Mozart
March 7, 2017 | Author: emolona | Category: N/A
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Les Musiciens Célèbres
MOZART
ar Camille
BELLAIGUE
3R
W :
LES MUSICIENS CÉLÈBRES
MOZART
LES MUSICIENS CELEBRES COLLECTION D'EN SEIG NE M EN T ET DE VULGARISATION Placée sous
le
Haut Patronage DE
L'ADMINISTRATION DES BEAUX-ARTS
Parus Gounod,
par P.-L.
Liszt, par
:
Hillemacher.
M.-D. Calvocoressi.
Rossini, par Lionel Dauriac.
Gluck, par Jean d'Udine. Hérold, par
Arthur Pougin.
Chopin, par Elie Poirée.
Schumann,
par
Weber,
Georges Servières.
par
Camille Mauclair.
En préparation Wagner.
MM.
—
Auber.
—
Beethoven.
.
— Schubert,
etc.
Fourcaud Charles Malherbe; Vincent d'iNDY; Bourgault-Ducoudray: etc.
Par
Louis de
;
ML H D (
LES MUSICIENS CÉLÈBRES
u 13
MOZART PAR
CAMILLE BELLAIGUE BIOGRAPHIE CRITIQUE ILLUSTRÉE DE DOUZE REPRODUCTIONS HORS TEXTE
m PARIS LIBRAIRIE
RENOUARD
HENRI LAURENS, ÉDITEUR 6,
Tous
RUE DE TOURNON
(VI
e )
droits de traduction et de reproduction réservés
pour tous pays.
A Charles MALHERBE
Son ami reconnaissant, C. B.
PRG V C,
ij
iAH
•
MOZART L'HOMME ET LA VIE
«
Voulez-vous savoir
»,
écrivait
Léopold Mozart, rame-
nant de Vienne à Salzbourg Wolfgang âgé de six ans de jouer, avec sa sœur Nannerl, devant la
et qui venait
famille impériale, « voulez-vous savoir quelle apparence
a Fhabit de lilas, la
Woferl
? Il est
veste de moire,
du drap
même
le
plus
couleur
;
fin,
couleur
habit et veste
avec une double rangée de gros boutons d'or. Ce cos-
tume a
été fait
pour l'archiduc Maximilien
plus tard, deux mots de
Gœthe achèveront
l'enfant merveilleux
Je
:
«
me
».
Beaucoup de
le portrait
rappelle fort bien le petit
homme, avec sa perruque frisée et sonépée. » A Vienne, vingt-quatre ans après. On répète pour première
fois
la
avec orchestre Les Noces de Figaro. « Je
vois encore, a raconté le chanteur O'Kelly, qui créa Basile, je vois encore Mozart avec sa pelisse rouge et
son chapeau galonné d'or, debout sur la scène la
et battant
mesure... Je n'oublierai jamais cette petite ligure
vive, dont chaque trait brillait, pétillait de génie.
Il
est
impossible de la décrire, autant que de peindre les rayons
-
MOZART
6
du
soleil.
Non
Quand
vint certain passage de l'air de Figaro
:
più andrai, entonné par Benucci d'une voix de ton-
nerre, les artistes en scène et les musiciens de Torches
levèrent d'un seul élan
se
tre
et,
comme
tonnerre
le
aussi, les applaudissements, les acclamations éclatèrent: «
Bravo
!
Bravo Maestro! Vive
grand Mozart
le
,
»
!
Cinq années encore ont passé depuis ce triomphe cinq années
—
les dernières
et les
plus dures
génie et de pauvreté. Mozart va mourir. sur son
ter
lit
la
partition inachevée
Il
a
fait
;
— de appor-
du Requiem.
Il
chante, et trois de ses amis l'accompagnent. Mais au
moment mot
de commencer
plein de larmes
Lacrymosa, de prononcer
le
où sa vie
le
se résumait tout entière,
cœur aussi, lui manque. Des pleurs tomyeux et sa main défaillante laisse échapper
la voix, et le
bent de ses le
chef-d'œuvre qu'il n'a pas eu
Heure miraculeuse de gloire, et
heure hâtive de
la
le
temps de
finir.
l'enfance, heure brève de la
mort, c'est à ces trois
moments
sous ces trois aspects que nous revient toujours
souvenir
et la vision
unique, qui
fut
même
le
de Têtre délicieux, peut-être
Jean-Chrysostome-Wolfgang-Amédée
Mozart.
I
Regardons-le d'abord dans son berceau. Le soir du 27 janvier 1756, on
l'y
posa doucement, chétif
et pâle,
ouvrant à la vie de grands yeux bleus. Des six enfants
que ses parents avaient eus avant
lui,
Marie-Anne
seule,
MOZART
7
plus âgée de quatre ans que son frère, vivait encore et devait lui survivre longtemps.
Le
petit
garçon naissait d'un père musicien, dans une
musicale ou
ville
musicanto
«
rien français le plus véridique
— de
aussi
entre toutes. L'histo-
»
—
et le plus
poétique
jeunesse de Mozart, (nous avons
la
nommé
M. Téodor de Wyzewa), a vivement rendu ce qu'on pourrait appeler la physionomie sonore de Salzbourg vers
le
venant
milieu du xviii », la cité
siècle. «
Nuit et jour,
à tout
natale de Mozart chantait. Concerts de
voix ou d'instruments, toute la vie, et la vie de tout le
monde,
s'y écoulait
en de perpétuels concerts.
L'exemple venait d'en haut. Le service de pelle
»
du
Prince-Archevêque
musique d'opéra, voire la tiers,
la
musique de
la « cha-
comportait,
avec
la
musique de cour, ou de chambre,
table
;
car Sa Grandeur dînait volon-
surtout en compagnie, au son des tambours
et
des trompettes. Dans les vingt-cinq églises de la ville,
instrumentistes et chanteurs faisaient autant de
—
et le
même
les salons
exactement
—
que sur
ramage dans
le théâtre et
de la Résidence. Les couvents et les con-
grégations, de bénédictins ou de cordeliers, d'augustins
ou de
théatins, entretenaient des maîtrises rivales. Enfin
l'Université ne
solennelles,
manquait jamais de garder, en ses
une place importante aux cantates
fêtes
et
aux
symphonies.
Les grands seigneurs, de leur mieux, imitaient maître. Toute occasion leur était
des
«
séances
»
ou des
«
le
bonne pour organiser
académies
».
Les
petits
bour-
MOZART
8
geois, les artisans folie universelle.
mêmes
Dans
cédaient à la passion ou à la
leurs salons et dans leurs salles
basses, à moins que ce ne fût dans la rue. la nuit, à la clarté des étoiles, ils se réunissaient
nombreux,
et se
donnaient
en quatuor, ou plus
régal d'une « cassation »
le
ou d'une sérénade.
Comme depuis
le
les
habitants,
édifices
les
de
Salzbourg,
Palais de la Résidence et la forteresse jusqu'à
de modestes logis, s'étaient mis à chanter. Des orgues
mécaniques, des carillons, disposés partout, se répon-
Dans la salle des carabiniers de la Résidence, il y avait un balcon de cuivre doré, dont chaque pilier, au toucher, faisait entendre une note de daient à travers la
la
gamme
*
».
ville. «
Plus d'une porte, parmi
les plus pauvres,
les plus étroites et
ne s'ouvrait pas sans
agiter,
en guise
de sonnette, un de ces légers Glockenspiele dont se sou-
viendra quelque jour
le
musicien de
la
Flûte enchantée.
Ainsi tout était musique autour de l'enfant nouveauné. Mais cet enfant venait apporter
plus de musique que le
monde
au monde encore
n'en avait à
lui révéler.
Vers sa quatrième année, des signes divins parurent en
lui.
Un ami
de la famille, qui faisait partie,
Léopold Mozart, de le
la chapelle
trompette Schachtner,
a
mille fois citée, la relation
Mozart, dès l'âge
au point,
1
s'il
le
du Prince-Archevêque,
laissé,
dans
une
du miracle. On
.
lettre
sait
que
plus tendre, haïssait la trompette,
en entendait
M. de Wyzewa.
comme
les éclats, de
tomber en con-
MAISON NATALE DE MOZART, A
SA LZB
URG
H
MOZART vulsions. Mais l'excellent «
Un
aimait
il
homme
l'aimait.
a
raconté
jour,
trompette Schachtner,
le
celui-ci,
une
dans
et
lettre
adressée en 1792 à Marianne Mozart, un jour, après l'office
comme
du jeudi,
je
montais chez vous en com-
pagnie de Monsieur votre père, voilà que nous voyons petit
le
Wolfgang
avait alors quatre ans) occupé à
(il
écrire quelque chose.
Papa.
pour
le
«
Que
tout de
—
Wolfgang.
Un
concerto
clavecin; je vais avoir bientôt achevé la pre-
mière partie. n'ai pas
fais-tu là ?
— Papa.
encore tout à
même
Et son papa
— Wolfgang. Mais je achevé. — Papa. Fais voir
Fais voir. fait
Cela doit être quelque chose de
!
lui prit le
papier et
me montra un
joli!
»
brouillis
de notes de musique, dont la plupart étaient écrites sur des taches d'encre toutes frottées et étendues. Car le petit Wolfgang-,
par inexpérience, plongeait toujours sa
plume jusqu'au fond de l'encrier, d'où fois un gros pâté mais lui, résolument, ;
avec
le plat
de la main, pour
le
résultait il
chaque
étendait le pâté
sécher, et écrivait par
Nous commençâmes donc par rire de cet apparent galimatias mais votre papa porta ensuite son dessus.
;
attention sur la chose essentielle, sur les notes, sur la
manière de composer. Et longtemps en contemplation devantla je vis des larmes,
tomber de ses yeux
1
Cité
feuille
il
se tint tout raide,
de papier
;
larmes d'émerveillement l
par M. do Wyzewa.
»,
après quoi, et
de joie,
MOZART
12
D'autres prodiges
guère besoin de
même
suivirent,
les rappeler
année que
le
:
connus,
si
c'est
concerto; c'est
qu'il n'est
un menuet,
chantant
le clavecin,
de lui-même sous les petits doigts merveilleux
écrit la
:
ce sera,
plus tard, une partie de violon, jouée à première vue,
sans leçon préalable et par surprise, dans
le
quatuor
un enfant de quatre ans, pour lequel non seulement la musique est tout, mais tout est paternel; enfin
musique: ses
c'est
joies, ses peines,
ses désirs, ses rêves et
âme
qui ne prend conscience
jusqu'à ses jeux; c'est une
d'elle-même et de l'univers, qui ne se forme, ne se manifeste et
ne s'épanouit que parles sons.
Mozart a
dit
un jour
tout suite papa. »
:
Il disait
«
Après
Bon
le
Dieu, vient
bien et réglait ainsi selon la
justice l'ordre de ses actions de grâces. Artiste médiocre,
mais professeur incomparable, honnête homme, au cœur droit et religieux, son père selon la nature allait être le
gardien vigilant et l'économe avisé des trésors que son
Père céleste avait mis en
lui.
Originaire d'Augsbourg, Léopold Mozart avait étudié
dans sa
ville
Comme il
natale pour être
ou musicien, ou
ne se décidait pas, sa famille
d'un troisième
état.
On
fit
prêtre.
choix pour lui
l'envoya travailler
le
droit à
Salzbourg. Là, par dégoût de la science au moins autant que par
amour de
l'art,
peut-être aussi pour aider,
par un métier qui n'était pas sans
profit, à la
conclusion
homme devint,
d'un mariage de pure inclination,
le jeune
ou redevint musicien. Le
que lorsque Wolfgang,
fait est
son dernier enfant, naquit en 1756,
le
mari toujours
MOZART aimant
et toujours
aimé de
parmi
Pertl, figurait
les
chapelle archiépiscopale,
13
membres «
bonne Marie-Anne
la belle et
les plus estimés
avec les
delà
de maître de
titres
concert, violoniste, chef d'orchestre et compositeur de
Cour
la
i
».
Compositeur en tout genre de
ses
et,
comme
contemporains, Léopold Mozart
œuvres nombreuses, diverses, correctes tes
tel, fort
même
avec soin,
avec
style,
pensées et senties. Conformes à la
a laissé des
et nulles. Écri-
manque
leur
il
admiré
d'être
l'esprit leur
lettre,
Mais à défaut de ce qui ne s'apprend pas,
est étranger.
l'honnête et sérieux Kapellmeister était pourvu de tout le reste et,
pour ce qui s'apprend,
il
savait,
comme
pas
un, le secret de l'enseigner. Excellente en
soi,
du
conlient plus
meilleure de ses œuvres,
violon, la
d'une leçon qui dépasse, «
méthode
»
Et puis
et
de beaucoup, l'intérêt d'une
particulière et technique.
surtout,
musique des idées
le
père de Mozart
avait sur la
au-dessus de ses idées musicales.
fort
croyait à son art et
Il
et
sonÉcole
il
l'aimait.
D'abord
il
aimait les
sons pour leur beauté propre et spécifique. Et peutêtre les
chérissait-il
davantage pour
la
reconnaissait en eux, plus qu'en nul
d'exprimer les pensées de notre esprit notre âme. Quelquefois c'est peut-être
(comme dans 1
moins
il
qu'il
autre langage,
et les
passions de
leur demandait plus encore
qu'il faudrait dire
certaine Course
M. de Wyzewa.
faculté
—
—
et d'imiter,
aux traîneaux, de sa com-
MOZART
14
position) les sonorités, les
mouvements
de
et les aspects
matière elle-même.
la
De cette
doctrine paternelle de l'expression musicale,
Mozart devait répudier l'exagération, mais garder
un jour,
principe. « Je ne puis, dira-t-il
écrire en vers
ne suis pas poète. Je ne puis pas distribuer assez
ment
les couleurs
et des
lumières
:
pour leur
je
faire
le :
je
artiste-
produire des ombres
ne suis pas peintre. Je ne puis pas
non plus exprimer par des signes et des pantomimes mes sentiments et mes pensées je ne suis pas danseur. :
Mais
Le
je puis le faire
fait est
que,
que
celle
définir il
s'il
avec les sons, car je suis musicien.
»
n'y a pas de vérité plus
à
du pouvoir expressif de
l'art
difficile
musical,
n'y en a pourtant pas une autre où la musique trouve
plus sûrement son attache et sa racine, la première et la dernière raison
de son être.
Enfin, autant qu'un maître de son art, Mozart eut la
bonne fortune de rencontrer en son père un maître de de son âme. Sans la ferme, sage et pieuse éducation qui disciplina tout ensemble son génie et son caractère,
Schachtner encore a prétendu que* Mozart
qué de devenir était ardente,
le pire
« aurait ris-
des mauvais sujets, tant sa nature
impressionnable, toujours prête à s'aban-
donner sans réserve à tout ce qui
l'attirait ».
qu'il devint justement le contraire, et sa
On
sait
personne morale,
exquise autant que sa personne artistique, sa vie aussi belle, aussi
pure que son œuvre, tout cela
fut le fruit de
l'exemple et de l'enseignement paternel.
Maintenant
Wolfgang
a six ans et demi.
Dans
les
MOZART six derniers mois, et
un
il
petit allegro.
choriste dans
travers le
composé quatre ou cinq menuets
L'automne dernier,
a figuré
il
comme
une tragédie avec intermèdes lyriques
représentée sur a résolu
a
15
le théâtre
de l'Université. Déjà son père
d'emmener à travers l'Allemagne, peut-être à monde, l'enfant dont il pressent que le génie
monde
com-
a de quoi remplir
le
mence pour Mozart,
plus tôt que pour le héros de Gœthe,
et l'étonner. Alors
de voyage (Lehr
und Wan-
derjahre) qui va durer près de vingt ans.
Cette vie,
une vie d'apprentissage longtemps errante, ne
et
le
sera pas,
répit et surtout sans retour.
est vrai,
il
sans
Mais l'aimable Salzbourg,
qui reverra souvent son Mozart, ne pourra jamais le
témoin de sa naissance, ne
retenir, et la ville
le
sera ni
de son destin, ni de ses chefs-d'œuvre, ni de sa mort.
IT
11 partit,
ou plutôt
ils
partirent pour la première fois
tous ensemble, le père, la
mère
et leurs
deux enfants,
en 1762. Munich d'abord entendit Marianne et son frère.
Puis la famille résolut de gagner Vienne. Chaque étape de la route et
séjour
le
même
chienne est marqué de cent
dans
traits
la
capitale autri-
extraordinaires et
charmants. Partout l'harmonieux enfant' produit l'impression et
comme
l'émoi du miracle.
couvents, près de l'orgue que
Dans
la chapelle des
ses petites
touché, des ex-voto de marbre gardent la
son passage
et de
son génie.
Il
ravit
mains ont
mémoire de
également tous
MOZART
46
ceux qui l'entendent
:
les
archevêques
moines,
et les
les électeurs et les princes, les
grands de ce monde
même
un jour, pour épargner
les petits, puisqu'il suffit
aux voyageurs
la visite de la
douane, d'un
et
air de violon
joué par Wolfgang au douanier.
Vienne
enfin, qui plus tard l'écoutera
lui tout oreilles.
grimpe sur autre fois,
les il
La Cour
genoux de
glisse,
l'accueille la
mal, est pour
et l'applaudit. Il
grosse impératrice.
tombe sur
il
si
le
parquet,
et
Une l'ar-
chiduchesse Marie-Antoinette seule étant venue à son secours,
il
l'embrasse et
ville entière suit
n'est pas
lui
promet de l'épouser. La
l'exemple donné par Schoenbrunn.
un salon de Vienne où Wolfgang ne
Il
soit prié
de jouer, soit à quatre mains, avec sa sœur, soit tout seul à
deux mains, à une main, à un doigt même, sans
regarder les touches, ou sur les touches voilées. Gentiment, avec
lui
sourire, l'enfant se prête à toutes les
même aux
épreuves, petit «
un
plus saugrenues, et les tours du
maître sorcier
»,
comme
bientôt on l'appelle,
sont payés tantôt en ducats, tantôt en présents de
toute espèce, tantôt seulement en baisers. Il
née
prend » qui
la fièvre scarlatine, et cette
première
s'annonçait bien, ne s'achève pas de
«
tour-
même.
Assez déconfite, la famille Mozart revient au logis. Mais avec les talents de l'enfant s'accroissait l'ambition paternelle.
Au mois
fois,
on voyage
de juin 1763 on se remit en route. Cette «
noblement
»
comme
dit
Léopold
Mozart, en carrosse à quatre chevaux, que précède un courrier.
L'argent des Haguenauer, braves
épiciers,
LÉ
P
L D
MOZART ET SES ENFANTS. EN 1764
'Gravure de Carmonielle, Bi bliotliè |ue de l'Opéra.)
'
Çft
MOZART
19
propriétaires et amis des Mozart, pourvoit à la noblesse
du voyage. Des hôtes princiers font aux voyageurs l'accueil le
A Nymphenbourg,
honorable.
plus
c'est
l'électeur de Bavière. C'est le
duc de Wurtemberg, à
fameux
violoniste Nardini révèle
Ludwigsbourg, où à
Wolfgang
la
le
grandeur
et
pureté du style italien.
la
Enfin, c'est l'électeur Palatin Charles-Théodore,
dans sa merveilleuse résidence de Schwetzingen,
qui,
offre à
son visiteur de sept ans un concert à grand orchestre. Et
comme
monde,
il
«
part en Allemagne, nulle part au
nulle
un orchestre comparable à
n'y avait alors
celui
qu'avait formé l'Electeur-Palatin », on peut dater de ce
jour la première rencontre du génie de Mozart et de Tidéal de la symphonie.
Ainsi le petit voyageur
par l'expérience, par
s'initiait
proprement dit avaitmoins de part que la vie elle-même, aux formes diverses de la beauté une éducation où
le travail
dont l'instinct chaque jour se
en
lui.
Et cet
qu'un prodige perpétuel élevait au-dessus de
enfant,
hommes, demeurait néanmoins un
tous les allait,
fortifiait
innocent
et
enfant.
Il
simple, espiègle jusqu'à la diablerie,
avide de voir et de connaître, ardent aux plaisirs de son âge, à
étrange
ému, par moments, d'une tendre mélancolie. Une question revenait
moins et
qu'il
constamment à vous bien
!
»
ne
fût
ses lèvres
Un
soir,
:
«
M'aimez-vous
dans son
petit lit
?
M'aimez-
d'auberge,
s'amusait à fredonner, sur des paroles drôlement liennes,
père
le
un
air
il
ita-
de sa composition. Mais un matin, son
trouvait tout en larmes
:
«
Oh papa !
!
J'ai trop
MOZART
20
de chagrin
— Et de quoi,
!
Woferl,
trop de chagrin de ne plus voir
mon enfant? les
—
J'ai
Haguenauer,
et
M. Wentzl et M. Leitgeb, et M. Gaétan (Adlgasser), et M. Long-Nez (l'organiste Lipp) et tous les autres amis de là-bas
1 .
»
Par Mannheim et Worms, par Mayence et Francfort, (où le petit Mozart joua devant le jeune Gœthe), la famille gagna Bruxelles, et là, tandis que le père écrivait
aux excellents Haguenauer pour leur demander
encore un peu d'argent, l'enfant écrivit sa première sonate de clavecin.
Peu de mois
après, c'est à Paris qu'il en faisait graver
d'autres et les dédiait, en termes héroï-comiques, peut-
Grimm,
être sous la dictée de et àla
comtesse deTessé.
teur et
Grimm
même un peu l'imprésario
vit alors
avec zèle
Londres
et le séjour
accueillit
Victoire de France
s'était
déclaré le protec-
de Wolfgang.
Il le
ser-
en France fut heureux.
Mozart plus dignement encore. Le
III et la reine
Georges
roi
M me
à
Sophie étaient de meilleurs
musiciens que
les
souverains de France. Jean-Christian
Bach, un des
fils
du grand Sébastien, qui donnait des
leçons à la reine, eut plaisir à jouer avec un aussi rare partenaire.
Comme
il
avait écrit sa première sonate à
Bruxelles, Mozart écrivit en Angleterre ses premières
symphonies. C'est à Londres qu'il put entendre pour la première fois les oratorios de Haendel, et, chantés par des
1
artistes
excellents,
des opéras italiens. Après un
Lettre de 1763, citée par M. de
Wyzewe
MOZART
21
séjour de plus d'une année en Angleterre, on repassa
Hollande
détroit, et par la Flandre, la
tombèrent de nouveau malades Suisse, la famille, depuis
son pays
et sa
si
—
— où
le
les enfants
par la France
et la
longtemps en route, regagna
maison.
Elle n'y resta que le
temps nécessaire à Wolfgang
pour composer deux cantates, Tune
spirituelle et l'autre
universitaire, sans parler d'un petit oratorio que l'enfant
dut écrire en huit jours, sur l'ordre et presque sous la surveillance de l'archevêque, incrédule aux
merveilles
qu'on rapportait de son génie.
Vienne
était à la veille
de marier une de ses archi-
duchesses. Nos gens d'y courir aussitôt. Mais à la Cour,
au lieu des galas espérés,
ils
trouvèrent
le deuil.
variole ravageait la ville et la fiancée elle-même y
Léopold Mozart
bait.
tard
:
se réfugie à Olmûtz,
La
succom-
mais trop
y prennent, ou plutôt «y apportent le pensent en mourir. Guéris, ils repassent par
les enfants
mal, et
Vienne, qui déjà
les accueille
avec moins de chaleur.
L'Empereur a beau commander à Wolfgang un petit opéra, la Finta semplice, la cabale en empêche la représentation et l'enfant connaît les premiers effets de l'intrigue, de la jalousie, qui le suivra jusqu'à
défaut de la Finta semplice,
il
sa mort.
A
a du moins le plaisir de
un grand seigneur de ses amis, sa petite opérette, imitée du Devin de village, Bastien et Bastienne. Il dirige devant la Cour sa première Messe, avec timbales et trompettes, et revient encore une fois, voir exécuter, chez
au
logis. Il entrait alors
dans sa quatorzième année.
MOZART
22
III
Italiam
Italiam
!
!
Léopold Mozart entendait depuis
longtemps résonner à ses
comme un appel
oreilles,
comme une promesse de pour son fils, le nom de la contrée
fortune et de gloire
sistible,
la
mère, au moins pour
genre ou nie,
ne
mands,
la
la
qui passait alors pour
la nourrice de toute
forme allemande par excellence,
faisait
irré-
que de se préparer.
musique. Le
sympho-
la
pays
Fille des
polyphonie vocale, depuis Palestrina,
s'était
en quelque sorte naturalisée italienne. L'opéra,
naguère d'un salon de Florence, avait envahi
la
fla-
sorti
pénin-
L'Allemagne
sule entière, mais s'y renfermait encore.
tardait à s'écouter elle-même. Ses princes appelaient de
préférence, pour
diriger leurs chapelles,
ultramontains. Et
même,
à l'exception d'un Bach,
plus grand, le plus national de
d'un Haydn, del, et des
le
des artistes le
tous, et peut-être aussi
génie des maîtres allemands, des Haen-
Gluck, gardait, au
ne pas dire l'empreinte, de Elle allait s'imposer
xvm
e
siècle, le reflet,
pour
l'idéal italien.
profondément à
la
jeune pensée
de Mozart.
De
la fin
de
1769 au printemps de 1773, entre sa
treizième et sa dix-septième année, Mozart se rendit trois fois
en
Italie, seul
avec son père.
Il
fit
représenter à
opéras: Mitridate, Ascanio in Alba elLacio
Milan
trois
Silla.
Ses premières lettres datent de cette époque et
désormais, grâce à sa correspondance,
c'est
d'après
MOZART lui-même
que
23
pouvons
nous
le
connaître.
comme
apparaît toujours, et toujours davantage, fant
Grimm un
que
aimables créatures
jour avait appelé
qu'il
ait
y
«
au monde.
» «
Le moindre
l'innocence et la gaieté
fait
•parce que notre cocher est
Quelques mois après qui?
Le même
Amadeo en opéras,
Italie. »
Mille
lire les
et
Je reste
«
:
Mon
la voiture,
un brave garçon le
1 .
et
»
même... Mais
Wolfgang en Allemagne,
farceur,
Entre deux répétitions d'un de ses
maestro de
le
chaud dans
si
«
:
que je m'amuse tant en
est ravi de joie, parce
voyage... parce qu'il
à
L'une des
adressé d'Italie à sa mère, à sa sœur, respire la
grâce et la tendresse,
cœur
l'en-
l'une des plus
plus aimables, et des plus aimantes aussi. billet
nous
Il
treize
ans passait des heures soit
une nuits,
à « faire des pas
soit
anglais, des cabrioles et des pirouettes », et de tous les
baisers qu'il envoyait à sa sœur,
en donnât deux ou
priait toujours qu'elle
trois à ses oiseaux.
d'ailleurs,
peu de
d'Italie »,
rarement un
image,
il
récits pittoresques
et revient à la
détail
visite la basilique vaticane
:
ou de
comme
mémoire de « J'ai
malheur
d'être trop petit,
ses lettres
« sensations
celui-ci, qui fait
tout musicien qui
eu l'honneur de baiser
pied de saint Pierre à San Pietro,
le
En
et,
vu que
on m'a soulevé à sa hauteur,
moi en personne, votre vieux Wolfgang Mozart. quelque cent cinquante ans, 1
Lettres de
j'ai le
il
se peut
que
le
»
Depuis pied de
Mozart, traduction complète par M. Henri de Curzon,
Paris, Hachette, 1888. C'est nos citations.
à ce recueil que nous emprunterons toutes
MOZART
24
bronze n'ait pas reçu de plus pur,
et j'allais
dire de
plus divin baiser.
Wolfgang, qui regardait autour de enfant, n'écoulait pas de
pour Favoir entendu une
pela,
de la cbapelle Sixtine.
11
des opéras tout entiers
et,
réentendre au théâtre,
en pensée à en
même. On
lui
la
il
certain Miserere
promptement
retenait aussi
quand
pouvait,
il
qu'il se rap-
sait
fois,
était
comme un
lui
empêché de
les
se les chanter
a-t-il dit,
maison. Chaque jour s'accomplissaient
des merveilles, dont
ne se point
était seul à
il
émerveiller. Nul orgueil, aucune vanité n'altérait l'ingé-
nuité de son cœur.
sœur après en
le
«
L'opéra
plaît »,
mande-t-il à sa
succès de son Mitridate à Milan,
soit loué et béni. »
Vingt ans plus
pas avec moins de modestie
le
tard,
il
«
Dieu
n'annoncera
triomphe de Don Gio-
vanni. Son dernier opéra milanais, Lncio Silla, devait être
donné le 26 décembre. Le 5 de ce mois,
plement
«
:
terrompt
fini. » Il
mal à force
ni
mande
sim-
Je n'ai plus à composer que quatorze mor-
ceaux. J'aurai lui fassent
il
se plaint seulement
que
les doigts
d'écrire des récitatifs. Rien n'in-
ne retarde, non pas
le travail,
mais
le
jeu
de sa pensée. Tous les bruits du dehors ne sauraient couvrir les voix qui chantent éternellement dans son
âme
:
«
Au-dessus de nous
y a un violoniste ; auà côté de nous, un maître il
y en a un autre de chant en train de donner une leçon,
dessous,
il
;
nière chambre, vis-à-vis de nous,
et,
dans
la der-
un hautbois. Voilà
qui inspire des idées. »
Les idées venaient pourtant,
elles
accouraient en foule.
MOZART
A
Lodi,
tuor. il
15 mars 1770, Mozart écrit son premier qua-
le
Dans
quand
les églises,
faut lui frayer
il
doit improviser à l'orgue,
un passage à travers
presse pour l'entendre.
A
Milan
Bologne,
à
Rome,
à Florence,
grands seigneurs l'accueillent Père Martini
lui
et le
celle de
membres après pape Clément
d'or. Il n'est trois saisons,
peuple qui se
le
comme
à Venise, et à
Naples, artistes et
à
Le
célèbre
et ses éloges.
L'Aca-
et l'honorent.
prodigue ses avis
démie de Bologne, leurs
2o
Vérone,
reçoivent parmi
le
des épreuves pour lui triomphales,
XIV
le
nomme
chevalier de l'Eperon
pas un opéra, pas un virtuose que, durant
Mozart néglige d'écouter.
Il
s'imprègne de cet art italien que son art à
s'enveloppe, lui,
par une
espèce d'affinité préétablie, ne vient pas contredire, mais plutôt couronner.
Sensible à la beauté des
talent des interprètes,
même
voix, au
des virtuoses, autant et
peut-être plus qu'au mérite des ouvrages, Mozart transcrit
avec admiration
fameuse cantatrice,
voyageur
tel «
passage
et la vieille
art
—
jeune
terre sacrée, je ne sais quel dia-
de l'Allemagne et celui de
—
exécuté par une
la Bastardella. Ainsi, entre le
logue mystérieux se poursuit.
idéales
»
On
croirait
l'Italie
le
génie
préparent les noces
uniques assurément dans
dont l'œuvre de Mozart sera
que
l'histoire
le fruit
de notre
merveilleux.
IV Pendant
ses trois années qu'on pourrait appeler ita-
liennes, Mozart était revenu
deux
fois
à Salzbourg. Son
MOZART
26
second retour (décembre 1771)
fut suivi
de très près par
mort de son premier maître. Le prince-archevêque
la
Sigismond de Schrattenbach, saint
homme
et
bon musi-
cien, avait conféré le titre de Concertmeister au petit
Mozart partant pour
connu son jeune
On
et
dit qu'il n'était
mer
celui
l'Italie.
Mais
ne paraît pas avoir
il
charmant serviteur. C'est dommage. pas incapable de comprendre
que son indigne successeur
longues années, mépriser, outrager
public.
pâle
avaient
Ils
archevêque
Salzbourgeois
le
comme
leur
fit
la mort,
et haïr.
de Colloredo fut
comme un malheur
raison de craindre, bientôt voir. Cet
aux yeux
durant deux
allait,
La nomination du comte Jérôme accueillie par les
gris,
et le
homme
dont l'un ne s'ou-
orgueilleux et dur. Inaccessible, impitoyable et
aux
petits,
il
ne
fut
tyran, le bourreau de Mozart.
pas
nouvel
au visage
vrait qu'à peine, portait sous sa robe de prêtre
humbles
et d'ai-
le
un cœur
même aux
maître, mais le
Longuement, opiniâtre-
ment, par inintelligence ou par inimitié, peut-être par l'une et l'autre à la fois,
il
pécha contre
divin que, sous une figure exquise,
envoyé vers
De son deux disait
Seigneur avait
lui.
retour d'Italie jusqu'en 1777, Mozart n'eut que
fois l'occasion et la
moment
le
l'esprit, l'esprit
permission de se soustraire un
à son service, ou à sa servitude,
lui-même, de
«
souffler »
et,
comme
un peu. En 1773,
il il
passa quelques jours à Vienne; trois mois, en 1775, à
Munich.
Il
y
fit
représenter avec éclat un opéra,
Finta Giardiniera,
qu'il avait été
La
chargé d'écrire pour
la
n
MOZART saison de carnaval.
Le
reste de ces quatre années,
vécut à Salzbourg
et,
de jour en jour,
sortes de raisons,
reconnut l'impossibilité d'y vivre.
Ayant
il
tout à souffrir de son prince,
il
pour toutes
ne pouvait rien
il
espérer, ni la gloire, ni la fortune, de ses concitoyens.
Dans un
billet
de cette époque,
parle,
il
non sans
ironie,
de certaines gens qui n'ont rien vu de leur vie que
Salzbourg
et
Innsprûck.
au P. Martini, oh
«
Que de
fois, écrit-il
fois je
sens
que de
!
plus" près de vous,
afin de
musique
fait très
sommes en le
moment
chambre.
comme un
il
chanteurs.
ajoute
musique
— ou l'abus — du »
»
Je
«
:
comme un
d'église et de
son œuvre
dieu.
et litanies,
Il
prodiguait
messes brèves
temps, « avec timbales et trompettes
Ajoutez-y les sérénades et les
» les plus variés, les
« divertisse-
pièces de circonstances et de «
académies
» et
pour anni-
versaires ou cérémonies, musique « de table
de
noces.
m'amuse
à grand orchestre, selon l'usage
toutes circonstances, pour
sique
nous
faut croire qu'il s'amusait véri-
roi,
et solennelles, celles-ci
ments
le théâtre,
Étant donnée l'abondance de
»
sonates et concertos, motets
de guerre.
il
à écrire de la
pendant cette période, tablement
Je vis dans un pays où
manque de
Quelques lignes plus bas,
pour
!
peu fortune... Pour
peine par
le désir d'être
pouvoir m'entretenir avec
votre révérendissime Paternité la
encore
En un mot,
à la
vie
» et
mu-
quotidienne,
publique ou privée, de Salzbourg, se mêiait de plus en plus l'âme de Mozart. Son génie unique animait, plissait la ville entière et finissait
par la déborder.
em-
MOZART
28
En
cette
étouffait
atmosphère saturée de lui-même, l'adolescent
chaque jour davantage. Son maître ne relâchait
rien de sa rigueur et de son avarice.
Il
payait vingt-cinq
francs par mois les vingt ans de Mozart. Ceux-ci tout de
même
Le 28 août 1777, sur
finirent par lui échapper.
une requête encore plus humhle toutes les autres, la dure ces mots
:
«
et
son âme, c'est
la
mère qui dut
revint jamais.
route de Munich, et la gravité,
le fils, si
pour défendre de tout mal
et si précieux,
Dès
Wolfgang
avec
la
écrit
comme
nous manque, que papa. Allons s'arrangera bien
jeune encore et
son corps
quitter Salzbourg.
avec
la
bonne humeur
tendresse familiale et la
princi/ri (nous vivons
inté-
23 septembre, sur la
le
gieuse qui se mêleront toujours en
lui
:
«
foi
reli-
Viviamo corne
des princes), et rien ne !
Dieu
le
veut ainsi. Tout
Nous prions tous deux papa de
faire bien attention à sa santé, de
bonne heure
chercher
d'aller
fils
écrivit
pour sauvegarder au moins ses
demeura. Avec
rêts à lui, le père
Elle n'y
au
et
que
».
Par prudence,
et
main de l'archevêque
Permis au père
fortune ailleurs
et plus pressante
ne pas sortir de trop
matin, de ne pas se faire de chagrin, de
le
bien rire, d'être gai et toujours joyeux en pensant que, mufti H. C.
le
1
n'est qu'un misérable, Dieu,
si
du moins,
est compatissant, miséricordieux et charitable. »
Ainsi, le mélodieux pèlerin reprenait sa vie errante, incertaine, à la fois triomphale et précaire.
1
Hieronymus Colloredo, l'archevêque.
Il
retrouvait
MOZART
29
à Munich les succès Si les déboires accoutumés, l'espérance, éternellement fugitive, d'obtenir un « emploi
ou une
« situation »,
comme on
dit,
»
en termes toujours
plus que jamais odieux quand on
déplaisants, mais
parle d'un Mozart.
Les mière
de Munich nous montrent pour la pre-
lettres
Wolfgang
génie de
fois le
partagé,
tel qu'il le fut
toujours, entre l'idéal italien et l'idéal allemand. « Ils
n'ont pas encore de pièces originales
Ils
ici.
voudraient
bien pouvoir donner bientôt un opéra séria allemand et
Ton souhaite
que ce
fort
se sentait capable,
d'en
—
soit
et
composer plus d'un
:
il
moi qui
le
compose.
le
— et
proposait
»
Il
proposait
quatre au besoin chaque année,
En dédaignant des offres pareilles, Bavière manqua l'occasion et l'honneur de
sérieux ou bouffes. l'électeur de
voir naître auprès de lui, chez lui, l'opéra national alle-
mand. Mais, aux instances de Wolfganget de
ses protec-
teurs, le prince répondait invariablement
n'y a point
de vacance. Et puis c'est encore trop
rende célèbre aille
en
Alors
»
Italie »
(comme (comme
le désir d'y
cien hésitant.
«
tôt.
:
« Il
Que Mozart
s'il
ne
s'il
n'en était pas déjà revenu).
l'était
pas déjà).
retourner pressait de nouveau
Quand
certes pas de pays
où
j'y
j'aie
pense sérieusement,
« Qu'il
le
musi-
il
n'y a
reçu tant d'honneurs. Et puis
on a un
si
Italie
A composerunopérapourNaples,on se
!...
se
grand crédit lorsqu'on a
écrit des
opéras en faitplus
d'honneur qu'à donner cent concerts en Allemagne... Enfin, je serai plus heureux parce que j'aurai à composer, ce qui est
mon unique
joie et
ma
seule passion... Rien
MOZART
30
que d'entendre parler d'un opéra, d'être au théâtre d'entendre chanter,
A
me
et
voilà tout hors de moi. »
Munich, puis à Augsbourg,
il
ne don-
souflrait de
ner que des concerts, de ne faire métier que de virtuose,
même de virtuose
prodigieux.
11
jouait partout et de tout,
orgue, clavecin, violon, quelquefois pendant des après-
midi ou des soirées entières. Ses lettres nous disent,
avec autant de sincérité que de simplicité, les miracles accomplis par ses mains.
jouai
le
comme
Le
«
au souper, je
soir,
concerto de Strasbourg- (pour violon). Cela alla
de l'huile. Tout
pureté de
mes
clavicorde
le
monde loua
sons. Après, on apporta
je préludai et je jouai
;
Un
variations
un
petit
piano
une sonate, puis des
des religieux (c'était dans un couvent)
me proposa un
thème. Je
beau milieu,
fugue
(la
beauté et la
la
me mis
était
à le développer,
et,
au
en sol mineur), je commençai
en sol majeur un motif sur un mode tout à fait gai, quoique de la même mesure; puis, je repris le thème, mais à rebours.
A
la fin, l'idée
me
vint que je pourrais
peut-être employer aussi, en sujet de fugue, gai. Je
ne
me
aussitôt.... «
le
demandai pas longtemps, mais une
Quelqu'un apporta
Messieurs,
c'en est trop,
il
sonate
motif
le
le fis;
fuguée...
faut que je l'avoue; je
ne vais pas pouvoir jouer cette sonate-là du premier Oui, c'est ce que je crois aussi, dit le Doyen. C0U p.
—
—
Mais pourtant, tendis disait «
tout
Oh
le !
repris-je, je
temps,
le petit
veux
moi,
derrière
gredin, oh
l'essayer...
!
le
jouai jusqu'à onze heures, toujours
le
petit
Et j'en-
Doyen coquin
bombardé
!
et
qui » Je
pour
MOZART ainsi
uniquement de
assiégé
dire
31
Programme d'une
sujets
séance
autre
Qu'est-ce
«
:
de fugue.
que
papa pense que nous avons joué en premier après
symphonie? Le concerto à joué seul
en
si
trois pianos...
sonate en
la dernière
puis
ré...
bémol, puis seul, de nouveau,
une fugue en ut mineur,
et,
y eut alors un
tout à coup
M. Stein
bruit,
mon
la
j'ai
concerto
en style d'orgue,
et
une magnifique
un rondo pour un vacarme indescriptible.
sonate en ut majeur, improvisée, finir. Il
Après,
»
et
mines
n'arrêtait pas de faire des
et
des gri-
maces d'admiration, M. Demmler ne pouvait s'empêcher de rire sans cesse. C'est un homme si bizarre, que
quand quelque chose
rire d'une
s'empêcher de il
commençait Toutes ces
lui plaît tout
même
de
la
fait,
il
ne peut
manière effroyable. Avec moi,
à jurer.
lettres
à
»
vingtième année respirent la
joie de vivre et de créer. Joie sans orgueil toujours,
jamais sans
fierté.
Mozart entend désormais qu'on
respecte autant qu'on l'aime. faut, à des
mestre
et
Il sait
donner, quand
les « Patriciens »
le
le
bourg-
d'Augsbourg,
la ville
sots, à des insolents tels
MM.
que M.
il
le
natale de son père, de justes et rudes leçons.
Avec
ne
cela, rien
le
rebute ou ne l'abat.
Un
de ses
concerts a rapporté quatre- vingt dix florins; un autre,
devinez combien
:
deux ducats.
«
Que papa vive sans
inquiétude. J'ai continuellement Dieu devant les yeux.
Je reconnais sa toute-puissance et je redoute sa colère;
mais je connais aussi son amour, sa compassion et sa miséricorde pour ses créatures il n'abandonnera jamais :
MOZART
32
ses serviteurs.
Si les choses vont suivant sa volonté,
suivant la mienne; ainsi, je ne puis
aussi
elles iront
manquer d'être content et satisfait. » Une telle foi, de telles espérances,
ne
jamais ceux qui jamais ne
Mozart, toute
sa vie, leur est
demeuré
la fin de sa carrière
Entre tant de de Mozart,
son
villes
les trahissent.
fidèle, et
âme
s'élever avec son génie.
d'Allemagne où passa
plus digne que toute autre de piété: c'est à
Mannlieim que
Giovanni goûta
nous verrons jusqu'à
la laissèrent passer,
et qui
la
douceur
trompent
mémoire
le futur et
la
jeunesse
Mannlieim et
est
presque de
musicien de Don
l'amertune de son pre-
mier amour. Mannlieim, qui ne sut pas garder Mozart,
du moins à merveille immortelle, hélas
!
à
moins par
le travail
et
comme
il
Il
apprenait toujours
une vie
:
active, ardente,
au commerce quotidien des œuvres
tout entière
hommes, de
la
apprit :
scholastique, que par l'expérience et
par la vie elle-même
cité
pour un moment son
son inutile espérance.
et
Mannheim,
beaucoup
mable
et flatta
l'accueillit
musique
palatine où
et
il
vouée
des musiciens. Dans
était
venu enfant,
le
Wolfgang retrouva d'anciennes connaissances.
des
et
l'ai-
jeune Il
y
fit
de nouvelles et très chères, trop chères amitiés. « Je
Cannabich
suis tous les jours chez
Gannabich cette
était le directeur
», écrit-il
à son père.
de l'orchestre du Prince.
En
maison devenue sienne, Mozart rencontraitlaplupart
des artistes de la ville hautbois,
Wendling
et
:
le violoniste
Danner,
Lang, qui jouaient
Ram m
le
l'un delà flûte,
Reproduction autorisée par
PORTRAIT DE MOZART ENFANT, 1762
le
Mozarteum.
MOZART l'autre fille,
du
Et puis,
cor.
une enfant de
35
et surtout,
La
treize ans.
Gannabich avait une
petite
Rose jouait
fort
gentiment du piano. Mozart voulut être son maître. écrivit
une sonate non seulement pour
elle. «
Dès
Yaliegro, seule fois alors le
le
second jour que
M
lle
composer
Quand
comptais
je
il
Yandante.
Yandante,
telle est
M
Ke
dit.
Et
Je veux
«
M
lle
Rose.
»
Le jeune Danner
plut entièrement.
raconta alors ce que j'avais est
faire
me demanda
tout à fait d'après le caractère de
je le jouai,
terminé
j'étais ici, j'avais
Gannabich. Le jeune Danner
comment
mais d'après
n'ayant encore vu qu'une
conséquent
par
elle,
Il
c'est la vérité
Gannabich.
tel
:
»
Très peu de jours après, Mozart venait annoncer à ses
amis
qu'il avait résolu
leçon... Aujourd'hui,
de partir.
la petite,
fit
de la
« C'était l'heure il
faut étudier bien
— Je crois bien, répliquai-je, car cela ne durera plus longtemps. — Comment? Comment cela? Pourquoi? — Elle vers sa mère, qui
raisonnablement.
alla
lui dit la
chose... Là-dessus, elle se mit, toute sérieuse, à jouer
ma
sonate. Je n'ai pu retenir
mes larmes. Alors des
larmes vinrent aussi aux yeux de et
de M.
S...,
nous
M.
mère, de
car elle jouait justement
c'est elle qui est la favorite tez, dit
la
S..., si
M.
le
ma
la
fille
sonate, et
de toute la maison.
«
Écou-
maître de chapelle s'en va,
il
va
faire tous pleurer. »
Et pourquoi voulait-il s'en
aller, «
chapelle »? Justement parce que ce
naient ses amis,
le
M.
litre,
le
maître de
que
lui
don-
prince-électeur, après tant d'autres
princes, s'obstinait à le lui refuser; parce que une fois
MOZART
36
encore, qu'était
comme
humbles ouvriers, l'ouvrier divin Mozart demandait littéralement « du travail » et les plus
n'en pouvait obtenir.
Le
désir de se fixer le tourmentait sans trêve
que je
sais,
«
:
Dès
d'une manière à peu près certaine, ou très
probable, que je devrai quitter un endroit, je n'ai plus
une heure de repos
».
A
1777, Mozart devait attendre trois
venus, en
encore, trois années inquiètes, errantes, reposer. Et
même
quand
alors,
à Vienne, nous verrons
moment,
sommes
l'époque où nous
il
comment
aura
années
l'heure de se
par s'établir
fini
Pour
se .reposera.
il
c'est à Paris qu'il a résolu
par-
le
de se rendre, avec
Mannheim devenus ses amis, les Wendling et les Ramm, l'y emmènent et lui répondent du succès. Wendling a été déjà deux fois à Paris, sa mère. Les artistes de
« le seul
endroit où l'on gagne de l'argent et où l'on
Ramm,
puisse vraiment se faire honneur. »
le
hautbois,
un brave, joyeux et digne homme, ... qui a déjà beaucoup voyagé et qui, par suite, a beaucoup d'expé« est
rience. »
Ainsi tout est décidé, tout est prêt. Mozart va partir, il
part...
Mais non, tout
pas; ou du moins,
Paris qui
s'il
l'attire, ni les
Ceux-là maintenant, peur,
dit-il, et
et moi
même un
changé, Mozart ne partira
quitte
Mannheim,
mêmes amis
Wendling
est
un
peu honte de
qu'il suivra.
et
les suivre. «
brave
Maman
nous sommes tombés
Wendling ne nous
très
ce n'est plus
coup, voici qu'il aurait
et tout à
nous avons causé ensemble
d'accord que la vie des tout.
est
plaît
et très excellent
pas du
homme,
MOZART
37
mais malheureusement pas religieux,
comme
son est fille
lui.
On
a été une courtisane.
mais
libertin. Je
me
dit assez,
le
Ramm
et
toute sa mai-
du
reste,
que sa
un brave homme^
est
connais assez, je sais que
assez
j'ai
de religion pour ne faire certainement jamais rien que je
ne puisse faire devant à la
effrayé
seule idée
d'hommes dont la mienne et de
la
le
monde
d'un
entier; mais je suis
voyage
manière de penser
celle
en
compagnie
est si éloignée de
de tous les honnêtes gens.
»
Derrière ces scrupules et ces prétextes, une raison se cachait,
une raison du cœur. Mozart
Weber,
loysia
et souffleur
Du
filles
belle et pure », avec
jour où Mozart
commence
ses lettres (17 janvier 1778), et
de Fridolin Weber, copiste
du théâtre de Mannheim. Elle avait quinze
une voix
ans, «
voix.
l'une des
d'A-
s'était épris
des siens. Ils ont
fait
il
un
talent égal à sa
à parler d'elle dans
ne parle plus que
d'elle
tous ensemble une excursion,
ou plutôt une tournée de quelques jours à KircheimBoland, résidence de la princesse d'Orange.
Weber
chère
»
a déployé là tout son
talents plutôt, car elle ne joue pas qu'elle
avec
«
pauvre
talent, tous
ses
moins bien du piano
ne chante. Mozart n'a jamais rencontré jusqu'ici,
fût-ce en Italie, de plus Italie,
La
admirable interprète. C'est en
au pays de son éternel désir,
elle,
qu'il
veut retourner
avec eux, car sa tendresse s'étend sur toute
la famille, sur cette
nombreuse, honnête famille,
« écra-
sée de soucis », dont l'amoureux et généreux enfant n'a
plus d'autre souci lui-même, que d'assurer et de parta-
ger l'avenir.
MOZART
38
Raison du cœur, avons-nous
et qu'allait refuser
dit,
de connaître, ou d'admettre, un père que Mozart appelait
quelquefois sa
Raison souveraine
«
».
Déjà^ bien que
plus indulgente, la raison maternelle était elle-même
Au
alarmée.
bas d'une lettre de son
Mozart avait ajouté ces mots
:
«
Mon
mère de
la
fils,
cher mari, tu
verras d'après cette lettre que lorsque Wolfgang a
connaissance avec de nouvelles personnes, aussitôt
pour
elles
et
son sang
et
il
sa vie.
fait
donnerait
Il
est vrai
qu'ELLL chante d'une manière incomparable, mais on ne doit pourtant pas négliger tout à
La
intérêts...
société
ses propres
fait
de Wcndling et de
Ramm
ne
m'avait jamais plu, mais je m'étais abstenue de toute
remontrance il
a tout à
.
.
fait
.
Dès
qu'il
(
Wolfgang) a connu
changé de sentiment...
A
toi
les
Wcber,
de décider
ce qu'il faut faire. »
La
promptement prise. Avec beaucoup de sens et peut-être trop de rudesse, en une lettre où se mêlaient aux plus sages conseils des soupçons, voire des reproches injustes, Léopold Mozart éveilla Wolfdécision fut
gang de son
rêve.
11 lui
situation depuis trop
que tant de voyages
représentait avec vivacilé leur
longtemps précaire, et
le
peu de
profit
de travaux avaient jusqu'ici rap-
porté. Quels succès pouvait attendre en Italie, eût-elle
même
le talent
de la Gabrielli ou de la de Amicis, une
cantatrice aussi jeune qu'AIoyse, et qui n'avait jamais
paru sur le
le
théâtre?
danger que
honnête
Le père
se gardait bien d'omettre
ferait courir à la réputation
et chrétien
comme
son
fils,
d'un artiste
une tournée entre-
MOZART
39
compagnie d'un inconnu et de ses filles. Enfin, ne serait-ce pas, de la part de Wolfgang, autant prise dans la
qu'une
folie,
une
faute, et plus
même
la douceur, à la violence
être
éphémère amour,
que légère, de sacrifier à d'un juvénile et peut-
ses intérêts et ceux de ses parents,
l'avenir de son génie et l'urgence de son devoir. «
Tu
compte à toi-même, concluait gravement le père, des dons extraordinaires que t'a prodigués le bon Dieu. C'est à toi de choisir si tu veux devenir un musicien te
dois
vulgaire et que le
monde
oublie,
ou bien un maître de
chapelle illustre dont se souviendra l'avenir. »
A
même
autres pratiques, peut-être
les
et
unes morales
tant de raisons, et de tout ordre, les
comment Wolfgang
héroïque, autant
il
il
Il
choisit donc,
montra dans sa sou-
de grâce souriante et gentiment
filiale,
apporta de chaleur
vous en
se justifier. « Je
pu résister?
Mais autant
et choisit d'obéir.
mission de piété
aurait-il
intéressées,
prie, écrit-il à
de noblesse à
et
son père, croyez
de moi tout ce que vous voudrez, excepté du mal.
Il
y a
des gens qui s'imaginent qu'il est impossible d'aimer
une
fille
mot de X... ni
pauvre sans de mauvais desseins,
maîtresse est vraimentbien
un
Z...
;
je suis
toujours que lès amis qui ;
et
me
j'ai
beau
Je ne suis ni
un Mozart, mais un jeune
Mozart. Parmi tant de défauts,
sent
joli.
et ce
et
un
sage
aussi celui de croire
connaissent,
me
connais-
en ce cas je n'ai pas besoin de beaucoup de
paroles. Et
s'ils
ne
me
connaissent pas, oh
pourrais-je trouver assez de paroles
pas à votre adresse,
mon
cher papa.
?...
»
!
alors,
Tout cela
où
n'est
MOZART
40
Le
«
cher papa
ni tout à fait fois,
»
connu son
pour
enfant. Ici,
a douté de lui; entre le père et le
il
nuage passe,
et
sans doute
d'autres viendront
En
lui-même n'a pourtant pas toujours
attendant,
il
ne
fait
un jour, qui ne
Wolfgang
première
la
fils
un premier
que passer; mais dissiperont pas.
se
est incapable de retrancher, de
relâcher rien de son respect et de sa sollicitude
filiale. Il
s'inquiète et s'afflige de savoir son père vêtu pauvre-
ment. Les dernières lettres de Mannheim respirent une
douceur avec une
tristesse
Wolfgang prend
infinie.
congé de ses amis: des Cannabich, hélas!
Les premiers remercièrent à peine
aussi.
leur «
M
fille lle
mais
;
les
Weber m'a
Weber montrèrent tricoté,
mitaines, dont elle m'a
le
maître de
plus de gratitude.
par bon cœur, deux paires de
fait
présent...
Le père m'a
comédies de Molière... Le jour qui a précédé
les
départ,
comme
ont voulu m'avoir encore
ils
j'étais forcé d'être à la
repas.
offert
mon
à souper. Mais
maison, cela n'a pu se
dû pourtant leur accorder deux heures avant
faire. J'ai le
et des autres
Ils
n'ont pas cessé de
qu'ils auraient
me
remercier, disant
seulement désiré être en état de
gner leur reconnaissance. Quand
me
témoi-
je partis, tous pleurè-
demande pardon, mais les larmes me viennent aux yeux quand j'y pense. Lui descendit l'escarent. Je vous
lier
avec moi, resta sous
tourné
le
le
porche jusqu'à ce que j'eusse
coin de la rue, et
me
cria
encore adieu.
»
C'est ainsi que Mozart pour la seconde fois se dirigea
y portait un cœur moins résigné que soumis, où se mêlaient aux soucis anciens une jeune douleur.
vers Paris.
Il
.
es
MOZART Loin de
consoler ou seulement de
le
réservait une
lui
un sourire d'enfant y
admirables de piété
brille à travers
monlrent combien
lettres
comment
ressentit son
Le coup
supporta.
le
il
il
Mozart. Pourquoi ne pas
tout.
chose
Il :
il
lieu
nous
n'écrivit chez le ballet
les
où
les
musique, je suis entouré la
et
pays, aucun ne
et
dit
pour nous que peu de
des Petits Riens et deux symphonies, le
plus grand succès.
a beaucoup écrit contre nous, et dans à révéler
suffit
gens eussent des
sentir et tant soit
vue de
malheur
nous a dédaignés, dénigrés, détestés en
Il
que ce peu de lignes
un
larmes;
lui-même Payant
le dire,
jouées au concert spirituel avec
Mais
même,
nôtre étranger, pour ne pas dire odieux à
le
tant de fois.
les
per-
dût être plus rude
lui
encore en pays étranger. Et, de tous
comme
Trois
de piété cbrétienne, ses
et
filiale
Paris
Wolfgang
juillet 1778,
mère. Admirables de sincérité, d'ingénuité
dit sa
fut
le distraire.
autre et plus cruelle épreuve.
mois après leur arrivée, en car
43
bon cœur de
que de brutes
esprit
Paris était
du cœur pour
de goût pour la
et
tout cela. Mais je ne
et d'imbéciles (au point
comment en
musique). Et
Si
«
oreilles,
peu d'intelligence
rirais de
:
un
pourrait-il être
autrement? Dans toutes leurs actions, leurs désirs leurs passions,
ils
au monde un lieu
sont les
comme
mêmes.
Il
de
et
n'y a vraiment pas
croyez pas que
Paris. Et ne
j'extravague quand je parle en ces termes delà musique d'ici.
Adressez- vous à qui vous voudrez
Français de naissance
et
qui on puisse s'adresser
pourvu que ce
—
on vous dira
— excepté à un soit
la
quelqu'un à
même chose. »
MOZART
44
«
Tout cela
dont
»,
pauvre Mozart se plaint
le
nous
et
accuse, c'était l'habituel fardeau de soucis et de peines
qu'en son pays
même
avait
il
constamment
porté. « Tout
cela », c'était l'indifférence d'un imprésario de théâtre
ou de concert,
la sottise,
d'un grand seigneur
gence
la ladrerie
comme
et l'inattention
le
ou
la grossièreté
duc de Guines;
l'inintelli-
d'un auditoire mondain
comme
chez la duchesse de Chabot. Mais en réalité je ne vois pas
que pour Mozart
—
je
veux
dire
contre lui
—
tout
«
cela » ait été français plutôt qu'allemand, et que
compatriotes l'aient beaucoup mieux compris
honoré que
et
ses
plus
les nôtres. Il n'était pas nôtre, de naissance
du moins, ce baron Grimm, dont Mozart aujourd'hui plaint autant que jadis
il
se
s'en était loué. Si notre Grétry,
dans ses Mémoires, ne parle pas de Mozart, notre Gossec son
dit-il, fut
« très
bon ami
».
Enfin et surtout, c'est
une archiduchesse d'Autriche, assise sur
même
France, qui ne daigna
lement s'enquérir
si
n'était
trône de
point l'entendre, ou seu-
ce jeune
aux mains harmonieuses,
le
et
homme aux yeux qui venait de
bleus,
son pays,
pas son petit amoureux d'autrefois.
A notre
contact et par contraste avec nous, avec notre
caractère, notre esprit et nos
mœurs
— lesquelles
n'avaient rien de sévère
— Mozart
croître la pureté de son
âme, s'affirmer
alors
sentait encore s'acet s'exalter,
en
même temps que sa foi religieuse, la conscience etl'orgueil de sa race. «Ce qui me ranime le plus et me conserve bon courage,
c'est
Ailleurs
Je
:
«
que
je suis
demande tous
un honnête Allemand. les
»
jours au Dieu tout-
MOZART puissant qu'il
me
grâce de tout supporter
fasse
la
me
faire
avec constance, de
45
honneur à moi
ici
et à toute la
nation allemande, puisque tout est pour sa plus grande
uf accorder de faire
gloire. Je le supplie de
ma
fortune
de gagner beaucoup d'argent, afin d'être en état
et
vous aidera ment,
sortir de votre position,
triste actuelle-
si
pour que nous puissions vivre heureux
et
tents tous ensemble.
comme
sur la terre
Au terme ou
Du
au
que sa volonté
reste,
de
con-
et
soit faite
ciel. »
plutôt au
de ses
faîte
vœux
et
de
ses
espérances, Mozart, de loin, croyait encore voir briller Tétoile d'amour. Aloysia n'avait pas cessé d'occuper et de
posséder son cœur. Cent d'elle à le
dans ses
fois,
lettres,
il
parle
son père, pour la dépeindre ou la défendre, pour
convaincre ou
le
désarmer. Fidèle à sa passion,
également à son génie
et à
ou privés, leçons au prix milie ni ne le rebute
il
l'est
son travail. Concerts publics
le
plus modeste, rien ne l'hu-
en ce Paris
qu'il déteste,
mais où
s'obstine et se raidit sa volonté de réussir. Il
y serait demeuré plus longtemps;
mais son père,
qui l'y avait envoyé d'office, ne souhaitait plus que de l'y
soustraire et de le revoir. Toujours soumis, Wolf-
gang
reprit
d'écolier,
Munich. et
de
non
donc
le
:
chemin
ou d'amoureux, qui passait par Mannheim
A Mannheim,
les
chemin de Salzbourg
il
ne retrouva que
Weber, Aloyse ayant
Munich.
A
Munich, hélas
été
!
les
et
Cannabich
engagée au théâtre
c'est
Aloyse
qu'il
ne
retrouva plus elle-même. Lorsqu'il entra, l'ingrate le
regarda
comme un
étranger.
Il
ne
fallut
que ce regard.
MOZART
46
La flamme Wolfgang
avait été vive se
trembler,
il
dédaigne.
»
;
mit au piano
chanta
«
:
s'éteignit
elle et,
d'une voix qui sut ne pas
Je quitte sans regret
Quelques jours après
il
malheureux
aussi pauvre et plus
brusquement,
fille
me
qui
rentrait à Salzbourg,
qu'il n'en était parti.
V Salzbourg"! Encore Salzbourg
gueux
!
» {Bettelort)
;
!
Salzbourg, ce
«
pays de
Salzbourg, où, plutôt que devant
les
indigènes, Mozart eût préféré jouer devant les chaises
Salzbourg
et les tables!
son archevêque plus lourd sur
et ses habitants!
Salzbourg
surtout, dont le joug pèse
un
et
de plus en
front de plus en plus fier! Maître de
concert, organiste de la cathédrale et de la cour, Mozart
eût peut-être continué longtemps d'écrire des grand
messes pour l'église
et
(c'était l'ancien électeur
dore) le pria
de
venir
fut
sant et
l'électeur de
Palatin Charles-Théo-
composer l'opéra que devait
représenter, au printemps de 1781,
Ce
le
théâtre de Munich.
Idoménée. L'ouvrage eut un succès retentisle
bruit en alla jusqu'à Vienne. Aussitôt l'om-
brageux archevêque de Salzbourg, qui s'y trouvait se hâta de rappeler,
bien,
comme
laissait
La
-
des opérettes pour les comédiens
ambulants de passage à Salzbourg, quand Bavière
1
ou plutôt de reprendre,
alors,
comme
son
un serviteur qui décidément ne quelque honneur à son maître.
sa chose,
pas de faire
reprise fut terrible, atroce
bonheur de Mozart,
elle
même.
dura peu.
«
Mais, pour
le
Maintenant, écrit
MOZART Mozart,
chez
lendemain de son arrivée à Vienne (mars
le
maintenant parlons de
1781),
par
lui,
47
comme
lui,
l'archevêque. »
les
deux
valets de
siniers...
On
Messieurs les
«
chambre sont placés au haut bout de
du moins l'honneur
table. J'ai
Fauteur
domestiques,
à'Idoménée prenait ses repas avec eux.
Traité
fait
la
d'être assis avant les cui-
de grossières et stupides plaisanteries,
mais personne n'en
fait
avec moi, parce que je ne dis
pas un mot, et quand je suis forcé de dire quelque chose,
Des que
je parle toujours avec la plus grande gravité.
de manger,
j'ai fini
je
passe
mon chemin.
en outre, prétendait se réserver, à qu'il payait
chichement.
ne pouvait se
faire
maître. Enfin le
tous
—
Au
»
lui seul,
des services
au concert, Mozart
théâtre,
entendre sans la permission de son
moment
approchait
— redoutable entre
de retourner à Salzbourg avec
quitter Vienne, sans
L'archevêque,
même
le
prélat et de
en avoir essayé
la conquête.
C'est à propos de ce retour que la crise décisive éclata.
L'archevêque en vint aux plus honteuses extrémités. «
Tout d'une haleine
il
se mit à
me
dire
que
j'étais le
drôle le plus débauché qu'il connût, que personne ne le servait
si
mal que moi... Impossible de placer un mot;
cela marchait
comme un
incendie...
Il
m'a menti en
pleine figure, m'a appelé gueux, parasite, crétin... la fin, lorsque lui dis
:
«
fut
par trop en ébullition, je
Ainsi votre Grandeur n'est pas contente de
— Quoi!
moi? Oh! le
mon sang
A
crétin!
Est-ce qu'on veut
me menacer?
Crétin!
Voilà la porte, la voilà, je ne veux plus
rien avoir affaire avec
un
pareil misérable. »
MOZART
48
Quelque chose pourtant ignoble
encore.
à faire,
restait
Un chambellan
de
et
ainsi
un
de l'archevêque,
grand seigneur, s'en chargea. L'histoire a retenu
du comte Arco. C'est
plus
le
nom
que s'appelait l'homme par
lequel fut chassé, littéralement
comme un
chien, à coups
de pied, l'homme qui s'appelait Mozart. «
Je n'ai plus
d'être
le
malheur, écrit Mozart à son père,
au service de Salzbourg. Aujourd'hui
reux jour de
ma
délivrance. »
reprend lui-même. Enfin, posséder son àme. Mais, n'est que dans la
misère
qu'il la
Il
est l'heu-
se retrouve enfin,
il
se
comme dit l'Ecriture, il va comme elle dit également, ce
patience, dans
l'épreuve et dans la
possédera.
Mozart a vingt-cinq ans. Dix années seulement
lui
restent à vivre, et c'esl à Vienne, sauf de rares absences, qu'il les vivra. Il a quitté « le service
Mais
celui de
Vienne, hélas
plus doux. Incapable, était
î
ne
de
lui sera
Salzbourg
pas beaucoup
non de le comprendre, car Joseph II
musicien, mais de
le choisir et
d imposer son choix,
l'empereur se l'attachera, de trop loin, par un l'honneur sera banal, et médiocre puis
avec l'archevêque d'abord,
VVolfgang de
lui
et
».
titre
dont
La rupture nouvel amour de
le profit. le
son mariage, tout cela finira par éloigner
son père
et relâcher
des liens qui les unissaient
jadis étroitement. L'intrigue, la cabale s'élèveront. avec et
contre son génie. Après
le
musicien à'Idoménée, celui
de l'Enlèvement au sérail, des Noces de Figaro et de
Don Juan,
de la Flûte Enchantée et de Cosi fan tutte,
usera ses dernières forces dans la poursuite
—
-
inutile
Reproduction autorisée par
le
Mozaiteum.
CONSTANCE MOZART, NÉE WEBEU (D'après le portrait à l'huile peint en 1789 par son beau-frère Lange, à Vienne.)
MOZART et
désespérée
— des bénéfices
51
et
des faveurs. Mozart ne
trouvera pas assez de leçons pour nourrir Mozart, et
temps de ses plus purs chefs-d'œuvre sera
dénuement
plus affreux
Parmi
de
tant
le
celui de son
de sa misérable mort.
et
pour
souffrances,
qu'était Mozart, la souffrance filiale
le
admirable
fils
ne dut pas être
moins amère. Dans sa querelle avec l'archevêque, son père se déclarer contre
et la crainte,
lui,
l'emporter sur la dignité paternelle.
vit
l'intérêt,
Aux reproches
père inquiet, pour ne pas dire ingrat,
il
la
de ce
Wolfgang répon-
un respect, une tendresse inaltérable, où pernéanmoins une généreuse émotion « Je ne sais par
dait avec çait
:
où commencer,
mon
revenir de si
mon
cher père, car je ne puis encore
étonnement,
et
vous continuez de penser
jamais je ne et
le
pourrai,
d'écrire de même...
Je dois vous avouer que je ne reconnais
mon
aucune des lignes de votre
bien un père...
mais non
le
lettre... C'est
père dans
meilleur des pères, le plus affectueux,
le
plus soucieux de son honneur et de l'honneur de ses enfants, en
Ce ne
un mot ce
l'était
n'est pas
plus en
effet,
mon et
père. »
pour d'autres motifs
encore. Autant qu'à Mozart outragé, son père, son vrai père, allait
En
manquer
à Mozart
quittant l'archevêque,
amoureux.
Wolfgang
Weber. Le père
s'était réfugié
La coquette Aloyse avait quitté la maison et, devenue la femme du comédien Lange, elle chantait à l'Opéra. La mère et ses
dans
la famille
trois autres filles,
était
mort.
Josépha, Constance et Sophie, tenaient
MOZART
52
une
pension à l'enseigne de l'Oise de Dieu. Elles
petite
y reçurent volontiers leur ami
solitaire
et
malheureux.
Bientôt les derniers souvenirs d'Aloyse achevèrent de s'effacer
devant
Constance.
moins que
«
sage
la gentille et
Elle n'est pas laide, mais cependant rien
belle...
yeux noirs
charme présent de
le
et
Toute sa beauté consiste en deux
petits
en une belle tournure. Elle n'a pas de
bon sens pour pouvoir
vivacité d'esprit, mais assez de
remplir ses devoirs d'épouse et de mère. Elle n'est pas portée à la dépense,... au contraire, elle est habituée à s'habiller très simplement... Elle s'entend à tenir
ménage,... et elle
a
le
meilleur
une meilleure femme.
beau sujet pour l'histoire,
la légende.
je l'aime
si
je pour-
»
pas raconté naguère
n'a-t-on
Mozart, de ses innombrables
pour
cœur dumonde...
m'aime de tout son cœur. Dites-moi
rais désirer
Que
elle
un
des amours de
amours
et folles
!
C'était
un
Aujourd'hui c'en est un
que son unique
et légitime
amour.
Tout s'opposa d'abord aux vœux de Mozart
et,
par-
dessus tout, la volonté paternelle. Mais son génie du
moins conspirait avec ses ces et tristes fiançailles,
il
désirs.
écrivait
Au temps l'
de ses dou-
Enlève ment au sérail,
dont T'héroïne s'appelait également Constance. Ainsi
Mozart pouvait donner tout son art
ensemble à sa bien-aimée, idéale
Peu de jours après son
leur
hymen, qui
son
âme
et vivante à la fois.
la représentation et le succès
œuvre, Constance
Une amie dévouée
et toute
devint sa
femme
de
(août 1782).
avait servi leur
amour. Elle assura
fut célébré, dit-on,
parmi des sourires
MOZART et des larmes.
La
53
bénédiction paternelle y manquait.
mais tardive,
Elle arriva pourtant,
et
jamais plus jus-
qu'à sa mort, en dépit d'une ou deux visites réciproques
malgré tout
et vaines,
Wolfgang, jamais
cœur
le
sien sans réserve à son époux.
le
du monde
fait
»
Mozart
déjeune
homme?
pure que sa
Constance, devenue veuve
que son mari
n'avait jamais pu, tant les
lui
pardonner
et
rema-
de « peccadilles». Elle ajoutait,
riée, aurait parlé, dit-on
est vrai,
s'est-il
contenté! Faut-il croire que sa
vie conjugale ne fut pas aussi parfaitement
il
de
tout entier son
père ne rouvrit
ce cœur, « le meilleur
toujours et tout à
vie
filiale
à son enfant.
Constance donna
De
respect et la piété
le
avouait lui-même et quelle
les
était
il
aussitôt.
aimable, s'empêcher de
Apparemment
elles étaient
légères et tous les témoignages contemporains attestent
que rien ne bannit jamais de ce foyer rance
De
et
la joie, l'espé-
l'amour.
la part de
en témoigner),
Mozart, (ses lettres exquises sont là pour c'était
et
ce fut jusqu'à la fin le
dévoué,
attentif et le plus
le
plus tendre
et
le
plus plus
attendrissant, le plus délicat et le plus délicieux amour. «
For worse and for
« l'union
pour
better » , disent les Anglais
le pire et
pour
le
mieux
».
du mariage,
Wolfgang
Constance ne connurent guère ensemble que Ils le
le
et
pire.
supportèrent non seulement avec vaillance, mais
avec gaîlé. Dans
le
courage,
l'héroïsme de Mozart,
il
et je dirai volontiers
dans
y eut toujours quelque chose
de juvénile, d'allègre et de souriant.
MOZART
54
Vienne, on
ne
le sait,
A
lui
donna
Vienne,
ni le repos, ni la for-
Noces de Figaro (1786), malgré leur éclatant succès, ne triomphèrent pas longtune, ni la gloire.
temps de
les
de Fenvie. Prague sut
la cabale et
bien les
Prague, peu de mois après (1787), eut Don Juan pour sa récompense. Mozart à Prague on ferait, venger,
et
:
sous ce
titre et
comme
avec ce fonds, l'un des plus jolis Mozart. Que dis-je
et des plus vivants portraits de
en
ferait dix,
on en
ferait vingt. Il
Mozart dirige
Un
visage rayonne de génie et de plaisir.
au piano.
«
Figaro
qu'il !
donne.
Figaro
!
»
le
théâtre en fête,
Noces de Figaro. Son
la réprésentation des
un grand concert
on
y en aurait d'abord
Dans
d'éclatants et presque officiels.
!
autre jour, c'est
vient de se
Il
s'écrie
mettre
la foule
d'une
seule voix, et sous les mains joyeuses du maître, les
thèmes de l'opéra jaillissent
et se croisent
en
traits étin-
celants.
Quelques tableaux intimes auraient plus de charme encore. Tandis que la ville entière ne chante, ne joue et
ne
siffle
pas autre chose que Figaro, voyez-vous dans
homme
ce jardin, sous une treille, ce petit
une table rustique? Près de font une partie de quilles.
lui,
assis
devant
de gais compagnons
De temps en temps
il
se lève,
lance la boule à son tour, et se rassied. C'est Mozart
en train d'écrire
Don Juan.
Constance a voulu veille sur lui, et qui
ne
sait
prend de
l'accompagner à Prague. Elle lui,
comme
d'un enfant distrait
rien de la vie, mille
Demain, 24 octobre, Don Juan
soins
doit être joué
ingénieux.
pour la pre-
[MOZART mière
fois.
55
L'ouverture n'est pas encore prête. Le soir
venu, Mozart se met à son bureau, Constance à côté de lui.
Pour chasser
légère,
il
la prie
ter des histoires.
le
de
sommeil, pour aider à sa tâche
du punch
lui faire
Alors
de
et
racon-
lui
elle parle, elle dit les
légendeset les récits magiques
phonie exquise s'anime
et
et,
vieilles
sym-
toute la nuit, la
se déroule
au souffle de sa
voix.
Aimable, innocente
vie, et
qu'on a calomniée pourtant.
C'est à ces jours tranquilles et purs qu'on a rapporté les
prétendus excès de Mozart, alors qu'il écrivait, moins d'une semaine après la première représentation de Juan,, à son
ami
le
comte de Jacquin
«
:
N'est-ce pas
que vous êtes de plus en plus convaincu de de mes petits sermons et
?
Le
que donne un sincère
Ce que Prague venait de
et
faire
la vérité
l'amour volage
plaisir de
capricieux n'est-il pas aussi distant que
la félicité
Don
raisonnable
ciel,
de
amour
? »
le
pour Mozart, Vienne,
La capitale autrichienne sourire. De 1782 à 1788, Mozart
aussitôt qu'il y rentra, le défît.
avait
commencé par
lui
eut quelques raisons
d'espérer. Mêlée de joies
et
de
mêlée encore. Trois
fils
peines, sa vie
du moins
lui naissaient,
dont un seul, Charles, devait vivre \ Le
vieux Mozart
connu
la
mourait brusquement,
femme de son
et peut-être
était
fils,
sans avoir à ce
non sans avoir
mais sans
fils
même —
l'avoir
aimée,
et lequel
!
—
rendu toute sa tendresse. Le quatrième et dernier, Wolfgang Amédée, naquit en 1791, peu de mois avant la mort de son père. 1
MOZART
56
Cependant peine
suffisait-il
Toute
«
renommée de Mozart grandissait. A à ses travaux. En 1784, il écrit
la
la
:
matinée est consacrée aux élèves
tous les soirs je joue.
jouant ses rivaux,
On
»
et plus
d'une
même
jouait aussi,
le
fois
on
presque
et
en
le priait d'intro-
duire dans un de leurs opéras deux ou trois morceaux
de
sa
applaudis.
manquaient pas
qui ne
façon,
En
d'être
vain ses ennemis avaient étouffé
phe des Noces de Figaro
;
plus
les le
triom-
un moment au moins
elles
avaient triomphé. Haydn, à qui Mozart venait de dédier six admirahles quatuors, saluait
publiquement en
plus grand musicien qu'il eût rencontré.
On
lui le
riait alors,
on chantait, on dansait, au modeste foyer de l'amoureux
et gentil
ménage. Dans une
demande à son père de tume d'arlequin. Une
mime
lui
lettre de 1783,
envoyer promplement un cos-
autre fois
jouée chez eux, en famille,
posé non seulement
la
Mozart
il
parle
et
dont
musique, mais
le
d'une pantoil
com-
avait
scénario.
Quelques années après, un jour d'hiver, un ami de
Wolfgang les
et de
Constance, entrant dans leur chambre,
trouvera dansant encore
pour
se
;
mais
cette fois ce sera
acheter du bois. Qu'est-il donc arrivé
déboires et la dernière misère. à
maison pour
réchauffer, faute d'argent à la
Vienne qu'un
médiocre
En
?
1788,
Les suprêmes
Don Juan
n'eut
Mozart avait dû,
succès.
pour veiller à l'exécution de son ouvrage, abandonner la
plupart de
en
route.
Un
Lichnowsky,
ses
leçons.
de
ses
partit
Il
lui
fallut
plus dévoués
avec
lui
pour
se
amis,
remettre le
comte
Prague, Dresde,
MOZART Leipzig et Berlin.
A
57
Leipzig, Mozart se plongea dans la
lecture des manuscrits de Bach. « Enfin, s'écriait-il, je
trouve donc part
ici
quelque chose à apprendre.
ne trouva grand'chose à gagner. Le
il
pourtant
lui faisait
la
Mais nulle
roi de
Prusse
Il les
déclina
des offres avantageuses.
pour venir reprendre à
»
cour de l'Empereur un emploi
qui ne suffisait point à le faire vivre. L'avarice de son
maître ne put
En
le
rendre infidèle à sa patrie.
janvier 1790,
il
donne Cosi fan
de l'Empereur en interrompt
couronnement de Léopold
tutte, et la
A
succès.
le
il
et,
l'occasion
pour se procurer la
Il
s'empresse
somme
nécessaire,
est obligé d'engager son argenterie.
De
plus en plus,
Tout
se
manque. Dans sa détresse croissante
et
l'inquiétude le ronge et la nécessilé le presse.
dérobe
et lui
du
de grandes fêtes, musi-
II,
cales peut-être, se préparent à Francfort.
de s'y rendre
mort
pour vivre, littéralement, rien que pour vivre, à qui fût-ce à des usuriers
recours
!
On
—
cet
pas contraint d'avoir
a relrouvé dans ses papiers les brouillons
de navrantes suppliques. jetait
n'est-il
appel
Peu de mois avant
désespéré
:
«
J'ai
élèves... Je voudrais arriver à huit.
bruit que je
—
donne des leçons.
»
sa mort,
il
maintenant deux
Répandez partout
le
Ses lettres d'alors à ses
amis, à ses bienfaiteurs, sont déchirantes.
Il
n'y est
femme sont Petite femme
question que d'argent. Mais ses lettres à sa adorables. Elles ne parlent que d'amour. « chérie, écrit-il de Dresde, (avril 1789),
raconter tout ce que je rirais bien souvent.
fais
si
je voulais te
avec ton cher portrait, tu
Par exemple, quand je
le tire
de sa
MOZART
58
prison, je lui dis
Dieu
:
Dieu
«
te
bénisse, petite Constance!...
te bénisse, friponne... tête ébouriffée... »
quand
je le remets en place, je le fais glisser
en disant tout
le
temps
:
«
Allons...
Et puis,
peu à peu,
allons... »
mais
avec l'énergie particulière que demande ce mot qui tant de choses... Et pour finir, je dis bien vite nuit, petite souris, et dors bien. » Je crois
monde)
;
un
lettre
si
me
attendue depuis
si
« J'ai
longtemps
trouvé et
avec
chérie,
longtemps dans
ma
chambre, car
je
ne pou-
rassasier de la lire et de la baiser. »
Enfin,
me
toi,
:
ardent désir, ô la plus chérie et la meilleure... Je
suis resté
vais
de
tendre-
si
»
sot.
Trois jours après, de Dresde encore
une
moins pour
mais, pour nous, qui nous aimons
ment, ce n'est pas précisément
Bonne
«
que je viens
d'écrire là quelque chose de fort stupide (du le
:
dit
il
le
23 mai, de Berlin
faut qu'à
mon
retour tu
:
« te
Ma
petite
femme
réjouisses plus de
revoir, que de l'argent que je te rapporterai. » Et
pour
la dernière fois
il
revient avec moins d'argent que
d'amour. «
Liebe, Liebe, Liebe,
ist
die Seele des Genius. »
Un ami
de Mozart avait eu bien raison d'écrire ces mots sur
bum du maître. L'âme de pas
son génie
était l'amour. N'est-ce
par bonté, par charité, que Mozart
Flûte enchantée sur
le livret,
l'al-
composa
à la prière et pour
théâtre, (un théâtre en plein vent), d'un ancien
la le
compa-
gnon menacé de faire faillite cet étonnant Schikaneder, devenu, de comédien ambulant, imprésario et poète. :
Allons plus loin. Sous la double apparence d'une opé-
MOZART rette assez
saugrenue
59
d'une allusion théâtrale aux
et
rites
de la franc-maçonnerie, dont on sait que Mozart
était
membre, qu'y
Flûte enchantée ?
a-t-il
En
au fond, tout au fond de
la
certaines pages mystérieuses de
l'œuvre légère et sublime, quelle idée ou quel idéal se
cache
— que reprendra Beeneuvième symphonie — de joie promise
et se devine,
thoven de
la
sinon celui
le
la
amour?
à tous et de l'universel
Le dernier chef-d'œuvre de Mozart lui printemps.
dans
le
comme Don
Il l'écrivit,
jardin du théâtre, ou dans
s'y élevait et
un
fils.
On
de Mozart et de sa
il
Juan, en plein
air,
petit pavillon
qui
aux eaux de Baden,
était
près de Vienne, où, le 26 juillet 179 J
lettres à sa
son dernier
qu'on a transporté depuis à Salzbourg.
Constance, enceinte et malade,
son dernier
prit
,
mit au
elle
monde
a douté, pour cette période encore, fidélité.
Mais
il
femme répondent pour
semble bien que ses lui et
de
lui.
Jamais
n'en écrivit de plus conjugales, où se trahisse une
plus amoureuse sollicitude
et,
comme
il
dit
gaiement
lui-même, où voltigent plus de baisers.
Sa
gaieté, sinon sa tendresse, était feinte.
Usé par
le
travail et les privations de tout genre, son corps cédait
à la fatigue et son
âme
à la mélancolie. Faut-il rappeler
quel incident bizarre acheva de
le
troubler, et jeta
une ombre fantastique sur
les derniers
jusque-là
n'y
si
lumineuse.
Il
qu'une supercherie dans cette
avait
comme
mois d'une vie
—
commande
on
l'a
su
—
d'une messe
de Requiem, faite en secret par un étranger de la part
d'un inconnu. Mozart y crut deviner un mystère et
le
MOZART
GO
présage de sa mort. plus
De
funestes pensées ne
désormais. Ayant achevé
se mettait à l'œuvre, à cette et
Prague
demanda, pour
comme
Flûte
œuvre
le
quittèrent
enchantée,
il
appelait son
qu'il
son chant funèbre, lorsque
testament lui
la
le
la
de
ville
couronnement de Léopold
II
Bohême, un opéra de circonstance, la Clémence de Titus. Il accepta. Le jour de son départ, au moment de monter en voiture avec sa femme, il vit reparaître le sombre messager, réclamant le Requiem roi de
promis. Dix-huit jours suffirent pour la composition cution de
Titus (septembre 1791). Mozart
et l'exé-
se hâta
de
revenir à Vienne surveiller les dernières répétitions de la Flûte
lâche.
enchantée et terminer sa mystérieuse
Le dernier jour de septembre
gieux de la Zaïiberflôte. gloire, ni la fortune
seulement trois «
Il
sombre
succès prodi-
vit le
arrivait
et
trop
tard. Ni
la
ne pouvait plus sauver Mozart, ou
le distraire.
Un
mois avant sa mort,
de ses derniers
billets, écrit
trahit la tristesse et l'effroi
:
Très cher Monsieur, je voudrais suivre votre conseil,
mais comment y réussir? J'ai la tête perdue, je suis à bout de forces et ne puis m'ôter des yeux l'image de cet
me presse, me sollicite et me réclame impatiemment mon travail. Je continue, parce que la composition me fatigue moins que le repos. Au surplus, je n'ai plus à trembler; je le sens à quelque chose qui me prouve que l'heure sonne. inconnu. Je
le vois
continuellement, qui
Je suis près d'expirer. J'ai
mon
talent.
Et
pourtant
la
fini
vie
avant d'avoir joui de était
si
belle
!
La
MOZART
61
carrière s'ouvrait sous des auspices
si
fortunés!...
Mais
on ne peut changer son propre destin, nul n'est assuré de ses propres jours. qu'il plaira à la
mon fait. Il
11
faut se consoler!
en sera ce
moment
Providence. Je termine en ce
cliant funèbre, car je
ne dois pas
laisser
le
impar-
)>
y consuma
le
reste de ses forces et ne le put achever.
Plus faible de jour en jour,
il
sortait encore cependant,
au bras de sa chère Constance. elle
il
s'asseoir avec
Il allait
sur un banc du Prater et regardait s'effeuiller l'au-
tomne. Parfois, en proie à d'étranges soupçons, à de
vagues terreurs,
il
parlait de crime, de poison. Puis
semblait reprendre courage
Y Eloge de V amitié, pour une dait
un dernier
:
écrivait
il
une cantate,
maçonnique
fête
il
;
il
flacon de vin à son fidèle ami,
deman-
l'hôtelier
du Serpent d'argent.
symptômes parurent. Sa dougrâce ne s'étaient point altérées. Le soir, il
Il prit le lit et les
ceur et sa
pires
aimait à suivre en pensée la représentation de la Flûte
enchantée
grand
air
:
«
Maintenant
finit le
premier
de la Reine de la Nuit.
acte...
Voici
le
»
Le dernier jour, voyant entrer sa belle-sœur Sophie Vous avez bien fait de venir, lui dit-il, vous resterez :
«
cette nuit afin de
me
voir mourir. Et qui donc porterait
secours à
ma
mortelle.
Des compresses
chère Constance?
»
Le
soir
amena
la crise
froides, appliquées sur sa tête
brûlante, lui firent perdre connaissance. Vers une heure
du matin, a rapporté sa belle-sœur, ses lèvres battirent une dernière fois, comme pour marquer un roulement
MOZART
62
de timbales, l'esprit.
il
tourna
C'était
le
la tête vers la muraille et
décembre 1791.
5
rendit
n'avait
Il
pas
accompli sa trente-sixième année. Ses funérailles furent d'un pauvre. Malade de chagrin,
comme
sa
femme
les
amis qui l'avaient accompagné d'abord ne le suivirent
n'y put assister
pas jusqu'au bout. fut
déposé dans
Constance vint
Il
et,
commune. Quelques jours
questionna
fossoyeur.
le
ne connaissait pas ce mort,
qu'il
neige tombait,
entra seul au cimetière et son corps
la fosse et
la
et depuis,
Il
après
répondit
pour prier
sur la tombe de Mozart, nul n'a su jamais où plier les
genoux. «
Se hla f ein, mein Prinzchen, schlaf ein! Dors,
petit prince, dors
ceuse de Mozart.
!
»
C'est le refrain d'une exquise ber-
Sur
hasard impie ne nous
les
!
»
En
dépouilles du maître,
les avait
souhaité d'autre épitaphe.
dors
mon
«
si
le
dérobées, on n'eût pas
Dors,
mon
petit prince,
ce peu de mots, et surtout en ce peu de notes
exquises, les siècles auraient su lire la grâce et la noblesse
de ce génie, sa jeunesse et sa pureté.
MOZART
63
L'OEUVRE ET LE GENIE I
L'idéal d'un artiste, a dit à peu près Taine, consiste «
à manifester quelque caractère essentiel et saillant
plus complètement et plus clairement que ne font les objets réels », en altérant
ports naturels de
«
systématiquement
les rap-
leurs parties, pour rendre ce carac-
tère plus visible et plus dominateur. »
On
peut soutenir
—
que Tidéal de Mozart cette définition
et
nous voudrions
le
montrer
que possible
fut aussi contraire
fameuse, parce que justement
moins dans Faccentuation
et
la
—
mise en
il
à
consista
relief
d'un
caractère unique, que dans la conciliation de tous les
caractères et dans leur harmonieux accord.
premièrement se touchent deux génies
Ici
et
deux
races. Mozart, ainsi que le poète autrichien Grillparzer
Ta
dit
de leur pays
commun, Mozart
est « le bel ado-
lescent qui repose étendu entre l'Allemagne, cet
homme,
et cet enfant, l'Italie. » «
Ce
Topera
fut
un Allemand,
italien
à sa
écrit
plus idéale
Wagner,
qui
porta
perfection, et,
après
Favoir ainsi marqué du sceau de l'universalité, en gratifia
ses compatriotes. Mozart ennoblit si bien les qualités
dominantes de
la
manière italienne,
il
les
fondit
si
bien avec ses propres dons, la pureté et la vigueur
MOZART
64
allemande, qu'il arriva à créer quelque chose d'absolu-
ment inconnu avant
lui. »
Rien de plus véritable.
comme celui
exemple
On le prouverait aisément par un
— que nous prenons au hasard —
de la Servante maîtresse. Et ceux du Mariage secret, puis du Barbier de Séville, feraient voir aussi claire-
ment que
inconnue avant
« perfection idéale »,
cette
Mozart, ne s'est pas non plus retrouvée après
œuvres, dans
les
purement Mozart
les
d'Italie.
exécuté vers la
de
loin
fin
du xv e
Salzbourg, siècle
cours et les
«
natal
le
»
retable
peintre-sculpteur italienne?
en tout cas, n'en ont d'autre
comparer
chapelles
par
certain
Œuvre allemande?
ni l'Allemagne, ^à lui
l'air
put voir, à l'abbaye de Saint-
Il
tyrolien Michel Pacher. «
semblable
de l'opéra
dans
avait, dès son enfance, respiré
Wolfgang, non
l'Italie
dans
italien.
un parfum
Ni
mêmes
chefs-d'œuvre
lui
»
*.
Un peu
plus tard, les
allemandes n'offraient guère
à la curiosité du petit voyageur que des ouvrages et des interprètes ultramontains.
Plus tard encore, aux envi-
rons de sa quinzième année,
il
alla voir,
elle-même. Elle l'entendit à son tour par les
elle
mieux que par sa propre
l'Italie
compris, honoré
patrie,
il
lui
consacra
prémices de son génie.
Que
dis-je, les
prémices!
deux ans, Mozart
M. de
Wyzewa,
En 1778
écrivait à son père
composer des opéras
1
et,
entendre
op. cit.
est
mon
idée
encore, à vingt:
«
fixe
Ce désir de un opéra :
PORTRAIT DE MOZART Dessiné et gravé par Quenedey (Cabinet des Estampes, Bibliothèque Nationale.)
MOZART
G7
français plutôt qu'allemand, mais italien plutôt qu'alle-
mand ou
On
français »
son désir
sait qu'il suivit
et,
pour ne parler que de ses ouvrages importants ou de
Idomeneo
chefs-d'œuvre,
ses
Don Giovanni,
Nozze
le
,
di
Figaro
et
Cosi fan tutte et la Clemenza di Tito,
ne furent pas seulement par égards, par la musique
mais à certains
les paroles,
même,
opéras en partie
des
italiens.
Si maintenant, des
remontons à
œuvres ou de
la théorie,
aux principes,
ront aussi l'italianisme de Mozart. l'heure
même
pourtant où
il
mand, l' Enlèvement au sérail, que Mozart ne
faisait la
poésie soit la
donc la
fille
profession de
j'en
ai
témoin.
été
règne en souveraine
italienne,
?
Et
que voici
à
alle-
:
«
absolument que
le
génie
Wagner, le
cela,
même
Parce que
la
le
rapport entre
solution
exactement opposée à
Mozart est seul
foi
faut
Je la
la
à Paris,
musique y
De
qu'on celle
la
poésie et la
peut appeler
que venait de
allemand-français de Gluck et que
devait reprendre, pour l'imposer,
génie de
un ouvrage
et fait oublier tout le reste ».
problème qu'est
musique, voilà bien proposer
1781,
obéissante de la musique. Pourquoi
pauvreté de leurs livrets
l'éternel
atteste-
opéras italiens plaisent-ils partout, malgré
les
comme
nous
propos de cet ouvrage,
et à
il
ils
C'est en
écrivait
mais dans un opéra,
sais,
nous
la pratique,
un
siècle plus tard, le
ce pur Allemand.
dernier des musiciens d'Allemagne
Meyerbeer excepté), ayant
livrets italiens; le dernier
(le
écrit des opéras sur des
dont la musique,
même
ins-
MOZART
68
trumentale, traits,
ait
car elle a vraiment
de la beauté latine l'esprit ait, je
On
le
dernier que
Lohengrin en
nous
Italie, écrivait à
dit
charme
que l'œuvre d'art
les sens
:
«
Un
un tout complet qui
»,
souhaitait, à la fin de sa vie, l'Italie,
quand
il
les fibres
comme un torrent de joie. » Wagner oubliait ce jour-là Quand
il
l'hymen de l'Allemagne
et
qu'un Allemand l'avait autrefois possédée.
de
instinct
une voix intérieure
l'art;
eux-mêmes, qui touche toutes
essence totale
«
du midi,
la représentation de
M. Boito
doit être
de l'homme, qui l'envahisse Cette
le souffle
que nous autres (Allemands) ne pos-
sédons pas l'essence totale de
nous
sourire heureux
mais touché.
que Wagner, après
avertit
le
sur ses
delà Renaissance italienne,
et
dirai pas rempli,
sait ce
secret
;
un visage,
delà Renaissance,
ne
comme
retenu dans ses formes, et
se flattait
que son Lohengrin n'eût
franchi les Alpes que pour l'annoncer et le promettre,
ne se souvenait plus que longtemps avant
du Graal, l'époux de Suzanne
et
le
il
Chevalier
l'amant de Zerline
avaient été les hérauts de ces noces idéales, mais que n'avaient
celles-ci
pu, ne pouvaient avoir de lende-
main.
Dans
le
concert, ou le duo merveilleux, que forme le
génie de Mozart, après elle, c'est
l'Italie et
quelquefois
à l'Allemagne de chanter.
Témoin
même
avec
toute sa vie
d'un combat, qui devait se poursuivre longtemps après sa mort, entre l'opéra d'Italie et l'opéra national, Mozart faisait parfois des
vœux, avant même de
lui
donner des
gages, pour l'idéal allemand. Ses lettres de Paris nous
MOZART
69
ont révélé tout son patriotisme.
encore
«
Je sais, écrivait-il
que
en 1778, je sais d'une manière certaine
l'Empereur a dessein de monter à Vienne un opéra allemand.
dont
cles, [die
Le
»
projet impérial rencontra mille obsta-
même
succès
le
de l'Enlèvement an sérail
Entfnhrung), ne réussit pas à triompher. Mozart
néanmoins ne perdait pas l'espérance « Je suis pour l'opéra allemand quoique cela me donne plus de peine, .
;
j'aime encore
mieux
Chaque nation a son opéra.
cela.
Pourquoi, nous autres Allemands, n'aurions-nous pas nôtre? Est-ce que l'allemand n'est pas aussi chanter que russe
?
Eh
français
ou
l'anglais,
et
facile
à
que
le
plus
un opéra allemand ajouter que pour sujet de poème,
bien, j'écris maintenant
!
pour moi... il
le
le
» Il faut
*
n'avait rien trouvé de
mieux
alors qu'une
comédie de
Goldoni.
Deux ans
plus tard, en 1785,
quelque ironie, ses plaintes les dispositions déjà prises,
il
et
renouvelle, non sans
ses
vœux.
D'après
«
on chercherait plus en
à ruiner complètement l'opéra allemand,
qui
réalité,
n'était
tombé que pour un temps, qu'à l'aider à se relever et à se soutenir... S'il y avait un seul patriote en peut-être
crédit, tout changerait de face...
qu'alors le théâtre national, qui
Mais voilà! Peut-être
commence
à
germer
magnifiquement, arriverait à son épanouissement... Et ce serait
une tache éternelle pour l'Allemagne,
autres Allemands, nous
1
Février 1783.
si
nous
commencions sérieusement à
MOZART
70
penser..., à jouer en allemand..., à parler en allemand...
même... à chanter en allemand
et
«
Parler en allemand.
de
c'est,
lire
le
texte de
Enchantée,
la Flûte
Mozart. Mais
allemand
»,
ou
«
musique ou par
la
Il suffit, /
»
pour savoir ce que
'Enlèvement au sérail
et
de
deux œuvres allemandes de
les
chanter
«
»
!
», et
plus encore, « penser en
à l'allemande »;
surtout penser en
musique, voilà qui paraît moins
facile
à définir. Essayons cependant.
Par exemple, air
il
n'est pas impossible de tenir certain
de Belmont (Pamoureux de l'Enlèvement au sérail)
pour
un des passages où
«
la
musique allemande a
parlé pour la première fois dans sa plénitude le langage
de l'amour allemand
1 .
»
Belmont
serait alors le pre-
mier exemplaire lyrique du véritable jeune
mand,
le frère
homme
aîné du Florestan de Fidelio et du
alle-
Wal-
ther de Stolzing des Maîtres-Chanteurs.
On
pourrait
d'Osmin
également trouver dans
(voir encore l'Enlèvement
au
combinaison de leur rythme allègre mineur,
et
les
sérail),
couplets
dans
de leur
la
mode
mélange, vraiment national {echtdeutsch)
le
d'une tendresse rêveuse, mélancolique souriante et naïve bonhomie
.
,
même, avec une
Mais quel signe
— ou
—
moins vagues et plus y en a plusieurs, spécifiques, nous donnera-t-on pour les signes pro-
lesquels,
s'il
prement musicaux de
Ce sera Nohl.
la
pensée allemande
?
peut-être, par rapport à la pensée italienne,
MOZART tantôt plus de profondeur
71
moins
avec!
quelque chose de plus familier
d'éclat,
1
tantôt
et volontiers populaire.
Dans l'ordre des éléments exclusivement sonores,.ce sera la mélodie moins facile, mais plus riche, plus féconde^ et que l'harmonie, l'orchestre, viendront souteniret fier.
forti-
Enfin, pour ce qui regarde le développement' et le
progrès de
l'idée,
qu'il s'agisse
d'un
air,
d'une scène
unique, ou d'un acte, voire d'un opéra tout entier, vous reconnaîtrez
le
génie allemand à ceci, qu'il rompra la
régularité classique, italienne, et que, de plus en plus,
à la symétrie, au retour périodique
des formes,
il
en
préférera l'évolution et la liberté. Il
n'est pas
un de
moins en germe,
ces caractères
que ne possède, au
la Flûte enchantée.
Dès qu'on
la
com-
pare avec les autres opéras de Mozart, on y découvre
une plus grande indépendance des formes ou des forces musicales; moins de rigueur et plus de variété dans; la
coupe des morceaux
;
mainte
fois,
régulière et conventionnelle, naturelle de la mélodie et
au
lieu de la division
la continuité
logique et
du discours. On en peut juger
dès l'introduction, plus libre peut-être encore que celle
de Don Giovanni. le
Ce n'est chant éperdu de Tamino
comportant
«
ni répétition, ni
un trio, ni un quatuor; est une phrase isolée, ne ni
développement, ni combi-
naison avec les autres voix. Les fées entrent à leur tour et
dialoguent dans une forme très libre... Le quintette
des fées avec
Tamino
et
téristique... Il faut citer
l'enceinte
du ternie
Papageno
n'est pas
moins carac-
encore l'entrée de Tamino dans
d'Isis. C'est
une scène d'une admi-
MOZART
72
rable déclamation, où le récit s'anime et s'élève peu à
peu, devient mélodique, expressif, s'unit à l'orchestre et
prend une intensité d'expression que ne connaissait guère
Quant à
la
1
récitatif italien
le
»
.
mélodie elle-même, on ne peut nier que,
d'un bout à l'autre de la Flûte enchantée^
en quelque sorte de ce
passage
l'idéal italien à l'idéal
marque
chants sublimes de
comme si
tantôt
elle
ne passe
allemand. Et
une élévation (témoins
Sarastro et des
prêtres),
dans les chansons dePapageno,
plaisamment populaires, je ne
dis pas
si
les
tantôt,
franchement,
un abaissement,
mais une condescendance.
Que sont encore, malgré adorables couplets à
Pamina? Que
leur parfaite symétrie, les
deux voix de Papageno
sont-ils,
et
de
avec leur humble ritournelle,
avec leur parfum de simple, honnête
candide amour,
et
sinon l'un des premiers exemplaires, et des plus précieux, des plus purs, du véritable lied allemand?
Allemande aussi l'ouverture,
et
comme pas une
ouver-
ture de Mozart ne l'avait été jusqu'alors. Seule, entre toutes, elle
est fuguée, elle est
presque une fugue, et
sans doute la moins scholastique, la plus libre au contraire, la plus vive et la plus étincelante,
mais presque
une fugue pourtant. Par
le style
et
par
le
sentiment,
par la poeticac
autant que par la practical basis, la Flûte enchantée est
donc bien
le
premier des chefs-d'œuvre allemands. Elle
1. M. Julien Tiersot, dans une excellente Etude sur • où nous avons puisé largement.
la Flûte enchantée,
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Partiti-ra
FRONTISPICE DE LA PREMIÈRE PARTITION DE DON GIOVANNI (Bibliothèque de l"Opéra.)
DON JUAN Maquette du décor du 4 e
acte, 2 e tableau (Le Cimetière.) (Archives de l'Opéra.)
MOZART
75
Test par l'esprit et le comique; elle Test encore par le prestige de la féerie et du mystère, par les voiles bleus et le
diadème
magne magne
ici
d'étoiles de la reine de la nuit.
peut regarder
et
reconnaître plus d'une Alle-
celle qui croit, qui pense, qui rêve, aussi bien,
:
peut-être encore
mieux que
Elle trouvera dans
le
celle qui plaisante et qui
surprendre un pressentiment
Wagner
de Schumann.
même
—
n'est-il
par une œuvre dont n'est autre
que
l'idée
rit.
duo des hommes d'armes l'austère
souvenir du vieux Bach. Ailleurs,
fal
L'Alle-
enfin
et
—
elle croira
presque
comme un et le Wagner de
déjà
soupir Parsi-
pas annoncé, promis à sa patrie le
sujet véritable, et symbolique,
de la bonté, de la sainteté libéra-
du progrès ou de l'ascension de l'âme, à travers
trice, et
des rites qui purifient, vers la lumière et l'amour? «
OEuvre inaugurale
», a-t-on dit
de la Flûte enchan-
Le mot est de M. Tiersot et vraiment on ne saurait mieux dire. Les maîtres dont elle inaugura l'idéal ne tée.
pas trompés. Beethoven chérissait d'une ten-
s'y sont
dresse particulière l'ouvrage où Mozart
mière
fois s'était
manifesté
comme le
«
pour
la
pre-
maître allemand
Quant à Wagner, également sensible à
la
».
double beauté
de Mozart, également charmé par l'un et l'autre visage de ce Janus jeune et mélodieux, génie a
fait ici
le
type
seulement il
il
a dit
:
«
En
vérité le
un pas de géant, presque trop grand. Car,
tout en créant l'opéra allemand,
temps
il
le
il
en présenta en
même
plus accompli, de telle sorte que
non
ne pût être égalé, mais même qu'en ce genre
n'y eût plus à faire de progrès. »
MOZART
76
H Musicien italo-allemand, Mozart
encore un
offre
trait
particulier et peut-être unique. Il a pareillement excellé
dans toutes
les
formes
lesquels peuvent se
chant cert;
et
tous les genres de son art,
ramener à deux
musique de
la
:
de théâtre et la musique de chambre et de con-
et
autrement
dit la
musique pure
musique en
et la
quelque sorte appliquée. Et voilà ce que Ton appellerait volontiers, les
mots,
la
Ton ne craignait de paraître jouer sur seconde harmonie de Mozart.
si
Je ne sais pas un grand maître
grands
:
pense aux plus
aux Bach, aux Beethoven, aux Wagner
dont l'œuvre se partage
comme
deux moitiés également
belles,
comme
— je
l'œuvre de Mozart en et
par
qui,
la qualité
par la nature, se répondent et se ressemblent
davantage.
Le Mozart de Don Juan
enchantée ne
diffère et surtout
de la Flûte
et
ne dégénère en rien du
Mozart des sonates, des quatuors, des concertos
symphonies, du quintette avec clarinette taisie
—
en nt mineur pour piano.
F autre qu'un
même, un
Ils
et
et des
de la fan-
ne sont l'un
et
seul Mozart, et voilà pourquoi,
dans une élude aussi brève que
la noire,
possible, en ne parlant guère que
il
nous a paru
du musicien de
théâtre,
de parler cependant du musicien tout entier. Grillparzer la
un
jour, dans l'excès de son
musique, comparait
le fait seul d'y
amour pour
ajouter des paroles,
au sacrilège des anges du Seigneur s'unissant aux
filles
MOZART de
Mozart a
la terre.
77
sanctifié Falliance et conjuré l'ana-
thème. Son génie musical
grand
était si
pur, qu'il
et si
a pu, sans trouble et sans perte, se mêler
non seulement
à la poésie, mais à Faction, au drame, au théâtre enfin,
prendre notre voix, notre figure, notre nature humaine
et
tout entière, sans rien sacrifier de sa divinité. Il
a voulu, ce génie musical entre tous,
incarnation
chéri cette
verbale
il
a
même
dramatique.
et
Elle
répondait à l'idéal qu'il se faisait de son art. Épris de beauté, la beauté qu'il aimait n'était point une beauté vaine, égoïste, qui se complaît en elle-même, se regar-
comme
dant
son objet unique
musique sans doute a ses
et
sa propre
La
fin.
ou plutôt ses devoirs
droits,
envers soi-même, et sous aucun prétexte
elle
ne saurait
y manquer « Les passions, écrit Mozart, qu'elles soient violentes ou non, ne doivent jamais être exprimées :
jusqu'au dégoût, et la musique, la plus terrible,
même
ne doit jamais offenser
dans
la situation
l'oreille,
mais, là
encore, la charmer, enfin rester toujours de la musique
».
Oui, mais à la condition qu'elle demeurera toujours
de la musique expressive, de celle que Mozart, quelques
même
lignes plus bas,
dans
même
[Y Enlèvement
ouvrage
définir
mont
:
:
«
la
et à
lettre
au
sérail),
Savez-vous comment j'ai rendu
wie dngstlich,
o
wie feurig
l
!
propos du s'attache à
l'air
de Bel-
Le cœur
qui
bat est déjà annoncé d'avance parles violons en octaves. C'est l'air favori de tous ceux qui l'ont entendu... et de
1.
«
Oh! avec quelle angoisse, avec quel
feu!... »
MOZART
78
moi
aussi...
On
y voit
voit se soulever le
tremblement, l'irrésolution; on
le
cœur
un crescendo; on entend rendus par
pirs,
les
exprimé par
gonflé, ce qui est les
chuchotements
et les
premiers violons en sourdine
et
sou-
une
à l'unisson. »
flûte,
Ainsi, derrière la beauté spécifique des sons,
dans cette beauté même,
et
ou mieux
ne faisant qu'un avec
elle,
Mozart a contemplé, chéri leur expressive beauté. Pour enfermer
la
savait,
il
délicat,
pour
soi et la réduire à soi,
faire
une étrangère, une inhumaine,
il
sentait trop bien, le tendre génie, par quel
fil
une
d'elle
musique en isolée,
mais que rien ne peut rompre,
elle tient
au plus
profond de notre cœur. Il
«
a toujours pensé, dit avec raison M.
que l'unique
fin
de son art était
nuances des passions absolue ne pouvait
».
deur infinie qu'elle possède, sion dont elle
Dans
manque.
Il
de
Yoilà pourquoi
lui suffire. il
A
Wyzewa,
de
traduire la
tes
musique
l'étendue, à la profon-
a voulu joindre la préci-
y a merveilleusement réussi.
ce trésor de vérité et de vie pour ainsi dire imper-
sonnelle,
anonyme, dont
verainement,
ments
et
le
comme
le
pur musicien disposait sou-
musicien dramatique a choisi des des traits particuliers, dont
il
élé-
a formé
des êtres définis et individuels.
Un
philosophe ancien a distingué deux façons, pour
nos sens
Quand
et
pour notre
esprit, de percevoir la lumière.
« l'intelligence, dit Plotin,
aux objets
éclairés, elle
accorde son attention
ne voit pas bien nettement
le
principe qui les éclaire. Si, au contraire, elle oublie les
MOZART
79
objets qu'elle voit pour ne contempler que la clarté qui les
rend
visibles, elle voit la lumière
même
et le principe
de la lumière. » L'opéra de Mozart a cette double vertu,
nous
qu'il
voir ensemble et les objets et la clarté;
fait
que nous y découvrons à la fois les idées, les sentiments, les personnages enfin, que la musique représente, ou l'essence de
et le principe
musique elle-même.
la
III
Cette admirable musique est toujours admirablement la
musique du drame,
l'action et de la parole.
ments auquel altéré l'un
ou
Il
un de
n'y a pas
ne se rapporte avec
elle
pu trop souvent
des caractères, de
c'est-à-dire
le
ces trois éléSi l'on a
fidélité.
contester, c'est qu'on a trop souvent
l'autre,
quand ce
n'était pas l'un et l'autre
terme de ce rapport.
Gounod
disait
un jour
« Il suffit
:
calomnier un chef-d'œuvre.
»
d'un interprète pour
Les chefs-d'œuvre étrangers
ont pour interprètes non seulement ceux qui les chantent,
mais ceux qui
ou qui
les traduisent, et
les « arrangent. »
n'a été épargnée
Avec
le texte
De
« à
adaptent»,
les «
aucune
tant de calomnies,
aux chefs-d'œuvre de Mozart.
de Mozart d'abord, on a pris des libertés
étranges et sans nombre. soupire
ceux qui
«
Ah!
taci,
ingiusio core, »
son balcon dona Elvire éplorée.
»
—
«
Nuit
fraîche, nuit sereine, » voilà ce que l'une des versions
françaises pir.
— et non la
Cherchant
plus inexacte
et pleurant,
comme
—a
fait
de ce sou-
Cérès dans
les val-
MOZART
80
Ions d'Enna, l'enfant qui lui fut enlevée, la Reine de la nuit raconte à
Tamino
ma
je suis élue, car
sa souffrance
m'a
fille
Pour
«
:
été ravie...
la
douleur
Mon bonheur
Autrement dit, oh! oui tout autrement, car on a changé cette plainte maternelle en cette amoureuse déclaration a
fui
pour jamais.
»
:
ma
Cruel, je t'offre
tendresse.
Dans mon palais viens près de moi. Ton cœur parjure me délaisse; Entends ma voix je suis déesse :
Et
te fais roi.
peut arriver que la
11
fidélité littérale,
de la musique de Mozart tion, 11
de
l'italien
faudrait alors
aille
si
loin,
ou de l'allemand, ne
—
il
le
ou
la verbalité
que nulle
tradi-
soit plus possible.
faudrait à tout prix
— conser-
ver non seulement la pensée, mais l'idiome original,
dont certains mots, ou certains noms, ne se remplacent pas. et
Que
n'a-t-on point essayé pour traduire le
superbe
:
«
Don Giovan-ni
depuis un certain
:
«
!
»
du convive de pierre,
Voici l'heure
!
»
naturel autant que de force, jusqu'à cet
Juan-an!
» peut-être fait
manque de « Don horrible qui
:
pour se braire, mais non point
assurément pour se chanter. Nous sommes cas de
force
majeure.
fameux
Ici
la
justesse
ici
dans un
de l'accent, la
propriété de l'expression, la beauté sonore, tout s'ac-
corde pour n'admettre, sur les quatre notes terribles,
que de
le
nom,
et le
nom
italien,
avec ses quatre syllabes,
Don Giovanni. L'esprit,
non moins que
la lettre, des
ouvrages
lyri-
3
o
B 3
25 S5
S^
-t!
> o
o>
M 3
C5 >5
O
'
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