La médina_tissu urbain à sauvegarder_ Tlemcen _conférence internationale sur la médina_13-14mai2008

February 13, 2018 | Author: Amine Med | Category: Cultural Heritage, Urban Planning, Algeria, Archaeology, Sustainable Development
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La médina et la ville, pour quel aménagement ? Mme S. BENABBES Département d’Architecture, Université Mentouri, Constantine

RESUME: Malgré l’importance indéniable des médinas, elles n’ont pas pu s’inscrire dans les préoccupations des planificateurs, et elles ont été souvent écartées des nouvelles orientations, même lorsqu’on a prétendu vouloir les conserver, elles ont été évitées par les dispositions des plans d’urbanisme. Or la place de la cité historique dans l’agglomération globale est un élément déterminant et guide pour les choix d’aménagements futurs. Dans la pratique, et à différents degrés, on assiste à la translation des activités dynamiques de la médina, vers la ville nouvelle extra muros. La dichotomie de deux systèmes urbains aux contenus culturels si contrastés, crée un état de déséquilibre « psycho spatial », amplifié par la crise urbaine. Celui-ci se traduit par l'intériorisation de la médina transformée en un espace social « Prolétarisé » et un espace urbain dégradé (D. BENJELLOUN, p.23). La rivalité entre la ville et la médina n'est pas seulement socio-économique. Elle est également d’ordre architectural et conceptuel. Dans ce contexte, comment réfléchir donc à la nouvelle vocation de la médina et comment intégrer sa polarité dans la ville ? Son problème prend une forme « bidimensionnelle », il se pose d'abord en terme de survie et de son développement intérieur, et, en terme d’expansion et du rôle joué par cette dernière dans le reste de l'agglomération. La communication que je propose, se veut une lecture synthèse et critique a partir d’une recherche de longue haleine sur les enjeux, stratégies et doctrine de la réhabilitation des médinas, comme elle présentera un essai typologique sur les différentes interventions urbaines relatif à ce type de tissu, a partir d’un bilan des approches faites sur les médinas maghrébines au cours des 30 dernières Années. Enfin, que faire aujourd’hui et demain de ces tissus urbains, et quelle place leur réserver dans les politiques urbaines?

MOTS CLEFS : Médina Maghrébine, politiques urbaines, Typologie des interventions, Stratégies, doctrines.

Benabbès S. INTRODUCTION La place de la cité historique dans l’agglomération globale est un élément déterminant et guide pour les choix d’aménagements futurs. Les villes modernes du Maghreb évoluent vers un cosmopolitisme formel de couleur technologique et idéologique d'emprunt, reléguant les activités des médinas à un rôle périphérique et folklorique. L'urbanisme communautaire s'en trouve ainsi amoindri, appauvri et étonnamment déprécié, au profit d'un 1 urbanisme Officiel » . Dans ce contexte, comment réfléchir donc à la nouvelle vocation de la médina et comment intégrer sa polarité dans la ville ? On assiste assez souvent à une concurrence et dualité entre la centralité de la cité ancienne, qui était souvent la ville toute entière, puis devient le centre ville, puis voit son rôle s’éclipser ; et le centre ville de création récente. En effet, et généralement le centre traditionnel de la ville fait une translation spatiale vers des terrains plus propices, offrant de meilleures conditions de services et d’échanges, créant le centre nouveau. Seulement ce nouveau centre de création nouvelle, peut ne pas être concentré au niveau d’un espace unique, il peut avoir une configuration linéaire et même diluée dans une bonne partie de la ville. Profitant de cette situation et de ces conditions, il y a eu plusieurs tentatives pour reconquérir la centralité « perdue » autour du noyau historique, seulement souvent il y a eu négligence du fait que la réalité est formée désormais de deux pôles distincts qui ont leurs avantages et leurs inconvénients, et qui ont des rapports d’interdépendance(pour illustrer cela nous n’avons qu’à voir l’échec de l’opération de sauvegarde de Fès, qui n’ a pas réussie son recentrage pour des difficultés de site ) Une telle reconquête passe par une opération de revalorisation, en vue de renforcer et adapter la configuration actuelle aux conditions nouvelles en matière d’hygiène et d’accessibilité; tout en veillant à mettre l’accent sur la récupération du rôle polarisateur prédominant, afin qu’on puisse répondre de nouveau aux besoins de toute l’agglomération. Le résultat d’une telle approche, peut mettre le noyau historique objet à deux débats contradictoire : 

Est-ce qu’il réussirait son rôle nouveau de reconquête de place qu’il lui est dû dans toute l’agglomération ? Ou bien se contenterait-il seulement d’être un pole centralisateur, spécialisé, parmi dans d’autres de création récente ?



Si c’est ce nouveau rôle qu’il aura à jouer, comment pouvons-nous veiller à trouver un équilibre et une cohérence entre lui et le reste des pôles.

I- LA REHABILITATION DES MEDINAS : ENJEUX, STRATEGIES ET DOCTRINE Les grandes mutations économiques et sociales des dernières décennies ont entraîné une urbanisation accélérée, un développement démesuré et non maîtrisé des agglomérations et une transformation de l'image de la ville. Les médinas n'ont pas échappé à ce phénomène, ils se trouvent ainsi en déclin, comme conséquence de politiques urbaines globales trop souvent peu cohérentes et inefficaces. Ainsi, leur problème prend une forme « bidimensionnelle », il se pose d'abord en terme de survie et de leur développement intérieur, et, en terme d’expansion et le rôle joué par ces derniers dans le reste de l'agglomération.

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D Bichara KHADER et Prof. Jean-François NIABARDI; Réhabilitation des médinas Maghrébines. Directeur du Centre d'Etude et de Recherche sur le monde Arabe Contemporain (U.C.L.- D.V.L.P.) ; Unité Architecture (U.C.L. - Faculté des Sciences appliquées) ; Centre d'Etude et de Recherche sur le monde arabe Contemporain n° 41-42 ; Pp22-23.

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Ce qui nécessite la définition de « tentatives » d’interventions à travers les opérations classiques de rénovation, réhabilitation et restructuration « intra-muros », et parallèlement, penser aux actions ouvertes vers l'extérieur des noyaux historiques, afin de les désenclaver, les relier, les rééquilibrer et leur donner une dynamique nouvelle par rapport aux extensions urbaines plus récentes.

1- Pour quelle démarche en vue de réhabiliter la médina ?2 Les écueils que le débat se devait d'éviter, c’est de ne pas tomber dans un archivage de la Médina dans la ville, ni dans une pétrification d'un tissu de relations sociales et culturelles, mais il faut tracer clairement la perspective d'une réhabilitation qui passe par une revitalisation des ensembles qui ont survécu à la 3 boulimie de la ville dite « moderne » . Cette ouverture a poussé Dominique DEREMIENS, selon les propos de J.F.Mabardi, à prôner la nécessité de ramener avant tout l'objet du débat à la considération publique, par une réhabilitation qui donne à nouveau une légitimité, qui a été interrompue pendant quelques décennies. Cette « appropriation » vient comme un processus de « re-connaissance » théorique qui dépasse la description et en propose une lecture profonde. Une infinité de travaux et réflexions ont eu lieu pour imaginer un devenir à ces espaces sensibles, par des interventions, mais lesquelles ? Et quel est (sont) le(s) concept(s) les plus appropriés ? « D'abord il s'agit de réhabiliter quoi ? Un tissu urbain physique ? Des fonctions spécifiques ? Une entité culturelle et religieuse ? Un centre de Pouvoir ? Un espace de convivialité ? Ils pensent que ces noyaux historiques ont connu une décadence certaine, ils n’ont pas su résister à la modernité, malgré la profondeur historique qu’ils recèlent, donc ils se retrouvent en quelque sorte dans une position de « disqualification » pour laquelle il faut penser à la retrouver.

2- Les différents rapports aux centres historiques dans la réhabilitation: Afin d’apprécier les différents rapports qu’ont les différents acteurs à ces centres historiques, il faut se rappeler que ces espaces fonctionnaient dans une trilogie formée d’un pôle culturel, un pôle productif et un pôle d'échange, où l’habitant du lieu est le principal acteur. Il suffit qu’il y ait perte d’un des pôles, pour que l’ensemble se déséquilibre et perd de son essence. Donc toute opération de réhabilitation de la médina doit trouver une nouvelle synthèse de cet ordre ternaire pour lui donner sa véritable dimension. Après tant de déclin et de décadences, les centres historiques ne présentent aux yeux des responsables ou décideurs aucun enjeu, du moins pour leur échéancier, qui s’inscrit dans le court terme ; En réalité, ce type de relation devient problématique. Du côté des concepteurs, il y a deux solutions envisageables extrêmes : La conservation pure ou la destruction totale, « les enjeux de la légitimité, de l'identité, de la modernisation, ont formé variablement pour conserver, aménager, remanier une partie du tissu urbain 4 traditionnel ou le faire disparaître » . Quant aux pratiques de la société, la population originelle les a déjà abandonnées depuis longtemps, lors de l’accession des états à l’indépendance, car on les trouvait déjà incommode aux conditions de vies nouvelles.

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Pr. Mohamed NACIRI ; « Les préalables à la réhabilitation des centres historiques dans les pays arabes : une personnalité, une structure, une volonté » ; Publication réalisée avec l’aide du ministère des affaires étrangères Italien, et de l’institut culturel Italien à Rabat sur « La réhabilitation des cités anciennes ; Actes du Colloque International ; Salé les 6-9 octobre 1988 ; Edition association BOUREGREG, 1990, 173pp, Pp13-14. 3 Prof. Jean-François NIABARDI; Réhabilitation des médinas Maghrébines; La direction de Directeur du Centre d'Etude et de Recherche sur le monde Arabe Contemporain (U.C.L.- D.V.L.P.) ; Unité Architecture (U.C.L. - Faculté des Sciences appliquées) ; Centre d'Etude et de Recherche sur le monde arabe Contemporain n° 41-42 ; 1986 ; p11. 4 Idem, Pp15-16.

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Benabbès S. Leur réutilisation comme terrain de transit par une population rurale déracinée, en les utilisant comme un terrain d’apprentissage des valeurs de la ville n’est plus d’actualité. Les centres historiques n'ont plus ce pouvoir intégrateur de quintessence sociale et culturelle qui permettait, dans le passé, l'accès à une véritable citadinité, au bout d'une ou de deux générations. Il y a également une autre agressivité dissimulée ou prononcée de la part des gestionnaires locaux, en voyant à travers ces espaces des terrains propices pour des gains rapides au nom du tourisme ; et ils rejettent de façon sournoise toute opération de réhabilitation qui intègre l’aspect social et qui a une emprise sur la culture citadine, car elle est plus longue, et nécessite plus de moyens.

2.1- Les enjeux de l’aménagement des Médinas: Durant les années 50, et les débuts des années 60, on a considéré les vieilles villes comme partie intégrante du capital national, mais l’inertie et les dysfonctionnements de ces espaces historiques, qui symbolisaient l’arriération, ont été surtout perçues comme étant des obstacles à des options de modernisation prônées par les nationalismes triomphants. Donc à travers les projets d’urbanisme suggérés par les bureaux d’études essentiellement étrangers on ne leur a pas accordé la place méritée. Ce n’est que dans les années 70, qu’est intervenu un renversement de sensibilité dû pour une part, à la recherche d’identités culturelles islamiques et pour une autre part, à l’action d’organismes internationaux comme l’UNESCO, relayée sur place par des défenseurs avertis des patrimoines en Péril. Par ailleurs, le souci gouvernemental de vouloir valoriser les potentialités touristiques, pour un souci économique et de rentabilité pour le long terme, la question de revalorisation du patrimoine a été reconsidérée; Seulement, dans la manière où elle a été prise, elle diffère d’un Etat à l’autre. Donc tel enjeux ont conduit à des choix d’aménagement différents, et souvent non cohérents entre les objectifs affiché et la réalité. S’agit-il au fait d’un manque de maturation culturelle, de moyens budgétaires tronqués avec la conjoncture économique internationale et les plans d’ajustement structurels qu’on est entrain de payer lourdement et doublement, d’abord par un retard d’investissement et de croissance, et surtout par le laisser aller à défaut de moyens, et que patrimoine historique et culturel est la principale victime. Avec l’étendue du monde arabe, et les différentes politiques menées dans chaque pays il y a eu toute une diversité d’approches, allant de la restauration, conservation de quelques édifices, à la réhabilitation plus ou moins globale du tissu, à la redéfinition fonctionnelle de la vieille ville. Par la restauration et la conservation, de quelques édifices ponctuels on frôlait le risque d’avoir une muséification, tout en vidant des quartiers de leur population, en particulier pour mettre en valeur certains monuments, comme cela était envisagé et n’a été que partiellement réalisé autour de la mosquée des Umayyades, à Damas. Pour une opération de réhabilitation plus ou moins globale d’un tissu bâti, on est conduit à l’accompagner d’une opération de la dédensification, suivie d’un rééquilibrage par des classes moyennes où aisées, capables d’entretenir les constructions une fois réhabilitées. Dans ce cas de figure, le phénomène de « centrification » risque d’émerger, comme, à Sidi Bou Saïd près de Tunis. Quand il s’agit par contre d’une redéfinition fonctionnelle de la vieille ville, cela suppose forcément une intervention sur les éléments de la centralité et l’introduction d’activités nouvelles, prenant la relève des secteurs artisanaux en déclin et visant largement une clientèle touristique. La conséquence de cette réorientation est le désenclavement afin de permettre une meilleure accessibilité, comme au centre d’Alep. Il convient, d’autre part, d’entreprendre des opérations de reconversion ou de réaffectation des édifices dont l’usage collectif est tombé en abandon; c’est en particulier le cas des khans au Moyen-Orient dont un certain nombre est reconverti à des usages culturels ou touristiques, par exemple à Baghdad. Ces trois choix fondamentaux ne sont en fait que les trois volets d’une démarche idéale tendant à la régénération des vieilles villes, en vue de freiner les processus de dégradation, de reconstituer un tissu socio-économique vivant et diversifié, et intégrer les éléments symboliques de la continuité sous forme d’édifices publics, du genre, mosquées, commerces, hammams, fontaines, etc. La recherche de ce difficile équilibre, entre ce qu’il faut conserver et ce qu’il est nécessaire de prendre aux technologies

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contemporaines, conduit à une forte différenciation entre les divers États.

2.2- La place des noyaux historiques dans l’aménagement urbain:5 En suivant l’ensemble des attitudes à leur égard, on se rend compte qu’à l’indépendance, ils étaient abandonnés par leurs propres propriétaires qui trouvaient la réponse à leurs besoins nouveaux se situait dans les biens vacants ou dans la partie moderne de la ville. Quant aux premiers outils d’urbanisme et de planification urbaine, les cités traditionnelles, n’étaient pas inscrites dans les préoccupations des planificateurs. On les considérait déjà comme noyaux insalubres, ne répondant pas aux nouveaux besoins et aspirations de leurs habitants. C’est ainsi qu’on a conçu le développement futur des cités sans tenir compte de leur existence. Elles ont été même « évitées » par les dispositions des plans d’urbanisme. Un tel comportement à leur égard était matérialisé spatialement, par des séparations fortes sous forme d’axes tranchant entre eux et la ville moderne, soit par des percées « in-situ »pour relier des parties distinctes de la ville, ou encore, par des opérations de démolition reconstruction pour récupérer certains terrains nécessaires à l’expansion nouvelle. L’urbanisation accélérée et la dislocation de l’ensemble des agglomérations urbaines par des politiques de développement, ponctuelles, incohérentes et inefficaces a accentué leurs déclin. Elle s’est faite par une mauvaise intégration spatiale, sociale, et économique, qui a soutenu assez souvent la désarticulation physique et fonctionnelle qui caractérise les villes. Ce développement a exhorté une saturation sans précédent au niveau des médinas, ainsi qu’une prolifération accrue des zones de « sous habitat » ou de lotissements populaires, planifiés ou non. Donc, la médina a évolué dans un cadre dualiste et devenue ainsi, ou tend à devenir une composante antisociale de l’ensemble urbain, marquée par une désintégration et une marginalisation par rapport au reste de l’agglomération. Elle voie ses fonctions économiques atteintes, ses moyen financiers affaiblis par rapport à la ville neuve, donc son rôle s’amoindri, avec des difficultés d’intégration à la vie urbaine et au reste de la ville. « Parallèlement à l’affaiblissement de ces structures, la cité traditionnelle regroupe de plus en plus une population aux ressources très limitées, souvent d’origine rurale. Cette rurbanisation de la cité, facteur de marginalisation, amène le noyau ancien à se situer à un niveau 6 d’intégration urbain spécifique, intermédiaire entre le « sous-habitat » et la ville neuve » . Donc l’expansion démesurée de la ville moderne a retrouvé de nouveau un terrain propice pour sa manifestation dans la cité traditionnelle. On assiste de nouveau, à l’avancée de la ville nouvelle sur le territoire du noyau historique, après lui avoir tourné le dos, d’une façon informelle, par des reconstructions précaires profitant de l’existence des interstices, et par des interventions réglementées souvent contestées, car ne pouvant se faire à l’abri de spéculations foncières certaines. Dans l’ensemble de ce contraintes et des pressions qui gravitent autour de ces noyaux historiques, qu’elles sont les conditions nécessaires et préalables qui peuvent leur permettre une survie et dans quel cadre ?

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Idem, chapitre III, p77. Jaoud MSEFER, Villes islamiques, cités d’hier et d’aujourd’hui conseil international de la langue française ; 1984 ; 106p ; Chapitre III, P77. 6

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Benabbès S. II. BILAN DES APPROCHES FAITES SUR LES MEDINAS MAGHREBINES AU COURS DES 30 DERNIERES ANNEES7 La diversité d’approches et la multitude d’analyses de cas des médinas du Maghreb, se présente de façon différente, selon que l’on soit de l’intérieur ou de l’extérieur. Un fait commun se dégage à travers les différentes analyses : 

Il n’y a pas au fait de diversification d’approches, on trouvait dans les médinas leur propres logiques, comme des enclos autonomes, y compris chez ceux qui affirment considérer la médina comme un sous ensemble d’un ensemble plus vaste, celui de l’agglomération urbaine;



On revient assez souvent sur la question de centralisé de la médina (géographique, et économique en déclin), sans l’intégrer aux centres villes démultiplies. Elle devient un espace péricentral et on se contente de cette nouvelle place ;



Il y a déphasage flagrant entre les analyses urbaines préliminaires et les propositions sous forme de schémas d’aménagement, où la médina finit par être un enclôt sans rôle précis futur dans l’agglomération;



Les 10 dernières années, ont vu la concrétisation de certains projets et leur mise en œuvre (cas de Fès. de Tunis, Hafsia) et nous ont permis de visualiser ce qu’il ne fallait pas faire en termes d’intervention.



Les flux migratoires vers les médinas se sont fléchis et inversés par les dégradations importantes des dernières années.



« Les jugements dépréciatifs » aient pratiquement disparu du discours scientifique. JALAL Abdelkafi en 1987 affirmait, qu’entre un discours politique qui magnifie la dimension culturelle du patrimoine, mais ne produit que des mesures juridiques pénalisantes, et un discours scientifique et professionnel qui, le plus souvent a produit des représentations idéologiques de la ville ancienne, n’ayant contribué qu’à obscurcir sa compréhension ».



« la question de la dualité du fait urbain » à la lumière de concept de ville ancienne, qui se pose en termes d’opposition de la forme historique de l’espace aux formes nouvelles du processus d’urbanisation.



D.PINI (1982) affirmait que : « la réhabilitation de la casbah ne peut être conçue comme une évasion des problèmes les plus urgents de l’agglomération, mais comme le début d’une politique urbaine visant les contradictions qui découlent de l’Etat déséquilibré de l’agglomération algéroise dont participe aussi l’espace historique… ».



Il y a également défaillance des propositions économiques dans les études d’aménagement des médinas.



Comme le pense J.PEGURIER (1982), les caractéristiques de cette économie sont analysées souvent comme marginales, peu productives et en crise.



Elle tient aussi à ce que certaines des activités les plus visibles, apparemment les plus dynamiques, relèvent de ces phénomènes de « bazardistion » liés au tourisme international, et pourquoi pas national, que M.BERRIANE EN 1980 avait déjà dénoncé car il donne lieu à une « soukalisation » excessive des principales artères des médinas, un caractère qui n’est pas forcement en adéquation avec ses spécificités.

Cependant d’autres chercheurs comme GROUDA M.1982, qui avait avancé la contre argumentation à cet aspect de « Soukalisation » en évoquant le cas de Sfax qui ne doit rien au tourisme international. Sa médina a connu certes des mutations spatiales, mais la raison est entre les mains des acteurs locaux et aux potentialités du marché régional. 7

Un bilan critique a été fait par P.Signoles pour les vingt années 70-80, et je tenterai de l’achever pour les années 90, sans avoir la prétention d’être exhaustive.

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Et si sa position stratégique faisait de sa médina un espace économique important du centre ville, son cadre physique limite inéluctablement sa nouvelle vocation. Aujourd’hui « soukalisée », elle pose d’énormes difficultés de circulation et de viabilisation. 

B.LADGIM Soussi (1982,1984) A montré pour sa part dans le cas de Marrakech, qu’au-delà des apparences, l’artisanat était dynamique, inventif, en pleine transformation facilement adaptable aux diverses formes et aux besoins des différents clients, par leur différence de revenus et la diversité de leur héritage culturel; on l’évoque d’ailleurs comme un cas de réussite et « d’auto prise » en charge. Le secret réside au fait que l’artisanat est omniprésent dans les foyers quelque soit leurs niveaux de vie, et les aspirations des membres des ménages. Il demeure une source importante d’emplois et de revenus.

Les approches et le sort réservé aux médinas maghrébines différent d’un terrain à l’autre. 

Le cas de Monastir (par exemple) Au nom de la rationalité et de l’hygiène, on a détruit et reconstruit, sans qu’une entité cohérente remplace véritablement le système de vie traditionnel : L’agglomération s’est étalée, l’environnement a été dénaturé, l’espace domestique a été perturbé : Les problèmes urbains n’ont fait que s’aggraver et sur le plan architectural, un choix s’imposait entre le respect de l’ancien et un « faux modernisme ».



Le cas de OUJDA au Maroc, demeure analogue à celui de Constantine en Algérie, leurs espaces ont connu une ruralisation, un surpeuplement et une paupérisation.

Les médinas tendent à devenir un ensemble d’ilots taudifiés, mais loin d’être un anachronisme, ils demeurent des espaces urbains utiles, d’où la nécessité d’envisager en urgence des opérations appropriées pour leur redonner un fonctionnement harmonieux. 

Quant au cas de la médina de Fès, dans le schéma directeur de la structure la bipolarité sélective est affirmée; un centre traditionnel (médina) s’opposant à un centre moderne, chacun exerçant une attraction différenciée sur les diverses couches sociales; mais il existe en outre, un centre secondaire Fès Jdid, trait d’union entre les deux précédents et centre commercial de 1er plan (grossistes et détaillants) et des « sous centres » principalement Bab Ftouh, capable de concurrencer sérieusement Fès Jdid grâce à la gare routière, aux dépôts de commerce et à leur rôle de pôles d’échanges entre la ville et les souks ruraux régionaux.

Donc, le schéma directeur visait à renforcer le rôle de la médina en tant que centre principal de l’agglomération. Il s’agira d’organiser d’abord la fonction commerciale de la médina, qui à tendance à remettre en cause la structure initiale, puis de réorganiser le secteur de la production en assurant la reconversion d’une partie de l’artisanat à l’intérieur même de la ville historique. Mais il y a une bonne faille entre les intentions du projet, et les conditions de son application. 

Pour le cas de la casbah d’Alger : on s’est rendu compte, qu’il ne suffit pas de faire une bonne étude pour régler les problèmes de la médina.

Les propositions de l’atelier Casbah, se sont apparues parmi les rares études à ne pas enfermer la Casbah dans une coquille, à la considérer comme un quartier urbain, devant récupérer un rôle essentiel dans l’agglomération capital, et redevenir l’élément ou l’un des éléments structurant de l’ensemble de cette agglomération. L’expérience d’Alger a montré que l’outil technique mis en place a perdu de son efficacité par le simple jeu des transferts de tutelles, et dilution des responsabilités, sans pouvoir capitaliser les différentes études et expériences. Par ailleurs, on ne saurait jamais prendre assez de précautions dans les approches préliminaires, notamment au niveau des facteurs socio-économiques.

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Benabbès S. 1. La question de centralité dans la médina : La centralité urbaine, est le lieu de production de services et de contacts, caractérisé par la spécialisation dans l’usage de l’espace et des bâtiments et par l’existence de flux de fréquentation ayant chacun leur spécificité temporelle et contribuant à l’animation générale de la ville. Théoriquement la centralité dans la ville arabe s’identifiait généralement grâce à l’existence dans les médinas de trois éléments structurants: le palais ou la citadelle, la mosquée du vendredi et les souks ou bazars. Mais depuis trois décennies, les vieilles villes connaissent une accélération vertigineuse de leur processus de tertiairisation, et une intégration dans les systèmes urbains, notamment sur les plans administratif et socioéconomique. Seulement, la centralité enregistre d’importantes transformations dans sa localisation. La recomposition spatiale qui en résulte modifie non seulement le paysage de la vieille ville et celui des quartiers modernes mais elle restructure aussi la physionomie globale des agglomérations et détermine les axes forts de leur fonctionnement aujourd’hui. La triptyque relative au fonction de la médina - religieuse, politique et économique - et les liens organiques qui les unissaient sont remis en cause, car au fait il y a d’autres facteurs qui entrent en jeux. Par ailleurs, on note, l’augmentation d’activités marchandes et artisanales. Ce gonflement fonctionnel par une tertiarisation excessive consolide le poids de la médina dans le fonctionnement général de la ville. En fin, il y a une diversité de formes urbaines et des diverses manières où chacun des pays du Maghreb a suivi pour mettre en valeur son patrimoine ou tenter de réhabiliter quelques médinas « phares », dont plusieurs recherches et études ont essayé de mettre en évidence.

2- Que faire aujourd’hui et demain de ces tissus urbains de médinas ? Cette même question a été déjà posée par Jean BISSON et Jean François TROIN8 en 1982, où ils se demandaient s’il fallait en faire de somptueux. monuments historiques – au moins partiellement – vide de signification autre qu’esthétique, mais point forts d’un tourisme de masse avide d’exotisme, avec pour corollaire, quasi inévitable, cette « bazardisation » . 

Où fallait-il rénover quelques îlots prestigieux par une reconversion immobilière et sociale, au bénéfice de spéculateurs en mal de résidence secondaire ?



Où bien fallait-il tenter un réaménagement d’ensemble modulé et progressif ?

Jusqu’aujourd’hui, c’est la « déviation touristique » qui a pris le pas sur nos médinas ainsi, elles voient leurs espaces mutilés, parfois dégradés, et le peu de préservation de fragments qui existe de ces différents tissus, est justifiée financée et alimentée par l’emprise touristique, qui est restée la voie privilégiée de l’intervention en médina. Toute intervention future, devrait s’intégrer profondément dans la vie des médinas en déclenchant des opérations capables à la fois de fournir des emplois, de faire participer ses habitants à sa rénovation, de renforcer le tissu social de celui-ci et de constituer par elles même un facteur d’intégration. La valorisation et la sauvegarde du patrimoine construit devrait passer obligatoirement par une logique d’environnement, car il est question de bien être d’abord de la population qui y vive. La garantie de réussite d’une telle opération, passe nécessairement par une reconnaissance minutieuse et une compréhension profonde de la ville et de son fonctionnement. Pour cela, il est utile de comprendre l’organisation morphologique et fonctionnelle de l’espace urbain dans sa globalité : les relations existantes entre les différents fragments qui le composent, et surtout, les mécanismes économiques qui transforment l’espace et l’organisation urbaine, l’évolution des rapports sociaux et des besoins, le rôle des différents opérateurs et systèmes sociaux dont la médina constitue le principal pan. Dans les tissus traditionnels, il y a un problème de rôle, de fonctions, de significations à maintenir, 8

Présent et avenir des médinas (de Marrakech à Alep) Fascicule de Recherches n°10-11 tours 1982 Introduction.

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confirmer, à renforcer ou à créer, sans cela, on ne dépasse pas le cadre exigu des solutions sectorielles dictées par les conditions d’urgence. Il y a des mesures à prendre, des leçons à tirer, des mécanismes à contrôler, et des processus à infléchir ou à modifier. Elle devrait être perçue comme une opportunité pour orienter une partie importante de la croissance future de l’agglomération. Cela nous amène à reconsidérer les outils urbanistiques et les plans d’aménagement, pour les percevoir non seulement comme des documents administratifs de gestion urbaine opposable au tiers, mais surtout comme des documente, d’une stratégie ; et un outil capable de définir un cadre de référence, composé d’un ensemble cohérent d’objectifs et non pas de solutions figées et destinées à être dépassées à long terme. Le Maghreb et le monde arabe ne montrent-ils pas quotidiennement l’incapacité de leurs systèmes sociaux et politiques à faire prévaloir le principe d’économie sur celui de l’efficacité à court terme ? Alors que la réforme au patrimoine suggère spontanément les idées de ressourcement, d’authenticité ou de préservation. Donc, nos actions futures exigent de nous plus de vigilance et de rigueur dans la manière dont nous aménageons nos espaces. L’effet de séduction que nous devrions faire jouer à nos médinas dans l’économie monde devrait s’inscrire dans une double perspective, pour leur propre développement intégré et durable, et pour qu’elles puissent assigner un nouveau rôle dans la sphère internationale, selon nos aspirations, nos modes de vie et nos valeurs socioculturels pour ne pas subir le fantasme des pays développés sur leur manière de voir nos espaces aménagés par eux et pour une durée déterminée qui risquerait de mettre leur devenir en péril. Néanmoins, les enjeux de telles opératoires demeurent entre les mains des institutions locales en tant que maître d’ouvrages. Elles devraient être capable de définir la concertation et de proposer aux différents acteurs économiques une manière productive plutôt que spéculative afin de tirer profit de la croissance urbaine, une croissance durable en harmonie avec l’environnement.

Conclusion 

La permanence d’une forte identité culturelle s’exprime dans toutes les villes arabes mais n’est pas sans contradiction. Il s’agit d’un héritage urbanistique exceptionnel, mais il dépérit face à la rénovation, et plus encore devant la détérioration, faute de politiques urbaines appropriées. L’explosion démographique, et le dynamisme qu’elle entraîne, rendent peu crédible les tentatives de planification urbaine. L’espace urbain est en crise, à défaut de maîtrise des caractéristiques de l’urbanisation, d’autres secteurs en souffrent, on peut discerner cela à travers deux questions, celle de l’emploi et du logement avec, en corollaire, l’augmentation du secteur d’emploi informel et l’extension considérable des quartiers spontanés. L’urgence de ces problèmes relègue au second plan, toute action sérieuse dans des domaines comme l’environnement, les pollutions et la préservation du patrimoine9. Sur le plan de la recherche pure, et sans vouloir étendre d’avantage ce présent travail qui est déjà très vaste, il serait utile de regarder dans le future au-delà du Maghreb et de la Méditerranée, en particulier vers des villes qui ont connu la civilisation islamique, comme Herat, ancien centre Timouride, en Afghanistan, ou comme tant de villes historiques en Iran. Car, elles aussi, ont jusqu’à une certaine similitude les mêmes problèmes, de méthode et de technique, et imposent le même besoin d’une réflexion scientifique. Comme il faut même songer à ouvrir le champ d’investigation à certaines villes de l’Asie Centrale Soviétique, comme Boukhara, pour confronter les expériences et en juger les méthodes.

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Voir conclusion de l’ouvrage, les villes du monde arabe de Claude Chaline, pp171- 172.

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Benabbès S. Enfin, nous concluons par la reconnaissance du fait suivant : que l’espace médina, objet de notre étude, fonctionnait dans une trilogie formée d’un pôle culturel, d’un pôle productif et d’un pôle d'échange, où l’habitant du lieu est le principal acteur, mais il suffit qu’il y ait perte d’un des pôles, pour que l’ensemble se déséquilibre et perd de son essence. Dans le cadre d’une véritable politique de réhabilitation comment combiner entre une rénovation des habitations démolies, avec la réhabilitation du cadre de vie de certains espaces, et l’apport des différents éléments de confort nécessaire au temps actuel ? On a bien dit que le noyau historique est objet à deux débats contradictoire : Est-ce qu’il réussirait son rôle nouveau de reconquête de place qu’il lui est due dans toute l’agglomération ? Ou bien se conterait-il seulement d’être un pole centralisateur, spécialisé, parmi dans d’autres de création récente ? Le centre historique pourrait devenir un élément structurant de composition urbaine et de planification, pour moduler le reste des interventions et équilibrer le fonctionnement global, et contribuer à la réunification spatiale et fonctionnelle de la ville. Sur le plan technique, il y a toute une série de mesures à intégrer, comme : Les contraintes liées aux conditions et utilisation modernes des édifices anciens, en veillant à éviter la mauvaise conservation, au sens technique et propre du terme. Il faut éviter le recours à une réhabilitation négligente, et utiliser des matériaux incompatibles, ou une conservation avare. La restauration excessive ou la « sur restauration »est une mauvaise chose aussi, parce qu’elle a une influence insidieuse, et elle est doublement trompeuse. Comme il est nécessaire de se prévenir du mauvais usage de la discipline d’archéologie, à travers ses besoins d’exploration peut devenir une manière fatale. Il faut éviter également la sauvegarde « négative » ou la sauvegarde « muséologique »qui reconvertie des ensembles à des fossiles. L’aspect de formation devrait s’intégrer de façon systématique dans les politiques urbaines, car nos sites historiques souffrent également du sous encadrement et de la non qualification de la ressource humaine. L’intervention sur ce type de sites, devrait également être exploitée en vue de régénérer un artisanat semi industriel qui libère la créativité et offre dans le domaine du bâtiment une gamme très diversifiée de produits et de matériaux, tout en préservant les formes traditionnelles porteuses de sens, afin de permettre à la production architecturale dans les villes arabes de demeurer créative, tout en partant d’éléments spécifiques locales et traditionnelles, et s’ouvrir sur le monde contemporain.

BIBLIOGRAPHIE 1- Jaoud MSEFER ; « centre ville et noyau historique », in : Villes islamiques, cités d’hier et d’aujourd’hui, conseil international de la langue française ; 1984 ; pp94-96. 2- Dr Bichara KHADER et Prof. Jean-François NIABARDI; Réhabilitation des médinas Maghrébines. Directeur du Centre d'Etude et de Recherche sur le monde Arabe Contemporain (U.C.L.- D.V.L.P.) ; Unité Architecture (U.C.L. - Faculté des Sciences appliquées) ; Centre d'Etude et de Recherche sur le monde arabe Contemporain n° 41-42 ; Pp22-23. 3- Pr. Mohamed NACIRI ; « Les préalables à la réhabilitation des centres historiques dans les pays arabes : une personnalité, une structure, une volonté » ; Publication réalisée avec l’aide du ministère des affaires étrangères Italien, et de l’institut culturel Italien à Rabat sur « La réhabilitation des cités anciennes ; Actes du Colloque International ; Salé les 6-9 octobre 1988 ; Edition association BOUREGREG, 1990, 173pp, Pp13-14. 4- Prof. Jean-François NIABARDI; Réhabilitation des médinas Maghrébines; La direction de Directeur du Centre d'Etude et de Recherche sur le monde Arabe Contemporain (U.C.L.-

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D.V.L.P.) ; Unité Architecture (U.C.L. - Faculté des Sciences appliquées) ; Centre d'Etude et de Recherche sur le monde arabe Contemporain n° 41-42 ; 1986 ; p11. 5- Claude Chaline ; « Les villes du monde arabe », Pp 124-125. 6- Présent et avenir des médinas (de Marrakech à Alep) Faxicule de Recherches n°10-11 tours 1982 7- Pr. Ronald Lewoock, Communication in Symposium sur la conservation et 1a restauration du patrimoine architectural islamique ; Lahore, Pakistan, 6-12 avril 1980 ; UNESCO et commission Pakistanaise pour l’UNESCO ; Université de Cambridge, Royaume Uni.(23 p). 8- Collectif, sous la direction de Dominique Chevallieret, « L’espace social de la ville arabe » Pp326.327

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La prise en charge du patrimoine : question de tutelle DR SASSI BOUDEMAGH S. Département d'architecture, Université Mentouri de Constantine

RESUME:

Bien que la problématique du patrimoine remonte à longtemps dans l'histoire, et que de nombreux points en aient étés évacués, elle reste toujours d'actualité, revenant en termes d'urgences et de priorités d'action. Le registre dominant dans lequel est traitée cette question du patrimoine aujourd'hui à travers le monde, étant le déplacement des valeurs à propos de la politique du patrimoine. Aujourd’hui, c’est dans un aspect culturel que la qualité de vie se retrouve le plus clairement mise en relation avec les objectifs économiques; dans la plupart des pays développés, la politique culturelle est conçue comme instrument de restructuration urbaine, comme moyen et chance de réussir dans l’intense compétition interurbaine, pour polariser les capitaux internationaux dans leurs mobilités et optimiser les fonctions stratégiques de développement des sources de revenus. Les monuments et le patrimoine historique acquièrent un double statut, œuvres dispensatrices de savoir et de plaisir, mais aussi produits culturels mis en conditions en vue de leur consommation. Il a été démontré que la politique de modernité identifiée au progrès et à l’intérêt général ainsi que celle de la valorisation du patrimoine et de la culture ne sont pas fondamentalement différentes par leurs effets économiques, sociaux et spatiaux. L'urgence de l'action appelle l'urgence de l'identification des acteurs, en particuliers des tuteurs de l'action. Dans ce champs la responsabilité doit être claire et sans équivoque; elle doit aussi être stable pour pouvoir prendre le temps d'établir des stratégies d'action et les mettre en œuvre. Ceci n'a pas été le cas de la ville de Constantine. Nous essayerons à travers la présente communication, d'exposer cette problématique de ballotage de tutelle et ses retombées sur le patrimoine et sa prise en charge. Le parcours du combattant effectué par un citoyen pour susciter l’intérêt des parties concernées par le patrimoine est ci-dessous rapporté par une journaliste : "A. D… nous dira «qu’en d’autres circonstances, il avait été à plusieurs reprises rabroué par les responsables» au motif qu’il «ne lui appartenait pas de s’occuper de ce qui le dépassait» et « qu’il fallait laisser cette tache à des gens qualifiés ». La colonne était effectivement disponible au milieu d’ordures et à proximité d’un égout. Dans les méandres de l’administration locale, les attributions autour de ce sujet sont entourées d’une forme d’ésotérisme. Au-delà du fait qu’en raison d’impératifs professionnels partagés, nous ne sommes jamais parvenus à rencontrer la responsable de la circonscription archéologique, nous avons tout de même compris, qu’aborder le sujet d’une manière officielle n’était pas aisé en raison d’une «complexité» dans la répartition des attributions entre représentants des pouvoirs publics (le maire lui-même nous a-t-il été conseillé), le directeur de la culture, le musée, la responsable de la circonscription archéologique. Seuls «Les amis du musée» (une association d’amateurs férus) essayent, selon leur possibilité, de faire bouger les choses" (LEMILI A. 2006). Ceci est une illustration très révélatrice quant à la situation conflictuelle et paralysante du patrimoine en Algérie. Mais surtout de l'exclusion du citoyen, normalement acteur et partenaire de tout projet concernant sa ville et son histoire.

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Sassi Boudemagh S.

LES ACTEURS POLITIQUES, ASSOCIATIFS ET SCIENTIFIQUES QUI DETERMINENT LA DESTINEE DES POLITIQUES NATIONALES DU PATRIMOINE Parmi les organismes ayant la charge de gestion du patrimoine algérien, il y a : 

Le Ministère de la culture : organisme principal chargé de la préservation des sites et des monuments historiques en Algérie.



L'agence Nationale d'Archéologie et de protection des sites et monuments historiques et ce depuis le 06 Janvier 1987 jusqu'en Décembre 2005. Créée par le décret N°87-10 du 06 Janvier 1987, c'est un établissement à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, cette agence est chargée dans le cadre du plan national de développement culturel, de l'ensemble des actions d'inventaire, d'étude, de conservation, de mise en valeur et de présentation au public du patrimoine culturel historique. Cette agence c'est vue transformée dans sa nature juridique par le décret du 22 Décembre 2005, passant de l'Agence à un établissement public à caractère industriel et commercial doté de la personnalité morale et l'autonomie financière portant la dénomination d'Office National de Gestion et d'Exploitation des Biens culturels Protégés.

Le Ministère de la Culture s'est chargé de réorganiser le secteur du patrimoine culturel en opérant à travers les dispositions suivantes : 

Redonner aux directions de la culture de wilaya leurs missions de régulation, de contrôle, d'orientation et de coordination pour faire en sorte que ce niveau de décision soit le seul et unique interlocuteur pour toutes les questions ayant trait au patrimoine culturel.



Le patrimoine, vu sous l'angle nouveau de ressource générant des revenus, dans la perspective de l'intégrer aux processus de développement économique, il a été décidé de confier la gestion et l'exploitation des biens culturels à l'Office National de Gestion et d'Exploitation des biens culturels protégés.



Prise en charge de la recherche archéologique dans le cadre d'un centre national des recherches archéologiques créé par arrêté.



Prise en charge de la restauration des biens culturels par un Centre National de Restauration.

Cependant, lors de l'élaboration des plans d'aménagement et d'équipement du territoire par le biais des PDAU et des POS dont le principal initiateur est le département ministériel chargé de l'urbanisme, alors que les sites et vestiges historiques relèvent du département ministériel chargé de la culture. Ceux-ci ne reçoivent les documents par le biais des services de l'habitat et ne sont consultés qu'en fin de processus, c'est-à-dire une fois les plans établis. Actuellement l'action de décentralisation a octroyé aux élus locaux la responsabilité des politiques d'aménagement d'urbanisme sur leur territoire. Ceux-ci se sont, de surcroit, vu hissés au rang d'initiateur et de décideur pour les projets locaux. Cette translation d'une politique de protection du patrimoine par l'état vers sa prise en charge par les collectivités locales s'est faite sans transition et surtout sans aucun échafaudage sociétal essentiellement basé sur la mobilisation de la société et des pouvoirs associatifs. Cette situation de mutation a été pour une grande part derrière les situations conflictuelles entres ces différentes parties concernées d'une manière ou d'une autre par le devenir du patrimoine culturel.

LES POLITIQUES PATRIMONIALES ALGERIENNES La politique patrimoniale en Algérie peut être scindée en quatre étapes : 

La période coloniale



La période post indépendance



L’apparition d’un Ministère consacré à la culture



La période actuelle

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La période coloniale (1830-1962) A cette époque, le patrimoine culturel est administré par le ministère de l'intérieur a travers la direction des Beaux arts monuments et sites historiques, Parmi les textes relatifs à cette législation ce qui suit: 

Le décret du 02 Mai 1930 relatif aux monuments naturels et sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire et pittoresque.



Le décret du 09 Février 1942 étendant à l'Algérie la loi du 27 Septembre 1941, confirmé par l'ordonnance du 13 Septembre 1945 sur les fouilles intéressant la préhistoire, l'histoire, l'art et l'archéologie.



Le décret du 14 Septembre 1925 concernant les monuments historiques en Algérie, modifiés par des décrets du 03 Mars 1938et le 14 Juin 1947 et la loi du 21 Novembre 1954.



L'arrêté du 26 Avril1949modifié et complété portant création en Algérie de circonscriptions territoriales pour la surveillance des gisements archéologiques et préhistoriques.



Note de site archéologiques en 1950 et arrêt du dernier classement en Algérie en 1956. 1/3 des monuments classés datant de l'antiquité et un nombre très réduit de monuments islamiques. à l'indépendance, la liste des monuments classés avant 1962 a été reconduite mis à part quelques monuments représentant la gloire du colonisateur.

La période post indépendance À l’indépendance en 1962, après 132 années d’occupation, l’arsenal juridique et administratif établi par la France dans la totalité des domaines (lois, décrets, arrêtés et circulaires) servira de source d’inspiration aux textes législatifs de l’Algérie indépendante. Plus que s'en inspirant, l'Etat algérien reconduit la législation française en matière de protection des monuments et sites historiques. La direction des Beaux arts monuments et sites historiques, qui était gérée par le ministère de l'intérieur, relève à l'indépendance du ministère de l'éducation nationale. Une manière de prendre possession et d'avoir une emprise intellectuelle et culturelle sur le patrimoine algérien

L’Ordonnance n° 67-281 du 20 décembre 1967 Cette ordonnance est relative aux fouilles et à la protection des sites et monuments historiques et naturels. Pour assurer la protection de ces sites l'Etat peut exercer des procédures de conservation telles que le classement ou l'inscription à l'inventaire supplémentaire. L'initiative du classement revient tant au propriétaire qu'à l'Etat. Il est prononcé par arrêté ministériel après avis de la commission nationale des monuments et sites. Les mesures de protection entrainent des servitudes, concernant les interventions sur les monuments ou dans le site; une surveillance par les services compétents et des possibilités d'expropriation pour cause d'utilité publique en cas de non préservation par des particuliers. Cette ordonnance définit les sanctions des différentes formes d’aliénation du patrimoine et établit très succinctement une idée des rapports de propriété privé et publique. Elle a été la référence en matière de gestion du patrimoine culturel en Algérie jusqu’à 1998, année de promulgation de la loi n° 98-04 relative à la protection du patrimoine culturel.

Apparition du Ministère consacré à la culture Dans les années 70, la culture dans son sens global, a vu l’apparition d’un Ministère totalement dédié. Sa prise en charge s’effectue depuis dans un organisme central de gestion qu’est le Ministère de la culture et de l’information et ce dans un cadre désormais distinct à travers la direction des musées, de l’archéologie et des monuments et sites historiques. Cette direction qui changera d’appellation et d’organisation plus tard regroupait les trois sous–directions ; Des musées, de l’archéologie, et des sites et monuments historiques. Les problèmes induits par une gestion extrêmement centralisée ont fini par pousser les autorités à créer des extensions locales à la direction centrale à travers le territoire national, se résumant aux parcs, aux offices, aux musées nationaux et autres ateliers d’études. Ces organismes toujours sous tutelle de l’administration centrale, dotés de pouvoir autonomes et de prérogatives propres, soit à une région ou à un aspect défini du patrimoine culturel.

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Sassi Boudemagh S.

L'ordonnance de 1983 Jusqu'à l'année 1983, il n'y avait que la casbah d'Alger qui bénéficiait d'un programme de réhabilitation. De par son statut de capitale et de surcroit doté d'un organisme d'étude le COMEDOR, La ville d'Alger polarisait toute la préoccupation autour de son centre traditionnel. En 1983, une ordonnance permet la protection des sites non classés indiquant les possibilités d'intervention sur une agglomération à condition que celle-ci soit inadaptée aux fonctions urbaines, etc. L'intervention doit être inscrite au plan d'urbanisme directeur (PUD) et donner lieu à un schéma d'aménagement d'ensemble précisant les conditions de relogement ainsi que l'usage des secteurs rénovés.une instruction présidentielle vient la même période renforcer ces mesures impulsant une nouvelle conception de l'aménagement urbain remettant aux premiers rangs d'intérêt la revalorisation du patrimoine. Vers les années 90, la question du patrimoine culturel se trouve au cœur des questions identitaires, c'est le cheval de bataille pour l'aboutissement du processus de réappropriation de la culture pour l'affirmation de l'identité, engagé par la société et à sa tète les pouvoirs publics. Ce projet a été diligenté par l'Agence nationale d'Archéologie et de Protection des Sites et Monuments Historiques. Les opérations de réhabilitation et de restauration de quelques Monuments tels que le Bastion 23, la citadelle d'Alger, le palais du Bey de Constantine ont fait partie de ce programme ambitieux. Avec les grand changements politiques, socio-économiques et institutionnels qu'à connu l'Algérie vers la fin des années 90, sa transition vers l'économie de marché et ses conséquences sur les politiques urbaines et architecturales, surtout l'apparition du statut de super capitale concernant la ville d'Alger induisant de nouveaux enjeux avec des projets de grande envergure, la politique patrimoniale est de nouveau rappelée en vedette au sein du grand projet urbain(GPU). Cependant, rapportant les propos du directeur de l'urbanisme et de l'architecture au sein du Ministère de l'Habitat en l'année 1995," le changement d'un système à un autre entraine des pesanteurs d'ordre structurel et/ou psychologiques. Les différents textes liés à l'urbanisme, au foncier et à la gestion du domaine notarial ont, en effet, cassé un système monopolistique marqué par une absence totale de transparence et permettant dans des cas nombreux la création des rentes, etc. La prise de conscience sur les enjeux urbanistiques des instruments mettra du temps à s'imposer à des operateurs par le passé non associés à la gestion du développement urbain" C'est justement à ce niveau des choses que se situe la problématique de prise en charge et de gestion du patrimoine. Le changement institutionnel ne signifie pas uniquement un déplacement des prérogatives, en l'occurrence, de l'Etat centralisateur vers des collectivités locales. Ces dernières sont sensées être représentatives de populations et non des fragments excentrés de l'Etat. Le même responsable interrogé sur l'existence d'une quelconque coopération entre le ministère de l'habitat et le ministère de la culture pour la bonne prise en charge des problème concernant les sites archéologiques lors de l'élaboration des plans d'urbanisme; répond que les relations sont développées lorsque la préoccupation des valeurs culturelles du patrimoine est menacée. Qu'est ce que la préoccupation de valeur culturelle? Comment peut-elle être considérée comme menacée? Cette même problématique c'est vue matérialisée dans l'histoire du Master Plan de Constantine

La période actuelle La référence juridique actuelle en matière de protection du patrimoine culturel est la Loi n° 98–04 du 20 Safar 1419 correspondant au 15 juin 1998 relative à la protection du patrimoine culturel. Cette loi constitue l'acte fondateur de la stratégie patrimoniale visée et planifiée par le Ministère de la culture Algérien. Par la dite loi, les prérogatives ainsi que les responsabilités sont précisées, l'Etat est impliqué financièrement dans les travaux de restauration des maisons dans les tissus urbains, les problèmes liés aux biens habous sont pris en charge par un cadre juridique approprié. Cependant cette loi n'a vu la publication de ses textes d'application qu'en septembre et octobre 2003, ce qui est très révélateur quant à l'opérationnalisation de cette loi. L’élément clé de cette loi reste l’apparition de la notion de « biens culturels » composés de : biens culturels immobiliers, biens culturels mobiliers, incluant les mêmes éléments et en définissant de nouveaux, d’une façon précise, par rapport à l’ordonnance 67-281, et innovation majeure, Biens culturels immatériels.

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Il y a eu notamment création des "secteurs sauvegardés" en plus de l’inscription sur l’inventaire supplémentaire et le classement, comme mesure de protection spécifique des biens culturels immobiliers. Aussi, et d’une façon très brève, la loi a formulé de nouveaux entendements concernant le droit public et privé, fixé un nouveau cadre aux recherches archéologiques dans des limites plus vaste que celles définies pour les fouilles dans l’ordonnance 67-281, mis sur pied une procédure de financement des opérations d’intervention et de mise en valeur des biens culturels, mis– à– jour les sanctions et les peines pour les infractions. D’une façon globale, la loi 98-04 relative à la protection du patrimoine marque une étape d’affinement des notions, et d’établissement d’une conception détaillée du fait patrimonial ainsi que ses corollaires. Ceci reste, cependant, très limité au niveau théorique des choses.

CONFUSION DANS LES RESPONSABILITES, D'INTERETS, ECHECS DE MONTAGES

CONFLITS

DE

PREROGATIVES

ET

Pour les secteurs sauvegardés la loi associe deux administrations celle de la culture et celle de l'urbanisme. Le ministère de la culture revendique la première responsabilité en matière de prise en charge du patrimoine architectural, déclarant posséder tout le pouvoir pour la protection et mise en œuvre de la médina quelque soient les exigences du développement urbain. D'autre part le ministère de l'habitat et de l'urbanisme se trouve être à la tète de tout processus d'élaboration des plans et instruments de gestion urbaine et spatiale. Prenons l'exemple de la ville de Constantine, dont la gestion, à l'instar de toutes les villes algériennes, est du domaine de la commune sous la tutelle de la wilaya, se faisant dans le cadre des attributions du code communal et du code de la wilaya dont les prérogatives respectives sont décrétées par la loi N°90-08 du 07 Avril 1990 relative à la commune et la loi N° 90-09 du 04 Avril 1990 relative à la wilaya. Celles ci ont toutes deux instituées des dispositifs de sauvegarde du patrimoine pour encadrer les opérations de réhabilitation, restauration et rénovation, en particulier les articles suivants: 93 / pour le code de la commune rendant celle-ci responsable, dans le cadre de la protection du patrimoine architectural de : 

La préservation et la protection des sites et monuments en raison en raison de leur vocation et de leur valeur historique ;



La sauvegarde du caractère esthétique et architectural et l'adoption du type d'habitat homogène des agglomérations.

83 / pour le code de la wilaya chargeant l'assemblée populaire de la wilaya d'apporter son soutient aux communes dans la mise en œuvre de leurs programme d'habitat et à ce titre, elle participe à des opérations de rénovation et de réhabilitation en concertation avec les communes. Devant le caractère particulier de l'opération de sauvegarde de la médina de Constantine, le plus communément appelée le Rocher, les services techniques des collectivités locales ont buté contre la difficulté de prise en charge de ce cas sans risquer de compromettre la gestion des autres quartiers. A défaut de classement, la vieille ville de Constantine a été érigée par le Ministère de la culture en secteur sauvegardé, par le décret exécutif N°05-208 du 04 Juin 2005. Fait qui devait lui permettre d'obtenir l'aide financière et technique ainsi que les moyens nécessaires à sa préservation et la réhabilitation de son tissu originel. Sur proposition du directeur de l'urbanisme et de la construction, le wali de Constantine crée sur décision une cellule a caractère pluridisciplinaire chargée de la mise en œuvre des opérations de sauvegarde et de gestion urbaine de cette vieille ville, et pris la responsabilité de la présider avec comme relai un secrétariat assuré par la Direction de l'Urbanisme et de la Construction.

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La cellule technique de sauvegarde et de réhabilitation de la vieille ville était chargée des missions suivantes : 

Suivi des études du plan de sauvegarde de la vieille ville;



Préparation d'un dossier pour le classement du site comme patrimoine national;



Orientation et assistance des bureaux d'études lors de l'élaboration des différentes études et interventions ;



Négociations avec les propriétaires;



Elaboration des dossiers de réhabilitation des équipements et logements;



Etablissement des ilots ou des zones à évacuer;



Elaboration des différents cahiers des charges;



Suivi des travaux en cours de réalisation.

Un comité composé de 14 services de gestion urbaine, chargé des opérations de sauvegarde, de réhabilitation et de gestion de la vieille ville de Constantine a été créé dans les mêmes conditions et à la même date, toujours présidé par le wali. Ce comité avait pour missions: l'approbation du plan d'action de la cellule, la validation des décisions de la cellule et le suivi des travaux en cours. Par ailleurs, selon la loi 98-04 du 15 juin 1998 toutes les prérogatives de sauvegarde du secteur reviennent en premier lieu à la direction de la culture de Constantine, sensée être premier interlocuteur pour tout acteur dans le processus touchant au patrimoine. La cellule de sauvegarde se trouve être en porte- à- faux du point législatif et réglementaire, elle n'est nullement étayée par un statut. Ceci d'une part, d'autre part, la présence du comité chargé des opérations de sauvegarde, de réhabilitation et de gestion de la vieille ville de Constantine vient, de surcroit, saper la crédibilité et l'autorité donc l'efficience de cette cellule. La vieille ville de Constantine a également fait l'objet de l'application du Master plan entre l'année 2003 et 2005. Un dispositif technique opérationnel visant la requalification physique du vieux bâti, et également un cadre général d'interventions à concrétiser progressivement dans le temps et en fonction de la situation économique et sociale. L'accord cadre portant "master plan" pour la Medina de Constantine a été établi entre l'université italienne Roma Tre et le Ministère de l'Habitat et de l'urbanisme, ce dernier étant premier responsable des politiques urbaines et de leur mise en application. Mais dans ce cas il s'agit d'un cas relevant du patrimoine et de sa sauvegarde! Le Master Plan de la vieille ville de Constantine se situe chronologiquement avant la création du secteur sauvegardé et était sensé préparer à l'élaboration du plan permanent de sauvegarde. Il a par conséquent occupé la période de transition dans laquelle était prévue la mise en place par la direction de la culture de la wilaya en concertation avec la commune de Constantine d'un plan d'urgence pour parer au vide juridique et répondre aux problèmes survenant pendant cette période. Ce plan d'urgence n'a jamais vu le jour a cause de l'absence de toute entente entre ces différentes institutions, donc de l'impossible concertation. En 2005, la présentation du Master Plan pour la rénovation de la Medina de Constantine tombe à pic sur un conflit institutionnel. Nous dirons plutôt un problème de tutelle disputée, entre le Ministère de la culture revendiquant la responsabilité du secteur sauvegardé et le Ministère de l'habitat dont le souci était la mise en application du Master Plan en tant que méthode de la politique urbaine dont lui a la charge. Entre temps les mouvements associatifs ne cessent de lancer des appels de détresse, tentent par tous les moyens de pénétrer la forteresse ou semble se concocter le devenir de leur Rocher sans pour autant réussir la moindre action de participation. Il est utile et instructif d'avoir un aperçu sur l'exemple d'un autre pays tel que la France, où les années 1978-1984 ont constitué une charnière essentielle de l’histoire des politiques du patrimoine. Le lancement de l’année du patrimoine en 1980 révèle l’intensité de la mobilisation des Français autour d’un concept dont les frontières se dilatent en l’espace de quelques années. Dans ce pays, la recherche accompagne à deux niveaux ce moment. D’une part elle contribue à consacrer des champs nouveaux de l’intervention publique (Daumas .M.1980), d’autre part elle se propose d’interroger le sens social et historique de la notion.

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Cette mobilisation de la communauté scientifique se situe d’emblée dans l’espace de la critique. Derrière la vogue du mot, historiens, sociologues, ethnologues et philosophes s’attachent à décrire le symptôme. Pour Alain Bourdin en 1984, le patrimoine est « au carrefour de deux processus essentiels dans toute société : la production de la sécurité et celle de la valeur8 » (BOURDIN.A. 1984). Les logiques institutionnelles succèdent ici aux logiques idéologiques et éclairent quelques-unes des grandes tensions de l’histoire des politiques du patrimoine. Tensions entre l’administration des cultes et celle des beaux-arts. Elles permettent aussi d’indiquer que ces politiques participent de logiques d’acteurs et d’échelles qu’il est nécessaire de prendre en compte. Du rôle des associations et des territoires, les relations entre les uns et les autres sont encore trop souvent posées sur un mode bipolaire : amateurs contre professionnels, associations contre administrations. La figure archaïque de l’érudit local a souvent émergé dans l'histoire. Cependant il leur a été reconnu le rôle central dans la réappropriation du patrimoine en tant que charnière inter institutionnelle. Les études démontrent la porosité des réseaux et plus encore le lien étroit entre les milieux de la recherche (en archéologie et en ethnologie notamment mais aussi en histoire de l’art et en histoire) et les institutions politiques. Dès lors, à partir de l’histoire des politiques du patrimoine se déroule l’écheveau des enjeux culturels et identitaires propres à une société à une époque donnée. Le patrimoine architectural est forcement un objet situé au carrefour des politiques publiques de la culture. Aujourd’hui, c’est dans un aspect culturel que la qualité de vie se retrouve le plus clairement mise en relation avec les objectifs économiques ; dans la plupart des pays développés, la politique culturelle est conçue comme instrument de restructuration urbaine, comme moyen et chance de réussir dans l’intense compétition interurbaine, pour polariser les capitaux internationaux dans leurs mobilité et optimiser les fonctions stratégiques de développement des sources de revenus. Les monuments et le patrimoine historique acquièrent un double statut, œuvres dispensatrices de savoir et de plaisir, mais aussi produits culturels mis en conditions en vue de leur consommation. Il a été démontré que la politique de modernité identifiée au progrès et à l’intérêt général ainsi que celle de la valorisation du patrimoine et de la culture ne sont pas fondamentalement différentes par leurs effets économiques, sociaux et spatiaux. Le renouvellement de l’aménagement du territoire pousse donc à dilater l’espace de compréhension des politiques du patrimoine. Le patrimoine doit devenir le prétexte par lequel les politiques sectorielles se recomposent et se lient sur le terrain, et que toutes les parties se fédèrent et se mobilisent autour de l'action portée sur le patrimoine.

BIBLIOGRAPHIE 1- BOURDIN A., le Patrimoine réinventé, Paris, PUF, 1984, p.18. 2- BOUANANE KENTOUCHE N., Place du Patrimoine dans les politiques Urbaines en Algérie, mémoire de magister, Université Mentouri de Constantine, 2008. 3- DAUMAS M., l’Archéologie industrielle en France, Paris, Laffont, 1980 ; A. Cadoret (sous la dir. de), Protection de la nature : histoire et idéologie. De la nature à l’environnement, Paris, l'Harmattan, 1985. 4- LEMILI A., Article paru sur le quotidien LA TRIBUNE, du jeudi 26 Janvier 2006. 5- Revue H.T.M. Habitat, Tradition et Modernité, N°3 ARCCO, Avril, 1995, Alger, pp. 53-60.

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L’architecte, le patrimoine bâti et la recomposition des centres anciens : Un dilemme faustien. (Constantine, les leçons du passé). A .BOUCHAREB Département d’Architecture et d’Urbanisme Laboratoire Ville et Santé, Université Mentouri-Constantine

INTRODUCTION Les historiens, les gestionnaires des villes et les élites citadines en particulier ont tendance à tout patrimonialiser, les architectes quand à eux, ils montrent dans les temps présents des attitudes pour le moins mitigées. Au nom de l’identité, de la diversité culturelle et des enjeux économiques, la patrimonialisation pratiquée sans discernement est en phase de conduire à une muséification des villes et des quartiers anciens, interdisant par conséquent toute intervention. Cette attitude conduit également à des « impostures » artistiques : l’essentiel reste de singulariser le cadre urbain et d’attirer les touristes en quête d’images impressionnantes. Cependant, les préoccupations urbaines (et urbanistiques) constituent des enjeux majeurs appelant à affirmer des options et prendre des décisions en matière de développement urbain, même si les sites en question sont très sensibles car, à fortes charges patrimoniales. Si nous considérons que les architectes sont très impliqués dans ces choix, force est de reconnaître que la gageure immisce ce corps dans une situation «tragique ». Non seulement, ces concepteurs doivent bien choisir, ils sont appelés à réussir : dilemme faustien.

DE L’ARCHITECTE AUJOURD’HUI… La patrimonialisation constitue un champ de « fixité » et une source handicapante pour l’imaginaire. Elle signifie sacralisation d’un ordre passé, d’une « valeur à priori » employée pour la « reproduction des sociétés » et par conséquent elle s’érige en un « leurre ontologique » [Jeudy, 1990]. Voilà une réalité culturelle qui entame son déclin sous les effets conjugués de la mondialisation et de la globalisation. Car, aujourd’hui, les tendances « futuristes », sponsorisées par le courant ultralibéraliste exhibent des performances et des capacités imaginatives qui n’épargnent pas les architectes (surtout les jeunes diplômés), ni le grand public. Faut-il rappeler que l’histoire de l’architecture nous renseigne sur la « faiblesse » idéologique des architectes et des urbanistes ? En effet cette caste, cataloguée comme l’exclusive dépositaire de la création des édifices, recherche sans cesse l’occasion pour mettre en pratique son imaginaire. Peu importe les accointances, la « fièvre de construire » réduit toutes les susceptibilités. C’est dans cette optique que l’émergence des « transarchitectes » fait parler d’elle. Favorisée par la mondialisation, par la mobilité et par le marketing, la « signature » de ces architectes arrive à elle seule à imposer le produit dans le réseau urbain mondial, bien sur, le lieu, le commanditaire et même les usagers d’un tel édifice peuvent se prévaloir du statut de « mondialisé ». Ce privilège consacre une nouvelle forme de sacralité en attirant les divers flux, dont les finances. Cependant, l’hypermédiatisation offre à cette élite « professionnelle » des occasions pour composer des discours dithyrambiques en sa faveur et d’autres propos dévalorisant envers tout ce qui est « archaïque » et « folkloriste ». Naturellement, ces qualificatifs désignent tout ce qui « ancien » sans épargner les architectes qui prônent une connexion avec le passé. Catalogué dans le courant néo-moderniste, ce discours dominant énumère les griefs de la ville européenne : « la ville dense européenne est un archaïsme. Elle ne vit plus que sous perfusion. Son organisation spatiale faite d’un bâti serré autour d’un espace public constitué de rues et de places est provinciale. Elle n’est plus adaptée, ni au développement économique, ni aux nouveaux modes de vie, ni à une esthétique nerveuse sensible au climat d’une époque marquée par l’électronique, les flux d’information, le flottement des valeurs, les déséquilibres incessants mais fructueux. » [Le Dantec J-P. 1995]

Bouchareb A. LE CHAOS SUBLIME A ce discours, certaines phobies se développent rapidement et arrivent à favoriser de curieuses alliances entre les gestionnaires des villes, les écologistes et les « socialisants » contre le spectre de la ville américaine. Il faut dire que les « transarchitectes » puisent l’essentiel de leur inspiration de ce modèle. Rappelons que la ville américaine offre l’image d’une ville fantôme destinée au toutautomobile, à la fragmentation socio-spatiale, à la télévision et à la privatisation des tous les services publics compris. Pratiquant la « tabula rasa » (nous préférons ce terme par euphémisme, à « terre brûlée »), la patrimonialisation n’est pas américaine. C’est un principe, la ville américaine extensive ne veut pas s’encombrer d’une « charge » qui finira par consacrer un rituel gênant. Sur le plan de l’esthétique des paysages urbains, le « chaos » devient un « ordre caché ». En fait, le non-respect de l’échelle, offre une « liberté » pour mettre en pratique les lubies les plus inavouées. L’anarchie installée progressivement à l’ombre des TIC dénote le recul de modes prônés par la planification. Par rapport à ces doctrines, le patrimoine et tout ce qu’il représente comme cristallisation du vernaculaire sont relégués au statut de l’archaïque. Et pourtant, les tissus vernaculaires offrent toujours par leur belle « image » chaotique la sublimation. En première synthèse, il ressort qu’il y a assez de facteurs qui peuvent mettre à mal tout l’héritage patrimonial et surtout affaiblir les motivations et les intérêts pour ce thème, particulièrement chez les générations avenirs. Nous le mesurons quotidiennement dans les inclinations des étudiants en formation et même chez les pratiquants.

DE LA NECESSITE D’INTERVENIR SUR LES CENTRES ANCIENS Le patrimoine bâti s’inscrit dans un contexte physique urbain, il est soumis par conséquent à une immanence. Cette caractéristique veut que tout être soit appelé à subir sa « croissance », qu’elle soit temporelle ou corporelle. (Somatique ou chronaxique). Et comme les centres-villes (leurs composantes) sont contraints de s’actualiser, se réajuster ou se recomposer sous la pression des mutations économiques, sociales et techniques, la question des interventions et des modes opératoires reste souvent sujet à controverse. L’enjeu essentiel pour les grandes villes (particulièrement celles qui reposent sur des fonds patrimoniaux importants) est de s’inscrire dans le réseau mondial (ou régional) et prétendre ainsi à une représentation transnationale. Ces perspectives interpellent l’avenir du patrimoine et ses corollaires identitaires et mémoriaux En effet, ces centres, par une nécessité, toujours superposés à des lieux à haute charge patrimoniale et symbolique, font émerger de grands enjeux et des questionnements légitimes. Ainsi, les consensus politiques et sociaux deviennent des requis préalables à toute élaboration de stratégie urbaine ou à des interventions urbanistiques. La nécessité d’opérer des actions pour l’amélioration des conditions sociales (hygiène, technologies, transport), l’insertion de nouveaux modes économiques (tertiaire en particulier) ne peuvent pas occulter les risques et probabilités des pertes (à jamais) de quelques témoins de la mémoire et des appuis « physiques » de l’identité. Disons en seconde synthèse que le volet « procédural » est prégnant tant les questions juridiques, les classements des priorités, les consensus restent tributaires des volontés et des motivations politiques et sociales. Cependant la question des modes d’intervention reste l’apanage de la caste des « professionnels », dont le savoir-faire se mesure souvent à l’efficacité et la pertinence des actions sur les sites.

ELEMENTS POUR UNE PROBLEMATIQUE Nous avions énuméré quelques thèmes fondamentaux pour la prise en charge du patrimoine dans le cadre du rapport ville/patrimoine. Ce champs laisse entrevoir quelques « frictions » entre :  Les objectifs cultivés par les tenants de la patrimonialisation tout azimut ;  Les mutations en cours ou en gestation concernant particulièrement les missions des professionnels et les investisseurs de la ville ;  La nécessité d’opérer des réajustements urbains pour la survie de la ville.

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Cependant, même cernées, diagnostiquées et finement planifiées, les interventions sur un substrat accumulé, conservé et choyé durant des siècles demeurent des opérations sensibles et par conséquent très risquées. N’oublions pas également que le risque est devenu une valeur de la société post-moderne, même s’il conduit à des situations irréversibles. C’est dire que l’enjeu est très délicat : ces interventions portent sur des témoins et sur un héritage jalousement conservé par des générations et durant des siècles. D’autre part, l’absence d’interventions signifie la muséification d’une relique digne d’une collection « privée ». La nécessité de renouveler ou de régénérer la ville devient incontournable, l’architecture et l’urbanisme deviennent des actes fondateurs ou refondateurs. C’est dans ce sens que nous adoptons volontairement une position considérant la ville comme un produit multiséculaire, un héritage que chaque génération avait « participé » à fructifier en déployant son génie et en puisant dans son capital savoir pour qu’il soit réapproprié afin de répondre à ses attentes du moment. Les multiples « fructifications » n’ont pas entamé sa structure ni son « soma ». Cet « usage » s’était accompli dans le respect des fondamentaux de l’établissement humain originel (devenu urbain plus tard) : le « genius loci », et les topies de base. Quelques mots pour définir ces deux valeurs fondamentales de tout lieu habité ; le premier d’origine romaine, recommande que toute implantation humaine « réussie » doit avant tout pactiser avec les « génies » [Shulz Ch-N.1981] du lieu, le second, employé par H. Lebebfre [H. Lefebvre 1970], désigne les traits physiques pertinents d’un site. C’est cette image qu’offre le vieux Rocher de Constantine, un palimpseste qui laisse apparaître en filigrane les substrats de tous les occupants depuis la période préantique. Ces inscriptions dénotent le génie et le respect des lieux occupés avec subtilité et affectivité, à l’exception des interventions coloniales françaises, qui ont carrément imposé une note dissonante. Subtilité et affectivité, ne sont-elles pas les conditions requises pour espérer conserver, sauvegarder et maintenir une mémoire vivante ? Examinons ce que l’histoire urbaine de Constantine nous enseigne.

VICISSITUDES DU PATRIMOINE BATI CONSTANTINOIS Il est très facile d’établir un état des lieux du patrimoine bâti constantinois aujourd’hui. Une vieille-ville qui se dégarnit chaque jour d’avantage. Des actions « promises », certaines sont en voie d’achèvement (Palais du Bey, après presque 3 décennies), d’autres en cours (Bab El Djabia et la Rue Mellah S.) buttent sur des problèmes techniques (les corps de métiers font défaut) et un Plan Permanent de Sauvegarde fraîchement initié. Aujourd’hui, il y a un véritable phénomène de gentrification de ce Vieux Rocher. Cependant cette forme ne touche pas à l’habitat, mais juste aux locaux commerciaux. En effet, la multiplication des commerces, particulièrement, ceux écoulant des produits venus de Dubaï, de Syrie ou de Taiwan, donne l’occasion aux « investisseurs » de procéder à des rénovations localisées. Par ailleurs, même les chinois s’y mêlent en apportant un zeste d’exotisme. Du coup, les zones où se regroupent ces commerces sont l’objet d’un extraordinaire regain d’intérêt, alors que le reste, mis à part les ruelles accessibles, lieux privilégiés du commerce informel, s’effrite rapidement.

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Bouchareb A.

Figure 1 : Vue aérienne de la Vieille Ville de Constantine (2003). Il y va sans dire que cette hypercommecialisatison se lit comme une bazardisation qui fait reculer les formes d’urbanité de base que cristallise la Vieille Ville. En fait, la reconversion des locaux, naguère des cafés fréquentés par une élite « intellectuelle », restaurants « gastronomiques », libraires, ou locaux d’artisanat étroitement liés à la mémoire collective, en commerce de « made in », tend à extraire la dimension « mythique des lieux ». Toujours dans le volet « état des lieux », les informations émanant des sources officielles dénotent le caractère alarmant des conditions d’hygiène et de l’état du bâti : le RGPH de 1998, relève que 20 % des habitations ne répond pas aux normes. Il faut signaler également que cet état des lieux n’est pas le fait exclusif de l’usure dans le temps. En fait, il est partiellement accéléré par ses occupants-mêmes dans le but d’accéder prioritairement au logement social. ETAT DU BATI

NOMBRE

TAUX (%)

Bon état

365

23,44

Etat moyen

812

52,15

Mauvais état

256

16,44

En ruine

124

7,97

Tableau 1 : Etat des lieux de la VieilleVille de Constantine en 2004. (Source Cellule de Réhabilitation de la médina de Constantine) L’état des lieux de la vieille-ville constantinoise est successif à des vicissitudes souvent malheureuses. Tout a commencé le lendemain de l’indépendance. L’élite citadine locale résidant dans la vieille-ville, lieu exclusif symbolisant l’urbanité, dut se replier sur les habitations vacantes laissées par les colons et situées dans les pourtours du Centre ou dans des quartiers résidentiels, alors « périphériques ». Ce « déménagement » interne a été suivi par un déplacement des populations issues de l’exode rural durant la colonisation et habitants les « bidonvilles » de la périphérie. Ces populations bénéficiaient de location de pièces dans les habitations. La démographie et la démission des propriétaires a accéléré le délabrement du bâti. Les surpeuplements devenait alarmant, les propriétaires ne pouvaient plus procédaient aux travaux de confortements ou de rénovation, la vieille ville entamait sa déchéance.

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Certaines habitations menaçantes ruine, ont vu leurs occupants bénéficier de logements dans les ZHUN fraîchement aménagées à la périphérie de la ville ou dans les villes satellites (El Khroub, Ain Smara). Cependant les ruines délaissées par les relogés sont immédiatement occupés par d’autres prétendants au logement social. Ce qui amena les autorités locales à procéder à des démolitions d’îlots entiers. Alors que de l’autre côté, d’autres habitants démolissaient eux-mêmes leurs maisons dans l’espoir d’être relogés prioritairement. Ainsi, la vieille-ville s’effondrait petit à petit sous le regard impuissant des autorités et des associations. Et dans cette dégradation disparaît un pan entier de l’histoire, de matériaux et de la mémoire constantinoise. L’intérêt porté à ce patrimoine s’est établi progressivement. Le PUD de 1975 désignait la vieille-ville en « zone à rénover ». Des alternatives ont été annoncées durant les années 80, dont la démolition et reconstruction tout en maintenant les activités. Une proposition d’élever des « tours » sur le site été lancée, en 1982. Toutes ce « verbiage » a été freiné par l’actualisation du PUD qui privilégia la « préservation des monuments historiques » et du site naturel des Georges du Rhummel. Les réflexions opérationnelles concernant la vieille ville ont été entamées en 1984 par l’URBACO. Portant sur la restructuration et la rénovation du Centre-ville, la proposition de l’URBACO, s’est perdue dans les prétextes financiers. En 1996, l’élaboration d’un POS Vieille-ville n’a connu aucune suite. En 2003, un partenariat Algéro-Italien, avait donné l’occasion au DPAT et à l’Université ROMA III de procéder à l’étude du Master Plan pour la Vieille ville. Fraîchement achevé, ce travail est bloqué dans un imbroglio « juridico-administratif ». En fait, le Ministère de la Culture s’oppose à sa réalisation, invoquant le fait que le secteur en question est devenu une « zone sauvegardée ». Un projet, entamé en 2005, dont l’étude a été confiée au Laboratoire Ville et Santé, financé par la Wilaya dans le Chapitre « Amélioration urbaine » bute également sur l’inexpérience technique et de gestion des projets en milieu patrimonial et sur l’absence d’entreprises qualifiées. Aujourd’hui rattrapé par le Plan Permanent de Sauvegarde initié en 2007, une autre aventure commence. Sur le plan des études, l’université de Constantine vient en pôle position. En effet, une grande quantité de mémoires et thèses ont été élaborée dans ce cadre. Seulement, ces travaux bien menés ne trouvent pas les échos nécessaires chez les gestionnaires de la ville. Cependant, ils ont insufflé assez d’arguments pour pousser le mouvement associatif à attribuer au patrimoine constantinois plus d’intérêts, d’ailleurs, ces universitaires forment les plus importants noyaux du mouvement associatif s’intéressant au patrimoine. La « patrimonialisation » de la vieille ville n’a jamais été ouvertement déclarée. Elle a été plutôt favorisée par des conjonctures économiques défavorables et des gestionnaires précautionneux. Ces derniers ne voulaient en aucun moment réveiller l’inextricable question du statut juridique des maisons de la vieille ville, ni affronter le mouvement associatif qui s’affirmait de plus en plus sur la scène local. En conclusion, ni les autorités, ni le mouvement associatif ne sont en mesure d’assurer la survie du patrimoine local, tant que la question de l’état des lieux, la condition sociale des habitants, le statut juridique des maisons, la formation de corps de métiers d’artisanat en matière de patrimoine et la mise en place d’un cadre « administratif » clair et organisé ne sont pas tranchés. En attendant le temps n’arrêtera pas son usure.

LES SUBSTRATS URBAINS : MODES D’EMPLOI Un constat préalable : Constantine est depuis 30 siècles en poste de commandement d’une région dont les limites sont toujours fluctuantes. Ce statut a attisé les convoitises des différents conquérants. Ainsi après chaque conquête, le maître du moment s’attelait à « redessiné » la ville pour pouvoir se la réapproprier. Sans qualifier cet usage, disons simplement que cette succession a instauré un « esprit » de bâtisseur. Esprit qui fait aujourd’hui défaut. Examinons quelques indices de cette qualité dans les temps passés. Nous entamons donc cette rétrospective par la ville au temps des romains, car de la période précédente, Numido-punique, peu d’objets ont été mis au jour sur le Rocher. Car, les occupants réemployaient déjà les matériaux des constructions précédentes.

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Bouchareb A. Le seul vestige significatif, reste les restes d’un rempart fait de bloc de pierre situé sur la pointe Nord/ouest que les romains avaient prolongé pour étendre l’aire sacrée (à la place de l’actuelle Casbah). La figure 2, représente une hypothèse de l’organisation spatiale de la ville que nous avions élaborée dans notre travail de thèse [Bouchareb, 2006]. En synthèse finale, la ville de Cirta à l’époque romaine se présente comme un cadre urbain structuré par des voies principales et secondaires, deux forums et une esplanade, des aires réservées à des fonctions socio-urbaines importantes (des édifices de « loisirs », de cultes, des thermes) et des « servitudes » (Citernes, ponts, aqueducs). Ainsi, les voies importantes sont de deux ordres : des rues sillonnant la ville d’Ouest en Est, joignant les portes « opposées » ou conduisant vers les zones affectées à des fonctions urbaines majeures et traversant les fori, et d’autres rues transversales orientées Sud/Nord et acheminant les flux vers ces mêmes zones à partir des portes d’accès à la ville. Une seconde trame se « démarque », regroupant les voies secondaires dont l’importance s’acquiert dans sa relation avec la trame primaire.

THEATRE AREA SACRA

CITERNES FORUM EDIFICES THERMES PORTES

FORUM

PONT

Figure 2 : Hypothèse de l’organisation spatiale de la ville durant la période romaine L’affectation des édifices semble correspondre à des exigences symboliques et « techniques ». Si l’angle Nord/ouest a été consacré au capitole pour « exagérer » sa monumentalité, le même site comprenait les citernes les plus importantes. Ces dernières alimentaient sans doutes les thermes qui se concentraient dans la partie Est. Les édifices de cultes et de réunions publiques entouraient les fori et l’esplanade, en se « surexposant ». Cependant le théâtre (probable) et le cirque exigeaient des terrains spécifiques ont été implantés en dehors du Rocher. La ville était également marquée par des arcs de triomphes et un tetrapyle enjambant les voies principales et un mobilier urbain sous forme de statuaire et de fontaines. En somme la ville possédait une image correspondant aux inclinations urbaines et au raffinement romain. Prenons comme référence ce tracé et examinons la période suivante. L’époque musulmane avait vu se succéder sur le Rocher les dynasties Aghlabide, fatimide, Hammadide et Hafside. Le seul témoin, reste la mosquée, fortement modifiée, elle datait de l’an 533 de l’Hégire (1135/36) selon l’inscription en style coufique figurant sur la cimaise du Mihrab. Pas de documents pour cette période, nous nous penchons sur l’organisation spatiale de la ville durant l’époque ottomane, période plus ou moins fournie en documents.

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La superposition des tracés de la ville romaine telle qu’elle se décline hypothétiquement et la régence Turque, laisse constater que la trame viaire n’a pas été totalement modifiée. En effet les aménagements apportés ont pris la forme de diverses densifications du tissu urbain. Ainsi, le forum populaire a été affecté au Souk El Kebir (Souk Ettujjar), alors que les grands axes s’étaient considérablement rétrécis, par le rajout de franges (réservées aux commerces) sur les deux rives CASBAH TABIA

EL BAB EL DJEDID

BAB EL-OUED

SOUK ET-TEDJAR Souk Ettujjar BAB DJABIA

Djamaa El Kebir EL KANTARA BAB EL DJABIA

BAB EL KANTARA

QU A R T I E R S

D E CON ST A N T I N E (1 8 3 7 )

Source : Laboratoire Ville et Patrimoine d'après carte cadastrale

Figure 3 : La ville durant la régence turque. Ce constat est confirmé par les gravures de Delamarre, exécutées en 1840. Nous notons que les piédroits de l’Arc de Triomphe de Natalis sont noyés dans les constructions des rives de la rue. (Figures 4). Souk Ettujjar est traversé par une voie en diagonale (qui donnera, la rue Rouaud, et Vieux aujourd’hui Hadj Aissa et Kedid). Cette configuration est le cheminement dessiné par les passants qui pour traverser une place, adoptent idéalement un raccourci en diagonale. L’autre forum constituera une place « royale », affirmée par l’édification du « Palais du Bey » en 1826, alors que « l’aire sacrée », autrefois réservée au capitole et aux temples, abritera le centre du pouvoir, (résidence du gouverneur de Constantine durant le règne Hafside puis du bey durant la régence turque).

Arc de Triomphe

TETRAPYLE

Figure 4 : Plan dessiné par Delamarre montrant les monuments romains noyés dans le tissu urbain L’arc de Triomphe de Natalis (gravure exécutée par Delamarre).

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Bouchareb A. Durant la régence turque, quelques beys ont apporté leur touche personnelle à la ville. C’est le cas de Salah Bey qui entama une opération d’achat de terrain au nord de la ville pour aménager un souk (souk El Djemaa, aujourd’hui Souk El Acer) flanqué d’une mosquée (sidi El Kettani) et d’une medersa. Entre 1826 et 1835, Ahmed, le dernier bey de Constantine, entreprit la construction d’un palais attenant à l’ancien Forum, en expropriant les propriétés mitoyennes. Après 1837, le génie militaire de la colonisation française entama sa mainmise sur la ville par l’implantation de quartiers militaires (dont un à la Casbah). Par la suite, les opérations urbaines ont consacrées le modèle européen par les travaux de nivellement, d’alignement et de percements de voies tracées au cordeau et déchirant de part en part le tissu originel. Ces rues carrossables ne s’appuyaient nullement sur le tracé ancien. (Figure 6). Au contraire de pans entiers de la ville ont été démolis pour laisser place à un parcellaire destiné à recevoir les immeubles de rapport, des hôtels particuliers et des édifices administratifs. Même les monuments antiques ont été effacés : en 1868, « à l’entrée de la rue Impériale, en bordure de la place Nemours, un certain M.Cordonnier, ancien Adjoint au Maire, faisant élever un grand immeuble dont la construction de la partie arrière entama la démolition du fameux tétrapyle d’Avitianus…Cet immeuble devint l’Hôtel de Paris. » [Biesse-Eichelbrenner, 1948]. Le même sort a été réservé à l’arc de Triomphe de Natalis lors de l’aménagement de la rue Caraman (aujourd’hui Didouche M), et une partie de Djamaa El Kebir dont la façade (donnant sur le rue Impériale) a été refaite. Ces travaux ont finit par insérer une frange de tissu européen et disloquer le tissu urbain et son corollaire social. En effet, Les européens ont occupé la zone centrale (structurée par les nouveaux percements) en s’interposant entres les populations « musulmane » et israélite de part et d’autre.

Figure 5 : La ville aujourd’hui, les percements tracés au cordeau aménagés par les colonialistes En conclusion, la ville « musulmane » s’était pliée au tracé effectué par les romains, même si la nécessité avait commandé des aménagements nouveaux, particulièrement la densification des espaces « libres ». Les vestiges romains ont été également insérés dans les constructions non pas par souci « esthétique » mais pour un accommodement technique. La colonisation française, « dépositaire d’un ordre civilisationnel supérieur », s’était attelée à imposer un nouveau tracé, basé sur une géométrie rigoureuse, n’hésitant pas à fouler des pans entiers du tissu urbain préexistant. Sur une autre échelle, des édifices majeurs hérités par les « musulmans » ont été reconvertis pour abriter des activités « publiques ». C’est le cas de la probable basilique romaine attenante au forum, qui moyennant quelques réaménagements, a été reconvertie en 1136 en Grande Mosquée (Djamaa El Kebir). Le corps central, indique par la disposition des travées un édifice octostyle dont le pronaos

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était orienté vers l’Est. (Figure 7).

Figure 6 : Djamaa El Kebir (plan de l’état actuel), autrefois basilique romaine donnant sur le forum. La mosquée Souk El Ghezel, construite en 1730 a été à son tour convertie en cathédrale en 1838, après son agrandissement et l’adaptation de son intérieur au culte catholique. Le Palais du bey a été affecté en hôtel du Général du Commandement, la Casbah accueillit les casernes alors que sa partie nord a été réservée à l’Hôpital militaire. Les citernes romaines ont été également utilisées jusqu’à la période coloniale, alors que la plupart des thermes ont été reconvertis en Hammam. La reconversion s’avère comme une méthode de « conservation » de la mémoire des lieux. Qu’elle soit « intégrée » ou « hégémonique » elle fait exister le passée dans le futur. Le réemploi des matériaux (ou des éléments architectoniques) a été énormément pratiqué durant la période qui a suivi la romanisation. Dans ce volet, les témoignages des voyageurs et les sources iconographiques apportent beaucoup d’informations. A travers les récits de voyage de T. Shaw, nous constatons que la muraille entourant la ville du côté ouest a été reconstruite, en réemployant des « vestiges » romains en tant que matériaux. « Les piliers formant les côtés de la principale porte de la ville qui sont d’une belle pierre rougeâtre, comparable au marbre, sont artistement sculptés. On voit incrustés dans un mur du voisinage un autel en beau marbre blanc et en saillie un vase bien conservé de ceux qu’on appelait impulum » [Shaw T.1743] En 1830, la construction du Palais du bey buta sur l’indisponibilité des matériaux ramenés d’Italie. Adoptant les conseils de ses proches, le bey se replia sur le fond patrimonial local : « Tout ce que les principales maisons de Constantine possédaient de remarquable en marbres, colonnes, faïences, portes et fenêtres, fut extorqué dès lors pour la décoration du palais; on fit du neuf avec du vieux, et l’on parvint ainsi, sans bourse délier, avec beaucoup de profusion unie à quelque peu de confusion, à un luxe surpassant tout ce qu’on avait vu jusqu’alors à Constantine. » [Féraud Ch. 1877]. C’est la raison pour laquelle, le visiteur remarquera que les colonnes et les chapiteaux sont des ordres très hétérogènes. En 1792, après les travaux de réaménagement du marché de Souk El Djemaa, de la construction de la mosquée et de la medersa, Salah Bey entreprit la réédification du pont d’El Kantara. L’architecte Don Bartholoméo s’occupa des travaux d’élévation des parties supérieures sur les piliers et les arches reposant au fond du ravin de l’ancien pont romain. Les pierres arrivant des Baléares causaient beaucoup de retard pour la conduite des travaux, la décision d’extraire des matériaux du plateau du Mansourah a été prise. Même les pierres de l’arc de Triomphe appelé Ksar El Ghoula situé à proximité du Pont ont été réutilisées pour l’occasion.

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Bouchareb A.

Figure 7 : Différentes colonnes et chapiteaux du Palais du Bey

Figure 8 : Le pont d’El Kantara en vers 1846 (Dessin d’A. Ravoisié)

Les colonnes de Djamaa El Kebir sont coiffées de chapiteaux d’ordre Corinthiens. Ainsi, la reconversion de la basilique a été également accompagnée par le réemploi des éléments architectoniques de grandes qualités.

Figure 9 : Chapiteaux corinthiens de Djamaa El Kebir D’autres gravures montrent le réemploi d’objets architectoniques dans la construction, soit en éléments de remplissage ou en éléments décoratifs.

Figure 10 : Incrustation d’objets architecturaux dans les constructions (Gravure de Delamarre). Enfin de compte, le réemploi se décline également par sa triple utilité, technique en fournissant une matière informée prête à l’usage dans la construction, esthétique en apportant

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une authentique touche de beauté et aussi symbolique en tant qu’héritage témoin du passé. Ce rôle l’épargne d’être classé dans les catégories des reliques ou des simples gadgets du passé

CONCLUSION Tergiverser, s’attarder ou se mêler dans les imbroglios juridico-administrative et dans la recomposition des réseaux institutionnels ne favorise nullement le patrimoine, dont la survie commande des actions urgentes. D’autre part, les ambitions d’une génération présente portée sur l’éphémère, le clip et les gadgets «jetables » arrivent à noyer les inclinations « intellectuelles » des quelques « îlots » s’attachant encore à l’authentique. Il y a là un constat « réaliste » qui suggère d’adopter des visions en rapport avec les temps actuels. L’impuissance pour « édifier » occasionnée surtout les attitudes procédurales lourdes, conduit à une incapacité pour se résoudre et maintenir le consensus social et culturel. A Constantine, les premières opérations de terrains butent sur l’absence de qualifications professionnelles, d’un projet cohérent et d’un imaginaire fructifiant. Nous sommes en train d’assimiler le cas constantinois au cas de Fez ou de Tunis. Ces dernières sont homogènes, n’ayant pas subi les affres des percements et des démolitions, ni les déchirements sociaux de la ségrégation ethnique. Constantine, sans discontinuité, a été convoitée et occupée par plusieurs conquérants, chacun consentit à établir son ordre spatial, ses valeurs sociales et dicter ses canons de l’esthétique, souvent en respectant les traces du précédent. Au final, la ville est un véritable palimpseste, tout se lit en filigrane. Pour quelles raisons, la génération actuelle s’interdit-elle d’y inscrire son temps ? Le centre ancien, est appelé à se rajuster et même à introduire cette notion du développement durable, du moins un brin de « toilette », pour être conforme aux normes de l’hygiène. L’histoire urbaine de la ville fournit des indications sur le génie des prédécesseurs, sur leur ardeur de bâtisseurs, sur leur hardiesse et sur leur sensibilité. Il est temps de refaire la ville rien qu’en respectant son tracé, en reconvertissant ses « locaux obsolescents » et en réemployant ses matériaux. C’est la leçon du passé transmise en toute humilité. Pourquoi ne pas faire en sorte que les villes anciennes « vieillissent bien » ?

BIBILOGRAPHIE 1- ASCHER F (1995). Métapolis ou l’avenir des villes. Ed. O. Jacob. Paris. 2- BENIDIR F (1989) .La revalorisation d’un tissu ancien. Le cas de Constantine. Th. Magister. Univ. Mentouri Constantine. 3- BIESSE-EICHELBRENNER M. (1985) Constantine. La conquête et le temps des pionniers. 4- BOUCHAREB A. (2006) Cirta ou le substratum urbain de Constantine. La région, la ville et l’architecture durant l’antiquité. Une étude en archéologie urbaine. Thèse d’Etat. DAU. Univ. Mentouri Constantine. 5- FERAUD Ch. (1877). Visite au palais de Constantine. Lib Hachette. Paris. . 6- JEUDY P-H. (Sous la Direction de). (1990). Patrimoine en folie. MSH. Coll.Ethnologie de France. Cahier n°5. Paris. 7- LE DANTEC J-P (1989). L’Europe des villes en mal d’images. In Archi-Cree. Juin/Juillet. pp .97-101. 8- LEFEBVRE H.(1970). La révolution urbaine. Ed. Gallimard. Paris. 9- PAGAND B. (1989) La médina de Constantine. Ed. Etu. Medit. Poitiers. 10- SCHULZ Ch-N.(1981). Genius loci. Ed. P.Mardaga. Bruxelles Liège. SHAW T.(1743).. Voyages de Mons. Shaw M.D. dans plusieurs provinces de la Barbarie et du Levant. Ed.J. Neaulme. La Haye.

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Intervenir sur les médinas en Algérie : processus, impacts et perspectives. A.OUZERDINE Architecte DPLG, Doctorant "Urbanisme et architecture" Institut d’Urbanisme de Grenoble, Université Pierre Mendès France

RESUME La médina est complexe, non seulement dans son apparence formelle mais aussi dans son organisation spatiofonctionnelle. Analysable à différents niveaux d’échelles, elle nous fait traverser des limites interdisciplinaires ; ce qui justifie une complexité au niveau des interventions, des méthodes et des outils pour approcher ses entités urbaines de valeur patrimoniale. Le regain d’intérêt pour le quartier ancien ne peut signifier un retour à un modèle urbain passé, d’ailleurs impossible tant les dynamiques de croissance de la ville et ses approches ont radicalement évolué. Il s’agit plutôt d’admettre que les méthodes et les politiques entreprises jusque là pour la sauvegarde n’ont pas porté les fruits que l’on attendait et que le quartier traditionnel, dont l’avenir était condamné à la faillite au vu de leur dégradation et des bouleversements politiques et/ou sociaux, reste porteur d’enjeux différents et possède quelques vertus (particularités urbaines et architecturales) qu’il est bon de revaloriser et de transmettre. La politique de sauvegarde en Algérie est presque inexistante ; Elle se heurte à des problèmes de fonds et de forme. De même pour les acteurs, qui sont généralement issus du secteur public. Leurs interventions restent superficielles, incohérentes et combien isolées. Ces mêmes opérations timides, inadaptées et d’ailleurs anarchiques, qui se sont manifestées n’ont eu aucun résultat positif sur ces tissus, bien au contraire certaines d’entre elles n’ont fait qu’aggraver la situation. Le dysfonctionnement du système spatial urbain actuel et ses pratiques nous semblent renvoyer à des causes multiples, difficiles à cerner et qui seraient à l’origine des expressions spatiales et des mécanismes du caractère et de l’image actuelle des villes traditionnelles algériennes. Etant donné la spécificité de ces entités urbaines, les processus engagés jusque-là, les outils et les instruments d’urbanisme déployés, n’ont pas permis d’appréhender la réalité des quartiers sous tous leurs aspects. La définition des politiques patrimoniales demeure complexe et difficile et exige une étude plus approfondie voire même une réforme, et un complément spécifique des lois et des outils règlementaires pour une meilleure cohérence urbaine et sociale de ces tissus anciens.

LES MEDINAS : QUELLE APPROCHE SPECIFIQUE ? Le patrimoine algérien : un patrimoine en péril Travailler sur une médina ou un quartier ancien à l’heure actuelle pourrait passer pour une entreprise stérile au regard de l’importante production scientifique que les villes anciennes du monde arabe ont déjà suscitée. La médina algérienne, objet de notre recherche, a très souvent retenu l’attention des chercheurs et des hommes politiques. Cependant, lorsqu’on se penche d’un peu plus près sur leurs -1 différents travaux , on s’aperçoit toutefois que malgré leur grand nombre et la variété des disciplines, la médina d’aujourd’hui dans toutes ses dimensions a rarement fait l’objet d’études spécifiques et reste mal appréhendée dans sa globalité. En Europe, après avoir été négligés pendant des décennies au profit des villes modernes, les quartiers anciens retrouvent depuis les années 70 un intérêt auprès des urbanistes et des acteurs politiques mais n’en souffrent pas moins de nombreux dysfonctionnements. Artisan, artiste, architecte et urbaniste, chacun dans son domaine souhaite et tente d’apporter sa contribution à une action de réhabilitation, de requalification voire de sauvegarde de ces héritages qui portent en eux des valeurs architecturales et urbaines. La question du patrimoine en Algérie demeure mal appréhendée. Ses témoignages urbains qui illustrent des événements sociaux, culturels et politiques de notre histoire et qui constituent une source de référence pour les générations futures, se dégradent progressivement sous l’effet de facteurs multiples : paupérisation, surpeuplement, etc.. Relégué au second plan, au profit d’une urbanisation moderne, le patrimoine urbain algérien tombe en général dans les oubliettes de la -1

Parmi les travaux on peut citer à titre d’exemple des projets de restructuration, plan d’occupation des sols, etc. Ces projets sont restés au stade des études (constats, enquêtes,)

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politique publique et se désintègre de l’ensemble de la ville. De plus, le manque de politiques du patrimoine, n’a pas facilité le processus de sauvegarde de ces tissus urbains. En effet, les démarches patrimoniales (de sauvegarde, de requalification et de durabilité englobant toute opération ponctuelle de "restauration, réhabilitation, reconstruction, rénovation", et/ou des opérations à long terme "concrétisées par des projets de restructuration, d’intégration et de développement"), se heurtent à d’innombrables difficultés qui ont trait aux outils réglementaires, au financement, ou à l’ampleur des processus de dégradation. De plus, les programmes d’action et les projets urbains poursuivent des objectifs divers et d’ailleurs incohérents. De ce fait, ces territoires symboliques, lieux de centralité urbaine et historique, de mixité, de cohésion sociale et d’échanges culturels, se retrouvent soumis à des évolutions diverses et menacés de marginalisation (sociale et/ou économique), voire même de muséification.

La médina : une approche spécifique La médina est complexe, non seulement dans son apparence formelle mais aussi dans son organisation spatio-fonctionnelle. Analysable à différents niveaux d’échelles, elle nous fait traverser des limites interdisciplinaires ; ce qui justifie une complexité au niveau des interventions, des méthodes et des outils pour approcher ses entités urbaines de valeur patrimoniale. Le regain d’intérêt pour le quartier ancien ne peut signifier un retour à un modèle urbain passé, d’ailleurs impossible tant les dynamiques de croissance de la ville et ses approches ont radicalement évolué. Il s’agit plutôt d’admettre que les méthodes et les politiques entreprises jusque là pour la sauvegarde n’ont pas porté les fruits que l’on attendait et que le quartier traditionnel, dont l’avenir était condamné à la faillite au vu de leur dégradation et des bouleversements politiques et/ou sociaux, reste porteur d’enjeux différents et possède quelques vertus (particularités urbaines et architecturales) qu’il est bon de revaloriser et de transmettre. La politique de sauvegarde en Algérie est presque inexistante ; Elle se heurte à des problèmes de fonds et de forme. De même pour les acteurs, qui sont généralement issus du secteur public. Leurs interventions restent superficielles, incohérentes et combien isolées. Ces mêmes opérations timides, inadaptées et d’ailleurs anarchiques, qui se sont manifestées n’ont eu aucun résultat positif sur ces tissus, bien au contraire certaines d’entre elles n’ont fait qu’aggraver la situation. Etant donné la spécificité de ces entités urbaines, les processus engagés jusque-là, les outils et les instruments d’urbanisme déployés, n’ont pas permis d’appréhender la réalité des quartiers sous tous leurs aspects. La définition des politiques patrimoniales demeure complexe et difficile et exige une étude plus approfondie voire même une réforme, et un complément spécifique des lois et des outils règlementaires pour une meilleure cohérence urbaine et sociale de ces tissus anciens.

DIFFICULTES, LIMITES ET HYPOTHESES : Notre travail s’inscrit dans une démarche de réflexion globale, axée sur un questionnement, certes récurrent, mais non achevé, sur la politique de sauvegarde, les formes de réponses sociales et les formes architecturales et urbaines appropriées à des contextes différents et bien définis (contexte politique, contexte socioculturel, etc.). Nos interrogations gravitent essentiellement autour de la problématique de l’espace ancien, son évolution et sa durabilité. Le dysfonctionnement du système spatial urbain actuel et ses pratiques nous semblent renvoyer à des causes multiples, difficiles à cerner et qui seraient à l’origine des expressions spatiales et des mécanismes du caractère et de l’image actuelle des villes traditionnelles algériennes. Dans cet itinéraire complexe, nous émettons une hypothèse principale liée à l’impact de l’application des normes d’urbanisme en usage actuellement sur les tissus anciens, ainsi que les limites des outils d’intervention déployés pour leurs sauvegarde. La mise en épreuve de cette hypothèse sera développée dans la présentation PowerPoint ; nous limiterons nos observations à quelques situations relevées dans l’étude du cas, celui de la vieille ville de Annaba. Quelques éléments semblent se situer au centre de l’hypothèse dégagée, celle des normes et règles urbaines, les modes de planification et les outils actuels d’intervention se rapportant au patrimoine culturel urbain et sa sauvegarde (PDAU, POS, etc.). Leurs applications sur les médinas algériennes entraîneraient la perte de leur système d’organisation et de structuration de l’espace et par voie de conséquence leur fondement historique. Ces outils et ces lois déployés jusque-là, restent généraux et inefficaces face à la situation que vivent actuellement ces tissus. Dans beaucoup de cas, ce vide du filet législatif ne fait qu’aggraver les dysfonctionnements constatés.

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Ouzerdine A. Une première lecture des textes législatifs français et algériens fait apparaître des variations de procédures mais une reconduction des règles générales d’urbanisme et des normes de conception et de construction [Hafiane, 2001]. Ce qui peut signifier que les dysfonctionnements et les anachronismes constatés jusqu’à maintenant renvoient à des formes d’élaboration des instruments d’urbanisme et à des procédures inadéquates. Ce qui peut également impliquer que la question des normes et des règles est d’essence essentiellement technique ou juridique et s’assimile à des formes de transfert de technologie et de savoir faire. Les impacts sont multiples et se situent à plusieurs niveaux ; Ils nécessitent pour leurs évaluations des approches pluridisciplinaires et des études plus approfondies pour une meilleure compréhension de l’image actuelle des nos tissus singuliers.

OUTILS D’INTERVENTION ET REGLEMENTATIONS : Progressivement, l’intervention dans les centres historiques algériens devient un thème d’actualité, à la fois de part ses multiples enjeux et ses intérêts spécifiques de sauvegarde. Une protection adéquate assure à ce patrimoine le maintien de sa valeur culturelle et de son intégrité sur le plan fonctionnel et spatial, et pourra être transmis aux générations futures. Cette protection est peut être le fait d’une grande diversité d’actions, certaines ayant pour rôle spécifique de veiller sur le patrimoine, d’autre participeront d’une manière indirecte et positive pour influencer ainsi son devenir. La protection peut-être légale, physique, morale ou sociale. Cette action basée sur une complémentarité et complicité à la fois des engagements collectifs et individuels, publics et privés, doit être nécessairement soutenue [Sidi Boumediene, 1991]. Autrement, l’efficacité des mesures de protection et de contrôle finira par se décliner au profit des nouvelles tendances et de nouveaux risques qui menacent le patrimoine culturel. Dans cette perspective, quelques éléments semblent se situer au centre de la problématique de l’espace ancien et de sa sauvegarde, celles des normes et règles concernant la production architecturale et urbaine et les méthodes de planification, de sauvegarde et de gestion du patrimoine. De quels outils disposons-nous pour la sauvegarde de nos tissus anciens ? Sont-ils efficaces ? Quelles sont leurs limites et difficultés ? Le cadre juridique et réglementaire constitue le premier support de toute action entreprise sur l’espace. Cependant, il n’est pas exclu que l’application de ces normes et règles peut lui porter atteinte dans son fonctionnement et son intégration au sein de la ville. Dans un contexte aussi complexe que l’Algérie, la question des normes demeure une problématique évidente, notamment pour les tissus anciens et leur pérennité. Souvent mal conçu, mal interprété, défaillant, mal appliqué, insuffisant, ce filet législatif se trouve à l’opposé de la réalité urbaine, et par voie de conséquence à l’opposé de la ville, son présent et son devenir. L’application de cette règlementation inadéquate serait à l’origine des expressions spatiales et de la situation alarmante des villes algériennes : mutations socio-économiques, déracinement, … Depuis son indépendance jusqu'à ce jour, l’Algérie s’est dotée d’une panoplie de lois, de règles, d’outils et d’instruments de planification et d’aménagement. Cette législation juridique n’est qu’une reproduction de la législation française avec plus au moins d’adaptation au contexte culturel et économique du pays. A.Hafiane "dans ses propos", lors de la présentation de sa conférence [Hafiane, 2001], met en évidence le rapport entre les deux législations et souligne leurs points de ressemblance malgré la différence des contextes dans lesquels elles évoluent. A ce titre, les règles et les outils se rapportant aux tissus anciens et leur protection, ne font pas l’exception dans ce domaine. En conséquence, ces derniers restent généraux à caractère descriptif, superficiels voire même insuffisants face aux particularités des tissus concernés. Sans décrets exécutifs, qui mettent en application ces lois et les clarifient et des outils bien spécialisés, les médinas risquent de se dévaloriser pour cause : de mauvaise interprétation, de mauvaise application, … Un autre problème se pose, celui de l’impact de l’application de normes et règles d’urbanisme en usage actuellement sur les tissus anciens algériens, souvent au détriment ou à l’opposé de leurs fondements historiques et de leurs pratiques spatiales ou sociales. En effet, il ne semble pas exister dans les textes réglementaires de particularités urbaines. Or la plupart des grandes villes algériennes possèdent des tissus urbains anciens dont la morphologie et la typologie se distinguent nettement du reste. Un bref aperçu de ces outils, nous semble nécessaire pour mieux montrer la faiblesse du système législatif (se rapportant à la sauvegarde du patrimoine) et la difficulté d’approcher plus particulièrement ces entités urbaines de plus en plus fragiles au fil des jours.

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DISPOSITIF DE PLANIFICATION ET DE PROGRAMMATION : Outils à vocation générale : Le plan directeur d’aménagement et d’urbanisme "PDAU" : Le PDAU est un instrument d’urbanisme, de politique d’aménagement et de développement de l’espace socio-physique urbain. Ce document est établi dans un cadre intercommunal, à l’échelle de l’agglomération ou de tout autre ensemble géographique présentant une communauté d’intérêts économiques et sociaux. Sa fonction est de fixer dans un cadre planifié, les orientations fondamentales d’aménagement des territoires concernés, et de déterminer les prévisions et les règles d’urbanisme. Son contenu est représenté par la spatialisation d’un modèle prévisionnel de développement démo-socio-économique défini pour un horizon donné. Application en quartiers anciens : Cet instrument d’urbanisme est le plus souvent muet sur le devenir des tissus existants, et notamment des quartiers et centres anciens considérés comme quasi immuables. L’attention est focalisée plus particulièrement sur les nouvelles extensions urbaines. Toute fois, il ne faut pas ignorer que les mutations actuelles affectent de façon significative, les quartiers anciens existants et par voie de conséquence les centres anciens. Chose qui les place forcement dans ce processus de développement urbain, comme étant une partie intégrante dans la ville. Ce document reste un outil de planification à vocation générale, cependant il pourra contribuer de façon efficace à redonner à ces centres historiques une place importante au sein de la ville. Une recherche des équilibres entre ces centres et l’ensemble de la ville s’avère nécessaire pour leur revitalisation. Comment peut-on les revitaliser à nouveau à l’aide de cet instrument d’urbanisme ? Pourquoi ce manque d’intérêt lors des planifications urbaines ?

Le plan d’occupation des sols "POS" : Le plan directeur d’aménagement et d’urbanisme ne comporte que les grandes lignes d’aménagement et de développement urbain, en raison de son caractère de document à long terme. A partir de cela, le plan d’occupation des sols intervient pour apporter plus de détails, un maximum de renseignements et d’indication. Ainsi ce document précis fixe de façon détaillée les droits d’usage des sols et des 1 constructions , à plus grande échelle, à court ou à moyen terme. Application en quartiers anciens : On constate souvent que ce dispositif de planification et de programmation se contente de prescriptions générales. Il fixe des droits quantitatifs à construire et des dispositions techniques sans prendre en compte la morphologie urbaine existante et les différents enjeux du quartier. Son étude et ses directives font rarement l’objet d’une réflexion globale ayant pour objectif un projet urbanistique d’ensemble. De plus il ne s’applique guère au traitement et à la mise en valeur du bâti existant, alors que les politiques d’aménagement vont majoritairement dans ce sens. Enfin, il est rarement utilisé comme un outil pour préciser l’évolution de ces tissus urbains, et notamment pour les protéger. La forme urbaine spécifique, l’échelle différente, les règles d’organisation et de composition auxquelles ils obéissent, font que l’approche et la gestion des quartiers anciens (notamment les médinas) se satisfont mal des méthodes de réglementation et d’intervention habituelles. Par ailleurs, le POS peut-être adapté à l’évolution et au devenir de ces quartiers, dans la mesure où son règlement permet plus particulièrement de traiter, de façon détaillée et concomitante, les caractéristiques, les enjeux et les problèmes présents. Cette démarche implique une analyse préalable de tous ces aspects indissociables et interdépendants pour permettre à la fois une conservation et une évolution de ces tissus devenus fragiles aux mutations urbaines brusques.

Les outils plus spécifiques aux quartiers anciens : les secteurs sauvegardés. Les centres et les quartiers anciens présentant un intérêt historique, architectural et urbain, peuventêtre protégés au-delà de leurs monuments, pour l’ensemble patrimonial qu’ils constituent. Un secteur sauvegardé est ainsi un ensemble urbain dont la protection et l’évolution sont assurées dans un périmètre délimité par un arrêté interministériel, pour lequel un document d’urbanisme de

1

– Le POS peut préciser : la vocation des zones urbanisées, les possibilités de construire, les servitudes, les opérations urbaines, etc.

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Ouzerdine A. détail est élaboré : le plan de sauvegarde. Désormais la plupart des médinas algériennes font l’objet d’un secteur sauvegardé. Quelle est l’utilité de cette procédure ? Par l’intermédiaire de cet instrument, la loi vise à associer sauvegarde et mise en valeur, dans une démarche qualitative d’urbanisme, où tout en préservant architecture et cadre bâti, on recherche une évolution harmonieuse des quartiers anciens. Mais la réalité est toute autre. Ces outils ne font pas l’exception, ils restent superficiels et quantitatifs. L’étude du secteur sauvegardé devra s’appuyer sur des analyses très fines à toutes les échelles significatives d’intervention et de gestion ; partant de l’analyse urbaine (analyse structurale) à l’analyse architecturale particulière (analyse typomorphologique), pour mieux projeter des opérations adéquates au maintien de ces tissus et leur évolution.

Les outils opérationnels d’intervention : les opérations programmées et plan de sauvegarde. Ces outils opérationnels créés comme complément au secteur sauvegardé doivent permettre d’initier, de manière cohérente, sur un ou plusieurs espaces identifiés ou délimités, un ensemble d’actions visant à rétablir leur fonctionnement normal, sur les plans financier, technique et social. Ils doivent également permettre d’améliorer leur insertion urbaine. Ces opérations entreprises pour la sauvegarde des médinas, sont essentiellement à vocation générale. Peu d’entre elles sont spécifiques aux quartiers anciens; en voici quelques exemples : opération de restauration, réhabilitation de l’ancien bâti, résorption de l’habitat insalubre, … La première perspective de sauvegarde basée sur ces outils opérationnels est portée sur la Casbah d’Alger. Cette initiative est vouée à l’échec. Comment expliquer cette inefficacité ? La politique de sauvegarde des tissus anciens en Algérie est presque inexistante. De même pour les acteurs de sauvegarde, qui sont généralement issus du secteur public. Leurs interventions restent superficielles, incohérentes et combien isolées. Ces mêmes opérations timides, et d’ailleurs anarchiques, qui se sont manifestées n’ont eu aucun résultat positif sur ces tissus, bien au contraire certains d’entre eux n’ont fait qu’aggraver leur situation. Concrètement aucune prise en charge sur le plan réglementaire n’est engagée dans ce domaine. La politique de sauvegarde des vieux quartiers est restée jusqu'à ce jour au stade des études (constats, enquêtes, propositions d’aménagement, etc.). Ceci est lié essentiellement au manque de moyens matériels (financement), aux difficultés que posent généralement les opérations de sauvegarde (les normes et les règles urbanistiques, manque de main d’œuvre qualifiée, etc.), le laxisme de l’administration, etc.

FAIBLESSE DES POLITIQUES DE SAUVEGARDE ET DE CONSERVATION : Les risques et menaces qui pèsent sur le patrimoine émanent principalement de pressions venant de son environnement naturel, social ou économique. Malgré ce contexte, il ne faut pas exclure les faiblesses des outils de protection dont on dispose pour contrer les menaces sur le patrimoine et permettre son évolution. Ces faiblesses peuvent varier de l’absence de législation de protection efficiente à la concurrence entre les disciplines dans le contexte de la division étanche des tâches, ou encore à une attitude corporatiste qui ne donne pas la priorité à la conservation continue de ce passé évolutif, son entretient et sa réparation. Les enjeux professionnels bien différents et le manque d’intégration des préoccupations patrimoniales dans d’autres actions des autorités publiques, peuvent être eux aussi à l’origine de la faiblesse de ce filet de sûreté en conservation. Cette situation est perçue à travers :  Politiques : autorités en concurrence, interventions incohérentes ou contradictoires, bureaucratie inefficace, manque de consultation publique, etc.  Législation : définitions dépassées, manque d’application, obligations irréalistes, etc.  Pratiques de conservation : absence de normes, concurrence disciplinaire, manque d’entretien,  Gestion : fragmentation administrative ou disciplinaire du travail, manque de suivi, etc.  Interventionnisme : urgence d’intervenir sans connaissances adéquates, rejet de l’intervention minimale, etc.  Classement : exclusif plutôt qu’inclusif, spécialisé, besoin de mise à jour continuel, etc.  Questions éthiques : restaurations ravageantes, manque d’évaluation et de partage du savoir,

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 Institutions : affaiblissement des institutions de conservation, manque de ressources humaines et financières, etc.  Question d’ordre professionnel : formation insuffisante ou ponctuelle, manque de connaissance ou de recherche opérationnelle, faiblesse des institutions formatrices, problèmes de relèves professionnelles, etc.  Savoir faire et métiers artisanaux : transmission menacée, privatisation des connaissances, … La protection et la valorisation du patrimoine engagent une variété d’acteurs provenant du secteur public, du secteur privé, sans oublier la société civile. Les risques associés à ce réseau devraient faire l’objet d’un suivi continu pour aider à identifier et corriger les faiblesses pour améliorer l’ensemble du système de protection, qui demeure l’un des plus grands défis de nos jours. Cette réalité contemporaine soulève plusieurs questions majeures comme celles de l’engagement de l’Etat à mener une action exemplaire sur ses propres propriétés, celle de l’existence de mesures incitatives pour encourager et aider les propriétaires. Ou encore, de la présence efficace des institutions sur le terrain dans un contexte de diminution des ressources professionnelles qualifiées et du manque d’un dispositif institutionnel et réglementaire se rapportant à la protection du patrimoine.

LE DEVENIR DES MEDINAS ALGERIENNES : DISCOURS, ENJEUX ET NECESSITES D’AVANCER Qu’il s’agisse de la sauvegarde et de la revalorisation du patrimoine ou de la définition et de la mise en œuvre de l’urbanisme nécessaire aux situations et aux problématiques urbaines en Algérie, il est indispensable (et urgent) d’adopter des méthodes et moyens efficaces pour avancer et évoluer dans un contexte tourné vers la mondialisation et la durabilité. La question du patrimoine en général et des médinas en particulier apparaît souvent dans les discours consensuels sur l’importance culturelle et identitaire du pays et dans des démarches de sauvegarde paralysées par les tendances dominantes de dégradation et surtout de perte des héritages matériels et immatériels. Elle impose des démarches réfléchies ayant pour principal objectif de renverser le processus de dégradation avancé au profit de mouvements d’imposition progressive visant la protection, la revitalisation et la réinsertion dans le milieu urbain. La problématique de l’urbanisme est quant à elle plus complexe voire même contradictoire. La difficulté réside dans le passage à un urbanisme plus ambitieux et volontaire quant à l’orientation des méthodes, des processus, des fonctions et de l’espace urbain dans sa globalité. Cela peut se traduire par des études plus approfondies à différents niveaux et par des interventions cohérentes et efficaces véhiculées par une nouvelle approche mêlant à la fois héritage et modernisme. On aura ainsi compris le lien fort entre patrimoine et urbanisme [Boumaza et al, 2006] traduisant à la fois la culture dominante du cadre local et du contexte. Malheureusement, ces derniers font souvent l’objet d’une contradiction entre protection et modernisation. De plus, les discours engagés jusque là contribuent eux même à nourrir cette fausse opposition à la fois par les renvois des problèmes vers des services non qualifiés et par des solutions ponctuelles anarchiques et parfois inadéquates à la réalité du terrain. Une harmonisation de ces parties indissociables (patrimoine et urbanisme) doit passer par un accord réfléchi entre les différents enjeux et intérêts qui y sont contenus. Cela doit se faire suivant une approche plus globale tournée vers les principes d’un développement durable de la ville. La méthode alors consiste à construire des éléments complémentaires afin de faire évoluer les politiques d’approche et d’intervention sur les villes algériennes en général et leurs médina sen particuliers qui se trouvent confrontées à des problèmes de fond et de forme. Ceci peut se traduire par :  Des normes et règles complémentaires applicables au contexte urbain spécifique, dont le contenu comme la mise en œuvre sont conformes aux coutumes et les pratiques, les statuts, etc.  Une prise de conscience et culture de l’action soutenue par la volonté collective d’agir sur des faits réels en affectant des tâches et responsabilités et en organisant la régulation par la négociation, la concertation et l’arbitrage.  Un débat public transversal et pluridisciplinaire construit autour une analyse fine et critique des problématiques urbaines.

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Ouzerdine A.  La question qui se posera alors si ces éléments sont définissables et réalisables dans les conditions qui caractérisent notre pays à savoir politiques, économiques, administratives et techniques.

BIBLIOGRPHIE : 1- HAFIANE A., (2001), « Les influences européennes sur l’urbanisme : les normes et les règles dans le cas des villes algériennes », Conférence de Malta. 2- BOUMAZA N ET AL., (2006), « Villes réelles, villes projetées. Villes maghrébines en fabrication », Maisonneuve & Larose, PP351-353, ISBN 2-7068-1932-4. 3- OUZERDINE A., (2003), « Les politiques d’approche et d’intervention sur les centres historiques algériens », DEA "villes et sociétés". 4- SIDI BOUMEDIENE R., (1991), « Patrimoines : vers une problématique de la patrimonialité. Le cas de l’Algérie », Edition Publisud, pp.15-29.

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Antagonisme entre espaces historiques et développement urbain Cas de Tlemcen KASSAB BABA-AHMED T. Architecte, Maître de Conférences. Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme, EPAU, Alger

Patrimoine historique et développement urbain, deux notions récurrentes pour tout architecte et auxquelles il est souvent confronté. Si toutes deux font parties d‘un même espace qui est la ville, leur rapport n’est pas toujours des plus consensuels. En effet, sur le plan sémantique, le premier se rapporte à tout ce qui est ancien, à l’histoire, et le second à la contemporanéité, à la nouveauté. Si nous considérons que ces deux notions font partie d’un même concept qui est la production de la ville, alors on pourrait considérer qu’ils s’inscrivent dans une dichotomie puisqu’ils doivent se côtoyer et évoluer dans les mêmes limites. Nous avons adopté plutôt le terme « antagonisme », que nous avons repris dans l’intitulé de notre recherche, terme par lequel nous introduisons déjà, notre hypothèse, dans le sens où même si conflit et lutte il y a, ce n’est pas irréversible, alors que beaucoup voudraient que le développement urbain soit une menace pour le patrimoine et à l’inverse que le patrimoine constitue des obstacles à toute création architecturale et urbaine. L’accélération de l’histoire durant le dernier siècle, n’a plus laissé le temps aux sociétés d’intégrer les nouveaux langages modernes et images produits, et a amené les populations aussi bien des nations industrielles que les autres, à se raccrocher nostalgiquement à leurs racines et à leur passé. C’est ainsi qu’un intérêt est né pour l’histoire et l’archéologie et donc un engouement pour la reconstitution des souvenirs et des images, à travers les centres et monuments historiques. Deux conceptions s’affrontent depuis, comme l’avait déjà écrit en 1934 Gustavo Giovannoni celle qui milite pour la production du nouveau au détriment de l’ancien et celle qui veut tout préserver. Les adeptes du patrimoine en viennent à revendiquer la conservation de l'ensemble des bases matérielles de la mémoire collective, tandis que les partisans d'une priorité donnée à l'aménagement prétendent également imposer leurs pratiques à la totalité de l'espace. De cette opposition ne pourrait-on pas faire émerger une troisième qui s’appuierait sur la notion de «... 1 continuité, établissant un rapport positif entre l’existant et le futur » . Cette notion selon François Loyer conduit au « maintien volontaire d’un lien passé-présent dans le projet, seul moyen de transposer sur 2 la longue durée un certain nombre de valeurs » . « Projet », dans notre sens ne s’intéressant pas uniquement à la nouvelle production architecturale ou urbaine, mais aussi à celle prenant en charge les traces du passé. Ainsi l’antagonisme existant entre patrimoine historique et création architecturale et urbaine, ne pourrait-il pas s’estomper pour laisser place à une réflexion qui permettrait de conjuguer ces deux concepts au même temps, et de les inscrire dans une complémentarité? Cette problématique est présente même dans les pays industrialisés, notamment européens où le patrimoine et l’histoire ont été reconnus en tant que tels, ceci après une épaisseur du temps et de la durée. Si le passé en est attesté, c’est le présent qui n’arrive pas encore à trouver ses repères au travers de ce même passé qu’on veut encore garder en tant que référent. 3

Les pays périphériques, tel que qualifié par N.Boumaza ou du Sud n’en sont pas encore là, car pour ceux ayant connus des colonisations, au delà de l’amnésie forcée et la mise en place de nouvelles valeurs référentielles et culturelles imposées par le pouvoir d’occupation, ont été pour certains, nihilistes comme l’Algérie, et ont perpétué ces pratiques au delà de la décolonisation. Ils n’ont pas le même rapport avec leur histoire et leur patrimoine, et se retrouvent en quelques décalages dus à des conceptions fondamentalement divergentes, ou à une prise de conscience patrimoniale non encore établie. Le concept de patrimoine, s’il est acquit et présent dans pratiquement

Kessab Baba Ahmed T tous les pays du Monde, il reste avant tout une aventure européenne. Les principaux protagonistes qui étaient anglais, français, allemands ou italiens, ont pu exporter cette notion à travers le reste du monde, qui est loin de s’inscrire dans les mêmes logiques européennes et assimile donc ce concept de manière différente. Pour exemple ce « reste du monde » n’est pas encore à l’excès de patrimonialisation comme dans les pays européens, mais s’inscrit tout à fait dans le rapport passé/présent. Par ailleurs, ce rapport ne trouve pas encore, pour certains cas, son prolongement patrimonial dans les villes de nos jours. Le monument est devenu un bien collectif qui a émergé avec la conscience de l’histoire mettant en rapport passé et présent. Ces artefacts, dont on a figé l’image au moment de leur consécration en tant que monuments, sont devenus la conscience des peuples. En tant que symbole mnésique, ils deviennent malheureusement vite des « bibelots urbains » et mobiliers touristiques. Isolés et coupés de leur contexte urbain, les monuments ne contribuent plus à redonner une vie et un sens aux liens qui doivent unir la vie et la ville contemporaine à son passé. Leur dynamisme étant rompu, ils se fossilisent et ne s’inscrivent plus que dans la dimension historique, celle du passé. Or les monuments qui ont pu traverser les siècles, les guerres, et que nous jugeons exceptionnels, ont très souvent été modifiés dans leurs formes et dans leurs fonctions, et affichent actuellement leur richesse architecturale qui les a consacrés –monument historique-. D’autres, bien entendu, n’ont pas connu le même sort, puisque s’ils n’ont pas été démolis, ils ont subi des dégradations. C’est à cet effet, que la protection du monument a été instituée en tant que ligne politique depuis le XIXe siècle, de crainte d’une action de mauvais augure. Depuis les transformations des espaces et architecture des monuments sont peu acceptées et les restaurations se font en essayant de garder au maximum l’image originelle de l’objet. De ce fait, celui qui opère une restauration est désigné de conservateur et d’homme de culture, alors que celui qui transforme ou démolit est considéré comme vandale et iconoclaste. Cependant, « Construire, reconstruire et déconstruire se conjuguent à tous les temps. Les sociétés incertaines sont préoccupées par leurs racines et leur histoire (ou plutôt leurs histoires); 3 leur avenir douteux les rend misonéistes » . C’est dans ce cas de figure que se trouve actuellement l’Algérie qui a connu et connaît encore des problèmes urbains liés à sa croissance démographique et urbaine, et qui ne s’accroche à son patrimoine qu’en tant que souvenir et repère mémoriel. Loin de constituer une priorité, le patrimoine subit des dégradations volontaires ou involontaires, le menaçant par moment de disparition totale. Nécessitant des moyens financiers plus importants que pour les nouvelles constructions, les priorités sont souvent déplacées. Si la connaissance et la reconnaissance du patrimoine culturel, en sont attestées à travers la loi 98/04 relative à la protection du patrimoine culturel, ne continue-t-on pas cependant à percevoir toujours ce patrimoine uniquement comme des objets du passé à stocker ? Une mode à suivre sans en comprendre le sens, et une « idéologie patrimoniale qui exhibe une mémoire morte, saturée de 4 cookies- pour user d’un jargon informatique » tel que Mourad Yelles décrit l’état du patrimoine. C’est à cet effet que nous avons essayé de connaître la place réelle qu’a occupé et qu’occupe le monument en Algérie. Les vestiges sur lesquels nous nous sommes attardés ont tous été un héritage mais occupent-ils le statut qui leur est du ? Ces monuments et sites qui font la fierté des villes et qui en ces temps modernes constituent d’une part un atout économique puisque le tourisme culturel est devenu une ressource essentielle pour différents pays, et d’autre part un référent identitaire, ont été produits pour des besoins spécifiques à chaque contexte de leur édification. L’Algérie qui a actuellement près de 500 monuments classés, s’inscrit tout à fait dans la politique internationale en matière de préservation des sites et monuments historiques. Des artefacts sont régulièrement classés permettant leur protection. Cependant, leur préservation et conservation nécessitent au-delà de leur classement, des interventions actives qui les réinscriraient dans le temps présent réinstallant ainsi le rapport passé/présent. De ce fait, les images chaotiques et architectures inqualifiables que nous renvoient nos villes ne seraient-elles pas liées à ce manque d’ancrage dans un passé qu’on n’a pas mis ou su mettre à la disposition du présent. La lecture des différents plans d’urbanisme nous instruit sur la place qu’on donne aux sites et monuments historiques. Relégués à leur rôle de mémoire voire d’usage de l’heure, ils deviennent des objets isolés dans la ville, ne participant plus au développement urbain. Zone à

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sauvegarder, monuments classés, des limites tracées sur plans puis dans le réel, emprisonnent ces espaces dans leurs contours. Cependant, le monument ou site historique n’a-t-il pas perduré grâce à sa mise en rapport avec des projets nouveaux, soit directe telles que des extensions sur l’édifice lui-même ou indirecte comme l’édification de nouveaux monuments. La protection du patrimoine ne serait-elle pas en rapport direct avec la production du monument ? Le passé ne pouvant revivre qu’à travers le présent, la production monumentale s’inscrirait dans le processus logique du fonctionnement des villes. « Les chefs-d’œuvre du passé nous montrent que chaque génération eut sa manière de penser, ses conceptions, son esthétique, faisant appel, pour servir de tremplin à son imagination, à la totalité des 5 ressources techniques de l’époque qui était sienne » . En Algérie et essentiellement dans les villes moyennes, bien qu’elles connaissent une expansion urbaine, la production monumentale est totalement absente. « Le monumental » n’est pas en rapport à la dimension importante de l’édifice, mais plutôt à son caractère spécifique en tant qu’édifice majeur. Combien de villes ont pu enregistrer dans leur nouveau parc ce type de bâtiment ? La reconnaissance de l’épaisseur de l’histoire et l’investigation philologique sont cet à priori nécessaire qui permettrait aux sites et monuments historiques algériens de trouver leur place dans la ville contemporaine ? Afin de ne plus être qu’un décor urbain ou un espace où on y pratiquerait une quelconque fonction, comment des présences séculaires pourraient-elles se conjuguer au présent ? Ces questionnements nous ont renvoyé vers leur relecture historique où nous avons essayé de retrouver leur rôle social, leur position urbaine et leur forme avant leur consécration en tant que monument historique. Ces présences séculaires qui ont été authentifiés en tant que monuments historiques, l’ont-ils été pour leur âge, leur esthétique, leur histoire, leur spécificité ou autre? Cette problématique secondaire, à savoir la consécration du monument historique, nous a permis d’aller en amont de la préservation et de la conservation et de comprendre les mécanismes de la connaissance et de la reconnaissance du patrimoine de par la société aussi bien civile que publique. Il s’est agit donc de savoir comment leur identification a été opérée tout en se basant sur les nombreux auteurs qui ont essayé d’apporter une clarification de la notion de patrimoine et de l’identification du monument historique. Les questionnements des spécialistes et les débats internationaux ont été très nombreux et ont beaucoup évolué durant le XXe siècle puisqu’ils sont passés des discours relatifs aux formes de reconnaissance du patrimoine, au « tout-patrimonial » à savoir, la consécration d’objet pas nécessairement historique ou répondant à une valeur esthétique. Si pour l’Algérie on ne s’inscrit pas encore dans cette « surproduction » du monument, on n’échappe pas à la problématique des formes de restaurations et de leurs erreurs éventuelles. Les interventions sur les monuments se faisant très souvent dans l’urgence suite à un état de dégradation poussé, les réponses sur terrain ne sont pas toujours les plus adéquates. Nous avons choisi pour champ d’étude, la ville de Tlemcen qui représente un parc loin d’être négligeable en sites et monuments historiques. Ses nombreuses mosquées, de différentes tailles et catégories, son nombre très élevé en sites classés en Algérie, soit 8% du parc national, témoignent de la particularité du site. Au delà des édifices religieux, subsistent également d´autres institutions telles que " médersas" où l´enseignement y était pratiqué, la" Qisaria ", des " fondouks ", des hammams, des portes et des remparts. Les monuments tlemcéniens à l’instar des autres monuments algériens connaissent des problèmes dans leur préservation et conservation. Constituent-ils des éléments de permanences référentiels pour la population tlemcénienne, ou font-ils partie d’un passé révolu à travers lequel on ne s’identifie plus ? Ce site, haut lieu historique, nous a permis de revisiter l’ancienne capitale à travers ses monuments et d’avoir un nouveau « regard de l’histoire ». Il s’est agit de s’interroger sur la notion de patrimoine qui est comprise comme « un indicateur privilégié permettant de saisir le rapport que la société entretient

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avec le passé, rapport qui est lui-même sujet à évolution, donc inscrit dans une histoire particulière » citation d’Henri Rousso directeur de l’institut d’histoire du temps présent à Paris.

Nous avons essayé de situer le discours universel d´une part et algérien d´autre part, relatif au patrimoine historique. Voir sa situation sur les plans aussi bien politique, économique que culturel. La définition même de ce patrimoine a été étudiée afin de mieux l’inscrire dans le contexte local et actuel. Mais aussi dans des temps plus lointains, et avant que la notion de patrimoine ne soit définie en Europe, des pratiques comme celle des habous existaient alors chez nous et n’en avaient pas moins le même rôle, ce que nous avons essayé d’expliciter dans notre recherche. Ces rappels théoriques étaient nécessaires afin de définir les critères qui ont été pris en charge pour la sélection des édifices classés. Par ailleurs la relecture historique nous a permis de revisiter ce patrimoine à travers une vision contemporaine faite sur la base de différents documents aussi bien graphiques, tels que les relevés et les iconographies que textuels comme les récits des voyageurs, les légendes, les différents rapports militaires et autres. Leur repositionnement à travers une lecture historique et historiographique nous a paru être essentiel et a permis de faire ce lien avec le présent. Ces nouvelles lectures, au-delà de leur intérêt historique, pourront aider dans l’élaboration des plans de sauvegarde. Par rapport aux monuments qui sont encore en fonction, nous les avons resitués à travers l’approche monumentale et nous en avons fait une lecture monographique. Nous avons alors énoncé les recommandations nécessaires à leur intégration, la meilleure, dans les temps présents et dans la ville actuelle. o

Notre hypothèse principale a concerné la contemporanéité du monument. Le monument vivant n’a-t-il pas perduré grâce à son intégration active dans la ville ?

Nombreux sont les monuments, qui après leur classement, se voient contraints de ne plus changer d’images et se retrouvent en quelque sorte prisonniers de leur passé, pétrifiés, ne pouvant plus communiquer avec le présent. L’image figée de l’artefact dans un temps donné, lui permet difficilement son insertion dans le monde contemporain et facilite en quelque sorte son déclin. L’objet de décalage comme nous l’avons déjà cité, à savoir l’appréhension des pays périphériques au concept de patrimoine, ne serait-il pas lié à cette vision qu’on voudrait internationale, alors que chaque culture, chaque lieu possède ses propres spécificités. La seconde hypothèse concernerait donc l’existence de décalages dans la politique patrimoniale des pays du « centre » et des pays « périphériques », l’exportation du concept ainsi que celle de ses méthodes d’applications vers ces derniers pays, ne permet pas forcément une assimilation et application telle qu’envisagée. La société algérienne qui après 132 ans de colonisation œuvrant pour l’acculturation du peuple, a perdu beaucoup de ses repères et de son identité. A la recherche de cette dernière, les monuments historiques constituent un des éléments qui permettrait au recouvrement de l’identité nationale relative à la production architecturale et urbaine. Ainsi, le monument ne devrait-il pas constituer cet élément moteur dans la recomposition de la ville ? La production du monument dans la ville n’est-elle pas nécessaire pour toute urbanisation cohérente ? Le regard croisé interdisciplinaire nous a permis de faire une relecture des monuments de Tlemcen par rapport aux nouveaux évènements spécifiques de chacune de ses époques et des mutations subies, l’histoire étant considérée comme méthode scientifique et non comme la nostalgie du passé. Nous nous sommes basés aussi bien sur les traces et vestiges encore présents, que sur les différents documents graphiques datant des premières années d’occupation française, que nous avons superposé aux récits historiques. Les dynasties se sont succédées à Tlemcen, laissant chacune son empreinte en produisant les monuments qui les ont immortalisées. C’est la logique de cette production monumentale qui a constitué notre fil rouge dans la relecture historique. Qu’il s’agisse de nouveaux projets dans des espaces historiques, ou dans des zones plus récentes, les problématiques restent interdépendantes. La production d’une architecture moderne sans référent local, accentue le fossé entre les espaces historiques et les nouvelles productions. La rupture est rapidement perceptible, les monuments mis en oubli peinant pour se raccrocher à la ville contemporaine. C’est ce que nous a permis de constater notre recherche qui à travers l’histoire revisitée de Tlemcen, a pu confirmer que la cohérence urbaine est en rapport à la production de o

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monuments et à cet urbanisme de représentation tel que qualifié par Jean Paul Blais 7. Alors que la ville d’aujourd’hui, n’est plus malheureusement que prétexte, image, et objet de consommation pour l’entreprise comme pour l’individu et à cet effet, elle ne trouve plus ses repères. ème

1. Le premier noyau de Tlemcen musulmane, Agadir, (illustration 1) remonterait au 7 siècle suite à l’islamisation des Berbères par Abou El Mouhadjer. Ses murailles dont elle tira son nom ont été l’élément de permanence de cette ère mais aussi sa mosquée Djamaa el Atiq implantée sur l’ancien temple romain constituent les premiers monuments de la ville. Monuments trace essentiellement car ils n’ont été produits que pour être utiles ne prétendant pas au statut d’œuvre originale ou esthétique. 2. Les Almoravides ont dédoublé la ville par le noyau de Tagrart (illustration 2) en 1069. La trame urbaine des quartiers nord/est et sud/est remonte à cette époque. Les enceintes de cette nouvelle agglomération, dont la grande Bâb el Quermadine, ont protégé la ville et ont constitué er ses limites jusqu’au XIXe siècle. Le 1 noyau de la grande mosquée a été fondé par cette dynastie et l’inscription sur la corniche en avant du mihrab de la grande mosquée, précisant le nom du commanditaire ainsi que la date de réalisation de l’édifice est une marque bien destinée à transmettre à la postériorité, la mémoire de l’illustre personnage et de sa dynastie. Le fameux hammam essebaghine remonte également à cette époque. 3. Un siècle plus tard, la ville est à nouveau sous le joug d’une autre dynastie, les Almohades, qui la dirigeront près d’un siècle durant. De ce règne, aucune construction nouvelle n’a été édifiée, ce qui n’empêcha pas ces bâtisseurs d’intervenir sur le tissu urbain ou sur les édifices existants. Selon notre relecture, par laquelle nous avons resitué les monuments dans leur contexte géopolitique et économique, (illustration 3) la grande mosquée contrairement aux thèses des frères Marçais ou de Lucien Golvin ou celle de Bourouiba, avait enregistré déjà une extension à cette époque. De même, et en nous basant sur les travaux d’Eugen Wirth qui s’est intéressé aux villes almohades, (illustration 4) nous avons pu faire ressortir les extensions urbaines de cette période. Différentes dans leur morphologie et leur orientation, elles correspondent au tissu urbain situé au sud de la ville. En cette période, malgré son dynamisme économique et sa croissance urbaine, la ville n’a pas été dotée de monuments majeurs. Elle a cependant renforcé sa structure urbaine, ce vide sans lequel Tlemcen n’aurait pu s’inscrire dans le mouvement producteur de réactions chimiques. Ces réactions généreront l’alchimie du lieu grâce aux nouveaux monuments qui prendront position. 4. Les Zianides, nouveaux gouverneurs de la ville, ont fait de Tlemcen leur capitale. Ils ont concentré tous les nouveaux monuments au niveau de Tagrart, où ils ont édifié 9 nouvelles mosquées, une citadelle le Méchouar ainsi que de nombreuses résidences palatiales et des medersas. L’extension urbaine ne s’est limitée qu’au quartier du Matmar (illustration 5) au sud/ouest. Les Zianides ont ainsi doté Tlemcen de l’urbanisme de représentation tel que qualifié par Blais mais aussi l’ont inscrite dans la poétique-rythmique urbaine, ce concept philosophique qu’ont développés C. Younès et Michel Mangematin. Les espaces urbains ont été marqués par un édifice, spécifiant ainsi le caractère du lieu en tant que partie composante d’un tout si chère à la phénoménologie. Le rythme que créent ces espaces à valeur différente et qui se succèdent dans les temps forts ou faibles augure leur ouverture et imprime un mouvement général dans la ville. 5 . Les Mérinides ont pu durant le règne Zianide, occuper la ville près de deux décennies. Brève intermède, néanmoins très riche en production monumentale. Il s’agit du complexe de Sidi Boumediene, de Sidi El Halloui ainsi que de la ville de Mansourah dont ne persistent que les remparts ainsi qu’une partie du minaret de la mosquée. Ces princes, Mansourah mis à part qu’ils ont édifié lors du siège de Tlemcen, ont préférés construire leur monument dans des lieux spécifiques aussi bien sur le plan topographique que symbolique. Abritant le mausolée de Sidi Boumediene ou celui de Sidi el Halloui, situés sur un plateau dominant, la valeur de position et mémorielle ont inscrits ces monuments dans l’éternité.

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Illustration 4 : Hypothèses des extensions de la grande mosquée

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6. Le 16 siècle, a été marqué par des guerres et une perte de pouvoir de la ville de Tlemcen qui n’a pu retrouver son aura et son rang durant l’occupation ottomane. Une rétraction de la ville s’est faite, (illustration 6) Agadir cet ancien bourg populeux disparaît laissant place aux terres agricoles. La ville se limite au noyau de Tagrart. 7. L’occupation française, à l’instar des autres villes algériennes, imposa sa structure urbaine au détriment de l’ancien tissu qui se vit mutiler. Les plus beaux artefacts, comme la medersa Tachfinia a été démolie, la grande mosquée et Djamaa Belahcen ont été transformés. Ces actes de vandalisme ont été perpétrés au moment où pour la première fois on définissait la notion de protection des monuments et qu’on s’attela à classer quelques uns d’entre eux. Colonialisme se faisant, on démolissait tout ce qui gênait les plans d’alignement, même si on doit préserver, en musée, les modénatures tel qu’il fut le cas pour la Tachfinia. Cette période

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française a certes était décadente sur le plan patrimonial, néanmoins la ville a enregistré un développement urbain ainsi qu’une production monumentale à travers les édifices publics tel qu’église, tribunal et autres, qui ont permis à l’ancienne capitale de se remettre dans le mouvement urbain. En effet, même si les styles architecturaux étaient européens la trame urbaine en damier et les places orthogonales, ils ont pu trouver place à travers les anciennes rues de Tlemcen. L’arabisance de Jonnart à travers les édifices comme la medersa, la gare ou le collège ont également favorisé le renouveau architectural et urbain de la ville. 8. La période algérienne post indépendance quant à elle, a connu un développement péri urbain très important. Continuité de lotissements et de cités, les nouvelles agglomérations ne sont plus qu’une succession d’espaces « d’objets construits, dénués de signifiance et étrangers les 8 uns aux autres, séparés par des vides intervallaires ou contigus mais sans lien esthétique» . Le nouveau monument y est entièrement absent et les présences séculaires sont reléguées à leur passé ne trouvant plus leur place parmi les nouvelles constructions qui s’entassent. Des opérations de restauration ont été menées ces 2 dernières décennies, interventions qui certes ont permis de retaper les édifices, sans pourtant les inscrire dans leur réelle dimension et dans la contemporanéité. Les vestiges n’étant que ces rappels historiques auxquels on voudrait se raccrocher nostalgiquement en quête d’une identité qu’on ne trouve plus. Par cette relecture historique, nous avons pu confirmer que les monuments aussi bien classés que non classés, répondaient chacun en ce qui le concerne, aux critères de consécration tel que définis 9 10 par Aloïs Riegl ou Luc Noppen et qu’ils répondent aux différentes valeurs prédéfinies. De même, ème bien que le concept de patrimoine ne date que du 19 siècle, nombreux étaient les monuments « gewolt » ou intentionnels réalisés par leur opérateur en tant que monument message. Les inscriptions sur les corniches, sur les tablettes et autres, signalant les commanditaires de l’œuvre démontrent bien la volonté d’inscrire ces édifices dans l’histoire. La production de beaux édifices riches en décoration et utilisant les techniques constructives les plus en vogue, inscrivent également tous ces monuments dans la catégorie des monuments forme, qui retracent l’histoire selon les définitions de Régis Debray. Nous avons ainsi essayé de resituer la production monumentale, de même évaluer la place et le rôle des monuments tlemcéniens. Jusqu’à la veille du règne ottoman, Pomaria cette première ville romaine, Agadir, Tagrart puis Tlemcen ont tous été le théâtre d’installations de monuments. Ces derniers répondaient bien évidemment souvent à un besoin utilitaire, cependant comme nous avons pu le voir les Princes profitaient de leur réalisation pour les inscrire dans l’histoire, ce qui répond à une de nos premières questions à savoir que les monuments étaient bien des monuments message. De même la pratique des habous constituait cet outil permettant leur préservation. Les mosquées et les mausolées en tant qu’édifices de cultes profitaient essentiellement de ces pratiques mais aussi les medersas, lieux du savoir bénéficiaient par moment de ces donations. Même si les biens waqfs constituaient une forme de gestion des biens vivants, cette pratique sociale avait permis aux monuments de mieux traverser le temps et s’inscrivait pleinement dans les formes de préservation. Ces différentes formes d’actions attestaient, tel que le précise l’égyptienne Galila el Kadi, de la volonté des différents règnes et dynasties de marquer leur trace dans l’histoire avec « le sentiment du beau, 11 du sublime [qui] était le moteur de cette initiative, au même titre que le sentiment religieux » et de ce fait inscrivait ces monuments dans la catégorie des monuments forme qui se sont ainsi imposés par leur histoire et richesse architecturale.

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Illustration n° 1 Essai de restitution d’Agadir

Illustration n°2 Essai de restitution de Tagrart

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Illustration n°3 Extension période almohade

Illustration n°5 Tlemcen zianide

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Illustration n°6 Tlemcen ottomane Les ouvrages défensifs assuraient la sécurité de la vie urbaine et de ce fait étaient les plus élaborés et les mieux entretenus. Néanmoins leur stature et leur état étaient en rapport étroit aux richesses de la ville. Tlemcen capitale zianide, avait développée plusieurs enceintes de protection la qualifiant par les chroniqueurs de « ville aux 7 murailles ». Monuments inintentionnels ou trace dans la catégorie de Debray, ils sont mêlés au quotidien, à la vie avec une forte valeur d’évocation et d’émotion. Leur entretien était assuré par les gouverneurs, ce qui ne fut plus le cas à l’époque ottomane où elles furent abandonnées et ultérieurement. La production de tous ces monuments qu’ils soient intentionnels ou inintentionnels a permis à la ville de Tlemcen de constituer ses propres lieux. Ces lieux qui ont pu trouver leur place dans la toile qu’ont tissés les Almoravides et les Almohades et que les Zianides ont ponctué de tous les monuments les inscrivant dans la poétique rythmique. D’abord les édifices cultuels, les 9 mosquées réalisées durant ce règne ont inscrit la ville dans un renouveau urbain. De même, la nouvelle citadelle le Méchouar, bien qu’elle soit initialement un équipement utilitaire, elle a généré le développement de quartiers spécifiques, celui des Juifs et plus tard celui des Kouloughlis. Les medersa, comme la Tachfinia ainsi que toutes les autres attenantes aux mosquées ont fait de Tlemcen la ville du savoir. Tous ces édifices, ont inscrit la capitale dans un mouvement à travers lequel ancien et nouveau se sont côtoyés et se sont complétés. Ceci confirme notre hypothèse par laquelle le monument constitue cet élément moteur dans la recomposition de la ville. Les périodes peu glorieuses de la ville, confirment également cette même hypothèse. Il s’agit de la période ottomane qui s’est étalée sur 3 siècles, et qui constitue la période décadente de Tlemcen puisqu’elle s’est vidée de l’intérieur. Aucun nouvel édifice ou monument n’y a été édifié. De même, Agadir qui fut longtemps un bourg de Tlemcen, s’est vu vidé de sa substance jusqu’à sa métamorphose en espaces agricoles. Ce bourg bien que noyau originel de la ville, n’était plus qu’une de ses périphéries. Et hormis sa mosquée que les Zianides dotèrent d’un minaret, aucun autre nouveau monument n’y a été édifié. Dédoublé par Tagrart, c’est dans ce noyau où ont été implantés tous les artefacts. La déchéance de la ville à l’époque ottomane a créé une rétraction urbaine opérée sur Agadir et sur El Eubbad Essefli autre bourg au sud de la ville. Ces deux quartiers ne disposaient que de la mosquée,

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inachevée pour El Eubbad Essefli, mais toute deux n’abritant pas un saint personnage. Nous avons pu voir que la présence de mausolée donnait plus de légitimité à l’oratoire qui se trouve en quelque sorte sous sa protection. Djamaa el Atiq d’Agadir, la mosquée d’el Eubbad essefli, seuls édifices majeurs des deux quartiers n’ont pu constituer à eux seuls la trame structurant le tissu qui fragilisé, n’a pu se maintenir. Le quartier de Sidi el Halloui, autre cas de figure, protégé par un saint de haut rang, était situé au nord de Tlemcen. Si le quartier n’était qu’un espace de transit où l’habitat et vie de quartier n’ont pu s’y établir, l’oratoire plus proche du plus vieux quartier de Tlemcen où résidaient les Hadars, s’ouvrait sur ces quartiers nord/est. Il a ainsi constitué cette rythmique qui a permis à toute cette partie nord de se régénérer et qui bien qu’étant un des plus vieux tissus de la ville, il affichait un bon état à l’arrivée des Français. Il n’en est pas de même pour le quartier d’El Eubbad, qui protégé par le saint des saints et bien que ne disposant pas de fortifications, a échappé à tout vandalisme (mis à part le tout dernier qui s’est produit durant la décennie noire), et a pu se maintenir et renaître régulièrement autour du noyau cultuel. A l’image de certains bourgs abbatiaux européens où un regroupement de population s’est fait autour d’abbaye sans pour autant pouvoir concurrencer la cité, El Eubbad a été un quartier qui attira la population. En tant que lieu saint, la mosquée de Sidi Boumediene attirait les pèlerins et une vie économique avait pu s’y développer. L’adjonction au mausolée et à la mosquée, d’une médersa, d’un hammam, de latrines, de la maison du oukil et du palais, ont renforcé le quartier dans sa monumentalité et lui ont permis de s’inscrire dans l’éternité. Cette régénérescence grâce à la production monumentale, nous l’avons également enregistrée dans Tlemcen coloniale. La mutilation et le vandalisme de l’administration française sur certains monuments, inscriraient cette ère tout à fait dans la période de décadence, si elle n’avait pas de son côté été productrice de nouveaux monuments et de nouveaux quartiers. La ville de l’époque française, bien qu’imposant un nouveau langage architectural et urbanistique, reste cohérente dans son ensemble. Les boulevards étaient délimités d’édifices majeurs comme le boulevard national, actuel Colonel Lotfi sur lequel nous trouvons le collège, la poste, la préfecture, les églises, la banque, etc. Les équipements culturels, comme les cinémas et la nouvelle médersa ont trouvé place sur les anciennes voies précoloniales élargies. Quant à la place, s’il est clair qu’elle fut mutilée lui faisant perdre son caractère séculaire, elle a pu cependant être réinscrite dans une nouvelle logique et une nouvelle scénographie spécifique aux villes françaises du XIXe siècle où le nouveau lieu mis en place avec son alignement et son kiosque à musique trouve son adéquation avec les nouveaux espaces produits. Cette autre étape historique, confirme encore notre hypothèse que le monument doit constituer cet élément moteur dans la recomposition de la ville et que sa production est nécessaire pour toute urbanisation cohérente. Notre autre hypothèse concernait la contemporanéité du monument par laquelle ce dernier a perduré grâce à son intégration active dans la ville. Son image figée dans un temps donné, ne lui permet pas son insertion dans le monde contemporain et facilite son déclin. Les édifices cultuels, encore de pratique en Algérie ont pu se maintenir grâce à leur usage et ceci malgré leur dégradation durant les périodes les moins glorieuses. Restauration ou transformation, ces opérations ont permis à ces monuments de se réinscrire dans la contemporanéité grâce à ces interventions. Leur transformation et extension, pour certains édifices, n’ont fait que renforcé le statut du monument. L’exemple en est attesté par la grande mosquée où du petit noyau almoravide en tant que salle de prière du gouverneur, les différentes extensions ont permis à l’oratoire d’accéder au rang de mosquée du vendredi puis à son classement en tant que patrimoine national. De même, Djamaa Sidi Belahcen, que les Français ont percé de fenêtres pour éclairer les collections du musée qu’il a abrité, a trouvé sa symbiose avec la nouvelle place rectiligne. C’est à cet effet, que la pétrification des monuments dans leur image et fonction, participe très souvent à leur déclin, politique adoptée dans notre pays, par crainte pour l’artefact, par incompétence ou même par nostalgie. L’édification de nouveaux monuments majeurs durant l’ère zianide ou à l’époque française, a permis à 12 Tlemcen de se réinscrire dans le rythme tel que définit par le philosophe Maldiney qui augure l’ouverture d’espaces à valeurs différentes, se succédant dans des temps forts ou faibles imprimant un mouvement général. Les monuments historiques, les nouveaux monuments sont les principales notes de ce rythme qui permettent à la ville de s’inscrire dans le mouvement lui procurant ainsi spécificité et durabilité. Rythme et mouvement totalement absents dans la Tlemcen post coloniale qui connaît un

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Kessab Baba Ahmed T développement urbain mais omet de produire des lieux. Les monuments sont d’autre part isolés et relégués dans leur passé. Ainsi, de crainte du vandalisme et de la dégradation des espaces historiques, des réglementations et des juridictions ont été mises en place qui bien que protégeant l’artefact de la détérioration humaine, l’ont en même temps isolé de son contexte grâce auquel il a toujours évolué. L’historicité des monuments et des espaces urbains de Tlemcen a bien démontré que le dynamisme et l’évolution de ces espaces leur a permis de perdurer. 13

La « conservation en mouvement » (expression empruntée à Alexandre Melissinos) permet ainsi de lever l’antagonisme entre création et protection, et rétablit la césure existant entre le patrimoine et la ville. La culture patrimoniale sera ainsi accessible à toutes les catégories sociales tout comme l’a été la musique andalouse ou les tenues vestimentaires traditionnelles qui trouvent leur place de manière naturelle dans la culture tlemcénienne. BIBLIOGRAPHIE : 1.

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14.

Expression empruntée à Alexandre Melissinos – Architecture contemporaine en espace protégé- annexe 3 dans –Mémoire et projet- publication en ligne.

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L’ensemble de Zandieh – Chiraz (Iran) Un secteur historique sauvegardé face aux interventions physiques contemporaines M. HOSSEINPOOR Doctorant en urbanisme – Université Paul Cézanne (France) IAR-CIRTA

RESUME Cet article présente d’un part, un projet de démolition (création d’un voie urbaine dans le centre ville ancienne en années 1940), et d’autre part, le projet de revitalisation le centre ville ou la conservation intégral du patrimoine bâti (années 1990). L’ensemble de Zandieh est un bon exemple qui a déjà passé dans son histoire un processus (patrimoine – démolition – création et revitalisation).

INTRODUCTION : La ville de Chiraz est une métropole iranienne de 1 204 882 (cf. recensement 2006) habitants, située au Sud de l’Iran. L’origine historique, remonte à une période ancienne de 400 av. J.-C. Un regard historique sur le processus de développement urbain de Chiraz démontre que l’influence du pouvoir à certaines époques a joué un rôle essentiel dans l’importance de la ville. En particulier à l’époque où la ville de Chiraz a été choisie comme capitale de l’Iran, lui conférant une importance politique et économique. Globalement, la construction des bâtiments gouvernementaux, des centres religieux, éducatifs, et de jardins autour de la ville sont les éléments les plus importants pour le pouvoir dans différentes périodes historiques de vie sociopolitique et économique de la ville de Chiraz.

CHIRAZ A L’EPOQUE DE ZANDIEH Au XVIIIe siècle, Karimkhan Zand (Roi d’Iran) a choisi la ville de Chiraz comme capitale de l’Iran. A cette époque, la ville de Chiraz était composée de 11 quartiers et a été limitée et encerclée par un mur et un fossé. En effet, avant l’arrivée de Karimkhan au pouvoir, la ville était composée de 19 quartiers et de 12 ports intra muros. Karimkhan a réduit ces 19 quartiers à 11 quartiers pour la solidarité sociale et de 12 à 6 portes pour la sécurité (Figure 1). Les caractères les plus importants de la ville lors de cette période sont la formation des quartiers d’identité différente. La structure physique urbaine de Chiraz à cette époque est composée d’éléments urbains (Citadelles (Arg), bazars, places, de grandes mosquées, etc.) articulés avec des espaces publics. La composition urbaine présente une continuité et une harmonie dans sa structure physique. Le milieu physique urbain était composé de tissus compacts et continus. La combinaison des espaces vides et des espaces bâtis de façon organique et non géométrique, distingue la morphologie urbaine.

M. Hosseinpoour

L’ensemble de Zandieh

Figure 1 : Structure physique urbaine de Chiraz au XVIIIe siècle (à l’époque Zandieh)

Structure physique et morphologie du bâtie La structure physique de ce secteur est constituée de rues piétonnes. La rue piétonne s’inscrit dans la symbolique du « village », et de la ville ancienne. Principalement, la rue piétonne est d’abord une fonction de communication sociale et commerciale. Les rues piétonnes du centre ville de Chiraz ne fonctionnent pas comme un espace de commerce, parce qu’au milieu de ce tissu urbain il existe un grand bazar couvert d’un toit à la forme linéaire qui joue le rôle de lieu commercial traditionnel pour la ville et pour le quartiers du centre ville. Ses fonctions sont l’accès au logement enclavé dans le tissu urbain historique et de donner un mouvement au tissu bâti par les rues piétonnes, comme des espaces publics dynamiques. L’axe piétonnier de ce quartier est conçu comme un véritable espace de communication. Ces axes principaux sont assez larges par rapport à d’autres voies piétonnes, ouverts, assez équipés et leurs tracés sont clairs. Les petites places non géométriques situées sur la longueur de ces voies fonctionnent comme un lieu d’arrêt de celles-ci, tant comme les espaces publics dynamiques, continus et vivants. Ce secteur est le cœur historique et héritage de la ville de Chiraz. Un tissu compact et continu avec le bâti composé de maisons caractérisées par leur âge, leur style, leur élévation, mais aussi par les espaces vides et les espaces bâtis. C’est la combinaison variée et complexe des pleins et des vides qui engendre une structure stable de la ville ancienne. Ce tissu urbain a des petites rues étroites. Les voies principales dans ce tissu ont souvent une clôture sur les places centrales du quartier. Ces voies jouent un rôle de réseaux des espaces publics disponibles. Ce tissu urbain, du point de vue de la taille, ne poursuit pas un ordre géométrique. On voit une composition urbaine désordonnée et organique.

L’ensemble de Zandieh La composition des éléments structurants urbains dans la ville ancienne de Chiraz est liée à sa structure principale qui est basé sur la combinaison de centre de commerce (Bazar), de centre religieux (Grande Mosquée) et de centre de pouvoir et gouvernemental (Arg ou citadelle).

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L’ensemble de Zandieh comme le cœur historique de secteur à sauvegarder est composé de citadelle (Arg-è-Karimkhani), Bazar de Vakil, Mosquée de Vakil, tribunal (Divankhaneh), Caravansérail attaché à Bazar Vakil, Hammam de Vakil, Jardin de Nazar (Bagh-è-Nazar), place de Toupkhanh, prison, etc. (Figure 2).

Figure 2 : Les éléments structurants de l’ensemble de Zandieh Un regard sur l’ensemble de Zandieh, montre l’existence d’un rapport spatial entre des éléments architecturaux et l’espace public. La combinaison des éléments structurants : Citadelle (Arg), bazar, mosquée et Hammam Vakil dans l’espace public (Toupkhaneh, la place de Machke et le jardin Nazar), crée un espace urbain homogène et vivant à l’époque.

CHIRAZ DANS LA MODERNITE A la suite de la révolution de Mashrotiyat en 1906, du développement des moyens de communication extérieure, de l’exportation du pétrole, de l’augmentation du revenu national, apparaissent les opérations massives pour le développement urbain; par exemple la création de nouvelles voiries au sein de tissu ancien sans prise en compte de la structure urbaine ancienne ou de la colonne vertébrale de la ville et des quartiers historiques. Les opérations architecturales et urbanistiques modernes ont réduit progressivement la qualité et l’identité architecturale traditionnelle. Ces interventions physiques modernes sans considérer l’identité culturelle et l’origine historique du tissu urbain traditionnel, ont établit une rupture dans la structure de la ville ancienne. Comme nous l’avons dit antérieurement, le processus initial de modernisation a été commencé en 1920. A partir de l’année 1941, ce processus se manifeste particulièrement dans le contexte physique de la ville de Chiraz.

Projet de modernisation la ville de Chiraz Suite à l’arrivé de Rezakhan au pouvoir (période de Pahlavi 1 – années 1940), l’influence du modernisme a eu un impact important sur le tissu ancien de la ville. Rezakhan a définit un système administratif concentré et a mis ensuite en place des opérations urbanistiques en vue du développement et de modernisation de la vie sociale et urbaine. La création des voies automobiles vastes et larges au sein du tissu historique (Figure 3) a détruit des quartiers traditionnels. Ces opérations ont imposé d’autres limites pour chaque quartier de la ville ancienne qui ne correspondent plus à l’identité et la morphologie de la ville historique.

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M. Hosseinpoour

Source : Nasr, 2004, 28

Dans cette période, une extension lente et progressive a produit de nouveaux secteurs urbains intermédiaires à la périphérie du centre ancien. En effet, à partir de l’année 1921, la création de voiries étend la ville hors du centre historique jusqu’en 1936. Le développement d’une ville à « forme quadrillée », (Figure 4) avec une forte densité de population, a engendré une distribution optimale des services urbains.

Figure 3 : une nouvelle avenue urbaine (avenu Zand) qui a découpé le tissu urbain historique en deux

Figure 4 : Structure physique urbaine de Chiraz au XXe siècle (à l’époque de Pahlavi)

Même si jusqu’à ce moment, la « grande place » existante dans ce tissu urbain n’a pas fonctionné en tant qu’espace civil, actif et vivant mais était considérée plutôt comme un lieu de rencontre pour les manifestations et les activités sociales et populaires. Par contre, la rue Zand avec une largeur de 56 m (Figure 5) et qui était le seul espace public moderne et unique de cette époque a rempli le rôle de « grande place », c’est à dire comme espace public vivant.

Figure 5 : Citadelle (Arg-è-Karimkhani) enclavé par les voies de circulation automobile. (Source : Archive, Mairie de Chiraz) 52

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L’ensemble de Zandieh face à l’innovation moderniste Cette vague d’opération moderne a modifié l’ensemble de Zandieh, œuvre historique la plus importante de la ville de Chiraz. La création de l’avenue urbaine au sein du tissu urbain historique a coupé en deux l’ensemble de Zandieh, ainsi que le bazar Vakil ; identitaire espace public vivant et commercial. Avant cette opération, la structure ancienne de la ville était un ensemble intégré et correspondant à la culture et à la vie sociale de l’époque. Cette opération a ouvert progressivement une porte vers des interventions non réfléchies et non adaptées dans le contexte physique de la ville ancienne. Certains bâtiments liés à l’ensemble de Zandieh ont été détruits et remplacés par des bâtiments modernes installés au carrefour de ces nouvelles avenues urbaines modernes. La création de nouvelles voiries, quadrillées, au nom de la modernisation, a supprimé la qualité du tissu ancien (Figure 6). Ces opérations ont été réalisées dans le secteur historique qui a des valeurs architecturales et urbanistiques et une grande capacité d’accueil touristique.

La nouvelle voirie de l’époque Pahlavi – la rue Zand

Bazar Vakil

Figure 6 : coupure de la structure physique du tissu ancien par des nouvelles voiries à l’époque de Pahlavi Source : photo d’après Pardaraz, 2005, 132

CHIRAZ POST- MODERNE Les opérations architecturales et urbanistiques modernes ont réduit la qualité et l’identité architecturale traditionnelle. Ces interventions physiques modernes ont provoqué une rupture dans la structure de la ville ancienne. Ces opérations ont affaibli la communication existante dans l’espace public urbain dans la ville ancienne. Le remplacement de places publiques par les voies pour l’automobile a réduit la qualité de l’espace public (Place de Toupkhaneh et place de Mashke) et a détruit ses fonctions principales comme un lieu de course de chevaux. Après des décennies, il est apparu que ce tissu historique avait perdu sa qualité architecturale et urbaine. La mairie de Chiraz a donc mis en œuvre durant les années 1990 un nouveau projet urbain de revitalisation et de restructuration de l’ensemble de Zandieh tenant en compte de la valeur de l’identité historique de la ville ancienne.

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M. Hosseinpoour Projet de revitalisation l’ensemble de Zandieh L’agence d’architecture et d’urbanisme Mirmiran a étudié l’ensemble de Zandieh et leur rapport avec le tissu ancien alentour. L’enjeu principal de ce projet urbain (Figure 7) était la revitalisation de l’ensemble de Zandieh en appuyant sur l’articulation intelligente entre le secteur historique sauvegardé et le tissu urbain moderne des années après 1940.

Figure 7 : projet de revitalisation l’ensemble de Zandieh (Source : Agence d’architecture et d’urbanisme Mirmiran) L’ensemble de Zandieh comme une mémoire collective ou comme un patrimoine historique impose une image de continuité historique. Selon Halbwachs, « la ville elle-même est la mémoire des peuples ; et comme la mémoire est liée à des faits et à des lieux, on peut dire que la ville est le « locus » de la mémoire collective ». [Rossi, 1990]. Ce projet de restructuration et de requalification de tissu historique et culturel a favorisé une démarche vers la revitalisation du centre-ville ; une démarche favorisant une politique urbaine attentive aux enjeux de développement urbain durable. Ce projet a renforcé la stabilité et la structure urbaine de la ville ancienne. L’articulation des bâtiments composés d’ensemble de Zandieh dans l’espace public alentour en vue de valoriser ses fonctions pour l’attractivité touristique, est l’axe principal de projet de revitalisation de l’ensemble de Zandieh. L’aménagement de place central à l’époque de Zandieh (Place de Toupkhaneh) est le point essentiel de ce projet urbain pour revitaliser et valoriser l’atmosphère historique de la ville ancienne. La grande voie automobile devient un projet de souterrain qui passe exactement à côté de citadelle. Un principe consistant à rechercher l’efficience maximale pour la communication automobile en réduisant autant que possible de trafic automobile (cf. substitution). La réalisation de ce projet souterrain et l’aménagement de la place publique (Place de Toupkhaneh) a recréé un paysage urbain au cœur historique de la ville de Chiraz. Un regard comparatif sur ce secteur historique ancien (Figure 8) et sa transformation (changement) post-moderne jusqu’à nos jours (Figure 9 ) démontre un retour en arrière sans équivalent dans l’histoire, après de réalisation des opérations modernes non adaptables à l’origine historique de ce secteur urbain. En effet, « un retournement qui abolit les évidences de la démolition et qui pose, au moins en théorie, le principe d’une conservation intégrale des édifices du passé » (Choay, 1995).

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Figure 8 : l’ensemble de Zandieh avant d’intervention physique moderne (création de voie automobile)

Figure 9 : Revitalisation l’ensemble de Zandieh (années 1990) après la démolition sous l’effet de modernisme

Pour sauvegarder la texture traditionnelle face à ces mutations modernes, l’articulation entre la tradition et la modernité (Figure 10), a été mise en ordre à cette époque afin de protéger la culture locale. En effet, l’objectif principal de ce projet a été de conserver le cadre urbain de l’architecture/urbanisme ancienne pour favoriser une évolution harmonieuse au regard des fonctions urbaines contemporaines en relation avec l’ensemble de la ville. L’aménagement de cet espace public urbain s’inscrit dans le respect de l’existant et dans la prise en compte des qualités historiques, morphologiques et architecturales du patrimoine ancien.

Figure 10 : Espace public aménagé en haut de la voie automobile sousterraine pour revitaliser la place ancienne de Toupkhaneh

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M. Hosseinpoour SECTEUR HISTORIQUE SAUVEGARDE ET L’ENJEU DE DEVELOPPEMENT DURABLE La structure urbaine de la ville ancienne est stable et continue à l’échelle humaine. La stabilité de vie dans le quartier ancien est liée à sa structure physique bien adaptée aux besoins sociaux et économiques. La structure de tissu ancien de la ville de Chiraz a été mutilée par des interventions physiques rapides et non adaptées au contexte et l’identité physique urbaine. Pourtant, nous croyons qu’elle est en train de se retrouver comme une structure stable et solide. Par exemple, comme nous l’avons a dit antérieurement, la structure du bazar de Vakil est coupée en deux par la réalisation d’une avenue urbaine au centre ville. Cet élément structurant a fonctionné de façon acceptable pendant les décennies précédentes grâce à la combinaison et l’articulation des activités sociales, culturelles, le commerce et l’habitat. Les recherches déjà réalisées [Hosseinpoor, 2008] montrent que la ville ancienne est plus stable et plus durable que d’autres tissus urbains contemporains en vue de certains critères importants de développment urbain durable (densité et typo-morphologie de l’habitat, sociabilité et participation de leurs habitants dans la vie locale, mixité des fonctions urbaines et l’échelle humaine). Les quartiers historiques ou les tissus urbains anciens en termes d’accès à l’espace vert public sont les quartiers les plus pauvres (nous parlons toujours de jardin à côté de ville ancienne au lieu d’espace vert public à l’intérieur de tissu historique). Un autre point essentiel dans la revitalisation du centre historique est de mettre en œuvre le processus de gentrification. Il y a longtemps que la ville ancienne se vide de couches aisées et prestigieuses qui se sont déplacées au nord de la ville. Ces couches ont été remplacées par les couches modestes et des migrants d’exode rural ou des étrangers ayant un pouvoir d’achat minimal. L’apparition d’un contexte social hétérogène, la difficulté d’accès des voitures à l’intérieur du tissu ancien en raison de son caractère physique ayant des rues étroites, a fait en sorte que la vie dans ces quartiers soit compliquée. En effet, la qualité insuffisante des bâtiments existants et le manque de services urbains ont poussé la plupart des habitants à immigrer vers d’autres tissus urbains plus récents. Ce processus a diminué la qualité du tissu urbain historique. La plupart des propriétaires des logements anciens au centre ville n’ont pas envie de mettre en vente leurs logements anciens, parce que ces maisons anciennes sont considérées comme un héritage familial avec beaucoup de souvenirs du passé.

CONCLUSION Aujourd’hui, le patrimoine est un enjeu de société contemporaine. Selon Françoise Choay : « le patrimoine ne prend sens qu’à être situé et pensé sur l’horizon de la crise de civilisation, ou encore de la mutation sociétale que nous vivons depuis environ trois décennies » [Choay, 1996]. L’ensemble de Zandieh, en tant qu’un mode de l’action accomplie, en tant que « forme progressive, du work in progress » [Queysanne, 1996] démontre une histoire d’intervention physique moderne (démolition), et post-moderne (création – restructuration) dans la structure du tissu ancien de la ville de Chiraz. La réalisation d’une avenue automobile (une structure identitaire et universelle à l’époque), a divisé l’ensemble de Zandieh en deux parties discontinues. La dévalorisation de ce tissu urbain historique suite à ces interventions physiques a créé une rupture dans sa structure stable. Donc, la question de revitalisation et de restructuration du centre ville comme un enjeu majeur a été posé, en considérant « qu’il est possible de faire cohabiter harmonieusement, dans les villes historiques, les anciens et les nouveaux quartiers en gardant à chacun son caractère propre, si on les intègre dans un système unitaire qui les englobe à la façon d’un nouvel organisme plus complexe » [Giovannoni, 1998]. La stabilité, la continuité de la structure des noyaux anciens de la ville historique a favorisé une harmonisation permanente pour ce secteur historique sauvegardé. La combinaison d’habitat, de commerce, d’activités et de services publics à l’échelle humaine avec une circulation piétonnier / circulation douce (isolation du tissu ancien du grand trafic urbain) peuvent fournir un modèle qui apporte le bien-être aux habitants et milite en faveur d’une politique de développement urbain durable.

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Sauvegarde des tissus anciens à travers la réhabilitation des maisons traditionnelles cas de la vallée du M'Zab M. ALI KHODJA Maître-assistant au Département d'architecture, Laboratoire d'architecture méditerranéenne (LAM), université Ferhat Abbas, Sétif

RESUME Les villes traditionnelles en Algérie qu'il soit médina ou ksour ont été conçues pour répondre à un contexte historique, social, économique et culturel spécifique à une époque et une région données. L'évolution dans le mode production, le mode de vie ainsi que les besoins croissants des habitants des centres historiques, ont pour conséquence la transformation de ce cadre bâti et les maisons traditionnelles en sont la première victime. Il suffit de noter l'aspiration des habitants de ces centres à habiter dans les quartiers nouveaux. Ceci est dû, d'une part, à l'insatisfaction de leurs besoins en matière d'espace habitable et l'inadéquation des espaces traditionnelles (surfaces et aménagement) avec le mobilier moderne. D’autre part, à l'évolution des structures sociales et la recomposition de la famille avec le temps ce qui a entraîné des modifications dans les pratiques sociospatiales dans les maisons traditionnelles. Notre objectif est d'arriver à cerner la problématique relative à l'adaptation des maisons traditionnelles au mode de vie moderne et essayer d'atteindre une stratégie de sauvegarde des villes anciennes, à travers la sauvegarde et la réhabilitation des maisons qui constituent en fait leur cellule de base. Notre étude porte sur la maison traditionnelle au niveau de la vallée du M'Zab. On s'intéresse à la configuration spatiale initiale de ces maisons et le mode de vie qui y correspondait, ainsi qu'à l'évolution des pratiques des habitants et leurs conséquences sur le cadre bâti et la menace que cela représente sur un patrimoine classé par l'UNESCO. Nos conclusions notent la remise en cause partielle du modèle traditionnel à travers l’introduction de nouveaux espaces et éléments architecturaux, ce qui donne lieu à un nouveau modèle hybride mitraditionnel et mi-moderne.

INTRODUCTION Le débat tardif sur la préservation des médinas et des ksour en Algérie dénote du déphasage existant les politiques de "développement" et la conservation d’un patrimoine non pas fait de murs, de portes, de maisons ou de palais, mais d’un héritage culturel, social et religieux en premier lieu. La promotion et la restauration du patrimoine illustre le degré de évolution d’une société. La survie du patrimoine, sa pérennisation, sa transmission à des générations futures, dépend pour 1 beaucoup de son intégration dans la société actuelle. La vallée du M'Zab avec ses ksour et ses palmeraies fut classée comme patrimoine national en 1968 et comme patrimoine de l'humanité par l'UNESCO en 1982. Ce statut n’a pas permis de conserver l’héritage historique. Car le conflit tradition-modernité fut toujours posé et le cadre bâti avant le citoyen fut mis en cœur de cette opposition. La dynamique qu’a connue la région à partir des années soixante a certes permis l’amélioration des conditions de vie des habitants, mais la contrepartie a été difficilement endurée par le cadre bâti. La situation actuelle vécue par la vallée du M’Zab relève du croisement de plusieurs problématiques au niveaux social, identitaire, culturel, architectural, urbain et enfin patrimonial. Notre propos n’est pas de proposer des solutions, car cela serait prétentieux pour une situation extrêmement complexe et aux contours encore mal compris.

1

MARIA GRAVIAC in " Habiter le patrimoine enjeux – approches - vécu", p. 11

M. Ali Khodja PRESENTATION DU CAS D'ETUDE Notre étude porte sur la vallée du M'Zab qui se situe à 600 km au Sud d'Alger. Elle est comprise entre 32° et 33° 20' latitude Nord et 2° 30' longitude Est, d'une altitude variable entre 300 et 800 mètre. La vallée est entourée de monticules qui constituent les points d'ancrage des ksour. Elle s'étale sur une distance qui varie entre 25 à 30 km d'Est en Ouest et 2 km dans le sens Nord-Sud. On y trouve cinq e ksour (villes fortifiées) dont le premier remonte au XI siècle. Ainsi nous retrouvons dans l'ordre chronologique : El-Atteuf (1012), Bounoura (1046), Ghardaïa (1053), Melika (1124) et Beni Isguen (1347).

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LA VALLEE DU M' ZAB PLAN DE SITUATION

Figure 1 : La vallée et les cinq ksour du M'Zab (Source OPVM Ghardaïa) La raison qui a poussé les Ibadites à s'installer dans cette vallée rocailleuse et aride est leur souci de préserver leur doctrine menacée après la chute de Tahert en l'an 909 et d'Isedraten en 1075. Ce site offrait des qualités défensives idéales du fait de l'existence d'une multitude de vastes collines dans un périmètre restreint, ajouté à cela le passage d'un oued tout au long de la région. La fondation des ksour au M'Zab était l'œuvre d'une communauté religieuse dirigée par des théologiens appelés Azzaba qui étaient organisés en un conseil appelé Halqa. Par conséquent, le facteur religieux était prépondérant dans la conception des espaces à différentes échelles (territoriale, urbaine et domestique). Autre facteur déterminant dans la fondation des ksour est l'organisation sociale qui avait comme module la fraction ou achira. La achira, ou ensemble de familles élargies, constituait l’unité sociale de base et se trouve à l’origine de toute formation de Ksar. Sous l’égide de la Halqa, plusieurs achira se mettaient à édifier un Ksar par la construction d’abord de la mosquée au sommet du mamelon rocheux, au point culminant. Au fur et à mesure de la croissance, des maisons en forme de cubes venaient s’étager, plusieurs quartiers se constituaient de la sorte. Chaque achira formait un quartier, possédait un cimetière et une superficie de terres à cultiver en dehors du Ksar (palmeraie). La vallée du M'Zab est restée autonome durant des siècles jusqu'à son annexion par les forces coloniales françaises en 1882. Après l'indépendance de l'Algérie en 1962, la vallée du M'Zab avait intégré la république et est devenue commune en 1967, daïra en 1969 et enfin wilaya en 1985.

LA MAISON TRADITIONNELLE MOZABITE Dans les ksour du M'Zab, les maisons concilient les facteurs sociales et techniques. L'équilibre, l'unité et l'égalité sociale s'exprime à travers le mode d'habiter. Avant de connaître les espaces et les éléments qui composent la maison traditionnelle au M'Zab, il est nécessaire de comprendre la logique qui a conduit à une telle organisation spatiale. Pour cela, il faut citer deux facteurs :

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1. Facteur socioreligieux Les mozabites possèdent une identité dans leur architecture et l'espace domestique se soumet à un ordre socioreligieux qui dicte une conduite à tenir et des pratiques sociospatiales. Ainsi, les usagers se divisent en groupe de femmes, d'hommes, d'enfants et de visiteurs masculins et féminins. Chaque catégorie implique des permissions et des interdits. La projection de cet ordre social sur l'espace domestique donne lieu à des couples antagonistes : espace féminin/ espace masculin, espace privé/espace intime, espace jour/espace nuit, etc. L'aspect le plus visible dans ce schéma organisationnel est la relation entre les usagers masculins et féminins. Celle-ci est soumise à code rigoureux relatif aux préceptes islamiques, l'homme n'a le droit de voir qu'une femme avec laquelle il peut ne peut avoir un lien de mariage (mahram): mère, sœur, tante, fille, etc. ces règles entraînent une division ou une territorialisation spatiale dans une famille élargie (le cas de la plupart des familles mozabites dans le passé). Il faut noter que trois concepts clés constituent l'outil pour la compréhension de l'organisation spatiale dans la maison mozabite: la centralité, l'intimité et l'ordre spatio-temporel.

2. Facteur technique Comme toute architecture vernaculaire, celle du M'Zab fait appel aux matériaux locaux. Ainsi, on utilisait la pierre, la brique crue, le sable argileux, la chaux et les éléments du palmier (tronc et branches). La rareté des matériaux, en particulier le bois des arbres et des palmiers, donnait lieu à une autarcie dans leur utilisation. Les éléments porteurs ne permettaient pas de franchir de grandes 2 portées d'où l'étroitesse dans la surface des pièces et des maisons (100m au plus). La maison mozabite est un volume irrégulier complètement aveugle sur ses faces latérales, elle s'ouvre sur sa face supérieure vers le ciel. L'élément générateur et ordonnateur des différents espaces est Ouast eddar qui représente le centre du rez-de-chaussée. C'est l'espace où se déroulent la plupart des activités domestiques féminines, l'homme y est exclu. Cet espace polyvalent et aux limites imprécises est éclairé par une ouverture carrée au plafond. L'autre espace non moins important est Tisefri ou salon pour femmes. C'est une pièce omniprésente dans la maison traditionnelle, elle est toujours associé à Ouast eddar et s'y ouvre largement. On trouve également au rez-de-chaussée un espace écurie, un dépôt, des toilettes et un coin de cuisson. La maison est marquée à sa porte par un espace en forme de chicane appelé Skifa. A l'étage, on retrouve des espaces différents de ceux du niveau inférieur. On trouve un portique appelé Ikomar et une partie découverte appelée Tigharghart. Ce dernier comporte une ouverture au sol pour éclairer et aérer le rez-de-chaussée. Ce trou est fermé par une grille métallique et couvert pendant les nuits froides et les journées chaudes d'été. Les hommes possèdent leur propre séjour appelé Douira lorsqu'il se trouve au RDC et Laali s'il se trouve à l'Etage. Pour des raisons climatiques (climat saharien de la région), l'étage et la terrasse, sont utilisés pendant les journées d'hiver et les nuits d'été. On assiste à un nomadisme intérieur des usagers tout au long de la journée et des saisons selon les conditions climatiques. La maison traditionnelle possède également une terrasse qui est accessible seulement aux femmes et dont les unes donnent vers les autres formant ainsi un réseau de communication parallèle à celui des rues extérieures. Ce qu'il faut noter dans la maison traditionnelle est l'absence de mobilier. Les objets et ustensiles sont déposés dans des niches creusées dans les murs, ou y sont accrochés, ce qui permet une exploitation optimale de la surface habitable. La spécificité de la maison mozabite comme on l'a signalé plus haut réside dans la nette séparation des domaines masculins et féminins. Ceci est perceptible surtout dans la relation spatiale entretenue entre le salon masculin (Douira et/ou Laali) et le reste de la maison. Ces deux espaces sont disposés près de l'entrée ou possèdent une porte à partir de l'extérieur (qui donne sur Douira ou les escaliers qui montent vers Laali). Ces deux espaces sont éloignés de Ouast eddar et du reste de la maison. Ce qui assure la liberté de mouvement des hommes et des femmes sans risque d'interférence. (Figures 2 et 3, parties hachurées). Au niveau surfacique, la maison traditionnelle se caractérise par ses espaces réduits en surface.

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M. Ali Khodja N Chambre

Tisefri

WC Chambre

Ikomar

Toilette

Chambre

Douira Ikomar Entrée

Vide sur RDC Chambre

Chambre

Chambre

Cuisine

0 1 2

Coupe

Plan de l'Etage

Plan du RDC

Maison1 à Ghardaïa Chambre

Ecurie

Tisefri Chambre WC

Ikomar

N

WC

Dépôt Cuisine

Vide sur RDC

Douira Dépôt

Entrée

0 1 2

Plan du RDC

Chambre

Plan de l'étage

Coupe

Figure 2 : Maisons du Ksar de Ghardaïa (source OPVM) 2

2

La surface du RDC de la maison en haut (figure 2) est de 35 m , la surface de l'étage est de 38 m . 2 Celle d'en bas, possède une surface qui avoisine 80 m . Les hauteurs sous-plafond comme on le constate dans les coupes sont de moins de 2 m.

EVOLUTION SOCIALE, CAUSES ET SIGNES La société mozabite avait pu conserver son idéal, son mode de vie austère et ses pratiques ancestrales durant plus de neuf siècles. Même son annexion à l'autorité française en 1882 n'a pu avoir d'influence sur son organisation sociale interne. Bien que les mozabites fréquentaient des étrangers à la vallée par le biais des échanges commerciaux, ainsi que leur migration temporaire vers les villes du Nord, ils avaient pu garder leur autonomie et leur spécificité culturelle et sociale. Les véritables changements ont commencé après l'indépendance de l'Algérie en 1962, du fait de son passage sous l'égide de l'Etat d'une façon spontanée. Ainsi, on a assisté à la substitution progressive des institutions étatiques – commune, daïra, wilaya et autres organismes – aux institutions traditionnelles (achira et halqa des azzaba). Ces structures séculaires étaient le garant de la pérennité de la doctrine ibadite qui prescrivait une austérité dans la vie et prohibait tout luxe et signes de richesse. Elle jouait aussi le rôle de régulateur social et économique de façon à assurer à la société un équilibre qui se répercutait sur tous les aspects de la vie (social, culturel, économique et même architectural et urbain). Le remplacement, de ces structures traditionnelles, par d'autres étatiques et centralisées n'était pas sans conséquences. Le citoyen mozabite se sentait de plus en plus "libéré" des contraintes sociales imposées jusque-là, ajouté à cela l'apport et l'influence des autres cultures. Les signes de l'évolution du mode de vie étaient perçus à travers :  L'émigration de la famille entière, alors qu'elle était jusque-là réservée aux hommes.  L'individualisme à travers l'apparition de la famille nucléaire à côté de la famille élargie.  Une relative ostentation dans la vie publique. Au niveau économique, l'essor qu'a connu la région du nord saharien à travers la découverte du pétrole à Hassi Messaoud (280 km au sud-est de la vallée du M'Zab) et Hassi R'mel (40 km au nord), avaient entraînée un essor économique important dans la région nord-saharienne. Ajouté à cela, la politique d'industrialisation menée par l'Etat algérien au milieu des années soixante.

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Ces deux facteurs avaient eu pour effet la migration d'une main d'œuvre vers la région et un retour des capitaux mozabites. Le flux de nouvelles populations et la fixation des nomades, étaient estimés à 45% de la population locale entre 1960 et 1965 (Benyoucef 1999). Ce qui n'était pas sans conséquences sur les plans sociale et urbanistique. De nouveaux modes de vie avaient envahi la société ce qui avait créé des tensions entre différentes les communautés. Au niveau architectural, l'introduction des matériaux modernes tels que le béton, l'acier, le verre, etc. ainsi que de nouvelles typologies d'habitat (particulier pavillonnaire) avaient créés une rupture avec le mode traditionnel d'habiter.

1- Nouveaux besoins et nouveau mode d'habiter La mutation dans le mode de production et le mode de vie, ainsi que l'introduction des moyens moderne, ont eu des répercussions sur l'espace domestique des maisons ksourienne et des maisons nouvellement construites. Dans la société mozabite, on note le passage d'un mode de vie agraire basé sur l'agriculture et l'élevage à une vie où les ressources financières proviennent essentiellement du commerce, de l'industrie et des services. Ceci a eu comme effet sur la maison ksourienne : la disparition des espaces réservés aux animaux (écuries), des espaces de stockage des récoltes (dépôt) et leur transformation en chambres ou en cuisine ou autres.

2- Transformations des maisons ksourienne A cause de l'évolution du mode de vie traditionnel vers le moderne, il s'ensuit une mutation dans les pratiques sociales et par conséquent un changement dans l'aménagement des espaces domestiques. Ce qu'on note aujourd'hui dans les maisons ksourienne est la préservation des espaces structurants de la maison (Ouast eddar, Tisefri, Tigharghart, Ikomar). Pour le reste, on relève l'apparition de la salle de bain – bien que réduite dans sa surface – et de la cuisine comme espace défini alors qu'elle se présentait autrefois comme un coin de Ouast eddar. On remarque aussi l'introduction du mobilier moderne et des appareils électroménagers. On trouve l'évier, le réfrigérateur et la cuisinière dans la cuisine, le lavabo dans la salle de bain, le téléviseur, le climatiseur, tables et chaises, etc. Ceux-ci ont eu des effets sur l'aménagement spatial, du fait de leur inadéquation aux surfaces existantes. Ce qui constitue une menace sur la structure et la configuration spatiale des maisons classées comme patrimoine mondiale. On ne peut blâmer les habitants d'avoir introduit ces nouveaux outils domestiques du fait de leur e indispensabilité au XXI siècle, mais la structure spatiale (surface et aménagement) des maisons ksourienne n'est pas en mesure de supporter une telle évolution dans les pratiques spatiales. Ce qui en résulte, c'est l'inconfort des habitants (à cause de l'exiguïté des maisons), des transformations dans les maisons traditionnelles et l'aspiration des mozabites à habiter les nouveaux quartiers où ils auront moins de contraintes à mener une vie qui répond à leurs besoins les plus élémentaires. Les maisons des ksour ont été également transformées au niveau des façades (figure 3 en haut). Alors qu'elles ne possédaient dans le passé que de rares fentes nécessaires à l'aération. Désormais, les habitants percent la façade par des fenêtres qui donnent sur le salon ou les chambres. Ce qui constitue une violation des restrictions imposées à des constructions classées comme patrimoine mondiale et dont le cachet originel devraient être préservés ainsi que le paysage urbain des ksour. Celui-ci est altéré à travers la multiplication des ouvertures au niveau des façades.

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M. Ali Khodja

Dch

WC Toilette

Chambre

Skiffa

Chambre

Ouest-eddar

Chambre Ikomar Tigharghart Salon

Cuisine

Chambre

Ikomar

N 0 1 2

Façade Sud-Ouest

Plan de l'étage

Plan du RDC N Cuisine

Chambre

Chambre

Chambre Terrasse

Chambre

Chambre Ouest-eddar

Ikomar

Tisefri

Tigharghart

Cave

Passage Couvert

WC

Ecurie

Ikomar

Laali

Terrasse

Dch

Skifa

Plan Sous-Sol

0 1 2

Plan RDC

Plan Etage

Plan Terrasse

Figure 3. Maison transformée en haut à Ghardaïa en bas à Beni Isguen source OPVM Dans le plan d'une maison transformée dans le Ksar de Ghardaïa (figure 3 en haut), on note la transformation au RDC du Tisefri en cuisine et d'une chambre en salon. On peut soulever à ce stade, le conflit latent qui existe entre une réelle volonté de préserver un patrimoine séculaire de la part de ses habitants et une aspiration légitime à suivre le cours de la vie moderne. Cette double détermination entraîne une situation paradoxale dont l'expression la plus saisissante est l'architecture domestique dans les ksour, où des espaces et des éléments importés coexistent avec un héritage de neuf siècles.

3- Nouveaux quartiers et nouveau mode d'habiter Du fait de la croissance démographique, du retour des mozabites du Nord du pays et de la fixation des nomades autour des ksour, la vallée avait connu l'apparition d'un nouveau type de quartier (à l'image de Baba Saad et Mermed autour du Ksar de Ghardaïa) à caractère résidentielle et à l'habitat pavillonnaire. Les caractéristiques de cet habitat contraste avec ceux des ksour, on retrouve un tissu urbain avec une occupation moyenne de la parcelle. Ces nouveaux quartiers se sont implantés sur les poches vides autour des ksour ainsi que sur les terres palmeraies, ce qui a donné une nouvelle typologie au caractère péri-urbaine. A titre d'exemple, la municipalité de Ghardaïa avait distribué des 2 lots de terrains en 1982 avec une surface de 200 m par parcelle. (Benyoucef 1999) La régularité du tracé parcellaire et les nouvelles techniques de construction, avaient produit des maisons aux formes géométriques régulières. Les maisons dans les nouveaux quartiers représentent un vecteur socioculturel important. L'absence de contraintes et la présence des nouvelles possibilités dans la construction (techniques et matériaux), donnent aux habitants une plus grande liberté dans l'expression de leur culture, de leur mode de vie, de leurs besoins et de leur mode d'habiter. Ce type d'habitat illustre aussi les différentes influences subies par une société au caractère toujours traditionnel.

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Chambre

Chambre de Prière

Bureau

Rangement

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Dch Chambre

Terrasse

Dch Buanderie

Tamnait

Vide sur terrasse

Tamnait

N

Chambre

Salon

WC

WC

Hall Placard

Hall

Terrasse

Placard

Ouest-eddar

Salon

Chambre

Chambre Cuisine

Tisefri

Chambre

Tamnait

Placard

Plan Sous-Sol 0 1 2

Terrasse Terrasse

Garage

Vide sur Terrasse

Vide sur RDC

Vide sur RDC

Cour

Plan du RDC

Plan de l'Etage

Plan de la Terrasse

Façade Sud

Coupe

Figure 4. Maison dans un nouveau quartier d'El Atteuf source bureau d'études ACCA Dans les maisons contemporaines, on note l'apparition de nouveaux espaces tels que le garage, la buanderie, le bureau, la salle de prière, une cour autour de la maison, etc. Mais contrairement aux apparences et au contraste entre l'habitat traditionnel et nouveau, ce dernier a renforcé la séparation entre les domaines masculins et féminins. L'exploitation du sous-sol (réservé aux hommes), la multiplication des accès à partir de l'extérieur, a donné lieu à une distinction spatiale plus élaborée entre les deux catégories d'usagers. Si la société mozabite a évolué socialement, économiquement et culturellement et qu'elle ait subi des influences extérieures. Ces mutations ont touché plus le facteur technique que le facteur socioreligieux dans l'élaboration des espaces domestiques.

ETAT DU PATRIMOINE ET CONSTAT DES ORGANISMES INTERNATIONAUX A cause de l'urbanisation effrénée et sa menace sur le cachet architectural local, un arrêté ministériel fut promulgué le 28 juin 1968 ouvrant une instance de classement de la vallée du M'Zab parmi les sites historiques. L'arrêté ministériel du 26 juin 1971 établit la vallée du M'ZAb comme "patrimoine national". Le 27 janvier 1970 fut ouvert l'atelier d'études et de restauration de la vallée du M'Zab (AERVM) sous la direction d'André Ravéreau. Plusieurs plans ont été établit avant et après la création de l'AERVM pour la protection des sites historique, à l'image du plan Ravéreau (1962), plan SPEER (1973) et le PMU (plan de modernisation urbaine) en 1977. Ces plans visaient à conserver le caractère traditionnel du site et les vues sur les ksour. L'obstacle résidait à chaque fois dans le décalage entre les données de ces études et la réalité du terrain qui était toujours en avance. Le 17 novembre 1992, un décret exécutif (n° 92-420) ordonne la transformation de l'AERVM en OPVM (office de la protection et de la promotion de la vallée du M'Zab). Ses principales missions étaient :  

La préservation du patrimoine de la vallée du M'Zab. L’application de la réglementation en vigueur en matière de la préservation du patrimoine classé.  La valorisation du cachet architectural local pour les nouvelles constructions et lors des opérations de construction.  La recherche et la valorisation du site archéologique.  La constitution d’archives concernant le site.  Jouer un rôle pédagogique d’information et de sensibilisation.  Impulser les activités artisanales traditionnelles.  Délivrer l’avis conforme pour toute nouvelle construction et opération d’aménagement. Le même décret requis l’avis conforme de l’office de protection et de promotion de la vallée du M’Zab est requis notamment pour :    

tous travaux d’aménagement et d’urbanisme à l’intérieur du périmètre classé de la vallée du M’Zab, tous travaux de construction et de démolition quelqu’en soit la nature, y compris les travaux en sous-œuvre, tous travaux de restauration de ravalement de façade, de démolition partielle tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des constructions existantes, tous travaux de remblement ou de déblaiement susceptibles d’apporter des modifications morphologiques au site,

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M. Ali Khodja  tous projets d’infrastructure ou programmes d’équipement, Les actions de l’OPVM bien que louables étaient ponctuelles, à l’image de la réhabilitation des ouvrages défensives (remparts et tour de guet) de Beni Isguen et la restauration de la place du marché de Ghardaïa. En 2005, un nouveau décret exécutif (n° 05-209) est promulgué pour la création et la délimitation du secteur sauvegardé de la vallée du M’Zab. En contraste avec l’abondance des textes de la bonne volonté des responsables de l’OPVM, les rapports de l’UNESCO demeuraient impitoyables, comme noté dans la convention concernant la 2 protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du comité du patrimoine mondial les Principales menaces identifiées dans les rapports précédents sont : 1- Un développement lié aux changements socio-économiques et à la croissance démographique, entraînant une importante pression urbaine. 2- Une dégradation de l’environnement, croissance urbaine incontrôlée dans les palmeraies et le lit de l’oued, impact visuel de nouvelles constructions sur les collines 3- Une absence d’un cadre juridique de protection et d’un plan de sauvegarde. 4- Une perte du savoir-faire et des matériaux traditionnels pour la réhabilitation de l’architecture vernaculaire. 5- Une perte du système traditionnel de gestion et de distribution de l’eau. 6- Des risques d’inondations et de pollution de la nappe phréatique. Malgré les mises en garde de l'UNESCO, on estime que le patrimoine architectural et urbain au M'Zab est parmi les mieux préservé en Algérie, en comparaison avec les Casbah d'Alger, de Constantine ou le ksar de Boussaâda ou autre. Le mérite revient à une population locale où malgré les avatars du modernisme demeure attaché à l'héritage ancestral qui fait sa spécificité. La dimension sociale dans la préservation du patrimoine doit être mise en amont à travers la réhabilitation des structures traditionnelles en leur conférant un rôle plus influent. L'effet du temps fait son effet sur les ksour du M'Zab, qui nonobstant des bonnes volontés, risquent de se dégrader avec le temps. La lenteur de la prise en charge de ce patrimoine (de 1968 jusqu'à nos jours) et en l'absence du plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur (PPSMV) – qui est toujours au stade de l'étude – dénotent du statut et de l'état du patrimoine en Algérie et dans la région du M'Zab.

CONCLUSION En évoquant le patrimoine architectural et urbain au M’Zab, on peut le traiter de divers angles : techniques de conservation du cadre bâti ancien, manières de l’inscrire dans une stratégie de développement durable de la région, outils juridiques et urbanistiques de préservation, etc. Toutes ces problématiques méritent attention de la part des organismes étatiques et des chercheurs universitaires. Néanmoins, on devrait mettre l’accent sur le facteur social où le citoyen devrait se sentir concerné par la question du patrimoine. La question d’habiter le patrimoine est toujours d’actualité où la dialectique de la satisfaction des besoins des occupants et de la conservation du cachet originel demeure difficile à résoudre. Le cas des ksour du M’Zab est révélateur à travers l’évolution dans les techniques de construction et la constance du facteur socioreligieux, d'où le mode " hybride " d'habiter qu'on retrouve dans l’habitat ksourien et dans les nouveaux quartiers à la fois. Ce patrimoine a été créé pour répondre à un contexte spécifique qui remonte à des siècles. Or, l’évolution de plus en plus accélérée dans les modes de vie et de construction, ainsi que la mondialisation qui a tendance à être plus culturel qu’économique, rendent l’attachement des nouvelles générations au patrimoine presque dérisoire. Notre propos n’est pas de muséifier le patrimoine, comme le défend Digne Bock (2004) « Il (patrimoine) correspond au tissu urbain dans son intégralité, c'est-à-dire, au bâti et non bâti, aux lieux de vie privés et publics qui font le quotidien des populations qui y vivent. L'intérêt est donc de le préserver sans modifier les modes de vie traditionnels des populations et sans transformer les villes abritant certaines richesses architecturales en villes-musées. » 2

ِ Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Comité du patrimoine mondial,UNESCO Trentième session Vilnius, Lituanie 8 – 16 juillet 2006, p.19

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Faire figer le mode de vie des gens au nom de la préservation du patrimoine risque de produire des effets indésirables sur le patrimoine et ses habitants à la fois. Même si on arrive à réhabiliter nos villes traditionnelles et à les conserver. La problématique de la satisfaction des besoins des habitants constituerait peut-être le prochain obstacle à franchir.

BIBLIOGRAPHIE

1

ALI KHODJA M. (2005), Espace architectural entre mutations et pratiques spatiales cas de la société mozabite, mémoire de magistère en architecture, université de Sétif.

2

BENYOUCEF B., (1999) L’approche de l’espace socio-urbain, problématique, tradition et modernité, Thèse de Doctorat d’Etat en urbanisme, EPAU, Alger.

3

DONNADIEU (C. et P.) et DIDILLON H. et J-M (1986), Habiter le désert, les maisons mozabites. Editions Pierre Mardaga Bruxelles, ISBN 2-87009-086-2.

4

RAVEREAU A., (2003), " L'atelier du désert ", Editions Parenthèses, ISBN 2-86364-120-4.

5

" Habiter le patrimoine enjeux-approches-vécu ", Editions Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2004, ISBN 2-7535-0001-0.

6

Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Comité du patrimoine mondial, Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), trentième session Vilnius, Lituanie, 8- 16 juillet 2006.

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Constantine, un site antique, un passé historique et une identité spécifique. N. Nait Amar, F. Diabi Département d’Architecture et d’Urbanisme, Université de Constantine

Ville millénaire, par sa situation géographique privilégiée, Constantine ou Cirta rayonne aussi bien sur sa wilaya que sur l’ensemble de l’Est algérien. Implantée sur un rocher escarpé qu’entoure OuedRhumel, la morphologie du site a prédisposé la cité d’être à la fois une acropole et un carrefour incontournable dans les échanges commerciaux. Ce présent travail s’articule autour de trois principaux axes : 1. Les caractéristiques naturelles du site : Le vieux Rocher 2. L’histoire de la ville de Constantine et de son site 3. La période actuelle : une identité au bord des valeurs.

1) LES CARACTÉRISTIQUES NATURELLES DU SITE : LE VIEUX ROCHER Le ravin de Constantine est le plus célèbre de toute l’Algérie. Par son pittoresque et par son rôle dans la formation d’une cité et de son identité, il assura, de temps mémorial, la protection. Le rocher de Constantine est formé d’un ensemble calcaire visible sur 300 mètres de hauteur. Le point le plus élevé de la surface du rocher, qui se trouve à la terminaison nord, au Kef Chekara, atteint 644 mètres ; le point le plus bas, vers la terminaison sud à Sidi Rached, arrive à 534 mètres. L’imposante masse de calcaire qui porte la ville présente la forme d’un prisme à base trapézoïdale, dont les artères coïncident sensiblement avec les quatre points cardinaux.

Ce site exceptionnel qui fait de cette cité une véritable forteresse et selon El Idrissi, Géographe arabe, l’une des plus fortes places du monde,a incité certains historiens à manifester leur stupéfaction en proclamant qu’il est difficile d’échapper à un sentiment mêlé d’étonnement, de respect et presque d’effroi, lorsque pour la première fois on se trouve en face de cette ville étrange, ce nid d’aigle, cette ville fantastique qui fut Constantine, cité phénomène et extraordinaire gardée par le Rhumel, fleuve mythique qui enserre le rocher la supportant. Ce site auquel elle doit son existence et sa renommée a été célèbre grâce à des voyageurs, à des historiens et autres poètes. Abou Obeid El Bekri, voyageur arabe, met en relief sa position inexpugnable en affirmant que Constantine « grande et ancienne ville, (est) d’un accès tellement difficile, qu’aucune forteresse ne saurait lui être comparée ». Elle domine des plaines étendues et de vastes campagnes ensemencées de blé et d’orges.

Nait Amar La ville de Constantine, la Cirta des Numides, chef lieu de la wilaya de même nom, est située sur une hauteur moyenne de 640m et au carrefour de deux grands axes : 

Axe Est-Ouest au contact Tell-Hautes Plaines ;



Axe méridien qui, de Skikda à Biskra, relie le littoral au sud (Sahara).

Carrefour routier, elle assure la liaison entre l’ensemble des wilayates de l’Est et, par la route nationale n°5 qui la traverse elle les relie à Alger, la capitale. Sa position sur les espaces de transition entre le Tell et les Hauts Plateaux et surtout la localisation au centre d’un réseau urbain dominé par les métropoles régionales qui s’affirment et par les autres centres dynamiques de la région renforcent Constantine dans son rôle principal de centre d’animation de l’Est algérien. Les différentes civilisations qui se sont succédé, les grands événements qui se sont produits à travers tous les siècles, ont eu le même témoin : Constantine. Maintes fois assiégées, toujours vaillamment défendue, le plus souvent triomphante de ses agresseurs, elle devait son salut à sa position sur le rocher et ses gorges exceptionnelles qui constituaient de véritables remparts naturels contre les envahisseurs. Mais les différents occupants ont bien sûr réalisé des lieux de franchissements des gorges. Sa situation a nécessité la construction de nombreux ponts par les différents occupants de la ville. Ce qui lui a valu différentes appellations dont : « la ville des sept ponts » ou « la ville des ponts suspendus ». De véritables œuvres d’art, les ponts les plus importants sont : 1. Pont Sidi M’cid : long de 164 mètres, large de 5,70 mètres, et supporte une charge de 17 tonnes. Conçu par l'ingénieur Ferdinand Arnodin, inauguré le 19 avril 1912. il se trouve à 175 mètres au dessus du torrent ; 2. Pont Sidi Rached : Réalisé en pierres de taille, ce pont, en trois courbes, est long de 447 mètres. Il repose sur 27 arches dont 13 ont une ouverture de 8,80 mètres, une de 30 mètres et la plus large de 70 mètres franchit le Rhumel à 105 mètres de hauteur. Sa largeur est de 12 mètres.Il était, lors de sa construction, le plus haut pont de pierres au monde. 3. Pont El Kantara : Le pont d'El Kantara fut la voie d'accès principale de Constantine. Il fut le lieu des principaux assauts de la ville. Construit sous l’occupation romaine, restauré deux fois : sous l’occupation ottomane puis française, il mesure 128 mètres de long, et domine le Rhumel d'une hauteur de 125 mètres. 4. Pont des Chutes : Construit en 1925 il permettait, d'accéder aux anciens moulins à blé et l’usine de pâtes alimentaires. 5. La passerelle Perrégaux aujourd'hui Mellah Slimane : ou pont de l'ascenseur, relie le quartier de la gare au centre-ville, via un escalier, et l'ascenseur de la Medersa. Situé à mi-chemin du pont de Sidi Rached et de celui d'El Kantara cet ouvrage de 125m de long a été construit entre 1917 et 1925. 6. Pont du Diable : Construit par les Ottomans, ce pont de pierre a été plusieurs fois endommagé par les eaux du Rhumel et du Boumerzoug réunies. 7. Le chemin des touristes : inauguré en 1895, est l'oeuvre de l'ingénieur - constructeur Frédéric REMES. Long de plus de deux kilomètres et demi et large d’un mètre et demi, ce sentier est accroché aux parois du ravin, passant d'une rive à l'autre. Son aménagement permettait de suivre le fond des gorges du Rhumel sur toute leur longueur. Abîmé par l’usure du temps et par le manque d’entretien, le chemin des touristes est, à l’heure actuelle, totalement impraticable. Ce site pittoresque demande une somme de 6 milliards de dinars pour sa réhabilitation. Majestueux et impressionnant il pourrait générer des recettes appréciables. Sa restauration devrait permettre à ce joyau de la ville de Constantine, de renaître de ses cendres pour revenir, de plein-pied, au sein des plus belles réalisations touristiques d'Algérie. En conclusion, le site de Constantine à connu différentes occupations, et cela en raison de son caractère privilégié : un site défensif et unique qui encouragea les civilisations à s’y installer. Ce sont les différentes successions de civilisations qui, de tout temps, lui ont changé les caractéristiques architecturales et urbanistiques.

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2) L’HISTOIRE DE LA VILLE DE CONSTANTINE ET DE SON SITE . Ville de traditions ancestrales, Constantine ou Cirta dont la date de sa fondation n’a pas été établie avec exactitude à ce jour, est l’une des plus vieilles cités du monde, son 2500e anniversaire ayant été commémoré le 6 juillet 1999. En interrogeant son histoire, on s’aperçut qu’elle était déjà habitée dés l’époque préhistorique et que l’unité qu’elle constitua a des préfigurations dans le passé, passé qui remonte aussi loin qu’il y a des hommes. Qu’on en juge par ce qui suit. Les fouilles effectuées dans les cavernes situées à Constantine et ses environs immédiats notamment au plateau du Mansourah, à Djebel Ouahch, à la Grotte du Mouflon, à la Grotte des Ours ont permis de découvrir des objets dont certains remontent aux périodes paléolithique et néolithique que seule la main de l’homme était en mesure de façonner : des galets taillés, de la céramique, des meules et des fragments de poterie. L’agriculture fit son apparition à l’époque néolithique. Les gravures et les peintures que l’on trouve à El Haria sont l’œuvre des néolithiques qui ont également marqué leur présence par la construction de grands ensembles dolméniques et des enceintes de pierres dites de Cromlechs (monuments mégalithiques formés d’un cercle de menhirs : monuments mégalithiques constitués d’un seul bloc de pierre vertical). On observe au Sud de Constantine une forte concentration de dolmens (monuments mégalithiques composés d’une ou de plusieurs dalles horizontales reposant sur des blocs verticaux, formant les parois d’une chambre funéraire). Jusqu’à une époque plus récente, ils apparaissaient aux environs immédiats de Constantine, au lieu dit la Grotte des Ours.

a- La période Punique, Numide : Kirtha, Cirta, Constantine La période historique de Constantine commence à proprement parler avec l’installation sur le littoral oriental algérien des comptoirs phéniciens. Mais leur établissement, un millier d’années environ avant l’ère chrétienne, devait se heurter à l’opposition des éléments autochtones, les Numides. Chasseurs puis pasteurs et cultivateurs, les Berbères s’organisèrent en tribus et en confédérations, que les Grecs distinguaient sous les noms de libyques, numides et maures. D'abord nommée Sarim Batim par les Carthaginois, Constantine est déjà connue sous l'antiquité, depuis le IVe siècle avant J.-C., sous le nom romain de Cirta. Cirta est la dénomination romaine du nom punique Kirtha qui signifie ville dans la langue des Carthaginois Au fil des ans, la prospérité de Carthage fondée vers 814-813 avant J.-C. par la princesse tyrénéenne Didon ou Elissa, (fille de Mutto, roi de Tyr), rendait nécessaire son expansion. Des échanges commerciaux s’établissent entre elle et la Numidie qui a pour capitale Cirta.

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Nait Amar Cependant, devant les visées impérialistes de Carthage de vouloir étendre sa domination à l’intérieur des terres, des conflits militaires s’ensuivirent. Mais bientôt, l’on vit se sceller une alliance des deux peuples qui se solda par une reprise et un accroissement de l’activité commerciale. La vieille archéologie de Constantine atteste cette activité : stèles puniques, mobiliers, amphores. Toutefois, la situation à l’intérieur de la Numidie était très confuse. Le pays était disputé entre la convoitise de deux grands rameaux : les Massyliens à l’Est, dirigé par Massinissa dont le territoire couvrait la partie orientale ou l’Est algérien et les Massaessyliens à l’Ouest ayant pour guide Syfaxe. Sous le règne de Massinissa, Cirta connut une civilisation brillante dont malheureusement les animateurs sont restés anonymes. Elle comptait 150 000 habitants 1. Ses ateliers, ses entrepôts, ses palais étaient renommés. L’Aguellid embellit sa capitale de monuments et fit construire un palais où il recevait des étrangers et des musiciens. De toutes les réalisations concrétisées durant son règne, seuls deux monuments ont pu résister aux aléas du temps : Le Medracen, gigantesque dôme de 60mètres de diamètre et de 18mètres de hauteur, visible encore dans la plaine d’El Madher (Batna). Cerclé de colonnes et de chapiteaux de style dorique (architecture grecque), il témoigne du savoir faire des artisans qui taillaient et agençaient parfaitement, à l’époque les pierres. L’autre, le Mausolée de Soumaâ, dans lequel repose Massinissa est érigé sur une colline à l’Est d’El Khroub. Il dressait ses colonnes à plus de 20 mètres du sol. De toute la période postérieure à Massinissa, ne sont conservés que des monnaies, des tessons en poterie et des vases.

b- L’occupation romaine :

Après la mort de César en l’an 44 avant J.-C., Cirta devint une colonie romaine et reçut le nom de Colonia Cirta Julia. Tout le territoire avoisinant la cité fut confié à l’administration de Cirta qui était également chef lieu des colonies cirtéennes : Cirta (Constantine), Milev (Mila), Rusicade (Skikda), Chullu (Collo) et par la suite Cuicul (Djemila). Dans son ouvrage intitulé “Constantine”, p34, Rachid Bourouiba soutient que « sous Auguste et après que la Maurétanie eût été assignée à Juba II, elle fit partie du diocèse de Numidie appartenant à la province de l’Afrique nouvelle, transformé, en 297, par Maximilien Hercule en province sous le nom de Numidie cirtéénne ou Numidie civile, tandis que le Sud de la province était considéré comme territoire militaire ». En 311 de notre ère, Cirta fut complètement détruite par l’empereur Maxence à la suite de la révolte dès 310 du vicaire d’Afrique, Alexandre. Mais deux ans plus tard, soit en l’an 313, elle fut reconstruite selon le modèle romain par Constantin, le nouvel empereur de Rome qui lui donna son nom. Après cette date, d’autres bouleversements allaient affecter la Numidie. La recrudescence des querelles religieuses chrétiennes (le christianisme fit son apparition au IIIe siècle de notre ère), les flottements du pouvoir devaient faciliter les révoltes locales et surtout favoriser en 455 l envahissement de la Numidie par les Vandales. Peu de choses sont restées des édifices romains à Cirta. Lors de la construction de la Casbah à l’époque ottomane des vestiges témoignent de la présence d’un capitole très luxueux, d’une église chrétienne et de deux temples païens. D’autres monuments tels que le forum qui se trouvait à la place actuelle du palais du Bey, le portique de Gratien, les temples de Julie et de Saturne et d’autres encore ont aussi totalement disparu.

1

Ayache A : L’histoire ancienne de l’Afrique du Nord.

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Les seuls vestiges visibles à l’heure actuelle représentent une infime partie du patrimoine architectural romain. Il faut mentionner : 1- Les arcades romaines, restes d’un aqueduc qui alimentait en eau provenant de l’Oued Bou Merzoug, les citernes placées, à l’époque, à Coudiat Aty. Construites en pierres de grande taille, la hauteur des arches atteignait 20m. 2- Le pont d’Antonin ou pont d’El Kantara dont la partie inférieure demeure encore servait également d’aqueduc. Selon El Idrissi, géographe arabe du XIIe siècle, « ce pont est d’une structure remarquable, sa hauteur au dessus du niveau des eaux est d’environ cent coudées. Il se compose d’arches supérieures, au nombre de cinq, qui embrassent la largeur de la vallée. Trois de ces arches, celles qui sont situées du côté de l’Orient et qui ont deux étages, ainsi que nous venons de le dire, sont destinées au passage des eaux, tandis que leur partie supérieure sert à la communication entre les deux rives. Quant aux autres elles sont 2 adossées contre la montagne » . Les seuls éléments qui peuvent témoigner du passage, dès l’année 455, des Vandales à Constantine sont des monnaies découvertes en 1949 à Hamma Bouziane, localité située à 9km de Constantine. Cette occupation par les Vandales qui préférèrent le littoral à l’intérieur du pays devait durer jusqu’à la reconquête de la cité et de la Numidie, en 533 par le général byzantin Bélisaire, sous le règne de Justinien. La ville, sous l’occupation byzantine, fut entourée de remparts et de tours construits avec des matériaux empruntés aux monuments édifiés par les prédécesseurs romains. C’est donc sous leur domination que plusieurs monuments romains disparurent complètement, comme c’est le cas du capitole à l’intérieur duquel fut construite une église. On peut dire que l’importance de Constantine a décliné sous l’occupation des Vandales et des Byzantins qui ont laissé peu de traces de leur passage.

c- Constantine arabo-musulmane : La date exacte de la prise de Constantine par les armées arabes est méconnue et on ne sait trop ce que fut ou ce qu’est devenue Constantine durant les premiers mois de la conquête. Toutefois, elle rentre dans l’histoire avec les Fatimides. (Le principal événement qui a entraîné l'arabisation de Constantine est lié au destin des Fatimides). En effet, Abou Abdallah, homme de confiance de Obeid Allah, fondateur de la dynastie fatimide, qui commandait les troupes prit Mila en 902 qu’il reconquit, après avoir été battu, une seconde fois. Constantine tomba à son tour et devint une merveille de l’empire de Obeid Allah dont la dynastie régna jusqu’à la fin du Xe siècle. Sous les Zirides et les Hammadites, la ville connut un regain d’activités comme l’affirment les écrits d’El-Bekri, toujours cité par Bourouiba dans son ouvrage sur Constantine, qui nous renseigne sur la construction dans la partie inférieure du ravin où coule le Rhumel : « d’un pont de quatre arches, lequel soutient un second pont qui en supporte un troisième de trois arches. Sur la partie supérieure de ces arcades se trouve une chambre qui est au niveau avec les deux bords du ravin et qui forme le passage par lequel on entre dans la ville. Vue de cette chambre, l’eau qui est dans le fond du ravin a l’aspect d’une petite étoile, tant le précipice est profond »3. Ses bazars, nombreux, sont bien fournis et son commerce est florissant et prospère. D’après El-Idrissi, la ville était entourée au XIIe siècle d’une enceinte percée de deux portes dont l’une d’elles, celle de l’Est, donne accès à un pont antique qui servait aussi bien d’aqueduc que de viaduc. Les Ottomans s’établirent de 1522 à 1837, Constantine fut choisie pour être la capitale du Beylik de l'Est. La ville a pris un autre cachet : le cachet de la ville arabo-musulmane. Ce fut Salah Bey qui rendit à Constantine son cachet de capitale et la dota de plusieurs édifices. D’après le plan de 1837 nous pouvons relever les principaux éléments de la ville : a) La centralité : la grande mosquée, le souk Le centre est le noyau autour duquel gravite toute la médina. Ce noyau, qui n’est pas le centre de gravité, est représenté par la mosquée. Pendant la période ottomane le centre de la médina avait une double fonctionnalité : religieuse et commerçante. Le souk était à proximité de la grande mosquée qui constituait avec elle un pôle essentiel à partir duquel s’organise le système urbain et la vie de la 2 3

Bourouiba R, 1978 : Constantine, p46. Bourouiba R, idem, p55.

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Nait Amar médina. b) les voies de circulation : Le système de voies à cette époque était composé de quatre voies principales : 1)

La première partait de Bab Djedid et conduit vers la casbah ;

2)

La deuxième rue partait d’El Moukef pour rejoindre Souk El Acer en descendant jusqu’à Bab el Kantara ;

3)

La troisième rue partait de Bab el Oued, se dédouble en deux tranches qui se rencontrent à Rahbet Essouf pour former ce qu’on appelait souk Etejar. A partir de ce point de rencontre la rue se poursuit jusqu’à Bab El Kantara ;

4)

La quatrième rue partait de Bab El Djabia, en passant par Essouika, Zelaika et Echott, allant vers Bab El Kantara, c’est la seule rue qui va de porte en porte.

A part la troisième rue qui traverse le quartier commercial les autres traversent les quartiers résidentiels. Ces voies sont liées entre elles par des ruelles rayonnantes plus ou moins régulières, qui partent d’une rue principale vers une autre. La majorité des ruelles se dérivent en passages inaboutissants appelés : impasses d’où se fait l’accès direct des maisons. L’organisation des voies est faite de façon à permettre le déplacement d’une zone résidentielle à une autre, sans passer par la zone commerçante. Malgré son irrégularité et son dimensionnement, le tracé des rues met en évidence une trame viaire établie selon un système graduel, partant de l’espace public : rue, passant par l’espace semi-public : ruelle pour arriver a l’espace privé : impasse. Le mode de dimensionnement des voies renforce l’identification de l’espace, car en se déplaçant de la rue la plus large, plus la largeur diminue, plus l’intimité de l’espace augmente et plus l’espace est caractérisé, donc défini. c) Les quartiers résidentiels : A Constantine, les quartiers résidentiels au nombre de quatre, se subdivisent en une vingtaine de sous quartiers puis en îlots et enfin en groupement sur impasse. Bien que les limites soient mal définies pour la plupart des quartiers, le quartier résidentiel reste le premier maillon dans lequel s’inscrivent les quatre unités composant cet espace. Les paramètres d’identification des quartiers dépendaient de l’occupation sociale de chacun. Le quartier central était occupé par les commerçants. Il est organisé par corporation, et spatialement par rue commerçante. Ce phénomène de rassemblement des commerces par corporation est apparu sous le règne du Bey Hossein Azrag Ainou. Loin du noyau commercial, d’autres marchés, chargés d’alimenter les habitants en produits de première nécessité, se trouvent au cœur des cités résidentielles. Le seul quartier qui a échappé aux destructions coloniales, le quartier Souika, est actuellement dans un état de dégradation très avancé. d) Les maisons traditionnelles :

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La religion musulmane recommande la préservation de l’intimité familiale. La maison : Dar, aux façades simples de hauteur limitée protège la famille contre les discrétions visuelles et, en aucun cas, le rang de celle-ci dans la société ne se trouve révélé ; le jugement de valeur ne peut être assumé qu’à partir de l’intérieur. La maison constantinoise est introvertie, caractérisée par un ou deux étages dont la disposition est semblable à celle du rez-de-chaussée. Elles sont couvertes de toitures inclinées en tuile rouge, certaines à deux versants et d’autres à un seul. Le sens de leur inclinaison est orienté vers l’extérieur et parfois vers l’intérieur. Les maisons sont peu ouvertes sur l’extérieur, les pièces se regroupent autour d’une cour : west edar, seul endroit ou apparaissent des façades décorées. Après l’occupation française, le rocher a été divisé en deux parties. L’une Européenne au dessus de la rue Ben M’hidi et l’autre traditionnelle au sud du Rocher. Le cadre bâti de la partie nord a pris l’aspect hybride, composé de constructions typiquement européennes dans la partie nord et nord/ouest, occupées uniquement par les français ; de constructions mixtes dans la partie centrée entre la Casbah et la rue Didouche Mourad et enfin de constructions traditionnelles par la rue Didouche Mourad et la partie inférieure de la rue Ben M’Hidi. Le découpage du rocher est régulier dans sa partie supérieure, les rues sont rectilignes, les bâtis sont géométrisés. La partie sud du rocher a conservé son cadre bâti et son système viaire hérité de l’époque ottomane, qui ont échappé aux modifications coloniales. Cette partie était principalement occupée par les indigènes.

3) LA PÉRIODE ACTUELLE : UNE IDENTITÉ AU BORD DES VALEURS. L’Algérie a subi, durant 130 ans les affres d’une occupation qui, à travers des moyens et subterfuges divers, a entrepris, sans résultat, de nombreuses tentatives de dépersonnalisation, de « désidentification », de déculturation et de déstructuration. Même l’architecture et l’urbanisme n’ont pas échappé à ses desseins. En effet, l’occupant opéra d’importantes mutations dans la conception et la réalisation urbanistiques et architecturales et mit en cause notre paysage urbanistique en procédant à la démolition de pans entiers de notre patrimoine comme c’est le cas de la médina de Constantine qui fut prise en possession par la ville européenne. Elle a subi, malgré elle et contre elle, la loi du plus fort. Des percements furent effectués, les terrains récupérés ayant servi d’assiette à la réalisation de constructions, au style architectural importé, destinées à l’hébergement des colons. Ces procédés furent accentués par le plan de Constantine, initié le 3 octobre 1958 par De Gaulle qui introduisit un autre style architectural incompatible avec nos traditions. A l’indépendance du pays, les pouvoirs publics de l’époque reconduisirent dans la précipitation, sans aucune étude et sans prévoir les conséquences désastreuses de leur décision, les règles juridiques édictées par l’ancien occupant et les mêmes orientations urbanistiques et architecturales contenues dans le plan de Constantine. Le choix de ce plan élaboré conformément à une vision qui renie les spécificités culturelles de notre pays ou, si l’on peut dire, entraîner la rupture avec notre passé et nos traditions, eut un impact négatif sur notre environnement et surtout sur notre identité qui fut complètement ignorée, cédant la place à une modernité importée malgré les discours mettant en exergue notre patrimoine et nos valeurs. Cette politique eut pour conséquence le désintéressement, voire l’abandon total de notre héritage. Les résultats sont visibles aujourd’hui : médina mise en cause, amputée d’une grande partie de son corps, déstructurée est dans un état de délabrement très avancé.

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Nait Amar La référence à notre patrimoine aussi riche que varié aurait du nous amener non pas à calquer l’Occident ou autre mais à harmoniser modernité et tradition qui auraient permis d’enrichir notre culture et de sauvegarder notre identité. Cette « désidentification » qui n’a pas eu d’effet sur notre personnalité s’explique par : -

Une gestion technocratique centralisée éloignée des réalités du terrain.

-

L’absence de sensibilisation et le manque d’orientation de la société civile.

Par ailleurs, l’exode rural, la poussée démographique, la détérioration du vieux bâti et d’autres phénomènes sont à l’origine d’une crise aigue du logement et à travers elle une crise de la ville et de la société qui eut pour effet : 1. La prolifération de bidonvilles et des constructions illicites sur des terrains non aetificandi compensant ainsi le déficit accusé par la construction de logements. Les nouvelles constructions de grands ensembles (Z.H.U.N) et les habitations individuelles représentées par un style des années 50 ont complètement négligé la référence culturelle à laquelle est attaché notre pays. Il s’agit en fait d’une production urbanistique pauvre et désolante exprimée par un modèle importé par les concepteurs. Ce type d’habitat a défiguré l’environnement et provoqué une rupture avec le tissu traditionnel. La description de ces constructions faite par feu Tahar Djaout est très significative, je cite « les gros ensembles comme les constructions individuelles s’élèvent un peu partout, rarement agréables à l’œil, rongeant comme d’immenses verrues le paysage urbain ou le prolongeant en un désolant entassement de cubes. Et (signe des temps ?) les ensembles d’habitations posés ça et là en toute hâte n’ont même pas eu le temps de se voir attribuer un nom qui les humanise. Nous assistons à l’émergence de véritables cités numériques : cité des 628 logements, cité des 800 logements… ». Toutes les réalisations ont conduit à l’éclatement de la ville et à l’apparition de cités anonymes disséminées ça et là sans aucune cohésion urbanistique ou sociale et sans aucune qualité architecturale, aggravant ainsi les fractures sociales. Les logements attribués dans ces grands ensembles conçus, réalisés et achevés parfois dans la précipitation ne sont pas attrayants. En effet, si l’attrait pour le logement dans ces types d’habitation a été extrêmement fort et était considéré comme un signe de progrès urbain et social, on s’est vite rendu compte qu’il n’offre pas un lieu adapté aux exigences des habitants. En effet, selon une enquête menée en 2001 dans les grands ensembles de l’Est algérien par Rouag-Djenidi, les espaces spéciaux de l’appartement moderne apparaissent comme inadaptés à nos traditions et coutumes, les habitants, dans leur majorité, s’appropriant celui-ci selon un modèle conservateur et reproduisant les pratiques spatiales de l’habitat traditionnel. 2. La médina de Constantine, blessée par l’usure des siècles et l’arrogance des hommes, est devenue, par le laxisme, le laisser aller et le manque d’intérêt, un lieu où se concentrent des difficultés ou des problèmes multiples auxquels doivent faire face l’ensemble des occupants et des services spécialisés. D’aucuns prétendent que d’âge très affirmé, ce symbole vivant de la culture arabomusulmane, mémoire de tout un peuple, surdensifié, livré à lui-même sans aucune protection, cumulant les manifestations très avancées de la précarité, n’est plus en mesure d’être sauvegardé. N’offrant plus aucune commodité, perçue comme un espace difficile à gérer et incompatible avec les exigences de la modernité, occupée par une population très dense dont la plupart des individus sont d’origine rurale, démunis de ressources, la médina perd chaque jour qui passe des pans entiers de son corps. Non seulement les occupants aux moyens dérisoires ne peuvent fournir aucun effort pour préserver ce patrimoine, mais ils préfèrent procéder à la démolition pour leur permettre d’accéder à un logement social dans les nouvelles cités. Souvent, une seule démolition provoque l’ébranlement des murs des constructions mitoyennes et entraîne parfois dans son sillage leur écroulement. Une expertise effectuée en 2003 sur 1549 constructions a donné les résultats suivants :

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ETAT DU BATI

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NOMBRE DE

%

CONSTRUCTIONS Bon

356

23

Moyen

812

52,40

Mauvais

257

16,60

En ruine

124

8,00

TOTAL

1549

100

Si aucune mesure n’est prise pour sa sauvegarde, ce grand ensemble traditionnel, espace sensible, modeste mais très important par l’héritage qu’il transmet et par la vie urbaine qu’il perpétue risque de disparaître et priver l’Algérie d’un pan entier de sa culture et de son histoire.

CONCLUSION Bien commun, instrument de références au travers duquel se reconnaît et s’identifie tout un peuple, le patrimoine représente les valeurs, les traditions auxquelles sont attachés les individus. L’histoire du patrimoine de l’Algérie en général et de Constantine en particulier est faite d’une série de successions et de ruptures correspondant aux diverses civilisations qui se sont succédées. Chaque occupant du Rocher de Constantine, véritable muraille naturelle qui servit, durant des siècles, de rempart de la cité, a mis sur les décombres de celui qui l’a précédé, son propre système de développement totalement différent de celui qui l’a devancé. Ainsi ont agi les Romains qui, non contents d’avoir cherché à effacer, sans résultat, toutes les traces des prédécesseurs mais ont entrepris, sans succès, de dépersonnaliser les autochtones en les encourageant à se « romaniser » et à se convertir au Christianisme. Contrairement aux Romains, les Arabes et les Ottomans s’approprièrent les restes des vestiges légués par les précédentes civilisations et l’adaptèrent progressivement aux spécificités de la cité arabo-musulmane. Cependant, en quelques années seulement, les colons français, dédaignant la culture et le style architectural qui leur sont étrangers, déployèrent, sans parvenir entièrement à leurs fins, tous les moyens pour effacer tout ce qui symbolise la culture locale. En effet, ils prirent possession de la médina, percèrent des axes, substituèrent des constructions neuves de type colonial occidental aux petites maisons autochtones et édifièrent à la périphérie de grands quartiers colossaux, à la fois à des fins de contrôle de l’espace et aussi d’affirmer leur suprématie et procéder à la séparation des deux communautés qui n’avaient aucun lien entre elles : les autochtones confinés dans ce qui reste de la médina, d’un côté, les colons de l’autre, donnant ainsi à la ville une double identité tout à fait opposée. Ce caractère hybride de la cité créé par la colonisation française avait pour objectif de déprécier le modèle traditionnel et de mettre en valeur sa culture qu’elle considérait supérieure et plus riche que celle des colonisés. Ce jugement de dépréciation du patrimoine fit son chemin même après l’indépendance. Certains courants dévalorisèrent l’ancien qu’ils considéraient comme « vieux », vétuste et dépassé en s’appuyant sur le fait que la médina cumule les manifestations du sous-développement avec ses problèmes de surpeuplement et d’inconfort. Cette vision qui a tant décrié ce symbole eut pour effet le départ progressif de beaucoup d’occupants pour prendre possession de logements dits modernes calqués sur le schéma occidental ne répondant point à notre mode de vie, et céder la place à des ménages issus des bidonvilles ou de la campagne. Très limités dans leurs moyens matériels, certains fort nombreux se contentèrent de prendre en location, non pas toute la bâtisse, mais une seule pièce. Les nouveaux arrivants dont le nombre dépasse de beaucoup celui des anciens habitants ayant déménagé, firent subir à la médina une importante charge humaine qui finit par aggraver son degré de mutilation et par mettre son existence même en péril. Le modèle mis en application en 1962, dérivé d’une tendance qui ignore l’appartenance à une société ou à un lieu précis, ne reflétait aucune identité et n’avait aucune référence historique et ne reposait sur aucun système culturel. Les spécificités géographiques certaines de Constantine, ses accumulations urbanistiques et architecturales sont à la base de la situation complexe dont souffre le patrimoine confronté à la

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Nait Amar difficulté d’harmoniser modernité et tradition concept généreux mais difficile et contradictoire. Les générations actuelles affichent leur désintéressement du passé ou plus précisément du patrimoine aboutissant ainsi à la rupture avec les racines et les origines. Cependant, le développement durable a ouvert la voie à une nouvelle compréhension de la réalité. Il a commencé à s’imposer dans les débats et à s’incruster dans les esprits et les pratiques. Accueilli favorablement par la société civile il promet des changements concrets en redonnant au patrimoine culturel et naturel local une perception réelle de sa valeur. Une des sources de l’identité des peuples, le patrimoine devra faire l’objet d’une attention tout à fait particulière nécessitant la mise en place d’une stratégie efficace pour le préserver, en faire une culture. Pour conclure, le patrimoine ne concerne pas seulement les vieilles médinas. Il mérite d’être inclus dans les projets actuels et futurs afin qu’il puisse servir de ciment aux générations qui y trouveront leurs repères et découvriront leur véritable identité.

BIBLIOGRAPHIE 1. BENZEGOUTA M, (1999), « Cirta- de Massinissa à Ibn Badis trente siècles d’histoire » Tome 1, Édition A.P.W., p. 254. 2. BOUROUIBA R, (1978), « Constantine », Édition Ministère de la culture, p.156. 3. COTE M, (1996), « Paysage et Patrimoine », Édition Média plus, p. 319. 4. DHINA A, (1986), « Cités musulmanes d’Orient et d’Occident », Édition ENAL, p.142. 5. MERDACI A et all, (2005), « Constantine, citadelles des vestiges », Édition Média plus, p.188. 6. PAGAND B, (1988), « La médina de Constantine : de la cité traditionnelle au centre de l’agglomération contemporaine » thèse de Doctorat, Université de Poitiers, p. 355.

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Les ambiances environnementales de la médina : Le patrimoine oublié A. BELAKEHAL, A. FARHI LACOMOFA (Laboratoire de Conception et de Modélisation des Formes et des Ambiances Urbaines et Architecturales), Département d‟Architecture, Université KHIDER Mohamed Biskra, Algérie

INTRODUCTION Rarement manifeste dans les écrits et les travaux d‟architectes, la dimension sensorielle des vieilles cités du monde arabo-musulman est presque omniprésente dans les œuvres littéraires et les récits de voyage. Ces derniers nous révèlent d‟autres aspects simultanément connus et nouveaux, vraisemblablement évidents mais encore très peu parcourus. Relevant d‟aspects associés au cadre bâti et aux fonctions qu‟il enserre, les dimensions sensorielles demeurent pourtant singulières. Elles mettent en exergue ce que l‟expérience ordinaire de tout simplement parcourir une ville peut dévoiler comme point focaux. Même si ces derniers sont parfois immatériels, les sens de l‟homme sont les premiers à les reconnaître. Dans les vieilles cités, médina, ksar et autres, la vue, l‟odorat, l‟ouie, le goût et le toucher sont en contact perpétuel et variable avec des éléments de l‟environnement physique naturel de ces lieux en l‟occurrence, le soleil avec sa chaleur et sa lumière, le vent et la pluie avec le rafraîchissement qu‟ils occasionnent et les odeurs qu‟ils dégagent ou transportent. Il en est de même avec ceux de l‟environnement physique artificiel tels que les sons, bruits, parfums, objets colorés…etc. Penser à sauvegarder de tels lieux sans pour autant réfléchir à faire revaloir de tels caractères correspondrait à leurs préserver le corps et en compromettre l‟âme. Ce n‟en est certes pas des tâches des plus aisées mais la volonté et l‟effort sont astreignants. L‟adoption d‟une approche appropriée est fondamentale pour une telle action. La notion d‟ambiance est celle qui lui s‟apparente le mieux de par son association à un cadre construit spécifié.

DE LA NOTION D’AMBIANCE : Le terme ambiance indique un milieu qui nous entoure, qui nous environne, enfin un contexte dans lequel on se localise. Cet environnement peut être physique aussi bien que moral [Larousse, 1986]. Il s‟agit ainsi d‟une situation qui peut réunir un environnement et la (ou les) personne qui s‟y trouve. Les travaux sur les ambiances dans le domaine de la discipline architecturale, fournissent des éléments de définition encore plus profonds sur cette notion [Amphoux et al, 2004 ; Amphoux, 1998 ; C.R.A., 1998 ; Lassance, 1998]. Ils insistent, d‟une part, sur les aspects sensoriels naissant d‟un certain stimulus physique considéré comme un signal (un bruit, une odeur, une lumière…). Ce signal qui n‟a pas de signification en soi sauf s‟il est perceptible. Ces stimuli ont été définis, par d‟autres chercheurs auparavant, comme besoins humains fondamentaux susceptibles de devenir des éléments conceptuels [Broadbent, 1988 ; Hall et Reed Hall, 1990]. D‟autre part, il est porté une attention sur le comportement des usagersréceptifs du signal, dans la mesure où l‟architecture est non seulement une forme visuelle mais aussi habitée, vécue, investie. Egalement, l‟ambiance dans un espace architectural n‟est pas singulière et se réfère à un seul genre de signaux mais elle est plutôt multiple (olfactive, lumineuse, sonore…). Ceci caractérise cette notion d‟une complexité incontournable. De même, ces études ont montré l‟impact du contexte dans la caractérisation d‟une ambiance. Le contexte agit en tant qu‟environnement intérieur ayant des propriétés morphologiques et / ou spatiales précises, en tant qu‟environnement physique extérieur engendrant des stimuli spécifiques ou bien par le biais de l‟usager, individu aux traits propres dépendant aussi de son milieu culturel, social et aussi climatique. Enfin, un souci particulier est attribué à l‟espace architectural et qui est essentiellement dû au fait que c‟est l‟espace construit, architectural ou urbain soit-il, qui y est l‟objet d‟étude.

A.Belakehal

Cette notion apporte certes des éléments nouveaux pour l‟étude des stimuli physiques au sein des espaces construits dont l‟exigence de la plurisensorialité. Néanmoins, c‟est la prise en compte de l‟espace architectural comme paramètre influent dans la caractérisation d‟une ambiance qui la distingue des autres approches se penchant sur le même problème. Elle diffère sur ce point particulier, par exemple, de l‟ergonomie de l‟environnement qui s‟intéresse principalement aux caractéristiques humaines physiologiques [Parsons, 2000] et de la psychologie de l‟environnement qui se base sur les aspects psychosociologiques de l‟individu [Fischer, 1997]. Dans l‟une ou l‟autre discipline, l‟espace physique construit (environnement architectural ou urbain) est investi de manière très indirecte voire superficielle. C‟est un environnement parfois localisé mais dont les caractéristiques spatiales ou morphologiques ne sont pas prises en compte et ne constituent pas un objectif en soi pour les études appartenant à ces disciplines. Or, Rosenman and Gero [1998, p.164] affirment que „les individus, en vue de satisfaire leurs besoins (réels et perçus), créent des objets qui à leur tour constituent des environnements technico-physiques ou artificiels interagissant avec l‟environnement naturel et l‟environnement socioculturel de manière à ce que chaque environnement influence et est influencé par l‟autre environnement‟. A ce titre, l‟espace architectural, où vivent les individus, est un environnement artificiel (construit) qui répond pleinement aux conditions de l‟environnement naturel (climat, topographie…) et aux exigences de l‟environnement socioculturel. Ainsi, il serait donc possible de définir l‟ambiance comme une interaction complexe d‟influences réciproques entre (Figure 1):  Contexte du lieu où se situe l‟espace architectural (climat, culture, société)  Espace architectural (conformation, activités ou usage…)  Environnement physique relatif au stimulus (thermique, lumineux, sonore, olfactif, aéraulique…)  Usager (perception et comportement)

CONTEXTE Climat, Culture, Société

USAGER Perception, Comportement

ENVIRONNEMENT PHYSIQUE Stimulus

ESPACE ARCHITECTURAL Conformation, Activités

Figure 1 : Le modèle conceptuel de l‟ambiance : Une interaction complexe d‟influences entre : contexte, espace architectural, environnement physique et usager (Source : Belakehal, 2007).

LES AMBIANCES DANS LES MEDINAS : CE QU’EN DISENT LES TEXTES L‟examen, sans qu‟il soit exhaustif, des ressources littéraires et historiques nous renseignent pleinement sur les ambiances jadis caractéristiques des espaces urbains des médinas ou autres vieilles cités dans le monde arabo-musulman. L‟auteur du texte illustre bien le cas de cet usager en face d‟un environnement physique spécifié par un ou plusieurs stimuli. Il serait également possible

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que l‟auteur soit tout simplement rapporteur des conduites perceptives et comportementales des gens de son époque. Ce qui importe le plus c‟est que, dans ces textes, le rapport sensoriel de l‟homme aux stimuli caractérisant son environnement est explicitement repérable. Dans ce qui suit, et à travers quelques fragments de textes issus d‟œuvres littéraires et d‟un récit de voyages, les ambiances de la médina seront identifiées, catégorisées en définissant leurs composantes à savoir le stimulus en question et l‟espace architectural ou urbain en termes de conformation architecturale et d‟activité. Les textes de voyageurs indiquent que les ambiances sont tantôt distinguées tantôt mêlées les unes aux autres. A Alger par exemple (Figure 2), une ambiance visuelle est distinctivement soulignée : „la couleur, enfin, c‟est le blanc, un blanc de chaux éclatant, qui revêt la maison de la base au sommet‟ [Baraudon, 1893, p.32], une autre lumineuse „partout les jeux de lumière les plus inattendus illuminent ce chaos, avivés encore par des entourages d‟ombres‟ [Baraudon, 1893, p.36], également une ambiance sonore „A côté de ces rues tranquilles et silencieuses comme des allées de nécropole, sont des rues commerçantes plus animées‟ [Baraudon, 1893, p.36], et enfin olfactive „…vous vendent (les marchands) …..des bouquets de fleurs de poivrier dont l‟odeur âcre monte au cerveau comme un parfum capiteux‟ [Baraudon, 1893, p.37]. Les ambiances du vieil Alger s‟entremêlent aussi tel que nous le montrent les récits ; sonore et lumineuse : „le quartier est paisible et les pas résonnent silencieux dans le mystère des porches ombreux‟ [Baraudon, 1893, p.33], visuelle et sonore „on voit tout à coup, devant soi et dans toutes les directions, s‟ouvrir des ruelles désertes, qui s‟enfoncent avec lenteur à travers ces masses de blancheur étranges, et semblent conduire vers le pays du mystère et de l‟éternel silence‟ [Baraudon, 1893, p.33], olfactive et sonore „Des rôtisseries en plein vent occupent les angles, et quand on passe, l‟odeur des viandes chaudes se mêle à l‟arôme des fruits mûrs. Incessant le va-et-vient de tout le peuple ; effroyable, la vacarme que font les cris, les imprécations qui s‟échangent en toutes les langues‟ [Baraudon, 1893, p.30] mais aussi lumineuse, aéraulique et olfactive „des faisceaux de ruelles et d‟impasses mêlées en un tricot inextricable, claires ou obscures, aérées ou puantes‟ [Baraudon, 1893, p.31],

Figure 2 : Une vue révélant les ambiances d‟un quartier résidentiel du vieil Alger : visuelle par la clarté du blanc des constructions, lumineuse par le jeux de clair-obscur et sonore par le silence occasionné par la faible présence de passants (Source : Anonyme, sans date).

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A.Belakehal Ceci n‟est pas spécifique à Alger, le même chroniqueur fait part d‟autant d‟ambiances à Tunis (Figure 3). Elles sont également citées individuellement, visuelle „Devant cette gamme audacieuse de tous les tons connus, en présence de cette débauche voluptueuse des teintes vives ou amorties, l‟œil reste indécis, ébloui, fasciné, comme si, du centre d‟un kaléidoscope, il voyait les couleurs les plus diverses passer en un tourbillon fantastique, se mêler et former un immense voile, panaché de mille nuances, agité de mille frissons, éclairé de mille feux, que de place en place les ors fauves ou les argents clairs piqueraient de reflets éclatants‟ [Baraudon, 1893, p.246], également sonore „Au souk du cuivre, le martèlement des coups fait un tintamarre effroyable‟ [Baraudon, 1893, p.245], et aussi olfactive „De là, descend la rue des parfums, entre ses boutiques minuscules pleines de senteurs délicieuses. L‟Oriental aime les parfums….il en inonde ses vêtements, sa barbe…. Cela fait des traînées odorantes par les rues‟ [Baraudon, 1893, p.245] ; elles peuvent aussi simultanément sonore et lumineuse „Au bout de la rue des Etoffes, longue et silencieuse, qui prend naissance à l‟avenue BabDjedid, s‟ouvre le souk du même nom, bruyant et tout rempli d‟irradiations multiples. De la voûte faite de planches gondolées et disjointes, tombe la lumière en une infinité de petites raies blanches, minces et ténues comme un fil d‟argent‟ [Baraudon, 1893, p.245-246],

Figure 3 : Anciennes vues de deux souks de Tunis (Source : Anonyme, sans date) Il n‟en est pas autrement dans les cités orientales du monde arabo-musulman. Les descriptions du Caire attestent l‟existence de telles diverses ambiances : „la ruelle que nous choisissons est déserte, silencieuse et si étroite….. On y marche sans bruit dans une ombre douce qui remonte le long des murs et va se perdre en vives et capricieuses déchirures dans les nappes de la lumière que le ciel verse à flots sur le faîte des maisons‟ [Rhoné cité par Depaule, 1985, p.20], ou encore Parfois, dans le silence,….toujours on croit saisir au passage quelque bruit étouffé : rire moqueur…‟ [Rhoné cité par Depaule, 1985, p.30]. Les ambiances des vieilles villes sont reprises comme caractéristiques de lieux où se déroulent des scènes relevant de l‟identité même de ces cités. Tewfik el Hakim signale cette ambiance thermique régnant au Caire ancien „ Le soleil était déjà haut et la chaleur se faisait de plus en plus forte‟ [Cité par Depaule, 1985, p.35]. Lumières et sons de Damas sont aussi présents dans un écrit de Zakariya Tamer : „Alors qu‟il s‟éloigna rapidement de son quartier aux sombres venelles pour gagner les avenues…..Ses oreilles résonnaient des invites de marchands vantant leurs articles‟ [Cité par Depaule, 1985, p.101]. Le journaliste et écrivain Amin Maalouf ne manque pas de décrire dans différents de ses ouvrages de pareilles ambiances dont les suivantes ne sont qu‟à titre illustratif : „Avant Fès, je n‟avais jamais mis les pieds dans une ville, jamais observé ce grouillement affairé des ruelles, jamais senti sur mon visage ce souffle puissant comme le vent du large, mais lourd de cris et d‟odeurs [Maalouf, 1986, p.91], „De la fenêtre, me parvenaient à nouveau des bruits palabres de vendeuses, crissements de paille, tintements de cuivre, cris de bêtes, ainsi que des odeurs portées par le vent léger mais frais‟ [Maalouf, 1986, p.173], „J‟étais comme frappé d‟éblouissement, je voguais à la dérive, d‟une rue à l‟autre, d‟un souk à l‟autre, à moitié inconscient, respirant le sofran et le fromage frit, entendant comme dans un vacarme lointain les cris des vendeurs qui me sollicitaient‟ [Maalouf, 1986, p.242] ou encore „Pour abrite les passants du soleil et de la pluie, l‟avenue et les ruelles avoisinantes sont entièrement couvertes d‟un plafond de bois qui s‟élève, aux carrefours, en de hautes coupoles de stuc. Au coin des allées, notamment celles qui mènent aux souks des fabricants de nattes, des forgerons et des marchands de bois de chauffage, les Alépins devisent devant les nombreuses

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gargotes qui, dans une persistante odeur d‟huile bouillante, de viande grillée et d‟épices, proposent des repas à des prix modiques.. [Maalouf, 1983, p.106].

LES AMBIANCES DANS LES MEDINAS : UN ESSAI DE SYNTHESE Procédant aux recoupements entre les composantes du modèle de l‟ambiance (Figure 1) révélées par les textes précédemment présentés, il a été possible de dégager six catégories d‟ambiances présentes dans la médina: i) visuelle, ii) lumineuse, iii) aéraulique, iv) thermique, v) sonore, et vi) olfactive (Tableau 1). Chacune des ces ambiances est suscitée à la base par un stimulus distinct. Ce dernier peut varier pour le cas d‟une conformation à l‟autre de même qu‟en fonction de l‟activité prégnant dans l‟espace architectural. Pour le cas de l‟ambiance visuelle, la couleur uniforme et éclatante est le principal stimulus dans les rues résidentielles tandis que celle vive et richement nuancée est celle qui cause le plus d‟attraction dans les espaces urbains destinés aux commerces. Celle sonore contraste entre un état de silence presque absolu dans les quartiers résidentiels à celui de vacarme spécifique aux rues commerçantes. Pour le cas de l‟ambiance olfactive, le stimulus diffère selon qu‟on soit dans une quartier résidentiel où se propagent les odeurs de jasmin et autres arbres depuis l‟intérieur des maisons ou bien que l‟on traverse une des rues des souks où sont fortement ressenties les odeurs de produits de l‟homme tels que les essences de parfums, les encens ou les odeurs des épices, des repas divers. L‟ambiance thermique relève de l‟exposition ou non au soleil et à sa chaleur. Alors que la dernière est fortement associée à celle lumineuse, la dernière est très beaucoup plus influencée par les mouvements d‟air et l‟exposition aux vents frais. Il est à noter que certains lieux de la médina sont caractérisés par leur humidité en raison de la présence de points d‟eaux aux formes diverses (fontaines, salsabils…). Ambiance

Stimulus Couleur uniforme éclatante

Visuelle

Lumineuse

Couleur vive, richement nuancée…) Lumière naturelle (Alternance du sombre au clair)

Conformation Espace urbain légèrement couvert Espace urbain amplement couvert Espace urbain

Aéraulique

Air, Vent

Espace urbain

Thermique

Soleil (chaleur et fraîcheur)

Espace urbain

Silence (chuchotement…) Bruit (cris des vendeurs…) Parfums (d‟arbres) Parfums (épices, cuisson…)

Espace urbain Espace urbain Espace urbain Espace urbain

Sonore Olfactive

Activité résidentielle commerciale Résidentielle et/ou commerciale Résidentielle et/ou commerciale Résidentielle et/ou commerciale Résidentielle commerciale Résidentielle commerciale

Tableau 1 : Tableau synthétique des ambiances de la Médina en respect des composantes du modèle de l‟ambiance (Source : Belakehal et Farhi, 2008)

L’AMBIANCE, LE PATRIMOINE OUBLIE : La lecture des textes réglementaires algériens révèle la non prise en compte des aspects d‟ambiances [JORA n° 40, 1998]. Ces derniers font, généralement, état d‟absence dans les divers travaux de recherche d‟académiciens nationaux ou internationaux concernés par des tissus urbains comparables à ceux des médinas algériennes. L‟examen des communications présentées dans les évènements scientifiques anciens ou récents montre que les ambiances ne sont pas citées en tant que telles [Dubai Municipality, 2007 ; ERA 706, 1982 ; A.K.A.A., 1986 ; A.K.A.A., 1984]. L‟accent est mis plutôt sur les formes et parfois sur les activités du patrimoine d‟un point de vue historique, de gestion et /ou économique.

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A.Belakehal Ceci n‟est pas sans lien avec les ambiances mais les solutions souvent recommandées se limitent à un seul cas des ambiances, en l‟occurrence celle visuelle, comme elles peuvent porter sur les autres ambiances mais non sans altérations. Une intervention affectant les activités, par exemple, entraîne souvent l‟inadéquation de certaines ambiances pour des lieux particuliers et une incohérence d‟ordre environnemental. Il est souvent le cas de s‟apercevoir que l‟harmonie visuelle jadis caractéristique des quartiers résidentiels est remplacée par une ambiance visuelle différente où les couleurs vives des produits de commerce sont trop dominantes. C‟est aussi le cas de l‟ambiance sonore. Le bruit intense se substitue au silence des rues résidentielles et défigure ainsi une des plus fortes caractéristiques immatérielles de la médina. Des précautions sont donc à prendre et à associer à tout effort de sauvegarde consacré aux tissus urbains anciens qui demeure un acte de bravoure en soi. Les visions doivent être progressistes même si l‟on est en face des profondes, complexes et diverses mutations. A ce sujet, et depuis plus de vingt ans, Jacques Berque a dit „Cité du soleil, elle sera encore cité de l'ombre: une ombre que non seulement des places encloses dans les quartiers, mais le lacis curviligne des voies secondaires, les cours intérieurs, les brises-soleil des façades, d'autres aménagements encore, qu'autorise la technique actuelle, recréeront l'ombre et le clair-obscur par rapport aux zones ou régnera systématiquement le jour. Sans doute la Médina restera-t-elle, fidèle aux motifs esthétiques que commande sa forme de sensibilité, mais elle ne s'y bornera nullement. Plus important sera pour elle que ses urbanistes, architectes, peintres, sculpteurs, ornemanistes brouillent la diffusion académique des genres et imaginent des formes qui du volume au plan et des structures à l'enjolivure organisent une série de rappels se renvoyant les uns aux autres‟ [Berque, 1984, p.224].

DES AMBIANCES ‘PATRIMONIALES’ RETROUVEES Certains projets de sauvegarde de tissus urbains anciens, engagés dans des pays proches de l‟Algérie, démontrent la faisabilité d‟une revalorisation et d‟une revivification des ambiances de la médina et particulièrement de ses espaces urbains [Serageldin, 1989 ; A.K.A.A., 1985]. Ces projets ont été primés dans le cadre du Prix de l‟Aga Khan pour l‟Architecture et sont : i) conservation de la vieille ville de Mostar, ii) restauration du quartier Dirb Qirmiz au Vieux Caire, iii) rénovation du quartier de Hafsia à Tunis, et iv) réhabilitation que la ville d‟Assilah. Ces projets ont englobé des opérations de conservation d‟anciennes bâtisses de même que l‟introduction de nouvelles constructions. Les activités se trouvant initialement sur les sites ont été revalorisées parfois même développées. Les enseignements à tirer de ces cas particuliers dépassent bel et bien l‟ambiance visuelle acquise au moyen de la restauration des bâtisses et des espaces extérieurs. En effet, le bruit de l‟eau coulant de la fontaine d‟Abd al-Rahman Kathuda à Dirb Qirmiz de mais également les cris des vendeurs à Souk el-Hout au quartier de Hafsia à Tunis ne sont qu‟une modeste illustration d‟une re-création de l‟ambiance sonore „médinale‟ spécifique aux rues commerçantes. D‟autre part, les maisons aux couleurs blanches et aux patios fleuris nouvellement construites dans le quartier Hafsia font re-générer ces ambiances, à la fois, visuelle, sonore et olfactive. Egalement, les pierres dont été revêtues les façades et pavées les rues du Vieux Mostar offrent une ambiance sonore rythmée par le bruit des pas et une autre tactile grâce à la rugosité des surfaces de façade. A Assilah, l‟ambiance visuelle connut une évolution en rajoutant à la blancheur des façades les couleurs de tableaux à caractère artistique révolutionnaire aux yeux des médinois. En Algérie, diverses opérations de sauvegarde ont été opérées et où l‟ambiance visuelle est celle qui a eu le plus de succès (Figure 6). Les exemples des Ksours du Sud de même que les travaux engagés dans la Casbah d‟Alger sont assez révélateurs à ce sujet. Dans les ksour, l‟ambiance visuelle est seule retrouvée, les habitants quittant ces lieux il serait des plus difficiles d‟y re-générer les autres. A Alger, la partie sauvegardée de la partie basse de la Casbah, informe sur cette sonore silencieuse, dont été réputé les anciens quartiers résidentiels, et ce en dépit des nouvelles fonctions qui y ont été introduites.

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Figure 4 : Vues de tissus urbains anciens ayant subi des opérations de sauvegarde : Casbah d‟Alger, en haut à gauche, Le Ksar de Moghol (Bechar), en bas à gauche et la Casbah de Ouargla, à droite (Source : Belakehal et Farhi, 2008).

CONCLUSION Cette recherche apporte un nouveau regard sur la question du patrimoine urbain et/ou architectural et sa sauvegarde. Celui-ci émerge du souci de revivifier l‟esprit de cet héritage et non seulement revaloriser ses formes construites. La notion d‟ambiance a été adoptée en vue d‟explorer ce qui fait l‟âme des médinas et des vieilles villes dans le monde arabo-musulman. Il s‟est avéré que les ambiances de la médina sont multiples et se manifestent distinctivement ou bien entremêlées selon la conformation et l‟activité. A cet effet, toute action sur ce genre de tissu urbain devra porter l‟attention nécessaire afin qu‟il n‟a y ait pas d‟altérations profondes et significatives sur le caractère ambiant des espaces de ces tissus. Les opérations de sauvegarde qui ont remis en exergue certaines des ambiances „médinales‟ ne constituent à présent qu‟un préambule à des actions menées sous l‟angle des ambiances. Divers développements sont nécessaires et doivent être mis sur pied. A cet effet, une réglementation portant sur les conformations, les activités de même que la caractérisation des environnements physiques (lumineux, thermique, sonore,…) relevant des ambiances médinales est plus qu‟incontournable.

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La médina de Annaba : pour quelle nouvelle stratégie d’intervention ?

M. KABOUCHE Architecte HMONP, Doctorante "Urbanisme et architecture" Institut d’Urbanisme de Grenoble, Université Pierre Mendès France

LA MEDINA DE ANNABA : "ENJEUX ET DIFFICULTES" La médina de Annaba est un espace marqué par l’histoire dans toutes ses dimensions. Un lieu de la mémoire urbaine, d’héritage culturel, et de savoir-faire architectural et urbanistique, elle est perçue par les hommes politiques de deux manières : comme lieu de richesse patrimoniale et historique à préserver, mais aussi en tant qu’obstacle à la modernisation de la ville. Ayant perdu sa vitalité économique, ce tissu ancien est souvent exclus des circuits modernes, voire "bazardisés", et soumis à des fonctions d’accueil et de logement d’une population majoritairement pauvre. Le surpeuplement et la pauvreté des couches sociales qui y résident ont contribué à la dégradation de son cadre bâti et à la dévalorisation de son image sociale. Ce tissu historique témoigne de notre héritage urbain à travers le temps et se trouve comme les autres cités traditionnelles algériennes dans une situation critique ; et ce, en dépit des atouts qu’il recèle dans sa forme et ses pratiques. En effet, ce morceau de ville recouvre les caractéristiques d’un patrimoine architectural et urbain particulièrement riche (éléments architecturaux et architectoniques, tissu diversifié et homogène). Et ce, malgré les menaces et les risques de disparition certaine face aux facteurs de destruction qui agissent sur lui aujourd’hui : dysfonctionnement et déséquilibre (spatial, démographique, social, économique, urbain). La politique de sauvegarde à Annaba est presque inexistante. De même pour les acteurs, qui sont généralement issus du secteur public. Les opérations de conservation entreprises jusque là restent superficielles, incohérentes et combien isolées. Ces mêmes opérations timides, et d’ailleurs anarchiques, se sont soldées par un résultat insatisfaisant sur la pérennité de ce tissu et n’ont fait qu’aggraver la situation. Etant donné la spécificité de cette entité urbaine, les processus engagés jusque-là n’ont pas permis d’appréhender la réalité du quartier sous tous ses aspects. La définition des politiques patrimoniales demeure complexe et difficile et exige une étude plus approfondie pour apporter des changements positifs à ce tissu en particulier et à l’ensemble des médinas algériennes en général. Notre travail s’inscrit dans une démarche de réflexion gravitant autour de la problématique de l’espace ancien, son évolution et durabilité. Les questions qui se posent, se situent à trois niveaux complémentaires : Comment requalifier et redynamiser cette entité urbaine spécifique (ou singulière) ? Comment promouvoir une forme urbaine et architecturale évolutive tout en étant respectueuse de l’héritage patrimonial ? Comment peut-on introduire une architecture contemporaine qui s’insère dans le tissu traditionnel et qui tient compte à la fois des qualités et des spécificités de la médina, des expériences sensibles et des usages et pratiques actuelles? Autant de questions sur lesquelles nous essayerons d’orienter la réflexion en abordant quelques aspects découlant de l’observation du terrain choisi. Ainsi, à travers le cas de la médina de Annaba, nous tenterons de comprendre les raisons de la situation critique dans laquelle se trouve les médinas algériennes afin de mieux approcher leurs devenirs.

LA MEDINA DE ANNABA : ENTRE TRADITION ET MODERNITE La médina, un art de bâtir Il apparaît nécessaire, dans l’optique d’une évolution de la ville algérienne de chercher dans ses tissus traditionnels les particularités et les spécificités les plus originales, les plus efficients et les plus vivaces, tout en essayant de les adapter aux besoins nouveaux (confort, exigence sociétale, économique, esthétique…). Dans sa nouvelle démarche de penser la ville à la recherche d’une solution au chaos qualitatif esthétique des villes contemporaines, C. Sitte puise dans l’histoire afin de

M. Kabouche dévoiler les secrets et les principes de l’harmonie et de la beauté des villes anciennes. De ce fait, le passé est toujours présent pour nourrir les labeurs du futur. Cette réflexion globale sur la ville donne à la démarche patrimoniale un caractère qui ne se limite pas à la préservation de la forme physique des quartiers anciens et qui travaille sur tous les paramètres (politique, économique et sociale) ; ceci leur permet de perdurer et d’évoluer dans la structure urbaine où ils se trouvent.

Présentation générale et identification de l’aire d’étude Quatrième ville d’Algérie, Annaba est située à 600 Km de la capitale Alger, en bordure de mer à l’Est du pays, dans l’Ouest du golf Khelij El Morjaine, plus connu sous le nom du golf de Bône. Ouverte sur le littoral méditerranéen sur 80 Km, elle s’étend sur un terrain plat et embrasse à peu prés une surface de 1412 Km2 soit 0,06% de la superficie du territoire national. De ce fait, elle profite d’une situation géostratégique qui lui offre la possibilité d’ouverture sur l’espace international, et lui confère une position de carrefour dans les échanges internationaux Le quartier de la vieille ville de Annaba, plus connu sous l’appellation commune de "place d'armes", autrefois centre de vie très important, est situé en plein centre ville. Cette unité urbaine s’étend sur une superficie de 16 hectares, et abrite 12405 habitants en 2001. La vieille ville est implantée sur un glacis surplombant la mer, ce qui lui donne un caractère défensif. Sa pente qui diminue progressivement vers l’ouest lui assure une ouverture vers la ville. Son accessibilité se fait essentiellement par la partie basse, d’où partent six axes. La partie haute, bénéficie d’un seul accès, matérialisé par un pont métallique Son cadre bâti historique est le résultat de la superposition de deux tissus, arabo-musulman et colonial. Ce tissu présente une organisation spatiale spécifique, basé sur un réseau viaire de type organique. Les axes Est-Ouest/Sud-Nord essentiellement, scindent ce cadre bâti en quatre zones distinctes, occupant respectivement les secteurs 1,2,3,4 ; repartis dans deux parties ; Haute et basse.

La vieille ville de Annaba : Entre modernisation et mutations urbaines forcées Après la prise de la ville par l’occupation française, certaines opérations urbaines seront effectuées à l’intérieur du périmètre de la ville traditionnelle à la recherche d’une meilleure adaptation aux nouvelles exigences des occupants, mais surtout pour procéder à un meilleur contrôle des lieux. Malgré cela, la médina continue à assurer son rôle de "centre de vie" jusqu’à ce qu’elle soit dédoublée par une nouvelle ville européenne (nouveau centre urbain). Dès le départ, le tissu a subit un remodelage. Une restructuration de l’espace, qui s’est soldée par la destruction d’une grande partie du bâti. Cette destruction s’est produite de façon progressive :  La création ou l’élargissement de la place d’armes : conçue normalement pour permettre le rassemblement de l’armée, cet espace s’est substitué sur l’ancien lieu de regroupement des autochtones. L’appropriation des lieux par l’armée garantit le contrôle de la médina.  Les percées, les alignements et les élargissements des rues : ces interventions s’avèrent les plus destructrices. La sinuosité et la courbure des parcours hiérarchisés de la médina sont désormais remplacées dans certaines zones par des lignes droites. Ce qui a engendré des transformations au niveau des façades et du système viaire. Néanmoins, la hiérarchisation du système viaire persiste au niveau du tissu urbain.  L’édification de bâtiments publics occupant la plupart du temps des îlots entiers : c’est le cas de l’hôtel de ville.  L’édification de grands équipements structurants qui ceinturent la ville, dans le but de stopper son extension et de mieux la contrôler. La médina de Annaba avec ses cohérences et ses particularités, ne pouvant pas s’inscrire dans les préoccupations des nouveaux planificateurs, se trouve marginalisée et complètement désarticulée de l’ensemble de la ville. Considérée comme un vieux quartier ne répondant pas aux nouvelles normes urbaines de confort et de salubrité, elle est soit évitée, soit soumise à des opérations inadéquates qui ne font que la dévaloriser et accélérer le processus de dégradation. Cependant, on ne peut nier que certaines interventions se sont intégrées progressivement au visage et au fonctionnement de la ville jusqu’à ce que cette dernière en arrive parfois à former une nouvelle unité urbaine. Malgré tous ces changements, la médina s’est imposée à la fois dans l’histoire et dans l’espace. Quel est donc l’impact de l’occupation française sur les noyaux historiques algériens et plus particulièrement celui de Annaba ?

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L’apport colonial : multipolarité et dualités spécifiques  Un

système de noyaux hétérogène : Une des caractéristiques communes plus au moins prononcées des médinas algériennes, notamment la vieille ville de Annaba, est l’hétérogénéité des deux tissus (traditionnel et colonial). Cette composition de noyaux différents mais complémentaires (à certains niveaux) peut faire preuve d’une homogénéité extraordinaire. Un fait qui ne fait qu’ajouter à leur originalité une particularité spécifique, celle de la mixité et la complémentarité. Amalgamés ou séparés, ces noyaux peuvent se distinguer soit par la morphologie de leur tissu, soit par leur composition et leur emplacement.  Dualité culturelle : Il est évident que les médinas constituaient la première référence des traditions culturelles et religieuses. Les manifestations les plus importantes se déroulaient dans son cadre ; les activités artisanales et artistiques originales s’y perpétuent. Par rapport à ce creuset de la tradition, la ville moderne avec ses nouvelles formes urbaines souvent inspirées d’une civilisation extérieure ne présente aucune attache avec la civilisation arabo-musulmane dans sa cohérence et son unicité. Ainsi, avec ses modes de rencontres, de contacts, d’activités diverses et les nouveaux intérêts culturels, elle est devenue polycentrique. Ce qui fait passer les centres anciens au 2ème plan et les marginalisent d’avantage.  Dualité fonctionnelle : La ville ancienne s’appuie sur un ensemble cohérent de fonctions urbaines traditionnelles qui servent de base à la vie économique et sociale du tissu. Ces mêmes fonctions s’adaptent difficilement aux nouvelles orientations de la société contemporaine. En effet, cette dernière fait apparaître un certain nombre d’éléments fonctionnels liés aux nouveaux modes de vie qui s’y développent. Cette confrontation qui tend à freiner les fonctions traditionnelles devenues fragiles au fil du temps, se manifeste essentiellement par des dualités à tous les niveaux (commerces, système d’échange, système de production,…). L’apport de l’occupation française est particulièrement important sur les tissus historiques algériens notamment celui de Annaba. Ces dualités évoquées ont contribués à ré-imager (tant bien que mal) ces mêmes tissus et à leur attribuer de nouvelles fonctions. Actuellement, la structure urbaine de la vieille ville de Annaba n’a pas vu beaucoup de changements au plan spatial (voirie, contours de masse, habitat,…). Par ailleurs, un dysfonctionnement affecte l’ensemble du tissu. Certains équipements autrefois éléments structurants tels que les hammams et les hôtels ne sont plus fonctionnels (de part leur état vétuste, le manque d’entretien et l’image affichée de la vieille ville). Situation à laquelle il faut ajouter la ré-affectation inadéquate et incompatible avec le tissu des équipements (ateliers de mécanique, équipement industriel,…) au détriment des activités artisanales et des infrastructures touristiques et culturelles. Malgré toutes les transformations apportées à ce tissu urbain, l’ancienne structure urbaine subsiste encore. Ce qui fait sa force et lui permet de s’imposer en tant que tissu historique. Ce dernier nécessite plus que jamais une reconsidération et donc une requalification en se basant sur une bonne articulation entre la conservation de cet héritage et son développement.

LES DIFFICULTES A L’HEURE ACTUELLE : La médina : une forme urbaine en déclin. Le déclin des vieilles villes algériennes est un phénomène généralisé. Cette situation n’est que la conséquence de politiques urbaines globales incohérentes, inefficaces et inadéquates dans la plupart des cas. Ajouter à cela, les pratiques des usagers qui ne font qu’aggraver la situation des centres historiques (menacés de disparition). Les médinas représentent au sein des villes algériennes un patrimoine culturel et une référence identitaire et civilisationnelle, mais également un modèle urbain qui a fait ses preuves et un élément d’équilibre nécessaire dans l’évolution de la société. Malheureusement, ces entités urbaines sont perçues différemment par les urbanistes et les usagers qui pratiquent l’espace de la médina. La vieille ville de Annaba en est un cas pertinent. Elle témoigne de la situation critique que vit l’ensemble du patrimoine urbain algérien. Elle est perçue comme :  Une cité dégradée et marginalisée : Dans un contexte urbain complexe, la médina de Annaba tend à devenir une composante marginale de l’ensemble urbain. Cette entité urbaine perd progressivement de son poids dans le système productif et économique global de la ville. Son rôle devenu limité apparaît de moins en moins intégré à la vie urbaine. Ainsi ses propres structures fonctionnelles se trouvent affaiblies et ne participent plus réellement à la dynamique urbaine de la ville. Le manque d’hygiène, l’inadaptation aux exigences contemporaines et le vieillissement du cadre bâti rendent le tissu plus délicat et plus fragile. D’autres facteurs sociaux

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M. Kabouche viennent s’ajouter ; la médina est désormais habitée par des couches défavorisées aux ressources très limitées. Une situation qui place ce patrimoine dans un niveau d’intégration urbaine intermédiaire en voie de marginalisation.  Une cité de passage et de refuge : L’une des caractéristiques du noyau historique de Annaba est la sur-densification des lieux. La croissance démographique génère et généralise le processus de taudification. Souvent à la recherche d’un loyer modéré ou dans l’espoir d’avoir un logement social, ces couches généralement à faible revenu, envahissent l’espace traditionnel et le transforment selon leurs besoins. Une forme d’appropriation de l’espace qui n’est pas sans conséquence pour le devenir de ce tissu. Toutefois, il faut signaler la présence de certaines familles bourgeoises encore attachées aux valeurs traditionnelles et patrimoniales. Néanmoins, cette minorité tend à quitter ses habitations lors des changements des générations.  La médina entre destruction socioculturelle et dévitalisation fonctionnelle : La structure sociale qui est à l’origine bien organisée et hiérarchisée, se trouve bouleversée par ces changements sociétaux. L’évolution générale des mentalités, l’effritement des liens familiaux et l’atténuation du respect de certains habitants de la médina qui constitue le cadre privilégié et cohérent, participent à la dévalorisation du rôle du noyau historique dans la ville. De même, sa structure économique a subi des transformations dans ses fonctions originelles, ce qui a accentué la désarticulation et la désintégration. Quelles sont les causes de cette situation critique ?

LA MEDINA DE ANNABA : QUELLE PERSPECTIVE D’AVENIR La médina de Annaba n’est pas un espace ordinaire ; il concentre des enjeux complexes voire contradictoires (entre intérêts publics et privés, entre échelles d’intervention différentes, entre fonctions urbaines concurrentes……). Son évolution, parfois non contrôlée provoque des dérives immobilières, foncières et sociales, voire même des risques de dégradation et d’abandon. De plus, les politiques d’intervention et de sauvegarde entreprises jusqu’à aujourd’hui n’ont pas permis d’appréhender la réalité du quartier ancien dans sa globalité. La difficulté réside encore dans l’articulation entre conservation sans muséification et évolution sans oublier l’histoire. Cependant, à travers l’exemple étudié, il est apparu clairement que l’intégration, l’analogie et le contraste sont des aspects importants et primordiaux pour une éventuelle intervention urbaine qui permet au tissu de perdurer et d’évoluer sans perdre ses qualités architecturales et urbaines. Pour remédier à ces problèmes, dans les tissus anciens où des opérations importantes et complexes sont envisagées, il est nécessaire de rechercher une meilleure cohérence entre les logiques de patrimoine et de marché, et les logiques sociales. Pour ce faire, il y a lieu de s’inscrire dans une démarche de projet, caractérisée par :  L’établissement d’un bon diagnostic permettant une identification et une analyse des enjeux.  La continuité des processus de décision et la bonne hiérarchisation des modes d’intervention sur ces quartiers de valeur architecturale et historique.  L’encouragement des dispositifs partenariaux (public et / ou privé).

Déroulement de l’action : Pour assurer un développement cohérent et harmonieux, il nous semble nécessaire d’insérer la médina dans une approche globale d’aménagement de la ville de Annaba. Les opérations d’aménagement doivent être envisagées à long et moyen termes.  A long terme : Cette opération se limite à réfléchir sur le rôle de la vieille dans la ville de Annaba. Cette redéfinition d’un nouveau pôle (une nouvelle centralité) participe au développement de l’ensemble de la ville. De ce fait, elle lui permet de perdurer, d’évoluer et de s’articuler à son environnement urbain. Ce nouveau rôle actif (qui doit être une donnée de base pour la sauvegarde) au sein de la structure de la ville peut se faire par l’implantation d’équipements importants dans la continuité de la fonction du centre ville, par des points de rappel, des séquences et continuités visuelles, par la réorganisation de la circulation,…  A moyen terme : Les opérations à moyen terme permettront au tissu historique d’avoir de nouvelles données qui serviront par la suite à une éventuelle évolution (dans un nouveau contexte urbain). Elles se limiteront essentiellement à :  L’injection d’équipement de 1ére nécessité répondant aux normes d’une société contemporaine. Ceci permettra de recréer une dynamique urbaine intérieure.  La spécialisation de la médina (en matière de commerces et services).

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L’amélioration des conditions de vie des habitants qui y résident.

Intervenir sur la médina de Annaba : Les fonctions de la médina : Parmi les fonctions recensées au niveau de la médina, nous retenons principalement deux, à savoir la fonction commerciale et la fonction cultuelle. Ces fonctions qui restent l’apanage de la médina sont secondées par deux autres complémentaires : Culturelle et résidentielle.  Les fonctions principales : La force de la médina sera maintenue à travers le renforcement de ses fonctions : commerciale, culturelle et cultuelles. Ces fonctions de base, clés de l’animation de la médina, doivent être organisées puis développées. Pour cela, il faut sélectionner les activités qui seront profitables à l’héritage et qui permettront à la médina de se développer. De tous les services commerciaux recensés, il est bon de maintenir le commerce de luxe spécialisé (alimentation traditionnelle, tissus, confection, parfumerie, meubles), un artisanat régional (bijouterie, broderie, tailleur,…) et des services de qualité (hôtel, café, restaurant, pâtisserie,…). Cette liste n’est pas exhaustive, elle énumère seulement quelques branches d’activités qui rehaussent le prestige de la médina dans l’agglomération et la région. Néanmoins, il faut reléguer dans les quartiers périphériques, les activités qui ne sont pas nécessaires (ni adéquat d’ailleurs à la fonction du tissu historique), telles que : le commerce de gros, … Mais une telle démarche ne peut se concevoir sans une étude approfondie sur la solidarité des établissements de la médina.  Les fonctions secondaires : La fonction résidentielle ainsi qu’une nouvelle fonction touristique seront considérées comme secondaires. La première est indispensable pour l’animation de la médina après la disparition des usagers. Son maintien suppose la restriction de la population et la considération de ses besoins en équipements (crèche, lycée, centre de santé, commerces banaux,…). La seconde s’avère importante pour l’attractivité d’une nouvelle population qui participera au développement du secteur et des mentalités. Par ailleurs, son exagération peut faire tomber le tissu dans la muséification.

Les interventions : Si l’on veut maintenir des activités centrales et une population dans la médina, cela suppose que soit menée une politique d’intervention qui respecte cet objectif. Les éléments de cette politique d’intervention semblent être : L’évolution spatiale ; L’accessibilité ; Le cadre bâti.  L’évolution spatiale :Deux aspects susceptibles interviennent dans l’évolution du centre : Le caractère historique limite les diverses opérations et le manque de terrains et les barrières physiques limitent et bloquent l’évolution spatiale, d’où un centre à restructurer sur lui-même. Dans notre cas, l’une des carences du centre historique est la contrainte du terrain. L’évolution spatiale doit se faire par la réaffectation de nouvelles fonctions aux bâti existants et / ou par l’urbanisation des terrains susceptibles de recevoir le développement futur du centre historique (immeubles vétustes, sans grand intérêt architectural, pouvant donner lieu à un secteur de rénovation, surfaces non bâties et non affectées,…). Ainsi, l’évolution spatiale contrôlée rendra au vieux centre son unité urbanistique en reconstituant le tissu et les alignements des rues qui prolongeront une animation existante.  La circulation : Un des problèmes majeurs de la médina est celui des communications. Le réseau des voies est désorganisé ; la trame viaire primitive ne convient pas à une circulation automobile de même que le système des rues coloniales n’est plus apte à recevoir une circulation trop dense. Dans ces conditions, la réorganisation de la circulation semble être indispensable. Le trafic intense porte préjudice à la médina et contraste avec le cadre historique. Ainsi, il doit être contrôlé ou réduit au maximum et les piétons seront favorisés. A l’intérieur de la médina, ce problème se résout par des mesures de restriction de la circulation :  Contrôler la circulation par des bornes rétractables ou des badges d’accès.  Limiter le trafic de transit, ce qui signifie dévier les véhicules qui ne doivent pas obligatoirement emprunter des voies centrales de la médina.  Limiter le trafic de desserte et l’interdire dans les ruelles impraticables aux voitures. Ainsi, seront créées des zones réservées exclusivement aux piétons en modifiant le

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M. Kabouche revêtement de la chaussée et en adoptant un aménagement urbain approprié. Mais les rues piétonnes doivent laisser libre passage aux véhicules de secours, ambulances et pompiers.  Admettre les véhicules de livraison à des heures réglementées.  Interdire à des catégories de véhicules (poids lourd, …), l’entrée au vieux centre.  Interdire le stationnement le long des trottoirs. A cet effet, il faut aménager des parkings à la périphérie et en dehors de la médina. Celle-ci ne doit pas remplir la fonction d’aires de stationnement qui lui portera atteinte. Diverses mesures doivent être entreprises pour redonner au centre ville un fonctionnement harmonieux, mais, dans de telles circonstances, l’usage des véhicules automobiles doit être adapté aux exigences du milieu, au détriment des commodités qu’il offre.  Le

cadre bâti : Une analyse urbaine et architecturale détaillée de chaque îlot, profil de rue, maison, est d’une extrême importance. Elle permet de comprendre les particularités structurelles et de déterminer les règles de la mise en valeur du cadre bâti. Il semble nécessaire d’avoir recours dans ce même périmètre à plusieurs modalités d’intervention. On peut alors adopter le principe d’une opération complexe qui réunit un éventail des diverses techniques de la sauvegarde, telles que :  La restauration (de quelques maisons et édifices rares).  La réhabilitation (des maisons et des boutiques).  La rénovation (des maisons dont l’état technique ne nécessite pas une conservation).  La reconstruction (des terrains libres). Ces opérations touchent essentiellement les habitations étant donné que les besoins sont plus urgents dans ce domaine et que son amélioration constitue l’un de mes objectifs prioritaire. habitations : L’effort consenti dans ce domaine apporterait une meilleure qualité de vie aux habitants de la médina. Plusieurs actions doivent être adaptées pour réaliser l’objectif retenu :  La première consiste en une réhabilitation des logements. Cette opération ne se limite pas uniquement à une mise aux normes d’habitabilité. L’enquête relève un fort pourcentage de logements de petite taille et inconfortables. Donc, un grand nombre de logements ne disposent pas de la place nécessaire pour créer l’espace qui y fait défaut (SDB, chambre au norme,…). Il est, dans ce cas, obligatoire de recourir au regroupement de plusieurs logements, donc à une restructuration de la maison. Cette action ne désorganise pas la médina et préserve le parc ancien mais elle doit être accompagnée par d’autres possibilités qui seront envisagées sur les logements les plus vétustes.  La deuxième consiste en une rénovation, c’est-à-dire une démolition des logements vétustes et leur remplacement par des nouveaux.  La troisième consiste en une reconstruction des logements et des équipements sur les terrains libres. Ces deux dernières réponses tiendront compte du caractère des formes urbaines. Mais, dans l’immédiat, la médina a surtout besoin de solutions "d’améliorations progressives" des conditions de vie des habitants.  Les

EN GUISE DE CONCLUSION : De tout les temps, les villes ont traversé des périodes de fluctuation et de transformation qui ont laissé leurs empreintes parfois brutales, mais toujours adaptées plus au moins aux données constantes des conditions de la vie urbaine. Ces superpositions dans le cadre urbain n’ont relativement pas provoqué de graves conflits tels qu’ils apparaissent aujourd’hui. Elles ont malgré tout survécu et elles sont arrivées jusqu’à nous, grâce à la dynamique d’une civilisation urbaine très forte. Dans un contexte contemporain, tourné vers une modernisation, les médinas algériennes (notamment la médina de Annaba) se sur-densifient et se marginalisent de plus en plus. Devenues très vulnérables pour résister aux poussées du modernisme, elles ne peuvent que tendre à disparaître pour laisser place aux modèles urbains de type occidental. C’est pourquoi, il est important de les

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sauvegarder d’une part pour le potentiel urbain que dégagent ces quartiers anciens, d’autre part pour le creuset de la civilisation urbaine qu’ils constituent, enfin pour leur apport au niveau du patrimoine, de la culture et du modèle urbain qu’ils représentent. Les aménagements de sauvegarde entrepris jusqu’à ce jour semblent avoir des conséquences fâcheuses sur la pérennité de ces cités traditionnelles ; parfois trop mutilants et générateurs de désorganisation et de dysfonctionnement urbain. Notre proposition tente, à travers la médina de Annaba, de dégager une nouvelle stratégie d’intervention pour mieux approcher ce tissu urbain, le sauvegarder et lui permettre d’évoluer. Cette composition évolutive proposée de la forme architecturale et urbaine, peut apporter une contribution modeste au travail de réflexion sur la problématique de l’espace ancien. Il nous semble possible de conserver l’héritage urbain tout en l’adaptant aux nouvelles exigences d’une société contemporaine. Cependant, conserver une certaine cohérence de la médina, adapter, d’une manière souple et évolutive, les nouveaux besoins urbains et sociaux, rendre à la cité son rayonnement et sa force attractive au sein de l’ensemble urbain, modéliser ce système urbain, doivent constituer un objectif primordial dans toute politique d’aménagement pour les villes algériennes possédant encore un centre historique significatif.

BIBLIOGRAPHIE : 12-

3-

BOUMAZA N et coll., (2006), « Villes réelles, villes projetées. Villes maghrébines en fabrication », Maisonneuve & Larose, PP301-317, ISBN 2-7068-1932-4. CENTRE D’INFORMATION, DE DOCUMENTATION ET D’EXPOSITION D’URBANISME E D’ARCHITECTURE DE LA VILLE DE PARIS, 1998, Quartiers anciens : approches nouvelles, Projet n° 32-33. OUZERDINE A., (2003), « Les politiques d’approche et d’intervention sur les centres historiques algériens », DEA "villes et sociétés".

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Réaménagement de la place la Brèche de Constantine: espace de centralité, espace de suture : un choix entre le passé et le futur B. ZEHIOUA HECHAM Département d’Architecture et d’Urbanisme Faculté des sciences de la terre, de la géographie et de l’aménagement du territoire, Université Mentouri - Constantine. 1.

INTRODUCTION

La ville de Constantine, capitale régionale de l’est algérien possède ses potentiels touristiques. Si le rocher est renommé par les gorges du rhummel et la vieille ville, la place de la Brèche est emblématique de part sa richesse historique et sa situation stratégique. En dépit d’un siècle et demi de structuration et de restructuration, le projet de la brèche ne semble pas arrêté et fixé par une image stable, contrairement au schéma du projet colonial. Il a à maintes reprises changées de forme, depuis le 13 octobre 1837 où les militaires français franchirent les ouvrages de défense de la médina, là même où l’espace de la Brèche allait se construire. Cet espace, aujourd’hui, est le lieu administratif où se lit le prestige régional et départemental de la ville et où se trouvent le palais de justice, la grande poste, l’hôtel de ville, le siège de la wilaya en vue, le théâtre régional, la banque extérieure, le crédit foncier, le marché, des cafés au coin de chaque rue, des squares et à 100 m de part et d’autre, le boulevard de l’abîme et le pont sidi rached La Brèche, centre du centre urbain constantinois, espace d’articulation entre la vieille-ville et la ville coloniale du Koudiat , en plus d’être un carrefour de circulation et de rencontre est doté d’une vaste esplanade en contrebas du boulevard de l’Abîme, considéré comme un magnifique balcon ouvert sur le couchant, d’où le regard pouvait embrasser une perspective qui n’était limitée vers Philippeville, que par les monts lointains d’El Kantour, au-delà de la vallée du Hamma et vers Sétif, par les montagnes du Chettaba, nimbées au crépuscule du rayonnement, de couchers de soleil. Cependant, cette partie de l’esplanade, la plus vaste, fut rapidement désertée : formant un cul de sac, elle n’était qu’un lieu de passage, battue par les vents du nord et en été, aucune ombre sur la dalle de béton qui recouvrait le marché. Cependant elle était dans le temps un lieu de convivialité où des familles venaient le soir se détendre en consommant et admirant le panorama offert à leurs yeux. Aujourd’hui délaissée, les autorités locales se posent comme question : comment lui redonner son prestige d’antan ? Comment faire revenir familles et touristes ? Comment lui rendre sa fréquentation ? La revalorisation de ce secteur par un embellissement et un réaménagement va lui redonner son image de marque et sa notoriété.. Les sites, tant naturels que bâtis, ne peuvent devenir touristiques que s’ils sont d’abord mis en tourisme et valorisés. La valorisation, la mise en tourisme et la patrimonialisation suscitent des interactions importantes, à partir desquelles se développe la commercialisation d’une destination. Bien que l’image patrimoniale occupe une place prépondérante dans le tourisme, elle n’appartient à personne en particulier, mais profite aux habitants de la zone concernée et aux professionnels du tourisme et aux touristes. Les acteurs et collectivités territoriales doivent jouer un rôle considérable dans la gestion de cet actif immatériel qu’est l’image d’un pays, voire sa réputation en termes de sécurité, de qualité des services de l’accueil, des infrastructures sanitaires et d’autres. Notre intervention n’est pas d’analyser cet espace, d’ailleurs sujet à plusieurs investigations universitaires mais de l’aborder sous l’angle d’un patrimoine à valoriser, en raison de sa situation stratégique et historique, et de sa considération comme l’espace regroupant toutes les centralités.

2.

LA MISE EN TOURISME ET LA VALORISATION

Le dictionnaire “Le petit Larousse illustré 2002” définit la valorisation telle “une action de donner une plus grande valeur à quelque chose”; ou mieux “une hausse de la valeur marchande d’un produit ou d’un service par une mesure légale ou une action volontaire” (sens économique). [1] Il existe différentes définitions du patrimoine, tant le concept de patrimoine est large. Nous retenons ici celle énoncée par J.Gadrey : ”Le patrimoine d’une collectivité est un ensemble “d’objets et de produits” auxquels cette collectivité, attache de la valeur, parce qu’il s’agit de réalités qui

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témoignent de l’identité de cette collectivité en établissant un lien temporel entre le passé de cette collectivité et son présent (témoignage du passé), et/ou entre son présent et ce qu’elle imagine de son avenir (témoignage projeté).” [2] En général, le terme patrimoine désigne “les biens matériels qu’un individu tient, par héritage, de ses ascendants et qu’il transmet à ses descendants. Par extension, cet héritage peut être commun aux membres d’un groupe social, par exemple une nation". [3] Il existe un autre concept, en dehors de celui de la valorisation, qui est celui de « mise en tourisme » [4]. Au premier abord, il semble que ces deux notions sont voisines et peuvent se confondre. Pourtant elles sont différentes et doivent être considérées séparément. Les sites, tant naturels que bâtis, ne peuvent devenir touristiques que s’ils sont d’abord mis en tourisme et valorisés après. Il est à souligner que les résultats dépendent beaucoup des points de vue des acteurs et des investisseurs. En général, au premier stade du développement du tourisme, des sites et des monuments sont répertoriés par des services pour arriver à leur exploitation à des fins touristiques. La mise en tourisme se fait au fur et à mesure et s’accentue par la mise en valeur des produits touristiques, bâtis ou non bâtis, naturels ou culturels. Cette mise en valeur est un long processus et doit être à priori bien comprise, ensuite bien menée par les différents acteurs. Si l’intégration de la conservation et de la valorisation du patrimoine aux principales planifications et interventions d’urbanisme et d’aménagement du territoire fait aujourd’hui consensus, la connaissance des potentiels et des usages du patrimoine à l’égard de la requalification des espaces urbains commande, au tout premier plan, une réflexion sur les rapports entre la notion « d’espace urbain » et celle de « patrimoine ». Sur le plan théorique, on constate que ces rapports peuvent être le fait de : 1) la relation entre un « monument » et la « ville » qui l’environne ; 2) la qualification morphologique du « tissu » urbain ; 3) la qualification historique du « lieu » et de l’ancrage de cette historicité dans la matérialité du lieu ; en d’autres mots, la requalification des espaces urbains par le patrimoine procède tantôt de la patrimonialisation de la ville (comme un tout), tantôt de sa contamination patrimoniale. Le rôle du patrimoine dans la requalification des espaces urbains soulève ainsi les interrogations du « quoi conserver ? » (un morceau dans la ville, un ensemble urbain ou la ville entière) et du « comment conserver ? » (Restaurer, valoriser). En amont de la caractérisation du patrimoine elle-même, puis de sa valorisation ou de sa médiation, l’exploration des approches et les théories qui ont « fait du patrimoine » dans la ville fonde, aujourd’hui, le redéploiement des réflexions sur la requalification et la revitalisation des espaces urbains.

3.

LE PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION

Le processus de patrimonialisation dans les pays du nord est le fruit du long cheminement parcouru par la notion du patrimoine. Sa genèse de l'antiquité jusqu'à nos jours est aujourd'hui assez bien connue, elle se déroule selon les étapes suivantes : contemplation, appréciation, attribution de nouvelles valeurs, définition de critères de sélection, inventaire, classement, édictions de normes de sauvegarde, création d'institutions spécifiques et définition d'outils opérationnels (secteurs sauvegardés, périmètres de sauvegarde). Cette genèse est précisément à construire dans la majorité des pays du Sud. L'approche historique nous semble être une démarche préalable qui doit permettre :  La mise en évidence d'anciennes pratiques de sauvegarde antérieures à la démarche contemporaine de patrimonialisation qui se veut "scientifique" et "rationnelle". Car c'est cet ensemble de pratiques, qui ont permis d'attribuer un certain nombre de valeurs (esthétiques, sacrés ou/et historiques) à des objets spécifiques, créant un cadre historique de référence qui a orienté et légitimé par la suite le nouveau processus;  la compréhension des tribulations que connaît la notion du patrimoine et les avatars de son application au cours des phases successives de sa constitution en bien commun, des motivations tacites ou avouées, institutionnalisées ou non qui sous-tendent ce processus. A chacune de ces phases il faudra s’interroger sur les discours et les enjeux politiques et culturels, économiques et sociaux, locaux et internationaux. En tant que construit social, la notion du patrimoine est intrinsèquement liée au contexte socio-historique et politique où elle émerge et évolue. Les

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B. Zehioua Hecham différentes acceptions attribuées, la définition de son contenu, les critères de sélection des objets à sauvegarder et les moyens mis en œuvre, changent au gré des idéologies Au départ de cette connaissance et de la compréhension des motifs de la patrimonialisation de l’espace urbain, on vise à discuter des modalités, des enjeux et des méthodes de la consécration et de l’utilisation du patrimoine dans le contexte élargi de l’aménagement urbain. On vise à cerner ce qu’est le « patrimoine urbain » et quels son les buts et les enjeux de sa consécration et de sa conservation. À cette fin, on y présentera, d’abord, l’évolution du rapport entre la notion de « monument » et l’intervention urbanistique (« la ville comme monument »). Puis, selon que l’on aborde le problème par le biais de l’objet patrimonial ou par le biais du rapport de la ville au passé, on explorera les approches théoriques et les résultats de « l’historicité » de l’espace urbain ou du cadre bâti, que ce soit dans l’intervention sur l’objet patrimonial lui-même (« conservation / restauration ») dans l’évaluation et la fabrication patrimoniale dans l’intervention en milieu urbain (« l’utilisation de l’histoire dans l’urbain »). [5] Cela permettra d’explorer, ensuite, des cas variés de « mises en relation » de la ville et du passé par le biais de constructions patrimoniales et d’opérations de requalification diverses. Enfin, ayant ainsi « saisi » la notion de patrimoine, les principes de la caractérisation et les exemples de la valorisation du patrimoine en milieu urbain (monuments ou ensembles). Réaménager un espace historique revient à le considérer comme un patrimoine indispensable à sauvegarder, à valoriser et à transmettre aux générations futures.

4.

HISTOIRE URBAINE DE LA BRECHE

C’est parce que l’endroit forge l’image dans l’esprit des gens, que l’histoire de sa construction est importante à connaître, permettant l’éclaircissement des décisions prises pour que tel ou tel espace ait cet aspect là.

4.1. A l’origine Le passage du règne du Bey à celui de la colonisation française a bouleversé les structures ancestrales de la ville. Cette Brèche par où les troupes sont passées à travers le mur d’enceinte de la médina connut une histoire urbaine. En effet, Constantine, ville forteresse, est protégée par un mur d’enceinte qui part de Bab El Djabia, de la partie très à pic du Rhummel et monte vers la caserne des janissaires qu’il longe. A partir de la caserne, la muraille fait une avancée, puis après un décrochement vers la gauche, se poursuit sur quelques mètres avant de se terminer dans l’angle de Bab El Oued. C’est au niveau de cette dernière que sera ouverte une brèche que l’on peut situer au milieu de l’hôtel des postes. A l’extérieur des remparts, en avant, un isthme large de 150 mètres et long de 200 mètres, bute contre un promontoire nommé Coudiat Aty. L’espace de la Brèche prend forme dans la « brèche » effectuée par les Français dans les remparts afin de conquérir la médina.

Plan d’ensemble de la médina (1837)

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4.2. Pendant la colonisation

Photos 1,2,3, : vieille ville, gorges et pont d’El Kantara. Cirta sur un rocher perchée L’histoire urbaine de l’espace de la Brèche est ainsi en grande partie celle d’un essai novateur sur une forme de centre-ville et des types bâtis sous l’occupation française, dont l’architecture est européenne, puis de leur retour progressif à des types plus courants, dont l’architecture est néo-mauresque. Placé entre la rupture et la soumission, entre l’exception et la norme, l’espace de la Brèche apparaît comme un lieu privilégié où l’histoire de l’organisation des tissus se fait de manière contradictoire, dans la distance entre des termes qui s’opposent ou dans la réduction progressive de leur écart. Cette tension est l’épaisseur où s’affirme l’espace de la Brèche en tant qu’espace urbain d’une forte centralité dans la ville. Si nous nous intéressons à cet espace c’est parce qu’il était la seule communication naturelle du Rocher avec ses alentours. Les Français ont détruit les remparts pour orienter le tracé de la ville coloniale à partir de ses ponts : Bab El Kantara et Bab El Oued. Mais c’est l’espace de la Brèche, Bab El Oued qui fut opté pour devenir l’articulation non seulement entre la médina et la ville française mais aussi pour porter la nouvelle centralité. er

La Brèche ou place du 1 novembre et des martyrs, représente l’entrée principale du Rocher, sa seule liaison naturelle, elle organise toutes les relations avec les autres parties (Coudiat Aty, Belle Vue, Bardo…). Elle doit l’essence de son existence à la permanence du fait urbain sur le Rocher. C’est la porte devenue pôle de croissance dans l’urbanisation de Constantine. Ce lieu n’aurait pas existé dans sa forme urbaine d’aujourd’hui si l’on avait pris la décision de conserver la ville « arabe », et de construire une cité moderne sur le plateau du Mansourah. L’histoire urbaine de la Brèche est intimement liée à celle du Rocher d’une part et d’autre part à celle du dérasement du Coudiat Aty. A leur arrivée, les Européens ont trouvé deux voies pour sortir de la médina : l’isthme qui reliait la ville au Coudiat Aty et le pont d’El Kantara la reliant à El Mansourah. C’est dans ces deux directions qu’ils créèrent les faubourgs. Lors du voyage de l’empereur à Constantine, il fut confirmé que le Coudiat Aty accueillerait la ville française [6] . C’est ainsi que l’espace de la Brèche devint pôle de croissance pour accueillir les éléments d’une nouvelle centralité. D’ailleurs, on a beau lui imposer pour parrain Duc De Nemours, place Nemours et plus tard place de la révolution, elle restera dans la mémoire populaire la Brèche. Aucun nom ne peut lui convenir parce qu’aucun nom mieux que celui-là n’est évocateur de son passé, « …même si son emploi quotidien allège la tragique affective de cette dénomination ».[7] En 1845, une photographie montre qu’à cette époque, la place n’occupait qu’un espace restreint. Un témoignage d’Alexandre Dumas (père) venu admirer la « ville phénomène » accompagné de son fils et de deux peintres (Giraud et Boulanger) ne pouvait s’en lasser de scruter cette brèche si importante à ses yeux. « Le lendemain, de bon matin, pendant que Giraud et Boulanger, s’élançaient dans les rues de Constantine à la recherche du pittoresque, moi je courrais, sur l’ancienne brèche à la recherche de l’histoire ». p : 285 [8] En arrière, cet espace était bordé de maisons arabes entre lesquelles s’ouvrait une seule rue : la rue Caraman. Jusqu’en 1914, la Brèche a subi plusieurs modifications. On expropriait pour construire le marché et les édifices importants. En 1883, lorsque le théâtre fut terminé, la Brèche avait bel aspect. Toutes les rues adjacentes existaient, ainsi que les grands immeubles qui l’entourent, à l’exception de

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B. Zehioua Hecham l’hôtel des Postes et du palais de justice. Les cafés, les halles, la circulation des voitures, les promeneurs contribuaient déjà en 1880, à faire de ce quartier central un lieu agréable et animé que nous dépeint une visiteuse : « … les colons européens s’installent…devant les cafés, se faisant servir des verres d’absinthe et des enfants kabyles munis de couffins, sorte de sac en paille tressée, accompagnent des dames françaises qui vont chercher leurs provisions au marché de la brèche, où s’étalent en abondance ce qu’à Paris on aurait appelé des primeurs. Vers 10 heures du matin, le calme se rétablit : c’est l’heure du repas des Arabes, mais le mouvement continue encore. L’arrivée du train amène aux deux hôtels de Paris et d’Orient des omnibus chargés de voyageurs et de bagages ; des camions apportent des marchandises et des colis aux entrepôts. Les officiers redescendent du Mansourah ; les kabyles reviennent des champs et s’asseyent par terre en cercle dans un endroit où ils trouvent de l’ombre pour faire la sieste, après avoir mangé un morceau de pain frotté d’oignon. Enfin, à une heure, tout mouvement a cessé : Arabes et Européens sont enfermés chez eux, et ce n’est que lorsque le soleil baisse sur l’horizon que la vie reprend dans la ville. A ce moment, ceux qui n’ont rien à faire, vont se promener ou s’assoient dans le jardin public qui a reçu le nom trop moderne de Square. »[9]

Photo 4 : place Nemours (Brèche) Au début du siècle, la partie du mur d’enceinte qui subsistait depuis 1881 entre le square Valée et la place (emplacement de la poste) et en contrebas de laquelle se tenait le marché arabe, fut démolie. En 1903, un kiosque à musique était érigé sur la place Valée et en 1906, on y construisait le local de l’université populaire, la salle Laune. En 1908, le nouvel hôtel des postes et l’immeuble du Crédit Foncier édifiés à l’emplacement du marché à légumes, étaient inaugurés. En 1914, le magasin à orge fut démoli, l’hôtel de la poste y prit place. Le kiosque à musique de la place Valée fut transféré en 1915 au square de la république, à sa place, un jardin fut aménagé autour de la statue d’une nymphe représentant « l’océan ». La salle Laune fut détruite et remplacée par le nouveau palais de la justice dessiné par les architectes Dumoulin et Lachapelle. Il fut terminé après l’armistice. En 1922, au bas du boulevard Joly de Brésillon, dans l’angle du nouveau jardin, un monument dédié aux morts de la guerre fut inauguré. C’était une haute colonne de marbre surmontée d’un bronze représentant un coq triomphant, les ailes ouvertes. La circulation des voitures se faisait en tous sens à travers la place Nemours. Pour régulariser ce désordre, un terre plein entouré d’une voie de circulation était aménagé en 1922. Cette surélévation de la chaussée appelée « le fromage » fut appréciée des promeneurs qui pouvaient désormais aller et venir en toute sécurité et jouir du spectacle de la vie constantinoise. La place était le rendez-vous quotidien des citadins. De cinq heures à huit heures, c’était l’affluence ; on venait faire « son tour de brèche ».

Photo 5 : place de la Brèche avec le boulevard de l’abîme

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Plan de la Brèche 1900 En 1926, la banque d’Algérie sur le boulevard Joly de Brésillon fut terminée. 1932 ; la poste fut agrandie par la construction d’une importante annexe destinée à abriter le central téléphonique. Le téléphone automatique commença à fonctionner en février 1935. En 1933, l’université populaire fut construite derrière l’hôtel des postes. Cet immeuble abrite également le conservatoire de musique. Toujours en 1933, à l’occasion des travaux de la grande esplanade de la Brèche, l’avenue Lamoricière fut élargie de 12 à 18 m et bordée de paulownias. Ensuite, elle prit le nom de l’avenue Pierre Lagre pour s’appeler depuis l’indépendance : avenue Mostefa Benboulaid. Les travaux d’élargissement du boulevard Joly de Brésillon dans sa partie supérieure furent commencés en 1939. Devant l’hôtel de ville, un pont fut construit au dessus de l’esplanade pour franchir la falaise. Quand l’esplanade fut terminée, elle occupait tout le jardin situé en face du palais de justice et s’étendait jusqu’à la place Nemours. Le marché est transféré sous l’esplanade. La vaste esplanade est entourée de colonnes supportant des lampadaires. Un escalier montait vers le boulevard Joly de Brésillon, devant la banque d’Algérie. . Cependant, cette partie de l’esplanade, la plus vaste, fut rapidement désertée : formant un cul de sac, elle n’était qu’un lieu de passage, battue par les vents du nord ; en été, aucune n’ombre sur la dalle de béton qui recouvrait le marché. Vers l’hôtel des postes au contraire, la partie située sur la terre ferme était plantée d’arbres ; elle était abritée et le mouvement des piétons entre la rue Caraman et l’avenue Lamoricière était incessant. Les Constantinois la délaissèrent et regrettèrent l’ancienne place.

Photo 6 : place Lamoricière

phot 7 : Lamoricière et squares, photo 8 : la Brèche, les années 50

D’autres travaux ont étés réalisés. En 1950, l’avenue Pierre Lagre, ex : Lamoricière, prolongée sur 18mètres de largeur, était ouverte à la circulation dans les deux sens et rejoignait l’éventail des rues au nord de la place. L’esplanade était toujours aussi peu appréciée ; mais les soirs d’été, elle connaissait une affluence de promeneurs attirés par la fraîcheur qui y régnait et par les nombreux marchands de glace installés à sa périphérie. C’est la terrasse à l’échelle urbaine de la ville. En 1950, l’espace de la Brèche avait pris son aspect que l’on croyait définitif, après plus d’un siècle de transformation. L’image de la Brèche s’est incrustée dans le mental des habitants et des visiteurs. Elle restera fixe jusqu’aux années 70. Ses éléments structurants au niveau global, sont l’avenue des squares et les deux places : la place du premier novembre et la place des martyrs. Camille El baz en parle avec nostalgie :

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B. Zehioua Hecham …Que donnerai-je pour circuler une fois de plus dans tes rues plus ou moins larges, pour gravir une fois de plus tes escaliers abrupts…pour traverser ta place centrale, agréable, spacieuse et aérée, qui n’était autre que cette fameuse brèche historique, par laquelle les troupes françaises te prirent d’assaut et que l’on colmata par la suite pour lui donner le jour. [10] Appuyé par le témoignage de Benjamin Stora : « A l'approche de l'été, une chaleur terrible s'abattait dans la journée, mais dès la tombée du jour, il commençait à faire un peu frais, et très vite les gens sortaient. Par petits groupes, ils flânaient du lycée d'Aumale vers la place de la brèche en empruntant la rue Caraman. C'était toujours la même déambulation, les promeneurs se parlaient, se regardaient, se saluaient. Un paséo très méditerranéen.........Dans cette complicité à la fois communautaire et citadine, tout le monde connaissait tout le monde. Et quand ma mère, beaucoup plus tard dans l'exil , ira dans la rue, elle dira tristement: "ici, pas de tête connue » .[11]

4.3. De l’indépendance à nos jours Depuis l’indépendance et jusqu’aux années 70, la Brèche est restée telle quelle au départ des Français de la ville. Pour les visiteurs, être à la Brèche, c’est s’imprégner de l’atmosphère de la ville des « sciences », la ville du « savoir », surtout pour les provinciaux, venus goûter au plaisir de la ville, en étant libres de circuler dans tout le territoire algérien débarrassé de tout joug colonial. Du point de vue de l’usager, l’espace de la Brèche est un lieu public par définition. Il a servi au cours des années, à toutes sortes de manifestations populaires. Avec l’avènement du progrès technique, le développement de l’automobile, cet espace a failli à son rôle, à son destin de place publique. La circulation, à un moment, privilégié de par la convergence des itinéraires empruntés par toutes les catégories d’usagers fut chaotique. Pour ne pas être matériellement visibles dans leur ensemble, les transports en commun constituent un réseau qui assure à l’espace de la Brèche un pouvoir de centralité locale, d’autant plus fort que les dessertes sont nombreuses et variées, et qui peut aussi lui conférer une valeur de repère symbolique pour toute l’agglomération. L’esplanade envahie par les usagers à la recherche d’une fraicheur et des consommations, était très fréquentée. Tahar Ouettar en témoignait : « Voici la Brèche. Je vais prendre une glace….au dessus du marché s’étendait la Grand-Place, avec ses parasols aux teintes éclatantes, ses bancs multicolores et ses tables aux formes variées. Quelle cohue ! un monde fou qui ne tient pas en place…. Partout des kiosques à glace qui vous font signe… » p : 35 [12]

Photo 9 : les souterrains

Photo 10 : l’entrée de l’esplanade

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Photo 11 :la Brèche en hiver

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Plan de la brèche (les années 70) Afin de régler le conflit d’appropriation, deux souterrains ont étés réalisés pour les piétons afin de séparer les deux flux. Le premier souterrain, en 1977 au niveau de la place des martyrs, a été agrandi, er et le second a été ouvert au niveau de la place du 1 novembre en 1984. Cette réalisation a fait surgir plusieurs bouches équipements et quartiers.

afin de permettre l’accès aux différentes voies,

Cette portion du parc public « square Panis » (côté ouest par rapport à l’avenue centrale) a permis la construction d’une station pour bus urbain (station Boumezou du centre ville desservant les différentes banlieues de la ville et actuellement fermée pour cause d’implantation d’hôtels urbains). D’un espace approprié par un édifice architecturé et ouvert au public (emplacement de l’ancien casino Numez détruit en 1976), il a été décapité de ses arbres, et son assiette fut aménagée en espace de regroupement matérialisé par des baraques faisant office de « café maure ». L’espace de la Brèche, espace public, sollicité comme lieu de visibilité, d’accessibilité et d’imagibilité, est aussi investi en tant que paysage urbain où l’activité architecturale privilégie l’esthétique visuelle. Sa compréhension, les perceptions que le citadin ou le visiteur a de la ville s’organisent à partir de sa propre perception en raison de la disposition centripète des banlieues, faubourgs, quartiers et villes satellites avoisinantes et de leurs réseaux de circulation.

4.4. La Brèche au futur : projets et changement d’image Nous interrogeons l’identité d’une ville dans la mesure où elle forge l’image qu’elle renvoie à l’extérieur. Si l’image d’une ville reflète toujours un peu de son identité, elle ne se confond pas avec elle. De même, cette identité ne se confond pas avec telle ou telle composante mais se présente bien comme le produit et la combinaison d’une série d’éléments empruntés à son histoire et à son présent. Cette théorie est si vraie dans le cas constantinois. La fête ou manifestation est une des fonctions assurées par toute ville, elle est aussi un instrument qui donne du sens à un projet urbain. C’est devenu courant que l’organisation d’une fête dans une ville fait partie de sa personnalité, assumer la continuité et la fréquence de cette fête rentre dans la composition de son identité. Constantine a depuis plusieurs années assuré deux fêtes principales : celle de la distillation d’eau de rose et de fleurs d’oranger et du 16 Avril (journée de la science).

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Photo 12 Commémoration de la journée de la science (16 avril 1994) La fête printanière de la distillation a toujours été présente à Constantine. Elle glorifie une tradition séculaire gardée jalousement par la ville. C’est toujours vers le 15 avril de chaque printemps que la ville s’embaume de ces fleurs. Les allées de la Brèche sont envahies par les distillateurs qui s’installent avec tous les appareils en place et l’opération se fait devant les yeux des spectateurs. L’organisation de cette fête culturelle et commerciale est un moyen pour affirmer l’existence de la Constantine détentrice de traditions, exalter son identité, valoriser son image à l’extérieur et se distinguer par rapport aux autres villes tout en étant propice aux rassemblements et à l’union. La Brèche a depuis l’indépendance été le lieu idéal où se déroulent ces manifestations. Pour la journée de la science, la Brèche, lieu de rassemblement reçoit les festivités relatives à cet effet et fait bouger l’image monolithique du cheikh Abdelhamid Benbadis. Voulant à tout prix lui rendre sa notoriété, les autorités locales font subir à l’espace de la Brèche des transformations. En effet, du côté du square Bennacer, la station finale (terminus) du tramway (sera ouverte en 2010) va prendre naissance pour articuler tout le circuit des transports. Du côté du square Panis, deux hôtels 3 étoiles sont en construction. Du côté de l’esplanade, des travaux de réfection et d’embellissement sont en plein essor.

Plan de la station du tramway

Photo 13 : les hôtels en construction et un bout de l’esplanade

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Photo 14 : réfection de l’esplanade

Photo 15 : esplanade en pleins travaux

Photo 16 : l’esplanade comme toiture du marché

Photo 17 : l’image future de l’esplanade.

CONCLUSION La difficulté du site du Rocher et l’étroitesse de la bande de terre qui le lie à ses environs, du côté sud, ont fait que les interventions au niveau de l’espace de la Brèche ont évolué par tâtonnement. La France a travaillé dans l’hésitation. Les assemblages par morceaux partiels étaient modifiés suivant les nouvelles règles ou contraintes qui surgissaient. Le résultat du montage a donné une dispersion de figures. Il n’y plus d’ensemble unitaire, matérialisé par un contour définitif et pensé par un schéma géométrique simple qui en régisse le rapport des éléments constitutifs comme à Alger ou Annaba. [13] Tous ces changements sont effectués sur un espace qui a de tout temps était en perpétuelle restructuration. Cette place, de part son histoire et sa position cumule l’identité de la ville et se définit comme un patrimoine à revaloriser à tout prix. Qu’en sera-t-il en réalité une fois la station du tramway terminée et l’esplanade embellie ? Arrivera-ton à fixer une fois pour toute l’image de la Brèche ? Où à l’instar de l’être humain, continuera-t-elle à subir des métamorphoses sans changer son essence ? Tout dépendra des décisions politiques et des acteurs de la ville. REFERENCES [1] Petit Larousse illustré 2002 [2] GADREY J. (2002), « Patrimoine et qualité de vie : éléments pour une approche socioéconomique », Toulouse, ERITH, [3] NAPOLI J. (2002), « Tourisme et valorisation du patrimoine », tourisme n°11, Patrimoine III, Toulouse, ERITH, p. 42. [4] BESSIERE J. (2000), « La construction sociale du patrimoine gastronomique : l’émergence de Terroirs de valorisation, ERITH, Toulouse, 2OOO [5] WEBER J., BAILLY D. (1993), « Prévoir c’est gouverner », Natures, Sciences, Sociétés, [6] MAGHNOUS Z. (2002), «la redéfinition des espace d’articulation dans les villes duales. Le cas de la Brèche à Constantine », mémoire de Magister. Université Mentouri, Constantine,

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B. Zehioua Hecham [7] GUECHI F.Z. (2003), « Constantine une ville en héritage », Media-Plus, Constantine, [8] BENACHOUR Y. (2001), « Constantine : une ville en écritures –dans les récits de voyage, Les témoignages et les romans », Université Mentouri, Constantine, [9] BIESSE EICHELBRENNER M. (1985), « Constantine ou le temps des pionniers », à compte d’auteur Paris, 1985 [10] C. EL BAZ (1971), «Sarah ou mœurs et coutumes juives de Constantine », imprimerie Meyerbeer, Nice, 1971. [11] CÔTE M. (2006), « Constantine, cité antique et nouvelle ville », Média-Plus, Constantine, [12] OUETTAR T. (1970), « Ezzilzel » (le séisme), traduit de l’arabe par Marcel Bois, Sned, Alger, [13] op.cit « MEGHNOUS Z. (mémoire de Magister) Photos et plans : site www. mounir.superforum.fr

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Le patrimoine, outil de développement territorial Melle Necissa Y. Doctorante EPAU - Alger

1 - INTRODUCTION : Le patrimoine, pris dans son sens le plus large c’est-à-dire une richesse matérielle et immatérielle (patrimoine monumental, rural, vernaculaire, industriel, scientifique, ethnologique et de savoir faire, historique et lié à la mémoire collective, ainsi que les ressources naturelles), représente une ressource bien identifiée dans les territoires. Sa valorisation est un enjeu largement exprimé, elle est pensée dans une approche large et décloisonnée, et représente un véritable potentiel de développement. Elle devient ainsi un objectif important de la société contemporaine, car c’est le moyen de satisfaire un certain nombre de besoins d’ordre esthétique, artistique et même de loisirs, elle est donc source de valeurs artistiques, esthétiques ou d’existence. La production de telles valeurs implique des mouvements économiques très importants qu’on ne doit pas négliger. Ceci nous amène à réfléchir à un débat actuel et d’avenir sur les orientations et les réponses aux questions suivantes :   

Quelles sont les richesses que représente le patrimoine ? Comment intégrer la démarche de valorisation du patrimoine dans un projet de territoire ? Quels sont les enjeux de valorisation du patrimoine dans optique de développement ?

Dans un premier temps, notre recherche étudie le concept du patrimoine ainsi que son évolution et ceci à travers la lecture des différents textes et documents internationaux sur le patrimoine et les politiques de sa protection. La lecture du concept du patrimoine nous a permis de schématiser quatre décennies, durant lesquelles le concept de patrimoine a évolué. Dans les années 60, on constate une prise de conscience par une minorité de la nécessité de protéger le patrimoine en danger, ces idées sont portées par les recommandations de l’UNESCO de 1962 et 1968, et par les nombreux colloques du conseil de l’Europe, ainsi que la charte de Venise qui définit la philosophie de la restauration. La deuxième décennie (les années 70) a été marquée par la prise en compte progressive du patrimoine comme fondement de la qualité du cadre de vie. On note le développement de la conservation intégrée, matérialisée par la charte Européenne du patrimoine architectural et par la déclaration d’Amsterdam. Les années 80, constituent la synthèse des expériences et l’approfondissement des pratiques liées au patrimoine, et là on note principalement le développement de l’argument économique du patrimoine, matérialisée par la convention de Grenade. Les années 90 sont marquées par l’approche environnementale, et l’élargissement de la notion du patrimoine vers le patrimoine commun. L’élargissement du concept de patrimoine à des éléments plus large a des conséquences sur sa gestion, celle-ci n’est plus comme avant une simple action de classification ou action ponctuelle de sauvegarde, il s’agit plutôt d’une gestion dynamique et économique globale. Des différentes interventions sur le patrimoine, sont attendues des retombées économiques et sociales en termes d’emploi, d’impôts et de tourisme et autre. On peut dire qu’on est passé d’une pratique de conservation à une logique de gestion, d’un patrimoine centré sur l’objet à un patrimoine mobilisé autour de projets. Cette nouvelle approche passe principalement par la politique de l’aménagement du territoire dans ses diverses dimensions tant urbaines que rurales, globales que locales, c’est-à-dire une approche intégrée aux stratégies de développement.

Y. Necissa Dans un second temps de notre recherche, nous étudions les cas étrangers ayant entrepris des démarches de valorisation du patrimoine dans une optique de développement territoriale. A travers les exemples étudiés, nous retenons les principales étapes de cette démarche de valorisation:  

la première étape est celle de la prise de conscience du caractère patrimonial, de sa reconnaissance. L’inventaire représente l’élément fort de cette étape. La deuxième étape est celle du diagnostic et de l’évaluation qui conditionne le type d’usage et les potentialités de ce patrimoine

Ce diagnostic permet de saisir les relations qui unissent les différentes composantes du patrimoine, notamment le contexte ou l’ensemble dans lesquels elles se trouvent 

les étapes suivantes concernent la mise en œuvre de projets de développement liés au patrimoine et leur insertion dans un processus de développement et d’aménagement territorial.

A travers le cas français, nous avons retenu les projets de pôles d’économie de patrimoine qui sont des projets de territoire utilisant le patrimoine comme levier de développement économique très important.

2- LE PATRIMOINE EN ALGERIE 2-1- Etat du patrimoine en Algérie L’Algérie est l’un des plus grands pays du continent africain avec une superficie de 2381km2, son territoire se divise en trois ensembles très contrastés : 

L’ensemble tellien du nord (4% du territoire, il s’agit de l’espace le plus favorisé par le climat, les ressources marines et les richesses de ses diverses plans et vallées côtières.



Les hauts plateaux (9% du territoire, ils occupent l’espace compris entre l’atlas tellien et l’atlas saharien.



Le Sahara (87 % du territoire ensemble totalement aride ou hyper aride.

2-1-1. Etat du patrimoine naturel : 

Patrimoine forestier

Les forêts : les forêts et maquis couvrent en Algérie 3.2 millions d’hectares soit un taux de boisement de 11/° qui représente celui de l’Algérie du nord1. Les forêts productives ne couvrent aujourd’hui que 1249 000 hectares.    

Terres domaniales 3251791 ha Terres communales 275000 ha Terres privées 350000 ha Terres publiques (EAC-EAI) 100000 ha

La destruction progressive des couverts forestiers est liée à des facteurs anthropiques et naturels, en 1997, la surface boisée globale était de 397000 hectares, entre 1955 et 1997, la surface détruite est de 103000 hectares (soit 24000 ha/an), et le taux de déforestation est de 21/° en 42 ans. Etat de la flore : L’Algérie possède 5402 taxons végétaux avec une importance richesse floristique (0 .58) proche de celle du bassin méditerranéen (0 ,62), 540 espèces fourragères et 646 espèces médicinales qui composent la flore, cette diversité floristique répartie dans les différents écosystèmes (forêts, steppes, zones sauvages, désert, mer, massifs, montagnes; etc.) est menacée par certaines pratiques agricoles, par la construction d’infrastructures, par l’urbanisation et par la déforestation.

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Etat de la faune : En termes de diversité faunistique, 47 espèces de mammifères sur 107 inventoriés et protégées et 68 espèces d’oiseaux sur 336 sont protégées. Les actions entreprises consistent essentiellement en la création d’aires protégées conformément au décret 83-459 portant statut type de parcs nationaux, un programme d’élargissement des aires protégées à d’autres zones est en cours, pour les zones humides, elles n’ont pas encore fait l’objet de plans de protection adéquat. Les facteurs de dégradations de la faune et de la flore se résument comme suit :   

L’absence d’une politique cohérente de protection et de suivi Le développement insuffisant des connaissances, de l’enseignement et de la recherche relatifs à la biodiversité. Le manque de programme de sensibilisation et de participation à l’intention des différents partenaires des différents secteurs (gestionnaires, agriculteurs, éleveurs, forestiers et aménageurs).

Les facteurs contribuant à la déforestation sont les suivants : 

 

Les incendies de 1985 à 1994, 920 000 ha de couverts forestiers ont été brulés dont 477629ha en dix ans (301 780 ha de forets 91566 ha de maquis et 82 746 ha de broussaille), soit l’équivalent de 30 000 ha/an. Les coupes de bois (les coupes illicites de bois de chauffage, de bois d’œuvre sont en augmentation.) les insuffisances institutionnelles et les réalisations des grands travaux ne sont pas prises en compte.

La steppe : Elle s’étend sur 20 millions d’hectares et la surface des parcours est évaluée à 15 millions d’hectares, sa dégradation est progressive L’assainissement rural : En matière d’assainissement rural, un important programme d’aménagement de bassins de décantation a été lancé en 1987 pour les petites et moyennes localités, il s’est traduit par la réalisation de 435 bassins concernant 31 wilayas et 404 localités. Problèmes de gestion et approche de développement : La gestion du patrimoine forestier rencontre des difficultés générées par l’absence d’une actualisation permanente des inventaires et d’un plan d’exploitation rationnelle des forets, les actions forestières devraient être mieux intégrées dans une approche globale et intégrée de lutte contre la désertification avec une participation effective de population. 2-1-2. Etat du patrimoine culturel : Le patrimoine culturel acquiert une place de plus en plus importante dans toute politique de développement économique, social et culturel, cependant ce patrimoine n’a pas fait l’objet d’une attention soutenue. Les atteintes naturelles et anthropiques entraînent la dégradation du patrimoine archéologique et historique. Les atteintes anthropiques sont de deux ordres : d’une part le développement urbain qui s’effectue au détriment du parc archéologique, d’autre part les pillages de pierres de taille. A ce jour, aucune enquête ou analyse n’a eu pour objet de mesurer l’état de conservation du patrimoine archéologique et historique, les opérations de consolidation ou de restauration des monuments historiques qui ont été entreprises l’ont été du fait de l’urgence de la situation ou en tenant compte de la fonction sociale ou de l’aspect prestigieux du monument.

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Y. Necissa Pour le financement des opérations de restauration, des sites et monuments historiques ont toujours représenté un frein pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine jusqu’en 1990, cette activité n’a jamais été menée dans le cadre de plan de développement. Dans tous les cas, la dégradation du patrimoine archéologique et historique est le résultat de l’intervention de l’état qui n’a pas appliqué avec rigueur les textes et n’a pas engagé des ressources financières nécessaires à la préservation et à la restauration des sites et monuments. 2-2- Les mesures de protection du patrimoine : 2-2-1. La protection du milieu naturel : Les instruments d’aménagement permettant d’intégrer les exigences de la protection des sites naturels se présentent comme suit : 2-1-2. L’étude d’impact : L étude d’impact faisant l’objet du décret 87-91 du 21 avril 1987 ,son objectif est d’analyser les incidences de projets ou aménagement public ou privés qui peuvent modifier directement ou indirectement ou porter atteinte à l’agriculture, à la protection de la nature, à la conservation des sites et monuments. 2-1-3. Protection des sites naturels et humains Dans le cadre de la protection des sites naturels et humains, l’Algérie doit tenir compte de ses engagements, notamment, relativement aux textes suivants:   

Le protocole de coopération entre les pays d’Afrique du nord en matière de lutte contre la désertification, signé au Caire 1977 et officialisé par le décret n° 82-437 du 11-12-1992. La convention relative aux zones humides, d’importance internationale, à laquelle l’Algérie a adhéré par le décret n°82-439 du 11 décembre 1982. La convention des nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse, en particulier en Afrique, adoptée à Paris en 1994, ratifiée par le décret présidentiel n°96-52 du 22 janvier 1996.

2 -1-4. La protection de la faune et de la flore : La loi n° 83-03 du 5 février 1983 a consacré son titre II à la protection de la faune et de la flore et aux réserves naturelles et parcs nationaux. 

La protection du domaine forestier :

La protection des forets a fait l’objet de la loi n° 84-12 du 23 juin 1984 portant régime général des forets. Elle a pour objet la protection, le développement, l’extension, la gestion et l’exploitation des forets, des terres à vocation forestière et autres formations forestières ainsi que la conservation des sols et la lutte contre toute forme d’érosion. D’autres textes sont venus après pour compléter cette loi, ce sont : - Le décret 87-44 du 10 janvier 1987 relatif à la prévention contre les incendies dans le domaine forestier. - Le décret n° 87-45 du 10 février 1987 portant organisation et coordination des actions en matière de lutte contre les incendies de forets dans le domaine forestier national. 

La réglementation de la chasse et l’organisation de réserves de la chasse :

Le décret n° 83-509 du 20 août 1983, relatif aux espèces animales non domestiques protégées détermine la lutte des espèces animales non domestiques ainsi protégées. Ce décret a été suivi par d’autres décrets exécutifs n°95-321 et n°95-322 du 18 octobre 1995, ils fixent les modalités et les conditions de capture de ces espèces animales à des fins de recherches scientifiques.

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Les réserves naturelles et les parcs nationaux : La loi 03-2003, dispose que les zones soumises à des régimes, particuliers de protections des sites , des sols, de la flore , de la faune et des écosystèmes ou de façon générale de l’environnement, sont considérés comme aires protégées [5]. Pour plus de précision, les aires protégées comprennent :      

Les réserves naturelles intégrales Les parcs nationaux Les monuments naturels Les aires de gestion des habitats ou des espèces Les paysages terrestres ou marins protégés Les aires protégées de ressources naturelles gérées

Cette loi interdit toute action susceptible de nuire à la biodiversité et plus généralement, d’altérer le caractère de l’aire protégée, notamment la chasse et la pèche, les activités agricoles forestières et pastorales, industrielles minières, publicitaires et commerciales ainsi que l’exécution des travaux [5]. 2-1-4. Protection et valorisation des zones de montagne : Un projet de loi relatif à la protection et la valorisation des zones de montagne est en cours d’approbation. Cette protection s’inscrit dans le cadre de durable et définit des prescriptions d’aménagement du territoire des zones de montagne, ces différentes prescriptions ont pour objectif de prendre en charge la fragilité et le caractère sensible de ces zones ainsi que leurs Potentialités et leurs atouts dans les plans d’aménagement. Le projet de cette loi dans son article 9 stipule que les schémas régionaux d’aménagement du territoire font ressortir toutes les zones de montagnes dans le but d’orienter les actions de développement en fonction des spécificités des zones 2-1-5. Protection du littoral : La loi relative à la protection et à la valorisation du littoral [7] a établi des principes fondamentaux pour la protection et la valorisation du littoral. Parmi ses principes : l’inscription des actions de développement et de protection du littoral dans une dimension nationale de développement du territoire et d’aménagement. Dans les documents d’aménagement, tous les sites de la zone du littoral et présentant un caractère écologique, paysager, culturel et touristique doivent être considérée comme aire classée et frappée de servitudes. Pour cela, des instruments de gestion du littoral sont proposés par la loi. L’objectif de cet instrument est la mise en œuvre de la politique nationale de la protection et de la mise en valeur du littoral et de la zone côtière en particuliers. Cette gestion est assurée par le commissariat national du littoral qui parmi ses missions, veille à l’établissement d’un inventaire complet de toutes les zones côtières. La loi recommande aussi la nécessité d’instituer un plan d’aménagement côtier qui comporte toutes les dispositions de protection. Parmi ses principes : l’inscription des actions de développement et de protection du littoral dans une dimension nationale de développement du territoire et d’aménagement. Dans les documents d’aménagement, tous les sites de la zone du littoral et présentant un caractère écologique, paysager, culturel et touristique doivent être considérée comme aire classée et frappée de servitudes. Pour cela, des instruments de gestion du littoral sont proposés par la loi. L’objectif de cet instrument est la mise en oeuvre de la politique nationale de la protection et de la

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mise en valeur du littoral et de la zone côtière en particuliers . Cette gestion est assurée par le commissariat national du littoral qui parmi ses missions, veille à l’établissement d’un inventaire complet de toutes les zones côtières. La loi recommande aussi la nécessité d’instituer un plan d’aménagement côtier qui comporte toutes les dispositions de protection. 2-2- Protection du patrimoine culturel : La loi 98-04 du 15 janvier 1998 relative à la protection du patrimoine culturel a pour objectif de définir le patrimoine culturel de la nation, d’édicter les règles générales de sa protection, sa sauvegarde et sa mise en valeur et de fixer les conditions de leur mise en oeuvre Elle définit aussi les différents biens culturels qui sont composés2 de : 

biens culturels immobiliers.



biens culturels mobiliers.



biens culturels immatériels.

Les biens culturels immobiliers comprennent : 

Les monuments historiques se définissent comme toute création architecturale isolée ou

 groupée qui témoigne d'une civilisation donnée, d'une évolution significative et d'un événement historique.

Sont concernés, notamment les oeuvres monumentales architecturales, de peinture, de sculpture, d'art décoratif, de calligraphie arabe, les édifices ou ensembles monumentaux à caractère religieux, militaire, civil, agricole ou industriel, les structures de l'époque préhistorique, monuments funéraires, cimetières, grottes, abris sous-roche, peintures et gravures rupestres, les monuments commémoratifs, les structures ou les éléments isolés ayant un rapport avec les grands événement de l'histoire 3 nationale .

 les sites archéologiques sont définis comme des espaces bâtis ou non bâtis qui n'ont pas de fonction active et qui témoignent des actions de l'homme ou des actions conjuguées de l'homme et de la nature, y compris les sous-sols y afférents et qui ont une valeur historique, archéologique, religieuse, artistique, scientifique, ethnologique ou anthropologique. Il s'agit notamment, des sites archéologiques, y compris les réserves archéologiques et les parcs 4 culturels .  Les ensembles urbains ou ruraux : ils concernent les secteurs sauvegardés tels que les casbahs, médinas, ksours, villages et agglomérations traditionnelles caractérisées par leurs prédominances de zones d’habitat, et qui par leur unité architecturale et esthétique, présentent un intérêt historique, architectural et artistique ou traditionnel de nature à en justifier la protection, la restauration, la réhabilitation et la mise en valeur.

1

Ibid. Loi 98-04, op. Cit. Art 3 3 Loi 98-04, op.cit, art17. 4 Loi 98-04, op. cit. art28. 2

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La loi 98 a aussi défini les composantes des biens culturels mobiliers « Les biens culturels mobiliers comprennent notamment : - le produit des explorations et des recherches archéologiques, terrestres et subaquatiques; - les objets d'antiquité tels qu'outils, poteries, inscriptions, monnaies, sceaux, bijoux, habits traditionnels, armes et restes funéraires; - les éléments résultant du morcellement des sites historiques; - le matériel anthropologique et ethnologique; - les biens culturels liés à la religion, l'histoire des sciences et techniques, l'histoire de l'évolution sociale, économique et politique; - les biens d'intérêt artistiques tels que : * peintures et dessins, faits entièrement à la main sur tout support en toutes matières; * estampes originales, affiches et photographies en tant que moyen de création originale; * assemblages et montages artistiques originaux, en toutes matières, productions de l'art statuaire et de la sculpture, en toutes matières, objets d'art appliqué dans des matières telles que le verre, la céramique, le métal, le bois, etc... - les manuscrits et incunables, livres, documents ou publications d'intérêt spécial; - les objets d'intérêt numismatique (médailles et monnaies) ou philatélique; - les documents d'archives, y compris les enregistrements de textes, les cartes et autre matériel cartographique, les photographies, les films cinématographiques, les enregistrements sonores et les 5 documents lisibles par machine » . Les mesures de protection prévues par la loi 98-04 se résument aux actions suivantes : 6

- inscription sur l’inventaire supplémentaire : elle concerne les biens culturels immobiliers possédant un intérêt du point de vue de l’histoire, de l’archéologie, des sciences, de l’ethnographie, de l’anthropologie, de l’art ou de la culture et appelant une préservation. - le classement : c’est une mesure de protection définitive, qui concerne les immeubles bâtis ou non bâtis situés dans une zone de protection. Cette procédure de classement prévoie un champ de visibilité fixé au minimum de deux cents mètres.( 200m) - la création des « secteurs sauvegardés ». Cette mesure de protection concerne « les ensembles immobiliers urbains, ou ruraux tels que casbahs, médinas, ksours, villages et agglomérations traditionnelles caractérisées par leur prédominance de zones d’habitats, et qui par leur homogénéité et leur unité architecturale, présentant un intérêt historique, architectural, artistique ou traditionnel de nature à en justifier la protection, la 7 restauration, la réhabilitation et la mise en valeur » . 5

Loi n° 98-04 , op. Cit. Article 50.

6

Loi 98-04, op cit, Art 10. Loi 98-04, op.cit, Art 41.

7

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Y. Necissa Ces différents secteurs sont dotés d’un plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur tenant lieu de plan d’occupation des sols. Le Décret exécutif n° 03-324 du 5 octobre 2003 a établi les modalités d’établissement du plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur des secteurs sauvegardés (PPSMVSS). Les différents plans de sauvegarde et de mise en valeur doivent dispositions du plan directeur d’aménagement et d’urbanisme.

être établis en respectant les

Ces plans fixent les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols ainsi que les conditions architecturales selon lesquelles est assurée la conservation des immeubles et du cadre urbain. Les PPSMVSS édictent les mesures particulières de protection notamment celles relatives aux biens culturels. 2-3- Le patrimoine dans la politique d’aménagement du territoire En Algérie, la politique d’aménagement est menée au moyen d’un ensemble de schémas et de plans d’aménagement situés à différents niveaux d’échelles. A travers ce tableau, on situe les principaux textes législatifs et les échelles correspondantes : 2-3-1-Le patrimoine dans la loi 87-03 La loi 87 -03 définit l’aménagement du territoire comme cadre de référence pour la conservation, la préservation et l’utilisation de l’espace et crée la jonction entre les activités des différents secteurs nationaux. Cette loi définit les grands axes de développement régional, et sectoriels d’aménagement du territoire ainsi que les instruments d’aménagement. Dans la section 1 relative aux axes de développement régional, la loi 87 met en oeuvre des actions de développement selon les différentes régions par la mise en valeur des ressources locales, la préservation du patrimoine naturel et historique et la prise en compte des caractéristiques et les potentialités physiques et économiques des régions. L’article 24 de la section 2, relative aux axes sectoriels de l’aménagement du territoire stipule que l’aménagement du territoire prend en compte la protection de l’environnement, la sauvegarde des sites naturels, la protection et la restauration des sites historiques ainsi que la promotion des sites touristiques et des loisirs. La loi 87-03 détermine des instruments d’aménagement du territoire à différents niveaux national et régional. Le SNAT «schéma national d’aménagement du territoire» fixe «les grands programmes et actions par séquence temporelles correspondant aux termes de la planification nationale» 8. Il doit coordonner les perspectives des divers secteurs et agents économiques, en raison notamment des arbitrages que nécessitent : «La hiérarchisation des priorités dans l’allocation des ressources rares et non renouvelables» 9 «La fixation des orientations de développement et d’aménagement au niveau régional

10».

Le SNAT donne les orientations fondamentales pour tous les autres schémas et plans. Parmi ses préoccupations, la protection écologique nationale, la protection du patrimoine culturel ainsi que la valorisation et l’exploitation rationnelle des ressources naturelles. Le deuxième instrument d’aménagement se situe à une échelle régionale, il s’agit des schémas régionaux qui sont mis en œuvre par le SNAT, ils permettent de développer pour leurs régions respectives les vocations spatiales principales en fonction des contraintes naturelles ainsi que l’élaboration d’action de rééquilibrage interrégional. 8

Loi 87-03, relative à l’aménagement du territoire, Art 34. Loi 87-03, op.cit, Art 30. 10 Loi 87-03, op.cit, Art 32. 9

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Dans sa section 3, la loi prévoie une étude d’impact d’aménagement du territoire qui évalue les incidences pouvant être engendrées dans l’organisation économique et urbaine ainsi que dans le mode d’occupation de l’espace concerné. Ces incidences peuvent porter atteinte à la protection de la nature et à la conservation des sites et monuments. Le contenu de cette étude est déterminé par le décret n° 87-91 du 21 avril 1987 qui stipule que l’étude d’impact englobe et intègre les éléments relatifs à la préservation , à la protection et à la valorisation des ressources humaines et naturelles. En résumé, nous pouvons énoncer que la loi 87-03 n’a pas pu constituer un élément de référence aux actions de développement économiques et social. Ses instruments n’ont pas connu le début de mise en oeuvre, car malgré leur achèvement, ils n’ont pas été approuvés. 2-3-2-Loi d’aménagement et de développement durable du territoire 2001-01 La révision de la loi 87 relatif à l’aménagement du territoire a été nécessaire pour rendre ses prescriptions et ses orientations plus conformes aux nouvelles exigences et c’est ainsi qu’en 2001, une nouvelle loi d’aménagement et de développement durable a été promulguée en instaurant la politique nationale d’aménagement et de développement harmonieux de l’ensemble du territoire selon les spécificités et les atouts de chaque espace régional. Parmi ses finalités11, la protection et la valorisation des espaces et des espaces écologiquement et économiquement sensibles ainsi que la protection, la mise en valeur et l’utilisation rationnelle des ressources patrimoniales, naturelles et culturelles et leur préservation pour les générations futures. La loi d’aménagement et de développement durable du territoire définit différents instruments d’aménagement et de développement durable du territoire : 

Le schéma national d’aménagement du territoire.



Les schémas directeurs d’aménagement.



Les schémas régionaux d’aménagement du territoire.



Les plans d’aménagement de wilaya.



Les schémas directeurs d’aménagement d’aires métropolitaines.

A travers l’article 14, la loi intègre parmi les objectifs du SNAT, la valorisation et l’exploitation rationnelle des ressources naturelles, la restauration et la valorisation du patrimoine historique et culturel ainsi que la protection et le développement écologique national. Le schéma national (SNAT) prend en compte les caractéristiques et les particularités physiques et économiques des régions sud, prescrit pour les zones de montagnes le développement de l’agriculture, à la reforestation, à la protection de la diversité biologique, l’amélioration des réseaux de communication ainsi qu’à la protection, la sauvegarde et la valorisation des biens culturels, historiques et archéologiques12 . Les schémas directeurs sont des instruments privilégiés du développement harmonieux du territoire national et de ses régions, ils sont prévus par l’article 22 de la loi, parmi ces schémas, on note : 

Le schéma directeur de développement agricole : il fixe les orientations permettant le développement durable de ces espaces en prenant en compte leurs fonctions économiques, environnementales et sociales, décrit les mesures pour assurer la préservation des ressources naturelles et de la diversité biologique, et détermine les réseaux écologiques ainsi que les continuités et les extensions des espaces protégés

11

Loi 2001-01, relative à l’aménagement et le développement durable du territoire, Article 4.

12

Loi 2001-01, op.cit, Article 14.

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Le schéma directeur d’aménagement touristique : il prescrit les modalités de conservation, d’extension, de protection et d’utilisation des espaces agricoles, ruraux et pastoraux, il constitue le cadre privilégie du programme de développement du secteur agricole.



Le schéma directeur des zones archéologiques et historiques : il définit les modalités de développement des activités et des infrastructures touristiques compte tenu des spécificités et 13 potentialités des régions ainsi que les besoins économiques et culturels .

Le schéma régional d’aménagement du territoire fixe les orientations fondamentales du développement durable des régions, il vise la préservation et la valorisation des patrimoines culturels, historique et archéologique pour la création d’activités touristiques. Un autre schéma est prévu par cette loi, c’est le schéma directeur d’aménagement de l’aire métropolitaine qui se fait conformément aux dispositions du schéma national et aux prescriptions du schéma régional d’aménagement du territoire concerné. Il établit des orientations générales de protection du patrimoine naturel, culturel, historique et 14 archéologique ainsi que la délimitation des zones agricoles, forestières, pastorales et steppique . A l’échelle de la wilaya, sont prévus des plans d’aménagement du territoire de la wilaya qui précisent les aires intercommunales d’aménagement et de développement ainsi que des seuils d’urbanisation des agglomérations urbaines et rurales. En résumé, La loi 2001-01 relative à l’aménagement et le développement durable du territoire ne présente pas de texte d’application qui précisent la relation entre les différents instruments et la manière d’intégrer le patrimoine dans la politique d’aménagement et de développement. Les actions de préservation du patrimoine ne sont pas déterminées d’aménagement de wilaya.

au niveau du plan

3- LE PATRIMOINE DANS LES TEXTES D’AMENAGEMENT ET D’URBANISME : La loi 90-29 relative à l’aménagement et l’urbanisme a pour objet d’édicter les règles générales qui visent l’organisation de la production du sol urbanisable, la formation et la transformation du bâti dans le cadre d’une gestion économe des sols, assure l’équilibre entre les différentes fonctions ainsi que la 15 préservation des milieux naturels, des paysages, et du patrimoine culturel et historique . Cette loi se base sur le respect des principes et objectifs de la politique nationale d’aménagement du territoire. La loi 90-29

16

dans son chapitre III, section 1 met en place des instruments d’aménagement et 17

d’urbanisme et des plans d’occupation des sols , ces différents instruments fixent les orientations fondamentales d’aménagement des territoires intéressées et déterminent les prévisions et les règles d’urbanisme, ils définissent plus particulièrement les conditions permettant d’une part de rationaliser l’utilisation de l’espace , de préserver les activités agricoles, de protéger les périmètres sensibles , les sites, les paysages , d’autre part de prévoir les terrains réservés aux activités économiques et d’intérêt 18 général » . A travers l’article 12, la loi stipule que le plan directeur d’aménagement et d’urbanisme et le plan d’occupation des sols peuvent concerner une association de communes présentant une communauté d’intérêt économique et sociaux, ou pour l’occupation des sols une partie de commune. Cet article précise aussi que lorsque les territoires de communes relevant de wilayas différentes, les périmètres d’interventions du plan directeur du plan d’aménagement et d’urbanisme et du plan d’occupation du sol sont arrêtés conjointement par le ministre chargé de l’urbanisme et le ministre chargé des collectivités territoriales. Pour les territoires à caractère culturel et naturel, l’article 17 de la 13

Loi 2001-01, op.cit, Article 38. Loi 2001-01. Article 52 de la 15 er Loi 90-29 du 1 décembre 1990 relative à l’aménagement et l’urbanisme, Article 1. 16 Loi 90-29, op.cit. 17 Loi 90-29, op.cit, Article 10. 18 Loi 90-29, op.cit, Article 11. 14

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loi prévoie leur délimitation au niveau du plan d’aménagement sans les intégrer dans une politique d’aménagement global alors qu’ils doivent être considérés comme support d’activités économique très important. Pour le littoral, les terrains à caractère naturel et culturel et pour les terres agricoles, la loi 90-29 dans son chapitre IV, arrête des dispositions particulières applicables à ces zones. A travers l’article 45, la loi stipule que l’extension de l’urbanisation doit préserver et mettre en valeur les sites et paysages caractéristiques du patrimoine national naturel, culturel et historique, leurs délimitations et leur classement sont prévus conformément aux dispositions législatives qui leur sont 19 applicables . Dans les terrains agricoles, les droits à construire sont limités et doivent figurer dans les plans d’occupation du sol. En résumé, Le patrimoine est peu considéré dans les différentes lois, on peut même dire qu’il n’existe pas de paramètre d’évaluation et de délimitation au niveau des plans d’aménagement. Même les différentes mesures d’interventions prévues par la loi , se distinguent par la grande diversité des programmes sectoriels et l’importance des effets de mobilisation des moyens, financiers et matériels, mais sans aucune coordination réelle ni planification, ni suivi inter et intra sectoriel. Ces mesures se sont généralement particularisées par leurs irrégularités et l’absence d’évaluation des résultats et des effets des actions réalisées. On remarque aussi l’absence d’une politique d’aménagement du territoire car les différentes prescriptions ne peuvent être établies qu’à l’échelle de la wilaya (PAW) ou l’aire métropolitaine alors qu’elles n’ont pas actuellement une valeur réglementaire. Il est donc nécessaire de considérer la réflexion sur le devenir du patrimoine comme étape incontournable dans l’élaboration des projets d’aménagement et de développement. À cet effet certaines orientations doivent être suivies :



les prescriptions et les directives de protection et de mise en valeur du patrimoine doivent être institués pour gérer le patrimoine et imposés aux documents d’urbanisme et aux décisions d’aménagement c'est-à-dire que les documents d’urbanisme doivent contenir un volet spécial qui précise l’insertion des différents projets dans l’environnement.



La nécessité d’établir une démarche globale de gestion du patrimoine qui offre une prise de recul par rapport à la mise en œuvre de mesures ponctuelles, (cette démarche intègre les données sur les ressources naturelles, culturelles dans les différents instruments sectoriels en parallèle avec les données économiques elle permet aussi la jonction entre instrument d’aménagement du territoire et ceux de l’urbanisme).



La politique nationale du patrimoine culturel doit introduire la notion de la conservation intégrée afin que la gestion du patrimoine architectural, agricole, forestier, maritime, et industriel soit introduite dés les premières phases du processus de décision en matière d’aménagement du territoire importante dans les stratégies de développement et d’aménagement des wilaya. Par une approche tirée des résultats des premières parties, nous orientons des projets de valorisation de ce patrimoine, cette approche s’appuie sur la protection du patrimoine naturel et culturel dans une optique de développement. BIBLIOGRAPHIE 1. AUDRERIE (Dominique) « La notion et la protection du patrimoine », Paris, PUF, 1997. 2. AUDRERIE (Dominique) (dir.) « Tourisme, culture, patrimoine, Actes du colloque organisé en octobre 2002 à Périgueux, Périgueux, Pilote 24, 2002. 3. BABEAU (André), Le patrimoine aujourd’hui, Paris, Nathan, 1988. 4. BABELON (Jean-Pierre) et CHASTEL (André), « La notion de patrimoine », Revue de l’art, 19

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25. Le patrimoine culturel immatériel : les enjeux, les problématiques, les pratiques. Actes du colloque organisé par la Fondation du Forum d’Assilah et la Maison des cultures du monde, Paris, Maison des cultures du monde et Arles, Actes Sud, 2004. 26. POSTEL (Thibault), L’UNESCO et la sauvegarde du patrimoine culturel et naturel mondial, Mémoire, IEP, Université Aix Marseille 3, 1986. 27. POULOT (Dominique). (éd), Patrimoine et modernité, Paris, L’Harmattan, 1998. 28. POULOT (Dominique), De l’héritage monumental à l’entreprise de patrimoine, Badia Fiesolana, European University Institute, 1991. 29. POWELL (Nicholas), Les aventures extraordinaires des oeuvres d’art, Paris, les Belles lettres, 1999. 30. Cahier n°16, Paris, Ed. MSH, 2000. 31. RECHT (Roland), Penser le patrimoine : mise en scène et mise en ordre de l’art, Paris, Hazan, 1998. 32. Rencontres internationales pour la protection du patrimoine culturel. Actes du deuxième colloque (Avignon, du 5 au 7 novembre 1986) : Les Risques naturels, Avignon, RMG, 1987. 33. Rencontres internationales pour la protection du patrimoine culturel. Actes du premier colloque (Avignon, du 13 au 15 novembre 1985) : La protection contre les déprédations et dégradations du fait de l’homme, Avignon, RMG Patrimoine, 1986. 34. RIEGL (Aloïs), Le culte moderne. Son essence et sa genèse, Paris, Seuil, 1984. 35. ROULT (Huguette) et HUMBERT (Jean-Marcel) (dir.), A la recherche de la mémoire, le patrimoine culturel, Munich-Paris, K.G.Saur, 1992. 36. SCHNAPP (Alain), Science et conscience du patrimoine, Actes des Entretiens du patrimoine, Paris, Fayard, 1993.

Conventions et législations sur le patrimoine Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l’Organisation des Nations Unies (1972) BURNHAM (Bonnie), La protection du patrimoine culturel : manuel des législations nationales, Paris, Ed. de l’ICOM, 1974. Conventions et recommandations de l’UNESCO relatives à la protection du patrimoine culturel, Paris, Ed. de l’UNESCO, 1983. Recueil de textes fondamentaux du Conseil de l’Europe dans le domaine du patrimoine culturel, Strasbourg, Ed. du Conseil de l’Europe, 1997. Protection du patrimoine des populations autochtones, New York, Ed. des Nations Unies.

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La situation alarmante du patrimoine archéologique de Tébessa Entre marginalité et sauvegarde

H. MEDARAG NAROU1, A. FARHI2, S. MONSOURI3 1

Maitre assistante, 3Chargé de cours, Université de Tébessa 2

Maître de conférences, Université de Biskra

RÉSUMÉ Aujourd’hui, Les villes algériennes historiques sont exposées à une forte pression liée aux besoins multiples découlant de la mobilité, de l'économie, de l’habitat, de la société de services et d’autres évolutions. Ces éléments sont autant des facteurs qui font de la sauvegarde du patrimoine historique un défi complexe, une tâche dont le succès nécessite la participation de tous les acteurs, notamment la population, les pouvoirs publics, les partisans de l’architecture moderne et les défenseurs des monuments historiques. C’est le cas emblématique de la région de Tébessa, située à l’Est des hauts plateaux et au Nord est de la zone saharienne. La ville des cent temples ou Hecatompyle est connue par sa richesse en sites historiques, culturels et religieux. Hélas, ce patrimoine a souffert des atteintes du temps et des hommes. On note essentiellement L’insalubrité des sites historiques, leur dégradation, et le pillage des pièces archéologiques. Cette situation problématique est le résultat d’une mauvaise stratégie de sauvegarde et de mise en valeur. MOTS CLES

: ville historique, patrimoine archéologique, stratégie, sauvegarde, conservation,

marginalisation

INTRODUCTION Chargées d'un message spirituel du passé, les oeuvres monumentales demeurent le témoignage vivant des traditions séculaires des peuples anciens. Vis-à-vis des générations futures, l'humanité se reconnaît solidairement responsable de leur sauvegarde. Elle se doit de les leur transmettre dans toute la richesse de leur authenticité. Car un ouvrage ne traverse le temps que si au-delà de sa fonction utile d’habitation, de défense, de culte,... une magie faite d’art et de technique a dépassé sa destination initiale. Mais quel regard portons-nous actuellement sur notre patrimoine qui a souvent subi autant des assauts des hommes que du temps ? Déjà, en 1832, Victor Hugo s'insurge à propos de Notre Dame de Paris : « Il est difficile de ne pas s'indigner devant les dégradations, les mutilations sans nombre que, simultanément, le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument... Les destructions des hommes sont plus violentes et plus complètes que celles des âges ». Dès lors la conservation et la restauration des monuments sont devenues essentielles et les principes qui doivent les présider sont dégagés en commun et formulés sur un plan international, tout en laissant à chaque nation le soin d'en assurer l'application dans le cadre de sa propre culture et de ses traditions (charte Venise, 1964)

APPROCHE METHODOLOGIQUE L’objectif de notre travail est de dévoiler l’état déplorable des vestiges antiques afin de tirer la sonnette d’alarme devant l’urgence de réanimer les prestigieux monuments historiques de la ville de Tébessa. Pour ce faire, l’observation définie « comme un regard porté sur la situation.. » (Raymond, 1973) est l’outil essentiel de notre travail. Cependant, l’observation à elle seule ne suffit pas pour expliquer les phénomènes de dégradations et les tentatives de restauration désastreuses. C’est pourquoi nous avons fait recours aux entretiens auprès des autorités locales et à la documentation qui nous a été d’une aide précieuse.

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LA VILLE DE TEBESSA : L’ANCRAGE D’UN PASSE GLORIEUX A cheval sur les hauts plateaux et l'atlas saharien, la région de Tébessa est riche en vestiges émouvants des civilisations qui se sont succédé dans ces contrées semi-arides. à savoir, les romains, les berbères, les byzantins, les arabes et les français. Nous y trouvons les escargotières, les grottes avec gravures rupestres, les tombeaux puniques, les édifices romains et byzantins, les mosquées et les bains turques ainsi que les stations préhistoriques de Hammamet et Bekkaria. (Castel, 1912) Tébessa, l'antique Théveste, était une importante ville romaine. Elle recèle d’importants monuments et vestiges romains s’étalant jusqu’à la civilisation musulmane, en passant par les Byzantins et les Vandales. Les plus célèbres sont le temple de Minerve, la basilique romaine, le site de Caracalla, la muraille byzantine et le théâtre romain. (DE VILLE FOSSE, 1952) La muraille dite de l fut construire au 6ème siècle par le général byzantin Solomon pour des nécessités sécuritaires et politiques (photo n°01 et fig. n° 01.). (Castel, 1912)

Photo n° 01 : la muraille byzantine en 1909 Source : Castel, 1912

Fig. n°01 : une carte militaire de l’enceinte byzantine en 1848. Source : DE VILLE FOSSE, 1952

Ces remparts sont flanqués de quatorze tours carrées et s'ouvrent sur l'extérieur par quatre portes. L'une de ces quatre portes est un arc de triomphe (porte de Caracalla) datant de 214 après J.-C. Il fut élevé en vertu d'une disposition testamentaire de Cornelius Egrilianus, préfet de la 14è légion de Pannonie et originaire de Théveste. Cet édifice, qui servait à l'entrée Nord de la ville, est disposé en carré à la jonction de deux voies (photo n°02 et 03).

Photo n°02 : l’arc de triomphe coté Sud en 1906 Source : MENIER, 1938

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Photo n°03 : la porte de Caracalla coté Ouest en 1906. Source : MENIER, 1938

H. Medarag Narou Le temple dédié à Minerve datant du début du 3ème siècle. Les murs intérieurs de ce temple sont ornés de belles mosaïques. Nous y trouvons à l'intérieur divers outils préhistoriques (photo n°04).

Photo n°04 : Le temple de Minerve en 1909 Source : Castel, 1912

L'ensemble basilical situé à l'extérieur des enceintes de la vieille ville au Nord de l'arc de Caracalla, est entouré de chapelles, baptistères, catacombes et jardins (TRUILLOT, 1932). Il contient des allées, des écuries, de gigantesques escaliers, des chemins souterrains et beaucoup d'édifices romains. Cet édifice basilical, consacré à une sainte locale, sainte Crispine, et datant de la fin du 4ème siècle, est l'un des plus grands d'Afrique (photo n°05.). Non loin du marché central de la ville, se trouvent les ruines d'un amphithéâtre datant du 4ème siècle (photo n°06.) (CAGNAT, 1909).

Photo n°05 : la basilique romaine en 1928 Source : TRUILLOT, 1932

Photo n°06 : l’amphithéâtre romain en 1889 Source : CAGNAT, (1909)

La ville de Tébessa s’est développée initialement à partir de ces établissements romains et byzantins à l’intérieur de l’enceinte byzantine à l’époque musulmane et française. Ensuite la ville après l’indépendance et avec l’ampleur des développements démographique, économique et urbain, elle s’est étendue à l’extérieur de la muraille (Fig. n°02) (SOLTANI, 1994).Nonobstant ses valeurs socioéconomique et historique inestimables, ce patrimoine matériel est victime de dégradation par les assauts du vieillissement et la pollution, et en plus il est mutilé par des restaurations inadaptées.

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Fig. n°02 : l’évolution de l’urbanisation de la ville de Tébessa depuis 1842. Source : SOLTANI, 1994

LE PATRIMOINE ARCHEOLOGIQUE DEPERIT Aujourd’hui voir Tébessa c’est découvrir l’autre dimension d’une ville qui se débat à l’intérieur d’un environnement hostile où le poids démographique a eu raison sur la ville qui suffoque. En plus, cette ville est souffre d’un dépérissement de son patrimoine archéologique. Deux illustrations parfaites de l’arc de triomphe et la muraille byzantine.

1.

La "bétonisation" de l'arc de Caracalla une restauration infidèle à l’architecture d’origine

Classé patrimoine nationale le 19/10/1982, cette porte de Caracalla est un édifice grandiose, bâti entre 211 et 214 après J. C., en honneur à cet empereur Caracalla, fils de Septime Sévère d’origine africaine. C’est un arc de triomphe romain intégré à la citadelle byzantine et sert de porte au coté du nord des remparts. Excepté l’absence de trois colonnes, ce monument est bien conservé. Il est, comme l’arc de JANUS à Rome, un des rares exemples d’arcs à quatre faces semblables. Il a subi des transformations lorsqu’il fut intégré à l’enceinte. Car les byzantins avaient ses arcades latérales avec des pierres placées pêle-mêle sans ciment, comme ils avaient fermé l’arcade du fond ne laissant qu’une petite porte pour le passage des habitants. Ainsi clos, l’arc devenait une porte facile à protéger. Plus tard, pendent la colonisation française, le génie militaire dégagea les arcades latérale et celle du nord muré. (MENIER, 1938) Conscient de son inestimable valeur et de l’importance de sa revalorisation, le ministère de la Culture, depuis quelques années, semble s’en préoccuper sérieusement d’où une enveloppe financière a été débloquée pour son entretien et sa rénovation en 2001. Les travaux de restauration concernent la restitution des trois colonnes et des chapiteaux. Les travaux se feront en deux phases, celle de préparation qui concerne la consolidation et l’échafaudage, et une autre de la restauration proprement dite. Les travaux ont commencé le 18 décembre 2002 et devraient être achevés le 12 octobre 2005 (DLEP wilaya de Tébessa). L’étude, réalisée par les architectes, a conçu trois variantes de confection des colonnes ou trois prototypes : des colonnes en résine (mortier spécial, ciment plus sable, etc.), soit en pierre taillée en plusieurs éléments, soit en béton armé. Hélas, on a opté pour la dernière variante, car on a trouvé que c’est le seul matériau qui puisse répondre à la stabilité structurelle du monument, devant la dégradation accélérée des trois colonnes. Pour les pierres de la toiture qui menace de s’écrouler, une consolidation horizontale avec des tirants (poutres) en acier est nécessaire. Le projet comprend aussi la restauration des autres colonnes existantes avec de la résine et certains matériaux spécifiques à la restauration. Pour la restitution des parties disparues,

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H. Medarag Narou moulures, corniches corinthiennes, chapiteaux, on utilise, selon ses propos, la silicone (colle spéciale) pour reproduire les mêmes parties. Au préalable, il a fallu procéder au nettoyage de l’édifice et à la réfection des jointures. Sachant que la pierre existante étant en tuf, on a utilisé un mélange de matériaux confectionné à cet effet pour faire une pierre artificielle ayant la même couleur que le tuf. Tout allait bien, jusqu’à ce que les poteaux de fer devant être remplis en béton armé, pour en faire des colonnes, deviennent visibles. Quant à la couleur de la résine utilisée entre les pierres de taille est claire par rapport à celle originale de l’ensemble de l’édifice, et par endroits foncée. L’association Minerve, pour la protection des ruines et la sauvegarde de l’environnement, alerte les autorités par rapport interposé, jugeant la chose inesthétique et inappropriée. On parle de procédés rudimentaires, de matériaux non appropriés, étrangers à la roche d’origine (mortier à base de ciment blanc teinté), crépissage sur un fond noble, … Aujourd’hui, Cette porte est sous échafaudage depuis cinq années et les travaux sont à l’arrêt depuis 2003. (Photos n° :07)

Photos n°07 : La "bétonisation" de l'arc de Caracalla Source : Auteur, 2008

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2. La restauration de la muraille byzantine Jusqu’à la colonisation française et depuis sa construction au VIe siècle, la muraille byzantine, comptait trois portes : Caracalla au Nord, Solomon à l’Est et « Beb Chela » au Sud. La porte de Cirta ou Constantine cette porte, de 3,60 m de largeur et de 5,60 m de hauteur, quatrième porte, a été construite par le génie militaire à la fin de 1950 et détruite en 1957 par le colonel Guidon. (Fig. n°03)

Porte chela Mur byzantin

Porte constantine

Tours byzantines

Porte Solomon

Porte Caracalla

Fig. n° 03 : Les portes et les tours de la muraille byzantine. Source : SOLTANI, 1994

Constituant actuellement la vieille ville de Tébessa, cette fameuse muraille byzantine est actuellement transformée en vespasiennes (photo n° 09) et en dépotoir sauvage. Les détritus sont régulièrement déposés et incinérés contre les remparts byzantins (photo n° 08). Elle est victime des attaques du vieillissement et des pollutions. En effet la veille ville a enregistré en 2007, 30 habitations par hectare et 90 habitants/ hec sur une superficie de 60Hectare. Ces données traduisent une sur densité incroyable au sein de la vieille ville. Les choses deviennent plus graves si on rajoute les flux importants et continus des hommes et des biens à l’intérieur de l’enceinte. Le résultat est une pollution atmosphérique suffocante et dépassant les taux acceptables. Presque toute la façade intérieure de la muraille est recouverte d’une couche noire qui est le résultat des dépôts des substances polluantes. Cette couche inesthétique est source d’érosion et de dégradation accélérée des pierres de l’enceinte.

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H. Medarag Narou

Photo n°08 : Un dépotoir sauvage prés de la porte de Chela. Source : Auteur, 2008

Photo n°09 : La muraille byzantine transformée en vespasiennes. Source : Auteur, 2008

Dans le cadre du programme de protection et de sauvegarde du patrimoine archéologique de la ville de Tébessa, des travaux de reconstruction de la muraille étaient prévus pour mars 2005. Il s’agit de la construction d’un passage de 8 m de largeur contigu à la porte de Cirta, afin de prendre en charge le côté pratique de l’accès à la vieille ville de Tébessa, le respect du flux mécanique et piétonnier. Vu l’état désastreux de la restauration de la porte de Caracalla, le ministère de la culture a arrêté les travaux. (Photo n° 10)

Photo n° 10 : L’arrêt des travaux de restauration sur la porte de Cirta Source : Auteur, 2008

L’APPROCHE SCIENTIFIQUE DE LA RETAURATION DES MONUMENTS PRESTIGIEUX Nous dénonçons les restaurations hasardeuses, voire franchement inopportunes de la porte de Caracalla. En effet, les recommandations de la charte de Venise sont claires en matière de conservation et de restauration du patrimoine matériel. Elles mettent l’accent sur le fait que la restauration des monuments historiques constitue une discipline qui fait appel à toutes les sciences et à toutes les techniques qui peuvent contribuer à l'étude et à la sauvegarde du patrimoine monumental. Et elle a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fond sur le respect de la substance ancienne et des documents authentiques.

1 - Les recherches sur les matériaux et techniques de restauration Nous sommes là au cœur de nos préoccupations. La restauration doit toujours être précédée et accompagnée d'une étude archéologique et historique du monument. Tous les responsables du Patrimoine considèrent ces recherches comme une nécessité afin d’éviter la dérestauration, généralement suivie d'une nouvelle re-restauration, trop longtemps synonyme de destruction du monument. Depuis quelques années, l'UNESCO soutient une approche scientifique et technologique portant sur quatre grands domaines. Dans le champ de la prévention, il s'agit d'évaluer les dommages subis par les monuments. Au niveau de la préservation, des technologies innovantes et fiables sont

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développées pour assurer les nombreux aspects de leur protection (structure, matériaux, résistance aux conditions météorologiques, analyses climatologiques des espaces intérieurs, etc.). Des études approfondies de conservation, de présentation et de gestion du patrimoine archéologique.

2- De la restauration à la conservation préventive Bien entendu, l'avantage ultime de cette conservation préventive est d'éviter le recours à des opérations de restauration lourdes, puisqu'elle agit en amont du vieillissement de l'œuvre et non pas dans l'immédiat d'éventuelles dégradations. Elle est, par conséquent, la pierre angulaire de toute stratégie de préservation, ainsi qu'un moyen efficace de protéger l'intégrité des biens et de réduire au minimum la nécessité d'intervenir sur des objets individuels. Cette « restauration préventive » consiste à des opérations simples que les restaurateurs désignent familièrement sous l'appellation de « bichonnage ». (DINKEL, 1997) Pierres, bétons, métaux, verres, tous ces matériaux qui concourent à la force et à la beauté de notre patrimoine doivent faire l'objet périodiquement d'entretien et de restauration. Par exemple le nettoyage de la pierre sur les monuments historiques pour lever les effets des pollutions atmosphériques se fait grâce à trois procédés : le gommage par sablage, le nettoyage par faisceau laser pour enlever la couche noire sans attaquer la matière et enfin, le lessivage par la brumisation qui également dissout le noir de la façade. Ces actions d’assainissement des monuments permettent de lutter contre leur dégradation par l’action nocive de la pollution.

CONCLUSION Au terme de ce travail, l’antique Theveste hiberne sous le poids d’un environnement incompatible quant à la revalorisation de cette culture universelle. La protection des témoignages culturels ne relève pas seulement du souci esthétique et historique. Le maintien du patrimoine sous-tend une importante activité de recherche scientifique qui requiert des savoir-faire extrêmement pointus. Des technologies innovantes offrent aujourd'hui, aux responsables du patrimoine, de nouvelles armes de prévention, de protection et de restauration. Les méthodes de restauration des monuments ont trop souvent causé plus de dommages que de bénéfices par manque d'options fondées sur les recherches scientifiques. Quels que soient l'environnement, le type de nuisance, le matériau, il s'agit avant tout de comprendre les causes des dégâts. Souvent, celles-ci doivent être cherchées au-delà des raisons les plus "évidentes. Ces causes ont rarement une origine unique et l'approche interdisciplinaire et internationale s'avère, une fois de plus, indispensable. Le patrimoine archéologique de la ville de Tébessa est en détresse. Les sources de dégradations vont de l'impact des dégâts insidieux de la pollution, et le vandalisme jusqu’aux restaurations entreprises sans respecter les recommandations de Venise et sans l'apport d'experts en la matière ou l'assistance technique d'une instance culturelle internationale comme l'UNESCO C'est à ce titre, qu’il faut faire appel à plusieurs compétences pas exclusivement nationales, aux fins de réparer les agressions des derniers travaux de la porte de caracalla. Il faut également former des architectes spécialisés en architecture urbaine du patrimoine des monuments historiques, notamment dans le domaine des techniques de conservation et de la planification. Une fois de plus, Il est nécessaire de favoriser les liens entre le monde de la restauration et celui de la recherche universitaire pour ne pas commettre l'irréparable. La protection du patrimoine archéologique Algérien répond à une exigence sociétale majeure. La sauvegarde de cet autre visage de l'environnement n'est pas seulement gage de qualité de vie. Elle participe au dynamisme de la diversité culturelle Algérienne.

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H. Medarag Narou BIBLIOGRAPHIE 1-

CAGNAT R., (1909), « Carthage, Timgad, Tébessa et les villes antiques de l'Afrique du nord », Edition H. Laurens, 163 p

2-

CASTEL P. , (1912) « Tébessa. histoire et description d'un territoire algérien », tome II. Edition Henri Paulin, paris pp. 6-9 p 192.

3-

Charte Internationale, « la Conservation et la Restauration des Monuments et des Sites», IIe Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, Venise, 1964.

4-

DE VILLE FOSSE H., (1952), « Tébessa et ses monuments. Algérie», Edition Hachette paris, pp.19-23 p32.

5-

DE ROCH S., (1952), « Tébessa, antique Theveste », Edition l’Imprimerie officielle, Alger, pp.11-12 p 78

6-

DINKEL R., (1997) Encyclopédie du patrimoine: Monuments historiques, patrimoine bâti et naturel, protection, restauration, réglementation : doctrines techniques pratiques, Edition Encyclop Patrimoine, p1512. HUGO V., (1832) « Guerre aux démolisseurs », Edition Hachette paris, p.176

78-

MENIER A., (1938) « L'arc de triomphe de Caracalla à Tébessa», in la revue africaine n° 28 p 84

9-

Raymond H.,(1973) « Les méthodes en sociologie», Edition PUF, Paris,p283

10- SOLTANI A., (1994) « Tébessa», Edition imprimerie officiel, Tébessa p 264 11- TRUILLOT A., (1932), « Autour de la basilique de Tébessa », Edition Braham, p 210.

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Réhabilitation de la vieille ville de Constantine (Souika)

W. BOUGUERNE Faculté des sciences de la terre, département de la géographie et de l’aménagement du territoire, Université Mentouri, Constantine.

INTRODUCTION : Beaucoup ont raconté constantine et beaucoup ont écrit sur son patrimoine bâti ayant marqué plus de 2500 ans de l’histoire de l’humanité. j’ai voulu vous présenter, comme objet d’étude, l’artère ou la rue nationale de la vieille ville de constantine « LA SOUIKA » qui reflète d’une part, l’historique et l’attraction des touristes dans la ville et d’autre part, la chose qui a inspiré cette étude, c’est que jadis, mon père et sa petite famille ont vécus à cet endroit majestueux en gardant toujours des bons souvenirs d’enfance. La « SOUIKA », rue MELLAH SLIMANE (ex rue perrégaaux), commence côté sud-ouest de la vieille ville prés du pont sidi rached, où se trouve l’avenue ZABAANE (ex. rené viviani), et remonte jusqu'à l’ancienne bordure dite « le mur » (ex. LE ROCHER) qui se trouve du côté de la rue thiers, qui relie le pont EL KANTARA avec le pont SIDI M’SID (côté nord–est de la vieille ville de constantine). LA Souika, diminutif de souk (donc petit marché), ce quartier est inaccessible aux voitures et reste un lieu très vivant où l’on trouve de nombreux petits commerces.

Figure1 : le commerce reste très présent dans la souika.

Figure 2 : A l'exemple de la plus ancienne minoterie de la ville.

W. Bouguerne

Figure 3 : L’intérieur des maisons de Souika

I- Les quartiers de la vieille ville de Constantine (Souika) : Les quartiers de la vieille ville inférieure de l’ouest vers l’est. 1. Rue de l’échelle : se sont des escaliers qui relient les quartiers BAB DJABIA et RAHBAT- DJAMEL à Souika et aussi la route qui mène au BARDO (en passant sous le pont de SIDI RACHED). BAB-DJABIA et RAHBET- DJAMEL ont trois sorties : deux donnent sur le centre ville où se trouve le Théâtre de Constantine et la troisième donne sur la rue LARBI BEN MHIDI (ex. rue nationale). Les quartiers côté haut (coté du centre ville de Constantine) 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.

RAHBAT’DJAMEL (rue des frères Bahama). BAB DJEBIA. RUE de L’ECHELLE qui relie les deux quartiers (rue des frères Ahssane). SAIDA. ZANKET EL MESKE. SIDI BOUANABA. la rue SIDI NEMDIL relie la PLACE BATHA.

Les quartiers côté bas (côté RHUMEL). 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 8. 9.

KOUCHET ZIET (rue Benzagouta). ZANKET AMAMRA, rue Kharouali (ex. rue Motylinski de Calasenti). SABATT BOUCHIBI rentrée du quartier SIDI BZAR, rue Bakouche (ex. rue Bedeau). place SIDI ABDELMOUMEN (relie les quartiers). SIDI BZAR (rue Ali Khoudja). ZANKET TA BALLA (ex rue Corneilles). BEN MENAHEL (impasse MENAHEL). DAR DBEGH. ZELAIKA (ex. rue Dybouski) c’est un impasse qui aboutie a la rue Tanneur dite DAR-DBEGH. CHATT.

On termine avec le quartier CHATT, car c’est la nouvelle bordure de la Souika après la construction de la nouvelle rue Ben Mhidi (ex. rue nationale) dite TARIK DJADIDA. Elle a coupé la vieille ville en deux parties, c’est pour cela que le quartier RABAINE CHERIF est devenu une deuxième artère pour les quartiers du côté de la vieille ville supérieure.

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Les quartiers de la vieille ville supérieure 1. RAHBET ES –SOUF est un centre de la veille ville supérieure qui relie presque tous les quartiers. 2. SIDI DJELISS. 3. CHERAA. 4. AR SIF. 5. DJEZARINE. 6. ZANKET MKAIS. 7. MAKAD EL HOUT. 8. SOUK EL ASSER. 9. CHEVALLIER. 10. LA CASBAH. 9. TABIA.

II – La vieille ville à la merci du temps : Beaucoup de choses ont été dite sur la vieille ville et des dizaines d’études ont été publiées sur la manière d’entreprendre sa réhabilitation. Mais, de l’avis de nombreux observateurs avertis et parmi eux des responsables de la direction de la culture, rien ou presque n’est sorti « esquisses de projets ».

Figure 4 : Une photo de cette partie de la Souika prise vers 1958-1960

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Figure 5 : Les mêmes lieux en 2003. Une partie des bâtiments a déjà disparu victime, entre autre, des glissements de terrain.

Figure 6 : la situation actuelle (mars 2005). Certains habitants se retrouvent sous des tentes de fortune Pendant que les quartiers entiers de Souika s’effondrent, bloc de maisons après l’autre et que les ruines s’amoncellent, l’on continue sur des modèles qui ne paraissent réalisables que sur le papier.

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Les tonnes de documents qui s’amoncellent depuis plus de vingt années n’ont pas permis d’avancer d’un pas sur la voie d’une réhabilitation qui continue de se chercher. Il y a bien quelques esquisses de tenter dans une ou deux directions comme c’est le cas actuellement des travaux de Voies et Réseaux Divers (V.R.D.) lancés à hauteur de la Zaouia Tidjania (Souika) sous le contrôle d’une commission technique. De l’aveu même des proposés à cette opération (travailleurs et techniciens) « dès le premier coup de pioche l’on s’est trouvé face à des difficultés imprévisibles ». Sous les premiers pavés arrachés est apparu un enchevêtrement de conduite d’eau et d’évacuation des eaux usées très vieilles et pour certaines toujours fonctionnelles. L’on s’est aperçu du même coup que les spécialistes « en agencement de pavés n’existent pas sur la place de constantine ni dans d’autres villes environnantes comme Mila et Skikda ». Ici, le phénomène des dominos joue à plein, puisque dès qu’une maison s’effondre, c’est des dizaines d’autres bâtisses appuyées à la première qui sont ébranlées et ne tardent pas à menacer ruine. Il existe donc bien un plan de sauvegarde de la vieille ville soutenu par un décret présidentiel 03/322 du 15 octobre 2003 qui offre le cadre officiel à ce plan qui compte deux volets. Un réglementaire impliquant l’A.P.W. et les directions concernées, ainsi que les personnes physiques ou morales, pouvant participer à ce plan et un volet technique qui doit choisir par voie de concours un bureau d’étude agréé. Ce sera donc ce bureau d’étude en étroite relation avec le comité de sauvegarde qui se chargera de formuler des propositions quant aux modalités d’exécution du plan. Devant la situation qui prévaut au niveau de la vieille ville, le club de réflexion et d’initiative, a procédé à la visite des lieux et élaboré un rapport circonstancié à adresser aux autorités et à faire paraître dans la presse nationale. En effet, après avoir traversé, les ruelles de Souk el asser, Charaa, Rahbat Essouf, Sidi Djeliss, Rabaine Echerif, la Medersa, Sidi Bouanaba, puis Souika, nous n’avons fait que constater l’état de dégradation très avancée des bâtisses. Les ruines laissent quelque fois place soit à des îlots encore conservés soit à des espaces aménagés pour la circonstance en parking. Les habitants, sans nous connaître, nous ont interpellés afin de nous indiquer le chemin que nous ne leur avons pas demandé au préalable. Nous avons compris que la foule, composée d’hommes, de femmes et d’enfants, voulait à tout prix nous diriger vers l’endroit ou certaines habitations ont été détruites ces derniers jours. Après inspection des lieux, recueil des témoignages et vérification des documents présentés par les habitants, nous avons établis le rapport suivant : 1. Les bâtisses de la vieille ville présentent dans leur majorité des désordres signifiants de nature à entraîner leur écroulement à court terme. 2. Il ne reste pratiquement du quartier Souika, que la rue principale. 3. Des maisons ne présentent aucun risque imminent d’écroulement et qui demandaient à être renforcées ou restaurées ont subi des démolitions localisées des éléments essentiels à leur stabilité (murs porteurs, piliers et poutres). Elles ont été rendues inhabitables. 4. Des citoyens en possession d’actes de propriété ont été expulsés manu militari, et leurs maisons saccagées. 5. Les rampes de balcons et d’escaliers, les portes, les fenêtres et les meubles datant de plusieurs siècles ont été saccagées. 6. Certaines maisons, plus vétustes que celles détruites sont encore habitées. 7. Des pillards, à la recherche d’objets anciens, ont fait leur apparition sur les lieux. 8. Le site est devenu très dangereux pour les enfants, qui continuent à jouer inconsciemment sur les ruines. 9. Les enfants sont traumatisés par les scènes qu’ils ont vécus : Ils racontent avec colère et avec haine ce qu’ils ont vu. 10. Les citoyens n’hésitent pas à montrer du doigt certains responsables de comités de quartiers qui font du chantage aux futurs bénéficiaires de logements, conditionnant les attributions par l’adhésion à certaines organisations. 11. Le climat au niveau des vieux quartiers est des plus explosifs.

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W. Bouguerne III- La restauration de la vielle ville de Constantine (Souika) : A l’évidence, l’annonce de la sélection d’un bureau d’étude constantinois, en l’occurrence celui dénommé Kribéche, qui vient d’être chargé officiellement par le maître de l’ouvrage (la direction de la culture), suite a un récent avis d’appel d’offre, d’élaborer un nouveau plan de sauvegarde de la médina prend la dimension d’un enterrement de première classe pour le fameux « Master Plan » destiné à la réhabilitation de la vieille ville. Ce plan, vient de franchir un nouveau pas, un groupe de spécialistes, délégué par l’université italienne Roma III a séjourné, à cet effet à constantine pour recueillir des données complémentaires sur les sites concernés. Le Master Plan, faut-il rappeler, est un programme financé par le gouvernement italien et qui se greffe sur le grand projet de sauvegarde et de réhabilitation de Souika. Entamé en janvier 2003, il devait se dérouler sur trois phases à commencer par l’établissement d’un état des lieux avec actualisation des plans et des informations, la présentation ensuite d’une ébauche d’aménagement et enfin l’élaboration d’un règlement urbanistique général. La partie algérienne semble ignorer les raisons du retard accumulé par l’étude mais, toutefois, l’on sait que l’université chargée du projet a bénéficié d’une prolongation des délais. Le Master plan est censé apporter des solutions pour l’aménagement des espaces, dégagés suite à la démolition des maisons en ruine, et l’installation de nouveaux équipements. Des équipements capables de donner une nouvelle identité et partant une nouvelle vocation a la vieille ville pour lui permettre de recouvrer son cachet touristique et artisanal. Cependant, le destin d’une autre partie aussi importante, celle des maisons encore solides, demeure incertain. Le gouvernement algérien n’avance aucune solution, notamment pour la consolidation des bâtisses malgré que Souika soit reconnue patrimoine national. En attendant, chaque jour apporte son lot de menaces pour ses murs et la mémoire qu’ils renferment. Les effets du temps sont dévastateurs et la main de l’homme est encore plus perfide. Les responsables chargés de la gestion à Constantine sont appelés à faire en sorte que tout les moyens soient employés pour sauver ce qui reste de cette vieille ville et agir dans la voie tracée par les hautes autorités du pays pour changer le visage de la ville du rocher. Lors de la réunion du 2 avril 2008, les collectivités locales ont débloqué 65 millions de dinars au titre de la réhabilitation de la vieille ville de constantine. Après le constat de la nécessité d’une réhabilitation lourde, à travers l’essai tenté sur la maison N 12, un autre échantillon bénéficiera de l’enveloppe financière dégagée par la wilaya. Le choix s’est porté sur la maison N12 pour laquelle il faudra achever les travaux entamés, sur l’habitation N19 de la placette de Bab El Djabia et sur 6 autres maisons dispersées à travers la rue Mellah Slimane. Concernant les habitations N12 et N19, les études sont en cours, quant aux 6 maisons incorporées dans le programme d’essai, le lancement des études est en cours. En tout état de cause, si l’opération est couronnée de succès pour cet essai, elle sera généralisée après l’approbation du plan permanent de sauvegarde et mise en valeur des secteurs sauvegardés. L’opération a été scindée en trois tranches : La première tranche a ciblé la partie allant de Bab El Djabia à la rue Abdellah Bey, la deuxième tranche de la rue Abdellah Bey à Zeleika et enfin la troisième tranche de Zeleika à la rue Saïd Benchic

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Figure 7 : La photo montre les travaux qui ont commencé le 25 avril 2007 dans le quartier Souika

Conclusion : Suite à cette modeste et globale étude sur la Souika, les membres de la commission doivent établir un rapport sur la situation de ce vieux quartier et choisir les méthodes propices et appropriées pour le cas de cette dernière. Il aurait fallu tout faire pour préserver ce site authentique et éviter de nouveaux traumatismes à notre population. Alors, nous appelons tous nos élus ainsi que le gouvernement à travailler dans la concertation et la transparence, afin de mieux gérer cette cité tant convoitée et apprendre à recréer des liens sociaux basés sur le respect et surtout sur la bonne application des lois de la république, car nul n’a le droit de porter atteinte à un patrimoine historique et encore moins a une mémoire collective. Nous appelons tous les citoyens à se mobiliser pour que Constantine retrouve son histoire, sa science et son savoir.

Figure 8 : Esquisse pour la restauration de Souika

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W. Bouguerne Bibliographie : 1- Allal D. : extrait de l’ouvrage « la présentation de la Souika » 2- Benkadri H. : les massacres de la vieille ville de constantine, « 2005 » 3- Benkertoussa A. : la veille ville a la merci du temps « 2007 » 4- Said : la restauration de la vieille ville « comment sauver le patrimoine historique ».

6- Article extrait du journal El Watan du 23/février/2005. 7- Article extrait du journal El Acil du 02 /avril / 2008.

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Réhabilitation des K’sour en Algérie Cas du Ksar de boussaada B. KHALFALLAH Maitre de Conférences, Université de M'sila [email protected]

RESUME Cette recherche étudie à travers le cas du Ksar de Boussaâda, les différents enjeux de la réhabilitation et de la mise en valeur des tissus urbains traditionnels en Algérie. La démarche consiste à identifier les éléments spécifiques de la composition de ces ensembles urbains puis de dresser un bilan sur les formes de dégradations physiques et de dévalorisation fonctionnelle du K’sar. On soulignera que ces derniers ont été provoqués par le processus accéléré d’urbanisation de la ville depuis l’engagement du 1er plan directeur d’urbanisme en 1975. On mettra enfin l’accent sur la patrimonialisation de l’espace d’habitat. Nous n’avons guère la prétention de régler par le présent travail tous les problèmes urbains posés. Par contre, on présentera les contours d’une stratégie de réhabilitation qui puise sa force et sa légitimité dans nos valeurs socioculturelles tout en se basant sur les opportunités qui incitent les différents acteurs à ne plus marginaliser cette partie de la ville.

1.

INTRODUCTION

La ville de Boussaâda est l’une des prestigieuses villes présahariennes d’Algérie qui recouvre de potentialités patrimoniales d’importance nationale. Au 18eme siècle, le premier noyau « s’est enrichie sur les plans socioéconomique, culturel et urbanistique » [1], la grande diversité et la qualité de l’aspect architectural local en sont les témoins. Avant cette date, « Sidi Thameur, un notable marabout planta des palmiers et édifia une mosquée dans l’endroit qu’on appelait avant sa venue le K’sar » [2]. De ce qu’on vient de citer, il semble que l’émergence de l’habitat traditionnel en béton de terre stabilisé à la paille, dont les caractéristiques urbanistiques ont comme modèle de référence la ville islamique et les techniques architecturales locales, a donné naissance à un centre urbain connu sous le nom de K’sar qui signifie le fort. Aujourd’hui, Boussaâda connaît une urbanisation accélérée avec un style urbain et architectural en complète contradiction avec la ville traditionnelle posant ainsi de nombreux problèmes. Il s’agit en fait d’une prolifération d’un modèle standard d’urbanisation inspiré de la ville occidentale qui a altéré l’originalité du paysage urbain et a accéléré par son attraction la dévalorisation et la décadence du patrimoine urbain et architectural authentique (Voir figure 1). C’est vraie que « dès que l’espace n’est plus évocateur de souvenirs et de valeurs partagés qui ont conditionnés l’attachement au lieu, il en résulte une incompréhension entre les hommes et le lieu » [3].

2.

CARACTERISTIQUES D'ORGANISATION ET D'AMENAGEMENT DE L'ESPACE

Le K’sar de Boussaâda n’est pas l’œuvre d’un spécialiste en urbanisme. Il est le produit d’une communauté pour son propre usage. C’est donc une œuvre collective guidée par des préoccupations d’intégration à l’environnement socioculturel et économique qui caractérisent la conception globale de l’organisation spatiale du tissu urbain. Ainsi, on peut dire que le K’sar est un espace de vie d’une société adapté harmonieusement à son milieu. Son organisation repose sur un secteur central destiné aux activités commerciales en étroit rapport en termes de situation et de formation avec les lieux de culte et en particulier la mosquée. CUNEO [4] affirme que « cette organisation est une forme de recomposer le concept de la ville islamique ». Le plan général du K’sar est régulier avec la subdivision de l’aire urbaine en Harates (quartiers) distinctes et compactes desservies par un réseau de voies (Voir figure 1). Ces dernières expriment à travers une nomenclature différenciée, les degrés croissants de privatisation à partir de la voie

B. Khalfallah primaire à usage public pour passer aux ruelles se terminant des fois en impasses. Entre les Harates, il y a parfois des zones libres appelées Rahbates (placettes), tandis que les habitations sont à grande cour intérieure (photo 1).

PHOTO 1 : Cour intérieure d’une habitation. Il est clair que ce tissu urbain comme l’ensemble des k’ours des villes algériennes présente les intérêts suivants : 

C’est un patrimoine culturel d’une valeur scientifique inestimable



C’est une partie importante du patrimoine urbanistique et architectural algérien.



Il représente une preuve confirmée d’une adaptation ingénieuse au milieu physique et socioéconomique.



Il témoigne d’un savoir faire des populations locales en matière d’urbanisme et d’une parfaite organisation sociale de l’espace.

3.

DEGRADATION DU K'SAR

La dégradation du parc immobilier du K’sar semble être liée à une série de causes dont les plus importantes sont le manque d’entretien et transformations, les surcharges des maisons et la mobilité résidentielle.

3.1. Manque d’entretien et transformations La dégradation du tissu urbain des différentes Harates du K’sar de Boussaâda n’est pas liée à la question d’age des constructions mais au manque d’entretien et à leurs transformations. Dans le passé, les constructions étaient traditionnellement repassées à la chaux au moins une fois chaque année. A ce manque d’entretien s’ajoute la mauvaise utilisation des lieux. En effet, à cause du manque d’équipement, des salles d’eau ou des cuisines sont improvisées dans des pièces sans évacuation comme l’indique le tableau ci-dessous dressé par le chercheur en 2007.

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Nature de la transformation

Pourcentage

Changement de la façade Transformation d’une ou plusieurs pièces Division d’une grande chambre en deux Extension Autres

19.00 16.33 24.66 28.50 11.50

Tableau 1 : Transformations des constructions au k’sar Source. Nous avons pu constater que les travaux de transformation mal adaptés peuvent provoquer des dégâts ou entraîner carrément la ruine des constructions.

3.2. Surcharge des maisons Le K’sar de Boussaâda avec sa population de 12 900 habitants en 2007 a une forte densité qui dépasse les 200 habitants par hectare. Si on ne comptabilise pas les maisons en ruine, la densité avoisinera les 300 habitants par hectare, ceci a pour conséquence l’accentuation de l’érosion des constructions. La forte densité de la cité, qui témoigne d’une surcharge confirmée des maisons, trouve son explication dans l’importance de la taille moyenne des ménages et dans le nombre élevé de personne par pièce (Voir le tableau 2 ci-dessous dressé par le chercheur en 2007). Nombre de Logements

Logements occupés

Logements abandonnés

Population

Taux d’occupation des logements

Taux d’occupation des pièces

1796

1323

473

12900

08.01

03.80

Tableau 2 : Occupation des logements du K’sar.

3.3. Mobilité résidentielle La fréquence de changement des occupants des maisons du K’sar est aussi l’une des causes de sa dégradation. Ce tissu urbain qui était avant 1980, un lieu d’intégration des populations rurales migrantes, n’est aujourd’hui qu’un lieu de transit vers cette intégration étant donné que ces habitants aspirent à un autre lieu de résidence qui incarne selon eux l’évolution et la modernité.

4.

NECESSITE DE VALORISATION DU PATRIMOINE

En dépit du consensus universel sur l’importance du patrimoine, ce dernier n’a pas fait l’objet d’une prise en charge particulière jusqu'à l’adoption de la convention du patrimoine mondial par l’UNESCO en 1972. Depuis cette date, cette notion s’est élargie pour englober toutes les dimensions spatiotemporelles et socioculturelles des agglomérations historiques. Cette patrimonialisation de l’espace vise à préserver l’héritage urbanistique et architectural contre les effets de la modernisation hâtive qui pose de nombreux problèmes. Dans ce sens, KRIER [5] affirme que « vouloir se libérer de l’héritage historique est une attitude absurde, nous nous privions ainsi d’une source inépuisable d’expériences et de connaissances accumulées depuis des millénaires ». A l’instar des villes présahariennes en Algérie, la ville de Boussaâda possède un patrimoine urbain et architectural très riche. Ce dernier s’est dégradé graduellement suite au développement urbain accéléré devant répondre aux exigences nouvelles posant ainsi la problématique particulière de la sauvegarde du patrimoine. Il s’agit de concilier entre les besoins d’une population en croissance continue et son paysage culturel général. On tient à souligner que beaucoup de contraintes entravent cet objectif. Il s’agit entre autres: 

Des politiques officielles en matière d’urbanisme et d’aménagement qui ont un aspect linéaire incapable de prendre en charge les particularités.



L’occupation de l’espace par une population peu solvable.



L’incompatibilité entre les besoins de développement socio-économiques et le besoin de protéger le patrimoine du K‘sar.



La faiblesse de la société civile et des associations de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine dans la ville.

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B. Khalfallah 

5.

La marginalisation des fonctions économiques du K’sar et l’inconscience à son égard par le pouvoir local.

REHABILITATION DU K'SAR, ENJEUX ET OPPORTUNITES

La réhabilitation est un concept qui désigne selon la charte de Lisbonne [6] « des travaux dont la finalité est la récupération et la remise en état d’une construction, une fois résolus toutes les anomalies constructives, fonctionnelles, d’hygiène et de sécurité cumules tout au long des années, et menant à bien une modernisation dont le but est de lui faire mieux remplir ses fonctions, jusqu'à s’approcher des actuels niveaux d’exigences ». En se référant au dictionnaire, ce concept « désigne au sens figuré l’action de faire recouvrir de l’estime ou de la considération. Par extension, cette action qualifie les procédures qui visent la restauration des immeubles s’accompagnant de modernisation » [7]. Dans la révision du plan directeur d’aménagement et d’urbanisme (PDAU) de Boussaâda en 2006 [8], le K’sar se trouve toujours marginalisé malgré son importance en tant que patrimoine et la dégradation avancée qu’il présente. Dans cette optique, il est important de se baser sur l’article 19 de la loi d’orientation de la ville [9] pour engager une procédure de réhabilitation du K’sar comme secteur.

5.1. Les opportunités de la réhabilitation Les opportunités de la réhabilitation du K’sar de Boussaâda représentent les facteurs qui incitent les pouvoirs publics, a ne plus marginaliser ce tissu urbain traditionnel. Il s’agit : 5.1.1. La situation du K’sar Le k’sar se situe en plein centre ville de boussaada au croisement des artères commerciales (Fig 02). Cette situation peut présenter des opportunités de rayonnement à l’échelle de la ville toute entière. Fig 02: K'sar ou patrimoine urbain et architectural authentique 

Source: établit par le chercheur

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5.1.2. La nature juridique du foncier La nature juridique du foncier est moins compliquée par rapport a d’autres situation telle que l’habitat illicite. Dans notre cas et selon notre enquête personnelle, (87 %) des habitations ont un acte de propriété, ce qui présente un avantage pour la programmation d’une opération de réhabilitation en concertation avec les propriétaires. Des questions se posent autour de savoir comment assurer la participation des autres acteurs.

6. PROJET DE REHABILITATION Concevoir un projet urbain qui vise la réhabilitation du k’sar et revaloriser le patrimoine urbain dégradé constitue l’objectif majeur du présent travail. Dans ce sens, on va essayer de s’inscrire dans une optique de développement durable qui envisage l’amélioration du cadre de vie, la régulation des seuils de densité, la sauvegarde de l’environnement, et impulsion d’un dynamisme qui se répercute sur l’ensemble de la ville. El Wakil (10) affirme que « si cette identité est appelée a sauver un art identifiable La stratégie consiste en l’élaboration d’un plan qui contient des orientations globales de mise en valeur qui resitue le K’sar dans sa réalité socio-économique, historique et culturelle, et qui prévoit une mise a niveau pour retrouver son dynamisme en prenant en compte les préoccupations et les aspirations de la population concernée. La réalisation de l’opération doit se faire en concertation avec tous les acteurs, a savoir les habitants, les responsables de la gestion urbaine et de la culture, les associations, et les instances financières. A priori, un travail de sensibilisation des acteurs doit se faire pour qu’ils soient mobilises à participer massivement à mettre en marche le projet, et à la concrétisation du maintien de cette tradition urbaine et architecturale d’une valeur inestimable. Dans ce sens il est impérativement demandé de répondre a certains question qui se rapportent à : - La création d’un comité de concertation - le phasage du projet - la prise en charge des habitants de chaque secteur lors des travaux - le montage financier

CONCLUSION Le k’sar de Boussaâda témoigne d’un urbanisme et d’une architecture qui ont fait déjà leurs preuves, et qui sont aujourd’hui patrimoine en proie voué à la disparition car ils sont devenu synonyme de pauvreté pour les populations qui y résident encore. Réhabiliter et mettre en valeur ce cadre bâti dégradé consiste à puiser dans nos valeurs socioculturelles et économiques afin de dégager des mécanismes opérationnels pour la pérennité de cette richesse urbaine et culturelle.

Bibliographie 1. CADAT antenne de M’sila, (1975), « PUD de la commune de Boussaâda ». 2. LESBET D., (2005), « La casbah d’Alger, une cité en reste », In vie des villes, N°1, Alger, p.52. 3. NACIB Y., (1986), « Cultures Oasiennes », Publisud, Belgique, p.146. 4. CUNEO P., (1994), « Introduction à l’urbanisme en pays de l’islam », CASP Rome, p.40. 5. KRIER R., (1975) , « L’espace de la ville », Editions EAM, p.175. 6. www.htm-asso.com/textelisbonne/urbal.htlm 7. CHOAY F., MERLIN P. (2005), « Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement », PUF Paris, p.762. 8. URBAS SETI, (2006), « Révision du PDAU », Documents écrits. 9. Loi N°06/06 du 20/02/2006 portant loi d’orientation de la ville. 10. EL WAKIL, (1987), « The Arab house past and present », DURHAM Great Britain, p.26.

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Les Circuits Touristiques Comme Instrument D’intégration et de Préservation du Patrimoine Bâti des Tissus Anciens. Le Cas du Patrimoine Ksourien de La Micro Région des Ziban S. LALOUANI née BOUZAHER1, D. ALKAMA 2, Département d’architecture, Faculté des sciences et des sciences de l’ingénieur, Université Mohammed Khider, Biskra.

RESUME La biodiversité joue un rôle prépondérant dans le fonctionnement des réseaux oasiens à écosystèmes fragiles et ceux particulièrement sur le plan environnemental, socioculturel, économique et du cadre bâti. Malgré son importance les outils d’aménagements et d’interventions urbaines PDAU et Pos sont souvent obsolètes. Le patrimoine culturel et urbain que peut créer la biodiversité est en détresse, plusieurs Ksour et Dachra sont en déclin ou en voie de disparition. Pour que ce patrimoine oasien acquit un certain niveau de développement et intègre l’économie nationale du pays, de nombreux gouvernements ont décidé de le mettre en tourisme. De ce fait il est nécessaire de mettre en place un tourisme culturel fondé sur des projets épuisant du potentiel du contexte et tenant compte de la contribution des collectivités locales, des mouvements associatifs et des professionnels du tourisme. Cependant, l’organisation mondiale du tourisme propose des programmes d’aménagement touristique dans le cadre du développement durable des écosystèmes oasiens pour la préservation du patrimoine, tel l’écotourisme qui se réalise sous forme de tourisme de circuit et d’intégration des ksour.

PROBLEMATIQUE : Nous supposons que le redressement et l’aménagement des circuits touristiques dans la région de Ziban qui se fondent principalement sur la répartition des anciens noyaux traditionnels permettent la mise en place de nouvelles stratégies de sauvegarde du patrimoine culturel : architectural tel les Ksour et les Dachra ainsi que le patrimoine oasien : tel le paysage agricole, forestier et saharien. L’objectif de cette contribution est : 

La recherche de la mise en place d’une approche de préservation du patrimoine à base d’un aménagement touristique adéquat aux potentialités de la micro région oasienne et particulièrement de ses Ksour et Dachra.



La procuration des moyens de développement durable appropriés aux noyaux traditionnels par la revalorisation du cadre bâti des ksour et des Dachra qui recevront une dynamique basée sur l’activité touristiques.

METHODOLOGIE : Après avoir fait une exploration du tourisme saharien ayant pour objectif la mise en place d’un tourisme spécifique à la région. Et après une définition du contexte d’étude, la région des Ziban afin de dégager tous les supports d’un programme d’action par les circuits touristiques que peuvent fournir les décors paysagés des Ksour de la région. Une analyse serra faite pour expliquer comment les circuits touristiques peuvent être un vecteur de développement durable de la région et un instrument d’aménagement et de sauvegarde du cadre bâti.

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UN TOURISME SAHARIEN OU UN TOURISME DANS LE DESERT : La promotion du tourisme comme outil de durabilité : Le tourisme durable est la déclinaison, dans le domaine du tourisme, de celle de développement durable, « officialisée » lors de la conférence de Rio en 1992. (PNUE/PAM, 2005). Cependant la déclaration de Québec sur l’écotourisme (Canada, 2002) reconnaisse que l’écotourisme englobe les principes du tourisme durable en ce qui concerne les impacts de cette activité sur l’économie, la société et l’environnement.  DÉCLARATION DE QUÉBEC, 2003  Les types de tourisme développés dans les déserts sont en cohérence avec des formes de tourisme qui s’adaptent aux problématiques de ces espaces, tels que : Les conditions climatiques y sont « rudes » (très chaud et/ou très froid) et la saisonnalité y est forte. Les conditions d’accès ne sont pas toujours des plus aisées, ce qui le rend très spécifique. Les formes de tourisme qui correspondent bien et s’adaptent aux attentes des populations locales et à la fragilité de ces milieux sont les suivantes : l’écotourisme, le tourisme solidaire et équitable qui sont proches dans leur éthique mais se différencient par leurs offres.  OMT-PNUE, 2002

L’écotourisme: L’écotourisme représente une des formes de développement touristique, qui sous certaines conditions, peut favoriser la protection des zones naturelles et culturelles grâces aux programmes de conservation qu’il suscite et qu’il peut financer. Il se doit, de respecter les principes du développement durable. Les aspects de durabilité retenus pour le tourisme appartiennent au domaine environnemental, socioculturel et économique. Ils s'appliquent à toute l'industrie touristique. 6 L’écotourisme est donc une manière de faire du tourisme fondée sur le désir de découvrir la nature, de respecter, de préserver et de valoriser, les équilibres naturels et culturels des lieux et des populations où il s’exerce.

Les caractéristiques de l’écotourisme L'écotourisme réunit toutes les formes de tourisme axées sur la nature et dans lesquelles la principale motivation du touriste est d'observer et d'apprécier la nature ainsi que les cultures traditionnelles qui règnent dans les zones naturelles. BENYAHIA et Al, 2003, Site Wikipedia  

Il est généralement organisé par de petites entreprises locales pour des groupes restreints généralement. On trouve aussi des opérateurs étrangers de dimensions variables qui organisent, gèrent ou commercialisent des circuits écotouristiques, aussi pour de petits groupes. C’est ce qui permet l’encouragement du développement durable, en fournissant des emplois aux populations locales et autochtones.



Il favorise la protection des zones naturelles : en procurant des avantages économiques aux communautés d'accueil, aux organismes et aux administrations qui veillent à la préservation des zones naturelles ; en créant des emplois et des sources de revenus pour les populations locales; en faisant davantage prendre conscience aux habitants du pays comme aux touristes de la nécessité de préserver le capital naturel et culturel.



Le partage des bénéfices socio-économiques avec les communautés locales, en obtenant leur accord et participation dans la gestion de l'activité.



Il favorise la conservation, ainsi que la justification de la conservation, de la biodiversité et de la diversité culturelle, à travers la protection des écosystèmes



L'écotourisme s'accompagne de retombées négatives limitées sur l'environnement naturel et socioculturel.

La mise en place d’un programme écotouristique : Les principaux produits commercialisés dans les déserts sont en grande partie basés sur l’observation des paysages et la découverte de sites historiques et culturels. Certains contextes géographiques ont été favorables au développement d’un tourisme aux multiples enjeux dans les territoires oasiens. Deux types de tourisme s’intéressent aux oasis : le tourisme de circuit et le tourisme saharien « Le tourisme de circuit est caractérisé par un bref séjour des touristes dans les oasis qu’ils considèrent comme un décor ; il ne s’agit pas de les découvrir et de comprendre leur fonctionnement .Le circuit touristique étant bien organisé, les touristes ont peu de liens avec le patrimoine socioculturel ; ce type de tourisme présent très peu de retombé local. Les circuits proposés

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S. Lalouani associent généralement la découverte de paysages naturels ayant un intérêt culturel à des rencontres avec les populations locales. [Aboubacar, I, 2006.]

LA REGION DES ZIBAN QUELS POTENTIALITES TOURISTIQUES ? Définition du contexte d’étude « Biskra la micro région des Ziban »: Situation géographique Située au sud est de l’Algérie, plus exactement au pied sud de la chaîne montagneuse de l’atlas saharien qui représente les monts des Aurès ainsi que la limite entre le nord et le sud algérien, plus précisément au nord du bas Sahara. Elle semble un véritable espace tampon entre le Nord et le Sud. Cette situation lui a value la connotation de « porte du désert » et lui a permis de jouer à travers les différentes époques de son existence un rôle de lieu de rencontre et d’échanges entre le nord et le sud et l’est et l’ouest  Léon l’africain, 1977 La micro région des Ziban semble constituer un véritable espace de transition entre un nord du pays bien équipé et un sud déshérité. Mais, elle reste l’un des espaces les plus attrayant et le plus fragiles dans le monde par sa structure paysagère, ses vues panoramiques et sa simplicité. Le relief de la micro région des Ziban se divise en quatre grands ensembles. On trouve une chaîne montagneuse et les hauts plateaux au nord ; avec l'altitude de djebel Tekriout 1942 m. Les grand plateaux se trouvent au sud ouest de la région notamment sur la région de Ouled Djellal ; et Sidi Khaled. Les plaines steppiques s’étendent à l’est, sur l’axe El-Loutaya et Doucen. Les dépressions caractérisées par la présence de chotts Au sud-est,  Direction des forêts, 2006 (voir carte) Les oueds sont répartis selon leurs sources. Des oueds qui ont pour source le cœur même des Aurès, Oued El Hai et Oued Abdi qui produisent à leur rencontre oued Biskra. Oued El Arab et Oued El Guetan qui se croisent a Zribet el oued pour produire Oued Zriba. La Région est traversée par oued "Jdaïa " qui constitue le collecteur général des eaux d l’atlas saharien. Direction des forêts, 2006

Données climatiques : Par sa situation elle constitue un carrefour important de lien entre les villes du nord particulièrement celles de l’est et celles du sud. Cette implantation lui a confié un climat rigoureux, sec et aride, dont des hivers froids et secs et des étés chauds et secs CÔTE M. 1979; la température moyenne annuelle est de 22,3 °C, avec un minimum de 11,4 °C en janvier et un maximum de 43,5 °C. À l’exception des montagnes septentrionales, la micro région des Ziban reçoit une pluviométrie en moyenne entre 120 et 150 mm/an. Direction du transport, 2006

Figure N°1 : carte exprimant la répartition du relief, les réseaux routiers, les réseaux hydrauliques de la micro région des Ziban. (Réaliser à partir Health-Mapper ver 4.1)

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Les touristes étaient attirés par ce climat sec, tempérer, et doux de la région ainsi que par la luminosité de son ciel. Ces symboles de l'Afrique du Nord, constituaient des atouts naturels propices à l’attraction touristique. Monographie de la Wilaya de Biskra, 2006 Cependant ces caractéristiques climatiques et géographiques ont poussé l’homme des Ziban à produire une variété d’établissements humains. Ainsi que plusieurs manières de s’adapter et de s’intégrer dans des sites naturels, pour créer enfin une variété des oasis.

LA REGION DES ZIBAN A DEJA UN PASSE TOURISTIQUE: La lecture cartographique montre que malgré son caractère saharien c’est une micro région verte. Touristiquement, elle demeure l’une des zones les plus attrayantes grâce aux potentialités qu’elle recèle. Monographie de la Wilaya de Biskra, 2006 Pendant le période coloniale les potentialités touristiques de la région des Ziban ont connu un grand épanouissement. De la fin de l'automne jusqu’au début du printemps s’étendait la période touristique estivale. La région des Ziban est considérée comme une « station hydrominérale et climatique» grâce aux eaux sulfureuses et chaudes de la fontaine de Hammam. Le mot hammam est d'origine turque. Le hammam, à la différence du sauna, est un bain de chaleur fortement humide, dont la température idéale se situe entre 40° et 50° et dont l'hygrométrie est portée à saturation. Les magnifiques hammams de Biskra font rêver avec leurs vastes salles carrelées et au décor somptueux relié au oasis. Hammam Salhine a procuré à la région une réputation qui s’est répandue durant la période coloniale même en Europe. Naceur, F, 1997 En plus de Hammam Salhine Biskra compte quatre autres stations d’hydrothérapies telles : Hammam ElBaraka à ElHadjeb, Hammam Echifa à Echegua, Hammam Sidi Elhadj à Loutaya, Hammam Ain L’hammia.

LES ZIBAN : PAYS DES VIELLES OASIS : Les petits établissements humains formaient une partie du Bas Sahara. Ils étaient des villages berbères qui entretenaient des relations avec le royaume de Carthage. Le territoire des oasis des Ziban a ainsi connu successivement l’occupation des Carthaginois, des romains, des vandales et des Byzantins, comme, le décrit Ben Khaldoun dans la Mokadima. Actuellement, les Ziban s’organisent sous la forme de groupements villageois discontinus, Zab Chergui et Zab El Gharbi. Ceux-ci correspondent globalement aux terres cultivables palmeraies de deglette nour l’une des meilleures dattes au monde. Le commerce a toujours eu une place notable dans les oasis des Ziban. Les réseaux villageois des Ziban sont organisés en deux entités distinctes. [Dj. Alkama, 2006]

Le Zab chergui A l’Est, le Zab chergui s’apparente avec des terres cultivables mais une accumulation du capital durablement liée au commerce transsaharien, cette fois-ci en lien avec l’est et le Souf. Enfin, cette aire de peuplement, moins habitée est traditionnellement articulée autour deux centres notables qui sont Sidi okba à l’Ouest et Khanguet sidi Nadji à l’Est lieu de la confrérie Rahmania connues comme des relais du chemin de pèlerinage. Bien entendu, ces deux petits centres tirent leurs origines de l’époque romaine comme le précise Ben Khaldoun dans La Mokadima. [Dj. Alkama, 2006]

Le Zab Gharbi ou les oasis du plateau ouest des Ziban A l’Ouest, le Zab Gharbi constitue une entité considérablement peuplée. Ses villages oasis se greffent autour des deux petites capitales appelées : Tolga à l’est et Ouled Djelal à l’ouest. Ses terres gypseuses ont donné naissance à de grandes palmeraies qui s’étalent tout le long du pied des montagnes des Amours à l’ouest de la micro capitale des Ziban « Biskra ». L’ensemble des ces villages oasis sont fondés sur les vestiges de petits établissements humains romains. Nous citons à titre d’exemple : la petite bourgade Bouchegroune est fondée sur un site romain qui s’appelait Ghrada. Lichana était aussi un camp militaire romain entouré par une enceinte en pierre. L’agglomération de Tolga est construite sur les vestiges d’une cité romaine appelée au temps (Tolacca). Parallèlement, on trouve des ruines romaines à la commune de Bordj Ben Azouz. El Ghrous aussi vient de s’accoler à un centre qui existé de puis longtemps sous le nom El Amri. La civilisation musulmane s’est installée dans la région à l’aube du 7ème siècle par le conquérant Okba Ibn Nâfaa à cette époque les Ziban avaient connu grande prospérité et a vu un développement des secteurs de la phoeniciculure, du commerce et l’enseignement. Ces événements sont largement décrits par el Hadj el Ayiachi dans son livre de l’histoire des Ziban, cité dans un manuscrit de Ben Haba en 1957 à Biskra [Dj. Alkama, 2006]

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S. Lalouani Au pied des Aurès vers le sud : Au pied de la montagne du versant sud des Aurès se succède un ensemble d’oasis sans pareil. Il s’agit de : El Kantara, Djamoura, Guedila, Béni Souik, Ain Zaâtout et M’chounech. A mi-chemin entre la chaîne enneigée des Aurès et les oasis généreuses du royaume des Ziban, El Kantara constitue un lien inaliénable et indéfectible entre le Nord et le Sud. Ce lien est perceptible à vue d’œil à travers les gorges ciselées au milieu, constituant un passage entre deux montagnes, ouvrant la voie à l’échange, au brassage et à la différence. Entre deux paysages, deux formations géologiques que sont le Tell et le Sud, se font face. Les gorges d’El Kantara sont au milieu de deux climats. Dans son ouvrage Au pays des Palmiers, Biskra, édité en 1897, l’auteur, Felix Hautfort rapporte ceci : «On conte que les conquérants (colonisateurs) s’arrêtèrent aux gorges d’El Kantara et que, muets d’admiration devant le panorama du désert, ils écoutèrent, tête nue, l’hymne national; pour la première fois, les musiques jetaient à la plaine sans échos» [Léon l’africain, 1977] Pas moins gracieuse ni moins belle qu’El Kantara, il s’agit de Béni Souik. Elle offre la réplique du paysage d’El Kantara mais avec une organisation plus originale et une découverte non attendue. (Fig. N°2). Dans se prolongement se dresse M’chounech qui forme une baie naturelle, une immense tâche verte de différents arbres. Elle est traversée par l’eau fluide de l’oued El- Abiod.

Figure N°2: Carte de situation du réseau des villages oasis des Ziban Source [Dj. Alkama, 2006]

PATRIMOINE ET RESSOURCES : NATURELLES, ALIMENTAIRES DE CHAQUE GROUPEMENT : Chaque groupement humain vie de sa palmeraie principalement en plus d’autres espèces agricoles et forestières. Ces derniers complètent l‘importance du secteur primaire dans le cas de ces oasis. Ils ne font pas obstacle à l’importance des circuits touristiques que peuvent créer ces palmeraies conjuguaient aux sites de valeurs: Historique, naturelle, culturelle et architecturale, sur l’ensemble du territoire de la micro région des Ziban.

Figure N°3 : graphe exprimant les pourcentages forestier dans la micro région des Ziban. (Répartition par commune)

Figure N°4 : graphe exprimant les pourcentages de la palmeraie dans la micro région des Ziban. (Répartition par 142commune)

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Figure N°5 : carte exprimant la répartition de la palmeraie dans la micro région des Ziban ainsi que les routes qui les traversent. (Répartition par établissement humain) L’aridité des montagnes et la fertilité des oasis s’y côtoient pour offrir et encadrer des écosystèmes oasiens sans pareil.

Patrimoine architectural Ksourien de la micro région des Ziban: Il ne peut pas y avoir une oasis sans une présence de l’homme afin que les services écologiques soient échangés et la structure d’un écosystème soit mise en place. Les oasis exposées englobent chacune un groupement d’habitation doté d’une architecture spécifique à la région. Ksar, Dachra ou noyau tradition se sont toujours des leçons du génie humain pour la sauvegarde et la protection de l’environnement naturel. Elles représentent elles même les solutions habiles d’un développement durable.  OMT ,2006

Le cadre bâti du Zab chergui : Cette aire de peuplement, moins habitée est traditionnellement articulée autour deux centres notables qui sont Khanguet sidi Nadji à l’Est lieu de la confrérie Rahmania et Sidi Okba à l’Ouest.

Khanguet sidi Nadji :

Tissu colonial Tissu traditionnel

Ksar

Figure N°6: Carte montrant les types de tissus existants dans le ksar de khanguet sidi Nadji

Figure N°7 : différentes vues du ksar et de l’oasis qui l’entoure

Source B.E.T.A.U. Elmanar

Source B.E.T.A.U. Elmanar

Figure N°8 : Le Ksar de Khanguet Sidi Nadji Source : auteur

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S. Lalouani Chetma

Vue plane sur Sidi

Figure N°9 : Les premiers noyaux de Chetma Elkoudia et El Dachra Source : Google Earth. Photo : auteur

Figure N°10 : Les sentiers dans la palmeraie de Chetma et les systèmes d’irrigation qui les accompagnent. Source: auteur

Figure N°11 : Les rues et les passages couverts qui caractérisent la dachra de Chetma. Source: auteur

Sidi Okba vers l’est du Zab :

Figure N°12 : Le premier noyau inséré dans la palmeraie de Sidi okba Source : Google Earth. Photo: auteur

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Figure N°13 : Le premier noyau inséré dans la palmeraie de Sidi Okba Photo: auteur

Figure N°14 : Les rues du premier groupement de Sidi Okba Photo: auteur

Le cadre bâti du Zab Gharbi ou les oasis du plateau ouest des Ziban : Tolga à l’est

Figure N°15 : Le premier noyau de Tolga, la Dachra de Farfar et les rues spécifiques de Tolga Source : Google Earth. Photo : auteur

Figure N°16 : Les rues et les entrées caractéristiques de l’architecture de la Dachra de Tolga Source : auteur

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S. Lalouani Ouled Djellal à l’ouest

Figure N°16 : vue aérienne sur le noyau d’Ouled Djellal et sa palmeraie. Source : Google Earth

Figure N°17 : vue aérienne sur le cadre bâti d’Ouled Djellal et sa palmeraie. Source : Google Earth

Le cadre bâti situé au pied des Aurès vers le sud : Guedila, Béni souik et El Kantara

Figure N°18 vues sur les écosystèmes oasiens de Guedila et Béni Souik

Figure N°19 vues sur les écosystèmes oasiens d’El Kantara

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Source : Auteur

Source : Auteur

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Après avoir exposé tous les potentiels de la micro région des Ziban en matière des écosystèmes et des types de cadres bâtis qu’ils peuvent créer. Après la lecture visuelle des différents Ksour, Dachra et tout autre type de groupement humain, nous pourrons passer a l’analyse et à la recherche d’une manière adéquate pour les préservés et les protégés.

DES CIRCUITS TOURISTIQUES DANS LA MICRO REGION DES ZIBAN : La carte suivante présente la répartition des différentes caractéristiques géographiques de la région des Ziban, superposé aux différentes routes et pistes. Ce document permet une esquisse préliminaire d’un circuit touristique. Il offre aussi les différentes séquences paysagères de la région des Ziban.

Figure N°20 : carte exprimant la répartition des circuits touristiques sur la micro région des Ziban. (Réaliser à partir Health-Mapper) A compter la répartition en quatre Zab et l’intégration des routes nationales qui divisent a leur tour la région en quatre autres grands circuits, il sera possible de répartir la région en huit zones dont chaque zone aura ses propres caractéristiques géographiques, agricoles, et surtout architecturales et urbaines. Ces zones se lieront entre elles et s’inter-sectionnent en des sous zones communes. Les circuits des Zab seront les principaux ils auront une valeur historique comme nous l’avons abordés, ils seront le support agricole et paysagé. Les autres circuits seront des articulations et les liens.

Les types des cadres bâtis et les paysages offerts : L’entrée par le nord de la région des Ziban offre un ensemble de gorges et de vues montagneuses, ces données géographiques ont enfermé des groupements humains sans pareil. Ils peuvent être sources d’études et d ‘inspiration aux architectes par exemple. L’architecture de ces groupements humains se caractérise par son étalement en verticale incliné obéissant aux courbes de niveau des montagnes des Aurès. Tandis que la partie sud introduit le désert par des séquences paysagères ouvertes sur le ciel et la terre. Les types d’architectures et d’établissements, sont complètement différents les institutions humaines côtoient la palmerais et s’étalent en horizontales. Les matériaux de constructions et les techniques d’irrigation sont aussi différents. Ainsi que la typologie des architectures et des façades de chaque établissement. Il est important de signaler deux autres types de paysage, il s’agit du paysage type agricole et du paysage de type urbain. Le paysage de type agricole consiste dans les surfaces agricoles de la

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S. Lalouani région, dans ce cas nous parlons de tissu épars et de cadre bâti différent quand au paysage urbain cela implique les novelles extensions des noyaux traditionnels. Les réseaux d’eaux et les lacs saisonniers, accompagnent les routes et les pistes de la micro région des Ziban. Les séquences paysagères : les gorges, les vues montagneuses représentent un type de séquence fermée par contre les séquences sahariennes qui donnent sur les dunes, la palmerais et le sable sont le type de séquence ouverte au ciel et sur la terre. Donc, la structure de ce paysage naturel peut satisfaire deux types de touristes les allocentriques et les psychocentriques. Il serait donc important de parler de rapport tourisme paysage et cadre bâti.

LE PAYSAGE POUR OUTIL D’AMENAGEMENT DES CIRCUITS ECOTOURISTIQUES POUR UNE REVALORISATION DU CADRE BATI : Le tourisme a proposé des parcours au cœur des sites historiques et anciens pour remonter dans le passé et des itinéraires de découverte du patrimoine architectural et des monuments mis en scène, à travers des prospectus d’agences de voyage qui éveillent et justifient le désir d’évasion, ou suggèrent différents types de dépaysement, ou carrément proposent des structures sécurisantes. L’aménagement des paysages a de multiples impacts: culturel, environnemental, social et économique et leur connaissance approfondie nous offres des outils pour réaliser des projets de paysages sensibles, poétiques, harmonieux, au lieu de subir des aménagements et de découvrir tardivement le résultat d’un processus aléatoire susceptible de générer des images ébauchées et simplistes.

La corrélation cadre bâti et paysage : Pour ce faire il est important de définir la notion de paysage. Les définitions du paysage sont extrêmement nombreuses et le débat sur ce terme est loin d’être fini. La mission du patrimoine ethnologique a conclu que le paysage est à la fois une construction culturelle et une production sociale, et affirme que les paysages font partie d’un patrimoine culturel que naturel, et qu’au delà de la définition figée de la notion de paysage, les chercheurs ont tenté d’éclaircir le rôle que celui-ci joue aujourd’hui dans une société s’intéressant beaucoup aux mécanismes de fonctionnement de cette notion qu’aux raisons qui le conduisent à tenir une place grandissante dans les rapports que nous entretenons avec notre espace. Donc, le paysage sera toutes ses structures paysagères qui accompagnent les circuits touristiques proposés. Il comprend les groupements d’habitations, les ksour et enfin les sites naturels. Il serait donc opportun de réfléchir sur les types de touristes consommateurs de ces espaces ainsi que le cadre dans lequel nous devons les inscrire car le tourisme à une autre facette défavorable. Alors pour quels types de touristes et dans quel cadre il faut les inscrire ?

CONCLUSION Le secteur touristique est un des piliers de l'économie nationale, soit en termes de devises, de valeur ajoutée ou d'emplois. Il implique nombreuses branches de l'activité économique et induit par son développement des changements culturels, économiques, politique et sociaux. L’écotourisme est un segment du tourisme, pratiqué par des personnes cherchant un contact proche avec les environnements architecturaux et naturels constituant des écosystèmes sans leurs porters atteints. Il est donc essentiel de mètre en place un programme de préservation du patrimoine à base d’un aménagement touristique adéquat aux potentialités de la micro région oasienne et particulièrement de ses Ksour et Dachra. Dont l’article exprime un potentiel touristique assez considérable et déjà existant. La manière de le mettre en place sera seulement par l’exploitation des ressources paysagères : urbaine, architecturale et naturelle. Cette dernière ce ferra par la restauration des ksour et des dachra, l’installation du concept architectural dar EDHIAF et pour quoi pas des extensions des écoles d’architecture, des paysages, d’agriculture et insérer ce programme dans le cadre d’échange international entre université. Cette approche mettra en place des moyens de développement durable appropriés aux noyaux traditionnels par la revalorisation du cadre bâti des ksour et des Dachra qui recevront une dynamique basée sur l’activité touristiques scientifiques et intellectuelles. L’orientation vers une population estudiantine permet la protection des valeurs, sociale et culturelle car elle permet l’instruction de cette population dans le ses protection et préservation du patrimoine architectural, social et culturel.

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Bibliographie 1-

Aboubacar, I, 2006. In Le tourisme saharien et la problématique de l’environnement In. La cultura del oasis, Colloque international oasis et tourisme durable, Elche (Espagne) 153-156.

2-

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3-

Avant propos de Claudie Voisenat et Patrice Notteghem: "Paysage pluriel, pour une approche ethnologique des paysages", ouvrage collectif, collection "Ethnologie de la France", Cahier n°: 09, Ed., de la Maison des Sciences de l’homme.

4-

CÔTE M. 1979. Mutations rurales en Algérie, le cas des hautes plaines de l’Est. Alger : OPU.

5-

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6-

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7-

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8-

Direction du transport, 2006.

9-

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10-

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11-

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12-

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13-

Nadia BENYAHIA, Karim ZEIN, 2003. In Contribution spéciale de Sustainable Business Associates (Suisse) à l’atelier « Pollution and Development issues in the Mediterranean Basin « du 28 janvier 2003 dans le cadre de la 2ème Conférence Internationale Swiss Environmental Solutions for Emerging Countries (SESEC II) du 28-29 janvier 2003 à Lausanne, Suisse. Site Internet : http://sba.hello.to

14-

Organisation mondiale du tourisme, Développement durable du tourisme dans les déserts – Lignes directrices à l’intention des décideurs, OMT, Madrid.2006 ISBN-13 : 978-92-844-11924

15-

OMT-PNUE, Document conceptuel, Année Internationale de l'Ecotourisme 2002 Site Internet: http://www.world-tourism.org/sustainable/fr/ecotourisme/doc-omt-pnue.htm

16-

Site http://fr.wikipedia.org

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Les ksour: témoin d'un art urbain saharien, mais en péril, cas du ksar de Ouargla M. CHAOUCHE BENCHERIF Département d’Architecture et d’Urbanisme Université de Constantine – Algérie Tel mobile : 07 70 41 05 36 E mail : [email protected]

Résumé Connu sous le nom de Ouardjelane (ibadite), ou Ouarglène (berbère), le ksar de Ouargla est, sans doute, celui qui est le plus enraciné dans l’histoire du Sahara. Les ksour, par leur implantation sur les anciennes routes des caravanes, maille tout le Sahara. Bien que, beaucoup, aient perdu leurs remparts, depuis longtemps, ils sont restés, jusqu'à récemment, des structures fonctionnelles assurant aux habitants une sécurité alimentaire et une cohésion sociale. Ils ont toujours fait partie d'un agro-système intégrant la palmeraie, les terres cultivables et l'eau. La rupture du système ksar - palmeraie - mode de vie a induit des pratiques qui ont accéléré la dégradation. Le départ des autochtones, en quête de conditions meilleures, et l'arrivée d'autres, au mode de vie étranger au ksar (ni entretien, ni bonne gestion de l'eau), y ont, fortement, contribué. Le processus dégradant les ksour est lié à plusieurs facteurs: la fragilité des constructions, les inondations successives, la remontée de la nappe phréatique, sont une première série de causes. La nucléarisation familiale et les questions d'héritage amplifient le mouvement de désertion. La dégradation est, aussi, due à la forte densité du tissu qui oblige les habitants à surélever les maisons et à occuper les cours intérieures. La densité du ksar de Ouargla est passée de 270 en 1977 à 349 hab. /ha en 2000. Le statut du foncier est un autre obstacle à la rénovation. Relevant des territoires militaires, Ouargla présente une propriété, globalement, domaniale. Cette confusion juridique, qui fait que les familles sont propriétaires usufruitières du bâti et non du sol, les empêche d'engager une réelle réhabilitation. Les populations pauvres ou les dernières vagues de sédentarisation des nomades se sont, souvent, réappropriés ces ksour à l'abandon. Parfois, ils deviennent de véritables îlots de pauvreté. Par la dégradation de ce patrimoine dont une partie tombe en ruines et son manque de durabilité, c’est de la disparition de pans entiers de la mémoire collective locale et nationale, qu’il s’agit.

Mots clés:

Espace oasien, ksar, patrimoine, tradition, modernité, préservation, développement durable.

INTRODUCTION Les ksour, par leur implantation sur les anciennes routes des caravanes, maille tout le Sahara. Bien que, beaucoup, aient perdu leurs remparts, depuis longtemps, ils sont restés, jusqu'à récemment, des structures fonctionnelles assurant aux habitants une sécurité alimentaire et une cohésion sociale. Ils ont toujours fait partie d'un agro-système intégrant l'eau et la palmeraie [Bisson, 2004]. L'habitat ancien du Bas-Sahara présente des constructions introverties et irrégulières, avec une géométrie définie par la forme de la parcelle, allant du rectangle au trapèze et à des formes composées, parfois. Cette irrégularité formelle résulte de partages successifs des parcelles et de leurs modes d'occupations. La surface varie selon les besoins de la famille, et la maison, unité sociale et économique, abrite familles, réserves et animaux. Dans le pays de Ouargla, les ksour sont, en général, dressés sur des sols rocheux et terrains élevés pour l'autodéfense, aussi, pour la préservation des ressources hydriques et des sols fertiles. L'architecture ksourienne est un patrimoine riche dont une partie dépéri et tombe, peu à peu, en ruines. Le matériau de terre, qui en est la base, servant à bâtir ces établissements humains, constitue le talon d'Achille de ces groupements et participe, par sa dégradation et son manque de durabilité, à la disparition de pans entiers de la mémoire collective locale et nationale.

M. Chaouche Bencherif I- LES NOYAUX TRADITIONNELS: UNE DECADENCE INEVITABLE Les processus régissant l’ensemble sociétal actuel illustrent les aléas d’une longue histoire urbaine jalonnée d’ères de grandeur et de déclin, de discontinuités et de ruptures. Durant ces temps agités, les cités du Sud (ksour) s’exceptent en traversant les siècles avec une remarquable pérennité [Cote, 2004]. L'ensemble des noyaux traditionnels est situé dans des palmeraies, ce qui met en évidence un caractère de coexistence entre l'habitat (ksar), lieu de régénération de la société, et la palmeraie qui représente l'espace économique. Ce mode d'organisation oasien qui s’adapte au contexte et au climat révèle un concept d'intégration du trinôme (ksar, palmeraie, eau). Ainsi la notion de maison-rempart est régie par le principe de compacité urbaine et d'introversion spatiale de l'espace habité. Au niveau urbain, chaque ksar se définit par sa composition très complexe avec des rues et des ruelles étroites qui permettent de les ombrager au maximum et d’en faciliter la circulation de d'air. Les ksour sont, souvent, édifiés autour d'un espace de regroupement et d'échanges sur lequel donne la mosquée. La lecture de la composition architecturale des différents ksour fait ressortir que les façades, presque, aveugles sur l'extérieur marquent un savoir-faire local, dont l'objectif est la protection contre les rigueurs du climat et de l’intimité. Les matériaux de construction utilisés sont le toub pour les murs et les troncs de palmiers pour les planchers intermédiaires et terrasses (Fig.1). La mise en rapport de ces tissus anciens avec la nouvelle logique urbaine s'est faite en leur défaveur. Ces ksour, habités en partie, amorcent une phase de déclin dont le caractère est irréversible. Toutefois, la trame et l'espace urbain y sont lisibles, même si les édifices, de valeur architecturale, se sont effondrés.

Source : Auteur, 2004

Figure 1 : Alternance: claire/ obscure dans les ruelles La situation des ces noyaux dans les palmeraies forment un écosystème équilibré en conservant le même type de morphologie et obéit à la notion de groupe ou chaque fraction tribale s'organise autour de son ksar. On note, aussi, que le mode organisationnel de ces tissus n'est pas l'expression du seul déterminisme climatique, mais une façon de s'intégrer aux contextes liés à la structure socioéconomique, au mode d'exploitation agricole et à la sécurité défensive. Cette dernière est complétée par des remparts qui entourent les ksour. Si l’œuvre coloniale sur le ksar fut positive au plan spatio-fonctionnel, conférant à l’ancien tissu, centralité et vitalité urbaine, il fut, pourtant, un échec total, au plan socio- morphologique.

I-1- "Ouarglène", la disgrâce du ksar aux sept portes Connu sous le nom de Ouardjelane (ibadite), ou Ouarglène (berbère), le ksar de Ouargla est, sans doute, celui qui est le plus enraciné dans l’histoire du Sahara. Sept portes séculaires: Bab Amor, Bab Ami, Bab Bouchak, Bab El Boustène, Bab El Khoukha (Rabaa), Bab Azzi et Bab Errabia donnent accès au vieux ksar, densément peuplé. Il se présente comme une entité circulaire compacte, ceint par une muraille et un canal, comblé après une épidémie de paludisme en 1927. Il est parcouru par des rues étroites et sinueuses;

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Des voies secondaires (ruelles et impasses) desservent les trois quartiers représentant les trois ethnies; Chacun d’eux possède deux portes et une place qui sert de lieu de réunion (djemaa), matérialisé par des bancs maçonnés (doukana). Le tissu est structuré autour des mosquées, lieux des rites dominants. Deux, d'entre elles, donnent sur la place du marché: la mosquée Lalla melkia (malékite) et Lalla Azza (ibadite) (Fig.2). Cet espace est le foyer des activités économiques; domaine des femmes jusqu'à midi (Dohr), après les hommes en prennent possession. Comme tous les ksour, celui de Source : D. Pillet 2003 Ouargla fait partie d'un ensemble complexe Figure 2 : Vue sur la place du Marché et Lalla intégrant les systèmes d’irrigation et la Azza ainsi que les Beni Sissine 1940 palmeraie. L’analyse des cartes et plans urbains montre la continuité de la trame bâtie vers la trame agraire. La situation actuelle révèle un ksar en décadence, déclin aggravé par la vétusté de l'habitat, des dégâts générés par les adductions en eau potable et par la surcharge des logements disponibles, qui entraîne, évidemment, une usure rapide des matériaux et des structures. Mais, par son urbanité (Fig.3). et la dynamique économique qui s'y développe, le sort du ksar semble meilleure que bien d’autres ksour ruraux. Au dernier recensement (1998), il était occupé par 8000 habitants. L'habitant du ksar "n'ayant pas de papiers" qui atteste Source : Auteur, 1996 son statut, toute action sur le bâti est jugée illicite; la réponse de l'Etat consiste à reloger la surcharge Figure 3 : Ksar de Ouargla, placette à humaine, les logements sont occupés par plusieurs l’échelle humaine familles. L’ennemi du bâti traditionnel en briques de terre reste l'eau, surtout, les dégâts que peuvent causer les eaux pluviales en averses, car elles attaquent le haut des murs et les terrasses qui ne sont peu protégées. L'eau provenant des fuites de réseaux d'eaux usées (s’ils existent) ou de distribution a des effets très néfastes sur les bases des murs, qu'elle ronge inexorablement. D'ailleurs, on le note sur nombre de ksour, l'adduction en eau potable, perçue par les habitants et par les autorités locales comme une panacée pour maintenir le ksar en vie, tend à produire l'effet inverse. La rupture du système ksar - palmeraie - mode de vie a induit des pratiques qui ont accéléré la dégradation. Le départ des autochtones, en quête de conditions meilleures, et l'arrivée d'autres, au mode de vie étranger au ksar (ni entretien, ni bonne gestion de l'eau), y ont, fortement, contribué.

I-2-Le ksar de Ouargla: un ksar vivant et très actif A son origine, le ksar est une forteresse, ne laissant émerger au-dessus de ses terrasses que les minarets jumeaux des mosquées et les cimes de quelques palmiers jaillissant des cours. Le ksar de Ouargla couvre 30 ha intra-muros [Rouvillois-Brigol, 1975]. Le boulevard qui l’entoure occupe le site des anciens fossés, comblés en 1881, lors d’une touiza [Delheure, 1973]. Ce fossé, non drainé et pestilentiel, était le siège de prolifération des anophèles, le paludisme infesta e l'oasis jusqu'au milieu du XX siècle. Le boulevard marque les limites du ksar dont les contours sont, vaguement, circulaires. Il regroupe les trois quartiers de Beni Sissine, Ben Brahim et Beni Ouagguine,

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BAB AZZI

W

dont la trame foncière est prolongée par le parcellaire de palmeraie. Le plan du ksar est original, Ouargla n'est pas une cité circulaire radioconcentrique. Bien que la place du marché se situe au centre de la ville, celle-ci n’a pas été bâtie autour d'elle. Sa construction semble postérieure à l'ensemble du réseau urbain, comme l'est la Casbah, construite e au début du XVIl siècle (Fig. 4). La place du marché correspond, par sa position, au centre de la cité, au point de convergence des rues principales du ksar et de la palmeraie, notamment, des quartiers Beni Brahim et Beni Ouagguine. De plan carré, entouré de maisons qui abritaient les boutiques du Souk, ces artères furent e supprimées, au début du XX siècle, pour agrandir la place et assurer la liaison directe avec la Casbah. Le quartier Beni Brahim est plus étendu et complexe, car le gros des équipements se trouve sur son territoire: le Vieux Marché, les deux grandes mosquées, Lalla Malkiya (rite malékite) et Lalla Azza (rite ibadite), ainsi que la mosquée Abou Zakariya (1230).

BAB ELRABIA P

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BAB EL-BOUSTANE

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0

15

30km

Source : plan établi d’après le PDAU, 2003

Figure 4 : le ksar de Ouargla : un plan original Beni Ouagguine est le seul à abriter de grands jardins. Alors que Beni Sissine semble le moins bien structuré, à priori, Il a été tronqué à l'Ouest par les destructions de 1872. Il s'ordonne autour de deux grandes rues parallèles. Dans tous les quartiers, les membres de chaque clan occupent un pâté de maisons desservi par des impasses où des rues le relient aux autres clans. Plusieurs clans siègent dans la djemaa dont les membres représentent la djemaa de tribu. Ainsi le plan du ksar est-il commandé, autant par sa structure sociale traditionnelle que par les étapes de sa croissance. Le ksar a changé depuis. Ce tissu, aux limites de saturation (335hab/ha), s’est encore densifié, ses rues se couvrent de pièces, les places sont rognées, peu à peu, et les jardins intérieurs construits pour gagner le plus d'espace possible. Les remparts, abattus, sont remplacés par des constructions qui arrivent au ras du périphérique, d'autres édifices parasites altèrent sa bordure Sud et le projet d'une percée Est-Ouest finirait, s'il se réalise, de défigurer la ville, sans apporter d'avantages à ses habitants [Pillet, 1995]. Lorsque le ksar atteint sa capacité optimale, il enregistre l'extension au-delà de la rocade, vers la ville nouvelle et la palmeraie. Eventré par la colonisation et par une percée récente, même dans un piteux état dans certains secteurs, le ksar de Ouargla reste vivant et très actif. Il est, dans la mémoire collective, le sanctuaire culturel et spirituel par excellence, il continue à assurer la fonction de centre urbain, les nouveaux quartiers apparaissant comme de grosses banlieues plus ou moins spécialisées.

II- LES KSOUR: UNE DIMENSION SOCIETALE A VALORISER Globalement, l'habitat traditionnel représente une proportion de plus en plus marginale dans la ville saharienne où prédominent à la fois, maintien, déchéance, abandon et destruction (Fig.5 et 6). Les processus de son déclin sont différenciés tant dans leur rythme que dans leur forme signalant, à la fois, les résistances, la vigueur de certains tissus et la spécificité des réalités locales.

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Source : auteur 2004

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A Ouargla, les habitants qui rénovent, rebâtissent en style traditionnel et recourt, souvent, aux matériaux modernes pour permettre aux ksour de mieux résister à l’usure du temps. Le ksar de Ouargla est, partiellement, entretenu (les portes ont été reconstruites), mais continue, malgré sa dégradation, d'accueillir une population nombreuse (8064 habitants) [ANAT, 2004]. Le processus dégradant les ksour est lié à plusieurs facteurs: la fragilité des constructions qui requiert un entretien continu, les inondations successives qui ont causé de gros dégâts, la remontée de la nappe phréatique à El Oued, sont une première série de causes. La nucléarisation familiale et les questions d'héritage amplifient le mouvement de désertion.

Figure 5 : Dégradation avancée des constructions dans le ksar de Ouargla La dégradation est, aussi, due à la forte densité du tissu qui oblige les habitants à surélever les maisons et à occuper les cours intérieures. La densité du ksar de Ouargla est passée de 270 à 349 hab. /ha de 1977 à 2000 [ONS, 2002].Le statut du foncier est un autre obstacle à la rénovation. Relevant des territoires militaires du temps de la colonisation, Ouargla présente une propriété, globalement, domaniale. Cette confusion juridique, qui fait que les familles sont propriétaires usufruitières du bâti et non du sol, les empêche d'engager une réelle réhabilitation. Les populations pauvres, les dernières vagues de sédentarisation des nomades se sont, souvent, réappropriés ces ksour à l'abandon. Parfois, ils deviennent de véritables îlots de pauvreté, car leur abandon est déjà partiel.

Source : auteur 2005

Figure 6 : Etat vétuste des ruelles

II-1- Le ksar: patrimoine historique en danger L'état actuel des ksour dans cette région atteste du haut degré de leur dégradation. L'abandon est prononcé dans de nombreuses structures (Fig. 7). Si certaines abritent quelques habitants, cela témoigne plus de leur précarité que de leur volonté de partir pour une maison plus dure, en périphérie, dès que les conditions le permettraient. Même les activités qui ont, jadis, fait la fierté de certains ksour comme l'artisanat, ou celles qui ont présidé à leur destinée, ou leur ont donné une vocation, comme le caractère religieux, tendent à disparaître. Les anciens noyaux offrent, aujourd'hui, l'image d'un dynamisme débridé, avec la disparition lente mais inévitable de la palmeraie. L'habitat longe les rues qui ont succédé aux seguias traditionnelles et se développe en horizontale et en hauteur. La tendance est à la substitution des matériaux traditionnels par de nouveaux, plus résistants. Le parpaing, économique et facile à mettre en œuvre, remplace la brique de terre, matériau responsable de bien des désagréments pour les populations autochtones. Survivre aux rigueurs du temps signifie une lutte constante pour se préserver des multiples agressions occasionnées par la bêtise humaine. En tout cas, le fondement conceptuel du ksar comme espace socioculturel, pensé par nos aïeux pour sédentariser la population, voire la favoriser dans ces milieux hostiles, à géographie et climat rudes, est actuellement bien déprécié.

Source: auteur 2005

Figure 7: Matériaux nouveaux et extraversion se généralise

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M. Chaouche Bencherif Ainsi, la palmeraie est bradée, le béton colonise les oasis autant pour la remontée des eaux, en même temps que l’abandon progressif de l’agriculture. De ce fait, l’oasis ancestrale créée, initialement, comme havre de paix et dans le désert, n’est plus qu’un agglomérat ordinaire cumulant, à la fois, les handicaps de la ville du Sud (rude climat, éloignement,..) et du nord (surpeuplement, bâti en béton et pollution). Bien que Ouargla soit, toujours, associée, voire assimilée, à ses éternelles rivales de Sedrata l’ibadite et N’goussa la sunnite, célèbres vestiges d’une ère faste et prospère des florissants échanges commerciaux avec l’Afrique noire, le ksar de Ouargla, aujourd’hui, reste le seul du trio à lutter contre l’oubli et l’extinction de la culture ksourienne. Cette thèse s’explique par le fait que Sedrata n’est, aujourd’hui, que ruines exhumées en avril de chaque année où les Ibadites de la région y effectuent leur pèlerinage annuel. Quant à N’goussa, abandonnée par ses habitants au profit du nouveau village, elle succombe, peu à peu, à la renonciation des siens, encouragés par une féroce volonté d’annihiler la notion de ksar. En effet, partout où notre regard observateur se porte, attentif à ce qu’était cette capitale et ce qu’elle est devenue, la situation alarmante des ksour s’impose à l’œil et à l’esprit. Ainsi, en plus des ksour de Touggourt et Témacine, patrimoine culturel d’Oued Righ, il est une évidence qu’on ne peut nier, c’est celle de la prédominance du ksar comme mode architectural et social, dès que l’on quitte les cités populeuses de la ville et les constructions intruses du décor saharien. Constituant la richesse architecturale de la contrée, n’en déplaise aux non séduits par la beauté rudimentaire de ces palais qui ont résisté, des siècles durant, à la rudesse du climat, les ksour de Ouargla forment deux catégories: les ksour-forteresses de Ouargla, N’goussa, Chott et Adjadja et les ksour ouverts de Rouissat, Sidi Khouiled et El Bhour qui s’apparentent à ceux du Souf. Comptant un grand nombre de ksour, certains étant plus conservés que d’autres, méconnus pour la plupart par la population locale, le Bas-Sahara maîtrise peu son patrimoine architectural. En effet, le cachet ksourien s’est dissipé avec le temps, contrairement, à ceux du M’Zab (180 km de là). En vérité, le ksar ne fait plus partie de la vie sociale de Ouargla et ce, depuis longtemps. Il est vrai, aussi, comme tout ce qui vient du Sud, que la perversion a fait de l’aspect folklorique une dominante. On se retrouve, donc, devant deux occurrences, celle de l’indifférence des autochtones qui, dans le meilleur des cas, considèrent leur culture comme un folklore à ignorer, parfois, ils n’admettent pas cette folklorisation, mais préfèrent ne pas s’immiscer dans le débat. Il y a, aussi, ceux qui n’apprécient pas, ou feignent de découvrir cette richesse du patrimoine culturel national, comme des touristes à l’étranger. Souvent, les étrangers apprécient mieux les lieux à leur juste valeur. Aujourd’hui, seuls les vieux remparts, les portes antiques, les ruelles étroites et les maisons à moitié effondrées, témoignent d’un mode de construire et de vie sociale différents de ceux imposés par l’actuelle aliénation identitaire qui ne dit pas son nom. En revanche, resté, forcément, au centre de la dynamique commerciale des habitants, le ksar de Ouargla a profité d’une classification, en 1996, comme site historique national, couronnant de longs efforts déployés par l’association créée pour sa sauvegarde, dans les années 90, mais celle-ci n’arrive, pourtant, pas à mobiliser la société civile contre l’invasion de la cité antique par le béton et à élaborer un programme de restauration, car celui-ci demande de gros moyens et une étude rigoureuse. Force est de reconnaître, toutefois, que les sept portes séculaires restaurées récemment, dans le cadre du programme dit «d’embellissement de l’environnement», portent le même cachet architectural que celui qui caractérisait, jadis, les accès de la Casbah, celles-ci ne sont que la façade qui n’empêche pas de grands bouleversements. En effet, près de Bab Bouchak, l’ampleur des dégâts est visible à l’entrée principale du vieux ksar, par où passe une double voie carrossable, autorisée aux poids lourds et surplombée par une mini-cité, bâtiments de 56 logements construits par l’OPGI, qui altère le cachet traditionnel. A la place de l’ancien ouvroir des sœurs blanches, école de jeunes filles des métiers de tissage, le béton s’est imposé dans les constructions modernes. Proche de là, la rue de Rivoli, principale artère menant au vieux souk au cœur du ksar, est livrée à la circulation automobile. Désormais, les poids lourds livrent leurs marchandises quotidiennement sur la place du marché, au grand dam des riverains, des usagers des deux mosquées de la ville, de rites malékite et ibadite et des trois vieux quartiers résidentiels du ksar, Beni Ouagguine, Beni Sissine et Beni Brahim. En somme, le ksar ne renoue avec ses traditions qu’en été, à l’occasion d’un mariage qui, heureusement, garde encore son cachet. Durant une semaine, les coutumes règnent et donnent des couleurs, odeurs et sons à cette fête. Le ksar retrouve, aussi, son éclat en août et en automne, quand les fruits, des 400 000 palmiers autour, arrivent à maturité ou lors de cueillette des primeurs M’naguer et autres variétés de dattes. Ces rituels reflètent les modes de vie sociale des Ouarglis où la vente se fait à la criée sur la place du marché.

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Par contre, les habitudes d’antan, les retrouvailles du soir avec les anciens se perdent, peu à peu; la jeunesse montante aspirant à d’autres sources de connaissances. Ainsi, les générations passent, mais le ksar reste là, il prouve, par sa pierre qui, depuis des siècles, résiste aux assauts du temps, qu’il n’est pas aisé d’anéantir ce qui a été conçu pour durer. Pourtant, un effort mérite d'être souligné, le ksar de Ouargla se restaure (Fig.8). Plusieurs opérations, déjà réalisées, ne sont pas dénuées d'intérêt. Source: auteur 2005

Figure 8 : Bab Azzi

Source : auteur 2005

Figure 9 : Bab Ahmid

Des habitations ont été réalisées pour restituer le caractère initial de l'espace urbain en jouant sur des paramètres dont l'échelle, la couleur, les proportions, les volumes et le respect des alignements et de la densité. D'autres actions ont été menées, telle la restauration des équipements de culte: zaouïas et mosquées reconstruites en béton armé, mais l'usage des matériaux locaux comme le timchent (matériau de parement et de maçonnerie de remplissage) permet de sauvegarder une image proche du réel et d'initier des actes qui ont le mérite de contribuer à réduire les réticences à l’égard des matériaux locaux (Fig.9). Le programme de réhabilitation comprend l'aménagement des placettes, la réfection des façades, le renforcement structurel des espaces couverts en voûtains de plâtre et en solives métalliques, l'injection de poteaux en béton armé pour renforcer la structure globale et, enfin, le traitement des soubassements pour limiter les remontées capillaires. Ces actions, même si elles ne touchent pas l'intérieur des habitations, ont contribué à redonner un certain éclat au ksar (Fig.10).

Source : Auteur, 2004

Figure 10 : Opération de restructuration du ksar de Ouargla

II-2- Restaurer le ksar ou réconcilier la ville avec son passé D’après le constat qui confirme l’état de dégradation du ksar, aujourd’hui, celui-ci se meurt. C’est une structure vétuste, sous équipée, même si son aspect général reste globalement attrayant pour le visiteur, il l’est beaucoup moins en réalité pour le ksourien qui l’habite. Pour pérenniser le ksar dans sa dimension historique, social et culturelle, sa requalification revêt un caractère prioritaire, et ce qui nécessite la réalisation d’un ensemble d’actions complémentaires (Fig. 11 et 12). Il s’agit d’actions préconisées par l’étude de réhabilitation du ksar [ANAT 2004] qui se résument en :

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Source : auteur 2005

Figure 11 : La place des martyrs

source : auteur 2005

Figure 12 : Rénovation de la façade urbaine sur le boulevard

- Des activités liées à la restauration et à la mise en valeur des équipements traditionnels et historiques du ksar. - Des actions liées à la réhabilitation des constructions à usage d’habitation en préservant toutes les valeurs architecturales, culturelles et historiques des maisons. Ce travail sera articulé autour de la typologie architecturale de maisons et le répertoire des éléments architectoniques ainsi que les principes d’organisation spatiale des maisons. - La réalisation du cadre bâti se fera par des matériaux solides tels que la pierre la chaux et le ciment. - Vu la nature agressive des eaux, l’utilisation d’un ciment spécial (HTS, CRS) est obligatoire en fondation. - La mise en place des systèmes des réseaux (AEP, assainissement) adaptés au tissu ksourien et aux problèmes de remontée des eaux en surface et à l’agressivité des sols. - Les actions doivent être présentées sous forme de fiches techniques selon les échelles d’intervention. - Le découpage du tissu du ksar en secteur d’intervention tenant compte de l’intégration des éléments structurants et de l’état de vétusté du cadre bâti ;

CONCLUSION Le patrimoine architectural, héritage culturel que nous a transmis le passé, a une grande valeur spirituelle et transcrit de la manière la plus expressive l’histoire de la civilisation humaine. Le problème est de savoir découvrir et apprécier ce patrimoine afin de le sauvegarder, de le mettre en valeur et de l’intégrer harmonieusement au cadre de vie contemporain. Les politiques de sauvegarde actuellement conduites en Algérie sont loin de leurs objectifs. Certes, les discours se sont nuancés depuis l’époque, pas si lointaine, où les solutions préconisées passaient par de grandes percées éventrant des quartiers entiers et/ou par le transfert, hors des centres historiques, de milliers, voire de dizaines de milliers d’habitants. Mais la rénovation brutale n’est pas pour autant toujours abandonnée. Généralement, l’écart est considérable entre les discours et les pratiques, entre des schémas d’aménagement préconstruit et une réalité sociale complexe, méconnue ou niée. La préservation des noyaux anciens en vue d’une nouvelle recomposition urbaine devrait susciter une mobilisation conjointe de l’Etat et de la société civile. Mais celle-ci ne présuppose-t-elle pas que le dialogue et la contestation ne soit pas toujours perçue comme une remise en cause radicale de pouvoirs qui se veulent légitimes. Plus fondamentalement est posée la question des enjeux sociopolitiques du patrimoine et de la sortie des multiples cercles vicieux induits par ces enjeux. Comment favoriser l’action protectrice en l’absence de perspectives politiques favorables à la mise en œuvre de politiques adaptées d’aménagement ? Comment faire du débat théorique et des études un ressort pour l’action ? Il importe de retrouver les logiques d’articulation du moderne et du traditionnel, du bâti ancien et des usages qui en sont faits, de la ville moderne et des centres anciens. Le recensement méthodique des formes permet d’effectuer ensuite une analyse systématique avec phases de catégorisation et classification.

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C’est d’une certaine manière la capacité des sociétés autochtones de faire de la question de la requalification des noyaux anciens une ressource dans la recherche d’une alternative libérée des modèles linéaires et protecteurs de domination qui est en question. Autrement dit, les biens immobiliers et mobiliers, culturels et naturels, doivent constituer non seulement l’élément équilibrant sur le plan identitaire et culturel, mais aussi une ressource sur le plan économique, vital à sa promotion et à sa sauvegarde. Placer la protection et la mise en valeur des noyaux initiaux dans un contexte socio-économique dynamique lui permettant de s’auto entretenir, et alléger ainsi les charges de l’Etat pour son entretien ; il s’agit en fait de réfléchir à son intégration dans l’économie nationale et notamment dans le secteur touristique et celui de l’habitat. Tout engagement politique en faveur des noyaux anciens, qui est fonction de la consistance des biens mobiliers et immobiliers à préserver, implique l’emploi de ressources considérables. Mais les avantages qui en découlent sont incommensurablement supérieurs : au plan culturel, on peut les évaluer en terme de réappropriation d’une identité de plus en plus menacée ; au plan économique, ils se mesurent par rapport au progrès de l’emploi en phase de réalisation et de gestion des interventions programmées, et par rapport à l’attrait touristique qui en naîtra. La prise en charge du patrimoine bâti doit s’inscrire dans un cadre organisationnel adéquat à même de répondre aux exigences nationales en la matière ; ainsi une restructuration du secteur du patrimoine culturel s’avère nécessaire.

BIBLIOGRAPHIE 1. Agence Nationale de l’Aménagement du Territoire, (2004) : Etude de réhabilitation du ksar de Ouargla, ANAT, Sétif. 2. BISSON J., (2004): "Mythes et réalités d'un désert convoité: le Sahara", Ed. L’Harmattan, Paris, p. 480 3. COTE M., (2005) : (s/dir) La ville et le désert, le Bas-Sahara algérien, Ed. Karthala et IREMAM, p. 305 4. DELHEURE J., (1973) : L'habitation à Ouargla, le fichier périodique n°119, Alger, p. 78 5. ONS, Annuaire Statistique de la Wilaya de Ouargla, (2002). 6. PILLET D., (1995): Repères pour l'histoire de Ouargla 1872-1992, Ouargla, Ed. ANEP, Alger, p. 350 7. ROUVILLOIS-BRIGOL M., (1975) : Le Pays de Ouargla, Sahara algérien, variations et organisation d'un espace rural en milieu désertique. Publications de l'Université de Paris-Sorbonne, p.389

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Les tissus anciens : entre marginalité et durabilité Cas du ksar de Ouargla 1

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S.M. KADRI , M.L. SERRADJ Université Constantine, Centre Universitaire Oum El Bouaghi

INTRODUCTION Le pays vit des mutations économiques et sociales profondes; elles concernent tout le territoire national et se manifestent de façon plus contrastée, voire violente dans les espaces dits sensibles ou spécifiques. Confronté à une croissance urbaine rapide traduite par des nouvelles formes de production des espaces, définit par une urbanisation non maîtrisée doublée d'inadaptation des modèles importés et imposés aux populations avec une nouvelle vision de l’espace urbain, de nouvelles formes diverses et complexes de réponses au déficit en logement se sont fait jour dans notre pays. Ces villes ou quartiers récents si elles offrent une réponse conjoncturelle, n’en ouvrent pas moins un autre champ d’interrogation plus culturel, identitaire et économique. Cela est d’autant plus grave lorsqu’il touche un espace aussi fragile que l’espace oasien. Les territoires sahariens, majeure partie du territoire, sont vus comme les espaces les plus sensibles et fragiles où les contraintes au développement et à l'aménagement sont difficiles et objectives, car inéluctables : rigueur du climat, rareté de l'eau, vastes étendues désertiques, difficultés de déplacement,... Dans ces vastes territoires, Ouargla en tant que centre urbain et oasien en plein essor dans la partie orientale du Sahara, est directement concernée par les mutations socio-économiques en cours. L’agglomération de Ouargla est le chef lieu d’un territoire qui s’étend sur une superficie de 163.263km². C’est un important centre urbain dans la région Sud du pays qui a connu de profondes mutations et qui abrite une population de plus de 151 985 Habitants. Face à cela, Ouargla se prépare à repenser sa propulsion dans l'avenir où elle est appelée à tenir un autre rythme de développement, d'autres dynamiques, urbaine, socio-économique que celles qu'elle a connu jusque-là, elle doit passer à un autre rythme et doit expérimenter une autre dynamique économique basée sur la valorisation de ses propres ressources. Elle se doit de profiter de cette ère nouvelle d'ouverture économique et culturelle pour passer le cap de l'assistanat et s'engager dans des initiatives maturées, multiplier et varier ses compétences, affirmer sa particularité culturelle, valoriser son image et patrimoine authentiques et son présent africain. Ouargla est condamnée à inventer une formule pour se développer sans pour autant hypothéquer ses ressources. En plaçant l'intérêt de tous au dessus des profits conjoncturels, en sachant préserver ses ressources, elle peut aspirer à un avenir prometteur.

En effet, Ouargla allie les éléments d'une ville moderne, et des quartiers traditionnels en se caractérisant, par la présence de deux composantes indissociables à savoir : l'espace oasien ancien d'une part, et l'espace urbain récent d'autre part. L'aménagement intégré de ces deux entités fera-t-il naître une ville saharienne contemporaine? Le défi est bien là, dans cette symbiose entre le ksar et la ville qu'il s'agira d'assurer et d'entretenir. L'espace oasien est constitué de la palmeraie - foggara et du ksar qui est en disparition alarmante aujourd’hui. Ce type de tissu urbain est définit comme un code opératoire très élaboré et d’une très grande diversité de richesse : il s’agit d’une logique fonctionnelle, constructive, d’un mode de vie adapté en fait d’une haute complexité. Ils témoignent de la manière dont l’homme a transformé la nature brute pour la mettre au service de ses intérêts. Sa production architecturale et urbaine se démarque par ses lignes préférées à travers la culture, les traditions ou les rites. Elle n'est autre qu’une projection de sa pensée et de son savoir faire face aux contraintes climatiques inhérentes au milieu saharien. Le ksar en tant que symbole et entité physique de l'organisation spatiale et sociale

S.M. Kadri de la ville saharienne demeure une richesse patrimoniale du Sud algérien. Aujourd’hui, la logique de structuration du territoire qui régissait pendant des décennies ne dispose plus de toutes ses composantes et n’est pas d’usage. Nous sommes non pas face à une anarchie indéchiffrable mais face à un territoire où se juxtaposent sans fusionner les manifestations construites de deux logiques territoriales : une structure ksourienne basée sur l’activité agricole et le négoce et une administration du territoire qui ne s’est pas encore affirmée en tant que structure et où prévaut le secteur tertiaire, bien que les infrastructures (routes nationales, voie ferrée) existent. Ainsi, le mode d’extension, au lieu de se faire en continuité, ne serait-ce qu’en prolongeant les éléments de structuration déjà existants (parcellaire, axes hiérarchisés…), crée une rupture en installant, d’un côté, des « zones nouvelles » sans ancrage, sans aptitude à la centralité et, de l’autre, « un noyau ancien » comme périphérie. Ce qui en résulte est une image de ville qui se présente comme un ensemble de fragments de tissus urbains… (Dilatement), qui apparaissent suivi de transformation dans la forme urbaine : de l’îlot à la rue… agencé au tissu ancien d’où une variété dans les types qui entraîne une discontinuité dans le développement de l’espace urbain et une absence de toute forme d’intégration spatiale ou d’une adaptation locale. Tous ces éléments définissent une situation de dualité spatiale, où les tissus anciens sont exposés à une dégradation permanente.

I.

OUARGLA, UNE DUALITE ENTRE DEUX ESPACES: LE KSAR ET LA VILLE La façon d’occuper et de consommer l'espace trahit la nature de l'habitat et l'architecture d'une société donnée. L'architecture est le reflet de l'évolution des civilisations et des cultures. Les ksour, nous révèlent l’exceptionnelle combinaison de facteurs variables défensifs, économiques, climatiques ; les populations locales de ce climat désertique ont appris à faire face à ces conditions et donc à construire en fonction du climat et non pas à rivaliser d’ardeur avec l’environnement, des exigences sociales ; qui ont dicté l’organisation du tissu.

TISSU TRADITIONNEL

0

200m

Source: Lawless et Baghli

Figure 01 : Dédoublement du ksar par la ville moderne

Ces entités urbaines d'une grande qualité architecturale et urbanistique, et dont la valeur historique, artistique et culturelle est incontestée, ont traversé des siècles pour échouer, aujourd'hui, sur le rivage d'une croissance urbaine galopante.

I.1. Le ksar de Ouargla : un cadre de vie social exemplaire et une adaptation parfaite au climat Ouargla est un très beau ksar. Il n’a certes pas l’originalité des villes du M’Zab dont le site étagé fait ressortir la pureté architecturale, des Kasbah marocaines, des villes rouges comme In Salah, Beni Abbés ou Timimoun, ou encore des villes à coupoles du Souf. La beauté de Ouargla est plus secrète et demande qu’on s’y attarde un peu pour la goûter. Le ksar d’Ouargla qui couvre actuellement 30Ha pour une population de 10 000 personnes environs constitue l’un des repères historiques de la ville de Ouargla. Malheureusement, ce patrimoine d’une valeur architecturale et culturelle certaine a été délaissé.

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Tlemcen, le 13 et 14 mai 2008

I.1.1 Logique d’implantation : une situation au confluent des pistes transsahariennes En général les établissements humains des ksour sahariens se faisait soit par :   

La sédentarisation des nomades et fondation de leurs propres villes (ksar). Le transfert de population d’un ksar vers d’autres sites d’implantation quand les parcelles à construire sont épuisées. L’émigration de la population suite à des troubles entre tribus et groupes ethniques ou religieux, se qui est le cas pour le ksar de Ouargla, fondé après la destruction de Sedrata et la fuite de ses habitants vers le plateau qui supporte le ksar actuel.

Cette implantation se faisait tout en préservant le patrimoine agricole de la palmeraie. Pour le tissu du ksar cette logique d’implantation est dictée par des éléments physiques et sociales ci- après : Le site : Les premières constructions ont été implantées sur un plateau plus au moins élever, pour contrecarrer les invasions d’une part, et d’autre part pour se protéger de la remontée des eaux de la nappe phréatique, car celle-ci n’est qu’à 60cm de la surface du sol. Les bas fonds sont préserves pour les activités agricoles. La présence de l’eau : Étant une ressource vitale, mais surtout sacrée au Sahara, la présence de l’eau dans le désert est le premier élément à prendre en considération pour toute implantation d’établissement humain. Cette ressource rare dans un milieu aride est captée dans la nappe phréatique la plus proche à la surface du sol. Les premiers habitants du ksar de Ouargla ont du choisir un plateau peu élevé dans les bas fonds de la vallée de l’oued Mya pour être proche des endroits ou l’eau est facile à extraire de la nappe phréatique en creusant des puits d’une certaine profondeur, l’eau est distribuée ensuite à l’aide des galeries souterraines vers les différents jardins des palmeraies. Cette eau est utilisée par les habitants du ksar soit d’une façon directe en ramenant des puits, ou d’une façon indirecte par une galerie (canal de Sedrata) qui alimente les maisons qui possédaient leurs propres puits. Position privilégiée du ksar : pôle d’échange commercial très ancien : Le ksar constituait le point névralgique où se convergeaient toutes les pistes des caravaniers les plus importantes pour relier plusieurs pôles, à l’échelle de l’Afrique. Les échanges commerciaux se faisaient au niveau de cette ville qui servait aussi de lieu de repos et de passage des caravanes venant de Ghadames en allant vers Fès (Maroc) et de Tunis en allant vers Gao (Niger). Pour s’installer de nouveau dans la zone, les habitants de l’ancienne « ville » de Sedrata choisirent un plateau peu élevé par rapport à la cuvette de l’oued Mya. Ce site, entouré de jardins de palmiers offrait une très bonne assise aux maisons, à l’abri des zones touchées par la remontée des eaux en surface, un phénomène très connu dans la région. Au début, les constructions ne formaient qu’un ensemble de hameaux éparpillés sur le plateau, repartis autour d’un site vierge lequel est devenu plus tard un point de rencontre « le vieux marché ») et ou se trouve la tombe de Si-Louargli et l’ancien point d’eau (carte d’évolution des remparts). Le plateau est traversé par l’une des plus grandes canalisations souterraines distribuant l’eau de la fameuse Ain Sfa de Sedrata. Les hameaux éparpillés qui constituaient les noyaux primitifs du ksar étaient composés de familles élargies différentes les unes par rapport aux autres, notamment sur les plans ethniques et religieux.

I.1.2. Identifications des composantes du ksar L’organisation sociale de la population du ksar a fortement conditionnée le processus de production de l’espace ksourien. A cet effet on dénote trois niveaux de structuration du tissu urbaine : (Fig. n°02).  

Premier niveau : ksar avec sa structure et ses équipements d’excellence Deuxième niveau : Quartier - Troisième niveau : Sous quartier (Djemaâ)

161

S.M. Kadri

On trouve les fractions suivantes: 1: TOURES OU THOUREST 2: L'MIZEB

On trouve les fractions suivantes: 1: BAB ERBER OU ER-RIAH 2: BAADECH 3: DAQQUICH 4: BAYAD OU DJAMAA OUAGGUIN 5: BABER-R'ELEM

PALMERAIE

PALMERAIE

PALMERAIE

3: KHIRBA 4: TIRIRA OU TIRIYA 5: AZZI

PALMERAIE

6: DADA MOUCA 7: LALLA TOUBA

ECOLE

P

8: HAHA

PALMERAIE

9: BASA OULHA

P

10: LALA MANCOURA 11: BAYIDIR

P

BENI BRAHIM P

Centre de formation

P

BENI OUAGGUIN

Ces lieux, vers lesquels convergent toutes les ruelles des sous quartier, symbolisent sur la plan social la Djemaâ (la fraction).

Mosquée

Marché

P Mosquée

P

P

Chaque ruelle regroupe plusieurs clans de la Djemaâ et chaque clan est reparti en groupes de famille sur l’ensemble des impasses qui prennent issue de ces ruelles pour constituer le dernier maillon de cette structure urbaine à savoir la maison ksouriènne.

P

Marché

P

BENI SISSIN

P

P

P

P On trouve les fractions suivantes:

P

1: SEBROUCH OU 6: LALLA TISKIFIN MESS'AOUDA 2: AROUSA 7: SI BEL HAMOU 3: HOUHAF 8: ADDOUR OU 4: AKDI OU SIDI HADDOUR HAFIANE 9: EL MOHAG 5: BOUSHAK OU BOUSHAQ OU BOUHAFC

Cette organisation urbaine reflète une organisation sociale bien hiérarchisée dont les grandes lignes se résument dans la figure suivante ; Chaque groupe ethnique occupant un quartier qui est organisé en plusieurs fractions qui se composent de sous quartiers, organisés autour des espaces structurants appelés lieu de Djemaâ.

P

Limite des sous entités Placette Lieu de la djemaa Ruelles piétonnes

0

15

30km

Source: P.D.A.U du groupement d'Ouargla+travail personnel. 2005

FIG N°02:LE KSAR HIERARCHIE DES ELEMENTS MORPHOLOGIQUES DE COMMUNICATION SOCIALE

Figure 02 : Le ksar, hiérarchie des éléments morphologique de communication sociale

Outre les éléments qui le composent: la maison, la mosquée, la zaouïa, le marabout (tombes des Wali), la djamaa, le souk et surtout les remparts percés de portes, le ksar a amélioré le confort thermique à travers, formes urbaines, matériaux utilisés, typologies architecturales privilégiant l’introversion de maison pour préserver l'intimité, terrasses accessibles, passages couverts des rues étroites pour la création d'ombre afin d’atténuer les effets de chaleur, sont autant d’aspects de son adaptation aux contraintes climatiques.

Aujourd’hui, le tissu ksar connaît une dégradation très avancée due au délaissement, à une densification du tissu sur lui-même avec le cortège d’inconvénients que l’on sait : renchérissement des terrains et spéculation, disparition progressive des espaces libres. De plus, accroissement des nombres de la famille et donc des besoins entraînent la restructuration de l’habitat. Si ce processus de croissance est identifié, nous n’en connaissons pas exactement les mécanismes, mais la manière dont se sont formés les tissus que nous rencontrons aujourd’hui : reprise, reconstruction des habitations sur une même parcelle, multiplication des accolements et mitoyennetés, réduction conséquente de l’espace de jardins sont des faits évidents qui n’expliquent pas pourquoi seuls ces procédés ont été utilisés. Même la palmeraie qui ne représentait plus un potentiel foncier convoité par l'urbanisation, voit son agriculture se marginaliser, sa main d'œuvre se perdre et ses infrastructures se détériorer malgré les quelques initiatives privées qui continuent à la maintenir en vie en l'absence d'aides publiques et d'encouragements. Si l’homogénéité du tissu demeurait, par contre celle de la ville perdait de son importance, et la cohérence première des entités urbaines avait tendance à se désagréger.

I-2- Ouargla : une croissance spatiale démesurée et des mutations urbaines mal assumées Le paysage d’une oasis est un paysage entièrement artificiel, où tout est création de l’homme, paysage qui fait oublier dans lequel milieu naturel, fondamentalement hostile et contraignant il a pu surgir. L’oasis de Ouargla a été deux fois favorisé par l’histoire, une première fois par le commerce caravanier et spécialement du troc de l’or et d’esclaves et une deuxième fois par l’essor contemporain du à l’activité pétrolière à partir de 1955. La ville de Ouargla a subi une forte urbanisation, entraînée par l'accélération démographique due à l’implantation industrielle et la promotion administrative. Ce phénomène a eu un impact direct sur la ville qui s'est développée très vite au détriment du ksar. L’identification de la permanence, la réinterprétation ou la rupture au niveau du tracé et de l’architecture nous permettront de mettre en avant l’impact de cette dynamique urbaine sur les causes de dégradation du ksar et sa marginalisation au sein de la ville à qui il a donné naissance.

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Tlemcen, le 13 et 14 mai 2008

I-2-1- La croissance urbaine : une poussée rapide et différenciée La première phase de l’évolution du tissu urbain est liée à la création du ksar au Xéme siècle sur une superficie de 30ha. Sa réalisation obéit à des impératifs sécuritaires et abritait à l’époque une population de 1 000 personnes et 600 constructions dont le nombre a évolué progressivement. La deuxième phase du processus d’évolution de l’agglomération correspond à la période coloniale, au cours de la quelle la ville s’est étendue au sud du ksar sur une superficie de 200ha. « La ville est à l’image de ceux qui la gèrent et de ceux qui l’on conçue » P. Claval. La conquête française s’est faite par étape successive ; elle comporte trois phases successives de 1883 à 1904 pendant cette période les interventions étaient essentiellement concentrées sur le noyau initial ; La partie de la ville de Ouargla que l’on doit aux occupants français a été construite à partir de 1927 par le colonel Carbillet. Il conçut le projet d’une ville moderne sur l’ordre de ses supérieures à côtés du ksar, il introduit ainsi un nouveau mode de perception de l’espace qui était inconnu dans la région. Il dessina largement les voies parallèles et perpendiculaires traçant ainsi un réseau en damier qu’il bordait de jardin. C’est la transposition d’un nouveau modèle urbain qui vient se greffer à l’enceinte du ksar dont les différences typologiques et morphologiques sont nettes. Après 1940 la ville continue à s’étendre autrefois simple marché local, Ouargla prend rapidement son nouveau visage de chef lieu de wilaya avec boulevard à double voie, trottoirs et lampadaires, La présence massive de la végétation achève de donner à Ouargla la physionomie d’une ville du Nord avec une platitude parfaite. Durant la période 1956 à 1960, la ville de Ouargla connaît une accélération du phénomène de sédentarisation des populations nomades, phénomène qui a donné naissance aux quatre quartiers dits « nomades » : Béni Thour à l’Est, Mekhadma à l’Ouest, Said Otba et Sidi Boughoufala au Sud. A la différence du ksar, ils présentent un dynamisme étonnant, malgré l’apparence très désordonnée, la découverte du pétrole a accéléré le phénomène de sédentarisation des nomades. Le mirage du pétrole a marqué la ville par les premières mutations en matières de changement du mode de production, l’élargissement du marché de travail et de nouveau rapport ville-compagne et espacesociété. La troisième étape du processus d’urbanisation qu’a connu l’agglomération correspond à la période de l’indépendance au cours de laquelle l’agglomération a connu un développement rapide mais anarchique. La sédentarisation massive de la population et l’apport d’une population massive provenant des différentes wilayats du pays sont autant de facteurs explicatifs de l’évolution urbaine qu’a connue l’agglomération au lendemain de l’indépendance du pays. L’agglomération de Ouargla a connu une croissance urbaine comprise entre 4.85% et 7.88%. L’indice de croissance urbaine le plus élevé a été enregistré entre 1966/1977, période au cours de laquelle elle était le chef lieu de l’ex wilaya de l’oasis qui a bénéficié en 1966 d’un programme spécial dont une grande partie des investissements était destinée à la réalisation de programmes de logements et d’équipements dans l’agglomération de Ouargla. Selon le cahier de l’aménagement du territoire, « La transformation de Ouargla, résulte de la volonté de la politique de l’Algérie indépendante qui tient à affirmer sa souveraineté face aux impérialismes voisins. Si Ouargla est aujourd’hui capitale incontestée du Sud, c’est à la géopolitique qu’elle le doit, plus qu’au développement et de l’exploitation des hydrocarbures ». Ouargla apparaît à l’heur actuelle comme oasis privilégiée des ressources ont été considérablement accrues par un nouveau courant commercial né de la proximité des exploitations pétrolières. Sa prospérité reste plus que jamais liée aux apports monétaires extérieurs et la volonté politique d’un gouvernement soucieux d’établir l’équilibre régional dans tout le pays.

I.2.2. La composition urbaine : une discontinuité d’entités Ouargla se caractérise par un tissu urbain étalé, non structuré et monotone du point de vue architectural et urbanistique. Ouargla est devenue un grand centre urbain dont le niveau d’équipement est en déjà d’un chef lieu d’un territoire stratégique, l’agglomération se caractérise par un tissu urbain hétérogène dont une grande partie est occupée par des quartiers vétustes et sous équipés :

163

S.M. Kadri

- Un noyau central ou bien la ville coloniale constitue le centre ville qui abrite des équipements importants répartis le long des axes structurants ou sont implantés un habitat à fonction urbaine et de larges avenues plantées d’arbres, le triangle militaire occupe une superficie de 55héctares dans le centre ville et constitue une barrière urbanistique d’intégration et une contrainte physique à l’organisation et au fonctionnement de l’espace central.

VERS N'GOUSSA

OUARGLA, EQUIPEMENTS ET HABITAT

VERS TOUGGOURT

VERS ROUISSAT

VERS GHARDAÏA

- Au Nord du centre se localise l’ancienne ville (ksar), il est à la limite de sa saturation caractérisé par un tissu dense et présente un état de dégradation incessante. Le ksar de Ouargla est le noyau urbain de la ville et l’un de ses principaux repères urbains mais qui connaît une dégradation avancée par manque d’entretien. Cette situation s’est traduite par le départ d’une partie de la population vers d’autres quartiers de la ville et que 48% des constructions ne sont pas habitées actuellement.

VERS N'GOUSSA ksar B

Gharbouz Mekhadma

EQUIPEMENTS Ifris El Gara

Individuel Collectif (plusieur niveau) Bâtiments militaires

Commerciaux

Hôtel de tourisme

Zone industrielle Extension future de la zone industrielle

Palmeraie Cimetières

QUARTIERS

Beni Thour Village socialiste Ben Abda Sidi Boughafala VERS ROUISSAT

HABITAT

Administratifs (wilaya, palais de justice,...) Scolaires Sanitaires

Ksar (sédentaires, forte densité Immigrants à l'hectar) originaires du Nord Quartier coloniale (militaire) Quartier administratif Nomade sédentarisés (faible (récent) zone industrielle densité à l'hectare) Nomades sédentarisés (se restructurant)

ACTIVITES COMMERCIALES convergence des rues marchandes

B

marché couvert marché en plein air (quotidien) souk du vendredi marché au bois (disparu) magasin d'état (grande surface)

0

500

Flux de fréquentation préférentille Boutiques dispersées (commerce de quartier)

1000m

Source: P.M.U service d'Urbanisme. 1997

FIG N°03: TYPOLOGIE DES QUARTIERS ET POLES D'ANIMATION COMMERCIAL

Figure 03 : Typologie des quartiers et pôles d’animation commercial Bien que le ksar occupe un espace modeste par rapport à l’agglomération et connaît un état de vétusté préoccupant, il continu de représenter pour la population un sanctuaire culturel et cultuel par excellence. Sur la trame du centre ville sont venus s’articuler les autres axes et se greffer d’autres quartiers tels que : Mekhadma, Sokra, Rouissat, Said Otba…. qui connaissent développement anarchique et d’énormes problèmes. Elles se réalisent également sans souci de cohérence et d'organisation d'ensemble et surtout sans principes d'intégration au noyau urbain existant. 



Les nouveaux tissus : après l’indépendance, ces trois formes urbaines se complètent par l’habitat collectif et les immeubles des équipements urbains d’une forme moderne. L’habitat collectif se disperse et ne forme qu’exceptionnellement un quartier. Il s’agit généralement de lotissements de quelques villas ou petit immeuble de trois niveaux rarement quatre. Un pôle secondaire, Bamendil. Le site d’extension future est située à l’Ouest de la ville de Ouargla dans le plateau de Bamendil qui présente la plus grande partie des réseaux foncières prévues pour le développement de la ville à court, moyen et long terme. Il s’étale sur une superficie de 1020 hectares. Ce site d’extension doit recevoir tous les programmes de développement, pour les différentes échéances de la ville, est permettre ainsi la sauvegarde du ksar classé patrimoine national, mais cette solution peut être a double tranchant dans le sens ou elle peut renforcer et accentuer la rupture entre le tissu traditionnel et les pôles d’animation de la ville.

L’un des problèmes principaux du développement futur sera de retrouver une unité à cette agrégation de tissus, de formuler une structure permettant un développement harmonieux de la ville, effacer les ruptures entre les quartiers indigènes et européens, susciter la transformation du tissu urbain.

II- LE KSAR DE OUARGLA : ENTRE HARMONIE ET RUPTURE La nouvelle vocation de la ville de Ouargla durant la période coloniale et post coloniale comme un pôle administratif et militaire a eu des conséquences négatives sur la préservation du ksar.

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II-1- Mutations et transformations du ksar

II-1-1- Période de la colonisation : une structure urbaine dédoublée L’intervention sur le cadre bâti durant cette période a commencé par des opérations de destruction à l’intérieur du tissu du ksar à savoir : CLOCHET

- La destruction en 1872 d’une partie du quartier des Beni Sissin (côté Est), avec la réalisation d’une percée sous l’ordre du général Lacroix, donnant naissance à la rue Rivoli, dénommée actuellement place des martyres ;

MINARET NORD

MINARET SUD

- Le fossé qui entourait le ksar a été comblé en 1881 ;

PLACE DU MARCHE

SOURCE

MAHKHAMA DISPENSAIRE PLACE FLATTERS

- L’aménagement de la place du marché avec ses boutiques en 1895 ;

POSTE DE POLICE

- La construction de l’ouvroir des soeurs blanches (1923), et le clocher de l’église du ksar (1933) à la place du vieux marché ;

GARE ROUTIERE

- La distribution de l’eau potable dans le ksar en 1951 ;

0

50

100

150m

Source: OUARGLA CITE SAHARIENNE Des origines au début du XXe siècle. 1983

FIG N°04: LE KSAR DE OUARGLA 1960

- La destruction totale des remparts en 1958 ; - La réalisation des équipements tels que la Mahkama et la clinique ophtalmologique.

Figure 04 : Le ksar de Ouargla 1960

II-1-2- Période de l’indépendance : recomposition spatiale ou rupture sociale Durant cette période, le ksar de Ouargla a connu une forte densification (en terme de population et d’extensions par fois inadaptées) à l’intérieur de son tissu. Cette surcharge a énormément contribué à l’accentuation de la dégradation du cadre bâti, délaissé et qui est déjà très affecté par le manque d’entretien. Durant cette même période des opérations planifiées ont été réalisées à l’intérieur du tissu, ce qui a contribué entre autre au changement de la typomorphologie du cadre bâti. Les opérations réalisées sont :    

Le réaménagement de la place du marché et ses boutiques, La rénovation (avec la destruction de l’église et de l’ouvroir) en réalisant une percée au Nord du tissu (projet CNERU 81- 83) La réalisation d’un programme de logements et d’équipements à la périphérie du ksar au détriment de la palmeraie. D’autres opérations ponctuelles de transformation des maisons ont été réalisées de la part des habitants.

En outre, des permis de construire ont été délivrés durant les dernières années pour des particuliers afin de leur permettre d’auto-rénover (après démolition) leurs anciennes maisons. II-2- Causes et effets de dégradation Malgré son classement comme patrimoine national, le ksar de Ouargla continue à être menacé, ses constructions subissent chaque jour des opérations de démolition et de rénovation. Les causes de cet état de dégradation sont principalement dues :  

A la surcharge démographique (en termes de densité) du ksar, Aux différentes transformations qu’a subies le ksar durant son processus d’évolution,

165

S.M. Kadri      

A la qualité et à l’âge des matériaux utilisés combiné aux contraintes naturelles (vent, pluie, gel), Au manque d’entretien régulier des constructions, notamment après l’indépendance, A l’introduction des nouveaux matériaux non compatibles (sur le plan physico-chimique) avec les matériaux traditionnellement utilisés. A l’abondant des maisons par certaines populations à la recherche de conditions de vie meilleures, Aux difficultés d’adaptation des réseaux, compte tenu de la spécificité et de la complexité du cadre bâti du ksar A l’inadaptation du cadre bâti aux mutations sociales (changement du mode de vie et des pratiques sociales)

A ces causes ayant contribué à la dégradation physique du ksar d’autres interventions planifiées (avant le classement du ksar) ont quant à elles contribué à un début de disparition d’un savoir faire urbanistique et architectural, dans la mesure ou les nouvelles implantations font rupture avec le cachet traditionnel de la typologie du cadre bâti. Les principales études réalisées pour le ksar sont :  L’étude de rénovation urbaine quartier du ksar d'Ouargla, élaborée par l’institut national de la productivité et du développement industriel (I.N.P.E.D) en Septembre 1976.  L’étude de rénovation et restructuration du quartier du ksar, élaborée par le C.N.E.R.U (Centre national d’études et de recherches en urbanisme) en Octobre 1981.  Projet d’aménagement de la zone Souk- El - Hdjar, réalisé par la S.E.TO (Société d’études techniques d'Ouargla). L’étude de rénovation et de restructuration du quartier ksar de Ouargla, élaborée par le C.N.E.R.U, visait l’amélioration des conditions de vie des habitants en procédant par : 

La démolition des habitations à l’état de ruine et leur remplacement par des habitations plus spacieuses,  La création d’un environnement de vie plus favorable en créant des espaces verts et en dégageant des voies plus larges pour relier le ksar avec le reste de la ville. On note toutefois, qu’une partie de ce projet a été réalisé au niveau de l’emplacement du vieux marché en détruisant l’église et l’ouvroir des soeurs et pères blancs.

Cliché : auteur 2005 Photo 01 : Bab Azzi

La proposition du C.N.E.R.U s’inspire beaucoup plus de l’idée d’affecter au ksar une image de marque au détriment du vécu de son espace socio-urbain avec toutefois la négation de toute l’histoire du ksar et des leçons d’architecture que l’on pouvait tirer de ce dernier. La particularité du milieu physique du site n’a quant à elle pas été du tout abordée comme élément déterminant qui devait fonder les propositions. Un aspect très important que nous devons prendre en considération dans toute proposition de réhabilitation. Les tentatives ponctuelles de réhabilitation et de restitution (les portes et quelques maisons) réalisées jusque là sont insuffisantes et risquent de compromettre le projet de réhabilitation du ksar en l’absence d’une étude globale de réhabilitation.

Actuellement le ksar est toujours habité (et à forte densité) mais ayant perdu les équipements les plus importants aux yeux de la population : l’école, le dispensaire, le siège de l’autorité sont à l’extérieur du ksar. (La pérennité de l’habitat du ksar s’explique par la pauvreté de la population ou par le manque d’espace pour des constructions nouvelles à l’extérieur). La possibilité de percer la muraille a permis aux maisons situées dans la bande périphérique de s’étendre extra-muros et surtout de disposer d’une porte d’entrée donnant directement à l’extérieur du

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Tlemcen, le 13 et 14 mai 2008

ksar. Ce phénomène s’est accompagné de l’abandon progressif de la partie centrale du groupement et de la sortie à l’extérieur du ksar des équipements collectifs. Un type de groupement à fonctionnement annulaire prend ainsi corps et se démarque du type originel par l’instauration de relations nouvelles entre les milieux intérieurs et extérieurs. Places, rues, impasses, tous ces espaces publics de transition entre la campagne environnante et l’habitation sont absents dans le nouveau schéma. La muraille prise en sandwich par les constructions disparaît à la vue et perd tout rôle fonctionnel au profit du noyau colonial et la nouvelle ville. La disparition du ksar s’accompagne, de façon indissociable de celle de la maison ksourienne. Celle-ci apparaissait comme un espace étroitement imbriqué dans la masse des autres habitations, ainsi les raisons qui ont poussé à la dégénérescence du ksar expliquent celles de la maison qui en faisait partie. Les maisons nouvelles, sorties de l’enceinte qui leur imposait des lots étroits se sont étendues sur le sol. Dans ses aspects morphologiques généraux l’habitation a donc subi des transformations radicales, l’observation du plan montre par contre, une fois qu’il a été débarrassé de ses scories et mis sous forme d’organigramme, un certain nombre de permanences. Les séparations intérieur/extérieur, hommes/bêtes, résidents/invités, couple/enfants adolescents pour la fonction sommeil…

Cliché : auteur 2005 Photo 02 : Rénovation d’une partie de la façade urbaine donnant sur le boulevard

continuent à organiser le plan et ont même trouvé une meilleure expression spatiale (les différences d’accès expriment mieux certaines séparations reconnues dans l’usage). L’évolution culturelle en cours, la modification des comportements n’ont pas touché jusqu’à présent aux structures profondes de la personnalité, qui, elles, évoluent très lentement.

III- Requalification des noyaux anciens en vue d’un développement durable La complexité et l’articulation du tissu urbain du ksar, l’organisation de l’espace public et des espaces domestiques, la typologie qui définissent le domaine bâti : autant de caractéristiques qui situent les ksour parmi les noyaux anciens les plus intéressant à préserver, du point de vue morphologique. Le paysage urbain ksourien, a été doté d'un système de signes visuels qui ont fondé son identité particulière. Ce système est porteur de signification historique et sociale: des constructions denses, peu de places publiques, rues étroites et tortueuses et spécialisées en fonction des activités artisanales ou commerciales dominantes où cohabitent l'habitat, la production, le stockage et la vente, c’est de la mixité urbaine qu’il s’agit. Aujourd'hui, le système ksar-palmeraie ne fonctionne plus de la même manière. Le ksar a été abandonné partiellement au profit de nouvelles extensions urbaines. Le développement de la ville doit s’inscrire dans une démarche architecturale qui tient compte de la spécificité de la zone et de sa richesse culturelle. Dans cette perspective, il faut éviter de recouvrir systématiquement à une architecture planifiée qui se traduit par un style anonyme est standardisé qui évacue la richesse culturelle de la ville. Le ksar d’Ouargla est une source d’inspiration pour cette agglomération urbaine, dont l’état de dégradation avancée nécessite des actions de requalification pour qu’il reste un point fort et un repère historique et culturel de la ville. III-1- Valoriser l'image du

ksar: Quelles priorités pour faire revivre le ksar?

La ville de Ouargla a subi une forte urbanisation, entraînée par l'accélération démographique due à l’implantation industrielle et la promotion administrative. Ce phénomène a eu un impact direct sur la ville qui s'est développée très vite au détriment du ksar. De ce fait, Ouargla offre l’image d’une ville

167

S.M. Kadri éclatée avec un développement en forme d’éventail isolant le ksar enfermé sur le plateau. Cette urbanisation a touché l'ensemble de la communauté ksourienne entraînant une destruction de son système social et économique dont le fonctionnement était lié étroitement au travail agricole nécessaire à sa survie, dans la palmeraie. La position du ksar par rapport au reste de la ville, est en train de devenir de plus en plus excentrique, du fait même d’une expansion des zones urbanisées lourdement conditionnée par le site, il est évident qu’il y’a eu, au cours du processus d’urbanisation, une sorte de « banalisation » du ksar. Mais d’autre part, le ksar a gardé certaines spécificités qui tiennent à son histoire urbaine, des fonctions culturelles et religieuses importantes pour l’ensemble de l’agglomération urbaine, des activités artisanales spécialisées, le souk qui demeure un marché important pour les produits agricoles. Et ceci dans un cadre bâti où sont préservés, encore que fort dégradés en certaines parties, les éléments historiques constituant la trame urbaine, l’organisation de l’espace public et domestique, l’image même de la ville. Il garde donc un certain rôle « central » pour les secteur « traditionnels » de l’économie et de la société urbaine et surtout représente un ensemble de valeurs culturelles et symboliques partagées par la population de la ville entière. Le problème qui est posé aujourd’hui est celui de sa « revalorisation » dans le contexte d’une ville qui est censée se donner de nouvelles fonctions tertiaires (chef lieu de wilaya) et qui, tout de même, exprime le « besoin » d’un « centre » pour ces activités « modernes ». La question qui se pose est donc celle du rôle que cette partie de la ville peut avoir dans cette perspective de modernisation et réorganisation de la ville : il est évident qu’une marginalisation ultérieure entraînerait une dégradation accentuée de son tissu et son espace historique. Il est évident qu’une sauvegarde passive ou purement « réglementaire » de ce patrimoine est insuffisante et peut être, irréalisable dans les conditions actuelles. La dégradation du cadre bâti entraîne en effet une dégradation ultérieure de l’habitat (morcellement, surdensification), de l’environnement urbain, du patrimoine monumental et artistique même. S’il s’agit de préserver les valeurs historiques autant que socio-économiques du ksar, l’objectif à poursuivre est alors plutôt celui d’un « recentrage », cela demande une reconnaissance de son potentiel et des ressources disponibles pour créer les conditions favorables au déploiement des activités ou à la création de nouvelles activités pour attirer sur le ksar les intérêts des investisseurs publics et privés afin d’entamer un processus de requalification le plus possible autocentré. La requalification du ksar est couronnée dans le discours global du développement de la ville par le maintien et le renforcement de l’intégration du ksar dans le système urbain. Placé dans le contexte global du développement de la ville, la requalification se traduit principalement par un ensemble d’actions, sectorielles et ponctuelles suivant un ordre cohérent de priorité, ou la sauvegarde des valeurs architecturales ne saurait être concevable en dehors du contexte humain à long terme. Cela veut dire d’abord « redécouvrir » le patrimoine historique, le valoriser par des utilisations compatibles et le rendre accessible, ceci non seulement pour ce qui est des monuments (qui sont à sauvegarder) mais surtout pour ce qui est des « systèmes » et des « réseaux » d’espaces dont le réutilisation peu stimuler des relations nouvelles entre le noyau historique et le reste de la ville. La conception de la requalification dans ce cas repose sur une large et permanente contribution de l’ensemble de la population à tous les niveaux, à travers tous les mécanismes aussi bien spontanés que concertés. Le rôle du pouvoir public, tient essentiellement au déclanchement de ces mécanismes exemplaires et la mise en place des formules simples d’aide financière et technique. Approche d’intervention :     

Dédensification : une opération impérative urgente, pour le maintien de l’équilibre du ksar ; Assainissement : la réfection du réseau ancien et la mise en place d’un autre nouveau ; Habitat : amélioration de l’habitat dans le ksar à travers des opérations de rénovation sur les secteurs insalubres de certaines maisons ; Restauration : des équipements socio-culturels et religieux ; La réhabilitation architecturale.

Ces interventions s’accompagnent d’une refonctionnalisation des édifices publics ou privés en activité à vocation touristique et communautaire à caractère lucratif. 

Opter avec la multifonctionnalité et rompre avec l’école du zoning, ainsi à travers cette optique d’unité urbaine, des économies d’ordre social et institutionnel sont conséquentes.

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Conférence Internationale sur la Médina 

Tlemcen, le 13 et 14 mai 2008

La production d’une architecture locale de signification, afin de se confondre et d’approcher l’architecture et de dépasser la construction.

Organiser la gestion du territoire : Intégration de l'espace ksourien à l'économie nationale III-2-

A travers l’analyse des évolutions morphologiques, une opposition apparente entre les formes urbaines traditionnelles et récentes a été relevée. Le ksar, se diluant dans un ensemble urbain de plus grande échelle, les villes sahariennes, présentent aujourd’hui un caractère non structuré et une organisation inconsistante par manque d’une densification minima. Cette situation est d’autant plus gênante que le milieu naturel et les contraintes climatiques appellent une structure compacte, à l’image des vieux centres sahariens. Aujourd'hui, le ksar est dénaturé, Il ne nous est pas permis de perdre cet héritage ancestral qu'est le ksar, il est du devoir de tous de le transmettre aux générations futures, dans le meilleur état possible. Car il est le témoin et l'œuvre d'une civilisation. Il est la preuve d'une lutte continue de nos ancêtres contre le désert et ses conditions difficiles. Il ne suffit pas seulement de préserver ses monuments historiques en vue d'en faire un musée pour la joie des touristes, mais au contraire, de le moderniser pour la ré-utilisation, de cette manière on le pérennisera davantage. Dans une philosophie du développement durable, réinventer le ksar ne peut se faire que dans une réflexion, non pas passéiste mais moderniste, sauvegarde du patrimoine oblige. Le développement durable est une dynamique d'action et continuellement renouvelée en vue d’un projet de long terme. Celui-ci s'identifie à un développement souciant de l'intégration des conditions de vie sociale, climatique, environnementale et surtout des potentialités et des contraintes du milieu désertique dont la fragilité est incontestable. Il ressort qu'à travers une prise de conscience écologique, l'intérêt est de plus en plus porté au développement local, qui doit répondre aux besoins des populations ainsi, entraîner une responsabilité partagée avec la collectivité. Pour être durable, donc, le développement est avant tout économique et social, il prend en compte l'amélioration des conditions de vie des plus défavorisés. Qu'en est-il de la durabilité des tissus anciens? Alors qu'il s'agit ici d'un ksar. La durabilité du ksar, en tant que patrimoine, c'est avant tout sa conservation et sa sauvegarde, non seulement fonctionnelle, mais encore projetée en avant dans le futur. Ainsi, l'intervention durable sur un ksar viserait à prendre en charge son passé et faire appel à l'existant, et à donner un sens nouveau au lieu (requalifier) sans négliger ce qu'il véhicule. Donc, le dilemme, préserver ou développer ne devrait pas se poser. Il faut plutôt préserver dans le respect des équilibres écologiques du milieu désertique et envisager le développement sans détruire l'écosystème car l'évolution des modes de vie a atteint un stade tel que le ksar traditionnel devient actuellement inadapté aux nécessités de la vie moderne. Dans le ksar, le développement durable concerne son intégration dans la dynamique de la ville et son adaptation au monde d'aujourd'hui tout en conservant ses traditions. La récupération du ksar se fait en introduisant les commodités : alimentation en eau, assainissement, électricité et permettant des conditions de vie conformes aux aspirations de la population pour la maintenir sur place ou pour des services de tourisme ou autres. Aussi, le ksar et la durabilité concernent ses habitants. Comment concilier d'un côté, un désir des populations ksouriennes de posséder les éléments de confort, auxquels ils aspirent en ce XXIéme siècle, et de l'autre côté le souci de la sauvegarde de ce tissu ancien, dont la vétusté est apparente et qui, si rien ne se fait dans ce sens, tomberait, sans aucun doute, en ruine. L’option est dans l'urbanisme participatif et de concertation. Car au delà des difficultés à maîtriser les aspects techniques, le manque de moyens, ainsi que le savoir faire, une coordination devrait exister entre les opérateurs et les actions des ksouriens. A cet effet, les citoyens interviennent, à la fois comme acteurs et sujets de l'action. Le ksar et la durabilité, c'est aussi le matériau de construction avec lequel on opère, s'agit-il d'action de restauration ou de rénovation. On tend aujourd'hui à développer dans le secteur de la construction le concept d'écoproduit. En ce sens l'utilisation des matériaux locaux sont, en général, largement avantagés, de part leur coût de revient qui est nettement inférieur. En particulier, la construction en terre, au risque d'abandon des traditions constructives, offre un confort thermique meilleur que la construction en béton.

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S.M. Kadri Le ksar et la durabilité c’est aussi les activités existantes, celle qu’on doit aider, et dans quelle mesure, pour qu’elles atteignent une structure solide, il faut chercher aussi celles qu’on pourrait introduire dans le ksar compte tenu des ressources disponibles et du développement en cours de la ville. Le ksar et la durabilité c'est aussi son histoire avec le tourisme. Les ksour, dans ce domaine, s'avèrent une plaque tournante de cette activité avec les paysages désertiques dans le Sud algérien, en les intégrant harmonieusement au cadre de vie contemporain. Les décisions à prendre dans cette perspective doivent s’inscrire dans les points suivants : 

Revitaliser le ksar, c’est prendre en charge les autres éléments de son écosystème, en fait sa palmeraie. La ville saharienne durable sera donc une ville compacte dense, luttant contre la poursuite de l'étalement urbain, au détriment de la palmeraie; au contraire, on s'efforcera d'associer l'espace oasien à tout projet d’une ville saharienne nouvelle.



Valoriser l'habitat ksourien en tant que projet urbain



Concilier un désir des ksouriens d’accéder au confort moderne tout en sauvegardant le ksar par le mouvement associatif et la concertation au service de la démocratie locale.



L'aménagement de la ville ne doit pas être limité, au seul périmètre urbain, mais intégré dans un cadre plus large, celui d'un territoire homogène (solidarité territoriale et intercommunalité).



Défendre la mixité fonctionnelle et sociale qui permettra de réduire les besoins de déplacements et de lutter contre la ségrégation sociale.



Exploiter les possibilités de densification du tissu existant avant d'opter pour l'extension en comblant les poches vides car la ville n’est pas extensible à l’infini, elle doit être capable de recycler ses tissus urbains, se recomposer sur elle-même.



Mettre en place un système d'assainissement pour éviter les puits perdus en contact direct avec la nappe d'eau située à une très faible profondeur.



Généraliser l'emploi des matériaux locaux dans les opérations de préservation du ksar et leur intégration dans les nouveaux projets avec le principe d'amélioration par des matériaux plus performants.



Reconquérir les espaces verts en s'appropriant la palmeraie en tant qu'espace de détente.



Concilier les deux espaces oasien et urbain en initiant des projets soucieux d'articuler ces deux entités qui aujourd'hui fonctionnent de façon désolidarisée.



Œuvrer à produire des formes d'habitat qui puisent leurs références dans les structures locales, qui intègrent les exigences de la vie moderne, et qui permettent aux individus de s' y identifier.



Afin d'éviter les grandes disparités territoriales, il faut adopter une démarche où la concertation, la participation des citoyens et la société civile soient effectives et efficaces.

CONCLUSION Le patrimoine architectural, héritage culturel que nous a transmis le passé, a une grande valeur spirituelle et transcrit de la manière la plus expressive l’histoire de la civilisation humaine. Le problème est de savoir découvrir et apprécier ce patrimoine afin de le sauvegarder, de le mettre en valeur et de l’intégrer harmonieusement au cadre de vie contemporain. La préservation des noyaux anciens en vue d’une nouvelle recomposition urbaine devrait susciter une mobilisation conjointe de l’Etat et de la société civile. Plus fondamentalement est posée la question des enjeux sociopolitiques du patrimoine et de la sortie des multiples cercles vicieux induits par ces enjeux. Comment favoriser l’action protectrice en l’absence de perspectives politiques favorables à la mise en œuvre de politiques adaptées d’aménagement ? Comment faire du débat théorique et des études un ressort pour l’action ? Il importe de retrouver les logiques d’articulation du moderne et du traditionnel, du bâti ancien et des usages qui en sont faits, de la ville moderne et des centres anciens. Le recensement méthodique des

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Conférence Internationale sur la Médina

Tlemcen, le 13 et 14 mai 2008

formes permet d’effectuer par la suite une analyse systématique avec phases de catégorisation et classification. C’est d’une certaine manière la capacité des sociétés autochtones de faire de la question de la requalification des noyaux anciens une ressource dans la recherche d’une alternative libérée des modèles linéaires et protecteurs de domination qui est en question. La légitimation de l’existant, l’acceptation de la ville existante, la prise en compte des profils culturels deviennent alors les ressorts pour la mise en place des instruments qui ne sont pas uniquement urbanistiques mais également sociaux et culturels. La découverte des monuments, systèmes et réseaux d’espaces, l’utilisation des sites et monuments dans des perspectives de restructurations, requalification, « recentrage » constituent les méthodes d’approche permettant à la ville un développement maîtrisé et surtout durable Autrement dit, les biens immobiliers et mobiliers, culturels et naturels, doivent constituer non seulement l’élément équilibrant sur le plan identitaire et culturel, mais aussi une ressource sur le plan économique, vital à sa promotion et à sa sauvegarde. Placer la protection et la mise en valeur des noyaux initiaux dans un contexte socio-économique dynamique lui permettant de s’auto entretenir, et alléger ainsi les charges de l’Etat pour son entretien. Il appartient aux pays d’impulser une nouvelle dynamique fondée sur l’histoire et propre à relever le défi du présent, mais ils doivent être conscients que les marges de manœuvres et les limites d’intervention de l’urbanisme sont très réduites, même si on peut essayer de donner aux citoyens une égalité de chances par des règlements dont les fondements seront à trouver dans les modes de vie. S’ils parviennent à inciter les groupes sociaux à s’organiser, à mobiliser l’épargne, à inventer des manières de construire, à créer une architecture moderne dans le sens de leurs traditions (Japon des années 50), à se donner les moyens financiers et techniques d’un urbanisme spécifique restituant à la vie communautaire toute sa vitalité et enfin, à mettre en œuvre un aménagement du territoire favorisant la croissance d’un réseau de ville moyenne ayant toute la signification et l’intérêt des villes traditionnelles ; un équilibre sera trouvé entre le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, le développement de l’espace oasien tout en respectant les objectifs de la durabilité. Adapter la loi actuelle sur l'aménagement et l'urbanisme à la réalité saharienne et ksourienne, éviter les faiblesses administratives et le manque de coordination tout en recherchant l'assistance financière et technique, redéployer le mouvement associatif pour remédier à l'absence d'une société civile consciente tout en sensibilisant les sahariens au devenir de l'oasis et tout se qu'elle symbolise, telles sont les actions à entreprendre pour développer la ville saharienne durablement.

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