Le maitre spirituel vivant chez Rene guenon
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PORTEUR DE SAVOIR Editions pour le Soufisme - Taçawwuf
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LE MAÎTRE SPIRITUEL « VIVANT » CHEZ RENÉ GUÉNON Maurice LE BAOT
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ÉDITION PROGRESSIVE Mises à jour régulières V.5
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Sommaire
Avant-propos Chapitre I Remarques préliminaires sur la notion de Maître « vivant » Chapitre II Un rôle de « transmetteur » Chapitre III Moyens « adjuvants » et méthodes « préparatoires » Chapitre IV De la nécessité de l’instructeur spirituel Chapitre V Le « Mandat du Ciel » et les « qualifications du transmetteur » Chapitre VI La « perfection de la Connaissance théorique » ? * Avant-propos
L’importance que revêt le rôle du Maître spirituel « vivant » dans la plupart des organisations initiatiques régulières, toutes traditions confondues, est indéniable. La compréhension de ce rôle peut donc être qualifiée, à bon droit, de fondamentale. Eu égard aux difficultés habituelles de l’homme moderne à comprendre de telles notions, René Guénon est revenu à de nombreuses reprises sur cette question ; on citera, parmi ses textes les plus directement en rapport avec ce sujet,
« L'enseignement traditionnel »[1], «Sur le rôle du guru »[2], « Guru et upaguru »[3] et « Vrais et faux instructeurs spirituels »[4]. D’importantes précisions sur la « fonction d’enseignement de la doctrine » figurent aussi dans le chapitre consacré à l’ « Infaillibilité traditionnelle » contenu dans les Aperçus sur l’initiation. De manière peut-être moins évidente mais pourtant, sous plus d’un rapport, décisive, son dernier ouvrage, « La Grande Triade », permet d’envisager plus spécialement certaines possibilités concernant le maintien d’une telle fonction en fin de cycle. On trouvera enfin, disséminé dans l’ensemble de l’œuvre publique[5], un nombre important d’éléments susceptibles de compléter les notions contenues dans les textes que nous venons de rappeler. Le but principal de la présente étude est donc de rassembler les principales références sur le sujet dans une synthèse aussi cohérente et intelligible que possible. N’ayant cependant nulle prétention à une quelconque exhaustivité et encore moins à nous substituer à l’auteur lui-même, nous avons choisi de procéder par une série de remarques successives que nous avons réparties, pour plus de commodité, en différents petits chapitres reliés entre eux par un « fil conducteur » mais qui pourront aussi être lus relativement indépendamment les uns des autres. De cette manière, nous espérons être fidèle à l’esprit de l’auteur des Aperçus sur l’initiation, pour lequel, en cette matière, « tout ce qu’on peut faire, en somme, c’est d’envisager certains aspects, de se placer à certains points de vue, qui certainement, même s’ils sont ceux dont l’importance apparaît le plus immédiatement pour une raison ou pour une autre, laissent pourtant en dehors d’eux bien des points qu’il serait également légitime de considérer »[6]. A ce titre, nous avons relégué en note certains développements qui auraient risqué peut-être de décourager le lecteur non-averti (notamment en raison de leur caractère particulièrement « technique ») et renvoyé, le cas échéant, directement aux
textes de l’auteur que le cadre du présent article ne nous permet pas d’étudier avec toute l’attention méritée. Un des aspects les plus remarquables de l’enseignement de René Guénon est la part faite, dans sa présentation des questions initiatiques en général, aux modalités d’ordre impersonnel [7]. A ce titre nous soulignerons, chaque fois que cela nous sera possible, ce qui, dans l’enseignement délivré par un Maître « vivant », dépend strictement des qualifications spirituelles d’un tel Maître (modalités d’enseignement revêtues d’un caractère personnel) et ce qui n’en dépend pas directement (modalités d’enseignement impersonnelles). Ce faisant, précisons qu’il ne s’agit en aucun cas, pour nous, de remettre en cause la légitimité des définitions du Maître spirituel qui peuvent se rencontrer dans la littérature traditionnelle « classique » et qui, de nos jours encore, sont relayées par les représentants réguliers de certaines voies initiatiques ; la raison principale étant qu’il ne peut y avoir de contradiction fondamentale entre différentes expressions orthodoxes de la Vérité, unique en son essence[8]. D’un point de vue terminologique, remarquons enfin que, sous la plume de Guénon, l’usage du terme de « Maître spirituel » ou « d’instructeur », sans référence à une tradition particulière, est équivalent à « ce qu’on appelle un Guru dans la tradition hindoue, ou un Sheikh dans la tradition islamique »[9], mais qu’aussi, « pour simplifier le langage », l’auteur se sert parfois du terme Guru, « bien que ce terme appartienne proprement à la tradition hindoue », pour désigner « un Maître spirituel au sens le plus général, quelle que soit la forme traditionnelle dont il relève »[10]. On ne saurait donc ici le taxer d’un quelconque syncrétisme, bien au contraire les enseignements transmis par Guénon procèdent d’un véritable esprit de synthèse et revêtent un aspect universel qui ne saurait être contesté à cause de références à une tradition particulière.
S’il est vrai que certaines difficultés peuvent survenir en cherchant à « utiliser » l’apport théorique que constitue son œuvre et en le « transposant »[11] dans une perspective initiatique particulière, nous ne voyons cependant pas quelle impossibilité il y aurait, en soi, à appliquer ces enseignements relatifs au Maître spirituel dans le cadre des traditions hindoues, islamiques et extrême-orientales auquel Guénon se réfère directement lorsqu’il définit ce rôle.
Chapitre I Remarques préliminaires sur la notion de Maître « vivant » L’intitulé de notre étude fait expressément référence à la notion de Maître « vivant ». Cette expression, que du reste René Guénon emploie assez rarement – il lui préfère en général celle de « Guru humain » - connaît à notre époque une telle diffusion, dans les milieux traditionnels ou à prétention traditionnelle, qu’il nous a semblé intéressant d’y recourir, quitte à en préciser le sens. Une telle expression sert le plus habituellement à définir un Maître corporellement vivant par opposition à certaines possibilités de rattachement ou d’enseignement initiatiques supportées par un Maître corporellement absent[12]. On la retrouve notamment chez Guénon à propos de certaines possibilités existantes « dans l'initiation islamique, [où] certaines turuq, surtout dans les conditions actuelles, ne sont plus dirigées par un véritable Sheikh capable de jouer effectivement le rôle d'un Maître spirituel, mais seulement par des Kholafâ qui ne peuvent guère faire plus que de transmettre valablement l'influence initiatique ; il n'en est pas moins vrai que, lorsqu'il en est ainsi, la barakah du Sheikh fondateur de la tarîqah peut fort bien, tout au moins pour des individualités particulièrement bien douées, et en vertu de ce simple rattachement à la silsilah, suppléer à l'absence d'un Sheikh présentement vivant»[13]. De toute évidence, ici, le qualificatif « vivant » se rattache expressément à la dimension corporelle du Sheikh, par opposition à l’action de la barakah du « Sheikh fondateur » qui relève d’un ordre strictement impersonnel.
Dans un de ces premiers ouvrages, très antérieur au passage que nous avons reproduit ci-dessus, Guénon présente cependant les choses d’une manière quelque peu différente : « dans certaines écoles d’ésotérisme musulman, le « Maître » (Sheikh) qui fut leur fondateur, bien que mort depuis des siècles, est regardé comme toujours vivant et agissant par son « influence spirituelle » (barakah) ; mais cela ne fait intervenir à aucun degré sa personnalité réelle, qui est, non seulement audelà de ce monde, mais aussi au-delà de tous les « paradis », c'est-à-dire des états supérieurs qui ne sont encore que transitoires[14]». Dans cet extrait, c’est essentiellement au rayonnement de son influence spirituelle - ici clairement définie comme une modalité d’ordre impersonnel - qu’un tel Maître doit d’être « regardé comme toujours vivant et agissant ». Ces deux points de vue sont cependant facilement conciliables : d’un côté le qualificatif «vivant» se rapporte à la vie corporelle, de l’autre côté il s’applique plus particulièrement à l’action « vivifiante » de l’influence spirituelle du Maître fondateur ; chacun de ces deux aspects se rattachant in fine au « principe même de la Vie » qui correspond, dans la tradition islamique, « à l'aspect ou attribut exprimé par le nom divin El-Hayy, qu'on traduit ordinairement par « le Vivant », mais qu'on pourrait rendre beaucoup plus exactement par « le Vivificateur »[15]. Le Maître corporellement « vivant » apparaît ainsi comme le support adéquat et privilégié de l’action vivifiante de l’influence spirituelle du Maître fondateur dont il est dépositaire et qui préside au processus initiatique tout entier. A titre d’exemple, on peut se rappeler que, « dans la tradition hindoue, le mantra qui a été appris autrement que de la bouche d'unguru autorisé est sans aucun effet, parce qu’il n'est pas « vivifié » par la présence de l'influence spirituelle dont il est uniquement destiné à être le véhicule. Ceci s’étend d'ailleurs, à un degré ou à un autre, à tout ce à quoi attachée une influence spirituelle »[16].
Dans une certaine mesure, tout être qui est le support temporaire ou permanent de cette influence spirituelle « vivifiante » pourrait ainsi être qualifié de « vivant » puisque « vivifié » par cette dernière[17]. Sous ce rapport, on se souviendra, dans l’œuvre de René Guénon, des nombreuses expressions traditionnelles faisant référence à ce symbolisme : la « Terre des Vivants » de la tradition judéo-chrétienne[18] qui est une désignation des centres spirituels dont la fonction première est d’ « assurer la continuité de transmission des influences spirituelles depuis les origines mêmes de la présente humanité (nous devrions même dire au-delà de ces origines, puisque ce dont il s’agit est « non-humain ») et à travers toute la durée de son cycle d’existence »[19], l’ « Arbre de Vie » qui est un symbole universel del’axis mundis par lequel « les influences du monde « d’en haut » sont transmises au monde « d’en bas »[20] et qui est parfois décrit comme un « Arbre de Lumière »[21]… On insistera tout spécialement sur l’ « identification établie, au début de l’Évangile de saint Jean entre Verbum, Lux et Vita », auquel l’auteur a consacré un chapitre entier de ses Aperçus sur l’initiation, qui nous semble susceptible d’éclairer plus complètement les différents rapports que nous établirons entre l’action vivifiante de l’influence spirituelle et les différents supports qu’elle emprunte afin de permettre à l’initié de réaliser cette « remontée du courant »[22] qui est une autre désignation du processus initiatique lui-même. Pour en revenir au rôle du Maître « vivant », nous rappellerons enfin qu’« il s'agit si bien, en tout ceci, de la communication de quelque chose de « vital » que, dans l'Inde, nul disciple ne peut jamais s'asseoir en face du guru, et cela afin d'éviter que l'action du prâna qui est lié au souffle et à la voix, en s'exerçant trop directement, ne produise un choc trop violent et qui, par suite, pourrait n'être pas sans danger, psychiquement et même physiquement. Cette action est
d'autant plus puissante, en effet, que le prâna lui-même, en pareil cas, n'est que le véhicule ou le support subtil de l'influence spirituelle qui se transmet du guru au disciple ; et le guru, dans sa fonction propre, ne doit pas être considéré comme une individualité (celle-ci disparaissant alors véritablement, sauf en tant que simple support), mais uniquement comme le représentant de la tradition même, qu'il incarne en quelque sorte par rapport à son disciple »[23]. On peut établir ici une certaine analogie entre le cas du Maître fondateur, que nous avons rappelé ci-dessus, et celui du Guru humain : pour l’un et l’autre il semblerait que ce soit surtout par le biais de l’influence spirituelle qu’ils exercent leur action, indépendamment de toute considération personnelle et, dans le cas du Guru humain, individuelle. Ce point, en apparente opposition avec l’idée qu’on se fait parfois du Maître spirituel corporellement vivant, rappelle cependant, dans une certaine mesure, le wu-wei chinois, l’activité non-agissante à laquelle on rapporte aussi, en général, l’«action de présence»[24] des êtres réalisés, et qui n’est pas sans présenter une certaine ressemblance avec « la présence spirituelle inspirant et guidant le Travail initiatique collectif »[25]. Il importe donc d’étudier maintenant plus particulièrement les possibilités initiatiques qui sont susceptibles de revenir en propre au Maître spirituel corporellement vivant, dans l’exercice régulier de sa fonction, à coté de celles qui sont supportées par l’influence spirituelle du Maître fondateur, ce qui reviendra, en réalité, à définir l’étendue du domaine dans lequel peut s’exercer « valablement »[26] la dite fonction. Chapitre II Un rôle de « transmetteur »
Nous avons vu que pour René Guénon « le guru, dans sa fonction propre, ne doit pas être considéré comme une individualité (celle-ci disparaissant alors véritablement, sauf en tant que simple support), mais uniquement comme le représentant de la tradition même, qu'il incarne en quelque sorte par rapport à son disciple » ; il précise de plus, que cela « constitue bien exactement le rôle de « transmetteur »[27]sur lequel il est revenu à plusieurs reprises dans son œuvre. Pour mieux comprendre l’importance de cette précision, il importe de rappeler avant tout que «l'initiation est essentiellement une transmission »[28] : 1. d’une influence spirituelle d’origine « non-humaine » qui détermine l’initiation « au sens strict », c’est à dire l’initiation virtuelle 2. d’un enseignement qui en quelque sorte s’y superpose, dans une perspective d’initiation effective. Le rôle du guru est donc de transmettre régulièrement cette influence et cet enseignement ; il est alors considéré « dans sa fonction propre », c'est-à-dire sous un rapport impersonnel, « uniquement comme le représentant de la tradition ».[29] On remarquera de plus que le rôle de « transmetteur » est envisagé ici dans sa globalité, sous son double aspect d’« initiateur » (transmetteur de l’influence spirituelle) et d’« instructeur » (transmetteur d’un enseignement ou d’une instruction initiatique). En effet, nous précise l’auteur, il est d’autres cas où «l’initiateur qui agit comme « transmetteur » de l’influence attachée au rite n’est pas forcément apte à jouer le rôle d’instructeur ; si les deux fonctions sont normalement réunies là où les institutions traditionnelles n’ont subi aucun amoindrissement, elles sont bien loin de l’être toujours en fait
dans les conditions actuelles »[30]. Dans ce cas, les deux fonctions sont dissociées parce que l’initiateur « n’est pas forcément apte à jouer le rôle d’instructeur », Guénon ne précise cependant pas si la réciproque est envisageable, autrement dit si un instructeur ne soit pas nécessairement un initiateur. Ce qu’il nous semble important de bien comprendre, avant tout, c’est que « faute de ce rattachement, la relation qui unit les soi-disant disciples à leur Guru n’est elle-même, en tant que lien initiatique, qu'une illusion pure et simple »[31] ; d’où la conséquente impossibilité de « faire consister uniquement le rôle du guru en une adaptation de la « technique » à chaque cas particulier, alors que son rôle vraiment essentiel, celui qui rend son intervention rigoureusement indispensable, est avant tout d'assurer la transmission initiatique régulière»[32]. La « transmission de l’influence spirituelle » d’origine « nonhumaine » par le guru, en vertu de son « rôle vraiment essentiel », conditionne ainsi nécessairement la régularité de l’enseignement reçu et garantit, ce faisant, son [33] « orthodoxie » . D’ailleurs, le plus souvent, lorsque « la transmission initiatique est effectuée par une seule personne, celle-ci assure par là même la fonction du Guru»[34] ; et ainsi, selon ce principe, «le Guru est là dès le point de départ, et il ne saurait y avoir aucun doute sur son identité»[35]. Tout porte donc à penser que tout instructeur, dans l’exercice régulier de sa fonction, est nécessairement un initiateur, ou autrement dit, et ceci revêtira tout son importance par la suite, « un « porteur » ou un « transmetteur » de l'influence spirituelle »[36]. D’un autre coté, cet aspect «vraiment essentiel » du rôle de l’instructeur étant celui qui demande le moins de qualification, on peut le considérer, en quelque sorte, comme caractéristique de la fonction initiatique de « base »[37]. Par ailleurs, Guénon nous explique que « la fonction de l'instructeur est véritablement, en effet, une « paternité spirituelle », et c'est pourquoi l'acte rituel et symbolique par
lequel elle débute [c'est-à-dire la transmission de l’influence spirituelle] est une « seconde naissance » pour celui qui est admis à recevoir l'enseignement par une transmission régulière». Au demeurant, «c'est cette idée de «paternité spirituelle» qu’exprime très exactement le mot guru, qui désigne l'instructeur chez les Hindous, et qui a aussi le sens d' « ancêtre » ; c'est à cette même idée que fait allusion chez les Arabes, le mot sheikh, qui avec le sens propre de « vieillard », a un emploi identique. En Chine, la conception dominante de la « solidarité de la race » donne à la pensée correspondante une nuance différente, et fait assimiler le rôle de l’instructeur à celui d’un « frère aîné », guide et soutien naturel de ceux qui suivent la voie traditionnelle, et qui ne deviendra un « ancêtre » qu’après sa mort ; mais l’expression « naître à la connaissance » n’en est pas moins, là comme partout ailleurs, d’un usage courant »[38]. Nous savons que cette notion n’est pas propre à René Guénon puisqu’elle existe chez de nombreux auteurs traditionnels en Islam et dans l’Hindouisme notamment. Cette manière de privilégier cet aspect, quasi-organique, de « seconde naissance » est cependant, de nos jours, bien souvent ignorée au profit d’autres perspectives, traditionnelles elles aussi, où c’est surtout l’éducation (tarbiyyah en arabe) d’un Maître spirituel vivant qui est envisagée. A ce titre, il nous semble qu’il est relativement important de s’interroger sur les raisons qui amenèrent celui qui fut le vecteur d’une revivification traditionnelle sans précédent dans le contexte occidental moderne, à rappeler inlassablement l’importance du rôle « essentiel» des Maîtres spirituels, c'est-à-dire celui de transmettre régulièrement l’influence spirituelle. Dans cette perspective, le caractère strictement impersonnel de la « garantie fondamentale »[39] que constitue cette transmission n’est pas le moins remarquable. D’autre part, et de manière corrélative, le rôle de l’initiateur se trouve singulièrement mis en
avant et semble ainsi susceptible d’être élargi à d’autres aspects du travail initiatique où la transmission d’une influence spirituelle intervient. Nous faisons évidemment allusion ici au rôle de l’« upaguru-transmetteur », tel que celui-ci à été identifié et nommé par Olivier Courmes, dans son article sur Les qualifications du transmetteur et la réalité de l’initiation virtuelle, et sur lequel nous serons amené à revenir au cours de cette étude. Enfin, toute prétention à exercer une quelconque « guidance », qui s’exprimerait indépendamment de ces critères d’orthodoxie - c'est-à-dire, ultimement, de la transmission régulière de l’influence spirituelle elle-même véhiculée par le Maître fondateur - ne pourrait donc qu’être totalement rejetée et combattue « chaque fois que les circonstances l’exige, non seulement [par] les Maîtres spirituels authentiques, mais encore [par] tout ceux qui ont à quelque degré conscience de ce qu’est réellement l’initiation»[40].
Chapitre III Moyens « adjuvants » et méthodes « préparatoires » Selon Guénon, « l'initiation implique trois conditions qui se présentent en mode successif » : la «qualification » du postulant; la transmission d'une influence spirituelle dont nous avons rappelé l’importance et enfin « le travail intérieur par lequel, avec le secours d' « adjuvants » ou de « supports » extérieurs s'il y a lieu et surtout dans les premiers stades, ce développement sera réalisé graduellement, faisant passer l'être, d'échelon en échelon, à travers les différents degrés de la hiérarchie initiatique, pour le conduire au but final de la « Délivrance » ou de l’ «Identité Suprême »[41]. Nous avons donc trois « conditions » à l’initiation : 1. La « qualification » 2. La transmission régulière de l’influence spirituelle 3. Le travail intérieur Parmi ces conditions, la première est plus précisément en rapport avec, d’une part, les possibilités propres du postulant qui permettent de le considérer comme « initiable » [42] (candidat à l’initiation virtuelle) et, d’autre part, ses prédispositions au travail intérieur (dans la perspective du passage à l’initiation effective). Mais dans la mesure où ces conditions se « présentent en mode successif », la « qualification » dont il est fait état par l’auteur se rapporte davantage à l’initiation virtuelle.
Nous avons suffisamment insisté sur l’importance de la seconde condition dans notre précédent chapitre pour ne pas
avoir à y revenir plus en détails, si ce n’est pour rappeler que, régulièrement transmise, l’influence spirituelle constitue la « garantie fondamentale »[43] de toute perspective initiatique véritable.
La troisième de ces conditions concerne plus particulièrement le développement régulier des possibilités offertes par l’initiation virtuelle afin de permettre une progression initiatique effective. Il remarquable sous ce rapport, qu’il ne soit pas fait mention du rôle de l’instructeur et que, ce faisant, le passage à l’initiation effective paraisse n’être pas conditionné par la présence d’un instructeur spirituel. On peut donc affirmer que, pour Guénon, la présence d’un instructeur spirituel auprès de l’initié n’est pas, en elle-même, une « condition » à l’initiation.
Ceci dit, il n’est peut-être pas sans intérêt de souligner la mention dans ce contexte du « secours d' « adjuvants » ou de « supports » extérieurs » au travail intérieur. Leur mise en œuvre constitue en effet un aspect important de la technique initiatique, « surtout dans les premiers stades » de l’initiation. A ce titre, ces « support » doivent « être adaptés aux conditions de l’état humain, puisque c’est dans cet état que se trouve actuellement l’être qui, partant de là, devra prendre possession des états supérieurs. C’est donc dans des formes appartenant à ce monde où se situe sa manifestation présente que l’être prendra un point d’appui pour s’élever au-dessus de ce monde même ; mots, signes, symboliques, rites ou procédés préparatoires quelconques n’ont pas d’autre raison d’être ni d’autre fonction : comme nous l’avons déjà dit, ce sont là des supports et rien de plus »[44].
On peut faire ici un premier parallèle avec le rôle de l’instructeur : la nécessité pour ces moyens d’être « adaptés aux conditions de l’état humain » est comparable à celle de l’instructeur humain qui, pour jouer pleinement son rôle, « dès le point de départ »[45], se doit de partager avec son disciple la condition corporelle[46]. D’autre part, un tel instructeur peut-être amené à transmettre certains « mots, signes, symboliques, rites ou procédés préparatoires » dont l’auteur fait état. Ces éléments méthodiques, « en tant qu’ils constituent l’aide apportée du dehors au travail intérieur dont doit résulter le développement spirituel de l’être (et il est bien entendu qu’ils ne peuvent jamais suppléer en aucune façon à ce travail même), peuvent être désignés, dans leur ensemble, par le terme d’instruction initiatique »[47]. Conçue de cette manière, la fonction du Maître spirituel, en tant qu’instructeur (c'est-à-dire que dispensateur de cette « instruction initiatique »), apparaît intimement liée à ces moyens « adjuvants» au « travail intérieur ». Il nous faut cependant, afin de confirmer notre analyse, préciser la nature de ces moyens ; nous verrons ainsi dans quelle mesure ce qu’en dit Guénon pourrait caractériser aussi le rôle de l’instructeur. Notons, tout d’abord, qu’il nous enjoint à considérer le terme d’instruction initiatique « en prenant celui-ci dans son sens le plus étendu, et en ne se limitant pas à la communication de certaines données d’ordre doctrinal, mais en y comprenant également tout ce qui, à un titre quelconque, est de nature à guider l’initié dans le travail qu’il accomplit pour parvenir à une réalisation spirituelle à quelque degré que ce soit»[48]. Ceci est en tout cas conforme au rôle de l’instructeur qui, en tant qu’il est chargé de l’« adaptation de la « technique » à chaque cas particulier », semble devoir être en capacité d’offrir « tout ce qui, […] est de nature à guider l’initié ». La manière employée par Guénon, pour décrire les modalités de transmission de cette instruction initiatique, nous permettra
maintenant de préciser ce point : « Il doit bien être compris, dès maintenant, que ceux qui ont été constitués les dépositaires de la connaissance initiatique ne peuvent la communiquer d'une façon plus ou moins comparable à celle dont un professeur, dans l'enseignement profane, communique à ses élèves des formules livresques qu'ils n'auront qu'à emmagasiner dans leur mémoire ; il s'agit ici de quelque chose qui, dans son essence même, est proprement incommunicable, puisque ce sont des états à réaliser intérieurement. Ce qui peut s'enseigner, ce sont seulement des méthodes préparatoires [sic] à l'obtention de ces états ; ce qui peut-être fourni du dehors [sic] à cet égard, c'est en somme une aide, un appui qui facilite grandement le travail à accomplir, et aussi un contrôle qui écarte les obstacles et les dangers qui peuvent se présenter»[49]. Le rôle des « dépositaires de la connaissance initiatique », c'est-à-dire de Maîtres spirituels réalisés, est clairement défini dans ce passage : « ce qui peut s'enseigner, ce sont seulement des méthodes préparatoires à l'obtention de ces états » purement intérieurs. On notera ici la réserve impliquée par le terme « seulement » qui induit, par son caractère exclusif, une certaine restriction du rôle de ces Maîtres. Cependant, loin d’être l’effet d’une quelconque limitation personnelle, celle-ci est en réalité strictement conforme à la nature de la Connaissance initiatique, « qui, dans son essence même, est proprement incommunicable »[50]. Ainsi, l’instructeur, même réalisé, dans l’exercice régulier de sa fonction, apparaît uniquement comme un vecteur et un support « extérieur » de transmission de ces moyens « adjuvants » ou de ces « méthodes préparatoires » à la réalisation d’états purement intérieurs, c'est-à-dire à l’obtention de la Connaissanceinitiatique véritable. On voit donc, sous ce rapport, que la dimension personnelle de l’instructeur n’intervient pas dans ce processus. En réalité, selon ce que
nous avons rappelé, elle ne peut intervenir : en effet comme on le verra plus précisément dans un prochain chapitre « la communication de la Connaissance ne peut s’opérer réellement que dans le silence ». De cette façon, l’ « aide » et l’ « appui » évoqués plus haut apparaissent « fourni[s] du dehors », non pas tant par l’instructeur lui-même que par la mise en œuvre méthodique des éléments rituels communiqués à l’initié qui, conformément à leur caractère traditionnel et initiatique présentent une efficacité intrinsèque[51]. Le rôle et l’apport de l’instructeur est donc difficilement séparable de celui de la méthode qu’il transmet[52], à laquelle il s’identifie même d’une certaine façon, et devant laquelle, son individualité s’efface, « celle-ci disparaissant alors véritablement, sauf en tant que simple support »[53]. Chapitre IV De la nécessité de l’instructeur spirituel Nous avons montré précédemment que la transmission de l’influence spirituelle, des méthodes «préparatoires » et autres moyens « adjuvants » pouvait définir une part importante du rôle de l’instructeur spirituel corporellement vivant. Ce rôle ne saurait cependant s’y réduire. En effet, un véritable instructeur, dans l’exercice régulier de sa fonction, doit être capable d’adapter la méthode qu’il transmet à chaque disciple et d’exercer un « contrôle »[54] spécifique sur chacun d’eux, ainsi que semble l’exiger, dans une certaine mesure au moins, l’enseignement traditionnel qui «se transmet dans des conditions qui sont strictement déterminées par sa nature »[55].
En effet, un tel enseignement, « pour produire son plein effet, […] doit toujours s'adapter aux possibilités intellectuelles de chacun de ceux auxquels il s'adresse, et se graduer en proportion des résultats déjà obtenus, ce qui exige, de la part de celui qui le reçoit et qui peut aller plus loin, un constant effort d'assimilation personnelle effective. Ce sont des conséquences immédiates de la façon dont la doctrine tout entière est envisagée, et c'est ce qui indique la nécessité d'un enseignement oral et direct, à quoi rien ne saurait suppléer, et sans lequel, d'ailleurs, le rattachement d’une « filiation spirituelle » régulière et continue ferait inévitablement défaut… »[56] . Il est tout particulièrement intéressant de voir ici que l’adaptation de la méthode à chaque cas particulier « en proportion des résultats déjà obtenus » et le « contrôle » qu’elle nécessite apparaissent, conformément à ce que nous avons déjà pu en voir, comme « des conséquences immédiates de la façon dont la doctrine tout entière est envisagée », c'est-à-dire que cette « adaptation » et ce « contrôle » sont conditionnés par la nécessité constante de la « filiation spirituelle » régulière et continue » à laquelle est lié, toujours aussi constamment, le caractère direct et oral de l’enseignement reçu par l’initié. A ce titre, l’intervention d’un instructeur vivant peut sembler plus particulièrement importante et nécessaire. Mais « peut-on considérer cette nécessité comme absolue, ou, en d’autres termes, la présence du Guru humain est-elle, dans tous les cas, rigoureusement indispensable au début de la réalisation, c’est-à-dire, sinon pour conférer une initiation valable, ce qui serait par trop évidemment absurde, du moins pour rendre effective une initiation qui, sans cette condition, demeurerait simplement virtuelle ? »[57]
En réalité, nous dit Guénon, « si important que soit réellement le rôle du Guru, et ce n’est certes pas nous qui songerons à le contester, nous sommes bien obligés de dire qu’une telle assertion est tout à fait fausse, et cela pour plusieurs raisons »[58] : D’une part, «il y a des cas exceptionnels d’êtres chez lesquels une transmission initiatique pure et simple suffit, sans qu’un Guru ait à intervenir en quoi que ce soit, pour « réveiller » immédiatement des acquisitions spirituelles obtenues dans d’autres états d’existence ; si rares que soient ces cas, ils prouvent tout au moins qu’il ne saurait en aucune façon s’agir d’une nécessité de principe. »[59]. D’autre part, « il existe des formes d’initiation qui, par leur constitution même, n’impliquent aucunement que quelqu’un doive y remplir la fonction d’un Guru [humain]»[60]. Si de telles réserves sont tout à fait compréhensibles et rendent impossible une affirmation catégorique de la stricte nécessité de recourir à un instructeur spirituel vivant, on pourrait aussi n’en pas tenir compte, dans les faits, et penser que ces réserves n’ont pas de raison d’être, dans le cadre d’une organisation où « la transmission initiatique est effectuée par une seule personne » qui « assure par là même la fonction du Guru »[61]. Certaines affirmations de Guénon, prises isolément, pourraient en effet nous laisser penser ainsi : « sans un tel instructeur, […] l’initiation, tout en étant assurément valable en elle-même, dès lors que l’influence spirituelle a été réellement transmise au moyen du rite approprié, demeurerait toujours simplement virtuelle, sauf dans de très rares cas d’exception »[62]. Cependant, même dans ce cas, le rôle de l’instructeur apparaît relativement circonscrit au « passage » à
l’initiation effective puisque l’auteur affirme d’ailleurs que « les premières étapes sont d'ailleurs, en fait, les seulespour lesquelles la présence d'un Guru peut apparaître comme plus particulièrement nécessaire.[63]». De plus, il précise dans un autre texte qu’« il n’est qu’une seule préparation vraiment indispensable, et c’est la connaissance théorique. Celle-ci, d’autre part, ne saurait aller bien loin sans un moyen que nous devons considérer comme celui qui jouera le rôle le plus important et le plus constant : ce moyen c’est la concentration»[64]. Et il ajoute que « tous les autres moyens ne sont que secondaires par rapport à celui-là : ils servent surtout à favoriser la concentration, et aussi à harmoniser entre eux les divers éléments de l’individualité humaine, afin de préparer la communication effective entre cette individualité et les états supérieurs de l’être »[65]. Que peut-on retenir de la position de René Guénon sur ce point alors que, lorsqu’il parle de ce qui n’est pas nécessaire dans le processus initiatique, il évoque le rôle de l’instructeur et que lorsqu'il évoque ce qui est nécessaire, c'est par contre de la connaissance théorique dont il parle ? Pour nous, il ne fait pas de doute qu’il faille conclure très nettement : à la stricte nécessité de la transmission de l’influence spirituelle qui détermine l’initiation virtuelle, à laquelle se superpose, dans une perspective de réalisation effective, celle de la préparation théorique et de la concentration au caractère relativement secondaire de « tous les autres moyens » « adjuvants »
Ainsi, l’importance du rôle de l’instructeur spirituel, même réalisé, c’est-à-dire capable d’adapter la méthode et d’en contrôler la mise en œuvre, apparaît semblable à celle des autres moyens « adjuvants », c'est-à-dire d’un ordre relativement secondaire et la non-nécessité de recourir, en soi, à un Guru corporellement vivant apparaît de ce fait, chez Guénon du moins, comme un principe initiatique incontestable. Sur le plan des applications méthodiques, ce caractère secondaire du rôle de l’instructeur, en particulier, et des moyens « adjuvants », en général, ne doit cependant pas amener à conclure à leur inutilité ; en effet, malgré tout, « cela est fort loin d'être négligeable, et celui qui en serait privé risquerait fort d'aboutir à un échec mais encore cela ne justifierait-il pas entièrement ce que nous avons dit quand nous avons parlé d'une condition nécessaire. »[66] Il est important, de plus, de souligner que « contrairement à ce que beaucoup paraissent s'imaginer, il n'est pas toujours nécessaire pour que quelqu'un soit apte à remplir ce rôle dans certaines limites, qu'il soit lui-même parvenu à une réalisation spirituelle complète, il devrait être bien évident, en effet, qu’il faut beaucoup moins que cela pour être capable de guider valablement un disciple aux premiers stade de sa carrière initiatique. »[67] On ne saurait exagérer la portée de telles remarques, car « ce qui est le plus difficile, et surtout à notre époque […] c’est de trouver un instructeur vraiment qualifié, c’est-à-dire capable de remplir réellement la fonction de guide spirituel, ainsi que nous venons de le dire, en appliquant tous les moyens convenables à ses propres possibilités particulières, en dehors desquelles il est évidemment impossible, même au Maître le plus parfait, d’obtenir aucun résultat effectif. » Si, de plus, un tel Maître se devait nécessairement d’avoir atteint le But de
l’initiation « ce serait plutôt décourageant pour ceux qui cherchent à obtenir l’aide d’un Guru, car il est bien clair que les chances qu’ils auraient d’en rencontrer un seraient alors extrêmement restreintes ; mais, en réalité, pour que quelqu’un puisse jouer efficacement ce rôle de Guru au commencement, il suffit qu’il soit capable de conduire son disciple jusqu'à un certain degré d’initiation effective, ce qui est possible même s'il n'a pas été lui-même plus loin que ce degré »[68].
Chapitre V Le « Mandat du Ciel » et les « qualifications du transmetteur » L’institution d’une voie ou d’une méthode[69] nouvelle, requiert une autorisation traditionnelle spécifique et inspirée qui coïncide, en général, avec un état spirituel tout à fait exceptionnel[70]. Cette autorisation est le pré-requis indispensable à la transmission de l’influence spirituelle, d’éléments rituels ou méthodiques ainsi que de certaines fonctions et sciences particulières[71]. On doit de plus distinguer deux étapes dans le processus de transmission: 1. La transmission initiale, fondatrice, qui est unique et à laquelle préside le Maître fondateur par lequel « les influences du monde « d’en haut » sont transmises au monde « d’en bas », 2. La série des transmissions multiples selon lesquelles cette voie se développe tout au long de son cycle d’existence. Dans ce sens, on peut « parler à la fois d’une transmission « verticale », du supra-humain à l’humain, et d’une transmission « horizontale », à travers les états ou les stades successifs de l’humanité ; la transmission verticale est d’ailleurs essentiellement « intemporelle », la transmission horizontale seule impliquant une succession chronologique »[72]. Ainsi, « au caractère de « transcendance » qui appartient essentiellement
aux principes, et dont tout ce qui y est effectivement rattaché participe par là même à quelque degré (ce qui se traduit par la présence d’un élément « non-humain » dans tout ce qui est proprement traditionnel), s’ajoute un caractère de « permanence » qui exprime l’immutabilité de ces mêmes principes, et qui se communique pareillement, dans toute la mesure du possible, à leurs applications, alors même que celles-ci se réfèrent à des domaines contingents. Ceci ne veut pas dire, bien entendu, que la tradition ne soit pas susceptible d’adaptations conditionnées par certaines circonstances ; mais, sous ces modifications, la permanence est toujours maintenue quand à l’essentiel » [73]. La transmission au sein d’une organisation initiatique ou d’une forme traditionnelle en général n’est donc pas exclusive d’une certaine adaptation. Cette adaptation peut d’ailleurs s’entendre vis-à-vis d’un individu particulier, comme nous l’avons vu précédemment dans le cadre de l’enseignement traditionnel, mais aussi à l’égard des variations successives des conditions cycliques auxquelles doivent faire face les représentants de telles organisations : nous reviendrons plus loin sur cette question. Précisons simplement, pour l’instant, que les membres d’une telle organisation n’ont cependant pas « le pouvoir d’en changer les formes à leur gré ou de les altérer dans ce qu’elles ont d’essentiel; cela n’exclut pas certaines possibilités d’adaptation aux circonstances, qui d’ailleurs s’imposent aux individus bien plutôt qu’elles ne dérivent de leur volonté, mais qui, en tout cas, sont limitées par la condition de ne pas porter atteinte aux moyens par lesquels sont assurés la conservation et la transmission de l’influence spirituelle dont l’organisation considérée est dépositaire ; si cette condition n’était pas observée, il en résulterait une véritable rupture avec la tradition, qui ferait perdre à cette organisation sa « régularité » [74].
Ces différents aspects de la transmission se retrouvent jusque dans l’ordre social, lors de la fondation d’un empire ou d’un royaume particulier[75]. Dans la tradition chinoise, par exemple, « on admet que le « mandat du Ciel » peut n’être reçu directement que par le fondateur d’une dynastie, qui le transmet ensuite à ses successeurs ; mais, s’il se produit une dégénérescence telle que ceux-ci viennent à le perdre par défaut de « qualification », cette dynastie doit prendre fin et être remplacée par une autre »[76]. Dans l’ordre initiatique, comme nous l’avons déjà vu, l’exercice du rôle d’instructeur exige, « outre le développement spirituel correspondant à la possession d[‘un certain] degré [de réalisation effective[77]],certaines qualités spéciales »[78] ce qui est justifié par le fait que « parmi ceux qui possèdent la même connaissance dans un ordre quelconque, tous ne sont pas également apte à les enseigner à d'autres»[79]. Ces « qualités spéciales » conditionnent ainsi l’enseignement transmis par l’instructeur. D’une certaine manière, la transmission du « Mandat du Ciel » est comparable à celle de l’influence spirituelle dont nous avons montré[80] qu’elle garantit et conditionne elle aussi la possibilité d’un enseignement initiatique régulier. Dans une note consécutive à celle que nous avons cité plus haut, Guénon précise en effet que le successeur du fondateur d’une dynastie « possède alors ce mandat par transmission, comme nous l’avons indiqué précédemment, et c’est ce qui lui permet, dans l’exercice de sa fonction, de tenir la place de l’ « homme véritable » et même de l’ « homme transcendant », bien qu’il n’ait pas réalisé « personnellement » les états correspondants » et il ajoute, après un tiret de séparation :« Il y a là quelque chose de comparable à la transmission de l’influence spirituelle ou barakah dans les organisations initiatiques islamiques : par cette transmission, un Khalîfah peut
tenir la place du Sheikh et remplir valablement sa fonction, sans pourtant être parvenu effectivement au même état spirituel que celui-ci »[81]. Pour Olivier Courmes, qui a récemment commenté ce passage, c’est donc « la « transmission de l’influence spirituelle ou barakah dans les organisations initiatiques islamiques » qui permet à un Khalîfahdu Sheikh de « remplir valablement sa fonction», c’est-à-dire la fonction d’enseignement spirituel, comme le justifie la fin de la phrase [reproduite ci-dessus], qui n’aurait évidemment pas de sens autrement, « sans pourtant être parvenu effectivement au même état spirituel que celuici ». René Guénon insiste donc bien sur le fait que l’exercice de la fonction d’enseignement spirituel peut s’effectuer « valablement »,c’est-à-dire régulièrement et efficacement, au sein d’une tarîqah, par le fait même qu’il a reçu l’influence spirituelle et sans que cet exercice ne s’accompagne nécessairement de la réalisation spirituelle habituellement correspondante »[82]. A la lueur de ces précisions, la « qualification » évoquée plus haut par l’auteur ne nous semble donc pas pouvoir être rapportée à un degré de connaissance effective particulier. Elle correspond en réalité davantage aux « qualités spéciales » qui doivent normalement l’accompagner afin d’assurer la transmission effective du dépôt détenu par le transmetteur. Ces dernières désigneraient ainsi plutôt les qualifications de l’upaguru-transmetteur tels qu’elles ont été reformulées par Olivier Courmes[83]. C’est donc la perte de ces « qualifications » de « base », nécessaires à toute transmission traditionnelle régulière, qui engendre la disparition de l’organisation concernée (sociale ou initiatique) ou plus particulièrement de certaines sciences (exotériques ou ésotériques) ainsi que des méthodes afférentes, le terme de ce processus pouvant être qualifié, selon l’expression de Guénon, d’une « véritable rupture
avec la tradition »[84]. A ce propos, Olivier Courmes rappelait que « la transmission du dépôt initiatique réalise, par son aspect actif, la fonction essentielle d’une organisation initiatique régulière, alors que la fonction de conservation du dépôt (amânah), relativement passive par rapport à la première, même si elle la conditionne complètement (puisqu’il n’est pas possible de transmettre ce que l’on ne détient pas), apparaît statutairement secondaire : la détention d’un dépôt (initiatique ou non) n’est en effet jamais une fin en soi (on parlerait alors plutôt de ‘rétention’, ou de ‘thésaurisation’), mais puise toute sa noblesse et sa légitimité dans la possibilité de pouvoir être rendu dans son intégralité à qui de droit. » [85] L’importance que revêtent ces « qualifications », dans l’exercice du rôle de l’instructeur, notamment pour la transmission de méthodes « préparatoires », ne saurait être ignorée. Sous ce rapport, il nous apparaît plus que jamais impossible d’insister uniquement sur la qualification personnelle (c’est à dire spirituelle) de l’instructeur, sans prendre en compte, avant tout, sa capacité à transmettre régulièrement ce qu’il a reçu.
Chapitre VI La « perfection de la Connaissance théorique » ? A la lueur des précédents développements, on peut maintenant se demander dans quelle mesure « un Khalîfah peut tenir la place du Sheikh et remplir valablement sa fonction, sans pourtant être parvenu effectivement au même état spirituel que celui-ci »[86]. Si nous avons vu qu’« il n'est pas toujours nécessaire pour que quelqu'un soit apte à remplir ce rôle [d’instructeur] dans certaines limites, qu'il soit lui-même parvenu à une réalisation spirituelle complète », peut-on raisonnablement envisager la possibilité qu’une telle fonction soit exercée par un initié virtuel ou, pour tout dire, par un simple « upaguru-transmetteur » ? On pourrait croire, a priori, qu’il s’agit plutôt de préciser, dans le passage cité, que le degré de Connaissance effective d’un tel Khalîfah, lorsqu’il est inférieur à celui du Sheikh, n’empêche pas celui-ci de « remplir valablement sa fonction [d’instructeur] », pour peu qu’il soit en mesure de transmettre régulièrement l’influence spirituelle conservée par l’organisation initiatique dont il dépend. Ceci serait d’ailleurs conforme aux indications de Guénon sur la « garantie fondamentale » que constitue la transmission de l’influence spirituelle dans le processus liant un disciple à son instructeur[87]. La réalité semble cependant plus complexe. En effet, Guénon indique, selon Shankarâchârya, qu’il existe trois attributs qui «correspondent en quelque sorte à autant de fonctions du Sannyâsî possesseur de la Connaissance, lequel, si cette connaissance est pleinement effective, n’est autre que le Yogî »[88]. Le premier d’entre eux, celui de bâlya, correspond
notamment au stade de « non-expansion » mais aussi au retour à l’ « état primordial »[89]. Le stade suivant « est représenté par pânditya, c'est-à-dire le « savoir », attribut qui se rapporte à une fonction d’enseignement : celui qui possède la Connaissance est qualifié pour la communiquer aux autres, ou, plus exactement, pour éveiller en eux des possibilités correspondantes, car la Connaissance, en elle-même, est strictement personnelle et incommunicable. LePandita a donc plus particulièrement le caractère de Guru ou « Maître spirituel » [en note : C’est le Sheikhdes écoles islamiques, appelé aussi murabbul-muridin[90] ; le murîd est le disciple, c'est-à-dire lebrahmachâri hindou.] ; mais il peut n’avoir que la perfection de la Connaissance théorique, et c’est pourquoi il faut envisager, comme un dernier degré qui vient encore après celui là, mauna ou l’état duMuni, comme étant la seule condition dans laquelle l’Union peut se réaliser véritablement. » [91] Le Maître spirituel peut donc « n’avoir que la perfection de la Connaissance théorique », comme il est possible, mais surement plus rare aussi, qu’il ait atteint le « dernier degré » où « l’Union peut se réaliser véritablement » [92]. Il importe de souligner qu’une telle perfection, d’ordre théorique (c’est-à-dire relativement quantitatif et analytique), semble devoir être définie comme la connaissance suffisante des méthodes préparatoires et des techniques initiatiques propres à l’organisation qu’un tel Maître représente, permettant de guider valablement un disciple dans les premiers stades de l’initiation. Sous un autre rapport, le lien avec la préparation théorique, dont nous avons rappelé la stricte nécessité, est remarquable. La transmission d’une certaine connaissance théorique paraît en effet relativement essentielle dans l’étendue des attributs du Maître spirituel, après la transmission de l’influence spirituelle. Il nous semble, à ce titre, dommageable
que cet aspect de la fonction d’instructeur puisse être déprécié, voire ignoré, en absence d’un Maître réalisé. De plus, dans l’exercice régulier d’une « fonction d’enseignement », « celui qui possède la Connaissance est qualifié pour la communiquer aux autres ». On a ainsi une certaine équivalence entre les conditions de transmission de la Connaissance, fut-elle théorique, et celles de l’influence spirituelle ; en effet, le seul fait d’avoir reçu celle-ci permet, dans le cadre d’une fonction régulière d’ « initiateur », de la transmettre à son tour. Mais pour mieux montrer l’importance de ces rapprochements il faut maintenant évoquer la notion d’ « infaillibilité traditionnelle ».
A suivre …
[1] René Guénon, Introduction générale à l’étude des Doctrines Hindoues, IIIème partie, Chap.XVI - Guy Trédaniel - 1987 [2] René Guénon, Initiation et Réalisation spirituelle, Chap. XXIV Éditions traditionnelles, Paris - 1998 [3] Guénon, Initiation - Chap. XX [4] Guénon, Initiation - Chap. XXI [5] Sur les réserves qu’appelle l’utilisation de sa correspondance privée nous renverrons aux remarques d’Olivier Courmes sur ce point, contenues dans sesCaractéristiques générales de l’œuvre de René Guénon. On pourra aussi consulter avec profit l’article signé L. M. intitulé À propos de la correspondance de René Guénon suivi de «René Guénon - Lettere a Denys Roman»: une grossière supercherie d’André Bachelet in La lettre G n°11 Éditions Keystone,Turin - Équinoxe d’automne 2009. [6] René Guénon, Aperçus sur l’Initiation, Avant-propos - Éditions traditionnelles, Paris 2000. [7] A plusieurs reprises, dans ses travaux relatifs aux conditions de transmission de l’influence spirituelle et aux modalités d’action de cette influence dans une organisation initiatique régulière, Olivier Courmes a souligné « la spécificité de l’enseignement de René Guénon sur ces points techniques ainsi que sur d’autres, telle que par exemple l’affirmation de la non-nécessité du Guru formel ». Il constatait notamment que « René Guénon, lorsqu’il envisage le rattachement initiatique, le fait exclusivement et constamment par rapport à une
organisation régulière et non pas envers un Maître spirituel ; dans sa manière d’exposer les rapports d’un être à son Guru, il privilégie ainsi assez systématiquement (à la manière de Sri Ramâna Maharshi) l’aspect impersonnel à l’aspect personnel ». Il se proposait alors d’y revenir en une autre occasion. Ayant été particulièrement sensible à ces remarques, nous avons personnellement été conduit à étudier en détail cet aspect de l’œuvre de René Guénon. L’intérêt d’une « étude de la présentation de la Maîtrise spirituelle dans l’œuvre de René Guénon » ayant été encore récemment été évoqué par Olivier Courmes, il nous a semblé utile de présenter nos propres recherches sur le sujet. Pour une étude approfondie des questions relatives à l’influence spirituelle, nous renverrons donc le lecteur intéressé aux articles d’Olivier Courmes principalement son triptyque Transmission et régularité , Remarques sur les qualifications du « transmetteur » et la réalité de l'initiation virtuelle, et son étude en cours Influence spirituelle du Sheikh fondateur et Travail inititatique collectif. La lecture de ces articles est donc conseillée au lecteur qui n’aurait pas eu, par lui-même, la possibilité de se familiariser suffisamment avec ces notions présentes dans l’œuvre de René Guénon. De plus, il sera nécessaire de se reporter aux Remarques sur les qualifications du transmetteur pour comprendre pleinement les développements que nous consacrerons au cours de la présente étude à la notion d’«upaguru-transmetteur » telle que l’a établie Olivier Courmes. Enfin, qu’on nous permette de formuler notre dette à l’égard de ces travaux et de leur auteur auxquels nous devons, dès le départ, l’essentiel de notre orientation et nos réflexions actuelles. [8] Il pourrait par ailleurs être intéressant de s’interroger sur les raisons de la persistance de la transmission de ces définitions « classiques » alors que se font jour, parallèlement, d’autres présentations que l’on peut considérer à juste titre comme des « adaptations » aux nouvelles conditions cycliques. [9] Guénon, Aperçus - Chap. XXXI [10] Guénon, Initiation - Chap. XXIV [11] Sans entrer dans davantage de détails, puisque ce n’est pas l’objet premier de cette étude, nous dirons cependant qu’il semble de toute façon nécessaire qu’un tel travail de « transposition » soit réalisé par tous ceux qui, s’étant engagés dans une forme traditionnelle particulière, voient s’offrir à eux une perspective de cheminement initiatique effectif et cherchent à établir un « pont » entre l’enseignement théorique provenant de l’œuvre guénonienne et les formes que revêt l’enseignement d’une tradition particulière. Dans cet esprit, nous pensons qu’il importe tout particulièrement de préserver la part qui, dans chacun de ces enseignements « ouvre sur des possibilités illimitées, et […permet…] ainsi d'étendre indéfiniment ses conceptions, au lieu de les enfermer dans les limites plus ou moins étroites d'une théorie systématique ou d'une formule dogmatique quelconque » (Guénon, Aperçus Chap. XXXI) sans quoi une telle « transposition » risquerait finalement de se révéler restrictive. En effet, quand bien même pourrait-on justifier à titre personnel de l’utilité ou de la nécessité plus ou moins temporaire d’une telle restriction, on ne pourrait qu’émettre de sérieux doutes sur son opportunité, si on s’appliquait à vouloir l’imposer, au nom d’une fidélité abusive à l’œuvre de Guénon, à tous les membres des organisations initiatiques d’une même forme traditionnelle, voire de formes traditionnelles différentes. L’enseignement
guénonien, de par son caractère universel, se confond en effet avec « le fond nécessaire de toute maîtrise en quelque tradition que ce soit » (Michel Vâlsan - « La vénération des Maîtres spirituels » in Etudes Traditionnelles n° 372-373) et, pas plus que ce dernier, il ne saurait être enfermé dans un système uniforme et « aseptisé », aussi alléchant soit-il. [12] Comme par exemple dans ce texte de Abdul-Hâdi reproduit en annexe d’Initiation et Réalisation spirituelle intitulé « Les deux chaînes initiatiques » : «L'une est historique, l'autre est spontanée. La première se communique dans des Sanctuaires établis et connus, sous la direction d'un Sheikh (Guru) vivant, autorisé, possédant les clefs du mystère. Telle est Talîmur-rijal, ou l'instruction des hommes. L'autre est Et-Talîmur-rabbâni, ou l'instruction dominicale ou seigneuriale, que je me permets d'appeler « l'initiation marienne », car elle est celle que reçut la Sainte Vierge, la Mère de Jésus, fils de Marie. Il y a toujours un Maître, mais il peut-être absent, inconnu, même décédé il y a plusieurs siècles». Dans la note qu’il l’accompagne, il est précisé qu’« au point de vue du taçawwuf islamique, ce dont il s'agit relève de la voie des afrâd, dont le Maître est Seyidna El-Khidr, et qui est en dehors de ce qu'on pourrait appeler la juridiction du "Pôle" (El-Qutb), qui comprend seulement les voies régulières et habituelles de l'initiation. On ne saurait trop insister d'ailleurs sur le fait que ce ne sont là que des cas très exceptionnels et qu'ils ne se produisent que dans des circonstances rendant la transmission normale impossible, par exemple en l'absence de toute organisation initiatique régulièrement constituée ». [13] Guénon, Initiation - Chap. XXIV [14] René Guénon, L’Erreur Spirite, Chap. IV - Éditions Traditionnelles, Paris - 1984 [15] Guénon, Aperçus - Chap. XLVII [16] Guénon, Aperçus - Chap. VIII [17] Comme par exemple les reliques qui « sont précisément un véhicule d’influences spirituelles » (AI - Chap VIII). D’ailleurs si, « à cet égard, la fable bien connue de « l’âne portant des reliques » est susceptible d’une signification initiatique digne d’être méditée » (Ibid.) c’est parce qu’elle présente un intérêt cyclique tout particulier, en rapport avec certaines possibilités initiatiques « substitutives », supportées par la transmission régulière de l’influence spirituelle. Dans la tradition islamique, il existe d’ailleurs un pendant coranique à cette « fable » (cf. Cor. 62, 5) auquel fait écho une tradition prophétique citée par Ibn ‘Arabi, dont la concordance avec l’enseignement guénonien est remarquable et sur lequel nous reviendrons par la suite. [18] Notons en passant que chez Ibn ‘Arabi, la « hiérarchie fondamentale et perpétuelle de la tradition [primordiale] », c'est-à-dire le Centre Suprême, est constituée par quatre prophètes corporellement vivants dont la mort physique à été retardée jusqu’à la fin du cycle de la présente humanité : Idrîs (Hénoch ou Hermès), ‘Issâ (Jésus), Ilyas (Elie) et el-Khidr - sur eux la Prière et le Salut. Cf. Michel Vâlsan « Les derniers hauts grades de l'Ecossisme et la réalisation descendante » in Etudes Traditionnelles n° 308-309-310. Dans cette configuration on retrouve ainsi les deux aspects que nous avons mis en avant à propos du qualificatif « vivant ». [19] Guénon, Aperçus - Chap. X [20] René Guénon, Symboles [Fondamentaux] de la Science Sacrée - Chap. LVI - Gallimard - 2002
[21] « Dans la Sûrat en-Nûr, il est parlé d’un « arbre béni », c’est à dire chargé d’influences spirituelles, qui n’est « ni oriental ni occidental », ce qui définit nettement sa position comme « centrale » ou « axiale » ; et cet arbre est un olivier dont l’huile entretient la lumière d’une lampe ; cette lumière symbolise la lumière d’Allah qui en réalité est Allah, car, ainsi qu’il est dit au début du même verset, « Allah est la lumière des cieux et de la terre ». Il est évident que, si l’arbre est ici un olivier, c’est à cause du pouvoir éclairant de l’huile qui en est tirée, donc la nature ignée et lumineuse qui est en lui ; c’est donc bien, ici encore, l’ « Arbre de lumière » dont il vient d’être question» ( Guénon, Symboles - Chap. L). Nous nous proposons de revenir prochainement sur ce symbolisme qui présente un lien remarquable avec le sujet de la présente étude, en nous appuyant sur certains développements de l’auteur dans l’espoir d’en montrer la parfaite cohérence avec l’enseignement des plus grandes autorités de l’ésotérisme islamique, tant sur le plan symbolique que sous le rapport plus « applicatif » de la technique initiatique du Taçawwuf. [22] Ce symbolisme est en étroit rapport avec celui de l’ « Arbre de Vie » ou de « Lumière » et la question de la Chekhina ou de ce qui y correspond dans les traditions islamiques (sakînah) et hindoues (shakti). cf. Guénon, Symboles - Chap. L à LVI. [23] Guénon, Aperçus - Chap. VIII [24] Cf. infra : Quelques remarques sur l’ « action de présence » [A venir]. [25] Guénon Initiation - Chap. XXIII [26] René Guénon, La Grande Triade - Chap. XVII - Gallimard - 2002 [27] Guénon, Aperçus - Chap. VIII [28] Guénon, Aperçus - Chap. XXX. Cf. aussi Courmes, Transmission et régularité [29] L’étymologie du terme tradition, qui est étroitement solidaire de celui de transmission (cf. Guénon, Aperçus - Chap. IX), explique qu’on puisse rapprocher d’un point de vue « technique » le rôle de « représentant », qui « incarne » la tradition, et celui de « transmetteur ». [30] Guénon, Aperçus - Chap. XXI [31] Guénon, Aperçus - Chap. XXIV [32] René Guénon, Études Traditionnelles, Compte-rendu de février 1938 d'un article de M. Jean Herbert, repris in Le Théosophisme, Histoire d’une pseudo-religion, Éditions Traditionnelles, Paris - 1996 [33] Guénon, Aperçus - Chap. X [34] Guénon, Initiation - Chap. XXIII [35] Guénon, Initiation - Chap. XXIII [36] Guénon, Aperçus sur l’Initiation - Chap. XLV [37] Cf. Courmes, Transmission et Remarques [38] Guénon, Introduction générale à l’étude des Doctrines Hindoues, IIIème partie - Chap. XVI - La notion de « frère aîné » telle quelle est ici envisagée n’est cependant pas spécifique à la tradition extrême-orientale. Dans l’ésotérisme islamique notamment, il existe certains enseignements à visée « substitutives » selon lesquels la transmission de conseils et l’exercice concomitant d’un certain « contrôle » sur les états de l’initié sont susceptibles d’être mis en œuvre, non plus par un« véritable sheikh », mais par un « frère vertueux » (sâlih). Ces
enseignements, sur lesquels nous reviendrons peut-être un jour, sont d’ailleurs bien plus anciens qu’on ne le pense habituellement et pourraient notamment être mis en relation avec les remarques que nous formulerons à la suite de Olivier Courmes, sur le rôle de l’« upagurutransmetteur ». A ce titre, il est remarquable que de telles possibilités, pourtant consignées dans des recueils devenus « classiques », par certaines des plus grandes autorités du Taçawwuf, soient systématiquement ignorées par un certain nombre de représentants de voies initiatiques régulières, se réclamant par ailleurs des dites autorités. Si l’on peut, il est vrai, arguer de l’inopportunité cyclique actuelle de ces enseignements, que doit-on penser, alors, lorsque des avis équivalents sont exprimés par des Maîtres contemporains, dont dépendent directement les mêmes représentants ? Répondre à cette question nécessiterait, on le conçoit facilement, de procéder à certains développements que le cadre général d’un travail écrit et public ne permet pas nécessairement. L’enseignement transmis sur cette question par René Guénon offre cependant un ensemble de critères objectifs et cohérents, tant sur le plan doctrinal qu’initiatique, dont il n’existe, à notre connaissance, aucun équivalent dans l’ésotérisme islamique. La compréhension de cette œuvre semble donc particulièrement nécessaire à la mise en œuvre intelligente et harmonieuse de certaines des possibilités existantes dans le Taçawwuf depuis bien longtemps. Par ailleurs, est-il si étonnant que les milieux qui se refusent à reconnaître l’intérêt réel de ces possibilités « substitutives », soient, le plus souvent, les mêmes qui se refusent à reconnaître l’orthodoxie des écrits de René Guénon - Cheikh Abd el-Wâhid Yahya ou qui, dans le meilleur des cas, réduisent sa portée à celle d’une simple « introduction » au Taçawwuf ? [39] Guénon, Aperçus sur l’initiation - Chap. X [40] Guénon, Initiation - Chap. XXI - En toute rigueur, précisons qu’il se peut, malgré tout, dans certains cas, que l’éducation d’un disciple soit confiée à un être qui n’aura pas nécessairement une fonction d’initiateur. On peut envisager, par exemple, qu’un disciple, déjà rattaché à une organisation initiatique, soit amené à changer de Maître. Dans un tel cas, « il doit être bien entendu que ce changement ne peut jamais s'opérer régulièrement et légitimement qu’avec l'autorisation du premier Guru, et même sur son initiative, car c'est lui seul, et non pas le disciple, qui peut apprécier si son rôle est terminé vis-à-vis de celui-ci, et aussi si tel autre Guru est réellement capable de mener plus loin qu'il ne pouvait lui-même. Ajoutons qu'un tel changement peut aussi avoir une raison un peu différente, et être dû seulement à ce que le Guru constate que le disciple, du fait de certaines particularités de sa nature individuelle, peut-être guidé plus efficacement par quelqu'un d'autre ». Cette situation est aussi celle bien connue, dans l’ésotérisme islamique, où le Cheikh est « représenté ordinairement et à différents degrés par des délégués» (Vâlsan - « La vénération des Maîtres spirituels » in Études Traditionnelles n°s 372-373), que l’on pourrait aussi rapprocher de ce que nous avons indiqué dans une précédente note, à propos des possibilités supportées par un « frère vertueux ». De toutes les manières, quelle que soit la raison du dit changement ou de la délégation de la « guidance », tout cela « ne peut jamais s'opérer régulièrement et légitimement qu’avec l'autorisation du premier Guru » et donc, au moins dans une certaine mesure, dépend nécessairement de l’autorité du premier Guru auprès duquel le disciple aura initialement obtenu son rattachement. Par conséquent, il importe à l’initié d’identifier clairement l’origine de l’autorisation traditionnelle en vertu de laquelle il aura été
rattaché, c'est-à-dire le centre spirituel dont dépend l’organisation à laquelle il appartient, et de s’assurer de la régularité des relations initiatiques établies entre ce centre et l’instructeur dont il s’apprête à recevoir un enseignement initiatique personnel. Cette question particulièrement importante mériterait de plus amples développements qui trouveraient cependant mieux leur place dans le cadre d’un article spécifique. [41] Guénon, Aperçus sur l’initiation - Chap. IV [42] Guénon, Aperçus sur l’initiation - Chap. IV [43] Guénon, Aperçus sur l’initiation - Chap. X [44] René Guénon, La Métaphysique orientale - Editions Traditionnelles, Saligny - 2006 [45] Guénon, Initiation - Chap. XXIII [46] Cf. Courmes, Remarques sur le transmetteur [47] Guénon, Initiation - Chap. XXI [48] Guénon, Initiation - Chap. XXI [49] Guénon, Aperçus sur l’initiation - Chap. IV [50] René Guénon, Études sur l’Hindouisme - Compte-rendu de livres, année 1940 : Maharshi’s Gospel - Éditions Traditionnelles, Paris - 1989 [51] Guénon, Aperçus sur l’initiation - Multiples références. Par ailleurs, on se rappellera opportunément, en connexion avec la notion de l’efficacité propre aux rites traditionnels, que « dans une civilisation strictement traditionnelle, tout a véritablement un caractère rituel, y compris les actions même de la vie courante […] Si l’on remonte aux origines, le rite n’est pas autre chose que « ce qui est conforme à l’ordre », suivant l’acceptation du terme sanscrit rita »(Guénon, Aperçus sur l’initiation, Chap. XIX). On comprendra ainsi peut-être mieux l’importance donnée par certains Maîtres du Taçawwuf à l’adab qui régi, en tant qu’application particulière de la sunna au domaine initiatique, l’ensemble des comportements intérieurs et extérieurs de l’initié (cf. par exemple l’ Abrégé des règles et convenances initiatiques de l’Imâm Sha’rânî et les remarques de Mohammed ‘Abd es-Salâm sur ce point in Questions/Réponses). René Guénon n’a jamais évoqué directement, à notre connaissance, cette question de l’adab ; il a cependant consacré de nombreux développements à la notion hindoue de dharmaqui, dans une large mesure, est susceptible d’offrir des éléments concordants très dignes d’intérêt. Il a évoqué aussi l’existence de préceptes s’apparentant à des « conseils de perfections » (Aperçus sur l’ésotérisme chrétien - Chap. II - Éditions Traditionnelles, Paris - 2002). Ces points particuliers feront l’objet de publications ultérieures, dans le cadre du Porteur de Savoir. [52] Il y aurait ici une différence à faire entre la méthode générale et prototypique héritée du Maître fondateur et les adaptations réalisées régulièrement par ses successeurs autorisés. Sur
ce point et les implications techniques qui en découlent cf. infra : « Questions d’adaptations » [A venir].
[53] Guénon, Aperçus sur l’initiation - Chap. VIII [54] Même si, comme nous l’avons vu précédemment (cf. supra note 38), l’exercice d’un tel contrôle n’est pas le privilège exclusif de l’instructeur spirituel, celui-ci est tout de même relativement solidaire de l’idée de Maître ou de maîtrise spirituels ; dans la langue française les verbes « maîtriser » et « contrôler » sont d’ailleurs synonymes, de même que le verbe « dominer» qui dérive du latin dominus (maître). Notons qu’ici le contrôle dont il est fait état s’applique conjointement à la transmission d’un enseignement régulier, l’être qui l’exerce est donc nécessairement revêtu d’une « fonction de transmission de la doctrine ». Dans le cas évoqué plus haut, où le « contrôle » est exercé, en l’absence d’un Maître véritable, par un « frère vertueux », il y a donc lieu de faire une différence entre celui qui, en vertu de la fraternité qui lie nécessairement tous les membres d’une organisation initiatique, conseille celui qui lui demande (dans ce cas, son rôle est comparable à celui du simple upaguru), de celui qui se « substitue » fonctionnellement au Maître véritable, en vertu de l’autorisation (idhn en arabe) dont il est régulièrement détenteur ( son rôle peut alors s’apparenter à celui de l’upaguru-transmetteur selon ce que nous en avons déjà dit). [55] Guénon, Introduction générale, IIIème partie, Chap.XVI [56] Guénon, Introduction générale, IIIème partie, Chap.XVI [57] Guénon, Initiation - Chap. XXIV [58] Guénon, Initiation - Chap. XXIV [59] Guénon, Initiation - Chap. XXIV [60] Guénon, Initiation - Chap. XXIV - Guénon remarque « à cet égard que, même dans certaines formes initiatiques où la fonction du Guru existe normalement, elle n'est pourtant pas toujours strictement indispensable en fait : ainsi, dans l'initiation islamique, certaines turuq, surtout dans les conditions actuelles, ne sont plus dirigées par un véritable Sheikh capable de jouer effectivement le rôle d'un Maître spirituel ». Pour Olivier. Courmes, Guénon « précise ainsi que sa description des formes initiatiques [« qui, par leur constitution même, n’impliquent aucunement que quelqu’un doive y remplir la fonction d’un Guru »] peut s’appliquer notamment aux organisations initiatiques islamiques […] dans laquelle le « véritable Sheikh » (c’est-à-dire réalisé) est absent». Olivier Courmes précise cependant qu’on ne saurait étendre abusivement cette comparaison à la transmission de l’influence spirituelle (ou de certains éléments rituels) qui, en l’absence d’un « véritable sheikh », peut être malgré tout effectué par un membre régulièrement autorisé (sur tout ceci cf. Influence spirituelle du Sheikh fondateur et Travail inititatique collectif). En effet, s’il existe bien des cas de transmission collective, dans le Taçawwuf, précisons que
celles-ci ne peuvent être comprises uniquement comme la transmission d’un dépôt par un unique initié autorisé (ma’dhoun en arabe) à une collectivité (jama’ah). Il ne s’agit jamais, dans leTaçawwuf, contrairement à ce qui à lieu régulièrement dans des organisations initiatiques comme la Maçonnerie par exemple, d’une transmission effectué par un groupe d’initié à l’attention d’un postulant. Nous ne savons, du reste, si, dans une organisation comme la Maçonnerie, cette transmission peut être effectuée simultanément pour plusieurs aspirants. [61] Guénon, Initiation - Chap. XXIII - Sous ce rapport, ce ne serait alors pas tant la transmission des éléments impersonnels que nous avons mis en évidence qui primerait, que la capacité personnelle de l’instructeur à contrôler le travail de son disciple et à adapter ces éléments méthodiques impersonnels en fonction de sa progression. [62] Guénon, Initiation - Chap. XXIV [63] Guénon, Initiation - Chap. XXIV - En effet, « le rôle du guru, là où il existe, et surtout important au début de l'initiation effective, et cela peut même paraître tout à fait évident, car il est naturel qu'un initié est d'autant plus besoin d'être guidé qu'il est moins avancé dans la voie» (Ibid.) [64] Guénon, La Métaphysique orientale [65] Guénon, La Métaphysique orientale - On notera qu’il s’agit ici essentiellement de la préparation à « la communication effective entre cette individualité et les états supérieurs de l’être » et non de l’acquisition directe de cette connaissance ; la différence entre ces deux degrés étant comparable à celle qui existe entre la « contemplation par reflet » et la « contemplation directe ». Sur ce point cf. « Contemplation directe et contemplation par reflet » in Guénon, Initiation -Chap. XXIV. On pourra aussi rapprocher cette « préparation » de l’intégration des adâb au début de la Voie (cf. supra note 51 et surtout les remarques de Mohammed ‘Abd es-Salâm sur ce point in Questions/Réponses - n°1). Nous nous proposons de revenir à l’avenir sur ce point, ainsi que d’autres du même ordre, en consacrant une ou plusieurs études au « début de la Voie » et aux « petits mystères » tels qu’ils sont envisagés dans le Taçawwuf en particulier. [66] Guénon, Aperçus sur l’initiation - Chap. IV [67] Guénon, Initiation - Chap. XXI - Sous ce rapport, on peut penser aussi que le « contrôle » que nous avons évoqué plus haut sera d’autant plus « constant » que le degré du Maître sera élevé. [68] Guénon, Initiation - Chap. XXIV - De plus, comme nous l’avons vu dans une précédente note, « il existe des formes d’initiation qui, par leur constitution même, n’impliquent aucunement que quelqu’un doive y remplir la fonction d’un Guru, au sens propre de ce mot, et ce cas est surtout celui de certaines formes dans lesquelles le travail collectif tient une place prépondérante, le rôle du Guru étant joué alors, non pas par un individu humain, mais par une influence spirituelle effectivement présente au cours de ce travail. »
(Guénon, Initiation - Chap. XXIV). Sur ce point précis, qui sort du sujet de notre étude, on consultera avec profit l’étude d’Olivier Courmes sur Influence spirituelle du Sheikh fondateur et Travail inititatique collectif complété par le Commentaire de la règle 221 des Lawaqih participation aux rites collectifs Mohammed Abd es-Salâm. Concernant la question du « contrôle » que nous avons abordée plus haut, nous avons noté que dans le cas où le rôle du Guru est joué par une « influence spirituelle effectivement présente » au cours du travail collectif, Guénon précise « qu’une telle voie est évidemment moins sûre et plus difficile à suivre que celle où l'initié bénéficie du contrôle constant d'un Maître spirituel ». On nous a fait remarquer qu’à l’inverse, Guénon ne précise pas si un tel « contrôle » existe dans la modalité initiatique collective ; cependant « qu'il y ait ou non un Guru humain, le Guru intérieur est toujours présent, puisqu'il ne fait qu'un avec [le] « Soi » lui-même ; que, pour se manifester à ceux qui ne peuvent pas encore en avoir une conscience immédiate, il prenne pour support un être humain ou une influence spirituelle « non- incarnée », ce n'est là en somme qu'une différence de modalité qui n'affecte en rien l'essentiel » (Guénon, Initiation Chap. XXIV). A ce titre, ne pourrait-on pas penser que cette modalité, sans égaler le « contrôle constant d’un maître spirituel », permette qu’un certain « contrôle » s’exerce malgré tout en conformité avec « la présence spirituelle inspirant et guidant le Travail initiatique collectif », tout au moins pendant l’exécution de tels rites ? [69] Le terme arabe tarîqa peut-être rendu également par l’un ou l’autre de ces deux termes. [70] Sur ce point cf. Transmission et régularité par Olivier Courmes. A propos de l’ « état spirituel » du Maître fondateur voir ce que nous avons rappelé à propos de sa « personnalité réelle », supra Chapitre I, ainsi que, par exemple, la Biographie du Cheikh Abû-l-Hassan Châdhilî, en particulier La transmission de la fonction polaire (qutâbah). Pour un exemple d’élément rituel spécifique liés à une telle fondation cf. L'Oraison de la mer - Traduction du Hizb el-Bahr, note 2. [71] Ibid. Cette autorisation correspond idhn de la tradition islamique et, dans une certaine mesure, comme nous allons le voir plus loin, au Mandat du Ciel de la tradition chinoise. [72] Guénon, Aperçus sur l’initiation - Chap. IX [73] Guénon, Aperçus sur l’initiation - Chap. IX [74] Guénon, Aperçus sur l’Initiation - Chap. V. Cet aspect à été traité de manière approfondie par Olivier Courmes dans Transmission et régularité, nous y renvoyons donc le lecteur pour l’ensemble des considérations évoquées dans ce chapitre. [75] D’autres rapprochements pourraient aussi être envisagés faisant intervenir notamment le rapport évoqué entre le fiat lux et la transmission de l’influence spirituelle dans les Aperçus sur l’initiation - Chap. XLVII. Nous avons l’intention de revenir plus particulièrement sur ce point dans l’étude annoncée supra (note 21 et 22). [76] Guénon, La Grande Triade - Chap. XVII, note 2 p. 148
[77] Nous reviendrons sur cette « condition » à l’exercice du rôle de l’instructeur dans les prochains chapitres. [78] Guénon, Initiation - Chap. XXIV. [79] Ibid. [80] Cf. Chap. II [81] Guénon, La Grande Triade - Chap. XVII, note 2 p. 150. [82] Courmes, Influence spirituelle du Sheikh fondateur et Travail initiatique collectif, derniers paragraphes - Nous reviendrons plus en détails sur le contenu de cette note dans le chapitre suivant, nous soulignerons surtout pour l’instant le caractère strictement fonctionnel et impersonnel de cette transmission, qui s’exerce relativement indépendamment de la réalisation initiatique personnelle du « transmetteur ». Ce point est, du reste, parfaitement cohérent avec ce que nous avons rappelé plus haut à propos de la transmission des méthodes préparatoires et des moyens « adjuvants » Cf. supra Chap. III- derniers paragraphes.
[83] Courmes, Remarques sur les qualifications du « transmetteur » et la réalité de l'initiation virtuelle - Pour mémoire, nous reproduisons la description essentielle de ces « qualifications » : 1. Avoir été régulièrement investi de cette fonction par l’organisation en question 2. Avoir la conscience minimale d’appartenir à l’organisation initiatique au sein de laquelle il accomplit sa fonction. 3. Accomplir la transmission de l’influence au nom de l’organisation en question, l’individualité du « transmetteur » devant, alors strictement s’effacer. 4. Constituer un « simple support » de l’influence spirituelle. Le terme « simple » insiste sur le caractère minimal de la qualification requise. [84] Guénon, Aperçus sur l’Initiation - Chap. V. [85] Courmes, Transmission et régularité. [86] Guénon, La Grande Triade - Chap. XVII, note 2 p. 150 [87] Cf. supra Chap. II [88] René Guénon, L’Homme est son devenir selon le Védanta, Éditions traditionnelles Paris, 2001 - Chap. XXIII [89] Ibid. - Nous avons remarqué que les symboles liés à l’état primordial peuvent invariablement être utilisés, en opérant la transposition adéquate, pour désigner l’état de
l’initié au début de la Voie. Ce point, parmi d’autres, sera traité dans le cadre des études que nous projetons de réaliser sur le « début de la Voie ». [90] Littéralement : l’ « éducateur » ou l’ « enseignant » (murrab) de « ceux qui veulent (Allah)» (muridin), c'est-à-dire celui qui enseigne aux disciples. La racine « ra-baba » se retrouve aussi dans Rabb, Seigneur, qui est aussi un Nom d’Allah ; on a d’ailleurs proposé pour le traduire l’utilisation d’un néologisme - « Enseigneur » - de manière à rendre la polysémie du terme original. Cf. Maurice Gloton, Approche du Coran par la grammaire et le lexique, Al Bouraq, Paris -Beyrouth 2004. [91] Ibid. - L’état de Muni est en relation avec ce que nous avons indiqué plus à propos de l’ « action de présence » et de « la communication de la Connaissance […] dans le silence ». Cf. supra Chap. IV [92] Sachant que, déjà, « le chemin des « petits mystères », qui aboutit à l' « état primordial », est certainement fort long à parcourir, et [qu’]en fait, bien peu arrivent jusqu'à son terme … » (Guénon, Initiation - Chap. XXV) , il ne nous semble donc pas audacieux, c’est le moins que l’on puisse dire, de qualifier la réalisation de l’état de « Muni », c'est-à-dire de l’Identité Suprême, de quelque chose d’assez rare. (c) 2008-2010 - Aucune reproduction, même partielle, ne peut être faite de ce site et de son contenu sans l'autorisation expresse de son auteur.
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