"Omar l'a tuée, Vérité et Manipulations d'opinions" du Capitaine Georges Cenci
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A Mougins, le 23 juin 1991, la vie de Ghislaine Marchal bascule. Après s'être barricadée dans la cave de la Chamade,...
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OMAR L’A TUEE
Capitaine Georges CENCI
OMAR L’A TUEE
VERITE ET MANIPULATIONS D’OPINIONS
Préface Souvenirs et réflexions Onze ans de silence médiatique et stoïque pour le capitaine Cenci depuis le début de son enquête. Huit ans en ce qui me concerne depuis le début du procès, à l’exception de trois discrètes mises au point sur des propos outrageants et provocateurs envers la Justice et en déclinant, de ma seule initiative, une quinzaine d’invitations à des séances d’interviews ou de justice spectacle. Aujourd’hui encore et même après la décision de la Cour de révision, je ne m’arroge pas le droit et je n’ai pas l’intention de me livrer à de quelconques commentaires sur le fond de l’affaire, le procès et le verdict, ma fonction ayant été – il faut le comprendre – de nature différente de celle du directeur d’enquête appelé à rendre compte de ses investigations, à en exposer les résultats et à formuler ses conclusions pendant l’instruction puis aux audiences publiques. Dans un livre intitulé « La Justice au Parnasse », un grand avocat d’assises d’une autre époque, maître Maurice Garçon, écrivait au chapitre " en marge de l’Immortel" consacré à sa plaidoirie dans un procès en diffamation sur de faux objets archéologiques : « Pour savoir de l’une ou l’autre thèse…laquelle était la bonne, il m’apparaissait que deux gendarmes, enquêtant et perquisitionnant sur l’ordre de leur chef et revêtus de leur uniforme, apporteraient des preuves d’autant plus précieuses qu’elles seraient exemptes de passion… » Après ce bref, mais net, hommage à l’objectivité de la gendarmerie, cet illustre membre de l’Académie française, auteur
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aussi de « L’essai sur l’éloquence judiciaire », déplorait le comportement injurieux et grossier de ses adversaires contre son client et divers collaborateurs de justice, tels que des experts, en ajoutant : « Ainsi, l’avocat qui penserait que l’on peut tout plaider également et que l’invective, notamment, est toujours de saison, commettrait une lourde erreur… » Oui, c’était une autre époque ; celle où cet "Immortel" savait, sans bassesse ni concession et sans rien perdre de sa force de conviction, maîtriser ses propos et cette langue française dont il avait avec trente-neuf autres, la charge, si bien remplie, de maintenir la pureté, la vigueur, le renom et la pérennité. J’ai, par les hasards de la profession et de la vie, aperçu, rencontré ou côtoyé d’autres grandes figures du Barreau. Je ne citerai, malgré mon estime ou mon admiration, ni ceux qui m’étaient proches ni ceux qui exercent ou vivent encore. J’évoque seulement, parmi les disparus : *René Coty, dernier président de la quatrième République qui, avant de me recevoir longuement à l’Elysée au sujet d’un recours en grâce pour un ancien harki passé au terrorisme sous la contrainte, avait accueilli le très jeune avocat que j’étais alors sur le seuil même de son bureau par un « Bonjour mon cher confrère » accompagné d’une poignée de main, la simplicité de cet accueil étant sans doute une manière élégante de me mettre à mon aise pour l’entretien qui allait suivre. J’ajoute que je n’ai pas eu à renouveler ce genre de démarche malgré le nombre élevé de désignations dont nous faisions alors l’objet et qu’à la différence de l’auteur de « la Justice est un jeu » que j’évoquerai plus loin, je n’aurais pour rien au monde pu me satisfaire de réaliser un "Jackpot " – si j’ose dire – de plus d’une centaine de clients condamnés à la peine capitale. Mes ambitions professionnelles plus modestes et ma conception de mon devoir paraissaient imposer, sans connivence ni rupture, la recherche de la défense la plus utile aux intérêts du justiciable qui m’était confié : sans fuir ou taire systématiquement la vérité – conception semble-t-il aussi archaïque de nos jours que le fait d’avouer une hétérosexualité.
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*René Floriot, aperçu à Douai alors qu’il venait plaider devant la Cour d’assises pour s’opposer au redoutable avocat général Dorwling-Carter. *Tixier-Vignancour, qui fut candidat malheureux à la présidence de la République et que j’ai reçu, un matin de permanence au parquet de Douai où il conduisait son jeune client, condamné par contumace et venu se constituer prisonnier après une fuite en Italie. J’ai ainsi eu droit à un récital privé de celui que l’on appelait à juste titre : « la voix d’airain ». *Pollack dont l’humanité était aussi élevée que le talent et que j'ai eu le privilège d’accueillir un jour à Grasse dans mon cabinet de juge d’instruction. *Henri-René Garaud, l’avocat "politiquement incorrect" venu défendre pendant trois semaines devant la Cour d’assises du Var que je présidais sa cliente Joëlle Pesnel, dans ce que l’on appelait « L’affaire Canson ». Il l’a évoquée ensuite dans son dernier livre autobiographique en des termes tels, à mon égard – bien que le verdict n’ait pas répondu à ses espoirs et à son talent – que je l’en ai remercié et que nous avons quelque peu correspondu avant que la mort ne vienne, en 1998, mettre un terme à une carrière si passionnément menée et réussie. Mais laissons ces souvenirs et revenons à notre sujet. Avant d’ouvrir le livre de Monsieur Cenci, j’avais pris la peine – le mot ayant ici toute son acception – d’absorber, indépendamment des feuilletons journalistiques, radiophoniques et télévisuels, la surabondante littérature dont le meurtre de Madame Ghislaine Marchal avait été le sujet ou le prétexte ; je citerai, dans le désordre : * « Omar, la construction d’un coupable » du journaliste, devenu académicien de notre époque nouvelle, Jean-Marie Rouart ; écrivain qui, sans avoir assisté au procès, ainsi qu’il l’avait reconnu à une émission de Bernard Pivot, ne s’était pas privé de formuler à mon sujet – et de quelques autres – quelques insinuations peu amènes. J’aurais pu lui faire lire, s’il avait souhaité être mieux renseigné, la lettre que m’adressait spontanément à l’issue d’un procès à Nice, le 10 juin 1990, le président d’une association bien connue pour sa lutte contre le racisme. Il y aurait
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trouvé ce passage, dont il aurait pu faire son profit de journaliste d’investigation : « C’est bien la première fois que je sors du Palais avec cette envie de remercier le président… Je me permets de vous joindre la page de réflexion… pour l’information et la formation humaine de nos adhérents et amis. » Et, cette page commençait ainsi : «Réflexions sur le procès d’assises des meurtriers d’Amar Abidi… Ce fut en tous points un procès exemplaire : et ce, par la tenue des débats et par le décorticage méticuleux du dossier – ces deux points grâce au président Djian –, par la reconnaissance sans équivoque du mobile raciste et par la peine à la fois lourde et appropriée… » J’aurais pu aussi, pour compléter son information à mon sujet, commettre l’indiscrétion de lui montrer une lettre quelque peu dithyrambique mais combien chaleureuse que m’adressait en janvier 1997, après mon admission à la retraite mais aussi après le procès d’Omar Raddad, l’un de ses avocats – pas le dernier mais non le moindre – et qui écrivait notamment : « Votre marque est la représentation d’une Justice digne, incarnée par un magistrat qui n’a jamais oublié qu’il avait été avocat… » Et j’en passe. J’aurais pu encore, pour l’édification de ce même écrivain, lui confier que mon père, avocat et bâtonnier respecté de tous et qui m’a enseigné l’essentiel aux plans professionnel et humain, fut en son temps le président du Club civique pour la fraternité entre les races… J’aurais pu en dire encore bien plus… mais cela aurait été sans doute trop dérangeant pour le développement de certaines thèses. Alors refermons cette parenthèse. * « Omar n’a pas tué » de Madame Bonzon-Thiam. * « L’affaire Omar, mensonges et vérité » de Madame Eve Livet, co-productrice avec Monsieur Saad Salman de la seule émission télévisée à laquelle j’avais accepté de paraître car enregistrée à une époque où il n’était plus question de demande en révision, mais qui n’a été diffusée que bien plus tard, à contretemps et lorsqu’une demande a été à nouveau évoquée. Emission où mon intervention concernant essentiellement la désinformation et la manipulation de l’opinion publique – et non le fond de l’affaire, le procès ou le verdict – a été réduite à cinquante-huit secondes lors de sa diffusion tardive ! En quelque sorte un record
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de compression que même les Jivaros réducteurs de têtes auraient pu envier. * « Omar Raddad, contre-enquête pour la révision d’un procès manipulé » de Christophe Deloire et Roger-Marc Moreau ; enquêteur privé dont ce livre traite suffisamment pour que je n’aie pas besoin d’en parler encore. * « Omar m’a tuer » de maître Jacques Vergés * « Mon Dieu, pardonnez-leur » du même auteur, dont les libraires seront sans doute satisfaits d’apprendre que je suis un excellent consommateur de produits littéraires, pour avoir également acquis et lu attentivement – indépendamment d’ouvrages culturels heureusement plus variés et d’autres auteurs ! – : * « La beauté du crime » toujours de Jacques Vergés ; mais j’ai vu trop de cadavres et de blessés, assisté à trop d’autopsies, constaté trop de détresses des victimes ou de leurs proches, pour subir du Crime autant de fascination, même si je me suis constamment efforcé, comme avocat puis comme magistrat, de comprendre par quels méandres et circonstances de la vie ou quelles aberrations de la pensée certains sont amenés à en commettre. * « Le salaud lumineux » du même auteur, livre autobiographique de conversations avec Jean-Louis Remilleux. * « Intelligence avec l’ennemi » ; suite du livre précité. * « Lettre ouverte à mes amis Algériens devenus des tortionnaires », qu’il disait signer de son "nom de guerre d’hier", Mansour : traduction, sauf erreur et en toute modestie Le vainqueur. Mon grand-père paternel qui fut directeur d’école, officier d’Académie, chroniqueur de presse et "arabologue distingué" – pour reprendre une qualification que m’a décernée bien à tort Me Vergés – aurait, de son vivant, émis un avis plus autorisé sur cette traduction ; tandis que mon autre grand-père, maternel, qui avait dû fuir en 1870 l’Alsace et la France métropolitaine pour ne pas porter le "casque à pointe" et pour conserver l’honneur d’être français, en venant s’installer avec sa famille en Algérie, n’aurait
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pas imaginé que, pour cette dernière et même raison, les survivants de ses descendants seraient amenés à refaire, un jour, le chemin inverse : jusqu’à Douai en ce qui me concerne. L’Histoire a de ces va-et-vient ! * « De la stratégie judiciaire » ; toujours de Jacques Vergés. .* « La justice est un jeu », idem, dont la page 48 contient une réflexion édifiante de l’auteur, à propos de la "symbolique" du procès de Barbie et des « quarante petits blancs des parties civiles. » C’est donc sans favoritisme excessif envers ces deux autres auteurs, que j’ai pu m’intéresser également à la lecture de : * «L’affaire Omar Raddad, le dossier pour servir la vérité » de François Foucart, féru de Droit et de psychologie, pendant vingt-cinq ans chroniqueur judiciaire, qui, à la différence de bien d’autres auteurs et commentateurs, avait pris la peine de suivre les débats publics et que l’on a laissé si peu s’exprimer au cours de l’émission télévisée à laquelle il allait, par la suite, participer. Enfin le livre de Monsieur Cenci, publié après avoir pris sa retraite, tout en continuant d’ailleurs à faire bénéficier le Service public de la Justice de son expérience, de sa compétence et de son dévouement dans la ville où il réside. J’allais oublier, dans la nomenclature qui précède, un autre livre édifiant de l’auteur Jacques Vergés, intitulé : « Je défends Barbie » ; non pas, hélas !, la poupée du même nom mais celui que, par marque de respect (sic) l’auteur appelait Don Klaus et qui le lui rendait bien en lui servant du Don Jaime (Jacques en espagnol). Que de Dons ! Il s’agissait de l’officier nazi qui fut condamné pour crime contre l’humanité. Préfaçant ce livre, Jean Edern Hallier expliquait avoir connu Jacques Vergés depuis les années 1960. A propos des années 1970 et d’une longue période d’absence, celui-ci, interrogé autrefois avec insistance par Jean-Louis Remilleux, n’avait consenti à préciser ( ?) que : « Tout ce que je peux vous
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dire, c’est que je suis revenu de cette aventure mince, bronzé, aguerri. » Jean Edern Hallier paraissant vouloir enfin dévoiler quelque secret de polichinelle ajoutait dans sa préface : « Quand il disparut pour huit ans, en 1970, je le rencontrai successivement dans les maquis boliviens en 1973, chez les Khmers rouges et dans un bordel de Tel Aviv… Il ne me démentira pas. » C’est de manière moins aventureuse et plus prosaïque qu’en l’année 1997 j’ai rencontré le capitaine Cenci dans la citadelle de Villefranche-sur-mer, au cours d’un congrès de criminologie auquel nous avions été respectivement conviés à participer. Ce fut une occasion de mieux nous connaître et d’échanger quelques souvenirs professionnels. Il n’y avait pas, parmi les enquêtes parvenues à la Cour d’assises et effectuées par la brigade de recherches de Cannes qu’il dirigeait, que celle concernant le meurtre de Mme Marchal. Nous avons ainsi pu évoquer ces investigations difficiles qui, après le piétinement de précédents enquêteurs d’un autre service, pendant quelques mois, suivi de leur dessaisissement, avaient dû être reprises par la brigade de recherches : elles concernaient le meurtre commis un mois environ avant celui de Mme Marchal, d’un homme de vingt-neuf ans, Farid R…, de nuit, par arme à feu – non retrouvée – et sans témoin direct ni mobile connu. Opérant avec astuce et ténacité, sous couvert d’une mission de sécurité d’un lieu public qui les conduisait à troquer l’uniforme contre le smoking – ce qui leur fut plus tard véhémentement reproché par la Défense – les gendarmes parvenaient à se familiariser avec le personnel et à obtenir de gens, jusque-là muets, que les langues se délient et que des confidences surgissent. De telle sorte qu’une scène d’altercation préalable au meurtre était reconstituée et un suspect identifié et arrêté. Il nia toute participation à l’altercation et au meurtre. Au terme d’une instruction et d’une enquête longues, minutieuses, accompagnées de mises sous écoutes téléphoniques, d’expertises diverses, le suspect fut renvoyé devant la Cour d’assises des Alpes-maritimes où, après des débats serrées et
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des affrontements tendus, il fut jugé et définitivement condamné pour ce crime. Mais pourquoi s’attarder autant sur cette affaire ? Parce qu’elle montre, si besoin était, que cette brigade de recherches a déployé, pour élucider le meurtre du jeune Farid R… autant de zèle, d’efforts et de compétence que pour traiter l’affaire du meurtre de Mme Marchal. C’était certes tout à fait normal, mais il n’est pas inutile de le rappeler compte tenu du dénigrement systématique et médiatique dont ont été abreuvés pendant des années cette unité de gendarmerie et son commandant. Qui aurait pu en attester ? Pourquoi pas l’avocat des parties civiles, de la famille de Farid R…, le même qui coopéra par ailleurs activement à la demande de révision formulée dans l’affaire Marchal, ne se privant ni de déclarations à la presse ni d’agrémenter de son indéniable prestance, aux côtés de Me Vergés, les images télévisées de la salle d’audience de la Cour de révision…Je le crois pourtant assez intègre pour n’avoir pas chassé de sa mémoire les souvenirs de l’autre affaire. C’est donc au cours de ce congrès de criminologie que le capitaine Cenci, ulcéré par les campagnes unilatérales, malveillantes et médiatiques qu’il continuait, comme d’autres, à subir dignement tout en étant contraint au silence, me fit part de son projet d’en sortir un jour pour remettre quelques pendules à l’heure et quelques faits en place. Il a su patiemment attendre encore cinq ans avant de le faire en rédigeant, puis en publiant son livre pour démontrer que son enquête n’avait été « ni bâclée, mal ficelée, orientée, tronquée ni truquée.» Le magistrat instructeur en avait attesté dès le 10 juin 1992 auprès du commandant de la compagnie de gendarmerie de Cannes, par une lettre publiée en annexe du livre. La suite est connue. Les abus médiatiques et les tentatives de manipulation de l’opinion publique ont été dans cette affaire assez flagrants pour
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qu’on puisse aujourd’hui en prendre conscience, sans avoir à ouvrir d’interminables débats et polémiques sur l’indispensable principe de liberté d’expression, ses abus, ses dérives et ses éventuelles limites. Qu’il soit dit cependant que nous connaissons dans la Presse et que nous avons rencontré au gré des affaires quelques grands chroniqueurs qui préconisent et pratiquent envers et contre tout une véritable et nécessaire déontologie. Je pense par exemple et de manière non exhaustive, sur le plan national à Monsieur Jean-Pierre Berthet et sur le plan local à Monsieur Maurice Huleu que j’ai eu le plaisir de rencontrer, à sa demande, l’an dernier, auprès du cinéaste Georges Lautner, pour commenter le film « Le 7ème juré », pour parler des Cours d’assises et de l’évolution législative en ce domaine. Mais ceci est une autre histoire… Achevant d’exprimer ces souvenirs et réflexions, je réalise combien j’ai peu souligné la constance et la fidélité à leurs devoirs des jurés – femmes et hommes – et de mes collègues de cette Cour d’assises qui depuis huit ans ont dû subir sans broncher des commentaires ou des supputations souvent déplacés et parfois outrageants. Je leur rends ici l’hommage qu’ils méritent amplement et unanimement. Je constate aussi combien, par souci permanent et peut-être excessif de neutralité, j’ai peu parlé de l’auteur et du contenu de ce livre, comme il est pourtant d’usage de le faire dans une préface. La lecture de cet ouvrage fait à mon sens ressortir le considérable travail de documentation, réalisé de manière chronologique par l’auteur et qui devrait permettre au lecteur attentif de formuler ses propres réflexions et opinions à partir des données précises et des réalités de l’enquête et non plus seulement au vu d’approximations littéraires ou de fictions médiatiques. Quant à l’auteur je crois m’être montré trop avare des compliments que méritaient pourtant sa ténacité, sa droiture et son courage.
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Dans notre pays de liberté et quand tout va à-peu-près bien, on aime rire au spectacle de Guignol assénant des coups de bâton sur les têtes de carton, de bois ou de plastique des marionnettes du juge ou du gendarme. Sorti de ce théâtre et quand les choses vont moins bien, que les menaces et les dangers d’agressions se profilent à l’horizon, on songe alors davantage à se placer sous leur autorité ou leur protection et l’on s’avise soudain qu’il ne s’agit plus de marionnettes insensibles, mais d’êtres susceptibles de s’exposer intellectuellement, moralement ou physiquement au service de la Société et de ses libertés. Cela devrait conduire chacun à plus de circonspection dans le traitement ou la considération qu’il leur réserve. Il ne me paraît pas utopique d’espérer de telles prises de conscience dans l’avenir. Armand Djian Président de chambre honoraire Près la Cour d’appel d’Aix-en-Provence Capitaine honoraire
La vertu a cela d’heureux qu’elle se suffit à elle-même et qu’elle sait se passer d’admirateurs, de partisans, de protecteurs ; le manque d’appui et d’approbation non seulement ne lui nuit pas, mais il la conserve, l’épure et la rend parfaite ; qu’elle soit à la mode, qu’elle n’y soit plus, elle demeure vertu. La Bruyère, Les Caractères.
Avant-propos
Le 23 juin 1991, la vie de Ghislaine De Renty veuve Marchal, bascule. Agonisante dans le sous-sol de sa propriété où son meurtrier l’a enfermée, elle va, dans les affres de la mort, le dénoncer - sans témoin, avec son sang, pour que le crime ne reste pas impuni. Onze ans ont passé. Qui se souvient encore de Ghislaine De Renty si ce ne sont sa famille et ses amis ! Vous souvenez-vous de cette "femme - courage", égorgée, éventrée, mutilée, transpercée à l’arme blanche ? Vous souvenez-vous d’elle qui repose depuis très longtemps dans les abysses de l’oubli ? C’est ainsi, les victimes ne sont qu’éphémères au regard de l’actualité. Mais vous avez encore en mémoire les deux messages sanglants qu’elle a laissés : OMAR M’A TUER et OMAR M’A T. Vous avez oublié les souffrances, l’agonie, le courage de Ghislaine Marchal mais vous avez toujours présents à l’esprit sa dénonciation ante-mortem et le nom de son criminel. Ce n’est pas l’affaire Marchal, c’est l’affaire Omar. J’ai assumé avec le gendarme Patrice Gervais la direction de cette enquête. Je suis fier de l’avoir dirigée. Surprenant n’est-ce pas quand vous n’avez cessé de lire que l’enquête était « bâclée, mal ficelée, dirigée, tronquée voire truquée. » Plus déconcertant encore, avec les magistrats, nous aurions accablé un innocent. Propos inadmissibles, ineptes, irresponsables et grotesques. Ce qui est flagrant dans l’histoire de cette affaire c’est l’omniprésence de la défense dans le débat médiatique et sa
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discrétion dans les échanges contradictoires. C’est elle qui a délibérément choisi le terrain médiatique où elle a réussi à faire passer ses thèses délirantes en voilant obstinément les faits. L’opinion publique, toujours prête à s’émouvoir et abusée par une information unilatérale et partiale, ne voit en Raddad que la victime d’une machination judiciaire. Les avocats ont su instiller dans la presse et l’opinion, le doute, le spectre de l’erreur judiciaire. La défense est remarquable d’efficacité, elle gagne le procès de rue mais s’effondre lors des débats contradictoires qui ont abouti à la condamnation de son client. La justice s’est prononcée. Sereinement, dignement, en toute indépendance et conscience. Toutes les parties se sont exprimées. Omar Raddad a été déclaré coupable et condamné par la cour d’assises des Alpes-Maritimes à 18 ans de réclusion criminelle. Tollé ! Un verdict raciste à n’en pas douter ! La salle des pas perdus du palais de justice de Nice fait encore le cercle autour de Me Vergès. « On a condamné, il y a cent ans, un jeune officier parce qu’il avait le seul tort d’être juif. Aujourd’hui, on condamne un jardinier parce qu’il a le seul tort d’être maghrébin ». C’est poignant. Cela n’a rien à voir avec le dossier mais c’est beau, c’est bien dit. La galerie boit les paroles du pathétique et percutant auxiliaire de justice. Les jurés n’ont pas dû être subjugués, eux qui ont eu l’occasion d’apprécier et de mesurer, dans le prétoire, les prestations de l’avocat, lequel allait être plus convaincant dans la salle des pas perdus, lorsque les caméras sont apparues et les micros se sont tendus. Mais bien évidemment, pour être persuasif, à défaut d’être brillant, il faut parfaitement connaître son sujet. La défense se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour d’assises. Le pourvoi est rejeté par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Mais là ne s’arrête pas l’affaire Omar, car depuis des mois et des mois, Mes Baudoux, un des
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deux premiers défenseurs, et Vergès, ont, chacun, engagé un détective privé qui vont surenchérir dans la féconde quête de la désinformation. Ce sont ces deux hommes, Bernard Naranjo et Roger-Marc Moreau qui vont fournir à leurs employeurs des moyens pour tenter de berner la justice. Ce sera, souvenez-vous, la piste du deuxième Omar, l’erreur prétendue sur la boulangerie, les allégations de Patricia Clark, la mise en cause de Vilas-Boas, de Liliane Receveau, enfin la scandaleuse accusation portée contre la partie civile, Christian Veilleux. Les enquêtes parallèles accomplies par ces deux "privés" ont contribué à créer une information partiale, souvent mensongère et truquée, trompeuse et partisane au regard de ce qui s’est réellement produit. Ces manipulations d’opinions, par médias interposés, ont-elles eu une influence sur la décision de la commission de révision ? Cette haute instance, statuant sur la demande en révision déposée le 27 janvier 1999 par la défense de Raddad, décide, le 25 juin 2001, de saisir la chambre criminelle de la Cour de cassation. Après avoir écarté bien des intrigues par quel moyen, la Justice aurait-elle pu se laisser berner par un Moreau ? , les hauts magistrats ont néanmoins admis deux éléments nouveaux résultant des nouvelles expertises en génétique et en écriture. Ils se refuseront cependant à statuer s’il y avait ou non doute au sens de la loi, laissant cette décision à la cour de révision qui devra statuer par arrêt motivé non susceptible de voie de recours. Rejettera-t-elle ou admettra-t-elle la demande ? Son rejet mettrait-il un coup d’arrêt à l’exploitation "médiatico-financière" de cette affaire ? Je ne le pense pas. Si par contre la requête était avalisée, la condamnation prononcée par la cour d’assises de Nice serait annulée et Raddad renvoyé devant une autre cour d’assises à qui il appartiendrait de dire si Omar Raddad est coupable ou innocent du meurtre de Ghislaine Marchal.
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Le 20 novembre 2002, la Cour de révision rejette la requête de Vergés. La vérité judiciaire s’impose à la pseudo vérité médiatique, la justice triomphe du mensonge, de la calomnie et de la manipulation, le Droit, le bon sens et la raison l’emportent. C’est un grand jour pour la victime et sa famille qui retrouvent leur honneur perdu, trop longtemps bafoué. Justice est définitivement rendue à Ghislaine Marchal. Pour quelles raisons me suis-je décidé, après tout ce temps, à écrire un livre sur cette affaire ? Le mépris du silence n’est-il pas suffisant ? Il ne l’est plus. En activité de service, j’étais astreint à des obligations de réserve et de discrétion que j’ai toujours scrupuleusement respectées, et je me suis toujours refusé malgré les sollicitations à toute intervention. Aujourd’hui, je reprends ma liberté de parole et puisque les manipulations d’opinions continuent sans cesse au mépris du respect de l’homme, je me sens libre de publier ce que j’estime être la vérité judiciaire et non la pseudo vérité médiatique. J’écris pour ma famille, pour mon honneur et celui de mon ami, l’adjudant Patrice Gervais, pour les gendarmes de tout grade qui ont travaillé sur ce dossier et qui ont été outrés par les commentaires fallacieux et dénigrants. Peut-être aussi en avais-je assez d’être, comme sans doute le juge Renard et le président Djian, bafoué par ces intellocrates, au premier rang desquels figure l’académicien Jean-Marie Rouart. Peutêtre recherchais-je dans l’écriture un réconfort moral. Peutêtre ne tolérais-je plus, dans mon institution même, le regard de ceux qui s’étaient forgé une certaine opinion à la seule lecture de la presse, ceux qui croyaient savoir et qui ne savaient rien, ceux qui n’avaient pas su prendre la précaution de se
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renseigner avant de critiquer, ceux qui parlaient pour ne rien dire. Peut-être ne supportais-je plus l’injustice, le mensonge et la glorification provocante du concept de salaud, même sous prétexte de luminosité. J’écris pour l’information de toutes les personnes qui s’intéressent à cette affaire et qui veulent simplement connaître La vérité. Peut-être pour toutes ces raisons. Mais en fait, c’est la lecture des moyens de la défense pour demander la révision qui m’a le plus déterminé à écrire. Comment aurais-je pu admettre, dans le contexte de ce dossier, l’odieuse accusation de parricide portée contre Christian Veilleux. Dans les circonstances de cette affaire, telles que je vais vous les décrire, c’est tout simplement ignoble. Toutefois, écrire sur cet événement n’est pas un exutoire et en aucun cas une justification de mes actes dont j’ai répondu dans mes écrits et à la barre de la cour d’assises. Je voudrais enfin dire aux jurés de la cour d’assises de Nice, à vous citoyens d’un Etat de droit et juges d’un jour, qui aviez pris place aux côtés des trois magistrats de la cour et qui avez été plus tard pris à partie, vous ne vous êtes pas trompés en prononçant la culpabilité d’Omar Raddad. Je salue le courage de votre décision. En votre honneur et conscience, vous avez su discerner la vérité des manipulations d’opinions.
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L’inquiétant silence de Ghislaine Marchal
Dimanche 23 juin 1991. Mougins (Alpes-Maritimes). C’est le jour anniversaire de Marius, l’époux de Colette Koster qui a lancé les invitations à déjeuner depuis au moins trois semaines. Dès 13 h, les invités arrivent au mas St-Simon. A 13 h 30, la maîtresse de maison est tout d’abord surprise du retard de Ghislaine Marchal dont elle connaît la ponctualité. D’autant plus que les résidences des deux amies ne sont guère distantes et que Ghislaine, le matin même, lui avait confirmé qu’elle viendrait. Colette Koster demande une première fois à Lorène Blanc, son employée, de l’appeler à sa résidence, La Chamade. Comme personne ne répond, ne pouvant faire attendre plus longtemps ses convives, elle les invite à passer à table pensant que son invitée avait été retardée. Mais l’inquiétude s’est installée. Il n’est pas logique que Ghislaine Marchal, si elle a eu un empêchement, ne l’ait pas fait savoir. A 14 h 30, Lorène Blanc compose à nouveau mais en vain le numéro de Ghislaine Marchal. Etrange, inquiétant même, car en fin de matinée la voix de Ghislaine ne trahissait aucune crainte. Les convives quitteront le mas St-Simon sans connaître les raisons de sa défection. En fin d’après-midi, Colette Koster se rend à La Chamade. Aucun indice ne lui permet de déceler sa présence ou son absence. Le portail est fermé à
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clef, personne ne répond à ses appels. Une nouvelle fois, en début de soirée, elle décroche son téléphone. Sans plus de succès. Inexplicable silence. Vers midi, le lendemain, Colette se rend au mas St-Barthélémy, résidence de Francine Pascal, amie et voisine de Ghislaine Marchal chez qui elle suppose trouver une réponse à son angoisse. Pendant ce temps, à 11 h 30, Erica Serin, qui était conviée à déjeuner en tête-à-tête avec Ghislaine Marchal, arrive avec sa voiture devant le portail de La Chamade. Elle en descend, actionne le système d’intercommunication pour que son amie lui ouvre le portail. Nul ne répond. Elle insiste, pense qu’elle est affairée à l’extérieur, se hisse sur la pointe des pieds au-dessus de la haie pour tenter de l’apercevoir. En vain. Après avoir déposé dans la boîte aux lettres les journaux demandés par Ghislaine, Erica Serin rejoint son domicile et toutes les dix minutes appelle son amie. Elle se résigne enfin à téléphoner à Francine Pascal, qui logiquement intriguée par cette nouvelle démarche se décide à provoquer des recherches. En début d’après-midi, sa gardienne, Nicole Jacquot, lui suggère de téléphoner à la société AGM sachant qu’elle possède les clefs de La Chamade. Francine Pascal exige qu’un employé de cette société se rende sur place afin de trouver une explication au silence de Ghislaine Marchal. A 14 h 10, Christian Agatti ouvre le portail, fait le tour de la propriété. Il constate que seul le volet roulant de la chambre de la résidante est remonté. La porte de la cuisine est fermée à clef, celle de l’entrée principale est fermée mais non verrouillée. Etrange. L’alarme ne se déclenche pas à son ouverture. Illogique. Malgré son appréhension, Christian Agatti pénètre dans l’habitation. Il fait sombre. Il se dirige vers la chambre du rez-de-chaussée, seule pièce éclairée naturelle
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ment. Il ouvre chaque porte, parcourt toutes les pièces. Il ne constate aucune effraction, qu’elle soit extérieure ou intérieure. Ses recherches sont négatives. Au moment de sortir, il constate qu’un trousseau de clefs se trouve sur la serrure, côté intérieur de la porte d’entrée principale. Il retire la clef et dépose le trousseau sur un meuble dans le hall d’entrée. Il peut ainsi enclencher l’alarme et fermer la porte à clef. Dès qu’il rentre à son bureau, il informe Francine Pascal de l’échec de ses recherches. Devant son scepticisme, Christian Agatti se propose de retourner sur les lieux et lui demande de l’accompagner. En attendant l’arrivée de Christian Agatti, Francine Pascal envisageant l’hospitalisation de son amie téléphone au docteur Delemotte, médecin traitant de Ghislaine Marchal. Sa réponse ne la rassérénera pas. Une deuxième visite des lieux est entreprise par Francine Pascal et Christian Agatti. A nouveau et vainement, toutes les pièces de l’habitation sont visitées. Seule la cave échappera à l’examen, sa porte étant fermée à clef. Dubitative, Francine Pascal ne peut s’expliquer cette situation qui l’intrigue. Pourquoi la porte d’entrée n’était-elle pas verrouillée ? Pourquoi l’alarme n’était-elle pas enclenchée ? Pourquoi Ghislaine Marchal n’est-elle pas allée dimanche au déjeuner des Koster ? Comment se fait-il qu’elle ait pu oublier, aujourd’hui, ce déjeuner avec Erica Serin ? Pourtant il faut s’y résoudre, Ghislaine Marchal ne se trouve pas dans son habitation. Où est-elle ? Que faire ? Là ne s’arrêtent pas les recherches préalables car Nicole Jacquot a rejoint sa patronne à La Chamade. Avec une obstination légitime, Francine Pascal fait entreprendre de nouvelles recherches. La fouille est plus méticuleuse, les placards et les recoins n’échappent pas à l’examen ; sans plus de succès. L’attention de ces trois personnes est soudainement attirée par la sonnerie du système d’intercommunication. C’est le
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docteur Edmond Delemotte qui d’initiative s’est déplacé. Un nouvel élan, une nouvelle orientation est donnée à ces louables investigations : « Puisque Ghislaine Marchal est introuvable essayons de trouver une explication à son absence. » C’est ainsi que le docteur Delemotte, assisté de Francine Pascal, va délibérément rechercher un indice dans la chambre à coucher. Le meuble secrétaire va faire l’objet d’une attention toute particulière ainsi que le sac à main déposé sur l’abattant où règne un désordre que le docteur décrit : « Comme à l’habitude, un désordre organisé. » Deux chéquiers se remarquent parmi tant d’autres documents. Le sac à main est ouvert. Il est manipulé et fouillé. Son contenu est examiné. Aucun numéraire ne s’y trouve. Ces nouvelles investigations n’apportent aucun élément de réponse aux intervenants. Cela est maintenant inéluctable, il faut se résoudre à informer la gendarmerie. C’est le docteur Delemotte qui en est chargé.
- II -
L’enquête administrative L’intervention de la Gendarmerie de Mougins Il est 17 h ce lundi 24 juin 1991. Le gendarme Bonelli assure la permanence à la brigade de gendarmerie de Mougins. Il répond effectivement à l’appel téléphonique du docteur Delemotte, inquiet de l’absence inexpliquée de Mme Marchal de sa propriété. Le major André Vassant, commandant la brigade de gendarmerie, prend immédiatement les dispositions qui tout naturellement s’imposent, en mettant en œuvre ses moyens organiques pour effectuer les recherches. Une enquête administrative est ainsi ouverte. Il dépêche la patrouille du gendarme Guillaume qui arrive rapidement sur les lieux. Les appels de ce militaire restent sans réponse. Le portail et le portillon sont fermés. Il faut pourtant pénétrer dans cette propriété pour y effectuer les constatations. Ce seront à nouveau Francine Pascal et la société AGM que le gendarme Guillaume va solliciter. En attendant, il escalade le portail et effectue ses premières prospections dans le jardin du domaine. A 17 h 30, huit gendarmes du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de Valbonne et son équipe cynophile arrivent sur place, immédiatement rejoints par l’adjoint du major Vas-
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sant, le maréchal des logis-chef Patrick Evrard qui va assumer la direction des investigations administratives. Ce gradé se fait assister de l’agent de sécurité Albert Montéro pour pénétrer dans les lieux. La même démarche résolue est entreprise, les mêmes gestes répétés, la fouille du sac n’apporte rien de nouveau si ce n’est qu’elle le "pollue" définitivement, rendant ainsi aléatoires toutes recherches d’empreintes ultérieures. Le chef Evrard, gradé de grande expérience, est lui aussi très intrigué au fur et à mesure qu’il avance dans ses investigations. Intrigué d’ailleurs pour les mêmes raisons ressenties par les amis de Ghislaine Marchal. S’y rajoute, pour un professionnel, la perception de détails objectifs et troublants tels les absences d’effraction, de désordre, de fouille, de numéraire et, paradoxalement, la présence de bijoux. Le chef Evrard a le pressentiment que la disparue n’a pas quitté sa résidence. Son analyse paraît se justifier lorsqu’il constate que l’unique voiture particulière de Ghislaine Marchal, une modeste Honda Civic blanche, est stationnée dans le garage. Pendant ce temps, les gendarmes et Albert Montéro poursuivent leur quête d’indices. Albert Montéro découvre dans le tiroir haut du meuble secrétaire une boîte à cigares contenant de nombreuses clefs. Il remet le coffret au gendarme Martial Liedtke, lequel est chargé, assisté de son camarade Jean-Louis Teulière, de l’ouverture de la porte de la cave, encore inexplorée. La découverte du corps de Ghislaine Marchal Lundi 24 juin 1991. 19 h 30. Il fait encore jour. Les deux gendarmes descendent l’escalier dont l’accès est protégé par un portillon. Ils se retrouvent devant une porte métallique verrouillée. La clé portant une étiquette "chaufferie" attire tout natu-
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rellement l’attention du gendarme Martial Liedtke qui, fébrile, l’engage dans la serrure à barillets. C’est la clé de la cave dont il lui faudra donner deux tours pour que la porte s’entrouvre, ne laissant passer qu’un doigt. Tous deux constatent une très forte résistance à l’ouverture. Ils redoublent d’effort. La pression, intense et continue, exercée sur la porte permet à Martial Liedtke d’introduire son avant-bras droit dans l’entrebâillement ainsi réalisé. La porte se déforme sous l’effet de la poussée mais la partie inférieure reste bloquée. Pendant que Jean-Louis Teulière maintient sa pression, Martial Liedtke, par tâtonnements, de haut en bas, cherche à saisir l’obstacle qui la bloque. Au bas de la porte, sa main droite entre en contact avec un objet qu’il identifie, par palpations, comment étant un lit pliant. Il devine que celui-ci est couché. Par tractions successives, il parvient à le redresser et à le basculer à l’intérieur de la pièce. Martial Liedtke se rend vite à l’évidence que ce n’est pas le lit qui bloquait la porte d’entrée. La même résistance persiste à la partie basse de la porte. Pourtant, il faut qu’ils en viennent à bout car tous deux se doutent déjà que c’est dans cette cave qu’ils vont retrouver Ghislaine Marchal. Les deux gendarmes redoublent d’effort. La porte se vrille sans pour autant céder à la pression, qui devait être importante lorsqu’on connaît la morphologie et la force physique de Jean-Louis Teulière. Ce dernier finit par remarquer l’extrémité d’un tube métallique qui apparaît sous la porte, dans son angle d’ouverture. Dans le même temps, Martial Liedtke aperçoit l’interrupteur électrique et son mur de support, ensanglantés. Cette vision accentue leur volonté de pénétrer dans les lieux. Martial Liedtke parvient à introduire son corps entre le mur et la porte. La pièce est plongée dans l’obscurité. Pour préserver d’éventuelles traces, il ne touche pas l’interrupteur. Il aperçoit, après un temps d’adaptation à la pénombre, le tube métallique qui est glissé sous la porte. Il
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parvient avec difficulté à le chasser avec son pied droit, libérant ainsi l’ouverture. La position du lit le gêne pour pénétrer dans la pièce. Il ne veut pas le toucher davantage pour préserver toutes recherches d’empreintes ultérieures. Du pied, il le projette et le repousse. Jean-Louis Teulière, à l’aide de la pointe de la clé lui ayant permis d’ouvrir la porte, actionne l’interrupteur. Martial Liedtke distingue alors une masse sombre allongée dans la chaufferie. Il fait prévenir le chef Evrard, et muni d’une torche, s’approche du corps inanimé d’une femme allongée sur le ventre, vêtue d’un peignoir de bain ensanglanté. Sans s’avancer outre mesure dans la cave, il aperçoit sur une porte en bois, peinte en blanc, l’inscription « OMAR M’A TUER ». A 19 h 40, dès ce constat, le chef Evrard ordonne aux gendarmes Liedtke et Teulière de refermer la porte de la cave, seule issue permettant d’y accéder, et d’en interdire l’accès. Un dispositif propre à éviter toute modification de l’état des lieux est immédiatement mis en place, tant à l’extérieur de la villa qu’à ses abords. La découverte du corps ensanglanté et mutilé de Ghislaine Marchal, dont l’origine criminelle des blessures ne fait aucun doute, est l’épilogue de l’enquête administrative. Le chef Evrard, comme le prévoit le Code de procédure pénale, informe le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse, sollicite le concours de la brigade de recherches de la gendarmerie de Cannes et prévient le docteur Page, médecin légiste, expert près la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
- III -
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Il est 20 h lorsque je suis prévenu de la découverte du corps de Ghislaine Marchal. Le compte-rendu du chef Evrard ne laisse planer aucun doute, il s’agit d’une affaire criminelle qui nécessite l’intervention de la brigade de recherches. Je l’informe que je me rends sur les lieux le plus vite possible. Les gendarmes Patrice Gervais et Jean-Claude Vessiot assurent avec moi la permanence ce jour-là. Ils arrivent rapidement au bureau, préparent les mallettes qui contiennent toute la panoplie des matériels qui seront nécessaires aux investigations. A 20 h 30, nous arrivons sur les lieux. Je constate que les gendarmes, sous les ordres du chef Evrard, assurent le quadrillage de la propriété. Devant une porte métallique, deux gendarmes sont de faction. Je reconnais Liedtke et Teulière qui me feront plus tard un compte rendu détaillé de leur action. Le chef Evrard s’avance vers moi et me rend compte des investigations qui ont amené la découverte du corps sans vie de Ghislaine Marchal. A 21 h, M. Thierry Montfort, substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse, arrive à La Chamade. Le magistrat, en vertu de l’article 68 alinéa 3 du Code de procédure pénale, me prescrit de poursuivre les investigations.
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Nous faisons ensemble le point afin que je puisse donner les premières directives. Quels sont les éléments objectifs majeurs qui apparaissent à l’ouverture de l’enquête de crime flagrant ? Le portail de la propriété fermé, la porte d’entrée non verrouillée, l’alarme non enclenchée, l’absence de toute trace de lutte, de fouille, de désordre, d’effraction, un intérieur "pollué" par les recherches successives, la porte de la cave fermée à double tour sans clef introduite dans la serrure, les obstacles à l’ouverture, l’inscription « OMAR M’A TUER ». Tous ces éléments, auxquels d’autres vont s’ajouter au fur et à mesure du déroulement des investigations, devront trouver une réponse et sont la base des hypothèses de travail qui seront ultérieurement envisagées. Mais dans l’immédiat, il est essentiel que des opérations de police technique, des recherches méticuleuses et soignées, soient effectuées dans la cave. C’est la "scène de crime" que je confie aux gendarmes Gervais et Vessiot qui effectueront une partie de leur travail en présence de M. Montfort. A son arrivée, le docteur Page rejoint les gendarmes dans la cave pour un premier examen de corps. Le légiste, avant l’autopsie, doit déterminer la cause de la mort et les circonstances qui l’ont entraînée. L’enquête d’environnement a débuté sans tarder. Le chef Evrard a pris la mesure de l’affaire et les dispositions qui s’imposent. Bien évidemment, Mme Francine Pascal va être un des premiers témoins entendus. Elle précise au gendarme Guillaume qui procède à son audition : - « Mme Marchal vit seule, sans gardien... Nous avons également en commun un jardinier répondant au nom d’Omar Raddad qui réside à Rocheville, mais j’ignore son adresse exacte. Il est venu travailler chez moi dimanche 23 juin… » Le gendarme Guillaume me rend compte de sa mission. J’en informe le substitut du procureur de la République.
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Les premières recherches de témoignages dans l’environnement de la propriété ne donnent aucun résultat, mais il est déjà fort tard. Il faudra les reprendre le lendemain et les jours suivants avec du personnel en renfort. Ce lundi 24 juin, vers 16 h 30, M. Christian Veilleux, fils de Ghislaine Marchal, est appelé à son bureau à Asnières par Erica Serin qui lui fait part de son inquiétude. Francine Pascal, qu’il contacte aussitôt, lui confirme la situation. Sans tarder, il réserve deux places dans le premier avion en partance pour Nice. A 21 h 40, il arrive à la propriété accompagné de sa cousine Sabine, avocate à Paris. Il est grave, pressent à la vue des gendarmes qu’il est arrivé quelque chose à sa mère. Il est toujours pénible d’annoncer à un tiers la mort d’une personne et j’ai été maintes fois confronté à cette situation. Délicat d’apprendre à une mère que son enfant de 13 ans vient de se suicider, à des parents qu’ils ne reverront plus leur fille, et tant d’autres encore. Ce rôle une fois encore m’incombait. Christian Veilleux fond en larmes. Il a, ce soirlà et les jours suivants, gardé ce masque façonné par le chagrin et la douleur. Devais-je lui demander de reconnaître le corps de sa mère, égorgée, éventrée, lardée de multiples coups d’arme blanche, tout ensanglantée, les yeux figés par la mort ! Je me suis refusé à ce qu’il puisse voir le corps de sa mère dans cet état. Il faut pourtant que l’enquête se poursuive. Christian Veilleux assiste à la perquisition que j’effectue, le soir même, dans la demeure de sa mère. Des documents sont saisis dans la chambre à coucher, notamment divers agendas où figurent des mentions manuscrites de Ghislaine Marchal. Tous sont intacts. Au cours de cet acte de procédure, je constate, tout comme les personnes et les gendarmes qui avant moi ont effectué les recherches, que tout est en ordre, que la vie semble s’être arrêtée au saut du lit de Ghislaine Marchal. Je retrouve
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même une bague de très grande valeur dans le tiroir du meuble secrétaire de la chambre. Je la remets à Christian Veilleux. Dans la chambre du rez-de-chaussée, sur la table de nuit, un boîtier alarme. Tout est convenablement rangé à l’exception du lit qui est défait et sur lequel se remarquent un nécessaire de maquillage, un miroir, des lunettes de vue et Le Figaro du 22, ouvert sur la page de mots croisés. Lesquels ne sont pas achevés. Sur l’abattant du meuble secrétaire, un sac en cuir blanc, ouvert, qui ne contient aucune valeur. Dans l’arrière cuisine, sur un plateau, les restes d’un petit déjeuner. Au salon, des tableaux, certainement de valeur, sont accrochés aux murs ; aucun ne semble manquer. Le coffre-fort, le récepteur de télévision, le magnétoscope, la chaîne stéréo, la vaisselle, l’argenterie, les bibelots, les chéquiers sont en place. « A première vue, rien ne semble manquer » me déclare Christian Veilleux. A minuit, le corps de Ghislaine Marchal est transporté à l’athanée de Cannes. Je prends les dispositions pour faire accompagner la famille de la victime jusqu’à un hôtel de Mougins. Le docteur Page me fait un premier exposé de ses constatations médicales, qu’il confirmera dans son rapport du 20 juillet : « Le corps est dans la chaufferie, à plat ventre, le peignoir de bain, seul vêtement porté, est retroussé jusqu’à la taille, les pieds sont nus, dans la position où on a retrouvé le cadavre, on remarque que les cheveux sont imprégnés d’une grande quantité de sang coagulé, les deux mains sont ensanglantées, la main gauche est mutilée (la première phalange du majeur est en partie écrasée et presque détachée du doigt). Au niveau du membre inférieur gauche, on note que les orteils sont le siège d’éraflures superficielles, on note également deux plaies par arme blanche de deux centimètres de large, l’une sur le 1/3 externe de la cuisse, à-peu-près verticale, l’autre au niveau du 1/3 interne, horizontale. Au niveau du
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membre inférieur droit, multiples éraflures à la base du gros orteil, le dos du pied est également le siège de multiples éraflures superficielles. Le genou est également le siège de multiples ecchymoses et éraflures. On note enfin un hématome au niveau de la fesse droite. Le cadavre retourné, on note une éventration au niveau de la fosse iliaque droite. A première vue, une dizaine d’orifices provoqués par une arme blanche. Un égorgement double (deux coupures très importantes qui n’atteignent pas les gros vaisseaux du cou). La rigidité du cadavre est complète, les lividités sont ventrales. Les yeux sont clairs et les pupilles en mydriase bilatérale. Le décès remonte à plus de six heures. » Ce premier examen de corps, comme dans toute affaire criminelle, sera suivi d’une autopsie pratiquée le 28 juin suivant ordonnance du juge d’instruction. Toutefois, ce premier rapport est incomplet étant donné qu’il ne fait pas mention des blessures significatives au cuir chevelu ; qui sont importantes à détailler car elles expliquent et permettent de comprendre le déroulement de l’agression. Je le note dans mon rapport de synthèse. Néanmoins, les légistes les décriront parfaitement dans leur rapport d’autopsie. Dans la cave, les gendarmes Gervais et Vessiot me font le récit de leurs investigations qu’ils consignent dans un procès-verbal spécifique. Une nouvelle fois, je descends cet escalier qui y conduit. Combien de fois l’emprunterons-nous, combien d’heures passerons-nous dans cette cave pour comprendre, à partir des éléments objectifs, ce qui s’y est réellement passé ? Des dizaines de fois, des journées entières. En haut de l’escalier, un portillon métallique assure une protection contre la chute car la descente est assez abrupte et dangereuse. J’observe que sur la gauche de l’escalier, une porte ouvre sur un local où est entreposé du bois. Une douzaine de marches permettent d’accéder à l’entrée du sous-sol. L’examen minutieux de celles-ci et du palier ne révèle aucune
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trace quelconque. Les mêmes constatations sont faites sur les murs, de chaque côté de l’escalier, et sur le portillon. A l’ouverture de la porte métallique, c’est la vision habituelle d’une scène de crime. Ce qui est frappant et qui a un intérêt majeur, c’est le contraste entre les deux paliers de chaque côté de la porte d’entrée. Celui extérieur est vierge de toute trace alors que celui intérieur est tout ensanglanté. Ce détail est fondamental, car l’auteur du meurtre ou de l’assassinat n’a pas, après son forfait, marché dans les flaques de sang intérieures qu’il n’aurait pu éviter en quittant les lieux. Si tel avait été le cas, nous aurions retrouvé des empreintes plus ou moins nettes sur le palier extérieur et les premières marches montantes. Autre élément majeur que j’insère dans mon analyse, est l’absence de toute empreinte exploitable sur la porte d’entrée métallique. Quelques-unes sont relevées sur le panneau extérieur, mais à l’examen se révèlent inexploitables du fait qu’elles se chevauchent et se superposent. Par contre, le gendarme Vessiot, technicien pourtant méticuleux, ne constate aucune empreinte sur le panneau intérieur, aucune empreinte, aucune trace de sang, même sur la poignée. Il me faudra trouver une explication rationnelle à tous ces détails, que je ne manque pas de consigner dans mes notes d’analyse. Cependant, je suis déçu que mes techniciens n’aient pu relever une quelconque empreinte digitale, preuve indiciale formelle de l’identification qui permet une discrimination incontestable. Un autre détail dont je retiens l’importance concerne la porte métallique. Celle-ci s’articule sur trois gonds et, à la fermeture, s’appuie parfaitement sur chacun de ses côtés aux bâtis dormants métalliques scellés dans le mur mais aussi au sol. Ce sol où s’est incrustée, en arc de cercle, l’empreinte laissée par le tube métallique. A droite de la porte d’entrée, le mur et l’interrupteur at-
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tirent le regard, car ils sont maculés de sang. Cet interrupteur commande l’éclairage du couloir qui mène à la cave à vins. Je pénètre sur le seuil où mon technicien a découvert un tube galvanisé, cintré en son milieu, d’une longueur d’un mètre pour un diamètre de 1,7 cm et un chevron de bois brut, long de 70 cm et de 7 cm de section. Ces deux objets sont maculés de sang. En progressant dans le couloir, sur la gauche, une porte en bois, de couleur claire, donne accès à la cave à vins. A hauteur de la poignée, se lit facilement l’inscription : « OMAR M’A TUER ». Etrange inscription, grossière faute d’orthographe n’est-ce pas ? Sous ces mots, une trace de sang en mouvement s’est imprimée. Sur le sol, devant la porte, des gouttes de sang ont formé une tache. Je ne manque pas de noter ces détails, sur lesquels il nous faudra travailler. Je n’omets pas de relever que le support où ces mots ont été écrits est le seul qui soit clair, suffisamment éclairé et lisse. Tout autour, ce ne sont que matériaux bruts, rugueux et poussiéreux. Doit-on y voir une signification, une explication à une réflexion, une décision, une action ? Est-ce par hasard ? Qui a écrit cette phrase accusatrice ? Qui est Omar ? Sur le sol cimenté et poudreux, en évidence, les gendarmes remarquent une montre en état de fonctionnement, mais maculée de sang ; une montre Cartier au bracelet métallique or et argent dont le fermoir est ouvert. A qui appartientelle ? Très vite nous saurons qu’elle était la propriété de Ghislaine Marchal. Pourquoi se trouve-t-elle là ? Elle a très vraisemblablement glissé de son poignet lors de son agression ou lorsqu’elle mettait en place le système de fermeture. Sur le mur droit, à l’intérieur de la cave, un interrupteur commande l’éclairage principal. Les deux gendarmes n’y relèvent aucune trace de sang. Sur le plancher cimenté, une chaussure à talon compensé repose à proximité du lit pliant
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projeté par Martial Liedtke. Son matelas à carreaux orange et marron est maculé de sang. Il en est de même d’un sachet en plastique qui se remarque sous le lit, et du sol, particulièrement imbibé. Mais aussi d’autres objets, tels un carton quelque peu écrasé, deux palettes de bois adossées au mur et un rouleau de laine de verre emballé dans un plastique. A l’angle du lit, un indice qui se révélera capital est relevé sur le battu. Les traces, nettes, de deux mains sanglantes, ont laissé leur empreinte caractéristique ; traces évidentes d’appui pour se relever ou pour progresser sur le sol, en direction de la chaufferie. Ce détail va lui aussi enrichir mes notes analytiques. En entrant dans la pièce principale, huit poubelles pleines de gravats sont alignées le long du mur, des pots de fleurs vides jonchent le sol de cette partie droite de la cave. Que font ces gravats en ce lieu ? Quelle est leur nature exacte ? D’où proviennent-ils ? Depuis quand sont-ils là ? Leur surface, durcie, semble attester un entreposage ancien. En évoluant dans cette partie de la cave, nous nous dirigeons vers une issue d’accès à un vide sanitaire dépourvu d’un éclairage naturel ou électrique, dans lequel se trouve la cuve à mazout. Dans un recoin, des débris les plus divers proviennent de chutes de matériaux de construction : tuyaux métalliques, chevrons, planches, tuyaux plastiques, gravats. Ces matériaux sont secs. Sur le sol, à 80 cm du mur de la chaufferie, les gendarmes saisissent une prothèse dentaire à pivot que l’autopsie permettra d’attribuer à la dentition de la victime. Tout autour, tant au sol que sur le mur, quelques gouttes de sang ont perlé et laissé leurs traces rougeâtres. La chaufferie a été bâtie au centre de la pièce. Bien que la chaudière soit en état de fonctionnement, la température à l’intérieur de la cave est fraîche. Le plafond et les murs sont revêtus d’un isolant, taché de sang sur sa base à deux en-
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droits. Le bâti est brut de maçonnerie, poussiéreux comme le reste du sous-sol et particulièrement maculé de sang. La chaussure gauche, souillée et sanglante, se trouve à même le sol. A l’entrée de cette pièce, sur le montant gauche de la porte, à 1 mètre 40, une main droite sanguinolente a laissé une empreinte d’appui. Le montant droit est imprégné de quelques traces rougeâtres. Pourquoi cette main s’est-elle agrippée à ce montant ? Y a-t-il une relation possible avec les deux traces d’appui sur le sol ? Autres questions que je me pose et que je note scrupuleusement. Malheureusement, cette trace n’est pas exploitable ; aucune empreinte digitale n’est constatée. La porte de ce local est en bois, laqué de blanc. Elle s’ouvre vers l’extérieur et est équipée, sur le panneau intérieur, d’un système de fermeture dit "anti-panique" ; l’ouverture se réalisant par pression sur une barre transversale, située à un mètre du sol. Cette porte est ouverte et bloquée au sol par un morceau de bois ; l’enquête démontrera que c’est sa position habituelle. Devant elle, le sol est coloré de sang. La poignée anti-panique, de couleur rouge vif, est souillée de sang coagulé. Sous celle-ci et sur la face interne du panneau de porte, se remarquent des traces rougeâtres de mains et de doigts. Il faut alors faire un réel effort de réflexion pour arriver à lire : « OMAR M’A T ». Il est absolument impossible, à quiconque n’ayant pas pris connaissance de la première inscription, de lire ces quelques lettres, toujours tracées en caractères majuscules. Ce message inachevé confirme la première dénonciation. Mais il est désordonné dans sa conception et contraste avec la netteté des lettres écrites sur la porte de la cave à vins. Pourtant, les lettres se ressemblent et laissent supposer que c’est un même scripteur qui en est l’auteur. Cependant, je me rends vite à l’évidence, celui-ci ne pourra être identifié de par ses empreintes digitales ; mon technicien n’ayant pu relever
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une quelconque empreinte exploitable, l’écriture étant glissée, écrasée. Mes notes s’enrichissent et se compliquent à la fois, car malgré la minutie des investigations, aucune empreinte digitale n’est lisible. Je "ferai avec, je ferai sans" mais je n’adresserai aucun reproche à mes collaborateurs qui ont été d’un professionnalisme remarquable, complémentaires dans leur activité, n’ont commis aucune négligence et ont travaillé avec obstination et persévérance pour rechercher ce qu’ils n’ont pas trouvé, parce qu’ils ne pouvaient pas trouver ce qui n’existait pas. Le commandement, pour assister mes deux gendarmes, avait d’ailleurs dépêché sur les lieux, quelques jours plus tard, des techniciens en investigations criminelles de la brigade de recherches de Nice et de la section de recherches de Marseille. Ceux-ci m’informaient que les gendarmes Gervais et Vessiot avaient convenablement effectué leur travail de police technique et qu’ils n’interviendraient pas, n’estimant aucun acte complémentaire à réaliser. J’ai le sentiment que ces messages sont un des éléments majeurs de ce dossier. Aussi, instinctivement, je note de ne pas oublier, avant la saisie des portes, de faire réaliser des posters grandeur nature des inscriptions et de rechercher également des renseignements tenant au délai de conservation du sang. Les réponses étant trop incertaines voire aléatoires, les posters seront effectivement réalisés plus tard par le service imagerie de l’institut de recherches criminelles de la gendarmerie de Rosny-sous-Bois. Le gendarme Gervais note dans son rapport un élément important, susceptible d’expliquer le cheminement de Ghislaine Marchal dans le sous-sol, toute lumière éteinte, et le support choisi pour la deuxième inscription. Mon collaborateur écrit : « De jour, si l’on éteint toute lumière, ferme la porte d’entrée de la cave et si l’on se tient à
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l’entrée du local chaufferie, on distingue, après un temps d’adaptation dans le noir, la poignée anti-panique. » L’observation est posée. Je constaterai effectivement plus tard, en situation, qu’un filet de lumière filtre de la porte d’entrée et génère ainsi une faible intensité lumineuse à l’intérieur de la cave. Aucune trace, scientifiquement exploitable, n’est constatée sur les portes, les inscriptions, l’interrupteur, le lit pliant, le chevron et le tube galvanisé. Des prélèvements de sang séché sont scellés pour être soumis à des expertises, domaine exclusif du juge d’instruction. Tous les objets, appareils, matériaux, articles, sont saisis et mis à la disposition de la justice. Toutes les issues de La Chamade sont fermées à clef. Toutes les clefs sont appréhendées pour en dresser un état. La nuit sera courte. Il faut analyser la situation, faire l’inventaire des éléments objectifs et subjectifs que nous avons, prévoir les actes à effectuer dans la continuité, dégager une idée maîtresse, élaborer des hypothèses. Mes notes sont abondantes, les questions restent sans réponse. Quelle orientation donner à l’enquête ? Doit-on identifier puis interpeller ce prénommé Omar ? Doit-on, au contraire, le localiser, l’observer ? Les derniers renseignements qui me parviennent cette nuit-là font état qu’Omar Raddad est Marocain. Ne va-t-il pas tenter de regagner son pays ? Si je ne le fais pas interpeller et qu’il échappe aux poursuites, les reproches d’incompétence ne tarderaient pas. En police judiciaire le directeur d’enquête assume des responsabilités individuelle et collective. Il n’a pas droit à l’erreur. Après avis de ses collaborateurs, il est seul à prendre une décision, qu’il soumet à un magistrat du parquet ou à un juge d’instruction. J’ai pris la décision d’interpellation d’Omar Raddad. Je ne le regrette pas. Avec le recul, je suis convaincu que c’était la seule solution et n’importe quel responsable, quelles que
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soient ses méthodes d’investigation, aurait pris la même décision. La douche et le café n’ont pas réparé une nuit sans sommeil, mais nous, gendarmes, nous y sommes habitués, cela fait partie de notre vie. Au briefing de sept heures à la gendarmerie de Mougins, les rôles sont distribués. L’enquête d’environnement, la recherche d’une arme blanche, l’interpellation de Raddad, tels sont, entre autres, les actes de police judiciaire que j’envisage ce mardi 25 juin. M. Montfort est tenu informé du déroulement des investigations et approuve la décision d’interpellation de Raddad. Une nouvelle information parvient à la gendarmerie de Mougins. L’épouse de Raddad aurait accouché fin mai à l’hôpital des Broussailles à Cannes. Nous apprenons ainsi l’adresse de la famille Raddad au Cannet, résidence Le Lotus. Personne ne répond lorsque nous nous y présentons. Le cyclomoteur du chef de famille est garé nous dit-on à son emplacement habituel. Un serrurier et deux témoins sont requis pour légaliser la perquisition. L’appartement est vide de tout occupant. Tous documents utiles à la manifestation de la vérité sont saisis, notamment une adresse à Toulon, résidence de la bellefamille. Les gendarmes de la brigade de recherches de Toulon vérifient l’adresse. Omar Raddad est bien là, il ne fait aucune difficulté pour les suivre. Je charge mon adjoint, l’adjudantchef Claude Bégou, de se transporter à Toulon pour prendre en charge Raddad et effectuer, en sa présence, une perquisition au domicile de sa belle-mère. Celle-ci lui remet spontanément un billet SNCF, valable sur le parcours Cannes - Toulon, daté du lundi 24 juin 1991. Aïcha Chérachni précise: - « Mon gendre est arrivé à la maison hier dans le courant de l’après-midi alors que j’étais absente... Ma fille Latifa est à la maison depuis une quinzaine de jours étant donné
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qu’elle vient d’accoucher d’un petit garçon, Youssef. Omar avait prévenu qu’il devait venir à Toulon... » Mon adjoint reprend la route pour Mougins où il va procéder, avec d’autres officiers de police judiciaire, à l’audition de Raddad. Il est 18 h. Les autres équipes engagées dans le dossier ne sont pas restées inactives, mais les résultats sont maigres. L’arme, malgré l’étendue, la minutie des recherches et les moyens en personnel engagés, n’a pas été retrouvée. L’enquête de voisinage ne donne aucun résultat probant, comme si ce dimanche 23 juin il ne s’était rien passé à La Chamade et dans ce quartier feutré. Plus tard, dans le cadre de l’enquête sur commission rogatoire, je ferai reprendre la recherche de témoignages dans l’environnement, ainsi que celle de l’arme, notamment avec le concours des pompiers de Cannes. Sans plus de succès. Omar Raddad est longuement entendu. Douze pages d’audition en témoignent. Plusieurs enquêteurs se relaient entre chaque plage de repos. Après des heures d’observation, je le définis ainsi dans mon rapport de synthèse : « De son interpellation à son inculpation, Omar Raddad nous apparaît comme un homme calme, réfléchi, atypique, déconcertant par son impassibilité, psychologiquement solide. Sa seule réaction physique a été provoquée par la vision de photographies de l’égorgement de Ghislaine Marchal où il a tourné la tête. Il nous apparaît, lors de sa garde à vue, comme un homme habile, se donnant le temps de la réflexion aux questions embarrassantes. » Subtil comportement de cet homme qui, pendant ses temps de repos, entretient le dialogue avec les gendarmes qui l’entendent, mais les oblige, dès qu’ils reprennent l’audition, à répéter leurs questions. Il ne se contredira jamais pendant tout le temps de sa garde à vue et niera être l’auteur du meurtre de Ghislaine Marchal.
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Pour résumer cette longue audition, que nous déclare Raddad : - « Qu’il est marié avec Latifa Chérachni qui lui a donné deux enfants. Il a conservé sa nationalité marocaine et après s’être mis en conformité avec la réglementation sur les étrangers en situation irrégulière, il a obtenu une carte de séjour. Il est jardinier chez Mme Marchal et Mme Pascal. Il a travaillé chez cette dernière, le dimanche 23 juin de 8 h à 12 h. Après avoir démarré son cyclomoteur, il quitte le mas StBarthélémy et se dirige vers Cannes. Arrivé au Val de Mougins, vers 12 h 05, il s’arrête dans une boulangerie. Celle où il n’y a pas d’escalier, précise-t-il. Il achète une demi-baguette de pain, décrit la jeune femme qui le sert, donne des détails sur les clients qui le précèdent et sur le prix de certaines pâtisseries. Il ajoute qu’un homme se trouvait dans un local derrière le comptoir et que parfois c’est un homme qui le sert. Il arrive à son domicile, Le Lotus, avenue de Grasse, au Cannet, vers 12 h 15, 12 h 20. Que pénétrant dans la cour de l’immeuble, il croise le gérant du Casino, lequel est aussi son voisin et remarque, lorsqu’il attache son cyclomoteur, un résident du Lotus qui entre dans la cour. Chez lui, au premier étage, il mange un morceau de fromage et la demi-baguette, boit le thé qu’il s’est préparé, fume une cigarette et regarde pendant quelques minutes "Le juste prix" à la télévision. Il est seul à son domicile, son épouse et ses deux enfants sont dans la famille à Toulon. A 12 h 40, 12 h 45, il quitte son domicile et rejoint le mas St-Barthélémy où il arrive vers 13 h, 13 h 10, heure à laquelle il reprend son activité. Après la fin de son travail, il téléphone à sa femme à Toulon pour lui dire qu’il viendra lundi matin. » Son audition nous apprend que depuis quelques mois il demande à ses deux employeurs des avances sur salaire et qu’il fréquente les prostituées : - « La semaine dernière, à deux reprises, j’ai fait
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l’amour avec une prostituée. J’avais rencontré cette femme sur la Croisette… » Et qu’il a des difficultés financières : - « Effectivement, j’ai des difficultés financières étant donné que je dois deux mois de loyer en retard, avril et mai... » Bien d’autres détails marquants vont se révéler dans cette enquête. Tous seront vérifiés et feront l’objet d’investigations très poussées. Parallèlement à la longue audition de Raddad, il était nécessaire de vérifier la véracité de son emploi du temps ce dimanche 23 juin. Il fallait faire très vite au cas où nous devrions le présenter devant un magistrat du tribunal de grande instance de Grasse. L’adjudant-chef Bégou et le gendarme Jean-Jacques Rigas vont se transporter, avec Raddad, au Val de Mougins afin qu’il leur indique la boulangerie dans laquelle il s’est rendu le dimanche. C’est Raddad, lui-même, qui leur désigne l’établissement. Mlle Corinne Dray, l’employée de La huche à pains, leur indique que la boulangerie était ouverte dimanche jusqu’à 13 h et qu’elle y travaillait. Raddad leur décrit la jeune femme qui l’avait servi. Corinne Dray correspond parfaitement à cette description. Ils sont mis en présence. Corinne Dray connaît cet homme de vue car il vient de temps en temps à la boulangerie, mais elle ne peut dire si ce dimanche elle lui a vendu du pain. Omar Raddad est client de cette boulangerie. A-t-il confondu La huche à pains avec l’autre boulangerie située à proximité ? Que dit-il dans son audition ? Une première fois : « J’ai acheté une demi-baguette de pain dans une boulangerie du Val de Mougins, celle où il n’y a pas d’escalier. » Plus tard, il confie à d’autres gendarmes qui procèdent à son audition : « Il m’arrive une ou deux fois par semaine d’acheter du pain dans cette boulangerie. Il y a deux boulangeries au Val de Mougins, je vais dans celle qui
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n’a pas d’escalier devant la porte d’entrée. Je ne suis jamais allé dans l’autre. » Raddad est observateur et précis. Effectivement, un escalier dessert l’autre boulangerie. Le gérant du magasin Casino est contacté dès 6 h 30. Jean-Pierre Gaye ne se souvient pas d’avoir croisé Raddad dans la cour du Lotus. Le voisin dont fait état Raddad n’est pas identifié. Il ressort de l’audition des membres de la famille Pascal que la présence de Raddad est effective jusqu’à midi bien que, selon le lieu de travail, il puisse échapper à la vue des personnes présentes. Entre 12 h et 13 h 10, il n’est ni vu ni entendu dans l’enceinte de la propriété. Roland Boisson, le gendre de Francine Pascal, a aperçu le cyclomoteur de Raddad peu après 13 h et il a supposé qu’il n’était pas allé déjeuner. Quelques minutes après, il l’aperçoit, tout comme son épouse Arlette qui s’étonne à 13 h 10 de l’heure avancée à laquelle il reprend son travail. Roland Boisson ajoute : - « Le trouvant amaigri depuis quelque temps, les traits tirés, je lui ai préparé un sandwich avec du beurre salé et une glace dans un pot, je l’ai appelé et il est arrivé immédiatement. Comme d’habitude, il m’a remercié d’abondance. Effectivement, j’ai dit à ma belle-mère qu’Omar avait une triste mine, je voulais dire qu’il avait la tête des gens qui ont l’estomac vide, dans mon esprit il n’y avait aucune autre interprétation. » Le mercredi 26 juin, dans la continuité des investigations dans la propriété, le chef Evrard découvre dans les locaux annexes de La Chamade des journaux comportant des grilles de mots croisés. Il remarque d’autre part, que dans le local à bois, en haut de l’escalier desservant la cave, une clé est suspendue à un clou, sous un taille-haie. Ce militaire constate qu’il s’agit de la clé ouvrant la porte métallique de la cave. Dans ce même local, à terre, il découvre un chiffon blanc souillé de graisse et sali de taches rougeâtres. Ces do-
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cuments et objets pouvant être utiles à la manifestation de la vérité sont saisis. Avant la clôture de l’enquête de crime flagrant, nous saisissons, pendant le temps de sa garde à vue et sur ses indications, les vêtements et les chaussures de travail que Raddad devait porter le dimanche. Comme pour chaque affaire criminelle, prises de sang, grattage et découpage des ongles, prélèvement de cheveux sont placés sous scellés en vue d’expertises. Tout comme seront relevées ses empreintes digitales sur un support qui sera adressé au fichier automatisé des empreintes digitales du service technique de recherches judiciaires et de documentation de la gendarmerie à Rosnysous-Bois. Les vérifications, encore très fragmentaires, de l’emploi du temps ne confirment pas la longue déposition de Raddad. Il n’est vu ni à la boulangerie ni au Lotus. Cela n’en fait pas nécessairement un coupable mais un suspect dont il conviendra de vérifier point par point les détails de sa déclaration. Cependant, comme pour toute affaire judiciaire sans preuve matérielle formelle et sans aveu, je sais déjà que les investigations seront longues et devront être minutieuses. Mais dans un climat médiatique épouvantable, avec ce qui se fait jour, la manipulation de l’opinion publique. J’écris dans mon rapport de synthèse : « Depuis le mercredi 26 juin 1991, les médias et la presse écrite en particulier relatent régulièrement l’affaire dont il s’agit, avec forces détails et interprétations en tout genre. De plus, l’analyse des informations publiées démontre d’une façon évidente que la presse a été unilatéralement informée de l’interprétation de certains détails de cette affaire ce qui, inévitablement, marquera la mémoire des citoyens appelés à se prononcer sur l’innocence ou la culpabilité d’Omar Raddad. En effet, pendant des mois, les hypothèses imaginaires, les interrogations, les interprétations voire les divagations de certains articles
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auront imprégné et marqué la mémoire des citoyens, dont certains qui feront partie du jury devront se prononcer selon leur conscience et avec impartialité. » Le procès de rue a commencé le 26 juin 1991. Pourquoi ? Combien de fois m’aura-t-on posé la question ! Je suppose que tous les ingrédients étaient réunis pour intéresser l’opinion publique : la Côte d’Azur, la baie de Cannes, Mougins, la richissime veuve Marchal, le petit jardinier marocain au visage énigmatique qui clame son innocence, le mystère de la chambre jaune et je ne sais quoi encore, peut-être la justice de classe, le racisme, les bourgeois, les gendarmes. Ah ! Ces gendarmes qui ne disent jamais rien et qui ne répondent jamais. Ce mercredi 26 juin 1991 à 15 h 30, l’audition de Raddad est loin d’être terminée. Il reste encore 13 h de garde à vue quand le procureur de la République de Grasse, M. Cavallino, décide d’ouvrir une information judiciaire. Inattendue décision, en pleine garde à vue ! Est-ce le premier article paru dans Nice-Matin qui a provoqué la décision de ce magistrat avec lequel je me suis d’ailleurs heurté dans le bureau du juge d’instruction ? Le chef du parquet me soupçonnait, à tort, d’avoir communiqué des informations à la presse locale et mettait ainsi ma parole en doute ; ce que je n’avais pas apprécié. J’apprendrai quelques jours plus tard qui, de son entourage, avait livré quelques informations secondaires à un journaliste. Toujours est-il que le parquet passait le flambeau à l’instruction. La garde à vue se poursuit sur commission rogatoire et à son terme, Raddad est présenté au magistrat instructeur, la juge d’instruction Sylvaine Arfinengo. Les éléments objectifs recueillis depuis le 24 juin alimentent mon étude analytique. D’autres viendront, les jours et les semaines suivants, l’enrichir. Ils me permettront d’envisager plusieurs hypothèses qui orienteront mes investigations dans le cadre d’une commission rogatoire.
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Etant donné qu’il est relativement aisé de pénétrer dans la propriété, nous débattrons du crime crapuleux d’un rôdeur. En se référant aux éléments en notre possession, cette hypothèse ne sera pas retenue. En effet, il a été constaté que seule une somme d’argent a pu disparaître alors que des bijoux étaient en évidence sur l’abattant du meuble secrétaire. Aucun meuble n’a été fouillé et le rôdeur n’aurait pas pris le risque, inutile par ailleurs, d’entrer en contact avec la personne se trouvant dans la cave. La thèse à caractère sexuel sera, elle aussi, écartée dès que nous connaîtrons la négativité des expertises en la matière. Nous évoquerons également le meurtre commis par un familier de Ghislaine Marchal. Cette hypothèse va s’avérer exacte pour plusieurs raisons que l’enquête démontrera. L’expertise et la contre-expertise en écriture sont formelles. C’est Ghislaine Marchal qui a écrit, sans contrainte, « OMAR M’A TUER » et « OMAR M’A T ». La description des blessures prouve qu’en voulant protéger sa tête, la victime a indubitablement et incontestablement identifié son agresseur. Le meurtrier connaît parfaitement l’emplacement du sac, unique endroit où Ghislaine Marchal détenait son argent. L’absence de fouille et de désordre sont significatifs : seul le numéraire intéressait le voleur. Le mobile, au fil des mois, va confirmer cette hypothèse qui sera privilégiée dès lors que les actes de police judiciaire prouvent très rapidement que Raddad est un familier de Ghislaine Marchal, puisqu’elle l’emploie comme jardinier, qu’il a des difficultés financières dues principalement à sa passion du jeu et que le jour du meurtre, il travaillait chez Francine Pascal qui était seule à le savoir ; élément fondamental de la réflexion. D’autre part, Raddad est le seul "Omar" à graviter dans l’environnement de Ghislaine Marchal.
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Il serait trop long et fastidieux de faire état des nombreux procès-verbaux que nous avons rédigés. Je me servirai, pour les synthétiser, du rapport de synthèse que j’ai co-signé avec Patrice Gervais ; document dont j’ai pu me rendre compte qu’il avait servi de base de travail aux apprentis Sherlock Holmes et autres mercenaires qui se sont penchés sur le dossier. L’inculpation de Raddad Raddad comparaît, après sa garde à vue, devant Mme Sylvaine Arfinengo, juge d’instruction au tribunal de grande instance de Grasse. C’est l’interrogatoire de première comparution. Que déclare-t-il au magistrat : - « Je prends acte de l’inculpation que vous venez de me notifier et de l’énoncé des faits qui l’ont motivée. J’accepte de m’expliquer immédiatement sur ceux-ci et je confirme les déclarations que j’ai faites devant les services de gendarmerie au cours de ma garde à vue sur le déroulement de laquelle je n’ai pas d’observation à formuler. Je conteste les faits. J’avais demandé à Mme Pascal d’aller travailler chez elle un dimanche parce que je voulais me rendre auprès
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de ma belle-famille à Toulon le lundi à l’occasion de la fête des moutons. » Suit l’exposé de son emploi du temps, qu’il réitère. Il ajoute : - « Il m’est arrivé à deux ou trois reprises de demander des avances d’argent à Mme Marchal ; le vendredi 7 juin, j’ai demandé 1 000 F dans l’après-midi, une autre fois j’ai demandé de l’argent, toujours dans l’après-midi au moment de partir, une fois je suis allé un jeudi demander 50 F pour mettre de l’essence dans la débroussailleuse et pour pouvoir travailler. Je ne comprends pas pourquoi Mme Marchal m’aurait désigné comme agresseur, car je la considérais comme ma mère, tout comme Mme Pascal. » Raddad signe son interrogatoire à l’instar des 12 feuillets de son audition devant les enquêteurs de la gendarmerie. La même mention termine ces actes : « Lecture lui ayant été faite, l’inculpé ne sachant ni lire ni écrire. » Il est inculpé d’homicide volontaire par la juge Arfinengo qui délivre un mandat de dépôt pour la maison d’arrêt de Grasse. Tout comme les enquêteurs de la gendarmerie, Mme Arfinengo ne comprend pas et ne parle pas la langue arabe. Le 2 juillet 1991, un courrier parvient au cabinet d’instruction. C’est une lettre de Raddad qui correspond avec le magistrat pour l’informer qu’il a d’autres arguments à verser au dossier. Une information importante en effet. Il écrit : - « Le jour de mon départ de chez moi après manger vers 12 h 45, j’ai téléphoné dans une cabine en face Super M pour trois ou quatre minutes à Toulon. J’ai parlé avec ma belle-mère. Après, je suis parti pour reprendre mon travail. » Il ajoute : - « J’ai demandé à la police un interprète car je ne parle pas et n’écris pas le français. Je vous demande si possible quand vous m’interrogez, je voudrais bien que l'interprète soit présent. Vous pouvez demander à Mme Pascal, vraiment
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je ne parle pas le français, j’ai peur de signer des choses que je n’ai pas compris, je vous remercie d’avance. Signé Raddad. » Raddad qui ne parle pas et ne comprend pas le français ! Voilà un fait nouveau. Moi qui ai assisté et participé à l’audition de Raddad et qui ne comprends pas un mot de la langue arabe, comment ai-je pu reproduire tout cela sur le papier ? Et la juge Sylvaine Arfinengo, qui est dans la même situation linguistique que nous, comment a-t-elle pu transcrire les paroles de Raddad ; lequel a fait la même narration de son emploi du temps ? J’escortais Raddad dans le cabinet d’instruction et je n’ai pas rêvé, le français était de mise. Un point qu’il conviendra d’éclaircir car il relève des droits de la défense. L’autopsie La juge d’instruction nous délègue ses pouvoirs, par commission rogatoire générale, pour effectuer tous actes pouvant être utiles à la manifestation de la vérité. Dans le même temps, elle nous délivre une commission rogatoire particulière à l’effet d’assister et de la représenter à l’autopsie, qui sera pratiquée le 28 juin à l’athanée de Cannes par les docteurs Page, Macario et Ménard. Cette autopsie ne sera en rien différente de toutes celles auxquelles j’ai participé. Les photographies illustrent les principaux actes médicaux, les blessures et certains détails. Les prélèvements (vaginaux, ongles, cheveux, sang, bol alimentaire, résidus sur la peau etc.) sont effectués par les médecins et le gendarme Vessiot puis placés sous scellés en vue de leur acheminement vers les laboratoires désignés par la juge d’instruction. Après examen et dissection du corps, le gendarme Vessiot, comme il le pratique habituellement, relève les empreintes digitales sur un support rigide, modèle 239. Ces em-
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preintes ne pouvant être comparées avec une quelconque trace de la "scène de crime", le support sera archivé à l’exemplaire de la procédure de la brigade de recherches. A l’issue de la nécropsie, le certificat de décès est délivré par le docteur Page. Après autorisation du juge d’instruction, je rédige, comme le prévoient les articles 78, 81 et 82 du Code civil, un extrait de procès-verbal aux fins d’inhumer que je remets, l’après-midi même, à l’officier de l’état-civil de la commune de Mougins. Ce procès-verbal précise la conclusion des légistes sur la date du décès au terme de l’autopsie, soit le dimanche 23 juin 1991. Mais nous en reparlerons plus loin. Rien ne s’opposait, vu la collégialité des experts légistes désignés, à ce que le corps soit rendu à la famille et cette décision appartient au juge d’instruction. Les trois médecins légistes commis signent le rapport d’autopsie daté du 21 juillet. Pour l’essentiel, ils observent : - « Les yeux du cadavre sont bleu clair avec des pupilles en mydriase moyenne, une hyperémie conjonctivale bilatérale, dans les cheveux roux, mi-longs et souillés d’une grande quantité de sang coagulé, on retrouve deux pinces métalliques fantaisies. L’examen du peignoir montre qu’il est maculé de sang au niveau du cou, des épaules et au niveau de la partie antérieure, la ceinture est aussi maculée de sang, les deux manches sont retroussées et on note de nombreux débris de ciment éparpillés sur tout le vêtement. » Sont décrits, sur les diverses parties du peignoir, les orifices provoqués par l’arme blanche, tous de deux centimètres de long : « Quatre horizontaux et parallèles sur le pan antérieur droit, trois sur le pan antérieur gauche, deux sur le pan postérieur et latéral. » L’examen externe du corps nu met en évidence les nombreuses blessures subies par Ghislaine Marchal. La tête : « Une plaie pariéto-frontale droite laisse voir les os du crâne, une plaie sapitale et deux plaies pariétales
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gauche, une plaie en région frontale gauche à bords francs, présence de sang coagulé au niveau des sourcils, des ailes du nez et de la lèvre supérieure. » Le cou : « Présence d’une plaie horizontale antérieure en V dont l’ouverture se situe à gauche et dont les branches mesurent 11 cm pour la partie supérieure et 12 cm pour la partie inférieure. Les gros vaisseaux ; artères et veines, ne sont pas sectionnés ni la trachée. La partie droite de la plaie est plus profonde que la gauche. » Le thorax et l’abdomen : 10 plaies sont décrites « La plupart de deux cm de long, deux sont profondes, une plaie d’éventration de 14 cm de long au niveau du flanc droit laisse échapper les anses intestinales. » Les membres supérieurs : « Erosions, ecchymoses, mains et avant-bras maculés de sang, une fracture du 5ème métacarpien gauche et la section incomplète de la dernière phalange du médius. » Les membres inférieurs : « Erosions diverses sur diverses parties de ces membres, traces de ciment au niveau des cuisses et des genoux, nombreuses traces de sang et de ciment au niveau des pieds, deux plaies au niveau de la cuisse gauche. » Au niveau de l’examen interne : « Après ouverture de la boîte crânienne, on note une hyperémie des vaisseaux cérébraux qui signe l’agonie et un œdème cérébral important, par contre aucune lésion encéphalique ou cérébelleuse. Ni les poumons ni le cœur ni les gros vaisseaux n’ont été atteints. On note deux plaies transfixiantes au niveau du lobe droit du foie et une plaie transfixiante au niveau du lobe gauche du foie, les différents organes abdominaux autres que le foie n’ont pas été atteints par la lame, on note que les trajets des coups d’arme blanche sont légèrement ascendants. D’autre part, il s’agit d’une lame effilée mesurant de 15 à 20 cm de long et large de deux cm au maximum. »
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Les médecins concluent : « Aucun des coups portés à Mme Marchal n’est immédiatement mortel. Par contre, la somme de tous les coups et blessures l’est après une agonie certaine. » Les constatations médico-légales sont fondamentales pour comprendre comment Ghislaine Marchal a été agressée. L’autopsie démontre incontestablement qu’elle a reçu, de face, plusieurs coups assénés avec une extrême violence tel que l’atteste l’examen externe de la tête. Que par réflexe, elle a voulu se protéger de ces coups qui lui ont occasionné des blessures. Il est indubitable qu’elle les voit arriver et qu’elle identifie ainsi celui ou celle qui les porte. Sauf si Ghislaine Marchal a des problèmes de vue. Autres conclusions médicales essentielles : le vêtement, les membres supérieurs et inférieurs maculés de poussière de ciment sont aussi le siège d’érosions, d’éraflures et d’ecchymoses qui prouvent que Ghislaine Marchal s’est traînée sur la chape poussiéreuse et rugueuse du sous-sol. La multiplicité des coups portés au thorax, à l’abdomen, à la tête, à la cuisse gauche et au cou démontrent que son agresseur était déterminé mais aussi maladroit ou malaisé dans ses mouvements. Par contre, la description de l’arme décrite par le docteur Page ne me semble pas correspondre aux blessures les plus significatives, notamment en ce qui concerne le double égorgement. Il faudrait que les experts m’expliquent pourquoi une lame qu’ils décrivent effilée et à double tranchant n’a pas sectionné la trachée et les vaisseaux du cou ? Ce sera le point d’achoppement qui m’opposera aux légistes. La conclusion du rapport médico-légal est significative en ce sens que, secourue à temps, Ghislaine Marchal aurait pu être sauvée. S’il y a eu agonie, il était capital de préciser sa durée. Tout comme la datation de la mort était essentielle, autant que l’ordre des coups, la durée de la formation de
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l’œdème cérébral et le mode de saignement. C'est pourquoi, le juge Jean-Paul Renard qui a succédé à Sylvaine Arfinengo désigne le docteur Page pour plus ample informé. L’erreur matérielle de transcription Dans son rapport, le praticien écrit : « L’heure approximative du décès se situe entre 11 h et 13 h 30, le 24 juin 1991. En effet, à 20 h, heure de mon arrivée sur les lieux, j’ai constaté une rigidité cadavérique complète ce qui prouvait que le décès remontait à plus de six heures. De plus, les lividités déclives ventrales prouvaient que le cadavre n’avait pas été retourné depuis plusieurs heures. Quant à la durée de l’agonie, d’après les lésions constatées à l’autopsie dont aucune n’était immédiatement mortelle, on peut affirmer que l’agonie a duré de un quart d’heure à une demi-heure. La constatation à l’autopsie d’un œdème cérébral prouve que l’agonie a duré plus de 10 à 15 minutes, temps nécessaire à la formation d’un œdème cérébral. Quant à l’ordre des coups, si les lésions de la main gauche montrent que la victime a cherché à se protéger contre les coups de chevron, les éléments constatés lors de la levée du corps et de l’autopsie ne permettent pas de classer chronologiquement les coups. Les lésions causées par le chevron indiquent que la victime, quand elle a reçu les coups, était soit debout, à genou ou couchée. Les lésions causées par l’arme blanche ont pu être effectuées debout, à genou ou couché ; la victime étant soit statique soit en mouvement. Les hémorragies ont été surtout extériorisées, sans projection importante. Enfin, l’autopsie a permis de constater l’absence d’hémorragie interne importante au niveau du crâne, du thorax et de l’abdomen. » La date de la mort mentionnée dans le rapport du docteur Page interpelle bien évidemment le juge Renard qui s’informe auprès de son rédacteur. Les trois médecins experts
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vont, par courrier, indiquer au magistrat qu’une faute de frappe a modifié la date du décès et qu’il fallait lire le 23 juin 1991 au lieu du 24 juin 1991 comme cela a été dactylographié. En conséquence, le juge d’instruction commet à nouveau les trois experts. Leur mission : « Je vous prie de me préciser sur quels éléments objectifs vous avez pu indiquer que le décès de Mme Ghislaine De Renty remontait au dimanche 23 juin 1991 entre 11 h et 13 h 30. Vous me remettrez un rapport détaillé contenant votre avis motivé. » Le rapport que reçoit le juge Jean-Paul Renard est fort détaillé et argumenté. Pour l’essentiel : « Le 24 juin à 20 h, le corps était à la température ambiante ce qui indiquait que le décès avait eu lieu plus de 12 h avant. En effet, un cadavre perd en moyenne un degré par heure. La rigidité cadavérique était complète ; elle est complète à partir de la 13ème heure après le décès. Les lividités étaient déclives et de couleur rouge foncé. Ces phénomènes (décrits dans le rapport) postmortem se voient à partir de la 30ème heure après la mort. On les a retrouvés inchangés au moment de l’autopsie. Les flaques de sang, les taches et les traces de sang observées dans la pièce où on a trouvé le corps étaient constituées de sang entièrement séché. Tout comme celui retrouvé sur le vêtement, les cheveux, le visage, les plaies et le corps. L’éviscération abdominale empêchait de constater l’existence éventuelle d’une zone verte, abdominale (cette tache verte, abdominale, est visible à ce stade de la putréfaction). Au cours de l’autopsie, nous avons constaté que l’estomac contenait un liquide brun, rosacé, sans débris alimentaire indiquant qu’elle n’avait pas mangé au moins trois heures avant sa mort. Les constatations précédentes de la levée du corps et de l’autopsie nous ont permis de dater la mort au 23 juin 1991 entre 11 h et 14 h. Dans la procédure mise à notre disposition, nous avons relevé que Ghislaine Marchal avait répondu pour
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la dernière fois au téléphone le 23 juin vers 11 h 45. Par contre, elle n’avait plus répondu à partir de 14 h. On peut donc en conclure que le décès de Mme Marchal a eu lieu le 23 juin 1991 entre 11 h 45 et 14 h. » Malencontreuse faute de frappe qui ouvrira plus tard, bien des controverses. Pourtant, l’enquête de crime flagrant et les actes effectués dans le cadre de la commission rogatoire sont suffisamment explicites, convergents et en phase avec les constatations médicales qu’ils en seront décisifs, irréfutables voire péremptoires. Le 24 juin n’est qu’une regrettable faute de dactylographie. D’ailleurs, le procès-verbal aux fins d’inhumer que j’ai rédigé le jour même de l’autopsie mentionnait expressément ce qui suit : - « Il appert qu’avec l’assistance des docteurs Page, Macario et Ménard, nous avons constaté le décès de Mme De Renty Ghislaine veuve Marchal. L’autopsie pratiquée le vendredi 28 juin 1991 de 11 h à 12 h 30 par les médecins requis a permis d’établir que le décès est dû à une mort violente, celleci serait survenue le dimanche 23 juin 1991 vers 12 h à son domicile. Fait à Cannes, le 28 juin 1991 à 13 h 30. » Le meurtre de Ghislaine Marchal a bien eu lieu le dimanche 23 juin 1991. C’est donc bien ce jour-là, et non le lundi 24, qui constituait la date du décès au terme de l’autopsie. Point dans cette affirmation de supercherie, tricherie ou autre duperie. Ce n’est pas par des artifices que l’on recherche la vérité mais par l’étude et la confrontation des témoignages, des investigations techniques poussées, des conclusions d’expertises et l’examen critique et pertinent de la situation. La logique en somme. Tout simplement.
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Détermination de l’heure du crime J’écris dans mon procès-verbal de synthèse : « C’est ainsi que l’on détermine que Ghislaine Marchal a été agressée le dimanche 23 juin 1991, entre 11 h 50 et 13 h. » Il y a, comme dans tout créneau horaire, des limites de temps. Dans ce dossier, la limite minimum est à 11 h 50 et celle maximum à 13 h : une heure et dix minutes d’éternité. Que fait Ghislaine Marchal ce dimanche matin dans sa résidence ? Elle a l’habitude de se lever tard, prépare son petit déjeuner qu’elle prend au lit puis commence des mots croisés. C’est une habitude chez elle. Entre 10 h 30 et 11 h, elle appelle Colette Koster, lui confirme qu’elle sera présente à 13 h, comme convenu, au repas d’anniversaire de son mari. Plus tard, c’est son amie Eugénie De Paolis qu’elle joint au Royaume-Uni. La communication est formellement établie par France-Télécom entre 11 h 29 min 23 s et 11 h 41 min 21 s. Après avoir raccroché son combiné téléphonique, alors qu’elle est sous la douche, le téléphone sonne. C’est Erica Serin : « Laisse-moi finir de prendre ma douche, je te rappelle. » Elle téléphone effectivement à son amie deux ou trois minutes plus tard. Il est 11 h 48. Elle lui confirme qu’elle se prépare pour le déjeuner des Koster et que lundi, comme prévu, elle l’attend à La Chamade. La conversation est assez brève. Il est 11 h 50. Que nous dit Erica Serin : - « Dimanche 23 juin 1991, j’ai téléphoné à Mme Marchal vers 11 h 45, j’ai parlé avec mon amie, pas longtemps car elle était en train de se préparer pour sortir. Elle m’a confié qu’elle sortait pour déjeuner et m’a confirmé qu’elle m’attendait le lendemain à déjeuner. Mme Marchal m’a demandé d’acheter les journaux, Nice-Matin et Le Figaro. Au cours de cette conversation, elle m’a paru tout à fait normale et ne m’a fait part d’aucune inquiétude. »
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Et Eugénie de Paolis : - « Le dimanche 23 juin 1991, j’ai reçu un appel téléphonique de Ghislaine. Je lui avais demandé de me trouver un véhicule de location à un prix raisonnable, car comme l’an dernier je venais passer deux mois d’été à Cannes. Elle me téléphonait pour me dire qu’elle n’avait rien trouvé. Elle était très pressée car elle devait sortir et elle n’était pas du tout prête. Elle semblait seule dans sa maison lorsqu’elle m’a téléphoné. Elle ne m’a pas fait part d’une quelconque crainte, m’a paru tout à fait normale. » A 11 h 50, Ghislaine Marchal est toujours en vie. Elle a pris sa douche, mais il lui reste à parfaire sa mise. Elle a encore une heure devant elle pour finir de se préparer. Plusieurs éléments permettent d’avancer l’heure limite maximum de son agression. Tout d’abord, il est une évidence, elle se préparait pour honorer l’anniversaire de Marius Koster. Elle avait d’ailleurs acheté, à son intention, un cadeau retrouvé sur le secrétaire meublant le hall d’entrée : un ouvre-lettre électrique acheté à l’enseigne Scandia boutique, rue d’Antibes, à Cannes, le mercredi 19 juin 1991. Plusieurs témoins, comme Colette Koster, décrivent sa ponctualité : - « Lorsque Mme Marchal acceptait un déjeuner ou un dîner, elle était toujours ponctuelle. Elle venait toujours en voiture, qu’elle conduisait. » En effet, Ghislaine Marchal était une femme ponctuelle, très ponctuelle. C'est pourquoi, vu le peu de temps nécessaire pour se rendre chez les Koster deux minutes trente suffisent en moyenne pour parcourir les 1 100 m du trajet elle aurait dû quitter La Chamade à 13 h. L’appel infructueux à 13 h 30 de Louise Blanc, l’employée des Koster, fixe la limite maximum de l’agression et par conséquent du meurtre. La datation du crime est ainsi objectivement et techniquement prouvée. Ghislaine Marchal a été agressée et tuée le
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dimanche 23 juin 1991 entre 11 h 50 et 13 h si l’on retient l’élément subjectif de la ponctualité et 13 h 30 si l’on tient compte de l’objectivité de l’appel téléphonique. Où a-t-elle été agressée ? Ghislaine Marchal trouvée morte, barricadée dans ce sous-sol sans issue, sans échappatoire, où a-t-elle été agressée ? Qu’est-elle venue faire dans cette cave ? Nous examinerons trois hypothèses : l’agression à l’intérieur de l’habitation, dans la cour et enfin dans la cave. Les trois cas de figure sont possibles. Après réflexion et confrontation des éléments objectifs du dossier, l’agression à l’intérieur de l’habitation et celle dans la cour sont écartées. Pour plusieurs raisons évidentes et logiques. En effet, l’absence de désordre, de trace ou d’un quelconque indice à l’intérieur de l’habitation ne permet pas de supposer la présence du meurtrier. Si l’agresseur avait surpris Ghislaine Marchal dans son habitation, il n’avait aucun intérêt à en sortir avec elle. Pourquoi prendrait-il le risque, majeur pour lui, d’être vu ou entendu par un voisin ou un éventuel passant occasionnel lorsqu'il traverse la cour ? Il aurait eu aussi à considérer le risque que sa victime ne réagisse en raison de sa forte personnalité. D’autre part, la saisie des chaussons d’intérieur près du lit, alors que l’on retrouve dans le sous-sol les chaussures à talons compensés que Ghislaine Marchal utilise à l’extérieur, prouve qu’elle les avait volontairement enfilées pour sortir. Le dernier élément est lié à la fermeture de la porte de la cave et paraît fondamental pour écarter ce jugement. Il était en effet nécessaire pour la victime ou l’agresseur de prendre la clef de la cave. Encore fallait-il savoir que la porte était toujours verrouillée et connaître l’emplacement de la clé. Ces deux cas de figure apparaissent donc tout à fait il-
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logiques, et nous font privilégier l’agression directe dans le sous-sol. Mais que vient-elle faire ce dimanche vers midi, dans le sous-sol de sa propriété ? A nouveau, trois hypothèses sont admises. Elles sont liées à la cave à vins, la chaufferie, le système de régulation d’eau de la piscine. La visite de la cave à vins est exclue si l’on tient compte des révélations de l’enquête en ce sens. Ghislaine Marchal n’avait pas pour habitude, lorsqu’elle acceptait une invitation, d’offrir une bouteille de vin. Il n’était donc pas dans ses intentions de se rendre chez les Koster avec une bonne bouteille. Comme nous l’avons vu par ailleurs, elle avait acheté un ouvre-lettre qui était emballé dans son papier cadeau. D’autre part, la porte de la cave a été trouvée verrouillée, sans clef sur la serrure. En ce qui concerne la chaudière, bien qu’il lui arrivait de descendre au sous-sol pour la régler, cette possibilité semble à écarter, car la société Serbal était intervenue le 2 avril dernier et un de ses employés, Alain Filippa, constatait le 3 juillet son bon fonctionnement. Jean Ramonda, l’artisan chargé de son entretien, considère que la chaudière fonctionne très bien et n’a pas de panne particulière, même ponctuelle. L’hypothèse la plus logique est l’intervention sur le circulateur d’eau de la piscine. L’enquête établit en effet que Ghislaine Marchal procédait régulièrement à certains réglages et entretien courants. Ne va-t-elle pas réactiver l’aspirateur automatique ou compléter les produits d’entretien, son amie Erica Serin venant de lui confirmer au téléphone qu’elle acceptait son invitation pour le lendemain ? Après sa conversation avec Erica Serin, Ghislaine Marchal repose le combiné téléphonique, passe son peignoir de sortie-de-bain, ajuste sa montre Cartier puis chausse ses mules à talons compensés. Elle ne pense pas à prendre son boîtier d’alarme électronique qui la relie à la société AGM et
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qui se trouve là, à portée de main, sur la table de chevet. Cela aurait changé bien des choses n’est-ce pas ? Elle déconnecte le système d’alarme puis ouvre la porte d’entrée principale qui était, pour la nuit, fermée à clé. Il fait beau ce dimanche. Elle souhaite sans doute, dans son for intérieur, avoir le même temps lundi pour recevoir son amie Erica. Elle repousse la porte, traverse la cour et se dirige vers le local à bois où elle prend la clé qui lui permet d’accéder au sous-sol. Elle actionne les deux interrupteurs. Il fait frais dans ce soussol qui est maintenant éclairé. Elle se dirige vers le fond de l’immense pièce où elle s’affaire au système de régulation d’eau de la piscine. Elle active l’aspirateur électronique qu’elle a familièrement baptisé "Oscar" et dont les tentacules vont faire leur œuvre. Elle ajoute les adjuvants et autres produits d’entretien pour que tout soit prêt pour recevoir Erica demain. L’eau sera parfaite. Elle l’était. Oscar fonctionnait le lundi 24 juin. Ghislaine Marchal en a bientôt terminé quand sa destinée va tragiquement basculer. Qui est cette personne qui s’avance vers elle ? Que vient-elle faire ? Quelle audace de pénétrer ainsi dans la propriété dont tous les accès sont fermés ! Comment a-t-elle fait ? Elle ne porte pas ses lunettes. Reconnaît-elle l’homme qui est en face d’elle ? Soyons logiques ! Mettez-vous en situation et réfléchissez. Posez-vous la question : Ghislaine Marchal a-t-elle reconnu celui qui va devenir son meurtrier ? Bien évidemment, vous êtes sensé, votre analyse de la situation va faire germer d’autres interrogations. Nous nous sommes posé les mêmes questions. Cette dame a-t-elle une bonne vue ? Peut-elle voir sans lunettes ? Quelle est l’intensité de l’éclairage de la pièce ? A-t-elle été tuée avant qu’elle puisse reconnaître son meurtrier ? A-t-elle été agressée par surprise ? Son meurtrier était-il masqué, encagoulé, ganté ? Et que sais-je encore ! Ces journées entières passées dans ce sous-sol étaient
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nécessaires, indispensables. Nos longues réflexions, profondes méditations et nombreuses interrogations nous ont permis, par l’analyse et l’observation rigoureuse des éléments objectifs du dossier, de nous rapprocher de la vérité. Ghislaine Marchal a formellement reconnu son agresseur. Toute autre thèse avancée ne peut être en phase avec les éléments probants du dossier. Ghislaine Marchal reconnaît son agresseur Pour vous prémunir d’un coup que vous voyez arriver, vous allez faire un geste de protection. C’est ainsi. Ghislaine Marchal n’a pas été assaillie par derrière mais bien lorsqu’elle faisait face à son agresseur. L’expertise du docteur Macario le confirme : « On note d’autre part, un écrasement du majeur gauche et des lésions ecchymotiques des avant-bras qui correspondent sans doute à des mouvements de défense, l’agresseur se trouvant probablement de face. » Cet agresseur qu’elle a déjà reconnu formellement est une nouvelle fois devant elle. Il brandit un chevron. Instinctivement, elle veut se protéger du coup. Ses mains se portent, par réflexe, au-dessus de sa tête. Le chevron lui sectionne pratiquement un doigt, fracture une de ses mains. Les coups, nous l’avons vu, sont d’une extrême violence et ont été assénés pour tuer et non pour assommer. Qui a assisté à l’autopsie, qui a vu ces blessures ne peut pas un instant douter d’un acharnement meurtrier. Oui, Ghislaine Marchal reconnaît son agresseur ! Oui, la lumière du sous-sol était suffisante pour permettre cette identification ! Oui, Ghislaine Marchal, sans lunettes, pouvait identifier celui qui ne parviendra pas à l’achever ! Non, son meurtrier n’était pas cagoulé, masqué ou grimé ! Le scénario de l’agression, qui n’est pas celui d’un roman policier mais d’une enquête judiciaire, le mobile du crime, les investigations dans leur ensemble ap-
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porteront une réponse formelle à cette dernière interrogation. Les trois lunettes de vue, le juge Renard les a confiées à un expert ophtalmologue, le docteur Alexandre Chabat, qui conclut : « Il s’agit très probablement de lunettes corrigeant la vision de près. Ceci en raison de leur mauvais état, de leur esthétique modeste et de la progressivité ou dégressivité de la correction optique. Dans l’une et l’autre hypothèse, en considérant qu’il s’agit de lunettes pour la vision de près, il y a de fortes chances pour qu’un individu appareillé de la sorte ait une acuité visuelle de loin qui lui permette de distinguer une personne familière entre 50 cm et 2 m. » Ces conclusions médicales sont la preuve, rigoureuse, objective et scientifique, que Ghislaine Marchal a reconnu son agresseur. Diverses auditions confortent l’expertise. Qui mieux que Christian Veilleux pouvait en témoigner : - « Ma mère pouvait absolument reconnaître quelqu’un de près ou de plus loin sans le port de ses lunettes, qui à ma connaissance ne lui servaient qu’à lire ou écrire. » Raddad, le jardinier qu’elle emploie régulièrement depuis quelques années est bien cet homme qui s’avance vers elle, dans le sous-sol. Elle en apportera la démonstration manuscrite, irréfragable, en le dénonçant à deux reprises, avant que la mort ne l’emporte. Mais, Ghislaine Marchal a pu confondre son agresseur. L’enquête sur ce point et les conclusions des experts démontrent que non. En effet, Omar Raddad a un frère prénommé Mohamed, physiquement différent malgré sa ressemblance familiale. Pourtant, aucun témoin ne les confond. Francine Pascal par exemple : - « Mohamed ressemble à son frère mais on peut facilement les distinguer. Mohamed est plus mûr, plus enveloppé physiquement, il porte une moustache. » Et, élément capital, Ghislaine Marchal les différen-
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ciait. N’avait-elle pas d’ailleurs confié à sa femme de service, qu’Omar était beaucoup plus beau et plus fin. Plus tard, lors des investigations dans le milieu des jeux de hasard, aucun témoin n’a confondu les deux frères sur photographies ; Mohamed leur étant parfaitement inconnu. Que vient-il faire à La Chamade ! Un dimanche, jour où il n’a jamais travaillé ; que ce soit chez Ghislaine Marchal ou Francine Pascal. Etrange en effet. Habituellement, Francine Pascal l’emploie trois jours par semaine alors que c’est le vendredi qu’il entretient couramment La Chamade. Or, exceptionnellement ce dimanche, Raddad travaille chez Francine Pascal. Pourquoi ? - « Il m’arrive de changer de jour, c’est pour cette raison que le dimanche 23 juin j’ai travaillé chez Mme Pascal » explique-t-il. Soit, cela peut arriver. Mais de là à demander à travailler un dimanche, alors qu’il n’a pas vu son nouveau-né depuis une quinzaine de jours ! Cependant la question fondamentale n’est pas là. Elle se pose plutôt en ces termes : qui savait que Raddad devait travailler ce dimanche chez Francine Pascal ? La réponse à cette question est, elle aussi, un des éléments essentiels de ce dossier. Deux personnes seulement savaient. Sa femme l’ignorait : - « Effectivement, Omar m’a téléphoné dans le courant de la semaine qui a précédé le meurtre. Il m’a confirmé qu’il venait pour le week-end. Je pensais qu’il arriverait le dimanche matin. » Nicole Jacquot ignorait, elle aussi, qu’il travaillait ce dimanche dans la propriété. Qui sont ces deux personnes ? Raddad, bien entendu, qui a pris cette décision seulement le samedi, et Francine Pascal, laquelle nous déclare : - « Omar avait travaillé toute la journée du samedi 22 juin. Au cours de cette journée, il m’a demandé de venir tra-
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vailler le lendemain, car le lundi il partait à Toulon pour une fête. Non, Omar n’avait pas au cours des jours précédents laissé entendre qu’il avait l’intention de travailler le dimanche. » Pourquoi Raddad a-t-il pris la décision de travailler ce jour-là ? Probablement pour aller à La Chamade demander une nouvelle avance sur salaire à Ghislaine Marchal. Il n’est pas du tout illogique de le penser. Le scénario de l’agression Comme je l’expose au magistrat instructeur dans mon rapport, nous avons reconstitué le scénario de l’agression en tenant compte des éléments objectifs du dossier mais aussi de quelques éléments subjectifs. Raddad est venu ce dimanche 23 juin 1991 à La Chamade, peu après midi, pour demander à son employeuse une nouvelle avance sur salaire. Il n’a certainement pas l’intention de la tuer. Raddad n’est pas un tueur, je reste persuadé qu’il n’était même pas un délinquant occasionnel. Il est devenu un meurtrier car il était prisonnier de son vice, le jeu. Raddad quitte le mas St-Barthélémy sur un cyclomoteur qui est son seul moyen de locomotion. Il monte le chemin St-Barthélémy puis l’impasse du même nom qui conduit à La Chamade. Il a les clefs du portail, qu’il ouvre. Le court chemin qui mène à la résidence est à forte déclivité. Il coupe le moteur de son engin, et le gare sur le parking en son lieu habituel, en haut de l’escalier qui dessert le sous-sol. Il remarque que la porte d’entrée de la cave est ouverte et que le plafonnier est éclairé. Il sait que sa patronne vit seule et suppose qu’elle doit se trouver dans la cave. Il descend les marches qui le conduisent au sous-sol. Très rapidement, il la voit affairée dans le fond de la pièce au système de régulation d’eau de la piscine. Il se dirige vers elle. Ghislaine Marchal
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est certainement fort surprise de cette visite, qu’elle n’attend pas. Elle refuse de céder à la requête, attendu qu’elle avait convenu avec Francine Pascal qu’il ne fallait plus avancer, dans son intérêt, de l’argent à Omar, dont les demandes étaient de plus en plus fréquentes et pressantes. Elle a dû être catégorique, car le 14 juin elle avait avancé de l’argent à son jardinier qui avait bien entamé son mois de juillet. Ghislaine Marchal n’a pas dû apprécier cette démarche, qu’elle a dû juger incongrue. D’autre part, elle n’avait pas fini de s'apprêter pour se rendre chez les Koster. Son refus est sans appel et sa décision énergique et brutale. Raddad insiste. Il lui faut absolument de l’argent car il n’a pas payé ses loyers. Comment va-t-il l’expliquer à Latifa, son épouse ? Il est acculé par cet état de nécessité. Il persiste, ce qui doit provoquer une réaction verbale violente de sa patronne, qui le chasse. C’est vraisemblablement à ce moment que Raddad décide de la supprimer ; pour lui permettre le vol de l’argent qu’il sait trouver dans le sac à main. Il n’a qu’une autre alternative, s’excuser et quitter la propriété. Il en a encore la possibilité, mais le besoin d’argent est trop fort. Raddad recule et s’éloigne. Au lieu de quitter le soussol, il se dirige sur sa gauche, vers le vide sanitaire, et disparaît de la vue de Ghislaine Marchal qui, naturellement intriguée, se porte dans sa direction et se retrouve, au détour de la chaufferie, face à celui qui avait décidé de devenir son meurtrier. Il agite un chevron qu’il vient de ramasser dans le dépôt de déchets de matériaux. Il lui assène un premier coup qui provoque la chute de son bridge. Quatre autres coups violents suivent. Ses mains sont bien un rempart fragile pour protéger sa tête contre une telle furie meurtrière. Cependant, ces coups ne sont pas suffisants pour tuer. Raddad doit aller jusqu’au bout. Il ne peut pas se permettre de la laisser vivante. Il doit l’achever pour empêcher la dénonciation. Il ne porte pas de couteau, mais sait où trouver une arme de substitution : un
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taille-haie, suspendu habituellement dans le local à bois. Cet instrument, j’ai l’intime conviction que Raddad l’a utilisé comme arme pour parachever son meurtre et commettre le vol par la même occasion. Je ne suis pas le seul à le penser. Les 15 coups d’arme blanche, disséminés sur tout le corps, quand le meurtrier les a-t-il portés ? Avant ou après le vol des numéraires qui se trouvaient dans le sac à main. Il n’y a que lui qui puisse le dire. Il ne le dira jamais. Aucun élément objectif du dossier ne permet en effet d’étayer une hypothèse. De plus, les expertises médico-légales n’apportent aucun élément de réponse à la chronologie des coups. Raddad fait cependant une erreur qui lui sera fatale. Il ne s’assure pas de la mort de Ghislaine Marchal. Il abandonne le sous-sol et verrouille la porte de la cave à clef. Il la suspend ainsi que le taille-haie à leur emplacement habituel. Il quitte La Chamade avec l’argent pris dans le sac à main. Personne ne le remarque, personne ne l’entend. Que fait Ghislaine Marchal après le départ de Raddad ? Ghislaine Marchal est enfermée à double tour, seule dans le noir, mortellement blessée. Le sang qui s’écoule de ses plaies imbibe le peignoir ; ses cheveux, son visage s’en imprègnent. Son agonie va durer de 15 à 30 minutes. Ce préambule létal sera sa grandeur. Est-ce l’esprit de conservation qui l’anime ou sa volonté que ce crime ne reste pas impuni ? Elle sait qu’elle n’a aucune échappatoire, qu’elle ne peut donner l’alerte, prévenir les secours, son fils, un voisin, une amie. Elle n’a pas pris son boîtier alarme. Elle entend l’unique porte se refermer, la clé l’emprisonner dans sa cellule mortuaire. Pense-t-elle survivre ? Sans doute. Il est indéniable que Ghislaine Marchal ne se résigne pas. Elle a, nous le verrons, une forte personnalité, du caractère. Elle décide de se barricader et de dénoncer son agresseur en le désignant. Il
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faut, pour avoir cette détermination, cette volonté, ce courage, de la lucidité et la maîtrise de tous ses sens. Elle ne fera pas n’importe quoi. Elle réagit de manière méthodique et lucide. Ne pouvant, dans l’obscurité, exécuter ce qu’elle a décidé, elle rétablit le courant en actionnant l’interrupteur du couloir. Car Raddad, pour retarder la découverte du corps de la suppliciée, a pris la précaution, lors de son départ, de plonger le sous-sol dans l’obscurité. Ghislaine Marchal ne prend pas la peine d’essayer d’ouvrir la porte. Inutile, elle sait qu’elle est enfermée à double tour. Pour preuve, aucune trace de liquide organique n’a été relevée sur le panneau intérieur de la porte et sur la poignée de la serrure ; démonstration évidente qu’elle est restée consciente. Déterminée, elle a besoin de lumière pour dénoncer son meurtrier. Mais comment faire ! Elle décide d’écrire son nom, avec son sang, sur la porte de la cave à vins. Encore lucide, elle n’écrira pas n’importe où. Comment le pourrait-elle sur le sol rugueux et poussiéreux, et sur les murs de parpaings ? Elle utilisera cette porte qui est un support lisse, propre, clair, bien éclairé et dont le fond contrastera avec son écriture sanglante. Elle recueillera dans les blessures de sa tête, avec ses doigts, le sang avec lequel elle laissera son message. Comme le déterminent les constatations et les deux experts en écriture, elle s’agenouille, son buste est droit. Ses ressources mentales et physiques subsistent encore. Elle ne prend appui ni sur la porte ni sur le mur, car aucune trace de sang n’a été observée. Une après l’autre, elle dépose ses lettres de sang, d’une écriture ferme, décidée, résolue. OMAR M’A TUER. Oui, Raddad l’a tuée. Oui, nous nous sommes interrogés sur cette faute d’orthographe ; que nous avons objectivement expliquée, preuves à l’appui, sans fantasme, honnêtement, dans le
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souci permanent et conscient de la recherche de la vérité. Oui, c’est Ghislaine Marchal qui a écrit ce message. Non, il n’était pas indispensable d’être expert en écriture pour comprendre que c’est bien elle qui a écrit. Son message achevé, elle se relâche et sa tête s’appuie contre la porte. La trace de sang visible sous les lettres démontre que l’empreinte laissée par les cheveux, de haut en bas, est suivie immédiatement de celle imprimée par le mouvement de la tête de droite à gauche. Elle a encore la force de se relever, sans prendre appui que ce soit sur le sol, le mur ou la porte. A-t-elle encore espoir ? Personne ne peut le dire. Elle a perdu beaucoup de son sang, notamment devant cette porte alors qu’elle dénonçait son meurtrier. Il s’en écoulera encore jusqu'à ce que la mort fasse son œuvre. Craignait-elle le retour de son agresseur ? Probablement. Quoiqu’il en soit, elle décide de se barricader pour l’empêcher éventuellement de revenir l’achever s’il percevait un signe de vie. Ghislaine Marchal va utiliser trois objets ; un chevron, un lit pliant et un tuyau métallique. Nous la suivons objectivement aux traces de sang sur le sol lorsqu'elle est à la recherche de ces objets. Le chevron. Raddad, comme nous l’avons vu, l’a ramassé dans le dépôt de matériaux puis abandonné devant la chaufferie. Son aspect atteste formellement qu’il n’a jamais séjourné à l’extérieur et l’enquête démontre que c’est un maçon ayant participé à la construction de l’habitation qui l’a laissé dans le dépôt. Le lit pliant. D’après les témoignages, il était entreposé, à gauche, dans le couloir. C’est Liliane Receveau qui l’avait déposé à cet endroit. Ce lit, d’un poids de 12 kg, Ghislaine Marchal l’a tiré, sur ses roulettes, jusqu'à la porte, pour parachever son système de fermeture ; mais il n’aura qu’un rôle négligeable. Le tuyau métallique, comme les autres objets utilisés,
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est ensanglanté. Une de ses extrémités est légèrement coudée sur 15 cm. Cette partie présente une trace de ripage et, à l’opposé, une trace de frottement métallique en spirale. Comme pour le chevron, son aspect démontre qu’il n’a pas séjourné à l’extérieur. Il est exclu que Ghislaine Marchal l’ai pris dans le dépôt de matériaux, car l’absence de sang sur l’interrupteur principal démontre qu’elle ne l’a pas actionné pour se rendre dans cette partie obscure de la pièce. Cet objet, elle le trouve sans doute à proximité du lit. Nous déterminons le rôle important du tuyau métallique et du chevron dans le système de blocage de la porte. Le 18 février 1992, au cours d’un transport de justice, le juge JeanPaul Renard démontrera que le système de fermeture mis en place par Ghislaine Marchal n’était pas réalisable par un tiers voulant faire croire à une mise en scène. J’y reviendrai étant donné que c’est aussi un des éléments décisifs de ce dossier. Quelle que soit sa démarche intellectuelle, elle utilise ces trois objets pour se barricader. Elle réalise un système très efficace en glissant le tube métallique sous la porte, en butée du dormant, et le place en appui sur le chevron. Elle tire ensuite le lit vers le couloir, et le couche devant la porte d’entrée. Ce faisant, elle macule de sang, le mur, les objets qu’elle touche et le sol, particulièrement imbibé. Elle fournit des efforts qui l’affaiblissent. Elle a dénoncé son meurtrier, elle s’est barricadée mais elle décide de confirmer son message ensanglanté et accusateur. Quelle volonté, quelles ressources morale et physique, quel courage. Comment cette femme âgée, qui doit se douter à ce moment-là qu’elle va mourir, a-t-elle encore assez de lucidité et de détermination pour aller, une nouvelle fois, laisser l’empreinte de sa dernière volonté ? Imaginez-vous, enfermé dans le noir, la gorge béante, éventré, lardé d’une multitude de coups d’arme blanche. Qu’auriez-vous fait ? Qu’aurais-je fait ?
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Ghislaine Marchal agit. N’est-ce pas encore la marque de sa lucidité et de son entière conscience ? Ne voulant donner aucun indice de sa survie à Raddad au cas où il reviendrait, elle éteint l’interrupteur du couloir. Elle se retrouve dans le noir ; la seule clarté est fournie par un rai de lumière qui filtre autour de la porte. Nous la suivons à la trace dans le sous-sol tragique. Point de supputation, nul fantasme, aucune description romanesque, mais des traces objectives si l’on veut bien se donner la peine d’examiner les dizaines de clichés contenus dans les albums qui ont été réalisés par le gendarme Vessiot. De toute évidence, pour comprendre ce qui s’est passé, à défaut d’un constat physique, il fallait les feuilleter, les observer et en tenir compte. Ghislaine Marchal agit. Elle parvient péniblement à s’orienter dans cette lugubre obscurité. Tous les objets qu’elle touche sont maculés de son sang ; un carton, un rouleau de laine de verre, des palettes de bois, un sachet en plastique. La localisation des taches de sang et ses blessures attestent sans controverse possible qu’elle se traîne sur le sol et cherche à se situer dans l’espace. Les deux traces de mains au sol sont l’ultime appui qui lui permet de se relever. L’absence de sang entre les deux empreintes sanglantes et la porte de la chaufferie est révélatrice que cette courte distance, elle la parcourt debout. C’est ainsi qu’elle parvient devant l’entrée de la chaufferie, comme le démontre la hauteur des traces de sang relevées de chaque côté de cette issue et sur la porte. Imaginez-vous, enfermé dans le noir, égorgé, éventré, lardé de multiples coups d’arme blanche. Qu’auriez-vous fait ? Qu’auraisje fait ? Ghislaine Marchal agit encore. Elle est très affaiblie cependant. Vous doutez de sa clairvoyance ? Oui ? Pourquoi alors choisit-elle à nouveau un support clair, lisse et suffisamment large pour écrire une deuxième fois le nom de son meurtrier. Beau roman n’est ce pas ? Quel mystère ! Quelle
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agonie ! Mais avant tout quel courage. Mais elle est trop faible pour écrire son ultime message debout. Elle trouve une position allongée avec l’aide de la barre anti-panique. C’est dans cette position qu’elle écrit OMAR M’A T. Les lettres n’ont plus cette netteté de trait, elle n’a pas le temps de terminer son mot. Le corps orienté vers la chaufferie, elle rampe dans cette petite pièce. Elle tâtonne la paroi ignifugée que sa tête heurte à deux reprises. Les traces de sang, au sol, attestent de ce parcours. Une dernière fois, son corps pivote. Ses derniers mouvements sont de recul et de droite à gauche si l’on en juge les positions du peignoir et de sa ceinture, et que confirment les traces de sang visibles sur son côté droit. Ses mains sont jointes au-dessus de sa tête. C’est la fin. Paix à son âme. Le crime ne restera pas impuni. C’est ce qu’elle a voulu jusqu'à l’ultime limite de ses forces. Confirmation du scripteur Je n’ai pas la qualité d’expert en écriture, je suis cependant un officier de police judiciaire de la gendarmerie qui fait le plus consciencieusement, scrupuleusement et honnêtement son travail. J’ai écrit dans mon rapport de synthèse des suppositions qui ont fait bondir la défense qui ironisait : « Le gendarme est aussi un graphologue ». Non. Tout simplement un enquêteur qui a le sens de l’observation, quelques années de pratique derrière lui et qui ne confond pas une expertise graphologique et une expertise en écriture. J’ai effectivement comparé les caractéristiques des lettres inscrites sur les portes avec l’écriture de la victime ; ses mots croisés notamment. Je confirme encore aujourd’hui que c’est bien elle qui a écrit les deux messages accusateurs. Un gendarme qui suppose ! Pourtant, deux experts en écriture, particulièrement compétents, ne vont pas présumer
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mais soutenir avec conviction que Ghislaine Marchal est bien le scripteur de ces deux accusations. C’est tout d’abord M. Gilles Giessner, expert en écriture près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui est commis par le magistrat instructeur. Il travaillera sur des scellés authentiques et non sur des documents apocryphes. Il a, à sa disposition, les agendas saisis au domicile de Ghislaine Marchal, trois grilles de mots croisés et une fiche cartonnée, annotée par la victime. Gilles Giessner s’est rendu dans la cave de La Chamade où il a procédé à toutes constatations techniques et a examiné les inscriptions relevées sur les deux portes. Quelles sont essentiellement ses observations ? Sur la nature de l’écrit OMAR M’A TUER : « Les messages ont été tracés avec du sang sur des portes industrielles revêtues de panneaux blancs, lisses. La lisibilité est donc parfaite. Les lettres sont nettes, les ductus sont nets, structurés, les traits sont issus du sang qui se trouvait sur un doigt, probablement l’index. Comme l’autonomie graphique est très courte, la majorité des lettres a été tracée avec reprises, ces reprises étant précises. » Sur l’aspect du message OMAR M’A T : « Le panneau placé sous la barre de sécurité et la barre elle-même sont très maculés de sang. L’écrit est difficile à lire car l’attaque est noyée dans un tracé correspondant à une main qui de plus a probablement glissé. Les deux lignes d’écriture sont descendantes vers la droite. » Gilles Giessner énonce dans son rapport que : « La forme des lettres, la forme de l’apostrophe nous indiquent clairement que les deux mentions émanent d’un même scripteur. Le spécimen de comparaison est abondant, étalé dans le temps avec des spécimens contemporains des écrits de question. L’étude des mentions est fondamentale, car elle nous fournit un ensemble d’informations essentiel à la comparaison. »
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Ses conclusions vont renforcer les observations que j’avais notées dans mon rapport de synthèse : « Les spécimens de question c’est-à-dire, pour les non initiés, les lettres de sang ont été tracés par un même scripteur. La mention OMAR M’A TUER a d’abord été tracée alors que le scripteur était à genoux, l’ordonnance générale du texte indique que le scripteur disposait encore de forces vives au moment où il l’a tracée. Il y voyait comme l’indique la précision des retouches. La mention OMAR M’A T a ensuite été tracée alors que le scripteur était allongé, se soulevant sur le coude gauche et traçant des lettres avec la main droite. La déstructuration des lettres, l’abondance des taches sanglantes, la pente des deux lignes, l’arrêt net dans le plan vertical des lettres indiquent que le scripteur a une volonté farouche d’écrire mais ne dispose plus de la mobilité nécessaire pour le faire. L’absence de lumière n’apparaissant qu’accessoire dans ce contexte où le message ne relève que de la volonté du scripteur. » L’expert poursuit : « Il est évident que notre étude recoupe le dossier : constatations objectives des premiers enquêteurs, informations données par les médecins légistes. Nos constatations sont trop liées à l’existence d’un affaiblissement physiologique du scripteur pour que l’on puisse retenir l’hypothèse d’une quelconque mise en scène. Notons plus spécialement qu’il semble probable que le scripteur a employé deux doigts pour tracer certaines lettres de la mention OMAR M’A T parce que l’effort pour écrire était intense et que le geste a primé sur la volonté de précision du trait. » Les observations, sincères et véritables, de cet expert recoupent nos constatations et attestent explicitement que la thèse d’un autre scripteur est impossible. Tout ce que j’ai écrit dans mon rapport de synthèse résultait d’une analyse longuement réfléchie et objective. Une contre-expertise en écriture va être ordonnée par le
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juge d’instruction. C’est l’éminente Florence Buisson-Debar, expert près la cour d’appel de Nîmes, qui va la réaliser. Elle aussi s’est rendue sur les lieux et a consulté les pièces du dossier. Je ne vais pas retranscrire le long et remarquable rapport de cet expert. Toutefois, certaines mentions sont capitales et essentielles à la manifestation de la vérité. Telle celleci : « L’épaisseur de la trace dans le corps des lettres (1 à 1,5 cm) indique qu’un ou éventuellement deux doigts ont été utilisés pour inscrire cette mention. » Anodine cette mention ? Que nenni ! Souvenez-vous ! Vous avez bien dû lire dans votre quotidien ou votre magazine : « Les enquêteurs n’ont même pas pris la peine de mesurer la largeur des doigts de la victime. » Bien avant Florence Buisson-Debar, nous avions observé les fortes variations dans l’épaisseur des lettres ; inégalités dues aux différences de pression exercée par le ou les doigts pour écrire et aux inclinaisons de l’outil scripteur. Toutes mesures auraient été inopérantes et sans effet. Tout dans son rapport confirme la première expertise. La lucidité du scripteur, sa position pour écrire les messages, les constatations, l’étude morphologique des lettres : - « Les lettres A, R, E, M, M’A, semblent avoir conservé leur spontanéité et leur originalité. L’inscription OMAR M’A T se déduit davantage qu’elle ne se lit, elle ne prend sa véritable signification qu’après lecture de la première inscription. » Comme Gilles Giessner, elle conclut que la même personne est à l’origine des deux inscriptions. Lorsqu’elle compare les écrits de question à ceux de comparaison, elle certifie que : - « Les inscriptions sont bien de la main de Ghislaine Marchal. Chacune des lettres de question, de la moins significative à la plus significative, se retrouve dans l’écriture de
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cette dernière. Ceci nous autorise à dire que Mme Ghislaine Marchal a, de sa propre main, porté les deux inscriptions... » Détail capital, un tiers ne l’a donc pas forcée à écrire. Là encore, souvenez-vous ! Fondamentale cette conclusion ! Oui, c’est bien Ghislaine Marchal qui, alors qu’elle était seule, enfermée dans la cave, a écrit le nom de son meurtrier. Toute autre hypothèse ne tient pas ; même appuyée de gesticulations médiatiques et plus tard, lors du procès, d’effets de manche prononcés. Les faits sont têtus. Oui, Ghislaine Marchal était droitière. Non, la thèse de la mise en scène ne tient pas et nous verrons plus longuement pourquoi. Vous vous êtes comme moi interrogé sur cette grossière faute d’orthographe ? Cette femme que l’on disait cultivée, cruciverbiste avertie, issue d’un milieu aisé, comment pouvait-elle faire une telle entorse aux règles grammaticales ? Voilà un détail intéressant qui va alimenter la polémique. On va pouvoir paraphraser, semer le doute. Lorsqu’on n’a rien d’autre ! Pourquoi pas. Je me prononce dans mon rapport et je prouve, tenant compte des documents saisis, des témoignages et des expertises, que Ghislaine Marchal faisait des fautes d’orthographe et de grammaire ; notamment quant à la règle du participe passé et à l’emploi de l’infinitif. Florence Buisson-Debar le motive scientifiquement : - « La faute d’orthographe sur TUER peut être imputée à un état de tension et de trouble naturel et n’est aucunement paradoxale dans ce contexte. » En examinant les écrits que mes collaborateurs ont placés sous scellés, j’établis avec objectivité que la victime faisait de nombreuses fautes, de très nombreuses fautes. Je rédige dans mon rapport de synthèse : - « Si l’on examine attentivement les documents saisis, on s’aperçoit rapidement que Ghislaine Marchal faisait des fautes d’orthographe et de grammaire. A la lecture des lettres du scellé n°5, datées du 23 mars 1987, Ghislaine Marchal
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écrit : « Elle et son mari dispose d’un logement... » A l’examen des carnets de bulletins de paie, objet du scellé n°6 de la même procédure, Ghislaine Marchal note à trois reprises sur les feuillets 3, 5 et 50 : « Payer par l’employeur. » Les autres feuillets manuscrits par la victime sont correctement orthographiés « Payé par l’employeur. » Sur d’autres écrits saisis apparaissent d’autres fautes d’orthographe telles que : « Les géranium, lauriers-rose, terasse. » Ces trois mots sont, par ailleurs, écrits correctement. Autre part, elle écrit : « Massif nouvelle terasses » et « Payer le 9 août. » Sur les deux feuillets cartonnés objet du scellé n°2, Ghislaine Marchal, lorsqu’elle écrit ses directives, emploie systématiquement et correctement l’infinitif. Quant aux mots fléchés, on constate qu’ils ne sont pas achevés, que des mots écrits sont faux et qu’il est facile de les terminer. L’enquête démontre ainsi que Ghislaine Marchal, bien que cultivée, faisait des fautes d’orthographe, ce qui est déclaré par sa confidente Gisèle Konrad et prouvé par les divers écrits saisis dans la procédure. » (fautes soulignées dans le texte du rapport) L’enquête de gendarmerie et l’information judiciaire démontrent que c’est Ghislaine Marchal qui a dénoncé son agresseur après l’avoir incontestablement identifié et s’être barricadée dans le sous-sol. La faute d’orthographe n’est qu’un pétard mouillé dont on s’est pourtant longuement emparé pour en faire un élément de doute et d’extrapolation. L’impossible mise en scène Il est bien évident que je me suis interrogé sur une possible mise en scène. Je l’aborde dans mon rapport où je m’implique lorsque j’écris : « Les caractères nets, appliqués, non déformés, écrits par une personne lucide et déterminée, excluent toute écriture sous la menace et la contrainte. » De toute évidence, la thèse de la mise en scène est ab-
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surde et n’a trompé ni gendarmes ni magistrats ni plus tard les jurés. Pourquoi ? Le transport de justice du 18 février 1992 a démontré l’impossibilité de la mise en scène d’un meurtrier sortant de la cave et installant un dispositif tel que celui que la victime a conçu. Ce jour-là, Raddad est extrait de la maison d’arrêt de Grasse mais refusera de pénétrer dans le sous-sol. Démarche de la défense discutable mais qui me semble cohérente puisque son client a toujours nié sa présence sur les lieux. La reconstitution se fera sans lui mais avec ses conseils du moment, Mes Girard et Baudoux. La partie civile étant représentée par Me Henri Leclerc, le parquet par le procureur de la République adjoint, Bernard Farret. Le juge Jean-Paul Renard va parfaitement diriger cette reconstitution, à laquelle j’ai participé. Il serait trop fastidieux de reproduire, dans son intégralité, l’inattaquable procèsverbal qu’il a rédigé. Pour l’essentiel, le juge écrit : - « Nous replaçons les objets tels qu’ils ont été découverts le 24 juin 1991, nous remarquons que la barre métallique présente deux marques, l’une d’un centimètre de couleur grise et l’autre, opposée, d’une longueur de 15 cm représentant un frottement métallique en hélice. Cette extrémité est légèrement coudée, le début de la courbure se situant à 15 cm de l’extrémité... Le chevron de bois présente, sur une de ses faces, une trace d’écrasement oblique (que nous avions marquée d’un repère). » Le juge Renard demande ensuite à mes camarades Liedtke et Teulière de réitérer les gestes qui leur ont permis de pénétrer dans la cave. Les deux gendarmes s’exécutent et ne varieront pas dans leur démarche, qui est consignée par le magistrat. Celui-ci poursuit : - « Nous replaçons la barre métallique sous la porte, à même le sol. Nous constatons que la faiblesse de son diamètre fait que l’extrémité inférieure de la porte passe au-
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dessus sans entraîner de blocage ou de frottement. Nous plaçons ensuite le tube métallique en appui sur le chevron et l’extrémité sous la porte. Le chevron faisant levier, la porte est bloquée. Pour que la porte reste bloquée dès le début de la manœuvre d’ouverture, il faut que le tube métallique prenne appui sur le chevron à la moitié de sa longueur environ, à proximité de la trace de courbure déjà décrite. Si le tube métallique ne prend appui sur le chevron qu’à l’extrémité opposée à celle passée sous la porte, l’élasticité du métal fait fléchir le tube au fur et à mesure de l’avancée de la porte et cette dernière n’est pas bloquée. Si le chevron est placé trop près de la porte, l’angle pris par le tube métallique par rapport au sol interdit de faire passer le tube sous la porte. Ce positionnement du tube sur le chevron explique les traces et déformations constatées sur celui-ci. La tache grise, située à l’extrémité, correspond à la partie reposant sur le ciment. La barre étant oblique par rapport au sol, seule son extrémité reposait sur le sol cimenté. Les traces métalliques opposées par rapport à la tache grise correspondent au ripage de la porte sur le tube. Le tube a été tordu sous la violence de la poussée exercée par les gendarmes. Les traces métalliques en hélice semblent indiquer que la pression exercée par la porte sur le tube métallique a fait tourner celui-ci sur lui-même, en même temps qu’il ripait sur le sol. La trace d’écrasement du bois observée sur le chevron paraît avoir été provoquée par la pression du tube métallique qui reposait sur le chevron. Nous notons que cette trace est plus importante en profondeur et en largeur sur une arête que sur le reste de l’empreinte, ce qui peut s’expliquer par le déplacement latéral du tube métallique qui se tournait sur lui-même, en appui sur l’arête. » Liedtke et Teulière tentent alors d’ouvrir la porte. Ils y parviennent au terme d’une importante poussée après que le lit eut été dégagé par le gendarme Liedtke. Comme le note le juge Renard :
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- « Me Girard se propose ensuite de démontrer qu’il est possible, moyennant un positionnement préalable du lit, du tube et du chevron, de quitter la cave et de bloquer la porte depuis l’extérieur. Il parvient à quitter la cave après avoir positionné ces trois objets. Pour obtenir une ouverture suffisante de la porte afin de pouvoir sortir, il est contraint de placer le tube métallique en appui sur le chevron à proximité de l’extrémité opposée à celle passée sous la porte, jouant ainsi sur la flexibilité du tube pour manœuvrer la porte. Une fois à l’extérieur, il déplace l’extrémité du tube vers la partie pivotante de la porte et laisse tomber le lit pliant. Cette manœuvre n’a cependant pas pour effet de bloquer la porte et à deux reprises Me Girard entre dans la cave sans avoir à exercer une poussée comparable à celle décrite par les gendarmes Liedtke et Teulière ni même sans rencontrer d’autre résistance que le poids du lit. Cette absence de blocage semble due au fait que l’élasticité relative du tube métallique ayant facilité la manœuvre de la porte pour pouvoir sortir ne pouvait que faciliter une nouvelle manœuvre de la porte pour permettre l’entrée. » Observateur attentif, le juge Renard souligne : - « Nous notons également que lors de la manœuvre de sortie de la cave, Me Girard a été dans l’obligation de faire pivoter la porte et de la faire passer sur le tube métallique qui fléchissait au fur et à mesure de l’avancement de la porte. Le frottement de la porte sur le tube a laissé à ce dernier des traces métalliques sur 40 cm, traces qui n’apparaissaient pas sur le tube avant la manœuvre de Me Girard. » Me Leclerc fait observer que : « Le lit, le chevron et le tube étaient souillés de sang mais que par contre les poignées intérieure et extérieure de la porte ainsi que la partie du mur placé à proximité immédiate de la serrure ne comportaient aucune trace de sang à l’arrivée des enquêteurs. » J’apporte une appréciation complémentaire à la démonstration évidente et remarquable de précision, de logique
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et de bon sens du magistrat, qui tout en infirmant la thèse de la mise en scène prouvait que c’est bien Ghislaine Marchal qui a dénoncé son meurtrier. Cette précision, je l’expose dans mon rapport de synthèse : « Le transport de justice du 18 février 1992 démontre l’impossibilité de la mise en scène d’un meurtrier qui sortant de la cave installerait un dispositif tel que celui conçu par la victime. D’autre part, si l’on admettait que c’est le meurtrier qui place le lit derrière la porte, ses mains auraient été tachées de sang. Or, cette matière organique est absente des poignées de la porte de la cave et sur le portillon situé en haut de l’escalier. » J’aurais pu ajouter dans mon rapport de synthèse, comme je l’ai déclaré à la barre de la cour d’assises : « La thèse de la mise en scène est impossible et le juge d’instruction l’a démontré. Il faudrait pour être convaincu du contraire, que la défense ait pu démontrer comment le meurtrier a fait pour sortir de la cave après avoir marché dans la flaque de sang, touché tous les objets ensanglantés, sans laisser une quelconque empreinte de main sur la porte ou de semelle de chaussures sur le palier extérieur et les premières marches de l’escalier. D’ailleurs, dans leur démonstration, Mes Girard et Baudoux avaient été particulièrement gauches. » Je ne subirai aucune question de la défense après cette remarque. Vérifications de l’alibi d’Omar Raddad Examinons à nouveau l’alibi de Raddad, car les vérifications, faute de temps, n’avaient été que fragmentaires avant que nous le présentions devant la juge d’instruction. Comme dans chaque dossier criminel, les enquêteurs entendent longuement le suspect sur les circonstances de l’événement, sur son emploi du temps pendant le créneau horaire où le meurtre
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est susceptible d’avoir été commis etc. Ils retranscrivent fidèlement ses déclarations, posent et reposent les mêmes questions. Comme nous l’avons vu, Raddad ne s’est jamais "coupé" dans ses réponses. Son alibi, maintes fois répété et affirmé, a été enregistré par des officiers de police judiciaire différents mais aussi, plus tard, par des magistrats. Il convenait de le vérifier. Des semaines de travail ont été nécessaires pour accomplir ces investigations. Le départ du mas St-Barthélémy Aucun élément ne contredit le départ de Raddad à 12 heures du mas St-Barthélémy. Francine Pascal, sa fille Arlette et son gendre Roland Boisson déjeunant sur la terrasse d’été de la propriété ne l’ont pas perçu. Un test pratiqué avec un véhicule diesel plus bruyant que le cyclomoteur du jardinier a démontré que le démarrage du moteur n’était pas audible de la terrasse en question. La boulangerie Revenons à la boulangerie du Val de Mougins que Raddad indique aux deux gendarmes qui l’accompagnent tout comme il désigne la jeune femme qui lui aurait vendu du pain. La vendeuse, Corinne Dray, le connaît de vue mais ne peut dire si elle lui a vendu du pain le dimanche 23 juin vers midi. L’autre employée, Carméla Landra, qui travaillait également ce jour-là, ne se souvient pas de l’avoir servi. Puis, après réflexion, les deux vendeuses seront unanimes pour dire que le dimanche 23 juin elles n’ont pas servi Omar Raddad. Toutes deux se souviennent par contre d’une cliente, Micheline Tomas, qui dans le même créneau horaire déclaré par Raddad se trouvait dans le commerce. Or, Micheline Tomas connaît Omar Raddad. Elle est restée un quart d’heure
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dans la boulangerie. C’est long un quart d’heure pour acheter du pain. Et elle ne l’a pas remarqué. Les témoignages ont généré des détails qui se révèlent importants et qui confondent Raddad. La première partie de son alibi s’effondre. Voici quelques extraits des témoignages recueillis. Corinne Dray : - « Je me souviens effectivement avoir servi Mme Tomas qui est une cliente habituelle. Il devait être 12 h, 12 h 05 lorsqu’elle est arrivée au magasin. Elle a dû attendre environ 10 minutes la cuisson du pain, car ce jour-là nous étions à court de pain. Je me souviens que du magasin cette cliente a téléphoné à son fils pour lui demander de venir la chercher. Depuis ma première déposition, j’ai longuement réfléchi. Sans être formelle, je ne pense pas avoir vu Raddad Omar dans la boulangerie, ce dimanche 23 juin. » Carméla Landra : - « Je me souviens que Mme Tomas est venue à la boulangerie ce dimanche 23 juin. Je me souviens tout d’abord l’avoir vu discuter sur la marche à l’entrée du magasin avec un client habituel puis être entrée et avoir parlé avec Corinne. Ensuite, elle est passée derrière le comptoir pour téléphoner à son fils afin qu’il vienne la chercher. A mon avis, elle est restée, au minimum, 15 minutes dans le magasin. Il devait être aux alentours de midi lorsque Mme Tomas était là, je me souviens que je "replaquais" c’est-à-dire que je mettais la pâte sur les filets. Sincèrement, je ne pense pas avoir servi Raddad Omar ce dimanche 23 juin 1991. J’y ai longuement réfléchi et je peux vous certifier que je ne l’ai pas vu. Je suis assez physionomiste et je l’aurais obligatoirement reconnu. » Ces déclarations méritaient d’être confrontées et vérifiées. Raddad n’a jamais fait état de ce que, dans ce créneau de temps, la boulangerie était en rupture de pain. Que nous révèle Micheline Tomas ? : - « Le 23 juin 1991, je me suis rendue à la boulange-
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rie La huche à pains au Val de Mougins pour prendre mon pain. Ce dernier était en train de cuire. De la boulangerie, j’ai téléphoné à mon fils pour lui demander de passer me prendre à cet endroit. Il m’a donc demandé de l’attendre. J’ai dû rester dans la boulangerie environ 15 minutes. Je suis formelle sur le fait que je n’ai pas vu Omar Raddad dans ce magasin. » Les trois témoignages se recoupent et infirment l’assertion de Raddad quant à son passage dans la boulangerie. Si cela avait été le cas, lui qui a le souci du détail puisqu’il va jusqu'à préciser dans sa déposition le prix de certaines pâtisseries, il n’aurait pas manqué de déclarer cet élément très particulier. Il n’en est rien. Un autre détail contredit l’allégation de Raddad. Que dit-il lorsqu’il est entendu sur la boulangerie : - « J’ai acheté une demi-baguette de pain dans une boulangerie du Val de Mougins, celle qui n’a pas d’escalier. Je n’ai parlé à personne dans cette boulangerie. C’est une dame qui m’a servi. Elle est jeune et gentille, j’ignore si c’est la patronne, je ne me souviens pas la couleur de ses cheveux. Je ne me souviens plus comment la boulangère était habillée. Il était midi cinq lorsque j’ai pris mon pain. Elle était seule à servir le pain mais il y avait un homme dans le local derrière le comptoir. Je n’ai pas fait attention à la tenue vestimentaire de cet homme, je ne peux donner aucun renseignement sur son signalement. La personne qui a été servie juste avant moi a acheté une baguette et quelques pâtisseries à 6,50 F l’une. » La présence de l’homme décrit par Raddad dans le local derrière le comptoir est rejetée par les deux vendeuses. Le propriétaire du commerce, Pascal Cordovani, n’avait pas, ce jour-là, dépêché un employé masculin puisque ses deux vendeuses travaillaient. D’autre part, aucune livraison n’est effectuée le dimanche. Quant à lui, il se trouvait dans un autre de ses commerces. Sa crédibilité est-elle confortée par le fait qu’il avance
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le prix des pâtisseries ? Nullement, car nous déterminons que les prix des pâtisseries dans cette boulangerie n’ont pas évolué depuis un an. L’ensemble des investigations prouve que Raddad n’est jamais venu dans cette boulangerie, où il est client, le dimanche 23 juin 1991 vers midi. Il ment. Le Lotus Raddad s’est-il rendu à son domicile, comme il le prétend, entre 12 h 15 et 12 h 20 ? L’enquête ne le démontre pas. Que déclare-t-il : - « Je suis arrivé chez moi vers 12 h 15. En arrivant, lorsque je suis arrivé devant chez moi, j’ai arrêté le moteur de ma mobylette devant la porte d’entrée. Je suis descendu de mon engin et tout en le maintenant, j’ai ouvert la porte avec ma clef. Dans le même temps, un monsieur qui allait sortir de la cour a appuyé sur l’interrupteur qui se trouve dans le hall pour ouvrir la porte. Je ne connais cet homme que de vue. Je sais qu’il habite dans l’immeuble mais je ne sais pas à quel étage exactement. Je rectifie, alors que j’avais fait deux mètres dans le hall avec ma mobylette, le monsieur a appuyé sur l’interrupteur. Il s’agit du monsieur qui travaille au magasin Casino juste en bas de l’immeuble. Il habite un appartement au même étage que moi, celui situé juste après ma voisine. Je sais qu’il a un petit garçon de l’âge de mon fils. Le monsieur que je ne connais que de vue et qui habite dans le même immeuble que moi, je l’ai aperçu alors que j’attachais l’antivol de ma mobylette. Lui, entrait dans l’immeuble. Il devait être 12 h 15, 12 h 20 lorsque je suis entré chez moi. » Le juge d’instruction lors de l’interrogatoire du 20 août 1991 demandait à l’inculpé de lui préciser certains détails concernant le gérant du Casino et si ce dernier était seul ou accompagné. Question très importante en effet. Raddad réité-
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rait dans sa réponse ce qu’il avait déclaré aux gendarmes et précisait : - « J’ai aperçu le gérant du Casino mais il m’a croisé rapidement et je ne pourrai vous donner aucun détail sur son habillement ni même vous dire s’il avait les bras chargés ou les mains vides. Si j’avais su ce qu’on allait me reprocher par la suite, il est bien évident que j’aurais pris le temps pour noter tous les détails utiles pour prouver mon innocence… Au moment où je l’ai aperçu, cet homme était en train de sortir de l’immeuble mais compte tenu du fait que je l’ai aperçu un très court instant, je peux me tromper et il s’agit peut-être d’un autre occupant de l’immeuble qui lui ressemble étrangement. » Le gérant de ce commerce, c’est Jean-Pierre Gaye. Il réside sur le même palier que la famille Raddad. Il connaît très bien Omar qu’il décrit comme un homme discret, timide et réservé. Les deux hommes se connaissent physiquement. Il déclare : - « Dimanche dernier, 23 juin, je suis sorti de chez moi pour promener le chien. J’étais accompagné de mon épouse et notre enfant. Il était aux environs de 11 h 45. La promenade a duré une quinzaine de minutes. Nous sommes rentrés directement dans l’immeuble où nous avons rencontré un ami, M. Pascal Villeneuve-Gallez. Nous avons convenu, sous le hall, de déjeuner chez lui. Pascal est parti avec mon fils pour acheter deux baguettes de pain, tandis que ma femme et moi avons rejoint notre magasin par la réserve afin de prendre de la nourriture. Dès que nous sommes sortis du magasin, nous avons attendu environ une minute avant que Pascal ne revienne avec notre fils. Il devait être aux environs de 12 h 10, 12 h 15. Pascal, mon fils et moi-même sommes montés directement à son appartement. Nous ne sommes plus ressortis jusqu'à 15 h, 15 h 30. Je n’ai pas souvenir, durant ce laps de temps, et j’en ai déjà parlé avec mon épouse, d’avoir croisé
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Omar dans le hall de l’immeuble. Pendant que nous attendions Pascal et notre fils dans la cour, nous n’avons rencontré absolument personne. Dimanche matin, je ne suis pas sorti seul. Je suis à-peu-près certain de l’heure, car à un certain moment j’ai dit à ma femme, alors que nous étions sur le chemin du retour de notre promenade : il est presque midi. » Pascal Villeneuve-Gallez corrobore-t-il la déposition de son ami ? En tous points. A aucun moment Jean-Pierre Gaye ne s’est retrouvé seul dans la cour de l’immeuble : - « Lorsque je suis sorti du Lotus pour me rendre à la boulangerie, Jean-Pierre Gaye était avec sa femme, son fils et leur chien. Lorsque je suis revenu de la boulangerie, JeanPierre était en compagnie de sa femme alors qu’ils sortaient de la réserve. A aucun moment je ne l’ai vu seul. Pendant le temps où je suis sorti de chez moi pour aller à la boulangerie et en revenir, je n’ai absolument pas rencontré Omar Raddad. » Magali, l’épouse de Jean-Pierre Gaye, est tout aussi catégorique. Son mari ne s’est jamais retrouvé seul. Elle souligne : - « Je connais Omar Raddad de vue. Mon mari n’est pas non plus ressorti seul de chez nos amis au début ou au cours du repas. » Quant au résident de la copropriété que Raddad soutient avoir vu, malgré les recherches dans tout l’immeuble il n’a pas été découvert. Un de mes gradés de la brigade de recherches, le maréchal des logis-chef Michel Richer, relatait dans un procès-verbal que l’ensemble des habitants de l’immeuble avait été interrogé mais aucun ne confirmait ses dires. Il précisait un renseignement très important qui allait entraîner l’audition des époux Biliotti. Jean et Marie-Maryse occupent leur appartement depuis 1973. Ils connaissent àpeu-près tous les résidents dont la famille Raddad. Le balcon de leur logement donne avenue de Grasse et surplombe, du
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deuxième étage, l’entrée de la copropriété, seule issue qui permet d’accéder à la cour intérieure où les locataires et copropriétaires rangent leurs deux roues. L’audition des époux Biliotti ne va pas conforter l’alibi de Raddad. Bien au contraire. En effet, Jean précise : - « Nous devions recevoir de la famille que j’ai attendue toute la matinée. Mon épouse est d’ailleurs restée très longtemps à surveiller leur arrivée depuis le balcon. A un certain moment, mon épouse m’a annoncé l’arrivée de ma fille et de sa belle-famille. Je suis donc descendu à leur rencontre. Arrivé dans la cour, je n’ai pas vu le cyclomoteur de notre voisin qui est de couleur bleu foncé. Quand je suis descendu à la rencontre de ma fille, il devait être 12 h 40, 12 h 45. Je suis formel, le cyclomoteur de M. Raddad ne se trouvait pas à l’endroit où les locataires garent leur engin. Il y avait une Vespa et une moto mais pas celui de M. Raddad. Par ailleurs, je dois vous dire que lorsque nous avons lu dans le journal dans lequel il était inscrit que M. Raddad était venu chez lui le dimanche entre midi et deux heures, mon épouse m’a dit : ce n’est pas vrai, il n’est pas venu, on ne l’a pas vu. » Marie-Maryse Biliotti sera, elle aussi, catégorique : - « J’ai guetté l’arrivée de ma fille sur mon balcon qui donne sur l’avenue de Grasse, de 11 h 30 à 12 h 45, 12 h 50. Je n’ai jamais quitté ce balcon. Je peux vous affirmer et je suis formelle, durant ce laps de temps, je n’ai absolument pas vu Omar Raddad arriver sur son cyclomoteur. » Tous les témoignages se recoupent. Raddad n’est pas venu, comme il le prétend, à la résidence du Lotus. Encore une fois, il ment. Les actes d’enquête établissent incontestablement qu’aucune personne n’a vu ou même aperçu Omar Raddad, tant à la boulangerie du Val de Mougins qu’à la résidence du Lotus. Son alibi ne tient pas. Toutes ses assertions se révèlent fausses, jusqu’au moindre détail. Pourtant, il n’en est pas
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avare. Mais en fait, elles se retournent pratiquement toutes contre lui, lui ôtant toute crédibilité. Les autres contradictions de Raddad En ce qui concerne sa présence dans son appartement, aucun élément du dossier ne contredit l’inculpé si ce n’est sa belle-sœur, Fathia Chérachni, qui fait une allusion aux habitudes alimentaires de son beau-frère. Que dit-elle lorsqu’elle gardait Karim, le fils aîné des Raddad, pendant l’hospitalisation de sa sœur Latifa ? : - « Quand Omar restait seul le midi chez lui, il lavait la vaisselle qu’il utilisait et la laissait sur l’égouttoir. Il ne faisait pas que grignoter. Vu la vaisselle, j’en déduis qu’il se faisait à manger. Il buvait de l’eau et du Coca, je ne lui ai jamais servi un thé ou un café après le repas, je ne l’ai jamais vu se préparer un thé ou un café après le déjeuner ou le dîner. » Raddad avait déclaré qu’il avait grignoté du pain et du fromage et bu un thé qu’il s’était préparé. Tout ceci n’est qu’un détail. Effectivement. Mais une enquête s’attache aux détails, et j’ai le souci du détail. De nouveau, il est contredit. Qui plus est, par un membre de sa famille. Mais ce n’est qu’un détail. Le fait qu’il ait déclaré avoir regardé l’émission télévisée "Le juste prix" est aussi un détail. Ce jeu télévisuel est diffusé entre 12 h 25 et 12 h 50. C’est une émission qu’il suit, semble-t-il, régulièrement puisqu’il va même jusqu’à préciser le nom de l’animateur. Fathia Chérachni le confirme : - « Oui, il me semble qu’il allumait systématiquement la télévision quand il arrivait du travail. » Détail que celui déclaré par Raddad lorsqu’il dit apercevoir trois arabes sur le chemin St-Barthélémy alors qu’il quitte le mas de Francine Pascal. L’enquête d’environnement ne pourra ni infirmer ni confirmer ses dires. Pourtant, com-
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bien de dimanches ai-je passé sur ce chemin avec Patrice Gervais ! Nous n’avons jamais observé la présence de maghrébins déambulant sur le chemin St-Barthélémy. Ce détail n’a finalement aucun lien de causalité, mais il montre toutefois qu’il est un homme rusé, insinuant ainsi que c’est parmi ces trois hommes que nous devrions rechercher le meurtrier. En contradiction, ce détail que le juge Renard recueillait le 11 octobre 1991 : « Lors du séjour de mon épouse à Toulon, j’ai téléphoné régulièrement à ma belle-famille. Les premiers jours, je téléphonais quotidiennement et par la suite, j’ai espacé mes appels. Pour cela, j’utilise de manière habituelle une cabine téléphonique qui se trouvait à côté de chez moi. » Faux. Raddad a très rarement téléphoné à son épouse. Nous en avons apporté la preuve. « Ma dernière communication a été passée le dimanche qui précédait mon départ pour Toulon, il était une heure moins le quart et je n’ai pas retéléphoné par la suite » précisait-il au juge d’instruction. Toujours inexact, car nous prouvons qu’il a téléphoné le lundi avant de prendre le train pour Toulon. Le mensonge est-il chez Raddad une seconde nature ? Pour vérifier ses dires, nous avions entrepris, à grande échelle, des investigations sur les cabines téléphoniques. Je cite mon rapport de synthèse : « Dans un premier temps, nous recensons les cabines publiques implantées dans le voisinage de l’inculpé en raison de ses déclarations faisant état d’un appel à sa belle-famille, le dimanche 23 juin 1991 en soirée. France-Télécom nous adresse les listings des communications établies à partir de ces cabines. Aucun appel à destination de Toulon n’est enregistré. Affinant nos recherches, nous identifions toutes les cabines implantées sur l’itinéraire : chemin St-Barthélémy domicile Omar Raddad. C’est à partir d’une cabine, la n°407, installée rue Franklin Roosevelt au Cannet, qu’un appel est
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enregistré à 12 h 51 min 19 s, le 23 juin 1991 à destination de Chérachni Aïcha, belle-mère de l’inculpé. Cette communication a duré 2 min 17 s. La cabine fonctionne à carte. Dès le départ de l’enquête, des contradictions apparaissent en ce qui concerne cet appel téléphonique. C’est tout d’abord Omar Raddad, pendant sa garde à vue, qui ne le précise pas et le situe à plusieurs reprises en début de soirée. L’enquête détermine qu’aucun autre appel n’a été passé ce jour-là à destination du domicile de sa belle-famille. Dans le but de vérifier la déposition de l’inculpé qui déclare qu’il appelait régulièrement son épouse à Toulon, nous consultons, pour la période du 1er au 24 juin 1991, les dizaines de milliers de communications établies à partir des 333 points-phones et 564 cabines publiques de la région cannoise. Dix appels ont été recensés. » Mais tout cela n’est que détail d’une enquête bâclée n’est-ce pas ? Détail d’un inculpé qui se souvient du prix des pâtisseries mais oublie cette communication. Mais est-ce bien lui qui a téléphoné ? Comment Raddad a-t-il pu l’oublier cet appel téléphonique, dont il ne fera état par courrier que le 2 juillet 1991 ? En tenant compte des éléments probants du dossier, à savoir l’heure à laquelle Raddad quitte le mas StBarthélémy et l’heure à laquelle cet appel est recensé, il s’écoule 51 minutes. Plusieurs minutages des itinéraires ont été réalisés, dans les conditions les plus approchantes, avec un cyclomoteur identique à celui de Raddad. Toutes les possibilités ont été plusieurs fois considérées. Quelle que soit la situation, déclarée ou supposée, il dispose, hors délais de circulation, de 35 à 40 minutes, délai largement suffisant, pour se rendre à La Chamade et accomplir son forfait. Je suppose que c’est lui qui a téléphoné de la cabine publique malgré sa révélation tardive et les manœuvres maladroites de sa femme et de sa belle-sœur Laziza. Quel crédit faut-il apporter aux contradictions des deux femmes qui, à
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chaque interrogatoire, sombraient dans le mensonge et les pertes de mémoire ! Patrice Gervais, au cours de l’entretien préalable avec Laziza Chérachni, lui demande à plusieurs reprises si son beau-frère lui avait téléphoné le dimanche 23 juin. Chaque fois, la réponse est affirmative. Lorsqu’il s’enquiert de l’heure et énonce plusieurs créneaux, la réponse est invariable : « C’est en soirée ». Pourtant, quelques minutes plus tard, lors de la rédaction du procès-verbal d’audition, elle ne maintiendra pas ce qu’elle avançait oralement, invoquant des pertes de mémoire. Laziza est revenue sur sa décision lorsque sa sœur, qui devait écouter nos conversations dans la pièce voisine, est entrée inopinément dans la salle d’audition et l’a violemment apostrophée : - « Souviens-toi, il nous a téléphoné avant 13 heures, avant que l’on ne parte manger chez tonton. » Cela ne change rien puisque j’ai tenu compte dans le créneau "temps" que j’avance, que c’est bien lui qui a téléphoné. L’étau se referme peu à peu et inexorablement sur Omar Raddad. Son alibi ne se vérifie pas. Les inscriptions accusatrices sont incontestables, la faute d’orthographe s’explique, la victime a reconnu formellement son agresseur, la mise en scène est impossible, seule une personne savait qu’il devait travailler ce dimanche. Mais pourquoi a-t-il exceptionnellement demandé à travailler ce jour de fête musulmane ? Pourquoi s’est-il rendu à La Chamade ? Quel est le mobile ? Il faut une explication à ces questions. Nous y avons répondu. Que nous révèle le recteur de la mosquée de Marseille : - « L’Aïd-el-Kébir est une très grande fête pour nous musulmans, car c’est une fête qui intervient après le pèlerinage de la Mecque et qui est pour nous une obligation. On peut comparer cette fête au Noël chrétien. C’est sur tout le
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territoire français que cette fête a été célébrée à cette date. Pour l’islam, elle a été célébrée le 22 juin, mais il y a une tolérance pour sacrifier le mouton à savoir le dimanche 23 juin ou le lundi 24, le samedi étant réservé plus particulièrement à la prière. Dans la mesure du possible, les familles profitent de cette fête pour se regrouper, le premier jour étant réservé à la prière, au pardon, aux visites à la famille. Celui qui ne célèbre pas cette fête aura failli à la tradition sans être pour autant exclu de l’islam. » Nous lui précisons avoir lu dans El Moudjahid qui commentait la fête de l’Aïd en Algérie que, je cite : « Les travailleurs venus de l’intérieur surtout ceux des boulangeries, cafés et restaurants n’ont pas pu résister au désir irrépressible de rejoindre leurs familles faisant fi de leurs obligations de service public et l’Aïd-el-Kébir sera, dans une très grande proportion, similaire aux années précédentes : rush vers les moyens de transport, rush vers les retrouvailles familiales. » Nous lui demandons s’il faut en déduire que la célébration de cette fête revêt une importance capitale ? Qu’est-ce qui peut pousser un musulman à ne pas la fêter ? Le recteur rétorque : - « Le musulman qui ne désire pas la célébrer, soit n’attache aucune importance à sa célébration, soit s’il décide de travailler ce jour-là c’est qu’il est peut-être dans le besoin. C’est à lui de le déterminer. Vous venez de me citer le cas d’un père de famille qui n’a pas revu sa femme et ses enfants depuis une quinzaine de jours et qui a décidé de travailler le jour de l’Aïd, je considère que son attitude était guidée par un besoin matériel ou un empêchement quelconque mais il est illogique qu’il n’ait pas fêté l’Aïd. » Omar Raddad, à plusieurs reprises, a affirmé son attachement à l’islam qu’il dit pratiquer régulièrement. Pourquoi le samedi, jour consacré à la famille, ne la rejoint-il pas ? Pourquoi ne va-t-il pas à Toulon alors qu’il n’a pas vu son
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épouse et son nouveau-né depuis une quinzaine de jours ? Raddad est-il dans le besoin ? A-t-il des difficultés financières suffisantes pour expliquer ce comportement peu en phase avec les préceptes de sa religion ? Je le traduis dans mon rapport de synthèse : « Les investigations démontrent que de l’argent a disparu du sac de Ghislaine Marchal. Le vol est donc connexe à cet homicide. Omar Raddad est-il un voleur d’habitude ? Rien ne permet de l’avancer. Omar Raddad est-il dans une situation financière difficile ? L’enquête le démontre et met en évidence les raisons. Les demandes d’avance sur salaire de plus en plus fréquentes, les loyers impayés, la fréquentation d’une prostituée, le vice du jeu sont autant d’éléments qui attestent les besoins d’argent de l’inculpé. » Ce n’est pas de la substance de roman policier mais une analyse intransigeante des multiples actes de police judiciaire que nous avions versés au dossier. Le mobile : le vol Nous avons déterminé qu’aucun objet, même le plus insignifiant, n’avait été dérobé dans la demeure. Aucune pièce, aucun meuble n’avait été fouillé, aucun désordre constaté, aucune effraction remarquée. Pourtant, comme je le consigne dans mon rapport : - « Les investigations à l’intérieur de l’habitation ne permettent pas la découverte de numéraire. Ghislaine Marchal est une personne aisée. Il n’est pas logique qu’elle ne détienne aucune coupure. Dans un premier temps, de nombreux témoignages font état que Ghislaine Marchal avait toujours par-devers elle une somme d’argent assez importante, évaluée par ses proches à un minimum de 5 000 F. » Les témoignages sont significatifs. Son fils, Christian Veilleux :
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- « Je n’imagine pas ma mère avoir moins de 1 000 F sur elle. Elle ne restait jamais sans argent liquide. Je m’étonne que vous n’ayez pas retrouvé la moindre coupure dans la maison. En votre présence, je n’en ai personnellement pas trouvé dans le coffre-fort ni à l’endroit où étaient cachés les bijoux. Je vous le répète et je suis formel, il est impossible que ma mère n’ait pas sur elle le moindre argent liquide. » Sa femme de service Liliane Receveau : - « Non, il n’est pas logique que de l’argent n’ait pas été retrouvé. Il m’est arrivé à plusieurs reprises, lorsque je déplaçais son sac en faisant le ménage, de constater qu’il contenait des liasses de billets. Je reste persuadée que le samedi il y en avait comme je l’ai précisé dans ma précédente réponse. J’ai pu constater que les billets étaient toujours en vrac… » Sa confidente et amie, Gisèle Konrad, garde, elle aussi, la vision d’un sac ouvert contenant des billets en vrac, et déposé sur l’abattant du meuble secrétaire. Même le docteur Delemotte l’a remarqué lorsqu’il venait à La Chamade prodiguer des soins à sa patiente : - « L’emplacement habituel de ce sac à main était sur le secrétaire, ouvert. Lorsque Mme Marchal me payait ma visite, elle me donnait du liquide. Elle prenait son sac à main et en extirpait un billet à la fois. Elle ne sortait pas de portefeuille mais directement les billets de son sac. » Ce sac contenait-il de l’argent ce dimanche 23 juin ? Nous nous sommes, bien entendu, posé la question. Le 19 juin 1991, Liliane Receveau conduisait sa patronne à sa banque, le Crédit Lyonnais, à Cannes. Elle retirait 5 000 F tels que l’attestent les documents que nous avons annexés à la procédure. Le samedi 22 juin, vers 12 h 30, Liliane Receveau recevait ses émoluments. Que dit-elle : - « Elle m’a remis la somme de 1 000 F, soit deux billets de 500 F, puis a replacé le reste dans son sac. Ce n’était que des billets de 500 F. Je présume qu’il devait rester 4 000
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F, car j’ai vu plusieurs billets de 500 F. » Il restait à établir si Ghislaine Marchal avait pu dépenser son argent avant d’être agressée. Quelques dépenses secondaires ont été retrouvées. Telles ses emplettes au magasin Champion de Mougins pour la somme de 360,65 F et 112 F de jeu du Loto. Le samedi après-midi, elle s’était rendue à Scandia-Boutique, rue d’Antibes à Cannes, pour échanger un article acheté le mercredi précédent. A cette occasion, elle n’avait fait aucune autre acquisition. Aucune autre dépense n’a pu être prouvée et nous n’avons pu déterminer si Ghislaine Marchal était sortie le samedi en soirée. Lorsqu’il s’avère que le mobile peut être le vol du numéraire contenu dans le sac, j’ai la conviction que toutes les analyses scientifiques sur cet accessoire ne pourront aboutir, en raison des multiples manipulations des témoins et des gendarmes qui l’ont involontairement "pollué" et du fait qu’il devait être sans doute ouvert lorsque le "voleur meurtrier" a dérobé l’argent. Nous avons cependant conditionné ce sac dans un papier d’emballage et l’avons remis, personnellement, à l’institut de recherches criminelles de la gendarmerie à Rosny-sous-Bois. L’expert commis ne constatait que des fragments de crêtes papillaires visibles sur le miroir du poudrier, mais de trop faible intensité pour qu’ils puissent être exploités. Logique et inéluctable, mais les chances pour retrouver les empreintes digitales du voleur étaient minimes. Pourquoi l’aurait-il touché ce sac alors qu’il est toujours ouvert ? Pourquoi aurait-il pris le risque de laisser ses empreintes alors que le sac est ouvert, les billets à portée de sa main ? Soyons logique. Cependant, là encore, la science ne va pas nous aider. Mais une question importante se pose. N’oublions pas que Raddad n’est pas venu pour tuer ni même pour voler. Savait-il où se trouvait l’argent de Ghislaine Marchal ? Oui. Je le synthétise dans mon rapport en ces termes :
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- « Comme le précise Liliane Receveau, Omar Raddad est déjà entré dans la chambre de Ghislaine Marchal pour lui demander une avance sur salaire. C’est ce qu’il fait le vendredi 14 juin 1991, à midi, quand il sollicite 2 500 F. Il voit Ghislaine Marchal sortir l’argent de son sac. La veille, il vient à huit heures pour demander 50 F pour son cyclomoteur en se présentant à la fenêtre de la chambre. Elle les lui remet. » Quelles sont les difficultés financières de Raddad ? Comment se manifestent-elles ? Quelles en sont les causes ? Questions qui vont demander des investigations longues et minutieuses mais qui vont nous permettre de mieux cerner sa personnalité. Le discret jardinier, sous le masque paisible du bon père de famille, n’est qu’un homme comme tant d’autres qui fréquente les salles de jeux et les prostituées. Les difficultés financières Dès le début de l’enquête, il est flagrant que le couple Raddad a des difficultés financières. Un retard dans le paiement du loyer de mars est rattrapé par Latifa le 8 avril. Mais d’autres loyers demeurent impayés, ceux de mai et juin que Latifa supposait payés par son mari. Il n’en était rien. Omar n’avait pas dit à son épouse qu’il n’avait pu s’en acquitter. Il aurait eu certainement des difficultés à en expliquer les raisons. Maryse Muller, la gérante de l’agence immobilière qui loue l’appartement à la famille Raddad depuis le 1er décembre 1988 confirme que la propriétaire voulait récupérer son bien en raison des loyers impayés. Ces retards sont habituels : - « Je connais personnellement Raddad Omar qui a toujours eu des difficultés pour payer le loyer » nous confie-t-elle lors de son audition. Maryse Muller connaît Raddad, car elle l’a employé comme jardinier dans sa propriété et l’a licencié en septembre 1990 au motif qu’il ne lui donnait plus satisfaction.
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Les contradictions sont flagrantes dans cette famille. A l’officier de police judiciaire qui lui demande s’il avait plus particulièrement besoin d’argent ces jours-ci, Omar réplique qu’il a eu besoin d’acheter des affaires pour le bébé, de payer son loyer, toutes les dépenses annexes et qu’il a également emprunté 4 500 F à son père. Or, ce dernier rejette formellement ce prêt : - « Je ne lui ai jamais prêté de l’argent notamment les 4 500 F qu’il prétend m’avoir empruntés il y a environ deux mois. » L’imperturbable Omar ne manque pas d’à-propos quand il nous explique que si l’argent lui faisait défaut il allait voir ses amis à Cannes : - « En fait, s’il me manquait de l’argent, je leur en demandais. » Gentils les amis n'est-ce pas ? Qui lui a prêté de l’argent ? Il n’a jamais été en mesure de le dire et les quelques personnes de son entourage l’ont catégoriquement démenti. Lors de sa garde à vue, il reconnaît avoir des difficultés financières et donne sa version sur ses demandes d’avance auprès de Mmes Pascal et Marchal. Les demandes d’avance Mais qu’en est-il exactement de ces demandes d’avance sur salaire ? Cette sollicitation est-elle récente ou est-ce une habitude chez lui ? Il semble que seules Francine Pascal et Ghislaine Marchal soient sollicitées par Raddad. Cela fait des mois que des avances sont concédées par les deux femmes qui les notent scrupuleusement sur leurs agendas ; que nous avons saisis. Je les résume ainsi dans mon rapport : - « Omar Raddad est employé régulièrement par Fran-
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cine Pascal et Ghislaine Marchal. Ces deux personnes n’adoptent pas le même principe de paiement du salaire. Francine Pascal le rémunère en fin de journée, à raison de 400 F. Ghislaine Marchal, mensuellement. Omar Raddad perçoit ses salaires en numéraire. Les enquêteurs déterminent qu’Omar Raddad doit avoir des besoins d’argent, car il sollicite de plus en plus souvent ses employeurs pour que des avances sur salaire lui soient consenties. Comme le déclare Francine Pascal à deux reprises (le 5 juin et la semaine du 17 au 23 juin 1991), elle lui accorde une avance de 2 200 F pour qu’il puisse régler son loyer et envoyer de l’argent au Maroc. L’on constate sur l’agenda 1991 de Francine Pascal que le lundi 1er avril elle lui a avancé tout le mois d’avril et qu’effectivement le 5 juin, elle a noté : Omar 400 F - payé tout le mois, Omar. Et, sur la page récapitulative de ce mois : Omar tout réglé le mercredi 5 juin. Aucune mention sur l’agenda ne confirme l’avance de la semaine du 17 au 23 juin, mais Francine Pascal le déclare ; ce que conforte la mention récapitulative : jardinier Omar, 4 400 F. Quant aux avances consenties par Ghislaine Marchal, elles se remarquent sur les agendas 1990 et 1991 saisis à La Chamade. Une conversation entre Ghislaine Marchal et Francine Pascal est rapportée par cette dernière ; laquelle fait état que Ghislaine Marchal était exaspérée par le fait qu’Omar lui sollicite des avances, précisant qui plus est qu'il ne fallait pas se laisser faire, pour son bien. Liliane Receveau apporte des précisions sur les conditions dans lesquelles Omar Raddad exigeait des avances à sa patronne et confirme que cela se passait dans sa chambre. Le vendredi 7 juin 1991, Omar Raddad reçoit 1 000 F d’avance pour fêter la naissance de son enfant (Liliane Receveau). Le vendredi 14 juin, il sollicite à nouveau Ghislaine Marchal qui ne lui accorde que 1 500 F sur les 2 500 F qu’il exige pour dit-il payer son loyer. Liliane Receveau confirme cette en-
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trevue au cours de laquelle Mme Marchal fait remarquer à Omar Raddad qu’il a bien entamé son mois de juillet. Pendant la discussion, Ghislaine Marchal fait remarquer à Omar Raddad : cela il ne le fait pas chez Mme Pascal et qu’il n’y a que chez elle qu’il le fait. C’est à l’issue de ces entretiens et remises d’avance que Ghislaine Marchal téléphone à Francine Pascal et apprend que cette dernière lui a déjà avancé 2 200 F. Du 5 juin à la semaine du 17 au 23 juin 1991, Omar Raddad obtient de ses deux employeurs la somme de 6 900 F. » Voilà ce que j’ai noté sur ce chapitre concernant les demandes d’avance sur salaire. Comprenez-vous à présent la réaction de Ghislaine Marchal lorsque le dimanche elle refuse de céder à une nouvelle demande de son jardinier ? Ce n’est toujours pas la trame d’un roman mais la démarche intellectuelle logique d’un enquêteur qui tient compte des éléments probants d’un dossier criminel. Ce n’est qu’un gendarme qui l’écrit. Mais je ne serai pas le seul à le penser. Les magistrats feront la même démarche intellectuelle. Ce court résumé devrait se suffire à lui-même mais il ne fait que synthétiser des actes de procédure officiels. Par exemple, sur son agenda 1990, Mme Marchal avait noté depuis le 26 juillet les avances qu’elle avait consenties à son jardinier alors qu’en 1989 aucune mention de ce type n’apparaissait. Est-ce là le début de ses problèmes financiers ? Sur l’agenda de 1991, nous retrouvons également les avances accordées. Quelques mentions fort intéressantes sont notées. Je cite mon procès-verbal : « A la fin mai se lit la mention : mai payé. Le vendredi 7 juin, une avance de 1 000 F est consentie. Pendant ce mois, Omar a travaillé 27 h 30 soit à raison de 50 F de l’heure, 1 375 F. Si l’on retranche la somme avancée et notée au samedi 29 juin, le dû estimé par la victime est de 375 F. »
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Pensez-vous que Raddad soit venu ce dimanche 23 juin 1991 demander 375 F à son employeur ? Comprenez-vous pourquoi elle lui a refusé toute avance ? Les divers témoignages de Francine Pascal sont aussi édifiants. Tel celui-ci : - « Quelques jours après la naissance de son fils, alors que sa femme était dans sa famille à Toulon, Omar m’a présenté une quittance de loyer en me disant qu’il avait besoin de 2 200 F pour régler ce loyer. Je me suis fait la réflexion qu’Omar savait parler et se faire comprendre quand il le voulait. Je lui ai donné cet argent en numéraire, en lui expliquant qu’il n’était pas bon pour lui de commencer à demander des avances. Quelques jours après, il me semble dans la semaine du 17 au 23 juin, Omar est revenu me demander une avance. Omar n’était plus le garçon timide et calme que je connaissais. Il voulait une somme similaire à la première, m’expliquant qu’il devait envoyer de l’argent à sa mère au Maroc. J’ai refusé... Omar ne me semblait plus le même. » Comprenez-vous pourquoi Raddad s’est rendu à La Chamade ce dimanche 23 juin 1991 ? Pensez-vous que les 2 200 F remis par Francine Pascal lui aient servi à payer son loyer ? Non, puisque c’est son épouse Latifa qui, ignorant tout des démarches de son mari, payera plus tard le loyer. Pensez-vous que Raddad ait, comme il le déclare, adressé un mandat à sa mère au Maroc ? Non, il n’a jamais envoyé de l’argent comme il le prétend. Pour preuve, les investigations financières auprès du bureau de poste où il dit avoir déposé ses mandats. Je cite : - « Je soussigné chef d’établissement du bureau de poste du Cannet-Rocheville atteste, après recherches, qu’aucun mandat international n’a été envoyé à partir du Cannet-Rocheville par M. Raddad Omar durant le premier semestre 1991. »
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Raddad s'enferre de plus en plus dans le mensonge. Mais tout cela n’est que détail d’une enquête bâclée ! Ces demandes d’avance, de plus en plus fréquentes, ne sont pas secondaires dans ce dossier. Que nous dit encore Francine Pascal : - « Depuis qu’Omar était à mon service, je le payais à la fin de sa journée de travail. Cela jusqu'à ce qu’il me demande des avances et où je n’avais plus à le payer du fait qu’il m’était redevable. J’ai consenti ces avances à Omar peu de temps avant que Mme Marchal ne soit tuée. Dans la même période, j’ai effectivement reçu un appel téléphonique de Mme Marchal qui m’a dit qu’elle avait sermonné Omar qui lui avait demandé une avance. Elle lui avait fait comprendre qu’il n’était pas bien pour lui de solliciter ces avances. » A une question de Patrice Gervais, Francine Pascal répond : - « Mme Marchal semblait satisfaite du travail d’Omar, mais elle paraissait exaspérée par le fait qu’il lui sollicite des avances. Elle m’avait dit qu’il ne fallait pas se laisser faire, pour son bien à lui. Elle m’a demandé si je lui avais avancé de l’argent. Je lui ai répondu affirmativement et lui ai précisé que je lui avais avancé 2 500 F. » D’autres témoins de l’entourage de Francine Pascal et de Ghislaine Marchal nous ont confirmé cette situation, telle Liliane Receveau : - « Le vendredi 14 juin 1991, Omar s’est présenté à la fenêtre de la chambre, c'est-à-dire à la porte vitrée qui était ouverte. Mme Marchal s’est levée et Omar est entré dans la pièce. Par discrétion, je suis allée dans l’antichambre. J’ai entendu la conversation. A un moment donné, j’ai vu Mme Marchal se rendre vers le secrétaire puis revenir vers Omar. Je l’ai entendue dire : tu n’auras que 1 500 F, il faut que je donne 1 000 F à Liliane. J’ai entendu Omar insister et lui dire : Non, donne-moi 2 500 F pour mon loyer. Donne-moi
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encore des sous. » C’est à la suite de cette requête que Ghislaine Marchal téléphone à sa voisine Francine Pascal. Comprenez-vous enfin pourquoi elle a refusé de céder une nouvelle fois à la demande de son employé ? Liliane Receveau, seul témoin de la résidence, est longuement entendue par Patrice Gervais à qui elle précise : - « Je n’ai pas vu si Mme Marchal est allée prendre son sac à main sur le secrétaire et revenir vers Omar avec ou si elle a pris les 1 500 F dans le sac qui devait être posé sur l’abattant du meuble secrétaire et revenir vers Omar pour lui donner cet argent. En tout cas, Omar a vu où Mme Marchal prenait l’argent. D’initiative, il ne rentrait pas dans la maison. Il savait que Mme Marchal restait dans son lit jusqu'à midi. Donc, il venait frapper à la baie vitrée de cette pièce. » Les investigations démontrent que c’est depuis le mois de juillet 1990 qu’apparaît la première mention d’une avance accordée par les deux femmes. Raddad devient, en ce mois de juin 1991, de plus en plus pressant, exigeant même envers ses employeurs. Il a changé Raddad, ce n’est plus le même homme, ce n’est plus le petit jardinier marocain, bon père de famille. C’est tout simplement un homme prisonnier de son vice qui va le conduire au meurtre. Il n’est pas le premier, il ne sera pas le dernier. Le jeu mène souvent à la faillite, la prostitution, au suicide, à la ruine mais aussi au meurtre. Notre travail prouve une nouvelle fois les mensonges, que je qualifierai d’habituels, de l’inculpé. Que fait-il de cet argent qu’il distrait de sa destination ? Raddad a, à l’évidence, des problèmes financiers qui trouvent leur source dans la fréquentation des prostituées et son vice du jeu. Nous avons retrouvé une prostituée qui le décrira d’une façon surprenante, et trouvé à travers sa passion des machines à sous, les raisons de ses besoins d’argent. Il était esclave de la spirale infernale du jeu.
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L’enquête financière Cette enquête nécessitait des investigations d’ordre financier sur la famille Raddad. Je les résume pour l’essentiel dans mon rapport de synthèse : - « L’enquête sur la situation financière du couple Raddad fait ressortir que chacun est ou a été titulaire de divers comptes individuels. Si l’on examine les comptes de Latifa Chérachni, l’on constate que la gestion est saine, sans problème particulier ; les comptes sont faiblement créditeurs sans jamais être en débit. Latifa Chérachni déclare tout ignorer de la situation des comptes de son mari. En ce qui concerne l’inculpé, les fluctuations d’argent sur son compte sont plus nombreuses comme en témoignent les opérations de 1989 et 1990. L’on remarque que chaque rentrée importante d’argent est suivie d’un retrait conséquent. C’est ainsi qu’en juillet 1989 ce sont 19 000 F qui sont retirés, suivis en août de 35 000 F, en mai 1990 de 13 500 F et en août 14 000 F. Le solde du compte qu’il possède en France n’est que faiblement créditeur dans les périodes qui précèdent le meurtre. Omar Raddad déclarait à son entourage qu’il envoyait de l’argent au Maroc sur son compte ou à sa mère. Son épouse déclare en ce sens qu’il lui avait confié qu’il mettait de l’argent de côté au Maroc, qui servirait plus tard. Pour confirmer ou infirmer les dires de l’inculpé, nous nous sommes rendus au Maroc, sur commission rogatoire internationale, et avons constaté qu’Omar Raddad est effectivement titulaire d’un compte à la Banque Populaire de Nador depuis juillet 1990. Ce compte est créditeur de la somme de 2 750 F et n’est plus mouvementé depuis novembre 1990, date à laquelle la somme de 7 095 F a été débitée. »
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J’infirme dans ce même rapport d’autres allégations de l’inculpé, que j’ai déjà évoquées, et je conclus : « Hormis les arriérés de loyers, l’enquête ne détermine pas d’autres dettes ou difficultés financières pour le couple Raddad. » Cette analyse, fondée sur des éléments objectifs et écrits du dossier, est-elle assez significative que Raddad a des difficultés financières, qu’il ment à son épouse et à sa famille ? Les 80 000 F retirés de son compte en un an à quel usage les a-t-il consacrés le gentil petit jardinier ? A sa famille, à l’achat de biens mobiliers ou immobiliers ou que sais-je encore ? Non, rien de tout cela. La famille Raddad ne possède aucun véhicule automobile, le mobilier qui garnit leur appartement est usagé, leur garde-robe est celle d’une famille humble. Cette somme aura, en grande partie, été consacrée et dilapidée au jeu. Toutefois, une question n’aura pas été posée par le juge d’instruction après la remise des procès-verbaux d’ordre financier où apparaissaient les mouvements d’argent. Il aurait, en effet, été révélateur de savoir d’où provenaient ces fonds conséquents. Comment cet homme modeste pouvait-il avoir autant d’argent sur son compte ? Est-ce bien là l’image parfaite et aseptisée de l’innocence que l’on a brossée à l’opinion publique ? Non, n’est-ce pas ? Vous comprenez maintenant pourquoi Raddad s’est rendu à La Chamade le dimanche 23 juin 1991. Même Latifa a été abusée par les affirmations de son mari : - « Quand j’ai demandé à Omar pourquoi les loyers de mars et avril 1991 n’étaient pas réglés et ce qu’il faisait de l’argent, il me répondait qu’il avait envoyé un mandat sur son compte au Maroc. Il me disait que l’argent déposé sur ce compte était des économies qui nous serviraient plus tard. Je ne sais absolument rien de toutes les transactions que pouvait réaliser Omar sur ses comptes bancaires. Jamais il ne m’en
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parlait. » Dissimulation. Pour quelle raison? Je suis tenté d’écrire, comme l’un de ses premiers avocats l’a péremptoirement déclaré dans une "émission-show" télévisée : « Parce que ». Oui, parce que les prostituées et les machines à sous ont un coût. Les prostituées Abordons la fréquentation des prostituées. Cela permet d’apprécier le bon père de famille sous un autre trait qui n’a rien celui-là de télévisuel. Je cite mon rapport de synthèse : « Lors de sa garde à vue, Omar Raddad déclare spontanément que la semaine précédant le meurtre il a fait l’amour à deux reprises avec une prostituée rencontrée sur la Croisette à Cannes. A chaque fois, il a payé 700 F. Il revient ensuite sur cet aveu devant le juge d’instruction, spécifiant qu’il a dit cela craignant d’être frappé par les gendarmes. Or, l’enquête dans le milieu de la prostitution cannoise nous permet d’identifier une péripatéticienne qui le reconnaît formellement sur photographie. Il s’agit de Fatima Baghdadi. Une autre prostituée, Nathalie Berrig, qui dit ne pas avoir eu de rapport sexuel avec Omar Raddad, se souvient toutefois de l’avoir croisé à quatre reprises, les 21, 22 et 23 juin, entre 20 h et 21 h, sur la Croisette, à proximité du Palais des festivals. Elle le décrit parfaitement et a été frappée par son regard expressif. Quant à Fatima Baghdadi, elle fait connaître Omar Raddad sous une toute autre personnalité. Elle relate dans quelles circonstances elle l’a eu comme client, ses rapports mouvementés, et le définit comme un homme froid, pas très clair, un peu déséquilibré dans sa tête, agressif. » Fatima Baghdadi est une prostituée occasionnelle qui
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arrondit ses fins de mois en vendant ses charmes sur la célèbre promenade, en fin de semaine. Que nous déclare-t-elle Fatima : - « Sur les photographies que vous me présentez, je reconnais effectivement un client que vous me dites se nommer Raddad Omar. Cette personne, courant juin 1991, est venue un samedi ou un dimanche matin à six heures pour me demander si j’étais d’accord pour faire l’amour pour 200 F. A ce tarif, j’ai refusé. Il est reparti fâché et énervé. 20 minutes environ après, il est revenu pour me dire qu’il ne trouvait pas d’autre fille et qu’il était d’accord pour la somme de 300 F. Comme il n’avait pas de véhicule, pour lui rendre service et de ce fait m’en débarrasser, j’ai accepté de lui faire l’amour dans mon véhicule ; chose que je ne fais pas habituellement. Il m’a même demandé de lui faire l’amour dans un couloir d’immeuble. Il était très pressant et excité. » Elle relate ensuite que son client lui a remis les 300 F, qu’il était en érection lorsqu’elle lui a passé un préservatif ; qu’il a ensuite jeté par la vitre ne voulant pas montrer qu’il avait éjaculé. Elle ajoute : - « J’ai pu me dégager de son emprise. C’est à ce moment-là qu’il m’a dit : rends-moi mes sous, je n’ai pas joui. Pour faciliter son départ, je lui ai fait croire que j’appelais un ami qui me protégeait. Le client a de suite remis son pantalon pour partir à pied. Je sentais qu’à un moment donné, il voulait m’agresser. Je pense qu’il voulait très certainement tirer un deuxième coup sans préservatif ou reprendre son argent. En tout état de cause, il était très bizarre et très excité nerveusement. » Fatima Baghdadi sera à nouveau accostée par Raddad une semaine après, vers quatre ou cinq heures, mais elle lui refusera ses prestations : « Il est reparti toujours à pied, en colère » précise-t-elle. Cependant, Raddad qui spontanément avoue aux gendarmes qu’il fréquente les prostituées, va, de-
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vant le juge Renard, se rétracter : - « Contrairement à ce que j’ai dit aux gendarmes, je n’ai pas fréquenté les prostituées. J’ai une femme, je n’éprouve donc pas le besoin d’aller fréquenter ce genre de personne. Si j’ai fait cette déclaration c’est parce que j’avais entendu dire que les gendarmes frappaient les gens interpellés et que je me suis affolé. En outre j’ai des problèmes de compréhension de la langue française. » Ces propos, il les confie au juge le 20 août 1991. Défense maladroite, car nous avions entendu Fatima Baghdadi le 13 août et le procès-verbal d’audition n’était pas encore parvenu au magistrat instructeur. Baghdadi ne faisait que confirmer ce que Raddad avait déclaré aux officiers de police judiciaire lors de sa garde à vue. Nouveau mensonge. Quant à nos violences supposées il suffit de lire la Constitution. Nous sommes en France dans un état de Droit, et le gendarme respecte la personne humaine. D’ailleurs, Raddad conviendra lors de son procès qu’il a été bien traité par les gendarmes ; ce qui est toujours agréable à entendre. Plus tard, il reviendra sur ses déclarations. A la question du juge Renard : - « Lors de votre dernier interrogatoire, vous m’aviez indiqué avoir raconté des mensonges aux gendarmes concernant la fréquentation des prostituées. Or, une prostituée a déclaré que vous étiez l’un de ses clients et que vous l’aviez fréquentée dans le courant du mois de juin 1991. Est-ce exact ? » - « Ce que déclare cette personne est faux. Je n’ai jamais eu affaire à des prostituées » rétorque-t-il. Pourquoi nier cette évidence ? Craignait-il la réaction de Latifa ? Raddad n’avait rien à redouter de sa femme qui, avec singularité, commente : - « Vous m’apprenez dans quelles conditions Omar a eu
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une relation avec une prostituée. Cela ne me surprend pas. Il a eu raison d’aller voir cette prostituée puisque je n’étais pas là. Si en plus elle déclare ne pas faire les arabes c’est une chienne et je pense qu’Omar a dû la considérer comme telle. » Surprenante réaction en effet. Pour la comprendre, nous avons posé la question au recteur de la mosquée de Marseille : - « Pouvez-vous nous dire comment est considéré l’adultère dans votre religion et quel est généralement le comportement de la femme trompée ? » - « L’adultère est considéré par l’islam comme un péché. La femme musulmane, comme je pense toutes les femmes, éprouvera un choc. Selon sa nature, elle pardonnera ou ne pardonnera pas à son ami son infidélité. La réaction de l’épouse sera identique quelle que soit la religion de la femme avec laquelle le mari sera allé » explique-t-il. Cela n’empêchera pas Latifa de proclamer que son mari était très respectueux des fêtes religieuses musulmanes. Contradiction de peu d’importance. Somme toute, défense désespérée d’une épouse en faveur de son mari. L’homme paisible, calme, au visage impénétrable a donc des réactions spontanées violentes lorsqu’on lui résiste ou refuse de lui donner satisfaction. Ghislaine Marchal l’a payé de sa vie. Fatima Baghdadi a très bien ressenti cette agressivité. Mais ces emportements n’étaient pas des cas isolés. Cette réaction brutale, alors qu’il était incarcéré à la maison d’arrêt de Grasse, Raddad l’a eue face à ses gardiens qui ont dû, à plusieurs, employer la force pour le maîtriser. Pourquoi cet excès de fureur ? Parce que le parloir lui avait été refusé. Inquiétant ce comportement de M. Raddad. Mais significatif. Cela ne démontre-t-il pas sa soudaine fureur devant le refus de Ghislaine Marchal de lui accorder une avance et son acharnement meurtrier ?
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Mais je ne pense pas que la fréquentation des prostituées puisse, à elle seule, expliquer les dépenses somptuaires de Raddad. L’enquête dans le milieu des jeux de Cannes va démontrer sa passion dévorante pour les "bandits manchots". Le jeu Je note dans mon rapport : « Dans le but d’étayer les causes des difficultés financières d’Omar Raddad, nous avons orienté nos recherches dans le milieu des jeux ; plus particulièrement les salles des machines à sous. C’est ainsi que nous déterminons rapidement qu’Omar Raddad a le vice du jeu. M. André Montanella, directeur régional de la sécurité du groupe Barrière au Casino-Croisette de Cannes, déclare que dès la première parution de l’article de l’affaire Marchal dans Nice-Matin, il a reconnu en Omar Raddad un client habituel des machines à sous. L’ensemble des auditions recueillies dans ce domaine fait état qu’Omar Raddad est un joueur habituel, misant des sommes relativement importantes sur des machines à sous bien définies, à cinq francs. Toutes les catégories de personnel, de la femme de ménage au directeur de salle, sont entendues. Tous se souviennent d’Omar Raddad. Aucun ne le confond avec son frère Mohamed. Sa présence est également remarquée au Rhul, établissement de jeux de Nice, à une date lointaine mais indéterminée. Le jeu semble être la cause directe des difficultés financières d’Omar Raddad. Ce vice le conduit à dépenser l’argent qu’il gagne, et le contraint à solliciter des avances auprès de ses employeurs. A la veille de retrouver sa femme à laquelle il ne pourrait expliquer le non-paiement des loyers, les salaires de juin qu’il a déjà perçus et dépensés, celui de juillet partiellement entamé, il est acculé par un besoin impérieux d’argent. Lors-
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qu’il décide d’aller à La Chamade ce dimanche 23 juin 1991 c’est donc pour solliciter, à nouveau, Mme Marchal. Le refus de cette dernière ne lui laisse aucune alternative, il doit, pour repartir avec de l’argent, tuer Ghislaine Marchal. Ceci confirme le mobile du crime qui est le vol. » A aucun moment lors de sa garde à vue, il ne parle des machines à sous. Jamais il ne le déclara spontanément au juge d’instruction. Pourquoi cacher ce vice, M. Raddad ? Il n’est pas interdit de jouer aux machines à sous. Cette passion allait expliquer bien des choses. Nous ne sommes pas restés inactifs et nous avons recueilli de nombreux témoignages ne laissant subsister aucune équivoque quant au fait que Raddad était en quelque sorte "accro" aux "bandits manchots". Des témoignages irrécusables étaient versés au dossier. Le juge Renard demandait à l’inculpé : - « Lors de votre interrogatoire du 20 août, vous m’aviez indiqué que l’accroissement de vos besoins financiers était dû à la naissance de votre second enfant et motivait les demandes d’avances sur salaires faites à Mmes Pascal et Marchal. Il résulte des investigations effectuées depuis, que vous seriez un joueur habituel, client du Casino-Croisette et plus précisément des machines à sous. Les divers témoignages recueillis révèlent que compte tenu de vos ressources salariales, vous dépensez au jeu une bonne partie de vos rétributions. Est-ce exact ? » - « Il m’est arrivé effectivement d’aller jouer aux machines à sous. En général, je ne jouais que 100 ou 200 F et je réinvestissais en jeu le produit de mes gains. Il m’arrivait également d’aller à la salle des machines à sous sans argent, uniquement pour me promener. Je n’avais pas d’ami particulier qui pouvait m’inciter à venir jouer. Je n’ai fréquenté que le casino de la Croisette. Il m’arrivait d’y aller une ou deux fois par semaine, parfois plus du tout pendant plus d’un mois avant d’y retourner » convient-il.
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Raddad va expliquer au juge d’instruction que lors de ses sorties nocturnes, principalement lorsqu’il ne travaillait pas le lendemain, il allait rendre visite à son père, à des amis ou qu’il allait se promener. Sa belle-sœur, Fathia, confirmait ses balades nocturnes : - « Dans les semaines où je suis restée chez Latifa, j’ai pu constater qu’Omar sortait au moins trois fois par semaine. Il partait vers 19 h 30 pour rentrer au milieu de la nuit vers 23 h ou minuit. Quand il rentrait, il allait directement à la salle de bains, j’entendais de l’eau couler. Je suppose qu’il devait se laver les pieds ou les mains. » Détail stérile, subjectif et sans intérêt. J’en conviens, mais il est vrai qu’au contact des jetons de jeu, les mains noircissent. Demandez aux habitués. La fréquentation du Casino-Croisette est assidue, dévorante. Les témoignages sont significatifs : « Dès la première parution de l’article de Nice-Matin, j’ai immédiatement reconnu, comme bon nombre de mes surveillants, un client habituel des machines à sous » - « On l’a toujours vu » - « Je l’ai souvent vu aux machines progressives à cinq francs » « A mon avis, c’est un joueur qui misait journellement entre 500 F et 1 500/2 000 F » - « Il n’a jamais touché de gains supérieurs à 5 000 F » - « M. Raddad était un joueur très discret, timoré, très réservé. C’était un homme parfait pour passer inaperçu » - « J’ai toujours vu cette personne fréquenter l’établissement » - « C’était un client habituel » - « Il fréquentait plus particulièrement les jeux à cinq francs » - « Il fréquentait notre établissement quatre à cinq fois par semaine » « Je l’avais remarqué aux machines à cinq francs » - « C’est un client assidu des machines à sous » - « Il se cantonnait aux machines à cinq francs, au fond de la salle » - « Par connaissance du principe du jeu, je considère vu son assiduité et le temps passé devant les machines qu’il devait jouer environ 2 000 F » - « Il s’est maintes fois présenté à la caisse pour
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changer des billets en pièces de cinq francs » - « Oui, il lui est arrivé de se présenter plusieurs fois à ma caisse au cours d’une même soirée ». Les témoignages vont tous dans le même sens. Volontairement, après avoir enregistré une vingtaine de dépositions, j’ai pris la décision, avec l’accord du juge Renard, de ne plus auditionner d’autres employés. Tous les témoins le reconnaissent sur dossier photographique, aucun ne le confond avec son frère Mohamed. Tous admettent que c’est en fin de journée et dans la première partie de la nuit que Raddad fréquentait la salle de jeu. Michel Bruyère est le directeur des machines à sous. Lui aussi identifie formellement Raddad ; tout comme avant lui les caissières, les physionomistes, les employés de la sécurité, les femmes de service. Ce témoin va apporter des précisions permettant de comprendre la finalité du jeu : - « Je dois préciser qu’il pouvait gagner 5, 10 ou 15 000 F sans pour cela être inscrit sur le registre des gagnants du jackpot. L’inscription ne se fait que pour le paiement des jackpots sur des machines à blocage des paiements supérieurs à 5 000 F. Pour situer ce type de joueur, à long terme, en venant régulièrement jouer, il se retrouve obligatoirement en difficultés financières. Suite à une étude de rentabilité par heure, le taux pour un joueur, sur l’ensemble des mises confondues, est de 93 F de l’heure. Donc, si un client vient jouer 10 h par semaine, il pourrait chiffrer sa perte à 1 000 F par semaine. » Nous ne nous sommes pas contentés d’enquêter au Casino-Croisette de Cannes. Les casinos abondent sur la Côte d’Azur. C’est ainsi que nous avons retrouvé trace de Raddad au Rhul de Nice et au Royal Hôtel Casino de Mandelieu-laNapoule où il a été reconnu sur photographie comme un client qui ne fréquentait plus ces établissements depuis longtemps.
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Raddad a la passion du jeu. Il joue plus que ne lui permettent ses appointements. Il dissimule sa folie du jeu aux gendarmes et aux magistrats. Nous y sommes habitués. C’est à nous de rechercher et apporter la preuve. Mais il le cache aussi à sa femme, mettant la situation financière du ménage en difficulté. Il est au centre d’un cercle vicieux qui va le pousser au crime. Qui ose dire que Raddad n’était qu’un joueur occasionnel ? Qui ose dire que Raddad ne fréquentait pas les prostituées ? Tout est acté dans le dossier. Est-ce suffisant pour prouver le mobile du meurtre ? Oui, car tout est cohérent. Notre enquête et l’information judiciaire le démontrent d’une façon éclatante. Les faits sont têtus, incontestables. Cet argent volé à Ghislaine Marchal le dimanche 23 juin, de quelle façon Raddad l’a-t-il utilisé ? L’enquête n’a pu le démontrer. Mais je dois admettre que Raddad est un homme qui n’a pas de chance. Il perd au jeu, et il perd dans le train le peu qui lui reste, le lundi 24 juin lorsqu’il se rend à Toulon. Ce n’est pas lui qui le dit, c’est Latifa : - « Oui, en arrivant Omar m’a dit qu’il avait perdu de l’argent dans le train. Je crois qu’il m’a parlé de la somme de 800 F. » Souvenez-vous, comment va-t-il annoncer à son épouse qu’il n’a pu payer les loyers et qu’il n’a pas d’argent ? Pratique le vol dans le train ! Mais ce n’est là que supposition de gendarme. Tout cela est bien différent des arguments étalés dans la presse n’est-ce pas ? Mais, je ne peux rappeler autrement la recherche de la vérité judiciaire. Les armes du crime Les blessures de Ghislaine Marchal ont été détaillées, nous l’avons vu, par les experts légistes désignés par la juge
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d’instruction. Leur monographie nous permet de déterminer la nature des armes utilisées par Raddad. Dans ce paragraphe de mon rapport de synthèse, j’indique : - « Les constatations au sous-sol montrent qu’il n’y a eu aucune projection importante de sang sur les murs si ce n’est quelques gouttes, au bas du mur de la chaufferie, à hauteur du bridge. Il se confirme que malgré la multitude des coups, les blessures n’ont pas provoqué de jaillissement de sang. Il est communément admis que les blessures à la tête saignent abondamment mais ne jaillissent pas. Lors du double égorgement, les artères n’ont pas été sectionnées. Les saignements à l’arme blanche ont été absorbés par le peignoir. Les constatations sur ce vêtement démontrent qu’il est imbibé de sang. Elles mettent aussi en évidence que les coups, pour la plupart, ont perforé le vêtement avant d’atteindre Ghislaine Marchal. Les recherches de sang sur les vêtements d’Omar Raddad, par les experts désignés, ne s’avèrent pas. Cette absence de tache de sang sur les vêtements de l’inculpé peut s’expliquer aussi par : - l’absence de sang sur les poignées de la porte de la cave, manipulées obligatoirement par l’agresseur, et attestant que celui-ci n’avait pas de sang sur les mains, - les 70 à 80 cm environ qui devaient séparer les deux corps lorsque les coups de chevron sont assénés, - la superficialité de la majorité des coups à l’arme blanche qui situe l’agresseur relativement éloigné de la victime. » Il suffit de se donner la peine d’examiner attentivement les dossiers photographiques annexés à la procédure pour se rendre compte qu’aucun des coups n’a provoqué de jaillissement de sang. Le sang qui s’est écoulé de toutes les blessures de Ghislaine Marchal a imprégné le peignoir, et s’est répandu sur le sol. Il est malhonnête de dire qu’il y a eu des jaillisse-
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ments de sang. Tout cela ne sert pas la cause de la vérité mais alimente la désinformation et la polémique. C’est un piètre argument de défense qui ne peut résister à l’examen des faits. Il n’a pas été établi que le jardinier avait pour habitude de porter une arme blanche. Aucun témoignage n’a été recueilli en ce sens, si ce n’est quelques allusions imagées en rapport avec le double égorgement. Les recherches entreprises aux cours des investigations n’ont pas permis de découvrir une arme répondant aux caractéristiques décrites par le docteur Page. Encore une fois, il faut raisonner en tenant compte que Raddad ne s’est pas rendu à La Chamade pour tuer. Raddad est devenu meurtrier par nécessité et il va utiliser deux armes par destination pour commettre son crime. Le chevron et une arme blanche. Le chevron n’est pas contesté, les blessures à la tête de Ghislaine Marchal sont suffisamment significatives et en corrélation avec les traces d’impacts laissées sur le bois. Les autres taches qui l’ont maculé proviennent de l’écoulement des blessures de sa tête lorsqu’elle le manipule pour se barricader. L’arme blanche, quant à elle, peut être débattue. Elle le sera, car elle n’est pas prouvée scientifiquement. Je démontre dans mon rapport que : « Pour les enquêteurs, la description de l’arme telle qu’elle a été donnée par les légistes ne semble pas correspondre aux blessures de Ghislaine Marchal et aux constatations sur le peignoir. En effet, certains éléments peuvent conforter cette idée : l’arme décrite par les experts est peu courante ; les déchirures du peignoir dont quatre sont supérieures à deux centimètres (2,2 cm à 2,5 cm) ; les physionomies des plaies nous font supposer une lame épaisse ; le double égorgement sans section des vaisseaux ne conforte pas la thèse d’une lame effilée ; la grande majorité des plaies, peu profondes, peut s’expliquer par le fait que la lame a été frei-
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née par le tissu du peignoir ; les ouvertures de quatre centimètres ne sont pas retrouvées sur le vêtement et l’on peut déduire que pour ces coups, le peignoir n’a pas été traversé. » S’il faut retenir une de ces notions pour prouver que l’arme décrite n’est pas une lame effilée, je retiendrais le double égorgement qui est significatif pour écarter ce jugement. J’ai bien examiné les plaies à la gorge, tant sur photographies que lors de l’autopsie. Ce n’est pas une lame effilée de chaque côté qui a provoqué cette blessure dont les lèvres n’étaient pas nettes. Il est indubitable qu’une telle lame aurait sectionné les artère, veine et trachée de la victime. Une lame effilée, lors de l’éventration au niveau de la fosse iliaque droite, aurait perforé les anses intestinales. Il n’en a pas été ainsi. Tous les éléments que j’avance ne plaident pas en faveur de cette description hâtive du docteur Page. Il est certain qu’aujourd’hui je ne suis pas le seul à le penser. Ceux qui admettent ce raisonnement se sont rendus compte, après avoir pris soin de les mesurer, que ces lames ont pu provoquer les plaies transfixiantes aux lobes du foie. Etude qui n’a pas été réalisée par les légistes, cela n’entrant pas dans le cadre de leur mission. Pourquoi j’avance l’hypothèse que le taille-haie est probablement l’arme du crime ? Parce que cela fait partie de mon travail de directeur d’enquête. Je cite mon rapport : - « La découverte insolite de la clef de la cave dans le local à bois et la position du portillon permettent d’avancer l’hypothèse que l’arme blanche peut être le taille-haie suspendu sur la clef, dans ce local. Cet outil comporte deux lames symétriques, en acier, de 21cm de long et 3,4 cm dans sa partie la plus large. Les lames sont effilées sur un côté et épaisses de cinq millimètres. Elles sont acérées et coupantes. La longueur hors tout de l’outil est de 51 cm. Une telle arme peut-elle provoquer les plaies transfixiantes au foie ?
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En tenant compte de ses caractéristiques et de l’ouverture des plaies, l’on détermine que la lame peut pénétrer profondément dans le corps. Les coups donnés avec une telle arme sont nécessairement ascendants tels que les médecins légistes les ont constatés. Le maniement maladroit de cette arme, longue et assez lourde, et le handicap d’Omar Raddad expliquent la multitude et la dissémination des coups portés. D’autre part, les conclusions de l’expertise du laboratoire Serma sur le taille-haie n’excluent pas formellement qu’il ne s’agisse pas de sang humain. » Cette analyse est plausible si l’on veut bien se donner la peine de la confronter avec les éléments objectifs du dossier et notamment prendre en considération les mesures très précises des lames qui attestent, en fonction de la nature et de la largeur des plaies et des déchirures du peignoir, que chacune de ses extrémités pouvait atteindre les lobes du foie. Avant d’avancer cette thèse, Patrice Gervais avait longuement travaillé sur toutes les clefs de la résidence. Son activité, que j’ai résumée dans mon rapport de synthèse, n’apportera aucun éclairage nouveau, car aucune serrure n’était pourvue du même nombre de clefs. Toutefois, son étude sur leur emplacement, qui peut paraître sans intérêt, est au contraire très importante et démontre que la thèse du taillehaie n’est pas illogique, mais au contraire tout à fait possible. Un autre élément, qui pris isolément paraîtrait secondaire voire anodin, permet de comprendre la démarche et le comportement du meurtrier après qu’il eut fermé la porte de la cave. Il s’agit de la position du portillon qui sécurise la descente au sous-sol. Mon raisonnement, je le précise dans le rapport de synthèse, et je le soumets ainsi au juge d’instruction : - « En haut de l’escalier de la cave se trouve un portillon métallique que nous décrivons dans la procédure. Ce por-
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tillon a la particularité, lorsqu’il est ouvert, d’empêcher l’accès au local à bois. Dans quelle position se trouvait-il ? C’est Christian Agatti, premier intervenant, et alors qu’il participe aux recherches avec Francine Pascal, qui le déclare. Ce portillon était fermé. Comme il est précisé dans le procès-verbal de renseignement 173, ce portillon s’immobilise en fonction de la poussée exercée, mais ne se referme pas automatiquement. Ce qui signifie qu’il a été fermé par le meurtrier. Cette manœuvre apparaît illogique, sauf si le meurtrier veut entrer dans le local à bois. » Analyse et raisonnement cohérents, que je commente dans un procès-verbal de renseignement : - « Ce portillon en fer, peint en noir, est fixé sur deux gonds. Il ne se referme pas automatiquement étant dépourvu de système de fermeture automatique et aucune inclinaison ne lui a été donnée pour le permettre. Nous effectuons plusieurs essais. Le portillon s’immobilise en fonction de la poussée exercée. Il peut rester ouvert totalement et empêcher le passage dans le local à bois ou s’immobiliser dans n’importe quel angle d’ouverture. Nous avons effectué les mêmes constatations après avoir pris soin d’huiler les axes. Les résultats sont identiques. » Si l’hypothèse de cet instrument n’est pas admise, il n’y a aucun motif que le tueur pénètre dans le local à bois. En haut de l’escalier, que va-t-il faire ? : pousser le portillon qui va s’immobiliser devant la porte du local à bois. Il vient de commettre un acte d’une gravité extrême, il n’a aucune raison de le refermer. Il faut qu’il quitte rapidement les lieux, qu’il ne soit pas vu dans la cour. Par contre, la position du portillon refermé sur la descente de l’escalier accrédite la thèse du taille-haie. Cette fermeture n’est pas cohérente, sauf si le tueur veut pénétrer dans le local à bois pour y déposer l’outil et la clef de la cave ; son ouverture empêchant cet accès.
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Raddad, pour parachever son agression, savait où trouver une arme de fortune, de substitution. Le taille-haie, c’est lui seul qui l’utilise dans la propriété et le suspend dans le local. Après avoir agressé Ghislaine Marchal avec cette arme, il referme la porte de la cave, monte rapidement l’escalier, repousse le portillon, pénètre dans le local à bois, nettoie les lames du taille-haie, dépose la clef puis l’outil où nous les avons retrouvés, puis referme la porte. Voilà pourquoi Christian Agatti a constaté la fermeture du portillon. Détail, tout n’est que détail. Détail que le handicap physique de Raddad ? Tout n’est que détail. Nous nous étions aperçus qu’Omar Raddad avait une manière bien particulière de tenir le stylo lors des signatures ou des paraphes des feuillets de sa déclaration. Après le récit d’un accident antérieur au pli du coude droit, nous saisissions son dossier médical à l’hôpital St-Roch de Nice. Il était nécessaire d’établir si cette blessure le handicapait et s’il était capable de porter des coups avec le chevron et une arme blanche. Les actes sur commission rogatoire et les rapports d’expertise apportaient une réponse sans équivoque. Je précise dans mon rapport : « Des investigations sont menées dans le but de déterminer si Omar Raddad est ou non handicapé par cette blessure. De nombreux témoignages recueillis en ce sens le décrivent comme un homme se servant de ses deux bras, réalisant les travaux les plus divers, notamment de maçonnerie, n’ayant aucun problème pour utiliser un outil ou soulever du poids. Aucun ne remarque une quelconque déficience physique. » Les témoignages recoupent les expertises médicales. Que sont-elles ces expertises ? : - « Raddad Omar est droitier de naissance mais depuis son accident de 1988 (section partielle du nerf médian au niveau du coude droit), il a appris à se servir de sa main gauche pour effectuer les actes courants de la vie, sa main droite lui
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servant d’aide. Il est donc devenu ambidextre. La force segmentaire au niveau de la main droite est cliniquement diminuée de moitié mais le serrement de main est efficace et la prise d’un objet de sept centimètres de section est possible, de même que la prise d’un couteau. » Lorsqu’il reçoit ce rapport, le juge Renard demande un complément d’expertise. Les médecins, lors de leur discussion médico-légale, confirment les premières conclusions et notent : - « Les constatations effectuées lors de l’autopsie de Mme De Renty ont mis en évidence une multitude de coups portés ainsi qu’une dissémination de ces coups, ceci pouvant s’expliquer par des troubles de la sensibilité et de la maladresse du bras de l’agresseur. » Toutes les expertises médicales attestent d’une part que Omar Raddad pouvait utiliser sa main droite pour tenir un chevron au-dessus de la tête de la victime et d’autre part une arme blanche pour porter des coups à l’origine des blessures, et que ceux-ci n’ont pas été portés avec un maximum d’efficacité. Les conclusions que ces experts rapportent ne rejoignent-elles pas mon raisonnement et mon analyse ? Elles n’écartent pas, bien au contraire, cette hypothèse. Nous nous étions livrés à une démonstration qui consistait à porter des coups avec cet outil, tenu des deux mains. Son maniement était malaisé, le geste rendu imprécis. Son poids, sa longueur, sa préhension ne facilitaient pas le mouvement agressif. Lorsqu’on y rajoute le handicap de Raddad et la tension nerveuse générée par l’acte lui-même, on comprend mieux la dissémination des coups et leur peu d’efficacité. L’expertise de cet instrument a été confiée au laboratoire Serma de Bordeaux, qui conclura : « Le scellé n°9 a produit de l’ADN animal et on ne peut exclure qu’il ne s’agisse pas de sang humain. Le terme animal étant pris au
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sens large d’où le sang humain n’est pas exclu. » Il peut donc s’agir de sang humain ; ce qui me semble insolite et paradoxal sur un outil destiné à la taille des végétaux. Quant au chiffon retrouvé dans le local à bois, si l’on peut supposer qu’il ait pu servir à nettoyer le taille-haie, l’expertise ne pourra scientifiquement le prouver : « Bien qu’il ait été extrait de l’ADN, la mise en évidence de séquence nucléonique spécifique n’a pu être menée à bien, compte tenu de la présence d’inhibiteurs. » Si l’on peut considérer par le raisonnement et l’analyse que le taille-haie est bien la deuxième arme du crime, la science, encore une fois, ne pourra l’établir formellement. Il y a de l’ADN sur le taille-haie, il y a une quantité importante d’ADN sur le chiffon mais il ne peut être scientifiquement prouvé à qui ces molécules correspondent ; tout comme sur la veste de Raddad où 10 ng d’ADN ont été extraits. Là encore, la présence d’inhibiteurs vis-à-vis des enzymes de restriction a rendu impossible l’analyse par la technique de l’empreinte génétique. Les traces de sédiments Ce même laboratoire retrouvera dans la texture du pantalon et sur les semelles des chaussures de l’inculpé des traces de poussière en corrélation avec les sédiments prélevés dans la cave et recueillis sur le corps de la victime. Cette conclusion est fondamentale, car elle prouve que Raddad a marché sur le sol particulièrement poussiéreux de la cave. Or, que déclare-t-il ? Tout d’abord, que cela fait deux ans qu’il n’est pas descendu à la cave, puis, et cela se vérifie, deux mois. Comme je l’écris dans mon rapport : « En effet, nous situons les travaux à la piscine de La Chamade entre le 18 et le 23 avril 1991. Ceux-ci ont été réalisés par Omar et Mohamed
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Raddad comme en témoigne l’agenda de la victime. D’autres rapprochements relatés dans le procès-verbal de renseignement 194 confortent ces dates qui déterminent qu’Omar Raddad, aidé de son frère, a entreposé les poubelles de matériaux dans la cave le 23 avril 1991 dès la fin des travaux. Ces détails corroborent la déclaration d’Omar Raddad lorsqu’il dit s’être rendu pour la dernière fois dans la cave, à la fin des travaux de la piscine. » Donc, si l’on s’en tient à ses assertions, il ne s’est plus rendu dans la cave depuis le 23 avril 1991. Soit deux mois avant le meurtre. Admettons. Dans ce cas, comment expliquer que le laboratoire a scientifiquement retrouvé des sédiments en provenance de cette pièce sur les semelles de ses chaussures et dans la tissure de son pantalon, qui plus est, cumulés d’environnements divers fréquentés par l’inculpé entre le moment des faits et celui de la saisie des chaussures ? Raddad a trouvé la réponse et donne une nouvelle version au juge Renard quand celui-ci lui notifie les conclusions de l’expert : il est descendu dans la cave quelques jours avant les faits pour entreposer des pots de fleurs. Deux ans, deux mois puis quelques jours. Quelle est la bonne réponse ? Il était donc nécessaire de définir, par des actes de police judiciaire, si ces traces étaient récentes ou pouvaient remonter au 23 avril. La réponse, c’est l’épouse de Raddad qui la donne. A la question : « A quelle fréquence lavez-vous le linge de maison et notamment celui d’Omar, que ce soit son linge de ville ou son linge de travail ? » Latifa réplique : « Je lave beaucoup le linge. Je faisais une, voire deux machines par jour, une le matin et une le soir. En ce qui concerne le linge d’Omar, il ne se passait pas une semaine sans que je le lave, y compris son linge de travail, car je tenais à ce qu’il soit toujours propre. Avant que je ne parte à Toulon, jusqu’au dernier moment, j’ai lavé régulièrement le
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linge comme à l’habitude. » Je mentionne dans mon rapport : « Nous concluons, qu’en raison des traces de sédiments de la cave sur les semelles des chaussures et dans la texture du pantalon, Omar Raddad s’est rendu au sous-sol de La Chamade dans un délai rapproché de la saisie des vêtements. » Raddad, qui maintient devant le juge d’instruction ne pas être descendu à la cave depuis au moins deux mois, ment. Mais ce n’est qu’un mensonge qui s’ajoute aux autres. Nous en aurons eu l’habitude depuis le début de cette affaire. Toutefois, ces sédiments retrouvés sur les semelles attestent, de toute évidence, qu’il s’était rendu depuis peu au sous-sol. Il faut, pour s’en convaincre, les examiner de près ces semelles. On se rend alors compte qu’elles sont totalement usées et lisses, et l’on comprend pour quelle raison le laboratoire n’a détecté aucune trace de terre ou d’herbe pouvant provenir de la propriété de Francine Pascal. Les analyses scientifiques retrouvent des sédiments de la cave malgré les travaux de jardinage et notamment d’arrosage qu’il dit avoir effectués le dimanche. La preuve scientifique est cette fois précise. Tous les détails sont suffisamment explicites et en phase avec la déclaration de son épouse, pour admettre que ma conclusion n’est pas née de mon imagination. Journée du 23 juin : les contradictions de Raddad Il est un fait établi et non contestable : Raddad ne travaillait jamais le dimanche. L’étude des agendas de ses employeurs ne retrouve trace d’aucune mention les dimanches et jours fériés. Pourtant, le 23 juin, il est présent au mas StBarthélémy. Francine Pascal ne lui a jamais imposé de travailler ce jour-là. C’est lui qui l’a décidé. Il en a informé son employeur, le samedi en fin de journée. Ce fait est, parmi bien d’autres, très important pour annihiler la thèse de la mise
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en scène d’un tueur forçant Ghislaine Marchal à écrire OMAR M’A TUER, alors qu’il n’y avait que Francine Pascal qui savait que son jardinier travaillait ce dimanche. Cette thèse est incohérente et indéfendable, car le tueur aurait pris le risque insensé que Raddad ait un alibi qui se vérifie ; ce qui n’a pas été du tout le cas. C’est pourtant cette conception invraisemblable que la défense soutiendra. Raddad a pris le parti de mentir. Il s’est enferré tout seul dans ses contradictions, qu’une analyse intransigeante et cartésienne permet de mettre en évidence. C’est le cas, par exemple, de l’heure d’embauche et de reprise du travail. Raddad, lors de sa garde à vue, précisait par deux fois être arrivé au mas St-Barthélémy à huit heures. Dans une autre déclaration, il estimera son arrivée à 8 h 15. Cependant, à chaque fois, il pensait être parti de chez lui à 7 h 45 ce qui, compte tenu du temps nécessaire au transport, confirmait sa présence à l’heure. D’autre part, il déclarait avoir rencontré Francine Pascal à 8 h 10. Il était donc présent au mas StBarthélémy à huit heures. Je précise dans mon rapport : « Au cours de la matinée, il effectue les travaux commandés par son employeur. Il change l’emplacement des fleurs, déclare avoir coupé l’herbe près de la piscine. Sa présence au mas St-Barthélémy ne fait aucun doute. Comme cela a déjà été relaté, il quitte cette propriété vers 12 h et personne ne le voit avant 13 h 05, 13 h 10, heure à laquelle Arlette Boisson lui parle dans la propriété. » Lorsque Arlette Boisson lui fait une réflexion sur l’heure avancée de sa reprise de travail, il se justifie par le fait qu’il compense ainsi le quart d’heure de retard de sa prise de travail du matin. J’ajoute dans mon rapport : « Cette justification ne peut être admise, car Omar Raddad a commencé son travail le matin à l’heure. S’il avait eu un tel retard à récupérer, c’est à 13 h 15 qu’il aurait dû reprendre son travail. »
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Même Francine Pascal ne trouve pas logique la reprise anticipée de son travail. Cela n’est pas dans ses habitudes. Mais le gentil petit jardinier est assurément un modèle de ponctualité et de confiance ! Nullement. La déposition de Nicole Jacquot, femme de ménage de Francine Pascal et gardienne de la propriété, est édifiante sur sa ponctualité : - « Raddad n’arrivait jamais en retard lorsque Francine Pascal était présente. Il la prévenait en cas de retard, ne récupérait jamais entre midi et 13 h, n’était pas du genre à faire des heures supplémentaires, prenait, en l’absence de son employeur, des libertés avec les horaires de travail et ne reprenait jamais son travail avant 13 h 30 » précise-t-elle. Mais tout cela n’est que détail n’est-ce pas ? Détail que Maryse Muller l’ait licencié parce qu’il ne lui donnait plus satisfaction. Détail encore. S’étant aperçu que son jardinier lui réclamait indûment le paiement d’heures de travail qu’il n’avait pas effectuées, Ghislaine Marchal avait pris soin de les noter sur ses agendas, alors qu’elle ne le faisait pas auparavant. Détail toujours ce que nous dit Roland Boisson, que je souligne ainsi dans mon rapport : « Après la reprise du travail l’après-midi, Roland Boisson aperçoit Omar Raddad. Persuadé qu’il n’a pas déjeuné, le trouvant amaigri, les traits tirés, il lui prépare un sandwich et une glace. Omar Raddad déclare avoir mangé la glace et jeté le pain, consommé partiellement, sur un tas d’herbe dans le jardin. » La réponse de Raddad est cohérente puisqu’il a toujours soutenu qu’il s’était rendu à son appartement pour déjeuner. Mais ses explications ne le rendent pas crédible pour autant, car nous avons fouillé le tas de détritus constitué en haut du jardin potager et n’avons jamais retrouvé un quelconque morceau de pain. Mais tous ces éléments ne sont que secondaires n’est-ce pas ? Ce n’est pas cela qui prouve sa culpabilité,
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mais ces détails, ces mensonges s’ajoutent aux faisceaux de présomption irréfragables qui s’accumulent sur lui. Les témoignages tardifs Inlassablement, jour après jour, mes officiers de police judiciaire poursuivent les investigations à la recherche du moindre indice, du moindre témoignage. Des journées entières à observer les allées et venues des résidents, à noter tout ce qui peut être insolite. L’uniforme du gendarme ne passe pas inaperçu. Les questions sont inlassablement posées, les réponses toujours les mêmes. Comme s’il ne s’était rien passé ce dimanche 23 juin 1991 ! J’utilise même l’hélicoptère de la gendarmerie pour les prises de vues aériennes, comme je le pratique régulièrement dans les dossiers criminels. Les photographies réalisées sont d’ailleurs pleines d’enseignements et montrent à l’évidence que de chaque côté des chemins qui desservent les villas, ce ne sont pas des murs qui les protègent des regards mais des haies végétales tout aussi épaisses, impénétrables. Mystérieuses demeures dans leur écrin de verdure, à l’abri de l’œil inquisiteur ou curieux. Seuls, certains portails laissent entrevoir les résidences. Quelques voisins seulement figureront dans la longue liste des témoins entendus au cours de l’enquête. Mais cela n’a rien d’exceptionnel, il en est souvent ainsi, car la quête d’informations dans le voisinage a des limites que l’on ne maîtrise pas. Sur ces chemins, nous avons croisé des curieux morbides, des résidents bien évidemment, mais aussi des journalistes et des photographes. Ces photographes venus de loin, parfois de l’étranger, comme celui qui a osé me proposer une forte somme d’argent contre des photographies de Mme Marchal ! Pourtant, le 1er octobre, soit plus de trois mois après le
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meurtre, deux personnes demandent à me rencontrer : Roland Boisson et Christian Vellard. Ce dernier, demeurant à Mougins, est inconnu des enquêteurs et jusque-là n’avait aucune raison d’apparaître dans la procédure. Je rédige dans mon rapport de synthèse : - « Ce que nous déclare Christian Vellard est important. Sur les assertions de sa femme, après une rencontre avec les Pascal, il a un "flash" lorsqu’il apprend que les villas Pascal et Marchal ne sont pas mitoyennes comme il le pensait mais distantes de 400 m. Il raconte que le jour du meurtre, il se trouvait sur le chemin St-Barthélémy, en conversation avec son ami, JeanClaude Goldstein, entre 11 h 45 et 12 h 15. Et, que si Omar avait pris ce chemin il l’aurait vu. Dans le même temps, Francine Pascal téléphone à la gendarmerie et demande à être entendue sur un détail d’importance. Elle vient de se souvenir d’un appel anonyme reçu après sa première audition, le lundi 24 juin 1991, annonçant : il en a fait de belles votre jardinier - elle l’a écrit avec son sang. Cet appel, Francine Pascal n’en fera jamais état lors des nombreuses visites des gendarmes dans sa propriété et au cours de sa déposition du 8 août 1991. Si l’on tient compte de l’ambiance de ce dossier, son débordement médiatique, la situation géographique des lieux et des témoins, ces témoignages tardifs laissent les enquêteurs circonspects quant à leur crédibilité. » Comme je le relate dans mes écrits, des surveillances téléphoniques sont placées chez ces personnes. Les techniques chez Boisson et Goldstein n’apporteront aucun élément susceptible de servir à la manifestation de la vérité. Chez Francine Pascal se confirme ce que nous savions déjà : son sentiment personnel de l’innocence de son jardinier. Par contre, en Christian Vellard, un personnage est né et va faire la Une des médias de la presse écrite et télévisée. Néanmoins,
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lorsqu’on relit la retranscription des conversations, je dois avouer que sa femme n’a rien à lui envier en matière de commérage et de comédie. En effet, les écoutes dévoilent l’état d’esprit significatif et révélateur de cet homme et de son épouse ; qui est fière que son mari passe à la télévision et apparaisse dans des articles sur Paris-Match. C’est ainsi, je cite mon rapport : « Que se révèle une simulation d’appel à la gendarmerie de Cannes où l’intéressé déclare qu’il ne peut déférer à la convocation qu’il a reçue. Problème majeur : au moment de cet appel simulé, aucune convocation ne lui a été adressée. Elle n’est par conséquent qu’imaginative. Avant et après son audition, se remarquent des appels au cabinet de Me Girard à Cannes. Sur directives du magistrat instructeur, ces communications ne sont pas retranscrites. » Vraiment regrettable, car elles étaient passionnantes ces conversations. Je pensais naïvement que les règles de la profession d’avocat, telles que Jean Lemaire les a énoncées dans son ouvrage, étaient scrupuleusement appliquées ; comme celle que l’on peut lire à la page 348, où il précise : « L’avocat ne doit pas s’entretenir avec des témoins et correspondre avec eux. C’est une démarche inconvenante, contraire aux règles de la profession et même aux intérêts des parties et de la justice. Et il importe peu que l’avocat n’ait pas eu pour but la tentative coupable de subornation de témoins et qu’il ait simplement voulu s’assurer de la nature et de la force des preuves. » Je respecterai encore aujourd’hui la décision d’un juge pour lequel j’ai beaucoup d’estime et de respect en n’évoquant pas leur teneur. Je me permets toutefois d’écrire que ceux qui ont pratiqué de la sorte n’avaient vraiment rien de sérieux à opposer aux éléments probants que nous avions versés au dossier. Il est vrai que les effets néfastes de la médiatisation excessive et partisane fragilisaient tous les jours
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davantage les ingénus et les esprits les plus simples. Je conclus dans mon rapport que : « Christian Vellard se considère comme le fait nouveau de cette affaire, que les gendarmes sont axés sur Omar Raddad et que celui-ci est innocent. » Le 12 décembre 1991, les "témoins inespérés", les "faits nouveaux" sortis du chapeau trois mois après sont placés en garde à vue pour les nécessités de l’exécution de la commission rogatoire ; ce que permet non le code du procès de rue mais le Code de procédure pénale. L’audition de Roland Boisson n’apportera rien de concret si ce ne sont les confidences soupçonneuses de Christian Vellard sur un voisin de Ghislaine Marchal : un prénommé Gilbert. Je reviendrai dans le cadre du procès sur Gilbert Foucher. Quant à Francine Pascal, guidée par sa conviction, elle ne sait plus, ne peut expliquer. Mme Pascal est pathétique dans ses démarches désespérées mais maladroites pour tenter d’influer sur le cours de la justice. Elle est aveuglée par ses certitudes qui ne s’appuient que sur ses sentiments charitables envers son jardinier. Mais à ses convictions, se mêlent confusément ses doutes. Cette femme, digne, vénérable mais sous influence maintient avoir reçu cet appel. Cependant, elle ne peut expliquer pourquoi elle n’a rien dit en son temps. On vous a trompé Mme Pascal. Les auditions de Jean-Claude Goldstein et Christian Vellard méritent plus d’attention. Je cite mon rapport : - « Quant à Jean-Claude Goldstein, il déclare n’avoir aucune révélation à faire. Si tel avait été le cas, il en aurait informé aussitôt la gendarmerie. En ce qui concerne sa présence sur le chemin St-Barthélémy le dimanche 23 juin, il ne peut être affirmatif mais se réfère à la déclaration de Christian Vellard. Il précise que souvent il raccompagne son ami au portail, avant ou après midi et qu’ils ne restent pas plus de cinq minutes à discuter. Jean-Claude Goldstein trouve illogique qu’une personne, quelle qu’elle soit, puisse se souvenir
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trois mois après, de tels détails. Il conclut que son ami de très longue date, Christian Vellard, est un homme bavard qui s’est polarisé sur cette affaire, et ne comprend pas pourquoi. Christian Vellard, dès le début de son audition, est évasif sur la date qu’il estime à 90% être la fin du mois de juin. Il est changeant en ce qui concerne le créneau horaire initialement déclaré : de 11 h 45 à 12 h 15, il le réduit de midi à 12 h 15, puis dit se trouver à la boulangerie vers midi, midi un quart. Sa présence n’est d’ailleurs pas remarquée par Micheline Tomas qui se trouve dans ce commerce entre 12 h, 12 h 05 et 12 h 15, 12 h 20, et qui le connaît. D’une manière générale peu de crédit est à porter au témoignage de cette personne qui analyse cette affaire à partir d’éléments d’information lus dans la presse et qui est absolument convaincue de l’innocence d’Omar Raddad. Une situation permet de classer Christian Vellard et son épouse comme fantaisistes. Elle concerne sa déposition du 18 décembre où il fait état d’un appel téléphonique anonyme reçu par sa femme, appel qui se révèle inexistant lorsque l’on compulse les listings des écoutes téléphoniques de son domicile. » Cette synthèse se suffirait à elle-même, mais des détails l’étayent et confirment ce que j’écris dans mon rapport. Elle est significative de l’état d’esprit de ces trois personnes, manipulées par l’information unilatérale et mensongère, qui n’ont plus le libre arbitre de la réflexion mais sont sous l’emprise d’une passion irraisonnée. Mais s’il est facile de berner l’opinion publique, ces manigances n’ont abusé ni gendarmes ni magistrats ni plus tard les jurés. Pourtant, ces témoignages étaient de nature à mettre en doute les vérifications de l’alibi de Raddad. Au contraire, cette machination, très maladroitement orchestrée, ira à l’encontre du but espéré. Décidément, si ce n’est pas Raddad qui ment ce sont les témoins qui, désespérément, affabulent.
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Un homme est sensé dans cette intrigue car il a été impliqué à son insu. Cette personne, pleine de bon sens et de sagesse, dont la crédibilité contraste avec les fanfaronnades, vantardises et autres hâbleries de son ami de soixante ans, c’est Jean-Claude Goldstein. S’il était élémentaire de se servir de la vanité de Christian Vellard, ses divagations, devenues incontrôlables lors de son témoignage devant la cour d’assises de Nice auront discrédité ceux qui l’ont manipulé. Christian Vellard est un bavard. C’est ainsi que le décrivent son ami Goldstein et Micheline Tomas : - « Je le considère comme un homme très bavard. Cela lui irait très bien d’écrire des romans policiers. Quelque temps avant que cela ne paraisse dans les journaux, il m’a téléphoné alors que nous déjeunions pour me dire qu’il se souvenait que le dimanche 23 juin, il avait bu l’apéritif avec M. Goldstein, qu’entre 11 h 45 et 12 h 15 ils avaient discuté sur le bord du chemin, et qu’ils n’avaient vu passer personne. Pourquoi m’a-t-il téléphoné ? Je ne sais pas, j’ai trouvé son appel ridicule » précise-t-elle. Mme Tomas, lorsque nous lui demandons son sentiment sur ces révélations tardives, déclare : - « Pour un homme qui a fait des déclarations à la presse dès les premiers jours qui ont suivi le meurtre, il m’a semblé bizarre que ce détail lui revienne trois mois après ; alors qu’il est à la retraite et qu’il n’a que cela à faire : se souvenir. » Vellard le convaincu se lance aussi dans les investigations. Sa femme prend contact avec Francine Pascal et lui déclare "tout de go" qu’ils pourraient témoigner en faveur de Raddad. Une rencontre est aussitôt organisée au mas StBarthélémy. J’ai vécu un moment d’anthologie lors de son audition. Quelques détails situent parfaitement le personnage. Quel
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crédit lui apporter lorsque, à ma requête : « Il me semble que vous ayez un doute du mois de la commission du crime de Mougins ? » Il me répond : - « C’était un dimanche fin juin. A 90% c’était fin juin. » Très imprécis et confus pour un "fait nouveau", qui d’autre part lors d’une interview accordée à TF1, avait fait un rapprochement avec la Rolls de la victime. Christian Vellard ne devait plus avoir la mémoire du temps, car Ghislaine Marchal ne possédait plus cette voiture depuis plus de deux ans. Tout cela n’était pas crédible mais il est vrai que l’image de cette luxueuse limousine "collait" bien à la personnalité de la victime. Lorsque je lui demande : « Qui a sollicité les journalistes pour l’édition de vos relations tardives ? » - « Ce sont plutôt les journalistes qui m’ont sollicité. C’est certainement l’avocat qui me les a envoyés. Je lui avais d’ailleurs téléphoné quelques jours auparavant » m’assure-til. Le 28 novembre 1991 à 16 h 37, Vellard a téléphoné au cabinet de Me Girard à qui il a dit-il deux ou trois petits renseignements à demander avant de faire sa déposition à la gendarmerie. Mais il n’a pu résister à rendre compte de sa garde à vue à un collaborateur de ce même cabinet : - « Je suis M. Vellard, le témoin pour l’affaire Marchal. J’aurais voulu dire à Me Girard que j’ai fait ma déposition chez (sic) la gendarmerie, hier. Et qu’il y en a sept pages. Et j’ai été gardé à vue parce que c’est comme ça qu’ils disent, de 9 h du matin à 17 h. Alors j’ai fait une déposition. Il y en a pour sept pages. J’ai maintenu ce que je lui avais dit. Làdessus, il n’y a pas de problème. Mais enfin, ils ont voulu me faire dire le contraire. » Impénitent et imprudent bavard. Hâbleur même lorsqu’il raconte sa garde à vue à qui veut l’entendre ou quand il
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manifeste à son ami Goldstein sa détermination d’exiger des gendarmes d’être placé sous écoutes. Trop tard M. Vellard pour m’apprendre mon métier. Il y a longtemps que nous suivions ses gesticulations. Je ne sais pas s’il fallait en sourire ou le prendre en commisération lorsqu’il simulait des appels à la gendarmerie avec la complicité de sa femme, se montait un scénario, se donnait de l’importance. Ses extravagances n’ont dû abuser que les crédules qui l’ont écouté et ont même dû faire sourire ses courtisans manipulateurs. Et que dire de ses vitupérations proférées le 17 décembre 1991 à l’encontre de Gilbert Foucher, lorsqu’il faisait état de ses prétendues agressivité et condamnation ; dont plus tard Me Vergès se servira pour le soupçonner du meurtre. Vellard qui ose dire que Goldstein était son ami, et à qui il ment effrontément sur le prétendu appel anonyme lorsqu’il le simule à la gendarmerie de Cannes. Regrettable en effet. Mais en fait, qu’a-t-il fait ce weekend du 22 et 23 juin 1991 ? Il suffit d’être observateur et de connaître le dossier pour se rendre compte qu’il était absent de son domicile. Je m’appuie pour écrire cela sur deux éléments qui se recoupent parfaitement pour les rendre crédibles. Mais il faut le maîtriser ce dossier pour trouver ce détail. Le premier ressort des témoignages. Christian Vellard me déclarait, six mois après le meurtre, que le samedi 22 juin vers 21 h 30, 21 h 45 il a répondu à un appel de Jean-Claude Goldstein qui était souffrant. Il l’a rappelé en fin de soirée, et a été rassuré par son ami. Bel acte de camaraderie. Or, JeanClaude Goldstein ne se souvient pas de cet appel. Et pour cause, son ami ne l’a jamais appelé ce jour-là. Si tel avait été le cas, nous aurions retrouvé cet appel sur l’historique des consommations. Christian Vellard ment ou confond, car malgré sa pathologie de "téléphonite aiguë", et c’est le deuxième élément, aucun appel n’est comptabilisé ce week-end. En poussant plus loin l’analyse, on constate que pour les week-
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ends du mois d’avril au mois d’août 1991, trois seulement sont vierges de toute consommation ; dont celui du 22 et 23 juin. Mélange de subjectivité et d’objectivité n’est-ce pas ? Mais est-ce de la subjectivité le fait que Christian Vellard ne remarque pas Micheline Tomas à La huche à pains, alors qu’il déclare s’y trouver dans le même créneau horaire ? Pourquoi ne précise-t-il pas que lui aussi a dû attendre la cuisson du pain ? Comment fait-il pour être en même temps à la boulangerie et sur le chemin ? Il a de toute évidence le don d’ubiquité que l’on peut lui envier. Cependant, on s’est bien gardé de vous dévoiler cette faculté qui discrédite son témoignage. Je le comprends, cela ne s’inscrivait pas dans le contexte de la pensée correcte. N’est-ce pas en fait de la manipulation ? Les faits sont vraiment têtus, irréfragables. Les écoutes téléphoniques L’exploitation des écoutes téléphoniques n’a aucun intérêt particulier sur le fond, mais permet de mettre à jour les contacts fréquents de ces personnes avec des journalistes et certains avocats, notamment Me Guidicelli, avocat au barreau de Toulon, dont les conversations ne seront pas retranscrites. Elles mettent aussi en évidence les nombreuses communications entre le comité qui semble s’être constitué autour de Francine Pascal et le cabinet de Me Girard. Elles auront également le mérite de permettre, des années plus tard, de confondre et démystifier les mensonges de Mimoun Barkani, l’oncle de Raddad, lorsqu’il portera des accusations odieuses contre le fils de la victime. Une conversation entre Francine Pascal et Mimoun Barkani le 29 décembre 1991 à 11 h 18 sera irrécusable. J’aurai l’occasion d’en reparler. Ce dossier devait être attractif. Il devait l’être effectivement, car la bataille d’avocats, souvent orchestrée par certains journalistes d’hebdomadaires à sensation, était acharnée.
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Comme par exemple la tentative de récusation des premiers avocats de Raddad, Mes Baudoux et Girard. Comment ? C’est élémentaire. Lisez cet extrait tel que nous l’avons relaté dans le procès-verbal de l’écoute de la ligne téléphonique de Francine Pascal, qui converse avec un échotier de Détective : - « Le journaliste demande si Abdeslam, le père d’Omar, a remis les papiers qu’avec Latifa il a préparé pour Omar qui doit les signer pour récuser ses deux avocats et prendre Me Guidicelli du barreau de Toulon. L’opération est de faire dégager ces deux avocats qu’il ne critique pas mais qui ont essayé, sans pouvoir bien faire. Et le journaliste, prénommé André, leur fait part de sa conviction de l’innocence d’Omar et que les deux avocats c’est du vent... » < Me Baudoux appréciera, mais va faire de la résistance. Pourtant il a des difficultés pour que lui soient payés ses honoraires : le consulat du Maroc étant d’accord uniquement pour le paiement d’une caution (conversation téléphonique entre le consulat du Maroc et Latifa Chérachni le 7 janvier 1992 à 11 h 24). Ce dossier n’est-il pas trop attrayant pour l’abandonner ? Le journaliste qui a flairé le bon coup réclame à Francine Pascal des photographies d’Omar, de sa famille et de Ghislaine Marchal : « Il faut mettre le paquet sur le plan journalistique ». Le procès de rue se poursuit. Inlassablement. Les ventes de Détective ont dû assurément augmenter. La compétition pour emporter l’exclusivité de la défense se poursuit autour de Mes Girard, Baudoux et Guidicelli. Latifa veut imposer ce dernier en établissant un faux document, qu’elle se propose de signer... et signe à la place de son mari, le 6 janvier 1992. Désespérée Latifa. Elle se compromet pénalement, mais elle est pardonnable car elle n’a pas compris que son mari, depuis des mois, était devenu un produit de marketing, un faire-valoir.
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Ce sera finalement Me Vergès qui, plus tard, à quelques jours du procès, emportera le monopole de la défense. Les autres suspects La partie de ce document consacrée à l’enquête se termine et j’ai beaucoup parlé d’Omar Raddad. On évoque toujours plus le suspect que les personnes ayant fait l’objet d’investigations qui les ont écartées de toute responsabilité. C’est ainsi dans tous les dossiers. Cela ne veut pas dire que seule l’hypothèse Raddad a été suivie dès le départ de l’enquête. Ce serait irresponsable et grave. L’enquête criminelle et l’information judiciaire n’ont pas privilégié le meurtre commis par Omar Raddad. Les investigations des gendarmes et du juge d’instruction, à charge et à décharge, dans la sérénité de la recherche et de la manifestation de la vérité, n’ont pas consisté à trouver un coupable à tout prix, à le "charger" pénalement. Ce n’est pas cela l’esprit de justice. Mais nous appuyant sur tous les aspects objectifs du dossier, l’hypothèse Omar Raddad a prévalu sur toutes les autres. Comme je l’écris dans mon rapport : - « Au fur et à mesure des investigations, nous vérifions les situations de plusieurs personnes qui sont citées nominativement dans la procédure, dénoncées anonymement ou par des rumeurs de voisinage. C’est tout d’abord Mohamed Raddad que nous avons réussi à contacter par l’intermédiaire de son père, car étant au moment des faits en situation irrégulière en France. Mohamed Raddad a effectivement aidé son frère aux travaux de dallage de la piscine et a été occasionnellement employé par Mme Marchal en remplacement d’Omar. Le jour du meurtre, entre 12 h et 13 h, il déclare aux enquêteurs qu’il se trouvait, seul, dans la chambre qui héberge habituellement son père, au foyer Sonacotra au Cannet-Rocheville. Liliane Receveau fait
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état d’une conversation qu’elle a eu avec Ghislaine Marchal au sujet des frères Raddad. Elle avait confié à sa patronne qu’elle ne pouvait les différencier, ce à quoi Ghislaine Marchal avait répondu : non, Omar est beaucoup plus beau et plus fin. Rappelons que l’enquête dans le milieu des jeux détermine qu’aucune des personnes entendues ne confond Omar de Mohamed. Tous deux sont physiquement différents malgré une ressemblance due à leur filiation. Un autre employé d’origine nord-africaine est entendu à Paris. Il s’agit de Ouhammou-Bah Mohamed, cité dans la procédure comme ayant été employé par Ghislaine Marchal à La Chamade. Ouhammou-Bah Mohamed a travaillé du 20 juin au 18 juillet 1989, en qualité de cuisinier, après son embauchage à Paris par petites annonces. Il a quitté son emploi suite à une remarque de Ghislaine Marchal, qu’il n’a pas acceptée. Il précise qu’il y avait aussi trop de travail et qu’il est parti de son plein gré. Le jour du meurtre, il déclare qu’il était à Paris, sans pouvoir apporter plus de précision sur son emploi du temps. Il certifie n’être jamais revenu à Mougins. Du 12 au 14 novembre 1991, nous nous sommes rendus en Suisse à Vevey car la police de ce canton avait porté à notre connaissance la teneur d’un appel téléphonique anonyme dénonçant Michel Théry, ressortissant français, comme étant l’auteur du meurtre de Ghislaine Marchal. Les investigations menées par les inspecteurs vaudois ont rapidement déterminé que Michel Théry faisait l’objet d’une dénonciation calomnieuse générée par une affaire de voisinage. Mohamed Raddad, Ouhammou-Bah Mohamed et Michel Théry ne peuvent être confondus physiquement avec Omar Raddad. Objet de rumeurs de voisinage, Gilbert Foucher, un voisin habitant dans une caravane près de La Chamade, est aussi mis hors de cause. Le jour du meurtre, selon les indications de son passeport et de son billet d’avion, il se trouvait
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au Maroc. L’enquête ne détermine l’existence d’aucun autre suspect potentiel. » J’ajoute que l’enquête n’a révélé aucun autre Omar dans l’entourage de Ghislaine Marchal. Si elle avait écrit GERARD M’A TUER, JACQUES M’A TUER ou GEORGES M’A TUER, aurions-nous interpellé Omar Raddad ? Non, mais nous l’aurions très certainement entendu en qualité de témoin, comme tant d’autres personnes l’ont été dans ce dossier. Nous aurions enquêté sur tous les Gérard, Jacques et Georges de l’environnement social et familial de la victime. Et dans la mesure où nous en aurions trouvé un, il aurait fait l’objet de la même minutie dans les recherches. Mais ce n’est ni Jacques ni Gérard ni Georges que Ghislaine Marchal a écrit, mais bien Omar. Je souligne cependant que si Ghislaine Marchal avait désigné Jacques, Gérard ou Georges, probablement que nous n’aurions pas eu ce battage médiatique. Sans doute que si cette victime, citoyenne ordinaire de la France profonde, avait écrit Gérard, Jacques ou Georges, ce meurtre n’aurait fait l’objet que de quelques lignes dans votre journal local. Mais non, nous sommes sur la Côte d’Azur, la victime est présentée, ce qui est faux, comme la riche héritière des accessoires Marchal et qui plus est, assassinée d’une manière peu banale, à l’Agatha Christie, et par qui ? Par un jardinier marocain qui n’a pas le physique du meurtrier ordinaire, qui clame son innocence ; qu’il soutient de plusieurs grèves de la faim. Combien d’entre-vous se sont dit : mais ce n’est pas possible que ce soit lui, il n’a pas la tête d’un meurtrier ! Les gendarmes, policiers et magistrats ont à connaître des meurtres commis par toutes sortes d’individus. Pensez-vous qu’un assassin se définisse au faciès ? Soyons sérieux, notre époque n’est plus celle de Lombroso et du "criminel-né".
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Qui est Omar Raddad ? Omar Raddad est né en 1962 à Beni-Oulichek au Maroc. Il découvre la France en 1985 où il décide de s’installer. Cependant, il est en situation irrégulière, et deux années plus tard, un refus de séjour lui est notifié. Il régularise sa situation en se mariant à Latifa Chérachni le 2 février 1987. Il obtient alors un titre de séjour. Deux enfants vont naître, Karim en 1987 et Youssef le 28 mai 1991. Il occupe différents emplois de jardinier. Depuis quatre ans, il est régulièrement déclaré par ses employeurs. Depuis son arrivée sur le territoire national, il ne se fait pas remarquer étant intégré dans notre société. Il a un travail, une famille. C’est un homme discret, apparemment sans histoire. Mais Omar Raddad est un homme habile et à la personnalité contrastée. Nous l’avons observé de son interpellation à son inculpation. Nous avions face à nous un homme calme, réfléchi, atypique, déconcertant par son impassibilité, psychologiquement solide. Il nous est apparu lors de sa garde à vue, tel que je l’ai déjà précisé, comme un homme rusé, se donnant le temps de la réflexion aux questions embarrassantes qu’il faisait répéter, alors qu’il conversait sans temps mort avec les enquêteurs pendant ses temps de repos. D’autres témoins s’expriment sur sa personnalité. Son épouse le décrit comme un homme calme, sans histoire, bon père de famille et travailleur, un homme de confiance, droit, gentil et sérieux, non violent. Certains le considèrent timide, au regard fuyant, discret, au comportement effacé. Le personnel des jeux du Casino-Croisette le trouve timoré, réservé et parfait pour passer inaperçu. En opposition à ce portrait, Fatima Baghdadi, la prostituée, dépeint un homme très pressant, excité, malin et agressif. Portrait très contrastant avec le profil télévisuel de l’énigmatique Raddad. Je rapproche ses comportements en
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opposition, de la situation que j’ai décrite à la maison d’arrêt de Grasse. Cette explosion de colère, cette expression physique brutale a été suivie spontanément d’un relâchement total. Raddad, après son pic de violence, est redevenu une personne calme et imperturbable. Etonnant n’est-ce pas ? Les examens médico-psychologique et psychiatrique détaillent un homme poli, coopérant durant les investigations, très calme, maîtrisant bien son contrôle émotionnel. Le psychologue écrit : « Omar Raddad demeure analphabète tant en arabe qu’en français. De ses antécédents, ressort un paupérisme culturel avec absence de toute scolarisation. Issu d’un milieu humble de paysans marocains, il a été élevé par sa mère. Son père, à sa naissance, était déjà établi en France. Sur le plan familial, son comportement est stable. Sa conduite est celle d’un homme fruste, doté d’une faible capacité introspective. » C’est le docteur Louis Roure, médecin-chef au centre hospitalier spécialisé Sainte-Marie à Nice et éminent expert près la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a été commis pour l’expertise psychiatrique. Le praticien remarque : « Un sujet parfaitement présent, d’allure jeune, ayant un port altier et fier, ne perdant à aucun moment le fil de l’entretien, faisant preuve d’un sens logique absolument indiscutable. » Lui aussi discerne une parfaite maîtrise du contrôle émotionnel, et considère qu’il est : « Parfaitement conscient, bien orienté dans le temps et l’espace, correctement mnésique et attentif, ne présentant aucun trouble de l’attention. D’autre part, le sujet présente un bon niveau intellectuel et surtout une bonne adaptabilité. Il restera toujours sur une certaine réserve d’allure défensive mais liée surtout à son caractère méfiant. » Qui était Ghislaine Marchal ?
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Ghislaine Marchal est née De Renty, le 18 février 1926 à Versailles. Elle se marie le 2 juillet 1943 à Jacques-Henri Veilleux qui lui donne un fils, Christian, le 18 janvier 1945. Elle divorce en 1948. Ghislaine De Renty épouse en seconde noce, le 25 mai 1965, Jean-Pierre Marchal, lequel décède le 28 octobre 1983. Elle vivait séparée de lui depuis plusieurs années. Aucun enfant n’est issu de cette union. Il est manifeste que Ghislaine Marchal, qui vivait seule à La Chamade, était une personne aisée. Elle l’était indiscutablement, mais n’était pas la riche héritière Marchal. Je consigne dans mon rapport : « Ses amis brossent d’elle un portrait qui semble fidèle et sans complaisance. Elle apparaît ainsi comme ayant eu une forte personnalité, un caractère affirmé. Elle régentait tout, même sa famille. Elle était exigeante et directive avec son personnel auquel elle demandait beaucoup en adoptant un ton autoritaire. Elle ne supportait pas le laxisme. Ghislaine Marchal avait très peu d’amis et beaucoup de relations. Elle est décrite comme courageuse, généreuse, fidèle en amitié et d’une droiture morale parfaite. Elle était intellectuellement curieuse et intelligente. Tous ses amis la dépeignent discrète voire secrète, même à l’égard de sa seule confidente, Gisèle Konrad, qui juge qu’elle pouvait être tout autant adorable que haïssable. Ses amis la voient réagir fortement à une agression verbale ou physique, en allusion à ce qui a pu se passer dans le sous-sol de La Chamade. Quant à ses rapports avec Omar Raddad, les témoignages sont rares. Liliane Receveau considère qu’ils se disputaient souvent, car Omar ne comprenait pas toujours ce qu’elle exigeait de lui. Yannick Renard, un employé occasionnel de la propriété, s’était vu confier par Ghislaine Marchal qu’elle était sans cesse obligée d’être derrière son jardinier sinon il ne faisait rien. »
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C’est dans les moments difficiles ou de détresse que l’on compte ses amis. Ceux de Ghislaine Marchal, nous les avons entendus à Paris. Vous ne les avez jamais vus, sauf si vous avez assisté au procès. Ils n’ont pas fait la Une des médias. Ils ont su rester dignes, attendant le jugement, confiants en la justice. Pourtant, ce sont des personnes outrées des déviances médiatiques que j’ai rencontrées. Je suis persuadé qu’elles le demeurent. Quels étaient ses amis ? Parmi eux, Claude Collin du Bocage qui connaissait la victime depuis une cinquantaine d’années. Profondément choqué par, je cite : « Le côté "fouille-merde" de petits journalistes qui se sont occupés de cette affaire. Maintes allusions m’ont bouleversé. L’appât du scandale, le côté tragique, la milliardaire tuée par un arabe, le scoop, la recherche du sensationnel. » - « Comment se fait-il que régulièrement des journaux à grand tirage diffusent des informations manifestement dans le sens de la déculpabilisation du meurtrier présumé, alors que d’un autre côté les demandes de mise en liberté provisoire sont régulièrement rejetées ; ce qui a tendance à prouver que les charges retenues sont importantes. Je crois que nous vivons là malheureusement une affaire où l’indépendance de la justice risque d’être entravée par la pression des médias » s’insurge Pierre-Alexandre Dumas. - « Je suis profondément choqué, que régulièrement et cela depuis un an une presse nationale se fasse les échos de ce fait divers en multipliant les interprétations des faits survenus » regrette Patrick Wallaert. Tous sont d’accord pour décrire une forte personnalité à la fois physique et morale. Une femme au caractère affirmé, courageuse, généreuse, fidèle en amitié et d’une droiture morale parfaite. Elle était aussi très discrète, à la limite du secret, car elle ne se confiait jamais. C’était aussi une femme intelligente et d’une grande curiosité intellectuelle qui se traduisait
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par une somme de connaissances très variées allant de la politique à l’économie, la littérature. Ses centres d’intérêt se situaient plus à des niveaux culturels personnels qu’aux relations mondaines qu’elle fuyait, préférant la sérénité de sa grande maison. Mais Ghislaine Marchal ne laissait personne indifférent. Comme dit l’un de ses amis : « On l’aime ou on ne l’aime pas ». Pourquoi ? Elle était autoritaire, très directe, directive et avait un sens critique très développé et certainement trop franche dans ses propos. Qualités, défauts, peutêtre les deux. Mais elle était aussi timide, ce qui pouvait expliquer son côté agressif. Cependant, sous cette apparente dureté, elle avait une sensibilité exacerbée qui la rendait parfois adorable parfois haïssable. Sa vie sociale était, somme toute, assez banale. Elle ne fréquentait pas les casinos, les soirées mondaines, les cabarets. Les lumières de la Côte d’Azur ne l’attiraient que de la terrasse de sa belle résidence. Une vie des plus tranquille et paisible dont l’épicentre était cette demeure. Elle en avait d’ailleurs conçu les plans, et l’habitait pratiquement toute l’année. Ghislaine Marchal, la richissime Ghislaine Marchal avait une vie presque ordinaire. Ses courses, par exemple, elle les faisait comme toutes les ménagères, au supermarché où elle se rendait, seule, à bord de sa petite Honda. Sa vie sentimentale est plus difficile à percer. Même à sa seule confidente, elle ne confiait pas ses plus secrètes pensées. Deux ans avant le drame, elle lui avait laissé entendre qu’elle arrivait à l’âge de la sérénité et que les hommes ne l’intéressaient plus. Cette relation avec un italien, en 1989, c’est Gisèle Konrad qui nous en a fait part, mais connaissant parfaitement son amie, elle n’y a jamais cru. Son fils, ses amis, personne ne lui connaissait une liaison amoureuse. Aucun détail de l’enquête ne le laissait supposer. Ghislaine Marchal adorait son fils Christian, sa petitefille Alexandra et sa mère Mamaine. Comment Christian
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Veilleux a-t-il fait pour cacher à cette vénérable dame l’horrible supplice subi ? Cette arrière-grand-mère, que je ne connais pas et que j’ai souvent imaginée, est décédée de chagrin, morte d’avoir perdu sa fille, mais avant tout prématurément de par les excès médiatiques que sa famille ne pouvait lui soustraire. Que de torts et de souffrances ont été occasionnés dans cette affaire ! Qui, mieux que ses amis, pouvaient se prononcer sur sa réaction face à l’agression ? Sur la possibilité qu’elle ait pu écrire sous la contrainte ? Qui, mieux que les siens pouvaient l’imaginer, à l’agonie, dans l’obscurité de sa prison ? Leur avis est unanime : - « Je la vois très bien dire fermement à son agresseur de ne pas insister dans sa démarche. Elle ne supportait pas un manque de respect, et je l’imagine très bien réagir fortement à une agression verbale et encore plus physique. Ses réactions ont dû être vives et se traduire par une irritation qui a pu lui faire tenir des propos plus que directifs, voire des gestes d’énervement incontrôlés. La connaissant, même sous la menace, Ghislaine n’aurait pas écrit quelque chose contre son gré. Je ne la vois pas, même en état de faiblesse physiologique extrême, contrainte d’écrire un nom qui ne serait pas celui de son agresseur. En clair, de mentir. Je n’ai pas été surpris, vu sa force de caractère, qu’elle ait, agonisante, trouvé le moyen dramatique d’écrire avec son propre sang le nom de son meurtrier. Je ne pense pas qu’elle ait pu l’écrire sous la contrainte, car c’était une femme très courageuse qui n’aurait cédé en aucun cas à une pression physique. Cela m’étonnerait beaucoup qu’elle ait écrit Omar et que ce ne soit pas lui, compte tenu de son caractère et de son tempérament tels que je les ai décrits dans ma déposition. Ghislaine était une lutteuse. Elle n’abandonnait jamais, et je la vois très bien lutter jusqu’au bout, même désespérément comme cela devait être son cas. Si elle avait été sous la menace, elle l’aurait fait sa-
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voir autrement que par une faute d’orthographe courante. Elle aurait plutôt eu tendance à déformer son écriture ou introduire un indice plus troublant. » Tous ces témoignages ont été versés au dossier. Ils constituent un ensemble cohérent qui a permis au magistrat instructeur et aux hauts magistrats qui ont eu à se prononcer sur ce dossier, de se forger une intime conviction sur la vraie personnalité de Ghislaine Marchal. Une enquête bâclée, mal ficelée, truquée, tronquée Dix mois d’investigations pour parachever ce dossier. Dix mois d’une activité méticuleuse, scrupuleuse et minutieuse. A charge et à décharge. Sous l’autorité du juge Renard. Dix mois d’analyse, d’argumentation, de travail "au grand jour". Rien n’a été apocryphe dans nos actes, nous avons respecté en Raddad tant l’individu que son système de défense, nous n’avons jamais porté atteinte à sa crédibilité. La rigueur et l’honnêteté intellectuelles ont été notre guide, mais il est certain que notre sagacité, notre perspicacité, notre engagement ont dérangé quelques "maîtres du savoir". Peu importe, nous avons conscience que nous avons œuvré pour le bien de la justice. Nous n’avons été l’otage de quiconque, car à la mystification et à la haïssable supercherie du clientélisme et de la tromperie, nous préférons la droiture, la noblesse de la recherche de la vérité. La dernière pièce du volumineux dossier que je remets au juge d’instruction, le 19 avril 1992, est constituée de 201 pages d’articles de presse parus entre le 26 juin 1991 et le 10 mars 1992. Dès que les médias se sont intéressés à cette affaire, les noms des avocats de Raddad sont apparus. Mes Baudoux et Girard s’épanchaient pendant qu’inlassablement, nous agissions. Il est vrai que leur marge de manœuvre était étroite pour établir les bases de leur argumentation. Ils ont,
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très vite et remarquablement, initié un climat médiatique favorable à leur thèse. Maîtrisant la presse, ils instillaient le doute, laissant entrevoir l’erreur judiciaire. Ils ont facilement gagné la bataille de l’information, mais sans gloire, n’étant pas contredits par les institutions soumises aux obligations de réserve et au respect du secret de l’instruction. L’opinion publique toujours prête à s’émouvoir a pris, sans savoir, fait et cause pour Omar Raddad. Onze ans après, vous n’avez pas changé d’avis. Pourtant, vous avez été manipulés, et encore aujourd’hui tout est fait pour que vous ne changiez pas d’opinion. Lorsqu’on connaît le dossier, les flagrants délits de contrevérités ne manquent pas, mais ils font partie de la règle du jeu, et je l’admets, d’une stratégie de défense que je conçois. Telle est l’ambiance dans laquelle nous avons poursuivi les investigations, inlassablement, inexorablement et sans faillir. Mais vous ne retiendrez qu’une chose : cette enquête a été bâclée, mal ficelée, truquée et tronquée. En quelque sorte, nous, gendarmes et magistrats, avions trouvé le coupable idéal et l’avons accablé ! Pensez-vous que nous ayons vocation à créer un suspect, que cela soit dans notre code de déontologie ? Cette affaire était trop alléchante et elle a attiré toutes sortes de personnages qui apparaissent couramment lorsqu’une affaire judiciaire est médiatisée. Deux de ces individus ont effectué, pour le compte de Mes Baudoux et Vergès, des enquêtes parallèles qui ajouteront à la confusion. Journalistes se laissant abuser, opinion publique manipulée et bernée par ces privés, sur lesquels je reviendrai plus longuement. Depuis le début de cette affaire, je me suis souvent posé cette question : l’opinion publique, dans son ensemble, fait-elle plus confiance à une enquête contradictoire et normative des gendarmes et de la justice qu’aux fadaises serviles et vénales d’enquêteurs salariés ? Aujourd’hui encore, je ne suis pas cer-
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tain de la réponse. Si vous me posez la question de savoir si j’ai l’intime conviction qu’Omar Raddad est coupable, je vous répondrai que lorsque j’ai remis le dossier au juge d’instruction, j’étais intimement convaincu que Raddad était le meurtrier de Ghislaine Marchal. Avec des années de recul, je le suis encore autant, comme tous ceux qui connaissent le dossier. Une de mes responsabilités de directeur d’enquête consistait, sous la direction du magistrat instructeur et dans le cadre strict du Code de procédure pénale à rechercher, approcher, découvrir La vérité. Les actes de police judiciaire que j’ai dirigés ont permis d’élaborer une thèse qui a été soutenue par les magistrats. Il n’y a, dans cette démarche intellectuelle, aucune interrogation stratégique. Ce qui n’est pas le cas de la défense où des divergences sur les systèmes de défense ont rapidement opposé les auxiliaires de justice. Me Vergès le reconnaîtra d’ailleurs, et écrira qu’un conflit s’était installé rapidement entre Me Baudoux et lui-même. Baudoux, dit-il, convaincu par les expertises en écriture que les messages accusateurs étaient bien de la main de Mme Marchal, mais écrits sous la torture, avec en prime une faute d’orthographe volontaire. Alors que lui-même, qui s’autoproclame un homme simple, a pensé que l’écriture n’était pas de Ghislaine Marchal. Ces deux systèmes de défense, qui ne tiennent pas compte de la matérialité du dossier, ne pourront emporter la conviction de quelque jury que ce soit. Pensez-vous que la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ait rejeté à sept reprises les demandes de mise en liberté présentées par la défense sans que des charges suffisantes et lourdes soient retenues contre Raddad ? Pourtant, celui-ci venait d’accomplir une grève de la faim qui avait contraint l’autorité judiciaire à le faire transférer dans une unité médicalisée à la centrale de Fresnes.
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La chambre d’accusation ne pouvait que rejeter ces demandes, qui n’étaient motivées que par des observations n’ayant qu’un très lointain rapport avec la réalité du dossier. Devant l’exhaustivité des investigations, nous nous sommes maintes fois demandé avec le juge Renard ce que la défense pouvait imaginer pour argumenter. Ne lui restait-il pas qu’à user d’artifices spécieux et sans intérêt ? Je viens de vous résumer une grande partie du dossier, tout au moins quelques-uns de ses éléments essentiels, qui ont permis à la chambre d’accusation de prononcer l’arrêt de renvoi d’Omar Raddad devant la cour d’assises des AlpesMaritimes. Cette enquête que l’on vous a présentée à satiété comme bâclée, encore une fois je la revendique et je le répète, je suis fier de l’avoir dirigée assisté de ce brillant enquêteur qu’est Patrice Gervais. Tous ceux qui ont travaillé dans des conditions très difficiles à la manifestation de la vérité sont des gendarmes remarquables qui ont droit au plus profond respect. Pourtant, vous l’avez souvent lu, vu et entendu, nous sommes des incapables, des menteurs, des tricheurs. Et, plus grave encore, nous avons fabriqué un coupable. Des inepties caricaturales, des arguments fallacieux, des fariboles indignes, des agissements de grippeminaud, des incohérences indéfendables, des propos insidieux et que sais-je encore pour instaurer une intrigue. Ce sont ces babillages pathétiques, pléthoriques mais navrants qui vont vous déconcerter et qui vous troublent encore aujourd’hui. Vous n’avez pas eu le choix d’une information impartiale, c’est-à-dire objective et neutre. Vous n’avez lu que des aperçus souvent mensongers et truqués, trompeurs et partisans de ce qui s’est réellement produit. C’est pourquoi vous doutez et douterez peut-être encore de la culpabilité d’Omar Raddad. La presse, qui s’est engouffrée dans le sillage des avocats de la défense, n’a pas joué son rôle d’information objective. Un adage d’un ancien quotidien provençal me vient à
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l’esprit et mériterait d’être médité : « Le commentaire est libre mais les faits sont sacrés ». Les faits que je viens d’exposer sont extraits de pièces cotées au dossier. Ils sont rigoureusement authentiques. Je me suis servi de mon rapport de synthèse pour vous les révéler. Cette pièce très officielle ne sera jamais démentie par les juridictions que ce soit la chambre d’accusation et plus tard la Cour de cassation lorsqu’elle sera saisie d’un pourvoi en cassation. Les arguties de la défense Du mois d’août 1991 au 14 avril 1993, date à laquelle la chambre d’accusation rendait son arrêt de renvoi devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes, la défense de Raddad multipliait les demandes de nullité de certaines pièces de procédure et de mise en liberté de son client. La chambre d’accusation les rejetait toutes, les considérant non fondées. Par quels moyens la défense a-t-elle motivé ses mémoires ? Sur quels éléments fondamentaux s’est-elle appuyée ? Pourquoi ces demandes seront-elles rejetées ? Les défenseurs ont très rapidement déposé une demande d’annulation de l’audition de leur client et de tous les actes subséquents au motif que celui-ci avait été entendu sans l’assistance d’un interprète. Mais par quel tour de magie les gendarmes et le juge d’instruction ont-ils pu procéder à la transcription des paroles de Raddad ? Comment avons-nous fait pour dactylographier 12 pages d’audition sans comprendre Raddad, et sans que celui-ci nous comprenne ? Pensez-vous que dans une affaire criminelle, l’officier de police judiciaire prenne le risque, insensé, de se dispenser des services d’un interprète si un doute subsiste sur la capacité de compréhension et d’expression de la personne qu’il a en garde à vue ? Nous requérons des interprètes pour des affaires mineures, et dans ce dossier criminel nous aurions négligé de
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le faire ? Sur cette nullité invoquée, la chambre d’accusation tenant compte des éléments versés au dossier rejetait la demande de la défense aux motifs que : - « Lors de son audition par les gendarmes de la brigade de recherches de Cannes, Omar Raddad s’est longuement expliqué sur sa situation familiale ou professionnelle, sur son emploi du temps, ses occupations, en niant être l’auteur du crime. A l’issue de son audition de 12 pages, il lui a été donné lecture de ses déclarations, après qu’il eût précisé qu’il ne savait pas lire ni écrire, et il a signé les différentes pages du procès-verbal. Etant en France depuis le mois d’août 1985, Omar Raddad n’a nullement fait état de difficultés de compréhension de la langue française et n’a pas réclamé d’interprète. Il en a été de même devant le magistrat instructeur où il a signé le procès-verbal, sans réclamer d’interprète et en déclarant qu’il réfléchirait pour le choix d’un avocat. Lors du débat contradictoire, il a renoncé à tout délai pour préparer sa défense ainsi qu’à l’assistance d’un conseil. Des éléments qui précèdent, et notamment des déclarations circonstanciées, précises et détaillées d’Omar Raddad lors de l’enquête en flagrant délit et devant le juge d’instruction, il en résulte que l’intéressé s’est exprimé clairement, a répondu aux questions qui lui étaient posées par les enquêteurs sans réclamer un quelconque interprète. Son épouse a confirmé qu’il comprenait très bien ce qu’on lui dit en français, « qu’il a des fois du mal à répondre, mais qu’il se débrouille bien et qu’à la maison ils parlaient autant en français qu’en arabe » (D167). Son désir, exprimé ultérieurement, d’avoir un interprète n’implique pas une ignorance totale de la langue française et rien ne permet de dire qu’il n’a pu comprendre l’étendue de ses droits tels qu’ils ont été exposés par le juge d’instruction. En l’absence de violation des droits de la défense, il n’y a donc pas lieu d’annuler les actes de procédure visés par la
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défense dans leurs mémoires. » Ce qui précède, ce n’est pas un gendarme qui l’exprime. Ce sont des magistrats de la chambre d’accusation qui l’ont écrit dans leur arrêt. On peut souligner que son épouse n’est pas la seule à déclarer que son mari parle et comprend le français. Francine Pascal, Liliane Receveau, ses belles-sœurs, Nicole Jacquot et bien d’autres témoins que nous avons entendus ainsi que plusieurs experts (cf. rapports d’expertises psychiatrique et médico-psychologique) ne laissent pas la place au doute. Les chimères de la défense ont trompé l’opinion publique, mais n’ont pas abusé les magistrats qui se sont prononcés sereinement dans l’esprit de justice. Puisque la défense a porté un jugement sur la qualité et le sérieux de notre travail, qu’il me soit permis de commenter ses observations. Tout d’abord, dans son mémoire, elle s’exprime sur le message laissé sur les deux portes. Il lui semble désormais établi, écrit-elle : « Sous les réserves d’usage en matière d’expertises en écriture, que les inscriptions découvertes par les enquêteurs sont de la main de la victime. » Et, il est argumenté que l’instruction a permis de révéler un certain nombre d’éléments qui atténuent jusqu'à l’annihiler la certitude que les inscriptions sont effectivement accusatrices. Si ce message n’est pas accusateur, pourquoi Ghislaine Marchal l’aura-t-elle écrit à deux reprises ? Les avocats s’interrogent ensuite sur le caractère libre de l’expression écrite de la victime, lorsqu’elle désigne Omar comme étant son meurtrier. Les expertises étant formelles, il n’existe aucune possibilité que Ghislaine Marchal ait pu écrire le nom de son meurtrier sous la contrainte et ses blessures ne sont pas la conséquence de tortures. Il ne peut être sérieusement prétendu que ces inscriptions ont été faites avant que le meurtrier ne quitte les lieux. Pourquoi la défense s’obstine-t-elle à accréditer la thèse d’un
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meurtrier auteur d’une machination machiavélique contre son client ! Elle sait très bien que cette thèse est vouée à l’échec, car elle est en opposition absolue avec les constatations matérielles, les expertises et les témoignages. Cette théorie, la défense peut la soutenir devant un auditoire acquis à sa cause et elle ne s’en prive pas, mais je doute qu’elle puisse abuser un jury d’assises. Elle n’est pas plus crédible lorsqu’elle écrit dans ses mémoires, des observations qui sont en totale contradiction avec les constatations établies par le juge Renard le 18 février 1992. Se souviennent-ils de leur factice et vaine démonstration ce jour-là pour tenter d’accréditer leur thèse. Non ? Moi, oui. La défense va aussi disserter sur les vérifications de l’alibi de son client. Cette démarche n’est pas pertinente, car nous avions recueilli suffisamment d’éléments irréfragables qui l’ont infirmé. L’audace est remarquable dans leur expression écrite, car malgré les actes cotés au dossier ils relèvent : « Aucun témoignage ne vient infirmer l’emploi du temps donné par l’inculpé. Et, le temps dont aurait disposé Omar Raddad pour perpétrer le meurtre dont il est accusé se trouve réduit à une durée qui en exclut en fait la possibilité de réalisation par l’inculpé. » Ce raisonnement me laisse pantois puisque les investigations ont démontré que Raddad a disposé de 35 à 40 minutes pour accomplir son meurtre. Ils ne devaient pas avoir beaucoup d’arguments pour clamer haut et fort que le meurtre de Ghislaine Marchal a été commis le 24 au lieu du 23 juin, profitant d’une regrettable faute de transcription. Cela ne mériterait même pas d’être évoqué. Mais, si je peux me permettre une suggestion, la prochaine fois relisez, vous aussi, vos propres écrits. Vous y trouverez des fautes matérielles élémentaires, telle cette erreur de date qui figure à la page cinq du mémoire de Me Baudoux coté C24. Et, j’élude les fautes d’orthographe. Personne
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n’est parfait, même la plus compétente des secrétaires. La défense est poignante dans sa démarche quand elle trouve argument pour rédiger : « Raddad, le dimanche 23 juin 1991, avait un alibi entre 12 h et 13 h. » Mais alors, pourquoi profiter d’une erreur matérielle, que l’on peut qualifier de bavure dactylographique, pour se lancer à corps perdu dans la thèse du meurtre du lundi 24 juin ? J’imagine qu’il s’agit là d’une manœuvre désespérée mais malhabile, propre à tirer tous les arguments vers le bas. Franchement, je pensais qu’elle aurait pu profiter de ce que cette enquête était bâclée et mal ficelée pour mieux argumenter. Elle devait être désemparée pour écrire : « Qu’aucun prélèvement opéré dans le local où a été découvert le corps de la victime ne révèle la présence d’Omar Raddad dans ledit local. » Ou alors, elle ne connaissait pas les résultats du laboratoire faisant état de ce que des particules de poussière de la cave avaient été retrouvées sur les semelles des chaussures et dans la texture du pantalon de son client. Ces particules seraient-elles gênantes ? Par contre, j’adhère à leur réflexion sur l’absence d’empreintes digitales de Raddad sur le sac à main. C’est effectivement un élément négatif. Mais il n’est pas de nature à exclure sa culpabilité, alors qu’aucune empreinte même appartenant à la victime n’aura été décelée. Comme l’observera plus tard l’avocat de la partie civile : « L’absence d’un relevé d’empreinte utilisable techniquement n’a jamais constitué une preuve négative du contact d’un individu avec un objet. » Elle tire argument de la conclusion d’expertise indiquant qu’aucune trace de sang n’aura été décelée sur ses vêtements. La réflexion est logique, mais ne tient aucun compte des constatations médicales qui ont défini qu’il n’y avait pas eu projection de sang mais extériorisation des blessures de la victime. La défense prétend mais ne prouve jamais. Cependant, ce serait sortir de son rôle qui n’est pas forcément celui
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de la recherche de la vérité. Comment peuvent-ils demeurer crédibles quand ils écrivent que nous n’avons pas retrouvé dans le sous-sol des débris de végétaux et des fragments de terre ? Ont-ils eu la curiosité d’examiner de près les semelles des chaussures de leur client ? Non ? C’est bien regrettable. La curiosité est parfois une qualité. Ils n’auraient pas posé la question à laquelle j’ai répondu par ailleurs. Ils sont pathétiques, lorsqu'ils écrivent dans leur mémoire : « Les conseils de l’inculpé ont appris par la presse que des témoins, à la connaissance des avocats, pas encore entendus à ce jour, sont susceptibles de préciser que le 23 juin 1991 entre 11 h 45 et 12 h 30, auraient entretenu une conversation à proximité de l’entrée de la propriété de Mme Marchal et n’auraient constaté l’entrée ni la sortie du domicile de Mme Marchal d’un quelconque individu. » Est-il encore nécessaire de rappeler les écoutes téléphoniques et les nombreux appels de Christian Vellard au cabinet de Me Girard ? Leur attendu ne me semble pas raisonnable, mais il est probable que les avocats ignoraient que leurs témoins étaient placés sous écoute. Ils sont un précieux auxiliaire des gendarmes lorsqu’ils estiment : « Pouvoir raisonnablement penser que si Omar Raddad était effectivement l’auteur des faits incriminés, il aurait eu largement le temps de regagner son pays d’origine et se soustraire ainsi à l’action de la justice. » C’est la raison pour laquelle nous l’avons interpellé rapidement. Mais ma pensée est-elle discursive en soutenant qu’il n’avait aucune raison de fuir, ne pouvant imaginer que sa victime allait le dénoncer ! Je souris lorsqu’ils reprochent à mes techniciens et aux médecins légistes de ne pas avoir mesuré la largeur des doigts de la victime. Est-il possible qu’ils n’aient pas prêté attention aux rapports d’expertise en écriture qui précisaient que le
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scripteur, pour certaines lettres, s’était servi de deux doigts ? Les ont-ils au moins considéré toutes ces lettres de sang ? S’ils avaient fait un effort intellectuel objectif pour observer les caractères de l’écriture, ils auraient constaté qu’aucun n’a la même largeur. Ils auraient pu aussi réaliser, comme nous l’avons fait, une page d’écriture avec de la peinture et ils auraient découvert que leur question était non pertinente. Mais surtout, ils auraient tout comme nous noté l’absence de toute empreinte digitale, les lettres étant lissées. Il était dans l’air du temps, et il l’est toujours, de railler le travail de recherche d’empreintes des gendarmes, de bon ton d’écrire que nous n’en avions pas relevées. Cela ne veut pas dire qu’elles n’ont pas été recherchées, mais tout simplement qu’il n’y avait aucune empreinte exploitable. Ils pensaient tirer argument de l’absence prétendue de traces de sang dans la cave. Dans la logique de leur thèse rocambolesque, ils oublient l’objectivité des constatations et les dossiers photographiques. Pensaient-ils sérieusement que leur observation médicale sur l’absence de sang dans la cavité abdominale soit un élément crédible ? Les légistes ont répondu scientifiquement à leur question. Pourquoi prétendent-ils que la blessure au foie a été immédiatement mortelle ? Comment peuvent-ils écrire : « L’hémorragie du foie qui s’est extériorisée accrédite la thèse selon laquelle Mme Marchal, immédiatement après avoir contracté les blessures au foie, s’est effondrée sur place, à plat ventre et s’est vidée de son sang. » Et, c’est sur cet argument désespéré qu’ils se fondent pour dire : « Mme Marchal n’a donc pas pu écrire la mention claire accusant Omar Raddad après avoir contracté la blessure au foie. » Ils n’ont pas tenu compte des rapports médicaux qui précisaient : « Qu’aucun des coups portés à Mme Marchal n’est immédiatement mortel ; par contre la somme de tous les coups et blessures l’est après une agonie certaine. »
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En examinant davantage les photographies que nous avions prises dans la cave, ils n’auraient pas osé avancer des thèses dont aucune n’est défendable. Tout ce qu’ils affirment n’est pas sérieux. Ils pensent impossible que Ghislaine Marchal ait pu faire l’effort du transport du lit pliant, en l’état de l’absence d’expulsion des intestins de la plaie abdominale de 14 cm de long. Ont-ils ouvert les dossiers photographiques que nous avions annexés ? Oui ? Ils ont alors observé cette plaie d’éventration. Et que voyons-nous, si ce ne sont les anses intestinales souillées de poussière et de ciment. Faut-il préciser le numéro des photographies, la page du rapport médicolégal ? Cependant, les avocats se sont bien gardés de relater que ce lit était muni de deux roulettes facilitant ainsi son transport (cf. notamment, clichés 7, 8 et 14 de la procédure de transport sur les lieux du 18 février 1992 - procès-verbal 491/92.) ou alors ils n’ont pas observé ce détail particulier et d’importance. Il était de bon aloi, comme il l’est toujours, de pérorer sur la faute d’orthographe. Mais il est plus délicat dans le débat contradictoire d’aller à l’encontre des preuves irréfutables que la victime faisait des fautes de grammaire et d’orthographe. Cette faute d’infinitif n’a d’ailleurs jamais été paradoxale dans ce contexte. Ils ont eu, je le comprends, d’énormes difficultés pour assurer la défense de leur client. Il est vrai que gendarmes et magistrats leur avions facilité les choses puisque selon eux notre enquête était bâclée et mal ficelée. Il est incontestable avant tout que les charges et indices qui pesaient sur leur client étaient lourds, graves et concordants. Il est démontré aussi que l’instruction a été efficiente et menée sans retard inutile par un juge d’instruction particulièrement compétent et serein, qui ne s’est pas laissé berner par des arguties. Ce
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n’est pas dans ce dossier que les institutions peuvent être blâmées d’un quelconque dysfonctionnement. Si l’on compulse les arrêts de confirmation des ordonnances du juge Renard rejetant les nombreuses demandes de mise en liberté de la défense, l’on remarque que les magistrats de la chambre d’accusation ont, à chaque fois, sereinement, dans l’esprit de justice et contradictoirement, rejeté toutes leurs observations. Quel camouflet quand la chambre, dans ses attendus, précise que la mise en liberté est sollicitée sans motif particulier, que les présomptions qui pèsent sur Raddad sont lourdes au vu des expertises et des constatations matérielles. Pour une enquête bâclée et mal ficelée, on aurait pu s’attendre, dans le contexte médiatique savamment entretenu, que Raddad allait être mis en liberté et placé sous contrôle judiciaire. Il n’en a rien été. Peut-être l’enquête était-elle trop bien ficelée ! D’ailleurs, aucun acte d’information complémentaire ne sera prescrit par la chambre d’accusation ; l’information au premier degré étant complète et régulière. Si tel n’avait pas été le cas, cette juridiction n’aurait pas manqué d’ordonner des mesures d’investigations supplémentaires.
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L’arrêt de renvoi devant la cour d’assises La chambre d’accusation rendait le 14 avril 1993 un arrêt de renvoi devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes à Nice. Dans son exposé, l’arrêt reprenait le rapport de synthèse que j’avais élaboré et le réquisitoire définitif du procureur de la République de Grasse. Il était ainsi motivé sur le fond : « Le dossier de la procédure a établi à l’encontre d’Omar Raddad de lourdes présomptions d’homicide volontaire sur la personne de Mme Marchal. Ces présomptions ressortent principalement de sa dénonciation écrite par la victime, à l’aide de son sang, de son absence d’alibi et des besoins financiers de l’intéressé. Deux expertises ont confirmé que l’auteur des deux inscriptions était bien Mme Marchal dont les capacités physiques étaient suffisantes pour identifier son agresseur et lui permettre de se barricader dans le sous-sol. Les dépositions de nombreux témoins contredisent l’emploi du temps tel qu’il est développé par Raddad. L’absence d’empreintes digitales sur le sac à main, élément négatif, n’est pas de nature à exclure toute participation, alors qu’aucune autre empreinte même appartenant à la victime n’a été décelée. Les affirmations médico-légales de la défense ne correspondent pas avec les précisions données par les experts qui ont estimé que l’agonie de la victime a duré de 15 à 20 minutes, qu’il n’y a
pas eu de projections de sang importantes ni d’hémorragie interne importante au niveau du crâne, du thorax et de l’abdomen et qu’il n’y a aucun doute du jour du décès, l’erreur sur le jour étant une erreur matérielle de dactylographie. Les difficultés financières, les avances sollicitées à son employeur et la fréquentation des prostituées résultent des propres déclarations d’Omar Raddad. La procédure est complète, aucune nouvelle mesure d’investigation n’est nécessaire, elle est également régulière et il en résulte charges suffisantes contre Omar Raddad d’avoir à Mougins, le 23 juin 1991, en tout cas dans le département des Alpes-Maritimes et depuis moins de dix ans volontairement donné la mort à Ghislaine de Renty veuve Marchal. Crime prévu et puni par les articles 295 et 304 du Code pénal. » Me Vergès dans l’arène Son système de défense, Raddad le doit en grande partie à Mes Baudoux et Girard auxquels s’était associé, d’une manière éphémère, Me Guidicelli. Cet avocat se retirait rapidement du dossier, car il était semble-t-il en totale opposition avec ses deux confrères. Si j’en crois un article de l’hebdomadaire Le Point sur la thèse rocambolesque de la mise en scène machiavélique, il estimait, je cite : - « diabolique cette défense qui consistait à avaler non plus une couleuvre mais un boa et un arbre. » Quelques jours seulement avant l’ouverture du procès, après une rude rivalité d’influence, un autre avocat allait tous les évincer et entrer dans l’arène. Me Jacques Vergès, le grand Jacques Vergés allait, avec son assistant Me Pétillault, assurer dorénavant la défense de Raddad. Les mémoires de Me Vergés méritent-ils d’être évoqués ? Honnêtement, je ne le pense pas. Néanmoins, pour éviter tout ostracisme, il me
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semble convenable d’apprécier la pertinence de son argumentation à sa juste valeur. Ce brillant avocat fait valoir que des inexactitudes et des incertitudes règnent dans le dossier. Lesquelles ? Mystère ! Leurs teneurs ne sont pas précisées. N’aurait-il analysé les circonstances de cette affaire qu’à la lecture de la presse ? Qu’il est inadmissible que les premiers interrogatoires aient eu lieu hors la présence d’un interprète. Nous savons que cette contrevérité a déjà été rejetée par la chambre d’accusation dont l’arrêt fait autorité. Que les inscriptions en lettres de sang ne présentent pas le caractère probant qu’on veut bien leur donner. C’est une réflexion originale. Nous observerons lors du procès et après, quelle vertu il leur accorde. Que les expertises graphologiques révèlent parfois des erreurs ou des conclusions contradictoires. Argument en l’espèce contredit par les deux expertises en écriture, qui ne doivent rien à la graphologie. Qu’il est matériellement impossible que le crime ait pu être commis en 15 ou 20 minutes. Ce raisonnement est formellement contredit par les investigations. Que rien n’a été volé dans la maison. Cette argumentation est sans valeur, car elle ne tient pas compte du dossier. Que l’on n’a pas retrouvé de sédiments de poussière dans la maison. Si nous les avions recherchés, nous en aurions trouvé. A qui les aurait-on imputés ? A Raddad, à Ghislaine Marchal, aux gendarmes, ceux qui ont pénétré dans la cave et sont ensuite entrés dans l’habitation ou peut-être au substitut Montfort ! Que les sédiments de poussière sur les vêtements de Raddad se retrouvent dans les caves des maisons avoisinantes. Quelle est la pièce cotée au dossier qui fait référence à une comparaison avec d’autres sédiments ? Il n’en existe pas. Aucun autre prélèvement n’a été prescrit, à juste raison, dans
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un autre sous-sol. Décidément, ces sédiments dérangent vu qu’ils proviennent exclusivement de la cave de La Chamade ! Qu’il n’a été retenu qu’un seul témoignage de prostituée. Très ennuyeux ce témoignage n’est-ce pas ? Est-ce la vraie personnalité de Raddad, décrite par la péripatéticienne, qui dérange ? Le fin du fin des attendus du brillantissime avocat est le suivant : « Raddad n’a fréquenté que quelques machines à sous. » Le raisonnement avancé ne peut être dû qu’à une lecture en diagonale de l’imposant dossier. 23 juin 1991 - 14 avril 1993 deux dates significatives d’une enquête menée sans retard inutile et sans nullité de procédure. En quelque sorte, une enquête bâclée et mal ficelée. Ce sont les termes sans cesse rabâchés dans les colonnes de vos quotidiens, hebdomadaires et sur l’écran de votre téléviseur. Ils n’ont en rien entaché notre sérénité et notre volonté d’œuvrer pour que justice soit rendue. La presse ne nous a pas ménagés. Elle a voulu faire de ce meurtre un mystère, une énigme. Elle a remarquablement réussi. Depuis le 26 juin 1991, j’ai compilé les articles évoquant cette affaire. Je suis encore aujourd’hui sidéré par les argumentations partiales et sans fondement, reprises à l’excès. Permettez-moi de citer la conclusion d’un article écrit par un haut magistrat dans la vie judiciaire de février 1995 ; arguments que certains journalistes devraient méditer : - « Un Etat de droit, une justice égale pour tous, rendue dans la sérénité sur des faits et non sous l’empire d’idéologies, de croyances ou de vindictes, des jurés décidant en leur âme et conscience..., tous ces principes introduits dans notre Droit pénal, il y a deux siècles, furent des progrès de l’humanité. Ils sont trop précieux pour qu’on ne crie pas casse-cou devant la médiatisation d’élucubrations intellocrates décrétées vérités par des directeurs de conscience qui
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ne sont que des propagandistes d’une idéologie. Trop de journalistes d’hier ont combattu contre l’obscurantisme et les terrorismes intellectuels ou moraux, trop ont souffert dans leur liberté comme dans leurs biens et parfois dans leur chair pour qu’aujourd’hui, leurs successeurs mettent en péril une justice pénale qui fut une conquête de la démocratie et qui demeure l’un de ses piliers. » Vous avez suivi la mystérieuse et énigmatique affaire Marchal, vous avez été attirés par les gros titres pompeux, votre esprit gravé de l’insidieux doute. Vous avez présents à l’esprit les rebondissements romanesques et autres péroraisons pleines de gravité et de certitude des avocats de la défense. Vous avez tout lu, tout entendu, sauf La vérité. Mais, et je le comprends, vous doutez, vous pensez qu’il n’a pas la tête d’un assassin, qu’il ne peut pas être coupable de ce meurtre horrible et que la cour d’assises va vous rasséréner et apaiser vos consciences, car comment Raddad peut-il être condamné à partir d’une enquête bâclée.
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Le procès Le lundi 24 janvier 1994, le procès tant attendu s’ouvre devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes à Nice. La presse parle déjà d’un terrible quitte ou double. C’est soit le crime d’Omar soit celui d’un machiavel ; soit la thèse officielle de l’information judiciaire soit celle défendue par la défense. Cependant, avant le procès, on vous parle encore et toujours de mystère, plus précisément des 13 mystères de La Chamade, d’un dossier pas très bien ficelé. L’opinion publique n’est guère partagée. Comment pourrait-elle l’être, puisque depuis deux ans et demi la défense a occupé seule le terrain médiatique et a largement contribué à façonner l’image d’un accusé, innocent du meurtre pour lequel il va être jugé. Elle a forcément propension à le penser, car le matraquage démesuré sur une enquête et une instruction prétendues bâclées a gravé les stigmates du doute dans les esprits les plus cartésiens. Et les jurés, lorsqu’ils ont pris place aux côtés du président et des deux assesseurs, quel était leur état d’esprit ? Eux aussi ont lu la presse. Eux aussi doivent douter, être troublés. Comment peut-il en être autrement ? C’est le président Armand Djian qui va présider les débats assisté de deux assesseurs, M. Panzani, vice-président au tribunal de grande instance de Nice et M. Brossard, juge au
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tribunal de grande instance de Grasse. Mme Lanfranchi, juge au tribunal de grande instance de Nice siégera aux audiences en qualité d’assesseur supplémentaire. Ce haut magistrat, alors conseiller, promu par la suite président de chambre à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, est un homme d’expérience qui a déjà dirigé pas moins de 250 procès d’assises (il en présidera au total environ 400, avant de prendre sa retraite à la fin de l’année 1996). Un homme respectable et respecté, d’une droiture morale absolue et à la réputation de rigueur intellectuelle hors norme. J’ai suivi plusieurs procès dirigés par le président Djian. A chaque occasion, j’ai admiré sa connaissance parfaite et rigoureuse de l’affaire qui était évoquée, son autorité naturelle à s’imposer. Celui qui va diriger avec rigueur, méthode et professionnalisme ce procès est un magistrat qui ne laisse rien au hasard. A n’en pas douter, il connaît tout le dossier dans le moindre détail. Il sait comment il va conduire les débats. Ses sous-dossiers sont prêts. Les questions aussi. L’accusation est soutenue par M. Bernard Farret, procureur de la République adjoint près le tribunal de grande instance de Grasse. La partie civile est représentée par Me Henri Leclerc, vice-président de la ligue des droits de l’homme, lequel se constitue partie civile à l’audience au nom de Mme Germaine Guyot-Syonnest veuve de Robert De Renty et mère de Ghislaine Marchal. M. Christian Veilleux est accompagné de Mme Du Granrut, sœur de la victime et de son mari le bâtonnier Bernard Du Granrut. La défense est assurée par Mes Vergès et Pétillault. Avec l’accord des parties et avant l’ouverture des débats, le président autorise la presse à filmer. L’accusé est en pleine forme, la mine épanouie, serein. Un policier du service d’ordre me rapporte qu’Omar Raddad lui a confié que dans quelques jours, d’après son avocat, il serait libre. Il porte beau dans son costume gris clair sur une chemise blanche, sans
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cravate. Il est visiblement confiant. De son emplacement il s’entretient longuement avec ses défenseurs. La cour et les jurés n’ont certainement pas manqué de noter qu’il n’a nul besoin d’un tiers pour communiquer avec ses conseils. Peutêtre connaissent-ils la langue arabe ! Ce détail, nous l’avons vu, a son importance puisque la nullité de la procédure avait été demandée au motif qu’il avait été entendu sans l’assistance d’un interprète. On n'est jamais assez discret. La salle d’assises et la mezzanine sont rapidement bondées. Une grande partie est réservée aux journalistes, dont le "gotha" des affaires réservées des grands médias de la presse écrite, parlée et audiovisuelle. La file dans la salle des pas perdus est impressionnante. Les gens piaffent d’impatience. Bien peu pourront suivre les débats et nombreux seront déçus d’avoir été privés de ce "spectacle". Christian Veilleux est abattu, triste. C’est un homme défait qui devait porter à sa mère un amour très fort. J’ai le sentiment qu’il n’oubliera jamais et sera marqué toute sa vie du supplice qu’elle a subi. Pendant tout le procès, il restera digne et grave. Il est confiant en la justice, mais est-il convaincu que l’assassin présumé de sa mère sera reconnu comme tel ? Mon camarade Patrice Gervais est calme, serein et détendu. Il sait comment il doit déposer et les points sur lesquels on compte l’attaquer. Toutefois, malgré notre quiétude, notre conviction motivée et la mémorisation de tous les détails de ce dossier, nous ne sommes pas, c’est bien naturel, dans un état habituel. Nous pensions, à tort, que nous allions être pressés de questions par les parties et en particulier par la défense. Cela n’a pas été le cas. Trois autres gendarmes sont présents : l’adjudant Evrard commandant la brigade de gendarmerie de Saint-André de Nice et les gendarmes Liedtke et Teulière du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de Valbonne.
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Le décor est planté. La cour d’assises de Nice se révèle trop exiguë pour ce procès qui sera médiatisé jusqu’au prononcé de l’arrêt, et au-delà. Le président fait évacuer les cameramen et les photographes de la salle d’audience. Il interroge l’accusé sur son identité après avoir assermenté un interprète en langue arabe, M. Aimé Rolland, lequel interviendra au cours des débats chaque fois que cela aura été nécessaire. Vient ensuite l’appel des 24 jurés de session. Du fait de la durée des débats, la cour ordonne le tirage au sort de trois jurés supplémentaires. Ces trois personnes, un homme et deux femmes, assisteront aux débats, tout comme le juge assesseur supplémentaire siégera pour les mêmes raisons. Est ensuite formé le jury de jugement, constitué de cinq femmes et quatre hommes qui prennent place, dans l’ordre établi par le sort, aux côtés de la cour. Les jurés de jugement prêtent serment après que le président les eût informés de leurs obligations et devoirs : - « Vous jurez et promettez d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre Omar Raddad, de ne trahir ni les intérêts de l’accusé ni ceux de la société qui l’accuse ; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration ; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions. » Le président fait procéder par le greffier à l’appel des témoins et experts cités par le ministère public, la partie civile et l’accusé, puis fait des recommandations au public et à la presse et informe les parties, témoins et experts du jour et de l’heure de passage à la barre. Plusieurs sont absents dont Fatima Baghdadi, Nathalie Berrig et Jean-Claude Goldstein.
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Des recherches sont ordonnées par le président. La cour pourra, au besoin et ultérieurement, décerner des mandats d’amener. La défense fait citer deux témoins : Didier Lepoivre médecin auprès d’une compagnie d’assurance et ElOuaer Salem ouvrier agricole. Le président ordonne de faire rechercher ce dernier qui est absent. Comme le prévoit le Code de procédure pénale, les témoins ne peuvent être autorisés à assister aux débats avant leur déposition devant la cour. Les enquêteurs n’échappent pas à la règle et ce n’est que le lundi 31 janvier, après mon deuxième témoignage à la barre, que je pourrai suivre la fin du procès. Je n’ai donc pas été un témoin direct de la plus grande partie de son déroulement, qui m’a été fidèlement relaté par la suite par des personnes ayant assisté aux débats. Le greffier lit intégralement l’arrêt de renvoi qui insiste sur le rôle des gendarmes Liedtke et Teulière lors de l’ouverture de la porte de la cave ainsi que l’ordonnance du 27 juillet 1993 rendue par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui a donné acte à l’accusé du désistement du pourvoi qu’il avait formé contre l’arrêt de la chambre d’accusation d’Aix-en-Provence, le renvoyant devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes du chef d’homicide volontaire et disant qu’il n’y avait pas lieu à annulation d’actes de procédure. L’arrêt de renvoi passe très rapidement sur la phase administrative tenant aux recherches de la victime, alors que, dans mon exposé, j’insisterai au contraire sur ce qui a été fait ; certains détails étant essentiels pour comprendre le déroulement de l’enquête judiciaire proprement dite. Avant le défilé de la famille de l’accusé à la barre de la cour, le président lui donne la parole afin qu’il s’explique sur sa personnalité et sur les faits dénoncés par l’arrêt de renvoi. Omar Raddad, qui comprend et parle le français, raconte sa vie après avoir choisi d’utiliser l’interprète ; ce que semble
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regretter Maurice Huleu dans Nice-Matin, qui écrit : « Malgré les qualités évidentes de celui-ci, l’accusé a mis une distance supplémentaire entre lui et ses juges. » S’appuyant sur de nombreux témoignages dont celui de sa femme, le magistrat l’interroge sur le fait qu’il semble parler le français et le comprendre. - « Ce qu’à dit ma femme est faux. Elle n’a jamais dit que nous parlions en français entre nous » rétorque-t-il. Au sujet de son inculture alléguée, l’accusé ne manque pas d’à-propos lorsque le président énonce une citation en langue française d’un proverbe marocain destiné à combattre l’analphabétisme et qui dit que celui qui ne sait ni lire ni écrire doit cacher sa tête dans un trou. Traduction faite par l’interprète, l’accusé répond : - « Pourquoi faudrait-il se cacher ? » Raddad a de la répartie. Il est bien conforme au portrait que psychologue et psychiatre ont brossé de lui. Le débat se poursuit sur les raisons qui l’ont amené à travailler le dimanche, jour de fête de la communauté musulmane. - « C’était pour avoir le lundi et le mardi libres. Le dimanche était celui qui me gênait le moins pour travailler. C’était pour convenance personnelle et j’avais encore le temps de faire l’Aïd le lundi. » - « A qui aviez-vous parlé de cette intention de travailler ce jour-là, en dehors de Mme Pascal ? » - « C’est la seule à qui j’en ai parlé, le samedi en fin d’après-midi. » - « A cause de ce travail, ne deviez-vous pas prévenir votre famille qui devait vous attendre pour la fête ? » - « Ma famille ignorait la journée où je devais rentrer. » - « Votre famille ne vous attendait-elle pas pour la fête ? » - « Je ne peux pas dire si on m’attendait. Si j’avais su ce qui allait m’arriver, je n’aurais pas travaillé ce jour de fête. »
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- « Avez-vous avisé votre famille ? » - « Non, je n’ai pas avisé ma famille que je rentrerai le lundi matin. Le seul coup de téléphone que j’ai donné chez moi, c’est le dimanche à 12 h 45 comme je l’ai déjà dit. Il n’y a pas eu d’autre appel. » Sont évoquées ensuite ses dépenses, plus brièvement la fréquentation des prostituées, ses demandes d’avances sur salaires telles que nous les avions exposées dans les différents procès-verbaux et sa passion du jeu. Le président s’enquiert sur ses discussions avec sa femme au sujet d’un bijou. - « Le bijoutier se trompe sur la date de ma visite. J’étais au Maroc ce jour-là. D’ailleurs, je ne lui ai jamais vendu de bijou » assure-t-il. Sa réponse est exacte, car il s’agit d’une interprétation erronée de la défense à la lecture du procès-verbal établi par un de mes collaborateurs, le maréchal des logis-chef Bernard Ratajczak. Me Vergès, et il n’est pas le seul, n’avait pas dû lire attentivement le procès-verbal relatant ce détail et mon rapport de synthèse. Dans sa plaidoirie, il essaiera judicieusement d’en tirer argument. N’avait-il qu’une approche approximative du dossier comme certains l’ont laissé entendre ? Pourtant, dans le prétoire, il insiste sur le fait qu’à la lecture de cette pièce de procédure on ne sait pas qui achète et qui vend. Il proclame que cela ne vaut que le poids du papier et souligne la faiblesse du procès-verbal. Ses effets de manche provoquent un brouhaha dans la salle. Ces gendarmes, quels pitoyables rédacteurs ! En réalité, dans son procès-verbal, Bernard Ratajczak rappelait les témoignages du couple Raddad d’où ressortait l'acquisition du bijou un an auparavant. L’enquêteur avait effectivement retrouvé trace de cet achat dans une bijouterie de Cannes et avait annexé à la procédure une photocopie du livre de police. Il suffisait de la lire attentivement et non de l’interpréter pour se rendre compte que le 30 mai 1990, une chaîne et des boucles d’oreilles
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avaient été vendues à un membre de la famille Raddad, et non achetées par le bijoutier. J’avais d’ailleurs insisté dans mon rapport : « En ce qui concerne les bijoux de Latifa Chérachni, c’est tout d’abord Omar Raddad qui en fait état lors de sa garde à vue. Entendue sur ce point, Latifa Chérachni, lorsqu’elle s’aperçoit à sa sortie de la maternité que sa chaîne en or a disparu, soupçonne son mari de l’avoir revendue. Elle se dispute d’ailleurs avec lui à ce sujet et c’est peut-être la raison première de son départ chez sa mère. L’enquête réalisée pour retrouver trace de la vente de ce bijou ne s’avère pas. Elle permet seulement de confirmer l’achat de cette chaîne et des boucles d’oreilles, le 30 mai 1990, par un membre de la famille Raddad. » Peut-on être plus clair ! Les deux auxiliaires de justice ont eu toute latitude pour me questionner lorsque j’étais à la barre. Aucun ne l’a fait. Appréhendaient-ils la réponse ? Par contre, si la chaîne de Latifa a bel et bien disparu pendant son hospitalisation où est-elle passée ? Mystère, l’enquête n’a pu le révéler. Avant que ne commence l’audition des témoins, le président interpelle les parties en ce qui concerne l’absence de Nathalie Berrig, Fatima Baghdadi, Nicole Jacquot et Doudi Elhadi. Toutes renoncent expressément aux auditions de Nicole Jacquot qui avait fait parvenir un certificat médical attestant son impossibilité de comparaître pour raison de santé et Doudi Elhadi, retenu par des obligations professionnelles et qui s’était fait excuser. Par contre, la défense ne renonçant pas aux comparutions et auditions de Nathalie Berrig et Fatima Baghdadi, le président constatant qu’aucun accord n’intervenait entre les parties ordonne que ces deux témoins soient activement recherchés et immédiatement conduits, si besoin par la force publique, devant la cour d’assises pour y être entendus. Cet ordre, exécutoire à la diligence du procureur de la République près le tribunal de grande instance de
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Nice, a permis ensuite à la cour de décerner deux mandats d’amener à l’encontre de ces personnes défaillantes. Les témoins qui comparaissent vont décerner leurs louanges à l’accusé. Quoi de plus naturel s’agissant des membres de sa famille. Mais dans l’ensemble, les témoignages sur sa personnalité recueillis tant par la gendarmerie que par l’enquêteur de personnalité désigné par le juge d’instruction lui seront favorables. Raddad est décrit comme un homme travailleur, calme et non violent, s’occupant avec affection de ses enfants, intègre, de famille désuète, simple. C’est tout d’abord Abdeslam, le père, qui arrive à la barre, le sourire aux lèvres. Il demande un interprète différent de celui présent à l’audience, soutenant n’avoir jamais appris le français et ne pouvant que converser en dialecte marocain ; alors qu’il parle et comprend le français, étant installé en France depuis 32 ans. Toutefois, le témoin finira par accepter de s’exprimer en arabe et M. Rolland traduira fidèlement les propos. Mais ses tergiversations ont visiblement indisposé la cour et les jurés et n’ont pas échappé à l’auditoire. Abdeslam Raddad se déclare surpris par l’accusation de meurtre portée contre son fils et se dit désespéré depuis son incarcération. Après le rappel de son audition, le président lui fait remarquer qu’il a été entendu par le maréchal des logis-chef Eric Krebs de la brigade de recherches de la gendarmerie de Cannes et sans l’assistance d’un interprète. Il ne se souvient plus des termes de sa déposition, mais par contre se rappelle que les gendarmes lui ont bien lu le procès-verbal. Il fait sourire les jurés. - « Pourquoi les gendarmes auraient-ils eu recours à un interprète alors qu’il n’y en avait nul besoin ? » - « Le procès-verbal du gendarme est exact. J’avais compris car il parlait doucement. » - « Avez-vous prêté de l’argent à votre fils ? » - « Oui. »
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- « Pourtant vous avez déclaré aux gendarmes que vous ne lui aviez pas avancé de l’argent ! » - « Les gendarmes ont mal compris, mon fils et moi on s’est toujours inquiété l’un de l’autre. » Il prétexte ne pas avoir parlé de son deuxième fils, car les gendarmes ne lui avaient pas posé la question. Il confirme ce que l’enquête a démontré ; que les deux frères se ressemblent, mais que l’on ne peut pas se tromper sur leur physique. Zined Chérachni est appelée à témoigner et répond aux questions du président après un rappel de ses déclarations. Très vite, comme ses contradictions se révèlent, elle fait valoir comme lors de son audition devant les gendarmes, qu’enfant elle avait déjà des pertes de mémoire. Elle finit par admettre que son beau-frère parle le français. Sur son changement de version et l’intervention inopinée et impétueuse de sa sœur Latifa qui écoutait derrière la porte, elle ne trouve rien de mieux à répondre : - « Le gendarme ment. On était à l’extérieur. Le gendarme a traité ma sœur de menteuse. L’appel a eu lieu à 12 h 45. Ce n’est pas l’intervention de ma sœur qui m’a fait changer d’avis… » Les sœurs Chérachni se suivent à la barre et se ressemblent. C’est au tour de Laziza qui ne sait qu’objecter lorsque le président lui fait remarquer à la lecture de son procèsverbal d’audition qu’entre époux ou en famille ils parlaient en français. Elle essaie de se reprendre en soutenant le contraire. Le président fait-il ainsi comprendre à l’accusé qu’il n’est pas dupe sur sa compréhension de la langue française ? Voyant que Laziza "dérape", Me Vergès intervient et lui demande si sa déposition a été faite devant un gendarme ou un juge. Effet de manche sans éclat, car c’est bien à un gendarme que Laziza Chérachni a fait cette déclaration et dans le cadre strict d’une commission rogatoire, avec prestation de serment.
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Avec Latifa, comparaît une épouse qui a pris fait et cause pour son mari. Elle réfute à la barre la plupart de ses témoignages, tente d’éluder les questions embarrassantes, détourne celles qui la gênent et se dit bouleversée, ignorant que son mari jouait au casino. Elle ne peut que témoigner qu’il comprend notre langue. Ne se souvenant plus des termes de ses différentes dépositions, elle ne peut qu’acquiescer à la relecture des procès-verbaux. Sur les prostituées, elle maintient que son époux a eu raison de les fréquenter. Le témoin n’ayant qu’une vague réminiscence de la fréquence des lavages du linge de son mari, le président relit le procès-verbal qui est précis quant à ce détail qui tend à prouver que l’accusé s’était rendu dans la cave dans un temps très proche du meurtre. Au cours de son audition, interrogée sur la personnalité de son mari, Latifa Chérachni déclare « qu’il ne faisait pas de mal à une mouche ». Le président fait alors lecture de sa déclaration du 21 janvier 1992 (cote D338) où textuellement elle nous avait confié : « En France, Omar n’a jamais tué le mouton depuis que je le connais. Par contre, cela lui est déjà arrivé au Maroc comme vous avez pu le constater sur une photographie que j’avais à la maison. » Le simple rappel aux débats de cette déposition déclenchera plus tard, à l’encontre du président Djian, des accusations de racisme et une exploitation déformée et éhontée par Vergés et certains journalistes. Ce tumulte, que ne l’a-t-on constaté lors des poursuites pour diffamation publique visant Le Nouvel Observateur, Rouart, Moreau et Dechavanne lesquels, nous le verrons, bénéficieront d’un consensus d’extrême discrétion confinant au silence sidéral médiatique. En fin de journée, l’éminent docteur Roure, médecin expert en psychiatrie, agréé près la cour d’appel d’Aix-enProvence est appelé à la barre. Ce médecin a écrit un ouvrage
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édité par les éditions Masson et intitulé : « Mensonge et simulation ». Dans ce livre, il relate entre autres ses réflexions sur la graphologie et la sincérité, et consacre tout un chapitre à cette affaire. L’auteur rédige notamment que la victime était suffisamment lucide au moment où elle a écrit ses deux messages pour saisir la portée de ses écrits. Il cite plusieurs exemples de médecine légale qui « prouvent la possibilité pour l’individu accidenté, traumatisé, affaibli par une importante perte de sang, de la conservation encore assez longue de sa capacité de discernement ; notamment Pétronne, qui s’était ouvert les veines lors d’un banquet auquel il avait convié tous ses intimes et qui, pendant ses derniers instants, près de deux heures, avait écrit des vers et des pamphlets ». L’expert observe que l’accusé parlait avec pondération, qu’il était fier, altier et portait beau. Que du fait de son niveau de connaissance en français, il s’exprimait convenablement, sa pensée était correcte. Il précise qu’au cours de la deuxième expertise, avec l’assistance d’un interprète, Raddad lui confirmait le rappel des faits et prétendait être innocent, victime, d’être là par le fait du hasard et que depuis le jour où il a été arrêté, il n’a cessé de clamer son innocence. Il souligne que l’accusé lui avait déclaré n’avoir absolument aucune crainte pour lui, qu’il était victime de sort ou de sortilège et lui avait expliqué que sa famille n’avait pas consulté un marabout pour lui. Son niveau intellectuel est normal poursuit le docteur Roure, mais il reste réservé car d’un caractère méfiant ; il se décrira d’ailleurs lui-même comme méfiant des gens non honnêtes. L’expert fait connaître à la cour qu’il a noté chez l’accusé, un être essentiellement tourné sur lui-même de manière égocentrique, puis affirme qu’il ne souffrait absolument d’aucune maladie mentale traitée, stabilisée ou en évolution, qu’il ne présentait aucun déficit intellectuel et qu’il n’avait tendance ni au mensonge pathologique ni à la mythomanie. Il
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conclut qu’il ne présentait pas d’état dangereux au sens psychiatrique du terme, mais ne possédait pas suffisamment d’éléments pour pouvoir discuter d’un état dangereux au sens criminologique, qu’il était parfaitement accessible à une sanction pénale et que sa réadaptabilité ne devrait poser aucun problème. Enfin, que si sa culpabilité était démontrée, sa responsabilité devait être considérée comme pleine et entière au sens de l’article 64 du Code pénal. Le président fait état de ce que dans une lettre de l’expert au juge d’instruction, en date du 13 septembre 1991, le docteur Roure indiquait que l’accusé conversait sans difficulté mais souhaitait que lui soit associé un interprète pour écarter toute ambiguïté. Me Vergès rebondit : - « Sage précaution que l’interprète ! » La première journée des débats se termine. Le tableau de respectabilité brossé par la famille et l’enquêteur de personnalité, et l’enquête de moralité de la gendarmerie s’assombrissent d’une palette où se mêlent confusément le mensonge, le jeu, les prostituées, la double vie du flambeur de casino. En quelque sorte, le reflet des éléments objectifs des actes de procédure que nous avions mis à la disposition de la justice. Au cours de cette audience, la fréquentation des casinos aura maintes fois été évoquée par l’avocat général, la partie civile et surtout, comme le note Roger-Louis Bianchini dans Nice-Matin, « Par le président Djian dont on connaît l’implacable douceur d’autant plus redoutable qu’elle s’appuie sur une parfaite connaissance du dossier, et qui n’ont rien laissé passer de tout ce qui pouvait souligner cette dissonance dans un concert de louanges. » Mardi 25 janvier 1994 Après un rappel des grandes lignes de la journée de la veille, le président évoque l’audience du jour où seront exa-
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minés la personnalité et les comportements habituels et respectifs de l’accusé et de la victime, l’emploi du temps de Ghislaine Marchal le jour des faits et les derniers appels téléphoniques. C’est tout d’abord l’aspect du jeu qui est évoqué. - « Sur les 54 000 F dépensés, combien en avez-vous utilisé pour jouer ? » - « C’est exact, j’ai progressivement retiré 54 000 F. Je les ai utilisés pour jouer au casino. Mais pour les prostituées, ce n’est pas vrai. » - « Ainsi, ces 19 000 F en 1989 vous les avez consacrés au jeu ? » - « C’est exact. » - « Les 35 000 F également en 1989 ? » - « Pour les mêmes raisons. » - « En mai 1990, avez-vous aussi consacré la somme de 13 500 F au jeu ? » - « Je ne conteste pas les dépenses pour ma vie courante mais une partie de cette somme a été consacrée au jeu. » - « Et cette somme de 14 000 F en août 1990 ? » - « Je ne me souviens pas des dates de retrait. » Le président, après avoir fait observer à l’accusé que sur deux ans il avait dépensé la somme de 81 500 F pour sa passion du jeu, donne lecture à titre de simple renseignement et en vertu de son pouvoir discrétionnaire, des dépositions des personnels du Casino-Croisette que nous avions entendus, mais qui n’ont pas été cités à comparaître devant la cour. Raddad convient que ses dépenses, sans commune mesure avec ses revenus, sont dues à la fréquentation de ce casino, mais refuse d’admettre qu’il allait jouer dans d’autres établissements de jeux de la Côte d’Azur où il avait été remarqué. - « Lorsque je gagnais, je rejouais. De temps en temps je gagnais de fortes sommes, parfois 5 000 F, mais on ne m’a jamais demandé une pièce d’identité. J’ai gagné plusieurs fois des sommes inférieures à 5 000 F. Je n’ai jamais joué aux
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machines à poker » explique-t-il. Le président lui indique que les 25 personnes du Casino-Croisette qui ont été entendues par les gendarmes le distinguent de son frère Mohamed. A la suite, défilent à la barre tous les témoins cités par le ministère public, lesquels vont confirmer, en le renforçant, le caractère de joueur assidu de l’accusé. Dans l’ensemble, Raddad va acquiescer à ces dépositions. Toutefois, par le biais de l’interprète, il intervient pour dire : - « Je ne suis jamais allé quatre ou cinq fois par semaine au casino. Je n’ai jamais été accompagné d’une femme, c’est faux. Je ne suis pas d’accord sur le montant journalier de mes dépenses qui m’est imputé dans certaines dépositions. Je n’y suis jamais allé plus de deux à trois fois par semaine. » Le président lui demande s’il repartait plus gagnant ou perdant. - « Parfois je gagnais, parfois je perdais, je n’ai jamais fait le compte mais j’étais perdant. » - « Votre salaire était-il suffisant ? » - « Avec mon salaire, j’arrivais à vivre et à aller jouer sans problème après avoir payé mes loyers et la nourriture pour ma famille. Je gardais le reste pour aller jouer. C’est vrai que j’étais gêné. J’avais des problèmes mais çà ne vient pas que du jeu. » - « Quels étaient vos autres problèmes ? » - « Je n’avais pas payé mes loyers. » Après la lecture d’une nouvelle déposition, l’accusé intervient : « Je n’y suis jamais allé tous les jours. De plus à 11 h 30 ou midi, c’est faux. A entendre tout çà, je ne travaille pas, je joue tous les jours. Je maintiens que je n’ai jamais joué aux machines à poker. Les jours où je travaillais, je n’allais pas jouer entre midi et 13 heures, j’allais déjeuner mais pas jouer. »
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Il convient à l’énoncé d’une déclaration qu’il lui arrivait de rester deux ou trois heures devant une machine, mais soutient qu’il ne jouait pas tous les jours. Sont ensuite exposées au débat les investigations que nous avions faites au Maroc, sur commission rogatoire internationale qui nous avait permis de constater que le compte de Raddad à la banque de Nador était faiblement créditeur et n’était pas mouvementé, contrairement à ses propos laissant entendre qu’il le créditait régulièrement par mandats. Le procès-verbal d’investigations établi suite aux vérifications à la poste du Cannet où aucune trace de mandat n’avait été retrouvée est rappelé à l’accusé. Il se justifie maladroitement, en déclarant que c’était un ami qui "faisait la navette". Les jurés semblent manifester quelque impatience devant la longueur de l’étude de cette question, mais elle est d’importance. En fin de matinée, au constat de l’absence des deux prostituées, le président en informe la cour qui délivre deux mandats d’amener les concernant. L’avocat général et Me Vergès s’affrontent. Ce dernier laisse entendre que les gendarmes auraient effectué des pressions sur les deux prostituées à l’origine de la nécessité de leur recherche. Le président observe que les auditions par les gendarmes ont été effectuées conformément à la loi. Viennent ensuite témoigner des hommes et des femmes qui ont côtoyé Ghislaine Marchal. C’est tout d’abord Claude Collin du Bocage, qui connaissait la victime depuis sa plus tendre enfance. Il décrit ses grandes qualités de cœur et son courage : - « On ne lui aurait pas fait croire ce qu’elle ne voulait pas croire ou alors il aurait fallu lui faire des blessures terribles » assure-t-il. Sa confidente, Gisèle Konrad, la dépeint comme une personne ayant un caractère très affirmé, très juste, très exigeante dans le service. Sa forte personnalité faisait dire à ses
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amis qu’elle était parfois adorable parfois haïssable : « Jusqu’à vous mettre hors de vous ». Elle témoigne qu’elle ne cédait jamais, l’ayant même vu résister à son chien jusqu'à être mordue. Gisèle Konrad confirme que son amie faisait des mots croisés et qu’elle avait reçu des lettres, non conservées, où il y avait des fautes d’orthographe. Elle laisse supposer que Ghislaine Marchal aurait eu un amant en 1989, mais ne le connaît pas et ne l’a jamais vu à La Chamade. Son amie lui avait confié qu’elle avait acquis la sérénité en amour et elle n’a jamais cru à la pseudo existence de cet amant, que de toute façon, elle se livrait peu et ne faisait jamais de confidences. Elle soutient qu’il lui arrivait de se rendre à la cave pour aller chercher du vin ou pour régler le système de régulation de la piscine et suppose qu’elle a pu descendre pour allumer "Oscar" afin de nettoyer la piscine et ainsi préparer la visite d’Erica Serin. Elle décrit le jardinier comme un homme très gentil et timide : - « Il arrivait à Ghislaine de s’emporter envers lui, elle avait à ces moments-là les mots qui frappent, sans être grossière. » Un des assesseurs demande si dans les relations de la victime il pouvait y avoir un autre homme se prénommant Omar. - « Non » répond-elle avec assurance. L’avocat général intervient et demande au témoin des précisions quant à l’argent contenu dans le sac de la victime. - « Ghislaine Marchal avait toujours de l’argent dans son sac, et les sommes qu’elle pouvait détenir pouvaient aller jusqu'à 5 000 F et plus » confirme-t-elle. Daniel Viney connaissait la victime par l’entremise de son mari depuis une trentaine d’années. Il soutient les mêmes appréciations que Gisèle Konrad. - « On savait que l’on pouvait compter sur elle. Elle était brutale dans ce qu’elle avait à dire, car elle aimait que
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tout soit bien fait. Ce n’était pas une femme qui aurait écrit quelque chose sous la contrainte. Elle était d’une famille de déportés, volontaire. Elle était très cultivée, mais elle faisait de temps en temps des fautes d’orthographe et de grammaire, parfois élémentaires. J’avais aperçu Omar Raddad lors de mes séjours à La Chamade, il était timide, poli, réservé, effacé, paraissant avoir un comportement assez doux. » Il parle de l’imprudence de son amie d’avoir toujours beaucoup trop d’argent sur elle : « C’est ainsi qu’elle avait des billets de 500 F, en vrac, dans son sac. » Patrick Wallaert la considérait comme une femme discrète, qui ne parlait jamais de sa vie privée. Il ne l’a jamais entendue faire de réflexion désagréable à son personnel. Quant à la faute d’orthographe, il estime que Mme Marchal conservait toujours la maîtrise de ses sens. Si on l’avait contrainte à écrire quelque chose contre sa volonté, elle l’aurait fait savoir autrement. « Ce n’est pas au moment de mourir qu’on pense à faire la dictée de Bernard Pivot ! » En fin de matinée, Christian Veilleux prend la parole. Il est très ému et pleure pendant sa déposition. Il raconte avec une intense émotion et une grande dignité comment il a été prévenu par Erica Serin et son arrivée à La Chamade vers 21 h 30 avec sa cousine. Il n’a rien à ajouter sur ce qui a été dit sur sa mère si ce n’est qu’elle était très discrète et avait un profond respect de la vie des autres. - « Un très grand respect pour les autres. Ma mère a été très marquée par la déportation de ses parents pendant la dernière guerre, pour faits de résistance. Elle était une confidente dès que j’en avais besoin. Nous n’avions que 19 ans d’écart, elle était ma mère mais aussi une amie, une confidente et elle était plus discrète que secrète. Elle respectait ma vie personnelle et je respectais la sienne. J’ai été très blessé de lire certaines choses dans la presse, cette affaire a été pour moi un drame épouvantable et le restera. »
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L’après-midi, à la reprise de l’audience, le président aborde les témoignages et les renseignements sur les habitudes de l’accusé et de la victime. C’est tout d’abord Alain Filippi, le chauffagiste assurant l’entretien de la chaufferie, qui apporte des précisions quant au parfait réglage de la chaudière au moment des faits et qui confirme que la porte d’entrée de la cave était toujours fermée. - « Pour me rendre au sous-sol, je devais systématiquement demander la clef à Mme Marchal. Je n’avais pas connaissance d’un emplacement particulier où j’aurais pu disposer d’une clef. » Comme pour le témoin précédent, Daniel Guénat, l’artisan chargé du maintien de la piscine, devait demander la clef à Mme Marchal lorsqu’il venait à La Chamade. - « Jamais une clé ne se trouvait sur la serrure. A chacune de mes visites, je demandais la clef que Mme Marchal ou sa femme de service me remettait. Une fois le travail terminé, je devais la remettre à l’une ou à l’autre. Il était hors de question de la laisser sur la porte » assure-t-il. Evoquant sa personnalité, le témoin considère qu’elle avait un caractère bien affirmé et un comportement naturel, aimable. Comme elle était généralement satisfaite des services rendus, il n’a eu connaissance d’aucun problème particulier. Après son témoignage, le président relit la déposition faite devant les gendarmes, et qu’il maintient. C’est ainsi qu’il est confirmé que Ghislaine Marchal ne descendait jamais au sous-sol pour changer les horaires de fonctionnement de l’appareil de nettoyage. - « Elle m’appelait et préférait que ce soit moi qui le fasse, mais elle savait comment cela fonctionnait. Elle était apte à ajouter des produits et à activer l’aspirateur. Cela lui est arrivé d’ailleurs plusieurs fois » ajoute-t-il. Max Robert qui comparaît à la suite a connu le jardinier lors d’un essartage dans la propriété. Il relate cette rencontre,
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précisant avoir communiqué sans problème avec lui : - « Il se faisait comprendre et donnait l’impression de bien comprendre. » Sa déposition confirme que le plus souvent Mme Marchal payait les artisans en numéraire. Pour ce qui le concerne, elle l’avait fait asseoir dans le séjour avant d’aller chercher l’argent dans une pièce voisine. Le président Djian appelle à témoigner la femme de ménage de la victime, Liliane Receveau. Elle va tenir la barre une grande partie de l’après-midi. Après sa brève déposition spontanée, le magistrat lui rappelle ses déclarations, qu’elle confirme et que j’ai déjà évoquées lors de l’enquête judiciaire. Mais Liliane Receveau manque d’assurance, s’excuse de ses absences de mémoire, conséquence de plusieurs anesthésies chirurgicales. Le président et toutes les parties vont lui poser de nombreuses questions dont les réponses seront souvent imprécises. L’émotion sans doute. Pour l’essentiel : - « Oui, j’ai entendu Omar demander de l’argent à Mme Marchal. Le vendredi 14 juin, une semaine après avoir demandé les 50 F, à midi, Omar s’est présenté à la porte-fenêtre de la chambre de Madame. Mme Marchal était alitée et je faisais le ménage dans la pièce. Elle s’est levée et Omar est entré dans la chambre. Il lui a dit : « Donne-moi 2 500 F ». Mme Marchal lui a répondu qu’elle devait me donner 1 000 F et qu’il n’aurait que 1 500 F. Elle est allée prendre son sac sur le secrétaire et est revenue vers Omar. Je l’ai entendu insister et lui dire : « Non, donne-moi plus pour mon loyer. Donne-moi encore des sous ». Elle lui a fait remarquer qu’il avait bien entamé le mois de juillet. C’est après cette visite que ma patronne a téléphoné à Mme Pascal ». - « Omar a très bien vu où Mme Marchal prenait l’argent. » - « Je n’ai jamais donné de précision sur l’éventuel montant du retrait d’argent à sa banque. C’est bien moi qui
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l’ai conduite avec ma voiture, mais je ne sais absolument pas combien elle a pu retirer. » - « Mohamed ressemble à Omar, mais Mme Marchal savait les distinguer. » - « Elle m’avait dit, peu avant sa mort, qu’Omar la gênait quand il lui demandait de l’argent, que pour ce faire, il allait à sa chambre et frappait à la porte-fenêtre. » - « Lorsque j’allais chercher du bois, je n’ai jamais remarqué la présence d’une clef ou d’une cisaille dans le cabanon d’Omar. » Liliane Receveau dénonce les appels téléphoniques reçus de journalistes s’étant présentés comme gendarmes. Elle se déclare surprise par la faute d’orthographe, et confirme que sa patronne était capable de reconnaître quiconque sans lunettes, qu’elle ne portait jamais à l’extérieur. A la question de l’avocat général qui lui demande de préciser ce qu’elle entendait par le ton exigeant d’Omar Raddad, elle répond qu’il n’était pas impertinent, mais que lorsqu’il demandait une avance, il haussait le ton, se montrait exigeant. A l’avocat général, Raddad déclare ne jamais avoir demandé de l’argent un jour où il ne travaillait pas chez Mme Marchal et qu’il ne s’absentait pas de chez l’une pour aller chez l’autre. Liliane Receveau soutient le contraire, puis indique que sa patronne lui avait confié avoir reproché à Omar, qui lui demandait toujours des avances, que cela il ne le faisait pas chez Mme Pascal. Ce n’est que plus tard que Ghislaine Marchal s’apercevra que cette dernière était aussi sollicitée. Le témoin confirme à la partie civile que les demandes devenaient de plus en plus fréquentes, et qu’un jour il l’a même réveillée à sept heures pour lui demander 50 F. Elle répond au président, qu’Omar n’était pas très loquace et qu’il avait des problèmes pour parler ; ce qui fait réagir Me Vergès :
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- « Le témoin a dit que l’accusé avait des problèmes pour comprendre, ceci provient d’une réflexion de Ghislaine Marchal lorsqu’il n’avait pas fait le travail demandé. » Après le rappel d’une de ses dépositions, Liliane Receveau et Omar Raddad évoquent leurs différentes versions sur la perception des 50 F et l’emprunt d’un rouleau à pelouse. L’accusé se déclare surpris que Liliane allègue qu’il soit venu si tôt frapper à la porte de la chambre à coucher de Ghislaine Marchal et que ce n’est pas un jeudi mais un vendredi. Liliane Receveau maintient ses dires, notamment que le jour où il est venu demander cet argent il travaillait chez Mme Pascal. Elle précise que sa patronne notait tout sur un cahier et que les enquêteurs doivent l’avoir trouvé. A une question du président, elle soutient : - « Le samedi quelqu’un a appelé pour dire qu’elle allait venir la chercher, je ne sais pas qui a appelé, c’était une femme. J’avais reçu congé le dimanche et le lundi et je ne devais travailler que le mardi, ce qui avait l’air de déplaire à Madame. J’ai pensé qu’elle était invitée et qu’elle devait partir loin. » Me Vergès demande que ce détail, qui n’avait jamais été évoqué, soit acté dans le procès-verbal des débats. Sur ordre du président, le greffier note : « Mme Marchal ayant reçu un coup de téléphone le samedi 22 juin 1991 au matin, vers 10 heures, d’une personne dont elle n’a pas précisé l’identité, m’a dit qu’elle me donnait congé jusqu’au mardi suivant. J’ai pensé qu’elle était invitée pour un séjour d’une certaine durée et à une distance telle qu’elle ne pourrait pas revenir avant le lundi, elle me l’avait d’ailleurs dit car cela l’ennuyait que je ne puisse pas travailler le lundi. Je devais donc revenir le mardi à mon travail, ce que j’ai d’ailleurs fait. Je ne sais pas s’il a été donné suite à cette invitation. J’étais dans la chambre au moment de cet appel téléphonique. »
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Si je peux me permettre, tout ceci n’est que gesticulation de prétoire car le dimanche 23 juin, nous savons que Ghislaine Marchal était invitée chez les Koster et le lundi, c’est Erica Serin qui devait passer la journée à La Chamade. Pâle argument de défense à vrai dire. Quel coup de théâtre ! La maîtresse de maison qui n’informe pas sa femme de ménage des raisons pour lesquelles elle se passe de ses services. Quel fait nouveau ! L’accusé conteste ensuite les déclarations de Liliane Receveau relatives aux avances consenties par leur patronne et à l’emplacement du sac à main. - « Omar savait très bien où se trouvait le sac. Je maintiens mes dires, il a très bien vu où il se trouvait » affirme-telle avec conviction. - « Je n’ai jamais frappé à une porte pour lui demander de l’argent, je ne suis pas d’accord avec ce qu’elle dit » s’insurge l’accusé. Me Leclerc demande à l’accusé s’il est certain de ne pas être allé le jeudi 13 juin 1991 chez Mme Marchal. - « Je ne suis pas allé chez Mme Marchal le jeudi mais le vendredi. » - « Avez-vous travaillé un jeudi par hasard chez Mme Pascal ? » - « Oui, mais pas ce mois-là » réplique-t-il. Contrevérité, car le jeudi 13 juin, l’accusé avait effectivement travaillé au mas St-Barthélémy comme l’avait noté Francine Pascal sur son agenda. Ce détail conforte le témoignage de Liliane Receveau et n’avait pas échappé à Me Leclerc qui se référait au scellé de l’agenda où était écrit qu’il avait travaillé le jeudi 13 en remplacement du samedi 8 juin. L’avocat de la partie civile démontrait ainsi que contrairement aux assertions de Raddad, il lui arrivait de solliciter la victime alors qu’il travaillait chez Francine Pascal. Mais l’accusé va maladroitement nier l’évidence :
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- « Mme Pascal a dû se tromper. » - « C’est le jeudi 13 juin 1991 que vous avez demandé les 50 F pour votre cyclomoteur alors que vous travailliez chez Pascal. » - « Je suis certain que non. » Liliane Receveau évoque ensuite deux incidents antérieurs aux faits : un ayant trait à une disparition de numéraires, l’autre à celui du sac de sa patronne, qui l’avait soupçonnée à tort. Puis, elle dénonce les articles de presse qui ont étalé, sans pudeur, sa vie privée. Erica Serin, l’amie de Ghislaine Marchal, est appelée à la barre. Son audition est importante quant aux appels téléphoniques avec la victime et l’invitation à déjeuner à La Chamade le lundi 24 juin. Elle confirme lui avoir téléphoné le dimanche 23 vers 11 h 45 et lors de la conversation, son amie lui a rappelé le déjeuner du lendemain. Ce sera leur ultime conversation. Erica Serin est sans doute la dernière personne a avoir parlé à Ghislaine Marchal avant son agression. Comme prévu, elle est venue le lundi. Personne ne répondant à ses appels, elle a déposé les journaux dans la boîte aux lettres. Tous ses appels téléphoniques sont restés sans réponse et elle n’a appris le décès de son amie que le lundi soir à 22 h en appelant chez elle, et c’est sa nièce, Sabine Libert, qui lui a répondu. A cet instant de l’audience, le président donne lecture de la liste des appels téléphoniques du dimanche, tels que nous les avions précisés dans l’enquête judiciaire et qui déterminent le créneau horaire du meurtre. 10 h 30 : appel de Mme Colette Koster. Ghislaine Marchal confirme qu’elle viendra à 13 heures, 11 h 30 : la victime appelle Mme Eugénie De Paolis en Grande-Bretagne. Durée de la communication : six minutes, 11 h 45 : appel de Mme Erica Serin, 11 h 47 : la victime rappelle Mme Erica Serin et con-
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firme le rendez-vous du lendemain, 13 h 30, 14 h 30 puis 15 heures, appels de l’employée des Koster, Mme Lorène Blanc, 18 h : visite de Mme Koster à La Chamade puis appel de Mme Nicole Jacquot. A la barre, Mme Lorène Blanc convient d’avoir effectivement appelé Mme Marchal, aux heures précisées lors de son audition devant les gendarmes. Avant la clôture de cette deuxième journée des débats, le président donne lecture des auditions justifiant les appels téléphoniques qu’il a énoncés auparavant. Mercredi 26 janvier 1994 Le président rappelle le plan qu’il s’est fixé et indique que le chef Gervais ne sera entendu qu’en même temps que le major Cenci, car il a travaillé en équipe avec lui. Il ajoute que l’adjudant Evrard, les gendarmes Teulière et Liedtke feront chacun leur déposition et rappelle qu’ils ne doivent s’entretenir avec personne. Après avoir constaté une nouvelle fois l’absence de Mme Koster, il résume le rôle de tous les intervenants de la journée du lundi 24 juin après-midi et la chronologie de leur intervention dans l’affaire. Appelé à la barre, Christian Agatti explique s’être rendu à La Chamade à la demande de Mme Pascal. Sa déposition confirme en tous points ce qu’il avait déclaré aux officiers de police judiciaire de la gendarmerie, et que j’ai déjà évoqué. Le président lui indique qu’il va lui poser des questions sur ses constatations dans la villa. Le témoin parle de l’alarme qui ne s’est pas déclenchée et qui n’était pas branchée sur le portail, puis précise qu’à l’occasion de sa première visite, il a seulement fait le tour de la maison. Mais le temps passé a effacé tout souvenir de ses gestes alors qu’il se trouvait dans les lieux lors de sa deuxième visite avec Mme Pascal.
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Le président, après avoir rappelé que l’alarme se serait déclenchée s’il y avait eu une effraction, lit la deuxième déposition du témoin sur le moment où étaient présents Francine Pascal, Nicole Jacquot et le docteur Delemotte, et qui dévoile des détails sur l’emplacement des clefs, leur attitude lors de la visite de la maison, le comportement de chacun et la répartition des rôles à l’intérieur de la villa. Le témoin ne se souvient de rien, sa déposition est laborieuse. Sur l’absence de Mme Marchal, il répond : - « Je ne peux vous dire quelle déduction j’en ai tirée, peut-être qu’elle avait dû quitter sa villa avec un taxi. Il n’y avait rien d’anormal à l’intérieur si ce n’est un petit désordre sur le lit. » Le président, toujours dans la chronologie des intervenants, annonce que c’est ensuite au tour de M. Albert Montéro de s'associer aux recherches. Ce témoin n’étant pas cité à comparaître, il lit les extraits essentiels de sa déposition. Après la lecture intégrale de ses déclarations, Christian Agatti avoue que lorsqu’il est entré dans la maison, il était mal à l’aise. - « J’étais seul, c’est exact j’ai eu une mauvaise impression en entrant. Lorsque j’ai essayé de visiter le sous-sol, la porte de la cave était verrouillée, il n’y avait rien d’anormal. Oui, le portillon en haut de l’escalier était fermé. » L’avocat général demande la parole au président et déclare sous forme de question : « Si on résume tous les éléments matériels que vous avez relevés, aucun élément objectif ne vous permettait de penser que la victime était partie ? » - « J’ai pensé qu’elle était partie car il n’y avait pas la Rolls. » Le docteur Delemotte comparaît et précise dans quelles conditions il est intervenu. Il répond aux différentes questions du président. - « Sur l’abattant du meuble secrétaire, il y avait un dé-
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sordre organisé, comme d’habitude, tel que sur mon bureau où l’on retrouve de tout. Je ne crois pas que d’autres personnes aient regardé dans le sac, cela n’a pas marqué mon esprit. On cherchait un corps ou quelque indice pouvant expliquer son absence. Le sac était sur le secrétaire. J’avais une prémonition, il y avait une atmosphère étrange. Je suis rentré dans la chambre, j’ai regardé la piscine en passant par l’intérieur, par la porte-fenêtre. Mme Marchal était en bonne santé, en pleine forme. » Le président reprend quelques passages de sa déposition sur la position du sac, la façon de la victime de sortir l’argent de son sac puis l’avocat général demande dans quelle ambiance les recherches ont été faites. - « Tout laissait penser qu’elle était là et que malgré tout, je sentais qu’elle n’y était pas et que quelque chose s’était passé. » L’adjudant Patrick Evrard, aujourd’hui adjudant-chef à la brigade de Valbonne-Sophia-Antipolis, est appelé à la barre. Après le salut militaire à la cour, il se décoiffe et prête serment. Il paraît ému lorsqu’il commence sa déposition puis se détend et prend de l’assurance au fur et à mesure de son exposé. Le président lui pose ensuite des questions sur son rôle lors du transport à La Chamade, notamment la vérification des chemins et abords adjacents. Il lui demande ce qu’il pense à ce moment-là. - « Nous avons pensé tout d’abord que Mme Marchal avait été agressée à l’extérieur de sa propriété alors qu’elle se rendait chez les Koster, mais nos recherches sur le trajet conduisant au mas St-Simon n’ont rien donné. » Sollicité par le président, l’adjudant Evrard précise le rôle du gendarme Guillaume, premier intervenant à la propriété. Les jurés sont très attentifs à l’exposé du militaire. Ensuite, est entreprise la lecture de son procès-verbal lorsqu’il relate la découverte du corps par les gendarmes Teulière et
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Liedtke. Me Vergès intervient et demande à ce qu’on ne lise pas l’intervention de ces deux gendarmes qui seront entendus ultérieurement et pourront dire eux-mêmes ce qu’ils ont relaté à l’adjudant Evrard. Le président accepte puis demande au témoin de détailler les précautions qui ont été prises pour éviter de modifier les lieux. - « Dès que j’ai été informé de la découverte du corps, j’ai demandé aux gendarmes Liedtke et Teulière de protéger les lieux jusqu'à l’arrivée de la brigade de recherches de Cannes. Je n’ai pas été chargé des opérations de police technique, il faut demander cela aux gendarmes de la brigade de recherches. » Le président poursuit par la lecture du procès-verbal de transport, constatations et mesures prises rédigé par l’adjudant Evrard à qui il demande de préciser la position du portillon situé en haut de l’escalier. - « Ce portillon a été manipulé par plusieurs personnes avant moi, notamment les gendarmes qui participaient aux recherches. Lorsque j’ai voulu me rendre au local à bois, il ne me gênait pas pour y accéder et il est vrai, pour l’avoir constaté, que s’il est ouvert, il empêche d’entrer dans cette pièce. » L’avocat général demande au témoin s’il a relevé le moindre indice de vol et d’effraction. - « Non, c’est pourquoi j’ai pensé que Mme Marchal avait pu avoir un malaise. Je n’ai pas pensé à une agression. » Me Pétillault s’enquiert auprès de mon camarade, de sa compétence pour apposer des scellés, et compte tenu du crime et des risques de déperdition des preuves les raisons pour lesquelles il n’a pas estimé utile de les placer. - « Je suis effectivement compétent en ma qualité d’officier de police judiciaire pour poser des scellés, mais si je les avais apposés, j’aurais gêné l’enquête. D’ailleurs j’avais pris les mesures conservatoires pour assurer l’intégrité des
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lieux jusqu’à l’arrivée du directeur d’enquête et de la brigade de recherches de Cannes. » Me Pétillault soutient que les règles de la procédure pénale permettent un libre choix. - « J’avais le choix et j’en ai usé. Les gendarmes Teulière et Liedtke avaient pour mission, en haut de l’escalier, d’empêcher tout accès à la cave. Aucune personne n’a pu y entrer avant l’arrivée des gendarmes de la brigade de recherches » réplique judicieusement l’adjudant Evrard. - « Comment expliquez-vous que certains y sont rentrés ? » - « Après la découverte du corps de Ghislaine Marchal, je répète que personne n’a pénétré dans la cave. Quant à la maison, je vous précise M. le président que j’ai été requis pour rechercher une personne signalée disparue et par conséquent je ne pouvais pas interdire l’accès de la propriété et de la villa à des témoins qui participaient aux recherches. » Me Pétillault fait son petit effet, mais il n’abuse pas la cour en faisant allusion à des photographies prises par un journaliste de Paris-Match, lequel s’était introduit dans la propriété et avait réussi à prendre des clichés de la cave. Ce journaliste n’était pas entré dans le sous-sol et avait réalisé ses clichés à partir d’une petite aération d’une vingtaine de centimètres de côté, pratiquée dans le mur, à quatre mètres environ du sol. Ces faits ont d’ailleurs fait l’objet d’une procédure d’enquête préliminaire transmise au parquet de Grasse, pour violation du secret de l’instruction et violation de domicile (cf. procès-verbal 1709/91 de la brigade de Mougins). D’autre part, pour être encore plus explicite, cette intrusion n’a rien à voir avec la protection des lieux après la découverte du cadavre et avec le fait que des scellés n’ont pas été immédiatement apposés sur la porte de la cave, car elle est très postérieure à l’affaire (mi-juillet 1991). Voulant une
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nouvelle fois jeter le discrédit sur la qualité de l’enquête, Me Vergès va dogmatiquement déclarer que les scellés n’ont pas été apposés et que certains ont pu prendre des photographies. Pourtant, la procédure dont je fais état était versée au dossier. Mais fallait-il le connaître parfaitement n’est-ce pas ? Le président Djian connaissant bien évidemment ce que je démontre va, avec objectivité, rétablir la vérité historique de ce détail, annihilant les effets de manche de la défense. Après avoir fait observer que les scellés ne sont pas le moyen absolu de protection, le président poursuit sur l’audition d’Omar Raddad par l’adjudant Evrard, en rappelle la durée et demande au témoin des explications sur le comportement de l’accusé. Il ressort manifestement que le président veut connaître les conditions de l’audition. - « Omar Raddad était calme, il parlait suffisamment bien le français et il évitait de répondre à toutes les questions pointilleuses. » - « Les questions lui ont-elles été posées en termes clairs ? » - « Oui, nous lui parlions normalement et lui répondait tout aussi normalement. Il n’a jamais demandé un interprète et je n’ai pas estimé en avoir besoin. Alors que pour des délits mineurs voire des contraventions, nous nous associons le concours d’un interprète quand l’auteur semble méconnaître la langue française, pourquoi n’en aurions-nous pas pris un en matière de crime ? C’est stupide. Omar Raddad s’exprimait correctement en français. » Le président rappelle que les enquêteurs ont même recherché un morceau de pain pour éventuellement corroborer les dires de l’accusé qui avait donc su se faire comprendre. Il précise ce détail qui va à l’encontre de certains articles de presse sur la conduite de l’enquête. Cette mise au point provoque la réaction de Me Vergès, lequel s’adressant au président déclare :
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- « Vous ne pouvez pas nous interdire de critiquer. » - « Ceci n’était pas adressé à vous » réplique le président. - « Ce procès-verbal c’est 10 h d’audition et d’ailleurs nous nous sommes désistés du pourvoi en cassation. » Le magistrat reprend l’initiative en rappelant que la chambre d’accusation a refusé le motif d’annulation et que personne n’a remis en cause la régularité de la procédure. Me Vergès acquiesce. Le président poursuit en faisant connaître aux parties que les frais d’expertises se sont montés à 179 000 F et que rien n’a été négligé en cette matière. Il interroge ensuite l’accusé sur les dires du témoin. - « J’ai signé sans avoir compris ce que je signais, j’ai compris après. J’ai demandé plusieurs fois un interprète. » - « C’est faux, il ment effrontément » réplique avec fermeté l’adjudant Evrard. Bien évidemment l’accusé ment, c’est son système de défense. Cependant, peut-il expliquer ce détail qui n’a jamais été évoqué au procès : pour quelle raison le fonctionnaire de l’administration pénitentiaire de la maison d’arrêt de Grasse qui a renseigné sa fiche d’écrou (numéro 2287 M) aurait dactylographié : « Francophone : oui. Langue parlée : français » si Raddad ne s’était pas exprimé dans notre langue. Le président indique à l’accusé que pour chaque pièce de procès-verbal, les gendarmes lui ont fait la lecture et lui fait observer que s’ils avaient été de mauvaise foi, ils auraient pu écrire n’importe quoi qui lui était défavorable. - « Je ne sais pas lire et on ne m’a rien dit. Dès le départ, j’ignorais pourquoi on m’interrogeait et j’ai cru comprendre que parmi les gendarmes il y en avait un qui parlait arabe et c’est lui qui traduisait. » Le président lui demande alors de le décrire. - « Ce gendarme n’a jamais voulu s’adresser à moi, s’il est parmi ceux qui viennent, je le désignerai. »
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L’accusé, à une interpellation du président, déclare : - « Pour tout ce qui a été dit, je jure c’est vrai, mais pour les "putes" c’est eux qui m’en ont parlé et étant fatigué j’ai répondu oui. » - « Ce n’est pas vrai ? » - « M. le président on m’a montré des journaux de sexe et c’est là que j’ai compris, j’ignore comment on peut parler d’une prostituée, c’est un mot que j’ignorais. » Le président sourit et lui fait quelques remarques sur les mots susceptibles d’avoir été utilisés à ce propos puis, en se référant au dossier, développe ce point de détail en observant, selon le procès-verbal, que ce n’est pas à l’adjudant Evrard que cet aveu a été fait. Recherchant vraisemblablement une explication à la révélation de la fréquentation des prostituées, Me Leclerc s’enquiert de savoir s’il a été violenté dans les locaux de la gendarmerie. Raddad garantit qu’il n’a jamais été frappé, que les gendarmes ont été corrects mais qu’ils l’ont juste empêché de dormir. Le président indique que cela fait partie de la garde à vue et de l’enquête. Me Vergès s’interpose en signifiant que ce n’est pas lui qui avait soulevé cette question mais qu’il condamne les violences lors des gardes à vue et souligne que son client était seul, qu’une telle mesure est une épreuve pénible et qu’il est favorable à la présence de l’avocat lors de l’audition. - « Voilà le bémol que vous souhaitiez ! » souligne le président Djian. - « Je me rends compte que c’est défavorable que de parler en arabe » avance l’accusé. - « Beaucoup d’accusés passent ici et font l’effort de parler librement et directement avec la cour » fait remarquer le président. Est évoqué une énième fois au débat l’opportunité de l’interprète lors de la garde à vue et de l’interrogatoire de première comparution. Raddad fait observer :
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- « En prison j’avais déjà fait la remarque que certaines choses m’avaient échappé et devant le juge d’instruction, j’étais désemparé. » - « On verra ce qu’il conteste dans les 12 pages de son audition. » - « Les prostituées surtout. » - « Les prostituées, elles, ne contestent pas » conclut Me Leclerc. Vient ensuite l’audition de Colette Koster, qui est entendue par le président en vertu de son pouvoir discrétionnaire. Elle maintient sa déposition. Le président lui demande si elle avait connaissance de ce que son amie avait un autre rendez-vous et de ce fait n’aurait pas pu venir. - « Non, elle n’aurait jamais décommandé un rendezvous. Elle savait très bien qu’elle venait chez moi. Mme Marchal était une femme très ponctuelle et je me suis étonnée de ne pas la voir venir. J’ai appelé et fait appeler plusieurs fois. Le soir, à 18 h, étant inquiète, je me suis rendue devant La Chamade. Le portail était fermé. J’ai pensé tout d’abord qu’elle avait pu avoir un malaise. Puis qu’elle avait pu rejoindre Paris sous le signe de l’urgence pour y retrouver sa mère qui est âgée. Le lendemain, elle ne m’avait toujours pas appelée, et j’étais réellement préoccupée. » L’avocat général s’informe sur le cadeau que Ghislaine Marchal était susceptible d’offrir à son mari. - « La gendarmerie m’a dit que l’ouvre-lettre électrique pouvait être un cadeau pour mon mari. Il ne lui est jamais arrivé de venir à la maison avec une bouteille de vin. Cela n’était pas dans ses habitudes. Lorsqu’elle acceptait une invitation, elle achetait et offrait toujours un petit cadeau. Oui, l’ouvre-lettre à piles est un cadeau qu’elle aurait pu faire à mon mari. » Me Vergès la sollicite pour savoir si parmi les autres invités il y avait des amies de la victime :
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- « Oui, d’ailleurs une amie a voulu se rendre à La Chamade pour comprendre son retard, mais je n’ai pas voulu qu’elle se déplace. » Me Leclerc lui demande, question importante (puisque plus tard il nous sera reproché de ne pas avoir identifié le véhicule suisse qui se trouvait devant le portail de La Chamade), si à l’époque elle possédait une voiture immatriculée en Suisse : - « Oui, une Audi. » Teulière est le deuxième gendarme à comparaître devant la cour. Il fait sa déposition, paraît moins troublé que l’adjudant Evrard au début de son témoignage. A la demande du président, il cite les indices qu’il a aperçus lors de ses opérations et conclut qu’une fois la porte refermée, il a protégé les lieux jusqu’à l’arrivée de la brigade de recherches. Le président lui demande ensuite s’il a remarqué des empreintes, s’il peut apporter une appréciation sur le système de fermeture et le blocage de la porte lors de la reconstitution du 18 février 1992. - « La recherche d’empreintes n’était pas dans mes attributions, M. le président. Le système de fermeture de la porte m’a paru simple, mais très efficace. Lors de la reconstitution, la porte n’a pas opposé la même résistance que celle que nous avions rencontrée le lundi 24 juin. Ce jour-là, nous avons eu de grandes difficultés pour la débloquer. » Après lecture de sa déposition, le président note que le gendarme Teulière a fait deux tours de clef pour ouvrir la porte, qu’il n’a remarqué le chevron sur le sol de la cave qu’après l’arrivée de la brigade de recherches. Il est procédé ensuite à l’ouverture et à la production des pièces à conviction : le lit pliant, le tube galvanisé autrement appelé barre de fer et le chevron que le président présente à l’accusé, lequel répond : - « Je ne me souviens pas de ce chevron, je ne crois pas
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l’avoir déjà vu. J’ai vu pas mal de morceaux de bois, mais celui-ci, non. Dans la cave il y en avait d’identique. Je ne sais pas qui l’a mis là. Ce n’est pas moi. » L’accusé prétendant être descendu dans la cave 12 à 15 jours avant les faits, le président lui fait remarquer qu’il y a des divergences sur ce point dans ses différentes dépositions ; qu’il développe montrant à l’évidence toutes les contradictions et le défaut de sincérité de ses témoignages. L’avocat général intervient sur la notification des conclusions de l’expertise qui spécifiaient, nous l’avons vu, que des particules de poussière de la cave avaient été retrouvées sur les semelles des chaussures et dans les fibres du pantalon de l’accusé. Omar Raddad balbutie : - « En fait, c’est 10 ou 12 jours avant que j’ai descendu du sable dans la cave. » - « Pourquoi attendre tant de temps pour dire que vous êtes descendu dans la cave 10 à 15 jours avant ? » - « On ne me l’a jamais demandé. » - « Les gendarmes vous ont posé la question à deux reprises. » - « Je crois avoir répondu aux gendarmes que j’étais descendu dans la cave deux mois auparavant et ils ont écrit deux ans. » Me Vergès demande la parole et dit à l’avocat général qu’il parle de déposition devant un juge d’instruction avec un interprète, mais là il s’agissait d’une déposition devant un gendarme pendant 10 heures et sans interprète. L’avocat général s’adressant à l’accusé : - « Vous avez déclaré cela spontanément chez le juge ? » - « Ca m’était revenu à l’esprit. » - « On reproche à l’accusé de déposer spontanément ! C’est un comble » ironise Me Vergès. Tenant compte que Latifa Chérachni, dans une de ses
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dépositions, avait déclaré avoir lavé son linge de travail avant de partir dans sa famille, le président interroge : - « Dans cet intervalle a-t-on lavé ou avez-vous lavé vos vêtements ? » - « J’avais des vêtements de travail, et je ne les avais pas lavés après le départ de ma femme. » Il n’a pas dû échapper à la cour les contradictions évidentes de ce détail du dossier et les manœuvres de la défense pour tenter de justifier la détection de ces particules. L’avocat général sollicite du gendarme Teulière qu’il démontre la manière dont le chevron, le lit et le tube métallique étaient disposés. - « J’en suis absolument incapable ne les ayant pas vus installés sur le sol. » - « Lors du transport, un avocat a essayé de bloquer la porte puis de sortir. Pouvez-vous nous décrire si cela était possible ? » - « Je n’étais pas là quand les avocats ont fait cette manœuvre. » - « Une seule personne pouvait-elle le faire ? » - « Nous, nous étions deux et nous avons poussé très fort. Un homme seul aurait dû pousser deux fois plus. » L’avocat général sollicite une nouvelle fois le gendarme Teulière : « Après l’ouverture de la porte, vous êtes désigné pour empêcher l’accès à la cave. Est-ce exact ? » - « C’est exact, personne n’est rentré avant l’arrivée de la brigade de recherches. » La partie civile demande au témoin ce qui s’est passé après que son camarade Liedtke ait réussi à passer son corps dans l’entrebâillement de la porte. - « Il y avait toujours une résistance, mais l’ouverture de la porte a été plus grande pour qu’il puisse passer son corps. Mon camarade a passé la moitié de son buste, et avec son pied il a poussé. J’ai vu le morceau de fer sous la porte.
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C’est Liedtke qui l’a dégagé avec son pied. J’ai ensuite éclairé, Liedtke est entré et m’a dit : « Elle est là ! ». J’ai appelé le chef Evrard qui a demandé le concours de la brigade de recherches. » Me Leclerc déclare à la cour que le gendarme a continué à pousser après le dégagement du lit, que la partie basse de la porte offrait toujours la même résistance prouvant ainsi que le lit était sans effet. C’est ce qui est important conclut-il. Me Pétillault lit la déposition du témoin qui confirmait celle du gendarme Liedtke, lequel m’avait déclaré : « J’ai vu le chevron dans la pièce, mais je n’avais pas remarqué qu’il servait à bloquer. » Le gendarme Liedtke qui avait eu toute son attention attirée par la vision du corps, n’avait effectivement pas considéré la position du chevron dans le système de blocage. Il s’en expliquera lors de sa déposition à la barre. Martial Liedtke a fière allure. Il parle avec aisance, s’exprime facilement, fort distinctement. C’est un excellent gendarme dont j’ai pu apprécier les qualités et la compétence alors que je commandais la brigade de recherches de Cannes. Après sa déposition spontanée, le président lui fait décrire la reconstitution du 18 février 1992. Au préalable, il rappelle que deux avocats ont essayé de mettre en place le système de fermeture depuis l’extérieur. Liedtke soutient avec beaucoup d’assurance : - « J’ai constaté qu’ils n’ont pas poussé comme nous l’avions fait, cela n’a pas produit le même résultat. Il est impossible de monter un système tel que les avocats ont voulu le démontrer, depuis l’extérieur. Absolument impossible. » Le président invite Liedtke à reconstituer le système de blocage. Le témoin déclare qu’il peut refaire ce qu’il a vu, mais qu’il ne se souvient pas du chevron, ne l’ayant remarqué qu’après. L’avocat général demande que le juge d’instruction vienne démontrer comment étaient disposés les objets. Me Vergès se sentant visé par cette proposition, rebondit : « Nous
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voulions le faire, le parquet ne s’y est pas opposé, mais par bienveillance nous ne l’avons pas fait. » Le président annonce qu’il appréciera en vertu de son pouvoir discrétionnaire, l’audition d’un magistrat instructeur étant rarissime aux assises. En fait, le juge Jean-Paul Renard ne sera pas cité à comparaître, et les questions concernant son transport de justice me seront posées lors de ma deuxième comparution. L’avocat général pose une nouvelle question quant à la position du chevron. Martial Liedtke répond : - « C’est Teulière qui a allumé à ma demande, seulement lorsque j’ai pu entrer dans la pièce. C’est alors que j’ai vu le cadavre, cela a attiré mon attention et c’est certainement la raison pour laquelle je n’ai pas vu le chevron. Mon regard s’est porté vers le cadavre. Je ne voyais que lui. Je suis resté à l’intérieur de la cave jusqu'à l’arrivée des enquêteurs de la brigade de recherches. Dès qu’ils sont entrés dans le sous-sol, ils ont fermé la porte derrière eux pour effectuer leur travail de police technique. » Me Leclerc prend la parole, déclare se souvenir des deux tours de clef, du tuyau métallique n’opposant aucune gêne à l’ouverture de la porte alors qu’il était à même le sol et qu’ainsi, il devait donc y avoir un élément sous ce tuyau. Et cet élément est le chevron. Le juge d’instruction l’a clairement démontré. Martial Liedtke réaffirme : - « Comme je viens de le dire, mon regard a été attiré par la forme humaine qui gisait dans la chaufferie, et de ce fait je n’ai pas vu le chevron. C’est d’ailleurs ce que j’ai dit au major Cenci lorsqu’il m’a entendu. » Me Pétillault demande au témoin le sens de la phrase qu’il a notée dans sa première audition : « Je ne pense pas qu’elle ait été posée pour bloquer la porte ». Mon camarade Liedtke l’explique aisément et sa réponse recoupe celle qu’il a faite à la partie civile. Le président rappelle que la déposi-
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tion du gendarme Liedtke est très détaillée, ce qui est en son honneur, alors qu’il avait une mission urgente qui devait l’occuper pleinement. L’avocat général pose une dernière question au témoin, lequel soutient : - « Si Teulière ne maintenait pas sa poussée, la porte revenait vers moi. » Avant de l’autoriser à quitter la barre, le président lui demande de revenir avec moi-même et le chef Gervais vendredi après-midi. L’attention des jurés semble avoir été fortement captivée par la déposition des gendarmes Teulière et Liedtke, dont toutes les parties ont souligné la parfaite rigueur intellectuelle. Ils se sont rendus compte que le système de fermeture de la porte était un des éléments essentiels du dossier et que toute action de l’extérieur pour le mettre en place était impossible. Après la suspension d’audience, l’avocat général annonce que Nathalie Berrig est arrivée. Le président interpelle les parties en ce qui concerne l’absence du témoin Salem ElOuaer. Aucun accord n’intervenant entre elles, la cour, après en avoir délibéré, ordonne que ce témoin soit activement recherché et immédiatement amené, si besoin par la force publique, devant la cour d’assises pour y être entendu. Un mandat d’amener est délivré par l’autorité judiciaire à son encontre. Nathalie Berrig n’est pas à l’aise à la barre des témoins. Elle parvient à balbutier d’avoir indiqué aux gendarmes qu’elle ne connaissait pas l’accusé avant juin 1991. Le président évoque alors le dossier photographique que nous lui avions présenté à l’époque. - « C’est vrai, les gendarmes m’ont montré des photographies et j’ai dit que je ne connaissais pas les deux personnes qui étaient représentées. » - « Vous avez dit le contraire aux gendarmes ! » rappelle le président. Et pour preuve, le magistrat relit sa déposi-
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tion dont elle ne pourra que convenir, baissant la tête. Nathalie Berrig, en visite sur la Côte d’Azur, s’était retrouvée à Cannes avec une amie. Arrivées le 20 juin, elles ont vite dépensé leurs maigres économies. Vers le 8 juillet, décidant de se prostituer, elles apprenaient les ficelles du métier au contact des travestis et des prostituées qui exerçaient sur la Croisette. Elle reconnaît alors qu’au mois de juin bien qu’elle ne se livrait pas encore à la prostitution, elle avait remarqué l’accusé trois soirs de suite sur la Croisette, et à chaque fois, il l’avait fixée du regard. Cependant, elle ne l’a jamais eu comme client. - « Je ne la connais pas, si elle m’a vu, je ne m’en souviens pas. Je ne peux me souvenir de tous les gens que je croise dans la rue » allègue l’accusé. Le président expose aux parties que vont être entendues des personnes présentes le dimanche 23 juin 1991 et donne au préalable la parole à l’accusé pour qu’il fasse connaître son emploi du temps de cette journée. Après l’avoir détaillé, l’accusé rétorque qu’il n’a jamais déclaré qu’il y avait un homme dans la boulangerie. - « Un peu comme les deux ans sont devenus les deux mois puis les 10 ou 15 jours. La cour appréciera. » Après cette remarque, le président rappelle que les gendarmes n’ont pas retrouvé le pain déclaré jeté par l’accusé, recherches parmi d’autres qui démontrent la minutie de l’enquête. Il évoque Roland Boisson qui avait trouvé son visage fatigué puis remémore à l’accusé son silence quant à l’appel téléphonique de 12 h 45 et sa révélation tardive. Le président lui fait observer ses nombreuses contradictions relatives aux appels téléphoniques, ainsi que les gendarmes l’ont démontré dans l’enquête. Pour la partie civile, les explications de Raddad ne sont pas acceptables, notamment sur le fait que les investigations ont démontré que le matin il avait
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pris son service sans retard et n’avait aucune raison d’arriver plus tôt l’après-midi. Mme Arlette Boisson est appelée à la barre. Elle ne peut dire l’heure exacte à laquelle l’accusé a pris le travail au cours de la journée. - « J’étais étonnée qu’il soit là, je lui ai parlé et il m’a dit que le matin il était arrivé en retard et qu’il rattrapait ce temps. Je ne prêtais pas attention à ses horaires. J’ai entendu parler que mon mari lui avait apporté un sandwich, car il était fatigué. Je ne savais pas qu’il avait déjeuné. Il lui arrivait de quitter la propriété pour rentrer chez lui. J’ai su qu’il avait demandé des avances de salaire à ma mère ainsi qu’à Ghislaine Marchal et j’ai ouï-dire par ma mère que Mme Marchal lui avait déclaré qu’il ne fallait plus lui donner des avances et que c’était un service à lui rendre. » Le président évoque les écoutes téléphoniques qui font apparaître des réunions chez sa mère, et lui demande si ellemême a participé à la divulgation de renseignements. Elle soutient que sa famille ne croyait pas à la culpabilité d’Omar Raddad : « C’était tellement effrayant ». Elle répond à la défense : - « Omar avait un métier fatigant, il était tellement sérieux et discret. Je ne le connaissais pas assez mais c’était un homme correct. S’agissant du crime, il me paraît impossible que ce soit lui. » M. Roland Boisson suit son épouse à la barre. Il raconte que ce jour-là, alors qu’il était chez sa belle-mère, il n’a rien observé de plus sur Omar Raddad si ce n’est sa maigreur. Il ajoute qu’il est : « Un type qui a été placé en garde à vue dans les bureaux de la brigade de recherches en décembre 1991 ». Le président évoque l’entente potentielle avec sa belle-mère et MM. Vellard et Goldstein. Il lui fait considérer que personne ne s’était manifesté lors de l’enquête de voisinage immédiate et lui parle des écoutes téléphoniques et de la mani-
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pulation qui en ressort. Il retrace l’existence des communications téléphoniques avec les avocats de l’accusé et interroge : - « Avez-vous eu conscience qu’une telle ambiance aurait pu fausser le cours de la justice ? » - « Non, sans m’en rendre compte j’ai dérapé » soupiret-il. Un des assesseurs requiert du témoin une explication quant au fait de savoir si l’accusé pouvait être l’objet de racket. - « Non, si ce n’est qu’il demandait trop souvent de l’argent à ma belle-mère. » Le président lui demande s’il a eu les moyens de vérifier les déclarations de MM. Vellard et Goldstein. - « Non, cette affaire a été un enseignement cuisant à 60 ans. Un élément me revient. Omar m’avait dit qu’il avait dû expédier 5 000 F au Maroc. » - « Mais pourquoi n’en avez-vous pas parlé avant ? » - « Je suis un homme et j’ai oublié. De même, il me revient avoir dit à ma belle-mère, Mme Pascal : à mon avis c’est un homme qui a peur. » - « Pourquoi n’avez-vous pas livré cette information aux enquêteurs ? » - « Paris-Match en a parlé. » - « Donc, vous en avez parlé à la presse et non aux enquêteurs ! » Que pouvait-il répondre M. Boisson ? Les échanges se poursuivent sous la ferme direction du président Djian. - « Omar m’a dit qu’il devait expédier cette somme au début du mois de juin 1991. » - « Je n’ai jamais parlé de cet argent à Mme Pascal » objecte l’accusé. - « Dès les premiers jours de juin. » - « Je ne me souviens pas avoir dit que je devais envoyer de l’argent. Je n’ai rien envoyé. »
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Me Leclerc : « Le témoin a dit qu’il avait l’impression que l’accusé avait peur. Son comportement lui semblait-il ressemblant à celui d’un joueur ? » M. Boisson : « Je ne peux pas me prononcer car je n’en ai jamais entendu parler. Je ne me suis jamais posé de question à ce sujet. » - « Maintenant que vous savez qu’il est un joueur ? » - « Il avait le visage marqué par la peur et j’ai pensé qu’il était racketté. Maintenant que je sais qu’il est un joueur, je réalise mieux son comportement. » - « Pourquoi lui avez-vous donné de la nourriture le dimanche en début d’après-midi ? » - « Il était maigre. Ayant eu moi-même un accident, j’éprouvais de la compassion. Par triste mine, je le comparais à moi. Il avait la tête de quelqu’un qui avait l’estomac vide. » Me Vergès : « Le témoin a été placé en garde à vue à la brigade de recherches de la gendarmerie de Cannes. M. Boisson quel a été votre sentiment lorsque vous avez été fouillé à corps ? » - « Je n’ai pas été fouillé à corps » admet-il. L’auxiliaire de justice annonce que le procès-verbal l’indique, ce qui est vrai - que cela ne lui plairait pas et ajoute que dans les procès-verbaux, il a été occulté qu’un coup de fil a été donné à Mme Pascal : « Il en a fait de belles votre jardinier, elle l’a écrit avec son sang », et qu’on ne peut reprocher au témoin sa concertation avec sa belle-mère pour retrouver l’auteur de cet appel anonyme. Qu’a-t-il été fait pour retrouver cet appel anonyme ? Rien ! affirme-t-il. La question ne m’ayant pas été posée au débat, qu’il me soit permis de répondre à cette pertinente interrogation. La réponse est d’ailleurs dans la procédure et atteste que nous avions effectué des recherches auprès de France-Télécom, et que celles-ci n’ont pas abouti. D’autre part, est-il nécessaire de préciser qu’un enquêteur ne fait que retranscrire ce que le
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témoin déclare. Pour quelle raison le gendarme Guillaume, lorsqu’il a procédé à l’audition de Mme Pascal, aurait-il mentionné le prétendu appel anonyme reçu par cette dernière alors qu’elle n’en a jamais fait état. Et pour cause. Cette longue journée d’audience a vu défiler des témoins importants dont les gendarmes Evrard, Teulière et Liedtke, lesquels ont été parfaits dans leur comportement à la barre, dans la précision et la concision de leurs témoignages. Les défenseurs qui fréquemment manifestent une certaine agressivité de principe envers les enquêteurs, quels qu’ils soient, ont eu ici un comportement plutôt effacé et n’ont rien contesté à mes collaborateurs. Que pouvait-on contester au demeurant ! Le système de fermeture de la porte ? La piètre démonstration des précédents conseils de l’accusé ? La conspiration autour de Francine Pascal ? La garde à vue de Raddad ? L’absence d’interprète ? Les photos de ParisMatch ? Les prostituées ? Le vice du jeu ? Le timing des appels téléphoniques de Ghislaine Marchal ? La certitude que la victime devait se rendre chez les Koster à 13 heures ? La visite d’Erica Serin le lundi ? Et que sais-je encore ! A ce stade du troisième jour d’audience, la défense de l’accusé a été discrète ce qui me conforte dans le sentiment que les avocats n’avaient qu’une approche limitée des éléments objectifs du dossier et n’avaient rien à opposer aux conclusions de l’information judiciaire. Les éléments d’enquête que nous avions mis à la disposition de la justice étant inattaquables, la défense n’a pu sérieusement les contredire. Jeudi 27 janvier 1994 Dès l’ouverture de la séance, le président annonce qu’au cours des débats de cette journée vont être examinés le comportement, l’activité et l’emploi du temps de l’accusé, ses
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relations avec la victime. Les expertises techniques seront abordées. Avant que ne soit appelé le premier témoin, l’accusé demande la parole. Il déclare qu’il a été très heureux d’apercevoir M. et Mme Boisson, et ajoute qu’il aimait également beaucoup Mme Marchal. Mme Pascal est appelée à la barre. Avant que les jurés ne compulsent le dossier photographique, le président souligne à leur intention l’importance de ce témoignage. Après sa déposition spontanée, Francine Pascal répond à diverses questions du président, et fait ainsi état de ce que Ghislaine Marchal était secrète et ne se confiait pas. Elle avait, dit-elle : « Remarqué que j’avais un très bon jardinier et elle l’avait embauché. » Elle déclare : - « Omar m’avait demandé la veille de venir travailler ce dimanche, car il y avait cette fête où il devait aller. Il est arrivé un petit peu en retard le matin parce qu’il avait prévu de rentrer chez lui pour déjeuner. Il m’a fait cette déclaration lorsque je lui ai demandé, après le déjeuner. Ensuite, je ne me suis plus occupée de lui. Il est parti à 17 h. Il n’a pas eu de changement de comportement. Je n’ai pas remarqué s’il avait changé de vêtements. Un petit détail toutefois : le chien lui attrapait habituellement le bas de son pantalon, ce jour-là il ne l’a pas fait. Je pense que s’il y avait eu quelque chose d’anormal, il l’aurait attrapé. » Elle précise que la visite d’Erica Serin le lundi l’a inquiétée et qu’elle a appelé son médecin traitant. Elle décrit les recherches qu’elle a effectuées, les personnes qui l’ont aidée. Que s’agissant du sac, elle ne l’a pas vu, car elle ne s’y intéressait pas. Enfin, qu’à 21 heures, les gendarmes sont venus lui poser des questions jusqu’à 23 heures, et avant de la quitter l’ont informée de sa mort. Après leur départ, elle a reçu un appel de quelqu’un qui lui a dit : « Il en a fait de belles votre jardinier, elle l’a écrit avec son sang ». Sous le choc, elle n’a pas pensé à le dire aux gendarmes. Cela lui est revenu lors-
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qu’elle était en voyage dans les Vosges, trois mois plus tard. Elle ne comprend pas pourquoi elle a été placée en garde à vue à la gendarmerie. Le président lui demande si cette mesure n’était pas en rapport avec l’intervention de certaines personnes tel M. Vellard. - « Moi, je ne sais pas s’il l’a vu passer, je ne vois rien d’autre à dire. » - « Avez-vous, dans cette affaire, été un témoin neutre ou avez-vous pris une part active ? » - « Non, je n’ai pas pris une part active. » - « Vous avez été placée sous écoute téléphonique, Madame. » - « Je ne le savais pas. » Le président lui explique les raisons des écoutes téléphoniques qui ont un rapport avec sa révélation tardive en concomitance de celles de MM. Vellard et Goldstein. Puis il souligne que cet appel qui ne figurait pas dans ses dépositions lui serait revenu à la mémoire trois mois après : - « Vous avez été interrogée à plusieurs reprises par les gendarmes, que vous avez vus d’autre part très souvent, pourquoi n’avoir rien dit ? » - « Il s’agit d’une déficience, je ne pensais pas que c’était important » s’excuse-t-elle. Le magistrat rappelle le sentiment exprimé par les gendarmes et le juge d’instruction, lesquels ont fait état de concertation et de dénaturation des faits en référence à la procédure de retranscription des écoutes téléphoniques de la ligne du témoin et de celle de Latifa Chérachni. En effet, les démarches allaient bon train entre Francine Pascal, Latifa Chérachni et ses sœurs, voisins favorables à l’accusé, avocats et journalistes. - « Dans ces écoutes, on voit la démarche d’un certain André ? »
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- « Je ne crois pas avoir pris contact avec d’autres personnes que les gendarmes et le juge d’instruction. » - « Vous dites ne pas avoir constaté que l’accusé était arrivé en retard. Dans votre déposition initiale, vous dîtes le contraire. » Pour conforter ce qu’il avance, le président lit sa déposition qui fait ressortir ses contradictions, et poursuit avec l’utilisation de la langue française par le père de l’accusé puis par l’accusé lui-même. Le témoin déclare que lorsque le père d’Omar travaillait pour elle, ils se parlaient en français et se comprenaient. - « Peut-être qu’en ce qui concerne Omar, je lui parlais en français et il me disait toujours "d’accord", il me répondait sans problème. » Mme Pascal est sollicitée par le président Djian à travers de multiples questions auxquelles elle répond parfois avec de biens excusables difficultés. - « Omar n’avait pas l’air handicapé ; il est parti acheter du pain en fin de matinée, mais je ne l’ai pas vu partir et je n’ai pas entendu son cyclomoteur. Je déjeunais sur la terrasse d’été, et s’il a quitté la propriété je ne pouvais l’apercevoir car il ne passait pas dans mon champ de vision. Je ne le surveillais pas, ses horaires étaient de 8 h à 12 h et de 14 h à 17 h. Je ne me souviens plus si je lui avais fait rattraper des heures de retard. Il me semble qu’il ne m’a jamais dit qu’il commencerait avant pour rattraper. » Aux nombreuses questions du président, Mme Pascal s’embrouille, paraît avoir des difficultés à suivre, ce qui est compréhensible, car Mme Pascal est une personne âgée mais elle refusera d’utiliser la chaise que le magistrat lui propose. - « Je ne me souviens pas si les volets de La Chamade étaient ouverts ou fermés. Je n’ai pas remarqué s’il y avait un agenda, par contre, je me souviens de l’intérieur qui était impeccable. Je ne sais pas si une des personnes avisées a
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pu être l’auteur du coup de téléphone anonyme. C’était une voix d’homme. Le docteur Delemotte ? Je ne pense pas, je n’ai pas reconnu le ton de sa voix. Celui de l’appel était très sec. Non, le docteur Delemotte ne savait pas que j’avais recommandé Omar à Ghislaine Marchal. C’était mon médecin traitant, mais il n’y a pas que le docteur qui ait participé aux recherches. » Le magistrat revient à ses déclarations, lit la première puis la deuxième déposition et demande ensuite à Mme Pascal de parler des avances sur salaire. - « Il y a une époque où Omar étant seul, sa femme se trouvait à Toulon, m’a demandé de l’argent. Je ne sais plus si je lui en ai donné. Il en a demandé à Ghislaine Marchal. Je ne sais pas si elle lui en a avancé. En tout cas, nous en avions parlé toutes les deux et elle m’avait dit que ce n’était pas un service à lui rendre que de lui avancer de l’argent. » Le président fait connaître sa déposition quant à la présence de l’accusé dans sa propriété à 13 h 10. Elle ne peut formuler aucune observation. Que s’agissant du pain acheté à la boulangerie, elle répond : - « C’est Omar qui m’a dit que c’était lui qui était allé en chercher. Je ne sais pas quand il m’a dit cela. Peut-être lorsqu’il a été arrêté... pareil pour le coup de téléphone, il me l’a dit mais je ne sais pas quand. » - « N’est-ce pas à l’occasion d’une de vos visites en prison ? » - « Non, M. le président. » Le magistrat lui demande de s’efforcer de ne pas confondre ses souvenirs personnels avec ce qu’elle a lu sur l’enquête ou appris par la suite dans la presse. Les questions succèdent aux sollicitations, Francine Pascal répond avec application mais pas toujours avec assurance tant un témoignage à la barre d’un tribunal est parfois d’un exercice nerveusement épuisant.
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- « Je ne l’ai jamais vu avec un couteau. Je pense qu’Omar m’a annoncé qu’il voulait rattraper le lundi en venant travailler le dimanche, le jour même, peut-être avant, je ne sais plus, je ne me souviens plus de rien, je ne peux préciser. » - « Teniez-vous des fiches de paie ? » - « Oui. » - « Notiez-vous les avances que vous consentiez à l’accusé ? » - « Non, mais mon gendre l’a peut-être noté. » Le président observe combien ce témoignage est laborieux et vient en aide au témoin en relisant sa déposition écrite, qu’elle ne peut que confirmer et qui précisait cette avance de 2 500 F qu’elle avait d’ailleurs notée sur son carnet. Le président lui demande de lui préciser la signification de ces phrases relevées dans ses dépositions : « Lorsque plus tard j’ai appris par les journaux qu’il jouait, j’ai compris son attitude qui correspondait parfaitement à celle d’un joueur dépourvu, cherchant à tout prix de l’argent pour assouvir son vice… Il n’était plus le timide et le calme que je connaissais. » Mme Pascal ne l’explique pas et a de plus en plus de difficulté à mettre de l’ordre dans ses idées. Elle s’embrouille quand le magistrat lui demande des précisions sur la deuxième demande d’avance. Maladroitement, elle balbutie qu’elle était absente à cette date, puis se ravisant, qu’elle était à sa résidence. Elle ne peut commenter le sens d’une autre de ses phrases : « J’aurais fait plus attention à lui s’il avait continué à venir chez moi. » Ses dépositions écrites lui sont relues. Elle les confirme : « Ghislaine Marchal n’est jamais venue avec une bouteille de vin. Je ne lui connaissais pas d’ennemi. J’ai pris l’initiative de téléphoner à la gendarmerie pour demander à être entendue suite à mon souvenir de l’appel téléphonique anonyme. Je ne sais pas si le 23 juin 1991 je devais encore de l’argent à Omar. » Sur ce dernier
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point, le président lui fait observer qu’elle a dit le contraire aux gendarmes. - « Je le payais en fin de journée, je ne sais plus si ce jour-là je devais lui payer sa journée. » Mme Pascal est pathétique, mais elle se trompe lorsqu’elle déclare qu’il est possible d’accéder à La Chamade depuis sa propriété en écartant les ronces, ce qu’elle admet n’avoir jamais fait. Les deux maisons, nous l’avons vu, ne sont pas mitoyennes, loin s’en faut. Suit sa déposition sur la personnalité de l’accusé. Le président évoque, à la suite, sa communication téléphonique avec Latifa Chérachni à qui elle promet l’envoi d’un chèque et qu’elle informe du long entretien qu’elle a eu avec un des avocats de son mari. - « C’est exact » admet-elle. - « Il semble que les témoins se tenaient au courant les uns les autres. Avez-vous dit la vérité dans vos dépositions ? » - « Oui. » M. Farret : « Vous dites qu’Omar a téléphoné vers 12 h 45. Pourquoi ne l’aviez-vous pas dit au préalable ? Pourquoi le dites-vous maintenant ? » - « Je l’avais oublié. » - « Vous étiez toutefois préoccupée par la défense d’Omar Raddad ? » - « Je m’en suis souvenue il y a longtemps, et il y a longtemps qu’il me l’a dit. » - « Il vous l’a dit ? » - « Oui, il est allé téléphoner pour dire qu’il irait à la fête le lendemain. » L’avocat général interpelle l’accusé : « Vous ne vous étiez pas souvenu de cet appel ? » - « Je me souviens avoir dit à Mme Pascal que j’avais téléphoné peu avant 13 h. » - « Vous n’en avez parlé ni aux gendarmes ni au juge
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d’instruction et vous dites que vous en avez parlé à Mme Pascal ? » - « Les gendarmes et le juge ne m’ont pas posé la question. En plus, j’avais la conscience tranquille. » Me Vergès fait remarquer qu’Omar résonne bien dans la bouche du témoin, mais pas dans celle de l’avocat général ; laissant entendre que ce dernier prononce le prénom de l’accusé avec dédain. Il intervient et demande d’arrêter l’audition de Mme Francine Pascal en raison de son âge et des deux heures de présence à la barre. Le président lui rappelle qu’il conserve la direction des débats. Me Leclerc : « A quoi vous étiez-vous aperçu qu’il mentait lorsqu’il vous disait qu’il envoyait de l’argent au Maroc ? » - « Je ne sais pas. » - « Mme Pascal, vous avez un agenda sur lequel apparaît le mercredi 5 juin la mention manuscrite d’une somme de 2 500 F. Est-ce là le premier versement effectué à l’accusé ? » - « Je ne sais plus. » - « L’accusé ne téléphonait pas de chez vous à son domicile à Toulon, exceptionnellement, ce jour-là, lui auriezvous donné l’autorisation de téléphoner de chez vous ? » - « Oui, s’il me l’avait demandé. » - « En décembre 1991, vous dites que les gendarmes sont partis sur une mauvaise piste. Maintenez-vous ce sentiment ? » - « Oui. » Elle confirme à Me Vergès que la victime était discrète et avait une vie secrète, qu’elle n’aimait pas que l’on se mêle de ses affaires et qu’Omar travaillait chez elle depuis longtemps. Il déclare, dogmatique : - « Le témoin a dit tout ce qu’elle savait, tard, mais elle l’a dit, le mal est réparé. » Après une courte interruption de séance, l’audience re-
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prend. Le président fait connaître que seront entendus les témoins relatifs à l’emploi du temps de l’accusé ; témoins qui ont tous été cités à comparaître et qui sont "intervenus" sur l’itinéraire allégué de l’accusé. Auparavant, il donne lecture des déclarations des personnes présentes sur la propriété Pascal et qui n’ont pas été citées à comparaître, comme Mme Nicole Jacquot, puis demande à l’accusé s’il a des observations à formuler sur le fait que celle-ci, qui habite en limite de propriété, ne l’a pas vu passer sur le chemin qui la longe et qui conduit à La Chamade. - « Je ne suis pas passé sur ce chemin, car après être sorti de la propriété de Mme Pascal, j’ai tourné à droite. Je passais sur ce chemin lorsque j’allais chez Mme Marchal, mais ce jour-là je n’avais aucune raison d’y aller. » Avec Corinne Dray puis Gisèle Landra – les employées de la boulangerie du Val de Mougins –, débute la série des témoignages qui contredisent l’alibi de l’accusé. Comme elles l’ont déclaré aux gendarmes, aucune n’a souvenir d’avoir remarqué Omar Raddad le dimanche 23 juin 1991. Toutes deux sont formelles, ne varient pas dans leur déposition respective et acquiescent à la lecture de leur déclaration. Elles rejettent la présence d’un homme derrière le comptoir comme le laissait entendre Raddad et confirment que leur patron ne passait que très tôt, mais jamais à midi. Le président demande à Corinne Dray si elle connaît l’enseigne de l’autre boulangerie du Val de Mougins : - « Non, mais pour y accéder, il faut monter quelques marches, ce qui n’est pas le cas pour la nôtre. » Le président déclare ne pas avoir connaissance dans le dossier de vérifications auprès de l’autre boulangerie et souligne que c’est l’accusé qui a désigné ce commerce. Il lui demande : - « Dans quelle boulangerie vous êtes-vous rendu ce dimanche 23 juin 1991 ? »
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- « A la boulangerie du Val de Mougins dont j’ignore le nom. » Le président fait remarquer, détail que j’ai déjà évoqué, que ce sont les gendarmes qui, sur les indications de l’accusé, l’ont transporté jusqu’à la boulangerie du Val de Mougins. Il cite l’adjudant-chef Claude Bégou et le gendarme JeanJacques Rigas, puis donne lecture du procès-verbal de renseignement qui a été rédigé pour cette mission, et qui atteste que c’est Omar Raddad qui a désigné le commerce. L’accusé répond : - « Je me souviens avoir été dans ce quartier, je ne suis pas sorti du véhicule, je n’ai jamais été présenté à cette personne. La voiture était arrêtée devant la boulangerie et un gendarme m’a demandé de m’approcher de la vitre et elle m’a effectivement vu. De la voiture je voyais la boulangerie, mais j’ignore ce qui s’est passé. Vous savez M. le président, ce jour-là j’étais désemparé. C’est pourquoi je n’ai pas dit que c’était celle-là. Je n’ai jamais dit : c’est cette boulangerie. On ne m’a pas posé la question de désigner l’autre. » Me Leclerc intervient et fait observer que c’est effectivement l’accusé qui a désigné la boulangerie qui n’avait pas d’escalier, que cela ne suscite aucun doute et écarte toute incertitude. Raddad répond qu’il ne se souvient pas d’avoir indiqué ce détail ; qui figure cependant dans le procès-verbal de son audition. Me Vergès fait remarquer que Mme Dray, qui travaillait depuis 4 h 30 du matin, pouvait, à 13 heures, être fatiguée. Le président, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, n’estimera pas nécessaire de citer les gendarmes Bégou et Rigas à comparaître. Il lit ensuite le procès-verbal d’audition du patron boulanger, Alain Cordovani, dans lequel il est précisé que dans ce commerce, aucun homme n’est employé. Me Pétillault demande à Gisèle Landra où elle se trouvait au moment en question.
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- « A la cuisson, je ne sers qu’exceptionnellement le dimanche. » - « Donc, il y a des clients que vous ne voyez pas ? » - « Oui. » Succède à la barre, Mme Micheline Tomas citée à la requête de l’accusé, dont le témoignage, nous l’avons vu dans l’enquête initiale, est important. Elle déclare spontanément : - « Je n’ai pas aperçu l’accusé dans la boulangerie durant le temps où j’ai attendu la cuisson du pain, un bon quart d’heure. J’ai d’ailleurs téléphoné à mon fils pour qu’il vienne me chercher. Je n’ai pas souvenir d’avoir pris contact avec MM. Vellard et Goldstein. » Le président retrace sa déclaration initiale qui précisait l’horaire déclaré alors qu’elle attendait la cuisson du pain. Elle confirme que Christian Vellard l’a bien appelée au téléphone pour savoir si elle l’avait vu sur le chemin StBarthélémy. Elle maintient ses appréciations sur ce dernier : - « Il n’a que cela à faire, penser ! » Me Pétillault intervient et révèle que le témoin a été entendu deux fois par les gendarmes. Il conçoit qu’on puisse varier dans ses dépositions. Or, sur un point, il note une contradiction. Le témoin a déclaré dans sa première déposition : « Je suis incapable de vous indiquer qui est entré dans le commerce en ma présence » et dans sa deuxième déposition, elle disait : « Il n’est pas rentré ». Mme Tomas répond : - « Je me suis contredite, mais l’accusé n’était pas là. Et je le répète, j’ai attendu un bon quart d’heure, car le pain était à la cuisson. J’ajoute que lorsque je suis passée devant La Chamade, je n’ai rien vu d’anormal et je n’ai rencontré personne sur le chemin St-Barthélémy. Je n’ai donc pas vu MM. Vellard et Goldstein. » Jean-Pierre Gaye, le gérant du magasin Casino confirme en tous points sa déclaration et son emploi du temps le
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jour du meurtre. Le président précise que le témoin a déclaré ne pas se souvenir d’avoir vu Omar Raddad et observe que M. Gaye, contrairement à la déclaration de l’accusé, n’a jamais été seul comme il a été démontré dans l’enquête initiale. M. Pascal Villeneuve-Gallez lui aussi certifie qu’il n’a pas vu l’accusé, et que son ami, Jean-Pierre Gaye, était accompagné de son épouse, de leur fils et de leur chien. Il confirme ce qu’il avait déclaré aux gendarmes : « Je n’ai absolument pas rencontré Omar Raddad, et à aucun moment je n’ai vu Jean-Pierre Gaye, seul. » A la suite, le président donne connaissance de la déclaration de Magali Gaye, celle-ci n’étant pas citée à comparaître. Ce témoin avait catégoriquement confirmé qu’elle connaissait Omar de vue, qu’elle ne l’avait pas vu ce jour-là et que son mari à aucun moment ne s’était retrouvé seul. L’accusé : « Je l’ai vu rapidement, mais je n’ai pas vu s’il était seul. » Me Vergès : « Etait-ce habituel de vous trouver là, à cet endroit, à midi dix ? » Le témoin : « Non, car d’habitude le magasin est fermé. » Me Leclerc : « Le dimanche le magasin n’est pas ouvert. L’accusé a dit que le Casino était rempli de monde et que par conséquent il ne pouvait pas reconnaître quelqu’un. Or, le témoin dit que le Casino est toujours fermé le dimanche. » Mme Maryse Didisheim veuve Muller, gérante d’une agence immobilière, déclare à la cour avoir employé l’accusé en qualité de jardinier, et gérer l’appartement que les Raddad louaient. Elle soutient que l’accusé ne devait pas de l’argent au moment de son incarcération, qu’il était très aimable et poli. Le président lui rappelle qu’elle a prêté serment et lui précise que cela ne correspond pas à sa déposition écrite. Le témoin se reprend :
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- « Je ne pouvais pas le garder, car il n’était pas courageux au travail, ne comprenait pas bien le français. Il était un peu paresseux dès qu’on ne le surveillait pas. » Le président : « Vous avez dit qu’il ne devait pas de l’argent au moment de son arrestation. Cependant, dans vos dépositions, vous dites le contraire, qu’il était redevable de 2.232,40 F. » - « C’est vrai il était débiteur au moment de son arrestation. » - « Cette somme vous a-t-elle été payée ? Par qui ? » - « Par mandat. Qui ? Je pense que c’est Mme Raddad. » - « Omar ne comprenait pas très bien le français. Il disait toujours OK, et en fait le travail n’était jamais correctement exécuté. La caution ? L’appartement avait subi quelques dégradations, mais du fait des circonstances la propriétaire m’avait demandé d’en prendre la moitié pour payer le loyer et les quelques travaux qui s’imposaient » répond-elle aux sollicitations du magistrat. M. Jean Biliotti qui se tient maintenant à la barre est le résidant dont le balcon surplombe l’entrée du Lotus. Il déclare spontanément bien connaître l’accusé, qu’il considère comme un homme gentil et doux puis il soutient, comme dans ses précédentes déclarations, que dans la cour intérieure de la résidence il n’y avait pas son cyclomoteur. Il répond au président qu’il ne l’a pas vu, qu’il est peut-être venu mais qu’il n’en sait rien, que ce jour-là, il attendait sa famille de 12 h à 13 h 15 et que lorsque celle-ci est arrivée, il n’est pas descendu pour l’accueillir, s’assurant seulement du bon fonctionnement de l’ascenseur. Me Leclerc : « Les gendarmes vous ont interrogé dans la semaine du meurtre, vous aviez donc un souvenir fort ? » - « Oui, c’est exact. » Me Vergès : « Le témoin a été entendu par des gen-
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darmes, mais ce qui compte c’est que dans le procès-verbal le témoin dit : on ne l’a pas vu et il n’est pas venu. Or aujourd’hui, il déclare : on ne l’a pas vu mais il est peut-être venu. » - « C’est ce que je veux dire. Vous avez raison maître. » Son épouse, Marie-Maryse Riposati, le remplace à la barre des témoins. Elle confirme ne pas avoir vu Omar Raddad le jour du meurtre. - « J’étais sur mon balcon de 11 h 30 à 13 h 15 - 13 h 20. Je guettais l’arrivée de ma famille et suis restée constamment sur mon balcon. » Le président : « Dans votre déposition vous dites être restée sur votre balcon de 11 h 30 jusqu’à 12 h 45 - 12 h 50 et non au-delà de 13 h. » - « M. le président, j’ai eu une hémiplégie mais j’ai dit la vérité aux gendarmes. » - « Donc, c’est votre déposition précédente qu’il faut prendre en compte ? » - « Oui, depuis cette affaire j’ai peut-être un peu perdu la mémoire. J’ai eu cette maladie en 1970, mais elle n’a eu aucune incidence sur mes déclarations le jour de mon audition. » Me Vergès : « Le témoin, qui a 66 ans, nous apprend qu’elle a été victime d’une hémiplégie. Je constate qu’elle a déclaré aux gendarmes être sur son balcon jusqu’à 12 h 45 et aujourd’hui elle nous dit qu’elle s’y trouvait jusqu’à 13 h 15. » - « Oui, j’ai pu me tromper, mais je suis sincère. J’étais bien sur mon balcon de 11 h 30 à 12 h 45. » Après que le président eût précisé le contenu de l’agenda 1990, du carnet de bulletins de salaires et des pages de mots fléchés et mots croisés de la victime, l’avocat général informe la cour, le jury et les parties des recherches infruc-
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tueuses concernant Salem El-Ouaer. Les parties, sur interpellation du président, déclarent renoncer expressément à la comparution et à l’audition de ce témoin dont il sera passé outre aux débats. En vertu de son pouvoir discrétionnaire le magistrat donne lecture, à titre de simple renseignement, du procès-verbal de déposition de cette personne ; déposition que nous avions recueillie lors de l’enquête sur commission rogatoire. Il faut noter qu’à la suite de la lecture de cette pièce de procédure aucune des parties, invitées à présenter leurs observations ou explications, n’a formulé une réserve ou une réclamation à cet égard. Le président fait présenter les scellés où apparaissent les fautes d’orthographe commises par la victime et diverses autres pièces à conviction. Me Vergès intervient et commente la différence entre « Payé et Payer ». Le président donne lecture de quelques procès-verbaux de renseignement sur des personnes suspectées ayant fait l’objet d’investigations puis fait observer que des procès-verbaux d’enquête démontrent que les enquêteurs ne se sont pas braqués sur le seul Omar Raddad, enfin il informe la cour des auditions de Gilbert Foucher et de la lettre de dénonciation reçue par le juge d’instruction concernant Michel Théry. Défilent ensuite à la barre plusieurs experts et tout d’abord le docteur Yves Marcelet, pharmacien biologiste, expert à Nice. Rendant compte de l’exécution de sa mission, il déclare regretter n’avoir pu la réaliser entièrement, n’étant pas équipé pour cela (mon adjoint lui avait effectivement adressé, pour expertise biologique, le tube galvanisé et le chevron ; qui ont été récupérés puis adressés au laboratoire Codgène à Strasbourg). Il précise d’autre part avoir reçu deux flacons de sang de l’accusé et une réquisition signée par moimême, mais relève, comme il l’avait précisé dans son rapport écrit, que la mission n’était pas accompagnée de l’ordonnance du médecin légiste. Il a pu cependant, après avoir constaté
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l’intégrité des scellés, réaliser son examen qui a conclu à une alcoolémie négative. Les examens biologiques du sang de la victime n’ont pas révélé la présence d’alcool et de psychotrope. Il ajoute que le 2 juillet, il a reçu plusieurs autres prélèvements de la gendarmerie de Mougins, mais fait remarquer que le sang datait de 10 jours, qu’il s’était détérioré et que les gendarmes n’avaient certainement pas conservé les flacons dans un réfrigérateur. Cette observation, qui prête à confusion, est mal fondée et mérite une explication. Les scellés, conservés comme d’habitude dans le réfrigérateur de la brigade de recherches, ont été acheminés le 29 juin, soit le lendemain du prélèvement pratiqué lors de l’autopsie. Pour preuve, mon bordereau d’envoi n° 541/2 du 29 juin 1991 signé le jour même par le docteur Marcelet en personne. Ce que confond le praticien, qui met gravement en doute la qualité de soins de préservation des indices, c’est la remise à son laboratoire des prélèvements secs que mon technicien a extrait, le 24 juin, des portes, de l’interrupteur et du tube galvanisé, suivant mon bordereau d’envoi n° 544/2 signé par lui-même, le 2 juillet 1991. Ce genre d’amalgame, pour un expert, à la barre d’une cour d’assises est bien regrettable. Me Vergès profite de cet exposé pour créer le doute sur l’analyse et la célérité de l’enquête. Ce qui est, somme toute, de bonne guerre. Cependant, l’avocat aurait dû profiter de mon passage à la barre pour discuter mes compétences. J’attends toujours la question. Ayant lu dans la presse ce détail polémique, je m’étais présenté pour témoigner avec mon attaché-case et les documents justificatifs précités, et bien d’autres, que j’aurais pu produire à l’appui de mes réponses. N’ayant pas eu de question, je n’ai pas eu à ouvrir mon portedocuments. Suit le lieutenant Donche, de l’institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale à Rosny-sous-Bois.
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Cet expert déclare que son service a été requis pour rechercher d’éventuelles empreintes sur le sac à main de la victime et que leurs travaux sont négatifs. Deux remarques sont faites par l’expert qui dit avoir reçu cet objet cinq mois après les faits, sous scellé ouvert alors qu’il devait être protégé de la lumière et de l’humidité et que d’autre part, le cuir n’étant pas un bon support, il était donc plus difficile à traiter. Le président s’enquiert du résultat des recherches sur les objets contenus dans le sac, notamment le miroir du poudrier. L’expert soutient qu’il a trouvé quelques crêtes papillaires visibles qui n’ont pu être exploitées car insuffisantes en nombre pour permettre une discrimination. La partie civile : « Sur du cuir, il est donc difficile de relever des empreintes. Sur un chevron, un bois brut, vernis ou mouillé est-ce possible ? » Le président : « Est-ce qu’une empreinte sur un chevron de bois brut peut être retrouvée ? » L’expert : « Oui, même quelques temps plus tard. Par contre, le tube galvanisé est un support qui ne conserve pas longtemps les traces mais il était possible d’effectuer une recherche. » A la demande du président, il déclare que ces recherches sont possibles sur du ciment, mais pas sur du crépi. Puis il répond à Me Vergès que si les précautions nécessaires avaient été prises dans les délais les plus brefs et sous scellé fermé, il aurait pu faire un bon examen. Que d’autre part, si le sac avait été envoyé, protégé de la lumière et à temps, il y avait 65% de chance de découvrir des empreintes. Le lieutenant Donche est comme moi officier de gendarmerie et je ne mets pas en cause ses très vraisemblables compétences en matière d’expertises, mais il devait tout ignorer du contexte et des motifs de la non-saisine de son service. En effet, dans le temps du crime flagrant, dès que les scellés furent constitués et avec l’accord du parquet, j’ai demandé le
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concours de l’IRCGN. Je précisais à mon correspondant dont j’ignore aujourd’hui l’identité et la fonction, que j’avais besoin de leur service dans le cadre de nombreuses expertises de toutes natures, dont des recherches d’ADN sur le chevron, le tube galvanisé, etc. Après en avoir référé, il m’était signifié, assez rapidement d’ailleurs et à ma grande stupéfaction, que leur service ne pouvait exécuter les expertises sollicitées au prétexte qu’il s’engageait seulement… sur des affaires résolues et moins médiatisées. Il est vrai que créé depuis quelques mois seulement, l’institut devait, à l’évidence, se faire connaître et n’avait probablement pas la capacité d’exécuter, dans des délais raisonnables, l’ensemble de ces investigations. Ce qui était réalisable en 1994 ne l’était pas en 1991. En ce qui concerne ce chevron, nous avions, avec le magistrat instructeur, privilégié la recherche d’ADN à celle plus poussée, en laboratoire, d’une empreinte digitale ; plus aléatoire à révéler en raison de la rusticité de la surface du bois. C’était un choix. Il faut savoir, dans chaque cas d’espèce, choisir le type d’expertise à réaliser car les produits utilisés pour révéler les empreintes rendent impossible toute recherche d’ADN ultérieure. Et vice versa. C’est donc dans divers laboratoires du territoire national, commis par le juge d’instruction, qu’ont été adressés ou transportés les scellés en vue de leur expertise ; certains, les plus sensibles, par containers isothermes et par voie aérienne (vol IT 5158 - Nice/Strasbourg). Pour ce qui concerne le sac à main de la victime, il n’a été saisi que plus tard dans le déroulement de l’enquête sur commission rogatoire. Il n’y avait aucune raison de le saisir dans le cadre de l’enquête de crime flagrant ; plusieurs personnes l’ayant manipulé, le mobile du vol n’apparaissant pas. Quant à sa protection avant expertise, si ce sac à main était effectivement placé sous scellé ouvert, il était protégé,
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comme je l’ai écrit par ailleurs, par un sac en papier épais. D’autre part, en ce qui concerne son acheminement vers Rosny-sous-Bois, c’est Patrice Gervais et moi-même qui l’avions remis en main propre à son service. L’ignorance en la matière du lieutenant Donche est bien désagréable et regrettable. Les parties renonçant à l’audition du docteur Patrice Mangin, expert du laboratoire Codgène de Strasbourg, régulièrement empêché, c’est son co-expert, le docteur Bertrand Ludes qui va lire le rapport d’expertise du 30 août 1991. Celui-ci déclare que certaines analyses ont été rendues difficiles par une insuffisance en qualité et en quantité de l’ADN extrait ou une dégradation partielle du produit tel le sang séché sur le chevron, le tube galvanisé, les chaussures de la victime et son peignoir. Il précise que si le prélèvement intervient dans les 24 heures, l’analyse est encore possible malgré l’effet de la macération. Comme il était spécifié dans le rapport, les examens n’ont pas mis en évidence de spermatozoïdes dans le prélèvement vaginal. Le sang remarqué sur le chevron et le tube galvanisé est celui de la victime, sous ses ongles, le sang biologique est également le sien. Il précise que s’il y avait eu du matériel biologique exploitable de l’accusé sous les ongles de la victime, il l’aurait déterminé. En ce qui concerne les vêtements, l’expert déclare qu’il n’a rien trouvé et il est très réservé sur la possibilité de retrouver une trace après lavage en machine. Succède à la barre, un expert en micro analyse génétique, Jean-Marie Grafeille, du laboratoire Serma implanté en région bordelaise. Le technicien fait son rapport sur la cisaille et déclare, comme il l’avait noté dans sa conclusion du 28 octobre 1991, que cet instrument a produit de l’ADN animal et qu’il ne peut exclure formellement qu’il ne s’agisse pas de sang humain. Le président trouvant sans doute cette phrase ambiguë demande à l’expert de l’expliquer. Jean-Marie Grafeille soutient que lorsqu’il emploie le terme animal, c’est
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dans un sens large qui peut comprendre le sang humain. Ce même laboratoire a été commis le 8 novembre 1991 par le juge Renard pour rechercher sur les vêtements et chaussures de l’inculpé, les éventuelles traces de poussière provenant de la cave ou d’ADN appartenant à Mme Marchal. L’expert commente son travail et conclut que l’extraction effectuée sur la veste de l’accusé a permis d’obtenir 10 ng d’ADN. Cependant, la présence d’inhibiteurs vis-à-vis des enzymes de restriction a rendu impossible l’analyse par la technique de l’empreinte génétique. Quant aux micro particules retrouvées dans le bas du pantalon et sur les semelles des chaussures, elles sont en corrélation, à l’état de traces, avec le sédiment prélevé dans la cave. Deux conclusions très importantes qui n’ont pas dû échapper à la cour, car elles établissent que le taille-haie peut être l’arme du crime et que l’accusé, dans un temps très voisin de son arrestation, était présent dans la cave de La Chamade. Vendredi 28 janvier 1994 A l’ouverture de la séance, le président agissant en vertu de son pouvoir discrétionnaire communique aux assesseurs, jurés, conseils des parties et à l’accusé lui-même les albums photographiques de la propriété, de la cave de la résidence, de l’environnement et des prises de vues aériennes. Le président déclare que les gendarmes, aujourd’hui, seront entendus sur l’analyse des faits et que dans l’après-midi seront examinées les portes de la cave. A 10 heures, René Courbet, docteur en psychologie et expert près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, décrit le profit médico-psychologique de l’accusé. Cet expert a examiné Omar Raddad le 20 juillet 1991 suivant ordonnance de la juge d’instruction Sylvaine Arfinengo. Comme il le précisait en introduction de son rapport, le docteur Courbet note que lors-
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qu’il s’est entretenu avec Omar Raddad, celui-ci s’exprimait suffisamment en français pour permettre l’entretien. Il s’était montré poli, coopérant durant ses investigations et très calme. Le docteur poursuit la lecture de son rapport où il faisait état des lacunes de l’accusé dans le domaine de l’instruction, ne sachant ni lire ni écrire le français ou l’arabe. Son examen ne révélait aucune dépendance aux toxiques et l’accusé lui avait déclaré ne s’être jamais adonné aux stupéfiants. Il ne présentait aucun antécédent médico-psychologique. Les tests psychologiques n’ont pu être exécutés du fait de sa carence d’instruction et de sa faible acculturation. L’expert fait état que l’accusé avait un problème à la main droite, qu’il décrit ainsi : « La préhension du stylo était très originale. Il s’en saisissait dans son poing droit serré, coinçant le bas du stylo dans une pince constituée par les phalanges de l’annulaire en dehors et de l’auriculaire en dedans. » Cette préhension était mise par l’inculpé sur le compte d’une insensibilité des autres doigts suite à un accident survenu à son avant-bras droit en 1988. Il alléguait par ailleurs ne pas avoir beaucoup de force dans ce membre supérieur. Enfin, le psychologue expose que l’accusé ne présentait aucun signe dépressif, possédait un bon contrôle émotionnel et comprenait les termes usuels de la langue française. Sa conduite était celle d’un homme fruste et son QI normal faible. L’avocat général demande à l’expert comment a-t-il constaté chez l’accusé ce contrôle émotionnel. - « Au niveau de l’entretien. » - « Comment pouvez-vous relever qu’il ait pu cacher son jeu ? » - « Il ne m’a pas indiqué qu’il jouait. » - « Comment expliquez-vous cela ? » - « Peut-être voulait-il cacher cette vision-là. » Le docteur Courbet, lorsqu’il a demandé à Raddad de
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lui faire connaître ses goûts et ses loisirs, avait noté sur son rapport : « Quand il ne travaille pas, il fait le marché, dort, joue avec son fils aîné. De temps en temps il rendrait visite à son beau-frère à Cannes où il a quelques amis. Il aime regarder la télévision, jouer aux dominos, écouter les cassettes de musique arabe. » L’accusé s’était bien gardé d’avouer sa passion des machines à sous et cet aspect de sa personnalité, nous l’avons vu, n’avait pas encore été versé au dossier. Me Leclerc : « Pour quelles raisons ne vous êtes-vous pas fait assister d’un interprète ? » - « Je n’ai pas eu besoin d’un interprète pour l’entretien. L’accusé comprenait et parlait suffisamment le français. » Me Vergès : « Je n’attache pas d’importance à ce fait. » Me Leclerc : « Je cherche seulement la vérité. » Le docteur Macario va rappeler le rapport de l’expertise médicale qui a été pratiquée à la maison d’arrêt de Grasse les 11, 13 et 24 juillet 1991 en collégialité avec ses confrères Ménard et Page. L’expert, après avoir fait remarquer que les trois entretiens avec le détenu ont eu lieu sans recours à un interprète détail qui revient très souvent dans ce procès , fait état des lésions à son bras droit ayant entraîné des troubles de la sensibilité, une amyotrophie et une diminution de la force musculaire. Ces lésions ont généré des difficultés pour qu’il puisse effectuer une rotation à son poignet. L’accusé se servait de ses doigts comme de pinces, ses prises étaient efficaces uniquement pour les deux derniers doigts. - « Il est gaucher autant que droitier, si ce n’est plus. Il est devenu progressivement ambidextre, de prédominance gaucher dans la vie de tous les jours. » Sur le plan psychologique, les trois experts ont fait le même constat que le docteur Courbet. Omar Raddad était poli, calme et ne présentait aucun signe dépressif réactionnel à son incarcération. Son contrôle émotionnel était bien maîtrisé. Tous trois remarquaient son paupérisme culturel dû à
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l’absence de toute scolarisation et notaient son analphabétisme tant en français qu’en arabe malgré sa compréhension des termes usuels de la langue française. Ils concluaient que sa conduite était celle d’un homme fruste, doté d’une faible capacité introspective sans trouble du cours de la pensée. Le président donne connaissance du rapport d’un autre médecin ayant examiné la blessure de Raddad. Ce praticien certifiait que la main droite de l’accusé avait perdu de sa mobilité. A la suite, il lit l’acte de notification des résultats des expertises qui concluaient que l’accusé utilisait ses deux mains. Le magistrat fait état notamment que le docteur JeanMarie Ménard, dans ses conclusions médico-légales déposées le 29 août 1991, précisait que M. Raddad était en mesure malgré son infirmité, d’une part de tenir de la main droite un couteau, en s’aidant notamment des deux derniers doigts et de porter des coups à l’origine des blessures constatées sur la victime et d’autre part d’utiliser cette main droite pour tenir un chevron au-dessus de la tête de Mme De Renty. Que d'ailleurs, les constatations effectuées lors de l’autopsie de Mme De Renty avaient mis en évidence une multitude de coups portés ainsi qu’une dissémination de ces coups, ceci pouvant s’expliquer par des troubles de la sensibilité et de la maladresse du bras de l’agresseur. Le docteur Alexandre Chabat, expert ophtalmologue désigné par le juge d’instruction, confirme à la barre son rapport du 12 novembre 1991 où il avait consigné que la victime pouvait voir sans lunettes à moins de deux mètres et avait pu effectivement voir et reconnaître une personne familière, sans ses lunettes, à moins de deux mètres. Celles qu’il a examinées avaient des verres à vision de près, ce qui était normal pour une personne de 60, 65 ans, souligne-t-il. Le président : « Vous concluez votre rapport par : il y a de fortes chances pour qu’un individu appareillé de la sorte ait une acuité visuelle de loin qui lui permette de distinguer
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une personne familière entre 50 cm et deux mètres. Qu’entendez-vous par fortes chances ? » - « J’entends qu’il s’agissait de lunettes pour voir de près mais aussi que la victime pouvait distinguer une personne familière sans lunettes dans l’espace que vous précisez. » Me Leclerc : « Il s’agit de lunettes que porte une personne pour lire seulement, et les témoignages sont suffisamment étayés pour retenir que la victime n’avait nul besoin d’être appareillée pour reconnaître quelqu’un et a fortiori un familier. » Le docteur Gérard Page fait son rapport de levée du corps que j’ai évoqué dans l’enquête. L’avocat général lui demande si la température du cadavre a été prise pour une datation plus précise de la mort. L’expert répond que dans son rapport il n’avait pas parlé de température exacte ; qu’il n’avait d’ailleurs pas prise, car pour lui c’est une question d’habitude. A la demande de la partie civile, il confirme être arrivé sur les lieux entre 20 h et 20 h 15, avoir vu des taches de sang sur un mur et pensé qu’il devait s’agir d’une affaire grave. Me Vergès : « Est-il normal, lors d’une levée de corps, de ne pas prendre sa température ? » - « Je ne la prends jamais, mais théoriquement j’aurais dû la prendre. » - « Donnez-moi acte. A partir de combien d’heures les yeux se voilent ? » - « C’est très variable. Des yeux clairs peuvent le rester pendant plus de 24 h. » Me Vergès répond qu’il enregistre tout cela et qu’il n’est pas d’accord. C’est ensuite le docteur Ménard, médecin-légiste, qui est entendu sur le rapport d’autopsie du 28 juin 1991. Il décrit les vêtements, les orifices sur le peignoir, le corps, les plaies
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par arme blanche dont aucune n’était directement mortelle, la durée de l’agonie. Il confirme que les blessures ont été provoquées par un objet contondant et un objet tranchant. Que compte tenu des plaies, il s’agissait d’une arme blanche ayant une lame effilée à double tranchant de deux centimètres de large et longue de 15 à 20 cm. Il précise que toutes les blessures étaient la conséquence de la même arme, que le décès était intervenu le dimanche 23 juin entre 12 h et 14 h, et que le cadavre ayant été découvert le lendemain, le sang n’avait aucune raison de se décomposer. Il déclare qu’en fonction des blessures, la victime avait une chance de survie si les secours avaient été immédiats et que c’était la somme des blessures qui avait provoqué une hémorragie et le décès. Il note que le peignoir était épais et pouvait constituer un élément de freinage, le chevron pouvait être une des armes du crime. Après que le président lui eut désigné la cisaille, l’expert déclare que sur le corps, aucune plaie pénétrante, aucune marque ne correspondait à l’arrêtoir, les lames étant plus larges que les plaies, le dos des lames plus épais. Le président lui demande de réfléchir sur la nature de l’arme blanche. A une autre question de même objet, il indique qu’il pensait à une arme courante. L’avocat général, dans la thèse du taille-haie, parle de la nature des blessures, de la maladresse de l’accusé, de ses problèmes physiques au bras droit, de son affolement, des coups portés à l’aveuglette et de son inexpérimentation. L’expert déclare qu’il n’est pas en mesure de répondre. J’ai le sentiment, de par les nombreuses questions posées par le président et l’avocat général, qu’ils estiment que le taille-haie peut être l’arme du crime. L’expert répond à l’avocat général que les yeux peuvent rester clairs plus de 24 heures, mais cela dépendait de la conservation de leur état. Or, précise-t-il, les yeux de la victime du fait de sa position sur le ventre ont été mieux préservés.
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Me Leclerc précise que les coups portés à la tête, de face, et la fracture d’un doigt démontraient que Mme Marchal avait voulu se protéger et qu’ainsi elle avait identifié son agresseur. Me Vergès : « Le docteur Page déclare que la clarté des yeux peut durer jusqu’à 24 heures. Vous, vous dites plus de 24 heures. Veuillez préciser. » Le docteur Ménard répète que tout dépend de l’état de conservation, de la position de la tête et rappelle que la victime, lorsqu’elle a été découverte, avait le visage contre le sol. Me Pétillault veut savoir comment se déroule une autopsie, si tous les médecins désignés sont présents. - « Oui, bien évidemment » répond l’expert. Le docteur Jean-Jacques Macario revient à la barre et déclare que les lividités cadavériques apparaissent sur les parties les plus basses du corps. Pour répondre à la défense, il ne croit pas qu’il y ait un traité ayant étudié la durée de la continuité de la clarté des yeux, car il est impossible de prendre en compte tous les paramètres. A la demande du président, il examine la cisaille et confirme ce qu’a dit son confrère. La partie pointue a pu être utilisée pour les blessures les plus superficielles, mais ne l’a pas été pour les blessures les plus profondes. L’expert répond à une question de Me Pétillault sur les lividités cadavériques dont il n’est pas fait mention sur le rapport d’autopsie en précisant que celles-ci ont été décrites lors des premières constatations et de ce fait non reprises. Il confirme que c’était à la demande du juge d’instruction qu’il avait précisé les lividités et que lors de l’autopsie, il était dicté à un gendarme les mentions qui devaient y figurer. En ce qui concerne le rapport du docteur Page du 2 novembre 1991 – la rigidité du corps était complète, le décès remonte à plus de six heures, entre 11 h et 13 h 30, le 24 juin 1991 –, c’est une erreur de dactylographie de la
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secrétaire souligne-t-il. Il s’agit évidemment du 23 juin 1991 et l’agonie a bien duré de ¼ d’heure à une ½ heure. Me Pétillault tente vainement de faire exclure le 4ème rapport qui révèle des éléments objectifs et déterminants quant à la datation de la mort. L’expert maintient les termes de ses rapports. Passe d’armes entre Me Pétillault et le docteur Macario sur les rigidités cadavériques, la température ambiante et la disparition des rigidités cadavériques. Tout est fait pour faire douter de la datation de la mort ; le 24 au lieu du 23 juin, car le lundi, nous l’avons vu, l’accusé avait un alibi formel. Me Vergès déclare avoir fait citer un témoin, le docteur Xavier Lepoivre, représentant d’une compagnie d’assurance, qui contestera à la barre de la cour tous les rapports des experts judiciaires. Je ne m’attarderai pas sur le témoignage de ce médecin, lequel ne semble pas être compétent pour parler de médecine légale et ainsi apprécier la nature des circonstances du décès. Le docteur Lepoivre, sur demande du président Djian, a d’ailleurs confirmé qu’il n’avait jamais pratiqué ni même assisté à une autopsie. A la reprise de l’audience, est évoquée l’éviscération de la victime. Le docteur Macario détaille les termes de son rapport et explique que cette blessure a été soit concomitante à la perforation, soit provoquée par l’effort d’un acte de survie, soit postérieure au décès, suite à un effet de gaz. Quant au filet de sang consécutif à la plaie à la cuisse gauche, il l’explique par la position allongée de la victime, qui d’autre part s’était traînée sur le sol. L’expert estime également que l’agresseur n’avait pas nécessairement reçu des projections de sang. Il rappelle que si le peignoir de bain en tissu éponge avait garanti la victime de plaies plus profondes, il avait aussi préservé son agresseur des saignements. Il confirme qu’il n’y a pas eu de jaillissements sanguins. Le maréchal des logis-chef Patrice Gervais, aujourd’hui
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adjudant à la brigade de recherches départementale de Nice, se présente à la barre. Mon collaborateur, qui a une connaissance intégrale et parfaite du dossier, relate son intervention pendant vingt-huit minutes. Après son exposé, le président lui pose plusieurs questions auxquelles il répond parfaitement. Il résume dans le détail les investigations qu’il a dirigées dans le sous-sol, les recherches de traces latentes, les saisies, mais aussi la recherche d’une arme, la saisie du sac à main, les dossiers photographiques, les vérifications sur la position du portillon, l’absence d’effraction, la saisie des documents en vue des expertises en écriture, le cheminement de la victime à partir des éléments objectifs et les investigations sur les autres suspects. A une question de l’avocat général, Patrice Gervais confirme que l’accusé n’avait aucun problème de compréhension de la langue française. Il donne des détails sur les prostituées, les investigations pour les identifier. Il va, dans son exposé, malencontreusement commettre un lapsus que Me Vergès, plus tard, par dérision, m’attribuera. Effectivement on ne "harponne" pas la Croisette, éventuellement, on la parcourt. Mais tout cela ne vaut même pas le poids du papier pour l’écrire. Patrice Gervais est ensuite interrogé par la partie civile sur la description matérielle des taches de sang, la distance entre les deux portes, le lit pliant, les traces d’appui des deux mains. - « Que distinguiez-vous lorsque la lumière de la cave était éteinte ? » - « Après un temps d’adaptation, nous distinguions la barre anti-panique de la porte du local chaufferie. » - « Etiez-vous accompagné dans vos investigations au sous-sol par un spécialiste en police technique ? » - « Oui, il s’agissait du gendarme Vessiot. » Lorsqu’il est interrogé sur les investigations diligentées
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sur commission rogatoire internationale en Suisse à l’effet de vérifier les accusations portées contre M. Patrice Théry, mon camarade fait remarquer que celui-ci ne ressemblait pas du tout à l’accusé. Qui plus est, l’enquête démontrait que cet homme avait confondu le 22 juin et le 22 juillet, date à laquelle il avait effectivement fait un voyage sur la Côte d’Azur. Il conclut, comme les policiers de la sûreté du canton de Vaud, que cette personne avait été l’objet d’une dénonciation calomnieuse. Après une suspension de séance, je suis appelé à témoigner. Après la rituelle présentation, j’expose à la cour, pendant deux heures, les actes d’enquête que j’ai dirigés, mais aussi les investigations qui ont été faites avant que je ne sois saisi, dans le cadre de la recherche de Mme Marchal. Pendant mon exposé, souvent dérangeant pour la défense, j’entendais très distinctement les protestations des avocats de celle-ci qui s’efforçaient ainsi de me déstabiliser. Ils n’y sont pas parvenus. Par contre, je remarquais que la cour et les jurés étaient très attentifs à mon exposé qui n’était autre, mais sous la forme orale, que mon rapport de synthèse. A la suite de mon témoignage, le président Djian me pose une question sur le procès-verbal aux fins d’inhumer que j’avais établi après la nécropsie. Je réponds : - « Suivant les directives de Mme Arfinengo, j’ai établi un procès-verbal aux fins d’inhumer et à l’issue de l’autopsie, je l’ai remis à l’officier de l’état-civil de la mairie de Mougins. Comme le Code civil le prévoit. D’autre part, la juge d’instruction après l’autopsie qui a été pratiquée par un collège de trois experts ne s’est pas opposée à ce que le corps soit remis à la famille. Les trois médecins légistes ont tenu compte de leurs constatations médicales pour fixer la datation de la mort au dimanche 23 juin 1991. Ce sont eux-mêmes qui m’ont dicté ce jour. Cette pièce, je l’ai actée dans la procédure. Je l’ai établie bien avant le rapport dans lequel la secré-
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taire médicale a fait une faute matérielle. » Le président rappelle ensuite le travail d’enquête que nous avions réalisé notamment la préservation des lieux, les minutages, les distances entre les habitations. Je réponds ensuite aux questions de l’avocat général sur les investigations en Suisse concernant M. Théry, les détails de l’audition de la prostituée, les documents saisis et la faute d’orthographe. La partie civile poursuit avec le récit de la mort de la victime tel que je l’ai décrit à la barre et déclare que mon exposé était étayé par les constatations matérielles et non par de la subjectivité. Me Leclerc, à la question qu’il me pose, voudrait que je revienne sur la thèse du taille-haie, les experts n’étant pas d’accord avec cette version. Je maintiens la thèse selon laquelle le taille-haie peut être l’arme du crime. La défense, par la voix de Me Vergès, déclare avoir entendu en fait un réquisitoire (ce terme sera repris dans certains journaux), que pour moi l’écriture était celle de Mme Marchal, que je savais que c’était Mme Marchal qui avait écrit, que je connaissais l’heure du crime. L’avocat proclame que l’enquête a été orientée, que les gendarmes ont négligé les autres pistes, que j’avais détruit une pellicule photographique avec l’accord du juge d’instruction et que des photographies, sans doute intéressantes, ont été détruites, que le procès-verbal de destruction était incomplet, que le coupable était indiqué dès le départ de l’enquête et me pose la question de savoir si j’avais déjà procédé de même dans des précédentes enquêtes. Je vais, m’adressant au président, répondre à la question de la défense sur les photographies : - « Les photographies tirées de la pellicule que nous avions saisie n’étaient pas utiles à la manifestation de la vérité. Suivant les directives du juge Renard je les ai détruites. J’ai établi, pour légaliser cette destruction, un procès-verbal que j’ai acté. Les vues étaient prises de la propriété, et l’on apercevait deux femmes d’un âge respectable sur la terrasse
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de la propriété posant au bord de la piscine. Il m’est effectivement arrivé dans de nombreuses affaires judiciaires, notamment sous la direction du substitut puis du juge Jean-Paul Renard comme de bien d’autres magistrats, de pratiquer de la sorte, mais toujours suivant les directives d’un magistrat et si ces pièces n’étaient pas utiles à la manifestation de la vérité. » A la barre, j’attendais une autre question sur ces photographies parce qu’il était logique que les parties et notamment la défense me demandent qu’elles étaient les personnes qui y figuraient. J’attends toujours la question aussi je profite de cet ouvrage pour y répondre. Le procès-verbal que j’avais rédigé était ainsi libellé : « Le 2 août 1991, à la villa La Chamade à Mougins, au cours de la perquisition qui y est effectuée, nous remarquons sur le meuble-secrétaire de la chambre de la victime, un appareil photographique chargé d’une pellicule. Nous procédons à l’appréhension de celle-ci en vue de la faire développer. Sur réquisition, le laboratoire Flash-service à Cannes développe cette pellicule et nous remet ensuite le négatif et les tirages, au nombre de onze. Ces photographies n’apportent aucun élément positif au dossier. Elles représentent diverses vues de La Chamade où apparaissent, sur deux d’entre-elles, deux femmes d’une cinquantaine d’années. Cette saisie n’étant plus nécessaire à la manifestation de la vérité, avec l’accord de M. Renard, doyen, substituant Mme Arfinengo, nous procédons ce jour 9 août 1991 à 13 h, à leur complète destruction ainsi qu’à celle de la pellicule. Cette opération a été effectuée en présence du maréchal des logis-chef José Alcaraz, officier de police judiciaire à la brigade de recherches de Cannes, qui signe avec nous le présent procès-verbal. Fait et clos à Cannes, le 9 août 1991 à 13 h 15. » Sur ces fameuses photographies il y avait donc tout simplement deux honorables dames que même le grand Jacques Vergès aurait eu du mal à soupçonner de meurtre.
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Quoique ! C’était effectivement une thèse de plus à défendre. Aurait-il alors accusé Mme Francine Pascal, aurait-il accusé Mme Colette Koster, d’avoir transpercé, éventré et égorgé leur amie Mme Marchal ! Voilà les identités des deux personnes qui figuraient sur ces photographies. Voilà pourquoi Jean-Paul Renard m’a demandé d’appliquer l’alinéa 3 de l’article 97 du Code de procédure pénale qui dispose : « Avec l’accord du juge d’instruction, l’officier de police judiciaire ne maintient que la saisie des objets et documents utiles à la manifestation de la vérité ». Si je me réfère à la procédure, j’observe qu’il y a une forte probabilité que ces photographies aient été prises le mercredi précédant le meurtre soit le 19 juin. Ce jour-là, Mme Marchal avait invité à déjeuner Mmes Pascal et Koster. En effet, lorsqu’elle est entendue dans la soirée du 24 juin 1991, Francine Pascal déclarait au gendarme Guillaume : - « La dernière fois où j’ai vu Mme Marchal c’était mercredi dernier où je me suis rendue chez elle pour déjeuner. J’étais d’ailleurs en compagnie de Mme Koster et d’une dame belge amie de Mme Koster, que je ne connais pas. » La moitié d’une silhouette non identifiable d’une femme brune et corpulente, vêtue d’un chemisier orange et d’une jupe blanche, apparaissait en effet sur une des photographies. La seule erreur que j’ai faite, si j’ai commis une erreur, c’est de ne pas avoir restitué ces documents à la partie civile et de les avoir détruits sans son accord préalable. Me Vergés fait ensuite état de ses soupçons sur Gilbert Foucher qui avait déclaré se trouver au Maroc au moment des faits. Il soutient que le visa ne donne pas une date de départ et que rien ne prouvait qu’il serait parti dans ce pays. Il conclut que tout a été fait pour que cela corresponde à ce qui a été écrit. Ce qui fait réagir Me Leclerc qui se lève et déclare avec fougue :
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- « Est-ce que les coups de chevron sur la tête de la victime ont aussi été inventés ? » La défense n’abuse pas la cour, car est coté au dossier mon procès-verbal de renseignement sur la vérification du passeport de Gilbert Foucher. Qui croyait-elle abuser avec ses questions ambiguës sur les visas ? Pensait-elle que le président n’aurait pas lu les termes de mon rapport ? Je cite cette pièce de procédure : - « Le voyage de M. Gilbert Foucher est confirmé par l’apposition des tampons d’entrée le 22 juin et de sortie le 29 juin du territoire marocain, sur son passeport n° 90 AD 15926, délivré le 22 août 1990 par le sous-préfet de Grasse. La souche du billet d’avion que nous a présentée l’intéressé atteste qu’il a pris à l’aéroport de MarseilleMarignane, le vol AT 5083 de Royal Air Maroc le 22 juin 1991 à 12 h 55, et qu’il est rentré par le vol AT 5082 au départ de Marrakech le 29 juin 1991 à 07 h 15. » Enfin, que penser d’une défense, en l’occurrence celle conduite par Me Vergès, qui à l’audience, à bout d’argument, soupçonne Gilbert Foucher, qui pourtant a pris fait et cause pour Raddad, du meurtre de Ghislaine Marchal. Cela dépasse l’entendement, mais alors pourquoi ne pas l’avoir fait citer à comparaître devant la cour d’assises ? L’avocat a-t-il craint le ridicule d’une comparaison entre son accusation et la valeur probante des vérifications sur le passeport de Gilbert Fourcher ? Voilà en quelques mots les artifices et les subtilités soulevés dans le prétoire par celui qui n’a cessé de critiquer et de tourner en ridicule les gendarmes et le juge d’instruction. La destruction des photographies, les investigations sur Michel Théry et l’accusation contre Gilbert Foucher préoccupent l’avocat. Singulière prestation qui ne pouvait conforter la crédibilité de sa thèse. Je m’attendais à autre chose d’un avocat de cette renommée. Des vétilles, il n’avait que cela à opposer
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à notre enquête. La défense n’avait aucun argument sérieux et crédible pour contredire les conclusions de l’information judiciaire. Pour avoir lu dans la presse un article lamentable un de plus sur la crémation du corps de Ghislaine Marchal, je m’attendais à une question ayant trait aux suites de l’autopsie. Rien. Désespérément rien. Il aurait pourtant été intéressant que la cour et les jurés, qui ont pu lire dans les médias que la famille avait rapidement fait incinérer le corps de la défunte, aient une explication. Pour ceux qui s’interrogent toujours sur ce détail polémique, je peux apporter cette précision. Lorsque j’ai effectué la première perquisition à La Chamade, j’ai découvert au coffre un testament intitulé : "Dernières volontés" signé Ghislaine Marchal de Renty et daté du 18 février 1990. Le substitut du procureur de la République de Grasse était présent lorsque j’ai trouvé cet écrit. Il a pu, comme moi, le lire et constater que Mme Marchal désirait, je cite : - « Un enterrement religieux et intime, puis être incinérée, laissant à son fils Christian le soin de jeter ses cendres où il le décidera. » J’ai souvenir que c’est le substitut Thierry Montfort qui a remis ce document à Christian Veilleux. D’autres décisions de la défunte dont je me souviens étaient mentionnées. Elles ne concernaient que son fils et sa petite-fille, Alexandra. Je peux vous affirmer qu’on ne peut douter des liens affectifs qui existaient entre Christian Veilleux et sa mère. La datation de cet écrit n’est autre que la date anniversaire de la naissance de Mme Marchal ; autre signe fort de la sincérité de ce qui était écrit. Mais cela ne regarde que ses proches. Les obsèques de Ghislaine Marchal ont eu lieu à Mougins le 1er juillet 1991 soit trois jours après la nécropsie. Et ce n’est que le 3 juillet au matin qu’a eu lieu la crémation en présence de son fils et de son beau-frère, le bâtonnier Bernard Du Granrut. Quelle hâte n’est-ce pas ! Quelle bassesse d’oser dire et écrire
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que la famille s’était empressée de faire incinérer le corps ! L’ignorance en la matière est bien regrettable, car elle est diffamatoire et touche à l’honneur d’une famille. Si je me réfère à toutes les affaires criminelles que j’ai connues, le délai entre l’autopsie et l’incinération de la victime est tout à fait comparable. Il n’est en rien exceptionnel dans la mesure où dès l’autorisation du juge d’instruction, le corps est remis à la famille qui prend ses dispositions pour les obsèques. Ce qui a été le cas dans ce dossier. Je n’ai pas à juger de la qualité de mon exposé à la barre. J’ai seulement été sincère et fait état honnêtement des actes que j’ai dirigés et de ma conclusion motivée que Raddad était le meurtrier de Ghislaine Marchal. Je n’ai fait en sorte que confirmer les écrits de mon rapport de synthèse. Mon témoignage devant la cour n’était en rien différent de mes prestations habituelles et de celles d’autres policiers ou gendarmes qui sont appelés à la barre, que ce soit à la cour d’assises de Nice ou d’ailleurs. Le directeur d’enquête a, qu’on le veuille ou non, une conviction motivée qui se devine en filigrane dans son exposé. Au cours de ma carrière, j’aurai assumé la direction de nombreux dossiers criminels dont le complexe quadruple assassinat de St-Andéol-le-Château dans le Rhône qui a défrayé la chronique en 1995. La procédure a été diligentée par la gendarmerie avec succès et à la satisfaction des autorités judiciaires, c’est ce qui me tient le plus à cœur. Les magistrats l’ont d’ailleurs fait savoir tant dans un point presse que par la voix de l’avocat général lors du procès d’assises. Tous les médias régionaux et nationaux qui avaient fait le siège de la gendarmerie de Givors pendant une quinzaine de jours pour suivre l’évolution du dossier ont correctement joué leur rôle d’information. Que je sache, mon témoignage devant la cour d’assises de Lyon n’a pas été taxé de réquisitoire ! Pourtant, dans ma longue démonstration, j’avais fait état des actes
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d’investigations que j’ai dirigés mais aussi de ma conviction motivée que l’accusé, qui comme Raddad niait, était responsable de l’assassinat des quatre membres de sa belle-famille, crime pour lequel il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Après mon témoignage, le président m’invite à me représenter le lundi 31 janvier à neuf heures pour y être entendu à nouveau. Puis, avant de clôturer les débats de cette longue journée d’audience, agissant toujours en vertu de son pouvoir discrétionnaire, il communique aux parties les dossiers photographiques des lieux des faits, la carte des itinéraires et les photographies du corps de la victime. Lundi 31 janvier 1994 Jean-Claude Goldstein et Christian Vellard, les témoins qui se sont manifestés très tardivement vont témoigner conformément à leurs déclarations respectives dont j’ai déjà évoqué les contradictions. Le témoignage de M. Goldstein, sur les indications de M. Vellard, n’est pas crédible quand on connaît la personnalité ambiguë de son ami, qui fait le pitre à la barre pendant sa déposition (il dira lui-même, je suis une pipelette), provoquant l’hilarité de l’assistance. Le président lui indique qu’il a fait l’objet d’une écoute téléphonique, lui fait remarquer son comportement au téléphone et lui lit quelques passages savoureux qui le discréditent. Comment pouvait-il en être autrement ? Triste témoin qui est plus à prendre en pitié qu’à blâmer. A ce moment des débats, le juré n° 6 est autorisé à se retirer en raison d’un empêchement légitime motivé par ses obligations professionnelles. Il est remplacé immédiatement par le premier juré suppléant, après débat contradictoire et arrêt de la cour, sans opposition des parties. Le président informe la cour que Fatima Baghdadi n’a pas été retrouvée. Me
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Vergès fait savoir que la défense est gênée du fait de cette absence. Me Pétillault, avant le nouveau témoignage du docteur Macario, fait communiquer au président une note technique du docteur Lepoivre contestant la date du décès de la victime. Pour l’assistant de Me Vergès, le décès remonte au 24 juin et il n’y a pas de faute de frappe sur le rapport. Le docteur Macario contestera avec conviction toute compétence à ce témoin de la défense et confirmera son rapport du 2 février 1992 où un collège d’experts attestait, preuves à l’appui, que le décès de Ghislaine Marchal était bien survenu le 23 et non le 24 juin. A la suite de ces effets d’audience, le président donne lecture du procès-verbal de reconstitution du 18 février 1992 rédigé par le juge Renard puis me cite à nouveau à l’auditoire. Je commente à la cour et aux jurés le mécanisme mis en place par la victime et je démontre l’impossibilité pour un tiers de le faire en sortant. « Etant présent à ce transport de justice, j’ai constaté, comme toutes les personnes qui y assistaient, les vaines démonstrations des avocats de la défense pour justifier leur thèse ». Mes observations contrecarraient la thèse de la mise en scène de la défense, notamment par le fait que le meurtrier aurait dû nécessairement marcher dans la flaque de sang intérieure et ainsi maculer le palier extérieur et les premières marches de l’escalier. Ces observations ne plaisent pas à l’évidence à la défense et Me Pétillault fait remarquer qu’elles ne figurent pas dans le procès-verbal dressé par le juge d’instruction. Le président le rappelle à l’ordre. Il semble que mes remarques sont considérées, somme toute, comme pertinentes et judicieuses. Tous les effets de manche de la défense tombent à plat. Je suis satisfait d’avoir fait cet exposé et il va sans dire que si le juge Renard avait été cité à comparaître, il aurait tenu le même raisonnement, dans le sens de la recherche de la vérité.
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Faites un effort de mémoire, souvenez-vous, sortez vos enregistrements, relisez les déclarations de Me Baudoux du 18 février 1992 : - « Nous venons d’apporter la preuve de l’innocence d’Omar Raddad en justifiant la thèse de la mise en scène. » Même sa concierge, qu’il cite paraît-il souvent lors de ses plaidoiries, a dû être béate d’admiration devant tant de gravité, de certitude et d’outrecuidance. Comment cet avocat dont l’essai de démonstration a été inopérant avec celle de son confrère Girard a-t-il pu tenir des propos si impudents ? Il est vrai que les caméras et les micros attendaient devant La Chamade. Quel scoop ! Mais n’est-ce pas en fait de la manipulation d’opinion ? Cependant, dans le prétoire, tout s’écroule. Là, dans le débat contradictoire, nous n’entendons plus les seules rodomontades de certains défenseurs mais aussi les raisonnements de la partie civile, des magistrats instructeurs et des gendarmes, avec des arguments autrement percutants et incontournables. Moment fort du procès. L’après-midi, à la reprise des débats, le président ordonne à l’huissier de découvrir les deux portes que nous avions protégées avec du papier kraft. Les inscriptions tragiques apparaissent : OMAR M’A TUER OMAR M’A T. Moment d’intense émotion pour la famille de la victime. Souvenez-vous de Ghislaine Marchal, seule dans le noir, égorgée, éventrée, lardée de multiples coups d’arme blanche. Souvenez-vous de sa lucidité, de son courage, de son agonie. Ces deux scellés ont été présentés à la cour, au jury et aux parties pour leur permettre de formuler toutes observations et explications utiles. Aucune objection ni réserve n’ayant été énoncée par les parties, les portes ont été exposées pendant le rapport des experts en écriture, Gilles Giessner et Florence Buisson-Debar. Puis elles seront conservées à
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l’audience à la demande de Me Vergès qui a souhaité que d’autres pièces à conviction dont le lit pliant restent dans la salle pour les besoins de sa plaidoirie et de ses démonstrations. Il ne s’agit nullement, comme l’écrira plus tard avec impudence cet avocat, d’une initiative du président destinée à impressionner le jury. Gilles Giessner retrace l’énoncé de la mission reçue et lit ses observations dont j’ai déjà exposé la quintessence. Ses conclusions sont formelles : Mme Ghislaine Marchal est bien l’auteur des deux messages accusateurs, elle a usé d’un alphabet typographique car il s’agissait de graphismes classiques chez elle et les traces d’affaiblissement physiologique permettent d’écarter l’hypothèse d’une quelconque mise en scène. Il fait ressortir que contrairement à ce qu’il a pu lire dans la presse, il a relevé de nombreuses fautes d’orthographe sur les documents de comparaison. A une question de l’avocat général, il répond que la victime, lorsqu’elle a écrit, ne présentait pas de désorganisation spatiale. La défense lit un article de Gauthier paru dans Le Monde et de ce fait tente de relativiser l’expertise. Me Vergès fait distribuer à la cour un document pour susciter le doute, discute l’expertise sur la base d’un document qu’il a construit à partir de grilles de mots croisés faits par la victime. L’expert répond lettre par lettre à la défense et annihile sa thèse. Mais si l’expert avait exprimé dans sa conclusion écrite sa conviction que l’écriture était bien de Ghislaine Marchal, il admettait une marge d’incertitude de 2/3-1/3 ce dont profitait Me Vergés pour proclamer : « Les personnes entendues sont formelles sur procès-verbal, mais le sont moins à la barre. » Florence Buisson-Debar va remarquablement détailler son rapport et confirmer l’expertise de son confrère Giessner. Elle fera état que c’est bien Mme Marchal qui, de sa propre
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main, a écrit les deux messages, le premier sur la porte de la cave à vins le deuxième sur le panneau intérieur de la porte de la chaufferie alors qu’elle se trouvait dans un état de faiblesse extrême, physiologiquement amoindrie. La première inscription a été tracée par une personne lucide, qui bénéficiait d’un éclairage suffisant et qui était vraisemblablement agenouillée. Quant à la deuxième inscription, elle se déduisait davantage qu’elle ne se lisait et ne prenait sa véritable signification qu’après lecture de la première inscription. Elle explique que seule une personne allongée, le corps situé à gauche de la porte, prenant appui sur sa main gauche et écrivant de la main droite a pu tracer ces lettres... le bras droit arrivant en bout de course ne pouvant terminer le mot. Me Vergès demande d’envisager une contre-expertise qui est refusée par le président, celle-ci ayant été effectuée dans le cadre de l’instruction. Trois autres experts se succèdent à la barre et rendent compte du rapport qu’ils ont co-signé à la suite du complément d’expertise demandé par le juge Renard. Le juge d’instruction avait en effet assigné à trois experts : les docteurs Roure et Macario, et M. Giessner, la mission suivante : « En tenant compte des résultats de l’autopsie, de l’expertise et contre-expertise des écritures ainsi que de tout élément clinique pouvant être recueilli à propos de Mme Marchal, j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir indiquer si la victime était suffisamment lucide au moment où elle a écrit les phrases OMAR M’A TUER et OMAR M’A T pour saisir la portée de ses écrits. » Volontairement, car ce complément d’expertise est très important sinon essentiel, je reproduis intégralement le rapport de ces experts tel qu’ils l’ont rédigé le 21 mai 1992, en leur honneur et conscience et dont ils ont affirmé le contenu sincère et véritable. « EXAMEN : Afin de clarifier notre propos et de ma-
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nière didactique nous allons adopter le plan d’exposé suivant, qui nous a servi de plan de travail : . étude des blessures, . allure du premier graphisme, . allure du deuxième graphisme, . étude de l’écriture elle-même, . discussion. En effet, Mme Marchal a été tuée alors qu’elle se trouvait, semble-t-il, dans sa cave, elle a saigné et porte des traces sur elle d’érosions cutanées pouvant correspondre à un ultime déplacement entre les deux portes où est inscrite, sur chacune d’elle, en lettres écrites avec son sang, une phrase désignant l’agresseur éventuel. D’autre part, entre la première et la deuxième porte, elle se serait appuyée contre le mur au départ puis se serait traînée à quatre pattes durant la dernière partie du parcours. Elle semble avoir appuyé sa tête sur la première porte. 1°)- Etude des blessures Il est important de noter que plusieurs points émanent du rapport d’autopsie : . elles ne sont pas immédiatement mortelles. Elles évoquent entre un quart d’heure et une demi-heure de survie possible, c’est le délai de formation d’un œdème cérébral, . l’œdème cérébral est agonique, . l’éventration n’a pas touché d’organes vitaux, . la plaie hépatique a entraîné un saignement important, mais non cataclysmique. On a pu déterminer que le sujet avait écrit à genou ; il y a des marques de cheveux sur la première porte (empreinte dans la tache de sang). Elle a écrit à deux reprises à 10 mètres environ de distance. Sur la deuxième porte, les marques et taches de sang sont importantes. Sur cette deuxième porte, elle était en position couchée pour écrire, probablement appuyée sur le coude gauche car le sujet doit écrire de la main
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droite (érosion cutanée au niveau du coude gauche, page trois du rapport d’autopsie). Par ailleurs, elle présente des érosions au niveau du genou gauche, du dos du pied droit, à la partie supéro externe du pied gauche, avec des traces de ciment prédominant sur le dos du pied et la plante du pied. 2°)- Allure du premier graphisme Lorsqu’on écrit sur un mur il faut savoir que d’une manière générale il est très difficile de tenir la ligne. Sur cette première porte, il a été écrit OMAR M’A TUER. Les mots sont écrits de gauche à droite. L’axe de la ligne est légèrement incliné de gauche à droite, accentué sur le dernier mot. Cette accentuation peut être interprétée comme étant liée à la position de la main droite décentrée par rapport à l’axe du corps. La pesanteur et l’affaiblissement clinique ont joué un rôle certain dans cette accentuation. 3°)- Allure du deuxième graphisme Il s’agit là d’un message tronqué par rapport au premier : OMAR M’A T. Ce message tronqué est plus difficile à déchiffrer que le premier. Il est écrit sur un panneau très ensanglanté où la barre d’ouverture de la porte, se trouvant plus haut, est couverte de sang. Il y a des traces de sang au pied de la porte. On note des traces de doigts non jointifs et de la paume de la main gauche en bas et à gauche de la porte dans le sens de l’ouverture (porte pousse à droite), on ne met pas en évidence le doigt cassé qui est en réalité presque sectionné (3ème phalange du majeur). A partir de cette trace le O et le M sont typiques de l’empreinte graphique de Mme Marchal (cf. rapport de graphologie). Il est notable de remarquer que l’axe de la ligne au-dessus est oblique de gauche à droite, ce qui est moins net pour la ligne inférieure car la pente est moins prononcée. Il
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est aussi intéressant de remarquer que l’auteur de ces lettres va rapidement se servir de ses deux doigts pour pallier sa maladresse, afin de pouvoir terminer le message, qui malgré tout est tronqué et s’arrête au T. La phrase est écrite en bas de la porte par une personne allongée. Le cadavre sera retrouvé sur le ventre (cf. rapport d’examen du corps), d’autre part les mains de Mme Marchal sont en avant du corps (cf. les photographies) 4°)- Etude de l’écriture elle-même 41 - Sur la première porte : OMAR M’A TUER. Il s’agit d’une phrase complète avec une faute d’orthographe située sur le mot TUER. Ce mot comporte un R alors qu’il est utilisé pourrait-on penser d’après l’allure de la phrase comme un participe passé. Il semble donc s’agir d’une phrase séquencée du type : "toi couper l’arbre" ou encore "fermer porte" au lieu de "fermez la porte". On retrouve dans les écrits de Mme Marchal, "PAYER" au lieu de "PAYE" pour une facture (annexe de ce rapport). Dans son agenda lui servant d’organigramme, elle séquentie les phrases, c’est ainsi que l’on retrouve : . arroseR tous les jeudis, enleveR les fleurs, monteR sacs poubelles, coupeR les fleurs fanées, bineR, tondRE gazon. De toute manière il s’agit d’un SIGNAL qui correspond à un message qui est clairement écrit avec cette faute qui n’enlève aucun sens au message. 42 - Sur la deuxième porte : OMAR M’A T. Normalement, dans le temps cela correspondrait au 2ème message. Là, on assiste à une dégradation qui se manifeste : a) non pas dans la portée du message mais dans l’allure, b) le message est tronqué. C’est-à-dire qu’il n’est délivré qu’en partie. L’auteur de ces lettres ne fait aucun doute (cf. les exper-
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tises en écriture). 5°)- Discussion On peut remarquer que les blessures ont laissé un laps de temps de survie, après les coups portés. Malgré un coup violent sur la partie pariéto-frontale droite sur 10 cm du crâne, il n’y a pas de lésions internes cérébrales ou cérébrospinales qui auraient pu expliquer un blocage immédiat de la conscience (cf. autopsie). C’est indiscutablement Mme Marchal qui a écrit ces lettres (cf. les deux rapports d’expertises graphologiques). Les deux phrases sont écrites en deux temps, 1ère porte et 2ème porte, c’est ainsi que l’on peut suivre l’affaiblissement global et progressif sinon de la lucidité du sujet jusqu’au bout, tout au moins de sa force physique jusqu’au T. Il s’agit indiscutablement du graphisme d’une personne souffrante, s’affaiblissant progressivement sur le plan physiologique de la 1ère vers la 2ème porte. Rien ne permet d’affirmer en fonction de tout ce dont nous avons fait état sur le plan clinique et du fait qu’il s’agit bien de son écriture, qu’il y avait absence de lucidité. En effet, entre les deux portes le message sera délivré avec de plus en plus de difficulté mais le sens de ce message est absolument identique. Or précisément tout ce qui touche à la lucidité touche en priorité l’attention et à la fonction mnésique. Il est donc à exclure, puisque ce message a été délivré par Mme Marchal, affirment sans ambiguïté les expertises graphologiques, un état déficitaire aigu et massif. D’autre part, il a été éliminé par les deux expertises graphologiques que la main de Mme Marchal ait pu être accompagnée ou forcée. Enfin, les prélèvements effectués sur le cadavre permettent d’éliminer toute influence exo-toxique classique, car aucune trace d’alcool ni d’un quelconque psychotrope n’a été retrouvée. CONCLUSION : En fonction de tous les éléments du
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dossier dont nous avons pris connaissance, nous pouvons dire que la victime était suffisamment lucide au moment où elle a écrit les phrases : OMAR M’A TUER et OMAR M’A T, pour saisir la portée de ses écrits ». Depuis l’ouverture du procès, il aura été examiné aux audiences pas moins de 22 expertises ; cinq expertises techniques de laboratoires spécialisés sur les supposées armes du crime et les objets saisis par les gendarmes, cinq expertises médicales ou médico-légales sur l’accusé, sa morphologie, ses éventuels handicaps physiques, neuf expertises médicolégales et techniques sur la victime dont l’autopsie, les analyses de prélèvements, l’acuité visuelle, deux expertises successives en écriture enfin, un complément d’expertise réunissant un expert en écriture, un médecin-légiste et un psychiatre sur le degré de lucidité de la victime, que je viens de relater et qui se passe de tout commentaire. Cette journée d’audience a complètement mis à mal le système de défense de l’accusé. La comédie de Christian Vellard n’a pas abusé la cour et les jurés, le médecin d’assurance cité par la défense n’a pas entamé la légitimité des experts judiciaires, mes réflexions sur le dispositif mis en place par la victime pour se barricader attestent clairement de l’impossibilité d’une mise en scène, l’examen des portes dans le prétoire et les conclusions motivées des experts en écriture et du collège d’experts dont j’ai rapporté intégralement le contenu sur la lucidité de la victime enlèvent toute crédibilité à la thèse soutenue en dernier lieu par les avocats de l’accusé. Mardi 1er février 1994 A l’ouverture de la séance, un juré féminin est remplacé, sans opposition des parties, en raison de l’hospitalisation de son fils. L’avocat général informe la cour, le jury et les
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parties que le témoin Fatima Baghdadi n’a pu être retrouvé. Toutes les parties ayant renoncé à sa comparution et à son audition, le président constatant leur accord donne lecture du procès-verbal d’audition de la jeune femme, tel que je l’ai relaté par ailleurs. Puis il reprend celle de l’accusé lorsqu’il parle des prostituées. Celui-ci répond que cela est faux et répète n’avoir jamais parlé de prostituées aux gendarmes, que c’est un mensonge et que le témoin n’a pas voulu venir car il n’a pas voulu l’affronter. Le président lui demande s’il maintient les déclarations faites devant le juge d’instruction, à chaque fois différentes. L’accusé s’embrouille dans ses explications, tentant d’expliquer sa première version. Il déclare au président que ce n’est pas Ghislaine Marchal qui a écrit sur les portes, mais qu’il ne sait pas qui a pu écrire cela, qu’il n’est pas coupable de cet assassinat, qu’il a fait deux mois et demi de grève de la faim et que celui qui a tué Mme Marchal l’a aussi tué. A la suite, le président, en vertu de son pouvoir discrétionnaire et à titre de simple renseignement, donne lecture des procès-verbaux de déposition des témoins non-cités puis communique les relevés des communications téléphoniques, les relevés bancaires, les plans et albums photographiques des vues aériennes de La Chamade, les minutages établis par les gendarmes dans le cadre de la commission rogatoire. Il annonce qu’il posera d’office, comme résultant des débats et en cas de réponse affirmative aux deux premières questions et négative à la troisième (sur l’intention homicide), outre les questions résultant de l’arrêt de renvoi, la question subsidiaire n°4 dont il donne lecture intégrale et fait traduire immédiatement à l’accusé par l’interprète. Cette question subsidiaire est ainsi rédigée : « Les faits spécifiés aux questions une et deux ont-ils été commis à l’aide ou sous la menace d’une arme ? » Aucune réclamation ni observation n’ayant été formu-
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lée par les parties quant à cette question subsidiaire, l’instruction à l’audience étant terminée, le président donne la parole à Me Leclerc, pour les parties civiles, qui est entendu en sa plaidoirie. En ce qui concerne les plaidoiries de la partie civile et de la défense, comme pour le réquisitoire de l’avocat général, je souligne qu’il ne s’agit que de reconstitutions synthétiques aussi fidèles que possible dès lors que la sténographie des débats n’a pu avoir lieu sans l’autorisation du président. « J’assure la défense d’une vieille dame, Germaine De Renty, qui fut déportée et qui était âgée de dix-neuf ans lorsqu’elle a donné naissance à la victime. J’assure la défense de Christian Veilleux qui à travers les rapports de médecine légale a découvert l’horreur. Je plaide pour le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris qui me l’a demandé pour sa famille. Lorsqu’il me l’a demandé, il savait qui j’étais, que je ne m’attaquerais pas à l’homme en face de moi, que je ne demanderais pas la vengeance de la justice mais la justice. Rien ne serait dit qui pourrait être injuste. Omar Raddad est accusé, mais il est présumé innocent. C’est un homme égal en dignité à la victime Mme Ghislaine Marchal. Il a droit à la présomption d’innocence. Ghislaine Marchal avait, elle, le droit de vivre. Elle a laissé cet ultime message. Lorsque son fils a été entendu, on lui a demandé, à sa sortie du palais de justice, ce qu’il venait chercher ! La vengeance ? Non, la justice. Depuis deux ans cette famille l’attend. Tout était trop simple et il a fallu malgré ce, tout supporter, les infamies, les insinuations et les hypothèses les plus délirantes. Cette famille a souffert en silence. Dans le dossier, il y a un énorme dossier de presse dans lequel nous n’avons tenu aucun rôle. Tout le monde a voulu résoudre le mystère. Tout était
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trop simple. Mais non, vous avez vu les portes ! Nous ne sommes pas dans le mystère d’un roman policier. Dire que ce n’est pas Ghislaine Marchal qui a écrit ces messages c’est nier son courage, sa lucidité avant sa mort. Il ne faut pas oublier ces messages. La partie civile est là. Elle ne demande pas la condamnation d’un innocent mais la justice. Je la représente, je parle pour elle et par ma voix, c’est aussi elle qui vous parle. Je le ferai clairement et simplement, sans haine et même sans colère. Simplement en examinant les faits, je ne vous raconterai pas des histoires, je m’appuierai sur des éléments matériels, je vous demande de m’écouter. Des certitudes, il y en a. Le gendarme Liedtke trouve la porte fermée à double tour. Il n’y a pas de clef à l’intérieur. Cette porte a été fermée par quelqu’un qui est parti avec la clef. Le gendarme Liedtke appuie sur la porte, constate une résistance, exerce une plus forte pression, son camarade Teulière l’aide à accentuer la poussée. Le gendarme Liedtke passe son bras, voit l’interrupteur maculé de sang, le lit... La porte résiste toujours. Teulière intensifie encore la pression. Le gendarme Liedtke parvient à intercaler son corps entre le mur et la porte, il "sent" une barre qu’il dégage, non sans peine, d’un coup de pied. La porte s’ouvre. Un lit plein de sang, un chevron et la barre de fer également ensanglantés, une tache de sang devant la porte. Il n’y a, par contre, pas de sang sur la porte, sur la poignée. Vous comprenez que c’est une personne avec les mains pleines de sang qui s’est barricadée de l’intérieur. Ce n’est pas un montage, car le meurtrier aurait eu les mains pleines de sang. Or, il n’en a pas été trouvé sur la porte et sur la poignée. Le gendarme Liedtke dit que la barre de fer coinçait la porte, mais les constatations lors de la reconstitution ont démontré que cette barre de fer était bloquée par le chevron sur lequel elle était en appui et qui en portait les
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traces visibles. Les gendarmes avancent dans cette pièce, ils découvrent les inscriptions sur les portes. Au bas de cette porte où l’on lit « OMAR M’A TUER » il y a une tache de sang qui montre à l’évidence que la victime est restée là, longtemps. Dans cette pièce, c’est l’horreur. La prothèse dentaire, la deuxième inscription qu’on ne peut lire qu’après avoir connu la première « OMAR M’A T », sans doute la main qui ne peut aller plus loin, le cadavre allongé dans la chaufferie, les flaques de sang devant les portes montrent que c’est Ghislaine Marchal qui a écrit. Je le déclare en regardant seulement les photographies, les preuves sont tellement évidentes ! Les coups de chevron ont été portés avec une violence extrême sur son crâne, pour tuer. Ensuite avec une arme blanche. Certains de ces coups à travers le peignoir, d’autres non. Les plus profonds ont une largeur de quatre centimètres. Peu importe le taille-haie ou le couteau, je ne prends pas partie dessus. Va-t-on parler de la faute d’orthographe ? Est-ce une raison pour dire qu’elle a écrit sous la contrainte ? Cela suffit. Croyez-vous qu’elle allait faire une dictée ? Non. C’est une action qu’elle écrit. Ghislaine Marchal a laissé ces messages, elle a été enfermée par quelqu’un qui croyait qu’elle était morte. Elle s’est relevée, a touché l’interrupteur, le chevron, la barre de fer, le lit. Elle s’est barricadée de peur du retour de son agresseur, en vous laissant ces messages. Elle n’a pas essayé d’ouvrir la porte de la cave. Elle savait que c’était inutile. C’est une preuve forte de sa lucidité. Toute autre hypothèse est absurde. Ghislaine Marchal avait une vie sans histoire, son fils vous a dit qu’elle était discrète, sereine. Mme Pascal estimait l’accusé mais elle vous a dit aussi que Ghislaine Marchal était une femme aimable. La riche veuve que l’on vous a présentée dans la presse n’était pas l’héritière du groupe Marchal, elle était aisée c’est tout. Elle avait une vie simple. On a fouillé sa
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vie privée, les révélations tant promises ne sont que rumeurs. Elle avait aménagé et conçu elle-même sa maison. Elle ne pensait qu’à ses amis, elle bricolait, courageuse, autoritaire, dure dans ses réflexes, pouvant blesser. En ce qui concerne son emploi du temps du dimanche vingt-trois juin, ce qui est évident c’est qu’elle n’a pas quitté sa propriété. Elle a appelé Mme Koster, qui l’avait invitée depuis trois semaines, pour lui confirmer qu’elle viendrait à la réception donnée à l’occasion de l’anniversaire de son mari. On suit ses appels téléphoniques à la trace, mais les techniques ne permettent pas de toutes les remonter si les communications sont locales et de faible durée. Ce que nous savons, c’est qu’à 11 h 50, après avoir pris sa douche, elle indique à Erica Serin qu’elle se prépare pour aller chez Colette Koster et qu’elle l’attend, lundi. Elle a acheté un cadeau, elle n’est pas encore habillée, pas maquillée. Elle a pris sa douche, a mis ses petits souliers. Elle va à la cave non pas pour aller chercher du vin, mais pour régler, sans doute, l’appareil de la piscine pour que celle-ci soit fin prête lundi afin que les deux femmes puissent en profiter. A 13 h 30, Mme Blanc, l’employée de Colette Koster, téléphone à nouveau, car Ghislaine Marchal n’est jamais en retard. Inquiète, en fin de journée, Mme Koster se rend à La Chamade. Le lendemain, la panique s’empare de tous ses amis. On envoie M. Agatti qui a l’impression que la vie dans la maison s’est arrêtée. La porte n’est pas fermée, l’alarme n’est pas enclenchée. M. Agatti nous a dit qu’il n’a rien remarqué d’anormal. Mme Pascal ne le croit pas et décide d’y aller. C’est ensuite le docteur Delemotte qui arrive, fouille, ne trouve rien. Les gendarmes avec M. Montéro fouillent à leur tour le sac. Ils constatent qu’il ne contient aucun argent. A-t-on besoin des experts pour déterminer l’heure de la mort ? Ils sont trois, c’est assez rare dans un dossier criminel.
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La vérité ? Elle a disparu entre 12 h et 13 h 30. Elle descend dans la cave et est tuée par quelqu’un qui l’enferme, la laissant seule. Elle délivre ses deux messages accusateurs. Est-ce un rôdeur ? Les constatations ne plaident pas en faveur de cette thèse et tout est là sauf l’argent. Son fils et ses amis vous disent qu’elle ne serait jamais sortie sans argent, que lorsqu’elle payait, elle prenait son sac et en sortait des billets. On sait qu’elle a fait un retrait à la banque, on suit ses dépenses à la trace et il doit lui rester quatre mille francs. Quand les gendarmes fouillent le sac, il n’y a plus rien. Voilà la situation. Cette phrase « OMAR M’A TUER », elle l’a écrite seule, enfermée dans la cave. Est-il possible que l’accusé ait tué Mme Marchal ? Omar est estimé de tout le monde, va-t-on essayer de lui reprocher son comportement ? Celui qui a fait ce meurtre voulait de l’argent. On n’est pas certain qu’il y en avait dans le sac, mais on le pense. Omar Raddad a eu l’attitude qu’il estimait convenable. J’ai assez d’expérience pour le savoir. Il a un comportement qui est exceptionnel : il sait se maîtriser. C’est un élément de sa personnalité. Pourquoi l’aurait-il tuée ? Quand l’inquiétude se fait, il y a une fissure. Omar va chez Mme Pascal qui l’aime et qui déclare qu’elle avait remarqué qu’il y avait quelque chose qui n’allait plus, il lui demandait de l’argent et ne pensait qu’à obtenir des avances sur son salaire. Mme Pascal lui a consenti une avance et elle nous dit : « Je me suis même demandé s’il n’était pas racketté ou si c’était le jeu ! » Elle ajoute qu’il était devenu complètement différent. Tous les témoins entendus confirment les demandes d’avance. « Oui, j’ai perdu confiance en lui » vous dit encore Mme Pascal. Latifa, sa propre femme, en revenant de l’hôpital après son accouchement, a constaté la disparition d’un bijou qu’elle avait acheté six mille francs et nous dit qu’elle ne savait pas que son mari obtenait des avances. Que se passe-t-il donc
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pour que ce garçon demande des avances aux gens qui l’aiment ? Mme Pascal vous dit qu’elle avait compris qu’il jouait. Que vous dit sa sœur Kathia : « Il sort trois, quatre nuits par semaine pendant que Latifa est à l’hôpital. » On cherche et on trouve ce qu’il n’avait pas dit : il joue aux "bandits manchots" à Cannes sur la Croisette, et ce, même lorsque Latifa est à l’hôpital. On connaît ces jeux. On sait que plus on joue plus on perd. Moyenne de perte ? Quatre-vingt-treize francs de l’heure ! Combien d’argent l’accusé a-t-il perdu durant cette période ? De combien a-t-il besoin pour rembourser qui on ne sait ? Ce que l’on sait, c’est qu’il avait besoin d’argent. Liliane Receveau vous en parle de ses demandes d’argent, de ses visites matinales. Ces visites sont notées sur l’agenda de Mme Pascal, ce que confirment les dires de Liliane Receveau. Est-ce parce qu’il est un homme calme qu’il n’est pas un meurtrier ? Est-ce parce qu’il avait changé qu’il est coupable ? Le meurtre s’est passé un dimanche. Or ce jour-là, normalement il ne travaille pas. Son épouse vous l’a confirmé. On sait que c’est seulement le samedi en fin de journée que l’accusé a décidé de travailler le lendemain chez Mme Pascal. Celle-ci vous l’a dit à la barre. L’examen des agendas prouve qu’il n’a jamais travaillé le dimanche chez Mme Pascal. De plus, quand son épouse n’est pas là, il reste déjeuner sur place. Mme Pascal nous dit, la première fois qu’elle est entendue, qu’elle pensait que l’accusé était resté sur place pour déjeuner et qu’il n’avait pas eu d’interruption. Son gendre, vu sa mine défaite, ne lui avait-il pas proposé un sandwich ! Les autres témoins sont très précis dans leur déclaration sur ses absences. D’habitude, il ne travaille pas. Or, ce jour-là, il travaille. D’habitude, quand il travaille, il ne s’absente pas. Or, ce jour-là, il s’absente. Il reprend même
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plus tôt alors que Mme Jacquot nous dit qu’il ne reprend jamais avant l’heure, étant même souvent en retard. Je n’ai pas de certitude sur sa culpabilité, mais il y a des choses troublantes. Omar Raddad vous donne son alibi du dimanche, il va à la boulangerie, ce que contredisent les vendeuses et Mme Tomas qui a attendu son pain pendant une quinzaine de minutes. Reste le point le plus troublant quant à son alibi. Il concerne le gérant du Casino. Dans sa première déclaration, l’accusé déclarait avoir vu M. Gaye dans la cour de l’immeuble. Or, cette personne n’a jamais été seule. Il y avait toujours quelqu’un qui l’accompagnait : sa femme, son fils ou son ami. Mais aussi son chien. Et l’on sait que l’accusé a peur des chiens. Et cela il ne l’a pas dit, il n’est donc pas venu comme il le prétend, dans la cour de son immeuble. Il faut aussi tenir compte qu’aucun n’a remarqué la présence du cyclomoteur de l’accusé. Quant au coup de téléphone. Il est étrange ce coup de téléphone ! Entendu, l’accusé dit avoir téléphoné le soir du meurtre, mais les gendarmes ne retrouvent pas trace de cette communication alors qu’ils retrouvent un appel le lundi à partir de la gare de Cannes. Sa femme et sa sœur n’en parlent pas. C’est une sœur qui coupe l’autre devant les gendarmes pour dire que l’appel téléphonique est à treize heures, et l’accusé n’en parlera que plus tard. Qui nous dit que c’est lui qui a appelé ? Ce dimanche, il aurait pu le faire de chez Mme Pascal et il appellerait de l’extérieur ! Pourquoi ? Je n’ai pas de certitude. Ghislaine Marchal l’accuse. Est-ce possible ? Omar Raddad dont on pourrait penser qu’il en est incapable est un homme qui avait besoin d’argent. Tout le démontre : sa passion pour le jeu, les loyers impayés, les prostituées, ses comptes bancaires sont nuls. On ne trouvera pas de sang sur lui, les experts expliquent que cela est possible. On ne retrouvera pas l’arme du
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crime. Le taille-haie qui est découvert dans son local peut avoir été utilisé. Ghislaine Marchal vous l’a désigné et c’est possible que ce soit lui. L’a-t-elle désigné sans que ce soit lui ? Non. Les failles de l’enquête ? Sur le chevron les empreintes n’auraient pas été recherchées ? Allons donc ! Les gendarmes n’ont pas retrouvé une empreinte dans la cave ce qui ne veut pas dire qu’ils ne les ont pas recherchées. Les incertitudes de l’expertise ! Peu m’importe. Tout ce que je vous ai dit précédemment ressort du dossier, et peu m’importe de ce fait ses failles. Je préférerais un avocat lors de la garde à vue, une police scientifique au plus haut niveau. Les choses auraient été plus simples, plus claires, qu’on n’attende pas des mois pour juger, ne pas entendre que la victime a été torturée. Il n’y a aucune contestation possible, je dis donc que c’est possible, très possible que ce soit Omar. Il est impossible que la victime ait été torturée pour la forcer à écrire ses deux dénonciations. Dois-je vous rappeler ses origines ? Croyez-vous qu’elle aurait cédé à une pression comme celle-là ? Est-ce un autre ? Quel autre ? Vous reparlerait-on de Foucher ? Il a un billet pour son voyage au Maroc qui comporte les tampons d’entrée et de sortie, et en plus je n’accorde aucun crédit à la rumeur. M. Théry ? Il s’agit d’une dénonciation calomnieuse. L’enquête démontre que c’est sa voisine qui l’a dénoncé. Le rôdeur ? Il n’aurait pas pris que l’argent. Il y avait des bijoux dans cette maison et ils n’ont pas été volés. Celui qui l’a tuée avait besoin d’argent et tout le monde savait que Mme Marchal préférait avoir des billets dans son sac qu’un chéquier. Et qui donc, dans son entourage, avait un tel besoin sinon Omar, prisonnier de son vice, le jeu. Un proche ? Un ennemi ? Un familier ? On n’a rien trouvé pour accréditer cela. Les inscriptions dans la cave ? Un machiavel ? Ce que je sais, c’est les constatations qui ont été effectuées. Assez de supputations bles-
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santes pour la famille. Qui a pu faire cela ? Je plaide sans haine. J’ai longtemps réfléchi. Ma conviction est faite, j’arrive à l’évidence. Malgré tout, cette nuit j’ai encore réfléchi. Je ne trouve rien. J’arrive à l’audience, je n’ai pas besoin d’expert. Elle est morte dans sa cave, elle a accusé Omar. Je pense à cette femme, à sa vie, à sa joie de vivre, à son agonie, à ses inscriptions successives qu’elle vous a livrées avant de mourir : OMAR M’A T... » Dès le début de l’audience de l’après-midi, à la reprise des débats, le président donne la parole à l’avocat général, Bernard Farret, qui va développer les charges appuyant l’accusation et requerra l’application de la loi pénale. « 23 juin 1991, 1er février 1994. deux ans et demi de travail. Omar Raddad est-il coupable ? Si vous dites oui, quelle peine lui appliquer alors. La deuxième question me paraît être la moins sensible. Que dire de celui qui ôte la vie, le fait à l’aide de quatorze coups d’arme blanche qui provoquent une agonie de trente minutes, tout cela pour voler ? Que doit-on penser de celui qui ferme la porte après avoir commis son forfait ? Que doit-on penser de celui qui avait moins de trente ans contre celle qui en avait soixante-cinq ? Que doit-on penser de celui qui n’a jamais eu une parole de regret ? De celui qui a nié tout au long du procès ? C’est la logique de son système de défense et cet individu rajoute qu’il l’aimait comme sa mère ! C’est l’ultime outrage à la dignité humaine. L’objet des débats depuis deux ans a été technique, mais son enjeu était le droit à la vie. Si certains lui ont trouvé la présomption d’innocence, il m’incombe donc d’apporter la preuve de sa culpabilité. Mais ce n’est pas parce qu’il conteste tout qu’il doit être acquitté. J’ai déjà abordé la question de savoir si l’accusé est coupable, car des dizaines d’éléments
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convergent, et dans ce cas ce n’est plus une coïncidence c’est une preuve. Tout concorde dans ce dossier. Le procès a démarré sur un paradoxe. Le gendarme trouve une inscription désignant Omar Raddad, mais la preuve est interprétée. Des citoyens ont alors pensé qu’il était innocent. Nous sommes au pays de Bernard Pivot, nous sommes aussi au pays de Descartes et il nous est permis de douter. Mais il nous faut raison garder et ne pas dire : non, cette preuve est trop simple, cela ne peut être. Nous ne sommes pas au pays d’Agatha Christie. Les meurtres que nous connaissons sont des actes irréfléchis, c’est la triste misère de l’homme. C’est vrai que l’histoire de cette affaire paraissait trop limpide au départ. Mais que voulez-vous, la justice recherche la vérité que l’affaire soit simple ou complexe. La particularité de ce procès c’est que nous avons des preuves, qui pour certains n’existent pas. Nous avons en particulier un témoignage vivant effectué par la victime pour le châtiment de son auteur. Pour parvenir à la vérité, les officiers de police judiciaire et les magistrats ont longtemps travaillé dans le silence et ce, à charge et à décharge, dans la discrétion. En silence, dans le respect de la loi, du secret de l’enquête et de l’instruction. Le respect de cette loi a un prix à payer. Pendant que la défense distillait les informations qu’elle voulait, la justice se taisait. C’est justice, mensonge et vidéo. Omar Raddad a le droit de mentir parce qu’il a le droit de se défendre. Il n’est pas tenu au secret de l’instruction et peut dévoiler ce qu’il veut. La justice elle, se tait. La vidéo elle, ne voit qu’une partie du dossier et de ce fait une partie déformée. Peut-être pensez-vous avoir une certaine connaissance de l’affaire, mais votre jugement est déformé par le matraquage médiatique que vous avez subi. C’est vrai que des légistes se sont trompés sur la date
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du décès mais nous savons que c’était une erreur matérielle de dactylographie. La faute d’orthographe ? C’est un élément à charge contre l’accusé. J’ai plusieurs décisions de justice maintenant Omar Raddad en détention, ceci uniquement en raison de la connaissance du dossier et je ne vous dis pas cela pour vous imposer la décision des magistrats. Quant aux preuves, ce sera à vous de vous prononcer. Ce sera à vous d’estimer si elles sont suffisantes. Nous allons ensemble analyser ce dossier et ainsi répondre aux questions qui se sont posées. Les accusations de la victime ! Vous les avez devant vous avec les inscriptions sur les portes. Plusieurs questions se sont posées avec ces écritures. La victime avait-elle la force nécessaire pour écrire ces deux messages ? Les experts ont conclu qu’elle était en état d’affaiblissement physiologique et ont déterminé une agonie de trente minutes. Elle avait donc les ressources suffisantes et la force nécessaire pour dénoncer son meurtrier ; la preuve en est qu’il y a deux inscriptions. N’oubliez pas non plus le rapport médico-légal qui conclut que Mme Marchal était restée suffisamment lucide pendant son agonie. Ce rapport est fondamental. L’écriture que nous lisons est-elle spontanée, forcée ou celle d’un tiers ? Les experts sont formels après leur travail de comparaison sur chacune des lettres. Ils conclurent à une totale similitude entre les deux messages, à une absence d’écriture sous la menace ou sous la contrainte. Je conforte cette preuve par une analyse du dossier et seulement par une analyse du dossier. La victime nous a fait deux dénonciations. Un tiers, auteur du meurtre, n’aurait pas voulu rester trop longtemps sur les lieux et n’aurait donc pas écrit deux fois. D’autre part, les traces de sang sur la porte résultent des blessures à la tête de la victime. La faute d’orthographe atteste que c’est bien Ghislaine Marchal qui en est l’auteur, car vous le savez mainte-
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nant la victime faisait ce genre de faute et les documents que les gendarmes ont saisis et que nous détenons, l’attestent. La faute d’orthographe confirme que c’est elle qui a écrit ; ce que n’aurait pas fait un tiers. La victime, agressée, aurait-elle pu se tromper sur son agresseur ? Nous ne sommes pas dans un crime prémédité. C’est un crime spontané. Il y a la lucidité de Ghislaine Marchal. A-t-elle reconnu celui qui allait devenir son meurtrier ? L’expert vous a indiqué que les lunettes qu’il a examinées servaient à la lecture et que la victime pouvait reconnaître quelqu’un de près ou de loin. Omar Raddad nous indique également que Ghislaine Marchal ne portait des lunettes seulement pour lire. Le meurtrier a agi de face, du fait des blessures à la tête et de l’arrachement d’un doigt. Il y a une faible distance entre eux. De plus, la victime connaissait parfaitement Omar. De ce fait elle n’a pas pu se tromper. Elle l’a reconnu formellement. Quant aux investigations effectuées par les gendarmes, j’ai entendu dire que ceux-ci avaient "habillé quelqu’un". On ne fabrique pas de toute façon une enquête, on a recours à des expertises, à des témoignages. Nous n’avons pas pour mission de fabriquer un coupable. Il faut lire le dossier dans son intégralité pour constater qu’on ne s’est pas limité à Omar Raddad. Sous l’autorité du juge d’instruction, il a même été entendu des personnes qui ne lui ressemblaient pas. C’est vrai que Gilbert Foucher vit dans une caravane et est au chômage, ce n’est pas une preuve de culpabilité. L’enquête a par ailleurs démontré qu’au moment du meurtre, il se trouvait au Maroc. M. Théry ! Les gendarmes se sont rendus en Suisse et ont assisté les policiers du canton de Vaud, lesquels l’ont entendu ainsi que son amie. C’est vrai qu’il y avait une discordance entre eux. Les policiers et les gendarmes l’ont compris. Ils ont établi neuf pages de procèsverbaux démontrant que cette personne ne pouvait être incri-
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minée. Les gendarmes ont entendu de nombreuses personnes et envisagé toutes les hypothèses. Ils ont enquêté et n’ont rien trouvé. Leur enquête n’était pas dirigée et encore moins bâclée ! L’accusation de la victime porte sur Omar Raddad et elle est formelle. La preuve supplémentaire c’est le blocage de la porte qui illustre bien l’authenticité du message. Le mécanisme de fermeture, vous le connaissez par l’intermédiaire des deux gendarmes qui ont découvert le corps. C’est exact qu’ils n’ont pas vu le chevron ! Ce n’est qu’une fois la lumière allumée que le regard du gendarme Liedtke s’est porté sur le corps qu’il venait d’apercevoir et qui polarisait toute son attention. C’est la raison pour laquelle il n’a pas remarqué le chevron. S’il y a eu une résistance, c’est du fait de ce chevron. Le juge d’instruction a constaté qu’il y avait des traces de pesée de la barre de fer sur le chevron. L’efficacité de cette fermeture confirme que cela n’a pu être fait de l’extérieur ; ce que démontre plus particulièrement la force que les gendarmes ont dû déployer pour pénétrer dans la cave. Ils vous ont même indiqué : heureusement que nous étions deux ! Pour mettre en place un tel système, il fallait vraiment avoir peur, et cela correspond plus à une personne qui est en train de mourir, qu’à quelqu’un qui ne pense qu’à quitter les lieux. Lors de son transport, Me Girard n’a pas réussi à renouveler le même système de fermeture du fait qu’il était obligé de se réserver un moyen de sortie. Et puis, il y a les traces de sang sur le chevron, le lit, la barre de fer et sur le palier intérieur et l’absence de sang sur la porte, sur le palier extérieur de celle-ci et sur les premières marches de l’escalier. Voilà pourquoi il n’y a pas eu de mise en scène. C’est Ghislaine Marchal qui a construit ce système car elle seule était enfermée dans cette pièce sans autre issue.
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Nous avons donc prouvé qu’il n’y a pas eu de mise en scène. Examinons l’alibi d’Omar Raddad. Pour établir le créneau horaire du décès, je me reporte au rapport des médecins légistes. La défense vous dit que le décès était proche de la découverte du cadavre. Faux. Car il faut tenir compte des constatations ; sang séché, absence de débris alimentaire dans l’estomac, rigidité cadavérique complète. De tout cela il résulte que le décès est intervenu trente heures avant la découverte du cadavre. Lors du premier examen médical, le médecin légiste fait déjà remonter le décès au dimanche et l’autopsie l’a confirmé. Les experts ont été attaqués. Ce sont trois légistes qui sont intervenus, habituellement nous n’en prenons qu’un seul. Ces trois légistes sont inscrits sur la liste des experts établie par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, et ils savent donc ce qui les attend. On a indiqué qu’ils avaient rajouté des éléments non prévus par la science. C’est faux. On vous cite un témoin, M. Lepoivre, qui a été remis immédiatement à sa place par un légiste de profession, car il n’a aucune compétence pour contester le travail des légistes. Il en est de même de la lecture de livres qui ne sont que des ouvrages théoriques, écrits par des personnes non présentes sur les lieux. Les constatations des légistes sont donc acquises car effectuées par des praticiens compétents. Nous devons aussi, pour déterminer le créneau horaire de la datation de la mort, tenir compte que le 23 juin 1991, nous avons de nombreux coups de téléphone donnés par Ghislaine Marchal. A 11 h 45, elle est toujours vivante et elle confirme sa venue chez les Koster. A treize heures, elle aurait dû être chez ses amis car elle est ponctuelle. C’est vrai que ce n’est pas une femme à rendre des comptes, mais elle connaissait les usages. Si elle avait eu un empêchement, elle l’aurait fait savoir. Qu’y a-t-il donc pour l’empêcher de se rendre à son rendez-vous ?
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Je veux bien imaginer toutes les hypothèses, mais il n’y a aucun élément perturbateur dans la journée de Ghislaine Marchal, comme vous le démontrent les légistes, par l’absence de denrée alimentaire dans son estomac. De plus, pendant toute la durée de l’enquête, c’est-à-dire pendant deux ans, personne n’a déclaré l’avoir vue après 11 h 45. A cette heure-là, elle est encore en peignoir, elle sort de sa douche puis se rend dans la cave pour très vraisemblablement s’activer au système de régulation d’eau de la piscine. Sans aucun doute, le crime a eu lieu entre 11 h 45 et 13 h 00. Quel est l’emploi du temps de l’accusé pendant ce créneau horaire ? Le matin, il travaille chez Mme Pascal. Il dit qu’à midi, il est allé acheter son pain, s’est rendu chez lui, pour reprendre le travail ensuite. Je note qu’au cours du procès, comme lors de l’instruction, ses dénégations sont mensongères. Il nie, d’autre part, toutes les déclarations qu’il a faites au cours de sa garde à vue. Il peut le faire mais il ne faut pas être dupe. Chaque fois qu’il a été entendu, il a confirmé ses déclarations précédentes. Devant le magistrat instructeur, il a maintenu ses dires et n’a eu aucune observation à formuler. Comprend-il suffisamment le français ? Oui. Il est marié depuis 1987 et son épouse vous l’affirme dans le procèsverbal de son audition. Son mari parle français et le comprend. Le témoignage de sa belle-sœur, Laziza, vous l’indique également. En fait, tous les membres de la famille disent qu’Omar Raddad parle et comprend le français - et bien d’autres personnes encore. Lors de la première comparution, son audition n’a soulevé aucune difficulté et le juge d’instruction n’a pas estimé avoir recours à un interprète. La recherche dans la boulangerie a été correctement effectuée, dans le respect de la personne humaine. C’est ainsi que cela doit se faire. D’ailleurs, la défense a renoncé à l’audition des gendarmes. Les personnes employées dans la
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boulangerie et Mme Tomas vous ont dit ne pas l’avoir aperçu. Personne ne l’a vu, c’est un élément à charge. Les habitants de la résidence Le Lotus ne l’ont pas vu pénétrer avec son cyclomoteur dans la cour intérieure de l’immeuble. M. Biliotti ne s’en est pas rendu compte. Il en est de même de son épouse qui n’a pas quitté son balcon, idem pour M. Villeneuve-Gallez. M. Gaye dit ne pas l’avoir aperçu alors qu’Omar Raddad déclare le contraire. Cela confirme-t-il ou infirme-t-il l’alibi d’Omar Raddad qui apporte ce détail ? Cet apport d’élément n’est pas nouveau car il est habituel que M. Gaye rentre de son travail à cette heure-là. De plus celui-ci vous indique qu’il n’a jamais été seul. Or, Omar Raddad ne précise pas ce détail. En plus, l’accusé n’a pas invoqué un élément d’information qui puisse lui fournir un alibi. Au cours du créneau horaire de la mort, c’est donc le grand blanc, cela n’en fait pas un coupable. Mais j’observe que ce jour-là, il travaillait le jour de l’Aïd et, de plus, a déclaré reprendre son travail à 13 h 10 alors qu’habituellement il le reprend à quatorze heures. Je trouve anormal ce retour prématuré, qu’il ait déjeuné si vite alors qu’il faisait chaud et qu’il était fatigué. J’observe la déposition de M. Boisson qui nous confirme sa présence à 13 h 30 et nous apprend sa mauvaise mine, comme s’il n’avait pas mangé. Pour moi, il est resté dans l’espace Marchal/Pascal pendant le créneau du meurtre. Reste l’appel téléphonique, mais il n’en a jamais fait mention spontanément. Quoiqu’il en soit, cet appel est compatible avec l’assassinat car il lui reste quarante minutes pour commettre son forfait. Pourquoi a-t-il tué Ghislaine Marchal ? En examinant le dossier, on constate qu’il est dans une situation difficile du point de vue pécuniaire. Il fréquente les prostituées, il joue beaucoup au casino. Il ne conteste pas le jeu ! Il essaie seulement d’en minimiser l’importance, ce que contredisent les
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dépositions enregistrées. Si l’on va jouer une fois on peut gagner, mais tous les jours on perd en moyenne quatre-vingttreize francs de l’heure. Il n’y a rien de blâmable à jouer, mais il faut vivre avec ce vice. De plus, nous avons au dossier l’importance de ses retraits. Il ne dépensait pas son argent en bon père de famille. Il sollicitait de l’argent en permanence. Je vous dis cela non pas pour vous montrer l’importance des débits, mais afin de vous montrer que sa personnalité avait complètement changé quelques temps avant le meurtre. L’important ce n’est pas le jeu, mais l’impact que cela a eu sur lui, entraînant une perte de confiance de la part des gens qui l’employaient. Si bien que Mme Pascal et Mme Marchal décidaient d’un commun accord de ne plus lui accorder une avance. Omar Raddad est donc contrarié dans son comportement, qu’il cache et qui le conduit jusqu’à la violence - vous relate la prostituée Fatima Baghdadi. Omar Raddad vous dit que lors de sa garde à vue, il n’a jamais parlé de prostituée. Allons donc ! Face à lui, il y a Ghislaine Marchal. Elle est autoritaire, ne supporte pas la familiarité, elle peut être haïssable. C’est pourquoi leur rencontre est sans doute le déclenchement du déroulement du crime. Tout ceci ressort des éléments du dossier. Le crime n’a pas eu de témoin. C’est le schéma le plus classique devant une cour d’assises. C’est vrai qu’il n’y a pas de sang sur ses vêtements, ce n’est pas un signe à décharge sous les ongles de la victime, il n’y a pas de trace de sang d’Omar Raddad. Cela prouve qu’elle ne l’a pas griffé. C’est tout. Les empreintes sur le chevron ? Et alors ! Il n’y en a pas eu de constaté ailleurs. Cela nous le voyons tous les jours, c’est notre quotidien. Sous ses chaussures, on a trouvé de la poussière de la cave, et on interprète cette preuve. On nous dit que l’on peut
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la trouver sur n’importe quel chantier ! Mais sur quel chantier Omar Raddad est-il allé ? S’agissant de l’arme, il a pu la jeter n’importe où. Quant à sa nature, selon les experts elle est des plus difficiles à déterminer. D’après le dossier, il a besoin d’argent, n’a pas d’alibi, a l’habitude d’aller réclamer de l’argent à Mme Ghislaine Marchal à midi. S’agissant de l’argent, Ghislaine Marchal n’aime pas en être démunie. Elle a toujours de l’argent dans son sac. Elle avait retiré cinq mille francs à sa banque et avait déposé les coupures dans son sac. Or, les constatations effectuées le jour de la découverte du corps notent une absence totale d’argent, ce qui dénature ce que l’on sait de cette personne. Qui a pu lui voler son argent ? Un rôdeur ? Mais pourquoi se serait-il limité à l’argent seulement ? Il faudrait me l’expliquer. De plus, il ne fouillerait rien ! En outre, pourquoi irait-il s’embarrasser d’un crime ? Qu’irait-il faire dans la cave ? Aucun élément ne corrobore la thèse du rôdeur. Ce qui est différent pour Omar Raddad. Il désire cet argent. Le meurtre de Ghislaine Marchal est un acharnement anormal, il est maladroit ce meurtre. Les expertises vous ont montré qu’il pouvait tenir le taille-haie et le chevron. La victime l’accuse ainsi que les coups portés. Il vous appartient de vous prononcer sur sa culpabilité que je requiers au vu des indices graves et concordants du dossier. Il n’y a pas de coïncidence dans ce dossier, mais des preuves de l’homicide dont il est l’auteur. Tenant compte qu’il n’y a pas de préméditation, que l’accusé n’a pas d’antécédent judiciaire, je requiers une peine de dix-sept à vingt ans de réclusion criminelle à son encontre. » Après le réquisitoire de l’avocat général, les avocats de l’accusé présentent les moyens de sa défense. C’est tout d’abord Me Pétillault qui plaide.
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« M. l’avocat général vient de me rassurer. L’innocence n’est pas une grâce pour Omar Raddad. Notre justice n’est pas le fait que du grand inquisiteur Torquémada. Parce qu’Omar Raddad n’a pas eu une parole de regret, que n’a-t-on dit sur lui ? Qu’il se présente à vous dans sa langue natale, c’est un coupable et il en est ainsi de bien d’autres choses. M. l’avocat général ne vous a rien démontré, n’a fait que confirmer des incertitudes. Je rends hommage à la victime et à sa famille, et je compatis à sa douleur. Si demain, nous prouvions l’innocence d’Omar Raddad, nous serions tous ici sur le même banc pour dire qu’il était inadmissible qu’il ait été maintenu en détention. Mmes et MM.vous êtes les juges d’un jour et vous avez à prendre une décision fatale pour l’accusé, sa femme, ses fils. Vous anéantiriez son destin. Car vous avez à prendre une décision que vous conserverez toute votre vie. Pour moi, Omar Raddad est innocent - et ce, depuis sa garde à vue. On vous a parlé d’alibi, que ceci n’était pas une notion juridique, que cela n’était pas dans le Code pénal. Omar Raddad est calme lorsqu’on l’arrête, il ne résiste pas car il ne sait pas ce qu’on lui veut, de ce fait, il ne parle pas du coup de téléphone, son innocence est reflétée par le fait qu’il ne cherche pas d’alibi. Sa conscience est claire et précise sur cet intervalle de sa vie. Dès les premières heures de sa garde à vue, on a le reflet de son innocence. Il aurait été facile pour lui de s’inventer un alibi. Il dit la vérité. Il ne variera jamais. Quand il comprend qu’on essaye de le coincer sur le créneau horaire, il dira avoir téléphoné à 12 h 50. Le problème est qu’il ne sait pas encore qu’il va être victime d’un acharnement. Dès qu’on va trouver ce créneau horaire où il est en défaut, on va appliquer la technique de l’entonnoir. Lorsque j’entendais le major Cenci, qui a fait un grand réquisitoire, je me rappelais Montaigne qui disait affirmation
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et obstination sont signes de bêtise. C’est ce qui s’est passé dans ce dossier. Lorsqu’on lit le rapport de synthèse, on a la démonstration de mon affirmation précédente. Le problème c’est qu’on n’a pas cherché la vérité. On a cherché à tout faire coller sur ce créneau horaire. On a bâclé une enquête. Sur ces portes, il y a trois empreintes, on ne les a pas prises, on n’a pas apposé de scellés, on n’a pas fait de relevé d’empreinte dans la chaufferie, on n’en a pas fait sur le chevron, on n’a pas retrouvé l’arme du crime. Pas un instant je n’ai entendu que l’on vous décrive la scène du crime. L’avocat général n’en était pas capable. L’enquête est bâclée. Je ne devrais même pas plaider. C’est un gâchis. Rappelez-vous cet incident. Les gendarmes détruisent une pellicule. Qu’a-t-on voulu cacher ? Je ne l’ai jamais vu. Les sous-sols des palais de justice sont remplis de pièces à conviction. Si c’était le meurtrier qui était dessus ? Est-ce normal cette destruction de pièce à conviction ? Vérité gâchée, vérité falsifiée. Je ne peux admettre ce procédé de fermeture de la porte alors que le procès-verbal initial ne faisait pas mention de ce chevron. Je ne peux admettre ce montage. La fermeture est possible de l’extérieur. Tout un chacun peut le faire chez soi. Je ne peux admettre ce travestissement de la vérité. On a évoqué les autres pistes possibles. Rien n’a été fait, car pour les gendarmes, ils ne ressemblaient pas à Omar Raddad. On vous a fait croire qu’on cherchait la vérité quand on vous a parlé de Théry, mais on ne lui a pas demandé d’écrire sur un papier : Omar m’a tuer. Quand un témoin vient donner un emploi du temps contradictoire, on le cuisine et le place en garde à vue. Quant à M. Foucher, il faut savoir qu’il a été condamné à deux reprises, une fois pour de la contrebande, une autre fois pour une agression. Il est décrit comme un homme agressif et déséquilibré, et qui plus est, ayant fait l’objet de traitements psychiatriques, détestant les femmes et la richesse.
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Immédiatement il nous fournit un alibi - qu’il téléphone à la victime à deux heures du matin. Or, il n’était pas une fréquentation de Ghislaine Marchal. On ne lui a pas demandé d’écrire : Omar m’a tuer. Voilà l’écriture de M. Foucher. J’y vois un O identique, idem pour un M et l’on peut continuer. Mais, cela n’intéresse personne. J’ai ici, en main, des écrits de cette personne qui me semblent correspondre. On a également fait une commission rogatoire internationale en Suisse. Discordance sur les dates, mais là encore pas de spécimen d’écriture, mais point n’en faut - aucun intérêt, il ne ressemble pas à Omar Raddad. Vérité tronquée. Est-il normal que l’on n'ait pas vérifié les appels téléphoniques passés de chez la victime vers l’extérieur ! (?) Dans ce dossier, on falsifie, on tronque. Qu’en est-il exactement ? On a entendu de nombreux voisins qui vous ont dit : il n’est pas venu, on ne l’a pas remarqué. Omar Raddad a bien vu M. Gaye, mais pas les autres personnes qui l’accompagnaient. Il était donc présent. Vousmême, êtes-vous capable de vous souvenir de toutes les personnes que vous pouvez croiser dans l’entrée de votre immeuble ? Aucune trace de sang n’a été décelée sur lui. Quant aux sédiments de poussière sur les chaussures on ne les a pas retrouvés à l’intérieur de la maison. C’est une certitude et non une vraisemblance. Selon l’accusation, Mme Tomas n’a rien remarqué d’anormal devant La Chamade dans le créneau horaire du crime. Mme Pascal, c’est la vérité dans ce dossier. Elle est l’amie depuis quarante ans de Ghislaine Marchal. Elle a perdu une amie chère, mais ne doute pas de l’innocence d’Omar Raddad. Elle a également dit : s’il y avait eu quelque chose d’anormal, mon chien l’aurait senti. Elle nous parle de ce coup de téléphone après le départ des gendarmes. Personne n’est au courant - est-ce vraiment invraisemblable qu’il provienne du véritable criminel ? Pour elle, il
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est innocent et elle nous l’a dit à cette barre. Elle nous a même dit, il y a un assassin qui se ballade. Elle n’a pas renié son amitié malgré la mort de son amie de quarante ans - pardonnez-moi d’être véhément, mais lorsque l’on défend un innocent il faut le faire comprendre. M. l’avocat général n’a pas pu décrire le crime. On occulte la scène principale de cette tragédie et on demande dixsept à vingt ans de réclusion criminelle. Vous pensez qu’un tel drame puisse se passer en vingt minutes ! Il n’a jamais un couteau sur lui. L’arme du crime c’est une dague de chasse. C’est absurde parce que ce n’est pas comme ça que cela s’est passé. Ce drame est effroyable. M. l’avocat général s’est servi des traits négatifs de Ghislaine Marchal et d’Omar Raddad. Ses traits, plus sa force, son intelligence - croyez-vous que lorsqu’on va être agressé, on a encore le réflexe de survie ? On écrit au passé, on n’essaye pas de se sauver. Un proverbe chinois dit : "Celui qui se noie essaye de se raccrocher à un brin d’herbe". On a écrit ces messages après son décès, on l’a traînée, on a fait une mise en scène. Me Vergès vous démontrera l’absence de preuve, la correspondance des écritures avec celles de M. Foucher. La mise en scène. Voilà ce que je considère Mmes et MM. les jurés comme l’incertitude de ce dossier. En se polarisant sur le vingt-trois juin, on a occulté qu’elle aurait pu être tuée le vingt-quatre, mais là, Omar Raddad est à Toulon. Lorsque j’ai pris connaissance du dossier, j’ai montré des documents à des amis, à des experts, le problème ne se posait plus - elle a été tuée le vingt-quatre. Ce n’est pas facile de venir témoigner et je ne peux supporter qu’on ait traîné M. Lepoivre dans la boue. Ce médecin a fait ce qu’il estimait juste car, pour lui, elle est morte le vingt-quatre juin, et ce jour-là, il était innocent. M. le président, je le dis, lorsque le docteur Macario est
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venu témoigner, ses anciens amis disaient : il raconte des conneries - et cela en ruminant. M. Lepoivre a eu le courage des hommes et des femmes libres. Il a pris des risques. Pour lui, les constatations et conclusions médicales sont abracadabrantes. La solution du meurtre est dans les yeux clairs de Ghislaine Marchal. Ils ont menti dans leur déclaration. M. Lepoivre a fait un rapport capital en disant que le meurtre a bien eu lieu le 24 juin 1991. Il n’y a jamais d’erreur judiciaire, jamais de procès en révision, mais comme le problème est présent, nous sommes face à une nouvelle erreur judiciaire. Je ne devrais pas à avoir à plaider. Je crois que dans le voyage, le plus dur est de franchir le seuil - vous êtes à la porte de celui-ci. J’ai évoqué des actes de courage d’un grand nombre de personnes, j’ai évoqué le courage qui doit être le vôtre et reconnaissez qu’il n’y a pas de charge contre Omar Raddad. De plus, on ne vous a pas demandé de venir ici pour condamner mais pour juger. Vous devez avoir le courage de dire non à une enquête bâclée, dire non aux hallucinations des médecins légistes, qu’il n’y a aucune preuve qu’elle ait écrit avoir le courage de dire non si vous avez un doute, c’est la bible de notre profession. Il en faut cinq d’entre vous pour rendre la liberté à cet homme, cinq qui répondent non aux questions posées et avoir le courage des hommes libres. J’ai conscience d’avoir défendu un innocent au côté d’un homme que j’estime. Ce procès est celui du doute, si vous le condamnez ce sera celui de la honte. » Après la plaidoirie de Me Pétillault, il est 17 h 50, les débats sont suspendus. Mercredi 2 février 1994 Dès la reprise des débats, le président donne la parole à
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Me Vergès qui présente les moyens de défense de l’accusé. « M. le président, pendant une semaine, vous avez entendu l’accusation à partir de l’arrêt de renvoi. On ne peut me reprocher d’avoir été véhément. Ceci a une raison, c’était pour connaître la version de l’accusation. Force nous est de constater ce que tout le monde constate, le doute s’est aggravé encore plus qu’au début des débats. J’ai écouté l’accusation, j’ai entendu des morceaux d’éloquence. Mais la souffrance de l’un ne légitime pas la condamnation de l’autre. J’ai entendu des constatations de la part de l’un et en vertu de ces dernières, il est coupable, de l’autre, j’ai entendu des choses qui auraient pu m’irriter mais j’y suis habitué. On a dit : contester notre version serait nier le courage de la victime, mais que cela veut-il dire ! Dans d’autres affaires, des accusés ont avoué mais en fait cela s’est retourné contre l’enquête, contre les gendarmes. Je ne voudrais pas être l’auteur d’une telle phrase. On ne condamne pas quelqu’un parce que c’est possible qu’il soit coupable. Il y a des failles et des incertitudes dans ce dossier, mais on vous a dit : que m’importe. Comment peut-on dire cela ! On vous a dit aussi : la machination blesserait la famille. Nous, nous ne céderons pas à cet appel. Je m’adresse à vous car vous avez à juger un homme au passé sans tache, jeune, père de famille. Je peux faire ainsi appel à votre honnêteté, à votre cœur et face aux contradictions, il faut les résoudre avant de condamner. Le major vous a dit : c’est un taille-haie - la partie civile : un couteau volé dans la cuisine, mais on ne l’a jamais retrouvé. On a entendu les parties bricoler leur version, mais maintenant l’heure de vérité arrive et vous vous souviendrez toute votre vie de votre décision. Nous lui avons laissé le champ libre et elle vient devant vous, sans rien. Dès le départ,
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ce dossier est caduc. Note : Le président Djian interrompt l’orateur et lui fait communiquer un courrier qui vient de lui être apporté (il s’agit d’une fausse alerte à la bombe) - Quelques instants plus tard Me Vergès poursuit sa plaidoirie. Vingt-quatre heures après les faits, le major Cenci, avec éloquence, vous dit : j’ai vu l’écriture de Mme Marchal, et dès le départ je sais que c’est elle qui a écrit. Quant à l’heure, il suffit de réfléchir et de déduire à partir du coup de téléphone. Dès le départ, le chef de la gendarmerie chargé de l’enquête a son idée et il va essayer de la confirmer. Dès le départ, il a privilégié une hypothèse. Il y a très longtemps, un confrère et ami a été tué, on l’a retrouvé mort le matin. Une enquête est effectuée, le commissaire de police, dans sa chambre, saisissait toute sa correspondance amoureuse. Il me dit : je comprends que vous soyez choqué, mais je ne peux ignorer aucune piste. Il avait raison, ce qui n’est pas le cas ici. C’est comme cela que toute erreur judiciaire commence. Nous célébrons cette année le centenaire d’une affaire qui a bouleversé la France. C’est l’affaire Dreyfus. A partir de la ressemblance on a construit le dossier. Idem pour l’affaire de Bruay-en-Artois. Dans ce dossier, les enquêteurs ont aussi privilégié une seule hypothèse. Là aussi ils ont cherché les prostituées. Le docteur Leroy a été jeté en prison puis libéré et l’assassin court toujours. Dans l’affaire Grégory, on a privilégié une piste. A partir de ces exemples, ne pensez-vous pas que cela suffit ? La France ne peut devenir le recordman de l’erreur judiciaire en Europe. Tout ceci à partir d’un dénominateur commun : une seule piste privilégiée au départ. Si l’enquêteur "sent", dès le départ, que c’est elle qui a écrit, pourquoi mesurerait-il la largeur de ses doigts ? Pourquoi prendrait-il soin de rechercher sur le chevron si les empreintes de l’agresseur s’y trouvaient ? Quant au sac on vous a dit que le meurtrier l’avait fouil-
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lé et avait volé l’argent qu’il contenait. Mais alors, pourquoi ne se dépêche-t-on pas de le transmettre à un laboratoire spécialisé en police scientifique ? En ce qui concerne l’heure du crime, on vous a dit : il y a un lien entre deux coups de téléphone - un reçu, un absent. Mais ce n’est pas parce que je ne réponds pas que je suis mort. On a fixé l’heure et vous avez vu comment les légistes se sont efforcés de faire coller leurs constatations à la déduction des enquêteurs. Nous avons un effort permanent pour faire coïncider l’heure de la mort avec l’enquête. Le docteur Macario vous indique qu’il se sert des éléments de l’enquête mais cela ne lui appartient pas ! Ceci ils l’ont signé - ils ont pris connaissance de tous les éléments du dossier. Et si dans le dossier n’apparaissait pas le nom d’Omar Raddad, on n’aurait pas fait les mêmes recherches. Ce qui est dramatique c’est que les certitudes du gendarme Cenci fixent les rails et conduisent à la catastrophe. Teulière et Liedtke vous disent qu’ils ont poussé la porte de la cave, ont introduit leur bras, allumé la lumière, aperçu une barre de fer et un lit pliant. Ils ont dit : nous avons envoyé des coups de pied qui ont touché la barre de fer, mais ils ne parlent pas du chevron. Il y avait donc un lit derrière la porte et une barre de fer. Il n’y avait pas de chevron - voilà les faits - mais à partir de là, on a bricolé - regardez tous ces objets : le chevron - la barre de fer ne pouvait pas passer dessus - c’est pourtant ce que l’on vous a dit - placez-la cette barre, regardez-la - tout ceci est le mécanisme. Je vous dis de plus que si la victime avait voulu se barricader, elle n’aurait pas agi ainsi et n’aurait pas laissé la porte s’entrebâiller. Cette barre de fer n’était pas sur le chevron. Ce n’est pas invraisemblable d’imaginer que le lit renversé bloquait la barre de fer contre la porte. Le mécanisme de l’accusation est une invention pure et simple. La défense a attendu son heure qui est arrivée au-
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jourd’hui. C’est pourquoi on n’avait pas besoin de discuter avec l’accusation bicéphale. Vous avez entendu beaucoup de chose sur Omar Raddad, qu’il jouait, qu’il fréquentait les prostituées, on vous a dit qu’un petit bracelet avait été vendu par Omar pour aller jouer. Il faut être logique dans ce que l’on dit. On a contrôlé les bijoutiers - quand on s’est aperçu que ça ne correspondait pas on a monté le procès-verbal. Il vend les bijoux de son épouse mais ne volait pas ceux de celle qu’il tue ? Nous jouons ici l’honneur d’un homme. Il faut une tête et nous prenons celle d’Omar Raddad - ce procédé est déshonorant. On nous dit qu’il est venu dans la chaufferie et qu’elle lui a répondu de façon cinglante - il l’a alors poignardée, puis selon l’accusation serait revenu pour finir son méfait. C’est absurde. C’est la thèse de l’accusation, c’est la thèse du major. La partie civile a une version plus subtile mais toutes les deux sont illogiques. On vous dit : il lui porte des coups qui entraînent des saignements et il aurait attendu sur place - si nous allons plus loin, un des légistes nous a dit : l’arme du crime est une dague de chasse, mais on ne l’a pas retrouvée - on ne l’a jamais vu avec une telle arme. On vous dit : il a volé l’argent le vingt-trois, le vingt-quatre il prend le train, on a contrôlé - Il a volé quatre mille francs, mais cet argent on ne le retrouve nullement - pas d’arme, pas d’argent - c’est bien. On n’a pas la preuve qu’il ait pénétré dans la cave, qu’il ait emporté l’argent. A son domicile, il arrive sans un sou. On nous dit alors : il y a des anomalies, il a travaillé un dimanche - ça c’est grave, ça peut faire de lui un assassin - interrogé, il nous donne son explication qui est des plus simple - on rétorque mais c’est l’Aïd - je réponds : et alors ! Pour un musulman, le dimanche n’est pas une fête, ça n’a pas d’importance pour lui.
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S’il était resté chez lui au lieu d’aller travailler chez Mme Pascal, il ne serait pas ici aujourd’hui. On lui reproche, ce qui exclut une volonté d’agresser Mme Marchal, le fait qu’il soit allé manger chez lui. C’est au contraire une preuve qu’il n’avait rien à voir avec cette affaire. Le fait qu’il soit venu en avance reprendre son travail est une autre preuve de son innocence. Vous avez là toutes les preuves de l’acharnement. Quoiqu’il fasse, il est coupable… Le coup de téléphone : s’il était coupable il l’aurait dit dès le départ, mais il ne savait pas encore pourquoi on l’interrogeait. On vous a dit : mais qui nous prouve que c’est bien lui ! Nous avons là, la preuve éclatante de l’acharnement. En résumé, pas de mobile, pas d’arme, pas d’indice, pas de trace de sang sur lui, pas de trace de son passage dans la villa. Il reste alors l’inscription et sa thèse, mais y croyezvous ? Cette tuerie a duré un quart d’heure et cela s’est fait devant la porte de la cave ou celle de la cave à vins. Le meurtrier s’en va en laissant sa victime vivante… L’accusation bicéphale nous explique sa position au moment de son inscription… Regardez sur le croquis du dossier, elle ne reporte pas cette position supposée. Ce n’est pas ça la justice, ce n’est qu’un dossier bâclé... Avez-vous remarqué qu’elle a les jambes écartées, le peignoir relevé qui la dénude. Réfléchissez ! Il vous est arrivé de chercher quelque chose sous un lit et pareillement, si vous vous êtes traîné, votre peignoir s’est relevé… Ceci explique donc qu’elle a été traînée. A cela on ne m’oppose rien si ce n’est le goût du sang et la volonté de tuer du petit jardinier marocain. Je ne vais pas relire les actes de l’instruction, mais vous avez compris la question dont je vous fais part qui est le point de l’innocence de mon client. Il reste l’inscription. La France est le seul pays en occident à accepter la graphologie. C’est le seul élément de l’accusation. La France a fêté le centenaire de l’affaire Dreyfus : on lui fait faire une dictée, le graphisme
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selon Gaubert correspond, M. Bertillon qui l’examine nous indique que c’est la même personne qui a fait la dictée et le bordereau, avec quelques différences, mais dans cette affaire, on a été plus rigoureux et Bertillon, devant les difficultés, se remet au travail et nous apprend que l’écriture a été déguisée. Poursuivant ses investigations, il nous indique que c’est Dreyfus qui a cherché à maquiller son écriture et il nous dit qu’il en a la certitude. Voilà comment débute une erreur judiciaire. Les experts qui suivent, confirment les dires de Bertillon. Or, l’enquête a révélé que c’était Esterhazy. Mais Dreyfus était le suspect idéal. Cette affaire a marqué l’inutilité de la graphologie dans la police scientifique. Jamais elle ne pourra aboutir à une certitude. Passons à une autre affaire : les mémoires d’Adolphe Hitler... Dans cette affaire, une graphologue nous dit : je me suis pénétrée de ces écrits. M. Giessner s’est appuyé sur des éléments de l’enquête et je revoyais l’affaire Grégory. Quand Emile Zola est intervenu dans l’affaire Dreyfus il a été accusé de forfaiture. Récemment à Grenoble, dans une affaire de chèques, un homme a été jeté en prison sur la base d’un rapport graphologique. Le voleur est arrêté et avoue. Le libéré attaque l’expert, mais le tribunal rejette sa demande au motif que celui-ci n’est là que pour donner un avis, il n’est pas responsable. De telles personnes continuent à être agréées par les tribunaux… Elles doivent être chassées de nos tribunaux pour ne pas avoir à subir leur fantaisie. Les graphologues ont déjà fait trop de mal ! Arrivons-en aux écritures… Je vous ai fait distribuer une reconstruction faite à partir des mots croisés… Rien ne correspond. Ce n’est pas l’écriture de Ghislaine Marchal. Les choses sont claires, ce n’est pas elle qui a écrit. Il ne reste rien contre Omar Raddad. Elle a été frappée, percée par une dague, les coups sont tombés là où nous avons le bridge, il l’a traînée, le peignoir se
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relevant et l’a jetée, alors qui l’a tuée ? Ce n’est pas mon rôle. Pour moi, c’est évident, Liliane Receveau nous dit qu’elle a reçu un appel et elle lui a dit de ne revenir que mardi… Elle voulait recevoir quelqu’un tranquillement, sans témoin. Mon rôle n’est pas de fouiller pour savoir qui est ce familier, je ne sais, ce n’est pas mon travail. Ce quelqu’un arrive. Elle l’a rencontré où, je ne sais… Que lui a-t-il dit, je ne sais… Quelque chose s’est passée. Cet homme se retrouve avec elle dans la cave, la frappe avec le chevron, la frappe avec sa dague, elle était déjà au sol, l’achève au foie, veut s’assurer qu’elle était vivante en enfonçant sa dague dans la cuisse, l’entraîne vers la chaufferie, fait les inscriptions, quitte la cave et bloque la porte avec le lit et le tube métallique. J’ai très peur car j’ai senti dans l’air l’odeur du sang, l’instinct des tricheurs, résistez à cela. L’intérêt est à la hauteur de votre courage. Vous avez devant vous un homme jeune, qui aime le jeu, mais ce n’est pas pour cela qu’il était aux abois. Ce n’est pas cinq mille francs qui le mettent dans cet état et en font un assassin. Je suis ému car j’ai son sort entre mes mains et je sais qu’il est innocent… Contre lui il n’y a qu’une pure imagination. On vous en a dit des choses sur ce crime, on a réclamé dix-sept à vingt ans de réclusion criminelle, mais l’accusation en demandant cela montre qu’elle n’est pas sûre car elle aurait dû demander la perpétuité. C’est évident, l’accusé n’est pas un saint mais on ne peut condamner pour cela. Mme Marchal, pour son supplice, ne réclame pas un coupable de contrebande, n’est-ce pas l’insulter que de lui proposer une thèse bricolée. On lui doit le respect à lui et à sa famille, et la résistance n’a aucunement à faire dans cette affaire sinon on ne se serait pas moqué de Christian Vellard. Au terme de ce débat, l’accusation n’a rien résolu, n’a
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rien expliqué, a bricolé une thèse mais vous ne condamnerez pas quelqu’un pour un bricolage, c’est indigne de vous. Mon attitude au cours du procès montre que j’étais sûr de moi. Ce dossier est vide, face à un crime on veut toujours punir quelqu’un mais il faut qu’il soit coupable et en cas de doute on doit l’acquitter. Vous allez parler pour la France, pensez à cela et ayez le courage de dire non à cette culpabilité sans chercher un consensus, n’ayez pas honte de vous. Dans l’affaire Dreyfus on disait que l’acquitter c’était insulter l’armée mais ici vous n’insulterez personne et au contraire vous rendrez honneur à la justice. » Après la plaidoirie de Me Vergès, le président demande à l’accusé s’il a quelque chose à ajouter pour sa défense. Omar Raddad se lève et dans un français correct, déclare : « Ce n’est pas moi qui l’ai tuée, je suis innocent, j’attends que Dieu fasse apparaître la vérité. » Le président, après avoir indiqué qu’il ne conservera, en vue de la délibération, que l’arrêt de la chambre d’accusation et ses notes personnelles, donne lecture des questions qui seront posées aux jurés : « L’accusé est-il coupable d’avoir volontairement commis des violences, coups, blessures et voies de fait sur la personne de Mme Ghislaine Marchal ? Ces violences, coups, blessures et voies de fait ont-ils entraîné la mort de Mme Ghislaine Marchal ? Ces violences, coups, blessures et voies de fait ont-ils été commis avec l’intention de donner la mort ? Une question subsidiaire est posée : ces violences, coups, blessures et voies de fait ont-il été exercés à l’aide ou sous la menace d’une arme ? » Le président Djian donne lecture de l’instruction contenue dans l’article 353 du Code de procédure pénale qui est d’autre part affichée en évidence dans la chambre des délibérations : « La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur pres-
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crit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : « Avez-vous une intime conviction ? » Puis, fait garder les issues de cette chambre et retirer l’accusé de la salle d’audience. Il est 11 h 10. La cour et les neuf jurés de jugement se retirent pour délibérer. L’assesseur et le juré supplémentaires sont conduits dans des locaux séparés de cette chambre, d’où ils ne sortiront qu'à la reprise de l’audience. Au fur et à mesure une foule de gens majoritairement favorables à l’accusé envahit la salle des pas perdus du palais de justice. En fin d’après-midi, la tension est à son paroxysme. A 17 h 50, le président donne lecture du délibéré et du verdict. A chacune des trois premières questions, la réponse est : « Oui à la majorité de huit voix au moins. » La quatrième question étant sans objet, des circonstances atténuantes sont accordées à l’accusé. La cour condamne Omar Raddad à dix-huit ans de réclusion criminelle. Ainsi, elle a suivi le réquisitoire de l’avocat général et a accordé à Raddad des circonstances atténuantes qui, je le rappelle, sont laissées à l’appréciation des juges. Il n’y avait qu’une seule alternative à cette condamnation. L’acquittement. Mais on n’acquitte pas un coupable. Avec le prononcé de l’arrêt de condamnation, le procès pénal se termine, celui de la rue va se poursuivre ; dès la sortie du prétoire, dans la salle des pas perdus du palais de justice. Me Vergès, si effacé dans le prétoire, va, devant micros
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et caméras, être plus à son aise, retrouver sa superbe. Je me souviens encore de la déception de quelques avocats stagiaires qui ont suivi sa plaidoirie et leurs remarques assez désabusées : « C’est ça la plaidoirie de Vergès ? » La presse est divisée sur la prestation de l’avocat. Quelques articles font état d’une plaidoirie brillante, qui n’a néanmoins pas convaincu les jurés. Mais nombreux sont les éditorialistes qui regrettent, comme Maurice Huleu dans Nice-Matin, avoir assisté à une défense douce, enrobée, presque consensuelle. Le journaliste faisait observer qu’un acquittement, dans un procès d’assises, se gagnait au cours des débats, jour après jour, heure par heure, témoin après témoin et notait que l’avocat d’Omar Raddad, qui l’aurait reconnu, a laissé gendarmes, médecins légistes et experts en écriture développer leurs théories tout à loisir, donnant presque l’impression, par moments, de se désintéresser du procès. Il se demande même si en évoquant le centenaire de l’affaire Dreyfus au cours de sa plaidoirie puis pour apostropher la foule dans la salle des pas perdus, Me Vergès, qui est apparu plus à l’aise comme tribun que comme avocat, n’avait-il accepté cette affaire que pour pouvoir comparer "le petit jardinier marocain" au "jeune capitaine juif " devant les caméras de la télévision. Deux phrases marqueront à jamais cette affaire : "OMAR M’A TUER" et "Il y a cent ans, on condamnait un officier parce qu’il avait le tort d’être juif. Aujourd’hui, on condamne un jardinier parce qu’il a le tort d’être maghrébin." Les effets de ces propos sont immédiats sur la foule de ses supporters qui l’ovationne et l’acclame. Le héros a certes perdu son procès, mais l’orateur bombe le torse et triomphe. Cette verve que ne l’a-t-il pas opposée à l’adjudant-chef Cenci écrit Jean-Marcel Bouguereau dans L’Evénement du Jeudi qui conclut à une plaidoirie "omarcissique". Mais il est plus facile de fasciner la foule que les magistrats, les gendarmes et
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les "citoyens-jurés" qui se sont prononcés sur leur honneur et en leur conscience. Alors que Me Vergès s’emploie à jeter le discrédit sur l’autorité et la décision judiciaires, harangue la foule, mobilise l’opinion, la famille de la victime quitte le palais de justice, avec son incommensurable peine. Seule. Elle, se souvient de Ghislaine Marchal, égorgée, éventrée, lardée de multiples coups d’arme blanche. Elle, se souvient de Ghislaine Marchal, de son courage, de sa lucidité, de sa détermination à dénoncer son meurtrier. Vous avez tous oublié Ghislaine Marchal. Vous avez été abusés par la manipulation et de ce fait, êtes majoritaires à être, encore aujourd’hui, convaincus que Raddad est innocent. Me Vergès a perdu un nouveau procès mais gagnera celui de la rue. Après les caricatures, les critiques proférées envers moi-même et les juges d’instruction qui ont dirigé ce dossier, c’est maintenant la cour d’assises, puis le président Djian qui sont discrédités et odieusement taxés de racisme. Comment peut-on tenir de tels propos envers ce haut magistrat qui a toujours fait l’unanimité par sa droiture, son indépendance, son esprit de justice. Cette agression verbale ne sera pas la dernière loin s’en faut, car dans son ouvrage intitulé "Intelligence avec l’ennemi", Vergès outragera à nouveau le président Djian. Le vendredi 4 février 1994, à l’audience d’une nouvelle affaire criminelle qu’il dirige, le président Djian lira un communiqué qui sera en majeure partie reproduit dans la presse locale. Mais cette mise au point n’aura pas la portée des propos diffamants de Vergès. Je cite le président Djian : « Le président de la cour d’assises, tenu comme tout magistrat à son devoir de réserve et comme tout citoyen au respect du secret des délibérations de cette juridiction, n’a pas à se mêler à des débats extérieurs et polémiques relatifs aux décisions qu’elle prend.
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Je rappelle, pour ceux, auxiliaires de justice ou non, qui auraient tendance à les méconnaître, les dispositions d’ailleurs affichées à la porte de cette salle, de l’article 226 du Code pénal et ainsi conçues (citation de l’article) - J’ajoute que des propos aussi graves que déplacés et inconsidérés ont été proférés récemment sur le seuil de ce palais de justice et ont été diffusés au-delà - et qui ont eu pour objet d’offenser gravement et de tenter de déconsidérer les magistrats et les jurés populaires qui concourent ici, en toute conscience, objectivité et indépendance et dans le plus profond respect des droits de l’homme à l’œuvre difficile mais nécessaire de justice - à laquelle ont droit les accusés et les victimes d’infractions. Je rappelle si besoin est, que le racisme est banni de cette cour d’assises tout autant que l’utilisation perverse de ce terme dont se servent parfois ceux qui oublient ou feignent d’oublier que les justiciables quelles que soient leurs origines, cultures, appartenances sociales, ethniques ou raciales, sont et demeurent strictement égaux devant la loi et la justice, sans faire l’objet ni de préjugés ni de privilèges. J’assume dans cette salle la direction des débats et la police de l’audience qui relèvent de mes responsabilités. Je laisse le soin, au-delà de cette salle, à ceux, à quelque titre que ce soit, qui ont la charge de faire respecter l’ordre public et la tranquillité des citoyens, de tirer comme ils l’apprécieront les conséquences et de prendre les mesures qu’impliquent la violation de l’article 226 du Code pénal et des règles destinées à assurer l’indépendance et le respect des jurés populaires et des magistrats qui concourent et continueront à concourir en toute dignité, indépendance, conscience et sans complexe, au fonctionnement de cette juridiction. » Le président Djian a été rejoint par le procureur de la République de Nice, Paul-Louis Auméras, qui adresse au parquet général un rapport circonstancié sur les incidents ren-
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dus publics par Me Vergès. Les propos et insultes infamants et intolérables de racisme proférés envers les magistrats et les jurés auront une suite judiciaire avant un classement sans suite par l’institution judiciaire... pour motif de prescription. Au cours de l’instruction de ce dossier, Me Vergès, dans la salle des pas perdus du palais de justice de Nice, traînant dans son sillage trente-cinq de ses confrères en recherche de publicité, va pérorer à nouveau. Je pourrais citer dans son intégralité le texte de sa conférence de presse. Tout n’étant que mélange de provocation, agressivité et mépris, à quoi bon, je ne citerai même pas un extrait de sa satire. Et que dire de ses déclarations fumeuses et provocantes à la presse sur son comportement dans le bureau du juge Joël Espel. Tout n’est que dérision et insolence. Est-ce bien comportement d’un auxiliaire qui prétend parler de justice ? La justice cependant reste sereine. Me Vergès se pourvoit en cassation contre l’arrêt de condamnation de la cour d’assises. Il fait valoir six moyens de cassation tenant pour la plupart à la violation de la sauvegarde des droits de l’homme, des libertés fondamentales et des droits de la défense, mais aussi du Code de procédure pénale. La chambre criminelle de la Cour de cassation, le 9 mars 1995, rejette tous les moyens du pourvoi formé par la défense ; ceux-ci n’étant pas recevables ni fondés ni accueillis ni admis ou manquant en fait. Tous ont été écartés par la haute juridiction. Il n’y a dans cette décision nul racisme, mais le constat de la régularité de la procédure et de l’application légale de la peine aux faits déclarés constants par la cour et les jurés. Ce n’est pas une sentence rendue dans une salle de pas perdus, mais une décision prise en conformité de la loi et seulement en conformité de la loi. Cependant, le procès de rue continue, inlassablement. Le procès pénal c’est-à-dire l’enquête normative des gendarmes, l’information judiciaire des juges d’instruction, le
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procès devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes puis l’arrêt de rejet du pourvoi de la Cour de cassation ne pèsent pas lourd dans la balance de la désinformation. Raddad a été légalement condamné car il est le meurtrier de Mme Marchal. Mais tout a été fait pour qu’Omar soit, pour l’opinion publique, victime de l’acharnement des gendarmes et des juges, mythe créé en la circonstance par tous ses avocats à travers une campagne de presse remarquablement orchestrée. Visionnez vos cassettes, lisez les articles de presse, notez-vous une citation ou une information provenant d’un gendarme ou d’un magistrat ? Vous n’en trouverez aucune. J’ai regretté maintes fois que la partie civile ne fasse, en quelque sorte, le contrepoids de la désinformation. Je pense que si tel avait été le cas, la presse aurait eu davantage matière à réflexion. Elle ne l’a jamais fait. Peut-être est-ce tout en son honneur, et je n’ai d’ailleurs pas à en juger. Mais savez-vous qui est derrière l’information – je devrais écrire la désinformation – que l’on vous distille depuis des années ? Souvenez-vous : le deuxième Omar, les révélations de Patricia Clark puis les accusations contre Alain Vilas-Boas, Liliane Receveau la femme de ménage, la découverte de l’arme du crime, la mise en cause de Christian Veilleux le propre fils de Mme Marchal, la remise en cause de la désignation par Raddad de la boulangerie de Mougins... Bien évidemment vous vous souvenez de ces informations sensationnelles. Deux enquêtes préliminaires ont été exécutées suivant les directives du parquet de Grasse par les officiers de police judiciaire de la section de recherches de la gendarmerie de Marseille. Toutes ont été classées sans suite tant sont invraisemblables et fantaisistes les éléments avancés. Deux hommes, mandatés par Mes Baudoux et Vergès ce sont eux-mêmes qui le déclarent , ne sont-ils pas les vecteurs de cette vaste entreprise de tromperie d’opinion ! Vous
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n’avez accordé aucun crédit à l’enquête normative et contradictoire des gendarmes et des juges, mais vous faites toujours confiance à deux détectives privés cathodiques : Bernard Naranjo et Roger-Marc Moreau. Savez-vous que ces hommes vous abusent ? Un au moins a la franchise de déclarer aux gendarmes qui procèdent à son audition, avoir quelques arriérés judiciaires, et non des moindres. Mais les policiers et gendarmes qui font de la police judiciaire connaissent le cursus de Bernard Naranjo. Comme l’écrit Dominique De Saint-Pern dans L’Evénement du Jeudi du 21 décembre 1995, sa vie relève du roman de gare. On le retrouve dans l’affaire Bitan, brûlant la politesse au commissaire Ottavioli, dans l’affaire du palais de la Méditerranée où il aurait retrouvé le corps d’Agnès Le Roux, même dans la lointaine affaire Dominici où il dit détenir des éléments de preuve innocentant le patriarche, puis l’actualité le pousse à s’intéresser à l’affaire du cimetière de Carpentras, de l’assassinat de la petite Céline Jourdan à La Motte-du-Caire et depuis, à la très lucrative affaire Omar. Comme l’écrit le journaliste : « On en rirait si, alentour, ne rôdaient des vies dévastées et des honneurs perdus. » L’autre se forge une image plus limpide. J’y reviendrai. Mais voyons quels sont ces faits nouveaux, ces révélations qui ont fait les gros titres de la Une.
- VII -
Jusqu’où sont-ils allés ! Jusqu’où iront-ils ? Si l’on s’intéresse à cette affaire, se remarque une stratégie post-judiciaire à travers des campagnes et des pressions médiatiques cycliques. A la harangue de Me Vergès dans la salle des pas perdus du palais de justice de Nice dès le prononcé de l’arrêt de condamnation, suit l’article de VSD sur la prétendue manipulation des jurés pendant la délibération, par le président Djian. Cet hebdomadaire, dans son édition du 10 au 16 février 1994 publie un article relatant les propos qu’un de ses journalistes, Antoine Casubolo, aurait recueilli auprès de plusieurs jurés. Ceux-ci se seraient notamment indignés des conditions dans lesquelles s’était déroulé le délibéré, dénonçant "l’ambiance anti-Omar" ou encore les pressions exercées plus ou moins directement par le président ou l’un de ses assesseurs pour parvenir à une condamnation de l’accusé. Le contenu de cette chronique pouvant laisser craindre que le secret des délibérations n’avait pas été conservé conduit le procureur de la République de Nice, le 28 février 1994, à ouvrir une information judiciaire contre inconnu du chef de violation du secret professionnel. Les neuf jurés étaient entendus par un magistrat instructeur. Deux d’entre eux déclaraient avoir éconduit un
journaliste qui les avait joints téléphoniquement à leur domicile après le procès et tous démentaient, avec fermeté, avoir trahi leur serment. Après communication de la procédure, le procureur de la République de Nice prenait des réquisitions supplétives de publication, complicité de publication et diffusion de mauvaise foi, de nouvelles fausses, mensongèrement attribuées à des tiers, ayant troublé la paix publique. Au cours de l’instruction, dans un arrêt du 1er décembre 1994 la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Aix-enProvence précisait notamment : « Le journaliste lors de son interrogatoire de première comparution confiera qu’il n’avait pu joindre les neuf jurés ayant siégé dans l’affaire Raddad ». A l’issue de l’information judiciaire, le juge d’instruction rendra... une ordonnance de non-lieu. Que retiendra l’opinion publique ! L’annonce médiatique de l’ordonnance ou la prétendue pression exercée par le président ? Le livre de Vergès et celui de Rouart viennent à point nommé pour jeter la déconsidération ; mais quel crédit apporter à ce romancier, depuis élu à l’Académie française, qui se permet de titrer son ouvrage : « La construction d’un coupable » et de décrire le procès... alors qu’il n’y a jamais assisté (cf. ses aveux à l’émission Bouillon de culture de Bernard Pivot le 10 avril 1994). Puis, le 4 mai 1994, une conférence de presse est organisée à Paris par Me Vergès avec la participation de l’ex-juge d’instruction, Thierry Jean-Pierre, et d’une certaine Mme Clark. Patricia Goodland, veuve Clark demeure à Mougins à quelque quatre kilomètres de La Chamade. Elle témoigne que le jour du crime, devant son domicile, se trouvait une camionnette chargée de chevrons identiques à celui ayant servi à tuer Mme Marchal, et avait constaté des traces de sang sur le siège conducteur. De plus, après enlèvement dit-elle du fourgon par la police municipale, elle remarquait un sac plastique contenant un papier essuie-tout et un tournevis plat
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de 40 cm de long et de 15 mm de large, bien évidemment taché de brun... à coup sûr l’arme du crime ! Voilà de quoi relancer la presse. Tout y est, l’huile, les jaunes d’œuf, Me Vergès n’a plus qu’à monter la mayonnaise... qui prend. Bien entendu elle va très vite retomber, mais vous n’en saurez rien ; cela n’est pas convenable. Patricia Clark a fait le rapprochement dit-elle à la lecture de l’ouvrage du pathétique avocat « Omar m’a tuer ». Quel pouvoir de persuasion ! Mais ces révélations sensationnelles se réduisent comme peau de chagrin dès que la justice engage une procédure judiciaire. On abuse les médias et à travers eux l’opinion publique, mais les fabulations et les fantasmes ne résistent pas à l’examen des faits. L’avocat, profitant de ce secours providentiel, fait une nouvelle fois dans le spectaculaire et va même jusqu'à payer le voyage à son témoin. Quand je vous disais que ce dossier était attractif ! Si l’on veut bien faire preuve d’objectivité, il est élémentaire de démontrer que le témoignage de Mme Patricia Clark n’est pas crédible. En effet, les gendarmes de la section de recherches de Marseille, sous l’autorité du lieutenantcolonel Felder, déterminaient que cette fameuse camionnette appartenait à un sexagénaire, honorablement connu au village, M. Lucien Rossi qui n’était autre qu’un proche voisin de Mme Clark ; que ce véhicule n’avait jamais été stationné à proximité du domicile du "témoin inespéré" mais au fond de l’impasse où demeure son propriétaire ; qu’il n’avait jamais contenu ni outil ni chevron, mais de vieilles planches et des gravats provenant de chantiers ; qu’il n’avait jamais été volé, enlevé ou déplacé par quiconque. D’ailleurs, il était démontré que la police municipale et la gendarmerie de Mougins n’avaient reçu aucun appel de Mme Clark le concernant ; ce qui faisait dire à Roger Duhalde, maire de la commune et vice-président du conseil général des Alpes-Maritimes : - « D’après moi, Mme Clark, de bonne foi compte tenu
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des délais entre la manifestation de son témoignage et la date du meurtre, a dû avoir son souvenir probablement altéré. Ceci pourrait donc mettre en doute la solidité de son témoignage. A mon avis, on ne peut pas mettre sur le même plan, des souvenirs et des documents écrits. Mes informations sont en contradiction formelle avec les déclarations de Me Vergès et les articles de presse. » L’élu confirmait son témoignage en adressant à la presse le communiqué suivant : « Contrairement aux déclarations de Me Vergès et de son témoin, la police municipale de Mougins n’a fait procéder à aucun enlèvement de véhicule de type mentionné par Me Vergès durant tout le mois de juin 1991. Photocopies de la main courante du service de police ainsi que de l’état des mises en fourrière ont été transmises au procureur de la République de Grasse. » D’autre part, si les gendarmes de Mougins, où j’avais établi ma cellule d’enquête, avaient reçu l’information de Mme Clark sur la découverte de ce tournevis, il est bien évident que j’en aurais été informé car nous étions dans la phase préliminaire des investigations et nous recherchions activement une arme. Tout cela n’est pas crédible. Puis, en été 1994, les médias relaient une information liée à l’existence d’un deuxième Omar. Voilà un fait nouveau captivant, susceptible de passionner l’opinion publique et d’alimenter la polémique. Très bien joué M. Naranjo. Mais là encore, la baudruche va se dégonfler. M. Omar Popov est bien malgré lui mis au devant de la scène médiatique. Son seul tort ! Se prénommer Omar et demeurer à 15 km de Mougins. Relisez vos coupures de journaux, visionnez vos cassettes ! Comment ai-je fait pour ne pas identifier cet autre Omar ? Suis-je naïf ou peut-être incompétent à ce point ? Probablement même en existe-t-il d’autres sur la Côte d’Azur ? Voilà une hypothèse que les auxiliaires de justice devraient exploiter : demander une en-
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quête à l’effet d’identifier tous les Omar qui demeurent sur la Côte d’Azur. L’enquête judiciaire établit que M. Popov ne connaît pas et n’a jamais rencontré que ce soit Mme Marchal ou Omar Raddad. Bernard Naranjo, qui se dit inscrit comme détective privé lorsqu’il est entendu par les gendarmes de Marseille, ne cache pas que depuis le 17 juin 1994 il perçoit des fonds de Me Baudoux ; fonds dit-il qui seraient mis à sa disposition par une personnalité marocaine proche du roi du Maroc, à savoir un des fils du roi Hassan II. Mais cela n’est qu’une révélation partielle, toute la presse ou presque en a parlé. Naranjo, pour parvenir à ses fins, utilise tous les moyens. Il usurpe entre autres, les fonctions de policier des renseignements généraux, se dit délégué par le parquet, mais c’est en qualité d’inspecteur du fisc, puis comme détective "free lance" qu’il se présente à M. Popov. Mais auparavant, il envoie en éclaireur une vieille connaissance dont je vous ai déjà entretenu : Christian Vellard. Le voilà maintenant détective, et de plus "paparrazi". Lorsque Naranjo se rend au domicile de M. Popov, Christian Vellard en embuscade derrière une haie de cyprès a pour mission de prendre des photographies. La déposition de M. Omar Popov est significative des insinuations graves et calomnieuses qui ont été portées contre lui. Je me contenterai de sa conclusion : - « Les faits ne reposent que sur le fait que je me prénomme Omar et absolument sur rien d’autre. Heureusement que nous sommes au XXème siècle et non au XVIIIème, car sinon je me serais fait lyncher. » Comme l’écrit le lieutenant-colonel Felder : « A l’évidence, le sieur Naranjo apparaît de plus en plus comme le catalyseur de cette affaire ». Mais il n’est pas le seul. Dans l’agitation médiatique, deux couples se sont formés : Bau-
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doux et Naranjo, Vergès et Moreau. A couteau tiré, c’est à celui qui fera le plus dans le sensationnel. Ces pratiques jettent un peu plus le trouble dans l’esprit du public. D’autant plus que les articles de presse rappellent, à chaque occasion, pourquoi se déjuger, que l’enquête était bâclée et que le procès n’a pas levé le doute. Les privés Naranjo et Moreau ont encore de beaux jours devant eux pour vous mystifier et ils ne s’en privent pas. La médiatisation des révélations de Patricia Clark et l’accusation d’Omar Popov sombrent dans les profondeurs de l’oubli, car elles n’ont pas résisté à l’examen des faits par l’autorité judiciaire. D’autres rebondissements polémiques mais tout aussi fantaisistes et rocambolesques vont naître. Il est indispensable d’occuper le terrain médiatique pour préparer la requête en révision. Les brillants détectives, experts en matière de faits nouveaux, s’y emploient en toute liberté et même en toute impunité. Après le rejet du pourvoi en cassation, le 9 mars 1995, une énième campagne médiatique voit le jour en septembre. Un nouveau rebondissement et non des moindres fait la Une des médias. Le prestidigitateur Naranjo sort de son chapeau un certain Mohamed Moumen qui a regagné son pays d’origine après sa libération de la centrale de Clairvaux. Dans sa révélation à la presse marocaine, Mohamed Moumen accuse un ex-codétenu, Alain Vilas-Boas, du meurtre de Ghislaine Marchal. J’ai connu Vilas-Boas lorsque je commandais la brigade de recherches de Cannes. Ce n’est pas un saint mais cela n’en fait pas un suspect pour autant. Les médias vont s’emparer de cette révélation : « Un taulard blanchit Omar » - « Omar est victime d’une machination » « L’écheveau des pistes » - « L’affaire Omar rebondit » « Omar : les cartes d’un privé ». Une chaîne d’information va même organiser en duplex la confrontation entre Moumen et Vilas-Boas. Malgré son
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talent et ses efforts, Guillaume Durand sera vite dépassé et ne pourra éviter la cacophonie. La confrontation tourne à la farce. Dérisoire Moumen. Qui l’a payé pour sortir de telles sornettes ? Pourquoi la télévision cautionne-t-elle ces supercheries ? Moumen va même accuser par voie de presse le beaupère de Vilas-Boas d’avoir battu son beau-fils à coups de barre de fer, pour le punir d’avoir tué Mme Marchal. Pour prouver cette correction, il décrit les blessures à la tête de l’infortuné Vilas-Boas. Ridicule Moumen. Ces blessures à la tête sont tout simplement dues à un grave accident de moto dont Vilas-Boas a été victime le 2 mars 1992. Vérifié. Dont acte. Mais comment le sieur Naranjo est-il arrivé à Alain Vilas-Boas ! Tout simplement en entrant en relation avec sa mère et son beau-père. Sous prétexte de l’aider, il réussit à les convaincre de lui communiquer son adresse. C’est un malin Naranjo, il l’obtient facilement et sa mère, mise en confiance, le met en rapport avec son fils. Les deux hommes se rencontrent à Mont-de-Marsan. Naranjo est entreprenant : - « Une fois sur place, Naranjo m’a demandé de passer à la télé, de mettre des lunettes et une casquette. C’est lui qui a tout organisé avec les journalistes de TF1. C’est comme ça que je suis passé sur cette chaîne le vendredi aux informations de treize heures. Ensuite, Naranjo m’a emmené avec sa voiture à Grasse. En chemin, il a téléphoné à France2 pour vendre mes photographies ainsi que le film qu’il avait tourné avec moi. Il en voulait soixante-dix mille francs. Il a répondu à un appel de TF1 qui lui demandait de monter à Paris. Les billets étaient réservés par TF1. » Lucratif dossier. On est loin de la sérénité de la recherche de la vérité, et le souvenir de Ghislaine Marchal ne cesse de s’estomper. Comme ces faits, montés de toute pièce, n’ont pas
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d’écho favorable, qu’à cela ne tienne, il faut sur le métier remettre l’ouvrage. Paris-Match sort ses gros titres et enquête sur Christian Veilleux qui, fidèle à la ligne de conduite qu’il s’est fixée, ne dit mot et refuse tout contact avec les journalistes. C’est Liliane Receveau, la femme de ménage de Mme Marchal qui en fera les frais. "Exit" Patricia Clark, Omar Popov et Vilas-Boas. Nouvel acte de la tragi-comédie, voilà maintenant Liliane Receveau et le couteau. Intéressant, imaginatif, farfelu, abusif de la crédulité mais cela marche, alors ! Bernard Naranjo et Roger-Marc Moreau se croisent, se télescopent même dans cette quête de l’inédit. Il faut dire que Liliane Receveau a mis la main dans l’engrenage de la presse. Elle va être totalement absorbée. Cet argent qu’elle a accepté d’un grand hebdomadaire à sensation, elle le payera cher, très cher. Elle sera scandalisée, déshonorée des accusations ignominieuses et de l’odieux portrait que la presse étale sans modération. Comme elle le précise le 9 octobre 1995 au gendarme de la section de recherches de Marseille, je cite : - « Je tiens d’ores et déjà à manifester mon mécontentement sur la façon dont la presse se sert de cette affaire. Je suis scandalisée sur tout ce qui se raconte à mon sujet dans les journaux. J’estime que mon honneur et celui de mes enfants ont gravement été atteints par toutes ces fausses révélations. » Tout comme les lâches dénigrements visant Liliane Receveau, la soi-disant découverte incidente d’un couteau dans le port de Cannes par son ancien compagnon va sombrer dans la plus totale incohérence. Si l’on en croit la déposition de l’incontournable Naranjo, Liliane Receveau aurait confié, hors procédure, qu’un épluche-légume avait disparu de La Chamade, et cet ustensile a été transformé en couteau. Bel acte de probité. Mais il est vrai que l’épluche-légume ne pouvait être défini comme l’arme du crime ! En réalité, Liliane
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Receveau avait clairement laissé entendre aux enquêteurs de la gendarmerie de Marseille que c’était son ancien compagnon, Pablo Cortès-Matéos, qui avait inventé cette histoire de couteau, et que se servant de détails banals, il avait raconté n’importe quoi aux journalistes en quête de sensationnel et aux détectives ; et effectivement, les deux fins limiers de service ont fondu sur leur proie. Le procureur de la République de Grasse confiait à nouveau à la section de recherches de Marseille preuve indéniable de la confiance accordée à la gendarmerie la mission de vérifier ces informations médiatiques et c’est le lieutenant-colonel Felder qui annihilait dans son rapport de synthèse ces diverses manipulations d’opinions. Je cite la conclusion de cet officier : - « Disons qu’à ce jour, l’enquête effectuée a permis de réunir des éléments tendant à établir que cette affaire subit des rebondissements à tiroirs, aussi fantaisistes que non prouvés et rocambolesques. Ceux-ci sont pilotés par des intervenants peu scrupuleux de l’institution judiciaire et du travail des enquêteurs. Les détectives privés incriminés et certains journalistes complices distillent au compte-gouttes, des informations lancées de façon opportune, justifiant ainsi leurs salaires vis-à-vis de leurs employeurs demeurant dans l’ombre. En conclusion, l’histoire de ce couteau, pseudo arme du crime, est phagocytée par les officines d’enquête parallèle qui veulent ainsi justifier aux yeux de leurs employeurs, leurs salaires au demeurant exorbitants. » Bernard Naranjo excelle dans la manipulation, mais il n’est pas crédible lorsqu’il écrit au procureur de la République de Grasse que Raddad n’a pas désigné la bonne boulangerie. Ce détail a été débattu longuement devant la cour d’assises et la défense n’avait opposé aucun argument. Qu’à cela ne tienne, la presse reprend l’information de plus belle. Et cela marche. Tous les excès sont bons. C’est de la compli-
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cité de colporteurs qui permet d’entretenir le suspens, d’égratigner les gendarmes au passage et de prendre les gens pour des faibles d'esprit. Pour rester poli. Le 23 mai 1996, le président de la République, Jacques Chirac, décrète une grâce partielle de quatre ans et huit mois. La presse, qui fait le rapprochement avec la visite en France du roi du Maroc Hassan II, parle de troc et de geste symbolique. Dès le mois de juin, une délégation constituée en "Comité de soutien à Omar Raddad" créée et conduite par JeanMarie Rouart se rend chez le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Jacques Toubon. On peut lire dans la presse des 26 et 27 juin 1996 que le ministre s’appuyant sur le rapport du procureur général d’Aix-en-Provence – qui devait reprendre les conclusions du rapport de synthèse des gendarmes de Marseille –, avait fait connaître à cette délégation qu’il ne pouvait pas saisir la commission de révision faute d’éléments nouveaux. Tous les rebondissements fourbis par les deux détectives "privés" de la défense s’effondrent l’un après l’autre. Se dessinent alors, peu à peu et insidieusement, les allusions, puis la mise en cause de Christian Veilleux. L’accusation sera moins voilée quand la demande en révision sera déposée. Dans le contexte de cette affaire, c’est tout simplement odieux. La responsabilité de Roger-Marc Moreau semble entière dans cette grave accusation, qui ne s’appuie sur rien, absolument rien de concret et qu’il est facile de récuser. On déshonore un homme, on salit un fils qui avait des liens plus que filiaux avec sa mère mais peu leur importe, et c’est un des arguments qui sera avancé plus tard dans la demande en révision déposée par la défense du condamné. Mais qui est Roger-Marc Moreau ? Officiellement directeur de l’agence d’assistance pour la défense des droits,
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une officine de Chalon-sur-Saône, il est mandaté dit-il par Me Vergès. Cet aveu m’interpelle car, si l’on se réfère à un article du Figaro du 3 février 1994, cet avocat, lors de sa plaidoirie, avait proclamé ; ce qui se révélera plus tard en parfaite contradiction : « Je ne suis pas un avocat américain. Je n’engage pas de détective ». Une coupure de presse d’un quotidien de la vallée du Rhône m’est parvenue dernièrement. Elle m’a interpellé et amusé. Le mimétisme de l’élégant détective, posant "bcbg" un gros cigare entre les doigts, avec celui qui le dirige, m’a effectivement interpellé. Mais ce qui m’a amusé, c’est la lecture de l’article, plus particulièrement le paragraphe où Roger-Marc Moreau déclare, je cite : - « J’ai trouvé ce métier très intéressant (détective privé) et j’ai bien vite abandonné la carrière de magistrat à laquelle je me destinais pour ouvrir une agence, chez moi, à Chalon-sur-Saône. » Quel gage d’honorabilité et de respectabilité n’est-ce pas ? Comment ne pas faire confiance à un homme qui aspirait à être magistrat ? Comment ne pas conquérir l’assistance à qui on essaie de vendre sa marchandise, c’est-à-dire le livre auquel il a collaboré avec un journaliste ? Ayant éveillé la curiosité, il serait convenable, à l’occasion d’une de ses fréquentes prestations à la télévision, qu’un journaliste lui demande les raisons pour lesquelles il n’a pas persisté à postuler à la magistrature. Aura-t-il la sincérité d’en afficher les raisons ? Roger-Marc Moreau est assurément un sacré personnage et un opportuniste qui, comme Naranjo, exploite le bon filon des enquêtes parallèles médiatiques. Le travail de sape des deux détectives a pour leurs employeurs un intérêt majeur et capital : que l’affaire Omar se pérennise pour ne pas sombrer dans l’oubli et ainsi préparer une demande en révision.
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Raddad recouvre la liberté le 4 septembre 1998 après un peu plus de sept ans de détention. Mais cette grâce partielle, de par la complexe arithmétique pénitentiaire, aura tout juste accéléré le processus de la libération conditionnelle et souligné son aspect régalien. Le travail des deux privés a-t-il porté ses fruits ? Elle est loin, très loin, de plus en plus loin l’image de la victime égorgée, éventrée, percée d’une lame d’acier. Lorsqu’on connaît le dossier, le triomphe de Vergès est indécent. Mais cette liberté conditionnelle n’innocente pas Raddad pour autant. Il est libre mais toujours condamné. C’est un meurtrier en liberté conditionnelle. L’académicien Jean-Marie Rouart est, me semble-t-il, l’exemple type de l’intellectuel sous influence ayant écrit un ouvrage sur cette affaire sans jamais avoir assisté aux débats. Ceci se passe de tout commentaire. Et c’est cet homme qui prétend parler d’erreur judiciaire ! Si cette supposée erreur avait une quelconque consistance, je ne pourrais qu’approuver la requête en révision car je suis autant que Rouart épris de justice et de vérité. C’est mon métier et je n’ai jamais triché avec le devenir d’un être humain. Rouart a écrit un roman, c’est son métier. Mais une affaire judiciaire n’est pas un roman. Je ne suis pas l’otage d’un Naranjo ou d’un Moreau. Je ne suis qu’un gendarme, et fier de l’être, qui a écrit et argumenté ce manuscrit à partir de documents authentiques. J’ai été un des témoins privilégiés du procès pénal. Je ne suis à la botte de quiconque et n’ai nul besoin en guise de faire-valoir de traîner un meurtrier dans les réceptions parisiennes. Vergès a eu la chance de trouver en Rouart un relais en forme d’entonnoir dans lequel il a déversé ses thèses pour discréditer la justice et construire sa pseudo vérité et la vérité de Vergès et de Rouart n’est pas La vérité. Comme l’écrit Gérard Nirascu dans Le Figaro : « Non,
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l’affaire Raddad n’est pas une erreur judiciaire. Maintenant, comme l’homme n’a pas avoué, on peut écrire des romans. C’est ce qu’a fait Jean-Marie Rouart. Mais roman et réalité n’ont jamais été synonymes. » Depuis le début de cette affaire, je n’ai pas participé, et ne participerai jamais, aux surenchères médiatiques et outrancières de l’information-spectacle. Ce n’est pas le cas de l’académicien. Quel émouvant spectacle offert par ces pseudo intellectuels coalisés en comité autour de lui pour demander la révision du procès. Pour le modeste observateur que je suis, comment ne pas être surpris que de tels hommes et certaines personnalités, qui ne peuvent avoir qu’une information partisane des faits, puissent exiger, je cite : « Que toute la lumière soit faite sur une affaire symbolique des carences de la justice en France. » Comment ne pas s'étonner qu’à l’instar d’une vedette ou d’un héros Raddad reçoive les honneurs de l’Académie française ! Comment ne pas être surpris qu’un Jean-Marie Rouart parade devant les siens, sous la coupole, au côté d’un homme condamné pour le meurtre d’une femme âgée ! C’est l’indécence même et l’outrage public à la mémoire de la victime et à la justice. L’information-spectacle c’est la scandaleuse mascarade à sens unique qui nous a été imposée par « Témoin n°1 » en septembre 1996 écrit Maurice Huleu dans Nice-Matin. Le chroniqueur ajoute : « Cette dramatique affaire, pourrie de rebondissements bidons et de faux coupables de substitution, illustre les méfaits de la surenchère médiatique et les outrances de l’information-spectacle. » L’éditorialiste pose enfin la question : « Jusqu'à quand la télévision pourra-t-elle s’arroger tous les droits y compris celui de dire le Droit à la place des magistrats. » Ne conviendrait-il pas d’ajouter pour être exhaustif : jusqu’à quand la presse écrite s’arrogera-telle le même droit.
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Que penser de l’émission « La marche du siècle », le 7 octobre 1998, sur le thème « Victimes d’erreurs judiciaires et Omar Raddad ? » où François Foucard, auteur d’un manuscrit sur cette affaire intitulé « Le dossier pour servir la vérité », a été rabroué sans égard ni ménagement. Il est vrai que ce journaliste, chroniqueur judiciaire et religieux à FranceInter, convaincu de la culpabilité du jardinier et qui a eu le courage de l’écrire, n’était pas dans la mouvance de la pensée correcte. Jean-Marie Cavada, cet homme de télévision reconnu, m’a fort surpris lorsqu’il s’est notamment indigné de ce que l’accusé n’aurait pas eu droit à un interprète durant le procès. Il a cru ensuite rectifier, sur remarque du journaliste Jean-Paul Lefèvre, en s’indignant cette fois de l’absence d’un interprète durant l’instruction ; ce qui, nous l’avons vu, est encore inexact. La puissance de la désinformation a marqué les esprits les plus brillants et cette émission d’information s’est inscrite dans la lignée de celle décriée par Maurice Huleu. Naranjo, Moreau et leurs mandants ont encore de beaux jours devant eux. Comment ne pas approuver le président Djian quand il déclare dans les colonnes de Nice-Matin, je cite : - « La cour d’assises est un lieu de travail où magistrats et jurés, après avoir été informés des éléments de l’affaire par les débats oraux et contradictoires aux audiences, et par l’audition des thèses des parties civiles, de l’accusation et de la défense, prendront leur décision dans la sincérité de leur conscience après une délibération secrète - Cette décision n’a pas à être dictée ou influencée par l’opinion ou les opinions dites publiques, qu’elles se manifestent dans la rue, autour du palais de justice ou par la voie de presse écrite, parlée ou audiovisuelle dont nous respectons bien entendu par ailleurs la liberté d’expression - Il conviendrait de se souvenir qu’un procès et un verdict de cours d’assises ne sont ni un référen-
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dum ni une campagne de sondage d’opinions. Dans notre législation, c’est à douze femmes et hommes réunis par le sort qu’il revient de représenter, dans le procès d’assises, le Peuple français, au nom duquel est prononcée leur décision, prise aux majorités légales - Il ne leur est pas permis de commenter et d’expliquer ce verdict ni de se mêler aux campagnes de polémiques publiques ou privées que certains peuvent créer ou entretenir à ce propos - Quant à ce que l’on entend par preuve et administration de la preuve en matière pénale, beaucoup en parlent avec aplomb et quelquefois à tort et à travers, à l’extérieur sans se préoccuper le plus souvent de se référer aux dispositions légales qui les définissent (...) de même que la notion d’autorité de la chose jugée paraît trop souvent absente des réflexions de l’extérieur. » Je m’associe à ces paroles pleines de bon sens et de sagesse. Mais ces propos ne cadrent pas avec l’informationspectacle et n’auront pas la portée des haut-le-cœur de Rouart, des minauderies de Vergès et des révélations insidieuses de Naranjo et Moreau. Néanmoins, j’ai la naïveté de préférer le langage de l’honnêteté et de la vérité à celui de l’usurpation. Plusieurs ouvrages ont été édités sur cette affaire. Aucun auteur ne l’a vécue. Tous ont interprété la réalité des faits sauf François Foucard, car je sais qu’il a écrit son livre à partir des pièces du dossier et a suivi intégralement le procès. Mais son ouvrage a fait l’objet d’une diffusion restreinte comme s’il avait été censuré de fait. Le mien suivra-t-il le même chemin ? Il n’est pas de bon ton d’écrire que l’enquête était rigoureuse et qu’Omar Raddad est bien l’assassin de Ghislaine Marchal. La vérité fait-elle peur ! Moi, j’ai peur du mensonge et je le hais. Vous aurez, peut-être pour la première fois depuis le début de cette affaire, la faculté de vous poser cette question : ai-je été manipulé ? Je vous laisse le choix entre la vérité et les manipulations d’opinions. A vous de
Jusqu’où sont-ils allés ! Jusqu’où iront-ils ?
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vous prononcer en votre honneur et conscience. Comme les jurés ! Cette affaire ne pouvait s’éteindre après le rejet du pourvoi en cassation. Aux poussées médiatiques que je viens d’évoquer, vont suivre les accusations de Mimoun Barkani, l’ancien majordome de Ghislaine Marchal, à l’encontre de Christian Veilleux (cf. Le Figaro du 18 septembre 1998) puis le 10 décembre 1998, l’émission de Eve Livet et Saad Salman sur Canal+ : « Le procès K - Omar Raddad ». La désinformation extrême issue de la manipulation n’avait qu’un but : la demande en révision que signe Me Vergès le 27 janvier 1999. Dans ce paragraphe vous aurez également le choix entre la vérité toujours énoncée à partir de documents authentiques et les manipulations d’opinions. Mais nous touchons là, à l’odieuse accusation de parricide.
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- VIII -
La demande en révision La révision d’un procès, recours exceptionnel, est inscrite dans la loi pour réparer une éventuelle erreur judiciaire. Bien que dans cette affaire l’erreur n’ait aucune réalité, tant la culpabilité de Raddad est pleine et entière, je m’associerais intellectuellement à cette démarche si cette requête était guidée par un souci de vérité et de justice. Ce qui n’est pas le cas. Accuser Christian Veilleux d’avoir tué sa mère est tout simplement, dans le contexte de cette affaire, le dévoiement d’une argumentation. L’extravagance a suppléé le raisonnement. Les mythomanes continuent leur œuvre destructrice au mépris de la personne humaine. Combien d’hommes et de femmes ont-ils été salis par ces procédés ? Les gendarmes, le juge Renard, le président Djian, les jurés, les experts, Liliane Receveau et qui sais-je encore ? C’est maintenant le tour de Christian Veilleux. La révision d’une décision pénale peut être demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable d’un crime ou d’un délit lorsque notamment après une condamnation vient à se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du jugement, de nature à faire naître un doute de la culpabilité du condamné (article 622 du Code de procédure pénale). Il y a donc deux possibili-
tés pour susciter un tel doute, soit en remettant en cause les charges retenues contre le condamné, soit en réunissant des charges contre un tiers. Quoiqu’il en soit, la requête ne peut reposer que sur des faits et des éléments nouveaux. Or, les fantasmes conscients de la défense ne reposent sur aucun élément réel du dossier et elle est incapable de proposer des arguments sérieux aux charges lourdes et suffisamment établies retenues contre son client. J’ai eu le privilège, en quelque sorte, d’avoir été autorisé par la partie civile, et il est inutile d’y voir une quelconque collusion mettant en cause mon indépendance d’esprit, à consulter ses observations à la requête déposée par la défense. Ces deux documents m’ont ainsi permis de poursuivre cet ouvrage en argumentant à partir des éléments portés à la connaissance de la commission de révision. Sur quels éléments se base la défense pour déposer sa requête ? C’est tout simplement sur des faits qu’elle qualifie de nouveaux et qui ont été réunis depuis quatre ans par Roger-Marc Moreau. Sempiternels faits nouveaux que j’ai déjà évoqués pour la plupart et qui n’ont aucune, mais vraiment aucune consistance : mise en cause de Liliane Receveau ; présence de personnes à La Chamade les 23 et 24 juin 1991 ; accusation de parricide portée par Mimoun Barkani à l’encontre de Christian Veilleux ; remise en cause des expertises en écriture, de la datation de la mort et du système de fermeture de la porte. Les hauts conseillers de la commission de révision vont donc devoir examiner si ces éléments sont nouveaux, fondés et susceptibles de faire réviser la condamnation pénale de Raddad. Ces magistrats pourraient-ils admettre la thèse machiavélique et irréalisable de la mise en scène ? Pourquoi prétendre que le crime a été perpétré le vingtquatre au lieu du vingt-trois et en même temps défendre cette thèse complexe et sans fondement alors que Raddad avait un
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alibi formel le vingt-quatre juin ? La démonstration est invraisemblable et incohérente et tout cela avait d’ailleurs été examiné devant la cour d’assises. L’erreur de dactylographie avait aussi été largement débattue à chacune des demandes de mise en liberté devant la chambre d’accusation d’Aix-enProvence et devant la cour d’assise, et les faits sont suffisamment nombreux et étayés pour attester que le meurtre a eu lieu le vingt-trois juin. Les vaines manœuvres de la défense n’apportent aucun élément nouveau au débat. Ces magistrats pourraient-ils admettre que l’écriture n’était pas de Ghislaine Marchal ? En examinant les attestations collationnées par Moreau ? Pour la petite histoire, de nombreux graphologues, Français, Italien et Espagnol ont, à la lecture du rapport d’un de leur confrère, Jean-Paul Gauthier – plus connu comme graphologue que reconnu par les magistrats lyonnais pour ses qualités d’expert en écriture –, employé exactement les mêmes termes pour dire que ce n’est pas Mme Marchal qui a écrit les deux messages et que les lettres sur la porte de la chaufferie n’ont pas été écrites dans le noir. C’est tout simplement du "copier - coller" informatique de mauvaise facture. C’est d’autre part une facétie de mauvais goût, car dans sa plaidoirie l’avocat avait dénoncé la fiabilité de la graphologie et voué aux gémonies les graphologues qu’il fallait, je le cite : « Chasser de nos tribunaux pour ne plus subir leur fantaisie. » Mais alors pourquoi accorde-t-il foi aux attestations de graphologues qu’il a sollicités ? Mais peut-on laisser dire et écrire n’importe quoi par Jean-Paul Gauthier ! Ce singulier personnage, dans son opuscule « Expertise en écritures - Quel poids dans la balance ? » prône auprès des experts indépendance, impartialité, scrupule et prudence – ce qui est légitime – mais s’empresse aussitôt de reprendre à son compte les assertions malveillantes de son mandant relatives
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au procès auquel lui-même n’a pas participé, prétend avoir effectué une expertise en écriture et graphologique sur une inscription manuscrite dont il n’a pas examiné l’original, écarte délibérément l’examen de la deuxième inscription (et ce qu’elle peut établir ou impliquer) et prétend tirer la preuve d’une impossibilité pour la victime blessée d’écrire avec ses doigts ensanglantés du fait que cela aurait eu lieu en haut d’une porte en position verticale (propos relatés dans l’article de Dominique Landron dans Corse-Matin) alors que chacun de ceux qui ont examiné cette porte sait que l’inscription ne figure pas à cet emplacement mais à un endroit tel que deux experts judiciaires ont estimé que le scripteur était agenouillé. Et c’est cet homme qui à la page quatre-vingt-quinze de son opuscule ose taxer de malhonnêteté intellectuelle tout à la fois gendarmes, experts et magistrats ! Il n’est qu’un triste exemple de plus des excès de jugement que peuvent porter des gens prétendument expérimentés ! Il s’inscrit lui aussi dans l’épais chapitre de la manipulation. Me Vergès est certainement un homme très astucieux et il sait que la graphologie n’est pas une science mais un art qui consiste à révéler, à analyser la personnalité d’un individu à partir de son écriture. Et ce n’est pas ce que le juge Renard avait demandé à Gilles Giessner et Florence Buisson-Debar. Le magistrat instructeur avait commis ces deux personnes pour une expertise en écriture. Et l’expertise en écriture est une discipline qui consiste à établir des similitudes ou des différences entre plusieurs manuscrits ; dans le cas d’espèce entre les écrits de Mme Marchal et les lettres manuscrites sur les portes. Le terme de graphologie est donc, dans cette affaire, impropre pour aborder le travail réalisé par les experts désignés par le magistrat. Et Me Vergès sait tout cela. Les avis émis par les experts de la défense n’ont aucune valeur probante. Ceux-ci n’ont pas travaillé sur les originaux mais sur des reproductions, comme l’un d’entre eux
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l’écrit : « Sur une photocopie d’une photocopie », et n’ont pas eu la possibilité de se déplacer sur les lieux pour se mettre en situation. D’autre part, il est flagrant de constater qu’une graphologue, Danielle Dumont, soutient dans son rapport une antithèse incohérente et incompatible avec les constatations. Est-ce par méconnaissance du dossier, je l’espère pour la crédibilité de sa profession ou pour faire coller son point de vue avec la thèse de la mise en scène chère à l’auxiliaire de justice ? A vouloir trop prouver sans connaître les pièces essentielles du dossier, elle a rendu une conclusion n’ayant qu’un lointain rapport avec la procédure. Et c’est sur les bases et la conclusion de cet avis que les autres "experts" se prononcent en employant les mêmes mots pour le dire. Aucun n’a argumenté, aucun n’a démontré. Cela tient plus de la pétition que de l’expertise. Ces contre-expertises excluent, toutes, que Ghislaine Marchal puisse être l’auteur des deux messages accusateurs et les points de vue produits à l’appui de la requête sont incontestablement nouveaux observent les avocats de la partie civile. En effet, et l’opinion de Mme Dumont est fort originale puisqu’elle déduit que le message pratiquement illisible, tracé sur la porte de la chaufferie, aurait été écrit le premier, dans une pièce éclairée, par un scripteur utilisant la main gauche, inerte, de Ghislaine Marchal pour ensuite s’en inspirer pour écrire OMAR M’A TUER sur la porte de la cave à vins ; alors que de cet emplacement, on ne peut voir la porte de la chaufferie. Cette opinion est d’autre part inconciliable avec les constatations auxquelles nous avions procédées dans le sous-sol et les conclusions médico-légales. Elle démontre l’ignorance par son auteur des éléments objectifs qui ont dû emporter la conviction de la cour et du jury que c’est Ghislaine Marchal qui a écrit les deux messages accusateurs et que seule la personne demeurée dans la cave a pu installer le
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dispositif qui bloquait la porte. Et Ghislaine Marchal était cette personne. Tout cela a été démontré et débattu au procès. La lecture des appréciations de Mme Dumont est sans équivoque quant à son ignorance des détails qui annihilent sa thèse, notamment le rai de lumière filtrant de la porte de la cave qui permet de discerner la surface de celle de la chaufferie ; les traces d’appui de mains ensanglantées sur le sol et la progression des traces de sang en direction de la porte de la chaufferie ; l’absence de signe de mouvement, de la chaufferie vers la porte de la cave à vins ; les traces de sang sur le sol et les parois de la chaufferie qui démontrent qu’après avoir réitéré son accusation, la victime s’est traînée sur le sol de cette pièce où elle a été trouvée, morte. Comme le précise la partie civile : « Elle oublie encore qu’un corps est un encrier encombrant et qu’en utilisant le corps ou le sang de Ghislaine Marchal pour inscrire les deux inscriptions, son meurtrier se serait nécessairement trouvé luimême couvert de sang et en aurait inévitablement laissé la trace dans la cave comme lors de sa fuite. » Ce qui n’a pas été le cas, nous l’avons vu. Je suis convaincu que si Mme Dumont avait eu la possibilité, comme les deux experts nommés par le juge Renard, de se rendre dans le sous-sol, elle n’aurait pas soutenu un tel raisonnement. Ces personnes savaient-elles que la thèse de la mise en scène défendue par Me Vergès n’était concevable que s’il était possible de démontrer que le meurtrier, en s’enfuyant, avait pu mettre en place le dispositif bloquant la porte ? Ce concept de la mise en scène a été soutenu en vain par les avocats successifs de Raddad pendant l’instruction et lors des débats devant la cour d’assises. Ce n’est donc pas un fait nouveau. Les magistrats examineront-ils à nouveau les éléments objectifs sur le blocage de la porte ? Ils ne pourraient que convenir que seule Ghislaine Marchal a pu installer un tel
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dispositif. La requête en révision présentée par la défense n’apporte aucun élément nouveau susceptible de contredire l’instruction. Ce sont les mêmes maladresses, sans rapport avec la configuration des lieux, qui sont soutenues. Moreau et ses mandants ont l’imagination fertile pour instiller qu’il est possible, avec une cordelette glissée sous la porte de la cave, de mettre en place le dispositif conçu par Ghislaine Marchal. Ils ne tiennent pas compte de ce qu’une surélévation, au pied de la porte, empêche que l’on glisse une lanière sous celle-ci. Il est vrai qu’ils connaissent mal le dossier, ne sont jamais venus sur les lieux et avancent des thèses virtuelles qui ne résistent pas à l’analyse des faits. Dans sa requête, Me Vergès met en avant les investigations du détective Moreau. Les magistrats qui vont prendre connaissance de ce travail de désinformation ne seront pas dupes que ces faits présentés comme nouveaux ne sont en réalité que des boniments malveillants et incohérents. Les éléments présentés par Moreau n’ont aucune valeur juridique, car il n’a fait qu’exploiter la rumeur et la crédulité des gens. Ses documents sont édifiants. Tout n’est que manipulation et médisance, montage grossier d’auditions non authentifiées, en totale contradiction avec les déclarations que ces mêmes témoins ont confiées aux officiers de police judiciaire. Malgré ses efforts pour faire coller ses investigations à la thèse indéfendable de son employeur, Moreau n’est pas crédible. Et dire qu’il aspirait à devenir magistrat ! Moreau, Naranjo et leurs mandants ont tenté de vous induire en erreur avec leurs scoops sur le deuxième Omar, Vilas-Boas, Patricia Clark. Ces informations fantaisistes ayant sombré dans les profondeurs du ridicule, il fallait bien mettre en avant une nouvelle idée-force pour relancer le débat. C’est là, à bout d’arguments, que la démarche est indigne. Odieuse mise en cause de Liliane Receveau, abjecte accusation contre Christian Veilleux.
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J’ai déjà évoqué l’argumentation débridée de la défense pour mettre en cause Liliane Receveau. Les arguments avancés dans la requête devant la commission ne sont donc pas nouveaux puisque les gendarmes de la section de recherches de Marseille, en procédant à leur vérification, avaient permis au parquet de Grasse de les rejeter. La mise en cause de Liliane Receveau ne débouche sur rien, absolument rien de concret. Il est vrai qu’entre l’enquête officielle des officiers de police judiciaire sous le contrôle du procureur de la République de Grasse et les combines de Moreau, les magistrats n’auront aucune difficulté pour distinguer la réalité des faits. Le talentueux Moreau n’a cependant pas pris les précautions les plus élémentaires pour que ses pièces versées à la demande en révision soient crédibles. Je compare pour asseoir mon propos, deux éléments versés au dossier : le procès-verbal d’audition de M. Pablo Cortes-Matéos inséré à l’enquête préliminaire des gendarmes de Marseille et une déclaration, non authentifiée, recueillie par Moreau de cette même personne. Je constate que si les gendarmes ont dû avoir recours à un interprète pour recueillir son témoignage, le sieur Moreau n’a pas pris cette sage précaution. Et M. CortesMatéos n’est pas comme Raddad, il a vraiment une connaissance très imparfaite et approximative du français. D’ailleurs, lorsqu’il s’est présenté le 9 octobre 1995 à la gendarmerie de Mandelieu, répondant à une convocation, les gendarmes n’ont pu procéder à son audition, qu’ils ont renvoyée, faute d’interprète, au 18 octobre. Affirmer que Liliane Receveau serait venue à La Chamade le dimanche ne repose que sur des ragots du café du commerce recueillis par un commissionnaire. La femme de ménage ne travaillait qu’exceptionnellement le dimanche et Ghislaine Marchal ne l’a pas sollicitée ce jour-là, et pour cause, elle était invitée chez les Koster. Liliane Receveau a passé cette journée, en famille, au lac de Sainte-Croix comme
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l’enquête préliminaire du parquet de Grasse l’a démontré. Exit donc les soupçons d’un crime perpétré par Liliane Receveau et trois autres personnes dont je préfère taire l’identité tant elles seraient choquées et scandalisées d’être incriminées par l’enquêteur privé. Soutenir que Liliane Receveau était présente à La Chamade le lundi 24 juin est une hérésie mensongère, mais non dénuée d’intérêt pour la défense qui s’arcqueboute frénétiquement à la thèse selon laquelle le crime aurait été commis ce jour-là. Mais cette affirmation, qui ne repose sur rien, ne revêt évidemment d’intérêt que s’il pouvait être admis que l’agression de Ghislaine Marchal fût intervenue ce jour-là. Tel n’est pas le cas. Moreau argumente à partir du témoignage de M. Salem El-Ouaer, l’ouvrier tunisien en situation irrégulière en France qui travaillait dans une propriété voisine et que nous avions entendu sur commission rogatoire dès le 1er juillet. Ce maçon, qui, entre temps, avait rejoint son pays d’origine à la suite d’un arrêté d’expulsion, n’avait pu comparaître devant la cour d’assises et le président, nous l’avons vu, avait donné lecture du procès-verbal de son audition. M. El-Ouaer, vous l’avez constaté dans la presse, a été contacté chez lui, en Tunisie, par Moreau et son mandant. Ses prétendues déclarations, d’une incroyable précision sept ans après les faits, ne résistent pas à la confrontation des faits et des dépositions. Et comme l’observe la partie civile : « Ses souvenirs ont le grand inconvénient de varier et de s’enrichir au fur et à mesure du temps qui passe. » Il est tout à fait surprenant en effet que M. El-Ouaer n’ait ni vu ni entendu Erica Serin qui a klaxonné et appelé Mme Marchal à plusieurs reprises vers 11 h 30, le lundi 24 juin. Il est tout à fait étonnant que les déclarations de M. ElOuaer ne soient pas en harmonie avec celle de son chef de travaux, M. Fabrice Ammeux, qui se trouvait en sa compa-
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gnie. Lui a vu et entendu Erica Serin puis identifié sa voiture, une Renault 5 bordeaux. Il est tout à fait curieux que M. ElOuaer prétende avoir entendu quelqu’un crier de l’intérieur de la résidence : "Qui est là ?" tandis que Fabrice Ammeux n’avait pas ouï ce que disait Erica Serin alors qu’elle se trouvait à l’extérieur et à portée de voix. Il est tout à fait original que M. El-Ouaer n’ait remarqué que deux dames âgées dans l’enceinte de la propriété alors que, nous l’avons vu, de nombreuses personnes ont participé aux recherches. Il convient cependant d’observer que les deux propriétés étaient séparées par un grillage couvert de vigne vierge rendant extrêmement difficile la vision de l’une vers l’autre. On lui fait dire seulement qu’il a identifié Liliane Receveau pour faire accroire que celle-ci était présente à La Chamade ce lundi. Et Moreau déforme les témoignages pour les faire coïncider avec cette thèse. Or, l’argumentation particulièrement faible ne résiste pas à la confrontation des éléments du dossier. En effet, pendant l’instruction, Liliane Receveau avait déclaré aux gendarmes que sa patronne lui avait donné congé jusqu’au mardi. Et effectivement la femme de ménage ne s’était présentée à la propriété que le mardi matin, comme convenu. Un détail suffit à démonter les assertions du fin limier : c’est un fait qui a d’ailleurs été évoqué lors des débats devant la cour d’assises auxquels Moreau n’a pas assisté. Il s’agit de la conversation téléphonique du dimanche 23 juin, au cours de laquelle Ghislaine Marchal demande à son amie Erica Serin de lui acheter Le Figaro et Nice-Matin : car habituellement, c’est Liliane Receveau qui les apporte lorsqu’elle travaille. Et le lundi, Erica Serin a effectivement déposé les journaux dans la boîte aux lettres de la propriété. Un autre détail important démontre que Liliane Receveau n’a pu être identifiée, ce même lundi, dans l’enceinte de la propriété, par M. El-Ouaer. Il faut pour cela se reporter à la déclaration de M. Fabrice Ammeux qui lui ne confond pas Erica Serin –
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qu’il détaille parfaitement lorsqu’il l’aperçoit le lundi en fin de matinée – avec Liliane Receveau et sa patronne qu’il remarque le vendredi précédant dans la cour de la propriété, et dont il décrit la signalétique de chacune. Et Liliane Receveau n’a aucune ressemblance physique avec Erica Serin. La multi-piste Liliane Receveau s’effondre. Mais n’estil pas maladroit de vouloir accabler une même personne dans la thèse du meurtre du dimanche et dans celle du lundi. N’aurait-il pas mieux fallu choisir, par correction envers les magistrats de la commission de révision ! Après les accusations sans preuve et les montages bidons contre Gilbert Foucher, Alain Vilas-Boas, Omar Popov et j’en oublie certainement, n’est-ce pas la preuve du désarroi et de la détresse d’une argumentation ! Mais, revenons à M. El-Ouaer. Lorsqu’il a été auditionné par les gendarmes, il relatait que le 24 juin, il avait entendu un homme sonner au portail de La Chamade et une femme répondre de l’intérieur "Qui est là ?" Il précisait, qui plus est, que cet homme conduisait un véhicule rouge de type Land Rover. Mystère ? Pas du tout. Vous connaissez désormais parfaitement le déroulement de l’enquête et vous avez toujours en mémoire, comment et par qui les recherches ont été effectuées ce jour-là. Cet homme qui se présente à la propriété n’est autre que le docteur Delemotte, propriétaire d’un Lada Niva rouge qu’il stationne dans la cour de la propriété. Il est d’ailleurs étonnant que ce détail visuel ait échappé à M. El-Ouaer. Si une femme répond de l’intérieur de la villa, et seul ce témoin le déclare, il ne peut s’agir que de Francine Pascal ou sa gardienne, Nicole Jacquot. Dire le contraire est une affirmation qui ne repose sur rien. Absolument rien. On va vouloir faire croire aux magistrats de la commission de révision que des amis suisses sont venus à La Chamade le dimanche 23 juin et que nous n’avons pas procédé
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aux investigations à l’effet de les identifier. Cette voiture immatriculée en Suisse n’est autre que celle de Mme Koster qui, nous l’avons vu, est venue à plusieurs reprises à la propriété de Mme Marchal, tant le dimanche que le lundi. Comme tout cela est dérisoire ! Mais si j’en crois un dialogue entre Latifa et Zined Chérachni, cette piste était déjà exploitée par un journaliste en 1992 (conversation du 1er février à 11 h 27) et servira plus tard à répandre puis à entretenir la rumeur de la piste suisse, laquelle éclatera quelque dix ans plus tard avec le témoin miracle de l’Ordre du temple solaire. Les deux sœurs, qui commençaient à déchanter quant à leur rapport avec les journalistes, se disaient exaspérées par, je cite : « Ces journalistes qui racontent n’importe quoi et qu’il ne faut plus écouter. Selon Zined, l’histoire de l’homme blond pourrait être un faux témoin payé par un riche, tel M. Shérif et que cela ne pouvait que nuire à Omar. » Il restait alors à accuser Christian Veilleux d’avoir tué ou commandité le meurtre de sa mère. Moreau et ses clients ne reculent devant rien. Tout cela me semble bien affligeant et échappe à ma morale. Les procédés employés donnent encore plus de force aux arguments que j’ai développés dans le cadre de mes investigations et honorent les magistrats et les jurés qui se sont prononcés en leur honneur et conscience. Il est scandaleux de salir ainsi, sans la moindre preuve, un fils, une famille. Toutes les allégations sont aussi futiles que dépourvues de tout fondement. J’ai pu me rendre compte, lors de mes entretiens avec lui, combien Christian Veilleux adorait sa mère. Ses relations devaient être empreintes de respect, d’affection et d’amour. Comment ne pas être meurtri par ces accusations répugnantes ? Christian Veilleux qui ne demandait pas la vengeance mais seulement que justice soit rendue, comment à présent ne connaît-il pas la haine ? Christian Veilleux accusé de parricide, c’est impossible. Je connais parfaitement son emploi du temps le jour du
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meurtre et ni Me Vergès ni son jeune assistant n’ont eu la curiosité de me poser la question lorsque je me trouvais à la barre de la cour d’assises, pas plus d’ailleurs à l’intéressé luimême après son témoignage. Un des deux défenseurs aurait dû me le demander après mon réquisitoire. J’aurais pu l’informer que le jour du meurtre, Christian Veilleux était en compagnie d’une femme que j’ai parfois rencontrée à La Chamade lors de mes investigations. Un témoin providentiel leur donne l’occasion de s’attaquer à la partie civile. Ce témoin, c’est Mimoun Barkani, l’oncle de Raddad qui accuse Christian Veilleux d’avoir assassiné sa mère. L’accusation de Barkani n’est pas nouvelle. Voilà un autre exemple type d’un homme qui s’est laissé délibérément manipulé, qui porte des accusations très graves et fait odieusement "parler" la victime. Cette machination n’a aucune chance d’aboutir tellement elle est grossière et malvenue, tant au fond que sur la forme. Dans sa requête, Me Vergès reprend la prose de Moreau. C’est un tel tissu de contrevérités que le discours en est pathétique. Il est élémentaire de démontrer que les allégations sur Christian Veilleux, recueillies par Moreau et relayées dans la requête en révision, ne sont que des manœuvres destinées à tromper la justice. On allègue que Christian Veilleux aurait détruit le journal intime de sa mère dans la cheminée de sa résidence. Cet argument est sans fondement et cela pour deux raisons. Tout d’abord, nous n’avions remarqué dans la cheminée aucune trace de cette pseudo destruction : les photographies sont là pour l’attester, et d’autre part, lors de la perquisition, nous n’avions rien trouvé de semblable. La disparition d’un coupe-papier, correspondant bien évidemment à la description de l’arme du crime par les médecins légistes, est un autre moyen versé par la défense à sa requête. Le dossier photographique que j’ai devant les yeux répond à cette prétendue disparition. Pourtant les Naranjo et
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Moreau, souvenez-vous, ont déjà exhibé chacun une arme pouvant correspondre à l’arme du crime. On vous a parlé de dague, de couteau de cuisine, même d’un épluche-légume. Les scoops se suivent et se ressemblent cependant ils sont tellement invraisemblables que la justice ne peut en tenir compte. Mais ils font vendre tellement de papier ! Moreau, qui a de la suite dans les idées, fait alors dans le sensationnel en décrivant le "poignard" dont se servait Mme Marchal pour ouvrir son courrier et qu’elle rangeait en haut du meuble secrétaire de sa chambre. Ce "poignard" est assurément, pour le privé, l’arme du crime car il a disparu de La Chamade. Je serais tout à fait convaincu par ce brillant enquêteur et je ferais acte de contrition d’avoir avancé la thèse du taille-haie, si je n’avais pas une explication logique et objective me permettant de contrer cet argument absurde. Le choc des photos, Moreau ne doit pas connaître. Il me faut alors lui conseiller de bien vouloir examiner les photographies 28, 29 et 30 de la cote D243. Et que voit-on sur ces photographies ? Un poignard ? Une dague ? Un stylet ? Un épluche-légume ? Non, tout simplement un ouvre-lettre en ivoire. Nous avions remarqué cet objet lors de nos investigations et constaté que ses bords n’étaient pas coupants, écartant toute éventualité qu’il ait pu servir comme arme du crime. Nouveau scoop, nouveau flop. Néanmoins, même encore aujourd’hui, le thème fait recette. Il suffit de se référer à quelques émissions télévisées, comme « La vie à l’endroit » de Mireille Dumas, émise sur Antenne 2 le 5 avril 2000. C’est la propagande, diffusée sans relâche par le duo Vergès - Moreau, que l’on vous sert à chaque occasion. Comme cette assertion est présentée comme un fait nouveau à la commission de révision, il faut bien discourir pour démontrer à l’opinion publique que "les services administratifs", terme cher à Moreau, n’ont pas fait convenable-
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ment leur travail. Quant à l’infamante accusation de parricide, elle repose sur une déclaration écrite de Barkani datée du 3 mai 1994 mais curieusement apparue pour la première fois le 14 mars 1996, au lendemain de son audition par les gendarmes de la section de recherches de Marseille. Le tonton providentiel ne fait pas dans la dentelle. Il se prétend être le confident de Ghislaine Marchal, témoin de brutalités de Christian Veilleux envers sa mère, et qu’il accuse de desseins maléfiques. Ni plus ni moins. Ces accusations ne valent rien et s’inscrivent très facilement en faux. Comment ? Barkani prétend rapporter les faits et gestes de M. Veilleux à La Chamade tels qu’il les aurait observés. Le problème, c’est que Barkani n’a jamais travaillé à La Chamade, ayant quitté le service de Mme Marchal en 1985, et cette année-là, les travaux à la propriété n’étaient pas achevés. On accuse mais avant de tenir de tels propos, on aurait dû relire le procès-verbal d’audition de Barkani, acté par les gendarmes de Marseille, le 13 mars 1996. C’est de son propre et libre aveu que Barkani admet qu’il n’a jamais travaillé à La Chamade. Barkani qui déclare à Moreau : « Alors qu’en ma présence, elle (Mme Marchal) parlait de partir en vacances au mois de juillet, et de laisser La Chamade à la disposition de son fils, ce dernier a répondu : tu n’auras pas de vacances cette année. » Problème M. Barkani, Christian Veilleux n’a jamais tutoyé sa mère. Barkani qui confie à Moreau : « Un jour j’ai dû intervenir alors que Christian Veilleux tentait d’étrangler Mme Ghislaine Marchal. » Il faut se demander ce que vaut cette affirmation, dont Mme Marchal n’a jamais fait part à un quelconque membre de sa famille ou à sa confidente. Barkani se répand trop tardivement pour être crédible alors qu’il dit détenir des arguments susceptibles d’innocenter son neveu.
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Mais pourquoi ne s’est-il jamais manifesté depuis le déclenchement de cette affaire alors qu’il convenait devant mes camarades de Marseille avoir suivi dès le premier jour son évolution à la télévision ? Souvenez-vous lorsque j’évoquais les écoutes téléphoniques, Mimoun Barkani était en relation avec Mme Pascal et connaissait le nom des avocats de Raddad. Il avait donc l’opportunité dès le début de l’enquête de transmettre ces informations à Mme Pascal, à Me Girard, à mes services ou au juge d’instruction. D’autre part, il pouvait se manifester pendant le procès. Malgré la gravité de l’accusation portée contre son neveu et l’activité démesurée de la presse, il ne se dévoile que cinq ans après. Et ce sont ces arguments qui sont versés à la requête en révision ! Ils ne peuvent tromper la justice. Ils ne peuvent que berner la presse et l’opinion publique. Barkani confident de Ghislaine Marchal. Allons donc ! Ghislaine Marchal n’était pas femme à se confier à son personnel et les témoignages sont suffisamment formels pour contredire l’ancien domestique. Mais il fallait, bien sûr, faire état de cette prétendue confession secrète pour donner libre cours à ces propos insidieux. Les hauts conseillers de la commission de révision, lorsqu’ils analyseront les documents déposés par la défense, auront tôt fait de les rejeter car aucun ne contredit les arguments graves et concordants qui ont dû entraîner la conviction de la cour et des jurés pour prononcer la condamnation de Raddad. Comment pourraient-ils avaliser ces concepts non fondés ? Les pièces versées par Me Vergès dans sa demande en révision me font penser aux élucubrations, décrétées vérité, propagées dans l’émission diffusée sur Canal + « Le procès K - Omar Raddad ». Elles n’ont pas plus de valeur que les auditions recueillies par le brillant détective. Le parallèle est d’ailleurs saisissant. Ce film-propagande, extraordinaire de
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contrevérités est en quelque sorte un réquisitoire contre le fonctionnement de la justice, un "one man show" télévisuel qui ne peut abuser que les naïfs. L’argumentation présentée n’est en réalité qu’un "remake" des moyens versés par la défense dans sa demande en révision. Ce film a cependant une qualité, il est remarquablement monté. Comme tous les films de propagande ! Roger-Marc Moreau, le citoyen aspirant-magistrat, côtoie l’académicien Jean-Marie Rouart, grand bâtisseur d’innocence, les plaideurs-monologueurs Mes Baudoux et Girard, les deux avocats évincés par Me Vergès, tiennent toujours le même raisonnement. L’incontournable Christian Vellard fanfaronne comme à la barre de la cour d’assises et dispute la vedette à Gilbert Foucher que Me Vergès ne soupçonne plus du meurtre de Mme Marchal. Des témoins tiennent des raisonnements contraires à ceux qu’ils ont développés dans la procédure pénale et à la barre de la cour d’assises, n’est-ce pas Mme Muller ? Il n’est pas convenable de : « Trouver curieux que Mme Biliotti avait des pertes de mémoire » et de dénaturer ainsi les propos d’une personne décédée. Dans le chapitre de l’amnésie collective, ce témoin, qui ne tarit pas d’éloges sur le jardinier, a oublié ses déclarations, enregistrées par mes gendarmes et murmurées du bout des lèvres à la barre de la cour d’assises où elle admettait avoir licencié Omar Raddad vers le mois de septembre 1990 car il ne lui donnait plus satisfaction. Se souvient-elle avoir déclaré, je cite : - « L’attitude d’Omar s’était quelque peu dégradée notamment il était devenu paresseux. Il prenait sur son horaire de travail du temps pour nettoyer son cyclomoteur ou bien il s’en allait une heure avant. Mon mari lui en avait fait l’observation et Omar lui avait répondu de façon impertinente. A la suite de cet incident, Omar a cessé de travailler pour nous. »
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Les discours sont troublants, convaincants, pathétiques même, mais le fond est faible, sans consistance et souvent mensonger. N’est-ce pas Mme Livet ? La co-scénariste de Saad Salman pense qu’il n’est pas trop tard pour prouver que ce n’est pas Mme Marchal qui a écrit les messages accusateurs. Je la cite : - « Les éléments qui prouvent que Mme Marchal n’a pas écrit les lettres de sang se trouvent dans le dossier. Personne ne les a vus. Il y en a deux principalement. D’abord les photos prises lors de l’autopsie. Ces photos montrent l’extrémité des doigts de la main droite de Mme Marchal et on voit très nettement sous les ongles et autour des ongles qu’il n’y a pas de sang. L’autre élément, c’est le rapport du laboratoire Codgène qui analyse l’extrémité des ongles de Mme Marchal pour une recherche d’ADN et qu’est-ce qu’il dit le scientifique quand il reçoit les scellés, il va les décrire, il dit ceci : il s’agit de cinq fragments de l’extrémité supérieure des ongles. Ces fragments présentent à leur surface d’importantes traces de terre. Point. Salman s’étonne : « Il n’a pas de sang ? » (sic) Eve Livet : « Non, il ne décrit pas le sang donc, si luimême ne décrit pas le sang sous les ongles de Mme Marchal, c’est qu’il n’y en a pas tout simplement. » Salman poursuit : « Et comment ces éléments ont-ils pu échapper à tous les intervenants, y compris les avocats ? » Eve Livet : « C’est vrai que les avocats ne les ont pas vus, c’était tellement énorme qu’ils n’ont pas pensé à vérifier. Quant aux magistrats c’était leur boulot quand même. » Décidément, notre justice marche sur la tête ! Les magistrats et les auxiliaires de justice sont aveugles, et il faut que ce soit une journaliste qui remarque ces détails. Ah ! Elle est belle la justice. J’espère que Mme Livet n’a pas bâti tout son manuscrit avec de tels arguments. Ce n’est pas sérieux Madame. Je constate à la conclusion du rapport du docteur
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Mangin dont fait référence la journaliste, pages 18 et 19 que, je cite : « L’analyse des scellés n° 2 et 3 (prélèvements sous les ongles des mains droite et gauche de la victime) a permis l’extraction d’ADN en qualité et quantité suffisantes pour la réalisation de l’empreinte génétique et du génotype. Au vu de l’ensemble des résultats, il s’avère que les empreintes génétiques obtenues à partir de l’ADN féminin extrait des ongles de la victime correspondent à l’empreinte génétique obtenue à partir de l’ADN extrait du sang de la victime. » La preuve scientifique qu’il y avait du sang sous les ongles de Mme Marchal est confortée, si besoin est, par les dossiers photographiques que nous avions joints à la procédure. Il suffit pour cela de bien examiner les clichés 54 et 55 pris avant la levée du corps et les photographies 22 et 23 de l’autopsie prises avant que le corps ne soit lavé. Ces références se suffisent à elles-mêmes pour enlever tout crédit aux paroles de Mme Livet et à la démonstration mensongère de la caméra. Je pourrais aussi citer le rapport du docteur Page du 20 juillet 1991 où l’on peut lire : « Les deux mains sont ensanglantées, la main gauche mutilée... » ou le rapport d’autopsie qui précise que les mains et les avant-bras sont maculés de sang. A quoi bon, ce n’est pas cela que vous avez retenu ! La démonstration monolithique est tellement partisane et à sens unique, qu’elle perd toute crédibilité. Le réalisateur n’étant pas contredit ne démontre rien et ne fait que reprendre l’argumentation de la défense en vue de la demande en révision : qui n’était pas encore déposée lorsque ce feuilleton a été réalisé. Les invraisemblances sont flagrantes et s’inscrivent une nouvelle fois dans l’épais registre de la désinformation. J’ai été approché, par l’intermédiaire de ma direction générale, pour apporter mon témoignage dans ce reportage. D’autres sollicitations suivront, pour de nombreux autres mé-
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dias. Respectant mes obligations de réserve et mon engagement personnel de ne participer à aucune "informationspectacle", je me suis refusé à toute interview. Il était trop tard pour parler, le mal était fait depuis longtemps. Il aurait été plus pertinent de communiquer dès le début de l’affaire, dès que nous avons été injustement critiqués. Nous aurions apprécié. Cela ne s’est jamais fait. Ce n’était pas à moi de le faire. Je ne regrette pas mon silence après avoir visionné ce factum où les magistrats qui se sont exprimés n’ont pu que constater que leurs témoignages avaient été galvaudés. Et de quelle façon ! M. Saad Salman peut-il se justifier d’avoir enregistré le président Armand Djian pendant une heure alors qu’il n’apparaît que cinquante-huit secondes à l’écran ! Les vérités du président étaient-elles si gênantes pour la démonstration à sens unique du scénariste ? M. Saad Salman peut-il expliquer pourquoi il a enregistré le juge Jean-Paul Renard pendant plus de deux heures alors qu’il n’apparaît que cinq minutes dans son document ! Le témoignage de ce magistrat était-il si dérangeant pour l’avoir occulté ? M. Saad Salman peut-il dire pourquoi il a enregistré le juge Jean Coutton, qui a clôturé l’instruction du premier degré au tribunal de grande instance de Grasse, pendant plus d’une heure alors qu’il n’apparaît pas dans sa longue litanie ! Son témoignage était-il si inopportun ? Ces censures ne sont pas méthodes démocratiques au pays des droits de l’homme. Ce réalisateur aurait dû faire preuve de plus de réflexion avant de parler de complot, de négligence, de verdict raciste, de dysfonctionnement de la justice, de machination et d’acharnement. La cour et les jurés se sont prononcés sereinement, en leur honneur et conscience et ont condamné Raddad après avoir examiné les preuves
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rapportées contre lui et les moyens de sa défense. Les accusations de Salman sont dénuées de tout fondement et ne sont qu’un moyen supplémentaire pour discréditer des femmes et des hommes intègres et probes qui n’étaient pas et ne seront jamais des partisans de propagandistes idéologues. Le documentaire doctrinaire de Canal + aura son pendant dans « Secrets d’actualité », le 20 novembre 2000, sur la chaîne M6. La désinformation omniprésente est toujours à sens unique. C’est un renversement orienté de la vérité au service d’une certaine idéologie. Les intervenants, toujours les mêmes, pourraient se voir attribuer le prix d’excellence des bien-pensants. Le discours propagé par média interposé sert toujours la même cause ; mais, quels seront ses effets ? Pérennes calomnies, sempiternelles contrevérités, fabulation et affabulation s’affichent à l’excès : pressions sur les témoins, disparition de preuves, crémation du corps sans oublier l’absence de traces de sang sur les mains de la victime, le testament, les empreintes digitales, les photographies, le poignard, le racisme, la boulangerie, la prostituée. Enfin, tout ce qui fait vendre et fait recette ! Sans oublier le "cheval de bataille" des inscriptions accusatrices, mais l’on se garde bien d’évoquer les éléments de preuve probants qui renforcent les deux messages accusateurs : quid du système de fermeture de la porte de la cave ? ; quid des flaques de sang sur le palier intérieur et l’absence de cette matière à l’extérieur ? ; quid de la lucidité de la victime ? ; quid des coups assénés pardevant ? ; quid de la bonne acuité visuelle de la victime ? La routine en quelque sorte ! Mais vous connaissez maintenant la vérité sur tous ces détails et la vérité ne s’inscrit pas dans un concept de manipulation mentale. Une originalité enfin ! Dans le but de faire admettre que l’enquête était orientée dès le départ, on vous parle d’un message demandant l’arrestation du fugitif, Omar Raddad. C’est méconnaître les principes qui régissent les diffusions en ma-
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tière de recherches judiciaires. Pour permettre son interpellation par les militaires de la brigade de recherches de Toulon, j’avais établi une demande d’inscription d’Omar Raddad au fichier des personnes recherchées : non pas en qualité d’auteur en fuite mais comme témoin important. D’ailleurs, l’adjudant André Daziano qui a procédé à l’interpellation le notait ainsi dans son procès-verbal : « Cette personne est recherchée comme témoin important dans l’enquête de crime flagrant diligentée par la brigade de recherches de Cannes pour homicide volontaire de Mme Marchal... » Cette pièce est annexée à la procédure initiale. Ce n’est pas un faux. Enfin, Raddad se prend tellement au jeu qu’il en perd même son français, ne s’exprimant que dans sa langue maternelle. En visionnant ce documentaire, j’ai songé aux magistrats de la commission de révision et aux questions qu’ils devaient se poser et notamment celle-ci : n’en font-ils pas un peu trop !
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Le procès en diffamation publique La décision de la commission de révision n’est pas encore intervenue quand est prononcé, le 19 octobre 1999, le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris saisi sur plainte en diffamation publique de Christian Veilleux contre l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur du Monde. Vous n’en avez pas entendu parler. Aucune chaîne de télévision ne l’a évoqué. Seuls, le lendemain du procès, deux journaux parisiens l’ont brièvement commenté. Chut, silence, la justice suit son cours. Où sont passés les rhéteurs ? Où sont les indignés, les donneurs de leçon, les accusateurs, les moralisateurs, les caricaturistes ? Où sont les comités de soutien, les pancartes ? Point de déclarations tonitruantes dans la salle des pas perdus ? Point de caméra non plus ? Où sont les manipulateurs ? Il y a gros à parier qu’ils se réveilleront lorsque la cour de révision rendra sa décision : que celle-ci admette ou rejette la requête. Pourtant, dans un souci de transparence, d’honnêteté intellectuelle et dans le cadre d’une information impartiale, il eut été équitable que la presse reprenne la dépêche de l’AFP du 19 octobre. Je comprends ce silence car ce jugement est, de facto, étroitement lié à la requête déposée par la défense de
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Raddad pour demander la révision. Il est gênant, embarrassant même. Pas pour la manifestation de la vérité. Voyons pourquoi. Le Nouvel Observateur du Monde publiait dans son hebdomadaire du 24 au 30 décembre 1998, un article intitulé : « OMAR : le choc des révélations ». Le journaliste, Alain Chouffan, analysait sous ce titre les faits nouveaux, les témoignages inédits, les contre-expertises médicales et graphologiques invoqués dans la requête. Le rédacteur évoquait la thèse de Me Vergès selon laquelle un proche de Ghislaine Marchal était mêlé à l’affaire et expliquait au lecteur que le propre fils de la victime apparaissait en filigrane. Alain Chouffan énumérait ensuite les preuves, les éléments précis qui pourraient, selon Vergès, impliquer d’une façon ou d’une autre Christian Veilleux : ses nombreux désaccords financiers avec sa mère, son obstination à fuir les interviews, enfin le fait qu’il n’ait pas été entendu par les gendarmes pendant l’enquête… La thèse de Vergès, poursuivait le journaliste, était étayée par l’examen de deux témoignages : celui de Mme Michèle Paysant qui aurait recueilli certaines confidences de Christian Veilleux après la mort de sa mère et celui de M. Mimoun Barkani, l’oncle d’Omar Raddad, lequel aurait aussi fait état de confidences de la victime, comme il a été écrit par ailleurs, et qui n’était autre qu’une accusation de parricide. C’est à la suite de la parution de ces insinuations diffamatoires que Christian Veilleux faisait citer directement devant la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris, présidée par Mme Martine Ract-Madoux, à l’audience du 2 février 1999, la société Le Nouvel Observateur du Monde, Claude Perdriel, son directeur de publication et Alain Chouffan, le journaliste auteur de l’article, pour y répondre de diffamation publique envers un particulier. Ce n’est que le 19 octobre que le tribunal faisait droit aux demandes de la partie
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civile et ordonnait la publication d’un communiqué dans l’hebdomadaire (édition du 11 novembre 1999). Peu importe le montant des dommages et intérêts alloués, peu importe que les condamnés n’aient pas interjeté appel. Seul le fond est essentiel. Comme il est noté dans la procédure d’audience : « Le journaliste donne crédit à des allégations qui pouvaient jusqu’alors n’être considérées par le public que comme les outrances d’un avocat voulant à tout prix défendre son client. » Au cours des débats, Me Georges Kiejman, avocat de Christian Veilleux, faisait citer de nombreux parents et amis de Ghislaine Marchal et de son fils. Chacun exposait que tous deux entretenaient des relations les plus chaleureuses et affectueuses, qu’aucun conflit financier n’existait entre eux et enfin que jamais Mme Marchal ne se serait confiée à un employé sur ses éventuelles difficultés familiales. Les témoins cités par la défense, Michèle Paysant, Mimoun Barkani et Roger-Marc Moreau n’ont pas dû convaincre la présidente du tribunal, qui écrit : « Compte tenu de la présentation par le journaliste de l’hypothèse soutenue par l’avocat d’Omar Raddad, faite sans réserve ni distanciation, il appartient aux prévenus de rapporter non pas la preuve de la conformité du contenu de l’article au recours déposé par Me Vergès, mais la preuve de ce que M. Veilleux pourrait être l’auteur ou pourrait avoir participé au meurtre de sa mère, notamment pour des raisons financières. Or, au regard d’une telle imputation, l’analyse des déclarations des témoins cités par la défense n’apparaît nullement déterminante. » Il est superfétatoire de préciser que la thèse de Me Vergès est celle qu’il a déposée dans sa demande en révision. Le premier des témoins présentés par la défense est Michèle Paysant. Cette femme apparaît pour la première fois dans ce manuscrit. Michèle Paysant n’a pas été entendue dans
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le cadre du procès pénal bien que le jour du meurtre elle se trouvait à Paris en compagnie de Christian Veilleux, qui avait fait sa connaissance quelques jours auparavant. Il m’est arrivé de rencontrer cette quinquagénaire à La Chamade lors de mes investigations. J’ai toujours été méfiant envers ce personnage énigmatique et d’autant plus lorsqu’elle se prétendait colonel puis général de la DGSE. Très vite, à tort ou à raison, je soupçonnais une personnalité ambiguë. Cette femme, convaincue de la culpabilité de Raddad tant qu’elle se trouvait dans le giron de Christian Veilleux qui avait accueilli, sous son toit, son père atteint d’un mal incurable, s’est très vite révélée lorsqu’il l’a rejetée du cercle de ses relations. A ma connaissance, Christian Veilleux ne lui avait fait aucune confidence. Avait-il subodoré quelques tendances mégalo-mythomaniaques ? Dans ses motifs, le tribunal précisait, je cite : « Quant aux confidences de M. Veilleux qui aurait évoqué devant elle une réunion de famille, sur les réclamations financières qu’il aurait adressées à Mme Marchal, elles ont été formellement déniées par celui-ci et la tenue même d’une telle réunion a en outre été contestée par les membres de la famille de Mme Marchal qui étaient censés y participer ; il en est de même, en ce qui concerne l’existence d’un journal intime dont certaines images auraient été retrouvées par les policiers, brûlées dans la cheminée. » Le deuxième témoin est Mimoun Barkani. La présidente du tribunal correctionnel de Paris a eu à examiner les mêmes documents que les magistrats de la commission de révision pour apprécier leur crédibilité. Si vous avez encore des doutes, lisez bien ce qui suit. Je ne fais que reproduire le texte du jugement relatant le témoignage du tonton providentiel. Je cite : « Le témoignage de Mimoun Barkani apparaît particulièrement invraisemblable ; en effet, alors que celui-ci
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aurait su, dès l’annonce de la mort de Mme Marchal, et avant même l’arrestation d’Omar Raddad, que M. Veilleux pouvait être responsable du meurtre, alors que son propre neveu aurait été accusé à tort, M. Barkani se serait borné à s’en confier, en juillet 1991, à ses employeurs, M. et Mme Catherine, et à l’avocat d’Omar Raddad, Me Girard, sans que ceux-ci n’en fasse jamais état ni devant les services de police ni devant le juge d’instruction ni devant la chambre d’accusation ni devant la cour d’assises ; en outre M. Barkani n’aurait jamais jugé utile d’en parler à la femme d’Omar Raddad ni même à celui-ci, au cours d’une éventuelle visite en prison. » La présidente du tribunal poursuit : « Enfin, alors que Me Vergès aurait été en possession de son témoignage dès le 03 mai 1994 ; date à laquelle, selon M. Barkani, le secrétariat de cet avocat aurait mis en forme le brouillon de ses déclarations ; Me Vergès, qui proclamait se trouver en présence d’une nouvelle affaire Dreyfus, n’aurait jamais évoqué cet élément, alors même que la condamnation de la cour d’assises n’était pas définitive, puisque l’arrêt de la Cour de cassation rejetant le pourvoi d’Omar Raddad n’est intervenu que le 9 mars 1995 ; ce point est au demeurant contesté par le détective Moreau qui affirme avoir été le premier, fin 1995, à faire connaître à Me Vergès les déclarations de M. Barkani dont il aurait lui-même retrouvé la trace. » Ceci se passe de tout commentaire n’est-ce pas ! J’ai devant les yeux le galimatias en trois feuillets, daté à Paris le 3 mai 1994 et signé Mimoun. Je préfère résister à l’envie de le retranscrire pour ne pas ajouter à la confusion. Avez-vous enfin compris ce qu’est l’affaire Omar Raddad ? N’avez-vous pas le sentiment d’avoir été manipulés ! La présidente conclut : « Au regard de ces éléments et des témoignages des membres de la famille de M. Veilleux, cette déposition n’apparaît pas crédible. » Le troisième témoin est l’illustre détective Roger-Marc
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Moreau, contacté par Me Vergès au début de l’année 1995. Ses déclarations ont démontré au tribunal qu’il avait fourni à son mandant des éléments prétendus nouveaux qui, je cite le jugement : « Ne sont nullement déterminants au regard de la responsabilité de M. Veilleux, ce témoin mettant lui-même en doute la fiabilité des déclarations de M. Barkani et de Mme Paysant. » Avant de statuer, le tribunal remarquait que : « La construction et la présentation de l’article et de son titre conduisait le lecteur non pas à avoir un doute sur la culpabilité de M. Omar Raddad, mais à acquérir la conviction de la responsabilité de M. Veilleux. Que le journaliste n’évoquait nullement les conclusions de l’enquête de la gendarmerie de Marseille, diligentée en 1996 qui, après audition des mêmes témoins que ceux mentionnés dans l’article, avait considéré que cette affaire subissait des rebondissements à tiroirs aussi fantaisistes que non prouvés et rocambolesques, pilotés par des détectives privés et des journalistes peu scrupuleux de l’institution judiciaire et du travail des enquêteurs. Que l’énormité des accusations portées contre M. Veilleux qui, déjà profondément affecté par les conditions atroces du meurtre de sa mère, se voyait ensuite publiquement soupçonné d’en être l’auteur, justifiait que lui soient alloués des dommages et intérêts importants qu’il convient d’évaluer à cent mille francs. » Cette décision aurait dû mettre un coup d’arrêt aux allusions odieuses, doctement distillées dans la presse. Il n’en a rien été. Les mêmes propos diffamants seront portés, le 27 février 2001, sur TF1, dans l’émission "Ciel ! Mon mardi" ; ce qui vaudra à Roger-Marc Moreau, Christophe Dechavanne-Binot et la société dont il est président, Coyotte Conseil, d’être cités devant la 17ème chambre de ce même tribunal correctionnel.
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Jean-Marie Rouart sera lui aussi poursuivi par la partie civile pour diffamation publique. L’Immortel n’aurait pas dû perdre de vue que le devoir d’objectivité du journaliste lui imposait, avant tout, de vérifier préalablement l’exactitude des faits qu’il publiait et qu’il devait être en mesure d’établir. Et, dès le moment que ses allégations et ses affirmations étaient portées à la connaissance du public, il devait pouvoir apporter la preuve de la réalité des informations diffusées. Ce dont il était bien incapable. Je reviendrai, brièvement, sur ces deux procès qui ont été évoqués devant la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris, respectivement les 12 décembre 2001 et 8 janvier 2002 et dont le compte-rendu par les médias a pu vous échapper.
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La décision de la commission de révision Qui n’a pas toujours en mémoire la dramatique affaire Villemin qui, elle aussi, a défrayé la chronique ! Un des avocats de ce dossier a publié dans un de ses livres des réflexions qui pourraient tout aussi bien s’appliquer à l’affaire du meurtre de Ghislaine Marchal. Il écrivait : « Cette explosion médiatique consacra le triomphe de l’exhibitionnisme, du toupet, de l’irresponsabilité et la défaite de la mesure. La justice-spectacle et le nouveau mensonge battaient l’estrade pour séduire un public médusé et une presse trop heureuse de remplir ses colonnes d’un interminable et tragique romanfeuilleton qui faisait vendre... Les témoins eux-mêmes sont victimes de son emprise. La justice médiatisée les conditionne, les façonne par ses messages. N’est plus vrai ce que l’on a vécu, mais ce qu’on a lu, ce qu’on a vu... J’en ai fait l’expérience dans l’affaire Villemin où des hommes et des femmes s’épanchent dans les journaux avant d’être entendus par le magistrat. L’interrogatoire devient alors un épiphénomène et seules comptent les confidences reçues par le journaliste... » Dans l’affaire du meurtre de Ghislaine Marchal, savamment et démesurément surmédiatisée, conformément aux vœux et à la stratégie d’avocats, journalistes, comités de sou-
tien, représentants autoproclamés de l’intelligentsia et même président ou délégué d’un syndicat de magistrats, je ne peux m’empêcher de faire référence à la mise en garde exprimée par Henri Angevin, conseiller à la Cour de cassation, auteur du formulaire de la cour d’assises, et connu de tous les praticiens. Commentant la loi du 23 juin 1989 ayant réformé la révision des condamnations pénales, Henri Angevin écrivait : « L’incontestable générosité des sentiments qui l’ont inspirée et le louable souci de "transparence" qu’elle révèle ne doivent pas dissimuler les dangers potentiels que recèle la réforme des condamnations pénales opérées par cette loi. La tentation sera forte, en effet, pour tout condamné décidé envers et contre tout à protester de son innocence c’est souvent le cas de malfaiteurs les plus chevronnés d’user de la révision comme d’un troisième degré de juridiction, renouvelable à loisir, en sorte qu’une condamnation pénale ne serait jamais définitive. Il importera d’éviter une banalisation du recours en révision qui aurait comme conséquence d’affaiblir la répression et d’être un facteur d’insécurité juridique. C’est à la commission instituée par l’article 623 du Code de procédure pénale, véritable cheville ouvrière de la réforme, qu’il incombera au premier chef de veiller à ce qu’il n’en soit pas ainsi. Sa tâche sera lourde et délicate, exposée qu’elle sera aux sollicitations et aux pressions d’une opinion publique prompte à s’émouvoir, à l’appel de comités de soutien et de campagnes de presse, écrite, parlée ou en images, d’erreurs judiciaires plus souvent supposées que réelles. » Avant que ne soit rendue la décision de la commission de révision, j’observe sous la rubrique des faits divers qu’il affectionne tout particulièrement que Bernard Naranjo, l’un des acteurs médiatiques de cette affaire, doit rendre des comptes à la justice. Si j’en crois un article paru le 19 octobre 2000 dans Le Midi Libre, le tribunal correctionnel de
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Montpellier saisi d’une plainte avec constitution de partie civile décidait une interdiction d’exercer de deux ans. Il semble, d’après le compte-rendu d’audience, que l’agent de recherches aurait usurpé quelques qualités et fonctions qu’il n’a jamais eues (contrôleur des impôts, enquêteur de la CPAM ou encore agent de sécurité monégasque). Comme le souligne le journaliste, l’avocate de la partie civile a dû, au cours de sa plaidoirie, faire siffler les oreilles du détective : « C’est absolument inadmissible ! Naranjo n’est pas là et c’est dommage, car dans la région il se fait passer pour le Goldorak des détectives, celui qui lave le plus blanc. Nous savons tous que quand une affaire pénale a été jugée, il y a toujours Naranjo pour essayer d’obtenir la révision du procès. » Naranjo ayant fait appel de ce jugement, je me suis rendu le 10 janvier 2001 à la 3ème chambre de la cour d’appel de Montpellier. Mais point de Naranjo dont la décision le concernant a été confirmée. Peut-être était-il affairé sur un autre dossier ! Ou craignait-il qu’on lui demandât de prouver qu’il était bien inscrit comme détective privé ? Ou aura-t-il dégoté un nouvel épluche-légume ! Le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 19 octobre 1999 mettra-t-il fin à cette affaire, tout au moins en ce qui concerne l’accusation portée contre la partie civile ? Cependant la décision de la commission de révision ne devrait pas intervenir avant quelques mois car les magistrats ayant ordonné une nouvelle expertise en écriture, les deux portes de la cave supportant les inscriptions accusatrices sont transférées de Nice à Paris. Cette décision a interpellé bon nombre d’observateurs juristes que j’ai rencontrés car pas moins de trois expertises avaient été prescrites dans le cadre de l’information judiciaire dont une par un collège de trois experts puis débattues contradictoirement lors du procès, le
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31 janvier 1994, et leurs conclusions respectives s'accordaient parfaitement, sans aucune dissonance. Le 3 février 2000, le presse se fait l’écho de cette annonce et titre à la Une : qui a vraiment écrit Omar m’a tuer ? N’en déplaise aux négativistes, partisans de l’antithèse, c’est bien Ghislaine Marchal qui a écrit ces lettres et la nouvelle expertise le confirmera sauf influence de la manipulation mentale à laquelle nous assistons depuis des années. Après une période d’accalmie, le 31 octobre suivant, les médias s’enflamment à nouveau à l’annonce d’une information selon laquelle, d’après l’expertise graphologique de Mme Françoise De Ricci : « Il n’est pas sûr que ce soit Mme Marchal qui ait écrit Omar m’a tuer ». Il semble donc que cet expert ait rendu un avis différent de celui des experts désignés par le juge Renard ; comme dans l’affaire Grégory où Mme De Ricci attestait que les lettres du "corbeau" étaient écrites par Christine Villemin alors que les deux premiers experts les attribuaient à Bernard Laroche, et que Mme Villemin bénéficiait d’une ordonnance de non-lieu en fin d’instruction ! Cette phrase au sens ambigu semble satisfaire Me Vergès qui y va de sa rengaine démonstrative devant la caméra. Sa version ne peut abuser qu’un auditoire non averti car elle ne tient pas compte des éléments de preuve qui sont incontestablement liés aux inscriptions et que j’ai déjà rappelés. Je relève cependant que Mme De Ricci n’exclut pas la possibilité que l’écriture fut celle de Ghislaine Marchal et il faut savoir qu’en matière d’administration de la preuve, le juge n’est pas lié par l’avis de l’expert et décide d’après son intime conviction en fondant sa décision sur les preuves qui lui sont rapportées ; et dans ce dossier la défense butera toujours sur les éléments de preuve avérés qu’elle oublie volontairement. La mission assignée par la commission de révision à Françoise De Ricci d’Arnoux, graphologue, et Anne Bisotti, ingénieur statisticienne au laboratoire de police scientifique
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de Paris était la suivante : « Au vu des scellés communiqués, dire s’il est possible d’attribuer les inscriptions figurant sur les portes à leur auteur, et dans cette hypothèse, s’il s’agit de Mme Marchal. » A la lecture de leur raisonnement à dominante statistique de 145 pages, ces deux experts ont, me semble-t-il, réduit leur travail à une étude dite... « statistique de faisabilité de l’expertise » et se sont dispensés de l’expertise en écriture qui aurait consisté à comparer les pièces de question que sont les inscriptions sur les portes avec les documents de comparaison saisis chez la victime. Qu’en est-il donc de cette expertise statistique ? Le rapport comporte un rappel des investigations réalisées et de celles qui ne l’auraient pas été au cours de l’instruction. Cette citation paraît comporter quelques erreurs regrettables telles l’absence de recherches de traces papillaires sur les lieux, le défaut de prélèvement de matière sur les inscriptions ce qui dénote une méconnaissance du dossier ou caractérise les effets pervers de l’influence médiatique et le manque de preuve par les premiers experts de la faisabilité de leurs comparaisons d’écriture ; ce qui ne tient aucun compte de l’exposé détaillé de ces comparaisons ni de l’expérience personnelle en matière d’écritures murales attestée par Gilles Giessner dans son rapport. Il me faut par conséquent rappeler qu’en ce qui concerne la faisabilité de l’expertise en écriture des inscriptions verticales, cet expert avait fait état de son expérience personnelle ; comme il le précisait à la page dix de son rapport du 10 juillet 1991 : « Nous avons eu de nombreuses fois à étudier les écritures murales et nous avons constaté que les formes et habitudes graphiques des scripteurs subsistaient. De même, nous avons souvent été amené à expertiser des écrits, en général des testaments, tracés quand le scripteur était arrivé au bout de sa vie et nous avons donc observé des effets de
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la maladie, de l’affaiblissement sur l’écriture. C’est sur ces observations que nous allons nous fonder pour procéder à la présente étude qui portera sur les ductus des lettres tracées et sur l’usage de l’alphabet. » Quant à Florence Buisson-Debar, dans son rapport de contre-expertise du 18 septembre 1991, elle ne retenait dans ses études comparatives, que les lettres "très personnalisées" dont l’examen détaillé puis la confrontation avec le graphisme de Mme Marchal lui avait permis de mettre en évidence des concordances nettes entre les pièces de question (Q) et les documents de comparaison (C). Elle concluait que des caractéristiques graphiques relevées à la fois en Q et en C sur certaines lettres particulièrement typiques l’autorisaient à dire que les inscriptions étaient bien de la main de Mme Marchal. Ces deux experts fournissaient d’autres précisions sur les constantes, les positions successives de la victime lors des inscriptions, la chronologie de celles-ci, etc. Tous deux, qui avaient travaillé sur les pièces originales et s’étaient transportés sur les lieux, avaient conclu qu’il y avait bien des lettres très personnalisées de Mme Marchal. A la différence de Gilles Giessner, Françoise De Ricci ne fait état d’aucune expérience personnelle et antérieure en matière d’expertise d’écrits verticaux. Elle se réfère seulement à une bibliographie, qu’elle considère elle-même comme inexistante ou insuffisante en cette matière et cite quelques ouvrages, dont surtout celui de Junker et Köller du BKA qui concerne une étude statistique réalisée à propos d’inscriptions murales. Elle en cite ce passage, qu’elle reproduira presque textuellement dans ses propres conclusions : « De cette étude statistique il ressort que très peu d’éléments graphométriques sont stables lorsque l’on croise les variables étudiées et l’on ne peut raisonnablement désigner un scripteur comme étant à l’origine graphique d’un
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écrit réalisé sur un mur, à partir d’un écrit de comparaison recueilli lorsque le scripteur est assis devant une table. » Qu’il me soit permis de relever ce qui me semble être une erreur d’interprétation quand il est question d’écrits horizontaux. En effet, les documents de comparaison étaient principalement les mots croisés que Ghislaine Marchal faisait, le matin, dans son lit, et il n’a jamais été question dans la procédure de mots croisés élaborés à une table. D’autre part, si l’on observe la position d’une personne faisant ainsi des mots croisés, on remarque que le cruciverbiste tient généralement son support non pas horizontalement mais en oblique, la dissemblance étant significative entre ces deux postures pour en tenir compte. L’expert graphologue reprenait presque textuellement les termes de son unique étude bibliographique de référence en écrivant : « L’on ne peut raisonnablement comparer entre eux les écrits faits au doigt avec du sang sur support vertical lorsque la position du scripteur diffère et ceux produits par un scripteur assis devant une table. C’est volontairement que nous n’avons pas comparé les écrits faits vraisemblablement en lettres de sang sur les portes de question, ni entre eux ni avec ceux de comparaison de la main de Mme Marchal. Les similitudes ou dissemblances graphométriques ou de forme pouvant être mises en évidence ne pourraient en aucun cas permettre de procéder à une communauté ou à une noncommunauté de scripteur entre eux. » De ce fait, Mme De Ricci décidait de ne pas procéder à l’essentiel de sa mission d’expertise en écriture et de comparaison des pièces de question et des documents de comparaison, dont la finalité est de fournir un avis motivé sur leur identité, leur concordance ou leur discordance ou incompatibilité, etc. C’est ainsi que n’ont pas été recherchés les éventuelles caractéristiques intimes ou les idiotismes de l’écriture de Mme Marchal susceptibles d’être retrouvés dans les inscriptions de question.
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Admettre ce principe ne conduit-il pas à déclarer inutiles toutes expertises en écriture pour des inscriptions sur supports verticaux ? Qu’aurait-on dit ou pensé des lacunes de l’instruction si le magistrat instructeur s’était, avec un tel raisonnement, dispensé d’ordonner une expertise en écriture concernant ces inscriptions ! Pour l’authentification d’un tableau de peinture, seraitil inconcevable de comparer la signature de l’artiste figurant au bas du tableau avec celles de ses œuvres horizontales ou obliques, comme ses dessins ou ses esquisses ! Toutefois, ce qui est important dans ce rapport n’est-il pas le fait que Mme De Ricci ait relevé comme positivement certains, lors de son examen intrinsèque des portes, la forte probabilité : que les inscriptions avaient été effectuées avec du sang et que celui-ci provenait de la victime ; que ces inscriptions étaient contemporaines de la présence de la victime dans la cave ; qu’elles ont été réalisées, l’une en position agenouillée, l’autre en position allongée ; qu’elles aient été contemporaines des blessures et de l’agonie ; que la cave avait été bloquée de l’intérieur ! Ce qui est aussi essentiel, n’est-il pas que Mme De Ricci admette comme certain que les inscriptions sur la porte de la cave à vins ont été faites avec la pulpe du doigt d’une main non gantée, le scripteur étant agenouillé ; le message OMAR M’A TUER, qui pouvait au départ sembler particulier, serait employé par de nombreuses personnes ; la faute d’accord n’étant donc pas un élément déterminant d’identification. D’autre part, elle retenait la présomption selon laquelle la large tache brunâtre sous l’inscription et les filaments de même couleur pourraient représenter l’empreinte ensanglantée d’un front et de cheveux et admettait qu’il existait une forte probabilité pour que les tracés aient été produits par une main droite entraînée et qu’il y avait la volonté du scripteur
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de rendre son texte parfaitement lisible. Enfin, que sur la porte de la chaufferie, figurait parmi ses éléments de certitude le fait que l’empreinte ensanglantée laissée par un médius dans le prolongement de la trace palmaire d’une main gauche était compatible avec "l’infirmité" de Mme Marchal ; qu’il existait une forte probabilité pour qu’une main droite entraînée non gantée ait produit ces tracés avec un puis deux doigts ; que les variations d’épaisseur dans l’écriture étaient dépendantes de la pression exercée sur le doigt pour écrire ; que certaines traces et taches portées par la porte pourraient avoir été produites par l’extrémité d’un vêtement ensanglanté ou pourraient représenter des traces d’appui laissées par le scripteur. Une mention aura attiré mon attention en ce sens que ces deux experts n’auront pu identifier le scripteur par l’examen des crêtes papillaires dont ils ont constaté la présence sans pouvoir relever les empreintes digitales de leur propriétaire. En quelque sorte, ils n’ont pas fait mieux, avec des moyens autrement plus sophistiqués, que mes gendarmes dix ans auparavant. Mais il n’y aura là aucun tapage médiatique. Françoise De Ricci mettra en évidence sur la porte de la chaufferie, en lumière rasante, des "tracés évanouis". C’est ainsi que cet éclairage tangentiel a révélé, après la lettre T, les caractères U et E ainsi que le prénom OMAR : qu’une lumière directe ne permettait pas de lire. Elle expliquera que le fait qu’il ne soit pas visible par la personne qui en est à l’origine graphique est la conséquence soit d’une défaillance du scripteur, soit de l’absence ou du manque de lumière dans la pièce, soit de ces deux conditions réunies. Un tiers aurait immanquablement remarqué que les deux dernières lettres n’étaient pas visibles. Toutes ces données techniques et scientifiques étaient en concordance avec les constatations et conclusions tech-
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niques sur ces mêmes points exposés dans les rapports respectifs de Giessner et Buisson-Debar, et dans le rapport collégial des trois experts – médecin légiste, psychiatre et expert en écriture – commis par le juge d’instruction. Toutes ces observations, ne projettent-elles pas, en filigrane, la silhouette et surtout l’agonie de Ghislaine Marchal ! Ceci confirme ce qu’écrira la partie civile dans ses observations récapitulatives : « Point par point, l’expertise confirme ce que l’on sait depuis le rapport de synthèse des enquêteurs. » Durant la même période, la presse annonce que de nouvelles expertises biologiques tendant à déterminer par l’empreinte génétique si c’est bien avec le sang de Ghislaine Marchal que les lettres ont été écrites, ont été demandées par Me Vergès et que selon son cabinet le même ayant mis en forme le brouillon de la déclaration de Barkani , ces investigations de base n’ont jamais été effectuées. Une fois encore, mais qui pourrait le contredire, l’avocat sème le doute sur la qualité de l’enquête. L’indélicatesse intellectuelle est-elle érigée en dogme dans ce dossier ? Je laisse le soin au lecteur de l’apprécier. Je rappelle cependant que mon technicien avait bien évidemment procédé à ces relevés, que le laboratoire Codgène n’avait pu analyser par la technique de l’empreinte génétique car ils ne présentaient que d’infimes particules. La recherche a, depuis, fait des progrès significatifs et il n’est pas du tout surprenant qu’un ADN masculin, mêlé à celui de Ghislaine Marchal, ait pu être extrait de la trace de main ensanglantée qui accompagnait l’inscription sur la porte de la chaufferie. C’est l’annonce médiatique des 27 et 28 décembre 2000 ; mais une information grand public, déformée et tendancieuse dans laquelle la presse s’est engouffrée sans pouvoir, une nouvelle fois, vérifier les conclusions expertales.
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Si l’on en croit les nombreux articles de presse, les experts du laboratoire de police scientifique de Paris, saisis par la commission de révision, auraient mis en évidence que du matériel biologique a permis la réalisation d’une autre empreinte génétique. Il faut ne pas ignorer que l’origine biologique d’une cellule n’est pas nécessairement liée à du sang : l’ADN pouvant provenir, aussi, de diverses sources humaines tels les tissus, les os, les cheveux, la salive, le sperme, les empreintes digitales... Or, les médias qui relaient Jacques Vergès ne parlent que de sang. L’effet d’annonce étant assuré, certains vont même jusqu'à écrire, suivant en cela leur informateur, que le message accusateur a été rédigé avec du sang humain masculin. Je ne voudrais pas paraître persifleur mais parfois je me demande à qui profite le crime. Seule, MarieAmélie Lombard, du Figaro, dans son article des 27 et 28 janvier 2001, répond correctement et avec pertinence aux questions posées par ces expertises. C’est assez rare pour être souligné ! Quoiqu’il en soit, l’avocat y voit la preuve de l’innocence de son client et explique, avec sa conviction profonde habituelle, que les tests comparatifs montreront que l’ADN masculin retrouvé n’appartient pas à Omar Raddad et que celui-ci étant illettré, il ne voit pas comment il aurait pu écrire, et si c’est lui le coupable, pourquoi aurait-il écrit : c’est moi le coupable ! Analyse simpliste, pour public passionné et non averti, qui ne tient pas compte des autres éléments de preuve notamment l’irréfragable système de fermeture de la porte qui démontre que Ghislaine Marchal était seule lorsqu’elle a dénoncé son meurtrier. Cette preuve est tellement démonstrative qu’elle est systématiquement oubliée par ceux qui tentent, malgré l’évidence, de soutenir l’innocence de Raddad. Comme le précise la partie civile : « C’est la caractéristique d’un argu-
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ment péremptoire que d’être oublié par ceux qu’il gêne dans leur démonstration. » J’ai une explication plus rationnelle pour commenter cette information. Si les inscriptions accusatrices, associées aux autres éléments de preuve avérés, ne devraient pas engendrer de difficulté d’interprétation en matière d’administration de la preuve, il n’en va pas de même de cet ADN masculin. A qui appartient-il ? Est-il identique à un des ADN qui pourraient être retrouvés sur le chevron ? Comment identifier l’individu possédant ce patrimoine génétique ? Quel est son rapport avec le meurtre ? La tâche va s’avérer délicate car les experts ne pourront établir scientifiquement à quelle période le matériel biologique a été déposé sur la porte de la chaufferie : avant, pendant ou après l’homicide ? Mais, qu’il appartienne ou non à Raddad ne changerait rien ! Si l’on retrouvait son empreinte génétique sur la porte, son avocat soutiendrait qu’il a pu la manipuler alors qu’il travaillait à La Chamade, attendu qu’il avait accès au sous-sol. Dans le cas contraire, qu’il ne l’a pas touchée. Mais la démonstration serait sans effet et ne l’exonérerait pas du meurtre pour autant. Ce serait effectivement un fait nouveau, mais serait-il de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité et remettrait-il en cause les charges retenues contre lui ! Par contre, si son code génétique se retrouvait sur le chevron, ce serait un fait nouveau de nature à conforter sa culpabilité. Cependant, comme les portes, ce chevron est tellement contaminé depuis toutes ces années que je doute qu’il délivre une réponse scientifique significative. Les experts en biologie moléculaire pourraient toutefois y retrouver les ADN de Jean-Paul Renard, du gendarme Liedtke, de Mes Baudoux et Girard qui ont manipulé cette pièce à conviction le 18 février 1992 lors de leur vaine démonstration dans la cave, de l’huissier, du président Djian ; qui devrait cependant bénéfi-
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cier de la présomption d’innocence ! Sans oublier le mien puisque, à la demande du président, je m’en suis servi pour démontrer à la cour le système de fermeture de la porte. Et la liste est loin d’être exhaustive. En ce début février 2001, alors que les conclusions expertales ne sont pas connues des parties ; leur lecture aurait évité bien des inexactitudes et des interprétations tendancieuses, l’on observe depuis quelques semaines, une offensive médiatique de la défense pour asseoir, dans l’opinion publique, sa démarche stratégique basée sur l’erreur judiciaire. Les analyses génétiques (cf. rapports du 8 novembre 2000 et du 1er mars 2001) attestent que les écrits sur les deux portes ont été tracés avec le sang de Mme Marchal. D’autre part, en dépit d’une quantité insuffisante, les experts confirment la présence de sang sous les ongles de la victime et l’analyse génétique démontre que l’ADN est bien le sien. Nous savions déjà tout cela. Ce point vient contredire la thèse, souvent énoncée dans la presse écrite et à l’occasion d’émissions télévisées racoleuses, selon laquelle il n’y aurait pas eu de sang sous les ongles et que par conséquent, Mme Marchal ne pouvait pas être l’auteur des inscriptions. Les généticiens ont retrouvé dans les prélèvements sur les deux portes, la présence d’un ADN féminin dont les quelques caractéristiques génétiques révélées sont identiques à celles de Mme Marchal. Ce que nous savions aussi. Par contre, au niveau de la tache, sous l’inscription de la porte de la cave à vins, les analyses montrent un mélange d’au moins deux ADN dont au moins un d’origine masculine. Les prélèvements effectués sur la porte de la chaufferie désignent quant à eux des caractéristiques identiques à celles de la victime, la présence d’un ADN masculin en très faible proportion qui ne peut être caractérisé et la présence, au ni-
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veau de l’empreinte palmaire, d’un mélange d’au moins deux ADN dont au moins un d’origine masculine : ce second ADN étant probablement différent du précédent dont la valeur statistique est trop faible pour permettre une exclusion certaine. Sur les six prélèvements effectués sur le chevron, deux seulement donneront quelques résultats inexploitables : le premier montre quelques caractéristiques génétiques qui sont toutes présentes dans le profil génétique de Mme Marchal, le second montre un mélange d’ADN où se trouve au moins un ADN masculin présent en très faible proportion, les autres caractéristiques génétiques pouvant appartenir à Mme Marchal. Il a été établi que le profil génétique de Raddad différait des ADN masculins mis en évidence en mélange d’une part sur la porte de la cave à vins, d’autre part sur la porte de la chaufferie ainsi que sur le chevron. Les experts concluent que l’ensemble de ces données génétiques obtenues à la suite des analyses pourtant réalisées en limite de détection de la technique est trop partiel pour permettre des conclusions statistiquement pertinentes. Ces expertises ne nous apprennent rien de plus, si ce n’est qu’elles démontrent que les ADN masculins, différents les uns des autres et qui ne peuvent être codifiés, sont probablement des ADN de contamination. Rien ne prouve qu’ils étaient présents au moment du meurtre. Ces expertises biologiques ordonnées neuf ans après les faits alors qu’elles avaient été réalisées en son temps ne pouvaient pas donner des résultats probants. Quand on sait que les prélèvements adressés aux laboratoires doivent être réalisés dans les meilleures conditions d’asepsie possibles, le résultat de l’analyse étant avant tout conditionné par la stricte observation de règles de prélèvement et de conditionnement drastiques ; ce qui n’était plus le cas pour ces scellés. Dans le même temps, les magistrats de la commission
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de révision procédaient à des investigations visant à vérifier les accusations de Mimoun Barkani sur lesquelles je n’insisterai pas ayant déjà suffisamment démontré l’incohérence de la mise en scène. Il est cependant nécessaire de noter que les magistrats auront procédé à de nombreuses auditions de témoins dont celle de Me Girard. L’avocat convenait avoir reçu la visite de M. Barkani qui lui avait fait part de ses confidences mettant en cause Christian Veilleux, et admettait ne pas avoir pris l’initiative d’informer le juge d’instruction afin de solliciter l’audition de cette personne. Il s’en expliquait en déclarant qu’aucun élément extérieur à M. Barkani n’accréditait ces propos qui, quoique importants, n’étaient que simples affirmations émanant d’un membre de la famille. A la lecture des auditions de Liliane Receveau et Michèle Paysant, il me semble évident que les magistrats voulaient vérifier les éléments versés par Moreau à la demande de son mandant. Il serait surprenant qu’ils tiennent compte des ragots de l’ineffable détective, lesquels étaient contredits par les témoins. La partie civile n’aura pas perdu de vue : « qu’aucun fait sérieux, tangible ou avéré ne conforte l’une ou l’autre des pistes inédites qu’on a agitées devant ceux à qui cette affaire semble avoir fait oublier le sens critique et l’objectivité, comme autant de chiffons rouges, et malheureusement, avec le succès qu’on sait. Les faits auraient eux-mêmes suffi poursuit-elle à éveiller les imaginations. S’y est ajoutée la concurrence féroce que se sont livrés journalistes, avocats successifs d’Omar Raddad, et enfin les différents détectives privés stipendiés par ceux-ci. Le dernier en date, M. Moreau, après s’être complaisamment répandu à la télévision, fait actuellement l’objet d’une poursuite pour diffamation, à la requête du fils de la victime qu’il n’a pas craint de mettre en cause comme étant celui auquel le crime profite. »
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L’enquête des magistrats s’étendait aussi à la datation de la mort : le 23 ou le 24 juin 1991 ? Rappelons que Me Vergés avait demandé à Pierre Fournier, professeur honoraire de médecine légale, d’établir un rapport à l’effet de préciser la datation de la mort. L’honorable professeur avait alors conclu le 10 juin 1995 : « La date de la mort de Mme De Renty ne peut être fixée avec certitude entre le 23 juin 1991 au matin et le 24 juin vers 14/15 heures avec une probabilité plus nette en faveur du décès dans la matinée du 24 juin. » Toutefois, pour établir cette expertise privée, il ne lui avait pas été communiqué l’ensemble des pièces dont le dossier photographique de l’autopsie. A quoi bon ! Son avis était ainsi émaillé d’imprécisions et de contrevérités, sans doute la conséquence de ces méthodes de travail peu orthodoxes. Les quelques photographies dont il avait disposé étaient en noir et blanc. Il reconnaîtra devant les magistrats : « Je ne me rappelle pas, mais c’est peut-être un oubli de ma part, avoir eu les photos 57 et 58 de la cote D97. Je vous rappelle que je n’ai disposé que de photocopies en noir et blanc. Sur les photos 57 et 58 l’œil paraît très clair. C’est cette clarté des yeux, sous-entendue par les experts, qui m’avait conduit à émettre la probabilité d’un décès relativement récent. » Un collège de trois experts, MM. Dominique Lecomte, Guy Nicolas et Louis Cotte, professeurs de médecine légale, ont pris connaissance de tous les rapports et consulté les dossiers photographiques concernant la découverte du corps et l’examen autopsique. C’est à partir de cette documentation qu’ils concluaient : « Sur les éléments du dossier qui nous ont été montrés, notamment les documents photographiques, et à partir des données de la littérature on peut dire qu’au moment du 1er examen médical, le 24 juin vers 20 heures, la mort remontait entre 24 et 36 heures puisqu’il n’existait pas de signe de putréfaction. L’hypothèse selon laquelle la mort serait sur-
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venue le 23 juin entre 11 heures 45 et 14 heures est compatible avec les constatations puisque le délai est alors de 30 à 32 heures. » Cette expertise excluait sans ambiguïté la date du 24 juin dont la défense, nous l’avons vu, s’est longtemps gargarisée. Ces deux nouvelles expertises seront-elles de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné ? Peutêtre suis-je trop passionné pour l’admettre mais je ne vois, dans les investigations menées par la commission de révision, aucun fait nouveau ou élément suffisamment grave susceptible de remettre en cause la conviction de la cour d’assises des Alpes-Maritimes qui a prononcé la condamnation de Raddad. J’apprends, le 15 avril 2001, que la décision de la commission de révision interviendra le 14 mai suivant. Certains bruits parisiens laisseraient entendre que le rapporteur de la commission et l’avocat général seraient favorables à la transmission du dossier à la chambre criminelle de la Cour de cassation. D’autres, provençaux, émanant d’un membre de l’avocature, feraient état de ce qu’il n’y avait rien dans le dossier permettant la révision et redouterait une condamnation plus sévère si Raddad devait à nouveau être jugé. Bruits de couloir, rumeur, passion, manipulation ! Réalité. Les observations de l’avocat général, Philippe Kehrig, signées le 11 avril 2001, laissent peu de doute quant à la décision qui sera prise par la commission de révision. Si l’avocat général rejette les accusations portées contre Christian Veilleux et l’enquête privée de Roger-Marc Moreau, il admet comme éléments nouveaux, les nouvelles expertises. Il argumente qu’il n’appartient qu’à la chambre criminelle de la Cour de cassation statuant comme cour de révision de dire s’ils sont de nature à faire naître un doute sur la culpabilité d’Omar Raddad et conclut à la saisine de la cour de révision. Le 14 mai, la commission de révision siégeant en au-
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dience publique met en délibéré sa décision, laquelle sera rendue le 25 juin. La justice va-t-elle avaler "la couleuvre, l’arbre et le boa" de la mise en scène machiavélique, régurgités en son temps par Me Guidicelli ? Indéniablement, les avocats de Raddad ont marqué un point. Les médias, omniprésents, voient déjà se profiler, qui la réhabilitation, qui la révision, qui un nouveau procès. C’est bien-pensant, dans l’air du temps, médiatiquement correct, mais prématuré, eut égard aux remarques pertinentes de la partie civile que les médias se sont bien gardés de commenter. Pourtant, ses "observations récapitulatives" ont été communiquées à certains, notamment Le Nouvel Observateur, Le Figaro, TF1 ou encore Antenne 2 ! Gageons que Jean-Marie Rouart ne les aura pas lues. Le bâtisseur d’innocence profite cependant de la publicité de l’affaire pour relancer son livre, réédité avec une longue préface originale : "Jusqu'à la vérité". En parfait opportuniste, il n’aura pas choisi le lendemain du jugement condamnant Le Nouvel Observateur ! Mais, qu’elle n’est pas ma stupéfaction de lire que l’académicien s’est fait, dans son livre, enquêteur, en s’appuyant sur les recherches du détective Moreau. C’est le nec plus ultra pour écrire un roman mais tellement maladroit pour prétendre relater l’histoire d’un crime. Rouart, homme lige de Moreau ! Voilà un tandem que je n’aurais jamais soupçonné de collusion. Le 25 juin 2001, suivant les observations de l’avocat général, la commission de révision décide de transmettre le dossier à la chambre criminelle de la Cour de cassation. Des six arguments développés par la défense, la commission de révision n’en retenait que deux. Quelques rares articles de presse, plus sensés que d’autres, font état qu’au-delà des apparences, ces faits nouveaux ne constituent qu’un succès relatif pour la défense d’Omar Raddad. La commission de révision a rendu sa décision en for-
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mulant, sur les faits ou éléments prétendument nouveaux exposés devant elle, ses conclusions selon lesquelles : 1. Il n’y a pas à remettre en cause le moment de l’agression, survenue le 23 juin 1991 entre 11 h 45 et 14 heures, ce qui, je cite : « avait été, au demeurant, déduit non seulement des constatations médicales mais aussi de l’emploi du temps de la victime et de divers témoignages et autres constatations. » 2. Sur la fermeture de la porte de la cave, la requête n’a démontré aucun élément nouveau de nature à infirmer la conclusion des enquêteurs selon laquelle Mme Marchal avait barricadé la porte de l’intérieur, à l’aide d’un tuyau métallique reposant sur un chevron et d’un lit pliant. La commission rappelant, notamment, que lors de la reconstitution, « toutes les tentatives faites afin de démontrer qu’il était possible de barricader la porte de l’intérieur avec la barre et le lit, avant de sortir par cette même porte, ont échoué. » "Exit" donc la thèse machiavélique et romanesque. En quelque sorte, la commission de révision n’a fait que reconnaître ces éléments de preuve, qui, je le rappelle, avaient été débattus contradictoirement par les parties, sept ans auparavant, lors du procès devant la cour d’assises des AlpesMaritimes. Certaines thèses de la défense, à géométrie variable, s’effondrent. 3. Sur la mise en cause de Mme Liliane Receveau, il n’existe pas d’élément nouveau permettant d’accréditer sa présence sur les lieux, le jour du meurtre. 4. Sur les assertions du requérant à l’égard de M. Christian Veilleux, aucun élément nouveau ne vient conforter les accusations portées contre lui. Cette instance, pour déclarer la requête admissible et la transmettre à la cour de révision, n’a, en définitive, retenu que deux faits ou éléments considérés par elle comme nouveaux, c’est-à-dire inconnus de la juridiction au jour du procès :
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1. La présence d’un ADN masculin, différent de celui du condamné, tout en observant qu’il peut avoir résulté des manipulations et examens des portes par de nombreuses personnes (enquêteurs, experts, journalistes…) ce qui correspondrait donc à un ADN de contamination. 2. Le fait que les experts en écriture et en statistique commis par elle ont considéré qu’aucune identification de l’auteur des inscriptions ne serait possible. Néanmoins, les magistrats auront observé dans leur décision que de nombreux éléments sont compatibles avec l’hypothèse selon laquelle la victime serait bien le scripteur : inscriptions tracées avec la pulpe du doigt, d’une main droite entraînée, par une personne agenouillée ; empreinte compatible avec "l’infirmité" de Mme Marchal, en l’espèce la première phalange du médius gauche arrachée ; faute d’orthographe "Omar m’a tuer" faite par 60% des participants à l’expertise ; inscriptions faites par une personne allongée sur le côté droit. Toutefois, la position décrite par l’expert ne me semble pas plausible eut égard à la hauteur de certaines traces et lettres relevées sur la porte de la chaufferie (trace de la main gauche à 0,79 m, O de Omar à 0,73 m). Ce détail n’avait pas échappé à Florence Buisson-Debar, laquelle avait noté dans son rapport que le scripteur devait se trouver sur son côté gauche pour écrire. En effet, comment Mme Marchal auraitelle pu écrire allongée sur son côté droit, avec sa main droite et à une telle hauteur ? Nous avions fait l’essai lors de l’enquête de crime flagrant et, compte tenu de l’importante plaie abdominale et de la phase agonique dans laquelle elle se trouvait, établi que la victime devait être allongée sur le côté gauche, en appui sur son coude gauche ; la position droite étant pratiquement impossible à tenir par une personne mourante. Ce raisonnement tenait compte d’autre part des traces relevées devant cette porte qui attestaient qu’après avoir délivré son ultime message, le corps de Ghislaine Marchal
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n’avait pas pivoté. A la lecture de la décision concernant ces deux arguments, l’on constate qu’il n’aura pas échappé aux magistrats que le rapport de Jean-Paul Gauthier contient – je cite – deux conclusions différentes, figurant sur deux pages portant le numéro 15, signées et datées du même jour ; selon la première : « Mme Marchal n’est pas l’auteur des inscriptions en question », alors que, selon la seconde : « Il n’a été relevé aucune concordance probante entre les mots tracés sur une porte et les écrits de comparaison de Mme Marchal ». Comprenne qui pourra ! Qu’aurait-on dit et écrit si les experts Giessner et Buisson-Debar avaient commis la même impéritie ! La commission de révision a cependant pris soin de préciser qu’il reviendrait à la cour de révision de décider si les deux faits ou éléments dit nouveaux et retenus en faveur de l’admission de la requête, entraînent un doute sur la culpabilité du condamné. C’est donc devant cette cour que se reposera la question, largement débattue déjà pendant l’enquête et devant la cour d’assises, de la compatibilité de la thèse d’une "machination" avec les données matérielles de la cause et l’on ne manquera pas, entre autres réflexions, d’observer que : 1. Pour imaginer de faire peser des soupçons sur le jardinier, en inscrivant ou en faisant inscrire son prénom sur les deux portes, aurait-il fallu être informé de sa présence à proximité du lieu du meurtre, le 23 juin 1991. Présence doublement inhabituelle en ce sens que ce dimanche, je le rappelle, était jour de l’Aïd qu’il aurait dû consacrer à sa famille, et jour de la semaine où il n’a jamais travaillé. Or, seule Mme Pascal avait été informée, la veille seulement, de sa venue et Mme Pascal n’a jamais été accusée ni suspectée d’avoir tué ou fait tuer sa voisine, Mme Marchal. 2. La thèse de la "machination" implique que
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l’agresseur – machiavélique – a inscrit ou fait inscrire deux accusations manuscrites, à l’aide du sang de la victime : l’une en caractères lisibles sur la porte de la cave à vins par une personne agenouillée, l’autre presque illisible, comme en phase agonique, par une personne allongée et cela à proximité de l’endroit où le cadavre devait être retrouvé. On se rappellera que mes enquêteurs, lors des constatations matérielles, avaient consigné des détails qui ont permis de reconstituer le déplacement de la victime, blessée, depuis la porte de la cave jusqu’à l’endroit où son corps a été découvert : il n’a pas été question d’allées et venues, mais seulement d’un seul trajet, matérialisé dans la poussière de la cave et par les traces de sang, notamment. Le blocage intérieur de la porte de la cave n’ayant pu avoir été réalisé que par la victime – donc après le départ de son agresseur qui avait lui-même verrouillé cette porte de l’extérieur en emportant la clé –, comment cet agresseur aurait-il pu être certain qu’après son départ, Mme Marchal, blessée, aurait en quelque sorte l’obligeance de venir mourir précisément auprès de la deuxième inscription ? Télépathie ? Prémonition ? Téléguidage ? Télé-portage ? Ou lévitation de la victime par l’agresseur situé hors de la cave ? Une histoire de marabout en quelque sorte !
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Manipulations d’opinions : toujours ! A l’annonce de la décision de la commission de révision, les phrases stéréotypées s’étalent dans la presse : « Une nouvelle étape vers la révision du procès. » - « La voie est ouverte vers la révision du procès. » - « C’est un premier pas vers un nouveau procès. » Quelques commentateurs devins se montrent catégoriques : Omar Raddad sera acquitté au bénéfice du doute, et certains rédacteurs n’hésitent pas à proclamer que la cour d’assises des Alpes-Maritimes s’était essentiellement fondée sur les expertises graphologiques pour prononcer la condamnation de Raddad ; c’est bien mal connaître le dossier et les charges qui ont dû emporter la conviction des trois magistrats de la cour et de la majorité des jurés. En attendant la décision de la cour, c’est vers la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris que les regards de l’actualité se portent, avec plus ou moins d’attention. C’est tout d’abord Roger-Marc Moreau qui est poursuivi par la partie civile qui lui fait grief de propos particulièrement ignobles, tenus lors de l’émission de "Ciel ! Mon mardi". Dans son incrimination, Me Kiejman retenait les propos diffamatoires développés tant par Moreau que par Christophe Dechavanne, lesquels laissaient penser aux téléspectateurs que le coupable du crime était le propre fils de Ghislaine
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Marchal. En l’espèce, que Christian Veilleux serait celui à qui le crime profite ; celui qui avait fait incinérer le corps de sa mère, contrairement à la volonté de celle-ci, pour détruire la preuve de sa culpabilité ; celui qui aurait détourné, au moyen de pressions de sa puissante famille, l’attention du juge d’instruction. Comme le précise la partie civile : « Ces accusations sont non seulement gravement attentatoires à l’honneur et à la considération, mais aussi particulièrement odieuses et totalement fausses ». Comment en effet détourner l’attention des quatre juges d’instruction qui se sont succédés dans cette affaire ! Le discours de Moreau n’est pas nouveau : c’est celui qu’il tient habituellement dans les médias depuis le dépôt de la requête en révision, et qui s’inscrit dans le "droit-fil" de la manipulation d’opinions. Le 29 janvier 2002, la 17ème chambre rendait sa décision dont je reproduis quelques motifs : « Le tribunal considérait comme portant atteinte à l’honneur ou à la considération les propos imputant à la famille de la défunte, et au premier chef à "l’héritier" de celle-ci, des pressions exercées sur les acteurs de la procédure judiciaire destinées à éloigner d’eux, les investigations des enquêteurs. Dénoncées par Moreau – au même titre que la requête de la famille tendant à l’incinération de la victime et les faux témoignages, selon lui de "l’entourage" – ces manœuvres prêtées à la partie civile, en elles-mêmes déjà attentatoires à son honneur et à sa considération, s’avéraient implicitement présentées comme visant en réalité un autre dessein, dévoilé de manière explicite par le détective privé : l’existence de soupçon de meurtre pesant à l’encontre de Christian Veilleux. Cette imputation était insidieusement reprise et poursuivie dans le quatrième extrait du dialogue concernant les conditions – présentées comme douteuses par Moreau – dans lesquelles avait été formulée la demande d’incinération du corps de Ghislaine
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Marchal. La violation des ultimes et intimes volontés de la défunte, ainsi prêtée par le prévenu à la famille de Ghislaine Marchal, dont son fils, constituait en soi, l’imputation d’un fait diffamatoire envers la partie civile. Elle l’était d’autant plus, qu’elle était le moyen, d’après les intervenants, de faire disparaître tout élément susceptible de permettre l’identification de l’auteur du meurtre. » L’excuse de bonne foi à laquelle il prétendait ne lui sera pas accordée par le tribunal bien que la légitimité du but poursuivi ne lui ait pas été contestée. Mais force est de constater, précisait le jugement : « que cette entreprise de communication ne tendait pas seulement à remettre en cause les éléments du dossier, jusqu’alors accusateurs envers Omar Raddad, mais aussi, et surtout, à convaincre l’auditoire que quelqu’un d’autre que lui aurait pu commettre le meurtre de Ghislaine Marchal, en la personne précisément de Christian Veilleux, unique bénéficiaire du crime. A cette fin, le prévenu affirmait, de manière insidieuse et progressive, que les anomalies de l’instruction, d’une part ne résultaient pas de simples négligences des acteurs de la procédure, mais bien de pressions émanant de la famille, d’autre part, révélaient des comportements en totale contradiction avec la réalité : ainsi, selon le prévenu, la demande d’incinération, prétendument faite à la hâte par la famille auprès du juge d’instruction, aurait certes fait obstacle, le jour venu, à toute contre-expertise, mais ne serait corroborée par aucun élément objectif et s’avérerait même contraire à l’intention expresse de la défunte qui aurait acheté une concession. L’accusation ainsi portée contre la partie civile était d’autant plus grave que Roger-Marc Moreau se prévalait, particulièrement aux yeux des téléspectateurs, de sa qualité et de ses talents de détective privé ; elle aurait donc supposé que le prévenu eût en sa possession, la preuve certaine des deux
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éléments censés démontrer, à l’en croire, que la demande d’incinération n’était qu’une manœuvre destinée à empêcher la manifestation de la vérité et à couvrir la responsabilité du vrai coupable. Or Moreau n'était en mesure, ni dans ses explications à l’audience ni par les pièces produites aux débats, d’établir que Ghislaine Marchal aurait pu émettre une opposition quelconque à son incinération. L’audition du témoin de la partie civile, Bernard Bigault du Granrut, a démontré : que la victime avait, au contraire et à plusieurs reprises, fait part à ce dernier, son beau-frère, de sa volonté d’être incinérée ; que sa belle-sœur ne disposait pas et n’avait pas acheté de concession ou caveau, les seuls connus de lui ayant été acquis personnellement par le mari de la défunte dont celle-ci était séparée. Ainsi se trouvaient caractérisées de graves défaillances affectant l’enquête qu’aurait dû mener Roger-Marc Moreau afin de vérifier et avant d’affirmer ce qui apparaît n’être en réalité qu’une impression ou conviction personnelle. Il en allait de même des affirmations du prévenu concernant les prétendues pressions qu’auraient exercées la partie civile et sa famille sur les autorités chargées de l’enquête : aucun élément, autre, là encore, que le sentiment propre de RogerMarc Moreau n’établissait les pressions alléguées. Aucun des éléments recueillis dans sa contre-enquête par Roger-Marc Moreau ne s’avérant, ainsi, de nature à justifier les graves imputations formulées à l’encontre de Christian Veilleux. Quant à Christophe Dechavanne, sa bonne foi était appréciée au regard des propos qu’il avait, en sa qualité d’animateur, personnellement tenus au cours de l’émission incriminée. Le tribunal retenait qu’il avait fait preuve, lors de certaines de ses interventions, d’une totale adhésion à la thèse accusatrice de son invité et loin de rester en retrait de la version proposée par le détective privé, il livrait aux téléspecta-
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teurs sa propre réflexion favorable à la thèse défendue par Roger-Marc Moreau. Il convenait donc de le considérer comme coresponsable des propos portant atteinte à l’honneur ou à la considération des parties civiles et reprochés à Roger-Marc Moreau. Le tribunal mettait donc à leur charge la réparation des préjudices occasionnés par ces propos publics. Après ce jugement – dont il sera interjeté appel par les prévenus – passé pratiquement inaperçu, il appartenait à ce même tribunal d’examiner la plainte en diffamation portée contre Jean-Marie Rouart. Mais sous quel prétexte un académicien était-il cité devant le tribunal ! Cela ne s’était, paraîtil, jamais inscrit dans les annales de l’Académie française. Comment puis-je relater l’histoire d’un crime sans faire état de la gravité des allégations publiées par l’Immortel et de l’argumentation de la partie civile pour poursuivre ses excès ! Je reprendrai donc, dans ses grandes lignes, cette requête qu’il me semble opportun d’exposer au lecteur, qui n’est pas nécessairement un fidèle du Figaro. Car c’est dans ce quotidien que l’on peut lire sous la plume de Rouart que la famille a fait pression sur les enquêteurs. Il n’y a jamais eu pression de qui que ce soit pour quelque motif que ce soit. C’est bien mal me connaître. Ces propos grotesques et injustement polémistes ne déshonorentils pas plus qu’ils ne servent celui qui les porte ! La citation de Me Kiejman rappelle en des termes très mesurés, de quelle manière : « Dès le prononcé de sa condamnation par la cour d’assises le défenseur d’Omar Raddad comparaissait la condamnation de son client à celle qui avait, en son temps, frappé le capitaine Dreyfus et entreprenait une vaste campagne médiatique mêlant habilement information et désinformation. Dans cette campagne, il était aidé, ce qui ne saurait leur être reproché, par un certain nombre
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d’intellectuels qui avaient en commun de tout ignorer du dossier d’instruction. A la tête de ces intellectuels se plaça très vite M. Jean-Marie Rouart, fort du prestige que lui avait donné son élection à l’Académie française, et dont on n’avait jamais constaté jusque-là un quelconque zèle à poursuivre les erreurs judiciaires et à combattre le racisme auquel il attribuait la condamnation de M. Omar Raddad. M. Jean-Marie Rouart, se campant dans la stature de Zola de l’affaire Dreyfus, et avec les moyens, qui hélas, sont les siens, a cru pouvoir publier dans Le Figaro daté du 26 juin 2001 un articulet auquel, faute de pouvoir lui donner le titre : "J’accuse", il a donné plus modestement celuici : "Omar : l’espoir enfin..." Personne ne songerait à reprocher à ceux qui croient à l’innocence de M. Omar Raddad de faire campagne en sa faveur. Encore faut-il le faire de bonne foi et sans mettre en cause des tiers dans des conditions diffamatoires. Ce n’est pas le choix de M. Rouart qui ne craint pas d’écrire : car, ce qui constitue ce qu’on appelle désormais "l’affaire Omar Raddad" ne tient pas uniquement au doute que l’on a sur sa culpabilité... Elle tient aux efforts qui ont été faits pour que la lumière n’apparaissent jamais. Lâchons de grands mots : il y a eu complot et obstruction... Que la famille de Mme Marchal ait orienté depuis le début de l’affaire les soupçons vers Omar Raddad, c’est, hélas, son droit même si l’on pense qu’elle eût été mieux inspirée en tentant de diriger les investigations vers la recherche de la vérité... » La partie civile n’adhérera pas à cette contrevérité : « Libre à M. Rouart de croire que l’on ne connaît toujours pas la vérité sur l’affaire Omar Raddad. Libre à lui de se donner en ridicule de voir dans la présence professionnelle, devant la commission de révision, des trois défenseurs des parties civiles, un signe apparent de la pression exercée sur la Justice... » L’avocat de la partie civile faisait ainsi référence à la
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plume de M. Rouart qui, dans le même article, écrivait : « Jusqu'à hier la justice a donné l’impression de s’être laissée dicter ses décisions par une petite camarilla de "chers confrères". En effet, lors du débat devant la chambre de la Cour de cassation, il était surprenant de voir sur le banc de la partie civile et s’opposant à la révision d’Omar quelques-unes des "grandes consciences" de la gauche : certes, le bâtonnier Du Granrut restait dans l’ombre, mais en pleine lumière on voyait Me Lyon-Caen, Me Kiejman ancien garde des Sceaux socialiste, Me Henri Leclerc, président de la ligue des droits de l’homme. Trois grandes figures de la gauche bien-pensante pour empêcher la révision du procès d’un jardinier marocain... » C’est une première, les allusions politiques ne sont pas absentes des propos du romancier. Mais que vient faire la politique dans ce débat ! Les allégations portées par Jean-Marie Rouart ne sont pas excusables. N’accuse-t-il pas la famille Marchal de complot, de conjuration pour faire obstruction à la découverte de la vérité, d’orientation des soupçons depuis le début de l’affaire et d’obstacle aux investigations ! Ces accusations infondées sont, ipso facto, attentatoires à mon honorabilité et à ma probité. Elles me mettent directement en cause ainsi que les juges d’instruction. Mais elles portent, avant tout, atteinte à l’honneur d’une famille déjà cruellement éprouvée et à qui elles occasionnent un préjudice moral certain. Aussi, devant la gravité de tels propos, je reproduis l’argumentation de Me Kiejman dont je réponds du bien-fondé et de l’authenticité. L’avocat souligne : « Ces affirmations qui tendent à rendre les proches de la victime responsables d’une prétendue "erreur judiciaire" voire à l’avoir organisée, seraient d’une gravité exceptionnelle quel qu’en fût l’auteur... M. Rouart ne saurait prétendre à aucune bonne foi. S’il avait été de bonne foi, il aurait rendu compte des dispositions par lesquelles la
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commission de révision a rejeté les principales allégations de M. Omar Raddad pour ne retenir que les moins susceptibles de créer un véritable doute. Encore moins, M. Rouart peut-il prétendre apporter la preuve du prétendu complot qu’il dénonce et qui serait effectivement odieux s’il avait le moindre élément de réalité. M. Rouart ne dispose d’aucune preuve pour la bonne raison qu’aucune enquête sérieuse n’aurait pu mettre à jour un complot en vue d’orienter les enquêteurs vers M. Omar Raddad, dont le prénom figurant dans l’inscription sanglante suffisait amplement à cet égard. » Ces accusations de complot, Jean-Marie Rouart les avait déjà soutenues dans la préface nouvelle de son livre, allant même jusqu'à évoquer "un procès brutal mené sans scrupule". Ses allégations, très suggestives, à l’encontre de Christian Veilleux lui vaudront également une plainte pour complicité de diffamation publique envers un particulier. La plainte était examinée le 8 janvier 2002 devant la ème 17 chambre présidée par M. Hervé Stéphan. Les médias se faisaient l’écho de ce procès et Libération ne ménageait guère l’Immortel embourgeoisé en : « "petit marquis" rattrapé par son "complot" » Le tribunal rendait son jugement le 19 février 2002 dont je reproduis les motifs essentiels. Après le rappel des faits et des arguments des parties, le tribunal examinait si les propos incriminés contenaient des allégations ou imputations diffamatoires. Concernant l’article du Figaro, le jugement concluait : « Les propos incriminés font apparaître que les membres de la famille de la victime, sachant que la vérité était autre, se sont entendus, dans des conditions et un but demeurés secrets, pour mettre en évidence la responsabilité d’une personne qu’ils savaient innocente, en l’occurrence M. Omar Raddad. Il convient d’observer que si, à l’audience, le prévenu a fait état du caractère implicite d’une telle intervention des membres de la famille, résultant de l’aura que pou-
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vait avoir notamment un ancien bâtonnier de Paris, défendu par Me Leclerc, auprès d’un magistrat de province, un tel caractère ne résulte nullement de l’utilisation des termes employés par l’auteur de l’article, et ce de façon parfaitement voulue par lui. De même, le prévenu ne peut soutenir, comme il l'a fait dans ses écritures, que ses propos ne seraient pas diffamatoires, en rappelant que les membres de la famille de Ghislaine Marchal, ne sont nullement tenus, en cette qualité, à un devoir de neutralité et d’objectivité. Cette argumentation du prévenu est en effet contraire aux termes mêmes de son article, dans lequel, s’il admet effectivement la possibilité pour les membres de la famille de la victime d’avoir une opinion quant à la culpabilité de M. Omar Raddad, il leur reproche, ce faisant, d’avoir mis obstacle de façon délibérée à la manifestation de la vérité, laquelle était susceptible de les gêner. Pour ces motifs, les allégations figurant dans l’article incriminé doivent être considérées comme portant atteinte à l’honneur et à la considération des parties civiles. » Quant à la préface de l’ouvrage du prévenu, le jugement précisait que «… l’ensemble des propos reprend la thèse selon laquelle la famille de Mme Marchal a participé à un complot visant à faire condamner un innocent, en adoptant pour ce faire, contrairement à ce qui est encore soutenu sur ce point par le prévenu, une attitude dépassant celle qui aurait dû l’être de la part d’une partie civile dans le cadre d’une instance judiciaire. L’examen des propos incriminés fait ainsi ressortir la suggestion d’une responsabilité de M. Christian Veilleux dans la mort de sa mère et de la volonté de ne pas la faire apparaître, en dissimulant délibérément aux enquêteurs des éléments qui étaient susceptibles de la mettre en évidence, ou en les dissuadant de faire des investigations à leur sujet. De tels propos contiennent des allégations ou imputations que le tribunal retient comme présentant le caractère diffamatoire que leur attribuent les parties civiles. »
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Le tribunal admettait que M. Jean-Marie Rouart n’avait pas agi, ce faisant, à des fins personnelles sans pour autant lui accorder le bénéfice de la bonne foi. S’il était observé que le prévenu avait, antérieurement, fait preuve de rigueur à l’occasion d’enquêtes d’investigation sur des dossiers sensibles, le tribunal ne manquait pas de relever que la rigueur avait fait défaut dans sa prétendue enquête dont les lacunes étaient relevées. C’est ainsi que le prévenu n’avait pas contesté avoir été absent lors du procès de M. Omar Raddad ; « ce qui ne l’empêche nullement de faire état du caractère brutal ayant caractérisé l’audience qui s’était conclue par la condamnation de l’intéressé. Le tribunal retient que, sur ce point précis mais également plus généralement sur les éléments de doute, rappelés à l’audience par le défenseur de M. Omar Raddad, le fait pour M. Jean-Marie Rouart de n’avoir pas été présent lui-même à l’audience, et de n’avoir pu de ce fait se forger une conviction personnelle, ne pouvait manquer de lui apparaître comme une réserve importante dans l’élaboration de ses convictions. » Dans un passage de sa préface, le prévenu faisait état de son déplacement sur les lieux du crime et du fait d’avoir franchi facilement la clôture de la propriété, pour en tirer la conséquence que, contrairement à ce qui avait été avancé durant l’enquête, le crime pouvait avoir été commis par une personne autre qu’un familier. Concernant cette allégation, le tribunal trouvait inquiétant « que le prévenu ne se soit pas interrogé sur le fait de savoir si une telle évidence pour lui ne l’était pas également pour d’autres et si ce point n’avait pas été examiné lors de l’enquête, plus sérieusement qu’il ne l’était par lui. » Dans un autre passage de son ouvrage, le prévenu s’interrogeait sur les conditions dans lesquelles la crémation du corps était intervenue. Si le tribunal lui reconnaissait à ce titre la possibilité d’avoir une conviction, il ne manquait pas
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de faire valoir : « Que Jean-Marie Rouart ne paraît nullement avoir pris en compte pour la forger le fait qu’une décision judiciaire préalable était nécessaire avant une telle opération. De plus, pour conclure à l’absence de volonté de crémation de la défunte, il a fait état de l’audition par lui d’un membre de la famille par alliance de la victime, mais s’est totalement abstenu de contacter la famille directe, dont les membres ont déclaré pour leur part que leur parente souhaitait, pour ellemême, une incinération. Il ne semble pas davantage s’être intéressé à l’autorisation judiciaire préalable à la destruction de clichés photographiques, élément également évoqué à l’audience. » Enfin, sur le fait que Mme Marchal n’aurait, à l’approche de la mort, jamais écrit les phrases relevées dans la chaufferie, il apparaissait aux juges que « l’attitude que pouvait avoir un être humain à l’instant de la mort relevait, par nature, du domaine de l’imprévisible, le tribunal s’expliquant difficilement les affirmations de M. Jean-Marie Rouart à ce titre et les éléments qui lui permettaient de les formuler. » Dans ses appréciations sur la réalité de l’enquête dont se prévalait le prévenu, il apparaissait aux juges : « Qu’elle ne repose que sur des éléments épars, incomplets et dont la recherche n’est surtout que la conséquence d’une conviction et non son préalable. Elle ressort comme particulièrement pauvre, face à la gravité de la mise en cause des membres de la famille de Mme Marchal dans les propos incriminés. » Enfin, le tribunal observait, après que le prévenu eut fait état à l’audience de son sens de la Justice : « Que force est de constater qu’il présente une singularité certaine par rapport à celui que la loi exige, caractérisé par l’absence de préjugés et une appréciation équilibrée des éléments soumis, préalable indispensable à l’expression d’une conviction. S’il a pu être plaidé l’ignorance du fonctionnement réel de la Justice de la part du prévenu, il apparaît que les qualités qui sont
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les siennes, que le tribunal ne conteste pas, auraient dû le conduire, dès lors qu’il mettait en cause des tiers, en l’espèce les membres de la famille de Mme Marchal, à effectuer une enquête complète et contradictoire. » Quant au manque de prudence dans les propos tenus, les juges relevaient qu’elle s’était particulièrement révélée dans l’article du Figaro au lendemain de la décision de la commission de révision ; « sauf à supposer que le prévenu n’a eu connaissance que du dispositif de cette décision, ce qui ramènerait alors aux interrogations concernant le sérieux de son enquête, il ne pouvait manquer, avant d’exprimer son opinion, de s’interroger sur le fait que plusieurs éléments essentiels avaient été écartés par la juridiction, relatifs à la date du meurtre, à la possibilité de barricader la porte de l’extérieur, à la mise en cause de Mme Liliane Receveau et à celle de M. Christian Veilleux. Si effectivement deux autres éléments la conduisaient à saisir la chambre criminelle siégeant comme cour de révision, la prise en compte complète des motivations de cette décision aurait nécessairement conduit M. Jean-Marie Rouart à prendre un certain recul et à faire preuve de prudence dans les commentaires qu’il en faisait. » Le tribunal, eu égard à la gravité des imputations portant atteinte à l’honneur ou à la considération qui ont été mises en évidence, retenait que le préjudice subi par les parties civiles était non seulement réel mais également d’une extrême gravité : « Le fait, pour une personne, d’être présentée comme ayant volontairement agi pour parvenir à la condamnation d’un individu dont elle connaissait l’innocence, occasionne un préjudice important, mais qui l’est d’autant plus lorsque la personne ayant agi ainsi, a participé, durant sa vie, à l’œuvre de Justice, ce qui est le cas des époux Bigault du Granrut. Le fait par ailleurs, pour un fils, d’être présenté comme ayant eu une responsabilité dans un homicide commis
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sur la personne de sa propre mère constitue l’une des atteintes les plus graves qui puissent être portées à son honneur et à sa considération. » Le jugement, sur la base de cette argumentation, mettait à la charge de Jean-Marie Rouart le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. Christian Veilleux et des trois autres parties civiles avec exécution provisoire. La défense de Jean-Marie Rouart ayant interjeté appel de cette décision, les parties débattaient à nouveau devant les magistrats de la 11ème chambre de la Cour d’appel de Paris le 5 septembre 2002. L’arrêt, rendu le 10 octobre suivant, confirmait que Rouart avait commis une faute sur le fondement des articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, le condamnait à verser aux parties civiles des dommages et intérêts et ordonnait la publication d’un communiqué d’extraits de cette décision dans trois quotidiens. Après ces procès, quasiment "confidentiels" tant les médias ont fait preuve de discrétion, je voudrais revenir aux effets de la décision de la commission de révision. Si l’on analyse bien les propos de Me Vergés parus dans les médias, sa nouvelle stratégie de défense est basée sur un crime commis par deux auteurs. C’est nouveau, ça vient de sortir ! Ces deux individus, je suis persuadé qu’ils se trouvent toujours dans la cave, sans doute réduits à l’état de squelettes, probablement dans le vide-sanitaire que nous aurions négligé d’explorer ! Ou alors étaient-ils des passe-murailles ! Ou des fantômes ! Car il ne faut pas oublier que le système de fermeture de la porte, confirmé par la commission de révision, a empêché quiconque de sortir de cette cave maudite. L’avocat se fonde sur l’expertise génétique pour dire qu’il y avait deux auteurs. C’est, à mon avis, mal interpréter
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la conclusion de ce rapport car si l’on se réfère aux listes de nombres servant à les différencier, il y a plus de deux ADN masculins différents ce qui conforte l’hypothèse de contamination à moins d’imaginer celle d’une cohorte d’agresseurs… Une vraie association de malfaiteurs ! Quel mystère effectivement ! Quel beau roman M. Rouart va pouvoir écrire ! Mais il n’aura pas échappé à la pertinence de Dominique Simonnot dans Libération que : « Les magistrats de la cour de révision devront donc résoudre une mystérieuse énigme : si ce n’est pas Ghislaine Marchal qui a écrit sur les portes, elle serait pourtant la seule à avoir pu barrer, de l’intérieur, l’accès à la cave. C’est à ce mystère que devront répondre les juges de la cour de révision ». J’ai toujours dit et écrit que la défense se heurterait toujours au système de fermeture de la porte. En ce début d’année 2002, alors que la requête est toujours pendante devant la cour de révision, un énième rebondissement agite le microcosme médiatique : la piste de l’Ordre du temple solaire. Qui n’a pas entendu parler de L’OTS ! L’effet d’annonce étant toujours garanti les médias vont reprendre l’information qui aurait pu, pour coller à l’actualité, tout aussi bien s’intituler : " le témoin de l’an 2". L’affaire s’était engagée dès le vendredi 28 décembre 2001, jour où un certain Guy Mouyrin, accompagné d’un journaliste indépendant, Pierre Blois, et de trois avocats parisiens se présentait au tribunal de grande instance de Grasse en expliquant qu’il avait des révélations importantes à faire sur le meurtre de Ghislaine Marchal en l’espèce que cette dernière aurait été tuée par des adeptes de l’OTS à qui il aurait servi de chauffeur. Placé en garde à vue dès le samedi matin à la PJ de Nice, Guy Mouyrin alléguait que le lundi 24 juin 1991 – date sur laquelle il insistait et qui n’est autre que celle du lendemain du meurtre –, il avait conduit à La Chamade, mais sans
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savoir ce qu’elles allaient faire, trois personnes : Dominique Bellaton la maîtresse de Joseph Di Mambro, Joël Egger lui aussi membre de l’organisation – tous deux disparus depuis avec leur "gourou" dans les massacres et suicides collectifs de 1994 et 1997 –, et un troisième homme qui lui était inconnu et qu’il se disait incapable d’identifier. C’est ainsi que Guy Mouyrin aurait déposé ces trois personnes devant la propriété vers 11 h 45 et serait revenu les chercher vers 14 h 15 à bord d’une Bmw break, de couleur prune et immatriculée en Suisse. Mouyrin se disait proche de l’OTS et selon lui Ghislaine Marchal faisait partie de cette organisation sectaire qu’elle désirait quitter. D’après ses révélations aux médias, il supposait que cette expédition avait pour finalité un simple recouvrement de cotisation, et était loin de se douter, comme il le découvrira quelques jours plus tard dans la presse, qu’il était mêlé à un crime. En soulignant son ignorance du but criminel de cette prétendue expédition, il se mettait à l’abri du risque de se voir reprocher une éventuelle complicité de meurtre, crime dont la prescription de dix ans pouvait avoir été interrompue par les procédures antérieures. Il pouvait par ailleurs se prévaloir de la prescription, acquise, de trois ans pour échapper à des poursuites pour délit de non-dénonciation de crime. Cette hypothèse permettrait de mieux comprendre pourquoi ce singulier "témoin" à retardement aurait estimé utile de se faire escorter par tout un collège d’avocats venus de Paris, pour raconter sa sulfureuse histoire. Restera la question de savoir qui avait intérêt à assumer les frais d’une telle opération et qui en avait les moyens ? Toujours est-il que Mouyrin n’aurait pas convaincu mes collègues policiers dont je comprends le scepticisme. La justice n’a pas paru être persuadée davantage de le croire si l’on suit le déroulement de l’enquête préliminaire et les nombreux
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articles de presse faisant état de ce qu’à l’issue de sa garde à vue, qui avait été prolongée, Mouyrin n’a même pas été présenté devant un magistrat et a été relâché ; mesure qui, paraîtil, l’aurait fort contrarié. Le Monde, dans son article du 4 janvier 2002, nous en apprend un peu plus sur la personnalité de ce repenti. D’après ce média, Mouyrin, qui ne cacherait pas un passé chargé – nous en aurons eu quelques-uns dans l’histoire de ce crime –, se serait signalé en 1997 dans un documentaire britannique où il se présentait déjà comme le chauffeur de Di Mambro et accusait, sans preuve, la Princesse Grâce de Monaco d’avoir fréquenté l’OTS. Me Georges Kiejman démentant toute appartenance de Ghislaine Marchal à cette organisation – il est vrai que nous n’avions observé lors des perquisitions à La Chamade aucun document, indice, emblème ou symbole pouvant révéler que Ghislaine Marchal était ou avait été membre ou sympathisante de cette secte – ne laissait pas passer l’occasion de qualifier ce nouveau témoignage de fantaisiste et idiot. L’avocat de la famille Marchal évoquait une nouvelle plaisanterie sinistre et raillait : « Il y eut le deuxième Omar, voici l’Ordre du temple solaire. » Les jours suivants, la presse se montrait dubitative tant la démarche tardive de cette personne lui semblait fort curieuse. Mouyrin ne mettait-il pas en cause des personnes décédées qui ne pourraient par conséquent pas le contredire ? Ne paraissait-il pas, de l’avis de l’expert psychiatre requis pour les nécessités de l’enquête préliminaire, réciter un texte ? Cette leçon, bien apprise, Mouyrin l’a récitait à nouveau sur France 2 le lundi 28 janvier 2002 au cours de l’émission-divertissement "ça s’en va & ça revient" de Thierry Ardisson. Je retiendrai que ses tribulations l’auraient conduit à retourner à La Chamade à 14 h 15 pour reprendre les
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prétendus membres de l’OTS. Soit ! Mais alors, ce brave chauffeur n’aurait pas remarqué le véhicule de Christian Agatti devant le portail de la propriété ! Mouyrin aurait-il mal retenu la leçon ? Ses maîtres ignoraient-ils ce détail du dossier ? Je ne sais pas, en opportunité, ce que décidera l’autorité judiciaire mais cette enquête préliminaire devrait connaître vraisemblablement, après des investigations plus approfondies, le même sort que toutes les procédures incidentes qui ont émaillé ce dossier : le classement sans suite. A quelques semaines de la décision de la cour de révision, ce nouvel épisode "médiatico-publicitaire" ne démontret-il pas le désarroi d’une démarche stratégique ? Cette nouvelle cabale ne prouve-t-elle pas que les "amuseurs publics" sont toujours aussi actifs ? ; que leur stratégie du doute est sans cesse basée sur des événements "porteurs" et à sensation dont il est facile de démontrer l’invraisemblance ? ; et surtout, qu’ils s’éloignent de plus en plus du dossier dont ils ne tiennent aucun compte ! Il est donc grand temps que je mette fin à cet ouvrage, avant que d’autres "faits nouveaux" ne soient imposés sur la scène médiatique. Quelle vérité s’imposera après tant d’élucubrations en tout genre et de contrevérités anarchiques constituées au fil des ans, pendant l’enquête et l’information judiciaire ; avant, pendant et après le procès ; pendant et après le pourvoi en cassation et son rejet ; avant et pendant le pourvoi en révision, par : les conférences publiques et de presse, tenues par les comités de soutien, local et national ; les innombrables articles de presse ; les émissions radiophoniques et télévisées à sensation ; les publications de livres par l’un des avocats du
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condamné, des journalistes, experts ou prétendus tels en écriture … ? Tous les arguments – des plus logiques aux plus délirants –, toutes les hypothèses – des plus évidentes aux plus farfelues – y ont été émis, débattus, ressassés et livrés aux polémiques passionnées de gens qui, pour la quasi-totalité, n’avaient pas pris connaissance de l’intégralité des pièces du dossier d’information ou n’avaient pas assisté au déroulement du procès public. Cela sur fond de provocations délibérées et calomnieuses envers les enquêteurs, les juges d’instruction puis les jurés et les magistrats de la cour d’assises ; de pressions sur le garde des Sceaux par voie de délégations de comité de soutien, stimulées par le journaliste et écrivain, devenu académicien ; avec, en arrière fond, d’autres sollicitations, au plus haut niveau des Etats, pour arracher une grâce en faveur du condamné auquel une réception sera réservée – presse présente bien entendu – dans les palais royaux de son pays. Rarement, en une époque où l’on proclame la nécessité de renforcer l’indépendance de la Justice, a-t-on avec autant de moyens et de constance tenté de la soumettre aux pressions d’une opinion publique médiatiquement et savamment manipulée. Les éléments nouveaux retenus par la commission de révision annuleront-ils le verdict de la cour d’assises des Alpes-Maritimes ? Les évidences et la simple vérité l’emporteront-elles enfin sur l’orchestration et les stratégies du "doute à tout prix" ? L’appel de la victime sera-t-il enfin écouté ? Le 17 octobre 2002, la Cour de cassation réunie en cour de révision examine si les deux éléments retenus par la commission de révision sont ou non de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de Raddad. Aux débats, le conseiller rapporteur, Yves Corneloup,
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expose méthodiquement la reconstitution rigoureuse du dossier. Je retrouve, dans sa démonstration, la thèse développée dans mon rapport de synthèse, élaborée à partir des éléments probants et indiscutables. Les faits sont têtus même onze ans après. L’avocat général, Laurent Davenas, va s’attacher à démontrer sa conviction qu’il n’y a, dans la requête de la défense, aucun élément nouveau convaincant au bénéfice du médiatique jardinier. Ce haut magistrat s’oppose à la révision et ne sera pas tendre pour Vergés et ses méthodes, ironisant à propos de sa "communication de propagande" et du "salmigondis d’expertises privées". Le lecteur trouvera en annexes les conclusions de Monsieur Laurent Davenas. Les conclusion et synthèse de ces deux hauts magistrats me font penser au titre d’un livre de Lanza Del Vasto : Principes et préceptes du retour à l’évidence. De source journalistique, Me Kiejman aurait "explosé" Vergés sorti défait de la salle d’audience. L’avocat était scandalisé paraît-il par la publication de mon livre et une interview de Florence Buisson-Debar parue dans Le Midi Libre. Je lis même dans Nice-Matin qu’il "croit savoir que le procureur reprendrait les arguments développés par le capitaine Georges Cenci dans son livre lequel stigmatise la manipulation de l’opinion par la défense via les médias." D’où ses conclusions déposées le 15 octobre 2002 où il demandait à la Cour, de dire qu’à l’occasion de la présente procédure "il y a eu violation flagrante de la présomption d’innocence prévue et sanctionnée par l’article 6.2. de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales." Vergés est encore une fois hors sujet. Il confond le Code de procédure pénale avec je ne sais quel support de la pensée juridique. La loi sur la présomption d’innocence ne vaut en aucune manière pour un condamné définitif ; cas d’espèce, la requête en révision n’étant qu’une voie de re-
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cours extraordinaire qui n’enlève rien à l’autorité de la chose jugée par la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Mais il conviendrait que Vergés applique à lui-même ce qu’il reproche aux autres. Pages 205 et 206 de son livre opportuniste édité en 1994 ne reproduit-il pas une missive du docteur Chabat, expert requis dans l’information judiciaire, qui se dit ému et scandalisé par la décision de la cour d’assises étant convaincu de la parfaite innocence de Raddad et assurant à l’avocat sa profonde consternation devant une telle erreur judiciaire. Cet expert, assurément, était sorti de son rôle alors que la condamnation de Raddad n’était pas définitive puisque le rejet du pourvoi en cassation n’était prononcé que le 9 mars 1995. Les journalistes de l’audiovisuel se sont montrés très discrets sur cette audience. Les médias de la presse écrite ont été plus prolixes et la conviction de leurs journalistes, pour une fois, ébranlée. Les titres sont significatifs : « La révision perd du terrain » - « L’avocat général croit Raddad Coupable » - « L’avocat général ne croit pas à l’innocence de Raddad » - « Un adversaire sur la route de Raddad » « L’improbable révision » - « Laurent Davenas contre la révision du procès » - « Le Parquet opposé à la révision du procès ». Après onze ans de mensonges, de calomnies en tout genre et de complaisance médiatique, le 20 novembre 2002, les juges de la Cour de cassation rejettent la demande en révision. La décision de la plus haute instance judiciaire française – reproduite en annexes – confirme que l’affaire Omar Raddad n’a jamais été une erreur judiciaire : mythe créé en la circonstance puis entretenu par les avocats successifs de la défense lesquels ne trouvant aucune faille dans l’enquête se
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sont servis de certains médias complaisants voire complices pour tenter de discréditer les institutions et les hommes probes qui les servent. J’ai souhaité, en son hommage, que le visage de Mme Ghislaine Marchal apparaisse sur la couverture de cet ouvrage. C’est le visage d’une femme radieuse que vous découvrez. Gardez son souvenir. Justice est faite, la vérité a triomphé du mensonge et des manipulations d’opinions. Il reste des hommes écœurés et indignés, blessés dans leur honneur et leur amour-propre. Je suis de ceux-ci. Des hommes qui se sont tus par respect du secret imposé par la loi, des hommes seuls face au dénigrement, aux critiques et aux accusations les plus sournoises. Mais ces hommes sont comme moi, justes et libres. Libre. M. Omar Raddad l’est aussi. Il a semble-t-il retrouvé un travail dans une boucherie à Marseille. Je souhaite qu’il s’intègre à nouveau dans la société française. Quant à moi, je n’oublierai pas ceux qui ont été bafoués, ceux, et ils se reconnaîtront, qui m’ont apporté leur soutien moral et j’en ai eu souvent besoin plus qu’on ne peut le penser. Cela ne m’a pas empêché de poursuivre ma mission de service public, au service des autres et de la justice. Je n’ai pas dans cet ouvrage eu l’intention de faire le procès des hommes mais d’user du droit de rectifier et de renseigner pour rétablir ce qui me semble être la vérité.
ANNEXES
1. Félicitations du juge d’instruction Jean-Paul Renard aux enquêteurs. 2. Observations de Monsieur l’avocat général, Laurent Davenas, devant la Cour de révision le 17 octobre 2002. 3. Arrêt de rejet de la requête en révision par la Cour de révision, le 20 novembre 2002.
-1COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRASSE 06335 GRASSE CEDEX CABINET DU JUGE D’INSTRUCTION M. Jean-Paul Renard
Grasse, le 10 juin 1992
à M. le commandant de la compagnie de gendarmerie de Cannes. J’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien transmettre toutes mes félicitations au major Cenci et au gendarme Gervais pour l’excellent travail accompli dans l’affaire Marchal/ Raddad. Ces deux enquêteurs n’ont ménagé ni leur temps ni leur peine pour mener à bien une difficile enquête, rendue encore plus délicate par le contexte médiatique dont a voulu entourer la défense de Raddad Omar. Quelle que soit l’issue judiciaire de l’affaire, ces enquêteurs ont, par leur opiniâtreté et leur finesse d’analyse, permis d’approcher la vérité sur les circonstances du décès de Mme Marchal. Le juge d’instruction : Jean-Paul Renard
-2OBSERVATIONS DEVELOPPEES LE 17 OCTOBRE 2002 DEVANT LA COUR DE REVISION PAR L’AVOCAT GENERAL
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Conseiller La défense reste la défense. Si le procès reste son combat – son jeu – sa création, devant votre Chambre, ce procès-là n’est pas le mien car l’accusation n’est plus l’accusation. Je ne suis plus en effet l’accusation et je ne suis plus comme la défense, "un monteur de cinéma devant les rushes choisissant dans le dossier ce qui me convient pour en faire un montage racontant une histoire non pas vraie mais vraisemblable." Il n’y a plus à choisir entre la version de l’accusation et celle de la défense qui souvent la plus belle, n’est pas forcément la plus vraie. Dans cette enceinte, je ne suis plus contraint à la pilalie d’un roman de gare, au théâtre d’idées ou au lieu commun. Omar Raddad n’est plus selon votre formule, Maître, "assis comme l’humanité au banc de la défense face à l’accusation et aux quarante petits blancs des parties civiles." Ma légitimité aujourd’hui : c’est la recherche objective d’une solution juridique ; c’est l’impartialité et le désintéressement. Je n’ai pas de procès à gagner. J’ai simplement un point de vue à exprimer peut-être à vous faire partager ? Le temps n’est plus aux polémiques, il est en effet au constat – il n’est pas davantage au remake du procès d’Omar Raddad, "le jardinier marocain de La Chamade". Le temps n’est plus à la communication de propagande mais à la réflexion et au délibéré qui décidera si le demandeur produit ou révèle un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité.
Le temps encore n’est plus aux saillies littéraires impudiques. Il est au Droit, dans le respect de l’autorité de la chose jugée qui interdit qu’après épuisement des voies de recours ordinaires une décision judiciaire puisse être remise en question et les exigences de l’équité qui impose la réparation d’une erreur judiciaire ayant pu conduire à la condamnation d’un innocent sans oublier que le Duc de Montmorency convaincu d’actes criminels odieux n’en demanda pas moins que sa dépouille fût revêtue d’une bure de capucin. Les faits et les circonstances de l’agonie sanglante de Madame Marchal qui rassemble ses dernières forces dans un geste désespéré de protection et sans doute dans un ultime message afin que la vérité ne se dérobe pas – vous les connaissez : Ces faits, ces circonstances ont été soupesés, analysés, critiqués par la cour d’assises des Alpes-Maritimes pour fonder son intime conviction de la culpabilité d’Omar Raddad. Au motif singulier que l’accusation avait posé un principe de culpabilité s’appuyant sur quatre postulats, et fort des investigations et du résultat d’expertises, le demandeur développait devant la commission de révision cinq arguments pour démontrer : que rien ne prouve que Madame Marchal soit morte le 23 juin 1991entre midi et 13 heures ; que des témoins au-dessus de tout soupçon, une amie de la partie civile et un ouvrier entendu peu après la découverte du corps, affirment que Madame Marchal n’était pas seule à La Chamade les 23 et 24 juin 1991 au matin ; que l’hypothèse selon laquelle Madame Marchal ait pu barricader la porte de la chaufferie à l’aide d’une barre de fer et d’un lit de camp est absurde ; que rien ne prouve que Madame Marchal ait été l’auteur des inscriptions mettant en cause Omar Raddad ; qu’enfin des expertises génétiques révèlent la présence d’ADN masculin sur des traces recueillies sur les portes de la cave à vins et de la chaufferie, cet ADN n'étant pas celui d'Omar Raddad. Au terme de sa décision du 25 juin 2001, la commission de révision des condamnations pénales estimait qu’il y avait lieu de vous saisir statuant comme cour de révision. Analysant les faits ou les éléments présentés à l’appui de la requête, d’ailleurs repris aujourd’hui devant vous, la commission avait jugé que rien ne permettait : de critiquer la date retenue du meurtre de Madame Marchal ; de douter de ce que celle-ci ait pu seule mettre en place le dispositif condamnant l’accès à la chaufferie où elle gisait ; de corroborer la mise en cause choquante et médiatisée de son employée de maison Liliane Receveau et de son fils Christian Veilleux.
En revanche, la commission considérait que constituaient des éléments nouveaux de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du demandeur : les conclusions des experts qu’elle avait désignés pour examiner les inscriptions accusatrices ; la découverte dans les lieux et sur une empreinte palmaire de la victime de plusieurs ADN masculins différents de celui appartenant à Omar Raddad. En réalité, la commission de révision se montrait plus nuancée en estimant "que l’arrêt de la cour d’assises non motivé, ne permettant pas de savoir sur quels éléments la cour et les jurés ont fondé leur intime conviction", il vous appartenait d’apprécier ces éléments nouveaux. C’est donc en l’état de la loi et de votre jurisprudence que vous devez vous prononcer sur les mérites ou le bien-fondé de la requête formée par Omar Raddad contre l’arrêt de la cour d’assises des Alpes-Maritimes qui l’a condamné le 2 février 1994 à la peine de 18 ans de réclusion criminelle pour avoir à Mougins, le 23 juin 1991, volontairement donné la mort à Madame Marchal. La nature criminelle de cette affaire et le rôle de certains organes de presse outranciers, voire orientés ou manipulés et parfois condamnés en font sa difficulté. Mais convaincu de l’adage "A affaire exceptionnelle traitement ordinaire" j’entends simplement devant vous analyser les éléments déjà évoqués et retenus par la commission de révision pour déterminer s’ils constituent au sens de l’article 622 alinéa 4 du Code de procédure pénale un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. 1 – Le meurtre de Madame Marchal a-t-il été commis le 23 ou le 24 juin 1991 ? On comprend aisément l’intérêt d’Omar Raddad pour la date du 24 juin et son inappétence pour celle du 23. Le 24 juin il peut présenter un alibi vérifié alors que la veille, travaillant dans une propriété voisine de La Chamade, il fournissait pour les heures cruciales du drame un emploi du temps contredit par les investigations. A l’appui de sa thèse il produit une expertise privée, opportune et tronquée, réalisée par un redoutable technicien de la preuve incontestable, expert honoraire agréé par la Cour de cassation inscrit non pas à la rubrique médecine légale mais à la rubrique toxicologie et pharmacologie. Les conclusions en sont contredites par l’ensemble des experts désignés dont ceux du collège missionnés par la commission de révision. Dater la mort c’est le rêve de tout enquêteur et de Kay Scarpetta. Refroidissement, rigidité, lividités, déshydratation caractérisent cliniquement l’état de mort absolu et définitif après certains délais. Cependant ces
délais ne sont pas chronologiquement assez fixes pour permettre d’en tirer scientifiquement des renseignements sur la date de la mort : la température dépend de l’atmosphère ambiante, de la ventilation, de l’habillement, de l’importance du panicule adipeux ; les lividités apparaissent entre 15 minutes et 3 heures, elles sont maximum entre 3 et 16 heures ; la rigidité débute 30 minutes jusqu’à 7 heures après la mort, elle peut être maximum à partir de 2 heures et l’est, à coup sûr après 20 heures. Il n’existe donc pas de méthodes fiables de nature à donner une réponse précise. La multiplicité des techniques, les délais d’apparition des différents signes dont certains vont de 1 à 10 prouvent l’étendue de l’incertitude en la matière. S’il existait une méthode fiable, les médecins légistes en utiliseraient une seule et tous, la même. L’addition de techniques différentes mais peu sûres ne fait en définitive qu’additionner des erreurs. Les éléments de l’enquête sont alors souvent plus objectifs et plus sûrs que les déductions médico-légales. C’est le cas dans le domaine de la datation de la mort. Peu importe alors : que la pupille soit mydriase ; que les lividités soient caractéristiques ; que la rigidité soit complète quand l’on sait : que la victime est retrouvée avec pour seul vêtement un peignoir de bain ; que son plateau de petit déjeuner est encore présent ainsi qu’un nécessaire de maquillage, des lunettes et Le Figaro daté du 22 juin, sur le lit ; que le bol alimentaire prélevé lors de l’autopsie est liquide et à la couleur du thé ; que le 23 juin après 11 heures 50 son téléphone reste définitivement muet, alors qu’entre 10 heures 30 et 11 heures elle confirmait aux époux Koster sa présence au déjeuner ; qu’elle confirmait encore à son autre amie, Erika Serin, le déjeuner chez les Koster. L’avis du professeur Fournier n’est donc pas de nature à remettre en cause le moment de l’agression de Madame Marchal. Si Madame Marchal est agressée le 24 juin, il faudra bien expliquer alors pourquoi, elle si ponctuelle, après s’être annoncée ne se rend pas au déjeuner d’anniversaire de Monsieur Koster pour lui offrir l’ouvre-lettres électrique acheté à son intention le 19 juin dans une boutique de Cannes. 2 – Le blocage de la porte de la chaufferie où gisait le corps de Madame Marchal. Je ne crois pas que l’hypothèse selon laquelle Madame Marchal avait barricadé, avant de mourir, la porte de la chaufferie où elle gisait, à l’aide d’une barre de fer, d’un chevron et d’un lit pliant soit aussi absurde que le prétend la requête. Ce dont nous sommes sûrs en revanche c’est que cet épisode particulier a fait l’objet : de constatations précises de la part des enquêteurs ; d’une reconstitution particulièrement minutieuse de la part du juge
d’instruction ; d’un débat contradictoire devant le jury de la cour d’assises. Ce dont nous sommes sûrs encore c’est qu’il est impossible de mettre en place de l’intérieur contre la porte le dispositif critiqué et de sortir par cette même porte. Qu’au surplus et selon les experts : le temps mis pour mourir par la victime, le siège de ses blessures, les taches de son sang recueilli sur le matériel utilisé, le faible poids de ce matériel font que Madame Marchal, seule et sans aucun doute possible, ait pu ainsi s’enfermer de l’intérieur pour se protéger. Que personne n’ait vu la barre de fer glissée sous la porte appuyée sur le chevron n’a rien d’étonnant puisque les gendarmes, aveugles derrière la porte, n’ont pu pénétrer dans le local qu’en forçant le dispositif qui en condamnait l’accès ; que la distance entre le chevron et la porte notée par les enquêteurs sur le croquis de l’état des lieux soit supérieure à la longueur de la barre de fer n’a rien de surprenant au centimètre près, les pièces composant le dispositif ayant été déplacées à la suite de l’intrusion. Là encore et pas plus que précédemment, la requête démontre sur ce point un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès. 3 – La mise en cause de Liliane Receveau employée de Madame Marchal – les assertions à l’encontre de son fils Christian Veilleux. Là encore rien de nouveau, rien d’inconnu. La requête s’efforce en vain et non sans incohérence : de présenter des hypothèses inédites et inexploitées selon le demandeur ; de mettre en avant, pollués par un contexte médiatique passionnel, les résultats d’une enquête privée menée depuis l’arrêt de condamnation par une agence privée au service "de la défense des droits" ; de faire état de témoignages induits, orientés ou complaisants jamais vérifiés, et d’accusations tardives et diffamatoires. Pourquoi fouiller l’emploi du temps caché mais justifié de Liliane Receveau pour la journée du 23 juin au prétexte non étayé d’une aisance financière subite non établie et s’efforcer de démontrer que le meurtre de Madame Marchal avait été perpétré le 24 juin et non le 23 ? ; Comment oser faire porter des soupçons insupportables sur Christian Veilleux au prétexte que Liliane Receveau, la piste et la cible précédente, avait confié au détective Moreau "qu’entre celui-ci et sa mère, c’était un peu chien et chat et que parfois ça pétait le feu" accusation gravissime !; Comment oser exploiter à cette même fin le témoignage de Mimoun Barkani, l’oncle taisant et passif pendant des années, dont la démarche tardive auprès de l’avocat de son neveu n’a même pas été relayée par celui-ci auprès d’une autorité judiciaire !
Quant aux autres péripéties : la visite des amis suisses ; la présence d’une femme le 23 juin au soir à La Chamade ; celle encore de Liliane Receveau le 24 ; la disparition d’une dague et du journal intime de la victime qui n’a jamais sans doute existé ; les confidences médiatiques de l’amie de fraîche date, la commission de révision en faisait litière aucun témoignage ne les accréditant. Rien de vient donc aujourd’hui jeter un doute sur une enquête fouillée et sans parti pris ni sur une instruction à charge et à décharge qui avaient rassemblé suffisamment d’indices pour que dans le "silence et le recueillement", les jurés de la cour d’assises des Alpes-Maritimes se forgent une intime conviction. Aussi, les arguments tirés d’une contre-enquête à sens unique ne peuvent aujourd’hui plus qu’hier devant la commission de révision, vous convaincre qu’il existe des faits nouveaux ou des éléments inconnus de nature à affaiblir ou contredire ceux qui ont fondé l’opinion des premiers juges. Rien de nouveau ne permet donc de remettre en cause : la date du meurtre de Madame Marchal ; le fait qu’elle seule ait pu se barricader à l’intérieur de la chaufferie. Rien ne permet de soupçonner son employée de maison ou son propre fils. Toutefois, au terme de son instruction et de son délibéré et dans le prolongement de sa décision Patrick Dils du 21 juin 1999, la commission jugeait qu’en raison des résultats des expertises en écriture et des expertises génétiques qu’elle avait ordonnées, la requête du demandeur comportait encore une marge d’appréciation méritant un examen plus approfondi de votre Chambre en formation élargie, pour qu’au regard des dispositions de l’article 625 du Code de procédure pénale vous décidiez si ces résultats constituaient ou non des éléments nouveaux de nature à créer ou non un doute au sens de la loi. Votre jurisprudence considère d’ailleurs que les résultats d’une expertise, contraires à ceux des premiers experts et postérieure au jugement des faits, pouvaient en constituer un. En réalité, nous sommes confrontés à un salmigondis d’expertises privées aux affirmations approximatives, contradictoires ou erronées mais toujours péremptoires et à deux expertises décidées par la commission de révision dont seuls les résultats peuvent éventuellement constituer un fait nouveau au sens de l’article 622 alinéa 4 du Code de procédure pénale. Il restera néanmoins à en établir la portée réelle au regard de la présomption de culpabilité pesant sur Omar Raddad depuis l’arrêt de condamnation. 1 – Les expertises en écriture.
Les conclusions de l’expert et du contre expert désignés par le magistrat instructeur imputent à Madame Marchal le tracé des deux messages accusateurs fixés sur la porte de la cave et de la chaufferie. Pour insinuer que Madame Marchal n’est pas l’auteur des deux épitaphes, la requête se fonde sur deux expertises commandées et un melting-pot de neuf attestations les validant. Les deux experts privés se satisfaisant contrairement aux experts officiels d’un seul support photographique, soutiennent bien évidemment que la victime n’est pas l’auteur des inscriptions sanglantes. Vous noterez que Jean-Paul Gauthier, cet autre redoutable technicien de la preuve incontestable, conclue même sa commande par deux pages numérotées 15, signées et datées du 19 juin 1998. L’une affirme avec certitude que Madame Marchal n’est pas l’auteur des inscriptions, l’autre, plus réservée, se contente de relever qu’aucune concordance probante n’a été remarquée entre l’inscription "Omar m’a tuer" et les écrits de Madame Marchal. C’est aussi l’opinion de deux autres commensaux Monsieur Dornier et Monsieur Charvet. Les avis techniques sollicités divergeant de ceux des experts missionnés, la commission de révision confiait une ultime expertise à Madame De Ricci et Madame Bisotti , ces deux experts comme ceux désignés sur commission rogatoire disposant des portes. Leurs expertises relèvent pour l’essentiel un certain nombre d’éléments compatibles avec l’hypothèse selon laquelle la victime est bien le scripteur : inscription écrite avec une matière qui présente les caractéristiques du sang, ce que confirmera l’analyse ADN qui établira qu’il s’agit bien du sang de Madame Marchal ; inscription tracée sur la porte de la cave avec la pulpe du doigt d’une main droite entraînée, par une personne agenouillée ; inscription tracée sur la porte de la chaufferie par une personne allongée sur le côté droit ; présence sur ce support d’une empreinte ensanglantée laissée par un médius compatible avec le sectionnement de la première phalange du médius gauche de Madame Marchal ; faute d’orthographe commise par 60% des participants à l’étude de faisabilité. Les experts mettaient encore en évidence, à la lumière rasante, des tracés évanouis : les lettres U et E après le T de "Omar m’a T" sur la porte de la chaufferie ; le prénom Omar sous cette même inscription dont le tracé, sans doute antérieur et utilisant la même matière, présente le même trajet que le tracé apparent. Pourquoi le scripteur inscrit-il un mot alors qu’il n’est pas visible ? Pourquoi l’inscrit-il en totalité alors qu’il ne le voit pas lui-même ? Sans doute parce qu’il se trouve dans le noir ou la pénombre ce que confirme-
ront les gendarmes qui constateront à leur arrivée que la lumière du local où se trouve Madame Marchal est éteinte. Néanmoins, Madame De Ricci et Madame Bisotti concluront que la synthèse de leurs travaux les conduisait à soutenir qu’il était impossible d’attribuer la paternité des inscriptions. Vous retiendrez que si les deux experts affirment qu’il n’est pas possible d’identifier le scripteur au moyen de comparaisons d’écritures ou par l’examen de la largeur d’un doigt ou de crêtes papillaires, ils n’ont jamais exclu que la victime puisse être ce scripteur. C’est volontairement qu’ils n’ont pas souhaité comparer des écrits en lettres de sang avec ceux de comparaison, de la main de Madame Marchal assise à une table. Les enseignements tirés de cette ultime expertise sont-ils alors de nature à faire naître un doute sur la culpabilité d’Omar Raddad ? Si intrinsèquement ils font naître un doute, ce doute est effacé si on le confronte aux éléments de l’enquête, de la procédure et du débat. En effet, l’examen des blessures supportées par le corps ayant démontré qu’aucun des coups n’étant à lui seul mortel, la victime, sans doute agonisante pendant 15 à 30 minutes, avait eu le temps nécessaire pour inscrire son message et la force et la lucidité suffisantes pour bloquer de l’intérieur l’accès à la chaufferie et dénoncer consciemment son agresseur. Madame Marchal est droitière, ses ongles sont courts, ses mains sont couvertes de sang, comme sont tracés de son sang les messages qui accusent "Omar" son jardinier. Au surplus, si les premiers experts avaient exprimé dans leur rapport la conviction que ces messages à titre posthume étaient bien de l’écriture de Madame Marchal, ils devaient admettre devant la cour d’assises que cette probabilité n’était que de deux sur trois. Cette incertitude technique rejoint celle des deux derniers experts, elle a fait l’objet du débat et du délibéré de la cour d’assises. Les criminels n’utilisent pas le sang de leur victime, hormis quelques cas particuliers faisant référence à une structure psychopathologique liée à la perversion. C’est alors et toujours une recherche d’un plaisir lié à la jouissance du corps de l’autre. Ce n’est jamais la recherche d’une utilité pour soi-même. Aucun romancier, aucun dramaturge, aucun cinéaste qui pourtant n’ont cessé de mettre en majesté dans leurs œuvres le crime n’ont osé ce thème tant il est étranger à une démarche de la pensée humaine. 2 – Les expertises génétiques Les analyses pratiquées par Madame Charpin révèlent : que les écrits sur les deux portes le sont avec le sang de Madame Marchal ; que le sang prélevé sous ses ongles est le sien ; que l’ADN identifié sur les supports a des caractéristiques génétiques identiques aux siennes ; que l’une des taches prélevées présente un mélange de deux ADN dont un d’origine
masculine ; qu’un autre ADN masculin est présent sur une empreinte palmaire laissée par la victime sur la porte de la chaufferie ; qu’un autre mélange d’ADN en très faible proportion, d’origine masculine, est encore retrouvé sur le chevron. Aucun de ces ADN ne correspond au profil génétique d’Omar Raddad. En bref, les inscriptions accusatrices contiennent l’ADN de Madame Marchal mais les traces mises en évidence notamment sur son empreinte palmaire ne contiennent pas celui d’Omar Raddad. Il s’agit là d’un fait nouveau inconnu de la juridiction au jour du procès, dont le demandeur ne peut tirer profit. Même si les techniques d’extraction et de recherche d’ADN ont considérablement évoluées depuis 1991, ces techniques restent délicates à manier et l’identification génétique a interpréter avec prudence. Tout technicien de scène de crime sait que le risque de contamination est l’ennemi absolu de l’ADN et que scientifiquement on ne peut établir à quelle période un matériel biologique a été déposé sur son support. Et quels supports ! : manipulés, laissés sans protection pendant des mois, livrés à eux-mêmes et aux mains des enquêteurs, des experts, des magistrats, des jurés, des avocats, des journalistes, des photographes, des voisins et même des employés chauffagistes. Ces ADN masculins n’expriment donc rien car rien ne permet de dire s’ils sont contemporains, antérieurs ou postérieurs aux faits. Ils ne sont pas la signature de l’innocence d’Omar Raddad. Ils ne sont que des traces de contamination : postillons, crachats, sueurs, ne permettant scientifiquement aucune déduction. Ils n’autorisent aucun doute tant les charges pesant sur Omar Raddad continuent de peser. Ils ne sont pas les ingrédients d’un scénario aussi démoniaque qu’absurde. Ils ne signifient rien et n’auraient rien signifié de plus s’ils avaient appartenu à l’employé de Madame Marchal dont le pantalon et les chaussures recelaient encore après le drame des sédiments provenant du lieu du crime, partie intégrante de son périmètre de travail à La Chamade. La police technique et scientifique ne remplacera jamais la patience et la minutie d’une enquête de police judiciaire. Tout a été dit, sans doute tout reste à écrire. Dans un livre "La justice est un jeu", Maître Vergés exprime l’idée, que je partage, qu’il y a une différence fondamentale entre la défense et l’institution judiciaire. Si la défense peut tirer avantage des règles du jeu, elle ne peut en revanche en changer en cours de partie ou en modifier la condition de leur application. Peut-on alors soutenir une argumentation nouvelle en l’appuyant sur des données déjà connues ? Peut-on sous cou-
vert de faits ou d’éléments recueillis au cours d’une enquête mercenaire menée par une agence de détectives privés faire état d’approximations et de rumeurs pour faire du meurtre de Madame Marchal un mystère, une énigme ? Rien ne prouve que Madame Marchal ait pu mourir le 24 juin 1991, rien ne prouve que Madame Marchal n’ait pas été l’auteur des inscriptions accusatrices, rien ne remet en cause Liliane Receveau et Christian Veilleux ni n’accrédite la présence d’un tiers à La Chamade le 23 juin 1991, hormis des témoins objet de tous les soupçons. Plus les faits sont têtus, plus le matériau scénique est résistant, plus l’invention est grande. Toucher le fond c’est admirable en redéfinir la profondeur c’est hasardeux. S’il ne suffit pas à l’accusation de poser un postulat de culpabilité pour accuser, il ne suffit pas davantage de poser un principe d’innocence pour être innocenté. J’ai la conviction qu’Omar Raddad n’a pas été la proie idéale d’une cour d’assises. Qu’Omar n’est pas la construction d’un coupable. Car les éléments qualifiés de troublants qu’il présente à l’appui de sa demande ne le sont pas suffisamment pour faire naître un doute sur sa culpabilité et mériter d’être à nouveau débattus devant une juridiction de jugement. Pour Omar Raddad, il n’y a pas de faits nouveaux convaincants. Contre Omar Raddad, il y a des charges. Cela suffit pour qu’une révision soit impossible, aussi je suis au rejet. La commission de révision avait le doute du doute, j’espère vous avoir ôté ce doute. Il vous appartient de dire le dernier mot, en toute liberté. Laurent Davenas Avocat général près la Cour de cassation.
-3ARRET DE LA COUR DE REVISION REJET DE LA REQUETE EN REVISION
La chambre criminelle de la Cour de cassation, siégeant comme Cour de révision, en son audience publique tenue au Palais de justice à Paris, a rendu l’arrêt suivant : Statuant sur la demande présentée par : Raddad Omar, tendant à la révision de l’arrêt de la cour d’assises des Alpes-Maritimes, en date du 2 février 1994, qui, pour meurtre, l’a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle. La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 17 octobre 2002 où étaient présents : M. Cotte président, M. Corneloup Conseiller rapporteur, MM Joly, Pibouleau, Le Gall, Farge, Challe, Blondet, Pelletier, Roger, Palisse, Mme Ponroy, MM Arnould, Le Corroller, Mme Koering-Joulin, MM Beyer, Dulin, Pometan, Rognon, Chanut conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM Desportes, Ponsot, Soulard , Sassoust, Mme Caron, M. Samuel, Mmes Beaudonnet, Gailly, MM Valat, Lemoine, MMmes Menotti, Salmeron conseillers référendaires ; Avocat général : M. Davenas ; Greffier de chambre : Mme Daudé ; Après avoir entendu : M. le conseiller Corneloup en son rapport, Me Vergès, avocat du demandeur, Me Lyon-Caen de la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez et Me Kiejman, avocats de la partie civile, et M. l’avocat général Davenas en leurs observations orales ; L’avocat du demandeur, puis le demandeur lui-même, ayant eu la parole en dernier ; Les parties ayant été avisées que l’arrêt serait rendu le 20 novembre 2002 à 14 heures ; Après en avoir délibéré en chambre du conseil ; Vu la décision de la commission de révision des condamnations pénales, en date du 25 juin 2001, saisissant la Cour de révision ;
Vu les articles 622 à 626 du Code de procédure pénale ; Vu les avis d’audience régulièrement adressés aux parties et à leurs avocats ; Vu les observations écrites déposées, pour le demandeur, par Me Vergés ; Attendu que le dossier est en état ; 1 – Sur les observations écrites déposées les 15 et 17 octobre 2002 pour Omar Raddad : Attendu que, par ces observations, le demandeur soutient, d’une part, que son droit à la présomption d’innocence a été méconnu en raison des propos tenus par un officier de police judiciaire et un expert ayant concouru à la procédure dans laquelle a été prononcée la condamnation dont il demande la révision et, d’autre part, qu’en violation du principe du contradictoire énoncé à l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme, le "réquisitoire" de l’avocat général ne lui a pas été communiqué avant l’audience ; Mais attendu qu’Omar Raddad, dont la culpabilité a été légalement établie au sens de l’article 6.2 de la Convention précitée, ne peut plus se prévaloir de la présomption d’innocence ; Attendu que, par ailleurs, il résulte de l’article 625 du Code de procédure pénale que la Cour de révision statue à l’issue d’une audience publique au cours de laquelle sont recueillies les observations orales ou écrites du requérant ou de son avocat, celles du ministère public ainsi que celle de la partie civile ; que, le caractère contradictoire du débat étant ainsi assuré, aucune disposition légale ou conventionnelle, ni aucun principe général de droit, n’impose au représentant du ministère public de présenter ses observations par écrit et de les communiquer aux parties avant audience. 2 – sur le fond : Attendu que, le lundi 24 juin 1991, des amis de Ghislaine Marchal, inquiets qu’elle ne réponde pas au téléphone alors que son absence avait été constatée à un déjeuner prévu la veille, ont alerté la gendarmerie après des recherches infructueuses effectuées par des agents de la société chargée de la surveillance de sa villa La Chamade, à Mougins ; que parvenus sur les lieux, les gendarmes ont appris que la villa avait été découverte, alarme débranchée et porte ouverte, en début d’après-midi et que Ghislaine Marchal demeurait introuvable malgré une visite complète de son habitation ; que, souhaitant poursuivre les recherches dans le sous-sol à
usage de cave et de chaufferie dont la porte d’accès était fermée à clef, ils ont tenté d’ouvrir cette porte avec une clef trouvée dans la villa ; que, serrure ouverte, la porte a continué à résister ; qu’une forte poussée exercée par deux gendarmes a permis à l’un d’eux de découvrir qu’un lit pliant, posé sur le sol, faisait obstacle à l’ouverture ; que le militaire est parvenu à repousser le lit sans pour autant débloquer la porte, qui résistait toujours ; que le dernier obstacle à l’ouverture était constitué d’un tube métallique placé sous la porte, que l’un des gendarmes a réussi à chasser d’un coup de pied donné à l’aveugle ; que, dans le couloir du sous-sol, les gendarmes ont remarqué une porte, donnant accès à une cave à vins, sur laquelle était inscrit, avec du sang, "OMAR M’A TUER", puis, sur une autre porte permettant l’accès à la chaufferie, une seconde inscription "OMAR M’A T" ; que, dans ce dernier local, ils ont découvert Ghislaine Marchal, morte, allongée face contre terre, vêtue de son seul peignoir ensanglanté, les cheveux maculés de sang. Attendu que la victime présentait à la tête des plaies ayant l’apparence de coups portés avec un instrument contondant pouvant être un chevron découvert près de la porte d’entrée, au cou, une plaie d’égorgement et sur le corps diverses plaies par arme blanche correspondant à une lame effilée de 15 à 20 cm de long et de 2 cm de large à double tranchant ; qu’une telle arme n’a pas été retrouvée sur les lieux ni par la suite lors de l’enquête ; que les principales blessures consistaient en des plaies transfixiantes des lobes du foie et une éventration, avec éviscération d’une longueur de quatorze centimètres ; que l’examen par les experts ayant pratiqué l’autopsie a montré qu’aucun des coups n’était à lui seul mortel, que l’agonie de Ghislaine Marchal avait duré 15 à 30 minutes et que la victime disposait de forces suffisantes pour apposer les inscriptions et bloquer la porte de l’intérieur ; Attendu que les enquêteurs ont identifié la seule personne prénommée Omar dans l’entourage de la victime, comme étant son jardinier, Omar Raddad, qui a été appréhendé, le 25 juin 1991, à Toulon, au domicile de sa belle-mère, où il avait rejoint son épouse et ses enfants, le 24 juin au matin, pour célébrer un fête musulmane ; que, s’il a reconnu avoir travaillé le dimanche 23 juin chez Francine Pascal, voisine de La Chamade, il n’a cessé de nier être l’auteur du meurtre ; Attendu que, par l’arrêt susvisé, la cour d’assises des AlpesMaritimes a déclaré Omar Raddad coupable du meurtre de Ghislaine Marchal et l’a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle ; que, le 9 mars 1995, la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre l’arrêt de condamnation et l’arrêt civil subséquent ;
Attendu que la commission de révision, saisie le 27 janvier 1999, par le condamné, a ordonné des investigations et, par décision du 25 juin 2001, a saisi la Chambre criminelle statuant comme Cour de révision ; Attendu que le demandeur fait valoir : - que le meurtre n’aurait pas été commis le 23 juin 1991, mais le lendemain ; - que, le 23 juin, il y aurait eu d’étranges allées et venues à La Chamade et que l’on peut s’interroger sur le rôle de deux proches de la victime, sa femme de ménage, Liliane Receveau, et son fils, Christian Veilleux ; - que, contrairement aux constatations antérieures, il aurait été possible au meurtrier de placer en équilibre le lit pliant contre la porte avant de la fermer en assurant ainsi son blocage intérieur ; - que les conclusions des expertises, selon lesquelles les mentions accusatrices "OMAR M’A TUER" et "OMAR M’A T" sont de la main de Ghislaine Marchal, seraient erronées, comme le démontreraient deux nouvelles expertises, diligentées à l’initiative du requérant, excluant que la victime en fût l’auteur ; - qu’enfin, la découverte, par les experts commis par la commission de révision, de plusieurs ADN masculins sur les portes et sur un chevron, ADN dont aucun n’est celui du demandeur, justifierait à elle seule la révision et de nouvelles investigations ; I – sur l’avis technique relatif à la date du meurtre : - Attendu que, pour démontrer que le meurtre de Ghislaine Marchal aurait été commis le 24 juin et non le 23, Omar Raddad produit un avis technique, en date du 10 juin 1995, du professeur Fournier, expert honoraire inscrit sur la liste de la Cour de cassation ; que ce praticien conclut que la date de la mort ne peut être fixée avec certitude entre le 23 au matin et le 24 vers 14 heures 15 heures, avec toutefois une datation plus probable dans la matinée du 24 ; - Attendu que cet avis, fourni par un praticien auquel n’avaient été communiqués ni la totalité des expertises antérieures, ni l’ensemble des photographies réalisées lors de la découverte du corps, est entaché de contradiction interne puisque, après avoir affirmé que la présence des lividités cadavériques complètes, décrites par le premier expert, le 24 juin à 20 heures, après la découverte du corps, ne pouvait être constatée que vingt heures après le décès, le professeur Fournier aurait dû conclure que la mort ne pouvait être survenue le 24 juin ; que telle est d’ailleurs la conclusion du dernier collège d’experts désigné par la commission de révision,
qui, au vu de la totalité des expertises et de l’avis du professeur Fournier, estime que la mort est antérieure d’au moins vingt-quatre heures au premier examen médical et qu’elle est donc survenue le 23 juin avant 20 heures ; - Attendu qu’en cet état, l’avis du professeur Fournier ne peut être considéré comme élément nouveau ; II – Sur les mises en cause de Liliane Receveau et de Christian Veilleux : - Attendu qu’en premier lieu il est soutenu que Liliane Receveau, employée de maison de la victime, aurait menti sur son emploi du temps du 23 juin et qu’elle aurait disposé, après le meurtre, de ressources anormalement élevées ; - Attendu que, si Liliane Receveau a admis devant la commission de révision avoir, lors de ses premières déclarations, donné des renseignements pour partie inexacts sur son emploi du temps, elle a fourni des explications précises sur les motifs l’ayant conduite à agir ainsi ; que, par ailleurs, rien n’est venu étayer les affirmations selon lesquelles elle se serait rendue à La Chamade au cours de la journée du 23 juin et aurait eu davantage de ressources financières après le crime ; - Attendu qu’en second lieu, il est allégué par le demandeur que le fils de la victime entretenait de très mauvaises relations avec sa mère, qu’il aurait demandé à Liliane Receveau de ne pas parler de la disparition d’un coupe-papier et qu’il n’aurait pas fait état d’un journal intime tenu par sa mère ; - Attendu qu’à l’exception de Mimoun Barkani, les témoins mentionnés dans la requête et entendus par la commission de révision ont tous indiqué que les relations entre Ghislaine Marchal et son fils étaient normales et que Christian Veilleux avait été très affecté par le décès de sa mère ; qu’ils ont démenti les propos que la presse leur avait attribués ; - Attendu que seul Mimoun Barkani, oncle du condamné, a porté des accusations extrêmement graves, sans être en mesure de produire un quelconque élément de preuve de nature à les étayer ; qu’en outre, il a été incapable d’expliquer pour quelle raison il n’avait pas demandé à être entendu par les enquêteurs, le juge d’instruction ou la cour d’assises ; que rien ne corrobore ses déclarations tardives, lesquelles sont contredites par l’ensemble des témoignages recueillis au cours de l’information ; - Attendu que, par ailleurs, l’affirmation, selon laquelle Christian Veilleux aurait demandé qu’il ne soit pas fait état de la disparition d’un coupe-papier est formellement contestée par Liliane Receveau, à laquelle
un article de presse avait prêté ce propos, et qu’il n’a pu être établi que la victime tenait un journal intime ; - Attendu qu’enfin, la présence d’une femme le 23 juin 1991au soir à La Chamade, évoquée par une seule personne, Michèle Paysan, n’a pas été démontrée, les confidences dont elle aurait été destinataire de la part de Christian Veilleux ayant été démenties par ce dernier ; - Attendu qu’en conséquence, aucun élément nouveau ne vient conforter les accusations portées à l’encontre de Liliane Receveau et de Christian Veilleux ; III – Sur le blocage de la porte : - Attendu que la requête soutient qu’il était possible, pour quelqu’un quittant la cave, de mettre en place le système de blocage de la porte, le tube placé sur le lit ayant pu, après être tombé au sol, bloquer à son tour la porte ; - Attendu que, cependant, une telle hypothèse s’oppose à la réalité, tout d’abord parce que le seul poids du lit pliant ne rend pas compte de la résistance du système de blocage à la poussée conjuguée de deux gendarmes lors de la première tentative d’ouverture, et ensuite parce que le tube métallique ne peut à lui seul être à l’origine d’un second blocage de la porte, son diamètre étant inférieur à l’espace entre le bas de la porte et le sol de la cave ; que ce tube empêchait donc l’ouverture parce qu’il avait été placé très précisément contre le chevron trouvé sur les lieux, de manière à faire office de cale ; - Attendu que la reconstitution effectuée lors de l’instruction préparatoire a démontré que le système de blocage supposait la mise en œuvre des trois éléments, tube, chevron et lit, ce qui est confirmé par les constatations sur le sol, sur le tube ainsi que sur le chevron ; que toutes les tentatives effectuées par la défense, pour démontrer que la mise en place du système de blocage était réalisable par une personne quittant la cave, ont échoué ; - Attendu que le requérant ne fait que remettre en question cet ensemble de constatations, sans apporter aucun élément nouveau ; IV – Sur les avis techniques relatifs aux inscriptions accusatrices : - Attendu que, pour soutenir la thèse selon laquelle Ghislaine Marchal ne serait pas l’auteur des inscriptions l’accusant, le requérant fait produire deux avis techniques établis à sa demande par M. Gauthier et Mme Dumont, experts en écritures, qui n’ont ni l’un ni l’autre examiné les portes servant de support aux écritures mais ont travaillé sur photogra-
phies ; que M. Gauthier, qui a limité son observation à la seule inscription "OMAR M’A TUER" figurant sur la porte de la cave à vins, formule deux conclusions, l’une, catégorique, affirmant que Ghislaine Marchal n’est pas l’auteur des inscriptions, l’autre, plus nuancée, ne relevant aucune concordance probante entre l’inscription en question et les écrits de la victime ; que Mme Dumont, qui a examiné les photographies des deux portes conclut que les inscriptions litigieuses n’ont pas été écrites par Ghislaine Marchal, que l’inscription "OMAR M’A T" n’a pu être apposée dans le noir et qu’on peut penser que la main gauche inerte de Ghislaine Marchal a servi d’instrument scripteur ; - Attendu qu’en l’état de ces deux avis, opposés aux conclusions des premiers experts, la commission d’instruction a chargé Mmes Bisotti et Ricci d’Arnoux de procéder à une nouvelle expertise ; que leur rapport, dont la première partie consiste en une étude de faisabilité, s’il conclut à l’impossibilité technique de comparer des lettres tracées par une personne écrivant dans les conditions de la calligraphie avec d’autres écrits réalisés, sur un support vertical avec du sang, par un scripteur à genou ou couché, n’exclut pas que Ghislaine Marchal soit l’auteur des inscriptions incriminées mais estime qu’il est impossible de l’affirmer ou de l’infirmer ; - Attendu que, par ailleurs, l’examen en lumière rasante de la porte de la chaufferie a révélé la présence de caractères évanouis dont certains, désignant "OMAR", ont été tracés sous les inscriptions visibles et dont d’autres complètent l’inscription "OMAR M’A T" ; que cette découverte, loin d’accréditer la thèse d’un scripteur autre que la victime, est au contraire propre à établir que celle-ci était bien l’auteur des inscriptions ; - Attendu qu’ainsi, l’élément nouveau invoqué n’est pas de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné ; V – Sur les analyses génétiques : - Attendu que, si la découverte d’empreintes génétiques masculines sur les deux portes servant de support aux inscriptions accusatrices, ainsi que sur le chevron, constitue un élément nouveau, il est impossible de déterminer, à quel moment, antérieur, concomitant ou postérieur au meurtre, ces traces ont été laissées ; - Attendu que de nombreuses personnes ont pu approcher les pièces à conviction avant le meurtre et, faute de précautions suffisantes, après celui-ci ; que, dès lors, serait privée de pertinence toute recherche complémentaire sur les empreintes génétiques découvertes, comme sur celles qui pourraient l’être par de nouvelles investigations ; D’où il suit que la demande en révision ne peut être admise ;
Par ces motifs, REJETTE la demande en révision ; Ainsi fait et jugé par la Cour de révision et prononcé par le président le 20 novembre 2002 ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de Chambre.
TABLE
Préface du président Djian
7
Avant-propos
19
I - L’inquiétant silence de Ghislaine Marchal
25
II - L’enquête administrative
29
III - L’enquête judiciaire
33
IV - L’enquête sur commission rogatoire
53
V- L’arrêt de renvoi devant la cour d’assises
165
VI - Le procès
171
VII - Jusqu’où sont-ils allés ! Jusqu’où iront-ils ?
299
VIII - La demande en révision
315
IX - Le procès en diffamation publique
337
X - La décision de la commission de révision
345
XI – Manipulations d’opinions : toujours !
367
Annexes
389
Table
411
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