La fête égyptienne du couronnement du roi, au temple d'Edfou, sous les rois Ptolémées
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Maurice Alliot
La fête égyptienne du couronnement du roi, au temple d'Edfou, sous les rois Ptolémées In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 92e année, N. 2, 1948. pp. 208219.
Citer ce document / Cite this document : Alliot Maurice. La fête égyptienne du couronnement du roi, au temple d'Edfou, sous les rois Ptolémées. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 92e année, N. 2, 1948. pp. 208-219. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1948_num_92_2_78254
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demande si l'on peut comparer ce rite avec celui de Zeus Ammon. M. Alliot répond qu'on trouve le même rite en Haute Egypte. M. René Dussaud demande quel était le rapport entre ce culte d'Edfou et l'intronisation du roi. Il fait observer que toute l'Egypte a dressé et élevé des oiseaux vivants.
COMMUNICATION
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LA FÊTE ÉGYPTIENNE DU COURONNEMENT DU KOI, AU TEMPLE D'EDFOU, SOUS LES ROIS PTOLÉMÉES, PAR M. MAUK1CE ALLIOT.
L'étude des scènes gravées aux murs des temples d'Egypte peut encore réserver une trouvaille à celui qui l'entreprend. J'ai eu cette chance, en rassemblant les matériaux de mon ouvrage sur le culte cTHorus à Edfou {. Quand on se place devant la paroi intérieure du mur d'en ceinte, là où ce mur passe derrière le temple, il est imposs iblede ne pas remarquer une même figure, au centre de huit de ses bas-reliefs. C'est un oiseau rapace de grandeur naturelle, si on le compare aux personnages humains qui l'entourent. Il a les ailes au repos. Il est debout sur ses serres. Il est dépourvu de tout signe qui puisse faire recon naître en lui une image de divinité. Les huit tableaux se touchent. Les figures sont groupées symétriquement, à droite et à gauche de la ligne médiane du mur. Il y a quatre tableaux au registre inférieur, et quatre au registre moyen de la muraille. Chacun d'eux comprend d'un côté les personnages, de l'autre un long texte gravé en colonnes. Le nombre des colonnes de chaque tableau d'en dessus cor respond à celui des colonnes du tableau d'en dessous. Tout 1. M. Alliot, Le culte cTHorus à Edfou au temps des Ptolémées, 920 pages environ en 2 vol. A", à l'impression depuis mars 1946 à l'Institut français d'Archéologie orientale au Caire (Bibliothèque d'étude de l'I.F.A.O., tomes XX-XXI).
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a été mis en place d'un seul coup, par les mêmes hommes, à une même époque. Les noms royaux des « cartouches » indiquent cette époque : le premier règne de Ptolémée VIII Sôter II, le Lathyre des Alexandrins (11 6-106). Certains ensembles de tableaux, au temple d'Edfou, décrivent des fêtes. Leur disposition est différente de celle que je viens de dire. Je me plaçai cependant dans l'hypothèse d'une fête. Dans quel ordre alors examiner les scènes, afin d'y retrouver, comme ailleurs, le déroulement de la litur gie? Le dispositif du service journalier dans le « sanc tuaire des barques », axé comme celui-ci de part et d'autre de la ligne médiane du temple, me sembla pouvoir servir de modèle. On y trouve les gestes successifs de 1 officiant devant le tabernacle. L'action part du premier bas-relief gravé au bas du mur, a gauche de l'entrant. La scène sui vante fait pendant a droite, à la même hauteur. Les scènes s'approchent ainsi, deux par deux, de la ligne centrale au fond du sanctuaire, puis reviennent en arrière jusqu'à l'en trée pour repartir vers cette ligne, chaque fois qu'elles montent d'un registre. Examinant dans cet ordre les huit tableaux groupés au tour d'un oiseau vivant, je reconnus 1 ensemble delà fête pro cessionnelle à peine entrevue par Von Bergmann, dans les Ilieroglyphische Inschriften qu'il publia en 1879 à Vienne. Seul jusqu'ici avant Chassinat, Von Bergmann avait copié une partie des textes de ces tableaux. Il avait fait plus, en traduisant les neuf dernières colonnes de la grande inscrip tion du troisième tableau. Il avait reconnu la portée du passage qui commence par : Cérémonial de consécration du faucon Ame-vivante-de-Bâ, en tant -que roi de Haute et Basse Egypte sur la façade de palais, et grand-dieu-auplumage-moucheté . Il avait compris qu'une procession sor tait du grand temple pour s'arrêter en un autre édifice situé en dehors, puis revenait a son point de départ. Mais il avait reculé devant l'obligation de supposer qu'il existait 1948 , 14
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à Edfou un culte de faucon vivant, jamais signalé par les écrits anciens, et qui jouerait un très grand rôle dans la vie du temple. « L' existence », écrit-il en note, « d'un fau con sacré, vivant dans ou à côté du temple d1 Edfou, ne m'est pas connue par les textes, et je m'abstiens pour cette raison de toute hypothèse basée là-dessus, à laquelle notre texte pourrait peut -être donner occasion » *. Sévérité envers soi-même, toujours respectable même en cas d'échec ! Von Bergmann aurait peut-être découvert il y a soixante-dix ans l'existence d'une fête de couronne ment d un faucon vivant à Edfou, s'il avait osé passer outre. Préparé par l'étude générale des cérémonies du temple, j'ai abordé l'ensemble du mur nord avec plus de sécurité. Aussi puis-je, avant tout autre, vous présenter la reconstitution suivante de la fête. I.
Choix et consécration du nouveau roi.
A l'aube du premier jour du mois de tybi, les officiants et cérémoniaires, les prêtres porteurs d'images saintes, les desservants des chapelles, et tout le haut clergé entraient au temple. Dans le « sanctuaire des barques », le roi-enpersonne — c'est le titre que porte l'officiant principal — ouvrait le naos de granit noir. Après le cérémonial habi tuel, il prenait l'idole d'Horus dans ses mains. Cette image, de petite taille, en bois recouvert d'une feuille d'or, figu rait un roi d'Egypte à tête de faucon, coiffé du pschent, assis sur son trône. Le prêtre déposait la statue dans un léger pavillon, sans porte, dont la toiture était soutenue par quatre colonnettes sculptées en forme de tiges de papyr us. Les quatre faces étaient fermées d'un voile de lin fin. Six prêtres porteurs présentaient alors une litière : celled' là même qui donne au lieu Edfou son nom sacré de Litière d'Horus. Cette chaise divine n'est pas hissée sur 1. Von Bergmann, Hieroglyphische Inschriften, p. 31, note 2.
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l'épaule, avec deux barres de portage ou même plus, comme les grandes litières construites en forme de barques. Elle est tenue au bout des bras pendants le long du corps, comme ces chaises à porteurs ordinaires au temps du vieil empire memphite. Les prêtres de devant portaient un masque de faucon. Ils jouaient le rôle des divinités de Bouto, l'ancien sanctuaire dynastique des rois du delta. Ceux qui marchaient entre les brancards d'arrière portaient un masque de loup. Ils étaient les «puissances divines» de Nekhen, métropole religieuse des rois primitifs de la vallée. Le cortège de la procession s'organise. En tête un long groupe de prêtres tenant en mains, au bout d'une hampe, les enseignes des dieux dont les statues sont dans le temple. Viennent ensuite les princes du clergé local, avec le cérémoniaire en chef, grand maître des prières et des chants. Devant la litière d'Horus, l'officiant principal joue le rôle du roi d'Egypte. Quand la procession se met en marche, il se tourne k demi pour encenser la statue. Derrière le groupe des porteurs vient le reste des prêtres purs d'Edfou, qui vivent selon la règle, et qui seuls entrent aux sanc tuaires. Beaucoup portent à deux mains devant eux un petit naos de bois stuqué et peint, fermé d'une porte. Ce sont les images des divinités du temple, qui accompagnent leur roi divin. Des porteurs d'éventails en plumes d'autruche ferment le cortège. On s'avance comme le prescritle rite, « en marche froide », c'est-à-dire très lentement. L'eau consacrée des aspersoirs mouille les nattes et les dalles du chemin du dieu. La fumée de l'encens, de la résine de térébinthe, monte par bouffées. Un soliste lance phrase à phrase la psalmodie, que les assistants reprennent en chœur. On sort peu à peu des sanctuaires obscurs, éclairés par des cierges. On traverse le pronaos aux colonnes massives. On débouche dans la grande cour du temple, où le soleil levant tombe déjà sur
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le portique intérieur. On franchit la vaste porte au centre du pylône, que les sculpteurs commençaient à décorer sous Sôter II, et l'on s'avance entre les deux obélisques aujour d'huidisparus, mais que les textes anciens décrivent. On traverse le parvis, où plusieurs kiosques de pierre servaient de reposoirs à d'autres processions. On tourne vers la gauche, et l'on pénètre dans une enceinte, distincte de celle du grand temple. Un mur de brique crue enclôt de ce côté tout l'angle sud-est du terrain d'Horus. Derrière une cour, un temple, beaucoup plus petit que le temple principal, s'élève. C'est le « maoual du roi Ménibré», ou « maison du faucon-vivant », un monument vieux de quinze siècles, au temps où l'on gravait les scènes du mur d'enceinte, au tour du grand temple. On ne connaît aujourd'hui qu'un ves tige de ce monument, car des maisons modernes en oc cupent le site. Ce vestige unique est un autel, fait de plu sieurs blocs taillés et ajustés. Les blocs ont été trouvés non disjoints. Par conséquent, l'autel est encore au lieu même où il se trouvait dans l'antiquité. Sur ses quatre faces, dont manque le tiers supérieur, sont tracées des scènes de culte. Les quatre plus importantes font voir un faucon vivant debout sur ses serres, recevant l'adoration, ou perché sur le nœud de jonc et de papyrus qu'on liait au cours des sacres des rois d'Egypte. Le cortège d'Horus se masse peu à peu devant cet autre temple. La litière divine s'arrête en face du portail central. Les porteurs de naos se groupent devant cette litière, qui cache l'image la plus sainte du dieu suprême. La foule des pèlerins et des fidèles reste en dehors de la cour. Des mai sons qui dominaient le terrain sacré dès cette époque, on pouvait, semble-t-il, apercevoir en contre-bas le temple du faucon. Chacun des assistants connaissait le sens de ce qui allait se passer en cet endroit. Dieu lui-même, comme un roi de la terre au bout de son règne, va désigner l'héritier qui s'assiéra à sa place sur le trône d'Egypte.
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Dans un profond silence (le texte prend soin de l'indi quer) commence le rite de F « appel ». Un cérémoniaire scande à voix haute les noms des grandes divinités d'Edfou, l'une après l'autre. A chaque appel, le naophore du dieu i nvoqué s'avance vers la litière. Chaque fois, la chaise du dieu d'Edfou, guidée par ses porteurs, esquisse un mouvement de recul. Ce n'est pas à un dieu différent de lui, mais à un autre lui-même, que le Maître du ciel veut communiquer son pouvoir. L'appel infructueux se termine. Les porteurs introduisent Horus dans le temple du faucon, au centre de la salle large. Ils s'arrêtent, tournés v^rs le portail, tenant les brancards en main. L'officiant en chef, ((serviteur du faucon», se tient debout en face du dieu, au centre de la baie. Alors les prêtres fauconniers attachés au temple entrent l'un après l'autre dans la salle. Chacun d'eux tient un grand rapace au plumage fauve moucheté de brun. Ils ont élevé ces faucons depuis le nid, les nourrissant avec des soins minutieux. Elien de Préneste semble avoir vu lui-même des élevages semblables en Egypte, à l'époque de SeptimeSévère. La description qu'il en donne est de la plus vivante précision. Au temps où le premier Ptolémée ne portait que le titre de satrape, un prêtre, administrateur au temple d'Horusà Athribis, a fait graver sur sa statue, selon l'usage égyptien, l'éloge de son zèle pieux. Nous connaissons ainsi avec quels soins, quand ils mouraient, on préparait pour la sépulture les faucons élevés en vue du choix divin. A Edfou, un oiseau chaque année était destiné à être le fau con sacré, réceptacle de l'esprit d'IIorus sur terre. Quand son porteur le présentait devant le dieu, la litière et sa sta tue se dirigeaient vers lui, comme mues par une force surnat urelle. Tel jadis, dans les offices d'investiture à la cour pha raonique, le roi régnant désignait son héritier en le prenant dans ses bras. Désormais, à Edfou, « Dieu est venu à son âme». La nature d'Horus réside dans le faucon-vivant.
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On dépose alors le rapace, 1' « idole-vivante », comme on dit, sur une sorte de socle, que les bas-reliefs montrent, tout au long des cérémonies. Ce perchoir a la forme d'un cube. 11 est fait de bois, probablement. Ses faces latérales, sculptées et peintes, figurent la façade d'un palais royal très ancien : larges portes, encadrées de saillants et rentrants verticaux du haut en bas de l'édifice. Puis l'oiseau-roi est placé dans le pavillon de la litière, devant l'idole d' Horus. Les deux personnes divines font face vers l'avant : l'image matérielle semble présenter la bête vivante. Les porteurs se mettent en marche. Il existe, à mi-hauteur des murs qui entourent la cour du temple-palais, une loge royale du couronnement. C'est une baie ouverte, munie d'un balcon large et bas, en légère saillie. En arrière du mur est bâtie une chambre de pierre, somptueusement ornée. A Médinet-Habou, au pied de la montagne thébaine, une de ces loges existe encore, ouverte dans le mur qui sépare le palais royal de la cour du temple funéraire de Ramsès III. Par le « grand papyrus Harris », nous savons que l'intérieur en était revêtu d'une feuille d'or fin. Montant vers la loge, en arrière du mur, par un escalier à pente douce, la litière divine apparaissait. Son pavillon dévoilé montrait en pleine lumière l'idole d'Horus et le faucon-vivant, dominant la cour où les attendaient les prêtres naophores des dieux d'Edfou. Un cérémoniaire pro clamait les noms de couronnement. Alors une acclamation rompait le silence. Des cris de joie montaient, de ses sujets, vers le dieu-roi renouvelé. Horus venait d'introniser un autre lui-même comme roi d'Egypte. II. Couronnement et protection du nouveau roi. A partir de ce moment, la documentation change. Jus qu'ici le cérémonial gravé au mur du temple d'Edfou a four ni de nombreux détails. Les actes sont décrits ; les paroles
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ne sont pas précisées. A présent le cérémonial se fait plus bref, mais les tableaux eux-mêmes, par leur enchaînement, jalonnent l'action liturgique. Au lieu de nous décrire les actes, la muraille a conservé de longs extraits des livres : hymnes chantés, récitations psalmodiées, « rubriques » pour les gestes des officiants. La procession se forme dans la cour du temple du fau con. Elle suit en sens inverse le chemin déjà parcouru. Dans le pavillon de la litière résident désormais les symb oles d'un dieu unique en deux personnes. Ces symboles traduisent aux yeux de tous la nature théologique de la divi nité suprême d'Edfou. Au centre du grand temple, dans la salle large du cou ronnement, l'idole d'Hathor, en son pavillon dévoilé et posé sur un socle, attend l'arrivée des « deux-dieux », Les por teurs masqués traversent le vestibule monumental sans s'y arrêter, et vont déposer leur litière en face d'elle. L'offi ciant en chef, debout devant Hathor, brûle de l'encens vers Horus et vers elle. C'est le moment que les hiérogrammates ont choisi pour décorer les deux tableaux à l'ouest et à l'est du rang inférieur des bas-reliefs. L'acte essentiel du rite est une longue incantation, sous forme de litanie, psalmodiée devant la déesse. La récitation est menée par les cérémoniaires, et soutenue par tous. les prêtres assistants. C'est Voffîce d'Hathor. L'intention dogmatique du début de la litanie est de faire que le roi d'Egypte et le faucon-vivant deviennent un seul être, à la fois âme de Bâ et fils de Râ. L'intention dogmat iquede la fin de la litanie est de protéger le faucon-vivant, donc du même coup le roi humain de l'Egypte, contre tout mal pendant l'année de règne qui commence. Car Hathor est la Nouvelle Année elle-même. En elle, aucun danger n'atteindra les deux rois, le dieu et l'homme, présents au temple. L'office d'Hathor terminé, la figuration divine se modifie.
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Le faucon-vivant reste posé sur son perchoir royal, da-ns le pavillon de la litière. Il fait face au sanctuaire du temple. La statue d'IIorus, au contraire, déposée sur un autre socle, vient prendre place à côté de celle d'Hathor, le dos tourné au sanctuaire. Les deux personnes du dieu d Edfou s'opposent Tune à l'autre. L'officiant principal est debout derrière l'oiseau-vivant. C'est Yoffice du couronnement. Il correspond aux deux tableaux centraux du rang inférieur des bas-reliefs. Au point de vue théologique, le change ment de conception est remarquable. La statue d Horus ne représente plus seulement la première personne du dieu d'Edfou: Rà conservé, qui ce matin intronisa le fauconvivant. Au milieu du jour, elle est aussi Râ renouvelé. Autrement dit, Dieu est considéré en son essence unique, toujours éternelle et toujours nouvelle à la fois. Horus et l'oiseau consacré ne font qu'un. Ce qui est « couronnement » pour la bête divine est, selon le terme égyptien, « accroi ssement d'âme » pour le dieu lui-même dans l'univers en tier. Quant à l'ordonnance de l'office, elle se déroule d'après le symbolisme matériel d'une journée solaire, en ce point culminant de la fête. 1° On sanctifie l'oiseau-vivant et la statue par une onc tion d'huile, comme on faisait chaque matin pour l'idole dans le « sanctuaire des barques », en service journalier. L'hymne chanté prend comme thème l'unité du dieu renou veléet du faucon-vivant. 2° On élève des rameaux de saule en l'honneur du soleil de midi, et l'on offre la figurine d'or du dieu « éter nité». On célèbre cette éternité par un nouveau cantique. 3° Quatre fois de suite, on offre des bouquets, où les corolles des fleurs alternent, les unes au-dessus des autres, avec le faisceau des tiges. On tient ces bouquets pour les dons des grandes divinités de l'Egypte, celles dans les temples de qui l'on couronnait des rois : Râ d'Héliopolis,
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Ptah de Memphis, Amon de Thèbes. Les cantiques expriment l'hommage de ces dieux au Soleil qui plane en roi de l'univers, depuis le zénith de sa puissance terrestre, jusqu'à son coucher sous la protection d'Hathor, jusqu'à son entrée dans l'autre monde sous celle d'Atoum. Au milieu de l'après-midi commence la dernière phase des rites. On ouvre les portes du « sanctuaire des barques ». Deux lits funèbres y sont dressés l'un derrière l'autre, devant le grand naos de granit noir du fond. La journée du faucon, commencée dans la lumière du soleil levant, puis transportée dans la pénombre des salles hypostyles, va s'achever dans l'obscurité éclairée de cierges, au cœur du temple. C'est Y office de protection du roi, gravé aux deux tableaux ouest et est du rang supérieur des bas-neliëfs, au-dessus de l'office d'Hathor. La litière des deux-dieux, où les idoles ont repris leur place, entre au sanctuaire, toujours portée par les Esprits de Bouto et Nekhen. L'image d'Hathor suit, dans son taber nacle. On dépose le dieu d'Edfou trônant, à face découv erte, sur le lit funèbre du fond. Les montants latéraux de ces lits figurent des lionnes debout (la tombe du roi Toutankhamon, par exemple, contenait des lits semblables). Le faucon-vivant, perché sur son palais royal, est installé en avant d'Horus, sur l'autre lit funèbre. Les deux idoles reprennent donc l'attitude qu'elles gardent dans la litière en marche. Quant aux divinités léonines, elles sont aussi, sur les bas-reliefs, deux déesses d'apparence humaine, debout derrière les lits. Ce sont les trônes protecteurs des rois de Basse"et Haute Egypte. Elles jouent, avec Hathor, le premier rôle dans cet office de la garde du dieu. Alors se déroule un service complexe. L'officiant en chef manipule les objets; le premier cérémoniaire lit les exorcismes. Il s'agit du diadème du roi, puis des pièces de son vêtement, de ses amulettes, de ses onctions d'huiles parfumées, du voile noué d'un nœud au sommet, qui va le
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couvrir en entier. On habille et on pare la statue en vue de son passage à travers l'autre monde : c'est une fête-sed royale célébrée pour le dieu-roi. On protège ses approches : le sol du sanctuaire, les lits funèbres et l'atmosphère même qui les entoure. Puis on prépare le retour du dieu vers le monde des vivants, en dénouant le nœud du voile, en tou chant d'une goutte de lait la bouche de la statue, tandis que le cérémoniaire invoque Hathpr protectrice. L'office se termine par une conjuration de tous les dieux gardiens d'Horus. La voix du soliste y alterne, par versets, avec les répons des prêtres officiants. On évoque chaque puissance par ses attributs particuliers, puis on l'assimile au dieu d'Edfou, en faisant l'échange de leurs noms. On termine par une louange à toutes les divinités de l'univers, III. Offrande alimentaire. Installation du koi dans son palais. L' « idole-vivante » et l'idole véritable quittent alors leurs lits funèbres. On place la statue d'Horus dans son naos de pierre, dont la porte reste ouverte. Le faucon-vivant est devant lui : tous deux font face aux officiants. C est Y offrande des aliments, dernier chapitre du service au grand temple. Elle occupe les deux tableaux centraux du registre supérieur, au-dessus de l'office du couronnement. Comme en service journalier, l'officiant en chef reçoit un plateau garni de pains et de pièces de viandes choisies. Il l'élève sur ses mains devant les deux-dieux, tandis que le cérémon iaireet les autres prêtres psalmodient le cantique de pré sentation. Puis il prend le vase à feu et la résine aromat ique, et fait « saisir au dieu ses aliments dans le parfum de l'encens ». Le chœur chante le dernier hymne : il exalte l'union du faucon avec Horus renouvelé. C'est la fin d'une longue journée de fête. Les deux-dieux, idole vivante et idole vraie, retrouvent une dernière fois
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leur siège sous l'e pavillon de leur chaise à porteurs. La procession les entoure, sort du grand temple, atteint le temple du faucon. On entre au sanctuaire, on v installe la « bête sacrée d'Harakhthès ». Le prêtre « serviteur du fau con » élève les offrandes et brûle l'encens pour le ^rapace divin. Puis la statue d'Horus, seule comme au matin dans sa litière, se remet en route vers sa demeure, saluée par les cris de joie des fidèles. Les porteurs déposent la grande image dans le sanctuaire obscur. Après un dernier salut, on ferme le temple pour la nuit. La fête n'était pas terminée : elle se renouvelait pendant cinq jours de suite. La fin du premier jour marquait le terme des observances de « veille de fête » : le rituel d'Edfou nous l'affirme. Les nuits qui allaient venir étaient pour tous un temps de réjouissances. La foule se répandait dans la ville, comme elle le fait encore aujourd'hui, quand la nuit tombe, au mois de ramadan. On mangeait et buvait au bruit des chants et des danses rythmées par le battement des tambourins : parce que le Maître du pays avait rajeuni son pouvoir ; parce qu'un faucon nouveau, image du soleil et vrai roi d'Egypte, venait d'ap porter aux hommes un an de vie et prospérité 1.
LIVRES OFFERTS S. Era. le Cardinal Tissehant dépose sur le bureau un article dont il est l'auteur, intitulé : The Holy See and the Byzantine Church and Empire, paru dans The Review of Politics, vol. 9, n° 3 (July 1947). 1. Les documents utilisés par l'auteur dans la 5e partie de son ouvrage : Le culte d'Horus à Edfou au temps des Ptolémées sont publiés dans : A) Texte : Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique française au Caire, tome 23 = Chassinat, Le temple d'Edfou, tome 6 (1931), p. \93-104. 2f>2r27.',, 143-1X7, 297-309. B) Tableaux : Ibid., tome 31 = tome 14 (1934), planches photographiques 552 a 559.
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