Storytelling Le Guide E-book Nov09

August 27, 2017 | Author: Alain Hays | Category: Rhetoric, Cicero, Blog, Aristotle, Storytelling
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Storytelling, le guide Stéphane Dangel avec la participation de

Jean-Marc Blancherie

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3°a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou des ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété Intellectuelle.

ISBN 978-2-36127-000-1 -  Éditions du Désir novembre 2009

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Livre et elivre (e-book) Les Éditions du Désir, et particulièrement la collection Désir de Savoir accompagnent les livres physiques de compléments sur Internet qui en font un livre amplifié, un livre infini ! Une version Internet : le elivre (ebook), téléchargeable ou consultable en ligne, dont le contenu pourra s'enrichir... Des cartes de connaissances (les "Maps") élaborées à partir d'un logiciel de "Mind Mapping" (cartes cognitives ou cartes mentales ou encore schémas heuristiques) qui permettent de trouver des sources d'information sélectionnées et de visualiser des synthèses des questions traitées D'un WIKI, c'est à dire un ensemble de pages structurées, offertes à une co-écriture de tous les lecteurs intéressés. Le WIKI est une ouverture merveilleuse sur l'enrichissement collaboratif en contenus, la veille du domaine traité, l'échange d'informations, une actualisation permanente. Il nous permet aussi de publier des versions enrichies du livre et des Maps. L'adresse du WIKI est http://www.wikidesir.com Inscrivez vous, vous accéderez ainsi à toutes nos nouveautés et informations concernant le storytelling, au contact avec les auteurs. L'adresse de consultation ou téléchargement du elivre vous est donnée sur la Map téléchargée à partir de http://www.maps.desiredit.com/storytelling.htm Vous pouvez aussi la demander en remplissant le formulaire du site de la maison d'édition http://www.desiredit.com ou par mail : [email protected]

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STORYTELLING : MASTER MAP Cette carte vous permet de naviguer sur l'ensemble des cartes proposées. Elle fait partie d'un ensemble de cartes avec des liens Internet actifs. Les formats sont pdf (pdf actif : vous pouvez déployer les branches et cliquer sur les liens), swf (flash), ou html (page de site). Elles accompagnent le livre et se trouvent à l'adresse suivante Sur le elivre, cliquer ou copier et coller sur votre navigateur : http://www.maps.desiredit.com/Storytelling_Master_Map.pdf ou http://www.maps.desiredit.com/storytelling.htm

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PRÉFACE DE DENIS C. ETTIGHOFFER Retrouver le sens de l’Histoire, le goût des histoires. Les entreprises modernes sont caractérisées par une intensité relationnelle et un turnover croissants. Non seulement ses collaborateurs se connaissent mal, mais en plus ils ne connaissent pas le passé de l‟entreprise, son substrat culturel. Savoir renouer avec l‟histoire des hommes et de l‟entreprise est sans doute la plus belle des façons de reconstruire ou retrouver les repères qui manquent à la plupart de ses collaborateurs. Nous avons tous, un jour ou l‟autre, rencontré cet ancien qui savait nous faisait revivre les moments glorieux du service ou de la société. Ces témoignages qui constituent progressivement l‟humus de l‟expérience collective restent rarement encouragés car ils sont aussi porteurs des échecs et des erreurs passées. Ce qui explique que l‟oralité est le vecteur de transmission le mieux admis dans notre culture. Les rumeurs de cantines, du maintenant célèbre « point Coke » ou « point café » alimentent le désir de connaître les petites histoires Ŕ parfois croustillantes Ŕ qui font la vie de l‟entreprise. A travers ces récits existe aussi le désir fondamental pour chacun de passer des messages à la collectivité, à ses supérieurs ou à ses collègues afin de faire partager ses difficultés professionnelles et ses rêves. L‟intrigue des récits s‟établit sur la base d‟un vécu que les consultants, qui font métier d‟accompagner les changements, retrouvent en permanence dans les problèmes ou les conflits qui agitent une collectivité. D‟ailleurs c‟est si vrai que le désir parfois un peu naïf des directions de donner la parole en encourageant « le parler vrai » se heurte au silence buté des salariés qui ne veulent plus s‟exprimer car ils ont 5

compris que l‟on «purgeait» leur ressentiment ou leur stress sans jamais passer à l‟acte qui soulage ou guérit. D‟où l‟importance de connaître les limites d‟une démarche d‟encouragement à la narration professionnelle qui ne serait que « du vent ». Les récits sont un outil pour apprendre à apprendre. Le récit des choses du passé alimente le goût de découvrir, dans les placards virtuels que sont nos mémoires, des trésors d‟innovation peuvent être exploités par les nouvelles générations. Les anecdotes d‟entreprises qui se sont réappropriées leur passé pour se réinventer sont légion. Adidas a puisé dans son passé pour lancer en 2001 sa collection Adidas Has a Story. Volkswagen a réinventé sa Coccinelle sous le nom de Beetle pour rappeler que l‟entreprise à une histoire dont elle peut s‟enorgueillir. Lors de la réalisation de son précédent programme 737 et 747 Boeing avait rencontré de sérieuses difficultés que la firme ne souhaitait pas revivre lors du lancement de sa gamme 757 et 767. Afin de lister les problèmes déjà rencontrés les anciennes équipes furent invitées à en établir la liste. Au bout de quelques mois un document de plus d‟une centaine de pages de recommandations permettait aux équipes en charge des nouveaux avions de limiter le nombre des défauts constatés dans la précédente période. L‟entreprise pour cela avait travaillé sur sa mémoire, véritable banque à idées latentes, en utilisant tous les relais à sa disposition. Dans l‟entreprise, la narration, l‟art de la narration devrais-je dire, est un levier d‟animation favorisant la construction d‟une culture d‟entreprise partagée par son réseau social. L‟importance croissante donnée à la réussite des news letter et de 6

l‟utilisation des blogs dans les services de communication (et au delà) des entreprises, illustre parfaitement le renouveau de l‟écrit dans la relation client, avec ses marchés et partenaires. Un outil de la communication low cost ! L‟initiative de Fedex de consulter ses clients sur le web pour identifier les plus mauvaises expériences qui leurs soient arrivées avec la compagnie illustre tout à fait les nouvelles orientations à prendre. L‟entreprise de transport de colis et de plis express a aussi décidé de valoriser les plus belles initiatives prises par ses personnels, ce qui est une façon de les impliquer face aux idées des clients à qui l‟on demande d‟inventer les scénarios de ce que serait un Fedex idéal. Une façon de faire passer des messages vers son public, ses clients, ses collègues, les membres d‟une communauté. Les blogs sont ainsi devenus un outil de communication économique de l‟entreprise pour se construire une histoire réelle ou inventée. Il s‟agit d‟un outil pour projeter et faire partager les idées et les convictions à ses clients ou ses prospects, pour se singulariser. Le blog, mis au service de la communication de l‟entreprise, lui permet de projeter son savoir et de partager des expériences sur les réseaux. En participant à la notoriété, à l‟attractivité de l‟entreprise, les histoires mises en ligne peuvent faciliter sa politique d‟embauche ainsi que ses relations avec sa clientèle. Les blogs comme celui de lamanchineacafe.blog.fr rapportent des évènements, évoquent des sensations, donnent des avis, de la couleur, du sens et des valeurs aux vécus de chacun et de la collectivité. Le fondateur de la Fraise.typepade.com utilise le sien pour faire passer des idées créatives et attirer des clients qui participent avec plaisir à cette créativité continue. 7

L‟essentiel qui est de recueillir l‟expression personnelle du collaborateur, du client ou du partenaire de l‟entreprise devient le vrai objectif du blog d‟entreprise. Au final les blogs contribuent à créer une atmosphère de travail et de coopération entre les différentes composantes d‟un réseau humain. La Toile et ses blogs deviennent un outil d‟une portée universelle pour communiquer avec l‟ensemble du corps social de l‟entreprise et, si cela est nécessaire, avec une communauté spécifique. C‟est d‟ailleurs dans les univers corporatistes ou communautés professionnelles que l‟on trouve les plus anciennes origines des récits d‟expériences professionnelles et d‟échange continu des savoirs. Dans l‟entreprise ces pratiques sont la meilleure façon de faire remonter des points de vue parfois originaux et précieux sur un point particulier. Un outil de différenciation et de connivence Rien de vraiment révolutionnaire, beaucoup de communication et de publicité s'établissent sur la base de la recherche de la sympathie ou de l'adhésion complice du client ou du futur client. Monster.com a lancé, fin des années 90, une brochure qui raconte plusieurs dizaines d‟histoires issues des rencontres entre particuliers engagés dans un processus de vente. L'entreprise mettra en scène ses services et ses produits pour gagner en efficacité de communication émotionnelle autant que pratique… pour vendre plus. Les grands cabinets de communication, les entreprises de publicité les plus en pointe sentent cette évolution que l'on voit de plus en plus s'affirmer dans les messages aux consommateurs. En demandant à des internautes de leur envoyer des photos d'eux pour des séries illustrant la vie au 8

bureau pour le compte d'un opérateur télécom français, Business Lab a inventé la publicité dont l'internaute est le héros. L'effet contaminant a fonctionné : l'opérateur a invité chaque internaute retenu à prévenir ses amis grâce à une messagerie mise à leur disposition afin de leur faire connaître l'aventure mise en scène par Business Lab sur le site de leur client ; le tout aboutissant à la constitution d'une banque d'adresses qui sera bien utile à l'annonceur. De plus en plus de messages relatifs aux produits et services mettent en scène les produits, à l'exemple de la campagne de Nescafé. On le constate tous les jours, les catalogues des produits sur papier ou sur site sont caractérisés par la mise en scène de leurs utilisations. Désormais on différenciera les produits et les services en leur donnant une dimension scénique qui globalise le service rendu à la société. La différence est simple à comprendre. Un fournisseur mettra l'accent sur les caractéristiques fonctionnelles d'une chaîne documentaire, l'autre, qui cherche comment rendre attrayant son service en l'associant à une valeur de connivence, dira qu'il contribue à préserver la mémoire de l'entreprise, situation qu'il mettra en scène dans sa communication. Le premier vendra des alarmes, le second de la protection et montrera comment son client a pu éviter une fâcheuse mésaventure. Les résultats économiques d'une entreprise ne sont pas seulement le reflet comptable de la performance pure de l'organisation. En matière d'avantages comparatifs le facteur psychologique a un prix, variable, volatil, certes, mais réel. Les modèles économiques qui intéressent les actionnaires et les experts financiers vont devoir intégrer ce facteur spécifique. Le capital de sympathie augmente la valeur des incorporations 9

immatérielles d'une entreprise, d'une organisation donnée. Aussi, la meilleure façon de se différencier sur des marchés saturés de messages sera de se constituer un avantage fortement distinctif en mettant son entreprise… en scène! Mettre en scène son entreprise Hier très prudes et invisibles, les chefs d'entreprise devront accepter de créer des héros et des héroïnes qui attireront la sympathie de gens qui partagent les mêmes émotions, les mêmes valeurs dans les communautés virtuelles. En France, Afflelou avec ses publicités pour ses lunettes ou encore le propriétaire de Virgin, Richard Branson, lorsqu'il s'est lancé dans un tour du monde en ballon ont parfaitement compris cette dimension de la relation de connivence et de sympathie avec leurs marchés. En matière de vente en ligne, les études réalisées sur les comportements cognitifs montrent que le contenu émotionnel détermine l'attention que consentira le lecteur ou le visiteur d'un site web. La présentation des services ou des produits privilégiera selon les circonstances et les objectifs visés des vecteurs “ froids ” ou “ chauds ” afin de produire de l'émotion. Ceux qui auront compris plus rapidement que les autres l'importance de ce facteur de développement tant pour leur corps social que pour l‟ensemble de leur écosystème feront l'objet d'une notoriété et disposeront d'une capacité de différenciation spécifique à l'économie de l'immatériel : une histoire forte donc image forte pour tirer leurs produits. Quels sont les plus beaux coups stratégiques de Boeing et de Volkswagen ? L'un comme l'autre ont su respectivement transformer leur produit en héros et héroïne de cinéma. Pas une personne dans le monde qui n'ait vu un jour ou l'autre la Coccinelle de Walt Disney ou les 10

crashs et autres catastrophes qui montraient l'extrême robustesse des avions de Boeing. N'en déplaise aux tenants de la rationalité absolue, à une époque de l'hyperchoix qui multiplie le nombre et augmente la complexité des offres, les caractéristiques fonctionnelles d'un produit ou d'un service ne suffisent plus à faire la différence. Ne reste pour se différencier que l'attrait supposé de la consommation du bien ou du service proposé dans une connivence de valeurs et d'émotions partagées. En d'autres termes, “ je ne vends pas seulement la réponse à un besoin, je vends par préférence à d'autres ”. On ne vend plus une cheminée d'intérieur, on vend le confort de la cheminée d'intérieur et les services et produits qui agrémenteront son utilisation. Cette différence s'établira sur la capacité de l'entreprise du 21ème siècle à scénariser, à créer une dramaturgie autour d'un service ou d'un produit. La presse l'a déjà compris qui élabore ses titres ou modifie les photos pour accentuer le caractère dramatique de l'information. Mais raconter une histoire, fut-elle professionnelle, nécessite de maîtriser l‟art du récit et les instruments que les anciens connaissaient bien. Un art qui revient sous un drôle de mot : Storytelling. Pourtant, la curiosité aidant vous découvrirez dans ce livre, excellemment écrit, des analyses et des recettes qui, en tenant compte des spécificités des outils modernes, sont d‟abord du bon sens appliqué. En le lisant, je me suis rappelé cette formule que j‟aime bien et que le livre nous invite à adopter : «Transformer vos extraordinaires ».

produits

ordinaires

en

expériences

Denis C. Ettighoffer 11

Au préalable

« La psychologie cognitive a montré que l'esprit humain comprend d'autant mieux les faits qu'ils sont façonnés, liés dans une construction conceptuelle, comme une carte mentale, ou une histoire. Des faits déconnectés dans l'esprit sont comme des pages web non liées entre elles : ils pourraient tout aussi bien ne pas exister » -

Steven Pinker

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Que l‟on prononce le mot storytelling, et certains poussent des hauts cris. Manipulation ! Propagande ! Ce ne sont pas que des jugements de valeur. On trouve parfois même dans des articles de journaux et autres supports réputés très à cheval sur le sens des mots, cette définition accolée au terme : « raconter des histoires, une forme de manipulation ». Même le célèbre «Arrêts sur images». Alors quoi ? Si ce n‟était que cela, pas besoin d‟écrire un nouveau livre sur le sujet. Tout aurait déjà été dit. Non, il y a autre chose, qui explique l‟usage du storytelling dans les univers les plus variés, qui explique le succès de cette discipline dans les pays anglo-saxons mais aussi du nord de l‟Europe, depuis de nombreuses années. Qui explique la nomination du dernier livre de l‟un des principaux 12

consultants en storytelling dans le monde, Steve Denning (qui propose le concept d'intelligence narrative) parmi les prétendants au titre de livre de business de l‟année. Autre chose que le simple fait de raconter des histoires.

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LES FONDEMENTS DU STORYTELLING

Je vais vous raconter une histoire

AUX SOURCES DU STORYTELLING

C'était du temps où le temps avait le temps…

LA TRADITION DES CONTEURS

On entend beaucoup parler de tournant narratif (narrative turn) comme si le storytelling s‟était répandu comme une traînée de poudre au cours de ces dernières années en influençant de nombreuses disciplines. Le storytelling est plutôt une 13

continuité : une forme moderne, adaptée aux besoins d‟aujourd‟hui, de cette tradition des conteurs d‟autrefois, des griots africains et chamans indiens. Pendant longtemps, la transmission des valeurs, règles normatives et de bon sens, des traditions, bref l‟éducation au sens large, s‟est faite très majoritairement sur le mode des histoires, qui n‟ont jamais été réservées qu‟au divertissement. Histoires vraies pour certaines, contes et légendes pour d‟autres, donc avec également des fictions, mais un message authentique et porteur de sens, formateur. Les fables de La Fontaine sont de bons exemples : ce sont des histoires, des fictions, mais pleines de sens. « Les histoires sont la monnaie qui régit les relations humaines », a écrit Robert McKee (le « professeur » des scénaristes d‟Hollywood, donc un expert en histoires) et cela a toujours été le cas. Nous sommes des homo narrens, des narrateurs nés. Pourquoi le management, le marketing et d‟autres disciplines intègrent-ils aujourd‟hui une dimension « narrative » ? Parce qu‟aujourd‟hui le focus est sur ces disciplines, devenues aussi essentielles pour régir le monde que l‟étaient l‟échange, le troc (avec un fort contenu narratif) autrefois. Le storytelling n‟est donc pas une révolution mais a accompagné et continue d‟accompagner les évolutions, tout en évoluant lui-même car, bien entendu, les histoires d‟aujourd‟hui sont de nature et de structure bien différentes de celles qui se racontaient autrefois au coin du feu.

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LES THÉORICIENS

PLATON C‟est un bateau au milieu de l‟océan, avec un capitaine un peu borné et sourd. De manière assez surprenante, les décisions concernant les directions à prendre sont prises à la majorité des voix de l‟équipage, alors même que le navigateur en titre du bateau est des plus compétents. Compétent mais pas très populaire et peu soucieux de l‟être. Un jour, par peur de se perdre, le capitaine et l‟équipage décident de suivre aveuglément l‟avis du membre d‟équipage qui a le plus de charisme et se trouve être le plus beau parleur, en se moquant du navigateur et de ses mises en garde. Ils finissent complètement perdus et meurent de faim en mer.

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C‟est une histoire. Platon est réputé l‟avoir utilisée pour faire prendre conscience à ses concitoyens des limites de la démocratie. Théoricien, Platon développe la méthode de la dialectique, méthode de discussion, dont les composantes bien connues sont la thèse, l‟antithèse et la synthèse. Confrontation de visions différentes pour dépasser le niveau de l‟opinion et atteindre la vérité, le savoir, la dialectique peut tout à fait intégrer des histoires dans son cheminement. Mais ce sont surtout ses réflexions sur les processus narratifs qui nous intéressent. Platon distingue la diégèse (diegesis) et l‟imitation (mimesis). La diégèse, c‟est l‟histoire, et sa narration. Elle comprend la présentation des personnages, et des événements principaux, mais avec des possibilités d‟avoir « des histoires dans l‟histoire », des personnages et des événements qui se réfèrent à des contextes extérieurs à l‟histoire principale (extradiégèse). La diégèse est toujours utilisée aujourd‟hui dans le storytelling littéraire, au cinéma et dans les jeux de rôles. La mimesis-imitation, elle, ne raconte pas, elle montre, représente et relève de l‟image. Mais plus dans le sens d‟image-métaphore que de spectacle. Et cette conception conserve une pertinence dans le storytelling contemporain. Platon promeut également l‟utilisation des mythes, pour parler de ce que la dialectique ne peut pas expliquer, comme par exemple l‟origine du monde. Sans être la réalité, le mythe devra cependant être vraisemblable, apparenté, ressemblant à ce qu‟il représente, pour pouvoir être valablement interprété.

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Le management des mythes dans l‟entreprise est aujourd‟hui l‟un des domaines d‟application du storytelling.

ARISTOTE Aristote envisage le discours suivant plusieurs genres, l‟un d‟entre eux étant particulièrement ouvert aux histoires : le discours délibératif, qui vise à conseiller les membres d‟une assemblée, quant à des décisions à prendre sur l‟avenir, et pour lequel la narration d‟exemples est tout indiquée. Aristote illustre son propos avec l‟histoire d‟un homme politique qui exigeait que l‟on crée pour lui une garde personnelle, et en face duquel un orateur citera plusieurs exemples similaires, ayant tous abouti à la transformation ultérieure du demandeur en tyran. Conclusion induite : l‟homme politique en question voulait lui aussi devenir un tyran. Le passé augure l‟avenir. S‟y ajoute une notion de preuve, indispensable au discours, et notamment de preuve extérieure à l‟orateur, par exemple des témoignages, donc des histoires. Les histoires (Aristote parle de tragédies et de fables, qui sont des figures de style, métaphores d‟actions), Aristote les concevait avec un début, un milieu et une fin, un récit « entier », une forme devenue l‟un des grands classiques de la formation des discours. Aristote écrit : « les incidents, naissant les uns des autres, nécessairement ou vraisemblablement, amènent la révolution du bonheur au malheur ou du malheur au bonheur. » Pour compléter la formule, Aristote a ajouté la nécessité de personnages structurés, d‟une intrigue, de problèmes et revers de fortune, avec un final en forme de leçon, ou morale de l‟histoire, le tout placé sous le sceau de la 17

vraisemblance. Il faut un « nœud », marqué par une catastrophe, et un « dénouement », qui marque la fin de l‟histoire. Les personnages principaux ne devront d‟ailleurs pas être trop parfaits pour que l‟histoire elle, le soit, parfaite. Pour être pleinement efficace, le narrateur doit aussi s‟engager pleinement dans l‟histoire, visualiser les différents points, ressentir ce que ressentent les personnages et l‟auditoire, pour emmener ce dernier dans l‟univers du récit ; Emporté par le récit dont la construction lui permet de se détacher de ses émotions pour être atteint par le véritable objectif de l‟histoire. Romanciers à travers les âges et scénaristes d‟Hollywood ne s‟y tromperont pas, en faisant leurs ces quelques règles de base. Cette efficacité ne réside pas dans l‟acte de raconter, mais bien dans la conception de l‟histoire. A l‟arrivée, les histoires les plus notables doivent se terminer par ce qu‟Aristote appelle une péripétie ou une reconnaissance. Une péripétie est la conséquence, contraire à ce que l‟on attendait mais logique, des étapes précédentes de l‟histoire ; la reconnaissance est le passage de l‟ignorance à la connaissance. Dans l‟histoire d‟Œdipe (Œdipe Roi, de Sophocle), on a les deux : le nec plus ultra selon Aristote.

Zoom sur : La catharsis des émotions Parce qu’Aristote étudie les tragédies théâtrales, ce sont des sentiments de pitié et de crainte qu’il voit être déclenchés chez les auditeurs-spectateurs. Mais ce n’est pas l’émotion pour

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l’émotion qui est recherchée. C’est un dépassement, une catharsis, libérateur, une délivrance car le spectateur vit ses passions (souvent inavouables et punissables dans le monde réel) à travers la scène qui est jouée devant lui, ce qui lui permet d’opérer une mise à distance. C’est une sorte de purge, au cours de laquelle l’émotion se transforme en penséeréflexion. Une approche intéressante, même si elle n’est pas forcément en phase avec les enjeux du storytelling d’aujourd’hui.

CICÉRON Platon et Aristote ont davantage travaillé sur le fond des histoires, même si tous deux ont l‟ont abondamment abordé sous l‟angle de la forme du discours. Et ce sont bien la conception et l‟analyse des histoires qui doivent primer pour un usage efficace du storytelling. Cicéron s‟est penché sur l‟art oratoire, la langue, l‟éloquence. Tout comme d‟autres penseurs de l‟Antiquité romaine, son but était de parvenir, tant à l‟oral qu‟à l‟écrit, à une précision de l‟énoncé qui soit parfaite, sans contestation possible de la part de l‟auditeur ou du lecteur. Cela réclame une connaissance des faits dont il est question dans le récit. Pour être mémorable, un discours doit aussi obéir à des règles, la langue doit suivre un rythme adapté, avec également des répétitions de mots et de sons, avec par exemple les fameuses assonances.

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C‟est autour de ces deux exigences de précision et de rythme que travaillera Cicéron, aboutissant à une richesse de vocabulaire qu‟il utilise dans ses discours. Elle est beaucoup plus scientifique que poétique, cette richesse qui n‟a pas pour objectif d‟épater la galerie, mais de décrire le message sous tous ses aspects, pour ne rien laisser d‟équivoque. Ces réflexions n‟ont pas perdu en intérêt, vues sous l‟angle du storytelling contemporain. L‟orateur ne serait cependant rien sans bases solides qui permettent l‟éloquence ; pour Cicéron, elles sont philosophiques, pour le storyteller d‟aujourd‟hui, elles peuvent être beaucoup plus diverses, mais rendent crédibles à la fois le message et celui qui le raconte. L‟art oratoire, c‟est aussi cette faculté de partir d‟un détail insignifiant, pour aller plus loin, développer, généraliser. Mais ce n‟est pas tout : l‟orateur a également besoin de passion dans l‟expression de son discours, d‟émotion. Allier l‟âme à l‟esprit. Pour Cicéron, ce sera la colère, les larmes, l‟expression de l‟admiration… Les clés de l‟éloquence sont là : convaincre, plaire et toucher au cœur. Intégrant l‟ensemble de ces principes, la méthode développée par Cicéron pour construire un discours tient en cinq points : Inventio : la recherche des idées à intégrer dans le discours Dispositio : la construction du plan du discours, de l‟histoire 20

Elocutio : ou comment toucher l‟auditoire avec des effets, figures de style, comme par exemple des métaphores (la figure de style la plus utilisée par le storytelling contemporain) Memoria : pour être efficace, l‟histoire doit être récitée par cœur (ce n‟est plus aussi vrai de nos jours) Actio : ou comment toucher l‟auditoire avec des effets de voix, d‟intonation, d‟attitudes, de gestuelle Illustration : Lorsque le précepteur du tribun romain Métellus Nepos est mort, l‟historien Plutarque raconte que ce dernier a fait poser sur son tombeau un magnifique corbeau en marbre… Pour entendre de la bouche de Cicéron, qui s‟y connaissait en phrases qui tuent, un cinglant : « vous ne pouviez mieux faire, car votre précepteur vous a bien plus appris à voler qu‟à parler ». En peu de mots, une histoire.

BARTHES, DELEUZE, FOUCAULT ET RICOEUR Roland Barthes s‟est beaucoup intéressé aux mythes contemporains, qu‟il considère comme des « paroles ». Son étude de la Citroën DS est restée célèbre. Barthes en analyse le signifiant (les représentations du mythe), les formes, la matière… ; le signifié (le concept, le sens, les idées qui s‟y rattachent) ; et la signification (le message qui se cache derrière), une « spiritualisation » de la voiture qui incite à l‟achat. Barthes analyse également la structure des récits et distingue des « fonctions », des « indices » et des « informations ». Si 21

les fonctions caractérisent des actions, qu‟il s‟agisse de moments de tension liés à des risques, ou de moments plus calmes emprunts de sécurité, les indices et les informations viennent apporter des précisions utiles à l‟histoire (caractère, identité des personnages, atmosphère…). Les recherches de Barthes l‟ont aussi amené à conclure que le sens d‟un écrit ne pouvant provenir de son auteur, c‟est le lecteur qui doit s‟en charger à travers une analyse de texte. Une approche également intéressante pour le storytelling. Gilles Deleuze a analysé l‟univers du cinéma et son impact, en concluant que notre cerveau capte l‟action qui se joue, et traite les signaux ainsi reçus pour envisager les différentes réactions possibles. C‟est cet éventail de réponses possibles qui constitue notre perception de l‟action, et le choix oscillera entre deux extrêmes, la réaction rapide et la réflexion qui débouchera parfois sur l‟absence complète de réaction. Des concepts très intéressants pour aborder les effets du storytelling. Michel Foucault étudie l‟influence des pouvoirs sur nos perceptions. C‟est ainsi que ce qui est vrai et bon est déterminé par des institutions qui influencent nos perceptions. Ce vrai et ce bon sont diffusés sous forme de discours (récits), qui deviennent des standards sociaux et tout ce qui y déroge est considéré comme faux. Nous sommes au final subjugués par ces discours et nous finissons par nous auto-discipliner pour écarter tout ce qui ne va pas dans leur sens. Mise en garde contre d‟éventuelles dérives du storytelling, appel à la formation d‟histoires plus individuelles et laissant une liberté à l‟auditeur… A chacun d‟interpréter ces concepts.

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Paul Ricœur mérite également l‟attention pour ses travaux sur la mise en intrigue du récit (différents éléments sont rassemblés dans une unité de temps et d‟action). Essentielle pour donner du sens, cette mise en intrigue illustre aussi l‟interaction que Ricœur identifie entre « le vécu » (la réalité) et « le raconté » (la narration), l‟un étant nécessaire à l‟autre. Encore un point théorique bien utile pour comprendre les mécanismes et les effets des histoires.

BAKHTIN

Mikhail Bakhtin n‟est pas le plus connu des philosophes du 20ème siècle (il était également sémioticien et critique littéraire), mais ses travaux ont servi de base d‟étude à de nombreux chercheurs en storytelling. Le dialogisme est l‟un des concepts clés de Bakhtin, dont le storytelling peut tirer parti. Tout récit est ainsi dialogique, c'està-dire qu‟il est conçu et prononcé en réponse à un récit précédent et en anticipant un récit qui viendra lui répondre. C‟est donc un processus dynamique, continu, à plusieurs voix, bien en phase avec les histoires du storytelling contemporain, notamment dans l‟univers numérique. Bakhtin explicite ses idées en racontant l‟histoire d‟un homme dont la femme vient de se suicider, et qui tourne en rond en cherchant des explications, qu‟il se raconte d‟abord à lui-même, puis à un auditeur invisible, puis à un hypothétique juge, ce qui l‟amène progressivement vers la vérité.

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Sa conception de la personnalité humaine est complémentaire. Pour Bakhtin, c‟est « moi tel que les autres me voient » qui détermine notre identité d‟être humain, ce qui place l‟auditeur des histoires au premier plan ; et l‟incorporation de nos perceptions dans la formation de l‟identité d‟autrui complète cette vision, avec donc une interaction qui fait du héros d‟une histoire non pas une individualité mais le fruit d‟une construction collective. Trois dimensions -cognitive, esthétique et éthique- sont alors en interaction. Bakhtin, c‟est aussi la primauté du contexte d‟une situation sur le texte qui en fait la narration (hétéroglossie), ce qui relativise quelque peu la performance de celui qui met au point et raconte une histoire.

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SENS, RÉCIT, RÉALITÉ CONSTRUCTIVISTE

:

UNE

PERSPECTIVE

« On nous raconte des histoires ». Y aurait-il d'un côté des gens qui inventent des histoires et de l'autre la réalité ? Francisco Varela, Humberto Maturana, Lynn Segal, Watslawick, von Glaserfeld... proposent une approche constructiviste que nous pouvons appliquer à la compréhension du storytelling. Karl Weick s'inscrit dans cette pensée constructiviste. Il fait le lien entre sens, situation, et construction de représentations mentales : au travers de la notion de « sensemaking », de construction du sens, et la relation qu'il fait d'événements catastrophiques au cours desquels le sens se dérobe, coupe toute communication, conduit au pire. La construction du sens ou sa reconstruction se fera au travers de l'extraction d'éléments permettant la communication, et d'un ordonnancement de ces éléments entre eux, capable de mobiliser à la fois les représentations mentales des acteurs et leurs sentiments, leurs émotions, leurs intuitions. Cette base théorique, en fait très orientée par l'action que réalisent les protagonistes, constitue un socle à partir duquel comprendre les dynamiques du storytelling. La réalité, et sa connaissance, se construisent dans l'interaction entre des subjectivités. Et dans cette construction, le récit va tenir une place de choix. Le storytelling n'est pas un effort artificiel pour dessiner une réalité par dessus ou en plus de la réalité, mais une dynamique, un moment d'actualisation d'un connaissable possible, préexistant, qui vient prendre cette

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forme pour devenir manifeste, expérience du sujet connaissant.

perceptible,

nouvelle

Reste la question de la valeur qui est attribuée à cette construction par le sujet connaissant, par le narrateur et le destinataire, les complices des histoires qui fonctionnent bien. Dès que l'on nous dit, explicitement ou non, « je vais vous raconter une histoire », nous voici prêts à co-construire une réalité vivante, à partager une faculté de comprendre et de connaitre, de co-naitre, proposée par le conteur. Alors même que l'échange est inégal puisque le conteur, le narrateur, lui, semble avoir l'initiative et la maitrise de la parole. Il semble seulement, car sans auditeur il n'y a pas d'histoire, ni sans la tradition, le contexte, les personnages, dont l'histoire se fait le vecteur, qu'il s'agisse des Mille et une nuits ou d'une entreprise. Mais ne soyons pas naïfs : la complicité entre le narrateur et son public repose sur un partage d'intentions plus ou moins intéressantes, saines, enrichissantes, avouables, ambigües, dérisoires... toute la misère et toute la richesse du monde est potentiellement offerte aux constructeurs d'histoires. Michel Tournier, dans ses récits, va proposer au lecteur de progresser et grandir dans un labyrinthe de signes qu'il s'agit de déchiffrer, d'élucider, en accompagnant ses personnages dans une découverte initiatique du monde. Les marques vont proposer à leur public de se fondre dans leur monde, dans une temporalité proche de l'éternité. Elles nous y projettent en recouvrant de leur effet de vérité le produit industriel, le système de production et de distribution, les enjeux concurrentiels et financiers qui autrement s'imposeraient dans toute leur fadeur, et mourraient de leur insignifiance. Les 26

marques ont pour origine la nécessité de raconter des histoires pour faire vivre le système des objets manufacturés, de les sauver au moment où les objets perdent leur sens. Le storytelling produit du sens en même temps que de la réalité, tout type de sens et tout type de réalité. La perspective constructiviste nous amène à exiger de différencier nettement les histoires que nous offrent le monde, les époques, les circonstances, mais surtout, la rencontre entre des acteurs porteurs de désir, de vouloir agir, d'intentionnalité, de réalisation qui vont provoquer « l'enactment » d'une réalité partagée. L'histoire et son impact se produisent à partir d'un décalage, d'un instant de rencontres intersubjectives, qui suspend le réel à la production du sens qui seul, sera à nouveau capable de l'animer. Le récit nous projette hors de la temporalité linéaire des événements subis. Il nous permet d'appartenir à un collectif humain singulier dans lequel le narrateur, individuel ou pluriel, fait corps, grâce à l'histoire, avec celui qui écoute, qui reçoit, et qui n'est aucunement passif dans cette réception.

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L‟ACTUALITÉ DU STORYTELLING C'était arrivé au XXIème Siècle LE W EB TRANSFORMATEUR

Les gens ne lisent plus ; ils n‟écoutent plus non plus. Des histoires ou quoi que ce soit d‟autre. On nous avait prédit l‟avènement d‟une société qui ne ferait que regarder des images, qui peuvent elles aussi raconter des histoires, mais bon ce n‟est pas pareil. Et bien c'était faux.

L'ÉCRITURE WEB Le web a amené un regain d‟écriture, on a redécouvert l‟intérêt d‟écrire, pas seulement des histoires mais aussi des histoires. Écrire oui, mais plus de la même façon. Façon web. C'est-àdire écrire bref (parce que nous perdons 25 % en vitesse lorsque nous lisons à l‟écran), de manière à ce que le texte puisse être balayé du regard, puisque les internautes « scannent » les pages (seuls 16 % lisent tous les mots d‟un texte), et en positionnant les informations importantes en début de texte, pour résumer en commençant par la conclusion. En même temps, il faudra aussi satisfaire tous les types d‟internautes avec le texte : ceux qui ne feront que le survoler, ceux qui le survoleront et y chercheront une synthèse, et ceux qui voudront complètement le décortiquer.

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En quoi cela intéresse le storytelling ? Parce que les histoires du storytelling tel qu'il se pratique aujourd'hui sont beaucoup plus proches de l‟écriture web que de la littérature des romans, qu‟ils soient traditionnels ou contemporains. Le web, c‟est aussi plus d‟histoires, comme jamais. On se souvient de l‟essor du blogging. Et que les blogs n‟étaient à l‟origine que des journaux intimes offerts aux yeux de tous, en tous cas un outil permettant de se raconter. Se raconter, raconter ses histoires. Mark Frauenfelder, co-fondateur de Boing Boing, le blog le plus populaire du monde d'après le classement Technorati raconte : « je garde toujours dans un coin de la tête ce qui se passe de valable dans ma vie quotidienne, pour bloguer dessus ; je poste des photos de choses étranges, de mon jardin, mes poulets, mes œuvres artistiques, celles de mes amis... ; tout ce que je fais dans la vie est de la bonne matière pour le blog, par exemple la façon dont j'ai fait de la choucroute ». Aujourd‟hui, plus grand-chose ne différencie un nombre croissant de blogs des sites web, et la pratique du blogging commence à décliner dans les pays les plus mûrs. Mais d‟autres applications ont pris le relais. Les réseaux sociaux comme LinkedIn par exemple, ne sont pas que des bases de données de CV, mais des lieux de partage, de conversation, en interaction avec le reste de notre activité web. Celle qui raconte des histoires, qui émet des opinions, qui relaie des informations, bref un méli-mélo dans lequel les outils d‟agrégation viennent faire le tri.

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Zoom sur : La web-story du marketing Qu’est-ce qu’une campagne de marketing-communication aujourd’hui ? C’est, de plus en plus, un dispositif qui inclut ce type d’outil… Des web-séries articulées autour d'histoires, par exemple. Voici celle de Jenlain, produit phare bien connu de la Brasserie Duyck. En 12 épisodes, la série raconte l'histoire de 20 personnages qui habitent « Jenlaincroyable village ». Elle est visible sur un site Internet dédié (http://www.jenlaincroyablevillage.com). Il y a Jenlainfirmier, Jenlainderground, Jenlainpératrice... humour, ton décalé et storytelling au rendez-vous. Double-effet : ce sont des salariés de Jenlain qui tiennent la caméra ou sont devant. Pour eux aussi, c'est une jolie petite histoire à vivre. Enfin, parce que ça ne s'invente pas : les films ont été réalisés par la société... La Minute Blonde, au nom très brassicole. Et que faire quand on est la Marine nationale et qu’on enregistre une baisse continue des candidatures et ce depuis plusieurs années ? Ben, du storytelling de recrutement. Le dispositif a été mis au point avec l’agence de pub DDB. Il consiste en deux spots télé. Les films présentent le début d’une mission de la Marine nationale et proposent de poursuivre l’histoire sur le site Internet etremarin.fr. On peut s’y choisir un avatar, et choisir entre plusieurs missions : opérations de déminage, exfiltration d’otages, problème sur les machines du bateau… Plusieurs niveaux de difficulté sont possibles. Alors bien-sûr, c’est de la fiction, mais comment, autrement, faire vivre une expérience sensorielle qui soit la plus complète possible d’un métier très particulier.

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L'ÉCRITURE DE SOI

L'une des histoires les plus racontées sur Internet, c'est celle de sa propre activité, liée à sa propre navigation sur Internet, et le « partage » de ces histoires d'égo. Twitter est caractéristique : on vous demande chaque fois que vous arrivez « What are you doing? » et en trois lignes, il s'agit d'attirer l'attention de vos « followers » (ceux qui suivent votre activité) et de proposer un lien vers un site, un blog, souvent le sien propre. Vous arrivez aussi sur Twitter au travers des outils, maintenant fréquents sur les sites, qui permettent de signaler une page que vous trouvez intéressante, et d'y ajouter un petit commentaire. L'histoire sous-jacente, c'est peut-être bien celle-ci : le pratiquant des réseaux sociaux a quelque chose à vendre, et d'abord lui-même, une identité qui se construit au travers d'une ribambelle de mini-histoires. A lire toujours sous forme de rétro-chronologie, et accessible à tout le monde sur Twitter :   

« Plus d'une heure et 8 numéros différents plus tard, je ne parviens toujours pas à parler à qqun chez Air Transat!!! Inadmissible!! Essaie d'organiser une visite éclair en France... agenda contraignant... Pas moyen de joindre Air Transat en urgence!!! Ras le bol!!! Quelqu'un a une idée?? »

Ou encore :

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« Après un super RDV retour sur Paris, Lille est une ville sympathique, j'y reviendrai en touriste Journée Commerciale Emploi des Seniors à Lille Journée 100% commerciale sur l'emploi des seniors ; notre offre répond a la nouvelle réglementation La circulaire émise par le législateur en ligne sur notre blog http://...En week-end, je vais reprendre des forces car semaine prochaine encore plus dense. »

Moins professionnel   







« Doit tuer cette putain de mouche ! Même avec la clim, c'est pas possible ! Argh. Pfff pas envie de dormir. Je reprends « Les racines du mal » de Dantec. Un livre ? sur quoi ? L'empire belge et la belgitude d'un alsacien exilé à Paris ?. Une bonne grippe A après une grosse canicule d'ici Sept et on trouvera un peu plus d'appartements de libres à louer (le mien peut-être :( !) Fin des lapins crétins ? http://bit.ly/p3pl5 Parce que, au fond, d'un point de vue développement durable... ça sert à QUOI ? A rien. Merci ! En toute modestie je suis quand même un cuisinier hors pair. Lapin au vin blanc & champignons, tagliatelles avec fondue de poireaux à l'anis »

Plus promotionnel, en interaction avec un site - blog, concernant des thèmes d'intérêt général, comme le développement durable : 32

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Verdir la salle de bain, un geste à la fois! http://bit.ly/kn8te11:41 PM Aug 18th L’agenda écolo de la rentrée! http://bit.ly/ujs9G7:41 PM Aug 18th Amap: pas assez de producteurs en Ile-de-France pour répondre à la demande http://bit.ly/2VgRbB11:41 PM Aug 17th à visionner: Créateurs de Valeurs - Corinne Gendron: regard sur la crise économique http://bit.ly/rD8V8

Bien sûr, pour qu'il y ait histoire, intérêt à l'histoire, il vaut mieux qu'il y ait des émotions. Les « chats » (messageries instantanées), les forums, les blogs, les réseaux sociaux sont des nids à émotion. Certes, de l'émotion souvent réduite aux « émoticônes »

Six « humeurs » : furieux, triste, ennuyé, excité, intrigué, amusé, suffisent aux lecteurs de la chaîne anglaise NBC, http://www.nbc.com pour « taguer » les contenus consultés. "Une façon de capter le pouls de la ville en temps réel" nous dit-on. Sondage émotionnel permanent ; mise en avant de ce qui est le plus émotionnellement consulté. Susciter l'émotion devient un enjeu majeur de ces récits, et le récit du Web un vecteur privilégié de l'émotion.

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Zoom sur : Les histoires-chantages En plein été, après les salariés de New Fabris dans la Vienne, ce sont les salariés de la Serta qui menacent de verser des polluants dans la Seine. Et c'est jusqu'à la haine que se développe l'émotion : « C'est un monstrueux gâchis et les salariés entendent bien le faire payer aux gens qui en sont responsables », explique le délégué CFDT de Serta dans Le Monde du 20 Août 2009. Chacun peut donc se poser en créateur et pourvoyeur d'information-émotion dans le contexte du nouveau média global où web - TV - journaux sont dépendants les uns des autres. La scène sociale devient une sorte de télé-réalité où des salariés victimes de la crise inventent des histoires de chantage. La menace est l'histoire qui ne se réalisera pas, mais qui donne la mesure de l'émotion des acteurs qui veulent produire sur le public une émotion à la mesure de la leur. Il ne s'agit donc pas simplement « d'attirer l'attention de l'opinion » sur leur problème ou de gagner des indemnités plus importantes que celles qui leur reviennent. Les salariés se constituent leur histoire, clôturent leur histoire d'entreprise et de salarié. Leur histoire est celle de la fin de leur entreprise, de leur activité, parfois d'une vie de travail, et en même temps ils se constituent leur public, qu'ils entraînent dans le bain émotionnel qui convient. Toute histoire a une fin, et celle-ci est forte, largement partagée, les plus hauts gouvernants du pays y participent, et félicitent les maîtres-chanteurs pour leur sérieux : la fin de l'histoire n'est pas l'exécution du chantage ! Un sociologue nous dira-t-il un jour si ces récits ont permis aux salariés de mieux faire leur deuil ? De rebondir ?

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LE STORY-JOURNALISME Une histoire, en anglais c‟est une « story ». Une « story » c‟est aussi un article de journal. Le mot article en tant que tel n‟est pas très utilisé dans le monde anglo-saxon. Cela voudrait-il dire qu‟en France, le journalisme est fondé sur autre chose que des histoires, des faits qui oscillent entre l‟objectif et le subjectif ? Zoom sur : Une histoire Au cœur de l’été 2009, un ministre se rend dans un supermarché, suivi d’une noria de journalistes. C’est qu’arrive la rentrée, la crise bat encore son plein, les citoyens sont inquiets. C’est un lundi. Pas forcément le bon jour pour trouver la ménagère de moins de 50 ans type à interviewer dans le magasin. Fort heureusement, ce jour-là, il y a de bonnes cibles d’interview, plusieurs mêmes, et au rayon des fournitures scolaires en plus. Et encore mieux : elles connaissent les nouvelles mesures gouvernementales pour la rentrée. Cela met la puce à l’oreille aux journalistes, qui rechignent à entrer dans le jeu. Deux jours plus tard, le journal Libération révèle l’étrange comportement préalable et postérieur à la visite ministérielle. Visiblement, il s’agissait de vraies-fausses clientes, venues sur commande. Peu importe qui est à l’origine de ce coup monté, mais, si la presse n’a pas raconté l’histoire qu’on souhaitait qu’elle diffuse, elle en a raconté une autre, celle de la supercherie avortée. Avec des faits, de l’objectif, du subjectif, et au bout du compte, une histoire.

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Tout vient à se confondre : la place du journaliste, du politique, de l'expert, de l'internaute, celle de l'événement, de ses acteurs, de ses observateurs. Et le web, puisque chacun y est en permanence à la fois producteur et consommateur d'informations dans une temporalité élastique, constitue l'espace idéal pour brouiller les rôles, multiplier les pistes, créer en permanence du non événement et le raconter. La frontière du professionnalisme est toujours mise en avant par ceux qui refusent par exemple le journalisme « collaboratif » ou « citoyen », et expliquent que leur rôle est de vérifier, trier, éditer l'information, ce que ne font pas les simples citoyens. Oui mais voilà, d'une part ce ne sont pas les journalistes professionnels qui sont toujours les plus lus, et la presse est en crise, sur le plan économique, mais aussi stratégique, déontologique, culturel. L'univers du storytelling d'actualité devient donc chaotique, indéterminé et foisonnant. Mais ce n'est peut-être pas seulement parce que chacun peut devenir "storyteller" dans l'univers de l'immatériel. C'est que chacun, aussi, a soif d'histoires, d'histoires faciles, et les histoires people font plus que jamais flores. Bruits, scandales, sensationnel, indignations, émotions, font le quotidien raconté aux uns par les autres et à chacun par tous. Mais le storytelling n'y retrouve pas forcément ses marques de fabrique : la recomposition d'éléments dispersés pour en faire une cohérence grâce au récit et pour porter des messages plus ou moins implicites. Certes, l'histoire peut se subsumer dans un simple énoncé répété pour amplification. Exemple : le micro-blogging à propos de la lipothymie du Président en cet été 2009. « Les réactions spontanées ont 36

fusé sur le site de micro-blogging. Intéressant de constater l'absence totale de politiquement correct, et la fin des pincettes prises pour s'exprimer (pourtant publiquement) sur un sujet qui mériterait tout de même un peu de précaution », nous dit Luc Mandret sur son blog (de blogueur, de journaliste ?). Il observe aussi que la classe politique, et les porte-paroles officiels en profitent pour construire des histoires permettant de faire passer des messages : pour le Président Nicolas Sarkozy, « L'image du surhomme, certes touché mais jamais coulé, mais avant tout l'image du surhomme en message subliminal ».

On peut donc distinguer ce qui relève strictement du storytelling, et ce qui n'est, à l'occasion d'un événement, que répétition et amplification effrénée. Seules les histoires qui portent un message sont vraiment dignes d'attention et restent dans la mémoire ou dans l'inconscient collectif. Le point commun reste l'émotion. Mais il y a là aussi un point discriminant : le storytelling, bien évidemment, est à la fois producteur et produit de l'émotionnel, mais il n'est pas 37

déconnecté du rationnel. Bien au contraire, il se construit sur la double dialectique de l'émotionnel - rationnel et de l'explicite - implicite. Le bon récit, celui qui fonctionne, articule du rationnel implicite, parfois manipulateur mais pas toujours, de l'émotionnel explicite qu'il s'agit de canaliser, du rationnel que l'histoire organise mais rend attractif, et de l'émotionnel qu'il vient susciter pour rendre attractive une réalité qui se présentait peut-être de manière bien banale, ou compliquée, ou tout simplement hors du champ de notre rationalité quotidienne.

LE STORYTELLING N‟EST PAS…

… TORI SPELLING

L‟un des grands succès de librairie de l‟année 2008 aux EtatsUnis, sur la liste des Best Sellers du New York Times dès sa sortie, est un livre dont le titre est « sTORItelling ». Son auteur est Tori Spelling, aussi connue sous le nom de Donna Martin lorsqu‟elle jouait dans la série culte des années 90 : Beverly Hills, 90210. La dernière photo que j‟ai vue de Tori Spelling la montrait affichant un visage glamour s‟ouvrant sur une robe échancrée laissant plus que deviner une poitrine opulente. Rien à redire à 38

cela, ni à la série Beverly Hills, ni à la carrière de l‟actrice (plusieurs fois récompensée pour les rôles qu‟elle a joués) mais les photos racontent aussi une histoire. Et malgré le titre de son livre, ce n‟est pas celle du storytelling. Utiliser les histoires dans le monde des entreprises, ce n‟est pas jouer un jeu d‟acteur. Pas forcément de glamour, ni de nécessité de plaire. Ce n‟est pas un show. Ce n‟est pas non plus de la télé-réalité telle qu'on peut la voir sur nos écrans, l‟objectif n‟est pas de se donner en spectacle, de faire de l‟audience et d‟assurer sa notoriété. Faire parler de soi n‟a pas d‟utilité. Pour la petite histoire : en 2007, Tori Spelling est devenue ministre du culte, pour pouvoir marier un couple homosexuel… et diffuser l‟enregistrement de la cérémonie dans l‟émission de télé-réalité qu‟elle anime avec son mari. Encore une fois, rien de répréhensible, mais ces histoires-là n‟ont aucun intérêt en entreprise.

… UNE TENDANCE Du moins pas une tendance émergente telle que l‟a identifiée pour 2009 et sans doute aussi les années à venir, l‟un des grands instituts d‟études français. En apparence, c‟est pourtant une bonne nouvelle. Pas quand on regarde la définition qu‟il en donne : « occulter la crise, les marques inventent une autre réalité, fascination 39

pour les histoires de people et l’interactivité ludique, se divertir… » Prenez l‟inverse de cette description, et vous aurez ce qu‟est vraiment le storytelling. Ne pas occulter mais comprendre la crise grâce aux histoires, voire même imaginer des scénarios crédibles d‟après-crise, permettre à l‟auditeur de se créer sa propre réalité à partir de celle, authentique, que la marque lui présente. Une histoire n‟a pas besoin non plus de people, elle a besoin de leaders et de héros qui ont du contenu. L‟interactivité oui, mais pas pour amuser : pour donner une dimension collective à l‟histoire. Mais alors…

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2. QU’EST-CE QU’UNE HISTOIRE ? C'est toute une histoire LA DIVERSITÉ DES HISTOIRES

Tahité ! Tahité ! Kamahu ! Hu !!! C‟est une histoire, du moins le début d‟une histoire. Celle de Te Rauparaha, guerrier maori, chef de tribu, suffisamment important pour qu‟on le surnomme « le Napoléon du Pacifique ». Ringa Pakia… L‟histoire se poursuit : pourchassé par une tribu ennemie, Te Rauparaha demande asile à une autre tribu, qui accepte qu‟il se cache au milieu de sa réserve de patates douces. Certain d‟être découvert, il commence à 41

chuchoter « C‟est la mort ». Mais ses ennemis passeront sans le voir, et Te Rauparaha peut s‟écrier : « C‟est la vie… Voici l‟homme poilu (en référence au chef de tribu qui l‟avait caché) qui est allé chercher le soleil et l‟a fait briller de nouveau… » Cette histoire vraie, les rugbymen néo-zélandais la racontent presque à chaque match qu‟ils disputent, car il s‟agit là du célèbre Haka Kamaté. Elle est aussi racontée en entreprise, associée au Haka. Encore une : 700 passagers, très heureux, accostèrent à New York au terme du voyage inaugural du Titanic… C‟est aussi une histoire, courte mais qui en dit long, souvent racontée par l‟un des pionniers du storytelling, Steve Denning, lors des séminaires qu‟il organise. Steve Denning encore : En disgrâce à la Banque mondiale, qui l‟employait comme directeur de région avant de le nommer directeur de l‟information (du point de vue de l‟importance du poste à cette époque à la Banque mondiale, c‟était un peu comme s‟il avait été nommé responsable de la cafétéria), Steve Denning s‟était dit qu‟il lui fallait faire quelque chose pour ne pas exploser de l‟intérieur ! L‟idée qui lui vint : proposer que la Banque mondiale se transforme en banque de connaissances, plutôt que de se cantonner sur le terrain financier, fortement concurrentiel. Après tout, son expertise très fine et de proximité, des réalités des pays en développement, était unique en son genre. Argumentaires, notes, présentations Powerpoint, conférences, réunions, dossiers dans le journal interne, groupes de travail… Il essaya tout ce qu‟il put pour faire passer ses idées, en vain. En 42

désespoir de cause, il finit par raconter cette histoire, qu‟il venait d‟entendre au détour d‟un couloir : Un employé des services de santé du fin fond de la Zambie, à la recherche d‟informations sur le traitement de la malaria, avait trouvé ce qu‟il cherchait sur le site Internet du centre national des maladies infectieuses des États-Unis. La Banque mondiale avait ces informations, peut-être même plus, et en tout cas plus spécifiques à la Zambie… Mais cette information n‟était pas accessible. Steve Denning questionna alors… Pensez à toutes les connaissances que nous avons sur les problématiques du monde. Que se passerait-il si toute cette masse de connaissances était accessible aux personnes qui en ont besoin ? Songez à ce que nous pourrions devenir si c‟était le cas… Une révolution était enclenchée. C‟était encore une histoire, et même deux, car la disgrâce de Denning et l‟histoire de la Zambie peuvent être scindées, pour porter chacune un message spécifique. Une dernière : « Imprévisible, étonnante, riche, fragile. L‟économie est passionnante. » C‟est une publicité pour le quotidien Les Échos. C‟est aussi une histoire, ou plutôt un déclencheur d‟histoires, car la simple lecture de chacun de ces adjectifs déclenche en nous toute une flopée de souvenirs d‟histoires correspondantes. Aucune histoire ne ressemble vraiment à une autre, et c‟est ce qui fait leur force.

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LES DÉFINITIONS ET TYPES D‟HISTOIRES

HISTOIRES TRADITIONNELLES VS. STORYTELLING ORGANISATIONNEL L‟histoire classique, c‟est celle qui revêt la forme du conte de fées, très codifiée. Le conte de fées comprend un contexte, qui amorce la relation qui s‟établit avec l‟auditoire et met le message de l‟histoire sur les rails (en se gardant bien de le révéler, sinon l‟histoire est déjà finie). Dans les contes de fées européens, c‟est une règle de trois qui opère, c'est-à-dire que trois éléments de contexte, anecdotes vont se succéder, montant en intensité, de plus en plus poignants. On pourra retrouver cette règle à l„œuvre dans les différentes parties de l‟histoire. Tout comme on retrouvera 44

une règle de deux dans les contes japonais, ou de quatre dans leurs homologues indiens. Dans le conte de fées, arrive ensuite ce qu‟on appelle en anglais le « turning point », un incident, un problème, en tout cas un événement déclencheur de l‟histoire, qui la fait basculer du contexte au message, à l‟action. Le message n‟est pas pour autant révélé de manière formelle, il est sous-jacent, il transparaît. Il sera lié à une espèce de morale de l‟histoire qui ne sera pas une révélation pour l‟auditoire mais fera sens. Il faudra bien-sûr également des complications, des difficultés, des challenges, pour donner du ressort à l‟histoire. Ils interviendront évidemment alors que l‟on entrevoyait la fin heureuse de l‟histoire, en venant encore une fois rappeler le message. Ce n‟est que reculer pour mieux sauter, car la résolution finale vient ensuite : happy end la plupart du temps. Ces histoires-là et les histoires telles que les imaginaient Aristote, avec un début, un milieu et une fin n‟ont pas cours dans le storytelling qui se pratique en entreprise. Sauf pour des objectifs très spécifiques. Les histoires n‟ont pas vraiment de fin, peuvent se passer de début pour commencer au milieu. Elles peuvent aussi se référer à d‟autres histoires, établir des liens avec elles, un peu comme un réseau sur le web. Chaque auditeur va également essayer de trouver ses propres débuts, milieux et fins d‟histoire, tous différents. Les « nouvelles histoires » peuvent aujourd‟hui comporter plusieurs intrigues croisées qui s‟enchevêtrent, et en étant chacune porteuses de plusieurs messages, plusieurs sens à la fois. Elles peuvent aussi s‟exprimer à plusieurs voix (avec plusieurs auteurs-contributeurs) et se raconter en utilisant plusieurs canaux simultanément (le rich media appliqué au 45

storytelling). Elles sont également beaucoup plus fluides que leurs ancêtres, parce que très souvent plus courtes, voire lapidaires et inachevées. On peut même avoir affaire à des fragments, morceaux d‟histoires, non-linéaires, parfois incohérents. Parfois sans intrigue. Le chercheur américain David M. Boje les appelle « antenarrative », des pré-histoires, des paris sur l‟avenir : peutêtre ces fragments pourront-ils se transformer en véritables histoires, utilisables en entreprise. A ne pas jeter tout de suite, donc. Beaucoup d‟histoires sont racontées dans une entreprise. La plupart sont éphémères, à peine racontées déjà oubliées. Certaines vont perdurer, être racontées à nouveau, répétées à d‟autres et ce sont les plus intéressantes à analyser et/ou utiliser.

HISTOIRES VS. FAITS

Une histoire, ce n‟est pas non plus des faits, du moins pas seulement : un CV est un amalgame de faits souvent intéressants mais n‟est pas une histoire. Vu sous l‟angle des faits, les sushis peuvent se définir par différents mots qui sont autant de faits « poisson, froid, cru, bon ». Quel est l‟effet de cette définition… crue, comparé à celui de raconter l‟expérience sensorielle, sensuelle associée au fait de manger des sushis ? L‟expérience racontée fait l‟histoire. Pour paraphraser le consultant en storytelling australien Shawn 46

Callahan : dire « le roi mourut et la reine pleura » est un état de faits ; dire « le roi mourut et la reine pleura, le cœur brisé », c‟est raconter une histoire, déjà. Il y a quelque chose en plus qui s‟appelle l‟émotion.

VIGNETTES, HISTOIRES

ANECDOTES,

EXEMPLES...

ET

Il y a, bien-sûr, L'histoire, et puis aussi des formes plus modestes, fragmentaires donc. La vignette est sans aucun doute la plus simple de toutes. Son nom renvoie aux « imagettes » distribuées autrefois comme autant de bons points aux écoliers. Et il y a de cela dans une vignette narrative : c'est tout simplement une péripétie, une scène, qui est racontée un peu comme on le ferait avec un passage particulièrement émouvant, fort de sens, d'un film, d'un roman ou d'une pièce de théâtre. C'est déjà une forme d'histoire. Puisqu'on en est à parler cinéma, un scénario est lui aussi une forme narrative qui appartient au registre des histoires. Transposé dans le domaine managérial, organisationnel, on peut le définir comme une suite d'événements possibles, imaginés. Une bonne part des projets qui noircissent notes et dossiers au sein des organisations sont donc, d'une certaine façon, tout simplement des histoires. Une anecdote, elle, est une histoire qui se caractérise par sa brièveté, version condensée de L'histoire. 47

Une nouvelle sera également une histoire : elle fait le récit d'événements, en débutant par la conclusion, à la manière d'un épisode de l'Inspecteur Columbo, et en organisant son premier paragraphe en suivant l'architecture bien connue du Qui, quoi, où, quand, comment et pourquoi. Les paragraphes suivants apportent des développements, des détails complémentaires. Une étude de cas est-elle également une histoire ? Oui, une forme particulière mais pertinente. Ce type d'histoire se construit le plus souvent sous la forme suivante : le contexte et le problème posé, la solution, le résultat et le feedback analytique. Et c'est généralement lorsque l'on est en train de concevoir une histoire dans un contexte spécifique que l'on va se servir d'une étude de cas qui s'est déjà produit par le passé dans un contexte similaire ou proche.

D'autres formes de discours sont souvent prises, à tort, pour des histoires. Pas plus qu'un CV, un profil, par exemple sur un réseau social, n'est une histoire, et pour les mêmes raisons. Un témoignage non plus : aussi tentant que cela puisse être, des témoignages clients ne sont pas vraiment des histoires. Il s'agit bien davantage de « lettres de recommandation », qui expriment des opinions, des appréciations, sous la forme d'attestations. Or dans une histoire, ce sont les événements racontés qui doivent avoir la primeur. La frontière est parfois ténue, et c'est ce qui fait toute la difficulté... Dans la même veine, un exemple, du fait de son utilisation majoritaire en 48

appui d'une théorie, d'une opinion, ou pour parler... d'une histoire (que l'on ne racontera pas...), n'est pas une histoire non plus ! Idem pour la plupart des accroches publicitaires... Témoignages, accroches, exemples : si ces techniques appartenaient à la boîte d'outils du storytelling, nul besoin d'écrire ce livre ; elles sont connues et pratiquées depuis des lustres !

La différence entre une accroche publicitaire traditionnelle et une accroche publicitaire marquée du sceau du storytelling tient parfois à peu de choses. Google Business Apps, l'offre Google destinée aux entreprises, a lancé à l'automne 2009 une campagne dont l'une des accroches était : « Il paraît que Rentokil Initial est passé à Google ». Sans en avoir trop l'air : une histoire, suggérée à défaut d'être franchement racontée. Le « Il paraît » et le « est passé à » apportent une part d'incertitude qui fait la richesse d'une histoire. Remplacez « Il paraît » par « Rentokil est » et « est passé à » par « est chez », et ce n'en est plus une.

Petit conseil : il est bien plus avantageux de laisser une histoire « sortir » de soi, en laissant une spontanéité source d'authenticité faire son effet, et vérifier ensuite son statut d'histoire, plutôt que de prendre les différentes architectures d'histoires possibles comme des modes d'emploi. Concevoir une histoire comme un formulaire dont les cases sont à remplir donne rarement de bons résultats.

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QUELS TYPES D‟HISTOIRES STORYTELLING CONTEMPORAIN ?

POUR

LE

Des histoires, de tous les jours LE CONTE DE FÉES ALLÉGÉ La base du conte de fées n‟est pas forcément à jeter aux orties. On peut en retenir une forme plus légère, plus souple, plus adaptée, plus ou moins dépouillée. Par exemple : une architecture comprenant des personnages, un contexte-décor, le problème qui déclenche l‟histoire, des événements, et la façon dont le problème est résolu. Ou encore, un peu plus structurée : la scène, localisée dans l‟espace et le temps, le lieu précis où l‟action va se passer, les personnages, le challenge, l‟action et la résolution du problème accompagnée de la leçon tirée de l‟expérience narrée par l‟histoire… Un cadre opératoire de ce type est rigide mais cela peut être rassurant quand on n‟est pas trop sûr de soi. Mais ce n‟est pas l‟idéal. Il est d'ailleurs assez facile pour une histoire issue du monde de l'entreprise de devenir un quasi conte de fées. Petit test :

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Une série de narrations d'histoires sous forme de téléphone arabe transformera déjà l'histoire initiale. Rien que de très classique. Pas de quoi métamorphoser forcément l'histoire en conte de fées. Si on ajoute ensuite au processus un critère de transposition de l'histoire dans le temps (et si cette histoire se passait il y un millier d'années), l'espace (en Afrique et non en France) ou de changement de point de vue (l'histoire vue par un autre personnage que le personnage central)... L'auteur de l'histoire initiale lui trouvera sans aucun doute de grosses allures de conte de fées !

ENCORE PLUS LÉGER…

EN TROIS PARTIES… Steve Denning voit seulement trois parties dans une histoire : 1 Le héros situé dans l‟espace et le temps 2 Le héros a un problème 3 Le problème est finalement résolu Une structure très simple, très moderne et qui pourtant, tire son origine dans le théâtre de Shakespeare. Car, si Denning appelle cela une structure en trois actes, c‟est parce qu‟il prend exemple sur Hamlet : 1 Des plaintes, des gémissements

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2 Etre ou ne pas être 3 Je suis mort… Ou encore une autre architecture en trois points, signée par le consultant canadien Edward Wachtman : Le message (ce que l‟auditeur doit savoir), la signification (les sentiments et croyances personnels, l‟émotion), le mythe (du héros). EN QUATRE… Un composant de plus pour le consultant américain Robert Dickman : Dickman part de la conception du monde du philosophe grec Empédoclès, composé de quatre éléments basiques, le feu, l‟air, la terre et l‟eau. Il l‟adapte aux histoires : 1 La passion L‟émotion, qui correspond au feu. Elle attire l‟attention de l‟auditoire et le fait pénétrer dans l‟histoire. 2 Le héros La terre, dans l‟univers d‟Empédoclès. Il ancre l‟histoire dans la réalité, celle de l‟auditoire. Ce n‟est pas un super héros, du moins pas forcément, mais il donne un point de référence aux auditeurs. Il est le garant de l‟action dans l‟histoire. 3 L‟antagoniste

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Les problèmes sont comme l‟air. Ils insufflent de la vie dans l‟histoire. Un antagoniste crée une atmosphère, cristallise les faits dont il est question dans l‟histoire, et oriente l‟action du héros. 4 La transformation La vie du héros change, ainsi que le monde autour de lui. Et l‟auditoire. C‟est l‟eau d‟Empédoclès. Et autant de composants, cependant différents, pour Edward Wachtman, à nouveau : 1 L‟intrigue Que se passe-t-il, que va-t-il se passer et pourquoi… 2 Les thèmes de l‟histoire Avec à la clé, un plus en terme de contexte émotionnel, en appui de l‟intrigue 3 Les tensions Les conflits qui doivent être résolus 4 Le symbolisme L‟utilisation d‟une image (métaphore) pour symboliser le message Ce ne sont pas là des recettes toutes faites, ni l‟œuvre de grands gourous détenteurs de la sagesse suprême, mais quelques approches personnelles parmi d‟autres : elles peuvent être reprises telles quelles, ou adaptées, transformées… Car au final, ce qui importe ce n‟est pas de 53

savoir quelle est l‟architecture interne des histoires, mais de pouvoir distinguer des histoires qui naîtraient en nous de quelque chose qui leur ressembleraient sans en être.

Zoom sur : Du rififi dans les pizzas

C’est une histoire conflictuelle, sinon où serait l’histoire… Le storytelling a besoin de ressort pour s’élever. Les deux acteurs - protagonistes sont les chaînes de restauration Domino (bien connue dans l’hexagone) et Subway (l’un des leaders US du fast-food, en phase d’implantation active en France). Acte 1 : Domino fait une pub - test de dégustation qui plébiscite ses produits, du moins qui les place devant ceux de Subway

Acte 2 : Les patrons de Subway envoient une mise en demeure à leurs homologues de Domino pour qu’ils stoppent cette campagne Acte 3 : Domino produit un nouveau spot pub télé, dans lequel on voit le grand patron de la firme brûler la lettre de mise en demeure de son concurrent dans un four à pizza !

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DES CATÉGORIES ET DES HISTOIRES

Annette Simmons, président de Group Process Consulting, distingue six catégories d‟histoires : -

Les histoires « qui suis-je ? »

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Les histoires « pourquoi suis-je là ? »

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Les histoires formatrices

-

Les histoires « vision »

-

Les histoires qui illustrent des valeurs en pleine action

-

Les histoires « je sais ce que vous pensez… »

Également intéressante, l‟approche du consultant australien Shawn Callahan, qui voit les choses encore plus simplement :

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- les histoires que l'on raconte pour se faire comprendre (persuasion et émotion comme duo gagnant) - les histoires que l'on écoute pour comprendre les autres et apprendre (un aspect plus analytique) - les histoires générées et modifiées par notre comportement (une histoire n'est pas seulement verbale). On peut ajouter et reconfigurer cette liste avec d‟autres catégories : les histoires sur autrui, sur le travail, de lien social, les histoires du passé, les histoires sur la vie, les signes (architecturaux, d‟image…) qui racontent des histoires…

DES HISTOIRES AVEC ET SANS TEXTE

UNE HISTOIRE EN UN MOT…

Peu importe le mot et le nombre de lettres que vous utilisez, pourvu que ce soit vraiment un mot : c'est à dire sans utiliser la touche espace. L‟application web Adocu a baptisé cette nouveauté le nano-blogging. C'est un sacré challenge : l'histoire que vous voulez raconter doit être à la fois compacte et facile à comprendre par les auditeurs. Mais avec de l'entraînement et en ciblant un auditoire sélectionné de manière suffisamment fine, cela devrait être possible.

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Encore que, tout dépend de l'objectif... et de la place que vous entendez donner à l'auditoire dans la construction de l'histoire. Une histoire tremplin, qui doit amener l'auditeur à faire un bond en avant, ou une histoire dans laquelle l'appropriation est importante et un haut niveau de précision est inadéquat (c'est le cas par exemple des histoires dans lesquelles on essaie d'imaginer le futur) sont particulièrement adaptées à l'usage d'Adocu. Un autre exemple : un mot peut effectivement raconter une histoire. Le mot Grenelle par exemple. De quoi s‟agit-il ? Un Grenelle est un débat, souvent conflictuel, sur un thème spécifique, en vue d‟une prise de décision ou au minimum de position. Le mot Grenelle, lui, tire son origine du nom d‟une commune annexée à la ville de Paris en 1860 et la rue de Grenelle serait l‟ancienne route qui y menait. Et était, en 1968, le siège du ministère du Travail. Vu comme cela, un Grenelle est quelque chose d‟éminemment positif. Il faut cependant remonter à 1968 pour en avoir une vision plus exacte. Les fameux accords de la rue de Grenelle n‟ont en fait jamais été signés et ont été rejetés par la base, qui a poursuivi grève et démonstrations de force. C‟est en fait la dissolution de l‟Assemblée nationale par le général de Gaulle et le triomphe de ses partisans aux élections qui mettront fin à la crise. L‟usage actuel du mot serait donc erroné par rapport à sa signification historique ? Ou est-il au contraire bien trop fidèle ? Est-ce le lieu où un panel d‟experts se réunit pour parler et prendre des décisions sans que le public ait forcément son mot à dire ? Selon, l‟histoire n‟a pas le même 57

sens. Mais tout part d‟un simple mot, qui, à lui tout seul, raconte une et même deux histoires différentes.

Zoom sur : L’expérience de l’histoire en un mot L’exercice se pratique en groupe. A partir d’un document des plus austères (typiquement, une charte d’entreprise, ou n’importe quel autre document corporate), invitez les participants à faire une sélection de mots, et à écrire chacun d’entre eux sur de petits bouts de papier mis en commun. Formez de petits groupes, qui piochent un nombre déterminé de mots, en les remettant immédiatement dans la pile. Chaque groupe est chargé de trouver des histoires vécues dans l’entreprise illustrant les mots piochés. Le travail en groupe permet une confrontation d’expériences elle-même déclencheuse d’histoires additionnelles. Le partage des histoires entre les différents groupes permettra ensuite de croiser les expériences et ouvre des opportunités pour une exploitation plus approfondie.

HISTOIRES SANS MOTS…

Comment une histoire peut-elle se passer de mots ?

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C‟est ce qu‟on peut appeler l‟effet bombardier furtif : il est invisible et spectaculaire à la fois, deux adjectifs d‟ordinaire antinomiques. Comment ? Peut-être bien avec une histoire en photos : Cela se passe sur le site de partage de photos online Flickr. Le groupe « 365days » propose tout simplement à ses membres de raconter leur histoire, sur toute l'année 2009, au rythme d'une photo, un autoportrait par jour. Le groupe se trouve basé à l‟adresse suivante : http://flickr.com/groups/79112418@N00/ et accepte toujours de nouveaux membres. Voilà en tout une expérience qui, pour peu que les photos soient vraiment représentatives d'une expérience de vie vécue chaque jour, pourra constituer une véritable histoire à la fin de l'année, avec toutes ses composantes essentielles. Ici, le procédé est utilisé dans le cadre d'une initiative privée, personnelle, mais on peut tout à fait imaginer une transposition au monde de l'entreprise : pourquoi pas pour raconter l'histoire d'un projet, de manière autrement plus intéressante pour les auditeurs qu'avec un classique Powerpoint ou un discours rasoir remerciant tout le monde pour sa contribution. Un récit sans mots peut également être une histoire dont la puissance s‟exerce sans même qu‟il soit nécessaire de la raconter. Et plus encore : sans que l‟auditeur n‟ait besoin de connaître réellement l‟histoire.

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Un exemple : dans une entreprise dans laquelle je travaillais, un collègue ne cessait de dire, à chaque fois qu‟un conflit surgissait avec un autre collègue visiblement de mauvaise foi, « parle au vilain, il te crache dans la main ». Cela faisait assurément référence à des événements du passé qu‟il avait vécus et dont il avait résumé le message par cette phrase. Il ne m‟a jamais raconté cette fameuse histoire, mais cette petite maxime m‟a suivi, depuis. Elle revient dans ma tête à chaque fois que je suis confronté à un interlocuteur douteux. Ce pouvoir d‟une histoire même pas racontée illustre bien la puissance du storytelling.

EN NUAGE DE MOTS…

Que diriez-vous de copier-coller un texte, une histoire disons, dans une application web qui piocherait des mots de ce texte pour les assembler, sous la forme d‟un nuage de mots, façon tag cloud. Cette application s‟appelle Wordle (wordle.net) et cet assemblage de mots multiplie des perspectives et points de vue, suffisamment pour autoriser la formation de nouvelles histoires à partir du même fonds que l‟histoire initiale.

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DES HISTOIRES EN POWERPOINT… On présente souvent les histoires comme l'antithèse de la présentation Powerpoint. Côté efficacité, c'est indéniable sauf si... la présentation ne se contente pas de présenter des faits et des statistiques, mais prend la forme d'une histoire, et plus encore si elle lui adjoint une narration adéquate. En voici un exemple (un des lauréats du prix de la meilleure présentation, décerné par le site de partage des présentations : Slideshare) ; l'histoire est évidente, la narration facile à extrapoler : C‟est de la crise politique au Zimbabwe dont il s‟agit : http://www.slideshare.net/DanHrstich/zimbabwe-incrisis?type=powerpoint

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En voici une autre, d‟histoire Powerpoint qui, clin d‟œil, porte sur le storytelling http://www.slideshare.net/ethos3/storytelling101?type=powerpoint

Zoom sur :

La volonté ne suffit pas à créer une histoire L’histoire du foot français, c'est ce qu’Adidas voulait inviter à écrire. Comment ?

En demandant au public d’encourager les espoirs du foot français -Benzema, Gourcuff et consorts, affichage publicitaire et spots TV en support, les jours des matches de qualification. Alors c’est cela ? Être supporter de l’équipe de France suffirait pour participer à la naissance d’une histoire ? C’est donner bien peu d’importance aux histoires, en leur appliquant un principe d’implication minimale. Il y avait moyen de faire mieux, de faire entrer les fans dans l’histoire. Et autrement plus fortement qu’en organisant un casting pour fans comme l’a fait Adidas en complément de sa campagne : un jury de footballeurs célèbres a désigné le fan le plus talentueux, qui a gagné un parrainage de son club par un ambassadeur Adidas.

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HISTOIRES TREMPLIN

Une histoire qui n‟est pas seulement un exemple, et même pas un exemple à suivre mais dont on s‟inspire. Oui : une histoire qui déclenche la naissance d‟une autre histoire, un déclic constructif ; voilà la reine des histoires, l‟histoire tremplin. Elle est particulièrement adaptée management du changement.

aux

situations

de

Steve Denning lui a consacré tout un livre : The Springboard. Comment souvent dans le storytelling, tout commence par une série de questions, que l‟on pose ou que l‟on se pose. Il s‟agit tout d'abord de mettre au clair la tâche que l‟on entreprend : quel changement est sensé être déclenché par l‟histoire ?

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Peut-on trouver des précédents, dans l‟histoire de l‟entreprise, ou dans son environnement, dans lesquels ce changement a été en jeu ? Un travail de rassemblement des occurrences de cette expérience peut être réalisé : un peu comme un réalisateur ou un scénariste de film qui, pour préparer une scène, fait une recherche basée sur des documents, des interviews… La re-construction de l‟histoire peut ensuite débuter, selon l‟architecture choisie (plusieurs modèles sont proposés dans ce livre), mais avec quelques règles : il doit s‟agir d‟une histoire vraie (les fictions ne sont pas à condamner et peuvent être valables, mais pas pour cet usage), positive (avec donc une happy-end), avec très peu de détails, et un personnage unique, d'une histoire qui fait bien comprendre aux auditeurs ce qui se serait passé si le changement en question n‟avait pas été appréhendé. Une passerelle doit également être établie avec l‟objectif présent. Cela ne vous rappelle rien ? Relisez l‟histoire que Steve Denning a racontée sur la Zambie lorsqu‟il travaillait à la Banque mondiale… J‟en ai une autre, qui aurait pu, aurait dû être une histoire tremplin...

Zoom sur : Une occasion manquée

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C'était en 1996. L'un de mes premiers emplois, dans une entreprise passé un temps dans le giron d'Alcan Packaging. Je ne connaissais rien au storytelling à l'époque, le mot même m'était inconnu. L'entreprise était (et est toujours) dans une mauvaise passe. Le traditionnel indicateur du CA/salarié était beaucoup trop bas. La productivité, les achats d'usines asiatiques par le groupe... Rien que du mauvais. Un projet d'entreprise a donc été lancé -un team Total productive maintenance (TPM) + 5S-. Et a échoué. En fait, au cours des années précédentes, l'entreprise avait essayé toutes sortes de techniques -kanban etc-, du moins avait commencé à les appliquer sans jamais aller au bout parce que, m'a-t-on dit, la pression du quotidien était trop forte. Une erreur, mais bon. Donc, cette énième méthode, si tout le monde s'y est mis très poliment, personne n'y a jamais suffisamment cru. Pourtant, il y avait un ingrédient sur le bord de la table, qui aurait pu faire basculer ce projet dans le succès... Une histoire : une vraie bonne histoire, véridique, rare, peut-être même unique au monde (c'est vrai : elle est énorme). Le fondateur de l'entreprise, localisée en Alsace, avait, lors de l'annexion de la région par les nazis pendant la guerre, déménagé usine et employés en France libre, pour ne pas subir le joug des Allemands ; ils n'étaient revenus qu'à la Libération. On imagine le remue-ménage sur les routes ! Et on voit tout de suite ce que les symboles - résistance, audace, détermination...- de cette histoire auraient pu avoir comme effets positifs sur le projet, et le tremplin qu’elle aurait dû constituer.. Pour peu qu'on la raconte... Car, si tous les cadres en charge du projet connaissaient cette histoire par cœur, l'entreprise n'était malheureusement pas « storyable », apte aux histoires, à les raconter comme à les écouter. Dommage pour les 400 salariés qu'elle a perdus depuis.

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LE FAUX DÉBAT FICTIONS - HISTOIRES VRAIES, OBJECTIVITÉ - SUBJECTIVITÉ

FICTIONS VS. HISTOIRES VRAIES

Est-ce que les fictions sont tout aussi légitimes que les histoires vraies ou sont-elles entachées de péché de naissance ? Prenons l‟exemple de fictions complètes : les mythes traditionnels, mais les mythes urbains ou d‟entreprises pourraient tout aussi bien faire l‟affaire. Même s‟ils reposent sur des faits manifestement inexacts ou hautement improbables, les mythes peuvent être considérés comme vrais, car la vérité d'une histoire ne provient pas forcément des faits mais de l'équilibre qu'elle recèle, en termes de contenu, de structure et surtout de message et d‟authenticité de ce dernier. Les mythes peuvent ainsi avoir bien plus de véracité que les histoires factuelles. Une très belle métaphore peut illustrer cette conception : « les histoires créées oralement et transmises de générations en générations ont passé l'épreuve du pétrissage de la pâte pour former un bon pain, tout simple, mais que tout le monde trouve délicieux » (merci à Limor Shiponi, consultante en Israël, pour l‟avoir partagée). Le pétrissage transforme l'histoire originelle mais, tout comme le boulanger sait s'arrêter au bon moment, le storyteller fait de même avec ses histoires, pour conserver intact le message de fond. La vérité ne réside ne réside pas 66

dans les faits mais dans le mythe lui-même et ce qu'il transmet. Et les mythes d‟entreprise ? L‟universitaire américain David M. Boje, lui, considère les mythes dans une organisation comme « ce qui permet de maintenir le cadre logique dans lequel on peut attribuer une signification aux activités et événements qui s'y déroulent ». Avec, donc, une part de vérité, et de légende fruit de l'imaginaire au besoin. Imaginaires en partie donc, mais salutaires pour donner des repères qui permettent de garder le cap d‟un fonctionnement rassurant de l‟entreprise. Il plaide pour leur emploi avec une sagesse morale, et ouvert à l'adaptation aux évolutions de l'environnement de l'organisation.

Zoom sur : Comment passer de la fiction à la réalité La marque de brosses à dents Oral-B a fourni un exemple de mix histoire réelle – fiction, en ce sens que la fiction à donné naissance à une histoire réelle ! Oral-B s’est adossée à la série télé « Plus belle la vie », qui fait un tabac sur France 3. 6 millions de téléspectateurs à l’heure du JT, effectivement. Oral-B, donc, a aidé « Plus belle la vie » à recruter les 1000 figurants dont la série avait besoin pour tourner une scène de (sic) « rassemblement pour l’amour et la paix dans le monde » qui, si elle ne restera pas forcément dans les annales des aficionados, vous aura peut-être permis d’apparaître à la télé à une heure de grande écoute.

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Pour cela, il aura fallu aller sur le site plusbellesvosdents.fr, pour publier sa photo tout sourire et obtenir ainsi le pass pour être figurant lors du tournage. Quand la fiction donne naissance à une nouvelle réalité, authentique… Car, si la série est bien une fiction, les figurants ont bel et bien vécu une expérience d’acteur. Et pourquoi pas, des vocations sont peut-être nées, ou se sont évaporées… Trop belle la vie !

HISTOIRES VRAIES Ŕ FICTIONS, OK, MAIS QUE DIRE DU MENSONGE ?

Pour dire vrai, il y a des cas dans lesquels le mensonge et le storytelling peuvent s'accommoder sans aucun problème éthique (nous parlerons plus avant des problèmes éthiques que le storytelling doit prendre en compte). Pas dans l'utilisation managériale, active du storytelling, ou politique, mais dans le cadre de l'analyse d'une communauté, d'une entreprise. Des histoires assurément fausses sur le plan des faits peuvent en effet révéler des vérités beaucoup plus profondes sur une communauté que des histoires vraies. Il y a une communauté de chasseurs au Texas, dont la particularité est de se raconter des bobards en cours de partie de chasse, et dont une des règles d'appartenance à la communauté est de respecter ce principe. C'est, dans ce cadre et paradoxalement, une preuve 68

que vous êtes digne de faire partie de la communauté et qu'elle peut vous faire confiance (notamment pour ce que vous pourrez dire de vrai en dehors des parties de chasse). OBJECTIVITÉ VS. SUBJECTIVITÉ

Bon, passe pour le mensonge. Mais peut-on baser toute notre communication, nos décisions stratégiques sur quelque chose d‟aussi subjectif que des histoires ? Subjectif, vraiment ? Cela se passe en 1978, chez Coca Cola aux Etats-Unis. Le marketing et la publicité avaient du mal à prendre une décision sur le nom du nouveau soda que la firme voulait lancer. Les créatifs de la pub étaient très chauds pour le nom Mello Yello. Le chef de produit finit par leur dire que ce nom ne lui convenait pas du tout, parce qu'il sonnait comme le nom d'une drogue qu'on s'injecte ou qu'on sniffe au coin d'une rue. C'est alors que le chef des créatifs s'écria : « mais que croyezvous donc que le mot Coke signifie ? ». L‟objectivité est-elle donc une clé qui ouvre toutes les portes ? Pour paraphraser la consultante américaine Annette Simmons, je dirai que l'objectivité ne nous fait pas prendre de meilleures décisions, elle ne fait que faciliter les décisions. Et fournit des alibis. 69

Et ne nous leurrons pas : toutes les décisions que nous prenons sont au final subjectives : on aura beau prétendre agir sur la base d‟éléments rationnels, tout ce que nous faisons est basé sur l‟interprétation de ces éléments, dans le sens qui nous arrange le plus. Alors, dans tout ce process, autant utiliser les histoires, qui ont le mérite de l‟efficacité sans hypocrisie. Mieux encore : il s‟agit d‟un outil capable de manier cette subjectivité en la mixant avec une dose de rationalité. Mais le storytelling n‟a jamais prétendu régir le monde, qui plus est rien qu‟avec des émotions : dans un processus de prise de décisions, le storytelling ne fait que donner accès aux émotions qui fait partie de l‟univers de la décision en question, en multipliant les points de vue possibles. C‟est tout, c‟est beaucoup et cela n‟a rien de malfaisant.

http://www.maps.desiredit.com/Storytelling_Master_Map.pdf ou http://www.maps.desiredit.com/storytelling.htm

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LES HISTOIRES : UNE BOÎTE À OUTILS JAMAIS À COURS DE RESSOURCES

UNE BONNE HISTOIRE FINIT TOUJOURS BIEN ? Tout le monde aime les histoires qui se terminent en happyend. Il y a comme un soulagement, une effervescence positive après la tension à connotation plus contrastée qui a accompagné jusque là les péripéties de l‟histoire. Alors, une bonne histoire est une histoire qui finit bien. C‟est ce que, personnellement, je considérais comme une certitude, jusqu'à ce que le consultant américain John Caddell me parle de sa Mistake Bank. Il s‟agit d‟une communauté virtuelle qui ne rassemble que des histoires… d‟échecs, de ratages. Parce que l‟on apprend beaucoup plus de ses échecs que de ses succès. Mais encore faut-il faire quelque chose de ces échecs, apprendre donc : et c‟est sur ce point que doit se clore l‟histoire ; qu‟est-ce que l‟on a fait pour que cette erreur passagère ne se répète pas et ne devienne donc pas une preuve d‟incompétence ? Ou alors, si ce n‟est pas une histoire personnelle, mais un récit emprunté à l‟Histoire ou à autrui : terminer l‟histoire en racontant la toute petite lumière qui s‟est allumée au cœur des ténèbres, sans mettre fin à la catastrophe narrée mais permettant à l‟émetteur de l‟histoire de lancer un « et si, dans 71

pareille situation, tout le monde adoptait le même type de comportement... ». On bascule alors sur une histoire tremplin.

MÉTAPHORES

Un biologiste menait des recherches sur les grenouilles. Son focus : la longueur du saut des grenouilles. Premier essai : la grenouille franchit 15 cm. Le biologiste écrit : grenouille avec 4 pattes, saute 15 cm. Deuxième essai, après avoir amputé la grenouille d‟une patte : le bond se limite à 10 cm, reporté sur sa fiche de suivi. Troisième essai, il ne reste alors plus que deux pattes à la grenouille : grenouille avec deux pattes, bond de 5 cm. Quatrième essai, encore une patte en moins. Pour le dernier essai, le biologiste coupe l‟ultime patte restante, et là, la grenouille ne saute pas. Il écrit donc : grenouille sans pattes, devient sourde. C‟est une métaphore. On pourrait donner à cette histoire le titre suivant : l‟histoire de la grenouille, ou comment l‟évidence et la simplicité ne sont pas toujours bonnes conseillères. Quand on n‟a pas d‟histoire à portée de la main, ou quand on se trouve confronté à une situation ou un contexte de complexité, qu‟il s‟agit d‟expliquer, une métaphore est un faciliteur bien pratique.

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Si une métaphore est bien une image, elle peut en être une au sens le plus littéral du terme. Utiliser les talents d'un illustrateur professionnel, ou les talents des participants à une session de création d'histoires en groupe peut parfois produire en peu de temps des résultats bien plus évocateurs (un récit métaphore « dessiné ») que de longues heures de travail en commun. Quel que soit l'auteur de l'illustration et la méthode de travail en groupe utilisée (certaines n'ont rien de spécifique au storytelling), des stimulants peuvent être utilisés pour générer des métaphores. Des mots clés tels que « pont » (bien campé sur ses piliers, brisé, branlant...), « murs » (de verre, opaques...), « tours », « jardin » (clos ou ouvert), « navire », « île »... sont des grands classiques, particulièrement adaptés au monde des entreprises. Conseil : les présenter simultanément limite le risque d'introduire des biais dans le processus. Avec ce type de procédé, on ne fera pas l'économie d'une phase d'analyse - commentaire des illustrations, surtout si les participants en sont les auteurs. Pour la dynamiser, commencer par inviter chaque participant à commenter un autre « dessin » que le sien est une bonne tactique, qui pourra permettre d'aller encore plus loin dans l'analyse, lorsque cette perception sera mise en face de l'intention de l'auteur du dessin. ARCHÉTYPES Les archétypes sont des matériaux de choix pour des histoires.

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Mais qu‟est-ce qu‟un archétype ? C‟est Jackie Kennedy par exemple. On la considère comme l‟archétype de la « First Lady ». Les avatars que nous utilisons sur les réseaux web auxquels nous contribuons peuvent être des archétypes. Ainsi un avatar photo de vous bébé, enfant, ou avec un bon visage d‟étudiant datant d'il y a 30 ans, peut évoquer l‟archétype suivant : le « nostalgique-conservateur qui est attaché aux valeurs traditionnelles, regrette que Scoubidou et Alerte à Malibu ne passent plus à la télé, et aimerait bien que les choses soient comme elles étaient lorsqu‟il était enfant ». L‟avatar par défaut du site utilisé, lui, évoque au premier chef l‟archétype du spammer… Les archétypes sont en fait des constructions par lesquelles nous représentons des personnes, des groupes de personnes, des entités, des « réalités » diverses dans un certain contexte. Un archétype n‟est donc pas un individu mais une collectivité. Chaque membre de la collectivité se reconnaîtra d‟une façon ou d‟une autre dans l‟archétype. C‟est ce qui différencie les archétypes des stéréotypes qui, eux, sont des caricatures auxquelles personne n‟a envie d‟être identifié. Alors qu‟un archétype est une composante émotionnelle d‟une personne ou d‟un contexte. Le psychanalyste Carl Jung définissait les archétypes comme des modèles originaux, sortes de prototypes à partir desquels tous les éléments du même type se forment, exemples parfaits d'un genre ou d'un groupe. Pour autant, un archétype, par exemple l'archétype du héros, n'est pas à confondre avec le héros moyen, il se définit à partir

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de caractéristiques communes mais est unique, c'est le « patron » comme on dirait en couture, l'idéal. Pour Jung, les archétypes sont universels, dans les organisations, l'universalité pourra se réduire à une entreprise, une unité de production, un service ou une équipe... Christopher Vogler a très bien décrit les archétypes du héros et des personnages qui gravitent autour de lui dans une histoire, dans « The writer's journey ». Il y a bien entendu le héros lui-même, qui prend le plus de risques et de responsabilités dans l'histoire, et en est l'acteur décisif. Il voit également le « mentor », figure habituelle du vieil homme (ou de la vieille femme) plein de sagesse. Le « gardien de la forteresse » pourrait être un adversaire redoutable pour notre héros, mais il préfèrera en faire un allié qui lui apportera sa force, sans forcément se soumettre mais en permettant au héros de tirer la quintessence de lui-même. Le « héraut » est annonciateur d'un tournant dans l'histoire : ce n'est d'ailleurs pas forcément un personnage mais un événement majeur (du tremblement de terre... au coup de téléphone !). Le « changeur de forme » (shapeshifter) apporte le doute et du suspense : ce peut être une femme fatale, par exemple. L' « ombre » (shadow, qu'un Jack Kerouac mettra magnifiquement en scène dans « Docteur Sax ») est le côté obscur de la force, un antagoniste, un ennemi. Sans oublier le « faiseur de trucs », clown ou comique, qui profite au héros car il lui fait remettre les pieds sur terre.

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Empruntés à la littérature, ces archétypes n'en sont pas moins pertinents pour le storytelling des organisations. Babybel a par exemple mis en scène une série de personnages, les MiniBabs, dans l'une de ses campagnes publicitaires les plus récentes. Mini-héros dirigés par un chef, Alf'Red, M'mental le cerveau de la bande, Chévric le costaud du groupe et la belle karatéka Miss Cheddie vivent des aventures avec un seul but : toujours suivre leur devise, « L'union fait la forme ». A noter : héros ne signifie pas super-héros. Chez Pizza Hut, le héros s'appelle Stan, et il est livreur de pizzas. C'est sa popularité qui en fait un héros, car tous les clients qui veulent bénéficier d'un service parfait savent qu'il suffit d'appeler la boutique « de la part de Stan... ». Rien de plus. Attention également : une mascotte n'est pas forcément un archétype non plus. Bob l'ours bleu, utilisé par Butagaz pour annoncer ses messages publicitaires sur le terrain des économies d'énergie, n'est ainsi pas en soi un archétype. Mais il s'en rapproche lorsqu'il s'affiche, représenté en Marianne, dans le cadre d'une campagne ciblant les communes, à l'automne 2009...

Zoom sur : Comment le foot utilise des archétypes-stéréotypes Le LOSC, vous connaissez ? Toute une histoire, un storytelling pour les amateurs de foot, car le club lillois sévit depuis de nombreuses années dans le championnat de Ligue 1.

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Pour sa campagne de communication de pré-saison, il a décidé de travailler sur le terrain des archétypes – stéréotypes. Pour cela, il a sélectionné les attributs de ses principaux adversaires et mis en scène le symbole qui orne traditionnellement son logo : un dogue. Ainsi, sur les différents visuels de la campagne, on voit le dogue jouant avec des objets symbolisant ses adversaires : une caisse de vin pour les Girondins de Bordeaux, des boules de pétanque pour l’Olympique de Marseille, un lion en peluche pour Lyon et une tour Eiffel miniature pour le PSG. Intéressante, cette utilisation des archétypes (je penche plus pour cette analyse, plutôt que de voir là-dedans une utilisation de stéréotypes), éléments narratifs traditionnels adaptés ici au foot.

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3. COMMENT FONCTIONNENT LES HISTOIRES ?

L‟UNIVERSALITÉ DU STORYTELLING

Vers la fin de l‟été 2009, un grand quotidien publie la photo utilisée par l‟un de ses concurrents pour illustrer un article sur la pandémie de la grippe A. C‟est, bien-sûr, pour démontrer les erreurs de son confrère, dans la réalisation de cette image montée de toutes pièces. Cela raconte une histoire, aux lecteurs du quotidien. Mais pas seulement : également à l‟équipe du journal concurrent qui a commandité la photo, au photographe qui l‟a réalisée, une histoire dans laquelle des questions de compétence sont en jeu, aux équipes et photographes d‟autres journaux qui, dans des circonstances similaires, auraient pu réaliser ou n‟auraient pas réalisé le même type de photo… Oui, les histoires sont partout, et une histoire a une résonance bien plus large que le public auquel elle est directement destinée. Partout ? THE RELEASE WAS FLAGGED 'NON-STANDARD RTE,' AS THE COMPANY HAD FILED THE LNSAY2.SXC. OF COURSE THE SANSMF01 RTE IS THE PEBLE3.SXC. I PULLED UP THE PDC CLRNC AND IT READ: -PEBLE3 SXC LAX- SAN LNSAY2 SXC

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LAX. I DID NOT UNDERSTAND THAT THE TOP LINE WAS A REROUTE OF THE FILED CLRNC, SO I UNDERSTOOD THE ACTUAL CLRNC TO BE THE LNSAY2. WE TOOK OFF AND RPTED TO ATC THAT WE WERE LEVELING 4000 FT (PER THE LNSAY2). THE CTLR ASKED IF WE WERE ON THE PEBLE3 AND WE SAID NO WE WERE ON THE LNSAY...

C‟est une histoire : le récit d'un incident survenu sur un vol de l'aviation civile. Cet incident et plein d'autres sont répertoriés dans une base de données géante avec moteur de recherche à critères multiples. Ce sont les pilotes, des membres d'équipage, des contrôleurs aériens, des agents de maintenance qui racontent ces histoires, sur le site http://asrs.arc.nasa.gov/ (Aviation safety reporting system), anonymement et avec la garantie de ne pas être poursuivis (car, parmi ces histoires, il y a bien-sûr des erreurs de pilotage...).

http://www.maps.desiredit.com/Storytelling_Master_Map.pdf ou http://www.maps.desiredit.com/storytelling.htm

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DEUX MATRICES

UN FONCTIONNEMENT ÉMOTIONNEL

Utiliser des récits, c‟est vouloir mobiliser les émotions, c'est-àdire ouvrir les cœurs, grâce aux histoires. Une histoire, c‟est aussi une perception multi sensorielle par le cerveau. Dans une histoire, il y a de l‟information, sinon ce serait du pur divertissement, il y a de l‟émotion, il y a aussi de la foi qui est 80

en jeu. Rien de religieux là-dedans, mais étant donné que nous sommes déjà submergés par beaucoup plus d‟informations que ce que nous sommes capables de digérer, et trop de connaissances, c‟est de foi dont nous avons le plus besoin. Foi dans des projets, des personnes, des idées… et les histoires qui les véhiculent. C‟est pourquoi la description des caractéristiques et avantages d‟un produit, par exemple, est beaucoup moins efficace pour assurer sa vente qu‟une bonne histoire. Très concrètement, il ne s‟agit pas seulement de faire comprendre quelque chose, mais de le faire ressentir.

Zoom sur : Un exercice Tout simple, pour expérimenter rapidement le fonctionnement des histoires, cet exercice est à pratiquer en entreprise au sein d’un groupe de familiers, par exemple un service. Chacun des membres du groupe se présente en indiquant son nom, sa fonction, un fait important qui le concerne, et aussi un fait destiné à surprendre l’auditoire. Débriefing : ce sont les détails en apparence sans importance, ainsi que les éléments de surprise qui donnent ses constituants émotionnels à une histoire et lui donnent donc vie. On essaie, avec le storytelling, d’agir sur les deux parties du cerveau : l’hémisphère gauche, siège de la raison, et l’hémisphère droit, où l’intuition a davantage droit de cité. Cela ne se résume pas à faire un mixage de faits et d’histoires. Le cerveau est bien plus subtil. La grande chance des histoires

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est que chacune de ces deux parties du cerveau est divisée en deux sous-parties : le cerveau limbique, qui gère les émotions, et le cerveau cortical, en charge de fonctionnalités telles que la réflexion, la pensée, la parole. Le neurobiologiste américain Paul MacLean inclut même un troisième niveau, le cerveau reptilien, ancestral, très proche du cerveau limbique. En tablant sur les émotions, les histoires touchent donc les deux hémisphères, ce qui leur permet d’être tout à fait à l’aise lorsqu’il s’agit d’analyser, synthétiser, globaliser à partir du matériel de base qu’elles constituent. Et cela fonctionne parce que les histoires sont dans notre nature. Un doute ? En 1944, des psychologues américains avaient mené une expérience : ils avaient projeté un film montrant des formes géométriques en mouvement et avaient demandé à un panel de 34 personnes d’écrire ce qu’elles voyaient sur les images. Une seule a expliqué qu’elle voyait des formes géométriques. Les autres ont formulé une histoire racontant ce qui se passait.

Le chercheur et universitaire américain David Boje décrit pour sa part le processus en distinguant trois niveaux de « mémoire ». L'un de ces niveaux est ce qu'il nomme l'éthique Ŕ émotion, la mémoire qui tire sa force d'émotions telles que la peur, l'espoir, la joie, le soulagement d'échapper à l'oppression d'autrui, ou d'oppresser autrui (!), d'être exploité ou d'exploiter... C'est ce niveau très instinctif qui active les deux autres niveaux qu'il identifie : la connaissance - rationalité et l'esthétique - sensations. Si le niveau cognitif renvoie à la mémorisation du qui, quoi, quand, comment et pourquoi (un grand classique), le niveau des sensations fait appel à la mémoire source de signification ancrée dans les cinq sens. 82

Cela semble abstrait ? Pour sa nouvelle campagne publicitaire TV, Baguépi a mis en scène une jeune femme dans une boulangerie, dégustant un morceau de pain, qui déclenche en elle un océan d'émotions, avec des souvenirs d'enfance qui resurgissent, de repas de famille et de moments privilégiés passés avec sa grandmère... « Il y a de la vie dans Baguépi » dit l'accroche : le storytelling transmet le message. Pas suffisamment convaincant ? Kevin Roberts, le grand patron de l'agence de publicité Saatchi & Saatchi Worldwide, a remporté une mise de 430 millions de dollars US, correspondant au budget de JC Penney, pour avoir tablé sur une alchimie associant histoires et émotions. Constatant que les marques n'avaient « plus de jus », il a développé le concept de « Lovemark », appelant donc les marques à être sauvées par l'amour ! Et pour créer des Lovemarks, trois éléments sont pour lui nécessaire : du mystère, avec des histoires, de la sensualité (nos fameux sens), et de l'intimité (de l'engagement, de l'empathie, de la passion).

UN MOUVEMENT PERPÉTUEL Jeff Jarvis est un professeur de journalisme renommé aux Etats-Unis. Lorsqu‟il parle des stories (histoires), c‟est sur les articles de journaux qu‟il s‟exprime. Pour lui, une histoire article est devenue un mouvement perpétuel, puisqu‟avec les nouvelles technologies et le web 2.0, l‟histoire d‟origine peut 83

s‟enrichir de commentaires, liens, citations, photos, vidéos, corrections, flux, de récits complémentaires formulés par le lecteur, l‟auditeur. Cette conception est riche en enseignements pour le storytelling des entreprises, en faisant de l'histoire un process continu. C‟est comme cela que fonctionnent les articles de journaux, c‟est aussi comme cela que fonctionneront dorénavant les histoires en entreprise.

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ÊTES VOUS STORYABLE ?

La « storyabilité » ? C'est tout simplement l'aptitude à trouver, raconter et aussi écouter des histoires, car le storytelling c'est peut-être tentant, mais ce n'est pas forcément pour tout le monde. Alors, êtes-vous storyable ? Ou, pour être plus poli, votre entreprise, votre organisation est-elle dotée d'une intelligence narrative ?

UN MODÈLE D'ÉVALUATION

LA STRUCTURE DE L'ENTREPRISE : Dans une organisation, on ne peut pas forcément discuter de tout. Il y a des tabous. Mais y'a t-il une possibilité pour les tabous, via un processus (restorying, « re-historisation »), de devenir discutables, storyable, sous une forme acceptable par l'organisation ? Plus généralement, toutes les histoires sontelles les bienvenues, les négatives comme les positives ? La curiosité tient-elle une place importante dans l'organisation, ou la répétition, l'exécution des consignes est-elle la norme ?

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Des actions, des événements remarquables sont-ils susceptibles de se produire dans l'organisation (et générer des histoires) ? L'organisation a-t-elle une founding story (histoire fondatrice) ; est-elle connue, utilisée ?

LA CULTURE DE L'ENTREPRISE : Le management a-t-il réellement fait sien le principe qui consiste à tirer des leçons, apprendre des histoires véhiculées par des subordonnés et des partenaires ? Encourage t-il les collaborateurs de l'organisation à raconter des histoires ? Et les clients ? Le comportement du management face à ces histoires est-il approprié : à quel niveau d'écoute se situe t-il ? En matière de knowledge management, une place est-elle faite pour le partage des connaissances sous forme d'histoires ? Les « communautés de pratiques » sont-elles monnaie courante dans l'organisation ?

LE MODE DE COMMUNICATION : L'utilisation des histoires consciente ou inconsciente ?

dans

l'organisation

est-elle

Le management communique t-il par des histoires ? Si oui, est-il capable de raconter des histoires dont il n'est pas 86

forcément le centre d'intérêt ? Comment ces histoires sontelles accueillies ? L'organisation offre-t-elle des occasions de se rencontrer et d'échanger de manière informelle ? Y'a t-il une place pour d'autres formes de communication informative plus narratives que l'utilisation de présentations Powerpoint traditionnelles ? Comment les histoires (professionnelles) racontées entre collègues sont-elles accueillies ? Y'a t-il une place pour la narration d'expériences dans le mode de communication transversal de l'organisation ? On pourrait sans doute étoffer encore cette grille d'analyse, mais cela peut déjà suffire. Sinon, il y a plus simple encore. Racontez une histoire dans votre environnement et regardez si : a). on vous ignore ; b). on vous écoute ; c). on se moque de vous, voire plus : vous êtes viré... La « storyabilité » d'une organisation peut également être évaluée en « déconstruisant » littéralement ses pratiques narratives, selon un procédé quasi thérapeutique. Le procédé : A la manière d'un audit marketing sur les forces et les faiblesses, on peut commencer par traquer les contradictions narratives au sein de l'organisation. Opèrent-elles « à l'insu du plein gré » de l'organisation ? C'est un signe positif, et un plus pour la dynamique des histoires, qui n'en ont que plus de 87

ressort. Sont-elles délibérées ? C'est un autre signe, beaucoup moins flatteur, de déni ou de dédain vis à vis des histoires. Y'a-t-il au sein de l'organisation, une place pour des interprétations alternatives, des histoires alternatives à l'histoire officielle, qui plus est des alternatives dont la source est l'organisation elle-même ? C'est un signe d'effervescence narrative. Combien de « voix » (plus respectueux que de dire : sons de cloches) différentes ont droit à la parole dans l'organisation ? Quelles sont les voix sous- et surreprésentées ? Certaines d'entre elles sont-elles ignorées ? Quels types d'histoires racontent les voix ignorées ou sous-représentées ? Explorer les intrigues des histoires que l'on aura identifiées dans l'organisation : quelles sont les différentes intrigues, comment sont-elles connectées entre elles ? Plusieurs intrigues sont-elles en concurrence pour une même histoire ? On aura à ce stade identifié des règles opératoires dans l'organisation et on pourra donc valablement se poser la question suivante : y'a-t-il des exceptions à la règle ? Comment se manifestent-elles, comment opèrent-elles ? Qu'est-ce que les six étapes précédentes racontent, comme histoire ? Quelle histoire peut ainsi être lue entre les lignes ? C'est ici des histoires sur les histoires de l'organisation que l'on cherchera à raconter, pour un audit plein d'enseignements. 88

CES HISTOIRES QUE L‟ON SE RACONTE

Les histoires que l'on écoute passent un filtre interne. Elles n'arrivent jamais à leur but telles qu'elles ont été envoyées. Les histoires que l'on perçoit sont donc des histoires que l'on se raconte. Parallèlement, nous nous racontons également des histoires dont nous sommes les propres émetteurs. Il s'agit là d'écrans, de masques qui permettent à la réalité d'apparaître de manière conforme à ce que nous avons établi comme étant nos conceptions du monde. Et qui, pas du tout accessoirement, nous permet de nous construire un personnage que l'on estime être valorisant, et que l'on pense être un archétype, un modèle. En réalité, ce n'est rien d'autre qu'une forme d'auto-stéréotypage. Exemple : L'élection de Barack Obama n'a pas fait disparaître le racisme aux Etats-Unis (et dans le monde) ; il y a toujours des racistes, et ils le resteront toujours parce que s'ils enlèvent ce masque, ils se retrouveront face à eux-mêmes. C'est à dire face à de petites gens stéréotypées. Et la caractéristique fondamentale d'un stéréotype, c'est que personne n'a envie d'en être un. Ce n'est pas un scoop. Et on peut se demander en quoi cela mérite qu‟on en parle.

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Tout ce que je viens de dire est en fait la transposition de paroles de l'écrivaine américaine Toni Morrison, prix Nobel de littérature en 1993, interviewée sur France Inter, écoutées et appréciées par des milliers d‟auditeurs. http://fr.wikipedia.org/wiki/Toni_Morrison Et là, c'est encore révélateur d'une histoire que l'on se raconte : puisque, fondamentalement, en quoi le fait que ce soit moi ou Toni Morrison qui délivre ce message, universel, lui donne un sens différent (on parle de sens, pas de retentissement) ?

L‟IMPORTANCE DE L‟AUDITEUR ET DE L‟ÉCOUTE

Ce n‟est finalement pas l‟histoire qui est au centre de la démarche de storytelling : c‟est celui qui la reçoit, dans les oreilles et le cœur.

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Et ce n‟est pas gagné d‟avance. De mauvais choix d‟histoires, trop victorieuses, trop anecdotiques, occultant une partie de l‟histoire réelle (et connue de tous), toucheront négativement l‟auditeur, qui les rejetteront. C‟est le danger des histoires trop belles, trop bien racontées. Plus important encore : a-t-on pensé à laisser une place pour l‟auditeur dans l‟histoire ? Il n‟est pas un personnage de l‟histoire racontée, mais il sera le héros de celle à laquelle ce qu‟il a entendu donnera naissance, son histoire. Pour comparer, sur une page de fan Facebook : ce serait le commentaire d‟une mise à jour de statut publiée. Exemple : Un jeune homme d'origine maghrébine et très modeste (ceci pour dire qu'il a dû se battre pour pouvoir faire des études), est aujourd'hui pilote de jet privé pour un prince d'Arabie Saoudite. Il racontait son histoire sur une station de radio nationale, et concluait son récit de la manière suivante : « c'est donc bien que ça marche ; il faut arrêter de se présenter comme des victimes, du fait de ses origines... ». En à peu près ces termes là. C'est une très belle histoire. Mais cela soulève un point important en termes de storytelling. On devine ici la force de caractère de ce jeune homme, sa détermination, des qualités très personnelles, et à vrai dire, pas forcément à la portée de tout le monde. C'est là que le bât blesse. Pour être efficace, avoir une influence, un impact, une histoire ne doit pas être délivrée clé en mains à ses auditeurs, il faut laisser une place à ses 91

derniers, un espace pour qu'ils puissent s'y exprimer, se l'approprier, la dépasser, qu'elle agisse comme un tremplin. Ce n'est pas le cas ici : on ne touchera effectivement qu'une frange trop infime du public, car l'histoire est trop fermée. Dans le storytelling, le choix ne doit pas être « on entre dans l'histoire » ou « pas », l'histoire n'est pas un produit de consommation, mais un produit semi-fini, à travailler. Zoom sur : La nécessité d’un contexte partagé “I have a dream....” Quatre mots. Peu de gens savent qu'après eux venaient ceux-ci "that one day..." (personnellement j'ai toujours cru que "I have a dream" était le début du discours de Martin Luther King le 28 août 1963 à Washington DC, alors qu'il avait déjà prononcé quelques dizaines de mots avant eux ; et que, très poétiquement ce n'était pas one day mais "that night" qu'il avait rêvé... Bon). Et encore moins de gens connaissent les mots qu'il a prononcés après ceux-là, des dizaines et des dizaines d'autres mots. Mais tout le monde peut dire ce dont parle ce discours, à partir de ces quatre mots qui sont, somme toute, l'histoire de Martin Luther King et qu'il suffit de prononcer pour lui donner tout son sens. Cet exemple extrême nous apprend une chose : l'importance du contexte lorsque l'on raconte une histoire. Il faut nécessairement que le narrateur et l'auditeur partagent le même contexte (ici, la connaissance, même très partielle -cela suffit en l'occurrence- de l'oppression des afro-américains aux EtatsUnis à l'époque de Martin Luther King), sous peine de voir l'histoire avoir le même destin qu'une "private joke", un bide.

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MAÎTRISER LES EFFETS DES HISTOIRES

100 % INFLUENCE = 0 %CONTRÔLE Le roi Midas avait la particularité de transformer en or tout ce qu‟il touchait (que l‟histoire soit vraie ou non n‟a ici pas d‟importance), et c‟est d‟ailleurs ce qu‟il désirait le plus au monde. Vraiment tout ce qu'il touchait, la nourriture, par exemple : il ne pouvait donc pas manger par lui-même. Un jour, oubliant son don, il toucha sa fille, qui se transforma instantanément en statue, et mourut donc sur le coup. Ceci est une histoire fictive, mais le message (métaphorique), lui, est plein de sens : 100 % influence = 100 % d‟isolement = 100 % d‟échec. Encore une fois, laissons une place à l‟auditeur dans l‟histoire que l‟on raconte.

LES HISTOIRES FAUSSES ONT LA VIE DURE C'est assez désolant, mais c'est un fait : même démasquées, les histoires fausses ont une faculté de survie étonnante, voire pire, de ne pas empêcher la « survie » de celui qui les racontent. Et quand on dit « des histoires fausses », c'est qu'elles le sont vraiment, délibérément.

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Zoom sur : Deux exemples Airborne, comme son nom ne l'indique pas, est un fabricant de comprimés censés soulager en cas de refroidissement. L'histoire du produit est d'ailleurs assez folle : c'est un prof d'école primaire américain, sans formation ni connaissances médicales particulières quelles qu'elles soient, qui l'a mis au point. Un exemple du rêve américain ? Pas vraiment : Airborne a dû verser 22 millions de dollars dans le cadre d'une procédure en « class action » (plainte déposée par des victimes constituées en groupement) pour avoir faussement prétendu que les comprimés pouvaient prévenir et guérir un refroidissement. Pourtant, on trouve encore beaucoup de monde aux Etats-Unis, pour dire qu'avec Airborne, un refroidissement aurait pu être évité, en regardant le malade d'un air accusateur...

Robert Irving est un cuisinier star de la télé, pour son émission Dinner Impossible sur Food Network Channel, dans laquelle il doit faire face à des défis fous, d'organisation de dîners impossibles. Pendant un temps, Robert Irving a appartenu au passé, quand son CV agrémenté de références imaginaires (il n'a en effet jamais été le cuisinier de Lady Di, contrairement à ce qu'il prétendait) l'a fait renvoyer de la chaîne... Pour réapparaître quelques mois plus tard dans l'émission, audimat oblige...

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LA QUÊTE IMPOSSIBLE ? La réponse à la question de la maîtrise des effets va être décevante : il est impossible de maîtriser complètement les effets du storytelling. Mais… tout de même. Le storytelling, ce n‟est pas mécanique. Une bonne histoire n‟est pas une garantie absolue de succès (la contrepartie, c‟est que parfois, contre toute attente, une mauvaise histoire pourra produire des effets positifs !). On peut toutefois limiter la volatilité d‟une histoire. La base du storytelling est de laisser une place à l‟auditeur pour entrer dans l‟histoire qui lui est racontée, se l‟approprier. Dans le processus, l‟auditeur la transforme, pour qu‟elle se conforme à tout son background. Ce processus est individuel et comme chacun a son propre background, on imagine la difficulté de prédire les effets d‟une histoire racontée. Tout cela ne veut pas dire que l‟on en est réduit au pifomètre : quel intérêt sinon d‟utiliser une technique qui serait aussi instable... Il y a déjà l‟expertise du spécialiste en storytelling qui intervient sur la problématique en jeu. Il est également possible d‟introduire très finement des contextes et situations spécifiques à chacun des auditeurs dans la démarche de storytelling. Comment ? 95

En gestion des systèmes d‟information, mais aussi en marketing, on commence à mettre en application de nouvelles techniques : les analyses situationnelles et les raisonnements inductifs. Rien de spécifique au storytelling, mais la base méthodologique est là. Analyses situationnelles, raisonnements inductifs ? Qu‟est-ce que c‟est ? Tout part des recherches d‟un professeur de la Sloane School of management du MIT, Eric Von Hippel, sur le marketing de nouveaux produits. http://web.mit.edu/evhippel/www/ Ses conclusions : l‟usage d‟un produit dépend de contextes, de situations propres à chaque utilisateur. CQFD : la quête du « client moyen » est impossible. (Le lien avec l‟impact des histoires racontées en storytelling est facile à faire). D‟où, pour Von Hippel, la nécessité de contextualiser et d‟analyser les situations. Pour résumer, le raisonnement inductif ajoute une dimension d‟étude de ce que les situations induisent ou peuvent induire, en explorant tous les champs du possible, par opposition au principe de déduction de résultats d‟analyse à partir d‟un traitement répétitif de données, un peu comme les statistiques. En France, le travail sur une modélisation des situations et sur des algorithmes inductifs a déjà abouti à la mise sur le marché de solutions applicables au marketing traditionnel, sur Internet…

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Leurs auteurs, Jean-Pierre Malle et Eric Seuillet ont créé Ensuite Informatique http://www.ensuite-info.com et e-mergences, http://www.e-mergences.net/ pour promouvoir des « machines d‟analyse et de simulation situationnelle ». Rien de spécifique au storytelling, encore une fois, mais techniquement la passerelle est à présent plus facile à établir, et riche de perspectives.

L‟EFFICACITÉ EN QUESTION

UNE HISTOIRE… Les médias s‟étaient fait l‟écho, il y a quelques années, de la ruine de la ville de Yubari, située sur l‟Archipel d‟Hokkaïdo au Japon. Ancienne cité minière, la ville avait tenté une reconversion dans le tourisme, à grands renforts d‟investissements, mais faute de séduire les touristes, les dépenses ont mené Yubari à la banqueroute (plus de 350 millions de dollars de dettes). Fermeture de services publics, mise en vente des infrastructures touristiques, coupes radicales dans les budgets publics, augmentation des impôts et même auto-ramassage des ordures ménagères par les habitants eux-mêmes : rien n‟y a fait. Les habitants ont déserté la ville : parti de 120 000

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habitants du temps des mines, Yubari n‟en comptait plus que 12 000 en 2008. L‟agence de publicité appelée à la rescousse par Yubari, Beacon Communications Tokyo, a réussi à enrayer la descente aux enfers avec une campagne qui raconte… des histoires d‟amour. En travaillant sur le dossier, l‟agence a en effet découvert que Yubari détenait le plus faible taux de divorce du Japon, et de loin. D‟où le mot d‟ordre de sa campagne : « No money but love ! » (Pas d‟argent mais de l‟amour !). Elle a même remporté pour cela un Lion d‟or dans la catégorie Promotion au festival de la publicité de Cannes. En plus de son slogan, Beacon a créé un personnage comme les Japonais les aiment bien, un peu manga, un peu archétype, bien plus qu‟une simple mascotte : Yubari Fusai. Mignon tout plein et en même temps plein d‟ironie : Fusai signifie « dette » mais aussi « couple marié », dans la langue japonaise. Et ce n‟est pas tout : des certificats officiels de « couple marié et heureux » ont été créés, des produits merchandisés, et même des CD de musique, tout cela pour faire de Yubari une destination pour couples heureux, avec plein d‟histoires à vivre. Tout cela pourrait n‟être qu‟amusant et exotique, si l‟efficacité n‟était pas également au rendez-vous : Beacon a calculé que la campagne a rapporté à Yubari 1,5 millions de dollars en « exposition publicitaire », puisque de nombreux médias à travers le monde ont parlé de cette initiative. Mieux encore : le 98

nombre de visiteurs à Yubari a augmenté de 10 % en un an, et la dette a été réduite de 31 millions de dollars. Efficacité au rendez-vous. Mais de manière plus systématique, le storytelling est-il vraiment efficace ?

QUELLES PREUVES, POUR QUELLE EFFICACITÉ ? Pas plus qu‟une autre technique de communication, le storytelling n‟est à efficacité garantie. Par contre (et pour rester dans le secteur publicitaire), Jack Daniel‟s a évalué à 6-7 % la croissance de son chiffre d‟affaires attribuable à sa campagne de publicité axée storytelling. Jack Daniel‟s avait découvert que sa marque était associée, dans la culture US, avec l‟esprit de liberté de l‟ouest américain, et l‟image de rebelle attachée à la conquête de ce territoire. La publicité a collé à cette histoire en montrant un homme marchant dans la rue avec un étui à guitare et cette accroche : « M. Jack Daniel n‟était pas un saint, mais il a créé quelque chose comme une religion ». C‟est la priorité donnée à « l‟émotion » au détriment de « la raison » utilisée par la publicité traditionnelle, qui en explique le succès.

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Une étude IPA DataMINE publiée fin 2008 leur donne des arguments : elle montre en effet que les campagnes émotionnelles ont bel et bien un score d‟impact plus important que les campagnes traditionnelles, rationnelles (fondées sur les atouts du produit). Mieux : elles sont encore plus impactantes en période de crise qu‟en période faste. Cette étude se place dans la lignée des recherches en neurosciences les plus récentes. Des consommateurs branchés sur électrodes, des mesures de courant électrique dans la peau, l‟enregistrement des battements du cœur… La scène n‟est pas tirée d‟un (mauvais) film de science-fiction mais des pratiques de cette nouvelle discipline qu‟on appelle le neuromarketing. C‟est alors l‟intensité de l‟émotion ressentie qui est mesurée et son caractère positif ou négatif. Et ce n‟est pas tout : en complément de ces tests biologiques, le neuromarketing va également chercher à identifier les métaphores les plus profondément enfouies dans l‟esprit du consommateur. Par exemple, le mot « container / conteneur » est une métaphore qui exprime l‟image de la protection. Alors, quand Michelin raconte dans une publicité l‟histoire d‟un bébé réfugié dans un pneu alors qu‟il est entouré d‟animaux sauvages… Une autre étude conduite par Advertising Research Foundation et l‟American Association of Advertising Agencies 100

a fait appel à 14 instituts de recherché leaders pour analyser plus d‟une trentaine d‟annonces et spots publicitaires, dans différents secteurs d‟activité. Elle confirme l‟efficacité des publicités narratives, mais sous certaines conditions. Ainsi, quand l‟histoire racontée manque de suspense, elle ne fonctionne pas. C‟est le cas, par exemple, d‟United Airlines racontant l‟histoire d‟un businessman qui rentre chez lui après un vol sur la compagnie, heureux, mais banal. C‟est-à-dire qu‟un enchaînement de faits ne suffit pas pour former une histoire, bonne qui plus est. Les publicités distrayantes, qui exigent trop de « travail » d‟interprétation de la part du consommateur, ne seront pas plus opérantes. Comme ce spot pour Nissan, dans lequel un couple semble parler sexe, alors qu‟en fait il parle de la voiture. Les consommateurs ne sont pas forcément des spécialistes en sémiologie. Trop de complexité nuit à l‟efficacité de l‟histoire. Tout comme la passivité de l‟auditoire : c‟est lorsqu‟il est impliqué dans l‟histoire que cette dernière est la plus efficace. Modèle du genre : la fameuse publicité « Whassup ! » de Budweiser. Pour fonctionner, l‟histoire devra également être fortement en adéquation avec la marque. Ici, c‟est l‟étude Publicité et société (Labo) de TNSSofres et Australie, conduite en 2008, qui apporte des enseignements. 101

Ainsi, Ainsi, si les consommateurs demandent des récits aux marques, 50 % d‟entre eux croient de moins en moins aux discours de ces dernières, et plus de 50 % estiment qu‟elles les prennent pour des simplets. L„efficacité des publicités narratives ne tient pas aux canons traditionnels de la sacro-sainte répétition et du volume du budget alloué à la campagne publicitaire. C‟est l‟émotion (l‟engagement) et son intensité (avec son corollaire, l‟adhésion) qui sont déterminants.

COMMENT ÉVALUER PRÉCISÉMENT CES EFFETS ?

Parmi d‟autres, le pré-test Link, de Millward Brown, veut apporter une réponse. Si la solution a toujours intégré des paramètres émotionnels, la dernière version a ajouté une dose de storytelling, présentée comme étant une nouvelle façon de comprendre l‟impact émotionnel des annonces et des spots publicitaires à la télé. De nouvelles questions du test type portant sur « l‟histoire », sa « crédibilité », sa façon d‟être ou non « parlante » ont été incluses. Différents niveaux d‟émotions, positives et négatives, associées à chaque partie de l‟histoire racontée sont analysés. A l‟arrivée, pas de certitudes, mais un faisceau d‟indices concordants. 102

4.

UTILISER LES HISTOIRES

STORYTELLING D'INFLUENCE

A CHAQUE USAGE SON HISTOIRE

Les usages ne manquent pas, et les approches de ce point précis du storytelling non plus, avec cependant une conclusion commune à chacune d‟entre elles : pour Hollywood, divertir le public peut être un objectif de storytelling, pour un storytelling des organisations efficace et éthique, c‟est hors de question. La séduction n'est d‟ailleurs pas non plus un objectif : le storytelling vise plus profond.

Steve Denning a défini une intéressante typologie des histoires en fonction de leurs objectifs, leurs usages dans plusieurs de ses livres, notamment « The leader‟s guide to storytelling » : Déclencher, orienter, faire passer à l’action ses collaborateurs :

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A partir d‟une success-story du passé, les auditeurs peuvent se projeter dans leur propre histoire, leur propre défi. L‟histoire-exemple ne devra pas comporter trop de détails, pour ne pas cannibaliser l‟enjeu spécifique des auditeurs. -

Inspirer confiance :

Avec une histoire personnelle, basée soit sur des forces, soit sur la manière dont des faiblesses ont été surmontées. Encore une fois : une histoire trop parfaite perd en effet en crédibilité et surtout, empêche l‟auditeur de se l‟approprier, la faire sienne. Beaucoup plus de détails, dans cette histoire-ci. -

Fédérer autour de valeurs :

Une histoire va rendre plus concrète des valeurs abstraites : que signifie « l‟esprit client », « la qualité » sans référence à des événements, des comportements qui les illustrent ? Évidemment, même la meilleure des histoires ne pourra rien faire si le discours est en décalage avec la réalité vécue dans l‟entreprise... -

Donner une vision du futur :

On ne peut plus prévoir à coup sûr de quoi demain et aprèsdemain seront faits. Même le plus rigoureux des business plans est une fiction. Une histoire, pour peu qu‟elle ne soit pas trop descriptive, rendra cette vision moins rigide et plus ouverte à l‟interprétation personnelle qu‟une présentation de projet traditionnelle.

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C‟est aussi un moyen de tirer un trait sur une réalité actuelle embarrassante, en se projetant dans un futur que l‟on veut différent. -

Donner de la visibilité à des réalités :

Un travail narratif plus conceptuel qu‟une production d‟histoire racontée est à mener ici : si les produits de l‟entreprise racontent en eux-mêmes une histoire, ou si ce sont les clients qui s‟en chargent, l‟impact sera bien plus fort. -

Mettre en place une démarche collaborative :

Tarte à la crème du management, la collaboration se heurte souvent à une mise en pratique complexe. L‟histoire-exemple d‟un succès collaboratif peut ouvrir un espace de dialogue, au terme duquel d‟autres histoires pourront être générées et nourrir la mise en place de la démarche collaborative. Pour peu que l'on prenne la peine d‟assurer le SAV, c'est-à-dire : ne pas se contenter de collecter les histoires. -

Partager des connaissances :

On est ici dans une démarche de Knowledge Management classique. -

Faire face à des rumeurs :

C‟est à dire lutter contre des histoires à l‟aide d‟autres histoires. Un prochain chapitre est consacré à cette thématique spécifique. Steve Denning appelle cela les huit «narrative patterns».

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Zoom sur : La NASA a oublié comment aller sur la lune. .. La faute au... storytelling ! Ou plutôt à un manque de storytelling, dans une démarche de Knowledge Management. Toutes les notices techniques sont soigneusement archivées, mais l'expertise des hommes qui ont monté ce projet fou a disparu avec leur départ à la retraite. Notamment les improvisations dont ils ont dû faire preuve lorsque ce qui était écrit dans le manuel officiel n’était pas adapté aux réalités du terrain au cœur de l’action. Trucs, astuces, problèmes rencontrés et réponses apportées : de tout cela, rien ne subsiste. Il aurait bien-sûr fallu recueillir les histoires que ces types avaient à raconter. Facile à dire... après coup. D'autant plus que, depuis quelques années, la NASA a lancé un programme visant à recueillir les histoires de leurs « senior managers » : un magazine a été créé pour raconter des histoires de « solutions apportées à des problèmes », et générer ainsi un nouveau type de dialogue transversal au sein de l’agence spatiale. Tout n'est pas perdu, donc, sauf qu'il ne faut plus lui demander la lune, à la NASA...

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LES HISTOIRES SUR LE FUTUR

Parce qu'elles sont particulièrement délicates à manier, les histoires qui entendent donner une vision du futur méritent un éclairage plus approfondi. Encore moins que les autres, une histoire sur le futur n'est conçue pour être absorbée telle quelle par ceux à qui elle est racontée. Elle doit au contraire être un déclencheur d'histoires, de visions : le futur est ouvert, chacun, narrateur comme auditeur est invité à y contribuer. Tout est ouvert, mais encore faut-il canaliser les énergies.

On pourra donc choisir d'orienter une histoire sur le futur dans les directions (classiques) qui fondent généralement une organisation : son identité, ses valeurs, la mission qu'elle se donne et la façon dont elle mesure ses succès et ses échecs. C'est ici un regard porté sur l'organisation, selon quatre points de vue différents. Plutôt que de mixer les quatre, une histoire sur le futur aura avantage à n'en sélectionner qu'un.

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Zoom sur : S'exercer aux histoires du futur Cet exercice est particulièrement adapté à des groupes d'une douzaine de personnes maximum. Il s'agit d'une variante des méthodes traditionnellement utilisées dans le cadre des outils de gestion de la qualité. Chaque participant se voit confier un post-it, sur lequel il doit écrire le début d'une histoire (sur un enjeu, un projet, bref un thème pour lequel une histoire sur le futur est utile). Les postits sont déployés sur un mur et un second « round » commence : chaque participant doit écrire la suite du début d'histoire qu'il préfère. Et ainsi de suite, autant de rounds que nécessaires pouvant être conduits, jusqu'à ce qu'un semblant de fin d'histoire se dessine. Ensuite, une phase d'analyse s'impose, car, parmi ces histoires, certaines ont sans aucun doute plus de potentiel que les autres. Plusieurs méthodes sont possibles, l'une d'entre elles est particulièrement intéressante : elle consiste, pour chaque morceau des histoires ainsi constituées, chaque phase, à envisager le meilleur et le pire. C'est-à-dire projeter le groupe dans le futur et générer un échange en son sein sur les événements qui auraient pu conduire au plein succès et à l'échec du scénario envisagé, à ce stade. C'est l'occasion de voir ces fragments d'histoires sous un jour nouveau, et peutêtre, de connecter entre elles des histoires différentes, mais dont les parties s'assembleraient avantageusement tous comptes faits. Le final peut être un vote sur « l'histoire préférée », ou un choix moins formel offert à chaque participant, tout en conservant l'ensemble de ce travail pour se replonger dedans régulièrement, au fur et à mesure que la véritable histoire s'écrit et se vit.

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STORYTELLING ET KNOW LEDGE MANAGEMENT : QUELS ENJEUX?

Dans les projets et dans les applications de Knowledge Management, le storytelling se réduit souvent à la fabrication de success stories plus ou moins maladroites. Elles sont censées indiquer de « bonnes pratiques », répandre des savoirs officiels. Il est vrai qu'un Knowledge Management mal compris trouve normal d'utiliser un storytelling mal digéré. Cela dit, les histoires de succès, lorsqu'elles retracent un parcours crédible, et que le locuteur-héros y est authentiquement, passionnément présent, permettent de mieux comprendre les clés et ressorts de certaines problématiques que les approches rationnelles distributrices de conseils experts. Par exemple, pour la création d'entreprises ou la réussite stratégique, quoi de mieux qu'une bonne histoire concernant les créateurs et entrepreneurs euxmêmes, leurs choix, leurs erreurs, leur vision, leurs principes… Les ressorts de leurs décisions, les obstacles rencontrés, la gestion des succès, seront bien plus significatifs et bien mieux mémorisés. Au-delà des histoires de succès, le storytelling prête la main au Knowledge Management dans son ambition de transformer les informations en connaissances, de les trier et valoriser pour en faire des connaissances utiles, des compétences efficaces, au service de l'organisation. En effet, devant la surcharge d'informations, il est nécessaire de trouver des formes d'accès et de structuration. Le storytelling fait partie des méthodes qui le permettent : « Le schéma narratif agit comme un prisme au travers duquel les éléments 109

apparemment indépendants et déconnectés de l’existence sont vus comme les parties reliées d’un tout. » (Polkinghorne, 1988, Narrative knowing and the human sciences, State University of New York Press). Là où KM (Knowledge Management) et storytelling se rejoignent de manière particulièrement intéressante, c'est pour dévoiler des éléments obscurs, cachés, latents. L'essentiel de la connaissance est tacite, et rien ne sert de vouloir l'expliciter, la normer, la fixer, comme les informaticiens et les spécialistes d'intelligence artificielle ont longtemps cru pouvoir le faire. La connaissance se tient d'abord dans le cerveau humain, dans les interrelations humaines et dans des contextes organisationnels et humains déjà modelés par des connaissances singulières. La connaissance tacite, donc, est la matière privilégiée du storytelling d'entreprise. Une matière qui est celle de l'expérience vécue, du souvenir, de la relation, de l'émotion, qui peut alors resurgir, revivre, en faisant apparaître des situations, des acteurs, des stratégies, des compétences, qui ne sont pas répertoriés voire pas répertoriables. Et puis, les histoires constituent un vecteur naturel pour apprendre. Rappelons-nous ceci : les neuro-sciences affirment que le cerveau reçoit bien mieux l'information si elle lui est donnée sous la forme du récit. Encore un rappel : depuis bien longtemps, peut-être d'aussi loin que le langage existe, raconter des histoires était d'abord non pas un divertissement, mais un moyen pour l'humain de donner du sens au monde, de co-produire du sens dans la relation, comme nous l'avons vu à propos de l'approche constructiviste du storytelling.

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Nombre d'entreprises qui pratiquent le Knowledge Management ont recours au storytelling. Bien que des gestionnaires rationnels ou des informaticiens sourcilleux s'y refusent, parce qu'ils ne savent pas en réalité de quoi il retourne... Mais au-delà de la décision de pratiquer le storytelling on peut se rendre compte qu'Internet, les Intranets, et les espaces 2.0 de partage, favorisent maintenant la production et l'échange d'histoires qui sont autant de production et d'échange de connaissances.

STORYTELLING ET LEADERSHIP

Marshall Ganz, de l‟Harvard‟s Kennedy School of Government, a développé une intéressante typologie des histoires dans le contexte du leadership : Selon lui, un leader doit raconter : -

Une histoire personnelle (le leader répond à la question : Qui suis-je ?)

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Une histoire collective (que faisons-nous là en tant que groupe d‟individus ?)

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Une histoire du présent (le monde, l‟entreprise, son secteur d‟activité, la société dans son ensemble n‟est pas telle qu'elle devrait être)

La deuxième et la troisième histoire sont en interaction et doivent se répondre. 111

Pour illustrer ce dialogue entre deux histoires (avec ou sans dimension de leadership), Ganz cite l‟exemple du vlog Invisible People : son contenu est fait de vidéos dans lesquelles des sans-abris racontent leur histoire, sans montage, sans censure, véritable hub orienté vers le partage de ces histoires avec le reste de la société pour ouvrir des espaces de dialogue et de réflexion.

Mais être un leader et utiliser le storytelling, ce n‟est pas seulement trouver et raconter des histoires tirées de son passé, de son environnement ou de son imagination. Ce n‟est pas seulement être un homme de paroles, c‟est aussi être un homme d‟actions capables de générer elles-mêmes des histoires qui circuleront dans l‟entreprise ou dans son univers de business. Des histoires positives, bien entendu. Plus facile à dire qu‟à faire : on peut assez aisément maîtriser son comportement, maîtriser ce que les autres en diront : c‟est plus délicat. Cela réclame en tout cas une écoute des histoires que l‟on génère soi-même et une observation de leurs effets sur le personnel de l‟entreprise. Mais le résultat peut être très intéressant. Exemple : Le nouveau grand patron d‟une banque avait, à son arrivée, procédé à une restructuration massive. Après tout, c‟est bien pour cela qu‟il avait été recruté. Et bien-sûr, beaucoup

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d‟histoires se sont mises à circuler après cela, dans la banque et au sein de la communauté des clients. Classique. Ce qui l‟est moins, ce sont les deux autres décisions prises par ce patron qui n‟était finalement pas qu‟un chasseur de coûts. Il s‟agit de décisions en apparence anodines mais riches de symboles. Deux décisions déclencheuses d‟histoires : Alors qu‟auparavant, seuls les dirigeants de l‟entreprise pouvaient réserver des salles de réunions, dorénavant, tout un chacun serait habilité à le faire Jusque là, une espèce de bulle préservait les grands patrons successifs de la banque de pratiquement tout contact avec les employés, au point qu‟ils n‟avaient même pas besoin de traverser l‟entreprise pour accéder à leur bureau ; et bien à partir de maintenant, place au démantèlement de la bulle. On imagine les histoires positives que cela a pu générer. Ces décisions toutes simples permettent de faire comprendre d‟autres décisions telles que le fait pour le patron, de s‟entourer d‟une « barrière de sécurité » constituée de conseillers : comme l‟a déclaré effectivement un employé de la banque, « cela se comprend, avec toutes ses responsabilités et son emploi du temps ».

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Être ouvert, ce n‟est pas forcément chronophage, pour peu que l‟on mette en place des garde-fous, et que des histoires fassent une partie du travail.

L'ELEVATOR SPEECH

L'Europe a importé cette tradition de business américain qu'est l'elevator speech, en lui donnant le nom de speed dating. Son appellation de « discours d'ascenseur » vient du fait qu'il s'agit dans l'absolu d'arriver à présenter son business, une idée ou un projet en un voyage... d'ascenseur. C'est-àdire vraiment très peu de temps. 30 à 45 secondes (15 pour certains), 100 à 150 mots maximum : encore moins de temps qu'une histoire dans les normes du storytelling des organisations, ce qui fait de l'elevator speech une catégorie à part.

Dans sa version originelle, l'elevator speech n'était pas forcément une histoire. Pour un produit que l'on souhaite marketer, il s'agissait de présenter le produit, ses bénéfices consommateur, et celui qui porte son développement. L'elevator speech s'est converti au storytelling par souci d'efficacité.

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Voici une architecture possible :

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Le nom, la fonction ou la situation professionnelle de l'auteur du speech

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L'enjeu (le domaine d'activité)

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Le problème rencontré et ses implications (présenté sous forme d'événement vécu, au singulier, car pour tenir dans le temps imparti, il faudra en choisir un seul)

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Le produit ou le service que propose l'auteur du speech pour résoudre le problème ou éradiquer ses implications

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Les effets, le résultat de cette solution (là aussi, sous forme d'événement, peut-être emprunté à une situation analogue du passé, ou projection fictive dans l'univers du prospect - client)

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Appel au passage à l'acte... d'achat (une invitation à un événement - histoire)

La principale difficulté consiste à respecter le délai. Avec cette architecture, les 15 secondes sont impossibles à tenir.

Elles le sont plus si on commence par la conclusion de l'histoire, pour ensuite décliner très rapidement les tenants.

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Par exemple : « Vous n'allez pas être très heureux parce que je viens de sauver la mise à votre concurrent, qui avait ce problème de... que j'ai résolu comme cela... Et vous ? » Rien de réellement révolutionnaire. Par contre : une nécessité d'adapter à chaque fois son elevator speech au contexte du moment ; ce qui est tout de même nouveau puisque l'elevator speech était traditionnellement répétitif, et one-to-many plutôt que one-to-one. Un exemple d'elevator speech pour une société de consulting en management des flux d'information : « Nous faisons en sorte que les informations qui vous inondent travaillent pour vous. Nous vous aidons à identifier le meilleur process pour cela, qui rendra vos prises de décisions plus fiables, et vous permettra d'excéder plus facilement les attentes de vos propres clients. Récemment, nous avons réduit le processus d'analyse quantitative des données d'une institution publique de deux mois à quelques jours seulement!»

L'HISTOIRE FONDATRICE

Quand l'organisation répond à la question : d'où sommes-nous venus ? ; Elle tient son histoire fondatrice, à la fois quête des racines et reconnaissance du chemin qu'elle a parcouru. 116

C'est Phil Knight qui conçoit le projet qui donnera naissance à Nike, en cours de business à Stanford. C'est ce géant de l'informatique né dans un garage familial. Mickey qui a germé dans l'esprit de Walt Disney à force de voir sa table à dessin visitée régulièrement par une petite souris... L'histoire fondatrice l'organisation.

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Magnifique ? Sauf que Mickey n'est pas l'œuvre de Disney mais de son associé de l'époque, un pur génie du dessin (mais pas des affaires) nommé Iwerks, que Walt poussera vers la porte de sortie. Même la firme Disney l'admet aujourd'hui... Et le garage familial n'était qu'un local parmi d'autres, bien plus appropriés au développement d'une entreprise d'informatique. Et quand elles ne sont pas entachées d'un vice d'origine caché, les histoires fondatrices ont tendance à se modifier dans le temps, pour les adapter au contexte, aux humeurs, à la « nécessaire » positive attitude publicitaire... et à tout ce qui peut les rendre artificielle, sans authenticité. Marlboro, dont le cow-boy mythique ne correspondait déjà pas à une vérité historique (la marque est née dans le premier quart du 20ème siècle), a ainsi renoncé récemment à « sa légende » pour adopter un style axé davantage « jeune urbain bohème », en changeant de nom au passage, devenu MCS. En réalité, une histoire fondatrice n'a d'intérêt que lorsqu'elle est combinée à d'autres histoires, dans un contexte et un but précis. La construction d'une histoire ayant trait à la stratégie de l'entreprise a besoin de l'apport de l'histoire fondatrice. Elle 117

peut aussi servir de matière première à une histoire tremplin... Isolée, elle n'a que peu d'utilité.

Zoom sur :

Toutes les histoires ne sont pas bonnes à raconter

Les 3 Suisses ont un nom bien particulier, et pourtant personne n'en connaît l'origine. Pour la bonne raison que les 3 Suisses ne l'ont jamais racontée. C'est en fait le nom du carrefour que l'on pouvait voir depuis une fenêtre de l'une des toutes premières filatures de la famille qui créera l'entreprise de VPC. Jamais utilisée, donc, pas même en Suisse, où un discours impliquant l'origine du nom du carrefour aurait peut-être permis de gagner quelques parts sur un marché sur lequel la marque n'a jamais vraiment été performante. Aujourd'hui, l'entreprise ne s'appelle même plus les 3 Suisses, nom qu'elle a troqué contre un impersonnel 3Si aux consonances informatiques.

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LE STORYTELLING COMME TECHNIQUE DE VENTE

L‟arsenal des techniques de vente est suffisamment vaste pour que tout nouveau venu donne un peu l‟impression d‟être « le dernier gadget » en vogue ». Parfois, pourtant, les incidences sont bien plus profondes qu‟un simple effet de mode. C‟est le cas avec le storytelling. On ne parle pas ici des traditionnels témoignages clients, c‟est bien autre chose. Récemment, dans la prestigieuse Harvard Business Review, Philip Lay, Todd Hewlin et Geoffrey Moore ont détaillé une intéressante méthode qu‟ils ont baptisé « provocation-based selling » (vente basée sur la provocation). Selon les promoteurs de la méthode, un vendeur peut prendre un avantage décisif, en mettant dans la tête de son interlocuteur acheteur, un point de vue provocant à propos d‟un enjeu spécifique et stratégique. En même temps, c‟est un moyen, pour le vendeur, de mieux appréhender la problématique de l‟acheteur. Rien de révolutionnaire pour des professionnels du consulting : c‟est souvent comme cela que les services de consulting se vendent. Mais pour des produits physiques, c‟est plus rare.

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Les vendeurs ont donc avantage à développer un point de vue audacieux sur l‟industrie dans laquelle ils évoluent (en ne se cantonnant pas aux produits qu‟ils vendent), pour pouvoir démontrer comment leurs produits répondent à ses enjeux. Les atouts des produits en terme de fonctionnalités (il s‟agit là d‟une approche interne, technologique du produit) sont largement inférieurs à la valeur (approche externe) qu‟ils peuvent avoir pour le business des clients. Et pour communiquer cela : des histoires ! Comment faire le lien entre les produits et les enjeux du business, autrement que par une success-story expérimentée ailleurs ? Bien entendu, il faudra que, pour concevoir cette histoire, le vendeur se projette dans la tête de l‟auditeur, pour comprendre ses vrais enjeux et y répondre. Il lui faudra pour cela assister au préalable à des conférences, colloques, lire des journaux professionnels, effectuer une veille sur le web… Et écouter ses clients.

Ce type de pratique est-il vraiment aussi répandu, dans les faits, que ce que revendiquent bon nombre d‟entreprises ? N‟oublions pas qu‟un client n‟achète jamais « un foret de 16, mais un trou qui a cette dimension ».

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STORYTELLING ANALYTIQUE

L‟INTÉRÊT DES HISTOIRES COMME D‟ANALYSE DE L‟ENTREPRISE

MATÉRIEL

Collecter des histoires et y chercher du sens peut être très bénéfique. Que ce soit au sein d‟une organisation, parmi ses collaborateurs, ou à l‟externe, auprès de ses clients. Un enjeu important touche au recueil d'histoires. Les techniques traditionnelles d'enquêtes offrent souvent un choix de réponses situées sur une échelle de valeur. Cette pratique est génératrice de biais, tant de la part de l'enquêteur que de l'enquêté. L'enquêté va tendre à répondre dans le sens de ce qu'il estime être les attentes de l'enquêteur. De l'autre côté, l'enquêteur va tendre à influencer les réponses, le plus souvent inconsciemment, en construisant des abstractions dans son esprit, et en ne retenant donc que les items des réponses allant dans leur sens. Ou alors influencer les réponses à travers une gestuelle, des expressions du visage... Pour contrer cette tendance, l'idée est de construire des questionnaires d'enquêtes qui génèrent des histoires en guise de réponses.

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Zoom sur : Deux exemples très concrets :

Une ONG - en analysant les histoires collectées parmi les bénévoles de l’association, une fracture très franche s’est dessinée. D’un côté, ceux dont l’ambition était simplement d’aider autrui ; de l’autre, les bénévoles dont la motivation était purement « l’action ». Chacun d’entre eux ayant, bien-sûr, des attentes différentes en terme de reconnaissance et de soutien opérationnel leur permettant de s’accomplir. Un opérateur dans le secteur de l’électricité - L’idée de départ était de chercher comment l’entreprise pouvait augmenter sa qualité de service pour ses clients les moins aisés. Les histoires collectées auprès de ces clients ont montré que les variables de segmentation traditionnelles n’étaient pas très pertinentes. C’est le statut de propriétaire ou de locataires des clients qui influait le plus sur leur perception de l’entreprise (les locataires avaient le sentiment d’être complètement ignorés). L’entreprise a donc décidé de réviser sa politique éditoriale, en modifiant ses plaquettes, qui faisaient l’éloge des propriétaires responsables et acteurs de leur consommation d’énergie.

Autant d‟éléments qu‟une enquête traditionnelle aurait eu du mal à déceler…

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COMMENT COLLECTER DES HISTOIRES

Il n‟y a pas de méthode type, il y a des techniques, plus ou moins élaborées, pour collecter des histoires. De nombreuses méthodes sont utilisables, certaines dérivées des techniques d'interview, individuelles ou de groupe. L‟utilisation de questions, abordées dans d‟autres parties du livre, sont ainsi bien adaptées à ce type de travail. Entretiens individuels, travail de groupe, en direct ou online, les façons de les mettre en application ne manquent pas non plus. Voici une méthode de collecte d‟histoires parmi d‟autres. Zoom sur : La méthode Storytellings Fondateur de Storytellings, le canadien Edward Wachtman a développé une méthodologie en trois phases le Storytellings ™ process, pour un usage dans le cadre d’un groupe : Phase 1 : Wordplay Il s’agit d’amener les participants à faire des associations de mots autour d’un sujet, librement, ce qui permet une réflexion et un dialogue introductif, exploratoire Phase 2 : StoryTime : Divisés en sous-groupes, les participants sont chargés de construire une histoire fictive sur le sujet, qui sera partagée et analysée avec l’ensemble du groupe Phase 3 : Reflections : Individuellement, chaque participant écrit une histoire tirée de son expérience personnelle, aussi détaillée que possible, ayant trait au sujet.

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Ensuite, un travail de connections des histoires entre elles (les récits fictifs comme les histoires vraies) peut s'opérer, pour donner, peut-être, naissance à de nouvelles histoires riches de sens. Rappelons que les histoires fictives peuvent parfois faire émerger des réalités politiquement peu correctes mais importantes.

Une autre technique utilisable consiste à déclencher des histoires à partir d'un mot ou d'une idée clé. Il ne s'agira pas alors d'opérer des associations de mots ou d'idées mais, à la manière d'un cercle de conversation, d'inviter les participants à ce travail de groupe à échanger des anecdotes, fragments d'histoires ou histoires complètes sur le sujet. Les inviter à narrer des événements et non à relater des opinions est ici particulièrement important. Les contributions peuvent être rédigées sur des post-its ou directement autour du mot clé. Elles vont naturellement générer d'autres histoires, que l'on ajoutera en les reliant au récit générateur à la manière d'une mindmap. Des « sous-récits », anecdotes complémentaires, des variantes d'un récit peut-être exprimé selon des points de vue différents émergeront également et formeront des branchettes partant des branches que l'on aura formées. Ces branchettes pourront elles-mêmes s'enrichir de nouvelles extensions, des tiges, que leur contenu narratif aura pu générer. Voire même se poursuivre sous la forme de bourgeons, potentialités de fragments d'histoires, fictifs parce que pas encore existants mais susceptibles de le devenir. 124

Un véritable réseau, très touffu (et très spontané), pourra voir le jour, et pour y voir clair on aura avantage à identifier des unités narratives, c'est-à-dire entourer d'un cercle les branches, branchettes et tiges qui forment des histoires à part entière. Chaque participant est pour cela invité à proposer le cerclage d'une ou plusieurs histoires qu'il aura identifiées, soumises à la discussion et la validation des autres membres du groupe.

Une matière première parfois d'une taille imposante est ainsi disponible et appelle un travail complémentaire, suivant l'objectif assigné à cette génération de récits.

Mais encore une fois, il ne s'agit là que d'une technique, parmi d'autres.

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LES APPLICATIONS INATTENDUES

RÉINVENTER UNE VILLE, UN PAYS…

Comprendre, imaginer, créer… C‟est sous cette bannière que le projet Imagine Chicago, lancé en 1992, a œuvré pour rendre la ville plus juste, et tout simplement meilleure, grâce à l‟imagination collective de ses habitants. L‟imagination ? Un ingrédient incontournable pour construire une nouvelle histoire et passer des mots aux actions. Comment : tout simplement, également, en faisant s‟interviewer les habitants entre eux (sous forme de dialogue inter-générationnel), pour collecter des histoires, des rêves, mais aussi des ambitions pour les rendre réels, et embrayer avec des actions concrètes. A l‟arrivée : l‟émergence d‟un leadership citoyen, des connections entre les différentes forces créatives de la ville, des impacts sur la culture, la parentalité… Avec, toujours, comme moteur, des histoires. 10 ans après le lancement d‟Imagine Chicago, une trentaine d‟initiatives similaires étaient recensées dans le monde. Mary-Alice Arthur, elle, agit au niveau d‟un pays tout entier, la Nouvelle Zélande.

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Elle a lancé un projet formidable, baptisé « The 4 Million Dreams Project ». Elle invite ainsi les quelque 4 millions de Néo-Zélandais à s'interviewer mutuellement sur le futur de leur pays, en partant de ce qu'il y a de mieux aujourd'hui, de ce qui pourrait changer (le « possible »), et en listant les rêves (le « voulu ») des uns et des autres. Bien-sûr, cela aboutit à des histoires recueillies en nombre ; d'ailleurs l'intervieweur est invité à préciser dans son rapport la meilleure histoire qu'il a entendue, et à alerter l'équipe du projet des histoires exceptionnelles, qui pourront éventuellement faire l'objet d'un film. Cela pourrait paraître utopique si l'ensemble n'était pas encadré par des méthodes très sérieuses, des guidesprotocoles d'interview et un processus de recueil des résultats des interviews rôdé. La quantité de données rassemblée n'est de loin pas le seul intérêt de la démarche : Mary-Alice Arthur a aussi conçu son projet de sorte qu'un lien se crée entre les intervieweurs et les interviewés, une vraie conversation transformant la manière de voir des uns et des autres, et les emmenant vers une logique d'action, de création d'opportunités pour le réaliser, ce futur. Toujours pas convaincu que cela n'a rien d'utopique ? Une communauté « 4 Million Dreams Project » ne cesse de grandir sur Ning et un grand rassemblement, physique, dans le monde réel a été organisé autour du projet à l‟automne 2009.

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DAB STORYTELLING

Comment un automate bancaire peut-il raconter une histoire ? Pas l‟historique des mouvements sur les comptes, une véritable histoire, ou du moins réveiller des histoires enfouies... Un réseau bancaire britannique a réalisé une expérience inédite, en offrant à ses clients la possibilité d‟obtenir de la part de la machine des réponses… en argot londonien. L‟invitation à taper la somme demandée devient ainsi « combien de saucisses-purée ? », le code se transforme en «Huckleberry Finn», le billet de 5 livres devient « Lady Godiva »… Plein de significations et d‟histoires dans ces mots improbables dans le langage bancaire.

ÉTABLIR DES PONTS CULTURELS

Bridges to Understanding est une organisation internationale dont l‟objet est de connecter entre eux des étudiants du monde entier… à travers les histoires multimédia qu‟ils peuvent concevoir et se raconter online. Des relations peuvent ainsi naître, médiatisées par les histoires. Mieux encore : de nombreux exemples de storytelling online ont ensuite débouché sur de vraies rencontres physiques entre étudiants de différents pays, pour poursuivre l‟histoire…

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STORYTELLING JUDICIAIRE

Il est évident que lors d‟un procès, l‟histoire de la victime et du prévenu sont racontées en long et en large. C‟est du storytelling, très classiquement. Mais aux Etats-Unis, on est allé plus loin dès 1997. Lors du procès Old Chief vs. United States, la notion de preuve narrative a été énoncée par la Cour Suprême. En résumé, une preuve dont la fonction est d‟aider une partie au procès à raconter une histoire cohérente et engageante est tout à fait admissible. Une histoire suffisamment riche et haute en couleurs est même nécessaire à la construction d‟un verdict équitable. Des consultants se sont même spécialisés dans le storytelling judiciaire, en prônant par exemple la narration par l‟avocat au jury d‟une histoire en trois actes : acte 1, un détail marquant de l‟affaire (sans logique chronologique) ; acte 2, le développement de l‟intrigue ; acte 3, la « morale », c‟est à dire l‟appel à une décision en faveur de la partie représentée.

EXPLORER LE MONDE DES RÊVES

Ian Wallace, installé à Edimbourg, est un spécialiste de l'analyse des rêves plutôt connu en Grande-Bretagne. Pour lui, les rêves sont souvent l'expression la plus authentique des 129

métaphores et des symboles que nous créons pour donner du sens à notre vie. Je lui ai demandé de me parler plus particulièrement du travail qu'il réalise avec les entreprises, en lien avec le storytelling, dans le cadre de sa société, Dreamwork. Les méthodes qu'il utilise sont dérivées de l'analyse et l'interprétation des rêves de tout un chacun. Trois domaines d'action, pour lui : - connecter les gens avec leurs objectifs et leur potentiel inconscients - travailler sur le leadership des dirigeants - faciliter l'innovation technologique. L'outil central utilisé par Ian Wallace est ce qu'il appelle les spaces : ces espaces sont un contexte dans lequel les défis du client sont posés, transformés en archétypes (modèles) pour refléter de manière cohérente (en leur donnant du sens) les rêves, et les histoires ou morceaux d'histoires qu'ils contiennent (il s'agit donc d'histoires non réalisées). Identités, valeurs et croyances inconscientes, peuvent alors émerger pour donner naissance à des opportunités de développement partagées avec d'autres personnes, toujours dans les fameux spaces, lieux ouverts. Les histoires, le storytelling, sont omniprésents dans le travail de Ian Wallace : il s'en sert aussi pour identifier et bâtir les archétypes, ou encore connecter les fragments de rêves du client, puis du client et de ses « partenaires de space » pour leur donner du sens. Space ? Peut-être, mais les clients sont satisfaits. 130

COMMUNICATION « FINANCIÈRO-STORYTELLING »

Pourquoi ne pas raconter une histoire dans le cadre d‟une communication financière, dirigée vers les actionnaires ? Oui, mais quelle histoire ? Pourquoi pas une nouvelle histoire du capitalisme, celle d'un capitalisme durable, rien à voir avec la protection de l'environnement, ou du moins pas forcément : le contenu est à inventer. Cela n'intéresse pas les investisseurs ? Si, si l'objectif de cette réinvention est de rendre à nouveau liquide tout cet argent qui s'est évaporé au cours des derniers mois...

CRM-STORYTELLING

Un meilleur customer relationship management (CRM) avec le storytelling ? Un exemple : C'est la chaîne hôtelière Hyatt qui en a eu l'idée : faire appel aux capacités de storytelling de ses clients pour écrire l'histoire. L'idée est donc de replacer les clients au centre de la stratégie du groupe et, même si ces derniers sont sollicités par cette campagne, leur témoigner une certaine forme de reconnaissance.

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Les clients, donc, sont invités par Hyatt dans le cadre de son opération « The big welcome », à rédiger un texte de 250 mots maximum. Pour dire quoi ? Répondre à la question : « de quelle manière transformeriezvous 365 nuits offertes chez Hyatt en une expérience inoubliable ? » De quoi écrire quelques courtes mais belles histoires. En jeu : la reconnaissance du groupe Hyatt pour les trois textes les plus créatifs, et 365 nuits, donc, à gagner pour leurs auteurs. Dans le groupe hôtelier Ritz-Carlton, le CRM, on sait également ce que cela veut dire et on sait aussi le raconter. Tous les employés sont incités à raconter des expériences vécues de CRM. Chaque semaine, une histoire est sélectionnée et envoyée à tous les hôtels de la chaîne. Elle est lue lors de la réunion de changement de service. Ces histoires sont le déclencheur de conversations qui, ellesmêmes font émerger d'autres histoires dans l'hôtel. A noter : la sélection de son histoire rapporte 100 dollars à son auteur, et chaque année un concours décerne des prix aux 10 meilleures.

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UNE HISTOIRE POUR SE FAIRE RECRUTER

Les entreprises se ressemblent de plus en plus ? Les CV des candidats au recrutement aussi. Alors pourquoi ne pas raconter une histoire à travers son CV. Un exemple ici : http://www.presse-citron.net/un-cv-video-enlego-genial Côté entreprise aussi, le storytelling de recrutement est une voie à explorer. Une start-up française, Helia.fr a lancé un service très innovant et qui semble très bien fonctionner : il s'agit d'une plateforme d'échange online entre les entreprises qui recrutent et les internautes - candidats potentiels. Un (grand) pas de plus que le traditionnel dépôt d'offre d'emploi sur des sites spécialisés. Le storytelling est présent, à travers les outils tout à fait adaptés pour cela que la plateforme propose : wikis, blogs, témoignages, questions-réponses... Il y a là des moyens pour l'entreprise de se raconter, et de commencer à construire une histoire commune avec leurs futurs collaborateurs à travers des échanges qualitatifs. Que ce soit dans le CV ou lors de l'entretien, le storytelling a ainsi toute sa place dans le processus de recrutement.

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Une « success story de recrutement » peut alors être une clé qui ouvre la porte de l'embauche. Elle peut se décliner selon plusieurs types d'architectures.

Celle-ci, par exemple, en trois parties : Le défi (la situation à laquelle le candidat a fait face dans le passé) ; l'action (les actions, événements accomplis par le candidat pour trouver la solution, résoudre le problème ou au moins obtenir des résultats significatifs) ; le résultat (comment toute cette histoire s'est-elle terminée). Ou en cinq : Le poste occupé précédemment ; les problèmes rencontrés au cours de cette expérience professionnelle ; les options possibles pour y faire face et les pistes explorées ; l'option finalement choisie ; les résultats. Ou encore une autre structure en trois points : L‟empathie (je sais ce qui se passe, la situation que vous vivez) ; je sais tout cela parce que moi aussi je l'ai vécu et j'ai choisi d'y faire face, de chercher une solution (empathie²) ; la solution que j'ai trouvée, le résultat que j'ai obtenu, la clé qui a permis de trouver une issue à la crise qui se jouait. Il faut quelque part une notion de risque, que quelque chose soit en jeu comme dans n'importe quelle histoire. Car quelque soit la formule - architecture choisie, ce n'est nullement une garantie d'obtenir comme résultat, une histoire.

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CONTRER DES HISTOIRES

Il y a les histoires qui finissent bien, celles qui emmènent au cœur d‟échecs, et puis il y a aussi les histoires qui parlent de vous, mais en mal ! Elles sont soit spontanées, dirigées contre vous, soit suscitées par la narration de vos propres histoires et racontées par des adversaires. Quoi qu‟il en soit, il est nécessaire de réagir. Comment ? Pas en niant, et en avançant des faits. Cela n‟aboutira souvent qu‟à renforcer la rumeur. Une volonté attribuée au ministre de l‟éducation français de supprimer l‟école maternelle ? Une déclaration prônant l‟inverse et des excuses publiques sur des paroles malheureuses n‟y auront rien changé. Des histoires peuvent contribuer à renverser la situation, mais pas n‟importe quelles histoires. Plusieurs tactiques possibles : Poser une question qui challenge la rumeur, sans donner de réponse : Ce sont bien entendu les auditeurs qui l‟apporteront. Le fin du fin : ne pas poser directement de question, mais faire en sorte que ce soient les auditeurs eux-mêmes qui se la posent. Exemple : Marc Antoine qui, lors de son oraison funèbre aux funérailles de Jules César, ponctuait chacune de ses phrases 135

d‟un « Je viens pour enterrer César, pas pour faire son éloge ». -

Une métaphore :

Les métaphores ont déjà été décrites dans ce livre. Il s‟agit ici de trouver une autre histoire qui fera office de métaphore, un miroir de l‟histoire adverse, mais un miroir renvoyant une image qui nous arrange, c'est-à-dire risible. Par analogie, le ridicule de l‟histoire-métaphore contaminera l‟histoire adverse. -

Parodier l‟histoire adverse :

Il s‟agit de prendre appui sur le point fort de l‟histoire adverse et d‟en concevoir une version exagérée, au point de devenir ridicule. Un parallèle peut être établi avec le cinéma. « Le dictateur » de Charlie Chaplin rend l‟archétype du dictateur, et sa personnification avec Adolf Hitler, complètement ridicules. Ou, dans un univers plus business : face à une histoire rumeur infondée, une petite phrase genre « et il paraît aussi qu‟en plus de nous, tous nos concurrents vont également être rachetés par cette même boîte chinoise, c‟est fou, non ? » pourra produite des effets.

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LES STORY-DATABASE

Rassembler des histories, OK. Mais pour en faire quoi ? Les schémas traditionnels, l‟édition d‟un livre d‟entreprise, d‟une plaquette par exemple, ne sont pas tellement adaptés au storytelling des organisations. L‟objectif n‟est pas de constituer une collection, ni d‟occuper une étagère sur une bibliothèque, mais de se servir des histoires comme d‟une boîte à outils à usages multiples. La formule la plus pertinente est celle de la base de données d‟histoires (story-database). Ensuite, dans le cadre de l‟utilisation de cette base de données, des éditions thématiques pourront bien entendu être réalisées. Par exemple, une entreprise qui cherche à mettre fin à des pratiques non éthiques en son sein, pourrait éditer une plaquette présentant les comportements à bannir et les nouvelles pratiques à instaurer sous forme d‟histoires, d‟exemples concrets. Pour que cela soit possible, la base de données devra assortir chaque histoire de tags, qui permettront de faire un tri via une recherche par mots clés. De grandes entreprises ont d'ailleurs d‟ores et déjà leur storyteller maison, chargé justement de constituer ce type de bases de données. Zoom sur : Histoires de Coca Même si on ne connaît rien au storytelling, le simple fait de prononcer Coca-Cola ouvre tout de suite une pleine boîte de

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souvenirs : on a tous des histoires de Coca-Cola, influencées, bien-sûr, par le mythe Coca-Cola et du vécu. Coca-Cola, aussi, aime se rappeler ses histoires, en assumant également celles qui correspondent à des échecs. La compagnie invite donc tout un chacun à partager ses « histoires de Coca-Cola » dans la partie « Coca-Cola Heritage » de son site Internet. Et complète avec sa version de l'histoire (la partie consacrée au New Coke vaut le détour). Voilà donc la base de données des « stories » (histoires) CocaCola, vraiment très intéressante : http://www.thecocacolacompany.com/heritage/stories/index.html

Quand on parle de tags / mots clés, en réalité la démarche est plus sophistiquée que cela. Il ne s'agit pas seulement de fonctionnalités de moteur de recherche : des histoires peuvent être regroupées par archétype (celui qu'elles ont en commun), thématique bien-sûr mais aussi intention/objectif de l'émetteur de l'histoire, intensité émotionnelle (que l'on aura évalué sur une échelle), perspective (celle du héros, de l'adversaire...), ou former des entités issues de requêtes multi-critères. La story-database, autant ouverte aux success-stories qu'aux histoires d'échecs cuisants est en tout cas beaucoup plus utile qu'un classique catalogue de bonnes pratiques. C'est aussi, à une époque où la mobilité n'est plus considérée comme un tabou mais comme une qualité, et où les métiers ont été remplacés par des fonctions, un moyen plutôt bon marché de conserver une mémoire opérationnelle de l'entreprise. 138

Voici une liste de questions que l'on peut poser et se poser pour constituer une story-database : Quelles sont vos histoires préférées dans l'organisation ? Les plus détestées ? Pourquoi ? S'agit-il, pour vous, d'histoires vraies, de légendes, d'histoires complètes ou de fragments d'histoires ? Qu'est-ce qui vous fait dire cela ? Certaines de ces histoires vous donnent-elles envie d'entamer une discussion qu'elles déclencheraient donc, ou d'apporter votre commentaire ? Lesquelles et pourquoi ? Comment classeriez-vous ces histoires, si vous deviez les regrouper, lesquelles vous semblent aller de pair, lesquelles associeriez-vous ? Si vous deviez en chercher une en particulier, quel serait pour vous le moyen le plus simple de la trouver ? Sur la base de quel(s) critère(s) décideriez-vous qu'une histoire est utile pour éclairer ou répondre à un besoin, un enjeu particulier ? Si vous aviez une histoire à ajouter à la story-database, quel serait le processus que vous auriez envie d'utiliser ? Et cette histoire ajoutée par vos soins, qui devrait pouvoir la lire ? Évidemment, cette liste de questions n'est pas un procédé créatif générateur d'histoires... mais à sa décharge, ce n'est pas son objectif...

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Zoom sur : Base de données, anonyme et réseau social en même temps

Experience Project a un slogan prometteur : « les histoires personnelles sont des expériences de vie ». Mais ce n’est pas tout : ce qui fait sa spécificité, c’est que ce réseau social garantit l’anonymat (c’est vraiment à contre-courant des autres réseaux), et que le liant entre les utilisateurs se fait à travers des histoires. On trouve donc sur Experience Project une architecture organisée autour de groupes. Et à l’intérieur de ces groupes : des histoires, des confessions (qui sont aussi des histoires), avec, aussi, des possibilités de bloguer, d’ajouter photos et vidéos, bref des fonctionnalités classiques pour tout réseau qui se respecte (et respecte ses utilisateurs). Près de 3 millions d’expériences de vie sont donc déjà en ligne. Histoires de dépressions, de divorces… Les utilisateurs sont anonymes et sont connectés entre eux via leurs histoires. Sur Experience Project, il y a bien-sûr des catégories, mais s’y engager ne fait pas de l’utilisateur automatiquement une victime de ceci ou un malade de cela : c’est d’une thématique qu’il s’agit, autour de laquelle des victimes, malades, mais aussi des témoins ou tout un chacun peut se réunir pour échanger, un contexte partagé.

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LE STORYTELLING IMAGINAL : CRÉATIVITÉ ET RATIONALITÉ EXTRÊMES

La pratique systématique du récit n'est pas, en elle-même, maléfique, merveilleuse, suspecte, pédagogique, etc. Elle fait œuvre de recomposition de la réalité par du sens partagé, et c'est de ce sens, et de son impact, que dépend l'appréciation que l'on peut porter sur cette activité, qu'elle soit volontaire et explicite ou non. Le storytelling imaginal repose justement sur le projet personnel, ou collectif lorsqu'il se pratique en groupe, de faire émerger du sens, le sens le plus profond possible, qu'il soit enfoui dans les profondeurs de nos inconscients, ou qu'il repose dans l'inertie apparente d'un objet (Voir Jean-Marc Blancherie « Objeux et objoies d'hérméneutique en mercatique, ou le sens des objets » pour le colloque « Humanités et grandes Écoles » organisé par la conférence des grandes Écoles, 1996). Pour comprendre pourquoi les résultats sont stupéfiants, le mieux est d'expliquer la méthode. Au commencement est l'attention, la concentration, la capacité à formuler une bonne question, celle que l'on veut vraiment élucider. En groupe, c'est déjà une manière de penser vraiment, et de progresser en se demandant pourquoi on pense comme ceci, et pourquoi ma formulation n'est pas la même que celle de mon voisin de réflexion. C'est une façon de ne plus se raconter des histoires. De se trouver d'accord, aussi, et être prêt à découvrir du sens inattendu. Puis vient le brainstorming, qui n'est qu'une mise en bouche avant la pratique de la créativité profonde : on dit spontanément ce que nous inspire la question ainsi formulée, 141

et surtout on écoute les autres en acceptant complètement ce qui est dit, sans rebondir, sans commenter. Puisque c'est dit, c'est que cela a du sens pour le locuteur. Je laisse agir en moi cette parole de l'autre. Merveilleuse école d'écoute. Lorsque chacun a bien exprimé ses idées et intuitions, on peut passer à la phase de construction de l'histoire imaginaire : secret de fabrique, nous dirons simplement que l'animateur installe un processus de libre association, terme que la psychanalyste Virginie Megglé définit ainsi sur son site : « se laisser glisser d'une image à l'autre se laisser porter par ce qui advient laisser venir laisser se dire ce qui traverse l'esprit autour d'un mot d'un visage d'une vision d'un sentiment ou d'un rêve par exemple sans à priori... » Une histoire absurde, faite de bric et de broc, sans trame apparente, émerge rapidement : les phrases fusent, s'enchaînent et s'influencent ou non, et le groupe peut enfin souffler. Il la tient, son histoire ! Puis le travail commence, le travail d'interprétation, qui est au cœur de la démarche. Ce que Ricœur appelle le sens direct, ici cela n'existe pas. Ou plutôt il est à débusquer en pénétrant la forêt de symboles que représente l'histoire. Travail ardu, mais la forêt n'est pas sauvage, puisque le récit l'organise : il y a des acteurs, une 142

ambiance, des enchaînements, ou des ruptures, des actions ou pas, des émotions ou non. Et tout cela se décrypte à deux niveaux : celui de l'histoire nue, posée là sans lien avec le réel ; et celui de l'histoire en quelque sorte sur-interprétée, canalisée par la volonté de lui faire dire quelque chose d'un contexte précis, celui de la question posée. L'histoire interprétée nous entrouvre la porte de l'impénétrable, et reste toujours interprétable. Elle nous munit d'un levier symbolique, qui va nous permettre de comprendre et d'agir : l'interprétation va être portée vers les pans de réel qu'il nous intéresse de « dire », de manier, de transformer. Exemple : Soit l'exemple de la vocation internationale d'une grande métropole, cas auquel nous avons travaillé avec les acteurs concernés, politiques, artistes, chargés de relations internationales. L'histoire nous a dit comment oscillaient entre plusieurs motifs le désir de se déployer internationalement, comment des obstacles, en profondeur, venaient contrecarrer une volonté et des efforts pourtant vifs. Cette histoire, que vous ne connaîtrez jamais puisqu'elle appartient au groupe qui l'a conçue, indique comme bien d'autres que ce qui est bien là est acceptable, même si nous ne pouvions ou ne voulions le voir. Attitude Zen, lâcher prise : l'histoire apporte aussi les ressources pour agir et progresser. Autre exemple de storytelling imaginal : Nous avons animé pendant plusieurs années un séminaire, avec des étudiants d'une École Supérieure de Commerce, concernant le sens de divers objets manufacturés, des 143

parfums, la maison individuelle, la télécommande, l'écran d'ordinateur, des automobiles, la Harley-Davidson, le tramway, etc. Une fois l'histoire interprétée, elle nous invitait à choisir une orientation, l'un des sens qui nous paraissait en accord avec ce que nous projetions. Car l'analyse du sens nous donne aussi des possibilités de choisir, d'orienter la vocation d'un objet, puis de décliner celle-ci en termes d'usages, de marketing, d'image, de couleurs, de graphisme, de projets industriels, etc. La grande distribution s'intéresse à ce type d'histoire, car si les enseignes ont un grand arsenal pour étudier les comportements, elles ne savent rien du sens. Biensûr, le storytelling imaginal permet de décrypter le sens des marques et leurs histoires, le sens d'une politique publique, celui d'un choix professionnel, d'une stratégie. Imaginez, en Intelligence Économique, ce que vous pouvez découvrir !

COMMENT RACONTER DES HISTOIRES

Parler de la tonalité de la voix, de la gestuelle, des expressions du visage… ne ferait que ressasser des recettes déjà apprises ailleurs. Bien entendu, ces éléments ont une importance… toute relative par rapport au fond de l‟histoire, comme on a pu s‟en rendre compte tout au long du livre.

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Voici quand même une petite checklist, spécifique à l‟activité de storytelling : -

N‟essayez pas de raconter une histoire qui ne vous parle pas, cela se verra

-

Mettez-vous à la place d‟un auditeur et réfléchissez : que va-t-il entendre de et dans votre histoire ?

-

Testez votre histoire avant de la raconter « pour de vrai » : un auditeur test vous permettra d‟ajuster le tir

-

Assumez votre relation avec l‟histoire que vous racontez : est-ce la vôtre, celle de quelqu‟un d‟autre et, dans ce cas, êtes-vous légitime (ou tout simplement autorisé) pour raconter cette histoire ?

-

Evitez définitivement le côté ostentatoirement moralisateur en conclusion d‟une histoire : les fables de La Fontaine étaient adaptées à leur temps, ne le sont plus forcément à celui d‟aujourd‟hui, et même La Fontaine faisait de la morale avec une subtilité certaine.

Le choix du medium par lequel l'histoire se transmet a ici son importance. Orale, elle permettra de se connecter directement et profondément avec l'auditoire. Il sera également possible d'adapter autant que de besoin l'histoire au contexte et à l'auditoire. Elle favorisera aussi l'engagement, de l'auditoire et... du narrateur. Le gain le plus important de ce medium se situera sur plan de l'affinité.

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Ecrite, l'histoire aura une puissance de diffusion plus grande, tout comme un enregistrement vocal ou une vidéo. Représentée graphiquement, par une ou des illustrations, elle stimulera le souvenir, la mémorisation au sein de l'auditoire, tout comme une photo emblématique de l'histoire. Selon l'objectif assigné, l'un ou l'autre sera plus adéquat. Et si les objectifs ne sont pas clairement établis, il restera encore la solution du rich media sur le web, qui combinera ces différentes techniques. Enfin : allez plus loin que les mots. Une histoire, ce ne sont pas tant des mots qui s‟impriment dans l‟esprit et le cœur de l‟auditeur, que des images qui se gravent. Ce sont des images que doit évoquer votre histoire. Des images ? Des histoires.

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5.

COMMENT CONSTRUIRE DES HISTOIRES

LES QUESTIONS À POSER ET À SE POSER

? TROUVER

… DES

? HISTOIRES

PASSE

PAR

DES

QUESTIONS, OUVERTES ET NON FERMÉES Une question à laquelle on ne peut répondre que par oui ou non n‟a aucun intérêt en storytelling. Aucune chance de dénicher des histoires comme cela.

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Et bien entendu, ces histoires, on peut les trouver à l‟intérieur de soi ou dans le cœur et l‟esprit d‟autrui. Première étape : (se) préciser les objectifs (à quel usage sont destinées ces histoires ?). Le plus efficace, ensuite (deuxième étape), est de commencer par (se) rappeler des éléments de contexte pertinents relatifs au domaine concerné par notre recherche d‟histoires. Histoire d‟amorcer le processus. Attention toutefois à ne pas introduire un biais qui orienterait les réponses. Faisons comme si ce travail se faisait avec une autre personne. Troisième étape donc, les questions types : Rappelez-vous la première fois que… Ou un jour où vous vous êtes dit… Que s‟est-il passé ? Cette deuxième partie de question (le que s‟est-il passé) est essentielle pour obtenir des détails utiles. Racontez-moi… un événement… (un événement, et non une opinion, un simple fait…). Comment cela s‟est-il passé (plutôt qu‟utiliser le mot pourquoi)… Imaginez : quelqu‟un vous dit ceci ou cela… Quel événement pourriez-vous lui raconter pour : abonder dans son sens / lui prouver qu‟il a tort… Quel est le pire / meilleur moment que vous ayez vécu… Rappelez-vous un moment où vous vous êtes senti… Meilleur et pire sont deux adjectifs parmi d‟autres : triste, déçu, heureux, plein d‟espoir… pourraient également être utilisés. 148

Ce sont des adjectifs qui font appel aux émotions, et donc particulièrement aux histoires. Utiliser deux émotions opposées dans deux questions successives est particulièrement efficace. Faire trouver un titre à l‟histoire racontée est également une piste valable. Et si des questions directes semblent être une gêne pour l‟interlocuteur, il est toujours possible de les poser en employant le style indirect. L‟utilisation d‟images, de photos peut aussi être productive : quels événements spécifiques de votre propre expérience cette image vous fait vous souvenir…

SUR QUOI FAIRE PORTER LA QUESTION ?

… Vous ou votre équipe avez fait face à un dilemme dans le cadre d‟un projet … Avez fait l‟expérience d‟un turning point … Avez fait face à une situation de crise dans le cadre d‟un projet : comment cela s‟est-il passé avant, pendant et après (du début à la fin) … Vous vous êtes senti fier de faire partie d‟un projet … Avez pris un vrai risque et cela a payé (ou pas) 149

… Avez rencontré un obstacle et l‟avez surmonté … On pourra aussi procéder de manière plus structurée, en se penchant sur les territoires narratifs majeurs. Le terrain des intrigues fondées sur la créativité est l'un d'entre eux. Le héros - protagoniste de l'histoire résout un mystère, un problème en assemblant les pièces d'un puzzle de manière ingénieuse et volontaire. Dans l'univers cinématographique, le film Da Vinci Code en est un bon exemple. Les intrigues basées sur l'interaction entre les personnages acteurs d'un enjeu, la création de liens, sont peut-être plus difficiles à percevoir mais d'un grand intérêt. C'est un peu la thématique des chemins qui se croisent qui est ici à l'œuvre. C'est par exemple, toujours dans l'univers du cinéma, Pretty Woman : rencontre improbable (quant à son issue) entre une cow-girl et un businessman. Les intrigues fondées sur des défis ne sont pas les moins intéressantes. Le « personnage » principal se trouve face à un défi et tout le monde doute qu'il puisse être capable de le surmonter. Lui-même aussi d'ailleurs, et au premier chef. Et pourtant, il finit par réussir... Vous souvenez-vous de Susan Boyle ? Cette candidate à un jeu de télé-réalité britannique, devenue star de la chanson (avec les plus et les moins du statut), malgré un physique handicapant, et grâce à une voix extraordinaire. Quel lien entre Da Vinci Code, Pretty Woman, Susan Boyle et l'univers des entreprises ? C'est que dans la plupart des entreprises, il y a, à leur niveau, des histoires de Da Vinci 150

Code, Pretty Woman, et même de Susan Boyle, qui se déroulent le plus fréquemment du monde et qui gagnent à être connues.

Zoom sur : Questions de récession

Voici une série de questions dans le cadre d’un projet visant à rassembler des histoires vécues par des témoins de la crise de 1929 : Expliquez la démarche, dans vos mots. Durée de l’interview : 1/2h-1h

Échauffement : Au moment de la crise, où viviez-vous ? (Rappelez à l’interviewé son âge à cette époque, cela peut l’aider à se souvenir) Avec votre famille (que faisaient les parents, frères, sœurs…) ? Que faisiez-vous à l’époque (école, travail…) ? Questions (vous pouvez choisir celles qui vous semblent les plus adaptées) : Vous souvenez-vous du premier jour où vous avez compris qu’il y a avait une crise ? Qu’est-ce qui vous a fait comprendre cela ? Quand est-ce survenu ? Est-ce venu tout d’un coup où y’a-t’il eu des événements annonceurs, lesquels ?

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Racontez, un jour pendant la crise : du lever au coucher. Qu’est-ce qui était différent, qu’est-ce qui avait changé ? Qui a été touché (famille, voisins, connaissances) ? Que s’est-il passé ? Certains ont-ils souffert plus que d’autres ? Comment ? Aviez-vous un voisin du même âge ? Vivait-il mieux ou moins bien que vous ? Qu’est-ce qui se passait chez lui ?

Est-ce que les choses sont allées de pire en pire ? De mieux en mieux ? Que s’est-il passé ?

Quel a été le pire moment que vous ayez vécu durant cette crise ? Que s’est-il passé ? Imaginez : votre petit-fils (ou arrière-petit-fils) vous dit que les choses étaient plus difficiles à votre époque, pendant la crise, qu’elles ne le sont aujourd’hui. Quel souvenir d’un événement lui raconteriez-vous pour lui prouver le contraire ? Vous souvenez-vous avoir été surpris(e) qu’en plein milieu de la crise, un jour quelque chose s’est passé qui vous a fait dire : « finalement, ça ne va pas si mal que ça » ? Que s’estil passé ? Que faisait-on dans votre famille pour améliorer la vie quotidienne pendant la crise ? Racontez un événement où vous vous êtes dit : « ça, c’est une bonne idée », ou « ça c’est courageux ». Est-ce que vos voisins venaient demander des conseils à votre famille ? Que demandaient-ils ? Quelles réponses vos parents leur donnaient ?

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Spécificités pour une interview de groupe : A partir du témoignage de la personne qui le précède dans le cercle, chaque membre du groupe raconte ce qui lui est arrivé à lui, dans la même situation

Des images de l’époque sont montrées au groupe et une question est posée : quelles images vous rappellent-elles, pensez à des événements de votre vie à cette époque Et pour conclure ce travail de groupe : pourquoi ne pas faire réaliser au groupe un scrapbook avec le résultat de son travail ?

DÉBUTER DANS LE STORYTELLING, TRUCS ET ASTUCES

LA TECHNIQUE DE LA COLONNE VERTÉBRALE

C‟est Shawn Callahan qui a popularisé dans le monde du storytelling des organisations cette technique de construction d‟histoire dite de la « story spine » (issue du livre de Kat Koppett, « Training to imagine »). Ce modèle fournit le début des phrases de l‟histoire, à compléter.

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La situation actuelle : Il était une fois…. (pour être plus opérationnel dans un contexte d‟entreprise, l‟expression peut être remplacée par quelque chose comme : une date, ou revenons à cette époque où, remontons dans le temps…) Tous les jours… Le catalyseur de l’action : Jusqu‟à ce qu‟un jour… Les conséquences de cet incident : Et à cause de cela… (répété autant de fois qu‟il y a de conséquences) La sortie de « crise » : Jusqu‟à ce que finalement… Une morale de l‟histoire peut éventuellement être ajoutée.

UN EXERCICE

L‟exercice se pratique en groupe. Chaque membre du groupe est invité à partager une histoire avec son voisin. Mais tout le monde est prévenu qu‟il n‟aura qu‟entre 20 et 40 secondes pour raconter son histoire. Le faciliteur du groupe choisit le moment où il stoppe la narration. 154

Le débriefing permettra de voir que chacun a choisi une stratégie différente, pour essayer de faire percevoir son histoire à son auditeur. Qu‟est-ce que l‟auditeur en retiendra ? Pourrait-il la raconter ? Ce qu‟il a entendu lui donne-t-il envie de l‟utiliser ? Ce n‟est pas la façon de raconter l‟histoire qui sera déterminante, mais la manière dont le récit aura été structuré par son auteur.

COMMENT COMMENCER UNE HISTOIRE ?

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Par une scène poignante, haute en couleurs, qui a du punch, qui donne l‟impression « d‟une histoire qui promet »

-

En donnant le ton d‟entrée : il faut qu‟il y ait une vraie intensité dramatique

-

En utilisant le langage commun, voire même très commun, cru, parce que c‟est comme cela que l‟on s‟exprime dans la vie de tous les jours lorsque certains événements surviennent

-

En instillant d‟entrée des indices du message

-

En entrant rapidement dans l‟action

… En tout cas, pas en se contentant d‟assembler des faits. 155

UN SEUL ÊTRE VOUS MANQUE… « La mort d‟une personne est une tragédie ; celle d‟un million de personnes est une statistique ». Ainsi parlait… Staline. Et aussi peu sympathique que soit le personnage, il avait raison. Nous sommes bien davantage touchés par une tragédie individuelle. Des études ont notamment été faites dans le cadre de choix visuels pour des campagnes d‟appels à dons pour des organisations non gouvernementales. Il y a des implications pour le storytelling. Du fait, notamment, du caractère bref des histoires du storytelling en entreprise (et du temps tout aussi bref que peut accorder l‟auditeur), il n‟y a pas suffisamment de place pour un nombre élevé de personnages dans le récit. Introduire trop de personnages, c‟est risquer de faire perdre le fil de l‟histoire à l‟auditeur en cours de route et de le perdre tout court. Voire pire : risquer une méprise ; face à la multiplicité des personnages, l‟auditeur pourrait très bien ne pas identifier le personnage principal, le héros et le confondre avec un autre ! Une règle, donc : un protagoniste unique, et une présentation des personnages tour à tour, un à la fois.

JUSQU‟OÙ ALLER DANS LE DÉTAIL ?

Il y a quelques mois, c‟était un de ces jours de canicule que nous avons eu au mois d‟août, un représentant de l‟entreprise 156

B. a approché la Direction de notre entreprise. Période de vacances oblige, il n‟y avait ce jour-là que M. G. Il a bien-sûr joint M. V. et M. X., qui ont pris le premier avion, depuis leur lieu de vacances, pour une réunion d‟urgence, qui s‟est tenue dans la grande salle du comité de direction… Ce qui frappe dans le début de cette histoire, c‟est que, malgré l‟importance apparente du sujet, on n‟a pas vraiment envie d‟entendre la suite. Tout simplement parce que l‟histoire est tuée par une trop grande masse de détails, inutiles pour la transmission du message qu‟elle est sensée porter. C‟est une affaire d‟équilibre. L‟inverse, vider l‟histoire de détails, comme dans l‟exemple du Titanic déjà cité, serait tout aussi nocif car elle serait également vidée de son sens… et de sa crédibilité. L‟histoire de la malaria en Zambie, racontée par Steve Denning est une bonne illustration : on ne connaît pas la fonction exacte du personnage central, ni même si c‟était un homme ou une femme, on ne sait pas si cela se passait en été ou à une autre saison, s‟il pleuvait ou faisait beau… Tout simplement parce que ces détails n‟apportaient rien au message et donc à l‟histoire. Se cantonner aux détails qui apportent du sens est la clé. Un moyen de tester une histoire sur ce point précis : une petite séance de « téléphone arabe », en général très révélatrice.

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Zoom sur : … Exercice (suite) L’exercice de l’histoire interrompue au bout de 20 à 40 secondes peut à présent être repris, pour deux usages : Expertiser l’histoire racontée du point de vue du nombre de personnages et du niveau de détails Examiner le degré de survie de cette histoire inachevée : a-t-elle planté ses graines, ou celles-ci se sont-elles éparpillées sans germer ?

CONSTRUIRE SES TACTIQUES

ENCHAÎNER LES HISTOIRES

Une histoire ? Oui, et après ? Peut-être une autre histoire, puis une autre encore… Combien exactement ? Quand s‟arrêter ? Autant de questions pour lesquelles il n‟y a pas de réponse unique.

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Troquer ses pratiques traditionnelles contre un storytelling à tout crin n‟est pas une garantie d‟efficacité. Rééquilibrer ses pratiques pour tenter de « parler » à toutes les zones de notre cerveau est plus adéquat. Ainsi, utiliser des histoires, des faits, des opinions… est une tactique qui peut produire les meilleurs effets, si ce sont les histoires qui impulsent, sont le moteur de l‟ensemble. Dans d‟autres situations, des contextes appropriés, un enchaînement cohérent d‟histoires pourra également être productif. Un exemple, tiré de la pratique de Steve Denning : Steve Denning a pris comme base de départ la formule AIDA, bien connue des praticiens du marketing direct. A pour attirer l‟Attention, I pour éveiller l‟Intérêt, D pour susciter le Désir et A pour l‟acte d‟Achat. Il l‟utilise en la raccourcissant : Pour l‟Attention : une histoire du type « qui suis-je ? », et une histoire qui raconte que « nous avons des problèmes ». Pour le Désir : une histoire tremplin (nous en avons déjà parlé) Pour « l‟Achat » : une histoire qui raconte « pourquoi cela marche » et une histoire qui raconte « comment cela marche ».

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Zoom sur : Enchaîner des histoires comme des épisodes...

C’est le produit Skip Petit et Puissant qui a pris une initiative très storytelling, en complément, donc, d’une campagne incluant des spots télé et du street marketing avec distribution d’échantillons. Le petit côté storytelling réside dans la diffusion (bannières et sur le site de la marque) d’une web-série écrite et jouée par une comédienne. Intitulée « Vous y croyez vous », elle met en scène le produit dans la vie quotidienne d’une femme. Fiction peut-être, ludique aussi, mais également de l’information.

SÉLECTIONNER LES BONNES HISTOIRES

Les histoires étant partout, comme on l‟a compris, il y en a donc foison. Et c‟est bien le problème. Comment choisir LA bonne histoire ? L‟une des méthodes possibles peut être adaptée d‟une technique bien connue dans les pratiques managériales : le Most Significant Change.

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Zoom sur : La sélection du Most Significant Change Tracez cinq colonnes : le titre de l’histoire, les faits, les opinions, le vote et les raisons du choix. Pour chaque histoire, notez les mots clés, les éléments, les « faits », la véritable essence de l’histoire dans la colonne correspondante. Les opinions, positives et négatives, au sujet de l’histoire seront également reportées. Il est ensuite nécessaire de se poser la question essentielle : quelle histoire sert le mieux l’objectif qui est en jeu ? Passez au vote.

Tout se processus peut se réaliser individuellement ou en groupe. Analysez ensuite les raisons du vote, en commençant par les histoires qui ont obtenu le moins de suffrages. Votez à nouveau. Négociez (avec vous-même ou avec le groupe), pour aboutir à un choix final. Complétez éventuellement l’histoire en vous posant quelques questions : quels éléments manquants seraient nécessaires, quels éléments devraient être supprimés, y’a-t-il des leçons à tirer de cette histoire, posez également des questions provocantes (du type : pourquoi toutes ces histoires sont-elles aussi tristes ?) ?

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LES ATTRIBUTS DES HISTOIRES EFFICACES

A LA CROISÉE DES QUESTIONS

Ici aussi, il y a un certain nombre de questions à se poser, dont les réponses sont à croiser avec les histoires que l‟on aura trouvées. Par exemple : Quels sont les événements majeurs qui ont marqué et marquent toujours l‟entreprise ? Quels sont ses personnages emblématiques, et pourquoi sontils considérés comme tels ? Quels sont les moments dans lesquels l‟entreprise a montré son meilleur jour, et à contrario, a réalisé ses pires performances ? Quelle est l‟histoire fondatrice de l‟entreprise (ou de son fondateur) ? L‟entreprise a-t-elle déjà été au centre d‟une histoire de « bien contre le mal » ? Plus les points de croisement seront nombreux, plus l‟histoire lauréate aura de chances d‟être efficace.

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LES QUALITÉS DE L‟EFFICACITÉ L’endurance : La performance s‟inscrit dans la durée. C‟est avec le temps que les histoires acquièrent leur puissance ; les plus puissantes étant celles qui finissent par devenir des mythes d‟entreprise. La force : Qu‟est-ce qui fait la force d‟une histoire ? Son caractère astucieux, sa brièveté (condition pour que l‟auditeur s‟en souvienne), et sa force émotionnelle. Ces trois attributs suffisent à cela. Faire sens : L‟histoire qui fait sens, c‟est l‟histoire qui explique et fait comprendre ce qui s‟est produit dans le passé, et augure du futur. Faire sens oui, mais pas seulement pour l‟émetteur, pour l‟auditeur surtout. Le confort : Qu‟elle soit personnelle ou empruntée à autrui, heureuse ou triste, le narrateur doit se sentir à l‟aise avec son histoire. Répétons-le : l‟auditeur aura d‟autant plus de facilité pour entrer dans l‟histoire qu‟il sentira que l‟émetteur y est aussi. La clarté : On pourrait considérer ce critère comme étant toujours ou n'étant jamais rempli, car il est en apparence difficile à mesurer. Comme souvent dans ces cas-là, il faut aller au plus simple : une histoire sera donc claire si elle touche son destinataire dès la première fois. L'histoire et ses composants ne sont ni 163

simplistes ni complexes : ces attributs peuvent sembler... simplistes justement, mais les scénarios des films les plus renommés n'obéissent pas à d'autres règles que celles-ci. La crédibilité : Plus que des faits et des chiffres, qui contribueront certes à asseoir la crédibilité de l'histoire, ce sont des éléments de contexte tels que le nom des personnages (d'autant plus s'il s'agit de personnes existant réellement), des dates, des lieux et des situations qui rempliront le mieux ce rôle. L'éveil des sens : Une histoire doit permettre à l'auditeur de vivre l'événement qu'elle relate comme s'il en avait été l'un des acteurs lorsqu'il s'est produit (ou du moins en faire une expérience vécue la plus proche possible). Le destinataire de l'histoire doit pouvoir expérimenter l'événement en le voyant, le sentant, le touchant, l'entendant et en faisant appel au sens du goût comme s'il en avait été partie prenante. La surprise : L'histoire efficace sera celle qui empruntera une trajectoire inattendue, pour toucher le destinataire là où il s'y attend le moins. La pertinence : Dernier critère, mais le plus essentiel : l'histoire est-elle réellement adéquate ? Elle l'est si elle vient pousser et tirer (le fameux effet push Ŕ pull cher aux marketers) l'objectif. Elle ne sera pas pertinente s'il s'agit d'une histoire prétexte, d'un élément du décorum : une histoire, c'est de l'éthique, pas de l'esthétique. 164

LES PETITS DÉTAILS GRANDES HISTOIRES

PEUVENT

FAIRE

LES

Il n‟est pas forcément nécessaire d‟avoir une grande, belle histoire, très structurée à raconter pour avoir un impact réel et fort. Ce sont souvent les petits détails qui sont les plus évocateurs, les plus émouvants et qui suffisent à formuler une histoire qui marque… ou qui démarque ! Exemple : Un candidat avait postulé pour un emploi très attrayant. Le courant qui passe parfaitement pendant l‟entretien… Et le courrier de confirmation avec une offre vraiment intéressante suit. Le candidat en question renoncera à cette opportunité parce que la lettre l‟informant qu‟il a avait été retenu était arrivée par email un vendredi soir à 23 heures, expédiée par son futur chef direct. Où est le problème ? Il réside dans le mot « opportunité » employé dans la phrase précédente.

LES HISTOIRES LES PLUS SOUVENT LES PLUS HUMBLES

FORTES

SONT

Il y a un piège : c‟est celui des « histoires cocorico ». L‟autofélicitation, la présentation d‟un personnage star est au mieux risible, au pire elle détourne vos fameux interlocuteurs de vous et de votre message. 165

Quelques façons (non exhaustives) de s’en sortir dans un cas pareil : un gros problème survenu au cours d‟une opération en entreprise (et dont vous pourriez éventuellement être en partie responsable) a pu être réglé, par le patron, mais grâce à votre intervention imaginative. Cet exemple illustre une approche qui consiste à tabler sur l‟humilité ; ici c‟est le fait que c‟est le patron qui, aux yeux de tous, est le héros. une autre voie consiste à ne pas chercher à apparaître comme un démiurge omnipotent, un « monsieur je sais tout », mais comme quelqu‟un qui maîtrise un aspect clé, professionnel ou autre, à mettre en évidence dans l‟histoire. L‟idée est ici de montrer que vous avez besoin d‟autrui car vous ne savez pas tout (c‟est aussi une forme d‟humilité, mais à un autre niveau), en étant tout de même l‟homme ou la femme de la situation. Le plus difficile est ici de faire en sorte que l‟auditoire n‟ait pas l‟impression qu‟il s‟agisse uniquement d‟un effet de manches. Le meilleur moyen ? Que ce n‟en soit pas un, justement !

CONSTRUIRE UNE NOUVELLE HISTOIRE

Même la plus belle des histoires n‟est pas éternelle. Même une histoire fondatrice à une durée de vie limitée. 166

C‟est alors le moment d‟écrire une nouvelle histoire. Il ne s‟agit pas pour autant de troquer une histoire d‟entreprise fondée dans le garage de la maison familiale contre une histoire de start-up née dans la Silicon Valley . Ou d'être un fabricant de vêtements en fourrure qui abandonnerait son histoire de passion familiale ancestrale pour fonder son histoire dans les racines humaines -après tout, l‟homme préhistorique aussi, portait des vêtements en fourrure… Il y aurait quelque part un (gros) problème de crédibilité. La technique de réécriture d‟histoire passe donc par un questionnement sur les problèmes du récit actuel. Ces problèmes doivent être explorés en profondeur, sous tous leurs aspects, leurs manifestations, leurs conséquences… Il s‟agit d‟opérer une mise à distance qui permet de se détacher peu à peu de l‟ancienne histoire, non pas pour l‟oublier mais pour s‟en servir comme base de départ pour pouvoir passer à « autre chose ». Un nouveau récit. Celui-ci sera fondé sur des exceptions, des moments vécus au cours desquels les problèmes de l‟histoire initiale ont été moins effectifs, ou ont pu être surmontés. L‟analyse de ces exceptions permettra d‟établir « les plans » de construction de la nouvelle histoire, avec ses murs et les ouvriers qui participeront à leur édification.

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6. LES DÉFIS DU STORYTELLING

DIGITAL STORYTELLING

Plus de 50 outils web 2.0 permettent à l‟heure actuelle de raconter des histoires online.

DES APPLICATIONS DÉRIVÉES

Des applications web traditionnelles peuvent être utilisées pour raconter des histoires comme elles le sont aussi pour d‟autres usages. Pour son nouveau parfum pour femmes Hypnôse Senses, Lancôme avait ainsi non seulement prévu une campagne web ambitieuse mais aussi une dimension storytelling. Le site officiel Hypnôse Senses était le cœur du dispositif, mais en amont, un buzz a visé des blogueurs sélectionnés : Lancôme leur a envoyé un widget participatif et… storytelling. Il les invitait en effet à compléter un texte dont le début avait été rédigé par le rédacteur du widget-blog, en communauté. Cela a pu donner une jolie petite histoire, et le processus en

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était une autre, pas moins intéressante dans une logique de marketing relationnel. Autre exemple : les wikizines. Lancée par Zimbio (réseau social online), l'idée consiste à créer un web magazine interactif (un wiki magazine pour ainsi dire) sur n'importe quel sujet. On peut y inclure des flux RSS (y compris de son propre blog), des articles de son blog, des news, des images, vidéos, forums, commentaires... Le storytelling peut y avoir une place, comme sur plein d'autres supports. Mais il prend une dimension supplémentaire : ce côté wiki qui permet aux histoires racontées dans le magazine de s'enrichir sans cesse. Peutêtre bien le prototype du storytelling de demain. Autre exemple encore : Après avoir failli rendre les armes (ce qui, visuellement, aurait quand même été dommage), la marque de lingerie Morgan a été relancée par son nouveau propriétaire. Et c‟est avec une bonne dose de storytelling digital (sur le web) que cela s'est passé. Le concept de communication : « oui aux armes de séduction ». Ses modules interactifs pour tester la sensualité de sa voix via le micro et la webcam de son ordinateur ont été conçus. C‟est du storytelling dans la mesure où un coach donne ensuite des conseils aux internautes, ce qui, quelque part, peut leur

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permettre de construire une histoire, en changeant d‟histoire, par l‟amélioration de sa voix. Autre module : celui qui permet de travailler une démarche sexy en talons (aiguille, j‟imagine). Même remarque que pour le précédent. Reste ensuite à la construction de quel genre d‟histoire cela pourrait servir : derrière la fiction du théâtre joué par les participants, reste-t-il de l‟authenticité ? Clou du dispositif : une « mission séduction » via Facebook Connect. Les internautes peuvent tester le potentiel d‟une relation avec un(e) de leur(s) ami(e)s Facebook. En croisant les informations de leurs profils respectifs, ils obtiennent le degré de difficulté de la mission, et des propositions de garderobe adéquate pour maximiser les chances de réussite.

DES APPLICATIONS SPÉCIFIQUES

On peut aussi créer des applications ad hoc spécialement pour le storytelling. Parmi elles, Magnum in Motion (Magnum en mouvement) est une initiative originale de storytelling de la célèbre agence de photos Magnum. Lancé en 2004, le projet consiste à extirper des photos des archives ou de travaux récents de photographes de l'agence, pour composer des histoires. Ces photos mises en scène sont assorties de commentaires, de sons...

Le contexte des photos, l'intérêt du photographe pour le sujet, 170

l'intégration plus générale de ce dernier dans son travail... Bref, l'histoire du reportage et du photographe, sur le vif. Magnum in Motion revendique la création d'une « expérience unique, immersive et engagée ». Les photos-histoires peuvent être consultées online ou sous forme de podcasts sur iPod, iPhone, écran télé... Des solutions libres, utilisables et personnalisables par tout un chacun sont également disponibles. Whrrl, MakeBeliefsComics, Empressr, MapSkip, Datascape, LifeSnapz… Leurs noms importent peu : certaines ne survivront pas à une quête infructueuse de modèle économique, mais leurs principes de fonctionnement qui apportent une vraie valeur ajoutée seront à coup sûr repris par d‟autres opérateurs. Certaines, comme Circavie, qui permettait aux internautes d‟organiser leurs histoires sous forme de ligne chronologique de vie enrichie de photos, vidéos, textes… ont déjà disparu, malgré leur succès et leur intérêt. Ces solutions se focalisent sur la collecte, l‟enrichissement, l‟organisation et le partage d‟histoires. Et méritent largement le détour.

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Zoom sur : Le web call back storytelling

Lorsque Easyjet s'y est essayé, à l'automne 2009, le web call back n'avait encore pratiquement jamais été utilisé en France. Déployée autour d'un site web dédié, www.itstimetoleave.com, cette campagne publicitaire teintée de buzz et de viralité a utilisé l'une des technologies les plus novatrices du moment, et le storytelling en est l'un des piliers. Concrètement : lorsqu'il arrive sur le site, l'internaute se trouve plongé au cœur d'un film d'action, dont il est d'ailleurs l'un des protagonistes, via son téléphone portable. Le héros du film, qui tente d'échapper à une bande de yakuzas à ses trousses, l'appelle sur son téléphone portable pour lui de mander de l'aider dans une course poursuite des plus réalistes. Le téléphone portable devient alors une véritable manette de jeu vidéo : les touches du clavier permettent d'interagir avec le jeu et ses personnages, avec une synchronisation de la vidéo sur l'écran de l'ordinateur. C'est à se demander qui, au final, est le héros de cette histoire ! connecter, se mettre en réseau avec la leur, toute aussi authentique, qu’ils possèdent déjà... mais CQFD.

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173

SURMONTER LES RISQUES DE BANALISATION

On a tous déjà expérimenté la surconsommation de certaines friandises ou de certains jeux online, avec en bout de ligne... une lassitude. Plus aucun effet. C'est ce qui risque d'arriver avec le fameux « Yes we can » de Barack Obama, qui, plus qu‟un slogan, résume uns véritable histoire proposée aux Américains. Il n'y a qu'à observer un peu la blogosphère pour lire des « Yes he can », « you can » etc. C'est maintenant la Fédération française de foot qui s'y met. A l'occasion de l'investiture de Barack Obama, elle a répondu dans un spot pub télé à la question "La France peut-elle se qualifier pour la coupe de monde 2010 ?" par un « Yes we can ». Certes, il s'agissait d'une opportunité conjoncturelle, mais d‟autres se sont essayés à l‟exercice : dernièrement, TNT avec « Sure we can » (pas la pire des adaptations, avec au moins un vrai message). Avec le risque de le vider non seulement d'effets mais aussi de sens. L'abus nuit gravement à la santé du storytelling. D‟ailleurs, a-ton entendu des appels au ralliement à la bannière du « Yes we can », qui auraient pourtant pu être utiles à Barack Obama dans son combat pour la réforme du système de santé américain ? Non, d‟autres histoires ont été racontées pour contrer celles de ses adversaires.

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7.

UNE TECHNIQUE DANGERS À MAÎTRISER

PUISSANTE,

DES

DE LA PUISSANCE À L‟ÉTHIQUE

On entend beaucoup parler d'authenticité dans l'usage du storytelling en publicité, pour ne prendre que l‟exemple de la publicité.

Mais qu'est-ce que le mot authenticité signifie ? 175

Est-ce que le fait de vivre une expérience avec la marque est suffisant ? On n'achète pas un produit mais l'histoire qui lui est attachée. C'est vrai. Et même plus, on achète l'histoire que l'on se raconte à soi-même lorsqu'on acquiert ce produit, ce qu'il représente à nos yeux. Et on raconte ensuite l'histoire de cette relation à d'autres. On peut aussi souligner l'importance de l'auditeur, mais tout autant la responsabilité de l'émetteur de l'histoire, dont il doit bien mesurer l'impact. C'est d'autant plus important que les marques sont un ensemble complexe d'histoires, de perceptions, d'impressions, parfois basées sur une vraie expérience de vie, et d'autres fois sur rien d'autre que des « on-dit ». Avec un grand rôle de la représentation symbolique des histoires dans le succès ou l'échec des marques.

FAUT-IL SE POSER DES LIMITES ?

QUELQUES PRINCIPES : - les histoires publicitaires ne doivent pas être forcément basées sur des faits réels - si le message délivré est véridique, cela peut suffire à rendre l'histoire authentique : les mythes, fables et métaphores sont des exemples flagrants. Une histoire est vraie lorsqu'elle nous 176

connecte avec des réalités tangibles de la condition humaine. Harley-Davidson est un exemple. - gare cependant aux fictions west de Marlboro, marque authentique ? On est ici marques » : quelque chose artificiel.

complètes : en quoi l'univers farcréée au 20ème siècle, est-il dans de la « télé-réalité des se passe, c'est sûr, mais c'est

CE QUE DEMANDENT LES CONSOMMATEURS, LE PUBLIC

Des histoires, non ! Mais, des histoires oui ! Traduction : pas de bobards mais de vraies histoires (nuance : on parle bien de vraies histoires, qui ne sont pas forcément des histoires vraies).

Zoom sur : Une histoire de marque authentique ? Harley-Davidson, assurément On raconte qu’un ponte de la firme a dit un jour « avec nous, des comptables dans la quarantaine peuvent pétarader tout de cuir vêtus dans de petits patelins où ils effraient les passants ». C’est une histoire de rébellion et de liberté, de prendre la route, d’explorer le monde et de vivre sa vie comme on l’entend, avec en prime une petite dimension « hors la loi ».

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En cela, Harley-Davidson reflète bien la founding story de l’Amérique, le mythe américain, du moins avant sa modernisation (vraiment si flagrante que ce qu'on annonçait ?) née de l’élection d’Obama. L'authenticité de l'histoire tient à la réalité du vécu que peut revendiquer la marque, et au fait qu’elle touche les Américains au plus profond d’eux-mêmes, de leur histoire. L’histoire Harley-Davidson ne fait que se connecter, se mettre en réseau avec la leur, toute aussi authentique, qu’ils possèdent déjà... mais CQFD, that’s it !

L‟histoire Harley-Davidson est validée, authentifiée par ceux qui la vivent.

On pourra toujours dire qu‟une histoire complètement artificielle peut être rendue authentique par ceux qui choisissent d‟y croire et de se faire comme on dit, un film… Mais alors, on pourrait authentifier n‟importe quoi.…

L‟authenticité est de la responsabilité des utilisateurs du storytelling, pas de ceux qui en sont les « cibles ». C‟est un choix qui s‟offre à eux : celui de conserver toute sa puissance à cette discipline, ou de la condamner à être une mode qui devra être remplacée tôt ou tard pour cause de décrédibilisation. Une éthique est nécessaire, elle ne peut être que personnelle compte tenu de la diversité des usages du storytelling et des profils de ceux que le pratiquent.

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S'IMPOSER DES GARDES-FOUS Le contexte : Nous nous plaignons assez de voir certaines de nos paroles sorties de leur contexte pour ne pas faire en sorte que cela n'arrive pas avec notre storytelling. Si une histoire peut être utilisée dans bien des situations, une référence à son contexte d'origine est essentielle pour qu'elle puisse à la fois acquérir de la crédibilité, du sens, et être le fruit d'une certaine honnêteté intellectuelle. L'ouverture à la discussion : Etant donné l'objectif des histoires utilisées dans les organisations, la plupart du temps une évolution, du changement, elles vont inévitablement aller à l'encontre d'idées préconçues, de traditions bien ancrées et tenues pour immuables. C'est pour cela que la discussion doit être ouverte, entre l'émetteur et les auditeurs. En même temps, cela réclame, de la part des auditeurs, une attitude, un temps d'écoute, et de traitement du récit, en évitant une réponse réflexe : une contre-histoire pour répondre à l'histoire qui vient juste d'être racontée. Se projeter sur le long terme : Avant de raconter une histoire, il est indispensable d'en envisager les conséquences, les effets, non pas immédiats mais sur le long terme : toutes les histoires, positives ou négatives, ne sont pas bonnes à raconter.

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L'abus de position dominante : L'intérêt d'une histoire réside aussi dans sa faculté d'en générer d'autres : il faut pour cela que l'histoire racontée ne soit pas « écrasante », qu'elle laisse de la place pour celles qui vont suivre. Le monopole satisfait peut-être l'ego mais n'est pas éthique et pas du tout efficace. Le risque de distorsion : Le sens d'une histoire, forcément lié à un contexte d'origine, peut évoluer au fil du temps jusqu'à aboutir à des contre-sens. La coupler à d'autres histoires qui sont autant de points de vues différents sur une même thématique peut alors corriger le tir ou au moins engager une réflexion saine.

COMMENT ÉVITER LA MANIPULATION

Du livre « Storytelling », écrit par le chercheur Christian Salmon, on peut conclure l‟analogie suivante : histoires = fiction = manipulation. Le Belge François Meuleman, dans son « Storytelling, on va tout vous raconter » lance pour sa part un : « plus simple que beaucoup d’autres et d’une efficacité redoutable, le storytelling est actuellement l’outil de manipulation bon marché par excellence. » C‟est effectivement un risque réel (celui de la manipulation, pas du coût relativement peu élevé du storytelling qui, lui, serait plutôt une bonne nouvelle), et il est bon de le prendre en

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compte. Mais en faire un processus automatique et généralisé ne reflète pas la réalité. La manipulation n‟est déjà pas une affaire d‟intention de l‟émetteur mais de perception par l‟auditeur. Une histoire, comme n‟importe quel autre type de discours ou comme n‟importe quelle autre action, peut ainsi être manipulatrice à l‟insu (du plein gré…) de son émetteur. D‟où l‟intérêt de se pencher avant tout sur des problématiques d‟impact de l‟histoire, préalablement à sa rédaction. Il est pour cela nécessaire de faire l‟effort de connaître son auditoire sous toutes ses dimensions : identité, contexte, objectifs… Il y a un petit test tout simple à faire, pour déterminer si une histoire est manipulatrice ou non (voir ci-dessous).

Zoom sur :

Le test anti-manipulation Vos histoires sont-elles manipulatrices ? Et plus généralement votre manière de raconter des histoires. Bien-sûr, ce n'est pas le but, sauf si vous avez décidé de détourner le storytelling de sa vocation et dans ce cas, passez votre chemin... Alors, votre storytelling est-il manipulateur ?

Pour le savoir, il suffit de se poser une question toute simple : est-ce que votre histoire et/ou votre storytelling perdrait son pouvoir si vos auditeurs savaient exactement ce que vous êtes en train de faire et dans quel but vous le faites ? Si la réponse

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est oui, la manipulation est là.

Ce test est en tout cas plus malin que d'assortir chacune de vos histoires d'un « mode d'emploi » pour éviter tout risque de manipulation -un peu comme si vous regardiez un film en ayant le scénario sous les yeux. Si ce n'est pas de la manipulation, alors, dans un usage managérial, le storytelling peut viser soit la persuasion, soit vouloir influencer. L'influence cherche à agir directement sur les comportements (conatif), la persuasion au niveau de l'attitude (affectif), même si la persuasion peut aussi susciter des comportements dans certains cas. La morale de cette histoire : le storytelling ne s'use que si l'on s'en sert mal.

Nous sommes au carrefour de notions dont les frontières ne sont pas entourées de barbelés : l‟influence, la persuasion et la manipulation. Le défi d‟une bonne histoire est de ne pas franchir la ligne rouge. Autrement dit, et on l‟a déjà compris tout au fil du livre : une bonne histoire n‟est pas une histoire qui s‟impose à l‟auditeur mais qui fait réfléchir.

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TABLE DES MATIÈRES 1. LES FONDEMENTS DU STORYTELLING

13

AUX SOURCES DU STORYTELLING LA TRADITION DES CONTEURS LES THÉORICIENS Platon Aristote Cicéron Barthes, Deleuze, Foucault et Ricoeur Bakhtin SENS, RÉCIT, RÉALITÉ : UNE PERSPECTIVE CONSTRUCTIVISTE L’ACTUALITÉ DU STORYTELLING LE WEB TRANSFORMATEUR L'écriture Web L'écriture de soi LE STORY-JOURNALISME LE STORYTELLING N’EST PAS… … TORI SPELLING … UNE TENDANCE

13 13 15 15 17 19 21 23 25 28 28 28 31 35 38 38 39

2. QU’EST-CE QU’UNE HISTOIRE ?

41

LA DIVERSITÉ DES HISTOIRES LES DÉFINITIONS ET TYPES D’HISTOIRES HISTOIRES TRADITIONNELLES VS. STORYTELLING ORGANISATIONNEL HISTOIRES VS. FAITS VIGNETTES, ANECDOTES, EXEMPLES... ET HISTOIRES

41 44 44 46 47 183

QUELS TYPES D’HISTOIRES POUR LE STORYTELLING CONTEMPORAIN ? LE CONTE DE FÉES ALLÉGÉ ENCORE PLUS LÉGER… En trois parties… En quatre… DES CATÉGORIES ET DES HISTOIRES DES HISTOIRES AVEC ET SANS TEXTE Une histoire en un mot… Histoires sans mots… En nuage de mots… Des histoires en Powerpoint… HISTOIRES TREMPLIN LE FAUX DÉBAT FICTIONS - HISTOIRES VRAIES, OBJECTIVITÉ SUBJECTIVITÉ FICTIONS VS. HISTOIRES VRAIES HISTOIRES VRAIES – FICTIONS, OK, MAIS QUE DIRE DU MENSONGE ? OBJECTIVITÉ VS. SUBJECTIVITÉ LES HISTOIRES : UNE BOÎTE À OUTILS JAMAIS À COURS DE RESSOURCES Une bonne histoire finit toujours bien ? Métaphores ARCHÉTYPES

50 50 51 51 52 55 56 56 58 60 61 63

3.COMMENT FONCTIONNENT LES HISTOIRES ?

78

L’UNIVERSALITÉ DU STORYTELLING DEUX MATRICES Un fonctionnement émotionnel Un mouvement perpétuel ÊTES VOUS STORYABLE ? UN MODÈLE D'ÉVALUATION

78 80 80 83 85 85

184

66 66 68 69 71 71 72 73

La structure de l'entreprise : La culture de l'entreprise : Le mode de communication : CES HISTOIRES QUE L’ON SE RACONTE L’IMPORTANCE DE L’AUDITEUR ET DE L’ÉCOUTE MAÎTRISER LES EFFETS DES HISTOIRES 100 % influence = 0 %contrôle Les histoires fausses ont la vie dure LA QUÊTE IMPOSSIBLE ? L’EFFICACITÉ EN QUESTION Une histoire… Quelles preuves, pour quelle efficacité ? Comment évaluer précisément ces effets ?

85 86 86 89 90 93 93 93 95 97 97 99 102

4.

103

UTILISER LES HISTOIRES

STORYTELLING D'INFLUENCE A CHAQUE USAGE SON HISTOIRE LES HISTOIRES SUR LE FUTUR STORYTELLING ET KNOWLEDGE MANAGEMENT : QUELS ENJEUX? STORYTELLING ET LEADERSHIP L'ELEVATOR SPEECH L'HISTOIRE FONDATRICE LE STORYTELLING COMME TECHNIQUE DE VENTE STORYTELLING ANALYTIQUE L’INTÉRÊT DES HISTOIRES COMME MATÉRIEL D’ANALYSE DE L’ENTREPRISE COMMENT COLLECTER DES HISTOIRES LES APPLICATIONS INATTENDUES RÉINVENTER UNE VILLE, UN PAYS… DAB STORYTELLING

103 103 107 109 111 114 116 119 121 121 123 126 126 128 185

ÉTABLIR DES PONTS CULTURELS STORYTELLING JUDICIAIRE EXPLORER LE MONDE DES RÊVES COMMUNICATION « FINANCIÈRO-STORYTELLING » CRM-STORYTELLING UNE HISTOIRE POUR SE FAIRE RECRUTER CONTRER DES HISTOIRES LES STORY-DATABASE LE STORYTELLING IMAGINAL : CRÉATIVITÉ ET RATIONALITÉ EXTRÊMES COMMENT RACONTER DES HISTOIRES

128 129 129 131 131 133 135 137 141 144

5.

147

COMMENT CONSTRUIRE DES HISTOIRES

LES QUESTIONS À POSER ET À SE POSER 147 TROUVER DES HISTOIRES PASSE PAR DES QUESTIONS, OUVERTES ET NON FERMÉES 147 Sur quoi faire porter la question ? 149 DÉBUTER DANS LE STORYTELLING, TRUCS ET ASTUCES 153 LA TECHNIQUE DE LA COLONNE VERTÉBRALE 153 UN EXERCICE 154 COMMENT COMMENCER UNE HISTOIRE ? 155 UN SEUL ÊTRE VOUS MANQUE… 156 JUSQU’OÙ ALLER DANS LE DÉTAIL ? 156 CONSTRUIRE SES TACTIQUES 158 ENCHAÎNER LES HISTOIRES 158 SÉLECTIONNER LES BONNES HISTOIRES 160 LES ATTRIBUTS DES HISTOIRES EFFICACES 162 A LA CROISÉE DES QUESTIONS 162 LES QUALITÉS DE L’EFFICACITÉ 163 LES PETITS DÉTAILS PEUVENT FAIRE LES GRANDES HISTOIRES 165 186

LES HISTOIRES LES PLUS FORTES SONT SOUVENT LES PLUS HUMBLES CONSTRUIRE UNE NOUVELLE HISTOIRE

165 166

6. LES DÉFIS DU STORYTELLING

168

DIGITAL STORYTELLING DES APPLICATIONS DÉRIVÉES DES APPLICATIONS SPÉCIFIQUES SURMONTER LES RISQUES DE BANALISATION

168 168 170 174

7. UNE TECHNIQUE PUISSANTE, DES DANGERS À MAÎTRISER

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DE LA PUISSANCE À L’ÉTHIQUE FAUT-IL SE POSER DES LIMITES ? Quelques principes : Ce que demandent les consommateurs, le public S'IMPOSER DES GARDES-FOUS COMMENT ÉVITER LA MANIPULATION

175 176 176 177 179 180

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Achevé d‟imprimer sur les presses de l‟imprimerie A Plus - 95300 Ennery ISBN 978-2-36127-000-1 -  Éditions du Désir novembre 2009

NOVEMBRE 2009 Les cartes qui accompagnent le livre se trouvent à l'adresse suivante http://www.maps.desiredit.com/Storytelling_Master_Map.pdf ou http://www.maps.desiredit.com/storytelling.htm

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