Le contrat de gérance libre étude des conditions de mise en œuvre et des risques encourus par les parties
Short Description
un pertinent mémoire qui s'articule autour de la gérance libre entre réglementation et jurisprudence au Maroc...
Description
INSTITUT SUPERIEUR DE COMMERCE ET D’ADMINISTRATION DES ENTREPRISES ISCAE
LE CONTRAT DE GERANCE LIBRE : ETUDE DES CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE ET DES RISQUES ENCOURUS PAR LES PARTIES
MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L’OBTENTION DU
DIPLOME NATIONAL D’EXPERT COMPTABLE
PAR Naima FAKIR Ep. HAMIDOUCH
MEMBRES DU JURY Président du jury
: M. Fouad AKESBI, Expert Comptable DPLE
Directeur de recherche : M. Fouad BIAZ, Expert Comptable DPLE Suffragants
: M. Faouzi BRITEL, Expert Comptable DPLE M. Abdellatif ZARKAL, Expert Comptable DPLE
Le contrat de gérance – libre : Etude des conditions de mise en œuvre et des risques encourus par les parties
REMERCIEMENTS
Au terme de ce travail, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à l’élaboration de ce travail.
Je remercie, particulièrement, Monsieur Ali HAMIDOUCH, mon mari pour le dévouement, le soutien et l’appui dont il a fait preuve tout au long de la préparation de ce mémoire.
Je remercie chaleureusement Monsieur Fouad BIAZ, mon directeur de recherche, d’avoir accepté de m’encadrer, pour l’intérêt qu’il a apporté à mon travail, pour ses conseils et ses encouragements.
Je remercie les membres du jury qui ont accepté d’évaluer mon travail.
Je remercie le Directeur de l’I.S.C.A.E, le corps professoral de cet institut et le corps administratif dont la contribution et les efforts ont permis de réussir le cycle supérieur d’expertise comptable.
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MEMOIRE D’EXPERTISE COMPTABLE Novembre 2005
Le contrat de gérance – libre : Etude des conditions de mise en œuvre et des risques encourus par les parties
SOMMAIRE
Page INTRODUCTION …………………………………………..………………………………………….11
PREMIERE PARTIE : CONCLUSION DE LA GERANCE-LIBRE : CONDITIONS DE FOND ET DE FORME………………………………..…16 CHAPITRE PRELIMINAIRE : DEFINITION ET REGLEMENTATION DE LA GERANCE LIBRE………………………………..18 Section 1 : Réglementation de la gérance libre…….……………………………………………18 Section 2 : Comparaison de la notion de gérance libre avec des conventions voisines…......................................................................................................19
CHAPITRE PREMIER : LES CONDITIONS RELATIVES A L’OBJET DU CONTRAT : LE FONDS DE COMMERCE……………………………………………………………………..……. 21
Section 1 : Analyse de la définition du Code de Commerce………….…………………….…22 Paragraphe 1 : Définition du Fonds de Commerce par l’article 79 du code de commerce………………22 Paragraphe 2 : Enumération des éléments composant le Fonds de Commerce…………………………22 1. Eléments prévus par la loi…………………………………………………………………………..…22 2. Eléments non prévus par la loi………………………………………………………………………...24
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Section 2 : Les critères jurisprudentiels permettant de déterminer l’existence du fonds de commerce……………………….…………………………………………………26 Paragraphe 1 : Réalité et Certitude de la clientèle……………………………………………………………27 Paragraphe 2 : Autonomie de la clientèle…………………………………………………………...…………27 Paragraphe 3 : Cas particuliers…………………………………………………………………………………28 1. Gérance libre des stations service……………………………………………………………………28 2. Gérance libre des clientèles civiles………………………………………...…………………………29 Paragraphe 4 : Caractère licite de l’activité du fonds de commerce………………………………………..29
CHAPITRE DEUXIEME : LES CONDITIONS RELATIVES AUX PARTIES………………………………………………..…30 Section 1 : Les conditions relatives au loueur du fonds…………………..…………………..31 Paragraphe 1 : De la propriété du fonds de commerce………………………………………………………32 1. Fonds de commerce bien indivis……………………………………………………………………...32 2. Usufruit du Fonds de commerce………………………………………………………………………34 Paragraphe 2 : De la capacité de consentir la gérance – libre………………………………………………34 1. Cas du mineur non émancipé…………………………………………………………………………34 2. Cas du mineur émancipé………………………………………………………………………………35 3. Cas du majeur incapable………………………………………………………………………………36 Paragraphe 3 : Du pouvoir de donner le fonds de commerce en gérance – libre…………………………36 1. Situation où les statuts envisagent la gérance libre…………………………………………………36 2. Situation où les statuts sont muets……………………………………………………………………37
Section 2 : Les conditions relatives au gérant libre…………………………….………………38 Paragraphe 1 : Cas du gérant libre personne physique……………………………………………...………38 1. Incompatibilités et interdictions………………………………………………………………………..38 4
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2. Professions réglementées……………………………………………………………………………..39 3. Exploitation personnelle imposée par les textes…………………………………………………….39 Paragraphe 2 : Cas du gérant libre société d’exploitation……………………………………………………40
CHAPITRE TROISIEME : LES OBLIGATIONS DE FORME ET DE PUBLICITE ……………………………………………..41 Section 1 : Publicité au registre de commerce…………………….…………………………….42 Paragraphe 1 : Inscription du gérant libre au registre de commerce……………………………………….42 Paragraphe 2 : Inscription modificative du gérant libre ou sa radiation du registre de commerce………42
Section 2 : Publicité au bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales………….43 Section 3 : Mention sur les documents commerciaux………………………………………...46 Section 4 : Sanction de l’inobservation des mesures de publicité………………………….47 Section 5 : Enregistrement du contrat……………………………………………………………48
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DEUXIEME PARTIE : RISQUES LIES A LA CONCLUSION DE LA GERANCE LIBRE DANS LES RAPPORTS DES DEUX PARTIES…………..………………………………………………49
CHAPITRE PREMIER : LES RISQUES ECONOMIQUES……………………………………………..………………………51 Section 1 : Les risques économiques encourus par le loueur du fonds de commerce………………………………………………………………….………52 Paragraphe 1 : Les risques entourant la rémunération de la gérance libre………………………..………52 1. Modalités de fixation et de paiement de la redevance……………………………………………...52 1.1 Nécessité de fixation de la redevance………………………………………………………52 1.2 Modalités de fixation et de paiement de la redevance…………….……………………...53 1.3 Conditions de révision de la redevance………………….………….……………………...55 2. Précautions à prendre par le loueur pour permettre sa garantie contre une éventuelle vacance du gérant libre au paiement……………………………………………………………………………56 Paragraphe 2 : Le risque de dépérissement du fonds de commerce……………………………………….57 1.Risque de dépérissement du fonds de commerce…………………………………………………….57 2. Protections prévues par le D.O.C……………………………………………………………………..58 2.1 Limites des droits du gérant libre……………………………………………………………58 2.2 Obligations du gérant libre…………………………………………………………………...59 3. Clauses contractuelles permettant la protection du fonds de commerce…………………………61 3.1 Maintien du chiffre d’affaires…………………………………………………………………61 3.2 Maintien du matériel d’exploitation………………………………………………………….62 3.3 Renouvellement du stock de marchandises……………………………………………….64 3.4 Poursuite des contrats conclus par le loueur pour les besoins de son exploitation…...64 3.5 La clause résolutoire………………………………………………………………………….66 3.6 La clause de non rétablissement du gérant libre…………………………………………..67
Section 2 : Les risques économiques encourus par le gérant libre……….…………………69 6
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Paragraphe 1 : Les principaux risques pour le gérant libre………………………………………………….69 Paragraphe 2 : La protection légale du gérant libre…………………………………………………………..70 1. L’obligation de délivrance du fonds de commerce au gérant libre……………………………..…70 2. L’obligation de garantie……………………………………………………………………………..….71 2.1 La garantie des vices cachés………………………………………………………………...71 2.2 La garantie d’éviction………………………………………………………………………….72 2.3 La garantie du fait personnel…………………………………………………………………74 Paragraphe 3 : Insertion d’une clause contractuelle de promesse unilatérale de vente……………….…75 1. Conditions de validité de la promesse unilatérale de vente……………………..…………………75 1.1 Signes révélant une cession déguisée du fonds de commerce………….………………75 1.2 Nécessité de détermination du prix………………………………………………………….77 2. Tacite reconduction du contrat et promesse unilatérale de vente…………………………………78 3. Effets de la promesse unilatérale de vente……..…………………………………………………...78 3.1 Avant la levée de l’option…………………………………………………………………..…78 3.2 A la levée de l’option…………………………………………………………………………..79
CHAPITRE DEUXIEME : LES RISQUES FISCAUX………………………………………………………………………………80 Section 1 : Les conséquences fiscales de la mise en gérance-libre……..…………………81 Paragraphe 1 : Les conséquences fiscales lors de la mise en gérance……………………………………81 Paragraphe 2 : Les conséquences fiscales en cours de gérance……..……………………………………81 1. Imposition du loueur…………………………………………………………………………………….81 1.1 Imposition des bénéfices du loueur………………………………………………………..81 1.2 Imposition du loueur à la patente…………………………………………………………..82 1.3 Imposition du loueur à la taxe sur la valeur ajoutée…..…………………………………82 2. Imposition du gérant libre………………………………………………………………………………83 7
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2.1 Imposition des bénéfices du gérant libre…………………………………………………..83 2.2 Imposition du gérant libre à la patente……………………………………………………..84 2.3 Imposition du gérant libre à la taxe sur la valeur ajoutée…..……………………………84 Paragraphe 3 : Les conséquences fiscales en fin de gérance………………………………………………85 1. Imposition du loueur…………………….………………………………………………………………85 1.1 En cas de vente du fonds de commerce………………………………………………….85 1.2 En cas de reprise du fonds de commerce par le loueur……………………………...…86 2. Imposition du gérant libre……………….……………………………………………………………..86 2.1 En cas de vente du fonds de commerce …………………………….……………..…….86 2.2 En cas de reprise du fonds de commerce par le loueur……………………………...…87
Section 2 : Le risque de remise en cause de l’économie du contrat par l’administration fiscale.............................................................................................................89 Paragraphe 1 : Remise en cause de l’économie d’un contrat : principe général………………………….89 Paragraphe 2 : Remise en cause de l’économie d’un contrat de gérance libre en matière d’IS, de TVA et d’IGR…………………………………………………………………………………………………………. …...90 Paragraphe 3 : Remise en cause de l’économie d’un contrat de gérance libre en matière de droits d’enregistrements ………………………………………………………………………………………………..90
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TROISIEME PARTIE : RISQUES LIES A L’OPERATION DANS LES RAPPORTS DES PARTIES AU CONTRAT AVEC LES TIERS…………………………………………………………………91 CHAPITRE PREMIER : RISQUES LIES A L’OPERATION DANS LES RAPPORTS DES PARTIES AU CONTRAT AVEC LE PROPRIETAIRE DES MURS…...………………..…………………………….…………93 Section 1 : Cas où le loueur du fonds de commerce est lui-même locataire des murs….94 Paragraphe 1 : Les risques découlant de la rédaction du contrat de gérance libre : requalification du contrat de gérance libre en sous location irrégulière….…………………………………..95 Paragraphe 2 : Les risques découlant des clauses du contrat de bail commercial………….……………96
Section 2 : Cas où le loueur du fonds de commerce est propriétaire des murs….………98 Paragraphe 1 : Situation incohérente de résiliation du bail des locaux abritant le fonds de commerce durant la validité du contrat de gérance libre…..…………………………………………..98 Paragraphe 2 : Risque de requalification du contrat de gérance libre en bail commercial…..…………..99 Paragraphe 3 : Paiement de l’indemnité prévue par l’article 39 du dahir du 24 mai 1955..…………….100
CHAPITRE DEUXIEME : RISQUES LIES A L’OPERATION DANS LES RAPPORTS DES PARTIES AU CONTRAT AVEC LES CREANCIERS DU FONDS DE COMMERCE…………………………………….....101 Section 1 : Risque d’exigibilité immédiate des créances du loueur.……….………………102 Paragraphe 1 : La protection légale des créanciers du loueur……………………………………………..102 1. Conditions d’application…..…………………………………………………………………………..102 2. Procédure à suivre par les créanciers………..……………………………………………………..104 2.1 Nécessité de recourir au tribunal…………………………………………………………..104 2.2 Compétence d’attribution et compétence du tribunal concerné………………………..104 2.3 Délai d’exercice de l’action...……………………………………………………………….104 Paragraphe 2 : L’éventuelle protection contractuelle des créanciers du loueur………………………….104 9
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Section 2 : Risque de solidarité des dettes du gérant libre……………………………….…106 Paragraphe 1 : La solidarité quant aux dettes d’exploitation…..…………………………………………..106 1. Précisions quant à la publicité visée…...……………………………………………………………106 2. Précisions quant aux dettes visées………………………………………………………………….107 2.1 Date de naissance des dettes garanties………...……………………………………….107 2.2 Nature des dettes garanties………...……………………………………………………..108 3. Voies ouvertes au loueur pour diminuer le risque de solidarité…………………………………..110
Paragraphe 2 : La solidarité fiscale………………………..………………………………………………….111 1. Conditions d’application de la solidarité fiscale………..…………………………………………..111 2. Mesures de surveillance à mettre en place par le loueur...……………………………………….112
CHAPITRE TROISIEME : RISQUES LIES A L’OPERATION DANS LES RAPPORTS DES PARTIES AU CONTRAT AVEC LES SALARIES DU FONDS DE COMMERCE……………………………………………114 Section 1 : Sort des contrats de travail lors de la mise en gérance libre : la solidarité sociale du gérant libre……………..…………………………………………..115 Paragraphe 1 : Continuation automatique du contrat de travail……………………………………………116 Paragraphe 2 : Transfert des droits existants au profit de l’employeur initial…………………………….117 Paragraphe 3 : Maintien des avantages liés à l’emploi et à l’ancienneté...……………………………….117
Section 2 : Sort des contrats de travail à la fin de la gérance libre : la solidarité sociale du loueur………………………………………….………………………………….119 Paragraphe 1 : Le fonds de commerce retourne à son propriétaire…..…………………………………..119 Paragraphe 2 : Le fonds de commerce ne retourne pas à son propriétaire………………………………120
CONCLUSION……………...………………………………………………...……..…………...……121 ANNEXES.………………………………………………….………………...……..…………...……124 BIBLIOGRAPHIE………..……...…………………………………………...……..………...………153
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INTRODUCTION
Dans le cadre de ses différentes missions, l’Expert Comptable est amené à réaliser des missions ayant trait à des contrats de gérance libre. Ainsi, il peut être auditeur, commissaire aux comptes ou teneur des comptes de bailleurs de fonds de commerce ou de gérants libres. Par ailleurs, il peut être appelé, dans le cadre de ses missions de conseil à proposer ou réaliser pour le compte de ses clients des schémas d’organisation juridique et financière fondés sur la technique de la gérance libre. De ce fait, il est tenu de s’intéresser de près aux principes et mécanismes du contrat de gérance libre. En effet, si en apparence cette convention peut être facilement mise en œuvre, elle dissimule au fond plusieurs zones de complexité, que l'Expert Comptable se doit absolument d'appréhender afin de mener à bien ses missions auprès de ses clients. Le contrat de gérance libre consiste pour le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce à concéder la location de ce fonds de commerce à une personne nommée gérant, qui l’exploite à ses risques et périls, moyennant une redevance périodique qui constitue le loyer de la gérance libre. La gérance libre constitue souvent pour le propriétaire du fonds de commerce la solution dans diverses situations où l’exploitation personnelle du fonds devient impossible ou n’est plus désirée. La conclusion d’un contrat de gérance libre permet au propriétaire du fonds de commerce de se décharger des soucis de la gestion personnelle tout en conservant son capital et en continuant à tirer profit de son actif commercial au moyen des redevances versées par le gérant libre.
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La situation du gérant libre est souvent celle d’une personne qui veut, certes, exercer un commerce, mais qui ne dispose pas de capitaux suffisants pour acheter un fonds dans l’immédiat. En prenant un fonds en location, le gérant libre pourra tout à la fois se familiariser avec l’exploitation d’un fonds de commerce, et se constituer un capital en vue d’une prochaine installation. Souvent, d’ailleurs, le contrat de gérance libre est assorti d’une clause de promesse unilatérale de vente que le gérant libre pourra ou non lever après une certaine durée d’exploitation. Compte tenu de ses avantages, les applications de la gérance libre sont nombreuses et diverses:
-
d’une part, cette diversité est liée à la structure juridique, économique et financière des parties au contrat. La gérance libre pourra intéresser aussi bien un commerçant personne physique propriétaire de son fonds de commerce, qu’une société commerciale ou industrielle.
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d’autre part, le recours à un contrat de gérance libre peut être la solution dans plusieurs situations : •
En effet, la technique de gérance libre peut être retenue dans le cadre d’un circuit de distribution.
•
Elle peut être également utilisée dans un cadre familial dans la perspective d’une transmission d’entreprise avec le recours souvent à une société d’exploitation.
•
La gérance libre peut être aussi un préalable à l’apport du fonds à une société d’exploitation.
•
La gérance libre peut se révéler judicieuse en présence d’une indivision portant sur un fonds de commerce.
•
La gérance libre reste la solution préconisée lorsque le fonds de commerce est échu, par legs ou succession, à un mineur ou à une personne exerçant une fonction incompatible avec l’activité commerciale.
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Si la convention de gérance libre est d’application très étendue, elle n’en demeure cependant pas une opération entourée de risques. Les risques liés à l’opération concernent notamment le propriétaire du fonds de commerce qui est tenu solidairement responsable, avec le gérant libre de toutes les dettes relatives à l’exploitation, et ce pendant les six mois qui suivent la publication du contrat. En outre, il demeure solidaire sans limitation de durée du paiement des impôts directs établis en raison de l’exploitation du fonds. Par ailleurs, le maintien de la valeur du fonds repose sur la qualité professionnelle et morale du gérant libre, le bailleur du fonds ne pouvant s’immiscer dans sa gestion. Toute négligence de la part du gérant est susceptible de se traduire par une diminution substantielle de la valeur du fonds concédé. La convention de gérance libre comporte des risques non seulement pour le bailleur du fonds ; mais également pour le gérant libre. Face aux risques liés à la conclusion d’un contrat de gérance libre, cette convention a été sévèrement réglementée. Cependant, l’opération n’en demeure pas moins source de difficultés. La première difficulté tient au fait que la notion de gérance libre n’a pas été traitée de manière substantielle par le législateur, un champ large d'interprétation ayant été laissé à la jurisprudence pour traiter telle ou telle disposition ou pour compléter une rédaction insuffisante de tel ou tel aspect relatif à cette convention. En effet, seuls les articles 152 à 158 de la loi 15-95 formant code de commerce et l’article 39 du dahir du 24 mai 1955 relatif aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal traitent la notion de gérance libre de manière spécifique.
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En dehors de ces articles, le contrat reste régi par le législateur dans le cadre des dispositions du droit commun (Dahir sur les obligations et contrats « D.O.C », code de travail….). Une autre source de difficulté provient de la pluralité des intérêts des diverses parties à savoir : le propriétaire, le gérant libre, l’administration fiscale, le propriétaire des murs, les créanciers et les salariés. Le contrat de gérance libre est donc un contrat utile mais dont l’usage se révèle parfois complexe. Aussi, notre propos visera essentiellement la mise en lumière des zones de complexité et d’ambiguïté liées à cette convention afin de contribuer à faciliter les missions de l’expert comptable en relation avec un contrat de gérance libre. De ce fait, le premier objectif de ce mémoire est d’exposer et d’analyser à travers des faits et des situations notamment révélés par la jurisprudence mais aussi issus de la pratique professionnelle, les difficultés que rencontrent ou peuvent rencontrer les différentes parties intéressées directement ou indirectement au contrat. Cette identification des difficultés serait sans utilité si elle n’était pas accompagnée de conseils et de propositions de précautions et de solutions tendant à atténuer les risques de conflit susceptibles de surgir dans la mise en œuvre de la convention. Pour répondre à ces objectifs, ce mémoire comprendra trois parties :
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Dans la première partie, seront présentées les conditions de fond et de forme de l’opération de mise en gérance. Ainsi, sera traité, en premier lieu, l’objet du contrat de gérance libre : le fonds de commerce. Les conditions relatives aux parties au contrat feront l’objet du chapitre deuxième en envisageant successivement les conditions que doit remplir le loueur du fonds de commerce, puis celles que doit remplir le gérant libre. Le troisième chapitre sera consacré aux conditions de forme et notamment aux obligations de publicité.
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Dans une seconde partie, il conviendrait de traiter des risques liés à l’opération à l’égard des deux parties. Ces risques seront successivement envisagés sous l’angle économique et sous l’angle fiscal.
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Outre les parties au contrat, la mise en œuvre de la gérance libre implique d’autres tiers : il s’agit éventuellement du propriétaire des murs, des créanciers et des salariés du fonds de commerce. Les rapports du loueur et du gérant libre avec ces tiers sont aussi générateurs d’un ensemble de risques qui seront étudiés dans la troisième partie de ce mémoire.
A signaler que le traitement comptable de l’opération de mise en gérance du fonds de commerce a été exclu du champ de cette étude.
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PREMIERE PARTIE
CONCLUSION DE LA GERANCE LIBRE : CONDITIONS DE FOND ET DE FORME
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La gérance libre du fonds de commerce obéit aux règles de formation communes à tous les contrats. Cependant, les préoccupations qui sous-tendent la réglementation à laquelle elle est soumise, ont conduit le législateur à encadrer de manière stricte la conclusion de ce contrat. Si en ce qui concerne le consentement des parties, il suffit de renvoyer aux principes du droit commun des contrats, les conditions relatives au fonds susceptible d’être mis en gérance, à la personne du loueur, au gérant libre, et les règles de publicité appellent des développements particuliers.
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CHAPITRE PRELIMINAIRE DEFINITION ET REGLEMENTATION DE LA GERANCE – LIBRE L’article 152 de la loi 15-95 formant code de commerce qualifie de gérance libre « tout contrat par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls… ». Dès lors que la définition stipulée est précédée de la phrase « nonobstant toute clause contraire », quelle que soit la dénomination adoptée par les parties, si un contrat réunit les éléments de la définition précitée, il doit être qualifié de gérance libre et relever de la réglementation propre à celle-ci.(1)
Section 1 : Réglementation de la gérance - libre La gérance libre est réglementée au Maroc par les articles 152 à 158 de la loi 15-95 formant Code de Commerce. Cependant, ces articles ne sont pas les seuls textes applicables à ce type de contrat. En effet, certaines conditions ou effets relèvent du droit commun des contrats au niveau du D.O.C; tel est le cas notamment de la capacité des parties. Par ailleurs, il convient de puiser dans d’autres législations afin de régir tel ou tel aspect: droit de travail, droit fiscal……. Le dispositif réglementaire de la gérance-libre est extrêmement rigoureux et d’ordre public. Les parties ne peuvent y déroger et ce; même d’un commun accord. (2)
(1)
Jurisprudence française :« Le contrat de location-gérance n’est toutefois pas soumis à une forme sacramentale ; il suffit que des clauses de l’acte, on puisse déduire que les conditions légales caractérisant le contrat de gérance-libre se trouvent réunies ».(Cass.Civ.Franc.12 février 1963)
(2)
Art. 152 de la loi 15-95 : « Nonobstant toute clause contraire, tout contrat par lequel …………….. , est régi par les dispositions ci-après……. »
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Section 2 : Comparaison de la notion de gérance – libre avec des conventions voisines Il ressort de la définition de la gérance libre deux composantes principales : - l’existence d’un contrat ou convention de location ; - un gérant exploitant à ses risques et périls. Ces deux éléments qui définissent la gérance libre permettent de différencier cette dernière de conventions voisines qui offrent aussi au propriétaire du fonds de commerce la possibilité de confier la gestion de son entreprise à un tiers sous des conditions et un cadre juridique différents. Nous exposons ci-après successivement cinq de ces conventions susceptibles de se confondre avec le contrat de gérance libre, à savoir : La gérance salariée : La distinction entre gérance libre et gérance salariée se fait en général assez facilement, la question essentielle étant de déterminer qui dans les rapports entre le bailleur et le gérant, assume les risques et les pertes. Ainsi, il y a contrat de gérance libre si le contrat assure au gérant la libre exploitation du fonds, le propriétaire étant exclu des bénéfices comme des pertes et des charges de l’exploitation, alors qu’au contraire il y a contrat de gérance salariée si le gérant est placé sous la subordination du propriétaire du fonds qui assume les risques de l’exploitation commerciale. Le mandat Le mandat est l’acte par lequel une personne, dite mandant, donne à une autre, appelée mandataire, le pouvoir de faire quelque chose pour elle et en son nom. Dans le cadre d’une gestion de fonds de commerce, le mandataire agit pour le compte du propriétaire du fonds dans le strict respect des clauses du contrat de mandat, en contrepartie d’une rémunération sous forme d’honoraires ou de salaires.
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Le contrat de franchise Le contrat de franchise peut être défini comme étant un contrat par lequel une entreprise concède à des entreprises indépendantes, en contrepartie d’une redevance, le droit de se présenter sous sa raison sociale et sa marque pour vendre des produits ou services. Ce contrat s’accompagne généralement d’une assistance technique. Même si ce contrat comporte l’obligation pour le franchisé de verser une redevance au franchiseur, il se distingue du contrat de gérance libre, par l’importance du service que rend le franchiseur : outre sa marque et son enseigne, il met en permanence son savoir-faire et les améliorations de celui-ci à la disposition des commerçants franchisés en organisant notamment des journées d’études ou de formation. Par ailleurs, le contrat de franchise comporte une exclusivité ou une quasi-exclusivité d’approvisionnement. Cette contrainte imposée au franchisé est en contradiction avec une des caractéristiques fondamentales de la gérance libre imposant une exploitation se poursuivant aux risques et périls du gérant libre. La sous location La sous location est l’acte par lequel le locataire principal consent à un tiers appelé sous locataire un nouveau bail sur la totalité ou sur une partie des lieux dont il est lui même locataire. C’est un véritable bail passé entre le locataire principal et le sous locataire. La sous location ne doit pas être confondue avec la mise du fonds en gérance libre : dans le premier cas, la jouissance ne concerne que les seuls locaux d’exploitation ; dans le second, au contraire elle porte sur la totalité des éléments composant le fonds de commerce. L’apport en jouissance du fonds à une société L’assimilation de cette opération à la gérance libre apparaît abusive à un double point de vue : d’une part, à la différence du gérant libre, la société bénéficiaire de l’apport en jouissance n’est pas tenue d’une obligation d’exploiter ; d’autre part, l’apport en jouissance prend fin lors de la dissolution de la société, tandis que la gérance libre prend normalement fin au terme de la durée pour laquelle elle a été conclue.
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CHAPITRE PREMIER LES CONDITIONS RELATIVES A L’OBJET DU CONTRAT : LE FONDS DE COMMERCE De la définition même de la gérance libre, telle qu’elle est donnée ci-dessus, il ressort que ce contrat ne peut porter que sur un fonds de commerce. Or la notion du fonds de commerce a toujours suscité de vives controverses. Pour certains, le fonds de commerce est une universalité, résultant de l’addition d’éléments corporels et incorporels, chacun d’eux jouant un rôle d’égale importance dans sa composition. Pour d’autres au contraire, la clientèle constitue l’élément essentiel. Il s’avère donc important de mettre en lumière les critères retenus pour déterminer l’existence du fonds de commerce.
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Section 1 : Analyse de la définition du code de commerce Déterminer l’existence d’un fonds de commerce implique d’exposer la définition de la notion telle que prévue par l’article 79 de la loi 15-95 formant code de commerce et l’énumération de ses éléments constitutifs prévus par l’article 80 de la même loi.
Paragraphe 1 : Définition du Fonds de Commerce par l’article 79 du code de commerce « Le fonds de commerce est un bien meuble incorporel constitué par l’ensemble de biens mobiliers affectés à l’exercice d’une ou de plusieurs activités commerciales ». En effet, l’existence d’un fonds de commerce suppose, que l’objet du fonds consiste dans l’accomplissement d’actes de commerce liés à une activité commerciale.
Paragraphe 2 : Enumération des éléments composant le Fonds de Commerce Il convient de distinguer entre les éléments prévus par la loi et les éléments non prévus par la loi. 1. Eléments prévus par la loi Selon l’article 80 de la loi 15-95 formant code de commerce, « le fonds de commerce comprend obligatoirement la clientèle et l’achalandage. Il comprend aussi, tous autres biens nécessaires à l’exploitation du fonds tels que le nom commercial, l’enseigne, le droit au bail, le mobilier commercial, les marchandises, le matériel et l’outillage, les brevets d’invention, les licences, les marques de fabrique, de commerce et de service, les dessins et modèles industriels et, généralement, tous droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique qui y sont attachés. »
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1.1 La Clientèle et l’achalandage La clientèle se rapporte aux personnes qui ont l’habitude de se fournir chez un commerçant ; elle est mesurable par le chiffre d’affaires déjà réalisé. (3) L’achalandage se rapporte aux personnes attirées par l’emplacement de l’établissement : il correspond au chiffre d’affaires que permet d’espérer l’implantation de l’exploitation. Il est une clientèle simplement virtuelle ou potentielle. (3) L’opposition entre la clientèle et l’achalandage ne doit pas être négligée. En effet, la jurisprudence pose que, si la cession de la clientèle équivaut à la vente du fonds de commerce, il n’en est pas de même de la cession de l’achalandage. (4) 1.2 Le Nom commercial Le nom commercial est l’appellation sous laquelle l’exploitant du fonds de commerce exerce son activité. 1.3 L’Enseigne L’enseigne est un signe extérieur(nom, dénomination de fantaisie, emblème) qui contribue à individualiser le fonds de commerce. Il constitue avec le nom commercial des signes distinctifs qui contribuent, en même temps qu’à identifier le fonds de commerce, à rallier et à retenir la clientèle. 1.4 Le droit au bail Lorsque le commerçant exploite son activité dans un local loué, le droit au bail est un élément important du fonds de commerce pour deux raisons : d’abord, parce que l’emplacement du fonds est souvent un facteur prépondérant d’attraction de la clientèle ; ensuite, parce que le droit au bail, lorsqu’il relève du statut des baux commerciaux, bénéficie d’une protection légale très forte qui lui confère une valeur économique considérable.
(3)
DERRUPPE, « Clientèle et achalandage », PUF 1992, p.167
(4)
Olivier BARRET, « Les contrats portant sur le fonds de commerce », L.G.D.J 2001 , p.9
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1.5 Le Mobilier commercial Il s’agit du mobilier de bureau. 1.6 Le Matériel et Outillage Les deux termes recouvrent les meubles corporels nécessaires à l’exploitation et lesquels, de ce fait, demeurent durablement affectés au fonds. 1.7 Les Marchandises Elles sont constituées, comme le matériel, par des biens mobiliers corporels. Mais alors que celui-ci est un moyen de l’exploitation, elles sont l’objet de l’exploitation et destinées à être vendues. 1.8 Les Propriétés intellectuelles L’article 80 de la loi 15-95 mentionne les brevets d’invention, les licences, les marques de fabrique, de commerce et de service, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique qui y sont attachés.
2. Eléments non prévus par la loi 2.1 Les contrats liés à l’exploitation Les contrats en rapport avec l’exploitation du fonds de commerce sont normalement exclus du fonds de commerce. Cependant, cette règle souffre plusieurs exceptions. D’abord, la loi énonce qu’un certain nombre de contrats sont transmis de plein droit à l’acquéreur lors de la cession du fonds, ce qui signifie qu’ils font partie de celui-ci : il s’agit des contrats de travail(5), des contrats d’assurance(6) relatifs au fonds, …….
(5)
Article 19 de la loi 65-99 formant code de travail
(6)
Article 28 de la loi 17-99 formant code des assurances
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Ensuite, il est possible, en vertu d’une stipulation expresse, d’intégrer dans la convention de locationgérance du fonds de commerce les contrats liés à l’exploitation, avec l’accord du cocontractant. 2.2 Les autorisations administratives d’exploiter Certaines activités commerciales ne peuvent être exercées que si l’exploitant est muni d’une autorisation administrative, appelée parfois licence. Cette autorisation ou licence fait partie du fonds de commerce lorsqu’elle n’est pas accordée à titre strictement personnel, ce qui est le cas, par exemple, de la licence de débits de boissons . Quand, en revanche, l’autorisation est attachée à la personne de l’exploitant, elle ne peut pas être incluse dans le fonds de commerce.
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Section 2 : Les critères jurisprudentiels permettant de déterminer l’existence du fonds de commerce Si la loi se contente d’énumérer les éléments composant le fonds de commerce en les mettant au même rang, la jurisprudence a toujours considéré qu’il n’y a pas de fonds de commerce sans une clientèle attachée directement à celui-ci. Plus généralement, elle considère que le fonds de commerce est « l’ensemble formé par les mobiliers – corporels et incorporels – qui sont affectés par le commerçant à l’exploitation commerciale et qui permettent de fixer une clientèle.» (7) Ainsi, lorsque les propriétaires prétendent avoir donné en location un fonds de commerce, il doivent rapporter la preuve qu’ils ont loué au moins l’élément essentiel que constitue la clientèle. (8) La définition de la clientèle est très générale. Elle ne permet pas de déterminer à quel moment on peut déterminer son existence. La jurisprudence marocaine n’est pas plus riche d’éléments de définition, mais la jurisprudence française apporte des précisions quant à son existence : pour qu’une clientèle existe, celle-ci doit être réelle et certaine(9) ; et pour qu’un commerçant prétende être titulaire du fonds de commerce, il doit justifier d’une clientèle autonome(9).
(7)
Olivier BARRET, « Les contrats portant sur le fonds de commerce » , L.G.D.J 2001, p. 2
(8)
Jurisprudence française : « La convention conclue entre une commune et des preneurs en vue de l’exploitation d’un fonds de commerce de café, restaurant, bar, hôtel, épicerie a été requalifiée de bail commercial au vu des constatations suivantes : le fonds de commerce sur lequel était censé porter le contrat de location-gérance n’avait plus d’existence, dans ses éléments essentiels, depuis plusieurs années ; le locataire avait entièrement apporté la clientèle se rapportant aux activités d’hôtellerie et de restauration par lesquelles la commune entendait assurer son développement économique et touristique et dont les locataires tiraient la plus grande part de leur marge commerciale.»(Cass.Civ. Franc. 30 janv 2002).
(9)
Olivier BARRET, « Les contrats portant sur le fonds de commerce » , L.G.D.J 2001, p. 15
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Paragraphe 1 : Réalité et Certitude de la clientèle L’existence d’une clientèle réelle et certaine suppose, d’une part, que le fonds ait fait l’objet d’une ouverture au public ; car avant toute ouverture, la clientèle n’existe pas et le fonds est seulement en voie de formation. Ce principe a été exprimé avec force par la jurisprudence française notamment en ce qui concerne les immeubles spécialisés ou spécialement aménagés. (10) D’autre part, il serait nécessaire que les éléments mis à la disposition du locataire soient susceptibles de constituer à eux seuls un fonds de commerce, fonction que seule la clientèle est en mesure de remplir. Ainsi, même en organisant, par un aménagement spécial de l’immeuble, toutes les conditions nécessaires à la constitution d’une clientèle, le bailleur ne met entre les mains de son locataire qu’une clientèle potentielle. Seule l’ouverture au public permettra de transformer ce caractère potentiel en un caractère réel.
Paragraphe 2 : Autonomie de la clientèle Pour qu’un commerçant soit considéré comme propriétaire d’un fonds de commerce, il ne suffit pas qu’il ait la jouissance de la clientèle qu’il exploite, mais faut-il encore que celle-ci lui appartienne. La jurisprudence relative à l’autonomie de la clientèle s’est établie à propos des fonds de commerce donnés en gérance libre, dont les locataires, avec l’accord de leur bailleur, avaient modifié l’activité initiale ou avaient développé d’autres activités.
(10)
Jurisprudence française : « …que la création d’un fonds de commerce n’est pas réalisée lorsque le bail porte sur un immeuble spécialement aménagé en vue de l’exploitation d’un commerce déterminé, avec le matériel et les marchandises nécessaires au fonctionnement du fonds tant qu’une clientèle même embryonnaire n’est pas incorporée au fonds ; qu’il faut donc un commencement d’exploitation pour qu’il y ait création d’un fonds… »(Trib. Civ.Marseille. 23 mai 1952).
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Ce développement de nouvelles activités pouvant, dans certains cas, aboutir à créer une nouvelle clientèle, et donc un nouveau fonds appartenant au gérant libre. (11) De ce fait, le loueur a intérêt à ne pas autoriser l’adjonction d’une activité supplémentaire à celle d’origine, afin d’éviter la revendication de la propriété commerciale par le gérant-libre.
Paragraphe 3 : Cas particuliers
1. Gérance libre des stations service Une station service étant un immeuble spécialement aménagé (cf paragraphe 1 précité), la propriété du fonds de commerce appartiendrait, en principe, au gérant libre. Or la Cour de Cassation française a retenu la solution inverse. Si l’on analyse de plus près cette décision, on remarque que la Cour de cassation reste fidèle au principe de l’existence d’une clientèle mais qui dans ce cas préexiste avant l’ouverture du fonds. Lorsqu’une station service vend exclusivement des produits sous une certaine marque, et que cette marque a déjà prouvé son efficacité à attirer des clients, alors il existe déjà une clientèle attachée à cette marque. Ainsi le gérant -libre ne crée pas sa clientèle, mais profite d’une clientèle déjà existante celle de la société distributrice. Ensuite les clients que le gérant peut réunir par ses qualités s’ajoutent à une clientèle qui existe déjà. En conclusion, même sans exploitation préalable, la propriété du fonds devrait être reconnue au bailleur chaque fois que celui-ci met à la disposition de son locataire toutes les installations adéquates en vue de la commercialisation d’un produit de marque connu et recherché par une clientèle. En annexe 6, nous présentons l’analyse d’un contrat de gérance libre d’une station service conclu sous la dénomination de « prêt à usage et d’exclusivité d’approvisionnement ». (11) « Le propriétaire d’un fonds de commerce de débit de boissons l’avait donné en gérance libre. Le contrat prévoyait l’hypothèse d’adjonction d’activités nouvelles par le gérant libre en distinguant : - l’adjonction de branches connexes à l’activité de débit de boissons ; - l’adjonction de branches commerciales distinctes notamment vente de journaux, articles de fumeurs, de maroquinerie et de confiserie. Au terme du contrat, le gérant libre ayant reçu congé, avait demandé une indemnité d’éviction au titre des branches commerciales distinctes, qu’il avait bien sûr exploitées et développées dans les lieux. Il avait alors obtenu satisfaction devant la Cour d’appel qui retenait : «que ces branches distinctes exploitées par le gérant libre comportaient une clientèle propre et constituaient en conséquence un nouveau fonds qui ne se confondait pas avec celui donné en location ». Ganne JEAN FRANCOIS, l’expert comptable et la location-gérance : comprendre et résoudre les implications complexes d’un contrat classique, Mémoire d’expertise comptable, mai 2000, p.32
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2. Gérance libre des clientèles civiles On entend par clientèle civile celle des membres des professions libérales. En raison de l’importance de l’intuitu personae dans une activité libérale, la jurisprudence française se prononce pour la nullité de la gérance-libre d’une clientèle civile(12). C’est la conséquence immédiate de la nécessité d’un fonds de commerce pour qu’existe un contrat de gérance-libre. La forme sociale n’a pas d’influence sur la qualification de l’entreprise exploitée. En effet, une société commerciale qui exerce une activité civile ne transforme pas l’entreprise civile en un fonds de commerce.
Paragraphe 4 : Caractère licite de l’activité du fonds de commerce Conformément au droit commun, pour que le fonds de commerce puisse faire valablement l’objet d’un contrat de gérance libre, il faut qu’il se rapporte à une activité licite et morale. (13) Le D.O.C annoté de François-Paul Blanc fait référence à des cas de jurisprudence se prononçant dans le même sens : -
« Est nul et de nul effet comme contraire aux bonnes mœurs le bail afférent à une maison de tolérance ».
-
« Est entaché de nullité le contrat formé en vue de l’exploitation d’une maison de jeux, la tenue d’un pareil établissement constituant un délit. Et ce alors même qu’il s’agirait d’exploiter une maison de jeux située à l’étranger et dans un pays où ces établissements sont tolérés ».
(12) Ganne JEAN FRANCOIS, l’expert comptable et la location-gérance : comprendre et résoudre les implications complexes d’un contrat classique, Mémoire d’expertise comptable, mai 2000, p.33 à 38 (13) Article 19 du D.O.C « la convention n’est parfaite que par l’accord des parties sur les éléments essentiels de l’obligation, ainsi que sur toutes les autres clauses licites que les parties considèrent comme essentielles…. » Article 57 du D.O.C « les choses, les faits et les droits incorporels qui sont dans le commerce peuvent seuls former objet d’obligation ; sont dans le commerce toutes les choses au sujet desquelles la loi ne défend pas expressément de contracter. » Article 62 du D.O.C « l’obligation sans cause ou fondée sur une cause illicite est non avenue. La cause est illicite quand elle est contraire aux bonnes mœurs, à l’ordre public ou à la loi. »
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CHAPITRE DEUXIEME LES CONDITIONS RELATIVES AUX PARTIES Le contrat de gérance libre met en relation deux parties : - d’une part le bailleur du fonds de commerce ou le loueur qui donne celui-ci en location ; - d’autre part le gérant libre. Tous deux doivent préalablement à la signature du contrat satisfaire à certaines conditions qui subordonnent la validité du contrat.
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Section 1 : Les conditions relatives au loueur du fonds de commerce L’article 152 de la loi 15-95 formant code de commerce qualifie de « bailleur du fonds de commerce » la partie qui donne le fonds de commerce en location, qui peut être le propriétaire du fonds de commerce ou son exploitant. Ainsi, la qualité de bailleur peut englober sous cette dénomination diverses situations :
-
Celle où le bailleur n’a qu’un droit de copropriété,
-
Celle où le bailleur ne possède qu’un droit d’usufruit sur le fonds,
-
Celle où le bailleur est un mineur ou un majeur incapable,
-
Et celle où il est une société.
Si la location d’un fonds est toujours un acte de commerce à l’égard du locataire, cette qualification est moins certaine à l’égard du propriétaire du fonds. En effet, deux cas sont possibles : - Si le propriétaire du fonds est commerçant antérieurement à la conclusion du contrat de location, le contrat de gérance libre étant accompli par un commerçant dans l’exercice de son commerce, ce contrat devrait s’analyser en un acte de commerce.
-
La mise en gérance du fonds revêt au contraire un caractère civil à l’égard du propriétaire lorsqu’il l’a acquis par donation, legs ou succession et l’a donné en location sans l’avoir jamais exploité. Tel est le cas de la mise en gérance d’un fonds de commerce échu par succession à un mineur qui constitue pour celui-ci un acte civil.
Quoiqu’il en soit, pour consentir une gérance libre, le loueur doit détenir certains pouvoirs sur le fonds et avoir la capacité d’accomplir cet acte d’administration d’une nature un peu particulière. Le loueur du fonds doit répondre aux conditions de propriété, de capacité et de pouvoir prévues par les règles de droit commun au niveau du D.O.C. Ces règles sont édictées au niveau du troisième titre, chapitre 1 consacré au louage des choses. 31
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Paragraphe 1 : De la propriété du fonds de commerce La question de la propriété est annoncée par l’article 630 du DOC qui stipule : «ceux qui n’ont sur la chose qu’un droit personnel d’usage et d’habitation ou un droit de rétention ou de gage ne peuvent la donner à louage ». Dans le cas où le bailleur dispose de la pleine propriété, il peut donner son fonds en gérance libre en toute liberté. Des situations plus complexes se révèlent lorsque le bailleur n’a qu’un droit de copropriété ou encore lorsqu’il ne possède qu’un droit d’usufruit. 1. Fonds de commerce bien indivis Lorsque le fonds appartient à plusieurs personnes qui ont des droits de même nature, une indivision prend naissance, l’acte de mise en gérance libre du fonds indivis est, en principe, soumis au consentement de tous les indivisaires. C’est ce qui ressort de l’analyse du contenu des articles 971 et 972 du DOC et de l’article 155 du code de commerce. Article 971 du DOC: « les délibérations de la majorité des communistes sont obligatoires pour la minorité pour ce qui a trait à l’administration et à la jouissance de la chose commune, pourvu que cette majorité représente les trois quarts des intérêts qui forment l’objet de la communauté. Si la majorité n’atteint pas les trois quarts, les communistes peuvent recourir au juge, lequel décide dans le sens le plus conforme à l’intérêt général de l’association. Il peut même nommer un administrateur, si le cas l’exige, ou ordonner le partage de la communauté. » Article 972 du DOC : « les décisions de la majorité n’obligent pas la minorité : a)
lorsqu’il s’agit d’actes de disposition, et même d’actes d’administration qui atteignent directement la propriété ;
b)
lorsqu’il s’agit d’innover au contrat social ou à la chose commune ;
c)
dans le cas où il s’agit de contracter des obligations nouvelles.
Dans les cas ci-dessus énumérés, l’avis des opposants doit prévaloir, mais les autres cointéressés peuvent exercer la faculté dont il est parlé à l’article 115, si le cas y échet. » 32
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Or selon l’article 155 de la loi formant code de commerce : « Jusqu’à la publication du contrat de gérance libre et pendant une période de 6 mois suivant la date de cette publication, le bailleur du fonds est solidairement responsable avec le gérant libre des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds ». En plus, le bailleur du fonds demeure pour toute la durée du contrat solidairement responsable avec le gérant-libre de tous les impôts directs relatifs à l’exploitation du fonds(Cf « Solidarité fiscale », Chap. 2 de la troisième partie). Ainsi, la gérance libre crée des obligations nouvelles envers la minorité, et par conséquent, nécessite l’accord unanime de l’ensemble des indivisaires. La jurisprudence marocaine sur les baux d’immeubles se prononce dans le même sens. (14) Quant à la jurisprudence française, elle s’appuie sur les dispositions, assez claires, de l’article 815-3 du code civil français(15). Elle annonce, par conséquent, que le bail du fonds de commerce consenti sans l’accord de tous les propriétaires n’est pas opposable à ces derniers, qui peuvent dès lors invoquer la nullité du contrat; et ce, en se basant sur le fait qu’un mandat tacite ne peut couvrir un bail de fonds de commerce et qu’un mandat spécial de tous les indivisaires était nécessaire à la validité de la convention. De ce qui est précité, le gérant-libre gagnerait à s’assurer que le fonds n’est pas indivis ; en procédant, préalablement à la signature du contrat, à l’examen de l’acte de partage, lorsqu’il sait que le fonds était un bien de famille.
(14)
Jurisprudence marocaine : « Celui qui, propriétaire d’un immeuble avec d’autres cohéritiers, donne à bail cet immeuble en déclarant qu’il en est seul propriétaire en vertu de titres qui sont en sa possession, n’agit pas comme co-indivisaire et dans l’intérêt des communistes. Il contracte au contraire en son nom personnel et le bail qu’il consent est celui de la chose d’autrui. Une telle convention est nulle en vertu des articles 485 et 632 du DOC, si les autres ayant droit ne l’ont pas ratifiée ». (C.A.R, 21-V-1929, R.A.C.A.R, T.V, p.219). D.O.C annoté de François Paul BLANC.
(15) « Les actes d’administration et de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires. Ceux-ci peuvent donner à l’un ou à plusieurs d’entre eux un mandat général d’administration. Un mandat spécial est nécessaire pour tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis, ainsi que pour la conclusion et le renouvellement des baux des biens indivis. Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux. »
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2. Usufruit du fonds de commerce Aucun texte légal marocain ne réglemente l’usufruit des biens meubles. Seul l’usufruit des immeubles immatriculés est réglementé par le dahir du 2 juin 1915, au titre des droits réels immobiliers immatriculés; et ce contrairement au droit civil français qui traite l’usufruit comme un droit réel, affectant aussi bien les meubles que les immeubles. (16) Malgré l’absence d’une réglementation claire de l’usufruit mobilier, l’article 195 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes précise les droits de l’usufruitier d’une action en matière de droit préférentiel de souscription dans les augmentations de capital des sociétés anonymes . Par assimilation avec les biens immeubles sur lesquels la loi marocaine autorise clairement l’octroi de baux par l’usufruitier, et par référence à l’article 630 du D.O.C (« ceux qui n’ont sur la chose qu’un droit personnel d’usage et d’habitation ou un droit de rétention ou de gage ne peuvent la donner à louage ».) qui ne cite pas l’état d’usufruitier parmi les conditions interdisant le louage des choses, la mise en gérance libre du fonds de commerce pourrait être considérée comme ressortant aux prérogatives de l’usufruitier. Ce dernier peut donc la décider sans l’accord du nu-propriétaire.
Paragraphe 2 : De la capacité de consentir la gérance libre Le propriétaire bailleur d’un fonds de commerce peut le donner en gérance libre en toute liberté dès lors qu’il dispose de son entière capacité juridique (17). Or, il se peut que le fonds appartienne à une personne dont la capacité est restreinte. 1. Cas du mineur non émancipé Le mineur est toute personne qui n’a pas atteint l’âge de la majorité, lequel est fixé par l’article 209 de la loi 70-03 formant code de la famille à 18 années grégoriennes révolues. Le mineur peut se trouver propriétaire à part entière ou en indivision avec ses frères et sœurs d’un fonds de commerce. Le pouvoir du mineur et de son tuteur se présentent comme suit : (16)
Paul DECROUX, Droit foncier marocain, Editions LA PORTE, page 335.
(17)
En France, le loueur doit, par ailleurs, justifier de deux années d’exploitation du fonds, sauf à se prévaloir d’une exception légale ou à obtenir une dérogation judiciaire. (Code de commerce. Art L.144-3). La suppression de l’exigence des sept années d’activité professionnelle par l’ordonnance 2004-274 du 25 mars 2004 a eu lieu pour faciliter la mise en location-gérance du fonds.
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-
un mineur, qui n’a pas atteint l’âge de majorité fixé à 18 ans révolus, ne dispose pas de sa capacité civile, et par conséquent ne peut valablement donner son fonds de commerce en gérance libre.
-
Le tuteur légal, c’est à dire le père pourrait tout à fait donner le fonds de commerce en gérance libre.
-
Le pouvoir du tuteur testamentaire ou datif a été limité par l’article 271 de la loi 70-03 formant code de la famille et par l’article 14 de la loi formant code de commerce : •
l’article 271 de la loi 70-03 formant code de la famille conditionne l’octroi, par le tuteur testamentaire ou datif, de baux dont la durée s’étale jusqu’après le recouvrement de la capacité du mineur propriétaire, à l’autorisation du juge de la famille.
•
Et l’article 14 de la loi formant code de commerce stipule que le tuteur testamentaire ou datif ne peut exploiter les biens du mineur dans le commerce, qu’après autorisation spéciale du juge et que cette autorisation doit être inscrite au registre de commerce du tuteur testamentaire ou datif.
2. Cas du mineur émancipé Le mineur peut être émancipé dès l’âge de 16 ans par le tribunal, s’il est jugé apte à être affranchi de la tutelle ; et ce soit à sa demande, soit à la demande de son représentant légal. Le mineur émancipé peut recevoir ses biens et il a la pleine capacité, comme un majeur, de les gérer et d’en disposer (article 218 de la loi 70-03 formant code de la famille). De ce fait, il peut valablement conclure un acte de gérance libre. L’acte d’autorisation doit être inscrit au registre de commerce ; et ce dans le respect des dispositions de l’article 13 de la loi formant code de commerce qui stipule : « l’autorisation d’exercer le commerce par le mineur et la déclaration anticipée de majorité prévues par le code du statut personnel, doivent être inscrites au registre de commerce».
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3. Cas du majeur incapable Ce sont le prodigue ou le faible d’esprit. Afin de les protéger contre eux même, ils font l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle. Leur situation vis à vis de la conclusion de la gérance libre est similaire à la situation du mineur non émancipé.
Paragraphe 3 : Du pouvoir de donner le fonds de commerce en gérance libre Lorsque le fonds appartient à une société, la question qui se pose est celle de savoir si le représentant légal de la société a les pleins pouvoirs pour donner le fonds de commerce en gérance libre. Pour répondre, il est avant tout impératif d’examiner les statuts et de rechercher les stipulations relatives à la gérance libre. 1.
Situation où les statuts envisagent la gérance libre
Deux cas peuvent se présenter : - Premier cas : la décision peut être prise, selon le cas, par le gérant, le conseil d’administration ou le directoire, si les statuts leur en reconnaissent le pouvoir. En effet, l’article des statuts définissant l’objet social peut parfois réserver ce mode d’exploitation. Une clause peut prévoir que l’exploitation pourra être directe ou indirecte, laissant ainsi le pouvoir aux organes de direction d’adopter tel ou tel type d’exploitation.
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Lorsque l’objet social prévoit l’exploitation sous quelque forme que ce soit, une Cour d’appel Française a pu souverainement décider que la mise en gérance libre d’un fonds de commerce propriété de la société entrait dans l’objet social de celle-ci, et que le gérant, en concluant un tel contrat n’avait pas outrepassé ses pouvoirs. En l’espèce, la gérance- libre était limitée dans le temps, elle finissait avant le terme du contrat de société, elle ne modifiait pas la destination des lieux loués. (18) - Deuxième cas : les statuts peuvent soumettre expressément l’opération à une décision de l’assemblée ; et ce dans l’article traitant du pouvoir du gérant, du conseil d’administration ou du directoire. 2.
Situation où les statuts sont muets
La décision doit alors être autorisée par l’assemblée générale ordinaire. En effet, les pouvoirs de l’organe d’administration ne peuvent dépasser l’objet social prévu dans les statuts. Par prudence, lorsque le fonds donné en location est l’unique fonds de la société, il est utile de faire intervenir l’assemblée générale extraordinaire.
(18) Cass. Com.Française.8 octobre 1979, D.1981, IR 37
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Section 2 : Les conditions relatives au gérant libre Du fait que le gérant libre d’un fonds de commerce exploite pour son propre compte et à ses risques et périls, il doit remplir les conditions pour être commerçant. C’est la raison pour laquelle, à l’égard du locataire du fonds, le contrat a toujours un caractère commercial. La loi 15-95 formant code de commerce ne laisse, à ce sujet, aucune possibilité d’interprétation, puisqu’elle précise formellement, dans son article 153, que le gérant libre a la qualité de commerçant et est soumis à toutes les obligations qui en découlent, et spécialement à l’immatriculation au registre de commerce.
Paragraphe 1 : Cas du gérant-libre personne physique Le gérant libre personne physique doit avoir la capacité pour accomplir un acte de commerce. Un mineur ou un majeur incapable ne peuvent donc être gérants-libres. Par ailleurs, il ne doit pas faire l’objet d’une interdiction d’exercer, d’une déchéance ou d’une incompatibilité.
1. Incompatibilités et interdictions L’exercice de certaines professions est incompatible avec celui d’une profession commerciale. Tel est le cas, en particulier, des professions libérales, et de la fonction publique de l’Etat : le fonctionnaire n’est ainsi pas autorisé à prendre un fonds de commerce en gérance libre. En effet, l’article 15 du dahir 1-58008 du 24 février 1958 portant statut général de la fonction publique stipule qu’ « il est interdit à tout fonctionnaire d’exercer à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. » Si, malgré tout, il enfreint cette interdiction, le contrat de gérance libre n’est pas nul pour autant : simplement le fonctionnaire ne peut pas s’en prévaloir. En revanche, sa qualité de commerçant de fait peut lui être opposée : il a été jugé en France en ce sens, notamment, que le fonctionnaire ne peut pas invoquer l’incompatibilité de sa qualité avec celle de commerçant pour se soustraire aux obligations contractuelles découlant de la gérance libre. (Cass. Com. 30 janvier 1996). 38
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La situation est différente si le gérant libre est frappé, au moment de la conclusion du contrat, à quelque titre que ce soit, d’une interdiction d’exercer le commerce : il semble qu’alors la gérance libre soit nulle en raison de l’illicéité de son objet.
2. Professions réglementées
En présence d’une profession réglementée, le gérant-libre devrait personnellement remplir les conditions de diplôme ou d’autorisation qui garantissent son aptitude à exercer l’activité de son fonds de commerce. Tel est le cas, par exemple des agences de voyage (article 4 de la loi 31-96 portant statut des agences de voyage), des débits de boissons (article 8 de l’arrêté viziriel du 5 mai 1937 portant réglementation des débits de boissons, casse-croûte et débits de mahia) (19)
3. Exploitation personnelle imposée par les textes Certaines réglementations exigent que le fonds soit personnellement exploité par son propriétaire ; ce qui aboutit à l’impossibilité de donner ce fonds en gérance libre. Tel est la cas des pharmaciens (article 8 du dahir 1-59-367 du 19 février 1960(20) portant réglementation de l’exercice des professions de médecin, pharmacien, chirurgien dentiste, herboriste et sage-femme) et des exploitants des laboratoires d’analyses
médicales (articles 4, 6, 17,21 du dahir 1-02-252 du 3 octobre 2002 portant promulgation de la loi 12-01 relative aux laboratoires privés d’analyses de biologie médicale).
(19) « la licence est et demeure hors commerce ; elle est personnelle au requérant et ne peut faire l’objet d’aucune cession. Tout changement dans la personne de l’exploitant ne peut avoir lieu sans une nouvelle autorisation. L’usage de la licence est réservé au titulaire qui peut, néanmoins, être autorisé à confier à un tiers la gérance de l’établissement. Ces autorisations de changement dans la personne de l’exploitant, ainsi que celles de gérance, qui ne peuvent, sauf cas exceptionnel, être obtenues qu’après un délai de deux ans à partir du jour de la délivrance de la licence, sont accordées dans les mêmes conditions et suivant la même procédure que la licence elle-même….. »
(20) modifié et complété par le dahir 1-02-299 du 25 rajeb 1423(3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 34-99
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Paragraphe 2 : Cas du gérant-libre société d’exploitation Les règles de capacité sont les mêmes pour une société de gérance prenant en location le fonds ; toutefois, les déchéances ou incompatibilités devraient être analysées en la personne des dirigeants. Il en sera de même pour les professions réglementées. L’objet de la société doit pouvoir absorber l’activité du fonds loué. En pratique, la société d’exploitation sera généralement créée dans le but de prendre le fonds de commerce considéré en gérance-libre. Le signataire du contrat de gérance-libre au nom de la société devrait disposer des pouvoirs nécessaires. L’opération mettra en jeu les règles spécifiques à la gérance-libre et celles inhérentes au type de société retenu.
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CHAPITRE TROISIEME LES OBLIGATIONS DE FORME ET DE PUBLICITE La loi 15-95 formant code de commerce n’impose au contrat de gérance libre aucune condition particulière de forme ; c’est un contrat consensuel qui se forme par le simple accord de volonté des parties. En pratique, un écrit est nécessaire, d’une part pour des raisons de preuve tant de l’existence du contrat que de sa consistance, et, d’autre part, dans la perspective de l’immatriculation du gérant libre au registre de commerce : il n’est possible de procéder à une telle immatriculation qu’à la condition de justifier de la jouissance du ou des locaux où l’entreprise a son siège ; or, dans la mesure où le gérant libre ne peut fonder une telle justification que sur le contrat de gérance libre, il lui faudra produire ledit contrat à l’appui de sa demande d’immatriculation. Au demeurant, le contrat de gérance libre doit donner lieu à une publicité, afin notamment de protéger les fournisseurs du gérant libre. Les articles 153 et 154 de la loi 15-95 formant code de commerce prévoient trois mesures de publicité : •
L’inscription que le gérant libre doit prendre au registre de commerce, ainsi que l’inscription ou la radiation effectuée par le loueur ;
•
la publicité au bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales ;
•
la mention sur les documents commerciaux de la qualité de gérant libre.
A ces différentes mesures, il convient d’ajouter l’enregistrement du contrat.
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Section 1 : Publicité au registre de commerce
Paragraphe 1 : Inscription du gérant-libre au registre de commerce Aux termes de l’article 153 de la loi 15-95 formant code de commerce, le gérant libre a la qualité de commerçant. Ceci implique, suivant l’article 37 de la même loi, qu’il est tenu de se faire immatriculer au registre de commerce. A défaut de cette immatriculation, le contrat de gérance-libre ne serait pas nul, mais le gérant-libre ne pourra se prévaloir de sa qualité de commerçant envers les tiers. (21)
Paragraphe 2 : Inscription modificative du loueur ou sa radiation du registre de commerce L’alinéa 3 , de l’article 153 de la loi 15-95 formant code de commerce, impose de plus, au loueur de se faire radier du registre de commerce ou de modifier son inscription avec la mention expresse de la mise en gérance libre. En outre, l’article 52 de la loi 15-95 stipule qu’en cas d’acquisition ou de location d’un fonds de commerce, il est procédé sur le registre de commerce du précédent propriétaire ou du bailleur, à la radiation de l’inscription du fonds cédé ou loué. L’article 60 de la même loi prévoit à partir de quel moment cesse la responsabilité du propriétaire du fonds à l’égard des obligations contractées par son successeur dans l’exploitation du fonds : « en cas de cession ou de location d’un fonds de commerce, la personne immatriculée reste solidairement responsable des dettes de son successeur ou de son locataire tant qu’elle ne s’est pas fait radier du registre de commerce ou qu’elle n’a pas fait modifier son inscription avec la mention expresse de la vente ou de la location ».
(21)
Cass. Com. Française.5 mars 1969
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Tenant compte des dispositions de l’article 155 de la même loi stipulant que : «jusqu’à la publication du contrat de gérance libre et pendant une période de 6 mois suivant la date de cette publication, le bailleur du fonds est solidairement responsable avec le gérant libre des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds, sans préjudice de l’article 60», le loueur a intérêt à opérer au plus tôt soit sa radiation, soit la mention de sa qualité de loueur de fonds.
Section 2 : Publicité au bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales La deuxième mesure de publicité prévue par la loi 15-95 est la publication du contrat, dans la quinzaine de sa date, sous forme d’extrait au bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales en langue française. La fin de la gérance libre donne lieu aux mêmes mesures de publicité. Le législateur n’a pas déterminé le contenu de cette publicité. En pratique, le texte doit être suffisamment explicite pour l’information des créanciers ; et doit contenir au moins les renseignements suivants(22) : •
date de l’acte ;
•
noms, qualités et domiciles des parties ; pour les personnes morales : dénomination, forme, siège, capital, identifiant fiscal, numéro de patente et registre de commerce ;
•
l’adresse du fonds et son enseigne ;
•
l’activité exercée ;
•
la date d’entrée en jouissance ;
•
la durée du contrat et, s’il y a lieu, l’indication de sa tacite reconduction.
Une publicité insuffisante ou qui risque de provoquer une confusion sur la nature de la convention serait inopposable aux tiers. Si la gérance libre du fonds porte sur des éléments soumis à des règles particulières de publicité, tels que brevets d’invention ou marques, celles-ci doivent être respectées.
(22)
« Location-gérance et sociétés d’exploitation », la Revue Fiduciaire Dossier- Services, mise à jour du 24/06/04, p.32
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La date à retenir pour le calcul du délai de quinze jours est celle de la conclusion du contrat, c’est à dire généralement celle de la légalisation des signatures. Chacune des parties peut prendre l’initiative de l’insertion, son absence n’est pas directement sanctionnée, mais en pratique le loueur aura intérêt à y procéder le plus rapidement possible, pour une double raison : la date de publicité marque le point de départ : •
du délai de trois mois, dans lequel les créanciers du loueur peuvent introduire devant le tribunal une demande pour rendre immédiatement exigibles les dettes contractées par le loueur pour l’exploitation du fonds. Le tribunal accordera cette exigibilité des dettes et déclarera le loueur déchu du bénéfice du terme, s’il estime que la mise en gérance libre met en péril le recouvrement des créances(23) ;
•
et celui de six mois, à l’expiration duquel il ne garantira plus les dettes du gérant libre(24).
Le loueur devrait donc prendre le plus rapidement possible l’initiative de cette insertion. Un autre aspect de la question est relatif à la durée du contrat. En pratique, les contrats de gérance libre sont conclus pour une durée déterminée renouvelable par tacite reconduction. La question qui se pose est s’il faut renouveler la publicité lors de la reconduction tacite. L’enjeu est important, car une nouvelle publicité ferait courir un nouveau délai de 6 mois pendant lequel le propriétaire serait solidairement responsable des dettes du gérant libre. La jurisprudence française s’est prononcée sur la question pour le non renouvellement des formalités de publicité mais à la double condition : « qu’aucune modification n’intervienne dans la personne de l’exploitant ni dans la nature de l’exploitation depuis la publication initiale ». Si le premier terme de la double condition « aucune modification dans la personne de l’exploitant » ne souffre d’aucune difficulté d’interprétation, il n’en va pas de même du second « aucune modification dans la nature de l’exploitation », qui doit être précisé.
(23)
article 152 de la loi 15-95, alinéa 2 et 3
(24)
article 155 de la loi 15-95
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Un arrêt rendu par la Cour de cassation française le 16 février 1996 apporte des précisions. Un contrat de gérance libre et son avenant qui prévoyait une substitution de gérant libre, avaient été régulièrement publiés. A l’échéance, les parties ne s’étaient pas bornées à une reconduction tacite mais avaient dressé un acte pour la constater. Un nouveau contrat avait donc été conclu avec des clauses plus contraignantes pour le gérant libre que celles de l’ancien. Ce second contrat n’avait pas été publié alors que sa résiliation un an après, l’avait été. Après la mise en redressement judiciaire du gérant libre, le représentant des créanciers a demandé à déclarer le loueur solidairement responsable des dettes contractées dans l’exploitation du fonds à compter de la date de conclusion du second contrat et jusqu’à la date de publication de sa résiliation. La Cour d’appel de Paris avait fait droit à sa demande en relevant que les contrats n’avaient pas été conclus entre les mêmes parties et que le second était beaucoup plus contraignant que le premier. Cette décision a été censurée par la Cour de cassation au motif d’une part en ce qui concerne la personne du gérant libre, la substitution avait déjà été publiée, la publication précisant le nom du nouveau gérant libre et d’autre part en ce qui concerne la nature de l’exploitation, que les éléments du second contrat retenus par les juges de fond étaient impropres à caractériser une modification intervenue dans la nature de l’exploitation. Cet arrêt permet de préciser la notion de « nature de l’exploitation » : une simple modification des obligations mises à la charge du gérant libre ne justifie pas une nouvelle publication.
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Section 3: Mention sur les documents commerciaux L’article 154 de la loi 15-95 formant code de commerce impose au gérant libre d’indiquer sur tous documents relatifs à son activité commerciale ainsi que toutes pièces signées par lui à cet effet ou en son nom : •
son numéro d’immatriculation au registre de commerce ;
•
le siège du tribunal où il est immatriculé,
•
et sa qualité de gérant libre du fonds.
En outre,
et en vertu de l’article 49 de la même loi, le gérant-libre, en tant qu’assujetti à
l’immatriculation au registre de commerce, est tenu de mentionner dans : •
ses factures,
•
lettres,
•
bons de commande,
•
tarifs,
•
prospectus et autres papiers de commerce destinés au tiers,
le numéro et le lieu de son immatriculation au registre analytique. Cette mention sur les documents commerciaux permettra au gérant-libre de se prévaloir de la qualité de gérant-libre envers les tiers et d’éviter toute confusion avec le loueur.
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Section 4: Sanction de l’inobservation des mesures de publicité L’article 158 de la loi 15-95 stipule que «tout contrat de gérance libre consenti par le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ne remplissant pas les conditions prévues aux articles ci-dessus(y compris les articles 153 et 154), est nul. Toutefois, les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l’égard des tiers ». La rédaction de cet article est identique à celle de l’article L144-10 du code de commerce français qui stipule : « Tout contrat de location-gérance ou toute autre convention comportant des clauses analogues, consenti par le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ne remplissant pas les conditions prévues aux articles ci-dessus, est nul. Toutefois, les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l’encontre des tiers. » De ce fait, nous retenons les mêmes solutions adoptées par la jurisprudence française (25): •
Le défaut d’immatriculation du gérant libre au registre de commerce n’a aucune incidence sur la validité de la gérance libre. Cependant, le défaut d’immatriculation induit des incidences : le loueur ne peut pas se prévaloir de la mise en gérance du fonds vis à vis des tiers. Ensuite, il ne peut se prévaloir de la cessation de son activité, pour échapper à la responsabilité des dettes contractées par le gérant libre dans l’exploitation du fonds, qu’à partir du jour où lui même procède à la radiation de son inscription ou modifie son immatriculation en mentionnant la gérance libre.
•
Les prescriptions relatives à la publicité du contrat de gérance libre ne conditionnent pas la validité de celui-ci ; elles visent uniquement à informer les tiers, spécialement les créanciers du gérant libre, que le fonds de commerce n’appartient pas à ce dernier et ne fait donc pas partie de leur garantie de paiement. C’est pourquoi la méconnaissance de ces prescriptions n’emporte pas la nullité de la gérance libre. Elle n’en est pas moins rigoureusement sanctionnée, puisqu’elle expose le loueur à être déclaré solidairement responsable des dettes contractées par le gérant libre à l’occasion de l’exploitation du fonds.
(25)
Jurisprudence française : «l’absence de publication dans un journal d’annonces légales n’entraîne pas la nullité de la gérance libre ; elle a pour conséquence de prolonger la responsabilité solidaire du propriétaire. »Cass. Com. 5 mars 1969 AJPI fév.1970 P.131.
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Section 5 : Enregistrement du contrat L’article 1 du décret 2.58.1151 du 24 décembre 1958 portant codification des textes sur l’enregistrement et le timbre intègre le contrat de gérance-libre du fonds de commerce parmi les actes et conventions obligatoirement assujettis à l’enregistrement. En effet, la formalité de l’enregistrement est indispensable pour conférer au contrat une date certaine et permettre le dépôt légal au tribunal de commerce. Cette formalité est assujettie au droit fixe de 300 dirhams. Elle doit être faite dans le délai de 30 jours de la date de conclusion de la gérance-libre.
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DEUXIEME PARTIE
RISQUES LIES A LA CONCLUSION DU CONTRAT DE GERANCE LIBRE DANS LES RAPPORTS DES DEUX PARTIES
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Les risques liés à la conclusion de l’opération de gérance libre seront examinés à l’égard du loueur et du gérant libre sous deux aspects. Le premier chapitre traitera des risques économiques. Ainsi, seront examinés les risques économiques encourus par le loueur, puis ceux encourus par le gérant libre. Le deuxième chapitre traitera des risques fiscaux de la gérance libre. Dans un premier temps, seront traitées les conséquences fiscales de l’opération depuis la mise en gérance du fonds jusqu’à sa cession. Ensuite, sera traité le risque de remise en cause de l’économie du contrat de gérance libre par l’administration fiscale marocaine.
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CHAPITRE PREMIER LES RISQUES ECONOMIQUES
La gérance libre permet de dissocier la propriété du fonds de commerce de son exploitation et offre plusieurs avantages aussi bien pour le loueur que pour le gérant libre. Cependant, la conclusion de l’opération est également génératrice de risques pour les deux parties. En effet, le loueur du fonds devra se protéger contre le risque de dépérissement de son fonds et contre la vacance du gérant libre au paiement de la redevance. Un ensemble de précautions devrait être pris pour maintenir la consistance du fonds de commerce et pour s’assurer l’acquittement du loyer de la convention. De son côté, le gérant libre devrait s’assurer des garanties quant à l’exploitation paisible du fonds durant le contrat, et à son acquisition en fin de contrat, surtout lorsqu’il a apporté une importante plus value au fonds et qu’il est privé, en fin de contrat, de toute participation à cet enrichissement.
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Section 1 : Les risques économiques encourus par le loueur du fonds de commerce Si l’opération permet au propriétaire de se décharger de la gestion du fonds de commerce tout en gardant le droit de percevoir une redevance, celui-ci doit être très vigilant quant : - aux dispositions contractuelles fixant la redevance ; - et aux modalités de sa révision et son paiement. En plus, il doit s’entourer de toutes les précautions permettant d’éviter :
-
la vacance au paiement de la redevance.
-
Et le dépérissement du fonds de commerce.
Paragraphe 1 : Les risques entourant la rémunération de la gérance - libre En contrepartie de la mise à disposition de son fonds de commerce, le propriétaire reçoit du locatairegérant un loyer appelé redevance. 1. Modalités de fixation et de paiement de la redevance 1.1 Nécessité de fixation de la redevance La définition du contrat de gérance libre, telle qu’elle résulte de l’article 152 de la loi 15-95 formant code de commerce, ne fait pas référence au prix. Cependant, la jurisprudence a fait de celui-ci, une condition essentielle de la validité d’un tel contrat (26). Elle se base ainsi sur les dispositions du droit commun selon lequel le contrat de gérance-libre est un contrat de louage portant sur un meuble incorporel, et dont le prix, à savoir la redevance, est, comme pour tout contrat de louage, un élément constitutif(27).
(26)
(27)
Jurisprudence marocaine: « l’accord sur le prix est l’un des éléments constitutifs du bail. A défaut de cet accord, le bail n’existe pas. » (C.A.R, 25-III-1949, G.T.M, 1949, n°1042, p.54). Jurisprudence française: « Faute de redevance, le contrat est nul » (Cass. Soc., 16 oct., 1980 Bull, Civ, Vn°744, p.548). Articles 628 et 633 du D.O.C.
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1.2 Modalités de fixation et de paiement de la redevance Les parties sont libres de déterminer le montant du loyer ou de la redevance et les modalités relatives à son paiement (mensuellement ou trimestriellement). Généralement, la redevance est déterminée en prenant en considération les bénéfices réalisés par le propriétaire du fonds, par l’exploitant ou par le loueur précédent, et les perspectives d’avenir. La redevance doit aussi tenir compte des accords intervenus à propos du remplacement du matériel. Des éléments de comparaison avec des fonds similaires peuvent aussi être retenus pour la fixation de la redevance. En pratique, la redevance doit être certaine et sérieuse :
•
certaine, c’est à dire fixée par les parties ou, d’accord entre elles, par un tiers convenu.
•
sérieuse, ce qui signifie qu’elle doit être fixée dans l’intérêt des parties : le loueur doit percevoir une juste rémunération des investissements réalisés et de la valeur du fonds, tandis que le gérant doit pouvoir supporter le poids de la redevance, laquelle ne peut constituer une charge excessive.
La redevance peut être fixe ou variable, voire constituée d’une partie fixe assortie d’une partie variable. Généralement, la partie variable de la redevance correspond à un pourcentage du chiffre d’affaires ou du bénéfice du gérant libre. Il convient de préciser que la généralisation de ce mode de calcul de la redevance, appelé « clauserecette », est motivée par la possibilité justifiée que se donne le bailleur de contrôler l’activité de son gérant à travers la justification périodique du montant du chiffre d’affaires et la remise de tous les documents comptables nécessaires. Le contrat devra contenir des précisions sur la définition du chiffre d’affaires à prendre en considération et sa justification, telles que : •
déclarations du chiffre d’affaires certifiées sincères et véritables par le gérant et son expert comptable selon une périodicité précise ;
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•
double de la déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée déposée auprès de l’administration fiscale ;
•
bandes de la caisse enregistreuse selon un modèle agréé par le loueur ;
•
obligation de mettre à la disposition du bailleur ou de son expert comptable tous les états de synthèse de fin d’exercice : bilan, compte de produits et charges, Etat des soldes de gestion, Tableau de financement, annexes ainsi que les pièces comptables correspondantes ;
•
engagement du gérant libre à mettre à la disposition du loueur les documents permettant le contrôle des résultats du fonds de commerce une fois par an ;
•
possibilité pour le loueur de faire procéder, par un cabinet d’expertise comptable, à un audit de la comptabilité du gérant libre afin de vérifier la sincérité des comptes. Le droit de regard du loueur ne doit pas le conduire à s’immiscer dans la gestion du fonds.
Pour être efficace, la non production de ces informations ou documents sera sanctionnée par la clause résolutoire prévue au contrat(28). Généralement, à la redevance initiale viennent s’ajouter le paiement de certaines charges, impôts et taxes inhérents à l’exploitation du fonds ainsi que le paiement du loyer du bail commercial et les assurances. Toutefois, il convient d’être prudent quant à l’importance de ces charges par rapport à la redevance initiale, et ce afin d’éviter une requalification du contrat en sous-location. Ce transfert de la charge de loyer sur le gérant libre n’est en définitive qu’une modalité de paiement d’une partie de la redevance. Sur le plan fiscal, l’ensemble de ces postes supportés par le gérant libre forme, en principe, la redevance brute imposable. Les clauses relatives aux charges doivent être précises et bien énoncer celles récupérables sur le gérant libre selon la nature du contrat, la situation juridique des locaux où le fonds est exploité(copropriété, immeuble individuel). Les charges doivent être distinguées des travaux devant être supportés par le gérant libre.
(28)
La Cour de Cassation française a admis la validité d’une telle clause résolutoire sanctionnant l’obligation du gérant libre de fournir, à la demande du propriétaire du fonds de commerce, un relevé de sa situation active et passive(cass. Civ. 29 octobre 1970, BC III n° 564).
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1.3 Conditions de révision de la redevance Une fois fixées les modalités de calcul et de paiement de la redevance, il reste à prévoir les conditions de sa révision. 1.3.1) Révision légale La loi portant code de commerce ne réglemente pas les modalités de révision de la redevance de la gérance libre d’un fonds de commerce ; et ce contrairement au code de commerce français. Celle-ci pourrait donc, par assimilation à la révision des loyers de baux commerciaux, être soumise aux dispositions du dahir du 5 janvier 1953 relatif à la révision périodique des prix de location des locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, «sur lequel se fonde toute révision en l’absence de stipulation contractuelle particulière»Tribunal de 1ère instance de Casablanca, Ordonnance de référé, Audience du 28 janvier 1960. RMD 1962
Dans le cadre du dahir susvisé, l’une ou l’autre des parties, si elles n’ont pas prévu de telles stipulations dans le contrat, pourrait obtenir une révision triennale du montant du loyer, si la modification des conditions économiques a entraîné une variation de plus du quart de la valeur locative fixée amiablement ou par décision judiciaire. La nouvelle redevance prendra effet à la date de la demande amiable faite par lettre recommandée par une des parties ou, à défaut, à la date de la demande en justice et, au plus tôt, trois ans après la date d’application de la redevance dont la révision est demandée. 1.3.2) Révision contractuelle Lorsque le contrat a une certaine durée, le loueur pourrait songer à se prémunir contre certains facteurs économiques qui peuvent rendre inadaptée la redevance initialement déterminée. Pour ce faire, il pourrait faire évoluer la redevance par le jeu d’une clause d’échelle mobile, qui la fera varier en fonction d’un indice déterminé.
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2. Précautions à prendre par le loueur pour permettre sa garantie contre une éventuelle vacance du gérant-libre au paiement Le code de commerce ne garantit pas le paiement des redevances. Cette garantie (29) résulte de l’article 663 du DOC - au niveau du louage des choses- qui stipule : « Le preneur est tenu de deux obligations principales :
-
de payer le prix du louage ;
-
de conserver la chose louée et d’en user sans excès ni abus, suivant sa destination naturelle ou celle qui lui a été donnée par le contrat ».
Compte tenu des risques que la mise en gérance fait courir au loueur en cas de mauvaise exploitation du fonds par le gérant libre, il convient de garantir tant le paiement des redevances que l’exécution des autres obligations dont ledit locataire est tenu ; d’autant que la nature mobilière du fonds de commerce interdit de doter le loueur du privilège du bailleur de l’immeuble, et de l’investir ainsi d’un droit de préférence sur le prix des marchandises qui garantissent le fonds…. La pratique recourt fréquemment au versement, par le gérant libre, d’un dépôt de garantie restituable en fin de contrat suite au paiement intégral des redevances : le montant du cautionnement dépend exclusivement de l’accord des parties sur ce point. Ce cautionnement peut couvrir l’indemnité en cas de baisse du chiffre d’affaires.
(29) Jurisprudence marocaine : « Le paiement des loyers est la première obligation du locataire. Le fait pour lui de ne pas y satisfaire le constitue de mauvaise foi. Les obligations dérivant du bail sont corrélatives et l’inexécution par le preneur de ses obligations peut justifier l’inexécution des obligations correspondantes du bailleur ».C.A.R., 6-V-1960, G.T.M., 1961, n°1284, p.16.
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Il revient aux parties : •
de convenir des modalités de remise de cette somme d’argent- entre les mains d’un tiers convenu, ou directement au loueur-,
•
de définir les conditions dans lesquelles le loueur peut éventuellement l’utiliser,
•
de se mettre d’accord sur les cas dans lesquels elle sera définitivement acquise au loueurdépréciation du fonds liée à une mauvaise gestion du débiteur, ou dépréciation du fonds quelle qu’en soit la cause, par exemple.
Il leur revient aussi d’indiquer précisément la nature juridique de ce cautionnement ; s’il est précisé qu’il s’agit d’un gage, le loueur est investi du pouvoir de rétention, ce qui peut s’avérer précieux en cas de redressement ou de liquidation judiciaire du gérant libre.
Paragraphe 2 : Le risque de dépérissement du fonds de commerce 1. Risque de dépérissement du fonds de commerce La valeur du fonds de commerce repose sur la qualité professionnelle et morale du gérant libre ; le bailleur n’a pas de droit de regard sur la gestion de l’entreprise. Toute incompétence ou négligence du gérant libre se traduit rapidement par une diminution substantielle de la valeur du fonds de commerce. Ce paragraphe traitera des protections dont dispose le propriétaire du fonds de commerce pour éviter la dégradation de son fonds. Ces protections sont fixées par le droit commun à travers les dispositions du D.O.C dans la partie réservée au louage des choses(article 626 et suivants). Néanmoins, le propriétaire a intérêt à prévoir contractuellement des dispositions particulières qui obligeraient le gérant libre à traiter le fonds de commerce en bon père de famille.
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2. Protections prévues par le D.O.C 2.1 Limites des droits du gérant libre 2.1.1) Interdiction des actes de disposition L’exploitation du fonds de commerce permet au gérant libre de faire valoir le fonds loué. Mais elle ne l’autorise pas à disposer de tout ou partie des éléments de celui-ci : le droit de disposer fait partie des prérogatives attachées à la propriété. Pour cette raison, le gérant libre ne peut ni aliéner le fonds (30), ni le déplacer, ni le donner en nantissement. Le gérant libre ne peut davantage disposer des éléments du fonds individuellement considérés (31). Le propriétaire du fonds pourrait demander la résiliation du contrat et des dommages et intérêts en réparation du préjudice que le démembrement du fonds a pu lui occasionner.
2.1.2) Sous gérance et Cession du contrat de gérance libre L’article 668 du D.O.C autorise le preneur à sous louer, ou à céder son bail, à moins que la défense de sous louer ou de céder n’ait été exprimée ou ne résulte de la nature de la chose. (32) Par conséquent, la faculté pour le gérant libre de céder son bail du fonds ou de sous louer le fonds dépend de la rédaction du contrat. Si une clause du contrat interdit toute cession de gérance libre ou sous gérance, elle s’impose de manière absolue au preneur ; Dans le silence du contrat, il ne semble tout de même pas possible que le gérant libre agisse dans ce sens sans l’approbation préalable du bailleur. En effet, le contrat de gérance libre intervenant en considération de la personne du preneur et de sa capacité professionnelle, il n’est pas indifférent au propriétaire du fonds de voir celui-ci exploité par n’importe qui. (30) (31) (32)
Jurisprudence marocaine : «Le locataire d’un fonds de commerce n’est pas autorisé à le céder à un tiers. »13.11.1989 / Arrêt n°2265/89 Cour suprême. Articles 676, 677 et 681 du D.O.C. Jurisprudence marocaine : « Il est possible de céder la location du fonds de commerce ou de le sous louer, conformément aux dispositions de l’article 668 du dahir formant code des obligations et contrats. En cas de cession de la location d’un fonds de commerce, signification doit être faite au propriétaire conformément aux dispositions de l’article 195 du D.O.C ».13.11.1989 /Arrêt n° 2265/89 – Cour suprême. Jurisprudence française : La Cour de cassation française (Cass.18 octobre 1994) a autorisé la sous location sous réserve de l’accord du loueur.
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Pour éviter tout conflit, il est conseillé d’introduire une clause interdisant toute cession ou sous gérance du fonds si telle est l’intention du bailleur, ou la soumettre à l’agrément de celui-ci(33). 2.2 Obligations du gérant libre 2.2.1) Obligation d’exploiter le fonds en bon père de famille Le fonds tire toute sa valeur de son exploitation : sans elle, il péricliterait rapidement, et le bailleur perdrait un élément substantiel de son patrimoine à savoir la clientèle. Aussi le gérant libre a t-il l’obligation de procéder à l’exploitation convenue du fonds mis en gérance. Cette exploitation doit obéir à des règles strictes : •
Le gérant libre doit s’abstenir de faire quoi que ce soit qui puisse mettre en péril le fonds ou le déprécier gravement. Il doit respecter la réglementation de la profession, objet de l’exploitation, afin d’écarter le risque de fermeture du fonds. (34).
•
Le gérant libre ne saurait utiliser le contrat dont il bénéficie pour détourner à son profit la clientèle attachée au fonds dont l’exploitation lui a été concédée ; mais cela ne signifie pas qu’il doit se consacrer, pendant la gérance libre, exclusivement à l’exploitation du fonds loué ; il doit seulement s’abstenir de créer ou d’exploiter, personnellement, ou par personne interposée, un fonds qui concurrencerait le premier. A signaler, cependant, que des clauses du contrat de gérance libre peuvent le contraindre à consacrer tout son temps et ses soins au fonds loué.
(33) Jurisprudence marocaine: « La clause d’interdiction de sous louer, insérée dans un contrat de bail à loyer, est absolue ère et ne comporte aucune atténuation. » Trib.1 Inst. Casablanca, 29-11-1916, R.L.J.M, 1917, p.37 (34) Articles 675 à 679 du D.O.C. Jurisprudence marocaine : « Aux termes de l’article 675 du DOC, le preneur est tenu de restituer la chose louée à l’expiration du bail dans l’état où il l’a reçue. Il ne peut être déchargé de cette obligation que s’il établit le cas fortuit ou la force majeure ». (C.A.R., 25-IV-1958, R.A.C.A.R., T.XIX, p.540 ; G.T.M., 1958, n°1235, p81). « L’article 633 du DOC prescrit que le locataire est tenu d’user de la chose louée sans excès ni abus. Dès lors doit être validé le congé donné à un locataire qui par des agissements malveillants et ses tracasseries renouvelées a fait de son droit de jouissance un usage anormal entraînant pour le propriétaire un préjudice excédant les inconvénients pouvant résulter de l’exécution normale du contrat de bail. » ère (Trib. 1 inst. Oujda, 13-IV-1956, R.M.D., 1956, p.374) Jurisprudence française : « Le locataire gérant tenu, à l’expiration du contrat, de restituer le fonds en tous ses éléments, doit répondre de la perte de valeur de celui-ci lorsqu’elle est survenue par sa faute. »(Cass. Com.6 mai 2002)
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•
Le gérant libre doit exploiter le fonds de manière permanente dès lors que l’activité n’est pas saisonnière(35). A cet effet, il ne doit pas interrompre l’exploitation du fonds(36), d’une part cela constituerait un risque évident de disparition de la clientèle et d’autre part cela expose le propriétaire, lorsque celui-ci est locataire de l’immeuble au risque de résiliation du bail commercial. C’est pourquoi il est conseillé, pour lever toute ambiguÏté quant à la notion d’interruption d’activité, de préciser au niveau des clauses du contrat la durée de non exploitation au delà de laquelle le contrat serait résilié de plein droit par le bailleur. 2.2.2) Obligation d’exploiter le fonds suivant sa destination
Il est interdit au gérant libre de modifier la destination du fonds loué(37). Une telle modification emporterait, en effet, la disparition de ce fonds et la création d’un autre fonds, puisque la clientèle attirée par la nouvelle exploitation ne serait pas la même. S’il ne peut modifier la nature du commerce exploité, il ne peut non plus adjoindre au fonds primitif une activité nouvelle sauf accord du bailleur.
(35) Jurisprudence française : « Une fermeture saisonnière entre dans le cadre d’une exploitation normale. »Cass.Com.25 novembre 1986, n°85-11-123. (36) Jurisprudence française : La résolution judiciaire du contrat est justifiée en cas de défaut d’exploitation du fonds par le locataire-gérant pendant plus de 6 mois. Le fonds de commerce avait été fermé en période de forte activité pour le commerce considéré.(Cass.Com.6 mai 2002) (37) Articles 663 et 692 du D.O.C. Jurisprudence marocaine « L’obligation pour le preneur d’user de la chose sans excès ni abus et suivant la destination qui lui a été donnée par le contrat, conformément aux dispositions de l’article 663 du DOC, concerne les baux de toute nature. Le manquement à cette obligation, en matière de baux commerciaux, peut constituer un motif grave et légitime justifiant, selon l’appréciation souveraine des juges, le refus de renouvellement du bail. »(C.A.R., 6-V-1960, G.T.M., 1961, n°1284, p.16) « La destination donnée aux lieux loués, lors de la convention, détermine le caractère de la location qui ne saurait être modifié par l’usage que le preneur a fait des lieux loués, sauf au cas où le preneur rapporterait la preuve que le propriétaire a connu et accepté la transformation de l’usage des lieux. »(Cass. Civ., 20-I-1956, R.A.C.A.R., T.XVIII, p.452). « Le locataire n’a pas le droit de changer la destination des lieux loués ».(C.S.Civ., 3-X-1984, J.C.S., 1985, n°35-36, p.84).
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3. Clauses contractuelles permettant la protection du fonds de commerce Pour éviter le risque de dépérissement de son fonds, le bailleur dispose d’un ensemble de moyens de protection sous forme de clauses à insérer dans le contrat de gérance libre. Ces moyens de protection passent notamment par : •
le maintien du chiffre d’affaires ;
•
le renouvellement des éléments matériels nécessaires à l’exploitation ;
•
la permanence d’un stock suffisant ;
•
la poursuite de certains contrats ;
•
et par la mise en jeu d’une clause résolutoire en cas de non respect par le gérant libre de ses obligations contractuelles. 3.1 Maintien du chiffre d’affaires
Lorsque la redevance ne comporte pas de clause recette, les contrats de gérance libre omettent souvent d’intégrer l’obligation pour le gérant libre d’informer le propriétaire du fonds de commerce quant au chiffre d’affaires et bénéfices qu’il réalise. Le fonds peut alors péricliter sans que le propriétaire en soit informé ; et si rien n’a été prévu dans le contrat, il sera difficile au loueur de dépasser les conséquences désastreuses de cette perte. D’où l’intérêt d’une clause contractuelle qui oblige le gérant libre à verser une indemnité(38) compensatrice au cas où le chiffre d’affaire baisserait au cours du contrat en dessous d’un seuil déterminé. Cette clause de garantie du chiffre d’affaires semble être un moyen efficace pour le loueur pour se prémunir contre la mauvaise gestion du gérant libre. Cette clause est également nécessaire pour obliger le gérant libre à communiquer l’évolution du chiffre d’affaires au loueur.
(38)
Jurisprudence française : « Cette indemnité est acquise au bailleur, dès lors que l’exploitation du fonds accuse un déficit certain, le gérant ne pouvant invoquer la concurrence subie du fait de l’implantation d’un fonds voisin semblable ».(CA Poitiers 26 novembre 1986, Def.1987, art.34092-4) ; en l’espèce, c’est une somme de 50.000F qui était réputée acquise au propriétaire en cas de baisse du chiffre d’affaires.
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Lorsque l’on utilise une clause de maintien du chiffre d’affaires, il est souhaitable, afin d’éviter toute difficulté d’interprétation, de la rédiger de manière très précise et d’exprimer clairement la volonté des parties. 3.2 Maintien du matériel d’exploitation Le contrat devrait prévoir les modalités de renouvellement du matériel et les conditions d’entretien et de réparation de celui-ci. 3.2.1) Renouvellement du matériel En pratique, c’est le gérant libre qui assure le renouvellement du matériel atteint d’obsolescence ou de vétusté. Dans ce cas, deux situations sont possibles : soit que le gérant libre renouvelle le matériel pour son propre compte ou bien pour le compte du loueur. Première situation : le gérant libre renouvelle le matériel pour le compte du loueur Pendant toute la durée du contrat, le gérant libre ne peut pas amortir un bien dont il n’est pas propriétaire, mais qu’il est sensé avoir acquis pour le compte du loueur. Le prix d’acquisition est comptabilisé dans les comptes du gérant libre comme une créance sur le loueur qui pourrait être compensée avec les redevances ou autres charges dues par le gérant libre. De son côté, le loueur amortira le matériel acquis pour son compte par le gérant libre. Deuxième situation : le gérant libre renouvelle le matériel pour son propre compte Dans ce cas, le gérant libre comptabilise les investissements réalisés dans son actif et procède, en fin d’exercice, à leur amortissement. Les clauses contractuelles doivent être très prudentes pour permettre la conservation du fonds de commerce mis en gérance : •
Le contrat doit d’abord prévoir la possibilité pour le loueur de racheter le matériel renouvelé par le 62
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gérant libre. Ensuite, si l’on veut protéger également le gérant libre, il faut insérer, dans le contrat, l’obligation de reprendre ce même matériel par le loueur. Il s’agit donc d’une promesse de revente du gérant libre assortie d’une promesse de rachat par le loueur. •
Afin d’éviter d’inciter le gérant libre à réaliser des investissements trop importants, le contrat devrait subordonner le renouvellement du matériel à l’accord préalable du loueur si l’investissement envisagé dépasse un certain prix.
•
Il convient ensuite d’envisager le sort du matériel pris en crédit bail. Le contenu de ces contrats devrait être examiné et les démarches nécessaires auprès des organismes de crédit bail entreprises.
•
Le contrat devrait également prévoir les modalités de détermination du prix de reprise du matériel. 3.2.2) Entretien et Réparation du matériel
Il convient de distinguer entre les grosses réparations, laissées par le D.O.C à la charge du loueur, et les réparations d’entretien incombant au gérant libre. En effet, l’article 638 du DOC fait obligation au propriétaire d’exécuter pendant la durée du bail toutes les réparations autres que locatives nécessaires à l’usage prévu. L’article 640 du D.O.C lui impose même les réparations locatives lorsqu’elles sont occasionnées par sa faute, par le vice de la chose, par la vétusté ou par la force majeure. (39) Au moment de la signature du contrat, un inventaire contradictoire du matériel, accompagné d’un cahier des charges, renvoyant aux conditions techniques d’entretien de chaque matériel, devrait être dressé. Il permettra d’établir, de façon concrète, les droits et obligations de chaque partie.
(39) Jurisprudence Marocaine : « Le propriétaire est tenu de faire, pendant la durée du bail, les grosses réparations destinées à assurer la jouissance du locataire. Il ne peut s’affranchir de cette obligation sous prétexte que ces réparations sont hors de proportion avec le loyer. Le juge ne peut tenir compte du prix exagéré de ces réparations que par rapport non pas au revenu, mais à l’état et à la valeur d’usage de l’immeuble. » (C.A.R., 21-I-1955, R.A.C.A.R., T.XVIII, p.166).
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Les obligations mutuelles en matière d’assurance du matériel devraient être également précisées. Le bailleur devrait s’assurer que le gérant libre remplit ses obligations et paie régulièrement les primes correspondantes. 3.3 Renouvellement du stock de marchandises Au terme du contrat, lorsque le gérant libre ne souhaite pas ou ne peut pas acquérir le fonds, et étant le plus souvent tenu d’une obligation de non concurrence, le stock de marchandises ne sera pour lui d’aucune utilité et peut s’avérer non négociable. Si le contrat n’a pas prévu de clause de rachat obligeant le loueur à racheter le stock de marchandises, le gérant libre pourra être tenté, pendant les derniers mois ou les dernières semaines de l’exploitation, de cesser le renouvellement du stock de marchandises, ce qui pourrait causer sa diminution ou sa disparition, et pourrait, par conséquent, pousser la clientèle à se détourner du fonds. La solution consiste donc à prévoir une obligation de rachat, par le loueur au terme du contrat, du stock restant au départ du gérant libre. Les conditions de ce rachat devraient également être précisées. Pour éviter que le gérant libre n’use abusivement de cette clause, la clause de reprise du stock par le loueur pourrait fixer une limite maximale à cet engagement, équivalente par exemple à X mois d’un chiffre d’affaires moyen. 3.4 Poursuite des contrats conclus par le loueur pour les besoins de son exploitation Hormis les contrats de travail, les contrats passés par le loueur avant la mise en gérance du fonds ne produisent pas d’effet à l’égard du gérant libre. Toutefois, afin d’assurer la conservation du fonds de commerce et notamment la clientèle, le contrat de gérance libre devrait organiser leur poursuite par le gérant libre. Les modalités de poursuite de ces contrats devraient être soigneusement précisées dans la convention de gérance libre selon qu’il s’agit de contrats de distribution ou d’autres contrats. 64
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a Poursuite des contrats de distribution Les accords de distribution exclusive, de concession exclusive, ou les accords d’achat exclusifs sont essentiels à la stabilité du fonds et au maintien de sa valeur. C’est pourquoi il est conseillé au loueur du fonds de commerce : •
d’abord d’analyser les contrats de distribution afin de mettre en œuvre la procédure éventuellement prévue dans ces contrats en cas de gérance libre(autorisation du concédant, agrément du gérant libre, intervention du concédant à l’acte).
•
Ensuite de s’assurer de l’exécution par le gérant des dispositions de ces contrats. Pour ce faire, il est nécessaire d’énoncer lesdits contrats dans l’acte de gérance libre et de prévoir une clause par laquelle le gérant s’engage à les poursuivre et à défaut, que leur inexécution entraîne la résiliation du contrat de gérance libre. Cet engagement du gérant libre ne déchargera pas le loueur de sa responsabilité liée à l’exécution du contrat, mais il lui permettra d’exercer un recours contre le gérant pour défaillance à une obligation contractuelle.
A signaler que certains contrats de concession ou accords de distribution stipulent qu’ils sont conclus en considération de la personne des concessionnaires ; une telle clause pourrait permettre au concédant de mettre fin au contrat sans indemnité dès lors que l’exploitation du fonds de commerce est concédée à un gérant libre.
aPoursuite des autres contrats En l’absence de transmission de plein droit des contrats d’assurance au gérant libre, il faut prévoir dans le contrat de gérance libre l’obligation pour le gérant libre de reprendre toutes les polices d’assurance en cours contractées par le bailleur. Cette clause d’assurance devrait être rédigée après consultation par les parties de leur assureur afin d’adapter au mieux les contrats avec la situation nouvelle. Pour les contrats de prestations plus classiques, il conviendra de prévoir dans l’acte que le gérant libre continuera les abonnements concernant l’électricité, le téléphone et l’eau…. 65
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3.5 La clause résolutoire Au delà des dispositions d’indemnisation(exemple indemnité en cas de baisse du chiffre d’affaires) qui n’ont pour objectif que de compenser une éventuelle perte financière liée à la dépréciation du fonds, les parties ont la possibilité d’insérer dans le contrat de gérance libre une clause résolutoire. La clause résolutoire est la clause par laquelle l’une des parties au contrat peut obtenir la résolution du contrat en raison des manquements aux obligations contractuelles de l’autre partie. Pour être valable, celle-ci doit stipuler avec précision la nature des obligations contractuelles entrant dans son champ d’application. En pratique, la clause précise que l’ensemble des clauses du contrat sont de rigueur, chacune d’elles étant déterminante et sanction nable. Tel est le sens de la clause-type : « le fait pour le gérant-libre de ne pas exécuter une seule des clauses du contrat entraînera sa résiliation de plein droit, nonobstant le droit pour le bailleur de demander des dommages-intérêts ». La résolution opère de plein droit(40), c’est à dire sans recours au juge, à condition que la clause ait prévu de manière expresse la mention « de plein droit ». Le juge ne pourrait que constater le jeu de la clause et l’anéantissement rétroactif du contrat, et vérifier que l’inexécution reprochée concerne une obligation sanctionnée par cette clause. Cette résolution de plein droit ne dispense pas en général, le loueur d’adresser au gérant libre défaillant une mise en demeure lui rappelant l’existence de la clause et lui précisant les manquements reprochés et les délais dont il dispose pour se mettre en règle. De cette manière, les parties s’épargnent une application brutale de la clause.
(40)
Jurisprudence Marocaine : « Il n’est pas interdit aux parties par une convention expresse, d’attacher au retard ou à l’inexécution constatée les effets d’une condition résolutoire opérant de plein droit après commandement infructueux. Alors, la résiliation du bail est immédiate et absolue, sans que le juge ait le moyen d’empêcher ou de retarder la résiliation en accordant un délai pour le paiement. La procédure de révision, introduite après l’expiration du délai imparti par la clause résolutoire, ne peut faire échec aux effets déjà acquis du commandement. Constatant la résiliation et ordonnant, vu l’urgence, l’expulsion du locataire devenu occupant sans droit ni titre, le juge peut cependant lui octroyer un délai, en vertu de l’article 243 du DOC pour l’exécution de son obligation de déguerpir. Ce délai n’est pas incompatible avec la constatation de l’urgence. »(CAR, 21-I-1957, R.A.C.A.R, T.XIX, p.112-113).
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A signaler, par ailleurs, qu’il est inefficace de prévoir dans la clause résolutoire que le contrat prendra fin en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre du gérant libre. L’article 573 de la loi 15-95 formant code de commerce, stipule en effet que : « …Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l’ouverture du redressement judiciaire». Le caractère d’ordre public de cet article empêche donc tout effet, à toute clause de résiliation de plein droit en cas de redressement judiciaire. D’autre part, il convient de préciser que l’application de la clause résolutoire n’implique pas nécessairement une faute contractuelle de la part du gérant libre. En effet, celle-ci n’a pour objet que de permettre la résolution de ce contrat pour inexécution des clauses contractuelles dont la cause peut être indépendante de la volonté du gérant libre(maladie, décès, interdiction administrative). 3.6 La clause de non rétablissement du gérant libre S’il est de principe qu’en cours de bail, le gérant libre ne peut exercer une activité qui concurrence celle du fonds loué, et parfois même des clauses du contrat lui imposent de se consacrer uniquement au fonds loué, rien ne lui interdit en fin de bail de se rétablir dans un commerce similaire. Par conséquent, pour éviter les risques de détournement de clientèle, il est opportun de prévoir dans le contrat de gérance libre une clause limitant la faculté du gérant libre de se rétablir dans un commerce similaire à l’expiration du bail. A signaler que la clause de non rétablissement ne doit pas porter atteinte au principe de la liberté du commerce et de l’industrie.
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Pour être pleinement efficace, cette clause doit non seulement prévoir le rétablissement direct du gérant, mais également tout rétablissement indirect, tel que la participation du gérant à la gestion et à l’administration d’une société exerçant la même activité ou une activité similaire et concurrente. De même, il convient d’éviter que le gérant mette à la disposition d’une maison concurrente son savoir-faire acquis dans le fonds du loueur. (41) Cependant, une clause de non concurrence interdisant la création, l’exploitation, le faire-valoir direct ou indirect à un fonds de commerce similaire n’interdit pas, de plein droit, l’exercice d’une activité salariée dans un fonds de commerce concurrent dès lors que cette activité n’est pas une participation à la direction de ce fonds(42).
(41) « Location-gérance et sociétés d’exploitation » La Revue Fiduciaire Dossiers –Services, mise à jour le 24/06/04, P. 46. (42) Cass. com. française. 2 décembre 2000 , n°2092 P.
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Section 2 : Les risques économiques encourus par le gérant - libre Paragraphe 1 : Les principaux risques pour le gérant-libre A travers le contrat de gérance libre, le gérant libre peut poursuivre plusieurs buts. Généralement dépourvu des moyens financiers suffisants pour acheter le fonds, la gérance libre lui offre la possibilité de se livrer à l’activité commerciale sans avoir à acquitter le prix de la vente. Si le gérant libre envisage d’acheter, l’opération lui permet de n’acquérir le fonds qu’après s’être assuré de la rentabilité effective de celui-ci. Par ailleurs, les fruits de son exploitation lui permettront de se constituer la trésorerie nécessaire à l’acquisition du fonds et lui éviteront de recourir de manière substantielle à l’endettement. Ce dispositif ne peut valablement réussir qu’à la condition d’être assorti de garanties pour le gérant libre : •
il ne pourra tester la fiabilité du fonds qu’à la condition d’en jouir paisiblement ;
•
ensuite il doit bénéficier de garanties quant à l’acquisition du fonds, à travers notamment une promesse de vente accordée par le propriétaire. D’où les risques suivants pour le gérant libre :
•
Le risque de perturbation de l’exploitation du fonds;
•
Le risque de perte de la plus value apportée au fonds en cas de non acquisition lors de la fin d’opération.
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Paragraphe 2 : La protection légale du gérant libre Comme le gérant libre, le bailleur est soumis à des obligations. Ces obligations sont synthétisées par l’article 635 du DOC dans : •
la délivrance du fonds de commerce loué ;
•
l’obligation de garantie.
1. L’obligation de délivrance du fonds de commerce au gérant libre L’obligation de délivrance consiste en la mise à disposition du gérant libre du fonds pour que celui-ci puisse l’exploiter paisiblement. La délivrance du fonds au gérant libre est souvent informelle. Elle résulte dans beaucoup de cas, d’une présentation de la clientèle. Sauf convention contraire, la délivrance du fonds est présumée porter sur tous les éléments existants et nécessaires à sa bonne exploitation. Il est cependant recommandé, afin d’éviter tout litige, de bien préciser dans l’acte les éléments donnés en gérance libre ; en ce qui concerne le matériel, un état descriptif doit être établi. Cette obligation de délivrance emporte également l’obligation d’entretien du fonds de commerce, c’est à dire son maintien en état de servir à l’exploitation, notamment en veillant à la conservation, à la poursuite et au renouvellement des droits(43) et des contrats indispensables à l’exploitation. Ainsi, en particulier, lorsque le fonds est exploité dans un local loué, son propriétaire est tenu de veiller au renouvellement du bail ; de même il doit veiller au renouvellement des contrats de fourniture et accomplir les formalités permettant de conserver les droits de propriété intellectuelle attachés au fonds.
(43) Jurisprudence française: « Manque à son obligation de délivrance le loueur d’un fonds de restauration comprenant une licence de débit de boissons dès lors que la licence n’est pas en état d’être transférée au locataire gérant.(Cass.Com.30 juin 1998). Au cas considéré, un changement de gérant n’avait pas été déclaré en dépit d’une mise en demeure de le faire et la licence était considérée comme périmée. « Location-gérance et sociétés d’exploitation », La Revue Fiduciaire Dossiers services, mise à jour le 24/06/04, p.49.
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2. L’obligation de garantie En ce qui concerne l’obligation de garantie, l’article 643 du D.O.C stipule : « La garantie que le locateur doit au preneur a deux objets: 1/ la jouissance et la possession paisible de la chose louée ; 2/ l’éviction et les défauts de la chose. Cette garantie est due de plein droit, quand même elle n’aurait pas été stipulée. La bonne foi du locateur n’empêche pas cette obligation. » Cette obligation de garantie faite au loueur implique donc d’une part, que celui-ci réponde des vices de la chose louée, et d’autre part qu’il réponde de certains agissements émanant de personnes non parties au contrat qui ont également pour effet d’empêcher cette jouissance paisible, il doit alors garantir son locataire contre toutes évictions. En outre le loueur doit, par lui même, s’abstenir de tout acte personnel qui nuirait à l’usage de la chose louée par le locataire. Les garanties auxquelles est tenu le loueur sont donc de trois ordres : •
la garantie des vices cachés ;
•
la garantie d’éviction.
•
la garantie du fait personnel. 2.1 La garantie des vices cachés
Selon l’article 654 du D.O.C : « le locateur est tenu envers le preneur pour tous les vices et défauts de la chose louée qui en diminuent sensiblement la jouissance, ou la rendent impropre à l’usage auquel elle était destinée, d’après sa nature ou d’après le contrat. Il répond également de l’absence des qualités expressément promises par lui, ou requises par la destination de la chose. Les défauts qui n’empêchent la jouissance de la chose louée ou ne la diminuent que d’une manière insignifiante ne donnent lieu à aucun recours en faveur du preneur ; il en est de même de ceux tolérés par l’usage. » Le propriétaire du fonds doit donc répondre des vices dont peuvent se trouver atteints les éléments composant le fonds et qui empêchent ou entravent l’exploitation de celui-ci.
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Les vices cachés doivent affecter le fonds. Il peut s’agir, par exemple, du défaut ou de la caducité d’une autorisation administrative indispensable pour l’exploitation du fonds considéré ou de l’absence de droit au bail ; ils peuvent aussi concerner un élément indispensable à l’exploitation tel qu’un matériel défectueux. En présence de ces entraves à l’exploitation, le gérant libre peut demander, soit la résiliation du contrat, soit une réduction de la redevance. Toutefois, il est important de noter que cette obligation de garantie cesse lorsque le vice est apparent, connu ou révélé dans le contrat au gérant libre qui en a accepté les risques sauf aggravation dangereuse ultérieure ; de même, ne sont pas couverts les inconvénients naturels inhérents à la chose par suite de sa situation. (44) Ainsi, les parties devront apprécier s’il y a lieu de prévoir, au moment de l’entrée du gérant libre dans le fonds un état des lieux. Lorsque cet état des lieux révèle certains vices, qui sont ensuite consignés dans le contrat, le gérant-libre ne pourra, pour ces vices, actionner en garantie le propriétaire du fonds(45). 2.2 La garantie d’éviction Le bailleur doit assurer au gérant libre une jouissance paisible en le préservant de tout trouble qui pourrait compromettre l’exploitation. Il le garantira conformément au droit commun contre les évictions. Il faut distinguer deux sortes d’évictions : •
l’éviction totale, qui suppose le délaissement entier du fonds,
•
l’éviction partielle si elle ne porte que sur un ou plusieurs éléments du fonds.
Lorsque l’éviction est partielle et peu importante, le gérant a droit à une diminution proportionnelle de la redevance.
(44) Article 656 du D.O.C (45) Article 676 du D.O.C. : « S’il a été fait un état des lieux ou une description de la chose entre le locateur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu’il l’a reçue. »
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Si l’éviction qu’il subit est totale, ou même si l’élément du fonds dont il est évincé est de telle importance qu’il n’aura pas loué s’il avait prévu cette éviction, alors le gérant pourra demander la résiliation du bail. Le cas échéant, il pourra également assigner le propriétaire du fonds en dommages-intérêts. (46) Il convient toutefois de noter qu’il n’y aurait pas lieu à garantie d’éviction en raison d’événements qui pourraient résulter de faits extérieurs étrangers au bailleur comme par exemple l’installation d’un concurrent dans un périmètre rapproché. Enfin certaines clauses contractuelles peuvent limiter l’obligation du loueur. De telles clauses doivent être expresses et précises, exclusives de mauvaise foi ; elles ne peuvent donc concerner que les vices ignorés du bailleur et en aucun cas le dol du bailleur ou sa faute lourde. Par ailleurs, lorsque le fonds donné en gérance libre présente un cumul anormal de risques dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité, la clause de non garantie risque d’être inefficace. (47) La clause de non garantie devrait prévoir non seulement que le gérant libre prendra le fonds de commerce et les locaux en leur état au jour de l’entrée en jouissance mais aussi qu’il se conformera à toutes les prescriptions administratives liées à l’exploitation et qu’il exécutera à ses frais les travaux de mise en conformité des locaux avec la réglementation en vigueur. Le gérant libre devra être vigilant face à de telles clauses, qui aboutissent en fait à limiter les garanties dues par le loueur. (48)
(46) Articles 647, 542 et 544 du D.O.C. (47) Articles 647 et 544 du D.O.C. (48) Jurisprudence française : « En présence d’une clause de non garantie des vices cachés, la demande d’un locataire-gérant en résiliation du contrat de gérance pour non respect de la délivrance de la chose louée a été déclarée mal fondée : -
d’une part en raison de la clause contractuelle ;
-
d’autre part, les défectuosités reprochées au niveau des installations électriques, de gaz et de chauffage, l’agencement de la cuisine ou
l’implantation des toilettes étaient suffisamment apparentes pour être vues et appréciées par le locataire-gérant au moment de la visite des lieux ».(CA Dijon 14 février 1997, Juris. Classeur Fonds de commerce, fasc.40 Paragraphe 22).
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2.3 La garantie du fait personnel Il s’agit pour le bailleur de s’abstenir de toute atteinte aux éléments du fonds confié en gérance, résultant d’un quelconque rétablissement, direct ou par personne interposée, total ou même partiel. Cette obligation n’a pas besoin d’être stipulée : elle est inhérente au contrat. La garantie du fait personnel fait interdiction au loueur d’apporter un gêne quelconque à l’exploitation normale du fonds et, notamment, d’effectuer sous aucune forme des actes de concurrence. Toutefois, afin de fixer clairement l’étendue de cette obligation de non concurrence, il est souhaitable que les parties en organisent les modalités dans l’acte de gérance libre. Cette clause de non concurrence du bailleur devra être rédigée avec le même soin que celle relative au gérant libre, tendant surtout à éviter un rétablissement indirect du loueur. Il conviendra également d’en fixer les limites dans le temps et l’espace. Lorsque le propriétaire du fonds contrevient à l’obligation de non rétablissement, on appliquera les mêmes sanctions que celles prévues pour la contravention à l’interdiction de se rétablir en matière de vente du fonds de commerce. C’est à dire que le gérant libre pourra opter, selon le cas, entre l’une des sanctions suivantes : •
action contre le bailleur en dommages intérêts(49) ;
•
réduction de la redevance (49) ;
•
demande de résiliation du contrat de gérance libre(49) .
Cette garantie prend fin en toute hypothèse au terme du contrat de gérance libre ; le loueur qui reprend le fonds ne peut, à la différence du vendeur du fonds, être poursuivi pour détournement de clientèle qui est attachée à son fonds.
(49) Articles 544 et 647 du D.O.C.
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Paragraphe 3 : Insertion d’une clause contractuelle de promesse unilatérale de vente La contribution du gérant libre au développement du fonds sera d’autant plus efficace et franche, si dès le départ il a des perspectives d’en devenir propriétaire. Ainsi, il est fréquent d’insérer dans les dispositions du contrat de gérance libre, une promesse de vente, par laquelle le propriétaire du fonds s’engage à le vendre au gérant libre. Cette promesse unilatérale de vente devrait être distinguée de la promesse synallagmatique. En effet, lorsque le contrat est assorti d’une promesse unilatérale de vente, le loueur promet alors de vendre le fonds au locataire, qui accepte la promesse en tant que telle, et se réserve le droit de lever ou non l’option qui lui est consentie dans le délai qui lui est imparti. Cette convention de louage et de promesse présente une certaine utilité pour le gérant : elle lui permet de se rendre compte d’une façon concrète de la valeur du fonds, de connaître la clientèle et d’apprécier s’il a intérêt à lever la promesse de vente. Elle lui procure également un certain répit pour trouver les capitaux nécessaires à l’acquisition du fonds. Dans de nombreux cas, elle incitera le gérant à faire des investissements dont il pourra tirer profit une fois propriétaire. Lorsque le contrat est assorti d’une promesse synallagmatique, le loueur promet de vendre dans des conditions déterminées le fonds au locataire qui promet lui aussi de l’acquérir. Suivant le principe édicté par l’article 488 du D.O.C (« la vente est parfaite entre les parties dès qu’il y a consentement des contractants, l’un pour vendre, l’autre pour acheter, et qu’ils sont d’accord sur la chose, sur le prix et sur les autres clauses du contrat »), cette dernière promesse vaut vente dès lors que les parties sont d’accord sur la chose et le prix. Ce contrat s’appelle « gérance vente ». 1. Conditions de validité de la promesse unilatérale de vente 1.1 Signes révélant une cession déguisée du fonds de commerce La promesse unilatérale de vente est parfaitement régulière et sa validité est incontestable dès lors qu’elle ne dissimule pas une vente. Il importe donc d’éviter d’introduire dans les actes, même à titre accessoire, des conventions dépassant le cadre normal de la gérance libre pour éviter que la nature de celle-ci ne prête à discussion. En effet, la convention de gérance-libre devrait assurer au propriétaire la 75
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possibilité réelle de reprendre le fonds en fin de contrat de gérance et de l’exploiter dans des conditions normales. Toute imputation, le vidant de ses outils de production, et paralysant la reprise par le bailleur sera analysée comme constituant le signe d’une cession déguisée du fonds. Nous citons à ce titre les opérations suivantes (50) :
1.
Exagération de la redevance par rapport à la valeur du fonds ; il en est de même lorsque les bénéfices susceptibles d’être réalisés par le locataire ne peuvent en aucun cas lui permettre de payer les loyers stipulés et ce, d’autant plus lorsque le locataire doit en outre acquitter tous les frais de fonctionnement et acquérir le matériel nécessaire ; est également suspect le fait que le montant total des redevances et du cautionnement soit en rapport avec la valeur vénale du fonds de commerce et non avec un loyer normal.
2.
Exagération du cautionnement comparé aux risques à courir ; imputation du cautionnement ou d’une partie des échéances des redevances de gérance sur le prix de vente fixé d’avance dans la promesse de vente.
3.
Stipulation d’un dédit hors de proportion avec le prix de vente convenu.
4.
Souscription par avance de billets à ordre représentant le montant des échéances et la redevance à verser ; stipulation d’intérêts sur ces échéances à venir.
5.
Prêt sans intérêt par le gérant au propriétaire dissimulant, en réalité, un versement d’acompte.
6.
Indemnité d’immobilisation (paiement d’une somme qui reste acquise au loueur s’il ne lève pas l’option) relativement élevée.
7.
Durée indéterminée de la gérance libre, celle-ci pouvant être prorogée indéfiniment par le gérant libre.
8.
Mandat général donné au gérant libre de disposer du fonds comme bon lui semblera.
(50) « Location-gérance et sociétés d’exploitation », La Revue Fiduciaire Dossiers-Services, mise à jour le 24/06/04 , p. 76 76
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9.
Interdiction au gérant libre de se rétablir dans un périmètre donné dépourvue de toute sanction effective en cas d’infraction, de sorte que cette interdiction restera sans effet en pratique ; 1.2 Nécessité de détermination du prix
La promesse de vente est une promesse de contrat dont l’objet est la vente et qui engendre une obligation de transférer la propriété. Par promesse de vente, le propriétaire s’engage à vendre le fonds de commerce mis en gérance au gérant libre. Le prix doit donc être déterminé. L’article 487 du DOC dispose en effet que : « le prix de la vente doit être déterminé… » Or il n’est pas aisé de déterminer aujourd’hui le prix de vente d’un bien, alors que le transfert de propriété n’interviendra que dans quelques mois ou années. Aussi pour concilier cet impératif juridique et les considérations économiques, est-il fréquent que les parties stipulent dans la promesse de vente, non pas un prix définitif mais seulement les conditions de détermination de ce dernier.
Le mode de détermination du prix de vente devrait se référer à des éléments objectifs, qui ne dépendent pas de la volonté de l’une des parties, et par conséquent ne mettent pas l’une d’elle à la discrétion de l’autre. Compte tenu de cette exigence, on pourrait adopter l’une des solutions suivantes : •
Tout d’abord, on pourrait prévoir la fixation d’un prix lié à la rentabilité du fonds (par exemple X% du chiffre d’affaires) ; la jurisprudence admet une telle modalité dès lors qu’un prix minimal est arrêté.
•
La fixation du prix peut être envisagée par un professionnel indépendant. Ce professionnel pourrait être désigné d’un commun accord par les parties ou à défaut d’accord par le président du Tribunal de commerce. (51) (51) Jurisprudence marocaine : « La clause d’un contrat de vente qui charge des experts ou des arbitres de déterminer le prix, est une condition de
fond de ce contrat qui rentre dans les prévisions de l’article 13 du dahir sur les conditions civ. Et consacrant le principe de l’autonomie de la volonté. Les parties peuvent donc déroger à la disposition de l’article 487 du D.O.C qui interdit de s’en remettre à un tiers pour la détermination du prix. » C.A.R, 28-III-1928, R.A.C.A.R, T.IV, p336.
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2. Tacite reconduction du contrat et promesse unilatérale de vente Lorsqu’il est prévu que le contrat de gérance libre se renouvelle par tacite reconduction, est ce que celle ci laisse subsister la promesse de vente ? La Cour de Cassation Française a tranché cette question dans une décision du 22 octobre 1996(52) . En effet, elle annonce que « ….la tacite reconduction ne se réduit pas à une simple prorogation du terme du contrat primitif mais donne naissance à un nouveau contrat. »
3. Effets de la promesse unilatérale de vente 3.1 Avant la levée de l’option Tant que le gérant libre n’a pas manifesté son intention d’acheter, le loueur reste propriétaire du fonds. Pendant cette période, les règles de gérance libre sont applicables(53). Si le propriétaire du fonds le vend à une autre personne que le gérant libre tant que l’option n’est pas levée, le gérant libre pourra demander des dommages intérêts en raison de la violation de la promesse. De son côté, le gérant libre doit respecter les obligations du contrat de gérance, la promesse ne lui conférant aucun droit supplémentaire pendant la gérance et jusqu’à la levée de l’option.
(52) « Un contrat de location-gérance était assorti d’une promesse de vente de ce fonds, moyennant une somme fixe indexée suivant certaines modalités. Le contrat était d’une durée d’une année, renouvelable par tacite reconduction. Au cours d’une reconduction, le locataire-gérant lève l’option. La Cour d’appel déclare que la promesse de vente n’avait pas été reconduite et qu’elle était devenue caduque au moment de la levée d’option. La Cour de cassation confirme cette analyse selon laquelle la promesse de vente était l’accessoire du contrat de location-gérance et que l’acte précisait que la levée d’option devait intervenir au plus tard 3 mois avant l’expiration du contrat initial ; la Cour de Cassation précise que la tacite reconduction ne se réduit pas à une simple prorogation du terme du contrat primitif, mais donne naissance à un nouveau contrat. » Cass. Com. Française. 22 octobre 1996 (53)Jurisprudence française : « La promesse unilatérale de vente ne confère à l’acheteur éventuel aucun droit réel. La résiliation de cette promesse par l’acceptation de l’acheteur n’a donc pas d’effet rétroactif et la promesse n’est pas opposable, ni préjudiciable aux tiers. » C.A.R.22-XII-1928, R.L.J.M, 1929, p.54.
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3.2 A la levée de l’option La levée de l’option dans le délai pour opter n’est soumise à aucune forme particulière à moins que les parties aient convenu du contraire. En pratique, le gérant libre fait connaître sa volonté par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette levée forme irrévocablement la vente du fonds de commerce. Loueur et gérant devront alors établir un acte de vente de fonds de commerce. Le propriétaire du fonds peut néanmoins refuser, malgré la volonté du gérant libre, de conclure le contrat de vente et opérer ainsi une rétractation. Dans plusieurs décisions, la Cour de cassation française se refuse à sanctionner cette rétractation par l’exécution forcée de la promesse. Pour elle, seul l’octroi de dommages intérêts, comme réparation de la violation de son engagement par le promettant est envisageable. Face à une telle position jurisprudentielle et également face à l’éventuelle difficulté pour évaluer le préjudice, on ne peut que conseiller aux praticiens d’avoir recours à la technique contractuelle pour limiter les effets de cette jurisprudence. Le bénéficiaire de la promesse pourrait notamment réclamer une indemnité de dédit dans le contrat. Cette indemnité permettra d’éviter les discussions sur le montant des dommages intérêts mis à la charge du promettant en cas de manquement à ses obligations.
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CHAPITRE DEUXIEME LES RISQUES FISCAUX
Dans un premier temps, seront abordées les conséquences fiscales de l’opération dans toutes ses étapes. Ainsi, sera examinée l’imposition du loueur et du locataire gérant à la conclusion du contrat, durant la vie de la convention et en fin de l’opération. Ensuite seront examinés les cas où l’administration fiscale marocaine pourrait remettre en cause l’économie de l’opération en rétablissant le caractère normal de la redevance de gérance libre.
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Section 1 : Les conséquences fiscales de la mise en gérance - libre Cette section se propose de traiter des implications fiscales de l’opération dans toutes ses étapes. Ainsi seront abordées:
-
les conséquences fiscales lors de la mise en gérance libre ;
-
les conséquences fiscales en cours de gérance ;
-
et les conséquences fiscales en fin de gérance.
Paragraphe 1 : Les conséquences fiscales lors de la mise en gérance - libre
La gérance libre laisse subsister l’entreprise qui résultait précédemment de l’exploitation directe du fonds. La direction de l’entreprise change, mais le propriétaire continue de tirer profit, avec le gérant libre, du moyen d’exploitation que constitue le fonds. Elle n’est alors pour le bailleur qu’une modalité nouvelle d’exploitation du fonds. Lorsque le fonds est exploité en société, sa mise en gérance libre n’est pas non plus constitutive d’un changement d’activité emportant cession d’entreprise. Les conséquences fiscales de la mise en gérance libre sont en fait limitées, pour le bailleur, à la réintégration dans le résultat imposable de mise en gérance, des provisions qui deviennent sans objet.
Paragraphe 2 : Les conséquences fiscales en cours de gérance Ces implications sont à examiner du côté du loueur comme de celui du gérant libre. 1. Imposition du loueur 1.1 Imposition des bénéfices du loueur La mise en gérance libre d’un fonds de commerce n’est pas une cession ou cessation d’entreprise. Le 81
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propriétaire du fonds de commerce est considéré comme continuant sous une autre forme l’exploitation du fonds. Il résulte de ce principe que, quelle que soit la qualité du bailleur, la mise en gérance libre n’entraîne pas, au point de vue fiscal, création d’une entreprise nouvelle. Le bailleur n’a pas à souscrire de déclaration particulière, il doit fournir les déclarations de droit commun selon son régime d’imposition. Lorsque la gérance libre intervient au cours de l’exercice social, le bailleur comprendra dans ses revenus : •
les bénéfices réalisés dans l’exploitation du fonds entre le début de l’exercice et le jour de la mise en gérance ;
•
les redevances versées par le gérant libre depuis l’entrée en jouissance jusqu’à la fin de l’exercice considéré.
Concernant les provisions, la gérance libre reste sans incidence sur les provisions non encore employées à condition, bien entendu, que le changement d’activité ne les rende pas sans objet. Les provisions devenues sans objet(exemple : provisions pour dépréciation des stocks en cas de vente des stocks au gérant libre) devraient être rapportées au bénéfice imposable. 1.2 Imposition du loueur à la patente Le propriétaire d’un fonds de commerce qui loue ce fonds en gérance libre est redevable de la patente en qualité de « loueur d’un établissement commercial ou industriel », rubrique classée au tableau B, 1ère classe. La taxe due est égale à 20% de la valeur locative du bureau ou du local dans lequel le propriétaire du fonds de commerce traite les questions intéressant son activité de loueur. 1.3 Imposition du loueur à la taxe sur la valeur ajoutée La mise en gérance libre d’un fonds de commerce constitue un mode d’exploitation de ce fonds et la redevance perçue par le propriétaire est passible de la TVA au taux de droit commun, soit 20%(articles 82
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4-10° et 13 de la loi 30-85 relative à la TVA).
Sont à comprendre dans la base d’imposition : •
les redevances payées au bailleur en contrepartie de la location du fonds de commerce ;
•
le loyer de l’immeuble commercial acquitté par le gérant d’un fonds de commerce en sus de la redevance qu’il verse au propriétaire du fonds de commerce pour mise à disposition de celui-ci ; lorsque le loueur du fonds est seulement locataire des locaux, il n’y a pas lieu d’exclure de sa base d’imposition le montant des sommes correspondant au loyer reversé au propriétaire des locaux ; le fait qu’il existerait deux contrats distincts, l’un pour la location du fonds de commerce, l’autre pour la location ou la sous-location de l’immeuble reste sans influence sur l’exigibilité de la taxe ;
•
les charges d’amortissement correspondant aux dépenses d’entretien et de renouvellement du matériel, incombant normalement au propriétaire mais qu’un locataire s’est obligé à assumer.
Lorsque la mise en gérance du fonds de commerce s’accompagne de la vente de marchandises par le bailleur au gérant libre, cette vente est passible de la TVA dans les conditions ordinaires. 2. Imposition du gérant - libre 2.1 Imposition des bénéfices du gérant libre Le gérant libre a la qualité de commerçant, il exploite à ses risques et périls le fonds de commerce donné en gérance libre. Le résultat d’exploitation sera imposé entre ses mains à l’IGR dans la catégorie des revenus professionnels si c’est une personne physique, ou si c’est une société passible de l’IGR, et à l’IS si le fonds est pris en gérance par une société passible de l’IS. La redevance dont le versement a été prévu par le contrat de gérance libre est admise en déduction du résultat fiscal du gérant libre. Il en est de même des dépenses d’entretien et de réparation mises à sa charge par le contrat.
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2.2 Imposition du gérant libre à la patente Le gérant libre d’un fonds de commerce est redevable de la patente en sa qualité d’exploitant du fonds de commerce. La rubrique qui lui est applicable dans le tarif de l’impôt des patentes devrait être recherchée au niveau de l’activité exercée par le fonds de commerce concerné comme s’il était propriétaire de ce fonds. Le principal de la patente due résulte de l’application du taux, relatif à la classe et au tableau correspondant dans le tarif à l’activité exercée, à la valeur locative de l’établissement dans son ensemble muni de tous ses moyens de production. La valeur locative est déterminée : - soit par le contrat de bail et actes de location ; - soit par comparaison avec d’autres activités ; - soit par appréciation directe. En aucun cas, cette valeur locative(54) ne peut être inférieure à 3% du prix de revient des terrains, des constructions, agencements, matériels et outillages. 2.3 Imposition du gérant libre à la taxe sur la valeur ajoutée Le gérant libre est redevable de la TVA au même régime qu’un commerçant ordinaire propriétaire de son fonds de commerce. Par ailleurs, il peut déduire de la TVA due au titre de l’exploitation du fonds, la TVA qui lui est facturée par le loueur.
(54)
La valeur locative servant de base de calcul à la taxe proportionnelle due par les usines, les établissements industriels et les prestataires de service, au titre des terrains, bâtiments et leurs agencements, matériel et outillage, est limitée à la partie de leur prix de revient égale ou inférieure à cinquante millions de dirhams.
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Paragraphe 3 : Les conséquences fiscales en fin de gérance Ce paragraphe se propose d’énumérer les conséquences fiscales sur le loueur et sur le gérant libre : -
en cas de vente du fonds de commerce ;
-
en cas de reprise du fonds de commerce par le loueur. 1. Imposition du loueur 1.1 En cas de vente du fonds de commerce 1.1.1) Vis-à-vis des droits d’enregistrement
En pratique, les droits d’enregistrement dus dans le cadre d’une cession de fonds de commerce sont acquittés, comme pour toute opération de vente, par l’acheteur(cf. point 2.1.1)) . Néanmoins, l’article 33 du texte sur les droits d’enregistrement stipule la solidarité du vendeur avec l’acquéreur pour le paiement des droits dus, pénalités, amendes et majorations le cas échéant. (55)
1.1.2) Vis-à-vis de la patente La vente du fonds de commerce objet de la gérance occasionne un changement de l’activité patentable du loueur. Ce changement devrait être déclaré à l’administration fiscale afin qu’il soit pris en considération. 1.1.3) Vis-à-vis de la taxe sur la valeur ajoutée La cession des éléments incorporels du fonds de commerce, donnant lieu à l’application de droits d’enregistrement, constitue au regard de la TVA, une opération civile. Par contre, la cession de marchandises corrélative à la vente de fonds de commerce, est soumise à la TVA dans les conditions de droit commun(56).
(55)
« Si le bailleur vendeur dépose l’acte de vente sous seing privé dans le bureau d’enregistrement compétent, dans les 3 mois du délai imparti pour son enregistrement, il ne saurait être poursuivi pour le paiement des amendes, pénalités et majorations dus au titre de l’opération de vente du fonds de commerce ». Cf article 33 du texte de l’enregistrement.
(56)
Article 4-5° de la loi 30-85 relative à la TVA.
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Si le fonds de commerce vendu comprend des immobilisations corporelles(matériel et outillage, mobilier de bureau,….), la cession de ces éléments devrait être accompagnée de la régularisation de la TVA récupérée lors de leur acquisition au cas où ils n’auraient pas été maintenus dans l’actif du bailleur pendant le délai de 5 ans prévu par l’article 18 de la loi 30-85 relative à la TVA. 1.1.4) Vis-à-vis de l’impôt sur les bénéfices En cas de cession du fonds de commerce, la taxation du produit de cession bénéficie des régimes de faveur prévus par l’article 19 de la loi 24-86 relative à l’IS et l’article 18 de la loi 17-89 relative à l’IGR.
1.2 En cas de reprise du fonds de commerce par le loueur La reprise du fonds de commerce par le loueur au terme de la convention de gérance libre n’occasionne pas d’incidence en ce qui concerne les droits d’enregistrement, et n’a pas d’effet particulier eu égard à la taxe sur la valeur ajoutée et l’impôt sur les bénéfices (IS ou IGR dans la catégorie des revenus professionnels). Concernant l’impôt des patentes, le loueur devrait procéder à une déclaration modificative pour changer l’activité patentable de « loueur d’un établissement commercial ou industriel » à l’activité exercée par le fonds de commerce concerné.
2. Imposition du gérant libre 2.1 En cas de vente du fonds de commerce 2.1.1) Vis-à-vis des droits d’enregistrement L’opération d’achat du fonds de commerce est soumise au taux proportionnel de 5%, avec un minimum de perception de 100 DH. La base imposable est constituée par le« prix de l’achalandage, du droit au bail, des objets mobiliers servant à l’exploitation du fonds et des marchandises en stock », selon l’article 6 du texte sur les droits d’enregistrement. 86
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2.1.2) Vis-à-vis de la patente En achetant le fonds de commerce, le gérant libre continue à exercer la même activité sous la qualité de propriétaire au lieu de celle d’exploitant. La fin de la gérance libre n’a donc pas d’incidence en ce qui concerne l’assujettissement de ce dernier à l’impôt des patentes. 2.1.3) Vis-à-vis de la taxe sur la valeur ajoutée Si le gérant libre achète le fonds de commerce, il est autorisé à déduire la TVA qui lui a été facturée par le loueur propriétaire du fonds de commerce sur la vente des éléments corporels faisant partie du fonds. 2.1.4) Vis-à-vis de l’impôt sur les bénéfices L’opération n’a pas d’effet particulier sur le gérant libre en cas d’achat du fonds de commerce.
2.2 En cas de reprise du fonds de commerce par le loueur 2.2.1) Vis-à-vis des droits d’enregistrement Le retour du fonds de commerce au loueur n’a pas d’effet à l’égard du gérant libre en ce qui concerne les droits d’enregistrement.
2.2.2) Vis-à-vis de la patente Si la fin de la convention de gérance s’accompagne du retour du fonds à son propriétaire ou d’autre événement occasionnant changement de l’activité du gérant libre, celui-ci devrait effectuer une déclaration auprès de l’administration fiscale à l’effet de modifier l’activité au titre de laquelle il est assujetti à l’impôt des patentes.
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2.2.3) Vis-à-vis de la taxe sur la valeur ajoutée La reprise du fonds de commerce par son propriétaire donne souvent lieu à vente, par le gérant libre, au bailleur des stocks et des autres éléments corporels nécessaires à l’exploitation du fonds (matériel, mobilier…). La cession des stocks devrait être facturée avec TVA dans les conditions de droit commun ; et la cession des immobilisations devrait donner lieu à régularisation de la TVA déduite lors de leur acquisition, dans le respect des dispositions de l’article 18 de la loi 30-85 relative à la TVA. 2.2.4) Vis-à-vis de l’impôt sur les bénéfices Le gérant libre n’a pas de déclaration particulière à souscrire au titre de l’IS(ou de l’IGR dans la catégorie des revenus professionnels le cas échéant). L’effet de l’opération est limité, à son égard, à la reprise des provisions devenues sans objet. Dans le cas de cession d’activité suivie de liquidation de l’actif et du passif du gérant libre, il y a lieu de suivre la procédure prévue à cet effet.
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Section 2 : Le risque de remise en cause de l’économie du contrat par l’administration fiscale
L’administration fiscale peut remettre en cause l’économie du contrat de gérance libre lorsque celle-ci déguise en réalité une cession du fonds de commerce. Cette section se propose de traiter les cas où l’administration fiscale marocaine pourrait, user du pouvoir d’appréciation dont elle dispose en vertu des textes de loi, et procéder à cette remise en cause. Ce pouvoir d’appréciation est garanti :
-
d’une manière générale par l’article 4 du livre des procédures fiscales ;
-
en particulier, du point de vue des droits d’enregistrement par l’article 8 du livre précité.
Paragraphe 1 : Remise en cause de l’économie d’un contrat : principe général Le livre des procédures fiscales(L.P.F) garantit à l’administration fiscale, dans le cadre de l’article premier, le droit de contrôle des déclarations et actes utilisés pour l’établissement des impôts, droits et taxes. Cependant, l’administration fiscale est tenue au respect des actes de gestion soumis à son contrôle. Elle ne peut les remettre en cause qu’exceptionnellement dans des situations bien déterminées.
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Paragraphe 2 : Remise en cause de l’économie d’un contrat de gérance libre en matière d’IS, de TVA et d’IGR
Dans le cas d’une convention de gérance libre, la remise en cause de l’économie du contrat ne peut avoir lieu qu’en présence de liens de dépendance(Article 4 du livre des procédures fiscales) entre le bailleur et le gérant libre occasionnant un transfert indirect des bénéfices par le biais de la majoration ou la diminution de la redevance par rapport à un loyer normal. Dans ce cas, l’administration fiscale rapporte les bénéfices indirectement transférés au bénéfice fiscal ou au chiffre d’affaires déclarés.
Paragraphe 3 : Remise en cause de l’économie d’un contrat de gérance libre en matière de droits d’enregistrement L’article 33 du texte sur les droits d’enregistrement fait référence directement à la remise en cause de l’économie d’un contrat ou d’une convention. Il stipule en effet que : « lorsqu’il est amiablement reconnu ou judiciairement établi que le véritable caractère d’un contrat ou d’une convention a été dissimulé sous l’apparence de stipulations donnant ouverture à des droits moins élevés, les parties sont solidairement responsables, sauf leur recours entre elles, des droits simples liquidés compte tenu du véritable caractère de l’acte ou de la convention, ainsi que de la pénalité, de l’amende et de la majoration prévues, respectivement, par les articles 21(II, 1er alinéa) et 23 ci-dessus ». Par ailleurs, l’article 8 du (L.P.F) octroie à l’inspecteur des impôts chargé de l’enregistrement le droit de rectifier le prix de vente du fonds de commerce ou l’évaluation de celui-ci déclarés dans l’acte de vente soumis à l’enregistrement ; lorsqu’il s’avère que « lesdits prix ou déclarations estimatives ne paraissent pas à la date de l’acte ou de la convention, conformes à la valeur vénale des biens qui en font l’objet ». Cette faculté de rectification est utilisée, en cas de présentation d’acte de vente d’un fonds de commerce à l’enregistrement avec une base sous estimée, pour recalculer le prix de vente réel de l’opération de cession en rétablissement la véritable nature de la convention de gérance libre ayant précédé la cession, de rattacher la cession à sa date d’origine et soumettre les deux parties aux droits d’enregistrement résultant du prix de cession rectifié avec les amendes, pénalités et majorations correspondantes. 90
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TROISIEME PARTIE
RISQUES LIES A L’OPERATION DANS LES RAPPORTS DES PARTIES AU CONTRAT AVEC LES TIERS
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Le loueur et le gérant libre doivent gérer non seulement leurs rapports l’un vis à vis de l’autre, mais également leurs rapports avec des tiers indéniablement intéressés à l’opération : •
il s’agit du propriétaire des murs ;
•
des créanciers;
•
et des salariés du fonds de commerce.
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CHAPITRE PREMIER RISQUES LIES A L’OPERATION DANS LES RAPPORTS DES PARTIES AU CONTRAT AVEC LE PROPRIETAIRE DES MURS
Deux cas sont possibles : •
le loueur du fonds de commerce est locataire du local commercial ;
•
le loueur du fonds de commerce est propriétaire du local commercial.
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Section 1 : Cas où le loueur du fonds de commerce est lui même locataire des murs Par un bail commercial, le propriétaire des murs loue ces derniers au propriétaire du fonds. Ensuite, le fonds donné en gérance libre comprend parmi ses éléments le droit au bail des locaux. Cette situation met donc en présence trois parties : •
le propriétaire des murs ;
•
le propriétaire du fonds de commerce ;
•
et le gérant libre.
Elle fait, par conséquent, jouer deux législations différentes : •
Le dahir du 24 mai 1955 relatif aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal.
•
Et la législation relative à la gérance libre annoncée par la loi 15-95 formant code de commerce.
Ces deux législations sont différentes quant à leurs objets : •
la première porte sur un immeuble et régit les rapports entre le propriétaire des murs et le propriétaire du fonds ;
•
la seconde a pour objet la location d’un meuble incorporel, à savoir le fonds de commerce ; et régit les rapports entre le propriétaire du fonds et le gérant libre.
L’objet de cette section est d’étudier les risques de cette cohabitation résultant notamment: •
des dispositions du contrat de gérance libre;
•
des dispositions du contrat de bail commercial.
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Paragraphe 1 : Les risques découlant de la rédaction du contrat de gérance-libre : requalification du contrat de gérance – libre en sous location irrégulière Le fonds de commerce loué comprend non seulement la clientèle, mais également les autres éléments et notamment le droit au bail. La sous location du bail commercial répond aux exigences de l’article 22 du dahir du 24 mai 1955 relatif aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal : « Par dérogation à l’article 668 du dahir formant code des obligations et contrats, toute sous location totale ou partielle est interdite sauf stipulation contraire du bail ou accord du bailleur. En cas de sous location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l’acte». En principe, la gérance libre du fonds de commerce équivaut à la location d’un meuble incorporel et ne constitue aucunement une sous location de l’immeuble. De ce fait, la jurisprudence montre tout le soin à apporter aux clauses du contrat de gérance libre relatives au droit de bail des locaux, sous peine d’une requalification en sous location irrégulière qui permettrait au propriétaire de l’immeuble d’appliquer les sanctions qui menacent le maintien du fonds de commerce dans les lieux. En effet, la Cour d’appel de Paris, pour retenir la sous location, se fonde sur deux éléments. Elle s’appuie sur la clause du contrat mettant à la charge du gérant libre le paiement direct du loyer au propriétaire de l’immeuble. Elle se fonde également sur la clause qui impose au gérant libre les charges, clauses et conditions du bail. (58) La clause qui stipule que le gérant libre doit satisfaire aux clauses, charges et conditions du bail des locaux n’a rien d’anormal, car tout gérant libre a l’obligation évidente de se conformer, pour la jouissance des lieux, aux clauses et conditions du bail passé par son cocontractant avec le propriétaire de l’immeuble.
(58)
Jurisprudence française : « A été qualifié de sous-location irrégulière le contrat imposant au locataire- gérant le paiement direct du loyer au propriétaire des murs et de toutes les charges résultant du bail » (Cass. Civ. 2 juin 1958, BC III n° 219 ; CA Paris 14 mars 1991, Loyers mai 1991, n°222).
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Par contre, il est très dangereux de stipuler qu’une fraction de la redevance correspond au loyer de l’immeuble, voire de prévoir que le loyer du bail commercial sera remboursé au propriétaire du fonds ou même payé directement au propriétaire des murs. Cela crée une confusion complète entre la gérance libre et la sous location. Quant aux sanctions attachées à la sous location irrégulière, celle-ci permet au bailleur des murs : •
soit de demander la résiliation du bail ;
•
soit de faire jouer une éventuelle clause résolutoire ;
•
soit de refuser le renouvellement du bail.
Il s’agit donc d’une situation présentant un véritable risque pour le maintien du fonds dans les lieux. Aussi le praticien doit-il dissuader le gérant libre d’exploiter une activité différente de celle du locataire bailleur du fonds, et ce même en présence d’un bail tous commerces, car, en ce cas, il y aurait création d’un fonds de commerce et donc sous location irrégulière. Il en sera ainsi si le gérant exerce dans les lieux loués une activité plus étendue que celle prévue dans le contrat de gérance libre, sous son enseigne propre et sans faire usage du nom commercial du fonds prétendument loué.
Paragraphe 2 : Les risques découlant des clauses du contrat de bail commercial En principe, la mise en location d’un fonds de commerce exploité dans des locaux loués au propriétaire dudit fonds est possible. La gérance libre ne pouvant s’analyser en une sous location, elle peut ainsi en principe, être conclue en toute liberté sans l’accord du bailleur de l’immeuble. En effet, le dahir du 24 mai 1955 relatif aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal ne contient aucune disposition qui prive le propriétaire des murs de la faculté d’interdire la mise en gérance libre, ou de la subordonner à son agrément.
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Le dahir précité se contente, en effet, de stipuler que le propriétaire des murs ne peut pas interdire la cession du droit de bail lorsque celle-ci s’accompagne de celle du fonds de commerce.(59) Il conviendra cependant d’être vigilant, car cette liberté de principe peut être réduite à néant par certaines clauses du bail commercial. L’interdiction de mise en gérance du fonds de commerce peut résulter notamment de l’obligation faite au locataire d’exploiter personnellement ou de l’interdiction de faire occuper les lieux par un tiers à quelque titre que ce soit. Si le preneur donne son fonds en gérance libre en présence d’une clause d’agrément ou alors qu’une clause du bail de l’immeuble l’oblige à exploiter personnellement dans les lieux, le bailleur est en droit : •
soit de demander la résiliation du bail qui peut être obtenue en justice ;
•
soit de faire jouer une éventuelle clause résolutoire de plein droit;
•
soit enfin de refuser le renouvellement du bail à son expiration sans avoir à payer au preneur une indemnité d’éviction.
De telles sanctions ne manqueront pas de rejaillir sur la situation du gérant libre, pourtant tiers au contrat de bail : il se trouvera dans la situation d’un occupant sans droit ni titre, et pourra donc être expulsé par le bailleur de l’immeuble.
(59)
Article 37 du dahir du 24 mai 1955 : « Sont également nulles, quelle qu’en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire qui remplit les conditions prescrites par l’article 5 ci-dessus de céder son bail à l’acquéreur se son fonds de commerce ou de son entreprise. »
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Section 2 : Cas où le loueur du fonds de commerce est également propriétaire des murs Dans cette situation, la mise à disposition des locaux constitue une convention accessoire au contrat de gérance libre, et est exclue du champ d’application du dahir du 24 mai 1955 relatif aux baux commerciaux. Cette section se propose de suggérer des précautions que le bailleur du fonds devrait prendre pour éviter de se retrouver avec un locataire gérant revendiquant la propriété commerciale lors de l’expiration du contrat, ou bien de tomber dans des situations aberrantes.
Paragraphe 1 : Situation incohérente de résiliation du bail des locaux abritant le fonds de commerce durant la validité du contrat de gérance libre
Pendant la gérance libre, le propriétaire des murs mettra à titre accessoire les murs à la disposition du gérant libre qui ne pourra pas bénéficier du statut des baux commerciaux faute d’être propriétaire du fonds de commerce exploité. Dans cette hypothèse, le fonds de commerce ne comprend aucun droit au bail. Même si la convention portant sur les murs n’est qu’accessoire, il est vivement conseillé de lier de manière expresse le sort du contrat de gérance libre à celui du bail des locaux. Faute de quoi, on pourrait se trouver face à une situation incohérente où le gérant libre doit continuer à exploiter le fonds de commerce dans des murs dont le contrat de bail est résilié. En effet, dans un contrat de gérance libre, on loue une clientèle et non un immeuble. Il s’ensuit que le mauvais entretien des locaux n’est pas en soi une faute contractuelle justifiant la résiliation du contrat de gérance libre. Cela a été l’avis de la Cour de cassation française qui a cassé sur ce point la décision de la Cour d’appel qui avait prononcé la nullité non seulement de la convention portant sur les murs, mais aussi la gérance libre.
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D’un point de vue logique, la décision de la Cour d’appel bien que juridiquement non fondée, est conforme au bon sens. Car la solution retenue par la Cour de cassation(bail des murs résilié, et gérance libre maintenue) est difficilement acceptable sur le plan logique(60). Face à de telles situations, le propriétaire de fond et de locaux qui décide de louer ensemble ces deux éléments patrimoniaux, doit lier étroitement le destin des deux contrats, par exemple en introduisant une clause dans le contrat de gérance libre stipulant qu’il sera résolu de plein droit en cas de résiliation ou d’annulation du bail des murs.
Paragraphe 2 : Risque de requalification du contrat de gérance libre en bail commercial A l’expiration de la gérance libre, le bailleur(propriétaire des murs) peut refuser le renouvellement de la convention. Dans ce cas, le gérant libre ne peut pas bénéficier du statut des baux commerciaux faute d’être propriétaire du fonds de commerce. Aussi, le gérant libre prétend parfois que le fonds lui appartient et qu’il convient de requalifier le contrat de gérance libre en contrat de bail d’immeuble à usage commercial. Or, la jurisprudence considère qu’il y a bail d’immeuble soumis au dahir du 24 mai 1955 relatif aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal et non contrat de gérance libre, en l’absence de toute clientèle. Le critère doit donc être recherché dans la propriété effective du fonds ; l’élément déterminant est l’existence d’une clientèle appartenant au propriétaire des murs avant la conclusion du contrat. Si la clientèle n’appartient pas au propriétaire des murs ou n’existe pas avant la conclusion du contrat, il y a alors bail d’immeuble. En revanche, si la clientèle existe et appartient au bailleur, il y a gérance libre. (60) Jurisprudence française : « La clause du contrat de location-gérance peut prévoir la résiliation de plein droit du contrat en cas de résiliation du bail des locaux dans lesquels est exploité le fonds ».(Cass.Civ. 22 novembre 1995). « Ne font qu’user de leur pouvoir souverain d’appréciation les juges qui décident que, dans l’intention des parties, c’était la convention de location-gérance d’un fonds de commerce qui, en tant que convention principale, déterminait la durée du contrat de bail des murs.(Cass.Com.30 janvier 1974, Gaz.Pal.1974, som.p105)
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En pratique, il est conseillé au propriétaire du fonds d’éviter de donner son autorisation pour changer la nature du fonds ou pour adjoindre une activité supplémentaire à celle d’origine. Dans le cas contraire, le gérant libre pourrait revendiquer la propriété commerciale, lui permettant alors de bénéficier soit du maintien dans les lieux, soit d’une indemnité d’éviction.
Paragraphe 3 : Paiement de l’indemnité prévue par l’article 39 du dahir du 24 mai 1955 En présence d’une véritable gérance libre, l’article 39 du dahir du 24 mai 1955 relatif aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal, seul article du dahir applicable à la gérance libre, envisage l’hypothèse dans laquelle la gérance libre prend fin alors que le propriétaire du fonds est également propriétaire des murs. Dans ce cas, cet article oblige le bailleur à verser une indemnité au départ du gérant libre, correspondant à la plus value apportée soit au fonds, soit à la valeur locative de l’immeuble par les améliorations matérielles effectuées par le gérant libre. En effet, l’article précité stipule : « lorsqu’il est à la fois propriétaire de l’immeuble loué et du fonds de commerce qui y est exploité et que le bail porte en même temps sur les deux, le bailleur devra verser au locataire, à son départ, une indemnité correspondant au profit qu’il pourra retirer de la plus value apportée, soit au fonds, soit à la valeur locative de l’immeuble, par des améliorations matérielles effectuées par le locataire avec l’accord exprès du propriétaire. » Mais il faut reconnaître que cet article trouvera rarement à s’appliquer en pratique, en raison des conditions exigées ; celles-ci sont les suivantes : •
La plus value apportée au fonds ou à la valeur locative de l’immeuble ne doit trouver son origine que dans des améliorations matérielles ; en principe, aucune amélioration de valeur incorporelle comme la clientèle n’ouvre droit à indemnité.
•
Les améliorations doivent avoir été effectuées avec l’accord exprès du propriétaire des murs. En pratique, ce dernier donne son accord sous condition de ne pas payer l’indemnité de l’article 39.
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CHAPITRE DEUXIEME RISQUES LIES A L’OPERATION DANS LES RAPPORTS DES PARTIES AU CONTRAT AVEC LES CREANCIERS DU FONDS DE COMMERCE
Les créanciers bénéficient d’une protection particulière dans l’opération de mise en gérance. Cette protection revêt deux aspects : l’exigibilité immédiate et la solidarité. L’exigibilité immédiate concerne les créanciers du loueur et la solidarité protège les créanciers du gérant libre.
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Section 1: Risque d’exigibilité immédiate des créances du loueur
L’article 152 de la loi formant code de commerce stipule que « lorsque le contrat de gérance libre est de nature à porter préjudice aux créanciers du bailleur du fonds, le tribunal du ressort peut déclarer exigibles les créances antérieures ayant pour cause l’exploitation dudit fonds». Cette section se propose de traiter des modalités de cette protection légale et de l’éventuelle protection contractuelle qui peut être prévue contractuellement par les créanciers dans le contrat les liant au loueur et auxquelles il faut prêter attention.
Paragraphe 1 : La protection légale des créanciers du loueur 1. Conditions d’application Le contrat de gérance libre est, en tant que tel, opposable aux créanciers du loueur : en le concluant, le propriétaire ou l’exploitant du fonds de commerce ne fait qu’exercer la libre gestion de son patrimoine. Cependant, bien qu’elle soit opposable aux créanciers du loueur, la gérance libre n’en demeure pas moins dangereuse pour eux au cas où le gérant-libre confronterait des difficultés. En outre, dans la mesure où le loueur peut être appelé, durant un temps, comme on le verra à la section suivante, à répondre des dettes du gérant, les mêmes créanciers sont exposés au risque de concours avec les créanciers du gérant sur le fonds de commerce et sur les autres biens du loueur. Aussi l’article 152 de la loi 15-95 formant code de commerce permet au tribunal de commerce, à la demande des créanciers, au moment de la location du fonds, de déclarer immédiatement exigibles les dettes afférentes à l’exploitation du fonds, s’il estime que la gérance libre met en péril leur recouvrement.
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Quant au fond, cet article soumet la déchéance du terme, qu’il organise, à trois conditions cumulatives : 1/
la première a trait aux dettes dont l’exigibilité immédiate peut être prononcée ; il s’agit
uniquement des dettes du loueur afférentes à l’exploitation du fonds ; les dettes civiles du loueur, ainsi que les dettes qui se rapportent à une autre exploitation que celle du fonds de commerce donné en gérance libre, ne sont donc pas exposées à l’exigibilité immédiate. En revanche, l’article 152 n’établit aucune distinction, parmi les dettes liées à l’exploitation du fonds, entre les dettes contractuelles et les dettes non contractuelles ; le texte ne distinguant pas davantage entre les dettes dont le règlement est garanti par une sûreté et les autres, il a vocation à s’appliquer en présence des premières comme des secondes. 2/
La deuxième condition tient dans ce que le recouvrement des dettes concernées doit se trouver
mis en péril par la gérance libre. La charge de la preuve de ce péril incombe au demandeur. 3/
La troisième condition réside dans le pouvoir d’appréciation du tribunal saisi de la demande de
déchéance du terme : à supposer réunies les deux conditions précédentes, l’article 152 n’impose pas au tribunal de faire droit à cette demande ; il ne dit pas que les dettes visées doivent être déclarées immédiatement exigibles, il énonce qu’elles peuvent l’être. Le pouvoir du juge n’est cependant pas absolu : si celui-ci demeure libre de ne pas prononcer la mesure sollicitée lorsque les deux conditions posées par l’article 152 sont réunies, il n’a pas le pouvoir de la prononcer au cas où l’une ou l’autre de ces conditions fait défaut ; la déchéance du terme n’est donc pas une déchéance automatique.
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2. Procédure à suivre par les créanciers 2.1 Nécessité de recourir au Tribunal Puisque, sauf stipulation conventionnelle expresse en ce sens, la mise en gérance libre n’emporte pas de plein droit la déchéance du terme dont sont assorties les dettes du loueur afférentes à l’exploitation du fonds, le créancier du loueur qui prétend à l’exigibilité immédiate de sa créance doit en demander, par voie de justice, le prononcé.
2.2 Compétence d’attribution et compétence du tribunal concerné Quant à la compétence d’attribution et à la compétence territoriale, l’article 152 précise que la demande doit être faite devant le Tribunal de commerce du ressort, c’est à dire du lieu de situation du fonds.
2.3 Délai d’exercice de l’action Le même article dispose que l’action en déchéance doit être introduite dans le délai de trois mois à dater de la publication du contrat de gérance libre dans un journal d’annonces légales et au bulletin officiel. Cette règle de délai est posée « à peine de forclusion », ce qui signifie qu’une fois les trois mois expirés, ledit créancier est définitivement privé du droit de demander la déchéance du terme.
Paragraphe 2 : L’éventuelle protection contractuelle des créanciers du loueur Selon l’article 152 de la loi 15-95 formant code de commerce, la déchéance du terme n’est pas automatique, mais soumise à l’appréciation du Tribunal de commerce. Aussi, pour conjurer les menaces qui pèsent ainsi sur le recouvrement ultérieur de leurs créances :
-
les créanciers du loueur peuvent toujours, préventivement, stipuler une clause suivant laquelle, au cas de mise en gérance du fonds de commerce, leurs créances deviendront immédiatement exigibles ; 104
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-
dans d’autres cas, ils peuvent assortir leurs contrats d’une clause soumettant l’opération de mise en gérance du fonds à leur autorisation. Cette clause est fréquemment utilisée dans les contrats de prêt.
Compte tenu des enjeux financiers, il est conseillé donc au loueur de bien vérifier ses contrats de vente ou de prêt, et de demander dans certains cas l’accord du créancier pour l’opération de mise en gérance.
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Section 2: Risque de solidarité des dettes du gérant libre Il serait judicieux de distinguer les dettes d’exploitation des dettes fiscales.
Paragraphe 1 : La solidarité quant aux dettes d’exploitation L’article 155 de la loi formant code de commerce stipule que « jusqu’à la publication du contrat de gérance libre et pendant une période de 6 mois suivant la date de cette publication, le bailleur du fonds est solidairement responsable avec le gérant libre des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds. » La rédaction lapidaire énoncée par le code de commerce nécessite des précisions d’une part quant à la publicité visée et d’autre part quant aux dettes visées. En plus de ces précisions, ce paragraphe mettra en relief les précautions à prendre par le loueur du fonds de commerce pour atténuer les effets de ce principe de solidarité. 1. Précisions quant à la publicité visée La responsabilité du loueur d’un fonds de commerce pour les dettes contractées par le gérant à l’occasion de l’exploitation du fonds s’étend jusqu’à la publication du contrat de gérance libre et pendant un délai de six mois à compter de cette publication. Ce texte est imprécis car il n’indique pas à quelle publication il se réfère. Cependant, la jurisprudence française a admis que la publication visée est uniquement celle de l’avis à insérer dans un journal d’annonces légales. « Pour échapper à sa responsabilité, le loueur n’est autorisé ni à faire la preuve que le créancier connaissait la location-gérance ni à invoquer la publicité au registre de commerce et des sociétés dès lors que la publicité au journal d’annonces légales n’a pas été effectuée.» (61) De ce fait, on pourrait admettre, que la publication visée par l’article 155 du code de commerce marocain est celle faite au bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales.
(61) Arrêt Cour de Cassation Française du 07 janvier 1992
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Par ailleurs, il convient de prendre en considération l’article 60 de la loi 15-95, qui prévoit à partir de quel moment cesse la responsabilité du loueur à l’égard des obligations contractées par son successeur : « en cas de cession ou de location d’un fonds de commerce, la personne immatriculée reste solidairement responsable des dettes de son successeur ou de son locataire tant qu’elle ne s’est pas fait radier du registre de commerce ou qu’elle n’a pas fait modifier son inscription avec la mention expresse de la vente ou de la location. » La responsabilité du loueur subsistera donc tant que ne sera pas échu le plus tardif des termes de sa garantie : sa radiation(ou la mention en qualité de loueur au registre de commerce) ou le délai de six mois après la publication du contrat. Il est donc conseillé au loueur d’effectuer au plutôt ces opérations. A signaler également que la publication dans un journal d’annonces légales et au bulletin officiel marque le point de départ du délai de trois mois, dans lequel ses créanciers peuvent demander la déchéance du terme de leurs créances. 2. Précisions quant aux dettes visées 2.1 Date de naissance des dettes garanties Pour peser sur le loueur, les dettes doivent être nées au plus tard dans les six mois qui suivent la publication de la gérance libre. La jurisprudence française considère qu’il y a lieu de retenir la date de naissance de la dette litigieuse et non sa date d’échéance.(62) Ce principe peut avoir pour conséquence d’allonger parfois d’une manière excessive le délai de la responsabilité. Tel est le cas notamment des contrats faisant naître des obligations successives comme les contrats de crédit bail, ou les emprunts pour lesquels le loueur sera tenu des engagements ainsi souscrits au delà du délai de six mois, puisque c’est la date de la dette (date du contrat) qu’il faut retenir et non celle de son exigibilité.
(62) Cass.Com.Française.19 novembre 1975 ; Cass.Com.Française.25 novembre 1986
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2.2 Nature des dettes garanties Là encore, le texte de l’article 155 pêche par son imprécision. Il mentionne uniquement que le loueur est solidairement responsable avec le gérant libre des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds. Il convient alors d’analyser les termes : « dettes contractées » et « à l’occasion de l’exploitation du fonds ». 2.2.1) Analyse du terme « contractées » Le terme « contractées » semblait limiter la garantie aux seules dettes de source contractuelle à l’exception des dettes de source délictuelle(concurrence déloyale par exemple) ou légales (cotisations de sécurité sociale).
Or, la jurisprudence française est venue éclaircir ce point à travers un arrêt de la Cour de cassation en 1999. Une caisse de retraite par répartition avait réclamé au loueur d’un fonds de commerce, suite à la défaillance du locataire, le paiement d’une somme au titre des cotisations dues pour les retraites complémentaires des salariés de l’entreprise. La Cour d’appel avait considéré que le loueur du fonds de commerce ne pouvait être condamné au paiement de cette dette au motif que la loi ne vise que les dettes contractuelles et non les dettes d’origine légale telle que les cotisations en cause. La Cour de cassation rejette cette analyse réductrice : dès lors que la dette est liée à l’exploitation du fonds, ce qui était le cas en l’espèce, la solidarité s’applique. La responsabilité du loueur concerne donc tant les dettes contractuelles que les dettes légales. 2.2.2) Analyse du terme « à l’occasion de l’exploitation du fonds » Pour ce terme, la jurisprudence a restreint autant qu’elle a pu l’obligation du loueur. En effet, il s’avère de la lettre de l’article 155 que, ni les dettes personnelles du gérant, ni les dettes professionnelles 108
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contractées par celui-ci, mais liées à l’exploitation d’un autre fonds ou liées à une autre activité, ne relèvent de la disposition légale, les dettes contractées « à l’occasion de l’exploitation du fonds » n’englobent pas toutes les dettes liées à cette exploitation ; elles ne regroupent que les dettes « nécessaires à l’exploitation du fonds donné en gérance libre » ; il s’ensuit que toute dette née de l’exploitation du fonds n’engage pas solidairement le loueur, bien qu’elle ait été contractée « à l’occasion de l’exploitation » ; seules les dettes sans lesquelles la poursuite de l’exploitation serait compromise peuvent engager solidairement le loueur. Ainsi, les juges français ont estimé que la nécessité d’exploitation n’était pas démontrée (63) :
•
à propos des cotisations de retraite vieillesse qui sont des dettes strictement personnelles au commerçant et non nécessaires à l’exploitation du fonds(cass.com.6 juin 1972, B) ;
•
à propos de l’acquisition d’un appareil d’un prix relativement élevé dont il n’est pas démontré que l’acquisition répond à une nécessité de l’exploitation du fonds(cass.com.8 janvier 1980, BC IV n°113);
•
à propos des dettes se rapportant à une extension non nécessaire de l’exploitation en l’occurrence,
des
tournées
de
livraison
avec
véhicule
alors
que
l’activité
était
sédentaire(cass.com.25 juin 1986, BCIV n°139); •
en ce qui concerne le prêt contracté par le gérant libre afin de verser le cautionnement réclamé par le loueur(cass.com.6 juin 1972, A ; cass.com.8 février 1972);
•
à propos de l’achat d’un meuble-bar pour un fonds de café, le meuble-bar existant n’étant pas dans un état tel qu’il était absolument indispensable pour exploiter le fonds de pourvoir à un remplacement complet et extrêmement coûteux ; cette acquisition ne répondait pas à une nécessité de l’exploitation du fonds de commerce donné en location gérance(cass.com.24 septembre 2003, n°01-01031).
(63) « Location-gérance et sociétés d’exploitation », La Revue Fiduciaire Dossiers Services, mise à jour
le 24/06/04 , p. 58.
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3. Voies ouvertes au loueur pour diminuer les risques de solidarité
-
Il convient tout d’abord de privilégier la tacite reconduction du contrat de gérance libre. En effet, la tacite reconduction n’impose pas une nouvelle publicité à condition qu’aucune modification n’intervienne ni dans la nature de l’exploitation, ni dans la personne de l’exploitant. En évitant ainsi une nouvelle publicité, le loueur est exempté d’une nouvelle période de solidarité. Cette tacite reconduction doit être prévue au contrat, et le gérant libre, en s’immatriculant au registre de commerce, devra mentionner que le contrat est renouvelable par tacite reconduction.
-
Le loueur pourrait également limiter la liberté du gérant libre, en l’obligeant à obtenir son accord écrit, s’il envisage de conclure des engagements importants : emprunts, contrats de crédit bail, achats de matériels ou de fournitures pour un montant supérieur à ……, ou en lui interdisant de conclure certaines opérations pendant les six premiers mois d’exploitation. Pour être pleinement efficace, le contrat de gérance libre devra prévoir que le non respect de cette clause entraînera sa résiliation.
-
Pour surveiller l’évolution de sa situation financière, le loueur pourrait imposer au gérant libre de produire à son intention, pendant les six premiers d’exploitation, des situations comptables mensuelles, et que le défaut de production de ces situations serait sanctionné par la résiliation du contrat. (64)
-
Le loueur pourrait également stipuler dans le contrat que le locataire devra verser un dépôt de garantie visant à garantir le loueur, des paiements que ce dernier serait amené à effectuer en exécution de sa responsabilité solidaire. Toutefois, afin de ne pas démunir le gérant libre, il conviendra de fixer les modalités de remboursement de ce dépôt, par exemple prévoir que la somme sera remboursée, déduction faite des dettes figurant à la situation comptable établie pour les six premiers mois d’exploitation et ensuite prévoir le remboursement au fur et à mesure du paiement de ces dettes par le gérant libre.
(64)
La cour de cassation française a admis la validité d’une telle clause résolutoire sanctionnant l’obligation du locataire gérant de fournir, à la demande du propriétaire du fonds, un relevé de sa situation active et passive.(Cass. Civ. 29 octobre 1970, BC III n° 564).
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La solidarité résultant de l’article 155, fait donc courir un risque au loueur, qui pourrait néanmoins être réduit par la prise de précautions. Mais il existe une solidarité encore plus embarrassante et plus dangereuse pour le loueur : la solidarité fiscale !
Paragraphe 2 : La solidarité fiscale L’Etat s’est doté d’une protection encore plus avantageuse en faisant du loueur du fonds de commerce un débiteur solidaire du gérant libre, pour tous les impôts directs relatifs à l’exploitation du fonds. En effet, l’article 99 de la loi 15-97 formant code de recouvrement des créances publiques prévoit : « Nonobstant toutes dispositions contraires, le propriétaire d’un fonds de commerce est solidairement responsable avec l’exploitant du paiement des impôts directs et taxes assimilées dus à raison de l’exploitation dudit fonds. » Cette solidarité a été également annoncée par l’article 17 du décret 1-61-442 du 30 décembre 1961 portant réglementation de l’impôt des patentes qui stipule : « lorsqu’un fonds de commerce, ou une installation commerciale ou industrielle, n’est pas exploité par son propriétaire, celui-ci est néanmoins responsable solidairement avec l’exploitant des droits de patente établis pour ce fonds de commerce ou cette installation. » Ce paragraphe traitera successivement des conditions d’application de cette solidarité fiscale, et des mesures que le loueur du fonds doit impérativement prendre pour en limiter l’application. 1. Conditions d’application de la solidarité fiscale Tous les impôts directs dus par le gérant à raison de l’exploitation du fonds sont concernés. Il s’agit notamment : - de l’impôt général sur le revenu afférent aux bénéfices provenant de l’exploitation du fonds ; - de l’impôt sur les sociétés ; - des taxes locales ; 111
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- des taxes communales ;……. En revanche, cette garantie ne couvre pas les impôts indirects, la TVA par exemple. A signaler toutefois que pour ces derniers, l’Administration fiscale peut se prévaloir des dispositions de l’article 155 de la loi 15-95, si la TVA impayée est due au titre de la période d’exploitation n’excédant pas six mois après la publication du contrat de gérance libre. Contrairement à la responsabilité prévue à l’article 155, la limitation de six mois ne joue pas ici. La responsabilité du propriétaire s’étend à tous les impôts directs établis au titre de la période pendant laquelle le fonds a été géré par le gérant libre. Peu importe en particulier, qu’ils aient été mis en recouvrement après la cessation de la gérance libre. Cette solidarité est d’autant plus redoutable que le Trésor peut s’adresser au propriétaire, même s’il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour contraindre l’exploitant. Il est inutile de souligner combien cette règle est dangereuse pour le loueur en raison de sa permanence, de son étendue, et de ses modalités de mise en œuvre. Pour toutes ces raisons, le bailleur doit s’astreindre à surveiller l’état des dettes fiscales de son gérant.
2. Mesures de surveillance à mettre en place par le loueur Tout d’abord, le contrat de gérance libre doit systématiquement prévoir que l’exploitant du fonds de commerce communiquera à son propriétaire le double de ses déclarations fiscales. Le loueur pourra aussi lui demander de justifier du paiement des impôts en lui communiquant, par exemple, photocopies des quittances de paiement. Le contrat prévoira également, une clause résolutoire pour le cas où le locataire n’aurait pas scrupuleusement accompli ses obligations fiscales et déclaratives à l’égard du propriétaire du fonds. Par ailleurs, le propriétaire pourrait exiger un cautionnement substantiel en fonction des risques potentiels et ne s’en dessaisir en fin de gérance qu’après avoir vérifié auprès de l’administration fiscale que le gérant n’est plus redevable d’impôts et qu’aucune imposition ne va être mise en 112
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recouvrement au nom de celui-ci. A signaler qu’en ce qui concerne l’administration fiscale française, celle-ci admet que le bailleur puisse demander la remise gracieuse des impôts mis à sa charge lorsqu’il peut établir qu’il a pris toutes dispositions pour surveiller l’exécution par l’exploitant de ses obligations fiscales et qu’il a été victime de manœuvres accomplies par celui-ci pour éluder le paiement de ses dettes(rép.Bérard, JO 20 février 1971, déb. N p.475). (65)
Les demandes de décharge s’apprécient essentiellement en fonction des précautions prises par les requérants pour sauvegarder leur responsabilité, notamment la constitution d’une caution, et pour surveiller l’activité de leur exploitant (rép.Chinaux, JO 26 juin 1975, déb. N p.4834). (65) Pour permettre au propriétaire de suivre la situation du locataire, l’administration fiscale française a prévu que le bailleur peut se faire délivrer des extraits de rôle des impôts établis au nom de l’exploitant. Cependant, pour concilier cette nécessité avec les règles du secret professionnel, il a été précisé que le comptable du Trésor ne peut pas communiquer au propriétaire le dossier fiscal du gérant libre ni lui indiquer les bases sur lesquelles ce dernier est imposé. (65)
(65) « Location-gérance et sociétés d’exploitation », La Revue Fiduciaire Dossiers – Services, mise à jour le 24/06/04, p. 98
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CHAPITRE TROISIEME RISQUES LIES A L’OPERATION DANS LES RAPPORTS DES PARTIES AU CONTRAT AVEC LES SALARIES DU FONDS DE COMMERCE
Le principe de la relativité des conventions (66) s’oppose à ce que les engagements pris par le loueur antérieurement à la mise en gérance du fonds soient transmis au gérant libre. Toutefois, la loi impose, à titre exceptionnel, la continuation, par le gérant libre, des contrats de travail en cours à la date de la gérance libre ; et la transmission au loueur qui reprend le fonds, des contrats de travail conclus par le gérant et en cours d’exécution à la fin de la gérance. Cette disposition découle de l’alinéa 1 de l’article 19 de la loi 65-99 formant code de travail. Celui-ci stipule, en effet: « en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur ou dans la forme juridique de l’entreprise, notamment par succession, vente, fusion ou privatisation, tous les contrats en cours au jour de la modification subsistent entre les salariés et le nouvel employeur. Ce dernier prend vis à vis des salariés la suite des obligations du précédent employeur, notamment en ce qui concerne le montant des salaires et des indemnités de licenciement et le congé payé. » Certes, le texte ne mentionne pas expressément la gérance libre, mais ses dispositions recevraient application auprès de la convention de gérance libre, celle-ci consistant en un transfert d’une entité économique, conservant son identité et dont l’activité est poursuivie, après le transfert. (67) Dans le cas de gérance libre, la règle du maintien des contrats de travail trouve à s’appliquer dans la mesure où le gérant libre se trouve dans une situation qui peut lui assurer les mêmes profits que s’il avait acquis le fonds, c’est la même entité économique comprenant les différents éléments d’exploitation qui poursuit la même activité.
(66)
Article 228 du D.O.C : « les obligations n’engagent que ceux qui ont été parties à l’acte : elles ne nuisent point aux tiers et elles ne leur profitent que dans les cas exprimés par la loi. »
(67)
Jurisprudence marocaine : « Le dahir du 26 septembre 1938, modifiant l’article 754 du D.O.C stipule que s’il survient une modification juridique de l’employeur , notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l’entreprise. Doit être considéré comme un nouvel entrepreneur, au sens du texte susvisé, le propriétaire qui reprend l’exploitation de son établissement qu’il avait un moment loué à un autre entrepreneur. » Cass.Soc., 20-II-1947, G.T.M., 1947, n°996, p.39 ; R.A.C.A.R., T.XIV, p.228.
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Le principe posé par l’article 19 de la loi 65-99 formant code de travail gouverne ainsi le sort des contrats de travail tant lors de la mise en gérance du fonds qu’à la fin de celle-ci.
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Section 1: Sort des contrats de travail lors de la mise en gérance-libre : la solidarité sociale du gérant-libre Tous les contrats de travail en cours au jour de la conclusion du contrat de la gérance libre sont transmis au gérant libre, sous les mêmes conditions que celles existant auparavant avec le loueur. Le champ d’application de cette transmission est très étendu. Ainsi, le texte s’applique : - aux contrats de travail à durée indéterminée ; - aux contrats de travail à durée déterminée ; - et aux contrats d’apprentissage et de qualification. Le principe du maintien des contrats a pour effet : - la continuation automatique du contrat de travail ; - le transfert au gérant libre des droits existant jusqu’alors au profit du loueur ; - le maintien des avantages liés à l’emploi et à l’ancienneté.
Paragraphe 1 : Continuation automatique du contrat de travail La substitution du nouvel employeur à l’ancien s’opère de plein droit par le seul effet de la loi. Il en résulte notamment que l’employeur n’est pas tenu d’informer individuellement les salariés de l’opération de mise en gérance. La règle de la continuation des contrats de travail qui concerne au premier chef l’employeur s’impose également au salarié, dont le contrat est transféré automatiquement au nouvel employeur. La modification de la situation juridique de l’employeur s’imposant au salarié, celui-ci n’a pas à donner son consentement au gérant libre pour que le contrat se poursuive avec lui. Le refus du salarié de passer au service du gérant libre, alors que le changement de direction ne 116
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s’accompagne pas de modification substantielle du contrat de travail constitue une rupture imputable au salarié.
Paragraphe 2 : Transfert des droits existants au profit de l’employeur initial Le maintien du contrat de travail avec le gérant libre implique également que celui-ci puisse invoquer à l’encontre du salarié certains droits existant jusqu’alors au profit du loueur. Par exemple, si une clause de non concurrence figure dans le contrat de travail au profit du loueur pour le cas où cesse la relation de travail, son bénéfice est transmis au gérant libre.
Paragraphe 3 : Maintien des avantages liés à l’emploi et à l’ancienneté Par l’effet de l’article 19, les contrats qui unissaient les salariés au loueur ne subissent aucune rupture malgré le changement de l’employeur. Le gérant libre est donc tenu envers les salariés aux mêmes obligations que le loueur puisque le contrat initial subsiste. Le contrat de travail continuant de s’exécuter dans les mêmes conditions qu’auparavant, il en résulte que le salarié est censé conserver sa qualification, ses attributions, et sa rémunération. Par ailleurs, tous les droits du salarié qui sont liés à l’ancienneté de celui-ci dans l’entreprise sont calculés d’après la totalité des services accomplis depuis la date à laquelle il a été embauché dans l’entreprise. Il en est ainsi notamment des droits du salarié en cas de rupture du contrat. Comme on peut le constater, les effets de l’article 19, et notamment le maintien des avantages liés à l’emploi et à l’ancienneté, peuvent avoir des conséquences considérables sur la gestion du futur gérant libre. En effet, si le gérant libre entend exploiter seul le fonds ou réorganiser l’entreprise par le biais de suppression de postes, il devrait subir les incidences financières occasionnées par la rupture des contrats de travail. 117
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En conséquence, le gérant libre doit être vigilant. Il doit analyser la composition du personnel et consulter les contrats de travail en cours afin de détecter les éventuelles clauses exorbitantes ; et conclure le contrat de gérance libre en connaissance de cause.
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Section 2: Sort des contrats de travail à la fin de la gérance-libre : la solidarité sociale du loueur
Les implications de l’arrivée à terme de la gérance libre sur les salariés du fonds de commerce seront traitées dans deux cas : •
le cas où le fonds retourne à son propriétaire ;
•
et le cas où le fonds ne retourne pas à son propriétaire.
Paragraphe 1 : Le fonds de commerce retourne à son propriétaire Lors de la reprise du fonds par son propriétaire au jour de l’expiration du contrat de gérance libre, tous les contrats de travail en cours à cette date sont automatiquement maintenus. L’application de l’article 19 ne se limite pas aux salariés qui avaient été engagés par le propriétaire du fonds avant la mise en location de celui-ci, mais concerne aussi ceux qui auraient été embauchés par le gérant libre. En cours de gérance, ce dernier peut effectivement procéder à l’embauche de nouveaux salariés, ou encore apporter des modifications aux contrats de travail qui lui ont été initialement transmis. Le loueur devra alors assumer, en fin de gérance, toutes les obligations afférentes à ces nouveaux contrats et aux éventuelles modifications. (68) Il y a alors naissance d’une nouvelle solidarité que l’on peut qualifier de solidarité sociale ! Le bailleur étant tenu de reprendre tous les contrats de travail existant au jour de la fin de la gérance, une clause de contrôle peut être mise en place. Elle consiste, d’une part, à faire prendre au gérant libre un engagement de poursuivre la même politique salariale que celle suivie jusque-là par le bailleur et, d’autre part, à prévoir que le bailleur devra être consulté pour les embauches avec des salaires dépassant un certain montant et, lors de l’extension importante d’effectif.
(68) Bien que les dispositions de l’article 19 de la loi 65-99 soient d’ordre public, elles ne font pas obstacle, à notre avis, à ce que le nouvel employeur adapte la masse salariale aux besoins de l’entreprise en renégociant les contrats en cours avec les employés, dans le respect de la loi.
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Ces clauses ne doivent pas paralyser le gérant dans sa politique d’embauche et ne pas laisser supposer une direction de fait du bailleur. En toute hypothèse, le salarié embauché sans avoir respecté la procédure d’avis prévue au contrat sera repris par le bailleur avec le fonds, ce dernier ne pouvant que demander des dommages-intérêts au gérant ou tenir compte de l’impact dans le décompte à établir avec le gérant lors de la reprise du fonds.
Paragraphe 2 : Le fonds de commerce ne retourne pas à son propriétaire Cette situation de non retour peut avoir pour causes soit l’acquisition du fonds par le gérant libre, dans ce cas il y a de nouveau application de l’article 19 du code de travail, soit la ruine du fonds par le gérant libre. Cette dernière cause se rencontre notamment en cas de liquidation judiciaire du gérant libre. Mais encore faut-il que suite à cette dernière le fonds soit véritablement devenu inexploitable, empêchant toute poursuite par son propriétaire. Quelques contentieux, montrent effectivement que la liquidation judiciaire du gérant libre n’implique pas nécessairement la ruine du fonds. L’enjeu de ces contentieux réside essentiellement dans la détermination du débiteur des indemnités de licenciement. Ainsi, si le propriétaire du fonds n’entend pas supporter la charge des licenciements, malgré la liquidation judiciaire du gérant libre, il doit s’abstenir d’accomplir tous actes positifs d’exploitation.
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CONCLUSION Tout au long de notre mémoire, nous avons démontré que le montage d’une convention de gérance libre est loin de constituer une opération simple. Les différentes parties formant le corps de ce mémoire ont, en effet, mis en relief plusieurs zones de complexité. Une première zone de complexité découle de la nature juridique du fonds de commerce objet du contrat. Ce fonds de commerce ne saurait exister sans l’existence d’une clientèle. Or cet élément essentiel est particulièrement volatil. L’opération de gérance libre, en dissociant la propriété du fonds de commerce de son exploitation, accentue le risque de disparition de la clientèle et donc de dépréciation de la valeur du fonds de commerce. De ce fait, la rédaction du contrat de gérance libre ne devrait pas utiliser une formule générale. Tous les éléments mis à la disposition du locataire et/ou nécessaires au ralliement de la clientèle devraient être décrits dans le contrat. Il convient également de préciser les conditions de leur entretien et les obligations de leur renouvellement. La deuxième zone de complexité découle de la sévérité de la réglementation de la gérance libre à certains égards aussi bien vis-à-vis du loueur que du gérant libre. En effet, d’une part pour protéger les créanciers du fonds de commerce, le législateur ne s’est pas contenté d’édicter la procédure permettant de rendre immédiatement exigibles les dettes du loueur existantes lors de la mise en gérance. Il a institué en plus le principe de la solidarité (temporaire et permanente) entre le loueur et le gérant libre. Cette dernière disposition représente un véritable danger pour le loueur qui devrait prendre certaines précautions, lors de la rédaction du contrat, afin d’atténuer les risques et les conséquences liés à cette solidarité.
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D’autre part, le statut accordé par le législateur au gérant libre demeure précaire. Il ne bénéficie d’aucun droit au renouvellement à l’expiration du contrat. En plus, la loi n’a pas envisagé la vente du fonds de commerce au gérant libre en cours de contrat : le loueur reste libre d’aliéner son fonds et aucun droit de priorité n’est conféré au gérant libre. Le contrat de gérance libre devrait, par conséquent, suppléer aux carences de la loi et améliorer la situation du gérant libre en lui accordant un droit de préférence en cas de vente du fonds de commerce. Une autre zone de complexité réside dans l’interférence dans le montage de l’opération des dispositions de la loi 15-95 formant code de commerce et le dahir du (24 mai 1955) relatif aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal ainsi que des dispositions de l’article 19 de la loi 65-99 formant code de travail. Dans le cas où le propriétaire du fonds de commerce est locataire des murs, il y a coexistence de la législation sur la gérance libre (loi 15-95) et celle sur les baux commerciaux(24 mai 1955). Des précautions devraient être prises pour que le contrat de gérance libre ne soit pas assimilé par le propriétaire des murs à une sous location déguisée. Le contrat de bail commercial devrait être également bien analysé et ses clauses respectées car il peut interdire la gérance libre ou la soumettre à des conditions. Dans le cas où le propriétaire du fonds est également propriétaire des murs, la législation sur les baux commerciaux n’a normalement pas vocation à s’appliquer. Mais l’incertitude régnant sur la notion de clientèle et donc de fonds de commerce peut parfois être à l’origine de conflits inattendus. En effet, la loi 15-95 formant code de commerce n’a octroyé au gérant libre aucun droit à renouvellement à l’expiration du contrat, ce qui renforce la position du loueur. Mais cette position de force peut parfois s’inverser si le gérant libre parvient à démontrer qu’il s’est constitué une clientèle propre et qu’il a ainsi créé un véritable fonds de commerce, il pourra alors invoquer le droit à renouvellement prévu par les baux commerciaux. Cette situation est susceptible de se rencontrer lorsque le fonds loué n’avait qu’une clientèle embryonnaire lors de la mise en gérance ou encore lorsque le loueur a autorisé le gérant libre à exercer une activité indépendante de celle initialement louée.
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Enfin en ce qui concerne les dispositions du code de travail, il convient d’avoir pleinement conscience de la portée du principe de solidarité sociale posé par l’article 19 qui reçoit application aussi bien lors de la mise en gérance que lors du retour du fonds de commerce à son propriétaire en fin de gérance; puisque tous les contrats de travail en cours avec le gérant libre sont transférés au loueur. Comme pour les autres solidarités, le contrat de gérance libre devrait prémunir le loueur contre les risques de cette dernière. Cette complexité qui caractérise le montage de la convention de gérance libre provient principalement de l’insuffisance de réglementation de l’opération par le législateur. Les quelques articles réservés à la gérance libre dans le code de commerce gagneraient à être enrichis en intégrant des aspects jusqu’alors régis par la jurisprudence, et en complétant la rédaction d’autres aspects dont la pratique a démontré l’insuffisance. L’intervention du législateur devrait viser également l’objectif de diminuer la méfiance à l’égard de l’opération de gérance libre par les différentes parties intéressées notamment en clarifiant le statut fiscal de la convention, en reprenant la réglementation des solidarités du loueur et en revoyant le statut du gérant libre dans le sens de l’équilibre des intérêts des cocontractants et du développement de l’usage de l’opération.
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ANNEXES
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ANNEXE 1
Dahir n° 1-96-83 du 15 rabii I 1417 (1er août 1996) portant promulgation de la loi 15-95 formant code de commerce Extrait des articles applicables à la gérance libre LIVRE PREMIER LE COMMERCANT TITRE III LA CAPACITE COMMERCIALE Article 13 L’autorisation d’exercer le commerce par le mineur et la déclaration anticipée de majorité prévues par le code du statut personnel, doivent être inscrites au registre du commerce. Article 14 Le tuteur testamentaire ou datif ne peut exploiter les biens du mineur dans le commerce, qu’après autorisation spéciale du juge conformément aux dispositions du code du statut personnel. Cette autorisation doit être inscrite au registre de commerce du tuteur testamentaire ou datif. En cas d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire imputable à la mauvaise gestion du tuteur testamentaire ou datif, ce dernier est passible des sanctions prévues au titre V du livre V de la présente loi. TITRE IV LES OBLIGATIONS DU COMMERCANT CHAPITRE II LA PUBLICITE AU REGISTRE DE COMMERCE Article 37 Sont tenues de se faire immatriculer au registre de commerce toutes les personnes physiques ou morales, marocaines ou étrangères, exerçant une activité commerciale sur le territoire du Royaume. L’obligation d’immatriculation s’impose en outre : 1/ à toute succursale ou agence d’entreprise marocaine ou étrangère ; 2/ à toute représentation commerciale ou agence commerciale des Etats, collectivités ou établissements publics étrangers ; 3/ aux établissements publics marocains à caractère industriel ou commercial, soumis par leurs lois à l’immatriculation au registre de commerce ; 4/ à tout groupement d’intérêt économique. 125
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Article 52 En cas d’acquisition ou de location d’un fonds de commerce, il est procédé sur le registre de commerce du précédent propriétaire ou du bailleur, à la radiation de l’inscription du fonds cédé ou loué. Article 60 En cas de cession ou de location d’un fonds de commerce, la personne immatriculée reste solidairement responsable des dettes de son successeur ou de son locataire tant qu’elle ne s’est pas fait radier du registre de commerce ou qu’elle n’a pas fait modifier son inscription avec la mention expresse de la vente ou la location. LIVRE II LE FONDS DE COMMERCE TITRE PREMIER LES ELEMENTS DU FONDS DE COMMERCE Article 79 Le fonds de commerce est un bien meuble incorporel constitué par l’ensemble de biens mobiliers affectés à l’exercice d’une ou de plusieurs activités commerciales. Article 80 Le fonds de commerce comprend obligatoirement la clientèle et l’achalandage. Il comprend aussi, tous autres biens nécessaires à l’exploitation du fonds tels que le nom commercial, l’enseigne, le droit au bail, le mobilier commercial, les marchandises, le matériel et l’outillage, les brevets d’invention, les licences, les marques de fabrique, de commerce et de service, les dessins et modèles industriels et, généralement, tous droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique qui y sont rattachés. TITRE II LES CONTRATS PORTANT DU FONDS DE COMMERCE CHAPITRE V LA GERANCE LIBRE Article 152 Nonobstant toute clause contraire, tout contrat par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls est régi par les dispositions ci-après. Lorsque le contrat de gérance libre est de nature à porter préjudice aux créanciers du bailleur du fonds, le tribunal du ressort peut déclarer exigibles les créances antérieures ayant pour cause l’exploitation 126
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dudit fonds. La demande tendant à déclarer l’exigibilité desdites créances doit, à peine de forclusion, être introduite dans le délai de trois mois à compter de la date prévue au deuxième alinéa de l’article 153 ci-dessous. Article 153 Le gérant libre a la qualité de commerçant et il est soumis à toutes les obligations qui en découlent. Tout contrat de gérance libre est publié dans la quinzaine de sa date, sous forme d’extrait au Bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales. Le bailleur est tenu, soit de se faire radier du registre de commerce, soit de modifier son inscription personnelle avec la mention expresse de la mise en gérance libre. La fin de la gérance libre donne lieu aux mêmes mesures de publicité. Article 154 Le gérant libre est tenu d’indiquer sur tous documents relatifs à son activité commerciale ainsi que sur toutes pièces signées par lui à cet effet ou en son nom, son numéro d’immatriculation au registre de commerce et le siège du tribunal ou il est immatriculé et sa qualité de gérant libre du fonds. Toute infraction aux dispositions de l’alinéa précédent est passible d’une amende de 2.000 à 10.000 dirhams. Article 155 Jusqu’à la publication du contrat de gérance libre et pendant une période de 6 mois suivant la date de cette publication, le bailleur du fonds est solidairement responsable avec le gérant libre des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds, sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 60. Article 156 Les dispositions de l’article précédent ne s’appliquent pas aux contrats de gérance libre passés par des mandataires de justice chargés, à quelque titre que ce soit, de l’administration d’un fonds de commerce, à condition qu’ils aient été autorisés aux fins desdits contrats par l’autorité de laquelle ils tiennent leur mandat et qu’ils aient satisfait aux mesures de publicité prévues. Article 157 La fin de la gérance libre rend immédiatement exigibles les dettes afférentes à l’exploitation du fonds contractées par le gérant libre pendant la durée de la gérance. Article 158 Tout contrat de gérance libre consenti par le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ne remplissant pas les conditions prévues aux articles ci-dessus, est nul. Toutefois, les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l’égard des tiers.
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LIVRE V LES DIFFICULTES DE L’ENTREPRISE TITRE II LES PROCEDURES DE TRAITEMENT DES DIFFICULTES DE L’ENTREPRISE Article 573 Le syndic a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant de l’entreprise. Le contrat est résilié de plein droit après mise en demeure adressée au syndic et restée plus d’un mois sans réponse. Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par l’entreprise d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture. Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration du passif. Si le syndic n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat, l’inexécution peut donner lieu à des dommages intérêts dont le montant sera déclaré au passif. L’autre partie peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par l’entreprise en exécution du contrat jusqu’à ce qu’il ait été statué sur les dommages intérêts. Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l’ouverture du redressement judiciaire.
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ANNEXE 2 Dahir du 2 chaoual 1374(24 mai 1955) relatif aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal Article 39 Lorsqu’il est à la fois propriétaire de l’immeuble loué et du fonds de commerce qui y est exploité et que le bail porte en même temps sur les deux, le bailleur devra verser au locataire, à son départ, une indemnité correspondant au profit qu’il pourra retirer de la plus value apportée, soit au fonds, soit à la valeur locative de l’immeuble, par des améliorations matérielles effectuées par le locataire avec l’accord exprès du propriétaire.
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ANNEXE 3 Dahir n° 1-00-175 du 28 moharrem 1421 (3 mai 2000) portant promulgation de la loi 15-97 formant code de recouvrement des créances publiques Article 99 Nonobstant toutes dispositions contraires, le propriétaire d’un fonds de commerce est solidairement responsable avec l’exploitant du paiement des impôts directs et taxes assimilées dus à raison de l’exploitation dudit fonds.
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ANNEXE 4 Décret n°1-61-442 du 22 rejeb 1381 (30 décembre 1961) portant réglementation de l’impôt des patentes Article 17 Lorsqu’un fonds de commerce ou une installation commerciale ou industrielle n’est pas exploité par son propriétaire, celui-ci est néanmoins responsable solidairement avec l’exploitant des droits de patentes établis pour ce fonds de commerce ou cette installation.
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ANNEXE 5 Dahir n°1-04-22 du 12 hija 1424 (3 février 2004) portant promulgation de la loi n°70.03 portant code de la famille Article 209 L’âge de la majorité légale est fixé à dix-huit années grégoriennes révolues. Article 271 Le tuteur testamentaire ou datif ne peut effectuer les actes ci-après qu’avec l’autorisation du juge des tutelles : 1. vendre un bien immeuble ou meuble de l’interdit dont la valeur excède dix mille dirhams(10.000 DH) ou créer un droit réel sur ce bien ; 2. apporter en participation une partie des biens de l’interdit à une société civile ou commerciale ou l’investir dans le commerce ou la spéculation ; 3. se désister d’un droit ou d’une action, ou transiger ou accepter l’arbitrage à leur sujet ; 4. conclure des contrats de bail dont l’effet peut s’étendre au-delà de la fin de l’interdiction ; 5. accepter ou refuser les libéralités grevées de droits ou de conditions ; 6. payer des créances qui n’ont pas fait l’objet d’un jugement exécutoire ; 7. prélever sur les biens de l’interdit, la pension alimentaire due par celui-ci aux personnes à sa charge, à moins que cette pension ne soit ordonnée par jugement exécutoire ; La décision du juge autorisant l’un des actes précités doit être motivée.
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ANNEXE 6 : ETUDE DE CAS PRATIQUES Cas pratique n°1 : analyse des précautions prises contractuellement quant aux risques encourus par les parties d’un contrat de gérance libre I.
PRESENTATION DU CONTRAT
Entre les soussignés : La société A,…….(forme) au capital de ……….dirhams, dont le siège social est à …………. , inscrite au registre de commerce de …….., sous le numéro ………. , représentée par Monsieur……….., agissant au nom et pour le compte de ladite société en qualité de ……………, ayant tous pouvoirs aux fins des présentes, ci-après dénommée le loueur, D’une part, Et La société B,…….(forme) au capital de ……….dirhams, dont le siège social est à …………. , inscrite au registre de commerce de …….., sous le numéro ………. , représentée par Monsieur……….., agissant au nom et pour le compte de ladite société en qualité de ……………, ayant tous pouvoirs aux fins des présentes, ci-après dénommée le gérant libre, D’autre part,
Préambule : La société A est propriétaire d’un fonds de commerce de ……….(activité), sis à ………; qu’elle entend donner en gérance libre. La société B souhaite prendre en gérance libre le fonds de commerce sus mentionné. La société B s’est rapprochée de la société A aux fins de conclure le présent contrat de gérance libre. Ceci exposé, il a été convenu et arrêté ce qui suit : Article 1 : Objet Par les présentes, le loueur donne à bail à loyer à titre de gérance libre au gérant libre qui accepte, avec les garanties ordinaires de droit en pareille matière, le fonds de commerce ci-après désigné. 133
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Article 2 : Désignation du fonds de commerce Un fonds de commerce de ………..(activité), connu sous l’enseigne……….., situé et exploité à……….(adresse d’exploitation), pour lequel le loueur est inscrit au registre de commerce de ……..sous le numéro……. Ledit fonds de commerce comprenant : -
le matériel, le mobilier commercial servant à son exploitation, décrits et estimés dans un état annexé au présent acte ; la clientèle et l’achalandage y attachés ; le droit à la jouissance des locaux où est exploité le fonds de commerce présentement loué ; le droit au bénéfice des contrats, marchés, conventions et traités divers en cours de validité à ce jour et relatifs à l’exploitation du fonds de commerce et dont une liste figure en annexe aux présentes conventions. Si lesdits contrats, marchés, conventions ou traités font l’objet d’une autorisation spéciale, l’obtention de ladite autorisation représente une condition suspensive pour l’exécution du présent contrat ;
Tel que ledit fonds s’étend, se poursuit et se comporte avec toutes ses aisances et dépendances sans exceptions ni réserves, le gérant libre déclarant bien le connaître. Article 3 : Durée – Entrée en vigueur La présente gérance libre est consentie et acceptée pour une durée de 4(quatre) années entières et consécutives commençant à courir le ………..pour se terminer le ………. Elle se renouvellera ensuite d’année en année par tacite reconduction, à moins que l’une des parties ne décide d’y mettre fin au moyen d’un courrier recommandé avec accusé de réception adressé à l’autre partie en respectant un délai de préavis d’au moins trois mois avant l’expiration de la période en cours. Article 4 : Charges et conditions La présente gérance libre est consentie et acceptée sous les charges et conditions suivantes que les parties s’obligent, chacune en ce qui la concerne, à exécuter et à accomplir, à savoir : 4.1 Non garantie : Le gérant libre s’engage à prendre le fonds de commerce, objet des présentes, et tous ses accessoires, le matériel et le mobilier commercial, ainsi que les locaux, dans l’état où ceux-ci existent actuellement sans pouvoir exercer contre le loueur aucun recours, pour quelque cause que ce soit, n indemnité ou diminution de la redevance ci-après fixée. 4.2 Mode d’exploitation : Le gérant libre devra exploiter lui-même en bon père de famille le fonds de commerce objet des présentes, en y consacrant toute l’activité, les soins et diligences nécessaires de manière à le faire
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prospérer, à conserver et augmenter la clientèle ainsi que l’achalandage qui y sont attachés, et ne devra rien faire qui entraînerait une dépréciation du fonds et de la totalité de ses éléments. Le gérant libre devra exploiter le fonds selon les meilleurs usages commerciaux et locaux, et respecter, notamment, les heures d’ouverture et de fermeture. Le gérant libre ne pourra ni modifier l’activité louée et le mode d’exploitation, ni transférer le siège en d’autres locaux que ceux où il est actuellement exploité, sauf, dans tous les cas, autorisation préalable, expresse et écrite du loueur. Le gérant libre devra également satisfaire à toutes les charges de ville et de police dont pareille exploitation et tenue de telle sorte que le loueur ne soit jamais inquiété ni recherché à ce sujet, et supportera seul et sans recours les conséquences de toute contravention ou de toute infraction de quelque nature qui pourrait être constatée par quelque autorité ou juridiction que ce soit. 4.3 Entretien : Le gérant libre devra maintenir en bon état d’entretien le matériel et le mobilier servant à l’exploitation du fonds et les restituer en fin de gérance. Il devra, également, remplacer dans les meilleurs délais et à ses frais tout élément de ce mobilier commercial et matériel qui viendrait à disparaître ou serait mis hors service pour quelque cause que ce soit(vol, disparition, destruction, etc.) fut-ce par vétusté. Le gérant libre s’engage à effectuer toute réparation d’entretien relative au mobilier commercial et au matériel servant à l’exploitation du fonds , même celle qui serait rendue nécessaire par l’usure normale desdits mobiliers et matériels. Les améliorations ou augmentations faites par le gérant libre au matériel et au mobilier commercial loué, ainsi qu’aux éléments de ceux-ci remplacés par lui, resteront la propriété du loueur en fin de bail, et ce sans indemnité. En aucune manière le gérant libre ne pourra déplacer le mobilier commercial et le matériel en dehors des lieux où le fonds de commerce est exploité. Le loueur pourra, à tout moment, visiter ou faire visiter par toute personne de son choix, le mobilier commercial et matériel servant à l’exploitation du fonds. 4.4 Police d’assurances-Abonnments : Le gérant libre continuera et fera son affaire personnelle de toutes les polices d’assurances en cours conclues par le loueur, et notamment, celles contractées pour garantir les risques d’incendie, de bris de glace et de responsabilité civile. Il devra renouveler les polices, acquitter les primes et en justifier à toutes réquisition du loueur. Le gérant libre fera son affaire personnelle des abonnements concernant l’électricité, l’eau, le gaz, le téléphone et acquittera les cotisations conséquentes. 4.5 Impôts et contributions : Le gérant libre acquittera, en sus de la redevance de gérance libre ci-après stipulée, les impôts et contributions, taxes professionnelles et taxes diverses auxquels le fonds de commerce est ou pourra être assujetti, même si ceux-ci sont établis au nom du loueur. Il devra justifier du respect de ces paiements à toutes réquisitions du loueur. 4.6 Livres de commerce : Les livres de commerce relatifs au fonds de commerce demeureront entre les mains du gérant libre à charge pour lui de laisser le loueur les consulter sur place une fois par mois(ou : par trimestre,etc). Le gérant libre tiendra une comptabilité régulière de ses opérations commerciales conformément aux
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règles prescrites en cette matière. Il respectera toutes les obligations commerciales, fiscales et sociales s’y rapportant. Il devra justifier du respect de ces obligations à toutes réquisitions du loueur. 4.7 Mention de la qualité de gérant libre : Le gérant libre devra indiquer sa qualité de gérant libre et son numéro d’immatriculation au registre de commerce en tête de ses factures, bons de commandes, tarifs et documents publicitaires ainsi que sur toutes correspondances et récépissés concernant son activité. 4.8 Exploitation : Le gérant libre devra exploiter le fonds de commerce pour son compte personnel, à ses risques et périls. En conséquence, le loueur n’assumera aucune responsabilité relativement à cette exploitation. Toutefois, par dérogation à ce qui précède et en application de l’article 155 de la loi 15-95 du 1er août 1996 formant code de commerce, le loueur du fonds est solidairement responsable avec le gérant libre des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds et ce, pendant un délai de six mois, à compter de la publication de la présente gérance libre dans un journal d’annonces légales et au bulletin officiel. Aussi, le gérant libre s’engage-t-il pendant ce délai à ne souscrire aucun engagement ayant des conséquences financières, tels qu’emprunt ou crédit-bail, sans l’accord préalable et écrit du loueur. 4.9 Garanties du loueur : Le loueur garantit le gérant libre de tous troubles, revendications, saisies ou évictions pouvant perturber de quelque manière que ce soit la libre jouissance du fonds loué et des lieux où il est exploité. 4.10 Contrats de travail : Les contrats de travail en cours, conclus par le loueur, subsistent et se poursuivent entre le gérant libre et le personnel de l’entreprise. A l’expiration de la présente gérance libre pour quelque cause que ce soit, le loueur poursuivra les contrats de travail en cours lors de cette expiration. Une liste des contrats de travail actuellement en cours est annexée aux présentes. Article 5 : Redevance de la gérance libre La présente gérance libre est consentie et acceptée moyennant le paiement entre les mains du loueur d’une redevance annuelle hors taxes de ……..dirhams, payable par année et d’avance, le premier janvier de chaque année. Article 6 : Révision du prix de la redevance Les parties conviennent, de convention expresse, de se réunir tous les ans en vue de décider d’une éventuelle révision de la redevance annuelle. Tout changement sera formalisé par l’établissement d’un avenant au présent contrat.
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Article 7 : Clause résolutoire De convention expresse entre les parties, il est stipulé qu’en cas d’inexécution par le gérant libre de l’une quelconque des clauses des présentes, qui sont toutes de rigueur, et après un simple commandement de payer ou une mise en demeure, resté sans effet et exprimant la volonté du loueur de se prévaloir de la présente clause, la présente gérance libre sera résiliée de plein droit, si bon semble au loueur, sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire et nonobstant toutes offres et consignations ultérieures. Si, au mépris de cette clause, le gérant libre ou tout occupant de son chef refusait de quitter les lieux, il y serait contraint au moyen d’une simple ordonnance de référé rendue par le juge compétent qui, après avoir constaté la résiliation de la gérance libre, prononcerait l’expulsion du gérant libre sans délai. Article 8 : Marchandises Les marchandises existantes à ce jour dans le fonds de commerce, et dont l’inventaire dressé contradictoirement entre les parties est annexé aux présentes, sont rachetées par le gérant libre. Elles feront l’objet d’une facturation séparée entre les parties. Le gérant libre s’engage à maintenir le fonds de commerce constamment garni de marchandises. Article 9 : Mandat Le loueur donne mandat au gérant libre, qui accepte, de poursuivre, au nom et pour le compte du loueur, le recouvrement des créances impayées dans ses livres au ……..et d’effectuer, au nom et pour le compte du loueur, le règlement de toutes sommes dues et non encore réglées au ………. A cet effet, le gérant libre entreprendra toute démarche qu’il jugera utile à la réalisation de la mission qui lui est présentement confiée et en rendra compte régulièrement au loueur jusqu’à complet achèvement. Article 10 : Impôts et taxes Tous impôts et taxes auxquels sera soumis le fonds, quelle qu’en soit la nature, sont à la charge du gérant libre. Article 11 : Formalités de publicité Les parties accompliront dans les plus brefs délais de la signature des présentes les formalités de publicité légales obligatoires, notamment auprès du registre de commerce. Article 12 : Frais Tous les frais, droits et honoraires des présentes conventions, et tous ceux qui en seront la suite ou la conséquence, seront supportés par le gérant libre qui s’y oblige.
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Article 13 : Election de domicile Pour l’exécution des présentes conventions et de leurs suites, les parties élisent domicile en leurs adresses respectives mentionnées en tête des présentes. Article 14 : Arbitrage En cas de différend relatif à l’exécution ou l’interprétation des présentes et non réglé à l’amiable, les parties conviennent de soumettre leur différend à l’arbitrage conformément à l’article 306 et suivants du Code de Procédure Civile. Fait à …………le ………..
Le loueur
II.
Le gérant libre
ANALYSE DES PRECAUTIONS PRISES CONTRACTUELLEMENT QUANT AUX RISQUES ENCOURUS PAR LES PARTIES AU CONTRAT
2.1 Cas du loueur 2.1.1
Quant aux Risques économiques
3Quant au paiement de la redevance Précautions prises -
Fixation de la redevance et des modalités de son paiement. Insuffisances de précautions
-
Les modalités de révision de la redevance ne sont pas précisées. Le contrat se contente de mentionner que la redevance est éventuellement révisable chaque année sur accord des deux parties.
-
Absence de stipulation d’un dépôt de garantie ou de cautionnement d’un tiers en garantie du paiement de la redevance.
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3Quant à la conservation de la valeur du fonds Précautions prises -
Présence d’une clause imposant l’exploitation personnelle par le gérant libre du fonds de commerce.
-
Stipulation de la nécessité de respect des usages commerciaux et locaux, et notamment les heures d’ouverture et de fermeture.
-
Un inventaire du matériel et du mobilier commercial compris dans la gérance libre a été prévu et annexé au contrat de gérance libre et les conditions de remplacement du matériel et du mobilier ont été précisées.
-
Existence d’un inventaire contradictoire des stocks achetés par le gérant libre concomitamment à la conclusion du contrat.
-
Stipulation de la continuation par le gérant libre des contrats d’assurance du fonds.
-
Enonciation des autres contrats de prestations (électricité, eau, gaz, téléphone) et stipulation de leur continuation par le gérant libre.
-
Stipulation d’une clause résolutoire sanctionnant la contravention par le gérant libre à une seule des conditions mises à sa charge par le contrat.
-
Présence d’une clause annonçant que les améliorations ou augmentations faites par le gérant libre au matériel et au mobilier commercial resteront la propriété du loueur en fin de bail sans indemnité. Insuffisances de précautions
-
Absence d’une clause stipulant que tout changement dans la répartition du capital de la société gérante libre est susceptible d’entraîner la résiliation du contrat.
-
Absence d’une clause stipulant la résiliation du contrat en cas de non exploitation par le gérant libre d’une durée supérieure à X mois et pour quelque cause que ce soit.
-
Absence d’une clause prévoyant le versement par le gérant libre d’une indemnité forfaitaire au cas où le chiffre d’affaires viendrait à baisser.
-
Absence de stipulation, dans le contrat, des conditions d’achat et de règlement des stocks achetés par le gérant libre à l’entrée en jouissance du fonds de commerce.
-
Absence de clause imposant le rachat par le loueur du stock existant en fin de contrat.
-
Absence d’une clause de non concurrence du gérant libre à l’expiration du contrat. 139
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2.1.2
Risque de requalification du contrat de gérance libre en un bail commercial permettant le maintien dans les lieux du gérant libre à l’expiration du contrat ou le paiement d’une indemnité d’éviction à ce dernier
Précautions prises -
Existence de l’interdiction de la modification de l’activité louée et du mode d’exploitation sauf autorisation du loueur.
-
Existence de l’interdiction de transférer le siège du fonds en d’autres locaux que ceux où il est actuellement exploité sauf autorisation du loueur.
2.1.3
Risque de solidarité des dettes d’exploitation
Précautions prises -
Stipulation de la tacite reconduction du contrat.
-
Stipulation de la nécessité de l’accord préalable et écrit du loueur pour la souscription, durant les six mois suivant la publication du contrat de gérance libre dans un journal d’annonces légales et au bulletin officiel, de tout engagement ayant des conséquences financières tels qu’emprunts ou crédit-bail.
-
Stipulation de la mise à disposition du loueur des livres de commerce relatifs au fonds de commerce une fois par mois. Insuffisances de précautions
-
Absence de l’obligation pour le gérant libre de transmettre mensuellement une situation comptable et le détail des engagements hors bilan attestés par un expert comptable.
-
Absence de stipulation d’un dépôt de garantie.
2.1.4
Risque de solidarité des dettes fiscales
Précautions prises -
Prévision d’une clause générale imposant le respect par le gérant libre des obligations fiscales et la justification de ce respect à toute réquisition du loueur.
-
Stipulation de l’obligation pour le gérant libre de justifier les paiements des impôts du fonds à toute réquisition du loueur.
-
Existence d’une clause résolutoire de plein droit sanctionnant la vacance du gérant libre aux clauses contractuelles stipulées. 140
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Insuffisances de précautions -
Absence de l’obligation de communication au loueur du double des déclarations fiscales et des extraits de rôle établis au nom du gérant libre.
-
Absence de l’obligation de communication au loueur des copies des quittances de paiement des différents impôts et taxes afin de permettre à celui-ci de s’assurer du paiement de ces impôts.
-
Absence de stipulation d’un dépôt de garantie visant à couvrir le loueur des paiements que ce dernier aurait à effectuer en exécution de sa responsabilité solidaire.
2.1.5
Risque de solidarité sociale
Insuffisances de précautions -
Absence de clause imposant l’accord du loueur pour toutes embauches ou toutes modifications des contrats de travail qu’effectuera le gérant libre.
-
Absence de prévision de la possibilité pour le loueur de consulter à tout moment les dossiers du personnel et les contrats de travail en cours avec le gérant libre.
2.2 Cas du gérant libre 2.2.1
Quant aux risques économiques
3Quant à l’exploitation paisible du fonds Précautions prises Le contrat stipule que le loueur garantit le gérant libre de tous troubles, revendications, saisies ou évictions susceptibles de perturber la libre jouissance de fonds. Or, ces garanties sont acquises d’office au gérant libre par le droit commun sans qu’il y ait besoin de les stipuler contractuellement. Insuffisances de précautions -
Présence d’une clause de non garantie du loueur.
-
Absence d’une clause de non concurrence du loueur. 3Quant à l’acquisition du fonds Insuffisances de précautions.
-
Absence d’une clause de promesse unilatérale de vente. 141
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Cas pratique n°2 : analyse d’un contrat de gérance libre d’une station service dénommé « contrat de prêt a usage et d’exclusivité d’approvisionnement » I.
PRESENTATION DU CONTRAT
Le contrat est dénommé « CONTRAT DE PRET A USAGE ET D’EXCLUSIVITE D’APPROVISIONNEMENT » et se présente comme suit : Entre les soussignés : La société A,…….(forme) au capital de ……….dirhams, dont le siège social est à …………. , inscrite au registre de commerce de …….., sous le numéro ………. , représentée aux fins des présentes par Monsieur……….., agissant au nom et pour le compte de ladite société en qualité de ……………, ci-après désignée La société, D’une part, Et La société station service B,…….(forme) au capital de ……….dirhams, dont le siège social est à …………. , inscrite au registre de commerce de …….., sous le numéro ………. , représentée aux fins des présentes par Monsieur……….., agissant au nom et pour le compte de ladite société en qualité de ……………, ci-après désignée Le client, D’autre part, La société et le client étant ci-après collectivement désignés par Les parties. Il a été préalablement exposé ce qui suit : 3 Considérant que la société organise sous sa marque déposée, sur le territoire national, un réseau de distribution de produits carburants et lubrifiants ; 3 Considérant que la société développe ce réseau de stations service selon une politique commerciale basée sur les exigences de qualité des produits et prestations et de continuité du service qui font de la marque A une référence prestigieuse ; 3 Considérant que le client adhère à cette politique commerciale dont il déclare avoir parfaite connaissance ; 3 Considérant que le client s’engage à la réalisation d’une station service dont l’édification se fera sur le terrain loué à hauteur de …….m2 par acte sous seing privé daté du ………, propriété de M. ……….faisant partie de la propriété………………sise à………., immatriculée près de la conservation foncière sous le n°………… ; 142
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3 Considérant que l’édification de la station se fera selon des plans établis conformément aux normes de la société dont le client déclare avoir une parfaite connaissance ; 3 Considérant que l’ouverture de la station est subordonnée à l’agrément de la société, que les parties reconnaissent expressément comme étant seul juge de la conformité de la station à l’image commune du réseau et de la marque ; 3 Considérant que l’exécution du présent contrat est subordonnée à la condition de l’obtention préalable par la société, des autorisations qui doivent être données par le Ministère de l’Energie et des Mines à cet effet ; 3 Considérant que les travaux d’édification de la station devront débuter dans les trente(30) jours de la notification de l’autorisation ministérielle préalable de création et devront être terminés dans les deux cent dix (210) jours de cette notification et, d’autre part, que faute par le client de respecter les délais précités, et sauf cas de force majeure, le présent contrat sera de plein droit considéré comme nul et non avenu si, dans les trente jours de la réception d’une mise en demeure émanant de la société, il n’a pas été remédié à la satisfaction de cette dernière, à la carence dénoncée. Article premier : Prêt de matériel 1.1 La société met à la disposition du client, qui accepte, le matériel ci-dessous énuméré et tel que spécifié en annexe 1, et ce, à titre de prêt à usage dans le cadre des dispositions des articles 830 et suivants du dahir formant Code des obligations et contrats, pour équiper la station de distribution des carburants et lubrifiants aux couleurs de A à édifier sur le terrain objet du titre foncier suscité en préambule sis à ……… : -……… -………… -………. -……….. 1.2 Le client s’oblige à observer les conditions stipulées dans lesdits articles ainsi que celles qui sont ciaprès énoncées. Le matériel prêté demeure en toute circonstance la propriété inaliénable et insaisissable de la société et le client s’engage à faire figurer partout où cela est possible, de manière visible sur le matériel prêté, la mention de son appartenance à A . 1.3 Le client s’engage à porter cette information à la connaissance de tous tiers et de toutes autorités, de tous huissiers de justice et de manière générale à toute personne qui envisagerait de placer ce matériel sous saisie ou séquestre ou toute autre mesure pouvant être exercée sur celui-ci. 1.4 Le matériel est remis au client selon l’état énuméré et le client reconnaît que le matériel qui lui est ainsi prêté est en parfait état, sauf réserves expressément mentionnées sur les documents de prise en charge, et s’engage à le restituer également en parfait état de marche sauf usure normale, comme cela sera le cas échéant attesté par les soins d’un expert désigné par la société aux frais du client qui s’y engage.
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Article 2 : Exclusivité 2.1 En contrepartie du prêt, objet des présentes, le client s’engage à s’approvisionner exclusivement auprès de la société pendant toute la durée du contrat en carburants ainsi qu’en lubrifiants sous les marques A et C, et tout autre produit en rapport fabriqué ou mis en vente par la société ou l’une quelconque de ses filiales. Il s’engage ainsi à n’acheter, exposer, stocker, ni vendre directement ou indirectement ni offrir à la vente aucun autre carburant ni lubrifiant, ni produit concurrent de ceux de la société. Au cas où la société viendrait à constater que des produits similaires concurrents auraient été distribués sous sa marque, le client s’oblige à lui verser une somme forfaitaire de dhs ……… à titre de clause pénale pour chaque infraction constatée, et ce, sans préjudice de toutes autres poursuites que la société se réserve expressément le droit d’exercer, laquelle peut, si bon lui semble, se prévaloir des dispositions de l’article 6 ci-après. 2.2 Le client s’engage à n’apposer aucune enseigne, annonce, publicité ni mention quelconque, ni dans son papier commercial, ni sur le lieu de son activité, à l’exception de celle de la société sous réserve de l’accord écrit de celle-ci. Il ne vendra les produits que sous les signes distinctifs dont l’usage lui est consenti par la société, étant entendu que « signes distinctifs » désigne les noms commerciaux, marques déposées ou non déposées, slogans, dessins, logos, emblèmes, enseignes et autres signes distinctifs créés ou utilisés par la société et susceptibles d’être utilisés en conjonction avec les produits. 2.3 La société est et restera le propriétaire exclusif des signes distinctifs. La présente convention n’entraîne le transfert ou l’attribution d’aucun droit sur les signes distinctifs ou l’un quelconque des droits de propriété industrielle de la société au profit du client, que ceux-ci soient enregistrés ou non. 2.4 Le client signalera à la société, dès qu’il en a connaissance, toute contrefaçon et généralement toute imitation des signes distinctifs ou toute concurrence déloyale. Article 3 : Minima contractuels Le Client s’engage à acheter à la société pendant toute la durée du contrat les quantités mensuelles minimales ci-après : Gasoil : …………………..litres Super :……………………litres Super sans plomb :……….litres Ordinaire :………………..litres Lubrifiants :………………Kgs Ces quantités sont revalorisées en fonction de l’évolution du marché national. Article 4 : Prix et règlement Les fournitures seront faites aux conditions générales de vente de A. 144
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Elles seront facturées aux prix officiels des jours et lieu de livraison et payées par le client strictement au comptant au moment de la livraison. En cas de retour d’impayé, la société se réserve le droit d’exiger le paiement de la totalité des sommes dues majorées des intérêts de retard au taux bancaire en vigueur, majoré de la TVA ; Avant le règlement des sommes dues, toute livraison sera payée par espèce ou chèque certifié. Les chèques devront être remis pour encaissement immédiat et seront libellés sous le nom de la société avec la mention «NON ENDOSSABLE ». Article 5 : Durée 5.1 Le présent contrat est conclu pour une durée de 20 ans(vingt ans) à compter de la date de mise en service de la S/S notifiée par l’autorisation délivrée à cet effet par le Ministère de l’Energie et des Mines. Il se renouvellera ensuite par tacite reconduction par périodes quinquennales sauf pour la partie qui ne désire pas le renouveler de prévenir l’autre de son intention à cet effet par lettre recommandée avec accusé de réception, six mois avant l’échéance de la période en cours. 5.2 Le contrat pourra être résilié par anticipation, conformément à l’article 7 ci-après. Article 6: Autres conditions Le présent contrat est établi et accepté aux autres conditions diverses ci-après : 6.1 Le client s’engage à assurer contre les accidents, l’incendie et recours des tiers, le matériel énuméré à l’annexe 1, et tout autre matériel qui sera ajouté par la société, et à justifier à toute réquisition de la société, du paiement régulier des primes. A défaut de contracter ladite assurance, la société assurera d’office et par ses propres moyens les risques précités et débitera le client du montant des primes versées à la société d’assurances. 6.2 Le client exploitera à ses seuls frais, profits, risques et périls, le matériel qui lui est prêté et répondra de tout dommage causé à celui-ci ou par celui-ci à toute personne sans recours à l’encontre de la société. Au cas où la société serait l’objet d’une réclamation amiable ou judiciaire pour un dommage quelconque causé par ledit matériel à un tiers, le client la relèvera et la garantira contre les conséquences de cette réclamation et se substituera à elle pour le paiement de toute indemnité. 6.3 Le client reconnaît avoir parfaite connaissance du matériel mis à sa disposition dans le cadre du présent contrat. En outre, le client ne doit en aucun cas installer d’autre matériel de distribution de carburants et lubrifiants autre que celui de la société. 6.4 L’entretien courant du matériel prêté sera pris en charge par la société à l’exception des cas dans lesquels il serait l’objet d’une détérioration ou d’une défectuosité provenant d’accidents, de négligence ou de mauvaise utilisation de la part du client ou de son personnel. Dans ces derniers cas, le client supporte les frais de remise en état du matériel. 6.5 Le client supportera seul les taxes et impôts établis pour cette exploitation pour le matériel prêté. 145
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6.6 Le client s’engage à assurer la continuité de l’exploitation de la station vingt quatre heures sur vingt quatre, tous les jours de l’année. Il s’interdit de rompre cette continuité, sauf motif légitime et accord écrit de la société. En cas de cessation de cette continuité, pour quelque cause que ce soit, et huit jours après une mise en demeure restée infructueuse, la société est en plein droit autorisée à assurer par ses propres moyens la gestion directe de la station pendant une durée minimum de six mois. 6.7 La société pourra céder tout ou partie de ses droits et obligations aux termes de la présente convention sous quelque forme et à quelque titre que ce soit à une société du groupe A ou à un tiers en cas de transfert d’une universalité de biens ou en cas de cession concomitante à celle de son fonds de commerce. 6.8 Au cas où le client souhaiterait céder la station service, sous quelle que forme que ce soit y compris par cession de ses parts sociales, il devra donner la préférence à prix égal et conditions égales à la société et s’engage à signifier à celle-ci une copie de la proposition d’achat de gérance ou autre qui lui sera faite par le tiers munie de toute pièce justificative. 6.9 Le client ne peut transférer ou sous contracter avec un tiers le présent contrat sauf accord écrit de la société. 6.10 Pendant toute la durée de la présente convention, le client s’interdit expressément d’entreprendre, dans un rayon de cinq mille mètres du lieu de la station service, aucune activité susceptible de concurrencer directement ou indirectement le point de vente objet des présentes. Il est notamment entendu par concurrence indirecte l’action concurrentielle qui serait faite par l’assistance, ou les moyens financiers du client. Sont notamment considérés comme concurrence déloyale, sans que cette énumération soit limitative : - Toute participation directe ou indirecte à l’exploitation de toute station service de marque différente. - Toute affiliation ou collaboration avec tout réseau de distribution de même catégorie. - Toute communication à des tiers de documents, manuels, ratios relatifs à la gestion du réseau de la société. 6.11 Les commandes de carburants devront être passées par le client au moins 24 heures à l’avance et ne peuvent en aucun cas être inférieures à ……litres tous produits confondus. Les quantités minimales sur les …….litres en Super et Essence seront de ……..litres par produit. Les quantités livrées seront vérifiées et reconnues avant prise en charge de sorte qu’aucune réclamation de manquants ou coulages ne puisse être admise par la société. Le client doit procéder chaque jour au jaugeage de ses citernes. Les bouches de remplissage des citernes seront dotées de système de plombage. Dans l’hypothèse où il s’avèrerait que les bouches de citernes n’auraient pas comporté leur plombage indispensable, le client sera tenu pour responsable des conséquences de toute modification affectant la nature ou la qualité des produits stockés dans lesdites citernes. 6.12 Le client s’engage par ailleurs à n’afficher dans la station service que les prix officiels des carburants tels qu’ils sont fixés par les autorités compétentes.
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6.13 Le client s’engage à maintenir en parfait état de propreté sa station et ses dépendances et, chaque fois que besoin y est : -
à peindre les façades de la station et de ses dépendances aux couleurs A ; à restaurer la piste, les accès, les îlots et les jardinières de la station ; à badigeonner les trottoirs de la station ; à maintenir une vitrine d’exposition de la gamme des lubrifiants fabriqués ou mis en vente par la société notamment les marques A et C en conformité avec l’esthétique de la station ; à remplacer les carreaux de faïence, les hublots, les interrupteurs et les robinets cassés ou détériorés des box de lavage et graissage de la station.
6.14 Le client s’engage à assurer à son personnel une formation et à veiller à ce que celui-ci ait les tenues propres et réglementaires. 6.15 Le client s’engage à équiper la station et à doter le personnel de tout le matériel nécessaire pour assurer à la clientèle un service convenable. 6.16 Le client s’engage à avoir toujours dans son magasin un stock minimum de deux mois en lubrifiants. Ce stock sera étudié par la société en fonction de ses capacités de vente et compte tenu du lieu et de l’importance de la station. Article 7 : Résiliation 7.1 Conditions 7.1.1 Chaque partie pourra de plein droit mettre fin à la présente convention, à tout moment, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en cas de manquement par l’autre partie à une des clauses essentielles de la convention, trente(30) jours après une mise en demeure restée infructueuse. La résiliation de la convention au titre du présent article s’effectuera sans préjudice des éventuels dommages et intérêts dus par la partie défaillante. 7.1.2 En outre, le présent contrat sera résilié de plein droit sans préavis et sans préjudice de tous dommages-intérêts que la société serait en droit d’exiger en cas de : -
Faillite, liquidation judiciaire du client ou arrêt d’activité pour plus de 30 jours pour quelle que cause que ce soit. Inobservation par le client des délais de paiement et/ou retour d’impayé. Non réalisation des minima contractuels. Utilisation par le client des installations de la société pour l’approvisionnement en produits d’origine extérieure à celle-ci. Dans le cas où les travaux d’édification de la station service dépassent 1 an (une année) à partir de la date de l’autorisation du ministère de l’énergie et des mines, sauf résiliation expressément notifiée par la société avant ce délai.
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7.2 Effets 7.2.1 Exigibilité des créances : la résiliation emporte l’exigibilité immédiate de toutes sommes qui seraient dues par le client. 7.2.2 Restitution du matériel : La résiliation et spécialement pour non paiement des sommes dues et/ou d’impayés par le client comme l’extinction normale du contrat, donneront lieu à la restitution immédiate du matériel sans condition et ce, sous peine d’une astreinte journalière de ………dhs par jour de retard dans la restitution qui devra être néanmoins demandée dans la lettre de résiliation ou de non renouvellement ou encore par lettre séparée signifiée sous forme de recommandée avec accusé de réception et rappelant au client les exigibilités de l’astreinte. Celle-ci sera due jusqu’à la restitution effective du matériel sous contrôle d’expert comme indiqué à l’article 1er ci-dessus. En cas de résistance du client, la restitution sera ordonnée par le juge des référés, statuant d’heure à heure, même en l’absence du client qui, en raison de l’urgence, pourra ne pas être cité par le juge. Dans ce cas, et dans tous les cas de rupture abusive de contrat par le client, les frais de transport et d’acheminement du matériel restitué jusque dans les locaux de la société seront à la charge exclusive du client qui s’y oblige. Ces frais sont fixés de commun accord à ……..Dhs. 7.2.3 Réparation du préjudice subi: En cas de résiliation du contrat par suite à un quelconque manquement du client à ses obligations conventionnelles, ce dernier sera tenu au versement à la société d’une indemnité représentant la réparation du préjudice subi par celle-ci eu égard notamment au manque à gagner, à savoir les bénéfices escomptés sur le volume des transactions pendant la période contractuelle restant à courir, et aux pertes subies du fait frais d’installation, d’enlèvement et de transport du matériel et équipements. Article 8: Force majeure 8.1 Ni l’une ni l’autre des parties ne sera tenue pour responsable, ni ne pourra être considérée comme ayant violé la présente convention, si elle est dans l’impossibilité de respecter l’un quelconque de ses engagements ou délais contractuels(à l’exception des paiements qui devront, en tout état de cause, être effectués aux dates d’échéances prévues) pour cause de force majeure telle que définie par les articles 268 ou 269 du dahir formant code des obligations et contrats. 8.2 Si en cas de force majeure, le client et/ou la société ne sont pas en mesure de respecter un ou plusieurs de leurs engagements contractuels, les parties devront se rapprocher pour adopter les mesures qu’elles estimeront nécessaires pour permettre l’exécution correcte de la présente convention ou pour en décider la résiliation. 8.3 Faute pour les parties de parvenir à un accord dans les deux mois qui suivent la survenance de l’événement de force majeure, l’une ou l’autre d’entre elles pourra résilier la présente convention avec effet immédiat moyennant l’envoi d’une lettre recommandée.
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Article 9: Non renonciation 9.1 Tout manquement de la part de l’une ou l’autre des parties d’exiger l’exécution de l’une quelconque des dispositions, conditions ou obligations de la présente convention, n’emportera à aucun moment une renonciation de sa part à la possibilité d’exiger dans l’avenir l’exécution desdites dispositions, conditions ou obligations. 9.2 Au cas où l’une quelconque des dispositions de la présente convention devait être déclarée illégale, nulle ou non applicable(y compris par suite de dispositions législatives ou réglementaires, ou par suite d’une décision juridictionnelle), cette déclaration n’affectera en rien la validité et le caractère exécutoire des autres dispositions de la présente convention. Article 10: Litiges et compétence Tous litiges pouvant résulter de l’interprétation ou de l’exécution du présent contrat seront soumis à la compétence du Tribunal de Commerce de Casablanca. Article 11: Frais Tous les frais légaux découlant du présent contrat seront à la charge du client qui s’y oblige. Article 12: Enregistrement Les deux parties requièrent Monsieur le Receveur de l’Enregistrement et du Timbre d’enregistrer le présent contrat. Article 13: Election de domicile Pour l’exécution des présentes, les parties déclarent faire élection de domicile pour la société à son siège social, pour le client à l’adresse de la station service.
Fait à …………le ………..
Le client
La société
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II.
ANALYSE DES CLAUSES DU CONTRAT QUANT A SA QUALIFICATION OU NON DE GERANCE LIBRE
Cette analyse vise, en premier lieu à ressortir les caractéristiques de ce contrat, et en deuxième lieu à répondre à la question suivante : est ce que ce contrat d’exploitation de la station service peut être considéré comme un contrat de gérance libre d’un fonds de commerce ? 2.1 Caractéristiques du contrat De l’examen des clauses de ce contrat, il ressort les constatations suivantes : 2.1.1 Le contrat comporte une clause d’approvisionnement exclusif Le contrat sus présenté comprend différents éléments : -
L’approvisionnement exclusif en hydrocarbures et lubrifiants. L’interdiction de commercialiser tout produit ou article portant la marque d’une autre société pétrolière. Le maintien du stock des carburants et lubrifiants ainsi que l’approvisionnement par quantités minimales.
La violation de la clause d’exclusivité entraîne la résiliation du contrat. En contrepartie, la société pétrolière permet à l’exploitant l’insertion dans un réseau national de marque et la sécurité d’approvisionnement. Il est à signaler que la clause d’exclusivité porte uniquement sur les produits définis au contrat. La société pétrolière ne peut empêcher l’exploitant de la station service de s’approvisionner librement pour les produits qui ne font pas l’objet de l’exclusivité. 2.1.2
Le contrat d’exploitation de la station est assorti d’un contrat de prêt à usage
La société pétrolière met à la disposition de l’exploitant un ensemble de matériels à charge pour lui de les restituer à la fin du contrat. Cette obligation de restitution est renforcée par le fait qu’elle exige une assurance pour les matériels objet du prêt. En plus des matériels, la société pétrolière met également à la disposition de l’exploitant des signes distinctifs (nom commercial, marques, slogans, dessins, logos, emblèmes, enseignes….). Ce contrat d’exploitation permet à l’exploitant de la station service : -
Un faible investissement de départ. La société pétrolière met à sa disposition le matériel nécessaire à l’exploitation et en garantit l’entretien courant.
-
L’assurance d’un savoir-faire et le bénéfice d’une marque connue et d’une assistance commerciale. 150
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2.1.3
Le contrat d’exploitation de la station est fait aux seuls frais, profits, risques et périls de l’exploitant (Point 6.2).
2.1.4
Le contrat d’exploitation de la station est un contrat d’intérêt commun : la bonne marche de la station service est l’intérêt de la société pétrolière comme celui de l’exploitant de la station. Aucune redevance n’a été fixée entre les parties.
2.2 Conclusion Nous notons que : -
La convention porte sur un fonds de commerce. En effet : •
Le contrat porte sur l’exploitation d’une activité de station service laquelle est une activité commerciale.
•
La société met à la disposition de l’exploitant le matériel nécessaire à l’exploitation de l’activité et les signes distinctifs de la société pétrolière par le biais d’un prêt à usage.
•
Quant à la clientèle dont l’existence conditionne l’existence du fonds de commerce, c’est une clientèle préexistante car attachée à une marque connue (celle de la société pétrolière A) qui a déjà prouvé son efficacité à rallier les clients. Par conséquent, bien que la station service soit une station neuve qui n’a jamais été exploitée, en vendant exclusivement des produits sous la marque de la société pétrolière A; elle profite de la clientèle attachée à la marque A.
Ce fonds de commerce comprend : • • •
le matériel d’exploitation ; les éléments incorporels formant les signes distinctifs de la marque A ; la clientèle et l’achalandage.
-
La convention n’a pas fixé de redevance, mais elle présente une convention d’intérêt commun.
-
L’exploitation est concédée aux risques et périls de l’exploitant.
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Par conséquent, et en vertu de l’article 152 du code de commerce, et bien que portant une dénomination différente, la convention sus présentée est une convention de gérance libre(69) car portant toutes les caractéristiques de celle-ci : -
Existence d’une convention de louage d’un fonds de commerce (redevance équivalente à l’intérêt commun) ;
-
Exploitation aux risques et périls de l’exploitant.
Elle expose, par conséquent, la société pétrolière à l’ensemble des risques encourus dans ce genre de convention, notamment : -
Celui de la solidarité fiscale (la solidarité des dettes d’exploitation étant quasiment nulle car le loueur représente le principal fournisseur d’exploitation du gérant libre).
-
Celui de la réintégration de la redevance non fixée dans le résultat fiscal de la société pétrolière.
-
Celui de la solidarité sociale.
(69) Un arrêt de la cassation commerciale française du 23 mars 1999 a admis la qualification de location-gérance pour une convention par laquelle une
société avait exploité pendant plusieurs années un fonds de commerce d’hôtel restaurant appartenant à une autre société, bien qu’aucune redevance n’ait été convenue, dès lors que la première société était indépendante de la seconde, qu’elle avait exploité le même fonds en toute indépendance, et que ce dernier lui avait été concédé dans un intérêt économique commun. La présence d’un tel intérêt, lorsqu’elle est avérée, équivaudrait donc à la redevance. Olivier BARRET ; Les contrats portant sur le fonds de commerce. L.G.D.J. 2001
Pour l’administration fiscale française, une mise à disposition gratuite d’un fonds de commerce est un acte anormal de gestion au regard des règles des BIC. Location-gérance et sociétés d’exploitation. La revue fiduciaire Dossiers services . Mise à jour le 24/06/2004.
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BIBLIOGRAPHIE
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TEXTES DE LOI Juridique • • • • • • • • • • • • • • • • •
Loi 15-95 formant code de commerce. Loi 17-95 relative aux sociétés anonymes Loi 5-96 sur les sociétés en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation. Dahir de 1913 formant code des obligations et contrats « D.O.C ». Dahir du 24 mai 1955 relatif aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal. Loi 65-99 formant code de travail. Loi 17-99 formant code des assurances. Dahir du 2 juin 1915 formant code foncier de la propriété immatriculée. Loi 70-03 formant code de la famille. Dahir 1-58-008 du 24 février 1958 portant statut général de la fonction publique. Loi 31-96 portant statut des agences de voyage. Arrêté viziriel du 5 mai 1937 portant réglementation des débits de boissons, cassecroûte et débits de mahia. Dahir 1-59-367 du 19 février 1960 portant réglementation de l’exercice des professions de médecin, pharmacien, chirurgien-dentiste, herboriste et sage-femme, modifié et complété par le dahir 1-02-299 du 3 octobre 2002 portant promulgation de la loi 34-99. Dahir 1-02-252 du 3 octobre 2002 portant promulgation de la loi 12-01 relative aux laboratoires privés d’analyses de biologie médicale. Loi 15-97 formant code de recouvrement des créances publiques. Code de commerce Français. Code Civil Français.
Fiscal • • • • • • •
Livre des procédures fiscales. Loi 27-86 instituant l’impôt sur les sociétés. Loi 17-89 relative à l’impôt sur le revenu. Loi 30-85 relative à la taxe sur la valeur ajoutée. Décret 2-58-1151 du 24 décembre 1958 portant codification des textes sur l’enregistrement et le timbre. Décret 1-61-442 du 30 décembre 1961 portant réglementation de l’impôt des patentes. Instruction générale de l’impôt sur les sociétés.
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OUVRAGES -
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MEMOIRES D’EXPERTISE COMPTABLE ET AUTRES ETUDES -
LAFONT Laurence ; Mission de l’expert comptable auprès du loueur de fonds de commerce : démarche de réflexion sur l’évolution de son statut ; Mai 2002
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GANNE Jean François ; L’expert comptable et la location gérance : comprendre et résoudre les implications complexes d’un contrat classique ; Mai 2000
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SIMON Thierry ; La location gérance : un contrat classique pour une application moderne ; Novembre 1993
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LAHERANNE Maïté ; L’exploitation de la station-service : mandat et gérance libre, aspects juridique, social, fiscal et comptable ; Novembre 1986
AUTRES SOURCES -
Jurisprudence marocaine et française consacrée au sujet. Support du cours du droit des contrats élaboré par Mr ASLOUN à l’attention des étudiants du cycle d’expertise comptable. 155
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