T. S. Eliot Four Quartets - Quatre Quatuors

April 29, 2021 | Author: Anonymous | Category: N/A
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T. S. ELIOT

Quatre Quatuors texte anglais traduit par

PIEIUU LEYIUS Notes Je foltn HaywarJ

LE DON DES LANGUES

ÉDITIONS DU SEUIL '-7• rue Jacob, Paris-VI•

{?uatre {?uatuors

T. S. ELIOT

ŒUVRES DE T. S. ELIOT

Quatre Quatuors

aux mêmes éditions texte anglais traduit par

PoÈMEs 191o-r 9 ;o

PIEIUU LEYIUS Notes Je foltn HaywarJ

traduit et présenté par Pierre Leyris EssAIS CHOISIS

traduit et présenté par Henri Fluchère MEURTRE DANS LA CATHÉDRALE

traduit et présenté par Henri Fluchère A paraître: LA RÉUNION DE FA~ILLE LA COCKTAIL PARTY

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LE DON DllSI.AK~UfS

traduits par Henri Fluchère ÉDITIONS DU SEUIL '-7• rue Jacob, Paris-VI•

Il a . été tiré de cet ouvrage .2.05 exemplaires sur vélin blanc des Papeteries de Lana, numérotés de I à .zo~, dont 5 hors commerce.

-roli À6you 1l'€6no; Euvoli ~wouatY o[ 1toÀÀo{ rb; 11l[œy EXOY'tE. poYY)ŒtY . I. p. 77· Fr. 2. 080~ ~Yw xci-rw p.{o: X!X~ Wu'tl). I. p. 89. Fr. 6o.

Diels: Die Fragmente der Vorsokratiker (Herakleitos).

La version originale de cette œuvre a paru à Londres aux Éditions Faber and Faber, sous le titre FouR QUARTETS

BURNT NORTON

BURNT NORTON

1

I

Time present and lime past Are both perhaps present in lime future, And lime future contained in lime past. If ali lime is eternally present Ali time is unredeemable. What might have been is an abstraction Remaining a perpetua/ possibility On/y in a world of speculation. What might have been and what has been Point to one end, which is a/ways present. Footfalls echo in the men101y Down the passage which we did not lake Towards the door we never opened lnto the rose-garden. My words echo T hus, in y our mind. But to what purpose

Le temps présent et le temps passé Sont tous deux présents peut-être dans le temps futur Et le temps futur contenu dans le temps passé. Si tout temps est présent pendant l'éternité Tout temps est irrémissible. Ce qui aurait pu être est une abstraction Qui ne demeure un perpétuel possible Que dans un monde de spéculation. Ce qui aurait pu être et ce qui a été Tendent vers une seule fin qui est toujours présente. Des pas résonnent en écho dans la mémoire Le long du corridor que nous n'avons pas prisl Vers la porte que nous n'avons jamais ouverte Sur le jardin de roses. Mes paroles font écho Ainsi, dans votre esprit. Mais à quelle fin

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1.

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Prière de se reporter aux notes page 1 2.9. II

Disturbing the dust on a bowl of rose-/caves I do not know. Other echoes Inhabit the garden. Shall we follow? Quick, said the bird, ftnd them, ftnd them, Round the corner. Through the ftrst gate, Into our ftrst world, sha/1 we follow The deception of the thrush? Into our ftrst world. There they were, dignified, invisible, Moving without pressure, over the dead leaves, In the autumn beat, through the vibrant air, And the bird ca/led, in response to The unheard music hidden in the shrubbery, And the unseen eyebeam crossed, for the roses Had the look of flowers that are looked at. There they were as our guests, accepted and accepting. So we moved, and they, in a formai pattern, Along the empty ailey, into the box circle, To look down into the drained pool. Dry the pool, dry concrete, brown edged, And the pool was ft/led with water out of sunlight, And the lotos rose, quiet/y, quiet/y, The surface glittered out of heart of light, And they were behind us, reflected in the pool.

12.

Troublent-elles la poussière d'une coupe de roses Qu'en sais-je? D'autres échos zo Habitent le jardin. Les suivrons-nous? Vite, dit l'oiseau, vite, trouve-les, trouve-les Au détour de l'allée. Par la première grille, Au dedans de notre premier monde, allons-nous suivre Le leurre de la grive? Dans notre premier monde. 2 5 Ils étaient là, dignes et invisibles, Se mouvant sans peser parmi les feuilles mortes, Dans la chaleur d'automne, à travers l'air vibrant, Et l'oiseau d'appeler, en réponse A la musique inentendue dissimulée dans le bosquet, 30 Et le regard inaperçu franchit l'espace, car les roses Avaient l'air de fleurs regardées. Ils étaient là, nos hôtes, acceptés, acceptants. Et nous procédâmes avec eux en cérémonieuse ordonnance, Le long de l'allée vide et dans le rond de buis, Pour plonger nos regards dans le bassin tari. Sec le bassin, du ciment sec bordé de brun, Et le bassin fut empli d'eau par le soleil, Et les lotus montèrent doucement, doucement, La surface scintilla au cœur de la lumière, 40 Et ils étaient derrière nous, se reflétant dans le bassin. Puis un nuage passa, et le bassin fut vide.

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Then a cloud passed, and the pool was empty. Go, said the bird,for the /caves were full of children, Hidden excited!J, containing laughter. Go, go, go, said the bird: human kind Cannot bear very much reality. Time past and time future What might have been and what bas been Point to one end, which is a/ways present.

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Va, elit l'oiseau - les feuilles étaient pleines d'enfants Fébrilement cachés, qui réprimaient leurs rires. Va, va, va, elit l'oiseau: le genre humain Ne peut pas supporter trop de réalité. Le temps passé, le temps futur, Ce qui aurait pu être et ce qui a été Tendent vers une seule fin, qui est toujours présente.

II

II

Garlic and sapphires in the mud Clot the bedded axle-tree. The thrilling wire in the blood Sings below inveterate scars Appeasing longforgotten wars. The dance along the artery The circulation of the lymph Are jigured in the drift of stars Ascend to summer in the trec We move above the moving treee In light upon the ftgured leaf And hear upon the sodden .ftoor Below} the boarhound and the boar Pursue their pattern as before But reconciled among the stars.

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Ail et saphir parmi la boue Bloquent le moyeu enlisé. Le fil qui vibre dans le sang Chante au-dessous des cicatrices Invétérées en apaisant D'anciennes guerres oubliées. La danse le long de l'artère La circulation de la lymphe Sont figurées parmi les astres S'élèvent vers l'été dans l'arbre Au faîte de l'arbre mouvant Nous nous meuvons dans la lumière Parmi les feuilles imagées Entendant sur le sol trempé Sanglier et vautre poursuivre Leur motif ainsi que devant Mais réconciliés dans les astres. 17

At the still point of the turning world. Neither flesh nor fleshless ,Neither front nor towards ,- at the still point, there the dance is, But neither arrest nor movement. And do not cali it jixity, Where past and future are gathered. Neither movement from nor towards, Neither ascent nor decline. Except for the point, the stil/ point, There would be no dance, and there is on/y the dance. I can onfy say, there we have been: but I ca1mot say where. And I cannat say, how long,for that is to place it in lime. The inner freedom from the practical desire, The release from action and suffering, release from the inner And the outer compulsion,yet surrounded By a grace of sense, a white light sti/1 and moving, Erhebung without motion, concentration Without elimination, botb a new world And the old made explicit, understood In the completion of its partial ecstasy, The resoltttion of its partial horror. Yet the enchainment of past and future

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Au point-repos du monde qui tourne. Ni chair ni privation de chair; 65 Ni venant de, ni allant vers; au point-repos, là est la danse; Mais ni arrêt ni mouvement. Ne l'appelez pas fixité, Passé et futur s'y marient. Non pas mouvement de ou vers, Non pas ascension ni déclin. N'était le point, le point-repos, Il n'y aurait nullement danse, alors qu'il n'y a rien que danse, 70 Je ne puis que dire: nous avons été là, mais où, je ne saurais le dire. Et je ne saurais dire pour combien de temps : ce serait situer la chose dans la durée. La liberté intérieure à l'égard du désir pratique, La délivrance de l'agir ct du souffrir, la délivrance de la contrainte Intérieure et extérieure, encore qu'environnées 75 D'une grâce du sentir, d'une lumière blanche en repos et mouvante, Erhebung sans mouvement, concentration Sans élimination, à la fois nouveau monde Et l'ancien rendu explicite, appréhendé Dans l'accomplissement de sa partielle extase, 80 La résolution de sa partielle horreur. Pourtant l'enchaînement du passé et de l'avenir

Woven in the weakness of the changing bot/y Protects mankind from heaven and damnation Which flesh cannat endure. Time past and lime future Allow but a little consciousness. To be conscious is not to be intime But on!J intime can the moment in the rose-garden, The moment in the arbour where the rain beat, The moment in the draughty church at smokefa/1 Be remembered; involved with past and future. On!J through time time is conquered.

2.0

Tissés dans la faiblesse du corps changeant Protège l'homme du ciel et de la damnation Que la chair ne peut supporter. Le temps passé le temps futur Ne permettent guère de conscience. Être conscient c'est n'être pas dans la durée Mais dans la durée seule le moment au jardin des roses, Le moment sous la tonnelle où la pluie battait, Le moment dans l'église venteuse à l'heure où la fumée retombe Peuvent être remémorés; enchevêtrés dans le passé et le futur. Et c'est dans le temps seul que le temps est conquis.

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III

Here is a place of disaf!ection Time before and lime after In a dim light: neither dqylight Investingfornt with lucid stillness Turning shadow into transient beauty With slow rotation suggesting permanence Nor darkness to purify the sou/ Emptying the sensual witb deprivation Cleansing affection from the temporal. Neither plenitude nor vacanry. On!J a fticker Over the strained time-ridden faces Distracted from distraction 1?J distraction Fi/led with fancies and empty of meaning Tumid apathy with no concentration Men and bits of paper whirled I?J the cold wind Thal blows bejore and after time1 Wind in and out of unwholeson;e lungs 1

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C'est ici un lieu de désaffection Le temps d'avant et le temps d'après Dans une lumière confuse: ni la lumière du jour Qui investit la forme de lumineuse tranquillité Transformant l'ombre en beauté transitoire Suggérant par sa lente rotation la permanence Ni l'obscurité propre à purifier l'âme Vidant le sensoriel par la privation Purgeant l'affect du temporel. Ni plénitude ni vacuité. Rien qu'une lueur Sur les visages tendus harassés par le temps Distraits de la distraction par la distraction Emplis de fantasmagories, vidés de sens Apathie boursouflée sans concentration Hommes et bouts de papier tourbillonnant dans le vent froid Qui souffle avant et après le temps Le vent qu'aspirent, rejettent des poumons viciés

Time before and time after. Eructation of unhealt~ souls Into the faded air, the torpid Driven on the wind that sweeps the gloomy hills of London, Hampstead and C/erkenwe/1, Campden and Putney, Highgate, Primrose and Ludgate. Not here · Not here the darkness, in this twittering world. Descend lower, descend on/y Into the world of perpetuai solitude, World not world, but thal which is not world, Interna/ darkness, deprivation And destitution of al/ property, Desiccation of the world ofsense, Evacuation of the world ofjaney, Inoperancy of the world of spirit; This is the one way, and the other Is the same, not in movement But abstention from movement; while the world moves In appetency, on ils meta/led ways Of lime past and time future.

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Le temps d'avant, le temps d'après. Éructation d'âmes malsaines Dans l'air fané, miasmes Emportés par le vent qui balaye les hauteurs lugubres de Londres, H~mpstead et Clerkenwell, Campden et Putney, 1 I 5 Highgate, Primrose et Ludgate. Pas ici Non, pas ici l'obscurité, dans ce monde de piaillements. Descends plus bas, descends seulement Dans le monde de la solitude perpétuelle, Un monde non monde, mais bien cela qui n'est pas monde 110 Obscurité interne, privation Destitution de toute propriété Dessication du monde du sentir Évacuation du monde des images Inopérance du monde de l'esprit; 115 C'est là l'un des deux chemins, l'autre Étant le même, non mouvement Mais abstention de mouvement; cependant que le monde se meut Dans l'appétence, sur ses voies métalliques De temps passé, de temps futur.

IV

IV

Time and the bell have buried the day, The black cloud carries the sun away. Will the sunflower turn tous, will the clematis Stray down, bend tous,· tendril and spray C/utch and ding? Chili Fingers ofyew be cur/ed Down on us? After the kingftsher' s wing Ras answered light to light, and is silent, the light is sti/1 At the sti/1 point of the turning world.

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I

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Le temps et la cloche ont enfoui le jour La nuée noire emporte le soleil Le tournesol va-t-il se tourner vers nous, la clématite Errer vers le sol, se ployer vers nous : vrilles et branches Saisir, gripper? Glacés, Les doigts de l'if se recourber Sur nous? Après que l'aile du martin-pêcheur A répondu par la lumière à la lumière, et puis se tait, La lumière est en repos Au point-repos du monde qui tournoie.

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Words move, nmsic moves Only in time/ but that which is on/y living Canon/y die. Words, after speech, reach Into the silence. On/y by the form, the pattern, Can words or music reach The stillness, as a Chine se jar still Moves perpetuai/y in its stillness. Not the stillness of the violin, while the note lasts, Not that on/y, but the co-existence, Or sqy that the end precedes the beginning, And the end and the beginning were alwqys there Bejore the beginning and after the end. And ali is alwqys now. Words strain, Crack and sometimes break, under the burden, Under the tension, slip, slide, perish,

2.8

Les paroles se meuvent, la musique se meut Seulement dans le temps, mais cela qui vit seulement Peut. seulement mourir. Les paroles, après le discours Atte1g?ent au silence. Ce n'est que par la forme, le motif Que.les paroles peuvent, ou la musique, 14 5 Attemdre le repos, comme un vase chinois Se meut encore, perpétuellement, dans son repos. Non pas le repos du violon cependant que la note dure, Non pas cela seulement, mais la co-existence Ou disons que la fin précède le commencem~nt, qo Que la fin et le commencement ont toujours été là Avant le commencement, après la fin. Et tout est toujours maintenant. Les mots se tendent, Craquent et parfois se brisent, sous le fardeau, Sous la tension, trébuchent, glissent, périssent, 140

Deccry with imprecision, will not stcry in place, Will not stcry sti/1. Shrieking voices S co/ding, mocking, or mere/y chattering, Alwcrys assai/ them. The Word in the desert Is most attacked by voices of temptation, The crying shadow in the funeral dance, The loud lament of the disconsolate chimera. The detail of the pattern is movement, As in the figure of the ten stairs. Desire itselj is movement Not in itself desirable,· Love is itself unmoving, On/y the cause and end of movement, Timeless, and undesiring Except in the aspect of time Caught in the form of limitation Between un-being and being. Sudden in a shaft of sunlight Even while the dust moves There rises the hidden laughter Of children in the foliage Quick now, here, now, alwcrysRidiculous the waste sad lime Stretching before and after.

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Pourrissent d'imprécision, ne veulent pas tenir en place, Ne veulent pas rester en repos. Des voix criardes Grondeuses, moqueuses, ou simplement bavardes, Sans cesse les assaillent. La Parole au désert Est attaquée surtout par les voix de la tentation, 1Go L'ombre qui mène deuil dans la danse funèbre, La plainte retentissante de la chimère inconsolée.

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Le détail du motif est mouvement Comme dans la figure des dix degrés. Le désir lui-même mouvement Non désirable par lui-même. L'amour est lui-même immobile Étant seulement cause et fin du mouvement Intemporel et sans désir Excepté sous l'aspect du temps Pris en des limites formelles Entre le non-être et l'être. Soudain dans un rai de soleil Parmi les poussières mouvantes S'élève le rire caché Des enfants dans le feuillage Vite, ici, maintenant, toujours ... Ridicule le triste temps vain Qui s'étend avant et après. 31

EAST COKER

EAST COKER

I

I

In my beginning is my end. In succession Houses rise and fa/1, crumble, are extended, Are removed, destroyed, restored, or in their place Is an open field, or a factory, or a by-pass. 0/d stone to new building, old timber to new ftres, 0/d ftres to ashes, and ashes to the earth Which is already flesh, fur and faeces, Bone of man and beas!, cornstalk and /caf. Houses live and die: there is a time for building And a time for living and for generation And a time for the wind to break the loosened pane And to shake the wainscot where the fteld-mouse trots And to shake the tattered arras woven with a silent molto.

En mon commencement est ma fin. Successivement Les maisons s'élèvent et croulent, sont agrandies, Déplacées, détruites, restaurées, ou bien à leur place S'étend un champ ouvert, une usine ou un autostrade. La vieille pierre se mue en bâtiments neufs, le vieux bois en feux nouveaux, Les vieux feux en cendres, et les cendres en terre, Laquelle est déjà chair, fourrure et fèces, Ossements d'homme et de bête, tuyaux de céréale et feuilles. Les maisons vivent et meurent : il y a un temps pour bâtir Et un temps pour vivre et pour engendrer Un temps pour que le vent brise la vitre disjointe Et secoue le lambris où trotte la musaraigne Et secoue la tenture en loques tissée d'une devise silencieuse.

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. In my beginning is my end. Now the Jight falls Across the open field, leaving the deep fane Shuttered with branches, dark in the afternoon, Where yon lean against a bank white a van passes, And the deep Jane insists on the direction Into the village, in the electric beat Hypnotised. In a warm haze the sultry light Is absorbed, not refracted, by grey stone. The dahlias sleep in the empty silence. Wail for the early owl. In thal open field close, ifyon do not come too close, On a summer midnight,you can hear the music Of the weak pipe and the little drum And see them dancing around the bonfire The association of man and woman In daunsinge, signifying matrimonieA dignifted and commodious sacrament. . Two and two, necessarye coniunction, Holding eche other by the han~ or the arm Whiche betokeneth concorde. Round and round the fire

Ifyon do not come loo

En mon commencement est ma fin. Voici que la lumière tombe 15 Sur le champ ouvert, délaissant le chemin creux Clos de branchages, obscur l'après-midi, Où l'on se presse contre un talus pour laisser passer un camion, Et le chemin creux d'insister sur la direction Du village, dans la chaleur électrique 20 Hypnotisé. Dans la brume chaude la lumière oppressante Est absorbée, non réfractée par la pierre grise Les dahlias dorment dans le silence vide. Attendez la chouette précoce. Dans ce champ ouvert 25 Si l'on ne vient pas trop près, si l'on ne vient pas

trop près, Par un minuit d'été l'on peut entendrè la musique Du pipeau grêle et du petit tambour Et voir danser autour du feu de joie: L'associement de l'homme et de la femme 30 En la dance signifiant mariage Lequel est sacrement digne et commodieux. Deux par deux vont, conionction nécessaire, L'un l'autre se tenans par la main ou le bras En gage de concorde. Tournant, tournant autour du feu 37

Leaping through the flames, or joined in circ/es, RPstically solemn or in rustic laughter Lifting heavy feet in clumsy shoes, Barth feet, loam feet, lifted in country mirth Mirth of those long since under earth Nourishing the corn. Keeping time, Keeping the rhythm in their dancing As in their living in the living seasons The time of the seasons and the constellations The time of mi/king and the time of harvest The time of the coupling of man and woman And that of beasts. Feet rising and fa/ling. Eating and drinking. Dung and death. Dawn points, and another day . Prepares for heat and silence. Out at sea the dawn wmd Wrinkles and slides. I am here · Or there, or elsewhere. In my beginning.

Bondissant à travers la flamme ou bien encore nouant des rondes, Avec solennité rustique ou rustique joyeuseté Levant des pieds pesants dans leurs lourds brodequins, Pieds de terre, pieds de glaise levés en liesse campagnarde La liesse de ceux qui sont depuis longtemps sous terre 40 Et nourrissent le blé. Battant la mesure, Battant le rythme dans leur danse Ainsi que dans leur vie dans les saisons vivantes Le temps des saisons et des constellations Le temps de la traite et le temps des moissons 4' Le temps de l'accouplement de l'homme et de la femme Et de celui des bêtes. Pieds qui se lèvent, pieds qui retombent. Manger et boire. Fiente et mort.

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'o

L'aube point, et un nouveau jour S'apprête à la chaleur et au silence. Le vent de l'aube Ondule et glisse sur la mer. Je suis ici Ou là, ou bien ailleurs. En mon commencement.

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II

What is the late November doing With the disturbance of the spring And creatures of the summer beat, And snowdrops writhing under fee! And hol(yhocks thal aim loo high Red into grey and tumble down Late roses ft/led with early snow? Thunder rolled l!J the rolling stars Simula/es triumpha/ cars Deployed in constellated wars Scorpion ftghts against the Sun Unti/ the Sun and Moon go down Comets weep and Leonids fly Hunt the heavens and the plains Whirled in a vortex thal shal/ bring The wor!d to thal destructive ftre Which burns bejore the ice-cap reigns.

II

Que fait donc ce tardif Novembre Avec son trouble printanier Ses créatures de l'été, s5 Ses perce-neige que le pied broie Ses passe-roses qui visent trop haut Rouges sur gris, et dégringolent Ses roses tardives qu'emplit la neige? Roulant aux astres, le tonnerre 6o Simule des chars de triomphe Déployés en arrois stellaires Le Scorpion combat le Soleil Qui décline ainsi que la Lune Comètes pleurent, Léonides volent 65 Tous vont chassant par cieux et plaines Pris au vortex qui commettra Le monde à ce feu destructeur Dont l'action précède le règne De la calotte glaciaire.

Thal was a wcry of putting it-not very satisfactory: A periphrastic stuc/y in a worn-out poetical fashion, Leaving one stiJl with the intolerable wrestle With words and tmanings. The poetry does not matter It was not ( to start again) what one had expected. What was to be the value of the long looked forward to, Long hopedfor calm, the autumnal serenity And the wisdom of age? Had they deceived 11s Or deceived themselves, the quiet-voiced eiders, Bequeathing us mere/y a receipt for deceit? The serenity on/y a deliberate hebetude, The wisdom on'fj the knowledge of dead secrets Useless in the darkness into which they peered Or from which they turned their eyes. There is, it seems to us, At best, on/y a limited valm In the knowledge derived from experience. The knowledge imposes a pattern, and falsifies, For the pattern is new in every moment And every moment is a new and shocking Valuation of ali w~ have been. We are on!J 11ndeceived

C'était une façon de dire les choses- mais pas très satisfaisante : 70 Une étude périphrastique sur un mode poétique désuet, Vous laissant toujours en proie à l'intolérable lutte Avec les mots et les sens. La poésie n'importe point. Ce n'était pas (pour recommencer) ce que l'on avait escompté. Quelle allait être la valeur du calme longtemps attendu, 7' Longuement espéré, la sérénité automnale Et la sagesse de l'âge? Nous avaient-ils leurrés Ou s'étaient-ils leurrés eux-mêmes, les aînés à la voix tranquille? Nous avaient-ils légué simplement une recette de duperie? La sérénité n'était-elle qu'hébétude délibérée, lo La sagesse que la connaissance de secrets morts Inutiles dans la ténèbre où ils plongeaient Ou dont ils détournaient les yeux? Il n'y a, à ce qu'il nous semble, Au mieux, qu'une valeur limitée Dans le savoir dérivant de l'expérience. 1, Le savoir impose un motif, et falsifie. Car le motif se renouvelle à chaque moment Chaque moment est une neuve et bouleversante Évaluation de tout ce que nous fûmes. Nous sommes seulement détrompés 43

Of that which, deceiving, could no longer harm. In the middle, not on!y in the middle of the way But ali the way, in a dark wood, in a bramble, On the edge of a grimpen, where is no secure foothold, And menaced by monsters,fancy lights, . Risking enchantment. Do not let me hear Of the wisdom of old men, but rather of their fol!y, Their fear offear and fren-zy, their fear of possession, Of belonging to another, orto others, orto God. The on!y wisdom w~..can hope to acquire Is the wisdom of bilmility: humility is endless. The bouses are ali gone under the sea. The dancers are ail gone under the hill.

De tout ce. qui, en nous trompant, ne pourrait plus nous nutre. 9° Étant à nii-chemin, pas seulement à mi-chemin, Tout le long du chemin, dans un bois noir dans la . ' ronça1e, Sur le bord d'un bourbier où le pied ne peut s'assurer ~enacés p~r des monstres, des lueurs fantastiques, R1squant 1 ensorcellement. Que je n'entende pas parler 95 De la sagesse des vieillards, mais bien plutôt de leur · folie, De leur crainte de la crainte et de la frénésie, de leur crainte d'être possédés, d'appartenir A un autre, à d'autres, à Dieu. La seule sagesse que nous puissions espérer acquérir Est la sagesse de l'humilité; car l'humilité est sans bornes. wo Les maisons s'en sont allées toutes sous la mer.

Les danseurs s'en sont tous allés sous la colline.

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III

III

0 dark dark dark. They ali go into the dark, The vacant interstellar spaces, the vacant into the vacant, The captains, merchJ.;>l bankers, eminent men of /etiers, The generous patrons of art, the statesmen and the ru/ers, Distinguished civil servants, chairmen of many cotnmittees, Industriallords and petty contractors, ali go into the dark, And darkthe Sun and Moon, and the Almanach de Gotha And the Stock Exchange Gazette, the Directory of Directors, And cold the sense and /ost the motive of action. And we ali go with them, into the silent funeral,

0 noir noir noir. Tous s'en vont dans le noir ' au Dans les vides espaces interstellaires, dans le vide dedans du vide, Les capitaines, les négociants, les hommes de lettres éminents, 10 5 Les généreux patrons des arts, les hommes d'État, les gouverneurs, Les fonctionnaires distingués, les présidents de comités, Les magnats, les entrepreneurs, tous, ils s'en vont tous dans le noir, Et noirs le soleil et la lune, noir l'Almanach de Gotha Noirs la Gazette de la Bourse et l'Annuaire des Directeurs, no Et froid le sens, perdu le mobile de l'action? Et nous tous entrons avec eux dans le silence funéraire47

Nobody' s funeral,for there is no one to bury. I said to my sou/, be sti/1, and let the dark come upon you Which sha/1 be the darkness of Cod. As, in a theatre, The lights are extinguished, for thescene to be changed With a hollow rumble of wings, with a movement of darkness on darkness, And we know thal the bills and the trees, the distant panorama And the bold imposingfaçade are al/ being rolled awayOr as, when an underground train, in the tubs, stops too long between stations And the conversation rises /liid slow/y fades into silence Andyou see behind every face the mental emptiness deepen Leaving on/y the growing te"or of nothing to think about; Or when, under ether, the mind is conscious but conscious ofnothing~

I said to my sou/, be sti/1, and wail without hope For hope would be hope for the wrong thing,· wail without love

Les funérailles de personne, car il n'y a personne à enterrer. J'ai dit à mon âme tiens-toi tranquille et que l'obscur tombe sur toi Qui est l'obscurité de Dieu. Tout de même que, dans un théâtre, On éteint les lumières pour changer les décors Avec un roulement caverneux de coulisses, avec un mouvement de l'obscur sur l'obscur, Et nous savons que les collines et les arbres, le panorama éloigné Et la fière façade imposante sont tous en train d'être emportésOu comme, lorsqu'un train souterrain, dans le métro, s'arrête trop longtemps entre deux stations Et que les conversations s'élèvent pour retomber lentement dans le silence Vous voyez derrière chaque visage s'approfondir le vide mental Qui ne laisse que la terreur croissante de n'avoir rien à quoi penser; Ou lorsque l'esprit sous l'éther est conscient mais conscient de rien J'ai dit à mon âme tiens-toi tranquille et attends sans espérance Car l'espérance serait l'espérance fourvoyée; attends sans amour 49

For love would be love of the wrong thing; there is yet faith But the faith and the love and the hope are ali in the waiting. Wail without thought, for you are not reat!J for thought: So the darknes s shall be the light, and the stillnes s the dancing. Whisper of running streams, and winter lightning. The wild thyme unseen and the wild strawberry, The laughter in the garden, echoed ecstasy Not /ost, but requiring, painting to the agony Of death and birth. You say I am repeating Something I have said before. I sha/1 say if again. Sha/1 I stry it again? In order to arrive there, To arrive where you are, to get from where you are not, You mtut go by a way wherein there is no ecsta.ry. In order to arrive at whatyou do not know Yo11 must go by a way which is the way of ignorance. In order to possess what you do not possess You must go by the way of dispos session. In order to arrive at what you are not You must go through the way in which you are not.

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Car l'amour seraitl'amour fourvoyé; il y a encore la foi · Mais foi, amour et espérance sont tous contenus dans l'attente. Attends sans penser, car tu n'es pas prête à pens~r: Ainsi l'obscur sera lumière; le repos danse. Murmures d'eaux vives, éclairs d'hiver; J..e thym sauvage inaperçu, la fraise des bois, Les rires au jardin, extase réverbérée Non point perdue, mais requérant, mais s'efforçant vers, l'agonie De la mort et de la naissance.

Vous allez dire que je répète Quelque chose que j'ai déjà dit. Je le redirai. Le redirai-je? Pour en arriver là, Pour arriver là où vous êtes, pour partir d'où vous n'êtes pas, Vous devez passer par une voie où il n'est pas d'extase. 140 Pour arriver à ce que vous ne savez pas Vous devez passer par une voie qui est la voie de l'ignorance. Pour posséder ce que vous ne possédez pas Vous devez passer par la voie de la dépossession. Pour arriver à ce que vous n'êtes pas 145 Vous devez passer par la voie dans laquelle vous n'êtes pas. 135

And what you do notknow is the on!J thingyou know And what you own is what you do not own And where you are is where you are not.

Et ce que vous ne savez pas est la seule chose que vous sachlez Et ce que vous possédez est ce que vous ne possédez pas Et là où vous êtes est là où vous ·n'êtes pas.

IV

IV

Th6 wounded surgeonplies the steel Thal questions the 1Yistempered part,· Beneath the bleeding bands wc fee/ The sharp compassion of the bea/er' s art Resolving the enigma of the fever chari. Our on!J bea/th is' the disease If wc ohey the dying nurse Whose constant care is not to please But to remind of our, and Adam's curse, And thal, to be restored, our sickness must grow worse. The whole earth is our hospital Endowed by the ruined millionaire, Wherein, if we do weil, wc sha/1 Die of the absolute paternal care Thal will not /cave us, but prevents us everywhere. S4

qo

L'acier du chirurgien blessé Questionne la partie viciée; Nous sentons sous les mains sanglantes Appliquées à guérir la pitié pénétrante Qui de la fièvre cherche à percer le secret.

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Notre mal seul nous est santé Si nous écoutons l'infirmière Mourante et qui ne veut nous plaire Mais nous remémorer Adam, notre douaire Et que le mal, pour mieux guérir, doit empirer.

16o

Cette terre est notre hôpital Don du milliardaire failli : Si tout va bien, c'est donc ici Que nous mourrons du soin paternel et total Qui toujours nous harcèle et partout nous poursuit.

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The chili ascends from feet to knees, The fever sings in mental wires. If to be warmed, then I must freeze And quake in frigid purgatorial jires Of which the flame is roses, and the smoke is briars. The dripping blood our only drink, The bloody Jlesh our only food: In spite of which we like to think That we are sotmd, supstantial flesh and bloodAgain, in spite of thdt; we cali this Friday good.

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1 70

Monte, froid, au long des jarrets; Chante, fièvre, aux fibres mentales. Je dois, pour être réchauffé, D'abord transir au gel du feu purgatorial Dont roses est la flamme, épines la fumée. Seul b~euvage: un sang qui ruisselle; Seul aliment : la chair qui saigne. Pourtant nous voulons qu'il soit dit Que nous sommes vraiment chair et sang substantiels Et persistons à nommer saint ce Vendredi.

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So here I am, in the middle way, having had twentyyearsTwenty years large!J wasted, the years of l'entre deux guerresTrying to /carn to use words, and every attempt Is a whoi!J new stdrt, and a different kind offai!ure Because one bas on!J learnt to get the better of words For the thing one no longer has to say, or the way in which One is no longer disposed to say it. And so each venture Is a new beginning, a raid on the inarticu!ate With shabqy equipment a/ways deteriorating In the general mess of imprecision offeeling,

v

Me voici donc à mi-chemin, ayant eu vingt années En gros vingt années gaspillées, les années de l'entre deux guerres Pour essayer d'apprendre à me servir des mots, et chaque essai Est un départ entièrement neuf, une différente espèce d'échec Parce que l'on n'apprend à avoir le dessus sur les mots Que pour les choses que l'on n'a plus à dire, ou la manière IBo Dont on n'a plus envie de les dire. Et c'est pourquoi chaque tentative Est un nouveau commencement, un raid dans l'inarticulé Avec un équipement miteux qui sans cesse se détériore Parmi le fouillis général de l'imprécision du sentir, 175

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Undisciplined squads of emotion. And what there is to conquer By strength and submission, bas already been discovered Once or twice, or severa! times, by men whom one cannot hope To emulate-but there is no competitionThere is only the ftght to recover what bas been /ost And found and !ost again and again: and now, under conditions Thal seems unpropitious. But perhaps neither gain nor los s. For us, there is on/y the trying. The rest is not our business. Home is where one starts from. As we grow older The world becomes stranger, the pattern more complicated Of dead and living. Not the intense moment Isolated, with no before and after, But a lifetime burning in every moment And not the lifetime of one man only But of old stones that cannol be deciphered. There is a time for the evening under starlight, A time for the evening under lamplight (The evening with the photograph album).

Les escouades indisciplinées de l'émotion. Et ce qui est à conquérir 18~ Par la force et la soumission a déjà été découvert Une ou deux fois, ou davantage, par des hommes qu'on n'a nul espoir D'égaler- mais il ne s'agit pas de concurrenceIl n'y a ici que la lutte pour recouvrer ce qui fut perdu, Retrouvé, reperdu: et cela de nos jours, dans des conditions 190 Qui semblent impropices. Mais peut-être ni gain ni perte. Nous devons seulement essayer. Le reste n'est pas notre affaire.

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6o

La maison est là d'où l'on part. Comme nous avançons en âge Le monde devient plus étrange, et plus compliqué le motif De morts et de vivants. Non le moment intense Isolé, dénué d'avant comme d'après, Mais bien tout une vie brûlant à chaque moment Et non le temps de vie d'un homme seulement Mais celui-là de vieilles pierres indéchiffrables Il y a un temps pour la soirée à la lueur des étoiles, Un temps pour la soirée à la lueur de la lampe (La soirée des photographies que l'on feuillette) 61

Love is most near!J itself When here and now cease to matter. 0/d men ought to be explorers Here and there does not matter We must be sti!l and sti!l moving Into another intensity For a further ttnion, a deeper communion Through the dark cold and the empty desolation, The wave cry, the wind cry, the vast waters Of the petrel and the porpoise. In my end is my beginning.

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L'amour est le plus près d'être lui-même Lorsqu'ici-et-maintenant cesse d'importer. Les vieillards doivent être des explorateurs Ici-et-là n'importe pas Il nous faut toujours toujours nous mouvoir Au sein d'une autre intensité Pour une union plus intime, une communion plus profonde A travers le froid obscur, la vacante désolation, Le cri de la vague, le cri du vent, les vastes eaux Du marsouin et du pétrel. En ma fin mon commencement.

THE DRY SALVAGES

LES DRY SALVAGES

(The Dry Salvages - presumably les trois sauvages is · a small group of rocks, with a beacon, off the N .-E. Coast of Cape Ann, Massacbussetts. Salvages is pronouoced to rhyme with asslltlges. Groaner : a whistling buoy.)

(Les Dry Salvages -probablement Les Trois Sauvages à l'origine - sont un petit groupe de rochers, avec un feu, au large de la côte Nord-Est du Cap Ann, Massachussetts. Geignarde: bouée à sifflet.)

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I

I do not know much about gods; but I think that the river Is a strong brown god-sullen, untamed and intractable, Patient to some degree, at jirst recognised as a frontier ,· Useful, untrustwortf?y, as a conveyor of commerce,· Then on!J a problem confronting the builder of bridges. The problem once solved, the brown god is a/most forgotten By the dwellers in cities-ever, however, implacable, Keeping his seasons and rages, destroyer, reminder Of what men choose to forget. Unhonoured, unpropitiated

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Je ne sais pas grand'chose des dieux, mais je crois que le fleuve Est un puissant dieu brun - buté, sauvage et intraitable, Patient jusqu'à un certain point, reconnu d'abord pour frontière; Expédient, pas de tout repos, pour transporter des marchandises; Puis tout simplement un problème qui s'offre au constructeur de ponts. Une fois le problème résolu, le dieu brun est presque oublié Des habitants des villes ~ il demeure, pourtant, implacable, Gardant ses saisons et ses rages, destructeur, rappelant aux hommes Ce qu'ils préfèrent oublier. Frustré d'honneurs propitiatoires

By worshippers of the machine, but waiting, watching and waiting. His rhythm was present in the nursery bedroom, In the rank ailanthus of the April dooryard, In the sme!! of grapes on the autumn table, And the evening circ!e in the winter gaslight. The river is zvithin us, the sea is al! about us; The sea is the land's edge also, the granite Into which it reaches, the beaches where it tosses Its hints of earlier and otber creation: The starftsh, the horseshoe crab, the whale 's backbom; The pools 1vhere it offers to our curiosiry The more delicate algae and the sea aneJJtone. It tosses up our fosses, the torn seine, The shattered lobsterpot, the broken oar And the gear offoreign dead men. The sea has ma'!)' voices, Matry gods and matry voices. The salt is on the briar rose, The fog is in the ftr trees. The sea howl And the se a ye!p, are different voices Often together heard: the whine in the rigging, The menace and caress of wat•e that breaks on water,

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15

>ar les fidèles de la machine, mais attendant, guettant ct attendant. Son rythme était présent dans la chambre d'enfants 1 )ans l'ailante luxuriant de l'avant-cour d'avril ' Dans l'odeur des raisins de la table d'automne', 1)ans la veillée en rond sous le gaz hivernal. 1

1,c fleuve est au dedans de nous, la mer partout

autour de nous; ,a mer est aussi bien le finisterre, le granit . A la tombée du jour, dans le grément et dans l'antenne, Habite une voix qui sussure (non pour l'oreille, 150 Conque murmurante du temps, ni dans aucun langage) cc Vous autres, en avant 1 qui croyez voyager; Vous n'êtes pas ceux-là qui ont vu s'éloigner Le port, ni davantage ceux qui débarqueront. Ici, entre le proche et le lointain rivage, 155 Maintenant que le temps s'est retiré, considérez

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And the past with an equaJ mind. At the moment which is not action or inaction You can receive this: "on whatever sphere of being The mind of a man may be intent At the time of de ath" -that is the one action (And the time of de ath is every moment) Which shalJ fructify in the lives of others: And do not think of the fruit of action. Fare forward. 0 voyagers, 0 seamen, Y ou who come to port, andyou who se bodies ~FiJI suffer the trial and judgement of the sea, Or whatever event, this is yo11r real destination.' So Krishna, as when he admonished Atjuna On the field of battle. Not fare weJJ, But fare forward, voyagers.

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L'avenir, avec le passé, d'un œil égal. En ce moment qui n'est d'action ni d'inaction Vous pouvez recevoir ceci : « Sur quelque plan De l'être que l'esprit de l'homme se concentre A l'heure de la mort » - c'est là l'unique action (Et l'heure de la mort est à chaque moment) Qui doive, dans la vie des autres, porter fruit. Qu~nt au fruit de l'action, n'allez pas y songer, Mals en avant! 0 voyageurs, ô matelots, V o~s qui entrez au port; vous aussi dont le corps Sub1ra de la mer l'épreuve et le verdict Ou connaîtra tout autre sort, telle est Votre destination réelle )), Ainsi Krishna , Comme en ce jour qu'il exhorte Arjuna Sur le champ de bataille. Et point d'adieux, Mais en avant, ô voyageurs.

IV

IV

Lat!J, whose shrine stands on the pro111ontory, ali those 1vho are in ships, those Whose business has to do with jish, and Those concerned with every lawful trajjîc And those who conduct the111. Pr~ for

Repeat a pr~er also on behalj of Wo!llcn who have secn thcir sons or husbands Settingforth, and not returning: Figlia del tuo jiglio, Qucen of Hcaven. Also pr~ for those who were in ships, and Endcd thcir vrryage on the sand, in the sea' s lips Or in the dark throat 1vhich will not reject the111 Or wherever cannot rcach thetn the sound of the sea bell' .r Perpetuai angelus.

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Notre-Dame du sanctuaire du promontoire, Priez pour ceux qui sont en mer, pour ceux 175 Qui ont affaire avec la pêche, pour tous ceux Qui font par métier quelque trafic li~ite Et pour leurs dirigeants.

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Dites encore une prière pour Les femmes qui ont vu leur fils ou leur mari Appareiller, sans jamais revenir: Figlla del tuo figlio, Reine du Ciel.

Priez aussi pour ceux qui naviguaient et dont Le voyage a pris fin sur le sable, dans les lèvres de l'océan 18 5 Ou dans le gosier noir qui ne les rendra point, Là où la cloche marine ne peut plus les atteindre De son angélus perpétuel.

v

To communicate with Mars, converse with spirits, To report the behaviour of the sea monster, Describe the horoscope, haruspicate or sery, Observe disease in signatures, evoke Biography from the wrinkles of the palm And tragedy from fingers; release omens By sortilege, or tea leaves, riddle the inevitable With playing cards, fiddle with pentagran;s Or barbituric acids, or dissect The recurrent image into pre-conscious terrorsTo explore the womb, or Iomb, or drean;s; al/ these are usuai Pas times and drugs, and features of the press: And a/ways will be, some of them especiaily When there is distress of nations and perplexity

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Communiquer avec Mars, converser avec des esprits

R~pporter le comportement du serpent de mer,

' Tuer des horoscopes, lire dans le cristal, Déc~ler des maladies dans les signatures, décrire La bwgraphie d'après les rides de la paume, La trag~die d'après les doigts; pronostiquer Par sortilège où grâce à des feuilles de thé 11;5 Scru~er l'inévitable avec des cartes à jouer,' Mamer des pentagrammes ou des acides barbituriques, Disséquer l'image récurrente au fond des terreurs pré-conscientes, Fouiller le sein, ou bien la tombe, ou bien les rêves, ces choses sont Passe-temps et drogue commune, rubrique à l'usage de la presse : 2oo Et toujours le seront, surtout certaines d'entre elles Quand les nations sont en détresse et que l'anxiété 1 5 Et là-dessus, obéissant au vent commun, Trop étrangers vraiment pour ne point nous entendre, En bon accord à ce moment d'intersection De nulle part, de nul avant, de nul après, Nous arpentâmes le pavé, patrouille morte. 11 0 «La surprise que je ressens, dis-je, est aisée, Mais l'aise est cause de surprise. Aussi, parlez: Je puis ne pas saisir, ne pas me souvenir. » Et lui: « Je ne tiens pas à récapituler Mes théories dont vous avez perdu mémoire. 115 Ces choses ont servi leur propos : laissons-les. Quant aux vôtres, priez qu'elles soient pardonnées En pardonnant vous-même et le bien et le mal. Car le fruit est mangé de la saison dernière Et la bête gavée ruera dans le seau vide. l lO Les mots de l'an passé sont d'un discours passé Les mots de l'an prochain voudraient une voix neuve.

But, as the passage now presents no hindrance To the spirit unappeased and peregrine Between two worlds become much like each other, SoI ftnd words I never thought to speak In streets I never thougbt I sbould revisit Wben I lift my botfy on a distant shore. Since our concern was speech, and speech impelled us To purify the dialect of the tribe And urge the mind to aftersight and foresight, Let me dise/ose the gifts reserved for age To set a crown uponyour lifetime' s effort. First, the coldfriction of expiring sense Witbout encbantment, offering no promise But bitter tastelessness of shadow fruit As bocfy and sou/ begin to fall asunder. Second, the conscious impotence of rage At buman foi!J, and the laceration Of laughter at wbat ceases to amuse. And las!, the rending pain of re-enactment Of ali thatyou bave done, and been; the sbame Of motives late revealed, and the awareness Of tbings ill done and done to otbers' harm Which once you look for exercise of virlue. Then fools' approval stings, and honour stains. From wrong to wrong the exasperated spirit Proceeds, unless reslored l?J thal reftningftre 108

Mais comme le passage à présent s'ouvre libre A l'esprit pérégrin qui erre, inapaisé, Entre deux mondes devenus presque pareils, 12~ Des mots me viennent dont jamais je n'eus l'idée En des rues qùe jamais je n'aurais cru revoir Quand j'ai laissé mon corps sur un lointain rivage. Notre souci fut le discours, et de vouloir Donner un sens plus pur aux mots de la tribu 11 0 Pour disposer l'esprit à postvoir et prévoir; Eh 1 bien donc, apprenez de quels dons la vieillesse Couronnera l'effort de toute votre vie. Primo le froid contact du sentir expirant, Sans plus rien d'enchanteur, n'offrant d'autre promesse 1 15 Que l'amère insipidité du fruit fantôme Quand de l'âme et du corps le divorce commence. Secundo la fureur qui se sait impuissante Devant la sottise des hommes et le rire Qui lacère devant ce qui n'amuse plus. 1.1 0 Enfin la peine déchirante de revivre Tout ce que l'on a fait, été, avec la honte Des mobiles anciens révélés, la conscience Du mal que l'on a fait, et fait au dam d'autrui Bien qu'il eût les dehors de la vertu. Aussi 1.15 Les suffrages des sots blessent et l'honneur souille. De tort en tort l'esprit exaspéré procède S'il n'est purifié par le feu guérisseur

Where you must move in measure, like a dancer.' The day was breaking. In the disftgured street He lift me, with a kind of valediction, And faded on the blowing of the horn.

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1 5o

Où l'on doit se mouvoir en mesure, tel un danseur.» L'aube pointait. Avec une espèce d'adieu Il me quitta dans cette rue défigurée Et je le vis s'évanouir au son du cor.

III

III

III

There are three conditions which often look alike Yet differ complete/y, ftourish in the same hedgerow: Attachment to self and to things and to persans, detachment From self and from things and from persans,· and, growing between them, indifference Which resembles the others as death resemhles !ife, Being between two lives-unftowering, between The live and the dead nettie. This is the use of memory: For liberation-not less of love but expanding Of love beyond desire, and so liberation From the future as weil as the pas!. Thus, lo~e of a country Begins as attachment to our own field of actiOn And comes to ftnd that action of little importana

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112.

Il y a trois conditions qui souvent paraissent semblables Mais diffèrent complètement, et croissent sur la même haie: · L'attachement à soi, aux choses, aux personnes, le détachement De soi, des choses, des personnes; et, entre elles, l'indifférence Qui ressemble aux deux autres comme la mort à la vie, Étant entre deux vies - poussant, sans floraison, Entre l'ortie brûlante et l'ortie blanche. L'utilité De la mémoire est de nous libérer : Non pas diminution d'amour, mais expansion De l'amour au delà du désir, et de la sorte Libération de l'avenir en même temps que du passé. Ainsi l'amour pour un pays est tout d'abord Attachement à notre champ d'action, puis il en vient II3

Though never indifferent. History may be seroitude, History may befreedont. See, now th~y vanish, The faces and places, with the self which, as it cott!d, loved them, To become rmewed, transftgured, in another pattern. Sin is Behove!y, but Aff sha/1 be weil, and Aff manner of thing shall be weil. If I think, again, of this place, And of people, not wholly commendable, Of no immediate kin or kindness, But some of peculiar genius, Ali touched by a comn;on genius, United in the strife which divided theJJJ ,· If I think of a king at nightfa/1, Of three men, and more, on the scaffold And a few who died forgotten In other places, here and abroad, And of one who died blind and quiet, Why should wc celebrate These dead men more than the cfyù1g? It is not to ring the bell backward Nor is it an incantation

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A trouver cette action de médiocre importance Quoique jamais indifférente. L'histoire peut être servitude 1 G5 L'histoire peut être liberté. Voyez, void que s'évanouissent Les lieux et les visages avec le moi qui, de son mieux, les chérissait Afin d'être renouvelés, transmués dans un motif autre. Le Péché est Inéluctable Mais toute chose sera bien 170 Toute manière de chose sera bien. Si je songe, encore, à ce lieu Et à ces gens, pas tout à fait recommandables, De parenté ni de bonté immédiates Mais quelques-uns doués d'un génie singulier, 17 5 Tous empreints d'un génie commun, Unis dans le conflit qui les mettait aux prises, Si je songe à un roi au soir tombant, A trois hommes, et plus encore, sur l'échafaud, A quelques-uns qui sont morts oubliés r!lo En d'autres lieux, ici ou bien à l'étranger, A celui qui mourut aveugle mais tranquille, Pourquoi donc célébrer Ces hommes morts plutôt que les mourants? Ce n'est pas là un carillon rétrospectif 185 Ce n'est pas davantage une incantation 115

To summon the spectre of a Rose. We cannot revive old Jactions We cannot restore old policies Or follow an antique drum. These men, and those who opposed them And those whom they opposed Accept the constitution of silence And are folded in a single party. Whatever we inherit from the fortunate We have taken from the defeated What they had to leave us-a symbol: A symbol peifected in death. And ali shall be weil and Ali manner of thing shall be weil By the purification of the motive In the ground of our beseeching.

n6

Pour évoquer le spectre d'une Rose A quoi bon réveiller d'anciennes factions Ou remettre en honneur d'anciennes politiques Ou suivre les accents d'un antique tambour? 1>. Cette relation est simplement impliquée et ne doit pas être accentuée. A savoir Burnt Norton: l'air, le début de l'été. East Coker: la terre, la fin de l'été. Les Dry Salvages: l'eau, l'automne. Little Gidding: le feu, l'hiver.

BURNT NORTON

Le poème doit son titre au château de Burnt Norton, près Campden en Gloucestershire, propriété du Vicomte Sandon, fils aîné du Comte de Harrowby. Le château était inhabité lorsque 1e poète le visita en étranger pendant l'été de 1934, lors d'un séjour de vacances à Campden. Le château actuel s'élève à l'emplacement d'un château plus ancien, détruit par le feu au xvne siècle: d'où le nom qu'il porte aujourd'hui, son appellation ancienne étant simplement The Burnt House [La Maison Brûlée]. Les épigraphes d'Héraclite peuvent être traduites comme suit : 1) cc Bien que la Parole (Logos) soit commune à .tous, la plupart des hommes vivent comme s'ils avaient chacun en propre une sagesse particulière. ,, z) cc Le chemin qui monte et le chemin qui descend sont une et même chose. ,,

12.-14. Cf The Fall1ify Reunion (1939) p. 107: « I only looked through the little door

When the sun was shining on the rose-garden : And heard in the distance tiny voices ... >> [Je regardai seulement par la petite porte Comme le soleil brillait sur le jardin de roses Et j'entendis au loin de menues voix... ] 39· Cf Dante, Paradiso XII, 2.8 : > et fugitif de Cromwell, après sa défaite définitive à la bataille de Naseby, trouva un refuge temporaire à Little Gidding en 1646. > [Très privément, dans les ténèbres de la nuit, il vint... à Gidding] (Carter :

36-38. Bien que «the sea jaws >> [les mâchoires de la mer] rappellent les vers 184-5 de Les Dry Salvages, elles sont spécifiquement associées dans ce passage à l'île écossaise d'Jona dans les Hébrides (cf. MRrder in the Cathedral, 1935. p. 86) où saint Colomban fonda un monastère, ainsi qu'à l'îlé de Lindisfarne, au large de la côte du Northumberland, où saint Cuthbert se retira pour mourir. Le_« clark lake» [sombre lac] est le lac de Glendalough dans le Comté de Wicklow, Irlande, où saint Kevin (ou Cœrugen) établit au-dessus du lac un ermitage qui est toujours un lieu de pélerinage. Le est la Thébaïde, associée à l'Égyptien saint Antoine et à d'autres solitaires (cf. Burnt Norton, vers 15 8-161). La
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