Le Voleur de Vent
November 13, 2016 | Author: Livia Chivu | Category: N/A
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Jean-Claude Fignolé
Le voleur de vent Il passa en coup de vent. Michel ne le vit qu’après qu’il eut traversé le carrefour, juste au moment où il disparaissait au tournant. En fait, Michel n’avait fait que l’apercevoir. Une ombre tenant le vent dans ses bras et qui filait dans le jour bleu, traînant dans les remous soulevés sous ses pas une procession de poussière dans laquelle le soleil se dissipait. Lorsque la foule des poursuivants déboula en vociférant et que Jérôme, excité, lui demanda s’il avait vu s’enfuir « le » voleur, Michel hésita avant de répondre. « Quel voleur ? Je n’ai vu que le vent courant après son ombre. Non ! Non ! Je me trompe. J’ai aperçu une ombre crochée au vent et qui fendait l’air comme un météore. – Idiot ! » cria en choeur la bande de forcenés avant de repartir au galop, la colère dans les tripes, courant après les fantasmes d’un pays sans âge. Il y avait peu de temps que Michel était revenu d’un séjour d’études en ville. Deux ans. Trois. Cinq. Il s’était appliqué au pays des autres à maîtriser les subtilités de la philosophie, passant avec une égale ferveur de Socrate à Marx, de Platon à Kant, d’Epicure à Hegel dont il avait, un jour, assaisonné la pensée d’un zeste de réflexion bouddhiste. Il avait ensuite bifurqué du côté de la sociologie, de l’anthropologie et de l’herméneutique, en quête d’une vérité pour lui-même et d’un sens pour son existence. C’était sa façon à lui de pénétrer les mystères de la connaissance, sa façon aussi de découvrir les hommes pour mieux savoir qui il était. Il avait saturé son esprit d’idées bizarres souvent contradictoires. À vouloir 1
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se connaître, il en était venu à se sentir lui-même bizarre, étrange dans un monde inconnu, de plus en plus inconnaissable, qui l’avalisait différent. À s’éprouver autre, il se vivait étranger à soi comme si rien ne l’obligeait à être responsable de ses illusions. Il se persuada qu’il n’avait pas d’avenir dans un univers où il n’existait que dans et par les mots. Des vocables dont il peinait régulièrement à se rappeler le sens. Des trous de mémoire qu’il assimilait à des affectations d’intelligence. Il en savait trop sur l’Homme et l’Homme lui jouait des tours. Si des noms comme Foucault et Lacan lui disaient encore quelque chose, c’est parce qu’ils l’avaient introduit dans une réalité qu’il avait faite sienne. De retour au village, il ne cessait, à se parler, de citer des séquences entières de leurs œuvres. Paul, Rouby, Nenel, Gaga et les autres s’habituèrent à croire que de trop savoir il avait sans aucun doute tout appris. Une grâce qui lui chargeait la tête d’élucubrations. Michel soliloquait et mâchait le monde dans sa bouche. Il avait fini par en sucer la sève jusqu’à en baver dans ses nuits. Des songes qui ne lui rappelaient rien sinon un monde de frustrations que les idées des autres avaient su nourrir. Une nuit, chez eux, il s’était retrouvé en manque de tout. D’abord de lui-même. Ensuite et surtout de son village. Des hommes en uniforme l’avaient affublé d’une camisole avant de l’embarquer dans une fourgonnette et de l’expédier vers des horizons sans retour. Il avait été surpris d’être rattrapé par son village qui avait réduit ses manques. Contents l’un et l’autre. Michel, goulûment, s’était empiffré d’une vie qu’il savait être la sienne, attendait qu’elle redevînt celle de la communauté et que ses amis d’autrefois vinssent à lui pour le reconnaître. L’honorer. Au lieu de quoi, ils le disaient dérangé, le narguaient parfois, le
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maltraitaient souvent. Il avait fini par les décréter ignorants, se gardant de se mêler de leur existence. Il croyait ferme pourtant que, loin de ses certitudes sur eux, loin de leurs doutes moqueurs sur lui, ils se rejoindraient. Pour ne plus avoir à se parler par signes comme écrivait tel poète de ses amis dont il ne se rappelait plus le nom. À quoi bon d’ailleurs se rappeler ? Ensemble, ils avaient créé un monde. Celui du poète avait tourné en rond. Le sien avait mal tourné. Et le village avec. Et chaque matin, il venait à la même place, au carrefour d’antan, voir un univers clos, à son réveil, comme s’il en était le coeur, répétant, sans se rassasier, pour se convaincre : « Je suis revenu. Et je suis là ». Les jours lui avaient paru des siècles tant il avait peine à se reconnaître dans le naufrage des années au cours desquelles il avait réappris à donner un sens à son retour. Avait-il eu raison ? Pourquoi n’était-il pas resté au loin comme tant d’autres ? Pourquoi avait-il décidé qu’il vieillirait dans la mémoire de sa multiple famille ? Pourquoi les hommes en uniforme l’avaient-ils déchargé du soin et du droit de continuer de vivre ailleurs ? Pourquoi persistait-il à accepter le pari d’un vieillissement précoce comme le prix de sa fidélité aux joies de l’enfance ? Le village, autrefois une féerie, avait changé de dimensions, ramené à ce carrefour où tout semblait aboutir mais d’où rien ne partait. Chaque matin, debout dans la pâle luminosité du jour naissant, il venait revisiter ses souvenirs. Ici, Ti Ronse, le cireur de chaussures, ahurissant de sa faconde le perron de la maison de Madame Luilhomme. Là, Jesula, marchande de griot, faisandant l’air des relents de graisse de porc saturée. En face, les filles de Nestor, gardiennes permanentes de leur grande maison, aux ordres d’un père toujours absent. Et juste là où il se tenait, la case de Madame Benjamin qu’un cyclone d’août 3
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avait subtilisée sous les regards ébahis du village. Chaque matin, le carrefour se réveillait, s’animait dans sa mémoire, reprenait vie, lui redonnait vie et lui accordait d’oublier qu’il n’était qu’une carcasse flottant dans des vêtements trop larges pour sa vieillesse. Il passait là des heures à s’entendre exister au rythme d’un cœur qui battait fort, très fort. Un cœur fou qui apprenait à se réinventer. Et puis soudain, ce jourd’hui, le village s’excita, confondant, accélérant les battements de son cœur et bruissant de clameurs n’ayant rien à voir avec la vie. « Voleur ! Ô voleur ! Voleur ! » « Quoi ! s’étonna Michel, un voleur ? Dans ce village de rien du tout, balayé par les cyclones, meurtri par les intempéries de toutes sortes et qui ne semblait vivre que d’un souffle : un voleur ! » Mais qu’y avait-il à dérober dans cet espace gangrené où ne poussait et ne croissait que la misère ? Une désolation sans pareille marquait chacun ici, les survivants, de l’empreinte de la tristesse et de l’ennui. Voilà longtemps que bêtes et gens, roches et feuilles avaient désappris à vivre. Les récoltes absentes berçaient le fantasme
des
corps
qui
s’épuisaient
à
se
tenir
debout
à
l’encoignure des portes, sentinelles d’un désespoir qui n’avait plus de nom. La mer autrefois proche, dont le rythme des vagues donnait leur tempo aux maisons bordant la plage, s’était retirée, poussée vers un horizon diffus par des lavalasses de boue charriés par les crues de la rivière. Il y avait belle lurette qu’elle ne distribuait plus aux revendeuses de poissons ses cargaisons de pêche miraculeuse. Aussi le village s’était-il accoutumé à lorgner vers le large, attendant des canots qui se seraient échoués à des millénaires de distance. «Le temps qui sur toute chose... », songea Michel en cassant la citation car il n’avait plus la mémoire des mots. Le village avait castré ses souvenirs. De même ceux de tous les autres avec lui. Subvertie par la misère, figée dans l’éternité de sa 4
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détresse, la population n’avait plus le courage de marcher jusqu’à cette illusion qu’était un horizon échoué. « Un voleur ! Un voleur ! », s’inquiéta Michel. Personne ne savait ce que c’était depuis que la rivière, en un moment de sublime folie, en pleine nuit, avait envahi le village et dérobé le fils de Mme Jacques en plein sommeil. Une calamité dont la mère n’était pas revenue. Elle avait perdu la tête. Et plus elle persistait à vouloir la retrouver, plus elle se perdait, maudissant la rivière dont elle souhaitait l’arrestation pour meurtre, la condamnation à une peine afflictive et infamante : s’assécher. Saint Jacques, un beau jour, l’avait entendu et avait exaucé ses voeux. La rivière, par un mois torride de juin, s’en était allée. Le soleil, d’une seule lampée de langue, avait bu ce qui restait de son eau. Et comme un malheur ne vient jamais sans un autre, après une nuit de saccages par des démons descendus de la montagne, les gens s’étaient réveillés hagards pour constater les dégâts. Le grand bassin de Pomboucha s’était vidé, s’égouttant affligé dans la mare de Nan Jouissant. Regroupés sur ses rives, bras croisés, les gens gémissaient avec un pénible sentiment de solitude. Tous les acquis de leur existence se délitaient. Plus de récolte. Plus de pêche. Plus d’eau. Plus de plage où mener paître leurs amours. Il ne leur restait rien sinon le vent. Certaines nuits d’avril, il s’alanguissait de nonchalance. D’autres de décembre, il lançait entre les cases la violence de son courroux. Une punition qu’il infligeait au village parce qu’il était fâché contre la sottise des hommes. Ils avaient coupé les arbres, incendié les forêts. Maintenant la nature leur demandait des comptes. Ils ne savaient que dire ni quoi faire. Ils se contentaient d’attendre. Attendre quoi, à la vérité ? Alors, comme pour s’amuser, souvent, plus souvent que par le passé, le vent s’en donnait à cœur joie contre leur impuissance, forme suprême de l’ignorance. Il 5
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dévastait leur comptant d’existence. Jusqu’à ce qu’aujourd’hui il ne leur restât qu’un souffle mince, ténu, qu’ils s’accoutument à prendre pour la vie. Un souffle ? Une illusion ? Un délire. Un vertige. Par l’effet d’un enchantement, depuis peu les enfants naissaient au village la bouche pleine de crocs, comme si leur destin, dans un esprit de vengeance ou de rébellion contre leur sort, était de mordre le genre humain. « Calamité ! Calamité ! », songeait Michel et il regardait ses pieds qui bouffaient des chaussures aux semelles rapiécées. « Calamité ! Calamité ! » Ses mains calleuses tordaient l’air comme s’il n’était qu’un chiffon imbibé de senteurs malignes. « Au voleur ! Au voleur ! » Les cris atteignirent Michel de plein fouet. Il tangua sous l’effet de leur véhémence. Il regarda autour de lui, anxieux. Il chercha. Que voler dans ce village de rien du tout, ce village qui n’avait plus rien sinon la haine comme héritage, la haine devenue le lot entier des jours ? Les gens avaient subtilement
appris
à
désaimer.
Quand
on
n’a
même
plus
l’espérance pour raison d’exister, on se surprend à détester le voisin, le parent, l’ami qui s’obstinent à survivre malgré eux. Et contre tous. On se surprend à vouloir chiper l’air que le voisin respire, la lumière brillant dans les yeux de l’ami et le misérable sourire qui lie le parent à une longue tradition de contentement timide. Il n’y a plus que la haine comme horizon de vie. Une grande chape d’obscurité sur les consciences. Les âmes étaient devenues noires. Se réjouissaient d’être noires. Et chacun s’évertuait à être plus vilain que les autres, trouvant dans la laideur de leur âme à tous le levain fertile de la solitude et du désespoir. Chacun vivotait pour soi, n’existait que de soi. La sueur de l’un n’irriguait plus, comme autrefois dans les combites 1, le labeur de l’autre. Chacun se 1
1. Associations de paysans effectuant des prestations de services (travaux des champs) à titre bénévole ou à tarif réduit. 6
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délectait de l’imminence de la mort de l’autre. Et quand l’autre trépassait, il ne se rendait pas compte que mourait aussi une part de lui-même, l’amputant de ce qui faisait de lui, un tout petit peu, un être humain. Michel en avait conscience. Peut-être est-ce de cela qu’il avait le plus conscience depuis son retour et qui donnait à son désarroi une singulière acuité. « Capturez-le ! Capturez-le ! » Michel tourna la tête dans la direction des hurlements. Une meute, ivre d’on ne sait quel macabre projet, aiguillonnée par on ne sait quelle démence, accourait, enfiévrée d’une fureur extrême, portant haches, pics, fourches, bêches, pioches comme des bannières. Des scapulaires. Et des chapelets. Les gens criaient, gesticulaient, couraient, aveugles, empêtrés dans leur propre frénésie. Une vague déferlante prête à tout saccager. Michel esquissa un pas en arrière pour éviter d’être happé par le déchaînement de la foule mais se ravisa aussitôt. Rester. Il voulait savoir. Qui avait dérobé quoi ? « Voleur ! Voleur ! Voleur ! » L’air s’alourdit des miasmes de la haine. Michel respirait avec peine. Par mégarde, le soleil s’effaça, faisant une petite place à l’ombre qui empiéta sur le zénith. Le jour et la nuit se confondirent dans une pâleur crépusculaire. « Mon Dieu ! Mon Dieu ! », s’exclama Michel. Les mots coururent dans sa barbe blanche comme un avant-goût de catastrophe. « Mon Dieu ! » Michel sut que quelque chose de terrible, d’effroyable venait de se passer. Il décida d’en avoir le cœur net et avança, jusqu’à toucher la frange de la horde, au risque d’être bousculé. Il reconnut Benoît qu’on créditait d’avoir étranglé sa femme dans une crise de jalousie. Emporté, Jacky, qui avait la réputation d’un empoisonneur émérite. Véhément, Eugène, qui avait fendu le crâne de son oncle d’un coup de hache parce qu’il l’accusait de vouloir confisquer l’héritage familial. Déchaîné, cet ex-policier, révoqué pour avoir 7
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bastonné à mort un prévenu. Agité et famélique, Anacréon braillait plus fort que les autres, une machette à la main. « Qu’y a-t-il, lui jeta Michel en tentant de lui agripper le bras ? – Je ne sais pas, répondit-il sans aménité et gueulant de plus belle. Voleur ! Voleur ! » Deux forcenés bousculèrent Michel. Il s’aperçut qu’en le contournant, ils l’avaient presque introduit dans la foule. La violence des clameurs l’assourdit. Un bref instant, il fut accablé d’un vertige qui l’amena aux bords de l’inconscience. « Rester lucide, s’encouragea-t-il ! Rester lucide ! » Une bouffée de chaleur telle une bouffée de haine monta de la masse grouillante, l’intoxiqua presque. « Ne pas sombrer ! Ne pas céder à la tentation du vide. » Les hurlements trahissaient la folie, la haine. Bientôt, ils changèrent
de
registre,
atteignirent
leur
paroxysme,
se
métamorphosèrent. « À mort ! À mort ! » Michel attrapa le bras d’un autre exalté, qui refusa de s’arrêter. « À mort ! À mort ! » La démence avait un nom, celui de la plus cruelle désespérance. « À mort ! » Michel s’obligea à s’accrocher plus dur aux bras de l’homme qui l’entraîna dans son sillage en des foulées de plus en plus longues. « À mort ! », vociférait l’homme en faisant tournoyer une massue au-dessus de sa tête. « À mort ! » Michel, n’arrêtant pas de mettre ses pas dans les siens, interrogea : « Mais pourquoi ? » L’autre,
redoublant
d’ardeur,
délirant,
menaçant,
connaissant la raison de sa haine, qui la rendait plus crédible à son entendement, lui jeta, abrupt : « Il a volé le vent. Il a volé notre vent ! – Impossible ! Comment voler le vent ? Où le cacher ? »
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L’homme ralentit le pas et lui chuchota à l’oreille comme pour lui confier un secret : « Oui, c’est vrai ! Il l’a volé. Quelqu’un l’a vu passer. Il tenait le vent dans ses bras. – Un certain Michel, à ce qu’on dit. Il était là, posté au carrefour, renchérit un autre. – Mais, s’indigna Michel, ce certain Michel, c’est moi ! Je n’ai rien vu sinon le vent qui courait après une ombre. Vous êtes tous fous. Arrêtez ! Il n’y a pas de voleur ! » L’homme ne daigna pas entendre. Il se contenta de rétorquer : « Tu connais Michel ? Alors, toi aussi tu l’as vu. Viens avec nous. Viens nous aider à identifier le voleur si jamais il se cache parmi d’autres ombres. » Desserrant la pression des doigts de Michel sur son bras, le prenant par la main, l’entraînant au pas de course, il lui tendit un coutelas de boucher qu’il tira de sous sa chemise. « Tiens, Michel ! Au cas où ! » Le ton de l’homme était devenu familier, comme si toute sa vie il avait connu Michel et prenait un soin particulier à le protéger. Au cas où ! Ces trois mots suffirent à édifier entre eux une intimité. Au cas où ! Michel hésita un instant, se persuadant qu’il n’avait rien vu. L’homme lui mit d’autorité le coutelas dans la main. Son ton se fit impératif : « Tiens ! Au cas où. S’il a pu voler le vent, il est dangereux. Méfie-toi. » Michel regarda l’homme et le coutelas, se sentit entraîner par le tourbillon de la horde, emporté au-delà de ses convictions et de toute certitude. Il se retrouvait. Récupéré enfin par les siens qu’il retrouvait dans l’allégresse de la haine. 9
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« Il a volé le vent. Que nous reste-t-il hormis le soleil qui s’estompe au zénith de sa course ? Il a volé le vent ! Pour sûr, il l’a volé. » Il accéléra le pas pour épouser le rythme de ceux de l’homme qui s’en allait poursuivre le voleur. « Il a volé le vent, se dit Michel. Sinon pourquoi fait-il si chaud ? Il a volé notre vent. Nous sommes orphelins de nousmêmes. Il a volé mon vent. Je suis orphelin de Dieu. » Et il se signa. Crier lui procura un immense soulagement. Ses doutes sur le voleur, sur son identité s’envolèrent d’eux-mêmes. Le soleil, pour emporter sa décision, s’effaça complètement. Disparut. La nuit s’appesantit sur le village et sur les consciences. Il suffit de peu d’obscurité pour éteindre la lumière. Mais Michel ne le sut pas. D’ailleurs l’eût-il su qu’il n’en aurait eu cure. Entrant plus avant dans la foule, criant plus fort que les autres, dominant leur voix et leur exaspération, il hurla : « Voleur ! À mort, voleur ! À mort ! À mort ! À mort ! » Il continua de scander des mots qui n’avaient de sens que parce qu’ils le ramenaient à lui-même et à ce qu’il avait toujours été : un village de rien du tout, où jamais rien ne se passe. « À mort ! À mort ! » Jamais il n’entendrait sa conscience pleurer.
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