La Formule d’Offrande

November 10, 2017 | Author: Archaeologist | Category: Death Customs, Ancient Egypt, Archaeology, Death, Nature
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Des Néferkarê aux Montouhotep TMO 40, Maison de l’Orient, Lyon, 2005

UNE VARIANTE SEPTENTRIONALE DE LA FORMULE D’OFFRANDE INVOCATOIRE À LA PREMIÈRE PÉRIODE INTERMÉDIAIRE : PRT-⁄RW NT Lilian POSTEL IFAO/Université Lumière-Lyon 2 RÉSUMÉ

Lilian Postel suit à travers l’Égypte une variante de la formule d’offrandes invocatoire qui apparaît dans la région memphite à la VIe dynastie, puis gagne quelques centres de Moyenne et de Haute-Égypte gouvernés par de puissants personnages liés au pouvoir central. La formule se retrouve à Héracléopolis et aux environs, puis atteint Thèbes dès la XIe dynastie, en même temps qu’un nouveau type de cercueil présentant de nettes influences memphites. L’emprunt de ces traits septentrionaux confirme le rayonnement artistique sur la Moyenne et la Haute-Égypte des ateliers memphites relayés par Héracléopolis. ABSTRACT

Lilian Postel follows across Egypt a variation of the invocatory offering formula which appears i n the region of Memphis in the Sixth Dynasty, then reached some centres in Middle and Upper Egypt, governed by powerful individuals tied to the central power. The formula is found again at Herakleopolis and its environs, then reaches Thebes in the Eleventh Dynasty, at the same time as a new type of coffin with clear Memphis influences. The borrowing of these northern features confirms the artistic influence of the Memphis workshops in Middle and Upper Egypt relayed by Herakleopolis.

Parmi les différentes variantes de la formule Ìtp dj nswt suivie de la mention de l’offrande invocatoire prt-≈rw, W. Barta signale brièvement en 1968 l’existence, à la VIe dynastie et à la Première Période Intermédiaire, d’une construction génitive moins répandue prt-≈rw nt (3), en marge des formes habituelles avec datif nominal pr(t)-≈rw n (1), ou pronominal pr(t)-≈rw n.f, fém. n.s (2) 1 :

µ µ 2/ Ãïº µ 3/ Ãïº

∂±C NN áà ∂±C ... áà / C… ° C ... á ∂± à µ NN

1/ Ãïº ...

NN

Auparavant, alors que la graphie nt avait parfois été considérée comme une erreur de scribe pour la préposition n, J.-J. Clère avait incidemment relevé la nature nominale de la forme prt-≈rw nt mais son étude sur la morphologie de l’expression prj ≈rw, publiée dans les Mélanges Maspero, restait principalement consacrée aux constructions verbales suivies du datif 2 . Ce n’est que plus 1.

Barta, Opferformel, p. 26, n. 2 (« Bitte 2 »).

2.

J.-J. Clère, « Le fonctionnement grammatical de l’expression prµ ≈rw en ancien égyptien », in Mélanges Maspero, I/2, Orient ancien, MIFAO 66/2, 1935-1938, p. 753-797, 1 planche, en particulier p. 759 et 770. Il en va de même dans l’étude de S. Curto, « L’espressione prµ ≈rw nell’Antico Regno », MDAIK 16, 1958, p. 47-72, en particulier p. 61, n. 1 et 64.

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récemment que la variante prt-≈rw nt a été reconnue par G. Lapp comme une forme indépendante à part entière, correcte et non fautive, qui substitue une construction génitive au datif employé plus fréquemment 3 . W. Barta, comme G. Lapp, se sont appuyés principalement sur une documentation memphite de la fin de la VIe dynastie (nécropole de Pépy II à Saqqara) et, dans le cas du second, sur quelques exemples thébains d e la XIe dynastie qui avaient été relevés dès 1929 par J. Polotsky 4 . G. Lapp a par la suite, dans son étude typologique des cercueils et sarcophages de la Première Période Intermédiaire et du Moyen Empire, ajouté à sa documentation plusieurs attestations relevées sur des cercueils de Sedment, Béni Hassan et El-Bercha. Parallèlement, la variante prt-≈rw nt a fait son entrée dans les débats sur la chronologie et a été identifiée comme un critère de datation. E. Brovarski a souligné la fréquence de cette construction avec génitif sur les monuments datés de la fin de la Première Période Intermédiaire mis au jour par les fouilles espagnoles dans la nécropole d’Héracléopolis, ainsi que son apparition ponctuelle à Thèbes sur des monuments privés contemporains du règne de Nebhépetrê Montouhotep II. Cette forme se retrouve en Moyenne-Égypte dans les inscriptions des tombes et des cercueils des nomarques du XVe nome inhumés à El-Bercha, Âhanahkt, Néhéri I et Djéhoutynakht V : ces personnages seraient ainsi, selon toute vraisemblance, contemporains des documents héracléopolitains et thébains 5 . H. Willems a nuancé la valeur chronologique de ce critère en citant quelques occurrences de prt-≈rw nt au début de la XIIe dynastie, sur des monuments de Béni Hassan, d’Abydos et d’Assouan. Selon lui, la présence de cette construction particulière ne permettrait donc pas à elle seule de conclure qu’un document est antérieur à la XIIe dynastie 6 . Nous nous proposons dans le cadre de cette étude de dresser un bref bilan sur l’emploi de la forme prt-≈rw nt et de voir quelles peuvent être les implications chronologiques de son apparition en dehors de la région memphite. Ce sera l’occasion de poser la question des modalités de sa diffusion en Haute-Égypte, et à Thèbes en particulier, à partir du milieu de la XIe dynastie (fig. 1). Apparition de la variante prt-≈rw nt dans la région memphite à la VIe dynastie La construction prt-≈rw nt apparaît dans la région memphite à partir de la VIe dynastie et se répand dans les secteurs de la nécropole qui connaissent une importante activité à cette époque et durant la Première Période Intermédiaire. Elle est fréquente sur les stèles fausses-portes, tables d’offrandes, parois et portes de caveaux (« tombes en four »), ainsi que, dans une moindre mesure, sur les cercueils des nécropoles de Saqqara-Nord, autour de la pyramide de Téti 7 , et de

3.

Lapp, Opferformel, § 68, p. 45 et § 160-161, p. 92-93 ; id., Särge , § 494, p. 212.

4.

J. Polotsky, Zu den Inschriften der 11. Dynastie, UGAÄ 11, 1929, § 79 (c), p. 58.

5.

E. Brovarski, “Ahanakht of Bersheh and the Hare Nome in the First Intermediate Period and Middle Kingdom”, in Studies Dows Dunham, p. 25, n. 79-80 et fig. 13, p. 29 ; id., Naga-ed-Dêr, p. 1056-1057.

6.

H. Willems, “The Nomarchs of the Hare Nome and Early Middle Kingdom History”, JEOL 28, 1983-1984, p. 88 et id., The Coffin of Heqata (Cairo JdE 36418). A Case Study of Egyptian Funerary Culture of the Early Middle Kingdom, OLA 70, 1996, p. 21-22.

7.

PM III2, 508-573. Firth-Gunn, Teti Pyramid Cemeteries, I, p. 156, 185, 197-198, 221-224 (n° 23, 27, 28, 30, 35, 37, 39, 47), 258-259 ; II, pl. 11 (2, 6), 73 (1) ; Lapp, Särge, p. 306-307, Blatt 25 (Sq 107, Sq 108) ; D. Magee, “A Ìmt-nÚr of

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Saqqara-Sud, à proximité des complexes funéraires respectifs de Pépy Ier 8 et de Pépy II 9 . Elle est encore attestée à Abousir, secteur proche de Saqqara-Nord, dès la VIe dynastie (plaquette à huile de Sénédjemib ; un exemple tardif également : cercueil de Nakht, XIIe dynastie, jadis conservé à Bonn, aujourd’hui détruit) 10 , et enfin à Giza, dans des mastabas de la VIe dynastie (par exemple Qar/Méryrênéfer, G 7101) 11 . Il est relativement difficile de déterminer des limites chronologiques précises pour l’emploi de prt-≈rw nt dans la région memphite. Aucun exemple ne semble être antérieur à la VIe dynastie. Le mastaba d’Inti à Giza pourrait éventuellement offrir un exemple d’emploi précoce de prt-≈rw nt si l’on suit la date proposée par H. Goedicke (Ve dynastie). Une date plus tardive, dans la VIe dynastie, a toutefois également été envisagée. En outre, l’inscription de dotation funéraire en faveur de la mère et de l’épouse du défunt, dans laquelle est comprise la formule prt-≈rw, relève d’un contexte discursif inhabituel qui justifie le recours à la construction génitive : ... n prt-≈rw nt mwt(.j), « pour l’offrande funéraire de (ma) mère » (Caire JE 57139) 12 . La date du cercueil du gouverneur du XXe nome de Haute-Égypte (N©rt ≈ntt) Nenkhéfetka, sur la cuve duquel la formule prt-≈rw est suivie à deux reprises du génitif introduit par nt (parois extérieures droite et gauche), prête, elle aussi, à discussion 13 . Petrie situait ce personnage, inhumé à Déchacha, soit bien au sud de la nécropole memphite, à la fin de la Ve dynastie. À cette datation haute est actuellement préféré le début de la VIe dynastie 14 , ce que tend à confirmer le type même Queen Iput I. Fragments Copied by Battiscombe Gunn from a Tomb at Saqqara”, in Abusir and Saqqara in 2000, p. 229-240, en particulier p. 236 et fig. 3 A-B, 4. 8. Fouilles de la Mission archéologique française de Saqqara. Le matériel est en grande partie encore inédit : voir la contribution de C. Berger-El-Naggar dans ce même volume. 9. PM III2, 674-689. Voir principalement Jéquier, Tombeaux, p. 22-23, p. 34 (fig. 36), 36 (fig. 38), 42 (fig. 46), 48 52, pl. IV), 54 (fig. 59), 76 (fig. 85, pl. XI), 79 (fig. 88), 81 (fig. 90), 86 (fig. 97), 87 (fig. 98), 91 (fig. 104), 93 (fig. 107), 104 (pl. XIV), 115 (fig. 130), 118 (fig. 134), 121 (fig. 138). Ajouter par exemple L. Borchardt, CGC 1295-1808 I, p. 21 (CG 1344) et A. El-Sawi, “ Three Old Kingdom Stelae from the Egyptian Museum in Cairo”, SASAE 70 (1984-1985), 1987, p. 67-68, fig. 1, p. 75. Une liste exhaustive des documents, dont beaucoup sont dispersés dans les musées européens et américains et souvent difficilement attribuables à une nécropole précise, relèverait d’une entreprise dépassant le cadre de la présente étude. 10. Plaquette à huile de Sénédjemib, fils du vizir Qar, découverte par la mission de l’Université Charles de Prague à AbousirSud en 2001 : M. Bárta, “The Czech Institute’s Ten Years of Excavations at Abusir South”, KMT 13/1, 2002, p. 28. Cercueil de Nakht : H. Schäfer, Priestergräber und andere Grabfunde vom Ende des Alten Reiches bis zur griechischen Zeit vom Totentempel des Ne-user-Rê, WVDOG 8, 1908, p. 28-29, fig. 29 et Lapp, Särge, p. 272-273, Blatt 1. 11. W.K. Simpson, The Mastabas of Qar and Idu G 7101 and G 7102, Giza Mastabas 2, Boston, 1976, p. 10-11, fig. 32, pl. XIV. Il faut ajouter la stèle fausse-porte de son épouse Béhénou qui provient probablement elle aussi de Giza : British Museum EA 1330, T.G.H. James, Hieroglyphic Texts from Egyptian Stelae, &c., in the British Museum, I, 2e éd., Londres, 1961, p. 35-36, pl. XXXIV. 12. Urk. I, 163, 14-15 et 164, 16-17 ; PM III2, 308 (VI e dynastie) ; H. Goedicke, Die privaten Rechtsinschriften aus dem Alten Reich, Beihefte WZKM 5, 1970, p. 122-130, pl. XIII. 13. Caire CG 28122. PM IV, 123 ; Deshasheh, p. 47, pl. XXIX ; P. Lacau, CGC 28001-28126, Sarcophages antérieurs au Nouvel Empire II, p. 135-136 ; Lapp, Särge, p. 282-283. 14. F. Gomaà, Ägypten während der Ersten Zwischenzeit, TAVO B 27, 1980, p. 120 ; N. Kanawati et A. McFarlane, Deshasha. The Tombs of Inti, Shedu and Others, ACE-Reports 5, 1993, p. 71-74, pl. 61.

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du cercueil, daté par G. Lapp de la VIe dynastie, ainsi que la graphie de prt-≈rw qui présente l’ordonnance des trois déterminatifs pain moulé/cruche/pain oblong en usage depuis le début de cette dynastie. En fin de compte, l’emploi de la construction génitive pourrait ici avoir valeur d’argument contre une datation antérieure à la VIe dynastie. D’une manière générale, peu d’indices permettent de proposer une chronologie relative pour les documents de Saqqara et de Giza entre la VIe dynastie et la Première Période Intermédiaire. La mention des complexes funéraires des rois Téti, Pépy Ier et Pépy II dans les titres des défunts ne livre que des termini post quem ; de même, l’évolution des caractéristiques typologiques et épigraphiques des stèles fausses-portes et des tables d’offrandes – supports les plus courants – est encore insuffisamment établie pour une période somme toute relativement courte. Il semblerait néanmoins que la forme prt-≈rw nt ne devienne fréquente que dans la seconde moitié de la dynastie, à partir de Pépy II. À titre d’exemple, beaucoup de stèles fausses-portes sur lesquelles figure prt-≈rw nt sont en effet pourvues d’un tableau en T, censé n’apparaître que sous c e dernier règne 15 . D’une manière générale, autour des complexes funéraires royaux de Saqqara-Sud (ceux de Pépy Ier et Pépy II essentiellement), la construction avec génitif est employée sur des documents pour lesquels on favorise actuellement une date assez basse, à partir de la fin du règne de Pépy II et jusqu’à la VIIIe dynastie, voire au-delà 16 . On remarque en revanche, à la fin de la VIe dynastie comme à la Première Période Intermédiaire, un recours simultané aux différentes variantes de prt-≈rw – génitif et datif – sur des documents appartenant aux mêmes ensembles monumentaux. C’est le cas de stèles, tables d’offrandes et parois de caveau issues d’un mastaba unique où l’on constate tantôt la construction avec datif, tantôt la construction avec génitif sans que le choix de l’une ou l’autre forme ait été apparemment dicté par un élément déterminant – par exemple la présence ou l’absence de la formule Ìtp dj nzwt avant prt-≈rw, ou bien la disposition en colonne ou en ligne, l’association du t au n dans la seconde facilitant le groupement des signes à l’intérieur d’un cadrat. Ainsi, dans l’ensemble funéraire de la dame Izet, provenant de la nécropole de Pépy II à Saqqara-Sud, la forme avec datif prt-≈rw n a été réservée à la stèle fausse-porte tandis que le lapicide a préféré la construction génitive avec nt sur l’architrave comme sur la table d’offrandes 17 . Parfois, sur une même stèle, plusieurs formes ont été utilisées concurremment (généralement nt/n mais aussi n.f/nt), comme l’illustrent les stèles de Pépyemhoutptah/Pépyméryptah (Moscou, Musée Pouchkine I.1.a.5561 [4040]) 18 ou de

15. Par exemple : Strudwick, Administration, p. 18-19. C’est le cas, parmi d’autres, des stèles respectives de Hotep et d’Izi, provenant toutes deux de la nécropole de Téti : Firth-Gunn, Teti Pyramid Cemeteries, I, p. 185, n° 11 ; II, pl. 73 (1) [Hotep] et C. Ziegler, Catalogue des stèles, peintures et reliefs égyptiens de l’Ancien Empire et de la Première Période Intermédiaire, Paris, 1990, p. 82-85, n° 10 [Izi, Louvre C 164]. 16. Voir par exemple H.G. Fischer, « Quelques particuliers à Saqqâra », in Études Lauer I (éd.), p. 177-182, fig. 6-7 p. 188-189 (tableaux). E. Brovarski estime cependant, en se fondant notamment sur une analyse typologique, que la grande majorité des tombes remonte au règne de Pépi II lui-même (se reporter à sa contribution dans le présent volume). Le complexe funéraire de Pépi Ier et ses abords ont également livré de nombreux documents de la Première Période Intermédiaire (voir C. Berger-El-Naggar dans ce même volume). 17. Jéquier, Tombeaux, p. 87, fig. 98. 18. S. Hodjash, O.D. Berlev, The Egyptian Reliefs and Stelae in the Pushkin Museum of Fine Arts, Moscow, Léningrad, 1982, n° 19, p. 53-56. La stèle fausse-porte, détruite depuis 1938, est datée de la VI e dynastie par ses éditeurs mais présente des

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Dégem/Mérypépy, ainsi que les caveaux peints de Séni et de Néset à Saqqara-Sud 19 ; la stèle de Qar/Méryrênéfer à Giza 20 ou encore celle de Sénètitès, de provenance memphite probable (Athènes, Musée archéologique national inv. 28) 21 . Ces documents sont loin d’être isolés. Certains vont même jusqu’à présenter les trois variantes simultanément. L’un des exemples les plus explicites est celui de la porte du caveau de Pennou à Saqqara-Sud, au nord-est du mur d’enceinte du Mastabat Faraoun : on trouve prt-≈rw n.f sur le linteau tandis que sur le montant gauche se côtoient directement, en deux colonnes accolées, prt-≈rw n et prt-≈rw nt 22 . Les diverses variantes de la formule prt-≈rw paraissent donc ne pas avoir été perçues à l’époque comme fondamentalement différentes dans leur signification. D’un point de vue sémantique, le passage d’un datif à un génitif pourrait être l’indice d’un déplacement du sens profond de l’expression, concomitant des mutations sociales de la fin de l’Ancien Empire. D’une faveur octroyée par le souverain à un défunt privilégié (prt-≈rw n N/n.f), on glisserait vers un bénéfice des rites et offrandes, exprimé par un lien de possession marqué par le génitif (prt-≈rw nt), dont tout défunt serait désormais à même de se prévaloir. Pourtant, la fréquente juxtaposition des deux variantes sur un même monument n’autorise guère de conclusion ferme. Les nuances sémantiques qui sous-tendent l’apparition de la construction génitive sont peut-être restées largement inaperçues à l’époque. En définitive, si la présence du génitif prt-≈rw nt sur un document peut avoir valeur d’argument en faveur d’une datation tardive (fin VIe dynastie/Première Période Intermédiaire), elle ne constitue néanmoins pas un critère chronologique systématique puisque les différentes formes ont coexisté sur les monuments memphites jusqu’au Moyen Empire. La date de la disparition de la construction prt-≈rw nt ne se laisse pas aisément déterminer. Elle est encore en usage sur des monuments présentant des caractéristiques tardives. Elle apparaît ainsi sur la stèle fausse-porte double de Ptahnakht et Méretmoutès conservée au musée archéologique national d’Athènes (inv. 30). Sa provenance est inconnue mais on peut l’attribuer avec vraisemblance à la région memphite 23 . Plusieurs indices invitent à la placer dans une période avancée de la Première Période Intermédiaire. En premier lieu, les caractéristiques typologiques concordent pour situer le document après la VIe dynastie : l’absence de tableau en T, typique de la VIe dynastie, remplacé par un tableau rectangulaire sans champs latéraux, fréquent à partir de la VIIIe dynastie ; les victuailles directement empilées sur les tranches de pain stylisées caractéristiques plus tardives (yeux-oudjat sur le linteau inférieur, déterminatifs des têtes de canard et de bovidé dans la graphie de prt-≈rw ). 19. Jéquier, Tombeaux, p. 118, fig. 134, pl. XVI (Dégem/Mérypépi) ; p. 37, fig. 41 (Séni) ; p. 36, fig. 38 (Néset). Ces documents sont attribuables à la Première Période Intermédiaire. 20. Voir supra, n. 12. Le personnage aurait vécu sous Pépi II : cf. Baer, Rank and Title, p. 288 et 294 ainsi que E. Brovarski, “Abydos in the Old Kingdom and First Intermediate Period, Part II”, in For His Ka, p. 37. 21. O. Tzachou-Alexandri, O kosmo~ th~ Aiguptou sto Eqniko Arcaiologiko Mouseio , Athènes, 1995, p. 78-79 et V. Chrysikopoulos, L’histoire des collections d’antiquités égyptiennes du Musée national d’Athènes, Lyon, 2001, thèse de doctorat inédite, Université Lumière-Lyon 2, I, p. 197-204. La stèle paraît être postérieure à la VIe dynastie. 22. Jéquier, Tombeaux, p. 42, fig. 46. 23. O. Tzachou-Alexandri, op. cit., p. 78 et V. Chrysikopoulos, op. cit., I, p. 205-213. Dans son apparence générale, la stèle présente des similitudes aves les fausses-portes d’Héracléopolis de la fin de la Première Période Intermédiaire, même si elle diffère dans le détail.

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garnissant le guéridon placé devant le défunt ; la présence des yeux-oudjat sur le linteau inférieur ; l’attitude des personnages masculins, debout, les deux bras tombant le long du corps. Cette datation

G

basse est confortée par plusieurs indices épigraphiques, comme la graphie courte de jm3≈w ( – ) ou l’initiale de jmy-wt. L’adjonction de l’épithète m3©-≈rw après le nom de Ptahnakht sur la corniche



pourrait même indiquer une date particulièrement tardive : l’emploi de cette épithète se diffuse en Haute-Égypte et à Thèbes à partir de la XIe dynastie mais reste exceptionnel dans la nécropole memphite, voire inconnu, avant le Moyen Empire 24 . Enfin, le développement de la liste des offrandes après prt-≈rw, ici et inhabituellement avec la vaisselle de calcite ‡s et les étoffes mn≈t, outre la tête de bovidé et la tête de canard, est, lui aussi, rare dans le Nord avant le Moyen Empire 25 . Mentionnons également les deux portes au nom de l’inspecteur des prêtres du complexe funéraire d e Téti Chédibed, dont le tombeau a été découvert dans la nécropole de Téti par C.M. Firth et B. Gunn puis redégagé en 1987. La forme génitive est employée sur le linteau de la première porte, complète. Sur un fragment du montant droit de la seconde porte, le nom du défunt est suivi de la formule de filiation ms(w).n Ìbyt 26 . Or, si l’épithète de filiation msw.n introduisant le nom de la mère, est largement en usage à Thèbes dès la première moitié de la XIe dynastie, elle n’est guère attestée à Saqqara avant la fin de la XIe dynastie, voire seulement à partir de la XIIe dynastie. Le monument funéraire de Chédibed pourrait donc appartenir à la fin de la Première Période Intermédiaire, plutôt qu’au début comme le propose son éditeur, ou même au tout début du Moyen Empire. En revanche, la construction de prt-≈rw avec génitif est complètement absente des monuments datant du Moyen Empire. C’est le cas, pour ne citer que deux ensembles funéraires de la nécropole de Téti, du cercueil et de la stèle de Gemniemhat, conservés à Copenhague (Glyptotek Ny Carlsberg, ÆIN 1615 et 1616), que Do. Arnold place maintenant dans le courant du règne d’Amenemhat Ier 27 , ou encore des cinq stèles fausses-portes et des cinq tables d’offrandes de la chapelle familiale de Sékousékhet, datables du tout début de la XIIe dynastie (Caire JE 55618) 28 .

24. Elle n’apparaît ainsi pas sur les cercueils de Saqqara avant la seconde moitié de la XIIe dynastie et son emploi demeure de toute manière limité. Cf. Lapp, Särge, § 526, p. 223. 25. G. Lapp, Opferformel, § 163, p. 94-95. Comparer avec deux autres stèles fausses-portes, aux caractères tardifs, pourvues de la même graphie développée (bovidé et canard) : stèle de la dame Sénetitès vendue chez Sotheby’s en 1994 et stèle d’Antef, Chicago, Field Museum of Natural History 31694. Respectivement : Antiquities and Islamic Works of Art, Sotheby’s, Sale 6579, Wednesday, June 8th, 1994, New York, n° 24 et T.G. Allen, Egyptian Stelae in the Field Museum of Natural History, Anthropological Series XXIV/1, Chicago, 1936, p. 12-13, pl. 1. La provenance memphite de ces deux stèles est probable mais non assurée. 26. A.F. El-Sabbahy, “Blocks from the Tomb of Shed-abed at Saqqara”, JEA 79, 1993, p. 243-246, fig. 1, pl. XXIII (2-3) et p. 246, fig. 4 respectivement. 27. Do. Arnold, “Amenemhat I and the Early Twelfth Dynasty at Thebes”, MMJ 26, 1991, p. 26-32. Voir également M. Jørgensen, « Gemnis grav », MNyCarlsb 51, 1995, p. 110-114, fig. 1-3 et, id., Catalogue Egypt I (3000-1550 B.C.), Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague, 1996, n° 56 et 59, p. 140-143 et 150-151. Première édition par Firth-Gunn, Teti Pyramid Cemeteries, I, p. 187-188, n° 16 ; II, pl. 23-25, 27 (B). 28. Atef Abdalla, “The Cenotaph of the Sekwaskhet Family from Saqqara”, JEA 78, 1992, p. 93-111, pl. XIX-XXIII. Pour d’autres tombes datées du début de la XII e dynastie, voir D.P. Silverman, “Middle Kingdom Tombs in the Teti Pyramid Cemetery”, in Abusir and Saqqara in 2000, p. 259-282, pl. 40-49.

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De même, parmi les cercueils qu’a livrés la nécropole de Téti, aucun de ceux relevant du type attribué à la XIe et XIIe dynastie – ils sont près de trente – ne montre la construction génitive : celleci n’est employée que sur des exemplaires de type VIe dynastie 29 . Seul celui inscrit au nom d’un certain Nakht, provenant d’Abousir et daté de la XIIe dynastie, témoignerait d’un usage tardif de prt-≈rw nt 30 . La construction génitive serait donc tombée en désuétude, en ce qui concerne les cercueils memphites, dès la fin de la Première Période Intermédiaire. Il n’est pas certain qu’il y ait eu synchronisme exact entre les inscriptions des cercueils et celles des documents en pierre. Pour ces derniers – qui semblent avoir connu une évolution plus lente et être demeurés les conservatoires des anciennes traditions jusqu’au Moyen Empire – l’utilisation de la construction génitive a pu se poursuivre quelques années encore. L’exemple isolé, résiduel, d’Abousir irait en effet dans le sens d’une persistance assez longue d’une habitude héritée de la fin de l’Ancien Empire. Extension de l’emploi de la forme prt-≈rw nt hors de la nécropole memphite à la Première Période Intermédiaire : Héracléopolis et la région du Fayoum Si l’on élargit le champ d’observation en dehors de la région memphite proprement dite, on s’aperçoit que la construction prt-≈rw nt est absente de sites pourtant proches, comme la nécropole d’Héliopolis. Autant que permette d’en juger la documentation actuellement connue, elle est également absente des sites du Delta, à l’Ancien Empire (Bubastis) comme au Moyen Empire (Kôm el-Hisn). Il faut dépasser l’extrémité sud de la nécropole memphite pour la retrouver dans la région d’Héracléopolis à la Première Période Intermédiaire essentiellement. L’un des exemples les plus anciens est celui de la tombe de Nenkhéfetka à Déchacha, cité précédemment : il pourrait remonter au milieu de la VIe dynastie (voir supra). La majeure partie de notre documentation est constituée par l’ensemble épigraphique très homogène mis au jour depuis plus de trente ans dans la nécropole d’Héracléopolis (Ehnasiya el-Médina). Il s’agit essentiellement de stèles fausses-portes, mais également de parois décorées de chapelles funéraires ainsi que de caveaux. Tous ces documents appartiennent à une séquence chronologique assez courte datable de la dernière phase de la Première Période Intermédiaire, contemporaine du milieu de la XIe dynastie thébaine, voire du tout début de la XIIe dynastie 31 .

29. Lapp, Särge, Blätter 25-27. 30. PM III2, 345 et Lapp, op. cit., p. 272-273, Blatt 1. À prt-≈rw est juxtaposée, de manière très inhabituelle, la formule qrzt

nfrt m zmjt jmntt précédant le génitif nt. 31. La datation de la nécropole d’Héracléopolis a été récemment controversée. Sa destruction est attribuée par les fouilleurs espagnols aux troupes de Nebhépetrê Montouhotep lors de l’assaut final contre le Nord. Le matériel épigraphique et céramique pourrait néanmoins laisser penser que l’utilisation de la nécropole a pu se prolonger au-delà du milieu de la XIe dynastie, jusqu’aux premières années de la XIIe dynastie. Dans ce cas, le sac des tombeaux aurait pu intervenir lors des troubles ayant marqué la succession d’Amenemhat Ier. Cf. H. Willems, “A Note on the Date of the Early Middle Kingdom Cemetery at Ihnâsiya al-Madîna”, GM 150, 1996, p. 99-109. Les actuels responsables de la mission espagnole ne repoussent apparemment pas cette hypothèse mais attendent de plus amples certitudes. Les critères épigraphiques et stylistiques reconnus ne permettent pas d’affiner la datation à l’intérieur d’une période aussi courte et la typologie des dépôts de fondation – emplacement et matériel céramique –, sur laquelle repose l’essentiel des arguments de H. Willems, est établie à partir de trop peu d’exemples pour être déterminante.

262

L. POSTEL

La forme prt-≈rw nt prévaut dans l’ensemble de la documentation lapidaire héracléopolitaine. Elle est seule employée dans les inscriptions de la chapelle funéraire de Séhou, stèle fausse-porte et parois (trois occurrences) 32 . Elle apparaît encore sur les parois de la chapelle Satbahotep

33

. Enfin, sur les seize stèles et fausses-portes publiées à ce jour

34

de

, elle n’est absente

que sur quatre documents (auxquels il faut peut-être ajouter un cinquième document trop partiellement conservé). Dans la plupart des exemples, au pain moulé et à la cruche de bière viennent s’ajouter comme déterminatifs de prt-≈rw le pain allongé, la tête de bovidé et la tête de canard. Dans les inscriptions horizontales, cette dernière a tendance à se décaler légèrement sous le n et à se rapprocher du t (

ÃC N! è µ ). Une telle

mise en page, plus ou moins accentuée,

se retrouve dans d’autres contextes géographiques d’une manière qui n’est peut-être pas tout à fait anodine (voir infra). Au vu de la documentation, la forme prt-≈rw nt peut donc être considérée comme une caractéristique de l’épigraphie de la fin de la Première Période Intermédiaire à Héracléopolis. La production des ateliers de la métropole du XXe nome est assez proche de celle des ateliers memphites – notamment de ceux de Saqqara-Nord – dont elle poursuit la tradition artistique, même si quelques particularités ont pu se développer en marge. Cette étroite relation entre Héracléopolis et Saqqara résulte peut-être, outre d e facteurs géographiques et de circonstances historiques, d’une volonté politique délibérée de se rattacher aux anciens centres du pouvoir de l’Ancien Empire, volonté illustrée par l’implantation de la pyramide du roi hérakléopolitain Mérykarê dans le secteur de la nécropole de Téti. Par conséquent, la vogue de la construction génitive à Héracléopolis est sans aucun doute à mettre sur le compte de cet héritage memphite. Néanmoins, sa généralisation comme son emploi quelque peu tardif par rapport à ses antécédents de Saqqara témoignent d’un certain caractère local. Deux autres sites, proches d’Héracléopolis, dans un rayon de moins de 15 km, fournissent des attestations supplémentaires, contemporaines ou de peu postérieures. En premier lieu, deux tombes de Haraga, simples caveaux en briques voûtés, associent sur leurs parois peintes frises d’objets et formules des Textes des Sarcophages. Elles sont aux noms respectivement de Hérichefnakht (n° 671) et de la dame Oukhethotep (n° 672) 35 . Dans chacune d’elles, la formule prt-≈rw est suivie d’un génitif ; comme à Héracléopolis, le signe de la tête de canard est légèrement déporté sous le n. G. Lapp date ces deux tombes de la XIe dynastie 36 : elles sont donc à peu près contemporaines des stèles d’Héracléopolis. La nécropole de Sedment fournit également quelques documents. La construction génitive est attestée sur les cercueils de la fin de l’Ancien Empire et devient fréquente sur ceux datables de la

32. J. Lopez, « Rapport préliminaire sur les fouilles d’Héracléopolis, 1968 », OrAnt 14, 1975, p. 58-78, fig. 7-16, pl. XX-XXIII, XXIV (b) ; J. Padró, Études historico-archéologiques sur Héracléopolis Magna, Nova Studia Aegyptiaca 1, Barcelone, 1999, p. 126-146, fig. 100-107, pl. XL-LXXIV. 33. J. Padró, op. cit., p. 153-154, fig. 115. 34. Ibid., p. 147-155, fig. 108-117. 35. PM IV, 105 ; Harageh, p. 20-23, pl. LXVII-LXVIII. 36. Lapp, Särge, p. 284-285, Blatt 11 (Ha2 et Ha5).

UNE VARIANTE SEPTENTRIONALE DE LA FORMULE D’OFFRANDE INVOCATOIRE

263

charnière entre la XIe et la XIIe dynastie 37 . À titre d’exemple, les trois cercueils au nom de Khéty et de la dame Ouadj récemment publiés, inscrits avec des formules des Textes des Pyramides et des Textes des Sarcophages, portent tous la variante prt-≈rw nt 38 . Là encore, la tête de canard est légèrement décalée sous le n. La céramique associée à ces inhumations confirme la datation fin XIe/début XIIe dynastie. Extension de la forme prt-≈rw nt en Moyenne et Haute-Égypte (fin de la VIe dynastie-début de la XIIe dynastie) Prt-≈rw nt se retrouve ensuite, avec une relative fréquence, dans plusieurs sites de Moyenne-Égypte, jusqu’à Assiout au sud. Les documents se situent dans une fourchette chronologique assez large, entre la fin de la VIe dynastie et le début de la XIIe dynastie. La brève recension de ces occurrences proposée ci-dessous progressera du nord vers le sud. Zaouiyet el-Mayétin On connaît seulement deux documents isolés à Zaouiyet el-Mayétin. En premier lieu vient la stèle fausse-porte de la dame Téti/Mérètitès, épouse de Biaou (tombe 10), qui daterait au plus tôt de la seconde moitié de la VIe dynastie 39 . On retrouve ensuite la forme prt-≈rw nt sur la plaquette à huile de la dame Néfertiyt, conservée au musée du Louvre (E 11437), datant de la fin de la VIe dynastie ou de la Première Période Intermédiaire 40 . Béni Hassan La nécropole des gouverneurs du XVIe nome de Haute-Égypte, à Béni Hassan, est plus riche en exemples. Ce sont tout d’abord les tombes des trois nomarques successifs Ramouchénet (tombe 27), Baqet III (tombe 15) et Khéty (tombe 17) qui illustrent la généralisation de la construction génitive entre la seconde moitié de la XIe dynastie et le règne d’Amenemhat Ier 41 . Seule la tombe la plus tardive, celle de Khéty, fait se côtoyer les constructions avec génitif nt et datif n 42 . En revanche, la construction génitive a complètement disparu des tombes ultérieures. Celle-ci constitue également la règle sur les cercueils de type XIe dynastie, sans exception 43 . Citons à titre d’exemple, les cercueils de Khnoumnakht (Caire JE 37569) et de Nemtyemhat/Tjaou (Caire JE 37564a), sur lesquels la graphie de prt-≈rw inclut un déterminatif du pluriel (trois à quatre

37. Ibid., p. 298-299, Blatt 24. 38. A.G. Abdel Fatah et S. Bickel, « Trois cercueils de Sedment », BIFAO 100, 2000, p. 3-17. 39. PM IV, 137 ; LD II, 110 (o) ; P. Piacentini, Zawiet el-Mayetin nel III millennio A.C., Monografie di SEAP, Series minor 4, 1993, p. 58-59, pl. XIV. 40. P. Piacentini, op. cit., p. 68-69, pl. XV (a) ; C. Anzalone, in Desroches Noblecourt et Vercoutter (éds), Un siècle de fouilles françaises en Égypte, 1880-1980, Paris, 1981, n° 104, p. 100 ; S. Aufrère, Portes pour l’au-delà. L’Égypte, le Nil et le « champ des offrandes », Lattes, 1992, n° 28, p. 143 et 188. 41. PM IV, 151-159 ; Beni Hasan, II, p. 45, 47, 48-49, pl. V, VII (Baqet III) ; p. 55, 56, pl. XI, XII (Khéty) ; p. 31 (Ramouchénet). 42. Ibid., p. 62, pl. XVIII. 43. Lapp, Särge, Blatt 7.

264

L. POSTEL

points ou traits) typique de Béni Hassan (fig. 2-3) 44 . Elle n’apparaît plus sur les cercueils de type XIIe dynastie. L’usage de la forme prt-≈rw nt à Béni Hassan est par conséquent assez bien circonscrit. Il se répand dans la seconde moitié de la XIe dynastie et perdure jusqu’au début de la XIIe dynastie, sous le règne d’Amenemhat Ier. El-Bercha La situation est assez similaire à El-Bercha. La construction génitive est employée dans les tombeaux des deux gouverneurs du XVe nome contemporains de la fin de la XIe dynastie, Âhanakht (tombe 5) et Néhéri I (tombe 4) 45 . Elle est présente sur tous les cercueils de type XIe dynastie (plus de treize exemplaires recensés) 46 , en particulier sur celui du nomarque Âhanakht conservé à Philadelphie (University Museum E 16218) 47 , ou sur les célèbres cercueils intérieur et extérieur de Djéhoutynakht V du musée de Boston (MFA 20.1822-27 et 21.962-3) 48 . Elle disparaît en revanche, définitivement, des cercueils de la XIIe dynastie, peut-être même dès la fin de la XIe dynastie

49

.

Meir Dans la nécropole de Meir, seul le cercueil de la dame Nesqédet, issu des fouilles de Khachaba en 1912, porte la variante prt-≈rw nt. Il est daté, de manière assez large par G. Lapp, de la Première Période Intermédiaire (VIe-Xe dynastie) 50 . Aucun autre exemple n’a pu être repéré. Dara La formule prt-≈rw suivie du génitif est en revanche très fréquente dans le matériel épigraphique provenant de la nécropole de Dara. Elle figure en effet sur la majorité des documents trouvés par R. Weill dans ou à proximité du mastaba m2, implanté au sud-est de la fameuse pseudopyramide. Il s’agit des tables d’offrandes d’Imi et d’Izi ainsi que des deux stèles fausses-portes d’Itjaï 44. Khnoumnakht : PM IV, 162 ; J. Garstang, The Burial Customs of Ancient Egypt as Illustrated by Tombs of the Middle Kingdom, Londres, 1907, p. 164, fig. 167 ; H. Willems, Chests of Life. A Study of the Typology and Conceptual Development of Middle Kingdom Standard Class Coffins, MVEOL 25, 1988, p. 128, fig. 4 ; Lapp, Särge, p. 278-279, Blatt 7, pl. 11 (a-b) [BH12a-b]. Nemtyemhat/Tjaou : PM IV, 161 ; Lapp, op. cit., p. 278-279, Blatt 7, pl. 9 (a). 45. PM IV, 181-182 ; El Bersheh II, 1895, p. 29, pl. XI (Néhéri I), p. 33-35, pl. XV, XVII (Âhanakht). Sur la date, controversée, de ces personnages, cf. E. Brovarski, “Ahanakht of Bersheh and the Hare Nome in the First Intermediate Period and Middle Kingdom”, in Studies Dows Dunham, p. 14-30 ; H. Willems, “The Nomarchs of the Hare Nome and Early Middle Kingdom History”, JEOL 28, 1983-1984, p. 80-102 ; L. Gestermann, Kontinuität und Wandel in Politik und Verwaltung des frühen Mittleren Reiches in Ägypten, GOF IV/18, 1987, p. 173-179. Néhéri I a pu encore exercer ses fonctions au tout début de la XIIe dynastie. 46. Lapp, Särge, Blatt 4. 47. S. Fleming et al., The Egyptian Mummy. Secrets and Science, University Museum Handbook 1, Philadelphie, 1980, n° 13-14, p. 15 ; Lapp, Särge, p. 274-275 (B4). 48. PM IV, 179 ; E.L.B. Terrace, Egyptian Paintings of Middle Kingdom, Londres, 1968, passim et en particulier p. 156, fig. 7 ; S. D’Auria, P. Lacovara et C.H. Roehrig, Mummies and Magic. The Funerary Arts of Ancient Egypt, Boston, 1988, n° 43, p. 109-117. Lapp, Särge, p. 276-277, Blatt 4, pl. 44 (b-c) [B22a-b]. 49. Lapp, op. cit., Blätter 5-6. 50. PM IV, 255 ; A. Kamal, « Rapport sur les fouilles de Saïd Bey Khachaba au Déîr-el-Gabraouî », ASAE 13, 1914, p. 171 ; Lapp, Särge, p. 290-291, Blatt 13 (M56).

UNE VARIANTE SEPTENTRIONALE DE LA FORMULE D’OFFRANDE INVOCATOIRE

265

et Méhi et d’Itjaï 51 . L’utilisation de cette nécropole est généralement datée du début de la Première Période Intermédiaire (VIIIe dynastie) 52 . Deir el-Gébraoui Les nomarques de Deir el-Gébraoui de la fin de la VIe dynastie, qui gouvernent à cette époque le XIIe et le VIIIe nome de Haute-Égypte, marquent eux aussi une nette prédilection pour la forme prt-≈rw nt dans leurs tombeaux. Elle prédomine largement dans la tombe d’Ibi (tombe 8) de même que dans celle de Djâou/Chémaï (tombe 12) 53 . Elle apparaît encore dans des tombes secondaires de la fin de l’Ancien Empire : Néfertepoua (tombe 41) et Néferenefkhetou (tombe 42) 54 . Assiout Assiout marque la limite méridionale de la grande diffusion de la formule prt-≈rw suivie du génitif à la fin de l’Ancien Empire et à la Première Période Intermédiaire. Cette construction s’est déjà considérablement raréfiée. On ne la rencontre en effet nulle part dans les tombes, pourtant prolixes, des nomarques de la Première Période Intermédiaire, contemporains des dynasties hérakléopolitaine et thébaine (Itibi, Khéty I, Khéty II), pas plus que dans les tombeaux plus tardifs. Elle n’apparaît que sur deux cercueils. Le premier, conservé au British Museum (BM EA 46633), est au nom d’un certain Hénénou et date de la Première Période Intermédiaire 55 . Le second, aujourd’hui au musée du Louvre, appartient à une dame Hénen (Louvre AF 9757). Il provient de l’un des puits de la tombe 7 dans laquelle avait été inhumé le célèbre chancelier Nakhti et remonte donc à la charnière des XIe et XIIe dynasties 56 . On remarque la forme particulière du pain allongé, proche d’une corbeille nb, caractéristique des inscriptions d’Assiout, ainsi que la présence du déterminatif du pluriel. Au sud d’Assiout, la variante prt-≈rw nt demeure principalement cantonnée à deux grands centres : la nécropole de Naga ed-Deir/Cheikh Farag et la nécropole thébaine. Ailleurs, elle est peu fréquente et n’apparaît guère que sur quelques documents isolés, souvent assez tardifs. Akhmim, El-Haouaouich Dans la nécropole d’Akhmim, à El-Haouaouich, la forme prt-≈rw nt pourrait être connue par une unique stèle fausse-porte, gravée au nom d’un prêtre lecteur, grand prêtre pur de Min et inspecteur du domaine de Min Hézézi. Le personnage est daté au plus tôt du milieu de la VIe dynastie (Pépy Ier). La provenance de la stèle, actuellement au Musée du Caire (CG 1407) 57 ,

51. R. Weill, Dara. Campagnes de 1946-1948, Le Caire, 1958, p. 54-56, fig. 9-10, pl. XXXIII et p. 69-73, fig. 15, pl. XLIIXLVI. 52. Par exemple F. Gomaà, Ägypten während der Ersten Zwischenzeit, p. 97-98. 53. Ibi : PM IV, 243-244 ; Deir el Gebrâwi I, p. 21-23, pl. XVIII, XXIII. Djâou/Chémaï : PM IV, 244-246 ; Deir el Gebrâwi II, p. 11-13, pl. VIII, XI-XIII. 54. PM IV, 246 ; Deir el Gebrâwi I, p. 26-27, pl. XXIII. 55. PM IV, 268 ; E.A.W. Budge, A Guide to the First, Second and Third Rooms, Londres, 1924, p. 80 ; Lapp, Särge, p. 296-297, Blatt 18 (S56). 56. PM IV, 266 ; Assiout, p. 143-154, pl. XXVIII ; Lapp, op. cit., p. 296-297, Blatt 21 (S54). 57. Borchardt, CGC 1295-1808 I, p. 69-70 ; Kanawati, El-Hawawish IX, p. 55-57, pl. 7.

266

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n’a pas été enregistrée et son attribution repose avant tout sur l’appartenance du personnage au clergé de Min ainsi que, selon N. Kanawati, sur sa similitude avec l’unique stèle fausse-porte trouvée à El-Haouaouich, au nom de Mémi (Caire CG 1587). Bordée par un tore et couronnée d’une corniche à gorge, elle relève cependant d’un type memphite bien attesté à Saqqara ; en outre, le titre de ≈nty-‡ Ppy-mn-nfr que porte le personnage le rattache également au complexe funéraire de Pépy Ier et à la région memphite, bien que de tels titres aient été fréquemment portés à la VIe dynastie par des fonctionnaires inhumés loin de la Résidence 58 . Deux hypothèses se présentent en définitive : soit la stèle provient de la nécropole memphite plutôt que de la région d’Akhmim ; soit, si elle a été effectivement dressée à Akhmim, elle doit être considérée comme une œuvre importée du Nord, ou bien exécutée par des artisans formés dans le Nord. Dans le second cas, l’extrême rareté des stèles fausses-portes à El-Haouaouich renforce l’originalité de l’objet. La construction de prt-≈rw avec le génitif n’appartient pas, quoi qu’il en soit, à la tradition épigraphique de la région d’Akhmim. Cheikh Farag et Naga ed-Deir Plus au sud, la vaste nécropole de Cheikh Farag/Naga ed-Deir, dans le VIIIe nome, a livré plusieurs documents – parois de chapelles funéraires, stèles, cercueils –portant la variante prt-≈rw nt. Ils datent tous de la Première Période Intermédiaire et appartiennent, pour la grande majorité d’entre eux, à une phase tardive de la période (IXe et Xe dynasties hérakléopolitaines) 59 . En premier lieu, la tombe de Héni (N11) fournit l’attestation, semble-t-il, la plus ancienne de prt-≈rw nt à Cheikh Farag/Naga ed-Deir : elle se rattache au « Ωm“ Group » daté par E. Brovarski du début de la Première Période Intermédiaire (VIe-VIIIe dynasties) 60 . Dans l’ensemble funéraire du nomarque Hagi, le génitif est utilisé, en parallèle avec le datif, une première fois dans le caveau de sa tombe rupestre (N89) 61 , une seconde fois sur les longs côtés de son cercueil (SF 5202, Boston, MFA 23.12.188) 62 . La tombe de Hagi montre un style de transition entre les traditions de la fin de l’Ancien Empire (VIe-VIIIe dynasties) et celles de l’époque hérakléopolitaine (« Jn-Ìrt Group »). Le personnage a dû exercer ses fonctions au début de cette dernière époque. La grande qualité du cercueil suggère à E. Brovarski qu’il pourrait s’agir d’un cadeau royal, illustrant ainsi, comme pour Djâou/Chémaï de Deir el-Gébraoui, les liens étroits que le nomarque entretenait avec la Résidence 63 .

58. De tels titres sont rares à Akhmim mais, par exemple, fréquents à Deir el-Gébraoui. Sur ce sujet, voir, entre autres, E. Martin-Pardey, Untersuchungen zur ägyptischen Provinzialverwaltung bis zum Ende des Alten Reiches, HÄB 1, 1976, p. 131-140. 59. Le matériel épigraphique de la Première Période Intermédiaire a fait l’objet d’une étude approfondie par E. Brovarski, Naga-ed-Dêr. Est concerné l’ensemble des nécropoles du VIIIe nome qui, de manière continue, s’étendent sur plus de 6 km sur la rive est du Nil, face à la moderne Girga : du nord au sud, Cheikh Farag, Naga ed-Deir et Mécheikh (ibid., p. 2 et carte 1, p. 1250). 60. Brovarski, Naga-ed-Dêr, p. 312-316, en particulier p. 316 (paroi droite de la chapelle). 61. Ibid., p. 418-457, en particulier p. 420, fig. 39, p. 424. 62. Ibid., p. 399-408, en particulier p. 408, n. a, fig. 34, p. 401 et fig. 35 (f), p. 410. 63. Ibid., p. 400.

UNE VARIANTE SEPTENTRIONALE DE LA FORMULE D’OFFRANDE INVOCATOIRE

267

Le reste de la documentation se situe à l’époque hérakléopolitaine (IXe dynastie) : monuments du « Red Group » (stèle anonyme SF253, Boston MFA 25.629 64 ; fragments d’une

stèle

anonyme

N3978,

Berkeley

de la tombe de Maâkhérou, N3968 OI 16952

67

66

PAHMAA

6-2442 65 ;

fragment

d’un

cercueil

) et de l’« Anomalous Group » (stèle d’Izer, Chicago,

).

Enfin, une série de documents doit être contemporaine des derniers Héracléopolitains et des rois thébains de la XIe dynastie : tombe de Mérou/Iy à Naga ed-Deir (N3737) 68 , stèle d’Antef (N3907) 69 du « Mry/Jy Group » (fin Xe-XIe dynastie). Mahasna et Abydos Les nécropoles de la rive ouest du VIIIe nome ont également livré, de manière plus sporadique, quelques documents pourvus de la variante prt-≈rw nt. Celle-ci

apparaît à Mahasna

mastaba de Hény (M41)

70

tout d’abord, au nord d’Abydos, sur un linteau

du

. Le « Settgast’s Group » dans lequel E. Brovarski inclut le tombeau

de Hény, aux côtés de stèles de Cheikh Farag et de Naga ed-Deir, est daté de la fin de la période hérakléopolitaine (fin Xe-XIe dynastie). À Abydos même, ensuite, la variante est tout aussi rare. On la rencontre sur une architrave au nom du Ìq3-Ìwt Chénây, trouvée par H. Frankfort dans la nécropole nord et datable de la fin de la VIe dynastie 71 . Elle est également employée sur la stèle d’un certain Nakhtqédou, Caire CG 20480, découverte par A. Mariette dans la même nécropole nord 72 . À la formule prt-≈rw est exceptionnellement adjoint l’adjectif nfrt, précédant le génitif indirect introduit par nt. La stèle, rectangulaire, dans le sens de la largeur, est aujourd’hui très endommagée. Ses inscriptions, en grande partie disparues, portaient des extraits de la formule dite abydénienne en usage entre la fin de la XIe dynastie et le début de la XIIe dynastie : les exemples les plus récents datent du règne d’Amenemhat II, la majorité des documents remontant aux règnes d’Amenemhat Ier et surtout de

64. D. Dunham, Naga-ed-Dêr Stelae of the First Intermediate Period, Londres, Boston, 1937, n° 12, p. 24-26, pl. VII (2) ; R.J. Leprohon, Stelae, I, CAA Boston 2, Mayence, 1985, p. 109-111 ; E. Brovarski, Naga-ed-Dêr, p. 420 et 542-545. 65. Dunham, op. cit., n° 34, p. 46-47 ; Brovarski, op. cit., p. 547-557 et fig. 56 (a), p. 548. 66. Brovarski, op. cit., p. 568, n. 188. 67. Dunham, op. cit., n° 80, p. 96-98, pl. XXIX (2) ; Brovarski, op. cit., p. 700-702. La provenance est imprécise : « district de Girga ». 68. C.N. Peck, Some decorated Tombs of the First Intermediate Period at Naga ed-Dêr, Ann Arbor, 1958, pl. 11, cité par Brovarski, op. cit., p. 848, n. 85 (sur la tombe, voir également p. 486-506). 69 . Dunham, op. cit., n° 74, p. 87-89, pl. XXVI (2) ; Brovarski, op. cit., p. 856-857. 70. J. Garstang, Mahâsna and Bêt Khallâf, ERA 7, 1902, pl. XXXIII (bas) ; Brovarski, Naga-ed-Dêr, p. 846-847. 71. PM V, 64 ; Urk. I, 263, 4 ; H. Frankfort, “The Cemeteries of Abydos : Work of the Season 1925-1926”, JEA 14, 1928, p. 235-238, pl. XX (3). Pour la datation du personnage, voir notamment P. Piacentini, « Gli Ìq“w-Ìwt . Addenda », SEAP 13, 1994, p. 26-27. 72. Mariette, Abydos, n° 602, p. 132-133 ; Lange-Schäfer, CGC 20001-20780 II, p. 76. La copie de Mariette est la seule qui soit complète. Aucune photographie ni fac-similé n’ont été publiés et seuls H.O. Lange et H. Schäfer ont fourni un croquis succinct de la pièce.

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Sésostris Ier. On peut donc proposer pour la stèle de Nakhtqédou une date vers le début de la XIIe dynastie 73 . Il est sans doute délicat de lier trop étroitement des caractéristiques épigraphiques à une situation historique. Néanmoins, le VIIIe nome a indubitablement joué un rôle important dans l’organisation administrative de la Haute-Égypte à la VIe dynastie. Abydos est le siège des jmyw-r3 Ωm©w, responsables devant le roi des provinces méridionales, tandis que la fonction de gouverneur échoit aux nomarques de Deir el-Gébraoui Ibi, Djâou/Chémaï et Djâou. Parallèlement, les élites locales entretiennent des liens étroits – matrimoniaux notamment – avec le souverain, tel ce Khoui dont les deux filles épousent Pépy Ier et dont le fils, Djâou, reçoit le titre de vizir. L’importance politique du VIIIe nome tend à décliner à la VIIIe dynastie. Cette époque voit le retour sur son sol des nomarques, qui résident désormais à Ÿnj/Thinis et sont inhumés à Cheikh Farag/Naga ed-Deir. Toutefois, malgré sa prospérité manifeste, le nome finit par être inclus dans une « principauté » dont il n’est pas le centre 74 . À la fin de la Première Période Intermédiaire, la région a été l’enjeu d’âpres luttes entre Thébains et Héracléopolitains et apparaît même comme l’ultime bastion de ces derniers en HauteÉgypte au début du règne de Nebhépetrê Montouhotep 75 . Le cercueil du nomarque Hagi pourrait ainsi constituer un témoin archéologique du maintien de liens privilégiés avec le Nord pendant la Première Période Intermédiaire (voir supra), de même que, dans le domaine épigraphique, l’usage de la variante prt-≈rw nt traduirait une influence plus ou moins diffuse des ateliers de la Résidence. La région de la boucle de Qéna ne fournit ensuite aucune attestation de la forme prt-≈rw nt et, en laissant Thèbes de côté pour l’instant, il faut gagner le secteur de Tôd pour rencontrer un nouvel exemple. Tôd-Salamiya ou Rizeiqat Il figure sur une stèle rectangulaire (format horizontal), conservée au Caire (CG 1626), pour laquelle deux provenances sont citées : la nécropole de Tôd-Salamiya, ou bien celle de de Rizeiqat, sur la rive opposée du Nil, à l’ouest 76 . Elle est au nom d’une dame, ornement royal et prêtresse d’Hathor, Hényt. Les deux lignes supérieures contiennent chacune une formule Ìtp dj nswt suivie de prt-≈rw. La

première

est

pourvue d’une

construction

avec

génitif

indirect

classique,

73. À ce document il faudrait peut-être ajouter la stèle de Néferpéret Berlin 7512 : Ägyptische Inschriften aus den königlichen Museen zu Berlin I, Leipzig, 1913, p. 121 ; Ausführliches Verzeichnis der aegyptischer Altertümer und Gipsabgüsse, 2e éd., Berlin, 1899, p. 73. Si sa provenance exacte reste inconnue, la stèle, rectangulaire dans le sens de la hauteur, divisée en deux registres sommés d’une corniche à gorge droite, s’apparente néanmoins typologiquement aux monuments abydéniens de la fin de l’Ancien Empire et de la Première Période Intermédiaire. L’absence de photographie rend délicate une analyse plus précise. 74. Voir, entre autres, F. Gomaà, Ägypten während der Ersten Zwischenzeit, p. 72-82 et, plus récemment, E. Brovarski , “Abydos in the Old Kingdom and First Intermediate Period, Part II”, in For His Ka, p. 15-24. 75. Gomaà, op. cit., p. 150-152 et J.F. Quack, Studien zur Lehre für Merikare, GOF IV/23, 1992, p. 99-106. Plusieurs documents thébains situent, en effet, la limite de l’expansion des rois Antef au milieu de la XI e dynastie à Ÿnj /Thinis dans le VIIIe nome. La région était donc particulièrement exposée à des combats dont l’Enseignement pour Mérykarê pourrait évoquer la violence (E 69-71, 72-73 et 119-120). Cette interprétation, communément admise, est maintenant réfutée par Quack, op. cit., p. 85-86. 76. Borchardt, CGC 1295-1808 II, p. 96 : le Journal d’entrée et l’étiquette apposée sur l’objet lui-même ont enregistré ces deux provenances différentes.

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prt-≈rw nt ; la deuxième, au contraire, présente une forme développée, exceptionnelle avec le génitif, prt-≈rw ≈3 t, ≈3 Ìnqt, ≈3 k3w 3pdw nt. Aucune photographie de l’objet n’a été publiée mais, d’après le type, le contenu des inscriptions et l’onomastique (Montouhotep), on pourrait le situer à la fin de la XIe dynastie ou au début de la XIIe. Assouan, Qoubbet el-Haoua Enfin, dans la nécropole de Qoubbet el-Haoua, face à l’île d’Éléphantine, la tombe de Héqaibâa, dit Héqata, fils de Mesnou (tombe 20), a livré au début du XXe siècle une stèle rectangulaire de belle facture, conservée au Caire (JE 36420), portant deux formules prt-≈rw affrontées, toutes deux suivies d’un génitif indirect : le signe de la tête de canard est légèrement décalé sous le n. Il s’agit du même personnage que le propriétaire du cercueil Caire JE 36418, récemment publié par H. Willems 77 . Il aurait vécu au début de la XIIe dynastie, sous le règne d’Amenemhat Ier (voir infra) 78 . La variante prt-≈rw nt à Thèbes dans la seconde moitié de la XIe dynastie La région de Thèbes se démarque du reste de la Haute-Égypte par la réapparition, avec une fréquence élevée, de la forme, avec génitif, prt-≈rw nt dans la seconde moitié de la XIe dynastie et peut-être jusqu’aux premières années de la XIIe. Cette variante est complètement absente des stèles et cercueils antérieurs à la seconde moitié de règne de Nebhépetrê Montouhotep sur lesquels prédomine exclusivement la version développée typique de la Haute-Égypte à la Première Période Intermédiaire – prt-≈rw ≈“ m t, Ìnqt, k“w, “pdw, ‡s, mn≈t, ≈t nbt nfrt w©bt n –, très différente de la version courte prévalant dans le Nord depuis l’Ancien Empire 79 . Cette formule développée subsiste parallèlement à l’emploi de la formule brève prt-≈rw nt jusqu’à la fin de la XIe dynastie. La construction avec génitif est présente à Thèbes essentiellement sur des cercueils, sarcophages et parois de chambres funéraires. Cercueil de Nebhépetrê Montouhotep (Caire JE 36417) Ce cercueil a été exhumé par H. Carter dans le cénotaphe de Bab el-Hossan à Deir el-Bahari 80 . Il ne porte pas le nom du roi – ce qui nous prive de l’indice chronologique qu’aurait pu nous apporter la forme adoptée par la titulature – mais il est manifestement contemporain de la

77. H. Willems, The Coffin of Heqata. 78. Lady W. Cecil, “Report on the Work Done at Aswân”, ASAE 4, 1903, p. 69, pl. V ; R. Freed, “A Private Stela from Naga edDer and Relief Style of the Reign of Amenemhet I”, in Studies Dows Dunham, p. 71, fig. 7 et p. 76 ; ead., “Stela Workshops of Early Dynasty 12”, in Studies Simpson I, p. 312-314 ; H. Willems, op. cit., p. 21-22. P. Vernus, Le surnom au Moyen Empire. Répertoire, procédés d’expression et structures de la double identité de la XIIe à la fin de la XVIIe dynastie, StudPohl 13, 1986, p. 133 propose également le début de la XIIe dynastie. 79. Consulter Clère-Vandier, TPPI, passim. Un seul exemple pourrait prêter à discussion. La paroi sud du caveau de Kemsit à

µ ≤∂ G– C

Deir el-Bahari, telle qu’elle a été publiée en dessin par É. Naville, présente une graphie qui se rapproche de celle avec génitif indirect introduit par nt:

á . Le t   placé après le signe m“ peut cependant difficilement se lire avec

µ H∆è!

le signe n et former le nom de relation nt : il s’agit plus vraisemblablement d’une graphie redondante de jm“≈(w)t. Cf. Naville, Deir el-Bahari III, pl. II. 80. PM II2, 383 ; H. Carter, “Report on the Tomb of Mentuhotep Ist at Deir el-Bahari, Known as Bab el-Hoçan”, ASAE 2, 1901, p. 204, pl. II ; Lapp, Särge, p. 308-309, Blatt 34 (T14).

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seconde moitié de son règne. Il appartient au type dit de Basse-Égypte qui s’impose à Thèbes à partir du milieu de la XIe dynastie en supplantant l’ancien type, caractérisé notamment par la présence de scènes sur les parois (ainsi que l’illustrent les célèbres sarcophages des « princesses » de Deir el-Bahari). Les deux exemples de la formule prt-≈rw, dans les bandeaux de texte des parois externes, sont construits avec le génitif, introduit par nt : le signe du canard est décalé sous celui du n. On retrouve la construction génitive sur le couvercle dans la formule sƒ“.f Ìr w“wt nfrwt nt ßrtnÚr nt NN : son emploi dans ce contexte ne se justifie pas d’un point de vue grammatical et montre que les graphies avec datif et génitif peuvent alterner à cette époque sans que le sens de la formule en soit altéré 81 . Cercueil extérieur d’Iménet (Caire CG 28025) Du même type que le précédent, le cercueil CG 28025 est au nom de l’une des femmes de l’entourage de Nebhépetrê Montouhotep, la dame Iménet. Il a été trouvé dans l’enceinte du temple de la XIe dynastie à Deir el-Bahari, dans l’un des puits de la cour nord (puits 25) 82 . Deux attestations de prt-≈rw nt, avec génitif, figurent dans les bandeaux de texte des parois externes. Le second cercueil, intérieur, d’Iménet (CG 28026) relève d’un type antérieur et la formule prt-≈rw, très développée selon l’habitude répandue à la Première Période Intermédiaire, est suivie du datif n. L’inhumation d’Iménet semble ainsi se situer à une époque de transition entre les modèles HauteÉgypte et Basse-Égypte, à moins que l’on se soit simplement contenté d’utiliser un exemplaire fabriqué quelques années auparavant mais resté inutilisé. Sarcophage de la reine Tem (Deir el-Bahari, puits 15, in situ) Découvert en 1859, lors des fouilles entreprises par Lord Dufferin, dans l’angle sud-ouest de la salle hypostyle du temple de Deir el-Bahari (puits 15), le caveau de la reine Tem, épouse de Nebhépetrê Montouhotep, contenait un imposant sarcophage, long de près de 3,30 m et haut de 1,75 m, constitué de dalles de calcite. Deux proscynèmes, dont les signes simplement peints sont aujourd’hui effacés, couraient le long des côtés extérieurs de la cuve. D’après la copie publiée par G. Daressy en 1893 83 , un exemple avec génitif prt-≈rw nt côtoyait une seconde formule avec datif nominal. Dans le premier cas, la tête de canard paraît avoir été légèrement décalée sous le signe n si l’on se fie à la composition typographique. Sarcophage de Dagi (Caire CG 28024) Ce sarcophage en calcaire relève d’un type de la fin de la XIe dynastie, légèrement plus récent que les deux cercueils précédents, avec frise d’objets et Textes des Sarcophages à l’intérieur de la cuve (fig. 4) 84 . Il provient de la tombe de Dagi, dans le secteur Assassif/Deir el-Bahari (TT 103). 81. Lapp, op. cit., § 376, p. 163. 82. PM I2/2, 655 ; Lacau, CGC 28001-28126 I, p. 61-62, Lapp, op. cit., p. 308-309, Blatt 34 (T5a). 83. PM I2/2, 657 ; G. Daressy, « Notes et remarques », RT 14, 1893, § LXVII, p. 30 ; Lapp, op. cit., p. 308-309 (T33). Les inscriptions encore lues par G. Maspero en 1883 puis par G. Daressy avaient entièrement disparu dès le début du XXe s. : cf. Naville, Deir el-Bahari II, p. 3, 21, pl. VIII (B, C). Voir également I.E.S. Edwards, “Lord Dufferin’s Excavations at Deir el-Bahri and the Clandeboye Collection”, JEA 51, 1965, p. 19, n. 5 ainsi que Di. Arnold, Der Tempel des Königs Mentuhotep von Deir el-Bahari I. Architektur und Deutung, AV 8, 1974, p. 54, pl. 23 (c) et 41. 84. PM I2/1, 217 ; LD II, 147 (a, b), 148 (a, b) ; Lacau, CGC 28001-28126 I, p. 56-61 ; Lapp, Särge, p. 310-311, Blatt 33, pl. 36 (T34).

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Le personnage a exercé ses fonctions sous Nebhépetrê Montouhotep, assez tôt, semble-t-il, dans le règne puisque l’on trouve la première graphie du nom de couronnement Nb-Ìpt-R© sur les parois de sa chapelle funéraire : il a accédé au vizirat et sa carrière a pu se poursuivre au-delà du règne de Nebhépetrê. La variante prt-≈rw nt est généralisée. À deux reprises seulement, sur l’extérieur de la cuve, le signe du canard est décalé alors qu’ailleurs le cadrat n’est pas perturbé. Chambre funéraire et sarcophage de Horhotep (Caire CG 28023) La tombe de Horhotep à Deir el-Bahari (TT 314), découverte par G. Maspero en 1883, comprenait une chambre funéraire aux parois revêtues de calcaire et décorées de Textes des Sarcophages ainsi que d’une frise d’objets. Au milieu, prenait place un sarcophage en calcaire, lui aussi inscrit et décoré de la même manière 85 . On recense en tout six occurrences de la formule prt-≈rw, toutes suivies du génitif introduit par nt. Le signe du canard est régulièrement décalé sous le signe n. Le côté ouest de la cuve du sarcophage illustre l’emploi, rare, de la construction génitive pour la formule Ìtp dj nswt ... qrst nfrt nt ßrt-nÚr nt NN. Cercueil de Montouhotep/Bouaou (Caire CG 28027) Le cercueil a été découvert dans l’un des puits de la cour nord du temple de Nebhépetrê à Deir el-Bahari (puits 28). Il appartient au type en vigueur à la fin de la XIe dynastie, avec frise d’objets et Textes des Sarcophages. Il présente quatre occurrences de la formule prt-≈rw sur la cuve mais un seul exemple est construit avec le génitif. Ailleurs on rencontre un datif simple ou un datif pronominal 86 . Cercueil d’Antef (Berlin, Ägyptisches Museum 1154-1155) Le cercueil provient de la « nécropole 600 », au pied du flanc nord de la falaise de Deir el-Bahari, vers l’est. Il est du type de la fin de la XIe dynastie, avec frise d’objets et Textes des Sarcophages 87 . Sur les cinq occurrences de la formule prt-≈rw, toutes présentent une construction génitive ; le signe du canard est régulièrement décalé sous le n. Cercueil d’Imaou (Londres, British Museum EA 6654) Le cercueil, publié in extenso par S. Birch en 1886 88 , est originaire de la nécropole thébaine et a sans doute été extrait d’une tombe du secteur de Deir el-Bahari. Comme les précédents, il se rattache à une production de la fin de la XIe dynastie. On relève quatre occurrences de la formule prt-≈rw, toutes avec génitif ; le signe du canard est une fois encore systématiquement décalé sous le n. Les cercueils, sarcophages et caveaux mentionnés ci-dessus relèvent tous d’un type dit de Basse-Égypte. Celui-ci supplante, au milieu de la XIe dynastie, un type plus ancien, répandu en Haute-Égypte, qui comportait des bandeaux de texte à l’extérieur, accompagnés des yeux-oudjat sur 85. PM I2/1, 389 ; Maspero, Trois années de fouilles, p. 137 et 140, pl. face p. 138, p. 148 et 150, pl. face p. 148, p. 155, pl. face p. 154 et 160, p. 172 et 180 ; Lacau, op. cit., p. 42-56 ; Lapp, op. cit., p. 310-311, Blatt 33 (T24a-b). 86. PM I2/2, 656 ; Lacau, op. cit., p. 66-74 ; Lapp, op. cit., p. 308-309, Blatt 34 (T12). 87. PM I2/2, 622 ; LD II, 145 ; Ägyptische Inschriften aus den königlichen Museen zu Berlin, I, p. 244-245, Ausführliches Verzeichnis der aegyptischer Altertümer und Gipsabgüsse, 2e éd., p. 104 ; Lapp, Särge, p. 308-309, Blatt 34 (T8). 88. PM I2/2, 827 ; S. Birch, Egyptian Texts of the Earliest Period from the Coffin of Amamu in the British Museum, Londres, 1886, pl. VI, XI, XVIII, XXVI ; Lapp, op. cit., p. 308-309, Blatt 33 (T4).

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le côté est, et un décor constitué de scènes à personnages, à l’intérieur et parfois sur l’extérieur. Le nouveau type se caractérise par la présence des premiers Textes des Pyramides ou Textes des Sarcophages à Thèbes, ainsi que des premiers exemples de frises d’objets 89 . D’une manière générale, les principes de décoration de ces espaces funéraires paraissent avoir été empruntés à des modèles memphites. C’est notamment le cas pour les caveaux des tombes rupestres de Deir el-Bahari, revêtus d’un parement de calcaire décoré : ils constituent une grande innovation à Thèbes et les prototypes sont à rechercher à Saqqara, dans les caveaux peints de la fin de la VIe dynastie et de la Première Période Intermédiaire. Stèle d’Antef, né de Tjéfi (New York, MMA 57.95) La forme prt-≈rw nt est beaucoup moins fréquente dans le reste de la documentation lapidaire thébaine de la XIe dynastie. La stèle d’Antef né de Tjéfi, provenant de Thèbes-Ouest, en fournit une rare attestation (colonne de proscynème inscrite sur le petit côté droit du cadre en débord délimitant le champ d e la stèle) 90 . H.G. Fischer a souligné depuis longtemps les nettes influences memphites dans le style de la sculpture 91 et l’adoption de la variante prt-≈rw nt doit certainement être mise sur le compte de ces mêmes influences. Stèles de Khéty (Caire JE 45057 et 45058, Assassif, tombe C 65) La forme prt-≈rw nt est également employée sur les deux stèles du jmy-r3 ‡ Khéty, trouvées par H. Carter en 1913-1914 au départ de la chaussée d’Hatchepsout, dans la partie orientale de l’Assassif 92 . Comme sur les cercueils précédemment cités, le signe de la tête de canard est déporté sous le n, en direction du t. Leurs inscriptions, plus que le style de la représentation du défunt, se démarquent un peu d e la production thébaine de la XIe dynastie. On situe le plus souvent la carrière de Khéty dans la dernière partie du règne de Nebhépetrê Montouhotep, notamment d’après le style des deux stèles. Dans ces deux documents, le signe ©“ de l’expression nÚr ©“ est à l’horizontale, disposition rare dans les inscriptions thébaines sur pierre avant la XIIe dynastie. Elle commence toutefois à entrer en usage vers le milieu de la XIe dynastie sur les cercueils (Nebhépetrê, Iménet, Montouhotep/Bouaou) et il n’est ainsi pas exclu, en fonction de ce dernier détail et du recours au génitif indirect, que le scribe ayant mis en place le texte se soit inspiré de modèles issus de cercueils, remontant eux-mêmes à des prototypes septentrionaux. On a généralement voulu voir dans le propriétaire de ces stèles un fonctionnaire originaire de la région memphito-hérakléopolitaine

89. Le décor pariétal – représentation des huiles canoniques, du repas funéraire, de frises d’objets, de la fausse-porte, chacune accompagnée d’extraits des Textes des Sarcophages – est couronné par un bandeau de texte consistant en formules d’offrande. Cf. Lapp, op. cit., p. 163-167 et 182-183. 90. PM I2/2, 810 ; H.G. Fischer, “An Example of Memphite Influence in a Stela of the Eleventh Dynasty”, Artibus Asiae 22, 1959, p. 240-252, fig. 1 ; id., “The Inscription of Ón-µt.f Born of Ÿfµ ”, JNES 19, 1960, p. 258-268, pl. VI ; Schenkel, Memphis-Herakleopolis-Theben, n° 380, p. 236-238 ; M. Lichtheim, Ancient Egyptian Autobiographies Chiefly of the Middle Kingdom, OBO 84, 1988, n° 20, p. 49-51. 91. H.G. Fischer, Artibus Asiae 22, 1959, en particulier p. 249-252. 92. PM I2/2, 617. JE 45057 : A.H. Gardiner, “The Tomb of a Much-Travelled Theban Official”, JEA 4, 1917, p. 35-38, pl. IX (stèle 65, 2) ; Schenkel, Memphis-Herakleopolis-Theben, n° 477, p. 283-284. JE 45058 : A.H. Gardiner, JEA 4, 1917, p. 33-35, pl. VIII (stèle 65, 3) ; Schenkel, op. cit., n° 476, p. 282-283. Sur la date de ces stèles, cf. Brovarski, Naga-ed-Dêr, p. 1052-1053 (Nebhépetrê, “later part of the reign”).

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passé au service des Thébains après avoir officié dans les « domaines du Septentrional » (seconde stèle, l. 3 : prw nw mÌty) et mené des expéditions dans le Sinaï. L’expression prw nw mÌty désignerait, selon l’acception la plus répandue, le royaume d’Héracléopolis vaincu. Elle pourrait n’être cependant qu’une locution sans référence historique précise pour désigner le Nord du pays, voire les propriétés d’un particulier nommé Mehty 93 . Tout au plus peut-on considérer les caractéristiques stylistiques et épigraphiques des stèles de Khéty comme les indices d’une vogue croissante des traditions septentrionales à Thèbes. Il apparaît donc que l’introduction de la variante prt-≈rw nt, avec construction génitive, à Thèbes, et l’adoption de modèles septentrionaux pour les cercueils, sarcophages et caveaux sont concomitantes. Les influences memphites dans la production artistique de la dynastie thébaine à partir du milieu de règne d e Nebhépetrê Montouhotep ont été soulignées depuis longtemps et les études de H.G. Fischer comme d e R. Freed ont mis en évidence leurs principales caractéristiques. Il n’y a pas lieu non plus d’entrer ici dans le détail des circonstances historiques – la réunification politique du pays n’en est sans doute que l’un des aspects–, ni dans celui des modalités exactes – l’appel à des artistes originaires du Nord ou la formation de Thébains dans le Nord 94 . Les liens qu’entretient Thèbes avec la région memphite à partir de la seconde moitié de la XIe dynastie pourraient se refléter encore dans la correspondance d’Héqanakht si l’on admet l’identification du toponyme ·d-jswt, mentionné dans le document I (v° 1), avec le centre économique et artistique actif qui s’est développé depuis la VIe dynastie autour du complexe funéraire de Téti à Saqqara-Nord (·d-jswt-Ttj) 95 . On peut ici souligner, d’une part le rôle qu’ont dû jouer les cercueils dans la diffusion de cette mode nouvelle, d’autre part la fidélité des artisans œuvrant à Thèbes aux modèles septentrionaux. L’adoption de la construction de prt-≈rw avec le génitif, étrangère aux traditions du sud de la Haute-Égypte, l’illustre parfaitement, de même que le respect de cette habitude graphique, que rien ne justifiait a priori, de décaler le signe de la tête du canard sous le n, rompant ainsi l’équilibre des cadrats. On pourrait aller plus loin en proposant de reconnaître l’utilisation de modèles plus précisément héracléopolitains. Ce détail s’observe, en effet, exclusivement, sur les stèles d’Héracléopolis ainsi que sur les cercueils et caveaux de la région d’Héracléopolis (Haraga, Sedment), à la même époque, soit vers le milieu de la XIe et peut-être jusqu’au début de la XIIe dynastie (voir supra).

93. C’est à ce dernier avis que se range W. Schenkel, Memphis-Herakleopolis-Theben, p. 283, n. d. 94. H.G. Fischer, Artibus Asiae 22, 1959, p. 249-252 ; R. Freed, “Relief Styles of the Nebhepetre Montuhotep Funerary Temple Complex”, in Chief of Seers. Studies Cyril Aldred, p. 148-163. Voir également W. Barta, Das Selbstzeugnis eines altägyptischen Künstlers (Stele Louvre C 14), MÄS 22, 1970, p. 65-77 ; L. Gestermann, Kontinuität und Wandel in Politik und Verwaltung, p. 55-93. L’administration thébaine de la seconde moitié de la XIe dynastie paraît avoir, elle aussi, été soumise à des influences memphites se manifestant, en particulier, par la résurgence d’anciens titres : cf. W. Grajetzki, Die höchsten Beamten der ägyptischen Zentralverwaltung zur Zeit des Mittleren Reiches. Prosopographie, Titel und Titelreihen, Achet A2, Berlin, 2000, p. 236-241. 95. T.G.H. James, The Heqanakhte Papers and Other Early Middle Kingdom Documents, PMMAE 19, New York, 1962, p. 8-9, 14 et 132, pl. 3 : d’après le contexte, l’auteur préfère identifier ·d-jzwt avec un lieu situé entre Thèbes et Rizeiqat, au sud.

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Une particularité graphique de prt-≈rw à Thèbes et Éléphantine Caveaux des tombes de Mérou et de Khéty (Deir el-Bahari, TT 240 et 311) La décoration et les inscriptions du caveau du directeur des scelleurs Mérou viennent conforter ces hypothèses. Sa tombe (TT 240) a été creusée à l’extrémité est de la falaise nord de Deir elBahari et elle est probablement l’une des dernières aménagées en ce lieu. Si Mérou est attesté dès la fin du règne de Nebhépetrê (stèle Turin Suppl. 1447, datée de l’an 46 ; Chatt er-Rigâl), on estime actuellement qu’il a dû vivre bien après la disparition du roi et sa tombe est datée de l’extrême fin de la XIe dynastie, voire du tout début de la XIIe dynastie (aux environs des dix premières années du règne d’Amenemhat Ier) 96 . Les parois décorées de son caveau s’apparentent de près à des modèles memphites, avec fausses-portes, tableau d’offrandes, frise d’objets, Textes des Sarcophages (non reportés sur le dessin de Lepsius) 97 . La formule d’offrande du bandeau présente une graphie particulière de prt-≈rw : il s’agit d’une construction avec datif pronominal mais entre les déterminatifs des têtes de bovidé et de canard vient se placer un pain oblong de taille très réduite !∏è

µ suivi d’un t inhabituel ( NC ° ). Doit-on comprendre ce dernier comme un complément phonétique

marquant le genre féminin de l’ensemble de l’expression prt-≈rw ou bien comme un complément phonétique de l’idéogramme du pain t ? Il ne faut peut-être voir là qu’une habitude de scribe visant à composer un cadrat harmonieux. Cette configuration des signes est, quoi qu’il en soit, peu courante à Thèbes. Elle reparaît seulement sur les parois du caveau de la tombe de Khéty à Deir elBahari (TT 311), relevant du même type ainsi que sur le cercueil de Ouah 98 . On ne la retrouve sinon guère que dans le nord du pays : elle est extrêmement fréquente sur les cercueils de la nécropole de Téti à Saqqara de type XIe/XIIe dynastie 99 , elle est employée sur plusieurs stèles fausses-portes de même provenance datables entre la fin de la XIe et le début de la XIIe dynastie (en particulier celles de la chapelle familiale de Sekousékhet, Caire JE 55618) 100 , ainsi que dans le caveau de Khésouour à Kôm el-Hisn (XIIe dynastie) 101 . Une fois encore à Thèbes, variante de la formule prt-≈rw et décoration d’un caveau convergent dans le sens d’un emprunt à une tradition septentrionale 102 . Mobilier funéraire de Héqaibâa/Héqata, Éléphantine, Qoubbet el-Haoua La région thébaine n’est pas la seule concernée. La stèle de Héqaibâa/Héqata, dont il a été question précédemment, provenant de la nécropole de Qoubbet el-Haoua (Caire JE 36420), montre,

96. J.P. Allen, “Some Theban Officials of the Early Middle Kingdom”, in Studies Simpson I, p. 9-10. 97. Cf. H. Willems, The Coffin of Heqata, p. 46-47. 98. Respectivement Lapp, Särge, p. 310-311, Blatt 34 et Hayes, Scepter I, p. 303-304 (graphie relevée par E. Brovarski : voir infra, n. 103). 99. Lapp, op. cit., Blatt 26, pl. 8 (a). 100. Atef Abdalla, JEA 78, 1992, p. 98, 101, 104, fig. 3, 4, 6, pl. XX, XXI, XXIII. Les autres monuments de cet ensemble – stèles et tables d’offrandes – présentent pour la plupart une graphie comparable mais sans signe t , analogue à celle employée, entre autres, sur la stèle de Gemniemhat (voir supra, n. 28). 101. D.P. Silverman, The Tomb Chamber of Îzw the Elder. The Inscribed Material at Kom el-Hisn I, ARCE Reports 10, 1988, p. 13, fig. 7, p. 15-16, fig. 8 (e) et 9. 102. Voir également en ce sens E. Brovarski, Naga-ed-Dêr, p. 1055 et 1057, n. 81.

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à côté de la variante prt-≈rw nt, des influences septentrionales dans son style : R. Freed la rattache à un atelier abydénien en activité sous le règne d’Amenemhat Ier 103 . Le cercueil du personnage (Caire JE 36418) présente, lui aussi, des influences septentrionales, comme l’a mis en évidence H. Willems, que ce soit dans le choix des textes ou la composition des formules d’offrande avec expressions empruntées au registre memphite – par ex. : ≈p.f m Ìtp Ìr w“wt nfrt nt jmntt. Or précisément, en parallèle avec la formule prt-≈rw nt de la stèle, le cercueil porte en un endroit (extérieur de la cuve, long côté droit), la même graphie prt-≈rw n.f importée du Nord que le caveau de Mérou, pourvue d’un signe t de taille réduite à la suite du pain oblong et inséré entre les deux têtes de bovidé et de canard. Ce ne peut être fortuit et confirme la forte inspiration septentrionale prévalant dans le mobilier funéraire de Héqaibâ/Héqata. Il existe d’autres témoins de telles influences à Assouan au tout début de la XIIe dynastie. Une deuxième stèle de Qoubbet el-Haoua au nom du chef de la police Chémaï, conservée au Musée de Cleveland (CMA 21.1017), sans doute légèrement plus tardive que la présente stèle, est, en effet, clairement, une production d’ateliers septentrionaux 104 . Les importants chantiers du début de la XIIe dynastie – sanctuaires de Satis, d’Héqaib, tombe de Sarenpout I – ont dû enfin entraîner la présence d’équipes formées dans les ateliers royaux qui ne sont vraisemblablement pas étrangères aux influences « memphites » décelées sur les monuments de l’époque.

Conclusion Au terme de cette enquête, s’il paraît hasardeux de définir précisément les raisons qui ont amené les scribes à recourir à la forme génitive prt-≈rw nt (mutations sociales de la fin de l’Ancien Empire ou simple procédé d’eugraphie ? 105 ), on peut, en revanche, tenter d’esquisser les grandes lignes de la répartition géographique et chronologique de celle-ci. Quelques grands centres connaissent un emploi abondant de cette variante, tout d’abord dans la région memphite (nécropoles de Giza, Abousir et Saqqara), puis en Moyenne-Égypte jusqu’à Assiout (Fayoum, régions d’Hermopolis et d’Assiout). En Haute-Égypte, à partir d’Akhmim, on ne rencontre guère que des documents isolés, à la provenance ou à la datation exacte parfois douteuses, avec toutefois une exception notable pour les nécropoles des IVe et VIIIe nomes qui fournissent un certain nombre d’attestations. La forme prt-≈rw nt semble faire son apparition dans le courant de la VIe dynastie dans la nécropole memphite. Elle devient d’un usage fréquent à la fin de la même dynastie et surtout durant la Première Période Intermédiaire, mais son emploi reste limité au secteur de Saqqara (nécropole de Téti à Saqqara-Nord et nécropoles de Pépy Ier et Pépy II à Saqqara-Sud). Elle gagne seulement quelques centres de Moyenne et de Haute-Égypte gouvernés par de puissants personnages liés au

103. R. Freed, in Studies Simpson I (ed.), p. 312-314 (atelier 5). Voir également H. Willems, The Coffin of Heqata, p. 21-22. 104. L.M. Berman, “The Stela of Shemai, Chief of Police, of the Early Twelfth Dynasty, in the Cleveland Museum of Art”, in Studies Simpson I, p. 93-99. 105. L’emploi aberrant, à Thèbes, de la construction génitive avec d’autres formules (voir supra) tendrait à montrer que, dans ce contexte au moins, elle n’était pas investie d’une signification particulière.

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pouvoir central (Deir el-Gébraoui, Abydos), ainsi que d’autres, moins importants, dont la production artistique dépend manifestement d’une tradition septentrionale, voire directement des ateliers memphites (Zaouiyet el-Mayétin, Dara). Elle s’étend, aux IXe et Xe dynasties, à la nécropole d’Héracléopolis et aux nécropoles voisines (Haraga, Sedment) où elle se généralise et, de là, atteint les centres de Moyenne-Égypte d’obédience hérakléopolitaine (Béni Hassan, El-Bercha) où elle subsiste jusqu’au début de la XIIe dynastie. Elle est déjà plus rare à Assiout même : la forte tradition locale emprunte peut-être moins à celle de la Résidence, distante de plus de 350 km. Elle est bien attestée ensuite dans le VIIIe nome, dès la fin de la VIe dynastie à Abydos mais principalement à l’époque hérakléopolitaine dans la vaste nécropole de Cheikh Farag/Naga ed-Deir. Thèbes l’adopte dans la seconde moitié de la XIe dynastie. Son apparition semble, en particulier, concomitante de l’introduction d’un nouveau type de cercueils et de sarcophages, pourvus de Textes des Pyramides, de Textes des Sarcophages et de frises d’objets, que l’on rattache à des traditions septentrionales. Il se peut que cercueils et sarcophages aient été les vecteurs principaux de la diffusion de la variante prt-≈rw nt puisque celle-ci reste exceptionnelle sur d’autres types de supports. Son usage perdure, dans la nécropole thébaine, jusqu’au tout début de la XIIe dynastie puis disparaît complètement. L’usage gagne également Éléphantine où la forme prt-≈rw nt est attestée au début de la XII e dynastie, sur une stèle que son style rattache à des ateliers thébains ou abydéniens. À la même époque, elle a enfin pu occasionnellement apparaître dans d’autres centres de Haute-Égypte (ainsi Tôd ou Rizeiqat ; un exemple tardif à Abydos). Elle finit par disparaître complètement de tout le pays, assez tôt, semble-t-il, dans la XIIe dynastie, et est apparemment définitivement tombée en désuétude dès le règne de Sésostris Ier. L’épigraphie vient ainsi à l’appui de l’histoire à travers de modestes témoignages. La diffusion de la variante prt-≈rw nt confirme le rayonnement artistique, entre l’Ancien Empire et le début de la XIIe dynastie, des ateliers memphites, peut-être relayés par ceux d’Héracléopolis au cours de la Première Période Intermédiaire, dans les centres de Moyenne et de Haute-Égypte. À Thèbes, sous la XIe dynastie, l’emprunt de traits septentrionaux jusque dans la composition des inscriptions reflète la volonté de la part de la nouvelle monarchie de se rattacher à des modèles du Nord. Ces emprunts supposeraient même l’importation de « cartons », voire l’appel à des artisans formés dans le Nord pour reconstituer des ateliers royaux autour de la nouvelle Résidence. Une telle prépondérance des modèles septentrionaux pourrait toutefois dépasser le cadre de la simple démarche politique et s’inscrire dans un phénomène culturel plus large dont les origines sont difficiles à cerner. La sensible évolution des pratiques funéraires à cette époque, avec une uniformisation accrue du nord au sud – accompagnée par la diffusion à travers la vallée du Nil de nouveaux types de cercueils et de textes – mérite, à ce propos, d’être soulignée.

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N

HERMOPOLIS

Ni l

MME ER R RROOUUGGEE

DAO P.C. & L.P.

0

Fig. 1 - Répartition géographique de la variante prt-≈rw nt (VIe-XIIe dynasties).

200 km

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Fig. 2 - Béni Hassan. Cercueil de Khnoumnakht, côté est, intérieur, Caire JE 37569. Lapp, Särge, pl. 11 (a-b).

Fig. 3 - Béni Hassan. Cercueil de Nemtyemhat/Tjaou, côté est, extérieur, Caire JE 37564a. Lapp, Särge, pl. 9 (a).

Fig. 4 - Thèbes-Ouest (TT 103). Sarcophage de Dagi, Caire CG 28024. LD II, 147 (a) et 148 (a).

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