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April 2, 2017 | Author: Francisco Barrón | Category: N/A
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MATRIX machine philosophique

Alain BADIOU Thomas BENATOUIL Elie DURING Patrice MANIGLIER David RABOUIN Jean-Pierre ZARADER

LISTE DES AUTEURS

INTRODUCTION

Alain BADIOU

La matrice

a

Philosophe, dramaturge, romancier, professeur de philosophie l'tcnle normale supérieure . 11 a notamment publié L 'Etre et l 'événement (Seuil, 1988), Deleuze ou la clameur de l'etre (Hachette, 1997), Petit manuel d'inesthétique (Seuil, 1 998), Court traité d "ontologie transitoire (Seuil, 1998), Abrégé de métapolitique (Seuil, 1998), et plus récemment: Circonstances 1 (Léo Scheer, 2003) et L 'Ethique (Nous, 2003).

Thomas BÉNA TOU"IL

a

Maitre de conférences I'Université de Nancy-2. Spécialiste de philosophie antique et du stokisme en particulier, il a publié Le Scepticisme (Fiammarion, 1997).

Elie DURING Agrégé de philosophie, ancien éleve de I'École normale supérieure. Enseigne la philosophie a I' Université de Paris-X Nanterre. 11 est l'auteur de L'Ame (Fiammarion, 1997), de La Métaphysique (Fiammarion, 1998) et de La Science et l 'hypothése: Poincaré (EIIipses, 2001 ).

Patrice MANIGLIER Agrégé de philosophie, ancien éleve de I'École normale supérieure. Spécialiste de la pensée structura liste (Saussure, Lévi-Strauss). 11 est l'auteur du Vocabulaire de LéviStrauss (EIIipses, 2002) et de La Culture (EIIipses, 2003).

DavirJ RABOUIN Agrégé de philosophie, ancien éleve de I'École normale supérieure. Spécialiste de la ph ilo ~ophie du XVII" siecle (Descartes, Leibniz) et de la :>hilosophie des mathemJtir¡ues, 11 a publié Le Désir (Fiammarion, 1997).

jean-Piem: ZARADER Agrégé de philosophie, directeur de collection aux éditions Ellipses. 11 est notamm ent l'au~eu r de: Petite histof;z :l'!s idées ph;rr.sophiques (EIIipses, 1994), Philosoph1e et onema (EIIIpses, 1997), Malraux ou In .nensée de l'art (EIIipses, 1998), Vocabula1re de Malraux (EIIipses, 2001 ). 11 a dirig ~ L. e Vocabulaire des philosophes (4 volumes, Ellipses, 2002).

ISBN 2-7298-1841-3 © turpses É.artron Marketing S.A., 2003 32, rue Bargue 75740 Pari s cedex 15

«

a philosophies

Un film d'actíon intellectuel

»

?

Les philosophes, c'est bien connu, ont vocation a s'occuper de tout. Meme de la boue, du poil et de la crasse, s'entendait dire le jeune Socrate. Meme d'un film de science-fiction, pourrait-on ajouter aujourd'hui. Ce n'est pas simple. Car Matrix justement n'est pas n'importe quel film de science-fiction : il est saturé de philosophie, ou plut6t de erté et le destin, il ne pouvait s'agir que d'une philosophie «de bi' :>::> r >> ou d'une version XBox dt.; ¡:;rogramme de terminale, ce qui n'était pas tres sympathique et pour les Jycéens et pour les épiciers - il faudra y revenir. Chacun s'y entendait en tous cas en métaphysique et en religion, et s'autorisait a distribuer des brevets de qual ité. Si personne ne songeait a rep rc cher a Tarkovski ou a Kubrick d'avoir mis la science-fiction au service d'un propos rr. é~ aphy ~ iq~ e parfois assez fumeux, on s'accordait a trouver ridicule qu'un film populaire mele a l'imaginaire des manga et de la littérature cyberpunk des réflexions réputées plus sérieuses.

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Matrix, machine philosoph1qu e

lntroduct1on

Les philosophes, ceux du moins qui en affichaient publiquement la qualité, et qui a ce titre étaient parfois sollicités pour donner leur avis, se trouvaient alors dans une position assez inconfortable. lis pouvaient, bien sOr, chois ir d'oublier leur métier et suivre leur instinct de simple spectateur ou d e cinéphile, au risque de laisser croire, si le film ne leur avait pas déplu, qu'ils le prenaient au sérieux et lui accordaient un véritable crédit philosophique . Plus rares furent ceux qui recommanderent le fi lm pour l'édification des jeunes générations. 11 restait heureusement, pour la majorité d'entre eux, une solution de compromis. Elle consistait a prendre le film au sérieux, tout en le prenant de haut : on explicitait alors certaines références allusives, on en corrigeait au besoin l'interprétation, en donnant l'impressio n ~e « faire la le~on ,, aux néophytes sur la véritable doctrine de Platon, de DesearLes ou de Bouddha . Matrix: 11 sur 20, peut mieux faire. Y avait-il autre chose

Peu importe ce qu e chacun pense du film, en tant que film. 11 n'est meme pas nécessai re de l' avoir aimé pour en parler, bien qu'il soit préférable de ne pas l'avoir tout a fait détesté pour avoir a en dire quelqu e chose d'intéressa nt. Peu importe également ce que chacun croit avoir compris du '' message , de la fable. Matrix n'est pas un film philosophique, pas davantage de la philosophie mise en film, ni meme un film « pour philosophes ». S'il ne fa isait qu'i llustrer des philosophies toutes pretes, ces derniers n'auraient en effet rien a en dire: ils n'ont pas besci n d'attendre du cinéma qu'il leur apprenne leurs classiques . S'il fallait le distinguer des autres films de sa catégorie, 12..o._eourrait di re que Matrix est un film théorique, ou plus exactem~_e_macbine.luffets . théodq~~~ susceptible_ en cela d'interesser les philosophes, mais pas au sens ou on le croit d'habitude. Car il ne s'agit pas d'expliquer le " message , du film, ou d'expliciter la « philoso phie , (ou les « philosophies ») qu'il enveloppe, mais seulement d'en faire quelque chose, et si possible autre chose.

adire ?

La machine Matrix

« 11 n'y a aucune question de difficu lté ni de compréhension : les

concepts sont exactement comme des sons, des couleurs ou des images, ce sont des intensités qui vo us conviennent ou non, qui passent ou ne passent pas. Pop'philosophie. 11 n'y a ri en comprendre, ri e n interpréter. ,, (Gilles Deleuze [4]).

Oui, a cond ition de prendre le film pour ce qu'il était, a savoir d'abord et avant tout un film divertissant, film d'action peut-etre plus encare que de sc ience-fiction. Certes, le deuxieme épisode manquait singulierement de rythm e, les dialogues s'épaississaient et !'intrigue, a force d'accumuler les mysti>res, co mmenc;:aiL d fatiguer meme ceux que le premier Matrix avait conc¡uis . Quant a la bande-annonce de Motrix Revolutions, elle prom ettait déja ;¡ grand renfort d'explosions une résolution dramatique digne d 'un space apero ou d'un jam es Bond . Mais pas plus que pour les deux pre m iers épisodes, il ne s'agit ici de juger ce film en lui appliquant des criter>). Et c'est pourquoi il n'y a pas a proprement parler de philosophie de Matrix (pas plus d'ailleurs que de religion de Matrix, cf. « Les dieux sont dans la Matrice »), ou alors seulement une philosophie virtuelle. Matrix tente une expérience, ou plut6t en pose les conditions sans l'effectuer lui-meme. On a justement fait remarquer que cette fiction saturée d'intertextes était centrifuge, au sens ou elle suggérait sans cesse au spectateur des connexions avec l'extérieur, sans jamais mettre réellement en a>uvre une problématique et un processus de résolution effective des problemes qu'elle indiqua it [5]. Matrix ne pose pas une hypothese déterminée pour en parcourir jusqu'au bout les effets et en déduire systématiquement les conséquences pour la pensée. Aussi le film ne releve-t-il peut-etre pas en propre de la science-fiction dans sa définition la plus pure, comme " speculative fiction » . 11 construit plut6t une myriade de petites machines fictionnelles dont il reste a comprendre le fonctionnement pour en tirer les effets : structures de mondes, pistes narratives, índices visuels, etc. Philosophie virtuelle, done, c'est-a-dire modulaire. Matrix est un film qui, p hilosophiquement, n'est pas terminé. C'est d'abord, comme on l'a dit, un film d'action ; il demande a etre activement « philosophisé "· Mais pas n'importe comment. Pas en plaquant sur le film des " i~~erpréta­ tions ,,, mais en l'envisageant comme une sorte de protocole définissant les conditions d'une expérimentation philosophique. Le kung-fu dans la Caverne de Platon, c'est une fat¡:on de parler, mais c'est bien de cela qu'il s'ag it. La Caverne, c'est ce que nous connaissons tous, et s'il faut se réjouir que certains spectateurs viennent a Platon par Matrix, l'illustration plus ou moins grossiere d'un th eme platonicien n'a en elle-meme .strictement aucun intéret philosophique. Tout au p lus y verra-t-on une ressource didactique. lntroduisons en revanche un peu de mouvement et de bruit, des entrées et des sorties précipitées, transformons la Caverne en dojo ou en scene de bataille, supposons que le dispositif d'illusion qui commande le ballet d e~ ombres vaines soit déréglé ou infiltré par d'ingénieux hackers, comme peut l'etre la simulation d'un monde virtuel : ·:oila de quoi occuper un philosophe. Car il faut en faire quelque chose : penser sous contrainte de la fable, en fonction des conditions nouvelles qu'elle institue de fat¡:on plus ou moins innocente, plus ou moins arbitraire. La fiction est

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lntroduction

Motrix, machine philosophique

dense et contraignante, on ne s' en tirera pas avec C]U elqu es effets de manche ou des concepts hyperboliqu es, " aussi gros qu e des dents creuses » , disait Deleuze, et done inop érants. L'hyper-simulation ou la virtualisation du réel ne seront ici d'aucun secours. 11 va fa lloir se forg er ses outils, trouver des concepts adéquats et viabl es, u ée r enfin des llots de consi~tance. dans une masse complexe d'hypotheses et de fils narratifs (vo1r a ce su¡et « Trois figures de la simulation ,, ). Or le film justement ne fait pas expli citement ce travail conceptuel et par certains cotés il nous en dissuade méme activem ent en in citant a y retrouver des idées toutes faites. Le rapport qu e la philosophie tend a nouer avec la fiction cinématog raphique est dans ce cas le moins philosophique qui soit : tantot le philosophe exerce son jugement en 1dent1f1ant ~a~s certains aspects du film l'illustration littéral e ou symboJ¡qu e de thec:ne~ ou de theses bien connues (on dira alors qu'il propase une « 1nterpretat1on ,,, bien qu'il s'agisse souvent de prendre prétexte d'un ob¡et popula1re pour donner des questions qui l'occupent une version moins austere qu'a l'ord in aire), tantot il se contente d' un relevé pur et s1mple des l1 eux communs, en laissant entendre que le film ,, ferait ,, de la philos~phie pour son compte en exposant des contenus philosophiques ple1n dro1t, d1rectement par la voix de certains personnages (énoncés refl exlfS et dig reSSI Ons d e Morpheus ou de I' Oracle), ou indirectement a travers son argurr. ent narratif meme (la ,, réalité ,, n'est qu 'un reve). Cela revlent rlan stous les casa instrumentaliser le fi lm en lui fa isa nt jouer le role de fa1re-va lo1r pour une phi:osophie déterminée, ou de simp le matériau de construct10 n pour une philo sophie nouvelle, mais nécessairement arbitraire por ra pport au fonctionnement du film .

d:

généralem en t le fanta st ique montre bi en qu ' on ne saurait se contenter d'une définiti on auss i empirique. 11 est d'ailleurs tout aussi réducteur d e faire de la scie nce-fiction une vJriété de la littérature d'anticipation (extrapolatio n plau sible, c'est-a-dire rationnell e, d'événements futurs a partir de l'éta t présent du monde et de la science). Aucune accumulation de schémas Jramatiques, de figures, d' actes ou d'objets, ne permettra d'élucider la puissonce propre de la science-fiction, qui la distingue de tout autre forme de littérature ) . Le film ne se co ntente pas d'opposer une bonne réalité et un e ma uvais e apparence, mais définit quelque chose comme un bon usage des appa rences. 11 suggere du m eme coup un étagem ent d e ). Que le prob leme de la simulation et de la réa lité virtuelle gagne a etre re po~é a partir d'une expérience du temps ou d'une perception tirée dan s les plis de la réa lité, tell e que la figure le procédé du « Bullet-Tim e ,,, plutot que du rapport entre !'original et la copie, la chose et la représenta tion. Que Matrix enfin, en saturant son propre discours de références hétérocl ites, ne se contente pas de donner rai so n a tou t le monde (le con ce pt de sy ncrétisme n'a jamais ríen expliqué, cf. « Les dieux sont dans la Matri ce »), mais construit un étrang c langage commun qui s'apparente précisément au myth e, et qui permet d 'a border certains problemes spécul atifs a partir d' éléments non philosophiques, en les ren dan t pour ainsi dire immédiatement traduisibles dan s des codes cu lturels hétérogenes (« Matrix, m ac hin e mytholog ique >>). C'est d'aill eurs ce fonctionnement mythologi qu e de la m achine Matrix qui rend compte de ce livre meme, et de la circulati on qu'i l organise entre ses diffé rents nivea ux.

Mode d'emploí de ce lívre 11 sera bien entendu question ici de philosophie- y compris de la plus class ique: Platon, Desca rtes, Spinoza, Kant, coté de Tchou ang-tseu et de Bergso n, de Putnam et de Baudrill ard, de Deleuze et de Simond on. ~.1ais to ut autant, il sera question du film, c'est-a-di re de son intrigue et de ses perso nnages, de ses symbole s et de ses lieux. Ceux qui ne l'ont pas vu co mprendront de quoi il s'agit en lisant d'abord le te xte in titulé « La Matrice ou la Caverne? ,,, et l'e ntrée du glossa ire consacrée a la question des ,, croyances '' · Quant aux fans, ils pourront se reporter directement au g lossaire pour y retro uver leurs fétiches, et peut-etre de nouvea ux sujets de spécu lation . Mais il s do ivent savoir que l'essentiel de ces textes ont été réd igés dan s le mom en t de suspense narratif qui sépa re le deu>-ie me ép isode du troisiern e - s uspense narratif qui est aussi bien un suspense spéculatif, puisqu'il encourag e naturellement la prolifération de toutes so rtes d'hypotheses et d'échafaudages théoriques .

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Ce livre n'aurait pas été possibl e sans l' heureuse initiative de )ea n-Pierre Za rader. Qu' Ala in ~ a diou so ir égdie m ent rem erc.ié pour le texte qu'ii a bien voul u nous confier. Son analyse est exemplaire de l'approch e axiomatiq ue qu'autorise aussi le dispos itif du film : poser l'axiome qu'il y a du réel

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Matrix, machine philosophique

et s'y tenir, au risque de la fable elle-meme et de ses rebondissements dans les épisodes su ivants (vois simple permet d'organiser le résea u de ces modules d'expéri ence philosophique. La fleche(-+) signale dans tous les cas un renvoi a un autre texte. Les titres des textes qui constituent le corps du livre sont indiqués en ita liques (comme dans " -+La puissance de l 'amour »); les entrées du glossaire placé en fin d'ouvrage sont précédées d'une bulle (comme dans " -+•Perséphone >>). Elie DURING

[1] [2]

Cité par Christopher Probst, « Welcome to the Machine ,,, American Cinematographer, vol. 80, n° 4, avril 1999. Cité par Richard Corliss, « Popular Metaphysics >>, Time, vol. 15 3, no 1 5, avril 1999.

[3]

Bruce Sterling, « Every other movie is the blue pill ,,, in Karen Haber (éd.), Exploring The Matrix: Visions of the Cyber Present, New York, St. Martin 's Press, 2003.

[4]

Gilles Deleuze et Claire Parnet, Dialogues, Champs-Fiammarion, 1996.

[5]

[6] [7] [8]

Debora h Knight et George McKnight, « Real Genre and Virtual Philosophy ,, in William !rwin (éd)., The Matrix and Philosopí1y: Welcome to the Desert of the Real, Chicago, Open Court, 2002. joe Hal de man, « The Matrix as Sci-Fi >>,in Karen Haber (éd.), 0{'. cit. Guy Lardreau, Fictions philosophiques et science-fiction, Ac~ es Sud, 1988. Fran¡;:ois Laruelle, « Alien-sans-aliénation : programme pour une philo-fiction ,,, in Gilbert Hottois (éd.), Philosophie et science-fiction, Vrin, 2000.

[91 Ray Kurzweil. The Age of Soiritual Machines, New York, Viking, 1999. [1 O] Isabel le Stengers, « Science-fiction et expérimentation ,,, in Gilbert Hott nis (éd.), op. cit.

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LA VOIE DU GUERRIER ,," seraph : You do not truly know someone until you fight them. ,

Au commencement était l'action. Que ce grand príncipe apparaisse peu dans l'abondante littérature philosophique suscitée par Mutrix n'est pas nécessairement pour surprendre. Lecteurs de Nietzsche, " nous autres philosophes ,, avons appris depuis longtemps a traquer dans la pensée occidentale la longue histoire du mépris du corps et de la guerre. Fermer les yeux, boucher les oreilles, oublier les combats, et d'abord ceux que meneOnt nos entr&illes et nos sens, n'est-ce pas la premiere condition de cette « conscience ,, que le philosophe vénere ? Tout ce que le film peut receler de « philosophie ,, risque ainsi de se réduire a quelques trop célebres problemes ((. métaphysiques ,,, ou la question de la " vérité ,, est immédiatement comprise comme concernant la connaissance et elle seule. L'éveil de la conscience, c'est alors de connaltre la vérité comme réalité. Qu'il y ait une vérité de l'action, du corps, du combat, voila qu i ne saurait etre sérieusement envisagé.

A quoi Morpheus, pourvoyeur de reve, répond : «

Neo, sooner or later

you're going to realize justas 1did ... there's a difference between knowing the path and walking the path. ,,

Car la vé rité du chemin, ce n'est pas de le connaltre, c'est de le parcourir. N'e n déplaisent done a quelques métaphysiciens buveurs de sang et '~ contempteurs de corps ,,, Matrix est avant tout un film d'action. C'est

également un film d'arts martiau x. Mais cette évidence, qui a réjoui tant de spectateurs, est pe:.: apparue au regard critique. Or que cet oubli procede du mépris (pour le film d'action et la jouissance honteuse c¡i./on en retire) ou du simple désintéret (les scenes de combats et d'action, trop souvent décoratives, ne sont-elles pas aujourd'hui une marque de fabrique, parmi d'autres, du cinéma hollywoodien ?), il n'en faisait pas

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Matrix, machine philos ophi~ue

La Voie du guerrier

moins manquer un as pect esse nt iel du film. La scene final e du premi er épisode ne laissait aucun mystere sur ce point : c'est dans l'action, et meme plus précisém ent dans le co mbat, qu'a lieu « l'éveil » de Neo - de meme que c'est dans le combat qu'il a été initié par Morpheus a l'usage de la Matrice.

ca dran de nos autom o bile~ ou de ces tabieau x horaires qui reglent nos déplacements urbains, elle est d'abord de l'ordre de !'observable. Notre temps, pour le dire plus clairement, est celui des machines . 11 n'y a d'ailleurs pas d'exemple plus immédiat de la maniere dont les machines, d'abord créées pour nous servir, finissent par nous asservir. Si nous ¡' expérimentons évidemment chaque jour la vitesse de nos corps (et moins , . quotidiennement le plaisir de leur lenteur), c'est de plus en plus a léA ' . ¡ maniere d'une extériorité, qui nous porte sans que nous ayons pnse sur ¡ elle : un . ]e ne co mmente pas des textes, qui sont sou vent faits pour etre lus a différents niveau x en fonction de la pratique de chacun.

Le comm encement de l'action est le rnouvement et avec lui un certain rapport a la vitesse et a la force. Dans la tradition occidentale, ce s notion s se sont lentement déplacées de la puissance naturell e des corps vivants a l'enregistrement et a la mesure d'effets matériels. La vitesse n'est plu s immédiatement de l' o rdre du v~ LU, sinon dans qu elques pratiques COrp orell eS CO difi ées et SéparéeS OU rP ~ t P de notre existen CP ( rlanse s, m1m es, sports, rituels, etc.). A l' image de ces compteurs qui oscillent sur le

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machin'= philosophic¡ue

Matrix,

La Voie du guerrie;

pourrait-o n ajouter, paree qu'elle nous fait agir co mm e des mac hines. Mais il Y a plus, car Neo a également d'emb lée la vitesse ( « Mouse .· ] esus Christ, he 's fas t. Take a look at his neural-kinetics, th ey're way abo ve

Que lui faut-il done apprendre de plus 7 Non pas le mouvement lui-meme, ni meme la vitesse d'exécution, mais un certain rapport au mouvement et a la vitesse . Un rapport qui ne serait pas d'extériorité, machiniq11P. Or cette forme de conscience est précisément une des fins que vise celui qui prétend a la maltrise des arts martiaux. 11 ne faut done pas s'étonner que les combats jouent un role central dans cette initiation. Voici, d'apres un maltre ancien de boxe chinoise, le chemin qu'il faut parcourir : normal . »).

. Parallelement, il faut savoir garder !'esprit immobile tandis que le corps est . en mouvement: « Lc;squ'on fait suffisamment d'entralnement dans tous les domaines, on arrive a bouger les mains, les pieds, le corps sans bo11~Pr -· i ', ' son esprit et sans meme penser a l'entralnement, on arrive a intégrer le résultat tout afait librement >> (Yagyu Munenori).

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M atrix, m achi ne phil o~ oph i q u e

La Voie d u g uerrie r

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Un e d es fo rces d e Matrlx es t ce rtaine m ent d e parvenir signifier cette quete filmiquement. Tand is qu e M o rph eus se charg e de l'exprimer a un nlveau ex pli cite. la suite des sce nes d e co mbat illu stre la modificat io n progressive du rapport a la vitesse. Du Do jo á l'entrée de l'immeubl e o u est interrogé Morpheus, on passe ainsi de l'accéléré (quasi comique) au ralenti esthétisant- deux grands classiques du cinéma de Hong Kong avant que n'apparaisse la nouvelle imane d e la vitesse sur le toit ou N eo doit affronter les agents (l e fameux • «- Bullet-Time , :_. Trois figures de la

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simulati on ). Comme c ha q ue étap e, l ' in terprét ation est formul ée immédiatement de mani ere explicite (« Trinity: You moved /ike they do. /'ve never seen c :¡ yone mo>·e that fast , ) . Le ralenti poussé sa limite, o u

a

l'action évolue désormais du point de vue du mobile, est présenté comme

L'esprit et le corps Revenon s maintenant sur les étapes qui condui sen t a cet éveil. Ell es so nt tres clairement exposées. La premiere est formul ée par Morpheus lors d e l'initiation au combat :

us faisons de la méditation, autant elle semble incompatible avec celle du combat et de la guerre, ou l'action

la plus extreme vite sse, celle des chose s elles-mem es a l'intérieur d e la Matrice. Elle es t le premier moment d e id " vision , qu'acquiert Neo . Sa

semble év'idemment procéder du vouloir.

réaction est également intéressante : tout d'ab o rd, il n'a aucune

grande de tourner la difficulté en y pointant un paradoxe facile : vouloir

consci ence d ' avoir agi de manie re différente

(> (Éthique 111, proposition 2, Scol ie) et j.-F. Billeter de remarquer: '' Sp inoza et Tchouang-tseu se touchent ici , et ce n'est pas l'effet d'un hasard. 11 y a entre la pensée de l'un et l'autre une affinité profonde >>. Air.si la vraie position révoluuonnaire dans un monde inconsciemment livré au regne du dua li sme (y cornpr is sous sa forme inversée de matériali sme), est l'i cl ~ e que le corps n'est pas un objet de /'es prit, qu'il pourrait circonscrire et observer a sa guise, mais un sujet (de l' acti on) dont

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Que peut un corps ? 11 faut insister sur le caractere parfaitement non paradoxal de cette sagesse, si incompréhensibl e a un dualisme qui veut toujours savoir d'abord qui dirige du corps ou de !'esprit. Car la tentation est grande de réduire ce type de pensée, qui pratique volontiers la contradiction (pour /'esprit), a q uP/que « chinoi serie ,, certes exotiqu e, ma is du meme coup inoffens ive . Comme l'a fait récemmPnt remarquer )ean-F ranr;:ois Billeter [1], cette mise a distance est d'abord une man iere de dénier la vé rité simpl e de ce qu i s'y di t. La maniere dont corps et esprit s'éduquent l'un l'autre, la réalisation de l'action parfaite comme oub li de la conscience, etc., sont des évidences dont nous avo ns tous fait l'expenence en apprenant a nager ou a faire d u vélo. A propos d'un texte cé lebre de Tchoua ng-tseu, ou le charron expliqu e au prince son art en disant : " entre force et douceur, la main trouve, /'esprit répond >>, j.-F. Billeter commente : >. La complexité n'est ici que pour la représentation Jogique d'un geste f]lli se fait sans oeine. si l'on s'abstient d'y pense r. Ains1 l'oubli d e la cuillere n' est pas l'effet d'une décision, ni meme de quelque méditation, mais de ' 'action elle-meme :

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M atrix, n: achine philosophique

La Voie du

!'esprit es t le véritab le instrument- et dont la connaissance restera done, pour une grande part, in accessible hors de l'action ell e- meme. La vrai e proposition scandaleuse ~st peut-etre : « on ne sait pas ce qu e peut un corps >> . Ou encore : tout est énergie, force. Car le corps ne produit pas l'.>nerg ie, a la maniere d'une machine, da ns laquel le ne manquerait qu'un pilote, il est vecteur d'énergie, tout comme !'esprit. Tandis que !'esprit se libere de l'illusion dualiste, le corps accede a ses vraies potentialités, c'esta-dire qu'il se donne les moyens de ne plus agir comme un instrument. Et nul n'est besoin d'aller au plus loin pour comprendre cette évidence d'une >. Tous ceux qui ont cherché a mettre a distance l'idéal chrétien du mépris du corps l'ont cornpris:

g u ~ rri e r

Autant M atrix était parvenu remarquablement a la réali sation d'une image nou ve lle du corps et de sa vitesse, autant il était difficile de poursuivre plus avant une quete qui avait clairement atteint son but des le premier épisode. Parvenu au terme de son initiation, Neo ne semblait plus rien avoir a apprendre du combat. La déception était attendue : Reloaded ne pouvait aller aussi loin, du moins en termes de combat. Le spectaculaire allait se renforcer, assurément, mais aux dépens de cet accord de la forme et du fond, qui avait fait la force du premier épisode . A moins que ... A moins qu'il y ait e neo re quelque ehose t apprendre ... A moins, surtout, que la nou velle question posée, celle qui re ste q uand la maltrise est acquise, soit justement : « pourquoi combattre ? ''·

Qu e la maltri se soit acqui se est ciai re ment indiquée des les premieres scenes du film d'un e maniere qui doit nous intér e~ ser . Neo a désormais affiné ses pouvoirs au point de rivaliser avec les plu s célebres super héros américains, en l'occurrence Su perman. Derriere cette référence amusée se cache une évol ution importante : alors que dans le premier épisode, la premiere des lois qu'il apprenait ne pouvoir briser était la gravité, il a désormais le pouvoir non certes de la briser, mais au moins - comme lui disait Morpheus dans le premi er épisode- de la plier (-+• Spoon boy) . Or la conséquence immédiate de ce nouvel état de fait est qu ' il peut échapper a toutes les situations de combat. Si done on considere que la tache de I'Éiu dans la Matrice n'est pas de détruire les agents (ce qui ne sert a rien), mais de libérer le genre humain de sa servitude, se pose immédiatement la question de l' utilité des combats. Tous les maltres s'accorden t sur le fait que la victoire n'est pa s le but ultime et qu'il faut savoir se sauvega rd er ou, pour reprendre une autre proposition spinoziste que « la vertu de l'homme libre se montre aussi grande a décliner les dangers qu'a en venir a bout >>. Cette maxime est précisément mise en application par Neo lors du cornbat avec les clones de Smith, ou la fuite apparalt comme la seu le possibilité pour se sauvegarder. Mais du meme coul-' se trouve posée la question du moment : pourquoi ne pas fuir tout de suite puisqu'il n'y a de toute fa~on rien a gagner a vaincre un ennemi qui renalt toujours (qu'il s'agisse des agents ou de Smith) et nous retarde dans notre avancéP. ? A cette question, les maltres ont répondu tres sirnplement en rappelant que la victoire n'est jarnais le but unique d'un combat - ce que le budo ex orime fortement en disant qu'il faut « frapper apres avoir gagné >> et que l' on retrouve dans le Tao sous J;¡ formulE> : « le potentiel nalt de la disposition ,, [3]. Or si l'on a déja gagné, pourquoi cornbattre? Précisément, paree que la connaissance que l'on vise ne se donne pas a la mani ere d' un éveil de !'esprit, rnais ne peut avoir li eu que dans /'action du corps . CommP a chaque étape, cette idée est exprirnée explicitement. El le est mise en > . Mais Neo ne l'a pas comp ri se mieux que lu i, co mrne en témoigm> sa surprise lorsqu 'il retrouve Smith der rie;·e les« portes>>, ava nt sa rencomre avec I'Architecte. Ces diíférents éléments renforce;~t :'impression que Neo n'a pas encare atteint au terme de la voie du guerrier. Le fait que les armes soient introduites dans ce nouvel é~isode va également dans ce sens : dans beaucoup d'arts m artiaux ou les armes c6toient la main, l'évolution naturelle es t de la main aux armes, car nous de·v·o ns apprend re peu a peu a « faire co rp s >> avec les éléments ex térieurs. L'application de l'énergie est jugée plus facile partir de son corps qu'a p>, ie moment ou le héros peut seconder et etre second é par le processus dans lequel il est pris, mais aussi ou il doit parvenir a faire corps avec ce qui s'oppose a lui. Cela sup¡:;cse, comme Neo l'apprendra avec dépit dans la scene finale du second épisode, qu'il renonce jusqu'au x derniers replis de la volonté. En ce po int, ou nous sommes laissés, le chemin parcouru apparalt comme n'ayant permis aucune avancée réelle : la fin et le début se rejoignent, la victoire et la défaite co'incident. Un autre chemin commence, ou ce qui a été accompli a l'intérieur de la Matrice, doit etre poursuivi hors d'elle. David RABOUIN

[1]

jean-Fran~ois

[2]

Fran ~ ois

jul lien, Traité de l'efficacité, Grasset, 1996.

[3]

Fran~ois

jullien, La propension des choses, Seu il, i 992.

[4]

Kenji Tokitsu, La voie du Karaté, Points-Seuil, collection « Sagesses >>, 1979 [comprend un recueil de textes de maltre s de sa bre d e l'époque Edo].

[5]

Kisshomaru Ues hiba, Th e Spirit of Aikido, Kodansha lnternational , 1984.

[6]

Doug Wil e, Lost T'ai chi Classics from the /c 'e ch'ing Dynasty, Albany, State University Press, 1996 [comprend de nombreuses t raduction s ang laises des grands maltres de boxe chin oise ].

Billeter, Lec;ons sur Tchouang-tseu, Allia, 2002.

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La Matrice o!..l la Cüverne ? - Choi : Tout le temps. > et Matrix serait u;-,e version actualisée de ce court « roman d'apprentissage >> . Malgré des similitudes indéniables il n'est torrtefois pas du tout sOr que ces deux représentations des prog;es de la com préhension du monde relevent de la meme ph ilosophi e. Matrix s'inspire d'autres mode les que l'allégorie platonicienne (-+Les dieux sont dans la Matrice, -+ Le Tao de la Matrice) et compase ainsi une représenation original e du perfectionnement de l'esprit humain, qui doit passer par p!usieurs niveaux de perception distincts avant d'accéder a la vérité. Exa minons chac un de ces niveaux et voyons s'i ls dessinent un parcours para ll ele a celui de l'allég ori e platonicienne. Le premier niveau est celui de l'inconsc ience. La quasi-totalité des personnes qui entourent Neo ne doutent absolument pas de la réa lité du ~ond e qui les entoure et de la vérité de leurs sensations. Lorsque Neo evoqu e ses doutes a Choi, ce dernier ne peut les comprendre que comme les effets d'une drogue : " -Neo : mon ordinateur, il .. T'as d éja eu cette impression que tu n e sar s pas si tu e s révei ll é o u si tu réves enca re ?

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Choi pense que Neo perd le sens de la réalité prce qu'il passe trop de temps devant son ordinateur ou sous l'influence de la drogue. Mais, la suite du film va montrer que Neo va .« débrancher >> et « planer >> d'une maniere bien plus radicale. Morph eus expliquera a Neo que les esprits prisonniers de la Matíice, « hommes d'affaires, enseignants, avocats, menuisiers >>, ne sont pour la plupart pas (( prets a etre débranchés >> car ils dépendent d'elles et se battraient done pour la défendre. Choi est probablement l'un de ces esprits, qui ne peut :::oncevoir d'évasion hors du quotidien que sous la forme d'une soirée en bolte ou des paradis artificiels.

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Neo en revanche, des le début du film, se situe a un niveau supérieur de conscience, comme !'ind ique sa question a Choi et le discours que luí tient Trinity peu apres : Neo se pose des questions sur le monde qui l'entoure . Comme le lui dira Morpheus : , par l'intermédiaire de la communauté des pirates informatiques dont il fait partie et dont faisait aussi partie Trinity. C'est d 'a illeü ;s par son ordinateur puis par téléphone .que Morpheus et Trinity l'on~ óTlystérieusement joint, comme s'ils le surveillaient depuis longtemps. Mais cela ne sutfit pas pour > l'irréalité du monde. 11 se mbl e que ce lle-ci puisse se manifester directement aux sens, dans certaines occasio¡-,; exceptionnelles, comme lorsque Neo est interroq é par l'agent Smith et que sa bouche disparalt de son visage d'une maniere absolument in compatible avec les lois de la nature. Ces deux sources d ' interrogation - celle de l' information secrete et celle de l'expérience troublante- sont toutefois marginales par rapport

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Matrix, rT.achin~ ph ilosc;:¡ hique

La Matrice ou la Caverne ?

a la véritable origine des doutes de Neo, qui n'est révélé que düns le discours de 1' Architecte a la fin de Motrix Reloaded: il s'avere que certains ce rvea ux humains refusent a priori d'accepter l'univers virtuel de la Matrice. C'est pourquoi Neo parvient finalement a accept~ r la réalité, malgré l'a ge taraif auquel il a été '' débranché ,, : en fait, son esp rit ne s'était jamais vrairnent habitué a la Matrice et cherch ait mconsciemment a s'en émanc iper. jusqu ' ici, ::: n e·st assurément tres proch e de l'allégorie de ia Caverne. Se lon Platon, ses pri sonniers vivent dans un reve, paree qu'ils tiennent des appa renc es - les ombres projetées sur les murs de la Caverne- pour des choses rée lles . lis ri va li se nt entre eux pour les reconnaltre, au point qu'ils s'a ttaquent violemment a celui qui leur annonc~ que leur monde n'est fait que d'illusions. Par ailleurs, dan s la Caverne, comme dans la Matrice, ne peut e tre libé ré que le jeun e homm e prédestiné, par la nature phi losop hiq ue de son ame, a chercher la vé rité hors du sensible. On ne peu t apparemme nt pa s accéder a la vérité depuis /'intérieur de la Caverne ou de la Matricc, mém e avec bea ucoup d'efforts et d'expériences. 11 y a bien un con tr·e-exem pl e, ce lui du coureur dans le dessin animé World record de la sé ri e Animatrix : so n effort pour gagner sa course est tel qu'il d épa sse res cap ac:i tés de son co r·ps virtu el et se ,, réveille >> . Mais cette sortic de Id iviatrice est involontaire et inaboutie : ie coureur aper~oit la réa lir é sans comp rendre. La libération vé ritable exige en fait l'interventio~ d' un maitre qui >.

(-+Liberté virtuel/e) .

Mais la notion de liberté, qui constitue l'un des axes du fi lm, n'est pas seu leme nt présente dans l'ouverture a la conti ngence sur laquelle se clot Motrix, elle se retrouve tout au long du film, notamment dans son articll lrlti"n rliiX notions d.:: Jcstin, de chui x, d' éiectior1.

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Le theme du choix, de l'alternative, du " Ou bien ... ou bien » , est omniprésent dans Matrix, et il est toujours présen té comme irréversible. 11 y a la une prise en compte de la finitude et du ternrs, qui pourrait étonner da ns ce monde dans iequel les insu rg és- pour ne rien dire des agentssont dotés de fabu leux pouvoirs, mais qui est philosophiquement juste et confere au film tout son tragique .

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Éloge de la contingence

Matt"ix, mac hine ph:losophique

personne, ensuite. On pourrait dire, en rep renant l'a:-1a lyse que Ma rx fait

Liberté, responsabilité, dignité : ce sont bien la tro1s termes indissociables selon Kant. L'homme, en tant que sujet moral , est une fin en soi et doit etre traité comme tel : c'est ce qui fonde sa d ig nité et permet de postuler sa liberté. On sait que le devoir moral, que Kant nomme impératif catégorique, peu~ se formuler ainsi : pts (de degré de conscience, d' « étern el reto ur >>, d'amour intell ectu el de Dieu, etc.), Neo le réalise ici en agissa nt, selon une log ique qui est cel le du corps et de so n pli . Que le co rps puisse, par sa so upl esse propre, pli er !'esprit et le monde (comme rep rése ntation) dan s le « co up décisit >>, c'est la un aspect essentiel de Matrix, dont témoign en t notam ment la répétition des images de torsion (du personnag e ou, inve rsement, du décor) et le discours du Spoon boy (-+• Spoon bey). Or le Tao a précisément privilégié cette imag e de la so uplesse et du pli pour offrir une conception singuliere du rapport entre le choi x et la nécessité. Déja, ~Q.L[e__premieF-épisode,-· Morpheus avait suggéré que la torsion engageait notre rapport au monde : il y a des lois, disa it-il, que l'on peut bri ser, et d'autres non; pourtant l'action ne s'y trouve pas bloquée, car ces lois peuvent éventuell ement etre courbées. « Cherche le rlroit dans IP cou rbe, dit le r!:"ltre, concentr" ton én'=:gip P.t fais la sortir ,, ; mais aussi bien : cherche le courbe dans ce qui est droit - d' u~ ;a prédilection chinoise pour les images -::e: spirales, les vortex, les

Le traitem ent de cette question du choix, présentée comme centrale, peut év ide mme nt faire penser a Nietzsche (sur l' enfant jo ueu r, le su rh omme et !'amor fati), ou Spi noza (sur les ca uses et l'=s effets, la co"fncidence de la liberté et de la nécessité, l'amour intellectuel de Dieu qui ca ra cté ri se le sage) - e t ce n'est ce rtes pas un ha sa rd que nous retrou vion s ici ces deux noms -, mais ell e est également une mani ere de rP.venir au di alogue avec le Tao. Cela est tres apparent dans l'échang e avec le Méroving1 en qui propose deux voies, entre lesquelles Neo va faire va loir son propre chemin : « Le Mérovingi en : [ ... ] Le Maitre des clés lui-méme, sa nature meme, est d'etre un moyen, non une fin . Le rec hercher, c'est chercher un moyen, un moyen pour faire ... quoi ? Neo : Vous co nnaissez la réponse a cette question . LP Merovingien : Mais vous ? Vous pensez la connaitre, mais vous ne la connaissez pas. Vous etes ici paree qu'on vous a dit de ven ir et vous avez obéi. [Rires] C'est ainsi qu e vont les choses. Voyez-vous, il n'y a qu'une seule constante, une seule loi universelle, et c'est la seule vérité : la causalité. Action, réaction. Cause et effet.

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Motrix, mac hin e philosophiquc

vagues, les vei'les du marbre, etc. 11 n'y a pas de systeme, y co mpri s de sys tem e de la nature, si rigid e qu'il ne puisse plier et c'est pourquoi il faut che rcher en toutes choses la soup lesse, qui seul e s'accorde aux chos es . Cette pla stic ité du réel est constitutive : les oppositions comme celle de !a ligne et du cercl e son t toujours des « arréts su r image » de formes qui évoluent et se transforment les unes dans les autres . Leibniz était éga!ement parvenu a cette idée centra le qu'> A bien y réfléchir, et meme si le jeu des devinettes semble agacer 1' Architecte, I'Oracle semb!e etre la meilleure candidate . Mais il est vrai que la question de la place réservée dans Matrix a la divinité et a la transcendance est assez problématique. Tout se passe en fait comme si les hommes n'avaient réellement acces, en dehors de I'Architecte et de I'Oracle, dont le statut et la fonction réelle sont délibérément ambigus, qu'a une multiplicité d'entités intermédiaires (Agents, Anges, Vampires, Exilés) . :>ont-ils bons, sont-ils méchants? Cest un des enjeux principaux de Matrix Revolutions. L'agent Smith !ui-meme fait figure d'ange rebelle, puisqu'il ne travaille plus que pour son compte; mais c'est par la aussi qu'il est le frere ennemi de Neo et qu'il suggere, au ccrur meme de l'affrontement, une alliance plus secrete . Quant a la transcendance, elle ne trouve justement aucune figuration, ce qui montre, ou bien que le probleme ne se pose pas du tout, ou bien qu'elle est la question qui hante tout le film : celle du Réel, au-dela de la Matrice, et audela de Zion meme (~ Trois figures de la simulation) .

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des entralnements rigoureux de stinés a provoquer des états modifiés de conscience: extases, visions, etc.). Au-dela de l'ascesE forcée imposée par les conditions de vie difficiles qui regnent en dehors de la Matrice, Oll serait bien en peine d'identifier un seul élément d'action ou les príncipes de la gnose trouvent une illustration directe, non allégorique. Car les nombreuses scenes de « réveil >>en sursaut ne font guere plus qu'offrir une a!!égorie de l'éveil de la conscience a sa vraie destination. Le gnosticisme plante le décor et donne le príncipe d'une distribution des roles ; il ne permet pas d'éclairer le détail de la fable . Un des avantages de la lecture tao"iste de Matrix, en revanche, est qu'elle permet de lier organiquement les scenes d'action et de combat (elles sont nombreuses) au schéma d'une progression spirituelle qui passe par l'apprentissage concret des puissances du corps (-Ha Voie du guerrier). La encare, c'est une question de choix. Selon le cas, le fil religieux nous conduira a privilégier, dans la fiction, les questions métaphysiques, politiques, éthiques ou encare plastiques.

11 fallait s'y attendre: la lecture gnostique pose autant de questions qu'elle permet d'en résoudre. Elle est d'ailleurs sélective, puisqu'elle ne fait pas vraiment droit a la pratique et a l'éthique qui correspondent historiquement au courant gnostique. JI fi1 1 1drait pa rler d'un gnosticisme sans culte, c'est-a-dire sans rites ni mysteres, et meme sans exercices spirituels (les gnostiques, comme on sait, avaient l'habitude de se livrer a

L'autre limite de !'interprétation qu'on vient de présenter, la plus év1dente sans doute, tient a ce que le monde >, celui du Nebuchadnezzar ou de Zion, n'est pas plus désirable que l'illusion entretenue par la Matrice (~La Matrice ou la Caverne ?). Ceux qui, comme Cypher, ne supportent pas l'insipide gruau protéiné serví a l'équipage (et dont la consistance, précise le script, se situe quelque part entre le yogourt et la ceilulite, ~ •roulet), ceux qui n'ont pas particulierement envíe de participer a des rave porties dans des catacombes, ne ~y .trompent pas d'ailleurs : cette Terre ravagée ( (gnosis) opposée a la simple > (pistis), ce qui compte est moins le contenu dogmatique, le •• • La digestion de l'homme et la reproduction du blé constituent ensemble un nouvel agencement machinique, qui ne s'actualise d'ailleurs véritablement que dans des conditions de sédentarisation, c'est-a-dire en corrélation avec d'autres éléments a la fcis géographiques, techniques et sociaux. Lors de l'interrogatoire qu'il faít subir a Morpheus dans M_atrix,- J'·a gent Smith présente la révolte des machines comme une _?implé étape dans l'histoire évolutive de la Terre : les objets techniques ont utilisé l'homme pour se développer, puis se sont débarrassé-s de luí. L'homme prend les objets techniques pour des productions ex nihilo de sa liberté, alors que ceux-ci sont des processus indépendants qui passent en quelque sorte, depuis toujours, par l'illusion de la liberté souveraine de l'homme pour se développer selon des lignées technologiq~es variées et de plus en plus autonomes . La situation décrite par Matrix n'est done pas nouvelle : l'homme a toujours été un moyen de reproduction des objets techniques .. . Ce qui est nouveau en revanche, c'est que l'inverse ne soit · plus vrai. Mais était-ce vraiment fatal ? L'épisode des Animatrix racontant les origil'f"S véritables de la guerre des hommes et des machines (-+•Guerre hommes-machines) montre que Ja responsabilité de Ja guerre VÍent de !'incapacité des h0111mes a admettre que les machines puissent etre autre chose que des instruments. Sinistre conséquence de l'écart entre une pensée du pouvoir politique qui voit dans celui-ci le représentant global d'une communauté homogene et unifiée, et la réalité du développement de l'assemblage hommes-machines qui rend impossible de maintenir ce postulat d'homogénéité. Penser le sÚjet politique autrement que sous une condition de majorité, admettre qu'il n'est jamais que dans la rencontre entre des minorités, humaines ou non, montrer qu'on peut construire un ordre politique, c'est-a-dire aussi juridique, au niveau de ces assemblages cnmposites, traversé~ de doubles devenirs, sans passer par cette machine particuliere qu'est I'Etat, telle est peut-etre la direction vers laquelle il faut aller, si l'on veut préparer la paix avec les machines, et reconstruire ainsi, mais seulement en passant, la

1' Anti-Qdipe puis dans Mil/e Plateaux, de construire un concept de la

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Mécanopolis, cité de !'avenir

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Motrix,

machine philosophique

soci élé aux dimension s de l'humanité qui a été scindée par la Matrice (-+ • Sommes -nous dons lo Motrice ?). Ce qui est su r en tout cas, c'est que, en accepta nt de ne pas surp lomber les objets tec hniq ues, de ne pas concevo ir l' usage comme la so umi ss ion a un e utilité, d'etre au milieu des mac hin es co mm e des ) : james Pryor, > du virtuel, comme toute réalité, se manifeste dans son extériorité relative ou son indépendance, c'est-a-dire dans la résistance qu'elle oppose a notre action a travers les contraintes que représentent les regles et les lois. Que ces dernieres puissent ju sq u'a un certain point etre contournées ou « pliées >> (~• Spoon boy), ne fait que confi;mer le fait qu'il n'y a pas de distinction réelle entre le virtuel et l'actuel, mais seulement une distinction formelle, ou nominale. Car le virtuel est aussi " réel ,, que le ,.;.,:, pour autant qu'il n'est pas sépa rable du processus d'actualisation qui accompagne l' insertion de nocre action dans les choses. Le virtuel n'est méme rien d'autre que ce processus, par quoi le réel se déploie et se réve le lui-méme comme enc hevet rement de lignes d'actualis> (4). En oubliant la machine, ils se contentent du meme coup d'une co nception si ngulierement étroite des pouvoirs de l'image cinématograph ique et de sa capacité a organi ser une représentation crédible de la simulation ( -tDialectiques de la fable).

Trois figures de la simulation Or tout l' intérét de Matrix est précisément de ne pas s'en tenir aux idées générales du réel et du semblant, de la copie et du simulacre, ni aux discours que ces catégories organisent chez tel ou tel protagoniste de l'hi stoire, mais de monter un dispositif narratif qui nous les montre pour ainsi dire a I'CEuvre, cians leur fonctionnement. On pourrait meme dire que l'intéret théorique de Matrix a cet égard tient principalement au fait que le theme de la simulation y intervient au niveau du contenu, dans ce que le film donne effectivement avoir, bien plus que dans sa forme ou son agencement. Certes il a beaucoup été question, a son propos, de

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Trois figures de la simulaLion

Matri;;, machine philosophique

cinématographie virtuelle ,, (~•,, Bullet-Time »). Mais Matrix n'est pas un film de synthese, ou du moins il ne cherche pas a se donner comme tel (a la différence de Tron, par exe mple, qui dans les années 1980 incarnait dan s sa forme meme l'idée d'u n film fabriqué par un ordinateur). On pourrait dire que la stratégie de Matrix est, pour l'essentiel, littérale ou de premier degré, en quoi il se distingue aussi de films comme eXistenZ, Passé virtuel ( The Thirteenth Floor) o u Dark City, dans lesquels la simulation (jeu, reve, faux souvenirs et mondes truqués) apparalt comme le resso rt d'unP esthétique, une véritable forme d'expression orientant la construction filmique . lci a u contraire, et malgré la confusion introduite par le deuxieme épisode, le theme de la simulation est intégré a une narration assez classique, qui ne se résume pas au trouble ménagé par l'indistinction des niveaux de réaiité . L'esthétique du virtuel (inspirée des jeux vidéo et de l'image de synthese), le maniérisme qu'il implique (dans les scenes de combat notamment, mais aussi dans l'usage des filtres qui donnent au film cette tonalitP verdatre qui rappelle les écrans des premiers ordinateurs personnels), tout cela est au fond secondaire par rapport au fait que le virtuel est l'o bjet d'un traitem ent a la fois didactique et immédiat: il s'agit bien de nous montrer ce que c'est que le virtuel, done de nous en donner l'idée, et non de nous y plonger, ni de produire un film lui-meme figure une expérience perceptive de !'imperceptible qui demeure étroitement liée a l'enchalnement des actions que commande la structure d'un rom an d'apprentissage qui est aussi, a sa maniere, une destinés a justifier l'ordre social existant, mais un dispositif de signes qui va ch erch er son matériau dans tous les univers culturels d'une soci été - de la systé matisation des couleurs a la cuisine, de la cosmologie a la parenté, de la géographie a la classification des especes animales et végétales - afín non pas de communiquer une signification déterminée, mai s de rendre compatibles ces différentes mani eres do nt les etres humains tentent de mettre de l'ordre dans leur propre expéricnce. Ainsi, il ne sert a ríe n de chercher le sens des mythes, car ié mythe n'a pas de sens : il donn e son sens a notre monde . Le myth e n ' offre ja m a is a ceux qui 1' écoutent une signifi ca tion détermin ée . Un myth e propase une grill e, définis s~ b 1 e se ul e m ent par ses reg le s d e con struction. Pour les participants a la cu ltu re dont ce myth e releve, cette grille confe re un se ns, non au rnythe lui-rn em e, m ais a to ut le reste : c'est-a-dire aux im a ges d u mo nde, d e la société et de so n ,.,cu ire don t :> traduisaient tous les mythes dans le > , et en faisaient des représentation s personnifiées des phénomenes naturels [5); on peut penser que c'est dans -

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Matrix, mach ir-e ¡Jhiiosopnioue

Matrix, macrine mythologique

le meme biais que tomberent ceux qui y chercherent des représentations masquées soit de conflits économiques et sociaux, soit de conflits psychiques, soit encare de pulsions sexuelles, etc. En réalité, la relation du mythe au sens est de second degré. Sa fonction est de rendre convertibles les difféíents ur~ivers de significations au sein desqt1els nous nous mouvons, ou, pour parler le langage de Lévi-Strauss, les différents « systeme symboliques , qui sont autant de manieres dont nous donnons du sens a ce c¡ue nous percevons comme a ce que nous faisons. Le langage est un tel systéme symbolique, mais aussi la parenté, la classification des especes animales ou végétales, la cosmologie, ou encore !'ensemble des groupes sociaux auxquels les individus sont censés appartenir ... Mais ces systemes symboliq ues n'ont pas nécessairement la meme structure, la meme logique, et peuvent ainsi s'avérer incompatibles les uns avec les autres [6]. La fonction du mythe serait done d'opérer (ou de donner l'illusion qu ' il est possible d'opérer) une compatibilisation de ces différents niveaux de la vie symbolique d'une société. Apartir de cette hypothese, Lévi-Strauss a développé une méthode, dite structurale, dont on va voir qu'elle s'applique remarquab lement bien a Matrix.

Matríx: la forme d 'un mythe Matrix présente en effet plusieurs propriétés formelles qui le rarprochent du mythe au sens de Lévi-Strauss.

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D'abord la plura lité des > ; Bush et Hitler apparaissent sur les écrans de I'Architecte comme autant d'exemples des chin e philosophique

Matrix, rr.achine mytholngique

qu 'offrent les techniques de la réalité virtuelle (-+.Bioport, •:éléphones) .. . 11 y a meme, semble-t-il, un code personnel: telle date renvoyant a celle de

la date anniversaire de l'épouse d'un des réalisateurs, le no.m des rues au Chicago de leur enfance, etc. Chacun en trouvera d'autres, en fonction de sa propre culture . Ensuite, les memes éléments peuvent avoir des fonctions sur plusieurs codes a la fois. Cest ce que Lévi-Strauss appelle le caractere polyphonique des séquences, suggérant qu'un mythe doit se lire comme une partition de musique : « les séquences sont, sur des plans inégalemcnt profonds, organisées en fonction de schemes, superposés et simultanés, comme une m élodie, écrite pour plusieurs voix, se trouve astre inte a un double déterminisme : ce lui -horizontal- de sa ligne propre, et celui -vertical- des schemes contrapunctiques. , (7]. De meme, dans Matrix, les séqu e:;:::es linéaires peuvent etre lues sur plusieurs codes ou niveaux a la foi s. Par ex emple l'épisode de la trahi son de Cypher oppose d'un coté, en code cinématographique, le traílre jaloux, pret a vendre son idéal, au héro s fid element aim é (de Trinity) qui se sacrifie pour son ami (Morpheus); mais aussi, en code politique, le choix de la société de conso mm ation contre l';¡scese révolutio nnaire, c'est-a-dire la servitude do_rée plut6t que la liberté austere, corrélée ~ l'opposition du mensonge d'Etat et de la lutte pour la vérité; et encare, en code métaphysique, le probleme que pose l'équ ival ence, du point de vue qualitatif, entre un monde perceptif artificie ll ement généré et un monde perceptif produit naturellement par des stirnuli extérieurs, done la ditticulté a faire du monde « réel , une valeur supérieure (-+•cypher, •Poulet). Troi siemement, le caractere " dialectique , du rapport entre le mythe et les réalités culturelles auxquelles il renvoie. En effet, Lévi-Strauss notait : ). En prenant possesSion de !'esprit (c'est-a-dire du cerveau, sinon du corps) de Bane Smith rlPvie nt lui-meme un hacker : i1 ouvre la voie a de nouvelles transformations, qui l'apparent;::;¡ t a une sorte d'hybride homme-machine. On a d'ailleurs noté qu'a mesure que Smith

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•Anges Selon I'Oracle, une variété de prog rammes marginaux ou exilé, : > (-+Sommes-nous dans la Matrice ?). les Ang~s, comme les Vampires, ne sont pas. a proprement parler des agents ord lllaires de la Matrice, mais des sortes de virus, ou des versions cad uques de certains programmes : ils ont fait le choix de s'exiler au sein de la Ma trice ( -+"Malhe des clés) et d'y ~ivre une Vie autonome pour échapper a la destruction qui les attendait s'ils retournaient a la Source. Ainsi un bestia ire caractéristique de la littérature et du cinéma fantastiques en vient a etre récupéré par la sciencefiction (-+"Seraph). • Architecte la so lution que I'Architecte a trouvée a u probl~ .. '" de l'imperfection hu-

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maine et de l' instabilité qu'elle impose a la Ma tri ce consiste a l' inCOi fJOrer dans un cycle périodique de création/ destructio n de la Matrice. l'Éiu doit revenir a la Source pour réinitialiser la Matrice et o uvrir un nouveau cycle, ou la résista nc e de Zion sera d'abord réduite au minimum pour ensuite se développ er a nouveau, découvrir une fois de plus un Élu, qui lui-meme réinitiali sera une septie me fois la Matrice, etc. On pense aux modeles cybernétiques du feed-back et des systemes a uto-entretenus (-+Liberté virtuelle), mais il s'agit la tout simplement du principe sto"icien de I'Éternel Retour . Les platoniciens et Aristote pensaient le monde comme éternel et immuabl e, le devenir qu'il contient rep rés entan t une part irréductible d'imperfec tion. Les atomistes opposaient a cette cosmologie une pluralité de mond es en devenir, nés au milieu d'un uni vers chaotique et promis a une destruction certaine. Refusant cette alt e rnative, les sto"lc iens imaginent un monde a la fois éternel et non-immuable, parfait et en devenir. Au lieu d'et re immortel, le monde renalt p erpétuellement de ses cendres : il es t périodiquement détruit dans un e mbrasement . (dans les termes de I'Architecte, « an unbalanced equation inherent to the programming of the Matrix »).

Ce plan global de gouvernement cosmique, les stokiens le nomment Providence, car il sert parfaitement les intérets des animaux r~tionnels (les hommes et Dieu), ou encare Destin, car ii lie entre eux tous les etres de maniere intangible, chacun remplissant sa fonction dans le devenir du monde. la sagesse stokienn~ consiste a comprendre la rationalité de ce plan providentiel et a y jouer le nlieux possible le role qu'on a re~u en partage. Telle est exactement la philosophie de I'Architec te : la Matrice est le meilleur des mondes possibles pour les etres intelligents (artificiels et humains), il faut done que Neo se soumette a cette rationalité et participe a sa perpétuation en retournant a la Source, en suscitant la > nr 1' Architecte ne peut contraindre Neo a retourner a ia Source : le fonctionnement de la Matrice exige que Cl"rt3ins choix restent ouverts (-+Liberté virtuE::c) . 11 ne s'agit pourtant pas la d'une limitation du Destin par un libre arbitre imprévisible, puisque le choix d e Neo résulte de causes tout a fait

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Matrix, machine philosopl tique

déterminées. 11 semble plutot que I'Architecte ne posséde pas un controle total sur toutes les parties de la Matrice, contrairement au Dieu stokien, pour qui le monde n'est qu'une transformation rég:2e de luiméme, dont il maitrise le moindre détail. Dans la Matrice, le Mérovingien, et l'a.gent Smith lui-méme, sont des programmes qui ont cessé d'avoir une fonction mdis qui refusent d'étre supprimés (-+•" Purpose ). lis ne font done pas partie du plan de régénération périodique de la Matrice puisque le Mérovingien prétend avoi; " survécu aux prédécesseurs de Neo ,_ Dés lors, e' est peut-étre moins a u monde sto.fcien qu'au monde nietzschéen qu'il conviendrait de comparer la Matrice - ce monde de volontés de puissance cherchant a se dominer les unes les autres en recréant les choses du point de vue de leurs fins propres. Telle est bien l'attitude de l'ex-agent Smith, qui veut soumettre Neo en lui reprenant son ¡;wpose (-+•Agent Smith); telle est surtout la !e). Notons enfin qu e ce code admet auss i une version >, qui correspond au point de vue de celui qui, de l'intérieur de la Matrice, parvient a saisir directement les objets et les forme s, huma ines ou autres, dans leur texture digitale, co mme en radioscopie. Neo per~oit ainsi les trois agents a la fin du prem ier épisode ( -+La Motrice ou lo Caverne? -+ Trois figures de lo simulotion) . Seraph lui apparalt de la 111eme fa~on dans Relooded, mais avec un code do ré qui corr: spond peutet re a un e ancien ne version de la Matrice, et qui signale en tous cas un programme d'un e espece particuliere (-+"Seraph). •conseiller West -+•west. •croyances Motrix et Motrix Relooded constituent un grand film scepti que (-+Sommesnous dons la Motrice ?), paree que leur

principal moteur dramatique est la ma lléabilité des croya nces humaines, proble me par excellence du scepticisme (en particul ier chez Hume). 11 :"ffit de su ivre 'es d ~ c l ¡¡;¿¡t; c ;-: ~ des personnages sur ce qu'ils ,, croient ,, (believe) pour mett re en lumie re la red istri bution complexe des croyances

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de Neo, qui sous-tend l'action des deux films . La premiere réorientation des >de Neo est évidente, puisque c'est celle qui le fait passer de sa vie en 1999 a l'incroyab le vé rité de l'enfermement des hommes dans la Matrice par des machines (-+Lo Motríce ou lo Coverne ?). Lors de ses premiers jours hors de la Matrice, Neo a du mal a qu e sur la foi de Morpheus, d'ou sa déception face a I'Oracle : > Mais il reconnait un peu plus tard : « j'ai eu un reve, et ce reve m'a maintenant abandonn é >>. Morpheus a réveillé Neo du reve de la Matrice (-+•Reve), mais il l'a en meme temps plonq é dans un autre reve : non pas un e illusion sensori e lle parfaite mai s un e explication messianiqu e de I'His toire, une religion (-+ Les dieux so nt dan s la Ma trice) . Quelle es t cependant le statut des révélations de 1'Arc hitecte par rapport a la prop hétie ? Lorsque Neo annonce a ses com pag no ns qu e Zion va etre détruite et qu e Morpheu s lui demande qu : le luí ~ di t, Neo répond simplement : « Peu imp orte. je le era is>> . Comrn e Mo rp he us avec la prophétie, Neo ne peut q ue « croire n, san s preuve, les explications de 1' Architecte. Celles-ci po urr aie nt don e co nstituer

t

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une nouvelle prophéti e qui, como ne la premiere, me le le vrai et le fa ux : I'Architecte pourrait avoir « fait croire ,, a Neo q11 'il est un systeme de controle, alors qu 'il a réellernent les capacités de libérer l'humanité. Bref, Neo n'est pas au bout de ses peines.

•cuillere -+•spoon boy.

•cypher Le choix de Cypher d'etre rebran ché a la Matrice pose le probleme de la valeur éthique de la vérité. Qua nd Cypher avoue qu'il préfere la Matrice a la vie dans le Nebuchadnezzar, Trinity n'a qu'une réponse : « La Matrice n'est pas réelle » . Est-ce la une raison de la d éda ign er (-+ Sommes nous dans la Matrice.!) ? Cypher peutil trouver son bonheur dan s un e illusion ? Le philosophe Robert Nozick a posé cette question en 1971 a partir d' une expérience de pen sée qui anticipe tres précisément la situ ation de Cypher : , http :/ /whatisthem atrix . warnerbros.com) présupposent tous un príncipe qui a été énon cé clairement par Platon : > (Républiqu e VI, SOSd, traduction de P. Pachet). Selon Platon, tout le monde peut admettre de n'etre ju ste, beau ou rich e qu 'en apparence, mai > 1-'crsonne loe p eü~ >e contenter d'etre apparemment bi en, ou de ¡:::: séder une chose qui n'est pas réellement bonne. Cette subordi-

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nation du bien au vrai exclut que le bonheur humain puisse exister dans la Matrice. Cypher du reste ne le conteste pas : déguster un bon steak dans la Matrice en sachant qu'il n'y a pas de steak ne lui suffit pas, il ~nsiste. aupres de loagent Smith pour qu on IUI fasse oub/ier tout ce qu'il a vécu hors de la Matrice. Son désir d'éprouver a nouveau les plaisirs de la fin du xx• siecle (manger du steak, etre riche et célebre) ne peut etre satisfait que s'il ne sait pos que ceux-ci ne sont que des stimulations sensorielles produites par la Matrice : « ignorance is b/iss », « l'ignorance, e' est la té licité "· Aussi le vrai probleme moral n'est pas que Cypher veuille replonger dans la Matrice, mais qu'il veuille y replonger pour déguster un bon steak. C'est la question des >, qu'ils soient réels ou virtuels. •oé¡a vu -+•Trois figures de la simulation. -+• soxmes-nous dans la Matrice

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•oieu Absent (-+Les dieux sont dans la Matrice) .

•Épuisement

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A peine l'action est-elle engagée que Neo est déja épuisé. On croit d'abord a un eff et narratif simple : en jouant de cet état qui caractérise le passage de la veille au sommeil, ou l'inverse, le doute sur la réalité de c.o qui ne pourrait erre qu'un reve se trouve évidemment renforcé. Mais assez vite, il faut se rendre a l'évidence: la fatigue est un trait caractéristique du personnage, dont le flegme et l'allure h é:: ~ ·,;e ne feror!t d' aill eurs '!ue s'accentuer tout au long du film . Signe des temps : les héros sont épuisés et la génération X vit dans l'absence de

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Glossaire des principaux symbole5, concepts et personnages

Matrix, machine philosophiy ue

buts. Res te qu e le phénomene n'est pas si couran t dans le cin éma dit d'action . Peut-etre est-ce d'ailleurs une des réussites de Malrix d'avoir osé faire de l'épuisé le héros d'un blockbuster américain. Certes lncassable avait déja transformé Bruce Willis, d' habitude si agité et enjoué, en sup er héros endormi, abasourdi face aux pouvoirs qu'il se découvrait. Mais si Neo luí ressemble, c'e;t en ajoutant l'épuisement proprement dit a la fatigue et a la lenteur ahurie. Le message n'étant pas tres clairement passé dans le premi er épisode, le deuxieme se fait plu s explicite : par trois fois, no us se ron s invités a prendre acte de l'épuisenie nt du héros. Avec Trinity, d'abord, qui s'inq ui ete de ses in somnies ; puis avec le conseill er Hamann , lors de la promenade nocturne dans Zion ; avec I'Oracle enfin, qui met clairement cet épuisement a l'o rdre du jour (. Or il s'agit bien de cela : ce qu e l'on demande a I'ÉilL comme il s'e n apercevra pour fin ir, c'es t précisément l'impossib' e. Pourquoi des lors se so ucier du cours des choses 7 Ao res so n e ntrevue ave c le Mé roving ie n, to ut ce c; u'i l trou ve a dire est d'ailleurs : > . soit lui-meme le simple envers fantaisiste du mond e logique de la Matrice, concédé aux hum ains pour sat1sfa1re leur derni ere illusion : celle de la liberté. Dans la veine carrollienne, on notera également que le Mérovingien n'est pas sans rappel er le > du chapitre VIl d' Alice (): comme lui, il accueille ses invités en leur proposant du vin virtuel (ici, un Chatea u HautBrion 1959), et les Twins qu i prennent le thé a une table voisine ont quelque chose de Tweedled um et Tweedledee, dans De l 'a utre co t é du miroir (-+"jumea ux, "Mérovingien).

•Loups-garous ca·fn et Abel sont deux hom mes de main du Mérovingi e n. Ces resca pés d'une ancienne version de la Matrice ne peuvent etre tu és que par une baile d'argent (-+" Anges).

•Maí'tre des clés Le maltre des clés, co mme le Mérovingien, est un programme >. C'est meme le seu l personnage du film qui soit explicitement désigné ainsi (, au niveau phénoménolog iqu e de la si mui Jtio n, n'est pas nécessairement surprenant. C'est ce type de > que suit un hacker lorsqu'il pénetre un systeme (niveau informatique) a partir d'une adresse électronique ou d'un site internet (niveau phénoménologique). Et nous savons, d'apres la conversation entre Neo et Seraph, qu ' il existe des portes dérobées (« back doors ,, ) réservées aux programmeurs. Reste que le hacker n' intervient pas en personne, évidemment, mais pas plus par son identifiant : il se sert de cet identifiant pour introduire un programme qu'il a écrit et qui seul agit sur le systeme. La premiere surprise est, quand on y songe, que Neo et Morpheus, qui nous apparaissent a un niveau purement ph énoménologique, puissent « suivre >> le maitre des clés et surtout agir derri ere les portes. L' existence des portes nous permettrait done de > l'attachement d'un identifiant phénoméno logique a un programme informatique, comme on >

,, Malgré le speed, malgré les virages et les virées, les raeco ure is et les courts-jus qu'il s'était pris dans la Cité de la nuit, il voyait encere la matnce dans son so mmeil, lumineux treillis de logique se déroulant dans le vid e incolore ... ,,_ Ainsi Willi am Gibso n d éc riv a it - il , dans son rom a n Neuromancer (1984), la réalité virtuelle : le « eyberspace >>, cette " illusion co nsensuelle ». Mais cela so nn a1t mieux en anglais: " .. .and sti/1 he'd see the matrix in his sleep, bright lattices of logic unfolding across the colcrless void ,, . Le mot « matrice ,, a des

réso nanees multiples : gynéco log iy ues (nous naissons encore tous d'une matriee), biologiques (la trame lntereellulaire d'un tissu), mathématiques (le tableau de symboles qui, si on le développe eorreetement, produ1t un déterminant). Le mot se retrouve auss1 chez McLuhan et Baud rillard en rapport avec les sociétés de co ntrole et leur fonctionnement modulaire .

•Mérovingien L'arrivée du Mérovingien introduit un e dime nsion tout a fait nouvelle dans Matrix. Pour la premiere foi s, d'abord, nous prenons eo nscienee qu'il ex iste des ni•:e?' •x de complexité plus ri ches que la sim ple opposition des re_belles et de la Matriee. L'Oracl e le presente com me un des plus anciens et des

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Glossa 1re d e s principaux symholes, crmcefJtS et personnages

Matrix, m ac hine p h ilosophique

plus dang ere ux prog rammes. De fait, le Mé rovin g ien rap pe lle a Neo qu ' il a survéc u a ses préd écesseurs, phrase qui reste a lors mysté rieus e puisque no u s n e savo ns pas encore que chaque version de la Ma trice possédait un Neo (-+ • Architec te) . Mais le vrai mystere es t évide m ment de comprendre comment le Mérovingien luimem e a pu survi vre a ce qui est prés enté co m me un e réinitialisation du program m e. Pe rsé phon e mentionne qu 'i l a ,., rapporté ,, des ancie nn es versions Cain et Abel, ce qui re nforc e l'idée d ' une extériorité relative a la Matrice, de meme qu'elle insiste sur sa propre ancienneté dans le syst e me : " 11 y a bien longtemps, quand nous so mm es J rrivés ici pour la pre mi e re fo is, le s choses é taient différe ntes . 11 était si différent. ,, Tous ces él é me nts co ncorde nt pour faire du Mé rov ingi e n un d es programmes " exilés >> , avec ce tte indication sup pl é m e nta ire qu e l'ex il a li e u " en d eho rs >> d e la Matrice proprement dite, ou du moins a un ;liveau qui n' e st pas celu i d u m ond e simulé, bien qu ' il se mbl e se prése nter comme inclus en lui (-+.Maltre des clés,-+ Trois .:;-, figures de la simulatio n) . L'aspect le ;. plu s frappan t du per;o nnage demeure ~ - -son--co·ré " bon viva nt >> , amateur de .r vin , d e jurons et d e belles femm es . ( ra 1s o n s p ou r lesq uelles il s' est ~ " choisi •• franc;:ais -+ 0 Rave party). Comme il le dit lui-m e me, il ne s'agit ' la que d 'apparences . Mais nous ne ~JI d evons pas oublier q Je le Mérovingien " es t un prograr.1me (meme s'il ne l'a \ pe ut-etre pas toujours été, puisque Pe rséphone dit qu'il était auparavant'' ~ ~ "l m e ,, N e:). C:! a :;;;~ f: ~ a \Ji dis tingu e r ce t te sc e ne d'une autre si milaire, dans le premier épisode, ou l'o n voya 1t Cypher vanter le gout du

d

Mérovingi ens ju stem ent ado rai e nt la Madon e Noire, une fig ure héritée pa r les premiers chrétiens du cul te antiqu e de Pe rs éphon e, elle-meme ~o mmun é­ ment identifiée a la déesse Egyptienn e l ~ :s, dont on trouve un écho dans le vaisseau « Osiris » de Reloaded. Perséphone monnaie l'acces au Maltre des clés en demandant a Neo de !'embrasser comme si elle était Trinity - c'est-a-dire passionnément, a u risque de susciter la jalousie de la principale intéressée : " ]e veux qu e vous m ' embrassiez comme vou s l'embrasseriez elle. [ ... ] Vous l'aimez, elle vous aime, c;:a creve les yeux. C'est un sentiment que j'ai ressenti il y a fort longtemps. ]'aimerais m 'en souvenir. ]e voudrais y gouter. C' es t to ut. Y gouter seulement. ,, Ce tte créatur e sensuelle vetue de latex blanc serait done capable de conscience et meme de sentiments : elle serait, comm e I'Oracle, un '' programm e intuitif, initialement créé pour e xplore r ce rtains aspects de la psyché humaine >> , pour reprendre le s t e rmes de 1' Architecte. Est-elle la " Mere •• de la Matrice ? Cette hypoth ese suggérée par les vetements blan cs et le gout d es écrans de controle, se mbl e confortée par l'affinité qui existe entre la figure de Perséphone et celle d'l sis-Ysé, qui es t ju stem e nt , d a n s la tr a diti o n mérovingienne, la femm e de l'Architecte de I'Univers, le pole chaotique et érriotionnel qui répond a l'o rdre et a la logiqu e (cette dualité se retrou ve d'aill eurs, ce n'est pas un hasa rd , chez les gnostiqu cs -+Les dieux ;-:.'lt dans la Matrice). Cependant, il faut reconnaitre que la fi g ure mate rn e ll e d e I'Oracle s'accord e plu s natu re ll em e nt a la fo nction d e Me re d e la Matri ce . Plutot que de se perdre d a ns ce jeu de devinettes, o n s' inté resse ra

steak e t les bi e nfait s d e l'ignoran ce (-+•cyphe r, -+• Po ule t). 11 y a la un nouveau mys te re . Qu e\ se n s en eff et peut avo ir son bon plaisir 7 Est-il, lui aussi , un " progra mm e intuitif » (-+•P e rséphon e ), ou n e ressent -il qu'abstraitement les émotions humaines, a !'instar de ces autres " progra.mmes conscients >> que sont les agents, et qui ne marchent en réalité qu'au " contro le » 7 La d esc ription qu ' il donn e des émois d ' une femme a qui il vi ent d e faire servir un gateau aphrodi siaq ue dan s so n restaura nt semble m iliter pour la derniere hypothese - il n'y est question que de réactions électro-chimi>, qui n e peut connaitre d'émotion s qu e par procuration, en les téléchargeant pour ainsi dire dans son propre prog ra mme. Quoi qu'il en soit, Pe rsé pho;-, e e n sait assez long sur les passi o n s humaines pour mettre en garde les amants : " ]e vous envie beauco up, mais une telle chose n'e st pas faite pour durer » (-+Puiss ance de l 'amou r) . (P.S. : dans le jeu Enter th e Ma trix, Perséphone obtient égaiement un baiser de Ghost, et meme d e Niobe). • Pilule rouge la pilule rouge a deux fonctions distinctes : elle permet de " sortir >> de la Matrice et elle fait partie, selon ce qu'en dit Mopheus, d'un « trace program •• . La premiere fonction pose la question de savoir comrn
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