Théophile OBENGA - L'Égypte, La Grèce Et l'École d'Alexandrie

June 24, 2018 | Author: Mouad Quatrehuit | Category: Astronomy, Science, Science (General)
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Théophile Mwené Ndzalé Obenga, né à Mbaya, (République du Congo), le 2 février 1936, est égyptologue, linguiste et histo...

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Théophile OBENGA

,

L'EGYPTE, ,

L'ECOLE

,

LA GRECE

ET D'ALEXANDRIE

Histoire interculturelle dans l'Antiquité Aux sources égyptiennes de la philosophie grecque

(Ç;)KHEPERA, 2005 ISBN: 2-909885-12-7 http://www.ankhonline.com

www.librairieharmattan.com diffusion [email protected] harmattan [email protected] (Ç)L'Harmattan, 2005 ISBN: 2-7475-9199-9 EAN : 9782747591997

Théophile

L'ÉGYPTE, L'ÉCOLE

OBENGA

LA GRÈCE

ET D'ALEXANDRIE

Histoire interculturelle dans l'Antiquité

Aux sources égyptiennes de la philosophie grecque

o

~

KHEPERA

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Du même auteur Livres: L'Afrique dans l'Antiquité. Africaine, 1973. La philosophie africaine L'Harmattan, 1990, Origine

commune

modernes, La géométrie mondiale,

Égypte

de la période

de l'égyptien

Paris, L'Harmattan,

pharaonique-Afrique

pharaonique

-

noire,

2780-330

ancien, du copte et des 1993,

égyptienne - Contribution Paris, L'Harmattan/Khepera,

de l'Afrique 1995,

Paris,

Présence

avant notre ère, Paris, langues

antique

négro-africaines

à la Mathématique

Cheikh Anta Diop, Volney et le Sphinx Contribution de Cheikh l'historiographie mondiale, Paris, Khepera/Présence Africaine, 1996).

Anta

Diop à

Articles: Le "chamito-sémitique" n'existe pas, in ANKH n01, février 1992, pp. 51-58. Aristote et l'Égypte ancienne, in ANKH n02, avril 1993, pp. 9-18. La Stèle d'Iritisen ou le premier Traité d'Esthétique de l'humanité, in ANKH n03, juin 1994, pp. 28-49. La parenté égyptienne: considérations sociologiques, in ANKH n04/5, 1995-1996, pp. 139-183. Anthropologie pharaonique - Textes à l'appui, in ANKH n06/7, 1997-1998, pp. 8-53. Africa, the cradle of writing, in ANKH n08/9, 1999-2000, pp. 87-96. L'Égypte pharaonique et Israël dans l'Antiquité, in ANKH n010/11, 2001-2002, pp. 106-131. Comparaisons morphologiques entre l'Égyptien ancien et le Dagara, in ANKH n012/13, 2001-2002, pp. 48-63.

Bibliographie

exhaustive

sur Ie site web:

http://www.ankhonline.com

« L'interprétation des monuments de l'Égypte mettra encore mieux en évidence l'origine égyptienne des sciences et des principales doctrines philosophiques de la Grèce »

Champollion, Grammaire égyptienne, Paris, 1836, pp. XXII.

« Le point de départ des Grecs Jut la somme de savoir accumulé lentement depuis des millénaires en Orient et en Égypte»

Jean Zafiropul0, Anaxagore de Clazomènes, Paris, Société d'Édition "Les Belles Lettres", 1948, p. 229.

« La civilisation antique est une civilisation de la beauté. Le doit-elle à sa composante grecque? Mais on peut penser aussi à l'Égypte, où la beauté est la marque de l'éternité»

Pierre GrimaI, Préface de l'ouvrage La Rome antique, Histoire et Civilisations, par Jochen Martin, édit., Paris, Éditions Bordas, 1998, p. 5.

A la mémoire de Patrice BEJEDI NTONE pour tout le Bien (Maât) qu'il jùt sur terre.

Avant-propos

Dans cet ouvrage d'histoire culturelle dans l'Antiquité, les questions importantes suivantes sont traitées:

1. le rôle éducateur de l'Égypte pharaonique ancienne, 2. l'école d'Alexandrie, 3. les mots grecs d'origine égyptienne.

vis-à-vis de la Grèce

Isocrate (436 - 338 avo notre ère), orateur athénien, dans son ouvrage Busiris, et Plutarque (vers 50 - vers 125), écrivain grec qui voyagea en Égypte, dans son Isis et Osiris, font, l'un et l'autre, un éloge non mitigé de la civilisation pharaonique, en insistant sur la sagesse égyptienne qui a nourri bien des religions et des philosophies sur le pourtour de la Méditerranée, notamment la "pensée grecque"

.

L'archéologie confirme largement cette influence civilisatrice de l'Égypte sur le monde grec dans son ensemble. Les fouilles du Professeur V. KARAGEORGHIS à Chypre, dans les années 80, apportent des témoignages irrécusables. La numismatique ne contredit pas les mythes qui font de Delphos, le fondateur de Delphes au pied du Parnasse, un roi nègre (travaux d'Ernest BABELON, 19071914). Il est alors évident, sur la base de faits variés et vérifiables, que la civilisation pharaonique a rayonné sur bien d'autres mondes voisins (Canaan, Phénicie, Chypre, Crète, Syrie antique, Grèce, Asie Mineure). Toute l'Europe méridionale, des Balkans aux Pyrénées, a adoré la divine Isis, seule déesse vraiment internationale dans l'Antiquité païenne. De façon plus précise, nous examinons, scrupuleusement, textes à l'appui, l'éducation de l'intelligentsia grecque, de Thalès à Aristote, dans la Vallée du Nil égyptienne, par des savants de ce pays. Cheikh Anta DIOP lui-même a consacré de longs travaux sur cette question fondamentale.

Quant à l'École d'Alexandrie, elle a été le trait d'union culturel et scientifique entre l'Égypte hellénistique et Rome. Or cette Égypte grecque est elle-même l'héritière de la glorieuse Égypte pharaonique (Jean LECLANT, 1984). Il est tout naturellement fait appel à l'étymologie, à la linguistique (phonétique) et surtout à la philologie pour traiter des mots grecs d'origine égyptienne. Il faut peut-être préciser rapidement que la philologie, encore balbutiante en Afrique noire, est la science des documents écrits, sous l'angle de leur étude critique, de leurs rapports avec la civilisation, de l'histoire des mots et de leur origine. Au chapitre 18 de Civilisation ou Barbarie (Paris, Présence Africaine, 1981, pp. 479482), Cheikh Anta DIOP propose, pour la première fois en Afrique, la méthode que l'on pourrait suivre avec profit dans cette recherche des mots égyptiens qui ont passé en grec. Au fond de toute cette démarche historique, il y a l'intention, avouée, de faire bénéficier l'histoire culturelle dans l'Antiquité de nouvelles approches à propos du dossier "Égypte ancienne et étrangers" où les tendances conservatrices l'emportent bien souvent, falsifiant ainsi l'écriture de l'histoire égyptienne dans ses rapports avec d'autres peuples, étrangers à l'Afrique. Il s'agit donc de revenir sur ces tendances chauvinistes et ethnocentristes, dans une attitude de vérité historique et surtout de réconciliation de l'homme avec toute son histoire. La conclusion générale de cet ouvrage insiste précisément sur cette leçon d'histoire interculturelle, dans un monde qui sent de plus en plus la nécessité de son unité humaine, l'urgence d'un fécond discours culturel planétaire.

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Première partie

ÉGYPTE ET GRÈCE: LE SENS DU COURANT DE L'HISTOIRE

Chapitre l

Les Grecs dans la Vallée du Nil. Itinéraires empruntés. Prix du voyage.

Comment les Grecs d'Ionie et les Grecs des temps classiques eurent-ils accès à la vallée du Nil?

Grecs de toute provenance: Ioniens et Cariens d'Asie Mineure, Grecs des îles et du continent proprement dit, Grecs de Cyrène, se répandirent dans toute l'Égypte, terre de vieille civilisation et d'une fertilité prodigieuse, sous les Pharaons de la XXVIe dynastie (664-525 avo notre ère), Psammétique J, Néchao II, Psammétique II, Apriès et Amasis, rois enterrés dans le temple de Neith à Saïs. Précisément, durant cette dynastie égyptienne, le pays connut une belle renaissance politique (la cour et l'administration reconstituées après l'expulsion des Assyriens et des Éthiopiens de la XXve dynastie), intellectuelle (l'écriture démotique), artistique et religieuse (toutes les grandes villes s'embellissent de constructions pieuses). L'Égypte commerce alors avec les Grecs: Naucratis, sur la branche canopique du Nil, près de Saïs, est un comptoir commercial grec fondé par les Milésiens, sous Psammétique J (VIle siècle avo notre ère). Naucratis ne sera éclipsée qu'à la fondation d'Alexandrie, en 332 avant notre ère, par Alexandre le Grand. Les corps d'élite de l'armée égyptienne sont formés par des mercenaires et des aventuriers de Carie, d'Ionie et de Doride. Les intellectuels suivent les commerçants et les mercenaires; un sage de Saïs dira à Solon (qui n'était ni commerçant ni mercenaire, mais étudiant en quête de savoir) que les Grecs n'étaient que des enfants, au regard de l'histoire et de la philosophie, des connaissances en général. Le roi Amasis fut encore plus favorable aux Hellènes, qui s'établirent d'ailleurs un peu partout, à Memphis, à Abydos, dans la Grande Oasis. Hérodote rapporte: "Ami des Grecs, Amasis donna à quelques-uns d'entre eux des marques de sa bienveillance (.). Amasis conclut avec les Cyrénnéens amitié et

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alliance. (.). Amasis a aussi consacré des offrandes en pays grec: à Cyrène, à Lindos, à Samos, à Hera (.). Il est le premier au monde (i.e. le premier Égyptien) qui se soit emparé de l'île de Chypre et l'ait réduite à payer tribut."I. Cet accès massif, permanent et durable, des Grecs à la terre égyptienne, à sa civilisation mutli-millénaire, lors de l'avènement de la XXVIe dynastie qui fut, pour tout le pays, le signal d'une véritable renaissance artistique, littéraire et scientifique, avec de très nombreux scribes, fonctionnaires de l'Etat, représentants de l'élément cultivé de la population, cet accès des Grecs à la vallée du Nil va donc constituer un tournant dans l'histoire hellène: "Le fait est à retenir, il est d'une importance capitale. En effet, c'est peu après cet événement que la science et la philosophie grecques commencent à prendre leur essor.,,2.

Et comment n'en serait-il pas ainsi, vu la supériorité écrasante de l'Égypte, dans tous les domaines du savoir, sur les peuples voisins, notamment les Hellènes? Avant leurs contacts prolongés avec les Égyptiens, les Grecs n'ont pratiquement rien apporté à la civilisation de l'ancien monde méditerranéen. C'est là une évidence historique. Or, dans la vallée du Nil, l'instruction était fort répandue dans tout le pays. La classe des prêtres détenait le monopole des sciences et des lettres. Chaque grande ville possédait une ou plusieurs écoles qui dépendaient des temples où vivaient de puissants collèges sacerdotaux, bien hiérarchisés. Saïs, Bubaste, Tanis, Héliopolis, Memphis, Hermopolis, Abydos et Thèbes avaient de grands savants, qui ne pouvaient ne pas exploiter les anciennes bibliothèques, par exemple la bibliothèque du temple d'Edfou, la bibliothèque sacerdotale de Tebtunis, au Fayoum (avec de nombreux textes littéraires, des traités religieux ou scientifiques), les bibliothèques privées de Thèbes, celle de Deir el-Médineh (l'actuelle collection "Chester-Beatty") qui comprenait des textes magiques, des contes populaires et mythologiques, des psaumes, des textes littéraires et médicaux. Il faut sans doute rappeler aussi que le collège sacerdotal d'Héliopolis (la ville de Râ) avait une réputation universelle: les plus illustres d'entre les Hellènes vinrent y puiser une grande partie de leurs connaissances.

I Hérodote, Livre II (Euterpe), 178, 181, 182. 2 G. Milhaud, Les leçons sur les origines de la science grecque, chap. I. Le sanctuaire grec à Naucratis s'appelait Hellénion : il avait été fondé en commun par les cités ioniennes de Chios, Téos, Phocée et Clazomènes; les cités doriennes de Rhodes (lalysos, Cameiros et Lindos), Cnide, Halicarnasse, PhaséIis et la cité éolienne de Mytilène (Hérodote, II, 178).

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Par conséquent, sous la XXVIe dynastie, au temps des rois saïtes, de 664 à 525 avant notre ère, les Grecs pouvaient visiter la vallée du Nil en toute tranquillité, s'y installer et s'y instruire dans les meilleures conditions. Même sous la domination perse (XXVII" dynastie: Cambyse, Darius, Xerxès, de 525 à 401 av notre ère), rien n'empêcha voyageurs, historiens, philosophes et hommes d'Etat grecs, de parcourir l'Égypte en toute quiétude, d'étudier ses mœurs, ses arts, ses croyances religieuses, comme le prouve par exemple Hérodote, "le père de l'histoire". La possibilité des relations intellectuelles entre l'Égypte et la Grèce est un fait d'histoire. Tous les Grecs d'une haute intelligence (Thalès de Milet, Pythagore de Samos, Empédocle d'Agrigente, Anaxagore de Clazomènes, Platon d'Athènes, etc., etc.) étaient donc parfaitement à même d'aller puiser à la source de la sagesse égyptienne, et ils l'ont fait, séduits par le prestige et l'antiquité de la plus grande civilisation qui rayonnait dans le monde méditerranéen depuis des millénaires. La Grèce doit à l'Égypte ses premiers philosophes. La pensée égyptienne a exercé une certaine influence sur la pensée grecque, comme aujourd'hui les sciences et les technologies nord-américanes dominent le monde entier. Affaire de simple supériorité écrasante de la part des U.S.A.! Dans l'Antiquité, et à la période qui nous intéresse, la suprématie scientifique de l'Égypte n'avait pas d'équivalent en Grèce. Mais l'écriture de l'histoire de l'humanité selon des thématiques indo-européennes exclusives, a gauchi volontairement les faits, qui sont pourtant ce qu'il sont. Pour se rendre en Égypte, les Grecs, étudiants, commerçants, touristes, mercenaires, aventuriers empruntaient forcément l'une ou l'autre de ces routes: 1. la route orientale: rade de Phalère au VIe siècle - puis à partir du Pirée (port et banlieue d'Athènes) aux ve et Ive siècles - les Cyclades (îles grecques de la mer Egée, autour de Délos) - l'île de Rhodes (escale commerciale importante entre l'Égypte, la Phénicie et la Grèce) - côtes de Lycie (sud-ouest de l'Asie

Mineure)- et de Pamphylie (contrée méridionale de l'Asie Mineure, entre la Lycie et la Cilicie) - Chypre (Kypros, "île du cuivre") - côte syro-palestinienne Égypte: cette route était déjà fréquentée à l'époque mycénienne;

-

2. la route occidentale: c'est la route directe entre la Crète (ancienne Candie) et l'Égypte: cette route était également suivie à l'époque mycénienne (cf. Odyssée, XN, 252-257).

Il

Socrate rappelle à CalIiclès que le prix du voyage en Égypte est de 2 drachmes au débarquement: àn:o[3t[3a.O"aO"a'dç TOV ÀtllÉva ôûo ôpaXIl
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