Le Manuel Du Resident - Dentisterie

March 9, 2017 | Author: Donskay02 | Category: N/A
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EMC-Dentisterie 1 (2004) 2–24

www.elsevier.com/locate/emcden

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases Removable partial denture: occlusion, tooth choice, tooth placement. Polymerisation R. Esclassan (Assistant hospitalo-universitaire, praticien hospitalier) *, E. Esclassan-Noirrit (Assistante hospitalo-universitaire, praticien hospitalier), M.-H. Lacoste-Ferré (Assistante hospitalo-universitaire, praticien hospitalier), J.-J. Guyonnet (Professeur des Universités, praticien hospitalier) Faculté d’odontologie, université Paul Sabatier, sous-section prothèse, 3, Chemin des Maraîchers, 31400 Toulouse, France

MOTS CLÉS Prothèse partielle adjointe ; Occlusion ; Montage des dents ; Choix des dents ; Polymérisation

Résumé La réussite d’un traitement par prothèse partielle adjointe dépend essentiellement de l’intégration occlusale des différentes constructions prothétiques réalisées selon le plan de traitement initialement défini. Un montage sur articulateur des modèles est obligatoire tant pour l’étude du cas que pour la réalisation des prothèses et la transmission des informations au prothésiste. Selon la nature et l’importance de l’édentement, il faut choisir une référence dentaire : l’occlusion en intercuspidie maximale (OIM), ou articulaire : la relation centrée (RC), ainsi que des matériaux d’enregistrement adaptés. Le choix des techniques d’empreinte est également important, en particulier dans le cas de la réalisation de prothèses composites associant prothèse fixée et prothèse amovible. Le choix et le montage des dents sont des étapes importantes dans la future intégration esthétique de la (ou des) prothèse(s) partielle(s) adjointe(s). Il faut tenir compte des souhaits du patient, des dents restantes et également de la « dentogénique » (facteur sexe, personnalité, âge) décrite par Frush et Fisher. Il est également possible de réaliser des maquillages de surface aussi bien sur les dents résines qu’en porcelaine. Le montage des dents sera facilité par les préparations pré- et proprothétiques intra- et interarcades qui permettront de rétablir des courbes fonctionnelles satisfaisantes. Enfin, la polymérisation et la finition sont des étapes de laboratoire qu’il ne faut pas négliger et qui font l’objet du même soin que les étapes cliniques. Les propriétés de la résine sont brièvement rappelées. L’objectif final est d’obtenir des prothèses adjointes alliant esthétique dans les zones visibles et prophylaxie et facilité d’entretien dans les zones plus postérieures. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Removable partial denture;

Abstract Success of a treatment with removable partial denture (RPD) essentially depends on the occlusal integration of the different prosthetic constructions realised according to the treatment planning intially defined. An articulator’s set-up of the plaster models is necessary as far for the case’s study as for the prosthetic realisation and

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Esclassan). © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00011-4

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases

Occlusion; Tooth placement; Tooth choice; Polymérisation

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information’s transmission to the technician. Considering the gaptoothed situation, a different reference is to be chosen : dental reference : the maximal intercuspidian occlusion (MOI) or articular : the centric relation. Different materials can be used. Choice of impression’s techniques is important, particularly for the realisation of mixed prosthesis. Tooth choice and tooth placement are important stages for the future esthetic integration of the RPD. Patients wishes must be considered and also remaining teeth and dentogenics, described by Frush and Fisher. It is also possible to make up the resin and porcelaine teeth. Techniques are described in this article. Tooth placement will be facilitated by the pre and pro-prosthetic preparations intra and inter arch, which will restore satisfaying compensation curves. Polymerisation and finition are finally important laboratory’s stages which must not be neglected. Resin properties are briefly reminded. The final purpose is to obtain RPD that combines esthetic in visible parts and prophylaxis in posterior areas. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction La réalisation de prothèses adjointes partielles (PAP) d’usage obéit à un certain nombre de règles qui prennent notamment en compte les données cliniques, les souhaits des patients et la transmission des informations entre le praticien et le prothésiste de laboratoire. Lors de l’élaboration du plan de traitement, le praticien doit envisager les différentes étapes : observation clinique, étapes de préparation préprothétiques, réalisation des prothèses, intégration et maintenance.19,43 Aux stades concernant l’occlusion, le choix et le montage des dents, la collaboration entre le praticien, le prothésiste et le patient doit être optimale, afin de pouvoir garantir à ce dernier la meilleure intégration biofonctionnelle et esthétique des prothèses adjointes. En ce qui concerne l’occlusion, nous détaillerons au cours de cet article le rôle de l’articulateur, aussi bien pour la réalisation de prothèses adjointes seules que de prothèses combinées, ainsi que son importance dans le cadre de la transmission des données au laboratoire.43 Nous aborderons les méthodes et les moyens pour enregistrer l’occlusion de la manière la plus précise possible en fonction de l’édentement du patient. Nous envisagerons ensuite successivement les différents matériaux préconisés pour le choix des dents en prothèse adjointe et/ou combinée, les possibilités offertes de maquiller efficacement les dents, et améliorer ainsi l’esthétique et les différentes règles de montage des dents antérieures et postérieures. Enfin, nous terminerons par des rappels concernant la nature des résines employées en prothèse partielle adjointe, les grands principes de la polymérisation et des finitions des prothèses.

Occlusion et prothèse adjointe partielle Lorsque l’ensemble des structures d’appui des prothèses partielles adjointes (PAP)est correctement préparé, l’objectif prioritaire est la construction de la prothèse dans le contexte occlusal défini dans le plan de traitement.32 Un enregistrement fiable des rapports maxillomandibulaires pour transférer les moulages au laboratoire permet de majorer la précision des constructions pour ensuite minimiser leur temps d’ajustage clinique.37 L’occlusion en PAP amène le praticien à se poser un certain nombre de questions dans le cadre de sa réflexion clinique : • Quand et comment utiliser l’articulateur ? • Quelle position mandibulaire enregistrer en fonction de l’édentement ? • Quel support d’enregistrement utiliser ? • Quel type d’empreinte réaliser ? • Quel concept occlusal choisir ?

Quand et comment pratiquer l’articulateur en PAP ?25,40 Les articulateurs sont des instruments destinés à simuler, avec plus ou moins de précision, les rapports d’occlusion et de désocclusion. De nombreux auteurs ont décrit leur intérêt, leurs avantages et leurs inconvénients en PAP. P.H. Dupas18 définit ainsi l’articulateur : « l’articulateur est un appareillage qui permet la reproduction mécanique plus ou moins précise, en fonction de sa programmation, de la cinématique mandibulaire du patient. Il se compose de deux branches : supérieure et inférieure. La première représente la partie moyenne de la face, la seconde l’étage inférieur mandibulaire. Il est conçu selon un plan de référence : le plan axio-orbitaire. Celui-ci passe par les deux émergences de l’axe charnière et par un des deux points sous-orbitaires ».

4 Pour J.D. Orthlieb et al.,33 « l’articulateur programmé à partir d’informations enregistrées sur le patient permet de mieux intégrer ou de transformer la morphologie dentaire pour l’harmoniser avec les déterminants de l’occlusion non modifiables par l’odontologiste. Il aide également à optimiser les fonctions occlusales : éviter les déviations (centrage), créer une hauteur cuspidienne maximale (calage) et permettre une désocclusion minimale (guidage) ». En PAP, selon J. Schittly,40 la spécificité de l’utilisation d’un articulateur réside dans la difficulté des manipulations et des stratégies d’élaboration prothétique liées aux édentements sectoriels de moyenne ou grande étendue. Ainsi, au stade de l’étude du cas et de l’analyse occlusale, l’objectif pour le praticien est de compléter l’examen clinique de l’occlusion pour aboutir au diagnostic concernant cinq critères à analyser systématiquement : dimension verticale, occlusion d’intercuspidie maximale (OIM)-occlusion en relation centrée (ORC), propulsion, diduction et courbes fonctionnelles. L’articulateur permet également de différer dans le temps l’étude de l’occlusion du patient. Cette analyse a posteriori sans la présence du patient se fait en toute objectivité. Le praticien réalisant cette étude au calme, seul ou en groupe peut se concentrer davantage sur son travail. L’articulateur peut être manipulé tout le temps de l’analyse occlusale et rester indéfiniment dans une position définie au préalable par le praticien.17 Il autorise une étude prospective fiable grâce aux possibilités qu’il offre de faire des maquettes de prothèses fixées et des montages directeurs de dents prothétiques. Au stade de la réalisation des prothèses, l’articulateur est utilisé en clinique, lors et à l’issue des divers enregistrements, lors des séquences d’essayage et au laboratoire pour la réalisation des différentes pièces prothétiques fixées et amovibles.40

R. Esclassan et al.

Figure 1 Patient partiellement édenté dont les incisives mandibulaires viennent s’indenter au niveau de la crête incisive maxillaire.

la perte de calage en OIM et l’instabilité parodontale des secteurs antérieurs peuvent contribuer à altérer la DVO (Fig. 1). La perturbation des courbes fonctionnelles, liée le plus fréquemment à l’égression d’une dent ou d’un groupe de dents, entraîne deux types de difficultés (Fig. 2) : • des prématurités en relation centrée (RC) qui provoquent une différence importante de dimension verticale entre l’ORC et l’OIM et rendent aléatoire l’enregistrement de la RC ; • des égressions importantes ou des hyperplasies de crêtes ménageant un espace trop réduit pour mettre en place un support d’enregistrement tel qu’une maquette d’occlusion.

Réflexions cliniques autour de la PAP et de l’occlusion Difficultés liées aux édentements sectoriels37 En présence d’édentements intercalaires anciens, la dimension verticale d’occlusion (DVO) et les courbes fonctionnelles (Spee et Wilson) sont très souvent perturbées. L’évaluation de la DVO peut présenter des difficultés en raison d’abrasions importantes : existe-t-il une diminution de la DVO ou bien y a-t-il eu égression des dents pour compenser la perte de hauteur progressive des couronnes cliniques ? Les versions mésiales des dents cuspidées,

Figure 2 Perturbations des courbes fonctionnelles.

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases

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Face à une perte de calage entre les dents naturelles, le praticien doit réévaluer la DVO et contrôler sa bonne tolérance grâce aux prothèses transitoires. Quelle position mandibulaire enregistrer ?37 Deux situations sont à considérer : • position à référence dentaire : l’OIM ; • position à référence articulaire : la relation centrée (RC). Lorsque le choix se pose entre l’OIM et la RC, une règle simple s’applique :27 si l’OIM est utilisable comme référence, elle doit être utilisée ; dans le cas contraire, la RC est la seule solution possible. En présence d’un nombre suffisant de dents, l’enregistrement de l’occlusion s’effectue bouche fermée avec les dents présentant un maximum de contacts occlusaux. Il s’agit d’un enregistrement essentiellement statique. Selon M. Laurent et al.,27 on définit par OIM thérapeutique optimale, le concept qui représente le modèle de construction artificielle, véritable aboutissement des traitements prothétiques ou orthodontiques. Ce concept préfigure la restitution optimale (en s’approchant du modèle théorique) des fonctions occlusales (centrage et calage) adaptées aux structures dentosquelettiques particulières du patient. En revanche, en l’absence de tout contact entre dents antagonistes, un enregistrement de la situation donnée par les articulations temporomandibulaires (ATM) est réalisé : on parle d’enregistrement de la relation articulaire de référence ou relation centrée. Cet enregistrement peut être statique mais surtout cinétique, ce qui élargit le choix d’un simulateur de mouvements mandibulaires pouvant faire intervenir des enregistrements extraoraux comme l’axiographie. Quel type de support d’enregistrement utiliser ? Historiquement, le premier enregistrement intermaxillaire à l’aide de pâte thermoplastique a été décrit en 1756, par Philippe Pfaff, dentiste de Frédéric Le Grand de Prusse. Christensen fut le premier à employer le terme d’enregistrement en 1905. C’est en 1929 que Hanau introduisit la notion d’égalité de pression lors de l’enregistrement.20 Pour enregistrer les rapports maxillomandibulaires, deux types de support sont classiquement utilisés : le support de cire dure aménagé et la maquette d’occlusion. Tous deux doivent répondre à des impératifs de résistance mécanique, de rigidité et de stabilité sur leur surface d’appui.20

Figure 3 Cire d’enregistrement de relation centrée (RC). La cire ne doit pas être perforée afin d’assurer l’absence de contacts dentaires lors de l’enregistrement de la RC.

Support de cire aménagé (Fig. 3) Il s’agit d’un support à appui exclusivement dentoparodontal. Les étapes cliniques de réalisation sont décrites par de nombreux auteurs dans la littérature.15,41 Ce type de support permet notamment d’effectuer un enregistrement de la RC avec une très faible ouverture buccale, autorisant ainsi un montage du moulage maxillaire à partir d’un axe charnière, approché avec une précision acceptable.1 – Maquette d’occlusion. La maquette d’occlusion prend appui sur les surfaces muco-osseuses et exploite les possibilités de stabilisation offertes par les dents restantes.37 Caractéristiques Les maquettes d’occlusion préfigurent en forme et en volume la future restauration prothétique amovible.35 Elles permettent : • la stabilisation du moulage maxillaire sur la fourchette de l’arc facial (Fig. 4) ; • l’enregistrement des rapports intermaxillaires dans les trois plans de l’espace ;

Figure 4 Mise en articulateur des modèles : montage du modèle maxillaire grâce à la maquette d’occlusion.

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Figure 5 Maquette d’occlusion en résine avec bourrelets en cire Moyco Hard®.

• d’établir le plan d’orientation prothétique ; • de préfigurer le volume des structures de soutien des éléments de la cavité buccale et d’enregistrer différents repères (soutien de la lèvre et des joues, orientation des dents, position de la ligne du sourire, axe médian) ; • de servir de plan de montage des dents prothétiques au laboratoire. Les maquettes d’occlusion sont constituées d’une base et d’un bourrelet (Fig. 5). – Base. Elle est réalisée dans un matériau lui conférant rigidité et résistance mécanique lors des différentes manipulations : résine ou « plaque base » armées d‘un fil de renfort. Les limites vestibulaires sont tracées environ à 1 mm de la ligne de réflexion muqueuse et à 2 mm des freins. La limite palatine passe par une ligne joignant la face distale des deuxièmes molaires et passant à 2 mm en avant des fossettes palatines. La limite linguale respecte le frein de la langue et passe à 2 mm en deçà de la ligne mylohyoïdienne. – Bourrelets37. Ils sont classiquement réalisés en stens ou en cire dure (Moyco Hard®). Leur hauteur est supérieure d’environ 1 mm à celle de la surface occlusale de la dent la plus haute de l’arcade. Leur largeur correspond à celle des tables occlusales des dents qu’ils remplacent. Leur limite postérieure se situe en regard de la face distale de la deuxième molaire (Fig. 6). Leur axe médian suit l’axe de crête à la mandibule. Au maxillaire, pour compenser la résorption centripète, ils sont vestibulés de 2 à 3 mm. Avant la phase clinique d’enregistrement, il est possible de stabiliser la (ou les) maquette(s) d’occlusion grâce à de la pâte à l’oxyde de zinc Eugénol sur le (ou les) modèle(s) préalablement isolé(s) (immersion dans de l’eau savonneuse).

R. Esclassan et al.

Figure 6 Maquette d’occlusion en bouche : le volume des bourrelets préfigure en bouche le volume des dents absentes.

Quand utiliser un support de cire ou une maquette d’occlusion ? La conséquence principale de l’édentation est la création de déséquilibres biomécaniques des arcades dentaires, prises isolément et lors de leur relation occlusale. L’examen clinique permet d’évaluer ces déséquilibres et de déterminer ainsi les techniques de mise en place des moulages sur simulateur. Le support de cire est utilisé uniquement lors des enregistrements maxillomandibulaires, alors que la maquette d’occlusion peut servir également lors du montage du moulage maxillaire.40 Plusieurs situations cliniques peuvent alors être envisagées selon la stabilité ou non de l’OIM et de la DVO. La DVO est définie et l’OIM est stable37 Il s’agit du cas le plus favorable et le plus simple à traiter cliniquement. Lorsque les deux moulages en plâtre sont stabilisés en OIM, grâce à l’existence d’un polygone occlusal de sustentation, la relation centrée est enregistrée avec un support de cire aménagé.15 Le choix du montage des moulages en OIM ne peut être effectué que si le patient répond aux critères d’une OIM stable assurant guidage, centrage et calage.32 Un risque d’erreur survient lorsque l’enregistrement de l’OIM est fait selon la technique de la cire percée, ou à l’aide de silicone. L’interposition de matériau crée un dérapage lié en grande partie à la proprioception et à un phénomène de « rebond » du matériau, susceptible de fausser complètement la mise en place correcte du moulage mandibulaire.37 – Protocole d’enregistrement. Une préindentation des cuspides d’appui du moulage maxillaire est faite dans la cire Moyco®. La

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases cire est durcie à l’eau froide. La flamme de la torche ou l’eau à 52 °C réchauffent la surface utile du support. La cire est adaptée en bouche sur les cuspides d’appui des dents maxillaires grâce aux préindentations, par une légère pression digitale. La séquence d’enregistrement de la RC peut alors commencer. Dans la littérature, des manipulations variées ont été proposées par différents auteurs. D. Brocard9 décrit deux formes d’enregistrement, unimanuelle et bimanuelle, donnant toutes deux de bons résultats à la condition que soient respectées certaines règles fondamentales. • installation du patient dans une position confortable : C ambiance calme, sans bruit ni agitation ; C le patient est positionné confortablement, assis ou allongé et la tête bien calée ; • entraînement du patient sans interposition de matériau entre les arcades : C effectuer des mouvements de rotation mandibulaire rapides et de faible amplitude ; C manipuler la mandibule a minima, de façon verticale, en évitant de la pousser vers l’arrière ; C utiliser une butée antérieure en résine si le patient n’arrive pas à réaliser ces mouvements. Cette butée contribue à obtenir plus rapidement la décontraction des muscles masticateurs ; • mise en évidence des contacts prématurés, en demandant au patient où il perçoit des contacts ; • vérification visuelle de ces contacts avec un papier marqueur ; • répéter plusieurs fois cette manipulation avant d’interposer le support d’enregistrement ; • le pouce et l’index gauches sont alors placés sur les canines maxillaires. Ils maintiennent la cire en place. Le pouce droit écarte la lèvre inférieure, sans pression, pour permettre un accès visuel, l’index droit étant sous le menton. On manipule doucement la mandibule de haut en bas. Aucune contrainte ne doit être exercée vers l’arrière. Quand la rotation pure de la mandibule est obtenue, les cuspides mandibulaires marquent de faibles indentations dans la cire réchauffée. Afin de parfaire celles-ci, il est utile de recommencer les enregistrements dans le même ordre en ajoutant de la cire Aluwax® ou du Temp-Bond® côté mandibulaire. L’enregistrement est vérifié une deuxième fois en situation clinique, et en affrontant les deux moulages. – Montage en articulateur37,40. La cire est interposée entre le moulage maxillaire et le moulage mandibulaire. Toute interfé-

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rence entre moulages est à éliminer, ainsi que tout contact entre cire et tissus mous. Le pointeau incisif de l’articulateur est réglé en fonction de l’épaisseur de la cire (+2 à +4 mm). Du plâtre à prise rapide (Snow White® de Kerr) permet la solidarisation du moulage mandibulaire et de la branche inférieure de l’articulateur. Le montage est vérifié grâce à un second enregistrement, réalisé à la même dimension verticale. Les deux moulages sont repositionnés sur l’articulateur sans engrènement de la double base maxillaire. La double base solidaire de la branche supérieure de l’articulateur est rabattue sur la base du moulage. Le repositionnement exact de cette double base confirme ou infirme l’exactitude du premier enregistrement. En cas d’erreur, une nouvelle séquence est réalisée afin de valider l’un ou l’autre des précédents enregistrements. – Précautions, erreurs à éviter. Plusieurs points sont source d’erreur car « opérateur-dépendant ». Il faut donc que : • lors des enregistrements, la partie médiane renforcée de la cire soit parfaitement rigide ; • l’abaissement mandibulaire soit faible afin de rendre négligeable l’erreur résultant de la localisation de l’axe charnière ; • les indentations sur le support d’enregistrement soient peu profondes et bien réparties pour assurer sans ambiguïté le repositionnement des moulages ; • la cire ne soit pas perforée. La DVO est définie et l’OIM est instable Si le polygone de sustentation occlusal est réduit (OIM seulement définie par un ou deux couples de dents en occlusion), l’utilisation d’une ou de deux maquettes est nécessaire pour l’enregistrement de la RC. – Une seule maquette est nécessaire. Les bourrelets sont préalablement réchauffés dans un bain thermostaté. Une inocclusion de 1 mm entre les bourrelets de la maquette et les dents antagonistes est réalisée. Une épaisseur de feuille Aluwax® est déposée sur les bourrelets puis réchauffée. La maquette remise en bouche, la RC est enregistrée comme précédemment, en maintenant la maquette sur sa surface d’appui avec la pulpe des doigts. – Deux maquettes sont nécessaires. Il est préférable de commencer à régler la maquette ayant le plus de dents antagonistes. Les maquettes doivent être stables pendant l’enregistrement. Des crochets peuvent aussi être ajoutés pour améliorer la stabilisation.

8 La RC est enregistrée avant tout contact entre les dents du patient. L’enregistrement effectué, les encoches ou les plots des bourrelets visibles dans l’Aluwax® appliquée sur le bourrelet antagoniste permettent un repositionnement précis des deux moulages. La DVO n’est pas définie ou erronée, les courbes fonctionnelles sont à reconstruire Il s’agit du cas le plus complexe. Deux maquettes sont impérativement nécessaires. Les bourrelets de la maquette maxillaire sont réglés d’après le plan de Camper (point sous-nasal tragus) grâce à une règle de Fox. Lorsque les dents naturelles égressées créent des interférences avec la plaque de Fox, le bourrelet est taillé de façon homothétique dans le sens vertical. Des rainures ou des plots de stabilisation sont gravés sur les bourrelets maxillaires. Ceux-ci sont ensuite isolés avec de la vaseline afin d’éviter l’adhérence avec les bourrelets mandibulaires. La recherche de la DVO s’effectue selon les mêmes modalités que celles préconisées en prothèse totale amovible. La présence de dents peut donner quelques informations complémentaires, mais en tenant compte toutefois de leur situation souvent erronée sur l’arcade (dents versées ou égressées). La technique d’enregistrement est la même que celle décrite précédemment, avec comme difficulté supplémentaire le maintien des maquettes sur leur surface d’appui.12 – Précautions, erreurs à éviter. Avant de transmettre les données du montage de la relation intermaxillaire au laboratoire, il est impératif d’observer minutieusement les moulages devant être montés sur articulateur. Les maquettes peuvent également être source d’erreur. Il peut en effet exister une interférence entre les bases (zone recouvrant trigone et tubérosité). Celles-ci doivent être correctement stabilisées sur le moulage pour assurer une coaptation et une stabilisation correctes en bouche sur les bases muqueuses lors de l’enregistrement. Des maquettes instables ou déformées par des réglages répétés à la flamme sont susceptibles d’engendrer une erreur d’enregistrement. Les bourrelets doivent être correctement placés et solidement fixés à la base pour permettre leur affrontement. Il est donc préconisé d’utiliser des bains thermostatés à la température de ramollissement de la cire ou du stent. Enfin, les indentations effectuées dans les bourrelets doivent être peu profondes et réparties, pour éviter des pressions trop importantes et un repositionnement erroné des moulages en articulateur.

R. Esclassan et al.

Séquences de montage en articulateur des moulages40 Au stade de l’étude du cas Montage du moulage maxillaire Le montage du moulage maxillaire sur l’articulateur précède tout enregistrement des rapports maxillomandibulaires. Dans le cas d’un patient partiellement édenté, le positionnement du moulage sur la fourchette de l’arc facial peut entraîner quelques variantes de manipulations, en fonction de la morphologie des arcades, avec recours ou non à une maquette d’occlusion : • la répartition des dents sur l’arcade des dents restantes forme un polygone suffisamment étendu pour placer le moulage de façon stable et reproductible dans les indentations marquées dans la cire Moyco® recouvrant le fourchette. Dans ces conditions, la manipulation est identique à celle pratiquée pour une arcade complète ; • l’instabilité du moulage sur un plan horizontal rend nécessaire le recours à une maquette d’occlusion répondant aux critères de réalisation précédemment décrits : C rigidité, résistance mécanique : utilisation de plaque base ou de résine pour la base et de cire dure ou de stent pour les bourrelets ; C stabilité en bouche et sur le moulage. Les bourrelets, parallèles au plan de Camper, sont placés légèrement plus haut que la dent la plus haute de l’arcade. À ce stade, deux façons de procéder sont proposées : • les bourrelets sont collés sur la surface de la fourchette avec de la cire collante ou de la pâte de Kerr verte ; • des sillons de stabilisation sont gravés sur les bourrelets et l’ensemble moulage-maquette est positionné dans la cire Moyco® recouvrant la fourchette. Cette situation doit être reproductible cliniquement et ne présenter aucun signe d’instabilité. La mise en place de l’arc facial peut alors s’effectuer de façon conventionnelle. Montage du modèle mandibulaire Le montage du moulage mandibulaire s’effectue grâce à l’enregistrement des rapports maxillomandibulaires. La très grande diversité des situations cliniques pour des patients partiellement édentés rend difficile toute systématisation. Au stade de l’étude du cas, l’enregistrement de l’occlusion doit rester exceptionnel, et n’intéresser que les cas pour les-

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases

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quels ORC et OIM sont confondues, ou bien les cas de dysfonctionnements de l’appareil manducateur (DAM) rendant impossible la manipulation de la mandibule en relation centrée. Dans tous les autres cas, c’est la relation centrée qui doit être enregistrée, avec interposition d’un support d’enregistrement : plaque de cire préformée ou maquette d’occlusion. Au stade de l’élaboration prothétique Le traitement des édentements sectoriels associe fréquemment prothèse fixée et prothèse amovible. L’étendue des restaurations et le nombre important d’actes de spécialités différentes imposent d’emblée une démarche thérapeutique logique. En effet, la difficulté de ce type de prothèse réside dans l’organisation des séquences cliniques et de laboratoire, et nécessite donc une bonne coordination ainsi qu’une étroite collaboration entre le praticien et le (ou les) différent(s) prothésiste(s).13 Réalisation des prothèses fixées : enregistrement des rapports maxillomandibulaires Pour servir de référence, les prothèses transitoires et les montages directeurs jouent un rôle important.19,28 La difficulté est plus importante lorsque l’enregistrement des rapports maxillomandibulaires nécessite l’utilisation d’une, voire de deux maquettes d’occlusion ou de tout autre support prenant appui sur les crêtes. Le montage du moulage maxillaire s’effectue selon les modalités précédemment définies, avec ou sans maquette, pour assurer la stabilisation sur la fourchette de l’arc facial. Afin de limiter le nombre de séances cliniques et diminuer les risques d’erreur, plusieurs techniques ont été décrites dans la littérature, permettant de fixer les rapports entre maxillaire et mandibule à la dimension verticale correcte.4,21,40 Leur principe commun est d’enregistrer la relation centrée à la dimension verticale correcte, prothèses transitoires fixées en place, à l’aide d’une maquette d’occlusion ou bien d’une réplique de montage directeur en résine. L’empreinte destinée à la prothèse fixée est ensuite prise avec le support d’enregistrement amovible en place. Le moulage de travail peut ainsi être affronté à son antagoniste sans problème pour le transfert sur l’articulateur. Le support d’enregistrement peut ensuite être utilisé pour enregistrer les déterminants de l’occlusion (propulsion, latéralité, axiographie...)39 (Fig. 7, 8). Ainsi, la pose des attachements et la réalisation des fraisages peuvent s’effectuer avec précision sur articulateur et sur paralléliseur.

Figure 7 Montage en articulateur des modèles, stabilisés par des maquettes d’occlusion.

Figure 8 Réalisation de la prothèse fixée avec attachements.

Les moulages issus d’une empreinte des prothèses provisoires, ainsi que le (ou les) montage(s) directeur(s) constituent les éléments de référence. Réalisation des prothèses amovibles Lorsque l’ensemble des structures d’appui des prothèses amovibles partielles a été correctement préparé, l’objectif prioritaire est la construction de la prothèse dans le contexte occlusal défini dans le plan de traitement avec un maximum de précision.38 Les difficultés qui peuvent apparaître sont liées le plus souvent à une maîtrise insuffisante de la DVO, du comportement des tissus de soutien et des techniques d’enregistrement. Il est donc indispensable : • de déterminer, de valider et d’enregistrer une DVO correcte ; • de prendre une empreinte tenant compte du comportement des structures d’appui. Empreinte et occlusion sont étroitement liées et interdépendantes.2 Le nombre et la situation des dents restantes permettent de déterminer si le patient perçoit une prédominance de proprioception desmodontale ou

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Figure 9 Empreinte anatomofonctionnelle sous contrôle de l’occlusion. Ce type d’empreinte est parfaitement indiqué dans le cas d’un édentement bilatéral terminal (classe I de KennedyApplegate) (A, B).

une prédominance d’extéroception fibromuqueuse. En présence d’une prédominance de l’extéroception, l’empreinte doit être anatomofonctionnelle pour enregistrer la situation des tissus fibromuqueux et des insertions périphériques dans des conditions de pression, de tension et de contraintes proches de celles qu’ils supporteront lors des différentes fonctions et lors de l’utilisation des maquettes d’occlusion4 (Fig. 9). Une empreinte anatomofonctionnelle des surfaces d’appui permet d’enregistrer et de reproduire sur le modèle de travail l’état de surface et la forme qui seront adoptés par ces structures d’appui durant les enregistrements occlusaux, assurant ainsi de façon précise leur transfert au laboratoire.2

Choix des dents prothétiques Seuls les matériaux et les dimensions des dents prothétiques concernent l’occlusion.

R. Esclassan et al.

Figure 10 Dents en porcelaine pour prothèse adjointe (document Ivoclar) (A, B).

Matériaux Dents en porcelaine (Fig. 10) Leurs qualités sont indéniables en ce qui concerne l’esthétique, leur état de surface lisse et de très faible porosité, leur dureté de surface et leur résistance à l’abrasion. Elles sont donc indiquées pour maintenir les rapports occlusaux et participer ainsi à la pérennité de l’équilibre occlusal. Lorsque le manque d’espace prothétique dans le sens vertical impose des retouches trop importantes du talon des dents par meulage, une fracture de la porcelaine est à craindre. La résine est alors préférée, malgré ses moins bonnes qualités esthétiques et mécaniques dans le temps.29 Dents en composite ou en résine (Fig. 11) Elles sont indiquées lorsque l’espace prothétique est insuffisant pour monter des dents en porcelaine, lorsque les secteurs édentés présentent des crêtes flottantes non opérables chirurgicalement, lorsque le patient est atteint de la maladie de Parkinson ou lorsqu’il s’agit d’un édentement intercalaire de très faible étendue (une ou deux dents).

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases

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Figure 13 Critères de choix des dents antérieures : différentes formes disponibles (document Ivoclar)

Figure 11 Dents en résine pour prothèse adjointe (document Ivoclar).

Dents métalliques massives ou contre-plaques (Fig. 12) Coulées en même temps que le châssis, elles trouvent leur indication en présence d’un espace prothétique faible (supracclusie incisive, infragnathie molaire). Leur élaboration nécessite un prémontage pour valider cliniquement le rapport inter-

Figure 12A Dents contre-plaques : la plaque du châssis se prolonge pour constituer les faces palatines des dents prothétiques. 12B Dent massive sur châssis de prothèse partielle adjointe coulée, afin de rétablir un contact occlusal postérieur.

maxillaire enregistré et le montage des dents antérieures lorsqu’il s’agit de contreplaques. Derrien et Jardel ont montré dans un article récent16 qu’une prothèse amovible avec châssis métallique peut maintenir une DVO thérapeutique stable, créer un guidage antérieur fonctionnel et protéger les incisives restantes, par l’utilisation de surfaces occlusales coulées ou overlays.

Dimensions Que ce soit pour une selle encastrée ou pour une selle en extension, le choix se fait en fonction du volume disponible (hauteur, largeur vestibulolinguale et distance mésiodistale), de la morphologie et de la situation des dents antagonistes. Dans les cas d’édentements de très grande étendue, une réduction des tables occlusales est indiquée dans le sens vestibulolingual, sans toutefois affecter le rôle de calage en OIM. Pour une selle en extension, la distance mésiodistale disponible pour le montage est limitée postérieurement par la partie antérieure de la tubérosité au maxillaire et du trigone à la mandibule. En ce qui concerne la forme et la dimension des dents, les six dents antérieures sont choisies en premier. En l’absence de documents préextractionnels valables (portrait photo, modèles), il est possible, au stade initial de l’observation clinique, en fonction de la forme du visage, de choisir la forme de l’incisive centrale (règles de Williams). Des dents correspondant aux trois grands types de visage (carré, triangulaire, ovoïde) (Fig. 13) et à leurs intermédiaires existent dans le commerce. En revanche, la dimension des dents (Fig. 14) n’est choisie qu’après réglage du bourrelet de la maquette d’occlusion maxillaire et montage des modèles en articulateur. Le bourrelet est réglé selon les règles de montage classique de la prothèse adjointe complète : parallèle au plan de Camper et à la ligne bipupillaire. Il assure par sa forme, son orientation et sa longueur, un soutien naturel à la lèvre supérieure ainsi qu’un léger contact avec la lèvre inférieure

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Figure 14 Carte de forme (document Ivoclar). Exemple de forme ovale.

Figure 16 Édentement antérieur de petite étendue (A). Prothèse adjointe partielle en bouche avec une bonne intégration au niveau des bords libres et de la teinte (B).

Figure 15 Réglage du bourrelet antérieur : positionnement du bord libre et du point interincisif.

lors de la prononciation de certains phonèmes tels que « FE » et « VE » (Fig. 15). Le point interincisif tracé selon le plan sagittal médian, le bourrelet préfigure la situation des faces vestibulaires et des bords libres des futures dents prothétiques antérieures. Après enregistrement des rapports interarcades et montage des modèles sur articulateur, le bourrelet permet de connaître la hauteur et la largeur de l’espace prothétique réellement disponible. L’utilisation d’indices biométriques est également possible. Une étude statistique menée par Benbelaïd et Postaire5 souligne le caractère statistiquement significatif de certains de ces indices exprimés en centimètres. Par exemple, pour la largeur de l’incisive centrale :

• L = un quart de la largeur du nez (indice de Lee) ; • L = un quatorzième de la distance bizygomatique (pour les hommes). Ces indices peuvent être utiles, mais il n’en demeure pas moins que l’expérience du praticien, son sens esthétique et les souhaits du patient sont les principales « clefs » d’une bonne intégration esthétique pour les dents antérieures. Le choix de dents pluricuspidées se fait secondairement par mesure de l’espace prothétique disponible :29 • dans le sens mésiodistal, entre la face distale de la canine et la potence située sur la face mésiale de la dent bordant l’édentement. Le manque d’espace peut conduire à monter une dent en moins (montage hétéronombre) ou à monter une prémolaire à la place d’une molaire (montage hétérotopique) ; • dans le sens vertical, entre la face occlusale des dents antagonistes et la rétention du châssis. Le manque d’espace et la nécessité de monter des prémolaires de hauteur coronaire

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases

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suffisante, en harmonie avec les dents du groupe incisivocanin, peuvent imposer le choix de dents postérieures en résine.

Considérations esthétiques en PAP En PAP, de nombreux facteurs sont à prendre en considération afin d’envisager cette forme de réhabilitation dans un souci d’esthétique. Ainsi, lorsque la réhabilitation intéresse le sourire et les dents antérieures, il faut prendre en compte (Fig. 16) : • le choix des dents ; • leur forme ; • leur dimension ; • leur teinte ; • la position et la finition de la fausse gencive. Une prothèse intégrée par le patient « est une prothèse qui s’oublie ».7 L’objectif du praticien est donc de rechercher une parfaite intégration biofonctionnelle, occlusale et esthétique de la prothèse partielle. Le choix des dents repose trop souvent sur un simple « compromis » standard à travers les références d’un teintier parfois incomplet. Or les dents vieillissent en même temps que les patients et il est donc important d’effectuer le choix des dents en fonction des critères de la dentogénique, historiquement décrits par Frush et Fisher,24 qui prenaient en compte le sexe, la personnalité et l’âge du patient (facteur SPA). Ainsi, il est admis que le choix des dents sur la simple base d’un compromis acceptable avec un teintier peut donner des résultats esthétiques insatisfaisants. De surcroît, les teintiers font référence à la dentition d’un adulte jeune et s’éloignent donc des réalités physiologiques liées au vieillissement (Fig. 17). M.V. Berteretche, O. Hüe et al.7,26 proposent ainsi une méthode de maquillage des dents prothétiques en résine et en porcelaine. Dents en résine Choix des dents antérieures Il faut tenir compte de la dimension et de la forme des dents restantes. Choix de la couleur La couleur choisie est la plus proche de celle des dents restantes. Elle est choisie sur le teintier (Chromascop®, Ivoclar) (Fig. 18) et sert de couleur de base pour les caractérisations.

Figure 17 Dents prothétiques résines « standard » et mêmes dents maquillées (A, B, C). Noter la qualité du maquillage de surface (documents Ivoclar).

Informations et schémas complémentaires Le prothésiste doit connaître le sexe et l’âge du patient, car les caractérisations de forme et de

teinte sont directement influencées par ces paramètres. Des documents photographiques du patient lorsqu’il était denté sont également fort utiles.

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Figure 18 Teintier Chromascop® (Ivoclar vivadent).

Le maquillage des dents résine peut ainsi s’effectuer en plusieurs étapes : • caractérisation de la morphologie des dents (collets, bords libres, pointes canines) par soustraction (irrégularités de surface, dépressions, fissures et addition, collets creusés afin d’être colorés...) ou par addition (adjonction de résine) ; • apport de colorants ; • traitement de surface afin d’assurer une liaison entre les dents artificielles et le maquillant ; • application du maquillant (Fig. 19) ; • prépolymérisation afin de fixer le maquillant ; • photopolymérisation ; • élévation de température pour améliorer les qualités mécaniques du matériau et sa durée de vie ; • polissage, finition (Fig. 20). Le résultat final garantit une intégration esthétique de qualité pour le patient et l’aide à oublier les inconvénients liés à l’amovibilité des PAP (Fig. 21).

Figure 20 Polissage et finition des dents résines (A, B).

élevée, résistance à l’abrasion supérieure à celle de l’émail. En revanche, elles possèdent une faible résistance à la flexion et à la fracture. En bouche, elles ont une stabilité dimensionnelle très supérieure à celle des dents en résine. En prothèse adjointe en général et en prothèse adjointe complète en particulier, elles sont très intéressantes car elles permettent d’assurer le maintien de la DVO et la stabilité de l’occlusion, en raison de leur résistance à l’abrasion. Le maquillage des dents en porcelaine classiquement décrit associe un maquillage superficiel à un remodelage par soustraction.

Dents en porcelaine26 Les dents en résine occupent aujourd’hui 98 % du marché des dents commercialisées, mais les dents en porcelaine ont été les premières à être fabriquées industriellement. Les dents en porcelaine possèdent des qualités mécaniques supérieures à celles en résine : dureté

Caractérisation des dents porcelaine Vivoperl PE (Ivoclar)

Figure 19 Application du maquillant de surface (document Ivoclar).

Cette caractérisation se déroule en cinq temps : • modification des formes de la dent (Fig. 22) par soustraction à l’aide d’instruments rotatifs adaptés ; • traitement des états de surface, afin d’optimiser la liaison entre la dent et les colorants. La dent est ensuite nettoyée à la vapeur ; • maquillage proprement dit à l’aide de maquillants spécifiques dont la gamme s‘étend du translucide au noir. Les colorants sont placés spécifiquement dans les régions que l’on souhaite maquiller (Fig. 23). Ils sont ensuite fixés

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases

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Figure 23 Application au pinceau du maquillant de surface permettant de simuler par exemple une fêlure.

dent est alors placée dans un four à une température de 940 °C ; • le polissage mécanique. Cette étape n’est pas obligatoire mais a un rôle important si les modifications de forme de la dent ont été marquées. Ce polissage accentue l’effet de brillance dans certaines régions et l’effet « mat » dans d’autres. Figure 21 Prothèse adjointe partielle maxillaire et mandibulaire avant polymérisation, avec dents résines maquillées (document Ivoclar) (A). Prothèses en bouche : excellente intégration esthétique (B).

Figure 22 Modification par soustraction des dents porcelaine (A, B).

grâce à un passage au four à céramique à 850 °C ; • le glaçage : il donne à la dent un aspect brillant et lisse et il protège les maquillants des phénomènes d’abrasion directe. La glaçure est appliquée et permet la vitrification du matériau. La

Montage des dents en PAP Édentements antérieurs de grande étendue29 Montage des dents antérieures Il est guidé par des critères esthétiques ainsi que par des impératifs fonctionnels : élocution, phonation et guidage incisivocanin en accord avec le schéma occlusoprothétique retenu. Le montage esthétique conventionnel sur cire des six dents antérieures est réalisé au laboratoire, en fonction du gabarit du bourrelet de la base d’occlusion réglé en bouche et du schéma occlusoprothétique retenu. Lors de l’essayage en bouche, le montage est contrôlé du point de vue fonctionnel et esthétique selon la règle de la « dentogénique » de Frush et Fisher.24 Les modifications éventuelles portent sur la situation des collets (ressortis ou rentrés), sur les rotations possibles de l’angle mésial de l’incisive latérale et de la canine afin d’animer le montage, et sur le décalage des bords libres entre incisives centrale et latérale. Montage des dents postérieures Il est guidé prioritairement par des impératifs fonctionnels et dans une moindre mesure, esthétiques.

16 Il doit : • rétablir des contacts occlusaux nombreux, simultanés et bien répartis avec les dents de l’arcade antagoniste ; • assurer l’équilibre de la prothèse lors des mouvements excentrés de la mandibule, à vide et au cours de la mastication ; • être en harmonie du point de vue esthétique avec le montage antérieur. Les règles du montage fonctionnel sont celles de la prothèse complète : C montage des dents sur la ligne faîtière des crêtes édentées ; C réalisation de courbes occlusales compatibles avec le schéma occlusoprothétique retenu initialement. Lorsque des dents persistent face à l’édentement partiel, des aménagements sont souvent indispensables. La correction des dents prothétiques par meulage, la réalisation de coronoplasties soustractives (améloplasties) ou additives (prothèse scellée) au niveau des dents naturelles permettent d’adapter des surfaces occlusales antagonistes.10 Si le sourire s’étend jusqu’aux prémolaires, voire aux molaires, le montage postérieur prend une dimension esthétique de première importance : • le bord libre des cuspides vestibulaires doit s’inscrire dans la courbe du sourire déterminée par les six dents antérieures ; • la situation des faux collets et la hauteur de couronne clinique qu’ils déterminent doivent être en harmonie depuis les incisives jusqu’aux prémolaires ; • le corridor buccal existant, lors du sourire, entre faces vestibulaires des dents postérieures et angle des lèvres doit être préservé. Dans le cas particulier des édentements mandibulaires uni- et bilatéraux postérieurs en extension, le montage « 3HM » d’Ackerman est recommandé :8 • H : Hétéronombre. Le nombre des dents prothétiques est inférieur à celui des dents à remplacer. La troisième molaire n’est pas remplacée, et une prémolaire mandibulaire peut être supprimée (classe II d’Angle) ; • H : Hétéromorphie. Diminution des diamètres vestibulolingual et mésiodistal ; • H : Hétérotopie. La situation des dents prothétiques n’est pas forcément conforme à celle des dents à remplacer. Ainsi, parfois, la deuxième molaire est remplacée par une prémolaire ; • M : Médiane. Concentration des forces sur la partie médiane de la crête. Ce type de montage, où les dimensions des dents prothétiques sont réduites, permet d’éviter tout

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B

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A

Figure 24 A. Différentes formes de contact entre les faces occlusales des dents résines (dents SR Postaris, Ivoclar). Il faut : favoriser les contacts 1 (contact travaillant), 2 (contact balançant) et 3 (contact et relation centrée) ; contrôler les espaces libres de mouvement ; conserver les espaces libres interocclusaux ; conserver l’Overjet. B. Cuspides éloignées les unes des autres (en orange) et fosse de tolérance (en jaune).

risque de basculement et de diminuer la pression sur les crêtes édentées. Le montage est validé cliniquement, puis la polymérisation est réalisée avec rigueur afin de contrôler au mieux les modifications occlusales qui pourraient se produire par rétraction de la résine. Lors de l’insertion, la précision des rapports est contrôlée et, si nécessaire, une équilibration est entreprise. Les dents SR Postaris® d’Ivoclar présentent des caractéristiques de montage intéressantes. Au niveau occlusal, les cuspides sont très éloignées les unes des autres et les pentes cuspidiennes forment des espaces libres concaves (Fig. 24). Pour la cuspide travaillante, cela offre une liberté de mouvement comparable à celle obtenue par la technique de la cire ajoutée.

Édentements antérieurs de petite étendue Ces édentements concernent une partie du groupe incisivocanin. Le choix de la teinte, de la forme, de la dimension et le montage des dents prothétiques sont conduits en fonction des dents adjacentes et antagonistes restantes. Choix de la couleur Il est d’autant plus important que les dents prothétiques se trouvent juxtaposées aux dents naturelles dans une zone visible. Le rendu de teinte est fonction de la couleur de base, du degré de saturation, de la luminosité et de la translucidité, mais aussi de la répartition de ces différents paramètres au sein de la couronne dentaire. Très souvent, la canine permet de définir plus aisément la couleur de base, les autres dents étant moins saturées.

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases

Figure 25 Faible espace prothétique utilisable dans le secteur antérieur.

En présence de dents naturelles très caractérisées, le praticien doit parfois faire face à : • une variation du degré de saturation, de translucidité ; • la présence de pigmentations, de taches ou de fêlures. Choix et montage des dents Le facteur SPA (sexe, personnalité, âge) oriente encore le choix, mais lorsque des documents préextractionnels existent (modèles, photos ou dents naturelles lorsque les extractions sont récentes), ils fournissent des renseignements indispensables au praticien. Si, pour une DVO correcte, il existe un espace vertical disponible peu important entre le bord libre des incisives et des canines mandibulaires et la crête antagoniste (cas d’égression dentoalvéolaire ou de supraclusion incisive), une fracture de la résine qui maintient les dents est à craindre (Fig. 25). Afin de corriger ce problème, une améloplastie des dents antagonistes et un éventuel remodelage chirurgical de la crête peuvent être suffisants pour le montage des dents. Lorsque ces options ne sont pas envisageables ou indiquées, la réalisation de « contre-plaques » est alors possible : le métal du châssis se prolonge pour constituer les faces palatines des dents prothétiques, sur lesquelles des facettes vestibulaires en matériau cosmétique sont élaborées. Dans le cas d’un manque d’espace mésiodistal, lorsque l’édentement n’a pas été compensé rapidement après les extractions, le praticien se trouve confronté à des versions qui réduisent l’espace prothétique disponible et perturbent le choix de l’axe d’insertion. En présence d’édentements encastrés antérieurs d’une ou deux dents, le problème peut se poser si

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l’espace mésiodistal disponible ne permet pas le montage de dents adaptées en forme et en dimensions. Selon l’importance des migrations, plusieurs solutions sont envisagées :8,29 • coronoplasties soustractives des faces proximales des dents bordant la crête ; • montage des dents prothétiques avec de légers chevauchements ; • légère modification de l’axe d’insertion ; • extraction dans les cas extrêmes. Dans certaines circonstances, l’espace mésiodistal peut être augmenté par l’orthodontie. Plus rarement, en cas « d’excès » d’espace mésiodistal (diastèmes...), l’espace mésiodistal occupé par les dents prothétiques choisies est inférieur au périmètre d’arcade disponible. La reproduction des diastèmes lors du montage est la règle, après avoir discuté avec le patient et obtenu son consentement. Le montage de dents surnuméraires ou de plus grandes dimensions, afin de combler le surcroît d’espace disponible, doit être envisagé avec la plus grande prudence.

Notions de concept occlusoprothétique en PAP3 En PAP, il n’y a pas de concept occlusoprothétique spécifique. M. Begin3 décrit différents paramètres devant être pris en compte afin d’établir le schéma occlusoprothétique : • l’arcade antagoniste : en présence de deux prothèses antagonistes, celle dont l’équilibre est le plus instable dicte le schéma occlusoprothétique à établir ; • la valeur parodontale des dents restantes : la participation d’une dent à un mouvement excentré de la mandibule est directement liée à sa valeur parodontale ; • l’étendue de l’édentement : lorsque l’édentement est de petite étendue, la possibilité de ne faire participer que des dents restantes aux guidages mandibulaires est réelle. Elle s’amenuise quand l’édentement est plus étendu. Ce paramètre est à conjuguer avec le suivant ; • la répartition des dents restantes. Règles générales Occlusion en OIM Des contacts bilatéraux simultanés sont nécessaires et concernent à la fois les dents restantes et les dents prothétiques. Occlusion en propulsion et en diduction En propulsion et en diduction, pour assurer la stabilité prothétique, il faut trois contacts prothéti-

18 ques non alignés ou aucun. Le guidage doit être assuré par au moins trois dents prothétiques non alignées ou bien uniquement par les dents naturelles : • si les contacts s’établissent sur les seules dents restantes, ils ne sont pas déséquilibrants pour la PAP ; • si les contacts s’établissent à la fois sur les dents restantes et les dents prothétiques, ils ne sont en général pas déséquilibrants pour la PAP ; • si les contacts s’établissent sur les dents prothétiques uniquement, selon leur répartition, ils peuvent être déséquilibrants. Contacts occlusaux en propulsion En propulsion, la présence de contacts postérieurs est liée à la qualité du guide antérieur : • les contacts postérieurs sont à éviter si les contacts prothétiques antérieurs ne sont pas déséquilibrants et si les dents antéroinférieures et antérosupérieures sont de valeur suffisante pour assurer le guidage. Il faut donc un recouvrement incisif suffisant et une courbe occlusale peu accentuée dans le plan sagittal ; • les contacts postérieurs sont à rechercher si les contacts prothétiques antérieurs sont déséquilibrants ou si les dents antérieures sont absentes ou de faible valeur parodontale. Pour cela, un faible recouvrement incisif est nécessaire, associé à une accentuation de la courbe occlusale dans le plan sagittal pour obtenir des contacts postérieurs. Contacts occlusaux en diduction Lors de la diduction, la présence de contacts non travaillants est directement dépendante de la situation et de la qualité des contacts du côté travaillant. Contacts du côté travaillant Si la valeur parodontale des canine est bonne ou s’il existe une attelle ou un bridge intéressant la canine, une fonction canine est recherchée. Si les canines sont déficientes, il faut établir une fonction de groupe : • soit sur les dents naturelles ; • soit à la fois sur les dents naturelles et prothétiques ; • soit, dans certains cas extrêmes, uniquement sur les dents prothétiques. Contact du côté non travaillant Des contacts non travaillants sont évités quand les contacts travaillants s’effectuent sur les dents naturelles (fonction canine ou fonction de groupe des

R. Esclassan et al. dents naturelles) et ne sont donc pas déséquilibrants pour la PAP. Pour cela, le recouvrement canin ou cuspidien doit être suffisant et la courbe occlusale doit être peu accentuée dans le plan frontal. Des contacts non travaillants ne sont pas recherchés quand les contacts travaillants se répartissent entre les dents restantes et les dents prothétiques. La recherche de contacts non travaillants est fonction de l’état parodontal des dents restantes guidant la diduction, et de l’importance des aménagements occlusaux nécessaires à l’obtention de contacts non travaillants. Des contacts non travaillants sont recherchés quand les contacts travaillants existent uniquement sur les dents prothétiques ou lorsque la prothèse antagoniste est une prothèse complète. Cela nécessite un faible recouvrement canin, une faible profondeur cuspidienne et une courbe occlusale accentuée dans le plan frontal. Ce qui prime, c’est l’équilibre prothétique : il faut rechercher des contacts non travaillants sur la prothèse, sinon l’instabilité prothétique provoque une traction sur les dents restantes par l’intermédiaire des crochets. Concepts occlusaux et prothèse composite En PAP, les coronoplasties occlusales des dents restantes permettent d’établir un schéma occlusal favorable à l’équilibre de la prothèse. En prothèse composite, la réalisation d’éléments fixés dont la morphologie occlusale répond parfaitement au schéma occlusoprothétique retenu contribue à améliorer l’équilibre de la prothèse amovible. Pour un résultat optimal et pour que les relations clinique-laboratoire soient efficaces, le projet prothétique global doit être matérialisé d’emblée grâce aux moulages d’étude mis en articulateur et à un montage directeur global. Pour atteindre cet objectif, à chaque étape prothétique il faut transférer le montage directeur sur le moulage de travail concerné. Ce transfert peut se faire en utilisant la technique du montage directeur polymérisé ou en adaptant le montage directeur initial sur les moulages de travail successifs, après enregistrement des rapports interarcades à l’aide d’une maquette d’occlusion stabilisée. Apports de la prothèse composite au schéma occlusal 3 – Restauration d’un guidage antérieur en propulsion et en diduction : la prothèse composite, grâce à la restauration des faces palatines et des faces occlusales des dents restantes, facilite l’élaboration du concept occlusoprothétique choisi.

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases

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– Grande liberté dans le choix de la surface et de la situation des taquets occlusaux afin de répondre au schéma occlusal choisi. – Utilisation d’un appui radiculaire pour améliorer la stabilité de la PAP : conserver un appui radiculaire, en présence d’un édentement antérieur (classe IV de Kennedy-Applegate) de grande étendue ou postérieur en extension (classes I et II de Kennedy-Applegate), contribue à la sustentation, voire à la rétention en présence d’un bon état parodontal, et permet de simplifier le concept occlusal classiquement admis dans ces cas d’édentement. Dans les cas où un guidage antérieur est impossible à établir, la prothèse composite permet, par une orientation des surfaces occlusales des dents restaurées par couronnes fraisées, d’obtenir un équilibre occlusal favorable à la fois à la pérennité des dents restantes et à l’équilibre de la PAP.14

Figure 26 Mise en moufle des modèles : la résine a été coulée dans les moufles avant polymérisation.

– Deux facteurs pérennisent les facteurs occlusaux statiques et cinématiques établis lors de la réalisation de la PAP. Il s’agit d’une conception rigide du châssis, d’un choix et d’un montage des dents adaptés au cas clinique.3 Une défaillance de l’un de ces deux facteurs aurait pour conséquence une surcharge des dents restantes et une résorption accélérée des surfaces d’appui ostéomuqueuses.

Polymérisation (Fig. 26, 27) Principales propriétés des résines utilisées en prothèse adjointe11,42 Ce sont surtout : • propriétés mécaniques, physiques et chimiques : C résistance, élasticité et résistance à l’abrasion dans des conditions de port normales ; C stabilité dimensionnelle et en bouche ; C densité basse et conductivité thermique élevée ; • absence d’interférences avec le milieu buccal C insolubilité dans la salive ou les liquides ingérés ; C température de ramollissement supérieure à celle des corps chauds introduits en bouche ; C imperméabilité aux fluides buccaux afin de rester saine et de ne générer ni goût, ni odeur désagréables ; C absence de goût, d’odeur, de toxicité et d’effet irritant ;

Figure 27 Prothèses adjointes partielles avant mise en moufle et polymérisation.

C absence d’adhérence des aliments ou d’autres éléments introduits en bouche afin de faciliter l’entretien de la prothèse ; • qualités esthétiques : C aspect final du matériau suffisamment translucide, de manière à reproduire fidèlement la gencive avec possibilité de le teinter ou d’inclure des colorations ; C stabilité des couleurs et de l’apparence du matériau après finition et une fois en bouche ; C grande qualité de transparence : un échantillon de 3 mm d’épaisseur transmet environ 90 % de la lumière incidente ; • facilité de réparation : C réparation facile et durable en cas de fracture à l’aide d’un matériel simple.

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Caractéristiques et cahier des charges de la résine Sur le plan mécanique Résistance à la flexion En raison des contraintes subies par la PAP (lors des fonctions de mastication et lors des parafonctions), la principale qualité recherchée dans une résine est la résistance à la fatigue. Il faut donc choisir une résine dont le coefficient de résistance à la flexion est élevé afin d’éviter les fractures. Si la résistance à la flexion est en relation directe avec les caractéristiques physiques du matériau de base (module d’élasticité et module de dureté), elle dépend également de la qualité de la mise en œuvre. Ainsi, des inclusions d’air ou une structure non homogène perturberont les qualités mécaniques du produit fini. Absorption d’eau De par sa nature moléculaire polaire, la résine est « hydrophile ». L’absorption d’eau s’effectue toutefois lentement. La résine absorbe en fait 1 % de son poids, ce qui correspond à une dilatation linéaire d’environ 0,23 %. Le temps nécessaire pour atteindre la saturation dépend de l’épaisseur de la prothèse considérée. En moyenne, une prothèse partielle en résine acrylique immergée dans de l’eau à température ambiante se sature complètement en près de 17 jours.11 Solubilité Bien que les résines soient solubles dans de nombreux solvants, elles sont normalement insolubles dans la plupart des fluides avec lesquels elles entrent en contact dans la cavité buccale. La solubilité des résines autopolymérisables est légèrement supérieure à celle des résines à polymérisation à chaud, mais cette différence n’a toutefois pas de signification pratique. Sur le plan physique Stabilité dimensionnelle Obtenu à partir d’empreintes mucostatiques, le modèle de travail permet de reproduire le plus fidèlement possible l’état de surface des muqueuses d’appui de la prothèse. L’intrados doit être dimensionnellement identique au modèle de travail.

Résines acryliques et polymérisation36 Définitions La formulation chimique de base des résines acryliques pour prothèses adjointes est le polyméthylmé-

R. Esclassan et al. thacrylate (PMMA). Les réactions de polymérisation conduisent, à partir de la répétition d’unités de monomère (méthylméthacrylate MMA), à la formation de molécules complexes (macromolécules) de poids moléculaire élevé : les polymères. Composition chimique de la résine Classiquement, ce matériau se présente sous la forme de poudre et liquide. Poudre Plusieurs éléments entrent dans sa composition : • un PMMA (polymère). Il peut être modifié par addition de monomères différents, formant ainsi un copolymère avec enchaînement de macromolécules de motifs structuraux différents (résines dentaires), à l’inverse des homopolymères qui présentent des motifs identiques ; • un initiateur ou amorceur. Il s’agit de molécules permettant, sous certaines conditions, l’obtention de radicaux libres ; • des pigments ; • des opacifiants ; • des fibres synthétiques colorées. Liquide Sa formulation comprend : • du méthylméthacrylate MMA (monomère) ; • un comonomère ; • un stabilisant-inhibiteur ; • un accélérateur-activateur accélérant le clivage de l’amorceur contenu dans la poudre ; • des agents plastifiants ; • des agents de liaison, permettant de relier les chaînes de polymères entre elles. Réaction de polymérisation Schématiquement, l’addition du monomère sur le prépolymère, en présence d’un initiateur et d’un activateur, provoque une réaction de polymérisation. Celle-ci consiste en une série de réactions chimiques où la macromolécule (le polymère) se forme à partir d’une seule molécule : le monomère. Deux types de polymérisation sont à distinguer : • la polymérisation par condensation ou polycondensation, donnant lieu à l’élimination d’une molécule, sous-produit de la réaction. Les résines dentaires ne sont pas concernées par ce type de transformation ; • la polymérisation par addition ou polymérisation radicalaire (résines dentaires). Le mécanisme de cette réaction fait intervenir trois étapes : – initiation (amorçage de la réaction). Elle est assurée par la décomposition (thermique, chimi-

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases que, photochimique) d’un composé qui donne des radicaux libres. La phase d’initiation correspond à l’activation du monomère par les radicaux libres ainsi formés ; – propagation. Cette phase correspond à l’addition successive des unités de monomère sur la partie active de la chaîne moléculaire de croissance ; – terminaison. Cette phase correspond à la disparition des centres actifs de la chaîne macromoléculaire. Les 5 phases de la formation de la pâte résine22 Le mélange passe classiquement par plusieurs phases qu’il faut impérativement reconnaître : • sédimentation du polymère dans le monomère : le mélange présente un aspect sableux ; • phase liquide de dissolution (ou liquide) : le monomère diffuse dans le polymère ; le mélange présente un aspect mousseux ; • phase chimique d’attaque (ou collante : la masse devient collante, il se forme des fils si on l’étire ; • phase plastique : les particules de poudre sont toutes dissoutes. La masse devient plastique, ne colle pas au pot, ni aux mains. C’est la phase d’utilisation, la consistance est idéale pour le bourrage ; • phase élastique (ou évaporation) : le monomère finit par disparaître par pénétration dans le polymère. Le mélange devient élastique et poreux ; il ne peut plus être moulé. Dégradation des polymères Plusieurs types de réaction peuvent conduire à une modification de la structure initiale des polymères, libérant des composés qui peuvent remettre en cause la biocompatibilité des résines acryliques. Le monomère résiduel entraîne des réactions allergiques. Vieillissement physique Il correspond à tout phénomène d’évolution irréversible du matériau non induit par une modification chimique des macromolécules. Il est lié à la disparition des plastifiants, à l’absorption des solvants, aux contraintes mécaniques. Burdairon11 souligne que ce type de vieillissement est plus fréquent que le vieillissement chimique. Vieillissement chimique Il regroupe des mécanismes entraînant une altération des macromolécules par coupure des chaînes, par réticulation de chaînes initialement linéaires, par réaction au niveau des groupes latéraux. Les facteurs de ce type de vieillissement sont : les

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radiations solaires (photodégradation), l’élévation de température, les constituants salivaires, les modifications du pH (peroxydes alcalins des produits d’entretien). Monsenego30 a montré de manière expérimentale que des PAP en résine anciennes sont plus perméables que des prothèses récentes.

Finition Après la mise en moufle et la polymérisation, la finition est une étape à ne pas négliger. L’état de surface des prothèses et leur aspect doivent donner une illusion de naturel. Il faut trouver un équilibre entre d’une part le rendu esthétique des muqueuses, et d’autre part la facilité de nettoyage et d’entretien par le patient. La finition des cires, la cuisson et le grattage/polissage de la résine doivent être réalisés avec autant d’attention qu’en prothèse adjointe complète.23

Aspect de surface Impératif de prophylaxie Seules les parties visibles de la PAP (lors du sourire et des fonctions) sont sculptées afin d’avoir une illusion de naturel. Pour les parties postérieures non visibles, l’objectif est de permettre une hygiène efficace, grâce à un état de surface le plus souvent convexe et lisse afin d’éviter tout dépôt de plaque dentaire. Traitement de l’état de surface Le polissage de la prothèse doit être rigoureux afin de limiter le dépôt de tartre et de plaque bactérienne. Les surfaces prothétiques doivent également faciliter la mise en place des prothèses et n’occasionner aucune blessure. L’intrados ne comporte donc pas de partie saillante ou d’anfractuosités. Il doit être poli à l’aide d’une fraise douce (caoutchouc ou silicone). Les bords sont arrondis (environ 2 mm) afin d’éviter des blessures muqueuses sous l’effet de tassement des prothèses (Fig. 28).

Choix des instruments de polissage (Fig. 29) Grattage Les instruments rotatifs pour le surfaçage et le grattage des prothèses en résine suivent l’évolution des pièces à main. Leurs performances de coupe, associées à une bonne manipulation du micromoteur, en font des outils très efficaces. Le résultat obtenu avec un instrument rotatif varie selon la dureté de la résine choisie (sèche ou grasse) et selon la vitesse de rotation.

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R. Esclassan et al.

Figure 28 Ulcération provoquée par un bord prothétique de prothèse adjointe partielle résine.

Afin de rationaliser cette étape et d’être efficace, mieux vaut limiter le nombre d’instruments en tirant au maximum partie de leur potentiel. Les instruments sont évidemment utilisés par ordre croissant de finesse, de façon à commencer par l’étape grossière pour terminer par le surfaçage des petits détails. Ponçage et polissage Le choix des brosses à polir s’effectue suivant les mêmes critères que les instruments rotatifs. La résine a évolué, et présente une dureté à l’abrasion parfois supérieure à celle des dents du commerce : il faut faire attention à ne pas diminuer les faces occlusales précédemment réglées après équilibration, avec un polissage trop « agressif ». L’objectif final est d’obtenir une prothèse biofonctionnelle tout en limitant le dépôt de plaque dentaire grâce à un polissage appliqué. Cette étape est d’autant plus aisée que l’on aura correctement traité le relief alvéoloprothétique, dès l’étape de sculpture de la cire et de grattage (Fig. 30).

Conclusion La conception d’une PAP est un acte thérapeutique global et non « une prouesse technique ».23 De nos

Figure 29 Instruments utilisés pour la finition (grattage/ polissage) des prothèses adjointes en résine.

Figure 30 Prothèses adjointe partielle (PAP) maxillaire et prothèse adjointe complète (PAC) mandibulaire polymérisées et polies, avant la mise en bouche (A, B). PAP et PAC en bouche : noter la bonne correspondance des contacts occlusaux.

jours, le traitement par PAP a évolué : le praticien ne se contente pas de remplacer les dents absentes. Il cherche à rétablir la fonction et l’esthétique tout en préservant les dents restantes dans un environnement parodontal sain.4 Pour atteindre ces objectifs, un abord pluridisciplinaire et des connaissances dans le domaine de l’occlusion sont nécessaires. L’occlusion prend une grande importance en PAP, car l’harmonie des contacts dentaires est primordiale dans le maintien de l’équilibre physiologique et anatomique de l’appareil manducateur tant sur le plan statique que dynamique. Selon Schittly,38 cinq conditions doivent impérativement être réunies afin de tendre vers un « succès » prothétique en PAP : • être en présence de tissus sains ; • exploiter les propriétés des prothèses transitoires ; • maîtriser les différentes techniques de prise d’empreinte ; • maîtriser les problèmes liés à l’enregistrement de l’occlusion ; • adapter la conception prothétique aux exigences d’équilibres prothétique et tissulaire.

Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases Le choix et le montage des dents ne doivent pas se faire de façon aléatoire, et doivent prendre en compte les exigences esthétiques du patient et la recherche du naturel, garantes d’une bonne intégration. Les matériaux, associés au sens clinique du praticien et au savoir-faire du prothésiste, permettent aujourd’hui d’obtenir de très bons résultats tant esthétiques que fonctionnels dans le domaine de la PAP. En dépit du caractère amovible de ces prothèses et des contraintes engendrées, Vanzeveren44 a montré dans une étude récente que les PAP restaient des restaurations prothétiques fiables dans le temps. Des études longitudinales ont également montré que les patients ayant une PAP bien conçue en sont satisfaits.6,31 Les études sur la durée de vie des PAP ne sont pas fréquentes, et sont généralement réalisées avec des patients bien contrôlés, dans des unités de formation et de recherche (UFR) dentaires ou par des équipes spécialisées.44 La durée de vie moyenne d’une PAP dans ces conditions est de 8-10 ans, avec des visites de contrôles régulières et une bonne maintenance.34 Bien évidemment, aujourd’hui l’implantologie doit être indiquée en première intention lorsque les conditions générales et locales le permettent. Néanmoins, elle présente aussi ses limites (coût, durée du traitement...). La PAP reste donc un traitement d’actualité.19,43

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Remerciements

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Nous tenons à remercier la société Ivoclar pour sa collaboration à cet article, et tout particulièrement Catherine Nardari pour nous avoir transmis de nombreux documents iconographiques ainsi que pour sa compétence. Nous remercions monsieur le Docteur Marcel Blandin (MCU-PH) pour ses précieux conseils, ainsi que pour son iconographie. Nous remercions enfin pour leur fidélité, le laboratoire Atelier Dentaire à Toulouse et monsieur Jean-Michel Garcia, prothésiste à Toulouse ainsi qu’Alexis Gaudin, interne à Toulouse pour leur participation.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 25–39

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Traitements chirurgicaux des poches parodontales Surgical treatment of periodontal pockets F. Louise (Professeur des Universités) *, J. Cucchi (Assistant), C. Fouque-Deruelle (Attaché hospitalier), M.F. Liebart (Attaché hospitalier) Département de parodontologie, faculté d’odontologie, université de La Méditerranée, 27, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille, France

MOTS CLÉS Poches parodontales ; Chirurgie parodontale ; Débridement ; Ostéoectomie ; Ostéoplastie ; Régénération

Résumé En présence de poches parodontales résiduelles, la réévaluation qui suit la thérapeutique initiale va déterminer l’attitude du praticien. En fonction de la motivation du patient, du plan de traitement global et de la morphologie des lésions, plusieurs attitudes chirurgicales peuvent être définies. Si le débridement ou l’assainissement demeurent les techniques les plus employées, la chirurgie résectrice conserve néanmoins ses indications. Pour les lésions osseuses, la régénération – même partielle – des tissus détruits reste l’objectif que l’on peut atteindre par le développement de la chirurgie régénératrice. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Periodontal pockets; Periodontal surgery; Debridement; Osteoectomy; Osteoplasty; Regeneration

Abstract The reevaluation which follows initial therapy will determine the clinical attitude of the medical practitioner in case of residual periodontal pockets. According to the patient’s motivation, the global treatment planning and the lesion morphology, several surgical procedures can be performed. If the debridement or the stabilization are usually planed, the resective surgery keeps always its indications. For intrabony lesions, the regeneration - even if it leads to partial results - remains the final goal that we can achieve by various regenerative procedures. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction En présence de poches parodontales, la réduction ou l’élimination de ces poches constitue l’objectif principal de nos actes chirurgicaux. Si le détartrage et le surfaçage radiculaire représentent le geste essentiel de la thérapeutique initiale, ils ne permettent le plus souvent qu’une réduction des profondeurs de sondage, insuffisante pour stabiliser une parodontite. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Louise). © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00010-2

Si nous souhaitons éliminer les poches résiduelles, il nous faut choisir des techniques chirurgicales permettant : • soit la suppression de ces poches et éventuellement des défauts osseux qui leur sont associés (ce sont les techniques de gingivectomiegingivoplastie, de lambeau positionné apicalement avec ou sans ostéoectomie). Si les atteintes sont trop importantes, on peut également éliminer la composante dentaire des lésions (hémisection, amputation radiculaire, extraction stratégique) ; • soit la reconstruction des tissus lésés pour tenter leur régénération (ce sont les techniques de

26

F. Louise et al. greffes osseuses, de régénération tissulaire guidée, d’emploi de protéines amellaires, voire d’association de ces techniques.

Objectifs du traitement chirurgical Améliorer les résultats de la thérapeutique initiale La chirurgie s’inscrit dans la continuité de la thérapeutique initiale quand, au moment de la réévaluation, chez un patient motivé et assurant un bon contrôle de plaque, le sondage parodontal met en évidence des profondeurs de poches résiduelles supérieures à 4 mm et/ou provoquant un saignement.42 Le saignement au sondage n’est pas, à lui seul, un motif suffisant pour justifier une intervention chirurgicale. Le saignement ponctuel au sondage ne permet pas de déterminer l’activité du site.33 Il ne dénote qu’un écart par rapport à l’état sain.40 La première phase du traitement de toute maladie parodontale consiste à éliminer le biofilm et les dépôts de tartre adhérents aux surfaces radiculaires. Cependant, l’efficacité du surfaçage radiculaire dépend de plusieurs paramètres. L’anatomie radiculaire, de par ses concavités et ses multiples versants, a un effet majeur sur l’efficacité du surfaçage radiculaire. En effet, le surfaçage est essentiellement fondé sur le sens tactile, aussi toute anomalie de surface accroît le risque de laisser des dépôts de plaque et de tartre sur les racines.43 Bower10 met en évidence des résultats moins bons, en termes de gain d’attache clinique et de diminution de profondeur au sondage, au niveau des molaires par rapport aux dents monoradiculées. Pour Matia et al.,45 le traitement non chirurgical est peu efficace sur les molaires mandibulaires. La profondeur des poches parodontales est un autre facteur de limitation de l’efficacité du surfaçage radiculaire. Jones et O’Leary36 montrent qu’au-delà de 5 mm de perte d’attache, 18 à 20 % de dépôts de tartre persistent sur les surfaces radiculaires. Aussi est-il fréquent de retrouver des profondeurs de poches parodontales résiduelles supérieures à 4 mm lorsque les lésions initiales étaient plus profondes ou situées dans des zones difficiles d’accès. Dans ce contexte, l’accès direct aux surfaces radiculaires par un procédé chirurgical permet d’atteindre les dépôts tartriques résiduels, le tissu de granulation ainsi que l’épithélium de poche qui peuvent être localisés et éliminés. Des projections et/ou des perles d’émail situées à l’entrée des espaces interradiculaires, souvent responsables de lésions interradiculaires, peuvent aussi être déce-

lées et corrigées. Des corrections de restaurations sous-gingivales débordantes sont également possibles. Cet accès permet aussi d’apprécier la quantité de tissus mous marginaux et de la modifier si nécessaire : en effet, l’obtention d’une architecture gingivale compatible avec le maintien d’un contrôle de plaque efficace par le patient est un argument décisionnel dans la mesure où il pérennise les résultats obtenus.

Évaluer les défauts osseux Il faut évaluer leur morphologie, leur profondeur et leur environnement afin de déterminer une attitude thérapeutique adaptée. Si leur résection est envisagée, on doit évaluer la perte d’os de soutien consécutif à leur correction et les conséquences en termes de rapport couronne-racine. Si leur régénération est tentée, il faut apprécier leur potentiel de cicatrisation pour choisir la technique la plus fiable. Avec Sato (2002),65 on peut résumer ainsi les objectifs de la chirurgie parodontale (limitée au traitement des poches) : • accessibilité des instruments aux surfaces radiculaires ; • élimination de l’inflammation ; • création d’un environnement buccal permettant un contrôle de plaque efficace : C par l’élimination des poches parodontales ; C par la correction des défauts gingivaux et de la morphologie osseuse pouvant entraver le contrôle de plaque ; C par la réalisation d’amputations radiculaires ou de traitements susceptibles de faciliter la maintenance ; C par la création d’embrasures accessibles à l’hygiène ; • régénération des lésions induites par la maladie parondontale.

Principes des traitements chirurgicaux Parmi la multitude de techniques décrites, il est difficile de définir lesquelles peuvent s’appliquer à un cas clinique donné. Des variables comme la quantité de tissu kératinisé, la présence de lésions intraosseuses, la situation plus ou moins esthétique des zones concernées ou encore la possibilité que plusieurs techniques puissent être combinées ont conduit certains auteurs à établir une « stratégie » chirurgicale en fonction de la composante tissus mous et/ou tissus durs de la lésion sur un site donné79.

Traitements chirurgicaux des poches parodontales En présence d’une lésion supraosseuse – concernant donc les seuls tissus mous – le choix est celui d’un lambeau non déplacé (lambeau de Kirkland ou lambeau de Widman modifié) ou déplacé apicalement. En présence d’une lésion intraosseuse, les choix se font entre l’assainissement de ce défaut (en espérant une certaine réparation de celui-ci par remplissage osseux) ou bien l’élimination de ce défaut par ostéoectomie–ostéoplastie) ou enfin la régénération par l’application d’une technique adaptée. Les lambeaux sont alors soit déplacés apicalement en cas de résection osseuse soit visent à préserver la totalité des tissus en cas de technique régénératrice (lambeau esthétique d’accès ou de préservation papillaire). En fonction du type de lésion (défaut supraosseux ou intraosseux), de la quantité de tissu kératinisé et de nos objectifs thérapeutiques, les lambeaux sont d’épaisseur totale (lambeaux mucopériostés), d’épaisseur partielle ou encore association de ces deux techniques quand on souhaite avoir un accès osseux et repositionner les lambeaux soit coronairement, soit apicalement.

Chirurgie d’accès Dans la plupart des cas, le clinicien utilise une technique « classique » donnant accès aux lésions à traiter et la modifie si des particularités anatomiques (profondeur des poches, quantité de tissu kératinisé et morphologie osseuse par exemple) ou des options thérapeutiques l’exigent. Nous décrirons donc cette chirurgie « d’accès » appelée encore « lambeau–curetage, d’assainissement ou de débridement ». La situation la plus courante consiste à élever un lambeau d’épaisseur totale et à le repositionner dans sa situation initiale. Parmi les nombreuses techniques proposées, les plus utilisées semblent associer celle du lambeau de Kirkland37 et du lambeau de Widman modifié publié par Ramfjord et Nissle en 1974.59 Dans leur conception, ces chirurgies étaient déjà conservatrices en éliminant peu de tissu gingival et en respectant le système d’attache existant à la base de la poche. Pour Kirkland,37 une incision unique intrasulculaire et festonnée permet l’accès aux surfaces radiculaires. Après réclinement du lambeau et débridement, les lambeaux sont suturés dans leur position initiale. Aucune éviction de gencive marginale n’ayant été réalisée, l’épithélium de la poche n’est donc pas éliminé et les réductions de poches sont donc minimes. Cette technique peut encore trouver ses indications sur les secteurs esthétiques où ce compromis peut être adopté.

27 Dans le lambeau de Widman modifié, l’incision primaire à biseau interne est festonnée, située à 0,5-1 mm du rebord gingival (cette première incision peut être même intrasulculaire si les poches sont inférieures à 2 mm ou si les critères esthétiques sont déterminants). Cette incision rejoint la crête osseuse. À ce stade, un lambeau mucopériosté est récliné, donnant accès au rebord osseux qu’on expose à minima. L’incision secondaire est intrasulculaire pour atteindre le fond de la poche. Les mêmes principes sont appliqués pour les incisions palatines ou linguales. Une troisième incision, perpendiculaire aux deux premières, permet la section des fibres résiduelles et l’éviction d’une collerette gingivale qui contient l’épithélium de poche et le conjonctif infiltré (Fig. 1). En pratique, ces trois incisions sont rarement réalisées, mais le clinicien garde à l’esprit les principes de conservation tissulaire et de respect du système d’attache résiduel. En fait, en présence d’un tissu peu inflammatoire et fibreux, l’éviction gingivale est minimale (incisions à 1 mm du rebord gingival ou encore intrasulculaires) surtout si les sites concernés sont antérieurs. En revanche, sur les sites postérieurs, l’économie tissulaire est moindre surtout si le but recherché est la réduction maximale des poches existantes. La section des tissus interproximaux est faite à l’aide d’un bistouri d’Orban ou de Buck pour éviter leur dilacération. On veille également à festonner le plus possible les incisions au niveau interdentaire de façon à inclure le maximum de tissu papillaire dans les lambeaux. 1

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A

B

Figure 1 Les trois incisions du lambeau de Widman modifié. A. Première incision à distance du rebord gingival (1 mm). B. Deuxième incision intrasulculaire et troisième incision orthogonale pour sectionner le tissu gingival.

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Figure 2 Incision palatine avec feston amplifié permettant de réduire la profondeur de la poche tout en assurant la fermeture interproximale du lambeau.

Au niveau palatin, l’incision primaire peut être accentuée (2 mm) en regard des faces palatines des dents de façon à pouvoir plus facilement coapter les berges interproximales lors de la fermeture des lambeaux (Fig. 2). Des incisions de décharge verticales peuvent être réalisées dans la mesure où le lambeau n’est pas déplacé. Elles ne sont pas impératives mais elles améliorent l’accès si le lambeau concerne peu de dents. Ces incisions réduisent la revascularisation des lambeaux surtout si nous sommes en présence de tissus fins. Elles évitent les zones papillaires et sont placées au tiers mésial ou distal des dents adjacentes au site opératoire. Le débridement consiste en l’ablation des dépôts sous-gingivaux situés sur les racines, en l’élimination du tissu de granulation ainsi qu’en la réalisation du surfaçage radiculaire au moyen de curettes adaptées et/ou d’inserts ultrasoniques appliqués sans pression excessive et avec une irrigation pouvant contenir des antiseptiques. Ce débridement mécanique à « ciel ouvert » permet un bon contrôle des sites traités et semble donner des résultats au moins égaux à ceux obtenus avec les instruments manuels.29 Dans son esprit, cette chirurgie d’accès n’est pas entreprise pour réaliser une chirurgie osseuse résectrice ou régénératrice, on préfère, pour ces indications, réaliser des lambeaux déplacés ou des techniques de préservation papillaire. Toutefois, en présence de défauts minimes, une discrète correction osseuse peut être effectuée. Les sutures, discontinues, replacent les lambeaux dans leur situation initiale. On fait en premier lieu les sutures des incisions de décharge (s’il y a lieu) puis les sutures interdentaires. Il faut impérativement que les berges interproximales des lambeaux vestibulaire et palatin (ou lingual) se rejoignent au mieux dans les espaces interdentaires pour obtenir sur ces sites une bonne protection du caillot et tenter une cicatrisation par première

F. Louise et al.

Figure 3 Suture type « matelassier horizontal croisé » dans l’espace 24-25.

intention. Dans ce but, des sutures en « matelassier » croisé permettent le bon positionnement des papilles et évitent la présence des fils de suture sous les papilles (Fig. 3).

Particularités anatomiques Accès distal des sites édentés Il est fréquent d’observer en distal des molaires une quantité de tissus mous qui nous oblige à modifier nos tracés d’incision pour pouvoir assainir les lésions présentes et retrouver – après chirurgie – une anatomie plus favorable à la maintenance. C’est la technique du «distal wedge » proposée par Robinson62 dont plusieurs variantes permettent d’adapter les tracés en fonction de la profondeur des lésions et de la quantité de tissu kératinisé existante. Préservation papillaire au niveau des sites antérieurs Le lambeau esthétique d’accès30 utilise des incisions intrasulculaires périradiculaires. La séparation des lambeaux vestibulaire et palatin (ou lingual) se faisant au moyen d’une incision perpendiculaire de la gencive interdentaire déportée en palatin (ou lingual). La totalité de la gencive interdentaire est alors disséquée et emportée dans le lambeau vestibulaire (Fig. 4). Ce type d’incisions permet une bonne stabilité de la plaie de par le repositionnement précis des papilles. Proposée sous d’autres noms ultérieurement,20,75 cette technique permet non seulement de réaliser un débridement avec un risque restreint de récession sur des sites esthétiques, mais permet aussi d’effectuer des chirurgies régénératrices.

Évaluation de la régénération après les chirurgies d’accès Bien que ce type de chirurgie ne soit pas destiné au traitement des défauts intraosseux, des études ont

Traitements chirurgicaux des poches parodontales

Figure 4 Lambeau de préservation papillaire : l’intégralité de la papille et une partie de la gencive palatine sont réclinées avec le lambeau vestibulaire.

montré qu’une certaine régénération osseuse est possible. La quantité d’os néoformé varie selon la forme du défaut (trois parois ou défaut circulaire), de sa profondeur, de la quantité de résorption osseuse crestale ainsi que du niveau de maintenance effectué par le praticien et le patient.4,64,78 En aucun cas on observe une nouvelle attache conjonctive. Un long épithélium de jonction (dont les cellules les plus apicales sont situées au niveau de l’attache présente en préopératoire) s’interpose entre la racine et l’os néoformé16,17. En ce qui concerne la récession tissulaire marginale, celle-ci se développe dès la phase initiale de la cicatrisation et se poursuit pendant 6 à 12 mois (Fig. 5). Son développement varie essentiellement selon l’importance des lésions initiales,63 mais doit être aussi corrélé avec l’épaisseur des tissus mous et la quantité de résorption osseuse crestale.79

Chirurgie résectrice La chirurgie résectrice permet l’élimination des excès de tissus mous et/ou de tissus durs. Elle a été la chirurgie de choix pour le traitement chirurgical des poches parodontales jusque dans les années 1990. Depuis, les exigences esthétiques ont évolué et la chirurgie résectrice, ayant toujours pour conséquence l’allongement de la couronne clinique, a vu ses indications limitées aux secteurs postérieurs ou dans certaines situations cliniques. Principes La chirurgie résectrice a pour but de réduire la profondeur de la poche parodontale et d’améliorer l’architecture gingivale et osseuse afin de donner au parodonte une anatomie facilitant le contrôle de plaque.26 La chirurgie résectrice peut être réalisée au moyen d’une gingivectomie (excision de gencive) ou d’un lambeau positionné apicalement associé ou non à une résection osseuse.

29 Chirurgie résectrice des tissus mous La gingivectomie constitue la thérapeutique chirurgicale la plus ancienne. Son principal objectif est de supprimer les tissus mous constituant les parois de la poche parodontale. Son indication actuelle devrait être limitée à la création d’un contour gingival physiologique harmonieux et à l’élimination des poches gingivales ou « pseudo-poches » formées au cours d’un accroissement gingival.23,26,41 Nabers en 195451 a introduit la notion de gencive attachée positionnée apicalement, mais c’est Friedman, en 1962,28 qui a proposé le terme de « lambeau positionné apicalement ». Ce lambeau de pleine épaisseur positionné au niveau de la crête alvéolaire permet d’éliminer la poche parodontale en préservant la gencive kératinisée. Chirurgie résectrice des tissus durs La chirurgie osseuse résectrice est, elle aussi, ancienne. Elle corrige les déformations osseuses créées par la maladie parodontale. Widman, en 1918,81 puis Neumann, en 1920,52 ont décrit les techniques de chirurgie résectrice comportant une résection osseuse superficielle. Crane et Kaplan, en 1931,22 considéraient que l’os environnant les défauts osseux était « nécrotique » et par conséquent devait être éliminé. La résection osseuse est alors devenue plus importante dans le dessein de prévenir l’évolution de l’atteinte parodontale. Depuis les études d’Orban en 193957 qui ont montré que l’os n’est ni nécrotique, ni infecté mais détruit par un processus inflammatoire, la chirurgie osseuse résectrice n’est utilisée que dans l’objectif de recréer un contour osseux physiologique (Fig. 6). 1,14,27,46,67 En ce sens, la chirurgie osseuse résectrice est indiquée dans les cas de défauts intraosseux et de cratères osseux peu profonds (inférieurs à 3 mm), étroits et larges.31 En présence de tels défauts, la résection osseuse est le seul moyen d’obtenir un contour gingival physiologique et de permettre d’obtenir – à partir d’une architecture gingivale dite « négative » ou « inversée » créée par la maladie parodontale – une architecture gingivale dite « positive »14,26. Dans les cas de cratères osseux interdentaires, le remodelage osseux d’un des sommets suffit à recréer une anatomie convexe et donc à faciliter le contrôle de plaque. L’accès aux instruments d’hygiène étant plus facile par le côté palatin au niveau du maxillaire, le sommet palatin est réséqué et inversement à la mandibule.56 La chirurgie osseuse résectrice doit cependant respecter un rapport couronne clinique-racine clinique supérieur à 1 afin de ne pas compromettre le

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Figure 5 Chirurgie d’accès (de 13 à 23) sur une patiente atteinte d’une parodontite agressive. A. Réévaluation après thérapeutique initiale : sondage > 6 mm. B. Radiographie 11-21-22-23. C. Lambeau de pleine épaisseur avec incision intrasulculaire. D. Sutures discontinues. E. Cicatrisation à 1 an : aspect assaini des tissus mais la récession est patente (de 1 à 2 mm) (Dr F. Étienne).

pronostic des dents. Elle est limitée par l’exposition possible des espaces interradiculaires au niveau des dents pluriradiculées.14,74 La résection osseuse doit être un compromis entre la quantité d’os à éliminer pour obtenir une morphologie tissulaire physiologique et une résorption intrinsèque liée à l’exposition osseuse lors du réclinement des tissus mous.46 Dans le cas de défauts osseux interradiculaires, la chirurgie osseuse résectrice peut être associée aux techniques d’hémisection, d’amputation radiculaire ou de tunnellisation, toujours dans le dessein de créer des conditions plus favorables au contrôle de plaque.14,46,54

Techniques La chirurgie résectrice, comme toute thérapeutique chirurgicale, nécessite une analyse préopératoire.74 Cette analyse permet d’envisager les différents éléments de décision thérapeutique tels que : • le rapport couronne clinique/racine clinique ; • la profondeur des poches parodontales ; • la quantité de gencive kératinisée et attachée ; • le contour gingival ; • la position de la ligne du sourire. La possibilité de réduire ou non un excès tissulaire par la chirurgie résectrice dépend de la possibilité d’allonger la couronne clinique.9

Traitements chirurgicaux des poches parodontales

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Figure 6 Correction d’un balcon osseux par ostéoectomie-ostéoplastie (site 24-25). A. Exposition du balcon par un lambeau de pleine épaisseur. B. Remodelage par ostéoectomie (fraise boule à lames sous irrigation pour redonner une architecture déflectrice plus harmonieuse (docteur A. Santini).

La profondeur des poches parodontales et la hauteur de gencive kératinisée et attachée, appréciées par le sondage, permettent de déterminer la technique appropriée et de présager des résultats postopératoires. Le choix d’une chirurgie résectrice dans le secteur antérieur doit dépendre de la position de la ligne du sourire afin d’éviter un préjudice esthétique.9,77 Chirurgie résectrice des tissus mous – Gingivectomie-gingivoplastie. La gingivectomie peut être utilisée lorsque la gencive kératinisée est en quantité importante (plus de 3 mm).60 La gingivectomie à la lame 15 est la technique la plus employée car les gingivectomies au bistouri électrique (électrotomie) et au laser occasionnent une altération des tissus et un retard de cicatrisation. La gingivectomie peut être à biseau interne (GBI) ou à biseau externe (GBE) (Fig. 7) La GBE consiste en un marquage des poches réalisé à l’aide d’une précelle de Crane-Kaplan ; les points sanglants, qui indiquent le fond des poches, dessinent le tracé d’incision. L’incision est continue en direction coronaire avec un angle de 45° par rapport à l’axe de la dent. Les bistouris d’Orban ou de Buck peuvent faciliter l’excision des tissus interdentaires. Le surfaçage peut alors être réalisé à « ciel ouvert ». Un pansement parodontal de type Coe-Pack® est souvent indiqué pour protéger la zone cruantée. La cicatrisation de seconde intention génère des douleurs postopératoires et une hémostase souvent difficile à contrôler. Ces inconvénients font que les praticiens préfèrent la GBI. Le tracé d’incision de la GBI est festonné en biseau interne jusqu’au contact des tissus durs. Une colle-

rette gingivale est éliminée à l’aide d’une curette, et l’accès aux surfaces radiculaires est alors créé. Des sutures en point simple permettent de réappliquer les tissus gingivaux sur les tissus dentaires. La cicatrisation de première intention offre un confort postopératoire et les mesures d’hygiène peuvent reprendre rapidement. L’intervention est simple, rapide et sans douleur. Quelle que soit la technique utilisée, une fois les surfaces radiculaires exposées, un surfaçage radiculaire soigneux est réalisé. Une épaisseur trop importante de tissu peut être réduite par une gingivoplastie qui améliore le contour gingival. Après une GBE, les cellules épithéliales migrent sur la plaie cruantée de 0,5 mm par jour en direction coronaire. La cicatrisation de la plaie se fait en 7 à 14 jours. La GBI cicatrise par un épithé-

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Figure 7 Incisions de gingivectomies. A. Gingivectomie à biseau externe : la lame sectionne le tissu gingival pour rejoindre le fond de la poche avec une angulation voisine de 45°. B. Gingivectomie à biseau interne : incision à distance du rebord gingival réalisée selon le grand axe de la dent. L’économie tissulaire est évidente.

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À retenir La GBE est indiquée en présence de pseudo-poches et s’il existe une quantité suffisante de gencive kératinisée. La GBI est indiquée seule ou associée à un lambeau pour réduire la quantité de tissus mous. Quelle que soit la technique, lorsque le sourire est gingival, les considérations esthétiques doivent être prises en compte. lium jonctionnel long qui migre le long de la surface radiculaire en direction apicale. La cicatrisation complète intervient en 4 à 5 semaines.26,77 – Lambeau positionné apicalement (LPA). L’objectif du LPA est de repositionner la totalité de la gencive kératinisée dans une situation plus apicale. Il est indiqué lorsque la hauteur de gencive kératinisée est égale ou inférieure à 3 mm et lorsque les poches parodontales sont peu profondes.77 L’intervention comporte trois incisions : une incision intrasulculaire festonnée et deux incisions de décharge verticales. Le lambeau est décollé en épaisseur totale jusqu’au rebord osseux crestal puis disséqué en épaisseur partielle afin de permettre le repositionnement apical au moyen de sutures périostées de type matelassier vertical. La distance entre le bord libre gingival et l’os crestal doit être d’environ 3 mm dans le dessein de restaurer un espace biologique.24,39,61 Les décharges sont suturées par des points simples. Le LPA cicatrise par deuxième intention au niveau interproximal du fait du repositionnement apical. Histologiquement, on retrouve un long épithélium de jonction. Le décollement du lambeau exposant l’os alvéolaire entraîne une légère résorption osseuse suivie d’une réparation. Une controverse existe quant à la position du bord libre gingival après complète cicatrisation. Bragger et al., en 1992,12 décrivent une migration coronaire ou «creeping » de la gencive alors que Kois, en 1994 38, décrit une migration apicale de cette gencive. Un déplacement de la gencive est observé mais la position des tissus mous après cicatrisation diffère très peu de celle du lambeau au moment des sutures si la distance bord libre gingival-rebord crestal de 3 mm a été respectée. Le niveau d’attache clinique est stable à 6 mois postopératoires.14,24,26 Du fait du déplacement apical du lambeau, le LPA ne peut être réalisé en palatin mais dans cette zone, la gencive étant entièrement kératinisée, l’indication ne se pose pas. Chirurgie résectrice des tissus durs La chirurgie résectrice des tissus durs comprend l’ostéoectomie et l’ostéoplastie. L’ostéoectomie permet un remodelage des procès alvéolaires en éliminant de l’os de soutien contrairement à l’ostéoplastie qui ne nécessite pas l’élimination de l’os de soutien.27

L’ostéoplastie permet une harmonisation des contours (irrégularités, épaisseur) en restant économe de tissu osseux.46 La quantité d’os à éliminer ne peut être décidée que pendant l’intervention après l’élévation du lambeau et l’élimination du tissu granulomateux, lorsque l’on a un accès visuel de l’os et des défauts. La réalisation de la chirurgie osseuse résectrice se fait à l’aide de fraises boules à lames, en carbure de tungstène, à vitesse lente et sous irrigation. Autour des surfaces radiculaires, le remodelage osseux peut être amélioré grâce aux ciseaux à os d’Oschenbein. L’architecture osseuse doit refléter l’architecture gingivale souhaitée.24 L’os éliminé peut être conservé à l’aide d’un récupérateur d’os de type OCT® (osseous coagulum trap) ou Bone-Trap® afin de combiner cette chirurgie résectrice à une chirurgie régénératrice en comblant un défaut avec cet os autogène. Une résorption osseuse de 0,2 à 1 mm, indépendante de la quantité d’os éliminé, est observée. Plus l’os est fin, plus la résorption est importante. Elle a pour cause une nécrose superficielle pendant 2 à 3 semaines suivie d’une phase d’apposition osseuse à 4 semaines.14,46 Chirurgie résectrice des tissus mous et des tissus durs Le tracé de la GBI dépend de la profondeur des poches mais également de la présence de lésions osseuses. La GBI permet de réaliser les lambeaux d’accès sur ces lésions osseuses avec une perte plus ou moins significative de tissu kératinisé. Le LPA est un lambeau d’accès repositionné apicalement qui permet de traiter les défauts intra-osseux en conservant le tissu kératinisé. En présence de lésions osseuses et dans le cas de poches parodontales profondes, le LPA peut être associé à une GBI. L’incision se fait plus ou moins à distance du rebord gingival en fonction de la profondeur des poches et des sites considérés si un compromis doit être trouvé dans les secteurs esthétiques.10 L’ostéoplastie combinée à un LPA permet une meilleure adaptation des lambeaux mucopériostés au moment des sutures, l’objectif étant de reproduire une anatomie osseuse idéale en situant les tissus gingivaux plus apicalement.14,46,54

Traitements chirurgicaux des poches parodontales La chirurgie résectrice, dans le traitement de la maladie parodontale, est une procédure chirurgicale ancienne qui a pour objectifs : • de supprimer la poche parodontale ; • de créer une architecture gingivale harmonieuse et un contour physiologique de la gencive dans une situation plus apicale ; • d’établir une situation clinique stable en facilitant le contrôle de plaque. La chirurgie résectrice perturbe la flore microbienne en modifiant l’environnement et la composition du biofilm sous-gingival. Elle permet ainsi de réduire de façon efficace et fiable à long terme la poche parodontale à condition que la maintenance soit respectée.46 Les techniques de chirurgie résectrice sont la gingivectomie ou le lambeau positionné apicalement associés ou non à une résection osseuse. Le traitement de la maladie parodontale par la chirurgie osseuse résectrice diminue le support parodontal des dents, crée des sensibilités dentinaires et génère souvent un préjudice esthétique. De ce fait, les indications de la chirurgie résectrice sont limitées à des défauts osseux peu profonds. Les défauts osseux supérieurs à 3 mm sont traités par des thérapeutiques régénératrices si leur morphologie le permet.

33 pourront être traitées par ces thérapeutiques en sachant que la prévisibilité des résultats est fonction des caractéristiques de la lésion. Un défaut intraosseux étroit, profond à trois parois (ou combiné deux-trois parois) offre un pronostic favorable. De plus, il est nécessaire de corréler ces données à d’autres facteurs tels que le rapport couronne-racine, l’état pulpaire (en présence d’une lésion endoparodontale, il faut réaliser préalablement le traitement endodontique) l’environnement osseux des dents adjacentes ou encore la situation stratégique de cette dent si la lésion est peu favorable à l’application d’une technique régénératrice. Pour les lésions interradiculaires, c’est essentiellement les classes II mandibulaires qui offrent un pronostic raisonnable de régénération. Techniques et résultats Greffes osseuses Matériaux : un matériau de comblement doit être biocompatible, ostéogénique (ostéoconducteur et/ou ostéo-inducteur) résorbable, et être disponible en quantité suffisante. De plus, il doit pouvoir se manipuler aisément. Parmi les matériaux utilisa-

Chirurgie régénératrice Les principes de la chirurgie régénératrice ont consisté dans un premier temps à placer au sein de la lésion un matériau osseux, de façon à favoriser une reconstruction osseuse et la formation d’une nouvelle attache.58 Ensuite, le principe de l’exclusion épithéliale et conjonctive pour privilégier la colonisation du site par les cellules desmodontales et osseuses a permis le développement de la régénération tissulaire guidée.32 Plus récemment, l’emploi de protéines amellaires a aussi permis la régénération de telles lésions. En fait, tous ces principes ont prouvé leur efficacité clinique pour parvenir à une régénération parodontale, même si celle-ci est partielle dans la plupart des cas. Indications Les techniques régénératrices ne s’adressent qu’aux lésions intraosseuses angulaires ou circonférentielles égales ou supérieures à 3 mm. Indépendamment de la profondeur et de la largeur de la lésion, le nombre de parois osseuses résiduelles ainsi que leur morphologie et leur situation vont être déterminantes pour l’application de ces techniques. Les lésions intraosseuses à une, deux ou trois parois (Fig. 8) ainsi que les lésions interradiculaires

B

C

D Figure 8 Morphologie des lésions intraosseuses. A. Lésion à deux parois en mésial d’une 21. Les parois vestibulaire et mésiale sont détruites. B. Lésion à une paroi peu favorable à une régénération. C. Lésion à deux parois. D. Lésion à trois parois très favorable.

34 bles, on distingue les matériaux osseux et non osseux (alloplastiques). – Autogreffes. Extraorales. Introduites par Schallhorn et Hiatt en 197066 à partir de moelle de crête iliaque, elles sont ostéo-inductrices mais peuvent entraîner des résorptions radiculaires ou des ankyloses même après congélation du matériau. Ces complications, ajoutées au geste chirurgical du prélèvement, ont fait abandonner cette technique en chirurgie parodontale. Ces autogreffes intraorales seraient les matériaux de choix pour le traitement des lésions intraosseuses. Pour certains auteurs11,25 elles seraient à l’origine d’une véritable régénération du parodonte, avec néoformation osseuse et présence d’une nouvelle attache. L’obligation d’un deuxième site chirurgical et la faible quantité d’os disponible sont les inconvénients de cette technique. Les sites donneurs sont nombreux (crêtes édentées, tubérosités, symphyse mentonnière, sites d’extraction récents – 8 à 12 semaines –, ramus, exostoses) et sont choisis en fonction du cas clinique, de la qualité et de la quantité d’os nécessaire. Les protocoles de prélèvement varient du « coagulum osseux », récupéré avec une fraise boule, au «bone-blend » prélevé à l’aide d’un trépan ou

F. Louise et al. encore avec un filtre à os monté sur la canule d’aspiration. Toutes ces techniques sont efficaces, la commercialisation de filtres (Praxis®, Astra® ou OCT®) a rendu la technique plus fiable en améliorant la quantité d’os prélevé. – Allogreffes (Fig. 9). Il s’agit d’os d’origine humaine. Ce matériau est distribué par des banques d’os qui prélèvent sur un donneur sélectionné et selon des conditions stériles dans les 24 heures qui suivent le décès. En dépit du traitement rigoureux de cet os, il ne faut pas oublier qu’il pourrait exister un risque potentiel de contamination même si, à ce jour, aucune preuve de transmission virale n’a été signalée en dépit d’une large utilisation de ce matériau.2 À l’heure actuelle, le risque de transmission d’agents non conventionnels (Creutzfeldt-Jakob) ne peut pas être totalement écarté3. Ces allogreffes sont constituées d’os lyophilisé, congelé et déminéralisé (demineralized freeze dried bone allograft ou DFDBA) ou non déminéralisé (freeze dried bone allograft ou FDBA). Ces matériaux seraient, selon Mellonig,48 biocompatibles et résorbables. Pour certains auteurs,11 l’emploi du DFDBA permet une régénération importante des lésions de par ses propriétés ostéo-inductrices, pour d’autres,6 le pouvoir ostéo-inducteur de ces

Figure 9 Allogreffe osseuse (DFDBA) site 21. A. Lésion ciconférentielle en mésio-palato-distal en cours de débridement. B. Mise en place de la greffe osseuse sans surcomblement. C. Situation clinique à 2 ans. D. Radiographie de départ (gauche) et contrôle à 2 ans (droite).

Traitements chirurgicaux des poches parodontales matériaux est faible. Il est probable que la variabilité des résultats peut être expliquée par la nature de l’allogreffe utilisée.68 – Xénogreffes. Essentiellement d’origine bovine, elles sont constituées d’une trame minérale osseuse déprotéinée par un traitement à l’ammoniaque et une cuisson entre 250 °C et 600 °C. Une étude de Wenz et al.80 analyse les risques de transmission de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) par les greffes osseuses d’origine bovine, et confirme la sécurité du matériau notamment par l’absence de protéines dans le Bio-Oss® et par le pouvoir d’inactivation des prions éventuels lors du traitement alcalin. Le Bio-Oss® est commercialisé sous trois formes : cortical, spongieux et spongieux associé à du collagène. Ces matériaux sont très proches de l’os spongieux humain.73 Ils possèdent une excellente conductivité et se résorbent lentement.15,68 Ces matériaux peuvent être utilisés en remplacement des allogreffes et/ou pour pallier le manque de disponibilité d’os autogène intraoral. Les résultats cliniques sont encourageants et les études histologiques chez l’homme15,49,53 ont montré un certain degré de régénération sur des lésions intraosseuses. – Greffes alloplastiques. Ce sont pour la plupart des matériaux synthétiques ou organiques utilisés pour pallier aux inconvénients des autres matériaux d’origine animale ou humaine. Depuis une vingtaine d’années, nombre de ces matériaux ont été testés (carbonates de calcium, phosphates tricalciques, hydroxyapatites, bioverres...). La plupart de ces matériaux présentent une bonne biocompatibilité et sont ostéoconducteurs. Cliniquement, une réduction significative des profondeurs de poches, un gain d’attache clinique et un maintien de ces résultats ont été montrés50,82 mais l’histologie n’a jamais pu démontrer de réelle régénération avec ces matériaux alloplastiques. Dans l’avenir, ces matériaux pourraient servir de support pour véhiculer in situ des protéines morphogénétiques osseuses (rhBMP-2) qui auraient un rôle dans la régénération des lésions intraosseuses.8 Les techniques de lambeaux utilisés pour ces greffes osseuses sont superposables et vont inclure des tracés d’incision visant à conserver la quasitotalité des tissus mous pour favoriser la cicatrisation des plaies par première intention. L’incision intrasulculaire est festonnée et respecte les papilles. Dans les zones antérieures où l’esthétique est déterminante, nous réalisons un lambeau esthétique d’accès ou de préservation papillaire.

35 Les incisions de décharge (non impératives si les incisions initiales donnent un accès suffisant au site) sont biseautées. Le débridement de la lésion est méticuleux et il est suivi du surfaçage des racines concernées. La mise en place de la greffe osseuse se fait graduellement à l’aide de fouloirs jusqu’au remplissage de la lésion sans réaliser de surcomblement qui pourrait entraîner une mauvaise coaptation des berges des lambeaux lors de la fermeture du site, ce qui retarderait la cicatrisation et entraînerait une fuite du matériau. Les sutures seront les plus hermétiques possibles (points de matelassier) afin d’éviter toute exposition du matériau et tenter une cicatrisation par première intention. Les soins postopératoires comprennent une antibiothérapie (6 jours) et des bains de bouche à la chlorhexidine (0,12 %). Après dépose des sutures, une reprise progressive de l’hygiène est instaurée. Régénération tissulaire guidée (RTG) Les travaux de Melcher47 puis de Nyman55 sont à la base du concept de la RTG.32 Le principe consiste à promouvoir les cellules desmodontales et osseuses lors de la cicatrisation en retardant la migration des cellules épithéliales et conjonctives au moyen d’une membrane (Fig. 10). Des études cliniques5,7,18,32 et histologiques13 ont montré qu’une régénération parodontale était patente au niveau de lésions intraosseuses et interradiculaires (essentiellement les classes II mandibulaires). Pour cela, la membrane doit respecter plusieurs impératifs. Parmi ceux-ci, le maintien d’un espace sous la membrane et la protection du caillot constitué dans cet espace de cicatrisation sont déterminants.

Figure 10 Principe de l’exclusion épithéliale et conjonctive au niveau d’une lésion intraosseuse par interposition d’une membrane.

36 Les membranes peuvent se classer en deux grandes catégories : non résorbables et résorbables. – Membranes non résorbables. Constituées de polytétrafluoroéthylène expansé (ePTFE) et commercialisées par la firme Gore®, elles présentent une partie occlusive aux cellules (mais pas aux fluides) qui se termine, dans leur portion coronaire, par un étroit bandeau semiperméable. Ces membranes présentent différentes formes adaptées à plusieurs types de lésions en fonction des dents concernées. Pour éviter leur affaissement dans l’espace cicatriciel, ces membranes peuvent aussi être armées de lamelles en titane. L’inconvénient de ces membranes est la nécessité d’une deuxième intervention afin de les déposer (28 jours). – Membranes résorbables. Elles sont constituées principalement de copolymères d’acide polylactique et d’acide polyglycolique (Resolut®) ou de collagène d’origine bovine ou porcine (Bio-Gide®). Ces membranes se résorbent lentement (cycle de Kreps : de 15 à 120 jours) sans signes inflammatoires.80 La technique chirurgicale comprend des incisions intrasulculaires et de décharges qui permettent l’élévation de lambeaux mucopériostés, donnant un large accès à la lésion afin que la membrane la recouvre largement (3-4 mm). Après débridement soigneux de la lésion, des pertuis sont aménagés dans les parois du défaut si celui-ci est corticalisé de façon à favoriser la formation d’un caillot. La membrane la mieux adaptée est ajustée puis suturée autour de la dent par un point suspendu pour assurer sa tenue et la meilleure sertissure possible autour du collet de la dent. Le lambeau est ensuite repositionné sur le site de façon à recouvrir de façon parfaite la membrane, il est souvent positionné coronairement de façon à recouvrir parfaitement la membrane, ce qui limite les risques d’exposition donc de contamination bactérienne génératrice de mauvais résultats. La prescription d’antibiotiques par voie systémique et d’antiseptiques locaux à la chlorhexidine (0,12 %) est de rigueur. Les sutures sont déposées à 10-12 jours puis un nettoyage professionnel hebdomadaire est instauré pendant 4 à 6 semaines date à laquelle une deuxième intervention est programmée si une membrane non résorbable a été choisie. – Résultats. Le nombre de parois osseuses délimitant la lésion semble être un facteur déterminant dans la prévisibilité du comblement osseux et du gain d’attache bien que les résultats ne semblent pas forcément liés à ces critères.21,76 En ce qui concerne les lésions interradiculaires, la RTG apparaît prédictible pour les lésions de classe II mandibulaires si la

F. Louise et al. « cellularité » des lésions (composante verticale ; présence d’os interproximal ; hauteur du tronc radiculaire...) permet la bonne mise en place de la membrane et le maintien d’un espace de cicatrisation. C’est cependant une technique difficile dans laquelle l’indication et la rigueur opératoire sont de mise. Les résultats en termes de régénération sont semblables, que les membranes soient résorbables ou non.4,19 Association membrane – greffe osseuse Cette association a pour but d’empêcher l’effondrement de la membrane dans la lésion, elle contribue donc au maintien d’un espace cicatriciel conséquent. De plus, selon les propriétés du matériau mis en place, la néoformation osseuse pourrait être améliorée. Les auteurs rapportent des résultats variables. Ainsi, Nevins53 assure que la prédictiblité des traitements des lésions intraosseuses profondes s’en trouve améliorée alors que pour Luepke et al.44 cette association n’améliore pas les résultats de l’une des deux techniques utilisée seule. D’autres auteurs comme Sato65 limitent cette technique aux lésions pour lesquelles l’espace sous la membrane ne peut être maintenu du fait de la morphologie de la lésion. Protéines dérivées de la matrice de l’émail C’est un concept récent dans lequel ni un apport osseux ni une exclusion épithéliale ne sont impliqués pour obtenir une régénération. Embryologiquement, les protéines de l’émail ont un rôle clé dans le développement des tissus de soutien des dents en induisant la cémentogenèse. L’application d’amélogénines sur la(ou les) paroi(s) radiculaire(s) décontaminée(s) d’une lésion intraosseuse peut permettre la régénération de cette lésion.34,35,69 Elles sont commercialisées sous le nom d’Emdogain®. Bien qu’étant d’origine porcine, ces protéines sont reconnues par l’organisme. – Technique. Elle comporte une chirurgie d’accès conventionnelle ; les incisions intrasulculaires respectent les papilles pour favoriser la coaptation intime des berges lors de la fermeture de la plaie. Un lambeau de pleine épaisseur est décollé des surfaces vestibulaire et palatine (ou linguale) des dents concernées. Les incisions de décharge se font à distance du site. La lésion est soigneusement débridée puis les racines sont mordancées avec un gel neutre d’éthylène-diamine-tétra-acétique (EDTA) pendant 2 minutes. Après rinçage abondant, Emdogain® peut être appliqué à l’aide d’une seringue munie d’une aiguille mousse sur les racines concernées et dans la lésion. Les lambeaux sont ensuite suturés

Traitements chirurgicaux des poches parodontales

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Figure 11 Traitement d’une lésion intra-osseuse par Emdogain®. A. Vue initiale, sondage 9 mm en distal de 21. B. Après débridement de la lésion, application d’Emdogain® gel sur la surface radiculaire. C. Radiographie initiale de la 21. D. Vue clinique à 3 ans. E. Radiographie de contrôle à 3 ans.

soigneusement. Les soins postopératoires comprennent des bains de bouche à la chlorhexidine (0,12 %). Les sutures sont déposées à 10-12 jours. Le résultat clinique (profondeur de sondage) et radiographique s’observe à long terme (Fig. 11). – Résultats. Les études cliniques et histologiques ont montré que le traitement des lésions intraosseuses par amélogénines donnait des résultats superposables à ceux obtenus par RTG,70 cependant, cette régénération demande de longs mois et peut être entravée par l’affaissement du lambeau dans des lésions peu favorables à une et à deux parois.72 Pour pallier ce problème, certains auteurs ont proposé d’associer à ce traitement des greffes osseuses dans le dessein de maintenir l’espace de cicatrisation mais les résultats ne semblent pas montrer un résultat significatif versus une greffe osseuse seule.71,72 En présence d’une lésion intraosseuse, diverses techniques permettent l’obtention d’une régénération plus ou moins significative. Pour les lésions angulaires sur les monoradiculées, le pronostic dépend avant tout de la morphologie des lésions et de

l’appréciation de leur potentiel de cicatrisation. Pour les lésions interradiculaires – moins favorables – les techniques de RTG semblent plus prédictibles.

Conclusions Face à une parodontite, l’élimination des facteurs étiologiques effectuée par le praticien et le patient constitue la base de nos traitements. Lors de la réévaluation, la réduction ou la suppression chirurgicale des poches résiduelles doit être réalisée au moyen de techniques adaptées permettant la stabilisation de la maladie parodontale. Pour les lésions intraosseuses, la chirurgie régénératrice est appliquée après avoir précisé les paramètres cliniques et techniques permettant d’obtenir des résultats fiables. Dans tous les cas, la maintenance des sites traités est incontournable pour valider à long terme nos traitements chirurgicaux.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 40–48

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Étude clinique de la carie Dental caries C. Badet (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier) *, B. Richard (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier) UFR d’odontologie, 16/20, Cours de la Marne, 33082 Bordeaux cedex France

MOTS CLÉS Carie dentaire ; Diagnostic ; Classification ; Risque carieux

Résumé La carie dentaire est la pathologie la plus répandue dans le monde. Un diagnostic clinique correct de l’atteinte carieuse permet de mettre en œuvre non seulement des techniques de soin et de restauration adaptées, mais aussi des mesures de prophylaxie. Deux classifications principales existent à l’heure actuelle : la classification de Black, qui ne concerne que les caries coronaires, et le concept SISTA qui englobe également les caries radiculaires. Elles sont valables pour les deux dentitions. À l’heure actuelle, les termes de récidive carieuse ou de carie récurrente sont préférés à celui de carie secondaire. Il s’agit, en fait, d’une lésion cliniquement et radiologiquement similaire à une carie primaire apparaissant dans des zones de stagnation de plaque dentaire. Les méthodes de diagnostic sont variées (examen visuel, sondage, radiographie, radiovisiographie). Ces différents outils de diagnostic sont d’autant plus efficaces qu’ils sont utilisés en association. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Dental caries; Diagnosis; Classification; Carious risk

Abstract Dental caries is the most shared pathology in the world. A good clinical diagnosis allows adapted care and the settlement of prophylactic measures. Now, there are two principal classifications: classification from Black, concerning only coronal caries, and SISTA concept concerning coronal and root caries. Secondary caries are clinically and radiologically similar to a primary lesion. They appear in dental plaque stagnation zones. There are various diagnosis methods (visual examination, probe, radiography).These différent tools are more efficient when using together. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction La carie dentaire est la pathologie la plus répandue dans le monde. Jusqu’à une période très récente, presque tous les individus avaient fait l’expérience de cette pathologie au moins une fois dans leur vie. Cette maladie infectieuse se traduit par une démi* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Badet). © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00009-6

néralisation successive des tissus durs de la dent. Ce processus aboutit, à plus ou moins long terme, à une perte de substance irréversible. Les acides organiques qui en sont responsables proviennent du métabolisme bactérien. En effet, le milieu buccal est un écosystème riche et varié dans lequel s’établit une flore complexe composée, entre autres, de plus de 300 espèces bactériennes. Un équilibre remarquable s’établit entre la masse bactérienne, en constante multiplication et en constant apport, et les facteurs de contrôle de cette

Étude clinique de la carie

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masse, qu’ils soient propres au milieu buccal ou liés à la compétitivité entre micro-organismes. Cependant, dans certaines conditions, les mécanismes de défense locaux peuvent être débordés, et une croissance opportuniste de certaines espèces bactériennes être à l’origine des pathologies de la dent. C’est ainsi que la rupture de l’homéostasie microbienne par un facteur environnemental (augmentation de l’apport en hydrates de carbone fermentescibles par exemple) va conduire à la prolifération, voire la prédominance de micro-organismes cariogènes.9,41 Les micro-organismes impliqués dans le processus carieux appartiennent à trois genres bactériens :24 • le groupe des Streptococcus mutans,37 impliqué dans l’initiation de la lésion carieuse ;7,13,15,37,40,41 • le genre Lactobacillus, impliqué dans la progression de la lésion carieuse ;7,19,23 • le genre Actinomyces, impliqué plus particulièrement dans les caries radiculaires.8,32,42 Si la carie dentaire ne peut pas être considérée comme une maladie de la nutrition, elle résulte pourtant de l’effet d’un déséquilibre dans l’apport journalier en hydrates de carbone fermentescibles. Ce n’est pas tant la quantité globale de sucres ingérés qui est primordiale mais bien la fréquence d’ingestion. Une diminution de la prévalence de la carie est observée dans les pays industrialisés. Mais il existe encore de grandes variations entre les populations de niveaux socioéconomiques différents. La maladie carieuse reste un problème de santé publique, puisque 80 % des atteintes sont retrouvées chez 20 % de la population. L’indice CAO permet de mettre en évidence le degré d’atteinte carieuse d’une population. Cet indice est la somme du nombre de dents cariées (C), du nombre de dents absentes pour cause de caries (A) et du nombre de dents obturées (O). L’indice de la population étudiée est la moyenne des indices des sujets.

Figure 1 Sillon de première molaire permanente. Difficulté du diagnostic carieux.

Caries coronaires Elles s’observent principalement chez l’enfant et l’adulte jeune. Deux classifications principales existent à l’heure actuelle : la classification de Black,6 et le concept SISTA,22 qui englobe également les caries radiculaires. Elles sont valables pour les deux dentitions.

Classification de Black modifiée Elle répartit les atteintes carieuses en six classes : • classe I : caries des puits et fissures (dents antérieures et postérieures) (Fig. 1, 2, 3) ; • classe II : caries proximales des dents postérieures (Fig. 4, cf. Fig. 10) ; • classe III : caries proximales des dents antérieures sans atteinte du bord incisif (Fig. 5, 6) ; • classe IV : caries proximales des dents antérieures avec atteinte du bord incisif (Fig. 7) ;

Figure 2 Carie des sillons des molaires permanentes.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’était fixé pour objectif, en 2000, un CAO moyen de 3 à l’âge de 12 ans.11 En France, cet objectif a été atteint avant cette date, puisqu’en 1998 l’Union française de la santé buccodentaire (UFSBD) a mis en évidence un CAO moyen, chez les enfants de 12 ans, de 1,94. Un diagnostic clinique de la carie permet de mettre en œuvre des techniques de soin et de restauration adaptées.

Figure 3 Lésions blanches (white spot) consécutives à un traitement multibagues.

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Figure 4 Carie sur une face proximale de molaire temporaire.

• classe V : caries cervicales (antérieures et postérieures) (Fig. 8, 9) ; • classe VI : caries des bords incisifs et du sommet des cuspides. Cette classification indique la localisation de l’atteinte carieuse, mais pas le niveau atteint par cette atteinte. Il faut donc distinguer, au sein des différentes classes, atteintes de l’émail et atteintes de la dentine.

Figure 5 Caries sur les faces proximales de 11, 12, 21. Lésion débutante : vue vestibulaire.

C. Badet, B. Richard

Figure 8 Caries cervicales coronaires avec différents degrés de dégradation.

Atteintes de l’émail La lésion initiale se forme au niveau de la subsurface et est recouverte d’une couche d’émail apparemment intacte. Il existe deux types de carie de la surface de l’émail : • à évolution rapide : tache blanchâtre à la surface de l’émail (Fig. 3) ; • à évolution lente : tache brune (pigmentée) colorée par des substances d’origine salivaire ou bactérienne. Ces lésions sont réversibles. Quand l’émail s’effondre, une cavité apparaît et les espérances de reminéralisation deviennent faibles : c’est la carie avec cavitation. Atteintes de la dentine La carie dentinaire se présente sous la forme d’un cône carieux (avant effondrement de l’émail) dont la base se situe au niveau de la jonction émail dentine. Trois zones sont décrites :14 • dentine opaque : zone la plus superficielle ; • dentine transparente : dentine sclérosée ; • dentine apparemment normale.

Dents temporaires et permanentes jeunes et maladie carieuse

Figure 6 Caries sur les faces proximales de 11 et 12. Lésion débutante : vue palatine.

Figure 7 Caries sur les faces proximales d’incisives temporaires.

Les particularités anatomiques et physiologiques des dents temporaires (émail mince et peu minéralisé, profondeur des puits et fissures) et permanentes jeunes (émail immature) les rendent particuliè-

Figure 9 Caries coronoradiculaires.

Étude clinique de la carie rement sensibles à la carie et en conditionnent les formes cliniques : • concernant la denture temporaire, du fait de la faible épaisseur d’émail, en particulier au niveau du tiers cervical des faces proximales, les caries jumelles sont la forme carieuse la plus fréquente (Fig. 10) ; • concernant la denture permanente jeune, la situation postérieure de la première molaire au niveau de l’arcade, son éruption précoce et son émail immature en font la dent la plus fréquemment atteinte par le processus carieux. Dans une enquête effectuée chez des enfants âgés de 12 ans, une atteinte de cette dent a été mise en évidence dans 35 % des cas. Les premières molaires permanentes représentent 73 % de l’indice CAO des enfants de 12 ans.18

Caries radiculaires Les caries radiculaires apparaissent lorsque le cément est mis à nu à la suite de récessions gingivales. Elles sont plus fréquentes chez le sujet âgé. Aux États-Unis, elles affectent 22 % de la population.45 Une classification histopathologique proposée par Westbook44 permet de différencier les niveaux d’atteinte : • atteinte du cément ; • atteinte dentinaire sans destruction de la dentine intercanaliculaire ; • atteinte dentinaire avec destruction de la dentine intercanaliculaire ; • atteinte pulpaire. Billings5 a, plus récemment, proposé une classification clinique dans laquelle il décrit quatre stades : • stade I : lésion initiale ; • stade II : lésion superficielle ; • stade III : lésion cavitaire ; • stade IV : lésion avec atteinte pulpaire. Nyvad et Fejerskov31 décrivent deux phases dans le développement de la carie radiculaire : • lésion active : couleur jaune ou marron clair. Au sondage, le tissu est crayeux. Il peut y avoir ou non cavitation ; • lésion arrêtée : couleur marron foncé à noire. Au sondage, la surface est dure. Le diagnostic différentiel avec les mylolyses est basé essentiellement sur la présence de dépôts de plaque dentaire abondants.

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Concept SISTA (SItes, STAdes)22 Une meilleure compréhension du processus carieux et donc une mise au point de techniques de prévention plus efficaces, ainsi que l’avènement de nouveaux matériaux adhésifs ont rendu la classification de Black, qui correspond à des préparations pour restaurations à l’amalgame, obsolète. Une nouvelle classification a donc été mise au point par Mount et Hume30 suivant les sites et les stades des lésions carieuses. Cette classification ne tient compte que des lésions avancées nécessitant une intervention chirurgicale. C’est pourquoi Lasfargues22 a proposé le concept SISTA, permettant de mettre en œuvre des méthodes de prophylaxie. Ce concept inclut un stade 0 correspondant à une lésion initiale pouvant être traitée par des méthodes non invasives (application de fluor). Il est à noter que cette classification n’intéresse que les dents pouvant être conservées vivantes, et ne prend pas en considération l’état de santé pulpaire.

Sites Trois sites sont distingués : • site 1 : lésions occlusales (lésions des puits, sillons, fosses, fossettes de toutes les dents y compris le cingulum des dents antérieures) ; • site 2 : lésions proximales (lésions concernant les faces proximales de toutes les dents) ; • site 3 : lésions cervicales (lésions carieuses débutant au niveau cervical (émail ou cément) sur toutes les faces de toutes les dents). Les érosions et abrasions ne sont pas incluses dans cette classification.

Stades évolutifs Ils sont au nombre de cinq : • stade 0 : lésion initiale (pas de cavité visible) ; • stade 1 : microcavitations en surface atteignant le tiers externe de la dentine ; • stade 2 : cavité de taille moyenne atteignant le tiers médian de la dentine sans affaiblir les cuspides ; • stade 3 : cavité de taille importante atteignant le tiers profond de la dentine et pouvant fragiliser les cuspides ; • stade 4 : cavité atteignant la zone parapulpaire et ayant détruit une partie des cuspides. Lésions occlusales Elles correspondent au site 1 du concept SISTA : • SISTA 1.0 : tache blanche opaque de déminéralisation (leucome), au fond ou sur les berges

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des sillons, ne pouvant être détectée qu’après un séchage correct de l’émail. SISTA 1.1 : opacité ou coloration de surface (visible sans séchage) associée à des microcavitations localisées (Fig. 1, 2) ; SISTA 1.2 : cavité de l’émail et/ou coloration grisâtre due à la présence de dentine ramollie sous-jacente ; SISTA 1.3 : cavité franche de l’émail accompagnée de coloration grisâtre, sans perte de cuspide ou de crête marginale ; SISTA 1.4 : cavitation large, dentine ramollie exposée, destruction de cuspides ou de crêtes marginales.

Lésions proximales Elles correspondent au site 2 du concept SISTA : • SISTA 2.0 : absence de cavitation cliniquement décelable mais présence d’une altération de translucidité de l’émail, détectable par transillumination. Présence de taches de déminéralisation interproximales, si l’anatomie de l’embrasure autorise leur visibilité ; • SISTA 2.1 : opacité ou coloration de l’émail proximal, associée à des microcavitations ; • SISTA 2.2 (Fig. 5, 6) : cavitation décelable de l’émail proximal au niveau de la surface de contact, et/ou coloration grisâtre accompagnée ou non de fissure de la crête marginale ; • SISTA 2.3 (Fig. 4) : cavitation franche de l’émail proximal si la crête est effondrée, ou présence d’un cerne grisâtre dû à l’extension de la dentine ramollie sous la crête marginale, avant l’effondrement de celle-ci ; • SISTA 2.4 (Fig. 7) : cavitation franche avec effondrement de la crête marginale et destruction associée des cuspides. Lésions cervicales (Fig. 8, 9) Elles correspondent au site 3 du concept SISTA : • SISTA 3.0 : absence de cavitation, que la lésion soit coronaire (émail) ou radiculaire (cément) ; • SISTA 3.1 : cavitation superficielle associée à des colorations visibles sans séchage ; • SISTA 3.2 : cavitation de l’émail ne concernant qu’une seule face (vestibulaire ou linguale) ; • SISTA 3.3 : cavitation franche mettant à nu la dentine cariée. La lésion atteint l’émail et le cément, et au moins deux faces sont concernées ; • SISTA 3.4 : carie étendue à tout le pourtour radiculaire avec risque de fracture.

Caries secondaires Selon Baume,3 la carie secondaire est une « lésion carieuse se développant aux marges d’une restau-

ration existante ». À l’heure actuelle, les termes de récidive carieuse ou de carie récurrente sont préférés à celui de carie secondaire. Il s’agit, en fait, d’une lésion cliniquement et radiologiquement similaire à une carie primaire apparaissant dans des zones de stagnation de plaque dentaire.21 Il existe deux indicateurs de récidive carieuse : • un ramollissement des tissus au niveau des limites du matériau, détectable à l’aide d’une sonde ; • la présence d’un hiatus important ( 0,4 mm) au niveau des limites du matériau d’obturation. Ce défaut d’étanchéité est associé à un très fort degré de colonisation par des bactéries cariogènes. Un défaut d’étanchéité inférieur à 0,4 mm est le signe d’une carie secondaire débutante ; en revanche, une simple décoloration n’est pas suffisante pour poser un diagnostic de carie secondaire.21 Des études histologiques ont décrit deux zones au niveau des caries secondaires :17 • une lésion externe se formant à la surface de l’émail à proximité d’une obturation ; • une lésion apparaissant au niveau des murs de la cavité quand il y a une perte d’étanchéité. Chez les adultes et les personnes âgées, la récidive fait partie des pathologies carieuses dominantes.25 Elle constitue la raison principale de réfection ou de remplacement des restaurations.29

Évaluation du risque carieux Le développement des méthodes de traitement non invasives des caries débutantes, justifiant la classification SISTA, rend indispensable l’évaluation du risque carieux individuel pour le choix de la méthode de traitement. Cependant, cette évaluation n’a de sens que si l’on peut compter sur la collaboration du patient. L’évaluation du risque carieux permet de détecter les individus hautement susceptibles de développer des lésions carieuses. Elle aboutit en outre à un diagnostic personnalisé permettant de déterminer quelles mesures préventives seront efficaces, si les lésions peuvent être traitées de manière non invasive, et quels matériaux utiliser pour la restauration. Les facteurs de risque carieux sont de plusieurs ordres : • facteurs liés à l’hôte ; • préexistence de lésions carieuses et restaurations ; • susceptibilité faible : faces occlusales uniquement ;

Étude clinique de la carie • susceptibilité moyenne : faces occlusales + faces proximales postérieures ; • susceptibilité élevée : faces occlusales + dents antérieures, particulièrement les incisives inférieures ; • anatomie dentaire, qualité de l’émail : présence de sillons anfractueux, émail immature, faible exposition au fluor ; • facteurs familiaux : ils regroupent des facteurs génétiques et environnementaux ; • débit salivaire, pouvoir tampon : une diminution du débit salivaire (débit non stimulé inférieur à 0,25 ml/min) est un facteur de risque certain ; • habitudes d’hygiène inefficaces, présence de plaque en excès ; • conditions socioéconomiques : le risque carieux est plus élevé dans des populations présentant un faible niveau socioéconomique, la race et l’ethnie jouent également un rôle ; • facteurs médicaux aggravants : certaines pathologies et certaines thérapeutiques comme l’anorexie, le syndrome de Gougerot-Sjögren, le diabète,38 la prise de neuroleptiques, une radiothérapie, peuvent augmenter le risque d’apparition de caries ; • facteur microbien : le taux de microorganismes cariogènes (Streptococcus mutans et Lactobacillus sp.) peut être évalué à l’aide de tests microbiens. Il faut noter toutefois le manque de sensibilité et de spécificité des tests actuellement disponibles ; • facteur alimentaire : la consommation de sucres cariogènes est un facteur de risque primordial, la forme et la fréquence de cette consommation étant directement liées au risque carieux.

Méthodes de diagnostic

45 Cette méthode est à utiliser avec prudence dans le cas de lésions initiales, car elle peut être iatrogène. Elle reste toutefois utile pour détecter la perméabilité dentinaire dans des lésions cavitaires. D’autre part, cette technique peut favoriser la contamination de surfaces saines en transportant des bactéries d’un site à un autre.26,27 Radiographie (Fig. 10) Cet examen complémentaire est utilisé en particulier pour la détection des lésions proximales, mais sa fiabilité reste faible dans les cas où l’épaisseur de tissu minéralisé est importante, et son interprétation doit se faire avec prudence. Une des erreurs les plus fréquentes est d’assimiler une image radioclaire à une cavité. En effet, la radiotranslucidité est liée à une déminéralisation qui ne s’accompagne pas obligatoirement d’une cavitation. Une étude de Pitts et Rimmer33 a mis en évidence que la majorité des images radioclaires sur des faces proximales correspondent à des lésions non cavitaires et sont donc susceptibles d’être traitées chimiquement. L’utilisation de cette méthode de diagnostic doit être limitée à la détection de cavités de petite taille.43 Les recommandations de L’Agence nationale d’analyse et d’évaluation des soins (Anaes)1 concernant l’utilisation de la radiographie sont les suivantes : • lors d’une première visite : C chez un enfant en denture temporaire, un examen rétrocoronaire des régions distales si les surfaces proximales des dents ne sont ni visibles ni sondables ; C chez un enfant en denture mixte, des clichés rétrocoronaires postérieurs, accompagnés ou non de clichés occlusaux, C en denture permanente, des clichés rétrocoronaires des régions distales ;

Examen visuel Avant d’entreprendre tout examen visuel, il convient de nettoyer et de sécher correctement les surfaces dentaires.10 Le praticien doit s’attacher à mettre en évidence des changements de teinte, de translucidité ou de structure des tissus dentaires. Les lésions initiales sont plus difficiles à évaluer. L’utilisation de la transillumination peut permettre un meilleur diagnostic. Sondage Le sondage est utilisé pour permettre d’évaluer la consistance des tissus dentaires.

Figure 10 Radiographie d’une molaire temporaire présentant une cavité proximale.

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C. Badet, B. Richard • lors des visites suivantes, en présence de caries cliniques ou d’un risque carieux élevé : C chez un enfant en denture temporaire ou mixte, un examen rétrocoronaire des régions distales tous les 6 mois, ou jusqu’à disparition de toute lésion carieuse ; C chez les adolescents, c’est-à-dire avant éruption des dents de sagesse, des clichés rétrocoronaires des régions distales, tous les 6 à 12 mois, ou jusqu’à disparition de toute lésion carieuse ; C chez les adultes, des clichés rétrocoronaires des régions distales tous les 12 à 18 mois, ou jusqu’à disparition de toute lésion carieuse ; • lors des visites suivantes, en l’absence de carie clinique ou d’un risque carieux élevé : C chez un enfant en denture temporaire ou mixte, un examen rétrocoronaire des régions distales tous les 12 à 24 mois si les surfaces proximales des dents ne sont ni visibles ni sondables ; C chez les adolescents, c’est-à-dire avant éruption des dents de sagesse, des clichés rétrocoronaires des régions distales tous les 18 à 36 mois ; C chez les adultes, des clichés rétrocoronaires des régions distales tous les 24 à 36 mois.

Radiovisiographie Les techniques de radiovisiographie peuvent également être utilisées dans le diagnostic carieux. Cependant, certaines études ont mis en évidence une sensibilité moindre de ces techniques.16,36 Ces différents outils de diagnostic sont d’autant plus efficaces qu’ils sont utilisés en association. Toutefois, la fiabilité de ces tests augmente lorsque l’on est en présence de cavitation. Or les thérapeutiques non invasives ne peuvent être mises en œuvre que si un diagnostic précoce est posé. C’est pourquoi d’autres techniques de diagnostic sont étudiées.

Autres techniques de diagnostic Actuellement, deux méthodes sont utilisées, la fluorescence des dents ainsi que la spectroscopie électrochimique de l’impédance (ECM). La méthode de fluorescence se divise en deux parties, l’autofluorescence quantitative (QLF) et la fluorescence exaltée par colorant (DELF). Autofluorescence quantitative La QLF est utilisée principalement pour la détection des lésions carieuses sur des surfaces lisses des dents et l’ECM pour des surfaces occlusales et

proximales. Elle comporte plusieurs branches se différenciant principalement par la longueur d’onde d’excitation de fluorescence (entre 488 et 655 nm). L’excitation à des longueurs d’ondes courtes (488, 511 nm) permet de révéler des zones de dents déminéralisées par la réduction d’intensité de fluorescence. La QLF, utilisant l’excitation à 632 et 655 nm (exemples : DIAGNOdent®, KaVo), détecte une augmentation de concentration de matière organique dans les lésions, par augmentation d’intensité de fluorescence des structures moléculaires basées sur des porphyrines présentes à forte concentration dans les bactéries. La QLF est principalement applicable sur des surfaces lisses des dents, car la référence de fluorescence (intensité de fluorescence des tissus sains des dents) ne doit pas être affectée par la forme topologique de la surface fluorescente. La spécificité et la sensibilité du laser pour le diagnostic des caries s’élève à plus de 80 %. Fluorescence exaltée par colorant La DELF est une méthode très sensible de détection des lésions carieuses, mais nécessite un apport de molécules fluorescentes exogènes (colorants) sur les surfaces dentaires (une étude de réaction allergique du patient est indispensable). D’autre part, la DELF ne permet pas de quantifier le degré de déminéralisation. Des artefacts de détection, liés à des déviations morphologiques des dents, et des concentrations des colorants dans des structures biologiques qui ne sont pas liées à une carie, réduisent considérablement la possibilité d’application de la DELF dans le diagnostic de carie. Spectroscopie électrochimique de l’impédance L’ECM est une technique de diagnostic de carie potentiellement très sensible (93 % à 96 % de sensibilité selon les examinateurs). Mais, en raison de la nature des mesures électriques qu’elle implique, elle est sujette aux erreurs de préparation des surfaces des dents pour recevoir les électrodes (sondes). Ainsi, les variations de pH intrabuccal, la variation de composition chimique salivaire ou les différents types de dents affectent les mesures de l’impédance et, en même temps, réduisent la fiabilité de cette méthode. D’autre part, l’ECM n’est pas une méthode visuelle et donc son utilisation demande une grande expérience de la part du praticien.

Adaptation des techniques de diagnostic aux différents types de lésions Lésions de site 1 (puits et sillons) L’examen visuel reste prépondérant dans le cas de cavitations franches. Il peut être amélioré grâce à

Étude clinique de la carie

47 • stade 2 : la préparation d’une cavité en vue d’une obturation adhésive doit être relativement conservatrice ; • stade 3 : la préparation cavitaire doit préserver et renforcer les structures dentaires résiduelles affaiblies ; • stade 4 : la préparation est effectuée en vue d’une obturation indirecte et doit protéger par recouvrement les structures dentaires résiduelles.

l’utilisation d’une loupe ou d’un microscope opératoire, et ceci en particulier au niveau des sillons anfractueux. Dans le cas des lésions initiales, l’utilisation de la sonde est contre-indiquée et la radiographie insuffisante.26,35 Pour ce type de lésions, les méthodes électriques semblent les plus appropriées.12 La sensibilité et la spécificité de détection des caries occlusales est de 80 % pour les atteintes dentinaires et 70 % pour les atteintes de l’émail.2 La radiographie n’est une technique fiable que dans le cas de lésions avancées.

Remerciements Lésions de site 2 (faces proximales) L’examen radiographique est recommandé bien qu’insuffisant dans le cas de lésions initiales. L’examen visuel est peu sensible et peu spécifique dans le cas de ce type de caries. Il peut être nettement amélioré par des techniques de transillumination.39 D’autre part, afin de rendre ces sites plus accessibles à l’examen visuel, il est possible de réaliser un écartement des dents à l’aide de coins interdentaires ou d’élastiques séparateurs utilisés en orthodontie. Enfin, la présence d’une restauration proximale sur la dent adjacente est un indicateur très fort de risque de lésion.34 Lésions de site 3 (zones cervicales) Au niveau coronaire, un examen visuel permet de mettre en évidence ces lésions même au stade initial de la tache blanche.20 Les lésions évoluées sont mises en évidence par un changement de couleur et/ou la présence de cavitation. Au niveau radiculaire, l’examen par sondage accompagné d’un examen visuel permettent une bonne détection (changement de couleur et de consistance).4,28

Les auteurs remercient le Docteur Y. Delbos pour sa participation iconographique.

Références 1. 2.

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Indications thérapeutiques Les indications des techniques thérapeutiques sont corrélées aux stades des lésions carieuses : • stade 0 : ce stade correspond à la mise en œuvre de techniques prophylactiques de reminéralisation (exemple : vernis fluorés) ou de sealants. De plus, un suivi régulier du patient est indispensable ; • stade 1 : il convient d’effectuer des cavités très conservatrices et d’utiliser des matériaux d’obturation adhésifs injectés. Ceci doit s’accompagner d’un traitement prophylactique des surfaces adjacentes à la lésion ;

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 49–54

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Antiseptiques en parodontie Use of antiseptics in periodontology O. Jame (Assistant hospitalo-universitaire) V. Orti (Assistante hospitalo-universitaire), P. Bousquet (Maître de conférences), I. Calas (Attachée hospitalière), P. Gibert (Professeur des Universités) * UFR d’Odontologie de Montpellier, 545, avenue Professeur Jean-Louis Viala, 34193 Montpellier cedex 5, France.

MOTS CLÉS Antiseptiques ; Biofilm ; Bain de bouche ; Irrigation ; Bactéries

Résumé L’étiologie bactérienne des affections parodontales est aujourd’hui parfaitement établie ; l’utilisation d’antiseptiques dans le traitement de ces affections s’impose donc comme une thérapeutique incontournable. Quand et comment les utiliser ?, Quelle spécialité ? Pour quelle pathologie ?, Indications et contre-indications ? Effets positifs, effets négatifs ? Cet article énumère donc les principales molécules antiseptiques ainsi que leur mode d’utilisation. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Antiseptics; Biofilm; Mouthwash; Irrigation; Bacteria

Abstract The bacterial etiology of periodontal diseases has now been perfectly proved ; therefore using antiseptics to treat such diseases is an absolutely imperative therapy. When and now do they have to be used ? For what kinds of specialties or pathologies ? What are their indications and contra-indications ? What are their positive and negative effects ? In this article, the main antiseptic molecules are listed, as well as the instructions to use them. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Il a été longtemps considéré que la quantité de plaque et le temps de contact de celle-ci avec les tissus étaient les principaux déterminants de la maladie parodontale. Les techniques chirurgicales étaient basées sur la résection des poches par gingivectomiegingivoplastie et ostéoectomie-ostéoplastie. Actuellement, les mécanismes pathogéniques précis des maladies parodontales ne sont pas entièrement élucidés. Il semblerait que la présence de certaines bactéries virulentes, telles que Actinobacillus actinomy* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Gibert). © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00003-5

cetemcomitans (Aa), Porphyromonas gingivalis (Pg), Prevotella intermedia (Pi), Fusobacterium nucleatum (Fn), ... pourrait favoriser le développement d’une maladie parodontale plus ou moins générale et plus ou moins agressive. Cependant, l’unique présence de ces bactéries ne peut à elle seule tout expliquer. En effet, il faut prendre en compte la réponse de l’hôte face à l’agression bactérienne. Cette réponse (notamment les défenses immunitaires) est génétiquement déterminée mais peut être modifiée sous l’effet de paramètres multiples (tabac, stress, apparition de maladies générales ...). Le but de cet article est d’étudier les différents antiseptiques permettant de lutter contre la formation de plaque appelée aujourd’hui le « biofilm ».

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Biofilm2 Ce concept a émergé il y a une dizaine d’années après la constatation de phénomènes contradictoires comme : • la persistance au niveau de la cavité buccale de bactéries anaérobies dans un milieu où les conditions aérobies prédominaient ; • la présence de bactéries anaérobies parodontopathogènes ne provoquerait pas systématiquement la maladie ; • la sensibilité de certaines bactéries à des molécules antibiotiques serait différente in vivo, qu’in vitro. Ces différents phénomènes trouveraient un début d’explication si l’on considère la plaque bactérienne non pas comme une accumulation de 400450 espèces de bactéries, mais plutôt comme une communauté spécifique de bactéries adhérentes sur une surface, les unes aux autres, en interaction et dans une structure complexe appelée « biofilm2.

Définition Un biofilm est une communauté bactérienne adhérant à une surface, enchâssée au sein d’une matrice d’exopolymères.

Mode de formation d’un biofilm18 La formation d’un biofilm se fait selon trois étapes majeures : • attachement ; • colonisation ; • croissance. Certaines bactéries comme Fusobacterium nucleatum jouent un rôle très important car elles adhèrent à la pellicule exogène acquise très rapidement ; on parle de bactéries colonisatrices primaires ou pionnières. Cette agrégation permet à d’autres bactéries également d’adhérer et de se fixer entre elles16. Peu à peu, la communauté s’organise, s’accroît et l’on peut voir l’apparition comme la disparition de certaines bactéries au fur et à mesure que la communauté se développe. Par exemple, les Neisseria sont capables d’éliminer tout l’oxygène présent dans le milieu. Cela entraîne donc la mort ou le détachement des bactéries aérobies, et cela favorise le développement des bactéries anaérobies. De la même façon, les streptocoques et les Prevotella jouent le rôle d’alimenteurs primaires.

O. Jame et al. En effet, elles dégradent des molécules complexes en produits plus simples qui vont être plus facilement utilisés par d’autres bactéries. Des canaux aqueux au sein du biofilm permettent en outre les échanges de nutriments et les communications intercellulaires. Cette collaboration interbactérienne, ces échanges nutritionnels, cette protection, sont tels que beaucoup de concepts thérapeutiques chimiques sont remis en question de nos jours. D’après Wilson30 et Pratten22, plus le biofilm est mature moins les antibiotiques et antiseptiques sont efficaces. De même, Gilbert10 indique qu’il existe un autre facteur pouvant expliquer ces phénomènes de résistance du biofilm : l’efflux pomp system. Ce sont des pompes capables d’éliminer rapidement l’antibiotique ou l’antiseptique, qui n’a alors plus le temps d’agir.

Antiseptiques Les antiseptiques sont des agents antibactériens d’utilisation locale utilisés en complément du débridement mécanique. Ils font partie de notre arsenal thérapeutique avec leurs avantages et leurs inconvénients. Par définition, ils préviennent et arrêtent la croissance bactérienne soit en inhibant l’action des micro-organismes, soit en les détruisant21. Un large choix de molécules antiseptiques est disponible (chlorhexidine, héxétidine, sanguinarine, dérivé iodé, ...)1,13, sous différentes formes d’utilisation (bains de bouche, sprays, gels, dentifrices, ...). La difficulté pour le praticien est de savoir dans quel cas il est préférable d’utiliser telle ou telle molécule, sous quelle forme, à quelle concentration et pendant combien de temps7,19.

Chlorhexidine La chlorexidine est un biguanide chloré. C’est un désinfectant largement employé dans de nombreux domaines de la médecine, en raison de sa faible toxicité et de son large spectre antibactérien29. À concentration habituelle, son effet serait bactériostatique en altérant la structure de surface de la paroi bactérienne. Selon Sixou et Hamel26, elle serait bactériostatique à faible dose et bactéricide à forte dose. En effet, à faible concentration, la membrane cellulaire serait lésée, ce qui entraînerait la fuite des éléments cytoplasmiques, tandis qu’à forte

Antiseptiques en parodontie concentration les protéines et les acides nucléiques précipiteraient. La forme chimique la plus utilisée est le digluconate de chlorhexidine. Il semblerait que son efficacité optimale se situerait dans des concentrations situées entre 0,1 % et 0,2 %6,27. Il est clair que son efficacité est liée à sa concentration mais aussi et surtout à son pouvoir d’adhésion et de rétention sur les surfaces dentaires. Trente pour cent de la quantité de produit introduit persiste après 1 minute de rinçage29. Donc, l’efficacité de la chlorhexidine resterait stable pendant 8 à 12 heures. Elle est inactivée par le pus, le sang et certaines bactéries. Pg possède des vésicules qui inhiberaient l’action de la chlorhexidine12. Son efficacité est différente suivant les microorganismes, et est sous l’influence de différents facteurs comme le Ph, la formulation, la concentration26. Présentée le plus souvent sous la forme de bains de bouche, on peut la retrouver dans des gels ou des dentifrices. On peut également l’utiliser dans un système à libération lente, elle semblerait alors avoir une action plus efficace que sous la forme de bain de bouche28. Ce produit se présente sous la forme d’une plaquette (appelée Periochip®) qui est introduite directement à l’intérieur de la poche gingivale ou parodontale et laissée en place jusqu’à dissolution complète (7 à 10 jours). Ces différents supports ont été développés pour diminuer voire supprimer les effets secondaires de ce produit sous la forme de bain de bouche. Il est vrai que l’emploi à long terme entraîne l’apparition de résistances, mais les effets secondaires les plus évidents sont : • les colorations noirâtres des dents ; • la desquamation de la muqueuse ; • la perturbation du goût.

Hexétidine C’est un antiseptique de synthèse dérivé de la pyrimidine. Son action serait antibactérienne en bloquant la synthèse d’adénosine triphosphate (ATP), et antifongique. Elle présenterait une action in vitro supérieure ou égale à la chlorhexidine sans les effets secondaires. Malheureusement les résultats in vivo sont différents, il semble notamment que cet agent possède

51 une capacité de rétention aux surfaces dentaires bien moins importante que la chlorhexidine14.

Sanguinarine C’est un alcaloïde de synthèse extrait de Sanguinaria canadensis qui a des propriétés antibactériennes et anti-inflammatoires. Il inhiberait les mécanismes d’adhésion des bactéries à la pellicule exogène acquise. Malgré tout, cet agent tend à disparaître de la plupart des spécialités, car son activité in vivo reste faible. En effet, certains ont démontré une activité tant sur les bactéries que sur l’inflammation gingivale, d’autres semblent mettre en doute l’efficacité du produit29.

Dérivés iodés La PVP-I, plus connu sous le nom de Bétadine®, est formée par l’association de l’iode et d’un agent surfactant, la polyvinylpyrrolide (PVP), qui solubilise l’iode. L’iode est un oxydant capable de pénétrer la paroi bactérienne des micro-organismes très rapidement26. Les mécanismes d’action demeurent inconnus. À l’intérieur de la cellule, l’iode provoque une réaction avec des enzymes de la chaîne respiratoire et un blocage des protéines cytoplasmiques. Son activité antibactérienne est bonne aussi bien sur les bactéries à Gram positif que sur les bactéries à Gram négatif. Des phénomènes d’allergies ont souvent étaient décrits, mais pas de résistance. Greenstein11 décrit les effets secondaire de la PVP-I lors de son utilisation régulière en odontologie. Il explique que ce produit pourrait provoquer la coloration des dents et de la langue (mais cela de manière réversible) ; il serait contre-indiqué chez les femmes enceintes, chez les femmes qui allaitent, chez les personnes allergiques à l’iode. Il pourrait aussi induire des dysfonctionnements de la thyroïde si son utilisation est excessive. Son utilisation est indiquée sous la forme de gargarismes et de bains de bouche à une concentration de 10 %. Elle présenterait un spectre d’action large avec une action bactéricide par simple contact. L’efficacité de la PVP-I comme antiseptique oral a été mise en avant dans la prévention du risque d’endocardite à porte d’entrée parodontale ou postextractionnelle23.

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Phénols Ils agissent en dénaturant les protéines et la membrane cytoplasmique en fonction de leur concentration26. Les principaux dérivés phénoliques retrouvés dans des bains de bouche sont : • la listérine. C’est une huile essentielle, qui présenterait un spectre d’action large en inhibant les enzymes bactériennes. Elle présenterait une activité antiplaque et antiinflammatoire, mais très peu d’effets secondaires (certaines sensations de brûlures ou altérations du goût ont pu être décrites)3 ; • le triclosan. C’est un antibactérien de synthèse. Utilisé dans les dentifrices et les bains de bouches, son action semble positive vis-àvis de la formation de la plaque. Cette molécule possèderait un large spectre d’action et une action sélective vis-à-vis de certaines espèces bactériennes, notamment sur Streptocossus mutans, Actinomycetes viscosus. Associé au citrate de zinc ou au sulfate de zinc, le triclosan verrait son action potentialisée envers Fusobacterium nucleatum, Porphyromonas gingivalis25. Il a une action sur les bactéries à Gram positif et à Gram négatifs, ainsi que sur les anaérobies.

Ammoniums quaternaires Ce sont des antiseptiques cationiques utilisés principalement sous la forme de bains de bouche. Le plus connu est le chlorhydrate de cétylpyridinium (Alodont®), on retrouve également le benzalconium chloride. Les ammoniums quaternaires se sont révélés fort décevants20. En effet, Luc et al.17 montraient en 1991 une activité bactéricide quasi nulle envers les principaux germes impliqués dans les parodontites, constatation confirmée par les travaux de Gelle et al.9 en 2001.

Agents oxydants Les agents oxydants (peroxyde d’hydrogène ou « eau oxygénée ») ont des propriétés antiseptiques par libération d’oxygène. Le spectre d’activité est large, il concerne principalement les bactéries anaérobies (par libération d’oxygène) ainsi que les virus. Longtemps utilisés pour diminuer l’inflammation gingivale (pâte de Keyes [eau + eau oxygénée + bicarbonate de potassium]) leur efficacité n’est pas remise en doute, mais leur utilisation à long terme est fortement déconseillée.

O. Jame et al. En effet, Cummins et al.5 ont démontré qu’à long terme cela provoquerait des ulcérations gingivales, des retards de cicatrisation ainsi que la coloration de la langue (noire villeuse).

Différents supports Le support le plus connu est le bain de bouche, mais il y a aussi les gels, les sprays, les dentifrices, ...

Sprays Les sprays présenteraient plusieurs avantages : • la quantité d’antiseptique utilisée sous cette forme est beaucoup moins importante que sous la forme de bain de bouche8 ; • d’autre part, ce support présenterait un avantage pour les personnes handicapées.

Gels Les gels sont intéressants car ils permettent de déposer la quantité nécessaire d’antiseptique et ceci dent par dent. Les résultats dépendent donc fortement de l’habileté du patient. Ce type de support est déconseillé pour les personnes handicapées ou présentant une mobilité réduite.

Irrigations C’est Miller en 1890 qui a décrit le premier le principe de l’irrigation. Différentes molécules et différents moyens d’irrigation furent testés avec plus ou moins de succès. La chlorhexidine fut la molécule la plus utilisée lors des différentes expérimentations. On peut distinguer deux types d’irrigation : l’irrigation personnelle ou à domicile et l’irrigation professionnelle. Irrigation personnelle ou à domicile Réservée pour les patients motivés car longue et fastidieuse, cette méthode est aussi préconisée au niveau des secteurs faciles d’accès, c’est-à-dire les secteurs antérieurs. Irrigation professionnelle En dehors de l’effet directement positif sur la flore bactérienne par l’utilisation d’antiseptiques, cette technique présente un réel intérêt car elle vient compléter le traitement parodontal classique. De plus, cela permet de vérifier la cicatrisation, la maintenance ainsi que la motivation de notre patient.

Antiseptiques en parodontie Tableau 1

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Utilisation d’antiseptiques en parodontie

Chlorhexidine Hexétidine Ammoniums quaternaires Dérivés iodés Agents oxydants

Gingivite (bain de bouche) +++ ++ + ++ -

Parondontite chronique (irrigation) +++ ++ + +

Les voies de recherche sont à l’heure actuelle vers des produits comme le peroxyde d’oxygène, capable de modifier le potentiel redox jusqu’à un niveau suffisant pour interdire toute croissance bactérienne. La PVP-I (Bétadine®) possèderait une action bactéricide par simple contact15. Rosling et al.24 ont obtenu une diminution de poche et une réduction de la perte d’attache en utilisant la PVP-I en irrigation. Charon préconise, après avoir éliminé le maximum de tartre, l’irrigation de l’entrée de toutes les lésions avec une solution d’eau oxygénée à 10 volumes suivie d’une irrigation à l’aide d’une solution de chlorhexidine à 0,12 % ou 0,2 % (Parodex®)4.

Parondontite agressive (irrigation) ++ + + ++

Dans une situation de parodontite de l’adulte, avec une symptomatologie modérée, l’utilisation de chlorhexidine à 0,12 % serait préférable. Une molécule de remplacement dans ce cas serait l’héxétidine à 0,1 %. Enfin il nous arrive fréquemment, suite à l’insistance du patient, de prescrire des antiseptiques malgré l’absence de pathologie. Dans ce cas, il serait souhaitable26 de prescrire les molécules présentant l’activité la plus faible. On privilégie les ammoniums quaternaires, la sanguinarine et les huiles essentielles, afin de préserver l’écosystème buccal.

Références Conclusion Le large choix d’antiseptiques, l’efficacité variable de ces molécules, les différents supports, ... ne facilitent pas le choix du praticien. Selon Sixou et Hamel26, le choix de la prescription (Tableau 1) repose sur : • l’évaluation in vitro puis in vivo de la molécule ; • les publications scientifiques et professionnelles à grande diffusion ; • l’activité des excipients et des adjuvants. En effet, les excipients peuvent augmenter comme diminuer l’activité bactéricide du principe actif. Ainsi, une solution de chlorhexidine à 0,1 % peut être plus active qu’une solution à 0,2 % si l’excipient de la première permet une pleine expression des propriétés antibactériennes de la molécule active ; • les résistances bactériennes au principe actif ; • le choix d’une action antiseptique, antiinflammatoire ou antalgique ; • le respect de l’écosystème buccal ; • la pathologie rencontrée. Dans une situation de parodontite agressive, avec une symptomatologie clinique intense, dans le cadre de la première phase de traitement (phase d’attaque), Sixou et Hamel26 préconisent l’utilisation de chlorhexidine à 0,2 % plutôt qu’à 0,12 %.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 55–61

www.elsevier.com/locate/emcden

Détartrage et surfaçage radiculaire Scaling and root planing P. Laffargue (Ancien assistant hospitalo-universitaire, attaché hospitalier), S. Soliveres (Ancien assistant hospitalo-universitaire, attaché hospitalier), E. Challot (Attaché hospitalier), F. Jame (Professeur), P. Gibert (Professeur d’université) * Service de parodontologie, UFR d’odontologie, 545, avenue du Professeur-Jean-Louis-Viala, 34070 Montpellier, France

MOTS CLÉS Détartrage ; Surfaçage radiculaire ; Tartre ; Débridement parodontal ; Thérapeutique étiologique ; Instrumentation

Résumé Après le contrôle de plaque, le traitement de la maladie parodontale est initié par le détartrage-surfaçage qui permet l’élimination du biofilm et du tartre lors de la thérapeutique étiologique. Il est ensuite utilisé dans le cadre thérapeutique de soutien parodontal. Ces actes réalisés à l’aide d’instrumentations manuelles et/ou ultrasoniques doivent permettre la plus grande préservation des tissus parodontaux et en particulier du cément non infiltré par les bactéries et les endotoxines bactériennes. Cette nouvelle attitude plus conservatrice permet d’optimiser la cicatrisation parodontale se traduisant cliniquement par une réduction de l’inflammation, une diminution de la profondeur de poche et un gain d’attache. Cette thérapeutique est suffisante pour les traitements de la gingivite, ainsi que pour la majorité des parodontites chroniques. Après réévaluation, sa justification en tant que thérapeutique initiale est toujours associée aux traitements chirurgicaux de ces pathologies. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Scaling; Root-planing; Calculus; Periodonta (root) debridement; Etiological therapy; Instrumentation

Abstract After the plaque control, the treatment of periodontal diseases is initiated by the scaling-root planing that allows the elimination of the biofilm and the calculus during the etiological treatment.Then it is adapted to the supportive periodontal therapy.These acts, realized with the help of manuel and/or ultrasonic instrumentations, have to allow the greatest preservation of the periodontal tissue and especially of the cementum not infiltrated by bacteriums and bacterial endotoxins. This new attitude that is more conservative, allows to optimize the peridontal healing translating clinically into a reduction of the inflammation, a diminution of the depth of pockets and an attachment gain. This therapy will be enough for the treatment of the gingivitis as well as the majority of the chronic periodontisis. After revaluation, its justification as initial therapy is always associated to surgical treatments of these pathologies. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Gibert). © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00004-7

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Introduction Le premier objectif du traitement parodontal, c’est d’éliminer le biofilm, les toxines bactériennes et le tartre qui sont les facteurs étiologiques de la maladie ; leur persistance permet également l’évolution des lésions. Face à ce constat depuis longtemps reconnu, il doit être mis en œuvre des thérapeutiques spécifiques permettant l’élimination physique de ces agents pathogènes. Le détartrage et le surfaçage radiculaire donnent des résultats reproductibles sur la réduction de l’inflammation, le gain d’attache et la réduction de la profondeur de poche. L’ensemble de ces thérapeutiques sont réunies sous le terme de thérapeutiques étiologiques.

Définitions Le détartrage représente l’acte qui permet d’éliminer les dépôts de plaque, de tartre et les colorations diverses au niveau des surfaces dentaires. En fonction de la localisation des dépôts, le détartrage sera dit sus- ou sous-gingival. Le surfaçage radiculaire élimine la flore microbienne adhérant aux surfaces radiculaires ou évoluant librement à l’intérieur de la poche, du tartre résiduel ainsi que du cément et de la dentine contaminée par les bactéries et leur produit23. Lorsque ces termes sont employés conjointement (détartrage-surfaçage), ils définissent des actes non chirurgicaux réalisés à l’aveugle sans réclinaison de lambeaux, la surface radiculaire n’étant alors pas accessible à l’inspection visuelle. Ces dernières années, un autre terme est préféré au surfaçage radiculaire : le débridement parodontal30. Traitement plus conservateur, il a pour but la décontamination radiculaire ainsi que l’élimination des agents toxiques à l’aide d’instruments manuels ou ultrasoniques, mais il n’inclut pas le lissage radiculaire ainsi que l’élimination systématique du cément9.

Étude du tartre Aspect clinique Le tartre est une calcification de la plaque dentaire qui se dépose sur les dents ainsi que sur toutes autres structures solides de la cavité buccale. On en distingue couramment deux types : • le tartre sus-gingival que l’on retrouve plus fréquemment en face des canaux excréteurs des glandes salivaires. De couleur claire et de

P. Laffargue et al. consistance friable, il est relativement peu adhérent aux surfaces colonisées. Il est aisément coloré par le tabac, le thé, les aliments ou les produits du catabolisme bactérien ; • le tartre sous-gingival ou tartre sérique est de couleur brune, de consistance ferme, très adhérent aux surfaces radiculaires. Sa localisation est irrégulière au sein de la cavité buccale. Son enfouissement intrasulculaire peut passer inaperçu lors de l’inspection visuelle mais se détecte au sondage parodontal. Il se forme à partir des composants venant du fluide gingival. Sa différence brune pourrait être due au type de flore bactérienne rencontrée à ce niveau et par l’exsudat sanguin fréquent à cet endroit. À l’examen clinique, l’inspection des surfaces en regard des canaux excréteurs qui sont les faces linguales des incisives inférieures et les faces vestibulaires des premières molaires supérieures permet de mettre en évidence les calculs de tartre sus-gingivaux. En revanche, le tartre sérique, qui est enfoui dans le sulcus, peut passer inaperçu lors de l’inspection visuelle et être détecté lors du sondage parodontal. À l’examen radiographique, il se différencie, soit sous forme de masse se superposant à l’image des tissus durs dentaires, soit par de petits spicules visibles le long des racines au niveau des espaces interdentaires.

Formation du tartre De nombreuses études ont démontré que le tartre est toujours précédé d’accumulation de plaque21,28. Cette accumulation sert de matrice organique pour la minéralisation subséquente du dépôt18. Le temps requis à la formation du tartre susgingival chez les patients sensibles peut être de l’ordre de 2 semaines et contenir à cette date environ 80 % de la quantité de matériau inorganique que l’on trouve dans le tartre mature22. Cependant, le développement d’un dépôt possédant une composition cristalline caractéristique du tartre mature requiert plusieurs mois. La minéralisation de la plaque dentaire débute 4 à 8 heures après sa formation. Elle se produit par un dépôt de cristaux à la surface de la plaque préexistante, puis se poursuit plus lentement en profondeur. Cette minéralisation s’explique de la façon suivante : • la salive est sursaturée en sels minéraux et par conséquent capable d’entretenir une croissance cristalline. Mais cela ne peut se faire sans que la solution soit ensemencée par d’autres cristaux sur lesquels de nouveaux cristaux pourraient venir ce fixer ;

Détartrage et surfaçage radiculaire • les cristaux nécessaires au processus de nucléation sont présents sur les surfaces dentaires et pourraient être des bactéries en état de dégénérescence, qui se calcifieraient par dépôt de phosphate de calcium. Plusieurs autres hypothèses ont été avancées, n’incluant aucunement les bactéries car l’on retrouve également la formation de tartre chez le rat gnotobiote18.

Structure Le tartre possède une structure stratifiée dans laquelle le degré de calcification varie en fonction des différentes strates. Il est caractérisé par la présence de cristaux d’apatite inorganique sous forme d’aiguilles. La longueur de ces aiguilles varie entre 5 et 100 lm. À l’intérieur du matériau minéralisé, on peut discerner des contours de bactéries calcifiées et, à la surface, une couche de tartre immature non minéralisé.

Ultrastructure Le tartre renferme 70 à 80 % de sels inorganiques, dont les deux tiers sont sous forme cristalline. Le calcium (Ca) et le phosphore (P) constituent les éléments les plus importants avec un rapport Ca/P compris entre 1,66 et 2. Le reste des éléments inorganiques est constitué de petites quantités de magnésium, sodium et carbonates de fluor. Les principales formes cristallines présentes sont : • l’hydroxyapatite ; • la whitelockite de magnésium (plutôt présente dans le tartre sous-gingival) ; • le phosphate octocalcique ; • la brushite (présente en grande proportion dans le tartre sus-gingival)28. La plus grande partie organique du tartre (environ 20 %) est constituée de protéines et d’hydrates de carbones, les lipides ne constituant qu’une portion mineure.

Indications et contre-indications Le détartrage-surfaçage a pour but clinique • d’éliminer le tartre sus- et sous-gingival ; • d’obtenir une réduction de l’inflammation ; • d’obtenir une réduction de la profondeur de poche ; • de permettre le nettoyage plus aisé des surfaces radiculaires par le patient et le praticien en offrant des surfaces plus dures, propres et lisses.

57 Il a pour but histologique de diminuer fortement la masse bactérienne en désorganisant le biofilm et les endotoxines bactériennes imprégnant le cément qui est qualifié d’infiltré. Le nombre de bactéries responsables de perte osseuses (Bacteroides forsythus [Bf], Porphyromona gingivalis [Pg], Treponema denticola [Td]) est diminué ainsi que le pourcentage de sites colonisés17. L’élimination des endotoxines telles que les lipopolysaccharides (LPS) va permettre une recolonisation des surfaces radiculaires par les fibroblastes1. À l’heure actuelle, il n’est plus préconisé d’éliminer la totalité du cément, mais d’obtenir une surface de cément propre et lisse2.

Indications Les indications découlent des buts du détartrage et du surfaçage radiculaire. Il est, à l’heure actuelle, clairement établi que le détartrage-surfaçage radiculaire est indiqué pour tout les types de parodontite, qu’il soit associé ou non à un traitement antibiotique en fonction du diagnostic. Le détartrage constitue la démarche de base du traitement des gingivites et des parodontites. Il constitue le seul traitement dans les cas les plus simples de gingivite dans lesquelles il n’y a pas de perte d’attache. Associé au surfaçage radiculaire, il peut également être un traitement suffisant dans les parodontites débutantes ou modérées qui révèlent de faibles pertes d’attache3,4. Dans tous les cas il est au moins présent en tant que thérapeutique initiale à un traitement chirurgical, en préparant les surfaces radiculaires et en diminuant l’inflammation. Pour de nombreux auteurs, les limites du surfaçage radiculaire en tant que traitement unique d’une parodontite varient selon la profondeur de poche. Plus la profondeur est élevée, plus les résidus tartriques après traitement sont importants5,32.

Contre-indications Sur le plan local, il n’en existe aucune tant que le pronostic de conservation dentaire n’est pas sans espoir. Sur le plan général, elles sont de deux ordres : liées à la bactériémie ou liées au saignement engendré par l’acte.

58 Elles sont liées à la bactériémie pour le patient présentant : • des prothèses valvulaires ; • un canal artériel ; • une cardiopathie congénitale cyanogène ; • une communication interventriculaire ; • des lésions intracardiaques traitées ; • une sténose aortique ; • des lésions valvulaires ; • des implants intracardiaques non valvulaires ; • une immunosupression (exemple : syndrome de l’immunodéficience acquise [sida]) ; • un diabète insulinodépendant non équilibré. Elles sont liées au saignement engendré surtout lors du surfaçage radiculaire : • une hémophilie ou trouble de l’hémostase ; • un patient sous anticoagulant avec un taux de prothrombine (TP) inférieur à 40 %.

Protocole opératoire Instrumentation manuelle Sur la base d’études menées dans les années 1960 et 1970 sur des dents extraites, les instruments manuels ont été considérés pendant longtemps comme la référence en matière de débridement parodontal13. Notre but n’est pas de traiter de tous les instruments existants, ceux-ci sont fort nombreux et une sélection s’impose pour des raisons pratiques. Avec de l’expérience, un opérateur améliore sa dextérité et apprend rapidement à réduire le nombre des instruments. Leur forme doit être simple et permettre un affûtage facile. Affûtage Le passage sur une pierre à affûter doit s’effectuer selon un angle préétabli. Le contrôle de l’efficacité des bords se fait sur le manche en plastique d’un stylo. Curette La curette (spécifique : un seul bord tranchant ou universelle : deux bords tranchants) est l’instrument classique du débridement sous-gingival. Existant en plusieurs tailles, elle doit être conçue de façon à s’insérer dans des espaces fins. Son manche doit être rigide car il doit pouvoir transmettre les sensations de rugosité engendrées par le passage des zones non lissées. Elle est utilisée en traction. Lorsque le but est d’éliminer le plus de tartre possible, les meilleurs instruments à main sont les scalers, les houes, les curettes. Si les pressions exercées sur l’instrument sont trop importantes,

P. Laffargue et al. une très grande quantité de substance (cément, dentine) est éliminée25. Concernant les curettes, il convient de travailler avec la partie convexe de l’instrument et non avec sa partie concave, en exerçant une force en direction coronaire. Le succès du surfaçage repose sur un quadrillage mécanique et systématique de la bouche réparti en quadrants nécessitant des temps opératoires conséquents.

Instruments ultrasoniques Ils sont utilisés depuis plus de 40 ans9. Les générateurs ultrasoniques utilisent des fréquences variant de 25 000 à 50 000 Hz (20 000 à 40 000 cycles par seconde). Ils transforment le courant électrique en vibration par l’intermédiaire d’un cristal de quartz (instruments piezoélectriques) ou de lamelles (instruments magnétostrictifs). Les instruments magnétostrictifs génèrent de la chaleur lors de leur utilisation, d’où la nécessité d’utiliser de l’eau fraîche pour refroidir les inserts dont le mouvement est elliptique. Les instruments piézoélectriques produisent moins de chaleur. Ils nécessitent aussi un flux d’eau pour créer le phénomène de cavitation et éviter les élévations de température entre l’insert et la dent. Le mouvement de l’insert est linéaire. Certains d’entre eux sont aujourd’hui couplés à des systèmes d’irrigation qui permettent une désinfection de la lésion au cours du débridement. Ce système utilise des quantités importantes d’antiseptiques. Ces dix dernières années, plusieurs formes d’inserts ont été développées, de section ronde, demironde, rectangulaire et en forme de losange à bord mousse ou tranchant33. Selon Low et al., la forme des inserts est un élément de première importance en ce qui concerne l’ablation de la plaque et des calculs tartriques ; les facteurs limitatifs sont la profondeur sulculaire et l’anatomie radiculaire. Dragoo a montré que des embouts fins, modifiés, étaient les plus efficaces pour atteindre le fond du sulcus, supprimer le tartre et les moindres rugosités de la surface radiculaire. Les instruments soniques et ultrasoniques peuvent être utilisés pour la détoxification de la racine et favorisent une cicatrisation tissulaire optimale, sans « sur-instrumentation » radiculaire ni élimination intempestive du cément8. Selon cet auteur, les détartreurs présentent des avantages qui leur sont spécifiques : • l’effet de cavitation associé aux ultrasons augmente la désorganisation et la dispersion bactériennes ;

Détartrage et surfaçage radiculaire • l’effet de détersion dû au spray permet de disloquer les biofilms sous-gingivaux libres ou faiblement adhérents à la racine ; • la possibilité d’irriguer la poche parodontale avec de l’eau ou des solutions chimiques améliorerait le gain d’attache clinique.

Instrumentations soniques Elles fonctionnent à l’aide d’air comprimé faisant vibrer un insert, à des fréquences inférieures à 6 000 Hz (de 2 000 à 6 000 cycles par seconde). Le mouvement décrit par l’insert est elliptique, ce qui lui permet d’être actif sur toutes les faces. Les inserts des détartreurs soniques ont en général une extrémité plus réduite que celle des détartreurs ultrasoniques, ce qui donne plus de sensibilité tactile. Pour Gotteher et Reynolds, « le choix du type d’instrumentation à utiliser reste du domaine de la décision du praticien ; bien que la rapidité de l’intervention de débridement, alliée à la facilité d’utilisation, au confort du patient et du praticien soient des éléments importants, le but essentiel doit demeurer la guérison optimale ».

Effets du détartrage-surfaçage Détartrage supragingival Après le contrôle de plaque par le patient par des mesures et du matériel d’hygiène appropriés, la désorganisation du biofilm par des moyens physiques est considérée comme la première étape du traitement de toute maladie parodontale. Une étude de suivi en thérapeutique de soutien de 18 patients atteints de parodontite chronique34 à pu mettre en évidence une diminution significative à 3 mois de la masse bactérienne totale après simple détartrage supragingival. Cette diminution se poursuivrait à 1 an. Ils en concluaient qu’une diminution du réservoir de micro-organismes potentiellement pathogènes était d’une importance majeure dans la réduction du risque de récurrence et de stabilité à long terme. La plaque supragingivale, en hébergeant des pathogènes parodontaux, peut servir de réservoir pour la propagation ou la réinfection de sites sous-gingivaux31.

Débridement sous-gingival L’objectif principal de l’instrumentation sousgingivale est d’éliminer le tartre et le contenu bactérien de la poche. L’élimination d’une couche

59 de cément ne semble ni nécessaire ni justifiée. Grâce à une étude sur 71 sujets atteints de parodontite chronique17, certains auteurs ont mis en évidence que ce débridement mécanique, obtenu par détartrage-surfaçage radiculaire, avait pour résultat des changements significatifs à 3 mois (en nombre et pourcentage de sites colonisés) sur trois espèces (Bf, Pg, Td). Ces effets antimicrobiens étaient accompagnés d’une diminution globale significative de la profondeur de poche et du niveau d’attache moyen17. De nombreuses études ont démontré que l’efficacité du détartrage-surfaçage radiculaire était limitée par l’instrumentation6,14, les résultats obtenus étant identiques que l’instrumentation soit manuelle, sonore ou ultrasonore7,12,16,19. D’autres études ont rapporté des effets modestes sur les changements microbiens de la flore sous-gingivale ; avec peu ou pas d’effet sur Aa26,27. Ainsi que des fréquences et niveaux réduits pour Bf et Pg17.Ce manque d’efficacité est aussi lié au déficit d’accès et de visibilité, aux irrégularités de la surface radiculaire et à la possibilité, pour certaines bactéries, de résider au sein des tissus mous6,12,17. Les facteurs majeurs influençant les résultats du débridement sous-gingival sont opérateur-dépendant (expérience, entraînement et habileté). Le fait d’intervenir avec un détartreur au sein d’une poche parodontale modifie le potentiel d’oxydoréduction par rapport à l’oxygène. Ainsi, les bactéries anaérobies se trouvent transitoirement dans un environnement moins favorable à leur croissance. Haffajee et al. ont montré que le détartragesurfaçage produisait des effets sur l’immunité cellulaire et humorale ; le taux et la spécificité des anticorps circulants dirigés contre les bactéries virulentes sont modifiés par le détartragesurfaçage24. C’est dans cette mesure que certains auteurs ont pu parler « d’effet vaccinant » du détartrage10.

Effets cliniques du détartrage surfaçage L’élimination du tartre provoque un certain nombre d’effets cliniques bénéfiques, notamment la diminution de la profondeur des poches due à la combinaison de deux phénomènes, les récessions gingivales et les gains d’attache. Récessions gingivales La suppression des agents infectieux entraîne des récessions gingivales qui sont d’autant plus importantes que le parodonte superficiel est avant tout thérapeutique, œdématié, hypervascularisé, tuméfié et cyanosé11.

60 Les muqueuses gingivales épaisses et fibreuses ont moins de risque de subir des récessions que celles qui sont fines et peu fibreuses29. Gains d’attache Les gains d’attache cliniques obtenus après élimination du tartre sont d’autant plus importants que les lésions sont profondes15.

P. Laffargue et al. Dans tous les cas, la thérapeutique étiologique est indispensable, en tant que traitement initial, à tout acte chirurgical ultérieur permettant d’intervenir sur des tissus non enflammés. Dans le cadre de la phase de maintenance, le détartrage-surfaçage a un rôle prépondérant dans le maintien de la santé parodontale.

Réévaluation parodontale

Références

Après 3 mois le surfaçage radiculaire, du fait des limites du débridement sous-gingival, l’accès chirurgical se révèle indispensable dans les cas : • de poches résiduelles supérieures ou égales à 4 mm ; • d’atteintes de furcation ; • de lésions infraosseuses ; • en l’absence de ces éléments, nous passerons en thérapeutique de soutien.

1.

Intégration dans la thérapeutique de soutien parodontale Traiter une parodontite, c’est contrôler les paramètres de cette maladie, rétablir l’équilibre entre la flore bactérienne et les tissus parodontaux, assurer la stabilité de l’attache sur l’ensemble des sites. L’objectif de la maintenance est de prévenir la récidive. Celle-ci se produit dès qu’un site recommence à perdre de l’attache à la suite d’un changement local ou dans le comportement du patient ou les deux à la fois. Il n’existe pas de critère simple pour prévenir la récidive. Seul le maintien d’un état de santé gingival par les thérapeutiques d’hygiène permet de l’éviter.

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Conclusion 11.

Le détartrage-surfaçage radiculaire est reconnu depuis longtemps comme le traitement étiologique de la maladie parodontale. Aujourd’hui, il évolue vers un acte plus conservateur des tissus parodontaux (débridement parodontal), qui permet notamment la préservation du cément non infiltré. De plus, une nouvelle méthodologie et un protocole affiné (curetage instrumental ultrasonique et concept du «full mouth27) participe au rétablissement de la santé parodontale20. Dans ces conditions, ces thérapeutiques, quand elles sont bien menées, sont souvent suffisantes dans le traitement des parodontites chroniques en termes de réduction de l’inflammation et de la profondeur de poche ainsi que du gain d’attache.

12.

13. 14. 15.

16.

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Détartrage et surfaçage radiculaire 17.

18. 19.

20. 21. 22.

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25. 26.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 62–70

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Antibiothérapie et maladies parodontales Antibiotherapy and periodontal diseases V. Orti (Assistante hospitalo-universitaire), O. Jame (Assistant hospitalo-universitaire), I. Calas (Attaché hospitalier d’odontologie), P. Gibert (Professeur des Universités) * UFR d’Odontologie de Montpellier, 545, avenue Pr. J.-L. Viala, 34193 Montpellier cedex 5, France

MOTS CLÉS Antibiothérapie systémique ; Antibiothérapie locale ; Antibioprophylaxie ; Facteur infectieux ; Maladie parodontale

Résumé L’antibiothérapie en parodontologie est de nos jours une thérapeutique indispensable à certains traitements conventionnels, qu’ils soient étiologiques (traitements non chirurgicaux) ou symptomatiques (traitements chirurgicaux). En effet, les maladies parodontales ayant une composante infectieuse caractérisée par la présence de bactéries virulentes parfois difficiles à éliminer, cette antibiothérapie permet lorsqu’elle est bien menée, d’éradiquer au mieux le facteur infectieux. Pouvant présenter différents aspects, l’antibiothérapie peut se pratiquer de façon systémique ou de façon locale. Il ne faut pas non plus négliger son importance chez les patients à risque qui nécessitent, pour tout acte thérapeutique, une antibioprophylaxie, cette dernière devant être de courte durée (24 à 48 heures). © 2003 Publié par Elsevier SAS.

KEYWORDS Systemic way antibiotherapy; Local way antibiotherapy; Antibioprophylaxy; Infectious factor; Periodontal diseases

Abstract The antibiotherapy in periodontology is nowadays a therapeutic essential to certain conventional treatments which they are etiologic (no surgical treatments) or symptomatic (surgical treatments). Indeed, the periodontitis diseases having an infectious component characterized by the presence of virulent bacteria sometimes difficult to eliminate, this antibiotherapy to allow when it is well carried out, to eliminate at best the infectious factor. Being able to cover various aspects, the antibiotherapy will be able to be practised in a systemic way or in a local way. One will not have either to neglect its importance among patients at the risks which will require, for any therapeutic act, a antibioprophylaxy, the latter having to be of short duration (24 to 48 hours). © 2003 Publié par Elsevier SAS.

Introduction Les maladies parodontales sont des maladies infectieuses à étiologie bactérienne et à manifestations inflammatoires. Elles sont caractérisées par une certaine spécificité bactérienne24. À chaque forme de parodontite est associée une flore différente49, et les sites d’un

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Gibert). © 2003 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00002-3

même sujet diffèrent dans leur composition bactérienne9,29,36. L’infection serait de type opportuniste22,23, l’apparition de la maladie étant la conséquence d’une prolifération sélective d’espèces pathogènes et d’une permissivité de l’hôte. Le traitement de la maladie parodontale passe donc par le contrôle bactérien. Bien que des résultats positifs soient obtenus par un débridement mécanique des lésions3,4,52, il serait toutefois illusoire de croire que celui-ci soit à même d’éliminer complètement les bactéries pa-

Antibiothérapie et maladies parodontales thogènes de la poche parodontale, et encore moins de l’organisme du patient34,35. L’antibiothérapie systémique ou locale, adjointe au traitement mécanique, serait susceptible de diminuer le recours à la chirurgie27, avec une stabilité des résultats à 5 ans en cas de visite de contrôle stricte tous les 3 mois26.

Microbiologie des maladies parodontales Notion de spécificité bactérienne Le développement important de la microbiologie parodontale au cours de ces dernières années découle directement du concept de spécificité bactérienne. Chaque type de pathologie parodontale présente une flore sous-gingivale constituée d’une association de micro-organismes qui lui est propre31. La plupart des micro-organismes intervenant dans ces pathologies sont des bacilles à Gram négatif, anaérobies stricts (Porphyromonas gingivalis [Pg], Prevotella intermedia [Pi], Fusobacterium nucleatum [Fn], Campylobacter rectus [Cr] ...) ou capnophiles (Actinobacillus actinomycetemcomitans [Aa], Eikenella corrodens [Ec], Capnocytophaga ochracea [Co] ...)31.

Pathologies parodontales Une variabilité bactérienne importante en fonction des différentes parodontopathies est mise en évidence. Ces pathologies ont été classées en 1999 en cinq groupes2. Gingivite associée à la plaque dentaire (anciennement gingivite chronique réversible) Sa flore est composée à 60 % de bactéries à Gram positif, anaérobie facultative ou anaérobie stricte, avec principalement Actinomyces sp. et Streptococcus sp.31. La présence, en faible pourcentage, de bacilles à Gram négatif, anaérobies stricts (Fusobacterium nucleatum et Prevotella intermedia) est à noter48. Maladies parodontales nécrosantes (anciennement ginigivite ulcéronécrotique [GUN] ) La flore sous-gingivale est caractérisée par la présence de bacilles à Gram négatif, anaérobies stricts (Prevotella intermedia et Fusobacterium nucleatum), de spirochètes (Treponema sp.) et des Selemonas sp. Parodontite chronique localisée ou généralisée (anciennement parodontite de l’adulte [PA] ) La flore est dominée par la présence de bactéries anaérobies et capnophiles à Gram négatif, avec en

63 particulier Porphyromonas gingivalis. Dans les formes présentant des lésions actives et évolutives, Slots a décrit une association synergique de Actinobacillus actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis46. Plus récemment, dans une étude de comparaison de la prévalence de pathogènes dans deux populations, atteinte et non atteinte de parodontopathies, Van Winkelhoff et al. concluent que les souches Actinobacillus actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia et Bacteroides forsythus sont des marqueurs de maladie destructrice50. Parodontites agressives localisées et généralisées Anciennement parodontite à progression rapide (PPR) Les formes de parodontite de l’adulte les plus agressives et les plus rapides dans leur évolution sont caractérisées par la présence d’un microorganisme à haut pouvoir pathogène : Porphyromonas gingivalis31. Anciennement parodontite et généralisée (PJL et PJG)

juvénile

localisée

La parodontite juvénile localisée (ou parodontite agressive localisée) est caractérisée par la présence d’un agent étiologique primaire bactérien qui est Actinobacillus actinomycetemcomitans30,47. La microbiologie de la parodontite juvénile généralisée (parodontite agressive généralisée) est caractérisée par une association de Porphyromonas gingivalis et d’autres bacilles à Gram négatif (Eikenella corrodens, Capnocytophaga sp., Actinobacillus actinomycetemcomitans, ...)19. Parodontite associée au VIH (P-VIH) La composition de la flore bactérienne est proche de celle des parodontites de l’adulte avec une augmentation du pourcentage de Campylobacter rectus. Parfois, des entérobactéries peuvent déstabiliser la flore buccale31. Il faut noter la disparition dans la nouvelle classification de la parodontite réfractaire dont l’existence est discutée. L’éradication de ces pathogènes parodontaux dits « primaires » doit donc être un objectif thérapeutique. Or, parfois ces formes de maladies parodontales ne peuvent être contrôlées par simple débridement mécanique associé aux antiseptiques habituels, et nécessitent un recours à une antibiothérapie50.

64

Antibiothérapie curative systémique Le traitement mécanique seul est habituellement suffisant pour contrôler la majorité des parodontites. Mais dans le cas de parodontites agressive et réfractaire ou encore de patients à haut risque de maladies parodontales, l’antibiothérapie doit être systémique37,40.

Indications de l’antibiothérapie 7 Cette antibiothérapie est donc indiquée en cas de : • parodontites agressives avec détection de bactéries comme le Aa, le Pg, le Pi et le Bf, bactéries exogènes non éliminées sans antibiothérapie ; • réponse clinique moyenne ou mauvaise après thérapeutique conventionnelle, notamment pour les poches profondes et les lésions interradiculaires ; • récidive pendant la thérapeutique parodontale de soutien par un mauvais contrôle de plaque de la part du patient avec une réinfection de poches ; • possibilité de réinfection parodontale à partir d’autres sites oropharyngés infectés ; • patients à risque avec antécédents d’endocardites ou porteurs de prothèses valvulaires, ou encore de diabétiques non équilibrés nécessitant une antibioprophylaxie pour tout traitement parodontal.

Tests bactériologiques Différents pathogènes ont des susceptibilités variables, et une antibiothérapie non discriminante aurait pour conséquence soit d’augmenter les résistances bactériennes in vivo, soit de favoriser une croissance excessive de bactéries déjà résistantes8. Au contraire, ciblée sur le(s) pathogène(s), l’administration systémique d’antibiotique (amoxicilline, métronidazole, cyclines) n’augmente que provisoirement le pourcentage d’espèces résistantes, avec un retour aux niveaux préthérapeutiques après 90 jours10. C’est pourquoi, la prescription d’une antibiothérapie systémique est indissociable d’une analyse microbienne préalable, afin de pouvoir individualiser les acteurs en présence8. De nos jours, les sondes acide désoxyribonucléique (ADN) présentent les avantages, par rapport aux cultures bactériennes, de ne pas nécessiter de bactéries vivantes, d’être faciles d’emploi à la fois pour le praticien et le laboratoire. Toutefois, elles présentent les désavantages d’être semi-quantitatives et de posséder une grande spécificité.

V. Orti et al. Une analyse après antibiothérapie fournit donc des informations quant à l’efficacité du traitement.

Principales familles d’antibiotiques utilisées en parodontologie 6 Le choix des antibiotiques pour le traitement des maladies parodontales infectieuses doit se faire en fonction des bactéries pathogènes supposées présentes au cours d’une pathologie donnée, du spectre de l’activité antibactérienne et de la pharmacocinétique des antibiotiques31. Bêtalactamines L’action bactéricide des pénicillines du groupe A, inhibant la formation de la paroi bactérienne, est particulièrement bien ciblée sur les germes habituellement rencontrés dans les maladies parodontales. Les pénicillines du groupe A peuvent être divisées en deux sous-groupes, l’ampicilline et ses dérivés dont l’amoxicilline (para-hydroxyampicilline) utilisée en parodontologie, et les N-acylpénicillines. Amoxicilline : • formule brute : C16H19N3O5S • masse moléculaire : 365,40 • pKa : 2,67/7,11 • point de fusion : 216-218 La biodisponibilité de l’amoxicilline (Clamoxyl®, Hiconcil®, ...) par voie orale est meilleure comparée à l’ampicilline (Proampi®, Totapen®, ...) : • dose (mg) : 1 000 • C0 (mg/l) : • Cmax (mg/l) : 8,2 • Tmax (h) : 1,75 • C8h (mg/l) : 0,3 Les taux sériques obtenus par l’amoxicilline (7 à 10 mg/l en 2 heures) sont supérieurs à ceux de l’ampicilline (3 à 4 mg/l en 2 heures). La bacampicilline (Penglobe®), avec un spectre identique à celui de l’ampicilline et de l’amoxicilline, possède une meilleure absorption intestinale, d’où son pic sérique plus élevé et plus précoce (7,8 mg/l en 45 à 60 minutes à 400 mg ; 9 mg/ml en 45 à 60 minutes à 600 mg) et une concentration dans la gencive et l’os trois fois plus élevée que celle de l’amoxicilline38. L’efficacité des pénicillines, leur bonne tolérance, l’absence d’effets secondaires mis à part les phénomènes d’allergie, l’absence pratiquement d’interactions médicamenteuses, expliquent qu’elles sont prescrites en première intention. Quant à la prescription de l’association acide clavulanique-amoxicilline (Augmentin®), elle doit être réservée à des affections graves et ne doit être prescrite qu’en deuxième intention.

Antibiothérapie et maladies parodontales Tableau 1

65

Activité du métronidazole sur les anaérobies stricts.

Espèces bactériennes Anaérobies stricts Prevotella sp. Porphyromonas gingivalis Actinomyces sp. Fusobacterium nucleatum Veillonella sp.

Valeurs moyennes des CMI (mg/l) Écart des CMI CMI50 0,03-2 1 < 0,25 2 à 128 32 0,03-4 0,25 0,5-2 1

Nitro-imidazolés Les dérivés imidazolés sont bactéricides, actifs sur les souches anaérobies sans induire de résistances et ont peu d’action sur la flore oropharyngée commensale. Le métronidazole fait partie de la famille des nitro-5-imidazolés. Il est commercialisé sous le nom de Flagyl®, et sous celui de Rodogyl® et Birodogyl® lorsqu’il est associé à la spiramycine. Métronidazole : • formule brute : C6H9N3O3 • masse moléculaire : 171,16 • pKa : 2,62 • point de fusion : 159-163 °C Les valeurs de concentration minimale bactéricide (CMB) des imidazolés sur les anaérobies stricts sont égales ou très voisines de celles des concentrations minimales inhibitrices (CMI). L’activité du métronidazole sur les anaérobies stricts peut être résumée selon le tableau 1. Parmi les différents antibiotiques, plusieurs études ont prouvé que le métronidazole atteint des concentrations antibactériennes efficaces dans les tissus gingivaux et le fluide gingival, avec des effets plus marqués et à plus long terme10,25, ainsi que des indices cliniques statistiquement améliorés. Cette efficacité en termes de réduction de profondeur de poche et de gain d’attache a été confirmée selon les études jusqu’à 6 mois18, 12 mois10, et 24 mois45. Le métronidazole seul peut éliminer Porphyromonas gingivalis et Prevotella intermedia, germes rencontrés dans les parodontites agressives et anciennement réfractaires. Dans certaines formes où plusieurs pathogènes coexistent, l’association d’antibiotiques sytémiques a été étudiée dans le but d’élargir le champ microbien (Figure 1). Les associations les plus étudiées ont été réalisées avec la spiramycine où une synergie est observée sur les souches Bacteroides, Prevotella, un effet additif sur les Actinomyces. Cette synergie a été mise à profit dans le traitement des infections parodontales. Winkel et al.53, chez 49 patients, ont prouvé l’efficacité supérieure d’une association métronidazole-amoxicilline comparativement à la thérapie initiale seule, tant sur le plan clinique que

CMI90 2 > 128 0,5-4 2

microbiologique. Les résultats d’une étude plus récente de Rooney et al.43, randomisée et en double aveugle sur 66 patients atteints de forme chronique avancée, confirment les effets significativement supérieurs de cette association jusqu’à 6 mois. Ce régime antibiotique permet une réduction du nombre de sites en progression28 et un gain d’attache significativement supérieur (notamment dans les cas de poches de profondeur initiale supérieure à 6 mm)5. Rooney et al.43 concluent d’ailleurs que cette association apporte des bénéfices considérables dans le traitement des maladies parodontales avancées par rapport aux monothérapies d’amoxicilline ou de métronidazole. Van Winkelhoff51 propose, dans le cas d’une infection en présence de Aa, la prescription de métronidazole associé à de l’amoxicilline (250 mg de métronidazole et 375 mg d’amoxicilline), trois fois par jour, pendant 7 jours. La posologie selon la molécule antibiotique choisie peut être résumée selon le tableau 2. 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Porph.sp MOL

Prev.sp AMX

Fusobact.

Veillon.sp

AMC

Figure 1 Histogramme du pourcentage des souches de bactéries anaérobies à Gram négatif inhibées pour chacune des concentrations critiques en mg/l. MOL : métronidazole (16) ; AMX : amoxicilline (4) ; AMC : amoxicilline + acide clavulanique (16/2) ; Porph.sp. : Porphyromonas sp. ; Prev.sp. : Prevotella sp. ; Fusobact. : Fusobacterium ; Veillon.sp. : Veillonella sp.

66 Tableau 2

V. Orti et al. L’antibiothérapie systémique.

Molécules Amoxicilline

Germes concernés Actinobacillus actinomycetemcomitans Porphyromonas gingivalis Prevotella intermedia Porphyromonas gingivalis Prevotella intermedia Actinobacillus actinomycetemcomitans

Métronidazole Métronidazole + amoxicilline

Cyclines Le groupe des cyclines a été le premier groupe d’antibiotiques à large spectre à être décrit. La première cycline, la chlortétracycline, a été isolée en 1944 par B.-M. Duggar et commercialisée en 1948. Les analogues semi-synthétiques, la doxycycline et la minocycline (Tableau 3), ont été découvertes respectivement en 1966 et en 1972. Ce sont des molécules de cycline de deuxième génération, semi-synthétiques, avec une demi-vie plasmatique longue. Les tétracyclines ont un mode d’action bactériostatique par inhibition de la synthèse protéique des bactéries12,32. Elles sont actives vis-à-vis de toutes les bactéries à Gram négatif et à Gram positif de la flore buccale, et notamment vis-à-vis de l’Aa, généralement résistant à la pénicilline. Outre son potentiel bactériostatique, l’intérêt résiderait surtout dans la capacité de cet antibiotique à inhiber la collagénase13 et la résorption osseuse15. La diminution des éléments de dégradation tissulaire entraînerait une réduction de l’effet chimioattractant exercé sur les polymorphonucléaires neutrophiles, avec pour conséquence la résolution de l’inflammation14. Après avoir été utilisées dans la spécialité pour des pathologies infectieuses de moyenne importance, elles ne sont pratiquement plus prescrites qu’en parodontologie (surtout dans les cas de parodontites agressives localisées). Tableau 3

1 g/j (7 jours) 1 g/j + 1,5 g/j (7 jours)

L’antibiotique administré per os aux doses habituelles de 1 à 2 g/j, se concentre préférentiellement dans le fluide gingival16 à des taux de 4 à 8 lg/ml, doubles à triples de ceux observés au niveau sérique17. Les cyclines sont des antibiotiques bactériostatiques, le rapport des CMB sur CMI étant en moyenne de 4. Elles peuvent avoir éventuellement un effet bactéricide sur des souches bactériennes avec des CMI très basses quand les taux sériques et tissulaires sont supérieurs à la CMB (Tableau 4).

Antibiothérapie locale Avantages par rapport au traitement systémique Toutes les dents ne sont pratiquement jamais touchées dans la même mesure par la maladie. Même sur une dent individuelle, la maladie ne progresse pas de manière uniforme. Par voie de conséquence, on serait tenté de se demander s’il n’est pas préférable de traiter des lésions parodontales circonscrites par des antibiotiques appliqués de façon locale, plutôt que de procéder par voie systémique11.

Minocycline et doxycycline. Formule brute C23H27N3O7 C22H24N2O8

Minocycline Doxycycline

Tableau 4

Posologie habituelle 1,5 g/j (7 jours)

Masse moléculaire 457,49 444,45

pKa 2,8 3,5

Concentration minimale inhibitrice (CMI) de la doxycycline et de la minocycline pour des bactéries anaérobies.

Micro-organismes Gram positif – Streptocoques – Actinomyces Gram négatif – Fusobacterium

Doxycycline CMI50

CMI90

Minocycline CMI50

CMI90

0,2 0,5

1 2

-

-

0,125

0,5

0,125

0,5

Antibiothérapie et maladies parodontales L’antibiothérapie locale offre des avantages sur les applications systémiques : • elle cause moins d’effets indésirables ; • elle cause moins d’interactions médicamenteuses ; • elle fournit des concentrations au niveau des poches parodontales plus élevées en agents, tout en diminuant les quantités de produits utilisées avec une concentration très supérieure à la concentration minimale inhibitrice (CMI) ; • elle minimise les problèmes de compliance.

Historique Depuis l’avènement des antibiotiques, bon nombre de tentatives ont été entreprises afin de traiter la parodontite au moyen de substances antimicrobiennes introduites directement dans la poche parodontale. L’éventail s’étend du simple rinçage de la poche par l’injection de pâtes ou de gel à base d’antibiotiques, jusqu’à la mise au point de nouvelles formules appelées Local Delivery Devices (LDD), ou systèmes de libération prolongée. Ces derniers sont destinés à la diffusion continue de différents agents antibactériens dans la poche parodontale. Afin que cette approche antimicrobienne puisse être couronnée de succès, il est non seulement nécessaire que la substance antimicrobienne puisse atteindre l’ensemble de la région touchée par la maladie, mais elle doit également être à même d’exercer, à une concentration suffisamment élevée au niveau local et durant un temps suffisamment long, son action sur les germes33. Compte tenu du volume restreint de la poche parodontale d’une part, et du tonus élevé au sein du parodonte d’autre part, il paraît improbable que le rôle de réservoir puisse être joué par un substrat qui ne soit pas placé dans la poche parodontale sous forme d’un objet physiquement solide. Plusieurs méthodes d’application locale ont été décrites ces dernières années, comme l’application de métronidazole (Elyzol® contenant 25 % de métronidazole), de tétracycline (Actisite®) ou de doxycycline (Atrisorb®). Aucun produit ne répond encore complètement aux spécifications requises (efficacité, durée d’application, absence d’interférences avec la cicatrisation, facilité d’utilisation). Les supports résorbables sont certainement à privilégier, encore faut-il qu’il soit possible de déterminer de façon précise la durée de résorption in vivo.

67

Intérêts Les propriétés d’Elyzol® ont permis d’obtenir des résultats cliniques d’abord chez l’animal, puis chez l’homme. D’autres études sont venues par la suite confirmer ces premiers résultats avec, en outre, des résultats à long terme avec contrôle bactériologique (18 et 24 mois) chez des patients en thérapeutique parodontale de soutien20. Radvar et Kinane41 ont comparé trois types d’application locale : des fibres de tétracyclines, un gel de métronidazole et un gel de minocycline combiné au détartrage/surfaçage radiculaire, comparé au détartrage/surfaçage radiculaire seul. Tous ces traitements ont montré une augmentation de gain d’attache à 6 mois (en moyenne 0,5 mm), mais pas de différence significative entre les diverses options. Cette antibiothérapie locale fait donc appel à des systèmes de libération lente (< 24 heures) ou à libération contrôlée (> 1 jour) dans le but de maintenir une concentration efficace de l’agent. Une étude clinique récente de Salvi et al.44 menée sur 47 patients a comparé les effets cliniques et microbiologiques de trois polymères biodégradables (Atridox®, Elyzol® Dental Gel et Periochip®). Si les auteurs observent une réduction significative des profondeurs de poches pour les trois systèmes (après une thérapeutique étiologique comprenant détartrage et surfaçage radiculaire) avec une réduction moyenne de 0,3 mm, seule l’application d’Atridox® permettait la survenue de résultats cliniques supérieurs aux deux autres, avec une réduction moyenne de poche de 0,7 mm et un gain d’attache de 0,6 mm. Ceci était observé de façon concomitante à une réduction du nombre bactérien total.

Limites La magnitude des résultats attendus semble modérée comparativement à ceux d’une thérapie initiale conventionnelle 44. Les réductions additionnelles, en termes de perte d’attache et d’alvéolyse, semblent limitées, et aucun bénéfice antimicrobien n’a pu être mis en évidence21,39,44. Ce mode d’administration présente des inconvénients conséquents : • difficulté de traiter un grand nombre de sites ; • absence de contrôle du temps d’action ; • risque de recontamination par non-éradication des réservoirs. L’ensemble de ces éléments doit nous mettre en garde vis-à-vis de cette thérapeutique adjuvante qui ne doit jamais se substituer à une antibiothérapie systémique quand elle est indiquée.

68 Cette antibiothérapie est donc surtout réservée aux lésions localisées survenant en cas d’activité pathologique résiduelle (après thérapeutique étiologique) ou de récidive pendant la thérapeutique parodontale de soutien.

Antibioprophylaxie

V. Orti et al. Tableau 5

L’antibioprophylaxie en soins ambulatoires.

Absence d’allergie aux bêtalactamines Allergie aux bêtalactamines

Patients à risques Deux grands groupes de sujets à risque infectieux sont définis. Groupe A Risque d’infection identifiée localement et/ou de surinfection générale (septicémie). Ce sont des patients susceptibles à l’infection en raison d’une pathologie sous-jacente, que celle-ci soit d’origine métabolique (diabète non contrôlé), maligne (maladie de Hodgkin, ...), infectieuse (infection par le virus de l’immunodéficience humaine [VIH], ...), médicamenteuse (agents immunosuppresseurs ou cytotoxiques) ou auto-immune42. Une prescription anti-infectieuse prophylactique s’impose quelle que soit la procédure chirurgicale envisagée. Groupe B Risque d’infection lié à une localisation secondaire de la bactérie, créant un néofoyer infectieux à distance du foyer primaire (endocardite infectieuse, infection d’une prothèse articulaire, par exemple). Ce risque concerne les sujets présentant une cardiopathie définie « à risque d’endocardite infectieuse » et des sujets porteurs de prothèse42. Dans ce cas, l’antibioprophylaxie s’avère indispensable, ces patients étant hautement susceptibles de développer un processus infectieux.

Molécules Amoxicilline

Clindamycine ou Pristinamycine

Posologie (voie orale) 2 g per os chez l’adulte 50 mg·kg-1 chez l’enfant 600 mg chez l’adulte 15 mg·kg-1 chez l’enfant 1 g chez l’adulte 25 mg·kg-1 chez l’enfant

Conclusion Le biofilm va imposer une modification de notre attitude thérapeutique dans le contrôle du facteur infectieux. Une approche non raisonnée de l’antibiothérapie peut conduire au développement de souches résistantes. L’antibiothérapie en parodontologie intervient dans le cadre de l’éradication de pathogènes et dans le contrôle de flore déstabilisée, notamment dans les formes les plus agressives de parodontites. Toute prescription à visée curative doit faire intervenir une réflexion du clinicien sur la nature des germes en présence et leur sensibilité aux antibiotiques, afin de déterminer la famille d’antibiotiques la mieux adaptée. La posologie, la fréquence des prises et la durée du traitement devront être déterminées en fonction de la localisation de l’infection, de la charge bactérienne, de la demi-vie plasmatique de l’antibiotique et de son accessibilité jusqu’au site de l’infection. Aujourd’hui, l’antibiothérapie locale amène des résultats pour le moment insuffisants mais reste une voie thérapeutique à exploiter.

Références Critères de choix d’un antibiotique en antibiothérapie prophylactique En règle générale, la prophylaxie standard de l’endocardite infectieuse et des infections sur prothèses articulaires requiert une seule prise d’antibiotique per os 1 heure avant le geste. La prescription consiste en 2 g d’amoxicilline chez l’adulte et 50 mg·kg–1 chez l’enfant1. En cas d’allergie aux bêtalactamines, il est recommandé de prescrire une dose de 600 mg de clindamycine chez l’adulte et de 15 mg·kg–1 chez l’enfant, ou encore de 1 g de pristinamycine chez l’adulte et de 25 mg·kg–1 chez l’enfant1. Ces données sont résumées dans le tableau 5.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 71–81

www.elsevier.com/locate/emcden

Physiologie de l’hémostase The Normal Haemostatic Process T. de Revel (Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service adjoint) a,*, K. Doghmi (Assistant des Hôpitaux des Armées, spécialiste d’hématologie) a,b a

Service d’hématologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101 avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart, France b Service d’hématologie, Hôpital militaire d’instruction Mohammed V, Rabat, Maroc

MOTS CLÉS Hémostase primaire ; Coagulation ; Fibrinolyse ; Plaquettes ; Thrombine ; Fibrine ; Temps de céphaline activé ; Temps de Quick

Résumé Le processus physiologique de l’hémostase est déclenché par le développement d’une brèche vasculaire. Il vise à son obturation et au colmatage de la fuite sanguine par deux étapes distinctes mais intriquées et dépendantes l’une de l’autre : l’hémostase primaire et la coagulation plasmatique. L’hémostase primaire est le mécanisme d’urgence mettant en jeu les plaquettes sanguines circulantes qui adhèrent à l’endothélium pour former le thrombus blanc ou clou plaquettaire. Secondairement, le thrombus plaquettaire est consolidé par la constitution d’un réseau de fibrine qui enserre les plaquettes agrégées dans ses mailles. La fibrine insoluble est générée à partir d’une protéine plasmatique soluble, le fibrinogène, sous l’action de la thrombine, produit final de la cascade d’activation enzymatique du système de la coagulation. Le thrombus fibrinoplaquettaire est secondairement résorbé par la mise en œuvre d’une enzyme protéolytique, la plasmine, principale protéine du système fibrinolytique. Les différentes phases de l’hémostase sont hautement régulées par un système d’activateurs et d’inhibiteurs plasmatiques assurant un contrôle local de la constitution du caillot et évitant l’activation de la coagulation à distance de la brèche vasculaire. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Primary haemostasis; Coagulation; Fibrinolysis; Platelets; Thrombin; Fibrin; Activated partial thromboplastin time; Prothrombin time

Abstract Haemostasis is a physiological process triggered by a breach in a blood vessel. Haemostasis plugs the breach and stops the loss of blood via two distinct but intertwined and interdependent mechanisms: primary haemostasis and plasma coagulation. Primary haemostasis is an emergency mechanism in which circulating blood platelets adhere to the injured endothelium to produce a white thrombus or platelet plug. Then, the platelet plug is strengthened by the development of a fibrin network that entraps the aggregated platelets. Insoluble fibrin is produced when the soluble plasma protein fibrinogen is exposed to thrombin, the final product of a cascade of enzymatically activated reactions among clotting factors. The fibrin-platelet thrombus is eventually dissolved by the proteolytic enzyme plasmin, which is the main protein of the fibrinolytic system. The various phases of haemostasis are tightly regulated by a system of plasma activators and inhibitors that locally control the development of the clot and avoid activation of coagulation at a distance from the vascular injury. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. de Revel). © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00007-2

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Introduction Toute rupture de l’intégrité du circuit vasculaire à l’origine d’une fuite sanguine, déclenche une série de processus cellulaires et biochimiques assurant l’obturation de la brèche et le contrôle de l’hémorragie. L’hémostase 1,2 répond à l’ensemble de ces mécanismes physiologiques et comprend plusieurs étapes intriquées et interdépendantes qu’il convient d’isoler par souci descriptif en : • hémostase primaire, première étape d’urgence du contrôle hémorragique, conduisant au thrombus plaquettaire en une durée de 3 à 5 minutes ; • hémostase secondaire, ou coagulation plasmatique, dont le rôle est de consolider le thrombus plaquettaire par la constitution d’un réseau protéique de fibrine en une durée de 5 à 10 minutes ; • fibrinolyse assurant secondairement la dégradation enzymatique de la masse fibrinoplaquettaire à l’issue de la réparation vasculaire en une durée de 48 à 72 heures. L’ensemble de ces processus est étroitement régulé par la mise en œuvre d’un système très complexe d’activateurs et d’inhibiteurs, permettant à l’hémostase de se développer au foyer même de la brèche vasculaire sans extension à distance.

Hémostase primaire Il s’agit de l’ensemble des mécanismes physiologiques conduisant à l’obturation initiale de la brèche vasculaire et aux premières étapes de sa réparation. Le clou plaquettaire, ou thrombus blanc, est le produit final de l’hémostase primaire qui est secondairement consolidé par la mise en œuvre des processus de la coagulation. Quatre acteurs principaux dominent cette phase : les composants de la paroi vasculaire, les plaquettes sanguines, et deux protéines plasmatiques qui sont le fibrinogène et le facteur Willebrand (VWF). Nous allons les décrire brièvement avant d’aborder les différentes étapes de leurs interactions conduisant au thrombus plaquettaire.

Partenaires de l’hémostase primaire Paroi vasculaire La composition anatomique des vaisseaux repose sur un assemblage de plusieurs couches cellulaires et non cellulaires variant selon la nature et le calibre vasculaire. On retrouve, de dedans en dehors, la monocouche de cellules endothéliales, les

T. de Revel, K. Doghmi cellules musculaires lisses et la couche externe de tissu conjonctif ou adventice. La propriété fondamentale de la paroi vasculaire, qui sous-tend l’équilibre physiologique des mécanismes de l’hémostase, est l’hémocompatibilité de la cellule endothéliale au repos qui est ainsi thromborésistante en prévenant l’activation du système de la coagulation. En revanche, la cellule endothéliale activée et surtout les structures sousendothéliales sont hautement thrombogènes. Toute rupture de l’intégrité de la couche endothéliale met ainsi à nu les structures sousendothéliales qui, en contact direct avec le sang circulant, induisent les phénomènes de l’hémostase primaire et de la coagulation à l’origine d’un thrombus. Cellule endothéliale Les cellules endothéliales tapissent la surface interne de la lumière vasculaire et sont agencées en une monocouche de cellules cohésives dont les propriétés sont nombreuses et varient en fonction de leur état d’activation : thrombomodulation, production protéique, perméabilité sélective assurant les échanges entre le sang et le milieu intérieur. Les cellules endothéliales sont arrimées sur une couche de macromolécules qu’elles synthétisent elles-mêmes et qui sont très thrombogènes : collagène, fibronectine, laminine, VWF, glycosaminoglycanes. La thromborésistance de la face interne de la cellule endothéliale est assurée par des propriétés actives et passives qui sont la charge ionique négative de la membrane, l’agencement antiadhésif des protéines de surface, la production locale de médiateurs antiagrégants plaquettaires, d’inhibiteurs de la coagulation ou encore d’activateurs de la fibrinolyse. La thrombogénicité de la cellule endothéliale s’exprime à travers la modulation de cespropriétés induite par divers médiateurs activateurs tels que les endotoxines bactériennes, les cytokines pro-inflammatoires (interleukine [IL-1], tumor necrosis factor [TNF]) ou encore la thrombine. La cellule endothéliale activée exprime des protéines prothrombotiques (phospholipides, facteur tissulaire...) à sa surface membranaire, déclenchant ainsi les phénomènes d’adhésion/ agrégation plaquettaire ou les réactions de la coagulation. La cellule endothéliale est par ailleurs le siège d’une activité métabolique intense conduisant notamment à la production de nombreuses molécules impliquées dans les phénomènes d’hémostase : • le collagène, une des principales protéines prothrombogène ;

Physiologie de l’hémostase • le facteur, protéine d’adhésion plaquettaire, stocké sous la forme de multimères de haut poids moléculaire ; • le facteur tissulaire, récepteur du facteur VII, initiant la voie extrinsèque de la coagulation ; • la thrombomoduline qui, en présence de thrombine, active la protéine C, facteur inhibiteur de la coagulation ; • les protéines vasoactives telles que le monoxyde d’azote (NO) vasodilatateur ou l’endothéline vasoconstrictrice ; • les protéines modulant à la fois l’activité plaquettaire et la vasomotricité telles la prostacycline (PGI2), antiagrégante et vasodilatatrice ou la thromboxane A2 (TXA2), proagrégante et vasoconstrictrice. Cellules musculaires lisses Elles assurent le tonus vasomoteur, par le biais du système nerveux autonome et de médiateurs chimiques vasoactifs synthétisés par la cellule endothéliale comme le NO et l’endothéline. Leur prolifération est sous la dépendance de facteurs de croissance d’origine endothéliale (platelet derived growth factor [PDGF], fibroblast growth factor [FGF]) dont le rôle est avancé dans la pathogénie des lésions d’athérosclérose. Plaquettes Il s’agit de cellules anucléées de 2 à 3 lm de diamètre et d’un volume de 8 à 10 ftl, produites dans la moelle osseuse par le biais d’une fragmentation cytoplasmique de leurs précurseurs mégacaryocytaires. Le taux de plaquettes sanguines varie de 150 à 400 109/l, le tiers du pool plaquettaire périphérique étant séquestré dans la rate ; elles ont une durée de vie de 8 à 10 jours. Les cellules plaquettaires, ou thrombocytes, présentent une structure très particulière en accord avec leurs fonctions primaires d’adhésion à l’endothélium et d’autoagrégation (Fig. 1) : • membrane cytoplasmique riche en glycoprotéines fonctionnelles ;

Figure 1 Représentation schématique d’une plaquette. Ga : granules a ; Gd : granules denses ; Ly : lysosomes ; sco : système canaliculaire ouvert ; mit : mitochondrie ; std : système tubulaire dense.

73 • système membranaire complexe intracytoplasmique ; • système microtubulaire et microfibrillaire ; • système de granulations intracytoplasmiques. La membrane plaquettaire est classiquement constituée, comme toute membrane cellulaire, d’une double couche lipidique au sein de laquelle viennent s’arrimer des glycoprotéines hydrophobes riches en acide sialique déterminant la charge négative. Les phospholipides constituent 80 % des lipides membranaires et sont polarisés au niveau du feuillet interne lorsque la plaquette est au repos. À l’état d’activation plaquettaire, les phospholipides sont exposés sur le versant externe de la membrane, au contact des composants plasmatiques, assurant ainsi leur fonction procoagulante. Les glycoprotéines ancrées dans la membrane jouent un rôle de récepteur dont la fonction est de transmettre un signal vers les structures cytoplasmiques, contractiles ou sécrétrices par exemple. Les glycoprotéines dont les fonctions sont les mieux connues sont le complexe gpIb/IX, récepteur de VWF impliqué dans l’adhésion plaquettaire à l’endothélium, et le complexe gpIIb/IIIa, récepteur du fibrinogène impliqué dans le processus d’agrégation plaquettaire. Un système membranaire complexe intracytoplasmique caractérise la cellule plaquettaire et ses fonctions de sécrétion. Le système canaliculaire ouvert est un réseau membranaire constitué à partir d’invaginations de la membrane plasmique, dont le rôle est de permettre le déversement et le stockage des substances des granulations plaquettaires. Le système tubulaire dense n’est pas ouvert sur l’extérieur et consiste en un lieu de stockage du Ca++ utilisé par les structures contractiles. Les microtubules et les microfibrilles représentent l’appareil contractile de la cellule plaquettaire ; ils assurent le maintien de sa forme discoïde au repos et ses mouvements et changements de forme caractérisant son état d’activation, par le biais des deux principales protéines contractiles qui sont l’actine et la myosine. Trois types de granules intracytoplasmiques sont individualisables, dont le rôle réside dans le stockage de nombreuses substances spécifiques à chacune d’entre elles. Les granules alpha sont les plus abondants et sont mis en évidence par leur teinte azurophile en coloration par le May-GrünwaldGiemsa en microscopie optique. Ils contiennent des facteurs de la coagulation et des cytokines (PDGF, transforming growth factor [TGF], epidermal growth factor [EGF]...). Les granules denses sont les moins nombreux, de l’ordre de 5 à 10 par cellule ; individualisables en microscopie électronique, ils contiennent des substances proagrégantes

74 et vasoactives (adénosine diphosphate [ADP], adénosine triphosphate [ATP], sérotonine, histamine, Ca++...). Les lysosomes, enfin, sont le lieu de stockage de diverses enzymes à activité antibactérienne ou protéolytique (phosphatase acide, protéase, collagénase...). Facteur von Willebrand Il s’agit d’une protéine synthétisée à la fois par les cellules endothéliales et par les mégacaryocytes. Son précurseur est un monomère de 2 050 acides aminés d’un poids moléculaire de 270 kDa qui se polymérise secondairement en VWF de haut poids moléculaire pour être stocké par la cellule endothéliale, au sein des corps de Weibel-Palade, ou par les plaquettes, au sein des granules a, avant d’être libéré dans la circulation. Son rôle est double. Il permet l’adhésion des plaquettes aux cellules endothéliales activées, ou au sous-endothélium, via son récepteur plaquettaire gpIb/IX. Ce rôle s’exprime essentiellement lors des contraintes hémodynamiques fortes. Le VWF représente en outre la protéine transporteuse du facteur VIII coagulant, ou facteur antihémophilique A. Fibrinogène Il s’agit d’une protéine soluble synthétisée par le foie, substrat final de la coagulation qui est transformé en fibrine insoluble par la thrombine (cf. coagulation). Le fibrinogène exerce en outre un rôle important au niveau de l’hémostase primaire en assurant les ponts moléculaires interplaquettaires à l’origine des agrégats plaquettaires.

Différentes étapes de l’hémostase primaire L’hémostase primaire met en œuvre une barrière hémostatique d’urgence par la constitution d’un « clou plaquettaire », ou thrombus blanc, venant obstruer la brèche vasculaire. Ses caractéristiques sont la rapidité de sa génération mais aussi sa fragilité, requérant une consolidation secondaire par un réseau protéique de fibrine, produit final des processus enzymatiques de la coagulation plasmatique. Plusieurs étapes permettent la formation du clou plaquettaire : • la vasoconstriction ; • l’adhésion des plaquettes au sous-endothélium ; • l’activation et la sécrétion plaquettaire ; • l’agrégation des plaquettes entre elles aboutissant au clou plaquettaire.

T. de Revel, K. Doghmi Temps vasculaire Le temps vasculaire est l’étape initiale secondaire à la constitution de la brèche vasculaire : il en résulte une vasoconstriction réduisant le calibre vasculaire qui ralentit le débit sanguin, permettant par là une réduction des pertes et une certaine stase circulatoire qui favorise la mise en œuvre des différentes étapes de l’hémostase. La vasoconstriction réflexe est induite par l’élasticité de la tunique sous-endothéliale des cellules musculaires lisses, mais aussi par le système nerveux neurovégétatif innervant les structures vasculaires. De nombreuses substances sécrétées par les cellules endothéliales ou les plaquettes activées, comme la sérotonine, l’endothéline ou le TXA2, entretiennent ou accroissent la vasoconstriction. Temps plaquettaire Adhésion plaquettaire Il s’agit d’un phénomène passif induit par la rencontre des plaquettes circulantes avec les structures sous-endothéliales hautement thrombogènes comme le collagène, mises à nu par la rupture de la couche endothéliale. L’adhésion plaquettaire est permise par la fixation du VWF au collagène qui s’arrime à la membrane plaquettaire par son récepteur, la gpIb. Différentes glycoprotéines plaquettaires participent également à cette adhésion des plaquettes, qui est un préalable indispensable à leur activation. En effet, l’interaction des récepteurs glycoprotéiques plaquettaires avec leurs ligands respectifs conduit à la transduction d’un signal intracytoplasmique déclenchant les différentes réactions métaboliques d’activation cellulaire. Activation plaquettaire L’activation des cellules plaquettaires est caractérisée par deux phénomènes principaux, leur changement de forme et leur activation métabolique. Il s’agit de processus actifs nécessitant de l’énergie, sous forme d’ATP dérivant du métabolisme du glucose, et la disponibilité intracytoplasmique des ions calcium (Ca++) indispensables à l’activation du système contractile actine-myosine. Discoïdes à l’état de repos, les plaquettes activées deviennent sphériques, émettent des pseudopodes et s’étalent sur la surface d’adhésion. Les granules intracytoplasmiques fusionnent avec le système canaliculaire ouvert et y libèrent leur contenu, qui se déverse ainsi dans le plasma environnant. Ce phénomène de sécrétion plaquettaire, libère de nombreuses substances proagrégantes (ADP, fibrinogène, sérotonine), procoagulantes (facteur V, VWF, fibrinogène) ou vasomotrices (sérotonine, NO, TXA2) contribuant à l’amplification

Physiologie de l’hémostase du processus d’hémostase primaire et créant les conditions favorables à la coagulation plasmatique. Par ailleurs, la plaquette activée génère de nombreuses substances pharmacologiquement actives à partir de ses phospholipides membranaires comme l’acide arachidonique. Celui-ci est métabolisé par la phospholipase A2 pour aboutir à la TXA2, puissant agent vasoconstricteur et proagrégant, et à d’autres prostaglandines modulant les activités plaquettaire et vasculaire. Un autre phénomène essentiel se déroulant au cours de la phase d’activation plaquettaire est le phénomène de « flip-flop » membranaire, permettant aux structures internes de la membrane de se repositionner vers l’extérieur en contact avec le plasma. Cette modification permet aux phospholipides chargés négativement, et notamment la phosphatidylsérine, de s’extérioriser et de devenir disponibles pour la fixation des facteurs de la coagulation vitamine K-dépendants, amplifiant par là considérablement les processus enzymatiques de la cascade de la coagulation. Agrégation plaquettaire L’ADP et les traces de thrombine initialement produites par les premières étapes de la coagulation sont les principaux agonistes de l’agrégation plaquettaire, qui est ensuite amplifiée par d’autres substances telles que la TXA2, l’adrénaline ou la sérotonine. L’agrégation est permise par le fibrinogène qui crée de véritables ponts adhésifs interplaquettaires par le biais de sa fixation à son récepteur membranaire spécifique, la gpIIb/IIIa. Il s’agit d’un phénomène actif requérant ici aussi énergie et disponibilité de Ca++. Si les phénomènes d’adhésion, d’activation et d’agrégation plaquettaire sont individualisables in vitro, ils se déroulent simultanément in vivo avec un phénomène de recrutement amplifiant la masse cellulaire active conduisant au clou plaquettaire hémostatique.

Coagulation L’hémostase obtenue par le clou plaquettaire est fragile et temporaire, et doit être consolidée par la génération d’un réseau protéique qui réalise ainsi une hémostase permanente. Il s’agit du processus de coagulation du plasma sanguin aboutissant à la transformation du fibrinogène plasmatique circulant soluble en fibrine insoluble enserrant le clou plaquettaire par le biais d’une série de réactions enzymatiques dont le contrôle continu permet une restriction locale sans diffusion à distance de la zone lésionnelle.

75 Le processus central de la coagulation est la génération de la molécule de thrombine, enzyme clé de la coagulation, permettant la transformation du fibrinogène en fibrine et assurant la rétroactivation et l’amplification des différentes étapes tant de la coagulation que de l’hémostase primaire.

Facteurs de la coagulation On entend par facteurs de la coagulation des protéines plasmatiques participant au processus de la coagulation et dont on distingue trois groupes différents : les protéines à activité enzymatique, les protéines dénuées d’activité enzymatique mais servant de cofacteurs et les protéines ayant un rôle de substrat (Tableau 1). Ces protéines plasmatiques ont été initialement reconnues par défaut au cours de pathologies hémorragiques héréditaires liées à un déficit de synthèse. Elles ont été ensuite isolées, purifiées et leurs gènes séquencés, ce qui a permis l’étude de leur régulation génétique et pour certaines leur synthèse par voie recombinante. Elles sont au nombre de 12 et bien qu’elles aient chacune un nom usuel, un numéro en chiffre romain leur a été attribué selon la nomenclature internationale (Tableau 1). Le facteur activé est désigné par son numéro suivi du suffixe « a ». Les facteurs de la coagulation sont synthétisés au niveau du foie par l’hépatocyte, et toute insuffisance hépatocellulaire sévère entraîne une diminution globale des facteurs de la coagulation par défaut de production. Il est essentiel de bien comprendre que chaque facteur de la coagulation est défini par son activité coagulante évaluée par des tests in vitro de la coagulation, et par son activité antigénique évaluée par le dosage de la protéine. Un défaut fonctionnel se traduit ainsi par une diminution de l’activité coagulante avec conservation de l’activité antigénique. Précurseurs enzymatiques Les facteurs vitamine K-dépendants II, VII, IX, X d’une part, et les facteurs contacts XI, XII, prékallicréine d’autre part, circulent dans le plasma sous la forme d’un précurseur enzymatique inactif, ou proenzyme. Ils possèdent un site actif protéolytique au niveau de la région C terminale, qui est masqué tant que la molécule n’est pas activée. Ce domaine catalytique est caractérisé par une séquence précise d’acides aminés comportant notamment un résidu sérine dans une conformation spatiale particulière, d’où leur nom de sérineprotéase. L’activation consiste en une hydrolyse partielle de la molécule démasquant le site sérine-

76 Tableau 1

T. de Revel, K. Doghmi Facteurs et protéines de la coagulation.

Facteur Nom Facteurs de la coagulation I Fibrinogène II Prothrombine V Proaccélérine VII Proconvertine VIII Facteur antihémophilique A IX Facteur antihémophilique B X Facteur Stuart XI Facteur Rosenthal XII Facteur Hageman XIII Facteur stabilisant la fibrine Facteur tissulaire Facteurs inhibiteurs Antithrombine Protéine C Protéine S Thrombomoduline

Fonction

Lieu de synthèse

Substrat Zymogène Cofacteur Zymogène Cofacteur Zymogène Zymogène Zymogène Zymogène Zymogène Récepteur VIIa

Foie Foie Foie Foie Foie Foie Foie Foie Foie Foie Multicellulaire

Inhibiteur Zymogène Cofacteur Récepteur IIa

Foie Foie Foie Cellule endothéliale

protéase. Le facteur activé a ainsi la capacité d’activer par hydrolyse un autre facteur dans une véritable cascade enzymatique. La vitamine K est nécessaire à l’acquisition des propriétés fonctionnelles des facteurs II, VII, IX et X dénommés ainsi facteurs vitamine K-dépendants. Le rôle de la vitamine K consiste en une carboxylation des résidus d’acide glutamique de la partie N terminale de la chaîne polypeptidique. La carboxylation est nécessaire à la fixation du calcium, véritable pont entre la chaîne polypeptidique et la surface phospholipidique plaquettaire ou tissulaire. En l’absence de vitamine K, le foie libère des facteurs décarboxylés très faiblement actifs. La fixation des sérines protéases procoagulantes à la surface des phospholipides confère trois types d’avantages au processus de coagulation : un accroissement de la concentration accélérant les interactions entre les différents facteurs, une restriction locale de l’activation de la coagulation, une protection des enzymes procoagulantes vis-à-vis des inhibiteurs circulants de la coagulation. Les facteurs contacts (facteurs XI, XII, prékallicréine), dont la synthèse ne dépend pas de la vitamine K, sont essentiellement définis par leur rôle dans le développement de la coagulation du plasma in vitro. En effet, leur activation est déclenchée par le contact avec une surface non mouillable (verre du tube par exemple), ou chargée négativement (sous-endothélium). Il semble que leur rôle dans l’hémostase physiologique soit mineur, et, bien que leur déficit congénital perturbe grandement les tests de coagulation, les sujets atteints ne présentent pas de manifestations hémorragiques. En revanche, les facteurs contacts partici-

Vitamine K dépendance

+ + + +

+ +

pent aux processus de la fibrinolyse et de l’inflammation, tous deux étroitement reliés au système de la coagulation. Cofacteurs : facteurs V et VIII Les facteurs V et VIII sont dépourvus d’activité enzymatique mais accélèrent les réactions entre une enzyme et son substrat, d’où leur nom de cofacteurs. Ils sont activés par la thrombine (Va et VIIIa) qui réalise une hydrolyse partielle des molécules, démasquant ainsi les sites de liaison du cofacteur à l’enzyme et à son substrat. Les facteurs Va et VIIIa ont donc un rôle de potentialisateur des interactions enzymatiques et interviennent respectivement au sein de deux complexes enzymatiques de la cascade de la coagulation, le complexe tenase (VIIIa) et le complexe prothrombinase (Va) (cf. infra). Ces facteurs ne sont pas vitamine-K dépendants et sont synthétisés dans l’hépatocyte. Le facteur VIII, ou facteur antihémophilique A, circule dans le plasma associé au VWF qui joue ainsi le rôle de protéine transporteuse. Le gène codant pour le facteur VIII est situé sur le chromosome X. Fibrinogène Le fibrinogène représente le troisième type de facteur de la coagulation, jouant un rôle de substrat sans activité enzymatique ou catalytique propre. Il s’agit du substrat final de la coagulation, hydrolysé par la thrombine qui le transforme en chaînes insolubles de fibrine. Le fibrinogène est synthétisé par l’hépatocyte et son taux plasmatique est de l’ordre de 2 à 4 g/l, taux accru lors des états infectieux ou inflammatoires ou bien diminué par consommation

Physiologie de l’hémostase

77

excessive dans certains états pathologiques (coagulation intravasculaire disséminée [CIVD] ou fibrinogénolyse primitive). Il s’agit d’un polypeptide formé de six chaînes identiques deux à deux, reliées par des ponts disulfures. L’effet hydrolytique de la thrombine permet la polymérisation des chaînes de fibrinogène en gel de fibrine. Le fibrinogène intervient également au niveau de l’hémostase primaire, permettant l’agrégation des plaquettes entre elles en se fixant sur son récepteur membranaire gpIIb/IIIa. Le facteur XIII, ou facteur de stabilisation de la fibrine, renforce la cohésion des molécules de fibrine par la création de liaisons covalentes intermoléculaires, rendant le réseau de fibrine plus stable et plus solide.

Phospholipides activateurs de la coagulation Ils constituent une surface moléculaire catalytique permettant le déclenchement de la coagulation par l’activation des facteurs procoagulants. Il faut en effet comprendre que la coagulation est un processus de surface dont le déclenchement, la rapidité d’exécution et la restriction locale sont assurés par ces phospholipides membranaires exposés lors de conditions pathologiques ou réactionnelles. La fixation aux phospholipides membranaires de l’enzyme protéolytique, de son substrat et du cofacteur catalytique accélère grandement leurs interactions. Les phospholipides impliqués dans le déclenchement et le déroulement de la coagulation comprennent la phosphatidylsérine plaquettaire, anciennement dénommé facteur 3 plaquettaire (F3P), et le facteur tissulaire ou thromboplastine tissulaire. La phosphatidylsérine plaquettaire est exprimée à la surface de la membrane plaquettaire lors de son activation. Le facteur tissulaire, protéine transmembranaire, est exprimé de façon inductible par la cellule endothéliale activée, et de façon constitutive par les cellules sous-endothéliales, fibroblastes et cellules musculaires lisses. Le facteur tissulaire est ainsi exposé aux protéines procoagulantes lors d’une brèche vasculaire, avec mise à nu des structures sous-endothéliales. Le facteur tissulaire est le récepteur du facteur VII activé et leur liaison déclenche le processus de cascade enzymatique de la coagulation [cf. infra].

Déroulement de la coagulation in vivo La coagulation in vivo se déroule en plusieurs étapes qui sont intriquées avec les différentes phases de l’hémostase primaire (Fig. 2). L’ultime étape de la coagulation repose sur la génération de son enzyme clé, la thrombine, pro-

Figure 2 Schéma simplifié de la cascade de la coagulation. Les phospholipides, plaquettaires ou pariétaux, restreignent la cascade enzymatique à leur surface. FT : facteur tissulaire ; IIa : thrombine.

téine aux multiples fonctions. Son rôle à ce stade repose sur la transformation du fibrinogène en un gel de fibrine qui est la finalité même de la cascade de la coagulation, mais la thrombine interagit aussi sur de nombreux systèmes tels que l’hémostase primaire, l’inflammation ou la fibrinolyse. Phénomène complexe, la coagulation in vivo est régie par un certain nombre de principes fondamentaux que nous avons détaillés (cf. supra) : • elle est définie par une cascade de réactions enzymatiques dont les facteurs circulent dans le plasma à l’état de précurseurs inactifs qui sont activés par une hydrolyse partielle de leur chaîne protéique démasquant le site actif ; • elle s’opère localement au contact des surfaces phospholipidiques des membranes plaquettaires ou vasculopariétales ; • elle est amplifiée par l’activité de cofacteurs catalytiques et par des boucles de rétroactivation enzymatique ; • elle est contrôlée par un système de régulation très précis lié à l’existence de protéines inhibitrices de la coagulation et d’un système de destruction secondaire du caillot de fibrine, la fibrinolyse (cf. infra). Plusieurs étapes sont identifiées : • 1re étape : déclenchement de la coagulation par activation du facteur VII ; • 2e étape : activation du facteur X et formation du complexe enzymatique prothrombinase ; • 3e étape : formation de la thrombine ; • 4e étape : formation du réseau de fibrine insoluble.

78 Déclenchement de la coagulation par activation du facteur VII La rupture de la tunique endothéliale thromborésistante, secondaire à une lésion vasculaire, permet le contact du sang circulant avec les structures sous-endothéliales. La fixation du facteur VII plasmatique au facteur tissulaire, qui est exprimée de façon constitutive par les cellules musculaires lisses et les fibroblastes, représente le signal du déclenchement de la cascade enzymatique. La liaison du facteur VII permet en outre son autoactivation, amplifiant considérablement l’activité du complexe facteur tissulaire-facteur VII (FT-FVII). Activation du facteur X et formation du complexe enzymatique prothrombinase Le complexe FT-FVII active très rapidement par protéolyse le facteur X en facteur Xa. Celui-ci active en retour le facteur VII, rendant le complexe beaucoup plus actif et amplifiant ainsi sa propre production. Le facteur Xa forme, en association avec les phospholipides plaquettaires, le calcium et le cofacteur Va (cf. infra), un complexe enzymatique assurant le clivage protéolytique de la prothrombine qui génère ainsi la molécule de thrombine, d’où son nom de complexe prothrombinase. Par ailleurs, le complexe FT-FVII active, mais beaucoup plus lentement, le facteur IX (facteur antihémophilique B) en facteur IXa. Il se forme de la même façon un complexe enzymatique, appelé complexe tenase, associant facteur IXa, phospholipides plaquettaires, calcium, et le cofacteur VIIIa (cf. infra), qui active le facteur X en facteur Xa, amplifiant considérablement le rendement de la production de prothrombinase. Il existe donc deux voies d’activation protéolytique du facteur X qui sont distinctes dans leur cinétique. L’activation directe par le complexe FT-FVII est très rapide, et constitue le starter de la cascade enzymatique, pour aboutir précocement aux premières molécules de thrombine, alors que la voie indirecte passant par l’activation du facteur IX est beaucoup plus lente à se mettre en place mais est quantitativement prépondérante. Il existe une autre voie d’activation passant par le facteur XI qui est activé lentement par la thrombine nouvellement formée. Le facteur XIa active en retour le facteur IX pour renforcer la génération du complexe tenase. Le facteur XI peut également être activé par les facteurs contacts après exposition des composants du sous-endothélium, mais l’importance de cette voie d’activation est mineure et les déficits en facteurs contacts n’entraînent pas de troubles hémorragiques.

T. de Revel, K. Doghmi

Formation de la thrombine Le complexe prothrombinase assure la protéolyse de la prothrombine (facteur II) en thrombine (facteur IIa), protéine clé de la coagulation responsable de la génération du caillot de fibrine. En outre, la thrombine assure une amplification du rendement de la cascade enzymatique en activant les cofacteurs V et VIII qui accélèrent considérablement l’activité des complexes de la prothrombinase (Va) et de la tenase (VIIIa), conduisant à un accroissement explosif de la production de la thrombine. On considère en effet que la présence du cofacteur activé au sein du complexe enzymatique accroît son rendement par un facteur 106. Ce phénomène est nommé double boucle de rétroactivation de la génération de thrombine sur laquelle repose toute l’efficacité et la puissance du système. Fibrinoformation La dernière étape repose sur la transformation du fibrinogène soluble par l’hydrolyse de ces différentes chaînes polypeptidiques en monomères de fibrine, qui s’associent les unes aux autres grâce à des liaisons hydrogène de faible affinité pour former un gel de fibrine, ou le caillot de fibrine, qui est tout d’abord instable. Le facteur XIII, facteur de stabilisation de la fibrine, préalablement activé par la thrombine, solidifie alors les molécules de fibrine par l’établissement de liaisons covalentes entre les différentes molécules conduisant à une polymérisation des monomères de fibrine.

Régulation de la coagulation Un système physiologique très complexe de régulation de la coagulation est mis en œuvre, afin de limiter l’extension locale du caillot et d’éviter la diffusion à distance de la fibrinoformation. Celui-ci a été démembré par l’identification de protéines déficitaires chez des sujets présentant une pathologie thrombotique récidivante dans un contexte familial. L’antithrombine a été la première molécule décrite et est l’un principaux inhibiteurs physiologiques de la coagulation. Il s’agit d’une glycoprotéine synthétisée par le foie mais non dépendante de la vitamine K. Elle neutralise préférentiellement l’activité de la thrombine (IIa) mais aussi celle des autres facteurs de la coagulation à activité enzymatique (VIIa, IXa, Xa), à distance du caillot de fibrine. Associée à son récepteur endothélial, l’héparane sulfate, son activité inhibitrice est considérablement accrue, de l’ordre d’un facteur 1 000. L’antithrombine n’est pas active à la surface plaquettaire, lieu de formation du caillot, mais

Physiologie de l’hémostase neutralise les facteurs enzymatiques dès qu’ils diffusent à distance. Le système protéine C-protéine S est de découverte plus récente. Il s’agit de deux protéines synthétisées par le foie sous la dépendance de la vitamine K. La protéine C est activée par la thrombine après liaison à la thrombomoduline exprimée par la membrane endothéliale. La protéine C activée (PCa) en présence de protéine S neutralise les cofacteurs Va et VIIIa, ralentissant par là considérablement la vitesse de génération de la thrombine. Les personnes présentant des déficits constitutionnels hétérozygotes en protéine C et protéine S sont à risque accru de thrombose veineuse spontanée ou en présence de facteurs de risque surajoutés. Plus récemment a été décrite une mutation du gène du facteur V, rendant la protéine insensible à l’action inhibitrice de la protéine C activée : il s’agit de la « résistance à la protéine C activée », pourvoyeur de thromboses familiales d’identification récente.

Fibrinolyse physiologique La fibrinolyse est un processus physiologique permettant la dissolution du caillot de fibrine. La fibrinolyse est bâtie selon la même conception que le système de la coagulation comprenant des molécules à activité protéolytique, qui agissent sur un substrat, contrôlées par un système d’activateurs et d’inhibiteurs permettant une régulation physiologique très précise. L’enzyme centrale de la fibrinolyse est la plasmine qui dérive d’un précurseur plasmatique inactif, le plasminogène, glycoprotéine d’origine hépatique. Le plasminogène possède une grande affinité pour la fibrine, et s’y fixe par un récepteur spécifique aux côtés de son activateur, permettant ainsi la génération locale de plasmine via le démasquage des sites protéolytiques. La plasmine protéolyse le fibrinogène et la fibrine en divers fragments de tailles variables, identifiés comme les produits de dégradation de la fibrine, ou PDF, qui sont quantifiables dans le plasma. Le taux de PDF plasmatiques est ainsi un reflet de l’activité de la plasmine et donc de l’activation de la coagulation. Les PDF sont emportés dans le courant plasmatique et épurés au niveau du foie par le système macrophagique. La fibrinolyse est contrôlée par deux systèmes équilibrés d’activation et d’inhibition de l’activité de la plasmine. Les activateurs principaux du plasminogène sont le t-PA (activateur tissulaire du plasminogène) et la pro-urokinase. Le t-PA est une sérine protéase d’origine endothéliale dont l’activité protéolytique

79 sur le plasminogène est déclenchée lors de son adsorption sur la fibrine. La sécrétion vasculaire de t-PA est initiée par de nombreux stimuli d’activation de la cellule endothéliale : thrombine, cytokines pro-inflammatoires, anoxie, acidose, stase... La pro-urokinase ou activateur urinaire du plasminogène (u-PA), est le second activateur du plasminogène présent dans de nombreux tissus mais dont le rôle physiologique est moins connu que celui de la t-PA. Les inhibiteurs de la fibrinolyse comportent des inhibiteurs de la plasmine proprement dits et des inhibiteurs de l’activité du plasminogène. L’a–2–antiplasmine est la principale protéine à activité antiplasmine ; il s’agit d’une glycoprotéine synthétisée par la cellule hépatique qui neutralise la plasmine plasmatique circulante non liée à la fibrine. Le PAI de type 1 ou PAI-1 est le principal inhibiteur des activateurs du plasminogène (PAI) ; il s’agit d’une glycoprotéine synthétisée par la cellule endothéliale qui inhibe le t-PA et l’u-PA par formation d’un complexe covalent. Le PAI-1 est majoritairement localisé dans les granules a des plaquettes, et est libéré lors de l’activation plaquettaire qui initie le processus de l’hémostase. Le PAI de type 2 (PAI-2) est un autre inhibiteur synthétisé par le placenta au cours de la grossesse. Ce système très fin de régulation de l’activité de la plasmine et de sa restriction à la surface de la fibrine explique le fait que la fibrinolyse physiologique soit un processus qui reste localisé au niveau du thrombus. Son rôle réside en effet dans la lyse progressive du caillot après la cicatrisation de la brèche vasculaire, mais aussi dans la prévention de son extension évitant par là l’occlusion de la lumière vasculaire. Une hyperfibrinolyse primitive pathologique avec syndrome hémorragique peut s’observer au décours d’interventions chirurgicales intéressant des organes très riches en activateurs du plasminogène (t-PA et u-PA). Il existe par ailleurs des tableaux de fibrinolyse secondaire à des processus pathologiques de CIVD se développant au cours de certaines hémopathies ou états septiques sévères.

Exploration de l’hémostase Tout événement clinique hémorragique pathologique ou tout antécédent de manifestation(s) hémorragique(s) anormale(s) doit faire entreprendre un bilan d’hémostase à la recherche d’une cause acquise ou constitutionnelle. De même, une exploration de l’hémostase doit s’envisager à titre de bilan opératoire pour des interventions chirurgicales présentant un risque hémorragique.

80 L’interrogatoire est déterminant dans la conduite du diagnostic, qui reposera sur un ensemble de tests biologiques explorant l’hémostase primaire ou la coagulation plasmatique. L’existence d’antécédents hémorragiques familiaux oriente d’emblée vers une pathologie constitutionnelle. L’interrogatoire fait par ailleurs préciser la nature des épisodes hémorragiques, leur sévérité, leur fréquence, les circonstances déclenchantes et l’âge d’apparition des premiers signes.

Exploration de l’hémostase primaire Numération plaquettaire Devant l’apparition d’un syndrome hémorragique, la numération plaquettaire à la recherche d’une thrombopénie précède tout autre test. Rappelons que le taux normal de plaquettes se situe entre 150 et 400 109/l. Un taux supérieur à 30 109/l n’entraîne pas de risque de saignement spontané. La découverte d’une thrombopénie requiert un contrôle sur lame et une nouvelle numération sur anticoagulant citraté, l’éthylène diamine tétraacétique (EDTA) habituellement utilisé pouvant générer une agglutination des plaquettes in vitro, minorant par là le décompte particulaire de l’automate. En cas de thrombopénie avérée, la démarche diagnostique s’emploie à retrouver l’étiologie, qu’elle soit centrale par défaut de production médullaire ou bien périphérique par excès de destruction. Temps de saignement Il s’agit de la pierre angulaire de l’exploration de l’hémostase primaire, et il est défini comme le temps nécessaire à l’arrêt spontané d’un saignement provoqué par une petite coupure superficielle. Il explore les différents éléments concourant à l’hémostase primaire, soit les plaquettes, la paroi vasculaire et le VWF. La standardisation des techniques par des procédés à usage unique a amélioré la fiabilité de ce test qui s’effectue classiquement, selon la méthode décrite initialement par Ivy, par une incision cutanée superficielle au niveau de l’avant-bras sous une pression constante de 40 mmHg. Dans ces conditions, le temps de saignement (TS) se situe entre 4 et 8 minutes. Avant toute pratique d’un TS, l’interrogatoire doit rechercher la prise de salicylés ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui allongent le TS par l’inhibition pharmacologique des fonctions plaquettaires. Rappelons par ailleurs qu’il est parfaitement inutile de demander un TS devant une thrombopénie, et notamment pour un taux inférieur à 50 109/l. En l’absence de thrombopénie, le temps de saignement est allongé dans les cas de thrombopathies,

T. de Revel, K. Doghmi acquises ou héréditaires, perturbant les fonctions plaquettaires, ou dans la maladie de Willebrand. La maladie de Willebrand est la plus fréquente des maladies hémorragiques héréditaires et est caractérisée par un déficit, quantitatif ou qualitatif, en VWF dont on rappelle qu’il joue un double rôle d’adhésion des plaquettes à la paroi endothéliale et de transporteur plasmatique du facteur VIII. Le diagnostic de maladie de Willebrand doit être évoqué devant un allongement du TS associé à un accroissement modéré du temps de céphaline activée (TCA) (cf. infra). Le diagnostic est affirmé par la diminution de l’activité fonctionnelle du VWF (agglutination des plaquettes en présence de ristocétine) et de son activité antigénique (dosage immunologique). Tests fonctionnels De nombreux tests étudient in vitro les différentes fonctions plaquettaires telles l’adhésion, la sécrétion ou l’agrégation. Ils sont indiqués devant un syndrome hémorragique sans cause évidente avec un TS allongé et une numération plaquettaire habituellement normale, ou modérément abaissée, à la recherche d’une thrombopathie héréditaire. Ils ne sont pas de pratique courante et sont réservés aux laboratoires spécialisés.

Exploration de la coagulation Le TCA et le temps de Quick (TQ) sont les deux tests de dépistage universellement utilisés pour explorer les différentes phases de la coagulation. Le dosage spécifique des facteurs de la coagulation, à la recherche d’un déficit isolé, est effectué en fonction des résultats des tests précédents. Le TCA et le TQ explorent chacun la voie d’activation de la coagulation qui lui est spécifique. En effet, l’exploration in vitro de la coagulation a depuis longtemps isolé deux voies distinctes d’activation, la voie endogène mettant en jeu les facteurs contacts et les facteurs IX et VIII jusqu’au complexe prothrombinase, et la voie extrinsèque d’activation par le facteur tissulaire impliquant le facteur VII. La voie commune comprend la thrombinoformation et implique les facteurs V, X et II et la fibrinoformation. Il est dorénavant admis que ce schéma n’est pas directement applicable in vivo mais qu’il reste utile dans l’exploration in vitro. Le TCA explore donc la voie dite endogène et le TQ la voie extrinsèque, tous deux impliquant par ailleurs le tronc commun terminal (Fig. 3).

Temps de céphaline activé Le TCA correspond au temps de coagulation d’un plasma, décalcifié et déplaquetté, en présence de

Physiologie de l’hémostase

81 V, II et le fibrinogène. Il est compris entre 10 et 13 secondes en fonction de la thromboplastine utilisée, et est exprimé en pourcentage par rapport à un pool de plasma calculé selon une courbe de référence. On le nomme alors taux de prothrombine (TP), ce qui peut amener une certaine confusion terminologique. La normalité se situe entre 70 et 100 %. Le TQ pratiqué dans le cadre de la surveillance d’un traitement anticoagulant par antivitamine K doit s’exprimer en INR (international normalized ratio) calculé selon un index international permettant de s’affranchir des variations de sensibilité des différents réactifs utilisés.

Figure 3 Exploration in vitro de la coagulation. Le temps de céphaline activé (TCA) explore les facteurs de la voie endogène et de la voie commune ; le temps de Quick (TQ) explore le facteur VII activé par le facteur tissulaire et les facteurs de la voie commune.

céphaline, d’un activateur des facteurs de la phase contact et de calcium. La céphaline est un substitut des phospholipides plaquettaires dont il existe plusieurs formes commercialisées, et l’activateur de la phase contact le plus communément utilisé est le kaolin. Le TCA explore les facteurs contacts (facteurs XII, XI, ) et les facteurs IX, VIII, X, V, II et le fibrinogène. Le temps normal dépend des activateurs et de la céphaline utilisée par chaque laboratoire, et varie de 30 à 40 secondes. Le TCA d’un patient donné doit être comparé au TCA témoin du laboratoire, et on considère qu’un temps est pathologique pour une valeur supérieure de 6 à 10 secondes au-dessus du témoin. Un TCA allongé de façon isolée, sans allongement du TQ, chez un patient qui saigne, doit faire évoquer un déficit en facteur IX (hémophilie B) ou en facteur VIII (hémophilie A), les déficits pour les autres facteurs de la voie endogène étant peu hémorragipares.

Dosage spécifique des facteurs de la coagulation Ils doivent être demandés devant des tests de dépistage (TCA ou TQ) anormaux à la recherche d’un déficit, acquis ou constitutionnel, en un ou plusieurs facteurs de la coagulation. Il repose sur la capacité du plasma à tester et à corriger le temps de coagulation d’un plasma spécifiquement déficitaire en un facteur à mesurer.

Exploration de la fibrinoformation Elle repose sur deux tests simples, le dosage du fibrinogène et le temps de thrombine. Le dosage du fibrinogène est effectué par diverses méthodes et son taux est normalement compris entre 2 et 4 g/l. Le temps de thrombine est le temps de coagulation d’un plasma après apport d’une quantité fixe et diluée de thrombine. Il est déterminé pour être normalement compris entre 16 et 20 secondes. Le temps de thrombine explore spécifiquement la fibrinoformation et est allongé en cas d’anomalie quantitative ou qualitative du fibrinogène, ou en présence d’inhibiteurs de la thrombine, telle l’héparine par exemple.

Temps de Quick Le temps de Quick correspond au temps de coagulation d’un plasma, décalcifié et déplaquetté, en présence de thromboplastine, source de facteur tissulaire, et de calcium. Le TQ explore le facteur VII, facteur de la voie extrinsèque, et les facteurs de la voie commune, X,

Références 1.

2.

Boneu B, Cazenave JP. Introduction à l’étude de l’hémostase et de la thrombose. Reims: Boehringer Ingelheim; 1997. Sampol J, Arnoux D, Boutière B. Manuel d’hémostase. Paris: Elsevier; 1995.

EMC-Dentisterie 1 (2004) 82–100

www.elsevier.com/locate/emcden

Distraction alvéolaire Alveolar distraction Y. Benchemam (Chef de clinique-assistant) a,*, H. Benateau (Praticien hospitalier universitaire) b, D. Labbé (Praticien hospitalier) b, E. Kaluzinski (Praticien hospitalier) c, M. Mundreuil (Praticien hospitalier) c, P. Sabin (Attaché des hopitaux) b, J.-F. Compere (Professeur des Universités, praticien hospitalier) b a

Service de stomatologie, CHU de Saint-Étienne, boulevard Pasteur, 42055 Saint-Étienne cedex 02, France b Service de stomatologie, CHU de Caen, avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen cedex 5, France c Service de stomatologie, CHG de Cherbourg, 46, rue Val-de Saire, BP 208, 50102 Cherbourg cedex, France

MOTS CLÉS Bord alvéolaire des maxillaires ; Chirurgie préimplantaire ; Distraction osseuse ostéogénique ; Implants dentaires

KEYWORDS Alveolar ridge; Preimplant surgery; Distraction osteogenesis; Dental implants

Résumé La chirurgie préimplantaire s’est enrichie récemment de la technique de distraction alvéolaire. Après avoir rappelé les principales indications et le protocole de distraction alvéolaire, les auteurs insistent sur les problèmes retrouvés durant la distraction et notamment les problèmes de vecteur. Ils présentent enfin quelques cas cliniques. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Alveolar distraction is a recently developed method for surgery prior to dental implantation. The main indications are reviewed and the treatment protocol is described. Problems with this method are discussed, with emphasis on difficulties related to the vector. A few clinical cases are presented. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Les pertes de substance d’os alvéolaire posttraumatiques ou secondaires à une perte dentaire font appel à de nombreux procédés d’aménagement osseux préimplantaire. Il existe divers procédés de comblement osseux : • la régénération tissulaire guidée utilisant des membranes résorbables ou non résorbables ; les résultas sont limités et imprévisibles ;1,2,3 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Benchemam). © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00005-9

• le comblement par des biomatériaux (hydroxyapatite) ; ils présentent un risque important de résorption et d’infection ; l’ostéointégration des implants est faible, compliquée parfois de migration des implants ;4 • la greffe osseuse autologue, très largement utilisée aujourd’hui en chirurgie préimplantaire ; elle est utilisée en apposition (onlay) ou en interposition (inlay) ; d’ossification idéalement membraneuse, elle est le plus souvent prélevée sur la mandibule ou la voûte crânienne en fonction des besoins en volume.

Distraction alvéolaire Malheureusement, cette technique s’accompagne d’une morbidité potentielle sur le site donneur, d’une résorption du greffon à moyen terme, d’un risque d’infection non négligeable et surtout de difficultés de couverture muqueuse en cas de comblement osseux important.5,6,7,8 Une nouvelle technique issue du développement récent de la distraction osseuse en chirurgie maxillofaciale est devenue une alternative de choix aux greffes osseuses autologues en chirurgie préimplantaire : il s’agit de la distraction alvéolaire qui, dans de nombreux cas, s’avère être une technique moins invasive, avec des résultats en termes d’augmentation de la crête alvéolaire plus prédictibles.

Historique de la distraction osseuse Les premiers cas d’allongement osseux par distraction progressive reviennent aux orthopédistes. C’est à Codivilla,9 en 1905, que semble revenir la première description d’allongement des membres inférieurs. Mais c’est Ilizarov dans les années 1950 qui révolutionna la technique d’allongement osseux en précisant le concept de l’ostéogenèse par la contrainte en traction (distraction). Il développe un système orthopédique basé sur la capacité de l’os à former un nouveau tissu osseux au niveau d’un defect osseux progressivement allongé, sous des conditions techniques strictes.10,11 En 1992, McCarthy12 introduit la distraction osseuse en chirurgie maxillofaciale et rapporte les cas de trois enfants traités pour des microsomies hémifaciales et d’un enfant porteur d’un syndrome de Nager. Les études de Karp13 de 1992 ont montré que le processus histologique de formation osseuse après distraction mandibulaire est identique à celui observé sur les os longs. Ortiz-Monasterio14 en 1995 rapporte l’utilisation de la technique sur 67 cas d’hypoplasie mandibulaire uni- ou bilatérale. La plupart des cas étaient des cas de microsomies hémifaciales ; il y avait aussi des syndromes de Treacher Collins, un syndrome de Robin et des séquelles d’ankylose temporomandibulaire. En 1996, Block15 parvient expérimentalement chez le chien à augmenter de l’os alvéolaire verticalement, en utilisant la technique de distraction alvéolaire. Le travail inclut une analyse clinique, radiologique et histologique. Deux ans plus tard, il montre chez le chien l’ostéo-intégration d’implants mis en place dans l’os alvéolaire distracté.16 Depuis, de nombreuses équipes de par le monde ont adopté la distraction osseuse dans leur arsenal thérapeutique et multiplié les indications.

83 McCarthy a développé des distracteurs intraoraux à l’origine de la conception des différents types de distracteurs alvéolaires actuels.17 En 1996, Chin et Toth ont pour la première fois utilisé cette technique en chirurgie humaine préimplantaire et présenté cinq cas de distraction alvéolaire suivis de réhabilitation prothétique implantoportée. Il s’agissait de cas de pertes de substance d’os alvéolaire post-traumatiques. Le distracteur utilisé était un distracteur interne « endobuccal ».18,19

Définition La distraction alvéolaire est définie par l’élévation localisée du rebord alvéolaire par déplacement contrôlé d’un segment d’os alvéolaire mobilisé progressivement selon les principes énoncés par Ilizarov, à savoir l’ostéogenèse par la contrainte en traction. Cette technique est donc utilisée en cas de perte de substance localisée d’os alvéolaire et intéresse l’os alvéolaire aussi bien maxillaire que mandibulaire. Le but de la distraction alvéolaire est la réparation structurale de la crête alvéolaire, dans un but fonctionnel et esthétique. Les principaux avantages par rapport aux autres techniques sont d’éviter la morbidité d’un site donneur de greffe osseuse, de combler le déficit avec un os autogène vascularisé (donc moins de risque de résorption et d’infection), d’adapter l’allongement à la hauteur de la crête alvéolaire désirée, et d’augmenter de façon concomitante le volume du tissu osseux et celui des tissus mous. Ce dernier constitue sûrement l’intérêt principal de la distraction alvéolaire. De la muqueuse vestibulaire est créée et permet d’éviter souvent la réalisation d’une vestibuloplastie secondaire. De la gencive attachée est aussi créée, diminuant les problèmes ultérieurs de péri-implantites. La finalité de cette technique est la réhabilitation prothétique implantoportée. L’application de cette technique est exclusivement intraorale et fait appel à des distracteurs internes.

Indications Les principales indications de la distraction alvéolaire concernent des pertes de substance d’os alvéolaire post-traumatiques et atrophiques par perte dentaire. Il existe d’autres indications plus rares (indications orthodontiques, implants mal po-

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Y. Benchemam et al.

Figure 1 Exemple de crête alvéolaire post-traumatique.

sitionnés, chirurgie préimplantaire après résection tumorale).

Pertes de substance d’os alvéolaire post-traumatiques Il s’agit de pertes de substance très fréquentes après fractures alvéolodentaires et concernant surtout les secteurs antérieurs incisivocanins (Fig. 1). Il s’agit des secteurs les plus faciles à distracter car leur accès est plus direct que les secteurs maxillomandibulaires postérieurs.20 D’ailleurs, les premiers cas de distraction alvéolaire décrits par Chin concernaient des pertes de substance d’os alvéolaire d’origine traumatique.18 Les cas post-traumatiques sont de très bonnes indications de distraction alvéolaire : la « distraction » des tissus mous permet d’éviter souvent une vestibuloplastie secondaire ; selon certains auteurs, des cicatrices muqueuses post-traumatiques importantes peuvent gêner la distraction et nécessiter une vestibuloplastie secondaire.21,22 On sait également que la pression de ces tissus cicatriciels augmenterait la résorption d’un greffon osseux autologue.

Pertes de substance d’os alvéolaire atrophiques par perte dentaire Après des extractions dentaires ou des pertes dentaires, la crête osseuse alvéolaire s’atrophie rapidement, notamment durant la première année. Le degré de résorption alvéolaire varie selon les patients et semble plus important à l’os alvéolaire mandibulaire qu’à l’os alvéolaire maxillaire. Il existe également une différence notable de résorption alvéolaire entre les hommes et les femmes, phénomène expliqué partiellement par l’ostéoporose apparaissant après la ménopause.23 En 1988, Cawood et Howell24 ont étudié des phénomènes de résorption osseuse sur 300 crânes,

en prenant trois points de mesure sur le maxillaire et la mandibule. Ils ont proposé une classification en six stades selon le degré de résorption. De plus, il existe une relation significative entre l’ostéo-intégration de l’implant et sa longueur. Les études de Friberg,25 corroborées par les résultats de Jemt,26 objectivent une baisse considérable de la stabilité dans le temps des fixtures courtes (7 mm) par rapport aux résultats obtenus avec des implants plus longs (10 mm). En effet, sur une période de 3 ans, les échecs à la mandibule sont sept fois plus fréquents avec des implants courts qu’avec des implants longs.25 La distraction alvéolaire est une solution préimplantaire dans ces mandibules atrophiques. Cependant, lorsque la résorption osseuse est importante, le nerf alvéolaire inférieur affleure fréquemment le sommet de la crête alvéolaire édentée et représente alors une limite anatomique à la réalisation du procédé. La seule alternative peut être représentée par le déroutement du nerf, qui expose à d’importants risques de troubles sensitifs secondaires.27 Les techniques d’apposition d’os autologue peuvent présenter le même risque lors de l’ostéosynthèse du greffon. Perdijk et Van Strijen28,29,30 rapportent leur expérience de distraction alvéolaire sur mandibule atrophique. Pour eux, la principale complication à redouter est la fracture de la baguette basilaire qui peut survenir lors de la pose du distracteur ou pendant la distraction. Ils déplorent également des problèmes de vecteurs de distraction plus fréquents avec les distracteurs intraosseux qu’avec les distracteurs sous-muqueux, d’où leur préférence pour ces derniers. Selon Chin,31 il est également possible de distracter un secteur qui a déjà bénéficié d’une greffe osseuse autologue.

Distraction alvéolaire après chirurgie carcinologique La chirurgie d’exérèse carcinologique des carcinomes épidermoïdes du plancher buccal peut faire appel à la résection en bloc des tissus mous du plancher et d’un segment dentoalvéolaire (pelvimandibulectomie non interruptrice). Smatt32 propose dans ces cas une réhabilitation prothétique implantoportée par distraction alvéolaire verticale. Le distracteur proposé par Smatt est constitué d’une vis d’activation centrale maintenue par deux miniplaques et reliée à une prothèse provisoire par laquelle il est possible d’effectuer la distraction quotidienne (LOG II Paraimplant System®).

Distraction alvéolaire Cet appareillage permet le port de prothèse pendant la période d’élongation, notamment en cas de déficit étendu. Aucune équipe n’a pour l’instant rapporté son expérience de distraction alvéolaire sur os « radiothérapé ».

Implants mal positionnés et distraction alvéolaire multidirectionnelle Les jeunes patients souffrant d’oligodontie peuvent bénéficier à un âge précoce d’une réhabilitation prothétique implantoportée. Malheureusement, la croissance des maxillaires peut entraîner à l’âge adulte une malposition de ces implants.) Watzek33,34 a mis au point un prototype de distracteur alvéolaire permettant des mouvements multidirectionnels dans ces indications précises et a publié huit cas avec déplacement des implants dans une position prothétique favorable.34 Mommaerts35 a proposé dans les cas de crête alvéolaire hypoplasique secondaire à des agénésies dentaires une distraction alvéolaire par traction orthodontique sur les dents temporaires dans les segments d’ostéotomie.

Indications orthodontiques de la distraction alvéolaire La distraction alvéolaire peut s’appliquer aux dents ankylosées, restées en infraclusion. La traction orthodontique sans ostéotomie préalable échoue dans tous les cas. En revanche, la distraction alvéolaire peut facilement remettre à niveau le plan occlusal en regard de ces béances localisées. Hidding36 a décrit plusieurs cas de distraction alvéolaire sur dents ankylosées. Cette technique n’est évidemment possible qu’avec des distracteurs sous-muqueux. Shierle37 a proposé un distracteur exclusivement fixé sur les dents par l’intermédiaire d’un arc orthodontique pour éviter ainsi le risque de lésion radiculaire par les vis de fixation.

Distraction alvéolaire dans les fentes alvéolaires Le rétablissement de la continuité osseuse et gingivale dans les fentes alvéolaires est indispensable au bon positionnement des dents adjacentes à la fente alvéolaire, à l’obtention d’un environnement parodontal, osseux et gingival satisfaisant sur les plans fonctionnel et esthétique, et enfin à la bonne croissance du secteur prémaxillomaxillaire. La gingivopériostoplastie réalisée dans les cas de fentes alvéolaires larges peut parfois être insuffisante et nécessiter une seconde intervention avec greffe osseuse.

85 Buis et Vazquez38 ont proposé récemment un distracteur qui permet d’éviter dans ces cas précis une seconde gingivopériostoplastie. En effet, les multiples cicatrices muqueuses représenteraient un obstacle à la réussite d’une seconde greffe osseuse. Compte tenu de l’absence de support osseux, les distracteurs traditionnels ne peuvent être utilisés. Une plaque d’ostéosynthèse positionnée sous la muqueuse des fosses nasales permet l’appui nécessaire à la translation verticale du fragment ascenseur. D’autres équipes ont proposé la fermeture de larges fentes alvéolaires par distraction alvéolaire antéropostérieure.39

Distraction verticale des lambeaux libres de fibula Le lambeau microanastomosé de fibula est un lambeau de choix pour des reconstructions mandibulaires. Les avantages de ce lambeau sont multiples : • grande quantité d’os prélevable ; • une vascularisation double, périostée et endostée ; • un os bicortical de géométrie tridimentionnelle proche d’une mandibule édentée, et donc compatible avec une réhabilitation prothétique implantoportée.40 Cependant, la hauteur limitée de cet os peut poser certains problèmes au plan prothétique. En effet, il est souvent nécessaire de réaliser des couronnes allongées, inesthétiques, engendrant en outre un rapport couronne-racine défavorable qui peut conduire à une surcharge des implants. Certains auteurs ont proposé d’utiliser deux barreaux de péroné superposés,41 d’autres des greffes osseuses autologues d’apposition42 afin d’augmenter la hauteur. Nocini43 puis Chiapasco44 ont publié deux cas de distraction verticale de lambeaux libres de fibula, 1 an après l’intervention initiale, rétablissant une hauteur compatible avec la pose d’implants dans de bonnes conditions anatomiques.

Cas particulier de la distraction horizontale Dans un certain nombre de cas de crête alvéolaire atrophique, la hauteur est conservée mais le déficit osseux se fait aux dépens de l’épaisseur de la crête. Ces déficits transversaux peuvent être corrigés par une distraction alvéolaire classique « verticale », jusqu’à une hauteur permettant une régularisation de cette crête atrophique (hypercorrection puis régularisation). Chin45 a proposé un artifice chirurgical capable, par une distraction verticale, d’augmenter simulta-

86 nément les dimensions verticales et transversales de la crête alvéolaire. La technique consiste après la réalisation de l’ostéotomie et avant la pose du distracteur à donner au fragment ascenseur un mouvement de rotation de telle sorte que les berges des corticotomies vestibulaires soient espacées de 4 mm et que les berges des corticotomies linguales soient en contact. On obtient ainsi une chambre de régénération osseuse triangulaire avec un vecteur de distraction permettant l’augmentation d’os alvéolaire dans les deux directions voulues. Bernini46 propose, lui, une distraction de vecteur horizontal à l’aide de distracteur transosseux (OGD™ Osteogenic Distractor commercialisé par ACE surgical supply et CAD™ commercialisé par Plan 1 Health). Pour ce faire, il est nécessaire de réaliser une corticotomie transversale, complétée par deux corticotomies verticales et une corticotomie horizontale. Gaggl et Schultes47 ont publié la plus grande série de distraction transversale (sept patients, 14 implants appareillés avec succès). lIs insistent sur les particularités techniques des distractions transversales : • incision muqueuse paracrestale ; • corticotomie transversale ; • distraction quotidienne de 0,35 mm du fait des dimensions réduites du fragment ascenseur.

Différents types de distracteurs Il existe trois grands types de distracteurs alvéolaires : les distracteurs sous-muqueux, les distracteurs trans-osseux et les implants-distracteurs.

Distracteurs sous-muqueux Le système TRACK 1,5® (Tissue Regeneration by Alveolar Callus distraction-Köln) commercialisé par Martin Medizintechnik GmBH est un distracteur en titane permettant un allongement maximal de 15 mm. Il est utilisé par Hidding et al.49 Il est constitué d’un système à vérin relié à des miniplaques d’une largeur de 50 mm permettant une distraction sur un déficit étendu. Ces miniplaques peuvent être coupées si nécessaire, la fixation des miniplaques se faisant à l’aide de vis monocorticales. Le système est fourni avec le tournevis d’activation (1 tour = 0,5 mm). C’est l’un des seuls distracteurs autorisant le transport de fragments porteurs de dents ankylosées. Depuis peu, le système TRACK® s’est enrichi de deux nouveaux distracteurs, le TRACK 1,0® permet-

Y. Benchemam et al. tant un allongement maximal de 10 mm pour des déficits alvéolaires localisés et le TRACK 2,3® permettant un allongement maximal de 23 mm pour des déficits alvéolaires plus étendus. Nous rappelons que, pour Perdrijk et Van Strijen,28,29,30 il est préférable en cas de déficit alvéolaire étendu maxillaire ou mandibulaire d’utiliser ces distracteurs sous-muqueux. Ils permettent alors un meilleur contrôle du vecteur de distraction par une stabilité accrue (due aux attaches osseuses étendues) et par la possibilité de recourber les miniplaques. Millesi-Schobel50 préconise dans les cas de déficit alvéolaire étendu mandibulaire un tracé en L inversé afin de ne pas augmenter la hauteur alvéolaire en secteur distal qu’il juge inutile et peu conforme au profil naturel de la crête alvéolaire. Il utilise le même distracteur TRACK® mais complète le tracé par une ostéosynthèse par microplaque au niveau de l’éperon distal du segment ascenseur, afin qu’il ne s’y réalise qu’un mouvement de rotation. Il existe un autre distracteur sous-muqueux semblable au système TRACK®, le système « Verona »® commercialisé par Medicon Instrumente et utilisé par Nocini.51

Distracteurs transosseux Le chef de file des distracteurs utilisant une vis centrale transosseuse est le distracteur LEAD System® (Leibinger Endosseous Alveolar Distraction system) commercialisé par les laboratoires Leibinger. C’est le distracteur utilisé par Chin,45,48 le précurseur de la distraction alvéolaire. Il est constitué d’une vis centrale maintenue par deux miniplaques. Ce système permet une augmentation de volume de l’os alvéolaire dans les sens vertical, horizontal et antéropostérieur. L’inconvénient de cet appareil est l’intégration des plaques dans le cal osseux, celui-ci pouvant être lésé lors de l’ablation du matériel. Par ailleurs, il n’est utilisable qu’en cas de déficit assez localisé. Le GDD® (Gröningen Distraction Device) commercialisé par Martin Medizintechnik GmBH et utilisé par Raghoebar52 est constitué d’une vis guide, de deux vis de distraction et de deux extensions. À l’ablation des vis de distraction, ceux-ci sont remplacés par des implants. Ce distracteur est surtout utilisé dans des cas de mandibules atrophiques. Raghoebar52 rapporte 14 cas avec perte d’un seul implant. Les distracteurs ACE Osteogenic Distractor® commercialisés par ACE Surgical Supply et les distracteurs CAD TM® commercialisés par Plan 1 Health sont quasi identiques. Ils comportent une vis centrale télescopique permettant une distraction alvéolaire de bonne qualité de 5 à 10 mm53. Il

Distraction alvéolaire s’agit de distracteurs ayant un diamètre de 3,75 mm comme les implants dentaires conventionnels. En fin de distraction et après la phase de contention, ils sont remplacés par les implants dentaires. Mc Allister53 rapporte une série de dix cas avec un recul de 2 ans. Le « Maastricht Distraction screw system »® commercialisé par Medicon et utilisé par Poukens54 est séduisant par sa simplicité. Il s’agit d’une vis en titane dont la rotation entraîne une translation verticale du segment ascenseur. Ces distracteurs sont utilisés par Poukens dans des cas de mandibule atrophique, les orifices de positionnement des distracteurs étant remplacés à terme par des implants dentaires. Poukens rapporte cinq cas avec mise en place de dix implants au total.

87 • une hauteur de distraction limitée ou insuffisante du fait des limites même des distracteurs transosseux ; • la difficulté à manipuler plusieurs vis de façon simultanée par les patients.

Protocole de distraction alvéolaire Bilan préopératoire Il est essentiellement clinique évaluant l’importance du defect alvéolaire à reconstruire, mais le panoramique dentaire voire le denta-scanner peuvent nous donner de précieux renseignements sur la proximité des éléments nobles, notamment le nerf alvéolaire inférieur.

Implants distracteurs Le système DISSIS ® (Distraction Implant SIS-Trade Inc, Klagenfurt, Austria) associe les qualités techniques d’une vis de distraction et d’un implant dentaire. L’implant distracteur est en titane et disponible en longueur de 7, 9, 11 et 13 mm. Ce système a la particularité de ne nécessiter qu’un seul temps opératoire ; la vis centrale de distraction est remplacée en fin de distraction par des piliers de cicatrisation pendant toute la période de contention, puis par une tête d’implant dentaire au moment de la réhabilitation prothétique.55,56,57 Gaggl rapporte une série de 17 cas avec perte d’un seul implant.56 Il est évident que le principal avantage de ces implants distracteurs par rapport aux autres distracteurs est l’utilisation d’un appareillage « double emploi » en un temps chirurgical unique. Leur principal problème réside dans le bon positionnement de l’implant en vue de la réhabilitation prothétique ultérieure.

Choix du distracteur Une étude comparative entre les distracteurs sousmuqueux et les distracteurs transosseux a été menée par Perdijk et Van Strijen.28,29,30 Cette étude, portant sur des déficits alvéolaires étendus et notamment des mandibules atrophiques, est en faveur des distracteurs sous-muqueux. Les inconvénients des distracteurs transosseux rapportés par ces auteurs sont : • la difficulté de positionner les vis transosseuses de distraction de façon parallèle (surtout en cas de déficit étendu) ; • l’instabilité du segment ascenseur par traction des tissus mous pelvibuccaux ;

Technique chirurgicale Nous rapportons la technique chirurgicale telle que proposée par Chin.58 Incision muqueuse On réalise une voie d’abord vestibulaire horizontale sous la gencive attachée, sur toute la longueur de la perte de substance d’os alvéolaire. On réalise alors un décollement sous-périosté jusqu’à la crête alvéolaire à reconstruire (de manière à pouvoir réaliser des ostéotomies verticales) et sur toute la surface osseuse nécessaire à la pose du distracteur. Le plus important est de respecter le périoste lingual ou palatin, garant de la vascularisation du segment ascenseur. Le distracteur est alors fixé temporairement et les sites de corticotomie marqués à la fraise. Réalisation des ostéotomies La réalisation des ostéotomies est bicorticale, avec évidemment respect du périoste lingual ou palatin. Elle est réalisée après dépose du distracteur, et comprend une ostéotomie horizontale et deux ostéotomies verticales rejoignant la crête alvéolaire. Ces ostéotomies sont réalisées à l’aide de microscies oscillantes ou alternatives. Il est important lors de la réalisation des ostéotomies verticales de pratiquer des ostéotomies dont les axes sont légèrement divergents vers la crête alvéolaire afin de ne pas gêner le mouvement d’ascension. La mobilité du fragment ostéotomisé est vérifiée à l’aide d’un élévateur. Pose du distracteur Nous décrivons la pose d’un distracteur sousmuqueux type Martin, la technique étant différente

88 avec des distracteurs transosseux. Le distracteur sous-muqueux est mis en place et fixé à l’aide de microvis monocorticales : une miniplaque fixe vers le bord basilaire et la miniplaque mobile solidaire de la vis de distraction sur le fragment ascenseur. Un orifice est réalisé sur la gencive attachée au sommet de la crête alvéolaire pour la sortie de la vis d’activation. Fermeture muqueuse Une fois le fonctionnement du distracteur vérifié en activant la vis de distraction, la suture muqueuse est réalisée. En fin d’intervention, seule la vis d’activation est extramuqueuse.

Rythme de distraction Le rythme de distraction est variable selon les auteurs, mais il s’effectue globalement avec le même rythme de distraction que pour l’os basal mandibulaire, c’est-à-dire 1 mm par jour. La plupart des auteurs préconisent une période de latence avec un distracteur statique non actif de 5 à 7 jours. La distraction peut alors commencer sur un rythme de 1 mm par jour en une fois selon Chin58 ou en deux fois 0,5 mm selon Aldegheri.59 Cette période de distraction varie entre 7 et 15 jours selon le gain de hauteur désiré d’os alvéolaire. Certains auteurs proposent d’inclure le distracteur à une prothèse provisoire par laquelle il est possible d’effectuer la distraction quotidienne. Cet appareillage permet le port de prothèse pendant la période d’élongation, notamment en cas de déficit étendu. Tous les auteurs s’accordent à dire58,60 qu’il faut réaliser une hypercorrection de la hauteur alvéolaire (de 1 à 2 mm) car il y a toujours à la fin de la période de contention une résorption osseuse modérée.

Surveillance de la distraction La surveillance s’effectue par des clichés rétroalvéolaires ou un panoramique dentaire. Ces clichés ne visualisent pas le cal osseux de distraction qui est à ce stade encore immature, mais visualisent l’élévation progressive du fragment ascenseur et l’absence de complications (fracture du bord basilaire, fracture de plaque, migration de vis). L’évaluation clinique est fondamentale pour surveiller un éventuel problème de vecteur du fragment distracté. Urbani et Consolo60 proposent une surveillance radiologique tous les 3 jours pendant la période de distraction.

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Période de contention et de consolidation suivie de l’ablation du distracteur Cette période dure 6 semaines (selon Chin45) à 12 semaines (selon Hidding49). Il s’agit de la période suffisante pour avoir un cal osseux distracté de qualité satisfaisante. Selon Paranque,49 le cal osseux est d’une excellente qualité au contrôle tomodensitométrique réalisé à 12 semaines, avec objectivation d’un os de densité 2 selon l’ossification de Lenkholm et Zarb. Par ailleurs, Paranque insiste sur le fait que ces données d’imagerie sont confirmées par les sensations cliniques lors du forage implantaire et par la stabilité des fixtures après leur pose. Consolo61 a réalisé une étude histologique de l’os néoformé à 40, 60 et 88 jours après la fin de la distraction : • à 40 jours, il retrouve une ostéogenèse dans la portion centrale du cal distracté ; • à 60 jours, il existe une importante formation osseuse dans la totalité du cal avec la présence massive d’os trabéculaire ; • enfin à 88 jours on retrouve un os quasi mature avec un maximum d’os lamellaire. Cette étude confirme le délai raisonnable de 3 mois qu’observent la plupart des auteurs pour décider de l’ablation du distracteur.

Quand faut-il poser les implants ? Dans le protocole de distraction alvéolaire, la date la plus controversée est la date de pose des implants dentaires. Les publications les plus anciennes sur la distraction alvéolaire recommandaient un délai supplémentaire de 4 semaines avant la pose des implants dentaires.49 Hidding49 et Chin,45 les chirurgiens ayant les plus grandes séries de distraction alvéolaire, recommandent la pose des implants en même temps que l’ablation du distracteur. Ceci permet l’économie d’un temps opératoire. Les études histologiques de Consolo61 ont montré la prédominance de l’activité ostéoclastique à partir du 88e jour, d’où la nécessité de poser les implants précocement, et même de les mettre en charge rapidement pour éviter des phénomènes de résorption osseuse. Vereecke62 et Labbe63 livrent leur impression clinique positive du comportement de l’os néoformé vis-à-vis de l’implant. Labbe et al.64 pensent que l’implantation précoce dans un os immature ne gêne pas, voire favorise une ostéo-intégration d’excellente qualité. Cela semble aller dans le sens des travaux récents rapportés par Bränemark avec l’implant Novum.65

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Nosaka66 montre la parfaite ostéo-intégration d’implants mis en place très précocement dans de l’os distracté (étude histologique menée chez l’animal avec pose d’implants à 3 semaines de la fin de la distraction).

Fractures de la baguette basilaire Elles surviennent surtout en cas de distraction alvéolaire sur mandibule atrophique. Elles nécessitent une ostéosynthèse de la fracture et un report de la distraction après consolidation.68

Mise en charge des implants

Consolidations prématurées Les consolidations prématurées surviennent en cas de distraction trop lente ou après la réalisation d’une ostéotomie incomplète. Oda68 en recense un cas. Elles nécessitent, dès le diagnostic, fait une reprise chirurgicale avec nouvelle ostéotomie.

Les délais observés avant la mise en charge des implants sont des délais classiques de 3 à 5 mois, c’est-à-dire les délais nécessaires à l’achèvement de l’ostéo-intégration des implants. Il s’agit des délais habituellement observés par Chin45 et Hidding.49 Cependant, Degidi67 a proposé une mise en charge immédiate des implants. Il s’agit d’un concept relativement récent en implantologie, dont les résultats semblent prometteurs en termes de survie de l’implant.67 Cette technique diminue l’inconfort de l’édentement du patient sur une longue période.

Choix de l’anesthésie L’anesthésie locale, parfois associée à une sédation, est la règle pour Chin45 et Hidding49 qui ont les plus grandes séries de distraction alvéolaire. Les auteurs avec une moindre expérience20,59 préfèrent réaliser les deux premiers temps opératoires (pose et dépose du distracteur) sous anesthésie générale ; mais cette technique semble tout à fait réalisable en totalité sous anesthésie locale à l’exception des déficits alvéolaires étendus. Tous les auteurs préconisent une antibiothérapie peropératoire et durant la phase de distraction.

Problèmes rencontrés pendant la distraction Lors de la distraction alvéolaire, on peut rencontrer des problèmes assez exceptionnels tels que des infections du site de distraction, des fractures de la baguette basilaire ou une consolidation prématurée, mais le principal problème est le problème de vecteur de distraction. Épisodes infectieux Selon Oda,68 l’infection est la complication la plus fréquente mais elle est sans gravité ; une antibiothérapie et une bonne hygiène dentaire sont fondamentales durant la période de distraction. En cas de survenue d’une désunion muqueuse ou d’un écoulement purulent dans le site de distraction, une irrigation locale avec un antiseptique associée à l’antibiothérapie doivent facilement résoudre le problème infectieux.

Problème du vecteur de distraction Ce problème est le problème retrouvé par tous les auteurs.69,70. Cette palatoversion ou linguoversion du fragment distracté est très fréquente ; elle résulte de la traction de la fibromuqueuse palatine et des tissus mous pelvilinguaux. Cette linguo- ou palatoversion du fragment ascenceur est imprévisible. Quand elle survient en cours de distraction, il est nécessaire, pour ne pas compromettre la réhabilitation prothétique implantoportée, de la corriger. De nombreuses solutions chirurgicales, orthodontiques et prothétiques ont été proposées.70 Une pression manuelle sur l’os néoformé (encore souple) réalisée lors d’une ablation précoce du distracteur permet un réalignement du fragment ascenseur sur la crête alvéolaire préexistante. Une contention par gouttière ou ostéosynthèse est alors préconisée. La réalisation après consolidation vicieuse d’une nouvelle ostéotomie est envisageable.70 Il est également possible lors de la pose du distracteur afin de contre-carrer l’obliquité de la symphyse mandibulaire de fraiser l’os de la corticale externe et d’y loger le distracteur afin de donner une orientation plus verticale au vecteur de distraction. Hidding49 utilise des distracteurs sous-muqueux et propose de corriger le vecteur de distraction en recourbant les mini-plaques selon l’axe désiré. Herford70 a proposé quatre solutions orthodontiques en cas de survenue de linguo- ou palatoversion lors de la phase de distraction : • un dispositif multiattache est posé sur les dents adjacentes au site de distraction avec contrôle du vecteur de distraction par un élastique orthodontique relié à la vis de distraction ; il est recommandé de placer les brackets sur un minimum de deux dents de chaque côté du site de distraction afin de ne pas exercer des forces non désirées sur les dents saines adjacentes (mouvement de rotation) ; • un arc orthodontique sécurisé sur les dents adjacentes par des brackets est relié à la vis de

90 distraction par un élastique orthodontique de vestibuloversion ; • l’ascension du fragment distracté est guidée en encerclant la vis de distraction par un arc orthodontique rigide fixé sur les dents adjacentes ; il est fondamental de positionner l’arc orthodontique près du plan occlusal afin de ne pas gêner l’ascension du fragment distracté ; • en cas de distraction alvéolaire étendue sans dents adjacentes permettant d’appliquer les techniques précitées, la distraction selon le vecteur désiré est guidée en incluant la vis de distraction dans une attelle acrylique. Une solution prothétique est également possible avec la réalisation de prothèses implantoportées en porte-à-faux avec des contraintes mécaniques défavorables. Ceci est en accord avec les premières études de Bränemark de réhabilitation implantoportée sur mandibule édentée totale qui comportait des porte-à-faux importants (supérieurs à 1 cm), avec cependant une stabilité dans le temps des implants.

Y. Benchemam et al. téogènes dans le site greffé, ainsi que la dispersion des particules greffées par le biais des membranes. Ces membranes résorbables (treillis de Vicryl®) ou non résorbables (Gore-Tex® ou titane) utilisées en association avec une greffe osseuse, des biomatériaux et des facteurs de croissance osseux (plasma riche en plaquettes) produisent indéniablement une certaine quantité d’os néoformé. Néanmoins, les résultats en termes d’augmentation de la crête alvéolaire sont limités (au maximum 5 mm) et les complications non négligeables (infection).72

Biomatériaux Ils sont rarement utilisés seuls ; ils sont réputés pour leur importante résorption et les risques importants d’infection.4 Il s’agit essentiellement de matériaux bioactifs créant des ponts ostéogéniques avec le tissus osseux (phosphates de calcium).

Greffes osseuses autologues Autres techniques en chirurgie préimplantaire Des techniques de chirurgie préimplantaire alternatives à la distraction alvéolaire ne reconstruisant pas l’os alvéolaire ont été décrites : • la transposition du nerf alvéolaire inférieur (technique lourde et risquée sur le plan sensitif) ; • le placement d’implants courts ou inclinés permettant d’éviter des éléments anatomiques tels que le nerf alvéolaire inférieur ou le sinus maxillaire. Ceci se fait au prix d’un compromis fonctionnel, esthétique ou mécanique aboutissant parfois à la fracture de l’implant, du fait d’un rapport couronne-implant défavorable. La reconstruction alvéolaire apparaît donc comme un préalable indispensable pour retrouver des rapports anatomiques optimisés. Pour ce faire, plusieurs techniques sont à la disposition du chirurgien.

Expansion crestale aux ostéotomes Il s’agit d’une méthode qui élargit l’alvéole en la fracturant en bois vert pour en augmenter la seule dimension horizontale et qui permet un minimum d’épaisseur crestale afin d’y insérer des implants.71

Régénération tissulaire guidée Il s’agit d’un concept permettant d’éviter la croissance et l’invagination des tissus muqueux non os-

Elles restent actuellement la technique standard pour reconstruire l’os alvéolaire et sont les techniques de choix quand la perte de substance d’os alvéolaire affleure le nerf dentaire inférieur, la distraction alvéolaire étant alors impossible. C’est également dans la zone maxillaire postérieure jouxtant le plancher sinusien que la greffe osseuse autologue devient la technique de choix (sinus lift).73,74 Ces greffes sont d’origine soit intraorale (menton, zone rétromolaire, tubérosité maxillaire), soit extraorale (calvariale ou iliaque).75 Ozaki et Buchman76 ont montré et comparé le devenir des greffes ectomésenchymateuses (calvarial, mandibulaire) et mésenchymateuse (iliaque), et ont montré la supériorité du greffon d’origine membraneuse par rapport au greffon d’origine enchondrale quant à la maintenance du volume osseux.

Résultats et avenir de la distraction alvéolaire Les deux plus grandes séries cliniques de distraction alvéolaire dans le monde ont été publiées par Hidding76 et Chin.49 Ils ont traité à eux deux plus de 300 patients et posé environ 450 implants dentaires. Le gain de hauteur alvéolaire était satisfaisant dans 95 % des cas et la perte d’implants inférieure à 2 % avec un recul allant jusqu’à 6 ans. La distraction alvéolaire semble donc être une technique séduisante en chirurgie préimplantaire

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en dépit du coût relativement élevé du matériel (1 200 à 1 600 euros). Elle a plusieurs avantages : • permettre l’expansion simultanée de l’os et des tissus mous ; • diminution du délai de mise en charge des implants ; • absence de complications liées au site donneur de greffe osseuse ; • réalisable en ambulatoire sous anesthésie locale. Bianchi69 a préfiguré l’avenir de la distraction alvéolaire avec des appareils de plus en plus miniaturisés et résorbables, économisant ainsi le second temps opératoire d’ablation du distracteur. Il propose d’agir sur le vecteur dès la phase de distraction. Les champs d’application de la distraction alvéolaire devraient ainsi s’élargir de plus en plus.

Cas cliniques Cas clinique 1 : Alyette D., âgée de 19 ans, victime d’un accident de la voie publique en septembre 1999 avec perte des dents 31, 32 et 33, se présente à notre consultation en septembre 2000 pour un avis prothétique. Nous lui proposons une solution implantoportée avec au préalable une reconstruction de sa crête par distraction alvéolaire (Fig. 2 à Fig. 15). Cas clinique 2 : Benjamin P. est victime à 11 ans d’une chute de sa hauteur avec fracture alvéolodentaire du secteur 31-32, entraînant secondairement la perte de ces deux dents. Il consulte à 16 ans pour avis prothétique (Fig. 16 à Fig. 28). Cas clinique 3 : Jean G., âgé de 14 ans, est victime en août 1998 d’une chute de vélo. Il présente une fracture symphysaire horizontale associée à une fracture alvéolodentaire de 31 à 43, avec perte de substance du rempart alvéolaire antérieur (Fig. 29 à Fig. 43).

Figure 2 La crête alvéolaire à reconstruire.

Figure 3 Régularisation de la crête afin de distracter un fragment osseux d’épaisseur suffisante.

Figure 4 Réalisation des ostéotomies.

Figure 5 Pose du distracteur Martin®.

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Figure 6 Fermeture muqueuse.

Figure 9 Fin de la période de contention, lors du temps de dépose du distracteur à 3 mois.

Figure 7 Début de la distraction.

Figure 8 Fin de la distraction (j12) avec une légère hypercorrection souhaitée.

Figure 10 Pose de deux implants dans le même temps opératoire.

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Figure 14 Réalisation d’une prothèse en porte-à-faux pour compenser la linguoversion de la crête reconstruite.

Figure 11 La crête est rehaussée mais légèrement linguoversée.

Figure 15 Résultat prothétique satisfaisant sur le plan esthétique.

Figure 12 Piliers de cicatrisation en place.

Figure 13 Ostéo-intégration des implants.

Figure 16 Fermeture de l’espace 31-32 par mésialisation progressive des autres dents.

Figure 17 Ouverture orthodontique de l’espace 31-32 et réalignement.

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Figure 21 Pose du distracteur Martin®. Figure 18 La crête alvéolaire est très fine sans solution implantaire.

Figure 22 En cours de distraction. Figure 19 Reconstruction de la crête par distraction alvéolaire.

Figure 20 Réalisation des ostéotomies.

Figure 23 Rétroalvéolaire objectivant l’ascension du fragment distracté.

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Figure 26 Quatre mois après la mise en place des implants, on réalise des couronnes titane-céramique scellées provisoirement sur les faux moignons. Malheureusement, on observe à distance sur le rétroalvéolaire une légère résorption para-implantaire qui nous oblige à desceller les coiffes titane-céramique.

Figure 24 Migration linguale du mobile alvéolaire.

Figure 27 Réalisation de nouvelles prothèses à partir des empreintes de la résorption para-implantaire avec des masques esthétiques en céramique rose.

Figure 25 Pour corriger cette linguoversion, réalisation d’une section de la vis d’activation à sa base, puis traction vestibulaire sur cale de disclusion en fer à cheval (fixée sur les faces triturantes des dents mandibulaires) avec surplomb vestibulaire en regard de la zone à implanter. Une traction progressive par fils d’acier permet un alignement de la crête.

Figure 28 Résultat esthétique satisfaisant au sourire.

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Figure 32 Utilisation d’une microscie alternative. Figure 29 Ostéosynthèse de la fracture symphysaire. Tentative de réimplantation et de contention du secteur 31-43.

Figure 30 Après échec de la contention alvéolodentaire et cicatrisation muqueuse, on observe une perte de substance d’os alvéolaire en lame de sabre. Figure 33 Pose du distracteur avec au préalable la création d’une logette osseuse pour le distracteur afin de contre-carrer l’obliquité de la symphyse et de permettre un vecteur de distraction plus vertical.

Figure 34 Fermeture muqueuse. Seule la vis d’activation est extramuqueuse. Figure 31 On décide alors de reconstruire la crête par distraction alvéolaire : réalisation des ostéotomies.

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Figure 35 On observe l’ascension de fragment osseux distracté.

Figure 36 Légère hypercorrection en fin de distraction. Il y a souvent pendant la période de contention une légère résorption osseuse.

Figure 38 Ablation du distracteur.

Figure 39 Pose de trois implants dans le même temps opératoire que la dépose du distracteur. Figure 37 Résultat de la distraction alvéolaire : la crête est rehaussée et plus épaisse.

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Références 1.

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4. Figure 40 La crête alvéolaire reconstruite est alignée.

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10. Figure 41 Parfaite ostéo-intégration des implants à 8 mois.

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14.

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Figure 42 Piliers de cicatrisation en place.

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20.

Figure 43 Au dixième mois, réhabilitation prothétique implantoportée transvissée.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 101–117

www.elsevier.com/locate/emcden

Céramiques dentaires Dental ceramics J.-M. Poujade (Ancien assistant hospitalo-universitaire) *, C. Zerbib (Assistante hospitalo-universitaire), D. Serre (Maître de conférences des Universités) MOTS CLÉS Céramique ; Prothèses ; Cosmétique

Résumé Les propriétés biophysiques des matériaux céramiques ont permis leur utilisation dans de nouvelles applications cliniques. Avec le développement croissant de nouveaux produits, il est important pour le clinicien de connaître leur classification et de comprendre les facteurs qui vont conduire au succès ou à l’échec de la réalisation prothétique. Afin d’évaluer un nouveau procédé, il faut garder à l’esprit une série de questions concernant les qualités mécaniques, l’importance de la réduction tissulaire, l’esthétique, le joint marginal, l’abrasion, les études cliniques et le coût. Au cours des 10 dernières années, l’application des procédés de haute technologie a conduit au développement de nouveaux matériaux céramiques pressés, injectés et «slip-casting ». Cet article propose une revue des nouvelles céramiques incluant la leucite, l’alumine, le spinelle et la zircone. Le rappel des propriétés mécaniques et leur procédé d’élaboration est décrit. Les procédés automatiques de production des restaurations prothétiques, la qualité des matériaux employés ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques, les systèmes classiques et CAO/CFAO sont décrits afin que chacun puisse objectivement choisir et assurer le succès clinique. La recherche continue d’élaborer des matériaux de restauration plus résistants, plus esthétiques et permettant de multiples applications cliniques telles que couronnes, bridges, inlays et onlays. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Ceramics; Porcelains; Cosmetic

Abstract The properties of ceramic materials including biocompatibility, stability, durability and optical qualities have resulted in new clinical applications. With more and more materials being introduced it is important that dentists understand the variety available and the factors which will contribute to the success or failure of the restoration. When faced with the task of evaluating a new or alternative ceramic system you should have a number of question in mind : the flexural strenght, tooth reduction needed, aesthetic, marginal fit, abrasivity, clinical studies support and cost. For the last ten years, the application of high-technology process to dental ceramics allowed for the development of new materials such as heat-pressed, injection-molded and slip-cast ceramics . This paper review advances in new materials and process available for ceramic restoration. The most recent ceramic materials are review including leucite, alumina, spinel and zirconia. An overview of mechanical propertes is included. The automatic production methods for dental restorations, the high quality of the materials used have opened up new possibilities in therapy, the current state of analog and CAD/CAM systems is described and analysed to make an informed decision and maximize clinical success. Research is continuing to develop materials which are strong, aestheticand suitable for multiple applications, including crowns, bridges, inlays and onlays. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Jean-Marc Poujade, 137, avenue Victor-Hugo, 83700 Saint-Raphaël, France. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00006-0

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J.-M. Poujade et al.

Introduction

Généralités

Le terme céramique provient de « keramos », mot grec signifiant argile. Il a d’abord désigné des poteries recouvertes d’émail avant d’être étendu à toute la porcelaine et à d’autres produits essentiellement constitués de silicates et qui représentent les céramiques classiques. Peut être considéré comme céramique tout matériau inorganique, fragile, et mis en forme à haute température à partir d’une poudre dont la consolidation se fait par frittage, cristallisation ou prise d’un liant hydraulique. En odontologie, les céramiques sont essentiellement employées dans des applications prothétiques mais peuvent également être utilisées en implantologie, en orthodontie, en matériau de restauration esthétique comme dans le cas d’inlays, onlays ou facettes. La plus grande partie des nouveaux systèmes très sophistiqués apparus ces dernières années sont des améliorations technologiques d’un produit apparu il y a plus d’un siècle.

Définitions

Les céramiques sont un type de verre obtenu par la fusion d’oxydes métalliques à haute température qui deviennent solides à température ambiante. Les céramiques dentaires sont des matériaux de structure composite comprenant une structure vitreuse appelée matrice de verre renforcée par différentes phases cristallines qui permet d’adapter le coefficient de dilatation thermique du matériau. La fabrication se fait en chauffant le mélange audessus de la température de fusion de la matrice vitreuse et en dessous de celle des cristaux. La phase cristalline accroît la résistance et réduit les fractures. Un autre facteur clef est le contrôle de la rétraction thermique résiduelle. La nature de la phase cristalline présente dans la céramique conditionne principalement les propriétés physiques, mécaniques et optiques (réflexion lumineuse et couleur) de la restauration finale. Elle s’oppose notamment à la propagation des dislocations et microfractures de surface au sein du matériau. Ces matériaux sont soumis à deux types de défauts, sources de leur fragilité : des défauts de fabrication (inclusion de porosités lors de l’élaboration) et des défauts de surface (différence de contraction entre les deux phases vitreuse et cristalline lors du refroidissement) et aussi des défauts de surface liés aux meulages lors de l’élaboration. Durant cette décennie, un grand nombre de matériaux et de procédés d’élaboration de restauration tout céramique ont été mis à notre disposition. Ils peuvent être classés suivant leur technique d’élaboration et aussi suivant la composition de leur phase cristalline.

Les céramiques sont des matériaux inorganiques, composés d’oxydes, de carbures, de nitrures et de borures. Les céramiques présentent des liaisons chimiques fortes de nature ionique ou covalente. Les céramiques sont mises en forme à partir d’une poudre de granulométrie adaptée qui est agglomérée. Puis une deuxième étape consiste à densifier et consolider cet agglomérat par un traitement thermique appelé frittage. Le frittage est un traitement thermique avec ou sans application de pression externe, grâce auquel un système de particules individuelles ou un corps poreux modifie certaines de ses propriétés dans le sens d’une évolution vers un état de compacité maximale. Actuellement, on considère que le traitement de consolidation peut être aussi une cristallisation ou une prise hydraulique. Porcelaine La porcelaine est une céramique contenant de l’argile sous forme de kaolin (aluminosilicate hydraté) et du feldspath (aluminosilicate). Céramiques dentaires Ce sont des matériaux composés à 99 % d’oxydes mis en forme par frittage en phase liquide ou solide. Pour la plupart, ils ont une structure biphasée de verre chargé (une phase vitreuse et une phase cristalline). Ce sont des matériaux fragiles. Verre Un verre est un composé minéral fabriqué à base de silice, qui possède une structure vitreuse désordonnée car constituée d’atomes de dimensions très différentes. Il est mis en forme par frittage et possède une grande stabilité chimique car ses atomes constitutifs sont unis par des liaisons chimiques fortes, covalentes ou ioniques. Cette propriété leur confère une très bonne biocompatibilité. Les verres sont des matériaux fragiles : ils n’ont pratiquement aucune possibilité de déformation plastique.

Classification des céramiques Selon l’historique L’historique des céramiques dentaires peut se résumer selon le Tableau 1. Classification traditionnelle (en fonction de la température de fusion) Elle peut se résumer selon le Tableau 2.

Céramiques dentaires Tableau 1

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Annexe historique des céramiques.

1774 La céramique est introduite dans l’art dentaire par Alexis Duchateau et développée par Dubois de Chement 1808 Fonzi développe les dents individuelles avec tige de platine 1886 Land dépose le brevet de la couronne « Jacket » 1952 Stookey développe la technique de la céramique de verre pour la société Corning Glass 1958 Vines et al. développent la cuisson sous vide des poudres fines de céramique 1962 Weinstein et al. décrivent une composition moyenne pour obtenir l’adhésion céramométallique 1963 Par ajout de l’alumine Mc Lean et Hughes créent la première coiffe porcelaine alumineuse 1968 Mc Culloch applique la céramique de verre à la dentisterie pour les dents de prothèse amovible 1977 Hobo et Hiwata créent le procédé Cérapearl® 1983 Riley et Sozio proposent le procédé Cérestore® 1984 Grossman et Adair proposent une nouvelle expression de la vitrocéramique que la firme De Trey commercialise sous le nom de Dicor® 1985 Sadoun met au point le slip-casting. Ce n’est qu’en 1989 que la firme Vita commercialise le procédé In-Céram® 1987 Sharer et Wohlwend proposent une céramique pressée. Le laboratoire Ivodar Vivadent en 1991 développe ainsi le système IPS Empress® 1988 Duret introduit la CAO/CFAO en dentisterie 1989 Mörmann et Brandestini développent le procédé Cerec® 1993 Anderson et Oden créent le procédé Procera®

Classification de Sadoun et Ferrari Les propriétés finales des prothèses céramiques résistance mécanique, microstructure, précision d’adaptation et propriétés optiques - résultent de la nature chimique du matériau et du procédé de mise en forme. Un même matériau peut être mis en forme de façons différentes, modifiant ainsi ces propriétés. Un même procédé de mise en forme peut être utilisé pour différents matériaux. Il est donc indispensable d’établir une classification basée sur la nature chimique, la microstructure et les procédés de mise en forme. – Selon les constituants chimiques. Céramiques feldspathiques : ce sont les céramiques traditionnelles destinées à l’émaillage des couronnes céramométalliques. De nouvelles céramiques feldspathiques à haute teneur en leucite, ont une résistance mécanique améliorée et un Tableau 2

coefficient de dilatation thermique augmenté. Elles sont alors utilisées sans armature. Céramiques alumineuses : leur constituant principal est l’alumine (Al2O3). On distingue en fonction de la teneur en alumine : • 40 % : « Jacket » de Mac Lean ; • 65 % : Cérestore®, AllCeram® ; • 85 % : In-Céram® ; • 98 % : Procera®. Vitrocéramiques : elles comportent des matériaux de nature chimique différente. • Apatite : Cérapearl®; • Micatétrafluorosilicate : Dicor®, matériau mis en forme à l’état de verre puis traité thermiquement pour obtenir une cristallisation contrôlée et partielle. Matériaux en cours d’évolution : • Zircone (ZrO2) : propriétés mécaniques améliorées • Spinelle : contient du magnésium améliorant la résistance et la translucidité. – Selon le procédé de mise en forme (avec ou sans armature métallique). Avec support métallique. Le rôle de ce support métallique est de renforcer mécaniquement la prothèse et de servir de support de cuisson sur lequel va s’annuler la rétraction de frittage par pyroplasticité de la phase vitreuse. Cette armature peut être : • une feuille d’or ou de platine brunie sur le modèle positif unitaire. Diverses évolutions visant à renforcer mécaniquement ce support ont été décrites. Il existe différentes expressions commerciales de ce principe ; • une armature coulée en alliage précieux ou non précieux. Sans support métallique. Cuite sur revêtement : à peu près toutes les céramiques peuvent être frittées sur un revêtement compatible et chimiquement inerte. Coulée et vitrocéramisée : usinée ou injectée : • à basse température ; • à haute température ; • Barbotine + frittage + infiltration Selon la microstructure Matrice vitreuse avec charges dispersées ou matrice cristalline avec phase vitreuse infiltrée.

Classification des céramiques suivant leur intervalle de fusion (D’après Sadoun M. 1995).

Type de céramiques Céramique haute fusion Céramique moyenne fusion Céramique basse fusion Céramique très basse fusion

Température de fusion 1280 °C-1390 °C 1090 °C-1260 °C 870 °C-1065 °C 660 °C- 780 °C

Indications Prothèse adjointe « Jacket » ou matrice platine Céramométallique pour émaillage des métaux Céramométallique pour émaillage du titane et de l’or à bas intervalle de fusion

104

J.-M. Poujade et al.

Tableau 3

Composition minéralogique d’une céramique. ARGILE 5% QUARTZ1 5% Kaolin (phyllosilicate) Al2O3, 2SiO2, 3H2O

COMPOSITION

FONDANT OU FLUX 80% Feldspath Feldspathoïde (néphéline + leucite) (albite +orthose)

Na2O, K2O, NaKO K2O Al2O3,6SiO26SiO2 Al2O3 Al2O3 2SiO2 4SiO2 1150-1300 °C Le rapport Na/K Minéraux + stables Forte dilatation règle la viscosité et + durs jusqu’à 625 °C Si Na/K ↑, viscosité ↑ et fluage ↓

TEMPÉRATURE DE FUSION REMARQUES

1800 °C Facilite le remodelage et l’opacification

PROPRIÉTÉS

Réaction Liaison avec le pyrotechnique fondant avec le fondant PHASE CRISTALLINE PHASE VITREUSE

PHASES

1700 °C Charge qui renforce la structure

Céramiques feldspathiques Composition Composition physique La poudre est composée de grains de diamètre de 4 à 100 lm. Elle contient de plus des plastifiants hydrosolubles (alginate, sucre) facilitant la mise en forme et des colorants. Composition minéralogique Elle est résumée dans le Tableau 3. Composition chimique – Oxydes principaux. • Oxyde de silicium SiO2 : 55 à 78 % (phase vitreuse et phase cristalline dispersée) ; • Oxyde d’aluminium Al2O3 : < 10 % (phase vitreuse essentiellement mais aussi parfois phase cristalline, diminue alors la translucidité). Ces oxydes augmentent la température de cuisson, la tension superficielle, la résistance et la rétraction à la cuisson. – Oxydes alcalins modificateurs. Oxydes de cations alcalins monovalents (Na2O, K2O, Li2O) : 10 à 17 % essentiellement modificateurs de la phase vitreuse, ils abaissent la température de ramollissement, augmentent le coefficient de dilatation thermique en dessous de la température de transition vitreuse, diminuent la température de solidification et la viscosité. Les céramiques à fortes teneurs en K2O (> 11 %) sont le siège d’une cristallisation à des températures voisines de 700 °C et 1 200 °C en particulier de leucite (K2O, Al2O3, 4SiO2). – Oxydes mineurs.

• Opacifiants (ZrO2, SnO2, TiO2), 6 à 15 % ; • Fondants (B2O3, Na2B4O7), 0 à 5 %, ils abaissent la température de cuisson ; • Colorants (oxydes métalliques et terres rares) : TiO2 pour le jaune, Fe2O3 pour le marron, CoO pour le bleu, NiO pour le gris, V2O5 pour le jaune. Fabrication industrielle Broyage des éléments, mélange des poudres obtenues avec de l’eau à saturation, frittage à 1 300 °C (température inférieure à la température de fusion) lequel entraîne une fusion partielle, puis broyage de la fritte obtenue et adjonction de colorants et de plastifiants pour le modelage. Nouvelles céramiques La leucite contenue dans ces céramiques entraîne une rétraction plus importante de ces matériaux lors du refroidissement. Ceci est dû à leur important coefficient de dilatation thermique et au changement de structure cristalline lors du refroidissement. La formation de fissures peut alors compromettre le renforcement de ces matériaux. De plus, ce coefficient de dilatation thermique ne permet pas la cuisson de ces matériaux sur des armatures métalliques. – Mise en forme par injection à haute température : Empress® (Ivoclar)51 Élaboration d’une maquette en cire, mise en revêtement réfractaire spécial, chauffage du cylindre à 850 °C (3 à 6 °C par minute) et maintien pendant 1,5 heures. Puis préchauffage des lingotins de céramique et du piston en Al2O3 (montée en température jusqu’à 280 °C [6 °C/min], palier de 1 heure, montée en température jusqu’à 850 °C en 1 heure). Mise en place dans le four, montée en

Céramiques dentaires Tableau 4

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Propriétés mécaniques des céramiques conventionnelles, de l’émail et de la dentine.

Module élastique (GPa) Résistance à la rupture (compression) (MPa) Résistance à la rupture (en tension) (MPa) Dureté (VHN)

température à 1 100 °C (60 °C/min), palier de 20 minutes puis injection sous 3,5 bars. Enfin, refroidissement, démoulage et élimination du revêtement par sablage à l’alumine. Deux techniques sont alors possibles : • maquillage : la totalité de la restauration est réalisée par injection puis maquillée en surface ; • stratification : une armature en Empress® est réalisée et recouverte par une céramique feldspathique adaptée au procédé. – Céramiques très basse fusion. Leur originalité provient du verre qui les constitue, dans lequel ont été incorporés des ions hydroxyles. Les verres ainsi obtenus ont des propriétés chimiques améliorées, une meilleure stabilité et une température de cuisson plus basse. Ces produits sont utilisés dans la technique céramométallique avec des armatures à très haute teneur en or ou en titane. Ils sont aussi utilisés seuls pour confectionner des inlays, onlays et coiffes en céramique pure. – Fabrication assistée par ordinateur. L’empreinte optique et la fabrication assistée par ordinateur permettent d’éliminer l’étape de la réalisation des modèles positifs unitaires, de la fabrication de la maquette en cire, de la coulée... pour la réalisation des restaurations. Exemple : les systèmes Cerec® (1987) et Procera® (1992).

Céramiques alumineuses Elles contiennent une proportion importante d’alumine dans le but de renforcer les produits. Plusieurs types de matériaux ont été successivement développés. La « Jacket » de Mac Lean : la céramique proposée par Mac Lean contient 40 % en poids d’alumine et sert d’infrastructure à une céramique cosmétique dont le coefficient de dilatation thermique est adapté. Le Cérestore® : mis au point par Riley et Sozio, le procédé consiste à substituer aux infrastructures métalliques des couronnes céramométalliques une chape à base d’alumine mise en forme par injection d’une pâte thermoplastique. Cette céramique d’infrastructure contient :

Opaque 95 1000 130 410

Céramique 60 500 60 380

Émail 80 500 7 320

Dentine 20 230 60 70

• minéraux : Al2O3 granulométrie 2,5 lm et 40 lm : 17,3 % ; • verre aluminosilicate de baryum (BaO 53 %, SiO2 42 %, Al2O3 5 %) : 13 % ; • MgO : 8,5 % ; • liant thermoplastique : résine silicone 12 % ; • plastifiants : 6 %. La mise en forme est réalisée classiquement par modelage en cire de la chape sur un modèle en résine époxy.

Propriétés mécaniques des céramiques Les céramiques dentaires sont peu résistantes en traction et en flexion mais sont très résistantes en compression. La caractéristique principale est la rupture dite fragile, c’est-à-dire sans déformation plastique. Depuis Griffith, on sait que la fracture d’une céramique se fait par propagation d’une fissure à partir d’un défaut initial. Les propriétés mécaniques des céramiques conventionnelles sont résumées dans le Tableau 4. Facteurs influençant la résistance mécanique Elle est directement liée au nombre et à la taille des défauts issus de la mise en œuvre, du montage, de la poudre de céramique, de la cuisson et du glaçage. Taux de porosité : il dépend de la distribution granulométrique et du mode de mise en forme de la pâte crue (compactage). Le compactage par vibration permet d’augmenter de 40 % la résistance par rapport à une céramique non compactée. La cuisson sous vide fait passer le taux de porosité de 4 % à 0,1 %. Température et cycle de cuisson : l’élévation de la température et de la durée de cuisson entraîne une augmentation de la résistance. Cependant, au-delà d’un certain seuil ou lors de la multiplication des cuissons, on assiste à une diminution de ces caractéristiques, due à une dissolution dans le verre des phases cristallines dispersées. Contraintes internes : elles résultent d’un différentiel de coefficient de dilatation thermique entre les différentes phases du matériau ou entre le matériau et le support (métal ou céramique d’infrastructure). Microstructure : la résistance augmente avec la proportion de phase cristalline et avec la quantité

106 d’interfaces verre/cristal et donc la dispersion de cette phase cristalline. L’état de surface et surtout les défauts de surface jouent un rôle important. Pour remédier aux défauts de surface, le glaçage thermique ou l’emploi d’une glaçure permet en obturant les pores et en refermant les fissures d’améliorer les propriétés mécaniques des céramiques feldspathiques d’environ 400 %. De plus, la glaçure possédant un coefficient d’expansion thermique plus faible que celui de la céramique sousjacente met la surface en compression.

J.-M. Poujade et al. d’onde, des porosités et de la microstructure, et une partie est réfléchie. La structure de la céramique présente plusieurs interfaces entre le verre et les cristaux d’indices de réfractions différents. Les interactions sont donc multiples et complexes. La fluorescence : aptitude d’un corps à absorber des photons de longueur d’onde en dehors du visible. La désexcitation se produit par émission de photons dans le visible. La couleur : elle présente trois dimensions : la teinte ou tonalité chromatique (longueur d’onde du photon émis), la luminosité et la saturation.

Propriétés physiques des céramiques – Thermiques : les céramiques sont des isolants thermiques (conductivité = 0,01 J/s/cm2 ou °C/cm2). Leur coefficient de dilatation thermique est adaptable en fonction de leur utilisation en modifiant la teneur en K2O du verre. – Électriques : le déplacement des charges électriques ne pouvant se produire que par diffusion ionique, les céramiques sont des isolants électriques. – Optiques : au-delà des propriétés optiques, c’est l’impression visuelle qui compte. Celle-ci résulte de la combinaison de nombreux facteurs relatifs aux propriétés optiques de la surface, des différentes phases et des différentes couches, de la couleur et du spectre de la lumière incident. Les rendus des diverses céramiques vont de l’opaque au transparent, avec des luminosités variables, des effets de fluorescence, d’opalescence, avec des couleurs et des saturations différentes. Tout ceci est obtenu en jouant sur la composition, la nature chimique, la taille, la quantité et l’indice de réfraction des charges cristallines et des pigments répartis dans la phase vitreuse. La réflexion : il existe la réflexion spéculaire qui est celle du miroir et la réflexion diffuse qui est celle d’une dent naturelle. Lorsque la surface d’un corps est plane on a une réflexion spéculaire. Lorsque la surface présente des reliefs, il existe différents angles d’incidence et en conséquence, différentes directions de réflexion, le faisceau réfléchi apparaît diffus. Indice de réfraction : si un faisceau lumineux passe de l’air dans un verre, sa vitesse de propagation est réduite ; si l’angle d’incidence est oblique, la trajectoire est modifiée selon la loi de la réfraction. Toute la lumière ne pénètre pas dans le verre qui possède un pouvoir réfléchissant. Dans un matériau dense, la vitesse de propagation dépend de la longueur d’onde, de l’indice de réfraction, c’est le phénomène de dispersion. Dans le cas d’une céramique dentaire, une partie du faisceau est absorbée en fonction de sa longueur

Céramiques « basse fusion » Devant les exigences esthétiques croissantes des patients, la qualité des matériaux utilisés n’a cessé de s’améliorer et de nouvelles techniques se sont développées. C’est dans ce contexte que sont apparues des céramiques aux propriétés optiques et physiques presque « parfaites ».7 Bien que commercialement appelées « basse fusion », les céramiques « basse fusion » sont en fait des céramiques à « très basse fusion » (de 660 °C à 780 °C), utilisées dans la technique céramométallique pour l’émaillage d’alliages à base de titane ou d’or à bas intervalle de fusion, pour réaliser les joints céramique-dent ou bien encore pour réparer des fractures ou des éclats de céramique, enfin, utilisées seules, elles permettent la confection d’inlays, d’onlays céramique.50

Céramique Ducéram LFC®31,50,72 En 1991, naît, par dérivation du quartz de synthèse, la céramique LFC. L’originalité de sa fabrication est l’incorporation d’ions hydroxyles dans la phase vitreuse (ceci étant réalisé dans une atmosphère chargée de vapeur d’eau sous l’action de la chaleur). Les verres ainsi obtenus présentent des propriétés chimiques améliorées, une meilleure stabilité et une température de fusion plus basse. Il s’agit alors d’une « hydrolyse de quartz » selon la formule : SiO2 + H2O → 2SiOH C’est pourquoi, dans la littérature, on lui attribue le nom de verre « hydrothermal ». Le matériau Ducéram LFC® se définit comme un matériau monophasique ne contenant pas de phase cristalline donc aussi comme un verre à base de quartz fluorhydrique.15 En effet, il se compose de : • quartz hydrolysé : 70 % (ou verre de silice Si, O, Na, K, OH) ;

Céramiques dentaires Tableau 5

107

Propriétés mécaniques et biologiques des céramiques« basse fusion ».

Mécaniques Biologiques

Résistance à la rupture et à la flexion (Mpa) Dureté (HVN) Résistance à l’hydrolyse

• verre fluorhydrique : 20 à 25 % ; • feldspaths : 5 à 10 %. Propriétés mécaniques et biologiques Elles sont représentées dans le Tableau 5. État de surface La Ducéram LFC® se caractérise par un réseau de structure homogène, ce qui lui donne sa brillance remarquable. Propriétés optiques16,31,64,85 La LFC permet de créer des effets optiques et des jeux de lumière identiques à ceux de la dent naturelle, surtout si l’on utilise comme support de la LFC une chape en céramique conventionnelle Ducéram (ou la nouvelle Ducéram-Plus®) car la lumière va alors pénétrer sans obstacle la LFC pour être dispersée dans toutes les directions à l’intérieur de la masse hétérogène de dentine en céramique conventionnelle. Cet effet peut encore être renforcé par l’emploi de matériaux opalescents. ®50

Céramique Ducéragold

La céramique Ducéragold® est une céramique dentaire hydrothermale adaptée à un alliage riche en or dénommé Dégunorm® (alliage or-platine jaune de la classe IV caractérisé par une zone de fusion de 900°C à 990°C et un coefficient de dilatation thermique de 16,4 10-6/°C, pour qu’une céramique puisse cuire sur ce type d’alliage, elle doit se différencier des céramiques conventionnelles par une température de cuisson inférieure de 150 °C et un coefficient de dilatation thermique augmenté de 15 à 20 %). Elle est aussi appelée hydrothermale, car au sortir du four la masse en fusion s’écoule en un filament qui est refroidi dans un bain spécifique hautement chargé en hydrogène. Structure Des cristaux de leucite très petits ont été introduits en proportion régulière dans une phase vitreuse hydrothermale. Pour cette raison, la céramique Ducéragold® peut être décrite comme une céramique dentaire hydrothermale, biphasée, à cuisson compatible (grâce à la leucite) avec son alliage.

Émail 50 340 NC

Ducéram LFC Ducéragold Finesse 108 100 110 420 420 NC En accord avec normes DIN/ISO

Propriétés mécaniques et biologiques Elles sont représentées dans le Tableau 5. État de surface Ducera prétend que c’est la régularité de la répartition des cristaux de leucite qui assure l’homogénéité de la structure et qui bien évidemment a des effets positifs sur l’état de surface.

Céramique Finesse®7,35 La céramique Finesse® est une céramique basse fusion à faible teneur en leucite de l’ordre de 8 à 10 %. Les cristaux de leucite qui la composent sont plus fins (3 lm) que ceux dispersés dans la céramique conventionnelle (30 lm). Ils y sont aussi moins nombreux, de façon à optimiser leur utilisation et à obtenir les meilleures qualités possibles (moins d’abrasion). Elle s’adapte aux alliages d’or de type III ou IV, du fait de leurs coefficients de dilatation thermique élevés. Propriétés mécaniques et biologiques Elles sont représentées dans le Tableau 5. On pensait que plus une céramique était dure, plus elle était abrasive ; cependant, certains auteurs (Komma O. 1993, Suzuki S. 1997) ont démontré que l’état de surface primait sur la dureté pour expliquer ces phénomènes d’abrasion. Dans la détermination de l’usure de l’émail, aucune relation critique n’a été établie entre la dureté et le degré d’usure d’une surface d’émail dentaire.48 Grâce à sa faible teneur en leucite, la porcelaine Finesse® userait 70 % de moins l’émail de surface qu’une porcelaine haute fusion traditionnelle.50 La porcelaine Finesse® permettrait donc de réaliser des restaurations durables et son degré d’usure serait comparable à celui des restaurations en alliage à haute teneur en or. État de surface La régularité de la surface est liée à la finesse des cristaux de leucite et à l’homogénéité de la microstructure. Plus la surface est lisse, plus la porcelaine est facile à polir. Propriétés optiques Le système de teintes Finesse®, qui s’appuie sur la méthode IOT (point d’épaisseur optique infinie ou

108 épaisseur à laquelle l’aspect de la porcelaine est rigoureusement identique, que cette dernière soit sur fond noir ou blanc) brevetée par CeramCo, constitue le moyen de s’assurer que les teintes des différentes porcelaines (opaques, dentines, dentines-opaques et modificateurs de dentine) sont parfaitement coordonnées entre elles, dans un système complet de correspondance de teintes. C’est le système de communication des couleurs (CCS). La fluorescence est aussi représentée depuis les opaques jusqu’aux maquillants de surface et à la glazure, en passant par la dentine et l’émail.

Céramiques « basses fusion » pour titane4,10,28,46,53,54,75,76,79 L’intérêt croissant pour le titane en prothèse dentaire ne devait pas être freiné par l’impossibilité de le recouvrir par un cosmétique. Pour pouvoir être employé en technique céramométallique sur titane, le matériau céramique doit répondre à une exigence technique principale, le coefficient de dilatation thermique doit être bas, en accord avec celui du titane (8,4 à 8,7 × 10-6 /°C) sinon il se produit des craquelures et des tensions, dans le corps, néfastes à leurs propriétés mécaniques.19,43,44 En effet, pour assurer une liaison satisfaisante, il est admis que les coefficients de dilatation thermique (CDT) de la céramique et de la chape titane doivent être aussi proches que possible, avec toutefois, celui de l’alliage légèrement supérieur (dans un rapport de 10 à 15 %) pour créer un effet de compression dans la céramique.62 Outre ce facteur, on sait que le titane change de structure cristallographique à 882,5 °C, lorsque la température est supérieure à 882,5 °C, il devient cubique centré (en phase ß). Ces modifications structurales sont irréversibles avec une persistance partielle, après refroidissement, de phase ß, à l’origine d’une variation dimensionnelle néfaste. Ceci implique l’emploi d’une céramique basse fusion dont la température de cuisson doit être inférieure à 882,5 °C.82 Les propriétés particulières du titane entraînent la conception de céramiques nouvelles adaptées aux exigences spécifiques de ce métal. La rétention céramique-titane est le fait de trois facteurs principaux, communs à toute rétention de céramique sur une armature métallique : • une liaison chimique, par la réalisation d’une réaction entre la couche d’oxyde superficielle et la céramique 19,61 ; • une liaison mécanique, grâce à une fluidité suffisante, la porcelaine peut se glisser entre les interstices présents à la surface de l’arma-

J.-M. Poujade et al. ture.19,83 Il existe une différence d’adhérence significative de la céramique selon le traitement de surface effectué (sablage à 50 lm laissant un film d’oxyde de 0,4 lm, et sablage à 100 lm laissant un film de 0,2 lm) ;24 • une liaison par compression de la céramique sur l’armature durant la cuisson. Cette rétention est permise par l’adaptation des coefficients de dilatation thermique des différentes couches de céramique entre elles, avec des valeurs décroissantes en progressant vers la surface de la restauration.62 Les différentes céramiques pour titane actuellement sur le marché sont des céramiques pour titane appartenant à la famille des céramiques « basse fusion » dont la recherche a été relancée intensivement avec le titane. Aujourd’hui, les propriétés de ces céramiques s’annoncent équivalentes à celles des céramiques conventionnelles grâce à l’amélioration de leurs propriétés physiques et chimiques qui étaient leurs points faibles. Elles se caractérisent par une température de transition vitreuse relativement basse (500 °C).60 Les céramiques spécialement développées pour le titane cuisent nécessairement en dessous de 882,5 °C. Malgré un début relativement confidentiel, les céramiques sur titane sont représentées par quatre marques différentes : Detrey TiBond® - Vita Titankeramik® - Ducératin® - Noritake T122® ; une cinquième est désormais à notre disposition : Triceram® (groupe Dentaurum numéro CE 0483) (Tableau 6).

Matériaux pour céramiques sans armature métallique1,55,97 La double composition vitreuse et cristalline des céramiques a permis durant cette décennie l’élaboration de nouveaux matériaux et procédés de restauration tout céramique tels que le slip-casting, la pressée à chaud et l’usinage.23 Ces matériaux peuvent être classés suivant la technique d’élaboration et aussi suivant la composition de leur phase cristalline.93

Céramiques frittées Céramique feldspathique renforcée à la leucite : Optec HSP® Optec HSP® est une céramique contenant plus de 45 % en volume de leucite tétragonale, ce qui augmente fortement sa résistance à la rupture et à la compression et lui confère un coefficient de

Céramiques dentaires Tableau 6

109

Comparatif des différentes propriétés des céramiques pour titane commercialisées (d’après Praud C.

DETREY TIBOND Opaque A3 Dentine A3 VITA Opaque A3 Dentine A3 DUCÉRATIN Opaque A3 Dentine A3 NORITAKE Opaque A3 Dentine A3 TRICÉRAM Opaque A3 Dentine A3

50

).

Résistance mécanique (MPa)

Solubilité chimique (lg/cm2)

Coefficient de dilatation (/°C à 400°)

Dureté Vickers (200 g)

85,4 71,5

820 °C 820 °C

(27,1) 42,5

830 °C 790 °C

8,3 10-6 8,1 10-6

640 -

72,7 53,7

840 °C 840 °C

95,0 25,8

860 °C 860 °C

10,2 10-6 8,2 10-6

588 -

75,0 65,4

775 °C 775 °C

78,7 58,0

785 °C 785 °C

9,1 10-6 8,5 10-6

543 -

82,1 69,2

830 °C 810 °C

(23,0) 31,5

830 °C 810 °C

7,4 10-6 7,9 10-6

557 -

8,8 10-6 8,5 10-6

580 -

90,2 85

55 31

dilatation thermique (CDT) élevé. La différence de CDT entre la leucite (22 à 25 × 10-6 / °C) et la matrice vitreuse (8 × 10-6 / °C) entraîne le développement de forces compressives tangentielles autour des cristaux de leucite qui s’opposent à la propagation des microfractures et renforce le matériau. Céramique feldspathique renforcée à l’alumine : Hi-Céram® La chape alumineuse est l’exemple typique de l’augmentation des propriétés physiques par l’adjonction d’une phase cristalline représentant 40 à 50 % en poids. L’alumine a un haut module d’élasticité (350 GPa) et une résistance à la rupture élevée (4 MPa.m1/2). Sa dispersion au sein de la matrice de verre de CDT similaire entraîne la majoration de la résistance physique. Le procédé HiCéram® en est l’expression récente. Céramique feldspathique renforcée à la zircone Des fibres de zircone tétragonale sont incluses dans une céramique feldspathique conventionnelle. La zircone subit une transformation cristallographique à 1173 °C et l’utilisation d’oxydes (CaO, MgO, Y2O3 et CeO) permet sa stabilisation à température ambiante. Cette propriété cristallographique permet de stopper la propagation des craquelures de surface. La zircone stabilisée par l’yttria augmente fortement la résistance à la fracture et aux chocs thermiques. Toutefois, les propriétés optiques et la température de fusion sont modifiées.

Céramiques coulées Céramique de verre à base de mica : Dicor® Le contrôle thermodynamique de la nucléation des cristaux dans la phase vitreuse permet son utilisa-

tion comme restauration et conduit à un produit final homogène en comparaison des céramiques feldspathiques. La céramique de verre à base de mica (aluminosilicate de magnésium) compose le procédé Dicor®. La phase cristalline principale (45 %) est le fluormica-tétrasilicic (K2Mg5-Si4-O10F2). Au sein de la matrice de verre, les cristaux de mica sont fortement enchevêtrés formant une structure en « nid d’abeilles » donnant sa résistance au matériau et leur orientation aléatoire s’oppose à la propagation des fêlures.38,39 Le Dicor® est le plus translucide des matériaux mais ses propriétés mécaniques 90 à 120 MPa ont limité son utilisation. Le système Dicor® n’est plus utilisé, mais il a permis d’ouvrir la voie vers les procédés actuels qui lui sont proches. Céramiques de verre À base d’hydroxyapatite et de disilicate de lithium, elles ont été utilisées à titre expérimental.

Céramiques pressées à chaud Céramique feldspathique renforcée : Empress® La structure finale de l’IPS Empress® présente 40 à 50 % en volume d’un cristal tétragonal de leucite (K2O-Al2O3-4SiO2). Les cristaux mesurent de 1 à 5 lm et sont répartis au sein d’une matrice de verre. La résistance à la flexion est augmentée par la pressée à chaud (120 MPa) et les cuissons (160 à 180 MPa), ce résultat est dû à la répartition des fins cristaux de leucite et aux forces compressives issues du refroidissement entre les cristaux et la matrice.23 Les restaurations sont très translucides mais moins que le Dicor®. L’utilisation en région canine et postérieure montre un taux d’échec élevé pouvant atteindre 15 % à 7 ans.38

110 D’autres systèmes basés sur ce principe existent comme le système OPC® de Jeneric Pentron, le système Finesse® de Ceramco et le système Vitapress® Oméga 900 de Vita. Tous ces procédés ont les propriétés mécaniques de l’OPC (150 à 160 MPa) dues à leur finesse de grain de 3 lm et une concentration optimale de 55 % en volume. Empress II® La structure finale de l’IPS Empress II® présente 70 % en volume d’un cristal de silicate de lithium (Li2O-2SiO2). Les cristaux mesurent de 0,5 à 4 lm. La résistance à la flexion approche 320 à 350 MPa. La structure du matériau et celle de la céramique de recouvrement sont totalement différentes de l’IPS Empress® et non compatibles. Avec un seul pontique, les bridges sont possibles jusqu’à la 2e prémolaire, 38,45 le taux de succès récent est bon.

Céramiques frittées puis infiltrées : In-Céram® La proportion d’alumine contenue dans le produit slip-cast est de 90 % au moins avec des particules de tailles comprises entre 0,5 et 3,5 lm. Après cuisson (1100 °C) la chape d’alumine poreuse est infiltrée lors d’une deuxième cuisson (1150 °C) par un verre de lanthanum. La forte agrégation des particules d’alumine et la réduction de porosité par l’interpénétration des deux phases confère à la restauration ses propriétés mécaniques (450 à 600 MPa). In-Céram Spinelle® est renforcé par une poudre de magnésium aluminate de structure cristalline de type MgAl2O4. Les grains de 1 à 5 lm occupent un volume de plus de 8 % qui confère à la restauration ses propriétés mécaniques (350 MPa). Le spinelle est 40 % plus translucide, mais 20 % plus fragile que l’Alumina. In-Céram Zirconia® est renforcé par de l’alumine pour 67 % et de la zircone pour 33 %. Les grains de 1 à 5 lm avec un volume de plus de 85 % confèrent à la restauration ses propriétés mécaniques (750 MPa). Les grains de zircone ont un pouvoir d’absorption des contraintes par changement de volume de 3 % et font obstacle à la propagation des fractures.

Céramiques usinées Céramique feldspathique renforcée • Vita Mark II® et Vita Celay® sont une céramique feldspathique renforcée par du cristal de sanidine (KAlSi3O8) au sein d’une matrice vitreuse. La sanidine rend opaque le matériau. Résistance à la flexion 3 points 120 N/mm2.100;

J.-M. Poujade et al. • Pro CAD® Ivoclar est une céramique feldspathique renforcée à la leucite. Résistance à la flexion 3 points 180 à 200 N/mm2. Céramique préfrittée In-Céram préfritté Alumina® est d’une structure plus homogène (taille des particules) que le matériau destiné à la barbotine, sa teneur en oxyde d’alumine est de 80 %. Infiltré avec un verre de lanthane, sa résistance à la flexion avoisine celle de l’oxyde d’alumine très pure (500 MPa). In-Céram Spinelle® renforcé par Mag.alumin.spinel (MgAl2O4) : résistance à la flexion 3 points 292 N/mm2. Le matériau présente une grande translucidité. In-Céram Zirconia® : le mécanisme de renforcement du matériau (ténacité à la rupture) par les cristaux de zircone s’explique par le changement de structure du cristal qui passe d’une structure tétragonale métastable à une structure monocyclique avec augmentation de volume, dissipant l’énergie de la fissure. Procera AllCéram® Elle est composée de grains d’alumine pure agglomérés, sous haute pression, sur une réplique de la préparation puis usinée pour l’extrados. Un frittage entre 1600 °C et 1700 °C pendant 3 heures « soude » les grains entre eux pour donner à la chape polycristalline sa résistance finale sans phase vitreuse (600 MPa). Zircon TZP® La zircone subit une transformation cristallographique à 1173 °C et l’utilisation d’oxydes (CaO, MgO, Y2O3 et CeO) permet sa stabilisation à température ambiante. La zircone pure, oxyde de zirconium (ZrO2 : 93 % Y2O3 : 5 % HfO2 : 2 %) est un polycristal tétragonal stabilisé par l’yttrium et l’afnium. Sa résistance à la flexion est la plus élevée avec 900 MPa. Ces propriétés mécaniques deux fois plus élevées que l’InCéram Alumina® et l’Empress II®, vont permettre son utilisation pour des bridges postérieurs et aussi de réduire l’épaisseur des armatures. La dureté élevée (490 HV02) du matériau allonge le temps d’usinage34 (Tableau 7, Fig. 1, 2).

Différents systèmes de céramique sans support métallique Historique des anciens systèmes La céramique fut introduite dans l’art dentaire au XVIIIe siècle par Alexis Duchateau et développée

Céramiques dentaires Tableau 7

111

Suggestion d’utilisation clinique.

Dates

Procédés

1984 1987 1987 1987 1990 1992 1993

DICOR EMPRESS CEREC 1 OPTEC HSP IN-CÉRAM CELAY EMPRESS 2

1993 1993

CEREC 2 OPC SYSTEM FINESSE ALL CERAM GOLDEN GATE CERA QUICKPRESS PROCERA WOL CERAM FIT CICERO GIRRBACH DIGIDENT CEREC 3 CYNOVAD PRO 50 CERCON

1995 1998 2000 2001 2002 2002

Couronnes AntR Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

PostR Non Non Oui Non Oui Oui Oui

Bridges

Inlay/Onlay/Facettes Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Oui Oui

Non Non Non Non Oui Non Oui (seulement 3 éléments) Non Non

Oui Oui

Oui Oui

Oui Oui

Oui Oui

Oui Oui

Non Oui

Oui Oui Oui Oui

Oui Oui Oui Oui

Oui (toute portée) Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

par Dubois de Chement.48,59 Au début, les restaurations esthétiques furent élaborées à partir de facettes préfabriquées incluses dans l’armature ou de restaurations « tout céramique » sur une feuille de platine au demeurant très fragile.25,48 En 1958, apparaissent les premières dents prothétiques cé[MPa] 1000 900

ramiques pour prothèses amovibles, confectionnées à partir de poudres fines de céramique, cuites sous vide. À la fin des années 1970 apparaissent les céramiques sur feuille, 56,68,69,94 qui bien que commercialisées sous différentes formes et d’élaboration aisée n’ont pas obtenu un succès clinique car d’autres types de céramique sont apparus. En effet, au cours des années 1970, de nouvelles techni9

800 700

9

600

8

500 7

400

5,6

6

300

4,7

200

5 Dureté [MPa m 1/2] 4

100 0 A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

Céramiques Dicor

In-Céram Spinell

fusionnées au métal

Empress II

SiO2-barbotine, Optec HSP

In-Céram

IPS Empress

In-Céram renforcées ZrO2

Cerek Mark II

Zircone-TZP

3,2

K

conventionnelles pressées

2,5

3 1,8 2

1

2

1,2

1 0 90 120 200 240 400 410 410 530 930

Figure 1 Qualités mécaniques des céramiques : résistance en flexion (d’après Tinschert J.97). A : céramiques Dicor ; B : céramiques fusionnées au métal ; C : céramiques SiO2barbotine, Optec HSP ; D : céramiques IPS Empress ; E : céramiques Cerec Mark II ; F : céramiques conventionnelles pressées ; G : céramiques In-Céram-Spinelle ; H : céramiques Empress II ; I : céramiques In-Céram ; J : céramiques In-Céram renforcées ZrO2 ; K : céramiques Zircone-TZP.

Résistance en flexion [MPa] Omega Dicor MGC In-Céram Alumina

MK II In-Céram In-Céram Zirconia

Empress IPS Empress 2 Zirconia

Figure 2 Propriétés mécaniques des matériaux de restauration « tout céramique ».

112 ques de réalisation de couronnes céramiques sans collier métallique remplacent la couronne « Jacket » classique.18,66 L’acte de naissance de cette construction est antérieur au siècle et la paternité doit en être attribuée à C.H. Land qui a déposé le brevet en 1887.48,57,59,73 L’idée d’éliminer la feuille d’or et de la remplacer par l’application d’une céramique de haute résistance sera bientôt obtenue par les céramiques alumineuses.58,66 Dans celles-ci, la dispersion de cristaux de céramique de haute résistance à l’intérieur de la matrice de verre augmente la résistance et le module d’élasticité de l’ensemble. Mc Lean et Hughes67 utilisent ce procédé pour réaliser la première coiffe porcelaine alumineuse qui ouvrira la voie aux procédés Cérestore® et Hi-Céram®.17,18,25 Au cours des années 1980, les céramiques de verre sont introduites sur le marché. Grossman et Adair proposent une nouvelle expression de la vitrocéramique, que la firme De Trey commercialise sous le nom de Dicor®.41 La transparence du Dicor® procure un effet de mimétisme caméléon avec les dents adjacentes. Bien que très esthétique, la fragilité des restaurations collées a limité son utilisation. En 1985, Michaël Sadoun met au point le slipcasting, procédé d’élaboration simple permettant d’obtenir une coque d’alumine avec une capacité de résistance suffisamment importante pour permettre de réduire son épaisseur et de la rendre comparable avec une chape métallique conventionnelle.8,33,65,70,89 Ce n’est qu’en 1989 que la firme Vita commercialise le procédé avec l’appellation In-Céram®. Cette nouvelle céramique montre à la fois la plus grande résistance à la flexion et à la rupture de toutes les céramiques disponibles actuellement.80 Le développement de céramiques de haute résistance sera le fer de lance de la recherche de ce nouveau siècle21,32,89 (Fig. 1).

Nouveaux systèmes de céramique dit « tout céramique » Systèmes pressés Empress II® (Ivoclar) : après l’Empress I®, précurseur en la matière, dont la résistance en flexion était de 117 MPa, la société Ivoclar a développé un nouveau produit à base de disilicate de lithium permettant d’augmenter sa résistance à la flexion à 350 MPa (soit 3 fois celle de l’IPS Empress I®). Cette haute résistance permet la réalisation de petits bridges ainsi qu’un scellement conventionnel dans les cas favorables. La technique de mise en œuvre reste simple puisqu’il convient de réaliser une infrastructure en cire en respectant une épaisseur

J.-M. Poujade et al. minimale de 0,8 mm pour les coiffes et une connexion de 4 × 4 mm entre l’élément intermédiaire et l’élément pilier. Une tige d’alimentation est fixée sur chacun des éléments piliers puis on procède à la mise en revêtement. Après que le cylindre ait atteint la température de 850 °C lors d’une montée progressive en température, un lingotin est ensuite placé dans le conduit et l’ensemble est placé sur le support du four qui effectue automatiquement le cycle de pressée à une température de 990 °C pour le concept de stratification et de 1075 °C pour le concept de colorisation. Le bridge est adapté sur le modèle de travail et une première cuisson de connexion est réalisée à 800 °C. On procède ensuite à l’élaboration de la pièce prothétique avec la céramique IPS Empress II®, qui est adaptée au coefficient de dilatation thermique du matériau pressé. Sa température de frittage est de 800 °C, et le glaçage s’effectue à 770 °C. Le temps de réalisation d’une pièce pressée est de 3 à 4 heures. Elle est destinée à la réalisation de couronnes unitaires, facettes, inlays et bridges 3 éléments jusqu’à la seconde prémolaire (résistance à la flexion 350 MPa).2,6,9,14,20,26,36,37,45,47,49,78,95 D’autres systèmes sont basés sur le même principe. On trouve principalement : • OPC System® (Jeneric Pentron) ; 30 • Finesse All-Ceram® (Ceramco) ; 14,63 • Cera Quick-Press® (Elephant).5 Systèmes à usinage Il faut distinguer les procédés selon la technique d’acquisition par la lecture optique (rayon laser) ou mécanique (palpeur) du die (ou de la maquette). L’usinage de l’infrastructure prothétique se fait au laboratoire ou dans un centre spécifique dédié à la méthode. Procédé Celay® Le procédé Celay® est une technique de reproduction mécanique, permettant de réaliser des restaurations tout céramique (sans armature métallique). Le procédé Celay® permet l’usinage des couronnes et des bridges par fraisage. Sur le maître modèle est d’abord fabriquée une maquette en composite photopolymérisable sous vide nécessaire à la copie. La prothèse définitive est découpée dans un bloc de céramique. Un palpeur, guidé manuellement, suit les contours de la restauration témoin. La reconstitution esthétique et anatomique de la dent est faite classiquement par couches successives avec la céramique Vitadur alpha®. En fonction des indications (inlays, onlays, couronnes partielles ou facettes), différents matériaux sont utilisables : céramique feldspathique, In-Céram Alumina, In-Céram

Céramiques dentaires Spinelle... Cette méthode convient également pour les couronnes jaquettes des moignons d’implants unitaires.1,80,81,91 Procera® (Nobel Biocare) Destiné à la réalisation de couronnes céramocéramiques antérieures et postérieures, c’est le système le plus solide mais également le plus lourd en investissement et en gestion du temps dans les systèmes pressés. L’accès au système implique la possession d’un scanner, d’un ordinateur et d’un modem pour transmettre après analyse les données informatiques vers la station de fabrication des chapes en Suède. Après avoir préparé le die, il est fixé sur un support qui, par un système rotatif, va permettre à un palpeur d’enregistrer environ 30 000 points de mesure afin de reproduire la forme exacte du moignon. Ces données numériques digitalisées sont transmises sur un écran pour permettre au prothésiste de définir la limite cervicale très précisément. Il peut également définir l’angle d’émergence de la chape, son épaisseur et sa forme. L’empreinte optique est ensuite transmise par modem sous forme de fichier à la station Procera en Suède. Là-bas, deux copies du die sont fraisées à l’aide d’une machine-outil, dont l’une est surdimensionnée de 20 % pour compenser le retrait de l’alumine lors du frittage. La seconde copie sert au contrôle de l’ajustage après cuisson. Une poudre d’oxyde d’alumine de très grande pureté est compactée et pressée sur le die surdimensionné positionné dans un moule spécifique subissant une pression d’environ 2 tonnes, c’est ce qui confère la densité et l’homogénéité parfaite nécessaire à la dureté de la chape. La forme extérieure est obtenue par fraisage puis la pièce est frittée entre 1 600 et 1 700 °C pendant 3 heures. La chape en alumine frittée est ajustée sur le die de contrôle et expédiée en 48 heures par courrier express au laboratoire. La céramique cosmétique utilisée doit être compatible avec le CDT de la chape alumine qui est de 7 × 10-6 °C. La société Ducera a donc élaboré une céramique appropriée et commercialisée sous le nom de AllCeram®. La résistance à la flexion est de 687 MPa.1,3 Un des points forts de cette céramique cosmétique est sa finesse de grains qui lui confère une moindre rétraction après la cuisson à 910 °C. Sa surface tendre et facile à polir présente également l’avantage de limiter l’usure des dents naturelles. La technique de scellement du Procera® est similaire aux techniques de scellement des céramométalliques et ne nécessite aucun mordançage. La couronne peut être scellée à l’aide d’un verre ionomère, de ciment oxyphosphate, de Vitremer® ou de ciment composite.11 Le risque de fracture

113 concernant les dents antérieures est similaire pour les systèmes de restauration tout céramique InCéram®, IPS Empress®, Procera® et Cerec®. Pour Oden et Robbiani, 74,87 le Procera® présente 96,9 % de taux de succès.12,21,32,90 Système Cerec® Le système Cerec® existe depuis 1987, depuis 1993 dans sa version 2 et cette année est apparue la version 3 et le Cerec Lab®29,52 (Fig. 3). Cette machine-outil à commande numérique est conçue pour usiner un plot de céramique à partir d’une empreinte optique réalisée par une caméra et d’un logiciel de traitement de l’image. Le Cerec 2® permet de réaliser toutes les restaurations unitaires, inlays, onlays et facettes mais aussi les couronnes dont on décrit trois types : couronne simplement maquillée, couronne réduite complétée par apport de céramique cosmétique, et chape Alumina Vita secondairement stratifiée. L’indication de chaque type se fait en fonction des demandes esthétiques. Pour une couronne maquillée, réalisée au laboratoire, l’empreinte optique est faite sur le moulage en 4 minutes. L’usinage du bloc de céramique monochrome demande quant à lui, un apport de maquillants de surface. Ce type de réalisation, dont la teinte ne peut être parfaite, est à réserver au secteur molaire. La couronne réduite est obtenue à partir d’une fonction spécifique du logiciel qui permet de réduire sélectivement les épaisseurs sur lesquelles on veut secondairement ajouter de la céramique cosmétique qui améliore considérablement le résultat obtenu. Le système Cerec 2® permet d’obtenir par usinage une chape sans devoir passer par les étapes de barbotine, ce qui évite par ailleurs tout risque de bulles au sein de la chape. Celle-ci est obtenue en 6 minutes, calibrée par informatique aussi bien pour l’intrados que pour l’extrados. Elle est d’une épaisseur parfaitement régulière d’environ 6/10 de mm, ce qui permet une infiltration avec le verre. Le traitement informatique demande 1 à 2 minutes. Le poids du verre d’infiltration est de 20 % du poids initial de la chape, l’infiltration elle-même se faisant par capillarisation. La céramique cosmétique Vitadur alpha® est ensuite montée par stratification et/ou segmentation selon les habitudes de chacun. Le système Cerec®, conçu initialement pour remplacer de façon extemporanée les amalgames par des inlays de céramique, a considérablement évolué du fait des grandes possibilités de la machine et des performances de l’informatique. Si le Cerec 1® ne permettait de faire que des pièces prothétiques d’un ajustage médiocre, il en est tout autrement pour le Cerec 2® qui permettrait une précision cervicale de l’ordre de 20 lm. Le système est en

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Figure 3 Réalisation au laboratoire d’une armature tout céramique par le procédé CAO/CFAO Cerec In Lab ®. A. Chaîne technique Cerec In Lab ®. B. Scanning du die. C. Identification des limites de la préparation sur l’image du die. D. Insertion du bloc d’usinage In-Céram® Alumina et usinage de l’armature dans le bloc In-Céram® Alumina. E. Armature avant finition.

évolution permanente, ainsi le Cerec 3® permet de réaliser aujourd’hui des bridges de trois éléments.13,71,92 Autres procédés d’usinage D’autres procédés d’usinage sont également commercialisés. On trouve principalement : • DCS Precident® (Dental AG Suisse) ;40,42,96 • Cicero® (Computer Integrated Ceramic Reconstruction) ;22,98 • Digital Dental System (Cynovad PRO50).27,86. La demande croissante de restaurations esthétiques et sans métal pousse les fabricants à dévelop-

per et perfectionner les machines automatiques de conception et de fabrication de coiffes partielles et totales, armatures de bridge, inlays, onlays et « abutements » pour implants afin d’améliorer, d’optimiser le temps laboratoire et le temps cabinet dentaire. Il est important de prévoir un délai convenable entre la réception de l’empreinte et la fourniture de la prothèse. Malgré les résultats très prometteurs et le taux réduit de fractures, des études relatives à la longévité des couronnes « tout céramique » d’une durée supérieure à 5 ans, bien que peu nombreuses, montrent un taux d’échec acceptable d’environ 2 %.77,84,88,99

Céramiques dentaires

Conclusion Le choix du matériau et du système de restauration repose sur la réponse à une série de questions concernant la résistance du matériau, la quantité de réduction nécessaire pour la préparation, la qualité du joint dentoprothétique, le gain esthétique, l’abrasion, l’étude clinique à long terme, la réalisation des bridges et le coût. L’analyse comparative des propriétés mécaniques des nouveaux matériaux pour restauration tout céramique montre des propriétés très supérieures aux procédés déjà existants (résistance à la rupture supérieure à 350 MPa). L’analyse des résultats de résistance à la fracture des matériaux pour restauration tout céramique indique que la céramique pour usinage présente une très faible probabilité de fracture à long terme sous contrainte. Si le procédé industriel garantit la stabilité de structure du matériau, l’influence des imperfections dues à l’usinage n’est cependant pas encore connue. Si les propriétés mécaniques peuvent présager de bonnes performances, seul l’essai clinique confirme la validité des tests. Le matériau de base de fabrication des bridges s’oriente vers l’oxyde de zirconium. La porcelaine a été utilisée comme matériau de choix pour les restaurations esthétiques durant la dernière moitié de ce siècle pour ses qualités esthétiques et sa résistance. À cause de son pouvoir abrasif, de la transmission des impacts occlusaux et des possibilités limitées de réparation, pourra-t-elle être remplacée ? Le développement de la technologie CAD/CAM est le signal du bouleversement de notre profession par la cybernétique, ainsi huit millions de restaurations ont été réalisées à ce jour. La vision de l’expansion de la dentisterie du futur s’exprime ainsi pour le cabinet et le laboratoire, elle s’appuie sur des céramiques de hautes performances, s’étend au choix de la teinte et au placement d’implants.

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Introduction à la prothèse maxillofaciale Introduction to maxillofacial prosthesis P. Pomar (Maître de conférences universitaire, praticien hospitalier) a,*, J. Dichamp (Professeur, chef du département de prothèse maxillofaciale) b a

Unité de prothèse maxillofaciale, service d’odontologie, centre hospitalier universitaire Rangueil, 3, chemin des Maraîchers, 31403 Toulouse cedex 4, France b UFR de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France

MOTS CLÉS Chirurgie cervicofaciale ; Prothèse maxillofaciale ; Symbiose chirurgicoprothétique ; Prothèse extraorale ; Prothèse endo-orale

KEYWORDS Cervicofacial surgery; Maxillofacial prosthesis; Surgical-prosthetic symbiosis; Extra-oral prosthesis; Intra-oral prosthesis

Résumé Les auteurs proposent une mise au point nécessaire dans l’établissement d’indications thérapeutiques face au problème posé par la reconstruction de pertes de substance étendues de la face. La réhabilitation prothétique apparaît comme une alternative intéressante à prendre en compte en complémentarité avec la reconstruction chirurgicale. Après une définition élargie de la prothèse maxillofaciale, une terminologie appropriée est présentée dans le cadre d’une symbiose chirurgicoprothétique. Le champ d’activité et les possibilités de la prothèse sont envisagés avant de livrer des pistes d’indications à poser tant pour la reconstruction chirurgicale que prothétique. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Abstract The authors propose a necessary clarification about the eventual indications to a problem caused by the reconstruction of important maxillofacial defects. Prosthetic rehabilitation appears to be considered as an interesting alternative, in complementary with surgical reconstruction. After a wide definition of maxillofacial prosthesis, an appropriate terminology is defined within the context of a surgical-prosthetic symbiosis. The sphere of activity and different prosthesis possibilities are considered before proposing indications as well for the surgical reconstruction as for the prosthesis. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

Introduction Malgré son ancrage historique qui remonte à la plus haute Antiquité et son aspect spectaculaire qui frappe irrémédiablement les consciences, la prothèse maxillofaciale reste cependant une discipline mal connue tant par sa terminologie propre, où beaucoup de confusions règnent encore, que dans son exercice, qui se trouve souvent limité à un seul de ses aspects ou à de rares praticiens isolés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Pomar). © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/S1762-5661(04)00054-6

Il nous apparaît important de livrer dans cet article une mise au point visant à présenter la prothèse maxillofaciale dans sa globalité, ainsi que de situer sa place et son rôle au sein des spécialités médicochirurgicales.

Vers une définition Discipline à part entière, la prothèse maxillofaciale est à la fois l’art et la science de la reconstruction

Introduction à la prothèse maxillofaciale artificielle du massif facial dans les cas de pertes de substance acquises ou de malformations congénitales. Le principal objectif de cette discipline tend vers une réhabilitation à la fois fonctionnelle, esthétique et psychologique. Elle se situe à un carrefour entre des spécialités médicochirurgicales et odontologiques ayant pour souci principal de redonner au patient une vie relationnelle acceptable et une intégration sociale optimale. Son rôle et sa fonction ne peuvent se concevoir que dans le cadre d’une collaboration avec la chirurgie cervicofaciale, dans les cas fréquents de gestes d’exérèse étendue laissant des pertes de substance à reconstruire où alternativement chirurgie et prothèse doivent intervenir. Ici, ces deux disciplines ne sont pas en « compétition », mais bien au contraire mises en œuvre en complémentarité dans un souci de prise en charge optimale des patients concernés. Dans une autre approche, on ne peut nier son rôle éminemment fonctionnel dans le sens d’abord d’une préparation tissulaire au geste chirurgical et ensuite dans le sens d’une rééducation mettant en œuvre des techniques dynamiques qui ont pour but d’atténuer ou de récupérer une fonction altérée par un geste chirurgical, ou par les effets secondaires d’un traitement complémentaire tel que la radiothérapie, ou par des séquelles de pathologie locale ou générale. Ici apparaît la prise en charge de tous les problèmes liés aux limitations de l’ouverture buccale dans le cadre de désordres craniomandibulaires. La pratique d’une telle discipline ne se conçoit que dans le cadre d’une démarche médicale devant prendre en compte l’ensemble des facteurs garants de la bonne gestion des cas cliniques, de leur analyse, de leur traitement et de leur suivi.

119 Atteinte oncologique grave

Chirurgie d'exérèse curative + radio- et chimio-thérapie Pathologie congénitale Fentes faciales Divisions labiomaxillaires Syndromes polymalformatifs

Traumatologie - balistique - voirie (accident de la voie publique - domestique - divers

Perte de substance Sociologie de la santé

Prise en charge psychologique (psychologie médicale)

Problème de la reconstruction

alternance Prothèse

Chirurgie

Réhabilitation prothétique

Complémentarité Figure 1 Symbiose chirurgicoprothétique dans un contexte de reconstruction d’une perte de substance faciale étendue.

Symbiose chirurgicoprothétique dans la reconstruction du massif facial

d’une partie du corps en totalité ou en partie, reproduisant la forme et si possible en rendant les mêmes services fonctionnels. Orthèse : du grec orthos : droit, et tithêmi : je place. Dispositif destiné à protéger, immobiliser ou soutenir le corps ou une de ces parties auxquelles il est directement fixé (exemples : orthèse de soutien d’un lambeau, appareil guide, appareil de mécanothérapie, etc.). Épiprothèse ou épithèse : du grec epi : sur, au-dessus, et tithêmi : je place. Dispositif de remplacement d’un organe situé à une extrémité du corps (exemples : épithèse faciale, épithèse digitale, etc.).

Elle est illustrée par la Figure 1.

Champ d’activité1

Vers une compréhension

Réhabilitation fonctionnelle maxillofaciale Elle est détaillée sur la Figure 2.

Étymologie Elle permet de comprendre différents termes utilisés, souvent à tort, dans le domaine de la prothèse. Prothèse : du grec pro : au lieu de, et tithêmi : je place. Dispositif de remplacement d’un organe ou

On distingue plusieurs types de prothèse selon leur situation et en fonction du rôle que l’on veut leur faire jouer. Tout d’abord, deux grands types : • prothèses externes : dispositif à usage externe, amovible, en contact avec la peau, les muqueuses ou les dents, et destiné à une réhabilitation esthétique, fonctionnelle et psychologique ;

120

P. Pomar, J. Dichamp Chirurgie d'exérèse ± radiothérapie

Pathologie locale et/ou générale

Traumatologie - occlusale - articulaire - maxillofaciale - polytraumatique

Troubles de la cinétique mandibulaire

Défaut de propulsion d'un condyle ou des deux

Mobilisation active/passive - occlusodontie - mécanothérapie - kinésithérapie

Réhabilitation fonctionnelle Figure 2 Réhabilitation fonctionnelle maxillofaciale.

• prothèses internes ou endoprothèses : dispositif non amovible destiné à être implanté chirurgicalement dans l’organisme et assurant une contention ou une substitution en vue de permettre une réhabilitation fonctionnelle et esthétique. En prothèse maxillofaciale, nous devons aussi distinguer parmi les prothèses externes : • les prothèses endo-orales, situées dans la cavité buccale, soit pour des pertes de substance maxillaire soit pour des pertes de substance mandibulaire, qui se composent surtout de prothèses dentaires adjointes adaptées à chaque cas ; • les prothèses extra-orales, situées hors de la cavité buccale, qui sont destinées à masquer des pertes de substance cutanée (pyramide nasale, pavillon de l’oreille, région oculopalpébrale, etc.) ; • les associations de prothèses endo- et extraorales, mises en œuvre dans les cas de pertes de substances étendues et complexes, qui jouent un rôle non négligeable sur le plan psychothérapeutique ; • Les orthèses maxillofaciales, qui autorisent des traitements complémentaires et alternatifs, utilisées seules ou en association avec d’autres prothèses (exemple : orthèses de réhabilitation des désordres craniomandibulai-

res, plan ou gouttière de surocclusion, appareils guides, guides cicatriciels, orthèses mandibulaires d’avancée lors d’apnée du sommeil, etc.) ; ici, ces appareillages sont de type dynamique, c’est-à-dire qu’ils autorisent une réelle réhabilitation fonctionnelle par action directe ou indirecte sur les tissus.

Vers des indications : la réhabilitation maxillofaciale au sein de la symbiose chirurgicoprothétique Chirurgie reconstructive : avantages, inconvénients2,3,4,5 Elle constitue la forme la plus parfaite de reconstruction. Elle masque « définitivement » la perte de substance et permet une étanchéité excellente. Elle bénéficie des progrès remarquables réalisés depuis ces dernières décennies, notamment avec la technique des lambeaux libres, l’apport de l’imagerie et des techniques de vidéo-intervention (endoscopie), mais aussi avec des nouvelles techniques d’anesthésie. Elle s’impose dans les cas de perte de substance faible ou de moyenne étendue. Mais elle peut présenter des risques opératoires et anesthésiques, et des problèmes posés : • par un résultat qui n’est souvent pas immédiat, avec nécessité d’interventions itératives et d’équipes spécialisées multidisciplinaires ; • par le site prélevé ; • par l’attente du résultat final dans des conditions parfois difficiles et douloureuses ; • par un terrain irradié ; • par la reconstruction d’organes de formes complexes et volumiques avec absence de tissu dur en infrastructure.

Prothèse : avantages, inconvénients6,7,8,9 Elle permet une reproduction fidèle de l’organe à reconstituer (par la technique des moulages) avec une esthétique de bonne qualité. Elle se réalise en ambulatoire avec un résultat immédiat en réglant le problème fonctionnel et esthétique. Elle autorise une observation du site sous-jacent en vue d’une surveillance. Elle répond à toutes les contre-indications de la chirurgie reconstructrice. On la préfère dans les cas de très grandes pertes de substance, avec un rôle psychothérapique primordial. Elle sait s’adapter à la majorité des patients et des cas cliniques.

Introduction à la prothèse maxillofaciale Son coût de réalisation est faible. Cependant, les contraintes se révèlent nombreuses. Le patient garde sa perte de substance ; il la voit tous les jours ; son image de soi reste toujours altérée. Un enchaînement de problèmes se succède du fait de la reconstruction artificielle : • problèmes fonctionnels : inertie de la prothèse, jonction prothèse-tissu vivant, étanchéité, etc. ; • problèmes mécaniques : intégration fonctionnelle, fixation et ancrage de la prothèse, etc. ; • problèmes physiologiques : condensation avec écoulement des fluides et sécrétions, absence de vasopression périphérique, etc . ; • problèmes d’hygiène : au quotidien, avec une maintenance parfois lourde ; • problème esthétique : le plus souvent dû à un manque de symbiose entre les équipes chirurgicale et prothétique, entraînant des surcontours prothétiques sur des éléments naturels ou artificiel (implant) qui sont disgracieux. L’ensemble de ces problèmes se résout au cas par cas et selon l’expérience du praticien, tout en gardant à l’esprit que seul un compromis peut être réalisé.

121 va devoir prévoir et prévenir certaines conséquences de gestes chirurgicaux, de traitements complémentaires ou de pathologies diverses en agissant de façon dynamique sur les tissus. Dans tous les cas, là aussi la notion d’équipe pluridisciplinaire s’impose pour une prise en charge optimale de patients dont la vie de relation n’est plus tout à fait possible. On le voit, le rôle de la prothèse maxillofaciale au sens large du terme prend ici toute son importance et celui-ci ne doit pas être cantonné au seul comblement de cavités chirurgicales, mais étendu à une véritable prise en charge médicale tant dans la surveillance de l’évolution des cas clinique que dans l’établissement d’une réhabilitation globale d’ordre dynamique.

Références 1.

2.

3.

Symbiose chirurgicoprothétique10,11,12,13,14,15 À travers ce qui précède, on se rend compte des difficultés rencontrées pour les cas de reconstruction étendue d’une région du massif facial et ce, surtout dans les choix à faire. Des options décisives doivent être prises, parfois même avant le geste d’exérèse. Il est évident que la reconstruction chirurgicale arrive en préférence. Il faut cependant concevoir une approche en symbiose, dans le sens où la prothèse est indiquée en attente d’une chirurgie ou que la chirurgie peut préparer un geste prothétique. Pour les reconstructions volumiques, une association chirurgicale et prothétique mise en œuvre en alternance, en complémentarité, va autoriser une prise en charge complète du patient. La prothèse peut prendre le relais de la chirurgie et vice versa ; l’essentiel réside dans une réhabilitation psychologique et sociale qui parvienne à satisfaire le patient, son entourage et l’équipe thérapeutique. Un autre aspect de la prothèse maxillofaciale transparaît dans la réhabilitation fonctionnelle qui

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 122–130

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Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale Psychology and assistance in maxillo-facial rehabilitation E. Vigarios (Assistante hospitalo-universitaire), M. Fontes-Carrère (Infirmière sophrologue conseillère de santé), P. Pomar (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier) *, K. Bach (Chargée d’enseignement clinique) Unité fonctionnelle de prothèse maxillofaciale, service d’odontologie de Toulouse-Rangueil, Centre hospitalier universitaire Rangueil, 3, chemin des Maraîchers, 31403 Toulouse cedex 4, France

MOTS CLÉS Prothèse maxillofaciale ; Réhabilitation ; Relation d’aide ; Prise en charge psychologique ; Souffrance psychique

Résumé En proposant une alternative à la chirurgie reconstructrice, la prothèse maxillofaciale permet la correction d’anomalies de cette région anatomique. Quelle qu’en soit l’origine, la mutilation faciale place au cœur de la démarche de réhabilitation la question de la souffrance psychique du patient. Un accompagnement et une relation d’aide thérapeutique s’avèrent indispensables pour la réussite du traitement prothétique, ainsi que pour le bien-être physique et moral du sujet. La prise en charge psychologique du patient et de sa famille est le fait d’une équipe pluridisciplinaire. Elle s’effectue tout au long de l’histoire médicale du patient. L’apport de diverses techniques de relation d’aide et plus précisément de la sophrologie est incontestable en termes notamment de gestion du stress et de mobilisation de ressources personnelles. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

KEYWORDS Maxillo facial prosthesis; Rehabilitation; Psychological support; Assistance; Psychological suffering

Abstract As an alternative to reconstructive surgery, maxillo-facial prosthesis allows the rehabilitation of maxillo-facial abnormalities. Whatever the origin of the abnormality, undertaking restoration of the facial mutilation induces dealing with the patient’s psychological suffering. The success of the prosthetic procedure depends on the therapeutic management which should include a close support of the patient. A psychological management of the patient and of his family is necessary throughout the patient’s medical history, and necessitates the involvement of a multidisciplinary team. Various techniques for supporting patients exist, such as sophrology, and are of utmost importance in terms of stress coping and in mobilizing patient’s personal resources. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Pomar). © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/S1762-5661(04)00057-1

Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale

Introduction La prothèse maxillofaciale est probablement la plus ancienne des disciplines consacrées à la réhabilitation du corps humain et se présente comme une alternative à la chirurgie reconstructrice pour la correction des anomalies maxillofaciales.1 Qu’elle soit d’origine congénitale, traumatique, tumorale ou toxi-infectieuse, la mutilation maxillofaciale retentit lourdement sur le psychisme et le comportement du sujet atteint. La réhabilitation maxillofaciale implique, de fait, un travail d’équipe où de nombreux thérapeutes interviennent, cancérologue, chirurgien, oto-rhino-laryngologiste, plasticien, phoniatre, orthophoniste, odontostomatologiste, psychologue, infirmière sophrologue, kinésithérapeute, etc., un abord multidisciplinaire incontournable afin de concourir à une amélioration de la qualité de vie des patients. La multiplicité des traitements chirurgicaux, les traitements radiothérapiques avec leur cortège d’effets secondaires, le temps de cicatrisation, font que la durée de la réhabilitation est souvent longue. C’est dans cet espace d’attente qu’apparaissent les processus mentaux inhérents au travail de deuil et les problèmes liés à la modification du schéma corporel, à l’image de soi, à l’identité, au rôle socioprofessionnel et familial.2 Après avoir mis en place quelques éléments de psychologie et de sociologie relatifs à la notion d’identité et de personne, nous traiterons des modalités de prise en charge psychologique en matière de réhabilitation maxillofaciale.

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La première communication interpersonnelle est d’ordre visuel et nous comprenons du coup la difficulté ressentie parfois comme un obstacle insurmontable par le sujet mutilé facial. Étymologiquement, visage vient de vis-à-vis, ce dernier se faisant à trois niveaux :5 • face à face (face à soi-même) : on dit souvent que le visage est le miroir de l’individu, le reflet de sa personnalité ; • face à l’autre (face à son entourage proche) : le miroir est projeté, traversé par le regard des autres ; • face aux autres : c’est l’image de soi dans le monde socioprofessionnel. Le visage est, de toutes les zones du corps humain, celle où se condensent les valeurs les plus élevées. En elle se cristallise, entre autres choses, le sentiment d’identité, s’établit la reconnaissance de l’autre, se fixent les qualités de séduction et s’identifie le sexe.6 Le corps amputé, mutilé, privé d’une partie de lui-même (organe, partie molle, segment osseux...) devient un corps autre. Le corps n’est plus tout à fait lui-même. L’identité est conservée dans la non-ressemblance. L’individu a un sentiment d’étrangeté à l’égard de l’évolution traumatique de son corps, il a des difficultés d’adaptation à cette nouvelle image. Il lui est difficile de se retrouver dans ce visage. Le Breton parle même de privation d’identité.6 Le visage est, avec le sexe, le lieu le plus investi, le plus solidaire du Moi. La valeur à la fois sociale et individuelle qui distingue le visage du reste du corps, son éminence dans la saisie de l’identité, tiennent au sentiment que l’être entier est là.6

Éléments de la problématique Expérience de la mutilation Rôle du visage Dans la vie quotidienne, la présence du spectacle des visages et des silhouettes est constante et inéluctable. Le visage est à la charnière de l’individuel et du social, elle est la partie visible, la face s’offre à la perception d’autrui. À travers le visage se lit l’humanité de l’homme et s’impose en toute évidence la différence infime qui le démarque de l’autre.3 La paléontologie et l’anthropologie ont montré la lente régression du volume facial, de l’appareil masticateur, du nombre de dents chez le sujet humain entre autres modifications. De cette évolution physique est née inexorablement une notion de « normalité ». L’adjectif « normal » tend à définir dans l’inconscient collectif le profil physique indispensable à l’intégration dans le « groupe ».4

Tout d’abord, il nous semble utile de rappeler la définition de la mutilation. Selon Le Nouveau Petit Robert, il s’agit d’une perte accidentelle ou une ablation d’un membre, d’une partie externe du corps, qui cause une atteinte irréversible à l’intégrité physique. Ce substantif convient davantage aux pertes de substance d’origine tumorale, traumatique ou toxi-infectieuse. Nous emploierons le terme de difformités pour les étiologies congénitales. Origine congénitale : divisions labiomaxillaires isolées ou non Au cours de la morphogenèse, les bourgeons faciaux sont le siège d’un développement volumétrique, d’une coalescence épiblastique provisoire et d’une mésodermisation. Un défaut de mésodermisation empêche l’accolement des bourgeons qui se sépa-

124 rent sous l’influence des jeux musculaires et induisent la formation de fentes faciales. Les formes cliniques des divisions labiomaxillaires sont nombreuses et s’organisent selon deux grandes catégories conformément à la classification de Chancholle : les formes bénignes et les formes graves. En évaluant le degré de gravité, cette classification donne les orientations en matière de thérapeutique chirurgicale. Selon les variétés de formes cliniques, les troubles fonctionnels et esthétiques diffèrent. Il est indispensable de prendre la mesure de l’impact psychologique de cette affection sur l’entourage de l’enfant et sur l’enfant lui-même. C’est pourquoi la correction de ces malformations intervient précocement dans la vie de l’enfant (traitement par orthèse dès les premiers jours de la vie du nouveauné ; première intervention chirurgicale correctrice dès les premières semaines ou premier mois de la vie). Dans le cadre de ces difformités congénitales, il est indispensable de rassurer les parents et de les déculpabiliser. Actuellement, en France, il existe peu de structures spécialisées. Cette thérapeutique d’entourage (très pratiquée en Angleterre notamment) permet aux familles d’affronter leurs inquiétudes, leurs déceptions parfois, ceci afin de les aider à accueillir cet enfant, à l’aimer et à l’éduquer sans stigmatiser son handicap. L’accompagnement psychologique est une nécessité pour donner à l’enfant et aux parents des armes contre la discrimination véhiculée par le regard social. D’autre part, par cette thérapeutique d’entourage, l’équipe pluridisciplinaire s’attache à obtenir la coopération familiale indispensable à la réussite du traitement. Origine traumatique Les pertes de substance d’origine traumatique sont de deux ordres : celles consécutives à un traumatisme d’origine volontaire (tentative d’autolyse par arme à feu) et celles consécutives à un traumatisme involontaire (accident de la voie publique, accident domestique, accident professionnel). Les contextes d’irruption de ces deux genres de traumatismes sont manifestement différents et cette différence doit être prise en considération afin d’adapter la prise en charge psychologique menée tout au long de la réhabilitation maxillofaciale. L’acceptation des difficultés de reconstruction liées à l’étendue de la perte de substance relève d’une prise en charge collective impliquant toute une équipe médicale et paramédicale.

E. Vigarios et al. Origine tumorale Qu’elle soit bénigne ou maligne, une tumeur nécessite souvent une prise en charge chirurgicale en matière d’exérèse et de reconstruction, à l’origine parfois de tout un cortège de difficultés relatives à la réhabilitation prothétique ultérieure (réhabilitation à visée fonctionnelle et esthétique). Lorsque le pronostic vital est incertain, il faut, au-delà des doléances esthétiques et fonctionnelles du patient, entendre sa souffrance, ses inquiétudes, ses angoisses à propos de son avenir et fonder par le biais de la prise en charge psychologique des espoirs de survie ou, au contraire, préparer un travail de deuil. Dans le cas d’un cancer maxillofacial, le patient est la proie d’une double menace. Celle inhérente à la maladie cancéreuse se manifeste par une projection inéluctable dans la mort, une rupture avec le monde socioprofessionnel et familial, la douleur, une rupture avec son image inconsciente corporelle par perte de son intégrité corporelle. À ces éléments s’ajoute la menace plus spécifique liée à la situation anatomique de la pathologie : la défiguration, l’altération des fonctions de la sphère orofaciale et donc de la vie de relation du sujet, des préjudices esthétiques visibles ayant pour conséquence une perturbation avec le monde extérieur et des effets de stigmatisation, enfin des problèmes de camouflage de la perte de substance. La virulence de l’expérience de la défiguration est telle que la majorité des individus mutilés affirme choisir la mort plutôt que de revivre cette expérience ou de voir s’étendre davantage l’ampleur de la mutilation. À chaque instant, l’individu mutilé doit lutter contre son propre corps, il doit lutter contre la souffrance inhérente aux actes thérapeutiques, contre le mal qui le ronge de l’intérieur, et il doit réapprendre les actes élémentaires tels que mâcher ou parler. L’acteur dont le visage est abîmé subit une perturbation profonde de sa relation au monde, il vit provisoirement sur une image enfouie en lui, celle de son corps d’avant ; parallèlement, son corps actuel lui est intolérable.6 La vie entière de l’individu est tournée vers les manifestations corporelles auxquelles il portait auparavant une attention moindre. Selon Le Breton, « la conscience que le sujet a de lui-même se fait dans le déchirement de son incarnation ».3 Le degré d’atteinte de l’identité dépend du nombre et de l’importance des aspects du soi qui sont perdus, de la possibilité de les récupérer, de la capacité à découvrir de nouveaux modes d’action, de la capacité à transcender son corps, de la capacité à surmonter des pertes, et à construire une

Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale nouvelle conception de soi-même autour de ces limitations et de ces désorganisations.7 La mutilation faciale et les dysfonctions qu’elle implique sont source de performances ratées ; ces situations peuvent engendrer un état de désespoir et de frustration. De tels sentiments ébranlent l’identité et la chaîne des conceptions biographiques du corps. Le seuil de tolérance à la douleur de notre société décroît au fur et à mesure que les produits antalgiques se banalisent. La question de la douleur est toute entière absorbée par la culture médicale. Mais, la souffrance étant principalement émotionnelle, les moyens disponibles à l’individu mutilé ne sont autres que sa propre tolérance à la souffrance et le soutien de ses proches. La peur de souffrir dépasse souvent celle de mourir ; la souffrance est perçue comme un nonsens absolu, une torture, elle traduit l’irruption du pire que la mort. La désorganisation des sphères de la vie quotidienne de l’individu mutilé commence par une mort sociale, sorte d’exil volontaire qui débute à l’inscription de la mutilation, et donc durant l’hospitalisation qui constitue le commencement d’une perte progressive de contact avec l’extérieur. Les séquelles fonctionnelles entravent la sociabilité de l’individu mutilé. Ne pas pouvoir parler de manière intelligible, la nécessité de s’alimenter liquide, mixé ou par sonde nasogastrique, sont autant de facteurs d’exclusion du sujet malade. En proposant une réhabilitation prothétique au sujet mutilé, celui-ci a les moyens de gérer comme il le souhaite l’information sur sa mutilation. Il camoufle ainsi la plaie béante qui le stigmatise.8 Le travail du médecin consiste également à modifier le sens donné à l’expérience de la mutilation, à lui donner une définition médicale afin que l’individu puisse s’identifier à une catégorie socialement définie alors, que jusque-là, il pensait son expérience unique et sans ressource pour gérer cette douloureuse situation dont il n’est jamais fait mention dans le discours social.9 En matière de chirurgie carcinologique, il faut bien saisir que c’est l’acte médical qui génère la mutilation. Le corps n’est certainement pas une machine dont on puisse aisément soustraire les composantes pour les remplacer par d’autres sans que nombre d’obstacles (moraux, éthiques, médicaux, anthropologiques) se rencontrent sur le chemin. Origine toxi-infectieuse Les pertes de substance d’origine toxi-infectieuse nécessitent presque toujours une thérapeutique prothétique. Les étiologies le plus fréquemment recensées sont :

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• l’ostéomyélite à localisation préférentiellement mandibulaire ; • la syphilis, occasionnant conjointement perforations palatines et effondrement de la pyramide nasale ; • une intoxication mercurielle ou phosphorique ; • l’ostéite postradique, responsable de nécrose tissulaire ; • les affections candidosiques rares (aspergillose, etc.).

Réhabilitation maxillofaciale : une réhabilitation singulière De façon générale, le corps doit passer inaperçu dans l’échange entre les acteurs, même si une situation implique fortement sa présence ; il doit se résorber dans les codes en vigueur et chacun doit pouvoir retrouver, comme dans un miroir, ses propres attitudes corporelles. Il n’y a pas dans le discours social des traces de réponses habituelles disponibles pour l’acteur mutilé afin d’orienter la régulation de ses conduites face aux dérèglements introduits par la défiguration dans l’ensemble des sphères de la vie quotidienne. Par sa seule présence, il arrive que l’apparence du corps provoque un profond malaise et cesse d’être le miroir rassurant ; au contraire, il devient lourdement présent et embarrassant. La défiguration est une situation limite du fait de l’importance des enjeux qui la caractérisent, des perturbations qu’elle implique. C’est en ce sens-là qu’il y a une particularité dans l’approche d’une réhabilitation maxillofaciale.10 Dans la partie qui suit, nous traiterons de la prise en charge plus spécifique que nécessite la réhabilitation maxillofaciale induite par un cancer.

Mise en œuvre de la prise en charge Quelle soit d’origine tumorale, congénitale, traumatique ou toxi-infectieuse, la perte de substance engendre une perturbation du schéma corporel, une altération du sentiment d’identité et génère de fait de l’anxiété. Cette anxiété est une des expressions de la souffrance du sujet mutilé et nécessite une prise en charge indiscutable, notamment en matière de perte de substance d’origine carcinologique. Le patient doit « faire face » dans un contexte où sa propre face est altérée ; cette expression « faire face » est hautement symbolique. Les stratégies d’adaptation que privilégie le sujet sont celles qui favorisent la dissimulation, le repli sur soi, l’isolement social et familial.

126 La prise en charge en matière de réhabilitation maxillofaciale relève de l’intervention infirmière centrée sur le soin relationnel, associée au soin technique du médecin et du spécialiste de prothèse maxillofaciale. Un des premiers objectifs est d’agir sur les facteurs intraphysiologiques et extrapersonnels pouvant déstabiliser la personne ; le deuxième objectif est d’offrir à la personne un espace et des moyens pour s’adapter, se reconnaître et éventuellement s’accepter.

Moments À l’annonce de la maladie Selon la personnalité du sujet, les attentes et comportements diffèrent. En revanche, le sentiment d’anxiété est une constante invariable.11 Parfois, le patient est en attente d’informations très précises à propos de la chirurgie, de l’anesthésie, du temps d’hospitalisation, de la confection de la prothèse, etc. Il a besoin d’explications détaillées sur le déroulement des opérations. Cependant, ces interrogations traduisant un besoin de maîtrise peuvent déclencher une attitude de coping vigilant (stress extrême). À l’opposé, certains patients, résignés, subissent les événements sans aucune forme d’implication. D’autres préfèrent consulter différents spécialistes ou montrent un refus catégorique du traitement chirurgical avec départ de l’hôpital la veille de l’intervention. Quoi qu’il en soit, la diversité des réactions observées signe une souffrance profonde et oblige le soignant à s’adapter à la personne malade. Pendant l’hospitalisation En préopératoire, l’une des croyances est que l’évolution de la maladie va être stoppée par la chirurgie et les traitements secondaires. Le facteur extrapersonnel qui peut induire ou renforcer cette croyance est la qualité de l’information donnée par le chirurgien. L’état d’anxiété fait place à la peur, peur de ne pas se réveiller, peur de souffrir, etc. En postopératoire, le facteur intrapsychologique essentiel est la prise de conscience de la modification de l’image corporelle consécutive à l’acte médical. Associé aux facteurs intraphysiologiques tels que la douleur (site de prélèvement, site opératoire, système de drainage) et à la perturbation du sommeil, il entraîne un état d’épuisement avec risque d’effraction des lignes de résistance.12

E. Vigarios et al. par une phase d’isolement consécutive à la gêne engendrée par l’attention qu’il suscite à chacune de ces sorties. Il est victime du regard discriminant de la société. Ainsi, on peut comprendre combien il est important d’accompagner le patient dans cette nouvelle épreuve ; les liens avec le milieu médical ne doivent pas s’interrompre afin de ne pas générer chez le malade un sentiment d’abandon. À la consultation de prothèse maxillofaciale Plusieurs situations peuvent se présenter.2 Le patient a bénéficié d’une consultation en prothèse maxillofaciale avant l’intervention chirurgicale et d’un accompagnement pendant l’hospitalisation. Après la chirurgie et la radiothérapie, les informations ont souvent été déformées ou oubliées quand vient le temps de la réhabilitation maxillofaciale. Le spécialiste de prothèse maxillofaciale doit faire face à une double exigence : celle d’attendre la stabilisation tissulaire et celle de satisfaire au mieux le besoin du patient de camouflage de la plaie béante sur son visage ou de pallier les troubles fonctionnels de déglutition, mastication et phonation. La personne a subi une ou plusieurs tentatives de reconstructions chirurgicales qui se sont soldées par un échec du fait de l’évolution défavorable de la maladie ou de problèmes d’intégration tissulaire ou vasculaire du greffon. Dans ce contexte clinique, la perte de confiance du malade à l’égard du corps médical est quasi systématique et s’accompagne d’un sentiment d’être un laissé–pour-compte du milieu médical. Face à la résignation, la méfiance ou l’agressivité du malade, accueil, écoute et soutien lors de la première consultation de prothèse maxillofaciale sont de rigueur lorsque le spécialiste énonce les propositions de réhabilitation prothétique et leurs limites. Ce premier contact est souvent déterminant par rapport à l’acceptation de la prothèse. La personne a subi l’exérèse tumorale, le traitement de radiothérapie, et n’a pas bénéficié de proposition de réhabilitation. Elle consulte sur proposition d’un tiers. Cette perspective est une nouvelle étape dans l’histoire du malade et est de ce fait génératrice d’émotions et d’anxiété. La qualité de l’information concernant la prothèse doit être pertinente. Au préalable, des soins de kinésithérapie et de mécanothérapie peuvent être prescrits dans le cadre d’une préparation tissulaire à la mise en place de la prothèse ultérieure.

Modalités Après l’hospitalisation De retour à son domicile, dans un centre de rééducation ou en maison de retraite, le patient passe

Afin d’adapter au mieux les techniques relationnelles et comportementales, il faut bien comprendre

Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale ce qui se joue au plan personnel et identitaire dans le cas d’une mutilation faciale. Le détour anthropologique éclaire la pratique médicale en soulignant ce que celle-ci néglige souvent dans sa démarche thérapeutique : la dimension de sens et de valeurs qui touche la relation de l’homme à son corps. La médecine, par son exercice, laisse sur le corps des cicatrices qui renvoient à certains types de maladies ou de pathologies ainsi visibles du premier coup d’œil. L’intervention chirurgicale marque comme un rite de passage un moment décisif de la vie (phase de liminarité). La dimension rituelle ne résume pas tout le contenu de l’expérience de la mutilation faciale, mais cette dimension est cependant très présente. Si on se réfère à la théorie des rites de passage de Van Gennep,3 chaque séquence de passage se caractérise par une succession de trois stades. Phase de séparation : la souffrance due au marquage dans la chair n’est pas sans rappeler la douleur qui accompagne les rites initiatiques de nombreuses sociétés traditionnelles ; elle est une mémoire chevillée au corps, une marque qui signe l’apparence physique de l’« initié ». Elle atteste de la mutilation ontologique, du passage d’un univers social à un autre, bouleversant l’ancien rapport au monde. La cicatrice traduit dans la peau l’appartenance à une nouvelle communauté, elle matérialise la douleur en une mémoire tangible du changement de statut. Elle est une puissance de métamorphose qui marque dans la chair une mémoire indélébile du changement. La marque constituée par l’acte médical implique une modification du corps avec violence sur le corps. C’est cette violence qui atteste de son efficacité symbolique. Dans le cadre de la pratique médicale, cette violence est exercée par une personne désignée pour cela. L’« initié » est socialement redéfini par une modification physique de son apparence ayant une éminente valeur symbolique. Phase de marge : la stigmatisation perturbe les interactions qui aboutissent à l’isolement de l’individu, période pendant laquelle se déroule la mise au point de la restauration du visage. L’exérèse de la partie atteinte s’intègre dans la prise en charge médicale du cancer, elle devient alors efficace parce qu’elle intervient dans le cadre du soin et qu’elle est proposée par le médecin, trouvant sa légitimation scientifique dans un système interprétatif reconnu par la collectivité. L’idéologie biomédicale met en place un système cohérent que le malade accepte, et qui répond aux représentations et au système interprétatif de notre époque. L’action thérapeutique est nécessaire à l’individu, elle

127

est une médiation, un relais nécessaire pour éviter toute rupture du sentiment de continuité, le temps de développer les propres capacités à assurer une représentation acceptable de l’acteur stigmatisé. L’ajout de sens opéré par la relation thérapeutique désamorce l’intolérable qui imprègne la situation douloureuse et en modifie la perception par l’individu. L’action symbolique émousse la douleur en modifiant sa signification et, par la suite, sa nature. Phase d’agrégation : la restauration chirurgicale ou la réhabilitation prothétique agissent au plan réel en instaurant un nouvel ordre, celui d’une esthétique d’allure normative. Au plan symbolique, elles agissent comme une sorte d’exorcisme en supprimant ou réparant ce qui est vécu par l’individu comme un stigmate, un défaut, qui tendait à le maintenir à l’écart ou dans l’indétermination. L’apparence est restaurée, elle devient alors le gage d’une « re-naissance » possible et d’une autre vie. La réhabilitation prothétique autorise un retour à la vie « normale » qui va permettre une réorganisation de l’ensemble des sphères sociales. La restauration physique et la réorganisation mentale ainsi opérées permettent la substitution d’un nouvel ordre au désordre. Un certain nombre de facteurs personnels au malade sont à prendre en considération lors de la prise en charge psychologique.2 Le facteur extrapersonnel essentiel est le temps d’attente ; en effet, la réhabilitation maxillofaciale est engagée dans un minimum de 6 mois après l’intervention chirurgicale. Les facteurs intrapersonnels socioculturels englobent l’histoire et les habitudes de vie du malade, son âge, son sexe, ses principes d’éducation, ses représentations de la maladie et de la santé, son niveau d’études. Ces facteurs jouent un rôle incontestable dans les phénomènes de résistance ou au contraire de mobilisations de ressources. Chaque consultation peut apporter des éléments permettant d’évaluer les besoins ou les difficultés rencontrées par rapport aux facteurs intraphysiologiques (cicatrisation de la plaie, œdèmes, risques infectieux, mucites, brûlures cutanées, manifestations douloureuses, écoulement de sécrétions, asthénie) et aux facteurs intrapsychologiques (réaction de dégoût exprimée par l’entourage, peur du regard des autres, isolement social et familial). D’autre part, des facteurs de risque intraphysiologiques (évolution tissulaire, phénomènes de condensation, nettoyage de la prothèse, altération cutanée liée à une mauvaise utilisation des produits de fixation) et intrapsychologiques (peur de perdre la prothèse, difficulté à intégrer le nouveau schéma corporel) sont présents et nécessitent de la part de l’équipe pluridisciplinaire une prise en charge adaptée (Fig. 1).

128

E. Vigarios et al. Diagnostic et annonce de la maladie Médecin généraliste ou spécialiste de la famille, spécialiste CHU

Hospitalisation pour l'intervention

Avant intervention

Phénomène de liminarité

CMF PMF Infirmière sophrologue Psychologue Psychiatre Orthophoniste Assistante sociale Famille

Après intervention CMF, PMF Orthophoniste Infirmière Psychologue Psychiatre Kinésithérapeute Diététicien Famille

Après hospitalisation Retour à la maison CMF, PMF, kinésithérapeute, orthophoniste, diététicien, famille, psychologue, infirmière, infirmière sophrologue

Figure 1 Place des différents intervenants dans la réhabilitation maxillofaciale.3 CHU : centre hospitalier universitaire ; CMF : chirurgien maxillofacial ; PMF : spécialiste en prothèse maxillofaciale.

Travail infirmier Relation d’aide Selon Rogers, « la relation d’aide est une relation professionnelle dans laquelle une personne doit être assistée pour opérer son ajustement personnel à une situation à laquelle elle ne s’adaptait pas normalement. Ceci suppose que l’aidant est capable de comprendre le problème et d’aider la personne à évoluer dans le sens de sa meilleure adaptation ».2 La relation d’aide consiste en la prise en charge de la souffrance physique et psychologique endurée par le patient du fait de sa mutilation. Le soin relationnel est basé sur l’écoute de la personne dans son langage, ses demandes ou besoins immédiats, sur l’observation de son comportement non verbal. La proposition de techniques de relaxation ou de sophrologie est rarement acceptée d’emblée, la personne étant persuadée de contrôler la situation. Dans la réalisation de la prothèse, la prise d’empreinte est un moment dérangeant qui rappelle le

souvenir de soins techniques traumatisants par le contact de matériaux, la gêne respiratoire ou la perte de contact visuel. Elle peut déclencher une réaction de peur verbalisée ou non. La prise d’empreinte dans la cavité buccale peut provoquer une sensation d’étouffement, de peur de perdre le contrôle des réflexes de déglutition, des nausées. Au cours de ce cheminement, différents outils de relation d’aide peuvent être proposés. Sophrologie Elle est considérée par son fondateur (Dr Caycedo) comme la science de la conscience et des valeurs de l’existence, la conscience étant la force responsable du dynamisme des structures psychologiques de l’être. Après avoir donné une information sur la technique et obtenu l’accord de la personne pour la pratiquer, la séance de sophrologie ou sophronisation se déroule en trois étapes. Le premier temps est celui de la relaxation. Elle permet de s’isoler des stimulations extérieures et de passer d’un état de vigilance normale à un état proche du sommeil. Ensuite vient l’activation pendant laquelle la personne mobilise ses capacités physiques par la respiration ou par des mouvements, ainsi que ses capacités mentales à travers la visualisation de ressources ou de valeurs existentielles. Le retour à l’état de vigilance normale ou désophronisation se fait progressivement. La personne prend conscience des phénomènes ressentis, de ces capacités d’adaptation à travers les différentes stratégies d’ajustement ou d’adaptation mises en place. La sophrologie est une discipline adaptée aux stratégies adoptées par le patient. Elle aide celui qui tend à se replier sur lui-même, qui refuse les visites, qui manque de savoir exprimer ou identifier ses émotions, etc. Autres techniques La programmation neurolinguistique, l’approche Simonton (psychothérapie amenant le patient à mettre en place un scénario pour lutter contre la maladie) sont d’autres méthodes en matière de relation d’aide.13 Dans ce travail d’accompagnement, de gestion de l’anxiété et de la douleur, le soignant doit garder sa neutralité et laisser le libre choix de la méthode à son patient. D’autre part, au nom de l’éthique médicale, le respect de la personne doit présider à la relation de soin de manière à éviter les dérives sectaires dont certains ont pu accuser les adeptes de la méthode Simonton.

Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale Travail du chirurgien et du spécialiste de prothèse maxillofaciale Avant l’annonce de la maladie, une relation de confiance, d’écoute basée sur le respect mutuel doit s’établir. Le praticien a, dans le cadre de la relation contractuelle qui le lie à son patient, un devoir d’information. Après une information complète, il s’agit d’aider le patient à évacuer les fantasmes destructifs qu’il prête à sa maladie et sa thérapeutique. Après l’hospitalisation, le chirurgien doit inspecter la plaie opératoire et vérifier l’absence d’évolution d’un processus néoplasique sous-jacent. D’autre part, la compétence du médecin ne se limite pas à un acte technique, il doit pouvoir identifier une éventuelle détresse psychique et orienter le patient vers les spécialistes compétents. Le praticien spécialiste en prothèse maxillofaciale doit répondre aux interrogations du patient et le rassurer quant aux étapes de réalisation de la prothèse. Il doit évaluer les effets de la rééducation fonctionnelle et agir en conséquence. Le facteur temps est un paramètre important dans la relation au malade, car celui-ci montre souvent de l’impatience pour sa réhabilitation et ne comprend pas toujours la nécessité de l’attente. Pour le monde médical et paramédical, la prothèse est une pièce destinée à remplacer partiellement ou totalement un membre, un organe ou à rétablir une fonction, ceci afin de permettre à la personne une vie relationnelle acceptable. La réalisation de cette prothèse répond à des indications bien précises et à des modalités d’exécution bien spécifiques. Pour le patient, la prothèse est un corps étranger qui permet de dissimuler la mutilation qui le stigmatise, une pièce que l’on va chercher à intégrer au visage par le biais de maquillage. L’amovibilité de la prothèse assure une fenêtre de surveillance indispensable mais renvoie au patient l’histoire de sa meurtrissure et la perturbation de son image corporelle. L’inertie mécanique et thermique de l’artifice prothétique oblige le patient à penser à son comportement dans la vie sociale et relationnelle : gestion des écoulements, des sécrétions, de l’alimentation, de la phonation et des problèmes d’hygiène. Travail d’autres intervenants Après la chirurgie, afin de pallier les troubles fonctionnels (déglutition, phonation, mastication), kinésithérapeute et orthophoniste s’associent pour prendre en charge la rééducation. Quant à la famille, elle doit être omniprésente à toutes les étapes du traitement, voire s’intégrer à

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l’équipe soignante et participer aux prises de décisions thérapeutiques. Son rôle en matière d’apaisement et d’accompagnement est essentiel. Les ressources personnelles, familiales et sociales dont dispose le patient doivent être évaluées afin de prévoir un éventuel soutien psychologique.

Discussion De façon générale, le corps doit passer inaperçu dans l’échange entre les acteurs, même si une situation implique fortement sa présence ; il doit se résorber dans les codes en vigueur et chacun doit pouvoir retrouver, comme dans un miroir, ses propres attitudes corporelles. Il n’y a pas, dans le discours social, traces de réponses habituelles disponibles pour l’acteur mutilé afin d’orienter la régulation de ses conduites face aux dérèglements introduits par la défiguration dans l’ensemble des sphères de la vie quotidienne. L’individu stigmatisé participe à la vie sociale en fonction d’une qualité particulière, d’un « moi particulier ». Par sa seule présence, il arrive que son apparence provoque un malaise profond, il cesse d’être le miroir rassurant, le corps devient lourdement présent, terriblement embarrassant.3 La défiguration, quelle que soit son origine, est une situation limite du fait de l’importance des enjeux qui la caractérisent, des perturbations qu’elle implique.14 Cependant, une part importante de la prise en charge de la mutilation se fait hors du système médical ; la famille et les proches en constituent une source importante. Néanmoins, il revient aux soignants le soin d’orchestrer au mieux cette prise en charge, et ceci dans une vision holistique de la personne. La prise en charge psychologique en matière de réhabilitation maxillofaciale conduit l’équipe soignante à se poser plusieurs questions. À la question « Que dire ? » , le milieu médical est, pour répondre, confronté à une double évolution : celle de la connaissance médicale du grand public et celle de la réglementation de la recherche clinique. Deux sortes de pratiques différentes, toutes deux éloignées d’un paternalisme bienveillant, animent l’exercice médical : la première, d’usage aux ÉtatsUnis, est basée sur la notion de vérité scientifique ; la seconde relève plutôt d’une démarche éthique plus intuitive, de rigueur en France. De nombreux témoignages montrent que les sujets mutilés faciaux parviennent à une réidentification lorsqu’ils bénéficient d’une bonne information relative au diagnostic, au traitement médical et au pronostic.

130 En associant le stigmate à la maladie et à son traitement, le sujet donne un sens médicalisé et donc institutionnalisé à sa mutilation. Cependant, il revient au médecin d’interpréter au mieux la demande d’information du patient. Si ce dernier a le droit d’être informé, il a également le droit de conserver une certaine maîtrise sur la quantité d’informations qu’il peut recevoir. En ce qui concerne la question « Comment dire ? », après une information complète, il n’est pas interdit de dédramatiser, de rassurer, de reconstruire. En effet, il faut pouvoir aider le patient à évacuer les fantasmes destructifs qu’il prête à sa maladie et sa thérapeutique.15

E. Vigarios et al. conduit à évoquer la notion de « prothèse psychothérapique ». La prothèse maxillofaciale est une réelle plaque tournante au sein de l’équipe thérapeutique. Elle s’inclut dans une prise en charge médicale globale où la dimension humaine est au centre des priorités de chacun.

Références 1.

2.

Conclusion L’attente d’objectivation du trouble par le patient fonde le médecin comme ingénieur du corps. Cependant, la maladie n’est pas réductible à sa seule définition biomédicale et le médecin ne peut se satisfaire de n’incarner qu’un technicien du corps.16 Montrer de la sincérité, de l’honnêteté, de l’humanité à travers les mots et les gestes fait partie de la compétence relationnelle du médecin. La prise en charge psychologique en matière de réhabilitation maxillofaciale demande aux acteurs de cette prise en charge une disponibilité intellectuelle, une capacité d’écoute et d’adaptation.17 Chaque patient est unique, il exprime de manière unique ses souffrances et ses attentes. La démarche vise à considérer la singularité d’une personne, d’une situation, de refuser de l’inscrire dans des généralités, afin de satisfaire au mieux les grands principes de l’éthique médicale.18 Cette prise en charge psychologique est le fait d’une équipe pluridisciplinaire dont l’action s’articule autour de l’intervention médicale à chaque moment de l’histoire médicale du patient. Son objectif majeur est de rechercher avant tout la meilleure qualité de vie pour les patients. En bout de course de la réhabilitation maxillofaciale, la prothèse maxillofaciale apparaît, au-delà de ses rôles esthétiques et fonctionnels, comme une prolongation du travail psychothérapeutique mené tout au long de la prise en charge. La réhabilitation se présente elle-même comme une véritable prise en charge psychologique et

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 131–146

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Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial Neurologic facial testing for odontologist and maxillofacial surgeon H. Taillia (Spécialiste des hôpitaux des Armées) *, T. de Greslan (Assistant des hôpitaux des Armées), J.-L. Renard (Spécialiste des hôpitaux des Armées), F. Flocard (Professeur agrégé du service de santé des Armées) Service de neurologie, hôpital d’instruction du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75005 Paris, France

MOTS CLÉS Motricité de la face ; Fonction neurovégétative ; Motricité buccale ; Troubles de la phonation

Résumé Cette mise au point traite de l’examen du visage et de la cavité buccale. Elle est divisée en trois chapitres : motricité, sensibilité (et gustation), et fonctions neurovégétatives. À chaque étape de l’examen sont rappelées les bases anatomiques indispensables à la compréhension des signes cliniques décrits. Les principales pathologies neurologiques de la face viennent illustrer notre propos et se veulent appropriées à la pratique courante de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial. Plusieurs schémas sont adjoints : ils ont pour but de résumer et de synthétiser le texte. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Motricity of the face; Neurovegetative function; Motricity of buccal centry; Phonation disorders

Abstract In this article, we approach three independant chapters about the examination of the face and the buccal cavity : motricity, sensory-sensitivity and neurovegetative functions. The necessary anatomical basis are reminded in order to understand clinical signs and principal neurological diseases of the face, interesting odontologists, are developped. Lastly, we add several synoptic and/or synthetic tables to display an immediate exploitation of the text. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Le but de cette mise au point est de fournir un outil clinique à l’odontologiste et au chirurgien maxillofacial. En effet, l’examen neurologique du visage et de la cavité buccale (à l’exclusion de l’examen de l’appareil pharyngolaryngé, de l’oculomotricité, de la vue, de l’audition, de l’olfaction, de la sensibi* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Taillia). © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00015-1

lité et de la motricité du cou qui ne seront pas abordés ici) permet de fournir au praticien une séméiologie riche, parfois nuancée et subtile, l’aidant dans son diagnostic topographique lésionnel ainsi que dans le suivi postopératoire du patient. Une constante correspondance entre signes cliniques et anatomie s’avère donc nécessaire. Elle se heurte cependant bien souvent aux nombreuses variations anatomiques auxquelles sont sujets les filets nerveux. Il s’agit donc, ici, d’édicter des règles générales, issues de l’observation, plutôt

132 Tableau 1 Ordre III IV V V1 V2 V3 VI VII VII bis VIII IX X XI XII

H. Taillia et al. Terminologie des nerfs crâniens. Terminologie commune N. moteur oculaire commun N. pathétique N. trijumeau N. ophtalmique (de Willlis) N. maxillaire supérieur N. maxillaire inférieur N. oculomoteur externe N. facial N. intermédiaire (de Wrisberg) N. vestibulocochléaire N. glossopharyngien N. pneumogastrique (ou vague) N. spinal N. grand hypoglosse

Terminologie internationale N. oculomoteur N. trochléaire N. trijumeau N. ophtalmique N. maxillaire N. mandibulaire N. abducens N. facial N. intermédiaire N. vestibulocochléaire N. glossopharyngien N. vague (ou pneumogastrique) N. accessoire N. hypoglosse

que de rendre compte de tous les cas de figures rendus possibles par les variations anatomiques interindividuelles. La face est innervée au niveau moteur, sensitif et végétatif (système lacrymal et salivaire en particulier) par le nerf facial (VII), le nerf trijumeau (V) et les nerfs mixtes (IX, X, XI et XII) (Tableau 1). Le nerf oculomoteur (III), responsable essentiellement de mouvements du globe oculaire, mais également impliqué dans la contraction du releveur de la paupière supérieure (et donc dans l’ouverture des yeux), ne fait pas l’objet d’une étude spécifique dans cet article. Trois chapitres sont respectivement abordés : la motricité, la sensorisensibilité et les fonctions végétatives du visage et de la cavité buccale. Pour des raisons didactiques évidentes, l’examen de la face est divisé ici en entités anatomophysiologiques distinctes. C’est un leurre et un biais pédagogique. L’examen neurologique ne se conçoit, en fait, que dans sa globalité et on ne peut conclure en termes de diagnostic topographique neurologique qu’après avoir réalisé un examen neurologique complet de la face (moteur, sensitif, sensoriel et végétatif) mais aussi du corps entier.

Motricité Motricité du visage (Fig. 1) Si la motricité du visage est essentiellement assurée par le nerf facial (VII), la fonction masticatoire est globalement dévolue au contingent moteur du nerf mandibulaire (V3), branche du nerf trijumeau.3,7 L’examen clinique débute par l’inspection du visage au repos, à jour frisant, à la recherche d’une amyotrophie, d’une activité musculaire spontanée (myokimies, fasciculations, spasme hémifacial), yeux ouverts puis fermés. L’impression

Terminologie latine N. oculomotorius N. trochlearis N. trigeminus N. ophthalmicus N. maxillaris N. mandibularis N. abducens N. facialis N. intermedius N. vestublocochlearis N. glossopharyngeus N. vagus N. accessorius N. hypoglossus

de discrète asymétrie faciale doit être confrontée à une photographie d’identité afin de confirmer (ou non) son caractère récent. On note en particulier l’effacement du pli nasogénien ou des rides frontales du côté atteint, les possibilités d’occlusion de la paupière, la présence d’un écoulement salivaire ou l’impression de commissure labiale discrètement tombante du côté atteint. Puis la motricité faciale est étudiée de manière dynamique, d’abord par accomplissement de mouvements sur ordre, puis par étude de la mimique spontanée (recherche d’une dissociation automaticovolontaire). L’atteinte de la motricité du nerf mandibulaire apparaît surtout lors de l’ouverture de la bouche (ou lors des mouvements de propulsion et de rétropulsion de la mâchoire inférieure) qui démasque le classique aspect de « bouche oblique ovalaire », témoin d’une part de la flaccidité des muscles masticateurs et du muscle digastrique du côté atteint et d’autre part de l’hyperactivité compensatrice des muscles controlatéraux (Fig. 1D). L’atteinte du contingent moteur du V3 est très rarement isolée et ce tableau de « bouche oblique ovalaire », souvent confondu avec une paralysie de la branche cervicofaciale du VII (ou nerf facial inférieur) devant la constatation d’une bouche asymétrique, tombante, est généralement aisément reconnu par son association à une hypoesthésie homolatérale du territoire cutané en regard de la mandibule et par l’absence d’effacement du pli nasogénien homolatéral. La branche motrice du V3 innerve également le muscle péristaphylin externe (muscle élévateur du voile du palais) et le muscle du marteau. Son atteinte peut se traduire par une perte du rôle atténuateur de ce muscle dans la transmission acoustique et donc par une hyperacousie.1,2 Parfois, lors de lésions irritatives de la branche V3, le patient peut présenter un trismus par contraction du masséter et des muscles pté-

Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial rygoïdiens (myokimies). Parmi les causes principales d’irritation du V3, on cite le contact de ce nerf avec une dent de sagesse ou lors de son extraction (accidents de la dent de sagesse) et les lésions directes du nerf maxillaire inférieur (contusion, blessure par arme blanche, etc.). L’étude de la motricité du nerf facial a été standardisée par Freyss, grâce à un testing simple, reproductible et précis. Celui-ci étudie les 10 chefs musculaires les plus importants en les cotant cha-

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cun de 0 à 3 (0 : pas de contraction ; 1 : ébauche de mouvement ; 2 : contraction contre-résistance possible mais déficitaire ; 3 : contraction normale), le total étant donc à 30. En cas de paralysie faciale, un testing totalisant plus de 15/30 serait de pronostic favorable (Fig. 1, 2). À noter que lorsqu’on demande au patient de montrer les dents (ou de sourire), seule la commissure labiale du côté sain va être mobile. Cela donne l’impression que le patient « fume la pipe » du côté sain (Fig. 1B).

Inspection du visage Au repos et lors de la mimique En comparaison avec une photographie d'identité

Bouche oblique ovalaire Absence d'effacement du pli nasogénien Hypoesthésie du territoire du V3 = atteinte du V3

Effacement du pli nasogénien = atteinte du VII

Prédominance sur le territoire inférieur dissociation automaticovolontaire signe des cils de Souques

Paralysie faciale centrale (atteinte des voies corticonucléaires ou du noyau facial protubérantie)

Testing de Freyss 0 : pas de contraction 1 : ébauche 2 : contraction contre-résistance déficitaire 3 : normal latéraux frontal : relever les sourcils orbiculaire des paupières : fermer les yeux zygomatique : sourire forcé buccinateur : gonfler les joues triangulaire des lèvres : tirer les lèvres en arrière paramédians

sourcilier : froncer les sourcils pyramidal : froncer le nez releveur du nez et lèvre supérieure : bouche en carré orbiculaire des lèvres : museau de tanche mentonnier : faire la lippe

Asymétrie constitutionnelle = normalité ou atrophie des tissus sous-cutanés : syndrome de Parry-Romberg

Atteinte homogène des territoires supérieur et inférieur signe de Charles Bell, inocclusion palpébrale

Paralysie faciale périphérique (atteinte du tronc du nerf dans son segment pré-, intra- ou extrapétreux ou d'une des branches supérieure ou inférieure intra- ou extraparotidienne)

Localisation lésionnelle

Signe labyrinthique : sécheresse nasolacrymale : hyperacousie : perte du goût (2/3 antérieurs de la langue) : discrète xérostomie Signe tympanique : hyperacousie : perte du goût (2/3 antérieurs de la langue) : discrète xérostomie Signe mastoïdien : perte du goût (2/3 antérieurs de la langue) : discrète xérostomie Signe extrapétreux : paralysie faciale périphérique isolée

score total :

/30 Branche temporofaciale : atteinte prédominante front/œil Branche cervicofaciale

Pronostic Bon score > 15/30

Suivi évolutif et objectif

: atteinte prédominante péribuccale (sans dissociation automaticovolontaire)

A Figure 1 A. Tableau récapitulatif de l’examen de la motricité du visage. B. Paralysie faciale gauche périphérique et signe de Charles Bell (à la fermeture des paupières). C. Paralysie faciale centrale gauche et signe des cils de Souques (à la fermeture des paupières) : effacement moindre des plis frontaux et respect relatif de la courbure du sourcil. D. Bouche oblique ovalaire par atteinte du contingent moteur du V3 droit.

134

H. Taillia et al.

En fait, les principales questions qui se posent au clinicien devant une atteinte du nerf facial n’est pas tant le diagnostic différentiel (atteinte du V3, syndrome de Parry-Romberg) que le diagnostic étiologique topographique (paralysie faciale centrale ou périphérique) et le niveau de lésion du nerf quand le caractère périphérique est confirmé. Ces questions impliquent un nécessaire rappel anatomique.5 Au niveau central, le premier motoneurone de la commande faciale naît dans la convexité du cortex de l’aire précentrale (en avant de la scissure de Rolando, aire frontale ascendante ou aire motrice primaire, siège d’une somatotopie décrite sous le nom d’homunculus de Penfield) controlatérale à l’hémiface concernée. L’axone passe par le bras antérieur de la capsule interne homolatérale au cortex moteur pour adopter ensuite un trajet globalement vertical, descendant, et atteindre, en décussant au niveau protubérantiel, le noyau facial controlatéral. Cependant, une partie de ces fibres, ayant principalement pour cible le territoire facial

supérieur, ne croisent pas. Ainsi, lors d’une paralysie faciale centrale, le défaut de commande de la branche temporofaciale (ou faciale supérieure) est en partie compensée par la voie corticonucléaire controlatérale à la lésion centrale. Cliniquement, le patient parvient à fermer l’œil du côté paralysé mais cette occlusion est imparfaite et discrètement hypotonique. Une discrète saillie de la partie inférieure de la paupière supérieure apparaît, laissant ressortir les cils : c’est le « signe des cils de Souques » (Fig. 1C). Au contraire, dans la paralysie faciale périphérique, il n’y a aucun système de compensation possible. La paupière supérieure ne se ferme pas, mettant en péril l’œil (risque fréquent de kératoconjonctivite). Lorsqu’on demande au sujet de fermer avec force les yeux, la paupière ne s’abaisse qu’à peine tandis que le globe oculaire opère un mouvement d’éversion (commandé par le nerf oculomoteur, intact) : c’est le signe de Charles Bell (Fig. 1B). Lorsqu’il existe une paralysie faciale périphérique, la question du niveau d’atteinte lésionnelle se à l'occlusion des yeux, la paupière supérieure ne s'occlut pas complètement

Effacement des plis frontaux et sourcil signe de Charles Bell : inocclusion palpébrale et éversion de l'œil (en haut et en dehors)

Les cils de la paupière supérieure apparaissent plus visibles («signe des cils de Souques»)

Effacement du pli nasogénien à la contraction (sourire) inversion de l'inocclusion labiale (fume la pipe)

1 C. Paralysie faciale périphérique gauche.

Ouverture de la commissure labiale 1 B. Paralysie faciale centrale gauche.

1 D. Atteinte de la branche motrice du V3 droit.

Figure 1 (suite)

Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial

135

Branche temporo-faciale

M. temporal (muscle sans action motrice notable) M. occipitofrontal : soulever les sourcils M. sourcilier : froncer les sourcils M. orbiculaire des paupières : fermer les yeux avec force M. transverse du nez : attraction des ailes du nez en haut et en dehors

M. pyramidal : froncer le nez

Branche cervico-faciale

M. releveur de l'aile du nez et de la lèvre supérieure : plissement de la partie supérieure du pli nasogénien, bouche carrée M. dilatateur de la narine : dilatation des narines M. orbiculaire des lèvres : museau de tanche, siffler M. myrtiforme : abaisser et fermer la partie inférieure de la narine M. petit et grand zygomatiques : plissement de la partie inférieure du pli nasogénien (sourire forcé) M. canin (en profondeur) : découvrir l'arcade dentaire supérieure M. de la houppe du menton : faire la lippe M. carré du menton : attraction de la lèvre inférieure vers le bas M. triangulaire des lèvres : abaisser la commissure labiale M. bucinateur (en noir) et risorius (en avant et en blanc) : tirer en arrière les commissures labiales, gonfler les joues Ventre antérieur du M. digastrique et des M. ptérygoïdiens interne et externe (en profondeur) : propulsion, rétropulsion, diduction de la mandibule M. des peauciers du cou M. masséter : abaissement et élévation de la mandibule (mastication) Figure 2 Vue antérieure schématique de l’hémiface droite. Les flèches noires : action des muscles innervés par le VII ; Les flèches grises: action des muscles innervés par le V3.

pose. Par définition, l’atteinte « périphérique » est la traduction d’une lésion située au niveau du second motoneurone du nerf facial, de sa naissance (au niveau de la synapse dans le noyau facial) à ses branches terminales. Au sortir du noyau facial, le contingent moteur du nerf facial est d’abord isolé. Il décrit un arc de cercle au sein de la protubérance dans un trajet initial en dedans et en arrière, contourne le noyau abducens (du nerf abducens ou VI) puis adopte un trajet en dehors et en avant au cours duquel il reçoit son contingent de fibres végétatives (système lacrymo-muco-nasal, noyau salivaire supérieur, noyau du faisceau solitaire) et sensitives (nerf VII bis ou nerf facial intermédiaire de Wrisberg). Le VII et le VII bis émergent au niveau du sillon bulboprotubérantiel, parallèlement au nerf vestibulocochléaire (VIII) et forment rapidement avec ce dernier le paquet acousticofacial avant d’entrer dans le rocher par le canal auditif interne. Le contingent facial se sépare alors du nerf

VIII et pénètre dans l’aqueduc de Fallope. Il décrit dans le rocher un trajet en baïonnette. Ce trajet intrapétreux est divisé en trois : d’abord, le segment labyrinthique, long de 3 mm, qui se termine en s’élargissant pour donner naissance au ganglion géniculé ; puis le segment tympanique d’où émerge le grand nerf pétreux superficiel qui, se joignant au grand nerf pétreux profond (provenant du IX), reçoit le nom de nerf vidien à destinée lacrymonasale ; enfin, le segment mastoïdien au sein duquel il donne naissance au muscle de l’étrier et à la corde du tympan, nerf à destinée salivaire (glandes sousmaxillaire et sublinguale) et recevant par le nerf lingual les afférences gustatives des deux tiers antérieurs de la langue. Le nerf facial sort alors du massif crânien par le trou stylomastoïdien, à la base du crâne. Avant d’entrer dans la glande parotide, il reçoit le nerf sensitif de Ramsay-Hunt dont les fibres empruntent la voie du nerf intermédiaire de Wrisberg et émet des branches à destinée motrice

136 (rameau du muscle stylohyoïdien et du ventre postérieur du muscle digastrique, muscles styloglosse et palatoglosse). Au sein de la parotide, le nerf facial est comme un signet dans un livre, ce qui explique son exposition dans la chirurgie et la pathologie parotidienne. Enfin, c’est dans son trajet intraparotidien que le nerf facial se divise en deux branches supérieure et inférieure. Les émergences du nerf facial, en particulier lors de son trajet intrapétreux, permettent de localiser le site lésionnel en fonction des signes cliniques associés à la paralysie faciale périphérique :1,3,5,7 • l’atteinte du segment labyrinthique associe une symptomatologie homolatérale à la lésion comprenant une sécheresse des fosses nasales et de l’œil (atteinte du nerf vidien), une hyperacousie (atteinte du nerf de l’étrier, ou nerf stapédien, qui n’atténue plus les mouvements de cet osselet dans la transmission du signal sonore), une perte du goût des deux tiers antérieurs de l’hémilangue, une xérostomie (atteinte du nerf lingual), une hypoesthésie de la conque de l’oreille (atteinte du nerf de Ramsay-Hunt) ; • l’atteinte du nerf facial dans son segment tympanique préserve de l’assèchement de l’œil et des fosses nasales au niveau homolatéral ; • la lésion du segment mastoïdien est à l’origine d’un tableau qui s’allège encore avec disparition de l’hyperacousie homolatérale (Fig. 1). Au décours d’une paralysie faciale périphérique, même en cas de récupération complète de la force motrice, on assiste fréquemment à des manifestations musculaires séquellaires à type de syncinésies ou de spasme hémifacial. Une manifestation à part doit enfin être individualisée : il s’agit du spasme médian de la face ou syndrome de Meige ou blépharospasme. Il correspond à un mécanisme dystonique de nature inconnue et se traduit par une contraction intense et longue (jusqu’à 1 minute) des deux paupières provoquant ainsi leur fermeture inopinée. Ce phénomène croît à la lumière et à l’émotion et cède au relèvement mécanique de la paupière supérieure par le doigt.1

Motricité de la cavité buccale (Fig. 3) L’examen clinique de la cavité buccale que pratique le neurologue se limite à l’examen de la langue et du voile du palais. Au niveau fonctionnel, il s’intéresse à la phonation et à la déglutition. Examen de la langue2,6,8 Les 12 muscles de la langue sont essentiellement innervés par le nerf hypoglosse (XII). Le noyau du XII, situé dans la partie paramédiane antérieure du

H. Taillia et al. bulbe, émerge par une dizaine de filets dans le sillon collatéral antérieur. Ces filets nerveux se réunissent en un tronc unique avant de passer dans le canal condylien antérieur, intracrânien. Dès sa sortie, le XII entre en contact avec l’artère carotide interne et ses satellites – ganglion parasympathique plexiforme et ganglion sympathique cervical supérieur – autour desquels il s’enroule dans un trajet globalement descendant (cette contiguïté explique la fréquente symptomatologie linguale dans les dissections de l’artère carotide interne en particulier). Le XII est également doublé à la sortie du canal condylien antérieur d’un rameau sensitif méningé expliquant ainsi les céphalalgies et cervicalgies homolatérales dans la dissection ou la chirurgie carotidienne. Il oblique ensuite vers l’avant en un trajet horizontal et en dedans jusqu’à la langue non sans avoir émis lors de son virage un rameau moteur descendant, juxtacarotidien à destination des muscles cervicaux ainsi qu’une anastomose avec les IIe et IIIe nerfs cervicaux. L’atteinte du XII est à l’origine d’une hémiatrophie linguale homolatérale très précoce avec fasciculations bien visibles (faire reposer la langue sur le bord de l’arcade dentaire inférieure) et d’une paralysie de l’hémilangue. Il s’ensuit des troubles articulatoires et de la déglutition. La protraction de la langue dévie celle-ci du côté paralysé. La rétraction de langue la dévie du côté sain. En cas d’atteinte bilatérale du XII, une ébauche de mouvements linguaux est cependant rendue possible par l’intermédiaire du nerf glossopharyngien qui commande en partie le muscle styloglosse et le pharyngoglosse (petits muscles latéraux pairs de la langue) et le nerf vague (X) qui innerve également le pharyngoglosse et le glossostaphylin. Examen du voile du palais1,2,3,6,7 Le voile du palais se présente comme le prolongement arrière du palais osseux. Il se poursuit de côté par le pilier antérieur et postérieur (l’amygdale palatine est située entre ces deux piliers) et au milieu par la luette. Les muscles péristaphylins (interne et externe) suspendent le voile du palais et, en se contractant, agissent comme tenseurs et élévateurs du voile. Les muscles des piliers sont disposés en arc d’ogive (muscle glossostaphylin pour le pilier antérieur et muscle pharyngostaphylin pour le pilier postérieur) et abaissent le voile en se contractant. Le muscle palatostaphylin, médian, naît du bord postérieur du palais osseux et constitue le muscle de la luette qu’il élève en se contractant. La commande motrice du voile du palais est dédiée au X, hormis pour le muscle péristaphylin externe commandé par le V3. L’atteinte de ce dernier n’est pas suffisante pour provoquer une symptomatologie au niveau du

Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial

137

Déviation de la langue du côté A à la protraction, déviation du côté B à la rétraction = atteinte du XII du côté A (bulbe homolatéral puis trou condylien antérieur, puis trajet au contact de la carotide interne, du ganglion parasympathique plexiforme, du ganglion sympathique cervical supérieur puis langue)

Abaissement du voile du palais du côté A et élévation compensatoire du voile du côté B (épreuve sensibilisée quand on demande au patient d'émettre le son [é]) ou stimulation du voile par abaisse-langue provoquant une contraction du voile uniquement du côté B (réflexe du voile) ± associée à des troubles de la phonation et fausse-route aux liquides = atteinte du X du côté A

Déviation de la paroi postérieure de l'oropharynx du côté B qui seule se contracte à l'émission du son [a] (signe du rideau) ± associée à troubles de la phonation et fausse-route aux liquides = atteinte du X (ou du IX) du côté A

Fausses-routes aux liquides, nasonnement, réflexe nauséeux négatif, hypotonie globale du voile ± associés à une discrète diplégie faciale (amimie), voire un rire et un pleurer spasmodique = syndrome pseudobulbaire (atteinte des voies corticonucléaires bilatérales à destinée des noyaux ambigus)

Voix bitonale isolée = atteinte unilatérale du nerf récurrent ou du nerf laryngé supérieur ou externe

Laryngoscopie

Absence de bascule homolatérale du cartilage thyroïde sur le cartilage cricoïde

Hypoesthésie laryngée

Sensibilité laryngée normale

Nerf laryngé supérieur homolatéral

Nerf laryngé externe homolatéral

Voix bitonale non isolée (cf. Fig. 4 et 5)

Atteinte du X entre le tiers inférieur du ganglion plexiforme et l'émergence du nerf récurrent

Troubles neurovégétatifs : Radiographie pulmonaire

pouls irrégulier ou tachycardie rythme respiratoire irrégulier paralysie phrénique homolatérale toux coqueluchoïde

Paralysie homolatérale des cordes vocales

Nerf récurrent (= nerf laryngé inférieur) homolatéral

Côté de l'atteinte déterminé par laryngoscopie

Atteinte du X au-dessus du tiers inférieur du ganglion plexiforme (atteinte associée des fibres destinées au plexus pharyngé)

Idem (troubles neurovégétatifs) + troubles de la déglutition aux liquides réflexe du voile et signe du rideau

Figure 3 Orientation du diagnostic lésionnel et topographique en fonction des troubles de la motricité de la langue ou de la cavité buccale.

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H. Taillia et al.

Figure 4 Vue sagittale du voile, du pharynx et du larynx. Correspondances anatomocliniques. En pointillé figurent les nerfs dont l’atteinte isolée n’a pas (ou très peu) de traduction clinique motrice. Tous les nerfs représentés sur ce schéma sont impliqués dans la déglutition (hormis le nerf laryngé externe).

voile. Le noyau moteur du X est situé dans le noyau ambigu. Son trajet sera étudié au chapitre suivant (« Troubles de la phonation et de la déglutition »). Au sortir du ganglion plexiforme, les fibres motrices du X à destinée du voile (et du pharynx) se détachent du contingent principal et constituent le plexus pharyngien. L’atteinte du X se traduit, au niveau du voile, par une abolition de la motricité du palais membraneux homolatéral qui sera hypotonique, tombant, et par une élévation compensatrice du bord libre du voile controlatéral. La recherche du réflexe du voile (stimulation tactile du voile par un abaisse-langue) provoque de même une contraction limitée au côté sain. L’émission du son [é], qui normalement élève au maximum le voile du palais, provoque, lors de la paralysie de l’hémivoile, une augmentation de l’asymétrie entre côté sain et atteint. La fonction principale du voile étant l’occlusion du nasopharynx (cavum), les conséquences de la paralysie du voile s’objectivent surtout lors de la phonation et de la déglutition. Une mauvaise occlusion vélopalatine aboutit à un défaut de prononciation des sons [p], [t] et [k], ainsi qu’une fuite d’air par le nez à l’origine d’un nasonnement caractéristique. Au cours de la déglutition, on observe de même une régurgitation par le nez des aliments et surtout des liquides. De manière beaucoup plus rare, on décrit une entité pathologique désignée sous le terme de myo-

clonie du voile ou vélopalatine. Il s’agit cliniquement de secousses rythmiques rapides du voile du palais diffusant parfois à la face, constantes même durant le sommeil. Elles traduisent une lésion sur le circuit reliant le noyau dentelé cérébelleux homolatéral au noyau olivaire bulbaire controlatéral. Troubles de la phonation et de la déglutition1,2,3,6,7,8 Il ne nous appartient pas ici de décrire les mécanismes complexes impliqués dans la phonation et la déglutition mais plutôt de fournir, en cas d’atteinte de ces deux fonctions, des arguments cliniques en faveur d’une origine neurologique (et d’en déduire le niveau lésionnel). Outre le voile du palais, le pharynx et le larynx interviennent dans ces mécanismes (Fig. 4). Pharynx Le pharynx peut être assimilé à un conduit vertical tapissant en arrière la colonne vertébrale cervicale et ouvert en avant et en haut vers les fosses nasales (nasopharynx ou choane), en avant et en son tiers moyen vers la cavité buccale (oropharynx), en avant et en bas vers le larynx, partie supérieure de la trachée et de l’arbre bronchorespiratoire (hypopharynx). Il se prolonge, à sa partie inférieure, par l’œsophage (bouche de l’œsophage). Il est innervé par le X et accessoirement par le IX. Les muscles du

Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial pharynx sont divisés en deux groupes : les muscles constricteurs (supérieur, moyen et inférieur) commandés par le nerf pneumogastrique et le muscle stylopharyngien, élévateur, essentiellement innervé par le nerf glossopharyngien. Le déficit de la motricité du pharynx se traduit par un trouble de la phase finale de la déglutition (temps pharyngien : fermeture de l’épiglotte) et donc par un risque important de fausse-route. Ce trouble apparaît d’autant plus volontiers que le bol alimentaire est suffisamment fissible pour passer l’étroite filière épiglottique, situation privilégiée lors de la déglutition des liquides et de la salive. En pratique, il n’est pas possible, lors de l’examen boucheouverte du pharynx, de différencier une atteinte du groupe constricteur d’un déficit de l’élévateur. À l’examen, la paroi postérieure du pharynx dévie du côté sain lors de l’émission du son [a] (signe du rideau). Les fibres motrices du IX et du X ont une origine et un trajet contigus si bien que leur atteinte est en règle concomitante. Leurs noyaux moteurs sont regroupés au sein du noyau ambigu, situé en position paramédiane postérieure bulbaire. Les fibres efférentes sortent du bulbe en avant et en dehors de la lame dorsale de l’olive et traversent le crâne au niveau du trou déchiré postérieur (en compagnie de la racine bulbaire du nerf spinal). Le nerf vague forme, avec le nerf spinal bulbaire, le ganglion plexiforme. Les fibres motrices du X à destinée du pharynx (et du voile) sortent du ganglion plexiforme et rejoignent celle du IX dans le plexus pharyngien avant de faire synapse avec les muscles effecteurs. Le premier motoneurone cortical à destination du noyau moteur du IX croise au niveau bulbaire tandis que le faisceau corticonucléaire faisant synapse avec le noyau moteur du X envoie non seulement des fibres qui décussent à l’étage bulbaire mais aussi des fibres homolatérales au premier motoneurone. Ainsi, en termes de motricité pharyngée, on comprend que l’atteinte unilatérale du noyau ambigu entraîne un trouble de la déglutition tandis que l’atteinte d’un faisceau corticonucléaire ne compromet que la commande du muscle stylopharyngien, muscle accessoire, insuffisant à provoquer un trouble de la déglutition. Il faut donc une atteinte des deux voies corticonucléaires à destination des noyaux ambigus pour provoquer une symptomatologie similaire à une lésion bulbaire : c’est le syndrome pseudobulbaire. Celui-ci associe des troubles de déglutition de type bulbaire et des troubles de la phonation uniquement en cas d’atteinte des voies corticonucléaires droite et gauche à destination des noyaux ambigus et en particulier de leur zone médiane (noyau moteur du X). Ce syndrome peut se compléter lorsque les voies corticonucléaires bila-

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térales sont atteintes de manière extensive. Si les lésions touchent les voies de commande de la motricité faciale, le patient a au maximum une diplégie faciale, au minimum une amimie. Enfin s’y associe souvent alors un rire et un pleurer spasmodique par dérégulation de la traduction par la mimique du ressenti émotionnel. Larynx Le larynx constitue la partie initiale et supérieure du tractus respiratoire. Il est composé de l’os hyoïde, d’éléments cartilagineux (cartilage cricoïde, thyroïde – la pomme d’Adam, aryténoïdes, corniculés et de l’épiglotte), de ligaments et de membranes qui maintiennent ces cartilages entre eux et de muscles. Ceux-ci se divisent en deux groupes : les muscles extrinsèques qui amarrent le larynx (et le pharynx) à la langue et à la colonne vertébrale, et les muscles intrinsèques qui assurent les mouvements de fermeture-ouverture du larynx et donc la phonation. Ces derniers sont innervés par deux branches du X auquel s’adjoint le nerf spinal bulbaire (naissant à la partie inférieure du noyau ambigu, il suit le trajet du X du trou déchiré postérieur aux muscles laryngés intrinsèques) : le nerf laryngé inférieur ou nerf récurrent et, plus accessoirement, la branche inférieure (nerf laryngé externe) du nerf laryngé supérieur (Fig. 5). Les deux nerfs récurrents ont des trajets très différents. Le nerf récurrent droit se détache du nerf vague alors que celui-ci chemine verticalement en arrière du principal paquet artérioveineux cervical : carotide primitive en dedans et veine jugulaire interne en dehors. Deux centimètres au-dessus de la division du tronc artériel brachiocéphalique, le nerf récurrent se détache donc et effectue une boucle de l’avant vers l’arrière autour de la portion initiale de l’artère sous-clavière droite (en regard du dôme pleuropulmonaire droit), puis rejoint, en un trajet oblique en haut et en dedans, l’angle trachéoœsophagien droit et la loge thyroïdienne droite. À cet étage, il est donc au contact en dehors avec la face postéro-interne du lobe thyroïdien droit (où il croise sur son trajet la glande parathyroïde inférieure), en dedans avec l’artère thyroïdienne inférieure, en avant avec la trachée et en arrière avec l’œsophage. Il se termine au niveau du larynx où il émet des terminaisons vers tous les muscles intrinsèques hormis le muscle cricothyroïdien. Le nerf récurrent gauche a un trajet encore plus long. Il suit, comme son homologue, la face postérieure du paquet vasculaire artère carotide primitive-veine jugulaire interne, contourne d’avant en arrière la portion horizontale de la crosse de l’aorte, avant de remonter en un trajet globalement vertical dans l’angle trachéo-œsophagien gauche. Son trajet, jusqu’à sa

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H. Taillia et al.

noyau ambigu

branches du X (et IX) à destinée pharyngée (troubles de la déglutition, rideau)

trou déchiré postérieur ganglion plexiforme veine jugulaire interne artère carotide primitive

nerfs laryngés supérieurs : ils croisent sur leur trajet le XII, le ganglion cervical supérieur du sympathique et la carotide interne

thyroïde nerfs vagues trachée en avant œsophage en arrière artère sous-clavière droite

branche supérieure : branche inférieure : sensibilité du larynx nerf laryngé externe, moteur du muscle cricothyroïdien LARYNX moteurs pour les muscles du larynx sauf le muscle cricothyroïdien

tronc brachiocéphalique dôme pleural droit

nerfs récurrents : nerfs laryngés inférieurs

crosse de l'aorte Figure 5 Trajet des nerfs laryngés inférieurs (= nerfs récurrents) et des nerfs laryngés supérieurs.

terminaison, est alors symétrique au nerf récurrent droit. Les nerfs laryngés supérieurs ont des trajets identiques à droite et à gauche. Le nerf laryngé supérieur naît du ganglion plexiforme et se dirige en bas et en dedans vers la paroi latérale du pharynx. Il croise sur sa trajectoire la carotide interne, le ganglion cervical supérieur du sympathique et nerf hypoglosse. Il émet ensuite une branche supérieure, sensitive et une branche inférieure, motrice, le nerf laryngé externe qui va innerver essentiellement le muscle cricothyroïdien du larynx. Le déficit unilatéral de la motricité du larynx est à l’origine d’une voix bitonale caractéristique dont le grand pourvoyeur est la paralysie récurrentielle, en particulier après chirurgie thyroïdienne. Mais, on l’a compris, bien d’autres étiologies peuvent être en cause : atteinte des nerfs laryngés supérieur ou externe, atteinte du nerf vague en amont de la division récurrentielle. L’atteinte récurrentielle peut se voir lors de pathologies aussi variées qu’une dissection aortique (paralysie gauche), qu’une tumeur du dôme pleuropulmonaire droit (paralysie droite), qu’une tumeur œsophagienne ou trachéolaryngée. En laryngoscopie, la corde vocale est en adduction mais parfois, elle est tout de même ouverte par persistance de la commande du muscle cricothyroïdien. L’atteinte du nerf laryngé supérieur ou du nerf laryngé externe, à l’origine d’une paralysie du muscle cricothyroïdien, se traduit par une absence de bascule du cartilage thyroïde sur le cartilage cricoïde. Il s’ensuit une diminution de la

tension des cordes vocales que l’on observe au mieux en laryngoscopie. Lorsque l’atteinte a son origine en amont de la naissance de la branche récurrentielle du nerf vague mais au-dessous du ganglion plexiforme, la symptomatologie s’enrichit de signes neurovégétatifs transmis par le X (tachycardie ou instabilité du rythme cardiaque, modification du rythme respiratoire, toux coqueluchoïde, troubles respiratoires en rapport avec l’atteinte de la motricité diaphragmatique homolatérale, transmise par le nerf phrénique). Le tableau se complète encore lorsque l’atteinte concerne la portion allant du noyau ambigu au ganglion plexiforme : voix bitonale et nasonnée, fausses-routes aux liquides avec régurgitation nasale, signes végétatifs, paralysie de l’hémivoile et de l’hémipharynx (signes du voile et du rideau), signes sensitifs (cf. chapitre suivant : « Sensibilité »). L’atteinte motrice bilatérale du larynx (syndromes bulbaires, pseudobulbaires ou lésions bilatérales sur le trajet des nerfs à destinée laryngée) s’accompagnent d’une aphonie. L’épiglotte n’étant plus mobilisée, une dyspnée ne tarde pas à apparaître. Les autres signes d’accompagnement dépendent du niveau lésionnel.

Sensibilité Sensibilité du visage (Fig. 6) Elle dépend essentiellement des branches sensitives du nerf trijumeau (V), au nombre de trois :4 le

Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial

nerf dentaire supérieur puis nerf sousorbitaire Nerf frontal

nerfs palatins puis ganglion sphénopalatin V1 = nerf ophtalmique de Willis

Gasser - V2

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luette palais pharynx

IX V3

Nerf nasal Nerf lacrymal hélix innervé par le nerf auriculotemporal (branche du V3)

V2 = nerf maxillaire

IX = nerf glossopharyngien V3 = nerf mandibulaire C2-C3

les autres segments auriculaires dépendent du plexus cervical

conque de l'oreille innervée par le VII bis et le X

Figure 6 Sensibilité de la face, de la langue, du palais, de l’arcade dentaire supérieure et de l’oreille (droite).

nerf ophtalmique de Willis (V1), le nerf maxillaire (V2) et le nerf mandibulaire (V3). Ils se partagent la sensibilité du visage hormis une petite zone en regard de l’angle mandibulaire (encoche massétérienne dépendante des racines C2 et C3), le scalp occipito-pariéto-temporal (innervé par les racines C2-C3), et les deux tiers postérieurs de l’oreille (l’antitragus et la conque sont innervés par le nerf intermédiaire de Wrisberg et le nerf vague, la partie médiane et postérieure du pavillon dépendent des racines C2-C3 ; seuls le tragus et la partie antérieure de l’hélix dépendent du nerf auriculotemporal, branche du V3) (Fig. 6). Le territoire du V1 comprend l’œil, la paupière supérieure, le front, le scalp frontal et la racine du nez. Le V1 est formé en dedans du nerf nasal ou nasociliaire qui innerve le dos du nez, la partie interne de la paupière supérieure et l’œil. Il représente la voie afférente du réflexe cornéen : la stimulation tactile de l’œil par gaze stérile (nerf nasal) provoque la fermeture des paupières (nerf facial). En situation médiane, on trouve le nerf frontal (interne et externe) qui innerve la portion médiane de la paupière supérieure, la partie interne et externe du front. En dehors, le nerf lacrymal est responsable de la sensibilité de la région externe de l’orbite et de la paupière supérieure. Les trois branches du nerf ophtalmique de Willis se rejoignent pour traverser la fente sphénoïdale en compagnie des nerfs oculomoteurs (III : nerf oculomoteur ; IV : nerf trochléaire ; VI : nerf abducens)

puis chemine dans la paroi du sinus caverneux, au contact de l’artère carotide interne, avant d’atteindre la partie supérieure du ganglion de Gasser. Ainsi, l’atteinte de l’apex orbitaire, de la fente sphénoïdale ou du sinus carverneux se traduisent, entre autres, par un déficit de la sensibilité dans le territoire du V1. Le territoire du V2 comprend la partie juxtaorbitaire externe, l’ensemble de la joue, de la paupière inférieure à la lèvre supérieure et englobe l’aile du nez. Il traverse l’os malaire par le canal sousorbitaire puis se regroupe avec les nerfs alvéolaires supérieurs et le ganglion sphénopalatin. Le V2 traverse ensuite le crâne au niveau du trou grand rond et rejoint la partie médiane du ganglion de Gasser. La région innervée par le V3 correspond au menton (jusqu’à la lèvre inférieure) et se projette globalement sur la mandibule à l’exception de l’encoche massétérienne d’innervation cervicale. Le nerf mentonnier pénètre dans l’os maxillaire inférieur par le trou mentonnier puis est rejoint progressivement par les rameaux incisifs et dentaires inférieurs dans le canal dentaire (creusé dans la mandibule) où il prend le nom de nerf alvéolaire dentaire inférieur. À son entrée dans le crâne par le trou ovale, il atteint, juste avant d’arriver à la partie inférieure du ganglion de Gasser, le nerf mandibulaire (V3). Le V3 reçoit également les afférences du nerf lingual, nerf gustatif et sensitif des deux tiers antérieurs de la langue et nerf végétatif (le nerf auriculotemporal, qui assure la sensibilité

142 cutanée en regard de la branche montante de la mandibule mais aussi une fonction végétative parotidienne et motrice sur les muscles temporaux ; des fibres végétatives provenant du ganglion otique). Enfin, on rappelle que le nerf mandibulaire est le relais de la branche motrice du nerf trijumeau (cf. chapitre « Motricité du visage »). Le ganglion de Gasser est situé dans le cavum de Meckel puis rejoint la face antérolatérale du tiers médian de la protubérance ou pont. Une partie des fibres sensitives atteignent le noyau sensitif principal du V homolatéral sur les berges du quatrième ventricule. Contrairement aux autres noyaux des nerfs crâniens, le noyau du trijumeau est un noyau triple. En effet les fibres afférentes, sensitives, rejoignent non seulement le noyau principal à l’étage pontique mais aussi le noyau mésencéphalique (en situation périaqueducale en dedans du pédoncule cérébelleux supérieur) et le noyau de la racine descendante (ou noyau spinal) qui s’étend sur toute la hauteur du bulbe et des trois premiers étages cervicaux. Le noyau principal est le relais de la sensibilité tactile discriminative du visage. Le noyau mésencéphalique concentre les informations sensitives proprioceptives médiées par les grosses fibres myélinisées en provenance des fuseaux neuromusculaires des muscles masticateurs. Le noyau de la racine descendante, centre de la sensibilité thermoalgique, possède, au niveau cervical, une somatotopie précise : au niveau C1, terminaison des fibres du V3 ; à l’étage C2, terminaison des fibres du V2 ; à l’étage C3, terminaison des fibres du V1. Pour Kunc (1970) la somatotopie du noyau spinal serait différente. Le visage se diviserait en cercles centrés sur la bouche et discrètement excentrés vers le haut. Au centre (région péribuccale) la sensibilité thermoalgique dépendrait de la partie supérieure du noyau spinal. Le cercle le plus externe (partie inférieure du menton et de la branche horizontale de la mandibule, partie postérieure de la branche montante de la mandibule, tempe et partie supéroexterne du front) relaierait dans la portion la plus caudale du noyau spinal. Enfin à un niveau supérieur, après leurs relais situés au niveau du tronc cérébral, les fibres sensitives du nerf trijumeau font synapse au niveau des différents noyaux avec un second neurone qui décusse immédiatement avant de remonter verticalement vers le noyau ventro-postéro-latéral du thalamus (où il existe aussi une somatotopie). Le neurone thalamique (3e neurone sensitif) se projette au niveau de l’aire sensitive primaire (aire pariétale ascendante controlatérale à l’hémiface testée). L’examen de la sensibilité du visage ne peut donc pas faire abstraction de ces données anatomophy-

H. Taillia et al. siologiques complexes : territoires tronculaires (C2C3, VII de Wrisberg, V), territoires des branches du nerf trijumeau, somatotopie des noyaux sensitifs du V, somatotopie thalamique et corticale. Les troubles de la sensibilité sont divers : douleurs de type névralgique, paroxystiques allant de l’hyperesthésie à l’hyperpathie (retentissement affectif disproportionné à l’intensité de la stimulation), paresthésies, hypoesthésie. Ils sont testés par la piqûre, les tubes d’eau chaude (40-45 °C) et d’eau froide (5-15 °C), le contact avec le coton, la pulpe des doigts de l’examinateur, la sensation vibratoire d’un diapason maintenu sur une crête osseuse (pallesthésie), la discrimination de chiffres tracés sur la peau (graphesthésie), la localisation précise d’une stimulation (topoesthésie) ou d’une double stimulation (compas de Weber permettant de mesurer la distance à partir de laquelle deux stimulations cutanées concomitantes sont perçues séparément). Deux situations pathologiques retiennent l’attention dans l’atteinte de la sensibilité du visage.1,2,8 La névralgie du nerf trijumeau (névralgie faciale) dont on distingue classiquement deux types : la névralgie essentielle qui n’est pas accompagnée d’un déficit sensitif à l’examen et la névralgie symptomatique qui, par définition, est secondaire à une atteinte de tout ou partie des branches trigéminales et donc révèle un déficit à l’examen sensitif soigneux du visage (et de la cavité buccale). La physiopathogénie de la névralgie essentielle est désormais mieux comprise. Elle résulte d’une agression mécanique sur les grosses fibres sensitives myéliniques (intervenant dans le gate-contrôle exercé par ces fibres et jouant un rôle d’atténuation de la perception douloureuse transmise par les fibres sensitives amyéliniques). Les lésions peuvent se situer sur une des branches du trijumeau ou au niveau du ganglion de Gasser. Elles n’abolissent donc en rien la sensibilité mais libèrent seulement la traduction hyperesthésique du signal sensitif. Des calcifications durales au niveau de l’orifice du cavum de Meckel, une simple surélévation du rocher due au vieillissement, un contact avec des artères athéromateuses ou sinueuses (boucle vasculaire) suffisent à déclencher une névralgie faciale essentielle. Cela explique l’efficacité des techniques d’interposition de matériel (intervention utilisant la technique décrite par Janetta) qui abolissent les zones de contraintes mécaniques au contact des fibres myélinisées sensitives. Des techniques plus radicales sont parfois utilisées au prix de séquelles anesthésiques définitives : destruction partielle du ganglion de Gasser ou du ganglion sphénopalatin en cas de névralgie du V2. La deuxième pathologie fréquemment en cause est le zona ophtalmique qui touche l’ensemble du

Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial Sensibilité

Gustation

Proprioceptif : noyau mésencéphalique du trijumeau

Thermoalgique : noyau spinal du trijumeau

143

Droite

Tactile : noyau pontique principal du trijumeau

Gauche

Avant

Bulbe homolatéral Tiers postérieur = IX

Trou déchiré postérieur (avec X et XI) Ganglion d'Andersch (paracarotidien)

Espace sous-parotidien postérieur puis ganglion d'Andersch puis bulbe homolatéral

IX chemine dans l'espace sous-parotidien postérieur puis longe la carotide interne et la veine jugulaire interne

Noyau du faisceau solitaire (bulbe)

Tiers postérieur = IX V lingual constitué de papilles caliciformes

2/3 antérieurs = V3

2/3 antérieurs = V3

Nerf lingual Nerf lingual naît à la partie postéro-inférieure de la langue puis adopte un trajet ascendant au niveau de la dent de sagesse Trou ovale Ganglion de Gasser

Ganglion de Gasser Gencives, dents de la mâchoire inférieure innervées par : le nerf incisif qui chemine d'avant en arrière le long de l'arcade dentaire où le rejoignent les rameaux prémolaires. Il devient alors le nerf dentaire inférieur

Corde du tympan

VII bis

Figure 7 Orientation du diagnostic lésionnel et topographique en fonction des troubles de la sensibilité de la langue ou de la cavité buccale inférieure et de la gustation.

territoire du nerf ophtalmique où l’on peut observer une efflorescence bulleuse caractéristique, mettant parfois en jeu le pronostic fonctionnel de l’œil atteint.

Sensibilité des fosses nasales, de la cavité buccale et goût (Fig. 6, 7) Sensibilité des fosses nasales3,7 Le tiers antérieur des fosses nasales dépend du V1 (ainsi que la dure-mère, le sinus frontal et sphénoïdal), les deux tiers postérieurs des fosses nasales sont innervés par le V2 (ainsi que les cellules ethmoïdales postérieures et une partie du sinus sphénoïdal). L’examen neurologique sensitif des fosses nasales n’est pas courant, mais ne comporte pas de difficultés insurmontables : il se fait à l’aide d’un

coton-tige permettant d’explorer la zone antérieure et la partie avant de la zone postérieure. Il n’apporte cependant que rarement des éléments supplémentaires contributifs aux conclusions de l’examen du voile et de la cavité buccale. Sensibilité de la langue, des gencives et du palais3,4,6,7 La langue peut être divisée en deux parties distinctes séparées entre elles par une frontière matérialisée par le V lingual, à pointe médiane et postérieure, constituée de l’alignement en V de grosses papilles caliciformes. En avant s’étendent les deux tiers antérieurs de la langue ou langue mobile, recouverts de fines papilles et innervés par le nerf maxillaire inférieur. En arrière, la base de la langue, verticale, d’aspect

144 goudronné est innervée par le nerf glossopharyngien. La gencive inférieure, la partie interne de la lèvre inférieure et le pilier antérieur du palais sont innervés par le V3. La muqueuse jugale, le palais, la gencive supérieure et la partie interne de la lèvre supérieure sont innervés par le V2. La pointe de luette, le pilier postérieur et les amygdales sont sous la dépendance du IX. La sensibilité du pharynx est sous la dépendance du nerf glossopharyngien, tandis que le nerf vague est responsable de l’innervation sensitive de l’épiglotte, du larynx et de la trachée. Les voies de la sensibilité trigéminale sont développées dans le chapitre « Sensibilité du visage » (supra). Parmi les branches du V3 impliquées dans la sensibilité de la bouche, nous étudierons principalement le nerf lingual et le nerf dentaire (ou alvéolaire) inférieur. Le nerf lingual qui rejoint le nerf dentaire inférieur juste avant de gagner le ganglion de Gasser est le nerf sensitif (et gustatif) des deux tiers antérieurs de la langue. Au sortir de la face inférolatérale de la langue mobile, il entre en contact avec la glande sublinguale, le canal de Wharton, et avec la glande sous-maxillaire. Puis, en regard de la racine de la dernière molaire, il décrit une boucle à convexité postéro-inférieure avant d’adopter un trajet ascendant vers le ganglion de Gasser. L’extraction des « dents de sagesse » inférieures constitue donc un risque de léser le nerf lingual. Le nerf dentaire inférieur a un trajet relativement parallèle au nerf lingual. À son extrémité initiale, il reçoit le nerf mentonnier mais aussi le nerf incisif (innervation de la canine, des deux incisives et de la gencive adjacente). Dans le canal dentaire intramandibulaire confluent vers lui trois ou quatre rameaux dentaires innervant les prémolaires, les molaires et la gencive adjacente. La partie interne de la lèvre inférieure est innervée dans sa portion cutanée par le nerf mentonnier et dans sa portion muqueuse par le nerf incisif. La partie supéroantérieure de la cavité buccale jusqu’au pilier antérieur et la base de la luette ont une innervation sensitive trigéminale dépendant du V2. L’arcade dentaire supérieure et la muqueuse gingivale adjacente sont innervées par les trois nerfs dentaires antérieur, moyen et postérieur. Ceux-ci décrivent un véritable plexus dentaire envoyant, pour chaque racine dentaire, des filets osseux et muqueux. Ils rejoignent, en un trajet ascendant et discrètement oblique vers l’arrière, le nerf sous-orbitaire. La muqueuse jugale et la face interne de la lèvre supérieure sont innervées par les branches jugolabiales qui gagnent le nerf sous–orbitaire juste après sa traversée de l’os malaire. Les nerfs palatins antérieur, moyen et inférieur, en charge de la sensibilité du palais et des piliers

H. Taillia et al. antérieurs, gagnent le ganglion sphénopalatin, appendu à la partie inférieure du tronc du nerf maxillaire, 2 cm en avant du ganglion de Gasser. Enfin, l’anatomie du nerf glossopharyngien doit être brièvement rappelée. La 9e paire crânienne est un nerf mixte neurovégétatif et sensitif (et gustatif). Un contingent moteur, limité, provenant de la partie supérieure du noyau ambigu, projette ses fibres à destination du muscle stylopharyngien, élévateur du pharynx (Fig. 4), et du styloglosse, muscle accessoire et rétracteur de la langue. Les fibres sensitives proviennent de la partie postérieure du voile du palais, du tiers postérieur de la langue et du pharynx. Les différents filets nerveux pharyngiens et linguaux se regroupent, dans l’espace sous-parotidien postérieur, en un tronc ascendant et oblique vers l’arrière, qui longe le muscle styloglosse. Puis le tronc du IX contourne la carotide interne, passe en arrière et rejoint le ganglion d’Andersch, paracarotidien, pour ensuite pénétrer dans le crâne par le trou déchiré postérieur. Il se trouve donc dans sa portion exocrânienne initiale en contact étroit avec le X, le XI bulbaire, la carotide interne mais aussi la veine jugulaire interne. Il traverse ensuite la citerne pontocérébelleuse avant de rejoindre le bulbe au niveau de la partie supérieure du sillon collatéral supérieur. Les fibres sensitives tactiles du nerf glossopharyngien terminent leur trajet dans le noyau principal du nerf trijumeau, tandis que les fibres conduisant la sensibilité thermoalgique atteignent le noyau spinal du trijumeau. Le contingent sensitif du nerf glossopharyngien représente la voie afférente du réflexe nauséeux qui est donc aboli en cas d’atteinte du IX. Lorsqu’il existe un phénomène irritatif de ce nerf, on assiste à une névralgie du glossopharyngien dont les caractéristiques cliniques ressemblent à celles de la névralgie essentielle du V mais pour un territoire sensitif différent lingual postérieur et pharyngolaryngé. La névralgie du IX est donc électivement déclenchée par la stimulation de ces régions (trigger-zone), par exemple lors de la phonation et de la déglutition. En cas de syringomyélie atteignant les premiers étages médullaires cervicaux, on comprend dès lors la fréquente intrication de névralgies du V et du IX par lésion directe du noyau spinal du trijumeau. Fonctions gustatives7 Le goût est étroitement dépendant de l’olfaction. Sans olfaction (sans retour rétronasal d’air), pas de goût. Il n’existe que quatre critères gustatifs « primaires » à partir desquels se décline à l’infini la palette des goûts des aliments : sucré, salé, amer, acide. À l’aide de substances sapides plus ou moins concentrées, on peut déterminer un seuil de détec-

Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial Glandes lacrymales

Nerf mucolacrymonasal

VII

rameau orbitaire du noyau maxillaire (V2)

ganglion géniculé

Nerf grand pétreux (endocrânien) Nerf vidien (exocrânien)

Anastomose VII-V2

Nerf salivaire supérieur

VII puis VII bis

145

corde du tympan

Noyau lingual (V3)

(juste avant le ganglion otique)

ganglion sphénopalatin (V2)

Muqueuses nasales

Glande sous-maxillaire Glande sublinguale

Anastomose VII bis-V3

Nerf salivaire inférieur

IX

Nerf de Jacobson

Noyau petit pétreux puis ganglion otique (V3)

Noyau auriculotemporal

Anastomose IX-V3 Glande parotide Figure 8 Fonctions neurovégétatives.

tion, un seuil de reconnaissance mais aussi une localisation linguale des sensibilités gustatives. En terme neuroanatomique, les fonctions gustatives sont prises en charge, nous l’avons dit, par le V3 pour les deux tiers antérieurs de la langue et par le IX pour le tiers postérieur de la langue. Les papilles gustatives linguales sont de différentes sortes : papilles caliciformes de gros calibre, constituant le V lingual, papilles fungiformes sur les bords latéraux et la pointe de la langue, papilles foliées en avant du V lingual et sur les bords de la langue. Chaque papille est tapissée, en profondeur, par des bourgeons gustatifs, pièces centrales du dispositif sensoriel gustatif. Il existe des bourgeons du goût non seulement sur la langue mais sur les piliers, l’épiglotte et la paroi postérieure du pharynx. Les zones les plus sensibles n’en demeurent pas moins les bords latéraux et la pointe de langue. Les filets nerveux gustatifs de la langue mobile empruntent le nerf lingual. Juste avant d’atteindre le ganglion de Gasser, les fibres gustatives quittent le tronc du nerf lingual et gagnent par un filet nerveux d’anastomose (la corde du tympan), le VII bis. Celui-ci rejoint le bulbe et se termine dans la partie rostrale du noyau du faisceau solitaire. Les fibres gustatives de la langue verticale empruntent le même trajet que les neurones sensitifs du nerf glossopharyngien. Dans leur trajet terminal, elles rejoignent la partie médiane du noyau du faisceau solitaire. La partie caudale de ce noyau est également le relais de quelques fibres gustatives provenant de la partie postérieure de l’épiglotte dont le trajet suit celui du nerf pneumogastrique. Le deuxième neurone, dont le corps est situé dans le noyau du faisceau solitaire, envoie un axone

qui croise au même étage et rejoint le ruban de Reil médian qui fait relais dans le noyau ventro-postérolatéral du thalamus. Le troisième neurone thalamocortical parvient à la partie inférieure de l’aire pariétale ascendante.

Fonctions neurovégétatives (Fig. 8) Elles comprennent la régulation des sécrétions des glandes lacrymales, de la muqueuse nasale et des glandes salivaires.1,3,7,8 Les nerfs efférents ont pour point commun de prendre leur origine dans des formations végétatives bulboprotubérantielles paramédianes indépendantes, de suivre le trajet du VII (ou VII bis) ou du IX, puis de s’anastomoser et de rejoindre les fibres des branches du trijumeau avant d’atteindre leur cible. La Figure 8 détaille la trajectoire des fibres végétatives de la face. À la lumière de ce schéma, on comprend la fréquente association, comme dans l’algie vasculaire de la face par exemple, d’un larmoiement d’un œil et d’une rhinorrhée de la narine homolatérale. Les fibres régulant ces deux fonctions se rejoignent en effet sur une grande partie de leur trajet (noyau muco-lacrymo-nasal puis nerf grand pétreux). De même, les fibres médiant la sensibilité, la gustation et la salivation (pour les glandes sous-maxillaires et sublinguales) passent toutes par le nerf lingual, expliquant la synergie de ces fonctions.

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Glossaire Amyotrophie : atrophie d’un groupe de fibres musculaires souvent associée à une diminution de force musculaire. La topographie de l’amyotrophie est caractéristique d’une atteinte d’un tronc nerveux ou d’une racine nerveuse. Dissociation automaticovolontaire : troubles de la motricité essentiellement dévoilés lors de la mimique automatique et non sur ordre, dissociation que l’on retrouve dans les paralysies faciales d’origine centrale. Éversion : élévation en haut et en dehors du globe oculaire (lors de l’occlusion palpébrale).

Fasciculations : activité spontanée d’une unité motrice isolée se traduisant par des secousses brèves apparaissant sur le muscle au repos ou favorisée par le froid ou la percussion. Cette activité est la traduction d’un processus pathologique de dénervation correspondant en électromyographie à un potentiel d’unité motrice (PUM) isolé. Myokimies : activité spontanée d’une ou de plusieurs unités motrices se traduisant par des secousses musculaires un peu plus prolongées que les fasciculations. Elles ont une traduction électromyographique différente des fasciculations (battement répétitif d’un ou de plusieurs PUM). Parfois pathologiques, elles correspondent généralement à un mécanisme physiologique plus fréquent chez les sujets anxieux. Spasme hémifacial : contraction involontaire et unilatérale des muscles innervés par le nerf facial, de type tonique ou par secousses cloniques. Il débute habituellement par les paupières puis gagne l’ensemble de l’hémiface. Il peut être primitif ou secondaire à une atteinte du nerf facial. Syncinésies : mouvements produits dans un territoire paralysé à l’occasion de mouvements volontaires effectués dans un autre territoire. Voix bitonale : dissociation du timbre de la voix suivant deux modalités tonales (aigu-grave).

EMC-Dentisterie 1 (2004) 147–158

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Accidents d’évolution des dents de sagesse Evolutive injury of wisdom teeth J.-M. Peron (Professeur de chirurgie) Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, centre hospitalier universitaire de Rouen, hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Lecat, 76031 Rouen cedex, France

MOTS CLÉS Dent de sagesse ; Troisièmes molaires ; Inclusion dentaire ; Évolution anormale ; Péricoronarite ; Cellulites ; Ostéites ; Kystes péricoronaires

KEYWORDS Pericoronaritis; Sinusitis; Osteitis; Third molar

Résumé Les accidents occasionnés par l’évolution des dents de sagesse (DS) sont fréquents dans la pratique courante et sont dominés par les accidents infectieux. L’évolution des DS peut ne pas aboutir à une mise en place normale sur l’arcade dentaire du fait d’un manque de place, ou du fait d’une anomalie dans son cheminement qui nécessite une verticalisation du germe en croissance. Ce cheminement peut se trouver notamment bloqué par la couronne de la 2e molaire qui lui sert de guide. Le résultat est une dent dont une partie de la couronne est visible sur l’arcade et dont le reste est recouvert par un capuchon muqueux ; la même situation se rencontre lorsque la DS subit une désinclusion, c’est-à-dire la mise à nu de sa couronne par récession muqueuse et osseuse. Les péricoronarites sont les accidents les plus fréquents et s’accompagnent habituellement d’adénopathies. Ces accidents peuvent se compliquer de cellulites aiguës qui évoluent au niveau du carrefour oropharyngé et peuvent être une menace grave pour la liberté des voies aériennes. Les autres accidents aigus, telles les stomatites, sont moins fréquents. Les accidents subaigus sont rares, comme les sinusites, les ostéites, voire les thrombophlébites. Parfois, c’est en raison d’un accident mécanique, comme la destruction de la couronne de la 2e molaire, que la DS fait parler d’elle ; il est des cas où la pathologie dont elle est responsable est une découverte fortuite d’examen radiologique des maxillaires : les kystes péricoronaires (dentigères) sont les plus fréquents. Le traitement des accidents infectieux repose sur le traitement de la cellulite ou de tout autre foyer aigu ou subaigu de façon concomitante avec le traitement du foyer causal. Les accidents pseudotumoraux requièrent obligatoirement un examen anatomopathologique de toute pièce d’exérèse ; de même que des prélèvements bactériologiques spécifiques sont indispensables dans toute évolution traînante malgré un traitement primaire bien conduit. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Abstract Accident occasionned by wisdom teeth are frequent in our practice, and mostly due to infection. Achievement of third molar growth needs several factors : a normal tooth bud which evolution will be tutored by the second molar in order to be situated on the right place in the posterior aspect of mandibular arch. Lack of growth of the mandible in an anteroposterior direction, lack of space in the arch, developmental abnormality in the positioning of the tooth germ or an aberrant path of eruption, cause an impaction or a partial eruption. The crown appears to be partially covered by a gum flap, which inflammation causes the most common complication : an acute péricoronaritis, which main symptoms are : pain, limitation of jaw movements, and fever. If it is mis-treated, an abcess can spread in the oropharyngeal area ant threatens the airways. Subacute complications are sinusitis, osteitis are caused by a long-term evolution and favorised by a treatment which neglected the cause of infection. Mecanical complications are also

Adresse e-mail : [email protected] (J.-M. Peron). © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00013-8

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J.-M. Peron frequent : third molars may be responsible for the destruction of the crown of the second molar, to create an area of weackness in angular fractures. Multiplication of X rays permit to discover quiescent impacted teeth wich are surrounded by important dentigerous cysts, which histologic analysis is mandatory in order to eliminate an ameloblastoma. Treatment of these complications include the treatment of the acute pathology without forget the treatment of the responsible tooth. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

Introduction La 3e molaire ou « dent de sagesse » (DS) est, selon Darwin, une dent en voie normale de disparition, etc. Pour l’instant, la pathologie qu’elle est susceptible d’occasionner à un individu, au cours de son évolution, reste un motif de consultation fréquent. Les accidents des DS surviennent au moment de leur éruption physiologique qui se situe, en moyenne, entre 18 et 25 ans : ce sont les accidents d’évolution proprement dits, que l’on distingue du classique accident de « désinclusion » survenant plus tardivement ; leur dénominateur commun est l’infection qui peut entraîner des complications graves, locorégionales ou à distance. En règle générale, c’est la DS mandibulaire qui est la plus grande pourvoyeuse de ce type d’accidents. Les DS peuvent également être responsables d’accidents mécaniques au niveau de la denture de voisinage, ou tumoraux et, dans ce cas, leur découverte peut en être tout à fait fortuite : la DS peut être incluse ou ectopique et n’avoir jamais fait parler d’elle auparavant. L’élaboration de ces dents, leurs conditions d’éruption sur les arcades, leur environnement anatomique, rendent compte des situations pathologiques habituellement rencontrées.

Élaboration des dents de sagesse Vers la 16e semaine de vie intra-utérine, à l’extrémité distale de la lame dentaire primitive, apparaissent des digitations épithéliales qui formeront les germes des 2e et 3e molaires permanentes : la première molaire définitive occupe la partie terminale postérieure de cette lame et son iter dentis est rattaché à la crête gingivale. Les ébauches des deux dents suivantes apparaissent comme des dépendances des dents qui les précèdent : la 2e molaire se différencie à partir du bourgeon de la 1re molaire et celui de la DS à partir de celui de la 2e molaire. Leur iter dentis est rattaché au gubernaculum de la 1re molaire et non à la gencive. Cette dent apparaît ainsi comme une dent de « rempla-

Figure 1 Position des germes dentaires au stade de l’organe en « cloche », d’après Cantaloube :2 1 : Muqueuse buccale ; 2 : lame dentaire ; 3 : sac folliculaire ; 4 : papille mésenchymateuse ; 5 : organe de l’émail.

cement » de la dent précédente, qui va cependant évoluer derrière elle et non la rhizalyser pour prendre sa place (Fig. 1). En effet, après la formation de leur couronne, ces deux dents migrent progressivement vers la gencive en se verticalisant au contact de la face distale de la molaire précédente, décrivant la classique « courbe de Capdepont ».

Anomalies d’évolution des dents de sagesse et leurs conséquences Normalement, le processus de verticalisation aboutit à l’éruption de la dent en bonne position sur l’arcade ; l’épithélium gingival se continue sans interruption avec l’épithélium péricoronaire qui disparaît au moment de la mise en place définitive de la couronne. Puis la couronne va à la rencontre de ses antagonistes, tandis que se termine l’édification des racines et du parodonte. Le premier écueil à ce bon ordonnancement est le manque de place sur l’arcade pour l’évolution de la dent : pour la 2e molaire, l’espace postérieur est le plus souvent suffisant ; ce n’est pas toujours le cas pour la DS inférieure notamment, coincée sous le bord antérieur de la branche montante par insuffisance de l’espace rétromolaire. De plus, cette dent se met en place à un moment où l’os mandibulaire est mature : elle va devoir traverser un os particulièrement compact dans cette région. Le deuxième écueil peut être l’impossibilité pour la DS inférieure de se verticaliser complètement,

Accidents d’évolution des dents de sagesse

Figure 2 Blocage dans la concavité du système radiculaire de la 2e molaire.

même en présence d’un espace rétromolaire suffisant : un redressement d’axe trop important pour la dent en formation peut être incriminé, de sorte que la dent n’achève pas son trajet et sa couronne reste enclavée sous le collet de la dent de 12 ans ; de plus, à une obliquité potentiellement défavorable du germe se surajoute le développement vers l’arrière de l’arc mandibulaire, qui entraîne également vers l’arrière l’ébauche des racines en les incurvant (Fig. 2). Bien sûr, c’est sans compter une éventuelle malformation du germe, une détérioration traumatique, voire iatrogène lors de l’avulsion d’une 2e molaire, ou une tumeur bénigne qui lui ferme le chemin (Fig. 3). Au maxillaire, l’absence d’obstacle osseux permet à la DS de faire plus facilement son éruption, soit en bonne position, soit plutôt en vestibuloversion sur le versant inféroexterne de la tubérosité. Pour expliquer l’inclusion de cette DS, en dehors d’une pathologie du germe dentaire, Cauhépé évoque le rôle de la sangle musculotendineuse ptérygoïdienne qui conditionnerait l’orientation de croissance de l’os alvéolaire tubérositaire et repousserait en avant la DS. En fait, les deux étiologies qui viennent d’être exposées (manque de place, défaut de verticalisation) paraissent le plus souvent s’intriquer. Il faut y ajouter le processus de « désinclusion » qui intervient plus tardivement, après l’âge normal d’éruption : il s’agit alors plutôt d’un « dégagement » secondaire de la dent, dû à une récession gingivale et osseuse, ou causé par l’infection d’une poche parodontale développée sur la face distale de la 2e molaire.

149 Ainsi, quel que soit le mécanisme incriminé, la résultante finale est une DS dont la couronne est plus ou moins complètement exposée sur l’arcade ; la partie restante est recouverte par un « capuchon muqueux » ; la porte est ouverte aux accidents infectieux, dont la pathogénie reste discutée. La théorie de Capdepont attribue un rôle essentiel à la formation d’une cavité péricoronaire au niveau de laquelle une prolifération bactérienne est à l’origine des complications : la DS oblique en avant vient buter sur la couronne de la 2e molaire, ce qui provoque l’écrasement et l’ouverture du sac péricoronaire. Une cavité se forme alors entre la muqueuse buccale et le sac folliculaire qui a fusionné avec elle. Cette cavité est le lieu d’une stagnation salivaire, d’accumulation de débris alimentaires et de bactéries à l’origine d’une inflammation puis d’une suppuration qui ne peut s’évacuer complètement en raison du capuchon muqueux qui fait obstacle en persistant partiellement sur la couronne de la dent. Pour d’autres, la survenue de l’infection est due à la présence d’un kyste péricoronaire, cavité réelle qui apparaît lors de la constitution de la dent avant la fusion avec la muqueuse gingivale. Cette théorie expliquerait pourquoi certaines DS sont à l’origine d’accidents de désinclusion tandis que d’autres, dont la situation anatomique est comparable, ne sont jamais à l’origine d’accidents d’évolution. Cela a été confirmé histologiquement par de nombreux auteurs. Cliniquement, la présence d’une cavité se vérifie en tentant d’introduire une sonde entre la couronne dentaire et la muqueuse qui la recouvre (Fig. 4). L’hypothèse selon laquelle l’apparition d’un kyste péricoronaire pourrait être favorisée par un obstacle mécanique n’est pas non plus exclue. Enfin, la région de la DS, difficilement accessible à un brossage rigoureux, est à l’origine de lésions carieuses fréquentes. Ces lésions carieuses peuvent aussi survenir sur une dent incluse ou enclavée et conduire à la mortification et à ses complications.

Environnement anatomique des dents de sagesse Dent de sagesse supérieure

Figure 3 Odontome barrant la route de 48.

De forme très variable, souvent naine, elle est située dans la partie postéroexterne de la tubérosité du maxillaire entre la 2e molaire supérieure en avant, l’espace ptérygomaxillaire, en arrière et plus particulièrement, à ce niveau, la sangle musculotendineuse formée par les ptérygoïdiens, le

150

J.-M. Peron En dedans, le voile du palais est situé à l’aplomb de la tubérosité du maxillaire et de l’aile interne de l’apophyse ptérygoïde. En haut et en avant, elle est en rapport avec le fragile plancher du sinus maxillaire (Fig. 5).

Dent de sagesse inférieure

Figure 4 Conditions réelles de la péricoronarite sur les 3e molaires inférieures, d’après Cantaloube :2 A. Ancienne conception scolaire, classique depuis Capdepont : ouverture du « sac folliculaire » ou de la « cavité virtuelle péricoronaire » considérée comme un caractère anatomique constant ; péricoronarite secondaire. B. Réalité anatomique normale (habituelle) : présence de l’attachement épithélial adhérant fortement à l’émail ; absence de cavité ; absence de péricoronarite. C. Réalité pathologique (accidentelle) : présence d’un kyste d’éruption (péricoronaire, intrafolliculaire) préexistant : l’ouverture du kyste dans la bouche provoque la péricoronarite.

ligament ptérygomaxillaire et le buccinateur, qui cravate la tubérosité maxillaire. En dehors, elle est contiguë au muscle buccinateur et à la boule graisseuse de Bichat.

Elle est moins inconstante dans sa forme que son homologue supérieure ; ses rapports anatomiques sont complexes. En avant, la 2e molaire est le rapport primordial rencontré par la DS : guide dans son évolution normale, ou obstacle plus ou moins infranchissable. Comme au niveau de l’arcade maxillaire, l’environnement parodontal de cette dent est important à prendre en compte. En arrière, c’est la corticale osseuse dense du trigone rétromolaire ou du bord antérieur de la branche montante mandibulaire qui la recouvre parfois en tout ou partie. En bas, elle est en rapport avec le canal mandibulaire et son contenu vasculonerveux, expliquant les difficultés chirurgicales rencontrées lors des avulsions et ce, d’autant qu’il existe une dysmorphose radiculaire, une malposition ou une inclusion dentaire. En haut, elle est bien entendu en rapport avec ses homologues antagonistes ; en cas de rétention ou d’inclusion, elle n’est pas recouverte par de l’os alvéolaire, mais par un os compact comme nous l’avons vu. En dehors, la DS est classiquement à distance de la corticale externe et ce, d’autant qu’elle est plus évoluée sur l’arcade. L’angle mandibulaire est recouvert par la puissante sangle massétérine et les espaces de glissement celluleux situés au contact de la face externe de la branche montante mandibulaire. Par ailleurs, il existe une particularité anatomique régionale qui est la gouttière buccinatomaxil-

Figure 5 Panoramique de « débrouillage » montrant : l’intimité des rapports entre le bas-fond sinusien et les DS supérieures ; le kyste marginal postérieur sur 48 ; la destruction de la couronne de 37 occasionnée par 38.

Accidents d’évolution des dents de sagesse

151

b

c

a g

d

Figure 7 Péricoronarite aiguë.

f

e

Figure 6 Muscle buccinateur et région génienne, d’après Ginestet. a : Base de l’os malaire ; b : fosse ptérygomaxillaire ; c : fosse canine (muscles zygomatiques) ; d : vestibule buccal ; e : abcès de Chompret et L’Hirondel ; f : fusée vestibulaire du précédent ; g : espace interptérygoïdien.

laire qui vient s’ouvrir en avant dans la région génienne au niveau du quadrilatère de moindre résistance de Chompret (Fig. 6). En dedans, la DS est en relation plus ou moins intime avec la corticale interne sur laquelle est plaqué le nerf lingual ; ses apex se situent sous la ligne d’insertion du muscle mylohyoïdien ; elle est toute proche de l’espace para-amygdalien qui est le carrefour stratégique des régions celluleuses cervicofaciales en continuité avec les espaces médiastinaux. Cette situation au sein d’un carrefour de régions anatomiques profondes est importante à retenir. Pour ce qui est de la diffusion d’une infection, la position anatomique de la DS (incluse et plus ou moins inclinée suivant différents plans de l’espace, ou ectopique) peut influer dans une certaine mesure sur la localisation initiale ; en fait, tous les espaces communiquent, ce qui rend potentiellement dangereux tout accident infectieux de cette région.

Elle se manifeste par une douleur spontanée de la région rétromolaire. L’examen retrouve une muqueuse rouge, œdématiée, laissant apparaître une partie de la couronne de la DS. La pression est douloureuse et peut faire sourdre un liquide sérosanglant. Les empreintes des cuspides de la dent antagoniste peuvent être observées sur ce capuchon muqueux (Fig. 7). Dès ce stade, la radiographie panoramique permet de se rendre compte des possibilités d’évolution de la dent incriminée, ainsi que de la situation des autres DS. L’évolution est variable : soit l’accident guérit avec la mise en place de la dent sur l’arcade ; soit se constitue un des tableaux suivants. Péricoronarite aiguë suppurée C’est le classique « accident de la DS », qui succède à la péricoronarite congestive ou en constitue l’épisode inaugural. Le sac péricoronaire est le siège d’une infection (Fig. 8). Le patient se plaint de douleurs plus intenses, qui deviennent insomniantes, avec otalgies violentes. La péricoronarite s’accompagne d’un trismus, d’une dysphagie, d’une gêne à la mastication et parfois d’une fébricule. Malgré le trismus, on peut

Accidents infectieux Péricoronarites Péricoronarite aiguë congestive C’est une inflammation du sac péricoronaire et de la fibromuqueuse adjacente survenant au cours de l’éruption de la dent dans la cavité buccale. Sa symptomatologie est celle rencontrée lors des accidents de dentition, mais elle est exacerbée.

Figure 8 Péricoronarite suppurée.

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Figure 10 Mortification d’origine carieuse sur dent de sagesse ectopique, révélée par une cellulite.

Figure 9 Péricoronarite chronique.

observer une muqueuse rouge, œdématiée jusqu’au pilier antérieur et au sillon gingivojugal. Il existe une adénopathie régionale douloureuse. La pression extrêmement douloureuse du capuchon muqueux laisse sourdre un liquide purulent. Chaque accident permet à la dent de se dégager un peu plus lorsqu’il régresse ou bien évolue vers une abcédation ou le passage à la chronicité. Péricoronarite chronique (Fig. 9) Les douleurs s’atténuent, avec quelques périodes de réchauffement qui sont parfois traitées médicalement sans geste sur la porte d’entrée. Une adénopathie sous-maxillaire est fréquente, indolore. Dans cette forme, il existe une suppuration chronique du sac péricoronaire entraînant une fétidité de l’haleine.

Accidents muqueux Ils succèdent ou accompagnent une péricoronarite. On décrit des ulcérations de la région du trigone rétromolaire, des gingivostomatites de gravité variable, allant de la gingivite érythémateuse aux formes ulcérées et ulcéromembraneuses. Dans ce cadre, citons la forme classique décrite par Chompret : la « stomatite odontiasique » : c’est une gingivite érythémateuse qui évolue très rapidement vers une forme ulcérée et se propage à une hémiarcade, voire aux deux. Elle s’accompagne d’une altération de l’état général, avec asthénie, fièvre et anorexie liée à la douleur, et d’une réaction ganglionnaire. Ces gingivostomatites peuvent se compliquer d’une angine ulcéromembraneuse de Vincent homolatérale et de pharyngites.

Accidents cellulaires5 Ils compliquent une péricoronarite qui échappe au traitement ou qui a été négligée ; l’infection se

propage en sous-gingival vers les espaces celluleux adjacents. Ils peuvent être provoqués également par la mortification de la DS due à la carie, même sur dent complètement incluse (Fig. 10), ou à une atteinte parodontale profonde (cul-de-sac parodontal entre 2e et 3e molaires) ; l’infection se propage par voie transosseuse. Ces infections peuvent être aiguës circonscrites, diffuses d’emblée, ou subaiguës. Cellulites aiguës Nous rappelons ici les différentes formes cliniques qui peuvent s’observer à partir d’un accident d’évolution des DS. Cellulites à évolution externe Abcès buccinatomaxillaire de Chompret-L’Hirondel C’est le classique « abcès migrateur » ; il se forme en dehors et en avant. La collection chemine dans le tissu cellulaire compris entre la table osseuse externe et le buccinateur ; le soulèvement muqueux vestibulaire, parfois discret, est centré en regard de la dent causale. Au bout de quelque temps se développe une tuméfaction génienne appliquée sur la partie moyenne de la face externe de la mandibule, alors que les régions mentonnières et angulaires sont libres. L’examen clinique et radiographique de l’arcade dentaire homolatérale ne retrouve pas de dent mortifiée et objective le foyer causal ; la pression de la collection externe qui permettrait de voir sourdre du pus dans la région de la DS est caractéristique. Abcès massétérin Il va se collecter en arrière et en dehors. Sa symptomatologie est dominée par un trismus serré, des douleurs violentes qui rendent l’examen difficile : la collection fait corps avec la face externe de l’angle mandibulaire, tandis que la tuméfaction vestibulaire se situe en dehors du bord antérieur de la branche montante. Le danger est la diffusion de la collection vers les espaces infratemporaux et vers la face interne de la mandibule via l’échancrure sigmoïde. La séquelle classique de ce type

Accidents d’évolution des dents de sagesse d’abcès est la constriction permanente due à l’involution fibreuse des masses musculaires régionales. Cellulites à évolution interne Elles sont graves de par leur retentissement précoce et rapidement évolutif sur la filière respiratoire. L’abcès sous-mylohyoïdien est responsable d’une collection qui fait corps avec le bord basilaire de la branche horizontale mandibulaire, puis s’étend vers l’espace sus-hyoïdien latéral pour évoluer vers les téguments cervicaux. L’abcès sus-mylohyoïdien donne une tuméfaction collée à la table interne de la branche horizontale. Les signes fonctionnels sont importants : douleur, trismus, dysphagie ; leur exacerbation rend compte de la diffusion de la collection vers le plancher buccal et l’oropharynx : c’est l’urgence en matière de pathologie due aux DS. Cellulites postérieures Inaugurales, ou plus souvent extension de la cellulite sus-mylohyoïdienne, elles en partagent le même pronostic évolutif. Elles se collectent au niveau de la face interne de la mandibule, soulevant le pilier antérieur et le voile et sont à distinguer du phlegmon périamygdalien. Le danger est la possible diffusion du processus infectieux vers le médiastin via l’espace sousparotidien antérieur. Il a été décrit une forme de cellulite plus spécifique à la DS supérieure,6 le phlegmon susamygdalien de Terracol : la tuméfaction siège audessus de l’amygdale, sous forme oblongue, soulevant une muqueuse lisse et rouge ; le trismus est beaucoup plus modéré. Le danger reste la diffusion aux espaces parapharyngés. Cellulites diffuses Elles peuvent constituer l’évolution d’une cellulite circonscrite et sont alors qualifiées de « diffusées » ; elles s’opposent aux cellulites d’emblée diffuses, qui sont des fasciites nécrosantes au pronostic très défavorable du fait de leur toxicité et du fait de leur extension rapide aux tissus cervicaux et médiastinaux. Cellulites subaiguës Le patient se plaint d’une tuméfaction persistante ou en augmentation de volume, évoluant depuis plusieurs semaines ; l’épisode infectieux initial n’a pas conduit à un traitement étiologique. La tuméfaction sous-cutanée angulaire est sensible, mais devient inflammatoire, douloureuse au moment des poussées, avec constitution d’un véri-

153 table blindage sur la face externe de la mandibule ; bien entendu, l’ouverture buccale se limite au cours de cet épisode. Une fistule cutanée ou muqueuse peut être observée avec écoulements purulents itératifs, pérennisant cette évolution chronique. La dent en cause est désignée par la constatation d’une masse corticale externe au contact d’un foyer de péricoronarite. Ce tableau peut être dû à un traitement incomplet ; mais bien plus, sa persistance, voire son passage à la chronicité doit faire évoquer un tableau d’infection spécifique, ou tumoral, et faire pratiquer les prélèvements indispensables.

Accidents ganglionnaires Ils accompagnent une inflammation ou une infection muqueuse ou cutanée. Les premiers relais ganglionnaires des régions molaires et rétromolaires sont les ganglions sous-angulomandibulaires et sous-maxillaires. Adénite congestive Elle est banale : cette petite tuméfaction sensible de la région sous-maxillaire attire l’attention du patient chez qui s’installe une péricoronarite aiguë. Les ganglions sont augmentés de volume, sensibles à la palpation, souples. Cette adénite peut parfois évoluer vers la suppuration. Adénite suppurée La péricoronarite causale ne cède pas et se surinfecte. Le ganglion satellite devient franchement douloureux, augmente rapidement de volume et devient rénitent. Une réaction inflammatoire localisée masque ses contours. Des signes généraux (fièvre, asthénie) s’installent. Non traitée, ou chez un malade aux défenses immunitaires altérées, elle peut évoluer vers un adénophlegmon. Adénophlegmon C’est la diffusion de l’infection aux espaces celluleux adjacents de l’adénite. Il se manifeste par une tuméfaction très douloureuse, insomniante, sousmandibulaire mal limitée dissimulant les reliefs de la mandibule. Le patient est gêné par un trismus serré par atteinte du masséter, voire par un torticolis par contracture du muscle sterno-cléidomastoïdien. Les signes généraux sont marqués avec fièvre, frissons et asthénie. Localement, la peau est inflammatoire. La zone ganglionnaire, centrale, est dure et extrêmement sensible, la zone périphérique est œdémateuse et garde le godet. Le diagnostic différentiel est celui d’une cellulite sousmylohyoïdienne en début d’évolution, qui reste à vrai dire le diagnostic le plus évoqué de nos jours.

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Accidents osseux Comme tous les accidents infectieux, ils sont essentiellement observés au niveau mandibulaire. Ostéite subaiguë Elle se constitue rarement d’emblée ; elle s’installe dans les suites d’un accident infectieux d’évolution lente (Fig. 11) et doit faire rechercher un facteur favorisant local (irradiation cervicale) ou général (immunodépression, diabète). Ostéite chronique Elle est rare ; elle provoque une tuméfaction de l’angle mandibulaire sensible, recouverte par des téguments érythémateux, peu inflammatoires, où peut parfois être observée une fistule cutanée. Il peut exister une anomalie de la sensibilité dans le territoire du nerf alvéolaire inférieur. La radiographie montre des corticales épaissies entourant un foyer de densification osseuse ; au maximum se trouve ainsi réalisée une forme hyperostosante (Fig. 12).

Figure 13 Refoulement de la cavité sinusienne (muqueuse sinusienne saine).

La survenue d’une ostéite reste enfin une complication classique de l’avulsion d’une DS, après alvéolite, fracture, etc.

Accidents sinusiens

Figure 11 Ostéite sur suppuration chronique d’un kyste péricoronaire.

La DS supérieure est en relation avec le sinus maxillaire ; mais c’est surtout la mortification de cette dent après évolution sur l’arcade qui est responsable de sinusites et non un accident d’évolution. La pathologie sinusienne d’origine dentaire évolue essentiellement selon un mode subaigu ou chronique, se traduisant par des signes unilatéraux (obstruction nasale, jetage plus ou moins purulent avec cacosmie). Même en cas de très volumineux développement, un kyste péricoronaire refoule à sa périphérie une cavité sinusienne, dont la muqueuse est en règle générale saine, et n’est pas, en général, responsable d’infection sinusienne (Fig. 13).

Accidents vasculaires d’origine infectieuse Exceptionnelles, mais gravissimes, les thrombophlébites craniofaciales peuvent survenir par embolie septique ou suppuration chronique. Leur localisation est, soit superficielle, facio-ophtalmique, soit profonde, ptérygoïdienne. Elles peuvent, en l’absence de traitement, aboutir à de graves séquelles oculaires, ou nerveuses.

Accidents infectieux à distance Figure 12 Ostéite hypertrophique de la branche montante gauche due à une péricoronarite chronique (kyste marginal postérieur).

Dès lors que la pathologie dont est responsable une DS constitue un tableau d’infection subaiguë ou chronique, une infection focale à distance par dis-

Accidents d’évolution des dents de sagesse

Figure 14 Destruction de la 2e molaire.

sémination vasculaire peut être redoutée. Partant de ce foyer, les bactériémies peuvent contaminer le cœur (endocardites sur pathologie valvulaire ou autre), le rein (greffons, glomérulonéphrites), l’appareil pulmonaire (infections à répétitions), l’œil (uvéites, iridocyclites) ; l’infection autour de prothèses orthopédiques a été également signalée.1

Accidents mécaniques Leur survenue permet souvent de révéler la présence d’une DS incluse ou enclavée.

Lésions de la face distale de la 2e molaire Ces accidents sont d’autant plus probables que la DS est en situation mésioversée et bloquée par la 2e molaire. L’appui continu de la couronne de la 3e molaire sur la face distale de la 2e peut provoquer des lésions carieuses du collet ou de la couronne (Fig. 5, 14). Lorsque l’appui et les phénomènes de pression s’effectuent plus bas au niveau de la racine de la dent, ils peuvent provoquer une rhizalyse et conduire à la mortification ; bien souvent se constitue également une alvéolyse localisée aboutissant à la création d’un foyer parodontal difficile d’accès pour les soins d’hygiène et dont les conséquences ont été précédemment évoquées.

155 mésiale provoquée par les DS : à ce jour, aucune preuve scientifique ne peut venir confirmer ce point de vue.1,7 Il en est de même des troubles des articulations temporomandibulaires considérés comme la conséquence de ces modifications d’articulé (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé [Anaes]) ; cependant, l’expérience clinique montre que des douleurs des articulations temporomandibulaires peuvent être mises sur le compte d’une modification de la cinétique mandibulaire apparaissant lors du contact douloureux du capuchon muqueux inflammatoire par la dent antagoniste ; il s’agit d’une occlusion de convenance temporaire qui s’installe à titre antalgique.

Lésions muqueuses mécaniques L’éruption en position vestibulaire de la DS supérieure est responsable de traumatismes de la muqueuse jugale qui peuvent probablement être évoqués, par leur chronicité, dans l’installation de lésions leucoplasiques, voire plus agressives.6 Les prothèses adjointes sont parfois accusées de favoriser la désinclusion de DS : la muqueuse est détruite entre la couronne dentaire et la prothèse ; bien souvent, il est observé une ankylose entre les racines de la DS et l’os environnant éburné.

Fragilisation de l’angle mandibulaire La présence d’une DS inférieure incluse au niveau de l’angle mandibulaire rompt les lignes de résistance de cette région et constituerait logiquement une zone de fragilité par laquelle passe le trait de fracture. L’étude de Lee confirme le fait que la présence d’une DS double le risque de fracture angulaire ; elle montre, en revanche, qu’il n’y a pas de corrélation significative entre la position de la dent incluse et le pourcentage de risque.4 Bien sûr, la DS incluse dans le foyer reste une menace d’infection à prendre en compte dans le traitement d’une fracture angulaire.

Troubles de l’articulé dentaire

Accidents kystiques

La pression d’éruption des DS, surtout lorsqu’elles sont en position mésioversée, peut être à l’origine de rotations et chevauchement au niveau des secteurs prémolaires et molaires ; il s’agit d’une dysharmonie dentomaxillaire postérieure. En revanche, l’existence d’une dysharmonie dentomaxillaire antérieure, se traduisant notamment par un chevauchement incisif, était classiquement considérée comme la résultante d’une force

Kystes marginaux et latéraux Ils se forment à partir du sac péricoronaire. Le kyste marginal postérieur se développe à la face distale de la couronne de la DS inférieure et forme, sur la radiographie, un croissant clair encochant la branche montante (Fig. 5, 15). Le kyste marginal antérieur se situe à la face antérieure de la couronne d’une DS inférieure en

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Figure 15 Kyste marginal postérieur.

version mésiale et forme un croissant radioclair sous la couronne de cette dent ; il est difficile de le distinguer d’un foyer parodontal, bien banal dans cette situation. Le kyste latérodentaire se développe à la face vestibulaire des racines ou de la couronne de la dent. Sur la radiographie, l’image kystique est superposée à celle des racines.

Kystes dentigères (péricoronaires)

Ils se constituent par accumulation de sérosités entre la couronne de la dent déjà formée et l’épithélium de l’émail devenu inactif, ou bien, ils pourraient se former en dehors du follicule dentaire, aux dépens d’îlots épithéliaux de voisinage inclus dans le conjonctif. Ils sont parfois diagnostiqués fortuitement : une radiographie panoramique est demandée dans un bilan systématique et permet de découvrir une lésion qui évolue sans doute depuis longtemps et n’a jamais occasionné de souci particulier. Le plus souvent, un retard d’éruption dentaire asymétrique, l’apparition d’une tuméfaction, volontiers de siège mandibulaire (Fig. 16A), la survenue d’un épisode infectieux périmaxillaire conduisent à demander le bilan radiographique. L’image observée est radioclaire, régulière, presque toujours uniloculaire, avec un liseré de condensation périphérique ; elle englobe la couronne de la dent incluse, les parois du kyste venant s’insérer à son collet. On peut observer une rhizalyse des dents adjacentes, traduisant l’évolution lente et progressive du kyste (Fig. 16B), et parfois un refoulement des germes ou des dents adjacentes de la dent causale. Selon la taille du kyste, la dent peut se trouver en situation ectopique, refoulée dans le condyle mandibulaire, le coroné ou dans le sinus

Figure 16 A. Kyste péricoronaire de l’angle mandibulaire gauche, tuméfaction osseuse et déplacement dentaire. B. Kyste péricoronaire de l’angle mandibulaire gauche, destruction osseuse régulière et rhizalyse des dents voisines.

maxillaire, avec un kyste qui l’occupe en entier. L’examen anatomopathologique de toute la pièce opératoire est indispensable3 pour confirmer le diagnostic et surtout éliminer une greffe améloblastique. De façon très exceptionnelle, il a été rapporté le développement d’un carcinome épidermoïde ou mucoépidermoïde à partir de l’épithélium kystique.

Autres accidents Toute une symptomatologie hétéroclite a pu être qualifiée d’accidents dus aux DS et rangée sous l’appellation « accidents réflexes », prenant en compte le fait que les DS se situent dans des régions richement vascularisées et innervées par les nombreuses branches du nerf trijumeau ; la physiopathologie des maladies évoquées fait appel à des phénomènes vasomoteurs, ou d’irritation réflexe, pour expliquer : les troubles trophiques (pelade), musculaires (spasme, tic, torticolis), sécrétoires

Accidents d’évolution des dents de sagesse (sialorrhée, larmoiement), vasculaires (érythème, acouphènes), neurologiques (algie inexpliquée, hypoesthésie, paralysie faciale ou oculaire). Aujourd’hui, ce concept est pour le moins controversé ; pour ce qui concerne la DS inférieure, au terme d’une étude bibliographique exhaustive, l’Anaes conclut (en 1997) « qu’il n’existe aucun argument scientifique prouvant la relation de cause à effet entre la présence d’une 3e molaire mandibulaire en désinclusion et l’une quelconque de ces manifestations ».1 À l’évidence, le problème est de dépister une cause systémique ou locorégionale, notamment tumorale profonde, devant des signes sémiologiques disparates.

Traitement Nous avons vu que les accidents d’évolution des DS étaient nombreux dans leur localisation et leur type. Nous ne détaillons pas la prise en charge thérapeutique de chaque type d’accident mais les grandes lignes de traitement, notamment des complications infectieuses qui sont les plus fréquentes. Dans tous les cas, l’indication d’extraction de la DS responsable ne peut être posée qu’après un bilan clinique et radiologique permettant de se rendre compte d’éventuelles difficultés opératoires et d’en apprécier le possible retentissement général, ou fonctionnel locorégional, dont on avertira le patient.

Traitement des complications infectieuses Péricoronarites Un premier accès de péricoronarite congestive nécessite des soins locaux comportant des bains de bouche antiseptiques, la prescription d’antalgiques et l’application méticuleuse d’acide trichloracétique dilué sur le capuchon muqueux inflammatoire. L’acide trichloracétique peut causer très rapidement des brûlures de la muqueuse adjacente et il faut veiller à ne pas toucher lèvres et muqueuses en insérant le coton imbibé dans la cavité buccale. Lorsque les accès se répètent, l’indication d’avulsion de la dent causale est posée à froid. Les péricoronarites suppurées nécessitent une antibiothérapie visant les streptocoques et les germes anaérobies ; il peut être recommandé en première intention les associations macrolidemétronidazole ou bêtalactamine-métronidazole, prescrites en plus des antalgiques et bains de bouche habituels. C’est à froid que l’avulsion de la DS est réalisée.

157 Lésions carieuses Lorsque celles-ci sont importantes et ne sont pas accessibles à une restauration, l’avulsion est indiquée. Accidents muqueux Les ulcérations répétées conduisent le plus souvent à l’avulsion de la DS causale. Quant aux gingivostomatites, leur lien avec l’évolution d’une DS n’est pas toujours évident en l’absence de signes locaux. Un traitement symptomatique est préconisé, mais c’est l’absence d’amélioration ou la récidive qui fait poser l’indication d’avulsion. Accidents cellulaires [5] Les cellulites aiguës causées par les DS sont dangereuses parce qu’elles intéressent, comme nous l’avons vu, les structures postérieures de la cavité buccale et de l’oropharynx ; elles sont préoccupantes aussi parce que difficiles à prendre en charge parfois de façon simple, en raison de leur retentissement sur l’état général, du trismus gênant le geste opératoire, ou lorsque des difficultés d’avulsion sont prévisibles du fait de la morphologie et/ou de la situation de la dent. En effet, le geste étiologique sur la porte d’entrée infectieuse est l’extraction de la dent, mais aussi l’ablation de tout le tissu habituellement fongueux et inflammatoire qui s’est développé autour de l’inclusion ; cela pour rappeler également que ce n’est pas l’antibiothérapie qui est le traitement de la porte d’entrée. Au stade de cellulite séreuse, l’avulsion peut être encore parfois effectuée sous anesthésie locale, sinon il vaut mieux procéder comme dans le cas suivant d’autant plus que l’état général est atteint par la durée d’évolution, la douleur, la fatigue du patient, etc. Au stade de cellulite suppurée, le drainage de la collection est nécessaire en urgence, sous anesthésie générale : c’est la seule façon de soulager efficacement le patient, en réalisant d’emblée un traitement complet. Une analyse bactériologique permet d’adapter l’antibiothérapie. Ce schéma de traitement complet en un temps s’impose quand un foyer infectieux doit être impérativement éradiqué du fait d’une pathologie générale associée ; il est recommandé en cas d’évolution traînante, subaiguë, encore trop souvent due à la prescription isolée d’une antibiothérapie à l’aveugle. Accidents ganglionnaires Leur traitement est confondu avec celui de la dent causale ; ils régressent sous antibiothérapie le plus

158 souvent. L’adénophlegmon collecté requiert un drainage chirurgical. Accidents osseux En règle générale, l’abord chirurgical du foyer est indiqué pour prélèvements bactériologiques standard et spécifiques, biopsies, et éradication du foyer causal ; parfois, le geste osseux associé est d’emblée une séquestrectomie. Le traitement antibiotique doit être adapté, mais délicat en raison du faible tropisme osseux des antibiotiques. Cette antibiothérapie à doses efficaces est donc prolongée. Dans certains cas, un curetage du foyer d’ostéite, une décortication, sont indiqués, encadrés par l’antibiothérapie. Le traitement d’une anomalie générale pouvant favoriser le développement de l’ostéite doit évidemment être mis en œuvre. Accidents sinusiens Leur traitement comporte une antibiothérapie, la suppression de la cause, c’est-à-dire l’avulsion de la DS. Parfois, une ponction-drainage du sinus s’impose. La survenue d’une communication buccosinusienne est à redouter dans les suites d’accidents sinusiens ; elle doit être prévenue par une fermeture buccosinusienne soigneuse lors de l’avulsion de la dent causale et après avoir éradiqué tout foyer infectieux sinusien, sous peine d’échec et de passage à la chronicité. Accidents vasculaires d’origine infectieuse Leur diagnostic nécessite la mise en route en urgence d’une antibiothérapie intraveineuse massive et d’un traitement anticoagulant. Accidents infectieux à distance Sur des terrains favorisant la survenue de greffe bactérienne, comme les patients valvulaires, l’avulsion sous antibioprophylaxie des DS en désinclusion est préconisée.

Traitement des accidents mécaniques Lésions de la deuxième molaire Après avulsion de la DS traumatisante, son avulsion dépend des possibilités de restauration endodonti-

J.-M. Peron ques et bien évidemment du degré d’atteinte de l’environnement parodontal causé par la mésioversion de la DS. Fractures de l’angle mandibulaire L’avulsion est recommandée, sauf lorsqu’elle compromet la stabilité de la réduction ; une surveillance attentive doit être instituée dans l’évolution secondaire de la fracture. L’indication d’avulsion est recommandée après consolidation de façon concomitante avec l’ablation du matériel de contention.

Traitement des accidents kystiques Leur traitement est chirurgical et comprend l’énucléation kystique soigneuse et l’avulsion de la DS en cause. Parfois, l’avulsion des dents adjacentes refoulées par le kyste est nécessaire si les conditions d’exérèse ne sont pas satisfaisantes sans ce geste.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 159–178

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Traumatismes dentaires et alvéolaires Injuries of the teeth and alveolar bone A. Tardif, (Chef de clinique-assistant) *, J. Misino, (Ancien chef de clinique-assistant), J.-M. Péron, (Professeur de chirurgie maxillofaciale et stomatologie) Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, CHU de Rouen, hôpital Charles Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France

MOTS CLÉS Fractures dentaires ; Luxations dentaires ; Traumatismes osseux ; Lésions des parties molles ; Vitalité pulpaire ; Surveillance ; Certificat médical

KEYWORDS Dental fractures; Dental luxations; Dental avulsions; Injuries of the bone and soft tissues; Pulpal vitality; Follow-up; Medical attestation

Résumé Touchant enfants comme adultes avec des évolutions et des implications différentes, les traumatismes dentaires et/ou alvéolaires sont des lésions fréquentes motivant la consultation d’un praticien, souvent en urgence, puis la collaboration entre stomatologues ou chirurgiens maxillofaciaux et dentistes. La difficulté réside en la nécessité d’un diagnostic et d’une prise en charge précoces (parfois impossibles à obtenir en cas de polytraumatisme ou éloignement d’un spécialiste), mais est également liée à la nature du terrain : enfants, détresse vitale associée, état buccodentaire médiocre... Quoi qu’il en soit, l’évolution de ces lésions est imprévisible et une grande retenue devra être faite, même en cas de succès apparent, auprès du patient ou de sa famille. Compte tenu des implications fonctionnelles, cosmétiques et financières en cas d’échec du traitement, la rédaction rigoureuse du certificat médical initial est d’une importance capitale. Une surveillance attentive est indispensable : hebdomadaire en début de traitement, elle s’étendra ensuite sur plusieurs années. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Abstract Even if implications are different in children or adults, injuries of the teeth and alveolar bone represent reasons to consult in emergencies department, stomatology or maxillo-facial surgery unit, dentistry unit. Diagnosis must be immediately determined and treatment quickly achieved to obtain success, but difficulty consists in particular situations : children, vital prognosis, poor dental condition... However, lack of foresight is constant, even if success seems to be occurred, and must be explained to the patient or his family. Primary medical attestation is an important thing to give with prescription. Follow-up is essential : weekly in the beginning, up to several years. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

Généralités Contexte clinique Les traumatismes dentaires et alvéolaires sont des motifs fréquents de consultation en urgence.1 Sol* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Tardif). © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00014-X

licitant souvent les médecins des services d’accueil, ils sont idéalement gérés lorsque le recours à un spécialiste de la cavité buccale est possible, celui-ci possédant les compétences requises et le matériel adéquat. L’examen systématique d’un blessé devrait toujours comporter au moins une inspection de la cavité buccale et notamment des organes dentaires. Il n’en est pas toujours ainsi, surtout en cas de

160 lésion vitale prédominante où la priorité est donnée au traumatisme crânien ou thoracoabdominal. Le diagnostic est alors porté tardivement, compromettant grandement les chances de succès du traitement. La situation est légèrement différente lorsque le polytraumatisme englobe des lésions de la région maxillofaciale, car l’intervention précoce du spécialiste fait rapidement bénéficier le patient d’un examen complet de la cavité buccale.33 De même, le diagnostic de fractures alvéolodentaires est parfois posé fortuitement à la lecture de clichés radiographiques de la face ou du crâne demandés de manière systématique chez un traumatisé inconscient. Les patients présentant un traumatisme dentaire isolé représentent un groupe à part, dans la mesure où ils font eux-mêmes le diagnostic de leurs lésions et consultent spontanément. Les chances maximales de succès sont pourtant inégales et varient en fonction du délai avec lequel ils rencontrent le praticien qui débutera le traitement ou bien selon les conditions de conservation de l’organe traumatisé. Enfin, il est habituel d’avoir à faire le diagnostic rétrospectif de traumatisme dentaire devant un tableau de cellulite circonscrite que n’explique aucune lésion carieuse ou parodontale : bien souvent le traumatisme dentaire est méconnu, notamment chez l’enfant qui ne le signale pas..., ou considéré comme bénin et négligé par le blessé ou l’entourage.

Physiopathologie Les enfants représentent une population à risque pour les traumatismes dentaires et alvéolaires,24 mais les maturations osseuse et dentaire évoluent tout au long de la croissance et, selon le stade de leur évolution, ces deux structures offrent des résistances différentes aux agents vulnérants. En denture temporaire Entre 6 mois et 3 ans, il existe une forte croissance des maxillaires, et le remodelage osseux important aboutit à la formation d’un os alvéolaire peu dense et peu minéralisé, donc malléable, favorisant les luxations des organes dentaires plutôt que les fractures. Par ailleurs, le retard de croissance de la mandibule par rapport au maxillaire génère une proalvéolie supérieure relative qui expose préférentiellement les incisives supérieures. C’est également durant cette période, vers l’âge de 3 ans, que les rapports entre apex de la dent lactéale et germe de la dent définitive sont les plus étroits, menaçant de blessure ce dernier, ou provoquant

A. Tardif et al. simplement l’ouverture de son sac, en cas d’ingression de la dent temporaire.36 Entre 3 et 6 ans, l’enfant acquiert la vitesse de déplacement, et les risques ne font que s’accroître lorsque il est scolarisé. Les chocs peuvent être directement transmis à la dent, mais il est fréquent de voir des traumatismes occasionnés par une chute alors que l’enfant portait un objet dans la bouche, entraînant dans le même temps des atteintes muqueuses et osseuses, notamment au niveau du palais. À cet âge, l’os alvéolaire reste malléable et les attaches parodontales lâches, la racine est raccourcie par la rhizalyse physiologique : tous ces facteurs privilégient toujours les luxations dentaires par rapport aux fractures. Les ingressions dentaires restent fréquentes, tout comme les versions palatines ou vestibulaires. Avec la résorption progressive de la racine, on voit diminuer le risque de complications pour l’os alvéolaire et le germe de la dent définitive. En denture mixte Pendant cette période qui s’étale en moyenne entre 6 et 12 ans, les incisives centrales supérieures sont les premières à apparaître et restent les plus touchées par les traumatismes. Mais durant les premières années, l’édification radiculaire en cours confère quelques spécificités : la racine courte permet les luxations, même si l’os alvéolaire devient plus compact et plus résistant aux déplacements latéraux et axiaux ; le canal radiculaire est large et protège le paquet vasculonerveux des forces de cisaillement et de la strangulation par l’œdème post-traumatique ce qui évite le plus souvent la mortification pulpaire. Les lésions fracturaires des organes dentaires apparaissent avec l’allongement des racines et la densification osseuse. En denture permanente À partir de l’adolescence, la denture définitive est édifiée et les conséquences d’un traumatisme alvéolodentaire sont plus lourdes. Ce sont les activités sportives qui semblent générer le plus d’accidents chez les sujets jeunes. À tout âge, rixes et agressions sont des causes fréquentes de fractures et luxations dentaires. L’adulte partage également tous ces facteurs de risque, auxquels il faut ajouter le vieillissement physiologique de la denture, des tissus de soutien et parfois le mauvais état buccodentaire. Il existe alors quelques causes iatrogènes telles que l’intubation endotrachéale anesthésique (où la luxation des incisives centrales supérieures est possible surtout en cas de parodontolyse associée), ainsi que les avulsions dentaires si les instruments sont utilisés de manière inappropriée.

Traumatismes dentaires et alvéolaires Il est classique de dire que la proalvéolie supérieure favorise la survenue de tels accidents, les incisives étant alors particulièrement exposées aux agents vulnérants du fait de leur vestibuloversion. Les traitements orthodontiques plus largement développés tendent à réduire actuellement ce risque. En revanche, le port d’appareillage modifie l’histoire naturelle des traumatismes dentaires, tantôt en assurant une contention solide qui limite dans une certaine mesure les dégâts, tantôt, au contraire, en mobilisant en bloc un groupe dentaire à distance du point d’impact. Après 12 ans, les lésions des tissus de soutien et des organes dentaires s’équilibrent donc et sont déterminées par les caractéristiques des agents vulnérants : Les projectiles de faible masse percutant des dents nues à vitesse rapide aboutiront aux fractures coronaires radiculaires ou mixtes. Le processus carieux majore ce risque. Les agents contondants, lourds et à déplacement lent, surtout s’ils percutent des dents protégées par des tissus mous tels que les lèvres, engendreront des luxations. Avec l’âge, le vieillissement des tissus parodontaux favorise le retour des luxations quelle que soit la nature du traumatisme.

Épidémiologie Il est évident qu’il existe une sous-estimation de l’incidence et de la prévalence des traumatismes dentaires parce que, d’une part les patients ne viennent pas tous consulter, et d’autre part, les lésions ne sont pas toutes diagnostiquées. Ce sont néanmoins des affections fréquentes : pour Gineste,20 un individu sur dix a été victime d’un traumatisme dentaire ou alvéolodentaire à l’âge de l’adolescence, et pour Delattre,10 cela concerne 13,6 % des enfants de 6 à 15 ans. La fréquence de ces traumatismes diminue d’ailleurs avec le vieillissement des sujets : 50 % avant 10 ans pour 30 % entre 10 et 30 ans.17 Pour Gassne,17 les traumatismes dentaires accompagnent 48,25 % des traumatismes craniofaciaux et se répartissent essentiellement en accidents de circulation (10 à 54 % selon les séries), agressions (13 à 48 %) et sports (6 à 33 %), les accidents domestiques et du travail représentant une part négligeable. Jeux de ballons, sports de combat, équitation et cyclisme sont les activités les plus citées. Récemment, VTT, patins en ligne, skate-board et trottinette ont corrigé à la hausse des chiffres que la diminution des accidents de circulation avait contribué à faire baisser. Il existe une écrasante prédominance masculine, même si le sex-ratio est variable selon les circons-

161 tances de survenue, variant de 1/1 pour les accidents domestiques chez l’enfant à 1/10 pour les accidents du travail (1/2 pour les traumatismes sportifs et 1/8 pour les agressions).

Prévention Elle est applicable à plusieurs niveaux et nécessiterait un effort collectif. Concernant le patient Elle se limite à la pratique des sports. Beaucoup d’entre eux ne requièrent pas de protection dentaire, même en compétition : c’est le cas du cyclisme, du patinage ou de l’équitation où le casque ne protège que le crâne et pas la face. Dans les sports de ballon ou de combat, le port de protègedents est préconisé voire obligatoire, et les différentes études mettent en évidence la nette supériorité des protections personnalisées réalisées par des odontologistes sur les protections thermoformées du commerce.31 Il importe de réaliser un fenêtrage qui permet une respiration buccale tout en gardant les mâchoires serrées : cette zone de faiblesse est palliée par l’inclusion d’une armature rigide ; de même, pour la plongée, il faudrait adapter l’embout respiratoire à la cavité buccale du plongeur. Enfin, le traitement des dysmorphies faciales peut être considéré comme un moyen indirect de prévention des traumatismes dentaires et alvéolaires. Concernant l’entourage Il s’agit plutôt d’une prévention des complications, c’est-à-dire d’une prévention secondaire alors que le traumatisme est survenu. Le but est donc de former les catégories de population susceptibles d’être confrontées aux traumatismes dentaires. En premier lieu, les professeurs des écoles : certains d’entre eux connaissent la conduite à tenir en urgence, la majorité des autres est demandeuse de formation.4 Il en est de même des moniteurs sportifs qui reçoivent les informations nécessaires au cours de leur tronc commun.18 Enseigner aux parents serait l’idéal mais paraît illusoire devant le trop grand nombre. Enfin, le personnel des professions para-médicales et tous les médecins devraient connaître les principes de traitement d’urgence.

Examen du sujet Comme pour toute pathologie ou traumatisme, il se doit d’être méthodique et systématisé. Après avoir

162 installé confortablement et rassuré la victime, cet examen débute par un interrogatoire qui est un temps capital dans la démarche diagnostique. Inspection et palpation sont suivies de clichés radiographiques, souvent multiples. C’est à ce terme qu’a lieu la rédaction du certificat médical initial.

Anamnèse La première partie de l’interrogatoire concerne l’accident à proprement parler : le praticien s’enquiert alors des date, heure et lieu de survenue, perte de connaissance initiale. Il se renseigne également sur l’agent vulnérant, car ses différentes caractéristiques (consistance, direction, point d’impact, cinétique...) peuvent orienter vers tel ou tel type de lésions. Les conditions de survenue, accident de la vie privée ou causé par un tiers, de loisir ou de sport de compétition, du travail, agression, ont un rôle déterminant sur les conséquences juridiques et l’indemnisation du préjudice. Les questions sont ensuite orientées vers le sujet et ses antécédents médicochirurgicaux : interventions chirurgicales antérieures, pathologies connues, troubles de l’hémostase, allergies médicamenteuses, traitements en cours, statut vaccinal notamment contre le tétanos. La notion de traitements buccodentaires en cours ou passés est importante à recueillir pour déterminer un « état antérieur » à l’actuel traumatisme. Enfin, le recueil des signes fonctionnels est une bonne étape de transition entre interrogatoire et examen clinique : existence de douleurs et conditions d’apparition (chaud, froid, alimentation, position), paresthésies ou anesthésie dans un territoire précis, plaintes associées concernant d’autres organes. Impossible chez le polytraumatisé ou le sujet souffrant de troubles neurologiques, cette étape du diagnostic est également délicate chez l’enfant, surtout si celui-ci n’est pas accompagné de proches parents munis du carnet de santé. Effectivement, le traumatisme récent a tendance à rendre les enfants mutiques ou au contraire très agités, donc peu coopérants pour l’interrogatoire comme pour l’examen physique. Chez eux, il est indispensable de commencer par rassurer la mère, ce qui a pour effet de calmer l’enfant.

Examen clinique Celui-ci est idéalement réalisé par un spécialiste de la cavité buccale parce qu’il requiert un matériel adéquat : le fauteuil inclinable et le scialytique permettent une excellente inspection de l’ensemble de la bouche, plus difficile pour l’arcade den-

A. Tardif et al. taire supérieure. Ce matériel est rarement disponible dans les services d’accueil et d’urgences, où l’alternative consiste à examiner un patient en décubitus à la lumière d’un miroir frontal. Il convient d’avoir à portée de main, outre des gants d’examen, une aspiration douce, car les gingivo- ou stomatorragies sont fréquentes. Le praticien utilise un miroir dentaire, une sonde, une pince « précelle », du coton et une bombe réfrigérante pour tester la vitalité pulpaire, des compresses. Du matériel pour réaliser une anesthésie locale est nécessaire, même s’il n’est utilisé le plus souvent qu’au moment du traitement des lésions. Sur un patient préalablement rassuré et calmé, surtout s’il s’agit d’un enfant, et chez lequel la douleur a été atténuée par une prise médicamenteuse, on débute par une inspection globale de la cavité buccale et de ses annexes (versant cutané puis muqueux des lèvres). Toutes les lésions doivent être soigneusement analysées puis consignées sur le certificat médical initial, comme celles des tissus mous (lèvres, gencives, langue) qui sont trop souvent oubliées. L’inspection globale des organes dentaires apprécie l’ampleur des dégâts et notamment l’absence de couronnes, pour laquelle il faudra définir s’il s’agit de luxation totale ou de fracture radiculaire avec racine restante. L’observation des dents en place analyse leur coloration (normale, grisâtre pour une mortification ancienne, rosée pour une fracture récente), leur position ou variation d’axe traduisant un déplacement dont le caractère ancien ou récent peut être reconnu par l’étude des facettes d’usure. L’examen des couronnes recherche une fêlure ou fracture et toute amputation, même minime, est notée. La palpation est un temps de l’examen plus délicat à réaliser, car le patient craint que le praticien ne réveille une douleur qui s’était spontanément atténuée. Comme pour l’inspection, il est important de ne pas oublier les structures annexes : on recherche un éventuel corps étranger, dentaire ou non, au sein des plaies des lèvres, dont on apprécie également la sensibilité au toucher. Les bases osseuses sont examinées à la recherche d’une fracture associée, par exemple en palpant le bord basilaire mandibulaire ou la cinétique des condyles dans les deux régions prétragiennes. La mobilité des dents est testée manuellement ou à l’aide de la précelle, et l’amplitude des mouvements possibles dans les divers plans de l’espace est cotée. Chaque dent est examinée indépendamment et le déplacement d’un groupe dentaire en monobloc fait suspecter une fracture de l’os alvéolaire. En revanche, en cas de mobilité d’une seule dent, il faut différencier les mouvements de la

Traumatismes dentaires et alvéolaires couronne (signe de fracture coronoradiculaire) des mouvements de la dent dans son ensemble (qui traduisent une luxation incomplète). Enfin, l’examen se termine par les tests de vitalité pulpaire des dents suspectées traumatisées et des dents attenantes. Parmi les différentes possibilités (électricité, température...), c’est le test au froid qui semble être le plus utilisé. Les réponses sont inscrites sur un schéma qui doit absolument être daté ; en fait, ce n’est pas la réponse actuelle qui importe le plus mais son évolution avec le temps : certaines dents initialement insensibles peuvent retrouver une vitalité normale (phénomène de sidération nerveuse), le contraire est également possible, et comme la mortification pulpaire entraîne un cortège de complications, il faut savoir la dépister précocement.

Examen radiographique C’est lui qui permet le plus souvent d’affirmer le diagnostic, mais il n’est pas toujours réalisable de manière aussi complète que le praticien le voudrait. Le très jeune enfant, agité car anxieux, ne se soumet pas toujours à ces examens qui nécessitent une immobilité parfaite. Le polytraumatisé ne peut pas bénéficier de l’apport du cliché panoramique dentaire réalisé en orthostatisme ou éventuellement chez un patient assis. Néanmoins, dans la majorité des cas, l’accès à une séquence d’examens est possible et nous décrirons ici les clichés idéaux et leurs alternatives. Le cliché « panoramique des maxillaires » possède l’avantage de montrer sur un seul film radiologique l’ensemble des deux arcades dentaires, leurs bases osseuses alvéolaires et basilaires, les branches montantes mandibulaires et les articulations temporomandibulaires. Il représente un excellent cliché de débrouillage en permettant de recenser les dents manquantes ou de dépister les fractures mandibulaires associées. La qualité des images est meilleure à la mandibule qu’au maxillaire en raison d’artefacts provoqués par les cavités aériennes sus-jacentes. Les clichés rétroalvéolaires qui viennent au besoin compléter l’examen précédent apportent des renseignements plus précis. En cas de doute, il est important de multiplier ces clichés sous diverses incidences afin de mettre en évidence un trait de fracture suspecté par le seul examen clinique. Ils permettent de visualiser plus précisément la structure de l’organe dentaire, l’état de la chambre pulpaire et le degré d’édification radiculaire, ainsi que l’os alvéolaire et l’espace ligamentaire. De ces clichés, on peut rapprocher les clichés endobuccaux occlusaux ou « mordus » qui sont également

163 Tableau 1 Classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et ses références. Fractures Coronaires

Coronoradiculaires

Radiculaires Luxations Contusions Subluxations

Avulsions Fractures des procès alvéolaires Dilacérations gingivales

-Éclats de l’émail : N 873.60 -Simples : N 873.61 -Expositions pulpaires : N 873.62 -Simples : N 873.64 -Expositions pulpaires : N 873.64 N 873.64 N 873.66 -Intrusions/extrusions : N 873.67 -Luxations latérales : N 873.66 Avulsions Mandibulaires : N 802.20 Maxillaires : N 802.40 N 873.69

utiles pour le dépistage notamment de fractures incomplètes des structures osseuses, qui n’apparaissent pas toujours sur la radiographie panoramique. En cas d’impossibilité de réaliser ces radiographies, il convient de demander des images en « maxillaires défilés » (incidences obliques qui dégagent en deux clichés les hémimandibules droite et gauche), une « face basse » qui visualise tout l’arc mandibulaire ou une incidence de Blondeau pour mettre en évidence la région centrale de l’arcade maxillaire.

Classification La classification la plus utilisée, celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (Tableau 1), a le mérite de la simplicité. Elle décrit avec précision les lésions des tissus de soutien : procès alvéolaires et gencive. En revanche, elle ne mentionne pas la topographie des fractures radiculaires qui, selon la hauteur, ont des implications thérapeutiques différentes. Elle ne fait pas état non plus de la possibilité de fêlure de l’émail, atteinte qui passe trop souvent inaperçue. C’est pourquoi, nous lui préférons une classification descriptive plus complète (Tableau 2) qui distingue les atteintes ligamentaires, dentaires, osseuses et des tissus mous périphériques : c’est

164 Tableau 2

A. Tardif et al. Classification plus complète utilisée pour la description anatomique des lésions.

Atteintes des tissus de soutien

Atteintes de l’organe dentaire

Contusions Subluxations

Intrusions Extrusions Déplacements latéraux

Avulsions Fêlures Éclats de l’émail Fractures sans exposition pulpaire Fractures avec exposition pulpaire

Lésions osseuses

Lésions des tissus mous

Alvéolaires périradiculaires Alvéolaires sus-apexiennes Fractures d’os basilaire Fractures de l’épine nasale antérieure Dilacérations gingivales Plaies de la langue Plaies des lèvres Lésions des muqueuses jugales

cette classification qui sert de trame à notre étude anatomoclinique. Enfin, il faut rappeler que le traumatisme dentaire ou dentoalvéolaire ne prend de valeur que replacé dans son contexte : état parodontal correct ou défectueux, denture définitive, lactéale ou mixte, traumatisme isolé ou associé à d’autres lésions, surtout si elles engagent le pronostic vital du patient. Il nous a donc paru nécessaire de parfois regrouper des lésions anatomiquement différentes mais débouchant sur une même conduite à tenir : simple surveillance de la vitalité, restauration anatomique a minima, geste endodontique nécessaire, avulsion obligatoire, et ainsi de proposer une classification originale selon l’attitude thérapeutique adoptée initialement : celle-ci est donnée (Tableau 3) dans le chapitre réservé au traitement. Tableau 3

Transversales ou obliques de la couronne Longitudinales coronoradiculaires Transversales ou obliques de la couronne Coronoradiculaires Radiculaires du tiers cervical Radiculaires du tiers moyen Radiculaires du tiers apical

Anatomie descriptive Lésions des tissus de soutien Contusions Souvent décrites avec les luxations, les contusions en représentent en fait le premier stade, à ce détail près que leur diagnostic n’est pas évident à la simple inspection, du fait de l’absence de déplacement de la dent dans son alvéole. Elles correspondent à un traumatisme, le plus souvent par compression ou écrasement, des fibres ligamentaires qui unissent la dent à son os alvéolaire. Les phénomènes inflammatoires qui en découlent sont responsables d’un œdème d’autant plus néfaste qu’il se produit en vase clos dans l’espace inextensible de l’alvéole, entraînant des phénomènes d’isché-

Gestes initiaux à réaliser en fonction des situations rencontrées.

Simple surveillance de la vitalité pulpaire

Restauration coronaire d’emblée Traitement endodontique immédiat Dépulpation à distance Avulsion en urgence

Contusion isolée Fêlure de l’émail Ingression d’une dent lactéale Subluxation réduite et stable Éclat de l’émail Fracture sans exposition pulpaire Exposition pulpaire douloureuse Avulsion avec long délai extraoral ( cf. tableau 4) Constatation d’une mortification secondaire Luxation dans un contexte de parodontose dépassée Dents porteuses de lésions irréversibles Luxation instable d’une dent lactéale chez le tout jeune enfant

Traumatismes dentaires et alvéolaires

165

B2

A2 A1

B1

Figure 1 Rapports entre les germes des dents définitives et les apex des dents temporaires chez l’enfant. A1, A2 : de 1 à 3 ans ; B1, B2 : à partir de la 4e année.3

mie du desmodonte et, par répercussion, de la pulpe dentaire. Si ces phénomènes sont réversibles, on assiste dans un premier temps à une diminution ou une disparition de la vitalité pulpaire, qui se normalise progressivement dans les jours ou les semaines qui suivent : on parle alors de sidération pulpaire. Plus grave est la compression prolongée du paquet vasculonerveux aboutissant à la mortification pulpaire, responsable à distance d’accidents infectieux. Cliniquement, cet accident de compression des fibres ligamentaires se traduit par des douleurs d’intensité modérée spontanément, mais qui s’intensifient lors des mouvements et manœuvres axiales (occlusion ou percussion) pour rappeler les signes cliniques de la desmodontite, classique « dent trop longue ». Il n’existe pas de mobilité dentaire et les tests de vitalité pulpaire ne sont pas fiables initialement. Le cliché rétroalvéolaire peut montrer un élargissement de l’espace desmodontal. En cas de traumatisme isolé, il convient de surveiller pendant 6 semaines au minimum la vitalité pulpaire ; l’évolution confirmant la non-réponse aux tests à distance de l’épisode, il importe de réaliser une trépanation de la dent avec pulpectomie et obturation canalaire pour éviter la survenue d’épisodes infectieux. Chez l’enfant, la contusion dentaire ne présente que peu de spécificité : elle reste rare pour des dents à racines non édifiées, laissant la place, dans ce cas, à la luxation ou subluxation. De plus, dans un canal radiculaire large, l’œdème est responsable d’une ischémie moins sévère de la pulpe et entraîne probablement moins souvent une mortification. Ingressions dentaires Cette forme de luxation axiale semble être l’apanage des incisives supérieures lactéales chez des

enfants âgés de 1 à 3 ans car l’os alvéolaire fragile et la présence du germe définitif favorisent la pénétration de la dent dans le maxillaire. Si la pénétration est complète, l’absence de dent sur l’arcade peut faire croire à une luxation totale, et c’est le cliché radiographique qui fait le diagnostic de l’ingression. Il tente alors de préciser les rapports entre la dent ingressée et le germe de la dent définitive dont l’embrochage peut avoir de fâcheuses conséquences sur son évolution. En fait, la situation est plus complexe puisque, selon l’âge de survenue du traumatisme, les rapports entre dent temporaire et germe varient (Fig. 1) et les lésions attendues sont différentes. C’est entre 1 et 3 ans que les rapports entre ces deux organes sont les plus étroits (le sac qui contient le germe est à l’aplomb de l’apex dentaire) et les lésions les plus préoccupantes : il n’est pas rare que le télescopage des deux structures entraîne une modification de l’axe radiculaire de la dent définitive qui aboutit à l’éruption d’une dent mal positionnée, ou bien une blessure du germe qui se traduit par l’éruption d’une dent hypoplasique (Fig. 2). Avant 1 an, l’apex de la racine de la dent lactéale est plus vestibulaire que le germe et les lésions de celui-ci sont rares. À partir de 4 ans, la

Figure 2 Dysplasie dentaire survenue sur des incisives centrales supérieures à l’état de germes et blessées par l’ingression des apex des dents temporaires.

166 rhizalyse est suffisamment avancée pour que les lésions induites par la pénétration de la dent temporaire soient plus importantes sur celle-ci que sur le germe de la dent définitive. Quoi qu’il en soit, la surveillance est de mise et la migration de la dent impactée permet le plus souvent son retour sur l’arcade en quelques semaines à quelques mois. Il convient d’émettre les plus grandes réserves quant à l’avenir de la dent permanente, dont l’éruption est guettée en analysant sa position, sa forme et sa coloration, ainsi que sa vitalité : ceci doit être parfaitement compris par les parents. L’impaction des dents définitives est plus rare et volontiers incomplète, ce qui rend le diagnostic clinique plus facile. En revanche, elle s’accompagne toujours de dégâts alvéolaires par « éclatement », perceptibles à la palpation vestibulaire sous forme d’une voussure osseuse irrégulière, et confirmés par le cliché rétroalvéolaire. Les tests de vitalité pulpaire sont souvent perturbés et leur surveillance doit être prolongée jusqu’au repositionnement de la dent sur l’arcade (au minimum 6 semaines). Égressions dentaires Cette forme de traumatisme correspond bien à la notion de luxation puisqu’il existe effectivement une perte des rapports normaux alvéolodentaires, ainsi qu’une lésion plus ou moins sévère du ligament qui les unit (les luxations totales sont traitées à part). Parmi les cas d’égression partielle, il faut différencier les simples étirements du ligament des déchirures dont le pronostic est probablement plus sévère. Dans les cas les plus limités, a priori plus favorables, l’hématome qui remplit l’espace alvéolodentaire fait place à un tissu de granulation réparateur « favorable » à une cicatrisation ligamentaire ; le faible déplacement de la dent n’engendre qu’un étirement du pédicule vasculonerveux, avec de moindres conséquences à long terme sur la vitalité pulpaire. L’inspection retrouve une dent sortie de son alvéole, mobile, associée à une hémorragie au collet gingival. Le cliché radiographique montre un élargissement, parfois asymétrique, de l’espace alvéolodentaire ; il doit éliminer une fracture radiculaire et/ou de l’os alvéolaire. Les tests de vitalité pulpaire sont fréquemment perturbés, mais bien souvent il ne s’agit que d’une simple sidération nerveuse, et tout revient dans l’ordre dans un délai de quelques jours à quelques semaines. Parfois, lorsque le déplacement a été plus important, la subluxation aboutit à la mortification pulpaire et un traitement endodontique devient nécessaire.

A. Tardif et al. La difficulté de cette catégorie de traumatismes réside en la présence du caillot ligamentaire qui fait obstacle à la réimpaction dentaire tentée par le praticien avant fixation de la dent. Déplacements latéraux Beaucoup plus fréquents dans le sens antéropostérieur que dans le sens mésiodistal, ils représentent la variété la plus fréquente de luxations incomplètes. Les subluxations de dents lactéales sont fréquentes car favorisées par la rhizalyse et l’approche de la chute physiologique. Chez l’adulte, c’est la parodontolyse avec résorption de l’os alvéolaire qui est pourvoyeuse de déplacements dentaires. À l’examen, c’est la malposition de la dent qui fait porter le diagnostic ainsi que la mobilité de la couronne. La version peut être palatine ou vestibulaire. Il existe également une hémorragie au collet gingival. Les manœuvres de mobilisation sont inutiles et douloureuses, et c’est le cliché rétroalvéolaire ou le cliché occlusal antérieur qui confirme le diagnostic, en montrant l’intégrité de la racine et un élargissement asymétrique de l’espace desmodontal. L’état de l’os alvéolaire est tout aussi important à préciser. Une fois encore les tests de vitalité pulpaire ne sont que peu contributifs le jour du traumatisme, car leur négativité peut correspondre à un phénomène de sidération nerveuse et l’évolution peut se faire spontanément vers leur normalisation. À l’opposé, leur positivité initiale n’est que faussement rassurante et ne doit pas dispenser du suivi habituel en raison de la possibilité de mortification secondaire de la pulpe. Luxations totales Elles correspondent au stade ultime des luxations, et le diagnostic est d’autant plus facile que le patient ou sa famille se présente avec la dent expulsée de son alvéole. Dans le cas inverse, le diagnostic différentiel d’ingression dentaire reste à poser, et c’est à nouveau le cliché radiographique qui confirme l’hypothèse d’avulsion en montrant un alvéole déshabité.34 Lorsque la dent n’a pas été retrouvée, il importe de s’assurer qu’elle n’a pas été inhalée par le patient : l’interrogatoire recherche les signes (toux suffocante, dyspnée avec tirage, cyanose, agitation...) faisant craindre un « syndrome de pénétration » des voies aériennes et, en cas de doute, une radiographie thoracique de face doit être prescrite, à la recherche de cet éventuel corps étranger qui favoriserait les pneumopathies. La déglutition de la dent ne comporte aucun risque majeur, et le cliché abdominal ne présente pas d’autre intérêt que de faire cesser les recherches si la dent est visualisée en projection de l’aire gastrique.

Traumatismes dentaires et alvéolaires La réimplantation d’une dent lactéale n’est généralement pas tentée car le geste est lourd et le risque infectieux secondaire grand pour le peu de bénéfice attendu. La question se pose, bien sûr, lorsqu’il s’agit d’une dent permanente, mais selon les nombreuses études réalisées le pronostic est différent selon le contexte : les chances de réussite (obtention à 2 mois d’une dent stable et vivante) sont maximales en cas de réimplantation rapide (inférieure à 1 heure pour certains) d’une dent dont l’apex n’est pas complètement édifié, chez un individu au bon état buccodentaire et présentant des dents avoisinantes saines ce qui permet un ancrage efficace pour la contention. L’intégrité de l’os alvéolaire est également un facteur de réussite, tout comme la nature du milieu de conservation pendant le délai extraoral. Il existe des contre-indications relatives à la remise en place de la dent (comme la parodontolyse) ou absolues telles que les cardiopathies valvulaires, en raison du risque de mortification pulpaire et de formation d’une lésion infectieuse apicale. Lorsque cette réimplantation est tentée, il importe de ne pas léser les structures ligamentaires, en évitant un curetage trop appuyé dans l’alvéole et un brossage de la racine dentaire. Dans les cas les plus favorables, il existe une cicatrisation ligamentaire qui passe par l’édification d’un tissu de granulation alvéolaire et la réinnervation est parfois constatée pour des dents à apex ouvert : dans ce cas, la vitalité pulpaire réapparaît à distance du geste. Une autre forme de consolidation est représentée par l’ankylose : le ligament détruit cède la place à un tissu inflammatoire ostéoïde néfaste, et l’espace alvéolodentaire est alors comblé par un os spongieux qui favorise l’interpénétration de la dentine et des ostéoblastes. La stabilité de la dent ainsi « ankylosée » n’est que provisoire ; elle risque d’être fortement compromise par une rhizalyse secondaire plus ou moins rapide (Fig. 3, 4).

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Figure 3 Rhizalyse débutante à 1 an de la réimplantation de la 11 avulsée.

Figure 4 Même dent que Figure 3 à 2 ans du traumatisme : disparition quasi totale de la racine.

Fractures dentaires Fêlures Elles peuvent être considérées comme le premier stade des fractures coronaires. Le diagnostic en est d’autant plus difficile que l’aspect macroscopique de la couronne semble normal. La radiographie ne montre aucune image suspecte et c’est l’examen clinique en lumière tangentielle, ou mieux par transillumination (Fig. 5, 6), qui permet de mettre en évidence cette atteinte isolée de l’émail. Comme à l’habitude, ce sont les incisives supérieures qui sont les plus fréquemment touchées.

Figure 5 Traumatisme a priori bénin de la 21 avec éclat de l’émail du bord occlusal.

L’examinateur utilise alors une sonde dentaire dont le passage sur la face vestibulaire « accroche », éventuellement en reproduisant une douleur si

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Figure 6 Même dent que Figure 5 vue par transillumination qui permet de dépister des fêlures profondes associées.

celle-ci n’était pas spontanée. Une fois de plus, c’est le test de vitalité pulpaire qui détermine la gravité de l’atteinte : le plus souvent, la dent est vivante et le traitement peut consister en un simple polissage. Si les tests de vitalité sont négatifs initialement, il faut rassurer le patient ou sa famille, car il ne s’agit le plus souvent que d’une simple sidération de la pulpe, et la normalisation se fait spontanément en quelques jours à quelques semaines. Quand l’atteinte est plus profonde, la lésion peut se prolonger à travers la dentine jusqu’à la pulpe et on se rapproche alors des fractures de la couronne, même s’il n’existe pas de mobilité de celle-ci. Le patient présente alors des douleurs spontanées à type de pulpite et la fissure peut être visible à l’œil nu. Dans ce cas, la mortification pulpaire est plus fréquente et il est important de surveiller l’évolution de la vitalité de la dent pendant plusieurs semaines avant de prendre une décision thérapeutique. Éclats de l’émail Ce sont de véritables fractures de la couronne et, à la différence des fêlures, l’observation à l’œil nu met en évidence une amputation partielle de celleci, ne touchant que l’émail et respectant la dentine (Fig. 5). Ces variétés de traumatismes se rencontrent fréquemment au niveau des incisives et se limitent le plus souvent à un angle du bord libre de la dent. Il est possible également de rencontrer des éclats de l’émail dans les régions prémolaires et molaires, supérieures comme inférieures, lors d’un choc de l’arcade mandibulaire contre l’arcade maxillaire (choc sur le menton bouche ouverte par exemple), ou au cours de l’alimentation lorsque le sujet cherche à broyer un élément dur. Le risque de mortification pulpaire étant quasiment nul compte tenu de la nature du traumatisme, le traitement consiste en la simple restauration prothétique de la couronne, voire un polissage du bord libre.

A. Tardif et al. Fractures amélodentinaires sans exposition pulpaire Elles représentent une variété fréquente de traumatismes et posent des problèmes différents selon le terrain. La conduite thérapeutique n’est pas la même en présence d’une lésion de dent lactéale ou définitive et, chez l’adulte, les signes cliniques et les implications sont différents s’il s’agit d’une dent vivante ou, à l’opposé, mortifiée suite à un accident ancien. Enfin, l’irradiation du trait de fracture vers la racine, synonyme de fracture ouverte, est de plus mauvais pronostic que l’atteinte coronaire isolée. Quoi qu’il en soit, devant toute fracture de la couronne, la première préoccupation du praticien est d’éliminer une exposition pulpaire, et c’est ce cas que nous traitons ici. Les fractures amélodentinaires coronaires des dents lactéales sont rares et surtout rencontrées entre 2 et 4 ans car, après cet âge, la rhizalyse et la structure fragile de l’os alvéolaire favorisent de loin la survenue des luxations aux dépens des fractures. Néanmoins, lorsqu’ils surviennent, ces traumatismes n’entraînent que peu de conséquences à moyen et long termes, notamment sur l’éruption de la dent définitive. L’essentiel est de surveiller la vitalité pulpaire et, ici encore, la survenue éventuelle d’une mortification peut engendrer des accidents infectieux avant la chute de la dent traumatisée. Les fractures coronoradiculaires de dents lactéales sont également rares et exposent fréquemment la pulpe : ce cas sera donc traité plus loin. Les fractures de dents définitives se rencontrent couramment et répondent aux mêmes mécanismes que les éclats de l’émail. En revanche, la diminution d’épaisseur de la dentine amène à constater des signes cliniques sensiblement différents, puisque la couche de tissu isolant est plus fine. Le patient présente des douleurs au chaud et au froid, réveillées par la palpation à la sonde dentaire qui recherche une communication vers une corne pulpaire. Il est souvent préférable d’éviter les tests de vitalité pulpaire qui déclenchent des douleurs intenses, et l’examen s’oriente d’emblée vers la réalisation du cliché rétroalvéolaire qui apprécie l’épaisseur de tissu dur restant et recherche une éventuelle fracture radiculaire associée. Dans ce cas, la communication avec l’espace desmodontal transforme cette lésion en fracture ouverte, de mauvais pronostic car générant des risques infectieux notables, mais aussi parce que l’interposition de tissus épithéliaux dans le foyer de fracture constitue un obstacle à la formation du cal. La suppression du petit fragment peut être recommandée, mais crée des difficultés quant à la restauration prothétique.

Traumatismes dentaires et alvéolaires

Figure 7 Fractures coronaires avec exposition pulpaire de 11 et 21.

Plusieurs situations semblent favoriser ces fractures amélodentinaires : la mortification secondaire à un traumatisme antérieur et la dévitalisation d’une dent cariée avec mise en place d’un amalgame rendent plus fragiles les tissus durs de la dent (notamment si « émail non soutenu »). Il en est de même de certaines maladies de système30 telles que l’hyperparathyroïdie, l’hypothyroïdie ou le diabète, et on en rapproche les variations hormonales au cours de la grossesse. Enfin, les malpositions dentaires sont également des facteurs décrits. Fractures avec exposition pulpaire Quelle que soit la localisation du trait de fracture, coronaire, radiculaire ou mixte, il existe dans cette catégorie de traumatismes une ouverture de la chambre pulpaire qui fait communiquer celle-ci avec le milieu septique de la cavité buccale. L’irritation des éléments nerveux entraîne des douleurs intenses à type de pulpite, au moindre contact, ou si le fragment proximal coronaire ou coronoradiculaire est mobile. Selon la hauteur du trait, les possibilités thérapeutiques sont différentes, mais le praticien a toujours à l’esprit l’éventuelle conservation intégrale ou partielle de la pulpe, afin de tenter de préserver la vitalité de l’organe dentaire. Quand ce geste est possible initialement, une surveillance à long terme est de rigueur. On distingue alors : les fractures coronaires exclusives, les fractures coronoradiculaires et les fractures radiculaires pures. Fractures coronaires exclusives Elles sont fréquentes dans le secteur antérieur, le trait est oblique ou bien horizontal et alors situé le plus souvent au collet de la dent. Le diagnostic est évident dès le début de l’examen, que le fragment proximal soit resté en place ou non. Dans les lésions récentes avec amputation du petit fragment, l’examinateur aperçoit la pulpe centrale et de coloration rosée, parfois hémorragique (Fig. 7). Les tests de vitalité sont bien sûr contre-indiqués, et le cliché rétroalvéolaire recherche une atteinte associée de la racine. Lorsque le praticien tente de

169 conserver la pulpe radiculaire, il protège cette dernière par un « pansement-bouchon » à l’hydroxyde de calcium ou à l’eugénol-oxyde de zinc, en effectuant ce geste dans des conditions d’asepsie rigoureuses et sous couverture antibiotique de 8 jours environ. La restauration prothétique est envisagée dans un deuxième temps. La surveillance consiste à apprécier la vitalité pulpaire et comprend des clichés radiographiques centrés qui éliminent une rhizalyse secondaire. Lorsque la conservation pulpaire n’est pas envisageable, la pulpectomie doit être réalisée précocement et être suivie d’une obturation canalaire qui permet la pose d’une prothèse ultérieurement.

Fractures coronoradiculaires Elles se rencontrent dans des conditions traumatiques particulières : dans les secteurs postérieurs, elles peuvent être secondaires à un choc contre une dent de l’arcade opposée, mais il est également classique de les induire par des manœuvres endodontiques. Les fractures de la portion dentée de la mandibule se compliquent fréquemment de fractures coronoradiculaires, et il se pose alors la question de leur maintien sur l’arcade lors du traitement chirurgical ou orthopédique. L’obliquité du trait de fracture et l’ouverture vers le desmodonte rendent la conservation pulpaire difficile, et on lui préfère la dévitalisation avant restauration anatomique.

Fractures radiculaires pures Horizontales, elles se traitent différemment selon la hauteur de la lésion, cervicale, du tiers moyen ou apicale. Elles sont souvent associées à des fractures de l’os alvéolaire, surtout si la lésion radiculaire est proche de l’apex. Lorsque la dent persiste sur l’arcade, la composante douloureuse est extrêmement variable car elle est directement liée à la mobilité du fragment proximal, d’autant plus importante que la lésion est proche du collet. Les tests de vitalité sont presque toujours négatifs initialement en raison d’une sidération nerveuse, mais leur évolution peut se faire favorablement en quelques semaines. C’est le cliché rétroalvéolaire qui fait le diagnostic topographique de la fracture et recherche en outre une lésion osseuse associée. Il est parfois nécessaire de réaliser plusieurs incidences avec des angles différents afin de mettre en évidence le trait (Fig. 8, 9). La consolidation n’est pas toujours acquise et Bouyssou6 a décrit quatre modalités d’évolution (Fig. 10) :

170

A. Tardif et al. l’arcade n’est possible que si le trait de fracture est proche de l’apex. Lorsque couronne et partie proximale de la racine ont disparu suite au traumatisme, le diagnostic de luxation dentaire complète peut être porté à tort, et c’est la radiographie qui rétablit la vérité. Le traitement est alors guidé par l’état buccodentaire du patient, les lésions associées de l’os alvéolaire et la longueur de racine restante.

Figure 8 Fracture du tiers moyen de la racine de la 21.

• le cal de type I comble l’espace interfragmentaire et la chambre pulpaire puis aboutit à une ankylose entre l’alvéole et la dent (ce tissu mortifié possédant une solidité quasi définitive) ; • le cal de type II remplit l’espace fracturaire en isolant deux demi-pulpes, la partie apicale pouvant rester vivante ; • le cal de type III entoure la chambre pulpaire qu’il laisse en monobloc ; • dans le quatrième cas, l’absence de cal conduit à la pseudarthrose et le maintien de la dent sur

Figure 9 Même dent que Figure 8 après évolution favorable : consolidation et persistance de la vitalité pulpaire.

1

2

3

4

Figure 10 Les quatre évolutions possibles des fractures radiculaires selon Bouyssou.6 1. Type I ; 2. type II ; 3. type III ; 4. pseudarthrose.

Lésions osseuses associées L’os alvéolaire serait lésé six fois sur dix d’après Pasturel,30 l’atteinte de l’os basilaire est en revanche beaucoup moins fréquente. Il n’y a que peu d’éléments communs à ces deux entités dont les mécanismes lésionnels et les signes cliniques révélateurs sont très différents. Fractures alvéolaires périradiculaires Elles semblent être les plus fréquentes et sont essentiellement le fait des luxations incomplètes des organes dentaires lorsque ceux-ci pivotent autour d’un point fixe, généralement situé à la hauteur des tiers moyen et cervical de la racine. Il s’agit le plus souvent d’une fracture-tassement d’un des deux murs alvéolaires avec prédominance sur le versant vestibulaire lorsque la luxation est une version palatine ou linguale. L’inspection retrouve une tuméfaction et des ecchymoses de la muqueuse gingivale et, à un stade plus avancé, l’adhérence de celle-ci à l’os alvéolaire conduit à sa déchirure si le déplacement est important. La mobilisation douce retrouve une mobilité associée de la (ou des) dent(s) et de l’os alvéolaire. Les tests de vitalité pulpaire sont le plus souvent perturbés. C’est le cliché rétroalvéolaire qui fait le diagnostic de la fracture osseuse tout en appréciant l’intégrité ou non de la racine dentaire. Dans ces cas fréquents mais souvent méconnus de fracture osseuse limitée, il convient de repositionner au mieux les petits fragments avant d’assurer la contention de la dent traumatisée. Ce geste est le plus souvent réalisable sous anesthésie locale lorsque le traumatisme est peu important, et on en profite pour réaliser la suture de la muqueuse gingivale si celle-ci est nécessaire. Une couverture antibiotique de 8 à 10 jours est généralement instaurée, associée à la prescription de bains de bouche. Grâce à toutes ces précautions, les accidents infectieux immédiats sont rares et les complications à distance restent le fait de mortifications dentaires passées inaperçues.

Traumatismes dentaires et alvéolaires

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Figure 11 Traumatisme alvéolaire avec luxation en bloc du secteur incisif maxillaire chez un homme jeune déjà partiellement édenté.

Fractures alvéolaires sus-apicales Elles sont la conséquence d’un traumatisme plus important et dont l’agent vulnérant s’est réparti sur un groupe de dents. De ce fait, les organes dentaires sont restés solidaires de l’alvéole et c’est une véritable ostéotomie qui s’est réalisée. Le diagnostic est fréquemment posé devant la mobilité de plusieurs dents en monobloc, associée à une dilacération des tissus muqueux en regard (Fig. 11). Il n’est pas rare d’assister à une épistaxis par atteinte de la muqueuse des fosses nasales quand cet arrachement global touche le bloc incisif supérieur. Les tests de vitalité sont presque constamment perturbés et le bilan exact des lésions osseuses et dentaires est radiographique. Traumatismes de l’os basilaire Ils répondent à des mécanismes lésionnels différents et plutôt à des chocs directs. Leur traitement fait appel à des techniques orthopédiques ou sanglantes dont il n’est pas question ici, mais se pose parfois le problème de la luxation ou de la fracture radiculaire de la dent à cheval sur les deux fragments mandibulaires. Il est traditionnel de dire que le maintien sur l’arcade de cette dent permet une meilleure coaptation des deux berges du foyer, d’autant plus que son avulsion, relativement difficile, peut aggraver le déplacement des fragments et occasionner des lésions du pédicule dentaire inférieur. En revanche, l’éventuelle mortification de cette dent peut entraîner des complications infectieuses, retardant ou empêchant la consolidation osseuse, lorsqu’on décide de laisser la dent en place. Devant l’existence d’avantages et d’inconvénients à ces deux attitudes, il paraît une fois de plus nécessaire d’entreprendre une surveillance régulière. Dierks12 propose cinq indications à l’avulsion immédiate de la dent dans le foyer fracturaire : • importante mobilité de la dent sans mobilité osseuse ;

Figure 12 Importants dégâts d’os alvéolaire et basilaire suite à la luxation des quatre incisives supérieures chez une jeune femme victime d’un accident de la voie publique. Noter la comminution osseuse périradiculaire.

• lésion apicale préexistante ; • fracture radiculaire ; • lésions carieuses non restaurables par les techniques usuelles ; • gêne à la réduction du foyer. Quoi qu’il en soit, dans les fracas osseux importants, la conservation des multiples fragments semble la règle admise, à condition de recouvrir ceux-ci d’une unité gingivopériostée qui assure la persistance de leur vitalité. Fractures associées du vestibule nasal Lors des dégâts étendus du bloc incisif supérieur, il est possible de constater un traumatisme associé du plancher des fosses nasales, des orifices piriformes et de l’épine nasale antérieure (Fig. 12, 13). La dislocation de ces différents fragments entraîne une déchirure de la muqueuse nasale, responsable d’épistaxis dont le tarissement n’est pas toujours

Figure 13 Même patiente que Figure 12 : le traumatisme concerne également l’épine nasale antérieure et est responsable d’une luxation du pied de la cloison cartilagineuse.

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A. Tardif et al.

spontané, ainsi qu’une luxation du pied de la cloison nasale, qui se trouve déviée latéralement. Dans les cas les plus sévères, il peut apparaître de véritables fractures du cartilage de la cloison ou hématomes, dont le diagnostic doit être posé rapidement sous peine d’évoluer vers l’infection puis la nécrose du cartilage.14 Le traitement du traumatisme dentaire doit impérativement être accompagné du drainage d’une éventuelle collection, du repositionnement du pied de la cloison et d’un tamponnement antérieur des fosses nasales sous couvert d’une antibiothérapie.

Lésions des tissus mous Ce sont des atteintes fréquentes lors des traumatismes du tiers inférieur de la face,29 mais elles passent trop souvent au second plan derrière les traumatismes alvéolodentaires, tant sur le plan thérapeutique que dans leur description dans le certificat médical initial.28 Plaies gingivales Elles sont fréquentes lorsqu’il existe une atteinte de l’os sous-jacent ou une fracture déplacée des bases osseuses. Elles sont dues à l’adhérence de la fibromuqueuse sur la corticale osseuse. Leur diagnostic est fait dès l’inspection, et c’est la présence de ces dilacérations qui doit faire rechercher l’atteinte osseuse en profondeur. Trop souvent, leur suture est difficile voire impossible du fait de la contusion des tissus ou des pertes de substance. Dans ce cas, un bourgeonnement par cicatrisation spontanée reste la seule évolution possible sous couverture antibiotique associée à une antisepsie buccale. Lorsque les plaies sont nettes et que les berges sont vivantes, une suture est réalisée sous anesthésie locale, à l’aide de fil résorbable monté sur une aiguille à pointe ronde qui respecte mieux ces tissus fragiles. Plaies de la langue Elles sont induites par l’interposition de celle-ci entre les deux arcades dentaires lors de l’accident. Leur exploration doit être systématique. On y retrouve parfois des fragments dentaires de couronnes lésées de manière concomitante. Devant une plaie superficielle, il n’est pas impératif de suturer. Il n’en est pas de même lorsque la lésion touche le muscle en profondeur ou lorsque la plaie est transfixiante. Il faut d’abord rassurer le patient et son entourage devant une hémorragie qui semble abondante. Chez l’enfant, le recours à l’anesthésie générale pour l’exploration des plaies et leur traitement chirurgical est presque toujours nécessaire.

Figure 14 Kyste symphysaire (révélé par une complication infectieuse) secondaire à la mortification d’incisives inférieures. Le traumatisme initial était passé inaperçu.

Plaies des lèvres Elles peuvent être causées par l’impaction directe des dents opposées ou bien par l’agent vulnérant lui-même, et il s’agit alors plutôt de traumatismes par éclatement occasionnés par l’interposition de la lèvre entre l’objet contondant et le plan dur que représentent les dents et l’os en arrière. La réparation est indispensable. Si la plaie est transfixiante, on commence par assurer la suture du plan musculaire, et la deuxième préoccupation est d’aligner la ligne de jonction entre la lèvre blanche et le vermillon. Le choix de l’anesthésie, locale ou générale, est guidé par l’âge du patient et les dégâts alvéolodentaires associés. Lésions des joues Elles sont rares et correspondent à des morsures dans les régions molaires lorsque le traumatisme survient bouche ouverte. On y rencontre essentiellement des contusions ou ecchymoses, plus fréquentes que les plaies véritables.

Séquelles On entend par « séquelle » une forme d’évolution défavorable survenant à distance du traumatisme, le plus souvent prévisible, et correspondant à un état de stabilisation des lésions que seule l’intervention du praticien peut modifier. Il faut les distinguer des « complications » qui surviennent dans un délai variable et de manière inopinée, et qui sont parfois révélatrices du traumatisme ancien passé inaperçu : c’est le cas de l’épisode infectieux (cellulite ou fistule) par réchauffement d’une lésion apicale secondaire à la mortification à bas bruit d’une dent lésée (Fig. 14).

Traumatismes dentaires et alvéolaires

Figure 15 Dysharmonie dentodentaire survenue après l’avulsion de la 11 chez un sujet en « bout-à-bout incisif ». Une prothèse provisoire pour maintenir l’espace aurait pu éviter le déplacement mésial de la 12.

Elles sont à la fois fonctionnelles et esthétiques. Citons : • la perte d’une dent définitive par absence de consolidation ligamentaire, qui pose le problème de son remplacement, tant sur le plan technique que pécuniaire ; • le déplacement, souvent latéral, des dents bordant l’espace édenté et pour lequel la prévention consiste à placer une prothèse provisoire qui vise à maintenir l’espace en attendant la réhabilitation définitive. Lorsque la dysharmonie est avérée (Fig. 15), il importe d’entreprendre un traitement orthodontique de réalignement ; • la résorption d’os alvéolaire en secteur édenté impose de réaliser une greffe osseuse avant réhabilitation prothétique, surtout si on a recours à l’implantologie ; • la mortification d’une dent est la séquelle la plus fréquente : elle nécessite la pulpectomie avec obturation canalaire pour éviter la survenue des complications infectieuses. Elles peuvent également concerner la dent définitive traumatisée à l’état de germe par l’apex ingressé de la dent lactéale : • dyschromie coronaire avec éventuelle hypoplasie de l’émail ; • dilacérations coronaires ; • anomalies radiculaires à type d’angulation ou arrêt de la maturation ; • anomalies de l’éruption : absence, retard ou ectopie.

Principes du traitement et cas particuliers Généralités Ce n’est qu’après avoir établi un diagnostic précis et exhaustif des lésions, directement lié à la qualité

173 de l’examen clinique et des radiographies, que l’on peut prétendre dispenser un traitement approprié. Le résultat est d’autant meilleur que le traitement est débuté rapidement. La mise en place dans l’alvéole d’une dent luxée sur les lieux mêmes de l’accident en est probablement le meilleur exemple. De même, lorsque plusieurs dents sont traumatisées ou lorsqu’il existe des lésions associées, il est nécessaire d’entreprendre les différents traitements simultanément. Seules quelques lésions échappent à la notion d’urgence thérapeutique mais ne dispensent pas, malgré tout, de l’avis d’un spécialiste : il s’agit entre autres de l’éclat de l’émail dont l’égalisation ou la réparation peut se faire à distance ; l’ingression d’une incisive maxillaire lactéale nécessite une surveillance qu’il faut assurer jusqu’à l’éruption de la dent permanente. En pratique, plusieurs cas de figures se présentent. La contusion simple, qui associe une dent stable, non déplacée et sans exposition de la pulpe, est probablement le cas le plus favorable puisqu’il ne requiert pas de soins d’urgence même si la vitalité pulpaire est douteuse ou nulle, car nous avons vu que seule la persistance du déficit sensitif pendant plusieurs semaines devait conduire à la pulpectomie avec obturation canalaire. Toutes les autres situations nécessitent de réaliser un geste d’emblée : • le déplacement d’une dent doit faire poser l’indication de sa réduction dans les meilleurs délais suivie de la pose d’une contention efficace ; • l’ouverture pulpaire fait discuter la pulpectomie immédiate ou la conservation partielle avec coiffage ; • enfin, la luxation complète d’une dent définitive peut être considérée comme une urgence fonctionnelle : pour la majorité des praticiens, la réimplantation doit être tentée quel que soit le délai qui sépare le traumatisme de la possibilité thérapeutique.7 L’attitude quant à la conservation pulpaire est sujette à variations selon le temps écoulé et l’intégrité desmodontale. Cinq types de gestes peuvent être proposés, à réaliser le jour du traumatisme ou à distance (Tableau 3).

Traitement des fractures selon leur siège Atteinte isolée de l’émail Les lésions superficielles qui ne touchent que l’émail des couronnes, fêlures et éclats, ne nécessitent que des gestes simples et sans urgence. Après s’être assuré de la persistance de la vitalité pul-

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A. Tardif et al.

paire, le praticien effectue un simple polissage ou égalisation du bord occlusal, ou bien fait l’adjonction d’un petit fragment de composite pour restaurer l’anatomie coronaire. Mise à nu de la dentine sans exposition pulpaire La préoccupation est la protection de la dentine des agressions bactériologiques et chimiques, car elle y est beaucoup plus sensible que l’émail. L’application d’hydroxyde de calcium est indispensable pour obturer les tubuli dentinaires avant d’envisager toute réparation prothétique définitive. Bien entendu, une surveillance prolongée de la vitalité de la dent est une fois de plus nécessaire. Exposition pulpaire des fractures coronaires L’irritation pulpaire est constante lorsque le fragment proximal de la couronne persiste et qu’il est mobile : la solution consiste en la suppression de celui-ci associée à une pulpectomie partielle si possible, sinon totale. Le coiffage pulpaire direct est réservé aux lésions pulpaires limitées et prises en charge dans des délais ne dépassant pas 6 heures, quel que soit le degré de maturation dentaire. On lui préfère la pulpotomie cervicale en cas de nécrose pulpaire superficielle. La pulpotomie partielle, ou technique de Cvek,8 est indiquée pour les dents immatures ou matures jeunes, prises en charge tardivement (15 à 18 heures), suivie d’un coiffage à l’hydroxyde de zinc ou au Mineral Trioxide Aggregate (MTA).8 Certains auteurs préconisent une pulpectomie d’emblée en cas de dent mature. Fractures radiculaires L’atteinte pulpaire est évidente mais le traitement est différent selon la hauteur du trait lésionnel : • au tiers cervical, la mobilité de la couronne rend la consolidation difficile, mais la racine restante est suffisamment longue pour supporter une reconstruction fixe, après traitement endocanalaire ; • devant les fractures du tiers moyen, on tente un maintien sur l’arcade du fragment proximal à l’aide d’une contention rigide maintenue en place pendant 3 à 6 mois, et le traitement endodontique est réalisé à distance si la pulpe s’est mortifiée dans l’intervalle de temps ; • enfin, dans les fractures du tiers apical, l’absence de mobilité incite souvent à laisser la dent sur l’arcade et à réaliser une résection apicale du petit fragment, après pulpectomie et obturation canalaire du fragment cervical (Fig. 16, 17).

Figure 16 Fracture du tiers radiculaire apical d’une incisive centrale. La contention est assurée par une ligature en berceau sur arc de Dautrey en raison de la mobilité importante du fragment coronoradiculaire.

Fractures coronoradiculaires Elles associent les inconvénients des lésions coronaires et radiculaires, et le trait vertical ne permet pas souvent le maintien de la dent sur l’arcade. La sanction la plus fréquente est donc représentée par l’avulsion de la dent traumatisée, surtout si la fracture concerne plus de 3 à 4 mm de racine.5

Traitement des luxations Le déplacement dentaire, partiel ou complet, définit le principe de la luxation et se traduit par la lésion plus ou moins étendue des tissus desmodontaux. Le traitement obéit à la séquence « réduction-contention-surveillance ». Un cas particulier est celui de l’avulsion dentaire : le temps écoulé hors alvéole et le milieu de

Figure 17 Même dent que Figure 16 après traitement endodontique et résection du fragment apical. La contention par arc a cédé la place à des boîtiers d’orthodontie collés.

Traumatismes dentaires et alvéolaires

175

Tableau 4 Conduite à tenir avant réimplantation d’une dent permanente luxée selon son degré de maturation et le délai passé hors cavité buccale (d’après Nivet27). Délai extraoral Moins de 15 minutes Moins de 2 heures à sec Moins de 6 heures dans lait ou sérum Moins de 24 heures dans le milieu de Hanks Plus de 2 heures à sec

Dent immature Doxycycline 5 minutes Hanks 30 minutes Doxycycline 5 minutes Doxycycline 5 minutes

Dent mature Rinçage Hanks Hanks 30 minutes Néant

Curetage ligamentaire + traitement canalaire Acide citrique 3 minutes + dérivé fluoré 15 minutes Doxycycline 5 minutes

conservation de la dent pendant le délai extraoral sont des facteurs influençant la réussite thérapeutique.7,25 Réduction du déplacement Ce geste doit être réalisé le plus précocement possible, et il faut privilégier l’anesthésie locale chez un patient adulte calme ; il est important de contrôler la qualité de la réduction, ainsi que l’état de l’os alvéolaire après le geste, par un cliché radiographique centré. Les autres situations nécessitent le recours à l’anesthésie générale, surtout si la bascule est fixée. Il est également nécessaire de rétablir l’articulé dentaire préexistant et non un « articulé idéal ». Le mouvement de réduction est réalisé prudemment entre pouce et index, pour contrôler l’amplitude du geste et éviter l’avulsion dentaire, et non à l’aide de daviers. La réinsertion dans son alvéole d’une dent avulsée répond à des critères stricts, surtout si on veut tenter de retrouver une vitalité ou à défaut une stabilité par ankylose aux dépens de la régénération du ligament desmodontal. De nombreuses études récentes ont démontré l’importance du délai extraoral le plus bref possible,15,16 de l’utilisation de milieux de conservation et topiques locaux avant réimplantation, ainsi que le lien entre l’évolution et le degré de maturation dentaire.11 La conduite à tenir que nous proposons (Tableau 4) est inspirée de Nivet.27 La revascularisation pulpaire est favorisée par la largeur du canal radiculaire des dents immatures à apex ouvert,8,12 surtout si on prend le soin d’immerger celles-ci au préalable dans une solution antibiotique pour éviter la nécrose pulpaire d’origine septique (la pénicilline jadis utilisée est maintenant remplacée par les tétracyclines auxquelles on peut associer des dérivés fluorés dans le but de diminuer les phénomènes de rhizalyse).9,23,32 En attendant la mise en place dans l’alvéole, la conservation en milieu liquide doit débuter le plus précocement possible : les milieux « usuels » disponibles à domicile tels que lait ou sérum physiologique (pour la désinfection nasale

des enfants) semblent donner de moins bons résultats que les milieux de conservation ou de culture cellulaire utilisés en activité hospitalière (milieu de Hanks utilisé par les anatomopathologistes et milieu de Viaspan pour les transplantations d’organes).21,35 Enfin Duggal13 et Matson26 trouvent en l’acide citrique, qui décape la dentine radiculaire, une indication de stimuler l’ankylose des dents réimplantées tardivement. Contention Devant le large éventail de techniques d’immobilisation, le praticien se pose la question du choix de la plus adaptée au cas particulier à prendre en charge. Ligatures exclusives sans pose d’arc métallique Elles dérivent toutes de la classique ligature en échelle (Fig. 18). Elles ont l’avantage d’être rapidement réalisées et ne nécessitent que peu de matériel. On utilise des fils d’acier 3/10 et 4/10. Ces techniques semblent un peu délaissées en raison de leurs multiples inconvénients : desserrage spontané, lésions iatrogènes de la gencive et tendance à l’égression des dents réimplantées. On peut citer la ligature de Wilde (Fig. 19A) qui nécessite l’adjonction d’une résine polymérisable à la face palatine ou linguale des dents, la ligature de

Figure 18 Ligature en échelle (d’après Benoist2) : les fils des montants sont d’un diamètre supérieur à celui des fils des barreaux. Les dents absentes sont remplacées par des « boulettes » de résine autopolymérisable pour éviter le déplacement secondaire des dents bordant les espaces.

176

A. Tardif et al. Fil 4/10

A

Résine

1

2

Résine

Fil 4/10

Résine 3

4

B

Fil 5/10

1

Tube plastique

2

3

4 Figure 19 Les ligatures de De Wilde (A) et de Stout (B), dérivées de la ligature en échelle, restent les plus utilisées.

Stout (Fig. 19B) dont les boucles vestibulaires permettent également d’assurer un blocage maxillomandibulaire associé et la ligature en échelle (Schéma 3) qui permet de choisir exactement la longueur totale de la contention mais trouve ses limites en cas d’édentement partiel. Ligatures sur arc métallique Celui-ci peut être lisse ou muni de porte-manteaux ou crochets et fixé autour du collet de chaque dent

Figure 20 Contention de 11 et 21 avulsées par des ligatures en berceau sur arc de Dautrey (la denture mixte et l’absence de 12 rendant difficile le collage de boîtiers).

saine par une ligature. Ainsi stabilisé, l’arc réalise un point fixe qui sert d’attelle à la dent traumatisée, elle-même fixée par une ligature métallique qui assure une excellente contention y compris dans le sens vertical. Citons la ligature en berceau (Fig. 20) et la ligature en sautoir qui sont les plus utilisées. Gouttières de contention Elles sont les moyens les moins agressifs pour le patient, aux dépens d’un léger préjudice esthétique pendant leur port. La prise d’empreintes qu’elles nécessitent représente un traumatisme supplémentaire pour la dent fracturée ou luxée qui vient d’être repositionnée. La gouttière de Grazide en résine autopolymérisable et de réalisation simple a progressivement cédé la place à la gouttière en résine molle ou à la gouttière thermoformée rigide, plus esthétiques car transparentes. Ces gouttières doivent être portées, comme les ligatures et les arcs, 6 à 8 semaines pour les luxations dentaires, et de manière plus prolongée encore pour certains cas de fractures. L’immobilisation moins stricte qu’elles assurent devrait les faire réserver à certaines formes de luxations où la stabilité dentaire est obtenue sitôt la réduction effectuée. Immobilisation par boîtiers d’orthodontie Le principe, récemment rappelé par Gigon,19 représente une technique peu invasive pour le patient : après un mordançage de l’émail, on fixe les boîtiers à la face vestibulaire des couronnes par un mélange de colle et d’activateur. La solution de facilité consiste ensuite à les réunir par une ligature métallique en « huit de chiffre » (Fig. 21)

Traumatismes dentaires et alvéolaires

177 Au début du traitement et à chaque consultation, le praticien vérifie la solidité du montage et la stabilité des dents traumatisées. Des clichés centrés sur les dents sont réalisés à chaque consultation et classés dans l’ordre chronologique, afin de dépister une complication osseuse ou une rhizalyse à distance. Enfin, l’évolution de la vitalité pulpaire est notée. Il est également important de profiter de ces consultations pour prodiguer les conseils hygiénodiététiques au patient ou à sa famille, en rappelant l’importance de l’alimentation molle initialement, puis de la remise en charge progressive des dents, ou en précisant la date de reprise du brossage.

Figure 21 Contention par des boîtiers d’orthodontie collés et ligature en « huit de chiffre ».

serrée à l’une des extrémités. Lorsque plusieurs dents doivent être immobilisées, le serrage de la ligature a tendance à entraîner une version postérieure des dents, et on lui préfère alors une fixation par arc métallique dans la rainure des boîtiers. Cette technique de contention semi-rigide respecte la mobilité physiologique des dents et semble diminuer le risque d’ankylose. Procédés d’ancrage endodontique Ils sont bien utiles dans les cas d’édentation en bordure de la région traumatisée. Ils représentent des moyens solides de stabilisation à la face postérieure des dents, au moyen de fils de métal précieux insérés dans les tissus durs de la dent (inlay) ou fixés par de la résine (attelle de Berliner).

Surveillance À l’issue du premier geste, une surveillance rapprochée doit être instaurée. Le rythme peut varier selon les praticiens et la nature des traumatismes. Il est important de ne prendre aucune décision quant à la vitalité pulpaire avant la 6e semaine, voire plus. Après réduction d’une luxation, qu’elle soit totale ou non, la contention est maintenue 6 semaines minimum, parfois 8 semaines en cas de mobilité résiduelle. Passé ce délai, il ne semble pas exister de bénéfice à laisser le matériel en place. En cas de fracture radiculaire, ce traitement peut s’étendre sur 4, voire 6 mois.3 Lorsque le traitement dure environ 2 mois, le patient consulte chaque semaine au début, puis toutes les 2 semaines, jusqu’à l’ablation du système de contention. La réhabilitation prothétique peut alors être envisagée sur une dent solide. Dans tous les cas, un contrôle de la vitalité pulpaire à moyen puis à long terme est recommandé, en revoyant le patient tous les 6 mois.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 179–192

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Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires Buccodental phytotherapy and aromatherapy H. Lamendin (Dr. ès-Sciences, DSO, ancien directeur-adjoint de l’institut de recherches appliquées au domaine de la santé département biologie - de l’université d’Orléans) a,*, G. Toscano (Pharmacien, DU de phytothérapie et plantes médicinales de la faculté de pharmacie de Montpellier) b, P. Requirand (DSO, Professeur honoraire de la faculté d’odontologie de Montpellier) c a

Chalet Marcus, 5, chemin des Noyers, 05600 Guillestre France Faculté de pharmacie, université Montpellier I, 15, avenue Charles-Flahaut, 34093 Montpellier cedex 5 France c UFR d’odontologie, université Montpellier I, 545, avenue du Professeur J.-L. Viala, 34193 Montpellier cedex 5 France b

MOTS CLÉS Plantes médicinales ; Réglementation ; Phytothérapie ; Aromathérapie ; Protéomique

KEYWORDS Medicinal plants; Regulation; Phytotherapy; Aromatherapy; Proteomics patterns

Résumé L’usage des plantes médicinales, à des fins préventives, thérapeutiques ou pour l’hygiène buccodentaire, relève de la capacité professionnelle des médecinsstomatologistes et chirurgiens-dentistes. Mais il faut qu’ils soient compétents en la matière, d’autant qu’aucune plante n’est anodine. Après une information réglementaire, à titre documentaire, sont rapportés quelques exemples d’emploi et, pour terminer, une ouverture vers une phytothérapie systémique. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Medicinal plants used for bucco-dental prevention, therapeutic or hygiene depends of stomatologists and dentists capacity. But a competence is required, because no one plant is innocuous. After regular information, some use examples are given and a systemic phytotherapy overture is done. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Alors qu’il existe une demande de plus en plus importante pour des traitements par les plantes, beaucoup considèrent encore ceux-ci comme des survivances de « pratiques populaires », la plupart du temps de bon sens, certes, mais seulement employées pour attendre un rendez-vous chez son * Auteur correspondant. Chalet Marcus, 5, chemin des Noyers, 05600 Guillestre. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-5661(03)00008-4

praticien. Il existe, cependant, une phytothérapie médicale (dont buccodentaire), prescrite sur ordonnance. Hélas, beaucoup trop ne pensent pas à y faire appel, ou ne le font pas par manque de formation et d’information à ce sujet. Car l’enseignement de la phytothérapie, qui se dispense dans des facultés de médecine et de pharmacie, n’est pas encore entré en faculté de chirurgie dentaire, alors que pourtant : « la promotion de l’usage des plantes médicinales et leur intégration dans le système de santé, font partie des priorités de l’Orga-

180 nisation Mondiale de la Santé ». À noter qu’en France même, la production de plantes médicinales est en augmentation significative depuis 20 ans, bien que depuis le milieu des années 1980, les prescriptions magistrales de phytothérapie ne soient plus prises en charge par la Sécurité Sociale. On peut s’interroger. Un avis du Conseil national de l’Ordre des médecins25 a précisé : « La phytothérapie devrait faire partie de l’arsenal de tout médecin ; tout généraliste devrait la pratiquer ; elle ne peut donc être considérée comme une spécialité ». À l’évidence, il devrait en être de même pour les chirurgiensdentistes.

Législation et réglementation Mis à part les végétaux alimentaires courants (fruits et légumes, condiments) qu’on trouve en épicerie ou sur les marchés, la vente des plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée française (et européenne) relève du monopole pharmaceutique, sauf dérogations établies par décrets. De par la loi du 1er juillet 1960, cinq plantes simples seulement bénéficiaient d’une dérogation : le tilleul, la camomille, la verveine, l’oranger et la menthe. Les autres étaient débitées en officines ou en herboristeries. D’assez nombreuses herboristeries existaient encore, bien que déjà en voie de disparition, l’article 59 de la loi du 11 septembre 1941 (signée Philippe Pétain) ayant supprimé l’École nationale d’herboristerie, et donc le diplôme qu’elle délivrait. En 1939, on recensait environ 40 000 herboristeries en France. En 1972, on n’en comptait plus que 600 (dont une trentaine à Paris). Depuis lors, la profession s’est pratiquement éteinte. Mais une association pour le « renouveau de l’herboristerie » a été créée et dispense même un certain enseignement. Depuis le décret du 15 juin 1979, la liste des plantes « libérées » (si l’on peut dire) s’est considérablement allongée. Aux cinq précédentes sont venues s’adjoindre vingt-neuf autres : la bardane, le bouillon blanc, le bourgeon de pin, la bourrache, la bruyère, le chiendent, le cynorrhodon (fruit de l’églantier), l’eucalyptus, le frêne, la gentiane, la guimauve, l’hibiscus, le houblon, la lavande, le lierre terrestre, la matricaire, la mauve, la mélisse, le ményanthe, l’olivier, l’ortie blanche, la pariétaire, la pensée sauvage, les pétales de rose, les queues de cerise, la reine des prés, les feuilles de ronces, le sureau, la violette. Ces plantes ne peuvent être vendues mélangées entre elles ou à d’autres espèces, à l’exception des suivantes, dont les mélanges entre elles sont autorisés : tilleul, verveine, camomille, menthe, oranger, cynorrhodon (églantier), hibiscus.

H. Lamendin et al. Divers arrêts de la Cour de cassation ont estimé que les plantes sont des « médicaments » par présentation (indications, thérapeutiques, posologie...), que seules celles « en l’état » figurant sur les listes fixées par décrets (cités ci-dessus) peuvent être vendues en dehors des officines, et que celles ayant subi des opérations de micronisation et de nébulisation vendues en gélules, ou présentées sous forme d’ampoules, ne doivent plus être considérées comme « en l’état ». L’Agence française de sécurité sanitaire pour les produits de santé (Afssaps), quant à elle, a classé les plantes en deux catégories : celles dont les bénéfices sont supérieurs aux risques et celles dont les risques sont trop importants pour qu’elles soient utilisées. Les interactions entre certaines plantes et des traitements médicamenteux restent aussi à étudier, de façon approfondie. Par exemple, un simple jus de pamplemousse peut parfois augmenter l’action des bêtabloquants, des anticalciques, des inhibiteurs des protéases ou diminuer celle de la ciclosporine, de la digoxine, ainsi que de certains hypotenseurs et antihistaminiques.9 En phytothérapie, il est donc indispensable que les prescriptions ou conseils d’utilisation ne soient donnés que par un praticien (médecin, chirurgien-dentiste dans le domaine qui le concerne) ou un pharmacien.

Huiles essentielles La vente des huiles essentielles (dont la liste a été fixée par le décret du 23 juin 1986 : essences provenant de l’absinthe, la petite absinthe, l’armoise, le cèdre, l’hysope, la sauge, la tanaisie, le thuya) relève également du monopole pharmaceutique (loi du 30 juin 1984), ainsi que leurs dilutions et préparations, ne constituant des produits ni « cosmétiques », ni à usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires (loi du 1er juillet 1998). À noter que la frontière entre médicaments et aliments (ou compléments alimentaires) est de moins en moins nette, d’autant que certaines plantes sont, à la fois, alimentaires et médicinales. Aucune réglementation n’a encore tranché. Les huiles essentielles (HE) ne sont pas des corps simples, mais, en général, des assemblages de molécules ayant chacune leurs propriétés particulières. L’importance de la connaissance des familles, genres et espèces botaniques est évidente, mais aussi de celle de leur provenance. Des plantes botaniquement identiques peuvent, en effet, donner des essences dont les différences peuvent être plus ou moins importantes. C’est notamment le cas pour le romarin, dont les spécificités biochimiques et les propriétés varient selon qu’il provient d’Afri-

Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires que du Nord, de Corse ou de France continentale.5 Une même espèce botanique, en fonction de différentes conditions (sol, ensoleillement, saison de cueillette, partie de la plante), peut fournir des huiles essentielles de compositions différentes. Ces variations génèrent la notion de chémotype. C’est pourquoi des contrôles systématiques des huiles essentielles ou essences (avec les techniques les plus modernes) sont toujours nécessaires avant emploi. La distillation demande aussi beaucoup d’attention (les détartrants chimiques doivent être absolument bannis). Il ne faut donc employer que des huiles essentielles de bonne qualité, à l’espèce botanique certifiée (attention, la lavande est souvent falsifiée) et dont l’extraction et le produit final sont garantis. L’huile essentielle d’eucalyptus, par exemple, si elle est rectifiée (redistillée) afin de la concentrer en eucalyptol perd certaines qualités médicinales, des composants actifs à l’état de traces ayant disparu.5

Différents types À noter que certaines huiles essentielles sont presque exclusivement constituées d’une seule molécule (comme Mentha pulegium, par exemple) ou de deux ou trois (telles que Salvia sclarea rosaedora, Citrus reticulata, Eugenia caryophyllus), mais la plupart sont polymoléculaires (molécules de même famille chimique ou non). Parmi les huiles essentielles utilisées en médecine dentaire (cette dénomination, utilisée dans plusieurs pays, est plus appropriée que celle de chirurgie dentaire, par trop restrictive), on peut citer : Chamaemelum nobile (camomille romaine), Cinnanomum verum (vrai cannelier), Cistus ladaniferus (ciste de Crête), Eugenia caryophyllus (clous de girofle), Helichrysum italicum (hélicryse d’Italie, immortelle des sables), Laurus nobilis (laurier d’Apollon), Melaleuca alternifiolia (mélaleuque à feuilles alternes, arbre à thé, tea-tree), Mentha piperata (menthe poivrée). Bien entendu, cette énumération est loin d’être exhaustive. À propos d’huiles essentielles, il a été dit qu’elles sont « d’une efficacité redoutable » contre les parodontopathies ; ce qui sous-entend la nécessité d’emploi et de prescription pertinents. Pour un effet bien ciblé, on peut procéder à des aromatogrammes (analyses de biologie clinique), dont le mode opératoire et l’interprétation sont identiques avec ceux des antibiogrammes, avec la seule différence qu’au lieu de tester les actions d’antibiotiques issus de la synthèse chimique contre des germes bactériens identifiés, ce sont des huiles essentielles, produits naturels, qui sont testées. Les actions (bactériostatiques, bactéricides

181 et fongicides) contre les micro-organismes pathogènes des huiles essentielles, sont dues à une activité chimique directe, découlant de leur causticité et toxicité à leur égard. Ayant leur spécificité, associées à des complexes d’huiles essentielles, les huiles végétales vierges (HV) entrent dans bon nombre de préparations thérapeutiques (exemples : HV d’amande douce, noisette, bourrache, onagre...). Elles doivent être extraites de façon naturelle par première pression à froid et ne subir ni traitement ni raffinage. Peuvent aussi être utilisés (tels quels) des hydrolats aromatiques (HA) ou distillats (eau ayant servi pour la distillation), qui contiennent en moyenne 2 ‰ d’huiles essentielles, pour lavages de bouche ou instillations profondes de poches parodontales. Pour cela, il est possible d’employer, notamment, le distillat de lavande. Enfin, un mélange d’huiles essentielles diffusé en aérosol, ou par simple évaporation au moyen d’une petite lampe, peut assurer la destruction de germes contenus dans l’air, tout en dégageant une odeur discrète et agréable, pouvant masquer celle de l’habituel eugénol. Cette méthode est utilisable pour tous les cabinets dentaires,16 y compris les salles d’attente. D’aucuns ont observé un autre effet bénéfique de cette méthode, qui est celui d’être calmant (thérapeutique « antistress »). Ceci, sans compter, dit-on, la sensation de « bien-être » (améliorant la qualité de vie et les performances au travail) procurée au praticien et à ses collaborateurs.14 Les huiles essentielles de lavande, pin, romarin, thym, eucalyptus... sont, entre autres, employées à cet effet. Il est important de bien choisir l’huile essentielle (ou le mélange d’huiles essentielles), ainsi qu’un appareil adapté au lieu.

Conditions d’emploi Pour illustrer nos précédents propos sur la phytothérapie13,25 et l’aromathérapie,26,32 voici quelques citations, de divers auteurs : « ... Les constituants végétaux sont biodisponibles et peuvent agir... Le végétal peut donc soigner, il peut guérir, il peut aussi tuer », préface de Maurice Jacob.25 « La phytoaromathérapie...on ne le répétera jamais assez, est une médecine dangereuse, car elle agit... ».32 « Il est dangereux de se lancer dans l’usage des simples en néophyte. Il faut les connaître, les étudier et apprendre à les manier. Cela peut prendre des années ».11 « La phytothérapie est une thérapeutique à part entière ; c’est une thérapeutique d’application difficile, qui nécessite une sérieuse connaissance en la matière ».25

182 Cela démontre, une fois encore, qu’il serait nécessaire de développer l’enseignement de la phytothérapie et de l’aromathérapie en faculté d’odontologie, si l’on veut que les chirurgiens-dentistes ne soient pas privés d’une partie de moyens thérapeutiques utiles, auxquels ils peuvent avoir recours, et relevant de leur capacité professionnelle. La « phytothérapie » proprement dite, utilise des plantes ou leurs organes, dans leur ensemble, sans dissocier les constituants chimiques. L’emploi de ce totum est basé sur le fait qu’il doit exister une synergie d’activités pharmacologiques entre plusieurs constituants. C’est le cas, par exemple, de la prêle des champs, dont on peut prescrire de quatre à six gélules (de 0,350 g) de poudre, par jour, pour ses effets reminéralisants. « L’usine végétale » est capable de multiples synthèses et ses possibilités étant encore à peine entrevues,26 un autre type de thérapeutique est représenté par la « plantematière-première »28, dont l’étude a prit le nom de « matière médicale », puis de « pharmacognosie ».13 En phytothérapie, comme aussi en aromathérapie, n’existant pas de « pensée unique », les exemples d’emploi de végétaux rapportés à la suite, soit pour traitements d’appoint, soit comme curatifs ou préventifs par eux-mêmes, sont documentés à partir d’expérimentations pratiques faites par différents praticiens ou pharmacologues compétents. La phytothérapie et l’aromathérapie, en plus de leur usage local, peuvent être employées en pathologie buccodentaire par voie systémique en fonction de la sémiologie des protéines sériques issues du génome et modifiées par l’environnement. La phytothérapie est alors prescrite au moyen des techniques bio-informatiques des « profils protéiques », surtout lorsque les patients sont asymptomatiques sur le plan général.7

Phytothérapie buccodentaire L’usage de plantes pour des applications buccodentaires est connu depuis la plus haute Antiquité.6,18,22 Il a perduré à travers les siècles, tant

H. Lamendin et al. par des praticiens qu’en médecine populaire. Diverses enquêtes, ici ou là, ont montré que les connaissances à propos des plantes médicinales buccodentaires sont toujours d’actualité dans un large public.8,20,23,27 De nombreux médicaments contemporains et produits d’hygiène buccodentaires contiennent d’ailleurs des extraits de plantes (sous différentes formes).17,19,21 À titre documentaire, parmi les plantes les plus connues en phytothérapie pour leur utilité dans le domaine buccodentaire (elles sont plus de 130), une dizaine d’entre elles sont présentées ci-après.

Camomille (encadré 1) La camomille (Chamaemelum) est un genre de plante de la division des composées-radiées. On classe les trois principales espèces médicinales en camomille romaine (Anthemis nobilis), camomille puante, dite « maroute » (Anthemis cotula), et camomille pyrèthre (Anthemis pyrethrum). La fleur de camomille (parfois, vulgairement appelée « marguerite ») ressemble à un soleil. Au IIe siècle, Galien fut le premier à utiliser la camomille pour soigner les migraines et les névralgies. Les camomilles, en général, sont originaires d’Europe occidentale et d’Afrique du Nord, mais elles sont souvent acclimatées et cultivées partout ailleurs. En infusion, la camomille est employée comme calmant et contre les inflammations des muqueuses. Elle soulage également des douleurs aphteuses. Les qualités analgésiques de la camomille romaine sont toujours bien connues de notre temps. L’huile essentielle de camomille est employée comme anti-inflammatoire, antalgique, préanesthésique, calmante (système nerveux central). Comme principe actif, on trouve de la camomille dans des dentifrices actuels (particulièrement à visée parodontothérapique) et des gommes à mâcher.17 Il en figure aussi dans des bains de bouche médicamenteux.19 La camomille sauvage (Matricaria recutita), une matricaire, est signalée comme étant particulièrement efficace (en infusion de fleurs séchées) contre les douleurs de dents chez les enfants. Un laboratoire a proposé un nouveau gel pour massage des

Encadré 1 La camomille. Indications : douleurs dentaires et de dentition chez les nourrissons, aphtes, parodontopathies. Prescriptions : conserver en bouche une tisane de camomille, laquelle soulage des douleurs ; huile essentielle en traitement local ; dilutions homéopathiques en 9 ou 15 CH de Camomilla, qui sont en réalité des dilutions de matricaire allemande (Matricaria camomilla), lesquelles sont très efficaces dans les éruptions dentaires du nourrisson. Précautions d’emploi : des sujets allergiques à l’ambroisie peuvent réagir de la même façon avec la matricaire camomille.

Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires gencives afin d’apaiser les douleurs de poussées de dents chez les enfants. Il est composé de safran, guimauve et... camomille.

Girofle (encadré 2) Le girofle (qui est un nom masculin, contrairement à l’usage courant) ou gérofle ou clou de girofle, est le bouton floral d’un arbre originaire des Îles Moluques, lesquelles sont la patrie du giroflier (Eugenia caryophyllata, ou caryophyllus, Myrtacées). « Des patriotes François très-eftimables (sic), ont travaillé avec fuccès à introduire, en 1770, dans les Îles de France (Maurice), de Bourbon (Réunion) & de Séchelles, des plants de girofliers ... C’eft au zele de M. Poivre particulièrement, que la France a cette obligation : de là ces arbres ont été transplantés à Cayenne... » a rapporté Jean-Christophe Valmont de Bomare. Le girofle existait dans l’arsenal thérapeutique arabe et se trouve dans la pharmacopée de la médecine chinoise, où il servait de « masticatoire » (terme qu’employait déjà Hippocrate). Il ne fut importé en Europe que vers le VIIIe siècle. En France, c’est en 1623 que le clou de girofle a été introduit en thérapeutique dentaire comme analgésique et antiseptique. Il a surtout été employé en le plaçant, in situ, dans la carie dentaire. De plus, Pierre Fauchard proposa une « Poudre pour netteier et blanchir les dents » dans laquelle il faisait entrer du girofle. Le clou de girofle renferme des cellules à essence connue sous le nom d’eugénol (allyl-gaïacol), composant, avec l’oxyde de zinc, le classique eugénate toujours utilisé par les chirurgiens-dentistes. En cas d’alvéolite après extraction dentaire, les

183 praticiens peuvent également avoir recours à l’eugénol. L’huile essentielle extraite des boutons floraux contient 70 à 80 % d’eugénol. Elle a des propriétés anesthésiante et cautérisante pulpaire, anti-infectieuse et antibactérienne à large spectre d’action, antivirale et antifongique. Du girofle (sous diverses formes) entre dans des bains de bouche, des dentifrices et des gommes à mâcher.

Guimauve (encadré 3) La guimauve (Althaea officinalis, Malvacées) ou Bourdon de Saint-Jacques, est souvent plus connue (surtout dans les textes anciens) sous le nom d’althéa, expression grecque signifiant, dit Pline : « riche en remèdes ». Pourtant, le même Pline attribuait ce nom d’althéa non pas à la guimauve, mais à une mauve « à grandes feuilles et racines blanches ». En fait, il devait pourtant s’agir d’une guimauve, dont une des appellations anciennes est d’ailleurs « mauve blanche ». Le nom de guimauve viendrait d’une déformation du latin bismalva, « deux fois la mauve », afin de mettre l’accent sur la force de ses propriétés ; cette plus grande efficacité est d’ailleurs signalée par Pline. Venue des steppes asiatiques bien avant l’ère chrétienne, la guimauve s’est facilement acclimatée en Europe et était recensée dans un des capitulaires de Charlemagne. En son temps, parlant de la manière de rendre les dents blanches et d’entretenir les gencives, Pierre Fauchard proposait une composition très élaborée de racines de guimauves, précisant que « pour préparer les racines de guimauve & les entretenir douces & molles, il faut les cueillir à l’automne, choifir les plus droites & les plus unies,

Encadré 2 Le girofle. Indication : antisepsie et analgésie dentaire. Prescriptions : infusion de clous de girofle ou solution d’essence de girofle, en bains de bouche, pour toutes affections buccales ; huile essentielle en traitement local. Conseils : placer du clou de girofle dans la carie d’une dent douloureuse, comme solution d’attente avant le rendez-vous chez le chirurgien-dentiste. Précautions d’emploi : l’eugénol peut donner des eczémas de contact : « l’allergie est croisée avec celle que provoque le Baume du Pérou ou de San Salvador tiré de Myroxylon pereirae ».

Encadré 3 La guimauve. Indications : parodontopathies, stomatites, glossites, douleurs de dentition des nourrissons. Prescriptions : bains de bouche avec une décoction de guimauve (50 g de racines pour 1 l d’eau) pour toutes les inflammations de la cavité buccale (on peut associer des feuilles de sauge à cette décoction). Conseils : pour les éruptions dentaires chez le nourrisson, faire mâchonner, sous surveillance, une racine de guimauve afin de décongestionner la gencive et de calmer la douleur. Contre-indications : néant.

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les couper de la longueur que le fouhaite, & les faire fécher au soleil, ou dans un lieu médiocrement chaud, jufqu’à ce qu’elles ne contiennent plus d’humidité... ». La guimauve a d’importantes propriétés émolliente et anti-inflammatoire pour les muqueuses. On en trouve, notamment, dans un « gel premières dents », très récent.

Lavande (encadré 4) La lavande vraie (Lavandula vera ou angustifolia ou officinalis) fait partie des Labiées. Elle croît en Europe méditerranéenne, sur des terrains calcaires, de 700 m jusqu’à 1 800 m d’altitude. Ses feuilles sont longues, étroites et blanchâtres, toute la plante a une odeur aromatique très agréable. L’étymologie de lavande viendrait de « lavare » qui signifie « laver » d’où le nom de lavandières de nos campagnes et la tradition de la lavande dans le linge. En Europe, la lavande a été cultivée pour son huile essentielle dès le XVIe siècle. La lavande vraie est inscrite dans la liste des tisanes à la Pharmacopée française (Xe édition). La grande lavande dite spic ou aspic (Lavandula spica ou latifolia), qui croît également sur terrains calcaires, ne se développe pas au-dessus de 800 m d’altitude. Elle est plus grande, à odeur camphrée. Les hybrides de la lavande aspic et de la lavande vraie donnent les lavandins, cultivés pour leur forte teneur en huile essentielle. Il existe une autre espèce qui croît sur terrains siliceux à basse altitude : la lavande stoechade (Lavandula stoechas), stoechas d’Arabie ou lavande des îles d’Hyères (appelées par les Anciens « Isles Stécades »), aux fleurs pourpres, à l’odeur entêtante. La lavande stoechade et la lavande aspic sont surtout provençales, mais se trouvent également en Algérie. Elles fleurissent 1 mois après la lavande vraie. La lavande stoechade se caractérise par une forte teneur en oxyde (1,8 cinéole).

« Les fleurs et les feuilles de lavande excitent puissamment la salivation, quand on les tient dans la bouche et qu’on les mâche » indiquait Jean-Christophe Valmont de Bomare. Cet effet sialagogue est toujours reconnu. Il permet, notamment et par principe, l’élévation du pouvoir tampon salivaire, lequel favorise la défense des dents contre les attaques acides. Scarron, dans une épître, a cité la lavande parmi les plantes que les courtisanes avaient en bouche « pour avoir le flavier doux ». C’est toujours un bon moyen pour lutter contre l’halitose d’origine buccale. Actuellement, en pharmacie, on trouve toujours des bains de bouche dans lesquels la lavande figure comme « principe actif ».17 Pour soulager la douleur dentaire, autrefois, il était conseillé de placer dans la carie de l’huile essentielle d’aspic sur un coton. Cette pratique n’est plus usitée, mais toujours utile, en cas de besoin. Présentement, pour les abcès dentaires, par voie interne (avec visée antiseptique), certains indiquent des gélules gastrorésistantes contenant des huiles essentielles, dont de lavande. De l’huile essentielle de lavande figure parmi les composants d’un gel gingival. Pour en soulager la sensibilité, l’huile essentielle de lavandin faite au Monastère de la Paix-Dieu (Gard) est conseillée en application sur les aphtes (humecter un coton-tige et tamponner la partie ulcérée).

Mélaleuque à feuilles alternes (encadré 5) Le mélaleuque à feuilles alternes (Melaleuca alternifolia, Myrtacées), originaire d’Australie, a été baptisé « arbre à thé » (tea tree) par l’équipage du capitaine Cook, qui avait utilisé ses feuilles pour remplacer la boisson nationale une fois leur provision épuisée. C’est sous cette appellation de tea tree qu’il est le plus connu et généralement désigné.

Encadré 4 La Lavande. Indications : xérostomie, halitose buccale, aphtes. Prescriptions : fleurs et feuilles de lavande, en masticatoire ; infusion de sommités en bains de bouche (une cuillerée à dessert par tasse) ; hydrolat de lavande en bains de bouche ; huile essentielle pour attouchements sur les aphtes. Précautions d’emploi : néant.

Encadré 5 Le tea tree. Indications : aphtoses, stomatites, parodontopathies, abcès dentaires. Prescriptions : huile essentielle en traitement local. Conseils : pour le blanchiment des dents, mettre une goutte d’huile essentielle sur la brosse à dent. Contre-indications : néant.

Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires Le Melaleuca alternifolia est utilisé depuis des siècles par les Bundjalung (tribu aborigène d’Australie) pour soigner toutes sortes d’affections de la peau, avec des compresses de feuilles écrasées. Des colons s’emparèrent de ce remède et en tirèrent une huile essentielle à puissante activité bactéricide, antivirale et fongicide, laquelle est très vite devenue le remède national polyvalent des Australiens. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée australienne a inclus un flacon de cette huile dans le paquetage de tous ses soldats. Cependant, du fait d’un petit nombre d’arbres disponibles, la distillation de cette huile demeura longtemps artisanale, et afin de ne pas nuire à une production déjà faible, les coupeurs de feuilles furent exemptés de service militaire. Mais, après la guerre, des recherches aboutirent à des plantations mécanisées, ce qui augmenta considérablement la production. Une équipe de chercheurs australiens a récemment constaté que l’huile essentielle de tea tree a une action blanchissante sur les dents.

Menthe (encadré 6) La menthe (Mentha), dérivé de Mintha, nom grec d’une nymphe que Perséphone (la Proserpine des romains) jalouse, assassina, et qui fut transformée en menthe par son amant, Hadès, dieu des Enfers. La menthe comporte de nombreuses espèces. Les plus connues sont les menthes : sauvage (herbe-dumort), sylvestre, des champs, Pouliot, aquatique, verte et crispée, frisée ou crépue, très commune en Sibérie. La menthe officinale, dite « poivrée » (Mentha piperata), est un hybride de la menthe aquatique et de la menthe verte. Sa première description botanique remonte à 1696 (à Mitcham, Angleterre). Les menthes font partie des Labiées. Celse proposait ce remède : « lorsque la dent fait mal, il faut arracher de la menthe sauvage avec ses racines et la mettre dans un chaudron, verser dessus de l’eau, placer le malade assis tout contre, recouvert de tout côté d’un linge. Alors on jette dans le chaudron des pierres brûlantes... et le patient, la bouche ouverte reçoit la vapeur..., il s’ensuit une sueur abondante et la pituite retenue (en ancienne médecine, l’une des quatre humeurs)

185 coule par la bouche ». De son côté, Scribonius Largus conseillait « de mâcher de la menthe sauvage, de faire passer la salive sur les dents douloureuses, de l’y maintenir un certain temps, et ainsi de permettre à la salive de pénétrer la cavité pathologique ». La sensation de fraîcheur que l’on éprouve lorsqu’on mâche de la menthe est due à l’engourdissement des muqueuses de la bouche. En usage externe, la menthe possède, en effet, des propriétés anesthésiques et analgésiques puissantes que l’on peut utiliser au cabinet. Elle est également décongestionnante, antiprurigineuse, anti-inflammatoire et antinauséeuse. De l’essence de menthe est utilisée dans des pâtes et élixirs dentifrices d’aujourd’hui. Dans le Vidal® figurent plusieurs médicaments composés pour partie de menthol (tiré de la menthe), proposés en traitement adjuvant ou local d’appoint, pour les parodontopathies, stomatites, aphtes, douleurs dentaires, blessures sous prothèses, ou en bains de bouche, après extractions dentaires. En outre, le menthol entre dans la composition du liquide (ou mélange) de Bonain (phénol + menthol + cocaïne), anesthésique local de contact, employé en chirurgie dentaire. Le menthol est aussi présent dans des pâtes et élixirs dentifrices.

Millepertuis (encadré 7) Le millepertuis (Hypericum perforatum, Hypéricacées) est dit « herbe aux mille trous », « herbe aux piqûres » et « chasse diable ». Le millepertuis est une « herbe de la Saint-Jean. La dénomination « herbe de la Saint-Jean » a été attribuée à sept plantes, dont la millefeuille, la petite joubarbe, la grande marguerite, l’armoise, la sauge et le lierre terrestre. Ces herbes devaient être récoltées entre l’Angélus de midi du 23 juin et celui de midi du 24 ! La distribution du millepertuis couvre la plupart de l’Europe, l’Asie occidentale et centrale... et il s’est naturalisé sur tous les continents. Il croît parfois en masse et sa densité s’étend sur de grandes étendues. C’est ainsi qu’aux États-Unis, sur la région côtière du Pacifique, un coléoptère dut être importé d’Australie pour délivrer du millepertuis

Encadré 6 La menthe. Indications : érosions buccales, douleurs gingivales. Prescriptions : feuilles fraîches de menthe, en masticatoire, pour les érosions buccales ; bains de bouche avec une décoction de feuilles de menthe (10 pincées par litre d’eau) pour atténuer les douleurs gingivales ; huile essentielle en traitement local. Contre-indications : les dentifrices contenant de la menthe sont interdits aux personnes en cours de traitement homéopathique ; l’huile essentielle, riche en cétones, est contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitante et l’enfant de moins de 6 ans.

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Encadré 7 Le millepertuis. Indications : inflammations buccales. Prescriptions : bains de bouche de tisane de prêle des champs et de millepertuis, qui agit favorablement sur toutes les inflammations de la bouche (50 g de chaque en décoction) ; applications locales d’huile essentielle, laquelle peut être employée seule ou additionnée d’autres huiles essentielles appropriées. Précautions d’emploi : à utiliser en usage externe (par voie interne, l’activité antidépressive du millepertuis nécessite des précautions et comporte des contre-indications). 200 000 hectares de pâturages ; la consommation excessive de millepertuis pouvant provoquer des phénomènes de photosensibilisation chez le bétail. Le parenchyme des feuilles du millepertuis a la particularité d’être parsemé de petites glandes à essence translucides qui, regardées en transparence, apparaissent comme mille petits trous, d’où son appellation. Le millepertuis contient beaucoup d’huile essentielle. Il était dénommé «andosaemon » par les Anciens Grecs, parce que ses feuilles écrasées entre les doigts donnent un sang rouge, comparable au sang humain, parfois dit « sang du Christ ». Paracelse et bien d’autres ont toujours vanté ses propriétés. L’huile de millepertuis, préparée par macération et digestion (500 g de sommités fleuries pour 1 l d’huile d’olive) est vulnéraire, calme les brûlures, régénère et cicatrise les plaies. Elle est active sur les douleurs, surtout nerveuses. Les feuilles de millepertuis légèrement pilées et mises dans le trou de l’oreille calment souvent les maux de dents, disait-on. De nos jours, on peut se procurer facilement une pâte dentifrice et un chewing-gum dentifrice (à dominante végétale) contenant du millepertuis (comme antiseptique et cicatrisant), en compagnie de camomille et de souci des jardins, entre autres.

Sauge (encadré 8) La sauge (Salvia officinalis, Labiées) était considérée chez nos ancêtres (les Gaulois), ainsi que chez tous les autres peuples de l’Antiquité, comme la plante salvatrice par excellence, tellement merveilleuse qu’ils la jugeaient tous capable de guérir toutes les maladies. Aux yeux des Druides, la sauge

avait le pouvoir d’arrêter les fièvres, toux, bronchites et rhumatismes... On croyait qu’elle avait des vertus magiques. C’était un peu la sorcière de la famille : « celui qui veut vivre à jamais doit manger la sauge en mai ». L’École de Salerne prônait cet axiome : « pourquoi mourrait l’homme dont le jardin héberge la sauge ? ». « Qu’à de sauvi din soun jardin, a pas besoun de médecin » est un dicton provençal, qu’on connaît toujours bien. La culture de la sauge doit remonter au début de notre ère, tout d’abord en Grèce puis en Italie. Au ˆ ge, les moines bénédictins l’introduisent Moyen-A dans leur jardin. De là, elle ira dans ceux des paysans. Elle était recommandée dans les Capitulaires de Charlemagne. La sauge, « herbe sacrée des Latins », est aussi dite « thé » de Provence, de France, de Grèce et d’Europe. Selon Saint-Simon, Louis XIV buvait chaque matin, à son lever, deux tasses de sauge et de véronique. Cette habitude est confirmée dans des notes de Fagon (premier médecin du Roi), datant de 1701. La sauge officinale possède des propriétés locales astringentes et cicatrisantes. La sauge des prés (Salvia pratensis) et la sauge sclarée (Salvia sclarea) ont les mêmes propriétés. La sauge officinale, à la différence de la sauge sclarée, fournit une huile essentielle composée à 50 % de thuyone, laquelle est neurotoxique. Dans le Vidal® (section produits de soins, d’hygiène et de santé) on trouve une spécialité antiseptique contenant un extrait hydroglycolique de sauge. Son nom s’inspire d’ailleurs du mot « sauge ». La sauge officinale est inscrite à la Pharmacopée française (Xe édition) et dans la liste des tisanes. Autrefois, on donnait ce conseil : « faut frotter les dents et laver la bouche tous les matins à jeun

Encadré 8 La sauge. Indications : aphtes, parodontopathies, stomatites. Prescriptions : bains de bouche prolongés de décoction d’une poignée de fleurs et de feuilles de sauge dans 1 l d’eau, ce qui est préconisé pour les trois indications mentionnées ci-dessus (pour les parodontopathies, on peut y associer de la guimauve). Contre-indications : néant. Précautions d’emploi : l’huile essentielle de sauge n’est à employer en usage interne que sur prescription d’un praticien averti.

Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires avec les feuilles de sauge ou de la décoction ». Pour apaiser la douleur des dents la sauge a aussi été indiquée en masticatoire : « mâchez des feuilles de romarin ou de sauge, baissez la tête, et laissez couler les eaux qui en tombent en crachant, la fluxion et le mal s’apaiseront » (sic). Aujourd’hui, on emploie de l’essence essentielle de sauge officinale dans des dentifrices et bains de bouche. La sauge entre dans la composition du « Tégarome » (de Jean Valnet), produit d’hygiène à base de plantes pouvant être utilisé contre les aphtes et les parodontopathies (Le « Tégarome » est un mélange d’essences de lavande, thym, sauge, eucalyptus, romarin, cyprès, niaouli et géranium).

Thé (encadré 9) Le thé était déjà connu en 2737 avant J.-C. Le mot thé, dont la forme est tirée du latin, vient du chinois «teh » par le néerlandais ou «theh », mot usité dans la Province de Fokien. Le thé fut signalé pour la première fois en Occident par le vénitien Ramusio (1485-1557). On dit qu’il arriva à Paris en 1636, à Londres en 1650 et à Moscou en 1659. En France, la première thèse médicale consacrée au thé fut celle de de Mauvillain, filleul de Richelieu, soutenue en mars 1648. Le thé est une substance constituée par les feuilles du théier (Thea officinarum ou sinensis, Ternstroemiacées), arbrisseau cultivé principalement en Chine, au Japon, à Ceylan (Sri Lanka), en Inde et Insulinde... mais qui a aussi été introduit dans notre hémisphère. À notre époque, l’Inde et Ceylan totalisent 75 % des exportations mondiales de thé. Celui-ci est un puissant antioxydant grâce à ses flavonoïdes, notamment les catéchines et les polyphénols (dans le thé vert). Ces flavonoïdes ont une action beaucoup plus puissante que les vitamines C ou E. La présence de fluor dans le thé (environ de 30 à 500 mg/kg, selon la variété et la provenance), lui confère des propriétés particulières en prévention buccodentaire. D’autant qu’il est le végétal le plus riche en fluor. En effet, une petite tasse de thé contient déjà, au minimum, 0,3 mg de fluor. La teneur en fluor des thés de deux vallées étant significativement différente (de 600 mg à

187 200 mg/kg), le nombre des sujets indemnes de caries dentaires (47,2 % versus 24,1 %) dans les deux populations d’enfants s’est trouvé directement corrélé à la teneur en fluor des thés produits et consommés sur place. Cette importante étude épidémiologique demeure de référence. En matière de coloration des dents par le thé, cela n’est pas contesté, mais toutes les personnes buvant du thé n’ont pas les dents colorées, même si elles en sont parfois grandes consommatrices. Les différents types individuels de variations de pH salivaire (en liaison avec celles du débit et du pouvoir tampon), pourraient expliquer le fait que d’aucunes présentent des dents tachées par le thé (mais aussi le café, le tabac, la chlorhéxidine...) et d’autres pas, quelles que soient leur consommation et hygiène. Hormis son aspect inesthétique, cette coloration ne présente pas d’inconvénient du point de vue buccodentaire et ne peut donc être opposée aux incontestables avantages du thé en matière de prévention. Bien entendu les prescriptions de phytothérapie doivent être précises (doses, mode d’emploi) et obligent à la rédaction d’une ordonnance. Les conseils d’utilisation de plantes (en matière de prévention et d’hygiène) ne nécessitent pas d’être mis par écrit. Cependant, dans tous les cas, il est prudent de bien indiquer les modalités d’usage et contre-indications éventuelles en cas de prise concomitante de certains médicaments, ce qui sous-entend une connaissance éclairée en matière de phytothérapie, d’où une formation nécessaire. Ceux qui désireraient en savoir plus sur d’autres plantes médicinales ayant des applications buccodentaires peuvent notamment consulter les articles publiés à ce propos dans la revue « Le ChirurgienDentiste de France », depuis 1998, dans la rubrique « Connaissances d’hier et d’aujourd’hui ».

Aromathérapie buccodentaire On le sait, les huiles essentielles possèdent de nombreuses propriétés : antibactériennes, antivirales, antalgiques, anti-inflammatoires, antiœdémateuses, antispasmodiques, anxiolytiques, désinfectantes de l’air... .3,12,32 Ces propriétés trouvent

Encadré 9 Le thé. Indication : prévention contre la carie dentaire. Conseils : consommer du thé et, chez l’adulte, prendre le temps de le laisser séjourner en bouche avant de l’avaler. Précaution d’emploi : le thé contient de la théine (caféine) pour laquelle, dans l’urine, il existe un seuil maximum toléré (12 lg/ml) au-dessus duquel un contrôle de dopage chez un sportif serait déclaré positif. Une tasse de thé contient 150 mg de théine, au maximum.

188 tout naturellement leurs applications au cabinet du praticien et en prescriptions.14,26 Ci-après sont donnés quelques exemples d’utilisation quotidienne [signification des abréviations : Ess : essence ; HE : huile essentielle ; HV : huile végétale ; (z) : zeste ; CT : chémotype ; (éc.) : écorce ; qsp : quantité suffisante pour].

Action relaxante et déstressante On peut diffuser dans la salle d’attente le mélange suivant : • Ess (z) Citrus aurantium ssp. bergamia (bergamote) : 5 ml (relaxante, sédative, hypnotique légère) ; • HE Lavandula angustifolia (lavande vraie) : 3 ml (calmante, décontracturante) ; • HE Litsea citrata (litsée citronnée) : 2 ml (calmante, sédative) ; • HE Ocimum basilicum var bas (basilic exotique) : 2 ml (antispasmodique puissant).

Désinfection atmosphérique L’air du cabinet du praticien peut être assaini par ce mélange : • Ess (z) Citrus limonum (citron) : 2 ml (antiinfectieuse) ; • HE Eucalyptus radiata (eucalyptus radié) : 2 ml (antibactérienne, antivirale) ; • HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 2 ml ( anti-infectieuse majeure) ; • HE Pinus pinaster (pin maritime) : 4 ml (antiseptique).

Éruptions dentaires Appliquer sur la gencive ce mélange, avec un doigt, chez les nourrissons et enfants : • HE Eugenia caryophyllus (clou de girofle) : 0,2 ml (antibactérienne, antivirale, antifongique) ; • HE Lavandula latifolia (lavande aspic) : 0,5 ml (antalgique) ; • HE Helichrysum italicum (immortelle) : 0,5 ml (antihématome) ; • HV Hypericum perforatum (millepertuis) qsp : 30 ml (excipient).

Aphtes, lichen buccal Déposer ou appliquer localement, avec un doigt, quelques gouttes, 6 fois par jour, du mélange suivant : • HE Ravensara aromatica (ravensare aromatique) : 5 ml (antivirale, anti-infectieuse) ;

H. Lamendin et al. • HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 5 ml (antibactérienne, antivirale) ; • HE Lavandula angustifolia (lavande vraie) : 3 ml (antiseptique, cicatrisante, antalgique) ; • HE Laurus nobilis (laurier noble) : 0,2 ml (bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ; • HE Commiphora molmol (myrrhe) : 2,8 ml (anti-infectieuse, anti-inflammatoire) ; • HV Calophyllum inophyllum (calophylle inophylle) qsp : 30 ml (cicatrisante, antiinflammatoire).

Herpès Déposer sur les lésions, ou appliquer avec un doigt, 2 gouttes de la composition ci-dessous, toutes les 2 heures : • HE Commiphora myrrha ou molmol (myrrhe) : 4 ml (antivirale, anti-infectieuse, anti-inflammatoire) ; • HE Ravensara aromatica (ravensare aromatique) : 4 ml (antivirale, anti-infectieuse) ; • HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 2 ml (antibactérienne, antivirale).

Névrites ou névralgies faciales Appliquer localement sur la zone sensible, 6 fois par jour, quelques gouttes de ce mélange : • HE Laurus nobilis (laurier noble) : 0,5 ml (antalgique puissant, antispasmodique) ; • HE Mentha piperita (menthe poivrée) : 0,5 ml (antalgique, anti-inflammatoire, anesthésiante) ; • HE Tanacetum annuum (tanaisie annuelle) : 0,5 ml (anti-inflammatoire) ; • HE Helichrysum italicum (immortelle) : 0,1 ml (antihématome, anti-inflammatoire).

Inflammations gingivales Faire un massage local, deux fois par jour, avec la composition suivante : • HE Lavandula angustifolia (lavande vraie) : 0,5 ml (antiseptique, cicatrisante, antalgique) ; • HE Eucalyptus citriodora (eucalyptus citronné) : 0,3 ml (anti-inflammatoire) ; • HE Mentha piperita (menthe poivrée) : 0,1 ml (antalgique, anesthésiante, anti-inflammatoire) ; • HE Helichrysum italicum (immortelle) : 0,1 ml (antihématome) ; • HE Laurus nobilis (laurier noble) : 0,1 ml (bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ; • HV Hypericum perforatum (millepertuis) qsp : 10 ml (cicatrisante et régénératrice des tissus).

Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires

Parodontopathies Instiller dans les poches la préparation suivante, préalablement diluée à 3 % dans le mélange d’huiles végétales ci-dessous : • HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 3 ml (antibactérienne, antivirale) ; • HE Laurus nobilis (laurier noble) : 3 ml (bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ; • HE Commiphora myrrha ou molmol (myrrhe) : 2 ml (antivirale, anti-infectieuse, anti-inflammatoire) ; • HE Helichrysum italicum (immortelle) : 1 ml (antihématome) ; • HE Eugenia caryophyllus (clou de girofle) : 1 ml (antibactérienne, antivirale, antifongique) ; • HV Calophyllum inophyllum (calophylle inophylle) : 20 ml (cicatrisante, anti-inflammatoire) ; • HV Hypericum perforatum (millepertuis) : 80 ml (cicatrisante et régénératrice des tissus).

Infections buccodentaires Avaler une gélule 4 fois par jour entre les repas, pendant 5 à 7 jours : • HE Origanum compactum (origan compact) : 50 mg (anti-infectieuse puissante à large spectre) ; • HE Cinnamomum zeylanicum (écorce) (cannelle de Ceylan) : 25 mg (antibactérienne, antifongique très puissante) ; • excipient qsp : 1 gélule n °30.

189 • HE Chamaemelum nobile (camomille romaine) : 3 ml (anti-inflammatoire, antispasmodique) ; • HE Cinnamomum zeylanicum (écorce) (cannelle de Ceylan) : 1,5 ml (antibactérienne, antifongique très puissant) ; • HE Pimpinella anisum (anis vert) : 1,5 ml (correcteur de goût). Badigeonner autour des sites implantaires avec cette solution : • HE Laurus nobilis (laurier noble) : 1 ml (bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ; • HE Lavandula angustifolia (lavande officinale) : 1 ml (antiseptique, cicatrisante, antalgique) ; • HE Chamomilla reticuta (matricaire) : 1 ml (anti-inflammatoire, cicatrisante) ; • HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 1 ml (antibactérienne, antivirale) ; • HE Pimpinella anisum (anis vert) : 0,6 ml (agent de saveur) ; • HE Helichrysum italicum (immortelle) : 0,3 ml (antihématome) ; • HV Calophyllum inophyllum (calophylle inophylle) : 3 ml (cicatrisante, anti-inflammatoire) ; • HV Rosa rubiginosa (rose musquée) qsp : 30 ml (cicatrisante, régénératrice).

Hémorragie

Déposer, ou appliquer avec un doigt, 2 gouttes sur la zone à anesthésier, 10 minutes avant l’injection ou un autre acte douloureux : • HE Mentha piperita (menthe poivrée) : 4 ml (anesthésiante, antalgique) ; • HE Eugenia caryophyllus (clou de girofle) : 1 ml (antibactérienne, antivirale, antifongique).

Appliquer une compresse imbibée de quelques gouttes de ce mélange : • HE Cistus ladaniferus CT pinène (ciste ladanifère) : 3 ml (antihémorragique puissante, antiinfectieuse) ; • HE Pelargonium × Asperus c. u Egypte (géranium rosat) : 2 ml (antihémorragique) ; • HE Myrte communis CT cinéole (myrte verte) : 1 ml (astringente, décongestionnante) ; • HV Corylus avelana (noisette) qsp : 10 ml (excipient).

Extraction, pose d’implant

Régénération muqueuse après chirurgie

Prendre 2 jours avant l’intervention sur un petit morceau de sucre, ou très peu de miel, 3 gouttes 3 fois par jour de la composition suivante : • HE Laurus nobilis (laurier noble) : 7,5 ml (bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ; • HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 7,5 ml (antibactérienne, antivirale) ; • HE Thymus vulgaris CT thymol (thym CT thymol) : 4,5 ml (anti-infectieuse puissante) ; • HE Eugenia caryophyllus (clou de girofle) : 4,5 ml (antibactérienne, antivirale, antifongique) ;

Tamponner les gencives, après l’acte, avec cette solution : • HE Eugenia caryophyllus (clou de girofle) : 10 ml (antibactérienne, antivirale, antifongique) ; • HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 10 ml antibactérienne, antivirale) ; • HE Laurus nobilis (laurier noble) : 10 ml bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ; • HE Lavandula angustifolia (lavande officinale) : 10 ml (antiseptique, cicatrisante, antalgique) ;

Anesthésie de contact

190 • HE Chamaemelum nobile (camomille romaine) : 10 ml (anti-inflammatoire, antispasmodique) ; • HE Artemisia dracunculus (estragon) : 10 ml (antispasmodique neuromusculaire) ; • HE Helichrysum italicum (immortelle) : 5 ml (antihématome) ; • HV Calophyllum inophyllum (calophylle inophylle) : 10 ml (cicatrisante, anti-inflammatoire) ; • HV Rosa rubiginosa (rose musquée) : 15 ml (cicatrisante, régénératrice).

Nausées, hypotension Dés apparition du symptôme, faire sucer un petit morceau de sucre imprégné de 3 gouttes de : • HE Mentha piperita (menthe poivrée) : 4 ml (antivomitive, neurotonique, hypertensive). Les compositions et mélanges ci-dessus ne comportent aucune contre-indication, sauf restriction d’emploi voulue par le prescripteur. Très rarement, on peut observer une réaction d’intolérance chez certains sujets sensibles ; le praticien doit alors remplacer l’huile essentielle en cause (test cutané) par une autre de même intention. Il faut absolument éviter tout contact d’huiles essentielles avec les yeux. Si cela se produisait, rincer la cavité oculaire avec de l’huile végétale alimentaire. Les préparations aromatiques regroupent plusieurs composants (parfois beaucoup), lesquels agissent en synergie (certains potentialisant d’autres) comme cela se trouve en phytothérapie dans les extraits de plantes, qui sont complexes naturellement en eux-mêmes (à noter que suite à des expérimentations, dans le souci identique d’une meilleure efficacité thérapeutique, la plupart des spécialités pharmaceutiques de synthèse sont, elles aussi, complexes). Sur ordonnance, on peut se procurer les formules précédemment énumérées dans toutes les pharmacies, qu’elles soient composées directement sur place ou par l’intermédiaire d’une autre officine ou d’un laboratoire spécialisé.

Plantes médicinales et protéomique (de la tradition à la modernité) Le texte suivant, du professeur Pierre Requirand, propose une autre approche de l’utilisation de la phytothérapie, choisie à partir d’une symptomatologie biochimique. La phytothérapie depuis longtemps et l’aromathérapie plus récemment proposent de nombreux

H. Lamendin et al. Tissus ADN Génome

ARNm Protéome extracellulaire Transcriptome Sérum Phytothérapie

Figure 1 Génome et protéome. ADN : acide désoxyribonucléique ; ARNm : acide ribonucléique messager.

remèdes à action locale dans le but de réduire l’inflammation et la douleur, d’éviter la surinfection des tissus nécrosés ou d’améliorer la cicatrisation. On peut aussi utiliser les plantes médicinales par voie systémique au moyen des techniques bioinformatiques qui se développent depuis que l’on est dans la phase postgénomique.

Génome et protéome Le séquençage du génome humain est presque terminé. La communauté scientifique s’accorde pour considérer que ces nouvelles connaissances doivent maintenant être valorisées par l’étude des protéines issues des gènes. L’ensemble des protéines est appelé protéome depuis 1995. La protéomique étudie la structure et la fonction du protéome ainsi que l’action des médicaments sur les protéines. C’est dans le cadre de l’action des médicaments sur le protéome que la phytothérapie et l’aromathérapie trouvent leur place (Fig. 1).

Protéome sérique reflet de la pathologie La Figure 2 donne un exemple des possibilités de mise en parallèle des protéines de structure de la matrice extracellulaire des tissus parodontaux et du protéome sérique. Jayle a été le premier à suggérer une corrélation métabolique entre ces constituants du tissu conjonctif et l’augmentation des glycoprotéines sériques telles que l’orosomucoïde et l’haptoglobine au cours de la réaction inflammatoire.24 Puis, plus récemment, il a été constaté que : « Les modifications pathologiques à l’intérieur d’un organe peuvent avoir un reflet dans des modèles protéomiques Fibroblastes

Hépatocytes

Glycoprotéines de structure

Glycoprotéines de l’inflammation

TISSUS Ostéopontine 44 kDa Ostéonectine 33 kDa

SANG Orosomucoïde 44 kDa Haptoglobine β 48 kDa

Figure 2 Mise en parallèle des protéines de structure de la matrice extracellulaire des tissus parodontaux et du protéome sérique.

Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires sériques ».29 Enfin, il a pu être avancé que : « La protéomique est la prochaine étape pour comprendre comment les gènes sont reliés aux fonctions biologiques et aux maladies ».31

Thérapeutique et protéome « Il est valable de considérer la relation entre maladie et thérapeutique au niveau de l’expression protéique »..31 « Les médicaments doivent être regroupés en fonction de leur action sur les protéines ».1 La phytothérapie doit faire partie, au même titre que les produits de synthèse, des remèdes agissant sur le protéome. Une nouvelle discipline est proposée :15 la Bio-informatique du Médicament. Dans la chimiothèque des substances pouvant agir sur le protéome, il est estimé qu’il faudrait tester, en plus des produits de synthèse, au moins 15 000 substances naturelles connues ou à découvrir et « ... explorer le potentiel des médecines traditionnelles parvenues jusqu’à nous ». Pour l’instant, les cliniciens ne disposent que d’une méthode réunissant les deux aspects de la bio-informatique : celle du Centre européen d’informatique et d’automation.30 Le protéome du patient est représenté sous la forme d’un profil protéique. La phytothérapie et l’aromathérapie sont proposées à partir d’un programme informatique superposant le potentiel d’action sur les protéines d’environ 600 plantes et le protéome du patient.

Exemple d’application : le traitement des aphtoses L’étiologie de cette pathologie reste encore du domaine des hypothèses, et on ne peut proposer un traitement spécifique pouvant s’adapter à tous les patients. Données de l’histologie7 Au stade de l’ulcération, l’infiltrat inflammatoire est surtout constitué de polynucléaires neutrophiles. Les artérioles et les veinules sont obstruées et envahies par des microthrombi fibrineux. Mais on fait aussi l’hypothèse qu’il y aurait production d’immunoglobulines jouant un rôle dans la vascularite. Données du protéome Les modifications du protéome sérique sont en accord avec ces deux aspects de l’histologie, et confirment que l’ulcération de l’aphte peut être considérée comme une microthrombose. Mais les protéines impliquées dans la microthrombose sont

191 différentes d’un patient à l’autre et appellent une phytothérapie et une aromathérapie adaptées à chaque cas. La thrombose peut se traduire dans le sérum par une augmentation des protéines de la phase aiguë de l’inflammation (orosomucoïde, haptoglobine, céruléoplasmine...). L’aphtose est dans un contexte de microangiopathie. Quelques plantes agissent sur ces protéines : • la ballote fétide appelée aussi marrube noir (Ballota nigra, Labiées) : • la bourse à Pasteur (Capsella bursa pastoris, Crucifères) : • la menthe sylvestre (Mentha sylvestris, Labiées) : • la menthe à feuilles rondes (Mentha rotundifolia, Labiées). La thrombose peut se traduire dans le sérum par une association de ces protéines de l’inflammation et des lipoprotéines, du cholestérol et/ou des triglycérides. On est alors dans les conditions d’une aphtose dans un contexte d’athérothrombose. La phytothérapie a beaucoup de possibilités en ce domaine. Quelques plantes agissent sur le complexe inflammatoire lipidique : • l’artichaut (Cynara scolymus, Composées) : • le genêt d’Espagne (Spartium junceum, Papilionacées) : • l’arbre de Judée (Cercis siliquastrum, Papilionacées) : • le damiana (Turnera aphrodisiaca, Turneracées), bien connu des phytothérapeutes sexologues qui l’utilise pour son action vasodilatatrice : • la myrrhe (Commiphora myrrha, Burseracées). Cette famille agit sur le métabolisme des lipides ; contrairement aux statines et aux fibrates, la myrrhe agit au niveau de l’élimination du cholestérol par les acides biliaires.10 La thrombose peut aussi se faire dans un contexte de vascularite par complexes immuns. La production d’anticorps peut se voir dans des imprégnations hormonales4 ou à partir de production d’autoantigènes.2 Quelques plantes modèrent l’activité anticorps : • la menthe des champs (Mentha arvensis, Labiées) ; on remarquera que toutes les menthes n’ont pas le même potentiel ; • le cerisier (Cerasus vulgaris, Rosacées) ; • l’orme (Ulmus campestris, Ulmacées) ; • le lierre terrestre (Glechoma hederacea, Labiées) ; • la réglisse (Glycyrrhyza glabra, Papilionacées) ; • l’essence de verveine (Verbena, Verbénacées).

192

H. Lamendin et al.

Conclusion Les méthodes bio-informatiques pour le choix d’une phytothérapie systémique sont bien adaptées à la pathologie buccodentaire. Les patients jeunes atteints de maladie parodontale et ceux atteints d’aphtose, d’herpès ou de divers lichens sont le plus souvent asymptomatiques sur le plan général. La bio-informatique remplace alors l’absence de signes cliniques généraux par la recherche d’une sémiologie protéique. C’est la sémiologie protéique qui appelle une phytothérapie adaptée à chaque patient.

Remerciements

9. 10. 11. 12. 13. 14.

15. 16. 17. 18. 19.

Pour leur aide documentaire, à : Dominique Baudoux (Ghislenghien, Belgique), spécialiste en aromathérapie, et Gilles Peyron (Guillestre), pharmaciens, ainsi qu’à Jean-Louis Disdier (Blanzy), Régis Lhermite (Avignon) et Louis-Henry Limouza (Lyon), odontologistes.

20.

21. 22.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 193–199

www.elsevier.com/locate/emcden

Le chirurgien-dentiste des armées. Missions et rôles Military dentist surgeon. Missions and roles B. Fenistein (Chirurgien-dentiste) a, A. Benmansour (Chirurgien-dentiste en chef) b, B. Tavernier (Chirurgien-dentiste en chef, maître de conférences des Universités, praticien hospitalier) c, B. Peniguel (Chirurgien-dentiste principal) d, P. Loiseleux (Chirurgien-dentiste principal) e, V. Vetter (Chirurgien-dentiste principal) f, S. Dejean de la Batie (Chirurgien-dentiste principal) g, F. Hardy (Chirurgien-dentiste) h, M. Gunepin (Chirurgien-dentiste) i, B. Voisin (Chirurgien-dentiste) j, P. Zimmermann (Chirurgien-dentiste) k, P. Kahl (Chirurgien-dentiste en chef, consultant national pour l’odontologie dans les armées) l,* a

Secteur dentaire inter-armées de Mourmelon, France Secteur dentaire inter-armées d’Île-de-France, service d’odontologie de l’hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce, Paris, France. c Correspondant du service de santé des armées auprès de la Faculté de chirurgie-dentaire de Paris V-René Descartes, France d Hôpital d’instruction des armées Bégin, Paris, secteur dentaire inter-Armées d’Île-de-France, France e Hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, Toulon, secteur dentaire inter-armées de Toulon, France f Secteur dentaire inter-armées de Cayenne, France g Secteur dentaire inter-armées de Metz, service d’odontologie de l’hôpital d’instruction des armées Legouest, Metz, France h Secteur dentaire inter-armées de Clermont-Ferrand, France i Secteur dentaire inter-armées de Strasbourg, France j Secteur dentaire inter-armées de Montpellier, France k Secteur dentaire inter-armées d’Île-de-France, France l Secteur dentaire inter-armées de Lyon, service d’odontologie de l’hôpital d’instruction des armées Desgenettes, 69000 Lyon, France b

* Auteur correspondant. Hôpital d’instruction des Armées Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69275 Lyon cedex 03, France. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-5661(04)00016-9

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B. Fenistein et al.

MOTS CLÉS Chirurgien-dentiste militaire ; Corps de carrière ; Soins dentaires ; Opérations extérieures ; Secteurs dentaires interarmées

Résumé La chirurgie dentaire militaire regroupe des formes multiples, originales et habituellement méconnues d’exercice où la culture de la polyvalence, de l’efficacité et du professionnalisme peut s’exprimer. Si l’idée de la création d’un corps de chirurgiensdentistes de carrière au sein des armées françaises est ancienne, sa réalisation effective ne date que de l’an 2000. Permise par la professionnalisation des armées, elle est en fait le fruit d’une longue évolution qui dépasse le milieu militaire et s’intègre dans la reconnaissance progressive et générale de notre profession au sein du monde médical. Son organisation repose avant tout sur une sectorisation géographique s’affranchissant de l’opposition unité/hôpital et permettant à tous les chirurgiens-dentistes d’exercer au plus près des forces et à leur profit. Les synergies avec le monde civil dans les soins quotidiens, au décours des actions de formation continue ou dans les activités de recherche concourent à maintenir le lien Armée-Nation. L’intégration des praticiens de réserve dans toutes les activités militaires procède de cette logique. Disposant de moyens de qualité, robustes, régulièrement entretenus et aux normes de sécurité et d’hygiène, les praticiens peuvent se consacrer à leur raison d’être : participer, à côté de leurs camarades médecins et en collaboration avec eux, à obtenir et à maintenir le meilleur état de santé possible des ressortissants de la défense. Parfaitement intégrés, polyvalents et disponibles, les chirurgiens-dentistes militaires accompagnent nos soldats partout où ils se trouvent. Leurs rôles à l’étranger, en plus du soutien des forces armées françaises ou alliées, incluent bien souvent des missions à vocation humanitaire, illustrant les devises de nos écoles « pro patria et humanitate » et « mari transve mare hominibus semper prodesse ». © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Military dental surgeon; Regular corps; Dental care; External operations; Joint military dental sectors

Abstract Military dental surgery covers many original and generally unrecognised forms of practice where skills such as versatility, efficience and professionalism come into their own. Although the idea of creating a regular corps of dental surgeons within the French armed forces is not new, this project has been effectively implemented only in 2000, together with the military reforms. Although the “professionalisation” of the nation’s armies opened the door to implementation, this realisation is nonetheless the result of a long evolution which goes beyond the military environment, reflecting the gradual, general recognition of our profession within the medical world. Its organisation is based first and foremost on geographical sectoring which breaks the mould of the unit/hospital dichotomy, enabling all dental surgeons to practice in proximity to and for the benefit of the troops. Synergies with the civilian world in daily care, vocational training or research activities help to maintain the Army-Nation relationship. The integration of reserve practitioners into all military activities was the next logical step in the process. Robustness, quality, regular maintenance and compliance with health and safety standards of their equipment help dental surgeons to devote themselves to their “raison d’être”: working in close cooperation with their medical colleagues to obtain and preserve the best possible state of health for the defence personnel. Fully integrated, versatile and available, military practitioners accompany our soldiers all over the globe. In addition to supporting French or allied armed forces, their roles in foreign countries often include missions of a humanitarian nature, illustrating the mottoes of our schools: “pro patria et humanitate” * and “mari transve mare hominibus semper prodesse”**. * For our Country and Humanity, **Always serving Mankind across the seas © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction « Le nouvel humanisme du chirurgien-dentiste ». Un exercice original où l’initiative devient la règle au profit exclusif de nos patient. Si l’exercice de la chirurgie dentaire est traditionnellement connu du grand public sous son aspect libéral, d’autres formes d’exercice nous sont

offertes comme l’hospitalier, l’hospitalo-universitaire ou le mutualiste par exemple. Méconnu, l’exercice de l’art dentaire en milieu militaire autorise un style différent et unique alliant l’initiative à la polyvalence. En exerçant la chirurgie dentaire en qualité de militaires, nous sommes intégrés dans une communauté solidaire qui permet, par le truchement

Le chirurgien-dentiste des armées. Missions et rôles

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d’exercices dans de nombreux cadres en France ou à l’étranger, d’acquérir une expérience professionnelle, humaine et humanitaire irremplaçable. Notre jeune corps, ne serait-ce que par la réalisation de son organisation propre, concrétise pratiquement la caractéristique inter-armées partagée théoriquement avec l’ensemble du service de santé.13 En fonction des besoins des forces que nous servons, en fonction de nos aspirations aussi, nous pouvons être amenés à exercer indifféremment dans les hôpitaux militaires, en gendarmerie, dans la marine nationale, au sein des armées de terre ou de l’air. Ces possibilités de connaître ces différents mondes sont une chance. Elles permettent d’exercer un seul métier de différentes façons et dans des cadres divers. Après une description du corps des chirurgiensdentistes des armées, après l’avoir replacé dans son contexte historique et dressé les contours de son organisation, nous essayerons d’appréhender, dans leurs grandes diversités, ses missions, d’abord en France puis à l’étranger.

avec l’aide de ses adjoints qui sont des praticiens soit de carrière, soit sous contrat (formes d’engagements plus souples), soit encore des praticiens civils qui exercent en tant que militaires réservistes. De plus, cette organisation laisse la place à beaucoup de contacts et de synergie avec le monde civil comme nous le verrons. La richesse qui entoure l’art dentaire en milieu militaire se retrouve dans deux grandes formes d’exercice : l’exercice hospitalier et l’exercice au sein des forces, sachant que ce clivage n’est que didactique car il existe des passerelles pour travailler successivement ou quelquefois simultanément dans ces deux structures. Par ailleurs, ces deux entités complémentaires et synergiques ont pour objectif principal le soutien de nos forces.14 Il existe neuf hôpitaux d’instruction des armées (HIA) en métropole qui, par leur plateau technique, leur encadrement, les liens qu’ils entretiennent avec les universités, leurs missions, en font les pendants des centres hospitalo-universitaires (CHU) dans bien des domaines. Les hôpitaux s’intègrent aussi dans des secteurs dentaires inter-armées ; à ce titre, les chirurgiens-dentistes hospitaliers peuvent, au cours de vacations ponctuelles ou régulières, exercer aussi au sein des unités.12 Les chirurgiens-dentistes affectés en HIA ont toutes les attributions des praticiens hospitaliers. Marqué par l’omnipratique, l’exercice de certains s’oriente plus vers l’une de nos huit disciplines majeures pour

Le corps des chirurgiens-dentistes des armées Pour obtenir notre corps de 58 chirurgiens-dentistes, officiers d’active, de carrière ou sous contrat, répartis au sein des unités ou dans les hôpitaux sur tout le territoire (Fig. 1), selon un plan défini par la direction centrale du service de santé,13 il a fallu un long cheminement de près d’un siècle que nombreux ont essayé de faciliter. Parmi ceux-ci nous citerons le médecin général inspecteur Pons dont nous nous devons d’honorer ici la mémoire. Cette évolution s’inscrit dans le développement de la reconnaissance générale de la chirurgiedentaire dans le monde médical (fin des écoles dentaires, intégration des enseignants dans le monde hospitalo-universitaire, création de l’internat, statut hospitalier des étudiants). L’histoire du statut peut être utilement consultée dans deux numéros du CDF.3,4 La professionnalisation des armées (1996-2002)14 a permis la création d’un véritable corps autonome de carrière.8 Son organisation a véritablement débuté en 2001.13 La prise en considération de cette histoire singulière dans le service de santé et de ces récents développements permet de comprendre l’intérêt que les praticiens actuels ont d’exercer dans un tel cadre qu’ils peuvent encore façonner. L’organisation générale, très simplement, repose sur un découpage territorial en secteurs dentaires inter-armées.13 À la tête de chaque secteur, un chirurgien-dentiste organise le soutien dentaire

Figure 1 Répartition géographique des postes de chirurgiensdentistes des armées en France (Il existe deux autres postes à l’étranger : Dakar et Djibouti).

196 en faire un pôle d’excellence. En plus de cet exercice, qui est un exercice hospitalier habituel, s’ajoutent des missions dont l’un des intérêts professionnels réside dans les conditions particulières, souvent rustiques, où la polyvalence et les compétences de chacun peuvent s’exprimer pleinement. Inter-armées par excellence, les HIA sont à la fois une synthèse et une référence du service de santé des armées. Cette richesse d’exercice se retrouve également au sein de nos unités. À bien des égards, l’exercice technique peut être de haut niveau et proche de l’exercice hospitalier. Les praticiens des forces sont plongés dans la vie des nombreuses unités qu’ils soutiennent. Chacune d’elles possède des particularismes tant dans sa vocation, ses traditions que son histoire. Les perspectives sont donc prometteuses. Comme un essai au rugby, elles méritent d’être transformées. En effet, la création de notre corps, tout comme le respect qui entoure son développement extrêmement rapide laissent présager une vraie reconnaissance de nos spécificités, de notre autonomie et de notre qualité d’acteurs de santé à part entière. Bien que regroupant des praticiens aux statuts et engagements divers, le corps des chirurgiens-dentistes des armées constitue une entité cohérente, efficace et soudée.

Missions en France Les missions en France s’articulent autour de deux grands pôles essentiels que sont la préparation aux missions d’une part et les soins d’autre part.13,14 Ces deux pôles majeurs sont complétés par la nécessité bien comprise par le service de la formation continue.7,12,13,14 Très personnalisée, elle peut prendre des formes diverses pour s’adapter aux cahiers des charges de chacun et de l’intérêt de l’institution. Par ailleurs, certains peuvent se voir confier des missions de recherches, surtout cliniques ou épidémiologiques, dans différents cadres.15 Afin de pouvoir accompagner les forces partout où elles peuvent être amenées à se trouver, les chirurgiens-dentistes doivent toujours se tenir prêts à être projetés. Enfin, le rôle social dévolu à tout officier prend toute sa dimension quand on appartient au service de santé. La mise en condition opérationnelle est le travail par lequel les unités se préparent à servir. Si la mise en condition du matériel ou des armes relève de l’évidence, la préparation médicale en général et dentaire en particulier en fait aussi partie.2,5,6,10,11,18 Toutes les unités ont besoin de personnels prêts à les servir. Or, on constate que lors

B. Fenistein et al. des missions, les pathologies buccodentaires sont responsables d’une grande demande de consommation de soins, source de détournement d’efficacité au détriment de la mission de nos armées, mais aussi que nombre de ces problèmes peuvent être prévenus par une préparation efficace en amont visant à restaurer un état de santé buccodentaire et un pronostic compatible avec le succès de la mission.1,2,5,7,10 Ceci sous-entend une culture générale large des pathologies buccodentaires et de leurs possibilités d’évolution mais aussi une bonne connaissance des textes réglementaires, des conditions sur le terrain, des plateaux techniques déployés sur les théâtres, des possibilités de transport, etc... En marge de la préparation des opérations militaires et des soins dentaires, beaucoup de missions, même ponctuellement, peuvent échoir aux chirurgiens-dentistes militaires, comme des missions de formation7,12,13 (assistante dentaire, médecins généralistes, voire d’autres publics). Le contexte militaire permet en outre de mener des actions d’information dans le cadre de la prévention primaire et, dans une certaine mesure, d’en évaluer l’efficacité. Conseiller du commandement, le chirurgiendentiste est amené à donner son avis dans tous les domaines de sa compétence.13 L’illustration humoristique de la Figure 2 veut souligner le volume important de la population militaire, son aspect fini et contrôlable qui lui donne un attrait supplémentaire dans le cadre d’études cliniques ou épidémiologiques18 ou lors d’examen de situations individuelles dans le cadre d’une expertise par exemple. Si nous avons souhaité faire découvrir le corps dans toute sa diversité, il n’en reste pas moins vrai que les soins dentaires représentent une part prépondérante dans l’activité quotidienne, que ce soit en France, en opérations extérieures ou sur des bâtiments de la marine nationale. Le milieu mili-

Figure 2 Secrétariat médical, Mourmelon 2002.

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Figure 4 Autoclave de classe B.9

Figure 3 Conditionnement du matériel à stériliser, nettoyage de l’unité.

taire dans le domaine de la santé assure d’excellentes conditions d’exercice et un plateau technique de qualité, et ce au quotidien. Les moyens mis à disposition sont robustes, régulièrement entretenus et les moyens humains déployés permettent de respecter les normes d’hygiène et de sécurité les plus strictes (Fig. 3, 4).9,14 Les soins dentaires parce qu’ils s’adressent à une population de militaires et de ressortissants de la défense sont caractérisés par des besoins considérables et variés et des possibilités remarquables de

suivis. La prévention primaire se fait systématiquement de manière individuelle ; son volet « conseil du patient » est prépondérant. Sa force réside dans le désintéressement du praticien. La prévention primaire se fait également de manière collective. Cette démarche est indissociable du traitement étiologique des pathologies buccodentaires. Si on prend l’exemple de la pathologie carieuse, il est désormais bien admis que la maîtrise des causes de la pathologie est l’une des conditions du succès du traitement. Le mode de vie militaire rend cette partie du traitement plus évidente dans sa logique et plus aisée dans sa réalisation. Les traitements médico-chirurgicaux classiques rassemblent l’éventail le plus large des soins dentaires. Par ailleurs, les soins ou traitements dentaires s’entendent bien comme l’accomplissement d’un plan de traitement global. En plus de répondre à la demande des patients, le milieu militaire, parce qu’il exige des intéressés et des dentistes des résultats concrets dans des délais fixés, systématise la réalisation de cet objectif. De plus, les visites régulières et obligatoires prescrites par le commandement rendent réels et réguliers le suivi et la maintenance. Les collaborations interdisciplinaires qui sont une des richesses de l’exercice se réalisent à deux niveaux, aussi bien au sein des unités que dans les hôpitaux. Par exemple, entre spécialistes de notre sphère : un cas clinique nécessitant un remplacement de dents manquantes peut associer un chirurgiendentiste assurant soins conservateurs et prothèse, le chirurgien maxillofacial pour une éventuelle greffe osseuse et un chirurgien-dentiste qualifié pour la pose d’implants. Entre médecins et chirurgiens-dentistes : la proximité géographique et l’esprit de corps de l’ensemble du service de santé favorisent le support social et les discussions interdisciplinaires enrichissantes pour tous. Les médecins peuvent s’initier à

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Figure 5 Évacuation sanitaire.

Figure 6 Véhicule de l’avant blindé (VAB) version sanitaire.

la prise en charge des urgences dentaires.13 Les pathologies générales à manifestations buccales tout comme les manifestations muqueuses donnent lieu à des prises en charge conjointes. Il en va de même pour les hospitalisations par exemple des cellulites cervico-maxillo-faciales. Le rôle du chirurgien-dentiste dans les armées ne se limite pas à ses fonctions techniques. Il est officier d’un corps dont la devise est de servir. Il peut, tout comme les médecins et souvent avec eux, être parfois amené à participer au travail des psychologues, de l’aumônier, des assistantes sociales, et même à proposer, le cas échéant, sa médiation à l’autorité.

Missions à l’étranger Comme en France, la mission prioritaire du service de santé et donc des chirurgiens-dentistes des armées à l’étranger est le soutien des forces.1,14,16,17 Nos soldats acceptent de s’engager dans toutes les missions nécessaires par vocation certes, mais ils apprécient particulièrement de savoir que le service de santé les accompagne et les soutient partout où ils se trouvent et qu’il mobilise parfois des moyens considérables (Fig. 5). Le service de santé des armées français est depuis longtemps et aujourd’hui encore apprécié des populations et des armées étrangères auxquelles il dispense ses soins. Il participe ainsi au renom de la France et de sa présence hors du territoire national. La chirurgie dentaire s’intègre dans la chaîne santé. Notre spécialité n’est pas isolée, elle bénéficie de toute la logistique militaire appliquée à la santé, que ce soit au niveau des transports, du ravitaillement, etc... (Fig. 6, 7). Par ailleurs, les conflits ayant beaucoup évolué, les missions de nos forces se sont adap-

Figure 7 Porte-avions Charles-de-Gaulle.

tées.1,2,3,4,14,16,17 Il n’est donc pas rare que nos opérations aient une composante humanitaire et/ou s’intègrent dans des coopérations internationales sous l’égide de l’ONU par exemple (Fig. 8 et 9).

Conclusion La chirurgie dentaire militaire regroupe des formes multiples, originales et habituellement méconnues d’exercice où la culture de la polyvalence, de l’efficacité et du professionnalisme peut s’exprimer. Les synergies avec le monde civil dans les soins quotidiens, au décours des actions de formation continue ou dans les activités de recherche concourent à maintenir le lien armée-nation. L’intégration des praticiens de réserve dans toutes les activités militaires procède de cette logique. Enfin, tous les

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199 2.

Benmansour A. Préparation odontologique des militaires français: aptitude théorique et résultats. Méd Armées 2000;28(n° 6-7).

3.

Benmansour A. Histoire du statut des chirurgiens-dentistes militaires français. CDF 2002(n° 1063/64):34–39.

4.

Benmansour A. Histoire du statut des chirurgiens-dentistes militaires français. CDF 2002(n° 1065):52–56.

5.

Circulaire ministérielle no 1233/DEF/DCSSA/ASR/TEC du 17 avril 1985 relative à l’aptitude « dentaire » à servir outre-mer ou en opération extérieure

6.

Circulaire ministérielle no 389/DEF/DCSSA/AST/TEC/2 du 26 août 1999 relative à la mise en condition sanitaire du personnel avant départ en opérations extérieures (OPEX)

7.

Circulaire ministérielle no 26 453/DEF/DCSSA RH/ENS/3 du 27 décembre 2001 relative au schéma directeur de la formation continue du service de santé des armées.

8.

Décret n° 2000-187 du 1er mars 2000 modifiant le décret n° 74-515 du 17 mai 1974 portant statut particulier des corps militaires des médecins, des pharmaciens chimistes et des vétérinaires biologistes des armées. JO 04/03/2000;n° 54:3447.

9.

Fenistein B, Lusardi L. Stérilisation dans les services hospitaliers d’odontologie. Normes et procédures actuelles. CDF 2002(n° 1099):21–27.

10.

Fenistein B. Pourquoi tant de consultations dentaires en Opex ? Méd Armées 2003 (sous presse).

11.

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12.

Instruction ministérielle no 4000/DEF/DCSSA/RH/ENS/3 du 16 décembre 1999 relative à la formation continue.

13.

Instruction ministérielle no 3162/DEF/DCSSA/OL/OERI2079/DEF/DCSSA/AST/TEC du 22 mai 2001 relative à l’organisation et au fonctionnement du soutien dentaire dans les armées.

14.

Le service de santé des armées professionnalisé 2002. DCSSA, 24 septembre 2002.

15.

Note no 3777/DEF/DCSSA/AST/REC du 3 octobre 2001 concernant la recherche clinique.

16.

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Seigneuric JB, Gouzien G, Bellavoir A. Apport de la consultation itinérante de stomatologie à l’évaluation de l’état bucco-dentaire au sein des forces. Étude sur douze mois. Méd Armées 2000;28:149–153.

Figure 8 Photo Sirpa.

Figure 9 Hélicoptère des Nations Unies, Kosovo, 2001.

degrés d’investissement sont possibles pour servir dans les forces maritimes, aériennes ou terrestres ou dans les hôpitaux, en France, à l’étranger, dans la mesure où il existe des formes nombreuses de liens au service, de quelques jours par an (engagements dans la réserve) à quelques années (contrats), voire pour un engagement total dans une carrière complète.

Références 1.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 201–213

www.elsevier.com/locate/emcden

Anatomie du vieillissement craniofacial Anatomy of the aging face C. Vacher (Maître de Conférence des Universités) * Faculté de médecine Xavier Bichat (Paris VII), 16, rue Henri-Huchard, BP 416, 75870 Paris cedex 18, France, Institut d’anatomie de Paris, faculté biomédicale des Saints-Pères, 45, rue des Saints-Pères, 75270 Paris cedex 06, France

MOTS CLÉS Vieillissement ; Édentation ; Anatomie ; Os alvéolaire ; Os maxillaire ; Mandibule

KEYWORDS Aging; Edentulousness; Anatomy; Alveolar bone; Maxilla; Mandible

Résumé Le vieillissement de la face ne peut se réduire à la simple ptose cutanée faciale. Il existe des modifications qui intéressent aussi les plans sous-cutanés musculoaponévrotiques, les muscles masticateurs, et le squelette. Le vieillissement cutané se caractérise par une atrophie et une perte d’élasticité. Le système musculoaponévrotique superficiel se relâche, ainsi que le septum orbitaire favorisant l’apparition de hernies graisseuses sous-cutanées. Certains muscles peauciers sont infiltrés par la graisse sous-cutanée, et le muscle masséter présente un épaississement de ses aponévroses. Le vieillissement des maxillaires et de la mandibule est surtout causé par l’édentation. Il se produit une résorption osseuse et une diminution de hauteur de l’étage inférieur de la face. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The aging of the face is not limited to the cutaneous ptosis. There are changes interesting the sub-cutaneous tissues, masticators muscles and facial skull. The cutaneous aging is characterized by a skin atrophy and a loss of elasticity. The superficial musculo-aponevrotic system get loose as the orbital septum. Some cutaneous muscles are invaded by sub-cutaneous fat and the masseter muscle shows thicked aponeurosis. Maxilla and mandible aging is caused by edentulousness. There is a bone resorption and a loss of height of the lower third of the face. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Le vieillissement de la face doit être envisagé comme la résultante d’un processus global qui affecte l’ensemble des tissus qui composent la face. Il faut donc considérer successivement : • le vieillissement cutané, qui est le plus apparent et qui est étroitement lié à l’exposition solaire ; * Auteur correspondant. Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Hôpital Beaujon, AP–HP, 100, boulevard Général-Leclerc, 92118 Clichy cedex, France Adresse e-mail : [email protected] (C. Vacher). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.02.002

• le vieillissement des plans sous-cutanés de la face, qui explique la ptose cutanée faciale très variable suivant les localisations ; • le vieillissement musculaire des muscles masticateurs, qui ne peut être totalement séparé du vieillissement neurosensoriel ; • le vieillissement osseux facial, marqué par un phénomène majeur : l’édentation et la résorption osseuse qui en dépend.

Vieillissement cutané facial Le vieillissement cutané est sans doute, après le grisonnement des cheveux, le meilleur marqueur

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C. Vacher

du vieillissement apparent d’un individu.50 Il se manifeste à la fois par des modifications moléculaires, cellulaires, histologiques et cliniques. Il convient d’aborder successivement ces différents aspects du vieillissement cutané.

Altérations moléculaires et cellulaires responsables du vieillissement cutané Deux grandes théories ont été émises pour expliquer le vieillissement cellulaire. Il s’agit d’une part de l’altération des mécanismes assurant la vie de la cellule, et d’autre part de l’apoptose ou « mort cellulaire programmée génétiquement ». Ces théories permettent d’expliquer chacune une partie des altérations suivantes qui participent à ce vieillissement cellulaire : • diminution de la prolifération cellulaire : Hayflick a montré en 1964 que les lignées cellulaires in vitro ont une durée définie de multiplication ;27 • perte des télomères des chromosomes : au cours de la vie se produit un raccourcissement progressif des télomères (séquences d’acide désoxyribonucléique [ADN] qui terminent les chromosomes). Ceci entraîne une perte de matériel génétique et des lésions de l’ADN ;1 • apoptose : cette mort cellulaire qui serait prévue génétiquement pourrait être responsable de l’amincissement de la peau par perte cellulaire de kératinocytes (qui sont les cellules de l’épiderme) et des fibroblastes présents dans le derme ; • ralentissement du renouvellement de la machinerie cellulaire : il traduit par des modifications du cycle cellulaire telles que l’oxydation, l’altération des communications intercellulaires, et la formation de radicaux libres.

Altérations histologiques liées au vieillissement cutané Le vieillissement cutané s’exprime au niveau de toutes les couches de la peau. Épiderme On observe une diminution de l’épaisseur de l’épiderme et une diminution de la taille des crêtes épidermiques, ce qui se traduit par un aplatissement de la jonction dermoépidermique. Les kératinocytes peuvent présenter une anisocytose. Une parakératose puis une acanthose précèdent l’apparition de lésions précancéreuses telles la kératose actinique, ou néoplasiques (carcinomes basocellulaires ou spinocellulaires). Il se produit une diminution de la densité des mélanocytes au niveau des zones qui ne sont pas

Figure 1 Vieillissement pathologique cutané lié à l’exposition solaire. Présence de zones d’hétérochromie et d’un épithélioma basocellulaire de la racine du nez.

régulièrement exposées au soleil,9 rendant la peau plus sensible aux ultraviolets. Il se produit une hétérochromie des zones cutanées exposées au soleil, c’est-à-dire un mélange de zones hyperpigmentées et de zones hypopigmentées39,41 (Fig. 1). La diminution des cellules de Langerhans réduit l’immunité de la peau et pourrait diminuer les mécanismes de défense contre les tumeurs cutanées. Derme Il présente globalement une atrophie au cours du vieillissement normal liée à une diminution de la densité en fibrocytes, et des altérations de la matrice extracellulaire. Celle-ci se traduit par une raréfaction des protéoglycanes, des glycosaminoglycanes et de la fibronectine. La quantité de collagène de type 1 diminue, ce qui altère les propriétés mécaniques de la peau. Le nombre de fibres d’élastine est également en diminution. Hypoderme Dans la région cervicofaciale, se produit une atrophie de l’hypoderme. Au cours du vieillissement normal se produit une atrophie cutanée par diminution des éléments constitutifs des trois couches de la peau.40

Modifications cliniques du vieillissement normal40 Il est souvent difficile à apprécier au niveau de la face, qui est une zone exposée au soleil pour laquelle vieillissement normal et vieillissement actinique sont souvent intriqués. Il est cependant pos-

Anatomie du vieillissement craniofacial

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sible de noter chez les sujets âgés qui ne se sont pas exposés au soleil (souvent pour des raisons culturelles) les éléments suivants : • une atrophie et une fragilité de la peau ; • une perte de l’élasticité qui rend plus visibles les rides d’expression ; • une xérose ; • des altérations fonctionnelles telles qu’un retard à la cicatrisation, et une diminution des capacités de thermorégulation.

Vieillissement actinique40 Il est particulièrement important au niveau de la face qui est très exposée au soleil. Les lésions histologiques observées sont les suivantes : • une alternance de zones d’hypertrophie et de zones d’atrophie de l’épiderme ; • des atypies nucléaires des kératinocytes (dyskératose, parakératose) ; • une pigmentation irrégulière avec alternance de zones hyperpigmentées et dépigmentées ; • une horizontalisation et un épaississement de la jonction dermo-épidermique ; • une élastose du derme (accumulation de substance présentant des similitudes avec les fibres élastiques). Les lésions cliniques sont les suivantes : • un épaississement cutané ; • des rides profondes ; • une sécheresse cutanée ; • une laxité cutanée augmentée ; • des télangiectasies ; • une pigmentation irrégulière ; • des lésions actiniques (kératoses, carcinomes, mélanose de Dubreuilh).

Autres causes du vieillissement pathologique de la peau40

Figure 2 Anatomie superficielle de la région latérale de la face. La peau est réclinée montrant les plans sous-jacents, c’est-àdire le système musculoaponévrotique superficiel unissant le fascia temporal superficiel en haut et le fascia parotidien en bas. Sous le fascia temporal superficiel apparaît le fascia innominé.

culière appelée système musculoaponévrotique superficiel (SMAS).37 Sous ce terme générique, on retrouve selon les auteurs des structures différentes. Le SMAS (Fig. 2, 3) comprend au sens strict du terme le fascia parotidien dans la région faciale, le muscle platysma dans la région cervicale auquel il est attaché, le fascia temporal superficiel qui le poursuit dans la région temporale et le petit muscle risorius (inconstant) tendu du fascia superficiel du muscle masséter au modiolus. Certains auteurs appellent SMAS l’ensemble des tissus sous-cutanés de la face, considérant que toute la face est couverte par ce système, qui est pourtant difficile à mettre en évidence au niveau de la partie antérieure de la face chez l’homme. Il ne faut pas confondre le SMAS avec les muscles peauciers de la face qui possèdent une insertion périostée profonde et une insertion cutanée superficielle, et qui vont donc traverser les tissus sous-cutanés au cours de leur trajet. Le SMAS, très dense à la partie latérale de la face (au

Le tabac potentialise l’effet des ultraviolets et aggrave le vieillissement actinique. Il favorise notamment l’apparition d’une élastose du derme. La ménopause : la carence œstrogénique, lorsqu’elle n’est pas compensée par un traitement substitutif, favorise l’atrophie cutanée et la perte d’élasticité de la peau.

Vieillissement des tissus sous-cutanés de la face Système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) Au niveau de la face, le tissu sous-cutané est représenté par une couche musculoaponévrotique parti-

Figure 3 Anatomie superficielle de la région latérale de la face. La peau et le système musculoaponévrotique superficiel sont réclinés. L’artère temporale superficielle vascularise les plans superficiels de la région temporale.

204 niveau du fascia parotidien) s’affaiblit donc en avant de la parotide, est traversé par les muscles peauciers et le corps adipeux de la bouche, rendant son individualisation par la dissection très difficile. Au cours du vieillissement normal, il se produit un relâchement du SMAS, à l’exception du fascia parotidien qui reste assez adhérent à la glande. Le platysma se réduit chez le sujet âgé.45 Ce phénomène va faciliter la constitution de hernies graisseuses entre les muscles peauciers de la face, particulièrement entre les deux muscles zygomatiques et entre les deux muscles platysmas, qui aggravent la ptose cutanée. Il a été décrit des « points fixes ostéocutanés de la face » qui sont en réalité des zones d’adhérence du derme au SMAS, lui-même adhérent au périoste : • Psillakis a décrit un point fixe orbitaire situé en regard de la suture frontozygomatique ;42 • Mac Gregor a décrit un point fixe zygomatique situé sur le cintre maxillozygomatique au niveau du processus temporal de l’os zygomatique ;36 • Furnas16 a décrit un point fixe mandibulaire au niveau de la partie latérale de la symphyse mandibulaire au niveau du bord inférieur de la mandibule. Ces points fixes vont délimiter des zones anatomiques de ptose cutanéoaponévrotique. Ainsi entre le point zygomatique en arrière et le point mandibulaire se trouve limitée la « bajoue » ou ptose cutanée jugale. Ces points ont aussi l’intérêt de mettre en évidence que la chirurgie de vieillissement cutané de la face est une chirurgie qui devrait ascensionner les tissus de la face, et non seulement les retendre vers l’arrière.

Région orbitaire Au niveau des paupières, le septum (couche fibreuse qui sépare la graisse palpébrale souscutanée de la graisse orbitaire) devient déhiscent et laisse se constituer des hernies graisseuses qui forment les « poches palpébrales » dont l’exérèse est réalisée au cours des blépharoplasties esthétiques. L’aponévrose du releveur de la paupière supérieure devient également déhiscente, ce qui favorise la constitution d’un ptosis dit involutif ou sénile. Il se produit une saillie de la partie latérale de l’arcade sourcilière due à la résorption du tissu adipeux sourcilier, l’apparition de rides frontoglabellaires et d’une ptose frontosourcilière.11

C. Vacher En effet, les études morphologiques ne peuvent nous renseigner que sur la taille, la surface musculaire, mais ces éléments sont bien insuffisants pour appréhender une structure dynamique. L’étude de la force musculaire est bien difficile à réaliser au niveau de la face, car les mouvements que l’on peut tester (ouverture ou fermeture buccale par exemple) font interagir plusieurs muscles, sans parler de l’innervation motrice.

Généralités Au cours du vieillissement, on a mis en évidence d’une manière générale au niveau de tous les muscles de l’organisme : • au plan fonctionnel, une myopathie dégénérative responsable d’une diminution de 30 % environ de la masse musculaire totale entre 30 et 80 ans. Le mécanisme principal en est la diminution du nombre et de la taille des fibres musculaires, des vaisseaux et une diminution des activités enzymatiques musculaires. La diminution du nombre de neurones moteurs participe sans doute à cette myopathie ; • au plan morphologique, une diminution du volume des muscles par diminution de la densité et de la surface musculaire. Certaines particularités des muscles de la face ont été mises en évidence.

Muscles peauciers de la face L’anatomie des muscles peauciers de la face se modifie. Selon Rubinstenn,45 le muscle abaisseur de la lèvre inférieure se situe en avant du muscle platysma chez le sujet âgé, ce qui s’explique probablement par la raréfaction des fibres du muscle platysma. Si on compare l’activité neuromusculaire de la lèvre inférieure à celle de la partie supérieure de la face, on constate qu’il se produit au cours du vieillissement un déséquilibre de l’activité neuromusculaire aux dépens de la lèvre supérieure.11 L’anatomie superficielle du nez subit des modifications importantes. Dans la moitié des cas se produit une infiltration graisseuse globale des muscles peauciers du nez (Fig. 4, 5). Cette infiltration pourrait participer à la chute de la pointe du nez décrite chez les sujets âgés.53 Le plus souvent, les muscles de la pointe du nez, dilatateur et constricteur de la narine, et partie alaire du muscle nasal notamment involuent, ce qui explique qu’il est important dans une rhinoplastie chez le sujet âgé de privilégier la fonction et d’utiliser des techniques conservatrices.21,22,23,53

Vieillissement musculaire facial

Muscle frontal

Cet aspect du vieillissement facial est sans doute le plus mal connu et le plus difficile à étudier.

Le muscle frontal est souvent considéré comme faisant partie intégrante d’un seul muscle peaucier

Anatomie du vieillissement craniofacial

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Muscles masticateurs

Figure 4 Anatomie superficielle du nez. Sous la peau qui est réclinée, il existe une infiltration des muscles peauciers par du tissu adipeux.

occipitofrontal réunissant le muscle occipital en arrière et le muscle frontal en avant, unis par la galéa aponévrotique. Ce muscle présente des antagonistes (muscle corrugator du sourcil et muscle procerus). Au cours du vieillissement, l’action du muscle frontal diminue, entraînant une ptose de la partie latérale du sourcil et un déséquilibre de la balance muscle frontal/muscle antagoniste au profit des muscles corrugator et procerus.11 Les chirurgiens qui pratiquent l’exérèse sous endoscopie de ces deux muscles tentent de faciliter ainsi la mise en tension du muscle frontal, et par la même occasion de la peau frontale. Selon Gola, le muscle digastrique occipitofrontal n’existe pas. La galéa aponévrotique reçoit le muscle occipital sur sa face profonde et le muscle frontal sur sa face superficielle. Il décrit une unité cutanéo-musculoaponévrotique frontale (UCMA) qui ptose vers l’avant à cause du relâchement de la galéa.24,25

Les muscles masticateurs subissent également des modifications morphologiques. Selon Gaudy,20 le muscle masséter subit des modifications structurales liées à l’âge qui concernent le muscle masséter superficiel et le masséter intermédiaire : • la couche superficielle du muscle masséter superficiel présente une aponévrose qui tend à devenir plus épaisse et à s’allonger ; ce phénomène étant d’autant plus important que le patient est édenté sans prothèse. Cette notion était déjà notée dans les travaux de Gaspard ;17,18 • la couche profonde du muscle masséter superficiel présente chez le sujet âgé édenté non appareillé, d’épaisses lames tendineuses indépendantes les unes des autres ;20,46,47 • le muscle masséter intermédiaire présente une insertion mandibulaire dont la hauteur tend à diminuer avec l’âge.19,20 On peut supposer que des modifications de même nature se retrouvent sur les autres muscles élévateurs de la mandibule. Les muscles abaisseurs de la mandibule (autres que le platysma dont nous avons déjà parlé), c’està-dire les muscles digastriques, géniohyoïdiens et mylohyoïdiens subissent également un relâchement lié à l’âge qui se traduit par une ptose de l’os hyoïde, un angle cervicomentonnier ouvert, normalement entre 105 et 120° selon Ellenbogen13 avec un aspect de pseudo-double menton.11

Vieillissement neurosensoriel Le but n’est pas, dans ce chapitre, de détailler le vieillissement neurologique, mais de résumer brièvement les conséquences tout à fait fondamentales de ce vieillissement au niveau de la face.

Vieillissement visuel Il est essentiellement marqué par l’opacification du cristallin, par la diminution du diamètre pupillaire qui favorise le rétrécissement du champ visuel, la dégénérescence maculaire liée à l’âge et à l’accumulation de matériel hyalin au niveau de la rétine.

Vieillissement cochléovestibulaire Figure 5 Anatomie superficielle du nez. La peau et le tissu adipeux sous-cutanés sont réclinés. On constate la disparition des muscles peauciers du nez. L’os nasal, le cartilage latéral et le grand cartilage alaire sont situés directement sous la graisse sous-cutanée.

Les cellules ciliées de l’oreille interne se contractant moins bien, on observe une presbyacousie liée à l’âge. Les sujets âgés utilisent moins leur système vestibulaire, ce qui peut générer des troubles de l’équilibre.

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Vieillissement osseux craniofacial Le vieillissement osseux facial est dominé par la perte des dents et la résorption alvéolaire qu’elle entraîne. Ce vieillissement, autrefois considéré comme normal est maintenant à décrire à part, ce qui amène à distinguer le vieillissement normal et le vieillissement lié à l’édentation. La difficulté essentielle est de faire la part entre ce qui revient à la perte des dents et des phénomènes d’apposition et de résorption osseuse attribuables uniquement au vieillissement. D’une manière générale, Delachapelle et al.10 ont mis en évidence, sur des téléradiographies de profil de sujets d’âge différent, de grandes tendances : • flexion de la tête sur la colonne cervicale et augmentation de la lordose cervicale ; • tendance au prognathisme mandibulaire par ouverture de l’angle goniaque ; • tendance au rétrognathisme facial qui serait liée plutôt à l’édentation qu’à l’âge. Laude et al. ont montré l’absence de modification de la base du crâne au cours du vieillissement.34 Une étude plus récente utilisant la même méthode sur un plus grand nombre de sujets a permis de préciser les grandes lignes évolutives de l’extrémité céphalique au cours du vieillissement :12 • augmentation de l’épaisseur de la calvaria ; • augmentation de la lordose cervicale et perte de hauteur globale ; • peu de modifications concernant la mandibule ; • augmentation de la dimension verticale postérieure du massif facial, alors que la partie antérieure du maxillaire restait stable. Ces deux études montrent la complexité des modifications osseuses du massif facial au cours du vieillissement, alors qu’au niveau de la colonne vertébrale cervicale il y a moins de controverses. La plupart des auteurs48 considèrent que la perte de hauteur de l’étage inférieur maxillomandibulaire de la face liée à l’édentation a pour conséquences : • l’accentuation des plis nasogéniens ; • une perte de projection labiale ; • une proéminence du menton (menton de sorcière).

Vieillissement mandibulaire La plupart des auteurs qui se sont intéressés à ce sujet ont comparé la mandibule édentée et la mandibule dentée. L’un des premiers auteurs à avoir décrit ce vieillissement est Enlow.14 Celui-ci a dé-

Figure 6 Téléradiographie de profil d’un sujet âgé de plus de 70 ans. La mandibule est le siège d’une résorption osseuse importante dans la région du corpus avec une encoche préangulaire.

crit le vieillissement de la mandibule comme un processus qui se manifeste par : • une apposition osseuse sur les faces linguale et vestibulaire de la partie basale du corps de la mandibule, ce qui se traduit par une augmentation de la largeur de l’os mandibulaire alors que la partie alvéolaire du corps est marquée par une résorption ; • un recul de la partie alvéolaire de la symphyse mandibulaire par résorption de la face vestibulaire, alors que la partie basale tend à s’épaissir ; • la branche de la mandibule devient plus étroite dans les plans antéropostérieur et latéromédial ; • l’apparition d’une encoche préangulaire qui peut être liée à une ouverture de l’angle goniaque (Fig. 6). Les constatations de Enlow ne sont pas argumentées par une étude scientifique sur de nombreux cas, mais rapportent l’expérience importante de l’auteur. C’est la raison pour laquelle de nombreuses études ont suivi, qui cherchaient à établir des différences statistiquement valables entre mandibule dentée et édentée. La diminution de hauteur de l’os mandibulaire au niveau du corps de la mandibule est l’élément le plus souvent retrouvé. Selon certains auteurs, elle ne se produit pas seulement après l’édentation mais semble être un processus continu lié à l’âge,

Anatomie du vieillissement craniofacial

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Figure 7 Panoramique dentaire chez le même sujet que la Figure 6.

Figure 9 Panoramique dentaire chez le même sujet que la Figure 8.

accentué par les pertes dentaires6 (Fig. 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13). D’autres auteurs54 ont montré que la perte osseuse mandibulaire liée à l’édentation ne portait pas seulement sur l’os alvéolaire mais aussi sur l’os basal. Carlsson et Persson8 ont montré qu’au niveau de la partie antérieure de la mandibule la hauteur d’os diminue de 2 mm dans les 2 premiers mois après extraction, un peu plus de 4 mm 1 an après et environ 7 mm à 5 ans en moyenne. Cette diminution de hauteur de la mandibule édentée est plus importante chez la femme que chez l’homme,49 ce qui suggère que l’ostéoporose pourrait jouer un rôle. Cette résorption alvéolaire après édentation plus importante chez la femme

que chez l’homme est confirmée par d’autres études.28 Bras et al. suggèrent que la résorption osseuse chez l’édenté n’est pas seulement liée à des facteurs locaux, mais serait également corrélée à une perte de la masse de calcium osseux mesurée par absorptiométrie.7 Lorsqu’il se produit une perte de hauteur de la mandibule, apparaît une apposition osseuse au ni-

Figure 10 Mandibule sèche édentée avec résorption importante.

Figure 8 Téléradiographie de profil d’un sujet âgé de plus de 70 ans. La résorption osseuse mandibulaire est peu importante alors que l’édentation est aussi ancienne.

Figure 11 Mandibule sèche avec résorption osseuse minime.

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Figure 12 Différents stades de résorption osseuse mandibulaire après édentation selon Atwood.3,4

veau de la corticale interne qui compense la perte de diamètre de la mandibule par un phénomène d’adaptation fonctionnelle.26 La résorption osseuse est variable selon les différentes parties du corps de la mandibule. Quelle que soit la région mandibulaire, la perte de volume osseux peut dépasser 65 % du volume initial avant édentation. Dans la région incisivocanine, la hauteur de la mandibule peut varier de 30 mm à moins de 5 mm en cas d’atrophie très sévère. L’épaisseur de la mandibule est de 10 à 15,5 mm au niveau du menton, et de 8,5 à 13 mm au niveau des canines. La corticale est toujours plus épaisse à la face linguale qu’à la face labiale, en raison des insertions osseuses puissantes qui siègent sur cette face (muscles génioglosses, géniohyoïdiens, et digastri-

Figure 13 En cas de résorption alvéolaire mandibulaire importante, le foramen mentonnier qui donne naissance au nerf mentonnier, rameau terminal du nerf alvéolaire inférieur, peut être très superficiel.

ques). Il se produit une inclinaison linguale de la mandibule plus marquée dans la région canine que dans la région incisive26 (Fig. 14, 15). Dans la région prémolaire, la résorption osseuse peut également dépasser 65 % du volume osseux initial avant édentation. Selon le stade d’atrophie, la distance entre le bord alvéolaire et le canal mandibulaire peut varier entre 20,5 et 0,5 mm. Alors que l’épaisseur de la mandibule varie de 8 à 13,1 mm au niveau de l’os basal, elle peut n’être que de 1 mm au niveau de la crête alvéolaire en cas de crête en lame de couteau. Dans la région molaire, la résorption peut aussi dépasser 65 % du volume initial osseux. Le diamètre transversal est plus important que dans la région

Figure 14 En cas de résorption alvéolaire mandibulaire importante dans la région incisive, les épines mandibulaires (apophyses géni) peuvent être sous-muqueuses au niveau du plancher de la bouche. Dans ce cas, la prothèse dentaire mobile posée sur la crête mandibulaire entraînait une ulcération du plancher au contact des épines mandibulaires.

Anatomie du vieillissement craniofacial

Figure 15 Abrasion chirurgicale des épines mandibulaires (apophyses géni). En arrière du bord alvéolaire de la mandibule, le plancher buccal a été incisé, laissant apparaître les muscles génioglosses.

antérieure, et peut aller de 1 à 10 mm. La distance entre le bord alvéolaire et le canal mandibulaire va de 17,5 à 1 mm. Dans certains cas exceptionnels, le nerf alvéolaire inférieur affleure sous la muqueuse, pouvant ainsi faire l’objet de traumatismes par des prothèses dentaires. D’autres variations ont été mises en évidence sur la mandibule édentée, notamment la tendance au prognathisme mandibulaire. Il faut sans doute se méfier des études qui mesurent la projection de la mandibule par rapport au maxillaire, car en cas d’édentation mandibulaire non appareillée, il se produit une rotation mandibulaire qui projette le menton vers l’avant.29 Unger et al. n’ont retrouvé aucune relation entre la longueur de la mandibule et la résorption osseuse chez l’édenté.52 D’autres facteurs ont été évoqués qui pourraient expliquer un éventuel prognathisme authentique en dehors de toute rotation mandibulaire. Il s’agit notamment de l’angle goniaque. Sa variation éventuelle au cours de l’édentation reste un sujet de controverse. Alors qu’Enlow avait décrit une augmentation de l’angle goniaque chez le sujet édenté retrouvée par Ohm et Silness38 qui, selon Enlow, se traduisait par l’apparition fréquente d’une encoche préangulaire, des études plus récentes ne retrouvent aucune corrélation entre l’angle goniaque et les éléments suivants : âge du patient, édentation, et importance de la résorption alvéolaire.30,44 La position du condyle mandibulaire pourrait être plus antérieure chez les patients édentés, ce qui pourrait favoriser un prognathisme mandibulaire.43

209 lation controlatérale dont le fonctionnement est lié à l’occlusion dentaire. On peut donc comprendre que, bien que cette articulation ne soit pas une articulation portante, comme le genou et la hanche dont le vieillissement se traduit par un processus de dégénérescence arthrosique presque obligatoire, l’édentation notamment molaire augmente les contraintes mécaniques qui s’exercent sur cette articulation. L’autre particularité importante de cette articulation est d’être divisée en deux compartiments supérieur et inférieur par le passage du tendon du muscle ptérygoïdien latéral épaissi qui forme un disque articulaire. Les surfaces osseuses en présence (processus condylaire de la mandibule, fosse mandibulaire et tubercule articulaire de l’os temporal) sont le plus souvent l’objet d’une déminéralisation diffuse et d’un amincissement des corticales osseuses sans dégénérescence arthrosique. Le disque articulaire est marqué en général par un amincissement sans perforation. Dans un certain nombre de cas, une arthrose vraie est constatée au niveau des surfaces articulaires, marquée par l’existence de géodes, d’ostéophytes, de tassements du processus condylaire souvent associés à des perforations du disque articulaire. La fréquence de ces perforations dans une population âgée varie selon les auteurs.

Vieillissement maxillaire La résorption de l’os alvéolaire maxillaire chez les patients édentés est plus lente qu’au niveau de la mandibule (Fig. 16, 17). Selon Atwood et Coy5 et Tallgren,51 la résorption verticale est de 0,1 mm par an pour le maxillaire. Une classification de la résorption osseuse alvéolaire maxillaire après édentation a été établie par Fallschüssel15

Vieillissement de l’articulation temporomandibulaire Cette articulation condylaire présente pour particularité d’être une articulation couplée à l’articu-

Figure 16 Téléradiographie de profil chez un sujet de plus de 70 ans. Expansion du sinus maxillaire.

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Figure 17 Différents stades de résorption osseuse maxillaire en coupe frontale après édentation selon Fallschüssel.15

(Fig. 18). Cette résorption osseuse est plus importante dans la partie antérieure du maxillaire que dans la partie postérieure. Dans la région incisivocanine, la hauteur des os maxillaires mesurée entre crête alvéolaire et paroi inférieure des cavités nasales varie entre 20 et 8 mm.26 Dans la région prémolomolaire, même si la résorption osseuse liée à l’édentation est moins importante, la hauteur d’os maxillaire est moins importante en raison de l’expansion du sinus maxillaire qui se poursuit tout au long de la vie. Dans certains cas, le sinus maxillaire envahit totalement la crête alvéolaire qui se réduit alors à une

lamelle extrêmement fine. Cette expansion du sinus maxillaire vers la cavité buccale serait aussi aggravée par l’édentation. Elle est souvent maximale en regard du site où a commencé la perte dentaire, c’est-à-dire habituellement dans la région molaire. La hauteur d’os varie dans la région prémolomolaire maxillaire entre 21 et 0,5 mm. C’est dans la région de la tubérosité maxillaire que la résorption osseuse est la moins importante. La distance entre crête et sinus maxillaire varie entre 10 et 4 mm. Laude a bien mis en évidence une tendance au rétrognathisme facial34 au cours du vieillissement. Ce recul maxillaire est dû à une atténuation des

Figure 18 Différents stades de résorption osseuse maxillaire en coupe parasagittale après édentation selon Fallschüssel.15

Anatomie du vieillissement craniofacial

Figure 19 Vieillissement facial. Vue de face. Le relâchement du système musculoaponévrotique superficiel est responsable de la formation de bajoues au niveau de la face et de bandes platysmales au niveau du cou. Le relâchement du septum orbitaire favorise la formation de poches palpébrales. Les rides d’expression sont dues à l’action des muscles peauciers.

piliers de la face zygomatiques et canins. Ces modifications seraient plutôt liées à l’édentation qu’à l’âge.35

Vieillissement crânien Selon Gola,24 il se produit une involution osseuse crânienne qui est due à la réduction des fonctions manducatrices avec l’âge. L’accentuation des bosses frontales s’explique par l’atrophie osseuse autour des sinus frontaux.

Conclusion Les manifestations cliniques du vieillissement, bien qu’elles soient apparentes au niveau de la face (Fig. 19, 20), restent encore l’objet de controverses. C’est le cas notamment pour le vieillissement osseux craniofacial. Il est difficile de savoir ce qui revient à l’édentation dans ce processus de vieillissement osseux. D’une manière plus générale, le vieillissement est la résultante de facteurs multiples génétiques, environnementaux (tels que le soleil pour la peau et l’édentation pour l’os), et hormonaux, pour ne citer qu’eux. La difficulté pour analyser scientifiquement ce processus est qu’il est très compliqué d’étudier chez les mêmes patients la morphologie faciale aux âges extrêmes de la vie.

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Figure 20 Vieillissement facial. Vue de profil. Présence de bajoues, des bandes platysmales et des rides d’expression.

Jost avait montré par une étude photographique tout au long de la vie sur les mêmes sujets que la pointe du nez ne tombait pas avec l’âge31,32,33 contrairement à l’opinion encore actuellement généralement admise, mais des études de ce type sont très rares. Si les manifestations cliniques du vieillissement sont difficiles à étudier, au plan fondamental de nombreux auteurs ont tenté de donner un sens à ce processus. Williams a proposé la théorie suivante : parmi les protéines qui favorisent le développement de l’homme et assurent sa fécondité, certaines pourraient aussi favoriser le déclenchement ultérieur de notre vieillissement. Ceci expliquerait que ces protéines aient été transmises au cours de l’évolution, car avant d’avoir un effet néfaste elles constituent un avantage pour notre espèce qui aurait été sélectionné2. Cette conception un peu finaliste traduit notre connaissance encore très partielle du vieillissement.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 214–227

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Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson Tumour and angioma of the oral cavity of the infant B. Michel (Chef de clinique-assistant des Hôpitaux), G. Couly (Professeur des Universités, stomatologiste et chirurgien maxillofacial des hôpitaux de Paris) * Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale pédiatriques, hôpital Necker–Enfants-Malades, 149-161, rue de Sèvres 75015 Paris, France

MOTS CLÉS Tumeur ; Pseudo-tumeur ; Angiome ; Épulis congénitale ; Kyste mucoïde

Résumé La cavité buccale du nourrisson et du nouveau-né est le siège de multiples manifestations tumorales ou pseudotumorales. Les plus fréquentes sont les kystes épithéliaux d’évolution parfaitement bénigne. À l’opposé, les sarcomes embryonnaires sont des lésions exceptionnelles mais de pronostic réservé. Entre les deux se situent une multitude de lésions bénignes. Certaines sont de diagnostic clinique, confirmé par le geste chirurgical (grenouillette, épulis congénitale, hamartome...). Certaines sont de diagnostic clinique mais nécessiteront un bilan d’imagerie avant exérèse (angiomes). Certaines pourront bénéficier dans certains cas d’une abstention thérapeutique (angiome plan, hémangiome, papillome, nævus, petit kyste mucoïde) sous couvert d’une surveillance. Certaines peuvent avoir une valeur prédictive (névromes myéliniques de l’apudomatose IIb). D’autres lésions plus rares sont possibles et sont alors le plus souvent de diagnostic histologique. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Tumour; Tumour-like; Angioma; Congenital epulis; Mucocele

Abstract The most frequently encountered lesions are epithelial cysts which are absolutely benign. On the other side, sarcomas are uncommon but have a poor prognosis. Many other benign lesions may be identified by clinical examination. Diagnosis will be confirmed by histology. Most lesions will need surgical treatment. In some cases, no treatment is required (haemangioma, papilloma, naevus, small mucous retention cyst, capillary or lymphatic malformation...). Some lesions may be of prognostic value (nevromas of the phacomatosis). The oral cavity of the infant or the new-born may be affected by various tumours or tumour-like lesions. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Le développement de la cavité stomodéale embryonnaire (future cavité buccale) procède de la * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Michel). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.02.003

fusion, après contact, de bourgeons recouverts d’ectoderme, dans lesquels migrent les cellules de la crête neurale. La différenciation des cellules de la crête neurale est à l’origine de la majorité des tissus orofaciaux. Seules les cellules endothéliales ont une origine mésodermique21 (Tableau 1).

Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson Tableau 1 Dérivés de la crête neurale (d’après N. Le Douarin, 1999). Dérivés mésectodermiques céphaliques : – squelette facial (os, cartilage) ; – odontoblastes ; – paroi des arcs aortiques (3e, 4e, 6e) ; – derme, face et cou, muscle horripilateur ; – conjonctif : - thymus ; - parathyroïdes ; - thyroïde ; – squelette viscéral : glandes : - salivaires ; - lacrymales ; - hypophyse ; - participation à la musculature faciale ; - sclérotique, muscles ciliaires. Cellules nerveuses : – neuroblastes bipolaires : -ganglions rachidiens ; -ganglions des nerfs crâniens (V, VII, IX, X) ; – neuroblastes multipolaires ; - à phénotype cholinergique (parasympathique bulbaire) ; - à phénotype adrénergique (sympathique). Cellules de soutien : – de Schwann ; – des méninges (pie-mère, arachnoïde) ; – satellites. Cellules pigmentaires Cellules endocriniennes : – cellules C à calcitonine ; – cellules I et II du corps carotidien ; – glandes médullosurrénales et paraganglionnaires.

Contrairement à la muqueuse digestive, la muqueuse buccale composée d’épithélium pavimenteux non kératinisé est issue de l’ectoderme. Cette similitude d’origine entre cette muqueuse et la peau explique la correspondance entre les glandes salivaires séreuses et les glandes sébacées d’une part et entre les glandes muqueuses et les glandes sudoripares d’autre part. La multitude des processus dysembryoplasiques explique la variété des lésions pseudotumorales de la cavité buccale rencontrées chez le nouveau-né. Les lésions tumorales vraies chez le nouveau-né et le nourrisson sont plus rares. Les lésions tumorales ou pseudotumorales les plus fréquemment rencontrées sont les kystes épithéliaux, les dysplasies salivaires et les angiomes.35,36

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Tableau 2 Principales étiologies des formations tumorales congénitales de diagnostic anténatal. Le diagnostic prénatal de tuméfaction de la cavité buccale est réalisé par l’échographie. Celui-ci n’est généralement réalisé que dans le cas de lésions volumineuses. Le diagnostic sera étayé par une imagerie par résonance magnétique (IRM). Il est le plus souvent possible de définir la nature liquidienne ou tissulaire de la lésion. Les lésions les plus fréquemment rencontrées sont le lymphangiome, le kyste mucoïde du plancher buccal et l’épulis congénitale. – Angiomes – Épulis congénital – Kystes mucoïdes, grenouillette – Tératomes – Hamartomes, hétérotopie neurogliale (Fig. 1) – Sarcomes embryonnaires

considérer la présence de telles lésions comme normale. Ils se présentent sous la forme de lésions blanchâtres ou jaunâtres arrondies régulières, enchâssées dans la muqueuse gingivale ou la muqueuse palatine, de moins d’un millimètre à quelques millimètres de diamètre. Ils sont plus fréquents chez l’enfant né à terme. Les lésions gingivales siègent le plus souvent sur la crête alvéolaire et sont volontiers multiples. D’origine discutée, ces lésions peuvent être considérées comme l’équivalent muqueux des kystes Tableau 3 Lésions tumorales et pseudotumorales de la cavité buccale ayant une valeur prédictive ou étant un mode de découverte d’une maladie. – Névromes myéliniques de l’apudomatose IIb – Lentigines labiales ou de la langue des syndromes de Peutz-Jeghers et cardiopigmentaires – Hamartomes linguaux des syndromes oro-digito-faciaux – Nævus d’Ota – Angiome plan du syndrome de Sturge-Weber – Nævus sébacé du syndrome de Schimmelpenning – Hyperplasie gingivale dans les leucémies monocytaires ou myélomonocytaires

Description des différentes lésions (Tableaux 2, 3) (Fig. 1)3,36 Kystes épithéliaux5,16,27,30 La prévalence des kystes épithéliaux chez le nouveau-né est très élevée (60 %) pouvant faire

Figure 1 Hétérotopie neurogliale (collection privée du professeur Gérard Couly).

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Figure 2 Kyste épithélial gingival (collection privée du professeur Gérard Couly).

B. Michel, G. Couly

Figure 4 Excédent embryonnaire médiopalatin (collection privée du professeur Gérard Couly).

épithéliaux congénitaux faciaux (grains de milium) (Fig. 2). Appelés perles d’Epstein ou nodules de Bohn, les lésions palatines sont souvent plus volumineuses : elles siègent sur le raphé médian au niveau du palais secondaire (Fig. 3). Quelle que soit leur origine, ces kystes disparaissent spontanément et dans la grande majorité des cas au cours de la première année de vie, par ouverture spontanée dans la cavité buccale.

Reliquats embryonnaires et hamartomes2,12,13 Ils correspondent, sur le plan embryonnaire, à une anomalie de fusion entre les bourgeons maxillaires et mandibulaires pour les lésions situées à la face interne de la joue. Une anomalie de fusion des deux bourgeons mandibulaires, maxillaires ou des deux hémilangues est responsable, pour sa part, de lésions situées sur la ligne médiane. Elles se présentent sous la forme d’hamartomes le plus souvent fibreux (Fig. 4, 5, 6). En dehors de ces zones de fusion, les hamartomes linguaux peuvent rentrer dans le cadre des

Figure 3 Kystes épithéliaux médiopalatins (collection privée du professeur Gérard Couly).

Figure 5 Fibrochondrome de la face interne de la joue (collection privée du professeur Gérard Couly).

Figure 6 Hamartomes médiolinguaux (collection privée du professeur Gérard Couly).

Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson

Figure 7 Hamartomes linguaux dans le cadre d’un syndrome oro-digito-facial (collection privée du professeur Gérard Couly).

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Figure 8 Kyste mucoïde du plancher buccal (collection privée du professeur Gérard Couly).

syndromes oro-digito-faciaux dont les plus fréquents sont le type I (syndrome de Papillon-Léage et Psaume) et le type II (syndrome de Mohr). L’association aux autres signes cliniques permet habituellement d’en faire le diagnostic (peudofente labiale médiane supérieure, freins multiples, fissure linguale, fente palatine, anomalies des extrémités, etc.) (Fig. 7).

Kystes mucoïdes4,9,15,28 Les kystes mucoïdes ou mucocèles représentent une pathologie très fréquente chez l’enfant. On distingue classiquement les kystes par rétention en rapport avec une obstruction du canal de drainage (origine traumatique, bouchon muqueux ou épithélial) et les kystes par extravasation (traumatisme de la glande ou du canal excréteur). Le plus souvent, seul l’examen histologique permet d’en faire la distinction car la présentation clinique est similaire. La localisation est variable mais limitée aux régions présentant des glandes salivaires au sein d’une muqueuse lâche.29 La lèvre inférieure et le plancher buccal sont les régions les plus concernées alors que la gencive, le palais et la face dorsale de langue ne sont jamais affectés. Ces kystes se présentent le plus souvent sous la forme de tuméfactions bleutées, translucides, molles, d’aspect caractéristique. Le contenu est mucoïde, filant. Le plus souvent, aucun facteur traumatique déclenchant n’est retrouvé. L’évolution est souvent évocatrice lorsque l’interrogatoire retrouve la notion d’affaissement brutal de la masse suivi d’une récidive. Parfois, le diagnostic est plus difficile devant une lésion inflammatoire pédiculée correspondant à un kyste mucoïde affaissé diapneuisé (Fig. 8, 9, 10). Le volume du kyste mucoïde est très variable allant de quelques millimètres à quelques centimètres. Les formes volumineuses sont toujours localisées au plancher buccal (grenouillette) et sont en

Figure 9 Kyste mucoïde de la lèvre inférieure (collection privée du professeur Gérard Couly).

Figure 10 Kyste mucoïde rétrocommissural extériorisé (collection du docteur Benoît Michel).

rapport avec la glande sublinguale ; une extension sous-mylohyoïdienne est possible (Fig. 11). D’évolution capricieuse, les kystes mucoïdes peuvent parfois disparaître spontanément mais peuvent également prendre un volume considérable gênant la déglutition ou occasionnant un préjudice esthétique important. En cas de petit kyste mucoïde non invalidant, une abstention est possible. Dans le cas contraire, un geste chirurgical est

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B. Michel, G. Couly

Figure 13 Imperforation du canal de Wharton (collection privée du professeur Gérard Couly).

niveau de l’ostium du canal. Une simple incision sous anesthésie locale est le plus souvent suffisante pour éliminer ce kyste rétentionnel et redonner sa fonction à la glande sous-maxillaire. Une ouverture et une guérison spontanée sont possibles1,6 (Fig. 13). Figure 11 Grenouillette (collection du docteur Benoît Michel).

le plus souvent proposé : soit une exérèse, soit une marsupialisation. Une récidive est toujours possible, en rapport avec une exérèse incomplète ou un traumatisme d’un canalicule de glande salivaire accessoire. Un examen anatomopathologique est préférable afin d’éliminer d’autres lésions kystiques exceptionnelles : carcinome mucoépidermoïde, kyste bronchogénique, kyste hétérotopique gastrique. Il est décrit des kystes mucoïdes congénitaux dont le diagnostic est parfois porté en anténatal. L’origine de ces kystes congénitaux est mal définie (des kystes par rétention et par extravasation sont possibles [Fig. 12]). On rapproche des kystes mucoïdes l’imperforation congénitale des canaux de Wharton qui se manifeste par une tuméfaction bleutée du plancher buccal dont une des extrémités est localisée au

Figure 12 Volumineux kyste mucoïde congénital (collection privée du professeur Gérard Couly).

Papillomes, condylomes acuminés, verrues vulgaires, hyperplasie épithéliale focale20,27,28,31 Ces lésions ont en commun leur origine virale : infection par le HPV (human papilloma virus). Selon le type responsable, les manifestations cliniques seront variables. Ces lésions pseudotumorales réalisent une excroissance muqueuse kératinisée de taille variable. Lorsqu’elles ont une forme plutôt filiforme, on parle de papillome ; quand elles sont sessiles et kératinisées, on parle de verrue vulgaire ; quand elles sont volumineuses et molles, on parle de condylomes acuminés ; quand elles sont multiples sessiles et peu kératinisées, on parle d’hyperplasie épithéliale focale (Fig. 14, 15). Verrues vulgaires et papillomes sont le plus souvent liés à une infection par HPV 2, 4, 6, 16. Les

Figure 14 Papillome lingual (collection privée du professeur Gérard Couly).

Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson

Figure 15 Hyperplasie épithéliale focale (collection privée du professeur Gérard Couly).

condylomes sont liés à une infection par HPV 6, 11, 16, 18. L’hyperplasie épithéliale focale est liée à une infection par le HPV 13 et 32. Dans la majorité des cas, la contamination se fait par contact physique étroit (possibilité de contamination de la cavité buccale par des verrues digitales). Le diagnostic précis se réalise par identification du type spécifique (par polymerase chain reaction [PCR]). Les condylomes étant le plus souvent en rapport avec une contamination génitobuccale, la découverte de lésions par HPV 6, 11 ou 16 chez l’enfant doit faire suspecter la possibilité d’abus sexuel sans pouvoir exclure une transmission maternelle lors de l’accouchement.

Hyperplasie fibreuse réactionnelle et diapneusie27,31 Située essentiellement sur la face interne de la joue, elle peut se situer également au niveau de la muqueuse labiale. La lésion se présente sous la forme d’une tuméfaction régulière, parfois pédiculée, ferme, recouverte d’une muqueuse normale. On retrouve souvent une notion de traumatisme responsable. La lésion est entretenue ou accentuée par l’aspiration. Il est difficile de faire la différence clinique et histologique entre fibrome vrai et hyperplasie fibreuse réactionnelle.

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Hémangiomes Ils correspondent à une tumeur vasculaire fréquente (environ 10 % des nourrissons) d’évolution particulière. Après une phase évolutive d’environ 1 an suit une phase de stabilisation puis d’involution progressive jusque vers l’âge de 7 ans. L’aspect clinique est évocateur quand la lésion est superficielle et affecte peau et muqueuse avec l’aspect tubéreux classique de la lèvre. Moins fréquemment, la lésion est sous-cutanée ou muqueuse pure. La couleur bleutée, le caractère relativement ferme de la lésion associée au profil évolutif permet le plus souvent de poser le diagnostic. En cas de doute diagnostique, l’imagerie (échographie mais surtout imagerie par résonance magnétique [IRM] avec injection) permet d’éliminer une malformation vasculaire. La biopsie permet d’éliminer une autre tumeur rapidement évolutive (sarcome embryonnaire). L’involution spontanée est la règle justifiant le non-recours à des traitements agressifs. En cas de nécrose, d’ulcération ou de saignement peut se justifier un recours au traitement médical (corticothérapie à fortes doses) ou au traitement chirurgical (chirurgie d’exérèse a minima). En cas de retentissement fonctionnel important (déformation des arcades dentaires, incompétence labiale) ou de retentissement esthétique majeur peut se discuter un geste chirurgical précoce d’exérèse ou de réduction volumétrique. La chirurgie garde sa place dans le traitement des séquelles comme par exemple dans le rétablissement de la ligne cutanéomuqueuse de la lèvre (Fig. 16). Malformations vasculaires Angiome plan Le plus souvent associé à un angiome plan cutané du territoire du trijumeau correspondant (V2 ou V3), l’angiome plan muqueux peut également être isolé (Fig. 17,18).

Angiomes10,27,28,31,33,38 Le terme angiome correspond à de multiples entités cliniques et histologiques. On distingue actuellement deux grands types de pathologies : les hémangiomes et les malformations vasculaires dont le profil évolutif est très différent. Les hémangiomes involuent constamment contrairement aux malformations vasculaires.

Figure 16 Hémangiome labiojugal (collection du docteur Benoît Michel).

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Figure 17 Angiome plan labial inférieur (collection privée du professeur Gérard Couly).

Lorsqu’il a une topographie V2 ou V3, il s’associe volontiers à une hyperplasie des tissus mous ou osseux correspondants, donnant un aspect pseudotumoral à la lèvre, à la gencive, au palais ou déformant les arcades dentaires. L’aspect cosmétique de surface de la lèvre blanche peut être amélioré par traitement au laser à colorant pulsé. L’atteinte muqueuse ne justifie le plus souvent pas de traitement. La chirurgie prudente peut permettre de corriger certaines asymétries en cas d’hypertrophie associée. Malformations veineuses22 Elles se manifestent par des tuméfactions bleutées molles, dépressibles, de volume augmenté par la

Figure 18 Syndrome de Sturge-Weber (collection privée du professeur Gérard Couly).

B. Michel, G. Couly position déclive. La muqueuse en regard est normale. Le diagnostic essentiellement clinique est documenté par l’échographie et/ou l’IRM avec injection (hypersignal en T2, rehaussement au gadolinium). Ces malformations sont de retentissement fonctionnel et esthétique très variable selon leur localisation et leur volume. Le traitement peut faire appel soit à l’abstention, soit à un traitement par radiologie interventionnelle (sclérose par alcool absolu, Ethibloc), soit à la chirurgie. Une embolisation préopératoire peut permettre de réduire le risque hémorragique. Des gestes chirurgicaux itératifs sont le plus souvent nécessaires dans les formes étendues. La localisation labiale, jugale ou linguale expose à un risque de saignement important en cas de traumatisme (morsure). La localisation gingivale ou une extension intraosseuse expose également à un risque hémorragique en cas d’avulsion dentaire (Fig. 19, 20). Malformations lymphatiques (lymphangiomes)11 Elles atteignent volontiers la cavité buccale et sont souvent associées à des formes étendues cervicofaciales. De volume variable au cours de temps, la lésion n’est pas toujours visible à la naissance. Les épisodes infectieux ou inflammatoires (éruptions dentaires) majorent le volume de la lésion. Le lymphangiome se manifeste par une tuméfaction mal limitée, molle, non augmentée par le décubitus. L’atteinte de la muqueuse est caractéristique par la présence de vésicules claires en regard de celle-ci donnant un aspect de « frai de

Figure 19 Malformation veineuse jugale (collection du docteur Benoît Michel).

Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson

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Figure 21 Lymphangiome palatin (collection privée du professeur Gérard Couly). Figure 20 Malformation veineuse labiale supérieure (collection du docteur Benoît Michel).

grenouille ». Lors des poussées inflammatoires, ces vésicules deviennent souvent hématiques. Les lymphangiomes peuvent être responsables de déformations cervicofaciales majeures avec retentissement respiratoire. Il a été décrit à l’opposé des formes très limitées gingivales monocavitaires de disparition spontanée.15 L’imagerie par IRM (avec injection) apporte le diagnostic (hypersignal en T2 sans réhaussement par le gadolinium), sa nature macro-, microkystique ou mixte et son extension. Les formes macrocavitaires sont généralement de pronostic plus favorable, accessibles soit à un traitement chirurgical soit à une sclérothérapie (OK-432, Ethibloc, alcool absolu). Les atteintes buccales sont malheureusement le plus souvent microcavitaires avec infiltration des tissus musculaires. Des gestes de réduction chirurgicale prudents peuvent permettre de réduire le volume de la masse. L’exérèse totale est le plus souvent impossible et le risque de récidive important. L’abstention est parfois préférable dans les formes microkystiques à retentissement esthétique limité. Lors des poussées inflammatoires, un traitement médical par corticothérapie en cures courtes associée à des antibiotiques peut permettre de limiter l’augmentation de volume (Fig. 21, 22). Malformations artérioveineuses Plus rares que les autres malformations vasculaires, ces malformations se manifestent par une tuméfaction tissulaire chaude, rouge, avec thrill. Le retentissement esthétique et fonctionnel est variable mais le traitement est, dans tous les cas, difficile. Le diagnostic apporté par l’échographie-doppler et l’IRM avec injection sera documenté par l’artériographie. Le traitement repose sur la chirurgie de type carcinologique après embolisation préopéra-

Figure 22 Lymphangiome lingual (collection privée du professeur Gérard Couly).

toire. L’abstention thérapeutique sera souvent proposée en gardant présent à l’esprit le risque hémorragique majeur en cas de traumatisme de la lésion.

Épulis congénital du nouveau-né7,17,18,24,25,26,27,31,32 L’épulis congénital est une tumeur gingivale qui est aussi connue sous le terme de tumeur à cellules granuleuses congénitale ou tumeur de Neumann. Les filles sont neuf fois plus touchées que les garçons. La localisation maxillaire est la plus fréquente sous la forme d’une tumeur unique ferme sur la gencive, assez régulière, parfois polylobulée, pédiculée ou sessile. Elle est recouverte d’une muqueuse d’aspect normal. La taille peut varier de quelques millimètres à une dizaine de centimètres. La taille de la tumeur ne semble pas évoluer après la naissance. Quelques cas de régression spontanée ont été décrits par nécrose spontanée probablement en rapport avec la finesse du pédicule. L’origine de cette tumeur est mal définie. Bien qu’histologiquement proche des tumeurs à cellules granuleuses de l’adulte, cette tumeur s’en diffé-

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Figure 23 Diagnostic anténatal d’épulis congénital par échographie (collection privée du professeur Gérard Couly).

rencie par une expression antigénique différente : les tumeurs congénitales n’expriment pas la protéine S100 et la neuron-specific enolase (NSE) contrairement à celles de l’adulte. Elles peuvent être volumineuses et sont alors souvent diagnostiquées en anténatal. Le risque hémorragique (arrachement du pédicule) peut justifier alors un accouchement par césarienne. Une détresse respiratoire aiguë ou des troubles de la déglutition sont possibles. Le traitement consiste en une exérèse chirurgicale a minima qui peut être une simple section du pédicule. Le traitement chirurgical est précoce si cette lésion est volumineuse et occasionne une gêne à l’alimentation ou à la respiration. Aucun cas de récidive n’a été décrit même en cas d’exérèse incomplète (Fig. 23, 24, 25, 26, 27).

B. Michel, G. Couly

Figure 25 Nécrose spontanée d’un épulis congénital (collection privée du professeur Gérard Couly).

Une distribution nævique muqueuse diffuse à la muqueuse buccale sur un territoire du trijumeau est retrouvée dans le nævus fusco-caeruleus opthalmo-maxillaris d’Ota. Une atteinte méningée est le plus souvent associée dans ce cas (Fig. 30). Une atteinte diffuse des lèvres sous la forme de lentigines est évocatrice du syndrome de PeutzJeghers ou du syndrome LEOPARD (Fig. 31).

Dysplasies pigmentaires19,27 Les nævi, dans leurs différentes formes, peuvent affecter la cavité buccale. Ils peuvent être intramuqueux, bleus, composés, jonctionnels ou combinés. Un risque de dégénérescence en mélanome est théoriquement possible (Fig. 28, 29)

Figure 26 Épulis congénital de volume habituel (collection du docteur Benoît Michel).

Figure 24 Épulis congénital (même enfant que la Figure 22) (collection privée du professeur Gérard Couly).

Figure 27 Volumineux épulis congénital (collection privée du professeur Gérard Couly).

Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson

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Figure 30 Nævus d’Ota (collection privée du professeur Gérard Couly).

Figure 28 Nævus palatin (collection privée du professeur Gérard Couly).

Figure 31 Lentigine labiale du syndrome de Peutz-Jeghers (collection privée du professeur Gérard Couly).

Autres tumeurs ou pseudotumeurs plus rares

Figure 29 Nævus lingual (collection privée du professeur Gérard Couly).

Tumeurs nerveuses28,32 Elles peuvent être isolées (schwannome) ou multiples rentrant alors dans le cadre des phacomatoses. Les névromes de la cavité buccale sont fréquemment rencontrés dans la neurofibromatose (type I) mais peuvent également être rencontrés dans l’apudomatose IIb ayant alors une haute valeur prédictive (carcinomes à cellules C de la thyroïde et phéochromocytomes). Ils se présentent dans ce dernier cas comme de petits névromes myéliniques des lèvres et de la langue (Fig. 32, 33).

Tumeurs malignes14,31,34 Les tumeurs malignes de la cavité buccale sont exceptionnelles chez l’enfant. Les tumeurs d’origine épithéliale le sont encore plus. La tumeur maligne la moins rare est le rhabdomyosarcome (de type embryonnaire ou alvéolaire essentiellement). La localisation buccale représente 4 % des rhabdomyosarcomes du pôle céphalique de l’enfant. La tumeur peut être présente dès la naissance (Fig. 34). Tératome37 Il s’agit d’une véritable tumeur congénitale formée de différents tissus qui ne sont pas issus de l’endroit ou se trouve la tumeur. Lorsqu’il est suffisamment volumineux pour faire saillie hors de la bouche du nouveau-né on parle de tératome épignathe. Bien que cette lésion soit exceptionnelle, elle présente un caractère de gravité quand elle est volumineuse pouvant entraîner une obstruction totale de la filière aérienne. Le diagnostic anténatal et la docu-

224

B. Michel, G. Couly

Figure 34 Rhabdomyosarcome du plancher buccal (collection privée du professeur Gérard Couly).

Figure 32 Atteinte linguale dans une neurofibromatose de type I (collection privée du professeur Gérard Couly).

Figure 35 Tératome épignathe (coupe sagittale en imagerie par résonance magnétique [IRM]) (collection privée du professeur Gérard Couly).

brale avec retard mental et épilepsie, anomalies ophtalmologiques, cardiaques...) (Fig. 36).

Figure 33 Névromes myéliniques linguaux de l’apudomatose IIb (collection privée du professeur Gérard Couly).

Botryomycome (granulome pyogénique)27,39 Cette lésion a pour origine un traumatisme de la muqueuse buccale responsable d’une prolifération conjonctive exagérée. La lésion apparaît le plus souvent pédiculée, molle, inflammatoire. Elle saigne volontiers au contact. On peut en rapprocher le

mentation tumorale par IRM fœtale permettent une prise en charge chirurgicale dès la naissance après les premiers gestes de réanimation (Fig. 35). Nævus sébacé et syndrome de Schimmelpenning37 De grande fréquence, le nævus sébacé de Jadassohn affecte cependant rarement la cavité buccale. Dans ce dernier cas, la lésion est le plus souvent étendue et affecte aussi bien la peau labiale que la muqueuse buccale. Elle peut rentrer alors dans le cadre d’une phacomatose : le syndrome du nævus linéaire (syndrome de Schimmelpenning-FeuersteinMims) associant nævus sébacé, malformation céré-

Figure 36 Syndrome du nævus sébacé linéaire (collection privée du professeur Gérard Couly).

Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson différencier (Fig. 38).

lipome

et

hamartome

225 graisseux

Kyste dermoïde28,32 Présent dès la naissance, cette lésion est située le plus souvent sur la ligne médiane au niveau du plancher buccal. Elle va augmenter de taille lentement et progressivement pour ne paraître symptomatique que dans la 2e ou la 3e décennie. Elle correspond à une anomalie de fusion du premier ou deuxième arc branchial. Le traitement est chirurgical.

Figure 37 Botryomycome de la langue (collection du docteur Benoît Michel).

granulome de Riga-Fede (granulome éosinophile traumatique) qui correspond à une tuméfaction inflammatoire située au niveau du frein lingual. Celle-ci est en rapport avec un traumatisme récurrent occasionné par les incisives inférieures. Cette lésion peut se rencontrer chez le nouveau-né présentant des dents natales (Fig. 37). Lipome Rares et parfaitement bénignes, ces lésions sont plus fréquemment retrouvées au niveau du plancher buccal. La forme et la coloration jaune sont très évocatrices. Seul le profil évolutif permet de

Kyste branchial du premier arc Présent le plus souvent à la naissance, il peut se manifester cliniquement plus tardivement. Le plus souvent visualisé sous la forme d’une tuméfaction sous-maxillaire, une localisation endobuccale au niveau du plancher est possible. Myofibromatose infantile23,31 La localisation à la cavité buccale est possible (essentiellement localisation linguale). Elle peut être de forme uni-, multiloculaire ou généralisée. Les formes uni- ou multiloculaires ont le plus souvent une résorption spontanée (Fig. 39). Xanthogranulome juvénile8,31 La localisation endobuccale est possible, prenant alors un aspect papillomateux. Le diagnostic est histologique, le plus souvent sur examen de la pièce d’exérèse. Hyperplasies gingivales27 L’hyperplasie gingivale congénitale est rencontrée dans l’hyperplasie gingivale diffuse héréditaire, dans la fibrohyalinose juvénile et dans l’histiocytose X congénitale (Fig. 40, 41). L’hyperplasie gingivale inflammatoire est rencontrée après éruption dentaire. Elle peut avoir une origine iatrogène (hydantoïnes, ciclosporine) mais elle doit, dans tous les cas, laisser évoquer le diagnostic de leucémie aiguë (essentiellement monocytaire ou myélomonocytaire).

Figure 38 Lipome du plancher buccal (collection privée du professeur Gérard Couly).

Figure 39 Myofibrome lingual (collection privée du professeur Gérard Couly).

226

Figure 40 Hypertrophie gingivale héréditaire (collection privée du professeur Gérard Couly).

Figure 41 Histiocytose X (collection privée du professeur Gérard Couly).

B. Michel, G. Couly

Figure 43 Syndrome de Wiedemann-Beckwith (collection du docteur Benoît Michel).

Figure 44 Hypertrophie des boules de Bichat (collection privée du professeur Gérard Couly).

• •

Figure 42 Kyste d’éruption dentaire (collection privée du professeur Gérard Couly).

• •

res. La gencive présente une tuméfaction de coloration bleutée d’environ 1 cm de diamètre. La tuméfaction est régulière, de coloration bleutée caractéristique. Le diagnostic est purement clinique. La rupture spontanée du sac péricoronaire conduit à l’éruption de la dent (Fig. 42) ; la macroglossie du syndrome de WiedemannBeckwith et l’hypertrophie linguale dans la neurofibromatose de type I (Fig. 43) ; les tumeurs osseuses et dysplasies fibreuses, torus palatin, exostoses ; le cal de succion ; l’hypertrophie bilatérale des boules de Bichat (Fig. 44).

Diagnostic différentiel

Conclusion

Le diagnostic différentiel s’établit avec les pathologies suivantes : • les kystes d’éruption dentaire. L’éruption dentaire des dents lactéales ou définitives peut être précédée du gonflement du sac péricoronaire de la dent concernée. Cela est particulièrement rencontré lors de l’éruption des molai-

Bien que le diagnostic des tumeurs ou dysplasies tumorales de la cavité buccale de l’enfant soit le plus souvent clinique (kystes épithéliaux, kystes mucoïdes, papillomes, hémangiomes...), il peut être nécessaire de recourir à des explorations complémentaires. Ces dernières (en particulier l’IRM) permettent de préciser le diagnostic ou l’exten-

Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson sion. En cas de doute, seule l’exérèse suivie d’un examen anatomopathologique fournit le diagnostic de certitude. Une extension rapide associée à des limites mal définies doit toujours pouvoir faire redouter une tumeur maligne (sarcomes embryonnaires essentiellement). La présence de certaines lésions de la cavité buccale peut avoir un intérêt prédictif.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 228–243

www.elsevier.com/locate/emcden

Fractures de la mandibule Mandibular fractures G. Touré a, J.-P. Meningaud b,*, J.-C. Bertrand b a

Service de chirurgie maxillofaciale, centre hospitalier intercommunal, 40, allée de la Source, 94190 Villeneuve-Saint-Georges, France b Service de chirurgie maxillofaciale, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France

MOTS CLÉS Mandibule ; Étage inférieur ; Biomécanique ; Fractures ; Rixe ; Homme jeune

Résumé La fracture de mandibule est l’une des fractures les plus fréquentes du squelette humain. La mandibule représente l’étage inférieur de la face et le seul os mobile de la face. L’étude anatomique et biomécanique rend compte du comportement et des zones de fragilité de cet os vis-à-vis des traumatismes. Les fractures de la mandibule présentent un caractère multifactoriel ; les deux étiologies les plus fréquentes sont les rixes et les accidents de la circulation. Il s’agit de fractures de l’homme jeune. L’examen clinique minutieux tient une place importante dans le diagnostic qui est confirmé par un bilan radiographique approprié. Si l’évolution est habituellement favorable après un traitement bien conduit, la surveillance doit être rigoureuse dans tous les cas. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Mandible; Fracture; Anatomy; Biomechanism; Interpersonal violence; Young male

Abstract The mandible has been reported to be one of the most fractured bone in human. Several factors are involved in mandible fracture such as anatomy and biomechanisms. Long-term studies show a progressive increase in the incidence of mandibular fractures. The two predominant mechanisms of these injuries are interpersonal violence associated with addictive substance abuse, and vehicle accidents. Young males constitute the predominant population concerned by mandibular fractures. In this context, the accuracy of clinical signs and symptoms is high. Appropriate radiographic evaluation is utilised to confirm diagnosis. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Les fractures de la mandibule sont les fractures les plus fréquentes du massif facial (fractures isolées des os nasaux exclues). La topographie et la mobilité de la mandibule par rapport à la base du crâne expliquent sa vulnérabilité. Leur traitement vise à restituer une anatomie fonctionnelle et stable. Si les fractures de la mandibule sont en règle générale des fractures de * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Meningaud). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.05.001

l’adulte jeune, les fractures de l’enfant et du sujet âgé méritent néanmoins un grand intérêt par leurs caractéristiques mais aussi par leur relative fréquence. Les études anatomiques et biomécaniques permettent de mieux comprendre le comportement de l’os mandibulaire vis-à-vis du traumatisme et donc de mieux adapter le traitement.

Anatomie La mandibule est un os membraneux constitué par la fusion des deux os dentaires. C’est un os impair

Fractures de la mandibule médian, symétrique qui constitue l’étage inférieur de la face. Unique structure mobile de la face, elle comprend un corpus en forme d’arc horizontal qui porte les dents et sur lequel s’insèrent les muscles abaisseurs. À l’aplomb des prémolaires se situe le foramen mentonnier, orifice de sortie du nerf alvéolaire inférieur. Le corpus est prolongé en arrière de deux branches, les ramus, qui sont des lames quadrilatères verticales aplaties transversalement et surmontées de deux processus, condylaire et coronoïdien, séparés par l’incisure mandibulaire. Sur le ramus s’insèrent de puissants muscles élévateurs, à sa face interne se trouve l’orifice d’entrée du nerf alvéolaire inférieur bordé en avant par la lingula.1,2 La tête condylienne est une saillie ovoïde à grosse extrémité médiale, orientée en arrière et en dedans soutenue par un col rétréci. Elle s’articule avec la base du crâne par l’intermédiaire de l’articulation temporomandibulaire, diarthrose de type bicondylien qui forme une unité fonctionnelle avec l’articulé dentaire. L’architecture du col mandibulaire en fait une zone de faiblesse qui protège la base du crâne en absorbant les ondes de choc. Malgré la faible épaisseur et la fragilité du toit de la fosse mandibulaire temporale, les luxations crâniales avec impactions intratemporales du processus condylaire sont extrêmement rares. Les changements de courbure au niveau de la symphyse, les deux angles mandibulaires et les dents incluses créent des zones de faiblesse favorables à la survenue de fracture.3,4 L’os mandibulaire est un os corticospongieux qui présente une corticale externe dont les propriétés lui permettent de supporter l’essentiel des contraintes mécaniques. Entre les corticales interne et externe se trouve l’os spongieux dans lequel est creusée la gouttière du pédicule alvéolaire inférieur. Le bord inférieur ou basilaire est épais et convexe. Le bord supérieur ou arcade alvéolaire est creusé par les alvéoles dentaires. L’os alvéolaire apparaît et disparaît avec les dents. Les sollicitations mécaniques de la fonction occlusale sont nécessaires à son maintien. Les apex des incisives centrales et latérales sont plus proches de la corticale externe que de la corticale interne. L’apex de la canine en fait la dent la plus longue de l’arcade dentaire inférieure et il est situé à proximité de la corticale externe ; en outre, à son niveau, se situe le changement de courbure de la mandibule. Le site d’implantation de la canine devient ainsi une zone de faiblesse. Les racines des prémolaires sont équidistantes des corticales interne et externe et les racines des molaires inférieures sont d’autant plus proches de la table interne qu’elles sont postérieures (Fig. 1). La topographie des apex dentaires trouve une application dans le traitement chirurgical des fractures.

229

Figure 1 Position des apex dentaires par rapport aux tables osseuses.

Le nerf alvéolaire inférieur parcourt le canal dentaire de son origine, le foramen mandibulaire, au foramen mentonnier. Il innerve les dents, la gencive et la région labiomentonnière. La vascularisation intraosseuse est sous la dépendance de l’artère maxillaire et assurée essentiellement par l’artère alvéolaire inférieure qui se termine par l’artère mentonnière au niveau du foramen mentonnier. L’artère sous-mentale ou submentonnière (issue de l’artère faciale) apporte une vascularisation périostée. Il existe des anastomoses entre les deux systèmes. La croissance osseuse de la mandibule est sous la dépendance des noyaux cartilagineux condyliens et de l’ossification périostée sous l’action combinée de l’ensemble des muscles s’insérant sur la mandibule : les muscles linguaux, masticateurs et peauciers. L’ostéogenèse d’origine périostée est en relation avec la croissance du condyle. L’adaptation morphofonctionnelle de la mandibule est sous l’influence des stimuli sensitivomoteurs et de la dynamique de la croissance. La coordination de la croissance de la mandibule et du reste de la face se fait par l’intermédiaire de l’articulé dentaire et du complexe condylo-discomusculaire. La mandibule provient d’une ossification de type membraneux et de la fusion de plusieurs sousunités qui représentent différents sites d’induction. L’induction neurale trigéminale est assurée par le nerf alvéolaire inférieur qui crée un axe neuromatriciel. L’induction neuroectodermique correspond à l’invagination des lames dentaires et à l’édification des procès alvéolaires et dentaires. L’induction musculaire aboutit à la formation des processus d’insertion des muscles (symphyse mentonnière, coroné, condyle, angle). Les deux os dentaires droit et gauche sont indépendants jusqu’à l’âge de 1 an, avant l’ossification totale de la symphyse mentonnière. D’où la possibilité de disjonction et de fracture symphysaire médiane chez le nouveau-né et le nourrisson. Chez l’adulte, les fractures symphysaires sont en règle paramédianes.

230

Biomécanique2,4,5 Étude par la méthode des éléments finis (MEF) ou modélisation physicomathématique L’os mandibulaire est une structure vivante anisotrope et viscoélastique, dont l’étude biomécanique est complexe et pose des problèmes qui ne sont pas tous résolus. L’étude par la MEF permet une approche physicomathématique. Elle consiste à établir un modèle plus simple que la structure à étudier. La structure réelle est découpée en un nombre d’éléments géométriques simples et homogènes dont le comportement mécanique est facile à déterminer. Son application à la mandibule, bien que séduisante et permettant une analyse tridimensionnelle, présente plusieurs difficultés : la connaissance exacte des propriétés mécaniques de l’os mandibulaire et la validation par des données expérimentales fiables. Malgré ces difficultés, l’étude par la MEF prend de plus en plus d’importance dans les études biomécaniques. Les modèles tridimensionnels actuels sont très perfectionnés et permettent des représentations réalistes, indéfiniment réutilisables dans des conditions variées. La validité du modèle par éléments finis a été confirmée par : • la reproduction de fractures à la suite de sollicitations sur le menton conformes aux données anatomocliniques classiques ; • la suppression des muscles du modèle donne lieu à des fractures aberrantes démontrant ainsi l’importance de l’environnement immédiat anatomique dans la mécanique mandibulaire ; • la démonstration que la mandibule est une structure à revêtement travaillant ; son inertie est déterminée par la corticale ; le tissu spongieux maintient la distance intercorticale quelles que soient les pressions exercées ; • l’assimilation du condyle à un « pion de centrage » destiné à guider des mouvements complexes par l’étude des contraintes et des moments de force ; • la description d’un système de protection de la base du crâne par l’absorption de l’énergie cinétique par les tissus périmandibulaires (muscles suspenseurs et plexus vasculaires), la cavité articulaire et les « fusibles mécaniques » que représentent les différentes zones de fragilité de la mandibule.6

G. Touré et al. seuses s’inscrivent sur le revêtement sous forme de franges lumineuses qui sont étudiées en lumière polarisée. Elle permet une analyse de la structure réelle par un examen de surface. Les études de photoélasticimétrie effectuées par Kessler trouvent dans l’axe du col mandibulaire des flux de contrainte en compression (segment antérieur) et en traction (segment postérieur) ; et parallèlement à l’incisure mandibulaire, des flux de contrainte en traction. Par ailleurs, il est admis que les forces de traction s’exercent au niveau du rebord alvéolaire et les forces de compression sur le bord basilaire. L’ostéosynthèse a pour objet de transformer les forces de traction en forces de compression, sinon de s’opposer aux forces de traction. Or, Kessler note également des flux de traction au niveau du bord basilaire. Ce dernier point est en contradiction avec les principes habituellement admis, et énoncés notamment par Champy.

Théories sur le fonctionnement biomécanique de la mandibule Plusieurs théories ont été émises quant au fonctionnement biomécanique de la mandibule. La mandibule peut être assimilée à une structure anatomique avec des « fusibles mécaniques ». En mécanique, quand la rupture d’une structure est inévitable, elle est prévisible en des endroits précis. Les sièges préférentiels des fractures peuvent être assimilés à des « fusibles mécaniques ». On conçoit ainsi qu’un traumatisme du menton entraîne successivement selon son intensité une fracture sous-condylienne, angulaire, parasymphysaire et symphysaire. Aussi bien les études biomécaniques de la mandibule que les statistiques des fractures confirment l’existence de zones d’élection pour les foyers de fractures.7,8,9 En assimilant la région condylienne à un « fusible mécanique », on comprend la rareté des fractures de la fosse temporale avec pénétration intracrânienne du processus condylaire. La protection du crâne est liée à la conjonction de trois éléments : musculaires, articulaires, mandibulaires. La mandibule est un os appendu, soutenu par les muscles élévateurs qui absorbent une partie de l’énergie cinétique due aux traumatismes. La disposition des veines périarticulaires et de la fosse infratemporale de même que la pression positive de la cavité discotemporale jouent un rôle dans la dispersion de l’énergie cinétique.

Classification classique

Photoélasticimétrie par réflexion C’est l’étude des déformations se produisant dans un revêtement biréfringent. Les déformations os-

La classification classique des fractures de la mandibule depuis Dingman et Natvig subdivise la mandibule en sept unités topographiques (Fig. 2) :10

Fractures de la mandibule

231

Figure 2 Répartition topographique des fractures mandibulaires. 1. Région condylienne ; 2. région de la branche montante ; 3. région de l’angle ; 4. région de l’apophyse coronoïde ; 5. région des procès alvéolaires ; 6. région de la branche horizontale ; 7. région de la symphyse.

• au niveau de la portion dentée : la symphyse entre les faces distales des deux canines, la branche horizontale entre la face mésiale de la première prémolaire et la face distale de la deuxième molaire, l’angle réalisé par une ligne verticale passant par la face distale de la deuxième molaire et une ligne horizontale prolongeant le rebord alvéolaire mandibulaire ; • au niveau de la portion non dentée : la branche montante entre l’angle et l’échancrure mandibulaire (incisure mandibulaire) ; la région condylienne au-dessus d’une ligne prolongeant en bas et en arrière le bord postérieur du coroné ; le coroné est situé au-dessus d’une ligne prolongeant le bord antérieur du col condylien. Se référant à des données embryologiques, anatomiques et biomécaniques, la classification proposée par Gola et al.2 mérite d’être connue : les fractures du corpus comprennent les fractures de la symphyse (symphysaire médiane et paramédiane), les fractures préangulaires et les fractures alvéolodentaires ; les fractures du ramus comprennent les fractures de l’angle, du condyle (capitale ou condylienne, cervicale ou sous-condylienne, basicervicale ou sous-condylienne basse) et du coroné (intra-, extratemporale).

Épidémiologie - Physiopathologie1,2,11,12 Épidémiologie Malgré quelques variations liées aux biais de recrutement, il est possible de préciser les données essentielles. La fracture de la mandibule survient dans 70 à 80 % des cas chez l’adulte jeune de sexe masculin. Les circonstances de survenue sont variables et comprennent les accidents de la circulation

Figure 3 Déformations de l’arcade dentaire. A. Décalage. B. Chevauchement. C. Torsion. D. Angulation.

notamment des deux roues, les agressions, les accidents de sport, les accidents domestiques dont essentiellement les chutes,13 plus rarement les fractures pathologiques et iatrogènes. Malgré le caractère multifactoriel (niveau socioéconomique, centre urbain ou rural, criminalité...) de l’épidémiologie des fractures de la mandibule, des modifications ont été observées ces dernières années ; elles sont essentiellement géographiques. Dans les centres urbains, les fractures de la mandibule surviennent dans environ 80 % des

232 cas à la suite de violences interpersonnelles, chez des sujets de sexe masculin et dans plus de la moitié des cas associées à l’usage de substances addictives (alcool, marijuana, cocaïne, héroïne, LSD...). La ceinture, l’air bag, l’ABS, le casque intégral ont considérablement fait chuter le taux de fractures liées à des accidents de circulation.14 L’épidémiologie en fonction des foyers de fracture sera détaillée dans les chapitres correspondants.

Physiopathologie Mécanismes Deux types de traumatisme peuvent aboutir à la fracture de la mandibule : • direct, la fracture se produit au niveau du point d’impact, indépendamment de l’architecture osseuse et dentaire du site lorsqu’une grande force est appliquée sur une petite surface de la mandibule ; • indirect, la fracture se produit à distance du point d’impact, au niveau des zones de faiblesse que sont le col, l’angle et la parasymphyse. Un traumatisme latéral peut entraîner une fracture parasymphysaire par diminution de la distance bigoniale ou un traumatisme antéropostérieur peut entraîner une fracture angulaire par augmentation de la distance bigoniale.

G. Touré et al. Déplacements des fragments fracturaires (Fig. 3) Les déplacements se font sous l’influence de plusieurs facteurs : le mécanisme de la fracture, le siège et le nombre des traits de fractures, leur orientation, l’articulé dentaire et l’action des muscles. On distingue trois types de déplacements : l’angulation dans le plan frontal, le chevauchement dans le plan horizontal et le décalage dans le plan vertical. Ainsi, les muscles abaisseurs de la mandibule et protracteurs de la langue qui s’insèrent sur la symphyse provoquent une glossoptôse en cas de fracture parasymphysaire bilatérale par recul de la symphyse et de ses insertions musculaires. Le muscle ptérygoïdien latéral entraîne un déplacement ventromédial du fragment crânial des fractures du condyle. Son action sur le disque peut compromettre la fonction articulaire en le lésant ou en le désolidarisant du processus condylaire. Le trait de fracture peut être favorable ou défavorable selon les déplacements induits par la résultante des forces musculaires de part et d’autre du point de rupture. Les muscles peuvent faciliter la coaptation des fragments osseux ou au contraire leur séparation (Fig. 4, 5). L’édentation augmente l’amplitude des déplacements par inexistence de cale dentaire. Sur le ramus, les muscles élévateurs (temporal, masséter et ptérygoïdien médial) auront leur action majorée par l’absence de dents postérieures.

Figure 4 A. Fractures de la symphyse : favorable (A1), non favorable (A2). B. Fractures de l’angle favorable (B1, B3), non favorable (B2, B4).

Fractures de la mandibule

233 associées viscérales ou ostéoarticulaires, notamment du rachis cervical.

Interrogatoire L’interrogatoire du blessé ou des témoins du traumatisme précise la date, l’heure, les circonstances de l’accident, afin d’évaluer l’importance du traumatisme et de la possibilité de lésions associées. Il précise une modification de l’engrènement dentaire. Les antécédents généraux à type de crise comitiale, d’insuffisance cardiorespiratoire, de diabète, d’anorexie..., les terrains psychologique et somatique doivent être soigneusement appréciés afin d’éviter une décompensation postopératoire et de proposer une prise en charge globale et appropriée. On apprécie également les antécédents maxillofaciaux familiaux, congénitaux, acquis, et de traitement orthodontique. Les signes fonctionnels peuvent être importants avec une douleur, une gêne, une impossibilité de la mastication, de la déglutition et de la phonation.

Examen physique

Figure 5 Action des muscles manducateurs. A. 1. Rétropulseurs : muscle temporal (partie postérieure) et muscle masséter (partie profonde) ; 2. propulseur : muscle ptérygoïdien latéral ; 3. élévateurs : muscle masséter, muscle ptérygoïdien médial, muscle temporal (partie antérieure) ; 4. abaisseurs-rétropulseurs : muscles digastriques et géniohyoïdiens. B. 1. Muscles mylohyoïdiens ; 2. muscles géniohyoïdiens. C. 1. Muscle temporal ; 2. muscles ptérygoïdiens latéraux ; 3. muscles digastriques ; 4. muscles géniohyoïdiens ; 5. muscles ptérygoïdiens médiaux.

Diagnostic Le diagnostic repose sur le triptyque : interrogatoire, examen clinique et imagerie. L’examen du traumatisé de la face se passe bien souvent dans un service d’urgence, il doit être toujours précédé d’un examen général afin d’éliminer des urgences vitales et de dépister des lésions

Il doit être méthodique et noté sur un schéma. Des photographies peuvent être utiles. L’examen est exobuccal et endobuccal (Fig. 6, 7, 8). L’examen exobuccal : l’inspection recherche des éraflures, des plaies (siège, profondeur, degré et type de souillure, pigmentation...), des ecchymoses, des hématomes ou des déformations osseuses, avec modification nasale, élargissement de la distance intercanthale, effacement de la pommette, l’extériorisation d’une épistaxis, d’une otorragie, une rétrogénie, une déviation de la pointe du menton ou une plaie du menton. La palpation minutieuse recherche une irrégularité douloureuse du contour mandibulaire. Une douleur de la région condylienne sera appréciée directement ou par introduction d’un doigt dans le conduit auditif externe, par palpation prétragienne ou à la pression sur le menton. La recherche d’un trouble de la sensibilité labiomentonnière est systématique. À l’examen endobuccal, on recherche : les plaies muqueuses, les luxations ou les fractures dentaires, un hématome pelvilingual ; le type de denture (définitive, mixte, lactéale), l’état des dents (caries, amalgames, édentation...), du parodonte, l’existence de prothèses fixes ou amovibles, un trouble de la dynamique mandibulaire, une limitation douloureuse de l’ouverture buccale ou de la fermeture buccale favorisant l’écoulement d’une salive sanguinolente, une anomalie et/ou une modification de l’articulé dentaire (déviation du point

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G. Touré et al.

Figure 7 Recherche de la mobilité des fragments. A. Par la palpation bimanuelle. B. Par la morsure sur une cale.

Figure 8 Exploration neurologique (territoire du nerf alvéolaire inférieur).

Figure 6 Palpation faciale de la mandibule. A. Une pression antéropostérieure réveille une douleur préauriculaire en cas de fracture condylienne. B. Palpation du bord basilaire. C. Une pression latérale réveille une douleur symphysaire. D. Palpation de la région condylienne.

interincisif, béance, linguoversion...) sinon une modification de l’articulé dentaire. Tous les patients n’étant pas en classe I, la référence à un

articulé antérieur se fait le plus souvent grâce aux facettes d’usure dentaires. La palpation explore le vestibule inférieur gingivojugal ; en cas de doute, la morsure d’une cale entraîne une mobilité douloureuse. La vitalité des dents de part et d’autre du foyer de fracture est testée. Une hypoesthésie en aval du trait de fracture témoigne d’une lésion du nerf alvéolaire inférieur. Le déclenchement d’une douleur prétragienne à la mobilisation du menton fait suspecter

Fractures de la mandibule

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une fracture du condyle. De même, le déclenchement d’une douleur antérieure à la pression des angles mandibulaires oriente vers une fracture symphysaire. L’examen clinique permet d’affirmer ou de suspecter la fracture de la mandibule ; des lésions associées maxillofaciales et générales sont recherchées. Au terme de ce bilan clinique, des radiographies sont demandées.

Imagerie L’orthopantomogramme (Fig. 9) sera demandé chaque fois que sa réalisation est possible. Il permet l’étalement de la totalité de la mandibule sur un seul cliché et d’apprécier l’état dentaire. Il présente certains inconvénients : pour la plupart des appareils, la nécessité d’être assis ou debout ; au niveau symphysaire, il y a une superposition de densités osseuses ; la direction et l’importance des traits et des déplacements peuvent être parfois mal appréciés.13 Cependant, lorsqu’il est correctement effectué et lu avec attention, il permet le diagnostic dans tous les cas. Pour une meilleure appréciation des lésions dentaires, des clichés rétroalvéolaires sont nécessaires. Quand le cliché panoramique n’est pas réalisable ou pour le compléter, d’autres incidences sont utiles (Fig. 10, 11, 12, 13) : • l’incidence face basse bouche ouverte (front nez - plaque) permet d’apprécier en partie la région condylienne, la branche montante, les angles et la partie postérieure de la branche horizontale ; la région symphysaire projetée sur le rachis est mal visualisée. Elle permet d’apprécier les déplacements dans un plan frontal ; • les clichés occlusaux permettent la mise en évidence des fractures symphysaires ou de la branche horizontale, les fractures unicorticales et en « bois vert ». • les incidences de Blondeau et de Waters visualisent le bord basilaire et le processus coro-

Figure 9 Orthopantomogramme. Technique.

Figure 10 Incidence face basse : double fracture angulaire (A, B).

noïde. D’autres incidences, telle l’incidence de Worms ou le profil simple réalisé si possible en téléradiographie peuvent être utiles. L’incidence de Hirtz montre l’ensemble de la mandibule et le déplacement de la tête condylienne. Une incidence de Schüller peut être utile dans les fractures du condyle. La multiplicité des incidences peut être avantageusement remplacée par la tomodensitométrie, notamment chez le polytraumatisé qui nécessite dans tous les cas une imagerie encéphalique. La tomodensitométrie en incidence axiale, avec reconstructions coronales, voire sagittales, est utile dans l’analyse de la trame osseuse des fractures pathologiques et dans le diagnostic des fractures hautes du condyle (intracapitales). Ce bilan radiographique confirme le diagnostic de fracture et permet de préciser les choix thérapeutiques. L’analyse précise le siège des traits de fracture, les déplacements des différents fragments, la denture, l’existence d’une anomalie osseuse sous-jacente (fracture pathologique). Quelques pièges radiographiques,13 bien que rares, sont intéressants à connaître ; ils sont rencon-

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Figure 11 Blondeau. Noter la bonne visualisation du bord basilaire et des coronés.

trés généralement sur le panoramique dentaire. Les erreurs par « excès » sont des fractures monocorticales internes qui apparaissent comme des fractures complètes mais ne sont pas retrouvées lors de l’intervention chirurgicale par un abord vestibulaire. Des erreurs d’appréciation topographique sont possibles du fait de l’étalement de la mandibule sur le cliché panoramique dentaire. Les fractures obliques, à biseau tangentiel de la branche horizontale, ou spiroïdes, donnent un aspect de double fracture lié à la vision distincte des traits des corticales interne et externe. Des fractures sagittales à biseau très allongé de la branche horizontale, des fractures monocorticales internes, les fractures peu déplacées en « bois vert » peuvent être ignorées sur le panoramique. L’examen clinique reste primordial.14 Le diagnostic repose sur la confrontation radioclinique. La mandibule doit être appréciée dans les trois plans de l’espace. Une incidence de face basse sera donc associée au panoramique dentaire, et dans certains cas à un cliché occlusal. Les difficultés d’interprétation au niveau de la région condylienne sont résolues par l’exploration par tomodensitométrie.

Figure 12 Incidence de Waters (explore bien le bord basilaire jusqu’aux angles et les coronés).

Formes cliniques Les formes radiocliniques de la mandibule sont nombreuses selon le nombre de traits, la topographie, les lésions associées, les complications, le terrain.

Formes topographiques Fractures symphysaires et parasymphysaires Elles surviennent le plus souvent à la suite d’un traumatisme direct. Ce dernier peut provoquer une ou plusieurs fractures à distance (condyle, angle...). Le trait médian symphysaire entre les deux incisives est rare chez l’adulte. Il peut parfois détacher un troisième fragment osseux basilaire ou être comminutif. Un arrachement des apophyses geni peut être à l’origine d’un hématome du plancher buccal. Le déplacement est faible du fait de l’équilibre des forces de part et d’autre de la fracture. Du fait de la solidité de l’éminence mentonnière, les fractures symphysaires sont presque toujours parasymphysaires, l’alvéole de la canine étant un point faible statique.

Fractures de la mandibule

237

Figure 14 Fracture verticale du ramus gauche.

Figure 13 Occlusal

Le trait paramédian unilatéral entraîne un déplacement modéré. Il épargne habituellement le nerf alvéolaire inférieur. Le fragment le plus court est attiré en haut et en dedans par les muscles élévateurs, et l’autre fragment subit un abaissement sous l’action des muscles abaisseurs sus-hyoïdiens. La fracture paramédiane bilatérale détache un fragment symphysaire qui se déplace dans le sens rostrocaudal avec ptôse de la langue dans l’oropharynx. Les deux fragments latéraux sont attirés en haut et en dedans sous l’effet des muscles élévateurs. Fractures de la branche horizontale Le mécanisme est le plus souvent direct. Le trait est vertical ou souvent oblique en bas et en arrière, de haut en bas. Il y a une ascension médiale du fragment postérieur, avec chevauchementraccourcissement, déviation du menton du côté fracturé. Les déplacements se font dans l’espace selon l’action des muscles élévateurs sur le fragment caudal et des muscles abaisseurs sur le segment rostral. Les deux segments subissent des mouvements inverses. L’amplitude des déplacements peut être augmentée par l’orientation du trait et par l’édentation. La gencive est habituellement déchirée et le pédicule alvéolaire inférieur est souvent blessé. Fractures de l’angle Elles sont très fréquentes. L’impact a souvent lieu à distance, sur le menton, et peut fracturer les deux

angles mandibulaires ; plus rarement, il est direct sous la forme d’un choc sur la joue. Le trait de fracture est généralement oblique en bas et en arrière et passe par l’alvéole d’une dent de sagesse partiellement ou totalement incluse qui fragilise la région. Les déplacements dépendent du trait de fracture, de la présence de la dent de sagesse sur l’arcade, de la position de la mandibule lors du traumatisme et de la violence du choc. Le déplacement peut être minime et accompagné d’une tuméfaction douloureuse de l’angle, d’un trismus et d’un trouble modéré de l’occlusion. Les déplacements entraînent une latérodéviation mandibulaire, avec déviation du point interincisif du côté fracturé, une béance controlatérale qui augmente des incisives aux molaires. L’hypoesthésie labiomentonnière est fréquente. Fractures de la branche montante (Fig. 14) Cette région est en effet bien protégée par d’épais muscles masticateurs. Lorsqu’elles sont sans déplacement, l’articulé dentaire est conservé, il y a une ecchymose jugale, conséquence du choc, une douleur à la palpation directe et à la pression sur le menton. Fracture verticale Elle s’étend de l’angle à l’incisure, à la suite d’un cisaillement qui entraîne une ascension modérée du volumineux fragment antérieur et un déplacement en dehors du petit fragment postérieur avec une bascule interne du condyle. Le tableau clinique est caractérisé par des contacts dentaires molaires précoces homolatéraux, une béance controlatérale, une limitation douloureuse de l’ouverture buccale et une tuméfaction jugale ; il n’y a habi-

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tuellement pas d’atteinte du nerf alvéolaire inférieur. Fracture horizontale Plus ou moins oblique, elle est due à un choc direct. Si le choc est violent, le petit fragment crânial est attiré en haut, en avant et en dedans sous l’action du temporal et du ptérygoïdien latéral ; le fragment caudal est attiré vers le haut par le masséter et le ptérygoïdien médial. Le tableau clinique est celui d’un raccourcissement du ramus. Le nerf alvéolaire inférieur peut être lésé par le fragment crânial. Fractures de la région condylienne (Fig. 15, 16) Elles sont uni- ou bilatérales, articulaires ou extraarticulaires. Elles intéressent la tête condylienne et le col sous-jacent, jusqu’à une ligne oblique qui prolonge le bord postérieur du processus coronoïde. L’appareil capsulo-disco-ligamentaire est toujours concerné à des degrés divers. Le mécanisme est en règle indirect, à la suite d’un traumatisme sur le menton. Les déplacements sont classiquement une bascule ventromédiale du fragment crânial par le muscle ptérygoïdien latéral et une ascension du fragment caudal par les muscles élévateurs (ptérygoïdien médial et masséter). Très rarement, il peut y avoir une pénétration intracrânienne du processus condylaire, un déplacement postérieur par fracture de l’os tympanal, latéral par déchirure du ligament latéral et une fracture de l’arcade zygomatique. En cas d’arrachement du muscle ptérygoïdien latéral, il y a un risque de nécrose condylienne. Dans la pratique, cet arrachement est le plus souvent lié à une intervention intempestive. Les lésions discales sont davantage dues à des contusions articulaires qu’à des fractures non déplacées ou capitales car la fracture peut être comprise comme un mécanisme de protection des structures sus-jacentes. Il peut exister des déchirures des attaches discales, avec un hématome, une inflammation ; la déchirure discale avec perforation va entraîner la mise en contact directe du processus condylaire et de la fosse mandibulaire,

Figure 15 Fractures du condyle (A, B). a. Fracture capitale ; b. fracture cervicale ; c. fracture basicervicale.

Figure 16 Trois types de fracture capitale. A. Fracture du pôle médial de la tête condylienne. B. Fracture-décapitation. C. Fracture comminutive de la tête condylienne avec section de la lame rétrodiscale inférieure.

qui va favoriser la survenue d’arthrose, voire d’une ankylose. L’examen clinique recherche une douleur spontanée, augmentée par l’ouverture buccale, une douleur prétragienne, une otorragie, une dysocclusion avec latérodéviation du point interincisif, un contact molaire précoce homolatéral, une béance controlatérale, une rétrognathie et une latérodéviation mandibulaire lors de l’ouverture buccale. Fractures sous-condyliennes basses ou basicervicales Ce sont les plus fréquentes de la région condylienne. Ces fractures passent par la base du col. Ce sont des fractures extra-articulaires. Elles siègent dans une zone limitée en bas par une ligne qui prolonge le bord postérieur du coroné et en haut par une ligne horizontale juste au-dessus de l’incisure mandibulaire. Sur les radiographies, le trait de fracture est souvent oblique en bas et en arrière de profil, oblique en bas et latéralement de face ; dans ce cas, les muscles ont tendance à coapter les fragments et à minimiser les déplacements. Quand le trait est oblique en bas et en dedans, les déplacements sont favorisés.

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Fractures cervicales ou sous-condyliennes hautes Ce sont des fractures articulaires qui concernent le col anatomique du processus condylaire. Le mécanisme de survenue est indirect, suite à un choc sur le menton. De profil, le trait est souvent horizontal ; de face, il est horizontal ou oblique en bas et en dedans. Le fragment crânial a un déplacement ventromédial sous l’influence du muscle ptérygoïdien latéral. L’artère centro-osseuse est rompue et la tête ne reçoit son irrigation que par l’intermédiaire du ptérygoïdien latéral. Fractures - luxations Dans les fractures-luxations, il y a une vacuité de la fosse mandibulaire. Le disque reste solidaire du processus condylaire quand la fracture passe sous la lame rétrodiscale inférieure et que celle- ci n’est pas lésée. Mais quand il y a rupture de la lame rétrodiscale inférieure et que la lame rétrodiscale supérieure est seulement tendue, le disque ne suit pas le processus condylaire en dehors de la fosse mandibulaire. S’il y a une désinsertion totale du disque avec luxation antérieure, il faut en tenir compte lors du traitement. Fractures condyliennes vraies ou capitales Ce sont des fractures articulaires qui exposent à l’arthrose ou à l’ankylose. Elles s’accompagnent de lésions de l’appareil discal. Plusieurs types de traits sont observés. Le plus souvent, c’est la partie médiale de la tête qui cède, avec un déplacement ventromédial. Parfois, il s’agit d’une fracture horizontale qui détache l’ensemble de la tête (fracture – décapitation). Le déplacement est fréquent, la perte de hauteur du ramus faible, le risque de nécrose élevé quand un repositionnement chirurgical est tenté. Enfin, il arrive que le processus condylaire (tête) éclate en plusieurs fragments, le condyle est aplati, le disque et le cartilage articulaire sont souvent

endommagés. La palpation de l’articulation est douloureuse, une otorragie est possible par fracture de la paroi antérieure du conduit auditif externe. Fractures du processus coronoïde (coroné) Le coroné donne insertion au muscle temporal, profondément situé et protégé par d’épais muscles masticateurs et par le zygoma. Sa fracture est rare et souvent associée à une autre fracture mandibulaire ou à celle du zygoma. Le trait de fracture est oblique en bas et en avant, souvent linéaire. La traduction clinique est pauvre (trismus modéré, ecchymose muqueuse, douleur à la palpation du coroné) et le diagnostic est radiographique (Fig. 17). Fractures partielles du bord basilaire isolées Elles surviennent à la suite d’un traumatisme direct qui éclate le bord basilaire détachant une ou plusieurs esquilles osseuses (Fig. 18). Fractures alvéolodentaires, avec ou sans perte de substance osseuse alvéolaire Elles peuvent être isolées sans interruption de la continuité de la mandibule ou associées à une fracture de la mandibule. Le groupe incisivocanin est le plus concerné. Les expulsions traumatiques, les luxations ou fractures dentaires sont notées.

Fractures plurifocales Associations de fractures Elles sont fréquentes. Elles sont bifocales, trifocales, rarement plus, symétriques ou asymétriques, unilatérales ou bilatérales ; elles doivent faire rechercher d’autres lésions dans le cadre d’un polytraumatisme ; elles sont instables et nécessitent souvent un traitement chirurgical. Malgré une grande variabilité, certaines associations sont classiques :

Figure 17 Fracture du coroné droit.

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Figure 18 Fracture-éclatement du bord mandibulaire.

• fracture bicondylienne associée à une fracture symphysaire : le mécanisme est direct au niveau de la symphyse et indirect au niveau des condyles. Tout traumatisme ou plaie du menton doit faire rechercher une fracture du condyle ; • fracture symphysaire ou parasymphysaire d’un côté et angulaire ou condylienne controlatérale ; • fracture condylienne bilatérale avec rétrogénie, une béance interincisive, contact molaire prématuré bilatéral, trismus ; • fracture parasymphysaire d’un côté et de l’angle ou du condyle ou de la branche horizontale du même côté ; • fracture parasymphysaire bilatérale, fracture des deux angles, associées à une fracture de la branche horizontale ou du condyle.

Les associations varient en fonction de l’importance du traumatisme, de la position de la mandibule lors de l’impact et de la denture (Fig. 19). Des associations sont évocatrices de l’étiologie de la fracture : le complexe condyle-symphyse est évocateur d’accident de véhicules, tandis que le complexe branche horizontale ou parasymphyse et angle évoque une altercation. Fractures comminutives Les fractures comminutives sont liées à un impact violent direct, qui entraîne un éclatement de l’os sous-jacent. Les traumatismes balistiques en sont la forme emblématique. Fractures associées La recherche d’autres lésions faciales, orthopédiques ou neurologiques, est guidée par les circons-

Figure 19 Fracture quadrifocale de la mandibule (parasymphysaire droite, sous-condylienne bilatérale et coroné gauche).

Fractures de la mandibule

241

tances de survenue et s’impose dans le cadre d’un polytraumatisme.

Il y a un cal vicieux quand la consolidation se fait en mauvaise position.

Fractures compliquées

Retentissement articulaire Il peut se manifester par un dysfonctionnement, une arthrose, une ankylose, une cicatrisation fibreuse des muscles masticateurs (masséter, temporal) avec constriction permanente des mâchoires ou un trouble de la croissance mandibulaire chez l’enfant.

Complications immédiates Elles sont dues au terrain (décompensation d’une tare : diabète, éthylisme, insuffisance respiratoire...), aux lésions associées faciales (étage moyen), viscérales, neurologiques, orthopédiques, rarement à la fracture mandibulaire seule. L’asphyxie peut être due à une double fracture symphysaire avec glossoptose, ou à des corps étrangers (dents, corps étrangers, caillots, prothèse...). L’hémorragie est rarement grave sauf en cas de trouble de l’hémostase ou de lésions associées. L’ouverture de la fracture en endobuccal par effraction de la muqueuse buccale est quasi constante au niveau du corpus mandibulaire. L’ouverture en exobuccal est plus rare. Les lésions cutanées sont d’importance variable ; l’examen clinique recherchera des signes de lésion du rameau mentonnier (rameau marginal) du nerf facial. Les lésions vasculonerveuses : lésion de l’artère faciale, du rameau mentonnier du nerf facial, du pédicule alvéolaire inférieur (le nerf est très rarement rompu) ; le nerf lingual est rarement lésé ; dans les fractures très déplacées du condyle - plaie ou faux anévrisme secondaire à un traumatisme de l’artère maxillaire, contusion du nerf facial, du nerf auriculotemporal, avec paresthésie ou syndrome de Frey, de la corde du tympan avec dysgueusie, glossodynie, du nerf buccal avec hypoesthésie jugale - sont des éventualités rares. Les pertes de substance uni- ou pluritissulaires, souvent d’origine balistique, posent le problème de la réparation. Tous les tissus peuvent être concernés : cutané, musculaire, muqueux et osseux avec des fractures comminutives. Complications secondaires et tardives Ce sont l’infection, les troubles de la consolidation osseuse et les retentissements articulaires. Infection L’abcès périmandibulaire est la conséquence d’une plaie muqueuse, d’un foyer dentaire infectieux, du manque d’asepsie opératoire et du manque d’hygiène postopératoire. L’ostéite mandibulaire est plus rare. Anomalies de consolidation Il y a un retard de consolidation lorsque la fracture présente une mobilité douloureuse au-delà de 2 mois. Il y a une pseudarthrose quand la fracture ne consolide pas au-delà de 6 mois. Elle peut être lâche, serrée, septique ou aseptique. Le foyer de fracture est mobile et indolore.

Fractures pathologiques (Fig. 20) Elles surviennent sur un os pathologique, dans le cadre d’une ostéite radique, d’une tumeur osseuse primitive ou secondaire, ou d’un volumineux kyste. Les fractures pathologiques représentent environ 5 % de l’ensemble des fractures mandibulaires, l’âge moyen de survenue est d’environ 60 ans ; les circonstances de survenue les plus fréquentes sont la mastication puis les chutes ; plus de la moitié de ces fractures siègent au niveau du corps mandibulaire, puis par fréquence décroissante l’angle, la région condylienne et la symphyse ; l’étiologie la plus fréquente dans la littérature est l’ostéoradionécrose.15

Fractures mandibulaires selon le terrain Fractures de l’enfant (Fig. 21) La mandibule est relativement moins volumineuse et plus en retrait par rapport au squelette craniofacial. Son élasticité plus importante explique les fractures en « bois vert ». La jonction corporéoramique se trouve en arrière de la dernière dent sur l’arcade et se modifie en fonction de l’âge. Les points de fragilité se situent au niveau du germe de la canine définitive, de celui de la deuxième molaire et surtout au niveau du col du condyle. Cette zone de faiblesse devient progressivement basicervicale avec la croissance. Les fractures de l’enfant sont dominées par les fractures du condyle, en raison de leur fréquence (40 à 70 % des fractures de mandibule) et des complications redoutables susceptibles de survenir en l’absence de diagnostic et de prise en charge adéquate. Dans la période néonatale, les fractures du condyle passent souvent inaperçues et elles n’en sont pas pour autant moins redoutables. Elles seront révélées par des complications : limitation de l’ouverture buccale, ankylose temporomandibulaire, anomalie de développement de la face avec une microrétrognathie ou une asymétrie faciale. Plus tard le diagnostic sera systématiquement évoqué devant tout traumatisme du menton (chute sur le menton, plaie, éraflure...) ; il est d’autant

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Figure 20 A, B. Fracture sur ostéite radique.

Figure 21 Fractures mandibulaires de l’enfant : rôle des germes dentaires. A. 2 ans. B. 6 ans.

plus difficile que l’enfant est jeune ou qu’il s’agit d’un contexte de polytraumatisme. Ces fractures posent également des problèmes thérapeutiques de contention en denture lactéale ou mixte, de rééducation quand la collaboration de l’enfant est nécessaire. Après l’apparition de la deuxième molaire sur l’arcade, les fractures de l’enfant s’identifient à celles de l’adulte.

Fractures de l’édenté et du sujet âgé18,19 La proportion des sujets âgés augmente parmi les traumatisés de la face, 5 à 29 % selon les séries. Au-delà de 60 ans, le sex-ratio homme – femme est d’environ 1 : 1,1. Les causes les plus fréquentes sont les accidents de la circulation et les chutes. Les chutes qui entraînent les lésions les plus sévères sont celles qui s’accompagnent de troubles de la conscience ; la lésion maxillofaciale la plus fréquente est alors la fracture mandibulaire.12,16,17 La mandibule du sujet âgé se caractérise par la fréquence de l’édentation et de l’ostéoporose qui entraînent la résorption de l’os alvéolaire et la fragilisation osseuse. La symptomatologie est pauvre en cas de traumatisme minime et de fracture peu déplacée. L’absence des dents, donc de cale, fait que l’ensemble des forces est orienté sur le condyle ; en cas de déplacement, la course des fragments osseux sera plus grande. La région symphysaire est située entre le deux foramens mentonniers. Les fractures siègent le plus souvent au niveau du condyle et de la branche horizontale. Quand la fracture est unifocale, le siège condylien prédomine ; quand les fractures sont plurifocales, le siège molaire devient le foyer le plus fréquent, l’angle étant protégé par les muscles masticateurs (Fig. 22). Ces fractures posent des problèmes thérapeutiques : prise en charge, nutrition d’un sujet âgé, retentissement sur l’état général et psychologique, absence de la référence occlusale, sauf si le sujet est porteur d’une prothèse. L’évolution de ces fractures est dominée par les problèmes de vascularisation avec risque de retard de consolidation et de pseudarthrose.

Conclusion Les fractures de la mandibule sont des fractures fréquentes qui existent aux extrêmes de la vie avec

Fractures de la mandibule

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Figure 22 Fracture parasymphysaire gauche d’une mandibule édentée.

une prédominance de l’adulte jeune de sexe masculin. Le plus souvent, le diagnostic repose sur l’examen clinique, un cliché panoramique et un cliché de face basse bouche ouverte.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 244–274

www.elsevier.com/locate/emcden

Traumatismes craniofaciaux Cranio-facial traumas O. Giraud (Chirurgien maxillofacial des Hôpitaux des Armées, chef de service adjoint) a, F. de Soultrait (Neurochirurgien des Hôpitaux des Armées, chef de service adjoint) b,*, O. Goasguen (Assistant des Hôpitaux des Armées) b, G. Thiery (Assistant des Hôpitaux des Armées) c, D. Cantaloube (Professeur agrégé du Val de Grâce, chef de service) a a

Service de chirurgie plastique, maxillofaciale et stomatologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France b Service de neurochirurgie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse. BP 406, 92141 Clamart cedex, France c Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, Hôpital d’Instruction des Armées Laveran, 4, boulevard A.-Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées, France

MOTS CLÉS Traumatismes craniofaciaux ; Sinus frontal ; Sinus ethmoïdal ; Rhinorrhée post-traumatique ; Fistule carotidocaverneuse ; Méningite à pneumocoque ; Endoscopie

Résumé Les traumatismes craniofaciaux intéressent de manière concomitante la face et le crâne, en particulier au niveau de la partie antérieure de la base de celui-ci. Leur gravité tient tout d’abord dans leur risque létal, en raison de la possible atteinte de l’encéphale et d’effraction de la dure-mère. Ils ont aussi un retentissement majeur d’ordre fonctionnel, visuel, olfactif, voire masticatoire et également d’ordre esthétique. Les mécanismes en cause sont variés et les nombreuses classifications proposées rendent compte de leur complexité. Différents tissus et éléments importants de la face et du crâne peuvent être concernés. L’atteinte craniofaciale peut être centrale, latérale ou combinée, résultant dans ce cas de traumatismes très violents, souvent associés à des lésions multiples, viscérales et orthopédiques aggravant le pronostic. La prise en charge des blessés craniofaciaux doit être immédiate, dès les lieux de l’accident. Le diagnostic lésionnel repose sur l’examen clinique, neurologique et maxillofacial, et sur les moyens modernes de l’imagerie médicale, au premier rang desquels se trouve la tomodensitométrie. Les risques de complications conditionnent la prise en charge des traumatismes craniofaciaux. Ils sont essentiellement représentés par l’existence, la persistance ou la récidive d’un écoulement de liquide cérébrospinal par brèche ostéoméningée avec risque de méningite. Néanmoins, ces rhinorrhées sont de mieux en mieux diagnostiquées et prises en charge, en particulier grâce aux techniques d’exploration et de réparation endoscopiques transnarinaires. Le traitement chirurgical comprend selon les cas, et après réduction des fractures, des procédés de réparation osseuse tels que l’ostéosynthèse par plaques métalliques et l’utilisation de greffons osseux en cas de fractures comminutives ou de pertes de substance étendues. Les lésions de la dure-mère doivent également être réparées lorsqu’elles donnent lieu à une rhinorrhée abondante ou ne se tarissant pas spontanément. Le devenir du sinus frontal, en première ligne dans ces traumatismes,

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. de Soultrait). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.01.002

Traumatismes craniofaciaux

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dépend de l’atteinte de ses parois antérieure et postérieure, de son plancher et du canal nasofrontal. Ce type de traumatismes montre la nécessité d’une collaboration étroite entre chirurgiens maxillofaciaux, neurochirurgiens et oto-rhino-laryngologistes pour conduire un traitement primaire définitif en un temps, auquel sont associés les ophtalmologistes et les anesthésistes-réanimateurs. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Cranio-facial trauma; Paranasal sinuses; Post-traumatic rhinorrhea; CSF leakage; Post-traumatic meningitis Endoscopy

Abstract Cranio-facial traumas associate concomitant traumatic injuries of face and skull, particularly the anterior cranial base. Their severity is potentially lethal due to the possible lesions of the brain tissues and dura mater. They also have a major impact on some functions such as vision, olfaction, mastication, and may affect the aesthetic of the head. Various mechanisms are involved and the numerous classifications that have been proposed reflect their complexity. Different tissues and major elements of the face and skull can be concerned. The trauma can be central, lateral or both, illustrating its violence; it may be associated with visceral and orthopedic lesions that aggravate the prognosis. Management must be immediate, from the accident’s scene. Clinical neurological and maxillo-facial examination, using modern CT scan and MRI allows the lesion’s inventory. Complications are mainly represented by presence, persistence or recurrence of a cerebrospinal fluid (CSF) leakage with post-traumatic meningitis risk. Nevertheless, nowadays these CSF leaks are easily visualized and safely treated by transnasal endoscopic techniques. Early single-stage repair of complex craniofacial trauma includes bony repair methods with rigid fixation and uses grafts when massive comminutions or tissue’s lost occurs. Damaged dura must also be repaired. Frontal sinus state depends on involvement of the anterior table, the posterior table, the floor and the naso-frontal duct. This kind of traumas requires a close co-operation between maxillo-facial surgeons, neuro-surgeons, and ENT specialists to manage a one-stage definitive primary treatment with which ophthalmologists and anesthesiologists are associated. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Les traumatismes craniofaciaux (TCF) associent des lésions traumatiques ouvertes ou fermées intéressant à la fois la face et la boîte crânienne, principalement la partie antérieure de celle-ci, ainsi que les éléments qu’elles abritent. Ils concernent une zone frontière particulière fréquemment désignée sous le vocable de confins craniofaciaux ; il s’agit là d’un véritable carrefour anatomique qui comporte de nombreux éléments dont l’importance vitale, fonctionnelle et esthétique fait toute la gravité des atteintes de cette région. Souvent liés à des chocs violents, ces traumatismes peuvent entraîner des lésions importantes des diverses structures osseuses et des parties molles ainsi que des éléments nobles qu’elles renferment, tout particulièrement la dure-mère qui enveloppe et protège l’encéphale. Ils deviennent ainsi susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital dans des délais et selon des modalités variables suivant le type d’atteinte. Sur le plan anatomique, la région craniofaciale présente un agencement rendu particulièrement complexe par ses nombreux éléments étroitement liés les uns aux autres, alternativement résistants

ou vulnérables aux chocs du fait de caractéristiques structurelles et biomécaniques variables. Le traitement des lésions des différentes structures craniofaciales n’est donc pas univoque. Il doit s’attacher à restaurer la morphologie de cette entité en préservant les fonctions et les rapports avec la voûte et la base du crâne en haut et en arrière et avec la mandibule en bas, afin de reconstituer un ensemble céphalique cohérent. Dans la grande majorité des cas, ce sont les lésions intracrâniennes qui conditionnent le pronostic vital initial, les lésions de la face tolérant quant à elles plus couramment une prise en charge légèrement différée. Le traitement doit être idéalement rapide et complet, suivant ainsi la règle des quatre T édictée par Jean Pons : traiter Tout, Tôt, Totalement, en un Temps. Il est réalisé au mieux par une équipe multidisciplinaire associant neurochirurgiens, chirurgiens maxillofaciaux, ophtalmologistes et réanimateurs.

Épidémiologie Les traumatismes craniofaciaux représentent des atteintes fréquentes de la face et du crâne. Ils sont

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O. Giraud et al.

provoqués par des chocs, le plus souvent très violents dans leur intensité et leur vélocité, liés essentiellement aux accidents de la voie publique. La vitesse excessive diminue voire annule la protection conférée par les zones d’absorption des chocs, qui ont été largement développées ces dernières années dans la conception des véhicules automobiles. La ceinture et les coussins gonflables de sécurité ainsi que les casques des motocyclistes n’offrent quant à eux qu’une protection limitée à grande vitesse. Plus rarement, on retrouve de tels traumatismes à la suite d’accidents du travail (chute d’échafaudage, éclatement de roue d’engin de chantier par exemple), d’accidents de sport (montagne) ou d’agressions avec des objets contondants, mais aussi de tentatives de suicide par armes à feu. Les traumatismes craniofaciaux sont rarement isolés et sont habituellement associés à des lésions endocrâniennes et ophtalmologiques mais aussi du reste du massif facial et de la mandibule, ceci en raison même de l’importance des forces appliquées à l’extrémité céphalique naturellement peu protégée. Ils entrent également souvent dans le cadre d’un polytraumatisme, majorant alors la mise en jeu du pronostic vital par l’altération des fonctions respiratoires, cardiocirculatoires ou neurologiques. Les lésions liées à ces traumatismes particulièrement vulnérants peuvent être d’une telle gravité qu’elles échappent à toute description classique, comportant un nombre important de fractures comminutives et de pertes de substance de localisation et d’importance variables. Par ailleurs, l’amélioration constante des moyens d’évacuation et des techniques de réanimation utilisés dans ce type de traumatismes a pour

conséquence de voir augmenter le nombre de traumatisés craniofaciaux admis dans les centres de traitement des grandes villes.

Rappel anatomique Les traumatismes craniofaciaux concernent une région particulière où s’unissent de façon intime le « crâne facial » et le « crâne cérébral » des anatomistes (Fig. 1). Il s’agit de la réunion entre, d’une part, l’étage supérieur de la face, et d’autre part, l’étage antérieur de la base du crâne et la partie frontale de la voûte crânienne qui la coiffe et dont l’épaisseur varie selon les individus et la localisation. L’os frontal constitue la clé de voûte d’un ensemble anatomique particulièrement complexe, formé également du côté crânien par le sphénoïde et l’ethmoïde, qui relient le squelette du massif facial à la base du crâne.

Étage supérieur de la face Appendu à la base du crâne, il s’articule avec la région frontale de la voûte crânienne au niveau de la suture frontonasale au centre, et des deux sutures frontomalaires latéralement. Le tiers médian est composé des os propres du nez et de la partie médiale des orbites, tandis que les tiers latéraux sont constitués par la partie latérale des orbites (située en dehors de la fissure supraorbitaire) et le pilier frontal de l’os zygomatique. La paroi latérale des orbites est très épaisse ; elle constitue un pilier de résistance aux chocs dans

A Figure 1 Vues de face (A) et de profil (B) du crâne et de la face.

B

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sa partie antérieure et est en rapport direct avec la voûte crânienne en rejoignant la paroi latérale de celle-ci. L’orbite constitue une autre entité anatomique intéressée dans ces traumatismes, qu’ils soient médians ou latéraux. Sa partie antérieure est constituée par un rebord ou margelle et par quatre parois qui maintiennent le globe oculaire qui est mobilisé par les muscles moteurs oculaires. Sa partie postérieure (Fig. 2) comporte à l’apex le trou optique, orifice antérieur du canal optique où cheminent le nerf optique et l’artère ophtalmique. La fissure orbitaire supérieure est également située au fond du cône orbitaire, à l’angle supéroexterne de l’apex orbitaire (Fig. 3). Elle est le lieu de passage d’autres éléments nobles : veines ophtalmiques, nerfs moteurs oculaires commun (III) et externe (VI), nerf pathétique (IV), branches lacrymale, nasale et frontale du nerf ophtalmique (V1), première branche du nerf trijumeau (V). 1 2 4

3

Figure 2 Vue de face de la région orbitomalaire : portion postérieure de l’orbite. 1. Trou optique ; 2. gouttière lacrymale ; 3. fissure orbitaire inférieure ; 4. fissure orbitaire supérieure.

11 10

La partie médiale de l’orbite est en relation étroite avec le complexe ethmoïdal. Par ailleurs, elle est en rapport, d’une part avec le ligament palpébral interne et ses deux tendons et d’autre part, avec les voies lacrymales dont la gouttière lacrymale et le canal lacrymonasal qui lui fait suite puis s’ouvre au niveau du méat inférieur de la cavité nasale. La paroi médiale, particulièrement mince, constitue un élément de fragilité. L’angle supéro-interne comporte les orifices orbitaires des deux canaux ethmoïdaux antérieur et postérieur qui livrent passage à des éléments vasculonerveux.

Base du crâne Elle comporte trois étages : antérieur, moyen et postérieur (Fig. 4). Fosse crânienne antérieure Appelée également étage facial ou étage ethmoïdofrontal de la base du crâne, elle est constituée de trois os imbriqués entre eux : le frontal, l’ethmoïde et le sphénoïde qui entretiennent des rapports étroits avec les os de la face : • le maxillaire s’encastre littéralement sous l’ethmoïde et le frontal ; • la lame criblée de l’ethmoïde forme la voûte des fosses nasales ; • la face inférieure du frontal constitue le toit des orbites et du complexe ethmoïdal.

1

1

9 2 8 7

2

6

3

5 4 3 Figure 3 Coupe frontale de la fissure orbitaire supérieure et du trou optique avec leurs éléments de passage. 1. Nerf optique (II) ; 2. artère ophtalmique ; 3. nerf nasal (V1) ; 4. veine ophtalmique inférieure ; 5. branche inférieure du nerf oculomoteur (III) ; 6. veine ophtalmique supérieure ; 7. nerf abducens (VI) ; 8. branche supérieure du nerf oculomoteur (III) ; 9. nerf trochléaire (IV) ; 10. nerf frontal (V1) ; 11. nerf lacrymal (V1).

Figure 4 Vue supérieure des trois étages de la base du crâne. 1. Fosse crânienne antérieure ; 2. fosse crânienne moyenne ; 3. fosse crânienne postérieure.

248 L’os frontal est par ailleurs le siège du sinus frontal situé entre la table externe et la table interne de la voûte du crâne et à la jonction de celle-ci avec la base. Résultat de la colonisation de l’os frontal par une cellule ethmoïdale, il s’agit donc plutôt d’un sinus ethmoïdofrontal. Cavité aérienne parfois absente en cas d’agénésie, de taille très variable, le plus souvent paire et asymétrique, elle constitue une zone de faiblesse au milieu du front et au-dessus des orbites, mais aussi dans une certaine mesure une zone d’absorption des chocs. Elle comporte une paroi antérieure directement exposée aux traumatismes et siège de l’abord chirurgical, et une paroi postérieure très mince siège des canaux de Bresche30 permettant la communication des réseaux veineux intrasinusiens et extraduraux.46 La duremère de la fosse crânienne antérieure adhère fortement à cette paroi postérieure. La paroi inférieure ou plancher comporte une portion médiale, ethmoïdonasale, et une portion latérale, orbitaire, constituant le toit de l’orbite. La cavité sinusienne est tapissée d’une muqueuse de type respiratoire avec un épithélium cylindrique cilié et des formations glandulaires. Elle recouvre également ces pertuis vasculaires ; son atteinte peut entraîner des complications infectieuses à type de sinusites ou tumorales à type de mucocèles. Le sinus frontal comporte un seul système de drainage constitué par le canal nasofrontal situé en arrière et en dedans du plancher ; il le fait communiquer avec la fosse nasale correspondante, le plus souvent au niveau du méat moyen. L’atteinte de ce canal est importante à reconnaître car elle peut elle aussi être cause de complications en cas d’obstruction, le drainage du sinus frontal ne pouvant plus être effectué. L’ethmoïde prolonge en arrière la pyramide nasale, entre la partie horizontale de l’os frontal et la partie antérieure de la base du crâne ; il est donc souvent concerné par les traumatismes de la région. Le sinus ou labyrinthe ethmoïdal, constitué d’une partie antérieure et d’une partie postérieure, représente un élément de fragilité, surtout en arrière où il est en rapport direct avec la duremère qui adhère fortement au toit ethmoïdal. Il est également en relation en arrière avec le sinus sphénoïdal. Dans sa partie endocrânienne, l’ethmoïde accueille les bulbes olfactifs dans les gouttières olfactives. Ces lames très fragiles, situées de part et d’autre de l’apophyse crista galli, sont considérées comme le point faible de l’étage antérieur de la base du crâne.

O. Giraud et al. Communiquant avec les fosses nasales (Fig. 5), 1 2

12 11

3 4 5 10

6 7

9 8

Figure 5 Coupe frontale passant par le milieu de l’orbite montrant les rapports entre le sinus frontal, les cellules ethmoïdales et les fosses nasales. 1. Crista galli ; 2. lame criblée de l’ethmoïde ; 3. cornet supérieur ; 4. lame perpendiculaire de l’ethmoïde ; 5. orbite ; 6. fosses nasales ; 7. sinus maxillaire ; 8. vomer ; 9. cornet inférieur ; 10. cornet moyen ; 11. cellules ethmoïdales ; 12. sinus frontal.

l’ethmoïde expose ainsi à de sévères complications infectieuses méningées lorsqu’il est traumatisé. La cavité nasale est également en relation avec le sinus sphénoïdal dont l’orifice se situe au niveau du segment postérieur de la voûte des fosses nasales (Fig. 6). 1 7 6

2

6

5

3 4

5 8

9 2

Figure 6 Coupe sagittale des fosses nasales montrant la paroi latérale. Communication avec les sinus paranasaux. 1. Duremère ; 2. sinus frontal ; 3. cornet moyen ; 4. cornet inférieur ; 5. sinus sphénoïdal ; 6. cellules ethmoïdales postérieures ; 7. bulbe et nerfs olfactifs ; 8. sinus maxillaire ; 9. cellules ethmoïdales antérieures.

Fosse crânienne moyenne En arrière et de chaque côté, le sphénoïde désigne par sa petite aile la frontière entre la fosse crâ-

Traumatismes craniofaciaux nienne antérieure en avant et la fosse crânienne moyenne en arrière. À sa partie postérieure médiane, il forme la selle turcique qui abrite la glande hypophyse, bordée par deux gros lacs veineux aux parois constituées de dure-mère : les sinus caverneux. Ceux-ci sont traversés par les artères carotides internes à leur entrée dans la boîte crânienne. La dure-mère Elle tapisse la face interne de la boîte crânienne. C’est-à-dire, pour la partie qui nous intéresse, dans le plan vertical, la face endocrânienne de l’os frontal en avant et latéralement, mais également, dans le plan horizontal, la face supérieure de la fosse crânienne antérieure, représentée de chaque côté par le toit des orbites et les gouttières olfactives. Elle forme une enveloppe fibreuse et résistante, constituée de deux feuillets : • d’une part, le périoste, couche externe adhérente à l’os endocrânien, richement innervé et vascularisé ; • d’autre part, la dure-mère proprement dite, représentant la couche interne. Par endroits, ces deux feuillets se séparent pour former de larges sinus veineux, comme les sinus caverneux déjà cités, ou le sinus sagittal supérieur, dont le diamètre augmente depuis l’apophyse crista galli en avant jusque vers l’arrière de la voûte crânienne. Appendue au sinus sagittal supérieur et suivant le même axe, la faux du cerveau forme une cloison de dure-mère interhémisphérique sagittale, participant au soutien des deux hémisphères cérébraux. L’adhérence de la dure-mère à l’os est plus ou moins importante, alternant des zones décollables (convexité frontale, jugum sphénoïdal, toit de l’orbite) et des points d’ancrage plus solides (apophyse crista galli, gouttières olfactives, bord libre de la petite aile du sphénoïde). Cette disposition facilite les déchirures et les décollements traumatiques dans les zones plus fragiles, entraînant des brèches ostéoméningées. Lobes frontaux et organe de l’odorat Protégés par la dure-mère, les lobes frontaux sont posés sur le relief osseux de la fosse crânienne antérieure. Les pôles antérieurs de ces deux lobes sont situés directement au contact de la paroi postérieure du sinus frontal. Cette situation explique les contusions frontales et les séquelles neurologiques présentées par certains patients. Les filets olfactifs remontent depuis la muqueuse des fosses nasales au travers de la lame criblée de l’ethmoïde pour rejoindre les bulbes olfactifs posés dans les gouttières, prolongés en arrière par les nerfs olfactifs. Toutes ces structures de l’odorat

249 sont très exposées dans les traumatismes craniofaciaux.

Éléments de biomécanique Les études classiques décrivent, tant au niveau du massif facial que du crâne, des zones de forte résistance aux traumatismes et des zones plus fragiles. Les premières sont celles où vont s’épuiser les forces traumatiques jusqu’au point de rupture où se produit la fracture ; les zones plus fragiles se rompent pour des forces de moindre importance mais permettent l’absorption d’une partie de l’énergie de l’impact, ce qui épargne les structures avoisinantes. Au niveau du massif facial,7 les zones de résistance sont constituées par des piliers : ce sont des coulées d’os compact destinées à absorber l’énergie des forces appliquées au massif facial, en particulier celles de la mastication qui sont de direction verticale. Il est décrit trois piliers superficiels (antérieur, latéral et postérieur) et un pilier profond qui s’étend du palatin au corps du sphénoïde. Cette disposition ne protège guère des traumatismes de direction horizontale. L’os spongieux est organisé en travées entre ces piliers, tandis qu’on trouve un os particulièrement fin, papyracé, au niveau de l’ethmoïde et du plancher orbitaire. Cet os permet d’alléger le squelette mais n’offre aucun caractère protecteur. Au niveau de la base et de la voûte du crâne, est décrit un système d’arcs-boutants et d’entreboutants (toit des orbites). Les entre-boutants constituent des zones de faiblesse. Les arcsboutants, éléments de solidité, présentent eux aussi cependant des points de fragilité (lame criblée de l’ethmoïde, canal optique, fissure orbitaire supérieure). Si l’os de la voûte crânienne est épais, sauf au niveau du sinus frontal, celui de la base du crâne est fin et fragile. Des études plus récentes45 font référence à un concept d’unités anatomiques regroupant des éléments osseux, en distinguant au niveau de la sphère craniofaciale des zones superficielles et profondes, d’une part, et une région centrale et deux régions latérales, d’autre part : • au niveau de la région centrale : C en surface, l’os frontal forme une unité mécanique avec les os centraux de la face, et l’on peut décrire un pilier superficiel constitué par la zone glabellaire, la partie médiale des bords supraorbitaires, l’épine nasale du frontal, la partie supérieure des os nasaux et le processus frontal du maxillaire ;

250 C en profondeur, on distingue deux structures : une structure de disposition horizontale formée par la partie orbitaire du frontal (qui constitue la partie horizontale du plancher de la fosse crânienne antérieure) et par les petites et grandes ailes du sphénoïde; une structure de disposition verticale formée par le processus médian du frontal qui se poursuit par l’apophyse crista galli, la lame perpendiculaire de l’ethmoïde et le vomer, l’ensemble formant un pilier vertical ; • au niveau des régions latérales : C en surface, on décrit un pilier tridimensionnel formé par le processus zygomatique de l’os frontal, le processus orbitaire de l’os zygomatique, le processus pyramidal du maxillaire, l’arcade zygomatique et le bord infraorbitaire ; C en profondeur, l’association de l’os frontal à la grande aile du sphénoïde forme un seul pilier vertical de forte résistance mécanique, décrit par Couly comme un pilier ptérygo-sphéno-frontal. Au total sont décrites : • une plate-forme supérieure crânienne (frontosphénoïdale) formée par la partie horizontale de l’os frontal et par les grandes et les petites ailes du sphénoïde ; • une plate-forme inférieure faciale (palatine) formée par les os palatins. Ces deux plates-formes sont reliées par sept piliers verticaux, trois médiaux et quatre latéraux : • les trois piliers médiaux comprennent deux éléments fronto-naso-maxillaires superficiels et symétriques et un élément frontoethmoïdo-vomérien profond ; • les quatre piliers latéraux comprennent deux éléments fronto-zygomatico-maxillaires superficiels et deux éléments frontosphénoïdaux profonds. Ces descriptions restent néanmoins théoriques. Plus récemment, en s’inspirant de techniques liées à l’aéronautique et en rappelant que l’os est une structure composite, les données biomécaniques de la face et du crâne ont été modernisées en les comparant à un système aréolaire organisé en plusieurs caissons qui ont un rôle d’allègement des structures.1 Les caissons sont agencés en un système triple : cavités nasales au centre, cavités orbitaires et sinus maxillaires latéralement. Ce système est renforcé par un ensemble de cadres qui en assure la rigidité.

O. Giraud et al.

Figure 7 Fractures centrales (CNEMFO).

Pathogénie Traumatismes localisés Ils peuvent être médians ou latéraux. Traumatismes médians Ils occasionnent des fractures centrales (Fig. 7) au niveau de la région nasofrontale et atteignent le CNEMFO ou complexe naso-ethmoïdo-maxillofronto-orbitaire soit de façon directe, soit par propagation de l’énergie traumatique appliquée initialement sur la voûte crânienne. Cet ensemble anatomique et biomécanique comporte une partie antérieure et une partie postérieure. Partie antérieure Dense et résistante, elle est constituée, d’une part, par le bandeau frontal, fragilisé cependant par la présence d’une cavité aérienne, le sinus frontal, de taille variable, et, d’autre part, par l’épine nasale du frontal qui, elle, constitue un véritable noyau de résistance. Lors du contact avec les forces traumatiques, les os propres du nez et le processus frontal du maxillaire sont repoussés en arrière tout en s’écartant latéralement, ce qui provoque une véritable impaction de la pyramide nasale. Le bord infraorbitaire peut être interrompu et la paroi orbitaire médiale être le siège d’une fracture comminutive en raison notamment de sa minceur particulière. L’existence d’un sinus frontal bien pneumatisé permet l’absorption au moins partielle de la force

Traumatismes craniofaciaux

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du traumatisme, au prix souvent d’une fracture de sa paroi antérieure, préservant ainsi la paroi postérieure qui est en rapport direct avec la base du crâne. Lorsque le sinus frontal est de petite taille, il existe un risque accru d’atteinte de la dure-mère par l’intermédiaire du toit de l’orbite ou de la paroi postérieure du sinus.6,18 On s’expose ainsi à une fuite de liquide cérébrospinal (LCS) par brèche ostéoméningée. Partie postérieure Grêle et fragile, elle est constituée par des éléments appartenant à l’ethmoïde : masses latérales, apophyse crista galli, lame perpendiculaire et lames criblées. Cet ensemble est sous la protection de la partie antérieure précédemment décrite, jusqu’à un certain point de rupture lié à l’intensité du traumatisme. Dans ce cas, l’épine nasale du frontal, qui avait jusque–là un rôle protecteur, devient alors vulnérante pour les structures qui lui sont postérieures. Plus en arrière, la selle turcique peut elle-même être atteinte. Traumatismes latéraux Appliqués au complexe fronto-zygomato-malaire, ils entraînent des fractures latérales (Fig. 8) de la face et du crâne. En traversant le pilier frontozygomatico-maxillaire, les traits de fracture peuvent s’étendre parfois à la grande aile du sphénoïde et la région du ptérion, juste en arrière du pilier orbitaire. Ce point repère correspond à la convergence des sutures coronale, pariétosphénoïdale et frontosphénoïdale. En dedans du ptérion se trouve

Figure 8 Fractures latérales.

Figure 9 Fractures étendues centrales et latérales.

l’extrémité postérolatérale de la grande aile du sphénoïde ; en arrière, à la face latérale de la fosse crânienne moyenne, au niveau temporal, se situe la zone décollable de Gérard Marchant, lieu classique de décollement de la dure-mère à l’origine de saignements extraduraux. L’atteinte de l’os frontal se produit au niveau du bord supraorbitaire et de son processus zygomatique ainsi que, parfois, du toit orbitaire. Ces éléments sont alors déplacés en dehors. Le déplacement externe de la paroi latérale et du plancher de l’orbite se traduit par une dystopie canthale et une énophtalmie. Superficiellement, l’atteinte de la région zygomatique peut se traduire par un élargissement de cette zone située au niveau de la pommette tandis qu’en cas de fracture comminutive de sa paroi latérale, l’orbite peut se trouver en communication avec la fosse temporale où peut parfois migrer de la graisse périorbitaire.18 En profondeur, les traits de fracture peuvent s’étendre à l’os pariétal, à l’os temporal et à la grande aile du sphénoïde6 qui peut être déplacée, entraînant alors une exophtalmie par diminution du diamètre de l’orbite. L’atteinte du sphénoïde peut également intéresser la fissure orbitaire supérieure, lésant alors les éléments nobles vasculonerveux qui la traversent. Traumatismes violents localisés Des traumatismes très violents mais restant localisés peuvent atteindre à la fois les éléments centraux et latéraux décrits précédemment (Fig. 9),

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O. Giraud et al.

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Figure 10 Fractures panfaciales.

entraînant des lésions comminutives et particulièrement instables ; il existe une véritable dislocation de la face au niveau de sa liaison avec la base du crâne et un risque accru d’atteinte endocrânienne au niveau de la fosse antérieure mais aussi de la fosse moyenne.

Traumatismes étendus Les traumatismes étendus atteignent l’ensemble craniofacial d’une façon plus globale. Au niveau de la face Peuvent être touchés les étages supérieur et moyen (avec des lésions de type disjonctions craniofaciales Le Fort II et III homo-, contro-, ou bilatérales associées à des dislocations orbitonasales). Les forces traumatiques appliquées au massif facial peuvent diffuser par l’intermédiaire du CNEMFO, zone de fragilité, jusqu’à l’encéphale.22 Inversement, un traumatisme appliqué sur la voûte crânienne peut atteindre la base du crâne et la face. L’étage mandibulaire peut être concerné dans les grands traumatismes dans le cadre des associations lésionnelles régionales. Celles-ci, appelées également fractures panfaciales, transforment la région en un véritable puzzle traumatique dont la reconstitution est particulièrement ardue (Fig. 10). Au niveau du crâne Peuvent être atteints la voûte crânienne, la fosse crânienne moyenne voire postérieure, la région de la selle turcique, le parenchyme cérébral. Outre les

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Figure 11 Sectorisation traumatotopographique (d’après J. Pons). 1. Étage supérieur ; 2. étage moyen ; 3. étage inférieur ; 4. tiers latéral gauche ; 5. tiers médian ; 6. tiers latéral droit.

fractures à l’origine de lésions des éléments nobles par esquilles osseuses, ces traumatismes génèrent des lésions de l’encéphale par coups et contrecoups, mettant en jeu le pronostic vital et neurologique. Pour plus de clarté concernant les lésions craniofaciales proprement dites, on peut s’aider, sur le plan traumatotopographique, d’un schéma qui comporte un quadrillage divisant la face en trois tiers dans le plan horizontal et dans le plan vertical (Fig. 11), et proposer la localisation des lésions de la façon suivante : • dans le plan horizontal : localisation au tiers supérieur et à la partie haute du tiers moyen ; • dans le plan vertical : localisation au tiers médian frontonasal et aux deux tiers latéraux fronto-orbito-ptérioniques.

Anatomopathologie Les lésions varient en fonction de l’intensité, de la localisation et de la direction des forces traumatiques appliquées à l’ensemble craniofacial. Le revêtement cutané peut être le siège de plaies, uniques ou multiples, franches, linéaires ou contuses, dilacérées, avec ou sans perte de substance. On peut également observer des signes de contusion (ecchymose, hématome) sans véritable plaie ; ceci ne préjuge pas de la gravité des éven-

Traumatismes craniofaciaux tuelles lésions sous-jacentes, dont une possible atteinte des cavités sinusiennes frontales ou ethmoïdales, le traumatisme étant alors considéré comme ouvert. Le scalp, très vascularisé, peut être à l’origine de pertes sanguines importantes. L’atteinte osseuse peut se traduire par une embarrure au niveau de la voûte frontale, par des traits simples localisés ou irradiés, isolés ou multiples, par une comminution avec présence de nombreux fragments, par une véritable dislocation voire par des disparitions ; on parle alors de fracas craniofacial. Les traits de fracture sont ici souvent complexes et échappent à toute systématisation. Certains éléments nobles peuvent être intéressés par les dégâts osseux : • le globe oculaire et ses annexes peuvent être directement touchés par l’impact, responsable de lésions variées pouvant aller jusqu’à la perforation voire l’éclatement ; • dans le cône orbitaire, une fracture déplacée, un hématome, peuvent provoquer une atteinte du nerf optique par compression, notamment au niveau de l’apex (Fig. 12, 13) ; • au niveau de l’ethmoïde, ce sont les filets du nerf olfactif qui peuvent être arrachés ; • dans la partie inféromédiale de l’orbite, le canal lacrymonasal peut être lésé ; • au niveau du plancher du sinus frontal, dans sa partie médiale, c’est le canal nasofrontal qui peut être fracturé ou occlus. La dure-mère peut présenter des lésions aux aspects différents selon leur localisation et la force du traumatisme : plaie punctiforme en relation avec un embrochage osseux mais aussi déchirure par cisaillement. Dans ce cas, la cicatrisation spontanée est fortement compromise et les risques

Figure 12 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : fractures déplacées de la paroi latérale de l’orbite et de l’apex orbitaire droits avec fragment au contact du nerf optique.

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Figure 13 Tomodensitométrie du crâne, reconstruction frontale en fenêtre osseuse : coupe frontale passant par l’apex orbitaire, dislocation orbitaire droite. Réduction du diamètre du cône orbitaire droit.

d’écoulement de liquide cérébrospinal sont majeurs, provoquant une rhinorrhée ou une otorrhée. La carotide intracrânienne peut être blessée dans le canal carotidien qui traverse la base du crâne ou dans le sinus caverneux. Si la lésion n’entraîne pas un saignement intarissable rapidement létal, elle peut être à l’origine d’un pseudoanévrisme ou d’une fistule carotidocaverneuse. Cette dernière survient à la suite d’une plaie de la carotide ou d’une de ses branches collatérales dans leur trajet intracaverneux. Elle est favorisée par les fractures irradiées à la base du crâne. L’effraction de la paroi artérielle dans ce lac veineux est à l’origine d’une fistule à haut débit correspondant le plus souvent à un type A selon la classification de Barrow.5,10,28 Ce reflux de sang artérialisé dans le réseau de drainage veineux de la base du crâne (veines ophtalmiques, sinus sphénopariétal, sinus pétreux) rend compte de la symptomatologie clinique exposée plus loin. Le reflux, qui peut aller jusqu’aux veines corticales, représente alors un risque hémorragique non négligeable. L’encéphale et les espaces méningés peuvent présenter des lésions en tous points de la boîte crânienne du fait des mécanismes de coups et de contre-coups qu’ils subissent. Par ordre de fréquence dans les traumatismes craniofaciaux, il peut s’agir : • de contusions parenchymateuses frontales directement en arrière du bandeau frontal, faites de pétéchies et d’œdème cérébral, voire d’hématomes intraparenchymateux dont la localisation frontobasale menace l’olfaction. Leur volume, avec l’effet de masse généré sur l’encéphale, peut être à l’origine d’un engagement cérébral létal ; • des épanchements aériques intracrâniens, ou pneumocéphalies, alimentés par les brèches

254

O. Giraud et al. compte de la difficulté de schématiser ces atteintes qui peuvent toucher un nombre variable d’éléments anatomiques avec des répercussions vitales, fonctionnelles et esthétiques distinctes.

Classification de Fain et Péri

Figure 14 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale : hématome extradural temporal gauche (lentille biconvexe typique) avec effet de masse modéré.









ostéoméningées et pouvant devenir compressifs pour l’encéphale ; des hémorragies méningées post-traumatiques qui n’ont pas le caractère de gravité des hémorragies par rupture anévrismale, sauf lorsqu’elles entraînent une inondation ventriculaire avec l’hydrocéphalie menaçante qui en découle par trouble de la circulation du liquide cérébrospinal (LCS) ; des hématomes intracrâniens, tels les hématomes extraduraux (Fig. 14), dont l’effet de masse menace rapidement le pronostic vital. Les hématomes sous-duraux aigus sont souvent liés à d’importantes contusions parenchymateuses œdématohémorragiques extrêmement graves ; des lésions axonales diffuses, liées à un effet d’accélération et de décélération, atteignant surtout le corps calleux et compromettant le réveil et la rééducation neurologique des patients. Elles sont accusées d’être responsables des comas d’emblée ; enfin, des plaies craniocérébrales avec extériorisation à la peau de matière cérébrale. Leur risque septique est majoré quand il s’agit d’une lésion d’origine balistique avec pénétration intracrânienne de l’agent vulnérant.

Classification des lésions Divers auteurs ont proposé depuis plusieurs années différentes classifications des TCF. Ceci rend bien

Elle reste d’actualité, mais son intérêt pratique n’est pas toujours facile à déterminer ; elle comprend cinq types associant de façon variable, d’une part, la face au niveau de ses étages supérieur et moyen et, d’autre part, la base du crâne au niveau de la fosse crânienne antérieure : • type I : fracture de la paroi antérieure du sinus frontal ; il peut exister de façon exceptionnelle des fractures de la paroi postérieure ; • type II : enfoncement médiofacial ; c’est la dislocation naso-orbito-ethmoïdo-frontale ou DONEF de la classification de Paul Tessier. Une disjonction craniofaciale de type II ou III peut y être associée ; • type III : fractures de la voûte irradiées à la base avec trait simple ou embarrure ; en cas d’embarrure, les lésions de la base sont plus fréquentes de même que les atteintes de la dure-mère ; • type IV : association des types II et III ; • type V : lésions exceptionnelles isolées de l’étage antérieur.

Classification de Sturla45 Elle est basée sur une étude expérimentale réalisée à partir de têtes de sujets anatomiques : • fractures centrales : atteinte du pilier superficiel et de l’ethmoïde. Atteinte isolée ou associée avec une fracture transversale de type Le Fort et/ou avec une fracture du crâne. Il existe une communication entre le toit des cavités nasales et la fosse cérébrale antérieure ; • fractures latérales : atteinte du pilier latéral superficiel et de la grande aile du sphénoïde. Atteinte isolée ou associée avec une fracture transversale de type Le Fort et/ou une fracture du crâne. Il existe une communication entre l’orbite et la fosse cérébrale antérieure et/ou moyenne.

Classification proposée au XXXIIe congrès de stomatologie et chirurgie maxillofaciale1 Plus récente, elle se rapporte à la biomécanique du traumatisme : • fractures médiobasicrâniennes : C fractures du sinus frontal ; C fractures du CNEMFO ;

Traumatismes craniofaciaux • fractures latérobasicrâniennes : C fractures fronto-orbitaires latérales ; C fractures fronto-sphéno-temporales ; C fractures irradiées de la voûte à la base ; C fractures par contrecoup. Comme toute classification, celle-ci reste schématique, mais semble plus pratique pour élaborer une stratégie thérapeutique et poser les indications opératoires. C’est celle que nous préconisons.

255 d’éventuels témoins. Il s’attache à reconstituer les circonstances de l’accident, la nature du vecteur du traumatisme, l’existence d’une perte de connaissance initiale, le terrain médical et chirurgical du patient. L’obtention de photographies antérieures à l’accident élimine une éventuelle déformation préexistante et aidera à établir le schéma thérapeutique. Examen neurologique

Conduite à tenir et bilan lésionnel La conduite à tenir débute sur le lieu de l’accident par le sauvetage du blessé et la mise en œuvre des mesures de réanimation qui seront poursuivies lors de la prise en charge à l’hôpital, l’évaluation de l’état neurologique, des fonctions cardiocirculatoires et respiratoires pouvant imposer une ventilation assistée par intubation orotrachéale, voire trachéotomie. Cette dernière est préconisée lorsque la ventilation artificielle doit être prolongée, compte tenu des risques infectieux de l’intubation orotrachéale au long cours, la mise en place des voies veineuses se faisant de manière concomitante. Une antibiothérapie de principe est préconisée, elle doit être réévaluée secondairement. Un premier bilan lésionnel initial doit être rapidement fait pour évaluer les modalités de la prise en charge prévisible. D’abord global, il sera complété à l’hôpital, après contrôle ou stabilisation des grandes fonctions, par un examen clinique méticuleux et par les données de l’imagerie médicale.

Bilan clinique Selon les conditions du traumatisme et l’état du blessé, priorité doit être donnée à la recherche de lésions susceptibles d’engager le pronostic vital. Un examen complet est donc souvent nécessaire, faisant appel à différents spécialistes, au premier plan desquels se trouvent les neurochirurgiens, les chirurgiens viscéralistes et les chirurgiens orthopédistes. Tout traumatisé crânien ou craniofacial est, jusqu’à preuve du contraire, un traumatisé du rachis cervical. Ainsi, le maintien d’une minerve jusqu’à l’élimination d’une lésion ostéo-discoligamentaire cervicale est impératif, a fortiori si le patient est comateux. Le chirurgien maxillofacial peut également être sollicité en cas de détresse respiratoire ou d’hémorragie faciale particulièrement abondante. Les urgences étant maîtrisées, le bilan général des lésions effectué, l’examen clinique du traumatisé craniofacial peut être complété. Il débute par l’interrogatoire du patient si son état le permet, ou par celui de son entourage ou

Score de Glasgow et déficits moteurs L’examen neurologique évalue d’emblée l’état de conscience par le score de Glasgow. Celui-ci cote trois fonctions d’intérêt majeur, notant la meilleure réponse possible à la stimulation pour chacune d’elles, la meilleure note obtenue étant 15 sur 15. Ces trois fonctions sont : • l’ouverture des yeux, cotée de 1 à 4 ; • la réponse verbale, cotée de 1 à 5 ; • la réponse motrice, cotée de 1 à 6. Il faut tenir compte de l’état du patient lors de sa relève sur le terrain et de son arrivée à l’hôpital. Certains patients ont pu être intubés et sédatés du fait d’une agitation, d’une confusion ou de délabrements de la face rendant difficile leur prise en charge. Cette sédation gêne alors toute cotation fiable selon le score de Glasgow. Il est donc important de savoir si des troubles de conscience ou un déficit touchant les membres existaient auparavant, pour pouvoir suspecter à bon escient un hématome intracrânien menaçant ou un traumatisme vertébromédullaire. Outre la réalisation du testing musculaire et sensitif, même de façon sommaire, il est important de rechercher un syndrome pyramidal qui est caractérisé par des réflexes ostéotendineux vifs, diffusés, polycinétiques et associés à un signe de Babinski homolatéral. Ce syndrome pyramidal témoigne de la souffrance des voies chargées de la motilité volontaire, notamment au niveau cérébral. Analyse des nerfs crâniens et des pupilles Face à un patient comateux, si l’œdème palpébral et le chémosis le permettent, on s’attache à retrouver une mydriase qui, dans un contexte traumatique, peut avoir plusieurs significations. Le plus souvent, elle est due à une souffrance du nerf moteur oculaire commun (III) par engagement du lobe temporal homolatéral venant menacer le tronc cérébral. Elle résulte d’un processus expansif hémorragique ou œdémateux qui se produit en général du même côté. Le réflexe photomoteur, recherché à l’aide d’un faisceau lumineux dirigé sur la pupille, entraîne

256 normalement un myosis. Le réflexe consensuel, caractérisé par l’apparition d’un myosis controlatéral, témoigne de la bonne transmission du message lumineux par le nerf optique de l’œil étudié. Une mydriase qui ne diminue plus à l’illumination est dite aréactive. Elle indique un accroissement de la souffrance du III avec des risques majeurs de lésions cérébrales gravissimes et irréversibles mettant en jeu le pronostic vital. Lorsque la mydriase devient bilatérale, on doit suspecter un engagement cérébral central signant une souffrance généralisée de l’encéphale ; la mortalité est alors très élevée (85 % de décès si la mydriase dure plus d’une demi-heure). Lorsque le réflexe consensuel est absent face à une mydriase, on doit évoquer une lésion du nerf optique de l’œil examiné. Enfin, l’analyse des autres nerfs crâniens ne peut être réalisée de manière fiable chez les patients comateux ou sédatés. Dans ce contexte, la moindre anomalie clinique impose la réalisation d’un examen tomodensitométrique cérébral en urgence. Face à un déficit hémicorporel, on recherche une paralysie faciale dont on détermine le caractère central (déficit moteur de la partie inférieure de la face) ou périphérique (déficit moteur de l’ensemble de la face). Pour cela, on réalise la manœuvre de Pierre Marie et Foix, qui consiste à agripper par l’arrière les branches montantes de la mandibule, ce qui déclenche une grimace du côté sain mais pas du côté atteint. Si l’état du patient le permet, on recherche l’atteinte d’autres nerfs crâniens : • des troubles de l’odorat doivent faire suspecter une lésion des nerfs olfactifs (I), en sachant que des réactions inflammatoires posttraumatiques peuvent altérer fortement l’odorat sans que ses récepteurs ne soient atteints ; • les nerfs III, IV et VI sont étudiés plus loin ; • le nerf trijumeau (V) est testé par l’analyse de la sensibilité de la face dans les trois territoires correspondant à ses trois branches sensitives, sa branche motrice innervant quant à elle les muscles de la manducation ; • le nerf facial, qui peut être lésé en cas d’atteinte du rocher, est évalué par l’examen de la motricité de la face ; • l’ensemble cochléovestibulaire (VIII) est sommairement testé par le contrôle de l’audition et l’absence de syndrome vestibulaire (nystagmus, troubles de la marche et de la statique) ; • le nerf glossopharyngien (IX), exceptionnellement atteint, est évalué par l’analyse de la déglutition, du réflexe nauséeux et de la motricité du pharynx.

O. Giraud et al. Recherche d’une rhinorrhée cérébrospinale, à la phase clinique À la suite d’un traumatisme craniofacial, la recherche d’une rhinorrhée cérébrospinale doit être systématique lors de la phase aiguë et des visites de contrôle. Elle est due le plus souvent à une brèche ostéoméningée provoquée par une fracture de la paroi postérieure du sinus frontal. Elle s’écoule alors par le canal nasofrontal. Son risque principal est représenté par la survenue d’une méningite à pneumocoque, diversement estimée selon les études. Globalement, entre 7 et 30 % de tous les patients présentant une rhinorrhée posttraumatique constitueront une méningite.12 La rhinorrhée peut être variable dans son expression. Elle est difficile à mettre en évidence chez un patient intubé ; elle peut être déglutie sans que le patient ne le signale. Il faut penser à la rechercher le matin sous la forme d’une tache claire sur l’oreiller. Dans sa forme typique, de diagnostic aisé, elle est décrite comme un écoulement par le nez de liquide clair, intermittent, souvent favorisé par la position tête penchée en avant. La recherche de glucose dans cet écoulement par bandelette est définitivement obsolète, du fait de la présence de celui-ci dans les sécrétions nasales. Lorsque le recueil de l’écoulement est possible, c’est le dosage de la b2-transferrine, protéine hautement spécifique du LCS, absente des autres fluides de l’organisme, qui confirme la rhinorrhée. Il faut prendre soin de réaliser une électrophorèse des protéines sanguines pour éliminer la présence de b2-transferrine pathologique dans l’organisme (cirrhose hépatique...).48 Lorsque l’écoulement est trop intermittent ou trop modeste, et que le dosage ne peut être réalisé, c’est le bilan endoscopique et d’imagerie qui aide à en déterminer l’origine par la localisation de la brèche. Examen maxillofacial Sur le plan maxillofacial, l’examen doit être débuté au plus tôt, l’extension rapide des œdèmes et des hématomes au niveau des tissus mous masquant une partie des signes. Ceci peut avoir une répercussion néfaste sur la conduite du traitement. Il faudrait alors attendre la résorption de ceux-ci pour réaliser un examen fiable, ce qui n’est pas compatible avec les modalités modernes de prise en charge thérapeutique. L’inspection, réalisée de face et de profil, sous bon éclairage, menée de façon bilatérale et symétrique, peut retrouver une atteinte des téguments sous la forme de plaies plus ou moins hémorragiques et dilacérées, avec ou sans pertes de substance, laissant parfois entrevoir le plan osseux sous-jacent avec des traits de fracture.

Traumatismes craniofaciaux

257 L’examen doit comporter l’exploration non seulement des zones médianes et latérales de la région craniofaciale, mais aussi l’ensemble de la voûte crânienne, les différents étages de la face y compris l’étage mandibulaire et la région rétroauriculaire. La présence à ce niveau d’un hématome peut révéler une fracture du rocher.

Figure 15 Hématome en lunettes typique d’une fracture de l’étage antérieur de la base du crâne.

La présence d’ecchymoses ou d’hématomes périorbitaires, dits « en lunettes » (Fig. 15), peut suggérer une atteinte de la base du crâne même si ce signe n’est pas formellement pathognomonique d’une telle lésion. L’existence d’une épistaxis est notée de même que son caractère uni- ou bilatéral et son abondance qui peut nécessiter un tamponnement nasal. L’état du système lacrymal doit être également évalué, surtout en cas d’atteinte de la partie inférieure et médiale de l’orbite. Des déformations peuvent apparaître : • rétrusion ou déviation de la pyramide nasale ; • recul du massif facial ; • élargissement de la distance intercanthale réalisant un télécanthus traumatique qui doit être mesuré ; • énophtalmie par élargissement du contenant orbitaire dû aux fractures des parois ; • exophtalmie par fistule carotidocaverneuse ou mouvement de la grande aile du sphénoïde pouvant par ailleurs être associée à une fracture en « blow-in » du toit orbitaire, piégeant les éléments sous-jacents à celui-ci (tendons des muscles droit et oblique supérieurs, graisse orbitaire) ; • aplatissement de la zone orbitozygomatique qui forme le relief de la pommette ; • enfoncement du bandeau frontal, notamment dans sa portion centrale. La palpation doit être douce, méthodique, pratiquée de manière aussi aseptique que possible. Elle peut retrouver une crépitation « neigeuse » de la peau (témoignant de la présence anormale d’air au niveau du tissu sous-cutané), des points douloureux électifs, des déformations osseuses à type d’enfoncement ou de déviation, une mobilité anormale de segments osseux évocatrice d’une disjonction craniofaciale fréquemment associée.

Examen ophtalmologique Il fait appel de manière systématique à un ophtalmologiste. Il est souvent gêné par l’œdème posttraumatique, qui rend parfois très difficile l’analyse de l’œil sous-jacent. Il évalue l’acuité visuelle et explore le globe oculaire qui peut être le siège d’une plaie, d’une hémorragie ou d’un hématome. Il teste sa mobilité intrinsèque et extrinsèque, cette dernière au besoin par une épreuve de duction forcée à la recherche d’une incarcération musculaire, et recherche un éventuel ptosis. Ainsi pourront être retrouvés : • un syndrome de la fissure orbitaire supérieure comportant l’atteinte motrice des IIIe, IVe et VIe nerfs crâniens constituant une ophtalmoplégie avec ptosis. L’atteinte concomitante de la 1re branche du nerf trijumeau se traduit par une altération de la sensibilité du front, des paupières et du nez ainsi que de la cornée. Cette symptomatologie résulte d’un trait de fracture irradié à la fissure orbitaire supérieure ; • un syndrome de l’apex orbitaire associant à cette ophtalmoplégie une atteinte du nerf optique avec amblyopie sévère, voire cécité du côté atteint. La recherche d’une fistule carotidocaverneuse (FCC) doit être systématique et répétée durant les jours qui suivent le traumatisme craniofacial. En effet, si seulement 0,2 % des traumatisés crâniens développent une FCC,15 l’apparition de ses signes spécifiques n’est pas toujours brutale et peut se faire de manière différée, avec les risques de cécité que cela implique. Les patients conscients se plaignent d’une diplopie avec exophtalmie pulsatile et douloureuse du fait de la distension veineuse périoculaire. Malgré un chémosis bien banal chez un traumatisé craniofacial, on recherche : • une dilatation des vaisseaux conjonctivaux et scléraux ; • une paralysie oculomotrice touchant, de façon globale ou isolée, les IIIe, IVe ou VIe nerfs crâniens ; • une atteinte de l’acuité visuelle pouvant être d’origine multiple et notamment traumatique au niveau du globe oculaire ou du nerf optique ;

258 • un souffle systolodiastolique perçu par le patient et par l’auscultation des régions temporales et périorbitaires. L’exophtalmie peut très vite occasionner des lésions cornéennes qu’il faut s’attacher à prévenir d’emblée. De même, une altération de l’acuité visuelle constitue une urgence thérapeutique. À ce stade, devant toute suspicion de FCC, un examen doppler des vaisseaux du cou, réalisé au lit du patient, confirme l’accélération et l’augmentation du débit sanguin de la carotide primitive. Elles se traduisent par une baisse de l’index de résistance due à la fuite par la fistule.

Bilan paraclinique Il repose actuellement sur les données de l’imagerie médicale, majoritairement représentée ici par la tomodensitométrie. Radiographies standards Les radiographies standards ne sont plus d’actualité dans le bilan lésionnel initial. Elles peuvent cependant se révéler utiles dans des centres non équipés d’appareils de tomodensitométrie, en permettant un diagnostic de qualité moindre (Fig. 16). Elles seront par ailleurs réservées éventuellement au suivi opératoire de certains patients pour des problèmes ponctuels au niveau facial.

Figure 16 Radiographie de profil de la face ; fracture déplacée de la paroi antérieure du sinus frontal.

O. Giraud et al. Les clichés standards classiques sont les suivants : • le crâne de face et de profil ; • l’incidence de Blondeau ; • si l’état du rachis cervical du patient le permet : l’incidence nez-front-plaque et l’incidence de Hirtz. Examen tomodensitométrique craniofacial Il est réalisé de façon systématique, les patients étant habituellement évacués dans des centres de traumatologie qui disposent de ce moyen d’investigation moderne. Les appareils tomodensitométriques de dernière génération, dits multibarettes, permettent en quelques secondes l’acquisition de nombreuses coupes dans un plan axial. Dans l’exploration du complexe craniofacial, on peut ainsi réaliser plus de 200 coupes, d’une épaisseur de 1,25 mm et espacées par un intervalle de 0,7 mm. Ces coupes natives, qui se chevauchent, permettent d’obtenir des reconstructions bidimensionnelles selon, le plus souvent, un plan coronal ou sagittal mais aussi selon tout autre plan désiré (axe du cône orbitaire par exemple). Les reconstructions tridimensionnelles, obtenues également à partir des coupes natives, permettent de disposer d’une reconstitution des parties molles (dont le plan cutané) et des plans osseux avec des images globales. Si elles restent accessoires, ces reconstructions permettent néanmoins d’avoir une vue générale des lésions tant faciales que crâniennes, et apportent une aide à la stratégie opératoire.6 Elles peuvent aussi fournir des renseignements sur le canal nasofrontal et ses rapports avec les traits de fracture30 (Fig. 17). Par soustraction numérique, on peut également aboutir à la représentation tridimensionnelle des différents plans anatomiques.

Figure 17 Tomodensitométrie du crâne, reconstruction sagittale ; hémosinus frontal et ethmoïdal avec fracture non déplacée des deux parois du sinus frontal respectant le canal nasofrontal.

Traumatismes craniofaciaux

Figure 18 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale : traumatisme craniofacial majeur ; embarrure frontotemporale avec contusion œdématohémorragique droite entraînant une déviation de la ligne médiane, contusion hémorragique frontale gauche et inondation hémorragique ventriculaire bilatérale.

Ainsi la tomodensitométrie craniofaciale, incluse dans un examen « corps entier », présente de multiples intérêts : • elle facilite un diagnostic précis des fractures et de leurs déplacements ; • elle permet d’obtenir en une seule séance des images nettes à la fois du crâne et de la face ; • elle détecte des lésions qui peuvent rester méconnues lors de l’examen clinique ; • elle diminue fortement l’irradiation liée à la réalisation de radiographies multiples. Les fenêtres osseuses permettent de distinguer les fractures et les déformations osseuses, notamment les embarrures, tandis que les fenêtres « parties molles » analysent l’état de l’encéphale et des annexes de l’œil. Ainsi, on visualise un hématome intracrânien (Fig. 14, 18), une contusion hémorragique, une pneumocéphalie (Fig. 19, 20), éléments menaçants, relevant au besoin d’un geste de décompression encéphalique en urgence. Si le sinus frontal est parfaitement analysable quant à l’atteinte de ses parois antérieure et postérieure, les éventuelles lésions du canal nasofrontal restent malgré tout difficilement identifiables. Au niveau de la face, un tel examen permet une exploration particulièrement fiable des orbites et de leur contenu : rebords orbitaires, parois latérales et médiales, plancher, toit, apex orbitaire et nerf optique. Celui-ci peut être lésé par une esquille osseuse (Fig. 12, 13) ou par un hématome compressif qui sera identifié par la tomodensitométrie (TDM).

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Figure 19 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : pneumocéphalie en rapport avec une fracture de la paroi postérieure du sinus frontal gauche.

Figure 20 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale : pneumocéphalie majeure par plaie craniocérébrale envahissant les ventricules latéraux.

Face à une suspicion de fistule carotidocaverneuse, devant une exophtalmie pulsatile, l’examen TDM montre l’œdème des muscles orbitaires et la dilatation des veines ophtalmiques. L’injection de produit de contraste, dans ce cas, visualise le shunt artérioveineux et les veines de drainage, imposant la réalisation d’une angiographie carotidienne pour préciser les lésions et éventuellement traiter la fistule.

260 Place de l’imagerie par résonance magnétique L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’a pas d’intérêt en urgence dans l’exploration de ce type de traumatisme, d’autant plus que les appareils de TDM de dernière génération visualisent très bien les parties molles. En revanche, elle est d’un grand intérêt dans la prise en charge de la rhinorrhée et de la localisation des brèches ostéoméningées. Angiographie cérébrale L’angiographie cérébrale est demandée de manière exceptionnelle dans deux situations : • devant un déficit hémicorporel où l’examen doppler des vaisseaux du cou fait redouter une dissection post-traumatique de la carotide interne ; • lorsqu’une fistule carotidocaverneuse est suspectée par la clinique ou l’examen TDM ; elle permet de confirmer le shunt artérioveineux et d’analyser le drainage vers les veines habituellement affluentes du sinus caverneux. L’opacification des veines du cortex cérébral par le shunt témoigne d’un risque hémorragique majoré du fait de l’artérialisation de ces veines. Dans le même temps, l’angiographie doit permettre un traitement endovasculaire en urgence par ballonnet largable respectant le flux carotidien et occluant la fistule.8,21

Certificat médical Ce bilan lésionnel permet la rédaction précise d’un certificat descriptif, éventuellement associé à des photographies des lésions, à des fins médicolégales.

Traitement Après stabilisation des fonctions vitales, le traitement des lésions traumatiques peut être effectué. En dehors du cadre de l’urgence, il est préférable de temporiser quelques heures voire quelques jours selon les cas, afin d’affiner le bilan lésionnel et de s’accorder avec les autres spécialistes concernés sur la stratégie thérapeutique à adopter.

Objectifs du traitement Les objectifs du traitement sont multiples : • protéger l’encéphale sur les plans mécanique et infectieux ; • restaurer les différentes fonctions ; • reconstituer l’anatomie initiale et son corollaire esthétique avec, en particulier dans cette région, le retour à la projection, la dimension

O. Giraud et al. verticale et la dimension transversale19 telles qu’elles étaient avant le traumatisme.

Stratégie thérapeutique Auparavant, il était d’usage de traiter ce type de traumatisme en deux étapes : • neurochirurgicale d’abord, dans l’urgence, pour réparer les lésions endocrâniennes (atteintes du parenchyme cérébral, lésions de la dure-mère) et ophtalmologiques (atteinte du globe oculaire ou du nerf optique) ; • faciale ensuite, lors d’une seconde intervention réalisée plusieurs jours après. En l’absence de lésions neurochirurgicales urgentes, le principe était de traiter les atteintes faciales après stabilisation médicale de l’état neurologique avec diminution de l’œdème cérébral fréquemment présent. Les pertes de substance osseuse étaient réparées de façon secondaire voire même tertiaire. Actuellement, la plupart des auteurs6,14,18,19,20,38,39 recommande un traitement précoce, en un seul temps opératoire, même si cela nécessite une prolongation de la durée initiale de l’anesthésie. Cette stratégie thérapeutique moderne, aidée par l’imagerie médicale, présente plusieurs avantages : • traitement de l’ensemble des lésions, qu’elles soient craniofaciales, maxillofaciales ou ophtalmologiques, dans le même temps que l’exploration neurochirurgicale ; • diminution des interventions itératives et donc des épisodes d’hospitalisation et d’anesthésie ; • réduction du nombre de séquelles fonctionnelles et cosmétiques parfois liées à un traitement trop tardif et particulièrement difficiles à corriger (par exemple rétraction des parties molles). Selon la prépondérance des dégâts d’une région par rapport à une autre, priorité sera donnée à la face ou au crâne : • lorsque l’atteinte crânienne est minime et le traumatisme facial important, le squelette facial est reconstruit sur le crâne qui constitue la zone d’appui ; • lorsque les lésions osseuses crâniennes sont importantes, la face est d’abord traitée de façon « isolée » puis solidarisée aux éléments restés stables du crâne. Ce dernier est ensuite reconstruit, le massif facial constituant alors la zone d’appui.

Moyens de réparation Voies d’abord19,20,35,37,38,47 Pour les lésions craniofaciales proprement dites :

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B

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C

E

F

Figure 21 Voies d’abord de la face et du crâne dans les traumatismes craniofaciaux. A. Voie coronale linéaire ; B. voie coronale sinusoïdale ; C. voie sourcilière bilatérale et voie intercanthale ; D. voie sous-ciliaire et voie palpébrale inférieure ; E. voie vestibulaire ; F. voie canthale interne et voies sourcilières.

• voie coronale (Fig. 21A) linéaire stricte ou suivant la ligne sinusoïdale d’implantation des cheveux (Fig. 21B) : elle donne accès à la partie supérieure des orbites, au front, au complexe nasoethmoïdal au centre, au complexe zygomatomalaire latéralement. Elle permet d’aborder, par l’intermédiaire d’un volet osseux, le sinus frontal et la fosse crânienne antérieure (Fig. 22) ; • voie transethmoïdale classique : l’abord endonasal se fait par endoscopie ; il est limité à la lame criblée et au toit de l’ethmoïde ainsi qu’à la région de la selle turcique. Elle est insuffisante en cas de lésions étendues de la base du crâne et d’atteintes multiples de la dure-mère. • voie transethmoïdale élargie par association avec une voie sourcilière :37,38 elle donne accès

à la fosse crânienne antérieure dont la région de la selle turcique, en évitant l’atteinte des filets olfactifs et la rétraction des lobes frontaux ; • voie sourcilière (Fig. 21C) : elle permet un abord du sinus frontal uni- ou bilatéral en se réunissant au niveau de la racine du nez. Elle expose au risque d’anesthésie cutanée frontale par atteinte du nerf supraorbitaire et de séquelles esthétiques cicatricielles. Pour les lésions associées : • voies transconjonctivale, sous-ciliaire ou palpébrale inférieure (Fig. 21D) : elles permettent l’accès au plancher orbitaire ; • voie vestibulaire (Fig. 21E) : elle est indiquée pour l’étage moyen du massif facial et en particulier l’os zygomatique ; elle peut être com-

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plétée par un décollement de la muqueuse au niveau de l’épine nasale et des orifices piriformes si nécessaire ; • voie canthale interne (Fig. 21F) : elle permet l’accès à la paroi médiale de l’orbite. La paroi latérale peut être abordée par une voie prolongeant la queue du sourcil. Par ailleurs, selon leur emplacement et leur importance, les plaies cutanées peuvent être utilisées pour l’exploration voire le traitement des fractures. Matériels d’ostéosynthèse Toute fracture déplacée doit faire l’objet d’une réduction puis d’une contention par ostéosynthèse au fil d’acier en présence de petits fragments, et par plaques miniaturisées vissées (miniplaques et microplaques) (Fig. 23, 24) en présence de fragments plus importants. Cette ostéosynthèse par plaques métalliques en titane, utilisée également pour les greffons osseux, permet une fixation rigide et stable des éléments fracturés. Il est important de reconstituer ou de renforcer les piliers19,20 qui maintiennent les rapports du massif facial avec la base du crâne et la mandibule. Il s’agit des piliers nasomaxillaires et zygomaticomaxillaires qui sont des structures antérieures. Le maintien ou le retour à l’occlusion précédant le traumatisme constitue également un élément essentiel. Parfois, pour de grosses pertes de substance, on peut faire appel à des plaques en titane multiperforé adaptable au galbe crânien (Fig. 25, 26).

Figure 23 Ostéosynthèses par plaques métalliques miniaturisées vissées.

Figure 24 Radiographie du crâne de face : reconstruction du bandeau frontal par miniplaques.

Figure 22 Volet frontal médian.

Greffons et plasties En présence de lésions comminutives ou de pertes de substance étendues,20 comme c’est le cas des traumatismes par arme à feu, on a recours à l’utilisation de greffons osseux autologues (Fig. 27) d’origines diverses pouvant être associés à différents lambeaux reconstituant les parties molles. Ils sont prélevés dans le même temps opératoire, avant le développement des œdèmes et la rétraction des tissus mous. Les greffons calvariaux,9,14,47 d’origine membraneuse et essentiellement corticaux, ont l’avantage de résister au phénomène de résorption et de se

Traumatismes craniofaciaux

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Figure 25 Cranioplastie frontale par plaque de titane multiperforée.

Figure 27 Greffes osseuses crâniennes et faciales.

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Figure 26 Radiographie du crâne de face : cranioplastie frontale par plaque de titane multiperforée.

trouver sur le même site opératoire (Fig. 28). Selon les auteurs, ces greffons peuvent être utilisés de pleine épaisseur, le site donneur faisant alors l’objet d’une autre greffe calvariale, dont le prélèvement est monocortical et controlatéral, ou bien on a recours à la table externe ou à la table interne.34 Dans ce dernier cas, les deux tables sont clivées l’une de l’autre, puis la table externe est remise en place sur le site de prélèvement et ostéosynthésée. Les autres sites donneurs sont variables : côtes, crêtes iliaques antérieure et/ou postérieure.14 Malgré une résorption plus importante, ils peuvent compléter les greffons calvariaux en cas de pertes de substance étendues. L’os iliaque apporte une grande quantité de tissu spongieux pouvant servir à un comblement. Les côtes permettent de disposer de greffons osseux et/ou cartilagineux utiles dans la réparation des traumatismes du nez.14,16,17

2

3 Figure 28 Site de prise de greffe sur la calvaria. 1. Os frontal ; 2. site de prélèvement du greffon pariétal ; 3. écaille occipitale ; 4. écaille temporale ; 5. projection du sinus sagittal supérieur.

En cas de communication entre les cavités crâniennes et nasales, celles-ci sont séparées par des lambeaux de fascia temporopariétal ou d’épicrâne qui apportent un tissu mou vascularisé fiable.

Prise en charge et indications thérapeutiques37,38 La prise en charge hospitalière initiale des lésions maxillofaciales des traumatisés craniofaciaux est

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Figure 29 Algorithme no 1. Prise en charge des traumatismes craniofaciaux (TCF) dans les 8 premiers jours.

idéalement réalisée après les premiers jours d’œdème mais avant l’engluement des fractures en position vicieuse. Cette phase estimée en moyenne à 8 jours conditionne en partie les algorithmes suivants. Dans les huit premiers jours Les indications thérapeutiques initiales face à un traumatisme craniofacial sont résumées dans la Figure 29. On peut décrire cinq situations, que nous avons schématiquement regroupées en trois types selon la prédominance de l’atteinte neurologique ou maxillofaciale. Traumatismes craniofaciaux de type I Ils sont à dominante neurochirurgicale, qu’il y ait ou non un coma associé. Ils ont un caractère de gravité certain du fait de la menace neurologique qu’ils génèrent. Ceci impose toujours un geste chirurgical dont le délai de réalisation et les indications varient : • les lésions expansives intracrâniennes, principalement les hématomes menaçants décrits précédemment, mais aussi parfois les pneumocéphalies expansives, nécessitent d’intervenir en urgence voire en extrême urgence du fait de la mise en jeu du pronostic vital ;

• les traumatismes craniofaciaux ouverts, en raison de leur risque infectieux, nécessitent d’être opérés dans l’urgence quel que soit le type de lésion sous-jacente. L’existence d’une brèche ostéoméningée (BOM) et a fortiori d’une plaie craniocérébrale (PCC) est alors ici un facteur aggravant ; • la dominante neurochirurgicale peut se limiter aux stigmates patents d’une brèche ostéoméningée (rhinorrhée abondante, pneumocéphalie importante, embarrure apparaissant neuroagressive). L’intervention chirurgicale revêt alors un caractère moins urgent et peut être réalisée de manière légèrement différée de 2 à 8 jours en fonction de l’état clinique du patient et de la sévérité des lésions associées. Traumatismes craniofaciaux de type II À dominante maxillofaciale, ils n’ont pas de lésions neurologiques imposant un geste chirurgical en urgence. Les fractures de la voûte crânienne ne sont pas déplacées et l’on n’observe pas de lésion expansive intracrânienne. Le patient peut être comateux et la rhinorrhée, si elle existe, est modérée. L’intervention chirurgicale, indiquée par le déplacement des lésions maxillofaciales, est réalisée dans les 8 jours en fonction notamment de l’état neurologique.

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Figure 30 Algorithme no 2. Prise en charge d’une rhinorrhée post-traumatique au-delà du huitième jour. TDM : tomodensitométrie ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; DLE : dérivation lombaire externe ; DLP : dérivation lombopéritonéale.

Traumatismes craniofaciaux de type III Nous les appelons traumatismes « légers » ; ils présentent des fractures craniofaciales non déplacées ne nécessitant pas de réduction sanglante. S’il s’y associe une discrète pneumocéphalie (inférieure à 5 mm) ou une rhinorrhée modeste ou douteuse, nous privilégions la surveillance armée et nous complétons le bilan étiologique si la symptomatologie persiste plus de 8 jours. Au-delà du huitième jour Une fois passée la phase aiguë, outre les séquelles maxillofaciales, qu’une intervention chirurgicale ait eu lieu ou non, se pose le problème d’une rhinorrhée persistante ou d’apparition secondaire. Sa prise en charge est résumée dans la Figure 30. Exploration d’une rhinorrhée À ce stade, dans les cas les plus sévères, le patient peut encore se trouver sous la dépendance d’un système de ventilation du fait de ses lésions neurologiques. La rhinorrhée passe alors facilement inaperçue et peut être à l’origine d’une méningite. Cette complication impose la réalisation d’une ponction lombaire systématique au moindre doute. Lorsque le patient n’est pas comateux, la rhinorrhée est plus facilement dépistée. Lorsqu’elle est

abondante et de diagnostic clinique aisé, la recherche de son origine est le plus souvent fructueuse. En revanche, lorsqu’elle est douteuse, intermittente et peu abondante, son faible débit est souvent lié à une fistule de très petit calibre parfois bien difficile à mettre en évidence. Quel que soit son type, la prise en charge d’une rhinorrhée ne doit pas être précipitée. En effet, entre 53 et 95 % d’entre elles se tarissent spontanément dans les semaines qui suivent le traumatisme.12,24 Cette évolution est d’autant plus fréquente que les fractures sont peu déplacées. Ceci n’élimine pas pour autant le risque de récidive d’écoulement de LCS ni de méningite.43 Le dosage de la protéine b2-transferrine dans le liquide recueilli confirme son origine cérébrospinale. La brèche ostéoméningée, lieu de la fistule, doit être localisée précisément. Plusieurs méthodes d’imagerie sont utilisables en fonction des habitudes et possibilités de chaque centre. Il est licite de débuter cette recherche par les examens les moins invasifs pour le patient. • Tomodensitométrie crânienne. Les coupes tomodensitométriques du crâne avec reconstructions coronale et sagittale permettent dès l’accueil du patient de suspecter les lieux potentiels de fistule de LCS. Lorsque la rhinorrhée se confirme ou perdure, des cou-

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Figure 31 Tomodensitométrie du crâne, reconstruction frontale en fenêtre osseuse : mise en évidence d’une perte de substance ethmoïdale (flèche) jouxtant l’apophyse crista galli authentifiant une brèche ostéoméningée. (Avec l’aimable autorisation du professeur Y.S. Cordoliani ; service de radiologie de l’HIA du Val-de-Grâce, Paris).

pes fines millimétriques centrées sur la base du crâne permettent de visualiser les solutions de continuité osseuses (Fig. 31) et d’orienter la recherche en IRM. • Imagerie par résonance magnétique. Elle n’a pas la finesse de la tomodensitométrie pour objectiver les lésions osseuses. C’est surtout le signal d’un écoulement qui est recherché. Elle est réalisée suivant les séquences habituelles, complétées par des séquences appelées « CISS » (constructive interference in steady state ; Siemens®) ou « Fiesta » (General Electric®). Il s’agit de séquences d’écho de gradient très pondérées en T2 avec saturation de la graisse, permettant des coupes inframillimétriques jointives avec possibilité de reconstruction multiplanaire. Elles ont une grande sensibilité pour la mise en évidence de la brèche ostéoméningée.23,25 Le LCS apparaît très blanc au niveau des citernes de la base du crâne et la communication avec les cavités sinusiennes en est rendue d’autant plus évidente (Fig. 32). • Cisternographie tomodensitométrique ou cisternoscanner. Elle permet de localiser la fistule après injection lombaire intrathécale d’un produit iodé qui, après mise en procubitus et position de Trendelenburg du patient, diffuse vers les citernes de la base du crâne. Cette technique est plus agressive que les précédentes, mais elle a

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Figure 32 Imagerie en résonance magnétique encéphalique, en séquence fortement pondérée en T2 (CISS ou FIESTA) et épaisseur de coupe submillimétrique : la mise en évidence de liquide dans les cellules ethmoïdales sous-jacentes affirme la fuite de liquide cérébrospinal par la brèche (flèche). (Avec l’aimable autorisation du professeur Y.S. Cordoliani ; service de radiologie de l’HIA du Val-de-Grâce, Paris).

fait la preuve de sa sensibilité et de sa spécificité dans les périodes d’écoulement actif. Les coupes coronales objectivent à la fois la lésion osseuse et l’issue de LCS des espaces sousarachnoïdiens vers les cavités nasales. Parfois, cependant, lorsqu’il existe plusieurs fuites concomitantes, la localisation précise de chacune d’entre elles devient difficile.32 • Endoscopie nasale couplée à l’injection intrathécale de fluorescéine. L’injection intrathécale de fluorescéine était controversée il y a quelques années du fait de crises comitiales ou d’accidents allergiques, tous régressifs, survenus pour des doses élevées de ce produit fluorescent.26,32 Actuellement, elle n’a pas d’autorisation de mise sur le marché pour cette indication intrathécale, mais semble bénéficier d’un regain d’intérêt avec le développement des techniques de réparation endoscopique.4,31,32 Elle est très appréciée par certaines équipes.2,44,50 Wolf50 décrit seulement trois crises convulsives survenues pour 925 examens réalisés entre 1970 et 1995. Le patient, sous anesthésie générale, est placé en position de Trendelenburg après une injection intrathécale de fluorescéine en région lombaire. La solution diffuse vers les citernes de la base et facilite la recherche de la fuite par l’endoscopie nasale réalisée dans la demi-heure qui suit. Lorsque le point de fuite

Traumatismes craniofaciaux est localisé par l’apparition de la fluorescéine, et si les lésions sont accessibles, le traitement de la brèche peut être réalisé dans le même temps opératoire. Certains auteurs26 proposent comme alternative à l’utilisation intrathécale de fluorescéine son application sur la muqueuse nasale lors d’un examen endoscopique. La fuite est alors suspectée par l’apparition d’un écoulement eau de roche décolorant la zone fluorescente. • Cisternographie par résonance magnétique. Plusieurs équipes préconisent la réalisation d’une cisternographie par résonance magnétique après injection intrathécale lombaire de gadolinium. Actuellement, l’autorisation de mise sur le marché pour ce type de produit et dans cette indication n’est pas encore obtenue. Cette technique paraît prometteuse pour affiner le dépistage des fistules de LCS lorsque les autres méthodes sont en échec ou contreindiquées (allergie aux produits de contraste iodés) en diminuant les faux positifs de l’IRM.À ce stade, dans la majorité des cas la fistule est localisée. Elle se situe principalement à trois niveaux, qui sont, d’avant en arrière, la paroi postérieure du sinus frontal, les gouttières olfactives et le sinus sphénoïdal. L’extériorisation de l’écoulement se fait alors respectivement : par le canal nasofrontal, la lame criblée et la partie supérieure des fosses nasales, enfin par leur paroi postérieure. Toute rhinorrhée post-traumatique qui ne fait pas sa preuve au niveau de l’étage antérieur de la base du crâne doit inciter à rechercher son origine au niveau d’une fracture du rocher. Évaluation du risque de méningite C’est le spectre de la méningite qui conditionne l’attitude thérapeutique face à la fistule de LCS. Pour certains, il semble que le risque soit relativement faible, compris entre 1 et 2 % dans l’année qui suit le traumatisme.36 Pour d’autres, ce sont entre 7 et 30 % des patients présentant une fistule de LCS post-traumatique qui feront un jour une méningite.3,12 Les germes responsables sont ceux des voies aériennes supérieures, pneumocoque en tête avec 50 % des cas.36 La méningite à pneumocoque, ayant mauvaise réputation du fait de son taux de mortalité, a probablement conditionné dans les années 1980 les nombreuses indications opératoires de principe face aux fractures de l’étage antérieur. Néanmoins, l’importance de ces infections était relativisée40 sur le constat de méningites précoces et fréquentes ne récidivant pas, opposées aux méningites tardives exceptionnelles mais récidivant fréquemment. La vaccination antipneumococcique

267 serait alors justifiée pour en limiter la survenue et les conséquences. Traitement des fistules de LCS Deux grands types de techniques dominent la prise en charge chirurgicale des fistules de LCS posttraumatiques avec des indications différentes :. Ils peuvent avantageusement être aidés par les systèmes de navigation intracrânienne et faciale, notamment couplés à un endoscope (exemple : Digipointeur® de Collin orl-cmf, France). • Abords chirurgicaux transcrâniens. Ils sont indiqués devant une rhinorrhée persistante dans : C les gros fracas de la base du crâne avec pertes de substance osseuse ou atteinte de la paroi postérieure du sinus frontal ; C les lésions non accessibles par endoscopie ; C les fistules non localisées au terme du bilan d’imagerie ; C certaines fractures multiples passant par les gouttières olfactives ayant récidivé après un premier colmatage.11,33 Ils ont un taux d’anosmie non négligeable et un taux de récidive de la rhinorrhée variant de 10 à 40 %.4 Voies neurochirurgicales classiques Sur un patient en décubitus dorsal, elles commencent par une incision coronale (ou bitragale) allant d’un tragus à l’autre, passant en arrière de la ligne capillaire, et réalisant le décollement d’un lambeau de scalp vers l’avant, associé à la découverte des muscles temporaux jusqu’aux piliers orbitaires externes. Il faut prendre garde à ne pas dénuder ces muscles trop bas pour ne pas léser la branche frontale du nerf facial. Une fois le bandeau frontal découvert jusqu’aux arcades orbitaires, il faut dégager les nerfs supraorbitaires, ainsi que la racine du nez. À ce stade, il y a trois manières d’accéder aux lésions de la base, notamment en fonction de leur étendue :1 • par voie transfrontale, au dessus des sinus : un volet uni- ou bilatéral, adapté à l’étendue des lésions et situé au-dessus des sinus frontaux, donne accès à la base du crâne en limitant les risques d’anosmie. Cette voie est d’autant plus indiquée que les sinus sont de petite taille ou inexistants, en permettant un abord plus tangentiel de la base. En revanche, elle ne donne pas un excellent jour pour les lésions de la base étendues vers le jugum. Elle peut au besoin être facilitée par les techniques de navigation intracrânienne visualisant les limites des sinus et permettant de les respecter tout en évitant les volets trop haut situés ;

268 • par voie trans-sinusienne : beaucoup plus fréquente, elle réalise un volet au ras des arcades sourcilières traversant les sinus (Fig. 22). Elle permet un accès plus tangentiel vers la base du crâne et ses lésions, en imposant un écartement moindre au cerveau pour accéder au jugum. Ceci limite l’œdème cérébral. L’anosmie est quasiment inéluctable si l’abord est bilatéral ; • par voie transfracturaire : elle représente souvent un accès associé à l’un des deux précédents. En effet, les TCF touchent rarement l’étage antérieur de la base du crâne sans léser le bandeau frontal. Outre d’éviter parfois la réalisation d’un volet osseux, elle permet l’inventaire des lésions sous-jacentes à la fracture ; • exploration et réparation : quelle que soit la voie d’abord, un temps d’exploration est alors indispensable. Il peut se limiter à un décollement de la dure-mère très antérieur si les lésions intéressent la face postérieure du sinus frontal, épargnant ainsi l’odorat. Si elle s’étendent en arrière, l’exploration doit pouvoir aller jusqu’au jugum sphénoïdal et au tubercule de la selle turcique. L’exérèse à la pince de l’apophyse crista galli permet d’aplanir l’espace interhémisphérique antérieur après décollement des adhérences dure-mériennes. À ce niveau, si une exploration intradurale, sousfrontale est décidée, la ligature du sinus sagittal supérieur juste en arrière du trou borgne et la section de la partie antérieure de la faux du cerveau sont nécessaires. Ceci facilite la recherche des lésions durales, même si elle impose l’écartement doux et progressif des lobes frontaux. Si cette voie intradurale est unilatérale, l’épargne olfactive devient possible mais avec le risque d’ignorer une fistule proche des filets olfactifs moins bien explorés. Il vaut mieux sacrifier l’odorat du côté atteint et en assurer l’étanchéité. L’abord intradural permet l’accès aux lésions cérébrales éventuelles, mais c’est la voie extradurale qui est la mieux adaptée pour la suture des lésions de la duremère. Cette suture se fait par points simples ou surjet passé de fil non résorbable 4/0. Pour en garantir l’étanchéité, une doublure doit être assurée par lambeau libre ou pédiculé d’épicrâne garni de colle biologique (Fig. 33). Il faut proscrire les plasties synthétiques dans cette région a priori contaminée. La réparation du plan osseux de la base se fait ensuite ou préalablement en fonction de l’étendue des dégâts et de leur accessibilité à l’aide des techniques déjà citées. La cranialisation des sinus (Fig. 34)

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Figure 33 Cranialisation du sinus frontal et mise en place d’un lambeau pédiculé d’épicrâne en position sous-frontale. 1. Lobe frontal gauche protégé par la dure-mère ; 2. poudre d’os comblant les canaux nasofrontaux ; 3. sinus sagittal supérieur ; 4. suture coronale ; 5. zone de dissection de l’épicrâne pédiculé par sa base, puis glissé en dessous de la dure mère frontale réparée, créant ainsi un plan de séparation entre la cranialisation et la dure mère ; 6. clips hémostatiques du scalp ; 7. fils tracteurs sur la face interne du scalp.

Figure 34 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : cranialisation du sinus frontal après reconstruction de la paroi antérieure par miniplaques.

est la règle après effraction traumatique ou chirurgicale classique de leurs deux parois (voir cas particuliers). Le bandeau frontal est reconstitué après exérèse des esquilles non viables car trop petites ou souillées. Le positionnement des miniplaques à cheval sur les emplacements des trous de trépan assure un meilleur résultat esthétique (Fig. 24).

Traumatismes craniofaciaux Voie nasofrontale33,37,38 Elle peut être proposée pour la prise en charge de gros délabrements postérieurs ou lors de récidives de fuites de LCS après un premier traitement endoscopique ou transcrânien infructueux. À partir d’une incision bitragale, elle réalise un décollement sous-périosté du scalp vers l’avant puis un écartement de la périorbite de la paroi supérointerne des deux orbites isolant la racine du nez, en prenant garde aux nerfs supraorbitaires de chaque côté (au besoin libérés de leur arcade). Ceci permet de sculpter un volet frontal bilatéral emportant avec lui une pièce fronto-naso-orbitaire. Puis, par une dissection extradurale, notamment médiane, refoulant la masse cérébrale en arrière, on coagule les filets olfactifs au contact des gouttières olfactives. Ceci favorise les fistules de LCS au travers des orifices de ces filets. Néanmoins, ce décollement permet de retrouver les brèches existantes et les fractures en cause. Elles sont suturées au fil à dure-mère non résorbable. Une ethmoïdectomie associée à l’ouverture de la paroi antérieure du sinus sphénoïdal donne une large exposition de la région ethmoïdosphénoïdale et permet l’accès aux lésions de cette région. La résection de la muqueuse est obligatoire. Une pièce d’épicrâne prélevée en arrière de l’incision bitragale peut être apposée en extradural pour la renforcer ou remplacer une perte de substance. Enfin, l’épicrâne du lambeau de scalp antérieur est découpé et glissé sous la dure-mère basale antérieure et suturé à celle-ci. Il faut y associer l’application de colle biologique et de gaze hémostatique résorbable type Surgicel®. Il est recommandé de combler par des paquets de graisse abdominale la cavité créée sous ce plan tendu entre le toit des deux orbites. Pour finir, le bandeau frontal est reconstruit à l’aide de miniplaques. L’inconvénient majeur de cette technique est l’anosmie complète et définitive. • Voies extracrâniennes transfaciales. Elles ont été décrites mais, outre la cicatrice qu’elles imposent parfois, elles n’offrent pas un jour suffisant pour la visualisation et la cure des brèches. • Abord endoscopique endonasal.4,13,29,31,32 L’abord par voie basse transnarinaire endoscopique permet de visualiser l’écoulement du LCS au niveau de l’orifice muqueux, soit après localisation de la fistule par les examens d’imagerie, soit lorsque ceux-ci ne la retrouvent pas (cf. supra). Dans le même temps opératoire, elle permet de colmater la brèche au niveau de l’écoulement muqueux en utilisant différents types de lambeaux. Il s’agit essentiellement de fragments de muqueuse du cor-

269 net moyen ou inférieur et parfois de fascia lata, de muscle ou d’aponévrose temporale, voire de graisse abdominale. Ces lambeaux peuvent être associés entre eux et idéalement fixés par une colle biologique associée à du Surgicel®. La muqueuse adjacente de la fistule est nettoyée du tissu fibreux cicatriciel pour permettre un meilleur contact entre l’os et le greffon choisi. Le nez est ensuite méché à l’aide d’une gaze grasse type Tulle-gras®. L’ablation des mèches se fait entre quelques jours et 3 semaines plus tard.31 Au préalable, une ethmoïdectomie permet de visualiser l’ensemble de l’étage antérieur de la base du crâne. Si nécessaire, une ouverture du sinus sphénoïdal est également pratiquée. L’abord par voie endonasale d’une fistule située au niveau du sinus frontal est très difficile. Les résultats de ces techniques endoscopiques sont très bons, entre 80 et 100 % de succès.4,13,31 De plus, elles sont grevées d’une moindre morbidité, ne donnant qu’exceptionnellement une anosmie, et ne laissent aucune cicatrice. Ces qualités incitent à retenir le traitement endoscopique en première intention pour le colmatage des brèches ostéoméningées qui réunissent les caractéristiques suivantes : C accessibles à l’endoscopie ; C sur des fractures peu ou pas déplacées ; C lorsque l’abord neurochirurgical n’a pas été nécessaire par ailleurs. • Moyens adjuvants. Face à une fistule de LCS avérée et active, la prise en charge thérapeutique peut être aidée par différents moyens adjuvants : C l’antibioprophylaxie initiale contre le pneumocoque est très controversée. Elle peut être proposée pendant la première semaine sur les critères du grand nombre de tarissements spontanés de brèches ;36 C la vaccination antipneumococcique systématique a été proposée et pourrait réduire la gravité des méningites secondaires.49 Nous y avons recours systématiquement ; C enfin, de petits moyens visant à diminuer la pression intracrânienne sur la fistule peuvent se révéler d’une grande aide, notamment l’interdiction des efforts à glotte fermée pendant 1 à 2 mois : mouchage, éternuement retenu, mais aussi en limitant la toux et en administrant des laxatifs contre la constipation. Le patient doit dormir pendant une quinzaine de jours la tête surélevée, voire en position demi-assise, en évitant le décubitus strict ; C les dérivations du LCS, mises en place par voie lombaire, permettent une vidange par-

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O. Giraud et al. tielle et contrôlée des espaces sousarachnoïdiens. Elles sont placées pour quelques jours sous forme d’une dérivation lombaire externe (100 à 200 cm3/24 h), ou à demeure, en dérivation lombopéritonéale. Elles représentent un complément de la cure locale de la brèche en diminuant la pression intracrânienne sur la fistule, permettant ainsi aux plasties et colmatages de cicatriser.

Cas particuliers6,18 Fractures du sinus frontal (Fig. 35) Le traitement dépend du type de fracture, de sa localisation, de l’existence d’un déplacement, de la présence d’une rhinorrhée. Les fractures simples de la paroi antérieure, fermées, non déplacées, sans atteinte concomitante de la région du canal nasofrontal ne sont pas opérées mais restent surveillées (Fig. 36A). Les fractures complexes de la paroi antérieure (Fig. 36B), ouvertes ou déplacées (Fig. 37) font l’objet d’une exploration chirurgicale, avec exérèse méticuleuse de la muqueuse lésée et des éléments étrangers éventuels, puis traitement des lésions osseuses par ostéosynthèse avec ou sans greffe osseuse reconstituant le bandeau frontal. Lorsque la fracture intéresse la partie inférieure du sinus frontal, l’atteinte du canal nasofrontal peut se compliquer d’obstruction, de mucocèle ou de sinusite. Son exploration chirurgicale s’impose

lorsque les images tomodensitométriques montrent une lésion à ce niveau nécessitant son oblitération. Cette exclusion du sinus frontal (Fig. 36C) est obtenue par le comblement de la cavité sinusienne proprement dite et du canal nasofrontal, de préférence à l’aide de greffons spongieux ou corticospongieux. En cas de fracture associée de la paroi postérieure, si celle-ci est à trait simple sans déplacement ou avec un déplacement minime inférieur à son épaisseur (Fig. 36D), on s’abstient de tout traitement particulier en reconstruisant uniquement la paroi antérieure en l’absence de rhinorrhée (Fig. 36E). Lorsque la paroi postérieure est le siège d’une fracture plus importante, voire d’une comminution (Fig. 36F), il y a un risque d’atteinte de la duremère par brèche ostéoméningée. Si cette atteinte est effective et persistante sous la forme d’une rhinorrhée, le traitement consiste alors en l’exérèse de cette paroi postérieure. Seule la paroi antérieure est reconstruite. On réalise alors une « crânialisation » du sinus frontal (Fig. 34, 36G), en associant un curetage complet de toute la muqueuse sinusienne à l’exérèse de sa paroi postérieure. On en complète l’étanchéité en obstruant le canal nasofrontal à l’aide de poudre d’os récupérée lors de la trépanation mélangée à de la colle biologique, puis en séparant les cavités nasales, contaminées, de la cavité crânienne, par l’interposition d’un lambeau pédiculé d’épicrâne. Celui-ci, glissé sous la face endocrânienne de la dure-mère

Figure 35 Algorithme no 3. Prise en charge des fractures du sinus frontal. LCS : liquide cérébrospinal.

Traumatismes craniofaciaux

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B

A

E

D

C

F

G

Figure 36 Techniques de prise en charge des fractures du sinus frontal. A. Fractures simples de la paroi antérieure. B. Fractures complexes de la paroi antérieure. C. Exclusion du sinus et reconstruction de la paroi antérieure. D. Fracture complexe de la paroi antérieure associée à une fracture simple de la paroi postérieure. E. Reconstruction d’une fracture complexe de la paroi antérieure et abstention chirurgicale sur une fracture simple de la paroi postérieure. F. Fracture complexe de la paroi antérieure et de la paroi postérieure. G. Cranialisation du sinus et reconstruction de la paroi antérieure.

Figure 37 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : fracture déplacée des parois antérieures et non déplacées des parois postérieures des sinus frontaux.

(Fig. 33), vient idéalement renforcer la suture d’une brèche durale. Fractures de l’orbite Leur réduction nécessite une bonne exposition dans les trois dimensions de l’espace pour éviter la survenue de déformations secondaires difficiles à redresser. Les lésions de la paroi orbitaire médiale exposent au risque d’atteinte du sinus ethmoïdal avec agrandissement du contenant orbitaire se traduisant par une énophtalmie. La correction chirurgicale fait

souvent appel à une greffe osseuse (calvaria) pour reconstituer cette paroi orbitaire. Les fractures du toit de l’orbite34 sont rares et souvent associées à une atteinte du bord supraorbitaire. Elles sont soupçonnées par la présence d’une ecchymose de la paupière supérieure et d’une hémorragie sous-conjonctivale. Elles peuvent entraîner une diplopie par œdème ou hématome intraorbitaire ou par incarcération des muscles droit supérieur et oblique supérieur et un ptosis par lésion du muscle releveur de la paupière supérieure. Par ailleurs, l’exophtalmie est ici plus fréquente que l’énophtalmie. Par le trait de fracture du toit orbitaire, on peut réaliser la désincarcération d’un muscle ou de la périorbite. Enfin, l’exploration des voies optiques est très controversée du fait des taux d’échec importants.27,42 Elle n’est éventuellement indiquée qu’en présence d’une cécité post-traumatique avérée, avec image de compression du tractus optique d’origine osseuse (Fig. 12, 13) ou par hématome. Elle se fait surtout par voie transethmoïdosphénoïdale médiane ou pour certains par voie endoscopique.41 Fractures du complexe fronto-naso-ethmoïdal L’atteinte concomitante des os propres du nez et du septum nasal entraîne des déformations et une instabilité particulièrement délicates à corriger en première intention. Il faut s’attacher à reproduire

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Figure 38 Radiographie du crâne de face : ostéolyse d’un fragment osseux du bandeau frontal après reconstruction par miniplaques.

la projection de la pyramide nasale, après réduction des déplacements, à l’aide de greffons osseux ou cartilagineux. Si la projection reste insuffisante, la présence du greffon sert cependant à limiter la rétraction des parties molles, réduisant ainsi les difficultés d’une reconstruction secondaire.

Complications Au-delà de la mise en jeu du pronostic vital engendrée par les lésions neurologiques, elles sont essentiellement infectieuses et peuvent se manifester de façon précoce ou tardive : • complications précoces : C sinusites frontales ou ethmoïdales favorisées par les lésions muqueuses, par la présence d’un hématome, d’un œdème, par la proximité des fosses nasales. Elles peuvent se compliquer d’une méningite ; C méningite par plaie craniocérébrale évidente, par brèche dure-mérienne insidieuse parfois à distance des foyers de fracture ; C abcès orbitaire ; C ostéite, ostéomyélite au niveau des éléments fracturés ou d’os en contact avec des foyers infectieux. Elles peuvent se traduire par des douleurs localisées accompagnées ou non de céphalées, avec une tuméfaction, une hyperthermie, une fistule cutanée et une image radio-claire de lyse osseuse (Fig. 38) ; C abcès du cerveau et empyème péricérébral : ils restent peu fréquents ; • complications tardives : C mucocèle et mucopyocèle ; C sinusite frontale pouvant se développer à bas bruit et se transformer en pan-sinusite par

O. Giraud et al. atteinte des cavités sinusiennes de l’ethmoïde, du sphénoïde et du maxillaire ; C réapparition d’une rhinorrhée avec ou sans méningite. Autres complications : • pneumocéphalie se traduisant par la présence d’air dans la boîte crânienne par communication avec le milieu extérieur signant ainsi une brèche dure-mérienne pouvant nécessiter une intervention ; • atteinte oculaire concernant le globe par traumatisme direct ou le nerf optique intéressé par un trait de fracture ou par un œdème ou un hématome compressif. Cette atteinte peut parfois nécessiter l’exentération du contenu orbitaire.

Séquelles Elles résultent19,20 d’une erreur de diagnostic, d’un bilan lésionnel incorrect, d’un traitement primaire mal adapté ou insuffisant ou d’une complication du traitement initial et parfois de lésions graves et complexes. Les séquelles fonctionnelles peuvent être définitives telles que l’anosmie ou être difficilement corrigeables comme la diplopie. Enfin, les séquelles esthétiques peuvent nécessiter une correction ardue exigeant plusieurs étapes. Séquelles fonctionnelles Elles peuvent être : • l’anosmie : séquelle souvent définitive ou de récupération très partielle pouvant se révéler très invalidante, elle peut être liée aux lésions initiales quand elles atteignent le complexe frontoethmoïdal ou aux explorations et traitements d’une rhinorrhée. Dans sa forme bilatérale, elle peut s’accompagner d’une dysgueusie aggravant ainsi l’atteinte sensorielle ; • la cécité, la baisse de l’acuité visuelle, l’amputation du champ visuel : séquelles également définitives par atteinte directe ou indirecte du nerf optique, se manifestant de façon uni- ou bilatérale, symétrique ou non ; • la diplopie : pouvant se manifester dans les différents secteurs du champ visuel mais plus fréquemment dans le regard vers le haut, elle est souvent difficile à corriger à distance du traumatisme, les lésions causales (atteinte de muscles moteurs oculaires ou de leurs tendons, fibrose) étant alors fixées ; • l’atteinte des voies lacrymales par malposition, compression ou section, pouvant se traduire par une épiphora ou une dacryocystite ; selon les cas, une dacryocystorhinostomie peut être pratiquée ;

Traumatismes craniofaciaux • des anomalies de l’occlusion dentaire avec parfois syndrome de dysfonctionnement craniofacial en cas de réduction insuffisante d’une fracture horizontale du massif facial. Séquelles morphologiques Elles se traduisent par des déformations variées : • asymétrie de la face ; • enfoncement du bandeau frontal ; • énophtalmie par agrandissement de l’orbite en relation avec les différentes fractures des parois, ou dans les fractures déplacées du complexe orbitozygomatique ; • exophtalmie par rétrécissement de l’orbite ; • télécanthus par déplacement latéral de la paroi orbitaire médiale avec élargissement de l’arête nasale, et par défaut de repositionnement du ligament canthal médial ; • insuffisance de projection de la pyramide nasale dans les atteintes du complexe naso-ethmoïdo-orbitaire ; • élargissement ou enfoncement de la pommette dans les atteintes latérales au niveau de l’ensemble zygomatomalaire ; • rétrusion de la face dans le cadre d’une disjonction craniofaciale avec recul de l’étage supérieur. Elles sont souvent difficiles à corriger, en raison de la rétraction habituelle des parties molles susjacentes ou de la disparition de certains éléments osseux. La fixation spontanée, en mauvaise position, des pièces osseuses fracturées, ayant ou non conservé leur forme anatomique initiale, impose leur reconstitution. La correction19,20 fait appel aux techniques d’ostéotomies, associées ou non aux greffes osseuses et s’inspirant des techniques mises au point pour les malformations craniofaciales par Paul Tessier. Chaque cas est particulier et demande une adaptation aux différentes situations rencontrées. Séquelles neuropsychologiques des traumatisés crâniens Il s’agit notamment du syndrome subjectif des traumatisés crâniens, des altérations des fonctions supérieures du syndrome frontal causées par les contusions frontopolaires.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 275–283

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Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) Maxillofacial prosthesis and CAM concept aided design/concept aided manufacturing C. Bou (Attaché universitaire) a, P. Pomar (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier) b,*, E. Vigarios (Assistant hospitalo-universitaire) b, E. Toulouse (Épithésiste universitaire) b a

Département santé publique-Informatique, faculté de chirurgie dentaire Bordeaux II, 16-20, cours de la Marne, 33082 Bordeaux cedex, France b Équipe médicale de prothèse maxillofaciale, service d’odontologie, centre hospitalier universitaire Rangueil, 3, chemin des Maraîchers, 31062 Toulouse cedex, France

MOTS CLÉS Prothèse maxillofaciale ; CFAO ; Réhabilitation maxillofaciale ; Prototypage rapide

Résumé La face peut faire l’objet d’une mutilation suite à une perte de substance acquise ou congénitale. Elle peut être à l’origine d’une destruction de l’identité et entraîner certaines formes d’exclusion, nécessitant une reconstruction chirurgicale et parfois prothétique. La prothèse maxillofaciale se définit comme l’art et la science de la reconstruction artificielle du massif facial. La demande des patients pour ce type de prothèse est sans cesse croissante avec le développement de nouveaux matériaux et de nouvelles méthodologies et techniques. Le nouveau concept « conception et fabrication assistées par ordinateur » (CFAO) permet désormais de combiner les avantages de la méthode traditionnelle en prothèse maxillofaciale et le potentiel du prototypage rapide pour valoriser le temps et la qualité. Dès lors le praticien peut se concentrer sur sa tâche principale, l’optimisation dans la création individuelle de la prothèse faciale. La prothèse maxillofaciale avec ce nouveau concept CFAO doit prendre sa place en médecine du fait de l’ensemble des réhabilitations qu’elle apporte tant sur le plan esthétique que psychologique, mais aussi et surtout fonctionnel. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

KEYWORDS Maxillofacial prosthesis; CAD; CAM; Maxillofacial rehabilitation; Prototyping

Abstract Acquired or congenital loss of structure can cause facial deformity. This may result in destroyed identity and certain forms of exclusion. In these cases, surgical reconstruction and sometimes prosthetic reconstruction are required. Maxillofacial prosthesis refers to the art and science of artificial reconstruction of facial bones. There is a continual increase in patient demand for this type of prosthesis with the development of new materials, methodologies and techniques. New technologies such as the Computer Aided Design (CAD) and Computer Aided Manufacturing (CAM) make possible nowadays to combine the advantages of traditional facial prosthesis and the potential of Rapid Prototyping, resulting in an improvement in terms of time and quality. Therefore the

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Pomar). © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/j.emcden.2004.04.001

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C. Bou et al. practitioner can concentrate on his main task which is to optimise individually created facial prosthesis. This new concept of maxillofacial prosthesis should find its place in medicine given the overall scope of rehabilitations that it makes available, in terms of aesthetic and psychology as well, but above all in terms of functional perspective. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

Introduction Nous proposons dans cet article une méthodologie de réalisation de prothèses maxillofaciales dans le cadre d’une conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO). Les progrès de l’imagerie médicale et des techniques informatiques nous permettent désormais de travailler les données médicales des patients et en particulier les images tomodensitométriques pour effectuer des reconstructions volumiques tridimensionnelles des structures anatomiques.

Épidémiologie Les pertes de substance réhabilitées par la prothèse maxillofaciale ont trois étiologies principales : carcinologique, traumatologique et congénitale.1

Étiologie carcinologique Elle demeure l’étiologie prépondérante dans la réhabilitation en prothèse maxillofaciale. Une étude multicentrique dans différents pays montre que les tumeurs des voies aérodigestives supérieures (VADS) représentent 5 à 7 % de la totalité des cancers et demeurent pour certains pays un problème majeur de santé publique.2,3 En Europe, l’incidence des cancers de la cavité buccale est très variable, les taux d’incidence standardisés à l’Europe sont respectivement de 39,7 pour 100 000 hommes et de 4,9 pour 100 000 femmes.4 Chez l’homme, la France présente les taux des cancers du tractus aérodigestif supérieur les plus élevés en Europe : deux fois supérieurs aux pays d’Europe du Sud, quatre fois supérieurs au Danemark et aux Pays-Bas. Chez la femme, la France se situe parmi les pays présentant les taux les plus importants avec le Danemark et les Pays-Bas. En France en 1995, les cancers de la lèvre, de la cavité buccale et du pharynx occupent en termes d’incidence, avec 10 882 cas estimés chez l’homme, la quatrième place après les cancers de la prostate, du poumon et les cancers colorectaux, et en termes de mortalité le quatrième rang avec 4 460 décès. De même, les variations d’incidence

entre les départements couverts par un registre et l’estimation France entière sont importantes allant de : - 41 % (Tarn) à + 41 % (Bas-Rhin), supérieures aux écarts de mortalité variant de - 48 % (Tarn) à + 24 % (Calvados). Chez la femme, les écarts sont un peu plus faibles, l’incidence variant de –50 % (Tarn) à + 21 % (Bas-Rhin) et la mortalité de – 44 % (Tarn) à 16 % (Haut-Rhin). De façon plus générale, les taux départementaux de mortalité les plus élevés sont observés dans le nord-ouest et l’est du pays. Les taux départementaux les plus faibles restent cependant supérieurs aux taux européens.5

Étiologie traumatologique L’amélioration de la sécurité de nos véhicules a entraîné une diminution de 70 % des traumatismes de la face lors d’accidents automobiles (AVP : accidents de la voie publique), alors que progressent les traumatismes maxillofaciaux liés à des rixes, agressions ou accidents de sports. En matière de traumatologie balistique, des cas complexes se présentent à la consultation, suite à des tentatives d’autolyse, et le profil psychologique particulier de ces patients sera à prendre en compte, en plus de la difficulté de la réhabilitation prothétique. La situation de la France au sein de la Communauté européenne n’est pas favorable en termes de suicides des jeunes. Que ce soit pour les hommes ou pour les femmes, la France se situe en effet parmi les pays dont les taux de décès sont les plus élevés après la Finlande et l’Autriche. La majorité des tentatives de suicide donnent lieu à un recours au système de soins. Celles-ci peuvent être estimées à environ 160 000 par an avec une fourchette comprise entre 130 000 et 180 000. La moitié d’entre elles donne lieu à l’intervention d’un médecin généraliste et sept sur huit à une prise en charge par les urgences, directement ou après le recours au médecin de ville.6

Étiologie congénitale Les grands syndromes (du premier arc, de Franceschetti, otomandibulaire, de Pierre Robin) sont à l’origine d’agénésie du pavillon de l’oreille, de fente labioalvéolaire et/ou vélopalatine uni- ou bilatérale.7 Devant la prise en charge aujourd’hui

Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO)

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systématique des malformations congénitales dès la naissance, par une équipe multidisciplinaire obéissant à un calendrier thérapeutique bien codifié, les cas d’adultes relevant de la réhabilitation prothétique se font de plus en plus rares.

Conception d’une épithèse faciale Généralités La réalisation d’une épithèse faciale nécessite de nombreuses séquences cliniques et de laboratoire. Le praticien devra montrer des qualités d’ordre thérapeutique, une maîtrise de la technique de laboratoire associée à un certain sens artistique ; l’expérience acquise prendra ici toute son importance. Afin de faciliter le travail du praticien dans la sculpture de la future prothèse par la méthode classique actuelle, un nouveau concept dit par « CFAO », faisant appel aux principes de l’imagerie médicale associés aux techniques du prototypage rapide, est proposé (Tableau 1).

Figure 1 Prise d’empreinte faciale à l’alginate.

Méthode classique actuelle Elle comprend différentes étapes que nous décrirons de manière succincte car elle a été déjà évoquée précédemment.8 Étape de la prise d’empreinte faciale La première étape est celle de la prise d’empreinte faciale à l’aide d’alginate. Elle nécessite une préparation psychologique du patient. En effet l’explication du déroulement de l’opération est indispensable pour rassurer et éviter toute crispation musculaire. L’alginate de consistance crémeuse est versée au niveau du front et de l’arête nasale, puis étalé progressivement, en évitant la formation de bulles, Tableau 1 Méthode classique Patient Imagerie ( non exploitée) Empreinte faciale Moulage facial Maquette en cire Essayage Moule Coulée silicone Prothèse

Méthode CFAO Patient Imagerie ( exploitée ) CAO FAO Maquette en cire Essayage Moule Coulée silicone Prothèse

CFAO : conception et fabrication assistées par ordinateur ; CAO : conception assistée par ordinateur ; FAO : fabrication assistée par ordinateur.

Figure 2 Sur empreinte de plâtre.

sur les zones voisines (orbitaires, jugales) en une couche régulière d’environ 1 cm d’épaisseur. Le patient respire par la bouche légèrement entrouverte (Fig. 1). Ensuite, du plâtre de type Snow-White est préparé et étalé sur l’alginate en commençant par le front, puis le centre du visage et enfin les bords, sur une épaisseur de 1 cm (Fig. 2). Cette empreinte faciale sera ensuite coulée en plâtre « dur » de consistance crémeuse en une couche homogène de 1 à 2 cm d’épaisseur. Confection de la maquette en cire Une fois le modèle en plâtre réalisé, la confection de la maquette en cire de la future prothèse comme une épithèse nasale peut être réalisée (Fig. 3), selon deux méthodes : • directe : la sculpture s’effectue par adjonctions successives de cire ramollie ; • indirecte : à partir d’un modèle en plâtre « donneur », une empreinte de l’organe à reconstituer est prise et investie de cire par enduction. • L’organe obtenu est ensuite adapté au maîtremodèle par modelage, adjonction et suppression de cire. Mise en moufle de la maquette en cire Une fois la maquette en cire essayée sur le patient, son adaptabilité vérifiée, la mise en moufle de la

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C. Bou et al. autoriser la fabrication de maquettes physiques 3D des pièces anatomiques.13 Ce concept par CFAO comprend deux phases successives : • phase I : phase de conception assistée par ordinateur (CAO), phase de reconstruction et de simulation 3D ; • phase II : phase de fabrication assistée par ordinateur (FAO), phase de fabrication de la maquette à partir de machines de prototypage rapide.

Figure 3 Élaboration de la maquette en cire sur le modèle en plâtre.

Figure 4 Mise en moufle de la maquette en cire.

Phase de conception assistée par ordinateur Cette phase permet d’effectuer dans un premier temps la reconstruction informatique des structures anatomiques existantes, comme par exemple la perte de substance faciale ; et ensuite dans un second temps la simulation de la future épithèse à partir des informations recueillies préalablement.14,15 Phase de reconstruction 3D Les nouvelles technologies utilisées dans l’acquisition des données (scanner à acquisition spiralée ou imagerie par résonance magnétique [IRM])16 vont nous permettre de recueillir des informations de plus en plus précises avec des temps d’exposition moindres.17,18,19,20 (Fig. 5).

maquette peut s’effectuer selon le principe de la cire perdue (Fig. 4). Classiquement le moule est constitué de deux contreparties, correspondant respectivement à l’intrados et à l’extrados de la prothèse. Ensuite on procède à la coulée du silicone après élimination de la cire. La prothèse en silicone est de nouveau positionnée sur le patient pour apprécier ses limites, ainsi que sa morphologie. Le maquillage final de la prothèse peut être réalisé ; pour cela vont être utilisés des pigments naturels et de la CAF et du cyclohexane, qui seront appliqués par couches successives.9

Méthode par conception et fabrication assistées par ordinateur Principe général Les progrès dans l’acquisition des données médicales et l’amélioration des techniques informatiques nous permettent désormais de travailler les images tomodensitométriques des patients pour effectuer des reconstructions virtuelles volumiques tridimensionnelles des structures anatomiques.10,11,12 Dès lors l’exportation de ces images tridimensionnelles sous un format de fichier approprié va

Figure 5 Coupes axiale (A) et sagittale (B) de la région nasale dans le cas d’une amputation de la pyramide nasale.

Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO)

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Figure 6 Reconstruction isosurface cutanée dans le cas d’une perte de substance nasale.

De même, la standardisation des formats de fichiers d’importation tomodensitométriques (ACRNEMA/DICOM) associée à du matériel informatique sans cesse performant et l’utilisation de divers progiciels (C2000 / AMIRA) dans le traitement du signal et de l’image nous offrent la possibilité d’analyser et de segmenter les images scanner afin d’obtenir des reconstructions surfaciques ou volumétriques tridimensionnelles.21,22,23,24 En fonction de la nature de la perte de substance, nous choisirons une reconstruction isosurface pour une perte de substance faciale (nasale, oculopalpébrale, auriculaire, faciale) (Fig. 6A, B, C), et une reconstruction volumique pour une perte de substance endobuccale (communication nasobuccale par exemple) (Fig. 7). Une fois la reconstruction anatomique 3D exécutée, l’exportation du fichier est effectuée sous un format de « maillage » (.DXF / .STL ...) qui puisse

Figure 7 A. Afin de diminuer la taille du fichier informatique, une reconstruction de la seule région d’intérêt sera effectuée. B. Reconstruction isosurface cutanée dans le cas d’une perte du pavillon de l’oreille. C. Reconstruction volumique d’une communication bucconasale après maxillectomie.

être reconnu par le logiciel de simulation 3D afin de concevoir la future prothèse (Fig. 8). Phase de simulation 3D L’utilisation de logiciels qui sont des modeleurs graphiques va nous permettre de modéliser aussi bien en polygones qu’en non uniform rational Bézier-Spline (NURBS) les futures prothèses maxillofaciales.25

Figure 8 Transformation de la perte de substance nasale en facettes selon la norme DXF.

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C. Bou et al.

Figure 9 Modélisation d’une épithèse nasale (A, B).

De nombreux outils transforment les courbes en surfaces qui peuvent être déformables à volonté. Les différentes méthodes de lissage obéissant à la géométrie dynamique, les opérations booléennes, la tesselation ou la décimation sont des outils qui vont nous permettre de concevoir le contour et le volume de ces maquettes (Fig. 9, 10). Une fois la pièce prothétique réalisée, le fichier est exporté selon le format .stl pour pouvoir être lu par les différents types de machines de prototypage rapide. Phase de fabrication assistée par ordinateur L’évolution de la technologie concernant le prototypage rapide permet désormais de standardiser la

fabrication de maquettes physiques dans le domaine médical et plus particulièrement chirurgical pour faciliter le diagnostic et simuler certaines interventions complexes.26,27,28 Après l’utilisation de machines-outils trois ou cinq axes,29 la majorité des reconstructions anatomiques physiques actuelles sont effectuées en résine selon le principe de la stéréolithographie (faisceau laser qui va polymériser la résine couche par couche).30,31,32,33,34,35 L’inconvénient majeur de ce prototypage pour la prothèse maxillofaciale est la difficulté d’éliminer la résine lors de la mise en moufle du modèle.36,37,38

Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO)

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Figure 10 Modélisation d’une épithèse auriculaire (A, B).

Une autre méthode de prototypage existe ; il s’agit du procédé de fabrication d’objets par jet de gouttes sur demande (drop-on-demand inkjet). L’avantage de cette technique est d’utiliser un matériau avec un point de fusion de 90° à 113°, donc très intéressant dans la technique de la cire perdue. Un logiciel décompose le modèle CAO 3D (.stl) de la pièce anatomique en un ensemble de couches élémentaires 2D, correspondant à la coupe transversale. Les prothèses sont fabriquées par un procédé d’impression de jet de gouttes couche par couche. Deux têtes d’impression, déplacées par un chariot mobile dans un plan x-y, déposent deux matériaux à bas point de fusion sous forme de gouttes sur un matériau de support collé sur la plate-forme. La maquette est construite par superposition successive de couches, à partir de celle du bas, selon les sections horizontales du modèle CAO 3D (Fig. 11A, B, C).

Figure 11 A. Maquette de la communication bucconasale. B. Maquette en cire d’une épithèse nasale. C Maquette en cire d’une épithèse de l’oreille.

Une fois la maquette réalisée, elle sera essayée et adaptée sur le patient, pour être ensuite transformée en silicone selon la technique de la cire perdue (Fig. 12).

Discussion L’amélioration des techniques chirurgicales d’exérèse et de reconstruction entraîne une situation paradoxale. La France présente l’incidence la plus élevée des cancers des VADS en Europe ; la prise en charge chirurgicale des patients est satisfaisante, cependant, la mutilation faciale induite postchirurgicale entraîne fréquemment l’exclusion du patient de la société, alors que cette dernière a mis tout en œuvre pour le traiter et le sauver.39 La réhabilitation par prothèse maxillofaciale demeure une alternative incontournable et repose sur une symbiose chirurgicoprothétique des différents acteurs. Le diagnostic et le traitement du patient

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C. Bou et al. d’examens tomodensitométriques de patients, ou d’acquisition laser de surface, de proposer au patient différentes simulations de sa future épithèse, afin qu’il puisse faire lui-même un choix ou avec l’aide de son entourage. Malheureusement, ces prothèses en silicone ont une durée de vie limitée dans le temps ; il est désormais possible, grâce aux systèmes de sauvegarde, de réaliser de manière rapide une nouvelle prothèse à l’identique de la précédente, avec un gain de temps non négligeable, car les étapes préalables ne sont plus nécessaires.

Figure 12 Réalisation finale d’une épithèse nasale (A, B).

doivent reposer sur une équipe médicale multidisciplinaire, dont le seul objectif est de permettre une réhabilitation globale de qualité de vie du patient. En effet, le chirurgien doit connaître les limitations, les principes biomécaniques de ces prothèses maxillofaciales afin de synchroniser le geste chirurgical à la future réhabilitation prothétique qui va suivre. Un avantage majeur de la prothèse maxillofaciale est de permettre une surveillance carcinologique. Les récidives des cancers des VADS variables selon les auteurs (7,5 % selon Marchetta ou 14 % selon Vikram)40,41 soulignent l’importance du praticien dans leur détection. En effet, ce dernier, au cours du suivi de la réhabilitation prothétique, de sa maintenance, pourra observer toute modification tissulaire qui pourrait sembler anodine chez le patient. Il est indéniable que la prothèse maxillofaciale contribue de manière significative dans l’amélioration de la qualité de vie des patients présentant une perte de substance faciale ou endobuccale.42,43,44 ; patients qui présentent souvent des caractéristiques communes, un passé alcoolotabagique, des conditions socioéconomiques précaires, et face au defect, une détresse psychologique plus importante comparativement à d’autres patients présentant d’autres types de tumeurs.45,46,47 Des efforts substantiels doivent être entrepris pour restaurer dès que possible le patient à la fois sur le plan fonctionnel et esthétique afin qu’il puisse mener une vie normale dans la société.48 Cette nouvelle méthodologie par CFAO va permettre, chez ces patients affaiblis, d’éviter la prise d’empreinte faciale parfois angoissante pour le patient, difficile pour la praticien et présentant parfois des risques de fuite de matériaux dans les cavités naturelles. Ce concept CFAO en prothèse maxillofaciale permet également, à partir d’une base de données

Conclusion Grâce à cette nouvelle méthodologie par CFAO, l’étape de conception au laboratoire de la maquette en cire et de la réhabilitation prothétique d’une manière générale se trouve facilitée, permettant ainsi de répondre à la dialectique de la satisfaction des besoins, que ce soit pour les différents prestataires de services ou mieux pour les patients.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 284–311

www.elsevier.com/locate/emcden

Travail des alliages dentaires Manufacturing processes of dental alloys P. Rocher (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier) a,*, J.-J. Guyonnet (Professeur des Universités, praticien hospitalier) b, G. Grégoire (Professeur des Universités, praticien hospitalier) b a b

Faculté de chirurgie dentaire, place de Verdun, 59000 Lille, France Faculté de chirurgie dentaire, 3, chemin des Maraîchers, 31062 Toulouse cedex, France

MOTS CLÉS Alliages dentaires ; Prothèses dentaires ; Métallurgie des alliages dentaires ; Soudure des alliages dentaires ; Brasure des alliages dentaires

Résumé Les alliages dentaires sont utilisés dans toutes les disciplines odontologiques. Ils peuvent constituer des dispositifs médicaux utilisables en l’état ou être mis en œuvre pour entrer dans la composition de dispositifs médicaux sur mesure. Ceux-ci sont représentés par les prothèses dentaires et les appareils d’orthodontie. La confection de ces dispositifs nécessite divers procédés de mise en forme des alliages dentaires tels que la fonderie, le frittage, l’électrodéposition et le façonnage. Tous ces procédés répondent à des critères d’utilisation et à des impératifs de réalisation qui sont décrits ici ou dans ce chapitre. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Dental alloys; Dental prosthesis; Dental alloys metallurgy; Dental alloys welding; Dental alloys brazing

Abstract Dental alloys are used in all odontological fields. They can constitute medical devices usable as they are or be implemented as part of medical custom-made devices such as dental prosthesis and orthodontic appliances. Preparation of these devices requires various processes such as the foundry of the dental alloys, its sintering, electro-deposition and shaping. All these processes meet criteria and requirements which are described in this chapter. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Les alliages et les procédés de mise en forme doivent permettre la réalisation de pièces biofonctionnelles complexes qui sont utilisées dans les techniques restauratrices, prothétiques, orthopédiques ou implantologiques. Selon la directive 93/42/CEE sur les dispositifs médicaux, les prothèses sont fabriquées suivant la prescription écrite d’un praticien indiquant les caractéristiques de conception spécifiques. La mise * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Rocher). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.04.002

en forme relève du technicien de laboratoire, mais ce dernier engage sa responsabilité légale et doit donc veiller à toutes les étapes. Nous pouvons distinguer différents procédés de mise en forme d’un matériau :1 • la fonderie : mise en forme à partir de l’état liquide ; • le frittage : mise en forme à partir de l’état pulvérulent ; • l’électrodéposition : mise en forme à partir de sels d’alliages ; • le façonnage : mise en forme à partir de l’état solide.

Travail des alliages dentaires Ce dernier procédé se divise en trois groupes : • assemblage : soudage, brasage ; • formage : mise en forme sans enlèvement de matière ; • usinage : mise en forme avec enlèvement de matière (fraisage, électrosoustraction ...). La réalisation d’une pièce prothétique métallique nécessite l’utilisation de plusieurs des procédés cités. Leur succession constitue la « gamme de fabrication » de la pièce : moulage par coulée métallique, sablage, dégrossissage, usinage, rectification, surfaçage, finition, superfinition par polissage, lustrage et brillantage. Sous l’impulsion des industriels, de laboratoires de recherche et de laboratoires de prothèse, les techniques de conception et de fabrication assistées par ordinateur prennent une importance majeure dans le domaine des prothèses dentaires. Mais le développement de ces techniques s’oriente actuellement vers la réalisation de reconstitutions entièrement en céramique et concurrencent peu les procédés actuels de mise en forme. Ces techniques ne sont pas abordées dans cet article.

285 élastique) ou irréversiblement (déformation plastique). Seules les déformations plastiques permettent le travail des métaux, mais il faut noter que les deux phénomènes, s’ils sont indépendants, sont souvent associés. Ainsi observe-t-on après déformation une récupération élastique qui diminue la déformation permanente : déformation permanente = déformation totale − déformation élastique. Une élévation de température a pour conséquence une diminution du domaine élastique, ce qui explique partiellement le travail plus aisé des métaux à chaud. Les déformations plastiques sont le résultat, soit de translations, soit de maclages. Le mode par translation est le plus fréquent et les glissements se font le long des plans de grande densité atomique dans les directions pour lesquelles la tension critique de glissement est la plus faible (loi de Schmidt).

Fonderie de précision

Approche théorique

Principe

La notion de déformation, faisant suite à une sollicitation physique (mécanique ou thermique), est fondamentale pour la compréhension des phénomènes régissant le travail des matériaux.1

La coulée métallique ou fonderie de précision à la cire perdue nécessite la réalisation d’une maquette de la pièce métallique souhaitée. Cette maquette est habituellement réalisée en cire ou en résine calcinable. Après fixation d’une tige de coulée, la maquette est investie dans un matériau réfractaire (ou revêtement) qui va épouser parfaitement sa forme. Après solidification du revêtement, la maquette est totalement éliminée par chauffage. L’alliage en fusion est alors injecté dans le vide ainsi créé. Après solidification de l’alliage et destruction du moule, la pièce métallique obtenue doit être la reproduction la plus précise possible de la maquette originale.1 Les techniques de coulées à cire perdue sont confrontées à deux problèmes majeurs : la variation dimensionnelle de la cire ou de la résine utilisée pour la réalisation des maquettes, ainsi que celle des alliages utilisés pour leur reproduction. Ces variations volumétriques, matérialisées par une contraction linéaire lors du refroidissement (estimées à 0,4 % pour la cire, 1,3 % pour les alliages précieux et de 2,1 à 2,3 % pour les alliages non précieux) doivent être compensées par une expansion correspondante du revêtement compensateur utilisé pour la réalisation des moules lors de la fonderie de précision.2 Les techniques permettant de contrôler les différentes variations dimensionnelles peuvent se résumer dans l’équation décrite sur la Figure 1.

Notion de diffusion, d’écoulement visqueux, de plasticité visqueuse Aux températures élevées, les solides perdent leur rigidité en raison de l’augmentation de l’agitation thermique (qui est nulle à 0 °K ou -273,15 °C). La diffusion est un déplacement aléatoire d’atomes ou d’ions dans le réseau cristallin, provoqué par l’agitation thermique. La diffusion joue un rôle essentiel dans toutes les étapes de préparation et de transformation, qu’il y ait ou non changement de phase. Pour les alliages chimiquement non homogènes, la diffusion se manifeste par la disparition progressive des gradients de concentration (tendance à l’homogénéisation). Ce type de diffusion (diffusion chimique) est à l’origine des traitements superficiels et thermochimiques des aciers. La diffusion intervient également dans la fabrication des pièces métalliques par frittage comme dans les techniques d’assemblage par soudage.

Déformation des métaux Suivant la contrainte appliquée, un solide cristallisé peut se déformer réversiblement (déformation

286

P. Rocher et al.

Contraction de la cire + Contraction de l’alliage

= Expansion du revêtement

{

• expansion de prise + • expansion hygroscopique + • expansion thermique + • expansion de la cire

6 à 8 mm

1

Figure 1 Techniques permettant de contrôler les différentes variations dimensionnelles.

2

De nos jours, deux groupes d’alliages dentaires sont utilisés : les alliages dentaires précieux et les alliages dentaires non précieux. L’or est le composant principal des alliages précieux. Il est associé à d’autres métaux précieux (métaux de la mine de platine : platine, iridium, osmium, palladium, rhodium, ruthénium) ainsi qu’à de l’argent et de petites quantités de métaux communs (cuivre, indium, étain, zinc, etc.). L’alliage ainsi constitué présente les qualités physiques optimales pour chaque domaine d’utilisation.3 Parmi les alliages non précieux, trois catégories sont utilisées : les nickelchrome (molybdène), les cobalt-chrome (molybdène) avec divers additifs modificateurs et le titane commercialement pur. Pour appréhender toute la complexité de la fonderie de précision, nous serons amenés à aborder la préparation de la maquette en cire en vue de sa mise en revêtement, puis la mise en revêtement proprement dite. Enfin, nous détaillerons la fonte et la coulée de l’alliage.

3

Préparation de la maquette en cire3,4,5 La gestion contrôlée de la solidification des alliages a pour but de diriger les zones à solidification lente dans les endroits les plus appropriés, pour les isoler par des zones à solidification rapide. Le processus de solidification peut se résumer en deux étapes. L’alliage en fusion remplit la maquette, commence sa solidification accompagnée d’une diminution de volume et puise de l’alliage encore en fusion dans la nourrice. La nourrice se retrouve ensuite isolée par la solidification accélérée du canal d’alimentation, grâce aux refroidisseurs. Les défauts de coulée se concentrent alors vers le noyau de chaleur situé au centre de la maquette. Cette technique permet de limiter les défauts de solidification (porosités, piqûres, craquelures...) dans les régions où ils ne peuvent affecter les qualités mécaniques de la pièce prothétique. Canaux d’alimentation Leur rôle est de permettre le passage de l’alliage en fusion depuis la nourrice jusqu’à la maquette à

4

Figure 2 Position des différents éléments dans le cylindre. 1. Canal d’alimentation ; 2. nourrice au centre thermique ; 3. tige de coulée ; 4. refroidisseur.

couler et de l’isoler ensuite lors de la solidification, grâce aux refroidisseurs (Fig. 2). Les canaux d’alimentation sont fixés sur les éléments piliers et dans les zones les plus fines (généralement la face vestibulaire des pièces prothétiques). Elles sont délicates à couler du fait de leur finesse qui favorise un refroidissement rapide. Les canaux d’alimentation sont positionnés selon un angle inférieur à 45 ° afin de faciliter l’écoulement de l’alliage dans la maquette, sans créer de turbulences qui retarderaient le remplissage et favoriseraient les défauts métallurgiques. Tiges de coulées Leur rôle est de conduire le plus rapidement possible l’alliage en fusion dans la maquette à couler, via la barre nourricière et les canaux d’alimentation. Leurs formes peuvent être très diverses : volants, triangles pleins ou encore râteaux. Toutes ces formes présentent des embranchements qui doivent être arrondis pour éviter une érosion du revêtement due à l’impact et au frottement de l’alliage lors de son passage. Les particules de silice arrachées pollueraient et fragiliseraient l’alliage. Pour éviter ces embranchements, la forme de barre courbée en C permet de mener l’alliage rapidement dans le moule sans rencontrer d’obstacle ou de bifurcation. Il ne se forme aucune turbulence, ce qui optimise les qualités de la coulée (Fig. 3, 4). Refroidisseurs ou évents Le rôle des refroidisseurs est d’accélérer le processus de solidification d’une zone critique afin de lui assurer des qualités métallurgiques optimales (structure homogène et dense, exempte de retraits de coulées et de porosités). Ils sont, par exemple,

Travail des alliages dentaires

287

b

a

A

B

Figure 5 Positionnement des petits bridges dans le cylindre (figure Heraeus Kulzer). A. Favorable. B. Défavorable.

Figure 3 Le choc d’un métal en fusion peut arracher des particules de revêtement dans la barre horizontale et le remplissage se fait d’abord par le côté qui est situé dans la zone de la résistance des forces avec des risques de manque à la coulée pour les zones de remplissage tardif. a. Résultante des forces ; b. sens de rotation.

d e c

b

a Figure 4 Système d’alimentation en barre courbée en C avec une orientation de la courbure parallèle au plan vertical. Ceci détermine une inclinaison des cires vers la résultante des forces. a. Plan vertical ; b. centre thermique dans le plan horizontal ; c. résultante des forces ; d. axe central thermique ; e. sens de rotation du cylindre.

placés au niveau des canaux d’alimentation et des connexions de bridges.

Mise en revêtement2,3,5,6 Volume de revêtement Le volume et la forme de la masse réfractaire enrobant la maquette à couler jouent un rôle prépondérant dans la chauffe et le refroidissement de l’ensemble. Nous savons qu’un alliage solidifié rapidement présente de meilleures propriétés mécaniques. Il est donc logique d’éviter une masse réfrac-

taire trop importante dont l’inertie thermique ralentirait le refroidissement. Dans l’absolu, le moule réfractaire devrait avoir sensiblement la même forme que celle de la maquette. Pour une maquette de bridge, la forme ovale permet un enrobage de réfractaire plus homogène. Néanmoins, les cerclages ronds sont les plus répandus parce que plus anciens, mais n’offrent pas les avantages du précédent. Les masses réfractaires n’étant pas réparties équitablement autour de la maquette, la température varie énormément entre son centre et ses extrémités (Fig. 5). Cerclages Pour permettre la coulée du revêtement à l’état liquide, il faut avoir recours à un moule qui lui conférera sa forme. Le cerclage peut être métallique ou plastique. Certains revêtements (principalement ceux à forte teneur en cristobalite) ne supportent pas d’être chauffés sans cerclage métallique sous peine de se fendre lors de la chauffe. La présence de cet anneau induit automatiquement un effet inhibiteur sur le revêtement réfractaire lors de ses différentes expansions, surtout lors de l’expansion de prise, malgré la présence de la bande compensatrice d’expansion qui ne résout que partiellement le problème. A contrario, la plupart des revêtements modernes à liant phosphate possèdent une remarquable résistance aux chocs thermiques, ce qui permet la coulée sans cerclage métallique. Ils possèdent aussi une expansion de prise très importante, qui oblige à laisser cette expansion se faire librement dans toutes les directions, afin de ne provoquer aucune déformation de la maquette en cire. La désinsertion du moule réfractaire doit être effectuée dès que le revêtement a atteint une viscosité suffisante pour ne pas être déformé. Nature du revêtement Pour la fabrication de prothèses selon le procédé de coulée à la cire perdue, les masses d’enrobage

288 doivent être adaptées aux compositions et aux propriétés des différents alliages dentaires. Les masses d’enrobage se composent d’un matériau réfractaire, la silice, d’un liant et d’autres produits chimiques. Les variétés de silice les plus utilisées sont le quartz et la cristobalite. Le liant est un hémihydrate de sulfate de calcium, un phosphate d’ammonium ou un silicate colloïdal. Un bon revêtement doit posséder les propriétés suivantes : • avoir un temps de travail suffisant (environ 4 minutes) ; • avoir un temps de durcissement ni trop long ni trop court (environ 3 minutes) ; • être dur et solide ; • présenter un état de surface aussi lisse que possible sur l’objet de moulage ; • ne pas se décomposer lors du préchauffage et du coulage ; • son comportement à l’expansion doit pouvoir être contrôlé. Trois mécanismes d’expansion sont exploités lors des processus de durcissement et de préchauffage des masses d’enrobage : • l’expansion de durcissement ; • l’expansion hygroscopique ; • l’expansion thermique. L’expansion de durcissement est une expansion volumique qui a lieu pendant la prise de la masse d’enrobage à l’air. L’expansion hygroscopique a lieu lors du durcissement en présence d’eau en excès. Elle n’est possible que pour les revêtements à liant hémihydrate de sulfate de calcium. L’eau présente en excès provoque une expansion maximale lors de la prise. L’expansion thermique est l’augmentation de volume de la masse d’enrobage au cours de la montée en température lors de la préchauffe. Revêtement à liant plâtre (hémihydrate de sulfate de calcium) Dans le cas des masses d’enrobage à liant plâtre, il s’agit d’un mélange de variétés de silice, de liant hémihydrate de sulfate de calcium (CaSO4 1/2 H2O). Pendant la prise, la silice se place entre les cristaux de plâtre en formation, entraînant une expansion de durcissement. Lors du chauffage, le revêtement se dilate. L’expansion thermique varie avec l’augmentation de la température et selon la variété de silice. La cristobalite entraîne une expansion plus importante que le quartz. Ces revêtements sont utilisés avec des alliages de coulée à faible température comme les alliages base or dont le liquidus se situe vers 1 000 °C. La température de préchauffage maximale du cylindre

P. Rocher et al. est de 750 °C. Au-dessus de 750 °C, en présence de carbone (issu de la maquette en cire), le plâtre commence à se décomposer en dégageant du soufre. Celui-ci contaminerait l’alliage d’or et fragiliserait la pièce coulée. D’autre part, les résidus de carbone peuvent réduire la porosité du moule et provoquer ainsi, au moment de la coulée de l’alliage, une contre-pression due à une mauvaise évacuation des gaz, avec pour conséquence des manques ou la présence de porosités dans la coulée. Revêtements à liant phosphate En raison de la décomposition du plâtre au-dessus de 750 °C, les alliages qui nécessitent une température de fusion élevée (alliages précieux pour céramique, alliages non précieux) sont coulés dans des moules constitués de revêtement à liant phosphate. La constitution de ces masses d’enrobage est semblable aux masses à liant plâtre (cf. cidessus). Elles sont également constituées d’un matériau réfractaire, la silice, et d’un liant. Celui-ci est un mélange d’oxyde de magnésium et de phosphate d’ammonium. Après la cristallisation du phosphate d’ammonium-magnésium, la masse d’enrobage se renforce et durcit complètement. Pendant le renforcement de la masse d’enrobage, apparaît l’expansion de durcissement. Elle varie en fonction du rapport poudre/liquide. Ces revêtements sont employés aussi bien pour la coulée d’alliages précieux pour céramique que pour les alliages précieux conventionnels. Revêtements à liant silicique Ces revêtements se composent de poudre de silice à laquelle on ajoute comme liant des silicates colloïdaux. Les masses d’enrobage durcissent également à température ambiante et sont ensuite chauffées lentement à la température de préchauffage du cylindre. Les silicates se transforment alors en silice et forment des masses solides et compactes. Actuellement, ces revêtements ne sont employés que rarement, car leur temps de durcissement est bien plus long que celui des revêtements à liant plâtre ou phosphate. Mise en œuvre Après avoir mélangé manuellement la poudre avec son liquide, la spatulation est terminée mécaniquement sous vide afin d’éliminer les bulles d’air. Il convient ensuite de laisser reposer le mélange quelques secondes sous pression atmosphérique afin de le « détendre » et lui permettre d’évacuer les gaz formés par la réaction chimique. Puis la maquette en cire (éventuellement badigeonnée d’un agent mouillant) est badigeonnée délicatement de revêtement à l’aide d’un pinceau, avec un

Travail des alliages dentaires minimum de vibrations. Après quoi, le coffrage est mis en place et rempli jusqu’à recouvrir la maquette avec une épaisseur de 1 cm environ, si possible sans faire vibrer l’ensemble, car les vibrations sont génératrices de bulles d’air. Les revêtements modernes sont suffisamment de basse viscosité pour le permettre. Au moment de la prise du revêtement, il se forme un « glacis » de surface qui rend la couche superficielle imperméable. Ce glacis s’explique par la sédimentation des particules lourdes, ne laissant que les particules fines en surface. Pour faciliter l’échappement des gaz, il est recommandé d’éliminer cette couche superficielle au taille-plâtre avant d’insérer le moule réfractaire dans le four de chauffe. Élimination de la cire Si la cire est calcinée dans le moule au moment de la chauffe, la majeure partie de cette cire s’écoule, mais une fraction de celle-ci imbibe les parois du revêtement avant d’être calcinée en y laissant des résidus de carbone. Ces résidus ne peuvent pas être éliminés. Pour pallier cet inconvénient, il existe différentes méthodes pour éliminer les cires des moules réfractaires avant leur mise au four, comme plonger le cylindre dans de l’eau bouillante, chauffer le cylindre dans le four de chauffe puis chasser la cire liquide par la force centrifuge, ou enfin utiliser la vapeur d’eau. Chauffe des moules réfractaires La température de préchauffage du bloc réfractaire est en relation avec l’intervalle de fusion des alliages à couler. En ce qui concerne les alliages précieux à basse fusion destinés aux inlays, inlayscore, couronnes, petits bridges et métallocéramiques basse fusion, leur intervalle de fusion se situe entre 800 et 1 000 °C. Leur température de préchauffage conseillée est de 650 à 700 °C. Les alliages précieux destinés à la technique céramométallique ou les alliages non précieux nickel-chrome, dont l’intervalle de fusion est situé entre 1 050 et 1 350 °C, doivent impérativement être coulés dans des revêtements à liant phosphate préchauffés entre 780 et 820 °C. Les inlays et inlays-core en particulier doivent être coulés dans un revêtement sans expansion hygroscopique.

289 plus récents comme la fonte par effet Joule ou par induction. Elles ont toutes leurs particularités. L’utilisation d’une de ces techniques influence aussi le choix du matériau constituant le creuset. Procédés de fusion Les alliages précieux et non précieux, hormis le titane, peuvent être fondus avec de nombreux procédés. Fusion à la flamme La fusion des alliages s’effectue au moyen d’un chalumeau alimenté avec un mélange gazeux de propane et d’air, de gaz naturel et d’air, ou d’acétylène et d’oxygène. Ce procédé de fusion peut conduire à un chauffage incontrôlé et irrégulier, et à une surchauffe de l’alliage. D’autre part, le réglage du chalumeau est un facteur essentiel pour, d’une part protéger la charge de l’oxygène de l’air et, d’autre part, pour empêcher l’absorption d’hydrogène. La qualité de ce réglage dépend de l’expérience du prothésiste. Une absorption d’oxygène ou d’hydrogène de la part de l’alliage peut provoquer sa porosité. Lors de la fusion à la flamme oxypropane, il faut prendre soin d’éviter un excès de gaz ou d’oxygène et de fondre de l’alliage en utilisant la zone réductrice de la flamme (Fig. 6). Il est recommandé de régler la pression du propane à 0,5 bar et l’oxygène de 1,5 à 2 bar. Les alliages de métaux précieux ne doivent pas être fondus avec flamme oxyacétylénique car la température de cette flamme est trop élevée. D’autre part, il y a risque d’absorption d’hydrogène ou de carbone par l’alliage. La fusion à la flamme ne peut pas être utilisée pour le titane car elle entraînerait sa contamination. Fusion par chauffage à effet Joule La température de coulée est produite par une résistance chauffée par le passage du courant.

1 2

3

Fonte des alliages3,7,8,9 Actuellement, plusieurs méthodes sont utilisées pour fondre les alliages avant leur coulée, de la plus ancienne au chalumeau, aux systèmes électriques

Figure 6 Réglage de la flamme. L’alliage doit être fondu dans la zone réductrice de la flamme (figure Cendres et Métaux). 1. Zone réductrice ; 2. zone neutre ; 3. zone oxydante.

290 L’avantage de cette technique par rapport à la précédente consiste en la possibilité de régler la température de coulée et de la maintenir par un thermostat pour chaque alliage. Celui-ci est donc coulé exactement à sa température de fusion. Une surchauffe ou une sous-chauffe incontrôlées, et donc une dégradation de l’alliage, sont dans une large mesure éliminées. Fusion par chauffage à induction Le four électrique par induction est un transformateur dont la bobine primaire est excitée par un courant alternatif et qui produit un champ magnétique variable dans le creuset où l’on doit fondre l’alliage. Le courant haute fréquence induit provoque la fusion de l’alliage. Les masses d’alliages, comme celles qui sont nécessaires pour les coulées dentaires, peuvent être amenées en 1 minute à la température de fusion par ce procédé. L’instant où la charge doit être versée est déterminé à vue ou au moyen d’un capteur de rayonnement qui doit être régulièrement nettoyé et étalonné pour éviter une dérive. Fusion par chauffage à l’arc électrique L’arc électrique en courant continu est produit entre deux électrodes constituées l’une par l’alliage, l’autre par une électrode en tungstène refroidie à l’eau. Les températures dans l’arc électrique sont de plus de 4 000 °C. L’alliage fond très rapidement en raison des hautes températures de l’arc électrique. Le danger de surchauffe de l’alliage est très grand par ce procédé. Une surchauffe de quelques secondes de la charge suffit à endommager l’alliage en raison d’un apport excessif. Matériaux du creuset En général, un matériau qui n’entre pas en réaction et qui n’endommage pas l’alliage doit être utilisé comme matériau de creuset. Creuset en céramique Dans le cas de fusion en creuset céramique avec une fronde à induction de faible puissance, il n’est pas possible d’atteindre rapidement la température de coulée lorsque la masse à couler est petite. Le couplage inductif faible exige un long temps d’échauffement qui peut nuire à l’alliage et, en conséquence, déclencher la coulée à une température non idéale. Il reste toujours une pellicule solidifiée de métal non coulée dans le creuset. Cette pellicule de métal est polluée par le creuset. L’inconvénient de ce type de creusets réside dans le fait que l’alliage n’est pas protégé par une action réductrice du milieu.

P. Rocher et al. Creuset en graphite avec cupule intérieure en céramique L’échauffement avec un tel dispositif est plus rapide et efficace car l’effet inductif se produit correctement dans le graphite. L’alliage est alors chauffé indirectement par le rayonnement du graphite incandescent. Cette technique avec une fronde de faible puissance est meilleure, mais nécessite cependant une grande habitude pour déterminer si la température idéale de coulée est atteinte. Là encore, une pellicule solidifiée de métal non coulée reste dans le creuset et le métal n’est pas protégé par une action réductrice du milieu. Creuset en graphite L’échauffement avec un tel dispositif est rapide et présente l’avantage de protéger l’alliage pendant la fusion par l’action réductrice du gaz carbonique. Cette technique ne convient pas très bien aux alliages précieux palladiés à haute teneur en métaux de la mine de platine. Il est essentiel de ne pas surchauffer l’alliage ni de le maintenir trop longtemps à haute température afin d’éviter une contamination par le graphite ou une absorption de gaz pendant la fusion. Le graphite se désagrégeant rapidement à haute température dans l’air, il est nécessaire de renouveler régulièrement les creusets. Creuset en graphite vitrifié Cette technique est certainement la meilleure car le graphite vitrifié se désagrège beaucoup moins rapidement et déploie une action protectrice efficace sans risquer une dégradation de l’alliage en fusion. C’est en utilisant ces creusets pour les alliages à haute teneur en métaux précieux que l’on obtient la meilleure régularité des résultats pour la technique de fonte par induction. Creuset en cuivre Pour le titane, un creuset en cuivre refroidi par une circulation d’eau peut aussi être utilisé. La fusion se fait dans un four électrique à arc sous vide.

Coulée des alliages3,10,11 Seules des forces agissant sur la masse en fusion, lors de la coulée centrifuge ou de la coulée sous pression/dépression, assurent un écoulement complet dans le moule. Coulée par centrifugation Dans la technique de coulée par centrifugation, la masse en fusion d’alliage est propulsée dans un moule tournant autour d’un axe, ce qui produit, par la force centrifuge, l’écoulement de la charge jusque dans les parties les plus fines du moule (Fig. 7).

Travail des alliages dentaires

291

R

Zi

Cylindre

Four

Contrepoids

Figure 7 Représentation schématique de la coulée par centrifugation (figure Hereaus Kulzer).

La force centrifuge accélère par à-coups la charge par à-coups qui est injectée jusque dans les parties les plus fines du moule. La force centrifuge est augmentée par une plus grande quantité d’alliage. C’est pourquoi on utilise toujours pour la coulée par centrifugation une quantité d’alliage relativement plus grande que celle de la pièce à couler. L’accélération nécessaire est de 200 G pour le titane et de 70 à 80 G pour les autres alliages. Coulée par pression/dépression Cette méthode de coulée est d’apparition relativement récente en France. Elle comporte quelques particularités par rapport à la méthode classique de coulée par centrifugation. Préparation de la maquette en cire Globalement, les maquettes peuvent être plus fines qu’avec une technique de coulée par centrifugation. En pratique, un simple trempage du die dans un réchauffeur de cire suffit. Mise en revêtement Elle peut se faire avec ou sans cylindre métallique. Il est préférable d’utiliser un revêtement à grain fin, il n’en sera que plus étanche. Il ne faut pas oublier que, contrairement aux autres méthodes de coulée pour lesquelles il est nécessaire d’évacuer une partie des gaz par la porosité du revêtement, ici, au contraire, ce dernier doit être hermétique afin qu’il n’y ait pas de réintroduction d’air dans le cylindre lors de la mise sous pression.

Système de fonte La fusion se fait avec un système électrique, souvent par effet Joule ou par induction, mais aussi par arc électrique pour la fonte du titane. La fonte des alliages non précieux peut être protégée par un flux de gaz neutre pour empêcher l’oxydation du métal. Il n’est pas nécessaire de mettre autant d’alliage que pour une coulée conventionnelle. Le poids nécessaire à la coulée de la pièce prothétique, de la nourrice et des tiges de coulée est suffisant. Il est inutile d’avoir une masselotte importante puisque la poussée de l’alliage se fait par pression/ dépression de gaz. Déroulement de la coulée Lorsque l’alliage a atteint la température de fusion préréglée, le cylindre est positionné sur le creuset. La cuve est ensuite fermée et mise sous vide. Quand le vide souhaité est atteint, la cuve est basculée ou l’obturateur est ouvert selon le type de machine. La masse d’alliage en fusion s’écoule de son propre poids dans le moule, la pression surmonte la tension superficielle et provoque le remplissage complet. Le remplissage des cylindres par un alliage pénétrant sans brutalité évite tout écrasement et déformation des revêtements par l’absence d’impact. Après la fin du processus de durcissement, la cuve est automatiquement dépressurisée et le cylindre contenant le moulage terminé est retiré de la cuve (Fig. 8).

Manipulations après de la fronde1 Le cylindre est retiré de la fronde au moyen de pinces spéciales prévues à cet effet. Il convient d’attendre que la masselotte ait perdu sa couleur rouge cerise pour plonger le cylindre dans l’eau froide. Il en résulte une trempe du métal coulé. La pièce coulée est débarrassée du revêtement, puis sablée. Les tiges de coulée sont sectionnées puis la pièce nettoyée (décapage, ultrasons). Un éventuel traitement thermique peut précéder les opérations de finition et de polissage. Le terme de traitements thermiques désigne un ensemble d’opérations effectuées sur des pièces métalliques, qui comprend un chauffage suivi d’un maintien à une température fixe, puis d’un refroidissement plus ou moins rapide jusqu’à température ambiante. On distingue : • les traitements thermiques de base, nécessaires pour améliorer l’homogénéisation de la structure et pour chercher l’état d’équilibre ; il s’agit de traitements effectués sur pièces ou sur lingots à l’état brut de coulée ; on cherche alors à favoriser la diffusion des éléments d’al-

292

P. Rocher et al.

Air comprimé

Air

CO2 CO

Pompe vide

Figure 8 Représentation schématique de la coulée par pression/dépression (figure Hereaus Kulzer).

liage pour obtenir une structure homogène ; ces traitements comprennent l’homogénéisation et le recuit ; • les traitements thermiques orientés vers les applications, pour créer des structures le plus souvent hors d’équilibre et qui permettent d’améliorer la résistance à la déformation, au choc, à l’usure, à l’abrasion ; ces traitements comprennent la trempe, le revenu, le durcissement structural.

Défauts de coulée3,12,13,14 Tous les matériaux présentent à l’état liquide un volume supérieur à celui qu’ils ont à l’état solide. Cela est dû au rapprochement des molécules lors du passage de l’état liquide à l’état solide. Ceci est particulièrement vrai lors de la cristallisation des alliages pendant leur solidification dans le cylindre de coulée. Après injection de l’alliage liquide dans le cylindre, on obtient immanquablement au démoulage une pièce qui présente des défauts. Types de défauts Plusieurs types de défauts existent. Ceux en rapport avec la contraction de l’alliage sont les plus importants. La préparation de la mise en revêtement permet de les minimiser. Hétérogénéités chimiques Elles représentent des différences de composition chimique au sein de la pièce prothétique obtenue

après coulée. Effectuer les coulées à partir de plots d’alliage métallurgiquement stables rend pratiquement impossible la présence de ce défaut dans les pièces prothétiques coulées. En revanche, la réaction avec l’oxygène des alliages non précieux implique un appauvrissement en chrome dans les prothèses coulées ainsi que dans les masselottes récupérées, d’où une composition de la pièce différente de celle du plot d’alliage de départ. Se pose alors la question de la réutilisation des masselottes après coulée. Quel que soit l’alliage étudié (nickel-chrome ou cobalt-chrome), plus l’alliage est régénéré, plus la coulée présente de porosités, et plus les propriétés mécaniques et les caractéristiques microstructurales diminuent. Défauts dus à la contraction La contraction volumique est un phénomène qui apparaît lors du refroidissement des alliages (sauf pour quelques rares alliages). Elle ne poserait pas de problème si la contraction de l’alliage était constamment compensée par un apport de nouvel alliage (Fig. 9). En pratique, cela est impossible, l’alliage refroidit dans la totalité du moule aussi bien au niveau de la pièce prothétique que des masselottes, des canaux et des tiges de coulée, entraînant des défauts (Fig. 10, 11). Le déficit volumique apparaissant est provoqué par trois contractions différentes : • la contraction liquide, qui est la contraction en volume de la charge pendant le processus de refroidissement dans le domaine de tempéra-

Travail des alliages dentaires

293

Système de tiges de coulée

t0

Système de tiges de coulée

t0

Moulage

Moulage

t1

t1

t2

t2

t3

t3

t4

t4

Liquide

Solide

Retassure

Figure 9 Représentation schématique du durcissement idéal avec une alimentation constante du moulage (figure Hereaus Kulzer).

tures entre celle de la coulée et celle de liquidus ; • la contraction de durcissement, qui a lieu entre la température de liquidus et la température du solidus dans l’alliage ; dans cet intervalle de solidification, de l’alliage liquide et de l’alliage déjà cristallisé sont simultanément en présence ; le passage de l’état liquide à l’état solide est accompagné d’une forte perte en volume ; • la contraction solide, qui se produit quand l’alliage s’est solidifié en passant sous la température de solidus ; il poursuit sa contraction de façon continue pendant la suite du processus de refroidissement à la température ambiante (Fig. 12). Les espaces vides provoqués par la contraction de durcissement sont appelés selon leur taille des retassures ou des microretassures. Mis à part les retassures, des tensions peuvent apparaître dans le moule pendant le processus de refroidissement de l’objet en raison d’importants gradients de températures à l’intérieur du moule, qui proviennent de sa géométrie.

Liquide

Solide

Retassure

Figure 10 Représentation schématique du durcissement réel lors du refroidissement dans les tiges de coulée (figure Hereaus Kulzer).

Figure 11 Retassures dans un alliage dues à une nourrice sousdimensionnée (photo Cendres et Métaux).

Les tensions présentes dans le moule peuvent être éliminées par un traitement thermique d’homogénéisation. Recherche des causes et remèdes Il faut comprendre l’origine des « défauts de coulée » pour pouvoir y remédier. Plusieurs types de défauts et leurs remèdes vont être abordés.

294

P. Rocher et al. D Contraction liquide

Volumes spécifiques (cm3g-1)

C

Contraction de durcissement

Déficit volumique

B

A

Température ambiante

Contraction solide

Température (°C) Température de coulage Solidus Liquidus Domaine de durcissement

Figure 12 Changement de volume spécifique d’un alliage non eutectique en fonction de la température (figure Hereaus Kulzer).

Pièces coulées de manière incomplète (Fig. 13) • Quantité d’alliage insuffisante : elle doit être déterminée en pesant la maquette et le système de tiges de coulée en cire. • Température trop basse ou trop haute de l’alliage lors de la coulée : elle doit être égale à la température de liquidus de l’alliage augmentée de 80 à 150 °C. • Température de préchauffage du cylindre trop basse : elle est fonction de l’intervalle de fusion des alliages : environ 650 à 700 °C pour les alliages précieux, 780 à 820 °C pour les alliages précieux céramisables et les alliages non précieux.

Figure 13 Coulée incomplète en rapport avec une armature en cire trop fine (photo Cendres et Métaux).

Figure 14 Inclusions solides dues à une utilisation prématurée du revêtement (photo Cendres et Métaux).

• Temps de préchauffage du cylindre trop court : la température finale doit être maintenue 30 à 50 minutes avant la coulée. • Épaisseur de la couche de cire trop fine : elle doit être d’au moins 0,4 mm. • Mauvaise préparation du système de tiges de coulée : la longueur et le diamètre des tiges de coulée, le positionnement et le diamètre de la matrice ainsi que le diamètre des canaux d’alimentation doivent permettre un remplissage rapide du moule. • Augmentation de la teneur d’oxydes dans l’alliage : lors de la réutilisation de masselottes, il est nécessaire de les décaper et de respecter la quantité adéquate d’alliage neuf. Inclusions solides ou gazeuses dans l’alliage (Fig. 14) • Inclusions de revêtement : les cires doivent être lissées et ne pas présenter d’angles. Le revêtement doit être assez résistant et avoir terminé sa prise. La coulée ne doit pas être trop violente. • Inclusion de particules de céramique et/ou de graphite : les creusets doivent être bien entretenus et changés régulièrement. • Résidus de gaz au sein du revêtement : les revêtements liés au phosphate sont particulièrement denses. Pour permettre l’évacuation de l’air lors de la coulée, la surface lisse du cylindre doit être éliminée (cf. ci-dessous). • Mauvais réglage de la flamme : lors de la fusion à la flamme oxypropane, il faut fondre l’alliage en utilisant la zone réductrice de la flamme. • Surchauffe de l’alliage : iI ne faut pas surchauffer l’alliage car il peut absorber une quantité excessive de gaz qui provoque des porosités dans la coulée. Fracture de l’objet coulé (Fig. 15) • Fracture au moment du démoulage : le démoulage doit toujours se faire après refroidisse-

Travail des alliages dentaires

295 d’une paroi car une chauffe inhomogène du cylindre peut entraîner des craquelures. • Épaisseur trop faible de la couche de revêtement : une épaisseur minimale de 6 mm en tous points de la maquette doit être laissée pour garantir une résistance mécanique suffisante du revêtement lors de la coulée et éviter la fuite de l’alliage par le fond du cylindre. • Revêtement trop sec : une certaine humidité du revêtement est nécessaire pour obtenir une bonne élimination de la cire.

Figure 15 Fracture d’un alliage palladié démoulé à chaud à l’aide d’un marteau (photo Cendres et Métaux).

ment de l’alliage, en particulier pour les alliages à haute teneur en palladium qui sont fragiles à chaud. • Fragilisation par le soufre : les revêtements à liant plâtre ne doivent pas être chauffés à plus de 750 °C, sinon ils se décomposent en libérant du soufre qui rend fragiles les alliages contenant du platine et du palladium. Défauts de surface (Fig. 16) • Vide insuffisant lors du mélange du revêtement : si le vide n’est pas suffisant, des bulles d’air sont incorporées au revêtement. • Vibrations trop importantes lors de la coulée du revêtement : il faut limiter l’intensité des vibrations, voire pour certains revêtements ne pas utiliser de vibreur pour ne pas générer la formation de bulles. • Montée en température du revêtement trop rapide. La cinétique de montée en température doit être respectée pour éviter l’apparition de fissures. • Position du cylindre dans le four de préchauffage : le cylindre ne doit pas être trop près

Figure 16 Perles de coulée dues à un revêtement qui n’a pas été préparé sous vide (photo Cendres et Métaux).

Métallurgie des poudres Principe1,15 Le principe du frittage, ou sintérisation, est le pressage des particules de poudres métalliques pour favoriser de nombreuses zones de contact et les chauffer ensuite à une température proche ou supérieure aux deux tiers de leur point de fusion pour initier des apparitions de liaisons entre les particules. On obtient ainsi un matériau facile à mettre en œuvre et précis après frittage final (Fig. 17). En opposition à la technique de coulée, la sintérisation ne comporte aucune phase liquide. À ce jour, c’est une des deux méthodes, avec la fabrication par électrodéposition, permettant la conception de chapes pour reconstitutions céramométalliques en or pur. Mise en œuvre Préparation des particules Des microsphères de métal d’une dimension comprise entre 1 et 30 lm sont produites par un atomiseur. Celui-ci se présente comme une fondeuse à induction maintenant de l’or pur (99,9 % d’or et traces d’iridium, rhodium, tantale, fer) à l’état liquide dans un creuset. L’or liquide est déversé au travers d’un jet de gaz azoté qui le désintègre en

Figure 17 Étapes du frittage. A. Les particules sont en contact. B. Elles se lient par des ponts. C. Les ponts deviennent de plus en plus nombreux sous l’effet de la chaleur.

296

Enrobage La chape ainsi préparée peut être enrobée dans le matériau réfractaire approprié mélangé à de l’acétone pur. La première étape consiste à enduire l’extrados et à retourner l’ensemble pour noyer la cupule jusqu’aux limites cervicales dans un dôme de revêtement préalablement préparé sur un support réfractaire. Après séchage, le die est retiré délicatement. L’intrados est à son tour rempli du même revêtement, en prenant soin de bien déborder pour que l’enrobage soit total. Frittage Le cycle de frittage doit être scrupuleusement respecté. Il conditionne directement la qualité de la chape (son homogénéité), ainsi que les propriétés mécaniques de l’alliage obtenu. La température finale est de l’ordre de 1 000 °C.

Cuisson de la céramique L’or pur sintérisé peut être recouvert par toutes les céramiques compatibles avec les alliages dont le CDT est compris entre 13,8 et 15,2 10–6/ °C à 600 °C. Aucun liant n’est nécessaire puisque l’accrochage est assuré par l’aspect rétentif de la surface.

Électrodéposition Principe16 L’électrodéposition consiste à déposer une couche de métal par l’action du courant électrique dans un bain électrolytique nommé aussi solvant. Le duplicata conducteur du modèle positif est placé en cathode (pôle négatif). Un régulateur permet de doser l’intensité de courant circulant entre l’anode (pôle positif) et le duplicata. Le bain est chargé de molécules de sels d’or qui, sous l’effet du courant, se décomposent en deux ions. II existe des ions positifs (cations), ici l’or (Au+), qui se déposent sur le modèle dupliqué et des ions négatifs (anions) qui se déposent sur l’anode (Fig. 18). Dès la mise sous tension, les ions négatifs migrent vers l’anode et les ions positifs (Au+) migrent vers le modèle dupliqué, où ils récupèrent les électrons manquants et se transforment en or stabilisé. Ce mécanisme appelé galvanisation crée un dépôt métallique uniforme qui prend ensuite la forme d’une chape régulière dont l’épaisseur est fonction du temps et de l’intensité du courant. Cathode (-)

Anode (+)

Modelage de la cupule Après avoir apposé les couches d’espaceur et isolé le die de façon habituelle, la feuille de pâte métallique prélevée est appliquée sur celui-ci en sorte que la jonction soit située sur la face palatine. La jonction des bords est réalisée avec une spatule légèrement chauffée. La cupule est ensuite brunie délicatement pour appliquer uniformément la feuille sur les parois du die. Sa forme définitive est réalisée par petits apports successifs de matière à chaque fois soudés à la masse déjà présente avec une spatule tiède.

Après refroidissement, l’élément dégagé révèle une couleur or naturelle, il est nettoyé à l’eau et aux ultrasons et ne doit présenter aucun défaut.

Anode (+)

microparticules, dans un réservoir où il est refroidi par une brumisation d’eau. La solidification instantanée de l’or en fusion provoquée par le gaz azoté (l’atomisation) le fige en microsphères stables au niveau de leurs formes et leurs dimensions. Après séchage et tamisage, les particules d’or sont mélangées à un liant organique et compressées dans un moule qui restitue une feuille d’une épaisseur de 0,35 mm, souple et manipulable comme une feuille de cire. La structure à « microsphères » dont est doté le matériau favorise un empilement particulièrement dense qui lui donne une précision d’adaptation remarquable après sintérisation. Ce processus s’effectue sous atmosphère dans un four à céramique conventionnel et ne demande donc aucun matériel spécifique. Au début de la sintérisation, les sphères se lient entre elles par des petits ponts. Sous l’action de la chaleur, les liaisons deviennent plus franches pour atteindre une structure homogène tout en conservant une surface rugueuse, propice à l’accrochage micromécanique de la céramique.

P. Rocher et al.

Électrolyte

mA

Alimentation électrique courant continu redressé

Figure 18 Sous l’action d’un courant électrique, les molécules d’or se scindent en deux Au+ qui se déposent sur la cathode et un électron qui migre vers l’anode.

Travail des alliages dentaires

297 galvanisée. Cette solution d’argent assure la transmission du courant sur toute la surface où elle est appliquée. Il est aussi nécessaire d’établir le contact avec la tige de cuivre. Enfin, une gaine de plastique est enfilée sur la tige de cuivre jusqu’au die en plâtre. Cette gaine en plastique va se rétracter sous l’effet de la chaleur et assurer un rôle d’étanchéité (Fig. 20).

Figure 19 Préparation du modèle positif unitaire (photo Hereaus Kulzer).

Mise en œuvre

Mise en place dans l’appareil et électrodéposition La tige de cuivre est insérée dans le couvercle de l’appareil. Celui-ci est repositionné sur l’appareil et verrouillé correctement afin d’éviter tout risque de fuite. La durée du cycle et l’intensité électrique sont choisies. Ces paramètres déterminent l’épaisseur de la chape. Suivant le nombre de modèles à traiter et l’épaisseur souhaitée, la durée du cycle est de 5 à 20 heures (Fig. 21).

Préparation du modèle positif unitaire La précision extrême de la technique de galvanoplastie ou électrodéposition peut parfois poser des problèmes ; en effet, tous les détails de la préparation sont reproduits, détails désirables ou indésirables. Le technicien de laboratoire doit corriger sur le modèle positif unitaire les éventuelles imperfections et contrôler les zones de frictions futures, et le cas échéant les zones de contre-dépouille (Fig. 19). Réalisation d’un duplicata Une fois préparé, le modèle positif unitaire peut être dupliqué. Chaque modèle positif unitaire est placé dans un moule en plastique destiné à contenir le matériau de duplication en silicone. Après positionnement correct, du silicone est coulé. Ensuite, le duplicata est coulé en plâtre spécifique destiné à la technique de galvanoplastie. Ce plâtre doit pouvoir se décomposer (sous l’action d’un bain de rinçage éventuellement associé à des ultrasons) une fois la phase de galvanisation terminée. Préparation du duplicata Après avoir contrôlé la qualité du duplicata, un petit orifice de quelques millimètres de profondeur est percé à l’aide d’une fraise cylindrique à quelques millimètres au-dessous de la limite cervicale. Une tige de cuivre est insérée dans cet orifice. Une goutte de colle placée à son extrémité assure le contact électrique. Ensuite, l’ensemble de la préparation est recouverte au pinceau d’une fine couche de solution d’argent. Une zone oubliée ou une arête insuffisamment recouverte peut avoir pour conséquence un trou une fois la chape finie et

Figure 20 Duplicata recouvert d’une laque d’argent et connecté à l’électrode (photo Hereaus Kulzer).

Figure 21 Mise en place des duplicatas préparés dans le système d’électrodéposition (photo Hereaus Kulzer).

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P. Rocher et al.

Figure 22 Ajustage et finition de la chape (photo Hereaus Kulzer).

Ajustage et finition de la chape La galvanisation finie, le plâtre est dissout. Le peu de plâtre restant dans l’intrados de la chape est éliminé par un sablage doux. Celui-ci doit également éliminer toute trace de solution d’argent. En effet, des résidus d’argent, si minimes soient-ils, pourraient migrer dès la première cuisson dans la structure aurifère et en abaisser le point de fusion qui s’approcherait trop de celui de la céramique et par conséquent entraîner de gros risques pour la suite du travail (Fig. 22). La galvanisation de l’or se produisant toujours en trois dimensions, les limites des préparations se trouvent légèrement recouvertes ; mais il est aisé, en observant l’intrados, de situer les limites. L’ajustage se fait à l’aide d’une fraise caoutchouc assez tendre. Il ne s’agit pas réellement d’un ajustage, il faut simplement diminuer et réduire le surplus de métal déposé au-delà de la limite cervicale. Après correction, la chape descend d’ellemême sur la préparation sans aucun autre fraisage ou ajustage de l’intrados. L’épaisseur de la chape varie de 0,15 à 0,4 mm (Fig. 23). Cuisson de la céramique Après rectification du bord vestibulaire de la chape en vue de l’épaulement céramique, la chape est plongée dans un bain d’acide fluorhydrique afin d’éliminer toute trace de graisse et autres contaminations. Une couche d’agent de liaison est appliquée sur toute la surface de la chape, car l’or pur à 99 % ne peut produire suffisamment d’oxyde. Pour l’adhérence de la céramique, il est nécessaire d’apporter artificiellement ces oxydes. Certains agents de liaison sont composés d’or et de céramique, ce qui permet, en complément de la liaison chimique, d’assurer une liaison mécanique par l’intermédiaire des particules de céramique.

Figure 23 Chape terminée (photo Hereaus Kulzer).

Façonnage des métaux Soudage et brasage des alliages dentaires17,18,19,20,21,22 Les assemblages par soudage ou brasage sont utilisés en odontologie pour joindre des parties entre elles ou des éléments entre eux, tels que : • assemblage de plusieurs couronnes ou d’éléments d’un bridge ; • assemblage de bagues, crochets ou fils d’orthopédie dentofaciale ; • réparations en prothèse adjointe : plaques coulées, crochets ; • réparations en prothèse conjointe : perforations de couronnes, fractures de bridges ; • positionnement d’attachements conjoncteurs ; • assemblages primaires et secondaires en technique céramométallique. Brasage En métallurgie, le brasage est le processus thermique qui permet de joindre deux pièces métalliques par un apport de métal, la brasure. Ce procédé est couramment utilisé dans l’application dentaire. Son succès dépend de la bonne diffusion des alliages en présence, ce qui implique une certaine affinité entre l’alliage de base et la brasure qui doit présenter de bonnes propriétés mécaniques. Le point liquidus de la brasure doit être suffisamment inférieur au point solidus du métal de base pour que ce dernier conserve son état solide et ne se déforme pas lors du brasage. L’utilisation de désoxydants de surface, appelés fondants, permet un meilleur étalement de la brasure.

Travail des alliages dentaires Étude de la liaison La liaison par brasage est réalisée par la création localisée d’un nouvel alliage : il y a diffusion entre le métal liquide et le métal solide de base. Dans un premier temps, le mouillage permet un rapprochement étroit entre les atomes qui échangent des électrons périphériques. L’élévation de température favorise le mouvement des atomes qui vont ainsi former un nouveau composé de liaison par dissolution : c’est le phénomène de diffusion. Cela aboutit à la formation de zones caractéristiques : la zone médiane et la zone interfaciale. L’importance relative de ces couches varie en fonction : • de l’épaisseur du joint ; • de la température de brasage ; • du temps de maintien à cette température. Caractéristiques des brasures dentaires L’intervalle de fusion de la brasure doit être inférieur à celui des parties à braser, en général de 100 °C. Il est réglé par la composition de la brasure elle-même. La composition des brasures doit être telle qu’elles puissent s’écouler facilement après fusion. Les facteurs qui conditionnent l’écoulement sont liés à la fluidité, à la tension superficielle et à la capacité de la brasure à adhérer aux pièces. Une brasure qui adhère trop aisément risque de pénétrer le métal au lieu de couler le long de sa surface. À l’inverse, une brasure s’écoulant aisément « mouille » facilement et rapidement des surfaces métalliques propres. Elle pénètre dans les petites anfractuosités et se concentre aux points de contact par pénétration capillaire. Porosités (ou piqûres). La fusion de la brasure ne doit pas causer de porosité au niveau du joint. Or, il s’agit là d’un défaut fréquemment observé dans ces techniques d’assemblage. Les porosités sont dues habituellement à une technique incorrecte ou à une brasure contenant trop de métaux vils qui, surchauffés, se volatilisent, leurs vapeurs créant des piqûres. Les porosités sont également bien souvent liées à la distance ou à l’espace vide séparant les deux pièces à braser (Fig. 24). Si l’opération de chauffage est excessivement prolongée, le fondant se sature en oxydes et prend la formulation d’un verre de bore, dont la viscosité l’empêche d’être repoussé de la zone de jonction par la pression capillaire exercée par le métal liquide. Il subsiste alors des inclusions de fondant. La résistance de la brasure doit être au moins aussi grande que celle des parties à braser. La dureté et la résistance des brasures d’alliages d’or augmentent quand la teneur en or (titre) diminue.

299

Figure 24 Formation de porosités de rétraction dans le métal d’apport en raison d’un interstice de brasage trop important (photo Cendres et Métaux).

Aspect de la brasure. La brasure doit s’assortir aux parties à braser. Quand la technique de brasage est correcte, le joint, après polissage, doit demeurer invisible. Résistance à la ternissure et à la corrosion et biocompatibilité. La brasure peut être soumise à plusieurs types de corrosion, notamment à haute température, mais également en milieu humide (cavité buccale). Pour les métaux précieux, un titre en or élevé constitue une bonne prévention contre la corrosion en milieu humide. Dans les autres cas, le choix de la brasure dépend de la nature des réalisations à effectuer : titre inférieur en prothèse adjointe pour ne pas sacrifier la résistance mécanique ou pour les appareils orthodontiques de nature temporaire. Composition des brasures Deux cas de figure se présentent ; le brasage homogène ou le brasage hétérogène. Le brasage est homogène lorsque l’alliage de base et la brasure sont à base du même métal. C’est le cas des alliages précieux : les brasures d’alliages précieux sont à base d’or. Le brasage est hétérogène lorsque l’alliage de base et la brasure sont de nature différente. Cette solution est souvent proposée pour les alliages non précieux. Malgré les progrès importants pour l’élaboration de brasures à base de nickel et d’or, le brasage des alliages non précieux provoque une oxydation et, par conséquence, une corrosion qui rend le résultat aléatoire. Ainsi, pour l’assemblage des alliages non précieux, la méthode de soudage serait préférable. Afin de faciliter le choix de la brasure, les fabricants d’alliages établissent des tableaux de correspondance entre l’alliage de base et l’alliage d’apport. Ces tableaux tiennent compte de l’écart entre la température de brasage et la température de solidus de l’alliage.

300 Cas des brasures pour alliages précieux. Les compositions de ces brasures « à l’or » sont variables et elles contiennent également du platine, du palladium, mais aussi de l’argent, du cuivre, du zinc et de l’étain pour en abaisser le point de fusion. Les proportions sont les suivantes : • or : de 65 à 80,9 % ; • argent : de 8,1 à 16,3 % ; • cuivre : de 6,8 à 16,4 % ; • zinc : de 2,1 à 3,9 % ; • étain : de 1,7 à 3,1 %. Les températures de fusion peuvent varier de 745 à 940 °C selon la composition. Le cuivre abaisse la température de fusion et améliore également la tenue de l’alliage. L’argent améliore la diffusion et l’étalement de la brasure et contribue à en éclaircir la couleur. Le zinc et l’étain abaissent la température de fusion. Le nickel peut remplacer le cuivre si un alliage plus « blanc » est souhaité. Cas des brasures pour éléments céramométalliques. Ces brasures primaires doivent résister aux températures élevées de cuisson et glaçage des porcelaines. Pour ces raisons, elles contiennent plus de métaux précieux, et moins d’étain et de zinc. Elles ne doivent pas non plus contenir de cuivre ou d’argent qui risquent d’entraîner des colorations verdâtres dans la porcelaine. Cas des brasures dites « à l’argent ». Elles contiennent en général de 10 à 80 % d’argent, de 15 à 50 % de cuivre, de 4 à 35 % de zinc et, en faibles quantités, du cadmium, de l’étain et du phosphore pour abaisser la température de fusion. Fondants et antifondants (ou flux et antiflux) • Borax : c’est le fondant habituellement employé pour les brasures pour alliages précieux. Il est obtenu à partir de borax déshydraté (Na2B4O7), d’acide borique (H3BO3) et de silice (SiO2). Le borax en fusion est un excellent désoxydant de surface, permettant ainsi un meilleur étalement de la brasure. Il peut être utilisé sous forme de poudre, de pâte, de suspension dans de l’alcool. Le fondant est appliqué avant la brasure. Appliqué en excès, il peut entraîner une brasure poreuse. • Fondant à base de fluorures : ils sont utilisés pour les alliages contenant du chrome. Les fluorures sont, en effet, les seuls à pouvoir dissoudre convenablement les oxydes de chrome. La composition de ces flux est en général à base de fluorures de potassium, d’acide borique, de borax minéral, de carbonates de sodium et de silice. • Antifondant : il permet de limiter l’écoulement de la brasure et de la confiner précisément dans la zone où elle est souhaitée. Le

P. Rocher et al. graphite (pointe de crayon au plomb) constitue un excellent antiflux. Dans les cas de hautes températures ou de chauffages prolongés, on peut employer une suspension de rouge anglais (oxyde ferrique déshydraté) ou de carbonate de calcium (blanc d’Espagne), en suspension dans l’alcool. L’antifondant est appliqué sur les pièces, pour circonscrire la zone à braser, avant l’application du fondant sur les surfaces à braser. Manipulations. Techniques de brasage Le brasage avec mise en revêtement a, pour principe, une clé d’occlusion des éléments à braser réalisée sur le modèle de référence (Fig. 25). La surface de brasage minimale est de 6 à 8 mm2, pour opposer une résistance suffisante aux contraintes de torsion et de flexion. Si un bridge doit être sectionné, il est préférable, dans la mesure du possible, d’effectuer la découpe en travers d’un élément intermédiaire massif pour augmenter la surface de brasage. L’ensemble est extrait avec soin de ce modèle et investi dans un revêtement réfractaire (Fig. 26). La masse de matériau réfractaire doit être aussi petite que possible pour éviter qu’elle n’absorbe la chaleur de la pièce à braser. La cire est éliminée à l’eau bouillante. Le revêtement est chauffé et les éléments à braser portés à température de fusion avec une flamme air-gaz. La brasure est alors effectuée. Une appréciation correcte de la distance qui doit séparer les éléments à braser est importante pour empêcher les éventuelles déformations. Cette distance est liée à trois facteurs : • la dilatation thermique du revêtement pendant le chauffage ; • la dilatation thermique des pièces d’alliage ; • le retrait de la brasure pendant sa solidification. Au plan pratique, il convient donc de veiller à ce que les parties à braser ne soient pas en contact

Figure 25 Clé d’occlusion prise sur le modèle de référence (photo Cendres et Métaux).

Travail des alliages dentaires

301

avant que le chauffage du revêtement n’intervienne. Un espace de l’ordre 0,05 à 0,20 mm paraît idéal pour favoriser l’aspiration par capillarité de la brasure dans la séparation (Fig. 27). Si l’espace est plus large, il faut y introduire un morceau d’alliage de base pour le réduire. Une épaisseur irrégulière de brasure favorise la formation de porosités qui

Figure 26 La pièce prothétique est investie dans un revêtement réfractaire (photo Cendres et Métaux).

Largeur de joint (0,05-0,2 mm) Joint

Alliage

Brasure

affaiblissent la résistance de la liaison. Elles peuvent également être responsables de la formation de bulles lors de la cuisson de la céramique. Il ne faut pas enfouir trop profondément dans le revêtement les pièces à braser, afin de laisser accéder la partie chaude de la flamme au point de métal qui doit être le plus chaud. Pour le brasage proprement dit, le bloc revêtement/pièces à braser peut, soit être chauffé directement à la flamme, soit être soumis à un préchauffage qui permet d’éviter les risques de fragilisation ou de fissuration du revêtement pendant les opérations de brasage. Le préchauffage sert également à déshydrater le revêtement et à limiter son expansion thermique. Le chauffage excessif d’un revêtement peut entraîner une contamination sulfurée de l’alliage et de la brasure. Après cette première période de chauffage, le fondant est étalé, uniquement sur l’emplacement où sera déposée la brasure. Le chauffage des pièces à braser est alors repris graduellement avec une flamme réductrice jusqu’à ce que le fondant coule. La température est ensuite amenée à la température de brasage. La brasure est alors déposée. La flamme du chalumeau est dirigée depuis le côté opposé à l’apport de la brasure pour que celle-ci soit aspirée vers la partie chaude et remplisse parfaitement l’espace à braser. Si l’opération est convenablement menée, la brasure doit s’écouler spontanément et uniformément (Fig. 28). Si la brasure ne coule pas immédiatement et régulièrement, il est préférable d’interrompre aussitôt l’opération. Il faut dégager au plus tôt la pièce métallique du matériau réfractaire pour accélérer son refroidissement, sans la plonger dans l’eau et la laisser refroidir jusqu’à température ambiante. Après brasage, le flux, en refroidissant, peut laisser une pellicule vitreuse. Ce dépôt est facilement éliminé par sablage.

Zone de diffusion

B Figure 27 Les surfaces à braser doivent être parallèles l’une à l’autre et distantes de 0,05 à 2 mm pour favoriser l’aspiration par capillarité de la brasure (A, B) (photo Cendres et Métaux).

Figure 28 La brasure doit s’écouler spontanément et uniformément dans l’espace à braser (photo Cendres et Métaux).

302 Dans certains cas, comme les brasures secondaires de prothèses céramométalliques, on peut être amené à braser secondairement des éléments céramométalliques préalablement élaborés : • les éléments antérieurs et les éléments intermédiaires sont céramométalliques et les éléments postérieurs entièrement métalliques ; • exigences esthétiques particulières pour les embrasures des secteurs antérieurs ; • lorsque l’adaptation est défectueuse lors de l’essayage, il peut être nécessaire de sectionner les éléments qui sont alors repositionnés in situ. Il est à noter que ce type de brasage ne peut être réalisé sur les alliages à base palladium sans argent à cause de la formation importante d’oxydes qui empêche une diffusion suffisante. Il faut, pour ces alliages, se limiter aux brasages primaires. La difficulté de l’assemblage réside essentiellement dans le fait que la céramique a été réalisée avant le brasage. Le plus délicat est de s’assurer, avant la mise en revêtement, que toutes les surfaces de porcelaine soient recouvertes d’un film de cire afin que le revêtement ne puisse absolument pas entrer en contact avec elles. Il en est de même avec le flux qui ne doit être appliqué que sur les seules zones métalliques concernées par le brasage et ne doit, en aucun cas, être en contact avec la porcelaine. Un non-respect de ces précautions entraîne des risques de fracture ou de décoloration de la céramique. Les brasures sont plus résistantes si elles sont effectuées dans un four : • préchauffer l’ensemble pendant 10 minutes sur le plateau du four stabilisé à 450 °C ; • positionner les paillons de brasure, préalablement enduits de décapants, dans les espaces à braser ; • après un nouveau préchauffage de 10 minutes, procéder à un cycle de cuisson sous vide en élevant la température de 55 °C par minute jusqu’à dépasser de 60 à 80 °C le point liquidus de la brasure ; • lâcher le vide et stabiliser une minute à cette température finale pour permettre une bonne diffusion. Ensuite, l’ensemble est rapidement sorti du four et la pièce métallique aussitôt dégagée du matériau réfractaire pour éviter un déséquilibre entre les coefficients de dilatation thermique et des risques d’éclatement de la céramique. Les causes d’insuccès sont : • un mauvais réglage de la flamme : chauffe insuffisante (flamme oxydante) ; • un nettoyage insuffisant des pièces : la brasure se met en boule (oxydation) ;

P. Rocher et al. • un fondant inefficace ; • une interface incorrecte : moins la distance entre les pièces est grande, plus la brasure y est attirée (action capillaire). Cependant, une interface trop étroite peut également contribuer à augmenter la porosité de la jonction. L’écoulement de la brasure est influencé par la pesanteur, la température, la capillarité et les forces d’adhésion. La brasure se dirige toujours vers la zone de température la plus élevée. La flamme pointue est donc utile ; elle permet d’orienter l’écoulement de la brasure. Certaines opérations de brasage peuvent être effectuées « à main levée » (brasage à main levée) pour l’assemblage d’appareillages orthodontiques par exemple. Les sources de chaleur restent essentiellement le chalumeau air-gaz, le bec Bunsen ou, mieux, des petites torches à recharges. Les brasures se présentent soit en plaque ou en ruban, dont on découpe des paillons de 1 à 2 mm de largeur sur 2 à 4 mm de longueur, soit sous forme de tubes, le fondant étant inclus à l’intérieur (brasures au palladium). Le maintien des pièces en contact se fait soit simplement par juxtaposition des deux extrémités des fragments se recouvrant l’un l’autre, soit par ligature avec un fil de liasse, soit par précelles à souder à serrage automatique. Pour garder la liberté des deux mains, il est possible de poser les pièces à braser sur un petit support réfractaire prévu à cet effet. La technique de brasage est simple : • le matériel est préparé : bloc d’amiante ou support réfractaire, précelles, paillons de brasure, source de chaleur ; • la pièce à braser, tenue par les précelles ou non, est chauffée sans interruption (flamme courte) ; • quand le métal est de couleur rouge orangé assez clair, les paillons y sont déposés ; • la brasure coule parfaitement, d’elle-même, dans la zone à braser ; c’est la chaleur du métal qui doit faire fondre la brasure. Cas des fils minces en orthodontie : ils doivent être fermement maintenus en contact pour éviter un risque de rétrécissement de la section transversale de la zone brasée sous l’effet de la tension superficielle de la brasure. Il en résulte une perte de résistance de la jonction brasée. Les fils peuvent, par ailleurs, être très facilement soumis à une surchauffe exagérée qui leur fait perdre toutes leurs propriétés mécaniques. L’emploi de torches orthodontiques spécifiques, avec des flammes en forme de dards minuscules permettant le chauffage de zones ponctuelles, est

Travail des alliages dentaires particulièrement recommandé. La surchauffe incontrôlée d’un fil d’acier inoxydable entraîne une précipitation de carbures qui se traduit par un adoucissement du métal et donc une perte de ses qualités. Propriétés • Structure de la jonction brasée. L’union de la brasure aux pièces à braser est le résultat d’une adhésion par liaison métallique primaire. Le mode de chauffage influe sur la résistance des jonctions brasées (une surchauffe rend le métal beaucoup plus mou). • Traitement thermique. Les brasures pour alliages précieux sont généralement très sensibles à un traitement de durcissement thermique, notamment en ce qui concerne la réduction de leur ductilité. Un durcissement des brasures peut être observé par précipitation immédiate des pièces brasées dans l’eau. Il y a cependant un risque de déformation. Il est possible de trouver un compromis et de procéder comme suit : après brasage, on laisse refroidir pendant 5 minutes, puis on trempe les pièces. On réduit ainsi au minimum les risques de déformation et on améliore les propriétés mécaniques sans pour autant réduire le pourcentage d’allongement. • Résistance des zones brasées. Elle est, rappelons-le, fonction de l’espace libre entre les éléments au moment du brasage. Si cet espace est un peu trop grand, la brasure peut le « combler », mais, à l’état fondu, elle tend à se rassembler en gouttelettes en raison de sa tension superficielle. Il s’ensuit une mauvaise solidarisation. De plus, si l’espace est vraiment trop important, l’action de la tension superficielle peut diminuer la section transversale de la brasure. Soudage autogène ou soudage électrique par « points » Généralités Le soudage électrique est essentiellement réservé aux aciers dans la confection de bagues orthodontiques et d’arcs avec fils ou points d’ancrages soudés. Ce procédé permet de réunir deux pièces sans chauffage de la totalité du métal, donc sans risquer d’altérer ses propriétés mécaniques et sans risquer d’oxyder à chaud les pièces à souder. Cette soudure s’effectue par plastification en des points précis des deux pièces à assembler. Les deux pièces métalliques sont réunies par interpénétration des trames cristallines à l’occasion d’une

303 fusion superficielle et localisée des surfaces en contact, par effet Joule. Principe Les deux pièces à unir sont serrées entre deux électrodes de cuivre parcourues par un courant de fort ampérage (de 250 à 750 A), mais sous basse tension (de 2 à 6 V), pendant un temps déterminé (de 0,02 à 0,04 seconde). La résistance des pièces en acier étant supérieure à celle des électrodes de cuivre, il se produit un important dégagement de chaleur qui entraîne une fusion superficielle, localisée au point de contact. Les deux électrodes sont l’une mobile, l’autre fixe. Une pression peut être exercée pendant le passage du courant. Soudeuses électriques Ce sont des appareils simples qui comprennent principalement : • un transformateur branché sur le courant secteur, 220 V pour 10 à 15 A ; ce transformateur produit un courant de sortie de 200 à 300 A sous un faible voltage (de 2 à 6 V) ; • un rhéostat, qui permet de modifier l’intensité ; • deux électrodes, branchées sur le secondaire du transformateur, en cuivre rouge (faible résistance), qui vont en s’affinant vers leur extrémité ; elles doivent être propres, de surface réduite, sur le même axe ; • une pédale, qui va assurer le contact sous pression entre les pièces à souder, par l’intermédiaire des deux électrodes, et le contact électrique qui permet le passage du courant. Technique de soudage par points Un affûtage à la lime des électrodes est préalablement effectué. Les pointes des électrodes ne doivent pas être trop pointues, elles risqueraient de trouer le métal par brûlure. À l’inverse, des électrodes trop arrondies offrent une surface trop importante ; la chaleur obtenue est insuffisante pour pratiquer un soudage. Le métal est détrempé sans soudage. Pour la préparation de la jonction à souder, les pièces doivent être propres, exemptes d’oxydation (notamment de salive ou de sang). Un recouvrement réciproque des deux bords sur une distance de 1 mm est aménagé. Les points de soudure sont appliqués dans la limite de cette zone et disposés en quinconce. La pression des électrodes et l’intensité du courant sont réglables sur la soudeuse. Elles doivent varier suivant l’épaisseur des pièces à souder. De plus en plus, le réglage de la pression et du temps de passage est effectué automatiquement sur les soudeuses de dernière génération.

304 Détails pratiques : la surface de contact au niveau de la zone de soudage doit être suffisante pour pouvoir appliquer les électrodes car l’étendue de cette surface peut modifier la résistance. Si la surface est petite, la résistance est élevée, et vice versa. Si la surface est faible, la chaleur engendrée est plus grande et la soudure est insuffisante au plan de la résistance mécanique. Si la surface est trop grande et les électrodes arrondies, par défaut d’affûtage, la chaleur dégagée est insuffisante pour souder et l’on risque le détrempage du métal sans soudage. La pression des électrodes doit être également suffisante : une pression insuffisante entraîne une soudure incomplète. La résistance peut augmenter à un point tel que la soudure risque de se produire entre les électrodes et les parties à souder au lieu d’intervenir au niveau souhaité. À l’inverse, à une pression plus élevée correspond une chaleur plus faible, ce qui permet d’éviter les surfusions ou les brûlures. Il convient donc de veiller à : • un réglage convenable de l’intensité ; l’obtention d’un point de soudure bleuté se traduit par une désolidarisation des pièces : l’intensité est trop faible ; en revanche, un point noir avec son centre perforé est le résultat d’une trop forte intensité ; • obtenir un maximum de pression au point de soudure ; • avoir des électrodes en cuivre non dur, qui, sous l’effet de la pression, peuvent « épouser » très localement les surfaces à souder et assurer ainsi une surface optimale permettant d’atteindre une bonne soudure à l’interface des deux pièces. La pression des électrodes doit être, en outre, suffisante pour éviter tout déplacement de la jonction lors du passage du courant. Il risque de se produire un arc électrique si la différence de potentiel est trop élevée et si les parties à souder n’ont pas un contact intime. Il survient une décharge électrique dans la zone d’air entre les parties à souder. La température de l’arc électrique est très élevée et les parties métalliques en présence en subissent les effets ; elles fondent ou brûlent. Autour de l’impact, le métal va recristalliser avec un grain grossier, ce qui donne un métal fragile. La formation d’arcs électriques ou d’étincelles est à éviter en veillant à ce que les extrémités des électrodes appuient complètement et fermement sur toute la surface intéressée. Propriétés • Structure métallographique : le point de soudure est caractérisé par une structure granu-

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Figure 29 Structure métallographique d’un joint soudé. 1. Structure granulaire équiaxe ; 2. zone de recristallisation ; 3. zone périphérique du point de soudure ; 4. surface.

laire équiaxe, par opposition à la structure dirigée, conférée au métal par le laminage. Il y a eu recristallisation immédiate autour du point de fusion partielle (Fig. 29). En cas de courant excessif au moment du soudage, on assiste à un grossissement granulaire complet avec inclusion d’oxydes, ce qui donne une très mauvaise soudure. • Résistance à la rupture : lorsque l’opération de soudure a été correctement réalisée, les jonctions soudées se fracturent rarement au travers des points de soudure. La résistance à ce niveau dépend essentiellement de la structure métallographique obtenue dans le pourtour du point de soudure lui-même. Le phénomène de fissuration à froid est le défaut le plus redouté. Son apparition est essentiellement provoquée par une structure martensitique dans la zone affectée thermiquement et la zone de liaison. • Résistance à la corrosion-biocompatibilité : les jonctions par soudage d’aciers inoxydables peuvent se corroder en bouche. Du fait de la température atteinte au moment du soudage, il peut se produire une précipitation rapide de carbures de chrome dans la région soudée, ce qui va entraîner une diminution de la passivité naturelle du métal. Ces zones de précipités peuvent, en outre, constituer des zones de faiblesse mécanique de l’alliage. Une hypertrempe permet de remédier à ce phénomène. L’utilisation d’aciers stabilisés au titane ou au niobium empêche la formation de carbures de chrome. • La différence de structure granulaire entre le métal et la zone soudée peut être à l’origine de la formation de micropiles, génératrices ellesmêmes de pigmentations et de colorations du métal. La diffusion d’ions métalliques dans le milieu vivant peut par la suite, localement, se

Travail des alliages dentaires traduire également par des pigmentations gingivales. L’imperfection des jonctions à certains points de soudure peut entraîner des risques de corrosion localisée par crevasses en milieux occlus ou confinés par installation d’une aération différentielle, à laquelle les aciers sont particulièrement sensibles. Soudure au laser Cette technique semble pouvoir se présenter actuellement comme une solution de remplacement potentielle des procédés de soudage classiquement utilisés en odontologie. Mode de fonctionnement La soudeuse au laser est composée d’un dispositif laser (light amplification by stimulated emission of radiation, amplification de la lumière par émission stimulée de radiations), de composants optiques pour guider le faisceau et d’une zone de travail pour permettre la manipulation et le positionnement de la pièce à souder (Fig. 30). Le laser produit une onde lumineuse cohérente d’intensité élevée qu’il est possible de concentrer en des points précis. En choisissant la durée d’émission et l’intensité adéquates, la fusion de métaux peut être obtenue sur des zones extrêmement petites, sans risquer la propagation de modifications microstructurales alentour. Dans la technique de soudage au laser, le rayon est focalisé au niveau de la jonction des deux pièces, de façon à faire fondre simultanément les deux surfaces opposées. Compte

Figure 30 Soudeuse laser (photo Hereaus Kulzer).

305 tenu de la température très élevée obtenue localement, de sa diffusion et du changement d’état qui s’ensuit, les deux surfaces, ayant atteint la fusion complète, entrent en contact intime, se mélangent et forment une soudure parfaite après solidification. Le travail est contrôlé visuellement sous un stéréomicroscope à un grossissement × 25 permettant une précision de l’ordre du demi millimètre. Les soudeuses au laser sont compactes et doivent être équipées d’un système de captage intégré de façon à ne pas émettre de gaz ou de poussières dangereux. Elles fonctionnent sur le voltage standard du secteur. Il est nécessaire de relier l’unité à une bonbonne de gaz protecteur argon amené par un conduit sur la zone de travail afin d’éliminer l’oxygène et prévenir ainsi la formation d’oxydes pendant l’opération de soudage, ce qui est essentiel lorsque l’on soude du titane et du chrome. Applications Les trois principales applications d’une soudeuse laser sont les suivantes : • connecter deux composants ; • effectuer des ajouts de matériau (par exemple, combler un défaut, rajouter un contact) ; • rectifier les distorsions de bridges (déformer, ajuster). Cette dernière rectification est possible car la soudure liquéfie le métal et, au moment de la solidification, il se produit une petite rétraction qui réduit la largeur du raccord et tire légèrement les composants (phénomène connu sous le terme de gauchissement). La force d’un faisceau laser est déterminée par trois paramètres : • la puissance du faisceau, mesurée en kW et réglable ; • le foyer correspondant au diamètre du faisceau, qui peut également être réglé ; un diamètre inférieur produit un faisceau plus puissant ; le faisceau émis par la soudeuse au laser n’est pas constant, il est pulsé ; • la durée de l’impulsion, qui peut être allongée pour accroître le volume mélangé et le temps de solidification ; le rythme de répétition de l’impulsion (nombre d’impulsions par seconde) peut aussi être modulé. Critères de réussite Pour une soudure solide et de qualité, il est important d’adapter les paramètres à l’alliage. Le faisceau laser doit pénétrer les trois quarts de la zone à souder. Une soudure trop solide constitue un noyau affaibli et une soudure insuffisamment forte soude seulement partiellement la zone, constituant un

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raccord faible. La qualité de la soudure est également affectée. Des alliages différents nécessitent des combinaisons de paramètres différentes. Par exemple, les alliages nickel-chrome et les chrome-cobalt sont plus durs (point de fusion plus élevé) et nécessitent donc une durée d’impulsion plus longue. Les alliages d’or ont un point de fusion plus bas et requièrent donc une durée d’impulsion plus courte. Une fois les paramètres déterminés, l’opérateur doit faire preuve de grandes compétences pour réussir des soudures correctement ordonnées et localisées. Exemple d’application Un des risques lors de la coulée des alliages est d’avoir une contraction incontrôlée qui est susceptible d’entraîner des défauts (cf. ci-dessus). Ceux-ci peuvent se traduire, pour une armature de bridge de grande portée, par de légères distorsions qui empêchent son ajustage passif. Pour remédier au problème, le technicien de laboratoire est alors obligé de le couper puis de resolidariser les morceaux. Cela peut être fait par brasage ou soudure laser. Il est nécessaire de disposer d’une large zone de contact entre les deux segments lorsqu’ils sont replacés sur le modèle avant de commencer à souder. Pour réussir une soudure, il est nécessaire de comprendre comment l’armature se gauchira en fonction de l’emplacement et de la façon dont le faisceau laser sera appliqué. Il est important de suivre un ordre de soudage de façon à prévenir le gauchissement. Il faut diviser la zone à souder en quatre secteurs. Ceux-ci doivent être soudés dans l’ordre : un quart, ensuite son quart opposé sur la diagonale, avec le même nombre de soudures pour chaque secteur. Pour terminer, il faut sceller les intervalles entre les points de soudure. Pour s’assurer qu’aucune distorsion ne s’est produite, l’ajustage peut être vérifié sur le modèle. Avantages de la soudure laser • Réalisation de soudures plutôt que de brasures : le principal intérêt de cette technique est de s’affranchir de l’introduction d’un alliage différent dans la réalisation prothétique. Bien que les brasures soient adaptées aux alliages, elles présentent toujours une hétérogénéité avec l’alliage de base qui peut engendrer des problèmes de corrosion ou de biocompatibilité. • Apport d’un métal identique : les porosités, les manques de coulée, les défauts, les points de contact manquants, peuvent être retouchés avec une soudeuse laser en apportant de l’alliage pour combler les manques (Fig. 31).

Figure 31 Possibilité d’apporter un même alliage pour parfaire un point de contact (photo Hereaus Kulzer).

Figure 32 Possibilité de souder des alliages non précieux avec ou sans apport d’alliage (photo Hereaus Kulzer).

• Soudage d’alliages non précieux : alors que le brasage d’alliages non précieux pose encore de nombreux problèmes (oxydation et utilisation de brasure de composition très éloignée de celle de l’alliage de base), la soudure laser donne de bons résultats sur ces alliages (Fig. 32). • Gain de temps : si la distorsion est mineure, il est possible de ne pas scinder le bridge. La distorsion d’un bridge peut être corrigée en appliquant quelques soudures stratégiquement placées. L’ajustage peut être contrôlé sur le modèle tout au long de la procédure. Si la

Travail des alliages dentaires

Figure 33 Possibilité de souder des pièces très petites du fait de la précision des soudures (photo Hereaus Kulzer).

distorsion est suffisamment importante pour nécessiter la découpe du bridge, ce procédé demeure plus rapide qu’un protocole de brasage. • Réalisation de travaux de précision : en raison du diamètre et de la précision du faisceau laser, seul le point de fusion est travaillé, offrant ainsi un meilleur contrôle et une plus grande précision. La soudeuse au laser peut alors être utilisée pour des travaux de précision comme la solidarisation d’attachements (Fig. 33). Qualité de la soudure La soudure au laser réarrange la structure de grains de l’alliage dans la zone du raccord, renforçant même sa solidité par rapport à celle de la coulée initiale. La résistance du raccord est également accrue car, comparée à un brasage avec une brasure basse fusion, la soudure au laser fusionne réellement le raccord sans introduire de nouvel alliage.

Mise en forme par forgeage1 Le forgeage est l’opération de façonnage d’un métal ou d’un alliage par déformation plastique à l’état solide pour lui donner une forme, des dimensions et des caractéristiques nouvelles, bien définies. Cette opération se pratique classiquement à chaud, soit par chocs à l’aide d’un marteau ou d’un pilon, soit par pression progressive à l’aide d’une presse ou d’un laminoir.

307 Le sens du mot forgeage s’est élargi et comprend également, maintenant, les opérations de forgeage à froid, telles que l’extrusion (filage), la frappe à froid, l’étirage, le tréfilage, le laminage à froid, l’emboutissage, le profilage, le pliage, etc. Par cette extension de sens, le forgeage se définit actuellement comme la mise en forme des métaux et alliages par déformation plastique à chaud ou à froid, pratiquement sans enlèvement de matière. La mise en forme par déformation plastique a d’importantes répercussions sur la structure du métal et ses propriétés physicochimiques. Le forgeage provoque normalement une homogénéisation du métal et un affinage du grain. Les propriétés mécaniques et de ductilité des produits forgés sont donc nettement supérieures à celles des produits moulés. Ces techniques ne concernent plus guère, de nos jours, le travail des métaux en laboratoire de prothèse dentaire. Seuls sont concernés par ces techniques certains éléments produits industriellement comme les fils d’orthodontie, les crochets préfabriqués ou les implants forgés ...

Usinage–Polissage1,23 Définitions Le façonnage à l’outil de coupe est désigné sous le nom d’usinage. Il résulte de l’action d’outils tranchants par enlèvement de copeaux. L’outil est nécessairement plus dur que le métal à façonner. Chaque couche de métal enlevée correspond à une passe de travail. L’usinage peut servir, d’une part à donner une forme, à la modifier ou à la parfaire, d’autre part à améliorer l’état de surface, ou les deux à la fois. Conditions de coupe des outils Facteurs intervenant dans la coupe • Usinabilité de la matière, qui diminue lorsque sa ténacité augmente. • Géométrie de l’outil. • Nature du matériau des outils : aciers au carbone, aciers rapides, carbures de tungstène, abrasifs. • Dispersion de la chaleur de coupe, qu’on peut faciliter par un spray « air-eau ». • Mode de travail : fraisage, abrasion, etc. • Dimensions du copeau. • Vitesse de coupe. Procédés d’amélioration des états de surface Le grattage est une opération manuelle.

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La rectification est un procédé mécanique de finition à l’outil-meule. La superfinition et le polissage sont destinés à l’élimination des rugosités et des altérations mécaniques de surface, consécutives à la rectification au moyen d’abrasifs de plus en plus fins. Ils s’achèvent par le brillantage et le lustrage.

Toutefois, ce polissage ne correspond pas au polissage réel habituellement obtenu sur les prothèses dentaires, car les conditions opératoires ne sont obligatoirement plus les mêmes (forme, dimensions et fragilité des pièces à polir). Le polissage prothétique est donc effectué à « main levée ».

Relations entre état de surface et comportement biomécanique L’état de surface a une influence considérable sur l’aptitude de la surface à remplir la fonction qui lui est assignée (Fig. 34). La rectification et le polissage des métaux sont parmi les plus complexes de tous les processus de coupe. Le polissage d’une pièce métallique est une opération qui consiste à rendre la surface plane et brillante de façon à ce qu’elle ne présente aucune rayure susceptible de compromettre sa fonction ou sa tenue en service, c’est-à-dire son intégration biofonctionnelle en ce qui concerne une prothèse médicodentaire. Au plan biologique, il est important que les éléments métalliques soient parfaitement polis, c’està-dire lisses, brillants et propres. Ainsi, il n’y a pas de rétention de plaque bactérienne, les phénomènes de relargage de produits toxiques, suite à une corrosion, sont minimisés ou évités. Au plan mécanique, un état de surface irréprochable accroît la solidité et la longévité des pièces sollicitées par diminution de la corrosion, notamment de la corrosion par piqûres et crevasses. La destruction d’un métal par corrosion a pour conséquence une diminution très sensible de ses caractéristiques mécaniques : c’est la fatiguecorrosion. Lorsqu’il s’agit d’une pièce de forme géométrique simple (cube ou cylindre), le polissage peut être effectué grâce à l’emploi de machines à polir automatiques, stables et fixes, permettant d’obtenir un poli quasi parfait, de l’ordre du micron.

Instruments rotatifs, abrasifs Les meules et meulettes artificielles utilisées actuellement sont constituées de petits grains d’abrasifs retenus par un agglomérant ou liant. Les interstices qui les séparent et qu’on s’attache à laisser vides sont les pores de la meule ou « entre-cristaux ». Chaque grain, animé d’une grande vitesse circonférentielle, se comporte comme un outil à coupe négative et détache un petit copeau. La meule peut être considérée comme un outil de coupe à taillants multiples (Fig. 35). Caractéristiques des meules La forme et les dimensions sont adaptées à l’usage envisagé au plan géométrique et la composition est la caractéristique fondamentale au plan du travail de coupe. Parmi les abrasifs les plus couramment utilisés, citons : • le corindon affiné, oxyde d’aluminium, pour les métaux tenaces (bronzes durs, aciers) ; • le carbure de silicium ou carborundum, pour le cuivre, l’aluminium, les métaux précieux ; • l’émeri, mélange d’oxyde naturel d’aluminium et d’oxyde de fer ; • l’alumine, matériau abrasif synthétique (meulettes à polir blanches) ; • le papier de verre, particules cristallines de quartz collées sur un disque support en papier ; • le diamant naturel, qui est le plus dur des abrasifs ; son prix élevé le fait réserver au meulage de corps très durs : nickel-chrome, cobalt-chrome ; • le diamant artificiel, grains de carbure de bore (B4C), qui est, après le diamant naturel, le plus Liant

4 0

Pore

Agglomérat

Fluide d'arrosage

1

Abrasif

3 2

Grain

5 6 Figure 34 Schématisation des défauts de surface. Écart d’un profil réel de surface. 0. Surface géométrique spécifiée ; 1. écart de forme du premier ordre ; 2. ondulations périodiques du deuxième ordre ; 3. rugosités du troisième ordre ; 4. marques d’outil du quatrième ordre ; 5. structures cristallines, cinquième ordre ; 6. réseau cristallin, sixième ordre.

Produit interfacial

Frontal Copeau Rainure

Latéral

Sillon Pièce

Bourrelet Produit interfacial

Figure 35 Mode d’action d’une meule. Présentation schématique de l’interface abrasive.

Travail des alliages dentaires dur des abrasifs ; il est utilisé pour les matériaux très durs : carbures de tungstène, cobaltchrome-molybdène ; • le tripoli, poudre à polir fine à base de silice noyée dans un liant à base de cire ; • le rouge anglais, composé d’oxyde de fer (Fe2O3), commercialisé également sous forme de « pains » ; • l’oxyde de chrome, souvent employé comme agent de polissage, particulièrement pour les aciers inoxydables. L’état de surface obtenu dépend de la grosseur des grains (granulométrie). Ainsi, les très gros grains laissent une trace grossière, les grains moyens une rugosité nettement visible, les grains fins un très bon fini et les poudres (no 600) permettent d’obtenir un poli miroir. Les dimensions sont respectivement : • 46 lm pour no 240 ; • 36 lm pour no 280 ; • 28 lm pour no 320 ; • 18 lm pour no 400 ; • 9 lm pour no 600. La dureté d’une meule caractérise la force avec laquelle l’agglomérant (ou liant) retient les grains, c’est-à-dire la résistance à la désagrégation de la meule en cours de travail. La dureté de la meule est donc totalement indépendante de la dureté de l’abrasif. Elle est exprimée en termes tendre, moyen, dur. La structure est l’indice d’espacement des grains (entre-cristaux) dans la masse de la meule. Elle spécifie donc la grandeur des pores. Une meulette présentant des pores petits est dite à structure fermée, alors que lorsque les pores sont plus gros on a une meule à structure ouverte. Pour un travail de finition, il faut une structure fermée. Énergie de meulage Le mécanisme de la rectification dépend de trois types d’actions qui peuvent exister simultanément : • une action de frottement copeau-outil ; • une action de labourage qui déforme plastiquement le métal ; • une action de coupe à l’origine de la formation du copeau. En rectification, l’énergie de frottement représente environ 50 % de l’énergie totale. Elle est dissipée sur la face de frottement du grain, et se répartit dans le copeau et dans la meule. L’autre moitié de l’énergie totale est dissipée dans le plan de cisaillement, une partie de cette énergie diffusant par ailleurs dans la pièce sous forme de chaleur. La quasi-totalité de l’énergie apparaît donc sous forme d’énergie thermique.

309 Comment s’effectuent les opérations de rectification et de polissage en pratique odontologique ? La finition et le polissage prothétique sont effectués habituellement selon une chronologie bien établie. La première séquence est à assimiler à une rectification, procédé mécanique à l’outil-meule qui améliore surtout la géométrie de la surface. Elle correspond à l’utilisation d’un abrasif de forte granulométrie qui supprime les rugosités. Des défauts microgéométriques demeurent compte tenu de la granulométrie employée, de la structure de la meule ainsi que de la nature du métal façonné (Fig. 36). L’élimination de ces rugosités et des altérations mécaniques de surface consécutives à la rectification est alors assurée par l’opération de superfinition au moyen d’instruments rotatifs à granulométrie de plus en plus fine. Le frottement des grains abrasifs de taille décroissante sur l’alliage coulé est à l’origine de rayures de moins en moins profondes, dont la taille diminue au cours de cette étape pour devenir microscopique. La phase de polissage proprement dite est réalisée avec des pointes montées ou meulettes, des disques abrasifs en papier ou en caoutchouc imprégné d’abrasifs, des fraises « à finir » et des pâtes à polir, véhiculées par des brossettes rotatives. L’ultime opération consiste à pratiquer un « brillantage » grâce à du tripoli, du rouge anglais ou des compositions dérivées utilisées avec des meulettes en peau de chamois ou des peaux de mouton. Considérations techniques Une rectifieuse et une polisseuse de précision peuvent obtenir un état de surface final dont l’ampli3 2 1

A

B

Figure 36 Structures des abrasifs agglomérés. A. Structure ouverte. B. Structure fermée. 1. Cristal ou grain ; 2. liants ; 3. pores.

310 tude des aspérités peut être inférieure à 1 lm, avec une tolérance dimensionnelle inférieure à 2 lm. Dans le cas du polissage prothétique, les méthodes sont différentes. La pièce à façonner est tenue à la main. Les doigts de l’opérateur agissent comme des mors ; la pièce se trouve maintenue de manière élastique et amortie. Ceci génère des vibrations lorsque l’instrument rotatif vient au contact. Les possibilités de travail des pièces prothétiques s’établissent essentiellement de deux manières : • soit à main levée, c’est-à-dire avec l’outil « en l’air » qui, au contact avec la pièce à travailler, vibre, parce que l’outil et la pièce sont tenus de façon élastique ; • soit avec un tour fixe de laboratoire, mais la pièce est toujours tenue de façon élastique par la main de l’opérateur. Il existe enfin un certain nombre de paramètres qui contribuent largement aux imperfections du polissage prothétique et qui ne peuvent être ignorés. Il s’agit : • des pinces de serrage ; • des instruments excentrés ; • du moteur d’entraînement qui vibre ; • du travail par petits contacts nombreux et répétés ; • des vitesses utilisées (3 000 à 4 000 tr/min à 20 000 ou 40 000 tr/min ou plus...).

Traitements de surface1 Les « traitements de surface » représentent l’essentiel des opérations mécaniques, chimiques, électrochimiques ou physiques qui ont pour conséquence de modifier l’aspect ou la structure de la surface des matériaux, afin de l’adapter à des conditions d’utilisation données. Leur but est variable. Ils tendent à améliorer les propriétés optiques ou l’aspect esthétique, la résistance à la corrosion sèche ou humide, la tenue de surfaces soudées, la conductibilité, les propriétés mécaniques ou la résistance au frottement et à l’usure. Citons simplement ici : • les traitements anodiques, non employés en odontologie ; • les traitements cathodiques, également non utilisés en odontologie ; • les dépôts métalliques et minéraux : les dépôts par électrolyse sont parfois employés en prothèse dentaire ; en revanche, les dépôts minéraux ne sont pas utilisés (protection des aciers par phosphatation, chromatation...).

P. Rocher et al. • les dépôts organiques sont essentiellement des peintures et des matières plastiques ; ces techniques ne sont pas utilisées en odontologie ; • les traitements par dépôt métallique en bain fondu (zincage, étamage) ; • les projetats sur le métal de fines gouttelettes d’un métal de revêtement en fusion (shoopage, métallisation au pistolet) ; cette technique était utilisée notamment en prothèse dentaire céramométallique, le projetat permettant la réalisation d’un système de rétention pour l’émaillage des chapes en alliage non précieux ; • les dépôts d’hydroxyde de calcium sur la surface de prothèse de hanche, sous très haute température, grâce au pistolet à plasma.

Conclusion En pratique odontologique, en matière de travail des métaux, la particularité première est la petitesse des pièces à travailler, dont les armatures métalliques mécaniquement résistantes se trouvent de plus en plus rapetissées pour offrir au patient un confort accru et permettre la mise en place d’éléments cosmétiques de plus en plus souhaités et même exigés, ceci amenant à des armatures de plus en plus réduites, mais cependant résistantes pour que le devenir des prothèses dentaires soit conservé et même si possible augmenté. Pour cela, nous avons la chance que la petitesse des pièces diminue les défauts de fonderie, mais l’éventail sans cesse accru des nouveaux produits que nous offrent la métallurgie moderne et les aciers spéciaux nécessite de notre part encore plus de précision dans la conception et de rigueur dans la technologie de notre travail.

Remerciements Nous tenons à remercier les sociétés Cendres et Métaux et Heraeus Kulzer pour la mise à disposition des dessins et photographies, ainsi que le Professeur Pierre Millet de Reims pour ses précisions et mises au point diverses. Nous conseillons la lecture du livre de Yves Mahiat La matière apprivoisée.

Références 1.

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Travail des alliages dentaires 2.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 312–325

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Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire General etiologic factors of dentin-pulp pathology B. Alliot-Licht (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier), V. Armengol (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier), S. Dajean-Trutaud (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier), D. Marion (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier) * Faculté de chirurgie dentaire, 1, place Alexis-Ricordeau, B.P. 84215, 44042 Nantes cedex 1, France

MOTS CLÉS Pathologies générales ; Syndromes héréditaires ; Pulpopathies ; Pulpolithe ; Dentinogenèse ; Défaut dentinaire

Résumé Certaines pathologies générales peuvent avoir des conséquences sur la pulpe et la dentine. Au niveau pulpaire, elles peuvent provoquer des nécroses, des calcifications et des métaplasies. Au niveau dentinaire, un excès ou un défaut de dentinogenèse et/ou de minéralisation sont observés. Une revue de la littérature récente permet d’évoquer les diverses pathologies pulpodentinaires et les mécanismes pathogéniques en cause induits par le diabète non contrôlé, l’athérosclérose, l’hyperbilirubinémie, les pathologies rénales chroniques, l’oxalose, l’anachorèse, les troubles de la parathyroïde, l’hypervitaminose D, la sclérodermie, certaines tumeurs malignes, des maladies génétiques comme les rachitismes héréditaires, l’hypophosphatasie, l’ostéogenèse imparfaite et divers syndromes héréditaires rares, les carences diététiques en ions et en vitamines, les intoxications mercurielles, l’infection fongique à Candida, le zona, la lèpre, ainsi que divers traitements généraux (glucocorticoïdes, tétracyclines, suppléments fluorés et traitements anticancéreux). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS General pathologies; Hereditary syndromes; Dental pulp diseases; Pulpstone; Dentinogenesis; Dentin defect

Abstract Some general pathologies may have consequences on dental pulp and dentin. The incidence of such diseases on pulp can be necrosis, calcification, and metaplasia. On dentin, an excess or a defect of dentinogenesis and/or mineralisation have been observed. A review of recent literature provides new information on the various pulp-dentinal pathologies and on the pathogenic mechanisms involved; these may be induced by poorly controlled diabetes mellitus, atherosclerosis, hyperbilirubinemia, chronic renal pathologies, oxalosis, anachoresis, disorders of parathyroid, hypervitaminosis D, scleroderma, certain malignant tumours, genetic diseases such as hereditary rickets, hypophosphatasia, osteogenesis imperfecta and various rare hereditary syndromes, dietetic ion and vitamin deficiencies, mercury intoxication, fungal infections with Candida, zona, leprosy, and various general treatments (glucocorticoids, tetracyclines, fluoride supplementation and anti-cancer therapy). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Marion). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.03.001

Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire

Introduction Les facteurs locaux responsables des pathologies pulpaires, ainsi que des altérations dentinaires, sont généralement bien connus des cliniciens. En revanche, les étiologies générales susceptibles d’être impliquées dans ces phénomènes leur sont beaucoup moins familières et ne sont donc que rarement évoquées dans le diagnostic étiologique des pulpopathies. Pourtant, les progrès de la médecine ces dernières décennies permettent de maintenir en vie des malades, en particulier des enfants, atteints de pathologies autrefois fatales. Ces patients, malgré des handicaps parfois lourds, ont maintenant besoin de soins dentaires et il importe de connaître les répercussions de ces pathologies sur leur état buccodentaire, et notamment pulpaire, afin d’adapter nos traitements. Si de nombreux travaux de recherches cliniques et fondamentales ont porté sur l’influence des lésions dentaires sur les pathologies générales (infections focales, endocardites bactériennes, rôles des parodontopathies sur l’évolution des maladies systémiques...), l’intérêt des chercheurs est nettement moins axé sur la manière dont une maladie générale peut avoir une répercussion sur la santé pulpodentinaire. Une revue de la littérature récente permet de faire la part de ce qui relève dans ce domaine des lieux communs non prouvés scientifiquement et de ce qui peut être étayé et expliqué par des études cliniques ou des protocoles expérimentaux reproductibles. Nous limiterons ce travail sur les étiologies générales des pathologies pulpodentinaires aux seuls facteurs endogènes, c’est-à-dire provenant directement de pathologies générales propres aux patients ou consécutives à leurs traitements, en excluant donc tout ce qui est en rapport avec des étiologies exogènes, liées à l’environnement (barotraumatismes, variations thermiques, irradiations...). De même, nous n’évoquerons pas ce qui résulte de phénomènes physiologiques, tels que le vieillissement, ainsi que de pathologies héréditaires n’affectant que les seuls tissus dentaires.

Pathologies pulpodentinaires Le tissu pulpaire est un tissu conjonctif spécialisé, fibreux, qui assure les fonctions dentinogénétiques, nutritives, sensorielles et de défense de la dent. La palissade d’odontoblastes située en périphérie de la pulpe contrôle les mouvements et la

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composition ionique du fluide présent dans les tubuli dentinaires et intervient dans la sécrétion et le transport des composants nécessaires à la dentinogenèse. La formation de la dentine qui est sous le contrôle de nombreux facteurs systémiques (hormones et vitamines) et locaux (facteurs de croissance) passe par la synthèse d’une couche de prédentine essentiellement composée de collagène de type I qui se minéralise secondairement. La minéralisation de la prédentine dépend de la concentration locale en phosphates, en calcium et en protéines spécifiques. Une pathologie générale qui provoque une perturbation des ions, des hormones, des vitamines et de la matrice impliqués dans la dentinogenèse peut donc entraîner un manque ou un excès et/ou des malformations de la dentine. La vascularisation pulpaire est terminale, il n’existe pas de circulation collatérale et l’ensemble du paquet vasculonerveux pénètre dans la pulpe par le foramen apical. Une pathologie vasculaire d’ordre général pourra donc avoir des répercussions dramatiques sur le tissu pulpaire et par voie de conséquence, sur la dentinogenèse. Toute irritation de l’organe pulpodentinaire entraîne inévitablement une inflammation pulpaire aiguë ou chronique dont l’évolution dépend de l’intensité et de la durée de l’agression, mais également de l’état préalable de la pulpe. L’atteinte pulpaire peut évoluer en fonction de facteurs étiologiques généraux (maladies, traitements) qui provoquent soit une irritation pulpaire en tant que telle, soit une diminution des capacités de défense ou de régénération de la pulpe. De plus, sans étiologie locale associée, la pulpe dentaire peut subir chez des patients atteints de pathologies générales, une dégénérescence de différentes natures : une fibrose pulpaire caractérisée par un nombre élevé de fibroblastes et une synthèse exagérée de fibres matricielles, une dégénérescence calcique avec des calcifications (pulpolithes) plus ou moins importantes dans la pulpe camérale et radiculaire, responsables d’un rétrécissement de l’espace canalaire, et une dégénérescence nécrotique aboutissant à une nécrose de la pulpe, accompagnée en général de complications périapicales. Une pathologie générale peut également entraîner une métaplasie pulpaire à l’origine de résorption dentinaire interne. Enfin, des mécanismes de défense inappropriés (sur des dents ne présentant ni carie, ni traumatisme) peuvent se produire dans la pulpe (dentine tertiaire) et au niveau de la dentine (formation de dentine sclérotique par fermeture des tubuli).1

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Pathologies générales et leurs conséquences pulpodentinaires Diabète Le diabète sucré est une maladie qui touche le métabolisme des hydrates de carbone et des lipides. Cette pathologie est causée par un trouble de la sécrétion ou de la fonction d’une hormone, l’insuline, provoquant une augmentation de la glycémie. Il existe deux types de diabètes. Le diabète de type I, associé à une anomalie ou à l’absence des cellules qui produisent l’insuline, cellules bêta localisées dans les îlots de Langerhans du pancréas, apparaît chez l’enfant ou l’adolescent. Le diabète de type I est dit insulinodépendant car les malades ont besoin d’un apport d’insuline exogène pour survivre. En absence d’un traitement régulier, les malades peuvent développer une acidose grave avec comas et diverses lésions dégénératives. Le diabète de type II, appelé non insulinodépendant ou diabète gras est plus courant. Il est dû à une diminution de la fonction des cellules bêta ou à une résistance à l’insuline. Les malades atteints de diabète de type II ne peuvent pas développer d’acidose grave et leur traitement consiste à stimuler la sécrétion d’insuline. Classiquement, le diabète de type II apparaît à partir de 50 ans mais un surpoids peut provoquer un diabète dès l’enfance. Quel que soit le type de diabète, l’excès de glucose dans le sang provoque de nombreux troubles vasculaires. Tous les vaisseaux sont atteints, de l’aorte aux fins capillaires. L’hyperglycémie provoquée par un diabète non contrôlé entraîne une déshydratation cellulaire et la formation excessive d’hémoglobine glycosylée (HbA1c) moins efficace dans le transport de l’oxygène et responsable de l’épaississement de la membrane basale des capillaires. Cette modification a des conséquences sur la réponse immunitaire. Elle diminue la réponse leucocytaire et entrave le rôle antibactérien des polymorphonucléaires (PMN). Les diabétiques ne sont pas plus sujets aux infections bactériennes mais présentent une plus grande probabilité de développer une infection grave en raison de cette diminution de la réponse immunitaire mais aussi de l’augmentation de la teneur en sucre dans la région pathologique qui peut accélérer la multiplication bactérienne.2 Contrairement aux maladies parodontales, les conséquences du diabète non contrôlé sur la pulpe dentaire ont été peu observées. Seules deux études effectuées dans les années 19603,4 sur l’état histopathologique des pulpes dentaires de patients diabétiques révèlent la présence de calcifications pul-

B. Alliot-Licht et al. paires en forme de faucille3 ou amorphes.4 En revanche, seule l’étude de Russell3 fait état de troubles vasculaires et d’épaississement des membranes basales des capillaires pulpaires. Chez les patients diabétiques non contrôlés, les dommages vasculaires et l’inhibition de l’activité antibactérienne des PMN sont considérés comme des facteurs aggravants du risque d’infection pulpaire. Une augmentation du nombre des lésions périapicales est observée chez les patients dont le diabète n’est pas contrôlé.5 En revanche, lorsque la glycémie est équilibrée, la prévalence de lésions périapicales est identique à celle observée sur les patients non diabétiques.2 De plus, des résultats récents semblent montrer une augmentation de la prévalence d’agents microbiens endodontiques dans la pulpe nécrotique de patients diabétiques.5 Bender2 décrit le cas d’une patiente de 32 ans qui présente des douleurs dentaires bilatérales, sans rapport avec des dents cariées et dont huit dents ne répondent pas positivement aux tests de vitalité pulpaire. Le diabète de cette patiente a été diagnostiqué et donc traité à la suite de cette première visite. Six mois après, l’examen radiologique révèle la présence de lésions périapicales sur les dents qui ne répondaient pas aux tests de vitalité. Ces cas d’« odontalgie diabétique » qui apparaissent en absence de carie sont attribués aux processus d’anachorèse ou aux troubles circulatoires liés au diabète non contrôlé. Cependant, des études plus poussées sont nécessaires pour mieux comprendre ces mécanismes.2

Athérosclérose L’athérosclérose est une pathologie dans laquelle l’obstruction de la lumière des artérioles par des plaques athéromateuses (dépôts lipidiques) provoque une ischémie et une dégénérescence tissulaire. Les patients souffrant d’athérosclérose coronaire présentent un plus grand nombre de dents avec des calcifications pulpaires que des patients sains.6 Bernick et al.7 ont aussi décrit des altérations pulpaires athérosclérosiques (calcification, nécrose), mais ces études portent sur des patients âgés de 40 à 70 ans et il est connu que l’âge provoque des modifications considérables au niveau des vaisseaux pulpaires. L’effet de l’athérosclérose seule sur la pulpe dentaire n’a pas été confirmé chez l’animal. Oguntebi et al.8 ont mis en évidence un rétrécissement des artérioles pulpaires sur des porcs miniatures présentant une hypercholestérolémie induite. Des plaques d’athéromes ont été observées mais la forte concentration de cholestérol n’a jamais provoqué d’obstruction vasculaire

Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire complète au sein de la pulpe. De même, aucun changement dégénératif (nécrose ou calcification) n’a été décelé dans les tissus pulpaires examinés.8 L’absence d’altération pulpaire a été confirmée sur des singes sur lesquels une arthérosclérose a été induite expérimentalement.9 Il semble donc que les artérioles pulpaires ne soient pas propices au dépôt athéromateux.

Hyperbilirubinémie La bilirubine est le pigment jaune rougeâtre présent entre autres dans la bile et le sérum. Elle provient de la dégradation de l’hémoglobine par perte du fer. Dans les cas d’anémie hémolytique précoce à bilirubine indirecte dont l’origine peut être une incompatibilité de types sanguins Rhésus fœtomaternelle ABO (érythroblastose fœtale),10 ou dans les pathologies provoquant des dysfonctions hépatiques ou biliaires ainsi que dans les pathologies qui déclenchent une hémolyse, l’excès de bilirubine provoque des colorations des dents temporaires. La bilirubine pénètre dans la dentine donnant une couleur jaune, brune, grise ou bleutée. Les dents prennent une couleur verdâtre lorsque la bilirubine absorbe la lumière bleue et s’oxyde en biliverdine. Ces colorations particulièrement visibles au niveau radiculaire s’estompent avec l’âge.1,11,12

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taire, les patients souffrant de pathologies rénales chroniques ayant subi une transplantation rénale présentent des calcifications pulpaires et un rétrécissement de la chambre pulpaire par excès de dentinogenèse secondaire.14,15,16 Il est possible que le traitement immunosuppresseur à base de glucocorticoïdes administré aux patients ayant subi une greffe rénale soit responsable du rétrécissement de la chambre pulpaire.15 Mais il est observé un épaississement de la prédentine sur des patients insuffisants rénaux chroniques n’ayant reçu aucun traitement à base de corticoïdes.14,17 L’excès de production de prédentine irrégulière est aussi expliqué par l’hypophosphatémie et le rachitisme dus à la déficience en vitamine D3 ou par l’hyperparathyroïdisme observé lors d’une insuffisance rénale chronique.14,17 Les affections rénales peuvent être associées à une ostéomalacie due à une contamination par l’aluminium dans l’eau de dialyse ou à la conséquence d’un traitement à base de sel d’aluminium prescrit pour réguler le phosphate. Quoi qu’il en soit, l’aluminium s’accumule au front de minéralisation des tissus calcifiés où il pourrait inhiber la minéralisation. De plus, une oxalose secondaire en association avec une intoxication en aluminium serait responsable de la perte des dents à la suite de résorptions radiculaires internes et externes.18

Hyperoxalurie et oxalose Pathologie rénale chronique Lors des pathologies rénales, quelle qu’en soit l’origine, primaire ou secondaire à un diabète, à une hypertension ou à une glomérulonéphrite, le processus pathologique conduit à une détérioration puis à une destruction des néphrons. Une des conséquences de la perte de la fonction des néphrons est une diminution de la filtration des glomérules rénaux, provoquant une augmentation de la concentration en phosphate dans le sérum. L’excès de phosphate entraîne une incorporation du calcium dans le tissu osseux par régulation homéostasique. Il en résulte une diminution de la concentration du calcium dans le sérum qui stimule la glande parathyroïde. Un autre effet des pathologies rénales est l’impossibilité de produire la forme active de la vitamine D (1,25-dihydroxyvitamine D3), ce qui entraîne une diminution de l’absorption intestinale du calcium et une sécrétion continue d’hormone parathyroïdienne. Des troubles osseux (ostéodystrophie rénale) de type ostéomalacie, ostéite fibreuse généralisée ou ostéosclérose apparaissent alors. Après une greffe de rein, toutes les valeurs redeviennent normales.13 Au niveau den-

L’hyperoxalurie, qu’elle soit primaire (maladie héréditaire rare dont le mode de transmission est autosomique récessif) ou secondaire à une pathologie rénale, provoque un dépôt de cristaux d’oxalate de calcium appelé oxalose dans les tissus conjonctifs extrarénaux. La forte concentration en oxalate plasmatique et les altérations de la perméabilité vasculaire seraient responsables de la formation de ces cristaux.19 L’hyperoxalurie primaire est caractérisée par des altérations rénales graves (néphrolithiases, néphrocalcinose et précipitations de cristaux d’oxalate dans les reins) nécessitant des dialyses et à terme une transplantation rénale. Chez des patients qui présentent une hyperoxalurie primaire, des manifestations dentaires comme des douleurs et des résorptions apparaissent, mais uniquement avec une pathologie rénale chronique associée.18 Hedemark20 a montré, sur une patiente de 25 ans qui souffrait d’une hyperoxalurie primaire, la présence de cristaux d’oxalate dans la pulpe dentaire fibrosée. Cette patiente ne présentait aucune pathologie dentaire jusqu’à l’âge de 18 ans, puis un traitement orthodontique a été mis en œuvre et sans que ce traitement puisse être incri-

316 miné, de nombreuses résorptions dentaires sont apparues. Pendant le traitement orthodontique, cette patiente a subi deux greffes rénales puis une greffe rein-foie.20 Dans d’autres cas similaires, la présence de cristaux d’oxalate a été décrite dans la pulpe dentaire mais aussi au niveau de la prédentine et de la dentine tertiaire.21 Des zones de résorption interne sont comblées par de l’ostéodentine qui s’étend dans la pulpe et qui contient des cristaux d’oxalate. Enfin, des pulpolithes formés autours des cristaux d’oxalate de la pulpe fusionnés avec l’ostéodentine provoquent de larges calcifications intrapulpaires.22 L’étiopathogénie de ces lésions pulpaires pourrait être l’hypovitaminose d’origine rénale qui induit à son tour un déficit en ostéopontine, glycoprotéine phosphorylée connue pour inhiber la formation de cristaux d’oxalate de calcium.23 La réaction granulomateuse inflammatoire induite par les cristaux d’oxalate de calcium dans la pulpe serait à l’origine des résorptions internes des dents18,21 et des douleurs pulpaires.21

Anachorèse L’anachorèse est la localisation et la fixation, dans des zones inflammatoires, de micro-organismes provenant d’une autre source et véhiculés par voie sanguine.2,24 Il a été prouvé que les réactions inflammatoires causées par les soins dentaires sont capables d’attirer vers la pulpe, par voie hématogène, des micro-organismes issus d’une pathologie infectieuse éloignée de la dent.2 Chez le chien, 24 heures après une injection intraveineuse d’une suspension de streptocoques a, aucun micro-organisme n’est décelé dans les pulpes contrôles non enflammées ; en revanche, dans toutes les pulpes ayant subi un coiffage direct à l’hydroxyde de calcium et présentant donc une inflammation, la pulpe est infectée par des microorganismes identiques à ceux qui ont été injectés par voie sanguine. Les auteurs en concluent que les pulpes non inflammatoires n’attirent pas les bactéries par voie anachorétique et que l’action chimique de l’hydroxyde de calcium peut être considérée comme un facteur favorisant l’infiltration vers la pulpe de bactéries issues du sang.24 Le processus d’anachorèse explique comment la pulpe dentaire peut développer des nécroses ou des pulpites « a retro » sans carie et sans infiltration bactérienne à partir d’une infection à distance sur des patients souffrant de pathologie générale comme le diabète.2

B. Alliot-Licht et al.

Troubles de la parathyroïde La parathormone (PTH) est une hormone qui agit à deux niveaux : le tissu osseux où elle régule le remodelage osseux, et les reins où elle augmente la sécrétion de phosphate et inhibe la sécrétion de calcium. De plus, la PTH catalyse l’hydroxylation de la vitamine D qui à son tour contrôle la minéralisation et l’absorption intestinale du calcium.25 Hyperparathyroïdisme Une hyperparathyroïdie primaire est le plus souvent engendrée par un adénome bénin de la glande parathyroïde. L’hyperparathyroïdie secondaire à une anomalie rénale mobilise à la fois le calcium et le phosphate à partir du tissu osseux. Sur une patiente de 18 ans, une calcification complète de la pulpe a été observée sur deux dents ne présentant que de petites lésions carieuses.26 L’hyperparathyroïdisme a été évoqué pour expliquer l’apparition de ces calcifications pulpaires ; cependant, dans ce cas, toutes les valeurs biologiques étant normales, l’origine de ces calcifications semble idiopathique. De plus, de nombreuses recherches ont montré que les hormones qui régulent la calcémie jouent un rôle important dans la minéralisation de la dentine. Chez la souris, une forte dose de PTH n’a pas d’effet sur la différenciation des cellules mésenchymateuses en préodontoblastes mais interfère avec la cytodifférenciation des préodontoblastes en odontoblastes et inhibe la formation de prédentine.27 Hypoparathyroïdisme Les dents de patients atteints d’hypoparathyroïdie, de candidose et de retard mental ont été examinées. Tous les malades présentaient une concentration sérique en calcium très basse et un taux en phosphate très élevé. Au niveau dentinopulpaire, des cavités pulpaires larges dues à une hypoplasie résultant d’un arrêt de la dentinogenèse sont décrites ainsi que l’obstruction des chambres pulpaires par de l’ostéodentine. Cependant, il est difficile de savoir si ces anomalies sont dues directement à l’hypoparathyroïdisme.25 Un défaut de minéralisation par la formation de dentine interglobulaire au niveau radiculaire est rapporté dans les cas de pseudohypoparathyroïdisme, maladie due à l’absence de réponse des cellules osseuses et rénales à la PTH et dans les cas d’hypoparathyroïdisme idiopathique où les anomalies dentinaires sont associées à des infections pulpaires répétées liées à Candida.11

Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire

317

Hypervitaminose D

Tumeurs malignes

La fonction biologique principale de la 1,25dihydroxyvitamine D est de maintenir une concentration normale en calcium et en phosphate dans le sérum afin d’assurer les fonctions cellulaires essentielles et de permettre la minéralisation des tissus durs. Les besoins en vitamine D sont en général fournis par l’alimentation et l’exposition aux rayonnements solaires. Giunta28 décrit un cas rare d’hypervitaminose D due à un excès d’absorption de lait enrichi en vitamine D, chez un enfant de 7 ans qui présente de nombreux troubles digestifs et des calcifications ectopiques. L’excès de vitamine D a entraîné une hypercalcémie marquée et prolongée due à une accélération de l’absorption intestinale et à une résorption du tissu osseux. Au niveau pulpaire, il est noté l’apparition de calcifications.28 De même, des ponts radio-opaques sont observés au niveau des chambres pulpaires de toutes les incisives permanentes maxillaires et mandibulaires dans un cas d’hypercalcémie iatrogène d’un enfant atteint d’ostéodystrophie rénale et traité par de trop fortes doses de vitamine D.29 Chez l’animal, en plus des calcifications pulpaires, une déformation des racines, un vieillissement prématuré du complexe pulpodentinaire et la formation d’ostéodentine ont été mis en évidence.30 Pour mieux comprendre les mécanismes responsables de ces excès de minéralisation dentaire, il a été montré sur des cultures de cellules pulpaires que la vitamine D augmente la synthèse d’ostéopontine associée à la formation de dentine de réparation et à l’apparition de calcifications pulpaires.23

Lymphome de Burkitt Le lymphome de Burkitt est un lymphome malin constitué par la prolifération des cellules souches lymphoïdes et frappant les adolescents de certaines régions d’Afrique, mais il existe une forme européenne. Le virus Epstein-Barr (agent étiologique de la mononucléose infectieuse) serait coresponsable de ce lymphome qui se développe dans les maxillaires en envahissant les tissus mous. Dès le début de la maladie, les études histologiques montrent que les papilles dentaires des dents voisines sont envahies par le processus lymphomateux. La tumeur pénètre dans la papille dentaire par l’apex provisoire et progressivement les cellules lymphoïdes remplacent les cellules pulpaires.32 Face aux traitements chimiothérapiques, le lymphome de Burkitt régresse rapidement et le tissu osseux se régénère autour des dents mais l’examen histologique des dents après traitement montre une dentine irrégulière avec une démarcation entre la dentine normale, formée avant la maladie et la dentine formée pendant la maladie. Cette démarcation peut être une bande étroite de dentine moins minéralisée ressemblant à de la prédentine. Dans les dents en cours d’évolution pendant le lymphome, après le traitement, dans la majorité des cas, le diaphragme épithélial est préservé, la dentinogenèse radiculaire se poursuit normalement et une pulpe saine est observable. Si le diaphragme épithélial est détruit, une fibrose pulpaire se produit. La formation de dentine normale après le traitement est le signe de la présence d’odontoblastes sains qui ont pu remplacer les odontoblastes détruits lors du processus métaplasique. Une déformation de la racine après traitement et guérison du lymphome est souvent observée et peut être considérée comme une preuve indirecte de l’envahissement de la papille par la tumeur.32

Sclérodermie La sclérodermie est une maladie des tissus mésenchymateux caractérisée par une prolifération excessive de collagène dans les tissus sous-cutanés. Cette pathologie, plus fréquente chez la femme, se développe sur un mode chronique. Plusieurs étiologies de la sclérodermie ont été proposées, des facteurs neurotrophiques, une anomalie fonctionnelle de la glande thyroïde mais aussi certaines conditions atmosphériques, des intoxications médicamenteuses, des infections aiguës ou des réactions allergiques. Au niveau dentaire, la fermeture localisée des tubuli dentinaires entraîne une diminution du nombre des tubuli principalement à proximité de la chambre pulpaire. Une étude en microanalyse montre de nombreuses modifications de la composition minérale de la dentine avec une augmentation du taux de phosphate, la disparition du magnésium et une modification du rapport calcium-phosphate.31

Infiltration métastatique Un cas de métastase maxillaire envahissant la pulpe dentaire a été récemment décrit33 à partir d’un médulloblastome, la plus fréquente des tumeurs cérébrales chez l’enfant, représentant 15 à 20 % des tumeurs pédiatriques. Les métastases extracérébrales de ces tumeurs sont rares. Dans le cas de ce jeune enfant, la radiographie panoramique permet d’observer la présence d’une image radioclaire autour de certaines dents. L’examen histologique révèle une importante infiltration de la pulpe dentaire des dents temporaires et de la papille des dents définitives en formation par des cellules tumorales.

318 La destruction de la pulpe par des métastases périapicales dans le cas d’une tumeur maligne a été décrite sur une femme de 45 ans.34 Une biopsie de la pulpe et du périapex des dents présentant des images radioclaires périapicales a révélé que la lésion périapicale contenait des cellules métastatiques alors que les fragments pulpaires présentaient des calcifications, des cellules pycnotiques et n’avaient plus de vascularisation. Contrairement au cas précédent, les modifications néoplasiques sont restées confinées dans les maxillaires et n’ont pas envahi la pulpe dentaire. La destruction de la pulpe serait la conséquence de l’arrêt de la circulation sanguine pulpaire dû à la prolifération des cellules tumorales au niveau périapical.

Maladies génétiques Rachitisme héréditaire Rachitisme hypophosphatémique vitamine Drésistant (HVDRR) Il existe deux types d’hypophosphatémie héréditaire appelée aussi rachitisme familial résistant à la vitamine D : l’hypophosphatémie liée à l’X (HLX), cas le plus courant de rachitisme héréditaire dans lequel le trouble de la réabsorption du phosphate au niveau rénal provoque une hypophosphatémie avec un rachitisme sévère, une ostéomalacie et une synthèse anormale de dihydroxyvitamine D3 et, d’autre part, la maladie osseuse hypophosphatémiante autosomique dominante (HBD), pathologie héréditaire dans laquelle le trouble de réabsorption rénale, différent de celui de l’HLX, entraîne des anomalies osseuses mais pas de rachitisme uniforme bien que le niveau de phosphate dans le sérum soit aussi faible.35 Les signes dentaires de ces deux syndromes sont un émail normal mais fin, une cavité pulpaire élargie avec des cornes pulpaires qui s’étendent jusqu’à la jonction émail/dentine et un taurodontisme. La taille anormale de la pulpe est la conséquence d’une dysplasie de la dentinogenèse secondaire et/ou d’une déficience de la minéralisation (dentine interglobulaire).36,37,38,39,40 Un excès de zinc dans les espaces interglobulaires pourrait expliquer ce trouble de la minéralisation dentinaire.41,42 En effet, contrairement au tissu osseux, le déficit en phosphate ne semble pas être la cause principale des défauts de minéralisation dentinaires, tandis que le zinc, connu pour inhiber la minéralisation dentinaire et observé en excès dans les espaces interglobulaires sur un modèle de souris HLX, jouerait un rôle déterminant.41 Les malades atteints d’HLX et d’HBD présentent tous des anomalies dentaires mais à des degrés

B. Alliot-Licht et al. différents, alors que l’hypophosphatémie est similaire. De plus, les lésions pulpodentinaires sont observables même lorsque les malades ont un traitement dès l’enfance qui permet de restaurer le taux de phosphate sérique à des valeurs normales.43 Il a été démontré que les anomalies dentaires observées dans les cas d’HLX sont la conséquence de deux processus séparés, l’un qui est dû à l’hypophosphatémie d’origine rénale, l’autre affectant directement la dentinogenèse secondaire.36 Une fois induite génétiquement, la dentinogenèse secondaire est continue, lente et régulière et ne semble pas dépendre de la concentration en phosphate.36,44 Des nécroses pulpaires (dans 40 % des cas d’HBD, 50 % des HLX chez la femme et 100 % des HLX chez l’homme) et des abcès au niveau de dents temporaires et définitives non cariées sont décrits sans que la cause de ces abcès soit clairement définie.38,39 Au niveau des dents temporaires, la faible épaisseur d’émail puis l’envahissement bactérien de la dentine hypominéralisée ou l’attrition amélaire entraînant une exposition pulpaire au niveau des cornes pulpaires effilées pourraient expliquer la nécrose pulpaire42 alors que sur les dents définitives, les abcès sont inexpliqués.38 La progression des micro-organismes dans les défauts microscopiques de l’émail et de la dentine semble une hypothèse probable.42 Bien que ces abcès dits « spontanés » apparaissent dès l’âge de 2 ans, l’intérêt de pulpotomies prophylactiques chez les jeunes patients atteints de rachitisme résistant à la vitamine D a été discuté37 et depuis 2002, ce traitement n’est plus recommandé.39 Dans la pathologie liée à l’X, les anomalies dentaires sont plus accentuées chez les hommes que chez les femmes (ceci est dû à l’atténuation du phénotype par l’allèle sain).35,36,37,45 Rachitisme vitamine D-dépendant (VDDRI et VDDRII) La bioactivation de la vitamine D requiert l’activité enzymatique de la 1a-hydroxylase rénale. La déficience ou l’absence de cette enzyme est provoquée par une maladie autosomale récessive rare appelée rachitisme vitamine D-dépendant de type I (VDDRI ou rachitisme vitamine D-pseudodéficient). Le VDDRII ou rachitisme vitamine D-dépendant de type II (aussi nommé rachitisme hypocalcémique vitamine D-résistant) est une autre forme de rachitisme à transmission autosomique récessive causée par une anomalie du récepteur à la vitamine D et donc résistante au traitement vitaminique. Les signes cliniques du syndrome du VDDRI sont nombreux ; on y retrouve des anomalies squelettiques mais

Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire aussi musculaires et des convulsions. Le bilan biologique révèle une hypocalcémie, une hypophosphatémie, un taux de PTH élevé et une forte phosphatase alcaline. Dans le VDDRII, les signes cliniques du VDDRI sont retrouvés avec en plus une alopécie et un taux élevé de 1,25dihydroxyvitamine D.40 L’étude d’un cas présentant un VDDRI montre des altérations dentaires avec, au niveau radiologique, une pulpe dentaire large et des racines courtes et d’un point de vue histologique, des altérations comparables à celles décrites précédemment dans le rachitisme hypophosphatémique vitamine D-résistant. Cependant, il est intéressant de noter qu’il n’a pas été observé d’abcès. Les signes dentaires du VDDRII sont identiques à ceux du VDDRI.40 Hypophosphatasie L’hypophosphatasie est une maladie héréditaire autosomale récessive provoquant l’absence d’activité phosphatase alcaline (enzyme qui libère le phosphate en milieu basique). Il existe une forme infantile de cette maladie où les enfants décèdent avant l’apparition des premières dents, une forme juvénile et une forme adulte. Les malades présentent des déformations osseuses ressemblant à celles du rachitisme.11 La dentine radiculaire est particulièrement affectée. La dentine apicale est très fine avec des fibres de collagène épaisses, des inclusions de débris cellulaires et de nombreux espaces interglobulaires. À la radiographie, la pulpe dentaire de certains patients est extrêmement large, faisant penser à des « dents en coquillage ».11 Ostéogenèse imparfaite L’ostéogenèse imparfaite est une maladie génétique où la mutation du gène COL1A1 ou du gène COL1A2 qui codent pour les chaînes pro-a1 et pro-a2 du collagène de type I provoque des altérations de la minéralisation de cette protéine de la matrice osseuse et dentinaire. Il existe quatre types d’ostéogenèse imparfaite classés en fonction des signes cliniques, radiologiques et génétiques ou en fonction du degré de mobilité du malade. La dentinogenèse imparfaite de type I est une forme de dysplasie dentinaire associée à l’ostéogenèse imparfaite. Il convient de différencier la dentinogenèse imparfaite de type I de la dentinogenèse imparfaite de type II, anomalie génétique liée à une mutation au niveau du gène DSPP dont le phénotype est uniquement dentaire. Tous les malades atteints d’ostéogenèse imparfaite ne présentent pas de dentinogenèse imparfaite ; la prévalence de la dentinogenèse imparfaite chez

319

les patients atteints d’ostéogenèse imparfaite est de 8 à 40 %. Qu’elle soit de type I ou de type II, les dents des patients atteints de dentinogenèse imparfaite sont caractérisées par une couleur jaune (en « sucre d’orge sucé ») et un coefficient d’usure très rapide, l’émail ayant disparu par attrition. Les dents temporaires sont plus atteintes que les dents définitives. L’aspect radiologique est spécifique avec des racines courtes, des couronnes bulbeuses dues à une constriction cervicale et une oblitération de la chambre pulpaire. D’un point de vue histologique, la dentine présente des zones amorphes dépourvues de tubuli, ou des tubuli irréguliers et ramifiés, des inclusions cellulaires et de la dentine interglobulaire. Cependant, dans la dentinogenèse imparfaite de type I (associée à l’ostéogenèse imparfaite), il y a de très grandes variations en ce qui concerne la gravité des altérations de la dentine. Malmgren et Lindskog,46 en observant un grand nombre de patients atteints d’ostéogenèse imparfaite, ont mis en évidence une corrélation entre la gravité de l’ostéogenèse imparfaite et la quantité d’anomalies dentinaires. De plus, cette étude montre qu’il y a peu de différences entre les dents d’un même patient, que sur une même dent s’il y a une différence, l’atteinte radiculaire est toujours plus accentuée que l’atteinte coronaire, que la dentine circum-pulpaire est plus sévèrement atteinte que la mantle dentine et que les patients qui présentent une ostéogenèse imparfaite sans dentinogenèse imparfaite détectable cliniquement ont des anomalies dentinaires plus importantes que chez des patients sains. La corrélation entre la sévérité de l’ostéogenèse imparfaite et les anomalies dentinaires46 montre qu’un même défaut génétique de la biosynthèse du collagène de type I provoque un même degré d’anomalies de la dentine et de l’os. Syndromes héréditaires rares Syndrome d’Ehlers-Danlos (EDS) de type I L’EDS de type I est une anomalie héréditaire des tissus conjonctifs collagéniques caractérisée par une peau hyperélastique, anormalement fragile, qui a du mal à cicatriser, et des problèmes articulaires. Dans les cas d’EDS I, la morphologie radiculaire des incisives mandibulaires est altérée. Les racines sont anormalement courtes, avec un élargissement de leur partie centrale et une oblitération de la chambre pulpaire par de la dentine contenant peu de tubuli et pouvant ressembler à du cément intermédiaire. La dentine de ces dents peut faire penser à une dysplasie dentinaire de type I

320 (DDI = type radiculaire). Cependant, dans la DDI, toutes les racines de toutes les dents sont atteintes de façon homogène alors qu’ici, les altérations sont variables et plus ou moins importantes.1,47 Comme pour l’ostéogenèse imparfaite, des anomalies du collagène d’origine héréditaire sont à mettre en cause. Calcinose tumorale La calcinose tumorale est une maladie métabolique héréditaire rare (transmise sur un mode autosomal dominant) caractérisée par une élévation des taux de phosphate et de 1,25-dihydroxyvitamine D dans le sérum provoquant l’apparition de calcifications tumorales solides. Au niveau dentaire, les racines sont courtes et bulbeuses, les calcifications pulpaires entraînent une oblitération plus ou moins importante de la cavité pulpaire. D’un point vue histologique, la dentine coronaire et une quantité variable de dentine radiculaire apparaissent normales. À un moment non spécifique, la dentine radiculaire en cours de développement rencontre une masse de tissu calcifié. La dentinogenèse radiculaire se poursuit autour de cet amas calcifié formé d’espaces ovoïdes entourés de calcifications amorphes. À ce niveau, la dentine radiculaire est irrégulière.48 Syndrome de Kabuki Les malades atteints du syndrome de Kabuki présentent un faciès similaire aux acteurs traditionnels japonais, un retard mental modéré, une petite taille et des anomalies squelettiques et dermatologiques. L’étiologie de ce syndrome reste inconnue ; ce serait une maladie autosomale dominante avec une expressivité variable. Au niveau dentaire, les chambres pulpaires des molaires et des incisives sont larges avec des calcifications. Ces anomalies dentaires pourraient aider au diagnostic et à la compréhension de la pathogénie de ce syndrome encore mal connu.49 Maladie de Fabry Cette maladie héréditaire liée à l’X, observée uniquement chez l’homme, est due à un déficit de l’enzyme a-galactosidase. Les conséquences sont une accumulation de glycolipides dans les cellules endothéliales du rein, du cœur, du système nerveux et le développement d’angiokératomes. Les vaisseaux de la pulpe dentaire sont, eux aussi, atteints et le collagène dentinaire contient de larges dépôts de glycolipides et de céramidotrihexosides.11

B. Alliot-Licht et al. Mucopolysaccharidose (type III : maladie de Sanfilippo, type VII : syndrome de Dyggve ou syndrome de Sly) Due à une déficience enzymatique héréditaire affectant le métabolisme des mucopolysaccharides, la maladie de Sanfilippo provoque l’oblitération de la chambre pulpaire. En revanche, le syndrome de Dyggve entraîne l’apparition d’hypoplasies dentinaires.1 Une étude sur un modèle de rat atteint de mucopolysaccharidose de type VII a montré que les cellules qui présentent une activité de synthèse importante comme les odontoblastes sont les plus touchées, elles sont dilatées par l’accumulation de vacuoles contenant probablement des glycosaminoglycanes. Il en résulte la formation de fibrilles de collagène anormales au niveau de la prédentine et des troubles de la minéralisation dentinaire.1,50 Maladie de Günther = porphyrie érythropoïétique congénitale = uroporphyrie érythropoïétique Il s’agit d’une maladie à transmission autosomique récessive caractérisée par des anomalies cutanées de photosensibilisation, par une anémie hémolytique et des lésions oculaires et osseuses. Les dents peuvent présenter une coloration rouge-brun ou révéler une fluorescence rouge en lumière ultraviolette par affinité de la porphyrie pour les phosphates de calcium de la dentine.1,11,12,51 Progeria de Hutchinson-Gilford Les enfants atteints de progeria ont un vieillissement accéléré. Ils sont de petite taille et de faible poids, ils ont la peau ridée, les cheveux blancs et clairsemés, mais ne souffrent jamais de cancers associés au vieillissement, ni de cataracte ou de sénilité. Le pronostic vital de cette maladie génétique rare est très mauvais du fait de l’apparition d’athéromatose précoce et d’insuffisance endocrinienne.52 Au niveau dentaire, la sclérose des tubuli dentinaires et la formation de dentine secondaire caractéristique des dents des personnes âgées aboutissent à une oblitération pulpaire11 et à une coloration brun jaunâtre des dents.1 Drépanocytose C’est une anomalie héréditaire du sang, transmise selon le mode autosomique récessif, caractérisée par la présence d’une hémoglobine anormale qui déforme les globules rouges qui prennent alors un aspect de faucille. Si les deux chromosomes sont atteints, la drépanocytose peut provoquer une anémie hémolytique très grave mais aussi des infections bactériennes et des crises de douleurs vasoobstructives.53 Les hématies déformées peuvent en effet provoquer une occlusion des capillaires, inter-

Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire

321

rompre le flux sanguin et entraîner une anoxie tissulaire, une nécrose, des douleurs, voire un infarctus. Ces globules rouges en faucille ont également été identifiés dans les pulpes dentaires.53,54 Par conséquent, des nécroses sur des dents ne présentant ni caries, ni traumatismes peuvent survenir à la suite d’une obstruction des vaisseaux pulpaires.

pulpaire et une dentinogenèse radiculaire anormale avec des zones d’ostéodentine.1,11 Le syndrome de Rothmund-Thomson (poïkilodermie congénitale) présente des oblitérations des chambres pulpaires.1 Des hypoplasies dentinaires sont observées chez les patients atteints de la maladie d’Albers-Schönberg (ostéopétrose ou maladie des os de marbre).1

Alcaptonurie D’origine familiale et héréditaire, l’alcaptonurie est une maladie qui ne s’accompagne dans l’enfance d’aucun signe clinique et qui entraîne l’apparition dans les urines d’alcaptones issues d’un trouble de la décomposition de la phénylalanine et de la tyrosine. Dans certains cas, une coloration rougeâtre ou brun-rose (érythrodontie) des dents définitives peut être observée.1,11

Carences diététiques

Maladie de Cooley ou b-thalassémie majeure Cette anémie hémolytique infantile due à de nombreuses anomalies héréditaires de l’élaboration de l’hémoglobine est transmise selon un mode autosomique dominant. Les enfants atteints présentent une hépatosplénomégalie marquée, une cardiomégalie, des anomalies osseuses et une coloration grise, voire brune des dents.1 Syndrome d’Elsahy-Waters = syndrome de Ungertrott = syndrome branchio-squeletto-génital Ce syndrome à transmission autosomique récessive (ou peut-être lié à l’X) associe un crâne brachycéphalique, des troubles oculaires, un retard mental, des convulsions, des anomalies squelettiques et maxillaires. Au niveau dentaire, il est décrit une dysplasie dentinaire ressemblant à une dysplasie de type radiculaire (DDI) ou un taurodontisme avec souvent une oblitération des chambres pulpaires.1,11 Syndrome tricho-dento-osseous Syndrome héréditaire autosomique dominant présentant des altérations des cheveux et des ongles et de nombreux troubles dentaires. Au niveau pulpodentinaire, les dents temporaires et définitives ont de longues cornes pulpaires qui s’étendent jusqu’à la jonction émail-dentine et comme dans les cas de rachitisme vitamine D-résistant, une usure de l’émail entraîne des microexpositions pulpaires et des abcès. La dentine a une épaisseur réduite et présente des espaces interglobulaires.11 Autres syndromes Le syndrome d’Hallermann-Streiff (oculomandibulo-dyscéphalie) provoque une oblitération

Déficience en acide ascorbique (scorbut) L’acide ascorbique (vitamine C) est essentiel pour la biosynthèse et la sécrétion du collagène, constituant majeur de la matrice dentinaire. En cas de carence en vitamine C, il est décrit une dentine déficiente en quantité et en qualité avec des tubuli rares et irréguliers, des dépôts intrapulpaires et une diminution de la taille des odontoblastes.1 Chez les rats déficients en acide ascorbique, il a été clairement observé une réduction de la formation de dentine.55 Deux explications sont suggérées : une altération de la différenciation des odontoblastes ou une résorption par les odontoblastes euxmêmes du collagène anormal.56 Carence en phosphate, en calcium, en magnésium et en vitamine D Dans les cas d’hypophosphatémie ou d’hypovitaminose induites par un régime alimentaire carencé, des défauts de minéralisation dentinaire sont toujours décrits.12 Les chambres pulpaires sont anormalement larges et les racines sont courtes chez les patients présentant une hypocalcémie.1 En revanche, chez le rat, une carence en magnésium induit des défauts de la minéralisation de la dentine et des calcifications pulpaires.1

Acrodynie (maladie de Swift-Feer par intoxication mercurielle) Elle s’accompagne de troubles neurologiques et cardiaques, d’atteintes cutanées, de stomatite et au niveau dentaire d’un élargissement de la prédentine, d’une dentine très irrégulière ondulée, au niveau apical et au niveau pulpaire, d’hémorragies massives.1

Infection fongique (« Candida albicans ») L’espèce Candida, qui fait partie de la flore normale de la peau, de la cavité buccale et de l’appareil gastro-intestinal, est la cause la plus fréquente des infections fongiques chez l’homme. L’augmen-

322 tation de l’incidence des infections fongiques et la détection de ce champignon dans des canaux radiculaires infectés a généré un intérêt considérable pour l’étude de son rôle dans les infections endodontiques. Des études récentes ont montré en microscopie électronique à balayage que Candida albicans colonise la dentine57,58 et produit des agents collagénolytiques qui dégradent la matrice dentinaire. De plus, Candida agit sur l’inflammation pulpaire. En effet, le mannan, un des composants de la surface de Candida, peut directement ou indirectement activer le système du complément. En revanche, la sécrétion d’adénosine (facteur de virulence) bloque la dégranulation des PMN neutrophiles. Enfin, Candida albicans est résistant aux agents thérapeutiques intracanalaires, ce qui explique son association aux infections canalaires persistantes.57,59

Zona Le zona est une infection secondaire causée par un virus de la famille Herpesviridae (herpesvirus). L’infection primaire est la varicelle, maladie de l’enfance caractérisée par une éruption cutanée et des ulcérations orales et dans laquelle le virus est disséminé par voie hématogène. Le virus reste à l’état latent dans les ganglions des nerfs sensoriels et il peut être réactivé lorsque les défenses immunitaires de l’hôte faiblissent (phase de résurgence). Il se produit alors une éruption cutanée et/ou muqueuse sur le territoire du nerf concerné ; 18,5 % des zonas affectent le nerf trijumeau60 et dans cette localisation, les douleurs sur le territoire du nerf peuvent simuler une pulpite durant les prodromes (2 à 14 jours avant l’éruption vésiculaire).60 Bien que les mécanismes pathogéniques soient inconnus, le zona est classiquement rendu responsable de résorptions radiculaires internes et externes, de minéralisations importantes des chambres pulpaires,61 de pertes de vitalité pulpaire (nonréponse aux tests électriques)60 et d’inflammations pulpaires et/ou apicales.62 Le virus n’est pas directement impliqué dans les pathologies du tissu nerveux dentaire (inflammations pulpaires) provoquées par le zona du trijumeau, puisqu’il n’est pas décelable dans les pulpes des dents atteintes.62

Lèpre La lèpre est une maladie qui touche tous les âges et toutes les races. Causée par Mycobacterium leprae, elle est transmise par un contact prolongé. La lèpre touche d’abord la peau et les muqueuses et est

B. Alliot-Licht et al. caractérisée par des lésions pouvant envahir tout le corps (macules, papules, nodules et plaques). Ses complications les plus fréquentes sont des pathologies oculaires, une alopécie, des abcès sur les nerfs périphériques, la tuberculose, un érythème noueux et une amyloïdose. Des complications orales peuvent apparaître, avec des ulcères sur le palais, les amygdales et la langue, ainsi que la perte de plusieurs dents. Des anomalies morphologiques des dents ont également été notées. Mycobacterium leprae a d’autre part été retrouvé dans les pulpes dentaires des malades et l’envahissement pulpaire par la bactérie peut entraîner une nécrose pulpaire, ce qui peut justifier, soit des dépulpations préventives, soit les extractions des dents, afin d’éviter la contamination des tissus périmaxillaires.63

Traitements et leurs conséquences pulpodentaires Glucocorticoïdes (ou glucocorticostéroïdes) Les glucocorticoïdes (exemple : prednisone) sont des dérivés synthétiques des hormones stéroïdes sécrétées par les corticosurrénales qui exercent des actions multiples ; anti-inflammatoire, antipyrétique, antiallergique et inhibitrice des réactions immunitaires. Après une greffe rénale, l’administration de fortes doses de prednisone provoque un rétrécissement de la chambre pulpaire par stimulation de l’activité dentinogénique des odontoblastes.15 Cependant, il est difficile de savoir si ces modifications pulpaires sont dues à la pathologie initiale ou au traitement corticoïde seul. Une étude récente a montré, chez le rat sain, que les effets dentaires de l’administration continue de prednisone varient en fonction de l’état de développement des dents et de la dose de glucocorticoïdes utilisée. Contrairement aux molaires immatures, la prednisone provoque sur les molaires matures un épaississement de la dentine au niveau du plancher pulpaire. Le mode d’action des glucocorticoïdes ne serait pas direct mais se ferait par l’intermédiaire des hormones de croissance ; si les odontoblastes et les cellules pulpaires expriment le récepteur de l’hormone de croissance dans les dents immatures, dans les dents matures, l’expression n’est observable qu’après traitement à la prednisone.64

Tétracycline La tétracycline produit une coloration intense (grisâtre, jaunâtre, verdâtre ou brunâtre) des dents.

Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire L’incorporation des pigments fluorescents dans les tissus calcifiés se fait par leur affinité pour les cations polyvalents et par la formation de complexes insolubles avec les cristaux de la dentine. Au fur et à mesure de l’exposition des dents à la lumière du jour, la couleur jaune se change en gris ou brun et la fluorescence diminue graduellement. La tétracycline passant la barrière placentaire, les deux dentures peuvent être atteintes puisque la coloration marque la dentine en formation lors de la prise du traitement antibiotique.1,12

Suppléments fluorés Des suppléments fluorés peuvent trouver une place en prévention de la carie, pendant la minéralisation des dents. La posologie doit s’adapter à l’enfant receveur et faire l’objet d’un suivi. Une étude récente65 compare les pulpes de molaires temporaires non cariées de deux groupes d’enfants. L’un est non supplémenté en fluorures, l’autre est constitué d’enfants ayant reçu des comprimés fluorés de la naissance à 10 ans, à des doses supérieures aux recommandations actuelles (0,25 mg/j de 0 à 24 mois, 0,50 mg/j de 25 à 35 mois, 0,75 mg/j de 3 à 6 ans, 1 mg/j après 6 ans). L’analyse en microscopie photonique des pulpes dentaires révèle un nombre significativement plus élevé de calcifications pulpaires dans le « groupe fluoré ». Ces calcifications sont préférentiellement localisées au niveau du plancher pulpaire et sur les parois radiculaires et sont constituées parfois d’un tissu proche d’une fibrodentine. La présence de calcifications pulpaires de ce type n’est pas toujours retrouvée. La notion de susceptibilité individuelle entre en compte, ainsi que la régularité de la prise des comprimés, leur période de consommation, la posologie proposée, le stade de développement des cellules odontoblastiques au début de la prise de fluorures. Ainsi, les préodontoblastes sont plus sensibles à la présence de fluorures que les odontoblastes matures. De plus, in vitro, l’exposition de dents de rat à de fortes concentrations de fluorures entraîne des modifications des constituants de la matrice extracellulaire de la dentine qui pourraient perturber sa minéralisation.66

323

traitement et de la dose d’irradiation. La dentine des dents situées dans la zone d’irradiation présente des anomalies de structure de type ostéoïde.67 Les effets de la chimiothérapie sur la dentine sont variables en fonction des drogues utilisées, de la fréquence des cures et de l’état de différenciation des cellules odontogéniques et de leur susceptibilité au moment du traitement.68 Il existe des différences dans la cytotoxicité et le caractère réversible des dommages pulpodentinaires entre les différentes drogues anticancéreuses. L’actinomycine D, la daunorubicine et la vincristine sont très toxiques alors que le méthotrexate semble non toxique.69 Une étude chez le hamster montre que l’actinomycine D provoque des défauts dentaires irréversibles lorsque le traitement est administré pendant la phase de formation des dents. Les cellules les plus sensibles sont les préodontoblastes non différenciés, puis les préaméloblastes. Les odontoblastes matures ne semblent pas touchés par ce traitement.70 Il est probable que les préodontoblastes en phase proliférative soient plus sensibles au processus d’apoptose induit par l’actinomycine D que les cellules plus différenciées. Une neutropénie a été induite chez des rats en leur injectant un agent immunosuppresseur et anticarcinogène habituellement utilisé dans les traitements de la leucémie aiguë et du carcinome (le méthotrexate). Les études histologiques montrent qu’à la suite d’une exposition pulpaire, la nécrose pulpaire est plus importante dans le groupe des rats expérimentaux que dans le groupe contrôle, alors qu’il n’y a pas de différence en ce qui concerne les lésions périapicales. La neutropénie induite par le traitement augmente la réaction nécrotique consécutive à une exposition pulpaire expérimentale chez le rat.71 Le rôle des PMN neutrophiles dans l’inflammation pulpaire (phagocytose des bactéries et destruction tissulaire lors de la dégranulation) est largement décrit dans la littérature. Cependant, les conséquences d’une modification du nombre des PMN neutrophiles sur la réponse inflammatoire de la pulpe ont été peu observées.

Conclusion Traitements anticancéreux (radiothérapie et chimiothérapie) La radiothérapie utilisée en oncologie pédiatrique est connue pour avoir un effet sur les dents en développement. La sévérité des conséquences dépend du stade embryologique dans lequel se trouvent des cellules odontogéniques au moment du

Cette revue de la littérature récente montre que les interférences entre la dent, en particulier l’organe pulpodentinaire, et l’organisme sont nombreuses et variées, mais parfois encore mal connues. De vastes champs de recherche, tant fondamentale que clinique, sont donc ouverts pour tenter de mieux comprendre les mécanismes pa-

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thogéniques de ces inter-relations. Par ailleurs, la survenue de manifestations dentaires sans étiologie locale peut parfois permettre d’évoquer un diagnostic de pathologies générales passées inaperçues jusqu’alors. De même, face aux conséquences prévisibles sur l’organe pulpodentinaire de certaines maladies générales, des traitements dentaires précoces devraient sans doute être discutés (dépulpations préventives, par exemple), tandis que l’existence de maladies générales connues pourrait dans certains cas contre-indiquer des traitements dentaires susceptibles d’exacerber leurs conséquences locales néfastes (traitements en orthopédie dentofaciale et pathologies rénales, par exemple). La médecine dentaire est une composante de la médecine générale et ne doit pas être considérée comme le bastion isolé des seuls odontostomatologistes.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 326–333

www.elsevier.com/locate/emcden

Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale Outcome research in cosmetic maxillofacial surgery J.-P. Meningaud a,*, G. Toure b a

Service de chirurgie maxillofaciale, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France b Service de chirurgie maxillofaciale, centre hospitalier intercommunal, 40, allée de la Source, 94190 Villeneuve-Saint-Georges, France

MOTS CLÉS Recherche évaluative ; Esthétique ; Chirurgie maxillofaciale ; Éthique

Résumé Tout comme la recherche clinique, la recherche évaluative s’intéresse aux résultats des thérapeutiques. Elle s’en distingue par le fait de se placer systématiquement du point de vue du patient. Ainsi les mesures ne concernent pas des données physiques ou des tests de laboratoire mais visent à évaluer ce que ressent le patient. Ce type d’étude est absolument fondamental en chirurgie esthétique car le bénéfice réel de ce type de chirurgie n’est pas fonctionnel mais subjectif. La recherche évaluative permet d’apporter des réponses au problème éthique du rapport bénéfice-risque des interventions de chirurgie esthétique. Elle permettra, au fur et à mesure de ses progrès, de mieux cerner les indications. En recherche évaluative, la mesure peut être recueillie sous la forme d’un indice de satisfaction, d’une échelle de qualité de vie ou d’une échelle d’évaluation en psychologie. Les indices de satisfaction ont l’immense avantage de leur simplicité mais souffrent de la facilité avec laquelle des réponses peuvent être induites. Ils fonctionnent essentiellement avec des échelles visuelles analogiques sur le modèle de ce qui très répandu pour l’évaluation de la douleur. Les tests de qualités de vie intègrent en un seul score différents domaines comme des critères physiques, sociaux, psychologiques et émotionnels. On distingue les tests génériques et les tests spécifiques. Les derniers tiennent compte de la pathologie ou de demande de soins du patient, en l’occurrence d’une demande de chirurgie esthétique. Les tests génériques visent à quantifier la qualité de vie globale du patient sans tenir compte de sa demande, ils sont souvent moins biaisés. Enfin, les échelles d’évaluation en psychologie sont naturellement les plus employées étant donné la nature psychologique de la demande de chirurgie esthétique. Elles explorent la dépression, l’anxiété, l’image corporelle, etc. Une revue de la littérature fait apparaître que la chirurgie esthétique maxillofaciale n’améliore pas les indices de dépression. Elle améliore indiscutablement la confiance en soi, l’estime de soi et l’image corporelle. La chirurgie esthétique améliore les tests génériques ou spécifiques de qualité de vie lorsque ceux-ci incluent certains paramètres psychologiques précités. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Meningaud). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.03.002

Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale

KEYWORDS Outcome research; Cosmetic; Aesthetic; Maxillofacial surgery; Ethics

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Abstract The outcome research, like the clinical research, examines the end results of medical interventions. However, unlike clinical research, the outcome research systematically considers outcomes from the patient’s perspective. Therefore, assessments do not focus on physical data or laboratory test, but on the patient’s feelings. This approach is essential in cosmetic surgery where the main outcome is psychological and subjective rather than functional. Outcome research is useful in solving the ethical problem of the risk-benefit ratio in cosmetic surgery. Parallel to its evolution and advances, it should allow a better definition of the indications for cosmetic surgery. In outcome research, the assessment may be an index of satisfaction, a scale for quality of life, or a scale for psychological evaluation. Satisfaction indexes present a great advantage related to their simplicity, but such easiness of response constitutes also a limitation. They are essentially based on visual analogue scales such as those commonly used to assess pain. Evaluation tests for quality of life assessment include in a single score several dimensions such as physical condition, and social, psychological, and emotional criteria. Specific tests take into account the pathology or the need for care as asked by the patient, such as cosmetic surgery. Generic health status tests focus on the quantification of overall quality of life independently from the patient’s demand; this makes them less biased. Finally, psychological scales are the most commonly used due to the psychological aspect of a need for cosmetic surgery. They screen depression, anxiety, etc. A literature review revealed that maxillofacial surgery doesn’t improve depression indexes. It improves significantly selfconfidence, self-esteem, and physical self-image. Cosmetic surgery improves the results of generic or specific tests for quality of life assessment, provided these tests include some of such psychological parameters. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Qu’est-ce que la recherche évaluative ? Il est difficile de trouver un équivalent français de l’expression anglaise « outcome research ». En effet, la traduction littérale « recherche sur les résultats » reste ambiguë et ne permet pas une distinction vis-à-vis de la recherche clinique classique. L’expression, souvent employée, « évaluation des pratiques » embrasse un champ beaucoup plus large, puisqu’elle s’intéresse tout aussi bien à des aspects organisationnels, institutionnels ou économiques. L’expression « étude de qualité de vie » est en revanche trop restrictive. En effet, la qualité de vie n’est que l’une des composantes permettant de mesurer la satisfaction globale du patient. Enfin l’expression « enquête de satisfaction » a tendance à faire référence à des études où le patient cote lui-même directement sa satisfaction. C’est pourquoi, faute de mieux, nous adopterons dans notre propos, l’expression « recherche évaluative ». Tout comme la recherche clinique, la recherche évaluative s’intéresse aux résultats des thérapeutiques. Elle s’en distingue par le fait de se placer systématiquement du point de vue du patient. Ainsi les mesures ne concernent pas des données physiques ou des tests de laboratoire mais visent à évaluer ce que ressent le patient. Ce type d’étude est absolument fondamental en chirurgie esthétique car le bénéfice réel de ce type de chirurgie n’est pas fonctionnel mais subjectif. La recherche

évaluative permet d’apporter des réponses au problème éthique du rapport bénéfice-risque des interventions de chirurgie esthétique. Elle permettra, au fur et à mesure de ses progrès, de mieux cerner les indications. En recherche évaluative, la mesure peut être recueillie sous la forme d’un indice de satisfaction, d’une échelle de qualité de vie ou d’une échelle d’évaluation en psychologie. Ainsi la recherche évaluative se propose d’objectiver et de mesurer les différents paramètres qui reflètent la satisfaction du patient suite à un acte thérapeutique. En chirurgie esthétique pure, le principal (voire l’unique) critère du succès est la satisfaction du patient. On conçoit aisément que si chacun peut parfaitement vivre avec des poches sous les yeux, des bajoues, ou une bosse ostéocartilagineuse, la demande est en fait d’origine psychique. Or, ce bénéfice peut être quantifié. Nous avons tous eu, dans nos consultations, des patients dont le résultat opératoire nous a déçu, mais qui étaient paradoxalement très heureux de leur intervention. Réciproquement, nous avons vu des patients, pour lesquelles nous avions techniquement honoré le contrat, s’avérer très insatisfaits. Cela illustre la nécessité des études en recherche évaluative, pour nous aider à faire porter l’indication opératoire sur ceux qui auront une chance d’être satisfaits, et à mieux conseiller ceux qui auraient a priori moins de chance de l’être. De même, des études prenant en compte la satisfaction finale du patient pour différents ris-

328 ques permettraient de pondérer au mieux l’importance du geste à réaliser. Ainsi les résultats de la recherche évaluative peuvent être mis en rapport avec les « études de risque ». L’un des meilleurs critères pour prendre une décision thérapeutique est le rapport « bénéfice sur risque ». Cependant ce « bénéfice » est souvent si peu estimé en chirurgie que l’on se contente du rapport « risque de faire sur risque de ne pas faire ». Ce mode décisionnel est certes souvent opérant, en chirurgie carcinologique par exemple, mais nettement moins en chirurgie sans bénéfice fonctionnel telles la chirurgie de donneur vivant, la chirurgie de conversion sexuelle et, bien entendu, la chirurgie esthétique. Imaginons que plusieurs études concordantes retrouvent que la satisfaction est la même après un lifting avec dissection complète du système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) ou avec des plicatures ; il deviendrait alors évident qu’à satisfaction identique, il faudrait réaliser l’intervention jugée par une étude ad hoc comme la moins risquée.

Quelques données épidémiologiques situent l’importance d’une évaluation D’après l’ASPS (American Society of Plastic Surgeons), il y a eu, pendant l’année 2000 aux ÉtatsUnis (260 millions d’habitants, 73 millions d’interventions chirurgicales), 7,4 millions d’interventions de chirurgie esthétique, soit 2,84 % de la population en 1 an ou 10 % de l’effort chirurgical du pays. Pour la même année, l’American Society for Aesthetic Plastic Surgery (ASAPS : http : //www.surgery.org/ press/statistics-2002.asp) avance un chiffre moindre mais tout de même de 5,7 millions (6,9 millions en 2002) et précise que ces chiffres ont augmenté de 25 % en un an et de 173 % entre 1997 et 2000. Selon la même source depuis 1997 : les interventions pour liposuccion ont augmenté de 113 %, les prothèses mammaires de 101 %, les mammoplasties de réduction de 88 %, les abdominoplasties de 72 %, les blépharoplasties de 33 % ; et le lifting de 4 %. Les chiffres de la médecine esthétique ont explosé avec une augmentation du Botox® de 120 % soit 1 096 611 de procédures. Ces chiffres ont été obtenus à partir de différents types de déclarations. Ils sont donc forcément sous-évalués. Une partie des interventions, liposuccions, paupières supérieures, implants de cuir chevelu, ainsi que certaines injections (Botox®, acide hyaluronique, etc.) échappent à ce recensement. De plus, les procédures esthétiques en rapport avec l’orthodontie, l’orthopédie dento-maxillo-faciale et la chirurgie dentaire ne sont pas prises en compte dans cette statistique. Il est de plus en plus fréquent de

J.-P. Meningaud, G. Toure voir des patients demander un traitement orthodontique pour une légère rotation d’une seule dent, la mise en place de facettes, ou le changement de tous les amalgames pour des composites. En France, d’après le journal Les Echos, le « marché » de la chirurgie esthétique augmente de 10 % par an. L’ASAPS prévoit une augmentation importante de cette activité au États-Unis en 2004, et l’attribue à l’amélioration du taux de croissance de l’économie américaine. Une pratique qui concerne par an environ 3 % d’une population et près de 10 % de l’effort chirurgical d’une nation mérite que les professionnels ouvrent le débat éthique et peut-être d’autant plus qu’elle concerne des personnes « bien portantes, demandeuses et consentantes ». Bien que la chirurgie esthétique soit le domaine en plus forte expansion de la chirurgie, ses effets sur les patients ne sont par encore bien compris.

Quelques données qualitatives pour situer l’importance de l’enjeu Le corps semble vécu par nos contemporains comme un matériau d’une grande plasticité comme en témoignent la mode du body-building, l’obsession des régimes alimentaires, la chirurgie de conversion sexuelle, l’engouement pour le tatouage et le piercing et naturellement la chirurgie esthétique.26 Au-delà des demandes classiques de chirurgie de rajeunissement ou d’embellissement qui prennent pour modèle un idéal de jeunesse ou de beauté gréco-romaine, émergent les demandes dites « Star treck ». Dans nos consultations apparaissent ainsi de plus en plus des requêtes qui sortent de la norme ; réalisation d’une fossette ou d’un pli au niveau du menton, création d’un relief par mise en place d’un implant sous la peau du front, bridement des yeux d’un Européen, allongement des canines sont quelques exemples que nous avons pu personnellement rencontrer. Pourtant, parallèlement, les psychothérapies abondent : familiales, comportementales, analytique, etc. Notre société réclame des psychologues dans toutes sortes de situations : en victimologie (victimes et professionnels), au travail (harcèlement moral, sexuel, plans sociaux...), en privé (divorce, addiction...), en milieu scolaire (syndrome d’hyperactivité, racket...), dans les institutions (prisons, hôpitaux, service d’aide médicale d’urgence [Samu] social...), etc. La presse, les émissions de télévision et de radio consacrées à la psychologie ont un immense succès. Les séminaires professionnels sur la gestion du stress, la communication, la caractériologie ou la gestion des conflits abondent.

Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale Ainsi notre société ne renie donc pas, bien au contraire, l’apport d’une réflexion et un appel à l’aide sur les mécanismes de la pensée. Mais, après la révolution sexuelle, elle se prépare à vivre une révolution non moins capitale dans son histoire, celle du corps, conduisant à vivre de façon radicalement différente les rapports corps, âme, esprit ; en rupture avec une vision séculaire. Le corps ne se contente plus d’être entretenu pour le profit de l’esprit selon l’adage mens sana in corpore sano. Le corps mortel n’est plus méprisé comme la dernière entrave face à une vie spirituelle gage d’éternité. Il n’est plus réduit à sa composante génétique, vision commode pour exclure une partie de l’humanité, même si les tentations eugénistes demeurent récurrentes. Le corps n’est plus davantage vécu de façon exclusivement positiviste, étendard d’une médecine triomphante. Notre société postmoderniste, orientée par la recherche d’une certaine liberté formelle, l’éclectisme et la fantaisie, souhaite pouvoir modeler le corps à l’image de ses représentations. La technique aidant, le corps devient plus plastique que la pensée. Notre société veut s’en libérer afin de passer d’un corps objet à un corps sujet, d’un corps que l’on a, à un corps que l’on est.

La recherche évaluative est une exigence éthique La chirurgie esthétique pose le problème éthique du rapport bénéfice/risque des interventions sans bénéfice fonctionnel. Lorsqu’un patient présente une fracture de jambe, une occlusion intestinale, ou un trouble de la perméabilité des fosses nasales, le bénéfice attendu de l’intervention est évident. En revanche, concernant les procédures esthétiques, ce bénéfice est beaucoup plus subtil à appréhender. S’il existe, il se situe à un niveau psychologique. Il faut donc mettre en balance un risque certain, celui d’une anesthésie générale, d’une complication éventuelle, d’une indisponibilité temporaire, d’un coût avec un bénéfice difficile à évaluer par le clinicien. « Me sentir mieux dans ma peau », « avoir plus confiance en moi », « améliorer l’estime de moi-même » sont en général les objectifs affichés du patient lorsqu’on lui pose, avec conviction, la question : « que changera cette intervention dans votre vie ? ». Les raisons professionnelles, certains motifs fonctionnels ne sont, la plupart du temps, que des alibis. Des raisons beaucoup plus subtiles peuvent se cacher derrière la demande esthétique. On parvient quelquefois à les appréhender lorsque l’on demande au patient « quel est l’événement qui a déclenché la de-

329

mande ? », « depuis quand avez-vous envie de vous faire opérer ? » ou « depuis combien de temps envisagez-vous de vous faire opérer ? » (l’envie pouvant précéder le passage à l’acte de plusieurs années) et surtout lorsque l’on instaure un climat de confiance. Une grande différence d’âge avec le conjoint, un divorce récent, un problème relationnel non résolu avec l’un des parents (« le nez du père ») ne sont que quelques exemples courants. Ainsi, les procédures esthétiques posent des problèmes éthiques considérables. Peut-on faire courir un risque, si faible soit-il, à un patient lorsqu’on n’est pas sûr du bénéfice que cette intervention pourra lui apporter ? Une information bien faite et un consentement suffisent-ils à rendre cette intervention éthique ? Cela reviendrait à privilégier le concept d’autonomie du patient, actuellement très favorisé dans la problématique éthique anglosaxonne, beaucoup moins par les préférences philosophiques françaises, plus paternalistes. Ce point mériterait d’être beaucoup plus détaillé. Il est toujours saisissant de constater comment les pratiques médicales et notamment les attentes des patients (clients, usagers) diffèrent en fonction des statuts juridiques de part et d’autre de l’Atlantique. Concernant les procédures esthétiques, les deux aspects qui sont très majoritairement abordés sont les techniques et les aspects juridiques. Pourtant, cela ne permet pas de répondre aux questions fondamentales. Quelle est la motivation réelle des personnes en demande d’une procédure esthétique ?31 Au-delà de l’apparence, qu’est-ce qui est réellement changé après une chirurgie esthétique ? Dans quelle mesure ? Pour quels patients ? Toute intervention comprend un risque et un bénéfice. De l’estimation de ce rapport peuvent découler une indication pertinente et un consentement mieux éclairé. Pourtant en chirurgie esthétique, si les risques sont parfois étudiés, les bénéfices réels ne le sont que très ponctuellement. Avant chaque acte chirurgical, le chirurgien consciencieux se pose deux types de questions : dois-je faire ? et si oui, comment faire ? Les corollaires de cette question sont, bien entendu : que se passera-t-il si je le fais ? quel bénéfice ? pour quel risque ? que se passera-t-il si je ne fais pas ? Contrairement à ce que pense le sens commun, des centaines de milliers d’interventions chirurgicales ont été réalisées sans répondre à cette question qui paraît pourtant aller de soi. Des centaines de milliers de patients ont été opérés sans certitude sur la pertinence scientifique de l’indication. Ainsi en est-il des appendicectomies systématiques jusqu’au jour où fut établi que le risque (occlusion sur bride) était supérieur au bénéfice.

330 Une pratique médicale ne peut être responsable que si elle se met en capacité de mesurer les conséquences de ses actes. En chirurgie esthétique, la recherche évaluative est indispensable.

Quelles sont les caractéristiques d’une bonne échelle d’évaluation ? Lorsque l’on choisit un test, plusieurs critères sont nécessaires. Il faut d’abord vérifier son domaine d’application, c’est-à-dire ce qu’il est supposé mesurer, par exemple la qualité de vie, la dépression,39 l’anxiété, la confiance en soi, etc. Il faut ensuite s’intéresser à son mode de passation. Quelles sont les consignes de l’auteur du test pour le faire passer ? S’agit-il d’un questionnaire en autoévaluation ? d’un jeu de rôle ? d’un entretien semidirectif ? etc. Puis, il faut vérifier le mode de cotation du test. Y a-t-il une grille de cotation ? Une double grille ? Une échelle visuelle analogique ? etc. Enfin, et c’est le plus important, il faut vérifier comment le test a été validé. Les études de validation sont l’équivalent de l’étalonnage pour la pesée. Il faut tout d’abord vérifier que le test a été validé sur une population similaire à celle que l’on veut étudier. En effet, un test validé sur une population anglo-saxone n’est pas directement utilisable sur une population européenne. Les études de validation réalisées, explorent, bien entendu, les notions classiques de la statistique telle la sensibilité, la spécificité, mais aussi la fiabilité testretest, la fidélité inter-juge, la validité de convergence, et éventuellement la consistance interne. La fiabilité test-retest mesure la probabilité d’obtenir le même score à très brève échéance. Un test où les notes seraient très différentes alors qu’aucune action n’a été entreprise sur le patient ne peut pas être considéré comme fiable. La fidélité inter-juge mesure que le test n’est pas ou peu passeur-dépendant. Cette donnée est importante lorsque plusieurs personnes font passer les tests, notamment dans les études multicentriques. La validité de convergence est une donnée absolument fondamentale. En effet, l’étalonnage des tests ne se fait pas ex nihilo, il se fait par référence à d’autres tests souvent beaucoup plus lourds à faire passer. La consistance interne est une donnée évaluant la cohérence d’un test lorsque celui-ci mesure plusieurs aspects.

Quels sont les principaux instruments utilisés en recherche évaluative plastique et maxillofaciale ? Les instruments existants peuvent être classés en trois catégories : les échelles de satisfaction, les

J.-P. Meningaud, G. Toure échelles d’évaluation en psychologie, et les études de qualité de vie. Les évaluations objectives n’en font pas partie ; elles quantifient directement des changements physiques. Il s’agit pour l’essentiel de méthodes anthropométriques1 éventuellement assistées par ordinateur.2 Naturellement, les évaluations objectives ne quantifient pas le bénéfice réel de la chirurgie esthétique, mais peuvent avoir un intérêt du point de vue technique et en association avec les méthodes précitées.

Échelles de satisfaction Elles ont l’immense avantage de leur simplicité. Elles mesurent la satisfaction du patient à l’aide d’une note ou d’une échelle visuelle analogique sur le modèle de ce qui se fait pour la douleur. Elles souffrent de la facilité avec laquelle des réponses peuvent être induites. Pour éviter ce biais, il est souvent fait appel à une interface, évaluateur indépendant ou photo. Malgré leur faiblesse, leur usage est certainement appelé à augmenter pour plusieurs raisons : beaucoup de problèmes en chirurgie esthétique relèvent intuitivement de cette technique d’évaluation, ce type d’échelle peut être combiné aux autres modes, enfin ce type d’étude est le plus simple à mettre en œuvre pour le chercheur qui souhaite commencer à quantifier ses résultats en se plaçant dans la perspective du patient.

Tests de qualité de vie Les tests de qualité de vie intègrent en un seul score différents domaines comme des critères physiques, sociaux, psychologiques, émotionnels, voire spirituels. On distingue les tests génériques et les tests spécifiques. Les derniers tiennent compte de la pathologie ou de la demande de soins du patient, en l’occurrence d’une demande de chirurgie esthétique. Les tests génériques visent à quantifier la qualité de vie globale du patient sans tenir compte de sa demande, ils sont souvent moins biaisés. Le Tableau 1 donne quelques exemples (non exhaustifs) d’études utilisant des échelles de qualité de vie. Ne pouvant tous les décrire, nous décrivons très succinctement le EQ-5D3 à titre d’exemple : c’est un test générique développé par un groupe multidisciplinaire de chercheurs européens en 1987. Il a été conçu pour être rempli directement par les sujets enquêtés. Simple dans sa formulation, ne prenant qu’une minute à remplir, il convient très bien pour de grandes enquêtes cliniques. Le EQ-5D se présente essentiellement sous forme de deux pages, i.e. : un questionnaire fermé, permettant un

Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale Tableau 1

Exemples d’échelles de qualité de vie utilisées en chirurgie esthétique faciale.

Échelle Derriford apparence Scale8

Générique/spécifique Spécifique

Étude décrivant l’échelle Klassen et al, 19987

EQ–5D

Générique

The EuroQol Group 19903

Health Measurement Questionnaire Short Form 36 Rhinoplasty Outcomes evaluation

Générique (en fait quelques Gudex et Kind198811 éléments spécifiques) Générique Ware 199314 Spécifique Alsarraf 200016

Facelift Outcome Evaluation

Spécifique

Alsarraf 2000

Blepharoplasty Outcome Evaluation

Spécifique

Alsarraf 2000

Skin Outcome Evaluation

Spécifique

Alsarraf 2000

autoportrait de l’état de santé orienté sur cinq aspects fondamentaux, chaque aspect donne lieu à trois réponses possibles. Au total, 243 états de santé possibles peuvent être définis de cette façon. Le EQ-5D VAS (visual analogic scale) reflète l’état de santé global (physique et psychologique) estimé par le patient grâce à une échelle visuelle analogique graduée de 0 à 100 sur le modèle d’un thermomètre.

Tableau 2

331

Étude utilisant l’échelle Harris et Carr 20013 (étude de validation) Meningaud et al. 20013 Meningaud et al. 200310 Cole et al. 199412 Rankin et al. 199813 Klassen et al. 199615 Alsarraf 200217 (étude de validation) Alsarraf 2002 (étude de validation) Alsarraf 2002 (étude de validation) Alsarraf 2002 (étude de validation)

Échelles d’évaluation en psychologie Ce sont naturellement les plus employées étant donné la nature psychologique de la demande de chirurgie esthétique. Le Tableau 2 donne quelques exemples de tests utilisés dans cette catégorie. Ne pouvant tous les décrire, nous décrirons (très succinctement) le Social Interaction Self-Statement Test (SISST) à titre d’exemple4. C’est l’une des

Exemples d’échelles d’évaluation en psychologie utilisées en chirurgie esthétique faciale.

Échelle Facial Appearence Sorting Test Body Image Inventory Multidimensional Body-Self Relations Questionnaire (MBSRQ) Semantic differential test Body Cathexis Scale Rosenberg’s Self Esteem Scale Self-Esteem Inventory Minnesota Multiphasic Personality Index (MMPI) Brief Symptom Inventory Crown Crisp Experimental Index Beck Depression Inventory Hamilton depression scale Montgomery and Asberg Depression Rating Scale (MADRS) Social Interaction Self-Statement Test (SISST) Fundamental Interpersonal Relations Orientation-Behavior (FIRO-B) Body dysmorphic disorder Examination self-report General Health Questionnaire

Cible Image corporelle Image corporelle Image corporelle

Étude décrivant l’échelle Copas et Robin 198918 Berscheid et al.197320 Cash 200022

Étude utilisant l’échelle Robin et Copas 198819 Ozgur et al. 199821 Pertschuk 199823

Image corporelle Image corporelle Estime de soi Estime de soi Évaluation psychiatrique générale Évaluation psychiatrique générale Évaluation psychiatrique générale Dépression Dépression Dépression

Osgood et al. 195724 Secord et Jourard 195326 Ronsenberg 196528 Coopersmith 198629 Hathaway et McKinley 197030 Derogatis et al. 198232

Burk et al. 198525 Marcus 198427 Klassen et al. 199615 Ozgur et al. 199821 Wright 197531

Crown et Crisp34

Slator et Harris 199235

Relations interpersonnelles

Beck et al. 199036 Hamilton 196738 Montgomery et Asberg 197939 Glass et al. 19824

Relations interpersonnelles

Schutz 195840

Goin et al. 198037 Goin et al. 198033 Meningaud et al. 20019 Meningaud et al. 200310 Meningaud et al. 20019 Meningaud et al. 200310 Goin et al. 198033

Dysmorphophobie

Rosen et Reitter199641

Sarwer et al.42

Bien-être psychologique

Goldberg et Hillier 197943

Klassen et al. 199615

Goin et Rees 199133

332 meilleures échelles d’évaluation développées pour quantifier la sévérité de la phobie sociale et la symptomatologie anxieuse dans le contexte des relations hétérosociales grâce à un double score (pensées facilitatrices ou inhibitrices). Il s’agit d’une échelle d’autoévaluation comprenant 30 variables cotées de 1 à 5 (de 1 = je n’ai presque jamais eu cette pensée à 5 = j’ai très souvent cette pensée). Plusieurs études ont montré une bonne cohérence interne et une bonne validité convergente. Seule l’échelle négative différencie deux types de sujets phobiques sociaux : les sujets ayant peur de l’interaction sociale ont de plus hauts scores que les sujets ayant peur de parler en public.

Quelques résultats en recherche évaluative dans le domaine de la chirurgie esthétique maxillofaciale En préambule, précisons que les résultats de la chirurgie esthétique faciale ne sont pas superposables à ceux de la chirurgie esthétique de la silhouette.10 Les problématiques sont différentes. Le visage est le centre de l’identité, l’interface privilégiée de la relation sociale. La chirurgie de réduction mammaire, la liposuccion et la plastie abdominales sont souvent liées à des problèmes de surpoids et indirectement à des problèmes fonctionnels. Ainsi les résultats de la chirurgie esthétique générale ne sont pas directement extrapolables à la chirurgie esthétique faciale. De même une distinction devrait théoriquement être faite entre la chirurgie d’embellissement facial et la chirurgie de rajeunissement. Sur cet aspect, les données sont encore très fragmentaires. La population candidate à une chirurgie esthétique faciale a des indices de dépression supérieurs à la population générale.9 La chirurgie esthétique faciale n’améliore pas les indices de dépression.10 Les réactions dépressives sont fréquentes après une chirurgie esthétique (notamment le lifting37). Il s’agit le plus souvent d’une intensification passagère de symptômes préopératoires.37 En revanche, elle améliore indiscutablement la confiance en soi qu’il s’agisse de la chirurgie de rajeunissement37 ou celle d’embellissement. Il en va de même pour l’estime de soi33 et bien entendu pour ce que l’on pourrait qualifier le bien-être psychologique global.15 Elle améliore statistiquement les scores des échelles d’image corporelle, notamment dans le domaine de la rhinoplastie.19 Elle améliore la cohérence entre l’image corporelle faciale et l’image corporelle globale, cette dernière étant souvent bonne.25 Il existe une corrélation entre l’améliora-

J.-P. Meningaud, G. Toure tion des scores d’image corporelle et la diminution de certains symptômes psychiatriques.19 Des effets bénéfiques psychologiques et comportementaux ont pu être mis en évidence aussi bien à court terme qu’à long terme.27 La chirurgie esthétique faciale améliore aussi bien les tests génériques ou spécifiques de qualité de vie mais cela semble lié exclusivement à l’amélioration de certains paramètres psychologiques précités contenus dans ces tests.10 Les patients atteints du « body dysmorphic disorder » (terme non strictement équivalent à dysmorphobie dans la nosographie psychiatrique actuelle), représentent environ 5 % des patients de la clientèle d’un chirurgien esthétique.5 C’est statistiquement le nez qui est le plus souvent le centre de leurs préoccupations. Ils ne bénéficient pas de la chirurgie esthétique. Un dépistage de ce syndrome par le chirurgien lui-même apparaît nécessaire afin que le patient puisse être adressé au praticien compétant.42 Ces patients ne doivent pas être adressés à un autre chirurgien, comme cela peut souvent se voir lorsque le premier chirurgien se sent dépassé, mais à un psychiatre en vue d’une psychothérapie comportementale et/ou d’un traitement médicamenteux.6 Sur un autre plan, une étude explorant une cohorte de patients 5 ans après leur rhinoplastie n’a pas montré que la demande de rhinoplastie était le symptôme précoce d’une maladie psychiatrique sévère.35

Conclusion En guise de conclusion, nous voudrions insister sur trois aspects importants. Tout d’abord, au vu des résultats de la recherche évaluative, on conçoit que la chirurgie esthétique est un acte médical à part entière puisqu’il peut se révéler thérapeutique. Par ailleurs, la recherche évaluative en chirurgie esthétique n’en est qu’à ses prémices. Des études beaucoup plus fines seront réalisées dans les années à venir. Elles auront notamment pour objectif de comparer des procédures chirurgicales en utilisant comme outil de mesure des échelles d’évaluation, de telle sorte que des rapports bénéfice/ risque puissent être calculés. Enfin, il semble indispensable pour le professionnel qui s’oriente vers la chirurgie esthétique d’avoir une formation initiale et continue sur les données de la recherche évaluative. Un chirurgien orthopédiste, cardiaque, ou viscéral est capable d’évaluer le bénéfice de ses interventions. Il devrait en être de même dans le domaine de la chirurgie esthétique. Cela n’exclut pas le recours ponctuel à un psychiatre.

Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 334–344

www.elsevier.com/locate/emcden

Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale Guidelines for prescribing dental radiography G. Teman *, A. Lacan, M. Suissa, L. Sarazin Institut de radiologie de Paris Scanner Hoche, 31, avenue Hoche, 75008 Paris, France

MOTS CLÉS Anomalies dentaires ; Lésions du maxillaire ; Imagerie dentofaciale

Résumé L’indication des examens d’imagerie dentofaciale doit être parfaitement posée en fonction du type et de la localisation de la lésion afin d’apporter la réponse la plus adaptée et la plus précise à un problème donné. Ce chapitre décrit les principes d’interprétation radiographique, les anomalies dentaires, les pathologies dentaires, les lésions des maxillaires y compris l’articulation temporomandibulaire. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Dental abnormalities; Jaw’s lesions; Odontics imaging

Abstract Guidelines for prescribing dental radiography are necessary in order to warrant the most adapted and the most precise approach to a given problem. This chapter describes the principles of radiographic interpretation, various dental abnormalities and diseases, and lesions of the jaws (the temporomandibular joint is included). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Un bon traitement découle obligatoirement d’un bon diagnostic. L’imagerie maxillofaciale est un outil indispensable pour permettre ce bon diagnostic ; il doit néanmoins être précédé d’un examen clinique complet qui permettra d’orienter vers le type d’imagerie à réaliser. Surtout, l’interprétation diagnostique de l’examen d’imagerie maxillofaciale ne sera satisfaisante que si cet examen est corrélé à la symptomatologie et à l’examen clinique. Il est indispensable de connaître le guide du cheminement des examens d’imagerie afin de limiter les examens d’imagerie uniquement à ceux qui sont utiles, et de permettre d’avoir une stratégie diagnostique cohérente.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Teman). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.03.003

Quels examens d’imagerie sont à réaliser devant une symptomatologie donnée ?1,2,3,4 Ils sont représentés dans le Tableau 1.

Périodicité des examens radiologiques dans le cadre d’un bilan dentaire En cas de lésion carieuse ou infectieuse ou de facteur de risque de ce type de lésion, il est nécessaire de répéter le panoramique tous les 18 mois éventuellement complété par des clichés rétroalvéolaires et rétrocoronaires, au mieux par un bilan long cône. NB : il faut limiter au maximum l’exploration radiologique des femmes enceintes surtout pendant l’embryogenèse (4 premiers mois de grossesse). Néanmoins si un examen radiologique présente un caractère urgent, notamment avec un risque infectieux important, des examens d’image-

Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale Tableau 1

335

Examens d’imagerie à réaliser devant une symptomatologie donnée.

Bilan de la 1ère consultation dentaire Algie Caries Lésion infectieuse Bilan orthodontique Anomalie dentaire Dent incluse Bilan endodontique Bilan parodontal Bilan pré-implantaire Bilan avant greffe Bilan postimplantaire Complications postthérapeutiques Traumatisme Pathologie buccosinusienne Lésion sectorielle Tumeur osseuse Anomalie des parties molles ATM : anomalie osseuse ou arthrosique ATM : suspicion de lésion discale

Pano 1+ 1+ 1+ 1+ 1+ 1+ 1+ 1 1 1 1 1+ 1 1+ 1 1+ 1+ (+)

occl

(+) (+) 2

(+)

(+)

RA/BW 2

Inc.Spec Téléc

2+ 2+ 2 RA 2+ RA (+) 2+ (+) (+)

(+)

Tom

Sialo

Écho

(+)

(+) 2+

(+) 2+

2+ (+)

3 3+ 3+ (+) 2+ ++ 3+ 3+

(+)

(+) (+) (+) (+)

(+)

1

(+) (+)

IRM

4+

(+)

2+

TDM

3+

3+ 3 (+) +

(+)

2 RA 2 RA + 2+

LC

(+)

1+

3+ 2+

(+)

3+ 2+ 2+

3+ 3

2+ +

Pano : panoramique dentaire ; Occl : clichés occlusifs ; LC: bilan long cône ; RA/BW : clichés rétroalvéolaires/ Bite Wings ; Inc Spec : incidence radiologique spéciale ; Téléc : télécrâne ; Tom : tomographie ; Sialo : sialographie ; Echo : échographie ; TDM : examen tomodensitométrique (avec Dentascan) ; IRM : examen IRM ; ATM : articulation temporomandibulaire. Numéro dans la case du tableau : ordre chronologique des examens ; (+) : examen possible mais avec un intérêt limité ; + : examen souvent indispensable

rie maxillofaciale doivent être réalisés avec le consentement éclairé de la patiente et avec la mise en place d’un tablier de protection sur le ventre.

Bilan orthodontique (Fig. 1, 2)5,6 Classes d’angle Le télécrâne de profil permet de définir la classification d’angle et la classification de Balard. Les classes d’angle déterminent la relation dentaire

Figure 1 Canine incluse bloquée par un composé odontoïde (reconstruction 3D).

entre l’arcade supérieure et l’arcade inférieure dans le sens antéropostérieur alors que la classification de Balard étudie les rapports osseux entre le maxillaire et la mandibule : • classe I : c’est une occlusion engrenée avec une canine inférieure et une première molaire inférieure mésialisées d’une demi-dent par rapport à leurs homologues supérieures ; • classe II : la canine supérieure et la première molaire supérieure sont mésialisées d’une demi-dent par rapport à leurs homologues inférieures (division 1 : vestibuloversion des incisives supérieures, division 2 : palatoversion des incisives supérieures) ; • classe III : il existe une augmentation de la mésio-occlusion de la première molaire inférieure par rapport à la classe I avec généralement une occlusion inversée du secteur antérieur, les incisives antérieures étant en situation postérieure par rapport aux incisives inférieures. Ces différentes classifications sont mieux visualisées par le télécrâne de profil qui permet également des analyses céphalométriques standardisées

336

G. Teman et al. mandibule), et la duplication de dents surnuméraires (hyperdontie). Les composés odontoïdes sont une forme particulière d’anomalie de nombre avec des dents surnuméraires dysmorphiques ; on différencie l’odontome composé, qui est formé de nombreuses microdents malformatives accolées dans un sac, de l’odontome complexe qui correspond à une formation grossière anarchique composée de tissu dentaire et notamment amélaire très dense au scanner.

Anomalies morphologiques dentaires Les anomalies morphologiques dentaires les plus fréquentes sont : la microdontie (12, 18, 22, 28), la macrodontie (11, 21) le taurodontisme (35, 36, 45, 46), la dilacération (distorsion de la dent), la fusion (11-12, 21-22), la concrétion (union des racines de deux dents par une masse cémentaire) et la « dens in dente » (invagination d’une microdent sur une dent) (12-22). Les autres anomalies sont des anomalies plus localisées et plus parcellaires telles que des anomalies de couronnes ou de racines (par exemple la rhizalyse qui correspond à une résorption plus ou moins complète d’une racine).

Anomalies de position En ce qui concerne les anomalies de position, on différencie les anomalies au niveau de crête, telles que le diastème ou la transposition qui correspond à une inversion de situation entre deux dents des anomalies éloignées de la crête (ectopie et dent incluse). Il est important de localiser la dent incluse et d’étudier ses rapports avec les dents adjacentes et les sinus maxillaires pour l’arcade du haut ; il est indispensable de connaître, au niveau de la mandibule, les rapports des dents incluses dans les secteurs postérieurs (38 et 48), avec le canal mandibulaire. Si 38 et 48 doivent être extraites et se projettent sur le cliché panoramique en regard du canal mandibulaire, un complément tomodensitométrique (TDM) apparaît nécessaire pour déterminer avec précision la situation vestibulolinguale du canal mandibulaire et surtout l’importance du contact entre les racines et le canal mandibulaire. L’examen d’imagerie permettra de déterminer parfois la cause de l’inclusion (malposition dentaire ou manque de place dans le cadre d’une dysharmonie dentomaxillaire) ; une ankylose pourra être suspectée en cas d’absence d’espace périradiculaire et d’une dédifférenciation entre le cément et la spongieuse. Il faudra enfin rechercher les complications secondaires aux dents incluses telles que les répercussions sur les dents voisines (résorption de la racine, déplacement de la dent, gêne à l’éruption d’une dent adjacente). La dent incluse peut être un facteur prédisposant à la formation d’un kyste ou même d’une tumeur. Le scanner, dans le cadre d’une dent incluse, doit toujours comporter un Dentascan ainsi qu’une reconstruction 3D. Les anomalies dentaires, en nombre ou en position, peuvent être associées à des malformations faciales, la plus connue étant la fente palatine qui peut être unilatérale ou bilatérale, médiane ou paramédiane. Les reconstructions TDM en 3D permettent au chirurgien d’appréhender, après précision, la malformation à « réparer ».

Anomalies en nombre Les anomalies en nombre sont assez fréquentes notamment l’agénésie (surtout les incisives latérales du maxillaire et les deuxièmes prémolaires de la

Anomalies acquises dentaires Les anomalies acquises dentaires peuvent être : • des phénomènes de « destruction » secondaires à des formes d’abrasion tels que l’attrition

Figure 2 Le scanner permet de localiser de façon précise les rapports du canal mandibulaire avec les racines des dents de sagesse ; dans ce cas, le canal mandibulaire est au contact des apex de 48, s’insinuant entre les racines vestibulées et la racine linguale.

les plus connues étant celles de Steiner, de Wits, de Tweed et de Ricketts. Actuellement, il existe des programmes informatiques permettant une analyse céphalométrique quasi immédiate, en plaçant les points et plans céphalométriques.

Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale qui est une usure du sommet des couronnes, des conséquences infectieuses ou inflammatoires telles que les caries et les granulomes internes, des aspects post-thérapeutiques tels que des lacunes de bords nets au niveau des couronnes, des conséquences d’un traumatisme, des phénomènes de résorption parfois inexpliqués ; • des phénomènes de « construction » au niveau dentaire tels que la dentine secondaire qui est un épaississement dentinaire rétrécissant la chambre pulpaire souvent après une « agression » de la dent, ou tels que l’hypercémentose qui est un épaississement dentinaire d’origine inflammatoire donnant un aspect épaissi des apex en forme de massue. Le calcul pulpaire et la sclérose sont plus rares et se traduisent par des opacités intrinsèques de la chambre pulpaire.

Bilan endodontique (Fig. 3, 4)3 L’imagerie a plusieurs intérêts en endodontie : elle détermine des anomalies inhabituelles en nombre ou en morphologie des racines permettant une reprise d’obturation canalaire (les incisives et les canines ont généralement une racine, les prémolaires deux racines, les molaires trois racines) ; une obturation incomplète entraîne le plus souvent une lésion osseuse périapicale. On recherchera également d’autres complications de traitement endodontique telles qu’une fissuration de racine ou un dépassement de pâte dentaire. Le dépassement de pâte dentaire a des conséquences pathologiques lorsqu’il fuse dans le sinus maxillaire pour le maxillaire, et quand il rentre dans le canal mandibulaire pour la mandibule.

Figure 3 Racine mésiovestibulée bilobée de 16 et 26 avec une obturation canalaire incomplète de cette racine au niveau de 16 engendrant une petite zone d’ostéolyse périapicale en regard.

337

Figure 4 Dépassement de pâte dentaire dans le canal mandibulaire.

NB : une lacune limitée de l’os, en regard d’apex tronqués d’une dent obturée, peut être un aspect de résection apicale.

Bilan parodontal (Fig. 5)3,4 Le bilan parodontal d’un patient se fait par un examen clinique avec sondage pour déterminer la profondeur des poches parodontales et par un examen radiologique ; l’examen radiologique de référence est le bilan long cône avec parfois grille millimétrique. On distingue deux types de lésions parodontales : • la récession osseuse est un phénomène plus ou moins généralisé de « rétraction » osseuse avec un niveau de crête trop haut pour le maxillaire et trop bas pour la mandibule. Les racines des dents sont « découvertes » et sont moins protégées ; • la lésion parodontale verticale est un phénomène plus local. Elle correspond à une résorption des tissus de soutien périradiculaire de la dent, avec lyse osseuse. Elle peut aller jusqu’à la poche parodontale et traduit généralement un phénomène inflammatoire local qui peut être dû à une prothèse débordante.

Figure 5 Récession osseuse importante avec alvéolyse de 32.

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G. Teman et al.

Pathologie infectieuse (Fig. 6, 7)7 On différencie les lésions infectieuses dentaires, des lésions péridentaires intéressant les tissus de soutien des dents, l’os ou les parties molles. Caries Les caries sont des zones de décalcification nécrotique créant une lacune de bords flous au niveau de la couronne, du collet, parfois des racines au panoramique dentaire ou au cliché rétrocoronaire et rétroalvéolaire. Il faut faire attention de ne pas diagnostiquer une carie devant une fine image en demi-teinte en périphérie de la dent car il existe des fausses images radiologiques dues à des effets de bord ; la confrontation à l’examen clinique est alors indispensable. L’examen tomodensitométrique a peu d’intérêt dans une recherche de caries. Infection péridentaire L’infection péridentaire va de la simple desmodontite qui provoque un élargissement du ligament alvéolodentaire, au kyste apicodentaire qui donne une lacune finement cerclée périapicale, les racines pouvant se résorber. Le granulome périapical

Figure 6 Communication buccosinusienne avec comblement inflammatoire du sinus maxillaire.

Figure 7 Ostéite ; la texture osseuse est hétérogène.

est une lacune de plus petite taille que le kyste, en forme de goutte d’eau et correspondant à un phénomène de défense d’une dent mortifiée. Le traitement peut parfois être chirurgical par résection apicale. La péricoronarite est une inflammation du capuchon péricoronaire pour une dent incluse, pouvant grossir et se transformer en kyste péricoronaire. Les infections plus diffuses telles que les cellulites et les abcès pour les parties molles montrent en échographie et en scanner un feutrage tissulaire avec des zones d’aspect liquidien en cas d’abcès. Les ostéites ont la même sémiologie radiologique et tomodensitométrique que sur le reste du corps. Ce sont des lésions de siège ubiquitaire, dans un contexte clinique inflammatoire. Leur aspect radiologique se traduit par une modification de la texture osseuse avec des zones de résorption, des séquestres, des plages hétérogènes de bords flous, parfois associées à des appositions périostées. Pathologies buccosinusiennes Les infections sinusiennes maxillaires, surtout si elles sont unilatérales, peuvent avoir une origine dentaire. La forme la plus habituelle de sinusite maxillaire d’origine dentaire provient d’une lésion osseuse périapicale en regard d’une prémolaire ou d’une molaire du maxillaire ; la corticale de l’infrastructure du sinus maxillaire peut alors être déformée, refoulée vers le haut, amincie et même déhiscente en regard de la lésion périapicale. Le scanner permet au mieux, avec des reconstructions Dentascan, de visualiser la morphologie de la corticale du bas-fond du sinus maxillaire ainsi que le retentissement inflammatoire du sinus maxillaire contigu à la lésion dentaire. Les deux autres causes de sinusite d’origine dentaire à connaître sont la communication buccosinusienne, et la présence d’un corps étranger d’origine dentaire (le plus souvent de la pâte dentaire). Elles sont diagnostiquées par l’exploration conjointe clinique et tomodensitométrique. La communication buccosinusienne est due à un defect du bas-fond sinusien rompant la barrière naturelle entre la bouche et le sinus maxillaire. Elle crée une infection et un comblement du sinus maxillaire ; si la transparence du sinus maxillaire est respectée, cela signifie qu’il persiste une barrière muqueuse même si la paroi osseuse est déhiscente. La communication buccosinusienne est souvent secondaire à une extraction dentaire difficile ayant créé une brèche dans la paroi du sinus maxillaire ; il faudra également rechercher un fragment migré de la dent extraite dans le sinus. La présence d’un corps étranger en situation intrasinusienne provoque des complications inflammatoires ou in-

Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale

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fectieuses ; le dépassement de pâte dentaire dans les secteurs prémolaires et molaires du maxillaire peut migrer dans le sinus maxillaire, parfois en situation très haute. Quand il existe un comblement intrasinusien adjacent à la pâte dentaire, la présence de petites calcifications au sein de ce comblement peut témoigner d’une greffe aspergillaire secondaire. Le traitement chirurgical doit alors être réalisé.

Pathologie tumorale (Fig. 8, 9, 10, 11)8,9 Seule l’histologie permet d’avoir une certitude diagnostique ; néanmoins, l’imagerie est le meilleur moyen d’exploration avant la chirurgie, permettant un diagnostic d’extension et une orientation sur le type de lésion (Tableau 2). Il existe d’assez nombreuses formes histologiques de lésions carcinomateuses et sarcomateuses odontogéniques, certaines proviennent d’une dégénérescence maligne d’anciennes lésions odontogéniques. De ce fait, malgré le risque faible devant certaines lésions odontogéniques, une chirurgie apparaît quasiment toujours nécessaire.

Figure 9 Ostéosarcome ; les calcifications envahissent les parties molles.

Figure 8 Kyste péricoronaire ; la lésion osseuse, lobulée, refoule les corticales.

Figure 10 Métastase d’un cancer bronchique dans la région de l’articulation temporomandibulaire (ATM), touchant le lobe temporal (prise de contraste en imagerie par résonance magnétique [IRM]).

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Figure 11 Tori palatins.

Pathologie de l’articulation temporomandibulaire (ATM) (Fig 12, 13)3 On retrouve les pathologies de toutes les articulations ; ce qui la différencie, c’est la présence de lésions méniscales (explorées en imagerie par résonance magnétique [IRM]). Le ménisque, en situation normale, s’interpose entre le condyle mandibulaire et l’os temporal, tant en position bouche fermée qu’en position bouche ouverte. Les luxations discales peuvent se faire dans tous les plans de l’espace mais principalement dans le plan antérieur. L’interposition discale peut être partielle ; le pronostic sera plus péjoratif si l’interposition discale est totalement absente et si la luxation persiste lors de l’épreuve dynamique jusqu’à l’ouverture maximale. Les autres pathologies du ménisque à rechercher sont le disque fixé (ankylose discale) et la perforation discale. Outre les pathologies discales, les problèmes fonctionnels peuvent provenir uniquement d’anomalies condyliennes ou de la cavité articulaire (TDM+) : une dysmorphie condylienne, une malposition du condyle dans sa cavité glénoïde en position bouche fermée (surtout s’il existe des troubles d’occlusion), ou des phénomènes dégénératifs de type arthrosique. L’ouverture buccale peut être gênée par des phénomènes inflammatoires ou par un processus occupant intra-articulaire (tumeur bénigne ou maligne, pannus dans le cadre d’une polyarthrite rhumatoïde).

• une luxation partielle ou complète de la dent ; • une fissuration, voire une fracture de la dent ; • une lésion osseuse associée. Le pronostic n’est pas le même selon la topographie de la fracture dentaire, celles ayant le pronostic le plus favorable étant les fractures coronaires sans effraction de la chambre pulpaire. Si le traumatisme est suffisamment important pour avoir atteint une dent, il faut éliminer une fracture osseuse du massif facial et surtout des maxillaires si possible par exploration tomodensitométrique. Enfin, un suivi clinique et radiologique après un traumatisme doit être fait car il existe des complications tardives même pour les simples contusions : un kyste périapical, une mortification de la dent ou un arrêt de développement d’une dent définitive sont les complications tardives les plus graves. Devant un traumatisme facial, l’examen TDM permet une exploration exhaustive de toutes les lésions ; on recherchera des fractures multiples. Le risque septique est important quand la solution de continuité se situe au niveau de la cavité buccale, surtout au niveau des zones dentées. Si la fracture intéresse la mandibule et plus particulièrement la région de l’ATM, le pronostic fonctionnel est engagé. La fracture des parois des cavités sinusiennes provoque un hémosinus. Le fait qu’une fracture du massif facial intéresse le cadre orbitaire est un facteur de gravité.

Bilan préimplantaire (Fig. 16)11,12,13,14 Évaluation des risques possibles d’échec Avant la réalisation d’un examen type Scanora ou mieux tomodensitométrique en vue de la pose d’un implant, il est impératif d’évaluer les facteurs de risque possibles d’échec : • nombreuses lésions carieuses ; • lésions parodontales adjacentes (furcation, poche parodontale...) ; • déminéralisation osseuse du secteur implantable ; • anomalies orthodontiques réduisant l’espace implantable ; • bilan occlusal défavorable ; • infection buccosinusienne. Cette évaluation est au mieux effectuée par la réalisation d’un panoramique dentaire, au besoin complété par un bilan long cône.

Traumatologie (Fig. 14, 15)10 Indications des techniques d’imagerie Devant un traumatisme dentaire, on recherchera en imagerie (panoramique, rétroalvéolaire, scanner) : • une absence de lésion, une simple contusion n’ayant pas de traduction radiologique ;

Panoramique dentaire Il est réalisé en première intention, mais insuffisant. Il permet une évaluation du secteur édenté et une estimation approximative de la hauteur de l’os,

Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale Tableau 2

341

Orientation diagnostique. Orientation Orientation vers la bénignité vers la malignité ++ Une lésion lytique englosurtout si la lésion est bant une dent peut également être maligne périapicale

Où ? L’épicentre de la lésion est une dent ou un de ses composants Quand ? Contexte Lésion connue ou présente sur un ancien cliché de plus de 5 ans Évolutivité lente Contexte infectieux Contexte de métastases ou de lésion maligne anciennement opérée dans la même région Comment ? Morphologie de la lésion Lésion lytique Lésion mixte Lésion condensante sans contexte de métastases Excroissance osseuse bien limitée avec une corticale Tumeur différenciée « structurée » Présence de cloisons Lésion différenciée contenant des images très denses évoquant de l’émail Lésion destructurée Absence de contraste en IRM Prise de contraste isolée au niveau de la lésion en IRM Formation arrondie à bords réguliers Coque périphérique Bords irréguliers Bords flous, mal définis À la périphérie de la lésion : Refoulement des corticales (avec amincissement des corticales), des dents, du canal mandibulaire Prise de contraste en périphérie de la lésion, infiltrant les parties molles Résorption radiculaire régulière au contact de la lésion Perte rapide de dent Respect du ligament alvéolodentaire de la dent au contact de la lésion Infiltration du ligament alvéolodentaire avec un aspect élargi et irrégulier Dent maintenue dans une masse ostéolytique Corticales rompues lysées avec des bords irréguliers sans refoulement Corticales « en feu d’herbe » Destructuration des travées osseuses par infiltration contiguë à la lésion Envahissement ou infiltration des parties molles Tumeur des parties molles lysant les structures osseuses contiguës, sans refoulement des corticales Formation arrondie isolée dans le sinus Lacune de Stafné Image radioclaire visible sur le panoramique non retrouvée en scanner

+++ ++ + ++

+ + ++ + torus/exostose ++ ++ ++

+

+ ++

++ + ++ ++

+

++ ++ ++

++

+++ + +

+ ++ + ++ +++ ++ +++ ++ ++ +++ +++ Artefact/Projection aérique/raréfaction isolée des travées osseuses

IRM : imagerie par résonance magnétique.

compte tenu d’un facteur d’agrandissement constant. Il ne permet pas une étude dans le plan vestibulopalatin ou lingual. Scanora Il permet de réaliser des radiographies panoramiques et des tomographies perpendiculaires à la courbure des maxillaires. Dans certains cas, il per-

met de s’affranchir des artéfacts métalliques. Toutefois, il est moins précis que le scanner en raison d’un facteur d’agrandissement constant et d’une résolution spatiale moins bonne. Télécrâne de profil Il permet une étude complémentaire de la zone édentée notamment au niveau symphysaire.

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Figure 12 Le ménisque s’interpose entre le condyle mandibulaire et l’éminence temporale en situation bouche ouverte (aspect normal).

Figure 14 Luxation de 11 avec fracture de la table osseuse vestibulée ; absence de 21 et fissuration de 12.

Figure 15 Fracas osseux maxillaire et zygomatique.

Figure 13 Luxation discale irréductible ; le ménisque reste en position, trop antérieur, en situation bouche fermée (13-1) et en situation bouche ouverte (13-2).

Scanner Le scanner, associé au Dentascan, est maintenant reconnu comme l’examen d’imagerie de référence en implantologie orale (intérêt médicolégal). Il permet une étude anatomique fiable et précise : pas de déformation, ni de facteur d’agrandissement et étude dans les trois plans de référence. Guide d’interprétation d’un scanner dentaire dans le cadre du bilan préimplantaire Il faut différencier le Dentascan classique du Dentascan angulé.

Figure 16 Modèle implantaire positionné sur les reconstructions coronales obliques.

Dans le Dentascan classique Les coupes réalisées à l’aide du logiciel de reconstruction sont coronales obliques, verticales, perpendiculaires à un axe de référence tracé sur le topogramme en vue occlusale. On sélectionne ensuite le secteur à implanter, puis on repère le numéro de la coupe coronale oblique correspondant à ce secteur. Sur la coupe coronale oblique, on

Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale mesure successivement l’épaisseur de crête et la hauteur d’os disponible qui, pour le maxillaire, va jusqu’aux corticales des fosses nasales ou de l’infrastructure du sinus maxillaire (en fonction du site antérieur ou postérieur) ; pour la mandibule, on repère la hauteur maximale d’os disponible par rapport à la corticale basilaire et le foramen mentonnier pour les secteurs antérieur et prémolaire et par rapport à la corticale supérieure du canal du nerf alvéolaire pour le secteur molaire. Les mesures doivent être effectuées jusqu’à la crête ; quand elle est amincie, elles sont faites avec une épaisseur virtuelle de 5 mm. On doit également considérer une éventuelle coudure ou angulation de l’os disponible. Au niveau mandibulaire, le repère du canal du nerf alvéolodentaire inférieur – canal mandibulaire – est donc fondamental. Il ne doit pas être confondu avec une simple image géodique sus- ou sous-jacente. Le meilleur moyen de le repérer quand la corticale n’est pas visible, est de le retrouver sur des coupes adjacentes ; ainsi, par extrapolation, la position exacte du canal peut être retrouvée. Le temps suivant constitue une étude volumique en tenant directement compte du modèle de l’implant qui va être utilisé. L’implant étant figuré en taille réelle sur un calque, on s’assure successivement des impératifs suivants : • l’implant doit avoir son « apex » à distance supérieure ou égale à 2 mm de la corticale supérieure du canal mandibulaire ; • il doit exister une bande d’os de 1 mm autour de l’implant. On s’en assure donc en évaluant la quantité d’os autour de l’implant sur la coupe centrale ainsi que sur la coupe adjacente mésiale et distale ; il s’agit donc d’une étude volumique sur 6 mm en mésiodistal (chacune des coupes fait 2 mm d’épaisseur). La densité osseuse est estimée de façon subjective sur le Dentascan. Elle est calculée de façon objective grâce au logiciel Denta PC™. • On classe cette densité en quatre types : • type I : os corticalisé ; spongieuse hyperdense ; • type II : os corticospongieux dense ; corticales épaisses ; • type III : os corticospongieux peu dense avec corticales fines ; • type IV : importante raréfaction osseuse avec corticales fines. Dans le Dentascan angulé Il s’agit d’un Dentascan avec guides chirurgicaux. On réalise une reconstruction coronale oblique selon l’axe chirurgical des guides (à la différence du Dentascan classique où les reconstructions coronales obliques sont verticales, perpendiculaires à l’axe de référence). Il s’agit donc d’une étude

343 anatomique selon l’axe d’implantation prévu par le guide. Son intérêt est plus net sur les repères en regard du foramen mentonnier : une angulation mésiale d’un guide peut rendre l’axe chirurgical à distance du foramen mentonnier et du canal mandibulaire. Les guides sont radio-opaques, sans générer d’artéfacts et avec une longueur suffisamment grande (5 mm) pour créer l’axe chirurgical (par exemple, tube en titane). Denta PC™ ou S implant™ Il s’agit d’un logiciel destiné au chirurgien. Chaque dossier est stocké dans un support type disquette ou cédérom. Ses intérêts sont la simulation implantaire. On peut placer un implant virtuel sur les coupes réalisées dans les trois plans de l’espace tout en faisant varier l’axe et les dimensions de cet implant, et prévoir plusieurs plans de traitement pour choisir le compromis le plus adapté en fonction du projet prothétique et du volume osseux disponible. Il aide également à l’analyse de la qualité de l’os dans la zone d’ostéo-intégration. L’impression de document se fait en grandeur réelle. Par ailleurs, le support numérique permet l’archivage et la télétransmission. Perspectives Citons la navigation chirurgicale et l’utilisation de la robotique dans la mise en place des implants.

Figure 17 Implant mal positionné dans le canal mandibulaire.

Figure 18 Greffe osseuse préimplantaire dans le sinus maxillaire.

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Bilan postimplantaire (Fig. 17, 18) En l’absence de complication, le contrôle s’effectue à l’aide d’un panoramique et de clichés rétroalvéolaires. En cas de complication (douleur, infection, anesthésie) le meilleur examen de contrôle est le scanner. Il permettra de préciser l’état de l’implant, sa localisation et ses rapports (avec le canal mandibulaire ou le sinus maxillaire), l’état de l’os péri-implantaire (signes d’ostéolyse), la présence d’une fistule, d’une encoche corticale, d’un foyer infectieux.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 345–348

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Certificat médical initial en odontologie C. Laborier (Expert national agréé par la Cour de cassation, chirurgien-dentiste, Docteur en sciences HDR) *, C. Georget (Expert national agréé par la Cour de cassation, chirurgien-dentiste, docteur d’Université) 16, rue de Montchapet, 21000 Dijon, France

Définition Le certificat médical initial est le premier acte médico-légal effectué par un praticien lorsqu’une personne est victime d’un accident ou d’une agression. Il est remis directement au blessé. Ce document capital fixe un état pathologique à la suite immédiate des faits qui ont généré le dommage. Le fait causal peut être volontaire, involontaire ou provoqué.

Importance du certificat médical initial Le certificat médical initial est le premier document remis à un blessé à la suite de la toute première consultation médicale ou odontologique qui suit un accident ou une agression. La rédaction et la délivrance de ce document doivent se faire dès la fin des soins d’urgence. Le certificat médical initial doit être rédigé de façon rigoureuse et être délivré rapidement aux fins de communiquer les informations qu’il contient le plus fidèlement possible. À partir de ce document, un expert pourra décrire un état séquellaire au moment de la consolidation des blessures. Tous les éléments recueillis lors de sa rédaction concourent à éclairer une juridiction civile pour fixer une indemnisation la plus juste possible ou une juridiction pénale pour déterminer une peine éventuelle. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Laborier). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.03.004

Ce document permet d’établir la matérialité des blessures ainsi que leur imputabilité à l’accident ou à l’agression. Ici la notion d’état antérieur est capitale. Sur le plan pénal, il contribue à éclairer un magistrat sur la peine encourue par l’auteur des blessures.

Difficultés rencontrées par les praticiens lors de la rédaction de ce certificat en odontologie Le certificat médical initial est souvent rédigé dans l’urgence. Chez un blessé polytraumatisé, il décrit les blessures les plus voyantes, occultant bien souvent le dommage odontologique. Dans la pratique, s’il existe une description, une formule laconique sert de certificat médical initial odontologique. Les traumatismes dentaires se résument quelquefois à « dents fracturées, appareils cassés ». Dans les faits, le processus vital passe en priorité et les traumatismes dentaires loin derrière les préoccupations des médecins-urgentistes. Par la suite le problème s’inverse. le blessé est guéri, ou consolidé. Le dommage dentaire surgit cruellement avec l’inéluctable aspect financier. Combien doit-on payer pour réparer le dommage ? Qui doit payer ? Quelle est la vraie nature du dommage ? Les éléments fournis par le certificat médical initial permettent à l’expert de répondre au plus juste à ces interrogations. Le certificat médical initial est une pièce essentielle sur laquelle pourra s’appuyer l’expert plusieurs mois, voire plusieurs années après la constitution du dommage.

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Qualités d’un certificat médical à usage médico-légal Ce type de document doit être : • méthodique, complet et concis ; • précis. Il doit tout relater sans phrases inutiles ; • clair et explicite. Destiné à des personnes qui ne sont pas forcément des médecins ou des odontologistes, il doit être compréhensible par tous. Il faut « tout dire brièvement, le dire bien et nettement ». Il décrit un fait médical. Il doit toujours être rédigé sur papier libre après l’examen du blessé.

Rédaction du certificat initial Le certificat comporte plusieurs rubriques. • Nom prénom, qualités, adresse du praticien, éventuellement sa spécialité. La seule spécialité reconnue actuellement étant l’orthodontie. • Nom, date de naissance, domicile de l’intéressé. Afin d’éviter de rédiger un faux certificat, le praticien doit s’entourer de précautions en précisant qu’il transcrit des renseignements émanant des déclarations recueillies par la victime ellemême ou de ses représentants légaux (si la personne est mineure ou incapable). Dans la pratique, des accompagnateurs présents à l’examen tentent parfois de prendre la parole à la place des intéressés eux-mêmes. • Dans le même souhait d’objectivité, l’énoncé des signes fonctionnels est rédigé sous forme de dires. Monsieur ou Madame X qui me dit... souffrir... constater... • Le lieu où l’examen est pratiqué, la date et l’heure sont consignées.

Rédaction du certificat Elle peut être la suivante : « Je soussigné Dr..., chirurgien-dentiste, exerçant à .... Certifie avoir examiné en urgence ... un blessé qui me dit être Mr ..., né le ... habitant ... Et qui me déclare avoir été victime de ... (accident, agression ...) le ... à .... L’examen a eu lieu le .... à .... »

C. Laborier, C. Georget

Description des lésions et des signes C’est le temps capital de l’examen. C’est la consignation d’un état constaté. Il engage le praticien. Sont notés : • l’aspect général de la victime ; • toutes les lésions traumatiques observées sont décrites complètement et rigoureusement. Certaines lésions qui semblent paraître sans importance lors de l’examen peuvent, dans un second temps, entraîner des conséquences graves et soulever des discussions médicolégales dès lors qu’elles ne seraient pas notées sur le document initial ; • la nature, la localisation et l’intensité des douleurs doivent être consignées ; • les gênes fonctionnelles sont notées après analyse ; • les fractures osseuses et dentaires, les plaies, les luxations sont décrites minutieusement. Il convient d’indiquer si des examens radiologiques ont été réalisés. Le praticien doit interpréter les clichés. « Une fracture de... est visible radiologiquement sur le cliché réalisé... » ; • la conduite d’urgence qui a été tenue ou reste à tenir. L’intervention qui a été pratiquée en urgence est également consignée (extraction, obturation canalaire, contention, suture...). Le certificat initial doit aussi préciser une durée de l’incapacité temporaire totale (ITT) ou l’incapacité temporaire de travail si nécessaire. Cette durée est évaluée en nombre de jours, de semaines ou de mois. Ce chiffrage capital peut avoir des conséquences désastreuses pour l’auteur d’un accident si l’ITT est mal évaluée. Notons que dans les services d’urgences et plus précisément les services d’urgences médico-judiciaires (dans les grands centres), les praticiens évaluent l’ITT plus justement que la plupart des praticiens libéraux. Ces derniers parfois, par manque d’habitude, et par souci de ne pas « déplaire » à leurs patients gratifient ces derniers de jours d’ITT sans réel rapport avec l’importance des dommages. Ils ignorent là, que des avocats peuvent s’emparer de ces documents pas forcément justifiés médicalement et conduire des personnes jusqu’à l’incarcération. La bienveillance excessive n’est pas forcément en harmonie avec l’objectivité élémentaire demandée lors de la rédaction de ce certificat. La date de l’établissement du certificat est notée en toutes lettres. La signature est manuscrite. Le certificat médical initial est remis en mains propres à la victime ou à ses représentants légaux. Il est indiqué de terminer la rédaction du certificat par la formule :

Certificat médical initial en odontologie « Certificat délivré à la demande de... et remis en mains propres à l’intéressé (aux représentants légaux de l’intéressé) le... pour faire valoir ce que de droit ». Un double de ce document doit être conservé dans le dossier médical.

Utilisation du certificat médical initial Le blessé est libre d’utiliser le certificat comme il l’entend. Il est fondamental de préciser à la victime de garder précieusement ce document et d’en faire des photocopies. Le blessé doit produire la copie de ce certificat dès lors qu’il envisage un dédommagement de son préjudice par une compagnie d’assurance ou s’il saisit une juridiction.

Certificat médical initial en accident du travail C’est le certificat délivré aux salariés au titre des accidents du travail de trajets et de maladies professionnelles. Il est établi sur la liasse CERFA fournie par les caisses de sécurité sociale (S 6909 a) . Ce document sera rempli intégralement. Les constatations détaillées concernent le siège, la nature des lésions et les séquelles fonctionnelles. Les conséquences se traduisent par un arrêt de travail éventuel dont la durée est indiquée et par la prévision d’une incapacité permanente le cas échéant. Les volets 1 et 2 de la liasse sont adressés par le praticien sous 24 heures à l’organisme dont dépend la victime. Le volet 3 est remis à la victime. Le volet « certificat d’arrêt de travail » est remis à la victime qui pourra selon les cas l’adresser à son employeur ou à l’ASSEDIC.

Code de déontologie des chirurgiens-dentistes et certificats Titre I Devoirs généraux des chirurgiens-dentistes La pratique de l’art dentaire comporte normalement l’établissement de certificats.

Art. 10 Il est interdit d’établir un rapport tendancieux ou de délivrer un certificat de complaisance.

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Art. 17 Sont interdits Tout acte de nature à procurer à un patient un avantage matériel injustifié ou illicite ; Le code de déontologie des chirurgiens-dentistes qualifie bien comme une faute disciplinaire l’établissement d’un rapport tendancieux à travers ces deux articles. L’établissement de faux certificats engage également la responsabilité d’un praticien (Art. 226 du Code pénal). L’établissement d’un certificat médical initial n’est pas considéré comme un acte de soins. Il peut être établi par un praticien qui n’est pas forcément le praticien habituel du patient. Les choses peuvent se compliquer si le blessé demande un certificat à un praticien afin de faire constater des malfaçons sur un travail exécuté par un de ses confrères. Dans ce cas, le rédacteur doit être vigilant. Il ne doit en aucun cas dénigrer le travail effectué sous peine de voir sa responsabilité disciplinaire engagée. Le demandeur peut réclamer ce document pour établir un commencement de preuve utile dans une procédure de référé.

Secret professionnel et certificat médical initial Il faut porter l’attention sur le risque de révélation de données médicales qui n’auraient pas de rapport avec les faits décrits. Le certificat ne doit être remis qu’à l’intéressé lui-même.

Incapacité temporaire totale La victime d’un accident ou d’une agression est en droit de réclamer à l’auteur responsable une indemnisation pendant la durée de son incapacité temporaire.

Code pénal et ITT Si, en matière pénale, l’ITT dépasse 8 jours dans le cas de coups et blessures volontaires (Art. 222-11 Nouveau Code pénal [NCP]) et 3 mois en matière de coups et blessures involontaires (Art. 222-19 NCP), l’infraction devient un délit poursuivi devant le tribunal correctionnel. D’où l’extrême gravité d’une décision aussi engageante qui serait prise par un praticien influencé, désireux de surprotéger une victime. Le qualificatif « total » avait été ajouté par le législateur aux articles 309, 320, et R.40-1° et 4°

348 du Code pénal par les ordonnances des 4 juin et 24 août 1960, afin de réserver les rigueurs de la loi aux infractions les plus graves et notamment de porter devant les tribunaux de police la plus grande partie des affaires de coups et blessures involontaires. Les praticiens, pour ces raisons, doivent être très stricts dans l’évaluation de l’incapacité totale de travail. Notons que les tribunaux ne sont nullement liés par les certificats médicaux qui sont versés aux débats par les victimes (Max Le Roy. L’évaluation du préjudice corporel. Treizième édition. Litec ; p. 23-24).

Code civil et ITT Sur le plan des intérêts civils le problème est très différent. Ici, il faut tenir compte de nombreux éléments qui peuvent influer spécifiquement sur la durée de l’incapacité. En odontologie, la gravité d’une blessure et ses conséquences professionnelles peuvent différer d’une profession à l’autre. L’activité du blessé peut être totalement interrompue dans certains cas pour, par exemple, la fracture de dents antérieures (artistes, présentateurs de télévision, vendeurs...). À l’inverse, certains métiers peuvent être exercés alors que le dommage est similaire.

Conclusion La rédaction du certificat médical initial est un acte très engageant pour le praticien, comme pour

C. Laborier, C. Georget le blessé. C’est le constat de base. Il doit être condensé et précis. Il rapporte un ensemble de dires et de faits. Les dires : ce sont les déclarations du blessé auquel il est demandé de répondre aux questions : • qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Comment ? Par qui ? Par quoi ? • C’est aussi la description des signes fonctionnels. Ces éléments sont notés par le rédacteur du certificat sous la totale responsabilité du demandeur. Les faits : ce sont les constatations médicales et odontologiques. Elles prennent en compte l’examen clinique objectif : • la conduite d’urgence qui a été tenue ; • les faits cliniques sont décrits sous la responsabilité du praticien. Ce sont des éléments techniques et médicaux qui permettront d’éclairer un expert sur l’existence d’un état antérieur. Les examens complémentaires radiologiques et photographiques, surtout depuis l’avènement de la photographie numérique sont actuellement d’un grand secours. À la suite de ces constatations, le praticien devra se déterminer sur la durée de l’ITT. Le certificat médical initial est une pièce fondamentale. Il est déterminant pour un expert afin d’établir l’imputabilité d’un dommage dont les séquelles éventuelles pourront faire l’objet d’une indemnisation. Il permet à une juridiction pénale d’appliquer une peine.

EMC-Dentisterie 1 (2004) 349–360

http://france.elsevier.com/direct/EMCDEN/

PARODONTOPATHIES ET HYGIÈNE BUCCODENTAIRE

Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire Periodontal disease: prophylaxis and oral hygiene procedures J.-M. Svoboda (Maître de Conférences, praticien hospitalier) *, T. Dufour (Interne en odontologie) Section de parodontologie, UFR d’odontologie de Reims, 2 rue du Général Koenig, 51100 Reims France

MOTS CLÉS Hygiène buccodentaire ; Brosse à dents ; Fil dentaire ; Brossage ; Révélateur de plaque dentaire ; Phase de soutien

KEYWORDS Oral hygiene procedure; Toothbrush; Dental floss; Teeth brushing; Disclosing agents; Supportive care

Résumé Le développement des parodontopathies est en relation avec la présence de plaque dentaire (ou biofilm). L’accumulation de ces dépôts bactériens crée une niche écologique où chaque espèce bactérienne va pouvoir se développer, favorisant ainsi une flore pathogène pour le parodonte. Si le travail du chirurgien-dentiste consiste à éliminer les dépôts tartriques et bactériens de manière mécanique ou chirurgicale, il doit également enseigner au patient les techniques d’hygiène buccodentaire à appliquer quotidiennement. Cet enseignement répondra à trois objectifs : le matériel disponible, l’utilisation de ce matériel et l’adaptation à la situation clinique propre à chaque patient. Associé à un entretien professionnel régulier, l’hygiène buccodentaire individuelle doit permettre de maîtriser l’évolution des parodontopathies et demande un contrôle permanent de la part du patient et du praticien. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Periodontitis development is related to the presence of dental plaque (biofilm). Bacterial deposit accumulation creates an ecological niche where each bacterial species will be able to grow, promoting the development of a pathological periodontal flora. Dental surgery has to eliminate, mechanically or surgically, calculus and bacterial deposits, but the surgeon must also teach the patient daily oral hygiene procedures. This information must be adapted to the nature of the available material, its utilisation, and the adequacy of its use regarding the specific clinical situation of the patient. Associated with regular professional cleaning interventions, individual oral hygiene procedures must allow controlling periodontitis evolution; it necessitates permanent follow-up by both the patient and the practitioner. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Pour évaluer l’importance de l’hygiène buccodentaire dans la prévention des parodontopathies, il * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-M. Svoboda).

est nécessaire de s’intéresser au rôle fondamental joué par l’accumulation bactérienne aux différentes surfaces que représentent les dents et les tissus mous. La facilité avec laquelle les microorganismes peuvent coloniser ces sites est en rapport avec la multitude de niches, fissures et anfrac-

1762-5661/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.08.002

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J.-M. Svoboda, T. Dufour

tuosités présentes ; les moyens physiques de nettoyage représentés par la langue, les joues et les lèvres peuvent être qualifiés de défense superficielle dans la mesure où l’atteinte des endroits difficiles d’accès est impossible. Si le dentifrice est actuellement considéré comme le principal vecteur de fluor, la brosse à dents reste l’élément indispensable à son application et surtout à l’élimination mécanique de la plaque dentaire.

Importance de l’élimination de la plaque supragingivale Les études de Löe1 ont clairement établi que l’accumulation de plaque dentaire entraînait l’apparition d’une inflammation gingivale, réversible lors de la reprise des techniques d’hygiène buccodentaire. La plaque dentaire est un des nombreux biofilms du corps humain, retrouvé dans la cavité buccale et difficile à éliminer. Il est constitué de 400 à 1000 espèces bactériennes, toutes en relation les unes avec les autres, et devant faire face à des situations favorables ou défavorables à leur croissance. Une étude récente de Thien-Fah Mah2 (2003) a montré que la croissance de Pseudomonas aeruginosa développe une résistance aux antibiotiques beaucoup plus complexe lorsqu’il croît sous forme de biofilm que lorsqu’il est mis en culture seul. Appliqué à la cavité buccale, il est possible de comparer la plaque dentaire à un véritable « tissu bactérien » dont la virulence est très supérieure à une simple association de bactéries. Si cette complexité implique une modification de nos thérapeutiques médicamenteuses, l’importance de l’élimination quotidienne de la plaque dentaire apparaît encore plus fondamentale dans nos thérapeutiques parodontales. La présence de salive et l’action naturelle des muqueuses, joues et langue contribuent à l’élimination des débris alimentaires situés sur les dents, mais n’est pas suffisante pour éliminer la plaque dentaire, véritable « colle » imprégnée aux diverses surfaces présentes, surtout si le patient ne prend pas soin de l’éliminer quotidiennement (Fig. 1) Il est donc indispensable que le patient utilise de façon régulière des instruments d’hygiène adaptés à sa propre bouche ; le praticien doit donc le motiver, lui enseigner ces techniques et bien connaître tout le matériel disponible. Des études ont montré que même si ces techniques bien utilisées peuvent empêcher le développement d’une gingivite, elles ne sont pas suffisantes si une thérapeutique professionnelle n’est pas parallèlement mise en œuvre de façon adéquate.3,4

Figure 1 Patient sans aucune hygiène buccodentaire.

L’action d’une prophylaxie individuelle a pour but de maîtriser l’accumulation de plaque dentaire supragingivale, indispensable au développement de la plaque sous-gingivale, beaucoup plus pathogène pour les tissus parodontaux et impliquée dans la progression des maladies parodontales.5 De nombreuses études à long terme ont prouvé qu’un haut niveau d’hygiène buccale pouvait réduire, voire éviter la progression d’une parodontite.6–9 La phase de soutien (ou phase de maintenance) effectuée par le professionnel de santé reste la condition indispensable à la stabilisation d’une parodontite traitée, mais l’hygiène quotidienne du patient en est le garant au long terme, voire peutêtre même la condition indispensable à ce succès.10 Si la brosse à dents et le dentifrice sont les plus connus des matériels utilisés, les moyens complémentaires le sont peu du grand public, même dans des pays mieux informés par les moyens de communication modernes.

Moyens d’élimination de la plaque dentaire Brossage La brosse à dents est l’instrument couramment utilisé pour éliminer la plaque dentaire, alors que d’autres instruments moins élaborés sont retrouvés selon les traditions ou cultures existant dans les différents pays. Quels sont les critères à prendre en considération pour éliminer la plaque dentaire lors du brossage dans les meilleures conditions ? • la forme de la brosse ; • l’habileté de l’utilisateur ; • la fréquence et la durée d’utilisation. Ces trois critères devraient être suffisants pour maintenir un niveau d’hygiène buccale élevé à long terme ; malheureusement, il semble que la techni-

Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire que la plus couramment utilisée soit une technique de brossage horizontal, pendant un laps de temps trop court, la durée idéale reconnue par les professionnels étant de deux minutes par jour.11 Brosse à dents Il arrive encore, pour des raisons économiques ou d’éducation, qu’une même brosse à dents soit utilisée par toute la famille ! et que la notion d’usure ne soit pas comprise par tous les patients (Fig. 2). Idéalement, quels sont les critères de qualité d’une brosse à dents (Fig. 3) ? Ils ont été définis lors du Workshop européen sur le Contrôle de Plaque :12 • avoir une taille adaptée à l’âge du patient et à sa dextérité ; • avoir une taille adaptée à la bouche du patient ; • avoir des poils en nylon ou polyester dont les pointes sont arrondies avec un diamètre de 20/100 de millimètres au maximum ; • avoir une douceur de poils compatible avec les normes internationales (normes ISO) ; • avoir des extrémités de poils favorisant l’élimination de la plaque dentaire dans les espaces proximaux et le long de la gencive marginale.

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Il existe une multitude de brosses à dents, mais avec pour chacune une conception différente, tant dans le matériau que dans la présentation (Fig. 4,5). Parmi les brosses à dents disponibles actuellement sur le marché, on ne peut affirmer avec certitude qu’une possède toutes les qualités requises ou est supérieure aux autres. Certaines formes visaient à atteindre toutes les faces dentaires en même temps (Fig. 6) et en multipliant la direction des rangées de poils (Fig. 7), un meilleur accès aux surfaces proximales a été recherché. En ce qui concerne la densité idéale et la dureté des poils, peu de différences sont trouvées d’un point de vue clinique quant à leur efficacité à éliminer la plaque dentaire. De toutes les études, bien souvent à court terme et impliquant des patients particulièrement motivés comme des étudiants en chirurgie dentaire, il ne ressort pas une brosse à dents idéale ; en fait, la meilleure brosse à dents sera celle utilisée de la

Figure 4 Vue au microscope électronique à balayage de poils de brosse à dents neuve. Figure 2 Brosse hors d’utilisation.

Figure 3 Brosses à dents neuves.

Figure 5 Vue au microscope électronique à balayage de poils d’un autre type de brosse à dents également neuve.

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J.-M. Svoboda, T. Dufour Technique verticale (technique de Leonard) La position de la brosse est identique à la technique précédente ; seul le mouvement change, devenant vertical, parallèlement au grand axe de la dent. Technique de Stillman (vibratoire) La tête de la brosse est positionnée obliquement vers l’apex, recouvrant la zone gencive marginalepartie cervicale de la couronne, puis un léger mouvement vibratoire est effectué, sans déplacer la brosse. Technique de Stillman modifiée Elle est la même que la précédente mais se termine par un mouvement de rouleau vers les faces occlusales. Figure 6 Brosse à dents avec trois têtes.

Technique de Charters L’orientation de la brosse par rapport à la dent est l’inverse de celle de la technique de Stillman, dirigée donc vers la couronne dentaire, et le mouvement rotatoire est effectué vers le bord incisif des dents. Cette technique est intéressante lorsque les papilles interdentaires ne remplissent plus l’espace interdentaire, dans la mesure où les poils de la brosse vont venir s’écraser le long des faces proximales des dents. Technique de Bass C’est l’une des plus conseillées. Elle consiste à positionner la tête de la brosse à 45 degrés par rapport à la couronne dentaire (Fig. 8), les poils

Figure 7 Brosse avec plusieurs directions pour les poils.

meilleure manière par le patient chez qui elle sera le mieux adaptée.13 Techniques de brossage Il existe de nombreuses méthodes de brossage, chacune prenant en compte un aspect particulier des recommandations visant à éliminer la plaque dentaire. La meilleure méthode de brossage pourrait être définie comme celle contribuant à l’élimination d’un maximum de plaque dentaire en un minimum de temps, sans causer de lésions tissulaires.14 Technique horizontale La tête de la brosse est positionnée perpendiculairement à la surface externe de la dent et des mouvements horizontaux sont appliqués au manche ; les surfaces occlusale, linguale et palatine sont brossées bouche ouverte et la surface vestibulaire bouche fermée. C’est la technique la plus utilisée par les patients car la plus facile, mais pas la plus efficace !

Figure 8 Angulation de la brosse à 45° par rapport à la couronne dentaire.

Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire recouvrant la gencive marginale et la partie cervicale de la dent, mais surtout pénétrant dans le sulcus (d’environ 0,5 mm). Un mouvement antéropostérieur est effectué, sans déplacer le manche (Fig. 9). Technique de Bass modifiée À la fin de la technique précédente, un mouvement de rotation en direction occlusale est effectué (Fig. 10). Cliniquement, la technique de Bass modifiée est l’une des plus utilisées, mais il faut noter qu’elle peut entraîner la formation de récessions gingivales chez les patients au parodonte fin (Fig. 11).

Figure 9 Mouvements vibratoires sans déplacer la brosse.

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Méthodologie du brossage Personnalisation du brossage Aucune technique de brossage n’ayant prouvé une efficacité supérieure aux autres, il semble préférable d’adapter la propre technique du patient en fonction de l’examen clinique. Ainsi, en présence de récessions gingivales, voire de bourrelets gingivaux (festons de Mac Call) (Fig. 12), la position horizontale de la brosse ne permettra pas d’atteindre la zone cervicale (Fig. 13) ; il est montré au patient qu’une position verticale est plus efficace pour éliminer la plaque dentaire (Fig. 14). D’une manière plus générale, il est préférable de demander au patient droitier de commencer le brossage par le côté droit de sa cavité buccale, et au gaucher par le côté gauche, dans la mesure où bien souvent, c’est l’inverse qui est fait de façon toute naturelle. De même, il est souhaitable de commencer ce brossage par les faces linguale et palatine, faces bien souvent oubliées ou trop rapidement nettoyées. Il faut noter que certaines brosses à dents ont été conçues dans le but de faciliter une technique de brossage particulière. Dans le cas de la Figure 15, la forme de la tête permet aux poils les plus longs de

Figure 10 Mouvement de rouleau terminal dans la technique de Bass modifiée.

Figure 12 Bourrelets gingivaux.

Figure 11 Technique de Bass modifiée.

Figure 13 Brosse horizontale.

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J.-M. Svoboda, T. Dufour En ce qui concerne la durée du brossage, même si de nombreuses études l’ont évoqué, elle dépend de façon très personnelle de chaque individu. La majorité des patients en fait moins qu’elle n’en dit, et actuellement une moyenne de 30 à 60 secondes est à prendre en considération, temps à comparer aux deux minutes quotidiennes recommandées par les professionnels.

Figure 14 Brosse positionnée verticalement pour atteindre la zone cervicale.

Figure 15 Brosse permettant de respecter les principes de la technique de Bass.

s’insérer dans le sulcus alors que les poils les plus courts s’appliquent sur les faces dentaires, comme recommandé dans la technique de Bass. Fréquence et durée du brossage Plus que le nombre de brossages quotidien, il semble que la qualité de ce brossage intervienne dans la prévention des parodontopathies. Ramberg et al.15 préconisent au minimum un brossage par jour, surtout chez les patients présentant une inflammation gingivale, situation tissulaire favorisant une accumulation de plaque plus rapide. Mais concrètement, et en raison d’un manque de motivation à un brossage de qualité chez la plupart des patients, deux brossages par jour semblent acceptables, en insistant bien sur la notion de qualité de brossage plus que de « quantité » de brossage. Il faut cependant noter que les notions d’haleine fraîche et de dents blanches se développent chez les patients, en relation avec une médiatisation pas toujours rigoureuse d’un point de vue scientifique mais évocatrice d’une prise de conscience.

Usure des brosses a dents La technique de brossage peut influencer la vitesse d’usure d’une brosse, en rapport également avec sa propre qualité de fabrication. Il est du devoir du chirurgien-dentiste d’enseigner au patient non seulement une technique adéquate mais également le moment où il doit considérer sa brosse comme inefficace (Fig. 2). Les études ne sont pas toutes unanimes, mais il semble tout de même logique de penser qu’une brosse à dents neuve est plus efficace dans l’élimination de la plaque dentaire qu’une brosse ancienne. Brosses à dents électriques Existant depuis plus de 50 ans, les brosses à dents électriques étaient considérées comme une aide chez les patients peu habiles de leurs mains ou présentant un handicap interdisant la manipulation d’une brosse manuelle. Effectuant un mouvement essentiellement horizontal et vertical, elles n’ont jamais prouvé leur supériorité sur les brosses à dents manuelles. Les nouvelles brosses électriques présentent une tête bien souvent ronde et effectuent des mouvements rotatifs/oscillatoires ou vibratoires, avec une fréquence de vibrations des poils élevée (Fig. 16). Il semblerait d’après les études cliniques comparatives, que le mouvement de rotation/oscillation donne de meilleurs résultats que le mouvement vibratoire.16 Elles seraient également moins traumatiques que les brosses à dents manuelles, notamment au niveau des tissus gingivaux fins, si elles sont bien utilisées après une explication détaillée du praticien et un peu d’entraînement. Un autre point non négligeable à prendre en considération est l’apport de ces brosses électriques dans le nettoyage interproximal, même si elles ne remplacent pas les moyens traditionnels. Rapley et Killoy17 ont montré suite à des extractions dentaires que chez les patients utilisant des brosses manuelles, 30,6 % des surfaces proximales ne présentaient plus de plaque dentaire alors que le score était de 53,2 % chez les utilisateurs de brosse électrique. Cette notion est à prendre en compte car il est sûr qu’une grande majorité de la population n’utilise pas de moyens spécifiques au nettoyage interdentaire, la brosse électrique pouvant être naturellement un plus à cet égard.

Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire

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Figure 17 Patient présentant une inflammation gingivale.

Figure 16 Brosse à dents électrique.

Enfin, la durée de nettoyage avec les brosses électriques est moins importante qu’avec les brosses manuelles, d’où une préférence naturelle pour les patients. Cependant, l’effet « nouveauté » est également à double tranchant, car bien souvent après la découverte d’un nouveau « jouet », les patients ont la tentation de revenir à des matériels et techniques plus conventionnels.18 À l’heure actuelle, l’utilisation des brosses à dents électriques peut être indiquée chez les patients handicapés mentaux ou physiques, chez les patients peu habiles de leurs mains, chez ceux peu motivés à un effort quotidien et chez les patients atteints de maladie parodontale et peu motivés à conserver un haut niveau d’hygiène.

Nettoyage interdentaire En accord avec les définitions proposées lors du Workshop européen sur le contrôle de plaque mécanique en 1999, les zones proximales sont les espaces visibles entre les dents mais non situés sous les points de contact alors que le terme interproximal (ou interdentaire) concerne la zone située au niveau et sous le point de contact entre deux dents. Dans ces zones, le brossage seul n’est pas suffisant pour éliminer la plaque dentaire, même à l’aide d’une brosse électrique, et surtout chez les patients atteints de maladie parodontale. Cet acte est moins souvent effectué que le brossage par les patients, permettant ainsi le développement d’une

gingivite. Mais la transformation d’une gingivite en parodontite n’atteignant que 10 à 15 % des patients, le rôle du nettoyage des zones interdentaires a pu être remis en question. Comme pour les brosses à dents, un nombre de plus en plus important de matériel nécessaire au nettoyage interdentaire a été élaboré. Mais de la même façon, il faut adapter à chaque situation clinique (largeur de l’espace, forme des dents, présence ou non de récessions gingivales...) la prescription du matériel a priori idéal. Fil dentaire C’est le plus connu et le plus utilisé des matériels de nettoyage interdentaire ; associé au brossage, la quantité de plaque éliminée est beaucoup plus importante que lors du brossage effectué seul ;19 il est ainsi vivement indiqué chez les patients présentant une inflammation marginale et interdentaire importante (Fig. 17). Il est également plus efficace que d’autres moyens de nettoyage interdentaire en présence d’une papille gingivale remplissant toute l’embrasure. Correctement utilisé, il peut ôter jusqu’à 80 % de plaque dentaire localisée en interdentaire, et également pénétrer en sous-gingival dans la mesure où il peut être introduit de 2,5 à 3 mm sous le sommet de la papille gingivale. Sa présentation est variée, ciré ou non ciré, mais sans preuve évidente d’une meilleure efficacité pour l’une ou l’autre des formes (Fig. 18), et l’utilisation d’un porte-fil permet d’atteindre les zones postérieures (Fig. 19). Il peut être également présenté sous forme de ruban ou avec une partie rigide permettant de l’utiliser chez les porteurs de prothèse conjointe plurale, la partie rigide permettant de passer sous les intermédiaires prothétiques (Fig. 20). L’éducation du patient prend encore toute son importance dans la mesure où il lui est souvent inconnu. Son utilisation nécessite une courte zone

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J.-M. Svoboda, T. Dufour

Figure 18 Tube de fil dentaire.

Figure 20 Fil dentaire permettant de passer sous les intermédiaires de bridge.

Figure 21 Utilisation du fil dentaire.

patients présentant des pertes d’attache interproximales, l’utilisation d’autres adjuvants paraissant possible et avec vraisemblablement plus d’efficacité.

Figure 19 Porte-fil.

de travail, le fil devant être utilisé après le brossage et devant un miroir. Il est bien souvent considéré par les patients comme l’instrument nécessaire au nettoyage des « aliments » restés entre les dents, mais cette interprétation est erronée et doit être signalée de façon positive avec démonstration à l’appui (Fig. 21). Un doute subsiste cependant quant à l’utilisation régulière du fil dentaire chez les patients au parodonte sain et sans perte de papille,20 et chez les

Bâtonnets interdentaires Généralement constitués à partir d’un bois tendre, de forme triangulaire, les bâtonnets interdentaires sont plus utilisés que le fil dentaire car plus maniables (Fig. 22). On les préférera dans les zones où la papille gingivale est rétractée, donnant ainsi plus facilement accès aux surfaces dentaires. En revanche, leur utilisation chez des patients indemnes de rétraction gingivale peut entraîner une perte d’attache pouvant atteindre 2 mm, perte inesthétique surtout dans les régions antérieures. Brossettes interdentaires Présentées au début de leur fabrication comme une alternative aux bâtonnets interdentaires, les brossettes sont devenues des éléments importants dans

Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire

Figure 22 Bâtonnet interdentaire en place.

la prévention et le traitement des espaces interdentaires dénudés. Elles sont disponibles sous plusieurs tailles, avec possibilité de les utiliser sur un manche permettant d’atteindre les zones postérieures de la cavité buccale (Fig. 23) ; « l’écrasement » des poils lors du passage entre les dents favorise l’élimination de plaque, avec même la possibilité de les utiliser dans les atteintes interradiculaires des pluriradiculées. Elles peuvent être les vectrices de solution antiseptique telle que la chlorhexidine, mais même si elles sont d’utilisation plus aisée que le fil dentaire, leur principal inconvénient est la nécessité d’en utiliser plusieurs dans une bouche aux espaces interdentaires de taille différente. Mal utilisées, elles peuvent entraîner également des hypersensibilités d’origine dentinaire. Brosses monotouffes Leur utilisation, plus spécifique, concerne les zones difficiles d’accès, telles que les furcations interradiculaires ouvertes, les faces distales des dernières molaires ou les faces linguales des molaires mandibulaires où l’adaptation de la gencive marginale est souvent irrégulière (Fig. 24).

Figure 23 Brossettes interdentaires.

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Figure 24 Brosse monotouffe.

Adjuvants aux méthodes traditionnelles Si l’utilisation des matériels vus précédemment n’est pas systématique par les patients, loin s’en faut, il faut noter que les professionnels ont d’autres possibilités à proposer aux patients, qui, chez la plupart de ceux motivés, représentent une aide non négligeable dans l’ensemble des méthodes de prévention. Révélateur de plaque dentaire C’est le seul moyen de mettre en évidence la plaque dentaire, bien souvent invisible à l’œil nu en faible quantité, mais également de permettre au patient de vérifier l’efficacité de son hygiène buccodentaire. Présenté sous différentes formes (pastilles, liquide...) (Fig. 25), sa composition est généralement à base d’éosine, érythrosine ou fuchsine. L’inconvénient de ces produits est une coloration persistante après utilisation ; des formes plus discrètes à base de fluorescéine ont été mises au point, la révélation de la couleur jaune caractéristique étant possible grâce à l’utilisation de lampe à ultraviolet (Figs 26,27).

Figure 25 Différentes présentations de révélateur de plaque dentaire.

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Figure 26 Révélateur à base de fluorescéine en bouche sans lampe UV.

J.-M. Svoboda, T. Dufour

Figure 28 Mise en évidence de la colonisation bactérienne de la langue par un révélateur de plaque dentaire à base de fluorescéine et utilisation d’une lampe UV.

Figure 29 Gratte-langue.

Dentifrices et bains de bouche

Figure 27 Mise en évidence de la plaque dentaire après utilisation de la lampe UV.

Si l’utilisation du révélateur de plaque dentaire a une importance dans les premiers temps dans la mise en évidence de cette plaque, il peut devenir après un certain temps un contrôle pour le patient, contrôle de la qualité du nettoyage effectué. Hydropulseurs Leur fonctionnement consiste en une propulsion d’eau ou de solutions antiseptiques, mais leur action est assez limitée. Cependant, il peut aider les patients porteurs de bridge notamment, à éliminer les éventuels débris alimentaires dans les zones postérieures difficiles d’accès. Gratte-langue La face dorsale de la langue abrite une flore bactérienne en quantité énorme, qui peut servir de point de départ de la colonisation des différents sites de la cavité buccale (Fig. 28). Si les résultats ne sont pas concluants en ce qui concerne la diminution de la formation de la plaque dentaire, le brossage ou le grattage de la langue de façon régulière interviennent cependant dans la diminution de l’halitose, due à des composés volatils sulfurés (Fig. 29).

Dentifrices Les dentifrices sont toujours considérés par les patients comme l’élément le plus important dans la recherche d’une hygiène buccodentaire parfaite, bien souvent à cause de la médiatisation qui en est faite. Dans le but d’éliminer la plaque dentaire, des éléments abrasifs pour leur action mécanique ou du fluor pour son action chimique ont été incorporés depuis de nombreuses années aux pâtes dentifrices. Actuellement, et dans le souci de prévenir le développement des maladies parodontales, sont incorporées des substances antibactériennes, antitartre ou avec des propriétés désensibilisantes. Malheureusement, leur efficacité n’est pas prouvée de façon évidente, bien souvent à cause des agents (détergents ou parfums) qui leur sont associés. La chlorhexidine et le triclosan sont les substances chimiques les plus couramment utilisées, mais l’efficacité à long terme n’est pas prouvée, notamment sur l’aggravation des parodontites actives.21 Les dentifrices « antitartre » où l’on retrouve des pyrophosphates dans la composition sont essentiellement actifs sur la formation du tartre supragingival. Bains de bouche La multitude des bains de bouche disponibles sur le marché avec chacun une action spécifique ne doit pas cacher leur action thérapeutique ; à cet égard,

Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire

359

une utilisation quotidienne ne peut être envisagée qu’en présence d’indications très précises (après chirurgie, en cas d’inflammation importante...). De plus, leur action est essentiellement dirigée contre la formation de la plaque dentaire supragingivale et en aucun cas contre la plaque sous-gingivale. Une application professionnelle peut être envisagée dans le cas de poches parodontales, mais en privilégiant ceux actifs en présence de suppuration et/ou saignement, en l’occurrence ceux contenant de l’iode dans leur composition, la chlorhexidine étant dénaturée par les protéines.

Mauvaise utilisation des instruments d’hygiène buccodentaire À partir du moment où de nombreuses possibilités de prévention existent, une mauvaise utilisation peut entraîner des effets nocifs sur les tissus dentoparodontaux. Un brossage inadéquat peut entraîner des blessures au niveau gingival, sous forme d’érosions ou de récessions gingivales (Fig. 30). Un mauvais brossage associé à l’utilisation d’un dentifrice trop abrasif entraîne plus fréquemment des récessions gingivales et des abrasions dentaires (Fig. 31). Une mauvaise utilisation des brossettes interdentaires peut également entraîner la formation de blessures gingivales associées ou non à des destructions dentaires (Fig. 32). Enfin, la présence de certaines substances médicamenteuses dans les dentifrices ou bains de bouche peut naturellement entraîner des colorations (chlorhexidine), des réactions allergiques (pyrophosphates, parfums, détergents...) ou des altérations des muqueuses buccales.

Conclusion L’utilisation de tous ces matériels d’hygiène buccodentaire nécessite un apprentissage pour le patient

Figure 31 Récessions gingivales et abrasions dentaires.

Figure 32 Destruction de la papille gingivale et usure dentaire en rapport avec une mauvaise utilisation de brossette interdentaire.

et le rôle du professionnel de santé est fondamental. La méthodologie de cet apprentissage peut commencer par la mise en évidence de la plaque dentaire par du révélateur de plaque dentaire, puis, après l’élimination effectuée par le patient sans lui donner de conseils, il sera nécessaire de faire avec lui un premier bilan de son travail. Après démonstration, il est plus aisé lors des visites suivantes de contrôler les zones difficilement atteintes et de conseiller le patient. Toute thérapeutique de soutien (ou de maintenance) doit avoir pour but non seulement d’éliminer le biofilm présent mais également de contrôler et renforcer la méthode de nettoyage utilisée par le patient.

Figure 30 Érosion gingivale débutante.

Il existe de nombreuses possibilités permettant aux patients d’entretenir une hygiène buccodentaire compatible avec le maintien de sa santé parodontale mais le maître mot est de renforcer fréquemment cette hygiène lorsqu’elle montre une moins grande efficacité, toujours dans le souci d’encourager le patient et non de le décourager.

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J.-M. Svoboda, T. Dufour

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 361–377

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RESTAURATION FONCTIONNELLE

Restauration fonctionnelle par ajustement occlusal Functional restoration by occlusal adjustment C. Bodin, Professeur de l’Université de Brescia [Italie] a,*, P.-L. Foglio-Bonda, Professeur de l’Université du Piémont Oriental – Novara [Italie] b, J. Abjean, Professeur émérite des Universités a b

Clinica Odontoiatrica dell’Università di Brescia, Spedali Civili, 25100 Brescia, Italie Clinica Odontoiatrica dell’Università del Piemonte Orientale, Viale Pzza d’Armi 1, 28100 Novara, Italie

MOTS CLÉS Occlusion ; Ajustement occlusal ; Position mandibulaire de repos

Résumé L’ajustement occlusaI a pour but d’obtenir une occlusion stable et fonctionnelle. L’examen anatomique et fonctionnel de l’occlusion est établi au travers de l’évaluation de la position mandibulaire (physiologique ou d’adaptation), de l’intercuspidation maximale (PIM), des surplombs et recouvrements (overjet et overbite) de toutes les dents, de l’étude de la profondeur cuspidienne et des courbes occlusales. La situation, la direction et la profondeur des facettes d’usure permettent de différencier l’usure physiologique, due à la mastication, de l’usure parafonctionnelle due au bruxisme. L’examen est complété par la recherche des interférences occlusales et des parafonctions orofaciales (Iinguales et labiales) qui peuvent compliquer le cadre cIinique. La valeur du décalage existant entre la position mandibulaire physiologique et la position d’intercuspidation habituelle conditionne la première phase thérapeutique. Si le décalage est égal ou inférieur à 1 mm, les précontacts sont effacés mais la PIM du patient conservée. Si le décalage est supérieur à 1 mm, la correction nécessite une modification de la PIM du patient. Cette première phase est suivie par l’ajustement des trajets fonctionnels et si nécessaire par la correction des fonctions orofaciales. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Occlusion; Occlusal adjustment; Rest mandible position

Abstract The goal, for occlusal adjustment, is to ensure stable and functional occlusion. Anatomical and functional examination of the occlusion is performed by assessing the mandibular position (physiological position or adaptative position), maximal intercuspidation, all teeth overjets and overbites, cuspid depth and occlusal curves. The localization, direction, and depth of wear facets allows differentiating mastication-induced physiological erosion from bruxism-induced para-functional erosion. As complementary examination, a screening for occlusal interferences and orofacial (lingual and labial) parafunctions that may constitute a complication of the clinical presentation. The value of the shift between the physiological mandible position and the habitual intercuspidation position is the basis of the first therapeutic phase. In case of a shift ≤ 1 mm, precontacts are removed but the maximal intercuspidation is preserved. If the shift is > 1 mm, correction necessitates a modification of patient’s maximal intercuspidation. This first phase is followed by the adjustment of functional courses and, if necessary, by the correction of orofacial functions. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Bodin). 1762-5661/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.07.003

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Introduction Dans la pratique quotidienne, il est courant d’observer des patients qui présentent de nombreux désordres occlusaux non associés à des altérations de la cinématique articulaire ou à des altérations de l’activité musculaire ou encore à des lésions parodontales. A priori, l’adaptation à ces conditions n’imposerait donc pas de traitement occlusal. Toutefois, cette considération ne peut être retenue comme règle car la plus petite restauration peut déclencher un processus pathologique jusqu’alors asymptomatique. Il est donc indispensable d’identifier et de corriger les défauts occlusaux avant d’entreprendre une réhabilitation unitaire ou plurale, de même qu’il est nécessaire de rectifier une courbe occlusale altérée en regard de la reconstruction envisagée. L’ajustement occlusal consiste à modifier, par soustraction ou par addition, le relief des faces occlusales afin d’obtenir une occlusion stable et fonctionnelle.

Indications L’indication du traitement occlusal semble s’imposer lorsque le patient consulte pour des douleurs musculaires, articulaires, alors qu’elle est encore discutée dans les pathologies parodontales. Actuellement, la majorité des auteurs semblent considérer que le traumatisme occlusal ne provoque ni n’aggrave la gingivite marginale, pas plus qu’il ne provoque, à lui seul la parodontite, mais qu’il peut accélérer la lyse osseuse et la formation des poches si une inflammation due à la plaque bactérienne est préalablement établie : Saito et al.1 notent la surproduction de médiateurs de l’inflammation stimulant l’ostéoclasie, en présence de traumatisme occlusal. Seymour2 admet difficilement que la seule infection du parodonte marginal puisse expliquer l’invasion du parodonte profond, même s’il retient la particulière susceptibilité de certains hôtes. Jin et Cao3 observent une augmentation de la largeur de l’espace desmodontal en présence de contacts non travaillants. Pour Keough4, en présence d’une atteinte parodontale, il semble qu’il y ait coalition destructrice de l’inflammation et des forces occlusales. Burgett et al.5 remarquent que le gain d’attache parodontale est significativement plus élevé chez les patients traités par ajustement occlusal. Aussi, chez un patient qui présente une parodondite associée à des troubles occlusaux, la règle à adopter est l’élimination et le contrôle de la plaque et de l’inflammation suivie d’un ajustement occlusal.6–12 Toutefois, que ce soit dans le cadre d’une restauration prothétique d’une dysfonction craniomandi-

C. Bodin et al. bulaire (DCM) d’étiologie occlusale13, encore appelée temporo-mandibular disorders (TMD) ou d’une occlusion traumatisante en parodontie, la thérapeutique occlusale est exécutée après avoir examiné les paramètres occlusaux du patient. Les défauts occlusaux sont éliminés soit par addition soit par soustraction de matériau dentaire : la décision thérapeutique n’est prise qu’après l’examen anatomofonctionnel qui doit être exécuté avec méthode. Cet examen occupe une place importante dans la résolution des problèmes auxquels l’omnipraticien se trouve quotidiennement confronté. Il est déterminant puisque la recherche d’une occlusion stable, esthétique et fonctionnelle en dépend.14 Pour les cas complexes, il est conseillé de monter les modèles d’étude sur un articulateur semiadaptable ou adaptable. Cette opération facilite l’étude des rapports anatomiques et met en évidence les caractéristiques individuelles des trajets occlusaux du patient. Elle offre la possibilité de réaliser les différentes étapes de l’ajustement occlusal, par meulage des modèles de plâtre, et par là même d’en objectiver les résultats. Il faut toutefois rappeler que la thérapeutique occlusale est effectuée directement en bouche et, par conséquent, il est nécessaire de s’entraîner à la lecture directe des arcades du patient, savoir identifier les contacts et les trajets occlusaux et être en mesure d’apporter les corrections nécessaires pour obtenir une occlusion fonctionnelle.

Examen occlusal anatomique Examen de la position d’intercuspidation maximale Cet examen est essentiel pour connaître les paramètres individuels que présente le patient et les mettre en relation avec d’éventuelles altérations fonctionnelles. L’examen de la position d’intercuspidation maximale (PIM) ne se réduit pas à la seule observation de la distribution des points de contacts dentaires. Il doit informer sur le caractère fonctionnel ou dysfonctionnel de l’intercuspidation au travers de la lecture visuelle directe : • des surplombs (overjet) et recouvrements (overbite) ; • des profondeurs cuspidiennes ; • des courbes occlusales ; • d’éventuelles facettes d’usure. Il s’agit donc d’effectuer une lecture anatomofonctionelle de l’occlusion en PIM.

Examen des points de contacts en PIM L’observation des contacts en PIM est effectuée par le contrôle des surfaces d’appui. Le nombre des

Restauration fonctionnelle par ajustement occlusal

363

dents en contact influe directement sur la stabilité occlusale, c’est pourquoi les béances et inocclusions dentaires sont soigneusement repérées. La surface, l’intensité et la distribution spatiale des points de contact7,14,15 sont donc examinées. La stabilité occlusale est obtenue au travers de la répartition bilatérale de points de contacts punctiformes et d’intensité égale7,16 : l’irrégularité peut expliquer une instabilité de l’occlusion. Toutefois, l’évaluation de la PIM est sujette à discussion car elle peut être le résultat d’une adaptation de la position mandibulaire. Il est donc indispensable de réévaluer la distribution des points de contacts, l’aspect des courbes occlusales et la valeur des overjet et overbite après avoir retrouvé une PIM physiologique. En revanche, les résultats sur la profondeur cuspidienne et sur les facettes d’usure sont des valeurs anatomiques indépendantes de la position mandibulaire anatomique.

trajet fonctionnel. Cet examen permet de distinguer7,13,15 : • la ou les dents qui assurent le trajet fonctionnel au plus près de la PIM ; • les dents qui ne jouent qu’un rôle de fonctionrelais ; • les dents qui n’entrent pas dans la fonction mais sont exclusivement le siège des points de contacts d’intercuspidation.

Examen des surplombs et des recouvrements L’examen des secteurs incisifs et latéraux est réalisé à travers l’observation des surplombs immédiats (overjet immédiat) et des recouvrements (overbite). Alors que le surplomb terminal (overjet terminal), habituellement utilisé17–19, est identifié au niveau du bord occlusal, le surplomb immédiat (overjet immédiat) est observé au plus près de la PIM (Fig. 1). Il correspond à l’angle formé par la face palatine de la dent supérieure et la face vestibulaire de son antagoniste, au niveau de la PIM.13 Il permet l’identification immédiate de l’aspect fonctionnel d’une dent. En effet, pour qu’une dent conduise la fonction, il faut qu’elle présente un contact en PIM et un surplomb immédiat (overjet immédiat) le plus faible possible, associé à un recouvrement suffisant, assurant la continuité du

Examen de la profondeur cuspidienne Il est indispensable de confronter les valeurs des surplombs immédiats et des recouvrements antérieurs (overjets immédiats et overbites antérieurs) à la profondeur cuspidienne des dents cuspidées. Dans le cas d’un déterminant antérieur faible associé à une profondeur cuspidienne marquée, il est probable que les dents postérieures entrent en interférence lors des mouvements de latéralité. Ce cas est fréquent dans les parodontopathies avec migration des dents antérieures, qui, de ce fait, perdent leur valeur fonctionnelle, ou bien dans le cas de béance secondaire à des traitements dentaires. Alors, seule l’observation d’éléments anatomiques, en l’occurrence des profondeurs cuspidiennes, permet de retrouver les caractéristiques anatomofonctionnelles individuelles du patient et de guider le praticien dans l’exécution des traitements dentaires, y compris des corrections occlusales (Fig. 2).

Examen des courbes occlusales Les courbes de Spee dans le sens sagittal, et la courbe de Wilson dans le sens frontal, conditionnent l’harmonie des trajets occlusaux. Les égressions et les versions mésiodistales modifient les courbes de Spee et provoquent des interférences non travaillantes protrusives, rétrusives et latérales. Les versions vestibulaires des molaires supérieures et linguales des molaires inférieures accentuent la courbe de Wilson et provoquent essentiellement des interférences non travaillantes latérales, lorsque le guidage antérieur n’est pas suffisant et en particulier en présence d’inocclusion antérieure.

Examen des facettes d’usure

Figure 1 a. Surplomb immédiat. b. Surplomb terminal.

Les facettes d’usure sont recherchées méthodiquement en faisant coapter la facette de la dent mandibulaire sur la facette de la dent maxillaire concernée (Fig. 3). Leur localisation permet de caractériser le bruxisme : en PIM, sur les trajets fonctionnels ou en dehors des trajets fonctionnels.

364

C. Bodin et al. On peut distinguer deux types de facettes d’usure. Facettes correspondant à l’abrasion physiologique Elles s’établissent progressivement au cours des cycles de mastication (centripètes) et de façon bilatérale : l’abrasion se situe sur les sommets des cuspides inférieures (groupe l et 2 d’Abjean-Korbendau)7,15, sur les sites maxillaires qui reçoivent les cuspides mandibulaires et les trajets sur lesquels elles glissent. Cette usure est le témoin de l’activité fonctionnelle écoulée.20,21 Facettes d’abrasion pathologique Elles traduisent différents bruxismes. Bruxisme en PIM Encore appelé crispation ; les facettes d’usure sont situées sur les cuspides supports, dans les fosses ou sur les crêtes marginales des dents maxillaires et mandibulaires (Fig. 4A).

Figure 2 A. La profondeur cuspidienne est importante. B. Les canines qui présentent un surplomb accentué ne peuvent conduire la fonction auprès de la position d’intercuspidation maximale.

Bruxisme sur les trajets fonctionnels Les facettes d’usure sont provoquées par le déplacement des cuspides supports inférieures (groupes l et 2) sur les faces occlusales supérieures dans les mouvements centripète et centrifuge. Les facettes d’usure en rétrusion se rencontrent en général sur le versant mésial interne des cuspides palatines supérieures (Fig. 4B). Les facettes protrusives travaillantes se localisent sur le versant palatin et sur le bord libre des incisives supérieures (Fig. 5). Les facettes protrusives non travaillantes se rencontrent sur le versant distal interne des cuspides vestibulaires supérieures (Fig 4C). Les facettes en latéralité travaillante se situent sur le versant mésial interne et le sommet des cuspides vestibulaires supérieures (Fig. 4D).

Figure 3 Facettes d’usure en latéralité sur 23 et 33.

Leur direction permet de distinguer le sens du mouvement mandibulaire : protrusif, rétrusif, latéral, antérolatéral, travaillant ou non travaillant. Parfois, il n’existe pas de coaptation parfaite des facettes d’usure en raison d’habitudes nocives qui consistent à interposer les ongles, les moustaches, un crayon, une pipe, un instrument à vent, un embout... provoquant une abrasion spécifique. Dans ce cas, le patient est interrogé pour identifier l’habitude et sa localisation.

Figure 4 a. Facette d’usure en position d’intercuspidation maximale ; b. en rétrusion ; c. protrusive non travaillante ; d. latérale travaillante ; e. latérale non travaillante.

Restauration fonctionnelle par ajustement occlusal

365 sur les trajets fonctionnels pour diminuer ou éliminer les obstacles occlusaux ; • des habitudes nocives, imposant une hyperfonction musculaire en dehors des trajets fonctionnels (par exemple onychophagie). Facettes d’usure situées au niveau vestibulocervical des dents (abfraction lesions) Ces lésions non carieuses sont dues à des trauma occlusaux. Il est donc important d’intégrer une évaluation occlusale et un éventuel traitement chez les patients qui présentent ce type d’abrasion cervicale.22

Figure 5 Facettes d’usure protrusive travaillante.

Les facettes en latéralité non travaillante se trouvent sur le versant distal interne et le sommet des cuspides palatines supérieures (Fig. 4E).

Examen occlusal fonctionnel

Bruxisme sur des trajets parafonctionnels Les limites de tels trajets sont données par l’enveloppe des mouvements mandibulaires. Les facettes d’usure peuvent se situer au sommet ou à l’angle d’une cuspide : la similitude de morphologie de deux facettes d’usure antagonistes en permet une superposition exacte7,13,15 (Fig. 6). L’examen des facettes d’usure permet d’identifier les muscles responsables des excursions centrifuges et centripètes : la coaptation des dents maxillaires et mandibulaires impose toujours l’activité des muscles élévateurs. Elle est conjuguée à l’hyperfonction des muscles directionnels et à l’activité des antagonistes et des compensateurs. Les causes du bruxisme sont recherchées au travers : • de la crispation provoquant l’usure en PIM, avec participation émotionnelle ; • des interférences travaillantes ou non travaillantes, dues à la réduction des cycles de mastication par la prothèse, l’orthodontie ou la dentisterie restauratrice, induisant un bruxisme

La première partie de l’examen occlusal fonctionnel consiste à identifier la position de la mandibule et donc à vérifier la validité du rapport occlusal maxillomandibulaire. Au cours des années, diverses positions mandibulaires ont été proposées comme référence. Pour Gysi23 la référence est dans la position la plus reculée des condyles. Pour Atwood24,25, la plus reculée, non forcée. Pour Schuyler26, elle est superposable à la position d’intercuspidation maximale. Pour Gillings27 l’enregistrement de la position centrée peut varier d’un opérateur à l’autre et les patients ainsi traités présentent un déplacement antérieur progressif de la mandibule. Lucia28,29 propose son joint incisal guidance (JIG) qui permet de transmettre la pression occlusale au niveau des condyles et d’obtenir leur élévation dans la position la plus haute de la cavité glénoïde. Pour Dawson30, la relation centrée est obtenue sans tenir compte des rapports dentodentaires, par manipulation manuelle de la mandibule. Jankelson31,32 adopte la relation musculaire comme référence et propose son myo-monitor : par stimulation électrique transcutanée il obtient la décontraction musculaire et la contraction isotonique des muscles élévateurs. Pour Weinberg33, la position physiologique de repos mandibulaire est définie au travers de l’activité minimale électromyographique des muscles masticateurs.33 Dans cette position physiologique de repos, seuls les temporaux antérieurs conservent une activité qui s’oppose à l’effet de gravité sur la mandibule. Cette position de repos mandibulaire est la plus fréquente lorsque le sujet est dans un état de passivité relative impliquant un rythme respiratoire lent, et une tranquillité émotionnelle.7,15 De la position physiologique de repos à la position d’intercuspidation, la mandibule effectue un trajet de

Figure 6 Facettes d’usure parafonctionnelles 11 et 31.

Identifier la position mandibulaire

366 fermeture physiologique guidé par la contraction isotonique et symétrique de tous les muscles élévateurs avec prédominance d’action des fibres antérieures du temporal.7,15,32,34–37 Dans le plan sagittal médian, le point interincisif décrit une légère courbe dirigée de bas en haut et d’arrière en avant (Fig. 7A). Dans le plan frontal, son trajet est vertical7,15,34,38,39 (Fig 7B). Durant ce mouvement, les condyles effectuent essentiellement un mouvement de rotation.32 Chez un sujet présentant une occlusion équilibrée et aucune contracture musculaire, l’intercuspidation maximale est obtenue au moment du contact initial des dents mandibulaires et maxillaires : elle s’accompagne d’une contraction optimale et symétrique de tous les muscles élévateurs (Fig. 8). Cette intercuspidation est en harmonie avec la position physiologique de repos : c’est la position physiologique d’intercuspidation.7,15 Au contraire, en présence d’un contact prématuré, l’intercuspidation maximale est obtenue après déviation mandibulaire sur ce premier contact occlusal. Le trajet de fermeture mandibulaire est un trajet d’adaptation pour éviter le contact prématuré : les muscles conservent une légère contracture résiduelle qui détermine une position de repos mandibulaire non plus physiologi-

Figure 7 Chemin de fermeture physiologique. A. Dans le plan sagittal. B. Dans le plan frontal (PIM : position d’intercuspidation maximale).

Figure 8 Position intercuspidienne établie sur le chemin de fermeture avec une contraction optimale des muscles.

C. Bodin et al. que mais clinique. L’activité musculaire qui guide ce chemin de fermeture d’adaptation dépend du réflexe proprioceptif dû à la présence du contact prématuré.7,15,35 Le premier contrôle de l’occlusion est donc l’évaluation de la position mandibulaire pour identifier si le patient présente une position mandibulaire physiologique ou bien d’adaptation. Abjean et Bodin proposent l’utilisation d’une butée occlusale incisive comme moyen clinique pour obtenir le relâchement musculaire nécessaire à l’analyse du chemin de fermeture physiologique et à l’analyse de la position mandibulaire de repos physiologique. Cette butée occlusale incisive d’Abjean induit une déprogrammation musculaire en l à 4 minutes. Elle permet alors à la mandibule de se situer dans l’espace sous la seule dépendance d’une activité musculaire minimale qui conditionne la position des condyles dans les cavités glénoïdes.15,35 Butée occlusale incisive La butée occlusale d’Abjean et le JIG de Lucia sont deux entités différentes : la butée occlusale a pour but d’obtenir une activité électromyographique minimale. Elle présente une forme palatine qui épouse le relief des incisives supérieures recouvertes. Il n’existe qu’un seul contact entre sa face palatine et l’incisive mandibulaire la plus médiane. La butée impose un léger mouvement d’abaissement mandibulaire qui se situe sur le chemin de fermeture physiologique : le mouvement condylien qui en résulte est un mouvement de rotation sans translation antérieure. Le JIG de Lucia a pour but d’obtenir une élévation des condyles dans les cavités glénoïdes grâce à la pression occlusale effectuée sur son plan palatin qui présente une marche inclinée du bas vers le haut et d’avant en arrière sur laquelle plusieurs incisives inférieures viennent prendre appui. Réalisation de la butée La butée occlusale incisive est confectionnée en résine autopolymérisable sur les incisives centrales supérieures qu’elle englobe aux deux tiers. Sa stabilité doit être soigneusement contrôlée. Une fenêtre est aménagée sur sa face vestibulaire (Fig. 9) pour permettre une lecture du trait de repère vertical sous-jacent, précédemment tracé alors que le patient se situe en PIM clinique. Sa face palatine reproduit l’anatomie des incisives recouvertes et ne supporte qu’un point de contact avec l’incisive centrale mandibulaire la plus médiane (Fig. 10). L’épaisseur de la butée assure une désocclusion molaire de 1 mm quel que soit le type d’occlusion antérieure, pour éviter les interférences occlusales au niveau des dents cuspidées et

Restauration fonctionnelle par ajustement occlusal

Figure 9 Butée occlusale incisive et repère vertical.

Figure 10 La butée occlusale incisive : reproduit le relief de la face palatine de l’incisive centrale supérieure (A) ; ne supporte qu’un point de contact avec l’incisive centrale inférieure la plus médiane (B).

permettre l’interposition d’une cire occlusale d’enregistrement. Dans les cas de béance, l’épaisseur de la face palatine de la butée est augmentée en respectant l’anatomie des dents recouvertes et en assurant une même désocclusion postérieure de l mm. Dans les cas de bout à bout incisif ou d’inversion occlusale (cross bite antérieur), la face palatine de la butée est prolongée de façon légèrement concave et inclinée en bas et en avant. De ce fait, la désocclusion molaire est souvent légèrement supérieure à l mm (Fig. 11).

Figure 11 Forme de la butée en présence d’occlusion inversée incisive.

367 Utilisation de la butée L’utilisation de la butée occlusale permet de réaliser le test d’élévation, test clinique qui permet d’observer ou non un relâchement musculaire. Si le test d’élévation est positif on peut identifier un éventuel décalage entre les positions d’intercuspidation et de repos physiologique, noter le sens du décalage et enregistrer les contacts occlusaux prématurés, responsables du glissement mandibulaire de la position de repos physiologique à la PIM. Avant l’introduction de la butée et l’examen de la position de repos physiologique, une ligne verticale est tracée sur l’incisive centrale supérieure au plus près de la ligne médiane. Elle est prolongée sur l’incisive inférieure alors que le patient est en PIM clinique (Fig. 12). La butée, positionnée sur les incisives centrales supérieures, laisse donc apparaître le trait vertical dans la fenêtre vestibulaire réalisée à cet effet (Fig. 9). Le patient est installé en position allongée, la tête dans l’alignement du corps. Sa respiration est lente et il positionne ses bras le long du corps pour participer à la détente. Il est invité, pendant quelques instants, à se détendre sans serrer sur la butée. Il peut toutefois avaler sa salive. Après 1 à 3 minutes, le praticien réalise le test d’élévation mandibulaire pour contrôler l’établissement du relâchement musculaire. Ce test clinique s’effectue à l’aide de la partie dorsale de l’index par tapotement de la partie antéroinférieure de la mandibule qui s’élève librement en émettant un son clair à chaque contact avec la butée. Ce test est effectué avec douceur et sans manipulation : le praticien ne doit jamais imprimer de force ou de guidage. Il est réalisé pour contrôler la libre élévation de la mandibule33 (Fig. 13). Si le test d’élévation est négatif, le port d’une plaque occlusale transitoire est indiqué. La recherche de la position de repos physiologique à l’aide de la butée occlusale ne s’effectue qu’après la disparition des signes de contractures et l’obtention d’un test d’élévation positif. Si le test est positif, la recherche du décalage entre PIM clinique et PIM physiologique peut être

Figure 12 Repère vertical tracé en position d’intercuspidation maximale au plus près du plan sagittal.

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C. Bodin et al.

Figure 13 Test d’élévation mandibulaire.

exécutée, de même que la situation et l’enregistrement des contacts prématurés : le patient est invité à entrouvrir très légèrement la bouche de sorte que la butée puisse être retirée par le praticien. Le patient referme la bouche lentement jusqu’au premier contact occlusal qu’il perçoit. Le praticien observe alors le décalage transversal et/ou sagittal qui sépare la PIM clinique de la PIM physiologique. Cette observation est essentielle pour mettre en corrélation les éventuelles tensions, raideurs, gênes, voire douleurs musculaires dont le patient peut se plaindre ; pour identifier le sens du glissement qui amène la mandibule de la PIM physiologique à la PIM clinique ; pour choisir le type d’ajustement occlusal qui corrigera les contacts prématurés : • lorsque le décalage entre PFR et PIM est inférieur ou égal à 1 mm : (Figs. 12, 14), l’équilibration occlusale simple peut être retenue comme voie thérapeutique. La PIM du patient est conservée et le chemin de fermeture est en harmonie avec la PIM dès lors que le (ou les) contact(s) prématuré(s) est (sont) effacé(s) ; • lorsque le décalage entre PFR et PIM est supérieur à 1 mm (Fig. 15 A, B), la PIM du patient doit

Figure 14 Décalage de faible amplitude (< 1 mm) entre la position d’intercuspidation maximale (PIM) et le chemin de fermeture physiologique : on conserve la PIM.

Figure 15 Un décalage important (3 mm) entre la position d’intercuspidation maximale (PIM) (A) et le chemin de fermeture physiologique (B) : on doit changer la PIM.

être changée, mais il est conseillé de tester la nouvelle PIM, de façon réversible, par le port d’une plaque occlusale réalisée sur le chemin de fermeture physiologique ou par l’adjonction de composites, ou encore par la réalisation de prothèses provisoires.

Rechercher les interférences occlusales travaillantes et non travaillantes Ash38,39 définit les interférences occlusales comme des contacts occlusaux qui entravent les fonctions et considère qu’elles doivent être corrigées. Elles sont repérées pour établir le diagnostic occlusal mais ne sont corrigées qu’après les deux premières phases du traitement occlusal : thérapeutique sur le chemin de fermeture et établissement de la PIM physiologique. Elles sont soigneusement notées par marquage à l’aide de papiers carbone fins soutenus par des pinces de Miller. Le marquage des seuls glissements centrifuges est source d’erreur et ne peut être retenu comme élément diagnostique. En effet, les trajets centripètes (fonctionnels) et centrifuges (analyse) sont conduits par des muscles différents. C’est pourquoi il est conseillé d’observer les trajets occlusaux après avoir fait exécuter des cycles de mastication sur les papiers occlusaux (Fig. 16).

Restauration fonctionnelle par ajustement occlusal

369 tient à respiration nasale que chez le patient à respiration orale. Dynamique linguale

Figure 16 A. Le patient simule une mastication sur les papiers occlusaux tenus par des pinces de Miller. B. Interférences occlusales sur molaires.

Évaluer les fonctions orofaciales Dans les cas de dysfonctions craniomandibulaires, de béance antérieure (open bite), de migration des dents antérieures, d’apparition de diastèmes ou de mobilité dentaires, il est nécessaire d’évaluer la dynamique linguale et la tonicité labiale. Souvent l’instabilité occlusale est compensée par la contraction des muscles élévateurs ainsi que l’abaissement et l’étalement de la langue qui tentent d’immobiliser la mandibule. L’interposition linguale et/ou labiale entretient un déséquilibre qu’il est essentiel d’analyser avant d’établir un plan thérapeutique. Mais le premier examen clinique concerne la respiration : il est indispensable d’évaluer le type respiratoire (nasale, orale, mixte) pour compléter le diagnostic et donner un pronostic aux thérapeutiques orofaciales et par conséquent aux traitements dentaires des béances ou des migrations. Évaluation de la respiration La motilité des ailes du nez est évaluée au travers du test de réflexe narinaire. Il s’exécute bouche fermée. Les ailes du nez sont pincées pendant 2 secondes puis relâchées : normalement les ailes du nez vibrent et se dilatent dès la première inspiration. Le second test, test de Rosenthal, est également effectué bouche fermée. Le patient est invité à respirer par le nez 10 fois de suite. L’opérateur en contrôle le pouls. Un patient avec respiration nasale ne présente ni ouverture intempestive de la bouche, ni collapsus des ailes du nez, ni vertige, ni inspiration bruyante, ni fatigue, ni accélération du pouls, ni intervention des muscles scalènes. Le patient avec respiration mixte présente une ou plusieurs des altérations précédemment citées sans toutefois être obligé à une ouverture de la bouche. Le patient qui a une respiration orale ouvre la bouche dès les premières inspirations.40 Ces tests permettent d’évaluer le degré de difficulté du traitement orofacial : les objectifs thérapeutiques sont plus faciles à atteindre chez le pa-

Pour confirmer une dysfonction linguale, la position de la langue est examinée au repos, lors de la déglutition et au cours de la parole. Selon Foumier40, les trois examens constituent un ensemble diagnostique indissociable ; il n’existe pas de déglutition atypique isolée. Une position basse située entre les dents antérieures ou aplatie sur les secteurs latéraux (souvent associée à une empreinte des faces internes dentaires sur la partie inféro-latérale de la langue) est considérée comme dysfonctionnelle. Lors de la déglutition, l’appui lingual s’effectue plus largement sur les papilles palatines. Normalement, les dents sont en contact, sans participation de la sangle labiale. L’aspiration des lèvres, la participation des scalènes, la double déglutition, sont les caractéristiques dysfonctionnelles à rechercher au cours de la déglutition.13,15 Lors de la prononciation des « palatales » (L, N, D, T), la langue se situe normalement sur les papilles palatines : la surface d’appui augmente du L au T. Tonicité labiale Elle est évaluée par la palpation, au repos et lors des fonctions : la partie médiane et les parties latérales sont pincées légèrement entre le pouce et l’index pour y vérifier leur caractère flasque ou tonique et identifier une éventuelle hypertonie ou hypotonie des lèvres. L’observation est complétée par la recherche des incompétences labiales ainsi que par l’évaluation du degré de tension des sillons labiomentonnier et nasolabiaux.13,15

Thérapeutique par équilibration occlusale Première étape : équilibration occlusale sur le chemin de fermeture physiologique La technique d’équilibration occlusale est fonction du décalage entre la PIM habituelle et la PIM physiologique (PRP). Ce décalage est diagnostiqué lorsque le patient présente un relâchement musculaire suffisant et répond positivement au test d’élévation.

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Distance entre les deux positions PIM-PRP ≤ 1 mm Règles de l’équilibration occlusale conservant la PIM du patient Le décalage entre la PIM physiologique et la PIM de convenance est ≤ 1 mm, l’équilibration occlusale a pour but d’établir une PIM clinique en harmonie avec le chemin de fermeture physiologique, en effaçant la surface de glissement provoquée par le contact prématuré qui induit une déviation mandibulaire et une activité musculaire asymétrique. La PIM du patient est donc conservée. Recherche du contact prématuré Matériel. L’enregistrement du contact prématuré s’effectue à l’aide de la butée incisive et de cires « occlusal indicator » de Kerr. Méthode. La butée est replacée sur les incisives après que les cires « occlusal indicator » soient collées sur les demi-arcades supérieures, des canines ou premières prémolaires aux dernières molaires, en prenant soin d’y apposer leur surface brillante et de les appliquer avec une très faible pression pour ne pas provoquer d’indentations (Fig. 17). Le patient est invité à se détendre l à 2 minutes avant de vérifier le relâchement mandibulaire à l’aide du test d’élévation. La butée occlusale est retirée en prenant soin de faire ouvrir la bouche au minimum. Le patient élève la mandibule lentement jusqu’au premier contact occlusal, le marque légèrement puis entrouvre la bouche pour que le praticien repositionne la butée ; les cires sont retirées, en prenant soin de ne pas les déformer, pour y identifier l’intensité des contacts occlusaux. L’opération est renouvelée trois fois pour vérifier s’il existe ou non une répétitivité des contacts (Fig. 18).

Figure 17 Les cires et la butée sont positionnées et le patient est invité à se détendre pendant 1 à 2 minutes.

Figure 18 On observe la répétitivité des contacts prématurés sur trois cires des dents cuspidées gauches.

Si les contacts occlusaux enregistrés à l’aide des cires sont répétitifs, l’équilibration sur le chemin de fermeture peut être entreprise. L’absence de répétitivité des contacts occlusaux est une contre-indication à l’équilibration occlusale, car elle signe une activité musculaire résiduelle et variable qui ne permet pas d’identifier avec certitude les surfaces occlusales à corriger. Marquage du contact prématuré En présence d’une répétitivité des contacts occlusaux, une quatrième série de cire est positionnée sur les dents maxillaires et, avec le même protocole, le contact prématuré est identifié sur les cires et marqué au crayon aniline (Fig. 19). Ajustement occlusal Les cires sont déposées et la correction s’effectue avec une fraise turbine à grain très fin, de forme poire. Le contact prématuré (le trajet de glissement) est effacé en prenant soin de conserver le point qui correspond à la PIM (la partie finale du trajet de glissement) (Fig. 20). Parfois, les cires présentent plusieurs contacts occlusaux, d’intensités légèrement différentes permettant d’identifier

Figure 19 Le contact prématuré a été marqué au travers de la cire.

Restauration fonctionnelle par ajustement occlusal

371 Distance entre les deux positions PIM-PRP > 1 mm

Figure 20 Le contact prématuré est effacé en conservant les points supports de la position d’intercuspidation maximale.

les contacts successifs qui sont corrigés en effaçant les contacts postérieurs en premier lieu. L’objectif est d’obtenir un à deux contacts bilatéraux de même intensité et le plus symétrique possible sur les prémolaires et les premières molaires. Durant l’ajustement occlusal, le patient ne doit pas retrouver sa PIM habituelle : la butée occlusale est donc systématiquement replacée sur les incisives centrales. Dans les cas de faible décalage, la PIM du patient est donc conservée : elle se trouve en harmonie avec le chemin de fermeture physiologique après effacement des glissements occlusaux dus aux premiers contacts dentaires identifiés grâce à l’obtention du relâchement musculaire.

Règles de l’équilibration occlusale modifiant la PIM du patient Lorsque le décalage entre la PIM clinique et le chemin de fermeture physiologique est supérieur à 1 mm (Fig. 15), la PIM doit être changée : elle est établie sur le chemin de fermeture physiologique pour obtenir un équilibre neuromusculaire stable. Pour l’objectiver, une étude préalable sur articulateur est indispensable. Le port de la plaque occlusale d’Abjean (POA)13,41 contribuant à l’amélioration cinématique et symptomatologique permet de tester la nouvelle PIM qui sera construite à travers des règles différentes des précédentes. Matériel. L’enregistrement du contact prématuré s’effectue à l’aide de la butée incisive et de cires « occlusal indicator » de Kerr. Méthode. Il faut, en premier lieu, déterminer les dents susceptibles de conduire les fonctions. Les contacts prématurés situés sur les dents choisies pour guider les fonctions seront corrigés sur les dents maxillaires : l’approfondissement des fosses cuspidiennes supérieures permet l’élévation de la pointe cuspidienne de la dent antagoniste inférieure et, de ce fait, réduit l’angle du surplomb immédiat (overjet immédiat) et rend la dent fonctionnelle (Fig. 21 A, B, C). Les contacts prématurés situés sur les autres dents (qui n’ont pas été choisies comme guides des trajets fonctionnels) seront corrigés sur les dents mandibulaires : le relief cuspidien mandibulaire sera réduit et, de ce fait, ouvrira l’angle de sur-

Figure 21 Règles de l’ajustement occlusal lorsque la position d’intercuspidation maximale doit être changée. A. Contact prématuré sur le chemin de fermeture. B. Pour augmenter la fonction latérale travaillante. C. On approfondit le sillon central supérieur. D, E. Pour éviter d’interférer en latéralité travaillante et non travaillante. F. On diminue la pointe cuspidienne inférieure.

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Figure 22 Les contacts du groupe I sont respectés et s’établissent dans la gouttière occlusale supérieure.

plomb immédiat (overjet immédiat) et ne permettra pas à la dent choisie de participer au guidage occlusal. Cette dent, au travers de son contact avec son antagoniste, participera seulement au maintien de la stabilité occlusale (Fig. 21 D, E, F). Dans les cas de très fort décalage entre la PIM clinique et le chemin de fermeture, il est possible que la thérapeutique occlusale ne puisse être effectuée par ajustement (par soustraction) : elle est alors réalisée par adjonction de composites, par la réalisation de dents provisoires ou bien au travers d’un traitement orthodontique. En résumé, dans le cas de fort décalage entre la PIM clinique et le chemin de fermeture (d > l mm), la thérapeutique occlusale doit donc établir : • une PIM sur le chemin de fermeture physiologique ; • une PIM répartie sur le maximum de dents, par des contacts punctiformes et de même intensité ; • des glissements s’effectuant aisément en rétrusion, latéralité et propulsion.

Deuxième étape : établissement d’une PlM stable Pour obtenir la stabilité occlusale, les points de contacts occlusaux doivent se répartir bilatéralement avec une intensité égale. Des papiers marqueurs extrafins sont montés sur des pinces de Miller et servent à contrôler la répartition, l’intensité et la surface des contacts occlusaux. Le patient est invité à claquer des dents sans forcer sur les papiers marqueurs (la butée n’est plus utilisée). En effet, en présence d’inocclusion légère, un claquement forcé peut induire une élévation mandibulaire et marquer des contacts inexistants. La stabilité est obtenue en respectant la répartition d’un maximum de contacts dentaires mandi-

bulaires dans la gouttière occlusale maxillaire (Fig. 22). Les cuspides de support des groupes l et 2 sont respectées pour maintenir la dimension verticale d’occlusion (Figs. 23, 24). Les cuspides de groupe 3 peuvent supporter des corrections surtout lorsqu’elles présentent des surfaces de contacts très étendues sur les trajets non travaillants (Figs. 25, 26). En présence de facettes d’usure importantes signant un bruxisme, il est recommandé de réduire leur surface sur les dents mandibulaires, pour désorienter le bruxisme et diminuer l’intensité des forces transmises au parodonte. Cette correction rétablit, si possible, la convexité de la dent. La facette

Figure 23 Premier groupe mandibulaire : points supports de l’occlusion des cuspides inférieures et aires d’appui supérieures.

Figure 24 Deuxième groupe mandibulaire : points supports de l’occlusion au niveau du groupe incisivocanin.

Restauration fonctionnelle par ajustement occlusal

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Figure 25 Troisième groupe mandibulaire : points supports des cuspides palatines et aires d’appui inférieures.

Figure 28 Trajets rétrusifs trop marqués sur 15 et 16.

fonction, il faut qu’il y ait continuité entre le trajet fonctionnel et le contact en PIM.

Figure 26 Les surfaces trop étendues du groupe III sont modifiées par soustraction en conservant le sommet des cuspides.

d’usure, située sur une cuspide support (Fig. 27) ou dans un sillon est réduite partiellement en se référant à la localisation idéale des points supports et sans changer la dimension verticale d’occlusion. Le remodelage d’une facette d’usure située sur une surface de guidage ne doit pas altérer les fonctions incisive et latérales.

Troisième étape : établissement des trajets fonctionnels en rétrusion, en latéralité et en propulsion Les trajets fonctionnels sont repérés sur des dents maxillaires à l’aide des papiers marqueurs après mastication (trajets centripètes). Pour qu’il y ait

Ajustement occlusal en rétrusion Le patient mastique les papiers marqueurs puis claque les dents en PIM, afin de pouvoir identifier les trajets rétrusifs et les contacts occlusaux en PIM. Les trajets de rétrusion s’effectuent sur la partie mésiale de la cuspide palatine des prémolaires et des molaires (Fig. 28). Normalement, ils sont bilatéraux et parallèles à l’axe sagittal médian, quelle que soit la position des dents concernées. Pour obtenir une rétrusion non traumatisante, il est conseillé de conserver ou d’établir les trajets rétrusifs sur les premières prémolaires en respectant la répartition bilatérale. En effet, au cours de la mastication, les molaires supportant les trajets de rétrusion sont très sollicitées par le jeu des muscles rétruseurs (digastriques postérieurs, masséters profonds et temporaux postérieurs) qui sont à proximité immédiate. Lorsqu’il n’existe pas de rétrusion sur les premières prémolaires, les trajets sont conservés sur les dents cuspidées les plus antérieures : deuxième prémolaire, cuspides mésiales des premières molaires... L’ajustement occlusal s’effectue par élimination progressive des trajets rétrusifs molaires en conser-

Figure 27 A. La réduction de la facette s’effectue sur la zone qui n’est pas nécessaire à la fonction latérale. B. Le point support est conservé. C. La partie la plus éloignée du sillon central est supprimée. D. Le point support est conservé.

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Figure 29 Les trajets sont éliminés sur les 15 et 16 en conservant les points supports. Le trajet rétrusif sur 14 est respecté.

vant soigneusement les points supports de l’occlusion (Fig. 29). Parfois, pour obtenir un glissement bilatéral en rétrusion, il est indiqué de faire une adjonction de composite sur le versant mésial de la cuspide palatine d’une prémolaire. Ajustement occlusal en latéralité Après mastication et claquement sur les papiers marqueurs, les trajets latéraux travaillants et non travaillants sont identifiés ainsi que les contacts occlusaux en PIM. Les interférences non travaillantes sont toujours effacées avant les trajets travaillants car elles peuvent induire des interférences travaillantes en modifiant le trajet mandibulaire. Elles sont supprimées en respectant les points supports du groupe l (Fig 30). Le patient est invité à mastiquer et à claquer de nouveau sur les papiers marqueurs. Les trajets travaillants sont établis en vérifiant le type de fonction du patient : groupe ou canine, ainsi qu’en fonction de l’état du parodonte. Au risque de fermer l’enveloppe fonctionnelle, la fonction groupe ne peut être transformée par addition, en fonction canine, dans le but de supprimer l’interférence latérale travaillante. Elle est établie en harmonie avec les dents les plus antérieures pour réduire les forces traumatisantes dues à l’activité musculaire (en particulier des ptérygoïdiens médians) au cours de la mastication. L’interférence latérale travaillante peut être éliminée par soustraction sur la surface de guidage concernée ou par addition sur une dent collatérale. Au maxillaire, l’interférence est éliminée en modifiant la pente cuspidienne depuis le sommet de la cuspide jusqu’au sillon en respectant les points de contact en PIM (Fig. 31). Il faut contrôler attentivement l’ajustement de cette surface de guidage qui doit s’intégrer dans la fonction groupe à laquelle participent les dents plus mésiales.

Figure 30 A. Interférence non travaillante située sur le versant interne de la cuspide palatine de la 16. B. Schéma de la retouche occlusale. Le sommet de la cuspide support (groupe III) doit parfois être supprimé, mais il est impératif de conserver les points supports situés dans le sillon central (aires d’appui des cuspides du groupe I).

Au niveau de la mandibule, la cuspide linguale qui interfère est réduite en conservant les points de contact situés près du sillon central (Fig. 32). Si l’élimination de l’interférence travaillante doit aggraver les interférences non travaillantes, il faut rétablir la fonction par adjonction de matériau sur les dents plus mésiales sans réduire l’enveloppe

Figure 31 L’interférence latérale travaillante est éliminée en conservant les points supports.

Figure 32 Zone de meulage de la cuspide linguale inférieure qui interfère en latéralité.

Restauration fonctionnelle par ajustement occlusal

Figure 33 Création d’une surface de guidage sur la canine par matériau adhérant à l’émail. A. Absence de contact en position d’intercuspidation maximale. B. La pente reconstituée s’intègre dans la fonction latérale sans fermer les cycles de mastication.

fonctionnelle déterminée par les surplombs (Fig. 33). Dans le cas d’un parodonte affaibli, la contention peut s’imposer lorsque la dent qui interfère doit guider la fonction. Parfois la fonction latérale est prise en charge successivement par plusieurs dents ; il s’agit d’une fonction-relais que l’on conserve en l’harmonisant pour que le mouvement s’effectue de manière aisée. Dans les cas de parodontite profonde, il est conseillé de répartir la fonction sur plusieurs dents en privilégiant les dents les plus antérieures pour réduire les forces occlusales au cours de la fonction (Fig. 34). La fonction canine est conservée si elle n’induit pas une cinématique mandibulaire dysfonctionnelle. Parfois, les traitements prothétiques ou orthodontiques ou encore les reconstructions conservatrices sont effectués sans tenir compte de la valeur individuelle du surplomb immédiat, et réduisent l’enveloppe fonctionnelle. Une augmentation du surplomb immédiat s’impose alors pour retrouver une aire masticatrice tolérable (Fig. 35). La correction s’effectue jusqu’à l’obtention d’une dynamique latérale harmonieuse sans qu’apparaissent d’interférences non travaillantes controlatérales. Dans les cas de parodontite profonde au

Figure 34 A. Interférences latérales non travaillantes et travaillantes sur 24 et 25 qui présentent une mobilité II. B. Les interférences non travaillantes sont supprimées. Les trajets travaillants restent légèrement marqués pour s’intégrer dans la fonction groupe avec la canine.

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Figure 35 Les surplombs terminaux (au niveau du bord incisif) et les recouvrements sont identiques : la valeur fonctionnelle dépend essentiellement du surplomb immédiat. L’incisive (A) dont le surplomb est réduit conduit mieux la fonction auprès de la position d’intercuspidation maximale (PIM).

niveau de la canine guidant la fonction, il est conseillé d’en augmenter le surplomb afin d’établir une fonction groupe avec les incisives latérales. Toutefois, il faut veiller à ne pas créer d’interférences non travaillantes ; la contention s’impose dans certains cas pour réduire la mobilité. Ajustement occlusal en propulsion Idéalement, la fonction incisive est établie par glissement des incisives médianes inférieures sur leurs homologues supérieures. Les interférences travaillantes et non travaillantes sont objectivées par les papiers marqueurs que le patient doit inciser et mastiquer. Les interférences non travaillantes situées sur les versants distaux des molaires et prémolaires supérieures (Fig. 36) sont effacées avant toute interférence travaillante qui peut être induite par une déviation secondaire. Lors de l’ajustement occlusal, il est essentiel de respecter les points de contact en PIM (Fig. 37). Idéalement, l’incision est distribuée sur les deux incisives centrales supérieures. La correction occlusale d’une interférence travaillante incisive ne s’effectue qu’après avoir vérifié la valeur de la désocclusion postérieure. L’ajustement peut se faire par réduction si la désoclusion postérieure est suffisante. Si la désocclusion postérieure n’est pas

Figure 36 L’interférence protrusive non travaillante est éliminée en conservant le point de contact en position d’intercuspidation maximale.

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C. Bodin et al. Dans tous les cas, les thérapeutiques physiques sont effectuées après avoir réalisé l’ajustement occlusal qui assure une stabilité de l’intercuspidation ainsi que des trajets occlusaux harmonieux, conditions indispensables pour obtenir une cinématique mandibulaire fonctionnelle.

Conclusion

Figure 37 La réduction de la pente incisive ne doit pas induire d’interférences non travaillantes.

suffisante ou par adjonction pour éviter l’apparition d’interférences postérieures. De même, en cas de mobilité incisive et d’impossibilité de réduire le trajet fonctionnel, l’adjonction d’un composite sur une autre incisive permet d’assurer une meilleure répartition des forces sans réduire l’enveloppe fonctionnelle. Parfois, tout comme pour la fonction latérale, la contention peut s’imposer. En présence d’une béance antérieure, la fonction incisive ne peut être assurée dans sa totalité. Il est indiqué d’établir un glissement propulsif bilatéral sur les dents latérales les plus antérieures (canines ou/et prémolaires). Il est parfois nécessaire de compléter les thérapeutiques occlusales par la correction des dysfonctions linguolabiales pour éviter l’accentuation des migrations, des mobilités dentaires, des béances, conditions qui induisent une surcharge fonctionnelle au niveau des secteurs latéraux et postérieurs.

Quatrième étape : corrections des parafonctions orofaciales associées Lorsque le patient présente une dysfonction craniomandibulaire d’étiologie occlusale, compliquée par l’abaissement lingual (associée très fréquemment à une respiration buccale), les traitements de rééducation des fonctions respiratoires puis linguales sont effectués après l’obtention d’une occlusion stable et fonctionnelle. Dans les cas de parodontite avec migrations dentaires secondaires à l’interposition de la langue ou des lèvres, les thérapeutiques parodontales et occlusales sont complétées par la rééducation orofaciale : exercices pour remémoriser les positions mandibulaires de repos et d’intercuspidation maximale et pour retrouver les fonctions physiologiques de la langue (précédées, si nécessaire, par une rééducation des fonctions respiratoires), assouplissement des sillons cutanés, traitement de l’incompétence labiale...

La restauration par ajustement occlusal est effectuée après étude précise des paramètres occlusaux individuels et recherche de la position mandibulaire de référence qui détermine le type de thérapeutique occlusale : ajustement occlusal sur le chemin de fermeture physiologique en maintenant la PIM du patient dans les cas de faible décalage entre la PIM clinique et la position de repos physiologique, ou bien ajustement occlusal en modifiant la PIM dans les cas de fort décalage. L ’ajustement occlusal, indiqué pour tous les patients qui doivent être traités par thérapeutique conservative, prothétique, occlusoparodontale ou orthodontique permet d’établir une occlusion stable et fonctionnelle qui assure une cinématique mandibulaire harmonieuse. Elle doit être complétée par les thérapeutiques fonctionnelles orofaciales lorsque des dysfonctions musculaires compliquent le cadre occlusal.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 378–381

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Contaminations microbiologiques par les dispositifs médicaux dans les unités dentaires Microbiological contamination induced by medical devices in dental care units R. Djeribi a,*, M. Zaghez b a

Groupe de recherche en procédés biotechnologiques appliqués à l’environnement, département de biochimie, Faculté des sciences, Université d’Annaba, Algérie b Département de chirurgie dentaire, Faculté de médecine, Université d’Annaba, Algérie

MOTS CLÉS Unité dentaire ; Infection ; Instrument ; Eau

KEYWORDS Dental unit; Infection; Instrument; Water

Résumé Les micro-organismes qui adhèrent aux surfaces sont responsables de la contamination des instruments et donc de plusieurs types d’infections microbiennes et de maladies. Une étude sur la contamination des conduits des unités dentaires (résultats non publiés) a révélé l’existence, dans les conduits d’eau, d’une souche de Corynebacterium pseudotuberculosis. L’isolement de cet agent pathogène respiratoire opportuniste nous a conduit à réfléchir sur sa provenance ainsi que sur son mode de dissémination. L’hypothèse d’une origine autre que l’eau est apparue probable. Cette présente étude a été menée afin de mettre en évidence l’existence d’un phénomène d’aspiration, par les instruments, d’aérosols contaminés provenant des cavités buccales de patients. Les résultats obtenus ont révélé que les instruments utilisés en soins dentaires peuvent être responsables de dissémination d’agents pathogènes provenant des cavités buccales. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The contamination of medical instruments, and thus many types of microbial infections and diseases are due to surface-adherent micro-organisms. A previous study on the contamination of conduits in dental care units (results non published) has revealed the presence of Corynebacterium pseudotuberculosis strain in water conduits. The isolation of this opportunist pathogenic agent led us to analyse its origin and dissemination process. The present study has been carried out to give evidence to the existence of a possible instrument-induced aspiration of contaminated aerosols from buccal cavities of patients. The resuts indicate that the instruments used in dental care may be responsible for the dissemination of pathogenic agents originating from buccal cavities. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Djeribi). 1762-5661/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.07.002

Contaminations microbiologiques par les dispositifs médicaux dans les unités dentaires

Introduction Si le risque infectieux au cours des soins dentaires existe, il semble plus concerner la transmission de virus que de bactéries.1 Les infections transmises en milieu dentaire, du fait d’une part de leur rareté et d’autre part de la difficulté à les mettre en évidence chez les sujets traités en ambulatoire, sont probablement sous-estimées. Une contamination par le sang des instruments utilisés en dentisterie n’est pas rare. Il faut rappeler que même une quantité très faible de sang dont le praticien ne réalise pas forcément la présence au niveau d’un instrument peut entraîner une hépatite B chez le patient suivant si l’instrument ne subit pas, avant de resservir, un traitement adapté.2 Le risque viral le plus élevé semble être lié à l’usage des porte-instruments rotatifs. Diverses études expérimentales ont montré qu’un refoulement des liquides biologiques vers les canaux et la chambre internes se faisait même avec les appareils équipés de système antiretour. Ensuite, lors de la réutilisation de l’appareil, un relargage progressif de produits biologiques potentiellement infectants s’effectue dans la bouche du patient suivant.3–6 Une étude sur la contamination des conduits des unités dentaires (CUD) réalisée sur des unités de soins dentaires (résultats non publiés) a révélé l’existence, dans l’un des multiples conduits d’eau, d’une souche de Corynebacterium pseudotuberculosis. L’isolement de cet agent respiratoire nous a conduit à réfléchir sur sa provenance ainsi que sur son mode de dissémination. L’hypothèse d’une source autre que l’eau, provenant des réseaux d’aqueduc, apparaît probable. Pour cela, un protocole expérimental a été mis au point afin de mettre en évidence l’existence de phénomènes d’aspiration, par les instruments, d’aérosols contaminés provenant des cavités buccales de patients.

Matériels et méthodes Le protocole expérimental a été réalisé en collaboration avec les collègues du service de parodontologie du centre hospitalier universitaire d’Annaba. Une unité dentaire a été mise à notre disposition tout au long de la réalisation de l’expérimentation. Le travail expérimental a été réalisé dans des conditions similaires à celles effectuées par le praticien lors d’un traitement de routine réalisé au niveau de la cavité buccale d’un patient.

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Seulement, pour des raisons de sécurité et de faisabilité, la cavité buccale du patient s’est vue, pour notre recherche, substituée par une cavité buccale animale. Ce choix est justifié par le fait que cette cavité buccale de substitution présente des similitudes structurales avec celle de l’homme.

Préparation et désinfection de la cavité buccale animale La désinfection de la cavité buccale a été réalisée à l’aide d’une solution antiseptique commerciale (Hextril®) dans le but de neutraliser la microflore buccale naturelle de l’animal. Après un temps de contact avec l’agent chimique (2 à 3 min), une série de rinçage des mâchoires à l’eau distillée stérile a été réalisée afin d’éliminer toute trace du désinfectant.

Contamination artificielle de la cavité buccale L’inoculation des mâchoires de l’animal a été réalisée aseptiquement à l’aide d’une suspension de Staphylococcus aureus. La souche bactérienne préalablement isolée, identifiée et purifiée a été soigneusement entretenue au laboratoire grâce à une série de repiquages successifs sur milieu Chapman à 37 °C. La contamination a été réalisée par une simple aspersion des différents composants tissulaires et dentaires de la mâchoire de l’animal (gencives, dents et muqueuses) avec la suspension bactérienne contenue dans une seringue stérile.

Simulation de soins et inoculation du milieu de culture Pour la réalisation de l’expérimentation, il a été demandé au praticien de simuler, dans les conditions identiques à celles réalisées en pratique courante sur des patients, des soins sur la dentition de l’animal par l’utilisation d’une turbine (fraise) équipée d’un dispositif de refroidissement à eau. Outre l’action mécanique de la fraise sur la structure dentaire, l’eau s’introduisant dans la cavité buccale à forte pression a pour conséquence la genèse de microaérosols dans la cavité buccale de l’animal. Les micro-organismes initialement présents adhèrent aux microgouttelettes d’eau formées au cours des soins utilisant cet instrument. Le principe de la manipulation fut d’actionner à plusieurs reprises la turbine et par conséquent l’eau de refroidissement émergeant de l’ouverture située à l’extrémité inférieure du dispositif.

380 Les multiples actions de la turbine sont entrecoupées par des inoculations directes et simultanées des milieux Chapman et gélose nutritive préalablement coulés et refroidis dans des tubes en verre de 2,8 cm de diamètre interne. Le surplus d’eau émergeant de la turbine au moment de l’ensemencement et ayant été en contact quasi instantané avec les milieux de culture a été aseptiquement éliminé avant l’incubation des tubes. Ces derniers sont incubés à 37 °C pendant 24 à 48 heures. Le tube en verre inoculé est considéré comme un potentiel patient susceptible d’être contaminé ultérieurement par un instrument utilisé chez un précédent patient (l’animal utilisé dans notre expérimentation) porteur d’un micro-organisme pathogène. Une éventuelle contamination de la turbine par Staphylococcus aureus sera sans aucun doute mise en évidence au niveau des tubes ensemencés.

Résultats et discussion Au bout de 48 heures d’incubation à 37 °C, des colonies diffuses, compte tenu du mode d’ensemencement adopté dans notre manipulation, de coloration jaune sont apparues sur la gélose Chapman avec virage de la couleur du milieu de culture. Des examens microscopiques réalisés sur la culture bactérienne après coloration de Gram ont permis la mise en évidence de cellules en forme de cocci regroupées en amas et gardant le violet de gentiane après décoloration à l’alcool (Gram +). Ces caractéristiques macroscopiques et microscopiques sont celles de l’espèce Staphylococcus aureus initialement inoculée dans la cavité buccale de l’animal et qui a été retrouvée au niveau des tubes après manipulation de la turbine par le praticien. Le pourcentage de transfert de la bactérie a été estimé à 70 % (pourcentage des tubes dans lesquels a été constatée l’apparition de colonies de Staphylococcus aureus). Sur le milieu de culture gélose nutritive, aucune croissance bactérienne n’a été décelée, ce qui explique l’efficacité de la neutralisation de la microflore buccale par l’antiseptique utilisé. L’absence de croissance du staphylocoque sur ce milieu est due au fait que la gélose nutritive, compte tenu de sa composition, ne permet pas la croissance de bactéries exigeantes. Le phénomène physique responsable du transfert des particules bactériennes de la cavité buccale de l’animal vers les tubes utilisés et considérés, dans notre expérimentation, comme un deuxième pa-

R. Djeribi, M. Zaghez tient succédant au premier, est exclusivement associé aux aérosols qui sont constitués de particules microbiennes présentes au niveau des mâchoires et des muqueuses associées aux divers éclats issus du traitement mécanique de la dent du patient. Ces aérosols peuvent : soit adhérer aux structures externes de l’instrument dans une région voisine de l’émergence de l’eau et qui sont plus tard expulsées avec l’eau au moment de l’action de la turbine ; soit se retrouve aspirés à l’intérieur du conduit d’eau de la turbine suite à l’arrêt de l’action de celle-ci. Ce dernier phénomène est dû à l’absence de clapet de non-retour sensé prévenir toute pression négative dans les conduits d’eau et éliminer la réaspiration de l’eau. Ce résultat obtenu montre que les instruments utilisés en soins dentaires peuvent être à l’origine de dissémination d’agents pathogènes provenant des cavités buccales de patients. L’insuffisance de la décontamination basée uniquement sur la diffusion passive de produit de désinfection doit inciter à réfléchir sur la nécessité du nettoyage de l’intérieur des tubes et des cavités poreuses afin de réduire la charge bactérienne des sécrétions du patient. Ce principe fondamental d’hygiène est, depuis plusieurs années, prôné par les fabricants de matériels dentaires, et a pour exemple conduit à la prescription de la Communauté dentaire canadienne (CDC, 1985) que les instruments rotatifs soient stérilisés après chaque utilisation au même titre que les autres instruments dentaires entrant en contact avec les éléments de la cavité buccale.

Conclusion À l’issue de cette expérimentation, le résultat obtenu montre effectivement que les instruments utilisés en soins dentaires peuvent être responsables de dissémination d’agents pathogènes provenant des cavités buccales de patients. L’insuffisance de la décontamination basée uniquement sur la diffusion passive de produits de désinfection doit nous inciter à réfléchir sur la nécessité du nettoyage de l’intérieur des tubes et des cavités poreuses afin de réduire la charge bactérienne des sécrétions du patient. Les instruments rotatifs doivent être stérilisés après chaque utilisation au même titre que les autres instruments dentaires entrant en contact avec les éléments de la cavité buccale. En outre, les clapets de non-retour peuvent également être utilisés afin de diminuer le risque de transfert de matières infectieuses.

Contaminations microbiologiques par les dispositifs médicaux dans les unités dentaires

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 382–416

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Paralysie faciale Facial paralysis M. Stricker*, E. Simon, L. Coffinet, S. Sellal, F. Duroure Sercice de chirurgie maxillofaciale, Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France

´S MOTS CLE Paralysie faciale/chirurgie ; Syndrome de Moebius ; Nerf facial ; Greffe nerveuse ; Transfert musculaire

Résumé La paralysie faciale résulte de l’atteinte du nerf moteur des muscles peauciers, le nerf facial, VIIe paire crânienne. Si le diagnostic positif est évident cliniquement, le diagnostic topographique et étiologique nécessite le recours à des examens paracliniques. Le traitement chirurgical fait appel, suivant l’étiologie, l’âge et le délai écoulé depuis la survenue de l’infirmité, à différents procédés : une suture simple du nerf facial, une greffe nerveuse, une anastomose à un nerf voisin, un transfert musculaire qui pourra être pédiculé ou micro-anastomosé. La rééducation joue un rôle essentiel, afin d’entretenir le fonctionnement musculaire. Une place à part peut être faite à la réhabilitation de la fente palpébrale, à visée fonctionnelle, afin de protéger la cornée, mais également dans l’esthétique du regard. Le traitement de la paralysie faciale est une véritable gageure pour le chirurgien, qui devra en analyser les différentes composantes, afin d’établir une stratégie efficace de prise en charge. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Facial paralysis/surgery; Moebius syndrome; Facial nerve; Nerve grafting; Muscular transfer

Abstract Facial paralysis results from a lesion on the motor nerve of skin muscles, the facial nerve, cranial nerves VII. Even in case of positive diagnosis with clinical evidence, further investigations are necessary to establish topographic and aetiological diagnosis. Depending on the aetiology, patient’s age, and time of onset of the event, surgical treatment may be a simple stitch of the facial nerve, a nerve grafting, an anastomosis with a bordering nerve, or a pediculate or micro-anastomotic muscular transfer. Rehabilitation plays a major role in maintaining muscular functioning. Special attention must be paid to the functional rehabilitation of the palpebral cleft, in order to preserve both the cornea and an aesthetic eye expression. The treatment of facial paralysis represents a real challenge for the surgeon who has to analyse its various aspects prior to implementing any adequate management. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction La paralysie faciale, perte de la mobilité d’une hémiface, résulte de l’atteinte du nerf moteur des

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Simon).

muscles peauciers, le nerf facial, 7e paire crânienne : • le diagnostic positif est évident ; • le diagnostic topographique et étiologique est orienté par la clinique et confirmé par les examens paracliniques ; • l’évolution est rarement favorable ; • le traitement, difficile, est une véritable gageure pour le chirurgien.

1762-5661/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.07.001

Paralysie faciale

Anatomie de la mimique La mimique faciale, 2e terme de l’expression après le langage, compose une physionomie à mimique volontaire, intentionnelle ou spontanée, émotionnelle par le jeu de la diversification hypersophistiquée des mouvements des muscles peauciers, dont la traduction picturale cutanée se trouve dans les plis et rides d’expression du visage. L’animation de la face se définit à travers la relation privilégiée entre : • une commande nerveuse unique : le nerf facial ; • un effecteur musculaire dispersé, les peauciers de la face et du cou, organisés en un masque continu.

Commande nerveuse Le nerf facial, 7e paire crânienne, à vocation motrice prédominante, naît du tronc cérébral et traverse le rocher pour gagner la région latérofaciale. Trois éléments sont à mettre en exergue : • le trajet et la distribution ; • la vascularisation ; • l’organisation architecturale. Trajet (Fig. 1) Il comporte trois portions à caractéristiques différentes et à retentissement clinique spécifique. La 1re portion intracrânienne émerge du tronc cérébral par le sillon bulboprotubérantiel, formant

Figure 1 Les trois portions du trajet du nerf facial : portion intracrânienne, portion intrapétreuse et portion extrapétreuse.

383 avec le VII bis (nerf intermédiaire de Wrisberg) et le VIII, le pédicule acousticofacial dans la citerne pontocérébelleuse latérale, au-dessus de l’émergence des nerfs mixtes. Le pédicule acousticofacial pénètre dans le conduit auditif interne, engainé par un manchon arachnoïdien. Au fond du conduit, les éléments se séparent, le nerf facial s’engage dans l’aqueduc de Fallope à travers le rocher, louvoyant entre oreille interne et oreille moyenne. La 2e portion intrapétreuse emprunte l’aqueduc de Fallope, le long duquel elle se décompose en trois segments séparés par deux angulations. Le premier segment labyrinthique s’insinue entre limaçon en avant et vestibule et canaux semicirculaires en arrière, selon un axe perpendiculaire à celui du rocher. La première angulation ou genou du facial s’élargit pour former la loge du ganglion géniculé. Le second segment tympanique longe la paroi interne de la caisse du tympan jusqu’à sa paroi postérieure, où il décrit sa seconde angulation. Le nerf chemine entre le vestibule et la caisse ; tout proche de la fenêtre ovale, selon un axe horizontal antéropostérieur. La seconde angulation ou coude du facial répond au changement de direction, le conduit devient vertical, traversant la mastoïde. À ce niveau se situe le seuil de l’aditus ad antrum. Le troisième segment mastoïdien s’étend du coude jusqu’au trou stylomastoïdien. Le nerf répond à ce niveau : • en avant, à la paroi postérieure de la caisse, puis au sulcus tympanicus, et ensuite à la paroi postérieure du conduit auditif externe osseux ; • en arrière, à la pneumatisation de la mastoïde. Pour la 3e portion extrapétreuse ou extracrânienne, le nerf émerge du rocher au trou stylomastoïdien, en avant de l’apophyse mastoïde, en arrière de l’apophyse styloïde. Il se porte vers l’avant selon une direction oblique vers le haut, en avant du ventre postérieur du muscle digastrique, en dessous du conduit cartilagineux et s’engage dans la glande parotide, qu’il clive en deux lobes. Le tronc du nerf, dans un trajet ascendant d’environ 15 mm, est rejoint par l’artère stylomastoïdienne, branche de l’artère auriculaire postérieure, le plus souvent, de l’occipitale parfois. L’artère stylomastoïdienne, véritable artère nourricière du nerf, se divise à son contact en deux rameaux : une branche descendante, l’artère collatérale du nerf facial de Friteau1 (Fig. 2), une branche ascendante, l’artère stylomastoïdienne à trajet rétrograde dans l’aqueduc de Fallope. La division nerveuse à angle droit en ses deux branches terminales, supérieure temporofaciale et inférieure cervicofaciale, s’effectue au contact du

384

M.Stricker et al.

Figure 2 Zone muette selon Friteau.

bord postérieur du ramus mandibulaire, au point de croisement de la face superficielle de la veine communicante intraparotidienne de Launay (portion initiale de la veine jugulaire externe) : • la branche temporofaciale, la plus volumineuse, s’épanouit immédiatement en quatre ou cinq rameaux divergents, temporaux, frontaux, palpébraux, sous-orbitaires et buccaux supérieurs. Parfois un rameau plus volumineux, le ramus maximus de Fröhse, satellite du canal de Sténon, distribue les filets sous-orbitaires et buccaux supérieurs ; • la branche cervicofaciale, la plus grêle, se dirige verticalement en situation superficielle dans l’épaisseur de la glande parotide, vers l’angle de la mâchoire. Elle distribue des rameaux buccaux inférieurs, mentonniers et cervicaux. Distribution La portion intracrânienne est celle des tumeurs de l’angle pontocérébelleux et plus particulièrement des neurinomes de l’acoustique. Le nerf est croisé par l’artère cérébelleuse postérieure dont la responsabilité est évoquée dans l’étiologie de certains hémispasmes faciaux. La portion intrapétreuse est celle des accidents de la cophochirurgie, mais surtout du conflit facialrocher dans la traversée pétreuse, plus long trajet nerveux intraosseux de l’économie, au cours duquel le nerf peut s’étrangler dans son canal osseux inextensible. La portion extrapétreuse est celle de la chirurgie faciale et de lésions accidentelles. Il importe donc, pour prévenir une section chirurgicale malencontreuse des rameaux, de bien posséder sa topographie et son mode de distribution :

• le tronc peut être porté vers la superficie par un processus tumoral du lobe profond de la parotide ; • la branche temporale est plus constante dans sa topographie, mais plus variable dans ses modalités de division ; • la branche cervicofaciale est plus constante dans sa division, mais plus variable dans sa topographie, le rameau buccal inférieur affectant une position qui varie entre 1 cm au-dessus et 2 cm au-dessous du bord basilaire de la mandibule ; • un rameau à destinée cervicofaciale peut se détacher du tronc en amont de la division ; • la distribution des rameaux est volontiers plexiforme ou selon une modalité en boucles successives ; de ce fait, il est illusoire et dangereux de se fier à l’existence d’une zone soi-disant muette, décrite par Friteau, reprise par Ginestet,2 zone située dans l’écartement des branches de division. Une boucle unissant le rameau buccal supérieur à l’inférieur est constante à la partie antérieure de la glande parotide. Les boucles jugales sont observées dans 80 % des dissections, les boucles sur les rameaux mandibulaires sont plus rares, dans 5 à 10 % seulement. Plexus génien Le Quang3 a décrit un plexus génien (Fig. 3) situé au bord antérieur du muscle masséter, sorte de se-

Figure 3 Plexus génien selon Le Quang.

Paralysie faciale conde division plus distale, formant un noyau de forme variable entre le rameau sous-orbitaire de la branche temporofaciale et le rameau buccal inférieur de la branche cervicofaciale. De ce noyau naissent les branches efférentes destinées aux peauciers de l’étage moyen, les muscles du sourire. Smith avait déjà attiré l’attention sur cette disposition anatomique, favorable au branchement distal d’une greffe nerveuse transfaciale ou du nerf d’un transfert musculaire libre. Vascularisation Le nerf facial présente la sensibilité à l’ischémie caractéristique des nerfs des mammifères ; préserver son contingent vasculaire est primordial, tant dans la dissection que dans la réparation. La disposition longitudinale des vaisseaux autorise une certaine extensibilité du nerf à 8 % d’élongation, mais une élongation à 15 % entraîne de facto une ischémie. De même, la dissection du tronc et des rameaux doit ménager les vasa nervorum, excepté, bien entendu, dans les englobements de rameaux par des processus tumoraux, car dès lors, une dissection au ras du nerf ou le sacrifice du rameau sont nécessaires à un bon résultat. On distingue deux territoires vasculaires : • une arcade vasculaire cheminant à la surface du périnèvre depuis le conduit auditif interne jusqu’à la division, arcade constituée d’un triple apport : C la branche supérieure de l’artère stylomastoïdienne ; C une branche de l’artère méningée moyenne, collatérale des nerfs pétreux ; C une branche de l’artère auditive interne, ellemême issue de l’artère cérébelleuse moyenne ; • une artère collatérale du nerf facial décrite par Friteau, branche de division inférieure de l’artère stylomastoïdienne. Organisation architecturale Les nombreux travaux expérimentaux et cliniques, en raison de leurs discordances, amènent à conclure que la systématisation topographique intranerveuse est illusoire avec de très nombreux échanges de fibres. Deux notions, néanmoins, se dégagent. Dans la 3e portion, mastoïdienne, de l’aqueduc de Fallope, le contingent inférieur, cervicofacial, est antérieur. Les fibres nerveuses destinées à un muscle peaucier n’empruntent pas toutes le trajet du rameau dévolu à ce muscle. Il n’y a pas de correspondance

385 stricte entre la topographie d’un rameau nerveux et la destinée des fibres qu’il contient. Un muscle reçoit des fibres empruntant des trajets différents pour une destination commune, disposition anatomique favorable à la réalisation des neurectomies hypersélectives chères à Clodius. Cette absence de disposition spatiale rigoureuse, même distale, a été récemment soulignée à nouveau par Mc Kinnon et Dellon.4,5

Effecteur musculaire : peauciers de la face Les peauciers de la face sont de fins voilages musculaires différant par leur nature, leurs modalités d’insertion et la richesse de leurs combinaisons dynamiques du reste du système musculaire. Leur fonction est double : • sphinctérienne, originelle, de protection des orifices buccal et palpébraux ; • expressive, secondaire, par sophistication progressive de l’environnement des sangles orificielles, la fresque de ces petits muscles dessinant un véritable masque mimique (Fig. 4, 5). Morphogenèse Ils émanent de la nappe musculaire cervicodorsale, qui a fait mouvement vers la face pour se disposer en deux couches superficielle et profonde d’évolution différente. Morphologie Un muscle peaucier présente une insertion mobile, cutanée et une fixe, osseuse ou aponévrotique. La

Figure 4 Masque mimique.

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M.Stricker et al. Chaque sangle palpébrale est assujettie à un complexe élévateur, releveur de la paupière, frontal et sourcilier et, à un moindre degré, à des expansions émanées de la couronne des élévateurs vers le chef inférieur de l’orbiculaire. L’ensemble du masque mimique est, en outre, organisé autour du plan sagittal selon : • une symétrie au repos par le tonus musculaire, garant de la stabilité des parties molles ; • une variabilité au mouvement entre symétrie de la réaction émotionnelle et dissymétrie éventuelle des mimiques intentionnelles. Physiologie La fonction archaïque sphinctérienne et celle, évoluée, d’expression sont indissociables, les muscles orbiculaires s’intégrant à l’expression mimique. Fonction sphinctérienne Figure 5 Masque mimique organisé en trois sangles.

plupart des peauciers sont dépourvus de fascia, à l’exception des muscles auriculaires, de l’occipitofrontal, du buccinateur et du plastysma. Ils sont très intriqués avec le fascia superficialis céphalique (Charpy), l’ensemble dessinant une nappe continue, le système musculoaponévrotique superficiel (SMAS), popularisé par Tessier et son école. Ils sont agencés en trois sangles autour de trois points fixes ostéopériostés : • la sangle buccale, impaire et médiane, est suspendue à l’épine nasale antérieure du maxillaire, référence fixe complétée par deux points mobiles à géométrie variable, les modioli commissuraux, zone d’équilibre de la transition cutanéomuqueuse labiale latérale. On lui adjoint deux sangles incomplètes, supérieure nasale, inférieure mentonnière ; • les sangles palpébrales, paires et symétriques, se concentrent sur les ligaments palpébraux internes, tendons d’insertion des muscles orbiculaires, dont la contraction les ramasse vers les canthi internes. Chez l’animal, les sangles auriculaires orientent les pavillons, récepteurs des sons, mais chez l’espèce humaine, elles ont perdu cette activité. Elles sont réduites à leur plus simple expression. La sangle buccale est mobilisée dans quatre directions par quatre groupes musculaires : • en propulsion par les muscles compresseurs des lèvres ; • en élévation par la couronne des élévateurs ; • en excursion latérale par les dilatateurs, essentiellement le buccinateur ; • en abaissement par les abaisseurs, triangulaire des lèvres et carré du menton.

La sangle palpébrale assure l’ouverture et l’occlusion de la fente palpébrale, en synergie avec le releveur de la paupière supérieure. Elle contribue, en outre, à l’évacuation des larmes vers le nez par amorçage de la pompe lacrymale. La sangle buccale, dévolue à la préhension des aliments, contribue à la manducation par le brassage alimentaire, la contention salivaire, et à la déglutition dans son temps initial avec le concours du buccinateur. L’occlusion labiale régit les variations de pression intrabuccale, autorise la succion et assure l’équilibre entre les arcades dans le couloir occlusal. Fonction expressive Le mouvement expressif résulte d’une combinaison de contractions musculaires, Duchenne de Boulogne6 distinguait les muscles peauciers en trois catégories : • complètement expressifs ; • incomplètement expressifs ; • expressifs complémentaires. Il analysait également les différentes mimiques, classées en trois rubriques : attractives, répulsives et satisfaites. L’expression faciale, délicate et fugace, parce qu’émotionnelle, peut devenir intentionnelle par création factice d’une expression ou d’une impassibilité. Elle fait intervenir un troisième personnage, le tégument facial, qui transcrit les émotions par un lacis de rides dans les zones d’équilibre tensionnel. La mimique est un schéma inné de réponse, celles d’un enfant sourd ou aveugle de naissance ne différant guère de la normale.

Paralysie faciale

Examen clinique de la face paralysée Le déséquilibre statique et dynamique altère sévèrement le faciès du patient, qui adopte une attitude inclinée visant à le dissimuler. L’asymétrie est déjà flagrante au repos, les reliefs médians se décalent vers le côté indemne, ils s’estompent, la joue est flaccide et détendue, l’angle buccal abaissé dans un affaissement global de l’hémiface. L’occlusion palpébrale est impossible ; à la tentative de fermeture, le globe oculaire s’élève en haut et en dehors (S. de Charles Bell), signe typique de la paralysie périphérique. La réaction émotionnelle tord la face en grimace intense et brève. L’analyse menée d’un côté à l’autre et d’une région à l’autre dégage trois éléments : la ptôse, la distension, l’asymétrie.

Ptôse Le tégument relâché par les muscles atoniques est soumis à la contrainte de la pesanteur, cet affaissement déforme de façon éloquente les sangles musculaires et leurs repères morphologiques : • la commissure buccale s’abaisse et se porte en dehors, étirant les hémilèvres homolatérales. La lèvre supérieure exagère son débord sur l’inférieure ; • le front est relâché, le sourcil s’abaisse, surtout en dehors ; • la paupière inférieure, sollicitée en avant par le déroulement cutané et déséquilibrée par l’atonie musculaire, s’affaisse, puis s’éverse en un ectropion variable selon la composante sénile surajoutée.

Distension Les parties molles abandonnées à elles-mêmes et à la pesanteur modifient leur structure et leur topographie. La ptôse se solde, à terme, par une distension cutanée très sensible à la commissure buccale, au niveau de laquelle la réserve tégumentaire se distribue en s’étalant, les hémilèvres s’allongent. Il en est de même des paupières, mais à un moindre degré, en raison de leur armature tarsale. Le tégument est aminci, son compartiment cellulaire sous-cutané s’est réduit, la peau est flasque, ayant perdu l’essentiel de son élasticité.

Asymétrie À l’examen, le contraste entre hémiface saine et paralysie est flagrant. Classiquement, on évoque l’hypertonie du côté sain, mais le terme est sujet à

387 caution ; en effet, on distingue quatre stades d’activité musculaire : • le tonus, tension minimale de la fibre musculaire ; • l’hyperactivité, augmentant le volume du muscle en cause ; • l’hypertonie, spontanément réversible ; • la contracture, spontanément irréversible. Le terme d’hyperactivité paraît plus adapté. Les signes cliniques d’altération fonctionnelle associent : • le larmoiement, parfois dans un contexte de conjonctivite avec œil rouge ; • le déficit inspiratoire nasal par déficit de la valve affaissée en un clapet interne ; • l’incontinence salivaire ; • le syndrome du hamster, constatation d’une poche latérobuccale de vidange difficile par atonie du buccinateur. L’examen du voile du palais (Gosserez)7 est anecdotique, mais peut révéler un déficit du côté lésé.

Examen ophtalmologique Les manifestations oculaires obéissent à un triple déterminisme : • morphologique par agrandissement de la fente palpébrale et ectropion palpébral inférieur ; • lacrymal par larmoiement chronique très invalidant ; • cornéen par altération de la sensibilité de la cornée lors de l’atteinte du trijumeau dans les tumeurs de l’angle pontocérébelleux. La cornée est en danger lorsque sa sensibilité est altérée et que l’élévation du globe s’avère défectueuse, la laissant exposée à la dessication. La ptôse palpébrale inférieure se complique d’une irritation cutanée par le larmoiement, lequel résulte du désamorçage de la pompe lacrymale et de la dystopie progressive du point lacrymal inférieur, qui quitte le contact avec la conjonctive bulbaire. Chez le patient âgé, l’ectropion occupe le devant de la scène, mais la cornée se dessèche plus volontiers, affectée d’un « dépoli » dans son quadrant inférieur. La quatrième dimension, le temps écoulé depuis le début de la paralysie, a une influence très péjorative : • l’ancienneté de la lésion limite l’efficacité thérapeutique ; • l’âge du patient introduit la dissociation entre deux tableaux cliniques (Fig. 6) : C chez l’enfant et l’adulte jeune, l’altération est surtout dynamique, le visage au repos est peu modifié, la paupière inférieure et l’hémi-

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M.Stricker et al.

Figure 6 Les trois âges de la paralysie. A. Chez l’enfant. B. Chez l’adulte jeune. C. Chez le sujet âgé.

lèvre supérieure sont discrètement abaissées ; C chez le sujet âgé, la distension est affichante, le fait sénile aggrave le fait paralytique, surtout à la paupière inférieure, siège d’un ectropion. En ce qui concerne le diagnostic clinique, l’analyse clinique de la face paralysée définit le type, central ou périphérique, de l’atteinte du nerf facial, apprécie l’état des différents muscles ou groupes musculaires, constate le retentissement sur les parties molles et le squelette et mesure les différences d’activité avec le côté sain. Les examens paracliniques vont permettre de fixer le niveau lésionnel sur le trajet du nerf. Le retentissement psychologique de la mutilation de l’expression doit faire l’objet d’une évaluation. En effet, le comportement, reflet de la structure mentale du patient, intervient dans la décision chirurgicale. Le recours à des protocoles thérapeutiques complexes et aléatoires ne doit être envisagé que chez des patients aptes à percevoir l’information et à s’impliquer dans une rééducation.

Examens paracliniques Ils permettent de préciser le siège de la lésion, la gravité et donc le pronostic de la paralysie. Leur intérêt est essentiel dans les paralysies idiopathiques de Charles Bell, dites « a frigore », car ils légitiment l’intervention précoce de décompression. Dans les paralysies anciennes, ils renseignent sur l’état des fibres nerveuses et des muscles peauciers.

Fonction motrice Elle concerne les fonctions sphinctérienne et mimique, mais également l’accommodation acoustique. État du nerf L’état du nerf est apprécié par l’exploration : • de l’activité électrique des unités motrices, par l’électromyogramme (EMG) de détection, qui explore tous les muscles faciaux par électrode monopolaire, au repos et à la contraction volontaire ; • de la conduction des fibres nerveuses par l’EMG de stimulodétection : C par stimulation directe du nerf facial par une électrode bipolaire avec recueil du potentiel par une électrode tripolaire au niveau des territoires supérieur (frontal et orbiculaire palpébral) et inférieur (orbiculaire des lèvres et triangulaire) ; C par stimulation réflexe du nerf sous-orbitaire et réception par électrode bipolaire au niveau de l’orbiculaire des paupières. Le test de Hilger, la neurographie selon Esslen sont des tests d’évolution dans les formes « a frigore », dans les 10 premiers jours. Une réponse normale ou peu altérée entre le 3e et le 10e jour au test de Hilger est de pronostic favorable. La neurographie recueille par une électrode de surface la réponse à une stimulation cutanée du tronc du nerf. Elle reflète la proportion de fibres nerveuses dégénérées. Au 4e jour, une dégénérescence de plus de 50 % des fibres ou une aggravation de 15 à 20 % dans les 48 heures suivantes est l’indice d’une forme grave.

Paralysie faciale L’EMG intégré de surface enregistre la contraction volontaire en la comparant au côté sain ; ce qui définit la proportion de fibres en fonction. État du muscle L’état du muscle est apprécié par la stimulation galvanique et le testing musculaire, rarement par la biopsie musculaire. La stimulation galvanique et faradique montre après 3 semaines : • une excitabilité faradique ; • une lenteur galvanique qui traduit la persistance de la trophicité musculaire et donc la possibilité de réinnervation. La disparition de la lenteur galvanique signe l’atrophie musculaire irréversible. Le testing musculaire selon Freyss8 étudie la motricité, le tonus et la coordination. Chaque muscle est coté de 0 à 3 : • 0 : aucun mouvement ; • 1 : visible à jour frisant ; • 2 : ample, mais faible ; • 3 : normal, analogue au côté sain. On distingue le groupe musculaire médian (sourcilier, pyramidal, élévateur commun, orbiculaire labial et mentonnier), susceptible de recevoir une innervation croisée et le groupe latéral (frontal, orbiculaire palpébral, zygomatiques, buccinateur et triangulaire des lèvres). Le tonus est coté de –3 à 0 pour l’hypotonie et de 1 à 3 pour l’hypertonie. La coordination musculaire recherche les syncinésies. Le réflexe stapédien, ou contraction du muscle de l’étrier limitant les mouvements des osselets, est de valeur pronostique s’il est conservé et diagnostiqué, ou s’il coïncide avec une paralysie faciale persistante, indiquant alors l’existence d’un processus tumoral de la partie basse de l’aqueduc de Fallope.

Fonction parasympathique Le test de Schirmer explore la sécrétion lacrymale par l’imbibition d’un papier buvard dans le cul-desac conjonctival externe après l’inhalation d’une solution ammoniaquée. Le test salivaire de Blatt mesure la sécrétion sous-maxillaire, mais il est peu utilisé, car il impose le cathétérisme des canaux de Wharton.

Fonction sensitive On vérifie la sensibilité cutanée de la zone de Ramsay-Hunt.

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Fonction sensorielle L’exploration du goût par l’électrogustométrie est d’un intérêt mineur, valable au stade initial, mais d’interprétation subjective. Le réflexe acoustique et le test de Schirmer ont un certain intérêt pronostique, mais surtout topographique. Ce sont les examens électromyographiques et le testing musculaire qui présentent le plus d’intérêt dans l’optique d’une chirurgie de réhabilitation. L’étude de l’évolution de la paralysie intrapétreuse relève de la stricte compétence oto-rhinolaryngologique ; toute aggravation clinique ou électrique dans la première semaine s’avère un facteur de gravité. Le chirurgien demande à être renseigné sur : • l’intensité de la lésion nerveuse et du retentissement musculaire ; • la possibilité de réinnervation spontanée et la qualité fonctionnelle de ladite récupération. Nous avons adopté le schéma suivant pour le contrôle électrique : • un 1er examen la première semaine ; • un 2e à la 4e semaine ; • un 3e au 3e mois ; • un 4e au 8e mois ; • un dernier entre 12 et 18 mois. Le pronostic peut être évalué dès le premier examen : • si la réponse distale est normale et constante dans les 3 premières semaines, le pronostic est favorable ; • si la réponse distale est modifiée, le pronostic est défavorable à court terme, mais la récupération peut survenir avec des erreurs de réinnervation et un hémispasme fréquent ; • si le nerf est inexistant, le pronostic est défavorable à court et à long terme. Le 3e mois est la date charnière de la réinnervation et plus cette dernière est tardive, plus les séquelles sont importantes.

Formes cliniques Seules seront envisagées les paralysies périphériques, de façon non exhaustive, selon un déterminisme topographique sur le trajet du nerf : • la première portion endocrânienne est celle des tumeurs de l’angle pontocérébelleux, principalement le neurinome de l’acoustique, à symptomatologie initiale otologique, également les neurinomes du trijumeau ; • la deuxième portion intrapétreuse est celle des paralysies a frigore, zostériennes, des accidents

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de la chirurgie otologique et des fractures du rocher. La paralysie faciale du polytraumatisé inconscient doit être systématiquement recherchée : C par la manœuvre de Pierre Marie et Foix, la pression au bord postérieur des branches montantes de la mandibule entraîne une asymétrie faciale ; C par l’inspection du tonus musculaire, la joue du côté paralysé se soulève à l’expiration : le blessé « fume la pipe » ; • la troisième portion extrapétreuse est la victime d’agressions chirurgicales, le plus souvent involontaires, mais parfois délibérées en cas de chirurgie tumorale.

Paralysies congénitales Syndrome de Melkersson-Rosenthal Il associe une langue plicaturée, une paralysie faciale surtout inférieure, parfois à bascule et une macrochéilie œdémateuse. Syndrome de Moebius (Fig. 7) Von Graefe a, le premier, fait état en 1880 d’une paralysie faciale bilatérale. Le syndrome malformatif décrit par Moebius en 1888 associe une diplégie faciale, une paralysie de l’abducens et des altérations des extrémités, ainsi que du thorax, de sorte que les auteurs américains décrivent une séquence, le CLUFT syndrome (cranial, lower limb,

upper limb, face, thorax). La clinique est centrée sur le visage au faciès figé caractéristique, aux lèvres minces et rétractées. La lésion est nucléaire, parfois objectivable à la résonance magnétique nucléaire. L’absence de nerf facial identifiable au trou stylomastoïdien a été vérifiée dans plusieurs cas (Stricker).9 Pitner, au cours de l’autopsie d’un nouveau-né de 1 mois, découvre une dégénérescence graisseuse des peauciers atrophiés, mais y note la présence de fibres nerveuses. Syndrome de Cayler (Fig. 8) L’agénésie musculaire correspond à la théorie mésodermique de la séquence de Moebius. L’aplasie des abaisseurs de la lèvre inférieure se rencontre dans l’« asymmetric crying facies » ou syndrome de Cayler, qui y associe des malformations cardiaques. Dysplasies latérales Les dysplasies de la pyramide pétreuse, isolées ou intégrées à une dysplasie latérofaciale, parfois à une microsomie hémifaciale, s’accompagnent fréquemment d’une paralysie faciale : • partielle dans le territoire inférieur dans le syndrome de Gérard ; la dysplasie retentit sur l’aqueduc et le contingent facial inférieur est comprimé, parce qu’en situation la plus antérieure ; • totale dans les dysplasies sévères. Le rocher est plicaturé, recroquevillé vers l’intérieur, l’aque-

Figure 7 Séquence de Moebius. A. Chez un enfant. B. Chez un adulte.

Paralysie faciale

Figure 8 Syndrome de Cayler par aplasie des abaisseurs et de la lèvre inférieure gauche.

duc de Fallope est dystopique, le facial émerge très en avant et en dedans, la prudence est de mise dans sa découverte chirurgicale. Le nerf est vacuolaire.

Paralysie de la lèpre La phase chronique de l’atteinte lépreuse comporte volontiers une paralysie faciale.

Formes évolutives Le mode évolutif va définir trois tableaux cliniques selon les caractéristiques de la récupération motrice : • la récupération, complète au plan clinique, est le plus souvent partielle au plan électrique, car 50 % des axones suffisent pour une motricité cliniquement normale ; • la récupération incomplète est la règle ; • l’absence de récupération traduit la dégénérescence irréversible des plaques motrices, les peauciers s’atrophient. Le muscle dénervé évolue vers une stabilité relative acquise au 3e mois, la perte de poids est de 60 à 80 %, le tissu connectif s’épaissit (Sunderland),10 mais la fibre musculaire garde son identité jusqu’au 15e mois au minimum ; bien que des délais paradoxaux de reprise d’activité aient été avancés par Conley11,12 avec des survies très longues, attribuées à l’activité supplétive du trijumeau. Martin13 prétend que 20 % des interruptions périphériques totales du facial sont améliorées par la

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Figure 9 Anastomose V-VII prédominant dans le territoire sousorbitaire.

substitution fonctionnelle par la partie motrice du V2 (le nerf maxillaire supérieur précède le facial dans l’innervation de la face) à la lumière d’un cas clinique célèbre. Vingt pour cent des anastomoses entre le trijumeau et le facial concernent, selon Mundnich, le rameau buccal du V (Fig. 9). Les deux dernières modalités évolutives que l’on observe sont les complications et les séquelles. Complications oculaires Secondaires à la disparition du rôle protecteur de la paupière, elles peuvent apparaître en cours d’évolution lors des récupérations tardives. La cornée est en danger surtout si la sensibilité est altérée. Le dépistage des kératites impose une répétition des contrôles et une protection est mise en place à la moindre menace. Le risque conjonctival est plus élevé chez le patient âgé, sujet à un ectropion accentué. Syndrome des larmes de crocodile Le larmoiement prandial unilatéral est rare. Il signe une atteinte du nerf en amont du ganglion géniculé avec déviation du réflexe gustatosalivaire en réflexe gustatolacrymal par erreur de réinnervation. Hémispasme postparalytique Il survient dans les formes graves par atteinte tronculaire avec réinnervation partielle et comporte : • un élément statique, la rétraction musculaire par atrophie, variant de la simple exagération du tonus de repos au rictus permanent, rétrécissant la fente palpébrale, amincissant la commis-

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M.Stricker et al. que inextensible se déroulent dans le trajet intrapétreux et sont d’obédience strictement oto-rhinolaryngologique. Avant d’envisager les protocoles de réhabilitation et leurs indications, il importe de dresser le constat technique de la repousse nerveuse et des réinnervations musculaires.

Constat technique Le chirurgien, dont l’ambition est de rétablir la relation neuromusculaire, est confronté à une série de faits incontournables, comme autant de voies sans issue. Impasse musculaire Elle est à la fois morphologique et fonctionnelle. Figure 10 Syncinésie palpébrobuccale gauche.

sure labiale et rétractant la région nasogénienne ; • des éléments dynamiques : C les myokymies, secousses musculaires en éclair, provoquées par un mouvement volontaire ou réflexe ; C les syncinésies (Fig. 10), contractions musculaires involontaires, associées à un mouvement volontaire d’un territoire adjacent. Elles traduisent une erreur d’aiguillage (Lipschitz 1893)14 lors de la repousse axonale. La plus fréquente, palpébrobuccale, consiste en une élévation labiale lors de l’occlusion palpébrale. Selon d’autres auteurs (Zülch, Fowler),15 elles résultent d’une repousse désordonnée avec dispersion de « neurones vagabonds » de Ford et Woodhal ;16 C les mouvements de masse, mobilisant en bloc un ensemble musculaire régional. Ces dyskinésies sont la rançon obligatoire des récupérations partielles et de nombre de réparations nerveuses par déficit quantitatif de la repousse axonale et par erreur des axones dans leur destination topographique. L’hémispasme serait dû à une démyélinisation des fibres, d’origine vasculaire par dévascularisation, autorisant une impulsion d’axone à axone sans passage synaptique.

Traitement Les interventions de décompression qui visent à libérer le nerf de son carcan osseux et aponévroti-

Morphologique Le masque mimique des peauciers est d’une telle complexité qu’il est illusoire de prétendre reproduire sa configuration et son action par le recours à un autre muscle ou groupe de muscles. L’animation faciale met en jeu 10 muscles par côté, leur substituer un ou plusieurs vecteurs d’animation est à l’évidence un pis-aller. Par ailleurs, tout oppose le muscle peaucier, fin, délicat, dépourvu d’aponévrose, arrimé à la peau à un substitut épais, massif, en un mot « grossier » même dans les transpositions partielles. Fonctionnelle Le quotient d’innervation musculaire, qui est le nombre de fibres innervées par un axone, est de 25 pour les peauciers (Feinstein 1955),17 muscles qualifiés d’« intelligents » par Terzis (1983),18 alors que le quotient des transplants utilisés est de 1 à 2 000 pour les muscles proximaux qualifiés de « stupides » (gracilis, pectoralis major) et de 1 à 200 pour les muscles distaux, tel l’extensor digitorum brevis (pédieux). La qualité de contraction dépend du rapport de proportion entre les unités motrices lentes, les fibres rouges et rapides, les fibres blanches. Les peauciers comportent un pourcentage élevé d’unités lentes (Kidd, 1984).19 Après dénervation, toutes les unités motrices retrouvent le type lent, le retour au type rapide ne pouvant s’effectuer que par réinnervation par l’axone d’un neurone rapide. Réinnerver un muscle lent par le nerf d’un muscle rapide inverse le type de contractilité du muscle réinnervé par changement des fibres du type 1 au type 2 (Buller, Eccles et Eccles 1960).20

Paralysie faciale Impasse nerveuse Elle est d’ordre biologique, en fonction de la repousse axonale, qui s’avère, le plus souvent, assez imparfaite : • la population axonale diminue, 20 à 50 % seulement des axones atteignent les fibres musculaires et cette diminution s’accentue avec l’âge ; • la régénération axonale est grevée d’une diminution de diamètre des axones et d’une réduction de la myélinisation ; ce qui entraîne une moindre vélocité de l’impulsion nerveuse, abaissée de 50 à 20 millisecondes (Mayou 1981) ;21 • la repousse axonale est stimulée par des facteurs neurotrophiques distaux à spécificité topographique démontrée (Seckel)22 et pourtant l’erreur de réinnervation est constante, à l’origine des syncinésies.

Modalités de récupération La réinnervation des muscles s’effectue selon trois modes différents : • la repousse nerveuse ; • la neurotisation nerveuse ; • la neurotisation musculaire. Repousse nerveuse L’interruption du nerf déclenche une dégénérescence distale et proximale jusqu’au nœud de Ranvier. La repousse est lente, 1,5 mm j–1, aléatoire, tributaire de facteurs généraux et locaux et très sensible au rôle nocif de la fibrose cicatricielle. Nous en avons envisagé les aléas et les avatars. La repousse serait provoquée par un signal chimique émané de la myéline en dégénérescence et des cellules de Schwann. La laminine, protéine de la lame basale du muscle, joue un rôle prépondérant dans le chimiotactisme (Fig. 11), le blocage de son activité par un anticorps spécifique réduit de 90 % la

Figure 11 La repousse axonale est tributaire du chimiotaxisme distal.

393 repousse axonale, et l’addition de laminine exogène favorise la rapidité de la repousse (Toyota 1990). Une interruption nerveuse peut, de ce fait, être pontée par une greffe musculaire. Ce neurotropisme, pressenti par Forssman (1898) et R. Cajal, est à haute spécificité fasciculaire et tissulaire (spécificité de la réinnervation motrice Brushart 1988). Le NGF, facteur de croissance nerveuse, fait malheureusement preuve de toxicité hépatique. Le rôle de la vascularisation est essentiel, les fibres proches des vaisseaux ont la repousse la plus rapide. Neurotisation nerveuse Le muscle récupère une fonction contractile à partir d’éléments nerveux par implantation d’un nerf sain dans un muscle dénervé (Heinicke 1914),23 une plaque motrice se formant à l’endroit de l’implantation. Expérimentalement, un broyat musculaire, mis au contact d’un nerf, se réorganise en fibres, aptes à se contracter (Mira).24 Qui plus est, l’implantation d’un nerf dans un muscle normalement innervé provoque une hyperneurotisation par formation de plaques motrices supplémentaires (Hoffmann 1951),25 mais une seule est opérationnelle. Neurotisation musculaire Elle existe au sein du muscle, entre les unités motrices, ainsi qu’à partir de muscles voisins. Un muscle sain, amené au contact d’un muscle dénervé, est capable de le coloniser et de le réinnerver, à condition que la barrière aponévrotique ait été réséquée. Ce fait, avéré expérimentalement par Erlacher en 1915 chez le cobaye,26 a été confirmé histologiquement par Steindler (1916),27 puis Aitken (1950).28 Cette aptitude colonisatrice du muscle a été à l’origine de la greffe musculaire selon Thompson,29,30 un transplant musculaire, préalablement dénervé, servant de support de neurotisation entre un muscle sain et les peauciers dénervés. La dénervation réalise une forme de métabolisme économique favorable à la résistance des fibres musculaires (Romanul et Hogan).31 Pour Carlson et al. (1979),32 les fibres nerveuses débutent l’envahissement du greffon à la 3e semaine et les synapses neuromusculaires se forment après la 4e semaine. Dans tous les cas, le retour à une authentique mimique spontanée est l’exception, la mimique est toujours modifiée, souvent falsifiée. Mimique modifiée L’altération est le fait des erreurs de réinnervation, rançon obligatoire des réparations nerveuses homolatérales, mais aussi de l’incitation motrice contro-

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M.Stricker et al.

latérale après une greffe nerveuse transfaciale, utilisant comme moteur le nerf facial opposé. Mimiques falsifiées La falsification résulte de la modification de l’incitation motrice, puis, au stade suivant, de l’emploi d’un effecteur musculaire différent sous contrôle nerveux variable. Mimique de substitution La commande motrice diffère, émanant parfois du phrénique ou du spinal, le plus souvent de l’hypoglosse. La réhabilitation du tonus est remarquable, la mimique volontaire existe, mais sans dissociation entre le facial supérieur et l’inférieur et la mimique émotionnelle est nulle ; le patient grimace, surtout lorsque la langue s’anime. Mimique caricaturale Lorsque l’effecteur est hors d’usage, la transposition de muscles voisins ou bien la transplantation de muscles éloignés, même si le nerf facial controlatéral les anime, ne procure qu’une caricature de mimique. Recourir aux transplants musculaires aboutit à un raccourci de la mimique, la réduisant à quelques mouvements élémentaires simplifiés, quelle que soit leur amplitude. On obtient un mouvement, rarement une mimique, à l’exception d’un sourire particulier. La réhabilitation de la relation neuromusculaire facial-peauciers porte sur trois paliers : • tonus ; • mimique volontaire ; • mimique émotionnelle. L’analyse objective des récupérations montre à l’évidence que le nerf prime tout, assurant seul le dernier palier émotionnel, à condition qu’il s’agisse du facial lui-même. Réinnervations paradoxales : intrication trigéminofaciale Les réhabilitations paradoxales après interruption chirurgicale avérée du nerf facial ont été souvent attribuées à une repousse à travers le défect, repousse guidée par le neurotropisme distal. Pour Martin et Helsper (1957),13 25 % des cas de destruction chirurgicale du VII ont une récupération spontanée. Martin, arguant de huit cas cliniques, dont un, célèbre, de chanteuse, émit l’hypothèse d’une récupération par la voie du trijumeau. La patiente, après exérèse d’une tumeur parotidienne emportant les branches du VII, avait récupéré une motilité hémifaciale et cette mimique n’avait pas été modifiée par une réintervention avec exérèse large

Figure 12 Signe du croisement.

complémentaire pour récidive tumorale. La réinnervation débute entre 8 et 14 mois au niveau des élévateurs de la sangle buccale, s’étendant peu à peu dans le masque mimique, sauf à ses extrémités. Certains auteurs ont invoqué une réinnervation trans-sagittale par le VII opposé, c’est le signe du croisement (Fig. 12), bien connu des électrologistes. Dans un cas de Fisch,33 le blocage du VII opposé stoppait la mimique récupérée. Mais ce croisement est limité dans l’espace, ne dépassant qu’exceptionnellement la commissure labiale. L’intrication entre trijumeau et facial et leur complicité sont étayées par de nombreux faits anatomiques et cliniques. Une intrication plexiforme entre les rameaux terminaux du V et du VII est une disposition anatomique commune aux mammifères (Bowden et Mahran).34 Des fibres nerveuses émanées du V cheminent avec les rameaux du VII, véhiculant la proprioception et la sensibilité profonde (Baumel 1974).35 La cénesthésie faciale relaie dans les ganglions du V vers le noyau sensitif (Fig. 13). Des fibres du VII empruntent la voie du V (Oleshkevich).36 La stimulation électrique du V provoque une réaction réflexe des peauciers. Le 1er temps du réflexe de clignement est d’origine musculocutanée faciale (Kugelberg) ;37 (l’anesthésie locale des téguments n’affecte pas ledit réflexe Rushworth). Une anesthésie locale dentaire provoque une parésie faciale (Hollinshead) et Cushing38 a observé des parésies faciales après destruction de la racine

Paralysie faciale

395 Nous décrirons les méthodes et les indications dans une optique pragmatique ; trois situations se présentent : • le facial est réparable ; • l’effecteur musculaire est utilisable, mais le facial est hors d’usage ; • l’effecteur musculaire est hors d’usage, l’alternative existe alors entre les transferts musculaires et la chirurgie de rééquilibration des parties molles. Facial réparable Le rétablissement de la continuité nerveuse et de l’alignement des fascicules par suture ou par greffe est un concept ancien, initialement mécanique ; le nerf étant assimilé à un conduit, structure guide de la repousse axonale.

Figure 13 Intrication facial-trijumeau.

Suture (Fig. 14) La suture épineurale depuis Hueter (1873)39 rétracte le périnèvre, affronte les fascicules de façon défectueuse et s’accompagne de la formation d’un cal fibreux obstructif. De ce fait, à la suite de Millesi,40 la suture est devenue périneurale fasciculaire (Fig. 15). Le traumatisme est réduit, la recoupe des extrémités nerveuses est franche. La prévention de la prolifération conjonctive et de la fibrose est assurée par la résection de l’épinèvre, l’utilisation d’un matériel minimum, la suppression des engainements de la suture et l’absence de tension. La tension est nocive, génératrice de fibrose, à tel titre que Millesi prônait le recours à la greffe pour des pertes de substance de plus de 1 cm.

motrice du V ou du ganglion de Gasser ; ces fibres empruntent la voie du grand nerf pétreux ; en effet, les lésions intracrâniennes du nerf facial ne donnent jamais lieu à récupération. Conley11,12 a confirmé l’hypothèse de Martin ; l’anesthésie locale des terminaisons trigéminales interrompt la fonction mimique récupérée, fait confirmé par les électromyogrammes de contrôle. Cette complicité V/VII, ainsi que la proximité des noyaux de ces nerfs constituent un élément très favorable à la rééducation, aussi bien des anastomoses nerveuses que des transferts musculaires.

Méthodes et indications L’histoire de la réhabilitation de la face paralysée est faite d’une succession d’espoirs déçus, tant la disparité est grande entre les satisfactions infracliniques, biologique et électrique et l’insatisfaction clinique. Le postulat actuel est plutôt pessimiste. Restaurer la plénitude d’une expression faciale spontanée et symétrique est une gageure quasi irréaliste.

Figure 14 La suture d’épine durale est devenue péridurale, en raison du risque de chevauchement et de fibrose.

396

M.Stricker et al.

Figure 15 Patient présentant une paralysie faciale droite traumatique. A. aspect préopératoire. B. Aspect après suture et récupération.

Parfois, le déroutement du nerf permet un gain de longueur suffisant pour éviter la greffe. Greffe La greffe équivaut à une double suture, elle obéit à certaines règles. Choix du greffon Le greffon autologue offre les meilleures garanties, car les greffes homologues conservées n’ont pas fait la preuve de leur validité. Le prélèvement est effectué : • soit au plexus cervical superficiel situé à proximité immédiate ; • soit au saphène externe ou sural dont le long trajet est favorable. Choix de la technique En raison du double obstacle conjonctif, la repousse nerveuse, après avoir franchi la première suture, peut venir s’épuiser sur la seconde, de sorte que certains auteurs préconisent la réalisation en deux temps. Le nerf facial est un terrain favorable pour la greffe nerveuse, Conley affiche 75 % de bons résultats, Millesi et Samii 85 à 90 %. Cependant, l’école de Gottingen avec Stennert41 estime que les résultats sont surévalués et que la neurotisation hétéromorphique responsable des mouvements de masse est la règle. Facteur vasculaire Le rôle de la vascularisation est primordial, tant au niveau du muscle, qu’à celui du nerf. Le diamètre de la greffe nerveuse ne doit pas excéder 5 mm,

faute de quoi une nécrose centrale est à redouter. La longueur du greffon induit un risque de déficit de revascularisation et donc de réinnervation. La qualité vasculaire du lit receveur est également importante. Ces considérations ont conduit à la pratique de greffes nerveuses vascularisées. Greffe vascularisée Bien que la greffe fasciculaire ait réduit le risque d’ischémie et donc la production conjonctive par la barrière sclérale, la greffe nerveuse vascularisée a connu une certaine faveur. Le nerf sural présente un type de vascularisation favorable à ce protocole, type 2 de Breidenbach et Terzis42 à un pédicule dominant. La greffe est réalisée en un fragment selon Taylor et Ham (1996),43 en plusieurs fragments selon Facchinelli (1981),44 mais les résultats en sont relativement décevants. Greffe en « boucle » (Fig. 16, 17) Le prélèvement de la branche auriculaire du plexus cervical superficiel autorise la restauration de la

Figure 16 Mise en place d’une greffe nerveuse en boucle.

Paralysie faciale

397

Figure 17 Aspect de patient présentant une tumeur maligne de la région parotidienne, ayant nécessité une résection du nerf facial et reconstruction par montage en boucle. A. Aspect initial. B. Résultat postopératoire immédiat après boucle nerveuse. C. Aspect à distance.

continuité entre le tronc et les branches de division dans certains modes de distribution du plexus. Dans le cas contraire, il est possible de recourir au montage en boucle, arrimant la totalité des segments distaux au segment tronculaire proximal. Le cheminement de la réinnervation s’effectue avec la rançon habituelle d’erreurs des neurones vagabonds. La repousse est guidée par le signal chimique distal et les axones franchissent le périnèvre, sans qu’il soit nécessaire de le fenêtrer. Ce fait a été amplement démontré par la pratique des anastomoses latéroterminales de Viterbo (1992)45,46 (Fig. 18). L’anastomose latéroterminale, procédé répandu depuis Flourens (1828), amplement utilisée depuis lors ainsi qu’en témoigne le travail de Sherren (1906),47 était passée de mode jusqu’à sa remise à l’honneur par Viterbo. Sa validité a été confirmée par Lundborg (1994).48 Le segment rattaché : • attire les axones, tant sensitifs que moteurs, par prolifération collatérale et d’autant plus s’il a été soumis à une prédégénération, qui augmente le nombre de cellules de Schwann ; • procure aux muscles une récupération à 60 % de leur force contractile à 90 jours ; la dégénérescence distale sur le nerf donneur est minime, même si une fenêtre périneurale est pratiquée. Cependant Dellon,49 s’appuyant sur les expérimentations de Kalliainen, émet des réserves : la masse musculaire serait moindre et le pourcentage de fibres dénervées plus élevé dans la variante latéroterminale. Conduits guides Les greffes veineuses, les tubes de silicone et les tubes résorbables en acide polyglycolique ont été

Figure 18 Anastomose latéroterminale selon Viterbo avec des variantes.

employés comme structures guides de la régénération nerveuse : • la greffe veineuse. La veine, dont la paroi est de faible tonicité, se collabe sous l’effet de la pression cicatricielle ; • le tube de silicone. L’utilisation du matériau non biologique déjà récusée par Sunderland (1978),10 l’a été plus récemment par Merle et al. (1989) ;50 • les conduits résorbables en polyglycolique sont prônés par Mac Kinnon et Dellon (1989)4 pour des pertes de substances inférieures à 3 cm.

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Figure 19 Anastomose hypo-glosso-faciale avec implantation de la branche descendante dans le tronc de l’hypoglosse.

Facial irréparable : effecteur musculaire en état Il faut substituer au nerf facial un autre moteur par une anastomose nerveuse (Fig. 19), déroutant un nerf voisin sur le bout distal du facial ou dérivant l’influx par un branchement latéroterminal. L’idée est ancienne, la réalisation également, puisque dès 1879 Drobnik51 anastomose le XI au VII. Deux protocoles essentiels sont les plus en vogue. Anastomose hypo-glosso-faciale (Fig. 20) Elle est la plus ancienne, mais aussi la plus actuelle, le XII tout proche est d’accès et de prélèvement

M.Stricker et al. aisés, la morbidité est réduite, l’efficacité satisfaisante. Dans la technique classique, le tronc du XII est transposé sur le bout distal du VII, tandis que la branche descendante du XII est transposée sur le tronc pour minimiser la séquelle linguale. Dans la modification de Tucker,52 le XII est transposé sur le bout distal du VII, mais la branche descendante du XII, prélevée avec les fragments des muscles sous-hyoïdiens, est transposée sur l’orbiculaire palpébral. La rééducation a pour objet de rendre indépendante la nouvelle unité motrice. Les travaux de Holstege53 sur les noyaux moteurs des V, VII, XII ont montré la coordination motrice entre ces nerfs. À la suite de l’anastomose hypo-glossofaciale, le réflexe trigéminofacial est remplacé, à partir du motoneurone hypoglosse, par un réflexe trigéminohypoglosse étudié par Stennert,54 dans lequel la réponse primaire, musculaire, est plus lente, de l’ordre de 14 ms, que la normale de 11 ms. Les résultats sont bons sur le tonus et sur la sangle buccale, en quelques mois, mais l’efficacité palpébrale est plus réduite, plus tardive et plus aléatoire. La séquelle linguale amyotrophique n’est invalidante que dans 25 % des cas. L’anastomose XII/VII est utilisée dans trois indications distinctes : • comme suppléance globale du facial lésé ; • comme suppléance du seul facial inférieur, selon Miehlke, qui, avec Stennert, considère que les territoires inférieur et supérieur sont différents, et donc à traiter différemment ;

Figure 20 Patiente présentant une paralysie faciale droite après neurinome du VIII. A. Aspect initial. B, C. Aspects postopératoires à distance après récupération d’une anastomose hypo-glosso-faciale.

Paralysie faciale

399

Figure 21 Différents modes d’anastomose transfaciale (A, B, C, D).

• comme donneur de tonus, préservant les muscles peauciers dans l’attente de la repousse axonale d’une greffe transfaciale, l’hypoglosse jouant le rôle de « baby-sitter » (Terzis).55 Anastomose faciofaciale ou greffe transfaciale (Fig. 20, 21) L’idée de réanimer la face paralysée par une greffe nerveuse branchée sur le nerf facial controlatéral est le fait de Scaramella. Elle fut reprise, modifiée et codifiée par Smith, Anderl, Samii56-58 et bien d’autres : • le nerf donneur est le sural ; • l’intervention se déroule en un temps, mais plus volontiers en deux temps à 6 mois d’intervalle pour minimiser le risque de blocage conjonctif à la 2e suture ; • le branchement est proximal pour certains, distal pour la plupart, en aval du plexus génien ; • l’implantation est nerveuse, mais faute de mieux, musculaire (Anderl)57 lorsque aucun nerf utile n’est retrouvé ; • la morbidité sur le côté sain est réduite, la pratique des neurectomies sélectives a montré que 40 % du contingent nerveux peuvent être interrompus sans séquelle paralytique, mais avec le risque du spasme de régénération ; • la morbidité sur le site de prélèvement se chiffre à 27 % de complications, dont 6 % de névro-

mes (Ortiguela) et une perte de la sensibilité du bord externe du pied et de la cheville. Zucker a proposé le prélèvement endoscopique pour limiter le préjudice cicatriciel ; • le greffon saphène externe est inversé, orientant son extrémité proximale du côté paralysé, de façon à prévenir les fausses routes dans les collatérales nerveuses (O’Brien 1980, Mac Kinnon et Dellon 1988) ;5,59 • la greffe transfaciale permet de dériver sur un transplant musculaire un rameau du VII opposé, assurant la fonction demandée au transplant et, dans ce cas, le protocole en deux temps permet d’attendre la repousse axonale pour transférer le muscle, qui est ainsi immédiatement réinnervé. La greffe transfaciale, transmission synchrone de l’influx nerveux émané du facial sain aux branches correspondantes du côté paralysé (Anderl 1973)57 est : • séduisante dans sa conception ; • controversée dans sa réalisation ; • convaincante dans sa validité biologique et physiologique ; • décevante dans son efficacité clinique, en raison de la lacune quantitative de la repousse axonale par insuffisance du quota de neurotisation, selon Harii60,61 ; 20 % seulement des axones atteignent l’hémiface paralysée. Trois facteurs

400 entrent en ligne de compte selon Gary Bobo :62,63 C insuffisance du nombre de fibres myélinisées au sein des greffes ; C différences de calibre et d’épaisseur de la gaine de myéline, responsables d’un asynchronisme de transmission de l’influx ; C variabilité dans le temps du processus de myélinisation (coexistence de fibres en dégénérescence et de fibres en myélinisation). Il en résulte (Rayment, Poole et Rushworth 1987) :64 • une diminution de 50 % de la vélocité de l’influx ; • une diminution du nombre d’axones atteignant le muscle (20 à 50 % selon Harrison (1985) ; • une diminution du nombre d’unités motrices réinnervées ; • et donc une asymétrie de la mimique faciale. Muscles hors d’usage L’aréflexie galvanique signe l’incapacité du muscle à être réhabilité par une fibre nerveuse (Chouard 1932), le délai de 2 ans étant habituellement retenu pour les paralysies anciennes invétérées. Le recours au muscle s’effectue selon de multiples protocoles : • la greffe musculaire selon Thompson29,30 préparée par dénervation préalable ; • le transfert musculaire réinnervé, initié par Thompson et Gustafson ; • le transfert musculaire réinnervé et revascularisé par son pédicule ; • les transpositions musculaires de voisinage, utilisant les muscles masticateurs. Greffe musculaire Sa conception repose sur le concept de neurotisation musculaire et sur l’avidité à la neurotisation des muscles préalablement dénervés (3 semaines). La dénervation préalable réduit les besoins nutritifs de la fibre musculaire (Romanul et Hogan 1965),65 accélère la vitesse de régénération axonale et améliore la synthèse protéique, qui va de pair. Thompson29 utilisait le pédieux et le grand palmaire, transposés sur toute la longueur de leurs fibres ; le pédieux était en charge de la sangle palpébrale, le grand palmaire de la sangle buccale. L’insuffisance du résultat sur le plan dynamique conduisit à une modificaton du protocole, visant à conjuguer neurotisation nerveuse et neurotisation musculaire. Transferts musculaires réinnervés Le nerf moteur du muscle dénervé est anastomosé à une greffe transfaciale branchée sur un rameau de

M.Stricker et al. topographie similaire au mouvement recherché. Les résultats médiocres, même après dénervation sélective du nerf tibial antérieur et utilisation exclusive de ses fascicules moteurs ont conduit à l’abandon de ces procédés (Nicolaï 1981).66 De toute manière, au sein du muscle dénervé se produit une compétition entre la repousse des filets du V et la réinnervation par la greffe transfaciale. Transferts musculaires réinnervés et revascularisés (Fig. 22) La préservation de la vascularisation garantit la vitalité du transplant et donc, en théorie, son efficacité dynamique. Les techniques utilisées varient avec : • le site de prélèvement musculaire ; • le site de revascularisation ; • le moteur de réinnervation et le mode de branchement. En ce qui concerne le site de prélèvement, il répond aux critères définis par Harii, de discrétion du préjudice fonctionnel et du caractère unique, avec une orientation et une longueur favorables des pédicules vasculonerveux. Nombre de muscles ont été testés, peu restent utilisés : • le pectoralis minor (petit pectoral), préconisé par Terzis,18 puis Harrison,67 présente de notables inconvénients de son mode d’innervation ; • l’extensor digitorum brevis (pédieux), comporte quatre tendons distaux favorables à la dissociation d’action, mais les chefs musculaires sont courts et le nerf tibial antérieur est mixte ; • le latissimus dorsi (grand dorsal) est irrigué par un système dominant, l’artère thoracodorsale, et peut être prélevé partiellement ; • le gracilis (droit interne) est un muscle rubanné à fibres longues (24 cm), comportant deux territoires neuromusculaires (Manktelow 1984),68 l’antérieur sous dépendance d’un pédicule unique contient 25-50 % du muscle, ce qui autorise son prélèvement sélectif. Guelinckx69 a préconisé le prélèvement du nerf obturateur sur une grande longueur ; • le serratus anterior (grand dentelé) est irrigué par deux pédicules vasculaires principaux, son innervation est commune à celle du grand dorsal et il est de volume trop important. Le site de revascularisation se situe à l’artère temporale superficielle ou à l’artère faciale. Le choix du moteur de réinnervation (Fig. 23) est d’une importance capitale. Trois options sont envisageables : • le nerf facial homolatéral. Le moignon facial proximal est utilisable à court, voire à moyen terme, sous réserve de vérification de son apti-

Paralysie faciale

401

Figure 22 Réhabilitation par transfert musculaire réinnervé et revascularisé.

Figure 23 les différents moteurs de réinnervation. A. Nerf facial homolatéral. B. Nerf facial controlatéral. C. Nerf massétérin.

tude à la repousse par l’absence d’interférences à l’EMG et de la réalisation d’un test de Karnovsky à la cholinestérase sur la biopsie du moignon. Ueda et al.70 ont préconisé ce procédé

chez l’enfant, dans les paralysies congénitales acquises (forceps), qui constituent 88 % des cas (Falco).71 La contraction du transplant musculaire réapparaît au 6e mois et l’évaluation des résultats montre leur haute qualité ; • le nerf facial controlatéral peut être choisi, mais l’aléa constant de la GTF est la longueur du trajet qui entraîne un déficit notable de réinnervation. Les transpositions à court trajet sont de loin préférables ; • le nerf massetérin était initialement employé par Spira,72 mais Manktelow et Zuker68 y ont eu recours, en particulier dans les transferts musculaires fasciculaires bilatéraux dans les Moebius. La symétrie du mouvement obtenu est assez remarquable, peut-être en raison de l’appartenance trigéminale du nerf massétérin. L’évolution actuelle des protocoles (Gousheh, Zuker)73 amène à l’utilisation de transferts partiels du gracilis (Fig. 24) ou du latissimus dorsi (Fig. 25) avec un nerf long branché sur le nerf massétérin ou à la rigueur sur une greffe nerveuse transfaciale courte, sachant que : • la valeur dynamique du muscle transplanté est à 25 à 50 % de la normale, seulement 10 % selon Yamaha ; • la diminution de volume avoisine 50 % ; • la fibre musculaire doit être prélevée en totalité et suturée sous une tension adéquate pour bénéficier de la puissance et de l’amplitude de contraction du muscle transplanté. La puissance maximale est obtenue en début de contraction et diminue au fur et à mesure que le muscle se

402

Figure 24 Transfert partiel du territoire neuromusculaire antérieur du muscle gracilis.

raccourcit (Elftman 1966). La diminution de la tension de repos s’accompagne d’une perte fonctionnelle. Deux artifices sont utiles pour conserver sur le site récepteur la tension de repos du site d’origine. O’Brien59 place deux sutures à la surface du muscle et maintient leur écartement. Frey74 tend un fil de soie entre les extrémités du muscle. La vitalité est, le plus souvent excellente, la réinnervation est soumise aux aléas de la greffe transfaciale, mais la récupération n’est jamais complète ; pourtant, la progression fonctionnelle pourrait se poursuivre 2 ans après les premiers signes de réinnervation, peut-être par augmentation de la myélinisation et de la taille des axones (Tolhurst 1982).75 D’autres transferts musculaires ont été envisagés :

M.Stricker et al. • la transposition micro-anastomosée du frontal ou du platysma, proposée par Terzis,42 n’est qu’un exercice de style ; • la transposition du digastrique et du mylohyoïdien sur l’artère sous-mentale, branche de l’artère faciale et le nerf mylo-hyoïdien, branche du nerf dentaire, détaché juste avant l’épine de Spix est plus intéressante. Le transplant possède un arc de rotation de 5 cm et peut être utilisé en neural pur ou en neurovasculaire pour réanimer le groupe abaisseur de la sangle buccale. L’efficacité de ces procédés est évaluée par le déplacement de la commissure buccale, en élévation et en translation, un déplacement de 1,5 à 2,5 cm en direction physiologique est considéré comme un bon résultat. Transposition des masticateurs Les muscles masticateurs, voisins immédiats, ont été mis à contribution pour réanimer les sangles faciales. L’idée initiale était de neurotiser les peauciers par transposition de languettes musculaires, procédé phare de l’école allemande avec Erlacher, Rosenthal et Lexer.26,76 Ces convictions ne se sont pas maintenues et les muscles sont actuellement utilisés essentiellement comme vecteurs d’animation, dans une direction donnée, d’un groupe de muscles ou d’une sangle. Il convient d’en envisager les données anatomiques, les protocoles de transposition et les compléments de rééducation, aussi bien orthophoniques que kinésithérapiques. Données anatomiques. En ce qui concerne l’anatomie du sourire (Fig. 26), alors que la sangle palpébrale oscille dans un plan frontal curviligne entre ouverture et fermeture de la fente, la sangle

Figure 25 Enfant présentant une paralysie faciale congénitale droite. A. Aspect initial. B. État d’une transposition musculaire libre partielle de grand dorsal réinnervée.

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403

Figure 27 L’effilement commissural est à prévenir par un mode de fixation adapté.

Figure 26 Les trois types morphologiques de sourires.

buccale est animée dans toutes les directions par trois groupes de muscles ou rênes d’animation : • le groupe releveur ou couronne des élévateurs des anatomistes ; • le groupe élongateur ou dilatateur, responsable de l’excursion latérale par le buccinateur et le risorius ; • le groupe abaisseur composé du triangulaire des lèvres et du carré du menton. Rubin,77 en 1974, distingue trois types morphologiques de sourire, en fonction de la disposition des muscles et de leur insertion dermique, en particulier de l’élévateur de la lèvre supérieure et des particularités du soubassement osseux et occlusal : • le sourire « Mona Lisa » (67 %) sous la dominante du grand zygomatique à direction oblique, relevant les commissures et découvrant légèrement la denture ; • le sourire « canin » (31 %) sous la prépondérance des élévateurs de la lèvre supérieure à direction verticale, exposant les canines ; • le sourire « gingival » (2 %) caractérisé par l’excès de hauteur de soubassement maxillodentaire, découvrant l’arcade alvéolodentaire. Cette analyse est capitale pour définir le mode de fixation des transplants musculaires, arrimage à double étage, musculaire profond au niveau du sillon nasogénien, dermique superficiel au plus près de la commissure et de la lèvre. Cette pratique est indispensable pour éviter l’effilement commissural (Fig. 27) et son antépulsion lors de la contraction des transplants. L’analyse du mouvement montre qu’il existe trois modes de sourire :

• le sourire esquissé ou ébauché, par l’action du risorius à excursion courte de la commissure ; • le sourire appuyé à course longue de la commissure sur un trajet de 1 à 2,5 cm, selon une direction oblique à 30° à 80° sur l’horizontale selon les types individuels, rieur à bouche généreuse ou rébarbatif à bouche pincée ; • l’éclat de rire, en « flash », lequel n’est possible qu’à la faveur d’une transmission ultra-rapide de l’influx. Anatomie des transplants. Leur choix tient compte d’un ensemble d’impératifs : • de vitalité : la préservation de la vascularisation est essentielle pour éviter la fibrose, qui réduirait le muscle à l’état de languette fibreuse inerte ; • de contractilité : bien évidemment, l’innervation doit être respectée, en fonction des données anatomiques lors du prélèvement musculaire. De plus, on doit s’assurer que le potentiel contractile du transplant n’a pas été affecté par l’étiologie de la paralysie faciale, (exemple type : la poliomyélite) ; • d’orientation : le muscle transplanté se situera dans la direction d’action du groupe musculaire à réanimer (Fig. 28) ; • de rééducation : l’innervation de ces transplants par un nerf dont le noyau moteur est voisin de celui du VII, ce qui crée une condition favorable au processus de rééducation et, par ailleurs, la cinétique mandibulaire s’y adapte aisément. De ce fait, les muscles masticateurs constituent les transplants les plus appropriés : C le temporal pour l’élévation ; C le masséter pour l’élongation ; C le digastrique pour l’abaissement. Protocoles d’utilisation. Nous décrirons la transposition du digastrique et du masséter, en

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M.Stricker et al.

Figure 28 Les trois transplants masticateurs et leur direction d’action.

insistant sur celle du temporal, qui est le pivot de cette réanimation. Digastrique (Fig. 29, 30, 31). Le ventre antérieur, innervé par le V, est utilisable pour le transfert sur les abaisseurs. Le corps musculaire court et trapu doit être prolongé : • soit par une bandelette tendineuse ou aponévrotique ; • soit par son tendon intermédiaire, prélevé en dehors jusqu’au sein du ventre postérieur. Ce prolongement est arrimé en boucle sur le triangulaire des lèvres et le carré du menton. Deux

courtes incisions, l’une sous-mentale oblique et l’autre dans le pli mentolabial, procurent un accès adéquat. Masséter. Le faisceau antérieur est isolé en arrière de l’artère faciale par une incision verticale oblique en avant dans un pli cutané. Le hamac périosté est incisé sur la face postérieure du rebord mandibulaire, le muscle est ruginé, puis discisé à la spatule pour atteindre le pédicule. L’hémimasséter antérieur est volté vers le haut et vers l’avant dans une tunnellisation pour gagner la région commissurale. Le muscle temporal est le muscle essentiel de la réanimation faciale, de par son emplacement, ainsi que ses caractéristiques morphologiques et fonctionnelles. L’ingéniosité chirurgicale s’est donné libre cours dans les protocoles d’utilisation, mais nous ne décrirons que les deux méthodes à retenir à ce jour : l’utilisation globale, palpébrale et buccale et le procédé de Labbé78 de transposition-glissement : • l’utilisation globale. Nombre d’auteurs s’en sont fait les champions, prolongeant le muscle par des bandelettes de son aponévrose : C le chef antérieur est transféré sur la sangle palpébrale à travers une perforation de la paroi orbitaire externe pour éviter la luxation antérieure des paupières, les bandelettes aponévrotiques gagnent par tunnellisation le canthus interne et sont arrimées au ligament palpébral interne (LPI) ; C les chefs moyen et postérieur sont transférés sur la sangle buccale dans la coulisse temporale de préférence, parfois par devant l’arcade zygomatomalaire dont la hauteur est réduite par abrasion ;

Figure 29 Transposition du ventre antérieur du digastrique.

Paralysie faciale

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Figure 30 Enfant présentant une paralysie congénitale des abaisseurs ; réhabilitation par transfert du muscle digastrique. A. Aspect initial. B, C. Aspects à distance.

C la région temporale est deshabitée, déprimée en un « creux » disgracieux, constrastant avec la surépaisseur sous-jacente due au retournement musculaire ; • le protocole de Labbé78 (Fig. 32). Ce dernier a initié une technique de transposition-glissement du muscle sur son pédicule avec section du tendon, qui est transféré sur la sangle buccale dans la coulisse rétromalaire, à travers la sysarcose manducatrice de la boule de Bichat. La technique très logique est de simplicité apparente, mais de réalisation parfois délicate, les points de détails sont d’importance : C le tendon temporal s’enroule très bas sur le coroné ; il doit être soigneusement ruginé en spirale avant la section osseuse et ce geste peut être mené de façon plus précise par une courte incision endobuccale ; C la distance de transfert varie selon la morphologie faciale et les faces courtes sont moins favorables ; C la section osseuse de l’arcade doit être très antérieure pour dégager largement la coulisse ; C les attaches musculaires, surtout préarticulaires temporomandibulaires, doivent être levées et parfois, le pédicule temporal profond postérieur est à disséquer pour obtenir l’arc de rotation souhaité. La morbidité est réduite, le galbe temporal est peu altéré, car le muscle est resuturé à la portion aponévrotique antérieure préservée. L’hématome intramusculaire est le risque majeur, l’hémostase est rigoureuse et les manœuvres musculaires peu

agressives. Le muscle coulisse sur le coussinet de glissement de la sysarcose. La qualité de récupération du mouvement labiocommissural est tributaire de la fixation des transplants et de la rééduction. Fixation. Le mode de fixation est essentiel pour l’équilibre et la symétrie du mouvement réhabilité : l’accès à la sangle buccale se conçoit de trois manières : • accès latéral par la voie du lifting, préférentiel pour Zuker ;79,80 • accès nasogénien avec résection cutanée éventuelle ; • accès endobuccal, préférable à nos yeux chez les patients jeunes. La voie muqueuse dessine un U très évasé étendu d’une lèvre à l’autre en s’éloignant de la commissure. Le lambeau muqueux trapézoïdal est levé sur une charnière commissurale. La discision souscutanée conduit sur les peauciers ou leurs reliquats. La référence fournie par l’activité du côté sain est en partie fallacieuse, en raison de l’hypertonie habituelle, ce qui contraint à un facteur de pondération. Les manœuvres peropératoires de traction sur la sangle affinent les emplacements de fixation. L’arrimage du transplant est effectué, si possible, de muscle à muscle, soit d’un seul tenant, soit dissocié, par des languettes disposées en éventail avec de notables différences selon les auteurs : • certains arriment au niveau du sillon nasogénien ; • d’autres (Rubin) prônent un ancrage dissocié entre les peauciers et le derme ;

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Figure 31 Patient présentant une paralysie faciale inférieure par tumeur maligne de la glande sous-maxillaire. A. Aspect initial. B. Aspect après exérèse tumorale. C et D. Résultats de la transposition du muscle digastrique.

• d’autres, enfin, recommandent d’utiliser un relais de contrôle vers le côté sain. Dans le cas de transplant libre, l’arrimage proximal se situe à l’arcade zygomatique. Rééducation. Les protocoles de rééducation garantissent l’entretien des peauciers, athlétisent les transplants, procurent une aptitude indubitable à une mimique intentionnelle, mais l’obtention du palier émotionnel est sujette à caution. La physio-

thérapie de complément, autrefois fort utilisée, est tombée en désuétude. Le training neuromusculaire se décompose en trois phases (Barat) :81 • initiale passive ; • secondaire d’aide active ; • terminale active par les mécanismes de « biofeedback ». La phase passive correspond à l’entretien des muscles, la phase d’aide active à l’athlétisation des

Paralysie faciale

Figure 32 Transposition du muscle temporal selon le protocole de Labbé (A, B).

contingents musculaires, de réalisation difficile à la face (les fibres de type 1 sont seules accessibles à l’exercisation). L’implication du patient est essentielle, mais délicate, car il se trouve directement confronté à son handicap par l’effet du miroir et doit dépasser ses inhibitions. La compréhension des mécanismes de « biofeedback » à la face impose de revenir sur la relation privilégiée entre le trijumeau

407 et le facial, déjà envisagée au chapitre des réinnervations paradoxales. La rééducation intervient donc à deux niveaux : • locorégional, primaire, mécanique par exercisation différentielle des peauciers devant le miroir ; • neurocérébral, secondaire, d’intégration ou d’engrammation du substitut musculaire ou neuromusculaire. Trois protocoles précis et argumentés ont été décrits, l’un par l’école de Gottingen avec Stennert,41 l’autre par l’école de Caen avec LambertProu,82 le troisième par l’école d’Amsterdam avec Devries :83 • le protocole de Gottingen fait appel à des techniques de contrôle du corps, inspirées du yoga et à des exercices de rééducation devant le miroir, en présence du rééducateur avec contrôle du côté sain ; • le protocole de Caen repose sur le bilan préalable des fonctions de la face et l’étude de l’excursion commissurale du côté sain selon les principes de Manktelow. Le travail porte sur le transplant, mais aussi sur les différents phonèmes ; phonèmes étirés par abduction, élévation labiale (i, é, in), phonèmes bilabiaux en propulsion (p, b, m) et phonèmes labiodentaires (f, v). Selon l’auteur, la récupération du sourire se déroule en trois stades : C le sourire mandibulaire, obtenu par la cinétique de la mandibule ; C le sourire temporal volontaire, sous la seule dépendance du transplant ; C le sourire temporal, qualifié de spontané, mais dont la spontanéité est équivoque ; • pour le protocole d’Amsterdam, la maîtrise de la mimique est obtenue grâce au concours d’un mime, les exercices respiratoires sont réalisés pour atteindre la relaxation nécessaire ; le VII étant considéré comme le nerf respiratoire de la face (Bell 1821). Soutien psychologique. « Il n’est pas d’exemple qu’un homme atteint de paralysie faciale ait joué un rôle de quelque importance dans la vie publique » Hélène Janvier (1951).84 La spécificité humaine du visage et sa fonction sociale sont des évidences : • mon visage me dit qui je suis et il dit aux autres qui je suis : C dans l’identification/constitution du moi ; C dans la relation au monde de l’individu ; C en tant qu’être social tenu et porté par la communication. Le soutien du sujet fragile qu’est le paralysé facial demande à être maintenu sur du long terme, car l’intensité du retentissement peut être imprévisible dans le vécu du patient.

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M.Stricker et al.

Figure 33 Réhabilitation des parties molles chez un patient présentant une paralysie faciale droite. A. Aspect initial. B , C. Aspect final.

Le transfert partiel de l’hémi-orbiculaire labial sain sur le côté paralysé mérite d’être mentionné. Il peut améliorer une paralysie modérée des abaisseurs par un effet de sustentation et peut-être aussi de neurotisation musculaire. Chirurgie palliative par rééquilibration des parties molles (Fig. 33) Ultime recours des paralysies au long cours chez le patient âgé, c’est une chirurgie de remise en tension sur le côté paralysé avec une réduction tissulaire obligatoire. Elle est à visée morphologique prédominante à la sangle buccale et à visée fonctionnelle prédominante sur la sangle palpébrale. Un complément d’action sur le côté sain s’avère indispensable pour tendre à une symétrie meilleure, surtout au repos. Étage buccal La distension des parties molles et leur allongement sont majeurs au niveau buccal, la commissure est abaissée, l’allongement des hémilèvres paralysées, la déporte en dehors. La réduction dimensionnelle doit porter directement sur les lèvres et sur la région naso-génio-labiale ; la remise en tension latérale classique n’ayant qu’une résultante très indirecte. La réduction est totale en épaisseur, cutanéomusculaire, mais le muscle orbiculaire labial de la portion réséquée est conservé pour être tunnellisé vers la commissure, puis arrimé à un transplant ou à une suspension passive. De même, le derme nasogénien peut être conservé et taillé en pieuvre à

quatre tentacules (Guerrero Santos).85 Lesdites suspensions ne procurent que des satisfactions mitigées : • les bandelettes aponévrotiques se distendent ou s’enraidissent ; • les implants élastiques (PTFE) fragiles à l’infection sont à éviter. Étage orbitopalpébral La démarche chirurgicale, en matière de paralysie palpébrale, obéit à quelques principes fondamentaux : • l’occlusion à tout prix est une démarche idéaliste, liée à un activisme chirurgical répréhensible ; • le rôle de la pesanteur est fondamental mais contradictoire, bénéfique à la paupière supérieure, nocif à la paupière inférieure ; • la paupière inférieure est plus altérée que la supérieure chez le patient âgé ; • la sensibilité de la cornée et la mobilité du globe oculaire vers le haut sont deux éléments essentiels. Chez le patient jeune et lors des récupérations spontanées, le préjudice palpébral est modeste et ne requiert pas, le plus souvent, d’intervention. Chez le patient âgé, la paupière inférieure ectropionée occupe le devant de la scène. Les objectifs thérapeutiques sont les suivants : • symétriser la fente palpébrale qui est agrandie dans sa dimension verticale, en raison du relâchement palpébral inférieur et de la prédominance du releveur ;

Paralysie faciale

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Figure 34 Canthopexie externe selon Edgerton modifié Montandon (A, B, C, D).

• corriger la ptôse du sourcil ; • améliorer l’occlusion en s’opposant au releveur ; • remettre en tension la paupière inférieure ; • rétablir la dérivation des larmes vers la fosse nasale. Symétriser la fente palpébrale. La canthorraphie externe de Mac Laughlin86 adosse les quarts externes avivés des tarses après avoir fixé la commissure par une canthopexie, ainsi que le recommande Tessier.87 La canthoplastie est une canthopexie externe d’Edgerton et Wolfort,88 modifiée par Montandon89 (Fig. 34). L’avivement des tarses est prolongé par la désépidermisation d’un lambeau cutané triangulaire horizontal. Ce lambeau dermique est arrimé à l’apophyse montante du malaire à travers un orifice osseux. Corriger la ptôse du sourcil. La simple résection cutanéomusculaire suprasourcilière n’assure qu’une correction provisoire. Il convient d’y adjoin-

dre une suspension par bandelette aponévrotique temporale en Y ou en boucle. Améliorer l’occlusion. S’opposer au releveur se conçoit de trois manières :

Figure 35 Amélioration de l’occlusion par implants métalliques d’alourdissement.

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M.Stricker et al.

Figure 36 Cerclage par fil d’Arion.

• par l’action directe d’allongement du tendon par tenotomie ou par greffe aponévrotique ; • par l’action indirecte d’antagonistes passifs ou d’entrave au libre jeu du releveur : C l’alourdissement par inclusion prétarsale d’un implant métallique en acier inoxydable (Fig. 35) a été décrit par Sheehan en 1927,90 repris par Freeman, puis par Illig (1958)91 avec un implant rectangulaire en or d’un poids de 0,8 g à 1,2 g selon le sexe. En raison du pourcentage élevé d’extrusions (30 %), la plaque rectangulaire à deux trous a été modifiée, devenant elliptique à trois trous, plus longue,

plus mince et plus galbée, pour accompagner par son incurvation la courbure de la paupière. De ce fait, le taux d’extrusion est tombé à 4 %. Hormis les rares épisodes infectieux, les inconvénients sont mineurs, par déplacement de l’implant, déformant la paupière ou réduction de la dimension de la fente palpébrale en position verticale. Il est d’usage de compléter cet alourdissement palpébral supérieur par une inclusion souple de cartilage à la paupière inférieure ; C les aimants de Muhlbauer.92 Le champ magnétique, développé par les implants, supplée l’action de l’orbiculaire déficient. L’occlusion obtenue est une occlusion « collée » dans sa phase terminale et la majeure partie de leur efficacité semble bien le fait de l’alourdissement. Royer a proposé d’alléger les aimants ; C les entraves au releveur. La greffe de conque de 0,75 g par Greco perturbe le relief palpébral et la greffe de peau totale de Tessier donne un aspect cicatriciel peu engageant ; • par l’action indirecte d’antagonistes « actifs » : C le cerclage dynamique d’Arion93 (Fig. 36) consiste en l’inclusion d’un fil d’élastomère de silicone de 8/10e de millimètre de diamètre dont la courbe d’allongement correspond à peu près à celle de l’orbiculaire. Le fil est passé dans les tunnellisations par une aiguille mousse à courbure adaptée. Il est placé en

Figure 37 Patiente présentant une paralysie palpébrale. Réhabilitation par ressort de Morel Fatio de faciaux synthésé. A. Aspect initial. B. Aspect final.

Paralysie faciale

Figure 38 Schéma de cure de l’ectropion selon la technique de Kuhnt-Szymanowski-Pokhissof.

situation juxtamarginale pour éviter une éversion des bords libres, surtout le bord inférieur. Il est fixé au périoste en dehors, au ligament palpébral interne en dedans, après passage sous ledit LPI. Le geste est mené sous anesthésie locale pour bénéficier de la coopération du patient dans le réglage de la tension. La rupture du cerclage est la complication à redouter ; C le ressort palpébral de Morel Fatio et Lalardrie,94 (Fig. 37) de conception ingénieuse, est d’une indéniable efficacité dans des mains entraînées. La stabilisation de la boucle par fixation osseuse transmalaire et l’engainement de protection de la branche inférieure ont considérablement réduit les risques d’extériorisation. Cependant, toutes les conformations orbitopalpébrales ne se prêtent pas à ce procédé et il est préférable de l’éviter dans les cas de cornée insensible, le frottement de

411 la branche inférieure, même protégée pouvant induire un ulcère de cornée. Remettre en tension la paupière inférieure. Cette remise en tension est difficile, car le bénéfice vertical est rarement direct, le plus souvent indirect, par la composante verticale de la tension horizontale. Les suspensions par bandelette tendue d’un canthus à l’autre sont inefficaces : • elles ne tiennent pas compte de la distension ; • elles exercent leur tension sur la courbe du globe et tendent à glisser vers le bas, comme la ceinture serrée sur le ventre de l’obèse. Pour l’armature palpébrale, les différents implants, qu’il s’agisse de la conque ou de la prothèse de Grignon, distordent la paupière et tendent à faire issue à travers le tégument. Le Kuhnt-Szymanowski-Pokhissof (Fig. 38, 39) est le procédé clé de la cure de l’ectropion, qu’il soit sénile ou paralytique. Il clive frontalement la paupière en deux lames : • interne tarsoconjonctivale attirée en dedans ; • externe cutanéomusculaire liftée en dehors avec résection triangulaire haut située au-delà du canthus. Dans les canthorraphies, l’adossement des tarses avivés est un procédé d’exception dans sa conception ancienne médiopalpébrale de protection cornéenne. Elles ne sont légitimes que dans les angles. La tarsorraphie interne prélacrymale de Terson95 (Fig. 40, 41) procure une sustentation satisfaisante de la paupière inférieure, tend à ramener le point lacrymal au contact de la conjonctive bulbaire, mais cette synéchie peut échouer ou se rompre et, par ailleurs, elle empiète sur l’iris, lors de la rotation nasale du globe. Les différentes canthoplasties internes sont le plus souvent décevantes à moyen terme.

Figure 39 Ectropion palpébral inférieur paralytique et sénile. Correction selon la technique de Kuhnt-Szymanowski. A. Aspect initial. B. Aspect postchirurgical.

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Figure 40 Canthorraphie interne prélacrymale selon Terson.

Rétablir le drainage lacrymonasal. Le déficit de la pompe lacrymale désamorcée n’est pas toujours invalidant, en raison du rôle de l’évaporation. Si handicap il y a, les dérivations sophistiquées par greffe veineuse ou artérielle ne sont pas de mise. Trois options s’offrent au chirurgien : • la lacodacryostomie, par bascule du dôme du sac dans le lac lacrymal ; • la lacorhinostomie par mise en place d’un drain de Lester-Jones. L’inconvénient majeur résulte du reflux conjonctival des sécrétions nasales lors du mouchage ;

M.Stricker et al. • la lacorhinostomie par mise en place d’un drain de Talmant dans le canal lacrymonasal. La collerette supérieure est menacée d’obturation par la prolifération conjonctivale. Complément d’action sur le côté sain. L’hypertonie du côté sain participe à l’asymétrie et à l’aspect grimaçant de la face ; il importe donc de réduire son activité. Pour ce faire, l’action peut porter sur les muscles ou sur les nerfs par chirurgie ou par utilisation d’une toxine : • myectomie (Niklison 1965).96 La section ou mieux, la résection partielle interruptrice des peauciers hypertoniques, est pratiquée indifféremment par voie cutanée ou endobuccale, en fonction de la topographie. L’étude préalable de l’efficacité par un test à la botuline renseigne, à la fois, le chirurgien et le patient ; • neurectomie. Elle se doit d’être sélective et distale et de porter sur plusieurs rameaux. Clodius (1976)97 thuriféraire du procédé l’utilise : C pour symétriser le sillon nasogénien ; C pour traiter les parésies partielles, labiomentonnières ou frontales. Cependant, la réinnervation est habituelle avec son risque syncinétique ; • toxine botulique. La dénervation chimique de la plaque motrice par la toxine botulique A survient par inhibition de la sécrétion présynaptique d’acétylcholine. L’efficacité en est tempo-

Figure 41 Patient présentant une paralysie palpébrale. Résultat de la technique de Terson. A. Aspect initial. B. Aspect postopératoire.

Paralysie faciale raire et les nerfs sont exposés à une diffusion locale du produit (Eleopra 1996).98

Indications Se soucier du nerf facial, c’est avant tout le préserver lors des interventions sur l’étage latéral, c’est aussi le réparer à tout prix, en tout lieu et à tout âge, par suture ou par greffe. En cas de paralysie invétérée, l’activisme chirurgical sur les paupières est éminement critiquable, l’occlusion à tout prix est une hérésie perfectionniste, car le plus souvent, la cornée n’est pas en danger et il faut préserver la morphologie de la fente palpébrale. Au niveau buccal, il faut toujours proposer un protocole de réhabilitation permettant d’accéder à une mimique intentionnelle rééducable ; les procédés passifs de suspension ne sont indiqués que chez les patients réticents.

413 Chez le patient âgé, en état précaire, l’anastomose hypo-glosso-faciale est un geste rapide, fiable, peu agressif. Sinon, chez les adultes jeunes et motivés, les transplantations musculaires semblent préférables. L’information est donnée au patient pour se déterminer entre une simple transposition des masticateurs ou un transplant réinnervé et revascularisé, de réalisation plus complexe, soumis aux aléas de la réinnervation. Enfin, la rééquilibration des parties molles avec ou sans suspension sera réalisée dans les autres cas.

Paralysies partielles et parésies résiduelles Une combinaison judicieuse d’affaiblissement, de résections et de remise en tension permet une amélioration significative dans de nombreux cas.

Paralysies de l’enfant Conflits facial/rocher La dysplasie du rocher s’accompagne d’une dystopie de l’aqueduc de Fallope avec issue faciale atypique du nerf en situation très antérieure. La parésie faciale prédomine dans le territoire inférieur, car le contingent nerveux inférieur est en situation antérieure dans le rocher, et donc, première victime du garrot osseux. Tel est le cas dans : • le syndrome de Gerard ; • la microsomie hémifaciale. Ortiz Monasterio a réalisé chez ces patients très jeunes une greffe nerveuse transfaciale ; attitude, à notre sens, très abusive ; tous ces cas relevant plutôt d’une décompression intrapétreuse avec neurolyse fasciculaire éventuelle ; • le syndrome de Moebius (Fig. 42). La transplantation musculaire est de mise, soit des temporaux selon le protocole de Labbé, soit sous forme de transfert partiel micro-anastomosé, réanimé par une greffe transfaciale courte ou par le nerf massétérin (Zuker). Cette dernière technique autorise une réhabilitation émotionnelle meilleure et assure une excellente, quoique paradoxale, symétrie. Harrison67 recommande d’étoffer les lèvres amincies par l’aplasie de l’orbiculaire ; • le syndrome de Cayler. La symétrisation labiale fait appel à l’affaiblissement du côté sain par la toxine botulique ou une neurectomie hypersélective très distale.

Paralysies invétérées Si le nerf facial est irréparable et les peauciers en état, le choix existe entre les anastomoses nerveuses et les transpositions musculaires.

Critères d’évaluation des résultats Les tables de cotation des muscles peauciers et la définition d’un score sont d’un intérêt plus théorique que réel, appliquées, en général, aux résultats des réparations intrapétreuses et sujettes à caution, en raison de leur caractère éminement subjectif. Plus intéressante est l’approche de Lalardrie (1967),99 de mensuration de la distance entre le point interincisif et l’angle commissural et de sa différence avec le côté sain, entre le repos et le mouvement : • 0-5 mm : bon ; • 5-10 mm : décevant ; • plus de 10 mm : médiocre. En réalité, le seul critère objectif est dynamique par le biais du film ou de l’image vidéo.

Conclusion Le chirurgien, confronté aux effets néfastes du couple pesanteur/paralysie dispose d’une gamme de procédés de réhabilitation pour rétablir le 1er palier de la mimique, celui du tonus au repos et accéder au 2e palier, celui de la mimique intentionnelle. Malheureusement, même avec le secours de la rééducation, un constat est à dresser, à savoir l’impuissance à retrouver une réelle mimique émotionnelle symétrique, même avec la réparation du nerf facial ou le recours à son homologue opposé. Ce constat ne doit pas déboucher sur un immobilisme chirurgical, améliorer est la règle, réanimer cette hémiface inerte est une satisfaction pour le

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Figure 42 Patient présentant un syndrome de Moebius. A, B, C. Anomalies faciales tronculaire et digitale. D, E , F. Aspects après réhabilitation après transfert temporal classique. À noter la dépression au niveau de la fosse temporale.

patient et son chirurgien, mais ce dernier doit se garder de la tentation de la prouesse chirurgicale. En effet, le retentissement psychologique est majeur, souvent mal évalué et se prolonge à très long terme, il faut accompagner le patient dans sa quête du mieux-être.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 417–428

http://france.elsevier.com/direct/EMCDEN/

Relations pathologiques œil-dent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste Eye-tooth pathological relationships: dentist and stomatologist viewpoint F. Jordana (Chirurgien-dentiste, assistante hospitalo-universitaire, attachée de recherche) a,b, Y. Fronty (Chirurgien-dentiste, adjoint au chef de service) c, P. Barbrel (Spécialiste des hôpitaux des Armées, chef de service) d,* a

Faculté d’odontologie, Université Bordeaux 2, 16, cours de la Marne, 33000 Bordeaux, France Laboratoire d’anatomie médicochirurgicale appliquée, Université Bordeaux 2, 246, rue Léo-Saignat, 33000 Bordeaux, France c Service d’odontologie, Hôpital d’Instruction des Armées Robert Picqué, 351, route de Toulouse, BP 28, 33998 Bordeaux Armées, France d Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Hôpital d’Instruction des Armées Robert Picqué, 351, route de Toulouse, BP 28, 33998 Bordeaux Armées, France b

MOTS CLÉS Œil ; Dent ; Infection focale ; Uvéite odontogène ; Cellulite orbitaire

Résumé Les relations pathologiques entre l’œil et la dent sont connues depuis longtemps, bien qu’elles soient extrêmement rares. Il existe de nombreuses manifestations oculaires d’origine dentaire (uvéite, cellulite, conjonctivite, trouble de l’accommodation, larmoiement...). Les séquelles ophtalmiques à long terme d’une pathologie dentaire peuvent être extrêmement graves : diminution permanente de l’acuité visuelle, diplopie ou même cécité... Les conséquences d’une infection orofaciale affectant l’orbite et le système nerveux central peuvent être l’hémiparalysie, voire la mort. Le stomatologiste, le chirurgien-dentiste et l’ophtalmologiste doivent associer leurs compétences pour l’établissement d’un diagnostic et la mise en place d’un traitement local et/ou général. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Eye; Tooth; Focal infection; Odontogenic uveitis; Orbital cellulitis

Abstract Pathological relations between the eye and the tooth are known for a long time, although they are extremely rare. There are many ocular demonstrations of dental origin (uveitis, cellulitis, conjunctivitis, accommodation disturbances, watering...). Long-term ophthalmic sequelae of a dental pathology can be extremely serious : permanent reduction of vision, diplopia or even blindness... Consequences of oro-facial infection affecting orbit and central nervous system can be hemiparalysy, even death. Stomatologists, dental surgeons and ophthalmologists should associate their competences for the diagnosis establishment, and the implementation of a local and/or general treatment. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Barbrel). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.06.003

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Introduction Devant une pathologie oculaire, le stomatologiste, l’odontologiste et l’ophtalmologiste doivent associer leurs compétences ; de leur étroite collaboration dépend le traitement (local et/ou général) dispensé au patient. La guérison, l’avenir fonctionnel de l’œil, la prévention des récidives dépendent de leur précocité et de l’efficacité du traitement. Le stomatologiste et le chirurgien-dentiste jouent un rôle important et doivent donc connaître les relations entre l’œil et la dent. Ils doivent établir un diagnostic étiologique et dispenser un traitement buccodentaire. Nous verrons tour à tour, après un rapide historique et un rappel sur les rapports embryologiques et anatomiques entre l’œil et la dent, l’étiopathogénie, les affections dentaires causales, les tableaux cliniques susceptibles d’être rencontrés. Nous finirons sur l’examen stomatologique et la conduite à tenir pour le stomatologiste et le chirurgien-dentiste.

Historique Les relations pathologiques sont connues depuis longtemps. Le Code d’Hamourabi (fondateur de l’empire babylonien), 2258 avant JC, décrit, dans ses tables, les relations entre les maladies de l’œil et celles des dents. Hippocrate, dans ses Aphorismes périopsos, définit la relation de cause à effet entre certaines suppurations intraorbitaires et un foyer infectieux dentaire. L’iconographie chrétienne représente volontiers, main dans la main, sainte Apolline (protectrice des dents) et sainte Lucie (protectrice des yeux). Pour Ambroise Paré, la canine maxillaire correspond à la « dent de l’œil » ou « œillère ». Il définit les rapports de contiguïté entre les dents et le globe oculaire. Des auteurs anglo-saxons dénoncent l’importance des foyers infectieux dentaires dans la genèse des infections focales. En 1910, Hunter accuse la septicité apicale dentaire d’être le point de départ de nombreuses infections, dans sa conférence publiée dans The Lancet. Ce médecin colonel anglais prône l’extraction dentaire systématique et accuse les « mausolées d’or (couronnes, bridges, onlays...) sur des tombeaux de microbes ».56 En 1912, Billings énonce sa théorie de l’infection focale qui repose sur l’essaimage à distance de toxi-

F. Jordana et al. nes bactériennes. Celle-ci serait la cause principale des troubles à distance. « La bouche est l’ennemie mortelle de l’œil ». Ces thèses eurent peu d’écho en France, mais en eurent beaucoup outreAtlantique.27 En 1914, les travaux français de Dor (Lyon) et de Polliot (Besançon) démontrent le rôle des lésions apicales, souvent cliniquement muettes, dans l’étiologie des uvéites. Les extractions dentaires se multiplient alors.27 Fromaget publie, en 1924, d’importants travaux sur les rapports entre lésions oculaires et lésions dentaires. Les manifestations oculaires d’origine dentaire ne sont alors plus niées (Worms et Bercher, Lepoivre, Dechaume, Reilly...). Ces auteurs prônent une position moins catégorique.27 En 1951, au congrès de l’Association dentaire américaine, les participants furent unanimes pour considérer comme minime le danger des infections focales. Actuellement, les cliniciens ont une position plus modérée. L’étiologie dentaire est possible, mais rare. Il n’existe que peu d’études récentes documentées sur ce sujet. La littérature existante se résume souvent à des cas cliniques.

Rapports Rapports embryologiques Il existe un lien ontogénique étroit entre l’œil et la dent. L’origine embryologique des dents est double : l’ectoderme du stomodeum est issu du premier arc branchial, l’ectomésenchyme des crêtes neurales encéphaliques. De même, le globe oculaire a une double origine embryologique : l’œil est constitué d’une vésicule optique, émanation du diencéphale, qui préside à l’élaboration de la rétine sensorielle et pigmentaire. Autour de celle-ci, vers le 40e jour, affluent les cellules des crêtes neurales encéphaliques qui vont se différencier en enveloppes et structures périoculaires (choroïde, sclérotique, endothélium de la cornée, cellules pigmentaires de l’iris...).11 L’œil et la dent ont donc une origine embryologique commune : ils dérivent de l’épiblaste. Les éléments ectodermiques de l’œil (cristallin et rétine) et le développement du maxillaire et de la mandibule évoluent dans la même période (entre la cinquième et la septième semaine). Mais, plus encore, c’est la mise en place des structures de soutien qu’il faut considérer.56 Le développement volumétrique et la fusion médiane

Relations pathologiques œil-dent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste des bourgeons faciaux de la cinquième et la sixième semaines expliquent la contiguïté entre la cavité orbitaire et la cavité buccale, malgré leur éloignement topographique. C’est à ce stade de développement de la face que des défauts mineurs de fusion entre bourgeon nasal interne et bourgeon maxillaire expliquent l’agénésie, voire l’ectopie de certains germes dentaires, par dysmigration des odontoblastes. Leur évolution pourra être à l’origine d’accidents infectieux ophtalmologiques. La complexité du développement de la face de l’embryon explique l’éventualité des malformations craniofaciales. Anomalies dentaires et oculaires coexistent fréquemment dans de nombreux syndromes craniofaciaux, comme le syndrome de Crouzon, la maladie de Marfan, le syndrome de Pierre Robin...17

Rapports anatomiques Du fait des rapports anatomiques de voisinage entre l’œil et la dent, une lésion dentaire peut, par simple contiguïté et par diffusion, provoquer une atteinte de l’œil. Rapports osseux Le maxillaire supporte les dents supérieures dans sa partie inférieure, entre dans la constitution de la cavité orbitaire par sa partie supérieure, et comprend une cavité centrale : le sinus maxillaire (Fig. 1). Certains auteurs comme Worms et Bercher pensent que la propagation d’une infection dentaire à l’œil doit se faire par le relais sinusien (la « sinusite latente »).14

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La face supérieure du maxillaire est une fine lame osseuse, rendue encore plus fragile par la présence du canal infraorbitaire. La mince séparation entre sinus maxillaire et cavité orbitaire explique la propagation des infections ou des tumeurs. Parmi les rameaux vasculonerveux inclus dans la paroi antérieure du sinus maxillaire, un émanant de l’alvéole de la canine vient s’ouvrir en avant du canal lacrymal au niveau de l’angle inféromédial de l’orbite. C’est par cette voie intraosseuse que peuvent se propager, jusqu’au grand angle de l’œil, des suppurations ayant une origine alvéolaire. Ces canaux (dits « de Parinaud ») favorisent la diffusion de l’infection vers l’œil. Le même périoste recouvre les canalicules dentaires, le canal lacrymonasal et l’orbite.63 Le volume des sinus étant variable, les rapports dents – sinus le sont également. Dents et sinus maxillaire sont séparés par 2 à 4 mm d’os spongieux. Parfois, certains apex font saillie dans le sinus (sinus procident) ; les dents antrales correspondent aux prémolaires et premières molaires maxillaires, rarement des deuxièmes et troisièmes molaires et des canines. De plus, la barrière osseuse n’est pas perméable. Elle est traversée par de nombreux pertuis où passent de fines ramifications des nerfs, artérioles et veinules dentaires. Chez l’enfant, les germes des dents définitives se superposent à ceux des dents déciduales et se trouvent situés très près de l’orbite ; comme chez l’adulte dans les cas d’ectopie ou d’inclusion dentaire. Cette disposition explique la propagation fréquente des suppurations d’origine dentaire au rebord inférieur de l’orbite chez l’enfant.39 Rapports vasculaires Artères Il existe de nombreuses anastomoses (Fig. 2) : • entre l’artère maxillaire et l’artère ophtalmique (branche de l’artère carotide interne) ; • entre l’artère faciale et l’artère ophtalmique par l’artère angulaire de l’œil. Le système carotidien externe (destiné à la face, aux téguments de la tête et à la partie supérieure de l’axe aérodigestif) participe à la vascularisation orbitaire.

Figure 1 Rapports osseux œil-dent. 1. Cavité orbitaire ; 2. sinus maxillaire.

Veines Il existe des anastomoses (Fig. 3) : • entre la veine ophtalmique supérieure et le tronc thyro-linguo-facial par la veine angulaire. La veine ophtalmique supérieure se jette dans le sinus caverneux, ce qui explique la possibilité des thrombophlébites craniofaciales ;

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F. Jordana et al. • entre les veines ophtalmiques supérieure et inférieure. De plus, les veines faciale et angulaire sont dépourvues de valvules ; le sens du courant sanguin peut s’inverser. Vaisseaux lymphatiques Les nœuds lymphatiques submandibulaires, au nombre de trois à six de chaque côté, reçoivent les lymphatiques des paupières et de la conjonctive, de la joue, des lèvres, des gencives et du plancher buccal. Pour Larmande et al.32, l’absence de système lymphatique orbitaire semble exclure toute propagation de l’inflammation par voie lymphatique. Pour cet auteur, il est exceptionnel qu’une infection dentaire entraîne une cellulite orbitaire par l’intermédiaire d’une septicémie.

Figure 2 Rapports vasculaires artériels œil-dent. 1. Artère maxillaire ; 2. artère carotide externe ; 3. artère ophtalmique ; 4. artère angulaire ; 5. artère faciale ; 6. artère maxillaire.

Figure 3 Rapports vasculaires veineux œil-dent. 1. Veine jugulaire interne ; 2. veine jugulaire externe ; 3. sinus caverneux ; 4. veine ophtalmique supérieure ; 5. veine ophtalmique inférieure ; 6. veine angulaire ; 7. veines ptérygo-ophtalmiques ; 8. veines ptérygocaverneuses ; 9. plexus ptérygoïdien ; 10. veine faciale.

• entre la veine ophtalmique inférieure et le plexus ptérygoïdien (qui draine les plexus orbitaire, sinusaux et péridentaires et qui possède des anastomoses avec le sinus caverneux) par la veine infraorbitaire ;

Rapports nerveux L’innervation sensitive de l’œil et des dents est assurée par la Ve paire des nerfs crâniens, le nerf trijumeau, par sa racine sensitive (racine supérieure, la plus volumineuse). L’innervation de l’œil et des arcades dentaires est donc sous la dépendance des branches du trijumeau, le nerf le plus réflexogène de l’organisme.36 Le trijumeau est en connexion étroite avec la plupart des nerfs crâniens (nerf facial, nerf oculomoteur, nerf trochléaire), des nerfs cervicaux, des systèmes sympathique et parasympathique. Ainsi, toute irritation de la pulpe, qui est très riche en fibres neurovégétatives, entraîne une atteinte trigéminale et sympathique. Cela peut occasionner ensuite un accident oculaire réflexe. Rapports cellulaires Les espaces celluleux font largement communiquer la région jugale et le plan musculaire des paupières. Au niveau de l’apex de la canine et des premières prémolaires, prend naissance une coulée cellulaire verticale, qui s’étale dans la région génienne haute, s’allonge dans le sillon nasogénien pour aboutir à l’angle médial de l’œil. Seul le rebord orbitaire sépare les tissus celluleux orbitaire et nasogénien. Une ostéite diffuse du maxillaire peut ainsi intéresser l’orbite. Le tissu nasogénien se poursuit dans le tissu celluleux lâche de la paupière inférieure. Cela explique la diffusion rapide de certaines cellulites aiguës géniennes vers l’angle médial de l’œil et la présence alors d’un œdème palpébral. Le tissu celluleux de la région infratemporale peut être infecté directement par une dent de sagesse supérieure et propager l’infection au tissu celluleux de l’orbite, par voie postérieure.

Relations pathologiques œil-dent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste Ceci est exceptionnel, sauf en cas de participation veineuse.39 Le globe oculaire évolue dans une atmosphère celluleuse à l’intérieur d’une cavité osseuse bien plus grande que lui. Cela lui permet une grande mobilité, mais aussi la diffusion des processus septiques au sein du cône orbitaire et vers l’étage moyen de la base du crâne.56

Étiopathogénie Les interactions sont le plus souvent hypothétiques ou établies par la disparition de l’affection oculaire après traitement de la pathologie dentaire, a posteriori. Elles expriment une réalité clinique quotidienne et justifient un examen buccodentaire systématique pour une pathologie oculaire dont l’étiologie n’est pas connue.

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Manifestations immunitaires Des réactions allergiques de type humoral I, II, III ou de type retardé IV semblent être la cause dans les uvéites, les vascularites rétiniennes et les neuropathies optiques observées lors de pathologies dentaires. Les antigènes bactériens et la nature antigénique de biomatériaux dentaires en seraient à l’origine, le typage immunogénétique human leukocyte antigen (HLA) B27 les favoriserait.17 Pour Hamard et al.23, c’est la théorie la plus souvent admise actuellement. Seul, alors, le foyer infectieux dentaire compte et son siège importe peu. Il est probable qu’une cause infectieuse puisse entraîner des phénomènes immunitaires secondaires, analogues à ceux rencontrés au cours des uvéites non infectieuses et responsables de la pérennisation de l’inflammation intraoculaire. Il paraît donc impossible de dissocier les causes infectieuses des mécanismes purement immunitaires.35

Manifestations réflexes Elles seraient dues à la richesse des connexions anastomotiques nerveuses (nerf trijumeau et système sympathique). Pour Lepoivre et Raison36, chaque fois qu’une pulpe dentaire est irritée, il y a atteinte trigéminale et sympathique. Elles sont très souvent évoquées pour expliquer certaines manifestations fonctionnelles chroniques : douleur, troubles de l’accommodation, photophobie, blépharospasme.17

Manifestations oculaires infectieuses de voisinage Il s’agit de la propagation, le plus souvent aux annexes, d’un foyer infectieux, par extension de proche en proche (périoste, sinus, fosse infratemporale et fente fissure orbitaire inférieure) ou par voie veineuse rétrograde. Dans le rapport de la Société française d’ophtalmologie de 1986, concernant les neuropathies optiques, Hamard et al.23, se basant sur l’article de François et Van Oye sur les uvéites et les névrites optiques20, considèrent que l’infection par contiguïté (par voie osseuse, périostée, par le sinus maxillaire) est exceptionnelle ; pour l’infection focale (propagation par voie sanguine jusqu’à l’œil), cet auteur rappelle qu’aucun germe n’a été mis en évidence au niveau de l’œil. Dans son rapport de 1997, la Société française d’ophtalmologie17 considère la propagation par contiguïté comme la cause principale des atteintes oculaires d’origine dentaire.

Affections dentaires responsables de complications ophtalmiques L’étiologie dentaire peut apparaître plus ou moins évidente selon les signes retrouvés lors de l’examen clinique et radiologique.6,64

Causes dentaires Les causes dentaires sont répertoriées dans le Tableau 1.

Causes péridentaires et diverses Elles sont plus rarement retenues (Tableau 2).

Tableaux cliniques L’orbite est la cible favorite des manifestations ophtalmologiques de la pathologie dentaire. Elle doit ce privilège à sa proximité anatomique, à la richesse de ses connexions vasculonerveuses et à son hétérogénéité tissulaire.17

Atteintes infectieuses Au niveau des paupières Œdèmes et abcès palpébraux inférieurs. Par contiguïté d’une dent infectée. Au niveau du rebord orbitaire Ostéopériostite aiguë.

422 Tableau 1

F. Jordana et al. Causes dentaires7,10,13,18,21,22,31,32,38,42,45,46,48,52,53,57,58,60,61.

Causes Mortification pulpaire

Caries Traumatisme Accidents d’évolution Causes iatrogènes

Traitements endodontiques

Tableau 2

Exemples Nécrose7 Kyste10,53 Granulome13,58 Abcès dentaire21,45,46,60 Ostéite Profondes7,18 Avec vitalité pulpaire menacée22,32 Enfant (passage de la denture lactéale à la denture définitive) Adolescent et adulte jeune (dents incluses, ectopies, péricoronarites, odontomes)7,42,52,57 Tous nos gestes : - extraction31,38,48,61 - soins conservateurs - soins prothétiques Obturation insuffisante, incomplète ou dépassement10

Causes péridentaires et diverses7,43,56.

Causes Lésions parodontales Lésions muqueuses Solution de continuité osseuse

Lésions tumorales Traumatismes

Exemples Parodontite43, desmodontite7 De type infectieux, inflammatoire, tumoral Au niveau des parois de la cavité buccale, de la langue, des amygdales Consécutive à un traumatisme facial, se traduisant par un trouble de l’articulé dentaire, un hématome intéressant la cavité buccale ou orbitaire, un trouble de l’oculomotricité, une dysesthésie infraorbitaire56 Bénigne (kyste d’origine dentaire) Maligne (muqueuse ou alvéolodentaire) Prothèses fixées ou amovibles

Au niveau des voies lacrymales : dacryocystite – péricystite41 Elles font suite à une ostéopériostite du maxillaire. Elles sont caractérisées par une tuméfaction rouge, chaude, douloureuse, intéressant l’angle médial des paupières jusqu’à l’aile du nez. La pression de la région fait sourdre du pus au niveau de l’angle médial palpébral.51 Au niveau de l’orbite Cellulite orbitaire Elle est la traduction habituelle de l’orbitopathie inflammatoire d’origine dentaire. La propagation du processus infectieux dentaire emprunte des voies différentes selon les dents causales : • pour les molaires, et notamment les dents de sagesse : la fosse infra-temporale, la fente fissure orbitaire inférieure22,32, la fosse ptérygopalatine (avec parfois trismus)18 ; • pour les prémolaires et les molaires : le sinus maxillaire22,32 ; 70 à 80 % des cellulites orbitaires sont d’origine sinusienne, 10 à 20 % des sinusites maxillaires sont d’origine dentaire ; • pour les incisives et les canines : voie périostée et/ou cellulaire32 et veineuse.22

La carie profonde ou la pulpite, accompagnée parfois d’une périodontite ou d’une péricoronarite, en est le plus souvent l’origine.28 La fracture ou l’extraction d’une dent peut aussi en être responsable. Kaban et Mac Gill29 distinguent, selon le franchissement du septum orbitaire par le processus inflammatoire, les cellulites périorbitaires (ne concernant que les paupières) et les cellulites orbitaires, rares et graves avec œdème palpébral, chémosis, exophtalmie, ophtalmoplégie et anesthésie cornéenne. Il existe cinq stades évolutifs de la cellulite orbitaire (sans traitement) selon la classification de Smith et Spencer, modifiée par Chandler et al.9 : • I : œdème inflammatoire des paupières : cellulite préseptale ; • II : exophtalmie inflammatoire : cellulite intraorbitaire ; • III : abcès orbitaire sous-périosté25 (retrouvé souvent chez l’enfant)32 : exophtalmie douloureuse et inflammatoire non axile (l’œil dérive du côté opposé à l’abcès) ; • IV : abcès intraorbitaire : ophtalmoplégie, diminution de l’acuité visuelle et atteinte des réflexes pupillaires, anomalies du fond d’œil ;

Relations pathologiques œil-dent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste • V : thrombophlébite du sinus caverneux. : forme très grave avec une forte mortalité, avec protrusion du globe oculaire, vasodilatation conjonctivale et épisclérale, ophtalmoplégie, œdème papillaire, signes généraux et méningés de type septicémique. Elle peut se compliquer d’une atrophie optique, voire d’une méningite et d’un abcès cérébral. Cette classification est également thérapeutique : les stades I et II justifient un traitement médical, les stades III et IV un traitement chirurgical.22,32 La pathologie dentaire s’exprime au niveau orbitaire surtout par les stades I et II, mais elle peut aussi être à l’origine, dans 7 % des cas, d’une thrombophlébite du sinus caverneux, pouvant se compliquer d’une méningite ou d’un abcès cérébral.17 La flore microbienne peut être aérobie (Enterococcus faecalis) ou anaérobie (Fusobacterium, Peptostreptococcus, Veillonella, Bacteroides).17 Chez les jeunes sujets, il peut s’agir d’Haemophilus influenzae.60 Il existe trois facteurs déterminants dans leur survenue : prescription de corticostéroïdes et surtout d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, une antibiothérapie mal adaptée, un traitement chirurgical initial insuffisant ou absent. Les facteurs favorisants sont l’âge, les déficits immunitaires, les néoplasies, le diabète, voire l’éthylisme.33 Autres formes cliniques plus rares Ont été décrits un abcès intraconal, secondaire à l’infection de prémolaires et de molaires56 et une gangrène gazeuse de l’orbite13, suite à un granulome périapical infecté d’une dent de sagesse maxillaire. Falcone, cité par Newman46, relate un syndrome de la fissure orbitaire supérieure (œdème périorbitaire, ecchymose subconjonctivale, ptôse, ophtalmoplégie, dilatation pupillaire), complication d’un kyste infecté. Atteintes oculaires par essaimage infectieux Elles sont très rares. Nous avons repris la classification de Rives et al.56 : • les kératites à Capnocytophaga50 chez des patients immunodéprimés (corticostéroïdes24,49, syndrome de l’immunodéficience acquise)62, ou à Candida albicans47 ; • les panophtalmies infectieuses, endophtalmies44 ; • les métastases septiques de l’iris : suite à un abcès d’une molaire maxillaire, diagnostiqué par angiographie du fond d’œil.21

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Atteintes inflammatoires Uvéites L’uvéite est la manifestation oculaire la plus fréquente de la pathologie dentaire, avec une étiologie dentaire retrouvée dans 1 % des cas.14 L’uvée est constituée de l’iris, du corps ciliaire et de la choroïde. C’est une véritable éponge vasculaire dans laquelle l’infection se localise et se développe avec une grande facilité.64 L’uvéite correspond à une inflammation endoculaire.59 L’uvéite est souvent séreuse et non granulomateuse.17 Il peut exceptionnellement s’agir d’une endophtalmie après extractions dentaires multiples31 ou au cours d’une périodontite provoquée par Peptostreptococcus intermedius ou Aspergillus flavus. 43 L’uvéite antérieure ou iridocyclite aiguë (42 % des uvéites)16 est une inflammation de l’iris (iritis) et du corps ciliaire. Elle est non séreuse, non granulomateuse et non synéchiante.56 Elle s’accompagne d’une baisse d’acuité plus ou moins importante, de photophobie et de douleurs oculaires.12 C’est l’uvéite où la recherche d’un foyer infectieux buccodentaire est la plus utile, celui-ci est retrouvé dans 20 % des formes non rhumatismales et son traitement permet d’éviter que l’uvéite ne devienne chronique.16 Les uvéites intermédiaires (28 % des uvéites)16 correspondent à l’inflammation de la partie moyenne de l’œil. Son origine est inconnue, la présence d’aucun organisme n’a pu être démontrée.16 Les uvéites postérieures (29 % des uvéites)64 sont des troubles inflammatoires de la choroïde.64 Elles correspondent à un ensemble hétérogène d’affections choriorétiniennes.59 Les uvéites totales (11 % des uvéites)64 correspondent au syndrome de panuvéite64 (association d’une uvéite antérieure et d’une uvéite postérieure). Conjonctivites Œil douloureux, conjonctive rouge plus ou moins œdématiée pouvant aller jusqu’au chémosis (œdème de la conjonctive) les caractérisent. Photophobie, larmoiement et prurit en sont les signes fonctionnels.64 Vascularites Sous forme de périphlébites le plus souvent, elles peuvent produire des réactions vitréennes secondaires avec opacification, rétraction et proliférations vasculaires responsables d’hémorragies récidivantes qui caractérisent le syndrome de Eales.56 Bloch-Michel2 classe les vascularites parmi les panuvéites.

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F. Jordana et al.

Neuropathies optiques (névrites optiques) Elles sont révélées par une baisse de l’acuité visuelle avec altération plus ou moins importante du champ visuel. Il s’agit de l’inflammation de la tête du nerf optique (papille œdémateuse au fond d’œil) ou de la portion rétrobulbaire du nerf optique (aspect normal de la papille).7 L’atteinte du nerf optique est alors uni- ou ipsilatérale.7 Les neuropathies optiques se rencontrent sous forme de papillite55,57 ou de névrite optique rétrobulbaire, parfois controlatérale. Les lésions supposées responsables sont les granulomes apicaux, l’ostéite périradiculaire, et plus rarement la carie profonde et la pulpite chronique.23 Mais elles relèvent vraisemblablement d’un mécanisme immunologique, car les foyers infectieux dentaires ou parodontaux sont de fortes sources antigéniques.17 L’évolution avec traitement des affections dentaires et ophtalmologiques conduit à une récupération totale ou à une atrophie totale ou partielle du nerf optique.56 Épisclérites C’est une inflammation de l’épisclère (fin tissu conjonctif dense et vascularisé54, recouvrant la sclère, l’enveloppe protectrice de l’œil).8 Elle se présente comme une rougeur limitée, douloureuse lors des mouvements oculaires ou à la pression.12 Il y a sensation de gêne et larmoiement ; l’association de douleur, de photophobie est possible, mais beaucoup plus rare.8 Plus rarement, on a décrit des kératites nummulaires, des kératoconjonctivites, des conjonctivites récidivantes, des hémorragies sous-conjonctivales qui ont régressé après extraction dentaire.56 Une hémorragie intraoculaire a été rapportée après la pose de plusieurs implants dentaires réalisée sous anesthésie locale.30

Manifestations réflexes Troubles sensitifs Ils relèvent de l’irritation du nerf trijumeau (V), un des nerfs les plus réflexogènes de l’organisme36, l’action à distance s’expliquant par les rapports étroits entre les trois branches du V et leurs anasTableau 3

tomoses avec le nerf facial et le sympathique en particulier.3 • Névralgie trigéminée réflexe : le sujet projette sa douleur dans un territoire cutané avec erreurs de projection possibles. Elle peut être infraorbitaire, rétro-orbitaire ou intéresser le segment antérieur du globe oculaire. Des migraines ophtalmiques ont été décrites.20 • Algies oculo-orbitaires : elles sont fréquemment d’origine dentaire, mais elles sont observées dans 25 % des carcinomes du sinus maxillaire.17 • Photophobie : elle accompagne le plus souvent d’autres troubles réflexes et signe l’atteinte du trijumeau. • Anesthésie sélective de branches périphériques du nerf trijumeau.1 Troubles moteurs Ils sont répertoriés dans le Tableau 3. Il existe également des troubles : • sécrétoires : larmoiement unilatéral1, sécheresse oculaire ou hypocrinie17 ; Pour Flament et Storck17, la sécheresse oculaire est fréquemment considérée comme symptomatique d’une carie dentaire. Mais ces deux entités sont très fréquentes. Pour Roth et al.57, cela n’a jamais été signalé comme conséquence d’une affection dentaire ; • sensoriels : cécité transitoire ; • vasomoteurs : angiospasme, glaucome aigu.3

Atteintes tumorales Il s’agit de tumeurs à point de départ dentaire, développées dans le maxillaire ou par envahissement du sinus maxillaire. La confirmation et l’étude des rapports de la lésion avec le globe oculaire se fait grâce à une radiographie panoramique, une radiographie en incidence de Blondeau et au scanner. Ce dernier permet l’orientation thérapeutique et pronostique lors de tumeur maligne. L’imagerie par résonance magnétique permet de différencier les lésions inflammatoires des lésions tumorales.56 Nous citons comme exemple une tumeur conjonctivale à point de départ dentaire.58

Manifestations réflexes, troubles moteurs3,57.

Localisation Paupières Musculature oculaire extrinsèque Musculature oculaire intrinsèque

Troubles Blépharospasme, plus rarement lagophtalmie ou ptosis Paralysies oculomotrices et phénomènes spasmiques, aboutissant à un strabisme ou une diplopie57 - troubles pupillaires : mydriase unilatérale, myosis3 - troubles de l’accommodation

Relations pathologiques œil-dent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste

Troubles iatrogènes ou liés à des traitements dentaires

Examen de la cavité buccale

Il n’est pas rare de constater, au cours de la reprise des soins dentaires, un réveil infectieux local qui peut déclencher la reprise des foyers secondaires.34 Ainsi, une extraction dentaire, un traitement endodontique ou parodontal peuvent entraîner une aggravation de l’état du patient, voire en être la cause.21 Nous citerons comme exemple un phlegmon orbitaire dû à un traumatisme par une prothèse dentaire19, une endophtalmie par plaie causée par un système de traction orthodontique extraorale26, quatre cas de cellulite orbitaire qui ont suivi des extractions, avec un délai de 2 heures à 13 jours5, ou encore une thrombophlébite facioophtalmique après mise en place d’un pansement nécrotique occlusif.15 L’emphysème orbitaire peut être provoqué par une extraction dentaire utilisant un instrument rotatif refroidi par air.4 Il peut se compliquer d’une oblitération de l’artère centrale de la rétine et d’une neuropathie optique ischémique.48 Il est beaucoup plus grave quand il est observé dans le contexte d’une gangrène gazeuse.17 Tableau 4

Examen clinique Nous n’insistons pas sur les étapes classiques d’un examen stomatologique, en particulier sur l’examen exobuccal (à la recherche d’une tuméfaction, rougeur) ou l’examen fonctionnel (trismus, dysphagie...)40 (Tableau 4).

Examens complémentaires Examens radiologiques (Tableau 5) La radiographie panoramique est réalisée même chez un édenté et permet la recherche de racines résiduelles, de dents incluses ou ectopiques. Examens spécialisés Ils sont généralement demandés par l’ophtalmologiste. Une sinuscopie pour une lésion sur une dent antrale peut être réalisée ; elle est diagnostique (kyste radiculodentaire...) et peut être également thérapeutique (dépassement...).

Examen clinique.

Examens Anamnèse

Inspection

Palpation - percussion

Tableau 5

425

Observations Antécédents médicaux, dentaires, familiaux Traitements conservateurs, prothétiques Antécédents d’accidents d’évolution Hygiène buccodentaire Caries, dents absentes, occlusion, fractures Lésions et tuméfactions muqueuses, communication buccosinusienne, gingivites et parodontites, ulcération, fistule, parulies chez l’enfant Signes de mortification : coloration Adaptation des prothèses fixées et amovibles Présence d’obturation Mobilité des dents, douleurs Vitalité dentaire : tests thermiques et électriques (pulp tester) Bilan parodontal (sonde), suintement gingival

Examen radiologique18,19,21,25,29,48,56.

Examens Panoramique Rétroalvéolaires (argentique ou numérique), mordu occlusal : pour les dents suspectes Incidences de Blondeau (ou Waters) et Hirtz Tomodensitométrie Imagerie par résonance magnétique

Angiographie21

Localisation, but, indications Systématique : cliché de dépistage Qualité des traitements endodontiques Dents mortifiées, parodontiques ou en présence d’un kyste Foyer dentosinusien (dépassement, kyste...) Signes orbitaires importants ou lésion tumorale25,48 Précise les lésions des parties molles et de l’os18,19,29 Processus tumoraux avec traduction neuro-ophtalmologique Étude du cône cérébral et/ou atteinte cérébrale (étages antérieur et moyen de la base du crâne)56 Dans les thrombophlébites56

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F. Jordana et al.

Figure 4 Arbre décisionnel.

Examens biologiques • Sur le plan général : numération-formule sanguine, vitesse de sédimentation, électrophorèse des protéines sont demandées systématiquement. Le dosage antigénique (HLA B27) n’est pas demandé systématiquement. • Sur le plan local : les prélèvements spécifiques isolent le germe au niveau buccodentaire ; il doit être comparable à celui retrouvé au niveau ophtalmologique. Les prélèvements (prélèvements apicaux et alvéolaires, radiculaires, dents dépulpées et obturées par immersion de l’apex, dents extraites) sont effectués selon la technique de Lepoivre et al.37

Tout geste, radical ou conservateur, est réalisé sous antibioprophylaxie, de façon à ne pas aggraver l’affection ophtalmologique.

Références 1.

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3.

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Conduite à tenir Elle n’est pas unique et dépend de la lésion dentaire et de l’importance de la pathologie ophtalmologique. Il faut rappeler que seul le foyer infectieux dentaire compte et son siège importe peu. Il faut distinguer les foyers buccodentaires : • patents : ce sont des lésions évidentes, avec possibilité de signes cliniques et radiologiques (dent délabrée, kyste infecté, accidents d’évolution...) ; • latents : le foyer d’infection dentaire n’est pas évident. Ce sont les dents incluses, kystes non infectés, parodontite, corps étrangers intrasinusiens... La gravité de l’affection ophtalmologique est prise en compte pour les foyers infectieux latents, mais pas pour les foyers infectieux patents (Fig. 4).

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 429–452

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Transplantations et réimplantations dentaires Tooth transplantations and reimplantations J. Recoing Centre Gilbert Schneck, 73, avenue du Maréchal Joffre, 92340 Bourg-la-Reine, France

MOTS CLÉS Autotransplantations ; Réimplantations ; Greffes ; Rhizagenèse ; Desmodonte

KEYWORDS Autotransplantations; Reimplantations; Grafts; Rhizogenesis; Periodontial ligament

Résumé Utilisées chez l’homme depuis des siècles, les transplantations dentaires n’ont épuisé ni leurs indications, ni les améliorations susceptibles d’optimiser leur pronostic, ainsi qu’en témoignent les nombreux travaux scientifiques qui leur ont été consacrés au cours des dernières décennies. Elles ont pour but la mise en place chirurgicale, sur une arcade dentaire, de dents incluses ou ectopiques, le remplacement de dents perdues ou la compensation d’agénésies. En raison du principe de précaution, les autotransplantations sont seules envisageables. Les réimplantations de dents luxées accidentellement et les déplacements chirurgicaux de dents en malposition sont envisagés à la suite des autotransplantations. Les problèmes posés et leurs solutions sont proches. L’ensemble de ces techniques forme un tout qui trouve naturellement place dans les plans de traitement des omnipraticiens et des orthodontistes. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Teeth transplantations have been used since centuries. This surgical method has been used in many new situations and has constantly been making breakthrough discoveries. A great number of scientific studies have been published within the last few decades on this subject. Transplantations are used to put back impacted or ectopic teeth in their normal situation. They can also be used as substitute to lost teeth or to compensate for agenesis. As a precaution, only autotransplantations are performed. The re implantation of accidentally lost teeth and the surgical setting of malpositioned teeth are developed with autotransplantations. Difficulties and solutions are similar to those encountered in transplantation procedures. All of these surgical methods are included in oral surgeons’ and orthodontists’ daily practice. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction De la réimplantation, immédiate ou différée, d’une dent luxée accidentellement à la transplantation raisonnée d’un organe dentaire, destinée à suppléer une agénésie ou à remplacer une dent délabrée ou perdue, toute une gamme de manipulations a été tentée depuis des temps fort anciens. Ces techniques qui vont du simple replacement d’une Adresse e-mail : [email protected] (J. Recoing). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.06.002

dent ébranlée ou mal située à la greffe d’une dent encore entourée de son os alvéolaire ont fait l’objet au cours de l’histoire de périodes d’enthousiasme suivies de phases de pessimisme. Sous l’impulsion de l’école scandinave, mais aussi des auteurs allemands, américains, anglais ou français, de très nombreux travaux scientifiques nous permettent actuellement de mieux comprendre les critères de réussite et les causes d’échec de ces manipulations. Ils éclairent les praticiens dans le choix de leurs indications. Ils les aident à améliorer

430 leur technique et à rendre fiables les résultats qu’ils en escomptent, le but de la transplantation étant, pour Gineste, « d’amener en position fonctionnelle une dent incluse, impossible à dégager par les procédés orthopédiques ou chirurgicoorthodontiques ».21,39 Nous résumerons ici des données récentes qui, pour l’essentiel, concernent la croissance des germes dentaires, leur phase d’éruption, l’histologie et la physiologie de la pulpe dentaire et du desmodonte. La compréhension du comportement des divers tissus intéressés dans les processus de transplantation et de réimplantation, avant et après l’acte chirurgical, permet de mieux lutter contre l’inflammation, voire l’infection liée à la mortification d’un transplant, et surtout contre la résorption radiculaire et l’ankylose, bêtes noires de ces techniques. Les indications ont elles aussi connu des changements. Les progrès de l’orthodontie ont rendu certaines d’entre elles obsolètes tandis que d’autres voyaient leur utilité confirmée. De même, le développement de l’implantologie nous fait parfois hésiter à choisir entre implant non biologique et transplant. Avant un bref rappel historique qui éclaire à travers les siècles la démarche qui conduit à réimplanter ou à transplanter des dents, il convient de préciser le sens des termes utilisés.

Terminologie Greffe : transfert d’un fragment de tissu ou d’organe d’un point à un autre d’un même individu ou d’un individu à un autre.30 Transplantation : transfert d’un organe entier d’un donneur, impliquant le rétablissement de la continuité vasculaire afférente et efférente de cet organe avec l’appareil circulatoire du receveur.30 Les transplantations dont nous parlons ici, transplantations dentaires, correspondent mieux en fait à la définition que donnent Vincent et Merle-Béral de ce qu’ils nomment « greffe dentaire » : « opération qui consiste à placer dans une cavité alvéolaire naturelle ou préparée artificiellement une dent récemment extraite, une dent conservée ou un germe dentaire ». Lorsque le même sujet est à la fois le donneur et le receveur, on parle d’autogreffe ou d’autotransplantation (ou autologue ou autogène).38 Si le donneur et le receveur sont des sujets différents mais appartiennent à la même espèce, il s’agit d’homogreffe ou d’homotransplantation (ou homologue ou allogénique). Enfin, si le donneur et le receveur appartiennent à des espèces animales différentes, nous employons la dénomination d’hétérogreffe ou d’hétérotransplantation (ou hétérologue ou xénogénique).15,23

J. Recoing Nous retiendrons ici les autotransplantations, de loin les plus pratiquées. Nous évoquerons également les techniques de repositionnement chirurgical de dents mal situées qui, sans être des transplantations au sens défini plus haut, posent des problèmes et rencontrent des difficultés analogues. Nous réservons le terme d’implantation à l’insertion intraosseuse de matériaux hétérogènes, soit pour l’essentiel, actuellement, les implants en titane. Leur grande diffusion et l’amélioration des prothèses qu’ils supportent mettent aujourd’hui leurs indications en compétition avec celles des transplantations.

Un peu d’histoire « C’est un vieux rêve humain que de transplanter les dents, et si les échecs ont été nombreux, il faut admirer la persévérance des thérapeutes et quelquefois leur imagination » (Durivaux).29 La remise en place de dents ébranlées ou luxées, les réimplantations, les transplantations, ont tenté les praticiens de l’art dentaire depuis des temps fort reculés. Un bref survol de ce chapitre de l’histoire de la médecine éclaire les espoirs, les difficultés, les trouvailles, les solutions apportées par ces techniques. Pour Renier, c’est au troisième millénaire av. J.-C. que remontent les premiers écrits concernant les réimplantations.78 Il est mentionné dans un compendium médical trouvé en Chine : « Lorsque les dents sont ébranlées ou sorties de leurs alvéoles, on les remet en place et on les maintient à l’aide de baguettes de bambou reliées entre elles par des fils d’or ». Réimplantation et contention sont déjà mentionnées, et ce en 3216 et 2636 av. J.-C. sous les règnes des empereurs Chin-Noug et Hou-Angty. En Égypte, des fils d’or maintenaient des dents branlantes et supportaient des dents artificielles ou, peut-être, des dents réimplantées. Ces méthodes sont utilisées dans l’Antiquité chez les Étrusques, les Grecs et les Romains. En 460 av. J.-C., Hippocrate aurait conseillé de mettre en place les dents dérangées lors de fractures du maxillaire inférieur et de les maintenir à l’aide de fils d’or. La grande civilisation arabe en fut peut-être l’héritière et en l’an mille, Abulcassis emploie lui aussi des fils d’or ou d’argent lorsqu’il faut fixer des dents ou les transplanter.13,18 À l’époque de la Renaissance, le célèbre anatomiste André Vésale (1514-1564), dégagea lui-même une de ses canines maxillaires. En 1554, Ambroise Paré rapporte un cas d’homotransplantation : « Un

Transplantations et réimplantations dentaires homme digne d’être creu m’a affirmé qu’une princesse ayant fait arracher une dent, s’en fit remettre subit une autre d’une sienne damoiselle, laquelle se reprint, quelques temps après, maschait dessus comme sur celle qu’elle avait fait arracher auparavant ».43 En 1595, dans Le miroir de la beauté et santé corporelle , Guyon affirme que « si l’on arrache une dent pour une autre, il faut la remettre soudain dans son alvéole et qu’on l’attache avec filet à la voisine et se reprendra ainsi que je l’ai vu souvent ». En 1633, Dupont, opérateur du roi Louis XIII traite des odontalgies par la réimplantation immédiate après extraction de la dent douloureuse. Il décrit des cas de traitement d’édentation partielle par hétéro- ou homotransplantation de dents prélevées sur des cadavres ou sur des vivants. Au XVIIIe siècle, l’incontournable Pierre Fauchard32 publie à plusieurs reprises sur ce sujet. En 1720, il décrit le cas d’un capitaine dont la canine, extraite pour cause de carie, fut remplacée par celle d’un soldat de sa compagnie. En 1728, il recommande dans son traité, Le Chirurgien Dentiste, la réimplantation ou la transplantation d’une bouche à une autre, mais surtout chez les personnes jeunes. Il décrit également le « redressement forcé » d’une dent en malposition sur l’arcade, dont la suite logique sera, à notre époque, la corticotomie de repositionnement. En 1771, John Hunter s’inspire d’une ancienne méthode chinoise consistant à greffer les ergots de jeunes coqs sur leur crête : il greffe des dents saines de provenance animale et humaine dans des crêtes de coqs. Il assure ainsi leur préservation et les garde vivantes. En 1780, il décrit lui aussi des cas de traitements d’édentations partielles par des hétéro- ou des homotransplantations de dents prélevées sur des morts ou sur des vivants. Des idées nouvelles apparaissent au XIXe siècle. Dès 1804, Pfaff conseille de renoncer « à la manie de transplanter des dents d’une bouche à une autre » après avoir constaté que de telles interventions pouvaient entraîner la transmission de maladies. Malgré cela, il était encore courant à Londres en 1843 d’acheter des dents fraîchement extraites, pour les transplanter. En 1861, Vasey (cité par Andreasen) proposait « la transplantation dentaire avant que la dent ait terminé sa formation et ceci pour éviter une résorption et la transmission d’une infection ». En 1874, Legros et Magitot sont les premiers à publier leurs essais de transplantation de germes dentaires.52 Il serait fastidieux de répertorier toutes les publications faites sur ce sujet à cette époque. Rappelons simplement que l’Index of periodical literature de 1885 enregistre près de 300 articles concernant les réimplantations, les

431 transplantations et les implantations de dents, entre 1876 et 1885.87 Il faudra attendre le XXe siècle pour voir se dessiner un corpus scientifique fondé sur l’expérimentation, la clinique, l’histologie, et la compréhension des processus de cicatrisation. À partir de ces données, indications, techniques et résultats retiennent l’attention de beaucoup d’auteurs et font l’objet de très nombreuses publications.12,20,25,28,42,69,91

Choix du (ou des) transplant(s) – Indications La transplantation a pour but le remplacement d’une dent perdue ou manquante, ou de plusieurs, par une ou plusieurs autres qui en assurent les fonctions dans des conditions physiologiques les plus proches possibles de la normale et, à tout le moins, acceptables. Ce résultat obtenu, une transplantation idéale est, pour nous, celle où le transplant se comporte dans sa nouvelle situation comme une dent vivante. La question que l’on doit se poser avant de l’entreprendre est : « le patient n’a-t-il rien à y perdre, a-t-il tout à y gagner ? ». Paulsen la formule ainsi : « une transplantation réussie apporterait-elle au patient une solution meilleure que toute autre ? L’échec de la transplantation entraînerait-il un résultat plus mauvais que lorsqu’elle n’est pas tentée ? ».3,12,71 Que transplanter ? Où transplanter ? Quand transplanter ? Ces questions ne se posent pas pour une réimplantation. Le site est l’alvéole de la dent luxée, le transplant, la dent elle-même. La réimplantation doit être pratiquée le plus tôt possible après la luxation. Il en va différemment dans le cas des transplantations.

Que transplanter ? Une dent. Une dent saine dont on n’a pas l’usage ou qui n’est pas à sa place sur l’arcade : dent ectopique, c’est le cas fréquent des transplantations de canines ; dent surnuméraire de morphologie convenable ; dent appelée à être extraite en raison d’un encombrement, d’une dysharmonie dentomaxillaire. Le choix le plus fréquent est alors celui d’une prémolaire ou d’une troisième molaire. Dans le cas d’une prémolaire, une dent à racine unique et conique est la mieux adaptée : l’extraction est simple et les risques de lésion du desmodonte limités.34 C’est délibérément que nous éliminons de ce chapitre les homo- et, a fortiori, les hétérotrans-

432 plantations. Le risque de transmission de pathologies virales, en particulier VIH et hépatites B et C, n’autorise pas une transplantation directe d’individu à individu. Les études récentes ont montré la présence de prions dans la pulpe dentaire et dans le parodonte. L’on connaît les difficultés rencontrées pour détruire les prions. Les banques de dents constituées en Belgique ou au Danemark utilisaient la cryoconservation dans l’espoir de garder aux cellules desmodontales un potentiel de vitalité lors de leur réchauffement.75 Détruire les prions reviendrait à conserver dans ces banques des organes dentaires utilisables seulement sous forme de transplants inertes. Les seuls transplants que nous devions utiliser actuellement sont donc les transplants autologues.

Où transplanter ? Là où l’on en a besoin et où la morphologie du transplant correspond à l’usage auquel il est destiné, tant pour l’esthétique que pour la fonction. Si le transplant est une prémolaire, il est utilisé pour remplacer une autre prémolaire, le plus souvent dans le cas d’une agénésie. Une prémolaire surnuméraire peut servir dans la même indication.43,71 Une prémolaire peut également remplacer une incisive centrale maxillaire, sous réserve d’une coronoplastie, car si leurs dimensions sont proches, la morphologie de leurs couronnes diffère.27 Une troisième molaire peut remplacer une première ou, moins souvent, une deuxième molaire, soit parce qu’elle est délabrée par la carie ou par un traumatisme, soit parce qu’elle a dû être extraite en raison d’une situation ectopique ou d’une altération de sa morphologie.89 Une indication plus rare est la compensation, par un transplant de dent de sagesse, d’une agénésie d’une, ou plus souvent de deux prémolaires, sur la même hémiarcade. Garcia a également publié des cas de restauration des édentements maxillaires postérieurs par greffes de dents de sagesse sous-sinusiennes.36,37 Enfin, une troisième molaire hypotrophique a pu être proposée pour le remplacement d’une incisive maxillaire, il s’agit là d’un cas d’exception. Une dent ectopique, le plus souvent une canine, sera transplantée dans l’alvéole de la dent de lait qui lui correspond après aménagement orthodontique de l’espace qui lui est nécessaire et remodelage de l’alvéole. Si la dent de lait a été retirée auparavant, un nouvel alvéole devra être créé par le chirurgien. Dans tous les cas, l’anatomie de la région où se fait la transplantation, doit être prise en compte afin de respecter les structures avoisi-

J. Recoing nant le transplant : sinus maxillaire, canal mandibulaire, trou mentonnier, racines des dents adjacentes...80 Citons pour mémoire l’obturation d’une communication buccosinusienne par un transplant dentaire proposée par Politis et al.75

Quand transplanter ? Répondre à cette question oblige à distinguer deux groupes d’indications. Le premier concerne des transplants à visée orthodontique. Il s’agit des canines ectopiques et des agénésies de prémolaires essentiellement. On peut lui associer le remplacement d’une incisive centrale par une prémolaire chez un sujet jeune dont la croissance osseuse est loin d’être terminée et n’autorise pas la mise en place d’un implant.27 Dans ces cas, le moment de l’intervention est choisi en accord avec l’orthodontiste, en fonction du déroulement de son traitement, et du degré de maturation de la dent transplantée. Il s’agit là d’une donnée essentielle pour l’évolution du transplant. Le deuxième groupe d’indications s’adresse aux transplants destinés à remplacer une dent extraite, le plus souvent pour cause de carie négligée, ou à la suite d’un traumatisme. Il s’agit le plus souvent du remplacement d’une molaire par une dent de sagesse ou par son germe. La première molaire est en effet la dent qui est le plus souvent et le plus tôt atteinte par la carie. Le transplant se fait au moment où la dent « perdue » ne peut plus être utilement restaurée et laissée en fonction.15 C’est en général chez un adolescent ou chez un adulte jeune et tous les auteurs sont d’accord pour dire que la jeunesse favorise les chances de réussite des transplants. À un âge plus avancé, cette solution est parfois proposée pour des raisons économiques chez un patient qui ne peut assumer le coût d’une prothèse classique ou d’un implant.89

Données actuelles Évolution du transplant Il est difficile de savoir ce qui se passe dans l’intimité d’un transplant. Les travaux expérimentaux, ceux de Skoglund82,83,84,85,86 en particulier, mais aussi ceux de Monsour et Adkins,60,61 de Pogrel...74 nous permettent d’en savoir un peu plus grâce à l’emploi de techniques histologiques et histochimiques sur : • la conservation de l’anatomie pulpaire ;

Transplantations et réimplantations dentaires • la conservation de l’activité pulpaire ; • les modifications pulpaires ; • l’évolution des dents matures transplantées. Conservation de l’anatomie pulpaire L’étude des procédés de revascularisation de la pulpe des dents transplantées chez le chien a été réalisée grâce à une injection de sulfate de baryum, combinée à une microangiographie. Après 10 jours, des vaisseaux visibles sont repérés dans la moitié apicale de la pulpe et après 30 jours dans toute la pulpe. Et 180 jours après le transplant une seule dent sur 15 était exempte de vaisseaux visibles. Les 14 restantes présentaient des vaisseaux sur toute la hauteur de la pulpe. Ces expériences ont porté sur un échantillon de dents de chien avec apex largement ouvert : édification radiculaire aux trois quarts.82 Dans la plupart des cas, la revascularisation semble provenir du développement interne de nouveaux vaisseaux. Conservation de l’activité pulpaire Skoglund a mesuré l’activité des enzymes oxydoréducteurs. Dans un premier temps, jusqu’à 10 jours, on mesure une diminution progressive de l’activité des oxydoréductases de la pulpe vers le foramen apical. Une reprise de cette activité avec remplacement du tissu nécrosé par du tissu sain apparaît entre le 10e et le 30e jour dans la totalité de la pulpe. Seul le tissu du foramen apical survit à la transplantation. Le reste de la pulpe est progressivement remplacé par un tissu qui se développe à l’intérieur de la cavité pulpaire à partir de l’apex.86 Modifications pulpaires Au 4e jour suivant la transplantation la structure morphologique de la pulpe est reconnaissable, mais les composants cellulaires sont faiblement colorés. Au niveau du foramen et jusqu’au tiers apical, la pulpe est réparée par une structure bien vascularisée, riche en cellules et en vaisseaux. Au-delà du foramen, sa structure est fantomatique. Au 30e jour, la réparation se propage dans le canal radiculaire. On voit encore dans la pulpe coronaire, des cellules inflammatoires adjacentes à de petites zones de nécrose. Au 180e jour, le tissu est moins riche en cellules et en vaisseaux qu’avant la transplantation. Un tissu dur, néo-os ou néocément apparaît. Il oblitère partiellement la chambre pulpaire. Toutefois, dans certains cas, si la revascularisation intervient rapidement avant le 4e jour, la structure de la pulpe semble ne pas avoir varié. Elle semble ne s’être pas nécrosée.84,85

433 Évolution des dents matures transplantées Skoglund a repris ses travaux sur un échantillon de dents de chien à apex fermés. Elle a observé les modifications vasculaires après transplantation selon les mêmes protocoles. Deux lots ont été choisis. Dans le premier lot les dents ont subi une résection d’apex avant d’être transplantées. Les dents du deuxième lot ont été transplantées en l’état. Dans le lot n’ayant subi aucune apicectomie, elle observe au bout de 120 jours une destruction totale des vaisseaux. Dans l’autre lot, l’apicectomie est réalisée dans le même temps opératoire que la transplantation au niveau du delta apical. La pulpe est ainsi plus largement en contact avec les tissus périapicaux. Dans ce lot, après 180 jours, 80 % des dents étaient revascularisées. Ce processus n’est pas « ad integrum » spécialement dans la zone au contact de la dentine. La revascularisation est moins rapide que dans le cas des germes.83 Monsour et Adkins ont prolongé leurs observations au-delà du 180e jour. Ils ont noté un rétrécissement progressif de la taille de la chambre pulpaire et des canaux. Dans certains cas, ils ont assisté à une obturation complète des canaux pulpaires induisant une nécrose aseptique. La résorption de la racine a affecté toutes les dents. Cependant, la réparation de la plupart des lacunes de résorption a été observée 120 jours après l’intervention.61 En résumé, après transplantation chez le chien : • dans un premier temps, la pulpe subit une phase de nécrose ; • avec des dents immatures la réparation pulpaire intervient par croissance interne d’un tissu conjonctif bien vascularisé et riche en cellules qui atteint la chambre après 30 jours ; • la capacité de revascularisation des dents matures se manifeste si l’on pratique une apicectomie pendant la transplantation ; • le tissu mou apparu par croissance interne à l’intérieur de la racine et de la chambre pulpaire est graduellement remplacé par du tissu dur. L’étude des relations entre le transplant et son site receveur est indispensable pour reconnaître les facteurs qui favorisent la réussite – ou entraînent l’échec – des transplantations. Le rôle du desmodonte est primordial.

Desmodonte et cicatrisation34,51,54,57,60,65,66,70,72 Le desmodonte est un tissu conjonctif. Vascularisé et innervé, il unit les dents et leur alvéole par l’intermédiaire des fibres de Sharpey. Elles constituent l’essentiel du ligament alvéolodentaire, et

434 s’insèrent dans le cément, tissu minéralisé qui recouvre la dentine radiculaire, et dans l’os alvéolaire. Le desmodonte intervient dans la transmission des informations extéro- et proprioceptives et dans la régulation de l’intensité des forces masticatoires.90 Il est cémentogène par sa face interne et ostéogène par sa face externe. Après une autotransplantation, les phénomènes de cicatrisation intéressent le complexe cément-desmodonte-os alvéolaire. Après destruction du ligament alvéolodentaire avant réimplantation, aucune attache conjonctive n’est obtenue. Ces travaux sont confirmés par ceux de Proye et Polson sur les transplants effectués chez des singes : après dénudation des surfaces radiculaires, ils n’observent pas de nouvelle attache conjonctive.76 Melcher insiste sur l’importance des cellules dérivées du desmodonte et de l’os alvéolaire dans la réparation des lésions parodontales.58 Le processus de réparation et de cicatrisation à la suite d’une transplantation a été bien décrit par Andreasen : dès le 4e jour qui suit la transplantation, le caillot sanguin qui entoure la dent s’organise en tissu de granulation. À 7 jours, des fibres gingivales du transplant se lient à celles du site récepteur et des fibres du ligament semblent s’unir à l’os alvéolaire. Au 34e jour, le nouvel alvéole est constitué incluant des fibres de Sharpey.12 Le rôle des restes desmodontaux est bien mis en évidence par les travaux expérimentaux de Saffar et Garcia : si le desmodonte de la racine transplantée est préservé, une revascularisation des restes desmodontaux se produit au bout de quelques jours et ces restes empêchent les ostéoclastes de pénétrer le tissu dentinaire et de résorber la surface radiculaire.33 Lindskog et Hammartröm ont mis en évidence un facteur anti-invasif (AIF), dont la production n’est possible que si la vitalité des cellules desmodontales est préservée. Ce facteur inhibe la production des ostéoblastes et protège les dents contre le processus d’ankylose.53 Andreasen confirme que la présence de cellules desmodontales intactes et vivantes à la surface de la racine du transplant est le facteur primordial pour assurer une cicatrisation parodontale sans résorption radiculaire. Il est donc indispensable que l’exposition extraorale du transplant soit la plus brève possible afin d’éviter la déshydratation de la surface radiculaire qui nuirait à la survie des cellules desmodontales.8,9 Tous les auteurs qui pratiquent des transplantations s’accordent à l’heure actuelle sur la nécessité de préserver le desmodonte tant au moment de l’extraction que pendant l’installation du transplant dans son site receveur.

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Évolution des germes transplantés Dans les cas où les organes transplantés sont des germes enfouis, le pronostic dépend de leur capacité à faire leur éruption et à édifier leurs racines. Cette édification comporte la synthèse de la dentine radiculaire et la formation de l’ensemble des tissus de soutien de la dent. Elle est sous la dépendance de la gaine de Hertwig.10 Issue des épithéliums adamantins interne et externe, elle sépare le sac folliculaire de la pulpe.40 Formée de deux assises épithéliales accolées l’une à l’autre, elle progresse en doigt de gant jusqu’à la région apicale en induisant la formation des odontoblastes qui édifient la dentine de la racine. Sous l’induction de cette dentine radiculaire, les cémentoblastes se différencient à partir des cellules mésenchymateuses du sac folliculaire pour synthétiser le cément. Dans une étude portant sur 100 transplantations de prémolaires humaines, Kristerson montre que la transplantation à un stade précoce de développement radiculaire aboutit à une longueur radiculaire finale plus courte que celle que l’on obtient en transplantant des germes à un stade d’évolution radiculaire plus tardif. Il observe également que les germes transplantés qui ont été difficiles à extraire, ce qui augmente le risque de traumatiser la gaine de Hertwig, développent une longueur radiculaire moindre par rapport à ceux dont l’avulsion ne pose pas de problème.50 Le rôle du sac folliculaire est crucial dans la phase d’éruption. Il est particulièrement riche en facteur de croissance (epidermal growth factor ou EGF), pendant la phase de développement desmodontal. Les observations de Pogrel, à propos de 400 cas de transplantations, montrent que le maintien de son intégrité lors du temps chirurgical est nécessaire à la bonne conservation du ligament.74 Les germes dentaires transplantés induisent la formation d’os autour de leurs racines.46 Le respect du sac folliculaire est un élément primordial du succès de la greffe d’un germe. Une étude de Kristerson et Andreasen sur le transplant d’incisives de singe dont les racines sont au quart de leur édification confirme que le germe s’ankylose et ne fait pas son éruption si l’on supprime le sac folliculaire.49 Monsour et Adkins ont publié en 1983 les résultats de leurs études sur le chien.59 Ils ont transplanté des germes de dents dont au moins un tiers de la racine est évolué. Ils observent : après 7 jours les couronnes sont juste visibles cliniquement. La muqueuse est inflammatoire, la dent sensible au toucher. Au 14e jour la couronne est plus visible. Il n’y a pas de mobilité pathologique. L’inflammation de la muqueuse subsiste. Au 28e jour, la dent a fait totalement son éruption et est en position d’occlu-

Transplantations et réimplantations dentaires sion. La longueur radiculaire a augmenté. Et 60 jours après le transplant la majorité des dents est en occlusion fonctionnelle sans qu’aucune mobilité excessive soit relevée. Les racines ont poursuivi leur élaboration et les apex se ferment. L’espace desmodontal observable sur les radiographies est régulier et son épaisseur semble physiologique. L’on peut en conclure qu’après transplantation respectant le desmodonte, chez le chien, le potentiel desmodontal est conservé.

Éléments de technique Considérations générales La décision de transplanter un organe dentaire doit être prise en accord avec le patient et son praticien habituel, stomatologiste ou chirurgien-dentiste, orthodontiste. Cet acte est rarement une réponse simple à un problème isolé. Il s’inscrit dans un plan de traitement dont l’étude doit déterminer le but de la transplantation et le moment où elle a les meilleures chances de réussir. Il est indispensable d’obtenir le consentement éclairé du patient, et, s’il est mineur, de ses parents ou tuteurs légaux. Les risques et les possibilités d’échec doivent être clairement expliqués.

Bilan Bilan général Un bilan général, la consultation du carnet de santé, au besoin la prise de contact avec le médecin de famille, permettent de dépister des contreindications d’ordre général telles que risque oslérien, diabète insulinodépendant, patient immunodéprimé ou atteint de troubles neurologiques entraînant des tics faciaux, brycomanie, absence de coopération, mauvaise hygiène. Al-Himdani ajoute à ces contre-indications les pathologies cancéreuses de la sphère orofaciale, les hémopathies, l’insuffisance rénale.3 Ces contre-indications éliminées, le plan de traitement établi et accepté, il reste à bien connaître, avant l’acte chirurgical, la qualité et la morphologie du transplant et l’anatomie du site receveur. Examen clinique Il met en évidence la qualité du parodonte, le volume des crêtes, d’éventuelles dysplasies visibles sur d’autres dents, l’espace interproximal disponible pour la transplantation, la distance à la dent antagoniste. Les dimensions et la morphologie de la (ou des) dent(s) de l’arcade controlatérale fournissent des indications utiles. On vérifie la courbe de

435 Spee et l’occlusion. On repère, s’il existe, un tic de mordillement, de succion, une anomalie de pulsion linguale. Étude de moulages des arcades Elle complète utilement l’examen clinique. Elle permet d’anticiper avec précision l’occlusion de la dent transplantée. Bilan radiographique Un bilan radiographique suffisant et précis est indispensable. Dans les cas simples, un cliché panoramique numérisé de rapport 1/1, des clichés rétroalvéolaires status long cône, un cliché occlusal suffisent. Mais dès que l’on prévoit une difficulté, pour le prélèvement du transplant ou au niveau du site receveur, un examen tomodensitométrique est demandé. Les techniques tridimensionnelles donnent à l’opérateur une excellente approximation de ce qu’il va rencontrer au cours de son intervention. L’imagerie tridimensionnelle par soustraction ou par transparence des différentes densités permet, comme l’a bien montré Pajoni, de déterminer avec précision les rapports des dents entre elles dans les trois dimensions de l’espace.67,68 Elle révèle en outre la morphologie du transplant, une éventuelle courbure de sa racine, et dépiste des dysplasies, des anomalies ligamentaires, voire des zones de résorption ou d’ankylose. Les images scanographiques aident aussi à situer exactement les rapports avec les cavités sinusiennes des maxillaires, les fosses nasales, le canal sous-orbitaire au maxillaire, le canal dentaire inférieur et le trou mentonnier à la mandibule. Elles facilitent l’appréciation de l’état d’évolution du transplant en visualisant le degré d’ouverture ou de fermeture de son apex lorsque celui-ci est peu visible sur les clichés classiques. Enfin, les données du scanner permettent, par stéréolithographie, la réalisation de modèles en résine du transplant et du site récepteur,65 mais ceci reste encore, pour nous, expérimental. Au terme de ce bilan, la décision de pratiquer la transplantation est prise. L’intervention se fait de préférence en milieu chirurgical.

Choix de l’anesthésie Il doit répondre aux impératifs évoqués ci-dessus pour permettre une préparation suffisante et sans échauffement des parois du site receveur, l’extraction « en douceur » du transplant, et son installation pratiquement atraumatique dans sa nouvelle situation. Dans une majorité de cas, une anesthésie locorégionale, potentialisée à l’aide d’un anxiolytique de type benzodiazépines, est suffisante. Il n’est pas nécessaire que le patient soit à jeun. On évite les frais d’une hospitalisation.

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Chez le jeune enfant, nous préférons l’anesthésie générale ambulatoire avec intubation nasotrachéale et tamponnement pharyngé à l’aide d’une éponge en mousse synthétique peu traumatisante. Le travail peut ainsi être effectué dans le calme et sans laisser à l’enfant de souvenir désagréable. L’intubation nasotrachéale ne gêne pas l’examen peropératoire de l’occlusion. L’intervention est pratiquée de préférence tôt le matin pour limiter la durée du jeûne et autoriser une sortie de clinique dès l’après-midi, sans obligation de passer une nuit dans l’établissement. Dans les cas d’adolescents, d’adultes jeunes ou moins jeunes particulièrement craintifs, ou si l’on prévoit des difficultés pour le prélèvement du (ou des) transplant(s), la neuroleptanalgésie complétée par l’anesthésie locorégionale est une solution de choix. Elle requiert comme l’anesthésie générale, la présence du médecin-anesthésiste et une consultation de préanesthésie préalable à l’intervention.

Matériel Chaque praticien utilisera le matériel auquel il est habitué. Le moteur doit permettre une rotation relativement lente et une irrigation en continu. Il est souvent utile de prévoir des instruments à frapper fins, du type ciseaux à os de Pauwels de faible largeur. Ils permettent des sections osseuses dans des zones trop étroites pour l’usage de la fraise, sans échauffement et sans perte d’os. Un pied à coulisse, une sonde alvéolaire, analogue à celle que l’on utilise pour la chirurgie des implants, sont souvent utiles. Le matériel de contention sera évoqué plus loin.

Étapes communes à tous les types de transplants Ce sont : • le prélèvement atraumatique du transplant ; • la préparation soigneuse du site récepteur, tant du point de vue gingivopériosté que du point de vue osseux ; • la mise en place du transplant dans son nouvel alvéole (Fig. 1) ; • la contention ; • la surveillance postopératoire, clinique et radiologique. Prélèvement Tout doit être mis en œuvre par le praticien pour ne pas léser les éléments qui assureront la pérennité

Figure 1 Technique de transplant d’un germe de prémolaire. A. Préparation du site receveur ; germe prélevé de façon atraumatique avec son sac folliculaire (en cartouche). B. Enfouissement du germe dans le site receveur.

du transplant. Il doit être obsédé par le respect du desmodonte, et, s’il s’agit d’un germe, par la préservation du follicule dentaire et du sac folliculaire qui doit être clivé prudemment du tissu conjonctif avoisinant à l’aide d’une spatule mousse. Si une alvéolectomie est nécessaire, le dégagement doit être suffisamment large, la mobilisation douce, en préférant les mouvements de rotation aux mouvements pendulaires qui risquent d’écraser le desmodonte.12,35 Dans tous les cas, les contacts se font au niveau de la couronne sans prendre appui sur le collet ni la racine (Andreasen, Eskici et Dröschl). On vérifie que le transplant se mobilise aisément. À ce stade, on évalue la forme de la (ou des) racine(s), leur orientation. Ceci permet de confirmer la faisabilité de la transplantation et de prévoir la forme et

Transplantations et réimplantations dentaires le volume du site receveur. Dès lors, il est préférable de laisser le greffon en place dans son alvéole et de passer à l’étape suivante. On évite ainsi la perte de contact avec son milieu naturel, la dessiccation des fibres desmodontales, on limite le risque de souillure bactérienne.35,81 Préparation du site receveur L’opérateur doit préserver la gencive et le périoste et aménager le volume osseux nécessaire à la mise en place du transplant. Le décollement gingivopériosté n’est pas toujours utile lorsque la transplantation est consécutive à l’extraction d’une dent déciduale ou d’une dent délabrée. Lorsqu’il est nécessaire, il peut se faire par simple clivage étendu au collet des dents voisines. Toutefois, une incision vestibulaire de décharge à distance nous paraît souvent utile. Elle donne une meilleure visibilité, facilite le clivage atraumatique du périoste, un désépaississement éventuel de la gencive attachée. Elle rend possible une section horizontale du périoste au-delà de la zone de réimplantation. La souplesse que l’on gagne ainsi facilite l’adaptation de la gencive attachée à la nouvelle situation anatomique créée par la mise en place du transplant. Insistons sur le respect du périoste dont le rôle dans la vascularisation et le remodelage osseux est essentiel. Si la zone où se fera le transplant est déjà édentée, l’incision se fait sur la crête. On attend toujours que le transplant soit en place avant de réséquer, s’il en est besoin, un peu de fibromuqueuse pour lui restituer une forme anatomique. On s’attache, en fin d’intervention, à suturer avec précision pour assurer au transplant une bonne protection, limiter les risques d’infection et faciliter l’activité ostéogène du périoste. La préparation de l’alvéole osseux a pour but de créer entre les corticales externe et interne l’espace où l’on installera le transplant. Elle tient compte de son volume et de la longueur et de la forme des racines. Elle est forcément approximative, mais doit être suffisante pour que la mise en place du transplant puisse se faire aisément sans provoquer de traumatisme desmodontal. Elle doit être orientée de telle sorte que la mise en place de la dent transplantée se fasse dans l’axe souhaité. Dans le cas d’une crête édentée, on pratique un avant-trou au milieu de la zone interproximale, puis un forage dans l’axe souhaité, à l’aide d’une fraise boule en rotation lente et sous irrigation permanente, en tenant compte des structures anatomiques de voisinage (sinus, fosse nasale, canal dentaire, racines des dents voisines...). On adapte ensuite le volume de cette cavité à celui du transplant. L’utilisation d’une jauge permet de vérifier

437 l’orientation que prendra le transplant d’une dent mature. Si l’intervention comporte dans un premier temps l’extraction d’une dent de lait ou d’une molaire délabrée, on se contente d’aménager l’alvéole de la dent extraite et de retirer le septum interradiculaire s’il s’agit d’une molaire.11,12 Ici encore, la préservation des corticales est impérative. Cependant, il peut advenir que l’une d’entre elles ait été partiellement détruite par l’infection ou par une manœuvre d’extraction traumatisante. Dans ce cas, l’apposition d’un greffon prélevé dans le voisinage peut être utile mais n’est pas forcément nécessaire (Fig. 2). Borring-Moller et Frandsen, dans un travail sur la parodontite juvénile, montrent qu’une résorption osseuse dans le site receveur n’est pas une contre-indication aux autotransplantations dentaires.16 Reade et Graham confirment cette opinion.77 S’il existe une infection apicale au moment de l’extraction, il faut la cureter soigneusement, rincer abondamment, surfacer l’alvéole à la fraise boule, rincer à nouveau. Une autre solution consiste à cureter après avoir extrait la dent, puis à laisser cicatriser quelques jours pour une transplantation dans un deuxième temps dans un tissu sain cicatriciel qui n’est pas encore ossifié. Cette méthode rejoint la technique de transplantation en deux temps.12,24 Le site receveur est alors préparé 8 à 15 jours avant la transplantation, son volume étant un peu surdimensionné, puis suturé. Une à 2 semaines plus tard il est réouvert. Le transplant est installé dans le tissu cicatriciel qui comble la cavité destinée à le recevoir. Pour les auteurs, ce contact entre le transplant et le tissu de cicatrisation facilite une bonne intégration tout en diminuant les possibilités d’ankylose. L’inconvénient de cette technique, pour le patient, est l’obligation d’une seconde intervention peu de temps après la première. Mise en place du transplant Une fois le site receveur préparé, que l’on utilise une méthode en un ou en deux temps, le transplant est retiré du site d’extraction où il avait été laissé en réserve, pour être installé dans sa nouvelle situation. On vérifie à ce moment qu’il peut être inséré sans forcer. Si ce n’est pas le cas, il ne faut pas hésiter à le retirer, à le remettre dans son alvéole initial afin de parfaire l’aménagement du site receveur, et recommencer la mise en place. S’il s’agit d’une dent mature ou dont la racine est édifiée au moins à ses deux tiers, elle doit être placée dans une situation aussi proche que possible de celle qui lui est destinée, en veillant toutefois à éviter toute surcharge occlusale qui gênerait sa consolidation. Si l’apex est fermé, une apicectomie

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Figure 2 Radiographie d’une dent de 6 ans ankylosée montrant l’absence d’édification de l’os alvéolaire. A. Radiographie; B. Ascension chirurgicale d’une dent de 6 ans ; C. Mise en place d’un greffon de voisinage qui permet de caler la dent de 6 ans dans la position souhaitée et de compenser l’absence d’os alvéolaire ; D. Transplant d’un germe de 48 en situation de 46 après avulsion de cette molaire retenue et ankylosée ; E. Réparation spontanée de la perte osseuse.

franche à l’aide d’une pince gouge bien affûtée permet de le rouvrir. Si le transplant est un germe, il doit être enfoui en position pré-éruptive, en veillant à ce qu’il n’y ait pas de compression de la zone apicale. On se souvient qu’une lésion de la gaine épithéliale de Hertwig compromet ou empêche la poursuite de l’édification radiculaire.10 Contention Une mobilité importante du greffon dans les premiers jours qui suivent sa mise en place aurait pour conséquence une diffusion bactérienne susceptible d’entraîner une nécrose de la couverture desmodontale.6,12 Une contention est donc nécessaire. Ceci ne concerne pas, bien entendu, les germes enfouis. La suture attentive de la muqueuse apporte souvent à elle seule un certain degré de stabilisation. Cette suture peut être réalisée de telle sorte qu’un hamac en X coiffe la couronne de la dent greffée et empêche son extrusion. Elle peut être stabilisée par collage à la couronne à l’aide d’une goutte de composite. Ce type de contention aisé à mettre en œuvre suffit bien souvent pour les prémolaires et les molaires. Elle a l’avantage d’une souplesse qui favorise la stimulation desmodontale et les processus de revascularisation pulpaire et limite les risques de résorption et d’ankylose.12,34,35,49,81 Dans le cas des dents antérieures, incisives, canines, ou si le procédé ci-dessus laisse trop de mobilité au greffon, une contention plus ferme doit être mise en place. Divers procédés sont

recommandés suivant les auteurs. Nous utilisons les attelles collées non rigides, la fixation sur un arc orthodontique préexistant à l’intervention et qui aura souvent servi à aménager l’espace interproximal requis, le collage, sur la surface vestibulaire de la couronne de la dent transplantée et des dents adjacentes, des brackets reliés par un fil d’acier souple (Schneck et al.).81 Dans presque tous les cas nous préférons une contention souple ou semirigide, sauf parfois au niveau de la canine maxillaire lorsque les mouvements de diduction risquent de la déstabiliser avant sa consolidation. Une gouttière de protection préalablement préparée peut alors être utilisée avec l’avantage d’un positionnement exact de la canine préparé sur un set up. Une gouttière de résine autopolymérisable peut également être façonnée et mise en occlusion pendant la séance opératoire. Les gouttières doivent laisser libre l’insertion gingivale pour en faciliter le nettoyage. La contention est maintenue de 2 à 4 semaines, parfois plus dans le cas des canines sans dépasser 6 semaines. Surveillance postopératoire Les suites immédiates sont favorisées par l’administration d’une antibiothérapie pendant 6 jours. L’hygiène doit être stricte, l’alimentation adaptée. Les contrôles sont rapprochés dans les premières semaines suivant l’intervention. Ils sont cliniques et radiographiques. On surveille la cicatrisation gingivale, la stabilisation du transplant ou son érup-

Transplantations et réimplantations dentaires tion s’il s’agit d’un germe. On veille particulièrement à ce que le transplant reste en légère sousocclusion jusqu’à sa consolidation complète. Les contrôles sont alors plus espacés : à 3 mois, à 6 mois, puis annuels si tout va bien. Une sensibilité au froid peut réapparaître après quelques semaines, mais ce n’est pas le cas le plus fréquent. L’insensibilité au froid et au chaud ne signifie pas forcément une mortification du transplant qui peut, néanmoins, se comporter comme une dent vivante. Dans ce cas, sa coloration ne s’altère pas, son parodonte est cliniquement normal. On compare les sons obtenus à la percussion du transplant et des dents voisines Un son mat est de bon aloi, un son clair, quasi métallique, en faveur d’une ankylose.56 Les radiographies apportent des informations essentielles. Le premier cliché est pris lors de la première visite de contrôle, 8 à 10 jours après la mise en place du transplant. Il servira de point de repère par comparaison avec ceux qui seront faits ultérieurement. Les clichés suivants doivent montrer une normalisation de l’os alvéolaire, la restauration de la lamina dura. L’apparition, à partir du deuxième mois, de microcalcifications à l’intérieur du canal radiculaire et de la chambre pulpaire, atteste la reprise d’un processus vital et est un signe prédictif du bon comportement du transplant. Le cliché panoramique montre l’intégration du transplant dans l’ensemble de la denture et ses rapports avec les structures anatomiques voisines, mais le cliché rétroalvéolaire donne les informations les plus fines, particulièrement au niveau du collet et de la surface radiculaire de la dent transplantée. Les investigations cliniques et radiographiques vont donc permettre de juger du comportement du transplant et de répondre à une question controversée : le traitement endodontique est-il indispensable ? Si oui, à quel moment doit-il être réalisé ? Traitement endodontique Sa mise en œuvre n’est pas systématique. Un transplant « réussi » doit se faire oublier. Une fois sa mise en place achevée, et son intégration dans sa nouvelle position acquise, il doit se comporter comme une dent « normale » et son évolution dans le temps doit suivre celle du reste de la denture. C’est le plus souvent le cas lorsqu’on transplante chez un sujet jeune, une dent à l’apex largement ouvert. Le cas idéal étant pour la plupart des auteurs, celui d’un transplant dont l’édification radiculaire est acquise aux deux tiers. A fortiori, on ne traite pas les canaux des germes transplantés. Lorsque le transplant est une dent mature, dont l’apex est fermé, pour Andreasen et Garcia, le

439 traitement endodontique est indispensable.7,12,34 En aucun cas, il ne doit être réalisé dans le temps de l’intervention. Le traitement canalaire de la dent « dans la main », préconisé autrefois, est formellement prohibé : il augmente le risque de résorption de la surface radiculaire en rapport avec l’augmentation du temps d’exposition extraorale du transplant, et les risques de lésions du desmodonte au cours des manipulations.7 Le traitement canalaire peut se réaliser en un ou deux temps. Dans la technique en deux temps, la pulpe est retirée puis on obture le canal radiculaire à l’aide d’hydroxyde de calcium dont les propriétés antiseptiques, anti-inflammatoires et ostéogéniques sont reconnues. Ce traitement est répété au moins une fois 4 semaines plus tard. Six mois plus tard l’obturation définitive est réalisée. Les contrôles sont ensuite annuels. Cette technique recommandée par l’Association des endodontistes américains,24 dès la deuxième semaine qui suit la transplantation, doit surtout être mise en œuvre lorsqu’on constate une anomalie de cicatrisation du transplant : inflammation du desmodonte, résorption de surface qui tend à s’aggraver au lieu de disparaître. L’obturation canalaire ainsi pratiquée permet souvent de freiner, parfois d’arrêter cette évolution. La technique en un temps consiste en l’obturation définitive de la dent dès la première séance, à l’aide de gutta-percha et de ciment de scellement endocanalaire. Pour A. Garcia, cette technique est réservée aux transplants de dents à apex fermé.34 Cependant, il n’est pas exceptionnel qu’un transplant à apex fermé se comporte comme une dent vivante. Cette évolution favorable nous semble plus fréquente lorsqu’on pratique une apicectomie, comme nous y incitent les travaux de Skoglund.84 C’est pourquoi, sous réserve d’une surveillance stricte et rapprochée, nous ne préconisons pas le traitement canalaire systématique des dents matures transplantées. Il ne doit être mis en œuvre, mais alors sans tarder, que si l’on constate une évolution défavorable.

Particularités selon les divers types de transplants Canines Les canines ont une importance esthétique et fonctionnelle reconnue. À chaque fois que cela est possible, tout doit être mis en œuvre pour les mettre à leur place sur l’arcade dentaire à laquelle elles appartiennent. Les inclusions des canines maxillaires sont de loin les plus fréquentes. Toutefois, les canines mandibulaires retenues requièrent

440 des solutions analogues. L’indication de leur transplantation est posée à chaque fois que les méthodes par traction lente orthodonticochirurgicale, toujours préférables lorsqu’elles sont possibles, ne peuvent être envisagées pour des raisons anatomiques ou pour des raisons pratiques dépendant du patient. Le cas le plus typique est celui d’une canine maxillaire ectopique en position horizontale sousnasale. Dès que l’indication est posée, la transplantation doit être faite le plus tôt possible.39 Les chances de reprise de la vitalité du transplant sont corrélées à l’ouverture de son apex et l’on diminue ainsi les risques de transformation kystique du sac péricoronaire de la canine et de rhizalyse des apex des incisives. Il faut cependant que l’espace interproximal qui lui est destiné soit suffisant. Sinon, un traitement orthodontique préalable destiné à aménager cet espace est indispensable. La persistance de la canine de lait est utile pour le maintien du volume osseux. Elle est extraite dans le même temps que celui de la transplantation et l’alvéole est agrandi et approfondi en fonction du volume de la canine transplantée et de la longueur de sa racine. Si la canine de lait a été extraite auparavant, le volume osseux disponible peut être insuffisant. On peut, dans ces cas, cliver avec prudence les deux corticales pour insérer le transplant dans l’espace ainsi créé. Les problèmes que cela pose rejoignent alors ceux des corticotomies de repositionnement (cf. infra). L’extraction de ces canines ectopiques est en général aisée lorsque leur couronne est en situation vestibulaire. Elle est plus risquée lorsqu’elles sont entièrement palatines. Il faut alors ne pas hésiter, après avoir récliné la fibromuqueuse de l’hémipalais correspondant, à pratiquer un dégagement osseux large de la racine pour faciliter son extraction, limiter le risque desmodontal et préserver la stabilité des incisives. De même, l’avulsion des canines mandibulaires ectopiques est souvent aisée lorsque la couronne est vestibulaire et facilement accessible. Elle est beaucoup plus difficile lorsque l’inclusion est profonde dans le bord basilaire ou si l’orientation est linguale. La canine transplantée est installée en légère sous-occlusion. La contention semi-rigide, voire rigide est indispensable. Les principes sont les mêmes chez l’adulte. Une apicectomie est alors conseillée. Toutefois, l’avulsion est souvent plus difficile dans ces cas. Cette difficulté oblige parfois à renoncer à la transplantation d’une canine incluse en situation palatine lorsque son morcellement est nécessaire pour que l’extraction ne risque pas de traumatiser les dents voisines.

J. Recoing Il est beaucoup plus rare de transplanter une ou parfois deux canines incluses chez une personne plus âgée, partiellement édentée. Pourtant, la mise en place de deux canines superficiellement incluses dans une crête édentée est une solution élégante pour stabiliser une prothèse et améliorer le capital dentaire existant. Dans ce dernier cas, l’apicectomie ne suffit pas à garantir la revitalisation de la canine. Il est préférable d’envisager un traitement endodontique. Incisives La transplantation des incisives concerne l’enfant et le jeune adolescent. Elle est surtout utile pour les incisives maxillaires et, le plus souvent, pour les incisives centrales lorsqu’une mise en place par traction n’est pas possible. L’ectopie peut avoir été provoquée par un traumatisme de la petite enfance, par l’inclusion d’odontoïdes ou d’un odontome complexe, par la présence d’une formation tumorale ou plus souvent kystique (Fig. 3). Les règles sont les mêmes que pour les canines, en apportant un soin extrême à la préservation de la bordure mucogingivale. On respecte dans la mesure du possible, le frein médian labiomaxillaire. En effet, si l’on peut penser que dans le cas des canines, la fonction prime sur l’esthétique, c’est le contraire en ce qui concerne les incisives. L’os vestibulaire, souvent mince et fragile, doit être ménagé avec le plus grand soin et conservé (Fig. 3). La contention doit être souple ou semi-rigide. Une incisive latérale maxillaire peut aussi être remplacée par une incisive mandibulaire dont l’extraction serait programmée en raison d’un encombrement antérieur. Prémolaires Une prémolaire peut rester incluse dans une situation qui n’autorise pas sa mise en traction. Si sa mise en place est souhaitable pour l’équilibre des arcades dentaires, on peut la transplanter au même titre qu’une canine ou une incisive. Au maxillaire, il s’agit le plus souvent d’une deuxième prémolaire. Elle est parfois vestibulaire, mais le plus souvent palatine. Son avulsion est rarement difficile, la couronne étant souvent sousmuqueuse au voisinage du pédicule vasculaire palatin. L’avulsion des prémolaires restées incluses dans la mandibule est souvent plus difficile. Elles sont fréquemment incluses dans un os dense, où elles entretiennent des rapports étroits avec le canal mandibulaire et les racines des dents voisines. Dans ce cas, leur prélèvement atraumatique est aléatoire et l’on renonce souvent à les transplanter pour leur substituer un implant.

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Figure 3 (A à G) Volumineux kyste maxillaire gauche refoulant 21, 22 et 23 chez un jeune garçon. Vues avant, pendant et après l’exérèse du kyste et la remise en place chirurgicale des trois dents refoulées. Radiographies pré- et postopératoires.

C’est dans la compensation des agénésies au cours d’un traitement orthodontique, que la transplantation des prémolaires trouve ses meilleures indications. L’association d’un encombrement dentaire au niveau d’une arcade ou d’une hémiarcade, à une ou plusieurs agénésies n’est en effet pas exceptionnelle. Il est donc tentant lorsqu’une

ou deux prémolaires doivent être extraites, de les utiliser pour remplacer celles qui sont absentes (Fig. 4, 5). La stratégie de ce type de transplant s’élabore en étroite collaboration avec l’orthodontiste. Le choix de la deuxième prémolaire s’impose à chaque fois que cela est possible lorsque le transplant provient du maxillaire. Monoradiculée, elle

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Figure 4 (A à F) Transplant de 35 en situation de prémolaire maxillaire gauche dans le cas d’une agénésie de 12, 22, 25 et 45, permettant de rééquilibrer les arcades dentaires. Radiographies postopératoires et en fin de traitement d’orthopédie dentofaciale. Photographies des arcades dentaires, traitement terminé.

présente moins de difficultés d’extraction et d’insertion. Si le transplant provient de la mandibule, le choix de la première ou de la deuxième prémolaire dépend du plan de traitement orthodontique. Il faut savoir attendre le moment où la maturation du germe que l’on va transplanter lui donnera les meilleures chances (Fig. 5). L’idéal est de le prélever avec son sac folliculaire intact alors qu’il a édifié plus de la moitié de sa racine, si possible, les deux tiers (Fig. 1). Pendant cette attente, l’espace qui lui est nécessaire doit être maintenu, le mieux étant de garder la molaire de lait jusqu’à la transplantation, sauf si elle est infectée.

Il est également possible de compenser une agénésie de prémolaire en utilisant comme transplant une dent surnuméraire de même forme. Une incisive centrale perdue à l’occasion d’un traumatisme, ou retirée en raison d’une malformation peut être remplacée par une deuxième prémolaire, de préférence mandibulaire, mais une prémolaire maxillaire peut également être utilisée. Cette technique, brillamment illustrée par Deplagne,27 concerne essentiellement l’enfant et le jeune adolescent. Il faut agir rapidement après la luxation de telle sorte que le volume osseux disponible n’ait pas eu le temps de se résorber. On peut

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Figure 5 (A à E) Agénésie de 14, 15, 24 et 25. Suivi radiographique d’année en année jusqu’à ce que l’édification radiculaire de 34 et 44 soit suffisante pour les transplanter dans de bonnes conditions en situation de prémolaires maxillaires, avant traitement orthodontique.

donc être amené à transplanter un germe encore peu mature. Il faut alors savoir être patient pour attendre sa bonne évolution. L’insertion se fait avec une rotation du germe à 90° afin qu’il présente lors de son éruption son plus grand diamètre, dont la dimension se rapproche de celle de l’incisive centrale. Une fois la couronne en place sur l’arcade, elle doit être remodelée par meulage du bombé des deux faces vestibulaire et palatine, puis coronoplastie à l’aide de composite. Cette réhabilitation nous semble préférable à une couronne prothétique qui obligerait à dévitaliser le transplant (Fig. 6). Il est parfois possible de transplanter une prémolaire pour remplacer une première molaire précocement délabrée lorsque l’espace interproximal qui lui était dévolu a été rétréci par l’évolution de la deuxième molaire et ne permet plus l’insertion d’une troisième molaire.

Troisièmes molaires Remplacement d’une première molaire délabrée C’est l’indication la plus souvent rencontrée, de transplant de troisième molaire.4,14,17 La transplantation des troisièmes molaires obéit aux mêmes règles que celles des autres dents. Cependant, il est fréquent que l’on ne puisse attendre le moment le plus favorable de l’évolution du transplant, en particulier lorsqu’il faut remplacer une première molaire délabrée. Le premier impératif étant alors de conserver le volume osseux nécessaire, on devra parfois transplanter un germe dont la rhizagenèse est peu avancée. Une bonne technique et des conditions favorables permettent d’espérer une édification suffisante des racines (Fig. 7). Cependant, nous avons vu avec les travaux de Kristerson (cf. supra),50,51 que la transplantation à un stade précoce du développement radiculaire abou-

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Figure 6 (A à I) Inclusion ectopique de 21, malformée avec angulation de la racine sur la couronne. Transplant de 25 en situation de 21 avec positionnement en rotation de 90 °. Évolution, mise en place et coronoplastie. Radiographies préopératoires et 3 ans après la fin du traitement.

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Figure 6 (suite)

tit à une longueur radiculaire finale courte. Il est donc sage, à la suite du transplant d’un tel germe, de garder en attente une autre dent de sagesse incluse qui permette, lorsqu’elle aura suffisamment édifié ses racines, une transplantation de rechange si elle s’avère ultérieurement nécessaire. La morphologie des couronnes et des racines des dents de sagesse n’est pas toujours identique à celle des autres molaires. Elle peut rendre la transplantation impossible. Dans la mesure où la morphologie de la couronne est acceptable, il faut parfois s’en contenter, quitte à rattraper l’occlu-

sion par un remodelage de la face occlusale de la couronne. Il est préférable de transplanter en situation de dent de 6 ans la troisième molaire de la même hémiarcade. Mais les volumes des couronnes ne sont pas toujours compatibles. Une faible différence en excès est facilement rattrapée par un stripping des faces proximales des dents voisines. On peut aussi, lorsque cette différence est plus importante, choisir de transplanter une troisième molaire maxillaire dont les dimensions sont souvent moindres (Fig. 8). Remplacement d’une deuxième molaire délabrée Il est exceptionnel de devoir la remplacer par une troisième molaire à l’état de germe. Son éruption plus tardive que celle de la première molaire l’expose moins précocement à l’atteinte carieuse. Ici, le problème de la dimension interproximale ne se pose pas. En revanche, il faut se préoccuper de la stabilité du transplant vers l’arrière et de la qualité du parodonte à ce niveau. Si l’on doit remplacer une seule dent de 12 ans, nous préférons utiliser la dent de sagesse controlatérale et laisser en place la dent de sagesse voisine de la molaire que l’on remplace afin qu’elle serve de point d’appui postérieur. Elle peut être retirée dans un deuxième temps, après l’intégration du transplant. Lorsque ce n’est pas possible, si l’on doit transplanter la dent de sagesse voisine de la deuxième molaire que l’on remplace, il faut l’extraire par un volet de dégagement osseux postérieur afin de laisser intact le pont osseux alvéolaire situé entre elle et la deuxième molaire.

Figure 7 Édification radiculaire du germe de 48 transplanté en situation de 46.

Compensation d’une agénésie de prémolaire(s) Les morphologies des prémolaires et des troisièmes molaires sont très différentes. Le transplant d’une dent de sagesse en situation de prémolaire n’est donc guère envisageable. On peut toutefois transplanter un germe de troisième molaire dont les

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Figure 9 Résultat parodontal péjoratif après prise en charge orthodontique trop précoce d’un germe de prémolaire transplanté dans le cadre d’une agénésie.

ticale du transplant. Les impératifs techniques sont proches de ceux que l’on rencontre dans les cas de remplacement de molaires perdues en raison d’une parodontite juvénile.16,79

Mobilisation orthodontique des dents transplantées

Figure 8 (A, B) Remplacement de 36 délabrée par 28, après tentative infructueuse de transplant de 38 dont la couronne était trop importante pour être adaptée dans l’espace interproximal de 35 à 37.

racines ne sont pas encore constituées pour compenser l’agénésie de deux prémolaires voisines. Remplacement d’une molaire ankylosée ou ectopique Il se pose surtout au niveau de la mandibule. Au maxillaire, l’avulsion de la molaire ankylosée permet souvent la migration de la molaire voisine, deuxième molaire ou dent de sagesse, qui vient prendre sa place. La technique est proche de celle qui est utilisée pour le remplacement d’une molaire délabrée à quelques variantes près : l’extraction de la dent que l’on remplace est faite par fragmentation intraosseuse afin de ménager au maximum les corticales et de ne pas fragiliser la mandibule si la dent est ankylosée en situation basse, au contact du bord basilaire. Un scanner est souvent utile pour préciser avant l’intervention les rapports du nerf dentaire inférieur et des racines de la molaire incluse. La suture gingivopériostée est particulièrement soignée pour faciliter la restauration d’un os alvéolaire qui n’a pu se constituer en raison de l’ankylose. Dans certains cas, l’apport d’un greffon osseux prélevé dans le voisinage est utile (Fig. 2). Une contention semi-rigide assure la stabilité ver-

La mobilisation des dents transplantées a mauvaise presse auprès des orthodontistes. Il est préférable d’attendre pour leur appliquer des forces que leur intégration dans leur site soit suffisante : une mobilisation trop précoce peut aboutir à une situation parodontale désastreuse (Fig. 9). Trois mois après la transplantation, la revascularisation est maximale et le parodonte cicatrisé. Les forces utilisées doivent être constantes et légères. Mais il ne faut pas attendre trop longtemps. Six à 8 mois après la transplantation, l’oblitération du canal pulpaire entrave la vascularisation. La correction orthodontique devrait être achevée à ce terme.71 Au-delà, la fréquence d’une ankylose rend souvent leur mobilisation impossible. Les forces appliquées risquent alors provoquer une ingression des dents voisines. Les corrections par un mouvement de rotation, observées sur des prémolaires, induisent une légère résorption de surface et entravent l’édification radiculaire.72 Lors des mouvements de rotation, l’étranglement vasculaire au niveau du foramen apical peut entraîner une nécrose pulpaire tardive. Il faut en tenir compte dès la préparation du site receveur afin de limiter autant que possible ces mouvements de rotation.

Réimplantations Une réimplantation consiste à réinsérer dans son alvéole une dent qui en a été luxée, intentionnellement ou par accident. Les réimplantations den-

Transplantations et réimplantations dentaires taires ont avec les transplantations des points communs, tant en ce qui concerne la technique opératoire que les conséquences postopératoires. Le traitement des odontalgies par extraction suivie de réimplantation de la dent douloureuse, n’est plus pratiqué dans nos régions, de nos jours. Plus récemment, Lin (1983) et Keller (1990) ont publié leurs études concernant le traitement endodontique a retro de dents extraites préalablement en raison des difficultés de traitement in situ, puis réimplantées.48 Actuellement, l’usage du microscope facilite ces traitements difficiles et devrait rendre cette pratique exceptionnelle. La réimplantation de dents saines extraites par erreur est une réponse à une mutilation iatrogène. Lorsqu’elle se produit, la dent extraite malencontreusement doit être immédiatement replacée dans son alvéole et contenue. On surveille sa vitalité dans les semaines qui suivent. La traumatologie accidentelle est la grande pourvoyeuse des réimplantations. Le geste est simple si la luxation est isolée, sans fracture alvéolaire, avec une dent intacte. Ces cas se rencontrent chez des sujets jeunes, et concernent fréquemment des dents antérieures. Ce type de luxation affecte le plus souvent les incisives maxillaires. Tout doit être mis en œuvre pour une réimplantation précoce. Sur un appel téléphonique, on peut conseiller aux parents de replacer la dent dans son alvéole, avant même de se rendre au cabinet du praticien. Sinon, elle est conservée dans la salive du patient ou dans du soluté physiologique pendant le transport afin d’éviter la dessiccation du desmodonte.62 L’association de pénicilline au liquide de transport, autrefois conseillée, aurait une action nécrosante sur les cellules desmodontales et n’est plus recommandée. Comme pour les transplantations, le temps passé par la dent luxée hors de la cavité buccale influe sur le résultat de la réimplantation. Plus souvent, les traumatismes aboutissent à des luxations et subluxations multiples, et s’accompagnent de fractures osseuses alvéolaires, voire interruptrices. Le traitement est alors global : réduction et contention des fractures et des dents mobilisées après leur remise en place. Les couronnes des dents atteintes sont souvent lésées. Qu’il s’agisse d’un simple éclat de l’émail ou d’une fracture partielle, voire subtotale de la couronne, tout le matériel dentaire qui peut être récupéré et remis à sa place doit l’être. On facilite ainsi la stabilisation du (ou des) foyer(s) de fractures et l’on économise le capital dentaire. Le traitement des canaux des dents réimplantées qui ne se comportent pas dans les suites comme des dents vivantes, et les restaurations des couronnes se font dans des temps ultérieurs.

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Déplacement chirurgical de dents à visée orthodontique De tels déplacements sont souvent demandés par les orthodontistes pour les aider à débloquer des situations difficiles, ou pour faire gagner un temps appréciable sur la longueur d’un traitement. Les difficultés techniques et les problèmes de suites opératoires sont, sur bien des points, comparables à ce que l’on rencontre dans les cas de transplantations. Alvéolectomie d’induction19, 22, 26, 29, 63 Cette intervention décrite par Chatellier sous le nom d’alvéolectomie conductrice est destinée à faciliter l’éruption d’une dent retardée 21. Elle crée chirurgicalement une voie d’éruption en supprimant la portion d’os alvéolaire qui coiffe sa couronne. On retire par la même occasion une portion de fibromuqueuse correspondant à la zone occlusale, dont l’épaisseur peut à elle seule constituer un obstacle. La fibromuqueuse vestibulaire et palatine (ou linguale) est, elle, respectée. Contrairement à ce que préconise Chatellier, nous évitons de mener l’alvéolectomie au-delà du collet de la dent et nous empêchons l’iter dentis artificiellement ouvert de se refermer à l’aide d’un pansement gingival. Durivaux estime pour sa part qu’il est essentiel de retirer le sac péricoronaire de la dent.29 Ce geste permet dans certains cas de résoudre le problème de l’inclusion lorsque la dent retenue est dans un bon axe. Bien entendu, l’espace interproximal qui lui est destiné doit être suffisant. Les dents dont l’apex est resté ouvert ont plus de chances d’évoluer ainsi favorablement, toutefois l’égression de dents à l’apex fermé reste possible. Pilotage intraosseux44, 63, 81 Le pilotage intraosseux est une intervention chirurgicale précoce à visée correctrice, sur un germe dont l’axe d’évolution est mal orienté. Ici encore, le meilleur moment pour agir est celui où les racines sont édifiées au moins aux deux tiers, au plus aux trois quarts. Le principe du pilotage est de modifier la position intraosseuse de la dent tout en évitant de léser le pédicule apical conservé comme point fixe. Bien souvent, le pilotage amène la dent en situation prééruptive. Il est alors associé à une alvéolectomie d’induction (cf. supra). Pour réaliser la version chirurgicale et rétablir l’axe d’éruption de la dent, l’ablation d’une zone osseuse triangulaire à sommet apical est nécessaire. Elle est menée le long de la racine avec le plus grand soin en veillant à ne pas la léser. Sous irrigation, l’on peut utiliser un instrument rotatif fin, du type « fraise à

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J. Recoing la dent voisine. Cette intervention concerne les deuxièmes et troisièmes molaires. S’il existe une dent de sagesse partiellement ou totalement incluse, et il s’agit le plus souvent d’un germe, il est souvent préférable de le retirer dans le même temps pour dégager de l’espace en arrière de la deuxième molaire que l’on redresse. Si l’on intervient pour corriger l’axe d’une dent de sagesse, il est parfois utile pour la même raison, de pratiquer une petite alvéolectomie en arrière de cette dent. Il est simple de prélever au cours de cette intervention un peu d’os dans la zone rétromolaire afin de combler l’espace laissé vide en avant de la molaire, par son réaxage. C’est rarement indispensable : une suture mucopériostée soigneuse facilite dans la plupart des cas une restauration osseuse visible sur la radiographie de contrôle 6 mois plus tard (Fig. 10). Il est essentiel de vérifier l’occlusion en fin d’intervention. Comme pour les transplantations, il ne faut pas tolérer de surocclusion. Un meulage sélectif est parfois utile en cas de malposition ou d’extrusion de la dent antagoniste. Si l’on constate une mobilité de la dent redressée en fin d’intervention, ou une tendance à la réingression en faisant mordre sur une compresse pliée, une contention est alors nécessaire. Deux brackets collés, reliés par un fil d’acier suffisent en général. La prise en charge sur l’arc orthodontique est également possible.

Figure 10 (A à C) Redressement chirurgical de 37 et 47 enclavées. Radiographies préopératoire, postopératoire immédiate et à 1 an.

couper », pour marquer la zone à réséquer. L’ostectomie est ensuite complétée à l’aide de ciseaux à os de faible épaisseur qui ont l’avantage de ne pas provoquer d’échauffement et de ne pas consommer d’os. Le fragment osseux ainsi retiré peut alors être utilisé, une fois la version effectuée, pour caler la dent dans sa nouvelle position en comblant l’espace laissé vide par la version. Toutes ces manœuvres doivent être menées avec une extrême douceur en veillant à ne pas luxer la dent que l’on redresse. Redressement chirurgical de molaires enclavées Le redressement d’une molaire par des procédés orthodontiques est difficile et demande beaucoup de temps. Le redressement chirurgical (Fig. 10) ne demande que quelques minutes. Le principe en est comparable à celui du pilotage intraosseux. La molaire en situation oblique, molaire mandibulaire le plus souvent, est redressée à l’aide d’un élévateur, en la faisant pivoter autour de son apex afin de rétablir un point de contact efficace avec le bombé proximal de la couronne de

Corticotomies de repositionnement Leur mise en œuvre procède d’une constatation fréquente en traumatologie : lors de fractures alvéolaires avec un déplacement os/dent, la réduction immédiate suivie de contention aboutit dans de nombreux cas à une restitutio ad integrum après consolidation.12,62 Les corticotomies de repositionnement représentent une variante des transplantations.87 Elles sont souvent l’ultime ressource en cas d’ankylose au cours de la traction orthodonticochirurgicale d’une dent. Il peut s’agir d’une incisive, d’une prémolaire, voire d’une molaire, mais le cas le plus fréquent est celui d’une canine, et, bien souvent, d’une canine dont la couronne est orientée vers le vestibule. Dans ce cas, l’absence d’os vestibulaire sous-jacent à la couronne de la canine est un obstacle à une réimplantation. La corticotomie cherche à positionner la dent ankylosée sur l’arcade, en entraînant avec elle l’os dans lequel elle est contenue et plus particulièrement la corticale vestibulaire. On rejoint ici les recommandations d’Henri Petit à propos des transplantations.73 La conduite de l’intervention repose sur les principes déjà évoqués : large lambeau donnant de la souplesse pour

Transplantations et réimplantations dentaires une couverture sans traction, respect du périoste, sections osseuses de part et d’autre de la dent ankylosée à l’aide d’instruments fins, sans échauffement, mobilisation en douceur vers l’arcade avec le contrôle d’un doigt antagoniste au mouvement. La contention est réalisée avant la suture muqueuse pour ne pas déplacer au cours de celle-ci la dent que l’on vient d’amener chirurgicalement en bonne position. Cette technique peut aussi être utilisée en première intention pour la mise en place de dents retenues lorsque les circonstances socioéconomiques ne permettent pas un traitement orthodontique classique. Elle n’est pas si éloignée de la forcipressure recommandée par Fauchard32 pour le redressement avec leur os alvéolaire, de dents mal positionnées. Citons, dans le même esprit, les ostéotomies partielles alvéolaires non interruptrices à visée prothétique ou orthodontique. Elles permettent de déplacer un ensemble os/dent. Il s’agit le plus souvent d’une ou de deux molaires maxillaires. Le déplacement s’effectue dans le sens vertical s’il faut pallier une extrusion qui rendrait impossible la réalisation d’une prothèse ou le nivellement d’une arcade. Dans le sens postéroantérieur, il permet de compenser une édentation partielle ou de diminuer la portée d’un bridge. La contention peut se faire sur un arc préalablement préparé, ou encore par une ostéosynthèse avec des microplaques. Distraction Elle constitue une alternative à la corticotomie, pour la mise en place de dents dont l’ankylose interrompt l’évolution sous traction orthodontique. Godvilla l’avait décrite en 1905. Ilisarov l’a popularisée depuis les années 1950 pour les os longs. La miniaturisation des distracteurs depuis une décennie rend possible son utilisation dans la cavité buccale. La distalisation douce et précoce après section osseuse menée comme pour une corticotomie évite une greffe en stimulant l’ostéogenèse et permet une adaptation « à la demande » des tissus mous. Elle a été récemment évoquée par Benoît Philippe (Journées de l’orthodontie, Paris, novembre 2003), mais, à notre connaissance, reste encore confidentielle dans cette indication.

Résultats Pronostic de survie des autotransplants et des réimplantations dentaires La survie à long terme des autotransplants, tous types confondus, varie de 78 à 100 % selon des séries publiées entre 1986 et 1995.

449 Autotransplantations de troisièmes molaires Hoving, en 1986, obtient sur une période d’observation de 2 à 10 ans 100 % de survie dentaire sur 16 transplantations.45 Nethander, en 1988, publie une série de 57 transplantations avec un taux de survie dentaire de 89 % entre 2 et 5 ans.64 Andreasen, en 1990, pour 151 transplantations suivies de 0,5 à 20 ans observe un taux de survie de 96 %.11 Autotransplantations de prémolaires Kristerson, en 1985, publie une série de 82 transplants effectués après l’âge de 10 ans avec un taux de succès de 96 % pour une durée d’observation de 1 à 18 ans. Le pourcentage de réussite est un peu inférieur (78 % pour 18 transplants) si les sujets sont plus jeunes (moyenne d’âge : 6,3 ans).50 Andreasen, en 1990, atteste 95 et 98 % de survie dentaire pour deux séries de 317 et 53 transplants de prémolaires suivis pendant 5 ans.11 Autotransplantations de canines Ahlberg (1983), sur 33 canines transplantées observées, constate une survie dentaire dans 88 % des cas.2 Lownie obtient le même pourcentage de succès pour une série de 35 autotransplantations de canines suivies de 0,5 à 4 ans.55 Autotransplantations d’incisives Tegsjö (1987) a suivi pendant 4 ans 56 incisives transplantées avec un taux de survie dentaire de 91 %.88 Kahnberg (1988) collecte 100 % de succès pour deux séries de 17 et de 41 incisives autotransplantées.47 Ces résultats indiquent une bonne fiabilité des autotransplantations.31 Ils sont influencés par la rigueur dans le choix des indications, par la qualité de la réalisation. Ils sont donc corrélés à l’expérience des praticiens qui les proposent et les mettent en œuvre. Le pronostic est constamment meilleur quand les dents sont transplantées à un stade où leur édification radiculaire est incomplète, ce qui facilite la cicatrisation desmodontale et pulpaire. Le pourcentage de succès est un peu inférieur lorsque les transplants sont effectués à un stade trop précoce de maturité radiculaire. Réimplantations Les résultats portant sur la réimplantation de dents permanentes luxées sont un peu inférieurs, sur le long terme, à ceux des autotransplantations : 70 % selon les séries de Gonda et Andreasen.41 Patris70 attribue cette différence au fait que dans les réimplantations les différents facteurs qui influent sur le résultat ne peuvent pas être contrôlés comme dans les transplantations.

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Résorption La qualité des résultats, outre la survie dentaire, est sous l’étroite dépendance du degré de résorption radiculaire qui peut amener la perte du greffon. Andreasen et Hjörting-Hansen distinguent quatre degrés de résorption.5,6 Résorption de surface Elle est liée au traumatisme des cellules desmodontales et cicatrise sans traitement à partir des restes vivants du desmodonte. Les lacunes, de petite taille, ne sont pas visibles sur les radiographies.6 Résorption inflammatoire Les zones de résorption en cupules, visibles à la radio, intéressent la face profonde du desmodonte et le cément. Les canalicules dentaires exposés sont envahis par des bactéries de provenance endoou exoradiculaire. Un traitement endodontique doit être mis en œuvre dès que l’on constate ce type de résorption. Ankylose L’activité des ostéoblastes aboutit au remplacement de la zone résorbée par de l’os. Elle est décelée sur les radiographies, au-delà de 2 mois après la transplantation. Précoce ou tardive, elle se stabilise parfois, mais aboutit souvent à la disparition complète de la racine et à la perte du greffon au bout de plusieurs mois ou années. Résorption osseuse La paroi alvéolaire est résorbée par les ostéoclastes.

Perspectives L’utilisation, in situ, de facteurs de croissance permet d’espérer de notables progrès dans la cicatrisation et l’intégration des greffes osseuses et dentaires. Après une greffe, un processus vasculaire et un processus d’activation de substances biochimiques facilitent la régénération des cellules épithélioconjonctives et osseuses. Les facteurs de croissance (FDC) qui interviennent sont principalement contenus dans les granules alpha des plaquettes sanguines. Ce sont des peptides naturels proches des hormones, mais dont l’activité est locale. Ils facilitent le recrutement des cellules nécessaires à la réparation, leur activation et leur multiplication. Trois familles de FDC sont impliquées dans les processus de réparation : • IGF1 (insuline like growth factor) : il stimule la croissance osseuse en se combinant avec le PDGF et le TGF bêta.

J. Recoing • PDGF (platelet derived growth factor) : il est chimiotactique et mitogène pour les cellules parodontales. Il facilite l’angiogenèse. Il accélère le remplacement des tissus lésés. • TGF bêta (transforming growth factor beta) : il stimule la synthèse de l’ADN et des protéines des fibroblastes. Il est ostéo-inducteur et freine l’activité anticollagénase des cellules inflammatoires. Depuis 1985, on sait isoler des concentrés plaquettaires par centrifugation du sang du patient chez qui l’autogreffe va être pratiquée. On en tire un film plaquettaire riche en FDC et d’utilisation facile et peu coûteuse qui remplace avantageusement les membranes.1 Cette voie nous paraît prometteuse en ce qui concerne les transplantations et les réimplantations dentaires.

Conclusion Utilisées chez l’homme depuis des millénaires, les transplantations dentaires n’ont épuisé ni leurs indications, ni les améliorations susceptibles d’optimiser leur pronostic. Elles ont pour but la mise en place chirurgicale, sur une arcade dentaire, de dents incluses ou ectopiques, le remplacement de dents perdues ou la compensation d’agénésies. Elles doivent donc, tout naturellement, trouver leur place dans les plans de traitement des orthodontistes et des omnipraticiens. En raison du principe de précaution, nous ne retenons que les seules autotransplantations. Il arrive que l’on hésite, pour une même indication, entre le choix d’une transplantation ou celui d’un implant. Retenons en faveur des transplantations qu’elles peuvent être pratiquées chez des sujets jeunes, en cours de croissance osseuse et d’édification des procès alvéolaires. Peu coûteuses, elles n’exigent pas de reconstitution prothétique dans la majorité des cas. Réussies, elles permettent la mise en place d’une dent « naturelle » dont l’évolution accompagnera dans le temps celle du reste de la denture. Rappelons la règle du « tout à gagner, rien à perdre », qui doit guider les praticiens dans le choix de ces techniques.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 453–461

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Extraction chez l’enfant Tooth extraction in children J.-D. Mettoudi (Praticien hospitalier) *, D. Ginisty (Professeur, chef de service) Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie pédiatriques, groupe hospitalier Cochin Saint Vincent de Paul - La Roche Guyon, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14, France

MOTS CLÉS Enfant ; Extraction ; Dent de lait ; Dent permanente ; Rhizalyse ; Germe

KEYWORDS Child; Extraction; Milk tooth; Permanent tooth; Root resorption; Bud

Résumé Extraction chez l’enfant : cet acte peut paraître a priori simple, voire banal. De son bon déroulement, au même titre que les soins pédodontiques, va dépendre le comportement du futur patient devenu adulte. Ainsi, le premier contact et l’abord de l’enfant sont essentiels ; le choix des termes dans la relation praticien - patient revêt une grande importance. La denture lactéale présente des caractéristiques morphologiques et physiologiques qui la différencient de la denture permanente ; en premier lieu, la rhizalyse qui lui confère son caractère éphémère. La carie et ses complications infectieuses surtout, mais aussi les traumatismes constituent les causes principales d’extraction chez l’enfant. À celles-ci viennent s’ajouter les extractions pilotées, pour des raisons orthodontiques, qu’elles soient de dents temporaires ou de germes de dents permanentes. De l’indication à la réalisation de l’acte, l’anesthésie constitue une étape intermédiaire qui peut parfois devenir un obstacle (peur de la piqûre). C’est pourquoi tout doit être fait pour qu’elle soit la moins traumatisante possible. La technique opératoire doit obéir à des règles précises et tenir compte de facteurs tels que la morphologie des dents, la présence des germes des dents définitives sous-jacents et, durant un temps, la coexistence des deux dentures. Pour les actes plus complexes tels que l’extraction des odontoïdes ou plus généralement des dents incluses, le choix de l’anesthésie générale se discute. © Elsevier SAS. Tous droits réservés Abstract Tooth extraction in a child may seem a simple, ordinary act. It should be remembered, however, that when he becomes an adult, this patient will have an attitude to dental treatment that will depend on how he experienced this “paediatric extraction”. The initial contact and the way one addresses the child are therefore essential. The way of talking and adequately chosen words are a key in the patient/doctor relationship. Milk teeth are morphologically and physiologically different from permanent teeth, first, due to root resorption which confers them their temporary character. The main reasons for tooth extraction in children are the decay and its related infectious complications; other reasons are trauma, and scheduled orthodontic extractions of either milk teeth, or buds of permanent teeth. Between the indication and the extraction itself, anaesthesia is an intermediary stage which can sometimes constitute an obstacle (fear of the injection). This is why much is to be done to make it as non-traumatic as possible. The operating technique must comply with precise rules and take into account factors such as the

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-D. Mettoudi). © Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcden.2004.06.001

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J.-D. Mettoudi, D. Ginisty morphology of the tooth, the presence of underlying permanent tooth buds and, for a time, the co-existence of milk and permanent teeth. For more complicated acts, such as removing odontoids or more generally unerupted teeth, general anaesthesia may be considered. © Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Examen clinique Il est fondamental car il constitue le premier contact avec l’enfant et détermine en partie le bon déroulement de la suite en établissant une relation de confiance. On utilise un langage clair et simple en s’aidant de termes ou d’expressions imagées (« ouvrir grand la bouche comme un crocodile », « compter » les dents, faire une photo des dents etc ...). Cet examen se fait dans le calme, en présence des parents, dans un environnement agréable et en laissant à l’enfant sa totale liberté de mouvement. Il nous fournit de nombreux renseignements : coopération, degré d’ouverture buccale, état général de la denture, encombrement éventuel, mobilité ou non des dents à extraire, dents absentes (antécédents d’extraction). L’examen radiologique complète tout naturellement cet examen clinique. Les clichés standards, numérisés ou non, panoramique à partir de 5 à 6 ans, rétroalvéolaires, suffisent dans la très grande majorité des cas. Ils permettent d’apprécier : le degré de rhizalyse, la morphologie radiculaire, la situation des germes (agénésies), enfin la présence de foyers infectieux interradiculaires ou apicaux.

Abord de l’enfant Le praticien doit toujours avoir à l’esprit que : • l’enfant n’est pas un petit « adulte » ; • il a son propre langage, son imaginaire, une perception corporelle différente de celle de l’adulte ; • il est accompagné de ses parents. Le praticien doit donc gérer une relation triangulaire parents – patient – praticien.1 Si la plupart du temps l’abord est relativement aisé, une fois les différentes étapes expliquées simplement à l’enfant, en banalisant l’acte, toujours à l’aide de termes imagés ou de métaphores (la dent va « dormir », on va « cueillir » la dent), parfois il n’en va pas de même et il faudra utiliser des techniques d’approche plus élaborées. D’abord comprendre et évaluer l’angoisse et l’inquiétude de l’enfant face à la spécificité de l’acte en les rapportant à d’éventuels antécédents

médicaux ou chirurgicaux traumatisants (ne fût-ce que la piqûre d’un vaccin). Ensuite, choisir la méthode d’accompagnement la mieux adaptée possible. Ainsi, on fait appel, tantôt au psychologue, tantôt au psychomotricien pour la relaxation, voire aux deux. L’expérience dentaire constitue pour l’enfant une épreuve plus ou moins difficile à surmonter. Pour y faire face, il adopte des comportements variables en fonction de son évolution psychique, de sa personnalité, de son environnement et de son histoire.2 Le psychologue aide l’enfant à verbaliser son angoisse pour essayer d’en retrouver la source et, partant de là, élaborer une stratégie pour l’accompagner par rapport aux soins. En ce qui concerne la relaxation psychomotrice, son but est de donner à l’enfant les moyens de faire disparaître ou de diminuer sa peur par une plus grande compréhension et une possibilité de maîtrise, et ainsi de lui permettre d’accepter et de vivre le bon déroulement des soins au fauteuil en étant disponible et éveillé.3

Indications d’extractions Dents temporaires Par définition, les dents temporaires ont une durée de vie limitée et en règle générale, leur chute est spontanée après la rhizalyse physiologique, et ce en fonction de la dent et de l’âge. Il arrive toutefois que la dent ne montre aucun signe de chute et se « fixe », gênant ainsi l’éruption de son homologue permanente : il faut donc procéder à son avulsion. Carie et ses complications La carie et ses complications représentent la cause la plus fréquente d’extraction d’une dent lactéale. Les dents temporaires et les dents permanentes immatures présentent des caractéristiques morphologiques et physiologiques qui vont influencer les signes cliniques de la maladie carieuse.4 Pour les dents temporaires, ces caractéristiques sont représentées par : • une couche d’émail et de dentine plus mince, entraînant une déminéralisation plus rapide en cas d’atteinte carieuse ;

Extraction chez l’enfant • une chambre pulpaire volumineuse expliquant la rapidité de l’atteinte pulpaire ; • l’existence de canaux pulpoparodontaux mettant en communication le plancher pulpaire, mince, des molaires avec la zone interradiculaire. Cette anatomie particulière explique la fréquence de localisation des infections dans cette même zone. Les dents temporaires les plus fréquemment atteintes par la carie sont représentées par les molaires ainsi que les incisives maxillaires.4 La première molaire mandibulaire est la première dent permanente atteinte par la carie. Les dents permanentes ont une susceptibilité accrue à la carie durant les deux années qui suivent leur éruption.

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Figure 1 Mésiodens située dans la région apicale de la dent 11 en malposition (rotation axiale).

Traumatismes et leurs complications Les traumatismes et leurs complications, principalement infectieuses, sont l’autre grande cause d’extraction d’une dent temporaire. Les incisives maxillaires sont les plus fréquemment concernées par ces traumatismes, étant les plus exposées. Fracture coronaire ou coronoradiculaire, luxation, impaction avec risque de lésion du germe de la dent définitive ou en cas de complication infectieuse sont autant de causes d’avulsion. Pilotage ou extractions pilotées Il consiste à pratiquer l’avulsion de certaines dents temporaires (canines et premières molaires) avant leur date normale de chute5, ce qui a pour conséquence de corriger spontanément l’encombrement incisif ou encore d’accélérer l’éruption des premières prémolaires. Anomalies de structure, de forme, de position ou de nombre Elles sont également des indications d’extraction.

Dents permanentes Les indications d’extraction sont sensiblement les mêmes que pour les dents déciduales (carie, traumatismes, orthopédie dentofaciale6,7, malpositions. Il faut toutefois y ajouter : • les germectomies, qu’elles soient de prémolaires dans le cadre de traitements orthodontiques ou de dents de sagesse pour dysharmonie dentomaxillaire postérieure généralement admise en pratique clinique et confirmée bien sûr par la radiologie, ou malposition ou encore ectopie ; • les dents surnuméraires ; la plus fréquente est la mésiodens dont le siège est la région incisive

Figure 2 Odontoïdes multiples dans les régions prémolaires maxillaires et mandibulaires.

maxillaire (Fig. 1), entraînant une rétention des incisives centrales ou la persistance d’un diastème important entre elles, ou des malpositions. Il peut être unique ou multiple. Les autres germes surnuméraires ou odontoïdes siègent dans les régions prémolaires-molaires, tant mandibulaires que maxillaires (Fig. 2).

Anesthésie Elle peut être de contact, locale, locorégionale ou générale. Hormis la différence de taille de la cavité buccale par rapport à l’adulte, et par là même la plus faible amplitude de l’ouverture buccale et le degré moindre de minéralisation osseuse permettant une meilleure diffusion de l’anesthésique, enfin en respectant les doses maximales recommandées, les techniques d’anesthésie locale et locorégionale diffèrent peu de celles de l’adulte.

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Anesthésie muqueuse de contact Elle consiste à appliquer une crème anesthésique dans la zone du futur point d’impact de l’aiguille et permet d’atténuer la sensation douloureuse de piqûre. Elle devrait être systématique.

Anesthésie locale Anesthésie sous-périostée dite « para-apicale » Elle consiste à déposer le produit anesthésique au contact du tissu osseux par infiltration dans la muqueuse vestibulaire8 à l’aplomb de la dent à anesthésier. Essentiellement réservée aux dents maxillaires, elle peut chez l’enfant être utilisée pour les dents mandibulaires mais avec moins d’efficacité. Anesthésie intraligamentaire L’anesthésie du ligament alvéolodentaire complète souvent et efficacement l’anesthésie souspériostée.

Anesthésie locorégionale ou tronculaire Elle bloque la transmission nerveuse en aval de la zone à traiter et permet ainsi une anesthésie à distance du point d’injection dans tout le territoire d’innervation.8 Elle est de réalisation plus difficile que l’anesthésie locale par infiltration et demande une bonne connaissance anatomique, en particulier la situation de l’épine de Spix qui varie chez l’enfant en fonction de son âge. Quoi qu’il en soit, elle semble difficilement envisageable avant l’âge de 5-6 ans. Anesthésie locale potentialisée par inhalation de protoxyde d’azote (N2O) C’est un anesthésique gazeux à température et pression ambiantes, administré par inhalation au masque sous forme d’un mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (MEOPA, Entonox®, Kalinox®). L’état de conscience est modifié au bout de 2 minutes d’inhalation mais le patient reste vigile et capable de réagir avec l’environnement. Le N2O élève le seuil douloureux, diminue et modifie la perception douloureuse. Il a un effet hilarant et anxiolytique.8 Il est utilisé pour des actes brefs, en dehors du bloc opératoire, sous réserve du respect des bonnes règles d’utilisation et des contre-indications (hypertension intracrânienne, insuffisance cardiaque entre autres). Anesthésie locale potentialisée par sédation médicamenteuse Celle-ci est assurée par les benzodiazépines. On recherche les effets anxiolytique, hypnotique et

J.-D. Mettoudi, D. Ginisty amnésiant. L’agent de choix est le midazolam (Hypnovel®) en raison de sa moindre demi-vie et de son excellent effet amnésiant antérograde.9 Administration : en fonction de l’âge, on choisit la voie nasale, rectale ou orale, à raison de 0,2 à 0,5 mg/kg sur poids théorique, selon la voie d’administration, sans dépasser 10 mg au total.10

Anesthésie générale Elle est indiquée dans les cas suivants : • extractions multiples ; • complexité de l’acte (germectomies, dents réincluses, ankylosées, impactions profondes, limitation de l’ouverture buccale) ; • très jeune âge de l’enfant ; • handicap mental majeur (autisme, psychose) ; • pathologies générales associées.

Technique opératoire Extraction des dents lactéales Les instruments utilisés sont les mêmes que pour les dents permanentes : syndesmotome-faucille, syndesmotome droit, élévateur, daviers, à la différence que ces derniers sont de plus petite taille, et adaptés à la morphologie coronaire des dents lactéales (Fig. 3). Extraction des dents maxillaires Extraction des incisives et des canines Lorsque la radiographie a montré une rhizalyse avancée et que la dent est mobile, il suffit, après

Figure 3 Daviers pour dents lactéales.

Extraction chez l’enfant

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Figure 4 Séparation coronoradiculaire d’une molaire lactéale maxillaire.

une syndesmotomie, d’exercer une pression latérale (mésiodistale ou inversement) à l’aide d’un syndesmotome droit pour luxer la dent. Lorsque la dent est immobile, toujours après une syndesmotomie, un davier adapté permettra l’extraction par des mouvements de rotation axiale alternatifs puis de traction dans l’axe de la dent. Extraction des molaires Elle est d’autant plus aisée que la rhizalyse est importante. Ces dents ont en règle générale trois racines enserrant le germe de la prémolaire, la racine palatine étant la plus longue et souvent la plus tardivement rhizalysée. Après décollement complet de la sertissure gingivale, on dispose le davier à molaire légèrement au-delà du collet de la dent et on fait des mouvements de rotation et de traction. En cas d’immobilité persistante, il faut alors procéder à une séparation des racines. Pour ce faire, on utilise une fraise destinée à cet effet, montée sur turbine en ayant toujours à l’esprit l’existence d’un germe dentaire sous-jacent afin d’éviter de l’endommager. On sépare la racine palatine des racines vestibulaires en premier, sans aller jusqu’à la furcation, puis les deux racines vestibulaires (Fig. 4). On luxe ainsi les différentes racines, l’une après l’autre avant de les saisir à l’aide d’un davier à racine. En cas de fracture d’un apex, soit il est facilement accessible et il faut alors le retirer avec un syndesmotome-faucille ou un instrument plus fin, soit il ne l’est pas et il faut le laisser en place. Extraction des dents mandibulaires Extraction des incisives et des canines Les incisives centrales sont en théorie les premières dents lactéales à disparaître, au même titre qu’elles sont les premières à apparaître. Il arrive de façon non exceptionnelle que leurs homologues permanentes évoluent en arrière d’elles alors que

Figure 5 Séparation des racines d’une molaire lactéale mandibulaire.

la chute spontanée ne s’est pas produite donnant l’impression d’une double rangée de dents et inquiétant les parents ; ce qui constitue un motif fréquent de consultation. La technique d’avulsion est sensiblement la même que pour les incisives et canines maxillaires. Lorsque ces dernières sont extraites dans un but orthodontique, elles le sont souvent avant la période théorique de leur chute et il faut en tenir compte lors de l’extraction, leur racine étant en grande partie conservée. Extraction des molaires Les molaires lactéales mandibulaires ont deux racines, l’une mésiale, l’autre distale, aplaties dans le sens mésiodistal et enchâssant le germe de la prémolaire sous-jacente. Après la syndesmotomie, les mors du davier adapté sont positionnés sous le collet de la dent et on exerce alternativement des mouvements de bascule vestibulolinguale, de rotation et en même temps de traction. En cas de séparation des racines, les mêmes précautions de respect du germe sous-jacent sont prises (Fig. 5). Un cas particulier est représenté par l’extraction des molaires lactéales réincluses ou en voie de réinclusion. La réinclusion ou réingression se produit généralement au niveau de la deuxième molaire temporaire par un mouvement de dérive mésiale excessif de la première molaire permanente.11 Là encore, la séparation des racines permet de simplifier l’avulsion.

Extraction des dents permanentes Ce sont les dents de 6 ans détruites par la carie ou encore les incisives maxillaires fracturées lors de traumatismes, les prémolaires dans le cadre des traitements orthodontiques multiattaches, enfin

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J.-D. Mettoudi, D. Ginisty

les germectomies de prémolaires ou de dents de sagesse. Extraction de la dent de 6 ans Le délabrement coronaire est souvent très important et la préhension de la dent au davier n’est plus possible. La séparation des racines facilite l’extraction de celles-ci. Il arrive que cela ne soit pas suffisant. Il faut alors faire une alvéolectomie. On réalise un lambeau vestibulaire avec incision de décharge au tiers distal de la première molaire lactéale ou de la première prémolaire en respectant la papille interdentaire. Cette décharge est légèrement oblique de haut en bas et d’avant en arrière pour la dent de 6 ans maxillaire et d’arrière en avant pour la dent de 6 ans mandibulaire en ayant à l’esprit pour cette dernière la présence de l’émergence du nerf mentonnier sous-jacent. Après le décollement mucopériosté, le dégagement osseux est fait à la fraise à os chirurgicale ronde numéro 8, montée sur pièce à main, sous irrigation permanente. Une fois l’extraction des différentes racines (deux pour la 6 mandibulaire et trois pour la maxillaire) faite, le curetage apical si nécessaire et la toilette de la cavité réalisés, le lambeau est repositionné et suturé. Les sutures résorbables sont préférées chez l’enfant. Extraction des incisives Les plus fréquemment fracturées lors des traumatismes sont les centrales maxillaires. La difficulté d’extraction dépend du niveau de fracture radiculaire. Lorsque celle-ci se situe au tiers moyen ou au tiers apical ou qu’elle est comminutive, l’alvéolectomie est nécessaire. Extraction des prémolaires En règle générale, elle n’offre pas de difficultés particulières. Une bonne syndesmotomie, un davier et des mouvements adaptés (Fig. 6) rendent l’extraction aisée. Toutefois, la première prémolaire maxillaire possède deux racines avec des apex graciles, et la mobilisation de la dent doit être faite avec précaution afin d’éviter de les fracturer. Germectomies Prémolaires Il s’agit dans la très grande majorité des cas de premières prémolaires dans les dysharmonies dentomaxillaires. Elles sont à l’état de germe avec une édification radiculaire bien avancée mais non terminée. Pour accéder au germe, il est nécessaire d’extraire la première molaire lactéale sus-jacente lorsqu’elle n’est pas tombée naturellement. Le diamètre mésiodistal de la couronne du germe de la

Figure 6 Daviers de taille intermédiaire.

prémolaire étant souvent supérieur à l’espace libre laissé par l’extraction de la molaire de lait, il arrive que l’on soit amené à sectionner le germe longitudinalement dans le sens vestibulolingual ou vestibulopalatin, voire également dans le sens mésiodistal à l’aide d’une fraise adaptée montée sur turbine. Les différents fragments sont ainsi extraits l’un après l’autre. Cette technique, simple de réalisation, permet d’éviter la perte osseuse de l’alvéolectomie.12 Dents de sagesse Elles sont indiquées dans les dysharmonies dentomaxillaires postérieures, à la fin du traitement orthodontique, en phase de contention. La germectomie précoce, préconisée par certains, n’offre pas d’intérêt particulier. Elle est de plus de réalisation technique plus délicate et entraîne une perte osseuse plus importante. Germectomie des dents de sagesse mandibulaires. On réalise un lambeau vestibulaire avec incision au bistouri à lame 15, partant de la crête en arrière de la dent de 12 ans et se poursuivant en dehors (Fig. 7). Divers éléments tels que la taille du germe, sa profondeur, le degré d’ouverture buccale, font que l’opérateur complète ou non le tracé de l’incision par une décharge ; celle-ci se situant au tiers distal de la dent de 6 ans. L’incision doit être franche et nette et intéresser dans le même temps la muqueuse et le périoste en gardant toujours le contact osseux.13 Une fois le lambeau soigneusement décollé et pris en charge par un écarteur de Dantrey ou autre, en fonction des habitudes de l’opérateur, le dégagement osseux est fait à la fraise à os chirurgicale ronde numéro 8 ou 10 sur pièce à main, sous irrigation. Il arrive que l’on soit amené à fragmenter le germe en deux ou plusieurs

Extraction chez l’enfant

Figure 7 Tracé d’incision d’une germectomie de dent de sagesse mandibulaire.

parties afin d’éviter une perte osseuse trop importante. Le germe est extrait avec son sac péricoronaire, la cavité est nettoyée et le lambeau repositionné et suturé. Germectomie des dents de sagesse maxillaires. L’incision postérieure est faite en arrière de la dent de 12 ans sur la tubérosité. L’incision de décharge au niveau de la dent de 6 ans est recommandée. Elle permet d’éviter de détériorer le lambeau et d’offrir une meilleure visibilité du site (Fig. 8). La table osseuse vestibulaire est très mince à ce niveau (telle « une coquille d’œuf ») et se retire souvent sans fraisage, à l’aide du syndesmotomefaucille. Le germe est luxé en dehors et en bas, le point d’appui étant la dent de 12 ans et l’instrument de choix le syndesmotome de Chompret droit. Après ablation du sac péricoronaire et toilette soigneuse de la cavité, le lambeau est repositionné et suturé.

Figure 8 Tracé d’incision d’une germectomie de dent de sagesse maxillaire.

459 Extraction des canines incluses Après la 3e molaire, la canine définitive est la dent le plus souvent retenue avec une prévalence pour le site maxillaire.14 Compte tenu de son importance fondamentale dans les fonctions occlusale surtout, mais aussi esthétique, l’extraction d’une canine incluse maxillaire ne doit être envisagée qu’une fois les différentes possibilités de mise en place chirurgicale ou orthodontique (arrimage de la dent par un dispositif de traction collé) épuisées. Le caractère traumatisant psychologiquement du décollement de la fibromuqueuse palatine nous fait préférer l’anesthésie générale chez le grand adolescent. Si l’extraction est unilatérale, l’incision est pratiquée au collet des dents, de la dent de 6 ans homolatérale à l’incisive latérale ou la canine controlatérale. Si l’extraction est bilatérale, l’incision va d’une dent de 6 ans à l’autre. Le décollement de la fibromuqueuse est plus délicat car celle-ci est épaisse et très adhérente. Le pédicule vasculonerveux palatin antérieur doit parfois être sacrifié, sans dommages. Le lambeau est maintenu à distance par une lame de Schneck. Après fraisage de l’os, la section de la couronne de la dent facilite souvent l’extraction en permettant le désenclavement. On prend soin de respecter les différents apex avoisinants. Après lavage abondant et aspiration de tous les débris résiduels, la fibromuqueuse est replaquée et suturée par des points interdentaires. Il arrive que la canine soit si enclavée que son extraction nécessite une double voie d’abord, vestibulaire et palatine. Extraction des germes surnuméraires Extraction des mésiodens La non-évolution des incisives centrales permanentes, ou leur écartement excessif ou encore l’évolution en malposition d’une incisive centrale, doivent faire suspecter la présence d’une mésiodens. Le plus souvent unique, de forme conoïde, elle se situe entre les racines des incisives centrales dans la région apicale. Sa position varie dans tous les plans de l’espace. La technique opératoire suit les mêmes règles que pour les canines incluses. Là encore, le pédicule palatin antérieur est souvent sacrifié. Il n’est pas rare de découvrir, sur le cliché radiologique, deux, voire trois odontoïdes, toujours situés dans la région apicale des incisives centrales. Extraction des odontoïdes Après la région incisive maxillaire, on trouve par ordre de fréquence la région prémolaire, puis exceptionnellement la région des dents de sagesse. Si

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J.-D. Mettoudi, D. Ginisty dre, une simple surveillance hebdomadaire permet de constater, en règle générale, une stabilisation progressive de la dent.

Figure 9 Prolifération anarchique de germes surnuméraires dans une dysostose cléidocrânienne.

leur présence ne gêne pas l’évolution des dents voisines, l’abstention chirurgicale peut se discuter, surtout dans la région prémolaire, car leur extraction n’est pas simple compte tenu de leur situation et de leur petite taille, et le risque de léser les dents adjacentes n’est pas négligeable. Le tableau le plus complet de germes surnuméraires multiples est représenté par la dysostose cléidocrânienne. Affection héréditaire très polymorphe, elle est caractérisée par une symptomatologie osseuse et dentaire. Sur le plan dentaire, la première dentition s’effectue normalement. La présence de germes dentaires surnuméraires s’interposant entre dents lactéales et germes dentaires adultes explique les anomalies de la deuxième dentition, en l’absence de traitement.15 Le retard d’évolution des dents permanentes fait pratiquer une radiographie panoramique qui montre une prolifération anarchique de germes surnuméraires (Fig. 9). Cependant, devant le tableau clinique, il faut rechercher préventivement les germes surnuméraires dans la région incisive maxillaire par des clichés rétroalvéolaires avant de constater le retard d’évolution.

Extractions spécifiques Extraction des dents prétemporaires Il s’agit en réalité le plus souvent de l’éruption prématurée de dents temporaires.16 On découvre lors de l’examen néonatal, dans la région incisive centrale mandibulaire, un ou deux bourgeons faisant issue sur la crête, faiblement minéralisés, de consistance cartilagineuse, mobiles car dépourvus de racine. Lorsque la mobilité est trop importante, l’extraction est rendue nécessaire en raison du risque d’inhalation bronchique. Elle se pratique sans anesthésie, la dent étant simplement sertie par la muqueuse gingivale. En cas de mobilité moin-

Extraction et anomalies de l’hémostase Il n’est pas rare que l’anomalie de l’hémostase soit découverte à l’occasion de l’extraction d’une dent lactéale devant un saignement postopératoire inhabituellement abondant et persistant. Mais notre propos est ici de traiter les extractions chez les patients présentant une pathologie connue de l’hémostase. Qu’il s’agisse de troubles congénitaux de l’hémostase (Willebrand, hémophilie, trombasthénie de Glanzmann), d’hémopathies malignes, d’insuffisance hépatocellulaire ou encore d’hypocoagulabilité thérapeutique ou induite (anticoagulants, antiagrégants plaquettaires, chimiothérapie), l’avulsion se fait toujours en milieu hospitalier, en coordination avec le service d’hématologie ou le service spécialisé qui suit l’enfant. L’utilisation du laser CO2 a permis de compléter efficacement et de simplifier le protocole opératoire. L’idéal est de confectionner, en préopératoire, une gouttière thermoformée de compression et de protection réalisant une compression douce. L’extraction, qu’elle soit réalisée sous anesthésie locale ou générale, est immédiatement suivie d’un tir laser CO2 de l’alvéole et des berges muqueuses, en défocalisant pour obtenir l’effet hémostatique.17 L’alvéole est comblée par des éponges ou des mèches résorbables hémostatiques et la gouttière mise en place. Elle est gardée en permanence plusieurs jours de suite. La suture des berges est déconseillée. Ce protocole ne remplace pas le traitement substitutif, il le complète et permet souvent de le limiter. Extraction et pathologies générales Certaines pathologies nécessitent des précautions particulières, et en premier lieu l’antibioprophylaxie qui est systématique dans les cas suivants : • patients immunodéprimés (greffes, chimiothérapie, virus de l’immunodéficience humaine, déficit congénital) ou ayant subi une radiothérapie maxillofaciale ou encore diabétiques mal équilibrés18 ; • patients présentant un risque d’endocardite infectieuse ; patients atteints de cardiopathies congénitales cyanogènes, valvulopathies aortiques ou mitrales ; • patients porteurs d’une valve de dérivation ventriculopéritonéale pour hydrocéphalie. Dans les encéphalopathies convulsivantes, lorsque l’épilepsie est bien contrôlée, et sauf avis

Extraction chez l’enfant contraire du neuropédiatre, l’anesthésie locale n’est pas contre-indiquée ; mais cela concerne essentiellement les extractions relativement simples. Pour les enfants handicapés mentaux ou psychomoteurs, la difficulté réside dans le choix du protocole d’anesthésie : locale ou générale. En fonction du degré de handicap, des difficultés techniques, du nombre d’extractions, enfin de la pratique de l’opérateur concernant ces enfants, on s’oriente plus vers l’une ou l’autre.

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EMC-Dentisterie 1 (2004) 462–480

www.elsevier.com/locate/emcden

Maladies gingivales induites par la plaque Dental plaque-induced gingival diseases F. Boschin (Assistant des Universités) a, H. Boutigny (Maître de Conférences des Universités, praticien hospitalier) a,*, E. Delcourt-Debruyne (Professeur des Universités, praticien hospitalier) a a

Sous-section de parodontologie, Faculté d’odontologie de Lille, Université « Droit et Santé » de Lille II, Place de Verdun, 59000 Lille, France

MOTS CLÉS Maladie gingivale ; Gingivite ; Plaque dentaire ; Biofilm ; Risque parodontal ; Facteur systémique

Résumé Les maladies gingivales induites par la plaque sont des maladies infectieuses. Elles sont des manifestations de la réponse inflammatoire locale et des réactions immunitaires spécifiques de l’hôte au biofilm bactérien dentaire. Selon la nouvelle classification, elles comprennent les gingivites uniquement associées à la plaque et les maladies gingivales modifiées par des facteurs généraux. Les modifications de couleur, de consistance, de texture de la gencive, avec respect du niveau de l’attache épithélioconjonctive permettent de poser le diagnostic. Des facteurs systémiques tels que des modifications endocriniennes, le diabète ou des dyscrasies sanguines, le stress, le tabac ou des médicaments peuvent modifier le tableau clinique d’une gingivite. De plus, certains facteurs locaux modifient l’environnement bactérien et l’intensité de la réponse de l’hôte. L’évolution d’une maladie gingivale induite par la plaque en parodontite et donc son pronostic sont fonction du risque parodontal, qui est conditionné par le comportement immunitaire de l’hôte et par la nature du biofilm dentaire. Le diagnostic du risque parodontal conditionne la prise en charge médicale et buccodentaire d’un patient porteur d’une maladie gingivale induite par la plaque. Elle comprend la prise en charge des composantes liées à l’hôte, des composantes étiologiques bactériennes, des facteurs locaux aggravants et une maintenance parodontale. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

KEYWORDS Gingival disease; Gingivitis; Dental plaque; Biofilm; Periodontal risk; Systemic factor

Abstract Dental plaque-induced gingival diseases are infectious diseases. They reflect the local inflammatory and host-specific immune responses to the dental bacterial biofilm. According to the new classification, they include those gingivitis associated with dental plaque only, and the gingival diseases that are modified by general factors. The diagnosis of gingivitis is based on gingival changes in colour, consistency and texture, without epithelial connective attachment loss. Systemic factors such as the modification of the endocrine system, diabetes, blood dyscrasias, stress, tobacco or medications can modify the initial clinical signs of gingivitis. Moreover, localized tooth-related factors can modify or predispose to plaque-induced gingival diseases. The evolution of a plaqueinduced gingival disease in periodontitis, as well as its prognosis, will depend on the periodontal risk which is determined by the reaction of the host immune system and the

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Boutigny). © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/j.emcden.2004.02.005

Maladies gingivales induites par la plaque

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nature of the dental biofilm. The medical and dental care of a patient with dental plaque-induced gingival disease depends on the diagnosis of periodontal risk. It includes the management of host-specific parameters, bacterial aetiology, correction of localized tooth-related factors and periodontal maintenance care. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

Définitions. Classification. Terminologie

Diagnostic positif des gingivites

La terminologie en parodontologie, comme dans toutes disciplines médicales, est évolutive en fonction des progrès des connaissances étiologiques et pathogéniques.1,2 De nombreux termes concernant les gingivites sont ainsi devenus obsolètes. À la lumière des dernières classifications des maladies parodontales et en particulier de celle d’Armitage,1 adoptée lors de la Conférence internationale de consensus de l’Académie américaine de parodontologie en 1999, se dégage une orientation consensuelle à ce sujet. Il existe deux grands types de maladies gingivales (gingivopathies) : les maladies gingivales induites par la plaque bactérienne dentaire (biofilm dentaire)3 et les maladies gingivales non induites par la plaque bactérienne dentaire. Les gingivites au sens strict du terme sont actuellement définies comme des maladies gingivales associées uniquement à la plaque bactérienne sans facteurs modifiants. En effet, dans le groupe des « maladies gingivales induites par la plaque », se trouvent également les maladies gingivales modifiées notamment par des facteurs systémiques ou par des médicaments. Les maladies gingivales induites par la plaque dentaire se caractérisent par une inflammation gingivale localisée à la seule fibromuqueuse gingivale. C’est la forme la plus commune de maladies gingivales, qui s’observe aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte. L’aspect réversible des lésions tissulaires après l’instauration d’un traitement étiologique en fait la principale caractéristique par rapport à la parodontite. Nous aborderons l’ensemble des maladies gingivales induites par la plaque bactérienne dentaire : dans un premier temps les gingivites, puis les maladies gingivales modifiées par les différents facteurs sus-cités. Nous ne manquerons pas de faire un diagnostic différentiel d’avec les maladies gingivales non induites par la plaque bactérienne et les parodontites.

Le tableau de la gingivite est souvent discret ; son installation passe fréquemment inaperçue. Les premiers signes de la gingivite sont une augmentation du volume du fluide gingival, une tendance de la fibromuqueuse au saignement provoqué par un sondage délicat à l’entrée du sillon gingivodentaire (sulcus). En effet, le saignement serait pour de nombreux auteurs le premier signe à apparaître lors de gingivite, avant même le changement de couleur ou tout autre signe.4,5 Le saignement gingival, ou gingivorragie, déclenché par le brossage buccodentaire, peut être évoqué par le patient ou recherché par le praticien lors de l’entretien avec le patient. Les gingivorragies spontanées sont rares, voire inexistantes dans le tableau de la gingivite ; elles signent dans la majorité des cas des troubles généraux, comme des troubles de la crase sanguine. La gingivite évolue généralement en l’absence de douleur ; parfois les patients décrivent des agacements gingivaux (prurit gingival) ou une sensibilité gingivale accrue. Les signes classiquement retenus pour décrire la gingivite sont ceux liés à l’installation du processus inflammatoire au sein d’un tissu, c’est-àdire l’extravasation vasculaire entraînant œdème et hyperhémie. Il y a donc des modifications de couleur, de consistance, de texture, de volume et de contour gingival.

Modification de couleur De rose pâle, couleur normale de la fibromuqueuse gingivale, la couleur de celle-ci passe au rouge, rouge violacé, rouge lie-de-vin. L’intensité de l’érythème varie en fonction de celle de l’inflammation et donc de l’hyperhémie sous-jacente. Elle varie également en fonction du type de parodonte, fin et festonné ou épais et plat, la densité collagénique dans ce dernier cas masquant l’inflammation sous-jacente.

Modification de consistance La fibromuqueuse gingivale saine est de consistance ferme et élastique ; elle est fermement

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attachée aux plans dentaires et osseux sousjacents. Au cours de l’installation de la gingivite, la fibromuqueuse gingivale devient molle, moins rénitente à la pression digitale.

Modification de texture Le granité, ou piqueté en peau d’orange, présent chez environ 40 % de la population qui présentent une gencive normale, disparaît dans la gingivite pour laisser place à des zones vernissées, lisses, brillantes, qui témoignent d’une atteinte des fibres du tissu conjonctif gingival.

Modification du contour gingival Le biseau franc et net du bord marginal d’une fibromuqueuse gingivale saine s’arrondit progressivement, s’épaissit et se détache de la surface dentaire adjacente, attestant une perte de tonicité tissulaire. Le sondage parodontal du sillon gingivodentaire d’une fibromuqueuse gingivale saine varie entre 0,25 et 1,35 mm de profondeur. Dans le cas d’une gingivite, l’augmentation du volume gingival suite à l’installation de l’œdème, c’est-à-dire l’apparition d’une hyperplasie gingivale, entraîne un accroissement de ce sillon par migration coronaire du rebord marginal gingival avec respect de l’attache épithélioconjonctive. L’augmentation de la profondeur du sillon gingivodentaire donne naissance à une poche gingivale ou fausse poche parodontale. Aucune alvéolyse n’est mise en évidence à l’examen radiographique rétroalvéolaire.

Figure 1 Gingivite marginale généralisée débutante : les modifications gingivales sont discrètes, témoignant d’une inflammation subaiguë.

Figure 2 Gingivite marginale généralisée installée : l’œdème sous-jacent entraîne la perte de granité de la gencive kératinisée et un aspect lisse qui sont caractéristiques.

Formes cliniques La gingivite peut être localisée à une dent, ou bien généralisée à l’ensemble des dents d’une cavité buccale. Elle peut siéger sur la fibromuqueuse gingivale interdentaire ou papille (papillite), sur la gencive marginale (gingivite marginale), sur toute la fibromuqueuse gingivale (gingivite diffuse). L’intensité de la réponse de l’hôte à l’agression d’origine bactérienne, c’est-à-dire l’intensité de la réponse inflammatoire, dépend du caractère de virulence bactérienne et des capacités de défense et de régénération de l’hôte ; il est ainsi classiquement décrit des gingivites qui s’installent et évoluent lentement, des gingivites aiguës, d’apparition soudaine, des gingivites subaiguës et des phases d’inflammation aiguë survenant sur une gingivite déjà installée (Fig. 1, 2, 3).

Épidémiologie des gingivites Les enquêtes épidémiologiques ainsi que de nombreuses études cliniques concernant les gingivites

Figure 3 Gingivite diffuse généralisée hyperplasique : sur une base de gingivite installée, l’inflammation aiguë se traduit par la présence de zones érythémateuses qui sont associées à des accroissements du volume de la gencive déformant le contour gingival.

requièrent l’utilisation d’indices épidémiologiques, qui sont des valeurs chiffrées qui permettent de quantifier des signes cliniques. En ce qui concerne les gingivites, les indices retenus sont les indices de plaque bactérienne et les indices gingivaux. Nous ne décrirons que les indices épidémiologiques le

Maladies gingivales induites par la plaque plus fréquemment utilisés dans les études cliniques.

Indices de plaque Les indices de plaque bactérienne permettent d’apprécier le degré d’hygiène buccodentaire et la qualité de l’élimination de la plaque bactérienne. Ils ne permettent pas d’apprécier la qualité de cette plaque et n’ont donc aucune valeur quant à la virulence de celle-ci. Indice de plaque de Quigley et Hein modifié par Turesky et al. 6 Cet indice requiert l’utilisation d’un révélateur de plaque bactérienne, comme par exemple la fuchsine basique ou l’érythrosine à 2 % en solution hydroalcoolique. Après coloration de la plaque bactérienne à l’aide d’une boulette de coton saturée en révélateur de plaque et élimination de l’excédent de révélateur par rinçage à l’eau, la plaque est quantifiée sur les faces vestibulaires et linguales des dents prises en compte, selon six scores possibles : • 0 : absence de plaque ; • 1 : îlots de plaque dans la région cervicale dentaire ; • 2 : une fine et continue bande colorée de plaque de moins de 1 mm de large est présente au bord cervical des dents ; • 3 : une bande colorée de plaque recouvre moins d’un tiers de la couronne ; • 4 : la plaque colorée recouvre entre un tiers et deux tiers de la couronne ; • 5 : la plaque colorée recouvre plus des deux tiers de la couronne. L’indice peut être calculé pour une seule dent, un groupe de dents ou pour toutes les dents. L’indice de plaque de Turesky de toute une bouche est la moyenne des faces examinées. Indice de plaque de Silness et Löe (« plaque index » [PI])7 L’indice de plaque de Silness et Löe a été développé parallèlement à l’indice gingival de Löe et Silness. Il prend en compte la quantité de plaque bactérienne au contact de la fibromuqueuse gingivale sur les faces vestibulaires, linguales et proximales. Il ne tient compte que de la différence d’épaisseur de plaque bactérienne et non pas de l’extension coronaire de la plaque dentaire. Il se calcule en l’absence de toute coloration selon quatre scores : • 0 : absence de plaque bactérienne ; • 1 : film de plaque bactérienne invisible à l’œil nu ;

465 • 2 : plaque bactérienne abondante dans le sillon gingivodentaire qui se voit à l’œil nu ; • 3 : plaque bactérienne abondante pouvant atteindre une épaisseur de 2 mm. Comme pour l’indice précédent, l’indice de plaque se calcule de la même façon, soit pour une dent, soit pour un groupe de dents, soit pour toutes les dents d’une cavité buccale.

Indices gingivaux Les indices gingivaux sont utilisés pour décrire l’état relatif du degré de santé et/ou de maladie des tissus gingivaux. La plupart de ces indices ont une échelle graduée avec des limites supérieure et inférieure définies. Ces indices sont en relation avec un ou plusieurs des critères suivants : couleur, contour, saignement, étendue, fluide gingival.8 Indice gingival de Löe et Silness (« gingival index » [GI]) 9 L’indice gingival permet d’apprécier la sévérité et la localisation des gingivites. Il se calcule sur les quatre unités gingivales d’une dent, vestibulaire, distale, linguale et mésiale, selon quatre scores : • 0 : fibromuqueuse gingivale normale ; • 1 : légère inflammation gingivale avec un léger changement de couleur, aucun saignement provoqué ; • 2 : inflammation modérée ; fibromuqueuse gingivale de couleur rouge, rouge bleuté ; œdème, aspect vernissé ; il existe un saignement provoqué au sondage ; • 3 : inflammation sévère, œdème important, tendance à l’ulcération et à l’hémorragie spontanée. Cet indice peut également être utilisé dans le contrôle de l’efficacité d’une thérapeutique visant à réduire ou à éliminer l’inflammation gingivale. Une gingivite légère présente un GI compris entre 0,1 et 1, une gingivite modérée un GI compris entre 1,1 et 2, et une gingivite sévère un GI compris entre 2,1 et 3. Indice de saignement de Mühlemann (« sulcus bleeding index » [SBI])10 Cet indice combine les signes cliniques de l’inflammation et le saignement provoqué, premier signe de la gingivite. Suite à un sondage délicat du sillon gingivodentaire, le saignement provoqué au niveau de la papille et au niveau de la fibromuqueuse gingivale est relevé selon quatre scores : • 0 : gencive normale, absence d’inflammation ; • 1 : les papilles et la fibromuqueuse marginale sont d’apparence normale ; le sondage avec une sonde parodontale peut faire apparaître un point de saignement ;

466 • 2 : inflammation de la papille et de la gencive marginale pouvant s’étendre à la gencive attachée ; l’œdème est discret et il existe un saignement provoqué au sondage ; • 3 : œdème, inflammation importante, changement de couleur de la gencive et saignement au sondage ; • 4 : des ulcérations surajoutées sont relevées. Selon Stamn,11 la gingivite marginale commence dès la plus petite enfance, vers l’âge de 5 ans, progresse en fréquence globale et en sévérité jusqu’à l’adolescence puis tend à se stabiliser. Il est difficile d’évaluer la fréquence de la gingivite dans la population étant donné la pauvreté des études épidémiologiques dans ce domaine. Selon les études et les critères pris en compte, la fréquence des gingivites chez l’adulte varie de 50 à 100 %. Dans les pays industrialisés, les gingivites affectent la quasi-totalité des adolescents et 40 à 50 % des adultes. Une étude épidémiologique conduite en Suède12 sur une population âgée de 20 à 70 ans et suivie sur une période de 30 ans montre une décroissance du nombre d’individus porteurs de parodontites superficielles au profit d’une augmentation du nombre d’individus sains ou porteurs de gingivite. Cette étude comme d’autres du même genre atteste que, dans les pays industrialisés, un système de prise en charge médicale évolué et un haut niveau d’hygiène buccodentaire permettent de réduire la fréquence des gingivites. À l’exception de la période de la puberté, les femmes semblent avoir une fréquence globale et une sévérité de gingivite moindre que les hommes. De par l’influence des cycles hormonaux sur le terrain, les femmes présentent une gingivite plus prononcée durant les périodes de grossesse et de règles. Les sujets d’ethnie noire ont en général davantage d’inflammation gingivale que les sujets d’ethnie blanche.13 La tendance au développement d’une gingivite est plus marquée chez les adultes que chez les enfants ; une résistance plus marquée à la plaque bactérienne expliquerait une inflammation moindre chez les enfants14,15 (Fig. 4).

Étiologie et pathogénie des gingivites Étiologie Les gingivites, comme d’ailleurs les parodontites, sont indubitablement des maladies infectieuses provoquées par des bactéries qui colonisent les surfaces dentaires qui sont au contact de la fibromuqueuse gingivale, aussi bien en juxtagingival

F. Boschin et al.

Figure 4 A. Absence de pathologie gingivale notoire chez une fillette âgée de 3 ans. B. Le révélateur de plaque met cependant en évidence une quantité de biofilm importante. Ceci dénote une réaction inflammatoire moindre chez l’enfant que chez l’adulte.

qu’en sous-gingival, dans le sillon gingivodentaire. Ces bactéries, en colonisant les surfaces dentaires, vont constituer la plaque dentaire bactérienne maintenant appelée biofilm dentaire.16,17,18 Löe et al.4 dans une étude menée chez l’homme, la première du genre, à partir d’un protocole de gingivite expérimentale sur 21 jours démontrent le rôle indiscutable du biofilm dentaire dans l’apparition d’une gingivite après suspension des manœuvres d’hygiène buccodentaire. La reprise des manœuvres d’hygiène buccodentaire visant à éliminer le biofilm dentaire permet de retrouver une fibromuqueuse gingivale cliniquement saine (Fig. 5). De très nombreuses autres études de gingivites expérimentales conduites chez l’homme et chez l’animal ont confirmé le rôle des bactéries dans le déclenchement et le maintien des gingivites.18,19,20 Les gingivites ainsi associées au biofilm dentaire peuvent être favorisées par des facteurs locaux aggravants qui agissent soit comme facteurs de rétention de plaque bactérienne, soit comme cofacteurs. Des facteurs généraux peuvent également intervenir en modifiant la réponse inflammatoire dans la fibromuqueuse gingivale suite à l’agression bactérienne.

Maladies gingivales induites par la plaque

Figure 5 A. Gingivite diffuse généralisée à la première consultation. B. Huit jours après le début du traitement local, régression manifeste des signes cliniques.

Biofilm associé à la santé parodontale En présence d’une fibromuqueuse gingivale saine, 4 heures après un nettoyage minutieux des surfaces dentaires, 103 à 104 bactéries par millimètre carré de surface dentaire colonisent la pellicule acquise de la région cervicale des dents.21,22,23 Le biofilm dentaire supragingival commence alors à se former. Les premières bactéries qui colonisent la pellicule acquise sont des streptocoques, en particulier Streptococcus mitis, S. sanguis, S. milleri et S. mutans. Le biofilm supragingival s’enrichit progressivement en certaines bactéries qui se multiplient à la surface sous forme de colonies bactériennes homogènes ou hétérogènes. Une des caractéristiques fondamentales de ces bactéries est leur capacité à pouvoir adhérer soit aux surfaces dentaires, soit à d’autres bactéries pouvant à leur tour adhérer aux surfaces dentaires. Il existerait dès ce stade une véritable coopération bactérienne, soit sous forme d’interactions nutritionnelles, soit sous forme de coagrégations bactériennes spécifiques dont l’exemple le plus caractéristique est la formation en épi de maïs qui correspond à la croissance de cocci à la surface d’une bactérie filamenteuse.24 Le biofilm supragingival, s’il n’est pas correctement éliminé, donne naissance à un biofilm sousgingival dans le sillon gingivodentaire. Ce biofilm

467 est plus complexe dans son organisation ; il contient des formes bactériennes non adhérentes, c’est-à-dire des bactéries mobiles. L’environnement sous-gingival influence les conditions de croissance de certaines bactéries. Les bactéries à Gram positif, aérobies/anaérobies facultatives, prédominent dans le biofilm supragingival, tandis que le biofilm sous-gingival contient essentiellement des bactéries à Gram négatif anaérobies. Il y a donc une évolution vers une anaérobiose (dérive anaérobie de la plaque).25,26 À côté de cette notion de biofilm dentaire, les notions de flores bactériennes associées aux différentes maladies parodontales ont été développées ; elles rendent mieux compte du caractère infectieux des maladies parodontales et de la nature complexe de la flore bactérienne parodontale.27,28 Ainsi, il existe une flore compatible avec la santé parodontale et une flore ou des flores associées à la gingivite. La flore associée à la santé parodontale est une association complexe d’espèces bactériennes.23 Il est possible de trouver plus de 300 espèces bactériennes différentes dans un biofilm dentaire supragingival. Parmi ces espèces, certaines sont des bactéries présentes occasionnellement, d’autres sont considérées comme des bactéries normalement résidentes Une flore compatible avec la santé parodontale contient une majorité de bactéries aérobies,23 85 % de bactéries à Gram positif, une bactérie mobile pour 40 immobiles et une richesse en cocci,29 essentiellement sous forme de streptocoques. Des bâtonnets à Gram positif anaérobies facultatifs sont également trouvés comme des Actinomyces (A. naeslundii, A. viscosus) ou des Lactobacillus (L. casei, etc.). Quelques Bacteroides peuvent également être isolés. La présence de bâtonnets à Gram négatif, anaérobies facultatifs, comme Haemophilus sp., Eikenella sp. et Actinobacillus actinomycetemcomitans, a été rapportée dans la littérature.23 Il est également noté, dans des proportions nettement moindres, la présence d’une flore anaérobie, surtout dans l’épaisseur du biofilm supragingival de plusieurs jours, comme des cocci anaérobies à Gram positif (Streptococcus sp., Peptostreptococcus sp.), des bâtonnets anaérobies à Gram positif (Eubacterium sp., Propionibacterium sp.) et des bâtonnets anaérobies à Gram négatif (Fusobacterium sp., Leptotricia sp.).23 Au fur et à mesure que le biofilm se forme sur les surfaces supragingivales et au contact de la fibromuqueuse gingivale, sa composition bactérienne, varie permettant ainsi la croissance de formes et des colonies bactériennes déclenchant une inflammation gingivale.3

468 Flore bactérienne associée à la gingivite Une accumulation de bactéries et/ou une concentration en germes pathogènes avec au moins 105 bactéries/mm2 de surface dentaire est nécessaire pour déclencher une gingivite. Toutes les maladies infectieuses ne répondent pas à ce schéma d’un nombre critique de bactéries pour déclencher un tableau clinique. En ce qui concerne les maladies parodontales, il est impossible dans l’état actuel de nos connaissances de montrer que ces maladies sont déclenchées par telle bactérie plutôt que par telle autre, au vu de la complexité de la flore bactérienne sous-gingivale. Ainsi, suite à des prélèvements de plaque sous-gingivale, on parle de « flores associées aux maladies parodontales » à l’égard des bactéries le plus fréquemment rencontrées.30 La flore associée à la gingivite passe d’une prédominance de formes à Gram positif à une flore plus complexe incluant des bactéries à Gram négatif et des formes spiralées. De nombreuses études en microscopie montrent trois phases dans les changements de la composition bactérienne de la plaque bactérienne dentaire durant les 2 premières semaines de l’installation d’une gingivite. Durant la première phase, les cocci et les bâtonnets à Gram positif prédominent. Des espèces filamenteuses apparaissent ensuite et enfin des spirochètes, qui sont observés dans la portion la plus apicale de la plaque adjacente à la fibromuqueuse gingivale.23,24 Moore et al.31 rapportent dans leur étude sur la gingivite expérimentale que la composition bactérienne est relativement constante d’un sujet à l’autre lors des 4 premiers jours d’accumulation du biofilm dentaire. Dans les jours qui suivent, il existerait en revanche des variations de composition d’un sujet à l’autre. Comme dans le cas d’une microflore compatible avec la santé parodontale, les bactéries anaérobies facultatives à Gram positif des genres Actinomyces sp., Streptococcus sp. sont retrouvées, mais dans des proportions moindres. Elles vont laisser la place à des bactéries anaérobies facultatives à Gram négatif comme Neisseria sp., Eikenella corrodens, Capnocytophaga et Campylobacter. L’installation de la réaction inflammatoire et en particulier l’installation d’un œdème entraîne la formation d’une poche gingivale. C’est ainsi que les conditions environnementales deviennent favorables à une dérive anaérobie de la microflore.20 La proportion de bactéries anaérobies augmente. Dans cette catégorie, les bâtonnets prédominent avec Prevotella sp.32 (P. intermedia, P. denticola, P. gingivalis), Bacteroides sp., Fusobacterium sp. (F. nucleatum) et Leptotricia. Des bâtonnets anaérobies à Gram positif comme Actinomyces israelii coexistent à côté de ces bâtonnets anaérobies à Gram négatif. Des spi-

F. Boschin et al. rochètes du type Treponema denticola vont pouvoir également coloniser l’environnement sousgingival. Il existerait une proportionnalité directe entre le nombre de formes mobiles et le degré d’érythème des tissus gingivaux.33 La flore associée à la gingivite de l’adulte est différente de la flore associée à la gingivite de l’enfant. Chez l’enfant, il existe une plus grande proportion de Leptotricia sp., Capnocytophaga sp., Selenomonas sp., et des bactéries ayant besoin de formate et de fumarate pour leur croissance ;23 il y aurait chez l’enfant une corrélation entre l’importance de la gingivite, le volume du biofilm dentaire et la quantité de bactéries à pigments noirs (Prevotella intermedia) et de spirochètes.34 Des modifications de flore bactérienne s’observeraient sous l’influence de différents principes actifs médicamenteux, comme par exemple sous l’influence de psychotropes. La composition bactérienne varie également en fonction du cycle hormonal de la femme. Dans le cas de gingivite chez la femme, le nombre de bactéries hormonodépendantes comme Prevotella intermedia serait proportionnel aux taux plasmatiques d’œstrogènes et de progestérone.35,36,37 Hypothèse de la flore spécifique et notion de gingivite à risque Parmi les plus de 300 espèces bactériennes présentes dans une microflore parodontale associée à la santé parodontale, il existe des bactéries qui sont considérées comme étant présentes normalement et d’autres comme étant présentes occasionnellement. L’étude de la microflore associée aux parodontites agressives a permis d’isoler le rôle de certaines bactéries qui semblent être systématiquement associées aux destructions tissulaires observées.3,23 Ces associations impliquent le rôle de Actinobacillus actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia, Eikenella corrodens, Campylobacter rectus, Eubacterium sp., Selenomonas sp., Tannerella forsythus (anciennement Bacteroides forsythus),18 Treponema denticola.23 Si les connaissances actuelles ne permettent pas d’affirmer le rôle de ces bactéries dans les destructions tissulaires, une association ne signifiant pas automatiquement une cause, il existe suffisamment de preuves, comme la possession de puissants facteurs de virulence bactérienne, pour considérer ces bactéries comme potentiellement parodontopathogènes. C’est ainsi qu’un patient porteur d’une gingivite et dont la microflore contient ces bactéries parodontopathogènes semble présenter un risque plus important de faire une parodontite. Cependant, cette notion de risque attachée à la composition de la microflore ne doit

Maladies gingivales induites par la plaque

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Figure 6 Gingivite marginale localisée en rapport avec un défaut de contour et de points de contact de la 22 abandonnée à l’état de prétaille prothétique.

Figure 7 Gingivite marginale généralisée persistant dans le secteur incisivocanin maxillaire malgré un contrôle de plaque adéquat, du fait de la présence de composites cervicaux.

pas occulter les autres éléments impliqués dans l’initiation d’une parodontite, comme les facteurs liés aux capacités de défense et à leur adaptation face à la nature de l’agression bactérienne.3,28,38,39,40

gueuse et poreuse, constamment recouverte d’une fine couche de plaque bactérienne, même après un brossage minutieux, en fait un facteur aggravant une gingivite (Fig. 9). La respiration buccale a tendance à aggraver une gingivite des secteurs antérieurs en se comportant comme irritant physique (Fig. 10).

Facteurs locaux aggravant les gingivites Les gingivites associées au biofilm dentaire sont initiées et entretenues par une microflore supra- et sous-gingivale. En fonction des conditions environnementales, la nature de cette microflore, mais aussi le nombre total de bactéries et les proportions de chacune des espèces qui la composent, sont susceptibles de varier et donc de modifier l’intensité de la réponse de l’hôte. Ces modifications qualitatives et quantitatives dans l’écologie orale vont se traduire par une aggravation de la gingivite contribuant à augmenter localement le risque parodontal. Les facteurs qui peuvent faire varier les conditions environnementales vont agir comme rétenteurs de plaque bactérienne (« pièges à plaque ») et entraver le contrôle de plaque. Ils modifient les conditions physicochimiques de croissance bactérienne. Les facteurs de rétention de plaque classiquement décrits et repris dans la classification d’Armitage1 sont : • les facteurs anatomiques (les points de contact interproximaux défectueux (Fig. 6), les malpositions dentaires) ; • les restaurations débordantes, les limites cervicales mal ajustées (Fig. 7), les appareillages orthodontiques (Fig. 8) ; • les fractures radiculaires ; • les lésions cervicales radiculaires et les défauts cémentaires. Le tartre, produit de la minéralisation de la plaque bactérienne dentaire, ne peut affecter par lui-même la santé gingivale, mais sa surface ru-

Figure 8 Gingivite diffuse généralisée aggravée par le traitement multiattaches se traduisant dans la zone antéromaxillaire par un accroissement considérable des papilles.

Figure 9 Gingivite d’un secteur incisivocanin mandibulaire aggravée par la présence de tartre sous-gingival, rétenteur de plaque, ce qui explique la déformation du feston gingival avec l’hyperplasie des papilles.

470

Figure 10 Gingivite diffuse localisée aux secteurs antérieurs potentialisée par une respiration buccale.

Les effets du tabac sur les signes cliniques de la gingivite et sur son devenir sont bien connus et très complexes. Le tabac agit aussi bien localement que sur le terrain immunitaire de l’hôte. À ce titre, l’impact du tabagisme sur le parodonte est développé dans le paragraphe concernant les gingivites associées à la plaque et modifiées par des facteurs généraux (cf. infra).

Anatomopathologie Les modifications microscopiques liées à la formation d’une gingivite apparaissent bien avant toute modification clinique. Au plan anatomopathologique, il faut pouvoir différencier un parodonte sain d’un parodonte qui commence à devenir pathologique et dans lequel une inflammation gingivale commence à s’installer. En d’autres termes, il est très difficile de déterminer avec exactitude quand débute précisément une inflammation gingivale. Dans une fibromuqueuse gingivale cliniquement saine, la portion la plus coronaire du tissu conjonctif gingival (de 3 à 5 % de ce tissu conjonctif) contient un petit infiltrat de cellules inflammatoires composé de lymphocytes, de granulocytes neutrophiles, de monocytes/macrophages qui sont au contact de l’épithélium de jonction. De rares plasmocytes sont visibles parmi ces cellules inflammatoires. Des granulocytes neutrophiles migrent depuis le plexus vasculaire dentogingival à travers l’épithélium de jonction vers le sillon gingivodentaire ou la gencive marginale. Dans des conditions drastiques de contrôle de plaque et en l’absence de tout traumatisme, il est possible d’obtenir chez l’animal un parodonte qualifié d’« histologiquement sain » dépourvu d’infiltrat inflammatoire : un petit nombre de cellules leucocytaires isolées se retrouve dans le tissu conjonctif gingival au voisinage des vaisseaux. Suite à l’accumulation du biofilm au contact de la fibromuqueuse gingivale, un infiltrat inflammatoire s’installe progressivement dans le tissu

F. Boschin et al. conjonctif gingival, s’accompagnant de la réduction du nombre de fibroblastes et de la densité des fibres collagéniques. La classification pionnière de Page et Schroeder (1976)41 rend compte de la modification des tissus parodontaux suite à cette accumulation de plaque bactérienne. Elle décrit quatre stades d’évolution : les lésions initiale, précoce et établie qui sont des lésions gingivales, et la lésion avancée qui est une lésion parodontale, c’est-àdire une lésion qui affecte l’ensemble des tissus parodontaux. La lésion initiale apparaît 2 à 4 jours après une accumulation de plaque ; la lésion précoce apparaît entre 4 et 14 jours ; elle correspond au plan clinique à une gingivite en phase aiguë. Les principales caractéristiques anatomopathologiques de ces deux premiers stades d’évolution sont : altération de l’épithélium de jonction qui commence à proliférer latéralement dans la portion la plus coronaire ; hyperhémie et exsudat de protéines plasmatiques ; augmentation de la migration des granulocytes neutrophiles au travers de l’épithélium de jonction en direction du sillon gingivodentaire ; accumulation de cellules lymphoïdes, de monocytes et de macrophages ; altérations cytoplasmiques de certains fibroblastes gingivaux ; perte de collagène dans la zone infiltrée ; prolifération vasculaire. La lésion établie fait suite et se développe entre 2 et 3 semaines après une accumulation de plaque, mais peut très bien se développer plus lentement en plusieurs mois. Cette dernière situation peut persister de nombreuses années sans aucune évolution. Elle correspond à un stade de gingivite installée. Les altérations cellulaires et tissulaires observées au cours des deux précédents stades se poursuivent, entraînant une augmentation du volume du tissu gingival qui s’accompagne d’une augmentation de la profondeur du sillon gingivodentaire et la formation d’une fausse poche parodontale, encore appelée poche gingivale. La taille de l’infiltrat inflammatoire augmente ; sa composition évolue vers une prédominance de cellules plasmatiques et de lymphocytes T.14,41,42,43 Ces trois stades de lésions gingivales présentent comme caractéristique commune une absence de lésion de l’os alvéolaire et un respect du niveau d’attache.

Mécanismes pathogéniques La fibromuqueuse gingivale est constamment exposée à l’environnement bactérien. Un biofilm dentaire supragingival, si minime soit-il, est toujours présent sur les surfaces dentaires ; dans ce contexte, une fibromuqueuse gingivale histologi-

Maladies gingivales induites par la plaque quement saine ne peut exister dans des conditions naturelles (cf. supra). L’exposition constante aux bactéries, à leurs composés et aux produits de leur métabolisme stimule un ensemble de réactions de défense et en particulier une migration de granulocytes neutrophiles depuis le compartiment sanguin dentogingival vers le sillon gingivodentaire au travers de l’épithélium de jonction. Ces granulocytes neutrophiles qui vont se retrouver ainsi dans le sillon gingivodentaire sont parfaitement fonctionnels.16,44 Ils s’opposent à la pénétration des bactéries et de leurs composés dans l’épithélium de jonction et dans le tissu conjonctif sous-jacent. Cette ligne de défense est renforcée par l’intégrité des structures épithéliales qui jouent le rôle de barrière, par le flux du fluide gingival qui permet un nettoyage du sillon gingivodentaire et par l’action de certains composés immunologiquement actifs, comme des anticorps spécifiques et des protéines du complément présents dans le fluide gingival. De plus, le turn-over élevé de l’épithélium de jonction et de l’épithélium oral sulculaire permet une cicatrisation rapide en cas de lésions épithéliales microscopiques. La croissance du biofilm dentaire au contact de la fibromuqueuse gingivale entraîne alors l’activation d’une réponse inflammatoire locale comprenant entre autres des modifications vasculaires de la microcirculation parodontale, un exsudat plasmatique et l’installation d’un œdème.43 Les granulocytes neutrophiles, grâce à un gradient chimiotactique, migrent en plus grand nombre depuis cette microcirculation parodontale vers le tissu conjonctif gingival, l’épithélium de jonction et le sillon gingivodentaire. Ils forment une importante barrière dans le sillon gingivodentaire, le long de l’épithélium ; ils préviennent ainsi l’extension latérale et apicale du biofilm dentaire et de ses effets délétères.45,46 La nature des leucocytes (leucocytes mononucléés, granulocytes neutrophiles) présents dans le tissu conjonctif gingival semble être fonction de la nature de l’expression d’adhésines à la surface des cellules endothéliales comme la molécule d’adhésion cellulaire endothéliale 1 (ECAM-1) ou comme la molécule d’adhésion cellulaire vasculaire (VCAM1). Ces molécules assurent une régulation de la migration de ces cellules de défense depuis la microcirculation parodontale jusqu’au tissu conjonctif gingival. L’activation des granulocytes neutrophiles et des macrophages permet ensuite une activation des protéines plasmatiques, comme les protéines du complément, qui amplifie la réponse inflammatoire locale. Ce processus d’amplification va conduire à de nouveaux recrutements de cellules leucocytai-

471 res et de monocytes, à l’activation de macrophages et à la production in situ de nombreux médiateurs de la réponse inflammatoire et immunitaire comme des interleukines 1b, 6, 10, 12, le tumor necrosis factor a, le prostaglandine E2, les métalloprotéines.47 L’activation des réactions immunitaires spécifiques de l’hôte comme la production d’anticorps par les cellules plasmatiques et les lymphocytes T complètent la réaction de défense. L’ensemble de ces réactions concourre à la phagocytose des bactéries, à l’élimination des substances toxiques bactériennes et in fine s’oppose à la pénétration et à l’action délétère des bactéries et de leurs composés dans le tissu conjonctif gingival. La présence constante d’un biofilm au contact de la fibromuqueuse gingivale entretient ces réactions, maintient la présence d’un œdème gingival et contribue à augmenter le volume du fluide gingival. Ces modifications de l’environnement peuvent favoriser l’établissement d’une microflore bactérienne anaérobie et à Gram négatif, et en particulier l’acquisition de bactéries parodontopathogènes comme Porphyromonas gingivalis, Tanerella forsythus, Actinobacillus actinomycetemcomitans, Treponema denticola. Si la réponse inflammatoire locale et humorale est ou devient inadéquate, les bactéries parodontopathogènes et les antigènes bactériens, en particulier le lipopolysaccharide, pénètrent alors dans l’épithélium de jonction et le tissu conjonctif gingival, et enclenchent une série des réactions qui aboutissent à des destructions tissulaires et à l’installation d’une parodontite.48

Maladies gingivales induites par la plaque et modifiées par des facteurs systémiques Les maladies gingivales modifiées par des facteurs systémiques se traduisent cliniquement, à quelques nuances près, de la même façon que les gingivites seulement associées à la plaque avec ou sans les facteurs locaux aggravants que nous venons de décrire. La notion de « maladies gingivales modifiées par des facteurs systémiques » se retrouvait anciennement sous le vocable de « gingivites aggravées par des facteurs généraux ». Des facteurs systémiques peuvent modifier la nature des réponses de l’hôte à l’étiologie bactérienne.49 Face à l’intensité de l’agression, ces réponses sont alors inadaptées soit par déficit de certains éléments de défense immunitaire, soit au contraire par leur excès ; dans les deux cas, elles entraînent un effet délétère. Cette réponse inadaptée contribue à augmenter le risque parodontal, c’est-à-dire le risque qu’une gingivite évolue en parodontite dont l’intensité et

472 la rapidité des pertes d’attache vont définir des formes agressives pouvant entraîner la perte d’une ou de plusieurs dents. À côté de la détection du risque parodontal d’origine bactérienne, il convient aussi de détecter le risque parodontal lié aux facteurs systémiques chez tout patient porteur d’une gingivite.

Maladies gingivales induites par la plaque et associées à des variations hormonales Des modifications hormonales entraînent une réceptivité plus grande de la fibromuqueuse gingivale, notamment chez la femme. Dans ce cas, du fait d’une augmentation du taux des hormones stéroïdes, œstrogènes et progestérone, une inflammation préexistante, déclenchée et entretenue par la plaque bactérienne, peut être considérablement augmentée.50 On parle de gingivite prépubertaire, de gingivite menstruelle, de gingivite gravidique35,51 (Fig. 11), de gingivite liée à la prise de contraceptifs oraux,52 de gingivite de la ménopause.53 Ces gingivites présentent un tableau clinique analogue à celui décrit précédemment ; les signes cliniques, notamment le saignement provoqué et les hyperplasies gingivales, sont fréquemment plus importants. Dans le cadre du nouveau concept de parodontologie médicale,54 il est maintenant bien documenté le fait qu’une femme enceinte porteuse d’une infection est susceptible de déclencher un accouchement prématuré et/ou de mettre au monde un enfant de petit poids. Les gingivites, qui sont des maladies infectieuses, peuvent de ce fait être à l’origine de tels problèmes, d’autant plus que l’intensité de l’inflammation gingivale est importante. Les mécanismes directs par bactériémie ou indirects par l’action des médiateurs de l’inflammation peuvent être impliqués. Il ne faut donc surtout pas négliger le traitement d’une gingivite chez la femme enceinte.

F. Boschin et al.

Maladies gingivales induites par la plaque et modifiées par le diabète Le diabète, qu’il soit de type I ou de type II, au-delà du dysfonctionnement endocrinien, entraîne des modifications du comportement immunitaire de l’hôte. S’il est bien entendu que toutes les gingivites ont comme étiologie primaire une microflore bactérienne, un diabète est susceptible de potentialiser les effets de cette flore et donc de modifier le tableau clinique d’une gingivite. Il est fréquemment observé comme complication d’un diabète la présence de microangiopathies dont des microangiopathies buccales. De plus, le diabète représente un facteur de risque parodontal important55 puisqu’il multiplie par 3 à 4,2 un risque initial. Une gingivite chez un diabétique doit donc faire l’objet d’un traitement rigoureux et d’une maintenance parodontale rapprochée.

Maladies gingivales induites par la plaque et associées à des dyscrasies sanguines La gencive peut être le siège de manifestations de dyscrasies sanguines comme par exemple de leucémies 56. Ces localisations gingivales qui sont parfois révélatrices de ces dyscrasies vont soit venir compliquer un tableau clinique de gingivite déjà installée, soit compliquer le contrôle de plaque de par les douleurs gingivales provoquées.

Maladies gingivales induites par la plaque et modifiées par des médicaments Certains médicaments ont un tropisme particulier pour le parodonte57 comme la 5-5 diphénylhydantoïne (Di-Hydan®) utilisée dans les traitements antiépileptiques, la ciclosporine (ciclosporine A)58 prescrite comme médicament antirejet chez les patients greffés, les inhibiteurs du calcium du type nifédipine59 qui sont des antihypertenseurs. Ils entraînent une augmentation du volume de la fibromuqueuse gingivale qui, associée à une gingivite, donne un tableau clinique de gingivite hyperplasique. L’augmentation du volume de la gencive est due à une hyperactivité métabolique du tissu conjonctif gingival. L’hyperplasie gingivale entrave le contrôle de la plaque bactérienne dont l’accumulation est ainsi favorisée.

Maladies gingivales induites par la plaque et modifiées par le tabagisme Figure 11 Gingivite gravidique diffuse localisée, assortie d’une formation épuliforme entre 11 et 12.

Les fumeurs présentent moins de saignements gingivaux que les non-fumeurs et, à volume de plaque

Maladies gingivales induites par la plaque identique, un indice gingival moyen plus bas que celui des non-fumeurs. En règle générale, les fumeurs ont moins de gingivite que les non-fumeurs du fait d’une vasoconstriction périphérique entraînant une diminution du flux sanguin gingival.60,61 Ces éléments cliniques ne doivent cependant pas occulter l’importance de l’impact du tabagisme, aussi bien localement que dans les comportements immunitaires de l’hôte. En effet, le tabac représente l’un des facteurs de risque parodontal les plus importants, si ce n’est le plus important. Cette susceptibilité accrue chez le fumeur s’explique par une capacité réduite à former et à maintenir une réaction de défense efficace vis-à-vis de la microflore parodontale (diminution du chimiotactisme des granulocytes neutrophiles, de leur mobilité et de leur capacité de phagocytose). De plus, le tabagisme, en modifiant les conditions physicochimiques environnementales de croissance bactérienne, favorise la colonisation et la croissance de bactéries parodontopathogènes comme Actinobacillus actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Bacteroides forsythus.62,63

Maladies gingivales induites par la plaque et modifiées par le stress Le stress induit des changements de comportement directs et indirects chez l’individu.64 Un patient stressé est un patient qui a tendance à négliger son contrôle de plaque, ce qui entraîne de façon directe une gingivite. Les comportements induits par le stress comme le tabagisme, l’abus d’alcool, une mauvaise diététique et une mauvaise prise en charge médicale vont avoir une action indirecte par leur effet sur les défenses immunitaires du sujet qui est plus exposé aux maladies parodontales et donc en premier lieu aux gingivites. De plus, le stress, en agissant sur l’axe hypothalamohypophysaire et sur les médullo- et corticosurrénales, favorise la sécrétion de substances qui entraînent des nécroses tissulaires observées dans la gingivite ulcéronécrotique (Fig. 12).

Diagnostic différentiel La classification d’Armitage1 permet d’éclairer le diagnostic différentiel. Les maladies gingivales induites par la plaque doivent être distinguées des maladies gingivales non induites par la plaque et des parodontites.

Maladies gingivales non induites par la plaque Les maladies gingivales non induites par la plaque sont des lésions du parodonte superficiel en ré-

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Figure 12 Aspect clinique caractéristique d’une gingivite ulcéronécrotique localisée au secteur mandibulaire antérieur avec décapitation des papilles sous forme de cratères interproximaux.

ponse à une agression spécifique qui est d’origine locale ou générale. Ces maladies gingivales non induites par la plaque peuvent se regrouper de la façon suivante :65 • maladies gingivales d’origine bactérienne spécifique (gonorrhée, syphilis, etc.) ; • maladies gingivales d’origine virale (infections herpétiques, etc.) ; • maladies gingivales d’origine fongique (candidose, gingivite érythémateuse linéaire, etc.) ; • maladies gingivales d’origine parasitaire (toxoplasmose) (Fig. 13) ; • lésions gingivales d’origine génétique (fibromatose, etc.) ; • maladies dermatologiques buccales (lichen plan, pemphigoïde, lupus érythémateux, etc.) ; • réactions allergiques (aliments et additifs, matériaux de restauration dentaire comme mercure, nickel, résine acrylique, bain de bouche, dentifrices, etc.) ; • lésions gingivales traumatiques iatrogènes ou accidentelles, chimiques, thermiques ou physiques ; • réactions gingivales à des corps étrangers. Chacune de ces maladies ou lésions présente des caractéristiques dont la démarche sémiologique permet d’en approcher le diagnostic. L’anamnèse permet de s’enquérir du mode de vie du patient (possibilité d’une contamination par une maladie sexuellement transmissible66), de son alimentation (carences67), de la présence d’atteintes systémiques connues (lichen plan, pemphigus68), la présence d’un traumatisme associé (brûlure, prothèse mal ajustée69), l’existence d’autres manifestations buccales ou extraorales susceptibles de réaliser le diagnostic différentiel. L’examen clinique est orienté vers la recherche de localisations non décelées par le patient et/ou de signes pathognomoni-

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F. Boschin et al. possible. Il convient donc d’inclure dans la démarche de prise en charge d’un patient porteur d’une gingivite le diagnostic du risque parodontal.71 L’exploration de l’hôte associée à l’exploration de la microflore parodontale permet de cerner ce risque parodontal. Le traitement mis en place doit être adapté aux différentes situations. Enfin, une maintenance adéquate permet de pérenniser les résultats ou à défaut de traiter à temps une récidive tant qu’elle est réversible.

Diagnostic du risque parodontal Figure 13 Gingivite généralisée d’apparition soudaine se développant selon un processus aigu en rapport avec une toxoplasmose.

ques de maladies virales ou fongiques comme par exemple la présence de vésicules herpétiformes ou de plaques blanchâtres d’une candidose. Les examens biologiques sanguins, microbiologiques et/ou anatomopathologiques, sont souvent effectués afin de poser avec précision le diagnostic. Des tests d’allergologie complètent parfois cette démarche.

Parodontites Le sondage parodontal et la radiographie rétroalvéolaire prise avec un long cône et des angulateurs de Rinn permettent de faire le diagnostic différentiel entre une gingivite et une parodontite. Dans le cas de la gingivite, il n’existe aucune perte d’attache, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de mettre en évidence l’existence de poche parodontale. D’autre part, l’examen radiographique en cas de gingivite ne montre aucune alvéolyse, aucune décapitation des septa interdentaires ; il y a respect des « fers de lance alvéolaires ».

Prise en charge d’un patient porteur d’une maladie gingivale induite par la plaque Si toutes les gingivites se traduisent cliniquement par une inflammation gingivale, il convient comme il a été décrit précédemment de dissocier les gingivites induites par la plaque70 et les maladies gingivales non induites par la plaque. D’autre part, parmi les gingivites induites par la plaque, la prise en charge est différente selon qu’il s’agit de gingivites avec ou sans risque d’évoluer en parodontites et/ou de gingivites modifiées ou non par des facteurs systémiques ou autres. La nature des bactéries qui colonisent les environnements supragingival et sous-gingival, ainsi que la nature de la réponse de l’hôte, conditionnent cette évolution

Le diagnostic du risque parodontal qui détermine l’existence d’une gingivite banale ou d’une gingivite à risque résulte de la détection de facteurs liés à l’hôte et/ou liés à la microflore parodontale.38 Les facteurs liés à l’hôte sont recherchés par l’interrogatoire du patient qui permet de détecter l’existence des facteurs généraux comme le diabète, le tabagisme, la prise de certains médicaments, le stress, etc. (cf. supra). Les examens biologiques sanguins sont fréquemment d’un précieux recours et, dans certains cas, permettent de dépister l’existence de maladies systémiques jusqu’alors méconnues du patient. Le comportement immunitaire de l’hôte peut être exploré entre autres grâce au test génétique PST.72,73 Ce test rend compte de la qualité des monocytes et de leur faculté plus ou moins augmentée à libérer de l’interleukine 1. Ainsi, un génotype PST positif, c’est-à-dire un patient qui possède des monocytes hyperinflammatoires et donc qui libèrent une quantité importante d’interleukine 1 est plus susceptible de voir évoluer sa gingivite en parodontite comparé à un patient au génotype PST négatif, et ce pour une agression bactérienne identique. La présence, dans une microflore parodontale, de bactéries parodontopathogènes,3,23,48 comme Actinobacillus actinomycetemcomitans ou Porphyromonas gingivalis, signe également un risque parodontal augmenté. La recherche de ces bactéries peut être entreprise par des prélèvements dans le biofilm sous-gingival qui sont analysés soit par cultures, soit par des tests spécifiques74 comme les sondes génétiques.75 Le risque parodontal, comme toute notion de risque, est une probabilité de survenue d’un évènement. Il est la résultante d’un ensemble d’éléments. L’accumulation de ces éléments concourt à augmenter ce risque. Cependant, un patient pour lequel aucun risque parodontal n’a été détecté peut néanmoins voir sa gingivite évoluer en parodontite ; certaines composantes étiopathogéniques restent encore à éclaircir.76

Maladies gingivales induites par la plaque

Traitements Le traitement d’une gingivite induite par la plaque doit prendre en compte aussi bien les composantes étiologiques et les facteurs locaux aggravants que les composantes liées à l’hôte quand celles-ci peuvent l’être. Prise en charge des composantes liées à l’hôte La prise en charge des composantes liées à l’hôte représente un élément déterminant dans le succès thérapeutique. De plus, en tant que maillon de la chaîne médicale, nous pouvons contribuer à une meilleure prise en charge médicale des maladies systémiques par notre action de motivation et d’orientation vers les compétences médicales adhoc. Nous devons nous assurer que les maladies systémiques qui sont susceptibles d’interférer avec les gingivites sont correctement prises en charge et le cas échéant intervenir. Dans le cas où nous sommes à l’origine du diagnostic d’une maladie systémique, comme c’est souvent le cas pour le diabète de type II, le patient est orienté soit vers son médecin généraliste, soit vers un spécialiste. Dans le cas du tabagisme, nous avons un devoir d’information sur ses effets nocifs tant généraux que sur le parodonte. Les résultats thérapeutiques parodontaux escomptés participent à la motivation au sevrage tabagique. Une orientation vers des équipes médicales spécialisées dans le sevrage tabagique est proposée au patient. Tout conseil visant à diminuer le stress de nos patients, comme celui de la pratique d’un sport, contribue à l’obtention des résultats thérapeutiques.

475 che, le biofilm sous-gingival est éliminé par le praticien essentiellement grâce à l’usage d’appareils ultrasoniques. S’il est difficile voire impossible d’éliminer par le seul brossage l’ensemble du biofilm supragingival, le brossage doit à défaut entraîner une diminution du volume global du biofilm et sa désorganisation, concourant ainsi à diminuer le nombre total de bactéries au contact de la fibromuqueuse gingivale, et de ce fait diminuer le pourcentage des bactéries parodontopathogènes afin que leur nombre soit de nouveau compatible avec le seuil de tolérance de l’hôte. Afin d’atteindre ce but, une démarche de motivation du patient est nécessaire d’emblée. Elle consiste en une information du patient sur sa maladie et sur ses causes pour susciter chez lui une démarche volitive qui se traduit par des questions sur le comment retrouver une santé parodontale, et partant sur les matériels et techniques à utiliser. Une coloration de plaque bactérienne est d’une aide précieuse pour visualiser l’étiologie de la gingivite et guider le patient dans son apprentissage d’une technique adaptée et enseignée par le praticien (Fig. 14).

Prise en charge des composantes étiologiques et des facteurs locaux aggravants Le protocole de gingivite expérimentale4,5 a permis de montrer la relation de cause à effet entre biofilm et gingivite, et qu’après élimination régulière du biofilm dentaire une santé gingivale est restituée.77,78,79 Tout traitement de maladie gingivale induite par la plaque doit bien évidemment comporter le contrôle du facteur étiologique bactérien et la suppression ou le contrôle des facteurs locaux aggravants (cf. supra). Contrôle du facteur étiologique bactérien Le contrôle du facteur étiologique bactérien comprend l’élimination des biofilms supra- et sousgingivaux. Le biofilm supragingival est essentiellement contrôlé par le patient suite à une motivation à l’hygiène buccodentaire et à un apprentissage d’une technique de brossage adaptée ; en revan-

Figure 14 A. Gingivite marginale discrète chez une adolescente âgée de 12 ans. B. Mise en évidence du biofilm par révélateur de plaque : il y a correspondance entre les zones colorées et les zones enflammées.

476 La prescription de matériel comprend en premier lieu une brosse à dents. Depuis quelques années se sont développées les brosses à dents électriques visant à améliorer la qualité et réduire le temps de brossage. Différents concepts ont été proposés : un mouvement rotatif de touffes de poils, un mouvement d’oscillation horizontale, un mouvement de rotation quart de tour. Des études réalisées montrent que le brossage est de qualité équivalente ou inférieure à un brossage manuel.80,81 Cependant, une brosse électrique combinant un mouvement oscillatoire et un mouvement pulsatile semble donner des résultats supérieurs.82 Il apparaît ainsi intéressant de prescrire ce type de brosse lorsque le patient ne réussit pas à effectuer un brossage manuel satisfaisant. Comme pour les brosses manuelles, il est important de contrôler la souplesse des poils et l’absence d’agressivité du mouvement. Le contrôle de plaque interproximal peut être complété par l’utilisation de fils interdentaires de préférence non cirés et non tressés si le point de contact permet le passage. Dans le cas contraire, un fil ciré est utilisé. Puisque dans la gingivite il n’existe aucune perte tissulaire parodontale, il ne semble pas nécessaire de prescrire des brossettes interdentaires, sauf dans le cas de diastèmes primaires ou de dents manquantes. Il est possible de conseiller au patient un brossage du dos de la langue. Celui-ci est effectué avec la brosse à dents ou à l’aide d’un gratte-langue. Les études évaluant l’influence du brossage lingual sur la formation du biofilm dentaire présentent des résultats controversés.83,84 Cependant, le brossage de la langue reste intéressant car il assure un meilleur confort buccal et contribue à contrôler une éventuelle halitose 85. Un brossage dentaire par une méthode intrasulculaire, deux ou trois fois par jour après chaque repas, est enseigné au patient. À chaque visite, les progrès réalisés sont visualisés, ce qui participe à renforcer la motivation du patient à l’observance de son traitement. Dans le cas contraire, les conseils et la technique sont repris. La désagrégation du biofilm ne peut se faire que mécaniquement. Mais une action chimique associée est intéressante. Elle peut se faire par le biais de molécules antiseptiques contenues dans des bains de bouche ou des dentifrices. L’antiseptique le plus utilisé est la chlorhexidine, dont l’efficacité sur les bactéries buccales et en particulier sur les bactéries parodontopathogènes n’est plus à démontrer.86,87,88 De plus, elle possède une action antifongique. Elle contribue, associée au traitement mécanique, à l’établissement d’une flore compatible avec la santé parodontale. La chlorhexidine en

F. Boschin et al. bain de bouche est alors prescrite sur une durée de 15 jours, à utiliser après chaque brossage. Le contrôle du biofilm supragingival assuré par le patient doit nécessairement être complété par une élimination du biofilm sous-gingival. Celui-ci est assuré par le praticien en passant un insert d’appareil ultrasonique dans le sillon gingivodentaire suivi d’une irrigation sous-gingivale à base de chlorhexidine. Suppression des facteurs locaux aggravants Les facteurs locaux aggravants se comportent comme des facteurs de rétention de plaque et diminuent d’autant les chances d’obtenir une santé gingivale malgré tous les efforts déployés par le patient pour assurer son contrôle de plaque. Dans ce contexte, il n’est pas rare d’observer une baisse de la motivation du patient. C’est ainsi qu’il convient de coupler à l’enseignement d’une technique de brossage et au nettoyage du sillon gingivodentaire une élimination de ces facteurs locaux aggravants. Elle est réalisée par : • un détartrage aux instruments ultrasoniques et manuels ; • un polissage des surfaces dentaires à l’aide d’une pâte abrasive et d’une brossette ou d’une cupule en caoutchouc montée sur un instrument rotatif à moyenne vitesse ; • une correction des restaurations débordantes, mal ajustées, mal équilibrées, etc. ; • une correction éventuelle des malpositions dentaires par traitement orthodontique.

Maintenance parodontale Le biofilm dentaire supragingival à l’origine de la gingivite se créant dès les premières minutes qui suivent son élimination, une maintenance parodontale doit être instaurée afin d’éviter toute récidive. De plus, cette maintenance s’avère importante dès lors que le patient présente un risque parodontal, en d’autres termes, un risque de voir s’installer une parodontite. La maintenance se traduit par des visites de contrôle dont la fréquence est fonction du risque parodontal. Un renforcement de la motivation est instauré, accompagné d’une vérification de la qualité de la technique de brossage et le cas échéant par une reprise des conseils. Cette maintenance parodontale est couplée à une maintenance médicale qui permet de vérifier en parallèle les composantes liées à l’hôte. Le risque parodontal n’est pas une notion figée ; il est susceptible d’être augmenté suite à l’acquisition de nouvelles pathologies systémiques ou à l’aggravation de pathologies systémiques existantes. Il doit donc être systématiquement réévalué lors de chaque visite de contrôle.

Maladies gingivales induites par la plaque

Figure 15 A. Vue linguale d’un secteur incisif mandibulaire présentant une gingivite avec papilles rétractées et œdématiées en regard de plaque bactérienne et de tartre. B. Restitution ad integrum des papilles linguales 15 jours après enseignement d’un contrôle de plaque adapté et détartrage.

Pronostic avec ou sans traitements L’installation d’une gingivite chez un sujet signe l’existence d’une réaction inflammatoire de la part de celui-ci, première étape de la réaction immunitaire face à l’agression antigénique de la plaque bactérienne. Cette inflammation gingivale primitive est donc la manifestation de l’efficacité du système de défense de l’individu, système qui sera sensibilisé voire renforcé lors d’une agression bactérienne ultérieure. Le passage à la chronicité peut traduire au contraire l’incapacité de l’individu à maîtriser cette agression d’origine bactérienne si celle-ci est maintenue par absence de contrôle de plaque ou si les défenses immunitaires intrinsèques du sujet sont insuffisantes ou dépassées. Cette dernière situation concerne peut-être les sujets à risque susceptibles de développer ensuite une parodontite.28,38,76 Il est maintenant bien mis en évidence que tout porteur de gingivite ne développe pas systématiquement une parodontite. Mais il n’a jamais été démontré qu’une parodontite peut survenir en l’absence d’inflammation gingivale.48 Le passage de la gingivite à la parodontite serait la résultante de déséquilibres dans la balance hôte/agresseurs,

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Figure 16 A. Tableau clinique pouvant faire penser à une gingivite marginale généralisée assortie d’une manifestation épuliforme localisée entre 11 et 12. B. Vue clinique 15 jours après la mise en œuvre d’un traitement adapté montrant des récessions parodontales, lésions parodontales irréversibles, qui signent l’existence d’une parodontite.

qui entraîneraient des épisodes intermittents de lésions tissulaires et à long terme des destructions parodontales accumulées. L’évolution d’une gingivite vers une parodontite serait la conjonction d’un ou de plusieurs des facteurs suivants : • la flore s’enrichit en espèces pathogènes ; la présence d’une inflammation gingivale favoriserait l’apparition de certaines espèces bactériennes pathogènes ;27 • les systèmes immunitaires du patient permettent à l’agression d’origine bactérienne d’entraîner une perte d’attache et l’un des différents types de parodontites ; • l’absence des bactéries compatibles voire nécessaires à la santé parodontale. Le traitement permet une réparation ad integrum du parodonte superficiel puisque, lors d’une gingivite, les lésions ne concernent que la fibromuqueuse gingivale qui est susceptible de « régénération », les structures sous-jacentes n’ayant pas subi de destruction. Ainsi, dans ce cas de figure, les papilles gingivales décapitées peuvent voir leur fer de lance reconstruit après traitement, le niveau du bord marginal gingival se rétablissant du fait même de la « mémoire gingivale » à une distance cons-

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F. Boschin et al.

tante du bord marginal de l’os qui ne subit aucune modification morphologique (Fig. 15). Lors de la gingivite, l’espace biologique est maintenu entre le niveau de l’attache conjonctive situé à la jonction émail-cément puisqu’il n’y a pas de migration apicale de l’attache et que le bord marginal de l’os n’est pas modifié dans sa position de référence à la différence d’une situation de parodontite (Fig. 16).

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F. Boschin et al. Badersten A, Egelberg J, Jonsson G, Kroneng M. Effect of tongue brushing on formation of dental plaque. J Periodontol 1975;46:625–627. Gross A, Barnes GP, Lyon TC. Effects of tongue brushing on tongue coating and dental plaque scores. J Dent Res 1975; 54:1236. Yaegaki K, Coil JM, Kamemizu T, Miyazaki H. Tongue brushing and mouth rinsing as basic treatment measures for halitosis. Int Dent J 2002;52:192–196.

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Addy M, Moran JM. Clinical indications for the use of chemical adjuncts to plaque control: chlorhexidine formulations. Periodontol 2000 1997;15:52–54. Jones G. Chlorhexidine: Is it still the gold standard? Periodontol 2000 1997;15:55–62. Löe H, Shiott CR. The effect of mouthrinses and topical application of chlorhexidine on the development of dental plaque and gingivitis in man. J Periodontal Res 1970;5:79–83.

EMC-Dentisterie 1 (2004) 481

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Index des auteurs Abjean J., 361 Alliot-Licht B., 312 Armengol V., 312 Bach K., 122 Badet C., 40 Barbrel P., 417 Benateau H., 82 Benchemam Y., 82 Benmansour A., 193 Bertrand J.-C., 228 Bodin C., 361 Boschin F., 462 Bou C., 275 Bousquet P., 49 Boutigny H., 462

Flocard F., 131 Foglio-Bonda P.-L., 361 Fontes-Carrère M., 122 Fouque-Deruelle C., 25 Fronty Y., 417 Georget C., 345 Gibert P., 49, 55, 62 Ginisty D., 453 Giraud O., 244 Goasguen O., 244 Grégoire G., 284 Gunepin M., 193 Guyonnet J.-J., 2, 284 Hardy F., 193

Calas I., 49, 62 Cantaloube D., 1, 244 Challot E., 55 Coffinet L., 382 Compere J.-F., 82 Couly G., 214 Cucchi J., 25

Jame F., 55 Jame O., 49, 62 Jordana F., 417

Dajean-Trutaud S., 312 de Greslan T., 131 Dejean de la Batie S.D., 193 de Revel T., 71 de Soultrait F., 244 Delcourt-Debruyne E., 462 Dichamp J., 118 Djeribi R., 378 Doghmi K., 71 Dufour T., 349 Duroure F., 382

Labbé D., 82 Laborier C., 345 Lacan A., 334 Lacoste-Ferré M.-H., 2 Laffargue P., 55 Lamendin H., 179 Liebart M.F., 25 Loiseleux P., 193 Louise F., 25

Esclassan R., 2 Esclassan-Noirrit E., 2 Fenistein B., 193

doi: 10.1016/S1762-5661(04)00107-2

Kahl P., 193 Kaluzinski E., 82

Marion D., 312 Meningaud J.-P., 228, 326 Mettoudi J.-D., 453 Michel B., 214 Misino J., 159 Mundreuil M., 82

Orti V., 49, 62 Peniguel B., 193 Péron J.-M., 147, 159 Pomar P., 118, 122, 275 Poujade J.-M., 101 Recoing J., 429 Renard J.-L., 131 Requirand P., 179 Richard B., 40 Rocher P., 284 Sabin P., 82 Sarazin L., 334 Sellal S., 382 Serre D., 101 Simon E., 382 Soliveres S., 55 Stricker M., 382 Suissa M., 334 Svoboda J.-M., 349 Taillia H., 131 Tardif A., 159 Tavernier B., 193 Teman G., 334 Thiery G., 244 Toscano G., 179 Toulouse E., 275 Touré G., 228, 326 Vacher C., 201 Vetter V., 193 Vigarios E., 122, 275 Voisin B., 193 Zaghez M., 378 Zerbib C., 101 Zimmermann P., 193

EMC-Dentisterie 1 (04) 482–484

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Index des mots clés A Ajustement occlusal – Restauration fonctionnelle par ajustement occlusal, 361 Alliages dentaires – Travail des alliages dentaires, 284 Anatomie – Anatomie du vieillissement craniofacial, 201 Angiome – Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson, 214 Anomalies dentaires – Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale, 334 Antibioprophylaxie – Antibiothérapie et maladies parodontales, 62 Antibiothérapie locale – Antibiothérapie et maladies parodontales, 62 Antibiothérapie systémique – Antibiothérapie et maladies parodontales, 62 Antiseptiques – Antiseptiques en parodontie, 49 Aromathérapie – Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires, 179 Autotransplantations – Transplantations et réimplantations dentaires, 429

B Bactéries – Antiseptiques en parodontie, 49 Bain de bouche – Antiseptiques en parodontie, 49 Biofilm – Antiseptiques en parodontie, 49 – Maladies gingivales induites par la plaque, 462 Biomécanique – Fractures de la mandibule, 228 Bord alvéolaire des maxillaires – Distraction alvéolaire, 82 Brasure des alliages dentaires – Travail des alliages dentaires, 284 Brossage – Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire, 349 Brosse à dents – Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire, 349

C Carie dentaire – Étude clinique de la carie, 40 Cellulite orbitaire – Relations pathologiques œil-dent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste, 417 Cellulites – Accidents d’évolution des dents de sagesse, 147 A RENSEIGNER doi: 10.1016/j.pedpue.2003.08.008

Céramique – Céramiques dentaires, 101 Certificat médical – Traumatismes dentaires et alvéolaires, 159 CFAO – Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO), 275 Chirurgie cervicofaciale – Introduction à la prothèse maxillofaciale, 118 Chirurgie maxillofaciale – Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale, 326 Chirurgie parodontale – Traitements chirurgicaux des poches parodontales, 25 Chirurgie préimplantaire – Distraction alvéolaire, 82 Chirurgien-dentiste militaire – Le chirurgien-dentiste des armées. Missions et rôles, 193 Choix des dents – Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases, 2 Classification – Étude clinique de la carie, 40 Coagulation – Physiologie de l’hémostase, 71 Corps de carrière – Le chirurgiendentiste des armées. Missions et rôles, 193 Cosmétique – Céramiques dentaires, 101

D Débridement – Traitements chirurgicaux des poches parodontales, 25 Débridement parodontal – Détartrage et surfaçage radiculaire, 55 Défaut dentinaire – Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire, 312 Dent – Relations pathologiques œildent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste, 417 Dent de lait – Extraction chez l’enfant, 453 Dent de sagesse – Accidents d’évolution des dents de sagesse, 147 Dent permanente – Extraction chez l’enfant, 453 Dentinogenèse – Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire, 312 Desmodonte – Transplantations et réimplantations dentaires, 429 Détartrage – Détartrage et surfaçage radiculaire, 55 Diagnostic – Étude clinique de la carie, 40

Distraction osseuse ostéogénique – Distraction alvéolaire, 82

E Eau – Contaminations microbiologiques par les dispositifs médicaux dans les unités dentaires, 378 Édentation – Anatomie du vieillissement craniofacial, 201 Endoscopie – Traumatismes craniofaciaux, 244 Enfant – Extraction chez l’enfant, 453 Épulis congénitale – Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson, 214 Esthétique – Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale, 326 Étage inférieur – Fractures de la mandibule, 228 Éthique – Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale, 326 Évolution anormale – Accidents d’évolution des dents de sagesse, 147 Extraction – Extraction chez l’enfant, 453

F Facteur infectieux – Antibiothérapie et maladies parodontales, 62 Facteur systémique – Maladies gingivales induites par la plaque, 462 Fibrine – Physiologie de l’hémostase, 71 Fibrinolyse – Physiologie de l’hémostase, 71 Fil dentaire – Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire, 349 Fistule carotidocaverneuse – Traumatismes craniofaciaux, 244 Fonction neurovégétative – Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial, 131 Fractures – Fractures de la mandibule, 228 Fractures dentaires – Traumatismes dentaires et alvéolaires, 159

G Germe – Extraction chez l’enfant, 453 Gingivite – Maladies gingivales induites par la plaque, 462 Greffe nerveuse – Paralysie faciale, 382

Index des mots clés Greffes – Transplantations et réimplantations dentaires, 429

H Hémostase primaire – Physiologie de l’hémostase, 71 Homme jeune – Fractures de la mandibule, 228 Hygiène buccodentaire – Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire, 349

I Imagerie dentofaciale – Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale, 334 Implants dentaires – Distraction alvéolaire, 82 Inclusion dentaire – Accidents d’évolution des dents de sagesse, 147 Infection – Contaminations microbiologiques par les dispositifs médicaux dans les unités dentaires, 378 Infection focale – Relations pathologiques œil-dent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste, 417 Instrument – Contaminations microbiologiques par les dispositifs médicaux dans les unités dentaires, 378 Instrumentation – Détartrage et surfaçage radiculaire, 55 Irrigation – Antiseptiques en parodontie, 49

K Kyste mucoïde – Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson, 214 Kystes péricoronaires – Accidents d’évolution des dents de sagesse, 147

L Lésions des parties molles – Traumatismes dentaires et alvéolaires, 159 Lésions du maxillaire – Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale, 334 Luxations dentaires – Traumatismes dentaires et alvéolaires, 159

M Maladie gingivale – Maladies gingivales induites par la plaque, 462 Maladie parodontale – Antibiothérapie et maladies parodontales, 62 Mandibule – Anatomie du vieillissement craniofacial, 201 – Fractures de la mandibule, 228 Méningite à pneumocoque – Traumatismes craniofaciaux, 244 Métallurgie des alliages dentaires – Travail des alliages dentaires, 284 Montage des dents – Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix

483 et montage des dents. Polymérisation des bases, 2 Motricité buccale – Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial, 131 Motricité de la face – Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial, 131

N Nerf facial – Paralysie faciale, 382

O Occlusion – Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases, 2 Occlusion – Restauration fonctionnelle par ajustement occlusal, 361 Œil – Relations pathologiques œildent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste, 417 Opérations extérieures – Le chirurgien-dentiste des armées. Missions et rôles, 193 Os alvéolaire – Anatomie du vieillissement craniofacial, 201 Os maxillaire – Anatomie du vieillissement craniofacial, 201 Ostéites – Accidents d’évolution des dents de sagesse, 147 Ostéoectomie – Traitements chirurgicaux des poches parodontales, 25 Ostéoplastie – Traitements chirurgicaux des poches parodontales, 25

P Paralysie faciale/chirurgie – Paralysie faciale, 382 Pathologies générales – Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire, 312 Péricoronarite – Accidents d’évolution des dents de sagesse, 147 Phase de soutien – Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire, 349 Phytothérapie – Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires, 179 Plantes médicinales – Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires, 179 Plaque dentaire – Maladies gingivales induites par la plaque, 462 Plaquettes – Physiologie de l’hémostase, 71 Poches parodontales – Traitements chirurgicaux des poches parodontales, 25 Polymérisation – Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases, 2 Position mandibulaire de repos – Restauration fonctionnelle par ajustement occlusal, 361

Prise en charge psychologique – Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale, 122 Protéomique – Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires, 179 Prothèse endo-orale – Introduction à la prothèse maxillofaciale, 118 Prothèse extraorale – Introduction à la prothèse maxillofaciale, 118 Prothèse maxillofaciale – Introduction à la prothèse maxillofaciale, 118 – Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale, 122 – Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO), 275 Prothèse partielle adjointe – Prothèse adjointe partielle : occlusion, choix et montage des dents. Polymérisation des bases, 2 Prothèses – Céramiques dentaires, 101 Prothèses dentaires – Travail des alliages dentaires, 284 Prototypage rapide – Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO), 275 Pseudo-tumeur – Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson, 214 Pulpolithe – Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire, 312 Pulpopathies – Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire, 312

R Recherche évaluative – Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale, 326 Régénération – Traitements chirurgicaux des poches parodontales, 25 Réglementation – Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires, 179 Réhabilitation – Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale, 122 Réhabilitation maxillofaciale – Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO), 275 Réimplantations – Transplantations et réimplantations dentaires, 429 Relation d’aide – Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale, 122 Révélateur de plaque dentaire – Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire, 349 Rhinorrhée post-traumatique – Traumatismes craniofaciaux, 244 Rhizagenèse – Transplantations et réimplantations dentaires, 429 Rhizalyse – Extraction chez l’enfant, 453

484

Index des mots clés

Risque carieux – Étude clinique de la carie, 40 Risque parodontal – Maladies gingivales induites par la plaque, 462 Rixe – Fractures de la mandibule, 228

S Secteurs dentaires interarmées – Le chirurgien-dentiste des armées. Missions et rôles, 193 Sinus ethmoïdal – Traumatismes craniofaciaux, 244 Sinus frontal – Traumatismes craniofaciaux, 244 Soins dentaires – Le chirurgiendentiste des armées. Missions et rôles, 193 Soudure des alliages dentaires – Travail des alliages dentaires, 284 Souffrance psychique – Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale, 122 Surfaçage radiculaire – Détartrage et surfaçage radiculaire, 55 Surveillance – Traumatismes dentaires et alvéolaires, 159

Symbiose chirurgicoprothétique – Introduction à la prothèse maxillofaciale, 118 Syndrome de Moebius – Paralysie faciale, 382 Syndromes héréditaires – Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire, 312

T Tartre – Détartrage et surfaçage radiculaire, 55 Temps de céphaline activé – Physiologie de l’hémostase, 71 Temps de Quick – Physiologie de l’hémostase, 71 Thérapeutique étiologique – Détartrage et surfaçage radiculaire, 55 Thrombine – Physiologie de l’hémostase, 71 Transfert musculaire – Paralysie faciale, 382 Traumatismes craniofaciaux – Traumatismes craniofaciaux, 244 Traumatismes osseux – Traumatismes dentaires et alvéolaires, 159

Troisièmes molaires – Accidents d’évolution des dents de sagesse, 147 Troubles de la phonation – Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial, 131 Tumeur – Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson, 214

U Unité dentaire – Contaminations microbiologiques par les dispositifs médicaux dans les unités dentaires, 378 Uvéite odontogène – Relations pathologiques œil-dent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste, 417

V Vieillissement – Anatomie du vieillissement craniofacial, 201 Vitalité pulpaire – Traumatismes dentaires et alvéolaires, 159

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