L’influence_de_la_relation_auditeur-audité_sur_l’indépendance_de_l’auditeur http://www.banquedesetudes.com/

September 9, 2017 | Author: driss_kaitouni | Category: Audit, Morality, Competence (Human Resources), Business, Knowledge
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Groupe institut Supérieur de Commerce et d’Administration des Entreprises Centre de Casablanca

Mémoire de fin d’études Option : Audit, comptabilité et contrôle de gestion.

L’influence de la relation auditeur-audité sur l’indépendance de l’auditeur.

Rédigé par : ABBIH Rachid.

Encadré par : Mr. CHARAF Karim.

Année universitaire : 2011-2012

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué, de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire. Ma vive gratitude s’adresse avant tout à mon encadrant de recherche, Mr Karim CHARAF, pour qui je demeure reconnaissant et respectueux, pour son soutien permanent. Mes remerciements s’adressent également, à l’ensemble du personnel du cabinet Deloitte & Touch, pour m’avoir aidé et soutenu tout au long de ma durée de stage. Je remercie tout le personnel et corps professoral de l’ISCAE, qui veillent à la qualité de la formation au sein de cet institut. Je ne saurais oublier ma famille, mes amis et proches pour leur support tout au long de la réalisation de ce travail. A tous un grand merci.

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Sommaire Résumé :................................................................................................................................4 Introduction : ..................................................................................................................... 6 Première partie : Généralités sur la relation auditeur-audité et le concept d’indépendance ............................................................................................. 9 I. La relation auditeur-audité : .................................................................................. 10 1. La fourniture de services autres que l’audit : ............................................................. 10 2. La durée du mandat : .................................................................................................. 12 3. Les relations humaines et personnelles : .................................................................... 12 4. Les jobs options .......................................................................................................... 13 5. La relation financière : ............................................................................................... 14

II. L’indépendance de l’auditeur : ........................................................................... 15 1. Concepts liés à la notion d’indépendance : ............................................................... 16 1.1. L’intégrité et l’objectivité : ..................................................................................... 16 1.2. La compétence en audit : ......................................................................................... 16 1.3. L’indépendance réelle et perçue : ............................................................................ 18 2. Facteurs influençant l’indépendance de l’auditeur : .................................................. 22 2.1. Facteurs dépendant de l’auditeur : .......................................................................... 22 2.2. Facteurs dépendant de l’audité : .............................................................................. 24 2.3. Facteurs ne dépendant ni de l’auditeur ni de l’audité : ............................................ 25 3.

La réglementation de l’indépendance : ..................................................................... 26

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3.1. Aux Etats Unis/SEC : ............................................................................................. 26 3.2. En France : ............................................................................................................. 29 3.3. Au Maroc : ............................................................................................................. 31

Conclusion partielle :........................................................................................................ 37

Deuxième partie : l’influence de la relation auditeur-audité sur l’indépendance de l’auditeur : Synthèse de la littérature et proposition de mesures concrètes ...................................................................... 38 I. Influence des relations auditeur-audité sur l’indépendance de l’auditeur : ........................................................................................................................... 39 1. Influence de la fourniture de services autres que l’audit (Non audit services NAS) sur l’indépendance de l’auditeur : .................................................................................................. 39 2. Influence de la durée du mandat : .............................................................................. 41 3. Influence de la relation humaine et personnelle : ....................................................... 43 4. Influence de la relation financière : (honoraires d’audit) ........................................... 45 5. Influence des jobs options : ........................................................................................ 46 II.

Proposition de mesures concrètes pour le renforcement de l’indépendance des auditeurs : ..................................................................................... 48 1. La gestion des risques au niveau du cabinet : ........................................................... 48 2. Le renforcement de la régulation de l’indépendance : ............................................... 50 3. L’amélioration de la gouvernance d’entreprise :........................................................ 55

Conclusion générale :…………………………………………………………………….60 Bibliographie : ……………………………………………………………………………62

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Résumé : L’objectif de ce mémoire est d’analyser l’impact de la relation auditeur-audité sur l’indépendance de l’auditeur. En effet, la relation auditeur-audité est complexe à étudier et met en jeu diverses composantes : relation humaine, paiement des honoraires, durée du mandat, fourniture de services autres que l’audit, et jobs options. Ces paramètres seraient susceptibles d’influencer l’indépendance de l’auditeur. De ce fait, et après l’analyse des différents concepts liés à l’indépendance ainsi que la réglementation de celle-ci, il serait question de démontrer l’existence ou non, d’une relation entre ces facteurs cités et l’indépendance de l’auditeur. Ce travail aboutit in fine, à une tentative de proposition de mesures concrètes pour améliorer la relation auditeur-audité et renforcer l’indépendance de l’auditeur.

Mots- clés : indépendance, relation, auditeur, audité, réglementation.

Abstract: The objective of this memory is to analyze the impact of auditor-client relationship on the auditor independence. In fact, this relationship is very complex to study and involves different components: Human relationship, audit fees, mandate duration, non audit services and job options. Those parameters may influence auditor independence. So, after analyzing the various concepts of independence and its regulation, it would be obvious to demonstrate, the existence or not, of a relationship between those factors and auditor independence. This study leads to propose concrete measures in order to improve auditor-client relationship and strengthen auditor independence.

Key words: independence, relationship, auditor, client, regulation.

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Introduction : Depuis l’affaire ENRON remettant en cause le cabinet Arthur Andersen, la relation auditeuraudité semble s’être altérée. En effet, la confiance accordée aux auditeurs en tant que garants de la santé et la solidité financières a été remise en cause, accusant ceux-ci d’être les complices de leurs clients. En réponse à ceci, la loi Sarbanes Oxley a été mise en place réglementant ainsi la relation auditeur-audité et renforçant l’indépendance de l’auditeur dans sa mission de certification des comptes de l’entreprise auditée. Parmi ces mesures, l’interdiction pour les cabinets d’audit de fournir aux sociétés auditées des services non liés à l’audit tels que la tenue de comptabilité, les services du contrôle interne ou encore les fonctions de gestion ou de ressources humaines. Toutefois, et en dépit des mesures introduites par cette dite loi, la relation entre l’auditeur et l’audité demeure difficile à réglementer en raison des interactions humaines complexes à cerner faisant intervenir différentes variables telles que : la relation financière, la prestation d’autres services autres que l’audit, la durée du mandat reliant les deux parties, la relation humaine et personnelle tissée entre les membres du cabinet d’audit et la société auditée. Selon de nombreuses recherches, l’audité est considéré en position de supériorité par rapport à l’auditeur. D’une part, le client détient l’information comptable et financière. D’autre part, il se charge de la rémunération du commissaire aux comptes, dont la survie et la prospérité économique dépendent du portefeuille client. Cette situation met souvent le CAC devant une position embarrassante, le confrontant souvent à un dilemme éthique. En effet, il doit mener ses diligences légales prescrites par les normes de la profession tout en veillant à sauvegarder et à étoffer son portefeuille. Par ailleurs, la complexité de la relation auditeur-client s’explique par la divergence des intérêts des deux parties. En fait, les dirigeants, soucieux de la gestion de l’entreprise perçoivent les auditeurs comme des garants de l’efficacité des opérations et processus de l’entreprise et s’attendent souvent à des recommandations et prescriptions dans ce sens. Les CAC de leur part, ont pour mission de veiller à ce que les états financiers de l’entreprise traduisent la réalité et soient établis conformément au référentiel comptable en vigueur.

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Ainsi, divers conflits naissent à l’occasion de cette relation. L’audité considéré supérieur par rapport à l’auditeur, recourt à de nombreuses manœuvres et tentatives diminuant la portée des travaux d’audit et empêchant l’auditeur d’exprimer son opinion en toute objectivité et indépendance, en l’occurrence : la rétention des informations comptables, le comportement non coopératif, la remise tardive des documents, le chantage, la tentative d’influencer le rapport d’audit, la pression, l’intimidation… Face à ces contraintes, l’indépendance de l’auditeur pourrait être altérée réduisant ainsi la capacité de l’auditeur à émettre son opinion dans le respect des règles et exigences professionnelles édictées par les normes et codes de conduite en matière d’audit. De ce fait, j’ai décidé de consacrer ce sujet à l’étude de la relation auditeur-audité et son influence sur l’indépendance de l’auditeur. La problématique se présentera comme suit : Quelle influence la relation auditeur-client pourrait-elle avoir sur l’indépendance du commissaire aux comptes. Cette problématique amènera à explorer d’autres sous-questions de recherche :  Quelles sont les diverses variables qui régissent la relation auditeur-client (relation financière, durée du mandat, fournitures d’autres services autres que l’audit, relation humaines et personnelle)  Quelles sont les manœuvres et contraintes utilisées par l’audité pour empêcher le bon déroulement des diligences d’audit menées par l’auditeur dans le cadre de sa mission ?  Qu’est ce que l’indépendance ? et quels en sont les différents aspects ?  Quelle relation existe-elle entre l’éthique, le développement moral et l’indépendance de l’auditeur ?  Quels sont les principaux facteurs qui ont un impact sur l’indépendance de l’auditeur ?  Quels sont les textes de loi qui réglementent l’indépendance de l’auditeur ?  Quels solutions convient-il de proposer afin d’accroitre l’indépendance de l’auditeur, et assurer une relation professionnelle entre l’auditeur et l’audité ? De ce fait, afin d’apporter les éléments de réponse nécessaires, il a été décidé de consacrer la première partie théorique à l’étude des principaux facteurs relatifs à la relation auditeur-audité ainsi que les concepts liés à l’indépendance du commissaire aux comptes et le point de vue de la réglementation en la matière.

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Par ailleurs, la deuxième partie pratique a pour objectif d’analyser les réponses de la littérature par rapport à l’impact de la relation auditeur-client et son impact sur l’indépendance du commissaire aux comptes. Cette analyse a démontré l’existence d’une relation négative. S’appuyant sur ce constat, il s’est avéré évident de proposer un ensemble de mesures concrètes et pratiques afin de renforcer l’indépendance de l’auditeur, d’une part et de consolider la relation entre les deux parties. Ce thème présente un double intérêt. Tout d’abord, il demeure toujours d’actualité, faisant l’objet de nombreuses recherches et suscitant, controverses et critiques. Ensuite, le stage passé au sein du prestigieux cabinet Deloitte and Touch m’a permis d’observer de près la complexité de la relation auditeur-audité et les difficultés rencontrées quant à l’obtention des documents comptables, le comportement non coopératif et les pressions rencontrées. Ce travail a nécessité une rigueur méthodologique et un esprit critique, alliant la collecte des données et informations sur la complexité de la relation auditeur-client et son impact sur l’indépendance, en étudiant les diverses réponses apportées par les articles de recherche en la matière. Ensuite, il a été question de mettre en relief les aspects régis par les lois et codes de conduite en vigueur, pour enfin être en mesure de proposer des actions et mesures concrètes sous formes de recommandations sur la manière de renforcer la relation auditeur-client, faire face aux conflits d’intérêt et accroitre l’indépendance de l’auditeur.

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Première partie : Généralités sur la relation auditeuraudité et le concept d’indépendance

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I.

La relation auditeur-audité :

Dans le cadre de sa mission de certification des comptes, l’auditeur ne peut exercer ses fonctions sans l’intervention de l’équipe dirigeante de la société auditée. En effet, les commissaires aux comptes ont besoin de l’information comptable et financière que les dirigeants ont l’obligation de produire et de signer. En outre, le management de l’entreprise auditée est le plus habilité, de par la connaissance et la compétence dont il dispose, à commenter et à fournir les explications nécessaires en cas d’insuffisances ou de remarques relevées par l’équipe d’audit. De ce fait, le maintien d’une relation professionnelle entre les deux parties est la base de tout travail d’audit respectueux. D’une part, le client se doit de coopérer avec l’auditeur en fournissant à temps les informations comptables, financières et juridiques nécessaires et d’éviter toutes manœuvres visant à restreindre ses travaux. D’autre part, le CAC doit, tout en maintenant son degré de scepticisme professionnel, veiller à instaurer un climat de confiance à l’égard de son client. Dans le cadre de ce travail de recherche, on se contentera d’évoquer quelques variables de cette relation à savoir : la fourniture des services autres que l’audit, la relation financière, la durée du mandat, les relations personnelles et humaines tissées entre les deux parties ainsi que les jobs options.

1. La fourniture de services autres que l’audit : La prestation des services autres que l’audit a connu un développement fulgurant depuis le début des années 50. Son évolution allait de pair avec la croissance des services relatifs à l’audit. En effet, selon plusieurs professionnels du métier, les prestations de conseil existent pour aider les dirigeants des entreprises clientes à prendre des décisions plus efficaces et plus rentables en appliquant des techniques de gestion modernes appropriées . De ce fait, il n’est question d’aucune menace relevée par ces services sur l’indépendance de l’auditeur. Il a fallu quelques années plus tard, pour soulever des inquiétudes quant au développement de ces prestations par le congrès américain. Toutefois, du fait qu’elles ne représentent qu’une part négligeable du chiffre d’affaire des cabinets d’audit, aucune loi n’a été mise en vigueur. Cette 10

proportion prendra de la valeur au fil du temps, et passa de 22% en 1988 à 50% en 1999 du chiffre d’affaire des cinq grands cabinets américains de l’époque, selon le congrès américain. Ce n’est qu’après l’affaire ENRON qui a causé la chute du cabinet Anderson, que la loi Sarbanes Oxley a vu le jour dressant une liste de services interdits par l’auditeur. 

Tenue de comptes ou tout autre service relatif aux comptes ou aux états financiers ;



Conception et mise en œuvre des systèmes d'information financière (Fourniture ou mise au point de logiciels intégrés de comptabilité ou de gestion),



Services d’évaluation ou de valorisation ;



Services actuariels ;



Externalisation de la fonction d’audit interne ;



Fonctions de direction ou de gestion des ressources humaines ;



Services relevant d'une entreprise d'investissement ou d'agent financier (courtage,

conseil

en

investissements,

les

services

bancaires

d’investissements ;) 

Services juridiques ;



Services spécialisés «Expert services» non liés à l’audit, à savoir les services dans le cadre desquels le client recourt aux compétences et avis de l’auditeur (en tant qu’expert), afin de représenter ses intérêts ou le défendre dans une procédure judiciaire ou extrajudiciaire, à type accusatoire.

La prestation des services autres que l’audit n’a pas fait l’objet d’interdiction par la réglementation marocaine. En vertu de la loi 17-95, le commissaire aux comptes peut exercer d’autres activités auprès de la société auditée, à condition que lesdites activités ne portent pas atteinte à son indépendance. La controverse suscitée par ces prestations provient du fait que celles-ci contribuent à la connaissance et l’appréhension de la complexité des activités commerciales et financières du client ainsi que leur traduction comptable. Elles favorisent également la compréhension du système d’information de gestion et améliorent la qualité de l’audit. Toutefois, ces activités peuvent mener, à une connivence voire une collusion avec le client comme tel était le cas, entre Andersen et son client Enron. 11

2.

La durée du mandat :

La durée du mandat reliant le commissaire aux comptes à l’entreprise auditée constitue l’une des décisions majeures sur lesquelles devrait se pencher le législateur. En effet, cette durée devrait être déterminée de telle sorte à protéger l’auditeur des abus de pouvoir de son client et lui permettre d’effectuer ses diligences nécessaires, sans qu’il soit soumis au risque de licenciement. Selon la législation marocaine, les commissaires aux comptes sont nommés par l’assemblée générale sur proposition du conseil d’administration pour une durée renouvelable de 3 ans, et ne peuvent être révoqués au cours du mandat, que pour juste motif et par décision judiciaire ; ce qui leur confère un pouvoir, face aux entités qu’ils contrôlent, et ce à l’encontre de la législation américaine qui autorise le licenciement de l’auditeur à tout moment. La législation marocaine constitue une garantie et protection pour l’auditeur, dans la mesure où sa révocation ne peut intervenir qu’en cas de juste motif dûment approuvé par le tribunal. En outre, cette disposition de la loi vise à renforcer l’indépendance de l’auditeur visà-vis de son client en lui permettant de s’affranchir de toute pression tentant de réduire son objectivité et neutralité. Toutefois, la longueur relative de la durée du mandat et son possible renouvellement, permet le développement de relations durables de nature humaine et personnelle entre les dirigeants de la société auditée et le commissaire aux comptes compromettant le jugement professionnel de ce dernier.

3.

Les relations humaines et personnelles :

Comme déjà cité lors du paragraphe précédent, il existe une relation étroite entre la longueur de la durée du mandat de l’audit et le développement d’une relation humaine et personnelle entre l’auditeur et l’audité. Celle-ci pourrait être de nature différente : Collusion, connivence, loyauté ou encore pression, intimidation, comportement non coopératif. En outre, dans le cadre de leur relation avec l’auditeur, les dirigeants peuvent recourir à des pratiques de dissimulation, et des problèmes d’agence naissent entre les auditeurs et les audités vu la divergence des intérêts entre les deux parties. 12

Toutes ces relations peuvent à terme, affecter le jugement et le scepticisme professionnels de l’auditeur. Selon la législation marocaine en vigueur, à savoir l’article 161 de la loi 17-95, il n’existe aucune restriction quant à la nature de la relation que doit entretenir les dirigeants avec les auditeurs. Toutefois, la loi se contente d’édicter que le commissaire aux comptes ne peut entretenir avec les personnes suivantes (fondateurs, apporteurs en nature, administrateurs, membres du conseil de surveillance ou du directoire de la société ou de l’une de ses filiales), une relation de conjoint, parent en ligne directe (parents, grands-parents, enfants), parent en ligne collatérale (frères et sœurs, oncles), alliés (conjoint des parents jusqu’au deuxième degré : gendre, belle-fille, beau frère, ou belle sœur). Finalement, les liens personnels et humains tissés entre les auditeurs et les audités représentent de véritables menaces à l’indépendance du commissaire aux comptes. Leur développement peut amener à une confiance excessive vis-à-vis du client pouvant réduire significativement le scepticisme professionnel de l’auditeur.

4.

Les jobs options

La durée significative du mandat d’audit ainsi que le développement de relations humaines et personnelles, ont contribué à l’émergence de ce qu’on appelle les jobs options. En effet, de par leur connaissance approfondie de l’entreprise, les auditeurs sont souvent appelés à en occuper des postes clés. Cette technique est souvent utilisée par les firmes d’audit qui utilisent leurs clients d’audit comme débouché principal pour les auditeurs. Ce faisant, ces entreprises s’assurent de la pérennité de leurs relations professionnelles et extraprofessionnelles avec lesdits clients. Par ailleurs, la présence de ces ex-auditeurs au sein de la direction peut être exploitée pour influencer les résultats de l’audit externe notamment l’opinion finale. L’affaire ENRON le prouve bien, étant donné que plusieurs contrôleurs de gestion, comptables et directeurs opérationnels, étaient des anciens salariés du cabinet Arthur Andersen, à l’instar de l’ex-vice présidente du groupe ENRON « Sherron WATKINS » qui avait averti le président du conseil d’administration des pratiques douteuses du groupe et qui était employée chez le cabinet précité. Ainsi, le développement de ces jobs-options n’est pas sans incidence sur l’objectivité et l’indépendance de l’auditeur, suscitant les critiques et faisant l’objet de plusieurs articles de recherche. 13

5.

La relation financière :

Parmi les points les plus importants qui ont fait l’objet de tant de débats, est le paiement des honoraires par la société auditée au profit de l’auditeur. En effet, la question des honoraires d’audit est un sujet complexe intimement lié à la notion d’indépendance de l’auditeur. Si la rémunération juste est le fruit de la prestation rendue par les auditeurs, la surrémunération poserait le problème de l’indépendance de ces derniers. La fixation des honoraires est libre dans certains pays, cependant elle est déterminée en fonction d’un barème dans d’autres pays. Selon la législation marocaine, les honoraires sont fonction des heures de travail et des diligences menées. Le but étant de les maintenir dans une proportion acceptable et s’étendre dans des limites qui ne soient pas susceptibles de créer une dépendance financière vis-à-vis du client. Raison pour laquelle, la SEC adopte des mesures soumettant les sociétés auditées dans l’obligation de publier des informations précises sur les honoraires versés, afin de permettre aux actionnaires et au grand public d’apprécier l’indépendance des auditeurs. Par ailleurs, la relation financière reliant l’auditeur à la société auditée peut s’étendre à l’ensemble des liens et des intérêts qui pourraient exister entre les deux parties (Détention d’une part du capital, la fait de bénéficier d’avantages particuliers, l’apport en nature…) Cette partie sera développée ultérieurement.

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II.

L’indépendance de l’auditeur :

Dans son acception la plus large, l’indépendance peut être définie comme étant « l’état de quelqu’un qui n’est tributaire de personne sur le plan matériel, moral et intellectuel » Cette définition aussi ambigüe qu’elle soit, ne permet pas de cerner exactement la notion d’indépendance. Le législateur marocain - notamment la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes, a prévu les différentes situations qui constituent des incompatibilités et des interdictions. Toutefois, aucune définition de la notion d’indépendance n’a été donnée. Par ailleurs, la norme marocaine régissant les règles d’incompatibilités et d’indépendance du contrôleur légal et contractuel des comptes, stipule que « l’indépendance est la qualité d’agir avec intégrité et objectivité » et donc, renvoie pour définir l’indépendance à deux concepts moraux, pour lesquels elle propose la définition qui suit :  l’intégrité est « une qualité fondamentale que doit posséder le commissaire aux comptes et l’auditeur contractuel pour garantir l’indépendance qui leur est accordée » ;  l’objectivité est « la capacité de conserver une attitude impartiale en face de tout fait ou situation et des pressions éventuelles auxquelles ils peuvent être confrontés » Il s’avère donc que la notion de l’indépendance renvoie à deux autres concepts abstraits et moraux qui méritent une attention particulière, ce qui ne remet pas en cause la complexité de l’indépendance. Toutefois, cette définition présente le mérite de nous orienter vers une approche multidimensionnelle, qui ne peut qu’enrichir notre appréhension de cette problématique. Dans un premier chapitre de cette partie, il serait évident de définir les concepts liés à la notions d’indépendance tels que l’intégrité, l’objectivité, la compétence, l’indépendance réelle et perçue.

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1. Concepts liés à la notion d’indépendance : 1.1 L’intégrité et l’objectivité : L’intérêt du rôle joué par l’auditeur, pousse les utilisateurs de l’information comptable à s’intéresser aux conditions dans lesquelles s’exerce son activité. En effet, l’auditeur est investi dans une mission d’intérêt général, qui implique un grand nombre d’acteurs économiques soucieux de la véracité des états de synthèse et de la solidité financière de l’entreprise (actionnaires, investisseurs potentiels, banquiers, direction des impôts…). De ce fait, de par la responsabilité qu’il engage, l’auditeur se doit d’apporter sa crédibilité aux états de synthèse audités, et d’inspirer la confiance, facteur essentiel de la pérennité des relations économiques. En outre, l’exercice de sa mission, requiert un certain nombre de choix et de décisions qui font souvent appel, non seulement à ses compétences techniques, mais aussi à son jugement personnel ainsi que sa sensibilité éthique et morale. Ces choix et décisions sont organisés sous formes de règles de conduite édictées par des organisations internationales qui tentent d’unifier les normes de comportement et les codes de conduite professionnelle, appelés codes d’éthique ou code de déontologie ; qui décrivent l’ensemble des principes et des valeurs morales qui guident le comportement des professionnels comptables et plus particulièrement les auditeurs externes. Ce code a clairement défini les deux notions d’intégrité et d’indépendance :  L’objectivité de l’auditeur traduit sa capacité à prendre des décisions non biaisées, en présence même de conflits d’intérêt, de pressions ou même de préjugés. Cette définition présente le mérite de reconnaitre les conditions dans lesquelles son activité est exercée, et de leur influence sur l’opinion d’audit.  L’intégrité de l’auditeur se manifeste quand celui-ci demeure honnête, droit, diligent, responsable, qui respecte les normes techniques et les normes de conduite professionnelle. Cette définition suppose que l’intégrité est relative à la personnalité de l’auditeur qui repose sur un certain nombre de principes et de valeurs morales et éthiques qui orientent aussi bien sa vie professionnelle que privée.

1.2 La compétence en audit :

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L’indépendance et la compétence sont deux principes intimement liés qui conditionnent la qualité d’un travail d’audit. Si l’indépendance est un concept complexe à appréhender, la compétence ne relève pas de difficultés apparentes pour la cerner. Celle-ci fait référence non seulement à la formation initiale (connaissance théoriques et expériences professionnelles), mais aussi au maintien et au renforcement de cette dite formation par un programme de formation continue. De ce fait, cette compétence serait remise en cause, si elle ne saurait répondre à des exigences professionnelles en perpétuel changement. Toutefois, la compétence de l’auditeur est aussi collective, étant donné que la mission d’audit nécessite un travail d’équipe qui fait appel à diverses compétences : capacité de persuasion, d’écoute, de négociation, d’implication et de mobilisation. Ainsi selon la norme 11 relative à la compétence, l’auditeur doit s’assurer de la compétence de ses collaborateurs par rapport aux exigences du métier, et de mobiliser son savoir et celui de l’équipe au service des objectifs de la mission d’audit. Par ailleurs, un autre aspect de la compétence de l’auditeur concerne la capacité de celui-ci à interagir avec les dirigeants de la société auditée. Cette dimension est étroitement liée à la notion d’indépendance, du fait que les dirigeants sont les producteurs de l’information comptable et financière. De par son pouvoir d’investigation et d’information qu’on lui reconnait, l’auditeur dispose de moyens pour forcer les dirigeants à fournir les documents nécessaires. Dans la pratique, l’audité dispose d’un large pouvoir qu’il met à sa disposition pour entraver le travail de l’auditeur, et procède à diverses manœuvres :  Tarder à remettre les documents, ou les remettre dans un état brut nécessitant un long et fastidieux travail de retraitement par l’auditeur avant de les pouvoir exploiter.  Se montrer plus ou moins disponibles pour répondre aux questions.  Fournir des réponses floues, induisant les auditeurs en erreur. Finalement, il serait difficile d’établir une grille de compétence en audit. En revanche, une recherche des plus rares élaborée par Le Boterf 2002 a permis de proposer une typologie de compétences.

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TYPES RESSOURCES

DE

Connaissances : Connaissances théoriques

ELEMENTS DE DEFINITION Savoirs permettant de comprendre un phénomène, un objet, une situation, une organisation, un processus

Connaissances d’environnement

Savoirs concernant le contexte dans lequel le professionnel intervient

Connaissances procédurales

Connaissance des procédures

Habiletés : Habiletés formalisées

Habiletés empiriques

Habiletés cognitives

Habiletés relationnelles

Dispositions : Vertus non instrumentales

Vertus instrumentales

EXEMPLES gestion des risques, psychologie et philosophie de l’audit, communication, audit environnemental… Savoir sur les processus, les matériels, les produits, l’organisation de l’entreprise auditée et du cabinet d’audit Connaissance de la méthodologie de l’audit (savoir la décrire)

Maîtrise pratique procédures

des Maîtrise pratique de la méthodologie de l’audit (savoir la mettre en œuvre) Habiletés issues de l’action, Exemple : de reconnaître les signes l’expérience d’un conflit d’intérêt Maîtrise des opérations Analyser le contenu intellectuelles nécessaires à et la fiabilité des la formulation, à l’analyse de données, résister à la problèmes, à la prise de sur-généralisation, décision savoir apprendre… Aptitude à la coopération, à Amener les dirigeants la à modifier des communication, à la comptes erronés, supervision, à la délégation répartir le travail entre collaborateurs.. Traits de caractère indispensables à la formulation des intentions éthiques Traits de caractère indispensables à l’accomplissement des intentions éthiques

Honnêteté, fiabilité, altruisme…

Courage, persévérance, froid…

sang-

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1.3 L’indépendance réelle et perçue : L’indépendance réelle porte sur la capacité réelle de l’auditeur à révéler des anomalies, elle est plus difficile à appréhender du fait qu’elle dépend des convictions, des principes personnels et du code moral de l’auditeur. C’est une attitude naturelle qui se manifeste par un comportement intègre et objectif et un état d’esprit qui permet à l’auditeur de se prémunir contre les influences et pressions externes. Cependant, cet aspect de l’indépendance est difficile voire impossible à vérifier par les actionnaires, et les tiers fondant leur décision sur l’information financière certifiée. Son appréciation est subjective variant d’un individu à un autre et en fonction des circonstances. En outre, Ce type d’indépendance est complexe à normaliser et à légiférer par les textes de loi visant à renforcer l’indépendance des auditeurs. L’indépendance perçue porte sur le niveau d’indépendance de l’auditeur, tel qu’il apparait aux utilisateurs des états de synthèse, sans que cela ne corresponde forcément à la réalité. Cette caractéristique est indispensable à la naissance de la confiance de ces utilisateurs dans la qualité des informations financières. De ce fait, l’auditeur doit rendre son comportement indépendant apparent aux yeux des tiers. Ces derniers sont plus enclins à évaluer l’indépendance sur la base de faits et signes externes. Cette apparence d’indépendance est définie par les divers régulateurs comme « le fait d’éviter les faits et circonstances, qui par leur nature, leur importance et leur impact, amènerait un tiers qui en aurait connaissance à remettre en cause l’intégrité, le scepticisme, et l’objectivité de l’auditeur ». Par fait et circonstances, on entend toutes les situations et relations personnelles, économiques et financières, impliquant une dépendance quelconque vis-à-vis de la société auditée, même si ce n’est qu’en apparence. Ce test d’indépendance, bien qu’il paraisse objectif et basé sur des faits externes visibles et apparents au tiers, il se fonde sur la perception et le jugement des tiers des faits et circonstances et subit donc les aléas relatifs à tout jugement humain.

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2. L’indépendance et ses différents aspects : 2.1 L’indépendance et l’éthique : Dans le cadre de leur mission de certification des comptes, les auditeurs sont souvent amenés à prendre des décisions et faire des choix souvent contradictoires. En effet, ils subissent des pressions de la part des entreprises auditées et font appel à leur jugement professionnel pour trancher dans les divers cas rencontrés. Ce jugement comprend dans une large proportion une forte dimension éthique et morale. L’éthique regroupe un ensemble de principes, de valeurs et de croyances qui dirigent la conduite des individus vers la bonne ou la mauvaise façon d’agir. Différents types d’éthiques ont été identifiés par les recherches antérieures entre autres l’éthique de responsabilité qui conduit l’individu à répondre de ses actes et décisions. Par ailleurs, l’éthique de conviction, invite chaque individu se trouvant dans une situation de jugement moral, à évaluer ses actions, selon ses propres convictions eu égard à cette même situation. Ainsi, c’est l’éthique de conviction qui nous intéresse dans le cadre de ce travail, étant donné que les auditeurs se trouvant dans un dilemme éthique, font valoir leur éthique de conviction pour prendre des décisions techniques fondées sur des jugements éthiques. A ce niveau, les auditeurs doivent se doter d’une sensibilité éthique, c'est-à-dire une prise de conscience des questions éthiques, et d’agir conformément aux exigences professionnelles édictées par les codes de conduite en vigueur. La théorie de développement moral semble la plus adaptée en vue d’apporter des éclairages sur les divers niveaux de sensibilité éthique des auditeurs confrontés à des situations professionnelles.

2.2 Le développement moral cognitif Le psychologue Jean Piaget fut le précurseur de la recherche sur le développement moral en étudiant celui de l’enfant. L’idée maitresse est que la moralité de l’enfant évolue au fil du temps. Au début, il adopte une moralité de contrainte imposée par les adultes, pour ensuite intégrer une moralité de coopération au fur et à mesure de sa compréhension du monde qui l’entoure. Dans le prolongement des travaux de Piaget sur le développement moral, Kohlberg (1969), a adapté cette théorie pour expliquer le cadre cognitif sous-jacent à la prise de décision dans le cadre d’un dilemme éthique. Ainsi, il a pu démontrer que les jugements éthiques sont conceptualisés comme une série de stade de développement moral

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cognitif, schématisés dans le tableau qui suit. Les individus évoluent ainsi, à travers les différents niveaux, selon une progression séquentielle et irréversible.

Stade Pré-conventionnel L’individu est concerné par les conséquences concrètes de ses actes (récompenses, punitions, intérêt propre immédiat) Sous-stade 2 de l’individualisme Action en fonction des intérêts propres immédiats Sous-stade 1 de l’obéissance Respect des règles par peur des sanctions

Stade Conventionnel

Stade Post-conventionnel

L’individu se comporte conformément aux attentes d’une grande partie de la société (famille ou groupe de pairs pour un professionnel) Sous-stade 4 de la conscience du système social L’individu accomplit complètement ses devoirs et obligations pour permettre au système de fonctionner. Sous-stade 3 des relations et attentes mutuelles de l’individu en relation avec autrui. l’individu prend les décisions éthiques qui le rendent respectable aux yeux des autres.

Le comportement de l’individu est guidé par des principes et valeurs universelles. Sous-stade 6 des principes éthiques universels librement choisis par l’individu Si les lois violaient ces principes universels de justice tels que l’égalité des droits et le respect de la dignité des êtres humains, l’individu agirait en fonction de ses propres principes. Sous-stade 5 du contrat social, de l’utilité et du respect des droits individuels déterminés par la société. L’individu respecte les règles car elles font partie des principes éthiques universels admis par la société.

Appliquée à l’audit, cette théorie stipule que les auditeurs qui sont en stade préconventionnel, auront tendance à être indépendants, si le comportement dépendant vis-à-vis du client est sanctionné. A ce stade, les auditeurs agissent par peur des sanctions et seront contraints donc à se soumettre aux règles édictées par la hiérarchie. Quant aux auditeurs au stade conventionnel, ils sont plus sensibles aux normes de référence du groupe et au respect des règles d’indépendance et aux codes de bonne conduite au sein du cabinet. Ainsi, le problème se pose pour ces individus, lorsqu’ils sont soumis à un dilemme éthique, dont la réponse n’est pas prédéfinie par les normes d’indépendance du groupe.

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Toutefois, les individus développant une aptitude à raisonner post-conventionnel seront plus enclins à adopter les principes moraux et éthiques reconnus universellement, et sont donc moins sensibles aux normes du groupe de référence.

3. Facteurs influençant l’indépendance de l’auditeur : Nombreux sont les facteurs qui peuvent influencer l’indépendance de l’auditeur. En effet, ces facteurs peuvent dépendre de l’auditeur (compétence, taille du cabinet), de l’audité (propension à gérer les résultats..), ou de la relation entre ces deux parties (les honoraires d’audit, la fourniture de prestations autres que l’audit, relation financière…). Cette dernière dimension a été déjà expliquée lors d’un chapitre précédent et fera l’objet d’une analyse plus minutieuse ultérieurement. Par ailleurs, d’autres facteurs ne dépendant ni de l’audité ni de l’auditeur seront mis en lumière. 3.1 Facteurs dépendant de l’auditeur : La taille du cabinet : La taille du cabinet est un paramètre important pour juger de la qualité d’un audit. En effet, les études menées sur la relation entre l’indépendance et la taille ont mesuré celle-ci en se basant sur deux critères : la taille du cabinet, ou la distinction entre « big « et « non big ». Selon Mautz et Sharaf 1961, « le nombre important de fusions au cours des années 1950 a réduit de manière significative le nombre de cabinets de taille moyenne au fur et à mesure de leur absorption par des cabinets plus importants » Ils ont conclu également que les cabinets de taille moyenne seront amenés à disparaitre ce qui va accentuer davantage le phénomène de concentration de la fonction d’audit. Les cabinets de grande taille bénéficient d’une perception positive de la part du grand public, qui leur fait confiance, de par les valeurs qu’ils ne cessent de véhiculer et de la réputation dont ils jouissent. Confirmant cette tendance, nombreuses sont les études qui ont défendu l’hypothèse d’une relation positive entre la taille du cabinet et l’indépendance de l’auditeur. Ainsi, De Angelo (1981) a démontré que les cabinets de grande taille les (big) sont perçus comme plus indépendants que les autres. Selon ce chercheur, les grands cabinets d’audit seraient plus indépendants que les petits car ils risqueraient de perdre leur réputation et d’importants revenus potentiels en cas de comportement de dépendance. 22

Par ailleurs, d’autres arguments ont été avancés par la littérature pour confirmer cette hypothèse. Les petits cabinets seraient plus sensibles à la perte d’un client, diminuant ainsi leur indépendance, alors que les grands cabinets peuvent mutualiser le risque de perte d’un client. De même, les sanctions judiciaires importantes en cas de dépendance, réduiront tout le capital confiance que le grand public place en eux. La compétence : Ce facteur a été expliqué précédemment, il renvoie à l’ensemble des connaissances acquises au cours de la formation ainsi que l’expérience professionnelle vécue. La compétence joue un rôle important dans la garantie de l’audit. Elle est selon De Angelo (1981), la seconde dimension de la qualité d’audit. En effet, l’auditeur doit disposer de la formation et l’expérience nécessaires lui permettant de faire face aux diverses pressions et de maintenir une indépendance intellectuelle à l’égard des dirigeants de l’entreprise. Ainsi, Hieesoo et Kallapur (2003) relèvent que plus l’auditeur est compétent plus les risques de le compromettre sont faibles L’éthique : La sensibilité éthique est la capacité morale de l’auditeur à faire face aux pressions le conduisant à émettre des avis favorables sur des états de synthèse ne reflétant pas l’image fidèle ou encore à ne pas dénoncer des manœuvres frauduleuses. Par ailleurs, peu de travaux de recherche ont mesuré l’impact du niveau éthique sur l’indépendance. Seuls Sweeney, Roberts (1997) qui ont mis en évidence que le niveau de développement moral affecte le niveau d’éthique et l’indépendance réelle des jugements d’audit. L’expérience : Abdolmohammadi et Wright (1987), ont démontré que le niveau d’expérience cumulé par l’auditeur a un effet significativement positif sur la qualité de réponse apporté lors d’une situation complexe. Ainsi, plus le niveau d’expérience de l’auditeur est élevé, plus il est capable d’apprécier la complexité d’une situation. Ainsi, il a une forte chance d’être perçu comme plus indépendant qu’un auditeur

dont le niveau

d’expérience est faible.

La revue du dossier par un co-associé : La révision des dossiers par un co-associé permet de renforcer la qualité des travaux d’audit et de réduire le risque de certification d’états de synthèse frauduleux. Matsumura et Tucker (1995) ont développé un modèle pour étudier l’incidence de la revue des travaux d’audit par un co-associé sur la décision de l’associé signataire, confronté à des pressions économiques au moment de l’émission de son 23

opinion. Ils ont démontré que la revue du dossier d’audit par un deuxième associé permet à l’associé signataire de se comporter avec une plus grande indépendance. De plus, il sera amené à effectuer plus de diligences et de d’accroitre l’étendue de ses travaux en réalisant plus de sondage au moment de l’appréciation du contrôle interne ou de la révision des comptes. 3.2 Facteurs dépendant de l’audité : Les facteurs qui dépendent de l’audité sont les structures de corporate governance mises en place par l’entreprise, ainsi que sa propension à gérer le résultat. Corporate governance : Il existe une relation parfaitement linéaire entre la qualité du gouvernement d’entreprise et l’indépendance de l’auditeur. En effet, Hyeesoo et Kallapur (2004) relèvent que l’indépendance des auditeurs est positivement corrélée à l’efficacité des gouvernements d’entreprise (direction générale, Conseils d’administration, comités d’audit). Voici, les principaux résultats concernant cette relation.

Travaux

Beasley (1996)

Anderson et al., (2004),

Résultats

Une plus grande expertise des membres du conseil d’administration favorise la diminution des fraudes.

Influence

Influence

sur

sur

l’indépend

l’indépenda

ance réelle

nce perçue

+

Relation négative entre taille des conseils et le coût de la dette (considérée comme indicateur d’une meilleure information financière)

Nur Barizah et al., (2005), Alleyne et al., (2006)

L’existence d’un comité d’audit améliore la confiance du public dans l’indépendance de l’auditeur.

Mangena et Pike, (2005).

Les caractéristiques du comité d'audit ont un impact sur son efficacité en terme de contrôle

+

+

+

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La situation financière du client : La mauvaise santé financière du client est un risque d’audit à prendre en compte. En effet, la responsabilité civile et pénale de l’auditeur est plus engagée, lorsque celui-ci se trouve face à un client affichant une mauvaise situation financière (Palmrose,1987). Selon knapp (1985), Les auditeurs sont plus vigilants lorsqu’ils sont en relation avec des clients qui sont en mauvaise situation financière. Par ailleurs, et en se référant à l’étude de (Kreutzfeldt etWallace, 1986), Les sociétés en mauvaise santé financière sont tentées de manipuler les comptes et produisent des états financiers qui ont beaucoup plus d’erreurs que les sociétés qui sont en bonne santé financière. 3.2 Facteurs ne dépendant ni de l’auditeur ni de l’audité :

La concurrence entre cabinets : Depuis la montée en puissance des big four, le marché d’audit se trouve en pleine maturité. Ceux-ci se partagent le marché des grandes entreprises et des PME. Cette concurrence entre les quatre géants de l’audit n’est pas sans incidence sur la qualité des missions réalisées. Selon (Shockley, 1982), les utilisateurs de l’information financière perçoivent un niveau de dépendance plus fort lorsque le marché de l’audit est extrêmement compétitif. En effet, devant une telle pression, les auditeurs sont plus incités à compromettre leur indépendance, si le cabinet développe des incitations tacites aux intérêts commerciaux au détriment de la qualité de l’opinion émise. Face à ce dilemme, l’auditeur se trouve devant deux choix, soit de réduire l’étendue de ses interventions ou d’émettre une opinion favorable à l’entreprise. De son coté, Waturba (1990) a souligné que l’augmentation de la concurrence entraine nécessairement un comportement moins éthique de la part des auditeurs, et ceci en se basant sur une étude de laboratoire sur des étudiants confrontés à des dilemmes éthiques et soumis à des situations concurrentielles.

La responsabilité juridique : Comme déjà signalé, les auditeurs courent plusieurs risques et engagent des responsabilités à l’égard des utilisateurs de l’information financière. De ce fait, les commissaires aux comptes peuvent être poursuivis en justice par l’une des parties prenantes et se voir infligés des sanctions pénales, civiles ou disciplinaires. La mise en cause de la responsabilité des auditeurs, et la diversité des sanctions prévues permettent de renforcer le niveau d’indépendance perçue par les utilisateurs de l’information financière et comptables.

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Ainsi, selon Nichols et Price (1976), le meilleur moyen pour améliorer l’indépendance de l’auditeur est d’augmenter le coût d’un comportement inapproprié et déviant par rapport aux normes de comportement professionnel en prononçant des sanctions strictes et dures.

La flexibilité des règles et méthodes comptables : La diversité des règles et méthodes comptables est considérée comme l’un des facteurs susceptibles d’avoir un impact sur l’indépendance de l’auditeur. En effet, les lois comptables offrent un éventail de choix aux entreprises portant sur les méthodes d’évaluation et de valorisation qui correspondent au mieux à leurs décisions stratégique et à leur mode de gestion. Toutefois, cette diversité ne permet pas aux auditeurs de s’opposer aux choix du management et seront amenés à les valider en l’absence d’un dispositif comptable clair. Quand une large gamme d’options comptables est à la disposition des préparateurs des états financiers, il est beaucoup plus difficile de détecter les interprétations abusives. Ce constat a été confirmé par Hartley et Ross (1972) qui ont mené une recherche où ils ont demandé à des analystes financiers de classer cinq facteurs qui affectent négativement l’indépendance de l’auditeur. Parmi les cinq facteurs, celui de « la flexibilité des règles comptables » a été classé comme celui ayant le plus fort impact négatif sur le niveau d’indépendance.

4. La réglementation de l’indépendance : La question de l’indépendance en audit revêt une importance capitale. En effet, depuis la chute du cabinet Arthur Andersen à la suite de l’affaire Enron, les réglementations en vigueur n’ont fait qu’accentuer les mesures garantissant l’indépendance des auditeurs en vue d’assurer la transparence de l’information financière et comptable. Ainsi, et afin d’enrichir le débat sur la question d’indépendance des auditeurs, il serait nécessaire d’aborder la question de régulation de cet aspect dans différents pays. Tout d’abord, aux Etats Unis en tant que précurseurs en la matière, pour enchainer ensuite par la réglementation française qui présente des similarités avec les lois marocaines qui seront abordées en dernier lieu.

4.1 Aux Etats Unis/SEC : Avant de présenter les principaux régulateurs de l’indépendance, il est important de présenter quelques spécificités relatives au contexte américain. Tout d’abord, les lois sur les

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sociétés n’imposent pas l’intervention d’un commissaire aux comptes. Toutefois, les lois fédérales sur les valeurs mobilières, rendent nécessaire pour les sociétés soumises à leur compétence, la vérification de leurs comptes par un commissaire aux comptes. En outre, l’octroi des crédits bancaires et l’appel public à l’épargne sont conditionnées par un contrôle des comptes. De ce fait, l’audit des comptes est une mission contractuelle imposée par le régulateur boursier américain SEC aux sociétés faisant appel public à l’épargne (APE). De même, la profession ne se trouve pas sous le monopole d’une profession particulière à l’instar de la réglementation française qui exige que les auditeurs légaux soient experts comptables inscrits à l’ordre des experts comptables. En revanche, pour les auditeurs certifiant les comptes d’une société APE, il faut absolument qu’ils possèdent le titre de « certified public accoutant » justifiant ainsi d’un diplôme spécifique et une expérience notable. Par ailleurs, les usages américains ne fixent pas une durée standard pour les missions d’audit. Dans la pratique, elle est de l’ordre d’un an renouvelable à l’infini. Il peut être révoqué à tout moment, et sa mission est une mission d’opinion ne faisant pas l’objet de certification. Elle est toutefois, exclusive de toute autre mission spécifique telle que la vérification de l’égalité des actionnaires par exemple. Nombreux sont les régulateurs de la question d’indépendance aux Etats Unis :  La « Securities Exchange Commission - SEC » » est chargée de la régulation des sociétés APE et détermine de ce fait, les règles d’indépendance applicables aux auditeurs de ces dernières  Le « General Accounting Office - GAO », dont les règles sont applicables aux auditeurs des entités gouvernementales, ou autres non gouvernementales recevant des subventions ou aides du gouvernement fédéral.  L’« Independence standards Board – ISB »104, qui a été créé en 1998, afin de revoir l’ensemble des règles d’indépendance en vigueurjugées très nombreuses et disparates- et émettre un corps de règles uniforme et homogène. Lequel corps de règles a été approuvé par la SEC.  Les règles d’indépendance de l’organisation professionnelle « American Institute of Certified Public Accountants - AICPA », quant à

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elles, s’appliquent à l’ensemble de ses membres, qui interviennent dans des missions d’attestation. Dans ce présent mémoire, seules les règles de la SEC seront analysées. Principales dispositions d’indépendances prévues par le SEC : La régulation de l’indépendance date des années 1930. En fait, avec l’éclatement de la bulle spéculative relative à la radio et la télévision, l’obligation d’indépendance de l’auditeur a été reconnue. En 1998, la SEC a tenu de rappeler les cabinets d’audit sur les infractions commises par les entreprises cotées : - Les artifices comptables mis en oeuvre par des sociétés cotées en vue d'améliorer leurs résultats publiés au-delà de leurs performances réelles ; et - Les conflits d’intérêt rencontrés par les auditeurs externes dans le cadre Du recentrage des cabinets d’audit sur les missions de conseil. L’année 2000 a été marquée par la révision des règles d’indépendance et la publication d’un exposé sondage intitulé « Revision of the Commission’s Auditor Independence Requirements- Release 33-7919» Ces nouvelles règles visent d’une part, à réduire le nombre des personnes (employés du cabinet et leur famille) soumises aux restrictions en matière de relations financières et de relations d’emploi et d’autre part, à identifier et interdire certaines prestations de service autres que l’audit, jugées compromettantes pour l’indépendance de l’auditeur externe. Suite aux scandales qui ont frappé les Etats Unis en 2001, et au début de l’année 2002 (Enron, en tête, mais aussi Adelphia, Xerox, et surtout Worldcom) , une nouvelle loi a été adoptée en 2002, afin de renforcer l’information financière publiée par les entreprises et restaurer la confiance des investisseurs. Ladite loi est connue sous le nom de « Sarbanex Oxley ». Cette loi, découpée en 11 chapitres, a abordé à maintes reprises des aspects relatifs à l’indépendance. -

En matière de régulation de la profession : la création d’un comité de surveillance des sociétés cotées chargé de surveiller les cabinets d’audit, d’établir les normes d’audit notamment celles de l’indépendance et de sanctionner le non respect de ces règles.

-

En matière de gouvernance des entreprises : L’institution des comités d’audit et l’autorisation des services autres que l’audit.

-

Concernant l’indépendance des auditeurs externes : l’interdiction de certaines prestations autres que l’audit, l’obligation de la rotation de 28

l’associé responsable de l’audit et la prise de mesures interdisant les dirigeants de contraindre les auditeurs à émettre un avis non correct sur les états financiers. Afin de renforcer le pouvoir de contrôle et de régulation, un nouveau règlement a été adopté en 2003, intitulé « Strenghtening the commission's requirements regarding auditor independence- Release 33-8183» Ce règlement vise, entre autre à définir le rôle du comité d’audit, revoir les anciennes règles relatives aux services autre que l’audit et interdire à certains auditeurs de rejoindre une société d’audit dans un délai d’un an. Par ailleurs, la SEC s’est dotée d’autres règles d’indépendance à savoir « SEC rule 201 of Regulation S-X ». Ce dispositif comprend plusieurs règles et normes. Une norme générale d’indépendance des auditeurs : Cette norme tient à rappeler les deux types d’indépendance à savoir l’indépendance réelle et perçue et de prévoir un test de perception reposant sur le jugement d’un investisseur rationnel qui aurait connaissance de tous les faits et circonstances

ayant un impact sur

l’indépendance de l’auditeur. Des règles normatives relatives à des situations particulières : Certaines situations et prestations demeurent incompatibles avec l’indépendance de l’auditeur. Citons entre autres : -

Les relations de travail ainsi que les relations commerciales et financières entre l’auditeur et son client.

-

La fourniture pour le client, par l’auditeur de services autres que l’audit.

Par ailleurs, la SEC a prévu d’autres mesures complémentaires, telles que le renforcement du contrôle qualité en effectuant des tests et des enquêtes en vue de contrôler les procédures écrites d’indépendance et d’identifier les relations financières susceptibles de compromettre l’indépendance de l’auditeur. De plus, les sociétés auditées doivent publier des informations détaillées sur les honoraires de l’audit et les prestations de service. En revanche, en cas de non respect des règles d’indépendance, les auditeurs sont soumis à diverses sanctions allant du blâme à la révocation de l’agrément. La falsification ou l’altération des documents comptables peut même engager leur responsabilité pénale. 4.2 En France : 29

La mission d’audit est une mission de certification imposée par la loi, aux sociétés de capitaux ainsi que les sociétés possédant une certaine taille. De plus, la profession se caractérise par la présence de deux professionnels à savoir les experts comptables d’une part, et les commissaires aux comptes d’autre part. De ce fait, la question d’indépendance est régie par deux régimes. Cependant seul, le régime appliqué aux commissaires aux comptes qui sera développé dans le présent mémoire. En revanche, l’exercice du commissariat aux comptes, est soumis à la condition d’inscription de l’expert comptable auprès de la cour d’appel, par une commission constituée de magistrats et de personnalités extérieures à la profession.

Avant l’avènement de la loi sur la sécurité financière : Avant l’avènement de la loi sur la sécurité financière, la loi de 1966 et le décret de 1969 constituaient les fondements des dispositions législatives et réglementaires régissant la problématique d’indépendance des auditeurs. En effet, la loi de 1966 a permis d’instituer les incompatibilités attachées à l’exercice de la profession d’expert comptable et qui portent atteinte à son

indépendance

en

l’occurrence :

la profession salariale,

l’activité

commerciale…Par ailleurs, le décret de 1969 a érigé l’indépendance des commissaires aux comptes au premier rang des devoirs professionnels et a instauré le premier code des devoirs professionnels renforçant ainsi la force et la précision des textes législatifs, et réglementaires concernant l’indépendance des commissaires aux comptes. En outre, ces deux lois ont fixé la durée du mandat à 6 ans renouvelables, et ont prévu la nomination des CAC par l’assemblée générale. Leur révocation ne peut intervenir qu’à la suite d’une décision judiciaire et par juste motif. En outre, et afin de clarifier et de renforcer les règles d’indépendance, deux organismes ont été crées. Le CNCC (compagnie nationale des commissaires aux comptes) et le CDI (comité de déontologie et de l’indépendance). Le premier a tenu de rappeler aux professionnels leur obligation d’indépendance « le caractère d’intérêt général qui s’attache à la profession impose que le commissaire aux comptes soit indépendant. L’indépendance se manifeste non seulement par une attitude d’esprit qui s’exprime dans l’intégrité, l’objectivité, la compétence mais aussi dans le fait d’éviter toute situation qui par son apparence pourrait conduire les tiers à la remettre en cause ». Le second a pour mission d’étudier toutes les 30

questions relatives à la déontologie et à l’indépendance des commissaires aux comptes des sociétés APE. Il a contribué également à la naissance d’une « jurisprudence » en émettant des avis et conseils touchant à la profession, identifiant les liens financiers et familiaux incompatibles avec ladite mission et limitant les prestations des réseaux compatibles avec le commissariat aux comptes. Avec l’avènement de la LSF : Afin de s’adapter aux modifications apportées aux différents appareils législatifs notamment avec l’instauration de la loi Sarbanes Oxley, la LSF créée au 1 er Août 2003, a permis la mise en place de plusieurs mesures visant à renforcer l’indépendance des commissaires aux comptes. Nous en citons celles directement ou indirectement relatives à la question d’indépendance. -

La création du haut conseil du commissariat aux comptes H3C : Parmi les missions qui lui ont été dévolues, ce conseil se charge de veiller au respect de la déontologie et de l’indépendance des commissaires aux comptes.

-

La formation continue est devenue obligatoire pour les commissaires aux comptes n’ayant pas exercé de missions d’audit pendant une durée de 3 ans.

-

L’interdiction du directeur général, et du directeur général adjoint membres du conseil d’administration de participer au vote du conseil sur le projet de résolution proposant la nomination des commissaires aux comptes à l’assemblée générale.

-

La clarification et le renforcement de certaines interdictions pour le commissaire aux comptes notamment, la détention d’intérêt ou la fourniture au client de prestations autres que l’audit.

4.3 Au Maroc : Pendant plusieurs années, le vide juridique caractérisait le métier du commissariat aux comptes au Maroc. En effet, le commissaire aux comptes était simplement chargé d’une fonction de contrôle, en l’absence de toute disposition sur sa compétence

et son

indépendance. Il a fallu attendre le décret royal portant loi n°195- 66 du 22 octobre 1966 pour assister à certaines conditions régissant le commissaire aux comptes des sociétés

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d’investissement. Celui-ci devrait être choisi parmi les experts agrées par les tribunaux, en outre il doit éviter certaines incompatibilités : - Ne pas être administrateur de la société, ni son conjoint ; - Ni parent, ni allié jusqu’au 5ème degré inclusivement des administrateurs ou des directeurs ; - Ni recevoir, ni lui ni son conjoint, une rémunération des administrateurs de la société ou de leur conjoint. Toutefois, les sanctions prévues en cas de non respect de ces dispositions étaient si minimes, qu’elles ne possédaient aucune force contraignante. Quelques années plus tard, la loi 15-89 a été promulguée, réglementant la profession d’expert comptable et instituant un ordre des experts comptables (OEC). De ce fait, et selon ladite loi, « l’exercice de la profession d’expert comptable est incompatible avec toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à l’indépendance de l’expert comptable,… » - Tout emploi salarié ; - Tout acte de commerce ou d’intermédiaire, autre que ceux qui sont directement liés à l’exercice de la profession ; - Tout mandat de dirigeant de société à objet commercial ; et - Tout mandat commercial. Par ailleurs, la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes, a dressé tout un nouveau système d’incompatibilités et d’interdictions en prévoyant également une liste de sanctions pénales et civiles en cas de non respect de ce système. En outre, l’ordre des experts comptables a créé un manuel des normes relatives à l’audit légal et contractuel, et a consacré une partie importante pour répondre aux questions liées à l’application de la norme d’indépendance. Le dispositif légal visant la sauvegarde de l’indépendance : Les incompatibilités : D’après l’article 161 de la loi 17-95, « Ne peuvent être désignés comme commissaires aux comptes : -

les fondateurs, apporteurs en nature, bénéficiaires d’avantages particuliers ainsi que les administrateurs, les membres du conseil de surveillance ou du directoire de la société ou de l’une de ses filiales ;

-

les conjoints, parents et alliés jusqu’au 2ème degré inclusivement des personnes visées au paragraphe précédent ;

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-

ceux qui reçoivent des personnes visées au paragraphe 1 ci-dessus, de la société ou de ses filiales, une rémunération quelconque à raison de fonctions susceptibles de porter atteinte à leur indépendance ;

-

les sociétés d’experts-comptables dont l’un des associés se trouve dans l’une des situations prévues aux paragraphes précédents ».

Les commissaires aux comptes se trouvant dans l’une de ces situations, doivent immédiatement se retirer de leurs fonctions et d’aviser le conseil d’administration ou le conseil de surveillance. En outre, les décisions des assemblées générales se basant sur des rapports d’audit émis par des CAC se trouvant dans une situation d’incompatibilité sont frappées de nullité. Par ailleurs, les commissaires aux comptes qui ont accepté d’exercer leurs fonctions en dépit des incompatibilités remarquées s’exposent aux peines suivantes : -

Une amende de 8 000 à 40 000 dirhams ; et/ou

-

Un emprisonnement de un à six mois.

Ils s’exposent également à des sanctions disciplinaires prévues par l’OEC qui peuvent aller du blâme à la radiation de l’ordre. Les interdictions : Selon l’article 162 de ladite loi « Les personnes ayant été administrateurs, directeurs généraux, membres du directoire d’une société anonyme ne peuvent être désignées commissaires aux comptes de cette société dans les cinq années au moins après la cessation de leurs fonctions. Elles ne peuvent, dans ce même délai, être désignées commissaires aux comptes dans les sociétés détenant 10% ou plus du capital de la société dans laquelle elles exerçaient lesdites fonctions. » En vertu de cet article, les commissaires aux comptes ne peuvent accepter d’auditer une société, dont les comptes ont été établis et contrôlés par leurs soins, et ce dans un délai de cinq ans. Le mode de nomination : les commissaires aux comptes sont nommés par assemblée générale ordinaire des actionnaires et ce, en vertu des dispositions de l’article 163 de la loi 1795. Le fait qu’ils soient nommés ainsi, constitue une garantie pour les utilisateurs de l’information financière, dans la mesure où c’est l’émanation des propriétaires de l’entreprise, et non de la direction générale qui établit les comptes sociaux.

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La durée du mandat : Les commissaires aux comptes sont nommés pour une durée de 3 ans renouvelables à l’infini, sauf ceux désignés par les statuts (une année seulement. Au cours de sa mission, ils ne peuvent être révoqués que par décision judiciaire et pour juste motifs (Irrégularités ou omissions graves dans l’exercice de leurs mandats). Cette disposition prévue par la loi, est une vraie garantie quant à l’indépendance des commissaires aux comptes. Ils sont protégés contre tout abus de pouvoir de la part des dirigeants ou des actionnaires majoritaires. Ces derniers seraient tentés de ne pas renouveler le mandat du CAC, si celui-ci prend des positions contraires à leurs intérêts (certification avec réserve, détection de fraudes, refus de certification…) La permanence de la mission : En se basant sur la loi 17-95, le commissaire aux comptes a le droit d’intervenir à tout moment tout au long de l’exercice social et de procéder à toutes les investigations nécessaires au bon déroulement de sa mission, aussi bien dans la société dont il contrôle les comptes, que dans ses filiales et sociétés mères. La règle de la non-immixtion dans la gestion : C’est l’une des règles les plus fondamentales destinées à préserver l’indépendance de l’auditeur. En effet, il n’est pas normal qu’un auditeur soit juge et partie pour émettre une opinion sur des comptes, qu’il a lui-même établis. La loi 17-95 interdit aux commissaires aux comptes de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise. Cette disposition vise à garantir la séparation entre d’un coté, les fonctions de gestion assurées par la direction générale, et d’un autre coté, celles relatives au contrôle et qui sont réalisées par les commissaires aux comptes. Par ailleurs, il est strictement interdit pour les auditeurs d’émettre leur avis sur la gestion de l’entreprise ou d’exprimer des jugements de valeur critiques ou élogieux sur la conduite de celle-ci. Toutefois, il est très difficile de qualifier un acte comme étant relatif à la gestion, en raison de l’ambigüité que soulève le concept lui-même. Ainsi dans quelle mesure peut-on considérer les avis et recommandations émis par le commissaire aux comptes comme actes de gestion ? Par ailleurs, la loi a autorisé le CAC à émettre des jugements sur certains faits et actes et d’en apprécier les motifs, le contenu et les résultats. Il s’agit entre autres : -

Le caractère délictueux de certains faits;

-

Le caractère normal de certaines conventions ;

-

Les faits susceptibles de mettre en cause la continuité de l’exploitation et les mesures propres à y remédier. 34

En outre, dans le cadre de sa démarche d’audit, le commissaire aux comptes doit apprécier et émettre un jugement sur l’efficacité du contrôle interne afin de décider s’il va limiter ou pas l’étendue du contrôle des comptes. Le co-commissariat aux comptes : Dans certaines conditions, la loi 17-95 a imposé à certaines sociétés, d’avoir recours à deux commissaires aux comptes pour l’audit de leurs comptes. Il s’agit notamment des sociétés de banque, de crédit, d’investissement, d’assurance, de capitalisation et d’épargne ainsi que les entités faisant appel public à l’épargne. Cette mesure permet, en plus de l’interconnexion des compétences, de renforcer l’indépendance des auditeurs. Ceci se manifeste dans : -

Le renforcement de la capacité de résistance des commissaires aux comptes face à toute tentative d’intimidation ou de corruption ;

-

La réduction du risque de familiarité avec les dirigeants

-

Le renforcement de leur indépendance technique.

Les normes professionnelles Après avoir énuméré les principales dispositions prévues par la loi notamment la loi 17-95, il semble évident de présenter les autres mesures édictées par le manuel des normes d’audit et le code des devoirs professionnels. La norme 12 relative à l’indépendance : Le manuel des normes a consacré la norme 12 à l’étude des comportements professionnels que doivent adopter les auditeurs légaux et contractuels, notamment l’indépendance. A ce titre, la dite norme stipule que le commissaire aux comptes « doit non seulement conserver une attitude d’esprit indépendante lui permettant d’effectuer sa mission avec intégrité et objectivité, mais aussi d’être libre de tout réel qui pourrait être interprété comme constituant une entrave à cette intégrité et objectivité » Cette définition de l’indépendance renvoie aux deux types d’indépendance à savoir l’indépendance réelle ( Conserver une attitude d’esprit indépendante) et perçue ( être libre de tout réel qui pourrait être interprété comme une entrave… ) Par ailleurs, elle fait allusion aux deux concepts de base intimement liés à l’indépendance en l’occurrence, l’intégrité et l’objectivité. La norme ajoute également dans le cadre de ses commentaires « Au-delà des incompatibilités et interdictions légales qui constituent des présomptions irréfragables de dépendance, l’indépendance du commissaire aux comptes s’apprécie à la fois par rapport à un

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comportement et à un état d’esprit ; la mise en cause de l’indépendance d’un commissaire aux comptes ne peut, de ce fait être systématique. Cependant, le commissaire aux comptes ne peut se trouver dans une position susceptible : • Soit d’altérer sa liberté de jugement qui doit rester pleine et entière, • Soit de faire obstacle à l’accomplissement de sa mission, • Soit d’être perçue comme compromettant son objectivité ou son intégrité. » Ainsi, on peut relever plusieurs questions liées à l’indépendance des auditeurs à savoir les situations susceptibles de compromettre l’indépendance des auditeurs à savoir les liens familiaux et personnels noués avec les dirigeants, la dépendance par rapport aux honoraires, les relations financières, les relations commerciales et professionnels.

La norme « incompatibilité et indépendance » : Cette norme peut être considérée comme étant une circulaire d’application de la loi 17-95. Celle-ci est rédigée en termes vagues et généraux laissant une grande marge d’interprétation aux professionnels. Cette norme organisée en 5 articles, a le mérite de clarifier quelques aspects de l’indépendance tels que les prestations autres que l’audit (conseils, avis et recommandations, tenue de la comptabilité et établissement des états financiers, conception et mise en œuvre de systèmes technologiques d’information financière et enfin ingénierie financière) et de traiter quelques situations qui entravent l’indépendance de l’auditeur entre autres les relations financières, l’intérêt financier et les relations d’affaire. Sans vouloir s’attarder sur le détail des dispositions prévues par ladite norme, nous en citons les principaux apports et qui se résument comme suit : -

La définition de l’indépendance par renvoi aux principes d’objectivité et intégrité ;

-

la réaffirmation des deux aspects de l’indépendance, à savoir l’indépendance d’esprit et l’apparence d’indépendance ;

-

l’introduction de l’approche par les principes ;

-

l’élargissement des personnes soumises auxdites règles ;

-

la définition de la notion du réseau (dans le cadre de la présentation de la norme et non pas dans un article de la norme) et du groupe (dans le cadre de la directive) ;

-

l’introduction du test de perception de dépendance du commissaire aux comptes par un tiers raisonnable et informé. 36

Le code des devoirs professionnels : Le conseil national de l’ordre des experts comptables a émis depuis plusieurs années un projet de code des devoirs professionnels. Ce code qui contient plusieurs titres, évoque plusieurs aspects relatifs à l’indépendance. Selon l’article premier, l’indépendance d’esprit est considérée, comme une des qualités essentielles de l’expert-comptable, qui doit selon les termes de l’article second: -

Donner son avis sans égard au désir de celui qui le consulte et de se prononcer avec sincérité ; et

-

Ne pas se placer dans une situation qui puisse diminuer son libre arbitre ou faire obstacle à l’accomplissement de son devoir (article 2). Par ailleurs, ledit code a passé en revue un certain nombre de situations susceptibles de mettre en danger l’indépendance de l’auditeur 

la dépendance par rapport à un seul client, un seul groupe financier ou communauté d’intérêt ;



les situations qui le mettent dans un état de subordination ;



la dépendance de la société d’expertise comptable par rapport à un actionnaire; et



l’intervention dans le cadre de litiges dans lesquels un client est impliqué.

Conclusion partielle : La relation auditeur-audité est extrêmement complexe mettant en jeu plusieurs paramètres à étudier. Notre choix a été porté sur : la durée du mandat, la fourniture de services autres que l’audit, la relation financière, la relation humaine et personnelle ainsi que les jobs options. Ces facteurs pourraient éventuellement affecter l’indépendance de l’auditeur. Par ailleurs, en dépit de la diversité et richesse des dispositifs légaux et réglementaires mis en vigueur pour réguler l’indépendance de l’auditeur. Il n’en demeure pas moins que ce concept est difficile à cerner en raison des divers facteurs et variables essentiels à sa compréhension, d’autant plus qu’il fait appel à des valeurs éthiques et morales propres à l’individu. De ce fait, la réglementation à elle seule, ne saura couvrir l’ensemble des aspects liés à l’indépendance.

37

Deuxième partie : l’influence de la relation auditeur-audité sur l’indépendance de l’auditeur : Synthèse de la littérature et proposition de mesures concrètes pour assurer une relation professionnelle auditeur-audité et sauvegarder l’indépendance de l’auditeur :

38

I.

L’influence des relations auditeur-audité sur l’indépendance de l’auditeur :

Comme déjà annoncé lors du chapitre premier de ce travail, nous avons choisi de porter notre étude sur quelques paramètre de la relation auditeur-audité à savoir : la fourniture de prestations autres que l’audit, la durée du mandat, la relation humaine et personnelle, la relation financière et les jobs options. A l’issue d’une synthèse de la littérature en la matière, nous serions en mesure de démontrer s’il existe une relation entre l’ensemble de ces facteurs et l’indépendance de l’auditeur.

1. Influence de la fourniture de services autres que l’audit (Non audit services NAS) sur l’indépendance de l’auditeur : La fourniture de prestations autres que l’audit a toujours fait l’objet de longues et nombreuses discussions. Selon certains, cette prestation assurée chez un client dont on assure le contrôle des comptes, permet d’approfondir la compréhension des activités et processus du client et donc n’altère en aucun cas, le jugement professionnel des auditeurs. D’autres par contre, supposent que la prestation d’un large éventail de services autres que l’audit nuit à l’objectivité et l’intégrité du commissaire aux comptes. Selon plusieurs auteurs, la prestation de services autres que l’audit a un impact négatif sur l’indépendance de l’auditeur. En effet, selon Wines (1994), Si les honoraires de conseil sont importants en valeur absolue et en poids relatif par rapport à ceux de la mission d’audit légal, la dépendance économique de l’auditeur peut créer un biais dans son jugement et entraîner une perte d’impartialité et d’objectivité. Ce même auteur a avancé deux arguments pour défendre sa position. Le premier stipule que le rôle de conseiller joué par l’auditeur ou son cabinet fait naitre une attitude d’empathie envers le client et amène le commissaire aux comptes à émettre des jugements biaisés. Le second argument trouve son origine dans le fait que les honoraires liés au conseil sont beaucoup plus importants que ceux relatifs à l’audit, et du coup, les auditeurs seraient éventuellement tentés à consacrer plus de temps et d’efforts aux prestations autres que l’audit au détriment du contrôle légal des comptes. Par ailleurs, Wines a conduit une autre étude sur les opinions émises par les commissaires aux comptes. Il a conclu que les entreprises dont les comptes ont été certifiés sans réserves, sont celles qui ont reçu des prestations de conseil par les cabinets d’audit. En fait, les auditeurs qui perçoivent

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d’importants honoraires sur les missions de conseil et autres, seront moins enclins à émettre une opinion avec réserves. Toutefois, nombreux sont les chercheurs qui ont défendu la thèse inverse, selon laquelle la prestation des services non liés à l’audit, n’affecte en rien l’indépendance de l’auditeur. Ainsi, selon ( Abdel-khalik.1990), la réalisation de missions de conseil par le cabinet d’audit peut être bénéfique pour l’audit dans la mesure où elle permet d’améliorer la connaissance de l’auditeur sur le client, et par ricochet la qualité de l’audit. De leur part, Hillison et Kennelley (1988), ont affirmé que l’interdiction des prestations autres que l’audit au profit du client, seraient préjudiciables à la qualité des travaux de révision. C’est deux auteurs ont proposé une alternative à l’interdiction totale des services autres que l’audit. Leur réalisation par un département ou une structure différente de la structure d’audit. Ainsi, le risque que l’opinion du commissaire aux comptes soit remise en cause diminuerait, lorsque les équipes chargées de réaliser les missions de conseil sont différentes des équipes d’audit. Voici, en détail les principaux résultats des différentes études menées à ce niveau.

Travaux

Résultats

Corless et Parker (1987)

Chung (2001)

et

Kallapur

Influence

l’indépendance

l’indépendance

réelle

perçue

Impact des NAS sur l’attitude mentale des auditeurs : relation positive entre la fourniture de NAS par leur cabinet et le niveau critique des auditeurs.

. Relation faiblement significative entre les NAS et accruals dans le cas des non big.

Craswell (1999)/ Barkess et Simnett (1994)/ DeFond, Raghunandan et Subramanyam (2002)/ Geiger et Rama (2003)

Pas de relation entre NAS et le« going concern audit opinion»

sur

+

Pas de corrélation entre NAS et le montant des accruals

Francis et Ke (2002)

sur Influence

Néant

Néant

Raghunandan (2003)

Néant Les NAS élevés n’affectent pas les décisions des actionnaires

Stagliano

Persistance de la confiance en l’auditeur malgré la fourniture simultanée par le cabinet des deux types de services

Reynolds, Deis, Donald

Pas de relation entre NAS et les accruals,

Reckers (1981)

et

Néant

0 40

(2004)

quand on tient compte de différents facteurs (taille de l’entreprise et secteur notamment) et

Pas d’effet économique de la fourniture des NAS sur les estimations réelles d’obligation

Ruddock, Taylor, Taylor et Stephen (2006),.

Pas de relation entre le niveau de NAS et le niveau du conservatisme

Brandon, Crabtree, Maher (2004)

néant

néant

Ces études ne font que confirmer la controverse suscitée autour de cette problématique. En outre, elles permettent de dégager un impact contradictoire selon le type d’indépendance. 

Indépendance réelle : contradictoire.



Indépendance perçue : Impact négatif.

Toutefois, à la suite de l’affaire ENRON, la législation américaine et française ont introduit de strictes mesures interdisant la fourniture pour un même client de services autres que l’audit combinés avec le contrôle légal des comptes. En revanche, la législation marocaine n’a prévu aucune disposition visant à limiter ou à interdire la fourniture de ces prestations pour les clients audités. Ceci ne peut que renforcer le constat selon lequel, ces prestations permettent de mieux comprendre le client et son activité, et d’améliorer les travaux d’audit.

2. Influence de la durée du mandat : La relation entre la durée du mandat et l’indépendance des auditeurs a fait l’objet de nombreuses études. Cependant, l’étude qui a suscitée le plus d’attention est celle menée par Carey et Simnett en 2006. En effet, ces deux auteurs ont identifié trois phases dans le mandat d’audit. La première phase se caractérise par une faible qualité d’audit à cause de la méconnaissance de l’entreprise et de son l’environnement (problème de compétence). La seconde phase quant à elle, se distingue par une excellente qualité d’audit liée au développement d’une certaine expertise. La troisième phase débute à partir de la sixième année, et reflète une forte détérioration de la qualité d’audit à cause de la naissance de liens de familiarité et le développement de relations humaines et sociales plus détendues entre les dirigeants et les auditeurs. Cette phase s’identifie aussi par une baisse de vigilance et l’absence d’un œil critique. A contrario, Carcello et Nagy (2004) 41

montrent que les manipulations frauduleuses ont essentiellement lieu les 3 premières années du mandat S’inscrivant dans cette logique, Park (1990) a étudié la relation entre la décision de renouvellement du mandat des commissaires aux comptes et l’opinion émise. Cette étude a révélé que les dirigeants qui ont reçu des observations sur les états financiers, sont les plus enclins à changer plus fréquemment d’auditeurs que ceux dont les comptes établis ont été certifiés sans réserves. Par ailleurs,Deis et Giroux (1992) ont avancé qu’au fur et à mesure de l’augmentation de la durée du mandat de l’auditeur, la qualité de son opinion et le niveau d’indépendance perçue baissent. Au fur et à mesure de l’avancement dans le mandat, et l’allongement de la durée de relation entre le client et l’auditeur. Ce dernier, serait de plus en plus complaisant et mettrait en œuvre des techniques de révision de moins en moins innovantes. La synthèse des différents travaux se résume dans le tableau suivant :

Travaux

Résultats

Shockley, 1981

et

Influence

sur

sur

l’indépen

l’indépend

dance

ance

réelle

perçue

Les longues durées permettent une connaissance du marché et donc moins de dépendance par rapport à la direction

+

Les longs mandats peuvent entraîner la baisse de la vigilance de l’auditeur

Tan, 1995

Ghosh (2005)

Influence

Moon

-

. les investisseurs et les intermédiaires de l'information perçoivent les longs mandats d'auditeur en tant qu'amélioration de la qualité d'audit.

Ruiz-Barbadillo, GÃmez-Aguilar, Biedma-LÃpez (2006)/ Espagne

Relation positive entre la durée des mandats et l’opportunisme comptable

Carcello et Naguy (2004)

Aucune relation entre longue durée et fraude

+

-

néant

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Vanstraelen (2000)

Iyer et Rama (2004)

Carey et Simnett (2006)

Relation négative entre la durée des contrats d’audit et la qualité de l’opinion de l’auditeur Les longues durées n’ont pas d’impact négatif sur l’indépendance de l’auditeur Pas de corrélation entre les mandats de longue durée et différentes mesures de qualité de l’audit

-

néant

néant

néant

La plupart des études ont démontré un impact négatif de la longueur de la durée sur l’indépendance de l’auditeur. Ceci, s’explique en grande partie par le développement de relations humaines et personnelles entre les auditeurs et les audités qui peuvent affecter le jugement professionnel de l’auditeur. Par ailleurs, certaines recherches en la matière ont prouvé qu’il n’existe aucun lien entre ces deux variables.

3. Influence de la relation humaine et personnelle : La relation humaine et personnelle développée entre les auditeurs et le client peut prendre différents aspects : De l’empathie, amitié et confiance à la pression, menace d’intimidation et autres formes de comportement… Ces divers aspects de la relation peuvent influencer, d’une manière ou d’une autre, l’indépendance de l’auditeur. On passera en revue les différents apports de la littérature par rapport à ce facteur. En effet, selon Davison, Stening et Wai, au-delà d’un niveau acceptable de confiance établie entre l’auditeur et son client, le degré de scepticisme professionnel de l’auditeur tend à réduire et altère le jugement professionnel de l’auditeur. Ces trois chercheurs ont avancé un certain nombre de facteurs qui peuvent influencer la relation de la confiance établie : caractéristiques propres à l’auditeur (prédisposition à faire confiance), à l’audité (intégrité, conformité entre actes et paroles) ou à la relation entre les deux (durée de la relation, la nature de la relation et les expériences vécues). Par ailleurs, certaines recherches ont insisté sur la relation humaine fondée sur l’amitié, l’empathie… qui risquerait d’être nouée entre les deux parties. En effet, selon Moore, le développement des relations personnelles et des affiliations influencent

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négativement l’impartialité du jugement des auditeurs. De leurs cotés, Following Defond et al. (2002) and Geiger and Raghunandan (2002), ont mené une étude selon laquelle, ils ont démontré que le rapport d’audit est le produit final d’un travail d’audit, et que l’opinion d’audit résulte d’une série de négociations avec le client et un jugement professionnel de l’auditeur. De ce fait, une relation proche entre l’auditeur et son client peut réduire dans une grande proportion l’indépendance de l’auditeur et son degré de scepticisme professionnel visà-vis de l’audité. S’inscrivant dans cette optique, Fargher (2005) a avancé qu’une amitié personnelle et une confiance mal placée diminuent significativement l’indépendance de l’auditeur. Egalement, Mautz et Sharaf (1961), ont démontré dans une étude, que la relation personnelle à tel point de développer des relations émotionnelles ou de loyauté affecte l’indépendance et l’objectivité de l’auditeur. Finalement, il existe une autre catégorie de relations humaines et personnelles, à savoir la pression, la corruption ou l’intimidation exercées par le client audité sur le commissaire aux comptes. En effet, cette dite catégorie de menaces est appelée menace d’intimation ou « Intimidation Threat» : elle résulte de menaces réelles ou d’actions et décisions perçues en tant que telles, exercées par la société auditée dans l’objectif de dissuader l’auditeur d’agir avec objectivité (par exemple : pression de la société auditée en vue de réduire l’étendue du travail d’audit). La quasi-totalité des recherches et études dans ce sens, ont confirmé l’impact négatif de ces menaces sur l’indépendance de l’auditeur. Selon Goldman,Barlev, Price et Nicolas, le client détient plusieurs sources de pouvoir par rapport à l’auditeur ( le paiement des honoraires, la détention des informations comptables et financières… ). Ce déséquilibre de pouvoir ne fait qu’accentuer le conflit d’intérêt auditeuraudité, et réduit significativement l’indépendance du commissaire aux comptes. Price et Nicolas (1976), quant à eux expliquent cette position à travers la théorie de l’échange : l’infériorité de l’auditeur s’explique par le fait que c’est l’entreprise qui se charge de payer le commissaire aux comptes (l’auditeur a donc besoin de l’entreprise), et la supériorité de l’audité est due au fait que l’entreprise a besoin de n’importe quel auditeur (et non pas d’un auditeur en particulier). L’une des plus importantes recherches à ce sujet, est effectuée par Beattie et al (2001). D’après cette étude, les principaux déterminants du conflit sont d’ordre comptable : ils portent sur l’évaluation des encours, le coût des réorganisations et sur la juste valeur. En revanche, Colasse (2003) a identifié une autre catégorie de pressions. Il s’agit de « petites manœuvres » utilisées par l’audité et qui visent à « gêner de façon plus ou moins subtile le commissaire aux comptes » et à « l’empêcher de manifester sa compétence 44

intrinsèque ». Ces petites manœuvres se traduisent par un comportement particulier de la part du dirigeant qui peut se montrer non coopératif et indisponible pour l’auditeur. Pour sa part, M.K.Shaub (2003), dans une étude de l’impact de la loi Sarbaes Oxley sur l’indépendance de l’auditeur, a fait référence à la menace d’intimidation. Cet auteur a défini celle-ci comme étant le fait « d’empêcher l’auditeur d’agir objectivement à travers des menaces véritables ou ressenties de la part du client ». Le schéma suivant permet de présenter résumer les deux catégories de pressions qui existent dans la littérature.

4. Influence de la relation financière : (honoraires d’audit) Ce paragraphe visera la compréhension de l’impact du paiement des honoraires d’audit par le client sur l’indépendance de l’auditeur. Il s’agira de savoir si l’objectivité et le scepticisme professionnels de l’auditeur ne seraient pas affectés par le fait que c’est l’entreprise auditée qui se charge de le rémunérer. Les avis des chercheurs par rapport à cet aspect divergent. En effet, selon Higgs et Skantz, Francis et Bin, 2006, Plus le montant est élevé, plus l’indépendance est remise en cause. En revanche, et selon ces mêmes auteurs, La publication des honoraires permet l’amélioration de l’indépendance. Hoitash (2007), émet l’hypothèse selon laquelle, les honoraires payés aux auditeurs peuvent affecter la qualité d’audit selon deux façons. D’une part, le montant significatif des honoraires payés aux auditeurs, fait que ceux-ci se trouvent plus dépendants vis-à-vis de leurs clients. D’autre part, l’auditeur n’a plus

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intérêt à formuler des remarques ou émettre des réserves sur les comptes de l’entreprise, par peur de perdre des honoraires aussi significatifs. Geiger et Rama (2003) montrent, quant à eux, une association positive entre la magnitude des honoraires d’audit et la probabilité de recevoir une opinion d’audit qualifiée. En revanche, Craswell et al. (2002) étudient l’impact de la dépendance économique (en termes d’honoraires d’audit) sur l’indépendance des auditeurs. Ces auteurs ont montré que la dépendance économique n’a pas d’incidence sur l’indépendance du jugement des auditeurs. De leurs côtés, Raghunandan et al. (2003) montrent que les honoraires d’audit et de non-audit n’ont pas d’influence sur la probabilité de publier des états financiers rectificatifs (restated financial statements) démontrant que les montants d’honoraires ne semblent pas avoir d’influence négative sur l’indépendance des auditeurs.

5. Influence des jobs options : Cette catégorie de menaces, a été mise en évidence après l’affaire ENRON. Etant donné, que plusieurs dirigeants stratégiques de l’entreprise ENRON étaient ex-auditeurs d’Arthur Andersen. Des questions se sont posées afin de savoir, si cette situation ne permet pas le développement de liens personnels entre ces dits dirigeants et leurs ex-collègues auditeurs du cabinet. Selon Johnstone et al. (2001), il existe des incitations indirectes à la réduction de l’indépendance des auditeurs ; en l’occurrence le développement des jobs options. En effet, selon cet auteur, il est difficile pour l’auditeur de maintenir son objectivité et son intégrité, quand il est confronté à un ex-collègue dirigeant de l’entreprise auditée, avec lequel il a noué des relations personnelles d’amitié. En se référant à Beasley et al. 2000, la dite situation affecte le jugement du commissaire aux comptes pour deux principales raisons. La première, trouve son origine dans le fait que les auditeurs ne sont pas prêts à défier leur ex-collègue et lui poser suffisamment de questions et de remarques. En effet, l’équipe d’audit est assez confiante de la fiabilité des états financiers établis par le dirigeant-ami, et réduit par conséquent son degré de scepticisme vis-àvis du jugement et des décisions pris par le collègue. La deuxième raison est liée au fait que le dirigeant est familier avec la méthodologie d’audit du cabinet et connait parfaitement les

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règles et assertions d’audit. Ceci ne fait que renforcer la confiance des auditeurs qui diminuent de façon significative l’étendue de leurs travaux. Lennox (2003), de son coté, a affirmé que les jobs options n’altèrent l’indépendance de l’auditeur, que sous la condition du développement de liens personnels d’amitié et de confiance mutuelle entre l’auditeur et son ex-collègue, dirigeant de l’entreprise auditée.

Conclusion : Hormis quelques recherches qui ont démontré une relation de neutralité entre les facteurs étudiés et l’indépendance de l’auditeur. La plupart des recherches vont dans le sens de la confirmation de l’impact négatif causé par ces dits paramètres sur l’objectivité et l’intégrité de l’auditeur. Raison pour laquelle, les législations les plus réactives en matière d’audit ont instauré de strictes mesures pour en limiter l’impact sur la qualité des travaux d’audit et la sincérité de l’opinion émise. Au Maroc, la législation en vigueur ne permet pas une telle régulation. De ce fait, le chapitre suivant sera dédié à la proposition de mesures concrètes en vue de pallier aux manquements constatés tant sur le plan de l’indépendance qu’au niveau du renforcement de la relation auditeur-audité.

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I.

Proposition de mesures concrètes pour le renforcement de l’indépendance des auditeurs :

Pour pallier aux difficultés rencontrées en matière d’indépendance et asseoir une base solide garantissant une meilleure objectivité et intégrité des auditeurs, on se permettra de proposer trois principales mesures à savoir : Une démarche de gestion des risques au niveau du cabinet, Une régulation partagée de la profession et enfin l’amélioration de la gouvernance des entreprises.

1. La gestion des risques au niveau du cabinet : Tout cabinet qui se respecte doit placer les questions d’indépendance au centre de ses préoccupations. En effet, comme déjà signalé lors d’un chapitre précédent, le non respect des règles d’indépendance par une société d’audit, signifie nécessairement la baisse de réputation du cabinet, de son image de marque et de la confiance du grand public. De ce fait, les cabinets doivent se doter aujourd’hui d’une charte d’éthique ou un code de déontologie afin de veiller à la sauvegarde et au renforcement des mesures d’indépendance et d’assurer leur amélioration continue. Le système de sauvegarde de l’indépendance devrait être conçu de telle sorte à s’adapter à la taille du cabinet et à l’importance de son portefeuille. D’une façon générale, ce système doit comporter un code de conduite interne ainsi qu’un associé responsable des questions éthique et d’indépendance. 1.1 La nomination d’un associé responsable des questions éthiques : Outre les rôles de mise en place d’un système de contrôle interne approprié, l’associé en charge des questions éthiques, doit traiter tous les problèmes relatifs à l’indépendance en se conformant aux règles d’indépendance en vigueur ainsi qu’à la politique adoptée par le cabinet. Par ailleurs, il doit veiller à assister tout collaborateur se trouvant dans un dilemme éthique en adaptant les règles d’indépendance prévues par le cabinet et les appliquer dans une situation déterminée. Ce travail rigoureux dévolu à l’associé nécessite une parfaite connaissance des règles éthiques nationales et internationales, une sensibilité éthique, un jugement professionnel et une autorité et charisme particuliers afin de donner aux diverses règles édictées par le cabinet

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une force contraignante. Aussi, il doit prévoir des sanctions disciplinaires en cas de non application. Toutefois, il est à noter que la centralisation des questions éthiques et d’indépendance entre les mains d’un seul responsable permet d’homogénéiser l’approche pour la résolution des situations conflictuelles, de capitaliser l’expérience, de faire bénéficier l’ensemble du personnel du savoir faire d’un professionnel compétent et de développer ainsi leurs compétences Cet échange de compétences est doublement bénéfique au cabinet. Il permet d’une part, en plus de la résolution conflictuelle du problème, la formation des collaborateurs en matière de règles d’indépendance et contribue à accroitre leur sensibilité éthique. D’autre part, il favorise la mise à jour des compétences acquises et du dispositif éthique mis en place par le cabinet, et ce, par le biais des informations recueillies par les associés responsables des missions d’audit et qui sont transmises à l’associé chargé des questions éthiques.

1.2 Mise en place d’un code de conduite interne : Ce code doit régir toutes les questions relatives à l’indépendance, et même s’étendre à toutes les problématiques éthiques et morales. Il doit apporter des solutions concrètes à tous les problèmes éthiques que peut rencontrer un auditeur durant sa mission d’audit. En général, ledit code doit s’assurer de la correcte application des règles et dispositifs d’indépendance, de veiller à leur amélioration continue et de prévoir des sanctions en cas de violation de ces règles. Par ailleurs, il doit rappeler la réglementation dans laquelle l’auditeur intervient (règles d’incompatibilités et d’indépendance, normes professionnelles d’audit, code des devoirs professionnels,…). En outre, une synthèse des principales dispositions réglementaires et législatives étrangères, devrait être apportée, au cas où l’audit des comptes se fait selon des référentiels étrangers ou pour le compte de clients étrangers. Egalement, une partie devrait être consacrée à l’identification et l’évaluation des risques d’atteinte à l’indépendance et de l’incidence de ces risques sur la mission d’audit. Par rapport à certains points non prévus par la réglementation marocaine ou énoncés d’une manière ambigüe, tels que les prestations autres que l’audit, le périmètre des règles d’indépendance ou l’importance des honoraires d’audit. Le code peut proposer d’interdire certaines prestations telles que le conseil juridique ou fiscal ou encore que les honoraires d’audit versés par un seul client ne dépassent pas 10% du chiffre d’affaire du cabinet… 49

Enfin, le code doit définir une politique de contrôle interne propre aux règles d’indépendance afin de veiller à leur mise en place et à leur correcte application. Il est à signaler, que le code doit être mis à jour à chaque fois que de nouvelles données sur le marché d’audit apparaissent, surtout en matière de normes et de pratiques professionnelles, ou de détection de défaillances dans l’application du dispositif du contrôle interne. Ainsi, la mise en place d’un code de conduite interne, permet la création de valeurs communes, auxquelles doivent adhérer tous les collaborateurs du cabinet, afin d’unifier et de standardiser les façons de répondre aux problèmes éthiques. Ceci ne peut que contribuer à la création d’une vraie culture d’entreprise.

2. Le renforcement de la régulation de l’indépendance : La profession et le législateur doivent resserrer les règles en matière d’indépendance afin de donner les garanties nécessaires quant à l’environnement juridique et professionnel, dans lequel intervient le commissaire aux comptes. Ceci, afin de lui permettre d’exprimer son opinion en toute objectivité. Ainsi, les principales mesures pouvant être prises se résument comme suit : 2.1 Le renforcement des règles d’accès au commissariat aux comptes : Afin de garantir la rigueur du contrôle légal des comptes au Maroc, la loi a donné le monopole de la profession aux experts comptables inscrits à l’ordre des experts comptables. De par leur formation multidisciplinaire, et leur expérience professionnelle, ils sont en mesure de fournir une prestation de service de qualité tant en audit que dans d’autres services. En vue d’assurer la même qualité de travail fourni par ces professionnels, et de capitaliser les connaissances acquises ainsi que les expériences professionnelles vécues, il nous semble évident de proposer quelques mesures concrètes : -

A l’instar de la réglementation française, la loi pourrait proposer aux commissaires aux comptes, qui n’ont pas exercé la fonction d’audit légal pendant une période donnée, de suivre une formation auprès de l’ordre.

-

L’obligation de passer un test d’aptitude si la période dépasse une certaine limite.

50

2.2 Le

renforcement

des

règles

en

matière

d’incompatibilités

et

d’interdictions : Comme déjà signalé précédemment, les règles d’incompatibilités sont rédigées en termes vastes et ambigus, laissant une grande marge d’interprétation aux professionnels en l’occurrence les commissaires aux comptes. L’exemple le plus frappant de cette ambigüité est celui de l’article 16 qui prévoit l’incompatibilité du commissaire aux comptes avec « une rémunération quelconque à raison de fonctions susceptibles de porter atteinte à leur indépendance ». Cette formulation en termes généraux, présente divers inconvénients. D’une part, elle ne permet pas de limiter une liste exhaustive des services et prestations qui portent atteinte à l’indépendance de l’auditeur. D’autre part, elle laisse une grande marge de manœuvre aux juges pour apprécier le respect des règles d’indépendance. Ainsi, la formulation en termes précis des prestations de service pouvant compromettre l’indépendance de l’auditeur, serait une solution adéquate pour réduire le risque de transgression des règles en vigueur. Par ailleurs, les règles d’interdiction telles qu’elles sont prévues par l’article 162 de la loi 17-95, ne permettent pas de couvrir toutes les situations qui peuvent altérer l’indépendance de l’auditeur. A ce niveau, il serait intéressant d’interdire aux commissaires aux comptes, toute fonction de dirigeant ou de salarié antérieures au mandat de commissaire aux comptes. 2.3 Aménagement du mode de désignation des commissaires aux comptes : Le mode de désignation prévue par la législation marocaine pose plusieurs problèmes quant à l’indépendance de l’auditeur. En effet, le commissaire aux comptes est nommé par l’assemblée générale ordinaire sur proposition du conseil d’administration, ou de l’un de ses membres notamment le président ou le directeur général. Ce mode de désignation pose plusieurs difficultés sur le plan pratique. En fait, ce sont les dirigeants, en l’occurrence le président qui se charge de choisir le commissaire aux comptes et qu’en réalité, l’assemblée générale ne fait que ratifier le choix de l’équipe dirigeante. De ce fait, et afin de préserver les droits des actionnaires minoritaires, il serait approprié de s’aligner sur le modèle français en la matière. A rappeler que celui-ci, prévoit de restreindre le droit au vote du président, directeur général et directeur général adjoint, sur le projet de résolution qui propose la désignation du commissaire aux comptes. 2.4 Mesures relatives au renouvellement du mandat :

51

La durée du mandat est l’un des facteurs les plus importants qui méritent une attention particulière de la part des législateurs en matière d’audit. En effet, plus la durée est longue et renouvelable, plus le risque de familiarité et de confiance excessive est mis en avant, compromettant l’objectivité et le jugement professionnel de l’auditeur. Comme déjà cité auparavant sur le chapitre consacré à l’étude de la relation auditeur-audité, la relation humaine et personnelle nouée entre les deux parties compromet l’indépendance de l’équipe d’audit. La longueur relative de la durée de mandat (3 ans) et son possible renouvellement à l’infini, constitue une véritable garantie de l’indépendance de l’auditeur. Celui-ci est prémuni contre tout risque de révocation abusive de la part de l’équipe dirigeante. Toutefois, la possibilité de renouvellement du mandat n’est pas sans impact sur l’objectivité et le jugement professionnel de l’auditeur. En effet, les deux parties seraient tentées de rendre éternelle, la durée de relation qui les lie, en raison des intérêts communs qu’elles partagent. De ce fait, la suppression de la possibilité de renouvellement à l’infini semble être la mesure adéquate pour pallier aux risques d’atteinte d’indépendance. Cependant, le vrai débat se situe au niveau du choix qui permettra de concilier entre les avantages d’une longue durée du mandat et les inconvénients liés au renouvellement à l’infini de la relation entre les deux parties. A ce niveau, deux mesures sont proposées : 

Exiger la rotation du commissaire aux comptes ou de l’associé chargé de la mission.



Exiger la rotation de la société d’expert comptable.

En revanche, la mesure de renouvellement du mandat ne peut être supprimée pour plusieurs raisons : 

Cette suppression est préjudiciable aux grands cabinets dans la mesure où ça signifie la perte d’un portefeuille important de clientèle, et de la position concurrentielle sur le marché.



La baisse de la qualité d’audit en raison du changement et de la rotation des cabinets d’audit. Par conséquent, une réduction de l’efficacité et une hausse de coûts seront constatées.



La rotation des associés en charge est moins envisageable dans les petits cabinets.

Afin de concilier entre la qualité d’audit et les intérêts des professionnels, il y a lieu de prévoir des mesures moins contraignantes entre autres :

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La rotation du commissaire aux comptes, ou de l’associé chargé du dossier au bout de deux mandats.



La rotation du cabinet d’audit au terme de trois mandats.



Une durée de 2 ans pendant laquelle, le commissaire aux comptes n’intervient pas dans les comptes l’audit légal du client en question.

2.5 Refonte de la norme « incompatibilité et indépendance » : Nombreuses sont les remarques qui ont été adressées à la législation marocaine concernant la question de l’indépendance, notamment la norme « incompatibilité et indépendance ». De ce fait, il s’agit de proposer des mesures et aménagements afin de pallier aux manquements constatés, afin de garantir l’indépendance et l’objectivité des commissaires aux comptes. 2.5.1 Apporter plus de précisions sur la notion complexe d’indépendance : La notion d’indépendance, comme déjà vu lors d’un chapitre précédent, est complexe à cerner et fait appel à divers concepts moraux et éthiques tels que l’objectivité, l’intégrité, la sensibilité éthique… De ce fait, l’obligation d’enrichir la définition proposée par la législation marocaine, semble une évidence. A ce propos, on se permettra de proposer une approche multidimensionnelle afin de lever l’ambigüité qui entoure ce concept. Il s’agit de souligner : 

Les liens et interactions existant entre l’indépendance te les deux notions d’intégrité et d’objectivité.



L’interdépendance entre les deux concepts d’indépendance et de compétence d’une part, et la qualité de l’audit d’autre part. En effet, ces deux variables constituent le fondement d’un audit de qualité.



La définition claire de la notion d’indépendance perçue comme étant le fait d’éviter les situations, activités ou relations qui de par leur nature, leur importance ou leur impact, pourraient être raisonnablement perçues comme de nature, à compromettre l’intégrité, l’objectivité et le scepticisme du commissaire aux comptes.

1.5.2

Exposer les objectifs relatifs aux règles d’indépendance :

Les règles d’indépendance doivent avoir comme objectif d’assurer la crédibilité et la transparence des états financiers et de sauvegarder l’intérêt public. Elles doivent

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contribuer à améliorer la qualité d’audit et de renforcer la compétence des commissaires aux comptes.

1.5.3

Définir une approche de sauvegarde de l’indépendance :

A ce titre, il convient de préciser quelles sont les vraies menaces à l’indépendance de l’auditeur notamment à travers sa relation avec les dirigeants de la société auditée (menace liée à l’intérêt personnel, menace de familiarité liée au développement de relations humaines et personnelles, menace d’intimidation, menace de pression ou de corruption…). En outre, il s’agit d’identifier quels sont les risques liés à ces menaces et finalement, de définir les mesures de sauvegarde nécessaires qui permettront de préserver l’indépendance des auditeurs contre ces menaces, et de juger de leur efficacité. Par ailleurs, l’approche de sauvegarde doit identifier les situations particulières que peut rencontrer l’auditeur dans sa relation avec la société auditée notamment (la relation financière, la relation familiale et personnelle, la fourniture de prestations autres que l’audit…) 2.6

Elaboration d’un code éthique :

Comme déjà signalé précédemment, l’indépendance fait appel à des valeurs éthiques et morales, qui appartiennent à la personnalité profonde de l’être humain. Ainsi, le professionnel est souvent guidé par sa sensibilité éthique qui lui permet de juger des différentes situations auxquelles il est confronté. Cette sensibilité comprend, non seulement le sens éthique propre à l’individu, mais aussi les principes et valeurs éthiques communément admis par la société. De ce fait, la mise en place d’un code de déontologie contenant l’ensemble des principes moraux auxquels doivent adhérer les professionnels comptables, semble être la meilleure solution pour se conformer aux exigences d’indépendance et instaurer un climat de confiance auprès du grand public. 2.7

Contrôle de qualité :

Les règles éthiques prévues par le code éthique ne peuvent à elles seules garantir l’indépendance de l’auditeur. En effet, il s’agit de donner à ces règles une force contraignante. Autrement dit, de mettre en place des mécanismes visant à contrôler l’application de ces dites règles par les professionnels comptables. La mise en place d’un organisme chargé de contrôler l’application des règles d’indépendance serait une mesure favorable à l’indépendance. Ce dispositif permettra en plus de la surveillance des diligences et procédures 54

d’audit, de contrôler le respect des normes professionnelles, notamment en matière d’indépendance. L’existence d’un tel contrôle permet de restaurer la confiance du public en la qualité de la mission d’audit et améliore leur perception de l’intégrité et objectivité de l’auditeur. Toutefois, l’efficacité de ce contrôle est tributaire du respect d’un certain nombre de conditions entre autres : 

La disponibilité de moyens humains (en nombre et en compétence) matériels et humains nécessaires.



La transparence et l’objectivité du processus contrôle. (dans les cabinets choisis pour effectuer le contrôle, publication des résultats, recommandations…)



La multiplication d’échange entre contrôleurs et contrôlés avant l’émission du rapport final.

2.8

Formation continue :

La formation assurée par le cursus d’expertise comptable ainsi que les expériences professionnelles, ne suffisent à elles seules de garantir l’indépendance des commissaires aux comptes. En effet, la consolidation de ces acquis par une formation continue de qualité, va contribuer à assurer

les compétences techniques de l’auditeur et sauvegarder son

indépendance.

3. L’amélioration de la gouvernance d’entreprise : La production des états financiers est un long processus qui fait intervenir différentes personnes, et divers départements au sein de l’entreprise. La manière dont l’entité est gérée reflète dans de larges proportions, la qualité de l’information publiée. En outre, le contrôle des opérations et activités de l’entreprise est devenu une obligation majeure. C’est là tout l’enjeu de la gouvernance d’entreprise qui a été définie comme «le système par lequel les sociétés sont dirigées et contrôlées » L’un des aspects les plus importants de la gestion des entreprises est la production et le contrôle de l’information financière. Ainsi, le contrôle des comptes constitue l’un des mécanismes de la gouvernance d’entreprise. De ce fait, il est intéressant de situer la réflexion sur celui qui exerce ce contrôle à savoir le commissaire aux comptes.

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Ce chapitre ne traitera pas de tous les aspects relatifs à la gouvernance d’entreprise, mais uniquement ceux qui sont directement liés au contrôle légal des comptes, et notamment les pratiques ayant un impact sur l’indépendance de l’auditeur. De ce fait, il serait question de proposer quelques modifications que peut fournir la société auditée en vue de renforcer l’indépendance du commissaire aux comptes. Avant de pouvoir proposer des mesures d’amélioration de la gouvernance d’entreprise, il convient tout d’abord, de rappeler les spécificités de la corporate governance au Maroc. Le tissu économique marocain est composé en grande partie des PME. Celles-ci sont caractérisées par la propriété familiale et leur gestion se trouve concentrée entre les mains des entrepreneurs individuels ou actionnaires majoritaires. Le rôle du conseil d’administration dans les PME à statut de sociétés anonymes demeure faible, en raison de l’influence et prédominance du pouvoir familial. En effet, même s’il existe, le conseil d’administration ne joue pas pleinement son rôle, et l’actionnaire majoritaire s’occupe lui-même du suivi et du contrôle de l’activité. Quant aux grandes sociétés, l’actionnaire majoritaire exerce un contrôle absolu sur la gestion et se charge lui-même de nommer les membres du conseil d’administration ou du directoire. De ce fait, la pratique de la gouvernance d’entreprise fait ressortir plusieurs remarques. Tout d’abord, les fonctions de contrôle et de gestion sont détenues souvent par l’actionnaire majoritaire qui exerce un pouvoir absolu sur l’entreprise. Ensuite, cette pratique fait ressortir des conflits d’intérêt entre actionnaires minoritaires et majoritaires. Ainsi, il convient d’apporter certains aménagements au cadre juridique (Droit des sociétés), afin de garantir les droits des actionnaires majoritaires et minoritaires ainsi que ceux des autres parties prenantes. A première vue, il serait question de proposer des mesures de réglementation du conseil d’administration afin qu’il puisse jouer pleinement son rôle en tant qu’organe de contrôle. 3.1

La modification du rôle du conseil d’administration :

Dans le cadre des sociétés anonymes à directoire et à conseil de surveillance, une distinction particulière est faite entre les fonctions de gestion assurées par le directoire et celles relatives au contrôle exécutées par le conseil de surveillance. Cependant, l’autre forme juridique à conseil d’administration ne prévoit pas une telle séparation de tâches. Les textes de loi en vigueur ne précisent pas clairement les rôles dévolus an conseil d’administration et stipulent dans l’article 69 de la loi 17-95 que « le conseil d’administration est investi des 56

pouvoirs les plus étendus pour prendre en toutes circonstances toutes décisions à la réalisation de son objet social au nom de la société » Dans la pratique, le conseil d’administration cède cette autorité de décision au président du conseil d’administration qui est investi des pouvoir les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société, tel que prévu par le deuxième alinéa de l’article 74. Ainsi, il semble que ce manque de précision sur la délimitation de compétences ne permet pas de clarifier exactement le rôle du conseil d’administration en tant qu’organe chargé de la gestion et du contrôle interne de l’entité. De ce fait, le conseil d’administration est appelé à jouer pleinement son rôle de définition des orientations stratégiques de la société, et du contrôle de l’exécution réelle de celles-ci, il doit veiller également à la supervision des systèmes de contrôle interne et à la surveillance de la direction générale. 3.2

La distinction entre les fonctions de président et de directeur général :

La loi 17-95 a prévu le cumul des fonctions de président et de directeur général. Ainsi, en vertu de l’article 74 de ladite loi « le président assume, sous sa responsabilité, la direction générale de la société. ». De ce fait, le président directeur général est investi des pouvoirs les plus larges pour engager la société et agir en son nom, et exerce ainsi une influence significative sur la performance financière de celle-ci. Par ailleurs, cette confusion de pouvoirs et de fonctions, ne permet pas de faire le dispatching entre les tâches exécutées en tant que directeur général et les actes réalisés en tant que président du conseil d’administration. Par ailleurs, ce pouvoir absolu est d’autant plus accentué si l’actionnariat de l’entreprise est concentré entre les mains d’un petit nombre d’actionnaires voir un seul. Ce dernier serait tenté d’influencer le président directeur général pour prendre les décisions qui concordent avec son seul intérêt personnel et ce, au détriment des autres actionnaires minoritaires. De ce fait, dissocier les deux fonctions semble une évidence afin d’assurer un équilibre des pouvoirs des organes dirigeants, et de garantir les droits des minoritaires. Cette nouvelle répartition serait en mesure de définir clairement les responsabilités des deux fonctions. Le président assurera désormais, le fonctionnement de la société et de sa gestion. Le directeur général devrait engager la société et représenter son conseil d’administration, diriger les tâches et travaux et évaluer le travail des administrateurs.

57

3.3

La restriction au cumul des mandats d’administrateur :

Au Maroc, un administrateur est autorisé à détenir plusieurs mandats auprès de différentes sociétés. En effet, aucune limitation n’est prévue par la législation marocaine limitant le nombre de mandats que doit détenir chaque administrateur. Ceci n’est pas sans impact sur l’efficacité de gestion de l’entreprise, étant donné que les administrateurs composant le conseil d’administration, ne disposent pas du temps nécessaire pour s’acquitter de leurs tâches. De ce fait, et vue l’étendue des travaux de l’administrateur, une limitation des mandats détenus par celui-ci semble être la mesure convenable. De même, la direction générale d’une société est une fonction stratégique

qui contient plusieurs tâches, d’où

l’intérêt d’interdire le cumul de mandats prévus pour le directeur général.

3.4

La reconnaissance du droit à l’information des administrateurs et le

renforcement de leur indépendance : Afin d’assurer une participation active des administrateurs aux délibérations du conseil d’administration, et leur permettre de remplir efficacement leurs rôles, certaines mesures devraient être prévues. En premier lieu, il conviendra de reconnaitre leur droit à l’information à tout moment. En second lieu, de prévoir des mesures disciplinaires en cas d’infraction à ce droit individuel à l’information. Par ailleurs, et afin de lever toute entrave à la bonne exécution de leurs tâches, les administrateurs doivent jouir d’une totale indépendance. En effet, la loi 17-95 a déjà introduit des mesures dans ce sens, en stipulant

dans les articles 67 et 76 que la majorité des

administrateurs ne doit avoir ni la qualité de gérant, ni de directeur général, ni de salarié de l’entreprise exerçant des fonctions de direction. En dépit de l’importance des mesures prévues par ladite loi, celles-ci demeurent insuffisantes pour garantir l’indépendance des administrateurs. De ce fait, les bonnes pratiques de gouvernance prévoient deux principales dispositions. D’une part, il convient de mentionner en termes précis, le principe d’indépendance des administrateurs. D’autre part, de fournir quelques exemples précis sur la nature de la relation que l’administrateur n’est pas tenu d’entretenir avec la société ( liens de subordination, liens financiers ou juridique avec la direction générale ou avec les actionnaires majoritaires). 3.5

L’institution des comités des comptes :

58

La création des comités d’audit est l’une des pratiques les plus recommandées par les codes de bonnes pratiques de gouvernance. En effet, la présence de ces comités permet aux commissaires aux comptes de se prémunir contre le risque d’inefficacité du conseil d’administration et constitue une garantie de transparence de la relation entre l’auditeur et le conseil d’administration. 3.5.1 L’intérêt des comités d’audit : Renforcer l’efficacité du conseil : Comme déjà signalé, les rôles attribués

au

conseil d’administration revêtent un caractère aléatoire et ambigu. En effet, même la fonction relative à l’arrêté des comptes et au contrôle de la marche de l’entreprise ne sont pas exécutées par le conseil d’administration et sont détenues par le président directeur général. Ainsi, le rôle du conseil d’administration se limite à instaurer l’harmonie et assurer le consensus des décisions prises. L’institution des comités d’audit permet de jouer plusieurs rôles. Tout d’abord, leur création permet de réaliser toutes les diligences en matière d’information financière et de contrôle des comptes. En effet, la complexité et le volume des informations financières incitent le conseil d’administration à mettre en place ces organes afin d’effectuer des tâches bien précises selon le besoin et l’étendue des missions. Ces missions concernent notamment : 

Les révisions des comptes annuels et trimestriels.



Le contrôle de la pertinence et permanence des méthodes utilisées.



L’évaluation du contrôle interne.

Renforcer la relation avec le commissaire aux comptes :

Parmi les solutions

souvent proposées pour renforcer la relation auditeur-audité, on trouve la création des comités d’audit. Ceux-ci contribuent à atténuer les pressions exercées par les dirigeants sur les commissaires aux comptes et de lutter contre la relation très directe qui lie les deux parties. Ceci ne peut que contribuer à l’assainissement du climat de travail, à l’amélioration de la qualité d’audit et à l’indépendance du commissaire aux comptes. Par le rôle d’intermédiation qu’il est apte à jouer, le comité d’audit serait l’interlocuteur privilégié du commissaire aux comptes pour débattre de plusieurs points : 

L’étendue du programme de travail.



Les modifications à apporter aux états financiers.



Les opérations et méthodes de travail utilisées.

59



Le contenu du rapport du commissaire aux comptes.

Par ailleurs, ce comité intervient dans la nomination du commissaire aux comptes et confère ainsi plus de crédibilité à ce processus. En outre, la présence du comité d’audit au sein de l’entreprise, permet au commissaire aux comptes d’apprécier le risque d’atteinte de son indépendance. En effet, le comité d’audit est investi des pouvoirs les plus larges pour contrôler les prestations de services autres que l’audit, et de les approuver. Ce mécanisme interne permet à l’auditeur de percevoir le risque que ces dites prestations puissent avoir sur son objectivité. De plus, le rôle joué par cet organe en tant que garant de la fiabilité des comptes et du processus du contrôle interne conforte la position du commissaire aux comptes. Celui-ci peut à tout moment, consulter voire s’appuyer sur les travaux effectués par le comité d’audit pour fonder son opinion. Cependant, la présence d’un comité d’audit au sein de la société ne peut à lui seul garantir l’efficacité du rôle joué par le conseil d’administration, et ne peut de ce fait, assurer l’indépendance de l’auditeur. Les scandales financiers des sociétés, notamment ENRON, WORLDCOM ; qui disposaient bien de cet organe, ne font que témoigner de la véracité de ce constat. 3.5.2

Les conditions d’efficacité du comité d’audit :

Afin qu’il puisse jouer pleinement son rôle, le comité d’audit doit remplir un certain nombre de conditions à même d’assurer son bon fonctionnement. Ainsi, le comité d’audit doit être formé par des administrateurs indépendants. En outre, il convient de mettre en place une approche par les risques afin d’apprécier le risque d’atteinte à l’indépendance et la déontologie de ces administrateurs. Par ailleurs, ceux-ci doivent justifier de la compétence nécessaire pour mener à bien leurs missions (connaissances comptables), il est recommandé aussi que le président du comité soit un professionnel expérimenté en finance.

60

Conclusion générale : Le concept d’indépendance conditionne la fiabilité et la qualité de l’audit. Son respect par les auditeurs permet de rassurer les lecteurs des états financiers et de conforter le grand public. Toutefois, ce concept est complexe à cerner faisant appel à différentes notions éthiques et morales telles que l’objectivité, l’intégrité, le développement moral… Par ailleurs, l’indépendance est influencée par plusieurs facteurs qui peuvent dépendre de l’audité, de l’auditeur, ou de la relation entre les deux. En effet, ce présent mémoire a tenté d’analyser l’impact de la relation auditeur-audité sur l’indépendance de l’auditeur. Pour ce faire, il a été décidé de se concentrer sur quelques variables clés de cette relation à savoir : la relation financière à travers le paiement des honoraires d’audit, la durée du mandat, la relation humaine et personnelle, les jobs options et les prestations autres que l’audit. Par ailleurs, et afin de soulever l’ambigüité de sujet, il a été question d’aborder la réglementation de la notion d’indépendance aux Etats Unis, en France et au Maroc, en vue d’enrichir l’analyse et porter un regard critique sur la régulation de l’indépendance et la relation auditeur-audité au Maroc. A travers cette analyse, il s’est avéré que la réglementation en vigueur contient quelques lacunes qu’il conviendra de combler. En outre, une attention particulière a été portée à l’étude des principaux articles de recherche qui traite de l’influence de la relation auditeur-audité sur l’indépendance du commissaire aux comptes. Quoique nuancées, les conclusions tirées confirment en général la relation de causalité négative des facteurs étudiés sur l’indépendance de l’auditeur. S’appuyant sur ces recherches et sur les lois en vigueur, des mesures concrètes ont été proposées en vue de combler les manquements constatés. Ces mesures s’articulent autour de trois principaux axes : La gestion des risques au niveau du cabinet, la régulation et enfin l’amélioration de la gouvernance de l’entreprise. En dépit des mesures proposées, la question d’indépendance dépend de l’état d’âme du professionnel et de son jugement éthique et moral, qu’aucune loi en vigueur ne saurait réglementer. L’indépendance du commissaire aux comptes n’est nullement une question de règles d’indépendance en vigueur, mais de l’application de ces règles par des professionnels compétents, intègres et objectifs. 61

De ce fait, seule une réflexion déontologique approfondie sur la façon d’exercer les travaux d’audit, et sur la nature des relations à entretenir avec les dirigeants, qui serait en mesure d’assurer l’indépendance de l’auditeur, et par conséquent, la transparence des états financiers publiés. Finalement, tout travail est loin d’être parfait. Je reconnais avoir rencontré des difficultés qui ont limité l’étendue de cette recherche sans pour autant, altérer sa pertinence et sa portée. Il a été prévu des entretiens avec les collaborateurs de Deloitte, afin de nous faire part de leurs expériences en la matière. L’indisponibilité du personnel et la contrainte de temps m’ont empêché de le faire. J’admets tout de même que ce mémoire m’a été d’une grande utilité dans l’enrichissement de mes connaissances académiques et mon savoir professionnel.

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Bibliographie : 1. Articles de recherche :  Emna BEN SAAD et Cedric LESAGE , « Des facteurs d’indépendance à un système d’indépendance : Proposition d’une nouvelle grille d’analyse de l’indépendance de l’auditeur », 26 pages.  Elisabeth BERTIN, « Réflexions sur la compétence en audit », 2004, 29 pages.  Nonna Martinov BENNIE , « The effect of affiliation on auditor independence », November 30TH 2005, 42 pages.  Geraldine HOTTEGINDRE, « Un mauvais auditeur dépendant et/ou incompétent ? », 21 pages. 

Soraya BEL HAJ ALI, « Les facteurs explicatifs du jugement éthique en audit : Un état de l’art » 30 Septembre 2010, 30 pages.

 Ping YE, « Threats to auditor independence: The impact of non audit-services, tenure and alumni affiliation », September 2006, 45 pages.  Nam LE HOAI, « Audit fees, auditor independence and audit quality : A New Zealand evidence », 21 pages.  Morina RENNIE, Lora KOPP and Morley LEMON, « Exploring Trust and the Auditor-Client Relationship », 48 pages.  Jenny GOODWIN, « Resolving Auditor-Client Conflicts Concerning Financial Statement Issues», 45 pages.  Christian PRAT dit HAURET, « Audit et développement moral cognitif», Septembre 2003, 20 pages.

2. Textes juridiques et réglementaires :  Loi 15-89 réglementant la profession d’expert comptable.  Loi 17-95 relative aux sociétés anonymes.  OEC, Manuel des normes - Audit légal et contractuel.  OEC, Norme régissant les règles d’incompatibilité et d’indépendance du contrôleur légal et contractuel des comptes ainsi que sa directive d’application.  OEC, le code des devoirs professionnels. 63



Etats-Unis, 21 novembre 2000 (Release 33-7919).

 SEC, Final Rule “Strengthening the Commission's Requirements Regarding Auditor Independence”, 23 janvier 2003 (Release 33-8183).  Loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière.  Commission Nationale gouvernance d’entreprise de la CGEM « Code Marocain de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise », Mars 2008, 54 pages.

3. Principaux sites consultés :  www. Ifac.com  www.sec.gov.  www.experts-comptables.fr  www. deloitte.com.

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