot grec alètheia peut donc traduire deux mots hébreux, qui appartiennent d'ailleurs à la même famille et qui sont issus de la même racine, émet et émounah. Le traducteur en langue grecque de l'Évangile de Jean se sert très souvent du mot grec alètheia. Mais le mot hébreu émounah, qui est parfois traduit en grec par alètheia, est souvent traduit en grec par pistis, la certitude objective, par l'intelligence, de la vérité. Le traducteur en langue grecque de Jean ne se sert jamais — sauf erreur de ma part — du mot grec pistis. Il se sert fréquemment du verbe grec pis-teuein, qui traduit l'hébreu heemin, être certain de la vérité de... Paul, ou son compagnon qui traduisait sous sa dictée, utilise fréquemment le mot grec pistis, pour traduire les mots hébreux émet et émounah. Étant donné que le mot grec pistis ne suffit pas à rendre la plénitude et la richesse du mot hébreu émounah, Paul, ou son compagnon, se servent de deux mots grecs pour rendre cet unique mot hébreu, 2 Thessaloniciens 2, 12 : Tous ceux qui n'ont pas été certains [de la vérité qui est] dans la vérité... 2, 13 : La certitude de la vérité, pistei alètheias. Plein de grâce et de vérité : expression hébraïque traditionnelle. Genèse 24, 27 : Béni soit YHWH Dieu de mon seigneur Abraham qui n'a pas abandonné sa grâce, hébreu hesed, et sa vérité, hébreu émet, en l'éloignant de (hébreu min) mon seigneur. Genèse 4.7, 29 : Et ils s'approchèrent les jours d'Israël [où il allait] mourir ; et il appela son fils, Iôseph, et il lui dit : Si j'ai trouvé grâce, hébreu hen, traduction grecque charin, à tes yeux, mets donc ta main sous ma cuisse (euphémisme) et tu feras avec moi grâce et vérité, hébreu hesed we-emet, traduction grecque éleèmosunèn kai alètheian. Josué 2, 14 : Nous ferons avec toi grâce et vérité, hébreu hesed we-emet, traduction grecque éléos kai alètheian, etc. 11 1,15 Celui qui vient derrière moi... Le mot grec opisô traduit le mot hébreu ahar, ce qui est derrière. Genèse 19, 6 ; 19, 26 ; 32, 19 ; 32, 20 ; 32, 21 ; etc. Il est passé devant moi... Le mot grec emprosthen traduit l'hébreu lephanim, ce qui est devant la face de... Il signifie : 1. Ce qui est devant moi dans l'espace. 2. Ce qui est avant moi dans le passé. Genèse 24, 7 : Lui il envoie son messager devant ta face, hébreu lephaneika, grec emprosthen sou. Genèse 32, 4 : Et il envoya Iaaqôb des messagers devant sa face, hébreu lephanaiô, grec emprosthen autou, vers Esaii. Genèse 46, 28 : Et Juda il envoya devant sa face, hébreu lephanaiô, grec emprosthen autou, vers Iôseph. Sens temporel, avant dans le passé, Juges 1, 10 : Et le nom de Hébron était autrefois, auparavant, hébreu lephanim, grec emprosthen, dans l'une des versions, toproteron dans l'autre, Quiriath-Arba. Juges 1,11 : Et le nom de Debir autrefois, hébreu lephanim, grec emprosthen, version A et B, c'était Quiriath-Sepher. Juges 1, 13 : Et le nom de la ville était autrefois, hébreu lephanim, grec emprosthen, Louz. 1 Samuel 9, 9 : Autrefois, hébreu lephanim, grec emprosthen, en Israël, on disait ainsi... Car celui que l'on appelle aujourd'hui nabi, on l'appelait autrefois, hébreu lephanim, grec emprosthen, le voyant, etc. Parce qu'il était premier par rapport à moi : il ne faut jamais oublier, lorsqu'on lit le texte grec du quatrième Évangile, qui est, comme les trois autres Évangiles, une traduction faite à partir d'un texte ou de plusieurs textes hébreux, que la langue hébraïque fait l'économie du verbe être, dans de nombreux cas où le grec fait appel au verbe être d'une manière inévitable. Il en résulte que le traducteur inconnu qui a traduit le texte hébreu de Jean, de l'hébreu en grec, a été obligé, à cause des exigences de la langue grecque, d'introduire le verbe être là où il ne se trouvait pas dans le document hébreu qu'il avait sous les yeux ou, ce qui est plus probable, que son compagnon lui dictait en hébreu. Étant donné que ce traducteur n'était pas agrégé de grammaire, il a commis dans sa traduction en langue grecque du document hébreu initial des fautes en ce qui concerne la concordance des temps, qui depuis des siècles font souffrir les puristes en hellénisme. Ainsi dans le texte que nous lisons, le verbe être n'était pas indispensable en hébreu. Il est donc très possible qu'il ait été ajouté dans la traduction grecque d'une manière qui ne doit pas nous troubler, d'autant moins que la correspondance entre la conjugaison grecque et la conjugaison hébraïque est très approximative, puisque

16 et il a crié et il a dit c'est lui dont je vous ai dit celui qui vient derrière moi il est passé devant moi car il était premier par rapport à moi 1, 1612

parce que de sa plénitude nous tous nous avons reçu et une grâce à la place d'une grâce

1, 1713

parce que l'instruction par môscheh a été donnée

l'hébreu pense en termes d'achèvement de l'action, ou d'inachèvement, et que la question de savoir si l'action se situe dans le passé, dans le présent ou dans le futur, est seconde par rapport à la question de savoir si l'action est achevée, terminée, ou bien si elle est en cours. 12 1, 16 Une grâce à la place d'une grâce. Le mot grec anti traduit régulièrement, des dizaines et des dizaines de fois, le mot hébreu tahat qui signifie : à la place de... Genèse 2, 21 : Et il referma la chair à la place de (ce qu'il avait enlevé), hébreu tahat, grec anti. Genèse 4, 25 : une semence à la place d'Abel, hébreu tahat, grec anti. Genèse 22, 13 : en offrande à la place de son fils, hébreu tahat, grec anti. Genèse 30, 2 : Suis-je à la place de Dieu ? Hébreu tahat, grec anti, etc. Le sens de la proposition est donc simple et clair. Moïse nous a donné la Torah, l'instruction. A la place de cette première grâce, Jésus nous donne la grâce et la vérité. 13 1, 17 Parce que Y Instruction... Nous ne pouvons pas nous résoudre à traduire le grec nomos par le français loi, parce que le grec nomos traduit évidemment l'hébreu Torah, qui signifie beaucoup plus que notre français moderne la loi. La Torah dans la sainte Bibliothèque hébraïque, c'est l'Instruction donnée par Dieu. Elle est lumière pour l'intelligence, elle est vie, et elle est aussi norme, ou normative. Elle est à la fois la communication d'une connaissance et d'une norme ontologique. Pour comprendre ce que signifiait la Torah chez les anciens Hébreux, je ne connais pas de meilleure introduction que les analyses du métaphysicien français Maurice Blondel développées dans toute son œuvre, et tout particulièrement dans l'Être et les êtres : une ontologie génétique comporte et implique forcément une normative, puisque l'être créé est inachevé. Cf. notre Introduction à la métaphysique de Maurice Blondel, chap. x, Ontogenèse et Normative. Parce que la Torah a été donnée par la main de Môscheh, la grâce et la vérité par la main de Ieschoua le oint. C'est la doctrine même que Schaoul-Paul va développer à partir des années 40 et suivantes. Actes 13, 38, à Antioche de Pisidie, dans la synagogue, premier voyage missionnaire de Paul, à partir de 44 : Connaissez donc, frères, que par celui-ci (Ieschoua) le pardon des fautes vous est annoncé et de tous [les crimes] dont vous ne pouviez pas, dans (ou : par) la Torah de Môscheh, être justifiés. Mais c'est en celui-ci (en Ieschoua) que tout homme, qui est certain de la vérité qui est en lui, trouve la justice. Tout ce discours de Schaoul-Paul, dans le livre des Actes, est évidemment une traduction d'un texte hébreu antérieur. Jean parle plutôt le langage de la vie, Schaoul-Paul le rabbin pharisien, disciple du grand rabbin Gamaliel, parle plutôt le langage de Injustice. Mais dans deux langages différents, ils disent au fond la même chose. Et Paul parle aussi le langage de la vie, Galates 3, 21 : S'il avait été donnée une Torah, capable de donner la vie, alors réellement c'est de la Torah que proviendrait la justice. Dans la même lettre aux Galates 2, 9, Paul nous raconte qu'en 49 ou 50, il est de nouveau « monté » à Jérusalem, et que Jacob, Kêpha (Pierre) et Iohanan, qui passent pour être les colonnes [de l'Église] lui ont donné la main droite, à lui et à Barnabas : afin que nous, nous allions vers les païens, et quant à eux, vers [ceux de] la circoncision. La question est de savoir quel est ce Jean que Paul a vu en 49 ou 50. Il s'agit très vraisemblablement de l'auteur de notre quatrième Évangile. Mais la question se pose alors de savoir quel est ce Jean, qui est l'auteur du quatrième Évangile ? Le verbe hébreu maschah signifie : oindre. Maschiah, c'est celui qui a reçu l'onction. A la forme dite construite par les grammairiens, meschiah, le meschiah de yhwh, 1 Samuel 2, 10 ; 12, 3 ; 16, 6 ; 24,7 ; 26, 9 ; etc. Nous utilisons de préférence cette forme meschiah, sous-entendu : de Dieu, qui correspond à la transcription grecque messias, Jean 1, 42.

17 mais la grâce et la vérité c'est par ieschoua le maschiah qu'elle est [donnée] 1, 1814

dieu personne ne l'a jamais vu le fils unique et chéri de dieu celui qui est dans la profondeur du père c'est lui qui l'a fait connaître

14

1, 18 Le fils unique de Dieu... Une série de manuscrits grecs donne : monogenès theos, ce qui se traduirait littéralement en langue française : un unique engendré dieu. Une autre série de manuscrits grecs donne : ho monogenès theos, l'unique engendré dieu. Une troisième série de manuscrits donne : ho monogenès huios, le fils unique. On trouve aussi attesté par Irénée et Origène, monogenès huios theou, le fils unique de Dieu. La solution de la difficulté et de ces variations dans les manuscrits est peut-être la suivante. Ce que nous appelons dans nos langues à déclinaisons — le grec, le latin, l'allemand — le cas génitif se présente souvent en hébreu sous une forme qui, pour nous, est paradoxale, puisque dans ces cas-là, le second terme ne subit aucune modification. Les deux termes se présentent apparemment comme des nominatifs, pour continuer à parler le langage de nos langues à déclinaisons. Exemples : Genèse 42, 11 : Tous [nous sommes] les fils d'un homme unique, hébreu koullanou benei isch ehad, traduction grecque : pantes esmen huioi henos anthrôpou. Le grec bien entendu effectue la déclinaison, et le mot grec anthrôpou est au cas génitif. Il est donc modifié dans sa terminaison. Le mot hébreu isch n'est pas modifié. Il est simplement juxtaposé à benei, les fils. Genèse 43, 17 : Et il fit entrer, l'homme, les hommes (les frères de Joseph) dans la maison de Iôseph, hébreu beitah iôseph, traduction grecque eis ton oikon iôseph. Dans ce cas, le grec ne peut pas décliner, ou du moins lui est-il difficile de décliner Joseph, parce que c'est un nom propre, et de surplus un nom propre d'origine étrangère. Il reste donc invariable. Exode 4, 20 : Et il prit, Môscheh, le bâton de Dieu dans sa main, hébreu et-mateh ha-elohim be-iadô. Ni le mot mateh, qui signifie le bâton, ni le mot elohim, Dieu, ne sont modifiés dans cette association. Ils sont simplement juxtaposés. Dans ce cas le traducteur grec a utilisé une périphrase : le bâton qui venait de Dieu, tèn rabdon tèn para tou theou. Exode 11,5: Depuis le premier-né de Pharaon, jusqu'au premier-né de la servante et tout premier-né de quadrupède. Dans ce cas encore, le mot qui signifie le premier-né, hébreu bekôr, est simplement associé sans modification au mot suivant : le premier-né de Pharaon, le premier-né de la servante, le premier-né du quadrupède, sans que le second terme soit modifié lui non plus, ni décliné. Le traducteur en langue grecque a utilisé le génitif grec chaque fois que cela était possible : apo prôtotokou pharaô (non déclinable, parce que nom propre d'origine étrangère) kai heôs prôtotokou tes thera-painès (décliné au génitif) kai heôs prôtotokou pantos ktènous (décliné au génitif)- Ben-melek, le fils du roi, Psaume 72, 1 ; ben iônah, le fils de la colombe, Exode 12, 6 ; ben adam, le fils de l'homme, Ezéchiel 2, 1 ; etc. Il est donc fort possible, il est même vraisemblable que dans le cas qui nous occupe, Jean 1, 18, un premier traducteur a traduit littéralement, en laissant en grec le mot Dieu non décliné comme il est en hébreu, et cela a donné ho monogenès theos. Un autre traducteur a décliné le mot grec theos, et a donc traduit ho monogenès huios theou, le fils unique de Dieu. C'est la traduction correcte quant au sens. La première traduction est la traduction strictement littérale et mot à mot. La question qui se pose à nous est donc de savoir comment s'expliquent les variantes que nous lisons au bas de pages de nos éditions savantes du Nouveau Testament. Faut-il y voir des erreurs de copistes, des erreurs de copie ? Ou bien ne faut-il pas plutôt y voir, dans nombre de cas, le reste et le souvenir des efforts effectués au commencement pour traduire les textes évangéliques ? Les différentes variantes seraient, dans cette hypothèse, le signe qu'il y a eu au commencement différentes traductions des Évangiles de l'hébreu en grec. Celui qui est penché dans le sein du père... Difficulté grammaticale célèbre puisque bien évidemment la construction est tout à fait irrégulière en grec. Le verbe être associé avec eis qui signifie vers ou dans, avec mouvement, est une monstruosité du point de vue grammatical. La monstruosité s'explique si l'on se souvient que les traducteurs grecs de la Bible hébraïque ont introduit le verbe être en grec là où il n'existait pas en hébreu. C'est le cas ici. Le verbe être n'est pas nécessaire ici, le relatif ascher suffit. La question est maintenant de savoir ce qui suivait ascher : faut-il supposer ascher be-heiq ha-ab ? Ou bien ascher le-heiq ha-ab ? S'il y avait dans le texte hébreu le et non pas be, on s'explique mieux l'accusatif grec, la traduction eis ton kolpon du traducteur en langue grecque. Et dans ce cas-là, le sens est : Jésus le Christ, qui est le fils unique et chéri de Dieu, il est penché dans le sein du père, c'est-à-dire de Dieu.

18 1, 1915

et voici quelle est l'attestation de iôhanan lorsqu'ils ont envoyé vers lui les judéens venant de ierouschalaïm des prêtres et des hommes de la tribu de lévi afin de l'interroger toi qui es-tu

1, 2016 15

et lui il l'a reconnu et il ne l'a pas nié

1, 19 Et voici l'attestation... Attestation, hébreu edout. C'est l'attestation de la vérité d'un fait.

Lorsqu'ils envoyèrent vers lui les Judéens, venant de Ierouscha-laïm... Hoi ioudaioi, les Judéens, c'est-à-dire les habitants de la Judée, ou de l'ancien royaume de Juda. Le grec ioudaios, pluriel ioudaioi ou ioudaious ou ioudaiôn, traduit l'hébreu ha-iehoudim, les gens du pays de Juda, les habitants de la Judée, 2 Rois 16, 6 ; Néhémie 2, 16 ; 4, 6 ; 5, 1 ; etc. Les Judéens, ou habitants de la Judée, se distinguent des Galiléens, ou habitants de la Galilée, des Samaritains, ou habitants de la Samarie. On peut faire partie du peuple hébreu depuis des générations, et ne pas être à proprement parler un Judéen, si l'on est né dans la Diaspora, à Athènes, à Rome, à Alexandrie ou ailleurs. Dans ce cas on est un enfant d'Israël, mais on n'est pas Judéen, puisque le terme de Judéen est réservé à ceux qui sont nés en Judée, capitale Jérusalem. En Judée avant la destruction de Jérusalem et du Temple, août et septembre 70, on parle deux langues : l'araméen et l'hébreu. Les gens instruits et cultivés parlent l'hébreu. Le petit peuple parle principalement l'araméen. L'inconnu qui a traduit notre Évangile de Jean, de l'hébreu en grec, l'a traduit pour des frères et des sœurs qui ne savaient pas suffisamment l'hébreu, mais qui lisaient le grec, donc pour des frères et des soeurs de la Diaspora dispersés dans les communautés du pourtour de la Méditerranée. Les Judéens dont il parle constamment dans sa traduction grecque du quatrième Évangile, ce sont les habitants de la Judée, capitale Jérusalem, ce ne sont pas ce que nous, au xxe siècle finissant, nous appelons « les Juifs ». Ceux que nous appelons « les Juifs », ce sont les enfants d'Israël, revenus dans leur patrie, ou dispersés sur la planète entière. Dans le langage du traducteur en langue grecque du quatrième Évangile, les Ioudaioi sont strictement et précisément les habitants de l'ancien royaume de Juda, et donc principalement les hommes de Jérusalem. Le conflit qu'il souligne entre le rabbi galiléen Ieschoua et les Judéens, n'est donc pas un conflit entre le Christ et tous les enfants d'Israël, mais un conflit entre le meschiah et les hommes de Jérusalem. Le traducteur en langue grecque du quatrième Évangile n'est peut-être pas lui-même un Judéen, c'est-à-dire un habitant natif de la Judée. Il est donc parfaitement à l'aise pour souligner que le Christ a rencontré, de la part des habitants de Jérusalem et de la Judée, une résistance particulièrement forte. On trouve la même acception du mot grec ioudaios dans la première lettre de Paul aux frères et aux sœurs de la ville de Thessalonique 2, 14, lettre qui a pu être écrite vers 51 : Vous, vous êtes devenus imitateurs, frères, des églises de Dieu qui sont en Judée dans le Christ Jésus, puisque vous avez subi la même chose vous aussi de la part de vos propres compatriotes, de même que eux (les frères et les sœurs des Eglises de la Judée) ont subi de la part des Judéens, eux qui ont fait tuer le Seigneur Jésus et les prophètes, ils nous ont aussi persécutés... Paul, qui était Hébreu (2 Corinthiens 11, 22), enfant d'Israël (ibid.), semence d'Abraham (ibid.) de la souche d'Israël (Philippiens 3, 5), de la tribu de Benjamin (ibid.), Hébreu issu d'Hébreux (ibid.) et pharisien (ibid.) était aussi Judéen, Actes 21,37; 22, 3 ; quoique né à Tarse en Cilicie, peut-être parce que ses parents étaient Judéens de souche. Ierouschalaïm : se présente en hébreu comme un pluriel, au même titre que ha-schamaïn, les cieux, elohim, Dieu, etc. C'est la raison pour laquelle notre traducteur en langue grecque rend le mot hébreu ierouschalaïm par le pluriel grec hierosolumôn, alors que les Septante, les anciens traducteurs de la Bible hébraïque, avaient toujours transcrit ierouschalaïm par ierousalèm. Des prêtres... La traduction du grec hiereus par le français « prêtre », traduction à laquelle nous sommes habitués, n'est pas satisfaisante, parce que le grec hiereus toujours, plusieurs centaines de fois, traduit l'hébreu kôhen. Genèse 14, 18 ; 41, 45 ; 41, 50 ; 46, 20 ; 47, 22 ; Exode 2, 16 ; 3,1 ; 18,1 ; 19,22 ; 19,24 ; 29, 30 ; etc. Le mot français prêtre provient du latin presbyter qui est une simple transcription du grec presbuteros, qui signifie : celui qui est plus vieux que... Le grec presbuteros traduit l'hébreu zaken, vieux, ancien. Les zikenei israel, traduction grecque hoi presbuteroi israèl, ce sont les Anciens d'Israël. Les hiereis, ce sont les kôhanim. Richard Simon traduisait, et nombre de savants avec lui : les sacrificateurs. Kôhen ha-gadôl, le grand Sacrificateur.

19 et il l'a reconnu moi je ne suis pas celui qui a reçu l'onction 1, 2117

alors ils lui ont demandé qu'est-ce que tu es donc toi est-ce que toi tu es eliiahou et il a dit je ne le suis pas est-ce que tu es le prophète toi et il a répondu non

1, 22

alors ils lui ont dit qui es-tu afin que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés que dis-tu de toi-même

1, 2318

alors il a dit moi [je suis] la voix qui crie

16

1, 20 Et il l'a reconnu... Le hoti grec, que nous avons éliminé pour alléger la traduction, ou que nous traduisons par [que] entre crochets, correspond à l'hébreu lemôr, pour dire, qui le plus souvent n'est pas suivi d'une conjonction : Genèse 45, 26 ; Exode 2, 22, etc. Parfois le verbe dire hébreu est suivi de ki, traduit en grec par hoti, Exode 3, 12. Le plus souvent nous pourrons faire l'économie du hoti dans notre traduction en langue française. Le hoti correspond à peu près à notre signe : Moi je ne suis pas le oint : en grec christos, qui traduit l'hébreu meschiah. Le verbe grec chriô, oindre avec de l'huile, traduit le verbe hébreu maschah. Le lecteur de langue française, qui désire comprendre le sens de la question posée et le sens de la réponse de Iohanan, que nous appelons Jean, doit se reporter aux textes nombreux et importants de l'Exode, des livres de Samuel, des livres des Rois, et des livres des prophètes hébreux qui traitent de l'onction sacerdotale, royale, prophétique. Celui qui était attendu et qui était éminemment le oint, était éminemment aussi prêtre, roi et prophète. 17 1, 21 est-ce que toi tu es Eliiahou ? – Eliiahou, YHWH est mon Dieu, 1 Roy 17, 1 et suivants. On trouve aussi la forme abrégée eliiah, qui est ici transcrite en caractères grecs. — Matthieu 11, 14 : C'est lui Eliiahou qui doit venir... Matthieu 16, 13 : il est venu, Ies-choua, dans la région de Césarée de Philippe et il a interrogé ses disciples et il a dit : Que disent-ils, les gens, qu'il est, le fils de l'homme ? Et eux ils ont dit : Les uns, Iohanan celui qui plongeait (les gens dans les eaux du Jourdain) ; les autres Eliiahou... 18 1, 23 Dans le désert préparez la route de YHWH : Les Septante, lorsqu'ils ont rencontré le tétragramme YHWH dans le texte hébreu, ont mis en grec kurios, sans article le plus souvent. Comme nous l'avons déjà dit, il est vraisemblable que la traduction se faisait de la manière suivante : un compagnon lisait à haute voix le texte hébreu, un autre, bilingue, traduisait l'hébreu en grec, proposition par proposition, mot à mot, et un troisième, peut-être, écrivait le grec sous la dictée du traducteur. Celui qui lit le texte hébreu, lorsqu'il rencontre le tétragramme YHWH, lit adônaï, et donc son compagnon traduit en grec kurios, qui signifie : seigneur. Citation de Isaïe 40, 3.

20 dans le désert préparez la route de yhwh comme le dit ieschaiahou le prophète 1, 2419

et [des hommes] avaient été envoyés [qui faisaient partie du groupe] des perouschim et ils l'ont interrogé et ils lui ont dit

1, 2520

pourquoi donc plonges-tu

19

1, 24 Et des hommes avaient été envoyés [du groupe] des perous-chim... En grec : ek tonpharisaiôn. Si nous restaurons le nom hébreu qui se trouve sous la transcription en caractères grecs, c'est en vertu du principe que nous avons énoncé dans notre avant-propos. Si nous ne mettons pas comme tout le monde pharisiens, c'est pour ôter au lecteur de langue française l'illusion qu'il comprend ce qu'il lit, puisque pharisiens n'est qu'une transcription en caractères français du latin pharisaeis, qui est une transcription du grec pharisaioi, ici pharisaiôn, qui est une transcription en caractères grecs de l'hébreu perouschim. Mais pourquoi alors ne pas traduire l'hébreu perous-chim en langue française ? En vertu du principe que nous avons énoncé dans notre avant-propos : lorsque le texte grec du quatrième Évangile cite un mot hébreu simplement transcrit en caractères grecs, nous faisons comme lui, nous citons le mot hébreu, mais nous le restaurons, et nous donnons la traduction en note. Le verbe hébreu pha-rasch signifie séparer, distinguer, déterminer, décider. Lévitique 24, 10 : Et il est sorti, un fils d'une femme d'Israël, et lui [il était] fils d'un homme égyptien, au milieu des fils d'Israël... Et il a maudit, le fils de la femme d'Israël, le Nom, et ha-schem (le nom propre de Dieu)... Et ils l'ont conduit à Môscheh... Et ils l'ont mis en prison, pour décider, déterminer, hébreu lipherôsch, grec diakrinai, pour prendre une décision à son sujet, sur la bouche de YHWH, hébreu al pi YHWH, grec diaprostagmatos kuriou. Nombres 15, 34 : Et ils étaient, les fils d'Israël, dans le désert. Et ils ont trouvé un homme qui ramassait des morceaux de bois dans un jour de schabbat. Ils le conduisirent, ceux qui l'avaient trouvé en train de ramasser des morceaux de bois, à Môscheh et à Aharôn et à toute la communauté. Et ils l'ont mis en prison, car il n'y avait pas encore de décision, de détermination, hébreu phôrasch, personne n'avait encore décidé quoi on lui ferait, hébreu mah ieaseh lô. Grec : Ou gar sunekrinan... ils n'avaient pas encore jugé... La critique, krisis, c'est l'action de distinguer, de séparer, le verbe grec krinô, trier. Néhémie 8, 8 : Et ils se rassemblèrent, tout le peuple, comme un seul homme, sur la place qui est en face de la Porte des Eaux et ils ont dit à Esdras, l'homme du Livre, hébreu ha-sopher, grec grammateus, d'apporter le rouleau de la Torah de Môscheh, qu'il avait ordonnée, YHWH, à Israël. Et il a apporté, Esdras, le prêtre, ha-kôhen, grec ho hiereus, la Torah, en présence de (devant la face de...) l'assemblée, hébreu qahal, grec ekklèsia, depuis l'homme jusqu'à la femme et tous ceux qui sont capables de comprendre ce qu'ils entendent... Et il a lu (tout haut, en criant) dans le Livre, en présence [du peuple] sur la place qui est devant la Porte des Eaux, depuis qu'il a fait jour jusqu'au milieu de la journée, en présence des hommes et des femmes et de ceux qui pouvaient comprendre, et les oreilles de tout le peuple étaient [tendues] vers le rouleau de la Torah. Et il se tenait debout, Esdras, l'homme du Livre, ha-sopher, sur une tour en bois (une estrade) qu'ils avaient faite... Et il a ouvert, Esdras, le rouleau aux yeux de tout le peuple, car au-dessus de tout le peuple il était, et lorsqu'il a ouvert le rouleau, ils se sont mis debout, tout le peuple. Et il a béni, Esdras, YHWH le Dieu grand et ils ont répondu, tout le peuple : Amèn ! Amèn ! tandis qu'ils levaient les mains. Et puis ils se sont mis à genoux et ils se sont prosternés devant YHWH, les faces à terre. Et Ieschoua et Bani... etc., et les Lévites faisaient comprendre au peuple la Torah... Et ils ont lu (tout haut, en criant) dans le rouleau de la Torah de Dieu, en faisant des distinctions, en distinguant, hébreu mephôrasch, et ils faisaient comprendre, et ils ont compris (les gens du peuple) ce qu'on leur lisait. Le grec a interprété : Et il a enseigné, Esdras... Nombre de savants estiment queperouschim signifie : les séparés. Mais les séparés de quoi ? Les séparés de qui ? On lira sur cette question la savante dissertation de Emil Schùrer, Geschichte des Jiïdis-chen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, II, 465. Il est permis de se demander si en réalité perouschim ne signifie pas : ceux qui décident du sens du texte sacré, ceux qui font les déterminations, ceux qui tranchent en ce qui concerne le sens du texte sacré. Notons encore que perascha signifie : l'aiguillon. Ce qui pourrait éventuellement éclairer Actes 26, 14, si ici le grec kentron traduisait précisément le mot perascha. La question est de savoir pour quelle raison les traducteurs en langue grecque de nos documents hébreux, n'ont pas traduit en grec certains mots hébreux, comme par exemple perouschim, pesah, schabbat, schabbata, schabbatôn, le man, etc. Est-ce qu'ils n'ont pas voulu les traduire en grec ? Ou bien est-ce qu'ils n'ont pas su les traduire en grec ? Ils étaient déjà transcrits, de la même manière, en caractères grecs, dans la vieille traduction grecque de la Bible hébraïque, qui datait du rve ou du 111e siècle avant notre ère, pour ce qui est des parties les plus anciennes.

21 [les gens dans l'eau] si toi tu n'es pas celui qui a reçu l'onction ni eliiahou ni le prophète 1, 26

alors il leur a répondu iôhanan et il a dit moi je plonge [les gens] dans l'eau au milieu de vous se tient celui que vous n'avez pas connu

1, 27

lui il est venu derrière moi et je ne suis pas digne moi de défaire la courroie de sa sandale

1, 2821

cela s'est passé à beit ananiah de l'autre côté du iardin là où iôhanan était en train de plonger [les gens dans l'eau du jardin]

1, 2922

et le lendemain il voit ieschoua

20

1, 25 Pourquoi donc plonges-tu [les gens dans l'eau]... Le verbe grec baptizô signifie : plonger, immerger ou submerger, se plonger soi-même dans la mer, plonger quelqu'un dans la mer, submerger un navire, plonger un vase pour puiser de l'eau. Le verbe baptô signifie lui aussi plonger, immerger et se plonger, s'enfoncer dans l'eau. Le verbe grec baptizô traduit le verbe hébreu thabal, qui signifie : plonger dans... Le verbe grec baptô traduit le même verbe hébreu thabal, par exemple Exode 12, 22 : Vous prendrez une branche d'hysope et vous la plongerez dans le sang. Naaman le général d'armée du roi d'Aram était lépreux. Elisée le prophète lui dit d'aller se baigner sept fois dans le Jourdain. Naaman descendit donc et se plongea sept fois dans le Jourdain, 2 Rois 5, 14, hébreu thabal, traduction grecque baptizein. Jean, que nous appelons le « baptiste », pratique donc l'immersion dans le Jourdain, il fait se plonger les gens dans le Jourdain, comme le fit Elisée le prophète, et pour le même motif. Ni le prophète... Deutéronome 18,15 : Un prophète (hébreu nabi) du milieu de toi d'entre tes frères comme moi, il te suscitera YHWH ton Dieu. Vous l'écouterez... 21 1, 28 Tout cela est arrivé à Beit-Ananiah, de l'autre côté du Jourdain... Beit-Ananiah est probablement Ananiah de Néhémie 11, 32 (Abel, Géographie de la Palestine). L'auteur de ces lignes situe Beit-Ananiah au-delà du Jourdain. C'est donc qu'il écrit ces lignes étant lui-même en deçà du Jourdain, probablement à Jérusalem, et non pas à Ephèse ni ailleurs. Parce que depuis Ephèse ou depuis Alexandrie, on ne dit pas que tel village minuscule se situe au-delà du Jourdain. L'expression au-delà ou de l'autre côté du Jourdain, en hébreu be-eber ha-iarden, fréquente — Genèse 50, 10 ; Genèse 50, 11 ; Deutéronome 1, 1 ; 1, 5 ; 3, 8 ; 4, 46 ; Josué 1, 14 ; 1, 15 ; 5, 1 ; etc. — avait précisément permis aux critiques des siècles passés de découvrir que Moïse ne pouvait pas, au xine siècle avant notre ère, avoir écrit ces textes de la Genèse et du Deutéronome, puisque dans ces textes-là, l'au-delà du Jourdain désigne des régions qui sont bien au-delà du Jourdain par rapport à un observateur situé à Jérusalem, mais non pas par rapport à Moïse, dont le point de vue se situe précisément de l'autre côté. Ce qui est au-delà du Jourdain, par rapport à un observateur situé à Jérusalem, était en deçà du Jourdain pour Moïse qui n'a pas pénétré en Terre sainte, dans le pays de la promesse. Cette même expression nous permet à nous, au xxe siècle, de voir que le quatrième Évangile est écrit et traduit, probablement à Jérusalem, et non pas ailleurs. 22 1, 29 Le lendemain... Probablement l'expression hébraïque classique wa-iehimi-maharat... Exode, 18,13 : Et il advint, le lendemain, et il était assis, Môscheh, pour juger le peuple... L'agneau de Dieu qui soulève et qui porte le crime du monde présent. Il est vraisemblable qu'ici il y a un jeu de mots en hébreu : hinneh seh (l'agneau) ha-elohim ha-nôse (qui soulève et qui porte) hathat ha-ôlam. L'expression grecque airein tèn hamartian recouvre et traduit l'expression hébraïque nasa awôn ou nasa hethe. Le mot grec

22 qui vient vers lui et il dit voici l'agneau de dieu celui qui soulève et qui porte le crime du monde de la durée présente c'est lui au sujet de qui moi je vous ai dit 1, 30

derrière moi vient un homme qui est [passé] devant moi

hamartia traduit l'hébreu hethe, hatha, hathaah, qui signifie la faute contre les hommes et contre Dieu. Plutôt que le mot français péché qui dérive du latin peccatum, et qui a pris de l'odeur, qui est même devenu nauséabond, à travers les siècles passés, à cause de l'usage, nous avons préféré utiliser le français crime, ou faute, qui est moins fétide. D'autant que le mot français péché non seulement a pris de l'odeur mais il est de plus imprécis, vague et confus. Les Français d'aujourd'hui comprennent et savent ce que c'est qu'un crime, un massacre, une oppression, mais le mot péché n'est plus clair dans leur conscience. Il est trouble. Le verbe hébreu nasa, traduit ici en grec par airein, signifie soulever et porter. Nasapanim, c'est relever la face du suppliant pour lui accorder ce qu'il demande. Genèse 18, 24 ; 26 : nasa signifie porter, supporter, et par suite pardonner à... Genèse 50, 17 : le verbe nasa signifie encore pardonner, remettre, supporter pour excuser. Même sens Exode 23, 21. Exode 28, 38 : Aharôn porte, hébreu nasa, la responsabilité et éventuellement la faute, hébreu awôn, des dons consacrés par les enfants d'Israël. Exode 34, 6 : YHWH garde, hébreu nôtzer, sa grâce à des milliers, il porte, et donc il remet, il pardonne, hébreu nôse, le crime, la faute, le mal commis, hébreu awôn, pescha, hathaah. Lévitique 5, 1 : L'âme qui aura commis une faute, et qui portera sa faute, la responsabilité de sa faute, hébreu nasa awôn. Même sens Lévitique 5, 17 ; 7, 18. Lévitique 10, 17 : nasa a de nouveau le sens de pardonner, ici pardonner la faute, awôn, de la communauté. Lévitique 16, 22 : le bouc porte sur lui toutes leurs fautes. Josué 24, 19 : Il ne portera pas, il ne supportera pas, c'est-à-dire il ne pardonnera pas vos crimes — de nouveau le verbe hébreu nasa. 1 Samuel 15, 25 : Porte, pardonne, remets ma faute... 1 Samuel 15, 28 : Porte, supporte, pardonne la faute de ta servante... Osée 1, 6 : Car je ne continuerai pas d'avoir compassion de la maison d'Israël, pour supporter et pardonner, hébreu nasa. Le grand texte prophétique auquel Iohanan qui plonge les repentants dans les eaux du Jourdain fait allusion ici, c'est évidemment Isai'e 53 : Nos maladies, c'est lui qui les a portées, toujours le verbe hébreu nasa... Tous comme un troupeau de petit bétail, hébreu tzôn, nous étions errants, et adônaï, YHWH, a fait retomber sur lui la faute de nous tous... Comme un agneau, seh, conduit à l'abattoir... Isaïe 53, 12 : Parce que (littéralement : à la place de ce qu') il a livré à la mort son âme, et lui, la faute d'un grand nombre, il l'a portée, hethe rabbim nasa. Iohanan qui plongeait dans les eaux du Jourdain les repentants avait donc au moins deux références lorsqu'il désigne Ieschoua par l'expression : l'agneau de Dieu qui porte et qui supporte la faute du monde présent : 1. L'agneau de la Pâque, Exode 12, 3, agneau en hébreu seh. 2. L'agneau de l'oracle d'Isaïe 53. Dans les deux cas il s'agit d'un agneau qui est victime, qui est offert à Dieu. ' Mais il ne faut pas oublier l'autre référence, celle qui se rapporte à Aharôn, Exode 28, 8 : Et il portera, hébreu nasa, Aharôn, la faute, hébreu awôn, des choses saintes, des choses sacrées, ha-qadaschim, qu'ils consacreront les enfants d'Israël... Iohanan qui plonge les pénitents dans les eaux du Jourdain reconnaît dans le rabbi galiléen, Ieschoua ha-nôtzeri, le grand prêtre de la nouvelle alliance. C'est le thème théologique que va développer l'auteur de l'Épître aux Hébreux. Ieschoua est notre grand prêtre, archierea, Hébreux 3, 1. Il est fidèle à Celui qui l'a créé, 3, 2. Il est le grand prêtre qui a traversé les cieux, archierea megan, lui, Ieschoua, le fils de Dieu, 4, 14. Le grand prêtre reçoit des hommes les dons qu'il offre à Dieu après les avoir consacrés, 5, 1. Mais notre grand prêtre n'a plus besoin, comme les grands prêtres du passé, d'offrir chaque jour des victimes pour ses propres fautes, puis pour celles du peuple. Car il a fait cela en une seule fois, d'un seul coup, ephapax, lorsqu'il s'est offert lui-même, 7, 27. Dans la première tente, les prêtres peuvent entrer continuellement pour faire le service. Mais dans la seconde tente, c'est seulement une fois par an que le grand prêtre entre, seul ; et il n'entre pas sans un sacrifice sanglant, qu'il offre pour lui-même et pour les fautes du peuple. Mais le Christ est entré d'un seul coup, en une seule fois, ephapax, dans le Saint des Saints, non pas avec le sang des boucs et des jeunes taureaux, mais avec son propre sang, 9, 6 et sq. Pour ce qui est de la substitution du sacrifice du Christ aux sacrifices d'animaux qui étaient chaque jour offerts dans le Temple, Hébreux 10, 4 : Car il est impossible que le sang des taureaux enlève les fautes, les crimes, grec aphairein hamartias.

23 parce qu'il était premier [par rapport à] moi 1, 31

et moi je ne le connaissais pas mais c'est pour qu'il soit manifesté à israël c'est pour cela que je suis venu moi et que dans l'eau je plonge [les gens]

1, 32

et il a attesté iôhanan et il a dit j'ai vu l'esprit qui descend comme une colombe du haut des cieux et il est demeuré sur lui

1, 33

et moi je ne le connaissais pas mais celui qui m'a envoyé pour plonger [les gens] dans l'eau c'est lui qui m'a dit celui sur qui tu verras l'esprit qui descend et qui demeure sur lui c'est lui qui plonge [les gens] dans l'esprit saint

1, 34

et moi j'ai vu et j'ai attesté que c'est celui-là qui est le fils de dieu

1, 3523

et le lendemain de nouveau il se tenait debout iôhanan et [du groupe] de ses disciples deux [étaient présents]

1, 3624

et il a levé les yeux sur ieschoua qui marchait

23

1, 35 Et de ses disciples, deux... Le terme de disciple que nous avons retenu, comme tout le monde, pour traduire le grec mathètès, est peu satisfaisant, mais nous n'en avons pas trouvé d'autre. Le disciple, dans le milieu ethnique hébreu, c'est celui qui reçoit communication de la science, de la connaissance. A ce titre, il est appelé le fils de celui qui enseigne. Et celui qui enseigne est appelé père. En somme il s'agit d'étudiants. Mais en français d'aujourd'hui, le terme d'étudiant est trop universitaire. Le mot élève nous renvoie trop, en français du moins, aux enfants des écoles. Apprenti est trop manuel. Celui qui reçoit la science, ou l'information... est une périphrase trop longue. Celui qui apprend... est la meilleure traduction. L'information va de celui qui la possède, à celui qui ne la possède pas. Elle va de Dieu, qui est l'origine ou la source première de l'information créatrice, à celui à qui Dieu communique l'information intelligible, le prophète, qui à son tour la communique au peuple hébreu, qui à son tour la communiquera à toutes les nations païennes. Il est hautement vraisemblable, pour ne pas dire certain, que l'un de ces deux disciples de Iohanan qui plongeait les repentants dans les eaux du Jourdain, c'est celui qui a écrit le texte hébreu dont notre Évangile grec est la traduction. C'est donc une première indication concernant l'auteur du quatrième Évangile : il a été disciple de Jean Baptiste. D'autre part, il ne veut pas se nommer, il ne veut pas être nommé lorsque la traduction en langue grecque du document hébreu primitif a été réalisée. Nous aurons à nous demander pourquoi.

24 et il a dit voici l'agneau de dieu 1, 37

et ils ont entendu les deux disciples Ce qu’il disait et ils ont suivi ieschoua

1, 3825

et alors il s'est retourné ieschoua et il les a regardés eux qui le suivaient et il leur a dit qu'est-ce que vous cherchez et eux ils lui ont dit rabbi ce qui veut dire en traduction maître où demeures-tu

1, 3926

et il leur a dit venez et voyez ils sont donc venus et ils ont vu où il demeurait et auprès de lui ils sont restés ce jour-là l'heure c'était à peu près la dixième ________

24

1, 36 Et il a levé les yeux sur Ieschoua... Et il s'est retourné Ies-choua et il les a regardés... Nous avons rappelé dans notre avant-propos que dans la Bible hébraïque les propositions se succèdent et se rattachent les unes aux autres, reliées dans l'immense majorité des cas par we, qui signifie : et. Nous avons indiqué aussi que les traducteurs en langue grecque de la Bible hébraïque avaient préféré, dans nombre de cas, transformer la première proposition, commandée en hébreu par un verbe à l'indicatif, en une proposition grecque commandée par un verbe au participe. C'est une loi qui se vérifie des milliers et des milliers de fois. Les traducteurs en langue grecque de Matthieu, Marc, Luc et Jean ont procédé de même. Ils ont remplacé une proposition hébraïque commandée par un verbe à l'indicatif, par une proposition grecque commandée par un participe. C'est le cas ici, et constamment dans la suite de notre Évangile. Comme nous l'avons annoncé, nous restaurons la construction de l'hébreu primitif, et nous remplaçons donc le participe grec par un verbe français à l'indicatif. 25 1,38 Rabbi : c'est de l'hébreu, ce n'est pas de l'araméen. 26 1, 39 C'était environ la dixième heure : dans le système hébreu ancien, la journée commence le soir, au coucher du soleil. La journée est divisée en deux parts : la moitié nocturne, depuis le coucher du soleil jusqu'au lever du jour, et la moitié diurne, depuis le lever du soleil jusqu'au coucher du soleil. Chaque moitié est divisée en douze heures, schaah, pluriel schaôt. Lors de l'équinoxe, la première heure commence environ à six heures de notre système. Ce système horaire hébreu est celui des Évangiles, des Actes des Apôtres. La dixième heure correspond donc à peu près à ce que nous appelons quatre heures de l'après-midi.

25 1, 4027

c'était andréas le frère de schiméôn le rocher l'un des deux [disciples] qui avaient entendu [ce que disait] iôhanan et qui l'avaient suivi

1, 4128

et il a trouvé lui en premier son propre frère schiméôn et il lui a dit nous avons trouvé le maschiah ce qui signifie en traduction celui qui a reçu l'onction

1, 4229

et il l'a conduit vers ieschoua et il a levé les yeux vers lui ieschoua et il a dit toi tu es schiméôn fils de iôhanan toi tu t'appelleras keipha ce qui se traduit pierre

1, 4330

et le lendemain il a voulu sortir [pour aller] en galilée et il a trouvé philippos et il lui a dit ieschoua suis-moi

1, 44

il était philippos de beit tzaïda

27

1, 40 C'était Andréas le frère de Schiméon Pierre, l'un des deux qui ont entendu... L'autre disciple n'est pas nommé, à dessein évidemment. 28 1, 41 Messia : c'est la transcription en caractères grecs de l'hébreu meschiah — de l'hébreu et non de l'araméen — qui signifie en effet : celui qui a reçu l'onction royale, sacerdotale et prophétique. 29 1, 42 II a levé les yeux vers lui, Ieschoua et il a dit : de nouveau une proposition hébraïque qui a été transformée par le traducteur en langue grecque en une proposition gouvernée par un participe. Nous restaurons la construction hébraïque initiale qui ne comportait pas de participe. Toi tu es Schiméon le fils de Iohanan... D'autres manuscrits donnent : le fils de Iônah, la Colombe... En araméen : bariônah. Kêpha : c'est de l'araméen. Mais on peut se demander si, dans Matthieu 16, 18 : toi tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église, nous n'avons pas affaire à un jeu de mots. Eben en hébreu signifie la pierre. Je bâtirai se dit : ebeneh. 30 1, 43 et le lendemain il voulut sortir [pour aller] en Galilée : construction hébraïque fréquente, par exemple Exode 16, 3 : tu nous as fait sortir (sous-entendu : d'Egypte) [pour aller] vers ce désert...

26 de la ville d'andréas et de pierre 1, 4531

et il a trouvé philippos nathanaël et il lui a dit celui dont il a écrit môscheh dans la tôrah et [aussi] les prophètes nous l'avons trouvé ieschoua fils de iôseph celui qui est de natzaret

1, 4632

et alors il lui a dit nathanaël de natzaret peut-il être quelque chose de bon et il lui a dit philippos viens et vois

1, 4733

et il a vu ieschoua nathanaël qui venait vers lui et il a dit à son sujet voici en vérité un fils d'israël en qui il n'est pas de tromperie

1, 48

et il lui a dit nathanaël d'où me connais-tu et il a répondu ieschoua et il lui a dit avant que philippos ne t'appelle alors que tu étais sous le figuier je t'ai vu

1, 4934 31

alors il lui a répondu nathanaël

1, 45 Celui dont a écrit Môscheh dans la Torah et aussi les prophètes... Traduction littérale : Celui qu'il a écrit Moïse dans la Torah et (aussi) les prophètes... C'est du grec traduit littéralement de l'hébreu : ascher katab môsche besepher ha-tôrah we-ha-nebiim matzanou. Impossible en grec comme en français. C'est de l'hébreu tout cru. 32 1, 46 Viens et vois : hébreu bô wou-reeh. 33 1, 47 Un fils d'Israël en qui il n'y a pas de tromperie : tournure hébraïque ascher ein - bô remiiah, sans le verbe être. Le traducteur en langue grecque est obligé d'introduire le verbe être dans sa traduction. La même tournure hébraïque, Cantique des Cantiques 4, 7 : Tout entière toi [tu es] belle ma compagne, et une tache il n'y a pas en toi... Là encore l'hébreu se passe fort bien du verbe être, qui est inévitablement introduit dans la traduction grecque de ce verset. 34 1,49 Fils de Dieu, roi d'Israël : termes équivalents pour désigner le meschiah, celui qui a reçu de Dieu l'onction sacerdotale, royale et prophétique, le chéri du Cantique des Cantiques.

27

rabbi toi tu es le fils de dieu toi tu es le roi d'israël 1, 5035

et il a répondu ieschoua et il lui a dit parce que j'ai dit je t'ai vu sous le figuier tu es certain de la vérité plus grand que cela tu verras

1, 5136

et il lui a dit amèn amèn je le dis à vous vous verrez les cieux ouverts et les messagers de dieu qui montent et qui descendent sur le fils de l'homme

35

1, 50 Tu es certain de la vérité : comme nous l'avons déjà indiqué, nous traduirons constamment le verbe grec pisteuein en tenant compte .du verbe heemin qu'il traduit lui-même, et qui signifie : être certain de la vérité de... 36 1,51 Et les messagers de Dieu... Citation de Genèse 28,12 : Et il (Jacob) fit un rêve, et voici qu'une échelle était plantée sur la terre, et sa tête touchait les cieux et voici que des messagers de Dieu étaient en train de monter et de descendre sur elle. Et voici que YHWH était debout sur elle et il dit : moi [je suis] YHWH Dieu d'Abraham ton père et Dieu d'Isaac ! La terre sur laquelle toi tu es couché sur elle, à toi je la donnerai et à ta semence ! Et elle sera, ta semence, comme la poussière de la terre... Sur le fils de l'homme : hébreu ben ha-adam. Expression très fréquente particulièrement chez le prophète Ezéchiel, et reprise par Daniel 7, 13. Pour comprendre cette expression hébraïque il faut d'abord se souvenir qu'en hébreu ha-adam signifie l'Homme, l'Humanité envisagée dans son ensemble, l'espèce humaine, et d'autre part que l'hébreu n'a pas d'expression pour dire : un individu appartenant à l'espèce de... Pour exprimer l'appartenance d'un individu à une espèce donnée, il emploie précisément l'expression : fils de... Un fils de l'Homme, c'est donc un individu appartenant à l'espèce humaine, c'est donc un homme. Il reste que cette expression utilisée constamment par le Seigneur, ainsi que l'attestent les Évangiles de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean, avait probablement une autre signification, qui se rattachait sans doute à Daniel 7, 13. Le fait est que le Seigneur s'appelait toujours lui-même ainsi et le consensus des quatre Évangiles sur ce fait est saisissant. La question est de savoir ce que le Seigneur entendait par là, la question reste ouverte.

28 CHAPITRE 2

2, 137

et le troisième jour il y a eu un festin [de mariage] à qanah de la galilée et elle était la mère de ieschoua là

2, 238

et il a été appelé aussi ieschoua et ses disciples au festin [de mariage]

2, 339

et il a manqué le vin et elle a dit la mère de ieschoua en s'adressant à lui ils n’ont plus de vin

2, 440

et il lui a dit ieschoua qu'y a-t-il [entre] moi et toi femme il n'est pas encore venu mon temps

2, 541

et elle a dit sa mère à ceux qui servaient ce qu'il vous dira faites-le

2, 642 37

et voici qu'il y avait là six cruches de pierre

2, 1 II y eut un festin : le grec gamos est l'une des traductions possibles de l'hébreu mischeteh, le festin dans lequel on boit beaucoup, Genèse 29, 22. Ce n'est pas forcément un festin de noces. Cf. Esther2,18 ;9,22. Qanah de la Galilée : pour distinguer cette Qanah de celle de la Phénicie, cf. Abel, Géographie de la Palestine, II, 412. 38 2, 2 Et il fut appelé aussi Ieschoua et ses disciples : construction hébraïque fréquente, irrégulière en grec comme en français. Verbe au singulier, plusieurs sujets. 39 2, 3 Ils n'ont pas de vin : en hébreu le verbe avoir n'existe pas. Il faudrait donc traduire littéralement : il n'est plus de vin à eux, sans le verbe être inutile en hébreu. 40 2,4 Qu'y a-t-il entre moi et toi femme ?... Littéralement : quoi à moi et à toi femme ? Le texte grec est la traduction littérale de l'expression hébraïque classique ma li wa-lak, Juges 11, 12 ; 2 Samuel 16, 10 ; 2 Samuel 19, 23 ; 1 Rois 17, 18 ; 2 Rois 3, 13 ; 2 Chroniques 35, 21... Il est évident que personne ne pouvait se permettre d'imaginer une telle réponse du Seigneur à sa mère. Il est donc tout à fait naturel de supposer que nous avons ici la reportation d'un souvenir communiqué par Marie elle-même au disciple qui l'a recueillie chez lui. Elle seule pouvait se permettre de rapporter un propos aussi dur, et nous pouvons être sûrs qu'il n'a été inventé par personne. Il n'est pas encore venu, mon temps : le grec ôra ici utilisé traduit l'hébreu et qui signifie : le temps, la période, le moment. Ora en grec ancien signifiait : période de temps, durée, puis plus précisément une période déterminée du temps, année, mois, partie du jour ou de la nuit. Le mot grec ora, dans la majorité des cas, traduit l'hébreu et qui signifie la période de temps, le moment étalé dans la durée. Le mot grec ora traduit l'hébreu schaah, qui correspond à ce que nous appelons l'heure, lorsqu'il s'agit d'une heure déterminée, d'une des parties du jour, d'un moment précis. 41 2, 5 Ce qu'il vous dira, faites-le : hébreu ascher iômar lakem taasou, Genèse 41, 55. 42 2, 6 La purification des Judéens... Le mot grec katharismos peut traduire l'hébreu kipourim, l'expiation, Exode 29, 36.

29 pour les purifications rituelles des judéens elles étaient disposées là et elles contenaient chacune deux ou trois mesures 2, 7

et il leur a dit ieschoua remplissez les cruches avec de l'eau et ils les remplirent jusqu'en haut

2, 8

et il leur a dit puisez maintenant et portez à celui qui préside le banquet et eux ils ont apporté

2, 943

et il a goûté le président du banquet l'eau qui avait été changée en vin et il ne savait pas d'où cela venait mais ils le savaient les serviteurs eux qui avaient puisé l'eau et il a appelé le jeune marié le chef du banquet

2, 10

et il lui a dit tout homme d'abord c'est le bon et beau vin qu'il met [à table] et lorsqu'ils sont ivres le moins bon mais toi tu as gardé le beau et bon vin jusqu'à maintenant

2, 1144

43

voilà le commencement des signes qu'il a faits ieschoua à qanah de la galilée et il a manifesté sa gloire et ils ont été certains de la vérité [qui est] en lui ses disciples

2,9 Le jeune marié : en grec numphios, en hébreu hatar 2,11 Voilà le commencement des signes... La théorie des signes est très importante dans la tradition hébraïque. Ce sont les signes objectifs et intelligibles qui permettent à l'intelligence humaine d'accéder à la certitude de la vérité qui en hébreu s'appelle émounah, traduction grecque pistis. Exode 3, 12, hébreu ôt, grec sèmeion ; Exode 4, 8 : et il adviendra que, s'ils ne sont pas certains de la vérité qui est en toi, et s'ils n'écoutent pas la voix du signe premier, alors ils seront certains de la vérité de la voix du signe qui viendra après ; et il adviendra que s'ils ne sont pas certains de la vérité même des deux premiers signes, et s'ils ne t'écoutent pas... Exode, 4,17 ; 4, 30 ; 7, 3 ; etc. Un signe, c'est un fait objectif intelligible qui prouve quelque chose et qui conduit donc à la certitude de l'intelligence. 44

30

2, 1245

et après cela il est descendu à kephar-nahoum lui et sa mère et ses frères et ses disciples et là ils sont restés peu de jours

2, 1346

et ils étaient proches les jours de la fête de pesah des judéens et il est monté à ierouschalaïm ieschoua

2, 1447

et il a trouvé dans l'enceinte du temple des hommes qui vendaient du troupeau de gros bétail et du troupeau de petit bétail et des colombes et des changeurs de monnaie qui étaient installés

2, 1548

et alors il a fait un fouet avec des cordes et tous il les a chassés

45

2,12 Et après cela... Hébreu : waiehi aharei-ken... Le grec meta 'uta traduit constamment l'hébreu aharei-ken, Genèse 23, 19 ; sodé 11,1 ; etc. Lui et sa mère et ses frères... Construction hébraïque fréquente, iges 11, 38 : Et elle s'en alla, elle et ses compagnes... 1 Rois 20, 12 : lui il était en train de boire, lui et les rois... Construction irrégulière grec comme en français. Et ses frères : pour le sens du mot hébreu que nous traduisons par frère », cf. Genèse 14, 14 ; 14, 15 ; 29, 12 ; 29, 15 ; 31, 23 ; etc. iur dire en hébreu ce que nous, en français au xxe siècle, nous appels des frères, l'hébreu utilise l'expression : frères, fils de ma mère, ges 8, 19. Ton frère, fils de ta mère, Deutéronome 13, 7 ; etc. 46 2, 13 Et ils étaient proches les jours de la fête de pesah des Judéens : notre texte grec utilise la simple transcription en caractères grecs pascha. Cette simple transcription en caractères grecs, pascha, était déjà utilisée par les traducteurs en langue grecque de la Bible hébraïque, pour transcrire le mot hébreu pesah, à partir d'Exode 12, 11. Le théologien inconnu qui a rédigé Exode 12, 11 et suivants explique l'hébreu pesah par le verbe pasah qui signifie sauter, Exode 12, 13 : Et je sauterai, hébreu pasaheti, par-dessus vous. De même Exode 12, 23 : Et il sautera, pasah, par-dessus ou au-dessus de la porte... Exode 12, 27 : C'est le sacrifice de pesah pour YHWH, qui a sauté, pasah, pardessus les maisons des enfants d'Israël. Puisque la transcription en caractères grecs n'est aucunement une traduction, nous n'avions aucune raison d'adopter la transcription française pâques, et nous sommes donc revenu au mot hébreu initial, qui n'est pas traduit dans notre Évangile de Jean, pas plus qu'il n'est traduit dans la traduction en langue grecque de la Bibliothèque hébraïque. ... des Judéens : il est très possible qu'ici le traducteur en langue grecque du document hébreu original distingue la date de la fête de pesah chez les Judéens, c'est-à-dire principalement les hommes de Jérusalem, de la date de la fête de pesah chez les Galiléens, ou même chez les frères et les sœurs des communautés de la Diaspora. On sait qu'avant la destruction du Temple, il existait plusieurs calendriers pour les fêtes de pesah. Nous retrouverons cette question plus loin. Et il monta à Ierouschalaïm, Ieschoua : ici la transcription grecque hierosoluma est au singulier, et non au pluriel comme c'est le cas dans d'autres passages du quatrième Évangile. 47 2, 14 Et il a trouvé dans l'enceinte du Temple... En grec hieron, qui désigne l'ensemble des édifices, parvis et portiques groupés dans l'enceinte générale. Le naos, au contraire, s'applique de manière exclusive à l'habitation divine ou sanctuaire proprement dit, cf. L. H. Vincent, Jérusalem de l'Ancien Testament, p. 466. Du troupeau de gros bétail et du troupeau de petit bétail : le grec boas recouvre constamment l'hébreu baqar, le troupeau de gros bétail, taureaux, vaches, etc., et probata l'hébreu tzôn, collectif comme baqar, mais qui désigne le troupeau de petit bétail, moutons, brebis, chèvres, boucs, etc. 48 2, 15 Alors il a fait un fouet... De nouveau la construction commandée par un participe dans la traduction grecque, qui recouvre un verbe à l'indicatif en hébreu. Nous restaurons la construction hébraïque initiale.

31 hors de l'enceinte du temple les troupeaux de petit bétail et les troupeaux de gros bétail et des banquiers il a répandu la monnaie et les tables il les a renversées 2, 16

et à ceux qui vendaient des colombes il a dit enlevez tout cela d'ici ne faites pas de la maison de mon père une maison de commerce

2, 1749

et ils se sont souvenus ses disciples qu'il est écrit parce que l'amour jaloux pour ta maison m'a dévoré

2, 1850

et alors ils ont répondu les judéens et ils lui ont dit quel signe nous montres-tu pour faire des choses pareilles

2, 1951 49

et il a répondu ieschoua et il leur a dit

2, 17 L'amour jaloux : grec zèlos, hébreu qineah, l'amour jaloux : Cantique des Cantiques 8, 6. 2, 18 Et ils ont répondu les Judéens et ils lui ont dit : c'est la vieille expression hébraïque wa-iiaan wa-iiômer que l'on retrouve des centaines de fois dans la Bibliothèque hébraïque avant même qu'un dialogue ne s'instaure, avant que quelqu'un ait dit quoi que ce soit. Genèse 18, 27 : Et il répondit Abraham et il dit... Genèse 24, 50 : Et il répondit Laban et Betouel, et ils dirent... Genèse 27, 37 : Et il répondit Itzehak et il dit... Josué 24, 16 : Et il répondit le peuple et il dit... Dans tous les cas les traducteurs en langue grecque ont transformé le premier verbe et il a répondu, en un participe, selon leur habitude constante. Quel signe nous montres-tu... Les Judéens, les hommes de Jérusalem, demandent au rabbi galiléen des signes pour justifier l'autorité qu'il s'arroge en vidant l'enceinte du hieron du marché qui l'encombre. Moïse avait accompli des signes, Exode, chapitre 3 et suivants. Les théologiens de Jérusalem demandent donc des signes pour attester et pour garantir la légitimité du rabbi. 1 Corinthiens 1, 22 : Les Judéens réclament des signes... 51 2, 19 Détruisez ce Temple... Ici il s'agit du naos, hébreu heikal, le Temple proprement dit, reconstruit par Hérode à partir de l'année 20-19 précédant notre ère. Le plus gros était terminé dix ans plus tard, en 9 après notre ère, mais les constructions se sont poursuivies jusqu'en 64. La révolte générale contre Rome commence en 66. La question est de savoir ce que signifie ce propos du Seigneur. Une hypothèse possible est la suivante. Vous allez provoquer la destruction du Temple de Jérusalem. Moi je vais reconstruire un autre Temple qui n'est pas fait de main d'homme, le Temple qui est l'Église et qui est fait de pierres vivantes, les hommes et les femmes qui sont les éléments de cette construction nouvelle. L'ancien Temple, celui de Salomon et celui d'Hérode, est désormais périmé. — II voulait parler du Temple de son propre corps. Lorsqu'on se souvient que dans les Lettres de Paul l'Eglise, la Communauté, est le Corps du Christ, et qu'elle est aussi le nouveau Temple, celui dans lequel Dieu demeure pour l'éternité, on voit que les deux interprétations ne sont pas exclusives l'une de l'autre. On sait que le Seigneur a été accusé d'avoir dit, Matthieu 26, 61 : Je peux détruire le Temple de Dieu et au bout de trois jours le reconstruire ; Marc 14, 58 : Moi je vais détruire ce Temple fait de main d'homme et au bout de trois jours j'en reconstruirai un autre qui n'est pas fait de main d'homme. Nous savons d'autre part que Stéphanos a été accusé d'avoir dit, Actes 6, 13 : Jésus le nazaréen, c'est lui qui va détruire ce lieu (le Temple) et il va changer les usages que nous a donnés Moïse. Lorsque l'on songe au développement de la pensée chrétienne dès la première génération, en ce qui concerne le nouveau Temple, qui est l'Église de Dieu, le Corps du Christ, on peut se demander si la doctrine effectivement 50

32

détruisez ce temple et en trois jours je le relève 2, 2052

et alors ils ont dit les judéens voilà quarante-six ans que ce temple est en construction et toi en trois jours tu le relèves

2, 21

mais lui il parlait du temple de son corps

2, 22

lorsque donc il s'est relevé d'entre les morts ils se sont souvenus ses disciples qu'il avait dit cela et ils ont été certains de la vérité de l'écriture et de la parole qu'il avait dite ieschoua

2, 2353

et alors qu'il était à ierouschalaïm à la fête de pesah nombreux furent ceux qui ont été certains de la vérité [qui est] en son nom parce qu'ils voyaient les signes qu'il faisait

2, 24

mais lui ieschoua il n'était pas certain de la vérité qui est en eux parce que lui il les connaissait tous

2, 25

et parce qu'il n'avait pas besoin que quelqu'un vienne lui porter une attestation

enseignée par le Seigneur, et qui se trouve à l'origine de ces accusations, n'est pas celle-ci : le Temple construit par Salomon, n'est pas le Temple définitif dans lequel Dieu habite. Car le Seigneur incréé qui a créé cet Univers et tout ce qui est dans l'Univers, n'habite pas dans les temples construits de main d'homme, Actes 17, 26. En réalité, c'est l'Église qui est le Temple de Dieu, 1 Corinthiens 3, 16 ; Éphésiens 2, 20. Nous sommes comme des pierres vivantes intégrées dans cette construction qui est le nouveau Temple, Première Lettre de Pierre 2, 4. Celui qui vaincra, je ferai de lui une colonne dans le Temple de mon Dieu, Apocalypse 3, 12. Dans la nouvelle Jérusalem il n'y a pas de Temple de pierre, car c'est Dieu lui-même qui est son Temple, ainsi que l'Agneau, Apocalypse 21, 22. On voit que ces différents documents constituent un ensemble cohérent autour de l'idée qu'en réalité c'est l'Église qui est désormais le Temple, et le vieux Temple de pierres, fait de main d'homme, est désormais périmé. Le nouveau Temple, c'est le Corps du Christ, qui est l'Église. 52 2, 20 Voilà quarante-six ans que ce Temple est en construction... Puisque la construction du Temple a commencé en l'année 20-19 avant notre ère, la parole prononcée ici par les Judéens, c'est-à-dire les habitants de Jérusalem, se situe donc à peu près en l'an 27 de notre ère. 53 2,23 A Ierouschalaïm : ici l'hébreu Ierouschalaïm, qui est, nous l'avons noté, une forme au pluriel, est rendu en grec, ou transcrit, par le pluriel en fois hierosolumois, littéralement : dans les Jérusalem ! Qui ont été certains de la vérité qui est en son nom : être certain de la vérité qui est dans le nom de quelqu'un, hébreu be-schem, c'est être certain de la vérité de l'être désigné par ce nom. Parce qu'ils ont vu des signes, alors ils ont été certains que c'est vrai, et que le rabbi est véritablement prophète envoyé par Dieu.

33 au sujet de l'homme car lui il savait ce qu'il y a dans l'homme

34 CHAPITRE 3

3, 154

il y avait un homme qui faisait partie de la [confrérie] des perouschim naqdimôn [c'est] son nom [c'était] un personnage dominant parmi les judéens

3, 255

c'est celui-ci qui est venu vers lui durant la nuit et il lui a dit rabbi nous savons que c'est de la part de dieu que tu es venu pour enseigner car personne ne peut faire ces signes que toi tu fais si dieu n'est pas avec lui

3, 356

alors il a répondu ieschoua et il lui a dit amèn amèn je te [le] dis si quelqu'un ne naît pas d'en haut il ne peut pas voir le royaume de dieu

3, 4

il lui a dit naqdimôn comment est-il possible qu'un homme naisse s'il est vieux est-ce qu'il peut entrer dans le ventre de sa mère une deuxième fois et naître de nouveau

54

3, 1 Personnage dominant : le grec archôn traduit plusieurs termes hébreux : sar, Genèse 47, 6 ; Nombres 21, 18 ; Juges 7, 25 ; etc. ; nasi, Genèse 25, 16 ; Exode 14, 22 ; etc. ; rôsch, Nombres 1,4; 1 Chroniques 5, 7 ; etc. Le sens est : prince, chef, gouverneur, capitaine, commandant, caïd, etc. C'est ce que nous appelons en français aujourd'hui un haut personnage. 55 3, 2 Il vint vers lui de nuit : Pourquoi de nuit ? Vraisemblablement par peur, comme cela est souligné en plusieurs passages de notre document. L'auteur même de notre document ne veut pas être nommé, et le traducteur en langue grecque de notre document ne le nomme pas. Peur de qui ? Des hautes autorités de Jérusalem évidemment, comme notre document le dit expressément, ainsi que le livre des Actes, plusieurs passages des Lettres de Paul, et le livre de l'Apocalypse. 56 3, 3 D'en haut : c'est-à-dire de Dieu. Probablement hébreu mi-le-maalah. Pour voir le royaume de Dieu, hébreu malekout ha-elohim, il faut naître de nouveau et de Dieu, devenir nouvelle création ou nouvelle créature, kainè ktisis, Galates 6, 15, hébreu beriiah hadaschah. 2 Corinthiens 5, 17 : En sorte que si quelqu'un [est] dans le Christ, [il est] nouvelle création, grec kainè ktisis. Ce qui est vieux est passé, voici que [tout] est devenu nouveau.

35 3, 557

et il a répondu ieschoua amèn amèn je te [le] dis si quelqu'un ne naît pas de l'eau et de l'esprit il ne peut pas entrer dans le royaume de dieu

3, 658

ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l'esprit est esprit

3, 7

ne t'étonne pas de ce que je t'ai dit il vous faut naître d'en haut

3, 859

l'esprit là où il veut il souffle et tu entends sa voix mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va ainsi en est-il de tout homme qui est né de l'esprit

3, 9

et il a répondu naqdimôn et il lui a dit comment est-il possible que cela se réalise

3, 1060

et il a répondu ieschoua et il lui a dit toi tu es le docteur d'israël et ces choses-là tu ne les connais pas

3, 11

57

amèn amèn je te le dis ce que nous connaissons nous le disons et ce que nous avons vu nous l'attestons et notre attestation vous ne la recevez pas

3, 5 Amèn amèn : constamment cité en hébreu original dans la traduction grecque de notre Évangile. Les lecteurs de la traduction grecque devaient connaître et comprendre le sens de ce mot. 58 3, 6 Ce qui est né de la chair est chair... Compte tenu du sens du mot basar en hébreu, cela signifie : ce qui est né de l'homme, c'est de l'homme, de l'humain. Ce qui est né de l'esprit, bien entendu de l'esprit de Dieu, l'esprit saint, qui est Dieu lui-même. 1 Corinthiens, 15, 45 s. Le premier Homme a été fait âme vivante. L'Homme qui vient après sera un esprit vivifiant. Mais ce n'est pas le spirituel qui est premier, mais d'abord le psycho-biologique (ce que notre Évangile appelle la chair), et puis ensuite le spirituel. Le premier Homme est issu de la terre, il est terrestre. Le deuxième Homme — la seconde Humanité — est issu du ciel, c'est-à-dire de Dieu. On constate de nouveau l'identité des vues entre la théologie du quatrième Évangile et la théologie de saint Paul. 59 3, 8 L'esprit souffle où il veut... Le mot grec pneuma traduit l'hébreu ruah qui signifie à la fois le vent et l'esprit. Il est très possible, et même probable, que le texte joue sur ce double sens hébreu du mot ruah. De même que le vent souffle où il veut, de même l'esprit... Ecclésiaste (Qohélet) 1, 6 : II s'en va vers le sud, puis il tourne vers le nord, il tourne, il tourne, il s'en va, le vent, hébreu ha-ruah, grec topneuma. 60 3, 10 Toi tu es le docteur d'Israël... Grec ho didaskalos, hébreu môreh ou rabban. Le môreh c'est celui qui enseigne. En latin doctor, du verbe docere, traduisait exactement le grec didaskalos, mais en français moderne, et pour les enfants des écoles, le docteur c'est avant tout le docteur en médecine, le médecin. La Vulgate a traduit magister.

36 3, 12

si les choses de la terre je vous les ai dites et vous n'êtes pas certains de leur vérité lorsque je vous dis les choses des cieux comment serez-vous certains de leur vérité

3, 1361

et personne n'est monté aux cieux si ce n'est celui qui est descendu des cieux le fils de l'homme

3, 1462

et de même que môscheh a élevé le serpent dans le désert ainsi il sera élevé le fils de l'homme

3, 1563

afin que tout homme qui est certain de la vérité [qui est] en lui à lui soit la vie éternelle

3, 16

car ainsi il a tant aimé dieu le monde de la durée présente que le fils l'unique et le chéri il l'a donné afin que tout homme qui est certain de la vérité [qui est] en lui ne périsse pas mais qu'à lui soit la vie de la durée à venir

3, 17

car il n'a pas envoyé dieu le fils dans le monde de la durée présente pour qu'il juge le monde de la durée présente mais pour qu'il soit sauvé le monde de la durée présente par sa main

3, 18

celui qui est certain de la vérité [qui est] en lui il n'est pas jugé celui qui n'est pas certain de la vérité est déjà jugé

61

3, 13 Et personne n'est monté aux deux... Il n'est pas absolument certain que les propos qui suivent soient du Seigneur lui-même. Ils peuvent être un commentaire théologique de l'auteur du document hébreu que nous appelons le quatrième Évangile. 62 3, 14 Et de même que Môscheh a élevé le serpent... Nombres, chapitre 21. Il est possible et même vraisemblable que cette remarque est de l'auteur du quatrième Évangile. 63 3,15 Afin que tout homme qui est certain de la vérité qui est en lui ait la vie éternelle : C'est la doctrine constante du Seigneur communiquée directement par le quatrième Évangile. Celui qui est certain de la vérité qui est dans le Seigneur a déjà, aujourd'hui, en lui, la vie éternelle, c'est-à-dire la vie de Dieu, qui est lui-même vie. En hébreu le verbe avoir n'existe pas. La tournure hébraïque de la phrase était donc : la vie éternelle est à lui. Il n'y a pas à attendre la fin des temps pour avoir la vie éternelle. Elle est communiquée par Dieu dès maintenant, par et dans celui qui est son propre fils, le fils de l'homme qui est le fils de Dieu.

37 parce qu'il n'a pas été certain de la vérité qui est dans le nom du fils unique et chéri de dieu 3, 19

et voici quel est le jugement la lumière est venue dans le monde de la durée présente et ils ont aimé les hommes davantage la ténèbre que la lumière car elles étaient mauvaises leurs actions

3, 2064

car tout homme qui fait ce qui est pourri il hait la lumière et il ne vient pas vers la lumière afin qu'elles ne soient pas mises en accusation ses actions

3, 2l65

mais celui qui fait la vérité il vient vers la lumière afin qu'elles soient manifestées ses actions parce qu'en dieu elles ont été agies

3, 2266

et après cela il est venu ieschoua et ses disciples dans le pays de la judée et là il a séjourné avec eux et il plongeait [les gens dans l'eau]

3, 2367

il y avait aussi iôhanan qui était en train de plonger [les gens] dans les sources [qui sont] près de salim parce que des eaux abondantes il y avait en cet endroit et les gens venaient et ils étaient plongés [dans l'eau]

64

3, 20 Afin qu'elles ne soient pas mises en accusation ses actions : Le grec elegchein traduit le verbe hébreu iakah (h dur à la fin, comme l'allemand Buch), qui signifie accuser, adresser des reproches, Genèse 21, 25 ; juger et condamner ce qui est condamnable, ou celui qui est condamnable, Genèse 31, 37 ; 31, 42 ; reprendre et corriger, Lévi-tique 19, 17 ; châtier, 2 Samuel 7,14. 65 3, 21 Mais celui qui fait la vérité... Expression hébraïque, faire la grâce et la vérité, Genèse 24, 49 ; 32, 11 ; 2 Samuel 15, 20 ; etc. Afin qu'elles soient manifestées ses actions, que en Dieu elles ont été faites : tournure incorrecte en français comme en grec, traduction littérale de l'hébreu ki ou même ascher be-elohim naasou. 66 3, 22 Après cela il est venu Ieschoua et ses disciples dans le pays de Judée : construction incorrecte en français comme en grec. Traduction littérale de l'hébreu wa-iehi aharei ken wa-iiabô ieschoua we-talmidaiô... On remarque que le grec est une traduction mot à mot de l'hébreu et respecte l'ordre hébreu de la phrase. 67 3, 23 II y avait aussi lohanan qui était en train de plonger les gens dans les sources... Il est vraisemblable que le mot grec ainôn, que nous lisons ici, est un simple décalque de l'hébreu aianôt, pluriel de ain, la source.

38

3, 24

car il n'avait pas encore été jeté en prison iôhanan

3, 2568

il y a donc eu une discussion de quelques-uns des disciples de iôhanan avec des judéens au sujet de la purification

3, 2669

et ils sont venus vers iôhanan et ils lui ont dit rabbi celui qui était avec toi de l'autre côté du iarden celui en faveur de qui toi tu as attesté voici que celui-ci il plonge [les gens dans l'eau] et tous viennent vers lui

3, 2770

alors il a répondu iôhanan et il a dit il ne peut l'homme prendre pas même une seule chose si cela ne lui a pas été donné des cieux

68

3, 25 II y eut donc une discussion de [quelques-uns] d'entre les disciples de lohanan avec des Judéens... Construction incorrecte en français comme en grec. Traduction littérale de l'hébreu. Il faut reconstituer : Il y eut une discussion entre certains pris parmi les disciples de lohanan, et (ou avec) des Judéens... Certains pris parmi : hébreu min. Exode 16, 27 : Et il advint, au septième jour, que sortirent certains pris parmi le peuple, pour ramasser, et ils ne trouvèrent rien. Hébreu : iatzeou min -ha-am. C'est min-ha-am, certains pris parmi le peuple, qui est le sujet de la proposition. Ici, dans notre texte, la discussion s'élève entre certains pris (hébreu min, grec ek) les disciples de lohanan, et, ou avec, grec meta, hébreu peut-être bein... bein... entre et entre. Avec des Judéens : certains manuscrits donnent : avec un Judéen. Au sujet de la purification... Le mot grec katharismos, nous l'avons déjà noté 3, 25 peut traduire l'hébreu kipourim, l'expiation du péché, Exode 29, 36. 69 3, 26 Celui qui était avec toi de l'autre côté du Jourdain : même expression que précédemment : (1, 28). Tout cela a eu lieu à Beit-Ananiah, de l'autre côté du Jourdain, là où lohanan était en train de plonger [les gens] dans les eaux du Jourdain. Par conséquent ceux qui parlent maintenant sont en deçà du Jourdain par rapport à Beit-Ananiah. Avec toi : il est loin d'être sûr qu'il faille traduire le grec meta sou par le français : avec toi. Car le mot grec meta peut en effet traduire l'hébreu et qui signifie avec, Genèse 21, 20 ; 21, 22. Mais le mot grec meta traduit aussi l'hébreu ahar, après dans le temps. Après toi, dans le temps, se dit ahareika, traduction grecque meta se, Genèse 35, 12. De plus en hébreu le verbe être n'est pas nécessaire dans ce cas. Le sens de la proposition pourrait donc fort bien être : Rabbi, celui qui venait après toi de l'autre côté du Jourdain... 70 3, 27 II ne peut pas l'homme recevoir quelque chose — ou prendre quelque chose — si cela ne lui est pas donné du ciel (littéralement : venant du ciel, hébreu min ha-schamaim) : expression hébraïque traduite littéralement en grec. Pour le début de la phrase, Ecclésiaste 8, 17 : Kilo ioukalhaadam... Si ce n'est que cela lui a été donné : grec ean mè, traduction de l'hébreu ki im. Il ne peut pas l'homme prendre quelque chose si cela ne lui a pas été donné du ciel : c'est-à-dire de Dieu. 1 Corinthiens 4, 6 : Qu'as-tu (en hébreu : qu'est-ce qui est à toi ?) que n'aies pas reçu ? Tout ce qui est à nous, tout ce que nous avons, nous l'avons reçu de Dieu, du Créateur unique. Et même tout ce que nous sommes, nous l'avons reçu. Et même l'acte d'exister, actus essendi, est pour nous, les êtres créés, quelque chose de reçu.

39

3, 28

vous-mêmes vous m'êtes témoins que j'ai dit moi je ne suis pas celui qui a reçu l'onction mais j'ai été envoyé devant sa face

3, 2971

celui à qui appartient la jeune mariée c’est lui le mari mais l'ami du mari celui qui se tient debout et qui l'entend il se réjouit de joie à cause de la voix du mari et donc cette joie qui est la mienne elle est achevée

3, 3072

lui il va croître et moi je vais diminuer

3, 3173

celui qui vient d'en haut est au-dessus de tous

71

3, 29 Celui qui possède la jeune mariée : En hébreu : celui à qui est la jeune mariée... Pour comprendre ce passage, cette réponse de Iohanan à ses disciples, il faut se référer au Cantique des Cantiques, qui constitue lui-même la synthèse et le développement de la théologie hébraïque antérieure. Depuis les anciens prophètes hébreux du vme siècle avant notre ère au moins, le peuple hébreu tout entier était comparé à une jeune femme qui est épousée par Dieu. L'épousée, en hébreu, c'est la kalah, traduction grecque numphè, ici utilisé. Celui qui épouse, en hébreu, c'est le hatan, traduction grecque numphios, ici utilisé. Le Seigneur YHWH a épousé la vierge d'Israël et il l'aime d'un amour éternel, Jérémie 31, 3. La vierge d'Israël s'est prostituée, Osée 1 et suivants ; 9,1 ; Isaïe 1, 21 ; Jérémie 3, 1 ; 2, 20 ; 3,2 ; 3, 6 ; etc. Ezéchiel 16, 15 sq. La voix de celui qui épouse : Cantique 2, 8 : La voix de mon chéri ! Le voici qui vient... 5, 2 : La voix de mon chéri, il frappe à la porte. Le Seigneur lui-même a repris ce thème, Matthieu 9, 15 ; Luc 5, 34 ; Marc 2, 19. Paul reprendra aussi ce thème, Éphésiens 5, 32, et Jean, l'auteur de l'Apocalypse, 21,2 ; 22,17. 72 3,30 Lui il va croître et moi je vais diminuer : Le dei grec correspond à une construction hébraïque, 2 Rois 4, 13 : Quoi à faire à toi, traduction grecque : ti deipoièsai soi'. 2 Rois, 4,14 ; Daniel 2,28 : Ce qui va arriver, grec ha deïgenesthai. Daniel 2,29 ; 2,45. 73 3, 31 Celui qui vient d'en haut... Il est vraisemblable ou au moins possible que le développement qui suit est l'expression de la pensée de celui qui a composé en hébreu le quatrième Évangile, l'Évangile que nous appelons quatrième à cause de sa place dans notre recueil, dans nombre de manuscrits, mais non dans tous. Celui qui est de la terre est de la terre : l'hébreu ici comme le plus souvent fait l'économie du verbe être. Nous avons donc : wa-ascher me-eretz me-eretz hou. Le traducteur en langue grecque a été obligé d'ajouter le verbe être. 1 Corinthiens 15, 45 : C'est ainsi qu'il est écrit (Genèse 2, 7) et il fut le premier homme — en hébreu adam — une âme vivante. L'homme — hébreu adam — qui vient après, plus tard, sera un esprit vivifiant. Mais il n'est pas premier, le spirituel. Mais c'est (l'homme) animal qui est premier. Et puis ensuite (vient) le spirituel. Le premier homme est de la terre. Il est terrestre. Le deuxième homme (vient) du ciel. Tel est (l'homme) terrestre, tels sont aussi (les hommes) terrestres (qui en descendent). Tel est l'homme qui vient du ciel, et tels sont aussi les hommes (qui viennent) du ciel (c'està-dire : de Dieu). De nouveau on constate l'identité de vues entre Paul et le quatrième Évangile. La première lettre de Paul adressée à la jeune communauté chrétienne de Corinthe a peut-être été écrite autour de l'année 55, et peut-être aussi dans la ville d'Éphèse, dans laquelle Jean s'est retiré, et où il a été enseveli, selon ce qu'assure Polycrate évêque d'Éphèse, dans sa lettre au pape de Rome, Victor (Eusèbe, Histoire ecclésiastique, III, 31). Non seulement entre Paul et Jean il y a identité de vues du point de vue théologique, ici du point de vue du plan de la création, mais de plus il y a quasiment identité dans l'expression. On peut donc légitimement supposer que Paul a eu connaissance de l'Évangile de Jean, soit à Jérusalem, dans le texte hébreu, soit à Éphèse, en traduction grecque. Et lorsque Paul écrit dans sa seconde Lettre à

40 celui qui [vient] de la terre est de la terre et il parle à partir de la terre 3, 3274

celui qui vient des cieux est au-dessus de tous ce qu'il a vu et entendu c'est cela qu'il atteste et son attestation personne ne la reçoit

3, 3375

mais celui qui reçoit son attestation il l'a scellée du sceau parce que dieu est vérité

3, 3476

car celui qu'il a envoyé dieu

Timothée 4, 13 : Le manteau que j'ai laissé à Troas, chez Karpos, lorsque tu viendras, apporte-le-moi, et aussi les rouleaux, surtout les parchemins, on peut légitimement se demander si les rouleaux dont il est question ne sont pas des rouleaux de la sainte Écriture hébraïque, et si les parchemins ne sont pas un ou plusieurs Évangiles. Le fait est qu'il distingue dans ce texte les rouleaux, et les parchemins, et qu'il semble, d'après ce qu'il dit, attacher un prix particulier à ces parchemins. Si les rouleaux sont ceux de la Torah et des prophètes, quels sont donc ces parchemins qui aux yeux de Paul semblent encore plus importants que les rouleaux ? 74 3,32 C'est cela qu'il atteste : c'est cela dont il atteste la vérité. 75 3, 33 Celui qui a reçu son attestation, il l'a scellé de son sceau, parce que Dieu est véridique. En grec, la construction est incorrecte et à peine intelligible : Il a scellé que Dieu est véridique, est un monstre du point de vue grammatical. Le hoti grec dans les deux hypothèses traduit le ki hébreu, à moins que ce ne soit ascher... La théorie du sceau est très importante dans la tradition hébraïque, et corrélativement l'acte de sceller. Sceller de son sceau est un acte solennel, 1 Rois 21, 8. La relation entre l'attestation, ou le témoignage, hébreu teoudah, et l'acte de sceller avec un sceau, hébreu hôtam, est faite : Isaïe 8, 16. Un livre scellé est un livre qu'on ne peut pas lire, puisque le rouleau est fermé et scellé, Isaïe 29, 11. Cantique 8, 6 : Place-moi comme un sceau sur ton cœur... Daniel 8, 26 : Et toi scelle la vision, car (elle est destinée à) des jours lointains... Daniel 12, 4 : Et toi Daniel tiens secrètes les paroles et scelle le rouleau du Livre jusqu'au temps de la fin... Daniel 12, 9 : Car elles sont secrètes et scellées les paroles jusqu'au temps de la fin... Selon Paul, Romains 4, 11, la circoncision est le sceau de la justice. Il écrit aux chrétiens de Corinthe, 1 Corinthiens 9, 2 : Le sceau (qui garantit l'authenticité) de ma mission d'envoyé, c'est vous, dans le Seigneur ! 2 Corinthiens 1, 22 : Il (Dieu) nous a scellés de son sceau et il nous a donné les arrhes de l'Esprit dans nos cœurs. Éphésiens 1, 13 : Vous avez entendu la parole de vérité, l'heureuse annonce de votre salut, vous avez été certains de la vérité qui est dans cette heureuse annonce, et vous avez été scellés par l'Esprit saint de la promesse (qui nous a été promis). Apocalypse 5, 1 : Un livre écrit à l'intérieur et à l'extérieur, scellé de sept sceaux. Apocalypse 7, 2 : Il porte le sceau du Dieu vivant. Apocalypse 9, 4 : Les hommes qui n'ont pas le sceau de Dieu sur leur front... Apocalypse 5, 9 : Tu es digne de prendre le Livre et d'ouvrir ses sceaux... Apocalypse 7, 3 : Ne faites pas de tort à la terre ni à la mer ni aux arbres jusqu'à ce que nous ayons scellé d'un sceau les serviteurs de notre Dieu, sur leurs fronts. Et j'ai entendu le nombre de ceux qui avaient été scellés d'un sceau... Apocalypse 10, 4 : Scelle d'un sceau ce qu'ont dit les sept tonnerres, et ne les écris pas... Deux interprétations possibles. 1. Celui qui a reçu son attestation, a scellé l'attestation — pour qu'elle reste secrète ? — 2. Celui qui a reçu son attestation, Dieu l'a scellé de son sceau. Nous conjecturons que le sujet du verbe esphragisen, il a scellé de son sceau, c'est Dieu, sous-entendu. Cela donne : Celui qui a reçu son attestation, Dieu l'a scellé de son sceau, parce que Dieu est véridique. C'est Dieu qui met son sceau sur l'homme. 76 3, 34 Celui qu'il a envoyé, Dieu... Celui qui est envoyé, c'est bien entendu ici Jésus le Christ. Car ce n'est pas d'une manière mesurée qu'il donne, l'Esprit : ici encore la question est de savoir quel est le sujet de la proposition, et quel est le complément d'objet direct, s'il y en a un. Si l'on suppose que le grec to pneuma est complément d'objet, alors on est obligé de supposer aussi que le sujet sous-entendu de la proposition, c'est Dieu. Si l'on suppose, ce qui est notre cas, que le texte grec suit l'ordre des mots du texte hébreu sous-jacent, alors le sujet de la proposition c'est l'Esprit lui-même, l'Esprit de Dieu, qui est Dieu. L'Esprit de Dieu donne d'une manière surabondante. Il souffle où il veut, et tu ne sais pas d'où il vient ni où il va.

41 les paroles de dieu il les dit car ce n'est pas d'une manière mesurée qu'il donne l'esprit 3, 3577

le père aime le fils et toutes choses il a donné dans sa main

3, 3678

celui qui est certain de la vérité [qui est] dans le fils à lui est la vie de la durée éternelle à venir et celui qui n'est pas certain de la vérité du fils il ne verra pas la vie mais la colère de dieu demeure sur lui

77

3, 35 Le père aime le fils : dans tous les textes de tous les livres du Nouveau Testament, le terme de père désigne Dieu, purement et simplement. C'est un synonyme de Dieu. Et le terme de fils désigne Jésus le Christ, pris ou considéré concrètement. Ne faisons donc pas dire à l'auteur du quatrième Évangile que Dieu aime son propre logos ! Le père aime le fils, signifie : Dieu aime Ieschoua le Christ qui est son fils unique et chéri. C'est ainsi que le comprend la sainte liturgie depuis bientôt vingt siècles. Il a tout donné dans sa main : expression hébraïque fréquente, Josué 22, 9, dans la main de Môscheh ; Nombres 15, 23 ; 1 Samuel 28, 15 : dans la main des prophètes ; 1 Samuel 28, 17, dans ma main. 2 Samuel 3, 18, dans la main de David mon serviteur. 1 Rois 12, 15 : afin de lever (de réaliser) sa parole qu'il a dite, YHWH, dans la main de Ahiiah. 2 Rois 10, 10 : Et c'est YHWH qui a fait ce qu'il avait dit dans la main de son serviteur Eliiahou... 2 Rois 14, 25 : Conformément à la parole de YHWH Dieu d'Israël, parole qu'il avait dite dans la main de son serviteur Iônah... 2 Rois 17, 13 : Et il a attesté, YHWH, dans la main de tous ses prophètes et de tous ses voyants... Ibid. : Que je vous ai envoyé, à vous, dans la main de mes serviteurs les prophètes... 2 Rois 17, 23 : Comme il l'avait dit dans la main de tous ses serviteurs les prophètes... 2 Rois 21, 10 : Et il a parlé, YHWH, dans la main de ses serviteurs les prophètes... 2 Rois 24, 2 ; etc. 78 3, 36 La vie de la durée éternelle à venir est à lui : hébreu haiim olam ou haiim olamim. Dès maintenant, dès aujourd'hui, dès l'instant présent, celui qui est certain, par son intelligence, de la vérité qui est dans le fils, à savoir Jésus le Christ, celui qui atteint donc à la connaissance du secret ontologique du Christ, il est passé de la mort à la vie, et dès maintenant dès aujourd'hui, il entre dans l'ordre de la vie de la durée qui vient, la durée éternelle. C'est exactement la doctrine de Paul, une fois de plus. Jean, ou du moins son traducteur en langue grecque, n'emploie jamais le mot grec pistis, la certitude objective de la vérité, hébreu émounah traduit, nombre de fois, par alètheia, la vérité. Paul traduit complètement l'hébreu émounah par pistis alètheias, la certitude objective de la vérité, 2 Thessaloniciens 2,13.

42 CHAPITRE 4

4, 1

lorsqu'il a connu ieschoua qu'ils ont entendu les perouschim que ieschoua fait plus de disciples et il plonge davantage [dans l'eau] que iôhanan

4, 2

mais en réalité ce n'est pas ieschoua lui-même qui plongeait [les gens] dans l'eau ce sont ses disciples

4, 3

alors il a quitté la judée et il s'en est allé de nouveau dans la galilée

4, 479

il lui a fallu passer à travers la samarie

79

4, 4 La Samarie. Le roi Salomon est mort vers 930 avant notre ère. Après sa mort, le royaume constitué par David et par Salomon se divise en deux parts inégales : le royaume du Nord, dix tribus ralliées à Jéroboam ; le royaume du Sud, deux tribus, Juda et Benjamin, qui restaient fidèles au fils de Salomon, Roboam, 1 Rois 12. Jéroboam est donc le premier roi d'Israël au sens restreint du terme. Il s'installe à Sichem. Vers 884 avant notre ère, tout Israël fit roi Omri qui était un chef d'armée, 1 Rois 16, 16. Omri a acheté la montagne de schômerôn, il l'a achetée à Schemer, pour deux talents d'argent. Et il a construit la montagne (il a fait des constructions sur la montagne) et il a appelé le nom de la ville qu'il a bâtie, sur le nom de Schemer, le seigneur de la montagne : Schômerôn. La traduction grecque en cet endroit transcrit : la montagne de semerôn, acquise de la main de semer, le seigneur de la montagne saemèron. 1 Rois 13, 32, l'hébreu schômerôn est transcrit en caractères grecs samareia. Abel, Géographie de la Palestine, II, 443, pense que la vocalisation schômerôn, que nous lisons dans nos éditions hébraïques modernes, n'est pas primitive. L'assyrien donne samerina et les traducteurs en langue grecque ont entendu et transcrit samareia. C'est la transcription que nous avons dans Jean 4, 4 ; Luc 17, 11 ; Actes 1,8; etc. La vocalisation hébraïque schômerôn rapproche le nom de la ville, du verbe schamar, garder. Schômerôn, c'est le poste de garde. Les Samaritains, les descendants de l'antique royaume de Samarie, interprètent eux-mêmes leur nom à partir du verbe hébreu schamar, garder. Ils se considèrent comme les authentiques gardiens de la Torah, de l'Instruction et de la Norme donnée par Môscheh au peuple hébreu au xme siècle avant notre ère. Au viiie siècle avant notre ère, sous le règne de Jéroboam II (786-746) le prophète — Amos 7, 11 — annonce, en pleine prospérité politique et économique, que le roi va mourir par l'épée et qu'Israël va être déporté de dessus sa propre terre. En 721 la capitale du royaume d'Israël est prise par Sargon, le roi d'Assur, le frère et le successeur de Salmanasar. Les Annales du roi nous relatent la prise de Samerina. Le roi d'Assur déporte près de 30 000 prisonniers en Assyrie. Le Second livre des Rois ajoute, 2 Rois 17, 24, que le roi d'Assyrie a fait venir des gens de Babel, de Coutah, etc., et qu'il les a installés dans les villes de la Samarie à la place, hébreu tahat, grec anti, des fils d'Israël. Et ils ont pris possession de la Samarie et ils ont habité dans ses villes. Au vne siècle avant notre ère, le roi du royaume de Juda, Josias (640-609), fait démolir l'autel des sacrifices de Béthel, 2 Rois 23,15. Il fait disparaître toutes les maisons de hauts lieux qui se trouvaient dans les villes de Samarie, 2 Rois 23, 19. Au rve siècle avant notre ère, les habitants de la Samarie construisent sur le mont Garizim un sanctuaire semblable au Temple de Jérusalem. Le livre saint, c'est la Torah, ce que nous, au xxe siècle, nous appelons le Pentateuque, les cinq livres de Moïse. Der Hebraïsche Pentateuch des Samaritaner, éd. Gall, Giessen, 1918. Texte extrêmement précieux puisqu'il nous permet de comparer le texte hébreu conservé avec un soin infini par la communauté issue de Samarie, avec le texte hébreu conservé par la communauté issue de Jérusalem, celui que nous lisons dans nos éditions modernes, qui sont établies à partir de manuscrits transmis par la communauté issue de Jérusalem. Vers 108 avant notre ère, le Temple du mont Garizim est détruit et l'ancienne capitale de la Samarie est détruite elle aussi par Jean Hircan (Abel, Histoire de la Palestine, I, 211). En 63 avant notre ère, Pompée rattache la Samarie à la province romaine de Syrie. Vers 26 avant notre ère, Hérode dit le Grand, roi de la Palestine, par décision de l'empereur Auguste, reconstruit la capitale et il l'appelle Sébastè (André Parrot, Samarie, capitale du royaume d'Israël, Cahiers d'Archéologie biblique).

43 4, 580

il est donc arrivé dans une ville de la samarie appelée sychar [c'était] près du champ qu'il a donné iaaqôb à iôseph son fils

4, 681

c'est là qu'était la source de iaaqôb ieschoua était fatigué du voyage et il s'est assis comme cela près de la source l'heure c'était environ la sixième

4, 782

est arrivée une femme [qui était] de la samarie pour puiser de l'eau et il lui a dit ieschoua donne-moi à boire

4, 8

car ses disciples étaient partis à la ville pour acheter à manger

4, 983

alors elle lui a dit la femme de samarie comment se fait-il que toi qui es un judéen à moi tu me demandes à boire moi qui suis une femme de la samarie

80

4, 5 Près du champ qu'il a donné, Iaaqôb, à Iôseph son fils... Genèse 33, 18 : Et il arriva, Iaaqôb, à Schalem, une ville de Sichem qui [est] au pays de Kanaan, lorsqu'on arrive à Paddan-Aram et il a campé en face de la ville. Et il a acheté une partie du champ, hébreu heleqat ha-sadeh, grec tèn merida tou agrou, là où il avait planté sa tente, de la main des fils de Hamor (les fils de l'Ane...), le père de Sichem... Genèse 48, 22 : Et moi je t'ai donné schekem ehad, une épaule, grec sikima, la ville de Sichem... 81 4, 6 II y avait là la source de Jacob... L'article déterminatif manque en hébreu dans ce cas. Le traducteur a traduit littéralement ce qu'il voyait ou entendait. C'était environ la sixième heure : ce que les Hébreux appelaient la sixième heure correspond au milieu de la journée. 82 4, 7 Donne-moi à boire : Exode 17, 2 : tenou-lanou maïm we-nischeteh. Genèse 47,15 : Donne-nous du pain, habah lanou lehem. 83 4, 9 Comment (est-il possible que) toi qui es Judéen, tu me demandes à boire à moi qui suis une femme de Samarie. En français moderne, on demande quelque chose à quelqu'un... En hébreu ancien, on demande quelque chose de quelqu'un, quelque chose qui va venir de celui qui va donner ce qui lui est demandé, schaal min... Exode 3, 22 ; 11, 2 ; 12, 35 ; 22, 13 ; etc. C'est cette expression hébraïque schaal min qui est régulièrement traduite en grec, depuis Exode 3, 22, par l'expression grecque aitein (demander) quelque chose, para venant de... quelqu'un. C'est cette expression grecque barbare — grec de traduction — que nous trouvons ici dans Jean 4, 9. Car ils ne se fréquentent pas les Judéens et les Samaritains : c'est une remarque fort utile et même nécessaire pour les lecteurs de notre traduction grecque de l'Évangile de Jean, qui sont dispersés sur tout le pourtour du bassin de la Méditerranée et qui ne sont pas forcés de savoir que les Judéens et les Samaritains sont brouillés depuis des générations. On remarque une fois de plus à propos de ce texte que les Ioudaioi, ce sont les Judéens, c'est-à-dire les habitants de ce pays ou de ce territoire qui s'appelait la Judée, l'ancien royaume de Juda. Les Samaritains sont les habitants du pays qui s'appelait la Samarie, l'ancien royaume d'Israël, capitale Samarie, hébreu schômeron, cf. 1 Rois 16, 24 ; Amos 4, 1 ; etc. La capitale a donné son nom à tout le pays, Osée 14,1.

44

car ils ne se fréquentent pas les judéens et les samaritains 4, 1084

alors il a répondu ieschoua et il lui a dit si tu connaissais le don de dieu et qui est celui qui te dit donne-moi à boire c'est toi qui lui demanderais et il te donnerait de l'eau vivante

4, 11

et elle lui a dit la femme seigneur tu n'as même pas de quoi puiser et le puits est profond d'où tirerais-tu l'eau vivante

4, l2

est-ce que toi tu es plus grand que notre père iaaqôb qui nous a donné le puits et lui-même il en a bu et ses fils et ses troupeaux

4, l3

et il a répondu ieschoua et il lui a dit tout homme qui boit de cette eau-là il aura soif de nouveau

4, 1485

mais celui qui boira de l'eau que moi je lui donnerai il n'aura jamais plus soif dans la durée à venir mais l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie de la durée éternelle à venir

84

4, 10 L'eau vivante : hébreu maïm haiim, au pluriel, des eaux vivantes. Genèse 26,19 : Et ils trouvèrent là un puits d'eaux vivantes. 85 4,14 II n'aura plus soif dans la durée à venir, grec eis ton aiôna, hébreu le-ôlam, Genèse 3, 22 ; 6, 3 ; adôlam, Genèse 13,15 ; 12, 24 ; Exode 14, 13 ; traduction grecque eis ton aiôna chronon ; le-ôlam, Exode 15, 18 ; Juges 2, 1 ; etc. C'est une expression typiquement hébraïque, très fréquente dans la Bibliothèque hébraïque, et la traduction grecque habituelle, eis ton aiôna relève de ce que Richard Simon appelait, à juste titre, du grec de synagogue, c'est-àdire du grec qui est composé pour traduire la Bible hébraïque. Aiôn, en grec ancien, par exemple chez Homère, signifie le temps, la durée de la vie, la vie. Qui jaillira dans la vie de la durée éternelle à venir : le grec aiô-nios traduit l'hébreu olam, la durée indéfinie du passé, ou la durée indéfinie de l'avenir ; Genèse 9, 12 : les générations de la durée à venir ; Genèse 9, 16 : une alliance pour la durée indéfinie à venir ; Genèse 17, 7 : une alliance pour la durée indéfinie à venir, berit olam ; 17, 13, idem. Genèse 48, 4, une possession valable pour la durée à venir indéfinie, ôlam, etc.

45

4, 15

et elle lui a dit la femme seigneur donne-moi de cette eau afin que je n'aie plus soif et que je ne vienne plus ici pour puiser

4, 1686

et il lui a dit [ieschoua] va et appelle ton homme et reviens ici

4, 1787

et elle a répondu la femme et elle lui a dit je n'ai pas d'homme et il lui a dit ieschoua tu fais bien de dire je n'ai pas d'homme

4, 1888

car cinq hommes ont été à toi et maintenant celui qui est à toi ce n'est pas ton homme en cela tu as dit vrai

4, 1989

et elle lui a dit la femme seigneur je vois que prophète tu es toi

4, 2090 86

nos pères sur cette montagne-ci

4, 16 Ton homme : hébreu probable isch. Genèse 2, 23 : Et il dit, l'homme (hébreu ha-adam) : celle-ci, cette fois, [c'est] de l'os [tiré] de mon os, et de la chair [tirée] de ma chair. A celle-ci il sera crié : ischah, femme, parce que de l'homme, isch, elle a été prise, celle-ci. 87 4, 17 Je n'ai pas d'homme. Restaurer l'hébreu : il n'y a pas d'homme à moi, ein li isch. 88 4,18 Grec : Car cinq hommes tu as eus. Hébreu : cinq hommes ont été à toi. Et maintenant celui que tu as. Hébreu : et celui qui maintenant est à toi... 89 4, 19 Je vois que prophète tu es toi. En hébreu, il n'y a pas le verbe être : ki nabi atah, que prophète toi, le verbe être est sous-entendu. Les traducteurs en langue grecque sont obligés le plus souvent d'ajouter dans le texte grec le verbe être qui n'est pas dans le texte hébreu, mais ils ne le font pas toujours. 90 4, 20 Se sont prosternés : verbe grec proskunein, qui signifiait en grec : saluer en se prosternant, ou en portant la main à sa bouche comme pour donner un baiser. La construction proskunein suivi du datif est propre au grec de synagogue, traduction des Septante et du Nouveau Testament. Le verbe grec proskunein traduit l'hébreu hischetahaweh, qui signifie bien se prosterner à terre, le nez à terre : Genèse 18,2 ; 19,1 ; 22, 5 ; 23, 7 : Et il se leva Abraham, et il se prosterna devant, hébreu le, le peuple du pays, traduction grecque, construction avec le datif. Genèse 23, 12 : Et il se prosterna Abraham devant la face du peuple du pays. Genèse 24, 26 : Et il se mit à genoux, l'homme, et il se prosterna devant YHWH, hébreu le-YHWH, traduction grecque, construction avec le datif. Genèse 24, 8, id. Genèse 24, 52, id. Genèse 27, 29 : Et ils te seront asservis, des peuples ; et ils se prosterneront devant toi, des populations ; et ils se prosterneront devant toi, les fils de ton père. Traduction grecque, construction avec le datif. Genèse 37, 7 : Et voici que vos gerbes se prosternent devant ma gerbe. Genèse 37, 9 : Et voici que le soleil et la lune et

46 ils se sont prosternés et vous vous dites c'est à ierouschalaïm le lieu où il faut se prosterner 4, 2191

et il lui a dit ieschoua sois certaine de la vérité de ce que je te dis femme elle vient l'heure où ce n'est ni sur cette montagne ni à ierouschalaïm que vous vous prosternerez devant le père

4, 2292

vous

douze étoiles se prosternent devant moi, hébreu //'. Ces exemples et bien d'autres montrent que chez les anciens hébreux on pouvait aussi se prosterner devant un homme. Genèse 42, 6 : Et ils arrivèrent les frères de Iôseph et ils se prosternèrent devant lui à terre, hébreu lô, traduction grecque, construction avec le datif. Genèse 49, 8 : Ils se prosterneront devant toi, hébreu le-ka, les fils de ton père, traduction grecque proskunèsousin soi'. Exode 18, 7 : Et il sortit Môscheh à la rencontre de son beau-père et il se prosterna... Exode 20, 5 interdit aux Hébreux de se prosterner devant les dieux des nations païennes ; Exode 23, 24. Exode 32, 8 : Ils se sont fait un veau de métal fondu et ils se sont prosternés devant lui, littéralement : à lui, hébreu lô, traduction grecque proskekunèkasin auto. Deutéronome 4, 19 : Afin que tu n'élèves pas tes yeux vers les deux, et que voyant le soleil et la lune et les étoiles, et toute l'armée des deux, tu ne te prosternes pas devant eux, littéralement : à eux, hébreu lahem, traduction grecque proskunèsès autois. De même Deutéronome 5, 9. Sur cette montagne-ci, que la femme montre du doigt, le mont Garizim, sur lequel avait été construit autrefois un temple, dans lequel les habitants de Samarie sacrifiaient. Le Temple avait été démoli par Jean Hyrcan en 129 avant notre ère, mais les sacrifices se continuaient sur la montagne, en particulier le sacrifice des agneaux pour la fête depesah. 91 4, 21 Ni sur cette montagne (le mont Garizim) ni à Jérusalem... Proposition hautement rationaliste. Le temps des cultes locaux et des sanctuaires particuliers est maintenant périmé. Il n'est pas nécessaire d'aller dans un temple particulier ni dans un lieu particulier pour se prosterner devant Dieu, puisque la création entière est sa demeure, et elle est trop petite pour le contenir. Ce que dit ici le Seigneur à la femme de Samarie est conforme à ce qu'il avait dit avant : le temps du Temple physique, matériel, est désormais dépassé ou périmé. Et c'est ce thème qui a été repris et utilisé par ses adversaires, en même temps que déformé, comme nous l'avons noté précédemment. 92 4, 22 Vous, vous vous prosternez devant celui que vous ne connaissez pas, ou : que vous n'avez pas connu. Celui que et non pas ce que, hébreu ascher qui est un pronom relatif masculin, féminin et neutre. Le traducteur en langue grecque a choisi le neutre ho, et non pas le masculin hon, parce que sa connaissance de la grammaire grecque n'était pas sans incertitudes. Dans la tradition hébraïque on se prosterne devant quelqu'un, mais on ne se prosterne pas devant quelque chose... Parce que le salut vient des Judéens : hébreu ha-ieschoua min-haiehoudim hi. Le verbe être n'est pas nécessaire ici non plus en hébreu. Le verbe être a été ajouté en grec parce que c'est quasi indispensable en grec à peu près correct. Il se pourrait qu'il y ait dans cette proposition un jeu de mots, ou du moins une allusion au nom du Seigneur, leschoua, de la même racine iascha que le mot ieschoua, le salut, qui est traduit en grec par sôtèria. leschoua, lui qui est le salut, il vient de Judée... Le fond de la pensée paraît être celui-ci : Dieu a communiqué sa pensée créatrice à l'intérieur de cette zone germinale qui est le peuple hébreu. C'est là, dans cette zone toute particulière de l'humanité, qu'il s'est fait connaître et qu'il a fait connaître son dessein créateur. Le prophétisme hébreu est un fait hébreu. Par conséquent le Seigneur explique à la femme de Samarie qu'objectivement le salut vient des prophètes hébreux, et du dernier d'entre eux, celui qui lui parle et qu'elle-même vient de reconnaître comme prophète. La femme de Samarie aurait pu objecter au Seigneur — et peut-être l'a-t-elle fait — que le royaume d'Israël, capitale Samarie, a eu aussi ses prophètes dans les temps anciens. Amos a été porter la parole de Dieu à la cour royale du royaume d'Israël, sous le règne de Jéroboam IL II va dénoncer violemment les crimes des hommes et des femmes de Samarie. Samarie a donc eu aussi ses prophètes. Cela est vrai. Mais depuis la séparation entre la Samarie et la Judée, la Samarie n'est plus une

47 vous vous prosternez devant celui que vous ne connaissez pas nous nous nous prosternons devant celui que nous avons connu parce que le salut [vient] des judéens 4, 23

mais elle vient l'heure et c'est maintenant où ceux qui se prosternent en vérité ils se prosterneront devant le père dans l'esprit et dans la vérité car le père recherche ceux qui se prosternent de cette manière devant lui

4, 2493

[il est] esprit dieu et ceux qui se prosternent devant lui c'est dans l'esprit et dans la vérité qu'il faut se prosterner

4, 2594

et elle lui a dit la femme je sais que le maschiah va venir ce qui signifie [en traduction] celui qui a reçu l'onction [de l'huile] lorsqu'il viendra celui-là il nous annoncera toutes choses

4, 2695

et il lui a dit ieschoua

zone dans laquelle Dieu communique sa pensée créatrice. Il la communique en Judée et en Galilée. C'est de là que vient le salut de Dieu. Il est connu, il s'est fait connaître, en Juda, Dieu, Psaume 76, 2, et en Israël grand est son nom. 93 4, 24 II est esprit, Dieu : traduction incertaine, car on pourrait aussi bien interpréter : l'Esprit, c'est Dieu ; c'est Dieu, l'Esprit. Cette seconde traduction est peut-être plus vraisemblable que la première. Si le traducteur en langue grecque a respecté l'ordre des mots de l'hébreu, on a d'abord ruah, puis elohim, sans le verbe être en hébreu ; le traducteur en langue grecque ne l'a pas mis non plus. Dans ce cas-là il faudrait entendre : l'Esprit dont je vous parle, c'est Dieu. Le lieu dans lequel on se prosterne pour adorer Dieu, le père, c'est l'Esprit, l'Esprit saint, qui est Dieu. L'Esprit saint remplace le Temple matériel, désormais périmé. 94 4, 25 Je sais que le meschiah vient... Certains manuscrits donnent : nous savons que... Il vient, c'est-à-dire : il va venir, il doit venir... Psaume 40, 8 : Et alors j'ai dit : Voici que je viens. Dans le rouleau du Livre il est écrit à mon sujet... Cantique des Cantiques 2, 8 : La voix de mon chéri ! Voici qu'il vient... Jean le baptiseur dans sa prison envoie des messagers à Ieschoua et lui demande : Est-ce que toi tu es celui qui vient, celui qui doit venir, celui qui va venir, ou bien est-ce que nous devons en attendre un autre ? Matthieu 11,2. Celui qui vient est donc un titre messianique. Dans notre texte grec, nous avons tout d'abord la transcription en caractères grecs du mot hébreu meschiah, du verbe maschah, oindre. Puis nous avons l'interprétation ou la traduction en langue grecque de ce mot hébreu, ce qui signifie christos. Nous avons nous-mêmes traduit le grec christos en français, et cela donne : oint, ou, sous forme développée : celui qui a reçu l'onction de l'huile. 95 4, 26 Je le suis — ou : c'est moi, hébreu ani hou. Traduction littérale : moi = lui. Nous allons retrouver cette expression hébraïque plusieurs fois dans la suite de notre texte, traduite en grec egô eimi. Le traducteur en langue

48

le le suis moi qui te parle 4, 2796

et là-dessus sont arrivés ses disciples et ils s'étonnaient parce qu'il parlait avec une femme personne cependant n'a dit que cherches-tu ou bien pourquoi parles-tu avec elle

4, 28

elle a donc laissé sa cruche la femme et elle s'en est allée à la ville et elle a dit aux gens

4, 2997

venez et voyez un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait est-ce que ce n'est pas celui-là celui qui a reçu l'onction

4, 30

et ils sont sortis de la ville et ils sont venus vers lui

4, 3198

entre-temps ils lui demandaient les disciples et ils lui disaient rabbi mange

4, 3299

et lui il leur a dit il est pour moi une nourriture à manger

grecque ajoute ici le verbe être, parce qu'il ne peut pas faire autrement. Nous-mêmes nous avons ajouté le verbe être en français, soit que nous traduisions : je le suis — ou bien : c'est moi ! 96 4, 27 Que cherches-tu ? Ou : Qu'est-ce que tu cherches ? En hébreu ma-zeh tischeal. Pourquoi parles-tu avec elle ? De nouveau l'hébreu ma, traduction littérale quoi ? Traduction grecque dans les deux cas : ti. 97 4, 29 Celui qui a reçu l'onction : grec christos, qui est la traduction de l'hébreu meschiah. 98 4, 31 Entre-temps... c'est-à-dire : Avant que n'arrivent les gens qui venaient de la ville de Samarie. Rabbi : les disciples appellent leur maître en utilisant ce terme hébreu conservé dans le texte grec. 99 4, 32 Moi j'ai une nourriture à manger : Hébreu : il est à moi une nourriture à manger... Quant à moi, il est à moi une nourriture à manger que vous, vous ne connaissez pas... En hébreu iesch li le-ékôl ôkel... Comme c'est très fréquemment le cas en hébreu, le verbe est doublé. Traduction littérale : Il est à moi du manger à manger... Genèse 2, 16 : Mikôletz ha-gan akôl tôkel, de tout arbre du jardin, manger, tu mangeras, grec brôsei phagè. — 2 Samuel 19, 43 : Est-ce que, manger, nous avons mangé (de quelque chose qui vient) du roi ? Hébreu : heakôl akalenou, grec mè brôsei ephagamen. — En grec, le substantif brôsis, la nourriture, et le verbe phagein, manger, ne sont pas de la même racine, et donc on n'aperçoit pas, dans la traduction grecque, que les deux mots grecs traduisent deux mots hébreux qui sont, eux, de la même racine akal manger. Le substantif hébreu ôkel, c'est ce qui se mange, le manger, la nourriture, traduction grecque brôsis. Nous avons donc dans ce texte de Jean 4, 32 une preuve de plus que ce texte grec est une traduction faite à partir d'un texte hébreu antérieur, puisque la construction « manger du manger » est hébraïque, et que l'identité de la racine hébraïque du verbe et du substantif n'est plus perceptible dans la traduction grecque.

49 que vous vous ne connaissez pas 4, 33100

ils se sont dit alors les disciples chacun a son compagnon est-ce que quelqu'un lui a apporté à manger

4, 34

et il leur a dit ieschoua ma nourriture à moi c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et que j'achève son oeuvre

4, 35101

n'est-ce pas vous qui dites encore quatre mois et voici la moisson qui vient voici je vous le dis levez vos yeux et regardez les champs ils sont clairs pour la moisson

4, 36

déjà celui qui moissonne reçoit son salaire et il recueille les fruits pour la vie de la durée éternelle à venir afin que celui qui sème se réjouisse en même temps que celui qui moissonne

4, 37

car c'est bien en ceci qu'elle est vraie la parole autre est celui qui sème et autre celui qui moissonne

4, 38

moi je vous ai envoyé moissonner ce que vous vous n'avez pas peiné [à faire pousser] d'autres ont peiné et vous vous êtes entrés dans leur ouvrage ________

4, 39

de cette ville-là

100

4, 33 Ils se dirent donc les disciples chacun à son compagnon : l'expression grec pros allèlous traduit régulièrement l'expression hébraïque : chacun à son frère, ou : chacun à son compagnon, Genèse 42, 28 ; Exode 18, 7 ; etc. Nous restaurons donc la vieille expression hébraïque qui se trouve sous notre traduction grecque, beaucoup plus abstraite. 101 4, 35 Et regardez les champs, ils sont clairs pour la moisson : construction hébraïque, commençant par ki. Clairs pour la moisson ; clairs, c'est-à-dire mûrs, et donc prêts à être moissonnés.

50 nombreux ont été ceux qui furent certains de la vérité [qui est] en lui parmi les samaritains à cause de la parole de la femme qui attestait il m'a dit tout ce que j'ai fait 4, 40102

lorsque donc ils sont venus vers lui les samaritains ils lui ont demandé de rester avec eux et il est resté là deux jours

4, 4l

et bien plus nombreux ont été ceux qui ont été certains de la vérité à cause de sa parole

4, 42

et à la femme ils ont dit ce n'est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous sommes certains de la vérité car nous-mêmes nous avons entendu et nous savons que celui-ci il est véritablement le sauveur du monde

4, 43

et après ces deux jours-là il est sorti de là [pour aller] en galilée

4, 44103

car lui-même ieschoua il a attesté qu'un prophète dans sa propre patrie n'est pas honoré

4, 45

lorsque donc il est venu dans la galilée ils l'ont reçu les galiléens car ils avaient vu tout ce qu'il a fait à ierouschalaïm lors de la fête car eux aussi ils étaient venus à la fête

4, 46104

il est donc venu de nouveau à qanah de la galilée là où il avait changé l'eau en vin

102

4, 40 Ils lui ont demandé de rester auprès d'eux : le verbe grec erôtaô-ô suivi d'un infinitif, très violent en grec. Erôtaô-ô signifie : demander, interroger, poser une question. C'est la traduction littérale de l'hébreu schaal, demander, suivi du lamed. 103 4, 44 Qu'un prophète dans sa propre patrie n'est pas honoré : En grec : il n'a pas d'honneur. En hébreu, vraisemblablement : il n'y a pas d'honneur pour le prophète dans sa propre patrie. 104 4, 46 St. Kephar-Nahoum : Localité galiléenne située sur le bord du lac de Tibériade, Luc 4, 31 ; Matthieu, 4,13 ; Abel, op. cit., II, 292.

51 et il y avait là un serviteur du roi son fils était malade à kephar-nahoum 4, 47

et lui il a entendu que ieschoua était venu de la judée dans la galilée et il est allé vers lui et il lui a demandé de descendre et de guérir son fils car il allait mourir

4, 48

et alors il a dit ieschoua [en s'adressant] à lui si des signes et des prodiges vous ne voyez pas vous ne serez pas certains de la vérité

4, 49

il lui a dit le serviteur du roi seigneur descends avant qu'il ne meure mon petit garçon

4, 50

il lui a dit ieschoua va ton fils est vivant et il a été certain l'homme de la vérité de la parole que lui avait dite ieschoua et il s'en alla

4, 51105

alors qu'il descendait ses serviteurs sont venus à sa rencontre et ils lui ont dit ton fils est vivant

4, 52106

il leur a donc demandé à quelle heure il s'était trouvé mieux et ils lui ont dit hier à la septième heure elle l'a quitté la fièvre

4, 53

et il a connu le père

105 4, 51 Que son fils est vivant : une série de manuscrits donne : Que ton fils est vivant. La première série de manuscrits a traduit l'hébreu ben par le grec pais. La seconde série de manuscrits traduit l'hébreu ben par le grec huios. Il ne s'agit donc pas d'un accident, d'une erreur accidentelle de copiste, mais bel et bien d'une divergence délibérée entre deux traductions. 106 4, 52 Hier à la septième heure : environ ce que nous appelons une heure de l'après-midi dans notre système.

52 que [c'était] dans cette heure-là dans laquelle il lui avait dit ieschoua ton fils est vivant et il a été certain de la vérité lui et sa maison tout entière 4, 54

voilà le deuxième signe qu'il a fait ieschoua lorsqu'il est venu de la judée dans la galilée

53 CHAPITRE 5

5, 1107

et après cela il y a eu la fête des judéens et il est monté ieschoua à ierouschalaïm

5, 2108

il est à ierouschalaïm près de la [porte] du troupeau de petit bétail une piscine qui est appelée en hébreu beit zathah elle a cinq portiques

5, 3

sous ces portiques était couchée une foule de malades aveugles boiteux desséchés ils attendaient le mouvement des eaux

5, 4109

car un messager de yhwh de temps en temps

107

5, 1 Et après cela... Grec meta tauta, hébreu we-aharei-ken, Genèse 23,19 ; Exode 11,1 ; etc. La fête des Judéens... Certains manuscrits donnent une fête, sans l'article grec. Mais de toute manière en hébreu il n'y a pas dans ce cas l'article déterminatif, ce qui explique les variantes. Et il est monté Ieschoua à Ierouschalaïm : ici en grec Hieroso-luma. 108 5, 2 II est à Ierouschalaïm... Ici en grec en tois Hierosolumois, dans les Jérusalem... Près de la [porte] du Troupeau de petit bétail... Néhémie 3, 1 : Et il se leva, Eliaschib, le grand prêtre, et ses frères, les prêtres, et ils construisirent la Porte du Troupeau de petit bétail, hébreu schaar ha-tzôn. Nous avons déjà noté que l'hébreu tzôn, collectif, qui désigne le troupeau de petit bétail, moutons, brebis, chèvres et boucs, est régulièrement traduit en grec par le pluriel neutre ta probata. Ce qui explique que les traducteurs en langue française rendent par : les brebis. En réalité, l'hébreu tzôn désigne le troupeau de petit bétail, lequel comporte aussi bien des béliers que des brebis, des boucs que des chèvres... L'expression hébraïque schaar ha-tzôn de Néhémie 3, 1 est traduite en grec : tènpulèn tèn probatikèn. Néhémie 3, 32 : Schaar ha-tzôn traduction grecque tes pulès tes probatikès. Néhémie 12, 39 : schaar hatzôn, traduction grecque : pulès tes probatikès. Cette Porte du Troupeau de petit bétail se trouvait au nord du Temple, dans la muraille nord. Notre texte grec de Jean se contente de nous dire : epi tè proba-tikè, littéralement : à la [...] du Troupeau de petit bétail. C'est donc une expression abrégée, comme nous Parisiens nous disons : la Concorde, ou la Bastille, sans estimer devoir préciser qu'il s'agit d'une place. Notre texte grec de Jean suppose donc que le lecteur à qui il s'adresse sait que la [...] du Troupeau de petit bétail, c'est une porte de l'une des murailles de Jérusalem, la Porte dite du Troupeau de petit bétail. Pour supposer cela, il faut s'adresser à des gens qui connaissent suffisamment Jérusalem et ses portes. Il faut que Jérusalem et ses portes soient encore debout. Il faut que le lecteur comprenne à demi-mot, c'est le cas de le dire, que la [...] du Troupeau de petit bétail, c'est une porte, la porte bien connue. Notre texte grec s'adresse donc, en premier lieu, à des gens de Jérusalem, qui connaissent l'expression, et qui sont capables de comprendre cette expression sous sa forme abrégée, comme nous à Paris en 1984 nous comprenons immédiatement que la Bastille et la Concorde sont des places. Mais un étranger ne peut pas le savoir, s'il n'est pas venu à Paris. Le texte hébreu ici traduit comportait l'expression originelle schaar-ha-tzôn. Le traducteur en langue grecque de cette expression a estimé que, auprès de la probatikè, cela suffit pour se faire comprendre. Or l'expression n'était intelligible que pour des gens qui connaissaient suffisamment Jérusalem, qui connaissaient la porte en question, le nom de la porte, et qui étaient capables de saisir immédiatement que la probatikè ne peut être que la Porte du Troupeau de petit bétail bien connue. Qui était capable de comprendre immédiatement tout cela : les habitants de Jérusalem, lorsque Jérusalem était encore debout, lorsqu'il y avait encore des habitants à Jérusalem. Une piscine appelée en hébreu beit-zathah, ou beit-zaïta, la maison des oliviers. D'autres manuscrits donnent : beit heseda, la maison de la grâce ; beit isethaio, maison aux colonnes (staio — grec stoa 7) C'est l'hypothèse proposée par F. Delitzsch, qui s'arrange bien avec la suite du texte. Elle a cinq portiques : hébreu : à elle [sont] cinq portiques.

54 descendait dans la piscine et les eaux en étaient agitées le premier qui descendait après l'agitation des eaux était guéri quel que soit le mal qui le tenait 5, 5

il y avait un homme là qui depuis trente-huit ans était dans son infirmité

5, 6

et il l'a vu ieschoua [cet homme] qui était couché et il a connu qu'il était là depuis longtemps et il lui a dit est-ce que tu veux être guéri

5, 7

et il lui a répondu l'infirme seigneur il n'y a personne avec moi lorsque les eaux s'agitent pour me pousser dans la piscine pendant que je m'approche pour y aller moi c'est un autre qui descend avant moi

5, 8

alors il lui a dit ieschoua lève-toi prends ta couche et marche

5, 9110 109

et voici qu'il a été guéri l'homme

5, 4 Un messager de YHWH... En grec : aggelos kuriou... Verset proposé par un certain nombre de manuscrits, absent d'une autre série de manuscrits. Descendait dans, en grec katebainen en... suivi du datif : très dur à supporter pour un helléniste grammairien. Nombre de variantes. Verset très tumultueux du point de vue de la tradition manuscrite. 110 5,9 C'était schabbat ce jour-là : notre texte grec ne traduit pas le mot hébreu schabbat. Il se contente de le transcrire en caractères grecs, sans prendre la peine de le traduire, d'en donner le sens. C'est donc que l'auteur de notre texte grec, ou, selon nous, le traducteur en langue grecque du document hébreu sous-jacent, sait qu'il sera compris de ses lecteurs. Il n'a pas besoin de traduire ce mot-là. Il suffit de le transcrire en caractères grecs. C'était schabbat ce jour-là... Exode 20, 8 : Souviens-toi du jour du schabbat, grec ton sabbatôn, pour le sanctifier, pour le consacrer, hébreu le-qadeschô, grec hagiazein. Six jours tu travailleras et tu feras tous tes travaux, et le jour septième [c'est] schabbat, grec sabbata, pour YHWH ton Dieu. Tu ne feras pas tout ouvrage (en français : tu ne feras aucun ouvrage...), toi et ton fils et ta fille, ton esclave et ta servante et ton bétail et ton étranger, hébreu ger, grec prosèlutos / qui [est] dans tes portes. Parce que [durant] six jours, il a fait, YHWH, les deux et la terre et la mer et tout ce qui [est] en eux, et il s'est reposé le septième jour. C'est la raison pour laquelle il a béni, YHWH, le jour du schabbat et il l'a consacré, wa-iqadeschehou, grec hègiasen. Exode 31, 13 : Mes schabbats, grec ta sabbata, vous les garderez, car [c'est] un signe, cela, entre moi et entre vous, pour vos générations, pour connaître que moi [je suis] YHWH qui vous sanctifie, qui vous consacre, hébreu meqadischekem, grec hagiazôn. Et vous garderez le schabbat, car [c'est] saint, sacré, hébreu qôdesch, grec hagion, cela pour vous. Celui qui le profanera, mourir il mourra. Car tout homme qui fera en lui [en ce jour-là] un travail, elle sera retranchée, cette âme-là, du milieu de son peuple. Durant six jours on

55 et il a pris sa couche et il a marché c'était schabbat ce jour-là 5, 10111

alors ils ont dit les judéens à celui qui avait été guéri c'est schabbat et il ne t'est pas permis de transporter ta couche

5, 11

et alors lui il leur a répondu celui qui m'a guéri c'est lui qui m'a dit porte ta couche et marche

5, 12

ils lui ont demandé qui est-il donc l'homme qui t'a dit porte et marche

5, 13

celui qui avait été guéri ne savait pas qui c'était car ieschoua était disparu car il y avait beaucoup de monde en cet endroit

5, 14

et après cela il l'a trouvé ieschoua dans l'enceinte du temple et il lui a dit voici que maintenant tu es guéri ne fais plus le mal afin qu'il ne t'arrive pas quelque chose de pire

5, 15

il s'en est allé l'homme et il a annoncé aux judéens que c'est ieschoua qui l'a guéri

fera son travail et au septième jour, [c'est] schabbat schabbatôn, grec sabbata ana-pausis hagia, saint, sacré, qôdesch, pour YHWH. Tout homme qui fera du travail dans le jour du schabbat, mourir il mourra. Et ils garderont, les fils d'Israël, le schabbat, pour faire le schabbat, dans les générations [à venir]. [C'est] une alliance qui s'étend sur la durée éternelle à venir, hébreu berit ôlam, grec diathèkè aiônios. Entre moi et entre les fils d'Israël [c'est] un signe, hébreu ôt, grec sèmeion, cela pour la durée indéfinie à venir, hébreu le-ôlam, grec sèmeion estin aiônion. Car [durant] six jours il a fait, YHWH, les cieux et la terre, et au jour septième il s'est reposé, hébreu schabbat, grec epausato et il a repris haleine, il a soufflé, hébreu wa-inaphasch, grec katepausen. 111 5,10 Les Judéens : ici les habitants de Jérusalem. Notre traducteur destine sa traduction à des gens qui ne savent pas l'hébreu, et qui donc ne sont pas Judéens de naissance. Ce sont des enfants d'Abraham dispersés sur le pourtour de la Méditerranée et qui ne savent plus suffisamment la langue hébraïque pour lire le document que notre traducteur met à leur portée.

56 5, 16

et à cause de cela ils poursuivaient les judéens ieschoua parce que ces choses-là il les faisait [un jour] de schabbat

5, 17112

quant à ieschoua il leur a répondu mon père jusqu'à présent est à l'oeuvre et moi aussi je suis à l'oeuvre

5, 18113

et c'est la raison pour laquelle encore davantage ils cherchaient les judéens à le mettre à mort parce que non seulement il déliait [l'obligation] du schabbat mais parce que de plus il l'appelait son propre père dieu et ainsi il se faisait lui-même égal à dieu

5, 19114

et alors il a répondu ieschoua et il leur a dit

112

5,17 Mon père jusqu'à maintenant est à l'œuvre... Dans ce texte le Seigneur enseigne que la création n'était pas achevée à l'origine des temps, mais qu'elle se continue. Dieu le créateur est à l'œuvre aujourd'hui, en cet instant même, jusqu'à présent. La création se continue, elle n'est pas achevée. Et le fils de l'homme ajoute : moi aussi je suis à l'œuvre. Le fils de l'homme coopère activement à la création qui est l'œuvre de Dieu, qu'il appelle son propre père. La logique de la discussion semble donc être la suivante. Les théoriciens du schabbat fondaient l'obligation du schabbat sur le fait qu'au septième jour, Dieu s'est reposé de toute son œuvre qu'il avait faite, il a terminé sa création, il a cessé de créer. Genèse 2, 1 : Et ils furent terminés les cieux et la terre et toute leur armée. Et il a terminé, Dieu, au septième jour, son ouvrage qu'il avait fait. Et il se reposa, il cessa, au septième jour, [de faire] tout son ouvrage qu'il a fait. Le rabbi gali-léen Ieschoua ose donc enseigner, contre ce texte, qu'en réalité la création se continue. Dieu le Créateur unique est toujours à l'œuvre, il est encore à l'œuvre aujourd'hui, en cet instant même. Et cela explique et justifie que le fils de l'homme opère lui aussi, le jour du schabbat, qu'il guérisse un enfant de l'homme, prisonnier de sa maladie depuis si longtemps. 113 5, 18 Mais parce qu'il l'appelait son propre père, Dieu : notre Évangile souligne donc ce qu'avait d'original cette manière de parler de Dieu qui était celle du Seigneur, qui de fait appelait Dieu « mon père », ou « votre père », mais jamais « notre père ». Le Seigneur ne se met jamais dans le même ensemble que ceux à qui il s'adresse, lorsqu'il envisage la relation qui existe entre Dieu et lui, entre Dieu et les autres hommes. Et ainsi il se faisait lui-même égal à Dieu : le rédacteur de notre Évangile rapporte ici le point de vue ou la manière de comprendre des Judéens, qui estimaient que, si le rabbi appelait Dieu son propre père, c'est qu'il se faisait lui-même égal à Dieu. Or, c'est le même Évangile de Jean 14, 28 qui rapporte ce propos du Seigneur : le père est plus grand que moi. On ne peut donc pas supposer que l'auteur de notre Évangile prenait à son compte l'opinion de ceux qui pensaient que si le rabbi appelle Dieu son propre père, alors il se fait lui-même l'égal de Dieu. 114 5, 19 Alors il a répondu Ieschoua et il leur a dit... : Nous n'avons aucune raison de supposer que la page qui suit se rattache directement à la précédente. L'expression : Et il a répondu Ieschoua et il leur a dit..., c'est l'expression hébraïque classique et bien connue : waiiaan... waiômer... que l'on trouve des centaines de fois dans la Bible hébraïque, et qui ne présuppose nullement qu'un dialogue était ébauché ou commencé auparavant. Les propos du Seigneur qui suivent peuvent donc fort bien avoir été prononcés dans une tout autre circonstance. Ils se trouvent rattachés à la scène que nous venons de lire simplement parce que, sur le rouleau hébreu, ils étaient écrits à la suite de la scène précédente. Il ne peut pas le fils... Le fils ici, dans l'Évangile de Jean, comme dans les quatre Évangiles, comme dans tous les écrits du Nouveau Testament, c'est l'homme Jésus le Christ, ho anthropos lèsous christos comme dit Paul, 1 Timothée 2, 5 : Car il est unique, Dieu, et il est unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, l'homme Christ Jésus. Le

57

amèn amèn je vous [le] dis il ne peut pas le fils faire quelque chose de son propre coeur s'il ne voit pas le père en train de le faire car ce que celui-ci fait cela le fils le fait lui aussi pareillement 5, 20

car le père il aime le fils et il lui montre tout ce qu'il fait lui-même et plus grandes encore que celles-ci il lui montrera des actions afin que vous soyez dans l'admiration

5, 21

de même qu'en effet le père relève les morts et les fait vivre de même le fils aussi ceux qu'il veut il les fait vivre

5, 22

car le père ne juge personne mais le jugement tout entier il l'a donné dans la main du fils

5, 23115

afin que tous honorent le fils

fils, c'est, selon la formule du pape Léon (Lettre à Julien, évêque de Cos, 13 juin 449), l'homme véritable uni à Dieu véritable, verus homo vero unitus est Deo. Le père, c'est Dieu lui-même. L'homme véritable uni à Dieu véritable ne fait rien de lui-même, il fait ce qu'il voit le père en train de faire, le père, c'est-à-dire Dieu. On le voit, il s'agit ici d'un enseignement de haute théologie, et, on peut le dire, de haute métaphysique. Le Seigneur enseigne ici les secrets de la relation qui existe entre Dieu et lui. Il ne peut pas le fils faire quelque chose... hébreu dabar. De son propre cœur : hébreu mi-libbô. Nombres 16, 28 : En cela vous connaîtrez que c'est YHWH qui m'a envoyé pour faire toutes ces actions, et que ce n'est pas de mon propre cœur, hébreu ki lô mi-libbi, grec hoti ouk ap'emautou... 1 Rois 12, 23, de son propre cœur, hébreu mi-libbô, grec apo kardias autou. Ezéchiel 13, 2 : Et je parlerai aux prophètes (qui sont prophètes) de leur propre cœur, hébreu mi-libbam. Hôï, malheur aux prophètes qui vont après leur propre esprit... Lamentations 3, 33. Le prophète qui est prophète de son propre cœur, ou à partir de son propre cœur, c'est celui qui a pris de lui-même l'initiative de prophétiser, alors que Dieu ne lui avait rien demandé du tout. Le faux prophète est celui qui prophétise ainsi de sa propre initiative et qui tire de lui-même ce qu'il prétend avoir reçu de Dieu. L'authentique prophète est celui qui ne dit rien de son propre cru, mais qui dit ce qu'il a reçu de Dieu, qui transmet ou communique ce qu'il a reçu. Le Seigneur dans ce texte, Jean 5, 19, et dans les suivants, Jean 5, 30 ; 8, 28 ; distingue donc ce qui vient de lui, le fils de l'homme, celui que le pape Léon, Lettre à Julien, évêque de Cos, 13 juin 449, appelle le verus homo vero unitus Deo, et ce qui provient de Dieu, qu'il appelle son propre père. Le concile œcuménique de Chalcédoine, octobre 451, le Concile romain de mars 680, et le troisième concile de Constantinople, session XIII, mars 681, ont défini solennellement que dans cet ensemble relationnel constitué par Dieu qui s'unit l'Homme, et Yhomo verus uni à Dieu, il convient de distinguer ce qui revient à Dieu, ou ce qui provient de Dieu, et ce qui provient de l'Homme véritable uni à Dieu véritable. Il convient donc de distinguer, dans cet ensemble relationnel, deux libertés, deux volontés et deux opérations. Les définitions des grands conciles christolo— giques ont leur fondement dans ces textes de Jean et dans d'autres textes des synoptiques. 115 5, 23 Afin que tous honorent le fils... Le verbe grec timan, que nous avons traduit par honorer, traduit l'hébreu kabad, Exode 20, 12 : Honore ton père et ta mère... Il signifie d'abord : être lourd. Puis : être considéré comme

58 comme ils honorent le père celui qui n'honore pas le fils il n'honore pas le père qui l'a envoyé 5, 24116

amèn amèn je vous le dis celui qui écoute ma parole et qui est certain de la vérité en celui qui m'a envoyé elle est à lui la vie de la durée éternelle à venir et il ne vient pas en jugement mais il est passé de la mort à la vie

5, 25117

amèn amèn je vous [le] dis il vient le temps et c'est maintenant où ceux qui sont morts entendront la voix du fils de dieu et ceux qui l'entendront vivront

5, 26

de même en effet qu'elle est au père la vie en lui-même de même aussi au fils il a donné que la vie soit à lui en lui-même

5, 27

et le pouvoir il lui a donné à lui de faire le jugement parce qu'il est le fils de l'homme

5, 28

ne vous étonnez pas de cela [que je viens de vous dire] il vient le temps où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix

5, 29

et ils sortiront [des tombeaux] ceux qui ont fait ce qui est bon

pesant, lourd... d'où : être honoré. A la forme passive, nikebad, il signifie : être estimé d'un grand prix, être honoré. A la forme piel, il signifie : honorer. Kabed signifie : lourd, puis : riche. Kabôd, l'honneur, la gloire, la splendeur, la richesse. Le roi de gloire, melek ha-kadôd, c'est Dieu, Psaume 24, 7. 116 5, 24 Elle est à lui la vie... C'est la doctrine constante du Seigneur transmise et communiquée par l'Évangile de Jean : celui qui connaît Dieu et celui que Dieu a envoyé, celui qui est certain de la vérité de Dieu et de la vérité de celui que Dieu a envoyé, est déjà passé de la mort à la vie. La vie de la durée éternelle à venir est déjà à lui, aujourd'hui, dès maintenant. C'est encore la doctrine de Paul, Ëphé-siens 2,1 : Et vous, vous étiez morts par vos crimes et vos fautes, dans lesquels jadis vous marchiez, selon la durée de ce monde présent, kata ion aiôna tou kosmou toutou ; c'est la traduction complète, développée, en grec, de l'hébreu olam ha-zeh... Et alors que nous étions morts par nos crimes, il (Dieu) à nous a donné la vie avec le Christ. Nous avons restauré, comme d'habitude, la construction hébraïque : être à..., traduite en grec par le verbe avoir, qui n'existe pas en hébreu. 117 5,25 U vient le temps... Grec or a, hébreu et.

59 pour la relevée de la vie et ceux qui ont fait ce qui est mauvais pour la relevée du jugement 5, 30118

je ne peux pas moi faire de mon propre coeur quelque chose comme j’entends ainsi je juge et mon jugement est juste parce que je ne recherche pas mon vouloir à moi mais le vouloir de celui qui m'a envoyé

5, 31119

si moi j'atteste en ma faveur mon attestation n'est pas certainement vraie

5, 32120

mais c'est un autre qui atteste en ma faveur et je sais qu'elle est certainement vraie l'attestation qu'il atteste en ma faveur

5, 33121

vous vous avez envoyé [des messagers] vers iôhanan et il a attesté en faveur de la vérité

118

5, 30 Je ne peux pas, moi, faire de mon propre cœur quelque chose... Nous avons dans la page qui précède, et dans les pages qui suivent, une série de propos du Seigneur, qui ont été notés par Jean, et qui sont rapportés ici bout à bout, à la suite les uns des autres. Mais rien ne prouve, encore une fois, que ces propos aient été prononcés à la suite les uns des autres dans un seul entretien. Comme j'entends, ainsi je juge et mon jugement est juste : en hébreu : ka-ascher eschema ken eschepôt woumischepati mischepat tzedek... On remarque en hébreu les allitérations qui disparaissent forcément dans la traduction grecque et dans la traduction française. Jugement juste, mischepat tzedek, Deutéronome 16, 18 : Des juges et des scribes tu te donneras à toi, dans toutes tes portes que YHWH ton Dieu te donnera pour tes tribus, et ils jugeront le peuple d'un jugement de justice, traduction grecque : krisin dikaian. Ce sont les mêmes mots grecs dont s'est servi notre traducteur de l'Évangile de Jean. On remarquera en passant que l'hébreu dit : mischepat tzedek, un jugement de justice. Les traducteurs de la Bible hébraïque ont rendu en grec krisin dikaian, un jugement juste, c'est-à-dire qu'ils ont remplacé le substantif la justice par l'adjectif juste. Le phénomène est fréquent et même constant dans toute la traduction en grec de la Bible hébraïque. Les traducteurs en langue grecque de nos quatre Évangiles ont procédé de même. 119 5, 31 Si moi j'atteste à mon propre sujet... C'est une maxime des théologiens hébreux de l'époque : un homme ne peut pas tout seul attester de la vérité de ce qu'il dit. Mon attestation n'est pas certainement vraie : c'est-à-dire qu'elle n'aboutit pas à une certitude de la part de ceux qui écoutent l'attestation. Ils ne peuvent pas être certains que cela est vrai. L'adjectif grec alèthès traduit souvent le substantif hébreu émet, la vérité. Deutéronome 13, 15 ; Néhémie 7,2 ; etc. 120 5, 32 Et je sais... D'autres manuscrits donnent : nous savons. D'autres encore : vous savez... 121 5, 33 Vous, vous avez envoyé [des messagers] vers Iohanan... Envoyer vers, expression hébraïque classique et fréquente, traduite ici littéralement. Nous, nous devons suppléer le complément d'objet, des messagers, pour que la phrase soit viable en français. Genèse 20, 2 : Et il envoya, Abimelek, roi de Gerar, [sous-entendu : des serviteurs], et il prit Sarah... Genèse 31,4 : Et il envoya, Iaaqôb [sous-entendu : des messagers], et il appela Rachel et Leah qui étaient aux champs... Genèse 32, 6 : Et j'ai envoyé [sous-entendu : des messagers] pour annoncer à mon seigneur, afin de trouver grâce à tes yeux... Genèse 41, 8 : Et il envoya [sous-entendu : des esclaves, des serviteurs] et il appela tous les magiciens de l'Egypte... Genèse 41, 14 : Et il envoya, Pharaon [sous-entendu : des serviteurs, des messagers] et il appela Iôseph... Exode 9, 27 : Et il envoya, Pharaon [sous-entendu : des serviteurs] et il appela Môschêh..., etc.

60 5, 34122

moi ce n'est pas de la part de l'homme que je reçois l'attestation mais cela je vous le dis afin que vous vous soyez sauvés

5, 35123

lui il était la lampe qui brûle et qui éclaire vous vous avez voulu vous réjouir un temps dans sa lumière

5, 36124

quant à moi elle est en ma faveur l'attestation plus grande que [celle de] iôhanan car les actions qu'il m'a données le père afin que Je les accomplisse ces actions que j'agis

122

5, 34 Moi ce n'est pas de la part de l'homme... Hébreu : me-adam, venant de l'homme... 5, 35 Vous, vous avez voulu vous réjouir un temps... Grecpros ôran. Nous avons déjà noté précédemment que le grec ôra traduit l'hébreu et, qui signifie le temps, une certaine durée de temps, ou un temps déterminé, mais non ce que nous, en France, fin du xxe siècle, nous appelons une heure. Cependant le grec pros ôran peut aussi traduire l'hébreu le-schaah, et dans ce cas-là il faudrait traduire : pour une heure. 124 5, 36 Mais elle est à moi... Nous rétablissons la construction hébraïque. Grec : moi j'ai l'attestation... Les actions qu'il m'a données, le père... Grec ta erga, qui traduit souvent l'hébreu maaseh, l'action ; ce que l'on fait, l'acte de faire, Genèse 46, 33 ; 47,3 ; Exode 5, 4 ; etc. Pour que je les accomplisse... Le grec teleioun traduit le plus souvent l'hébreu maie remplir, mais aussi parfois l'hébreu asah, faire. Il faut rapprocher l'expression que nous trouvons ici; remplir une action, de l'expression hébraïque classique : remplir la parole de Dieu, pour dire : accomplir la parole de Dieu, 1 Rois 2, 27 ; 1 Rois 8, 15 ; etc. Remplir une parole prophétique, c'est la réaliser dans l'histoire. Car ces actions... Grec ta erga. To ergon est régulièrement la traduction grecque de l'hébreu maaseh, du verbe asah, faire. Maaseh, c'est l'acte de faire, l'action. Ergon traduit aussi dans nombre de cas l'hébreu melakah, qui signifie plutôt l'ouvrage. Ces actions que j'agis : en hébreu l'association du verbe asah et du substantif maaseh. Dans la traduction grecque, on ne peut pas percevoir que le substantif et le verbe sont de même racine, puisque le grec traduit maaseh par ergon, et le verbe asah par le verbe grec poiein. Nous essayons en français de reconstituer cette identité de la racine. Genèse 20, 9 : Qu'est-ce que tu nous as fait ? Des actions qui ne se font pas (qui ne s'agissent pas), tu as fait avec moi, hébreu maasim ascher lô-ieasou asita imadi. Grec : ergon ho oudeispoièseipepoièkas moi. Exode 18, 20 : Et l'action qu'ils ont agie, hébreu we-et ha-maaseh ascher iaa-soun, grec kai ta erga hapoièsousin. Exode 23,12 : Six jours tu agiras des actions, c'est-à-dire tu feras ce que tu as à faire, hébreu taaseh maaseika, grec poièseis ta erga sou. Exode 23, 24 : Et tu n'agiras pas comme leurs actions, tu ne feras pas comme ils font, hébreu we-lô taaseh ke-maaseihem, grec ou poièseis kata ta erga autôn. Nombres 16, 28 : En ceci vous connaîtrez que c'est YHWH qui m'a envoyé pour faire, pour agir toutes ces actions, hébreu la-asôt et-kôl ha-maasim ha-elleh, grec poièsai panta ta erga tauta. On trouve le même jeu sur une racine identique, dans l'expression agir une action, avec le verbe hébreu paal et le substantif poel, Habaquq, 1,5: Une action j'agirai dans vos jours, ki-poalpoël, traduction grecque dioti ergon ego ergazomai... Ici le traducteur en langue grecque a voulu reconstituer l'identité de racine entre le verbe et le substantif. Psaume 44, 2 : Nos pères nous ont raconté, une action tu as agie dans leurs jours, pôal paaleta. Traduction grecque : ergon ho eirgasô en tais hèmerais au ton. Là encore le traducteur s'est efforcé de trouver en grec un substantif de la même racine que le verbe. L'expression hébraïque agir une action, soit construite avec le verbe asah, soit avec le verbe paal, est très fréquente chez Jean : 6, 28 ; 7, 3 ; 7, 21 ; 8, 41 ; 9, 5 ; 10, 37 ; 14, 10 ; 14, 12 ; 15, 24. Elle est régulièrement traduite en grec par ergon poïein, en sorte qu'on ne voit plus en grec la communauté de racine de l'expression hébraïque originelle. Exode 34,10 : Je ferai des merveilles qui n'ont pas été créées sur toute la terre et dans toutes les nations, et il verra, tout le peuple au milieu de qui tu es, l'action de YHWH, hébreu et-maaseh YHWH, grec ta erga kuriou, qu'elle est terrible, celle que moi je ferai avec toi, hébreu ascher ani ôseh, grec ha egôpoièsô. L'hébreu maaseh, l'action, est un singulier collectif traduit par le pluriel neutre grec ta erga. On ne peut pas apercevoir, dans la traduction grecque, la communauté de racine entre le verbe qui désigne l'agir, et le substantif qui désigne l'action. 123

61 ce sont elles qui attestent en ma faveur que c'est le père qui m'a envoyé 5, 37125

et le père qui m'a envoyé c'est lui qui a attesté en ma faveur sa voix jamais vous ne l'avez entendue et sa figure jamais vous ne l'avez vue

5, 38

et sa parole elle ne demeure pas en vous parce que celui qu'il a envoyé lui de la vérité [qui est] en celui-là vous n'êtes pas certains

5, 39126

vous scrutez les écritures parce que vous pensez qu'en elles se trouve pour vous la vie de la durée éternelle à venir or précisément ce sont elles qui attestent la vérité en ma faveur

5, 40

et vous ne voulez pas venir vers moi afin qu'elle soit à vous la vie

5, 41

la gloire qui vient de l'homme le ne la reçois pas

5, 42

mais je vous ai connus [et je sais] que l'amour de dieu il n'est pas en vous

5, 43

moi je suis venu au nom de mon père et vous ne m'avez pas reçu si un autre vient en son nom propre celui-là vous le recevrez

125

5, 37 Sa voix vous ne l'avez jamais entendue... Allusion probable à Exode 20, 18 : Et tout le peuple, ils voyaient (sic !) les voix et les feux et la voix du schôphar... Le pluriel hébreu ha-qôlôt a été traduit par le singulier grec tènphônèn. Deutéronome 4,12 : Et il vous a parlé, YHWH, du milieu du feu. La voix des paroles, vous, vous l'avez entendue, mais une figure, une forme, hébreu temounah, grec homoiôma, vous n'en avez pas vu, rien que une voix... 126 5, 39 Vous scrutez les écritures (ou : les livres)... Il s'agit évidemment des Livres saints, de la Torah, des prophètes, des Psaumes, etc. Le verbe grec eraunaô, que nous avons traduit par vous scrutez, est une forme alexandrine du verbe grec ereunaô, qui signifiait en grec : rechercher, chercher ; chercher des traces pas à pas. Il traduit plusieurs verbes hébreux, qui signifient fouiller, rechercher, Genèse 31,35 ; 31, 37 ; 44, 12 ; etc. Il est très possible qu'ici le verbe grec eraunaô, qui n'existe qu'en grec de traduction — ce que Richard Simon appelait très justement du grec de synagogue — traduise l'hébreu darasch, scruter les écritures, rechercher le sens des saintes écritures, faire l'exégèse, qui a donné midrasch, l'exégèse, l'élucidation, des saintes écritures.

62

5, 44127

comment pouvez-vous être certains de la vérité alors que la gloire qui vient pour chacun de son compagnon vous la recevez et la gloire qui vient du dieu unique vous ne la recherchez pas

5, 45128

ne pensez pas que moi je vous accuserai devant la face de mon père celui qui vous accuse c'est môscheh en qui vous vous avez mis votre confiance

5, 46

car si vous aviez été certains de la vérité de [ce qu'a dit] môscheh vous seriez aussi certains de la vérité [qui est] en moi car c'est de moi que lui il a écrit

5, 47

mais si de la vérité de ce que lui il a écrit vous n'êtes pas certains comment pouvez-vous être certains de la vérité des paroles que moi je vous dis

127

5, 44 La gloire qui vient pour chacun de son compagnon... Grec allèlous, qui traduit l'expression hébraïque : chacun son frère, Genèse 42, 21 ; 42, 28 ; ou : chacun son compagnon, Genèse 43, 33 ; Exode 18,7 ; etc. 128 5, 45 Celui qui vous accuse, grec ho katègorôn. Ce mot grec est passé en hébreu, ou, si l'on préfère, il a été adopté en hébreu au premier siècle de notre ère, comme nous avons adopté nombre de mots anglais, comme les Anglais ont adopté depuis des siècles nombre de mots français, etc. Le mot hébreu calqué sur le grec katègôr se trouve Pirqé Abot 4, 11 : rabbi Eliezer ben laaqôb disait : Celui qui fait un commandement, un seul, il se procure un défenseur, perakelith. Et celui qui transgresse une transgression, une seule, il se procure un accusateur, transcription hébraïque qathegôr, évidemment décalqué du grec.

63 CHAPITRE 6

6, 1129

et après cela il est parti ieschoua de l'autre côté de la mer de la galilée de tibériade

6, 2

et le suivait une foule nombreuse parce qu'ils voyaient les signes qu'il faisait en faveur des malades

6, 3

et il est monté sur la montagne ieschoua et là il s'est assis avec ses disciples

6, 4130

ils étaient proches les jours de pesah la fête des judéens

6, 5131

et alors il a levé les yeux ieschoua et il a vu qu'un peuple nombreux venait vers lui et il a dit à philippos d'où achèterons-nous du pain afin qu'ils mangent ceux-ci

6, 6132

cela il le disait pour le mettre à l'épreuve car lui-même il savait ce qu'il allait faire

6, 7

et il lui a répondu philippos deux cents deniers de pain ne suffiraient pas pour que chacun en reçoive un petit morceau

129 6,1 De l'autre côté de la mer de la Galilée... De l'autre côté par rapport à quoi ? Évidemment par rapport au lieu où se trouve celui qui rédige ce texte. Et ce n'est pas depuis Éphèse, ni Rome ni Alexandrie que l'on peut s'exprimer ainsi. 130 6, 4 Ils étaient proches les jours de pesah... En grec to pascha, comme dans Jean 2, 13 et 2, 23, et plus loin 11, 55 ; 12,1 ; 13, 1 ; 18, 28 ; 18, 39 ; 19, 14. Littéralement : le pesah. Nous avons noté déjà que le mot grec pascha n'est pas une traduction mais seulement une transcription du mot hébreu ha-pesah, qui était déjà transcrit, depuis Exode 12, 11 et suivants par le grec pascha. La fête des Judéens... 2, 13 nous avions : Il était proche le pesah des Judéens... Il est toujours permis de se demander si cette précision, cette détermination : des Judéens, ne signifie pas que le rédacteur de ce texte distingue entre le pesah des Judéens — des gens de Jérusalem — et le pesah d'autres frères, par exemple le pesah des Galiléens, qui n'était pas célébré à la même date, et le pesah des Samaritains, qui avaient leur propre calendrier et qui l'ont toujours. 131 6, 5 II a donc levé les yeux, Ieschoua... Dans le texte grec, cette proposition et la suivante sont commandées par un participe. Nous rétablissons le verbe indicatif de l'hébreu sous-jacent, comme d'habitude. 132 6, 6 Pour le mettre à l'épreuve : grec peirasai, qui recouvre et traduit l'hébreu nissah, Genèse 22, 1 ; Exode 15, 25 ; 16, 4 ; 17, 2 ; etc. Faire une expérience pour vérifier ; éprouver pour savoir...

64

6, 8

et il lui a dit l'un de ses disciples andréas le frère de schiméôn pierre

6, 9

il y a un garçon ici qui a cinq pains d'orge et deux poissons mais qu'est-ce que cela pour un si grand nombre

6, 10

et il a dit ieschoua faites asseoir les gens il y avait beaucoup d'herbe en cet endroit ils se sont donc assis les gens ils étaient près de cinq mille

6, 11133

il a donc pris les pains ieschoua il a dit la bénédiction et il a donné à ceux qui étaient allongés et de même avec les poissons autant qu'ils en voulaient

6, 12

et lorsqu'ils ont été rassasiés il a dit à ses disciples rassemblez les morceaux qui restent afin que rien ne se perde

6, 13

ils ont donc rassemblé et ils ont rempli douze corbeilles de morceaux [qui venaient] des cinq pains d'orge [des morceaux] qui étaient restés en trop à ceux qui avaient mangé

6, 14134

et lorsqu'ils ont vu les gens le signe qu'il avait fait ieschoua alors ils ont dit celui-ci il est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde de la durée présente

133

6,11 Et il a dit la bénédiction : grec eucharistèsas, qui traduit ici l'hébreu berak, bénir, dire la bénédiction. La même correspondance entre l'hébreu berak et le grec eucharistein se retrouve Matthieu 15, 36 ; Marc 8, 6 ; Luc 22, 17. Le même verbe hébreu berak est traduit par le verbe grec eulogein : Marc 14,22. Même correspondance berak ~ eucharistein : Actes 27, 35 ; 1 Corinthiens 11, 24. 134 6, 14 Les signes, au pluriel, selon certains manuscrits ; le signe, selon d'auucs manuscrits. Le prophète qui doit venir : en grec erchomenos, celui qui vient, celui qui est attendu depuis des siècles, le chéri qui vient dont parle le Chant des Chants.

65

6, 15135

et il a connu ieschoua qu'ils allaient venir et l'enlever pour le faire roi il s'en est allé de nouveau dans la montagne lui seul

6, 16

lorsque le soir fut venu ils sont descendus ses disciples vers la mer

6, 17

ils sont montés dans une barque et ils sont allés de l'autre côté de la mer vers kephar-nahoum et l'obscurité était déjà là et il n'était pas encore venu vers eux ieschoua

6, 18

la mer était soulevée car un vent puissant soufflait

6, 19

ils ont fait avancer la barque d'environ vingt-cinq ou trente stades et ils ont vu ieschoua qui marchait sur la mer et qui s'était approché de la barque et alors ils ont eu peur

6, 20

mais lui il leur a dit c'est moi n'ayez pas peur

6, 21

alors ils ont voulu le prendre dans la barque et voici que la barque était parvenue sur la terre vers laquelle ils allaient ________

6, 22

et le lendemain la foule qui se tenait de l'autre côté de la mer a vu qu'il n'y avait pas d'autre barque là si ce n'est une seule celle dans laquelle étaient montés les disciples de ieschoua et qu'il n'était pas entré avec ses disciples

135 6, 15 Pour le faire roi : c'est le malentendu constant dont les quatre Évangiles nous informent. La raison d'être du Christ n'est pas de restaurer la royauté d'Israël, mais d'achever la création et de la conduire jusqu'à sa finalité surnaturelle, l'union sans confusion de l'Homme créé à Dieu incréé, après la nouvelle naissance qui rende l'homme capable de cette union sans confusion.

66 ieschoua dans la barque mais que seuls ses disciples étaient partis 6, 23

alors d'autres barques sont venues de tibériade tout près de l'endroit où ils avaient mangé le pain lorsque le seigneur eut dit la bénédiction

6, 24136

lorsque donc elle a vu la foule que ieschoua n'est pas là ni ses disciples ils sont montés eux-mêmes dans les barques et ils sont venus à kephar-nahoum pour rechercher ieschoua

6, 25

et ils l'ont trouvé de l'autre côté de la mer et ils lui ont dit rabbi quand es-tu venu ici

6, 26

et il leur a répondu ieschoua et il leur a dit amèn amèn je vous [le] dis vous me cherchez non pas parce que vous avez vu des signes mais parce que vous avez mangé des pains et que vous avez été rassasiés

6, 27137

136

travaillez non pas [pour] la nourriture qui périt mais pour la nourriture qui demeure pour la vie de la durée éternelle à venir celle que le fils de l'homme vous donnera

6, 24 Lorsqu'elle a vu, la foule, que Ieschoua n'est pas là... Elle vit, aoriste en grec ; qu'il n'est pas là, présent de l'indicatif en grec. Il faut se souvenir, à propos de cette étrange concordance des temps, qu'en hébreu il n'y a pas le verbe être dans la seconde proposition. Le traducteur a donc dû improviser la conjugaison du verbe être... 137 6, 27 Car c'est celui-ci que le père a scellé de son sceau, [le père qui est] Dieu. La théorie du sceau est très ancienne et très importante dans la tradition hébraïque. Exode 28, 36 : Et tu feras un pétale d'or pur, tzitz zahab thahôr, grec kaipoièseis petalon chrusoun katharon, et tu graveras sur lui, gravure de sceau : consacré à YHWH, hébreu : qôdesch la-YHWH, grec : hagiasma kuriou. Le grand prêtre, qui est oint, est marqué du sceau qui porte le nom propre de Dieu. Cantique des Cantiques, 8, 6 : Qu'il me place comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras... Le fils de l'homme est scellé, il a reçu l'empreinte du sceau de Dieu, il est marqué du sceau. Cette théorie du sceau se retrouve bien entendu chez Paul, 2 Corinthiens 1, 22 : Lui (Dieu) qui nous a marqués de son sceau, et qui nous a donné les arrhes de l'esprit dans nos cœurs... Ephésiens 1,13: Vous avez entendu la parole de la vérité, l'heureuse annonce de votre salut. Vous avez été certains de la vérité qui se trouve dans cette heureuse annonce, et vous avez été scellés — vous avez été marqués du sceau — par l'Esprit saint de la promesse (l'Esprit saint qui avait été promis)... Ephésiens 4, 31 : N'attristez pas l'Esprit saint de Dieu, l'Esprit saint en qui vous avez été scellés pour le jour de la libération... Apocalypse 7, 2 : Et je vis un autre messager qui descendait de l'Orient. Il portait le sceau du Dieu vivant... Apocalypse 7, 3 : Jusqu'à ce que nous marquions du sceau les serviteurs de notre Dieu sur leurs fronts. Et j'ai entendu le nombre de ceux qui avaient été marqués du sceau... Apocalypse 9, 4 : Les hommes qui ne portent pas le sceau de Dieu sur leur front...

67

car c'est celui-ci que le père a scellé de son sceau [le père qui est] dieu 6, 28138

alors ils lui ont dit que devons-nous faire pour que nous oeuvrions aux oeuvres de dieu et il a répondu ieschoua et il leur a dit

6, 29139

c'est ceci l'oeuvre de dieu c'est que vous soyez certains de la vérité dans celui qu'il a envoyé lui

6, 30140

alors ils lui ont dit quel signe fais-tu donc toi afin que nous voyions et que nous soyons certains de la vérité [qui est] en toi quelle oeuvre accomplis-tu

6, 31141

nos pères ont mangé le manna dans le désert

138 6, 28 Que ferons-nous, afin que nous œuvrions aux œuvres de Dieu... Ou bien, plus simplement : qu'agironsnous pour agir les actions de Dieu ? Ici comme dans 5, 36 et plus loin 7, 3 ; 7, 21 ; etc., jeu sur la communauté de racine entre le verbe asah et le substantif qui en est dérivé, ou entre le verbe paal et le substantif qui en est dérivé. Le traducteur grec n'a pas rendu en grec cette communauté de racine, et en traduction française cela est également malaisé. 139 6, 29 C'est ceci l'œuvre de Dieu, c'est que vous soyez certains... On remarque une fois de plus l'identité entre la pensée de l'auteur du document hébreu du quatrième Évangile traduit en grec, et la pensée de Paul le rabbin. Les auditeurs du rabbi galiléen lui demandent : Que devons-nous faire pour faire les œuvres de Dieu ? Réponse du rabbi : L'œuvre de Dieu, c'est tout d'abord d'être certain de la vérité qui est en celui que Dieu a envoyé. Cette certitude de la vérité, en traduction grec pistis, c'est précisément elle que Paul oppose à ceux qui s'imaginent que c'est par des œuvres que l'homme va trouver la justification, c'est-à-dire la sanctification. La justification, qui est la sanctification, est causée par la certitude de la vérité, en grec pistis, qui purifie le cœur de l'homme, comme le dit Pierre, l'une des colonnes, avec Jean et Jacques, Actes 15, 9. 140 6, 30 Quel signe fais-tu donc, toi... Dès lors qu'il est question de vérité et de certitude de la vérité, des Judéens formés par la longue tradition hébraïque qui remonte au livre de l'Exode, demandent des signes qui puissent attester la vérité, la véracité de l'envoyé de Dieu, et qui puissent fonder l'assentiment à la vérité qui s'appelle émounah en hébreu, traduction grecque pistis. Les Judéens demandent donc des signes pour être certains de la vérité de la mission du rabbi galiléen. 1 Corinthiens 1, 22 : Les Judéens demandent des signes... La lettre de Paul aux Corinthiens a peut-être été écrite d'Ëphèse en l'année 55. 141 6, 31 Nos pères ont mangé le manna... Le mot manna, ici dans le texte, est une transcription, en caractères grecs, et non une traduction, de l'hébreu man, qui se prononçait donc manna lorsque notre texte a été traduit de l'hébreu en grec. Exode 16, 15 : Et ils virent, les fils d'Israël, et ils dirent, chacun à son compagnon : quoi ça ? Hébreu man hou, car ils ne savaient pas quoi [c'est] ça, ki lô iadeou mah-hou. Et il dit, Môscheh, en s'adressant à eux : Ça [c'est] le pain qu'il a donné, YHWH, à vous, pour manger... Exode 16, 31 : Et ils ont appelé, les fils d'Israël, son nom man, transcription en caractères grecs par les LXX : man. Le traducteur en langue grecque du document hébreu que nous appelons le quatrième Évangile, n'a pas pris la peine d'expliquer ce que c'est que ce manna. C'est donc qu'il n'écrit pas pour des

68 comme il est écrit

6, 32142

le pain qui venait des cieux il leur a donné à manger alors il leur a dit ieschoua amèn amèn je vous [le] dis ce n'est pas môscheh qui vous a donné le pain [qui venait] des cieux mais c'est mon père qui vous donne le pain [qui vient] des cieux le véritable

6, 33

car le pain de dieu c'est celui qui est descendu des cieux et qui donne la vie au monde de la durée présente

6, 34

alors ils lui ont dit seigneur toujours donne-nous ce pain

6, 35143

et il leur a dit ieschoua

lecteurs païens, mais pour des lecteurs qui savent fort bien de quoi il s'agit. Les inconnus qui ont traduit la Bible hébraïque de l'hébreu en grec à partir du rve siècle avant notre ère, ont transcrit l'hébreu man en caractères grecs sous la forme manna, Exode 16, 35, version A ; Nombres 11, 6 ; 11, 7 ; 11, 9 ; Deutéronome 8, 3 ; 8, 16 ; Josué 5, 12 ; Néhémie 9, 20 ; Psaume 78, 24. Cela prouve simplement que déjà du temps des traducteurs grecs des livres cités, on prononçait manna. Les traducteurs de Jean, de l'Épître aux Hébreux, 9, 4 et de l'Apocalypse, 2, 17 ont adopté ce même système de transcription. De ce que le traducteur de Jean a transcrit l'hébreu man par manna en caractères grecs, on ne peut donc nullement conclure que le substrat de Jean était peut-être un écrit araméen. Car l'hébreu man avait déjà été transcrit en caractères grecs par manna et la Bible hébraïque n'était pas écrite en araméen. Comme il est écrit, le pain qui venait des deux... Citation d'Exode 16,15 et Psaume 78,24 : Et il fit pleuvoir sur eux du man à manger, et le blé du ciel il leur a donné... 142 6, 32 Ce n'est pas Môscheh qui vous a donné le pain qui vient des deux... Le fait est que selon le livre de l'Exode ce n'est pas Moïse qui a donné le pain, mais c'est Dieu. Le véritable. Le pain véritable que Dieu donne à l'humanité pour la nourrir, la fortifier, la transformer, l'humaniser, la conduire à sa fin naturelle et surnaturelle, c'est le fils de l'homme. Dieu a donné une sorte de pain aux Hébreux dans le désert, cette sorte de pain qu'ils ont appelé : man hou, quoi c'est cela ? Mais le pain véritable, c'est celui qui est communiqué maintenant, de même que la vigne véritable, c'est lui, et le temple véritable, c'est son corps, à savoir la communauté qui est l'Église. Nous trouvons dans ces textes le fondement biblique de ce que les Pères de langue grecque ont pratiqué et que nous appelons la typologie. L'histoire du peuple hébreu, depuis ses origines, fournit des prophéties de ce qui se réalisera plus tard. Le passé anticipe sur l'avenir, mais l'avenir est plus riche que l'anticipation, la réalisation plus riche que l'annonce. 143 6, 35 C'est moi qui suis le pain de la vie : en hébreu, comme nous l'avons noté à plusieurs reprises déjà, on fait l'économie du verbe être. La reconstitution en hébreu du texte grec donne donc : Anôki hou lehem ha-haiim. Cette proposition prépare à l'intelligence de la proposition inverse qu'on Ut dans Matthieu 26, 26 : Tandis qu'ils étaient en train de manger, il a pris du pain, Ieschoua, il a dit la bénédiction (grec eulo-gèsas), il l'a brisé, il l'a donné à ses disciples, et il a dit : Prenez, mangez, ceci est mon corps... Luc 22, 19 ; Paul, 1 Corinthiens 11, 24 ; Marc 14, 22. C'est parce que le Seigneur est le pain véritable communiqué par Dieu le Créateur unique à l'humanité créée, qu'il peut, sur le pain non levé de l'une des matzôt, prononcer les paroles rapportées par les Évangiles de Matthieu, de Luc,

69

c'est moi qui suis le pain de la vie celui qui vient vers moi n'aura plus faim et celui qui est certain de la vérité [qui est] en moi n'aura plus jamais soif 6, 36

mais je vous l'ai [déjà] dit vous m'avez vu et vous n'avez pas été certains de la vérité

6, 37144

tous ceux qu'il me donne le père viendront vers moi et celui qui vient vers moi je ne le jetterai pas dehors

6, 38

car je suis descendu des cieux non pas pour faire ma propre volonté mais [pour faire] la volonté de celui qui m'a envoyé

6, 39145

c'est ceci la volonté de celui qui m'a envoyé

de Marc et par Paul dans sa première lettre aux Corinthiens. Le quatrième Évangile ne rapporte pas ces paroles du Seigneur lors de la dernière nuit. Pourquoi ? Nous sommes réduits aux conjectures pour répondre à cette question. Une hypothèse raisonnable et qui tient debout, c'est que l'auteur du quatrième Évangile et son traducteur en langue grecque n'ont pas voulu, au moment où ils allaient diffuser cette traduction en langue grecque — ce targum — du texte hébreu original, livrer à la curiosité ces paroles du Seigneur, qui pouvaient être mal comprises, et qui de fait ont été mal comprises, qui pouvaient aussi provoquer des moqueries de la part des païens qui pouvaient lire, grâce à cette traduction grecque, le texte des Évangiles, même si cette traduction ne leur était pas tout d'abord destinée. Nous aurions ici un signe de plus de la très haute antiquité de la traduction grecque du quatrième Évangile. Car pourquoi, à la fin du ier siècle et au début du ne, cacher ces paroles du Seigneur qui étaient désormais connues de tous par les Évangiles de Matthieu, de Luc et de Marc, et par la lettre de Paul aux Corinthiens ? 144 6, 37 Tous ceux qu'il me donne, le père... Tout homme qu'il me donne, le père... En grec pan, au neutre. Mais ce neutre grec traduit l'hébreu kôl ascher... Il n'est donc pas nécessaire ni même indiqué de traduire : tout ce que... Il s'agit de tous ceux qui... Exode 22, 18 : Tout homme, hébreu kôl, qui couche avec une bête... Grec : pân koimômenon... De même Jean 6, 39 : Tous ceux qu'il m'a donnés..., et non pas tout ce qu'il m'a donné... Grec pân, hébreu kôl, qui signifie bien : tous ceux qui... Nous avons donc dans ces textes grecs de Jean 6, 37 et 6, 39 une indication de plus que ces textes grecs sont une traduction faite à partir d'un texte hébreu sous-jacent et donc antérieur. 145 6, 39 Je ne perde aucun d'entre eux... Construction hébraïque, Nombres 16, 33 : Et ils périrent du milieu de l'assemblée, hébreu mitôk ha-qahal. Jean 18,9, même expression. Mais je les relèverai dans le jour à venir... En grec : en tè eschatè hèmera. Le grec eschatos traduit régulièrement l'hébreu ahar, ahôr, aharôn, aharit, qui signifient, non pas le dernier, mais simplement ce qui vient après, dans l'avenir. Genèse 49, 1 : Et je raconterai, et j'annoncerai à vous, ce qui va vous arriver dans l'après des jours, hébreu be-aharit ha-iamin, grec ep' eschatôn ton hèmerôn. Nombres 24,14 : Ce qu'il fera, ce peuple-là, à ton peuple, dans l'après — ou la suite — des jours, hébreu be-aharit ha-iamin, grec ep' eschatou ton hèmerôn. Exode 4, 8 : Et il adviendra que, s'ils ne sont pas certains de la vérité de ce que tu leur dis, et s'ils n'écoutent pas la voix du signe premier, ils seront certains de la vérité, à la voix du signe qui viendra après, hébreu ha-ôt ha-aharôn, grec tes phônès tou sèmeiou tou eschatou. Deutéronome 17, 7 : La maison des témoins (à charge) sera sur lui tout d'abord, hébreu barischônah, pour le faire mourir. Et la main de tout le peuple après, hébreu ba-aharônah, grec ep'eschatôn. Deutéronome 31, 29 : Car je sais qu'après ma mort, hébreu aharei môti, grec eschatôn tes teleutès mou, vous allez

70 que tous ceux qu'il m'a donnés je ne perde aucun d'entre eux mais je les relèverai dans le jour à venir 6, 40

car c'est ceci la volonté de mon père que tout homme qui voit le fils et qui est certain de la vérité [qui est] en lui à lui soit la vie de la durée éternelle à venir et je le relèverai moi dans le jour à venir

6, 41146

et alors ils se sont mis à récriminer contre lui les judéens parce qu'il avait dit moi je suis le pain qui descend des cieux et ils disaient

6, 42147

celui-ci n'est-il pas ieschoua le fils de iôseph nous connaissons son père et sa mère comment donc peut-il dire maintenant des cieux je suis descendu

6, 43148

et il a répondu ieschoua et il leur a dit ne récriminez pas chacun avec son compagnon

vous corrompre et vous détourner de la route que je vous ai ordonnée. Et vous surviendra le malheur dans la suite — ou l'après — des jours, hébreu be-aharit ha-iamim, grec eschatôn ton hèmerôn..., etc. 146 6, 41 Ils se mirent à récriminer contre lui les Judéens... Le verbe grec gogguzo traduit le verbe hébreu loun qui signifie : protester violemment, récriminer, se révolter contre, en français populaire « rouspéter », manifester bruyamment son mécontentement, et non pas « murmurer »... Exode 16, 2 ; 16, 7 ; 16, 8 ; 16,12 ; 17, 3 ; Nombres 14,27 ; etc. Moi je suis le pain... En hébreu anôki hou ha-lehem... sans le verbe être inutile en hébreu. 147 6, 42 Celui-ci n'est-il pas Ieschoua le fils de Iôseph... Hébreu : Ha-lô zeh hou ieschoua ben-iôseph... sans le verbe être inutile. Ieschoua le fils de Iôseph... Il était évident pour tout le monde au moment où l'Évangile hébreu de Jean a été traduit en grec, que Ieschoua était le fils de Iôseph. L'Évangile de Jean ignore, ou du moins ne laisse pas deviner, ce gui est enseigné au début de l'Évangile de Matthieu et au début de l'Evangile de Luc. Nous connaissons son père et sa mère. En grec : dont nous connaissons le père et la mère, traduction décalque de la construction hébraïque commandée par le pronom relatif ascher. Il faudrait donc traduire littéralement : que nous, nous connaissons son père et sa mère... Le parfait grec oidamen traduit peut-être l'accompli hébreu du verbe iada : nous avons connu, et donc nous connaissons maintenant... Comment donc peut-il dire... Certains manuscrits donnent le grec nun, maintenant. D'autres manuscrits donnent le grec oun, donc. Nous pourrions bien avoir ici la trace de deux traductions, à partir de l'hébreu atah, qui signifie maintenant, mais qui signifie aussi : contrairement à ce qui a été énoncé précédemment... Nous pourrions donc traduire : Et alors, comment peut-il dire : des cieux je suis descendu... 148 6, 43 Ne récriminez pas chacun avec son compagnon... Grec met'allèlôn, traduction de l'hébreu isch el-ahiô, chacun avec son frère, Genèse 42, 28 ; 42, 21 ; ou isch el-reehou, chacun en s'adres-sant à son compagnon, Genèse 43, 33 ; Exode 18, 7 ; etc.

71 6, 44

personne ne peut venir vers moi si le père qui m'a envoyé ne l'attire et moi je le relèverai dans le jour à venir

6, 45149

n'est-il pas écrit dans les prophètes et tous tes fils seront instruits par yhwh tout homme qui a entendu [la parole] qui vient du père et qui est instruit [par le père] il vient vers moi

6, 46150

ce n'est pas que quelqu'un ait vu le père si ce n'est celui qui [vient] de dieu lui il a vu le père

6, 47151

amèn amèn je vous [le] dis celui qui est certain de la vérité [qui est] en moi à lui [est] la vie de la durée éternelle à venir

6, 48152

moi je suis le pain de la vie

6, 49153

vos pères à vous

149

6, 45 N'est-il pas écrit dans les prophètes... Suit une citation d'Isaïe 54, 13 : Et tous tes fils [seront] disciples de YHWH, ou enseignés de YHWH... Jérémie 31, 34. Tout homme qui a entendu [la parole] qui vient du père... En grec para, qui recouvre et traduit l'hébreu me-et, Genèse 19, 24 ; 21, 30 ; 23,6 ; 23,13 ; etc. Le min hébreu signifie et indique la provenance, ce dont une chose est issue. Genèse 24, 50 : Me-YHWHiatza ha-dabar, c'est de YHWH qu'est venue cette parole, cette chose. 150 6, 46 Si ce n'est celui qui [vient] de Dieu... En grec ei mè ho on para tou theou. Si on traduit littéralement et mot à mot le texte grec, sans tenir compte de l'hébreu qui est dessous, on obtient en grec ce barbarisme : celui qui — est issu du père. En hébreu, nous l'avons noté plusieurs fois déjà, le verbe être n'est pas utilisé dans ce cas. Nous avons donc probablement : ascher me-et elohim, traduction littérale : celui qui — issu de — Dieu. Nous sommes obligés en traduction française d'ajouter un verbe, tout comme le traducteur en langue grecque a été obligé de le faire. Le barbarisme en grec s'explique ici comme dans Jean 1, 18 : ho on eis ton kolpon tou patros... par le fait que le traducteur en langue grecque a été obligé d'ajouter le verbe être, alors qu'il n'y en avait pas en hébreu. Celui qui vient, ou qui provient de Dieu, Jean 6, 46, c'est le même que celui qui est penché dans le sein du père, Jean 1,18. 151 6, 47 Celui qui est certain de la vérité [qui est] en moi... Certains manuscrits grecs donnent : celui qui est certain... D'autres : Celui qui est certain de la vérité qui est en Dieu... Là encore, nous pourrions bien avoir la trace de plusieurs traductions de l'Évangile de Jean en grec. A lui [est] la vie de la durée éternelle à venir... Dès maintenant, dès aujourd'hui, celui qui connaît la vérité de Dieu communiquée par celui qui est le fils de Dieu, est passé de la mort à la vie, est entré dans l'économie de la vie même de Dieu. 152 6, 48 Moi je suis le pain de la vie... En hébreu, le verbe être est inutile ici, anoki lehem ha-haiim. Le traducteur a été obligé d'ajouter le verbe être en grec, et nous sommes obligés de faire de même en français. 153 6, 49 Vos pères à vous, ils ont mangé dans le désert le manna... De nouveau ici le mot hébreu man, qui se prononçait mana, est simplement transcrit en caractères grecs, et non traduit, comme si les païens pouvaient comprendre quelque chose à ce mot hébreu transcrit en caractères grecs. Ce qui indique de nouveau que la présente traduction en langue grecque de notre Évangile n'était pas tout d'abord destinée aux incirconcis, mais aux frères et aux

72 ils ont mangé dans le désert le manna et puis ils sont morts 6, 50154

le voici le pain qui est descendu des cieux afin que si quelqu'un mange de ce pain il ne meure pas

6, 51155

moi je suis le pain vivant qui est descendu des cieux si quelqu'un mange de ce pain-là il vivra dans la durée éternelle à venir et le pain que moi je donnerai c'est ma chair pour la vie du monde de la durée présente

6, 52

ils discutaient donc chacun avec son compagnon les judéens et ils disaient comment peut-il celui-ci nous donner sa chair à manger

sœurs des synagogues de la Diaspora, qui ne savaient pas lire suffisamment l'hébreu pour lire le texte original hébreu. Mais ils savaient suffisamment d'hébreu pour comprendre le sens de termes comme manna, pascha, etc. 154 6, 50 Le voici le pain qui est descendu des cieux... On peut aussi traduire : Le voilà le pain... Dans le texte hébreu sous-jacent, et comme d'habitude, il n'y a pas de verbe être : zeh hou ha-lehem... A lire certaines traductions françaises de ce texte, on a l'impression qu'ici quelqu'un intervient qui, désignant le Seigneur du doigt, s'écrie : Voici, c'est celui-ci le pain qui est descendu des deux... Il n'est pas possible que le Seigneur parle ainsi de lui-même à la troisième personne, et comme s'il parlait d'un autre. Lorsqu'on retrouve l'hébreu qui est sous le texte grec, cette première impression disparaît. Le Seigneur a très bien pu s'écrier, après avoir exposé ce qu'est le pain que Dieu communique à l'humanité malade et souffrante pour la vivifier : Le voilà le pain que Dieu communique ! 155 6, 51 C'est ma chair... Il faut se souvenir ici de ce que nous avons déjà noté à propos de Jean 1, 14 : le mot grec sarx, latin caro, que nous traduisons tout naturellement, mais imprudemment, par le français chair, recouvre et traduit l'hébreu basar, qui a en réalité deux sens, dans deux séries de textes de la sainte Bibliothèque hébraïque. 1. Dans une série de textes, basar signifie et désigne l'être vivant tout entier, et en particulier l'homme tout entier. Dans ce cas, basar est synonyme de adam. Kol basar = kol adam. C'est en ce sens que l'a pris l'auteur de notre Évangile. 2. Dans une autre série de textes, basar signifie ce que nous appelions la viande. Mais dans ce cas, dans la traduction en langue grecque de la Bible hébraïque, les traducteurs ne traduisent plus l'hébreu basar par le grec sarx, mais par le grec kreas, la viande. Le traducteur en langue grecque du document hébreu que nous traduisons à notre tour, a traduit l'hébreu basar par le grec sarx, parce que dans l'Évangile de Jean, basar désigne l'homme tout entier, perfectus homo comme dira le pape Damase. C'est le cas ici aussi. Lorsque le Seigneur explique qu'il donne sa basar pour la vie du olam ha-zeh, pour la vie de ce monde de la durée présente, cela signifie qu'il se donne tout entier luimême, qu'il donne l'être qu'il est, corps et âme, pour parler le langage de l'anthropologie qui est étrangère à la tradition hébraïque. Cela ne signifie pas qu'il donne sa chair à manger, au second sens du mot chair. Cela signifie qu'il est, lui, la nourriture vivante pour l'humanité malade, inachevée. On peut se nourrir de pain. On peut se nourrir d'une pensée. Le Seigneur est le pain intelligible offert à l'humanité malade et inachevée, pour la guérir et pour la conduire à sa finalité surnaturelle. Il ne s'agit donc pas d'anthropophagie, parce que les anthropophages ne mangent pas l'homme vivant tout entier, corps et âme. Ils mangent la chair morte, qui n'est plus chair, pour parler comme le vieil Aristote, que par homonymie. Un œil mort n'est plus un œil véritable. Les auditeurs du Seigneur vont se disputer à propos de ces paroles, parce que certains vont entendre l'hébreu basar au second sens, au sens de viande. Et ils vont donc s'imaginer qu'il s'agit d ' anthropophagie.

73 6, 53

et il leur a dit ieschoua amèn amèn je vous [le] dis si vous ne mangez pas la chair du fils de l'homme et si vous ne buvez pas son sang elle n'est pas la vie au-dedans de vous

6, 54

celui qui dévore ma chair et qui boit mon sang elle est à lui la vie de la durée à venir et moi je le relèverai dans le jour à venir

6, 55156

car ma chair est en vérité nourriture et mon sang est en vérité boisson

6, 56

et celui qui dévore ma chair et qui boit mon sang en moi il demeure et moi en lui

6, 57157

de même qu'il m'a envoyé

156

6, 55 Car ma chair est véritable nourriture... En hébreu nous pouvions avoir, ou bien ki besari be-emet hou maakal, car ma chair en vérité, elle est nourriture... ou bien Ki besari hou ôkel émet, car ma chair, elle est nourriture véritable, traduction littérale : nourriture de vérité. Ce qui pourrait expliquer les deux sortes de traductions en grec, rapportées par deux séries de manuscrits : les uns donnent alè-thès, véritable. Les autres donnent alèthôs, véritablement. Nombre d'exégètes pensent que cette page est une allusion directe à la sainte eucharistie, et qu'elle présuppose l'institution de la sainte eucharistie, que cependant l'Évangile de Jean ne donne pas à connaître. Cela est vrai d'une certaine manière, en ce sens que ces paroles du Seigneur, ici et en ce lieu, permettent de comprendre le sens des paroles prononcées lors de la dernière nuit, dans la maison de Jean sans doute, mais que Jean ne livre pas dans le document écrit que nous appelons le quatrième Évangile. C'est parce que le Seigneur est, lui, le pain de Dieu, le pain communiqué par Dieu, pour la vie de l'humanité, c'est à cause de cela que, lors de la dernière nuit, il a pris du pain, et il a dit : ceci, c'est ma chair, hébreu basar très probablement. Les paroles que nous lisons dans ce chapitre sont antérieures, et non fictivement postérieures, aux paroles rapportées par Matthieu 26, 26 et parallèles. La majorité des exégetes pense que le quatrième Évangile est une composition tardive de la fin du Ier siècle, si ce n'est du début du ne siècle. Elle pense et professe par conséquent que le chapitre vi de Jean est une allusion rétrospective à la sainte Cène pratiquée depuis soixante ans au moins par les communautés chrétiennes. Cela pourrait être vrai si, et seulement si, il était établi, par la voie des arguments de caractère scientifique, et non par la voie de présupposés, que le quatrième Évangile date de la fin du Ier siècle ou du début du ne. Mais si le quatrième Évangile est une composition qui date des années 30, alors le chapitre vi de Jean ne constitue pas une allusion rétrospective à la pratique de la sainte Cène des communautés chrétiennes de la fin du Ier siècle. Dans ce cas, pour compren-ndre le chapitre vi de Jean, ce n'est pas du côté de la pratique de la sainte Cène par les communautés chrétiennes de la fin du Ier siècle de notre ère, ou du commencement du ne siècle, qu'il faut regarder. Mais c'est au contraire dans ce texte de l'Évangile de Jean qu'il faut chercher le sens des paroles de la sainte Cène. C'est Jean qui fournit l'intelligence des paroles de la sainte Cène, et c'est peut-être la raison pour laquelle il était le disciple par excellence, celui qui a le mieux compris, celui qui a compris le plus profondément, l'enseignement du Seigneur. 157 6, 57 De même qu'il m'a envoyé le père qui vit, et moi je vis par le père... Traduction incertaine. De même la seconde proposition : celui-là vivra par moi... La question est de savoir comment il faut traduire le mot grec dia. Il ne sert de rien de compulser toute la littérature grecque" pour savoir en quels sens les Grecs entendaient ce mot dia. Il faut regarder quels sont les mots hébreux que les traducteurs inconnus, que nous appelons les Septante, ont traduits par le grec dia.

74 le père qui est vivant ainsi moi je vis par le père et celui qui me dévore celui-là aussi vivra par moi 6, 58

le voilà le pain qui est descendu des cieux mais ce n'est pas comme ils ont mangé vos pères le manna dans le désert et puis ils sont morts celui qui dévore ce pain-là il vivra dans la durée éternelle à venir

6, 59

voilà ce qu'il a dit lorsqu'il enseignait dans la maison de réunion à kephar-nahoum

6, 60158

nombreux sont ceux qui l'ont entendu parmi ses disciples et ils ont dit elle est dure cette parole qui peut l'écouter

6, 6l159

et il a connu ieschoua en lui-même

Or ils sont plusieurs : be, qui signifie : dans ; baàbour, à cause de, en faveur de... ; lemaan, afin de, et d'autres... La question est donc de savoir s'il faut traduire : Et moi je vis par le père, ou bien : pour le père. Seconde proposition : Celui qui me dévore, celui-là vivra par moi, ou pour moi... Le problème est de grande importance et de grande portée métaphysique et théologique, lorsqu'on entreprend de traduire les lettres de Paul, et l'épître aux Hébreux, et d'autres textes encore. Comment faut-il traduire dia ? Quel mot hébreu recouvre, dans chaque cas, le grec dia ? 158 6, 60 Elle est dure, cette parole... Grec sklèros, hébreu qascheh, Genèse 42, 7 ; 42 ; 30 ; etc. En fait qascheh en hébreu est beaucoup plus dur, et même violent, que le mot français dur. Genèse 21,11 : Et elle fut mauvaise, la chose, très fortement, aux yeux d'Abraham... Traduction grecque sklèros. Nombre des disciples ont trouvé intolérable, insupportable, ce que venait de dire le rabbi. Soit qu'ils l'aient mal compris, ce qui est l'hypothèse la plus probable, soit pour une autre raison. Il est possible que ces disciples aient compris le mot basar ici utilisé par le Seigneur, au sens de viande, et donc dans le sens de l'anthropophagie. Le Seigneur va lui-même corriger cette interprétation. Et nous avons peut-être ici la cause et la raison pour laquelle le théologien éminent entre tous, qui a composé le quatrième Évangile, n'a pas voulu rapporter les propres paroles du Seigneur lors de la dernière nuit, lors du dernier repas. C'est qu'il avait observé, et noté, que les disciples eux-mêmes comprenaient de travers ces propos et cet enseignement du Seigneur. Il a donc peut-être estimé plus prudent de réserver cet enseignement à la tradition orale, à l'enseignement et à l'explication de la bouche à l'oreille. 159 6, 61 qu'ils récriminaient... Grec gogguzousin, hébreu le verbe loun, protester violemment, Exode 16, 2 ; 16, 7 ; 16, 8 ; etc., et non pas« murmurer »... Est-ce que cela constitue pour vous un obstacle... Le verbe grec skandalizein, ici utilisé, n'existe pas en réalité dans la langue grecque, sauf dans la traduction en grec de la Bible hébraïque. C'est typiquement ce que Richard Simon appelle du « grec de synagogue ». Le mot grec skandalon traduit l'hébreu mikeschôl, du verbe kâschâl. Lévi-tique 19, 14 : Devant la face de l'aveugle tu ne mettras pas mikeschôl, un obstacle pour le faire buter et tomber, traduction grecque skandalon. La traduction française habituelle — skandalon traduit par scandale, et skandalizein rendu par scandaliser ! — n'est pas une traduction mais une simple transcription des mots grecs en caractères français. Ces mots grecs traduisaient, quant à eux, des mots hébreux. Il faut donc retrouver le sens de ces mots hébreux. Notre traduction

75 qu'ils récriminaient contre cela ses disciples et il leur a dit est-ce que cela constitue pour vous un obstacle sur lequel vous butez et qui vous fait tomber 6, 62160

et si vous voyez le fils de l’homme qui remonte là où il était auparavant

6, 63161

c'est l'esprit qui fait vivre la chair ne sert à rien les paroles que je vous ai dites elles sont esprit et elles sont vie

6, 64162

mais il y en a parmi vous quelques-uns qui ne sont pas certains de la vérité car il savait depuis le commencement ieschoua quels sont ceux qui ne sont pas certains de la vérité et quel est celui qui allait le livrer

est donc longue et lourde, mais nous pensons qu'il vaut mieux traduire lourdement, et par une longue périphrase, plutôt que de ne pas traduire du tout. L'intelligence des disciples a buté sur une difficulté, par le fait qu'ils n'ont pas compris le sens des paroles du Seigneur, ou qu'ils ont compris de travers. Il y avait donc obstacle, sur lequel on bute, et qui fait tomber, hébreu mikeschôl, grec skandalon. 160 6, 62 Et si vous voyez le fils de l'homme... Il ne faut jamais oublier, lorsque nous lisons l'Évangile de Jean, comme les autres Évangiles d'ailleurs, que nous avons affaire à des notes, qui sont mises bout à bout, puis traduites en grec comme elles étaient dans les documents hébreux, mais qu'un propos rapporté dans telle note n'a pas nécessairement été tenu ou prononcé immédiatement après le propos rapporté dans la note précédente. Il n'est donc pas certain que le propos que nous lisons 6, 62 ait un lien immédiat et direct avec ce qui précède. Ce qui est sûr, c'est que le Seigneur a prononcé ce propos, au cours de cette scène que nous lisons, et que Jean l'a noté. Mais il n'est pas évident ni certain qu'il existe une relation logique immédiate entre le verset 61, le verset 62, et le verset 63. 161 6, 63 C'est l'esprit qui fait vivre... Ce verset par contre est une explication des propos antérieurs, sur lesquels ont buté un grand nombre de disciples. C'est l'esprit qui vivifie : l'esprit, c'est Dieu. La proposition revient donc à dire : c'est Dieu, qui est esprit, qui vivifie. La chair ne sert de rien : la chair, c'est l'homme tout entier. Ce n'est pas lui qui vivifie, ce n'est pas lui qui donne la vie, c'est Dieu, le créateur unique et incréé. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie : il ne s'agit pas d'anthropophagie, il s'agit de manger le fils de l'homme par l'esprit, par l'intelligence ; il s'agit d'assimiler celui qui s'appelle lui-même le fils de l'homme afin que se réalise la formule de Paul, Galates 2, 20 : ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi. Formule qui ne signifie aucunement que l'être créé de Paul soit aboli ou annihilé, mais que l'être créé qui est Paul, est totalement recréé, transformé, par le Christ qui informe l'homme nouveau que Paul est devenu. Cette information, par l'inhabitation du Christ dans l'homme re-créé, né nouveau et donc transformé, c'est le résultat de l'assimilation spirituelle du Christ vivant par l'homme vivant. Une fois de plus, la pensée de Paul et celle de Jean se trouvent identiques, en des formules diverses, et les formules de Paul expliquent les formules que Jean, que Paul connaissait. L'intelligence de cette doctrine était en effet si difficile, qu'il n'est pas étonnant que les premiers disciples, qui en ont entendu la formulation, aient ressenti un choc violent, et qu'ils aient buté sur cette formulation, au premier abord inintelligible pour eux. C'est la doctrine de la communication du Christ vivant à l'humanité, communication qui a pour but de créer la nouvelle humanité. L'expression : c'est l'esprit qui vivifie, se retrouve telle quelle dans la seconde lettre de Paul adressée aux chrétiens de Corinthe — 3,6 — lettre écrite peut-être en l'année 57. Un indice de plus que Paul connaissait Jean et l'Évangile de Jean. 162 6, 64 Quel était celui qui allait le livrer, ou : qui était en train de le livrer, ou : qui allait le vendre, ou encore : qui était en train de le vendre, si le verbeparadidonai traduit ici l'hébreu makar, vendre.

76

6, 65163

et il a dit c'est pourquoi je vous ai dit aucun homme ne peut venir vers moi si cela ne lui a pas été donné de la part du père

6, 66

et à partir de ce moment-là nombre de ses disciples s'en retournèrent en arrière et ils ne marchaient plus avec lui

6, 67164

et alors il a dit ieschoua aux douze est-ce que vous aussi vous voulez vous en aller

6, 68165

et il lui a répondu schiméôn pierre seigneur vers qui irions-nous elles sont à toi les paroles de la vie de la durée éternelle à venir

6, 69166 163

et quant à nous

6, 65 Si cela ne lui a pas été donné venant de la part du père... hébreu me-et. C'est la doctrine constante des quatre Evangiles et de Paul. Matthieu 16, 17 : Heureux es-tu, Schiméon bar iônah (le fils de la colombe...), parce que la chair et le sang ne t'ont pas révélé cela, mais mon père [qui est] dans les deux. Paul, Éphésiens 2, 8 : Cela ne vient pas de vous, c'est de Dieu [que vient] le don. 164 6, 67 Aux douze. Ces douze n'ont pas été désignés nommément par Jean, et il ne les appelle pas non plus apostoloi, envoyés, du verbe hébreu schalah. La question ouverte est de savoir si Jean, l'auteur du document hébreu ici traduit en grec, fait ou non partie de ce groupe des douze. Les douze sont nommés, Matthieu 10, 2 : Des douze envoyés, voici les noms : le premier, Schiméon, celui qui est appelé Pierre ; puis Andréas, son frère ; puis Iaaqôb, le fils de Zabedaï, et Iohanan, son frère ; Philippos et Bartholomaios ; Tôma (= le jumeau, grec didumos) et Matthaios, le douanier ; Iaaqôb, le fils d'Alphaios ; et Thaddaios, surnommé Lebbaios ; Schiméon, celui qui faisait partie du groupe (ou du mouvement) des Jaloux, grec zèlôtès — Luc 6, 15, ceux que les historiens appellent les zélotes —, et Juda, isch qeriôth (peut-être ?), l'homme de Qeriôth (?), celui qui l'a livré (ou : vendu). Qeriôth, Josué 15, 25. Question non élucidée. Selon certains savants, il s'agirait au contraire d'une transcription en caractères hébreux du latin sicarius, celui qui porte la sica, le poignard, et, dans ce cas, Juda aurait fait partie, lui aussi, du front de libération de la Judée, avec Schiméon le zélote. Nous sommes dans les conjectures. Une liste des douze, Luc 6,14 ; Marc 3,16. 165 6, 68 Les paroles de la vie de la durée éternelle à venir : en grec rèmata zôès aiôniou, sans l'article devant rèmata, paroles. Il faudrait donc traduire, si l'on traduisait exactement le texte grec, sans se souvenir de l'hébreu sousjacent : des paroles de la vie... Or sous cette expression grecque, sans l'article, se trouve l'hébreu diberei haii ôlam ou ôlamim. En hébreu il n'y a pas l'article devant dabar, au pluriel ici. L'absence d'article, dans le texte grec, ne s'explique pas sans l'hypothèse ou la supposition d'un texte hébreu sous-jacent. 166 6, 69 Et quant à nous, nous avons été certains de la vérité, et nous avons connu... Association du verbe hébreu he-emin, être certain de la vérité de, et iada, connaître, comme dans Isaïe 43, 10 : Vous, [vous êtes] mes témoins ! Oracle de YHWH ! Et mes serviteurs, que j'ai choisis ! Afin que vous connaissiez — le verbe hébreu iada — et afin que vous soyez certains de la vérité [qui est] en moi — verbe hébreu he-emin, racine aman — que c'est moi, hébreu ki ani hou, traduction grecque : hoti egô eimi. La émounah hébraïque, c'est la certitude objective, par l'intelligence, de la vérité. Elle est donc une connaissance, elle ne s'oppose donc pas à la connaissance. Que c'est toi le saint de Dieu... Nombreuses variantes symptomatiques : le Christ, le saint de Dieu ; le Christ, le fils du Dieu vivant ; le fils du Dieu vivant ; le fils de Dieu ; le Christ le fils de Dieu... Ces variantes ne sont évidemment pas des erreurs de copie, mais des interprétations très anciennes du texte, peut-être des traductions différentes du même

77 nous avons été certains qu'il est vrai et nous avons connu que toi tu es le saint de dieu le maschiah le fils du dieu vivant 6, 70167

et il leur a répondu ieschoua n'est-ce pas moi qui vous ai choisis vous les douze et d'entre vous l'un est un adversaire

6, 71168

il voulait parler de iehoudah [fils] de schiméôn isch qeriôt car celui-ci allait le livrer lui qui était [pourtant] l'un des douze

texte hébreu originel. Elles désignent la même réalité. Juges 13, 7 : Car nazir de Dieu il sera, l'enfant, depuis le ventre [de sa mère]... Le mot nazir a été simplement transcrit, en caractères grecs, dans l'une des versions, naziraion ; dans l'autre version, nous lisons hagion theou, — c'est l'expression que nous lisons dans notre texte grec de Jean —. De même Juges 16, 17 : Le rasoir n'est pas monté sur ma tête, car nazir de Dieu je suis, moi, depuis le ventre de ma mère... Traduction grecque A, nazir est simplement transcrit en caractères grecs, naziraios. L'autre traduction grecque B, hoti hagios theou egô eimi. Il est donc très vraisemblable que les termes nazarènos et nazôraios, qui sont sans doute des transcriptions en caractères grecs de l'hébreu nazir, sont synonymes de l'expression hagios tou theou. Marc 1, 24 : Quoi à nous et à toi, hébreu ma-lanou wa-lak, Ieschoua le nazir ? Est-ce que tu es venu pour nous détruire ? Je sais qui tu es : le saint de Dieu, ho hagios tou theou. Luc 4, 34 : Quoi à nous et à toi, Ieschoua le nazir ? Est-ce que tu es venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le saint de Dieu, ho hagios tou theou. Les diverses traductions conservées dans les diverses variantes veulent exprimer la même réalité. Et peut-être est-ce le sens de l'expression conservée par la plus ancienne tradition juive, ieschoua ha-nôtzeri, — sauf que la racine natzar, qui signifie garder, conserver, observer, n'appartient pas à la famille de l'hébreu nazir. La difficulté subsiste donc tout entière. Déjà dans Exode 28, 41, nous observons que l'onction qui fait le prêtre, et la consécration, sont intrinsèquement liées : Et pour les fils d'Aharôn tu feras des tuniques, hébreu koutanôt, grec chitônas... Et tu les revêtiras, Aharôn ton frère et ses fils avec lui. Et tu les oindras, hébreu maschaheta, grec chriseis, du verbe chriô, et tu rempliras leurs mains, et tu les consacreras, weqiddascheta ôtam, grec kai hagiaseis autous, et ils seront, ils feront les prêtres pour moi, we-kihanou li, grec hina hierateusin moi. Celui qui a été oint avec l'huile sainte, l'huile d'onction, Exode 29, 7, schemen ha-mischehah, il est désormais consacré, grec hagios theou, il est prêtre, sacrificateur, hébreu kohen, grec hiereus. Le saint de Dieu, le oint de Dieu, sont deux expressions qui désignent la même réalité, le même être. 167 6, 70 N'est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les douze ? En réalité, une autre traduction est possible, ou tout au moins elle n'est pas exclue : Ce n'est pas moi qui vous ai choisis, vous les douze. Sens exactement contraire. Nous n'oublions pas que les vieux manuscrits ne comportent pas de signes de ponctuation, et nous ne pouvons donc décider de la question de savoir si la proposition est interrogative ou non, que d'après la structure de la proposition, et d'après le contexte immédiat. Or ici il est très difficile d'en décider. Si la seconde interprétation était exacte, elle signifierait probablement : C'est Dieu, c'est mon père, qui vous a choisis, pensée conforme à l'ensemble de l'enseignement du Seigneur. Et d'entre vous, l'un, est un adversaire... Grec diabolos, traduction de l'hébreu ha-satan, l'adversaire, l'accusateur, l'ennemi. Nombres 22, 22 ; 22, 32 ; 1 Samuel 29, 4 ; 2 Samuel 19, 23 ; 1 Rois 5,18 ; 11, 14 ; 11, 23 ; 11, 25 ; etc. Voir bien entendu aussi Job 1, 6 et suivants. Matthieu 16, 23 : Arrière de moi, l'adversaire ! Le texte grec de Matthieu nous a conservé en caractères grecs le mot hébreu satan qui se prononçait satana. 168 6, 71 II voulait parler de Iehouda... Ou : il disait cela à propos de, sur, hébreu al, Iehouda... Fils de Schiméon, isch Qeriôt. — Qeriôt, ville nommée Josué 15,25. Variantes nombreuses qui indiquent la perplexité des interprètes ou traducteurs. Un traducteur est un interprète. Si isch qeriôt signifie l'homme de Qeriôt, dans ce cas nous avons une expression hébraïque de plus dans notre texte, et non traduite. Nous avons noté déjà que plusieurs savants, dont O. Cullmann, pensent plutôt à une transcription en caractères grecs du latin sicarius, celui qui porte la sica, le poignard.

78

CHAPITRE 7

6, 71

il voulait parler de iehoudah [fils] de schiméôn isch qeriôt car celui-ci allait le livrer lui qui était [pourtant] l'un des douze ________

7, 1169

et après cela il allait et venait ieschoua dans la galilée car il ne voulait pas aller et venir dans la judée parce qu'ils le recherchaient les judéens pour le mettre à mort

7, 2170

et elle était proche la fête des judéens la fête des huttes de branchages

7, 3171

et alors ils lui ont dit ses frères

169

7, 1 Et après cela, grec kai meta tauta, hébreu we-aharei ken... Genèse 23,19 ; ou bien wa-iehi aharei ha-debarim ha-elleh Genèse 48, 1 ; ou encore we-ahar, Exode 5 , 1 ; aharei ken, Exode 11,1. II ne voulait pas aller et venir en Judée... Les habitants de la Galilée sont les Galiléens. Les habitants de la Samarie sont les Samaritains. Les habitants de la Judée sont les Judéens. On voit de nouveau l'erreur qu'il y avait à traduire le grec ioudaioi, qui est une transcription de l'hébreu ha-iehoudim, par le français moderne « juif », qui comporte pour nous Français en cette fin du xxe siècle, de tout autres connotations. Et, comme nous l'avons déjà noté, les « juifs » d'Alexandrie, d'Athènes, de Corinthe, ou de Rome, étaient tout aussi « juifs » que leurs frères de la Judée, mais ils n'étaient pas Judéens dans le sens géographique précis et déterminé qui est celui de notre document. 170 7, 2 Elle était proche la fête des Judéens... la fête des huttes de feuillages, ou de branchages... Lévitique 23, 34 : Au quinzième jour, en ce septième mois, [c'est] la fête des huttes, hag ha-soukôt, pendant sept jours, pour YHWH. Au premier jour, convocation sainte. Tout travail servile, vous ne ferez pas... Dans des huttes vous habiterez pendant sept jours. Tous ceux qui sont nés en Israël, ils habiteront dans des huttes, afin qu'elles connaissent, vos générations, que dans des huttes j'ai fait habiter les enfants d'Israël, lorsque je les ai fait sortir du pays d'Egypte... L'expression hébraïque hag ha-soukôt est traduite en grec par eortè skènôn. Le mot grec qu'utilise le traducteur de Jean, c'est skènopègia, action de dresser une tente. Le verbe skè-nopègeô signifie : planter une tente. Le mot grec skènè, la tente, traduit le plus souvent l'hébreu ôhel, Genèse 4, 20 ; 12, 8 ; 13, 3 ; etc. Le mot grec skènopègia traduit l'hébreu soukah, pluriel soukôt, Deuté-ronome 16, 16 : Trois fois dans l'année, il ira voir, tout ce qu'il y a de mâle chez toi, la face de YHWH ton Dieu dans un heu qu'il choisira : lors de la fête des matzôt, lors de la fête des semaines, et lors de la fête des huttes, hébreu ha-soukôt, grec en tè eortè tes skènopègias. Deuté-ronome 31, 10 ; Zacharie 14, 16 ; etc. Néhémie, 8, 14 : Et ils trouvèrent écrit dans la Torah qu'il avait ordonné, YHWH, par la main de Môscheh, que, hébreu ascher ! ils demeureront, les enfants d'Israël, dans des huttes lors de la fête, au septième mois. Et que, ascher ! ils feront entendre et ils feront passer une voix (une proclamation) dans toutes les villes et dans Jérusalem, pour dire : Sortez dans la montagne et ramassez des feuillages d'olivier et des feuillages d'arbre à huile, et des feuillages de myrte et des branches de palmier et des feuillages d'arbre touffus, pour faire des huttes, comme il est écrit. Alors ils sortirent, tout le peuple, et ils rapportèrent [des branchages] et ils se firent des huttes, chacun sur sa terrasse, et dans leurs cours, et dans les cours de la Maison de Dieu, et sur la place de la Porte des Eaux, et sur la place de la Porte d'Ephraïm... 171 7, 3 Ses frères, grec adelphos, hébreu ah. Genèse 13, 8 : Il dit, Abram, à Loth : Qu'il n'y ait donc pas de querelle entre moi et entre toi, et entre mes bergers et entre tes bergers, car des hommes frères nous [sommes]. Genèse 13, 11 : Et ils se séparèrent, chacun en s'éloignant de son frère. Genèse 29, 15 : Et il dit, Laban, à Iaaqôb : Est-ce que,

79

lève-toi et va-t'en d'ici au pays de iehoudah afin que tes disciples aussi voient les actions que tu agis 7, 4172

car aucun homme ne fait quelque chose dans le secret s'il désire être connu puisque tu fais tout cela fais-toi donc connaître au monde de la durée présente

7, 5173

car même ses frères n'étaient pas certains de la vérité [qui est] en lui

7, 6174

et alors il leur a dit ieschoua mon temps n'est pas encore venu mais votre temps à vous est toujours prêt

7, 7

il ne peut pas vous haïr le monde de la durée présente mais moi il me hait parce que moi j'atteste contre lui que ses actions sont mauvaises

7, 8175

vous

parce que mon frère tu es, toi, tu vas me servir gratuitement ? Genèse 31, 56 : Et il dit, Iaaqôb, à ses frères... Genèse 31, 54 : Et il appela ses frères pour manger du pain, et ils mangèrent du pain... Pour désigner le frère, au sens où nous l'entendons, nous Français, en cette fin du xxe siècle, l'hébreu utilise l'expression : frère, fils de ta mère, Deutéronome 13, 7. Une sœur au sens français actuel se dit : une sœur, fille de son père, Deutéronome 27, 22. Juges 8, 19 : Mes frères, fils de ma mère,... Juges 9, 1 ; 9, 18 ; etc. Cf. Matthieu 46 ; Luc 8, 19 ; Marc 3, 31. Liste des frères de Ieschoua, Matthieu 54 ; Marc 6, 3 ; Actes 1,12 ; 1 Corinthiens 9, 5 ; Eusèbe, Histoire ecclésiastique, III, xi ; III, xii ; III, xix ; III, xx. Iaaqôb, le frère du Seigneur, Galates 1,19. C'est lui qui sera le paqid de la qehila de Jérusalem, jusqu'à sa mise à mort en 62, Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XX, ix. Hegesippe, cité par Eusèbe, Histoire ecclésiastique, II, XXIII. Les actions que tu agis... Même jeu sur la communauté de racine, en hébreu, du substantif dérivé du verbe asah, avec le verbe lui-même, ou du substantif dérivé depaal, avec son verbe. La traduction grecque ne rend pas la communauté de racine. Hébreu et-ha-maasim ascher atah ôseh, le complément d'objet reprend un mot de la même racine que le verbe. 172 7, 4 Aucun homme ne fait quelque chose dans le secret, s'il cherche à être connu : construction hébraïque, littéralement : Il ne fait pas, un homme, une chose, hébreu dabar, dans le secret, et il cherche à être connu... Le we hébreu est utilisé pour désigner des fonctions logiques telles que, ici, la conjonction si. 173 7, 5 Car même ses frères... On pourrait aussi traduire : Car ses frères non plus n'étaient pas encore certains... 174 7, 6 Mon temps, en grec kairos, traduction de l'hébreu et, probablement. Mais le grec kairos pouvait aussi traduire l'hébreu qetz, la fin. Genèse 6, 13 : la fin de toute chair (de tous les êtres vivants) est venue devant ma face... Les LXX ont traduit : la fin de tout homme, kairos pantos anthrôpou. Et dans ce cas-là, il faudrait traduire : ma fin n'est pas encore venue...

80 vous montez à la fête mais moi je ne monterai pas à cette fête parce que mon temps n'est pas encore accompli 7, 9

il a dit cela et lui il est resté dans la galilée

7, 10

mais lorsqu'ils sont montés ses frères à la fête alors lui aussi il est monté non pas d'une manière manifeste mais en secret

7, 11

les judéens le cherchaient dans la fête et ils disaient où est-il [donc] celui-là

7, 12176

et la contestation à son sujet était grande dans la foule du peuple les uns disaient il est bon les autres disaient non mais il égare le peuple

7, 13177

175

cependant personne ne parlait de lui ouvertement à cause de la peur des judéens

7, 8 Parce que mon temps n'est pas encore accompli. Hébreu : parce que mon temps n'est pas encore rempli, du verbe maie, être plein, pour un récipient ; remplir ; au passif, être rempli ; à la forme piel, intensive, remplir, remplir la main, remplir les jours, Isaïe 65, 20 ; remplir une demande, une promesse, une prophétie, etc. 176 7, 12 Et la contestation... Le mot gogusmos ici utilisé traduit l'hébreu telounôt, dérivé du verbe hébreu loun, et signifie : contestation, protestation violente, émeute, et non pas « murmure » ni encore moins « chuchotements »... Exode 16, 2 : Et ils se mirent à protester violemment, à se soulever toute l'assemblée des enfants d'Israël, contre Môscheh et contre Aharôn, dans le désert... Exode 16, 7 ; 16,8 ; 16,12 ; 17, 3 ; etc. Nombres 14,27 ; etc. Non, mais il égare le peuple... Accusation extrêmement grave. Michée 3, 5 : Ainsi a parlé YHWH contre les prophètes qui égarent (ou trompent) mon peuple... C'est le verbe grec planein qui est utilisé ici, comme dans Jean 7, 12, pour traduire l'hébreu taah, égarer, s'égarer, se perdre. Isaïe 3, 12 : Mon peuple ! Ceux qui te dirigent t'égarent, et la voie de tes chemins ils brouillent. Encore le verbe grec planein dans la traduction. Jérémie 23,13 : Et parmi les prophètes de Samarie, j'ai vu quelque chose de stupide. Ils ont prophétisé par le baal et ils ont égaré mon peuple, Israël. Toujours le verbe grec planein dans la traduction. Jérémie 23, 32 : Me voici contre les prophètes qui prophétisent des rêves de mensonge, oracle de YHWH, qui racontent des histoires et qui égarent mon peuple, et moi je ne les ai pas envoyés et je ne leur ai pas donné d'ordre... Ézéchiel 13, 2 : Fils de l'homme, prophétise contre les prophètes d'Israël qui prophétisent, et tu diras à ceux qui prophétisent à partir de leur propre cœur... Hoï, malheur sur les prophètes stupides qui vont après leur propre esprit, sans avoir rien vu ! 13,10 : Parce qu'ils ont égaré mon peuple en disant : Paix ! et il n'y a pas de paix... Le prophète qui trompe le peuple doit être mis à mort, Deutéronome 13,6. 177 7, 13 Par peur des Judéens... Nous sommes à Jérusalem, capitale de la Judée. Personne ne parlait ouvertement au sujet du rabbi galiléen, par peur des Judéens, les habitants de la Judée.

81 7, 14178

alors [qu'on était] déjà au milieu des jours de la fête il est monté ieschoua au temple et il enseignait

7, 15179

ils s'étonnaient donc les judéens et ils disaient

178

7,14 On en était déjà au milieu des jours de la fête... La fête des huttes de branchages dure, rappelons-le, une semaine, avec un huitième jour de clôture, Lévitique 23, 34 ; Nombres 29, 35. Nous en sommes donc environ au quatrième jour. Il est monté au Temple : en grec le hieron, qui désigne l'ensemble des édifices, parvis et portiques, groupés dans l'enceinte générale, tandis que le naos désigne le Temple proprement dit, L. H. Vincent, Jérusalem de l'Ancien Testament, 467. 179 7, 15 Comment celui-ci connaît-il les lettres... En grec ta grammata. Dans la langue grecque naturelle, gramma, du verbe graphô, creuser, graver, écrire, signifie tout d'abord le caractère gravé, sur la pierre, le bois, d'où : lettre, au pluriel les lettres de l'alphabet ; grammata didaskein, enseigner les lettres de l'alphabet — par suite, texte écrit, lettre que l'on envoie —. Le mot grec gramma, pluriel ta grammata, traduit l'hébreu miketab, ce qui est écrit, la lettre qui est écrite, le caractère qui est écrit, du verbe katab, écrire. Exode 39, 30 ; Et ils firent la lamelle (littéralement : la fleur) du diadème de sainteté, en grec petalon, en or pur, et ils gravèrent sur elle, en caractères gravés avec un sceau : consacré à YHWH. Le mot hébreu que nous avons traduit par : caractères, miketab, c'est lui qui est ici traduit en grec par grammata. Le grand prêtre était marqué du sceau sur lequel était écrit le saint tétragramme. Lévitique 19, 28 : Et une entaille, pour une âme (de mort), vous ne la mettrez pas sur votre chair, et des inscriptions, hébreu ketôbet, toujours du verbe katab, vous ne mettrez pas sur vous, traduction grecque grammata. Mais dans d'autres textes le grec gramma traduit l'hébreu sepher, le rouleau du Livre. Josué 15, 15 : Et il monta, en partant de là, vers (ou : contre) les habitants de Debir. Et le nom de Debir était autrefois Qiriath Sepher, c'est-à-dire, en traduction française, la ville du Livre, traduction grecque polis grammatôn. De même Josué 15, 16 ; Juges 1, 11 ; 1, 12. Le grec grammata traduit l'hébreu he-sepher : Isaïe 29, 11. Dans le livre d'Esther, ta grammata traduit d'abord l'hébreu dabar, la parole communiquée par écrit, par lettres, Esther 4, 3. Puis, Esther 6, 1 : grammata traduit l'hébreu sepher, le rouleau du Livre. Esther 6,2 : ta grammata traduit l'hébreu katoub, ce qui est écrit, l'écrit. Esther 8, 5 ta grammata traduit l'hébreu ha-sepharim, les livres. Esther 8, 10, ta grammata traduit encore sepharim, des rouleaux que l'on expédie pour transmettre des messages. Dans le premier livre d'Esdras, dont il ne nous reste que la traduction en langue grecque, 1 Esdras 3, 8, to gramma signifie évidemment le texte écrit ; de même 3, 13 ; 3, 14. Dans le livre de Daniel 1, 4 le grec grammata traduit l'hébreu sepher : Des jeunes gens en qui il n'y avait aucun défaut, beaux à voir, intelligents en toute sagesse, connaissant la connaissance, et intelligents dans la connaissance, et en qui il y avait la capacité de se tenir dans le palais du Roi et d'apprendre [à lire] le Livre, hébreu sepher, grec grammata, et la langue, hébreu leschôn, grec dialekton (ou : glôssan) des Chaldéens. Luc 16, 6 : Montre-moi ta reconnaissance de dettes écrite, grec ta grammata, assieds-toi et écris vite... De même Luc 16, 7. Actes 26, 24, Festus s'écrie en s'adressant à Paul ; Tu es fou, Paul ! Les longues études que tu as faites, les livres nombreux que tu as lus, grec polla grammata, t'ont conduit à la folie ! Actes 28, 21, Paul vient d'arriver à Rome, sans doute en février de l'année 60. Les frères de la communauté juive de Rome lui disent : Nous n'avons pas reçu de lettres, de textes écrits, grec grammata, à ton sujet, ou contre toi, en provenance de la Judée. En 61 ou 62, peu avant de mourir, Paul écrit de Rome à Timothée, dans une seconde lettre, 2 Timothée 3, 15 : Quant à toi, reste, demeure dans ce que tu as appris, dans ce que tu sais maintenant, car tu sais de qui tu l'as appris. Depuis ta petite enfance tu connais les saintes écritures, ta hiera grammata, ces écritures qui peuvent te donner la sagesse, pour le salut, par la certitude de la vérité qui est dans le Christ Jésus. La question est de savoir si ces saintes écritures, dont parle Paul ici, sont la Torah et les prophètes, qui peuvent conduire Timothée jusqu'à l'intelligence du Christ, ou bien s'il s'agit des nouvelles écritures saintes, à savoir les Évangiles. Dans le livre des Actes 4, 13, les chefs, les princes, les anciens, les hommes du Livre, sôpherim en hébreu, grammateis en grec, le grand prêtre Hannan, Qaïapha et un certain Iohanan et Alexandre, après avoir écouté Schiméon, surnommé Kêpha par son maître, sont très étonnés parce que Pierre et son compagnon, qui s'appelait aussi Iohanan, sont agrammatoi, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas fait d'études de théologie dans les Livres saints. Dans notre texte Jean 7, 15, le sens est donc probablement : Celui-ci, Ieschoua ha-nôtzeri, il n'a pas fait d'études régulières avec un maître. Comment connaît-il donc les écritures, les saintes Écritures, les écrits, hébreu sepher. Matthieu 6, 29 et Marc 1, 22 relèvent le même étonnement de la part des auditeurs de la première heure : Et il advint, lorsqu'il eut terminé, Ieschoua, de dire ces paroles, ils étaient stupéfaits, les gens de la foule, à propos de son enseignement, et de sa manière d'enseigner. Car il les enseignait comme s'il avait autorité, et non pas comme les sôpherim, les hommes du Livre. Les sôpherim, traduction grecque grammateis, enseignaient en partant des Livres

82

comment celui-ci connaît-il les lettres puisqu'il n'a pas étudié 7, 16180

alors il leur a répondu ieschoua et il a dit ce que j'enseigne ne vient pas de moi mais de celui qui m'a envoyé

7, 17

si quelqu'un veut faire sa volonté il connaîtra au sujet de ce que j'enseigne si cela vient de dieu ou bien si moi je parle en tirant [cela] de mon propre coeur

7, 18181

celui qui parle en tirant [ce qu'il enseigne] de son propre coeur recherche sa propre gloire mais celui qui recherche la gloire de celui qui l'a envoyé celui-là est véridique et il n'y a pas d'injustice en lui

7, 19182

est-ce que môscheh ne vous a pas donné l'instruction et la norme et personne d'entre vous ne fait

saints. Ils faisaient un commentaire des Livres saints. Ils faisaient l'exégèse des Livres saints. Le rabbi galiléen, lui, enseigne de source. La source ou l'origine radicale de l'information est en lui, elle habite en lui. « Le père est en moi et moi je suis dans le père. ». Il n'enseigne donc pas à partir des saintes Écritures, mais il communique un enseignement nouveau qui vient de Dieu même. 180 7, 16 Ce que j'enseigne ne vient pas de moi... La logique de la controverse est claire. Les auditeurs du rabbi s'étonnent qu'il enseigne et qu'il connaisse les saintes Écritures, alors qu'il n'a pas fait les études régulières. H répond : ce que j'enseigne ne vient pas de moi. Ce que j'enseigne vient de Dieu. Il communique donc une nouvelle information créatrice, dont la source ou l'origine radicale est Dieu lui-même. C'est à cause de cette nouveauté de l'enseignement, à cause de ce développement de la révélation, qu'il entrera, qu'il est entré, en conflit avec ceux qui s'en tenaient aux révélations antérieures. 181 7, 18 Et l'injustice n'est pas en lui. Psaume 92, 16 : pour annoncer qu'[il est] droit, YHWH, mon rocher, et [il n'y aj pas d'injustice en lui, traduction grecque kai ouk estin adikia en auto, comme dans Jean 7,18. 182 7, 19 Est-ce que ce n'est pas Môscheh qui vous a donné la Torah ? La question est de savoir s'il faut lire, avec nos éditions imprimées, qui comportent des signes de ponctuation, une proposition interrogative. Ou bien s'il faut lire une proposition affirmative : Ce n'est pas Moïse qui vous a donné la Torah ! Sous-entendu : c'est Dieu qui vous a donné la Torah ! Comme précédemment, Jean 6,32 : Amèn amèn je vous le dis, ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain qui vient du ciel, mais c'est mon père qui vous donne le pain qui provient des deux, le pain véritable ! Les manuscrits anciens, nous le rappelons, ne comportaient pas de signes de ponctuation. Si cette seconde interprétation était la bonne, alors la logique de la pensée serait : Ce n'est pas Moïse, c'est Dieu lui-même qui vous a donné la Torah dans le désert lorsque vous êtes sortis d'Egypte. Et pourtant, aucun d'entre vous ne fait ce qui est prescrit par la Torah. Pourquoi cherchez-vous à me tuer ? Il ne faut pas oublier, de nouveau, que nous avons affaire ici à une suite de notes, qui ne sont pas nécessairement rattachées les unes aux autres par un lien logique étroit. Les propos ont été entendus, relevés, notés, rapportés, sans qu'ils se soient immédiatement suivis les uns les autres.

83 [ce qui est prescrit dans] la norme pourquoi cherchez-vous à me tuer 7, 20

et il a répondu le peuple un esprit mauvais est en toi qui donc cherche à te tuer

7, 21183

et il a répondu ieschoua et il leur a dit une seule action j'ai agi et tous vous êtes dans l'admiration

7, 22184

voilà pourquoi c'est môscheh qui vous a donné la circoncision non pas qu'elle provienne de môscheh mais elle vient des pères et même le jour du schabbat vous circoncisez l'homme

7, 23

si la circoncision il la reçoit l'homme un jour de schabbat afin qu'elle ne soit pas déliée l'instruction de môscheh contre moi vous vous mettez en colère parce que l'homme tout entier je l'ai guéri en un jour de schabbat

7, 24

ne jugez pas selon ce que voient les yeux mais le jugement juste voilà ce que vous devez juger

7, 25

ils ont dit alors certains de ceux qui habitaient à ierouschalaïm celui-ci n'est-il pas celui qu'ils cherchent à faire mourir

7, 26185 183

et voici qu'ouvertement il parle

7, 21 Une seule action j'ai agie : de nouveau l'association du verbe hébreu asah, faire, agir, et du substantif dérivé maaseh, l'action, à moins que ce ne soit l'association du verbe hébreu paal et du substantif dérivé. 184 7, 22 Non pas qu'elle provienne de Môscheh... On peut se demander de qui est cette incise. Du Seigneur luimême ? Du rédacteur de l'Évangile ? Du traducteur ? Et même le jour du schabbat : non traduit dans notre texte grec, mais seulement transcrit en caractères grecs, comme si tout le monde comprenait le sens de ce mot hébreu, ce qui était vrai pour les frères des synagogues, ce qui n'était pas vrai pour des païens qui venaient d'entrer dans une église chrétienne.

84 et ils ne lui disent rien est-ce que véritablement ils ont reconnu les chefs que celui-ci il est celui qui a reçu l'onction 7, 27186

mais celui-là nous savons d'où il vient tandis que le maschiah lorsqu'il viendra personne ne saura d'où il vient

7, 28187

alors il a crié dans l'enceinte sacrée du temple et il a enseigné ieschoua et il a dit ainsi vous me connaissez et vous savez d'où je viens et [cependant] je ne suis pas venu de moi-même mais il est véridique celui qui m'a envoyé celui que vous vous ne connaissez pas

7, 29

moi je le connais parce que c'est de lui que je suis [issu] et c'est lui qui m'a envoyé

7, 30188

alors ils ont cherché à l'arrêter mais personne n'a mis la main sur lui parce qu'il n'était pas encore venu son temps

7, 31189

de parmi le peuple

185 7, 26 . chefs : traduction approximative. Le grec archontes peut traduire l'hébreu sar, Genèse 47, 6 ; etc., nasi, Genèse 25, 16 ; etc., rôsch, Nombres 1,4; etc. Le mot chef en français d'aujourd'hui est un peu trop militaire pour notre contexte. Il s'agit des hautes autorités, des responsables de la nation. Que c'est lui celui qui a reçu l'onction : en grec christos, du verbe chriô, oindre, qui traduit l'hébreu maschah, oindre. Notre texte grec ici donne christos, c'est-à-dire la traduction grecque du mot hébreu qui signifie : celui qui a reçu l'onction de l'huile. Nous faisons donc comme le traducteur en langue grecque du document hébreu primitif, nous traduisons son texte du grec en français, par une lourde périphrase, parce qu'en français « le oint » n'est pas compris des enfants des écoles, ni euphonique. 186 7, 27 Mais celui-ci nous savons d'où il vient. Le oint lorsqu'il viendra, personne ne saura d'où il est : on saisit le conflit entre une représentation mythologique du meschiah, une conception fantastique, et la réalité, le fils de l'homme, enfant de la femme, né dans un milieu précis, à une date précise. 187 7, 28 II a crié alors dans le Temple : en grec le hier on, à l'intérieur de cet ensemble de constructions qui entourent le Temple proprement dit, le naos. Ainsi vous me connaissez... Deux interprétations possibles de cette proposition. 1. Le Christ confirme la vérité de ce que vient de dire le peuple : Oui, il est vrai que vous me connaissez et que vous savez d'où je viens. 2. Le Christ reprend la phrase qu'il a entendue sous forme d'exclamation et d'une manière ironique : Ainsi donc vous prétendez me connaître et savoir d'où je viens ! La seconde interprétation nous paraît la plus vraisemblable. Car de fait ni le peuple, ni personne à ce moment, ne connaissait l'origine, au sens ontologique du terme, du Christ. D'ailleurs la suite des paroles du Seigneur confirme cette seconde lecture. Et [cependant] je ne suis pas venu de moi-même... en hébreu : de mon propre cœur, mi libbi, de ma propre initiative. Vous ne pouvez pas en réalité me connaître ni savoir d'où je viens, puisque vous ignorez quelle est mon origine, au sens ontologique du terme. Vous ne savez pas que je ne suis pas venu de ma propre initiative, mais qu'en réalité c'est Dieu qui m'envoie vers vous. 188 7,30 Parce qu'il n'était pas encore venu son temps : le mot grec hôra traduit le plus souvent l'hébreu et, qui signifie le temps, et non pas l'heure, au sens français du terme aujourd'hui.

85 nombreux furent certains de la vérité [qui est] en lui et ils disaient celui qui est oint de l'huile sainte lorsqu'il viendra est-ce qu'il fera davantage de signes que celui-ci n'en fait 7, 32190

et ils ont entendu les perouschim le peuple qui discutait ainsi à son sujet et ils ont envoyé les prêtres et les perouschim des valets afin de l'arrêter

7, 33191

alors il a dit ieschoua encore un peu de temps avec vous je suis et je m'en vais vers celui qui m'a envoyé

7, 34192

vous me chercherez et vous ne me trouverez pas et là où je serai moi vous vous ne pouvez pas venir

7, 35193

alors ils se sont dit les judéens

189

7, 31 Celui qui est oint de l'huile sainte... De nouveau notre traducteur a traduit en grec le mot hébreu dérivé du verbe maschah, oindre, au lieu de le transcrire simplement en caractères grecs. Nous faisons comme lui, nous traduisons en français le participe grec christos. 190 7, 32 Les perouschim : notre traducteur a simplement transcrit, en caractères grecs, le terme hébreu tel qu'il se prononçait alors ; il ne l'a pas traduit. Nous faisons comme lui, nous transcrivons en caractères français le terme hébreu, et nous avons déjà donné en note la traduction probable mais non pas certaine : les séparés, ceux qui sont à part, ceux qui ne font pas comme les autres, ceux qui se séparent pour atteindre une perfection plus grande, une plus grande pureté rituelle, etc. Qui discutait, et même violemment : grec gogguzein, que nous avons déjà rencontré précédemment, et qui signifie protester, contester violemment, s'insurger contre, etc. Et ils ont envoyé, les prêtres et les perouschim... En grec archiereis, qui signifie littéralement : les chefs des prêtres. Mais on peut observer Lévitique 4, 3 ; Josué 22, 13 ; 24, 33 ; 1 Rois 1, 25 ; 1 Chroniques 15,14; que le grec archiereus traduit tout simplement l'hébreu kôhen. Les kôhanim sont les sacrificateurs, que nous appelons en français les prêtres. Il n'y a donc pas lieu de multiplier imprudemment dans le quatrième Évangile l'appellation de grand prêtre. Les prêtres et le groupe des pharisiens, c'est-à-dire en somme les Sadducéens et les pharisiens. Mais notre quatrième Évangile ne nomme jamais les Sadducéens. 191 7,33 Encore un peu de temps avec vous je suis : le je suis inutile en hébreu, et donc absent de l'hébreu. 192 7, 34 Là où je serai, eimi présent de l'indicatif en grec, mais en ébreu le verbe être est ici inutile et donc absent ; le traducteur en langue grecque a dû ajouter le verbe être absent de l'hébreu. Hébreu probable : wou-ba-ascher ani scham, traduction littérale : et là où toi, là ! 193 7, 35 Alors ils se dirent, les Judéens, chacun à son compagnon : vieille expression hébraïque que nous avons déjà rencontrée plu-eurs fois. Est-ce que c'est dans [les pays de] la dispersion des Grecs qu'il va aller pour enseigner les Grecs ? La question est de savoir si, dans cette proposition, dans cette question que se posent les Judéens, il s'agit dans leur pensée, d'un enseignement que le rabbi galiléen pourrait apporter aux Grecs, c'est-à-dire aux païens, aux incirconcis, ou bien aux frères et aux sœurs des synagogues dispersés sur tout le pourtour de la Méditerranée, et qui sont aussi appelés « Grecs

86 chacun à son compagnon où donc celui-ci va-t-il aller que nous ne puissions pas le trouver est-ce que c'est dans [les pays de] la dispersion des grecs qu'il va aller et enseigner les grecs 7, 36

quelle est donc cette parole qu'il a dite vous me chercherez et vous ne me trouverez pas et aussi là où je serai vous ne pouvez pas venir

7, 37194

7, 38195

7, 39196

et il advint dans le jour qui venait après le grand [jour] de la fête il se tenait debout ieschoua et il a crié et il a dit si quelqu'un a soif qu'il vienne vers moi et qu'il boive celui qui est certain de la vérité [qui est] en moi comme le dit l'écriture des fleuves de son ventre s'écouleront [des fleuves] d'eaux vivantes cela il le disait au sujet de l'esprit

» parce qu'ils vivent dans des pays où l'on parle le grec, de même qu'aujourd'hui les Juifs de France, d'Allemagne, d'Espagne, peuvent être appelés Français », « Allemands » « Espagnols » en Israël. La seconde hypothèse nou paraît la plus probable. Il est peu vraisemblable que les Judéens se soient demandé si le rabbi galiléen allait enseigner les païens. L'hypothèse était exclue autour de l'année 30. C'est précisément le signe de Jonas qui n'est pas encore réalisé, et qui va se réaliser à partir de l'année 36. Par contre il n'est pas absurde de supposer que les Judéens se soient demandé si le rabbi galiléen n'allait pas enseigner les frères et les soeurs des synagogues du pourtour de la Méditerranée, où l'on parlait la langue grecque. C'est précisément ce que va faire Schaoul-Paulos à partir de l'année 44. Le mot grec diaspora est la traduction de l'hébreu gôlah, ou galout, araméen galoutah. 194 7, 37 Dans le jour suivant, ou : le jour d'après... grec en tè eschatè hèmera, hébreu be-iôm ha-aharôn, qui signifie bien : le jour qui vient après, et non pas : le dernier jour. Cela n'exclut pas d'ailleurs qu'il s'agisse de fait du dernier jour, mais ce n'est pas ce que dit le texte. Le grand jour, le jour le plus important, était sans doute le septième jour de la fête des huttes de branchages, qui était clôturée par un huitième jour, le dernier. Le septième jour de la fête des huttes fut appelé jour de hôschana, parce que l'on criait : Hôschiah na, sauve-donc ! Psaume 118, 25. 195 7, 38 D'eaux vivantes : hébreu les eaux vivantes, maïm haiim. Isaïe 12, 2 : Voici le Dieu de mon salut, hébreu el ieschouati. J'aurai pleinement confiance et je ne serai plus terrorisé. Car ma force et mon chant, c'est YHWH ! Il a été pour moi le salut, lischoua. Vous puiserez des eaux dans la joie, en les tirant des sources du salut, mi-maainei haieschoua. 196 7, 39 Cela il le disait au sujet de l'esprit... Commentaire soit du rédacteur du texte hébreu, soit du traducteur, soit des deux ensemble. L'esprit saint, hébreu ruah ha-qôdesch.

87 qu'ils allaient recevoir ceux qui sont certains de la vérité [qui est] en lui car il n'était pas encore [communiqué] l'esprit parce que ieschoua il n'avait pas encore été glorifié 7, 40197

parmi les gens de la foule du peuple il y en a qui ont entendu ces paroles et ils ont dit celui-ci il est véritablement le prophète

7, 41198

d'autres ont dit celui-ci il est celui qui a reçu l'onction d'autres ont dit est-ce qu'il est possible

Car il n'était pas encore communiqué... Certains manuscrits donnent : car il n'était pas encore, l'esprit, ou plus exactement : il n'y avait pas encore d'esprit. D'autres manuscrits donnent : d'esprit saint. D'autres manuscrits : l'esprit n'était pas encore donné. D'autres : l'esprit saint donné... D'autres enfin : l'esprit saint sur eux... Ces variantes nombreuses attestent la difficulté devant laquelle se trouvaient les interprètes de ce texte. Bien entendu, ce texte ne signifie pas que le saint esprit n'existait pas encore, puisque le saint esprit, c'est Dieu lui-même qui est esprit. Ce texte signifie évidemment que le saint esprit, à savoir l'esprit de Dieu, à savoir Dieu lui-même qui est esprit, n'avait pas encore été communiqué à la communauté comme il va l'être, avec surabondance, comme des fontaines jaillissantes, à partir du jour de la Pentecôte, Actes 2, 4 : Et ils furent remplis, tous, de l'esprit saint et ils commencèrent à parler en d'autres langues, comme l'esprit leur donnait de les prononcer. La difficulté qu'ont rencontré les plus anciens interprètes de ce texte provient sans doute de nouveau de ce que dans le texte hébreu primitif il n'y avait pas le verbe être, qui se trouve dans notre traduction grecque. Il n'y avait pas non plus d'article devant ruah, comme il n'y a pas d'article devant pneuma. Le plus vraisemblable c'est l'hébreu ein ruah, pas d'esprit ! De même que nous lisons Psaume 14, 1 ein elohim, pas de Dieu ! Ein rôani, Isaïe 47, 10, il n'y a personne pour me voir. Ein rôeh, 1 Samuel 26, 12, il n'y a pas de voyant. Ein ôd, Isaïe 45, 5, il n'y a personne d'autre. Ein Iônatan, 1 Samuel 14, 17, pas de Jonatan ! Iôseph einenou, Genèse 42, 36 : Plus de Joseph ! Kiein isch, Exode 2, 12 : qu'il n'y avait personne. Ein kôî hadasch tahat haschamesch, Qohélet, 1, 9, il n'y a rien du tout de nouveau sous le soleil ! Dans tous ces cas, en hébreu, le verbe être est inutile. Le traducteur en langue grecque l'a ajouté dans sa traduction, à cause des exigences de la langue grecque, d'où les difficultés des interprètes ultérieurs. 197 7, 40 Parmi la foule, il y a des gens qui ont entendu... Traduction littérale et mot à mot du texte grec : De la foule donc ayant entendu ces paroles, ils dirent... C'est une construction hébraïque traduite en grec. Exode 16, 27 : Et il advint, lors du septième jour, ils sortirent (sous-entendu : des gens) du peuple, pour ramasser (du mari) et ils ne trouvèrent pas... De plus et comme d'habitude le traducteur en langue grecque a transformé la première proposition, qui était à l'indicatif, en une proposition régie par un participe grec. Nous avons restauré, comme d'habitude aussi, la construction initiale. Celui-ci, il est vraiment le prophète... Le prophète attendu depuis des siècles, Deutéronome 18, 15 : Un prophète pris du milieu de toi, pris d'entre tes frères, tout comme moi, il suscitera pour toi, YHWH ton Dieu ! Celui-là, vous l'écouterez... Deutéronome 18,18 : Un prophète je susciterai pour eux pris du milieu de leurs frères, comme toi, et je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui commanderai... 198 7, 41 Celui qui a reçu l'onction... Notre traducteur a traduit le mot meschiah en grec, christos. Nous faisons comme lui, nous traduisons christos en français. L'onction dont il s'agit est à la fois l'onction royale, sacerdotale et prophétique. Le oint par excellence est celui qui récapitule sur sa tête cette triple onction, ou du moins cette onction qui lui confère la triple dignité royale, sacerdotale et prophétique.

88

7, 42199

que de la galilée il vienne celui qui a reçu l'onction est-ce que l'écriture ne dit pas que c'est de la semence de dawid et de beit lehem le village où était dawid que doit venir celui qui a reçu l'onction

7, 43

il y a donc eu division dans le peuple à cause de lui

7, 44

certains voulaient parmi eux l'arrêter mais personne n'a jeté les mains sur lui

7, 45

ils sont donc revenus les valets vers les prêtres et vers les perouschim et ceux-ci leur ont dit pourquoi est-ce que vous ne l'avez pas amené ici

7, 46

et ils ont répondu les valets jamais dans la durée passée un homme n'a parlé comme parle cet homme

7, 47 200

7, 48

7, 49201 199

alors ils leur ont répondu les perouschim est-ce que vous aussi vous avez été trompés est-ce que l'un des chefs a été certain de la vérité en lui ou bien l'un des perouschim mais ce peuple qui ne connaît pas la tôrah

7, 42 De la semence de David... 2 Samuel 7, 12 : Lorsqu'ils seront remplis, tes jours, et que tu te seras couché avec tes pères, alors je susciterai ta semence après toi, celle qui sortira de tes parties intimes, et je rendrai ferme sa royauté. C'est lui qui bâtira une maison pour mon nom et je rendrai ferme le trône de sa royauté pour la durée éternelle à venir. Moi, je serai pour lui un père, et lui, il sera pour moi un fils... Psaume 89, 4 : J'ai conclu une alliance avec celui que j'ai choisi, je l'ai juré à David mon serviteur : Pour la durée éternelle à venir j'ai instauré ta semence, et j'ai construit pour les générations et les générations ton trône... Et de Beit-Lehem... Michée 5, 1 : Et toi, Beit-Lehem (maison du pain) Ephratah (l'ancien nom de Bethléem, Genèse 35, 19)... c'est de toi que, pour moi, sortira [celui qui sera] celui qui domine en Israël... Et ses origines depuis le temps de jadis, depuis les jours de la durée passée... 200 7, 48 Esi-ce que l'un des chefs... Comme précédemment, la traduction les chefs n'est pas heureuse. Il s'agit des notables, des gens importants, de ceux qui gouvernent, qui dirigent, qui sont supposés savoir, qui font l'opinion, en ce temps-là comme aujourd'hui. 201 7, 49 Mais ce peuple qui ne connaît pas la Torah... L'expression hébraïque qui se trouve sous le mot grec ochlos, le peuple, c'est am ha-aretz, le peuple du pays, le peuple de la terre. Cette vieille expression hébraïque désigne tout d'abord l'ensemble du peuple hébreu, le peuple tout entier, Ezéchiel 12, 19 ; 22, 29 ; etc. L'expression am ha-aretz désigne ensuite le peuple pour autant qu'il est distingué des rois, des princes et du clergé. Jérémie 1, 18 : Et moi, voici que je t'ai établi aujourd'hui en ville fortifiée, en colonne de fer, en murailles d'airain, sur tout le pays, pour les rois de Juda,

89 ce sont des maudits 7, 50

alors il leur a dit naqdimôn c'est lui qui était venu voir [ieschoua] auparavant il est l'un d'entre eux

7, 51

est-ce que notre loi juge l'homme si on n'a pas tout d'abord entendu de sa bouche [ce qu'il a à dire] pour qu'on sache ce qu'il a fait

7, 52

alors ils lui ont répondu et ils lui ont dit est-ce que toi aussi tu fais partie [de cette clique] de la galilée scrute [les écritures] et tu verras que de la galilée il ne s'est pas levé de prophète

7, 53202

et ils sont retournés chacun dans sa maison

pour ses princes, pour ses prêtres, et pour le peuple du pays, wou-le-am ha-aretz. Le peuple est donc ici distingué du roi, de l'aristocratie et du clergé. De même Jérémie 34, 19 ; 37, 2 ; 44, 21 ; Ezéchiel 7, 27 ; etc. Dans Esdras 10, 2, l'expression hébraïque am ha-aretz désigne les populations païennes : Nous avons commis un crime contre notre Dieu, nous avons pris des femmes étrangères, prises parmi les peuples du pays... Esdras 10, 11 : Séparez-vous des peuples du pays, me-ammei ha-aretz. De même Néhémie 10, 31 ; 10, 32. L'expression am-ha-aretz se trouve transposée — Esdras 6, 21 — en cette autre expression : les peuples, les nations païennes qui sont maintenant dans le pays. Et ils mangèrent les enfants d'Israël qui étaient revenus de la déportation, et tous ceux qui s'étaient séparés de l'impureté des peuples (païens) du pays, mi-thoumeat gôï-ha-aretz... Ces diverses expressions peuvent nous mettre sur la voie pour comprendre ce qu'étaient les perous-chim, les séparés : ceux qui se séparaient du peuple du pays, du peuple ignorant et en grande partie païen, pour acquérir la pureté, la connaissance et la justice. On notera aussi que l'expression hébraïque am ha-aretz désigne, en partie, le peuple des paysans, et celui des ouvriers et artisans, de même que le français païen provient du latin paganus, qui désigne les gens qui habitent les villages et la campagne. On aperçoit peutêtre mieux le conflit entre le rabbi galiléen Ieschoua et les perouschim, puisque manifestement le rabbi galiléen s'est mis, on pourrait presque dire par naissance, dans le camp des gens du pays, du petit peuple et qu'il n'a pas pour les techniques de la séparation et de la pureté rituelle toute la considération que les perouschim souhaitaient. Que l'on songe au système des castes dans l'Inde. Mutatis mutandis, les séparés, les perouschim voulaient maintenir et fortifier une distinction entre les purs et les impurs. Le rabbi galiléen s'est placé délibérément dans le camp des hors castes, des tschandala. 202 7, 53 Et.— sont retournés chacun dans sa maison... A partir de ce verset, nombres de manuscrits anciens — le plus grand nombre — ne comportent pas la page qui suit : l'histoire de la femme qui a été surprise avec un homme qui n'était pas son mari. Deux hypothèses se partagent les critiques. 1. Cette histoire a été ajoutée tardivement. 2. Ce passage a été retranché très anciennement. Augustin, dans un ouvrage précisément consacré au mariage et à l'adultère, De conjugiis adulterinis, II, 6, VII, écrit que certains, dont la foi était faible, ou plus exactement ennemis de la foi véritable, ayant peur que l'on ne tire de cette page une raison d'excuser leurs femmes infidèles, l'ont retirée de leurs manuscrits. Le fait est que l'on ne trouve pas cette page citée par les Pères de langue grecque, Origène, saint Jean Chry-sostome, Théodore de Mopsueste, Cyrille d'Alexandrie, etc.

90 CHAPITRE 8

8, 1

quant à ieschoua il s'en est allé sur la montagne des oliviers

8, 2203

et dès le lever du jour de nouveau il est venu dans l'enceinte du temple et tout le peuple venait vers lui alors il s'est assis et il les a enseignés

8, 3204

et ils lui ont amené les hommes du livre et les perouschim une femme surprise en faute d'adultère ils lui commandent de se tenir debout au milieu et ils lui disent les prêtres

8, 4205

maître cette femme a été prise en flagrant délit d'adultère

203

8, 2 Daixole Temple... En grec le hieron, l'ensemble des bâtiments, avec les enceintes, et non pas le naos, le Temple proprement dit. A partir de maintenant les variantes sont très nombreuses dans nos manuscrits. Et tout le peuple... Hébreu we-kôlha-am... 204 8, 3 Ils lui amènent, les hommes du Livre et les perousehim... Les hommes du Livre, traduction de l'hébreu sopherim, qui a été traduit en grec par grammateus, et que l'on traduit habituellement en français par les scribes. Les hommes du Livre sont les hommes qui, sachant lire et écrire, étudient les saintes Écritures. Mutatis mutandis ils sont, chez les Hébreux de ce temps-là, ce qu'ont été les lettrés dans la Chine des anciens temps, et un peu ce que furent les gens instruits dans les siècles passés en France, avec cette nuance importante qu'en l'occurrence, chez les Hébreux, les hommes du Livre sont en fait des théologiens, puisqu'ils ont accès à la source de la connaissance, à savoir l'Écriture sainte. Le comportement du Christ par rapport aux hommes du Livre, aux lettrés hébreux, n'est pas sans ressemblance ni sans analogie avec son comportement par rapport aux séparés. De même que le Christ s'est mis délibérément dans le camp de ce qu'en Inde on appelle les tschandala — ce qui rend Nietzsche furieux — il se met aussi délibérément dans le camp de ceux qui ne sont pas des lettrés, dans le camp du petit peuple. Ils lui commandent de se tenir... Traduction littérale du texte grec : ils la font se tenir... Traduction de l'hébreu waiaamidouha, du verbe amad, se tenir debout, hiphil inaccompli iaamid, faire se tenir debout. Au milieu de... Au milieu du groupe des gens qui écoutent le rabbi galileen. Ce qui explique que le grec ait en mesô, au datif. Le texte ne dit pas qu'on a apporté cette femme du dehors au milieu du groupe de ceux qui écoutaient le Christ, comme une poupée, mais qu'on lui a ordonné de se tenir debout, au milieu du groupe. Le datif est donc normal. Hébreu be-tôk, au milieu de... Une femme surprise en adultère et ils la font se tenir debout... Nombres 5, 13 : Et il a couché, un homme, avec elle, coucher de semence, schikebat zera, et elle s'est dissimulée loin des yeux de son homme, et elle s'est cachée, et elle s'est souillée, et il n'y avait pas de témoin, et elle n'a pas été surprise, hébreu lô nitepasah, grec kai autè mè è suneilèmmenè — c'est le verbe utilisé par le traducteur de Jean 8, 3. — Est passé sur lui (sur le mari) un esprit de jalousie... Alors il conduira, l'homme, sa femme vers le qôhen et il apportera son offrande, qôrebana... Et il la fera approcher, le kôhen, et il la fera se tenir debout, we-heemidah, grec stèsei, devant la face de YHWH... Et il prendra, le kôhen, des eaux consacrées dans un vase d'argile et de la poussière qui sera sur le sol de la Tente, il prendra le kôhen, et il en mettra dans l'eau. Et il fera se tenir debout, le kôhen, la femme, hébreu we-heemid, grec stèsei, — le même verbe que Jean 8, 3 — devant la face de YHWH... Et il écrira ces malédictions, le kôhen, sur un rouleau, ba-sepher, et il effacera avec les eaux de l'amertume. Et il fera boire à la femme les eaux de l'amertume et de la malédiction... 205 8,4 Ils lui disent : Maître... En hébreu rabbi...

91

8, 5206

dans la tôrah môscheh nous a commandé de tuer à coups de pierres les femmes qui font cela et toi qu'est-ce que tu dis

8, 6207

cela ils le lui disaient pour le mettre à l'épreuve afin d'avoir de quoi l'accuser alors il s'est mis à genoux ieschoua et avec son doigt il s'est mis à écrire sur la terre

8, 7

et comme ils restaient là à l'interroger il s'est redressé et il leur a dit celui qui est sans faute parmi vous lui le premier sur elle qu'il jette une pierre

8, 8

et de nouveau il s'est mis à genoux et il écrivait sur la terre

8, 9

lorsqu'ils ont entendu cela ils se sont retiré un par un en commençant par les plus vieux et il est resté seul

206

8, 5 Dans la Torah... Lévitique 20, 10 : Et un homme qui commet l'adultère avec la femme de son compagnon, mourir, il mourra, l'homme et la femme. Deuteronome 22, 22 : Que si l'on trouve un homme couché avec une femme qui a un mari, alors ils mourront tous les deux, l'homme qui a couché avec la femme, et la femme... Il n'est pas question ici de mise à mort à coups de pierres. Par contre, Deuteronome 22, 23, il est question de mise à mort à coups de pierres pour une vierge fiancée. 207 8, 6 Cela ils le disaient pour le mettre à l'épreuve... Le verbe grec peirazein, ici utilisé, traduit constamment l'hébreu nissah, faire une expérience qui constitue une épreuve. Genèse 22, 1 : Et il advint après cela, et Dieu mit à l'épreuve Abraham... Hébreu nissah, grec epeirazen. Exode 15, 25 ; 16, 4 ; 17, 2 ; 17, 7 ; etc. Ieschoua s'est mis à genoux... Genèse 43, 28 : Et ils se sont mis à genoux et ils se sont prosternés... Le verbe hébreu qadad ici utilisé signifie : se mettre à genoux. Il est toujours associé au verbe hischeta-hawah, se prosterner. Les traducteurs en langue grecque ont, comme c'est leur coutume, transformé le premier verbe en un participe : kai kupsantes prosekunèsan auto. Exode 4, 31 : Et il a été certain que c'était vrai, le peuple, et ils ont entendu (ils ont compris) qu'il a visité, YHWH, les fils d'Israël et qu'il a vu leur peine. Et ils se sont mis à genoux et ils se sont prosternés, hébreu wa-iqedou wa-ischetahawou, grec kupsas ho laos prosekunèsen. De nouveau les traducteurs du texte hébreu en langue grecque ont transformé le premier verbe en participe dans leur traduction. Exode 12, 27 : Et il s'est mis à genoux, le peuple, et il s'est prosterné, grec kai kupsas ho laos prosekunèsen. Exode 34, 8 : Et il se hâta, Môscheh, et il se mit à genoux à terre, et il se prosterna. Grec : kupsas epi tèn gèn prosekunèsen. Nombres 22, 31 : Et il a dévoilé, YHWH, les yeux de Bileam et il a vu le messager de YHWH qui se tenait debout sur la route et son épée dégainée dans sa main. Alors il s'est mis à genoux et il s'est prosterné le nez à terre. Grec : kai kupsas prosekunèsen. 1 Samuel 24, 9 : Et il s'est mis à genoux, David, le nez à terre et il s'est prosterné. Grec : kai ekupsen dauid epiprosôpon autou. 1 Samuel 28, 14 : Et il a connu, Schaoul, que c'était 5" jiouel, lui, et il s'est mis à genoux le nez à terre et il s'est prosternv... Grec : kaiekupsen epiprosôpon autou. Dans notre texte grec de Jean 8, 6 et 8, 8 nous lisons : katô kupsas, et katakupsas. Nous pouvons donc légitimement nous demander si nous n'avions pas le verbe hébreu qadad dans le document hébreu primitif, et si en cette occurrence le Seigneur ne s'est pas mis à genoux pour écrire par terre.

92 et la femme était là au milieu 8, 10208

alors il s'est relevé ieschoua et il a vu qu'il n'y avait plus personne si ce n'est la femme alors il lui a dit femme où sont-ils donc tes accusateurs personne ne t'a condamnée

8, 11

et elle elle lui a dit personne seigneur alors il a dit ieschoua moi non plus je ne te condamne pas va [en paix] et à partir de maintenant ne commets plus de faute

8, 12209 208

et de nouveau il leur a parlé ieschoua

8, 10 Où sont-ils donc, tes accusateurs ? En grec hoi katègoroi, en hébreu soit le participe du verbe satan, accuser, attaquer par des accusations, qui a donné ha-satan, l'accusateur, l'ennemi, l'adversaire ; soit la simple transcription en caractères hébreux du grec katègoros, transcription que l'on trouve par exemple Pirqe Abot 4,11 : Rabbi Eliezer fils de Iaaqôb disait : Celui qui fait un commandement, un seul, acquiert pour lui-même un avocat de la défense, hébreu peraqelith, décalqué sur le grec paraklètos ; et celui qui transgresse une seule transgression, il acquiert pour lui-même un accusateur, hébreu qathegôr, transcription du grec katègoros, l'accusateur, du verbe kai-ègoreô, parler contre quelqu'un, blâmer, décrier, accuser en justice... A propos de cette page, la perle parmi les perles, Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, III, XXXIX, 16 et 17, nous a conservé ce qu'écrivait le vieux Papias, évêque de Hiérapolis en Asie Mineure, qui avait entendu Jean, autour de 130 : « Au sujet de Matthieu, voici ce qu'il dit : Matthieu, en langue hébraïque, hebraïdi dia-lektô, a réuni les actes et les paroles, grec ta logia, qui traduit l'hébreu debarim, qui signifie à la fois les paroles et les actes. Et chacun les a traduits, grec hèrmèneusen, comme il pouvait. » Cela permet donc de supposer légitimement qu'il y a eu plusieurs traductions de l'hébreu en grec de l'Évangile de Matthieu. Ce qui fortifie notre hypothèse que plusieurs parmi les variantes, que nous lisons au bas de nos éditions savantes de nos Évangiles, ne sont pas des erreurs de copie ni des fautes de copistes, mais les reliques précieuses de plusieurs traductions. Eusèbe poursuit, toujours en citant Papias : « Et il rapporte une autre histoire, au sujet d'une femme qui a été accusée de graves fautes, epipollais hamartiais, en présence du Seigneur. Cette histoire que renferme l'Évangile selon les Hébreux, hèn to kath' hebraious euaggelion periechei. » Le fait est que la page que nous venons de traduire en français est bourrée, comme les autres, d'expressions typiquement hébraïques. La page gue nous venons de traduire se trouve dans certains manuscrits de l'Evangile de Luc, après le chapitre 21, verset 38. 209 8, 12 C’est moi la lumière... En hébreu le verbe être est inutile dans ce cas, et nous avions donc probablement ani ôr ha-olam... Isaïe 49, 5 : Et maintenant, il a dit YHWH, lui qui m'a formé depuis le ventre (de ma mère) pour [être] un serviteur pour lui... Et il a dit : C'est peu de choses que tu sois pour moi un serviteur, pour relever les tribus de Iaaqôb... Je t'ai donné [d'être] lumière des nations [païennes], afin qu'il soit, mon salut, hébreu ieschouati, jusqu'au bout de la terre... On voit apparaître dans ce texte, et dans beaucoup d'autres du prophète inconnu du temps de la déportation, dont les oracles ont été inscrits à la suite des oracles du prophète Isaïe du vme siècle avant notre ère, la

93 et il leur a dit c'est moi la lumière du monde de la durée présente tout homme qui marche derrière moi ne marchera pas dans la ténèbre car à lui sera la lumière de la vie 8, 13210

alors ils lui ont dit les perouschim toi tu attestes en ta faveur par conséquent ton attestation n'est pas certainement vraie

8, 14

il a répondu ieschoua et il leur a dit même si moi j'atteste en ma faveur elle est cependant certainement vraie mon attestation parce que je sais d'où je suis venu et [je sais] où je vais vous vous ne savez pas d'où je viens ni où je vais

8, 15

8, 16

8, 17211

vous vous jugez selon l'homme de chair et moi je ne juge personne et même si je juge moi mon jugement est certainement vrai parce que je ne suis pas seul mais [il y a] moi et puis celui qui m'a envoyé mon père et dans votre loi il est écrit que de deux hommes

perspective de l'ouverture universelle : les nations païennes vont recevoir elles aussi la lumière de Dieu qui a été communiquée tout d'abord dans cette zone particulière qui est le peuple hébreu. Isaïe 2, 2 : Et cela sera dans l'après des jours (dans l'avenir) : instaurée sera la montagne de la maison de YHWH sur la tête des montagnes, et elle sera élevée au-dessus des collines. Et elles s'écouleront, comme des fleuves, hébreu naharou, vers elle toutes les nations [païennes]. Et viendront des peuples nombreux et ils diront : Allons ! Et montons vers la montagne de YHWH, vers la maison du Dieu de Jacob ! Instruisons-nous de ses voies, et marchons dans ses sentiers ! Car de Sion sortira l'Instruction (hébreu : Torah) et la parole de YHWH, de Jérusalem. Prophétie qui date du vme siècle avant notre ère, et qui se retrouve dans Michée 4, 1. Prophétie réalisée sous nos yeux au xxe siècle de notre ère. Car à lui sera la lumière de la vie : En grec : il aura la lumière de la" vie. Nous restaurons l'expression hébraïque qui ne comporte pas le verbe avoir. La lumière de la vie, Jean 1 : En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. 210 8, 13 Ton attestation n'est pas certainement vraie : Sans valeur probante, hébreu probable : edoutka einenah neemanah, ton attestation n'est pas telle qu'elle puisse emporter la conviction, conduire à la certitude de la vérité, émounah. 211 8,17 Et dans votre Torah il est écrit que... Certains se sont imaginés qu'à partir de ce texte ils pouvaient justifier leur hypothèse d'une datation tardive de l'Évangile de Jean. Exode 32, 7 : Et il a dit, YHWH, à Môscheh : Va ! Descends ! Car il s'est corrompu ton peuple que toi tu as fais monter du pays d'Egypte... C'est une manière hébraïque de s'exprimer, dans certains cas, particulièrement graves.

94

8, 18

8, 19

l'attestation est certainement vraie c'est moi qui atteste en ma faveur et il atteste aussi en ma faveur celui qui m'a envoyé mon père alors ils lui ont dit où est-il ton père et il a répondu ieschoua moi vous ne m'avez pas connu et vous n'avez pas connu mon père si vous m'aviez connu alors vous connaîtriez aussi mon père

8, 20212

ces paroles il les a dites dans la salle [où] il enseignait dans l'enceinte du temple et personne ne l'a arrêté parce qu'il n'était pas encore venu son temps

8, 21213

et il leur a parlé de nouveau et il leur a dit moi je m'en vais d'ici et vous vous me chercherez et dans vos crimes vous mourrez et là où moi je m'en vais vous vous ne pouvez pas venir

8, 22

alors ils ont dit les judéens est-ce qu'il va se tuer lui-même puisqu'il dit là ou moi je m en vais vous vous ne pouvez pas venir

212

8, 20 Dans la salle : en grec gazophulakion, hébreu lischekah, une des nombreuses cellules, chambres ou salles du Temple, 2 Rois 23, 11 ; Esdras 10, 6 ; Néhémie, 3, 30 ; 10, 38 ; etc. Dans le Temple : toujours le hieron, c'est-à-dire l'ensemble des constructions qui comportaient portes, portiques, salles ou cellules, et le naos proprement dit. Hugues Vincent, Jérusalem de l'Ancien Testament, chap. xv, Le Temple d'Hérode. 213 8, 21 L. dans vos crimes... Nous avons ici traduit le grec hamartia, qui traduit le plus souvent l'hébreu hathaah, par le français crimes, parce que, comme nous l'avons noté précédemment, le mot français péché, s'est usé à travers les siècles ; il est devenu confus, et a pris de l'odeur. Nos contemporains comprennent par contre fort bien ce que sont les crimes. Le xxe siècle est expert en la matière.

95

8, 23214

et il leur a dit vous vous êtes d'en bas et moi je viens d'en haut vous vous êtes de ce monde de la durée présente moi je ne suis pas de ce monde de la durée présente

8, 24215

c'est pourquoi je vous ai dit vous mourrez dans vos crimes car si vous n'êtes pas certains qu'il est vrai que c'est moi vous mourrez dans vos crimes

8, 25216

alors ils lui ont dit

214

8, 23 Vous, vous êtes d'en bas, et moi je suis d'en haut... En hébreu, le verbe être est ici inutile, il a été ajouté dans le texte grec par le traducteur. Nous sommes quasi obligés de faire comme lui en français. Vous, vous êtes de ce monde de la durée présente... Ici comme dans les propositions précédentes, le verbe être est inutile en hébreu. Le monde de la durée présente : hébreu ha-olam ha-zeh, qui s'oppose à ha-olam ha-bah, le monde de la durée qui vient. Étant donné qu'en hébreu olam signifie la durée et le monde, la durée du monde, nous utilisons deux mots français pour traduire l'unique mot hébreu olam, exactement comme l'a fait saint Paul, ou son traducteur, Éphésiens 2, 2 : Et quant à vous, vous étiez morts par vos transgressions et par vos crimes, dans lesquels jadis vous marchiez, conformément à la durée du monde présent, kata ton aiôna tou kosmou toutou. Aiôn et kosmos sont les deux traductions en langue grecque du mot hébreu olam. Paul emploie constamment cette expression typiquement rabbi-nique, Romains 12, 2 : Ne vous conformez pas [aux mœurs] de la durée présente, de la durée du monde présent, ou du monde de la durée présente, tô aiôni toutô. 1 Corinthiens 1, 20 : Où est le sage ? Où est-il donc le lettré ? Où est-il celui qui fait des recherches — le philosophe — de la durée du monde présent ? Éphésiens 1, 21 : Bien au-dessus de toute puissance, de toute autorité, de toute domination et de toute seigneurie, et de tout nom, qui est nommé non seulement dans le monde de la durée présente, en tô aiôni toutô, hébreu be-olam ha-zeh, mais aussi dans le monde de la durée qui vient, hébreu be-olam ha-bah. 215 8, 24 Si vous n'êtes pas certains qu'il est vrai que, [à savoir que] c'est moi... Grec hoti egô eimi, qui traduit constamment l'expression hébraïque ki ani hou, que c'est moi ! Traduction littérale : que moi lui ! Sans le verbe être inutile. La traduction : que moi je suis ! est donc un gros, très gros contresens. Isai'e 43, 10 : Vous, [vous êtes] mes témoins ! Oracle de YHWH ! Et mes serviteurs, que j'ai choisis ! Afin que vous connaissiez, et que vous soyez certains de la vérité en moi, et afin que vous compreniez que c'est moi ! Ki ani hou, traduction grecque : hoti egô eimi. Le grec ajoute le verbe être là où il n'existe pas dans le texte hébreu. Nous allons retrouver plusieurs fois cette expression dans les pages qui suivent, toujours avec le même sens. Que sigifie ici cette expression ? De quoi ou de qui s'agit-il ? Pour comprendre cette expression, il faut se replacer dans la perspective et l'attente qui était celle du peuple hébreu, autour de l'année 30 de notre ère. Depuis des siècles, les prophètes annonçaient la venue du prophète par excellence, de celui qui a reçu l'onction royale, sacerdotale et prophétique, de celui qui vient, du bien-aimé qui frappe à la porte, comme le dit le Cantique des Cantiques 2, 8. Lorsque le Seigneur dit, en hébreu : c'est moi ! tout le monde, dans son entourage, comprend de quoi et de qui il s'agit, et principalement les théologiens à qui il s'adresse. 216 8, 25 Ce que je vous dis depuis le commencement que je vous parle... Si l'on traduit littéralement et mot à mot la phrase grecque que nous avons sous les yeux, sans tenir compte de l'hébreu, on obtient le galimatias suivant : le commencement que aussi je dis à vous ! Si l'on consulte l'hébreu de la Bible hébraïque, on s'aperçoit que le grec tèn archèn traduit l'hébreu ba-rischônah, au commencement, Genèse 13, 4, ou ba-tehilah, au commencement aussi, Genèse U, 21 ; 43, 18 ; 43, 20. Daniel 8,1 : Dans la troisième année du règne le Balthasar le roi, une vision m'a été donnée à voir, à moi Daniel, iprès celle qui m'avait été donnée à voir au commencement, hébreu ba-tehilah, traduction grecque de Théodotion : tèn archèn. Dans îotre texte grec de Jean 8,25, et sous notre texte grec, il faut donc resituer l'hébreu ba-tehilah ou ba-rischônah, au commencement.

96 toi qui es-tu et il leur a dit ieschoua ce que je vous dis depuis le commencement que je vous parle 8, 26217

il y a beaucoup de choses que j'ai à dire à votre sujet et aussi à juger mais celui qui m'envoie est véridique et moi ce que j'ai entendu qui vient de lui c'est cela que je dis en m'adressant au monde de la durée présente

8, 27218

mais eux ils n'ont pas connu que c'est de son père qu'il leur parlait

8, 28219

alors il leur a dit ieschoua

217

8, 26 II y a beaucoup de choses que j'ai à vous dire... Grec, tttéralement : j'ai beaucoup de choses... Hébreu : beaucoup e choses sont à moi à vous dire... Celui qui m'envoie est véridique, grec alèthès, hébreu probable neeman hou. 1 Samuel 2, 35 : kohen neeman, un prêtre de la vérité duquel on puisse être absolument certain, traduction grecque hierea piston. 1 Samuel 25, 28 : beit neeman, une maison solide, durable, à use de sa vérité, traduction grecque oikon piston. 1 Rois 11, 38 : beit neeman, même sens, même traduction grecque. 1 Samuel 22, 14 : David est appelé neeman, on peut être certain de lui, parce qu'il est vrai et véridique, grec pistos. Nombres 12, 7 : Môscheh est neeman, grec pistos. Isaïe 8, 2 : des témoins de la vérité desquels on peut être certains, edim neemanim, grec marturas pistous. Isaïe 1, 21 : la cité dont on peut être certain, parce que la vérité est en elle, qireiah neemenah, grec polis pistè. Jérémie 42, 5 : Qu'il soit, YHWH, au milieu de nous, un témoin de la vérité duquel on peut être certain, le-ed net, grec eis martura dikaion kai piston. Deutéronome 7, 9 : Dieu, il est le Dieu véridique, de la vérité de qui on peut être certain, ha-el ha-neman, grec theos pistos. Paul dit de Dieu qu'il est pistos, 1 Corinthien 1, 9 ; 10, 13 : On peut être absolument certain de la vérité de Dieu, de la vérité de la parole de Dieu. C'est la traduction de el ha-neeman de Deutéronome 7, 9. La traduction française : Dieu est fidèle, est beaucoup trop faible. 1 Thessaloniciens 1, 24 : Il est neeman, grec pistos — nous pouvons être certains de sa vérité — celui qui nous a appelés, lui qui fera aussi, ce qu'il a promis. 2 Thessaloniciens 3,3: Pistos estin ho kurios, nous pouvons être certains de la vérité du Seigneur, qui nous fortifiera... Première lettre de Jean 1,9: Pistos estin... Il est vrai et véridique en sorte que nous pouvons être certains de sa véracité... Apocalypse 3, 14 : Voici ce que dit le amèn, le témoin dont nous pouvons être certains parce qu'il est véridique, ho martus ho pistos kai alèthinos. Le traducteur du texte hébreu de l'Apocalypse utilise les deux mots grecs, pistos et alèthinos, pour traduire l'unique racine aman, être certain de la vérité de... Pistos et alèthinos traduisent l'unique mot hébreu neeman. De même Apocalypse 19, 11 : Celui qui était assis sur lui est appelé pistos et alèthinos. Comme on le voit en comparant la Bibliothèque hébraïque à sa traduction grecque, il existait de fait deux mots grecs pour traduire les mots dérivés de la racine hébraïque aman : pistis ou pistos, et alè-theia ou alèthès. Paul, ou son traducteur, utilisent plutôt les mots de la famille pistis. Le traducteur de Jean utilise plutôt le mot grec alè-theia et alèthès, que nous lisons ici dans Jean 8, 26. On remarque qu'au verset 24 nous avions le verbe grec pisteusète, être certain de la vérité de, traduction du verbe hébreu heemin, toujours la racine aman, et au verset 26 le mot grec alèthès, hébreu neeman, même racine. Les propos ont été tenus en hébreu, les paroles ont été prononcées en hébreu, le texte original rédigé en hébreu, et la traduction grecque ne laisse plus percevoir ce jeu des mots sur une même racine hébraïque. Nous essayons, autant que faire se peut, de montrer au lecteur de langue française cette communauté de la racine. Ce que j'ai entendu qui vient de lui, grec para, hébreu min. C'est cela que je dis en m'adressant au monde de la durée présente, grec eis ton kosmon, hébreu elha-olam. 218 8, 27 Ils n'ont pas connu... Commentaire soit du rédacteur, soit du traducteur du quatrième Évangile. 219 8, 28 Alors vous saurez que c'est moi, grec, hoti egô eimi, comme précédemment, hébreu kianihou.

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lorsque vous élèverez le fils de l'homme alors vous connaîtrez que c'est moi et de mon propre coeur je ne fais rien mais comme il m'a enseigné le père c'est cela que je dis 8, 29

et celui qui m'a envoyé il est avec moi il ne m'a pas laissé seul car moi ce qui est bon à ses yeux je le fais toujours

8, 30220

et il advint que lorsqu'il eût dit ces paroles nombreux furent certains de la vérité [qui est] en lui

8, 31

il a dit alors ieschoua à ceux qui étaient certains de la vérité [qui est] en lui parmi les judéens

8, 32 8, 33221

si vous vous vous tenez fermes dans ma parole alors en vérité vous êtes mes disciples et vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres et ils lui ont répondu

De mon propre cœur, hébreu mi-libbi comme précédemment. Mais comme il m'a enseigné, le père, c'est cela que je dis : texte capital du point de vue métaphysique et du point de vue théologique. Le Christ enseigne ici ce qu'il a déjà enseigné précédemment, que l'information créatrice vient de Dieu, l'unique. Le Christ, l'homme véritable uni à Dieu véritable, reçoit l'information créatrice, et il la communique aux disciples, aux envoyés, pour que ceux-ci la communiquent à leur tour. Nous sommes très exactement aux antipodes d'une christologie du type de celle de Noêtos de Smyrne. Nous sommes au fondement de la christologie orthodoxe, celle des papes Damasç, Léon, du Concile de Chalcédoine et des grands conciles christologiques orthodoxes. Le Christ lui-même souligne, à plusieurs reprises, qu'il reçoit l'information créatrice, venant de celui qui est la source unique et première, l'origine radicale de l'information. Comment a-t-on pu imaginer que des textes pareils aient pu être inventés par un inconnu au deuxième siècle de notre ère ? 220 8, 30 Et il advint, lorsqu'il eut dit ces paroles, nombreux furent ceux qui furent certains de la vérité qui est en lui : en effet, ces paroles sont humbles. Le Christ ne dit pas qu'il est lui-même la source de l'information. Il dit au contraire qu'il reçoit l'information de Dieu, qu'il appelle son propre père. L'imposteur, c'est celui qui veut se faire passer pour la source ou l'origine première de l'information. En écoutant le Seigneur, nombreux sont ceux qui ont compris que cet homme — l'homme véritable uni à Dieu véritable — disait vrai. 221 8, 33 La semence d'Abraham nous sommes... Grec sperma, hébreu zera. Genèse 12, 7 : Et se fit voir, YHWH, à Abram et il dit : à ta semence, hébreu zera, grec sperma, je donnerai ce pays-ci... Genèse 13, 15 : Car tout le pays que toi tu es en train de regarder, à toi je le donnerai et à ta semence, hébreu zera, grec sperma, jusqu'à la durée indéfinie à venir, hébreu ad-ôlam, grec heôs tou aiônos. Et je disposerai ta semence, zera, comme la poussière de la terre, qui est telle que si quelqu'un peut la compter, la poussière de la terre, alors ta semence aussi il comptera... Genèse 15, 18 : A ta semence, hébreu zera, grec sperma, j'ai donné ce pays-ci, depuis le fleuve d'Egypte jusqu'au grand fleuve, l'Euphrate...

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la semence d'abraham nous sommes et de personne nous n'avons jamais été les esclaves comment donc peux-tu dire vous serez des hommes libres 8, 34222

et il leur a répondu ieschoua amèn amèn je vous dis tout homme qui fait le crime est l'esclave du crime

8, 35223

et l'esclave ne demeure pas dans la maison pour toute la durée qui vient le fils lui demeure pour toute la durée qui vient

8, 36

si donc le fils fait de vous des hommes libres alors véritablement vous serez libres

8, 37

je sais que vous êtes la semence d'abraham mais pourtant vous cherchez à me tuer parce que ma parole ne trouve pas de place en vous

8, 38224

ce que moi j'ai vu et qui vient de mon père

Genèse 17, 8 : Et j'ai donné à toi et à ta semence le pays dans lequel tu as séjourné en étranger, tout le pays de Kanaan, en propriété pour une durée indéfinie, ôlam... Genèse 22, 18 : Et seront bénies, en ta semence, toutes les nations de la terre... Genèse 24, 7 : A ta semence je donnerai ce pays-ci... Genèse 26, 3 : A toi et à ta semence je donnerai tous ces pays..., etc. L'expression se retrouve Luc 1, 55 : Comme il l'a dit en s'adressant à nos pères, à Abraham et à sa semence, grec sperma qui traduit évidemment l'hébreu zera, pour la durée indéfinie à venir, grec eis ton aiôna, qui traduit évidemment l'hébreu le-ôlam ou ad-ôlam. L'expression se retrouve très fréquemment dans les lettres de Paul, Romains 4, 13 ; 4, 18 ; 9, 7 ; 11,1 ; 2 Corinthiens 11, 22 : Hébreux ils sont ? Moi aussi ! Enfants d'Israël ils sont ? Moi aussi ! Semence d'Abraham ils sont ? Moi aussi ! Galates 3, 16 ; Galates 3, 29 : Si vous, vous êtes du Christ, alors vous êtes aussi semence d'Abraham... C'est Paul qui va traiter dans ses lettres le difficile problème suivant : L'information créatrice a été communiquée à Abraham et à sa semence, le peuple hébreu, pendant des siècles. Maintenant l'information créatrice est communiquée aussi aux nations païennes, aux incirconcis. Par conséquent, puisqu'ils ont reçu l'information créatrice communiquée, confiée tout d'abord à Abraham, les païens qui reçoivent cette information créatrice sont aussi à leur tour semence d'Abraham. C'est-à-dire qu'il existe deux transmissions de l'information : l'une par la voie biologique ou génétique ; l'autre par la pensée, la communication de l'information qui va d'une intelligence à une autre intelligence. 222 8, 34 Tout homme qui fait le crime, est l'esclave du crime... Le thème est repris et développé, plus tard en 57 ou 58, par Paul, dans la lettre qu'il adresse à la petite communauté chrétienne de Rome, 6, 16 : Vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du crime, pour la mort, soit de l'obéissance à Dieu, pour la justice. Grâces soient rendues à Dieu, parce que vous étiez esclaves du crime, et vous avez fini par écouter, du fond de votre être... Vous avez été libérés du crime, et vous êtes devenus les esclaves de la justice et vous vous êtes mis au service de la justice... Lorsque vous étiez les esclaves du crime, vous étiez libres par rapport à la justice... La finalité de tout cela, c'est la mort. Mais maintenant, vous avez été libérés du crime, et vous êtes au service de Dieu... Le salaire du crime, c'est la mort... Une fois de plus nous constatons que la pensée de Paul, le docteur pharisien, est en accord profond avec la pensée de Jean. 223 8, 35 Et l'esclave ne demeure pas dans la maison pour toute la durée qui vient, grec eis ton aiôna, traduction de l'hébreu le-ôlam, Genèse 3, 22 ; 6, 3 ; Exode 14, 13 ; 15, 18 ; 21, 6 ; etc. Le fils, lui, demeure pour toute la durée qui vient, même expression grecque, même substrat hébreu.

99 c'est cela que je dis quant à vous ce que vous avez entendu et qui vient de votre père c'est cela que vous faites 8, 39225

ils ont répondu et ils lui ont dit notre père c'est abraham et il leur a dit ieschoua si vous étiez les fils d'abraham les actions d'abraham vous feriez

8, 40226

mais maintenant vous cherchez à me tuer moi un homme qui vous a dit la vérité [cette vérité] que j'ai entendue venant de dieu cela abraham ne l'a pas fait

8, 41227

vous vous faites les actions de votre père

224

8, 38 Ce que moi j'ai vu, et qui vient de mon père... grec para, hébreu min. Certains manuscrits donnent : para tô patri. D'autres manuscrits : apo tou patros. Ce sont deux traductions de l'hébreu min. Quant à vous, ce que vous avez entendu... Certains manuscrits donnent : ce que vous avez vu... Et qui vient de votre père : certains manuscrits donnent : para tou patros ; d'autres : para toupatros humôn ; d'autres encore : para tô patri humôn. De toute manière c'est la particule hébraïque min, qui signifie la provenance, qui est sous ce texte diversement traduit. 225 8, 39 Si vous étiez les fils d'Abraham, alors vous feriez les actions d'Abraham. Il faudrait traduire, pour rendre en français le jeu sur la racine commune du substantif maaseh, l'action, traduit en grec par ta erga, et le verbe asah, faire, traduit en grec par poiein : si vous agissiez les actions d'Abraham... 226 8, 40 Mais maintenant, grec nun de, hébreu we-atah. Atah en hébreu signifie bien : maintenant. Mais dans nombre de texte il a une signification qui n'est pas seulement temporelle, mais comporte une implication logique, par exemple : puisqu'il en est ainsi... Genèse 20, 7 : Et maintenant, puisqu'il en est ainsi, rends-lui sa femme, à cet homme, puisqu'il est prophète, lui... Genèse 27, 8 : Et maintenant, puisqu'il en est ainsi, mon fils, écoute ma voix... Genèse 45, 8 : Et maintenant — c'est-à-dire : mais en réalité — ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici. Mais c'est Dieu, et il a fait de moi un père pour Pharaon, et un seigneur sur toute sa maison... C'est en ce sens que l'expression hébraïque we-atah est employée ici, dans le texte hébreu traduit en grec par nun de : Vous prétendez être les fils d'Abraham. Mais en réalité, et quoique vous en disiez, bien loin d'agir les actions d'Abraham, vous cherchez à me mettre à mort... Cette vérité que j'ai entendue, venant de Dieu : la vérité qui vient de Dieu, grec para, hébreu min, en composition me-im, ou me-et. 227 8, 41 Vous, vous faites les actions... Toujours en hébreu la communauté de racine entre le substantif maaseh, l'action, et le verbe asah, agir. Il faudrait donc traduire ici comme précédemment, pour rendre en français cette communauté : vous, vous agissez les actions... Nous ne sommes pas nés de la prostitution : grec porneia, hébreu zenounim. La prostituée, hébreu zônah, grec pornè. Se prostituer, en hébreu le verbe zanah. Le substantif zônah est le participe actif féminin du verbe zanah. En traduction française, dans le langage populaire, la réponse de Jean 8, 41 correspond à peu près à : nous ne sommes pas des fils de putain. Nous avons en français un mot supposé distingué, prostituée, et un terme populaire, putain. L'hébreu est une langue populaire. Unique est notre père... En grec : un seul père nous avons... En hébreu : Est à nous un seul père...

100 alors ils lui ont dit nous nous ne sommes pas nés de la prostitution un seul père nous avons c'est dieu 8, 42228

et il leur a dit ieschoua si c'était dieu votre père vous m’aimeriez car moi de dieu je suis issu et je viens car je ne suis pas venu de moi-même mais c'est lui qui m'a envoyé

8, 43229 8, 44230

228

pourquoi ma parole ne la connaissez-vous pas parce que vous ne pouvez pas entendre ma parole vous du père [qui est] l'adversaire vous êtes et les désirs de votre père vous voulez faire lui il fut tueur d'hommes depuis le commencement et dans la vérité il ne s'est pas tenu car il n'y a pas de vérité en lui lorsqu'il dit le mensonge alors il parle de son propre fonds car il est menteur et il est le père [du mensonge]

8, 42 Je ne suis pas venu de moi-même, traduction littérale de l'hébreu mi-libbi : de mon propre cœur... C'est lui qui m'a envoyé. Hébreu schalah, traduction grecque apostellein. Exode 3, 10 : Et maintenant va, et je t'envoie vers Pharaon... 3, 12 : Je suis avec toi, et voici pour toi le signe que c'est bien moi qui t'envoie... 3, 13 : Voici que moi je vais aller vers les fils d'Israël, et je vais leur dire : le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous, et ils me diront : quoi son nom ? Qu'est-ce que je vais leur dire ? 3, 14 : Ainsi tu parleras aux fils d'Israël : JE SUIS m'a envoyé vers vous ! 3, 15 : YHWH le Dieu de vos pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, et Dieu de Jacob, m'a envoyé vers vous..., etc. L'acte d'envoyer, de la part de Dieu, qui envoie son messager, maleak, son serviteur le prophète, nabi, n'implique pas et ne présuppose pas, bien évidemment, de la part de celui qui est envoyé, une existence antérieure, une préexistence au sens orphique, pythagoricien, platonicien ou néo-platonicien du terme (idée reprise par Origène) avant sa propre naissance. Il en va de même pour Yanthrôpos Ièsous christos, pour l'homme Jésus le Christ, qui est envoyé, ce qui ne présuppose nullement une préexistence, avant sa naissance, de l'homme véritable uni à Dieu. Ce mythe a été rejeté par l'Église avec l'origénisme. Lettre de Léon à Julien, évêque de Cos, 13 juin 449. 229 8, 43 Pourquoi, ma parole, ne l'avez-vous pas connue ? Grec lalia, qui est la traduction de l'hébreu dabar, la parole. Le verbe grec lalein, parler, dire, traduit, des centaines de fois, le verbe hébreu dabar, piel dibber, parler, dire. On pourrait aussi traduire : Pourquoi, ce que je vous ai dit, ne l'avez-vous pas connu ? 230 8, 44 Vous, du père [qui est] l'adversaire, vous êtes... Le grec diabolos traduit l'hébreu ha-satan, l'adversaire, l'ennemi, l'accusateur. Il est inutile de rendre le grec diabolos, par le français diable, puisque ce n'est pas traduire, mais transcrire un mot grec en caractères français. Le mot gec diabolos avait un sens pour celui l'entendait, puisqu'il provient du verbe grec diaballein, jeter entre, jeter à travers, séparer, désunir, attaquer, accuser, calomnier, tromper, etc. Pour l'enfant des écoles, en France, fin du xxe siècle, le mot diable évoque une image, une imagerie, mais non pas un concept. En hébreu, dans cette proposition, le verbe être est inutile. Parce qu'il est menteur et le père [du mensonge] : traduction litté-ale du texte grec : parce qu'il est menteur et qu'il en est le père... Évi-iemment le père du mensonge.

101

8, 45231

et quant à moi alors que je vous dis la vérité certaine vous n'êtes pas certains de la vérité de ce que je vous dis

8, 46232

qui d'entre vous peut m'accuser au sujet d'une faute si c'est la vérité certaine que je dis pourquoi donc vous n'êtes-vous pas certains de la vérité que moi je vous dis

231

8, 45 Quant à moi, quoique — ou lorsque — je vous dis la vérité qui est certaine, vous n'êtes pas certains de la vérité que je vous dis : Si l'on traduisait littéralement le texte grec sans tenir compte de l’hébreu sous-jacent, on obtiendrait ceci : Quant à moi, parce que je dis la vérité, vous n'êtes pas certains... Évidemment absurde. La solution de la difficulté se trouve comme d'habitude dans l'hébreu sous-jacent. Le mot grec hoti, que nous lisons ici, peut traduire beaucoup de mots hébreux. Ki, que, Genèse 37, 35 ; Ki, parce que, Exode 3, 2 ; 3, 17 ; Ki, que, pour que, Exode 13, 3. Mais aussi ascher, le relatif neutre, qui sert aussi de conjonction, Exode 18, 9 ; 18,10 ; etc. L’emploi de ascher, en hébreu, est une curiosité. Il peut comporter quantité de significations. Genèse 11, 7 : Allons ! Descendons et brouillons là leurs langues, en sorte que, hébreu ascher, ils n'entendent plus, chacun, la langue de son compagnon ! Genèse 24, 3 : Je te ferai jurer, par (littéralement : dans) YHWH Dieu des deux et Dieu de la terre, que, hébreu ascher, tu ne prendras pas une femme pour mon fils, prise de parmi les filles du Cananéen, que, hébreu ascher, moi j'habite au milieu de lui... Genèse 30, 18 : Il m'a donné, Dieu, mon salaire, parce que, hébreu ascher, j'ai donné ma servante à mon homme... Genèse 34, 13 : Ils lui parlèrent en usant de tromperie, parce que, hébreu ascher, il avait souillé leur sœur. Traduction grecque hoti. Exode 5, 21 : Qu'il regarde, qu'il voie, YHWH (en posant son regard) sur vous, et qu'il juge ! Puisque, hébreu ascher, vous avez rendu puante notre odeur aux yeux de (sic !) Pharaon... Grec hoti. Exode 11,7: Afin que vous sachiez que, hébreu ascher, il a fait une distinction, YHWH, entre l'Egypte et entre Israël... Exode 20, 26 : Et tu ne monteras pas sur les marches à l'autel du sacrifice, en sorte que, hébreu ascher, tu ne découvres pas ta nudité... Dans notre texte Jean 8, 45, il y avait très probablement : ka-ascher, lorsque, au sens de : quoique. C'est ce ka-ascher que notre traducteur en langue grecque a rendu par hoti. Toute la phrase est construite non pas sur un jeu de mots, ni un jeu sur les racines, mais sur la communauté de racine, en hébreu, entre le verbe hébreu he-emin, racine aman, être certain de la vérité de, et le mot hébreu émet, la vérité, traduction grecque alètheia. Quoique je dise ce qui est certainement vrai, vous n'êtes pas certains de la vérité de ce que je vous dis. Le texte grec ne rend pas ce jeu sur la racine, n'exprime pas cette communauté de racine, que l'on retrouve dès lors qu'on restaure le texte hébreu. Nous avons donc ici une preuve de plus — ce qui s'appelle une preuve — que notre texte grec est bien une traduction du texte hébreu antérieur. Et lorsque les traducteurs en langue française, qui ne veulent pas entendre parler d'un texte hébreu antérieur, traduisent le mot grec hoti par : parce que..., ils confirment que notre texte est bien une traduction faite sur un texte hébreu. Cela s'appelle une démonstration par l'absurde. 232 8, 46 Qui d'entre vous peut m'accuser d'une faute ? En grec le verbe elegchein, traduction habituelle de l'hébreu iakah. Genèse 21, 25 : Et il adressa des reproches, des accusations, Abraham, à Abi-melek, à propos des puits qu'ils avaient bouchés, les serviteurs d'Abi-melek. En hébreu le verbe iakah, traduction grecque elegchein. A propos de, en grec péri, en hébreu al-ôdôt. Genèse 31, 37 : Afin qu'ils jugent entre nous deux et qu'ils condamnent celui qui est dans son tort... Genèse 31, 42 : Il a vu, Dieu, et il a jugé et condamné celui qui est dans son tort... 2 Samuel 7, 14 ; 1 Chroniques 12, 18 ; 16, 21 ; Job 5, 17 ; 9, 33 ; 13,3 ; 13, 6 ; 13, 10 ; 13, 15 ; 15, 3 ; 22, 4 ; 32, 12 ; 33, 19 ; 40, 2 ; Psaumes 6, 2 ; 50, 8 ; 94, 10 ; 105, 14 ; 141, 5 ; Proverbes 3,11 ; 3, 12 ; 15,12 ; cf. Matthieu 18, 15 ;Luc3, 19. Si je dis la vérité... même jeu sur la racine aman, he-emin, être certain de la vérité de, émet et émounah, la vérité et la certitude de la vérité. Ici encore nous avons dans le texte hébreu reconstitué l'utilisation évidente de cette communauté de la racine dans le verbe heemin et le substantif émet ou émounah pour fortifier l'argument. Cette communauté de la racine n'apparaît pas dans le texte grec. Par conséquent le texte grec que nous lisons est une traduction du texte hébreu antérieur.

102 8, 47233

celui qui est issu de dieu celui-là il entend les paroles de dieu et c'est la raison pour laquelle vous vous n'entendez pas parce que vous n'êtes pas issus de dieu

8, 48234

et ils ont répondu les judéens et ils lui ont dit n'avons-nous pas raison de dire que tu es un samaritain toi et qu'un esprit mauvais est en toi

8, 49235

et il a répondu ieschoua et il a dit il n'y a pas d'esprit mauvais en moi mais j'honore mon père et vous vous m'outragez

8, 50236

moi je ne recherche pas ma propre gloire il est quelqu'un qui la recherche et il juge

8, 51237

amèn amèn je vous dis si quelqu'un garde ma parole la mort il ne la verra pas dans la durée à venir

8, 52

alors ils lui ont dit les judéens

233

8, 47 Celui qui est issu de Dieu... En hébreu ascher me-et elohim... Le verbe être est inutile... Parce que vous n'êtes pas issus de Dieu : me-et elohim, sans le verbe être. 234 8, 48 Que tu es un Samaritain... Sophia Sirac (Ecclésiastique) 50, 25 : Dans deux nations elle trouve de quoi vomir, mon âme, et quant à la troisième, ce n'est même pas une nation : ceux qui sont installés sur la montagne de Samarie, et puis les Philistins, et le peuple imbécile qui habite à Sichem... Un esprit mauvais, grec daimonion, hébreu peut-être ruah raah. 235 8, 49 J'honore mon père, grec timô, hébreu kabed, être lourd, être estimé d'un grand prix, être honoré ; être honoré. A la forme piel : estimer d'un grand prix, honorer. Exode 20, 12 : Honore ton père et ta mère, hébreu kabed, grec timaô. 236 8, 50 Moi je ne recherche pas ma propre gloire... Nous n'oublions pas que nous avons affaire ici à des notes, prises sur le vif, dans un entretien qui a pu durer longtemps. Celui qui a pris ces notes ne disposait pas de nos appareils modernes, ni sans doute des méthodes sténographiques. Il a donc relevé certains propos, parmi d'autres. Pour reconstituer la logique de l'entretien et de la discussion, il faut donc considérer ces propos qui ont été relevés et notés, comme des pics de montagnes qui sont reliés entre eux par des massifs dont nous n'avons plus la trace. Il faut s'efforcer de reconstituer la logique de la discussion à partir de ces propos qui nous restent, sans s'imaginer que les propos ici notés se suivaient nécessairement immédiatement l'un l'autre, ni qu'ils représentaient ou constituaient la totalité, l'intégralité de l'entretien. 237 8,51 II ne verra pas la mort... Psaume 89, 49 : Quel est l'homme qui vivra et qui ne verra pas la mort, qui sauvera son âme de la main du scheôl ? La doctrine du Christ ici est celle qu'il enseigne constamment et qui est constamment rapportée par le quatrième Évangile : celui qui aujourd'hui reçoit et assimile l'information créatrice qui provient de Dieu, et qui est communiquée par le fils de l'homme, celui-là, il est passé de la mort à la vie, il ne verra plus la mort. Il est vivant pour la durée à venir. Pour la durée à venir, grec eis ton aiôna, hébreu le-ôlam.

103

maintenant nous avons connu qu'un esprit mauvais est en toi abraham est mort et les prophètes aussi et toi tu dis si quelqu'un garde ma parole il ne goûtera pas la mort dans la durée qui vient 8, 53238

est-ce que toi tu es plus grand que notre père abraham il est mort lui et les prophètes aussi sont morts qui te fais-tu toi-même

8, 54

et il a répondu ieschoua

8, 55

si moi je me glorifie moi-même ma gloire n'est rien c'est mon père qui me glorifie lui dont vous dites il est notre dieu et vous ne l'avez pas connu moi je le connais et si je disais que je ne le connais pas alors je serais comme vous un menteur mais [en réalité] je le connais et sa parole je la garde

8, 56239

abraham votre père s'est réjoui de voir mon jour et il l'a vu et il a été dans la joie

8, 57240

alors ils lui ont dit les judéens voici que tu n'as pas encore cinquante ans

238

8, 53 Qui te fais-tu toi-même ? Correspond un peu à notre expression populaire française : Pour qui te prends-

tu ? 239

8, 56 Abraham votre père s'est réjoui — il a exulté — de voir mon jour... En grec hina, construction évidemment impossible du point de vue de la grammaire grecque naturelle. Le mot grec hina peut traduire plusieurs mots hébreux. Genèse 24, 3 : Je te ferai jurer dans YHWH Dieu des cieux et Dieu de la terre, que, hébreu ascher, grec hina, tu ne prendras pas une femme pour mon fils d'entre les filles du Cananéen... Genèse 42, 2 : Descendez-donc là-bas (en Egypte) et achetez pour nous [de quoi manger], et, hébreu we, grec hina, que nous vivions, et que nous ne mourrions pas... Le sens du we hébreu est en effet ici : afin que... De même Genèse 43, 8. Genèse 46, 34 : Vous direz : Des gens du troupeau (des bergers), ils sont, tes serviteurs, depuis leur jeunesse et jusqu'à maintenant, nous aussi, tout comme nos pères, vous direz cela afin que, hébreu ba-abour, grec hina, vous séjourniez au pays de Gôschen... Ici dans Jean 8, 56, il pouvait y avoir, par exemple, ascher : Abraham s'est réjoui, de ce qu'il a vu... Ou bien une construction avec lamed suivi de l'infinitif. Mais bien évidemment il ne faut pas ici traduire le hina grec d'une manière littérale, conformément au grec, par : afin que ! 240 8, 57 Voici que tu n'as pas encore cinquante ans... Le Christ n'avait pas dit qu'il avait vu, lui, Abraham. Il avait dit : Abraham s'est réjoui de ce qu'il a vu mon jour, ou de la promesse de voir mon jour.

104 et tu as vu abraham 8, 58241

et il leur a dit ieschoua amèn amèn je vous [le] dis avant qu'abraham ne naisse c'est moi

8, 59

241

alors ils ont ramassé des pierres afin de les jeter sur lui ieschoua [quant à lui] s'est caché et il est sorti de l'enceinte sacrée du temple

8, 58 Avant qu'Abraham ne naisse, c'est moi. En grec : egô eimi, hébreu, comme précédemment ; ani hou. La logique de la controverse est simple. 1. Le Seigneur dit à ses interlocuteurs qu'Abraham s'est réjoui de ce qu'il a vu le jour du Christ. Abraham était prophète, Genèse 20, 7. Il a connu, par la communication libre de la part de Dieu, de cette science, quelle était la finalité de la création, à savoir l'union réelle de l'Homme nouveau créé à Dieu incréé. Verus homo vero unitus est Deo. Il a connu cette finalité, et il s'est réjoui de cette fin qui est celle de la création. Tout le prophétisme hébreu est une connaissance, une intelligence, de la finalité de la création. Et cette connaissance de la finalité de la création, c'est, selon saint Thomas d'Aquin et selon le bienheureux Jean Duns Scot, l'objet même de la théologie. 2. Les interlocuteurs du Christ retournent la proposition, et font comme s'il avait dit que lui, le Christ, a vu Abraham qui vivait au xixe ou xxe siècle avant sa naissance. 3. Le Seigneur explique comment il est possible qu'Abraham ait vu le jour du Christ, en qui se réalise la finalité de la création : parce que cette finalité de la création est voulue par Dieu le créateur incréé de toute éternité, elle est premièrement voulue, et l'Univers entier, l'histoire de l'Univers, de la nature de l'homme, sont une préparation qui vise cet achèvement voulu depuis le commencement : l'union de l'Homme véritable, à Dieu véritable. C'est parce que cette finalité est voulue par Dieu premièrement, et bien avant la naissance d'Abraham, avant la formation du système solaire, avant la formation de notre galaxie, avant la formation de l'Univers, c'est parce que ce dessein, cette finalité sont premiers, c'est pour cela que Dieu a pu communiquer à Abraham la connaissance de cette finalité ultime de la création, qui précède en effet la naissance d'Abraham. A l'objection : comment Abraham pouvait-il voir ton jour, puisque tu n'étais pas né ? le Christ répond : je n'étais pas né, mais la finalité de la création qui se réalise aujourd'hui et maintenant en moi, elle est voulue avant la création du monde, et donc avant Abraham. Nous n'oublions pas que Jean a relevé et noté pour nous seulement quelques moments de la discussion, quelques phrases saillantes, quelques propos décisifs. Il nous faut donc faire un effort pour reconstituer la logique de la discussion. Première lettre de Pierre 1, 20 : le Christ, qui a été connu à l'avance avant la création du monde, proegnôsmenou men pro katabolès kosmou, mais qui vient de se manifester dans la suite des temps, à cause de vous, pour vous, en votre faveur... C'est la pensée développée par Paul dans ses lettres aux Ephésiens et aux Colossiens. Ephésiens 1, 4 : Il nous a choisis en lui, dans le Christ, avant la création du monde... Il a prévu pour nous l'adoption par Jésus le Christ... L'erreur commise par Origène et rejetée avec horreur par l'Église, a été de supposer que cette connaissance, par Dieu, de la finalité ultime de la création, qui se réalise dans le Christ Jésus, implique et présuppose, ou entraîne, la préexistence de l'homme créé Jésus ! On remarque aussi, à propos de cette page, que si le quatrième Évangile avait été composé comme on nous le raconte depuis des générations, à la fin du premier siècle ou au début du second, par un spéculatif de génie, cet inconnu n'aurait pas manqué de nous exposer sa pensée d'une manière moins lacuneuse. Si nous sommes obligés de reconstituer la logique de la discussion, c'est précisément parce que nous sommes en présence de notes partielles, qui ne nous donnent pas l'intégralité de la discussion dont quelques moments seulement sont ici rappelés. On notera enfin que si l'on traduit le grec egô eimi, sans tenir compte de l'hébreu, par : moi je suis ! on insinue que Jésus le Christ, l'homme véritable uni à Dieu véritable, s'identifie à YHWH lui-même, ce qui est l'hérésie de Noêtos de Smyrne, l'une des premières et des pires hérésies christologiques possibles, que l'on a aussi appelée l'hérésie patripassienne, puisque bien évidemment, si Jésus est Dieu purement et simplement — identité ontologique entre l'homme Jésus et Dieu — alors, lorsque Jésus a souffert, c'est Dieu qui a souffert. Il n'est donc pas inutile de se demander, lorsqu'on traduit le texte grec de Jean, si ce texte grec ne serait pas une traduction d'un texte hébreu antérieur.

105

CHAPITRE 9242

9, 1

et il arriva tandis qu'il passait par là il a vu un homme et celui-ci était aveugle depuis le jour de sa naissance

9, 2243

et ils l'ont interrogé ses disciples et ils ont dit rabbi quel est celui qui a commis une faute lui ou bien ses parents pour qu'il soit né aveugle

9, 3244

et il a répondu ieschoua non ce n'est pas celui-ci qui a commis une faute et ce ne sont pas ses parents mais c'est pour que soient manifestées les actions de dieu en lui

9, 4245

à moi d'agir les actions de celui qui m'a envoyé tant qu'il fait jour que vienne la nuit et personne ne peut plus agir

9, 5246 242

tant que je suis dans le monde de la durée présente je suis la lumière du monde de la durée présente

9 Notre Evangile se présente sous la forme d'une suite de tableaux ou de scènes. La plupart de ces tableaux se situent à Jérusalem, nombre d'entre eux dans l'enceinte du Temple. C'est là que se trouve le témoin oculaire qui a noté ce que nous lisons. Il est toujours là. 243 9, 2 La relation entre la faute et le malheur, la relation causale entre la faute et le malheur est l'une des vieilles idées de l'humanité païenne. 244 9, 3 Le Seigneur dissocie la relation causale entre la faute et le malheur, il l'abolit. C'est une révolution dans l'ordre de la pensée. Cette révolution était préparée, plusieurs siècles auparavant, par le livre de Job. 245 9, 4 II me revient de faire les actions... Le dei grec traduit une construction avec l'hébreu lamed, suivi de l'infinitif. 2 Rois 4, 13 : Meh la-asôt lak, qu'est-ce qu'il y a à faire pour toi ? Grec : ti dei poièsai soi. 4, 14 : wou-meh la-asôt lah, qu'est-ce qu'il y a à faire pour elle ? Grec : // dei poièsai autè. Daniel 2, 28 : Dieu dans les cieux, il a révélé le secret et il a fait connaître au roi Nabuchodonosor ce qui va arriver, mah di le-heweh, grec ha dei genesthai, dans la suite des jours, (dans l'avenir) araméen be-aharit iômaiia, grec ep 'eschatôn ton hèmerôn. Daniel 2, 29 : Ce qui va arriver après, araméen ma di le-heweh, grec hosa dei genesthai. Daniel 2, 45, ce qui va arriver, araméen mah di le-heweh, grec de Théodotion : ha dei genesthai. L'autre traduction : ta esometha. Il n'y a donc pas lieu de traduire ici, Jean 9, 4, le dei grec par le français il faut. Même remarque pour Matthieu 16, 21 ; 24, 6 ; Luc 9, 22 ; Marc 8, 31 ; 1 Corinthiens 11, 19 ; Apocalypse 1,1 ; 4, 1 ; 22, 6. Certains manuscrits grecs donnent ici hèmas dei ergazesthai : il nous revient de faire les actions..., ou, plus simplement encore : nous allons faire les actions... D'autres manuscrits grecs donnent eme dei, il me revient de faire..., ou, plus simplement : je vais faire... On peut aussi traduire : Il m'incombe de faire... C'est à moi de faire... Ou encore plus simplement : A moi de faire... 246 9, 5 Tant que je suis dans le monde de la durée présente, je suis la lumière du monde de la durée présente : en hébreu ôr ha-ôlam anôki, sans le verbe être inutile.

106

9, 6

il a dit cela et il a craché par terre et il a fait de la boue avec la salive

9, 7247

et puis il lui a fait une onction avec la boue sur les yeux et il lui a dit va et lave-toi dans la piscine de schiloah ce qui se traduit l'envoyé il est donc allé et il s'est lavé et lorsqu'il est revenu il voyait

9, 8

les voisins et ceux qui l'avaient vu avant [et qui avaient vu] qu'il était mendiant ils disaient n'est-ce pas celui qui était assis et qui mendiait

9, 9248

les uns disaient c'est lui d'autres disaient non mais c'est un homme qui lui ressemble quant à lui il disait c'est moi

9, 10

alors ils lui ont dit comment donc se sont-ils ouverts tes yeux

9, 11249 247

et il a répondu et il a dit

9,7 Et il fit une onction, grec epechrisen, du verbe chriô, qui traduit le verbe hébreu maschah, oindre, faire une onction. Les grands prêtres, les rois, les prophètes, sont oints avec l'huile consacrée, schemen ha-qôdesch. L'aveugle de naissance, ici, est oint avec la salive de celui qui a reçu l'onction sacerdotale, royale et prophétique de l'Esprit saint. La piscine de Schiloah. 2 Rois 5, 10 : Et il envoya vers lui, Elischa, un messager pour dire : Va et lave-toi sept fois dans le Jourdain, et elle reviendra, ta chair, pour toi [ce qu'elle était avant] et tu seras purifié... Isaïe 8, 6 : Puisque il a méprisé, ce peuple-ci, les eaux de l'Envoyé, hébreu ha-schiloah, transcription en caractères grecs silôam... C'est cette transcription en caractères grecs de l'hébreu ha-schiloah qu'a adoptée le traducteur de Jean. Luc 13, 4 : Et ces dix-huit, sur qui est tombée la tour, qui est dans le Schiloah, transcription en caractères grecs : silôam. 248 9, 9 Les uns disaient : c'est lui ! Grec : outos estin, hébreu : ki hou zeh, sans le verbe être. Quant à lui, il disait : C'est moi ! Grec ego eimi, hébreu : ani hou, sans le verbe être. 249 9, 11 L'homme qui s'appelle Ieschoua... D'autres manuscrits donnent : un homme qui s'appelle Ieschoua, sans l'article.

107

l'homme qui s'appelle ieschoua il a fait de la boue et il a oint mes yeux et il m'a dit va au schiloah et lave-toi j'y suis donc allé et je me suis lavé et ils se sont ouverts mes yeux 9, 12

et ils lui ont dit où est-il celui-là et lui il a dit je ne sais pas

9, 13250

alors ils l'ont amené vers les perouschim celui qui avait été auparavant aveugle

9, 14251

c'était schabbat le jour où il avait fait de la boue ieschoua et où il avait ouvert ses yeux

9, 15

de nouveau donc ils l'ont interrogé les perouschim aussi [pour savoir] comment s'étaient ouverts ses yeux et lui il leur a dit de la boue il a mis sur mes yeux

Va au Schiloah, non traduit, simplement transcrit en caractères grecs, sous la forme silôam. L'aveugle de naissance qui, lui, entendait l'hébreu, a donc entendu et compris : va à l'Envoyé... Ou : Va à celui qui est l'Envoyé. Ce canal qui s'appelait en hébreu Schiloah, et auquel le prophète Isaïe au vme siècle avant notre ère faisait déjà allusion, dans l'oracle cité, sert sans doute ici au rabbi galiléen de mâs-châl, traduction grecque parabole. Le prophète Elisée avait envoyé Naaman le lépreux se laver dans les eaux du Jourdain. C'est peut-être le point de départ de la pratique du baptême. Jean plonge ceux qui viennent à lui, dans le Jourdain, comme Elisée. Jésus envoie l'aveugle-né se laver dans la piscine de l'Envoyé, et le traducteur en langue grecque de l'Évangile hébreu de Jean souligne que Schiloah signifie bien : l'Envoyé. Le sens est donc peut-être : le nouveau baptême par l'Esprit se fera en la personne de celui qui est l'Envoyé. Celui qui est l'Envoyé a effectué l'onction avec sa propre salive. Et il dit à l'aveugle : va te laver dans la piscine de l'Envoyé. Il est probable que ces éléments ont un sens. Romains 6, 3 : Ou bien est-ce que vous ignorez que ceux qui ont été plongés dans — transcription en caractères français, mais non traduction : ceux qui ont été baptisés dans — le Christ Jésus, c'est dans sa mort que nous avons été plongés (transcription : baptisés) ? Galates 3, 27 : Car tous vous êtes fils de Dieu, par la certitude de la vérité dans le Christ Jésus. Car vous tous autant que vous êtes, qui avez été plongés (grec ebaptisthète, transcription en caractères français, mais non traduction : vous avez été baptisés) dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n'y a plus ni JudéenniGrec... 250 9, 13 Ils le conduisent vers lesperouschim... Le grec pharisaios n'est pas une traduction, mais une simple transcription en caractères grecs de l'hébreu perouschim. Nous restaurons donc le mot hébreu, que nous avons traduit précédemment en note. Traduction incertaine, nous l'avons noté aussi. 251 9,14 C'était schabbat, grec sabbaton, qui n'est pas une traduction du mot hébreu, mais une simple transcription en caractères grecs. Nous restaurons le mot hébreu, que nous avons expliqué antérieurement.

108 je me suis lavé et je vois 9, 16252

ils lui ont dit certains d'entre les perouschim il ne vient pas de dieu cet homme lui qui ne garde pas le schabbat mais d'autres disaient comment peut-il un homme criminel faire de tels signes et c'était la division entre eux

9, 17

alors ils ont dit à l'aveugle de nouveau qu'est-ce que tu dis toi de cet homme-là puisqu'il t'a ouvert les yeux et lui il a dit c'est un prophète

9, 18

ils n'ont donc pas été certains les judéens à son sujet qu'il était vrai qu'il était aveugle et que ses yeux se sont ouverts jusqu'à ce qu'ils aient appelé les parents de celui qui avait retrouvé la vue

9, 19

et ils les ont interrogés et ils ont dit celui-ci c'est bien votre fils dont vous vous dites qu'il est né aveugle alors comment se fait-il qu'il voie maintenant

9, 20

ils ont répondu ses parents et ils ont dit nous savons que celui-ci c'est notre fils et qu'il est né aveugle

9, 21

comment se fait-il qu'il voie maintenant cela nous ne le savons pas ou encore

252

9,16 II n'est pas de Dieu, cet homme... En grec para theou, en hébreu min, qui indique la provenance, l'origine, sous la forme me-et, ou simplement me-elohim. On pourrait donc tout aussi bien traduire : il ne vient pas, ou il ne provient pas de Dieu, cet homme.. D'autant plus qu'en hébreu, de nouveau, il n'y a pas le verbe être.

109

qui lui a ouvert les yeux cela nous nous ne le savons pas interrogez-le lui-même il a l’âge lui-même parlera de lui-même 9, 22253

ils ont dit cela ses parents parce qu'ils avaient peur des judéens car déjà ils avaient décidé les judéens que si quelqu'un le reconnaissait comme étant celui qui a reçu l'onction il serait exclu de la communauté

9, 23

c'est la raison pour laquelle ses parents disaient il a l’âge interrogez-le lui-même

9, 24254

ils ont donc appelé l'homme une deuxième fois l'homme qui avait été aveugle et ils lui ont dit donne gloire à dieu nous nous savons que cet homme est un criminel

9, 25

alors il a répondu lui si c'est un criminel cela je ne le sais pas mais une seule chose je sais c'est que j'étais aveugle et maintenant je vois

9, 26 253

alors ils lui ont dit

9, 22 Si quelqu'un le reconnaissait comme oint... Grec christos, du verbe chriô, oindre, qui traduit l'hébreu maschah. Puisque le traducteur du texte hébreu a traduit en grec le mot hébreu, nous traduisons à notre tour le mot grec en français. Qu'il serait exclu de la communauté : grec aposunagôgos. Le mot grec sunagôgè traduit deux mots hébreux : adah, la communauté, et qahal, l'assemblée. Le mot grec ekklèsia traduit l'hébreu qahal. Exode 12, 3 : Parlez à toute la communauté d'Israël, hébreu adat israël, grec pros pasan sunagôgèn huiôn israèl. Exode 12,19 : Durant sept jours, du levain il ne s'en trouvera pas dans vos maisons, car tout homme qui mangera du pain levé, elle sera retranchée, cette âme, de la communauté d'Israël, hébreu me-adat israël, grec ek sunagôgès israèl... En français de la fin du xxe siècle, le mot synagogue désigne un bâtiment, un lieu de réunion. Ici il s'agit de l'exclusion de la communauté d'Israël. Le hina grec n'est pas orthodoxe du point de vue de la grammaire grecque. 254 9, 24 Donne gloire à Dieu... En réalité ici le verbe grec didonai ne traduit pas le verbe hébreu natan comme c'est le cas le plus souvent, mais le verbe hébreu sim, kal parfait sam, placer, poser, ériger, mettre. Isaïe 42, 12 : Qu'ils mettent, qu'ils disposent, pour YHWH, gloire = qu'ils rendent gloire à YHWH, hébreu iasimou la-YHWH kabôd, grec dôsousin tô theô doxan. Mais comme l'expression française « rendre gloire à... » n'est ni belle ni juste, nous gardons la vieille traduction grecque de l'expression hébraïque.

110

qu'est-ce qu'il t'a fait comment a-t-il fait pour t'ouvrir les yeux 9, 27

il leur a répondu je vous l'ai déjà dit et vous n'avez pas écouté qu'est-ce que vous voulez entendre de nouveau est-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples

9, 28

alors ils l'ont injurié et ils lui ont dit c'est toi qui es un disciple de cet individu nous c'est de môscheh que nous sommes disciples

9, 29

nous nous savons que c'est à môscheh qu'il a parlé dieu tandis que celui-ci nous ne savons même pas d'où il vient

9, 30

il a répondu l'homme et il leur a dit c'est justement cela qui est étonnant vous vous ne savez pas d'où il vient or il m'a ouvert les yeux

9, 31255

nous savons bien que les criminels dieu ne les écoute pas tandis que si un homme craint dieu et s'il fait sa volonté alors celui-là dieu l'écoute

9, 32256

depuis les durées passées on n'a jamais entendu dire

255

9,31 Tandis que si un homme craint Dieu,.. Grec theosebès, traduction de l'hébreu ireei elohim, qui craignent Dieu, Exode 18, 21 : Et toi, vois [à trouver], pris de tout le peuple, des hommes de valeur qui craignent Dieu, ireei elohim, grec theosebeis... Job 1,1 : Il y avait un homme au pays de Outz. Job c'est son nom. Et il était, cet homme, parfait et juste, il craignait Dieu, wire elohim, grec theosebès, et il s'écartait du mal... Job 1, 8 : Est-ce que tu as appliqué ton cœur = ton intelligence, sur mon serviteur Job ? Car il n'y a personne comme lui sur la terre ! C'est un homme parfait, juste, et il craint Dieu, iere elohim, grec theosebès... Job 2, 3 : Est-ce que tu as appliqué l'intelligence (ton coeur) sur mon serviteur Job ? Car il n'y a personne comme lui sur la terre ! C'est un homme parfait, juste, il craint Dieu, ire elohim, grec theosebès... 256 9, 32 Depuis les durées passées... Grec ek tou aiônos, hébreu me-ôlam. Isaïe 64, 3 : Et depuis la durée passée, hébreu me-ôlam, grec apo tou aiônos, ils n'ont pas entendu, ils n'ont pas tendu l'oreille à, aucun œil n'a vu, Dieu, à part toi...

111 que quelqu'un ait ouvert les yeux d'un aveugle depuis le ventre de sa mère 9, 33257

s'il n'était pas celui-ci [un homme qui vient] de dieu il ne pourrait rien faire du tout

9, 34258

alors ils lui ont répondu et ils lui ont dit dans les péchés toi tu es né tout entier et c'est toi qui nous fais la leçon et ils l'ont chassé et mis dehors

9, 35

il a entendu dire ieschoua qu'ils l'avaient chassé et mis dehors et il l'a rencontré et il lui a dit est-ce que toi tu es certain de la vérité [qui est] dans le fils de l'homme

9, 36

lui il a répondu et il a dit mais qui est-il seigneur pour que je sois certain de la vérité [qui est] en lui

9, 37

il lui a dit ieschoua voici que tu l'as vu et celui qui parle avec toi c'est lui

9, 38

alors il a dit je suis certain que cela est vrai seigneur et il s'est prosterné devant lui

257

9, 33 Un homme qui vient de Dieu... Grec para, hébreu me-et, comme précédemment. 9, 34 Dans les péchés... En grec en hamartiais, au pluriel, qui traduit un pluriel hébreu. En hébreu, pour former une notion abstraite, ce qui est rare, on utilise le pluriel. Nous notons ici, à propos du vieux mythe germanique selon lequel l'Évangile dit de Jean aurait été mis par écrit! au deuxième siècle de notre ère, ou à la fin du premier, après une longue tradition orale, que les traditions orales, lorsqu'elles existent, lorsqu'elles ont existé, dans des sociétés archaïques, sans écriture, ont transmis des mythes, des légendes, des chansons de geste, mais non pas des dialogues pris sur le vif, notés sur le champ, comme celui-ci. Et une tradition orale supposée et hypothétique, dont on veut qu'elle se transmette et s'accroisse en langue grecque, ne charrie pas constamment dans ses eaux des expressions hébraïques inintelligibles pour ceux qui sont supposés transmettre et enrichir cette hypothétique tradition orale. 258

112 9, 39259

et il a dit ieschoua pour un jugement moi dans ce monde de la durée présente le suis venu que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient deviennent aveugles

9, 40

ils ont entendu [quelques-uns] parmi les perouschim ces paroles ceux qui étaient avec lui et ils lui ont dit est-ce que nous aussi nous sommes aveugles

9, 41

et il leur a dit ieschoua si vous étiez aveugles il n'y aurait pas de faute à votre charge mais maintenant vous dites nous voyons votre faute demeure

259

9, 39 Pour un jugement... Grec krima hébreu mischepath, du verbe hébreu schaphath, juger. Décision de justice.

113 CHAPITRE 10

10, 1260 260

amèn amèn je vous [le] dis

10,1 Nouveau tableau, nouvelle scène, distincts des précédents. Dans la cour : grec aulè, qui traduit l'hébreu hatzir, Exode 27, 9 ; 27, 12 ; 27, 13 ; 27 ; 16-19 ; 35, 17 ; 38, 9 ; etc. ; Lévitique 6, 9 ; Nombres 3, 26 ; etc. ; 1 Rois 6, 36 : Puis il bâtit la cour intérieure.. 7, 8 ; 7, 12 ; 8, 64 ; 2 Rois 20, 4 qéré(= à lire, en marge) ; 21, 5 ; 23, 12 ; 1 Chroniques 23, 28 ; 28, 6 ; 28, 12 ; 2 Chroniques 4, 9 : La cour (ou : le parvis) des kôhanim... 7, 7 : Et il consacra, Salomon, l'intérieur de la cour, qui était devant la face de la Maison de YHWH... 20, 5 ; 23, 5 ; 24, 21 : Alors ils conspirèrent contre lui (contre Zacharie) et ils le tuèrent à coups de pierres, sur l'ordre du roi, dans la cour de la Maison de YHWH... 29, 16 ; 33, 5 ; Néhémie 3, 25 ; 8, 16 ; 13, 7 ; Isaïe 1, 12 ; Jérémie 19, 14 ; 26, 2 ; etc. ; Ézéchiel 8, 7 ; 8, 16 ; 10, 3 ; 10, 5 ; 40, 17 ; etc. ; 42, 1 ; etc. ; 43, 5 ; 44, 17 ; etc. ; 45, 19 ; 46, 1 ; etc. ; Psaumes 65, 5 ; 84, 2 ; 84, 11 ; 92,14 ; 96, 8 ; 100, 4 ; 116, 19 ; 135, 2. Dans tous ces textes, et d'autres, hatzir, grec aulè, c'est l'une des cours, — certains traduisent par parvis — du Temple, plus exactement de l'ensemble des constructions qu'en grec on appelle hieron. — Du troupeau : en grec ta probata, pluriel neutre, est la traduction constante du singulier hébreu tzôn, le troupeau de petit bétail, béliers et brebis, boucs et chèvres, etc. Genèse 4, 2 ; 4, 4 ; 12, 16 ; 13, 5 ; 20, 14 ; 21, 27 ; etc. Il s'agit du troupeau qui est le peuple de YHWH, du troupeau dont YHWH est le berger, du troupeau dispersé et qui n'a plus de berger, etc. Michée 2, 12 : Te réunir, je vais te réunir, Iaaqôb, tout entier ! Rassembler, je vais te rassembler, reste d'Israël ! Ensemble je les mettrai comme le troupeau de petit bétail, tzôn... Une Porte ! Et ils sont sortis par elle ! Et il est passé, leur roi, devant leurs faces ! Et YHWH à leur tête ! Isaïe 13, 14 : Comme un troupeau de petit bétail, et il n'y a personne pour rassembler ! Jérémie 13, 20 : Levez les yeux et voyez ceux qui viennent du Nord ! Où est-il donc le troupeau qui t'avait été donné, le troupeau, tzôn, de ta gloire ? Jérémie 23,1 : Hôï, malheur aux bergers qui conduisent à la perdition et qui dispersent le troupeau, tzôn, de mon pâturage, oracle de YHWH ! C'est pourquoi ainsi a parlé YHWH, Dieu d'Israël contre les bergers qui font paître mon peuple : Vous, c'est vous qui avez dispersé mon troupeau, vous les avez chassés, vous n'avez pas veillé sur eux, racine hébraïque paqad, qui a donné paqid, grec episkopos, français évêque, celui qui est chargé de veiller sur le troupeau. Voici que moi je viens vous visiter, toujours la racine hébraïque paqad. Et moi je vais rassembler le reste de mon troupeau, hébreu tzôni, de tous les pays où je les ai chassés... Jérémie 50, 6 : Un troupeau de bêtes perdues, tel était mon peuple. Leurs bergers les avaient égarés... Ézéquiel 34, 2 : Fils de l'homme, prophétise sur (contre) les bergers, ceux qui font paître, participe présent du verbe hébreu raah, faire paître un troupeau — contre les bergers d'Israël ! Prophétise et tu leur diras, aux bergers : Ainsi a parlé le Seigneur YHWH ! Hoï, malheur aux bergers d'Israël, qui sont bergers pour eux-mêmes, qui se font paître eux-mêmes ! Est-ce que ce n'est pas le troupeau qu'ils font paître, les bergers ? Le lait, vous l'avez mangé ; la laine, vous vous en êtes vêtus ; celle qui était grasse, vous l'avez sacrifiée, mais le troupeau, vous ne l'avez pas fait paître ! Celles qui étaient faibles, vous ne les avez pas fortifiées ; celle qui était malade, vous ne l'avez pas soignée ; celle qui s'était brisé un membre, vous ne l'avez pas pansée ; celle qui s'était écartée, vous ne l'avez pas ramenée ; celle qui était perdue, vous n'êtes pas allés la chercher. Mais avec violence vous avez exercé votre domination sur elles, et avec dureté. Elles se sont dispersées, parce qu'il n'y avait plus personne pour les faire paître, et elles sont devenues une proie pour toutes les bêtes sauvages des champs et elles ont été déchirées. Elles ont erré, les bêtes de mon troupeau, sur toutes les montagnes, et sur toute colline élevée, et sur toute la face de la terre. Elles se sont dispersées, les bêtes de mon troupeau, et il n'y a personne pour les rechercher, et il n'y a personne qui s'en soucie. C'est pourquoi, les bergers, écoutez la parole de YHWH... Ézéchiel 34, 11 : Car ainsi a parlé le Seigneur YHWH : Me voici, moi ! Je rechercherai mon troupeau... Je les ferai sortir hors des peuples et je les rassemblerai depuis les pays et je les ferai venir sur leur terre et je les ferai paître sur les montagnes d'Israël... C'est moi qui ferai paître mon troupeau... Celle qui est perdue, je la rechercherai ; et celle qui s'est écartée, je la ferai revenir ; à celle qui s'est brisé un membre, je ferai un pansement ; celle qui est malade, je la fortifierai... Ézéchiel 34, 23 : Et puis je susciterai sur eux un berger unique, rôeh ehad, et il les fera paître : mon serviteur David ! C'est lui qui les fera paître et c'est lui qui sera pour eux le berger ! Et moi, YHWH, je serai pour eux Dieu, et mon serviteur David [sera] prince au milieu d'eux... Vous mon troupeau, troupeau de mon pâturage, vous êtes l'humanité, hébreu adam atem, et moi, je suis votre Dieu, oracle du Seigneur YHWH ! Isaïe 53,6, sans doute postérieur au retour de la captivité de Babylone : Nous tous, comme un troupeau, nous étions dispersés, chacun s'en allait son chemin... Psaume 44, 12 : Tu nous a donnés, comme du troupeau de bêtes bonnes à manger, et parmi les nations païennes tu nous as dispersés... Psaume 74, 1 : Pourquoi, Dieu, rejettes-tu sans fin ? Pourquoi est-elle fumante, ta narine, contre le troupeau de ton pâturage ? Souviens-toi de ta communauté, que tu t'es acquise, jadis... Psaume 77, 21 : Tu as guidé, comme un troupeau, ton peuple, dans la main (par la main) de Môscheh et de Aharôn... Psaume 80, 1 : Berger d'Israël, prête l'oreille ! Toi qui conduis, comme un troupeau, Iôseph... Psaume 95, 7 : Car lui il est notre Dieu, et nous, nous sommes le peuple de son pâturage,

114 celui qui n'entre pas par la porte dans la cour du troupeau mais qui passe par ailleurs en escaladant celui-là est un voleur et un malfaiteur 10, 2261

mais celui qui entre par la porte celui-là est le berger du troupeau

10, 3

à celui-là il ouvre le gardien de la porte et le troupeau entend sa voix et les bêtes de son troupeau il les appelle par leur nom et il les fait sortir

10, 4262

10, 5

10, 6263

lorsqu'il a fait sortir tout le troupeau qui est à lui devant la face des bêtes de son troupeau il marche et son troupeau marche derrière lui parce qu'ils connaissent sa voix et derrière un étranger ils ne marcheront pas mais ils s'enfuiront loin de sa face parce qu'ils ne connaissent pas la voix des étrangers voilà la comparaison

le troupeau de sa main ! Aujourd'hui si sa voix vous l'entendez, n'endurcissez pas votre cœur... Psaume 100, 3 : Connaissez que YHWH, c'est lui qui est Dieu ! Lui, il nous a faits, et non pas nous. Son peuple nous sommes, et le troupeau de son pâturage ! Dans tous ces textes et dans beaucoup d'autres, le singulier collectif hébreu tzôn est traduit par le pluriel neutre grec ta probata. Nous restaurons donc l'hébreu qui est sous le grec. Il ne faut pas traduire : les brebis, car il ne s'agit pas plus, ni moins, des brebis que des béliers, des boucs ou des chèvres. Lorsque, dans Jean 10, 1, le Seigneur parle de Importe, de la cour et du troupeau, des centaines de textes hébreux se présentaient à la mémoire de ceux qui Pécoutaient. Nous n'oublions pas que lorsque le Seigneur tenait ces propos, il se trouvait probablement dans l'une des cours de la grande construction appelée en grec hieron. 261 10, 2 Est le berger du troupeau, en grec poimèn sans l'article, qui traduit l'hébreu rôeh ha-tzôn. Les noms qui sont dans cet état, que les vieux grammairiens ont appelé « construit » (construit avec...), sont déjà déterminés par le mot auquel ils se rapportent, ils ne prennent jamais l'article. Ainsi dans notre cas, roeh, le berger, est construit avec hatzôn, du troupeau. C'est pourquoi roeh ne prend pas l'article. Et le traducteur en langue grecque a suivi fidèlement son modèle hébreu. 262 10, 4 Devant la face... Grec emprosthen, hébreu le-phanim. En hébreu tzôn est un collectif, qui signifie un ensemble. C'est pourquoi il est construit avec des termes qui indiquent la multiplicité des éléments de cet ensemble. Constant en hébreu. En grec au contraire, la règle célèbre depuis des générations, ta zôa trechei, énonce que si le sujet est un pluriel neutre — ce qui est le cas ici — le verbe se met ordinairement au singulier, le pluriel neutre étant compris comme un terme collectif singulier. En hébreu : we-ha-tzôn hôlekim aharaiô ki iadeou et -kôlô, et le troupeau, ils vont derrière lui, parce qu'ils connaissent sa voix... 263 10, 6 Voilà la comparaison... Grec paroimia, traduction de l'hébreu mâschâl, Proverbes 1,1 ; 25,1. Les traducteurs de Matthieu, Luc et Marc utilisent le mot grec parabole pour traduire l'hébreu mâschâl. Le traducteur de Jean ne se sert pas de parabole. Le mâschâl est une comparaison, une analogie, dont le premier terme est une donnée de l'expérience : un homme a planté une vigne, un semeur est sorti pour semer sa semence, une femme a mis du levain dans sa pâte ; le second terme est une réalité non-empirique, mais spirituelle, à laquelle l'intelligence est conduite précisément par la méthode de l'analogie. C'est la méthode constante d'enseignement du rabbi gali-léen. Ceux qui ne savent pas effectuer le passage de la donnée empirique à la réalité spirituelle visée, ne connaissent pas le sens du mâschâl. C'est le cas ici.

115 qu'il a dite ieschoua à leurs oreilles mais eux ils n'ont pas connu ce que c'était ce qu'il leur disait 10, 7264

10, 8265

10, 9266

10, 10267

10, 11268

10, 12 264

alors il a recommencé ieschoua et il leur a dit amèn amèn je vous [le] dis c'est moi qui suis la porte du troupeau tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des malfaiteurs mais ils n'ont pas écouté leur voix [ceux du] troupeau c'est moi qui suis la porte en passant par moi si quelqu'un entre il sera sauvé il entrera et il sortira et un pâturage il trouvera le voleur lui n'entre que pour voler pour égorger et pour détruire moi je suis venu pour qu'elle soit à eux la vie et qu'elle soit à eux surabondante c'est moi qui suis le bon berger le bon berger met son âme [dans la paume de sa main] pour son troupeau celui qui reçoit un salaire et qui n'est pas le berger

10, 7 La Porte du Troupeau de petit bétail : en hébreu anôki schaar ha-tzôn. Il ne faut pas oublier que cette porte existait en réalité, Néhémie 3, 1 : Et il se leva, Eliaschib, le grand prêtre, et ses frères les prêtres, et ils construisirent la Porte du Troupeau, schaar ha-tzôn. Eux, ils la consacrèrent, ils en posèrent les battants... Cette Porte du Troupeau de petit bétail se trouvait au nord du Temple, dans la muraille nord, non loin de l'angle nord-est. C'est cette porte qui est désignée en abrégé, Jean 5, 2 : Il y a, à Ierouschalaïm, près de la [...] du Troupeau, une piscine... Pour dire : C'est moi la Porte du Troupeau, l'hébreu n'a pas besoin du verbe être, inévitable en grec comme en français. 265 10, 8 Tous ceux qui sont venus avant moi, sont des voleurs et des brigands : les savants commentateurs se désolent de voir le verbe grec èlthon, aoriste du verbe grec erchomai, venir, associé avec eisin, présent de l'indicatif du verbe être. En hébreu il n'y a pas de verbe être à cet endroit non plus, et donc la difficulté disparaît. 266 10, 9 C'est moi qui suis la porte : sans le verbe être en hébreu, anôki ha-schaar. 267 10,10 Moi je suis venu pour que la vie soit à eux et qu'elle soit à eux surabondante : en hébreu le verbe avoir n'existe pas ici. 268 10, 11 C'est moi qui suis le bon berger : sans le verbe être en hébreu. Allusion au berger annoncé par les anciens prophètes. Le bon berger met son âme dans la paume de sa main... Expression hébraïque ancienne, Juges 12, 2 : J'ai vu que tu ne m'étais d'aucun secours, alors j'ai mis mon âme dans la paume de ma main, et je suis passé à l'attaque contre les fils d'Ammon... 1 Samuel 19, 5 : // a mis son âme dans la paume de sa main et il a frappé le Philistin... 1 Samuel 28, 21 : Voici, elle a écouté, ta servante, ta voix et j'ai mis mon âme dans la paume de ma main... Job 13, 14 : Pourquoi donc est-ce que j'emporte ma chair dans mes dents et mon âme, je l'expose dans la paume de ma main... Isaïe 53,10 : Si tu exposes son âme... Le traducteur en langue grecque de Jean a traduit l'expression en l'abrégeant, comme il fait souvent. C'était une expression comprise en milieu de langue hébraïque, incompréhensible en milieu de langue grecque. Les variantes dans les manuscrits attestent l'embarras des copistes en présence de cette expression étrange pour eux.

116

10, 13

il n'est pas à lui le troupeau il voit le loup qui arrive il abandonne le troupeau et il s'enfuit et le loup arrache [les bêtes du troupeau] et il disperse [le troupeau] parce que c'est un homme qui est payé et il ne se soucie pas du troupeau

10, 14

moi je suis le bon berger je connais ceux [de mon troupeau] qui sont à moi et ils me connaissent ceux qui sont à moi

10, 15

de même qu'il me connaît le père moi aussi je connais le père et mon âme je la mets [dans la paume de ma main] pour mon troupeau

10, 16269

et un autre troupeau est à moi qui n'est pas issu de cette cour-ci et ce troupeau-là je vais le conduire et ma voix ils l'entendront et ils deviendront un seul troupeau et unique [sera] le berger

10, 17

c'est la raison pour laquelle il m'aime mon père parce que moi je mets mon âme [dans la paume de ma main] afin de la reprendre de nouveau personne ne me la prend de force mais c'est moi qui la mets [dans la paume de ma main] de moi-même il est en mon pouvoir de la poser

10, 18

269

10,16 Et un autre troupeau est à moi... Il est raisonnable de supposer que l'autre troupeau auquel fait allusion le Seigneur ici, c'est le grand troupeau des hommes et des femmes venus du paganisme, qui vont entrer dans quelques années, après l'année 36 sans doute, dan l'économie du monothéisme hébreu, dans l'économie de la promesse faite à Abraham, à Isaac et à Jacob. C'est la réalisation du signe de Jonas. Un seul troupeau, un unique berger : c'est le thème que Paul va approfondir et développer dans ses grandes lettres dogmatiques. Ëphésiens 2, 11 : C'est pourquoi souvenez-vous, vous qui étiez alors les nations païennes dans la chair, vous qui étiez appelés l'incirconci-sion par ceux qui s'appellent eux-mêmes la circoncision, vous étiez en ce temps-là sans Christ, étrangers à la cité d'Israël, étrangers aux alliances de la promesse. Vous étiez sans espérance et sans Dieu dans le monde de la durée présente. Mais maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui étiez loin, vous êtes devenus proches, dans le sang du Christ. Car lui il est notre paix, lui qui, des deux (parties de l'humanité) a fait un seul (peuple), lui qui a détruit le mur de séparation (entre Israël et les nations païennes)... Par conséquent vous n'êtes plus étrangers, mais vous êtes maintenant concitoyens des saints et de la maison de Dieu, vous êtes bâtis sur le fondement des envoyés et des prophètes. La pierre angulaire, c'est le Christ Jésus. C'est en lui que toute la construction trouve sa cohérence et qu'elle croît pour devenir un Temple saint dans le Seigneur. Et en lui vous aussi vous êtes en construction, avec les autres, pour réaliser un lieu où Dieu demeure, dans l'esprit... On remarque que le nouveau Temple, celui qui remplace le Temple de pierres qui va être détruit, c'est la nouvelle humanité, informée et créée nouvelle par Dieu même, le Corps du Christ.

117 [dans la paume de ma main] et il est en mon pouvoir de la reprendre de nouveau ce commandement je l'ai reçu de mon père 10, 19 10,20

il y a eu de nouveau division parmi les judéens a cause de ces paroles ils disaient nombre d'entre eux un esprit mauvais est en lui il est fou pourquoi est-ce que vous l'écoutez

10, 21

mais d'autres disaient elles ne sont pas ces paroles celles d'un homme qui est possédé d'un esprit mauvais et d'ailleurs est-ce qu'un esprit mauvais peut ouvrir les yeux des aveugles

10, 22270 270

il y a eu alors la fête de hanoukkah à ierouschalaïm

10, 22 Nouveau tableau, nouvelle scène, toujours à Jérusalem, et encore dans l'enceinte du Temple. La fête de hanoukkah, en grec ta egkainia, qui n'existait pas dans la langue grecque, à part la traduction de la Bibliothèque hébraïque. Grec de traduction, grec de synagogue. Incompréhensible pour un païen. Deutéronome 20, 5 : Qui est l'homme qui a construit une maison neuve, et qui ne l'a pas inaugurée ? Le verbe hébreu hanak : Qu'il s'en aille et qu'il retourne dans sa maison, de peur qu'il ne meure dans la guerre, et qu'un autre homme ne l'inaugure. Traduction grecque : le verbe eg-kainizô, grec de synagogue. 1 Rois 8, 63 : Et ils inaugurèrent — toujours le verbe hébreu hanak — la Maison de YHWH, le roi et tous les fils d'Israël. Grec : le même verbe egkaini-zein, forgé pour traduire le verbe hébreu. 2 Chroniques 7, 5 : Et ils inaugurèrent, hébreu hanak, la Maison de Dieu, le roi et tout le peuple. Grec egkainizein. Psaume 30, 1 : Psaume, chant de l'inauguration de la Maison, schir hanoukat ha-bait, grec ôdès tou egkai-nismou tou oikou. Nombres 7, 10 : Et ils firent approcher, les princes, pour l'inauguration, hanoukat, de l'autel des sacrifices, au jour où on l'oignit, ils firent approcher, les princes, leur offrande... Grec : egkainismon. Néhémie 12, 27 : Et lors de l'inauguration, hanoukat, de la muraille de Ierouschalaïm, ils recherchèrent les fils de Lévi, de tous leurs lieux, de partout, pour les faire venir à Ierouschalaïm, pour faire l'inauguration, hanoukah, et la joie... Grec : egkainia. 2 Chroniques 7, 8 : Et il fit, Salomon, la fête, en ce temps-là, pendant sept jours, et tout Israël avec lui, quelle grande assemblée ! Et ils firent, au huitième jour, la clôture, car l'inauguration, hanoukat, de l'autel des sacrifices, ils l'avaient faite pendant sept jours, et la fête pendant sept jours... Après le retour de la grande Déportation, lorsqu'ils ont reconstruit le Temple, Esdras 6,14 : Et les anciens parmi les Judéens ont construit et ils ont réussi, selon la prophétie de Aggée le prophète, et de Zacharie... Et ils achevèrent cette Maison... Et ils firent, les fils d'Israël, les prêtres, les lévites, et le reste des fils de la déportation, l'inauguration, hanoukat, de la Maison de Dieu... Grec : egkainia. Daniel 3, 2 raconte que le roi Nabuchodonosor a fait faire une statue en or, et qu'il a fait rassembler les satrapes, les préfets, les gouverneurs, etc., pour procéder à l'inauguration, hanoukat, de la statue. Grec : egkainismon. En 165 avant notre ère, après la profanation du Temple par Antiochus Épi-phane, Judas et ses frères montent purifier le Lieu saint et faire une nouvelle inauguration, katharisai ta hagia kai egkainisai, 1 Maccabées 4, 36. La fête de l'inauguration durait huit jours. Nous savons par Flavius Josèphe, Antiquités, XII, VII, qu'on allumait des torches pour illuminer la nuit. Il va sans dire que pour un païen de la fin du Ier siècle ou du début du ne, l'expression grecque ta egkainia que nous lisons ici, Jean 10, 22, avait aussi peu de sens que pour un païen d'aujourd'hui. Un signe de plus que la traduction en langue grecque de notre Évangile de Jean était destinée tout d'abord aux frères et aux sœurs des villes du pourtour de la Méditerranée, et non pas aux païens qui n'y pouvaient rien comprendre. La traduction de notre Évangile de Jean est dans la même situation que la traduction en grec de l'Évangile de Matthieu. Ce sont probablement les deux Évangiles les plus anciens, et les deux traductions sont aussi les deux plus anciennes.

118

10, 23

10, 24271

c'était l'hiver il allait et venait ieschoua dans l'enceinte du temple sous le portique de salomon alors ils l'ont entouré les judéens et ils lui ont dit jusques à quand soulèveras-tu nos âmes [vers toi] si toi tu es celui qui a reçu l'onction dis-le-nous ouvertement

10, 25272

10, 26273

10, 27274

et il leur a répondu ieschoua je vous l'ai dit et vous n'avez pas été certains que c'est vrai les actions que moi j'ai faites au nom de mon père ce sont elles qui attestent en ma faveur mais vous vous n'avez pas été certains que cela est vrai parce que vous n'êtes pas de mon troupeau [ceux de] mon troupeau

271 10, 24 Les Judéens, comme précédemment. La traduction en langue grecque de notre Évangile s'adresse à des frères et à des soeurs des synagogues du pourtour de \a Méditerranée qui ne sont pas Judéens, en ce sens qu'ils ïie sont pas natifs du pays de Juda, du royaume ou de l'ancien royaume de Juda, de la Judée, et qu'ils n'y séjournent pas habituellement, ils n'y habitent pas. Ils ne parlent pas la langue du pays de Juda, iehoudit, 2 Rois 18, 26, traduction grecque ioudaïsti. Jusqu'à quand vas-tu soulever notre âme ? Vieille expression hébraïque, incompréhensible pour les païens de la fin du premier siècle de notre ère, comme pour les païens d'aujourd'hui. Deutéro-nome 24, 14 : Tu ne feras pas de tort au salarié, sakir, au pauvre, ani, à l'indigent, ebiôn qui fait partie de tes frères, ou bien étranger, hébreu ger, grec prosèlutos ! qui sera dans ton pays, dans tes portes. Le jour même tu lui donneras son salaire, hébreu sakar, grec misthos, et il ne viendra pas [se coucher] sur lui, le soleil, parce qu'il est pauvre, lui, et que vers cela (vers son salaire) il lève son âme, hou nôse et-napheschô. Les traducteurs en langue grecque n'ont pas osé traduire littéralement. Us ont donné une approximation : et en lui, dans son salaire, il a son espérance... Osée 4, 8 : Le péché de mon peuple, ils le mangent, et vers leurs fautes, ils élèvent leurs âmes... Proverbes 19, 18 : Corrige ton fils, puisqu'il y a de l'espérance, et vers sa mort n'élève pas ton âme... Psaume 24, 4 : Qui montera à la montagne de YHWH ? Et qui se tiendra debout dans son lieu de sainteté ? Celui qui est innocent, quant aux paumes de ses mains et qui est pur de coeur. Celui qui n'élève pas son âme vers le mensonge... Psaume 25, 1 : Vers toi YHWH, mon âmeye l'ai élevée... Psaume 86, 4 : Réjouis l'âme de ton serviteur, car vers toi, Seigneur, j'ai élevé mon âme... Psaume 143, 8 : Car vers toi j'ai élevé mon âme... 272 10, 25 Les actions que moi je fais... Comme précédemment, hébreu ha-maasim ascher ani ôseh, les actions que moi j'agis, même racine dans le substantif maaseh et dans le verbe asah. 273 10, 26 Parce que vous n'êtes pas, ou : vous ne faites pas partie de mon troupeau... Par création, et par le consentement secret de la liberté, certains sont prêts à entendre la parole qui vient de Dieu, soit parmi les fils d'Israël, soit parmi les païens. Certains sont préadaptés, préparés, à l'intelligence du message nouveau. D'autres ne le sont pas encore. Il existe donc un troupeau qui est virtuellement dessiné, avant même que le message ne lui soit communiqué. C'est ce que l'expérience montre tous les jours, depuis bientôt vingt siècles.

119

10,28275

ils entendent ma voix et moi je les connais et ils marchent derrière moi et moi je leur donnerai la vie de la durée éternelle qui vient et ils ne périront pas dans la durée éternelle qui vient et personne ne les arrachera de ma main

10, 29

mon père qui me [les] a donnés est plus grand que tous et personne ne peut [les] arracher de la main de mon père

10, 30276

moi et mon père nous sommes un

10, 31

alors ils ont ramassé de nouveau des pierres les judéens pour le tuer à coups de pierres et il leur a répondu ieschoua [et il a dit]

10,32277 274

10, 27 [Ceux de] mon troupeau... En hébreu, nous l'avons vu, tzôn est un singulier collectif, qui commande, comme c'est l'habitude en hébreu, un verbe au pluriel. Ici, le traducteur en langue grecque du document hébreu, a suivi de si près son document, qu'il a mis le verbe au pluriel, alors que le sujet de la proposition, en grec, est un pluriel neutre, ta probata, contrairement donc à la célèbre règle de grammaire tazôa trechei, qui demande un verbe au singulier. 275 10, 28 La vie de la durée éternelle qui vient, hébreu haii ôlam. Et ils ne périront pas dans la durée éternelle qui vient, hébreu le-ôlam ou ad-ôlam. Et personne ne les arrachera de ma main... Arracher de la main de, expression très fréquente en hébreu ancien, Genèse 32, 12 : Délivre-moi donc de la main de mon frère, de la main d'Esaû... Genèse 37, 21 : Et il entendit, Ruben, et il le délivra de leurs mains... 37, 22 : Afin de le délivrer de leur main... Exode 3,8 : Et je suis descendu pour le délivrer de la main de l'Egypte... Exode 18, 10 : Béni soit YHWH, qui vous a délivrés de la main de l'Egypte et de la main de Pharaon, lui qui a délivré le peuple de dessous la main de l'Egypte... 276 10, 30 Moi et mon père, nous sommes un. En hébreu : ani we-abi ehad anahenou, ou plus simplement encore : ani we-ha-ab ehad. En hébreu de nouveau le verbe être est inutile ici. Il était inévitable en traduction grecque. Ehad est traduit par le neutre grec hen. La distinction ontologique entre Dieu, l'unique Incréé, et l'Homme véritable uni à Dieu véritable, verus homo vero unitus Deo, est marquée. Les deux termes : moi et mon père. L'union et la distinction sont notées. Le traducteur en langue grecque du, ou des documents hébreux, s'est bien gardé de traduire par le masculin heis, et il n'y a pas de -variante sur ce point parmi les manuscrits connus. L'inconnu ou les inconnus qui ont traduit Deutéronome 6, 4 : Écoute Israël ! YHWH notre Dieu, YHWH unique ! avaient traduit jadis l'hébreu ehad par le masculin grec heis : kurios ho theos hèmôn kurios heis estin. Dieu est absolument unique, absolument simple, simplex omnino, quatrième concile du Latran, 1215 ; una singularis, simplex omnino et incommutabilis substantia spiritualis, Vatican I, 1870. L'inconnu qui a traduit de l'hébreu en grec Jean 10, 30, ne dit pas que l'union entre Dieu l'unique Incréé, et l'Homme véritable uni à Dieu, celui qui dit « je » et « moi », se termine à, ou aboutisse à un seul individu, en grec le masculin heis. Et le concile œcuménique de Chal-cédoine, en octobre 451, a défini solennellement que dans cette union entre Dieu incréé, et l'Homme créé, il convient de distinguer Dieu et l'Homme, ce qui est de Dieu et ce qui est de l'Homme. Et le concile romain de mars 680, ainsi que le concile œcuménique de Constanti-nople de mars 681, vont définir que dans cette union entre Dieu incréé et l'Homme créé, il convient de distinguer deux volontés naturelles, et deux opérations, deux libertés, unies sans conflit, sans contradiction et sans mélange. 277 10,32 Qui venaient de mon père : certains manuscrits grecs donnent ek tou patros, du père ; d'autres manuscrits grecs ek tou patros mou, de mon père. Mais l'on observe, dans de nombreux cas, que l'hébreu abi, mon père, est traduit en grec par pater, sans le pronom possessif. 2 Rois 2, 12 : Et Elischa le regardait et il criait : Mon père, mon père, hébreu abi abi, char d'Israël et sa cavalerie... Grec pater pater. 2 Rois 13, 14 : Et Elischa fut malade de sa maladie dont il allait mourir, et il descendit vers lui, Iôasch, roi d'Israël, et il pleura sur sa face et il dit : Mon père, mon père,

120

nombreuses [sont] les actions belles et bonnes que je vous ai montrées qui venaient de mon père à cause de laquelle de ces actions me jetez-vous des pierres 10, 33278

et ils lui ont répondu les judéens [et ils lui ont dit] ce n'est pas à cause d'une belle et bonne action que nous te jetons des pierres mais à cause d'une parole insolente à l'encontre de dieu et parce que toi qui es un homme tu te fais toi-même dieu

10, 34279

et il leur a répondu ieschoua [et il a dit] est-ce qu'il n'est pas écrit dans votre tôrah

10, 35280

moi je l'ai dit des dieux [vous êtes] vous si ceux-là il les a appelés dieux

hébreu abi abi, char d'Israël et sa cavalerie... Grec : pater pater... Il est donc très possible, il est même probable que, dans nombre de cas, là où nous lisons dans notre texte grec des Évangiles patèr, sans le pronom possessif, il faille reconstituer l'hébreu abi, mon père, par exemple Jean 10, 17 ; 10, 29 ; 10, 30; 10, 31 ;etc. 278 10, 33 A cause d'une parole insolente à rencontre de Dieu, grec blasphèmia, qui traduit l'hébreu neatzah, Ézéchiel 35, 12, paroles insultantes ; schalah ou schalou, Daniel 3, 9, traduction grecque Theodotion blasphèmia. Le verbe grec blasphèmein traduit l'hébreu gadaph, 2 Rois 19,6 ; 19,22. Et parce que toi qui es un homme... Le et ici introduit à l'explicita-tion du « blasphème » de la proposition précédente. Fréquent en hébreu. Nombres 16, 30 : Mais si une création (nouvelle) il crée, Dieu, et si elle ouvre, la terre, sa gueule, et si elle les dévore... Le et introduit à une proposition qui explicite le contenu de la proposition précédente. 279 10,34 Est-ce qu'il n'est pas écrit dans votre Torah... Nous avons restitué l'hébreu Torah qui était sous la traduction grecque nomos, parce qu'ici moins que jamais la traduction française la loi ne convient. L'hébreu Torah signifie, nous l'avons noté, l'instruction, et la normative. Ici le texte cité, c'est le psaume 82, 6 : Vous êtes des dieux, en hébreu elohim atem, sans le verbe être. Le psaume poursuit : et des fils du Très Haut, tous ! Et cependant, comme l'homme, ke-adam, vous mourrez... 280 10,35 Et s'il les a appelés « dieux », ceux à qui la parole de Dieu a été adressée... Le sujet de la proposition : Et s'il les a appelés..., c'est probablement Dieu lui-même qui, dans ce psaume, appelle « dieux » des hommes. Nous sommes en présence d'une construction hébraïque classique du type si... alors. Dans la Bibliothèque hébraïque, c'est le we, qui signifie et, qui exerce souvent la fonction logique que nous rendons par le français alors. Le traducteur en langue grecque a traduit littéralement le we hébreu par le grec kai. La structure logique du raisonnement est simple et claire : si c'est Dieu qui l'a dit, alors cette affirmation qui vient de Dieu ne peut être effacée. Le raisonnement semble être le suivant. Il est écrit dans un livre inspiré de Dieu, dans un livre qui contient une révélation, à savoir dans un psaume : Vous êtes des dieux ! Si Dieu lui-même dans ce psaume appelle « dieux » des hommes, alors il n'y a pas lieu de s'offusquer, ni de crier à l'insulte à rencontre de Dieu, si j'appelle moi-même Dieu mon propre père. C'est à partir de ce texte, et d'autres, que les Pères de langue grecque ont élaboré la théorie de la teiôsis ou theopoièsis, la théorie de la divinisation de l'homme, qui est la théorie de l'Église. Le but, la finalité ultime de la création, c'est la divinisation de l'Homme nouveau créé, sans confusion des natures, sans confusion des personnes. L'Homme nouveau

121 ceux à qui la parole de dieu a été adressée alors elle ne peut pas être abolie l'écriture [sainte] 10, 36281

celui que mon père a consacré et qu'il a envoyé dans le monde de la durée présente à celui-là vous vous dites tu dis des insolences [contre dieu] parce que j'ai dit fils de dieu je suis moi

10, 37282

si je n'agis pas les actions de mon père ne soyez pas certains de la vérité [qui est] en moi mais si j'agis [les actions de mon père] si même vous n'êtes pas certains de la vérité [qui est] en moi de la vérité [qui est] dans ces actions au moins soyez certains afin que vous connaissiez et que vous soyez certains qu'il est vrai qu'en moi [il est] le père et moi [je suis] dans le père

10, 38283

10, 39

alors ils ont cherché de nouveau à l'arrêter mais lui il s'est échappé de leurs mains

créé prend part à la vie même de Dieu, après une transformation, après une nouvelle naissance, après une métamorphose, qui fait de lui une nouvelle création. C'est la doctrine exposée par Paul après l'Évangile de Jean et à la suite de l'enseignement communiqué par Jean. C'est la doctrine de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse d'Avila. Et elle ne peut pas être abolie, l'Écriture sainte : le texte du psaume est un texte inspiré par Dieu, donc il a une autorité dogmatique, ontologique, il communique une connaissance qui vient de la part de Dieu. Le but de la création, c'est de faire des dieux, rien de moins. 281 10, 36 Celui que mon père a consacré... Le texte grec donne ho patèr, le père, mais il recouvre probablement l'hébreu abi, mon père. Jérémie 1,5: Avant que je te forme dans le ventre, je t'ai connu ! Et avant que tu sortes de la matrice, je t'ai consacré ! Prophète pour les nations païennes je t'ai donné d'être ! Celui que mon père a consacré... vous, vous dites... Il est évident que la phrase est anormale en grec, du point de vue grammatical. Cette anomalie s'explique par la construction hébraïque qui commence par le relatif ascher, qui est immuable quel que soit le genre et le nombre, et qui ici doit se traduire par : celui que... Parce que j'ai dit : fils de Dieu je suis, moi... En hébreu : ben elohim ani, ou ben elohim anôki, sans le verbe être, inutile. 282 10, 37 Si je n'agis pas les actions de mon père... Comme précédemment, le verbe hébreu asah et le substantif maaseh. 283 10, 38 Afin que vous connaissiez et que vous soyez certains de la vérité... Isaïe 43, 10 : Vous, vous êtes mes témoins, oracle de YHWH ! Et les serviteurs que j'ai choisis ! Afin que vous connaissiez et que vous soyez certains de la vérité qui est en moi, hébreu le-maan tedeou we-taaminou H, et que vous compreniez que c'est moi, ki ani hou. Grec : hina gnôte kaipisteusète kai sunète hoti ego eimi. La certitude objective de la vérité, certitude de l'intelligence, en hébreu émounah, est associée à la connaissance, chez le prophète inconnu qui est l'auteur des oracles réunis à partir de Isaïe 40. Qu'en moi [il est], le père, et moi je suis dans le père : ici le traducteur en langue grecque a suivi le texte hébreu de très près, il n'a pas ajouté en grec le verbe être, qui est inévitable en français pour que la phrase tienne debout, et que nous mettons donc entre crochets. L'immanence réciproque entre Dieu incréé, et l'Homme créé, est enseignée ici. C'est la christologie de saint Paul, Colossiens 2, 9 : Car en lui habite toute la plénitude de la divinité, corporellement.

122 10, 40284

10, 41285

10, 42286

284

et il s'en est allé de nouveau de l'autre côté du iarden dans le lieu où se trouvait iôhanan au commencement lorsqu'il plongeait [les gens dans l'eau] et il est resté là et nombreux [sont ceux qui] sont venus vers lui et ils ont dit iôhanan n'a fait aucun signe mais tout ce qu'il a dit iôhanan au sujet de celui-ci c'était la vérité et nombreux [sont ceux qui] ont été certains de la vérité [qui est] en lui en cet endroit

10, 40 Et il s'en alla de nouveau de l'autre côté du Jourdain, hébreu eber ha-iarden. Celui qui a écrit cette proposition n'est pas à Éphèse, ni à Alexandrie, ni à Rome. Il est à Jérusalem. 285 10, 41 C'était la vérité... Nous avons noté déjà que l'hébreu utilise peu les adjectifs, il préfère les substantifs. Et là où nous lisons dans les textes hébreux émet, la vérité, les traducteurs grecs de la Bible hébraïque ont mis l'adjectif grec alèthinos. 286 10, 42 Nombreux [ont été ceux qui] ont été certains de la vérité... Dans le texte hébreu, le substantif émet, la vérité, et le verbe heemin, être certain de la vérité de... sont de la même racine aman. La relation logique entre la vérité et la certitude objective de la vérité se retrouve dans la parenté entre les vocables, ce qui n'est pas le cas dans la traduction grecque du texte hébreu. Nous nous efforçons de reconstituer dans notre traduction française cette parenté.

123 CHAPITRE 11

11, 1287

il y avait un homme qui était malade éléazar c’est son nom il était de beit ananiah le village de mariam et de martha sa soeur

11, 2288

c'est cette mariam qui a oint le seigneur avec de la myrrhe et qui a essuyé ses pieds avec ses cheveux c'est elle dont le frère éléazar était malade

11, 3289

elles ont donc envoyé les soeurs

287

11.1 Il y avait un homme, appelé Éléazar, qui était malade : cet homme n'est pas nécessairement connu de ceux auxquels s'adresse la traduction grecque de notre Évangile. Qui était malade : en hébreu le participe du verbe halah, hôleh. Beit-Ananiah, Néhémie 11, 32, dans la tribu de Benjamin. Du village de Mariam et de Martha, sa sœur : ces deux sœurs sont supposées connues. Notre Évangile est écrit et traduit dans un milieu, à l'intérieur d'un cercle, dans lequel il n'est pas nécessaire de préciser qui est cette Mariam, et cette Martha. Tout le monde les connaît, dans ce cercle et à ce moment-là. Nous ne sommes donc pas à Éphèse, ni à Rome, ni à Alexandrie, ni ailleurs. Nous sommes à Jérusalem, ou tout près de Jérusalem, dans les mois ou les années qui ont suivi la résurrection du Seigneur. Mariam, Exode 15, 20, Mariam la prophétesse, la sœur d'Aharôn. Nombres 12,1 : Et elle parla, Mariam, et Aharôn, contre Môscheh, à cause de la femme éthiopienne qu'il avait prise, car il avait pris une femme éthiopienne... Deutéronome 24, 9 ; etc. Dans tous les cas, les traducteurs en langue grecque que par convention nous appelons les Septante, ont lu Mariam, alors que dans nos éditions modernes nous lisons Miriam. Si, au me ou au rve siècle avant notre ère, les traducteurs en langue grecque ont lu Mariam, il est permis de penser qu'en réalité ce nom se prononçait ainsi. Et c'est ainsi que transcrivent les traducteurs en langue grecque des documents hébreux qui ont donné nos quatre Évangiles. 288 11.2 C'est cette Mariam qui a oint... Cf. chapitre xn. En hébreu Me mariam ascher maschah... sans le verbe être inutile. Nous avons la mauvaise habitude, nous les goïm, de lire trop de livres, et trop vite, et de ne pas prêter attention au détail de ce que nous lisons, parce que le lus souvent ce détail est insignifiant. Nous pouvons être certains que si Mariam a oint le Seigneur avec de l'huile parfumée avec de la myrrhe, ce n'est pas au hasard, et ce n'est pas dépourvu de signification. Il faut relire tous les textes concernant le rite de l'onction et la omposition de l'huile d'onction, schemen ha-qôdesch, schemen tôb, schemen ha-mischehah, et le Cantique des Cantiques, pour découvrir progressivement la signification de ce geste de l'onction. 289 11, 3 Elles envoyèrent donc, les sœurs [des messagers] vers lui pour dire... Expression hébraïque ancienne et typique, puisque le texte grec seul donne : Elles envoyèrent, les sœurs, vers lui, pour dire... On ne dit pas qui est envoyé, le terme les messagers est sous-entendu. Genèse 20, 2 : Et il envoya, Abimelek (sous-entendu : des sbires, des valets, des soldats,...) et il prit (il fît prendre) Sarah... Genèse 31, 4 : Et il envoya, Iaaqôb (sous-entendu : des messagers) et il appela (il fit appeler) Rachel et Léah... Genèse 32, 6 : Et j'ai envoyé [des messagers] pour annoncer à mon seigneur... Genèse 41, 8 : Et il envoya [des messagers] et il fit appeler tous les astrologues d'Egypte... 41, 14 : Et il envoya, Pharaon [ des valets], et il fit appeler Iôseph..., etc. La même construction typiquement hébraïque se retrouve Matthieu 1, 16 : Alors il a vu, Hérode, qu'il avait été joué par les mages. Sa narine s'enflamma de colère fortement, et il envoya (on ne nous dit pas qui il a envoyé) et il fit tuer tous les enfants qui étaient à Beit-Lehem... Nous avons rétabli, bien entendu, les propositions commandées par un verbe à l'indicatif. Le traducteur en langue grecque avait remplacé les verbes hébreux à l'indicatif, par des participes. Matthieu 14, 35 : Et ils l'ont reconnu, les gens qui habitaient dans cet endroit, et ils ont envoyé (on ne nous dit pas qui ils ont envoyé) dans toute cette région, (sous-entendu : des messagers pour faire connaître que...) et ils lui ont amené tous ceux qui étaient malades... Matthieu, 27, 19 : Il descendit de son tribunal, et elle lui envoya, sa femme (sous-entendu : quelqu'un, un valet) pour lui dire...

124 [des messagers] vers lui pour dire seigneur voici que celui que tu aimes est malade 11, 4290

et il a entendu ieschoua et il a dit cette maladie-là n'est pas pour la mort mais [elle est] pour la gloire de dieu afin qu'il soit glorifié le fils de dieu par elle

11, 5

il aimait ieschoua martha et sa soeur et éléazar

11, 6

lorsque donc il a entendu qu'il était malade alors il est resté dans le lieu où il était deux jours

11, 7291

et puis après cela il a dit à ses disciples allons retournons en judée

11, 8292

alors ils lui ont dit les disciples rabbi voici que maintenant ils cherchent à te tuer à coups de pierres les judéens et toi tu veux retourner là-bas

11, 9

et il a répondu ieschoua [et il a dit] n'y a-t-il pas douze heures au jour si un homme marche dans le jour il ne bute pas sur un obstacle qui le fait tomber parce que la lumière de ce monde-ci

290

11, 4 Cette maladie n'est pas pour la mort, ou, pour mourir... Vieille expression hébraïque, 2 Rois 20, 1 : En ces jours-là, il fut malade, Hizeqiiahou, pour mourir, hébreu la-mout, traduction grecque eis thanaton. Notre texte grec de Jean donne : pros tha-naton, ce qui est une autre traduction de la même expression hébraïque. Le lamed hébreu peut se traduire par eis ou par pros, ce qui est le cas ici. Nous avons déjà conjecturé le lamed hébreu sous le pros de Jean 1, 1 et 1, 2. Le lamed hébreu, rappelons-le, indique la direction, l'intentionalité, et l'appartenance. Il correspond à peu près à notre français : à. La maladie qui conduit à mourir ou à la mort. 291 11, 7 Le pays de Juda, ou la Judée. La Judée, en grec ioudaia, en hébreu iehoudah, I Samuel 17, 1 ; 23, 3 ; 27, 6 ; 27, 10 ; etc. Ou bien eretz iehouda, le pays de Iehouda, 2 Rois 25,22 ; I Chroniques 6,40 292 11, 8 Ils veulent te tuer à coups de pierres, les Judéens... Comme d'habitude, correspondance entre la Judée, l'ancien royaume de Juda, devenue colonie romaine, et les Judéens, les habitants de la Judée. Ceux qui parlent, les disciples, sont des Galiléens. Par conséquent ce ne sont pas des Judéens et il pouvait y avoir conflit entre les Galiléens et les Judéens, comme c'est le cas entre telle et telle province française. L'hostilité principale au rabbi galiléen vient des Judéens, et non des Galiléens.

125 il la voit 11, 10

mais si un homme marche dans la nuit son pied heurte un obstacle et il tombe parce que la lumière n'est pas en lui

11, 11293

voilà ce qu'il a dit et après cela il leur a dit encore éléazar notre ami s'est couché mais je vais y aller afin de le réveiller

11, 12

alors ils lui ont dit ses disciples seigneur s'il s'est couché il sera sauvé

11, 13294

mais il parlait ieschoua de sa mort tandis qu'eux ils pensaient qu'il parlait de se coucher pour dormir

11, 14295

alors il leur a dit ieschoua ouvertement

293

11, 11 Éléazar notre ami s'est couché... Jeu de mots en hébreu. L'hébreu schakab signifie coucher, se coucher, et dans l'expression se coucher avec ses pères, mourir. Genèse 47, 30 : Et je me coucherai avec mes pères, et tu m'emporteras hors d'Egypte et tu me mettras au tombeau dans leurs tombeaux... 2 Samuel 7, 12 : Lorsqu'ils seront remplis, tes jours, et que tu seras couché avec tes pères, alors je susciterai ta semence après toi, celle qui sortira de tes reins et j'instaurerai sa royauté... 1 Rois 2, 10 : Et il se coucha, David, avec ses pères, et il fut mis au tombeau dans la cité de David..., etc. Le verbe hébreu schakab a donc deux sens, et même trois : se coucher pour dormir, se coucher avec une femme, se coucher pour mourir. Les disciples ont compris le verbe hébreu schakab au sens de se coucher pour dormir. Peut-être que la vieille expression : se coucher avec ses pères était tombée en désuétude, ou qu'elle n'était pas d'usage courant dans le milieu ethnique galiléen. Psaume 3 , 6 : Moi je me suis couché et je me suis endormi, mais je vais me réveiller, parce que c'est YHWH qui me soutient. Je n'ai pas peur des multitudes du peuple, qui tout autour se sont dressées contre moi. Lève-toi, YHWH, et sauve-moi, mon Dieu ! A YHWH le salut... Psaume 4, 9 : Dans la paix tout ensemble je me couche et je m'endors, parce que toi YHWH, toi seul, en sécurité tu me fais séjourner... Psaume 41, 8 ; Il est couché, il ne se relèvera plus... Qohélet (Ecclésiaste) 2, 23 : Même dans la nuit il ne se couche pas, son cœur... Isaïe 14, 18 : Tous les rois des nations, tous ils sont couchés dans la gloire, chacun dans sa maison (son tombeau royal) et toi tu es privé de tombeau... Isaïe 43,17 : Ils se sont couchés, ils ne se sont pas relevés... Il est très possible que dans le propos du Seigneur : Éléazar, notre ami, s'est couché, mais je vais aller et je le réveillerai..., il y ait une allusion au Cantique des Cantiques 2, 7 : Je vous ferai jurer, filles de Jérusalem, [...] de ne pas réveiller l'amour jusqu'à ce que cela lui convienne... 3, 5, idem. Nous les goïm qui avons lu trop de livres, nous ne soupçonnons pas à quel point dans le milieu ethnique où se situe le rabbi galiléen, chaque mot, chaque terme éveille, soulève, rappelle une multitude de textes de la Bibliothèque sacrée, comme un organiste appuie sur une seule touche, et une multitude de jeux se mettent à chanter. Quand nous parlons de jeu de mots, nous les goïm, nous parlons mal. C'est plutôt au jeu de l'organiste qu'il faut comparer l'utilisation des termes hébreux par le rabbi galiléen. 294 11, 13 Mais il parlait, Ieschoua, de sa mort... Commentaire explicatif qui est soit de l'auteur du document hébreu, soit du traducteur en langue grecque, soit les deux ensemble. 295 11, 14 Alors il leur a dit Ieschoua ouvertement... En grec par-rèsia, qui s'oppose à l'enseignement communiqué par la voie de l'analogie ou de la comparaison, mâschâl, voir plus loin Jean 16, 25. Dans un premier temps le Seigneur parlait un langage symbolique et faisait jouer tout le grand orgue des allusions et des résonances de l'Écriture. Maintenant il appuie sur une seule touche, et ne délivre plus qu'un seul sens : il est mort.

126

296

11, 15

11, 16

éléazar est mort et je me réjouis à cause de vous afin que vous soyez certains de la vérité de ce que je n'étais pas là mais maintenant allons vers lui alors il a dit tôma ce qui veut dire [en traduction] le jumeau à ses compagnons les disciples allons-y nous aussi afin de mourir avec lui

11, 17297

et il est arrivé ieschoua et il l'a trouvé âgé de quatre jours déjà dans le tombeau

11, 18298

beit ananiah était proche de ierouschalaïm comme d'une distance de quinze stades

11, 19

ils étaient nombreux parmi les judéens qui étaient venus chez martha et mariam afin de les consoler à propos de leur frère

11, 20

dès qu'elle a entendu martha que c'est ieschoua qui arrive elle est allée à sa rencontre mariam dans la maison était restée assise

11, 21

alors elle a dit martha en s'adressant à ieschoua

11, 22 296

seigneur si tu avais été là il ne serait pas mort mon frère mais même maintenant je sais que tout ce que tu demanderas à dieu

11,15 Et je me réjouis à cause de vous... Le grec dia traduit plusieurs mots hébreux, et peut signifier selon les contextes : à cause de, en faveur de, pour, etc. 297 11,17 Et il le trouva âgé de quatre jours déjà dans le tombeau... Probablement la vieille expression hébraïque : être fils de... pour désigner l'âge, Genèse 5, 32 ; Lévitique 12, 6 ; etc. Les traducteurs en langue grecque n'ont pas osé, cette fois-ci, traduire littéralement l'expression hébraïque. 298 11, 18 Beit-Ananiah était proche... En hébreu simplement : wou-beit ananiah qerôbah ierouschalaïm... sans le verbe être, ajouté en grec obligatoirement. On ne peut pas en inférer que Beit-Ananiah était déjà détruite lorsque la traduction grecque a été faite. C'est simplement une manière de s'exprimer pour raconter une histoire qui est déjà du passé. Même remarque pour Jean 18,1 : Il y avait un jardin ; 19, 41 : il y avait, à l'endroit où il a été crucifié, un jardin... Beit-Ananiah était proche de Jérusalem, apo, qui signifie l'éloignement, hébreu probable min, ou miphenei. Le stade comme mesure de longueur, environ 180 m, est déjà utilisé par le second livre des Macca-bées 11, 5 ; 12, 9 ; 12, 29 ; etc. On compte à partir de Jérusalem, en grec apo, 15 stades, un peu moins de 3 km.

127 il te le donnera dieu 11, 23299

il lui a dit ieschoua se relever il se relèvera ton frère

11, 24300

et elle lui a dit martha je sais qu'il se relèvera lors de la relevée [des morts] dans le jour qui viendra dans l'avenir

11, 25301

et il lui a dit ieschoua c'est moi qui suis la relevée [d'entre les morts] et la vie celui qui est certain de la vérité [qui est] en moi même s'il vient à mourir il vivra

11, 26302

et tout homme qui vit et qui est certain de la vérité [qui est] en moi il ne mourra plus dans la durée éternelle à venir est-ce que tu es certaine de la vérité de cela [que je te dis]

11, 27

et elle lui a dit oui seigneur moi je suis certaine de la vérité que toi tu es le maschiah

299

11, 23 Se relever, il se relèvera ton frère... C'est la formule solennelle de l'affirmation en hébreu : d'abord le verbe à l'infinitif, puis le même verbe à l'indicatif. Se relever, hébreu qoum, régulièrement traduit en grec par le verbe anistan, anistanai. 300 11,24 Dans le jour qui viendra dans l'avenir... Nous avons déjà noté, Jean 6, 39, que le grec eschatos traduit régulièrement l'hébreu be-aharit ha-iamim, dans la suite des jours, c'est-à-dire dans l'avenir, et ne signifie jamais : le dernier jour. 301 1, 25 C'est moi qui suis la relevée d'entre les morts et la vie... En hébreu il n'y a pas le verbe être. 302 11, 26 Dans la durée éternelle qui vient, hébreu le-ôlam. De nouveau l'enseignement constant du Seigneur, communiqué principalement par le quatrième Évangile : celui qui prend part aujourd'hui à la vie, à la lumière et à la vérité du Seigneur, qui est le Pain de Dieu, c'est aujourd'hui qu'il entre dans la durée de la nouvelle création, qui est la vie, qui est appelée aussi en araméen malkoutah di schemaiia, le royaume et le règne de Dieu, propositions équivalentes. Autrement dit, il n'y a pas à attendre la fin des temps, la résurrection de la fin des temps, pour entrer dans l'économie de la nouvelle création. C'est maintenant et tout de suite qu'entre celui qui prend part à la vie de Dieu qui est aujourd'hui communiquée. Le Seigneur corrige donc sur ce point la représentation qui était celle de Martha, et que celle-ci avait reçue de son milieu. Même formulation Luc 23, 43 : Amèn je te le dis, aujourd'hui avec moi tu seras dans le jardin du paradis. C'est la doctrine de l'Église depuis bientôt vingt siècles : les saints, dès l'instant de leur mort empirique, entrent dans la gloire de Dieu. Il n'y a pas à attendre la fin des temps. Abraham, Isaac et Jacob sont aujourd'hui, actuellement vivants, Matthieu 22, 32 ; Luc 20, 37 ; Marc 12,26 et 27.

128 le fils de dieu celui qui doit venir dans le monde de la durée présente 11, 28

elle a dit cela et elle s'en est allée et elle a appelé mariam sa soeur en secret et elle lui a dit le maître est là et il t'appelle

11, 29303

elle dès qu'elle a entendu cela elle s'est hâtée de se lever et elle est allée vers lui

11, 30

car il n'était pas encore arrivé ieschoua dans le village mais il était encore dans le lieu où elle était venue à sa rencontre martha

11, 31

les judéens qui étaient avec elle dans la maison et qui la réconfortaient ils ont vu que mariam se hâtait de se lever et qu'elle s'en allait alors ils l'ont suivie car ils pensaient qu'elle allait au tombeau pour y pleurer

11, 32

mariam dès qu'elle est arrivée à l'endroit où se trouvait ieschoua elle l'a vu elle est tombée à ses pieds et elle lui a dit seigneur si tu avais été là il ne serait pas mort mon frère

11, 33

et il advint que ieschoua Iorsqu'il l'a vue en train de pleurer et les judéens qui étaient venus avec elle en train de pleurer il a frémi en son esprit au-dedans de lui et son coeur a été ému

11, 34

et il a dit

303

11, 29 Elle s'est hâtée de se lever... Le grec tachu traduit la construction hébraïque : il s'est hâté de... avec le verbe mahar, piel mihar. Genèse 26, 20 : Tu t'es hâté de trouver, grec tachu eures.

129

où l'avez-vous déposé et ils lui ont dit seigneur viens et vois 11, 35

il a pleuré ieschoua

11, 36

alors ils ont dit les judéens regardez comme il l'aimait

11, 37

mais certains d'entre eux disaient est-ce qu'il ne pouvait pas lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle faire en sorte que celui-ci ne meure pas

11, 38

ieschoua de nouveau a frémi en son esprit et il est arrivé au tombeau c'était une grotte et un bloc de pierre était posé à son entrée

11, 39304

et il a dit ieschoua enlevez la pierre et elle lui a dit la soeur du mort martha seigneur voici qu'il sent déjà mauvais car il a déjà quatre jours

11, 40

et il lui a dit ieschoua est-ce que je ne t'ai pas dit que si tu es certaine de la vérité tu verras la gloire de dieu

11, 41305 304

ils ont donc enlevé la pierre

11, 39 Car il a déjà quatre jours... Peut-être comme précédemment la vieille expression hébraïque : il est fils de quatre jours... 305 11,41 Je te bénis, grec eucharistô, hébreu barak, traduit aussi en grec par eulogein. Matthieu 14, 19 : eulogèsen. Matthieu 15, 36 : eucharistèsas. Matthieu 26, 27 : eucharistèsas. Actes 27, 35 : eucha-ristèsen, etc. Parce que tu m'as répondu... Dans nombre de textes, en particulier dans les psaumes et dans le livre de Job, lorsque le texte hébreu donne : tu m'as répondu, la traduction grecque rend par : tu m'as entendu. Psaume 3,5: Avec ma voix vers YHWH je crie et il me répond de la montagne de sa sainteté. En hébreu le verbe anah, répondre. Traduction grecque :

130

ieschoua a levé les yeux en haut et il a dit 306

11, 42

11, 43

père je te bénis parce que tu m'as répondu moi je sais qu'en tout temps tu m'entends [et tu me réponds] mais c'est à cause de ce peuple qui est ici tout autour que je l'ai dit afin qu'ils soient certains qu'il est vrai que c'est toi qui m'as envoyé il a dit cela et d'une voix forte il a crié éléazar lève-toi et sors

epèkousen ou eisèkousen, il a écouté. Psaume 4, 1 : Lorsque je crie, réponds-moi, Dieu de ma justice ! Hébreu, le verbe anah. Grec : eisèkousen. Psaume 13, 4 : Regarde, réponds-moi, YHWH mon Dieu... Grec : eisakouson mou, écoute-moi... Psaume 17, 6 : C'est moi qui ai crié vers toi, pour que tu me répondes... Grec : hoti epèkousas mou, ou eisèkousas, selon les versions. Psaume 198, 42 : Ils crient et il n'y a pas de sauveur, vers YHWH et il ne leur répond pas... Grec : kai ouk eisèkousen au ton. Psaume 22, 2 : Mon Dieu je crie le jour et tu ne réponds pas... Grec : kai ouk eisakouè. Psaume 27, 7 : Ecoute YHWH ma voix, je crie, et aie pitié de moi et réponds-moi ! Grec : eleèson me kai eisakouson mou. Psaume 38, 16 : Car c'est en toi YHWH que j'espère, c'est toi qui répondras, adonaïmon Dieu... Grec : su eisakousè. Psaume 55, 2 : Prête l'oreille Dieu à ma prière et ne te dérobe pas à ma supplication, écoute-moi et réponds-moi... Grec : kai eisakouson mou. Psaume 69, 17 : Réponds-moi YHWH car elle est bonne ta grâce ! Selon la multitude de tes compassions, tourne ta face vers moi ! Et ne cache pas ta face loin de ton serviteur, car l'angoisse est sur moi, hâte-toi de me répondre ! Grec eisakouson et epakouson mou. Psaume 86, 1 : Tends YHWH ton oreille et réponds-moi... Grec : kai epakouson mou. Psaume 91, 15 : Il criera vers moi et je lui répondrai... Grec : kai eisakousomai autou. Psaume 99, 6 : Môscheh et Aharôn parmi ses prêtres, et Samuel parmi ceux qui invoquaient son nom. Ils criaient vers YHWH et lui il leur répondait... Grec : kai autos epèkousen autôn. YHWH notre Dieu, c'est toi qui leur répondais... Grec : su epèkoues autôn. Psaume 102, 2 : YHWH écoute ma prière et que mon cri jusqu'à toi parvienne ! Ne cache pas ta face loin de moi, au jour où l'angoisse est sur moi ! Tends vers moi ton oreille au jour où je crie, hâte-toi, réponds-moi ! Grec : tachy eisakouson mou. Psaume 120, 1 : Vers YHWH lorsque la détresse était sur moi j'ai crié et il m'a répondu ! Grec : kai eisèkousen mou. Psaume 143, 1 : YHWH écoute ma prière, prête l'oreille à ma supplication, dans ta vérité réponds-moi, dans ta justice... Grec : epakouson. Hâte-toi de me répondre, YHWH... Grec : tachy eisakouson mou. Proverbes 1, 28 : Alors ils m'appelleront et je ne répondrai pas... Grec : et moi je n'entendrai pas, egô de ouk eisakousomai humôn... Le prophète Michée, vme siècle avant notre ère, 3, 4 : Alors ils crieront vers YHWH et il ne leur répondra pas... Grec : et il ne les écoutera pas, kai ouk eisakousetai autôn. Michée 3, 7 : Ils auront honte, les voyants... car il n'y a pas de réponse de Dieu, ki ein maaneh elohim. Grec : dioti ouk estai ho eisakouôn autôn, parce qu'il n'y aura pas quelqu'un qui les écoute... Jonas 2, 3 : J'ai crié, depuis l'angoisse qui est sur moi, vers YHWH et il m'a répondu... Grec : Et il m'a entendu, kai eisèkousen mou. D'autres exemples dans le livre de Job. On voit qu'il ne s'agit pas ici d'une erreur accidentelle ou fortuite d'un traducteur. II s'agit d'un parti pris théologique. Il est très vraisemblable que sous notre texte grec Jean 11, 41 èkousas mou, il faut rétablir l'hébreu anah, répondre. De même Jean 11, 42. C'est ce que font d'ailleurs Delitzsch et Zalkinson. 1 Samuel 7, 9 : Et il a crié, Samuel, vers YHWH, en faveur d'Israël, et il lui a répondu, YHWH.,. Grec : Et il a entendu, epèkousen. 1 Samuel 8,18 : Et vous crierez, en ce jour-là, en vous écartant de la face des rois que vous aurez choisi pour vous, et il ne vous répondra pas, YHWH, en ce jour-là... Grec : Et il ne vous écoutera pas, ouk epakousetai. 1 Rois 18, 37 : Réponds, YHWH, réponds... Grec : Écoute-moi, Seigneur, écoute-moi, epakouson mou. 306 11, 42 Mais c'est à cause de ce peuple... Grec dia, qui traduit probablement l'hébreu baabour, à cause de, en faveur de, pour... Afin qu'ils soient certains que c'est toi qui m'as envoyé : Exode chapitre 4, les signes qui conduisent à la certitude que c'est Dieu qui envoie Moïse.

131 11, 44307

et il est sorti le mort il était lié aux pieds et aux mains avec des bandes et son visage était entouré d'un linge il leur a dit ieschoua déliez-le et laissez-le aller

11, 45

et alors ils ont été nombreux parmi les judéens qui étaient venus visiter mariam et qui ont vu le signe qu'il a fait [ieschoua] qui ont été certains de la vérité [qui est] en lui

11, 46

certains d'entre eux sont allés trouver les perouschim et ils leur ont dit ce qu'il avait fait ieschoua

11, 47308

ils ont alors réuni les prêtres de haut grade et les perouschim un conseil et ils ont dit qu'est-ce que nous allons faire car cet homme fait beaucoup de signes

11, 48309 307

si nous continuons à le laisser faire ainsi

11, 44 Et son visage était entouré d'un linge... En grec souda-rion, décalqué du latin sudarium, linge avec lequel on peut s'essuyer la sueur du visage, quelque chose qui devait ressembler aux grands mouchoirs de nos campagnes d'autrefois. Luc 19, 20 : Seigneur, voici la pièce de monnaie que j'ai tenue cachée dans un soudarion, un mouchoir. Actes 19, 12 : En sorte que même sur les malades on appliquait des mouchoirs, soudaria, qui avaient touché sa peau... On voit qu'il ne s'agit pas d'un « suaire ». Nous retrouverons ce même mot Jean 20, 7. Le mot latin sudarium avait été décalqué en hébreu du Ier siècle de notre ère, soudara. 308 11, 47 Les prêtres de haut grade... Grec archiereus, qui traduit l'hébreu kôhen. Lévitique 4, 3 ; Josué 22, 13 ; 1 Rois 1, 25. Dans nombre de cas, le grec archiereus traduit l'hébreu kôhen et désigne le sacrificateur de haut grade, dans les Évangiles de Matthieu, de Jean, de Luc et de Marc, et non pas forcément le grand prêtre, ha-kôhen ha-gadôl, grec ho hiereus ho megas : Lévitique 21, 10 ; Zacharie 3,1 ; 3, 8 ; kôhen ha-rôsch, grec hierea ton proton : 2 Rois 25,18. 309 11, 48 Et ils vont détruire notre lieu... Le lieu par excellence, hébreu ha-maqôm, celui où demeure le Seigneur, le Temple de Jérusalem. Deutéronome 12, 5 : Le lieu, ha-maqôm, qu'il a choisi YHWH votre Dieu d'entre toutes vos tribus pour y mettre son nom, pour y demeurer, le verbe hébreu schakan... Jérémie 7, 12 : Allez donc à mon lieu saint qui est à Schilô, là où j'avais fait habiter, hébreu schakan, mon nom tout d'abord... Et je ferai à la Maison sur laquelle mon Nom est invoqué, la Maison en qui vous mettez votre confiance, et au Lieu, hébreu maqôm, que j'ai donné à vous et à vos pères, comme j'ai fait pour Schilô. Psaume 132, 5 : Jusqu'à ce que je trouve un lieu, maqôm, pour YHWH, une demeure, mischekanôt, racine schakan, pour le Puissant de Jacob... Le lieu de ma sainteté, meqôm miqedaschi, grec ton topon ton hagion mou, Isaïe 60, 13. Jérémie 17, 12 : Trône de gloire sublime... Lieu de notre sainteté, meqôm miqe-daschenou Ezéchiel 43, 7 : Le lieu de mon trône, le lieu de la plante de mes pieds, là où je demeure — hébreu eschekan — là au milieu des fils d'Israël pour la durée éternelle à venir... Psaume 24, 3 : Qui montera à la montagne de YHWH ? Et qui se lèvera dans son lieu de sainteté, bi-meqôm qôdeschô, grec en topô hagiô autou. Il n'y a pas trace, dans notre texte grec, pas la moindre trace décelable, que le traducteur en langue grecque de notre document ait eu connaissance que précisément le Temple et la Ville sainte ont été détruits en 70 par Titus, mais non par la faute du

132 tout le monde va être certain de la vérité [qui est] en lui et alors ils vont venir les romains et ils vont détruire notre lieu [saint] et notre peuple 11, 49310

11, 50311

l'un d'entre eux qaïapha [c'est son nom] était le grand prêtre cette année-là et il leur a dit vous vous ne connaissez rien et vous n'avez pas pensé qu'il est bon pour nous qu'un seul homme meure pour le peuple et que tout le peuple ne périsse pas

11, 51312

cela ce n'est pas de son propre coeur qu'il l'a dit mais il était grand prêtre de cette année-là et il a prophétisé qu'il allait mourir ieschoua pour le peuple

11, 52313

et non pas pour le peuple seulement mais afin que les enfants de dieu qui sont dispersés il les rassemble en un seul [troupeau]

11, 53

à partir de ce jour-là ils prirent la décision de le faire mourir

11, 54

et c'est pourquoi ieschoua a cessé d'aller et de venir ouvertement au milieu des judéens

rabbi galiléen. Si cette traduction avait été faite après 70, on décèlerait ici, dans ce texte, une trace discernable du fait que le rédacteur de ce texte écrit après 70. 310 11, 49 L'un d'entre eux, Qaïapha... Grand prêtre, kohen gadôl, entre 18 et 36. 311 11, 50 II est bon pour nous... selon un groupe de manuscrits. Un autre groupe de manuscrits donne : pour vous. Il est bon pour nous que... Considérons le hina grec ! Traduction probable de l'hébreu ascher. Il est bon pour nous que... et que ne pas... En hébreu tôb... me-abôd... Il est bon, il est meilleur que..., plutôt que... Même construction typiquement hébraïque Matthieu 5, 29. Il faudrait traduire ici littéralement : Il est bon pour nous qu'un seul homme meure pour tout le peuple, plutôt que tout le peuple soit détruit, afin que le peuple ne soit pas détruit. 312 11, 51 De son propre coeur : hébreu mi-libbô. Il a reçu une information venant de Dieu, il n'est pas l'auteur de cette idée. Le faux prophète, c'est celui qui parle de son propre coeur, qui invente la prophétie supposée. Le vrai prophète ne parle pas de son propre coeur, puisqu'il reçoit le message qu'il communique. 313 11, 52 Et non pas pour le peuple seulement... De nouveau la perspective universelle est ouverte : non pas seulement le peuple hébreu, mais aussi lés païens qui vont entrer dans l'économie de la promesse, le signe de Jonas. Rien n'indique que le traducteur de ce texte ait assisté à la réalisation du signe de Jonas, à l'entrée en masse des païens dans l'économie de la promesse, à partir de l'année 36. Les enfants de Dieu qui sont dispersés, ce sont ceux qui, par création, et avec le consentement de leur liberté, sont prêts à entendre et à recevoir l'heureuse annonce.

133 mais il s'en est allé de là dans la région qui est proche du désert dans la ville appelée éphraïm et c'est là qu'il a séjourné avec ses disciples 11, 55314

elle était proche la fête de pesah pour les judéens et ils sont montés nombreux à ierouschalaïm venant de la campagne avant la fête de pesah afin de se sanctifier

11, 56

ils recherchaient ieschoua et ils disaient chacun à son compagnon debout dans l'enceinte du temple qu'est-ce que vous en pensez est-ce qu'il ne viendra pas à la fête

11, 57

ils avaient donné les prêtres et les perouschim des ordres si quelqu'un sait où il est il doit le faire savoir afin qu'on puisse l'arrêter

314

11, 55 Elle était proche la fête de pesah pour les Judéens... Pesah non traduit mais simplement transcrit en caractères grecs, comme précédemment.

134 CHAPITRE 12

12,1

12, 2315

12, 3316

315

et ieschoua six jours avant [la fête de] pesah il est venu à beit ananiah là où était éléazar qu'il avait relevé d'entre les morts [lui] ieschoua ils lui ont donc fait un repas en cet endroit et martha faisait le service et éléazar était l'un de ceux qui étaient étendus avec lui et elle a pris mariam une livre de parfum de myrrhe de nard authentique de grand prix et elle a oint les pieds de ieschoua et elle a essuyé avec ses cheveux ses pieds

12, 2 Un de ceux qui étaient étendus avec lui... Dans le milieu ethnique judéen de ce temps-là, on mangeait étendu, appuyé sur un coussin avec le coude gauche, la main droite libre pour prendre le pain. 316 12, 3 Elle a pris, Mariam, une livre... Mesure de poids antique, correspondant à un peu plus de 300 g. De parfum de nard authentique d'un grand prix... Exode 30, 22 : Et il a parlé YHWH à Môscheh en disant : Toi, prends pour toi des baumes de tête (de première qualité) : de la myrrhe fluide... ; du cinnamone... ; de la cannelle... ; de la casse... ; et de l'huile d'olive... Tu feras avec cela l'huile d'onction de sainteté, schemen mischehat qôdesch, grec elaion chrisma hagion, parfum de parfumerie, œuvre de parfumeur. Ce sera l'huile d'onction de sainteté. Et tu oindras avec elle la Tente du rendez-vous et l'Arche de l'Attestation, et la Table et tous ses ustensiles, et le Candélabre... et l'Autel des sacrifices... Tu les consacreras et ils seront saint des saints... Aharôn et ses fils, tu les oindras et tu les consacreras afin qu'ils fassent pour moi la fonction de sacrificateurs. Et aux fils d'Israël tu parleras en disant : L'huile de l'onction de sainteté, ce sera ceci, pour moi... Sur une chair d'homme, al besar adam, elle ne sera pas répandue... C'est chose sainte !... Psaume 133, 2 : Comme l'huile, la bonne, sur la tête, et qui descend sur la barbe, la barbe d'Aharôn... Cantique des Cantiques 1, 3 : Chant des Chants celui qui est (consacré) à Salomon... Qu'il me baise des baisers de sa bouche, car ils sont meilleurs tes baisers que le vin. A respirer, tes parfums sont bons, en grec : kai osmè murôn sou huper panta ta arômata, l'odeur de tes parfums de myrrhe est au-dessus de tous les aromates. Une huile parfumée répandue, ton nom ! Grec : muron ekkenôthen onoma sou. Le meschiah, c'est celui qui a été oint avec l'huile de sainteté, composée de myrrhe, etc. Cantique 1, 12 : Mon nard a donné son parfum... 1, 13 : C'est un sachet de myrrhe, mon chéri, pour moi ! Entre mes seins il passe la nuit ! Cantique 4, 10 : Qu'ils sont beaux et bons, tes baisers, ma sœur, mon épousée, hébreu kalah, grec numphè. Qu'ils sont bons tes baisers, meilleurs que le vin ! Et le parfum de ton huile, meilleur que tous les baumes ! Jean qui plongeait les repentants dans les eaux du Jourdain, le Seigneur luimême, Paul et l'auteur de l'Apocalypse, qui s'appelait Jean lui aussi, ont compris Schir ha-schirim, le Chant des Chants, comme étant un texte théologique, dans lequel le roi meschiah, celui dont le Nom est une huile sainte répandue, dialogue avec la kalah, l'épousée, la nouvelle Jérusalem. Bien évidemment elle ne pouvait pas, Mariam, se permettre de oindre le Seigneur sur sa tête : l'onction du grand prêtre, des rois, des prophètes, s'effectuait en versant de l'huile sainte sur la tête. Elle effectue l'onction sur les pieds du rabbi. Isaïe 52, 6 : Qu'ils sont beaux sur les montagnes les pieds de celui qui annonce l'heureuse nouvelle de la paix, qui annonce l'heureuse nouvelle du salut, en hébreu Ieschoua et qui dit à Sion : Il règne, ton Dieu ! Mariam et ceux qui ont assisté au geste de Mariam comprenaient le sens des gestes et le sens des éléments. Ils savaient ce que signifiait l'onction avec l'huile précieuse composée de myrrhe et de nard. Tous ces gestes ont une signification et les éléments aussi. Lorsque la maison a été remplie du parfum de la myrrhe, tout le monde s'est souvenu du Chant des Chants. Mariam a joué le rôle de la nouvelle Jérusalem. Elle a joué un acte du Chant des Chants. Le Chéri, dans le Chant des Chants, c'est celui qui vient, celui dont on entend la voix, c'est lui qui épouse la nouvelle Jérusalem, la nouvelle humanité.

135

la maison fut remplie de l'odeur du parfum 12, 4317

alors il a dit iehoudah fils de schiméôn isch qeriôt l'un de ses disciples celui qui allait le livrer

12, 5

pourquoi ce parfum de myrrhe n'a-t-il pas été vendu pour la somme de trois cents deniers et donné aux pauvres

12, 6

il a dit cela non pas qu'il se soit soucié des pauvres mais parce qu'il était voleur il tenait la caisse et ce qu'on y mettait il le dérobait

12, 7318

alors il a dit ieschoua laisse-la tranquille c'est pour le jour de ma mise au tombeau qu'elle observe cela [ce rite de l'onction]

12, 8

car des pauvres toujours vous en aurez avec vous mais moi vous ne m'aurez pas toujours avec vous ________

12, 9319

elle a connu alors la foule nombreuse des gens qui venaient de judée qu'il était là lui et ils sont venus non pas à cause de ieschoua seulement mais aussi pour voir éléazar

317

12, 4 Iehouda, fils de Schiméon isch queriôt... Nombreuses variantes dans les manuscrits. Isch qeriôt signifie peut-être : l'homme de la ville de Qeriôt. 318 12, 7 C'est pour le jour de ma mise au tombeau qu'elle observe cela, [ce rite de l'onction]... Nous conjecturons, sous le verbe grec tèrein, soit le verbe hébreu natzar, soit le verbe schamar, qui signifient l'un et l'autre : garder, garder un commandement, garder la parole, garder un secret, etc. Les chrétiens ont été appelés nôtzerim dans les plus anciens documents du judaïsme après la destruction du Temple, et Jésus a été appelé Ieschoua ha-nôtzeri, peut-être : l'Observant ? 319 12, 9 Elle connut alors la foule nombreuse des gens qui venaient de Judée... Grec ek ton ioudaiôn, hébreu probable min. Et ils vinrent, non pas à cause de leschoua seulement, grec dia, hébreu probable baabour.

136 qu'il avait relevé d'entre les morts 12, 10320 12, 11321

ils ont pris la décision les prêtres de tuer aussi éléazar parce qu'ils étaient nombreux ceux qui à cause de lui s'en allaient parmi les judéens et qui étaient certains de la vérité [qui est] en ieschoua ________

12, 12

et le lendemain la foule nombreuse qui vient à la fête ils ont appris qu'il arrive ieschoua à ierouschalaïm

12, 13322

ils ont pris les branches des palmiers et ils sont sortis à sa rencontre et ils ont crié hôschiah na béni [soit] celui qui vient au nom de yhwh et le roi d'israël

12, 14

et il a trouvé ieschoua un petit âne et il s'est assis sur lui comme il est écrit

12, 15323

n'aie pas peur fille de tziôn voici que ton roi vient vers toi il est assis sur le fils des ânesses

12, 16

et tout cela ils ne l'ont pas connu ses disciples tout d'abord

320

12, 10 Ils prirent la décision, les prêtres, de tuer... Grec hina ! Hébreu possible, le lamed, ou ascher. 12, 11 Parce qu'ils étaient nombreux ceux qui, à cause de lui... Grec dia, hébreu probable bi-gelal ou ba-abour. Genèse 12, 13 : Dis seulement que tu es ma sœur afin que tout aille bien pour moi, à cause de toi, baabourek, et qu'elle vive mon âme, grâce à toi, bi-gelalek. Ba-abourek est traduit en grec par dia se, et bi-gelalek par eneken sou. 322 12, 13 Hôschiahana, Sauve donc ! En simple transcription, en caractères grecs, dans le texte, non traduit. Psaume 118, 25 : Ah ! YHWH, sauve donc ! Béni soit celui qui vient au nom de YHWH ! Le grec kurios est substitué au nom propre de Dieu, YHWH. Le roi : titre de celui qui a reçu Ponction, et qui est attendu, celui qui vient, le Chéri. Cantique 1,4 : Il m'a fait entrer, le roi, dans sa chambre nuptiale... Le roi Salomon, Cantique 3, 11, est l'un des noms de celui qui est attendu. Psaume 2, 6 : C'est moi qui ai sacré mon roi, sur Sion la montagne de sainteté ! II m'a dit : tu es mon fils, toi ! 323 12, 15 N'aie pas peur, fille de Sion... Libre citation de Zacharie 9, 9 : Réjouis-toi grandement fille de Sion, exulte fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient vers toi. II est juste et il est sauveur. Il est humble et il est monté sur un âne et sur un ânon, fils des ânesses. Je supprimerai les chars d'Ephraïm, et les chevaux de Jérusalem. Sera supprimé l'arc de la guerre. II dira : paix ! aux nations. Sa domination depuis la mer jusqu'à la mer et depuis le fleuve jusqu'aux extrémités de la terre. Et toi, par le sang de ton alliance... 321

137 mais lorsqu'il a été glorifié ieschoua alors ils se sont souvenus que tout cela était écrit à son sujet et cela ils l'avaient fait pour lui ________ 12, 17324

elle attestait donc la foule qui était avec lui qu'il avait appelé éléazar [pour le faire sortir] du tombeau et qu'il l'a relevé d'entre les morts

12, 18

et c'est aussi pour cela qu'elle venait à sa rencontre la foule parce qu'ils avaient entendu dire qu'il avait fait ce signe-là

12, 19

les perouschim se dirent chacun à son compagnon vous voyez bien que [tout ce que vous faites] ne sert à rien voici que tout le monde s'en va à sa suite ________

12, 20325

il y avait certains grecs parmi ceux qui étaient montés afin de se prosterner à la fête

12, 21326

ceux-là se sont approchés de philippos celui qui est de beit tzaïda en galilée et ils lui ont demandé et ils lui ont dit seigneur nous voulons voir ieschoua

12, 22327

il est venu philippos et il l'a dit à andréas

324

12, 17 Elle attestait donc la foule qui était avec lui, qu' il avait appelé Éléazar... Certains manuscrits donnent : hoti, que... D'autres manuscrits : hote, lorsque... La foule atteste qu'il est vrai que... 325 12, 20 IL y avait certains Grecs... Ces « Grecs » sont des frères de la Diaspora de langue grecque, de même que depuis des siècles on appelle « Espagnols », « Français » ou « Allemands » des frères des communautés juives d'Espagne, de France ou d'Allemagne. Ce sont des fils d'Israël qui sont venus, comme le dit le texte, se prosterner dans le Temple pour les fêtes depesah. C'est pour ces frères appelés ici « Grecs » qu'a été réalisée la traduction en langue grecque de l'Évangile que nous lisons ici, par l'un d'entre eux, qui était bilingue.

Parmi ceux qui étaient montés... Expression consacrée : monter à Jérusalem. 326

12, 21 Philippos, celui qui vient de Beit-Tzaïda de la Galilée... Jean 1, 44 : Le lendemain il voulut s'en aller en Galilée et il trouve Philippos. Il lui dit, Ieschoua : Suis-moi. Philippos était de Beit-Tzaïda, il venait de la ville d'Andréas et de Pierre. Il trouve, Philippos, Nathanaël et il lui dit...

138 il est venu andréas et philippos et ils l'ont dit à ieschoua 12, 23328

et il leur a répondu ieschoua et il a dit il est venu le temps qu'il soit glorifié le fils de l'homme

12, 24329

amèn amèn je vous dis s'il ne tombe pas dans la terre le grain de blé et s'il ne meurt pas alors il reste seul mais s'il meurt alors il porte beaucoup de fruit

12, 25330

celui qui aime son âme la perdra et celui qui hait son âme dans ce monde de la durée présente pour la vie de la durée à venir il la gardera

327

12, 22 II est venu Andréas et Philippos... Construction hébraïque : verbe au singulier qui s'accorde avec le premier des deux sujets de la proposition. Le verbe en tête comme c'est l'habitude en hébreu. Le texte grec a mis ces verbes au présent de l'indicatif. On pouvait aussi traduire : Arrive Philippos qui le dit à Andréas. Arrivent Andréas et Philippos qui le disent à Ieschoua... 328 12, 23 Et il a répondu Ieschoua et il a dit... Toujours la vieille formule hébraïque que nous avons rencontrée constamment dans notre Évangile : wa-ïaan... wa-ïômer... Il est venu le temps... En grec hôra, qui traduit l'hébreu et, le temps, ou môed, le temps particulier, celui des fêtes. Il est venu le temps qu'il soit glorifié... En grec hina, qui recouvre probablement l'hébreu ascher. On pourrait donc traduire : Il est venu le temps où il va être glorifié... 329 12, 24 S'il ne tombe pas dans la terre le grain de blé... C'est la loi ontologique, ou plutôt ontogénétique, fondamentale enseignée par le rabbi et communiquée par les quatre Évangiles. C'est une loi de l'être en genèse de la création inachevée. Cette révélation d'une loi de l'être en genèse de la création est annoncée par la formule solennelle : amèn, amèn... 330 12, 25 Celui qui hait son âme dans la durée du monde présent, hébreu ba-ôlam ha-zeh, il la gardera pour la vie de la durée éternelle à venir, le verbe natzar, garder. Genèse 9, 12 : Le-dôrôt olam, pour les générations de la durée indéfinie à venir, grec eis geneas aiônious. Genèse 9,16 : berit ôlam, une alliance pour la durée indéfinie à venir, grec diathèkèn aiônion. Genèse 17, 7, idem. Genèse 17, 8 : en possession pour la durée indéfinie à venir, la-ahouzat ôlam, grec eis katas-chesin aiônion. Genèse 17, 13, pour une alliance éternelle, li-berit ôlam, grec eis diathèkèn aiônion. Genèse 48, 4 : Et j'ai donné cette terre-ci à ta semence après toi en possession éternelle, ahouzat ôlam, grec eis kataschesin aiônion. Exode 12, 14, houqat ôlam, une ordonnance éternelle, grec nomimon aiônion. Exode 27, 21, idem. etc. C'est l'hébreu ôlam qui est constamment traduit en grec par aiônios. Jérémie 31,3 : Ahabat ôlam, d'un amour éternel, je t'ai aimée, vierge d'Israël... Grec agapèsin aiônion. Matthieu 10, 39 : Celui qui trouvera son âme la perdra et celui qui perdra son âme à cause de moi (ou : pour moi), il la trouvera. Matthieu 10, 25 : Car celui qui voudra sauver son âme,' la perdra. Mais celui qui perdra son âme à cause de moi (ou : pour moi), il la trouvera... Ici, âme signifie à peu près la même chose que vie. Marc 8, 35 : Celui qui voudra sauver son âme, la perdra. Celui qui perdra son âme à cause de moi et à cause de l'heureuse annonce, il la sauvera. Luc 9, 24 : Celui qui voudra sauver son âme, la perdra. Mais celui qui perdra son âme à cause de moi, celui-là la sauvera. Luc 17, 33 : Celui qui voudra sauver son âme, la perdra. Mais celui qui la perdra, la sauvera... Même doctrine dans le mâschal : des richesses qui ont été confiées, Matthieu 25, 14. A celui qui a (parce qu'il a fait fructifier la richesse qui lui a été confiée), il sera donné et il sera dans la surabondance. Celui qui n'a pas (parce qu'il n'a pas pris le risque de faire fructifier la richesse qui lui a été confiée) — même ce qu'il a lui sera enlevé. C'est une loi de l'être que nous pouvons vérifier expérimentalement depuis bientôt vingt siècles.

139

12, 26

si quelqu'un me sert qu'il me suive et là où je suis moi là sera aussi mon serviteur si quelqu'un me sert il l'honorera mon père

12, 27331

et maintenant mon âme elle est dans l'effroi et que dirai-je père sauve-moi de cette heure mais c'est pour cela que je suis venu c'est pour cette heure

12, 28332

père glorifie ton nom est venue alors une [fille de la] voix [venant] des cieux et j'ai glorifié et encore je glorifierai

12, 29333

la foule des gens qui se tenaient là debout a entendu et elle a dit c'est un coup de tonnerre

331 12, 27 Et maintenant mon âme, elle est dans l'effroi... Nous avons noté que d'habitude, l'hébreu met le verbe en tête, suivi du sujet de la proposition. Le texte grec de Jean fait de même, le plus souvent. Ici ce n'est pas le cas. Le sujet de la proposition, l'âme, est en tête, suivi du verbe. Psaume 6, 1 : YHWH dans ta colère, ne me châtie pas (ou : ne m'accuse pas, ne me mets pas en accusation)... Aie pitié de moi, YHWH, car je suis dans la faiblesse, moi ! Guérismoi, YHWH, car ils sont dans l'effroi, mes os, hébreu nibehalou atzamai ; grec etarachthè. Et mon âme, elle est dans l'effroi, we-napheschi nibehalah meôd, grec kai hè psuchè mou etarachtè sphodra. L'effroi et l'horreur. Le psaume continue : Et toi, YHWH, jusques à quand ? Reviens, YHWH, délivre mon âme ! Sauve-moi ! à cause de ta grâce ! Car il n'y a personne dans la mort qui se souvienne de toi ! Dans le scheôl, qui va te rendre grâces ? Le Seigneur a cité ce verset du psaume 6, et le traducteur en langue grecque a respecté, une fois encore, l'ordre de l'hébreu. Et que dirai-je ? Père, sauve-moi de cette heure... C'est la suite du psaume 6 : Reviens, YHWH, délivre mon âme ! Sauve-moi... Mais c'est pour cela que je suis venu : c'est pour cette heure... Le eis grec traduit probablement le lamed hébreu qui indique l'intentio-nalité, la direction, la finalité. 332 12, 28 Une fille de la voix : expression hébraïque, bat qôl, bien connue des rabbins des premières générations. Et j'ai glorifié et encore je glorifierai : la question est de savoir si le complément d'objet sous-entendu, c'est le nom de Dieu ? Ou bien le Christ, le fils de Dieu ? 333 12, 29 C'est un messager du Seigneur qui lui a parlé... Grec aggelos, hébreu maleak, Genèse 16, 7 ; 16, 9 ; etc. Genèse 19, 1 ; 19, 15 ; 21, 17 ; 22, 11 ; 22, 15 ; 24, 7 ; 24, 40 ; 28, 12 ; etc. Expression très fréquente dans Matthieu 1, 20 ; 1, 24 ; 2, 13 ; 2, 19 ; etc. Luc 1, 11 ; 1, 13 ; 1, 19 ; etc. Très rare dans Jean. Ici c'est la foule qui s'exprime, le am ha-aretz. Ce n'est pas le théologien Iohanan qui donne sa propre pensée. Rare aussi dans l'Évangile de Marc, le plus tardif des quatre, et destiné à des communautés dans lesquelles nombre de païens étaient entrés.

140

d'autres disaient c'est un messager [du seigneur] qui lui a parlé 12, 30334

alors il a répondu ieschoua et il a dit ce n'est pas pour moi que cette voix a été [donnée] mais c est pour vous

12, 31335

c'est maintenant le jugement du monde de la durée présente maintenant le prince du monde de cette durée présente est jeté dehors

12, 32336

et moi si je suis élevé [et enlevé] d'au-dessus de la terre tous les hommes j'attirerai vers moi

12, 33337

il a dit cela pour faire connaître de quelle mort il allait mourir

334

12, 30 Ce n'est pas pour moi... Ou : à cause de moi, en ma faveur... Grec dia, hébreu lemaan, ou ba-abour, ou bi-gelal. 335 12, 31 C'est maintenant le jugement du monde de la durée présente. Nous avons de nouveau ici des propos qui ont été notés à la suite les uns des autres, mais qui n'ont pas forcément été prononcés immédiatement les uns à la suite des autres. Le jugement du monde de la durée présente, hébreu probable : atah mischepath olam ha-zeh. Jugement qui est aussi condamnation. La mise à mort du Seigneur est en effet la condamnation du système de valeurs du monde de la durée présente. Si la vérité elle-même et la vie, la propre parole créatrice de Dieu, rencontre une telle résistance, une résistance si violente de la part du monde de la durée présente, c'est en effet une condamnation pour ce monde de la durée présente, qui s'est condamné lui-même en condamnant à mort le prince de la vie. Maintenant le prince du monde de la durée présente, hébreu probable sar ha-olam ha-zeh. Paul, 2 Corinthiens 4, 4 : le dieu de cette durée du monde présent, ho theos tou aiônou toutou. Éphésiens 2, 1 : Et vous, vous étiez morts par vos transgressions et par vos crimes, dans lesquels alors vous marchiez, selon la durée de ce monde présent, kata ton aiôna tou kosmou toutou... La question est de savoir si ce système de valeurs foncièrement criminel qui régit en effet l'humanité dans la durée du monde présent, ou la durée présente du monde, comporte un régisseur, un recteur, un chef d'orchestre subsistant. Le Christ enseigne que ce régisseur est éliminé par la mort du fils de l'homme. Un nouveau système de valeurs commence, qui va régir la nouvelle humanité, la nouvelle création. 336 12, 32 Et moi si je suis élevé et enlevé d'au-dessus de la terre... Nous avons traduit par les deux verbes français élever et enlever l'unique verbe hébreu nasa qui signifie à la fois porter, soulever, élever et enlever. Nous l'avons déjà trouvé dans la bouche de Jean le baptiste Jean 1, 29. Peut-être faut-il traduire : et moi lorsque j'aurai été élevé..., si l'hébreu sous-jacent est wa-ani ka-ascher ennase me-al ha-aretz. Il est possible aussi que sous le verbe grec elkusô, il y ait eu le verbe hébreu maschak, tirer, suivi de el, qui indique la direction, ici traduit en grec par pros. Psaume 10, 9 ; Genèse 37, 28 ; etc. Cantique des Cantiques 1,1: Qu'il me baise des baisers de sa bouche... A respirer, tes parfums, ils sont bons. Une huile versée, ton nom... Attire-moi derrière toi... Osée 11, 4 : Avec des cordes d'homme je les ai tirés. 337 12, 33 II dit cela pour faire connaître... Exode 18, 20 : Tu leur feras connaître la voie sur laquelle ils doivent marcher et les actions qu'ils agiront... Grec : kaisèmaneis autois tas odous... Le verbe grec sèmainein traduit l'hébreu iada à la forme hiphil. L'un des deux sens du verbe hébreu nasa, c'est : élever, soulever. C'est ce sens que considère ici le commentateur.

141 12, 34338

alors elle lui a répondu la foule [et ils lui ont dit] nous nous avons entendu de la tôrah que le maschiah demeure pour la durée éternelle à venir et alors comment se fait-il que toi tu dis il va être élevé et enlevé le fils de l'homme qui est-il donc ce fils de l'homme

12, 35

alors il leur a dit ieschoua encore un peu de temps la lumière est au milieu de vous marchez tant qu'elle est à vous la lumière afin que la ténèbre ne vous saisisse pas et celui qui marche dans la ténèbre il ne sait pas où il va

12, 36

tant qu'elle est à vous la lumière soyez certains de la vérité [qui est] dans la lumière afin que fils de la lumière vous soyez voilà les paroles qu'il a dites ieschoua et puis il s'en est allé et il s'est caché loin de leurs faces

12, 37

si nombreux sont les signes qu'il a faits devant leurs yeux et cependant ils n'ont pas été certains de la vérité [qui est] en lui

12, 38339

afin qu'elle soit accomplie

338

12, 34 Nous, nous avons entendu de la Torah... Peut-être l'hébreu mi-pi ha-tôrah, de la bouche de la Torah... La Torah était lue tout haut, l'information allait de la Torah à celui qui l'écoutait. Torah est pris ici au sens large et général : instruction, révélation. La foule a compris le second sens du verbe hébreu nasa, être enlevé, à la forme passive. Qu'il va être élevé et enlevé le fils de l'homme. Qui est-il donc ce fils de l'homme ? Nous apprenons, par cette répartie des gens de la foule, qu'en réalité le Seigneur, conformément à son habitude, avait dit : le fils de l'homme sera élevé et enlevé..., et non pas : moi, je... Le propos avait été noté sous sa forme simplifiée. L'expression : le fils de l'homme était déjà énigmatique pour ceux qui entendaient le Seigneur autour de l'année 30 de notre ère. 339 12, 38 Afin qu'elle soit accomplie la parole... Traduction plus littérale et donc plus exacte : afin qu'elle soit remplie la parole... Expression hébraïque classique, 1 Rois 1, 14 ; 2, 27 ; etc. Expression très fréquente dans l'Évangile de Matthieu, 1, 22 ; 2, 15 ; 2, 17 ; 2, 23 ; etc. Luc 1, 20 ; 4, 21 ; 24, 44. Adonaï... Citation de Isai'e 53, 1. Adonaï, Seigneur, était le mot qui était lu à la place du tétragramme YHWH. Lorsque le texte hébreu porte le tétragramme, la traduction grecque met kurios, seigneur. Dans le texte hébreu tel qu'il est aujourd'hui édité, il n'y a pas le tétragramme pour ouvrir cet oracle. Mais les traducteurs en grec que nous appelons les Septante l'ont lu. Et le traducteur de Jean l'avait aussi dans son rouleau ou dans sa mémoire.

142 la parole d'ieschaiahou le prophète qu'il a dite yhwh qui a été certain de la vérité de ce que nous avons fait entendre et le bras de yhwh sur qui a-t-il été révélé 12, 39

c'est la raison pour laquelle ils ne pouvaient pas être certains de la vérité parce que de nouveau il dit ieschaiahou

12, 40340

il a rendu aveugles leurs yeux et il a recouvert d'une couche de graisse le cœur de ce peuple afin qu'ils ne voient pas avec leurs yeux afin qu'ils ne comprennent pas avec leurs cœurs afin qu'ils ne reviennent pas à moi et que je ne les guérisse pas

12, 41341

voilà ce qu'il a dit ieschaiahou parce qu'il a vu sa gloire et il a parlé à son sujet

12, 42

et cependant même parmi les dirigeants ils ont été nombreux ceux qui ont été certains de la vérité [qui est] en lui mais à cause des perouschim ils ne le reconnaissaient pas afin de ne pas être exclus de la communauté

12, 43342

car ils ont aimé la gloire des hommes davantage que la gloire de dieu ________

12, 44

et il a crié ieschoua et il a dit

340

12, 40 II a rendu aveugles leurs yeux.... Citation approximative d'Isaïe 6, 9 : Tu diras à ce peuple : Pour ce qui est d'entendre, vous entendez, mais vous n'avez pas l'intelligence. Pour ce qui est de voir, vous voyez, mais vous ne connaissez pas. Recouvre d'une couche de graisse le cœur de ce peuple (le cœur, organe de l'intelligence en hébreu), et ses oreilles, rends-les lourdes, et ses yeux, enduis-les de glu, afin qu'il ne voie pas avec ses yeux, afin qu'il n'entende pas avec ses oreilles, afin que son cœur n'ait pas l'intelligence... 341 12, 41 Parce qu'il a vu sa gloire, grec hoti. Ou lorsqu'il a vu sa gloire, grec hôte, selon une série de manuscrits. Hébreu possible : ka-ascher, qui signifie à la fois : lorsque et parce que... Les deux traductions hoti et hôte sont donc bonnes. 342 12, 43 Ils ont aimé la gloire des hommes davantage que la gloire de Dieu... Plusieurs sens possibles. 1. Ils ont aimé davantage la gloire qui vient des hommes, plus que celle qui vient de Dieu. 2. Ils ont aimé davantage la gloire qui vient des hommes, plus que la gloire qu'ils doivent rendre à Dieu...

143

celui qui est certain de la vérité [qui est] en moi ce n'est pas en moi qu'il est certain de la vérité mais en celui qui m'a envoyé 12, 45

et celui qui me regarde regarde celui qui m'a envoyé

12, 46

et moi [pour être] lumière dans le monde de la durée présente je suis venu afin que tout homme qui est certain de la vérité [qui est] en moi dans la ténèbre il ne demeure pas

12 ,47

et si quelqu'un écoute mes paroles et s'il ne les garde pas ce n'est pas moi qui le juge car je ne suis pas venu pour juger le monde de la durée présente mais pour sauver le monde de la durée présente

12, 48

celui qui me rejette et qui ne reçoit pas mes paroles il y a un juge pour le juger la parole que j'ai dite c'est elle qui le jugera dans le jour à venir

12, 49343

car moi de mon propre cœur je n'ai pas parlé mais c'est mon père qui m'a envoyé et c'est lui qui m'a commandé ce que je dois dire et ce que je dois parler

343

12, 49 Le Seigneur enseigne de nouveau qu'il reçoit de Dieu, qu'il appelle son propre père, l'information créatrice qu'il communique. La nouvelle création, la création de l'humanité nouvelle, est réalisée par la parole du Christ, qu'il a reçue de Dieu son père, et qu'il nous communique. La première création, celle de l'Univers, de la nature et de l'homme, était effectuée par la parole de Dieu, Genèse 1, Jean 1, 1 et sq. La nouvelle création est effectuée par la parole de Dieu communiquée par le Christ, en qui et par qui se réalise la nouvelle création.

144 CHAPITRE 13

13, 1344

et avant la fête de pesah il a connu ieschoua qu'il est venu son temps de passer du monde de la durée présente pour aller vers son père il a aimé ceux qui lui appartiennent ceux qui sont dans le monde de la durée présente et il les a aimés jusqu'à la plénitude

13, 2345

et il y a eu un repas

344

13.1 Avant la fête de pesah... Il est très possible que notre Évangile insiste intentionnellement sur le fait que ce dernier repas n'est pas un repas de pesah, mais qu'il a eu heu avant la fête de pesah. Il y a divergence, comme on sait, entre ce que nous disent Matthieu, Marc et Luc, d'une part, et Jean d'autre part, sur ce point. Pour Jean, la fête de pesah commençait le lendemain soir. Nous sommes donc en présence de deux calendriers. On sait que les Sadducéens — l'ensemble des Sadducéens recouvrait en partie, mais non totalement ni exclusivement, l'ensemble des prêtres — avaient un calen drier qui n'était pas celui de la confrérie desperouschim. Il les a aimés jusqu'à la plénitude, jusqu'à la perfection, grec eis telos, qui traduit l'expression hébraïque ad toummam, Deuté-ronome 31, 24 : Et il advint qu'il a achevé, le verbe kalah, grec sune-telesen, Môscheh, d'écrire les paroles de cette torah, sur un rouleau de livre, jusqu'à l'achèvement, jusqu'à la perfection, la plénitude, ad toummam, grec heôs eis telos ; Josué 3, 16. — Josué 8, 24 : Et il advint que, lorsqu'il eût achevé, le verbe hébreu kalah, Israël, de tuer tous les habitants de Aï, dans la campagne, dans le désert... et qu'ils sont tombés tous à la bouche de l'épée, le-pi hereb, jusqu'à la totalité, ad toummam, grec eis telos... Josué 10, 20. — 2 Chroniques 31,1: Et lorsqu'ils ont achevé, terminé, kalah, tout cela, ils sont sortis, tout Israël... et ils ont brisé les stèles, ils ont abattu les Aschérah, ils ont démoli les hauts lieux et les autels de tout le pays de Juda... jusqu'à l'achèvement, ad le-kalleh, grec heôs eis telos. La question est de savoir si cet amour extrême porte sur ce qui va être exposé, à savoir le lavement des pieds des disciples, ou bien si cet amour extrême portait, dans le document hébreu sous-jacent, sur autre chose qui n'est pas rapporté ici, dans la traduction grecque. Autrement dit, la question est de savoir s'il ne manque pas, dans notre traduction grecque, un passage du document hébreu, qui relatait le repas de pesah et les paroles que le Seigneur a prononcées lors de ce repas sur l'une des matzôt et sur l'une des coupes. Et si l'amour extrême du Seigneur ne portait pas sur ce don ultime : ceci, c'est ma chair ; ceci, c'est mon sang... 345

13.2 Il y a eu un repas... On peut lire aussi : pendant la durée du repas... si, avec certains manuscrits, on lit genomenou au lieu de ginomenou. Notre Évangile ne dit pas, et ne veut pas dire qu'il s'agit de ce même repas dont nous parlent les Évangiles de Matthieu, de Luc et de Marc, repas durant lequel le Seigneur a mangé l'agneau de la fête de pesah, et prononcé les paroles sur l'une des matzôt et sur l'une des coupes de bénédiction. Pour quelles raisons ? Nous en sommes réduits aux conjectures. Si, comme nous le pensons, le quatrième Évangile a été composé en hébreu aussitôt après les événements et traduit en langue grecque peu de temps après, pour les frères et les sœurs de la Diaspora qui ne lisaient plus suffisamment l'hébreu, une conjecture possible, c'est que l'auteur du quatrième Évangile et son traducteur ont estimé qu'il n'était pas opportun de relater tout ce qui s'est passé lors de ce repas, en particulier les paroles prononcées sur l'une des matzôt et sur l'une des coupes. Pour quelle raison ? Là encore nous en sommes réduits aux conjectures, mais une conjecture qui tient debout, c'est que ces extraordinaires paroles pouvaient être comprises de travers, et l'auteur du quatrième Évangile, ainsi que son traducteur, n'ont pas jugé bon de mettre par écrit ces paroles, dans un document désormais diffusé en langue grecque, et que même les païens pouvaient lire. Matthieu 26, 17 : Le premier jour des pains sans levain, ils se sont avancés vers lui les disciples de Ieschoua et ils lui ont dit : Où veux-tu que nous préparions pour toi le lieu où manger le pesah ? On observe que le traducteur en langue grecque de Matthieu ne traduit pas, lui non plus, le mot hébreu pesah. Il le transcrit en caractères grecs. Lui il dit : Allez dans la Ville (Jérusalem) chez Un Tel... Celui qui a composé Matthieu savait de qui il s'agit, il n'a pas voulu le dire. Et vous lui direz : Voici ce que dit le rabbi : Mon

145

c'est l'adversaire qui déjà avait jeté dans son cœur de le livrer à iehoudah fils de schiméôn l'homme de qeriôt 13, 3

et il a connu ieschoua que toutes choses il les lui a données son père dans ses propres mains que de dieu il est venu et qu'à dieu il retourne

13, 4

il s'est levé du repas il a posé ses vêtements il a pris un tablier il l'a attaché autour de lui

13, 5

ensuite il a jeté de l'eau dans la cuvette et il a commencé à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le tablier qu'il avait attaché autour de lui

13, 6

il arrive donc à schiméôn pierre il lui dit seigneur c'est toi qui me laves les pieds

13, 7346

alors il a répondu ieschoua et il lui a dit ce que moi je fais

temps est proche. C'est chez toi que je ferai pesah avec mes disciples. Et ils firent, les disciples, comme il le leur avait commandé, Ieschoua, et ils préparèrent le pesah... Luc 22, 7 : Elle était proche la fête des pains sans levain qui est appelée pesah... Arriva le jour des pains sans levain, jour dans lequel on allait sacrifier le pesah (l'agneau). Et il envoya Pierre et Iohanan en disant : Allez et préparez pour nous le pesah afin que nous le mangions. Et alors eux, ils lui ont dit : Où veux-tu que nous préparions ? Et lui, il leur dit : Voici, lorsque vous entrerez dans la Ville (Jérusalem), un homme viendra à votre rencontre. Il porte une cruche d'eau. Suivez-le jusque dans la maison où il va entrer. Et vous direz au maître de maison : Voici ce que dit le rabbi : Où est-elle la chambre dans laquelle je vais manger pesah avec mes disciples ? Et lui, il vous montrera une grande salle garnie. C'est là que vous ferez les préparatifs... Marc 14, 12 : Et le premier jour des pains sans levain, le jour où l'on sacrifie (l'agneau de) pesah, ils lui ont dit, ses disciples : Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu puisses manger pesah ? Et il envoya deux de ses disciples (Marc ne les nomme pas, nous les connaissons par Luc) et il leur dit : Allez dans la Ville. Viendra à votre rencontre un homme qui porte une cruche d'eau. Suivez-le... La conjecture que nous soumettons à l'examen critique de notre lecteur, c'est que l'inconnu chez qui le Seigneur a voulu manger l'agneau de pesah, c'est Iohanan, l'auteur de notre Évangile, qui avait une maison à Jérusalem. Cette hypothèse a déjà été proposée et défendue par J. Colson, l'Énigme du disciple que Jésus aimait, Paris, 1968. L'adversaire avait déjà jeté dans le cœur... L'adversaire, hébreu ha-satan, traduction grecque ho diabolos. Jeter dans le cœur, Néhémie 2, 12 : Je me suis levé la nuit, moi et les hommes en petit nombre qui étaient avec moi, et je n'ai pas annoncé à un homme, le-adam, ce que Dieu avait donné à mon cœur de faire pour Jérusalem. Néhémie 7, 5 : Il a donné, Dieu, à mon cœur, et j'ai rassemblé les notables... Iehouda, fils de Schiméon, homme de Qeriôt... De nouveau de nombreuses variantes qui attestent la difficulté de l'interprétation. Parmi les variantes, apo Karuôtou, qui venait de Qeriôt. 346 13, 7 Tu ne le connais pas... Hébreu iada, connaître. Tu ne connais pas la signification de ce que je fais.

146 toi tu ne le connais pas pour l'instant mais tu le connaîtras plus tard 13, 8347

alors il lui a dit pierre tu ne me laveras pas les pieds jamais dans toute la durée qui vient il lui a répondu ieschoua si je ne te lave pas alors il n'y a pas de part pour toi avec moi

13, 9

alors il lui dit schiméôn pierre seigneur non pas seulement mes pieds mais aussi mes mains et ma tête

13, 10348

alors il lui dit ieschoua celui qui s'est déjà baigné

347

13, 8 Tu ne me laveras pas les pieds, jamais dans toute la durée qui vient, grec eis ton aiôna, hébreu le-ôlam. Il n'y a pas de part pour toi avec moi... Vieille expression hébraïque. Genèse 31, 14 : Et elle répondit, Rachel et Léah (le verbe au singulier, accordé avec le premier des deux sujets), et elles dirent : Est-ce qu'il y a encore pour nous une part, hébreu heleq, grec meris, et un héritage dans la maison de notre père ? Nombres 18, 20 : Et il dit, YHWH, à Aharôn : Dans leurs pays tu n'auras pas d'héritage, et de part il n'y en aura pas pour toi au milieu d'eux. C'est moi qui suis ta part et ton héritage au milieu des fils d'Israël... Part, hébreu heleq, grec meris. Deutéronome 10, 9 : C'est pourquoi, il n'y aura pas pour Lévi de part et d'héritage avec ses frères. C'est YHWH son héritage... Deutéronome 18, 1 : Il n'y aura pas pour les prêtres, hébreu kôhanim, les lévites, toute la tribu de Lévi, de part ni d'héritage avec Israël... Josué 18, 7 : Car il n'y a pas de part pour les Lévites au milieu de vous, car le sacerdoce de YHWH, c'est leur héritage... Josué 22, 25 : Il n'est pas pour vous de part dans YHWH... Josué 22, 27, idem. 2 Samuel 20, 1 : Il n'y a pas pour nous de part dans David, et il n'y a pas d'héritage pour nous dans le fils d'Isaïe. Chacun à sa tente, Israël ! 1 Rois 12, 16 : Quelle part pour nous dans David, ma lanou heleq be-dawid, et il n'y a pas d'héritage dans le fils d'Isaïe. A tes tentes, Israël ! etc. Le texte grec de Jean 13, 8 donne : tu n'auras pas de part avec moi... Nous restaurons comme d'habitude la construction hébraïque sous-jacente : ne sera pas de part à toi... Avec moi : il faut reconstituer probablement l'expression hébraïque : en moi. 348 13,10 Celui qui s'est déjà baigné... Le Seigneur comme c'est son habitude utilise les deux sens du verbe hébreu rahatz, laver, traduit ici en grec par le verbe niptein. Le même verbe hébreu rahatz est traduit par le verbe grec louein, Exode 2, 5 : Et elle est descendue, la fille de Pharaon, pour se laver, pour prendre un bain, sur le bord du fleuve... Exode 29,4 : Aharôn et ses fils, tu les feras approcher à la porte de la tente du rendez-vous et tu les laveras dans l'eau... Exode 40,12 : Et tu feras approcher Aharôn et ses fils à l'entrée de la tente du rendez-vous, et tu les laveras dans l'eau... Lévitique 8, 6 : Alors il fit approcher, Môscheh, Aharôn et ses fils et il les lava dans l'eau..., etc. 2 Samuel 11, 2 : Et il arriva, au temps du soir, qu'il se leva, David, de dessus sa couche, et il alla marcher sur la terrasse de la maison du roi et il vit une femme qui était en train de se laver, du haut de sa terrasse... 2 Samuel 12, 20 : Et il se leva, David, de terre, et il se lava... 2 Rois 5, 10 : Et il lui envoya, Elischa, un messager pour lui dire : Va et baigne-toi sept fois dans le Jourdain et elle te reviendra, ta chair, et tu seras pur... En hébreu le verbe taher être pur, tahôr, pur, grec katha-rizein, katharos. C'est précisément le mot qui est utilisé ici, Jean 13, 10. Les deux sens du verbe hahatz, laver, baigner, sont donc évidemment le sens empirique, le sens immédiat, et puis le sens que nous en Occident nous avons pris l'habitude d'appeler spirituel. De même tahôr signifie propre, au sens physique du terme, et pur au sens spirituel.

147 il n'a plus besoin que de se laver les pieds mais il est propre tout entier et vous aussi vous êtes propres mais non pas tous 13, 11

car il connaissait celui qui était en train de le livrer et c'est pourquoi il a dit mais tous vous n'êtes pas propres

13, 12349

lorsque donc il a eu fini de laver leurs pieds alors il a repris ses vêtements et il s'est allongé de nouveau ! et il leur a dit est-ce que vous connaissez ce que j'ai fait pour vous

13, 13350

vous vous m'appelez maître et seigneur et vous faites bien de parler ainsi car je le suis

13, 14

si donc moi je vous ai lavé les pieds [moi qui suis] votre seigneur et votre maître alors vous aussi vous devez laver les pieds chacun de son compagnon

13, 15

car c'est un modèle que je vous ai donné afin que comme moi j'ai fait pour vous ainsi vous aussi vous fassiez

13, 16

amèn amèn je vous [le] dis il n'est pas l'esclave plus grand que son maître et l'envoyé n'est pas plus grand que celui qui l'envoie

13, 17351

si ces paroles vous les avez connues heureux êtes-vous si vous les faites

349

13, 12 Lorsque donc il a eu fini de laver leurs pieds, alors... De nouveau la construction hébraïque avec le we, traduit littéralement par le grec kai, puis supprimé par les copistes qui ne savaient pas quoi faire avec ce kai... Est-ce que vous connaissez... Hébreu iada : Est-ce que vous avez connu la signification de ce que j'ai fait pour vous, la signification du geste ? Connaître, c'est connaître le sens ; ce n'est pas simplement constater le fait empirique. 350 13,13 Vous, vous m'appelez maître et seigneur... Hébreu rab et mar ou adôn. Rabbi wou-mari, mon maître et mon seigneur. Rabban wou-maran, notre maître et notre seigneur. Car je le suis, hébreu probable : ki ani hou. 351 13, 17 Si vous avez la connaissance de ces paroles... Hébreu probable ha-debarim ha-elleh qui signifie aussi, dans nombre de cas, ce que nous traduisons par l'expression vague : ces choses.

148

13, 18352

ce n'est pas au sujet de vous tous que j'ai dit cela moi je connais ceux que j'ai choisis mais c'est afin que l'écriture soit accomplie celui qui mange mon pain il a levé contre moi son talon

13, 19353

dès maintenant je vous l'ai dit avant que cela n'arrive afin que vous soyez certains lorsque cela arrivera que c'est moi

13, 20354

amèn amèn je vous [le] dis celui qui reçoit celui que j'envoie c'est moi qu'il reçoit

352

13, 18 Ce n'est pas au sujet de vous tous que j'ai dit cela : A quel propos du Seigneur cette remarque se rapportet-elle ? Tous vous n'êtes pas propres ? Afin que l'Écriture soit accomplie, traduction littérale : remplie, le verbe hébreu maie, comme précédemment. Celui qui mange mon pain... Psaume 41, 9 : Mes ennemis disent du mal de moi : Quand mourra-t-il ? Et quand sera-t-il perdu son nom ?... Ensemble contre moi ils complotent tous ceux qui me haïssent, contre moi ils méditent le mal... Et même l'homme de ma paix, isch schelômi, en qui j'avais confiance, celui qui mange mon pain, il a élevé contre moi le talon... Le traducteur de Jean a traduit cette citation du psaume sur l'hébreu, il n'a pas repris la traduction grecque des Septante. 353 13, 19 Dès maintenant je vous l'ai dit, avant que cela n'arrive, afin que vous soyez certains, lorsque cela arrivera, que c'est moi... Isaïe 43, 9 : Qui parmi eux a annoncé cela et nous a fait entendre les premiers événements ? Qu'ils donnent donc leurs témoins et qu'ils soient justifiés ! On écoutera et on dira : c'est vrai ! C'est vous, mes témoins, oracle de YHWH ! Et mes serviteurs que j'ai choisis ! Afin que vous connaissiez et que vous soyez certains de la vérité qui est en moi, et afin que vous compreniez que c'est moi, ki ani hou ! Grec : hoti ego eimi. Que c'est moi, hébreu ki ani hou. 354 13, 20 Celui qui reçoit celui que j'envoie... Le Seigneur commence ici à enseigner les conditions ontologiques de la transmission de l'information, l'ontologie de la communication de l'information. La source ou origine première de l'information créatrice, c'est Dieu, l'unique. Le fils de l'homme reçoit de Dieu, qu'il appelle son propre père, l'information créatrice, et il la communique à son tour à ceux qui vont être envoyés — hébreu schalah — pour communiquer l'information créatrice à l'humanité entière. Celui qui reçoit l'envoyé, reçoit le Christ. Celui qui reçoit le Christ, reçoit Dieu qui a envoyé le Christ. Même doctrine, Matthieu 10, 40 : Celui qui vous reçoit, me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé... Le verbe hébreu ici utilisé c'est qabal, piel qibbel, recevoir, accueillir l'information et le message. C'est de l'hébreu tardif, Chroniques, Esther, Esdras, Job. C'est avec ce verbe qabal qu'a été formé plus tard le mot qabbalah, l'acte de recevoir l'information transmise par une tradition. Le traducteur de Jean traduit le verbe hébreu qabal, qibbel par le verbe grec lambanein, ici comme Jean 1, 12. Le traducteur de Matthieu a traduit le même verbe hébreu par le grec dechesthai. Le traducteur de Jean a choisi le verbe grec lambanein, qui traduit aussi le verbe hébreu laqah, prendre, saisir, mais qui traduisait aussi le verbe hébreu qabal, qui se retrouve à peu près sous la même forme dans Paraméen de Daniel 2, 6 : Si vous me faites connaître le rêve et son interprétation, pescher, — des dons, des présents et de grands honneurs vous recevrez, qabal, grec lambanein. Luc 9, 48 : Celui qui reçoit cet enfant en mon nom, c'est moi qu'il reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé. Luc 10,16 : Celui qui vous écoute, c'est moi qu'il écoute, et celui qui vous rejette, c'est moi qu'il rejette. Celui qui me rejette, rejette celui qui m'a envoyé. Marc 9, 37 : Celui qui reçoit l'un de ces enfants, en mon nom, c'est moi qu'il reçoit. Celui qui me reçoit, ce n'est pas moi qu'il reçoit, mais celui qui m'a envoyé... Il y a communication de l'information créatrice

149 et celui qui me reçoit il reçoit celui qui m'a envoyé ________ 13, 21355

lorsqu'il a eu fini ieschoua de dire ces paroles alors il s'est affligé en son esprit et il l'a attesté et il l'a dit amèn amèn je vous [le] dis l'un d'entre vous va me livrer

13, 22

ils se sont regardés chacun son compagnon les disciples et ils se demandaient de qui il parlait

13, 23356

il était étendu l'un de ses disciples penché dans le creux du côté de ieschoua celui qu'il aimait ieschoua

qui va de Dieu au Christ, du Christ aux envoyés, des envoyés à l'humanité entière. Présence réelle du Christ dans celui qui est envoyé par lui, et présence réelle de Dieu dans le Christ. 355 13, 21 Il s’affligea en son esprit... Traduction approximative et probablement trop faible. Peut-être faut-il traduire : il fut dans l'effroi, il fut dans l'angoisse, il fut tourmenté en son esprit... Le verbe grec tarassein ici utilisé recouvre un très grand nombre de verbes hébreux possibles. Genèse 41, 8 : Et il advint, au matin, il fut tourmenté en son esprit... Genèse 40, 6 : Et il vint vers eux, Iôseph, au matin, et il les vit, et voici qu'ils étaient inquiets... Genèse 42, 28 : Alors il sortit, leur cœur (expression hébraïque qui correspond un peu, et de loin, à notre vieille expression : être hors de soi-même) et ils s'effrayèrent, chacun disant à son frère : qu'est-ce qu'il nous a fait, Dieu ? Genèse 45, 3 : Alors il dit, Iôseph, à ses frères : C'est moi, Iôseph ! Est-ce que mon père vit encore ? Et ils ne pouvaient pas, ses frères, lui répondre car ils étaient terrorisés devant sa face... Deutéro-nome 2, 25 : Aujourd'hui je commence à poser ta terreur (la terreur que tu provoques) et ta peur (la peur que tu inspires) sur la face des peuples sous tous les cieux, les peuples qui entendront ce qu'on entend dire de toi et ils trembleront et ils seront terrorisés devant ta face... Juges 11, 34 : Et il arriva, Jephté, à Mispah, à sa maison et voici que sa fille sortait à sa rencontre avec des tambourins et des chœurs, et il n'avait qu'elle, elle était sa fille unique, il n'avait pas, à part elle, ni de fils ni de fille. Et alors, dès qu'il la vit, il déchira ses vêtements et il dit : Ah ! ah ! Ma fille ! Pour ce qui est de me mettre à genoux, tu me mets à genoux, tu fais partie de ceux qui me mettent à genoux ! Trois fois le verbe hébreu kara, s'incliner, se plier ; hiphil, mettre quelqu'un à genoux, faire plier... 1 Samuel 14, 15 : Et ce fut la terreur dans le camp, dans la campagne et dans tout le peuple... Et ils ont vu les guetteurs... et voici que la foule était terrorisée... 2 Samuel 19, 1 : Alors il frémit de douleur, le roi, et il monta à la chambre haute de la porte, et il se mit à pleurer et il disait ainsi en marchant : Mon fils Abschalôm ! Mon fils ! Mon fils Abschalôm ! Qui fera que je sois mort à ta place ! Abschalôm mon fils, mon fils ! 2 Samuel 22, 8 : Et elle a été secouée et elle a tremblé, la terre ! Les fondements des cieux ont été secoués... Psaume 6, 3 : Aie pitié de moi YHWH, car je suis accablé, moi ! Guéris-moi, YHWH, car ils sont ravagés, mes os ! Et mon âme, elle est accablée à l'excès, et toi, YHWH, jusqu'à quand ? Qu'ils aient honte et qu'ils soient bouleversés à l'extrême tous mes ennemis... Psaume 38, 11 : Mon cœur sursaute, elle m'abandonne, ma force et la lumière de mes yeux, ellemême n'est plus avec moi... Psaume 42, 6 : Pourquoi es-tu si triste, mon âme ? Et pourquoi gémis-tu sur moi ? Psaume 55, 5 : Mon cœur frémit d'horreur en moi et les horreurs de la mort sont tombées sur moi ! Crainte et tremblement sont venus en moi et elle m'enveloppe. La terreur... Psaume 143, 3 : Car il a persécuté, l'ennemi, mon âme ; il a mis à terre ma vivante ! Il m'a fait habiter dans les ténèbres comme les morts de la durée passée ! Il défaille en moi mon esprit ! En moi il est bouleversé mon cœur ! Nombreux autres exemples. Dans tous les cas, les verbes hébreux que recouvre le verbe grec tarassein ont un sens très fort. « Troubler » est trop faible. Et il l'attesta... Il attesta qu'il était vrai qu'il était bouleversé, saisi d'horreur...

150

13, 24

il lui a fait signe à celui-là schiméôn pierre pour savoir qui c'est celui dont il parle et il lui a dit qui est-ce celui dont il parle

13, 25357

alors il s'est penché celui-là comme ça sur la poitrine de ieschoua et il lui a dit seigneur qui est-ce

13, 26358 356

et il a répondu ieschoua

13, 23 Était étendu l'un de ses disciples... Nous avons noté déjà, Jean 12, 2 ; 13, 12, que dans ce temps-là et dans ce pays-là, on mangeait étendu, sur des nattes ou des tapis, et non pas assis, comme nous, à table sur des chaises. On s'appuyait sur le bras gauche, on gardait la main droite libre pour prendre le pain. Celui qui a invité et reçu le Seigneur cette nuit-là, celui qui possède une maison à Jérusalem, celui chez qui le Seigneur a voulu manger le repas de pesah, c'est lui qui est à la droite du Seigneur. Il est donc incliné sur le côté, sur le flanc du Seigneur. A sa droite, se trouve Kêpha, Pierre, qui est penché sur le côté ou le flanc du maître de maison, en grec oikodes-potès, Marc 14,14. Colson, L'Énigme du disciple que Jésus aimait. Sur le côté de Ieschoua... Hébreu probable : al-heiq. C'est le même mot, la même expression, qui est utilisée Jean 1,18 pour dire que le fils unique et chéri de Dieu est penché, ou incliné, dans le côté, dans le sein du père et qu'il a fait connaître Dieu. Celui qu'il aimait, Ieschoua. Le sens probable est celui-ci : Ce disciple qui ne veut pas dire son nom, ce disciple dont le traducteur en langue grecque de notre Évangile ne veut pas dire le nom, il est de très loin le meilleur étudiant du Seigneur, celui qui a le mieux compris sa pensée, sa doctrine. Il est à ce titre le disciple préféré ou le disciple par excellence. Il ne fait pas partie des Douze. Il est constamment dans le Temple. Il a noté les propos, les entretiens, les discussions, les controverses qui ont eu lieu dans l'enceinte du Temple. Il possède une maison à Jérusalem. 357 13, 25 Alors il s'est penché, celui-là, comme cela, sur la poitrine de Ieschoua... Hébreu : sur le cœur. Exode 28, 29 : Et il portera, Aharôn, les noms des fils d'Israël dans le pectoral du jugement, sur son cœur, hébreu al leb, grec epi tou stèthous, lorsqu'il entrera dans le Saint, en mémorial, devant la face de YHWH, continuellement. Et tu disposeras sur le pectoral du jugement les Lumières et les Perfections et elles seront sur le cœur, hébreu al leb, grec epi tou stèthous, i'Ahâron lorsqu'il entrera devant la face de YHWH et il portera, kharôn, le jugement des fils d'Israël sur son cœur, al libbô, grec epi [ou stèthous, devant la face de YHWH, continuellement. Il se penche alors, celui-là, comme ça... Il est très possible, il est nême probable, que celui qui a dicté le texte hébreu, lors de la traduc-ion en langue grecque, a mimé le geste de se pencher comme ça, en ;rec houtôs, sur la poitrine de Ieschoua. Qui est-ce ? En hébreu mi hou, sans le verbe être. 358 13, 26 C'est celui à qui je vais tremper... Construction hébraïque, traduction littérale d'après l'hébreu reconstitué : C'est celui que, hébreu ascher, je vais plonger pour lui le morceau de pain, et je vais le donner à lui... Le verbe hébreu tabal, plonger, tremper, ici utilisé, et traduit par le verbe grec baptein, est le même qui est utilisé pour dire que lohanan plongeait les pénitents dans les eaux du Jourdain : Jean 1, 25 ; 1, 28 ; Matthieu 3, 6 ; Marc 1, 5 ; Luc 3, 16 ; etc. A Iehouda, fils de Schiméon, l'homme de Qeriôt, si la conjecture isch qeriôt est la bonne, ce qui est loin d'être sûr. Nombreuses variantes comme d'habitude lorsqu'il s'agit de cette expression qui semble avoir été obscure pour ceux qui ont recopié les premiers manuscrits grecs. Une série de manuscrits donne : venant de Qeriôt...

151 c'est celui pour qui je vais tremper le morceau [de pain] et à qui je vais le donner il a donc trempé le morceau [de pain] et il l'a donné à iehoudah fils de schiméôn l'homme de qeriôt 13, 27

et après la bouchée [de pain] c'est alors qu'il est entré en lui l'adversaire alors il lui a dit ieschoua ce que tu es en train de faire hâte-toi de le faire

13, 28359

et cela personne ne l'a connu parmi ceux qui étaient étendus pourquoi il lui avait dit cela

13, 29

il y en a qui ont pensé puisqu'il tenait la caisse iehoudah qu'il lui disait ieschoua va acheter ce dont nous avons besoin pour la fête ou bien pour les pauvres afin de leur donner quelque chose

13, 30

il a donc pris la bouchée [de pain] lui et il est sorti aussitôt c'était la nuit

13, 31360

lorsque donc il fut sorti il a dit ieschoua maintenant il est glorifié le fils de l'homme et dieu est glorifié en lui

13, 32 359

si dieu a été glorifié en lui

13, 28 Et cela personne ne l'a connu... Toujours le verbe hébreu ada, connaître, c'est-à-dire connaître le sens de, la raison d'être de... 360 13, 31 Maintenant il est glorifié le fils de l'homme, et Dieu est glorifié en lui — dans le fils de l'homme. Si Dieu est glorifié en lui — dans le fils de l'homme, — alors Dieu le glorifiera — le fils de l'homme — en lui-même, c'est-à-dire en Dieu, — et voici qu'il le glorifie...

152 alors dieu le glorifiera aussi en lui-même et voici qu'il va le glorifier 13, 33361

les enfants encore un peu [de temps] je suis avec vous vous me chercherez et comme je l'ai dit aux judéens là où je vais vous vous ne pouvez pas venir à vous aussi je le dis maintenant

13, 34362

un commandement nouveau je vous donne c'est que vous vous aimiez chacun son compagnon de même que je vous ai aimés afin que vous aussi vous vous aimiez chacun son compagnon

13, 35

c’est en cela qu'ils connaîtront tous que pour moi vous êtes des disciples s'il est l'amour parmi vous chacun pour son compagnon

13, 36

alors il lui a dit schiméôn pierre seigneur où vas-tu et il lui a répondu ieschoua [et il lui a dit]

361

13, 33 Les enfants... grec teknia, hébreu banaï. 13, 34 C'est que vous vous aimiez, chacun son compagnon... Remarquez le grec hina, qui n'est pas orthodoxe, du point de vue grammatical, s'entend ! Chacun son compagnon : Nous avons déjà noté que le grec allèlos, allèlous, traduit l'expression hébraïque chacun par rapport à son frère, Genèse 42, 28, ou chacun à son compagnon, Genèse 43, 33. Le mot hébreu rea, qui signifie à peu près ce que nous appelons en français le compagnon, ou en français populaire le copain, ou encore, dans un autre langage le camarade, a été traduit en grec par plèsios, Genèse 11, 3 ; 11, 7 ; Exode 2, 13 ; 11, 2 ; etc. L'adjectif grec plèsios signifie : proche, voisin. Hoi plèsioi, les voisins. L'adverbeplèsion signifie : près, proche. Hoplèsion, le verbe être sous-entendu, celui qui est proche. Hoi plèsion, les proches. Les traducteurs en langue grecque de la Bibliothèque hébraïque ont toujours utilisé l'adverbe, qui est le neutre de l'adjectif. Les traducteurs de Matthieu, de Luc et de Marc ont fait de même. Lévitique 19, 18 : Tu aimeras ton compagnon comme toi-même, moi [je suis] YHWH ! Grec : kai agapèseis ton plèsion sou... Matthieu 5, 43, même traduction ; Matthieu 19, 19, idem ; Matthieu 22, 39, idem. Marc 12, 31 et 33. Luc 10, 27. C'est cet adverbe grec toplèsion qui nous a valu la traduction française reçue : le prochain ! Ce qui crée des difficultés pour l'interprétation des textes, Luc 10, 29 : Qui c'est, mon compagnon ? Qui c'est, mon camarade ? Le traducteur de Jean, sauf jmission de ma part, n'utilise pas l'expression grec to plèsion pour raduire l'hébreu rea, le compagnon. 362

153 là où je vais tu ne peux pas me suivre pour l'instant mais tu me suivras plus tard 13, 37363 alors il lui a dit pierre seigneur pourquoi est-ce que je ne peux pas te suivre dès maintenant mon âme pour toi je la mettrai [dans la paume de ma main] 13, 38364 et il a répondu ieschoua [et il a dit] ton âme pour moi tu la mettras [dans la paume de ta main] amèn amèn je te [le] dis il ne criera pas le coq jusqu'à ce que tu aies nié trois fois [me connaître]

363

13, 37 Mon âme pour toi je la mettrai dans la [paume de ma main]... C'est la vieille expression hébraïque que nous avons déjà rencontrée, et qui est traduite ici d'une manière abrégée : Juges 12, 3 ; 1 Samuel 19, 5 ; 28, 21 ; Job 13, 14. 364 13, 38 Il ne chantera pas le coq jusqu'à ce que tu aies nié... Construction hébraïque avec probablement adascher, jusqu'à ce que...

154 CHAPITRE 14

14, 1365

qu'il ne soit pas dans l'effroi votre cœur soyez certains de la vérité [qui est] en dieu et soyez certains de la vérité [qui est] en moi

14, 2366

dans la maison de mon père il y a de nombreuses demeures s'il n'en était pas ainsi est-ce que je vous aurais dit

14, 3367

365

voici que moi je m'en vais pour préparer une place pour vous et si je m'en vais et si je prépare une place pour vous revenir je reviendrai et je vous prendrai auprès de moi

14,1 Qu'il ne soit pas dans l'effroi... Le verbe grec tarassent qui traduit plusieurs verbes hébreux, nous l'avons vu précédemmtnt, et qui ont tous un sens très fort. Se troubler est trop faible. Soyez certains de la vérité... Genèse 15, 1 : Après ces choses-là, elle fut, la parole de YHWH, adressée à Abram (qui ne s'appelait pas encore Abraham) dans une vision pour dire : N'aie pas peur, Abram ! Moi un bouclier (je suis] pour toi ! Ton salaire sera multiplié beaucoup !... Et voici que la parole de YHWH lui fut adressée pour dire... Et il le fit sortir dehors et il lui dit : Regarde vers les cieux, et compte donc les étoiles, si tu es capable de les compter ! Et il lui dit : Ainsi elle sera, ta semence ! Et il a été certain de la vérité [qui est] dans YHWH... We-heemin ba-YHWH... C'est cette expression qui a été traduite en grec par le verbepisteuein, suivi soit d'un datif, comme c'est le cas ici, soit de en suivi du datif. Psaume 78, 22 : Car ils n'ont pas été certains de la vérité qui est en Dieu ; Psaume 78, 32 : Ils n'ont pas été certains de la vérité qui est dans ses merveilles. Psaume 106, 12 : Ils ont été certains de la vérité qui est dans ses paroles, grec kai episteusan en fois logois autou. Psaume 106, 24 : Ils n'ont pas été certains de la vérité qui est dans sa parole, grec ouk episteusan tô logô autou, datif sans en. Psaume 119, 66 : Car dans tes commandements j'ai été certain [de la vérité qui est en eux], traduction grecque datif sans en. C'est cette vieille expression hébraïque heemin be... que nous lisons depuis Genèse 15, 6, c'est cette vieille expression qui sera reprise en traduction grecque, puis en traduction latine, par les plus anciens symboles de l'antique Église de Rome, puis de toutes les Églises d'Occident et d'Orient : pisteuô eis theon... pisteuô eis hena theon... Credo in deum... C'est cette expression qui sera reprise par les Pères du Concile de Nicée en 325 : pisteuomen eis hena theon..., puis par les conciles ultérieurs. Elle ne signifie pas, bien entendu : je crois qu'il existe un seul Dieu... Mais elle signifie : je suis certain de la vérité qui est en Dieu, tout comme Abraham a été certain de la vérité qui était en Dieu, lorsque Dieu lui a annoncé que sa semence serait aussi nombreuse que les étoiles des cieux. La certitude de la vérité porte sur la vérité de la parole de Dieu. L'assentiment certain, qu'en théologie classique on appelait la foi, porte sur la vérité de la parole de Dieu. 366 14, 2 S'il n'en était pas ainsi... Il y a un doute concernant la construction de cette phrase, selon qu'avec certains manuscrits on conserve le hoti, ou que selon d'autres manuscrits on l'élimine. Dans la maison de mon père il y a plusieurs demeures. Première interprétation : S'il n'en était pas ainsi, est-ce que je vous aurais dit : je m'en vais préparer une place pour vous ? Deuxième interprétation : S'il n'en était pas ainsi, je vous l'aurais dit. Je m'en vais préparer une place pour vous. Du point de vue théologique et ontologique qui nous intéresse, il reste deux propositions certaines : 1. Dans la maison de mon père il y a plusieurs demeures. 2. Je m'en vais préparer une place pour vous. Nous n'oublions pas que dans les anciens manuscrits hébreux et grecs, il n'y avait pas de signes de ponctuation, ni bien entendu de points d'interrogation. 367 14, 3 Revenir je reviendrai : c'est la tournure hébraïque constante en cas d'affirmation solennelle, ici schôb aschoub.

155 afin que là où je serai moi vous y soyez vous aussi 14, 4368

et là où moi je vais vous le savez et la route vous la connaissez

14, 5

alors il lui a dit tôma seigneur nous ne savons pas où tu vas comment donc est-ce que nous pourrions connaître la route

14, 6369 368

alors il lui a dit ieschoua

14, 4 Et la route, vous la connaissez... En grec odos, hébreu derek, la route, le chemin, la voie, au sens physique du terme, et au sens spirituel. Genèse 6, 12 : Et il a regardé, Dieu, la terre, et voici qu'elle était corrompue, car elle avait corrompu, toute chair, sa voie, sur la terre. Genèse 18, 19 : Car je l'ai connu afin qu'il ordonne à ses fils et à sa maison après lui et qu'ils gardent la voie, derek, de YHWH, pour faire la justice et le jugement... Genèse 24, 21 : Et l'homme la considérait en silence pour savoir si il a fait réussir, YHWH, sa route, ou non. 1 Rois 2, 1 : Et ils s'étaient approchés, les jours de David, de mourir et il donna cet ordre à Salomon son fils en disant : Moi je m'en vais par le chemin de toute la terre... Anôki hôlek be-derek kôl ha-aretz. Tu garderas, tu observeras l'observance de YHWH ton Dieu, pour marcher dans ses chemins, pour garder ses commandements, ses normes et ses jugements et ses attestations, comme il est écrit dans la Torah de Môscheh. 1 Rois 2, 4 : Afin qu'il réalise, qu'il mette debout, YHWH, sa parole qu'il a dite sur moi en disant : S'ils gardent, tes fils, leurs voies... 1 Rois 3, 14 : Et si tu marches dans ma voie pour garder mes commandements et mes normes... 1 Rois 8, 25 : S'ils gardent tes fils leur voie, pour marcher devant ma face comme toi tu as marché devant ma face... 1 Rois 8, 36 : Et toi tu leur enseigneras la voie qui est bonne, celle dans laquelle ils marcheront... 1 Rois 8, 39 : Et toi tu donneras à un homme (à chacun) selon sa voie... Psaume 1,1: Heureux l'homme... qui ne se tient pas sur la route des criminels... 1,6: Car il connaît, YHWH, la voie des justes, ;t la voie des méchants, elle va à sa perte. Psaume 18, 22 : Car j'ai *ardé mes voies, YHWH... Psaume 25, 4 : Tes voies, YHWH, fais-es-moi connaître... 25, 9 : Il enseigne aux pauvres sa voie... Psaume 55, 6 : Qu'elle soit, leur voie, ténèbre... Psaume 51, 15 : J'enseignerai mx criminels tes voies... Psaume 81, 14 : Ah si mon peuple m'écou-ait, si Israël marchait dans mes voies... Psaume 86, 11 : Enseigne-noi, YHWH, tes voies... Psaume 103, 7 : Il a fait connaître ses voies i Môscheh... Psaume 119,29 : La voie du mensonge, écarte-la loin de noi... 119, 30 : La voie de la vérité, je l'ai choisie... 119, 32 : La voie le tes commandements, c'est là que je cours... 119, 33 : Instruis-moi, fHWH, de la voie de tes préceptes... 119, 37 : Sur la route qui est la ienne, fais-moi vivre..., etc. Même emploi du mot grec odos, qui tra-luit l'hébreu derek, Matthieu, 21, 32 : Il est venu, Iohanan, vers ous, dans la voie de la justice... Matthieu 22,16 : La voie de Dieu, tu l'enseignes dans la vérité... Le mot hébreu derek a fini par signifier : la doctrine, la voie suivie par un groupe, une secte : Actes 9, 2 : Schaoul... alla voir le grand prêtre et lui demanda des lettres destinées à Damas, pour les synagogues, afin que s'il trouve quelqu'un qui fasse partie de cette voie, de cette secte... Actes 19, 9 : Ils dirent du mal de la voie, c'est-à-dire la doctrine chrétienne. Actes 22, 4 : Moi qui ai persécuté cette voie (l'Église)... Actes 24,14 : Je reconnais ceci, selon la voie qu'ils appellent une secte, c'est ainsi que je sers le Dieu de mes pères... Une fois de plus nous constatons qu'un même et unique mot hébreu a deux sens : un sens physique et empirique, et un sens que nous appelons par convention spirituel. Nous l'avons observé pour des termes comme ruah, qui signifie à la fois le vent et l'esprit ; la mort, qui a au moins deux sens : la mort physique, empirique, et la mort au sens spirituel du terme ; le verbe se coucher qui signifie se coucher dans son lit, et aussi mourir, etc. 369 14, 6 C'est moi qui suis la route... En hébreu sans le verbe être : anôki ha-derek we-ha-emet we-ha-haiim. Personne ne vient vers le père... Ou : vers mon père, si l'hébreu portait : abi.

156 c'est moi qui suis la route et la vérité et la vie personne ne vient vers le père si ce n'est en passant par moi 14, 7370

si vous m'avez connu alors vous avez connu aussi mon père et dès maintenant vous l'avez connu et vous l'avez vu

14, 8

alors il lui a dit philippos seigneur montre-nous le père et cela nous suffira

14, 9

alors il lui a dit ieschoua voilà un si long temps qu'avec vous moi je suis et tu ne m'as pas encore connu philippos celui qui m'a vu il a vu le père

14, 10371

comment donc peux-tu dire montre-nous le père est-ce que tu n'es pas certain qu'il est vrai que moi [je suis] dans le père et que le père il est en moi

370

14, 7 Si vous m'avez connu... Nombreuses variantes dans les manuscrits, portant sur la conjugaison du verbe grec gignôskô, qui traduit l'hébreu iada. Ces hésitations sont compréhensibles puisqu'il n'y a pas correspondance entre le système de conjugaison de l'hébreu et celui du grec. La forme dite accomplie de l'hébreu, peut se traduire par un parfait, un présent ou un futur en grec comme en français. La forme dite de l'inaccompli ou de l'inachevé, qui marque la durée, peut se traduire en grec comme en français, par un imparfait, un présent ou un futur. Cela dépend du contexte. 371

14, 10 Est-ce que tu n'es pas certain qu'il est vrai que moi [je suis] dans le père et que le père il est en moi : c'est la formule la plus simple, la plus claire, de la christologie orthodoxe. L'immanence réciproque de Dieu incréé et de l'Homme nouveau créé qui lui est uni. Paul, Colossiens 2, 9 : le Christ, parce qu'en lui habite toute la plénitude de la divinité, corporellement. Damase, Lettre aux évêques d'Orient, vers 374 : Nos autem... secundum catholicae ecclesiaepro-fessionem perfectum Deum perfectum suscepisse hominem profi-femur. Léon, Lettre à Julien évêque de Cos, 13 juin 449 : Verus homo vero unitus estDeo. Les paroles que moi je parle... Hébreu : ha-debarim ascher anôki iôber... Le mot hébreu dabar, la parole, le dire, est de la même racine lue le verbe dabar, participe présent dôber, parler, dire. Nous unions pu aussi traduire : les dires que moi je vous dis... Le texte grec, ta rèmata ha egô lalô, ne permet pas de discerner cette commuauté de la racine. De mon propre cœur, hébreu mi-libbi comme précédemment. De nouveau le Seigneur enseigne que l'information qu'il communique provient de la source et origine première de toute information, Dieu unique et incréé. Le père qui demeure en moi, c'est lui qui agit ses propres actions : de nouveau la communauté de racine dans l'original hébreu : hou seh et ha-maasim, ou bien : hou pôel et-peoulôt. La communauté de racine entre le verbe asah, faire, agir, et le substantif maaseh, action, n'est pas discernable dans la traduction grecque poiein et ta ga. Le

157

les paroles que moi je parle [en m'adressant] à vous ce n'est pas de mon propre cœur que je les parle le père qui demeure en moi c'est lui qui agit ses propres actions 14, 11372

soyez certains de la vérité de ce que je vous dis moi [je suis] dans le père et le père [est] en moi et sinon [si vous n'êtes pas certains de la vérité de ce que je vous dis parce que c'est moi qui vous le dis] soyez certains de la vérité [de ce que je vous dis] à cause des actions elles-mêmes

14, 12373

amèn amèn je vous [le] dis celui qui est certain de la vérité [qui est] en moi les actions que moi j'agis lui aussi il agira et même des actions encore plus grandes que celles-ci il agira parce que moi je m'en vais vers le père

14, 13374

et tout ce que vous demanderez en mon nom cela je le ferai afin qu'il soit glorifié le père dans le fils

14, 14375

et si vous [me] demandez quelque chose en mon nom

Seigneur enseigne ici l'immanence de l'action créatrice de Dieu, dans l'Homme véritable qui lui est uni. C'est cette même immanance de l'action créatrice de Dieu que Paul va enseigner dans ses lettres. Galates 2, 20 : Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi. 1 Corinthiens 12, 6 : Il y a une diversité d'opérations, mais un seul Dieu, le même, qui opère tout en tous... Galates 3, 5 : Celui qui opère des actes de puissance en vous... Éphésiens 3, 20 : Celui qui est agissant pour faire plus que tout, pour surabonder au-delà de ce que nous demandons, ou de ce que nous pouvons penser, selon la puissance qui opère en nous... Philippiens 2, 3 : Car c'est Dieu qui opère en vous et le vouloir et l'agir... 372 14, 11 Moi (je suis] dans le père... Nous avons ajouté le verbe le, qui, ici, n'est pas dans le texte grec, lequel, ici, a suivi fidèlement le texte hébreu, qui n'a pas le verbe être. Et sinon... Hébreu : we-im lô... Nous avons mis entre crochets ce qui est sous-entendu pour que la proposition soit intelligible. 373 14,12 Les actions que moi j'opère... De nouveau dans l'original hébreu la communauté de la racine du verbe asah, agir, faire, ou du be paal, et du substantif qui en est dérivé, dans chaque cas. Le verbe grec ne laisse pas apercevoir cette communauté de racine évite en hébreu. Vers le père, ou vers mon père. 374 14, 13 Dans le fils : ici comme dans tous les textes de cette bibliothèque qui est celle de la nouvelle alliance, le terme de fils désigne directement le verus homo, l'homme véritable, qui est uni à Dieu véritable, celui qui s'appelle luimême le fils de l'homme, celui qui dit : je, moi, et non pas le logos, ou le dire ou le parler de Dieu.

158 moi je le ferai ________ 14, 15376

si vous m'aimez mes commandements vous les garderez

14, 16377

et moi je demanderai au père et un autre avocat de la défense il vous donnera à vous afin qu'il soit avec vous pour toute la durée qui vient

14, 17

l'esprit de la vérité que le monde de la durée présente ne peut pas recevoir parce qu'il ne le voit pas et il ne le connaît pas mais vous vous le connaissez parce qu'avec vous il demeure et en vous il est

375

14, 14 Si vous me demandez quelque chose... Variantes dans les nanuscrits : Si vous demandez quelque chose en mon nom... Si vous lemandez quelque chose au père en mon nom... Texte reçu incertain. 376 14, 15 Si vous m'aimez, mes commandements vous garderez... Garder, en hébreu schamar ou natzar. Ieschoua a été appelé ha-nôt-zeri, et les premiers chrétiens, nôtzerim. 377 14, 16 Et moi je demanderai au père... Ou : à mon père... Un autre avocat de la défense... grec allon paraklèton. Pirqé Abot, IV, 13 : Rabbi Eliezer ben Iaaqôb disait : Celui qui fait un commandement, un seul, il acquiert pour lui-même un peraqelit, un avocat de la défense. Et celui qui transgresse une seule transgression, il acquiert pour luimême un qategôr, un accusateur. L'hébreu du premier siècle a adopté et assimilé, entre beaucoup d'autres mots grecs et latins, ces deux mots grecs : paraklètos et katègoros. Première lettre de Jean 2, 1 : Mes enfants, cela je vous l'écris, afin que vous ne commettiez pas de faute, et si quelqu'un commet une faute, nous avons un avocat de la défense, paraklèton, devant la face du père : Ieschoua le meschiah le juste. Dans cette lettre de Jean, c'est donc le Seigneur luimême qui est appelé paraklètos. Latin advocatus. Afin qu'il soit avec vous pour toute la durée qui vient, grec eis ton aiôna, hébreu le-ôlam, Genèse 3, 22 ; Genèse 6, 3 ; ou ad-ôlam, Exode 14,13 ; le-ôlam, Exode 15,18 ; 21, 6 ; Juges 2, 1 ; 2 Samuel 7, 29 ; 1 Rois 1,31; ad-ôlam, 1 Rois 9, 3 ; le-ôlam, 1 Rois 9, 5 ; 2 Rois 5,27 ; 2 Rois 21, 7 ; ad-ôlam Néhémie 4, 7 ; le-ôlam Qohélet (l'Ecclé-siaste) 1, 4 ; 2, 16 ; 3, 14 ; 9, 6 ; Psaume 104, 31 ; Psaume 106, 1 ; Psaume 107, 1 ; Psaume 117, 2 ; Psaume 118, 1 ; Psaume 119, 44 ; 119,89 ; 119, 142 ; Psaume 145,1 et 2 ; 145,21 ; Psaume 148, 6 ; etc. L'esprit de vérité... avec vous il demeure, en vous il est. Paul, Romains 5, 5 : l'amour de Dieu a été versé dans nos cœurs par l'Esprit saint qui nous a été donné... Romains 8, 9 : Si toutefois l'esprit de Dieu habite en vous... 8, 11 : Si l'esprit qui a relevé Ieschoua d'entre les morts habite en vous... 8, 15 : Car vous n'avez pas reçu un esprit de servitude pour de nouveau être des hommes de la peur, mais vous avez reçu un esprit d'adoption filiale, dans lequel nous crions : Abba, ce qui signifie : père ! Car l'esprit lui-même atteste à notre esprit qu'il est vrai que nous sommes [maintenant] fils de Dieu... 1 Corinthiens 2, 12 : Quant à nous, nous n'avons pas reçu l’esprit du monde de la durée présente, mais l'esprit qui vient de Dieu... 3, 16 : Est-ce que vous ne savez pas que vous êtes le Temple (grec naos) de Dieu et que l'esprit de Dieu habite en vous ? Etc. Recevoir ; peut-être le verbe hébreu qabal, piel qibbel, que nous avons déjà rencontré et qui a donné l'hébreu qabbalah, ce qui est reçu par la tradition, la connaissance ou la science reçue des anciens, transmise jusqu'à nous.

159 14, 18378

je ne vous laisserai pas orphelins je reviendrai vers vous

14, 19

encore un peu [de temps] et le monde de la durée présente ne me verra plus mais vous vous me verrez parce que moi je suis vivant et vous aussi vous serez vivants

14, 20379

en ce jour-là vous connaîtrez vous que moi [je suis] dans mon père et que vous [vous êtes] en moi et moi en vous

14, 21380

celui à qui sont mes commandements et qui les garde c'est celui-là qui m'aime et celui qui m'aime il sera aimé par mon père et moi aussi je l'aimerai et à lui je me ferai connaître moi-même

378

14, 18 Je reviendrai vers vous... Apocalypse 22, 20 : Oui, je viens très vite. Amèn, viens seigneur Ieschoua ! 1 Corinthiens 16,22 : marana tha, araméen, seigneur, viens ! 379 14, 20 Vous connaîtrez, vous, que moi [je suis] dans mon père et que vous, vous êtes en moi, et moi en vous... Paul, Galates 2, 20 : Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi... L'immanence réciproque entre Dieu, l'unique incréé, et l'Homme nouveau créé qui lui est uni, cette immanence réciproque se continue, puisque désormais l'Homme nouveau et véritable uni à Dieu, habite dans l'homme qui est créé nouveau lui aussi, et qui le reçoit librement, en sorte que, selon l'expression de Paul, Colossiens 3, 11, le Christ est tout en tous ; Galates 3, 28 : Car vous tous vous êtes un dans le Christ Jésus. C'est cela que Paul appelle leplèrôma, c'est-à-dire la plénitude ou l'achèvement de la création, la finalité ultime de la création voulue par Dieu l'unique créateur depuis l'origine, et qui se réalise enfin dans le Christ. Cette immanence réciproque de Dieu incréé et de l'Homme nouveau créé, cette immanence de l'Homme nouveau créé et uni à Dieu, dans la nouvelle humanité, c'est l'Église, qui est le Corps du Christ, la plénitude, to plèrôma, Éphésiens 1, 23. Ainsi l'Église dans laquelle se réalise l'immanence réciproque de Dieu incréé et de la nouvelle humanité créée, est-elle la finalité de la création, l'achèvement Je la création. C'est ce qui restera de la création lorsque l'Univers physique qui vieillit et qui s'use comme un manteau, Psaume 102, 27, se dissipera. 380 14, 21 Celui qui tient mes commandements et qui les garde... De nouveau en hébreu le verbe schamar ou le verbe natzar. Et à lui je me ferai connaître moi-même... kai emphanisô auto emauton. Exode 33, 11 : Et il parlait, YHWH, à Môscheh, face à face, panim el-panim, comme il parle, un homme, à son camarade... Et il dit, Môscheh, à YHWH... Si j'ai trouvé grâce à tes yeux, fais-moi donc connaître ta voie et je te connaîtrai, afin que je trouve grâce à tes yeux... Là où nous lisons dans le texte hébreu tel qu'il est édité aujourd'hui, d'après les manuscrits dont nous disposons : Faismoi connaître ta voie, ta route, hébreu derek, les traducteurs en langue grecque que nous appelons les Septante ont lu : fais-toi connaître, nanifeste-toi toi-même à moi, emphanison moi seauton. Ils disposaient donc peut-être, ou sans doute, d'un texte hébreu différent du nôtre, et évidemment plus ancien. C'est peut-être à ce texte hébreu que fait allusion le Seigneur dans le propos que nous lisons Jean 14, 21. Exode 33, 18 : Et il dit : Fais-moi donc voir ta gloire ! Certain nanuscrits grecs de la Septante traduisent : deixon moi tèn seautou doxan. Mais d'autres manuscrits donnent : emphanison moi seauton, manifeste-toi à moi ! Exode 2, 14 : Certes l'affaire est connue, hébreu le verbe iada, traduction grecque emphanes.

160 14, 22381

alors il lui a dit iehoudah non pas l'homme de qeriôt seigneur et comment se fait-il qu'à nous tu vas te faire connaître mais non pas au monde de la durée présente

14, 23382

alors il lui a répondu ieschoua et il lui a dit si quelqu'un m'aime ma parole il gardera et mon père l'aimera et à lui nous viendrons et notre demeure chez lui nous ferons

14, 24

celui qui ne m'aime pas mes paroles il ne les garde pas et la parole que vous avez entendue elle n'est pas de moi mais [elle est] de celui qui m'a envoyé mon père

14, 25

toutes ces paroles je vous les ai dites tandis que je demeure auprès de vous

14, 26383

l'avocat de la défense

381

14, 22 Iehouda, non pas l'homme de Qeriôt... De nouveau de nombreuses variantes dans les manuscrits qui attestent les hésitations : Non pas celui qui vient de Qeriôt... Iehouda ho kananitès, variante très intéressante, parce qu'elle soulève la question de savoir si Iehouda n'aurait pas été un membre du front de libération de la Judée, zèlôtès, qui traduit l'hébreu qana. Le verbe hébreu qana signifie être jaloux de... Qineah, la jalousie. Régulièrement le verbe hébreu qana est traduit par le verbe grec zèloun, qineah est traduit par zèlos, et qana est traduit par zèlôtès, que les traducteurs en langue française rendent par zélote ! Matthieu 10, 4 : Schiméon ho kana-qaiôs, Schiméon le zélote ? et Iehouda ho iskariôtès, nombreuses variantes de nouveau. Iehouda est mis ici à côté de, et à la suite de Schiméon qui était peut-être un zélote, comme disent nos traducteurs en langue française. Marc 3, 18 : Schiméon ton kananaion, même question, et Iehouda iskariôth, nombreuses variantes. Certains savants se sont demandé si le grec iskariôtès ne serait pas la transcription en grec (après passage par l'hébreu ?) du latin sicarius, celui qui porte la sica, c'est-à-dire le poignard. Le sicarius, c'est celui que, dans notre langage moderne, nous appelons le terroriste. Et alors comment se fait-il... Grec : kai ti gegonen hoti... Genèse 6, 9 : Mais c'est ta femme ! Et alors comment astu pu me dire : c'est ma sœur ! Hébreu : we-eik amarta... Grec : ti hoti eipas... 2 Lois 1,5 : Et ils sont retournés, les messagers, vers lui et il leur a dit : comment se fait-il que vous soyez revenus ? Hébreu ma-zeh scha-getem, littéralement : quoi, cela, que vous soyez revenus ? Grec : tihoti... Deux constructions hébraïques sont donc possibles sous le ti... hoti de Jean 14,22. 382 14, 23 Ma parole il gardera... On voit l'importance dans l'Évangile de Jean de l'acte de garder les commandements et la parole du Seigneur, 8, 51 ; 14,15 ; 14,21 ; 15,10. Première lettre de Jean, 2, 3 ; 2, 4 ; 2, 5 ; 3, 22. 383 14, 26 Et il vous fera ressouvenir... Hébreu zakar se souvenir de..., hiphil hizekir, faire se souvenir, conduire quelqu'un à se souvenir de... Mazekir, celui qui est chargé de la mémoire du peuple et de la nation, l'archiviste, le secrétaire, le mémorialiste, l'historien de la royauté. Zikarôn, le souvenir. Luc 22, 19 : Faites ceci pour vous ressouvenir de moi... Le rôle et la fonction de l'Esprit saint, qui est l'esprit même de Dieu, qui est Dieu qui est esprit, c'est donc d'enseigner et de rappeler à la mémoire de l'Église les paroles et les enseignements de son Seigneur.

161 l'esprit saint qu'il enverra mon père en mon nom lui il vous enseignera toutes choses et il vous fera ressouvenir toutes les paroles que je vous ai dites moi 14, 27384

384

la paix je vous la laisse ma paix je vous la donne ce n'est pas comme le monde de la durée présente donne ce n'est pas ainsi que je vous donne

14, 27 La paix... Nous avons de nouveau ici une série de propos et d'enseignements donnés par le Seigneur dans cette dernière nuit, qui ont été notés par Jean, qui était étendu à la droite du Seigneur, puisqu'il était le maître de maison, et qui sont ici rapportés, tassés dans nos manuscrits les uns à la suite des autres, pour raison d'économie de papyrus ou de parchemin. Mais nous ne pouvons pas supposer que ces propos, qui ont été notés et rapportés ici, constituent l’intégralité ou la totalité de ce que le Seigneur a enseigné lors de cette dernière nuit. Nous avons donc desserré ces propos qui sont transmis tassés dans les anciens manuscrits, et nous avons intercalé des blancs, afin que le lecteur perçoive immédiatement qu'il s'agit de propos disjoint les uns des autres, de notes qui ne sont pas complètes, qui ne fournissent pas l'intégralité de l'enseignement donné par le Seigneur. Nous notons aussi que Matthieu, Luc et Marc ne nous rapportent pas cet enseignement donné par le Seigneur lors de la dernière nuit. L’Évangile de Jean est donc ici la source la plus riche, le document le plus près de l'événement, puisqu'il est la reportation, par un témoin occulaire, de ce qui a été dit par le Seigneur lors de cette dernière nuit, ceux qui racontent, depuis plus d'un siècle, que le quatrième Évangile est une composition tardive, du second siècle de notre ère, ou de la fin du premier, sont obligés de supposer — et d'ailleurs ils le supposaient dès l'abord — que tout cet enseignement ici rapporté est une composition plus ou moins fictive, l'œuvre de l'inconnu ou des inconnus qui, par étapes et couches successives, ont composé le quatrième Évangile. Ceux qui font appel à la tradition orale, ou aux traditions orales, pour expliquer et justifier ce long enseignement de la dernière nuit, veulent sans doute plaisanter. Les traditions orales peuvent expliquer, dans des milieux ethniques très archaïques, la transmission, de génération en génération, de légendes, d'histoires mythologiques. Mais les transmissions par la voie orale ne transmettent pas des dialogues, tels que ceux que nous lisons constamment dans le quatrième Évangile. Demander à la tradition orale de transmettre des dialogues, tels que ceux que nous lisons dans notre Évangile de Jean, c'est demander à un nuage de transmettre le traité d'Albert Einstein sur la Relativité restreinte, ou la thèse du prince Louis de Broglie sur la Mécanique ondulatoire. C'est proprement absurde. De plus, les tenants de la vieille mythologie germanique selon laquelle les quatre Évangiles auraient été mis par écrit après une longue, après au moins quatre longues traditions, ou séries de traditions orales, les tenants de cette vieille mythologie prussienne doivent nous expliquer comment il se fait qu'une tradition orale transmette et véhicule des dialogues qui semblent pris sur le vif, dans le cas de l'Évangile de Jean, et des dialogues dans lesquels les personnages, les interlocuteurs parlent une langue qui est constamment de l'hébreu décalqué en grec ! Car enfin, cette tradition orale supposée, qui transmet dans ses nuées des dialogues pris sur le vif, est supposée une tradition orale en langue grecque, qui aboutit à des Évangiles écrits, nous assure-t-on, directement en langue grecque. Voilà donc des traditions orales qui transmettent en grec des dialogues, et des dialogues dans lesquels les interlocuteurs pensent et s'expriment en hébreu, à chaque instant ! Pour quelle raison Matthieu, Luc et Marc ne nous ont-ils pas transmis et communiqué à leur tour ces enseignements du Seigneur lors de la dernière nuit ? Tout simplement parce que les traducteurs en langue grecque, des documents hébreux écrits, qui ont abouti à nos Évangiles de Matthieu, de Luc et de Marc, ne disposaient pas, dans les documents hébreux écrits qu'ils avaient sous les yeux, de la reportation écrite de cet ultime entretien, de cet ultime enseignement du Seigneur. Iohanan lui, qui savait lire et écrire, qui était savant, qui était un homme du Livre, un lettré, il a fait la reportation, et c'est sur cette reportation écrite en hébreu, que notre traducteur inconnu a fait la traduction que nous lisons, et que nous nous efforçons à notre tour de raduire dans la langue française de la fin du xxe siècle. Qu'il ne s'affole pas votre cœur... De nouveau le verbe grec arassô, tarassein, dont nous avons noté précédemment qu'il recouvre et traduit un grand nombre de verbes hébreux, mais toujours avec un sens très fort. Se troubler est beaucoup trop faible.

162 qu'il ne s'affole pas votre cœur et qu'il ne soit pas terrifié 14, 28385

vous avez entendu que moi je vous ai dit je m'en vais et je reviendrai vers vous si vous m'aimez vous vous réjouirez parce que je m'en vais vers le père car le père est plus grand que moi

14, 29386

et maintenant voici que je vous l'ai dit avant que cela n'arrive afin que lorsque cela sera arrivé vous soyez certains que c'est vrai

14, 30387

je ne parlerai plus beaucoup [de paroles] avec vous car il vient le prince du monde de la durée présente et en moi il n'y a rien qui soit à lui

385

14, 28 Je m'en vais vers le père... Ou : vers mon père. Le père est plus grand que moi... Ou : Mon père est plus grand que moi... Cette proposition ne fait aucunement difficulté à l'intérieur de la christologie orthodoxe, c'est-à-dire celle de l'Évangile de Jean, des trois autres Évangiles, des lettres de Paul, de tous les documents qui constituent la Bibliothèque de la nouvelle alliance, et celle des papes Damase, Léon, et des grands conciles christologiques, puisque celui qui parle ici, celui qui dit « Je » et « moi », c'est le perfectus homo, le verus homo des lettres du pape Damase et du pape Léon, c'est l’homme véritable uni à Dieu véritable. La proposition devient métaphysiquement et théologiquement absurde, dès lors que l'on suppose, ce qui est totalement étranger au système logique constant des livres du Nouveau Testament, que le fils de Dieu, c'est le logos de Dieu, envisagé avant son incarnation, indépendamment de l'incarnation. Dans ce cas on descend inévitablement la pente qui conduit à l'hérésie d’Arius d'Alexandrie. Si c'est le propre logos de Dieu, appelé « fils » de Dieu par Origène d'Alexandrie et par l'inconnu qui a composé l’Elenchos contre toutes les hérésies, publié sous le nom d'Hippolyte de Rome, qui dit de lui-même : mon père est plus grand que moi, alors oui, nous sombrons dans l’arianisme. 386 14, 29 Et maintenant je vous l'ai dit, avant que cela n'arrive... Isaïe 43, 9 et sq. L'argument développé par le prophète inconnu du temps de la déportation, vie siècle avant notre ère, dont les oracles ont été recueillis à la suite de ceux d'Isaïe, c'est celui-ci : Le prophète annonce à l'avance l'événement, instruit par Dieu lui-même. L'événement vient confirmer la vérité de la prophétie antérieure, et donc confirmer la véracité du prophète. Dieu seul peut savoir et annoncer à l'avance ce qu'il va faire. Seul le prophète instruit par Dieu peut faire connaître l'avenir qui est essentiellement imprévisible. Lorsque l'événement vient confirmer la prophétie antérieure, la preuve est faite que c'est bien Dieu qui a instruit le prophète, puisque c'est Dieu qui conduit l'histoire, qui est sa création. Par la prophétie, Dieu fait connaître que c'est lui qui dirige l'histoire, et l'histoire que nous constatons par les faits, vérifie l'authenticité de la prophétie. C'est ce même argument que le Seigneur reprend ici. Il annonce à l'avance ce qui va se passer, afin que ses disciples soient certains de la vérité qu'il a dite, lorsque ces événements vont se réaliser. 387 14, 30 II vient le prince du monde de la durée présente... Le régisseur du monde de la durée présente, celui qui commande au système de valeurs du monde la durée présente. Nous avons déjà noté que le grec archôn ici utilisé peut traduire l'hébreu sar. Nous aurions alors la formule sar ha-ôlam ha-zeh. Le mot grec archôn traduit aussi l'hébreu nasi, le prince ; rôsch, la tête, celui qui est à la tête de... Le monde de la durée présente, c'est-à-dire de l'histoire humaine, est régi par un système de valeurs qui est foncièrement criminel, ce que nous voyons de mieux en mieux au xxe siècle. La question est de savoir si ce système de valeurs est régi par quelqu'un. Et en moi il n'y a rien qui soit à lui... L'hébreu n'a pas le verbe avoir. Nous restaurons donc la construction hébraïque.

163 14, 31388

mais c'est afin qu'il connaisse le monde de la durée présente que j'aime mon père et comme il m'a commandé de faire mon père c'est ainsi que je fais levez-vous partons d'ici

388

14, 31 Mais c'est afin qu'il connaisse le monde de la durée présente... La logique des propositions est très difficile à reconstituer pour nous, précisément parce que ce sont des notes, et que toutes les propositions n'ont pas été notées, parce que c'était impossible. Il nous manque des propositions intermédiaires pour comprendre la logique de la suite des propositions. La construction de la phrase est hébraïque. Genèse 6,22 : Et il fit, Nôah, comme tout ce qu'il lui avait commandé, Dieu. Ainsi il fit. Grec : kai epoièsen Nôe panta hosa eneteilato auto kurios ho theos outôs epoièsen. Ce sont les mêmes mots grecs utilisés pour traduire une phrase de même structure et de même signification. Levez-vous et allons-nous-en d'ici... Il est évident que ces mots donnent le signal du départ et qu'en conséquence les chapitres suivants doivent être placés avant ce signal du départ. Il n'est pas évident ni certain que le chapitre xv soit la reportation d'un enseignement donné dans cette même et dernière nuit. Il peut être la reportation d'un enseignement donné antérieurement. Il existe donc ici un problème littéraire de composition. Le chapitre xv semble ajouté après coup. Le fait que les mots : Levez-vous, allons-nous-en d'ici... aient subsisté dans les manuscrits, suivis du chapitre xv qui ne semble pas à sa place, prouve que nous sommes bien en présence de documents écrits, arrangés et combinés, et non pas d'une longue tradition orale qui se serait déposée par écrit au ne siècle de notre ère, ni d'une rédaction tardive : car s'il s'agissait d'une rédaction tardive, pourquoi cette imperfection manifeste dans la composition ? On voit très bien ici la couture de plusieurs documents écrits qui ont été cousus l'un à l'autre. La question reste donc ouverte de savoir quand a été donné l'enseignement qui se trouve noté et rapporté au chapitre xv.

164 CHAPITRE 15

15, 1389

c'est moi qui suis la vigne la véritable et mon père c'est lui le paysan qui cultive [sa vigne]

15, 2390

toute branche [qui est] en moi et qui ne porte pas de fruit

389

15, 1 C'est moi la vigne... Hébreu anôki ha-gephen ou : ha-kerem, sans le verbe être inutile. L'adjectif grec alèthinos traduit régulièrement le substantif hébreu émet, la vérité, Exode 34, 6 ; 2 Samuel 7, 28 ; 1 Rois 10, 6 ; etc. Le thème de la vigne est très ancien dans la tradition hébraïque. Isaïe (vme siècle avant notre ère) 5,1 : Je vais donc chanter pour mon chéri le chant de mon chéri pour sa vigne, hébreu kerem, grec ampelôn. Une vigne, kerem, grec ampelôn, était à mon chéri... L'hébreu n'a pas le verbe avoir. Il a bâti une tour au milieu d'elle... Il espérait qu'elle allait faire des grappes de bon raisin. Mais elle a produit de la pourriture infecte... Et maintenant, vous les habitants de Jérusalem, et vous l'homme de Juda (le Judéen !), soyez donc juges entre moi et ma vigne ! Qu'est-ce qu'il y avait a faire encore et de plus pour ma vigne, que je n'aie pas fait pour elle ? Pourquoi donc ai-je espéré qu'elle allait faire des grappes de bons raisins, alors qu’en réalité elle a fait de la pourriture infecte ? Et maintenant, je vais vous faire connaître ce que je vais faire à ma vigne ! Je vais arracher la haie et elle sera bonne à mettre au feu ! Je vais faire une brèche dans sa clôture et elle sera bonne à être piétinée ! J'en ferai une ruine... Car la vigne de YHWH des armées c'est la maison d'Israël ! Et l'homme de Juda, c'est lui le plant exquis ! Il attendait après la justice et voici la clameur ! Après le droit, et voici le cri (des innocents massacrés) ! Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison, qui accumulent champ sur champ jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de place... Isaïe ?, 2 : En ce jour-là, la vigne de délice... C'est moi YHWH qui la garde (le verbe hébreu natzar)... Je l'arrose... La nuit et le jour je la garde... Jérémie 2,21 : Et c'est moi qui t'avais plantée... Tout entière semence de vérité, zera émet... Grec : ego de ephuteusa se ampelôn morpophoron pasan alèthinèn. La vigne étrangère, hébreu ha-gephen keriiah, grec hè ampelos hè allô tria... Jérémie 12, 10 : Des bergers nombreux ont détruit ma vigne, ils ont piétiné ce qui est ma part, ils ont fait de mon domaine de délices un désert, une dévastation... Ézéchiel 17, 6 : Elle a germé et elle est devenue une vigne, hébreu aphen, grec ampelos... Elle est devenue une vigne et elle a fait des anneaux et elle a lancé ses sarments... Psaume 80, 9 : Une vigne d’Égypte tu as arraché, tu as chassé des nations, et tu l'as plantée. Tu l’a déblayé devant sa face, elle a enraciné ses racines et elle a rempli la terre. Elles furent couvertes, les montagnes, de son ombre... Elle envoyait ses branches jusqu'à la mer et jusqu'au fleuve (l'Euphrate) ses pousses. Pourquoi as-tu fait une brèche dans ses clôtures en sorte qu’ils viennent y vendanger tous ceux qui passent sur la route... Dieu des armées, reviens ! Regarde du haut des cieux et vois, visite-la, cette vigne !... Elle que ta droite a plantée... Cantiques des Cantiques 1,5: je suis noire mais je suis belle, filles de Jérusalem !... Ma vigne à moi, je ne l'ai pas gardée... Lorsque le rabbi s'écriait : anôki ha-gephen et, c'est moi qui suis la vigne de vérité, ceux qui l'écoutaient entendent monter dans leur mémoire tous ces textes et d'autres, une polyphonie de textes hébreux anciens, dans lesquels le peuple hébreu était comparé à une vigne plantée par Dieu lui-même dans l'attente des bons fruits. Et mon père, c'est lui qui est le paysan... Genèse 9, 20 : Et il commença, Noah, d'être un homme de la terre, hébreu isch ha-adamah, grec anthrôpos geôrgos gès, et il planta une vigne, hébreu kerem, grec ampelôna. Et il a bu de son vin... Paul, 1 Corinthiens 3, 6 : Moi, j'ai planté. Appolôs, il a arrosé. Mais c'est Dieu qui a fait croître. En sorte que ce n'est pas celui qui plante, qui est quelque chose, ni celui qui arrose, mais Dieu qui fait croître... Nous sommes les collaborateurs de Dieu, theou gar esmen sunergoi. Quant à vous, vous êtes le champ cultivé par Dieu, theou geôrgion, vous êtes la construction de Dieu. 390 15, 2 Toute branche... Psaume 80, 9 : Une vigne d'Egypte tu as arraché. Tu as chassé des nations et tu l'as plantée. Tu as déblayé devant sa face et elle a enraciné ses racines et elle a rempli la terre. Elles furent couvertes, les montagnes, de son ombre, et de ses rameaux, de ses branches, les cèdres de dieu... Elle a envoyé ses branches, hébreu qatzir, grec klèma, jusqu'à la mer... Ezéchiel 17, 6 : Et elle a germé et elle est devenue une vigne... Ses branches, hébreu daliôtaiô, grec ta klèmata. Et voici que cette vigne... a envoyé ses branches, hébreu daliôtaiô, grec ta klèmata. L'exigence de fructification, Genèse 1, 28 : Et il les bénit, Dieu, et il leur dit, Dieu : Portez fruit et multipliez-vous et remplissez la terre... Matthieu 25, 29 : A celui qui a tout, il sera donné et il surabondera. Celui qui n'a pas, même ce qu'il a lui sera enlevé.

165 il l'enlève et toute branche qui porte du fruit il l'émonde afin qu'elle porte davantage de fruit 15, 3391

déjà vous vous êtes purs à cause de la parole que je vous ai dite

15, 4

demeurez en moi et moi [je demeurerai] en vous de même que la branche elle ne peut pas porter fruit d'elle-même si elle ne reste pas dans la vigne ainsi et de même vous non plus si vous ne demeurez pas en moi

15, 5

c'est moi qui suis la vigne et vous [vous êtes] les branches celui qui demeure en moi et moi en lui celui-là il porte beaucoup de fruit parce que séparés de moi vous ne pouvez rien faire du tout

15, 6

si quelqu'un ne reste pas en moi il est jeté dehors comme la branche [morte] et il se dessèche et ils les ramassent [les branches mortes] et ils les jettent au feu et elles brûlent

15, 7

si vous demeurez en moi et si mes paroles demeurent en vous ce que vous voulez demandez-le et cela sera fait pour vous

15, 8392

c'est en cela qu'il est glorifié mon père c'est que beaucoup de fruit vous portiez et que vous deveniez pour moi des disciples

391

15, 3 Déjà vous, vous êtes purs... Actes 15, 9 : Dieu qui connaît les secrets des cœurs a été témoin en leur faveur (en faveur des païens incirconcis) puisqu'il leur a donné (à eux aussi) l'Esprit saint, tout comme il nous l'a donné. Il n'a fait aucune discrimination entre nous et eux, mais par la certitude de la vérité il a purifié leurs cœurs... La parole que je vous ai dite, dabar, la parole, et le verbe dabar, pluriel dibber, parler. Pour rendre la communauté de racine, il faudrait traduire en français : la parole que je vous ai parlée... 392 15, 8 C'est en cela qu'il est glorifié, mon père, que... Grec hina ! Peut-être l'hébreu ki.

166 15, 9393

de même qu'il m'a aimé mon père de même moi aussi je vous ai aimés demeurez dans l'amour qui est le mien

15, 10394

si mes commandements vous les gardez alors vous resterez dans l'amour qui est le mien de même que moi les commandements de mon père je les ai gardés et je demeure dans l'amour qui est le sien

15, 11

ces paroles je vous les ai dites afin que ma joie soit en vous et afin que votre joie soit accomplie

15, 12395

et le voici mon commandement c'est que vous vous aimiez chacun son compagnon comme je vous ai aimés

15, 13396

il n'y a pas pour un homme d'amour plus grand que s'il met son âme [dans la paume de sa main] pour ceux qu'il aime

15, 14397

et vous vous êtes ceux que j'aime et qui m'aiment si vous faites ce que moi je vous commande

15, 15

et je ne vous appelle plus serviteurs car le serviteur ne connaît pas ce qu'il fait son maître mais vous je vous ai appelés ceux que j'aime parce que tout ce que j'ai entendu et qui venait de mon père je vous l'ai fait connaître

393

394

15, 9 Dans l'amour qui est le mien : c'est-à-dire l'amour que je vous porte. 15, 10 Si vous gardez... J'ai gardé : en hébreu, schamar ou schatzar. L'amour qui est le sien : l'amour qu'il me

porte. L'amour qui est le mien : l'amour que je vous porte. 395 15, 12 Le voici mon commandement, c'est que... Grec hina ! Hébreu possible ki ou ascher. 396 15, 13 II n'est pas pour un homme d'amour plus grand que si... Grec hina ! Hébreu possible : me-ascher. Nous rétablissons la construction hébraïque sans le verbe avoir. Que s'il met son âme dans la paume de sa main... De nouveau la vieille expression hébraïque traduite ici en grec sous forme abrégée aisément intelligible pour ceux qui connaissaient la vieille expression hébraïque en son entier, inintelligible pour des païens qui ne la connaissaient pas. 397 15, 14 Et vous, vous êtes ceux que j'aime si vous faites... On observe la relation constante entre aimer et faire. Aimer n'est pas une passion mais une action, ce n'est pas un sentiment mais un agir.

167

15, 16398

ce n'est pas vous qui m'avez choisi mais c'est moi qui vous ai choisis et je vous ai donné [ce qu'il vous faut] pour que vous vous alliez et que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure afin que tout ce que vous demanderez à mon père en mon nom il vous le donne

15, 17399

ce que je vous ai commandé c'est que vous vous aimiez chacun son compagnon

15, 18400

si le monde de la durée présente vous hait vous savez qu'il m'a haï le premier et avant vous

15, 19

si vous étiez de ce monde de la durée présente le monde de la durée présente aime ce qui lui appartient mais parce que vous n'êtes pas de ce monde de la durée présente mais c'est moi qui vous ai choisis et tirés de ce monde de la durée présente c'est la raison pour laquelle il vous hait le monde de la durée présente

15, 20401

souvenez-vous de la parole que je vous ai dite il n'est pas le serviteur

398

15,16 Ce n'est pas vous qui m'avez choisi... Nous lisons de nouveau ici une série ou un ensemble de propos enseignés par le Seigneur et notés par celui qui l'écoutait, sans qu'il soit évident ni certain que ces propos se touchaient dans la réalité comme les notes se touchent dans nos manuscrits. Il est vraisemblable au contraire qu'il y avait entre chaque propos des développements, que les notes ne nous ont pas conservés. C'est la raison pour laquelle il nous est souvent si difficile de reconstituer la logique de l'entretien et la logique des relations entre deux propositions qui se suivent. Et je vous ai donné... Grec ethèka. Jérémie 1, 4 : Et elle fut, la parole de YHWH, à moi pour dire : Avant que je te forme dans le ventre (de ta mère) je t'ai connu ! Et avant que tu sortes de la matrice, je t'ai consacré ! Prophète pour les nations je t'ai établi, hébreu neta-tika, du verbe hébreu natan, donner. Traduction grecque tetheika, du verbe tithèmi, comme Jean 15,16. Dans nombre de cas, le verbe grec tithèmi, poser, placer, traduit le verbe hébreu natan, qui signifie donner. Genèse 1, 17 ; 9,13 ; 15,10 ; 17, 2 ; 17, 5 ; etc. Exode 12, 7 ; 26, 33 ; etc. Lévitique 10, 1 ; 26, 11 ; etc. 399 15, 17 Ce que je vous ai commandé, c'est que... Grec hina ! Hébreu probable ascher ou ki. 400 15,18 Vous savez qu'il m'a haï le premier, avant vous... On peut aussi traduire, conformément à l'hébreu probable : Ne savez-vous pas que... Le premier, avant vous : en grec proton suivi d'un génitif comme dans Jean 1,15. 401 15, 20 Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite... En hébreu, même racine pour le verbe et le substantif dabar. Il faudrait donc traduire : souvenez-vous de la parole que je vous ai parlée... S'ils ont gardé ma parole... On peut aussi comprendre et traduire : S'ils avaient gardé ma parole, alors ils garderaient aussi la vôtre.

168 plus grand que son seigneur si moi ils m'ont persécuté vous aussi ils vous persécuteront si ma parole ils l'ont gardée alors la vôtre aussi ils la garderont 15, 21402

mais tout cela ils le feront contre vous à cause de mon nom parce qu'ils n'ont pas connu celui qui m'a envoyé

15, 22403

si je n'étais pas venu et si je ne leur avais pas parlé il n'y aurait pas de faute sur eux mais maintenant d'excuse il n'y en a pas pour eux en ce qui concerne leur faute

15, 23

celui qui me hait il hait aussi mon père

15, 24404

si ces actions je ne les avais pas accomplies au milieu d'eux qu'aucun autre n'a accomplies il n'y aurait pas de faute sur eux mais maintenant ils ont vu [les actions que j'ai accomplies] et ils ont haï et moi et mon père

15, 25405

mais c'est afin que soit accomplie la parole qui est écrite dans leur [livre] d'instruction

402

15, 21 A cause de mon nom, en grec dia, hébreu probable baa-bourschemi. 15, 22 Mais maintenant... Hébreu we-atah, qui marque fortement l'opposition entre la proposition antérieure et la proposition suivante. 404 15, 24 Si ces actions, je ne les avais pas accomplies... En hébreu, comme précédemment, même racine pour le verbe asah, faire, et le substantif maaseh, l'action. Il faudrait donc traduire, pour rendre cette communauté de racine : si ces actions je ne les avais pas agies... La communauté de racine n'apparaît pas dans la traduction grecque. 405 15, 25 Mais c'est afin que soit accomplie... En hébreu le verbe maie, être plein, remplir ; niphal immale, être rempli ; piel mille, remplir. 1 Rois, 1, 14 : Je remplirai ta parole... 1 Rois 2, 27 : Afin de remplir la parole de YHWH qu'il avait dite au sujet de la maison d'Eli... 2 Chroniques 36, 21 : Afin que soit remplie la parole de YHWH (qui a été dite) dans la bouche de Jérémie... La parole qui est écrite dans leur (livre) d'instruction... En grec nomos, traduction constante de l'hébreu Torah, l'instruction. Ici de nouveau le terme de Torah est pris au sens large d'instruction et de révélation, puisque le texte cité provient du Psaume 35 : Qu'ils aient honte et qu'ils soient confondus ceux qui recherchent mon âme ! Qu'ils reculent en arrière et qu'ils soient confus ceux qui méditent le mal contre moi ! Car sans raison, hébreu hinnam, grec dôréan, ils m’ont tendu un piège, sans raison, hinnam, ils ont creusé une fosse pour mon âme... 35, 19 : Ils me haïssent sans raison, hébreu hinnam, grec hoi misountes me dôrean. Psaume 69 : Sauve-moi, Dieu, car elles sont venues, les eaux, jusqu'à la gorge ! Je m'enfonce dans le bourbier et il n'y a rien qui tienne pour me retenir. Je suis entré dans les 403

169

ils m'ont haï sans raison 15, 26406

lorsqu'il viendra l'avocat de la défense que moi je vous enverrai

profondeurs des eaux... Ils sont nombreux plus que les cheveux de ma tête ceux qui me haïssent sans raison, hébreu hinnam, grec hoi nisountes me dôrean. 406 15, 26 L'avocat de la défense : le mot hébreu peraqelith adopté ar les rabbins à partir du grec paraklètos. Que moi je vous enverrai, lui qui vient du père : grec para tou atros, hébreu me-et ha-ab. L'esprit de vérité, hébreu ruah ha-emet. Qui est issu du père : hébreu le verbe iatza, sortir de... Le verbe grec ekporeuesthai traduit constamment le verbe hébreu iatza, Genèse 2,10 ; 24,11 ; 24,13 ; 24, 15 ;24,43 ;etc. Lui il attestera de la vérité en ma faveur : en hébreu ancien, attester, c'est attester de la vérité de... On sait que depuis le patriarche Photios, patriarche de Constantinople en 858, une controverse, qui est loin d'être terminée, sépare les Eglises d'Orient qui sont sous la juridiction spirituelle de Constantinople, de l'Église de Rome, à propos de l'Esprit saint. Le texte que nous venons de lire et de traduire est au cœur de la querelle. Nous avons déjà rappelé que dans le système logique des livres de la nouvelle alliance (Nouveau Testament...), le père désigne Dieu lui-même, le fils désigne l'Homme véritable uni à Dieu véritable, l'Esprit saint, c'est l'esprit de Dieu qui nous est communiqué, c'est Dieu lui-même, qui est esprit, qui nous est communiqué. La sainte triade, dans le système logique des livres du Nouveau Testament, c'est donc extrêmement simple. C'est Dieu, appelé père par le Christ lui-même ; le fils de l'homme, qui est le fils de Dieu ; et l'esprit de Dieu, qui est Dieu lui-même, qui est dans le Christ, de même que le Christ est en Dieu. Nous avons rappelé aussi qu'à partir d'Origène d'Alexandrie, à partir de l'inconnu qui a composé l’Elenchos contre toutes les hérésies, publié sous le nom d'Hippolyte de Rome, et à partir de Tertullien, des théologiens ont appelé «fils » le propre logos de Dieu, avant l'incarnation, indépendamment de l'incarnation. Les deux systèmes logiques sont évidemment différents. Les discussions qui se sont poursuivies jusqu'aujourd'hui au sujet de la procession du Saint Esprit, ne sont pas parvenues à terme, parce qu'on n'a pas fixé dans quel système logique on se situait. On a oscillé entre les deux langages, — celui du Nouveau Testament, concret, — et le langage d'Origène d'Alexandrie adopté par les Pères de langue grecque, puis par les Pères latins et par les grands docteurs du Moyen Âge. Si l'on entend par fils le propre logos de Dieu, alors il est évident que Dieu, son propre logos, ou son propre dire, son propre parler, — et son propre esprit, ne constituent qu'un seul Dieu, una singularis simplex omnino et incommutabilis subs-tantia spiritualis, Concile du Vatican I, 1870. Le terme de procession du Saint Esprit ne doit pas créer d'embarras. Le verbe grec ekporeuesthai que nous lisons Jean 15, 26 a été traduit en latin par le verbe procedere. Nous venons de voir que le verbe grec ekporeuesthai traduit tout simplement le verbe hébreu iatza, sortir de... L'esprit de vérité qui sort de Dieu, qui provient de Dieu, qui est issu de Dieu, pour nous être communiqué par grâce : c'est cela la procession du Saint Esprit. Si l'on adopte le système logique d'Origène d'Alexandrie, selon lequel le terme de « fils » désigne le logos même de Dieu, alors on est obligé de dire que le Saint Esprit procède du père et du fils, car si l'on se refuse à le dire, c'est donc que l'on suppose que Dieu et son propre logos ne sont pas un même être, et que le Saint Esprit pourrait procéder de l'un mais non pas de l'autre ! C'est donc que l'on suppose que Dieu et son propre logos sont deux êtres distincts l'un de l'autre. Les théologiens de l'Église de Rome ont adopté dans les controverses le point de vue et le terrain, le système logique des théologiens de langue grecque, à savoir le système logique des Pères grecs. Ils ont donc défini, Concile de Lyon, 18 mai 1274 : Fatemur, quod spiritus sanctus aeternaliter ex pâtre etfîlio, non tanguant ex duobus principiis, sed tanquam ex uno principio, non duabus spirationibus, sed unica spiratione, procedit. Pour l'Église de Rome, en effet, et depuis le commencement, Dieu, le parler de Dieu, et l'esprit de Dieu, sont un seul et unique principe au sens métaphysique ou ontologique de ce terme, mia arche, traduction latine unum principium. C'est ce que le pape Denys écrivait déjà en 262 à son collègue d'Alexandrie, lorsqu'il protestait, déjà, contre ceux qui cassent l'enseignement de l'Église de Dieu, tèn monarchian, l'unité métaphysique, ontologique, du principe qui est Dieu, en trois puissances, en trois individualités (grec hypostaseis) séparées, en trois divinités. Dieu, le parler de Dieu, l'esprit de Dieu, cela ne fait pas trois dieux. C'est toujours un seul et unique Dieu. Le parler de Dieu, c'est Dieu lui-même. Et l'esprit de Dieu, c'est Dieu lui-même. Le Concile de Florence, le 6 juillet 1439, définit la même doctrine constante de l'Église de Rome. Adoptant toujours le point de vue et le langage de ceux à qui il s'adresse, c'est-à-dire le système des Pères grecs, le concile définit que, dans ces conditions, l'Esprit saint est éternellement issu du père et du fils, ex pâtre etfîlio aeternaliter est, et que de l'un et de l'autre éternellement, comme d'un unique principe, et par une unique spiration, il procède, et ex utroque aeternaliter tamquam ab uno principio et unica spiratione procedit. S'il en était autrement, si le Saint Esprit ne procédait pas éternellement du père et du fils, dans le langage d'Origène d'Alexandrie, c'est-à-dire de Dieu et de son propre logos, s'il procédait de l'un mais non pas de l'autre, alors il faudrait

170 lui qui vient du père l'esprit de la vérité qui est issu du père c'est lui qui attestera de la vérité en ma faveur 15, 27

et vous aussi vous attesterez la vérité parce que depuis le commencement avec moi vous êtes

supposer que Dieu et son propre logos ne sont pas absolument le même être ! Ce serait la destruction du monothéisme, comme l'écrivait déjà le pape Denys en 262 à son collègue d'Alexandrie. Si l'on adopte le système concret des livres du Nouveau Testament et des plus anciennes professions de foi de l'Église, alors le terme de « fils » désigne Jésus le Christ considéré ou envisagé concrètement, celui que le pape Léon appelle l'Homme véritable uni à Dieu véritable, celui qui peut dire de lui-même, selon ce que nous fait savoir notre Évangile de Jean : le Père, c'est-à-dire Dieu, est en moi, et moi je suis en lui. Dans le cas-là, et comme le dit le Seigneur lui-même, il communique l'Esprit de Dieu, l'Esprit saint, qu'il a lui-même reçu, et qui habite en lui. Dans ce deuxième système, il est donc permis aussi de dire que l'Esprit saint provient du Père et du Fils.

171 CHAPITRE 16

16, 1407

toutes ces paroles je vous les ai dites afin que vous ne butiez pas sur un obstacle [qui pourrait vous faire tomber]

16, 2408

ils vont vous exclure de la communauté et même elle arrive l'heure où tout homme qui vous mettra à mort pensera rendre un culte à dieu

16, 3409

et cela ils le feront contre vous parce qu'ils n'ont pas connu le père

407

16,1 Afin que vous ne butiez pas sur un obstacle... Le verbe grec skandalizô qui en réalité n'existait pas en grec, a été forgé à partir du substantif skandalon qui n'existait pas non plus ! C'est du grec de traduction, ce que Richard Simon appelait du grec de synagogue. Le skandalon, c'est l'obstacle que l'on met devant les pieds de l'aveugle pour le faire trébucher et tomber, Lévitique 19, 14 : Devant la face de l'aveugle tu ne mettras pas d'obstacle pour le faire buter et tomber, hébreu mikeschôl, grec skandalon. Le mot grec forgé pour cet usage de traduction, skandalon, traduit aussi l'hébreu môqesch, Josué 23, 13 ; Juges 2, 3 ; 1 Samuel 18, 21. Skandalon traduit mikeschôl leb, l'obstacle qui fait buter le cœur, au sens hébreu du terme, c'est-à-dire l'intelligence, 1 Samuel 25, 31. Notre traduction est donc lourde, elle est même très lourde, mais nous avons pensé qu'il valait mieux traduire lourdement, que de ne pas traduire du tout. Car si la traduction de l'hébreu mikeschôl par le grec forgé à cet effet skandalon est, selon l'expression de Richard Simon, du grec de synagogue, la traduction du grec skandalon et skandalizein par scandale et scandaliser, est du français de sacristie. Le verbe grec skandalizein est utilisé par le traducteur de Matthieu 5, 29 ; 11, 6 ; 13, 21 ; 15, 12 ; 17, 27 ; 18, 6 ; 24, 10 ; Luc 7, 23 ; 17, 12 ; Marc 9, 43 ; 4, 17 ; 9, 42 ; 14, 27. Il est utilisé par Paul 1 Corinthiens 8, 13 : Si une nourriture constitue un obstacle qui peut faire buter et tomber mon frère, je ne mangerai plus de viande pour la durée à venir, eis ton aiôna, afin de ne pas susciter un obstacle à mon frère. Romains 14, 13, Paul — ou son traducteur — traduit l'hébreu mikeschôl par les deux mots grecs proskomma et skandalon. Le verbe hébreu kaschal signifie : buter avec le pied, parce qu'on ne voit pas. Isaïe 59, 10 : Nous marchons à tâtons comme des aveugles qui tâtent un mur. Comme des hommes qui n'ont plus d'yeux nous marchons à tâtons, nous trébuchons en plein midi... 408 16, 2 Ils vont vous exclure de la communauté... Le grec suna-gôgè traduit deux mots hébreux, adah et qahal, qui signifient : la communauté, l'ensemble. Genèse 28, 3 : tu deviendras une assemblée de peuples, we-haiita li-qehal ammim, grec kai esè eis sunagôgas ethnôn. Genèse 35, 11 : Un ensemble de peuples, qehal goïm, sera à partir de toi, grec sunagôgai ethnôn. Genèse 48, 4 : Je te donnerai d'être un ensemble de peuples, li-qehal ammim, grec kaipoièsô se eis sunagôgas ethnôn. Exode 12, 3 : Parlez à toute l'assemblée d'Israël... adat israel, grec pros pasan sunagôgèn huiôn israèl. Exode 12, 6 : Et ils le sacrifieront [l'agneau], toute l'assemblée de la communauté d'Israël, kôl qehal adat israel..., grec pan toplèthos sunagôgès huiôn israèl... Exode 12, 19 : Durant sept jours, du levain on n'en trouvera pas dans vos maisons, car tout homme qui mangera du pain levé au levain, elle sera retranchée cette âme de la communauté d'Israël, me-adat israel, grec ek sunagôgès israèl. Et même elle vient l'heure... Le grec latreia traduit l'hébreu abôdah, Exode 12, 25 ; 12, 26 ; 13, 5. Le verbe grec latreuein traduit l'hébreu abad, servir, qui a donné ebed, le serviteur, l'esclave. Exode 3, 12 : Vous servirez — vous rendrez un culte à — Dieu sur cette montagne-ci, grec latreusete. Vers l'année 36 sans doute, un jeune rabbin appartenant à l'école des perouschim, disciple de Gamaliel, persécutait la petite communauté et pensait rendre ainsi un culte à Dieu, Actes 8,1 et sq. Les persécutions ici annoncées sont les persécutions qui vont venir de la part des hautes autorités de Jérusalem. Le livre des Actes et l'Apocalypse sont baignés du sang de ces persécutions. On remarque qu'il n'est pas question des persécutions qui vont venir de la part des empereurs romains, avec Néron, à partir de 64 ou 65. Si Jean avait été composé à la fin du i" siècle ou au commencement du ne, nous trouverions ici l'annonce des persécutions et des massacres venant de la part de l'Empire romain. 409 16, 3 Parce qu'ils n'ont pas connu le père... Ou : mon père. Et moi non plus... Toujours le verbe hébreu iada, connaître. Connaître, ce n'est pas simplement constater le fait empirique, ce n'est pas seulement expérimenter, c'est accéder par l'intelligence au contenu et à la signification du fait. Vous ne m'avez pas connu : vous avez constaté mon

172 et moi non plus ils ne m'ont pas connu 16, 4

mais tout cela je vous l'ai dit afin que lorsqu'il viendra le temps [des événements dont je vous parle] vous vous souveniez de tout cela [et] que je vous l'ai dit tout cela depuis le commencement je ne vous l'ai pas dit parce qu'avec vous j'étais

16, 5

mais maintenant je m'en vais vers celui qui m'a envoyé et personne d'entre vous ne me demande où vas-tu

16, 6

mais parce que tout cela je vous l'ai dit c'est le chagrin qui a rempli votre cœur

16, 7

mais moi je vous dis la vérité c'est un avantage pour vous que moi je m'en aille car si je ne m'en vais pas l'avocat de la défense il ne viendra pas à vous mais si je m'en vais je vous l'enverrai

16, 8

et lorsqu'il viendra lui il mettra en accusation le monde de la durée présente à cause de la faute et de la justice et du jugement

16, 9

à cause de la faute parce qu'ils n'ont pas été certains de la vérité [qui est] en moi

16, 10

à cause de la justice parce que vers mon père je m'en vais et vous ne me verrez plus

16, 11

à cause du jugement parce que le prince du monde de la durée présente est jugé

existence empirique, mais vous n'avez pas connu, avec votre intelligence, qui je suis, ce que je suis, que c'est moi, ki ani hou !

173 ________ 16, 12410

il y a encore beaucoup de choses que j'ai à vous dire mais vous ne pouvez pas les porter pour l'instant

16, 13411

lorsqu'il viendra celui-là l'esprit de la vérité il vous conduira dans la vérité tout entière car il ne parlera pas de son propre cœur ornais ce qu'il entendra c'est cela qu'il dira et les choses à venir il vous les annoncera

16, 14

c'est lui qui me glorifiera car de ce qui est à moi il recevra et il vous l'annoncera

16, 15412

tout ce qui est à mon père est aussi à moi c'est pour cela que je vous ai dit de ce qui est à moi il recevra et il vous l'annoncera

16, 16 410

encore un peu [de temps] et vous ne me verrez plus et puis de nouveau encore un peu [de temps]

16, 12 II y a encore beaucoup de choses que j'ai à vous dire... Construction hébraïque : beaucoup de choses sont encore à moi à vous dire... Mais vous ne pouvez pas les porter, grec bastazein, hébreu nasa, porter une charge. L'enseignement est comparé à une charge, Matthieu 23, 4 : Ils lient des fardeaux qui sont lourds et ils les mettent sur les épaules des gens... 411 16,13 L'esprit de la vérité, hébreu ruah ha-emet. Il vous conduira dans la vérité tout entière... Une série de manuscrits donne : en tè alètheia pasè. Une autre série de manuscrits : eis tèn alètheian pasan ou eis pasan tèn alètheian. Hébreu probable : el, vers, dans la direction de, mais peut-être be, dans Néhémie 9, 19 : Et toi dans tes compassions nombreuses, tu ne les as pas abandonnés dans le désert. La colonne de nuée ne s'est pas écartée d'au-dessus d'eux pendant le jour, pour les conduire sur la route, beha-derek. Psaume 5, 9 : YHWH conduis-moi dans ta justice, be-tzidekateka. Psaume 26, 3 : Je marche dans ta vérité... Psaume 25, 5 : Conduis-moi dans ta vérité et instruis-moi... Psaume 27, 11 : Enseigne-moi, YHWH, ta route ! Et conduis-moi dans, hébreu be, un chemin droit... Psaume 73, 24 : Dans ton conseil conduis-moi... Psaume 107, 7 : Et il les a conduits sur une route droite — en hébreu le verbe darak, marcher sur une route, et derek, la route, sont évidemment de la même racine —. Grec : kai ôdègèsen autous eis odon eutheian. Ici donc le be hébreu est traduit par le eis grec. Psaume 119, 35 : Fais-moi marcher sur le sentier de tes commandements... Psaume 139, 24 : Conduis-moi sur la route de la durée éternelle à venir, be-derek olam, grec en odô aiônia. Il ne parlera pas de son propre cœur, hébreu mi-libbô. 412 16, 15 Tout ce qui est à mon père... Construction hébraïque rétablie. L'Esprit saint, qui est l'esprit de Dieu, qui est Dieu lui-même qui est esprit, est dans le Christ, dans l'Homme véritable uni à Dieu véritable de même que le Christ est en Dieu. Tout ce qui appartient au père, c'est-à-dire à Dieu, appartient désormais à l'Homme véritable uni à Dieu véritable. Et c'est ainsi que le Seigneur peut communiquer l'Esprit saint, qui est l'esprit de Dieu.

174 et vous me reverrez 16, 17413

ils se sont dit alors certains de ses disciples chacun à son compagnon qu'est-ce que c'est ce qu'il nous dit là encore un peu et vous ne me verrez plus et puis de nouveau encore un peu et vous me verrez et puis aussi parce que je m'en vais vers le père

16, 18

ils disaient donc qu'est-ce donc ce qu'il dit encore un peu [de temps] nous ne savons pas ce qu'il dit

16, 19

alors il a connu ieschoua qu'ils voulaient l'interroger et il leur a dit à ce propos vous vous demandez chacun avec son compagnon [ce que cela signifie] parce que j'ai dit un peu et vous ne me verrez plus et de nouveau un peu et vous me verrez

16, 20

amèn amèn je vous [le] dis vous vous allez pleurer et vous lamenter et le monde de la durée présente va se réjouir vous vous serez dans le chagrin mais votre chagrin en joie se changera

16, 21

la femme lorsqu'elle va enfanter elle est dans la peine parce qu'il est venu son temps mais lorsqu'il est né l'enfant

413

16, 17 Qu'est-ce que c'est... Hébreu : mah-zeh ascher amar aleinou...

175 alors elle ne se souvient même plus de son angoisse à cause de la joie [qui est la sienne] parce qu'est né un fils de l'homme dans le monde de la durée présente 16, 22

et vous aussi maintenant vous allez avoir du chagrin mais je reviendrai vous voir et il se réjouira votre cœur et votre joie personne ne vous l'enlèvera

16, 23

et en ce jour-là à moi vous ne demanderez plus rien amèn amèn je vous [le] dis tout ce que vous demanderez au père en mon nom il vous le donnera

16, 24

jusqu'à présent vous n'avez rien demandé en mon nom demandez et vous recevrez afin que votre joie soit pleine et entière

16, 25414

tout cela c'est dans des comparaisons que je vous l'ai dit elle vient l'heure où ce n'est plus dans des comparaisons que je vous parlerai mais c'est une manière ouverte qu'au sujet de mon père je vous annoncerai

16, 26

en ce jour-là

414

16, 25 Dans des comparaisons, grec paroimia, hébreu mâschâl, Proverbes 1, 1 ; 35, 1. Le mot hébreu mâschâl est traduit par parabole, Nombres 23, 7 ; 23, 18 ; 24, 3 ; etc. Les traducteurs de Matthieu, de Luc et de Marc ont traduit l'hébreu mâschâl par le grecpara-bolè. Un mâschâl est une réalité physique, empirique, qui contient une signification et qui est utilisée pour enseigner ce qui n'est pas objet d'expérience immédiate. Matthieu 13, 3 ; 15, 15 ; 21, 33 ; 22, 1 ; 24, 32 ; etc. La différence entre le mâschâl et l'allégorie, c'est que le mâschâl est une réalité empirique tangible et concrète, vécue, tandis que l'allégorie peut contenir du fantastique. Le point de départ du mâschâl, c'est l'expérience quotidienne du paysan, du berger, de celui qui cultive sa vigne ou son champ. Ce n'est pas un conte ni un rêve. Comprendre une parabole, la connaître — au sens hébreu du terme — c'est être capable de passer du fait concret et empirique qui est le point de départ, à la signification qui est visée, à l'enseignement qu'elle contient. C'est en somme la déchiffrer. Le traducteur de Jean ne se sert pas du mot grec parabole.

176 en mon nom vous demanderez et je ne vous dis pas que moi je prierai le père pour vous 16, 27415

car le père lui-même vous aime parce que vous vous m'avez aimé et parce que vous avez été certains qu'il est vrai que moi je suis venu de dieu

16, 28416

je suis issu du père et je suis venu dans le monde de la durée présente et voici que de nouveau je quitte le monde de la durée présente et je m'en vais vers le père

16, 29

alors il [lui] ont dit ses disciples voici que maintenant tu parles ouvertement et aucune comparaison tu ne dis plus

16, 30

maintenant nous avons connu que tu connais toutes choses et tu n'as pas besoin que quelqu'un t'interroge c'est à cause de cela que nous sommes certains qu'il est vrai que tu es issu de dieu

16, 31417

alors il leur a répondu ieschoua [et il leur a dit] maintenant vous êtes certains que cela est vrai

16, 32418

415

voici qu'elle vient l'heure et elle est déjà venue où vous serez dispersés chacun dans sa maison

16, 27 Que je suis venu de Dieu... Variantes : que je suis venu du père. 16, 28 Je suis issu du père : Ou : je suis venu du père... Ou encore : je suis sorti du père, hébreu possible iatza, sortir de, provenir de, être issu de. Variantes dans les manuscrits : exèlthon para tou oatros, exèlthon ek toupatros. Para suivi du génitif, ek et apo traduisent l'hébreu min, qui indique la provenance. Nous avons donc ici peut-être la trace de plusieurs traductions du même original hébreu. 417 16, 31 Maintenant vous êtes certains que cela est vrai... Le Seigneur reprend sur le mode dubitatif la proposition ou l'affirmation qu'il vient d'entendre, comme cela est fréquent dans les dialogues rapportés par Jean. 418 16,32 Voici qu'elle vient l'heure, et elle est venue, où vous serez dispersés... Grec hina ! Hébreu probable ascher. 416

177 et quant à moi seul vous me laisserez mais je ne suis pas seul parce que le père est avec moi 16, 33419

419

tout cela je vous l'ai dit afin qu'en moi la paix soit avec vous dans le monde de la durée présente il y aura contre vous persécution mais qu'il n'ait pas peur votre cœur moi j'ai vaincu le monde de la durée présente

16,33 N'ayee pas jaur : grec tharseîn, traduction de l'hébreu ne pas avoir peur, Genèse 35,17 ; Exode 14,13 ; 20,20 ; etc.

178 CHAPITRE 17

17, 1420

voilà ce qu'il a dit ieschoua et il a levé les yeux vers les cieux et il a dit mon père voici qu'elle est venue l'heure glorifie ton fils afin que ton fils te glorifie

17, 2421 420

tu lui as donné puissance et autorité sur toute chair afin que tous ceux que tu lui as donnés à lui

17, 1 Mon père... Lorsqu'en hébreu nous lisons abi, mon père, les traducteurs en langue grecque donnent : pater, père. Genèse 22, 7 : Et il dit, Itzehaq à Abraham son père, et il dit : Mon père ! abi, grec pater. Genèse 27, 18 ; 27, 34. De même béni, mon fils, est traduit teknon, Genèse 27, 37. Genèse 27, 38, abi, mon père, grec pater ; 2 Rois 2,12, abi abi, grec paterpater ; 2 Rois 13,14. Voici qu'elle est venue, l'heure... Le mot grec hôra traduit le plus souvent l'hébreu et, qui signifie : le temps, Genèse 18, 14 ; 29, 7 ; Exode 9, 18 ; etc. Mais dans quelques cas, Daniel 3,6; 4, 16 ; 5, 5 ; etc., le mot grec hôra traduit l'hébreu schaah, qui est de l'hébreu tardif, provenant sans doute de Paraméen, et qui signifie : une heure, une courte durée de temps, PirqéAbot 4,17 : Rabbi laaqôb disait : la durée du monde présent, ha-ôlam ha-zeh, c'est comme le vestibule devant la face de la durée du monde qui vient, bi-phenei ha-ôlam ha-bah... Il disait aussi : Elle est belle, une seule heure, schaah ahat, passée dans le retour (à Dieu) et les belles actions, dans le monde de la durée présente, ba-ôlam ha-zeh, plus que toute la vie de la durée du monde qui vient... Il est donc possible, mais non certain, qu'ici nous ayons le mot schaah sous le grec hôra. Glorifie ton fils... Grec doxazein, hébreu probable kabad, kal parfait kabed, piel imparfait ikabbed, honorer ; hiphil hikebbid, rendre lourd, honorer. Kabed signifie : lourd, riche. Kabôd, l'honneur, la gloire, la splendeur, la richesse. Le grec doxazein traduit le verbe hébreu kabed Juges, 9, 9 ; 13, 17 ; 1 Samuel 2, 29 ; 2, 30 ; 15, 30 ; 2 Samuel 6, 20 ; 6, 22 ; 10, 3 ; etc. Psaume 15, 4 : Ceux qui craignent YHWH, il les honore... Psaume 22, 24 : Vous qui craignez YHWH, louez-le ! Toute la semence de laaqôb, glorifiez-le ! Psaume 50, 15 : Crie vers moi au jour de la détresse, je te délivrerai et tu me glorifieras ! Psaume 86, 9 : Toutes les nations que tu as faites, elles viendront, elles se prosterneront devant ta face, seigneur, et elles glorifieront ton nom... Psaume 86, 12 : Je te rendrai grâces, seigneur mon Dieu, de tout mon cœur et je glorifierai ton nom pour la durée qui vient, le-ôlam, grec kai doxasô to onoma sou eis ton aiôna. Psaume 91, 14 : Parce qu'à moi il s'est attaché, je vais le libérer. Je vais le protéger parce qu'il a connu mon nom. Il criera vers moi et je lui répondrai. Avec lui moi [je suis] dans l'angoisse. Je le délivrerai et je le glorifierai, en hébreu toujours le verbe kabed, grec : kai doxasô auton. Isaïe 43, 4 : Et maintenant, ainsi a parlé YHWH, celui qui t'a créé, Jacob, et qui t'a formé, Israël. N'aie pas peur, car je t'ai racheté ! Je t'ai appelé par ton nom, à moi [tu es] toi ! Que si tu traverses les eaux, avec toi [je suis] moi ! Et à travers les fleuves, ils ne te submergeront pas ! Que si tu marches au milieu du feu, tu ne seras pas brûlé... Car moi [je suis] YHWH ton Dieu, le saint d'Israël, celui qui te sauve ! J'ai donné, en rançon pour toi, l'Egypte... Par le fait — hébreu me-ascher — que tu es précieux à mes yeux, tu as été honoré, hébreu nikebadeta, grec edoxtathès, et je t'ai tiné. Je donnerai de l'homme, hébreu adam, à ta pttce et des peuplai àh place de ton âme... 421 17, 2 Tu lui as donné puissance et autorité sur toute chair... Nous avons traduit par ces deux mots français l'unique mot grec exousia, qui traduit l'hébreu memeschalah, du verbe maschal, régner, dominer, gouverner, dominer, etc., 2 Rois 20, 13 ; Psaume 114, 2 ; Psaume 136, 8 et 9. En hébreu nous avons : Le soleil pour la domination sur le jour, la lune et les étoiles pour la domination sur la nuit, ba-iôm et ba-laïlah. Les traducteurs ont rendu en grec : ton hèlion eis exousian tes hèmeras, tèn selènèn kai ta astra eis exousian tes nuktos. C'est cette construction bizarre avec un génitif que nous lisons dans la traduction grecque de Jean 17, 2. Exousian pasès sarkos traduit l'hébreu be-kôl basar, sur toute chair. L'expression hébraïque toute chair signifie évidemment tous les êtres vivants et plus spécialement tous les hommes, Genèse 6, 13 ; 6, 17 ; 7, 15 (tous les êtres vivants, y compris les animaux) ; Psaume 136, 25 : Il donne du pain à toute chair... Isaïe 40, 6 : Toute chair, c'est de l'herbe ! Jérémie 25, 31 : Il entre en jugement avec toute chair... Zacharie, 2, 17 : Silence, toute chair, devant la face de YHWH... Jérémie 12,12 : Il n'y a pas de paix pour toute chair...

179 il leur donne la vie de la durée éternelle à venir 17, 3422

et la voici la vie de la durée éternelle à venir c'est qu'ils te connaissent toi qui [es] seul dieu de vérité et celui que tu as envoyé ieschoua celui qui a reçu l'onction

17, 4423

moi je t'ai glorifié sur la terre l'action je l'ai achevée celle que tu m'as donné à faire

17, 5424

et maintenant glorifie-moi toi mon père

Etc. Il est évident que l'expression que nous lisons ici, exousian pasès sarkos, est une traduction — décalque d'une expression hébraïque. Afin que tous ceux que tu lui as donnés... En grec pan, neutre. Il faudrait donc traduire, si l'on suivait le texte grec sans tenir compte de l'hébreu qui est dessous : tout ce que... Pan traduit l'hébreu kôl, suivi de ascher : tous ceux que... Encore un texte inintelligible sans le recours à l'hébreu sous-jacent. La vie de la durée à venir, grec zôèn aiônion, hébreu haïïôlam. 422 17, 3 Et la voici la vie de la durée éternelle à venir, c 'est qu ' ils te connaissent... Grec hina ! Hébreu probable .ascher. Qu'ils te connaissent : la vie éternelle par la connaissance et dans la connaissance, Jean 1,4 : La vie est la lumière des hommes... Toi le Dieu unique et véritable, el émet... Affirmation du plus strict et du plus pur monothéisme, comme dans tous les livres de la nouvelle alliance. Et celui que tu as envoyé... Il est très possible que le rédacteur, ou le traducteur, ait ajouté le nom de celui qui est l'envoyé de Dieu : ies-choua, celui qui a reçu l'onction royale, sacerdotale et prophétique. 423 17, 4 L'action, je l'ai achevée, celle que tu m'as donné à faire... Comme précédemment, le mot grec ergon et le verbe poein traduisent le substantif heoreu maaseh et le verbe hébreu asah qui sont évidemment de la même racine. Il faudrait donc traduire en français : l'action, je l'ai conduite à terme, celle que tu m'as donné à agir... Que tu m'as donné à faire : hébreu la-asôtah. 424 17, 5 Et maintenant glorifie-moi... Ce texte n'enseigne nullement la préexistence de l'Homme véritable uni à Dieu véritable, contrairement à ce que se sont imaginé Origène d'Alexandrie et ses disciples, jusqu'aujourd'hui. Cette mythologie de la préexistence de l'Homme uni à Dieu est rejetée par le pape Léon, Lettre à Julien évêque de Cos, 13 juin 449 : « Mais cela, les intelligences et les oreilles catholiques ne peuvent pas le supporter... Ce qui, dans la doctrine d'Origène, a été condamné à juste titre... » Ce texte, comme le précédent 8, 58, signifie que le Christ, en qui se réalise l'union substantielle et sans mélange, sans confusion, Concile de Chalcédoine, octobre 451 — de l'Homme nouveau créé, à Dieu l'unique incréé, verus homo vero unitus est Deo —, c'est lui qui est la finalité de toute la création, c'est pour lui que toute la création est en route, c'est vers lui qu'elle tend, comme une femme qui enfante. Il est le but, l'achèvement, la plénitude et la raison d'être de la création tout entière. L'Univers physique lui-même, depuis ses tout premiers commencements, tend vers lui qui est V alpha et Y oméga de toute la création. La gloire du Christ est le but et la fin de la création. Cette gloire, qui est la finalité de toute la création, préexiste à l'Univers entier, dans la pensée de Dieu, puisque toute l'histoire de la création tend à cette unique fin. Et par conséquent le Christ peut parler de la gloire qui était la sienne aux yeux de Dieu, ou devant la face de Dieu, avant la création du monde. A tes propres yeux... Grec para seautô. Para suivi du datif peut traduire le min hébreu, Genèse 18, 14 : Est-ce que tombe [à terre], venant de YHWH, une seule parole (une seule chose) ? Grec para tô theô. Para suivi du datif peut aussi traduire une expression qui signifie : chez, auprès de... Genèse 24, 23 : Est-ce qu'il y a, dans la maison de ton père, de la place pour nous, pour passer la nuit ? Grec para topatrisou. Genèse 24, 25 : Il y a même de la paille, il y a même du fourrage en quantité, chez nous, hébreu immanou, grec par-'hèmin. Genèse 27, 15 : Et elle prit, Rébecca, les habits d'Esau son fils, le grand, les habits précieux, qui étaient avec elle, ittah, dans la maison... Grec -.par'autè.

180 à tes propres yeux de la gloire qui était à moi avant qu'elle ne soit la durée du monde présent à tes yeux 17, 6425

je l'ai fait connaître ton nom aux fils de l'homme que tu m'as donnés pris du monde de la durée présente à toi ils appartenaient et à moi tu les as donnés et ta parole ils l'ont gardée

17, 7

maintenant ils ont connu que tout ce que tu m'as donné provient de toi

17, 8426

car les paroles que tu m'as données à moi je les leur ai données et eux ils ont reçu et ils ont connu véritablement que de toi je suis issu

Genèse 29, 25 : Est-ce que, pour Rachel, je n'ai pas servi chez toi, hébreu immak, grec para soi. Genèse 29, 27 : Pour le service que tu serviras avec moi, hébreu immadi, grec par'emoï, encore sept autres années... Genèse 31, 32 : Celui chez qui, im-ascher, grec par'hô, tu trouveras tes dieux... Reconnais donc ce qui est chez moi, immadi, grec par'emoï... Para suivi du datif peut aussi traduire l'hébreu etzel, auprès de... Genèse 39, 15 : Et il a abandonné son habit à côté de moi, auprès de moi, hébreu etzeli, grec par'emoï. Para suivi du datif peut traduire l'hébreu et, avec. Genèse 44, 9 : Celui chez qui, auprès de qui, on trouvera, parmi tes serviteurs... Hébreu ascher immatze ittô..., grec par'hô... Genèse 44, 10, idem. Be-iad, dans la main de... Genèse 44,16 : Celui dans la main de qui a été trouvée la coupe... Hébreu : ascher nimetza be-iadô, grec par'hô. Genèse 44, 17, idem. Enfin para suivi du datif peut traduire l'expression hébraïque aux yeux de... Genèse 33, 12 : Je t'ai connu par ton nom ! Et même tu as trouvé grâce à mes yeux, hébreu be-einai, grec kai charin echeispar emoï... Exode 33, 16 : Et comment connaîtra-t-on ici que j'ai trouvé grâce à tes yeux, be-eineika, grec para soi... Nous conjecturons donc, pour Jean 17, 5, l'expression hébraïque : à tes yeux. Il est aussi fort possible qu'il y ait eu tout simplement en hébreu : le-phaneika, devant ta face. 425 17, 6 Je l'ai fait connaître, ton nom... Isaïe 63, 19 ; 64, 1 : Si tu déchirais les deux, si tu descendais ! Pour faire connaître — hébreu le verbe iada à la forme hiphil — ton nom à tes adversaires. Grec : kai phaneron estai to onoma kuriou... Aux fils de l'homme... Hébreu li-benei ha-adam. Pour dire : les individus appartenant à l'espèce de..., l'hébreu utilise le mot ben, fils de... Tirés du monde de la durée présente : hébreu min-ha-ôlam ou mi-tôkha-ôlam. Et ta parole, ils l'ont gardée : en hébreu natzar ou schamar, garder. Nous nous souvenons que les chrétiens ont été appelés les nôt-zerim dans les premières générations, ceux qui gardent... La transcription en grec de cette expression hébraïque, ha-nôtzerim, a donné nazôraioi. Epiphane de Salamine, Adversus Haereses, XXIX, P.G. 41, 389 : Et tous les chrétiens étaient alors appelés nazôraioi... 426 17, 8 Les paroles que tu m'as données à moi... Les gestes hébreux : donner et recevoir, natan donner, qibbel recevoir. Transmettre l'information, recevoir l'information. Paul, 1 Corinthiens 15 : Je vous fais connaître, frères, l'heureuse annonce que je vous ai annoncée, et que vous avez reçue, grec para-lambanein, traduction de l'hébreu qibbel, et dans laquelle vous vous tenez debout et fermes... Je vous ai transmis, grec paredôka, à vous, tout d'abord, ce que j'avais reçu, ho kaiparelabon, à savoir que le Christ est mort à cause de nos crimes, conformément aux Écritures, et qu'il a été mis au tombeau, et qu'il s'est relevé d'entre les morts, le troisième jour, et qu'il s'est fait voir à Kêpha...

181 et ils sont certains de la vérité que c'est toi qui m'as envoyé 17, 9

moi c'est pour eux que je te prie ce n'est pas en faveur du monde de la durée présente que je te prie mais pour ceux que tu m'as donnés car à toi ils appartiennent

17, 10

et tout ce qui est à moi est à toi et tout ce qui est à toi est à moi et j'ai été glorifié en eux

17, 11427

et je ne suis plus dans le monde de la durée présente mais eux ils sont encore dans le monde de la durée présente et moi je m'en vais vers toi père saint garde-les dans ton nom ceux que tu m'as donnés

427

17, 11 Garde-les dans ton nom... De nouveau le verbe hébreu natzar, garder... Ceux que tu m'as donnés... Si on traduit le texte grec tel qu'il se présente, sans rechercher l'hébreu sous-jacent, il faut traduire : Garde-les dans ton nom, à qui, grec hô, tu as donné à moi, hô dedôkas moi. Tel est le texte publié dans nos éditions critiques modernes. C'est le texte pris d'une série de manuscrits. Une autre série donne : ho dedôkas moi, ce que tu m'as donné... Une autre série encore : ous dedôkas moi... ceux que tu m'as donnés... En vertu du bon vieux principe selon lequel la leçon la plus difficile est probablement la bonne, nos éditeurs ont gardé la première leçon, qui en réalité ne donne pas de sens, et qui est impossible du point de vue de la syntaxe grecque. Certains critiques traduisent : Garde-les en ton nom, que tu m'as donné... C'est donc le nom de Dieu qui est donné au Seigneur... Nous conjecturons avec Delitzsch et Zalkinson l'hébreu et ascher netatam li, ceux que tu m'as donnés... Ou : et elleh ascher natatah li... ceux-ci que tu m'as donnés... La traduction grecque ous dedôkas moi était donc la bonne. La vieille traduction latine donnait : pater sancte serva eos in nomine tuo quos dedisti mihi. Le bon vieux principe selon lequel la leçon la plus difficile est probablement la bonne, n'est donc pas sûr. Comment peut-on comprendre que le relatif hébreu ascher ait pu aboutir au relatif grec hô ? C'est que le relatif hébreu ascher — que nous avons déjà souvent rencontré — est indéclinable, non modifiable, immobile à sa place pour tous les genres, pour tous les cas et pour tous les nombres. Il peut même servir, comme nous l'avons vu, de conjonction. On comprend fort bien que dans le passage de l'hébreu au grec, il y ait eu des phénomènes aberrants. Afin qu'ils soient un comme nous sommes un... Texte capital du point de vue métaphysique et théologique, comme les précédents et comme les suivants. Les disciples, dans ce corps, dans cet organisme spirituel, qui est l'Église, seront un, métaphysiquement, ontologique-ment, en vertu du principe unique qui informe l'Église, qui est le Christ lui-même, et cependant les disciples resteront distincts les uns des autres. Les personnes des disciples resteront distinctes les unes des autres. Par conséquent l'unité, dont il est ici question, n'est pas une unité de fusion — le retour à l'Un des métaphysiques de l'Un — mais une unité organique, l'unité de l'organisme spirituel qui est l'Église, unité qui respecte et qui exalte même la distinction et l'originalité des personnes créées, éternellement distinctes les unes des autres, et unies, sans confusion, dans ce système de type biologique qui est l'Église. L'unité réalisée entre l'Homme véritable uni à Dieu et Dieu qui s'unit l'Homme créé n'est pas non plus une unité de mélange et de confusion, mais une union substantielle, qui respecte et exalte la distinction ;ntre l'Homme créé uni à Dieu, et Dieu qui s'unit l'Homme créé. Concile œcuménique de Chalcédoine, 22 octobre 451. Lettre de Léon idressée à Flavien, 13 juin 449. Concile romain 27 mars 680. Concile Ecuménique Constantinople III, 16 septembre 681.

182 afin qu'ils soient un comme nous [nous sommes un] 17, 12428

tant que j'ai été avec eux c'est moi qui les ai gardés dans ton nom ceux que tu m'as donnés et je les ai protégés et aucun d'entre eux ne s'est perdu si ce n'est le fils de la perdition en sorte que l'écriture soit accomplie

17, 13429

et maintenant je m'en vais vers toi et ces paroles je les dis

428

17,12 Tant que j'ai été avec eux, moi, je les ai gardés... De nouveau le verbe hébreu natzar... Ceux que tu m'as donnés... Même difficulté textuelle et grammaticale que précédemment. Certains manuscrits grecs donnent : hô dedôkas moi kai... à qui tu les a donnés à moi et... D'autres manuscrits donnent : ous dedôkas moï... ceux que tu m'as donnés... Certains critiques traduisent : Je les gardai en ton nom que tu m'as donné... Nous conjecturons avec Delitzsch et Zalkinson l'hébreu et-ascher netatam li, ceux que tu m'as donnés..., ou kôl ascher natatah li, tons ceux que tu m'as donnés... Les manuscrits grecs qui donnent ous dedôkas moï ont donc la bonne traduction. La vieille traduction latine : quos dedisti mihi custodivi... Et je les ai protégés... Hébreu probable schamarti. Si ce n'est le fils de la perdition... Grec ho huios tès apôleias. Paul, 2 Thessaloniciens 2, 3 : Si elle ne vient pas, l'apostasie, tout d'abord, et s'il ne se révèle pas, le fils de l'injustice (du crime), le fils de la perdition... Expressions hébraïques qui se comprennent si l'on se souvient de l'emploi de ben, le fils de... en hébreu, qui signifie une relation d'appartenance d'un élément à un ensemble, d'un individu donné à une espèce. Matthieu 23, 15 : Vous en faites un fils de la vallée des fils de Hinnom... Le mot grec apôleia utilisé ici par le traducteur de Jean, et par Paul dans le texte cité, recouvre un terme dérivé du verbe abad, errer de-ci, de-là, seh ôbed, un mouton ou un agneau perdu, égaré ; arami ôbed, un araméen errant, Deutéronome 26, 5 ; se perdre, être ruiné, aller à la perdition, à la destruction ; piel ibbad, perdre, détruire, annihiler ; hiphil heebid, à peu près le même sens. Dérivés ôbed, Nombres 24, 20, la perdition. Abedah, quelque chose qui est perdu, Exode 22, 8 ; Abadôh, Proverbe 27, 20 : le scheôl (séjour des morts) et Yabadôh (probablement : le lieu de la perdition, de la destruction, de la disparition, synonyme de scheôl) ne sont jamais rassasiés, et les yeux de l’homme, ha-adam, ne sont jamais rassasiés... Abaddôn, Job 31, 12, le lieu de la destruction, de la disparition, de l'annihilation, de la mort. Job 26, 6 : Le scheôl (le séjour des morts) est nu devant lui, et il l'y a pas de voile pour couvrir l’abaddôn — probablement à peu près synonyme de scheôl. Job 28, 22 : h'abaddôn et la mort ont dit... Psaume 88, 12 : Est-ce que l'on raconte, dans le tombeau, ta grâce, et ta vérité dans l’abaddôn, grec kai tèn alètheian sou en tè apôleia. Proverbes 15, 11 : Le scheôl et l’abaddôn [sont] en présence de YHWH, combien plus les cœurs des fils de l'Homme... Grec hadès kai apôsteia... Abedan, Esther 8, 6 : Car comment pourrai-je voir le malheur qui va tomber sur mon peuple et comment pourrai-je voir la destruction, be-abedan, de ceux qui m'ont engendrée, grec apôleia. Esther 9, ? : Ils ont frappé, les Judéens, tous leurs ennemis, coups d'épée [...] et destruction, we-abedan, grec : kai epataxan hoi ioudaioi [...] apôsteias. Le mot hébreu abaddôn se retrouve tel quel, simplement transcrit en caractères grecs, Apocalypse 9, 11 : Il y a un roi qui règne sur eux, le messager de l'abîme. Son nom en hébreu abaddôn, onoma auto hebraïsti abaddôn, et dans la langue grecque il a pour nom : Celui qui détruit, apolluôn. On voit par ce texte que le rédacteur — ou le traducteur — de l'Apocalypse ne confond pas l'hébreu et l'araméen, contrairement à ce que l'on raconte ici et là... Abaddôn est un mot hébreu. La question est de savoir ce que signifie l'expression hébraïque : le fils de la perdition, ou de la destruction, que nous lisons traduite en grec Jean 17, 12 et 2 Thessaloniciens 2, 3. S'agit-il d'un individu particulier ? Ou bien s'agit-il d'un type d'hommes, d'un type d'humanité ? Dans 2 Thessaloniciens 2, 3, l'expression ho anthrôpos tes anomias, signifie-t-elle ou désigne-t-elle un individu particulier, un homme précis et concret, ou bien un type, un genre d'humanité, l'humanité du crime et du massacre que nous voyons se développer en effet sous nos yeux en cette fin du xxe siècle ? S'agit-il d'un individu, ou d'une sorte d'humanité ? En sorte que l'écriture soit accomplie... Traduction plus littérale : afin qu'elle soit remplie, toujours le verbe hébreu maie, être plein, être rempli, piel mille, remplir, remplir une parole prophétique, 1 Rois 2, 7. Tout cela est bien évidemment de l'hébreu traduit en grec, et non pas du grec naturel.

183 dans la durée du monde présent afin qu'elle soit en eux la joie qui est la mienne et qu'elle soit accomplie 17, 14

c'est moi qui leur ai donné ta parole et c'est le monde de la durée présente qui les a haïs parce qu'ils ne sont pas issus du monde de la durée présente eux de même que moi je ne suis pas issu du monde de la durée présente

17, 15430

je ne te demande pas que tu les retires du monde de la durée présente mais que tu les gardes de la main du méchant

17, 16431

du monde de la durée présente ils ne sont pas issus de même que moi je ne suis pas issu du monde de la durée présente

17, 17432

consacre-les sanctifie-les dans la vérité c'est ta parole qui est la vérité

429

17, 13 Et qu'elle soit accomplie... Probablement le même verbe hébreu maie, remplir, être rempli, etc. 17, 15 Je ne te demande pas que... Grec : ouk erôtô hina ! Hébreu probable ascher. Mais que tu les gardes de la main du méchant... Matthieu 6,13 : Mais arrache-nous à la main du méchant, ou : délivre-nous de la main du méchant. Le grec ponèros traduit le plus souvent l'hébreu ra, mauvais, mais il peut traduire aussi rascha. 2 Samuel 4, 11 : Des hommes méchants, mauvais, ont tué un homme juste dans sa maison, sur sa couche... 431 17, 16 Du monde de la durée présente... Grec ek tou kosmou, hébreu probable : min ha-ôlam ha-zeh... Le verbe être inutile en hébreu. 432 17, 17 Consacre-les et sanctifie-les... Nous utilisons deux mots français pour traduire l'unique verbe grec hagiason, qui traduit le verbe hébreu qadasch, être pur, être saint, être consacré, piel qid-dasch sanctifier, consacrer, purifier. Un seul mot français ne suffit pas pour traduire ce verbe hébreu, nous en mettons donc deux. Le verbe hébreu qadasch utilisé ici à la forme piel qiddasch avait une longue histoire dans la tradition hébraïque lorsque le Seigneur l'a utilisé, et ceux qui l'entendaient connaissaient cette longue histoire. C'est-à-dire que pour eux, à leurs oreilles, le mot avait un sens. Genèse 2, 3 : Et il bénit, Dieu, le jour septième et il le consacra et il le sanctifia, hébreu wa-ieqaddesch ôtô, car en lui [dans ce jour] il s'était reposé de tout son ouvrage qu'il avait créé, Dieu, à le faire... Grec : kai hègiasen autèn. Exode 13, 2 : Consacre-moi, qaddesch-li, grec hagiason moi, tout premier — né qui fend la sortie de toute matrice, parmi les fils d'Israël, dans l'homme (ba-adam) et dans le bétail (wou-ba-behemah) : à moi, cela ! Exode 19, 14 : Et il descendit, Môscheh, de la montagne vers le peuple et il consacra, et il sanctifia, wa-iqaddesch, grec kai hègiasen, le peuple et ils lavèrent leurs vêtements... Exode 19, 22 : Et même les kohanim, grec hoi hiereis, qui s'approchent de YHWH, qu'ils soient consacrés et sanctifiés, iteqaddas-chou, grec hagiasthètôsan, afin qu'il ne les frappe pas, YHWH... Exode 19, 23 : Il ne peut pas, le peuple, monter vers la montagne du Sinaï puisque c'est toi-même qui as attesté, hébreu ha-edôtah, du verbe hiphil heïd, attester solennellement la vérité de..., grec diamemarturèsai, en t'adressant à nous, hébreu banou, en nous, en disant : Fixe une limite, une frontière autour de la montagne et consacre-la... Exode 20, 8 : Souviens-toi du jour de schabbat pour le consacrer et le sanctifier, le-qadeschô, grec hagiazein autèn... Exode 20, 11 : Car en six jours il a fait, YHWH, les deux et la terre, la mer et tout ce qui est en eux, et il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi il a béni, YHWH, le jour du schabbat et il l'a consacré, il l'a sanctifié, wa-ieqa-deschehou, grec kai hègiasen autèn... Exode 28, 36 : Tu feras une lame d'or pur et tu graveras sur elle, en gravure de sceau : Consacré à YHWH, hébreu qôdesch la-YHWH, grec hagiasma kuriou... Exode 29,1 : Et la voici la chose que tu feras pour eux, pour les consacrer et les sanctifier, le-qaddesch ôtam, grec hagiasai autous, afin qu'ils soient pour moi des kôhanim... Lévitique 21, 8 : Et tu le consacreras, tu le sanctifieras, car le pain de Dieu, c'est 430

184 17, 18

de même que moi tu m'as envoyé dans le monde de la durée présente moi aussi je les ai envoyés dans le monde de la durée présente

17, 19

et c'est pour eux que moi je me suis consacré et sanctifié moi-même afin qu'ils soient eux aussi consacrés et sanctifiés dans la vérité

lui qui le présente. Saint, consacré, hébreu qadôsch, grec hagios, il sera pour toi, car saint, qadôsch, grec hagios, je suis, moi, YHWH, qui vous consacre et qui vous sanctifie, meqadischekem, grec ho hagiazôn autous... Lévitique 21, 15 : Parce que c'est moi, YHWH, qui le consacre et le sanctifie, meqadeschô, grec ho hagiazôn... Nombres 3,13: Car à moi tout premier-né ! Le jour où j'ai frappé tout premier-né au pays d'Egypte, j'ai consacré, hébreu hiqeddascheti, grec hègiasa, pour moi tout premier-né en Israël, depuis l'homme, me-adam, jusqu'au bétail, ad-behemah ! A moi ils seront ! 6, 2 : Un homme ou une femme qui se séparent pour vouer un vœu de nazir... 6, 8 : Tous les jours où il est nazir, consacré il est, lui, à YHWH ! Qadôsch hou la-YHWH, grec hagios... Nombres 7,1 : Et il advint au jour où il a terminé, Môscheh, d'ériger la Demeure, il l'a ointe et il l'a consacrée, wa-ieqaddesch ôtô, grec kai hègiasen autèn... Juges 13, 3 : Et il s'est fait voir, le messager de YHWH, à la femme et il lui a dit. Voici donc que toi stérile [tu es] et tu n'as pas enfanté ! Eh bien tu vas concevoir, tu vas être enceinte, et tu vas enfanter un fils. Et maintenant garde-toi bien et ne bois pas de vin ni aucune boisson enivrante, et ne mange pas tout ce qui est impur I Car voici que tu vas concevoir, tu vas être enceinte et tu enfanteras un fils et le rasoir ne montera pas sur sa tête, car nazir de Dieu il sera, l'enfant, depuis la matrice, et c'est lui qui commencera à sauver Israël de la main des Philistins... Le mot hébreu nazir, que nous avons laissé en hébreu, parce que personne ne sait le traduire exactement, a été traduit en grec par les deux mots : hègiasmenon naziraion, consacré nazir. Les traducteurs en langue grecque de la sainte Bibliothèque hébraïque ont eu eux aussi des difficultés à traduire l'hébreu nazir. Celui qui a traduit ce texte a d'abord mis le mot grec hègiasmenon, du verbe hagiazô, consacrer, sanctifier, puis il a ajouté à la suite la transcription approximative en caractères grecs du mot hébreu nazir. C'est peut-être aussi une transcription qui est utilisée par les traducteurs des Évangiles de Matthieu, de Luc et de Marc. Un autre traducteur du même texte a laissé purement et simplement le mot hébreu nazir transcrit en caractères grecs. Jérémie 1,5: Avant que je te forme dans le ventre, je t'ai connu ! Et avant que tu sortes de la matrice, je t'ai consacré, je t'ai sanctifié, hiqeddasche-tika, grec hègiaka ! Prophète pour les nations je t'ai donné [d'être] ! Là encore la consécration et la sanctification précèdent la naissance. Ézéchiel 20, 12 : C'est moi, YHWH, qui les consacre et qui les sanctifie, meqadescham, grec egô kurios ho hagiazôn autous... Ézéchiel 36, 23 : Je vais consacrer et sanctifier, we-qiddascheti, grec kai hagiasô, mon nom, le grand, qui est souillé parmi les nations [païennes], parce que, ascher, vous l'avez souillé au milieu d'elles, et elles connaîtront, les nations [païennes] que moi [je suis] YHWH... lorsque je vais me consacrer, me sanctifier, hébreu be-hiqqadeschi, en vous, bakem, à leurs yeux, grec : en tô hagiasthènai me en humin. Ézéchiel 28, 22 : Je vais me glorifier, faire connaître ma gloire, au milieu de toi et ils connaîtront que moi je suis YHWH lorsque je ferai au milieu d'elle des jugements et lorsque je me sanctifierai, we-niqe-dascheti, en elle ! Grec : kai hagiasthèsomai en soi. Ézéchiel 28, 25 : Lorsque je rassemblerai la maison d'Israël depuis les peuples où ils sont dispersés, alors je me sanctifierai en eux, we-niqeddascheti bam, grec kai hagiasthèsomai en autois. Ézéchiel 20, 41 : Lorsque je vous ferai sortir du milieu des peuples et lorsque je vous rassemblerai en vous faisant sortir des pays où vous avez été dispersés, alors je me sanctifierai, we-niqeddascheti en vous aux yeux des nations [païennes], grec : kai hagiasthèsomai en humin... Ézéchiel 37, 28 : Et elles connaîtront, les nations païennes, que c'est moi YHWH qui consacre et sanctifie, meqaddesch, Israël, lorsqu'il sera, mon sanctuaire, miqeddaschi, grec ta hagia mou, au milieu d'eux, pour la durée éternelle à venir, le-ôlam, grec eis ton aiôna. Le verbe hébreu meqaddesch est traduit en grec par ho hagiazôn. Ézéchiel 39, 27 : Lorsque je les ferai revenir en les tirant des peuples et lorsque je les rassemblerai en les tirant des pays de leurs ennemis, alors je me consacrerai, je me sanctifierai, we-niqeddascheti, grec kai hagiasthèsomai, en eux aux yeux des nations nombreuses... Les textes sont très nombreux, et en réalité ce sont tous les textes qu'il faut lire et assimiler pour entendre, pour comprendre ce que dit le Seigneur : Jean 17, 17 et 17, 19.

185 17, 20433

ce n'est pas seulement pour ceux-ci que je te prie mais aussi pour ceux qui seront certains de la vérité [qui est] en moi par leur parole

17, 21434

afin que tous ils soient un de même que toi mon père [tu es] en moi et moi [je suis] en toi afin que eux aussi ils soient un en nous afin que le monde de la durée présente soit certain qu'il est vrai que c'est toi qui m'as envoyé

17, 22

et quant à moi la gloire que tu m'as donnée je la leur ai donnée afin qu'ils soient un comme nous [nous sommes] un

17, 23435

moi [je suis, je serai] en eux et toi [tu es] en moi afin qu'ils soient accomplis dans l'unité afin qu'il connaisse le monde de la durée présente que c'est toi qui m'as envoyé et que tu les as aimés comme moi tu m'as aimé

17, 24436

père

433

17, 20 Mais aussi pour ceux qui seront certains de la vérité... De nouveau l'ouverture à l'ensemble de l'humanité. L'Évangile de Jean, lorsqu'il a été rédigé et lorsqu'il a été traduit de l'hébreu en grec, ne connaît pas encore le fait de l'expansion de la parole de Dieu aux goïm, aux païens. Par leur parole : en hébreu peut-être al-pi, sur la bouche de..., Delitzsch et Zalkinson. 434 17, 21 Afin qu'eux aussi ils soient un en nous... De nouveau la doctrine de l'immanence réciproque de Dieu incréé, dans l'humanité créée, — qui est le terme et la finalité ultime de la création : Paul, 1 Corinthiens 15, 28 : Afin qu'il soit, Dieu, tout en tous, hina è ho theos tapanta en pasin. La doctrine métaphysique et théologique de Paul est celle qui est exprimée et enseignée dans et par l'Évangile de Jean. Certains manuscrits donnent : Afin que eux aussi soient un en nous... D'autres manuscrits donnent seulement : afin qu'eux aussi soient en nous... 435 17, 23 Moi [je suis, je serai] en eux... En hébreu le verbe être est inutile ici, et le traducteur en langue grecque ne l'a pas mis. Afin qu'ils soient parfaits pour l'unité... Peut-être l'hébreu : tamim le-ehad, le lamed hébreu traduit par le eis grec. 436 17, 24 Père, ceux que tu m'as donnés... Si l'on traduit le texte grec sans tenir compte de l'hébreu qui est dessous, il faut traduire : Ce que tu m'as donné ! puisque le pronom relatif grec ho est un neutre. Certains manuscrits donnent : ous dedôkas moi, ceux que tu m'as donnés... La solution de la difficulté est simple. Comme nous l'avons déjà noté, le pronom relatif hébreu ascher est inamovible, masculin, féminin, neutre, singulier, pluriel. Il a été traduit, par un traducteur, par le pronom relatif neutre grec, et par d'autres, par le pronom relatif masculin pluriel. De toute manière ascher ici recouvre bien entendu une multiplicité d'hommes, comme le prouve la suite de la phrase. Je veux que, grec hina ! Hébreu peut-être ki, ou peut-être encore ascher ! Là où je serai... En grec eimi, présent de l'indicatif, je suis. Mais en hébreu il n'est pas certain qu'il y ait eu le verbe être à cet endroit et s'il y a eu le verbe être hébreu, il pouvait se traduire soit par un présent soit par un futur. Parce que tu m'as aimé avant la création du monde de la durée présente : de nouveau la doctrine selon laquelle le fils de l'homme qui est le fils de Dieu est la finalité ultime de la création. C'est en lui que se réalise la finalité ultime de la création, et cette finalité qu'il est, est aimée avant toute chose et plus que tout. Primum in intentione, ultimum in

186 ceux que tu m'as donnés je veux que là où je serai moi eux aussi ils soient là avec moi afin qu'ils voient la gloire qui est la mienne celle que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant la création du monde de la durée présente 17, 25437

père [saint] juste et le monde de la durée présente ne t'a pas connu mais moi je t'ai connu et eux ils ont connu que c'est toi qui m'as envoyé

17, 26

et je leur ai fait connaître ton nom et je [le] leur ferai connaître encore afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et que moi [je sois] en eux

exsecutione. C'est la doctrine développée par le bienheureux Jean Duns Scot, dans ses Commentaires des Sentences de Pierre Lombard exposés à Oxford, et dans son Cours de Paris. 437 17, 25 Et le monde de la durée présente ne t'a pas connu... Paul, lettre aux chrétiens de la petite communauté de Rome, vers 57-58 sans doute, 1, 18 : Elle se découvre, la colère de Dieu, venant des cieux, sur toute impiété et injustice des hommes qui retiennent la vérité captive dans l'injustice et le crime. Car ce qui est connaissable de Dieu est manifeste en eux. Car Dieu le leur a fait connaître. Car ce qui, de lui, est invisible, à partir de la création du monde de la durée présente, par ses œuvres, par ses actions, tout cela est vu par l'intelligence, ainsi que sa puissance éternelle et sa divinité. En sorte qu'ils sont sans excuse. Car ils ont connu Dieu et ils n'ont pas glorifié Dieu en tant qu'il est Dieu, ils ne lui ont pas adressé leur bénédiction, mais ils sont devenus idiots dans leurs raisonnements et il est devenu ténèbre, leur cœur sans intelligence. Ils prétendent être sages et savants. Ils sont devenus idiots et ils ont changé la gloire de Dieu incorruptible pour des images, êes représentations, d'homme corruptible, d'oiseaux, de bestiaux et de reptiles... Lorsqu'on passe du chapitre xvii au chapitre xviii, on voit immédiatement que l'on change de tissu, ou de tissage. On passe des enseignements métaphysiques et théologiques donnés par le Seigneur, à un récit des événements, qui est l'œuvre du rédacteur. La langue n'est plus la même. Comme d'habitude et conformément aux normes des anciens traducteurs en langue grecque de la Bible hébraïque, les propositions hébraïques qui se suivaient à peu près comme des moutons, reliées entre elles par we, et, sont traduites en langue grecque en sorte que la première d'entre elles soit gouvernée par un participe. Nous restaurons, comme d'habitude aussi, la primitive construction hébraïque.

187 CHAPITRE 18

18, 1438

lorsqu'il a eu fini ieschoua de dire toutes ces paroles alors il est sorti dehors avec ses disciples [et il est allé] de l'autre côté du torrent du qiderôn et là il y avait un jardin et il y est entré lui et ses disciples

18, 2

et il le connaissait aussi iehoudah celui qui était en train de le livrer cet endroit car de nombreuses fois il s'était réuni là ieschoua avec ses disciples

18, 3

et alors iehoudah il a pris la troupe et aussi venant [de la part] des prêtres et des perouschim des hommes à ses ordres et il est venu en cet endroit avec des torches et avec des lampes et avec des armes

438

18, 1 II sortit dehors : hébreu wa-ietze hahouzah. Ce qui pour nous est un pléonasme est constant en hébreu. De l'autre côté du torrent du Qiderôn... 2 Samuel 15, 23 : Et toute la terre, ils pleuraient, une grande voix, et tout le peuple était en train de passer, et le roi était en train de passer, de traverser dans le torrent du Qiderôn, be-nahal qiderôn, grec en tô cheimarrô kedrôn... 1 Rois 2, 36 : Construis une maison à Jérusalem. Tu resteras là et tu ne sortiras pas de là pour aller ça et là. Et il arrivera, le jour où tu sortiras et où tu traverseras le torrent du Qiderôn, we-abareta et-nahal qiderôn, grec cheimarroun kedrôn, pour ce qui est de savoir, sache-le, que pour ce qui est de mourir, tu mourras. Ton sang sera sur ta tête... 2 Rois 23, 4 : Et il a ordonné, le roi, à Hileqiiahou, le grand prêtre, ha-kôhen ha-gadôl, et aux prêtres du second rang, we-et kôhanei ha-mischeneh, et aux gardiens du seuil, de faire sortir du Temple — hébreu keikal, grec naos — de YHWH tous les instruments et outils qui ont été faits pour le baal et pour Yascherah et pour toute l'armée des cieux et il les a fait brûler hors de Jérusalem dans les berges (?) du Qiderôn... Le mot que nous avons fait suivre d'un (?), hébreu schademôt, n'a pas été compris par les traducteurs en langue grecque, qui l'ont simplement transcrit en caractères grecs. 2 Rois 23, 23, 6 : Il a fait sortir Yascherah de la Maison de YHWH, hors de Jérusalem, vers, dans la direction du torrent du Qiderôn, el-nahal qiderôn, grec eis ton cheimarroun kedrôn, et la fit brûler dans le torrent du Qiderôn, be-nahal qiderôn... Le torrent du Qiderôn sépare Jérusalem du Mont des Oliviers. Qadar, être sale, être trouble, être boueux. Évidemment, ce n'est pas depuis Éphèse, ni depuis Antioche, ni depuis Athènes, ni depuis Rome ou Alexandrie que l'on peut dire ou écrire : Il sortit et il alla de l'autre côté du Qiderôn. De même ce n'est pas depuis New York ou Berlin ou Pékin que l'on peut écrire : Je vais au musée du Louvre, qui est de l'autre côté de la Seine. Et là il y avait un jardin... On ne peut pas inférer de cet imparfait du verbe être en grec, que le jardin n'existe plus lorsque le rédacteur écrit ce texte, parce que dans l'hébreu qui est traduit ici, pour dire qu'il y a un jardin, il n'est pas besoin du verbe être. C'est donc le traducteur en langue grecque qui a ajouté le verbe être, et il l'a mis à l'imparfait comme il le fait d'habitude lorsqu'il raconte un fait ou un événement passé, ce qui est le cas ici. Il entra, lui et ses disciples : construction hébraïque. Exode 18, 5 : Et il vint, Itérô, beau-père de Môscheh, et ses fils et sa femme, vers Môscheh... Juges 11, 38 : Et elle s'en alla, elle et ses compagnes, et elle pleura sur sa virginité... 1 Rois 20, 12 : Et lui il était en train de boire, lui et les rois, dans les tentes...

188 18, 4439

et il a connu ieschoua tout ce qui arrivait contre lui et il est sorti et il leur a dit qui cherchez-vous

18, 5440

et ils lui ont répondu ieschoua ha-nôtzeri et il leur a dit

439

18,4 Et il a connu Ieschoua tout ce qui arrivait : hébreu wa-ieda et kôl ascher iabô... 18, 5 Ieschoua ha-nôtzeri. Dans le texte grec : ièsoun ton nazô-raion. Il est totalement illusoire de rendre, dans une traduction française, par nazaréen ou nazaréen, puisque ce ne sont pas là des traductions, mais des transcriptions d'un mot grec qui est lui-même la transcription d'un mot hébreu. La question est de savoir de quel mot hébreu il s'agit. Deux hypothèses sont possibles. 1. Nazir, Nombres, chapitre 6 ; Juges 13, 2 et sq. Le mot hébreu nazir est parfois traduit en grec par hègiasmenon, sanctifié, consacré, par hagion, même sens, Juges 13, 7 ; parfois simplement transcrit en caractères grecs, nazir, 13, 5 version B ; naziraion, 13, 7 version B. 2. Ha-nôtzeri, du verbe hébreu natzar, Exode 34, 5 : YHWH, YHWH, Dieu des compassions et de la grâce, lent dans ses colères et multiple dans le don de la grâce et de la vérité, qui gardes, nôtzer la grâce et la bienveillance pour... Garder l'alliance, Deutéronome 33, 9 ; la tour des gardiens, 2 Rois 17, 9 ; 18, 8 ; Isaïe 27, 2 : C'est moi YHWH qui la garde... Psaume 25,10 : Ceux qui gardent son alliance et son attestation... Psaume 12, 8 : C'est toi YHWH qui les garderas, hébreu schamar, tu nous garderas, le verbe hébreu natzar, de cette génération pour la durée éternelle à venir, le-ôlam, grec eis ton aiôna. Psaume 34, 14 : Garde ta langue du mal... Psaume 40, 12 : Toi YHWH ne refuse pas tes entrailles de compassion, rahamim, en les écartant de moi. Que ta grâce, hesed, et ta vérité continuellement me gardent... Psaume 78, 7 : Et ses commandements ils les gardent... Psaume 105, 45 : Afin qu'ils gardent, le verbe hébreu schamar, ses commandements et que, ses instructions, ils les gardent, le verbe natzar. Psaume 119, 2 : Heureux ceux qui gardent ses attestations... 119, 22 : Car tes attestations, je les ai gardées... 119, 33 : Enseigne-moi YHWH la route, la voie de ton commandement, et que je la garde... 119, 34 : Donne-moi l'intelligence et je garderai ton instruction (TorahJ... 119, 56 : Tes ordonnances je les ai gardées... 119, 69 : Moi de tout mon cœur (de toute mon intelligence) je garderai tes ordonnances... 119, 100 : Plus que les vieillards j'ai acquis l'intelligence, car tes ordonnances je les garde... Psaume 119, 115 : Éloignez-vous de moi, vous qui faites le mal, et je garderai les commandements de mon Dieu... 119, 129 : Elles sont merveilleuses tes attestations, c'est pourquoi elle les a gardées, mon âme... Psaume 141, 3 : Place YHWH une garde à ma bouche et une garde, nitzerah, à la porte de mes lèvres... Le verbe natzar est très fréquent dans le livre des Proverbes. Proverbes 2, 8 : Pour garder les voies du jugement.... 2, 11 : L'intelligence te gardera... 3, 1 : Mon fils, mon enseignement ne l'oublie pas, et mes commandements, qu'il les garde, ton cœur ! 4, 13 : Attache-toi à l'instruction, ne la lâche pas, garde-la, natzar, car c'est elle qui est ta vie ! 4, 23 : Plus que toute autre garde, mischemar, garde, natzar, ton cœur... 5, 2 : Et la connaissance, que tes lèvres la gardent... 13, 3 : Celui qui garde, natzar, participe nôtzer, sa bouche, garde (le verbe schamar) son âme... 16, 17 : Il garde son âme, schômer napheschô, celui qui garde sa voie, nôtzer darekô. 22, 12 : Les yeux de YHWH gardent la connaissance... 20, 28 : La grâce et la vérité, hesed we-émet, gardent le roi... — A moins qu'il ne faille lire : La grâce et la vérité, le roi les garde... — 23, 26 : Donne-moi, mon fils, ton cœur (c'est-àdire l'organe de ta pensée et de ton intelligence) et tes yeux, qu 'ils gardent mes voies... De l'ensemble des textes de la Bibliothèque hébraïque, il semble se dégager que le verbe natzar est à peu près synonyme de schamar, garder, mais dans nombre de textes natzar signifie : garder une parole, un enseignement, une doctrine. Ha-nôtzeri pourrait donc bien signifier : L'Observant, et aussi : Celui qui détient et qui garde une doctrine, qu'il ne communique qu'à des disciples choisis. Il est aussi fort possible que les deux mots hébreux, nazir et hanôtzeri soient entrés en communication et qu'un phénomène d'osmose se soit produit, entre le sens de l'un et le sens de l'autre. La transcription, en caractères grecs, nazarènos, se trouve dans l'Évangile de Marc 1, 24 ; 10, 47 ; 14, 67 ; 16, 6 et chez Luc 4, 34 ; 24, 19. Matthieu et Jean ne l'utilisent pas. La transcription nazôraios se lit dans Matthieu 23 ; 26, 69 et 71 ; Jean 18, 5 et 7 ; 19,19 ; Luc 18, 37 ; Actes 2, 22 ; 3, 6 ; 4, 10 ; 6, 14 ; 22, 8 ; 24, 5 ; 26, 9. Elle ne se lit pas dans la traduction grecque de l'Évangile de Marc. Nous avons déjà noté qu'Épiphane de Salamine, haer. XXIX, observe que les chrétiens étaient appelés autrefois nazôraioi. C'est moi, en grec : ego eimi. En hébreu : ani hou, sans le verbe être inutile. 440

189

c'est moi et il se tenait là lui aussi iehoudah celui qui était en train de le livrer avec eux 18, 6

et il advint dès qu'il leur a dit c'est moi ils sont allés en arrière et ils sont tombés par terre

18, 7

de nouveau il leur a demandé qui cherchez-vous et eux ils ont dit ieschoua ha-nôtzeri

18, 8

et il leur a répondu ieschoua je vous l'ai dit c'est moi si donc c'est moi que vous recherchez laissez aller ceux-ci

18, 9

18, 10441

18, 11442 441

c'est afin que soit remplie la parole qu'il avait dite ceux que tu m'as donnés je n'ai perdu aucun d'entre eux à schiméôn pierre [était] une épée et il l'a sortie et il a frappé le serviteur du chef des prêtres et il lui a enlevé l'oreille droite et le nom de ce serviteur c'est malkos alors il a dit ieschoua à pierre

18, 10 Malkos : racine hébraïque melek, le roi. 18, 11 Remets l'épée au fourreau... En réalité il faudrait traduire courageusement : jette, ou rejette, l'épée dans sa boîte ! Le grec bal-lein traduit probablement ici l'hébreu schalak, hiphil hischelik, impératif haschelek, jeter, rejeter. Matthieu 10, 34 : Ne pensez pas que je suis venu jeter la paix sur la terre. Je ne suis pas venu jeter la paix mais l'épée... Matthieu 26, 52 : Fais retourner ton épée dans son lieu, car tous ceux qui prendront l'épée, dans l'épée (hébreu ba-hereb, par l'épée) ils périront. 442

190

jette l'épée dans le fourreau la coupe qu'il m'a donnée mon père est-ce que je ne la boirai pas 18, 12443

et alors la troupe [des soldats] et le chef de mille et les serviteurs des judéens ils ont arrêté ieschoua et ils l'ont attaché

18, 13444

et ils l'ont conduit à hanan tout d'abord car il était le beau-père de qaïapha qui était le grand prêtre de cette année-là

La coupe... Grec potèrion, hébreu kôs, Genèse 40, 11 ; etc. 2 Samuel 12, 3 ; Psaume 11,6; Psaume 16, 5 : YHWH [est] la part de... ma coupe... Psaume 23, 5 : Tu as dressé devant ma face une table en présence de ceux qui me persécutent, tu as oint dans l'huile ma tête et ma coupe est débordante... Psaume 75, 9 : Car une coupe dans la main de YHWH... ils boivent, tous les méchants de la terre... Psaume 116, 13 : La coupe des délivrances, je relèverai... Jérémie 16, 7 : On ne leur donnera pas à boire la coupe des consolations... Jérémie 25, 15 : Prends cette coupe du vin de la fureur, de ma main, et tu la feras boire à toutes les nations, vers lesquelles (ascher !) je t'envoie... J'ai pris la coupe de la main de YHWH et je l'ai fait boire à toutes les nations vers lesquelles (ascher) il m'a envoyé, YHWH... Jérémie 25, 28 : Et s'il advient qu'ils refusent de prendre la coupe de ta main pour boire, alors tu leur diras : Ainsi a parlé YHWH des armées : Boire, vous boirez ! Jérémie 49, 12 : Voici que ceux qui (ascher !), ce n'est pas leur jugement de boire la coupe, boire ils la boiront ! Jérémie 51, 7 : Une coupe d'or, Babel, dans la main de YHWH ! Elle enivre toute la terre ! De son vin elles ont bu, les nations... Ézéchiel 23, 31 : Sur la route, sur la voie de ta sœur, tu as marché et j'ai donné sa coupe dans ta main. Ainsi a parlé le Seigneur YHWH : La coupe de ta sœur tu boiras, elle est profonde et large... C'est une coupe de dévastation et de désolation, la coupe de ta sœur, Samarie ! Lorsque le Seigneur a parlé de la coupe, ceux qui l'ont entendu savaient ce que signifie la coupe dans la tradition hébraïque. Matthieu 20, 22 : Est-ce que vous pouvez boire la coupe que moi je vais boire ? Matthieu 26, 27 : Il a pris la coupe, il a dit la bénédiction, et il la leur a donnée en disant : Buvez de cette coupe, tous... Matthieu 26, 39 : Mon père, si cela est possible, qu'elle passe loin de moi, cette coupe... 1 Corinthiens 10, 16 : La coupe de la bénédiction, que nous bénissons, est-ce qu'elle n'est pas communication du sang du Christ ? 1 Corinthiens 11, 26 : Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne... 443 18, 12 Les serviteurs des Judéens... Le mot grec ioudaios ici au pluriel traduit, ou plutôt transcrit, l'hébreu haiehoudim, 2 Rois 16, 6. Les Judéens sont les habitants de la Judée. Zacharie 8, 23 : Dans ces jours-là que — ascher — ils saisiront, dix hommes pris de toutes les langues des nations, et ils saisiront (sic, répété) le pan du vêtement d'un homme judéen, en hébreu isch iehoudi, grec andros ioudaiou, en disant : allons avec vous ! Car nous avons appris [que] Dieu [est] avec vous, ki schamaenou elohim immaken. Néhémie 2, 16 : Et aux Judéens, hébreu we-la-iehoudim, grec kai tois ioudaiois, et aux prêtres [...] je ne l'ai pas annoncé. Néhémie 4, 6 : Et il advint, comme ils venaient les Judéens, ha-iehoudim, grec oi ioudaioi, qui habitaient à côté d'eux... Néhémie 5, 1 : Et alors il y eut une clameur du peuple et de leurs femmes, une grande, dirigée vers leurs frères les Judéens, ha-iehoudim, grec tous ioudaious... Néhémie 5, 8 : Nous, nous avons acquis (acheté ?) nos frères les Judéens, ha-iehoudim, grec tous ioudaious, qui avaient été vendus aux nations païennes... Et vous, vous vendez vos frères... Néhémie 5, 17 : Et les Judéens, ha-iehoudim, grec oi ioudaioi, et les magistrats... Néhémie 13, 23 : Même dans ces jours-là j'ai vu les Judéens, ha-iehoudim, grec tous ioudaious : ils avaient fait venir des femmes... Et leurs fils, la moitié parlait la langue asdodienne, et ils ne se souvenaient plus de parler le judéen, iehoudit, grec ioudaïsti... L'auteur ou le traducteur du quatrième Évangile ne parle pas des Judéens autrement que Néhémie. 444 18, 13 Hanan, transcrit en grec ananos dans la traduction grecque de Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XVIII, II, 2 et XX, IX, 1. Hanan, fils de Sethi, grand prêtre de 6 à 15. Emil Schùrer, Ge-schichte des Jùdischen Volkes im zeitalter Jesu Christi, II, 270. Qaïapha, qui s'appelait Joseph, et qui était surnommé Qaïapha ou Qaïaph, a été grand prêtre à peu près entre 18 et 36. Schiirer, p. 271. Sur le grand prêtre, et la hiérarchie des prêtres, cf. exposé simple et clair, Joachim Jeremias, Jérusalem au temps de Jésus, traduction française, Paris, 1967,210 et sq. Le grand prêtre au sens propre du terme, hébreu kôhen gadôl.

191 18, 14

c'était lui qaïapha qui avait donné ce conseil aux judéens il est bon pour nous qu'un seul homme meure pour le peuple ________

18, 15445

et il suivait ieschoua schiméôn pierre et un autre disciple ce disciple était connu du grand prêtre et il est entré avec ieschoua dans la cour [de la maison] du grand prêtre pierre se tenait à la porte dehors

18, 16446

alors il est sorti l'autre disciple celui qui était connu du grand prêtre et il a parlé à la femme qui était la gardienne de la porte et elle a fait entrer pierre

18, 17447

alors elle a dit à pierre la servante qui était la gardienne de la porte est-ce que toi aussi tu ne ferais pas partie des disciples de cet homme et il a dit lui je n'en suis pas

445

18, 15 Et il suivait Ieschoua, Schiméon Pierre, et un autre disciple... Construction hébraïque, le verbe en tête, accordé au sujet prochain, alors qu'un autre sujet suit. Et un autre disciple... Qui ne veut pas être nommé, ou que le traducteur en langue grecque, du document hébreu que nous traduisons en langue française, ne veut pas nommer. Nous avons déjà noté, 1, 35 : Le lendemain, de nouveau, il se trouvait là, Iohanan, et du groupe de ses disciples, deux... Et ils l'ont entendu, les deux disciples, lorsqu'il disait... C'était Andréas, le frère de Schiméon Pierre, qui était l'un des deux qui avaient entendu la parole dite par Iohanan... L'autre disciple de Iohanan n'est pas nommé. Ce disciple a donc été tout d'abord disciple de Iohanan, avant de devenir disciple de Ieschoua. Il a une maison à Jérusalem. C'est chez lui que le Seigneur a passé la dernière nuit, et nous apprenons maintenant qu'il est connu du grand prêtre. Ce disciple est connu du grand prêtre en exercice et il peut se permettre librement d'entrer dans la cour du palais du grand prêtre, tandis que Schiméon Pierre est obligé de rester dehors. 446 18, 16 L'autre disciple ressort, il dit un mot à la gardienne, et celle-ci fait entrer Pierre. Non seulement la gardienne de la porte du palais du grand prêtre ne chasse pas l'autre disciple, qui était entré librement à l'intérieur du palais, dans la cour, et qui en sort non moins librement. Mais elle obéit lorsque l'autre disciple lui donne l'ordre de faire entrer Schiméon le galiléen. L'autre disciple n'est donc pas n'importe qui. C'est quelqu'un qui est connu dans la maison et qui a une autorité suffisante dans une telle circonstance, pour donner un ordre à la servante et en être obéi. 447 18,17 Est-ce que toi aussi tu ne ferais pas partie des disciples de cet homme ? De cet homme qui vient d'être arrêté, évidemment, le rabbi galiléen Ieschoua. Je n'en suis pas ! Grec ouk eimi, traduction littérale du grec : Je ne suis pas ! Hébreu probable : einenni.

192 18, 18

ils se tenaient là les esclaves et les employés ils avaient fait un feu de braise parce qu'il faisait froid et ils se chauffaient et pierre aussi était avec eux il se tenait là debout et il se chauffait ________

18, 19448

c'est donc le grand prêtre qui a interrogé ieschoua au sujet de ses disciples et au sujet de son enseignement

18, 20449

alors il lui a répondu ieschoua

18, 21

18, 22

448

moi c'est ouvertement que j'ai parlé au monde de la durée présente moi toujours j'ai enseigné dans la maison de réunion et dans l'enceinte du temple là où tous les judéens se réunissent et dans le secret je n'ai rien dit du tout pourquoi donc m'interroges-tu interroge plutôt ceux qui ont écouté ce que je leur ai dit voici que ceux-là ils savent ce que j'ai dit moi lorsqu'il a dit ces paroles l'un de ceux qui se trouvaient là parmi les employés a donné une gifle à ieschoua et il lui a dit

18, 19 Au sujet de ses disciples et au sujet de sa doctrine : au sujet de ceux qui reçoivent l'enseignement et au sujet de cet enseignement. 449 18, 20 Au monde de la durée présente : grec to kosmô, hébreu probable el-ha-ôlam. Moi c'est ouvertement... et dans le secret je n'ai dit rien : exclusion formelle par le rabbi lui-même d'un enseignement ésotérique qui aurait été réservé à un groupe d'initiés, comme c'est le cas dans les sociétés initiatiques depuis les anciennes communautés orphiques et pythagoriciennes, jusqu'aux communautés gnostiques et aux sociétés initiatiques des temps modernes. C'est l'une des différences entre le christianisme orthodoxe, celui de la source, et les christianismes de type gnostique, ésotérique ou initiatique, ou encore théosophique. Les autres différences, plus importantes, portent sur le contenu, la métaphysique et la théologie. Moi c'est ouvertement... Moi toujours j'ai enseigné... On reconnaît sous le texte grec l'hébreu anôki, moi je... Dans la maison de réunion... Grec en sunagôgè, comme dans Jean 6, 59. Hébreu probable be-beit ha-keneset. Avant le mot grec sunagôgè, il n'y a pas d'article. Avant beit- dans l'expression be-beit-ha-keneset, il n'y a pas non plus d'article. Ceci explique cela. Et dans l'enceinte du Temple, en grec le hieron, et non pas le naos.

193 est-ce ainsi que tu réponds au grand prêtre 18, 23450

alors il lui a répondu ieschoua si j'ai dit quelque chose de mal sois le témoin à charge de ce mal mais si j'ai bien parlé pourquoi me frappes-tu

18, 24

alors il l'a envoyé hanan enchaîné à qaïapha le grand prêtre ________

18, 25

il se tenait là debout schiméôn pierre et il se chauffait alors ils lui ont dit est-ce que toi tu ne fais pas partie toi aussi de ses disciples il l'a nié lui et il a dit je n'en suis pas

18, 26451

alors il lui a dit l'un des serviteurs du grand prêtre c'était un parent de celui dont pierre avait coupé l'oreille est-ce que je ne t'ai pas vu dans le jardin avec lui

450

18, 23 Si j'ai dit quelque chose de mal, si j'ai mal parlé... En réalité, l'hébreu qui est sous l'expression grecque kakôs lalein, est beaucoup plus puissant. Exode 22, 27 : Dieu, tu ne le maudiras pas, et le prince, hébreu nasi, dans ton peuple, tu ne le maudiras pas, verbe hébreu arar, qui a donné arour, participe passif, maudit ! Traduction grecque : ou kakôs ereis. Lévitique 20, 9 : L'homme qui maudit, hébreu qalal, son père et sa mère, mourir il mourra ! Son père et sa mère il a maudit ! Grec : hos an kakôs eipè. Lévitique 19, 14 : Tu ne maudiras pas le sourd ! Grec : ou kakôs ereis. Isaïe 8, 21 : Et il maudira son roi et son Dieu ! Grec : kakôs ereite. Il est donc vraisemblable que dans notre texte Jean 18, 23, il faut lire : Si j'ai maudit, ou insulté, le grand prêtre... 451 18, 26 Avec lui : bien évidemment avec le rabbi galiléen qui vient d'être arrêté par la police.

194 18, 27452

et de nouveau il l'a nié pierre et voici que le coq a crié ________

18, 28453

alors ils ont conduit ieschoua de chez qaïapha au prétoire c'était tôt le matin et eux ils ne sont pas entrés dans le prétoire pour ne pas se souiller et pour pouvoir manger pesah

18, 29454

il est alors sorti pilatus dehors il est allé vers eux et il leur a dit quelle est l'accusation que vous portez contre cet homme

452

18, 27 Et voici que... Ce mot grec eutheôs, tout comme euthus, dans nombre de cas, traduit l'hébreu : wehinneh, et voici que... Genèse 15, 4 : Et voici que la parole lui fut adressée pour dire, hébreu we-hinneh, grec kai euthus... Genèse 24, 45 : Moi je n'avais pas encore fini de parler en m'adressant à mon propre cœur, et voici Rebecca qui sortait, et une cruche sur son épaule... Hébreu we-hinneh ribeqah, grec euthus... Genèse 38, 29 : Et il advint que lorsqu'il retira sa main, et voici qu'il sortit son frère... Hébreu : we-hinneh, grec kai euthus. Les traducteurs de Matthieu, de Luc et de Marc utilisent volontiers les mots grecs eutheôs et euthus pour traduire cette antique expression des anciens conteurs hébreux. Matthieu 4, 20, eutheôs ; Marc 1,18, euthus ; Matthieu 8, 3, eutheôs, etc. 453 18, 28 Le prétoire : la résidence du gouverneur romain lorsqu'il venait à Jérusalem, en particulier lors des grandes fêtes. Eux ils ne sont pas entrés dans le prétoire, pour ne pas se souiller, et pour pouvoir manger pesah... Selon notre document, donc, la fête de pesah, transcrite ici comme d'habitude en caractères grecs, mais non traduite, allait avoir lieu le soir, ce soir-là. Ceux qui conduisent le rabbi enchaîné au prétoire, à la résidence du gouverneur romain, ne veulent pas se souiller car ils veulent manger le pesah ce soir. Matthieu, Luc et Marc nous disent que le Seigneur a mangé pesah dans la nuit précédente. Par conséquent il existe une opposition de points de vue, plus précisément de calendriers, entre l'Évangile de Jean, et les Évangiles de Matthieu, de Luc et de Marc. Manger le pesah, c'est manger l'agneau de pesah. L'Évangile de Jean et les Evangiles de Matthieu, de Luc et de Marc ne sont pas pensés à l'intérieur du même calendrier. La confrérie des perouschim, que nous appelons les pharisiens — ce qui n'est ni une traduction ni une transcription fidèle —, suivait un calendrier. Un groupe appartenant au haut sacerdoce suivait un autre calendrier, Paul Billerbeck, Kommentar zum Neuen Testament aus Talmud undMidrasch, II, Exkurs, der Todestag Jesu. C'est une indication de plus concernant celui qui a écrit le document hébreu qui est ici traduit en grec. Son calendrier n'était pas le calendrier de ceux qui ont composé les Évangiles de Matthieu, de Luc et de Marc. C'était le calendrier d'un groupe du haut sacerdoce. C'est peut être aussi pour cette raison qu'il écrit (Jean 13, 2) : Il y eut un repas... Alors qu'il s'agit manifestement du repas dont Matthieu, Luc et Marc nous disent que ce fut pour le rabbi et ses compagnons un repas de pesah. 454 18, 29 Alors il est sorti Pilatus dehors... C'est de l'hébreu : waïetze... hahoutzah. Genèse 15, 5 : Et il le fit sortir dehors, wa-iôtze ôtô hahoutzah, etc. Pour nous c'est un pléonasme. Pour les Hébreux, c'était la manière naturelle de s'exprimer.

195 alors ils lui ont répondu et ils ont dit 18, 30

si cet homme n'était pas un malfaiteur nous ne te l'aurions pas livré

18, 31

alors il leur a dit pilatus prenez-le donc vous-mêmes et conformément à votre propre loi jugez-le alors ils lui ont dit les judéens à nous il ne nous est pas permis de mettre à mort qui que ce soit

18, 32455

cela c'est afin qu'elle soit accomplie la parole de ieschoua celle qu'il avait dite lorsqu'il a fait connaître de quelle mort il allait mourir

18, 33456

alors il est rentré de nouveau dans le prétoire pilatus et il a appelé ieschoua et il lui a dit c'est toi le roi des judéens

18, 34457

il lui a répondu ieschoua est-ce que c'est à partir de ton propre cœur que tu dis cela

455

18, 32 C'est afin qu'elle soit accomplie... Traduction littérale selon l'hébreu : afin qu'elle soit remplie... Jean 12, 33 : Il leur dit cela pour leur faire connaître de quelle mort il allait mourir. Le raisonnement est simple. A partir du moment où le rabbi galiléen n'était pas mis à mort à coups de pierres, comme le sera bientôt Stephanos, Actes 7, 54 et sq., mais livré au gouverneur romain, la mort qui attendait le condamné était la mort par la croix. 456 18, 33 C'est toi le roi des Judéens... La proposition d'après le texte grec et d'après l'hébreu sous-jacent peut être une affirmation et elle peut être une interrogation. Nous rappelons ici que les vieux manuscrits ne comportaient pas de signes de ponctuation. Ce peut être aussi une proposition affirmative de type dubitatif : Alors c'est toi le roi des Judéens... C'est aussi peut-être une moquerie. Seul le ton pouvait permettre de déterminer quel était exactement le sens de la proposition. En hébreu : attah hou melek ha-iehoudim. La question est de savoir en quelle langue le gouverneur romain Pilate parlait avec les Judéens, et avec son prisonnier galiléen. Il est permis de supposer qu'il avait appris quelques mots d'hébreu. Disposait-il d'un interprète ? La proposition a pu aussi être affirmative et marquée de peur : Alors c'est toi le roi des Judéens ! Ainsi donc c'est toi le roi des Judéens ! 457 18, 34 Est-ce que c'est à partir de ton propre cœur... La vieille expression hébraïque mi-leb que nous avons rencontrée plusieurs fois. La réponse du Seigneur à Pilate peut laisser supposer qu'en réalité la proposition de ce dernier n'était pas interrogative mais bien affirmative, avec toutes les intonations de doute, de crainte, que l'on voudra...

196 ou bien est-ce que ce sont les autres qui t'ont dit cela à mon sujet 18, 35

et il a répondu pilatus est-ce que moi je suis judéen c'est ton peuple et ce sont tes prêtres qui t'ont livré à moi qu'est-ce que tu as fait

18, 36458

et il a répondu ieschoua [et il a dit] ma royauté n'est pas du monde de la durée présente si elle était du monde de la durée présente ma royauté mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que je ne sois pas livré aux judéens mais maintenant et en réalité ma royauté n'est pas d'ici-bas

18, 37459

alors il lui a dit pilatus ainsi donc tu es roi et il a répondu ieschoua c'est toi qui l'as dit que je suis roi moi voici pourquoi je suis né et voici pourquoi je suis venu dans le monde de la durée présente c'est afin d'attester en faveur de la vérité et tout homme qui est issu de la vérité écoute ma voix

458

18, 36 Ma royauté... Le grec basileia peut traduire les différents mots hébreux dérivés de la même racine malak : melpukah, male-kout, mamelakah, mamelakout et aussi memeschalah, la domination. Ici nous pouvions donc traduire : la royauté, le royaume, le règne... Mais maintenant et en réalité... Grec nun de, hébreu we-atah... 459 18, 37 Et ainsi donc tu es roi... Cette proposition, comme 18, 33, peut être affirmative, interrogative, plus ou moins empreinte de doute et de crainte, ou de moquerie, selon le ton. C'est toi qui l'as dit... Plusieurs interprétations possibles. 1. C'est toi qui l'as dit, moi je n'ai rien dit de tel. 2. Toi tu l'as dit, et c'est vrai. Quoique tu sois païen, tu as donc été capable de voir qu'en réalité je suis roi. Ni le texte grec ni l'hébreu ne permettent de trancher avec certitude. C'est toi qui l'as dit, hébreu : atah amarta. Tu ne t'es pas trompé. Je suis vraiment roi, à ma manière, dans mon ordre.

197 18, 38460

il lui a dit pilatus qu'est-ce que c'est vérité ________ il a dit cela et de nouveau il est sorti pour aller voir les judéens et il leur a dit moi je n'ai trouvé dans cet homme aucune cause [de condamnation]

18, 39461

460

mais c'est la coutume chez vous que je vous en relâche un [prisonnier] lors de la fête de pesah est-ce que vous voulez que je vous relâche le roi des judéens

18, 38 Qu'est-ce que c'est, vérité ? Deux interprétations possibles. 1. Pilate pose une question philosophique, en sceptique dilettante qu'il est. C'est l'interprétation de Nietzsche, der Antichrist, § 46, qui fait les délices des professeurs de philosophie du monde entier. 2. Une interprétation purement philologique, beaucoup moins brillante mais beaucoup plus probable. Le procurateur romain et le rabbi galiléen parlent en hébreu du premier siècle de notre ère. Le rabbi galiléen ne sait pas parler latin. Il lui dit, en hébreu : Je suis venu pour attester en faveur de la vérité, et tout homme qui est issu de la vérité écoute ma voix. La vérité, en hébreu, se dit ha-emet. Pilate, qui sait sans doute quelques mots d'hébreu comme un Gauleiter allemand en France, sous l'Occupation, finissait par connaître quelques mots de français, ne comprend pas le sens de ce mot, et il demande : qu'est-ce que c'est, émet ? Moi je n'ai trouvé dans cet homme aucune cause de condamnation : il est permis de supposer, sinon dans la bouche du procurateur romain qui jargonne quelques mots d'hébreu, du moins dans sa pensée, le mot latin causa, au sens juridique du terme : il n'y a pas matière à procès. 461 18, 39 Vous avez l'habitude : traduction littérale : elle est l'habitude à vous...

198 CHAPITRE 19

19, 1

alors il a fait prendre pilatus ieschoua et il l'a fait battre avec des fouets

19, 2

et les soldats ont tressé une couronne avec des chardons et ils l'ont posée sur sa tête et un manteau de pourpre ils ont jeté sur lui

19, 3462

et ils se sont approchés de lui et ils ont dit salut à toi le roi des judéens et ils lui ont donné des gifles

19, 4

et il est sorti de nouveau dehors pilatus et il leur a dit voici que je vous l'amène dehors pour que vous sachiez bien qu'aucune cause [de condamnation] je n'ai trouvée en lui

19, 5463

et alors il est sorti dehors ieschoua il portait la couronne d'épines et le manteau de pourpre et il leur a dit [pilatus] voici l'homme

19, 6

lorsqu'ils l'ont vu les prêtres et les serviteurs [du temple] ils se sont mis à crier et ils ont dit pends-le [sur une croix] pends-le [sur une croix] alors il leur a dit pilatus

462

19, 3 Salut à toi le roi des Judéens : schalôm leka hamelek ha-iehoudim. 19, 5 Et il leur a dit... Il n'est pas absolument certain que le sujet de la proposition, ce soit Pilate. Il n'est pas absolument exclu que ce soit le Seigneur lui-même. 463

199

prenez-le vous-mêmes et pendez-le [sur une croix] parce que moi je n'ai pas trouvé dans cet homme une cause [de condamnation] 19, 7

alors ils lui ont répondu les judéens il est à nous une loi et aux termes de cette loi il doit mourir parce que fils de dieu lui-même il s'est fait

19, 8 19, 9464

lorsqu'il a entendu pilatus cette parole-là encore davantage il a eu peur et il est entré dans le prétoire de nouveau et il a dit à ieschoua d'où es-tu toi mais ieschoua ne lui a pas donné de réponse

19, 10

alors il lui a dit pilatus à moi tu ne parles pas tu ne sais pas qu'à moi appartient la puissance de te relâcher et la puissance de te faire pendre [sur la croix]

19, 11

alors il lui a répondu ieschoua tu n'aurais aucun pouvoir contre moi s'il ne t'avait pas été donné d'en haut et c'est pourquoi celui qui m'a livré à toi son crime est plus grand

19, 12

à partir de ce moment-là pilatus cherchait à le faire relâcher mais les judéens se sont mis à crier et ils ont dit si celui-ci tu le relâches alors tu n'es pas l'ami de caesar car tout homme qui se fait roi lui-même

464

19, 9 D'où es-tu toi ? Hébreu possible : me-ain attah ou ei mi-zeh attah. Le sens n'est pas seulement : d'où viens-tu, géographique-ment parlant ? De quel pays ? Mais sans doute plus profondément : quelle est ton origine ? Quelle est ta filiation réelle ?

200 est en révolte contre caesar 19, 13465

lorsqu'il a entendu pilatus ces paroles-là alors il a fait sortir ieschoua dehors et il s'est assis sur une tribune au lieu qui est appelé dallage de pierres et en hébreu gabbatha

19, 14466

c'était la préparation de pesah et quant à l'heure c'était à peu près la sixième et alors il a dit aux judéens le voici votre roi

19, 15467

alors ils se sont mis à crier ceux-là enlève-le enlève-le fais-le pendre [sur une croix] alors il leur a dit pilatus votre roi est-ce que je vais le faire pendre [sur une croix] et ils ont répondu les prêtres il n'est pas à nous de roi si ce n'est caesar

19, 16

465

alors il le leur a livré afin qu'il soit pendu à une croix

19.13 Alors il a fait sortir Ieschoua dehors... C'est de nouveau l'expression hébraïque classique, qui pour nous Français est pléonas tique. Au lieu qui est appelé dallage de pierres... eis topon legomenon liîhostrôton. Lettre d'Aristée à Philocrate, 88 : La Maison (la Maison de Dieu, le Temple) regarde vers l'Orient (sa face est tournée vers l'Orient), son arrière vers le couchant. Tout le sol est pavé de pierres, to de pan edaphos lithostrôton... Cette cour pavée de dalles (L. H. Vincent, Jérusalem de l'Ancien Testament, 217). appelée en grec lithostrôtos, était appelée d'autre part, et par d'autres, gabbatha. Gabbatha n'est pas une traduction de lithostrôton. Il est possible que ce mot hébreu gabbatha se rattache au verbe hébreu gabah, être haut, être élevé, Ezéchiel 40, 2 : une montagne très élevée, el-har gabôah meôd. 466 19.14 C'était la préparation de pesah... De nouveau notre Évangile souligne le fait que du point de vue du calendrier liturgique du Temple, la fête de pesah allait avoir heu le soir. Elle n'avait donc pas eu lieu la veille au soir. Le rabbi et ses disciples avaient donc fêté pesah selon un autre calendrier que celui du Temple. La sixième heure : la première heure était fixée au lever du jour. 467 19, 15 Nous n'avons pas de roi... Traduction littérale d'après l'hébreu : il n'y a pas, il n'est pas de roi à nous, si ce n'est César...

201 alors ils ont pris ieschoua 19, 17468

et il s'est chargé de la croix et il est sorti jusqu'au lieu qui est appelé le lieu du crâne ce qui se dit en hébreu galgalta

19, 18469

c'est là qu'ils l'ont pendu à la croix et avec lui deux autres l'un de ce côté-ci et l'autre de ce côté-là et au milieu ieschoua

19, 19470

et il a fait écrire une inscription pilatus et il l'a fait placer sur la croix et il y avait écrit ieschoua ha-nôtzeri le roi des judéens

19, 20471

cette inscription nombreux sont ceux qui l'ont lue parmi les judéens parce qu'il était proche l'endroit de la ville là où il avait été pendu à la croix ieschoua et c'était écrit en hébreu en romain et en grec

19, 21472

alors ils lui ont dit à pilatus les prêtres des judéens

468

19, 17 Galgalta, vocalisation des massorètes goulgôlet, le crâne, la tête. 19, 18 L'un de ce côté-ci... Grec enteuthen kai enteuthen, hébreu mi-zeh... mi-zeh. Exode 17, 12 : Et les mains de Môscheh étaient alourdies, et alors ils ont pris une pierre et ils l'ont posée sous lui. Il s'est assis sur la pierre, et Aharôn et Hour tenaient fermes ses mains, de ce côté-ci, l'un, et de ce côté-ci, l'autre, et elles furent, ses mains, certitude, jusqu'à ce qu'il se couche, le soleil... Hébreu mi-zeh ehad wou-mi-zeh ehad, grec enteuthen heis kai enteuthen heis. 470 19, 19 Et il a fait écrire,,. Comme précédemment nous restaurons la forme hiphil de l'hébreu : il a fait écrire, et non : il a écrit. De même, 19, 1 : Il a fait prendre... Et non : il a pris. Il a fait battre à coups de fouets... Et non : Il a battu à coups de fouets... etc. Ieschoua ha nôtzeri... L'inscription en hébreu : ieschoua ha-nôt-zeri melek ha-iehoudim. En grec nous avons le texte sous les yeux : ièsous ho nazôraios ho basileus ton ioudaiôn. En latin : iesus naza-renus rex iudaeorum. La question qui reste ouverte est de savoir ce que signifie ha-nôtzeri (ou ha-nazir...) transcrit en grec par ho nazôraios. Luc 23, 38 : Et il y avait une inscription sur lui : le roi des Judéens celui-ci. Variantes nombreuses dans les manuscrits : Une inscription écrite sur lui avec des lettres grecques et romaines et hébraïques. Jean lit de droite à gauche, Luc de gauche à droite. 471 19, 20 Parce qu'il était proche, l'endroit de la ville, là où... Nous suivons la construction du texte grec qui suit la construction de l'hébreu sous-jacent, ha-maqôm ascher... Le lieu que, le lieu où... 472 19, 21 Mais que celui-ci il a dit : Moi je suis le roi des Judéens. Si Pilate avait consenti à modifier son inscription en ce sens, il mettait sur la tête du rabbi galiléen pendu à la croix une condamnation décisive aux yeux de l'Empire romain, puisque selon cette seconde formulation, le rabbi se serait présenté comme un roi de la Judée au sens politique de ce terme, ce qui aurait fait de lui un révolté politique et militaire, à rencontre de l'autorité de César. C'est précisément cette équivoque que les adversaires du rabbi galiléen veulent entretenir, pour justifier l'exécution du prophète. Or, nous l'avons lu, le rabbi a dissipé cette équivoque dans son entretien avec le gouverneur romain, qui a fort 469

202

ne fais pas écrire le roi des judéens mais que celui-ci il a dit moi je suis le roi des judéens 19, 22

et il a répondu pilatus ce que j'ai écrit je l'ai écrit ________

19, 23473

et les soldats lorsqu'ils ont pendu ieschoua sur la croix ils ont pris ses vêtements et ils en ont fait quatre parts

bien compris, semble-t-il, que ce suspect qu'on lui amène n'est pas un meneur au sens politique du terme, et que ses ambitions ne sont pas non plus politiques. Par conséquent la royauté de cet homme qu'on lui amène enchaîné, n'est pas, n'entre pas en conflit avec l'Empire romain, puisqu'elle n'est pas du même ordre. Elle n'est pas sur le même plan. Pilate refuse donc de modifier son inscription dans un sens dont il sait qu'il ne correspond pas à la réalité. 473 19, 23 Elle était, la tunique, sans couture... Le grec chitôn ici employé correspond régulièrement à l'hébreu koutônet, qui est vraisemblablement issu du même mot qui a donné chitôn en grec. Il s'agit en hébreu d'une tunique de lin que l'on portait sur la peau. Genèse 3, 21 : tunique de peau, de cuir ; Genèse 37, 3 et sq. Exode 28, 4 et sq. : la tunique de Aharôn. Exode 28, 39 : la tunique de lin du grand prêtre ; 28, 40 : les tuniques pour les fils d'Aharôn. Exode 29, 8 : les fils d'Aharôn sont revêtus de tuniques. Exode 39, 27 : Ils ont fait des tuniques de lin, œuvre de tisserand, pour Aharôn et pour ses fils... Exode 40, 14 ; Lévitique 8, 13 ; 8, 7 ; 10, 5 ; 16, 4 ; etc. Les habits des prêtres doivent être tissés tout entier d'une seule pièce. Ils ne doivent pas être cousus à partir de plusieurs pièces. Exode 28, 32 : Et tu feras le pardessus (et-meïl)... Et il y aura une bouche (un trou) de sa tête (pour sa tête ?) au milieu de ce pardessus. Une lèvre (un rebord) sera à sa bouche (au trou du manteau) tout autour, travail de tisserand (et non pas de la couture), — comme la bouche (comme le trou) d'une cuirasse ce sera, pour lui (pour le pardessus). Il ne pourra pas se déchirer. D'après les rabbins, les habits dont il est parlé, Exode 31, 10, les vêtements de sainteté d'Aharôn le prêtre et les vêtements de ses fils sont des vêtements tissés tout d'une pièce, et sans couture. Biller-beck, Kommentar zum Neuen Testament aus Talmud und Midrasch, 11, 573. Flavius Josèphe dit la même chose, Antiquités judaïques, III, 7 : La tunique, chitôn, n'était pas faite de deux pièces cousues sur les épaules et le long des flancs, mais c'était une seule pièce très longue tissée... Marc 14, 63 : Le grand prêtre a déchiré ses tuniques, tous chi-tônas autou... Il est très possible, il est même vraisemblable, que l'auteur du quatrième Évangile a considéré le rabbi galiléen Ieschoua ha-nôtzeri comme le prêtre du temple nouveau, de la nouvelle Jérusalem, de la nouvelle création. C'était la pensée de l'auteur de l'Épître aux Hébreux, qui cite le psaume 110 : Il l'a juré, YHWH, et il ne s'en repentira pas : toi [tu es] kôhen, grec hiereus, pour la durée éternelle à venir, hébreu le-ôlam, grec eis ton aiôna, selon l'ordre de (?) malki-tzedek, mon roi de justice... Épître aux Hébreux 5, 6. Épître aux Hébreux, 7, 1 et sq. 8, 4 : Nous avons un tel prêtre, qui s'est assis à la droite du trône de la grandeur (de Dieu) dans les cieux... 9, 11 : Mais le Christ [...] grand prêtre [...] ce n'est pas avec le sang des boucs ni des taureaux, mais avec son propre sang, qu'il est entré, d'un seul coup, en une seule fois, dans la demeure de sainteté. Il a obtenu une rédemption éternelle. Car si le sang des boucs et des taureaux [...] sanctifie ceux qui sont souillés..., combien plus le sang du Christ, lui qui s'est présenté lui-même (victime) sans tache, à Dieu... 10, 11 : Tout prêtre se tient chaque jour pour faire le service du culte et il apporte un grand nombre de fois les mêmes victimes... Lui, il a présenté pour les péchés une seule victime... Il s'est assis à la droite de Dieu... 10,19 : Nous avons, frères [...] un grand prêtre...

203 pour chaque soldat une part et puis aussi la tunique elle était la tunique sans couture depuis le haut d'un seul tissage tout entière 19, 24474

alors ils se sont dit chacun à son compagnon ne la déchirons pas mais jetons les dés pour savoir à qui elle sera et cela c'est pour qu'elle soit accomplie l'écriture qui dit ils se sont fait des parts avec mes vêtements pour eux et sur mon vêtement ils ont jeté le dé ce sont les soldats qui ont fait cela

_______ 19, 25

et elles se tenaient debout près de la croix de ieschoua sa mère et la sœur de sa mère maria la [femme] de klôpha et maria de magdala

19, 26475

et il a vu ieschoua sa mère et le disciple qui se tenait là debout à côté de lui celui qu'il aimait et il a dit à sa mère femme voici ton fils

19, 27

et ensuite il a dit au disciple voici ta mère et à partir de ce moment-là il l'a prise le disciple dans sa maison

474

19, 24 Pour qu'elle soit accomplie l'Écriture... Comme précédemment : pour qu'elle soit remplie... Citation du psaume 22, 19. C'est le psaume que le Seigneur a dit sur la croix, Matthieu 27, 46 ; Marc 15, 34. 475 19, 26 Et le disciple qui se tenait là debout à côté de lui, celui qu'il aimait... On peut fort bien supposer que cette dernière notation — celui qu'il aimait — est due au traduteur grec du document hébreu. La maison est sans doute celle dans laquelle le Seigneur avait voulu manger la dernière pâque.

204 _______ 19, 28476

et après cela il a connu ieschoua que désormais tout est achevé et pour qu'elle soit accomplie l'écriture il a dit j'ai soif

19, 29

il y avait là par terre un récipient plein de vinaigre alors une éponge pleine de vinaigre ils l'ont attachée autour d'une tige d'hysope et ils l'ont approchée de sa bouche

19, 30

lorsqu'il a pris le vinaigre ieschoua alors il a dit c'est achevé et il a penché la tête et il a rendu l'esprit

_______ 19, 31477 476

quant aux judéens

19, 28 Et après cela, il a connu Ieschoua que désormais tout est achevé. Pour qu'elle soit accomplie l'Écriture, il a dit... On peut aussi construire : Il a connu que désormais tout est achevé, de ce qui est requis pour qu'elle soit accomplie, l'Écriture... Sous le hina grec, il pourrait y avoir de nouveau le ascher hébreu. Peut-être allusion au psaume 69 : Sauve-moi, Dieu, car elles sont venues, les eaux, jusqu'à la gorge, jusqu'à l'âme, ad-naphesch. Je m'enfonce dans la boue du gouffre et il n'y a rien qui tienne (pour me raccrocher). Je suis entré dans les profondeurs des eaux et le flot me submerge... Ils sont nombreux, plus que les cheveux de ma tête, ceux qui me haïssent sans raison valable... Et moi, ma prière [est] pour toi, YHWH... Délivre-moi de la boue et que je ne m'y enfonce pas... Réponds-moi YHWH car elle est bonne, ta grâce,. Selon la multitude de tes compassions, tourne ta face vers moi. Et ne cache pas ta face loin de ton serviteur. Car l'angoisse est sur moi. Hâte-toi de me répondre. Approche-toi de mon âme. Rachète-la. A cause de mes ennemis, délivre-moi... Et pour ma soif, ils m'ont donné à boire du vinaigre... 477 19, 31 Les Judéens : les habitants de Jérusalem qui avaient compétence et autorité pour demander cela à Pilate, le procurateur romain. Puisque c'était la préparation : nous avons ajouté entre crochets : de la fête de pesah, pour que le lecteur de langue française, qui n'appartient pas de naissance au judaïsme, comprenne de quoi il s'agit. Un lecteur issu du paganisme, au ne siècle de notre ère, ou à la fin du premier, ne pouvait pas non plus comprendre de quoi il s'agit. Le traducteur en langue grecque du document hébreu ne prend pas la peine d'expliquer quelle est cette préparation, Impréparation de quoi, parce qu'à ses yeux c'est évident, et c'était aussi évident pour les lecteurs à qui sa traduction était tout d'abord destinée, à savoir les frères et les soeurs des synagogues du pourtour de la Méditerranée. Afin qu'ils ne restent pas sur la croix, les corps, dans le schabbat... Deuteronome 21, 22 : Que s'il y a chez quelqu'un un crime qui le condamne à mort, il sera mis à mort et tu le pendras sur un arbre. Il ne passera pas la nuit, son cadavre, sur l'arbre, car, pour ce qui est de le mettre au tombeau, tu le mettras au tombeau ce jour même. Car malédiction de Dieu, le pendu ! Et tu ne souilleras ta terre que YHWH ton Dieu te donne en héritage. Galates 3, 13. Dans le schabbat : le traducteur en langue grecque n'a pas pris la peine de traduire l'hébreu schabbat, il l'a simplement transcrit en caractères grecs. Ses lecteurs, ceux à qui il destinait sa traduction, savaient de quoi il s'agissait. Car il était grand le jour de ce schabbat... Ce schabbat était en même temps le premier jour de la fête de pesah, cette année-là. Là encore notre texte grec s'adresse à des lecteurs qui savent et comprennent de quoi il s'agit, ce qui n'est pas le cas des païens de la fin du Ier siècle de notre ère, ni de ceux du début du ne siècle, si l'on se place par hypothèse dans l'antique doctrine selon laquelle le quatrième Évangile serait tardif. Qu'ils brisent les jambes : le sujet sous-entendu, c'est, bien entendu, les soldats.

205 parce que c'était la préparation [de la fête de pesah] et pour qu'ils ne restent pas sur la croix les corps pendant le schabbat car il était grand le jour de ce schabbat ils ont demandé à pilatus que [les soldats] brisent les jambes [des condamnés] et qu'ils les enlèvent 19, 32

ils sont donc venus les soldats et du premier ils ont cassé les jambes et puis de l'autre qui avait été pendu à la croix avec lui

19, 33

et puis ils sont venus à ieschoua et ils ont vu qu'il était déjà mort alors ils ne lui ont pas cassé les jambes

19, 34478

mais l'un des soldats avec sa lance lui a percé le côté et voici qu'il est sorti de l'eau et du sang

19, 35479

et c'est celui qui a vu c'est lui qui atteste que cela est vrai et elle est vraie son attestation et lui il sait qu'il dit la vérité afin que vous aussi vous soyez certains de la vérité

19, 36480

car tout cela est arrivé afin qu'elle soit accomplie l'écriture aucun de ses os ne sera brisé

478

19, 34 Et voici qu'il est sorti de l'eau et du sang... Grec euthus, hébreu we-hinneh. 19, 35 Et c'est celui qui a vu, c'est lui qui a attesté... Et elle est vraie son attestation, hébreu émet ou neemanah, et lui il sait qu'il dit la vérité, hébreu émet, afin que vous aussi vous soyez certains de la vérité, ou : que cela est vrai, hébreu taaminou. C'est seulement dans le texte hébreu reconstitué que l'on aperçoit que les différents termes, vraie, vérité, être certain de la vérité de..., dérivent de la même racine aman, être certain de la vérité de... Dans la traduction grecque, cette communauté de la racine, qui dans la logique hébraïque est un argument, puisqu'elle atteste une communauté de significations, n'apparaît pas. On ne voit pas la relation en grec, entre le verbe pisteuein, qui traduit l'hébreu he-emin, et l'adjectif alèthinè, qui traduit le plus souvent l'hébreu émet. C'est une preuve de plus, la millième, que notre texte grec de Jean est une traduction faite à partir d'un document hébreu antérieur. 480 19, 36 Car tout cela est arrivé, afin qu'elle soit accomplie l'Écriture... Hébreu : afin qu'elle soit remplie... Psaume 34, 19 : Il est proche, YHWH, de ceux dont le coeur est brisé... Nombreux sont les maux du juste, mais de tous il les délivre, YHWH. Il garde tous ses os, un seul d'entre eux ne sera pas brisé (aucun d'entre eux ne sera brisé). Exode 12, 43 : Voici l'ordonnance de pesah... Dans une maison unique il sera mangé. Tu ne feras pas sortir de la maison (un morceau pris) de la chair, dehors. Et aucun os vous ne briserez, en lui (dans l'agneau) Nombres 9, 12 : Ils n'en laisseront pas jusqu'au matin, et aucun os ils ne briseront en lui... 479

206 19, 37481

et puis une autre écriture dit aussi et ils regarderont vers moi celui qu'ils ont transpercé

_______ 19, 38482

et après cela il a demandé à pilatus iôseph qui venait de la ville de ramathaïm c'était un disciple de ieschoua en secret à cause de la peur des judéens [il lui a demandé] d'enlever le corps de ieschoua et il l'a accordé pilatus et alors il est venu et il a enlevé son corps

19, 39483

481

il est venu aussi naqdimôn celui qui était venu le voir de nuit au commencement et il a porté un mélange de myrrhe et d'aloès d'environ cent livres

19, 37 Et puis une autre écriture dit aussi... C'est l'expression rabbinique classique : we-katôb aher ômar, Billerbeck, II, 583. Zacharie 12,10 : Et je répandrai, et je verserai sur la maison de David et sur l'habitant de Ierouschalaïm un esprit de grâce et de supplications, et ils regarderont vers moi, celui qu'ils ont transpercé. Ils feront sur lui une lamentation, comme sur un fils unique et chéri, hébreu ha-iahid, et ils pleureront amèrement sur lui comme on pleure amèrement sur le premier-né... Difficultés textuelles. Certains critiques lisent : Et ils regarderont vers moi. Quant à celui qu'ils ont transpercé... Le traducteur de notre Évangile de Jean a lu : Ils regarderont vers celui qu'ils ont transpercé. Ces commentaires scripturaires, ces comparaisons entre ce qui est arrivé, et ce que disait l'Écriture sainte, sont-ils le fait du rédacteur hébreu de notre document primitif ? Ou sont-ils l'oeuvre du traducteur en langue grecque ? Nous ne le savons pas. Même phénomène dans l'Évangile de Matthieu, contemporain de celui de Jean. Notre texte grec de Matthieu propose constamment des justifications, des comparaisons entre l'événement et la prophétie, qui constituent à ses yeux une démonstration. Sont-elles du traducteur en langue grecque ? Appartiennent-elles au document hébreu primitif ? C'est ce que nous ne pouvons pas dire pour l'instant, tant que nous n'avons pas retrouvé le texte hébreu qu'Épiphane de Sala-mine et saint Jérôme ont pu encore lire et même traduire. Notons encore que notre traducteur en langue grecque de Jean n'a pas emprunté ici la traduction dite des Septante de Zacharie 12, 10. Il avait un texte hébreu sous les yeux et il a fait sa propre traduction. 482 19, 38 Et après cela... Toujours l'expression hébraïque habituelle : wa-iehi aharei-ken... Iôseph qui venait de la. ville de Ramathaïm... Ramathaïm, patrie de Samuel, 1 Samuel 1,1 ; 1, 9 ; 2, 11 ; 7, 17 ; etc. Hébreu ha-ramatha, transcription grecque des Septante : ramathaïm. Hébreu ramath, 1 Samuel 19, 19 ; 20, 1. Nous voyons ainsi, par cette expression, iôseph ho amo arimathaias, comment l'on disait : un homme issu de telle ou telle ville. Pour dire : de Nazareth, on dit : apo nazareth tes galilaias, Matthieu 21, 11. Jean 1, 44 : Philippos apo bèthsaïda... Jean 1, 45 : lèsoun huion tou iôseph ton apo nazareth... Jean 11, 1 : Lazaros apo bèthanias... Actes 10, 38 : lèsoun ton apo nazareth... Le grec apo traduit l'hébreu min... La peur des Judéens : c'est bien entendu Joseph qui a peur des Judéens. 483 19, 39 Au commencement : c'est ce qui est raconté au commencement de l'Évangile, Jean 3. D'environ cent livres. Le mot grec litra ici utilisé désigne une mesure de poids, et une monnaie. La question est donc de savoir si Naqdimôn a apporté cent livres anciennes, environ 32 kg, de ce mélange de myrrhe et d'aloès. Ou bien s'il a apporté un mélange de myrrhe et d'aloès d'un prix de cent livres de monnaie ancienne, de l'époque...

207

19, 40484 484

ils ont pris le corps de ieschoua

19, 40 Et ils l'ont serré dans une tunique de lin... grec othonia, qui traduit l'hébreu sadin, la tunique de lin. Juges, 14, 12 : Alors il leur a dit, Schimeschôn : Je vais vous proposer une énigme, hébreu hidah, grec problèma. Si l'expliquer vous l'expliquez, (si vous me donnez la solution de l'énigme), durant les sept jours du festin, et si vous la trouvez (la solution de l'énigme), alors je vous donnerai trente tuniques de lin, hébreu sedinim, et trente habits de rechange. Mais si vous n'êtes pas capables de me dire (la solution de l'énigme), alors c'est vous qui me donnerez à moi trente tuniques de lin, sedinim, et trente habits de rechange. Du livre des Juges, il nous reste deux traductions principales, appelées A et B par les éditeurs modernes. Lorsqu'il existe deux traductions grecques d'un texte hébreu, on peut relever les équivalences, en grec, entre deux termes qui traduisent le même mot hébreu. C'est le cas ici. La version A traduit : Je vous donnerai trente tuniques de Un, sindonas, pluriel de sindôn, et trente robes, stolas. Mais si vous ne pouvez pas m'annoncer (la solution de l'énigme), alors c'est vous qui me donnerez trente tuniques de lin, sindonas, et trente robes, stolas himatiôn. La traduction B donne : Je vous donnerai trente tuniques de Un, sindonas, et trente robes, stolas himatiôn. Mais si vous ne pouvez pas m'annoncer (la solution de l'énigme), c'est vous qui me donnerez trente othonia et trente robes de rechange... Othonia et sindonas sont deux traductions du même mot hébreu sedinim, pluriel de sadin. Le mot grec othonia, qui est un pluriel neutre, peut traduire aussi le mot hébreu peschet, qui signifie : le lin, la toile de lin. Osée, 2, 7 : Puisqu'elle s'est prostituée, leur mère... Elle a dit : Je vais aller derrière ceux qui m'aiment. Ils me donnent mon pain et mon eau, ma laine et mon lin, hébreu pischeti, grec ta othonia mou... Osée 2,11 : C'est pourquoi je vais revenir et je vais reprendre mon blé en son temps et mon vin... Je vais arracher ma laine et mon lin, hébreu pischeti, grec ta othonia mou. Le mot hébreu peschet, le lin, se ht Deutéronome 22, 11 : de la laine et du lin, mais ici il est traduit en grec par linon. Le mot grec sindôn traduit toujours l'hébreu sadin, mais, nous venons de le voir, le mot hébreu sadin peut être traduit et il a été traduit de fait par sindôn et par othonion. Le traducteur en langue grecque de l'Évangile de Matthieu a traduit le mot hébreu qu'il avait sous les yeux par le grec sindôn. Matthieu 27, 59 : Il a pris le corps de Ieschoua et il l'a enveloppé dans un sindôn qui était pur, grec katharos, qui désigne ici sans doute la pureté rituelle, et non la propreté, qui va de soi, et il l'a déposé dans son tombeau qui était neuf, qu'il avait fait creuser dans le rocher, et il a roulé une grande pierre devant la porte du tombeau. Et puis il est parti. Il y avait là Maria de Magdala et l'autre Maria. Elles étaient assises en face du tombeau. Luc 23, 53 : Il l'a enveloppé dans un sindôn et il l'a déposé dans un tombeau creusé dans le roc où jamais personne n'avait été déposé... Marc 15, 46 : Il a acheté un sindôn, il l'a descendu [de la croix], et il l'a enveloppé dans le sindôn et il l'a déposé dans un tombeau qui était creusé du rocher, et il a roulé une pierre sur la porte du tombeau. Marc 14, 51 : Et un certain jeune homme le suivait. Il était revêtu d'une simple tunique de lin, grec sindona, sur la peau, grec epi gumnou, littéralement : sur sa nudité. Alors ils l'ont attrapé, ils se sont saisis de lui. Et lui il a abandonné son sindôn et il s'est enfui tout nu... Il est donc très probable que les deux mots grecs sindôn et othonia recouvrent le même mot hébreu sadin, la tunique de lin. Il faut se souvenir ici que les vêtements de sainteté de Aharôn doivent être en lin, Exode 28, 5 ; 28, 39 ; 39, 27 ; 39, 28 ; Lévitique 13, 47 ; Lévitique 16, 4 : Il revêtira la tunique de lin de sainteté ; 16, 23 ; 16, 32 ; Ezéchiel 9, 2 ; 9, 3 ; 9, 11 ; 16, 10 ; 40, 3 . Ezéchiel 44, 15 : Les kôhanim, grec hoi hiereis, les Lévites, fils de Tzadoq... lorsqu'ils viendront aux portes de la cour intérieure, ce sont des vêtements de lin qu'ils revêtiront, et elle ne montera pas sur eux la laine, lorsqu'ils feront le service dans les portes de la cour intérieure et de la Maison. Des turbans de lin seront sur leurs têtes et des pagnes de lin sur leurs reins... Daniel 10, 5 : J'ai levé mes yeux et j'ai regardé et voici un homme vêtu de lin... Daniel 12, 6 ; 12, 7. Il nous reste donc à nous demander, à nous les goïm qui Usons les textes de Jean, de Matthieu, de Luc et de Marc, si c'est au hasard ou sans raison que Joseph et Nikodème ont enveloppé le Seigneur dans une tunique de lin qui était rituellement pure, ou bien s'ils avaient une raison. D'après Hege-sippe, cité par Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, II, 23, Iaaqôb, le frère du Seigneur, a gouverné l'Église (de Jérusalem) après les Envoyés, meta ton apostolôn. Lui il avait été consacré depuis le ventre de sa mère. Il ne buvait ni vin ni boisson enivrante ; il ne mangeait rien d'animé ; le rasoir n'est pas monté sur sa tête... Il ne portait pas de laine, mais sindonas, des habits de lin... Notons enfin qu'il est question des othonia dans la soi-disant Lettre d'Aristée à Philocrate, 320 : Il a envoyé à Eléazar... dix robes (pour hommes !)... et cent pièces de tissu de lin, kai bussinôn othoniôn histous hekaton. La conjecture que nous proposons, sadin sous le grec othonia, avait déjà été adoptée par William Greenfield dans sa traduction en hébreu de l'Évangile de Jean, en 1831. Nouvelle édition par Jean Car-mignac, 1982, Brépols. Ce qui donne en hébreu : be-sadin im besamim. Avec les baumes... Grec meta ton arômatôn. Le pluriel neutre grec ta arômata est la traduction de l'hébreu besamim. Bôsem, besem, basam, pluriel besamim, le baumier, la résine ou l'essence extraite du baumier, le baume, grec balsamon. 2 Rois 20, 13 : En ce temps-là, il envoya, Berodak Baleadan, fils de Baleadan roi de Babel, des lettres et un cadeau à Ezéchias car il avait appris qu'il était malade, Ezéchias... Et il leur fit voir toute la maison des réserves,

208 et ils l'ont serré dans une tunique de lin avec les baumes comme c'est la coutume chez les judéens lorsqu'ils mettent les morts dans le tombeau 19, 41

et il y avait dans le lieu où il a été pendu à une croix un jardin et dans le jardin il y avait un tombeau neuf dans lequel jamais personne n'avait été déposé

19, 42

c'est là à cause de la préparation [de la fête de pesah] des judéens parce qu'il était tout proche le tombeau qu'ils ont déposé ieschoua

l'argent, l'or et les baumes, we-et ha-besamim, grec ta arômata, et l'huile, la bonne... Isaïe 39, 2 rapporte le même fait. Lui aussi il dit qu'Ezéchias a montré aux envoyés du roi de Babel sa maison aux réserves, son argent, son or et ses baumes, we-et ha-besamim. Mais le traducteur en langue grecque d'Isaïe a traduit : kai ton thumiamatôn kai tou murou. 1 Chroniques 9, 29 : Parmi eux (parmi ces Lévites) il y avait ceux qui étaient préposés aux vases, à tous les objets du culte sacré, à la fleur de farine, au vin, à l'huile, à l'encens et aux baumes, hébreu ha-besamim, grec ta arômata. 1 Chroniques 9, 30 : Et parmi les fils des prêtres se trouvaient ceux qui composaient les parfums pour les baumes, labesamim, grec eis ta arômata. 2 Chroniques 9, 1 : Et la reine de Scheba a entendu la réputation de Salomon et elle est venue pour éprouver Salomon par des énigmes à Jérusalem, avec une armée somptueuse au plus haut point et puis des chameaux qui portaient des baumes, gemalim nôseïm besamin, grec arômata, et l'or en quantité et de la pierre précieuse... 2 Chroniques 9, 9 : Et elle a donné au roi cent vingt talents d'or et des baumes, besamim, grec arômata en quantité et de la pierre précieuse et il n'y a pas eu comme [il y a eu] de ce baume, ka-bôsem ha-hou, grec kata ta arômata ekeina, qu'elle a donné, la reine de Scheba, au roi Salomon... 2 Chroniques 16, 14 : Et il se coucha, Asa, avec ses pères et il mourut... Et ils le mirent au tombeau dans le tombeau qu'il avait creusé pour lui-même dans la cité de David et ils le couchèrent sur la couche qui avait été remplie de baumes, hébreu ascher mille besamim, grec arômatôn, et de sortes de parfums... et ils ont fait brûler pour lui une fumigation grande jusqu'à un point extrême... Esther 2, 12 : Car ainsi étaient remplis les jours durant lesquels elles étaient parfumées : six mois dans de l'huile de myrrhe be-schemen ha-môr, et six mois dans des baumes, ba-besamim, grec en fois arômasin.

209 CHAPITRE 20

20, 1485

Le premier [jour qui suit le] schabbatôn maria de magdala est venue tôt le matin il faisait encore nuit jusqu'au tombeau et elle voit la pierre qui a été enlevée du tombeau

20, 2

alors elle court et elle va voir schiméôn pierre et l'autre disciple celui qu'il aimait ieschoua et elle leur dit ils ont enlevé le seigneur du tombeau et nous ne savons pas où ils l'ont posé

20, 3

alors il est sorti pierre et l'autre disciple et ils sont venus au tombeau

20, 4

ils couraient tous les deux ensemble et l'autre disciple courait plus vite il est passé devant pierre et il est arrivé le premier au tombeau

20, 5486

et il s'est penché et il a vu qu'elle se tenait [debout] la tunique de lin mais cependant il n'est pas entré

20, 6

alors est arrivé aussi schiméôn pierre qui le suivait et il est entré dans le tombeau et il a regardé la tunique de lin qui se tenait [debout]

485

20,1 Le premier [jour qui suit le jour] du schabbatôn... Hébreu be-ehad ba-schabbat, ici le terme hébreu solennel schabbatôn, Exode 16, 23, transcrit en grec par le pluriel sabbata. Lévitique 23, 24, traduit en grec anapausis, repos ; Lévitique 23, 39, idem. Le mot hébreu schabbatôn est pris, par le traducteur grec, comme un pluriel grec, puisqu'il avait été transcrit par sabbata, qui est un pluriel. Et par conséquent il le fait précéder de l'article pluriel génitif ton. Inintelligible pour un païen. La semaine se terminait à la fin du schabbat. Le lendemain, le premier jour qui suit le schabbat, c'est le premier jour de la nouvelle semaine. 486 20, 5 II s'est penché, il a vu le sadin couché, mais cependant il n'est pas entré... Pourquoi n'est-il pas entré ? Lévitique 21, 1 : Pour un mort de sa parenté, que le prêtre ne se rende pas impur... Lévitique 21, 11 : De toutes les âmes des morts il ne s'approchera pas, pour son père et pour sa mère il ne se rendra pas impur... Ezéchiel 44, 15 : Et les prêtres (hébreu ha-kôhanim), les lévites fils de Tzadok... 44, 25 : Et vers un mort, vers un homme mort, hébreu el-met adam, il n'ira pas pour se souiller, pour devenir impur, si ce n'est pour un père, et pour une mère, et pour un fils et pour une fille ; pour un frère et pour une sœur qui n'a pas été à un homme, ils pourront se rendre impurs...

210 20, 7487

et aussi le linge pour s'essuyer la sueur qui était sur sa tête il ne se tenait pas [debout] avec la tunique de lin mais à part il était enroulé dans le lieu unique [le tombeau]

20, 8488

alors il est entré lui aussi l'autre disciple celui qui était arrivé le premier au tombeau il a vu et il a été certain que c'était vrai

487

20, 7 Et le linge pour essuyer la sueur, grec soudarion, Luc, 19, 20 : Seigneur, voici la pièce de monnaie que j'avais cachée dans mon soudarion. Actes 19, 12 : Sur les malades on posait des soudaria qui avaient touché la peau de Paul... Jean 11, 44 : Son visage était entouré d'un soudarion. Le soudarion, qui était sur la tête... Faut-il comprendre : sur la tête ? Ou : enroulé autour de la tête ? Ou : Sur son visage ? Mais à part enroulée... Faut-il comprendre qu'il était resté enroulé, comme il l'était lorsqu'il serrait la tête du Seigneur ? Ou bien qu'il a été enroulé ? Dans un seul lieu... Nous conjecturons l'hébreu el maqôm ehad, Qohélet 3, 20 ; 6, 6. Dans les deux cas, il s'agit en réalité du tombeau. L'expression el maqôm ehad pourrait donc avoir été une expression consacrée, une expression pudique, pour désigner le tombeau. Il y a dans la Bible hébraïque beaucoup de lieux. L'un de ces lieux, c'est celui où nous allons tous aller, selon Qohélet, à savoir le tombeau. Notre conjecture se trouve fortifiée par Pirqé Abot 3,1 : Aqabia fils de Mahalaleel disait : Considère trois choses et tu ne tomberas pas dans la main de la transgression. Connais d'où tu viens, et où tu vas, et devant la face de qui tu auras à rendre compte... Où tu vas : au lieu de la poussière, li-meqôm aphar, du ver et de la vermine... Le maqôm aphar de Pirqé Abot, c'est le maqôm ehad de Qohélet. Il faut se souvenir, pour comprendre ce point, de l'extrême pudeur des Hébreux et de leur extrême délicatesse, pour tout ce qui concerne l'amour et la mort. Ils en parlent simplement, naturellement, sans contorsion, mais avec une extrême discrétion. C'est juste le contraire des païens d'autrefois et d'aujourd'hui. Si l'auteur du document hébreu qui est ici traduit en grec est un kohen, non seulement il n'a pas le droit, sans se souiller, d'entrer dans un tombeau, mais il parle du tombeau par allusions, en termes voilés, en termes chiffrés, afin de ne pas souiller sa bouche. 488 20, 8 Alors il est entré lui aussi, l'autre disciple... Pourquoi entre-t-il maintenant ? Parce qu'il sait qu'il n'y a pas de mort dans ce tombeau neuf, puisque le Seigneur s'est relevé d'entre les morts. Il peut donc entrer sans se souiller. Il a vu et il a été certain que c'était vrai... Exode 14, 31 : Et il a vu, Israël, la main grande qu'il a faite, YHWH, sur (contre) les Égyptiens, et ils ont craint, les hommes appartenant au peuple, YHWH, et ils ont été certains de la vérité qui est dans YHWH et dans Môscheh son serviteur... La question est de savoir ce qu'il a vu, qui l'a conduit à cette certitude. Est-ce que c'est le sadin couché là, et le soudarion qui était resté enroulé à part dans le tombeau ? Est-ce que quelque chose dans la disposition de ces deux pièces fournissait une preuve certaine et irréfutable, que le Seigneur était relevé d'entre les morts ? En effet, si on avait enlevé le Seigneur, on aurait enlevé le mort avec la tunique de lin dans laquelle il était enserré. Si même on avait arraché la tunique de lin, sadin, dans laquelle il était enserré, et si on avait enlevé le cadavre nu, on aurait jeté en tas la tunique de lin. On aurait arraché le soudarion qui était sur la tête du Seigneur (ou sur sa figure) et on l'aurait aussi jeté à terre. Il ne serait pas resté enroulé, noué. Or le sadin était dans une disposition telle — et le soudarion était resté enroulé comme il l'était peut-être autour de la tête du Seigneur — que cette disposition des deux pièces a conduit l'autre disciple à la certitude que le Seigneur était relevé d'entre les morts. Est-ce tout ? Est-ce que dans notre texte grec du quatrième Évangile, le traducteur de notre texte nous a donné tous les éléments qui nous permettent de comprendre ce qu'a vu l'autre disciple et ce qui l'a conduit à la certitude qu'il est vrai que le Seigneur est relevé d'entre les morts ? Nous ne pouvons pas l'affirmer. Nous n'en savons rien. Peut-être l'autre disciple et Schiméon Pierre ont-ils vu quelque chose d'autre, en examinant de plus près le sadin, la tunique de lin, et le soudarion, la pièce d'étoffe qui était sur sa tête ou autour de sa tête, quelque chose qui les ont conduit à la certitude de la vérité de la résurrection. Pourquoi le traducteur en langue grecque du quatrième Évangile ne nous l'aurait pas dit ? Pourquoi ne nous aurait-il pas communiqué ces éléments d'information qui nous échappent ? Peut-être parce que cette traduction grecque qu'il est en train de terminer, va éventuellement tomber entre les mains d'adversaires du Seigneur, ou même de païens, et qu'il ne veut pas dire ce qui est trop précieux, trop important et qui doit rester secret dans la

211 20, 9489

car ils n'avaient pas encore connu l'écriture [qui enseigne] qu'il allait d'entre les morts se relever

20, 10

et ils sont repartis et ils sont retournés chez eux les disciples

20, 11490

quant à maria elle se tenait debout auprès du tombeau dehors et elle pleurait

20, 12491

et pendant qu'elle pleurait elle s'est penchée [pour regarder] à l'intérieur du tombeau et elle a vu deux messagers vêtus de blanc qui étaient assis l'un à la tête et l'autre aux pieds là où avait été posé le corps de ieschoua

20, 13

et ils lui ont dit

communauté. Ainsi le traducteur en langue grecque du quatrième Évangile ne nous a pas rapporté les paroles du Seigneur sur l'une des matzôt et sur l'une des coupes de vin lors du dernier repas auquel pourtant l'auteur du document original assistait, puisqu'il est probablement celui qui a reçu le Seigneur dans sa propre maison, à Jérusalem, cette nuit-là, et puisqu'il rapporte longuement, lui seul, l'enseignement du Seigneur donné cette nuit-là. Pourquoi ne rapporte-t-il pas les paroles du Seigneur sur l'une des matzôt et sur l'une des coupes ? Peut-être pour le même motif. Ce qui est le plus précieux et le plus important ne doit pas être mis à la portée de n'importe qui et livré à un document écrit qui peut tomber entre les mains de n'importe qui. Souvenons-nous que le symbole de foi, pendant plusieurs siècles, a été appris par cœur par les païens qui demandaient à entrer dans l'Église, et qu'il était interdit de le mettre par écrit. C'est la raison pour laquelle on l'appelait le sacramentum symboli, c'est-à-dire le secret du symbole. 489 20, 9 Car ils n'avaient pas encore connu l'Écriture [qui enseigne] qu'il allait d'entre les morts se relever... Le grec deï recouvre ici la construction hébraïque lamed l'infinitif. 2 Rois 4, 13 : Meh la-asôt lak, grec ti deïpoisèsai soi', qu'y a-t-il à faire pour toi ? 2 Rois 4, 14, Meh la-asôt lah, grec ti deï poièsai autè, qu'est-ce qu'il y a à faire pour elle ? Daniel 2, 28 : Il existe un Dieu dans les cieux, il révèle les secrets, et il fait connaître au roi Nabuchodonosor ce qui va arriver, araméen mah di le-heweh, dans la suite des jours, be-aharit iômaïïa, grec ha deïgenesthai ep'eschatôn ton hèmerôn. Daniel 2, 29 ; 2, 45 ; Matthieu 16, 21 ; 24, 6 ; Luc 9, 22 ; Marc 8, 31 ; 1 Corinthiens 11, 19 ; Apocalypse 1, 1 ; 22, 6. Celui qui a écrit l'Évangile de Jean, ou celui qui l'a traduit, souligne donc que les disciples n'avaient pas trouvé dans l'Écriture sainte, dans les prophéties, la certitude que le Seigneur allait se relever d'entre les morts. Ils ont été conduits à cette certitude par ce qu'ils ont vu dans le tombeau tout d'abord, et ensuite par les manifestations personnelles du Seigneur. La question, encore une fois, est de savoir si notre texte nous dit tout ce que Schiméon Pierre et F autre disciple, Jean, ont vu. 490 20, 11 Quant à Maria elle se tenait debout hors du tombeau... Delitzsch et Zalkinson conjecturent l'hébreu : mihoutz la-qeber, au dehors du tombeau, et dans cette hypothèse lepros grec traduirait de nouveau le lamed hébreu. Quant à Maria... Elle était naturellement revenue au tombeau après avoir annoncé à Schiméon Pierre et à l'autre disciple qui ne doit pas encore être nommé, que la grosse pierre qui fermait la porte du tombeau avait été roulée. Nous avons noté déjà que les inconnus qui ont traduit la Bibliothèque hébraïque de l'hébreu en grec, ont transcrit l'hébreu, que nous lisons aujourd'hui, dans nos éditions imprimées modernes, miriam, par les caractères grecs mariam. S'ils l'ont transcrit ainsi, c'est que vraisemblablement ils lisaient et prononçaient ainsi, et donc que la vocalisation des massorètes correspond à une prononciation moderne. Exode 15, 20 ; 15, 21 ; Nombres 12, 1 ; etc. 491 20,12 Elle a vu deux messagers... Le quatrième Évangile parle peu des messagers de Dieu. Là où avait été posé le corps de leschoua ; plus exactement encore : là où il avait été posé, étendu, couché...

212

femme pourquoi pleures-tu et elle leur a dit ils ont enlevé mon seigneur et je ne sais pas où ils l'ont déposé 20, 14492

elle a dit cela et puis elle s'est retournée en arrière et elle a vu ieschoua qui se tenait debout mais elle ne savait pas que c'était ieschoua

20, 15493

alors il lui a dit ieschoua femme pourquoi pleures-tu qui cherches-tu et elle elle a pensé que c'était le jardinier et elle lui a dit monsieur si c'est toi qui l'as enlevé dis-moi où tu l'as déposé et moi j'irai le prendre

20, 16494

alors il lui a dit ieschoua mariam et elle s'est retournée et elle lui a dit en hébreu rabbouni

492

20.14 Elle s'est retournée en arrière... Grec eis ta opisô, hébreu me-aharit, Genèse 19, 26 ; 2 Rois 9,18 ; 9,19 ; 2 Rois 20,10 ; hébreu ahôranit, grec eis ta opisô ; 20, 11 ; idem ; Matthieu 4, 19 ; Marc 1, 17. Et elle ne savait pas que c'était leschoua... Fait qui a été noté plusieurs fois, Luc 24, 15 : leschoua lui-même s'est approché et il a marché avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Si ces récits avaient été composés, comme on nous le raconte, d'une manière tardive, et si ç'avaient été des inventions, les inventeurs de ces récits n'auraient pas inventé ce détail qui faisait difficulté. Ils n'auraient pas inventé de toute pièce cette difficulté. 493 20.15 Monsieur, en grec kurie, en hébreu adôni. Nous n'avons pas voulu traduire : seigneur ! adressé au jardinier ; « Monsieur » correspond assez bien. L'ennui, c'est, pour nous lecteurs de langue française, le tutoiement qui suit... 494 20,16 Mariam, selon certains manuscrits, maria selon d'autres. Mariant est la prononciation ancienne.

213

ce qui veut dire en traduction maître 20, 17495

et il lui a dit ieschoua ne me touche pas car je ne suis pas encore remonté vers mon père mais va voir mes frères et dis-leur je remonte vers mon père et votre père vers mon dieu et votre dieu

20, 18496

alors elle est venue maria de magdala et elle a annoncé aux disciples j'ai vu le seigneur et voilà ce qu'il lui a dit

_______ 20, 19497

et il advint qu'au soir de ce jour qui est le premier qui suit le schabbatôn toutes les portes étaient fermées dans la maison où étaient les disciples par peur des judéens il est venu ieschoua et il s'est tenu là au milieu d'eux et il leur a dit la paix sur vous

20, 20 495

il a dit cela et il a montré ses mains et son côté

20, 17 Va voir mes frères... Désormais le Seigneur appelle les disciples ses propres frères. Je remonte vers mon père et vers votre père... Le Seigneur maintient la distinction qui existe entre la relation qui va de Dieu, qu'il appelle son propre père, à lui-même, qui est l'Homme véritable uni à Dieu véritable, et la relation qui va de Dieu aux autres hommes créés, qui sont appelés à l'adoption filiale, par grâce, après la nouvelle naissance. Il ne dit pas : Je remonte vers notre père, à nous tous... Il ne se met pas dans le même ensemble que ceux à qui il s'adresse. Distinction métaphysique capitale en christo-logie. Hadrien, Lettre aux évêques d'Espagne, Si tamen licet, 793-794, à propos de ce texte. Distincte enim dixit « meum » et « vestrum », eius videlicet non per gratiam, sed per naturam ; noster vero per gratiam adoptionis... Semper eum et ubique distincte patrem suum appellat... Non ait « noster » quasi nobiscum adoptatus per gratiam... Cur non dixit « noster» ? Quia aliter noster et aliter suus... Scimus enim quod non est traditus secundum divinitatem, sed secundum id quod homo verus erat. 496 20, 18 Et voilà ce qu'il lui a dit... Et il lui a parlé comme cela, hébreu we-kazôt dibber eleiha. 497 20, 19 Schabbatôn, de nouveau ce mot hébreu étrange pour les païens d'autrefois comme pour les païens (et les chrétiens) d'aujourd'hui, simplement transcrit en caractères grecs. La paix sur vous : schalôm lakem, littéralement : à vous !

214

alors ils se sont réjouis les disciples parce qu'ils ont vu le seigneur 20, 21498

et alors il leur a dit de nouveau la paix sur vous de même qu'il m'a envoyé mon père de même moi aussi je vous envoie

20, 22499

il a dit cela et il a soufflé sur eux et il leur a dit recevez l'esprit saint

20, 23500 498

tous ceux à qui vous pardonnerez leurs fautes elles leur seront pardonnées

20, 21 De même qu'il m'a envoyé, mon père... Geste fondamental dans la grande tradition hébraïque : envoyer un messager qui porte un message afin de transmettre l'information, hébreu schalah. Genèse 24, 7 : YHWH, Dieu des cieux, lui qui m'a pris de la maison de mon père et du pays de ma naissance et qui m'a parlé et qui m'a juré en disant : à ta semence je donnerai ce pays-ci, c'est lui qui enverra son messager devant ta face... Genèse 32, 4 : Et il a envoyé, Iaaqôb, des messagers devant sa face... Genèse 45, 5 : Car c'est pour une [œuvre de] vie qu'il m'a envoyé, Dieu, devant vos faces... Il m'a envoyé, Dieu, devant vos faces, pour vous disposer un reste dans le pays et pour vous donner la vie... Et maintenant ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici, mais c'est Dieu... Exode 3, 10 : Et maintenant va, et je t'envoie vers Pharaon... 3, 12 : Et voici pour toi le signe que c'est moi qui t'ai envoyé... 3, 13 : Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous... 3, 14 : Ainsi tu parleras aux fils d'Israël : JE SUIS m'a envoyé vers vous..., etc. Traduction grecque apostellein. Celui qui est envoyé, traduction grecque, apostolos. Le messager, hébreu maleak, grec aggelos, latin angélus. Ce qui est nouveau ici, c'est que celui qui est envoyé, le fils de l'homme qui est fils de Dieu, envoie à son tour. L'information créatrice est transmise, communiquée. Elle part de l'unique source ou origine radicale de toute information créatrice, à savoir Dieu. Elle est communiquée tout entière à l'Homme véritable uni à Dieu véritable, le fils de l'homme, le fils de Dieu. Celui-ci la communique aux envoyés, pluriel grec apostoloi, qui la communiquent à l'humanité entière. Le verbe correspondant au verbe schalah envoyer, c'est le verbe qibbel, recevoir. Matthieu 10, 40 : Celui qui vous reçoit, me reçoit. Et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé. 499 20, 22 Et il a soufflé sur eux... Grec enephysèsen, du verbe emphusan. Genèse 2, 7 : Et il a formé, YHWH Dieu, l'Homme, poussière tirée de la terre, et il a soufflé dans sa narine un souffle de vie, et il a été, l'Homme, une âme vivante. Grec : kai enephusèsen. C'est le geste de la création qui recommence, le geste de la nouvelle création. Ezéchiel 37, 9 : Prophétise en direction de, hébreu el, l'esprit ! Prophétise, fils de l'homme ! Et tu diras en t'adressant à l'esprit : Ainsi a parlé le Seigneur YHWH : Depuis les quatre vents (en hébreu, c'est le même mot ruah qui signifie le vent, et l'esprit), viens, l'esprit ! Et souffle sur ces tués, et qu'ils vivent ! Traduction grecque emphusèson. — Recevez — l'Esprit saint : l'Esprit saint, c'est l'esprit de Dieu, c'est Dieu lui-même qui est esprit. En grec labete pneuma hagion, sans article, ce qui s'explique par l'hébreu : qehou lakem et-ruah ha-qôdesch. 500 20, 23 Tous ceux à qui... Deux constructions possibles en hébreu : Kôl ascher..., ou bien isch isch ascher... Pardonner les fautes, les crimes, les péchés, plusieurs verbes en hébreu. Genèse 50, 17 : Pardonne-donc le crime de tes frères... Verbe hébreu nasa, porter, soulever, supporter... Traduction grecque le verbe aphièmi, laisser aller, lâcher, abandonner, permettre, renvoyer, congédier, décharger quelqu'un d'une accusation, acquitter, absoudre, remettre, pardonner... Exode 10,17, hébreu nasa ; Exode 23,21 ; 1 Samuel 15, 25 ; 25,28 ; 2 Samuel 24,10 ; le verbe abar, passer par-dessus, passer au-delà, à la forme hiphil, passer par-dessus, pardonner ; 1 Rois 8, 34 ; le verbe saîah ; 1 Rois 8, 30 ; Psaume 25, 11. Le verbe hébreu nasa signifie porter, supporter, élever. Le verbe nascha signifie prêter. Mascha signifie la dette.

215 et tous ceux à qui vous les retiendrez elles leur seront retenues _______ 20, 24501

tôma était l'un des douze son nom veut dire [en traduction] le jumeau il n'était pas avec eux lorsqu'il est venu ieschoua

20, 25502

alors ils lui ont dit les autres disciples nous avons vu le seigneur mais lui il leur a dit si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous et si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous et si je ne mets pas ma main dans son côté je ne serai pas certain que cela est vrai

20, 26503

501

et au bout de huit jours de nouveau ils étaient dans la maison ses disciples et tôma était avec eux

20, 24 Tôma était l'un des douze... Les noms des Douze sont donnés par Matthieu, 10, 1 : Et il a appelé ses douze disciples, et il leur a donné puissance sur les esprits impurs, en sorte qu'ils puissent les chasser, et guérir toute maladie et toute infirmité. Des douze envoyés, voici les noms : Le premier, Schiméon, appelé Pierre, et Andréas son frère. Et Iaaqôb le (fils) de Zabedaï et Iohanan son frère. Philippos et Bartholomaios. Tôma et Matthaios le douanier. Iaaqôb le (fils) d'Alphaios et Thaddaios. Schiméon le zélote. Et Iehouda isch Qeriôt, l'homme de Qeriôt ?, celui qui l'a livré. Ces douze, il les a envoyés Ieschoua, et il leur a recommandé : Sur la route de, dans la direction des nations païennes n'allez pas, et dans la province, grec polis, hébreu medinah, de Samarie n'entrez pas. Allez bien plutôt vers le troupeau, grec ta probata, hébreu ha-tzôn, égaré, perdu, de la maison d'Israël... Les apostoloi sont donc ceux qui sont envoyés en mission, afin de communiquer l'information créatrice qui provient du Seigneur. Le quatrième Évangile nous parle une autre fois des Douze, 6, 67. Mais nous ne savons pas si l'auteur du quatrième Évangile fait lui-même partie des Douze. Il ne nous le dit pas. Il suppose l'existence des Douze bien connue. Et elle était connue, cette existence, depuis le début de la communauté formée autour du rabbi galiléen. Tôma, ce qui veut dire en traduction : le jumeau... Chaque fois qu'il est question de Tôma, ou presque, Jean 11, 16 ; 20, 24 ; ici, et 21, 2, le traducteur en grec de notre document ajoute : cela veut dire « le jumeau ». En hébreu le verbe taam, Cantique des Cantiques 4, 2 ; 6, 6 ; signifie : enfanter des jumeaux. Tôamim, teômim, tômim, Cantique 4, 5 ; 7, 4 ; signifie : jumeaux. Tarn et tôm en hébreu, pluriel tamim, signifient la plénitude, la perfection, l'achèvement. On peut être un disciple, et un disciple éminent, du Seigneur, sans faire partie du groupe des Douze. On peut être un disciple sans être envoyé en mission. C'est peut-être le cas de l'auteur du quatrième Évangile, le plus savant des disciples du Seigneur, mais il ne fait pas partie du groupe des Douze, et il n'a pas été envoyé en mission hors de Jérusalem. 502 20, 25 Si je ne mets pas mon doigt... En réalité il faudrait traduire : si je ne jette pas mon doigt..., grec ballein, hébreu schalah... Si je ne mets pas ma main... Même remarque. 503 20, 26 Au bout de huit jours... Grec : meta hèmeras oktô. Le grec meta traduit l'hébreu miqetz, au bout de... Genèse 7, 6 : Et il arriva au bout de, miqetz, grec meta, quarante jours... Genèse 16, 2 : Au bout de dix ans, hébreu

216

il est venu ieschoua les portes étaient fermées il s'est tenu là au milieu du groupe et il a dit paix sur vous 20, 27504

et puis ensuite il a dit à tôma porte ton doigt ici et regarde mes mains porte ta main ici et mets-la dans [le trou] de mon côté ne sois plus privé de certitude mais sois certain que cela est vrai

20, 28505

alors il a répondu tôma et il lui a dit mon seigneur et mon dieu

20, 29

alors il lui a dit ieschoua parce que tu m'as vu tu as été certain que c'est vrai heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cependant été certains que c'est vrai

_______ 20, 30506

et ils sont nombreux les autres signes qu'il a faits ieschoua

miqetz, grec meta. Genèse 41, 1 : Et il advint au bout de deux années de jours... Hébreu miqetz, grec meta,... Exode 12, 41 : Et il advint au bout de trente ans, hébreu miqetz, grec meta, etc. Les portes étaient fermées... Notre Évangile souligne de nouveau que le Seigneur se trouve là, tout d'un coup, au milieu du groupe des disciples, alors que les portes étaient fermées. Ce qui signifie que physiquement le Seigneur n'est plus comme il était auparavant et qu'il peut apparaître et disparaître sans être astreint ni soumis aux lois de la vieille physique de la durée du monde présent. Il est entré déjà dans la durée du monde à venir. Et il leur a dit : Paix à vous ! Hébreu : Schalôm lakem. 504 20, 27 Porte ta main ici et mets-la dans [le trou] de mon côté : comme précédemment, il faudrait oser traduire : jette-la dans le trou, grec ballein, hébreu schalah ; le geste est plus vif et plus violent. 505 20, 28 Mon Seigneur et mon Dieu... En première approximation il semble que cette expression, en grec ho kurios mou kai ho theos mou, n'est pas un vocatif, mais seulement une exclamation. Psaume 25, 17 : Fais revenir mon âme... Je te rendrai grâce dans la grande assemblée, dans un peuple nombreux je te louerai... Tu as vu, YHWH, ne garde pas le silence ! Seigneur, ne restes pas éloigné de moi ! Réveille-toi et lève-toi pour mon jugement mon Dieu et mon seigneur, elohaï wa-adonaï, pour mon procès. Grec : ho theos mou kai ho kurios mou. Ici il s'agit bien en réalité d'un vocatif, qui est traduit en grec par un nominatif. Juge-moi selon ta justice, YHWH mon Dieu, hébreu YHWH elohaï, grec kurie ho theos mou, kurie est au vocatif, ho kurios mou au nominatif. 506 20, 30 Et ils sont nombreux les autres signes... On pourrait traduire aussi, dans un français plus populaire : et il y a bien d'autres signes...

217 aux yeux de ses disciples ils n'ont pas été écrits dans ce livre-ci 20, 31507

mais ceux-ci ont été écrits afin que vous soyez certains qu'il est vrai que c'est ieschoua qui est celui qui a reçu l'onction le fils de dieu et afin que vous qui êtes certains de la vérité la vie soit à vous en son nom

Devant les yeux de... Grec enôpion, qui traduit régulièrement l'hébreu le-phanim, Genèse 24, 51 ; 30, 33 ; mipaneika, Genèse 31, 35 ; lephanaiô 2 Rois 4, 38 ; grec enôpion autou ; 2 Rois 4, 43 ; liphenei, grec enôpion ; 2 Rois 5, 1 ; etc. Enôpion traduit aussi le-einei, aux yeux de, Isai'e 52, 10 ; aux yeux de toutes les nations païennes, traduit par Luc 2, 31 : kata prosôpon pantôn ton laôn ! Matthieu ne se sert pas de ce mot grec enôpion, Marc non plus. Luc par contre s'en sert abondamment ainsi que Paul. Jean une fois ici. Qui n'ont pas été écrits dans ce livre-ci... Ni l'auteur du document, ni le traducteur en langue grecque, ne nous disent pourquoi les autres signes n'ont pas été rapportés, ou relatés. 507 20, 31 Ces (signes) ont été écrits afin que vous soyez certains... La traduction grecque de notre Évangile était destinée aux frères et aux sœurs des communautés juives du pourtour de la Méditerranée qui ne lisaient plus suffisamment l'hébreu. Il s'agit de convaincre ces frères et ces sœurs que Ieschoua est bien le meschiah, c'est-à-dire le fils de Dieu. C'est ce que va faire Schaoul-Paul à partir du printemps de l'année 44. Il va parcourir les synagogues du pourtour de la Médi-terrannée pour convaincre par les saintes Écritures les frères et les sœurs des synagogues, que Ieschoua est bien meschiah. Dans notre Évangile de Jean, la démonstration s'effectue par les signes, ce qui est la méthode développée depuis le livre de l'Exode. Pour l'instant il n'est pas question dans notre Évangile de l'annonce aux païens, aux goïm, aux incirconcis. Cela va venir plus tard, à partir de 36 sans doute, date de la mise à mort de Stephanos. Nous sommes, avec notre Évangile de Jean, et sa traduction, avant cette date. D'ailleurs la question de savoir si Ieschoua est le meschiah ou non, n'avait aucun sens, et donc aucun intérêt, pour les païens du premier siècle de notre ère, comme pour les païens d'aujourd'hui. C'est une question qui intéresse exactement les frères des communautés juives qui savent ce que signifie et ce qu'est le meschiah. Actes 9, 19 : Et après cela, il fut avec les frères de Damas quelques jours, et voici que (grec eutheôs, hébreu hinneh), dans les assemblées, il proclamait Ieschoua, que c'est lui le fils de Dieu... Actes 9, 22 : Schaoul se fortifiait de plus en plus... Il établissait que c'est lui le meschiah... Nous sommes peu de temps après la mise à mort de Stephanos, donc probablement autour de l'année 36. Ultérieurement on voit Schaoul-Paul enseigner et discuter dans les synagogues, Actes 17,1 : Ils arrivèrent à Thessalonique. Il y avait là une synagogue des Judéens. Selon sa coutume Paul entra chez eux durant trois sabbats et il discutait avec eux, en partant des Écritures, il ouvrait (le sens des prophéties) et il établissait que le Christ (d'après les Écritures) allait souffrir et se relever d'entre les morts et que c'est lui le meschiah, leschoua, que moi je vous annonce aujourd'hui. Actes 18, 5 : Il attestait aux Judéens qu'il est le meschiah, leschoua. Le but visé par l'Évangile de Jean est exactement le même que celui qui est visé par Paul : convaincre les frères et les soeurs des communautés juives du pourtour de la Méditerranée que leschoua est bien le meschiah attendu.

218 CHAPITRE 21

21, 1508

et après cela il s'est fait voir lui-même de nouveau ieschoua aux disciples auprès de la mer de tibériade et voici comment il s'est fait voir

21, 2509

il y avait là ensemble schiméôn pierre et puis tôma ce qui veut dire le jumeau et puis nathanaël celui qui est de qanah de la galilée et puis les fils de zabedaï et encore deux autres de ses disciples

21, 3

et il leur a dit schiméôn pierre je vais à la pêche et alors ils lui ont dit nous y allons nous aussi avec toi ils sont sortis et ils sont montés dans la barque mais cette nuit-là ils n'ont rien pris du tout

21, 4510

au petit matin voici qu'il se tenait debout ieschoua au bord de la mer mais cependant ils n'ont pas connu les disciples que c'était ieschoua

21, 5511

alors il leur a dit ieschoua les enfants est-ce que vous avez quelque chose à manger

508

21, 1 Et après cela... Grec meta tauta, hébreu wa-iehi aharei-ken. 21, 2 Et encore deux autres d'entre ses disciples... Les fils de Zébédée, hébreu zabedaï, sont nommés dans un groupe. Deux autres disciples, qui ne sont pas nommés, sont signalés dans un autre groupe. Si, comme il est hautement probable, le disciple qui ne veut pas être nommé est l'un des deux, alors il ne fait pas partie des fils de Zébédée. 510 21, 4 Au bord de la mer... Grec eis ! qui traduit probablement l'hébreu : al sephat ha-iam. Ils n'ont pas connu... De nouveau notre texte note qu'au premier abord les disciples ne reconnaissent pas le Seigneur qui est relevé d'entre les morts. Cette notation qui faisait difficulté ne pouvait être une invention tardive. 511 21, 5 Quelque chose à manger avec, ou : en plus du pain, grec prosphagion, hébreu parperet, ou liphetan, Billerbeck, 586. Le principal du repas, c'est le pain, du pain véritable bien entendu, et puis il y a ce que l'on ajoute au pain, ce que l'on mange avec le pain. 509

219 avec le pain et ils lui ont répondu non 21, 6512

alors il leur a dit jetez du côté droit de la barque le filet et vous allez trouver alors ils ont jeté [le filet] et ils ne pouvaient plus le tirer à cause de la multitude des poissons

21, 7

et alors il a dit le disciple celui qu'il aimait ieschoua à pierre c'est le seigneur schiméôn pierre lorsqu'il a entendu c'est le seigneur il a attaché autour de lui son vêtement parce qu'il était nu et il s'est jeté dans la mer

21, 8

les autres disciples avec la barque ils sont venus car ils n'étaient pas loin de la terre mais à peu près une distance de deux cents coudées et ils tiraient le filet plein de poissons

21, 9

lorsqu'ils sont descendus [de la barque] sur la terre sèche ils ont vu qu'il y avait là des braises disposées et il y avait du poisson qui était posé dessus et puis du pain

21, 10

alors il leur a dit ieschoua apportez quelques-uns des poissons que vous venez de prendre

512

21, 6 A cause de la multitude des poissons... Grec apo, hébreu min, qui indique ici l'origine causale du fait.

220 21, 11

alors il est remonté schiméôn pierre et il a tiré le filet sur la terre sèche il était plein de grands poissons il y en avait cent cinquante-trois ils étaient si nombreux et cependant il ne s'est pas déchiré le filet

21, 12

et il leur a dit ieschoua venez et mangez et personne n'a osé parmi les disciples lui demander mais toi qui es-tu car ils savaient bien que c'était le seigneur

21, 13

il est venu ieschoua et il a pris le pain et il leur a donné et du poisson de même

21, 14513

et voilà c'était la troisième fois qu'il se faisait voir ieschoua à ses disciples lorsqu'il s'est relevé d'entre les morts

_______ 21, 15514

513

après qu'ils ont eu fini de manger il a dit à schiméôn pierre ieschoua

21, 14 Et voilà c'était la troisième fois... Paul, 1 Corinthiens, écrite en 55 peut-être, à Ephèse, 15, 1 : Je vous fais connaître, frères, l'heureuse annonce que je vous ai annoncée, et que vous avez reçue, et dans laquelle vous vous tenez fermement debout, et par laquelle vous êtes sauvés... Car je vous ai transmis à vous tout d'abord, ce que j'avais moi-même reçu, à savoir que Christ est mort à cause de nos crimes, conformément aux Écritures ; et qu'il a été mis au tombeau ; et qu'il s'est relevé le troisième jour, conformément aux Écritures ; et qu'il s'est fait voir à Kêpha ; et puis ensuite aux Douze ; et puis ensuite il s'est fait voir à plus de cinq cents frères d'un seul coup. Parmi eux la plupart sont encore là jusqu'à maintenant. Mais certains se sont couchés (avec leurs pères = ils sont morts). Ensuite il s'est fait voir à laaqôb. Ensuite à tous les envoyés. Le dernier de tous, comme à l'avorton, il s'est fait voir à moi aussi... La question est de savoir si la troisième manifestation dont parle Paul correspond à la troisième manifestation de notre Évangile. 514 21,15 Est-ce que tu m'aimes plus que ceux-ci ? Plusieurs significations possibles : 1. Est-ce que tu m'aimes plus que ceux-ci ne m'aiment ? 2. Est-ce que tu m'aimes plus que tu n'aimes ceux-ci ? 3. Est-ce que tu m'aimes plus que tu n'aimes cela ? En hébreu : me-eleh peut signifier plus que ceux-ci, et plus que ces choses-là... Les verbes grecs philein et agapan traduisent de toute manière le même verbe hébreu ahab. Il n'y a donc pas lieu de faire des commentaires allégoriques subtils pour tenter de rendre compte de la distinction entre philein et agapan. Fais paître mon troupeau : arnia traduit l'hébreu benei tzôn, les fils du troupeau de petit bétail, c'est-à-dire les éléments de cet ensemble qui est un troupeau de petit bétail : brebis et béliers, chèvres et boucs.

221

schiméôn fils de iôhanan est-ce que tu m'aimes plus que ceux-ci alors il lui a dit oui seigneur toi tu sais que je t'aime alors il lui a dit fais paître mon troupeau 21, 16

et puis il lui a dit une deuxième fois schiméôn fils de iôhanan est-ce que tu m'aimes et il lui a dit oui seigneur toi tu sais que je t'aime et il lui a dit fais paître mon troupeau

21, 17

et il lui a dit une troisième fois schiméôn fils de iôhanan est-ce que tu m'aimes alors il a été affligé pierre parce qu'il lui avait dit une troisième fois est-ce que tu m'aimes et il lui a dit

Le verbe grec boskein traduit l'hébreu raah qui signifie faire paître, par exemple Genèse 29, 6 ; 29, 7 ; 29,9 ; 37, 21 ; etc. Le verbe grec poimainein utilisé la deuxième fois traduit le même verbe hébreu raah, faire paître un troupeau : Genèse 30, 31 ; 30, 36 ; 37, 2 ; 37, 13 ; etc. De nouveau il n'y a donc pas lieu de s'embarquer dans des commentaires subtils, pour expliquer la distinction entre ces deux verbes grecs boskein et poimainein, qui traduisent le même et unique verbe hébreu. Ta probata, pluriel neutre en grec, traduit des dizaines et des dizaines de fois le singulier collectif hébreu tzôn, qui signifie, nous venons de le voir, le troupeau de petit bétail, chèvres, boucs, brebis et béliers, avec les enfants. Le Seigneur ne demande donc pas spécialement à Pierre de faire paître les brebis. Il lui demande de devenir le berger du troupeau, c'est-à-dire de la nouvelle communauté qui est désormais formée et en genèse, et que nous appelons l'Église.

222

seigneur toi tu sais toutes choses toi tu sais bien que je t'aime alors il lui a dit fait paître mon troupeau _______ 21, 18515

amèn amèn je te [le] dis lorsque tu étais plus jeune tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais là où tu voulais lorsque tu seras vieux tu étendras tes mains et un autre te mettra ta ceinture et te conduira là où tu ne voudras pas aller il a dit cela pour [lui] faire connaître par quelle mort il allait glorifier dieu

21, 19

il a dit cela et puis il lui a dit suis-moi

21, 20

alors il s'est retourné pierre et il a regardé le disciple qu'il aimait ieschoua il les suivait c'est celui qui s'était penché lors du repas sur sa poitrine et qui avait dit seigneur qui est-ce celui qui est en train de te livrer

21, 21516 515

celui-là il l'a regardé pierre et il a dit à ieschoua

21,18 Lorsque tu étais plus jeune... Ces paroles sibyllines, dont personne, à notre connaissance du moins, ne comprend aujourd'hui exactement la signification, ne permettent aucunement d'affirmer, comme le font bon nombre de critiques, que le quatrième Évangile a été rédigé après la mort de Pierre et que ces lignes constituent une allusion directe à la mort passée de Pierre. Si ces propos étaient une allusion à la mort passée de Pierre, elles seraient plus claires. D'autre part personne, à cette heure, — à notre connaissance du moins — ne sait exactement quand Pierre est mort, ni comment, ni de quelle mort. Ces paroles ne constituent donc pas une allusion précise, ni détaillée, à la mort future ou à la mort passée de Pierre. Elles semblent contenir une prophétie qui indique que Pierre va souffrir, qu'il va être arrêté. Voilà au moins qui est clair. Mais elles ne sont nullement une allusion à un fait passé. 516 21, 21 Celui-ci, quoi ? Hébreu we-zeh mah-hou. En quoi cela te concerne-t-il ? C'est la vieille expression hébraïque mah-leka, quoi à toi ?

223

seigneur et celui-ci quoi 21, 22

alors il lui a dit ieschoua lui si je veux qu'il reste jusqu'à ce que je vienne en quoi cela te concerne-t-il toi suis-moi

21, 23517

et alors elle est sortie cette parole parmi les disciples que ce disciple ne mourra pas mais il ne lui avait pas dit ieschoua il ne mourra pas mais [il a dit] lui si je veux qu'il reste jusqu'à ce que je vienne en quoi cela te concerne-t-il

21, 24

c'est lui ce disciple qui atteste la vérité de tout cela et qui les a mises par écrit et nous savons qu'elle est vraie son attestation

21, 25

il y a encore bien d'autres choses et nombreuses qu'il a faites ieschoua si on les mettait par écrit une par une je ne sais pas si le monde entier pourrait contenir les livres ainsi écrits

517

21, 23 Elle est sortie cette parole... Vieille expression hébraïque iatza ha-dabar. Psaume 19, 4 : Ce sont les cieux qui racontent la gloire de Dieu, et l'action de ses mains, elle l'annonce l'étendue du ciel. Le jour au jour en dit une parole, et la nuit à la nuit en donne la connaissance. Il n'y a personne qui parle, et il n'y a pas de paroles. Elle n'est pas entendue leur voix. Dans toute la terre elle est sortie leur harmonie, qui est dite, grec eis pasan tèn gèn exèîthen ho phthoggos autôn, et jusqu'au bout du monde leurs paroles... Et lui, comme un jeune marié, hébreu hatan, grec numphios, il est sorti de sa tente nuptiale, hébreu houpha... Ezéchiel 16, 14 : Et il est sorti, pour toi, le nom (ta réputation) dans (parmi) les nations... Nombre d'auteurs estiment que ces lignes font allusion à la mort passée du disciple en question et qu'elles ne peuvent avoir été écrites qu'après la mort du disciple. Cela ne nous paraît nullement évident.

224 NOTE TERMINALE

Lorsqu'on a terminé la lecture de l'Évangile que nous avons l'habitude d'appeler quatrième, parce que généralement, mais non toujours, dans les manuscrits il est rangé après Matthieu, Marc, et Luc, il est permis de se poser des questions en ce qui concerne son âge, sa date approximative de composition, et son auteur, ou ses auteurs. En ce qui concerne la date de composition, il n'existe pas un seul indice qui permette de la renvoyer à la fin du i*r siècle de notre ère ou au début du ne siècle. Si un écrit a été composé, par exemple, autour de l'année 1930 de notre ère, en France, on découvre en le lisant attentivement une multitude d'indices qui permettent de discerner qu'il a été composé autour de l'année 1930 : il connaît la grande guerre de 1914-1918 ; il ignore la guerre de 1939-1945. Il ignore la montée du nazisme. Il connaît la révolution russe. Il fait allusion à des auteurs qui étaient célèbres dans les années 1920 et suivantes, ou à des musiciens, ou à des peintres. Il fait allusion à des modes philosophiques qui ont été dominantes au début de ce siècle. Il évoque ou décrit des modes vestimentaires, ou des marques d'automobiles, etc. Une multitude d'indices permet de dater approximativement un texte. Supposons que le texte que nous examinons fasse une, et une seule allusion à la guerre de 1939-1945. Cette seule allusion suffit à reporter la composition du texte en question après cette guerre. Supposons qu'il fasse une et une seule allusion à Jean-Paul Sartre, ou à Albert Camus. Cela suffit à reporter la datation de notre texte après une date précise, celle de la publication des premiers romans ou essais de ces auteurs. Dans le cas du quatrième Évangile, il n'existe pas un indice, pas un seul, qui permette d'en renvoyer la composition à la fin du Ier siècle, encore moins au début du ne siècle. Il ignore tout de la prise de Jérusalem, de la destruction du Temple. Il parle de la piscine qui se trouve auprès de la Porte du Troupeau de petit bétail au présent de l'indicatif, et le traducteur oublie de nous dire qu'il s'agit d'une porte lorsqu'il fait allusion à la [...] du Troupeau. Le quatrième Évangile ignore tout des affreuses persécutions déchaînées par les empereurs romains à partir de 64 ou 65. Il ne connaît pas la mise à mort de Jacques, le frère du Seigneur, en 62. Flavius Josèphe, lui, connaît cette mise à mort et il la décrit. Il fournit des détails. Le quatrième Évangile ne connaît pas le passage de la parole de Dieu, de l'heureuse annonce, aux païens, aux incirconcis. Tout le quatrième Évangile se passe entre le rabbi Ieschoua ha-nôtzeri, et les Judéens, les chefs, les princes, les responsables de Jérusalem, les pharisiens, et les prêtres, les grands prêtres. Les Sadducéens ne sont pas nommés. Tout le quatrième Évangile baigne dans une atmosphère de terreur, et cette terreur ne provient pas des persécutions déchaînées à partir de 64 ou 65 par les empereurs romains. Cette terreur est le fait des hautes autorités de Jérusalem. L'auteur du quatrième Évangile se cache. Il ne veut pas dire son nom. Plus exactement, le traducteur en langue grecque de son texte ne veut pas dire son nom. Il utilise des circonlocutions, des périphrases pour désigner l'autre disciple, le disciple que Jésus aimait, celui qui a écrit en hébreu ce texte. Tous ces indices nous reportent dans les années qui ont suivi immédiatement la mort et la résurrection du Seigneur. Aucun indice ne permet de justifier scientifiquement une datation tardive. Tous les indices nous conduisent tout près des événements de l'année 30. Il faut ajouter la langue, le style. C'est la langue, c'est le style de quelqu'un qui raconte quelque chose qui s'est passé il y a peu, qui connaît des détails d'une extrême précision, concernant les jours, les heures, qui note des dialogues pris sur le vif. En ce qui concerne l'auteur du quatrième Évangile, l'auteur du document ou des documents hébreux traduits ici en grec, Polycrate évêque d'Ephèse écrit au pape Victor — pape entre 189 et

225 198 ou 199 — une lettre qui nous a été partiellement conservée par Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V, XXIV : « C'est en Asie que reposent, que dorment du sommeil de la mort, que sont couchés [avec leurs pères] des grands astres. Ils se relèveront au jour de la venue du Seigneur, au jour où il viendra avec gloire des cieux, et qu'il relèvera tous les saints ; Philippe, l'un des douze envoyés, qui est couché [avec ses pères] à Hiérapolis, et deux de ses filles, qui ont vieilli vierges ; et son autre fille, qui a séjourné dans le Saint Esprit. Elle repose à Éphèse. Et puis Iôannès, celui qui sur la poitrine du Seigneur s'est penché ; il est né hiereus, — c'est-à-dire kohen — il a porté lepétalon, hébreu tzitz ha-zahab, le pétale d'or, sur lequel était écrit : consacré à YHWH, Exode 28, 36 ; 29, 6 ; 39, 30 ; Lévitique 8, 9 ; il a été témoin, en grec martus, témoin des événements, et il a enseigné, il a été didaskalos. Celui-ci, à Éphèse, est couché [avec ses pères], toujours la vieille expression biblique). Et puis aussi Polycarpe de Smyrne, qui a été chargé de veiller sur la communauté, epis-kopos, et témoin, en grec de nouveau martus... » Ce document de Polycrate, évêque d'Ephèse, nous fournit un point de vue autour duquel s'ordonnent parfaitement tous les renseignements dont nous disposons, sur l'auteur du quatrième Évangile. Il a probablement été disciple de Jean Baptiste. Il a une maison à Jérusalem. C'est chez lui que le Seigneur a mangé la dernière Pâque. Il a cependant un calendrier qui n'est pas celui du groupe des Galiléens réunis autour du Seigneur. Son Évangile est centré sur Jérusalem. Il connaît le grand prêtre de cette année-là. Il peut entrer dans la maison du grand prêtre. Il peut donner des ordres à la servante qui garde la porte. Elle ne le met pas dehors, elle lui obéit. Il se cache, il cache son nom lorsque son Évangile est traduit de l'hébreu en grec, parce qu'il est menacé de mort. Il prend Mariam chez lui après la mort et la résurrection du Seigneur. C'est de Mariam qu'il tient plusieurs renseignements, par exemple ce que le Seigneur a dit lors du festin de Qanah en Galilée. Il était le disciple préféré du Seigneur, parce qu'il était théologiquement le plus savant, et le plus apte à comprendre l'enseignement théologique de haute portée du Seigneur. Lui seul a conservé et transmis cet enseignement de haute portée donné lors de la dernière nuit. Il hésite à entrer dans le tombeau, parce que cela est interdit à un prêtre. Il entre dans le tombeau, lorsqu'il comprend qu'il n'y a plus de mort dans le tombeau, parce que le Seigneur est vivant. Tous les renseignements dont nous disposons par le texte lui-même du quatrième Évangile confirment ce que nous dit Polycrate d'Éphèse dans sa lettre au pape Victor : Jean, l'auteur du document hébreu que nous appelons le quatrième Évangile, était prêtre. Ce n'était pas un Galiléen analphabète. C'était un Judéen savant, et même très savant. En ce qui concerne la traduction en langue grecque du ou des documents hébreux dont nous postulons l'existence, contraints par la réalité philologique elle-même — tout comme on a postulé depuis un siècle l'existence des atomes, ou l'existence d'un lien génétique entre les divers groupes zoologiques, ou l'existence d'une langue souche que l'on appelle l'indo-européen, — en ce qui concerne cette traduction grecque donc, il semble qu'elle ait été faite à Jérusalem même. Car ce n'est pas depuis Éphèse, Athènes, Rome ou Alexandrie que l'on peut dire et écrire, à propos de la minuscule bourgade de Beit-Ananiah, qu'elle se trouve de l'autre côté du Jourdain, Jean 1, 28. Ni que le Seigneur et les disciples sont allés de l'autre côté de ce petit torrent boueux qui s'appelait le Qiderôn, Jean 18, 1. Ce n'est pas depuis New York, Londres ou Berlin que l'on peut dire ou écrire que le musée du Louvre, l'Opéra ou la Bourse se trouvent de l'autre côté de la Seine, mais c'est depuis la rive gauche de la Seine, depuis la montagne Sainte-Geneviève, par exemple. D'autre part cette traduction a été faite et réalisée pour les frères et les soeurs de la Diaspora qui ne lisaient pas suffisamment l'hébreu pour pouvoir lire le ou les documents originaux écrits en hébreu. Les païens ne sont pas encore, n'apparaissent pas encore à l'horizon de cette traduction. C'est une affaire entre enfants d'Israël. Le traducteur souligne le conflit constant entre les Judéens, ceux que Schaoul-Paul appelle : ceux qui habitent à Jérusalem et leurs chefs, leurs gouverneurs, leurs

226 autorités, Actes 13, 27, et le rabbi galiléen. C'est peut-être que le traducteur en langue grecque n'était pas, lui, natif de la Judée, natif de Jérusalem. C'était peut-être, et on peut même dire probablement, un de ces enfants d'Israël que Jean 12, 20 appelle des « Grecs », parce qu'ils venaient de Grèce pour se prosterner au Temple de Jérusalem lors de la grande fête. De même, depuis des siècles, il existe en hébreu des noms pour désigner les frères et les sœurs des communautés juives d'Espagne, de France, d'Allemagne. Le traducteur en langue grecque du ou des documents hébreux explique à ses frères de la Diaspora qu'il y a, à Jérusalem, près de la porte du Troupeau, une piscine qui a cinq colonnes. C'est bien naturel, puisque des frères et des sœurs d'Athènes, de Corinthe ou de Rome ne sont pas obligés de savoir qu'il y a, à Jérusalem, près de la porte du Troupeau, une piscine, qui comporte cinq portiques. Mais il oublie de dire, le traducteur, lorsqu'il parle de laprobatikè, qu'il s'agit d'une porte. A ses yeux, cela va de soi, cela va sans dire, de même que pour un vieux Parisien aujourd'hui, et même pour un jeune, il est évident que la Bastille et la Concorde sont des places ainsi nommées. Mais pour un Turc ou un Japonais, ce n'est pas évident, et cela ne va pas sans dire. Par conséquent dans une traduction, destinée à des Japonais, d'un Guide de Paris, il vaut mieux expliquer que la Bastille et la Concorde sont des places, afin que le touriste japonais ne cherche pas dans son dictionnaire français-japonais le sens du mot concorde, s'imaginant qu'il s'agit d'une entité, qui est à peu près synonyme de la paix. Si notre traducteur du document hébreu en langue grecque a omis de préciser dans sa traduction qu'il s'agit bien de la Porte du Troupeau, c'est que pour lui c'était évident, qu'il était habitué à l'expression abrégée ; qu'il est un habitué de Jérusalem. La traduction a probablement été faite à Jérusalem, peut-être sous la dictée — de la bouche de — Iohanan lui-même. On peut fort bien supposer que le traducteur en langue grecque a ajouté des observations et des commentaires de son cru. C'est lui qui explique le sens des mots hébreux qu'il cite, à l'intention des frères et des sœurs de la Dispersion. C'est lui qui atteste à la fin de l'ouvrage, Jean 21, 24, la vérité, l'authenticité du témoignage, de l'attestation fournie par le disciple anonyme qui a écrit le texte hébreu. Nous avons donc une double attestation : l'attestation de la vérité de celui qui a été témoin des faits, et qui a écrit ce qu'il a vu et entendu. Et l'attestation de celui qui a traduit en langue grecque le document hébreu. Si maintenant l'on se demande quel rapport existe entre le quatrième Évangile, l'Évangile de Jean, et les trois synoptiques, Matthieu, Marc et Luc, dès lors que l'on a renoncé à l'antique mythologie d'une composition tardive de Jean, il reste qu'aucun texte, pas un seul, ne permet d'affirmer que l'auteur du quatrième Évangile a connu les synoptiques, ni même l'un d'entre eux. L'auteur du quatrième Évangile n'a connu aucun des Évangiles synoptiques, tout simplement parce qu'il est antérieur à Luc et à Marc, et sans doute contemporain de Matthieu hébreu. Il existe des indices que Luc ait connu notre quatrième Évangile. Le texte hébreu du quatrième Évangile a été composé par un témoin oculaire, par quelqu'un qui a accompagné, vu et entendu le Seigneur, et qui l'a reçu, lors de la dernière nuit, dans sa propre maison, à Jérusalem. Si le quatrième Évangile avait été composé au ne siècle, comme on nous l'a raconté depuis le début du xrxe siècle, ou tout à^fait à la fin du ier, comme on nous le raconte aujourd'hui, il faudrait supposer que les longs discours de Jésus rapportés dans le quatrième Évangile sont des libres compositions, inspirées sans doute de l'esprit et de l'enseignement du Seigneur, mais non une reportation ad litteram des propres paroles du Seigneur, un peu comme Platon a mis dans la bouche de Socrate les idées de Platon, qui pour une part sans doute provenaient de Socrate. Mais le fait est que sous le texte grec des discours du Seigneur rapportés par Jean, nous trouvons à chaque ligne une expression hébraïque souvent difficile, parfois mal traduite, qu'un écrivain écrivant directement en langue grecque aurait soigneusement évitée. Nous trouvons dans ces discours un enseignement de haute portée métaphysique, ontologique, théologique. Celui qui les rapporte les a entendus de sa propre oreille.

227 Pourquoi donc les trois Évangiles synoptiques ne nous rapportent-ils pas d'une manière complète et intégrale ces enseignements de haute portée métaphysique, ontologique et théologique ? Réponse vraisemblable : parce que ces enseignements sont si élevés et si difficiles, que les rédacteurs de Matthieu, Marc et Luc, ou, en suivant le bon ordre, de Matthieu, Luc et Marc, ont allégé ces enseignements trop difficiles pour des gens simples qui n'étaient pas théologiens ni métaphysiciens. Le quatrième Évangile, lui, n'a pas allégé. Il rapporte des enseignements que nous n'appellerons pas ésotériques, — car il ne s'agit pas de traditions secrètes comme dans les communautés gnostiques — mais cependant initiatiques en ce sens qu'il faut une longue préparation pour pouvoir les recevoir avec fruit et les assimiler. Si l'auteur du texte hébreu du quatrième Évangile est appelé le disciple que Jésus aimait — ainsi appelé par le traducteur en langue grecque du quatrième Évangile qui ne veut pas nommer celui qui a composé et écrit le texte hébreu — c'est sans doute, ou peut-être, parce qu'il fut le plus profond, le plus savant de ses étudiants, celui qui a le mieux compris la doctrine du maître. Il est, si l'on ose dire, le théologien et donc le métaphysicien de la bande. Un autre théologien, métaphysicien lui aussi, va se joindre au groupe avant de partir pour de longs voyages : Schaoul, le rabbin pharisien, disciple du grand rabbin Gamaliel, surnommé Paulos. Entre Jean et Paul, nous l'avons noté maintes fois, c'est l'accord profond en ce qui concerne la plus haute doctrine, et les problèmes les plus difficiles. Ajoutons que si nombre de manuscrits présentent les quatre Évangiles dans l'ordre auquel nous sommes habitués par nos éditions imprimées modernes, il en existe aussi qui présentent les Évangiles dans un autre ordre. Par exemple Codex Cantabrigiensis, Bibliothèque de l'Université de Cambridge, appelé aussi Code Bezae, parce qu'il a été offert par Théodore de Bèze en 1562. C'est un parchemin de 510 feuilles. Il présente les quatre Évangiles dans l'ordre : Matthieu, Jean, Luc et Marc. Le manuscrit désigné par la lettre W, codex en parchemin qui présente les quatre Évangiles dans l'ordre : Matthieu, Jean, Luc et Marc. C'est un manuscrit qui date peut-être du rve siècle. Le papyrus Chester Beatty P45 qui provient probablement des environs du Fayoum en Egypte, aujourd'hui au British Muséum. C'est un codex en papyrus. L'ordre des Évangiles, pour autant qu'on puisse le reconstituer, était probablement : Matthieu, Jean, Luc et Marc. Il date du me siècle. Il va sans dire que cet ordre n'est pas dû au hasard. Rien n'est au hasard dans ce domaine. Certains manuscrits portent des inscriptions qui attestent qu'il existait des traditions concernant la date de leur composition. Ainsi un manuscrit qui se trouve aujourd'hui à la Bibliothèque Nationale de Paris, après avoir été dans la Bibliothèque de Colbert, — manuscrit qui date peutêtre du rxe siècle — comporte la note suivante, Grec 63, folio 81 : « L'Évangile selon Matthieu a été publié par lui-même à Jérusalem huit ans après l'ascension de Jésus Christ ». — Folio 131 verso : « L'Évangile selon Marc a été publié dix ans après l'ascension de Jésus Christ ». — Folio 193 verso : « L'Évangile selon Luc a été publié quinze ans après l'ascension de Jésus Christ ». — Ce manuscrit écrit en belles capitales provient de l'île de Chypre. — Un autre manuscrit, qui se trouve lui aussi à la Bibliothèque Nationale de Paris, Grec 106, après avoir été dans la Bibliothèque du Roi, comporte les mentions suivantes, folio 193 : « Le saint évangile selon Matthieu écrit en la langue hébraïque, hebraïdi dialektô graphen, a été publié à Jérusalem et il a été traduit par Jean huit ans après l'ascension du Seigneur ». — « L'Évangile selon Marc a été publié dix ans après l'ascension de notre seigneur et il a été prêché par Pierre à Rome ». — « L'Évangile selon Luc a été publié quinze ans après l'ascension de Jésus Christ et prêché par Paul à Rome ». — L'évangile selon Jean a été prêché par lui-même dans l'île de Patmos trente ans après l'ascension de Jésus christ ». — Ce manuscrit est un parchemin écrit en minuscules. Ces annotations avaient été signalées par Richard Simon, Histoire Critique du Texte du Nouveau Testament, Rotterdam, p. 101. Nous lui empruntons sa traduction.

228 Si ce Jean qui, selon l'annotation qui se trouve sur ce manuscrit, est le Jean surnommé Marc des Actes 12,12 ; 12,25 ; 15,37 ; — si ce Jean-Marc a traduit de l'hébreu l'Évangile de Matthieu comme le prétend cette annotation ; — si ce Jean-Marc est le traducteur de Pierre, hermèneutès Petrou dont nous parle Papias, d'après Eusèbe, Histoire ecclésiastique, III, 39, 15 ; — si c'est à lui que nous devons cette traduction en grec que nous appelons l'Évangile de Marc, — alors plusieurs choses s'éclairent dans les relations entre le texte grec de Matthieu et le texte grec de Marc... Selon l'annotation qui se lit sur ce manuscrit, l'Évangile de Marc a été prêché par Pierre à Rome. L'Évangile de Marc servait à Pierre de cahier de textes. C'est tout à fait raisonnable et beaucoup plus raisonnable que l'hypothèse inverse, selon laquelle l'Évangile de Marc serait la mise par écrit de la prédication de Pierre à Rome. — De même l'évangile de Luc servait, à partir des années 44 et suivantes, de cahier de textes à Paul. Voilà encore une hypothèse raisonnable. Quant à l'Évangile de Jean, notre notice nous dit qu'il a été prêché par Jean lui-même dans l'île de Patmos trente ans après l'ascension du Seigneur, ce qui nous reporte autour de l'année 60. Notre notice ne nous dit pas que l'Évangile de Jean a été écrit trente ans après l'ascension du Seigneur, mais elle nous dit que notre texte écrit servait de cahier de textes pour l'enseignement donné dans l'île de Patmos. — Jean au début de l'Apocalypse dit qu'il s'est trouvé dans l'île de Patmos dia ton logon tou theou, c'est-à-dire pour, ou à cause de, la parole de Dieu, la parole de Dieu à communiquer. Le texte de l'Apocalypse ne dit nulle part que Jean ait été déporté dans l'île de Patmos par un empereur romain. Richard Simon, dans le même ouvrage, p. 309, rapporte que bien avant lui, le Cardinal Tolete, qui a écrit, nous dit-il, un judicieux Commentaire sur l'Évangile de saint Jean, ne parle point autrement du stile (orthographe de l'époque) de cet Évangeliste dans un Sommaire qui est à la teste de son Commentaire. « Il y dit que saint Jean parle moins grec que les autres Évangélistes : qu'il est rempli d'Ébraïsmes ; et que pour l'entendre il faut savoir l'Ébreu, aussi bien que le Grec. Il veut qu'on prenne garde surtout aux particules causales, illatives, conjonctives et autres de cette nature, qui ont une grande force dans tout son discours, parce que le sens dépend quelquefois entièrement de ces particules. » Minus quam caeteri Euangelistae Graece locutus est. Hebraicis phrasibus abundat. Unde fit ut Hebraici ser-monis peritia, non minus quam Graeci, ad sensum sententiarum asse-quendum sit necessaria... Attendendum est maximam vim in particulis causalibus, illativis, continuativis, caeterisque ejusmodi esse positam, ut interdum unaparticula integrum sententiae sensum contineat et ostendat. C'est en effet ce que nous avons observé, tout au long de la présente traduction, et relevé, mais en langage beaucoup moins savant, bien entendu. Certains se sont demandés : pourquoi l'hébreu ? Pourquoi pas l'araméen ? L'araméen, au premier siècle de notre ère, était la langue du peuple, du am ha-aretz, la langue populaire, la langue des campagnes. Mais la langue noble, la langue écrite, la langue sainte, la langue hiératique, c'était l'hébreu. Jean a estimé que le texte qu'il mettait par écrit méritait d'être écrit dans la langue sainte des saintes Écritures, car il savait fort bien que le texte qu'il écrivait était lui aussi et éminemment Écriture sainte. Il n'avait donc aucune raison de rédiger son texte dans la langue populaire qui était la langue de la traduction orale — targoum — des saintes Écritures. Aujourd'hui un savant, ou un lettré, ne rédige pas un texte auquel il attache une grande importance, en patois. En ce qui concerne l'antique mythologie selon laquelle les quatre Évangiles auraient tout d'abord été transmis oralement, par la voie de la tradition orale, longuement prêches avant d'être mis par écrit, cette hypothèse est en contradiction avec ce que nous savons du milieu ethnique judéen. Depuis des siècles avant notre ère, c'est un milieu ethnique dans lequel on met par écrit ce qui doit être conservé ou gardé précieusement, les paroles de Dieu. Exode 24, 4 : Et il a écrit, Môscheh, toutes les paroles de YHWH... Dieu lui-même écrit, Exode 24, 12 : Et il dit, YHWH, à

229 Môscheh : Monte vers moi sur la montagne et sois là ! Et je te donnerai les tables de pierre et la Torah et l'ordonnance que j'ai écrite pour les instruire... Exode 31, 18 : Et il a donné à Môscheh, lorsqu'il a eu fini de parler avec lui sur la montagne du Sinaï, les tables de l'attestation, les tables de pierre écrites dans (par) le doigt de Dieu... Exode 32, 15 : Et il se retourna et il descendit, Môscheh, du haut de la montagne, et les deux tables de l'attestation dans sa main, tables écrites des deux côtés, de ce côté-ci et de ce côté-là, elles étaient écrites... Exode 34, 1 : Et il dit, YHWH, à Môscheh : Taille pour toi deux tables de pierre comme les premières et j'écrirai sur les tables les paroles qui étaient sur les tables premières que tu as brisées... Exode 34, 27 : Et il dit, YHWH, à Môscheh : Écris pour toi ces paroles car sur la bouche de, — hébreu al pi, — ces paroles, je conclurai avec toi une alliance, et avec Israël... Et il fut là avec YHWH quarante jours et quarante nuits. Du pain, il n'en a pas mangé. De l'eau, il n'en a pas bu. Et il a écrit sur les tables les paroles de l'alliance, dix paroles... Exode 39, 30 : Et ils ont fait le pétale du diadème de sainteté, en or pur, et ils ont écrit dessus, inscription gravée avec un sceau : Consacré à YHWH ! Deutéronome 6, 4 : Écoute Israël... Et elles seront, ces paroles que moi je te commande aujourd'hui, sur ton cœur (l'organe de l'intelligence, de la pensée, de la mémoire)... Et tu les écriras sur les montants de ta maison et sur tes portes... Deutéronome 31, 22 : Et il a écrit, Môscheh, ce chant en ce jour-là et il l'a enseigné aux fils d'Israël... Deutéronome 31, 9 : Et il a écrit, Môscheh, cette Instruction (Torah) et il l'a donnée aux kôhanim, les fils de Lévi... Deutéronome 31, 19 : Et maintenant écrivez pour vous ce chant et fais-le apprendre aux fils d'Israël ! Mets-le dans leur bouche afin qu'il soit pour moi, ce chant, un témoin parmi les fils d'Israël... Deutéronome 31, 22 : lit il a écrit, Môscheh, ce chant en ce jour-là et il l'a fait apprendre aux fils d'Israël... Josué 8, 32 : Et il a écrit là (Iehôschoua) sur des pierres, le double de la Tôrah de Môscheh, qu'il avait écrite devant la face des fils d'Israël... Josué 24, 26 : Et il a écrit, Iehôschoua, ces paroles dans le rouleau de la Tôrah de Dieu... 1 Samuel 10, 25 : Et il a dit, Schemouel, au peuple le droit de la royauté et il l'a écrit dans un rouleau... Il ne faut pas oublier que les historiens hébreux sont antérieurs aux historiens grecs, et que les historiens hébreux mettaient par écrit les chroniques dont ils voulaient conserver la mémoire. Les historiens hébreux qui nous ont laissé l'histoire des rois d'Israël et de Juda font allusion à des écrits antérieurs, qui sont aujourd'hui perdus, 1 Rois, 11, 41 : Et le reste des actes — hébreu diberei, pluriel de dabar — de Salomon, et tout ce qu'il a fait et sa sagesse, est-ce que tout cela n'est pas écrit dans le rouleau — hébreu sepher, grec biblion — des actes — hébreu diberei — de Salomon ? Les historiens hébreux font souvent allusions à ces chroniques écrites et aujourd'hui perdues, 1 Rois 14, 19 ; 14, 29 ; 15, 23 ; 15, 31 ; 16, 5 ; etc. Jérémie 30, 1 : La parole qui a été adressée à Jérémie venant de YHWH pour dire : Ainsi a parlé YHWH Dieu d'Israël pour dire : Écris pour toi toutes les paroles que j'ai dites à toi sur un rouleau, hébreu sepher, grec biblion... Jérémie 36, 1 : Et il advint dans l'année quatrième de Joachim, fils de Josias, roi de Juda (nous sommes donc en 605604 avant notre ère, la philosophie grecque n'a pas encore commencé...), elle fut, cette parole, adressée à Jérémie, venant de la part de YHWH, pour dire : Prends pour toi un rouleau de livre, hébreu megilat sepher, grec chartion bibliou, et tu écriras dessus toutes les paroles que j'ai dites en m'adressant à toi au sujet d'Israël, et au sujet de Juda, et au sujet de toutes les nations, depuis le jour où j'ai parlé en m'adressant à toi, depuis les jours de Josias, et jusqu'à ce jour... Alors il a appelé, Jérémie, Baruk fils de Neriah, et il a écrit, Baruk, de la bouche de Jérémie, hébreu mi pi, toutes les paroles de YHWH qu'il lui avait dites, sur un rouleau de livre, al megilôt sepher... Jérémie 36, 27 : Et elle fut, la parole de YHWH, adressée à Jérémie, après qu'il a brûlé, le roi, le rouleau et les paroles qu'il avait écrites, Baruk, de la bouche de Jérémie, pour dire : Retourne et prends pour toi un autre rouleau et écris dessus toutes les paroles, les premières, qui étaient sur le rouleau, le premier, qu'il a brûlé, Joachim, roi de Juda...

230 Ceux qui prétendent ou assurent que les quatre Évangiles ont tout d'abord été transmis par la voie orale, avant d'être mis par écrit tardivement, vers la fin du Ier siècle, se trompent sans doute de milieu ethnique. Ils confondent les Judéens de Jérusalem au premier siècle de notre ère, dans la première moitié de ce premier siècle, avant la destruction de Jérusalem et du Temple, avec ces tribus sauvages que les ethnologues nous ont découvertes depuis un siècle, et dans lesquelles les vieilles traditions, les légendes, les mythologies, se transmettaient en effet par la voie orale. Le fait que dans le milieu ethnique judéen les traditions, depuis des siècles avant notre ère, sont écrites, n'empêche d'ailleurs nullement de les apprendre par cœur, et d'apprendre par cœur la Torah tout entière. Il est vrai que depuis certains ont été beaucoup plus loin. Ils enseignent et ils écrivent que les églises de la fin du premier siècle, les églises « helléno-chrétiennes », comme ils disent, ont produit les évangiles, elles ont produit leur propre « récit fondateur ». — Nous l'avons lu dans l’Évangile de Jean, le Seigneur lui-même enseigne à ses compagnons et disciples, que tout ce qu'il communique, il l'a reçu de Dieu, qu'il appelle son propre père. Selon la thèse aujourd'hui enseignée, les églises « helléno-chrétiennes » de la fin du premier siècle sont beaucoup plus fortes que le Seigneur. Elles n'ont pas besoin de recevoir du Seigneur l'information créatrice nouvelle que celui-ci a reçu de Dieu, l'unique source et origine radicale de toute information créatrice. Elles produisent les paraboles, elles produisent les paroles qu'elles mettent ensuite sur les lèvres du Seigneur. Il s'est même trouvé, à la fin du Ie siècle, ou au début du ne siècle, une communauté helléno-chrétienne qui a produit un évangile, l'évangile de Jean, dans lequel le Seigneur lui-même dit que tout ce qu'il communique à ses disciples, il l'a reçu de Dieu. — Paul écrit à la petite communauté de Corinthe, vers l'année 55, — I Corinthiens 15, 1 : Je vous fais connaître, frères, l'heureuse annonce que je vous ai annoncée et que vous avez reçue... Car je vous ai communiqué tout d'abord, ce que j'avais moi-même reçu... — Et Paul répète constamment que c'est du Christ directement qu'il a reçu la révélation, Galates 1, 11 : Je vous fais connaître, frères, l'heureuse annonce qui a été annoncée par moi : il ne provient pas de l'homme. Car je ne l'ai pas reçu de l'homme... mais par une révélation de Jésus le christ... — Les églises helléno-chrétiennes de la fin du premier siècle, selon ces auteurs, n'ont plus besoin de recevoir l'information créatrice qui vient de Dieu par le Christ : elles la produisent, elles produisent leur propre « récit fondateur ». Elles font mieux encore. Composées en majorité de frères venus du paganisme, elles produisent, à la fin du premier siècle, en langue grecque, des textes qui sont farcis d'expressions hébraïques, qui n'ont et qui ne peuvent avoir aucun sens pour ces frères venus du paganisme. Voilà un phénomène très intéressant qui devrait attirer l'attention des linguistes. — Enfin si l'on se souvient que l'idée d'une communauté qui produit un récit fondateur n'a aucun sens, — car le multiple en tant que tel ne produit rien du tout, il faut donc admettre que dans ces communautés helléno-chrétiennes de la fin du ie siècle, des individus ont .produit des paraboles, des enseignements, et leur récit fondateur, et que les communautés chrétiennes de la fin du Ie siècle ont reçu, ont admis ces nouveautés, contrairement à la pratique de saint Paul. — Ces auteurs confondent sans doute plusieurs choses. La révélation est une chose. C'est la connaissance, la science, l'intelligence que Dieu l'unique incréé communique à l'humanité souffrante afin de la conduire à son achèvement. La révélation est communiquée par les prophètes et éminement par le Christ. Le développement dogmatique est tout autre chose. C'est l'intelligence que l'Église prend progressivement, et à travers des controverses souvent violentes, du contenu de la révélation qui lui est confié, c'est l'explication progressive du contenu de la révélation. Lorsque l'Église de Rome en 1870 définit solennellement que l'existence de Dieu est connue avec certitude à partir de la création qui le manifeste, elle ne pense pas dire quelque chose de nouveau. Au contraire elle pense définir ce qu'écrivait Paul dans sa lettre adressée à la petite communauté de Rome vers l'année 57. Jamais un théologien du passé, parmi ceux qui ont fait la théologie, depuis saint Ignace d'Antioche, saint Irénée de Lyon, jusqu'à saint Thomas d'Aquin ou le bienheureux Jean Duns

231 Scot, n'a avancé cette absurdité que l'Église produit elle-même son propre récit fondateur. Ceux qui ont fait la théologie depuis bientôt vingts siècles ont toujours pensé et professé que l'Église reçoit l'information créatrice qui vient de son Seigneur, et qu'elle la garde dans son cœur, comme son trésor. Elle explicite le contenu de ce trésor, c'est le développement dogmatique. Mais il ne produit pas de la révélation. Paris 23 janvier 1984

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