La Cité de Rhodes, Topographie, Architecture Militaire (Gabriel Albert, Paris 1921)

August 13, 2017 | Author: porolithos | Category: N/A
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«Au cours d'un premier voyage à Rhodes, à la fin de l'été de 1909, j'éprouvai quelque surprise devant l'...

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ALBERT GABRIEL ARCHITECTE

DIPLOMÉ

DOCTEUR

DU

GOUVERNEMENT

ÈS-LETTRES

LA CITÉ DE

RHODES MCCCX — MDXXII TOPOGRAPHIE ARCHITECTURE OUVRAGE DE

L'ACADÉMIE

HONORÉ DES

D'UNE

MILITAIRE SOUSCRIPTION

INSCRIPTIONS

ET

BELLES-LETTRES

PARIS E. DES

DE

ÉCOLES

BOCCARD,

É D I T E U R

FRANÇAISES

D'ATHÈNES

1,

MÉDICIS,

RUE

DE

1921

ET 1

DE

ROME

PRÉFACE

Au cours d'un premier voyage à Rhodes, à la fin de l'été de 1909, j'éprouvai quelque surprise devant l'importance et l'état de conservation des monuments du moyen âge; il me sembla que les publications parues jusqu'à ce jour n'en donnaient qu'une idée incomplète, et je conçus le projet d'effectuer une étude méthodique de la Cité des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Les missions successives dont je fus chargé par le Ministère de l'Instruction Publique me permirent de faire à Rhodes un séjour de plus de deux années, employées à établir les relevés des monuments. Ce travail, commencé en Mai 1911, sous l'occupation turque, fut poursuivi les années suivantes, après la prise de possession de l'île par l'Italie. De ce nouvel état de choses, il résulta, au début, quelques difficultés passagères, mais je dois à la vérité de reconnaître que j'ai toujours, dans la suite, rencontré auprès des autorités italiennes la plus courtoise bienveillance. M. le Général V. Elia, notamment, me réserva un très cordial accueil et m'accorda toutes les autorisations nécessaires; je lui dois d'avoir été tenu au courant des travaux de restauration entrepris par le corps d'occupation, travaux d'après lesquels je modifiai en divers points mes relevés antérieurs et qui contribuèrent à fixer de manière précise de nombreux détails. M. Maiuri, l'érudit Surintendant des antiquités et fouilles, à qui le Musée de Rhodes doit sa splendide apparence, fut le plus accueillant des camarades; M. Biondi, qui accomplit pour la préservation des remparts une œuvre très estimable, me facilita l'accès de toutes les régions de son domaine ; et, j'eus recours, en maintes occasions, à la compétence de M. le Colonel Boyancé, qui assumait avec un goût très sûr la direction technique des travaux de restauration. Hussni Effendi, Rhodien, mon premier guide à travers le dédale des rues de Rhodes, m'a fourni des renseignements fort utiles, et j'ai mis souvent à contribution sa connaissance approfondie dû pays et son zèle désintéressé. Enfin, ce m'est un devoir de rendre hommage à M. A. Laffon, notre habile Consul, dont je dus mettre fréquemment à l'épreuve l'inlassable obligeance et dont l'hospitalière maison m'était si cordialement ouverte. A Constantinople, M. Bompard, Ambassadeur de France, suivait attentivement mes travaux et les encourageait; en 1912, il faisait l'acquisition de l'Auberge de France et la donnait à l'Etat : ce geste généreux me permettait d'étudier à loisir le type le plus caractéristique de l'archi-

PRÉFACE

VI

tecture privée à Rhodes. Enfin, M. Paul Léon, Directeur des Beaux-Arts, en s'intéressant à ces recherches leur apportait un très précieux appui. Que tous ceux qui, de si bonne grâce, s'efforcèrent de faciliter ma tâche veuillent bien trouver ici l'expression de mes sentiments reconnaissants. Les événements de ces dernières années me contraignirent à interrompre ces études et en retardèrent jusqu'à ce jour la publication. Si j'ai pu surmonter les obstacles que présente aujourd'hui une telle entreprise, je le dois avant tout à la libéralité de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, qui a honoré cet ouvrage d'une souscription. Je garde une profonde reconnaissance aux Membres de la savante Assemblée, et tout particulièrement à M. Homolle, qui m'a toujours témoigné une amicale sollicitude et m'a donné tant de preuves d'intérêt et de sympathie; à M. Diehl, qui m'a si généreusement dispensé son temps et sa peine, et a bien voulu diriger ce travail et le guider de ses conseils; à M. Cagnat et à M. Schlumberger, qui ont appuyé ma cause de leur haute autorité. Je ne saurais oublier que le premier à qui je confiai mes projets, mon excellent maître M. Holleaux, alors Directeur de l'Ecole d'Athènes, mit tout en œuvre pour les faire aboutir, et que, dans la suite, il ne cessa de me prodiguer les marques de sa cordiale bienveillance; je suis heureux de lui adresser ici, avec le souvenir ému des belles années passées sous sa direction, l'expression de mon affectueuse gratitude. Il m'est impossible de citer tous ceux qui, tant à Rhodes qu'à Paris, ont manifesté quelque intérêt pour mon travail et m'ont servi de leur mieux; qu'ils soient assurés que je n'oublie point la plus modeste de ces collaborations. Aux Archives de Malte, Mme G. Laurenza a bien voulu effectuer pour moi la copie de certaines pièces, et j'ai trouvé en M. H.-P. Scicluna un auxiliaire aussi compétent que dévoué : je les remercie très vivement de leur gracieux concours. Je remercie également mon éditeur, M. de Boccard, qui a montré un réel désintéressement en entreprenant cette publication dans une période critique et n'a rien négligé pour répondre à mes désirs.

BIBLIOGRAPHIE

Le but essentiel de cette publication est de fournir, sur les diverses productions de l'architecture du moyen âge à Rhodes, des relevés et des détails explicites. La documentation graphique n'est que le résultat de l'étude directe des monuments : quant aux commentaires qui accompagnent les dessins, ils utilisent les textes relatifs à l'histoire de l'Ordre, les récits des pèlerins et des voyageurs, et les travaux de nos devanciers. HISTOIRE

L'œuvre magistrale entreprise par Delaville Le Roulx devait constituer une histoire complète des Hospitaliers; mais, interrompue par la mort prématurée de l'auteur, elle s'arrête à l'année 1421 et ne comprend point la période de grande activité des constructions rhoe

diennes, qui datent pour la majeure partie de la seconde moitié du XV et du début du XVI

e

siècle. A défaut d'un travail méthodique et critique, nous avons eu recours à l'Istoria, de Bosio, dans laquelle ont largement puisé les historiens successifs de l'Ordre. Bosio écrivit son histoire en utilisant les Archives transportées à Malte après la capitulation de Rhodes, et demeurées jusqu'à nos jours à Cité-la-Valette. Là où nous avons retrouvé les textes qui forment la trame de l'Istoria, nous avons pu vérifier que leur interprétation était en général exacte (1); et cette constatation nous a conduit à considérer comme véridiques les indications de Bosio sur les points où nous faisaient défaut les documents originaux. ARCHIVES DE MALTE

Nous avons recherché, à Malte, les pièces d'archives qui pouvaient se rapporter aux ouvrages militaires ou aux monuments de Rhodes : nous devons dire que les résultats obtenus sont demeurés assez maigres. Les pièces de comptabilité du Trésor de l'Ordre, qui auraient été des plus intéressantes à consulter, sont complètement absentes avant 1523 (2), et nous n'avons découvert qu'une transcription, sur les Libri Bullarum, d'un compte de maçonnerie : encore est-il relatif au Château Saint-Pierre (Boudroum). Lorsque les Hospitaliers durent quitter Rhodes, ils ne purent sans doute emporter tous leurs documents, et ils abandonnèrent ceux qu'ils jugeaient les moins importants, c'est-à-dire les registres de comptes (3). (1) Cf. notamment Ch. I., p. 20, n. 3. (2) Delaville Le Roulx. Les Archives, la Bibliothèque et le Trésor de l'Ordre de Saint-Jean de Jerusalem à Malte, Paris 1883, p. 7. (3) Cf. également, sur les Archives de Malte : Mas-Latrie. Les Archives de Malte à Cité-la-Valette, ds. Archives des Missions scient, et litt., Tome V I , 1857, et H.-P. Scicluna. Some important documents of the Archives, dans Archivum melitense, Malte, Septembre 1912.

LA CITÉ DE RHODES

VIII

Nous réunissons à la fin de ce volume, sous le titre de Pièces justificatives, les résultats essentiels de nos recherches. HISTORIENS RHODIENS

Les événements de 1480 et de 1522 ont inspiré à des témoins des sièges différentes relations. De Merri Dupui, le texte original est perdu, mais il est reproduit en entier dans l'Histoire de l'abbé de Vertot (1); Guillaume Caoursin, vice-chancelier de l'Ordre, a écrit non seulement un récit du siège de 1480, Obsidionis Rhodice urbis descriptio, mais encore une série d'opuscules sur des sujets divers (2); enfin, Jacques Fontaine, juge aux Appellations de Rhodes, et Frère Jacques de Bourbon, ont raconté l'un et l'autre, dans leurs moindres détails les épisodes du siège de 1522 (3) : tous ces textes contiennent d'utiles précisions topographiques et facilitent notamment l'identification des principaux ouvrages de la forteresse. En outre, la Bibliothèque Nationale possède un très beau manuscrit de la narration de G. Caoursin (Ms. lat. 6067). C'est un petit in-folio, sur vélin, orné de vingt miniatures, dont certaines offrent un intérêt documentaire exceptionnel. Nous signalerons notamment les planches des f

os

18, 32, 37 v., 48 v., qui donnent de la Cité quatre vues d'ensemble à peu

près semblables. Nous reproduisons ci-contre (PL. I. 2) le f° 32. On pourra voir, en le comparant à notre plan (PL. X X X V ) et à nos vues panoramiques (PL. X X X I I I et X X X I V ) , avec quel souci de l'exactitude ont été exécutées ces miniatures. Les planches des f

o s

19, 24,

26, 30 v. se rapportent aux opérations que les Turcs dirigèrent contre la Tour Saint-Nicolas (Cf. PL. I. 1); si la représentation de la Tour elle-même, au premier plan, n'est pas très fidèle, par contre les détails du Palais du grand-maître et des remparts du nord sont des plus exacts. Les f

os

66 v. et 68 v. ont trait aux actions de l'ennemi vers la baie d'Akandia et aux travaux

de retranchement effectués en cette région par les Chevaliers, après la destruction d'une partie des murailles. Il est bien certain que l'auteur de ces dessins connaissait parfaitement la Cité; ce devait être, sans doute, un artiste occidental, religieux ou laïc, qui ne manquait ni d'habileté ni de conscience (4). Aux ouvrage.; précédents, on doit ajouter deux versions orientales du siège de 1522. e r

La première, en arabe, est l'œuvre de Ramadan, médecin de Suleiman I . Elle a été publiée par Tercier, et nous y ferons quelques emprunts (5). La seconde, en langue turque, est un manuscrit conservé à Rhodes, dans la bibliothèque publique. Il renferme des renseignements curieux sur les opérations du siège, mais n'a fourni aucun élément à notre étude (6).

(1) Vertot. Histoire des Chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean de Jerusalem, Paris 1726, p. 598 à 616. (2) Voir ci-après, à l'index, la liste de ces opuscules. (3) Jacobus Fontanus. De bello Rhodio. — Jacques de Bourbon. La grande et merveilleuse oppugnation... (V. l'index.) (4) La vue d'ensemble de la ville (f° 18) a déjà été publiée dans Ch. de La Roncière. Histoire de la Marine française (Paris, 1906), Tome I I I , p. 160; et C. Enlart. Manuel d'Archéologie française, Paris 1904, Tome II, fig. 274. Récemment, le D Zervos a reproduit plusieurs planches dans Rhodes, Capitale du Dodécanèse, Paris 1920. r

(5) Ds. Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1759, X X V I . (6) Ce manuscrit a été en partie traduit et cité passim dans Biliotti et Cottret. L'Ile de Rhodes. Rhodes, 1881. — Cette traduction laisse souvent à désirer.

FIG 1. — V U E DE RHODES VERS 1420

(d'après une miniature du Liber Insularum de Cristoforo Buondelmonti)

(FIG. 2. — V U E DE RHODES EN 1483)

(d'après une gravure sur bois du Sanctarnm pererjrinalioiuun.... opusculuin de Breydenbach)

LA CITÉ DE RHODES

X

LES PÈLERINS ET LES VOYAGEURS

Nombreux sont les pèlerins qui firent escale à Rhodes durant la domination de l'Hôpital; e

les relations qui nous sont parvenues datent surtout de la fin du X V et du début du X V I

e

siècle. Elles sont, est-il besoin de le dire, très inégales entre elles, aussi bien par l'étendue de leur développement que par l'intérêt qu'elles présentent pour notre étude; cependant, il est rare qu'on ne trouve pas, dans les plus frustes et les plus laconiques de ces récits, quelque détail à retenir, et nous verrons que, dans certains cas, on y peut même puiser des éléments d'information très précieux (1). Parmi ces pèlerins, Breydenbach mérite une attention spéciale : si le passage du « Sanctarum peregrinationum... opusculum », relatif à Rhodes, ne fournit que des renseignements très succincts, il s'accompagne d'une planche panoramique, en gravure sur bois, d'une exécution minutieuse (Fig. 2), qui représente la Cité, vue du nord-est : ce dessin, qui donne l'aspect de Rhodes en 1483, complète et vérifie les miniatures de Caoursin. Signalons encore, bien que d'une valeur documentaire beaucoup moindre, les cartes de Rhodes que renferment les différents manuscrits du Liber Insularum Archipelagi, de Cristoforo Buondelmonti (2). Nous reproduisons ci-contre (Fig. 1) la région nord de l'une d'elles, d'après le fac-similé publié par Ch. Schefer (3). Malgré son insuffisance et ses inexactitudes évidentes, ce schéma, qui répond à l'état de la Cité vers 1420, contient quelques indications dont nous pourrons tirer profit. e

e

Après le départ de l'Ordre, les voyageurs, assez rares pendant le X V I et le X V I I siècle, e

e

deviennent plus nombreux au XVIII et surtout au X I X siècle. Souvent ils s'étendent assez longuement sur l'aspect de la ville et de ses monuments, mais décrivent un état de choses qui ne diffère guère de celui qu'on a sous les yeux aujourd'hui : l'intérêt de leurs publications, notamment de celles de Choiseul-Gouffier, Carne, Flandin, Berg, Newton, réside surtout dans l'illustration qui parfois permet de fixer les dispositions d'édifices aujourd'hui disparus (4). OUVRAGES SPÉCIAUX SUR LES MONUMENTS DE RHODES

Rottiers, que nous aurons souvent l'occasion de citer, donne une véritable monographie des monuments de Rhodes et peut être consulté utilement; mais ses dessins, dus au crayon fort médiocre du Flamand Witdoeck, sont généralement inexpressifs et parfois inexacts : en l'absence totale de plans et de relevés géométraux, cette documentation, bien qu'abondante, ne saurait servir de base à une étude systématique des constructions rhodiennes.

(1) Cf. p. ex. le passage d'Arnold von Harff, cité p. 36. (2) La carte de Rhodes du manuscrit de l'Ambrosiana a été publiée par P. Revelli. L'Egeo, Bergame 1912; celle du Ms. de la Bibliothèque Nationale, 4825, par Legrand. Description des Iles de l'Archipel par Ch. Buondelmonti, version grecque par un anonyme, Paris 1897. (3) Dans Le Voyage de Frère Jehan Thenaud, Paris 1884. (4) Les plans ou vues de Rhodes que contiennent certains ouvrages n'ont en général aucune valeur. V. p. ex. H. de Beauvau. Relation journalière du Voyage du Levant, Nancy 1615. La ville y est représentée avec trois enceintes concentriques. La même figure est reproduite dans Dapper. Description exacte des Iles de l'Archipel, Amsterdam 1703, p. 88. Vues d'ensemble, sans intérêt, dans C. de Bruyn. Voyage au Levant, Paris 1725, p. 528; dans Thevenot, Relation d'un Voyage fait au Levant, Paris 1665, etc.. Le plan que donne Choiseul-Gouffier (Voyage pittoresque de la Grèce, Paris, 1782-1824, Tome I, pl. 60) est inexact et incomplet.

BIBLIOGRAPHIE

XI

M. de Belabre, ancien Consul de France à Rhodes, eut le mérite de réunir de nombreuses photographies jusque-là inédites, de rassembler des croquis des armoiries et de vérifier la lecture des inscriptions (1); mais ce livre, d'un amateur éclairé, est trop récent pour renfermer des éléments qui ne se puissent, aujourd'hui encore, observer sur place. L'occupation du Dodécanèse par l'Italie, en 1912, provoqua de nombreuses dissertations sur l'Egée et sur Rhodes en particulier; parmi les études de caractère scientifique, nous citerons celle que M. Gerola, après un rapide voyage dans les îles, publia dans l' « Annuario » de l'école italienne d'Athènes. On y trouve des observations exactes et des conclusions judicieuses; mais ce n'est, de l'aveu même du savant professeur de Ravenne, qu'une esquisse un peu hâtive, nécessairement incomplète : son illustration est exclusivement photographique. Depuis lors, les travaux de restauration exécutés par le corps d'occupation italien de l'Egée ont fait l'objet de diverses notices, dont quelques-unes dues à M. A. Maiuri sont excellentes : on en trouvera la nomenclature dans notre index.

(1) F. de Belabre. Rhodes of the Knights, Oxford, 1908. (2) I Monumenti medioevali dette tredici Sporadi, dans Annuario delta R. Scuola Archeol. di Atene, Bergame, 1914, p. 169 à 356.

BIBLIOGRAPHIE

INDEX

XIII

BIBLIOGRAPHIQUE

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(V. BONNARDOT et L O N G N O N ) .

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LA CITÉ DE RHODES

XIV

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della

Publica

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LA CITÉ DE RHODES

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LA CITÉ DE RHODES

C H R O N O L O G I E DES G R A N D S - M A I T R E S DE RHODES : LEURS A R M E S

FOULQUES DE V I L L A R E T (1305-1319), de la Langue de Provence. — D'or à trois monts de gueules surmontés chacun d'un corbeau de sable. HÉLION DE V I L L E N E U V E (1319-1346), de la Langue de Provence. — De gueules fretté de lances d'or à un écusson du même dans chaque clairevoie. DIEUDONNÉ DE GOZON (1346-1353), de la Langue de Provence. — De gueules à la bande d'argent bordée d'azur, à la bordure crénelée d'argent. PIERRE DE CORNEILLAN (1353-1355), de la Langue de Provence. — De gueules à la bande d'argent chargée de trois merlettes de sable. ROGER DE P I N S (1355-1365), de la Langue de Provence. — De gueules à trois pommes de pin d'or. R A Y M O N D BÉRENGER (1365-1373), de la Langue de Provence. — De gueules au sautoir alaisé d'or. ROBERT DE J U I L L Y (1373-1377), de la Langue de France. — D'argent à la croix fleurohnée de gueules, au lambel de quatre pendants d'azur chargés de trois boutons. J U A N FERNANDEZ HEREDIA (1377-1396), de la Langue d'Espagne. — De gueules à sept tours d'or. PHILIBERT DE N A I L L A C (1396-1421), de la Langue de France. — D'azur à deux lions léopardés d'or l'un sur l'autre. A N T O N F L U V I A N (1421-1437), de la Langue d'Espagne. — D'or à la fasce de gueules. JEAN DE LASTIC (1437-1454), de la Langue d'Auvergne. — De gueules à la fasce d'argent. JACQUES DE M I L L Y (1454-1461), de la Langue d'Auvergne. — De gueules au chef denché d'argent. RAIMONDO ZACOSTA (1461-1467), de la Langue d'Espagne. — D'or à trois fasces ondées de gueules, à la bordure de sable chargée de huit points d'argent 3, 2, 3. BATTISTA ORSINI (1467-1476), de la Langue d'Italie. — Bandé d'argent et de gueules de six pièces; au chef d'argent, chargé d'une rose de gueules boutonnée d'or et soutenu de même à l'anguille d'azur posée en fasce. PIERRE D'AUBUSSON (1476-1503), de la Langue d'Auvergne. — D'or à la croix ancrée de gueules. E M E R Y D'AMBOISE (1503-1512), de la Langue de France. — Paie d'or et de gueules de six pièces. G U Y DE BLANCHEFORT (1512-1513), de la Langue d'Auvergne. — D'or à deux lions léopardés de gueules l'un sur l'autre. FABRIZIO DEL CARRETTO (1513-1521), de la Langue d'Italie. — Bandé d'or et de gueules à douze pièces. P H I L I P P E DE V I L L I E R S DE L ' I S L E - A D A M (élu en 1521, quitte Rhodes en Janvier 1523), de la

Langue de France. — D'or au chef d'azur, chargé d'un dextrochère d'argent, vêtu d'hermine, supportant un fanon du même frangé du troisième émail.

TOPOGRAPHIE

I. — E T A T A C T U E L LA CITÉ, LES FAUBOURGS, LES CIMETIERES La Cité des Chevaliers de Saint-Jean est située sur le littoral oriental de l'île de Rhodes. à moins d'un mille de la pointe nord (Cap Koum-Bournou) ; habitée presque exclusivement par des Turcs et des Juifs, elle est demeurée l'agglomération la plus importante de la capitale moderne (1). Celle-ci comprend en outre, aujourd'hui, plusieurs faubourgs (2), peuplés en majeure partie de Grecs : depuis Neokhori, au nord, jusqu'au faubourg de Saint-Georges, au sud-est, c'est une suite presque ininterrompue de petites maisons, peintes de couleurs claires, groupées en paroisses autour des différentes églises ou dispersées au milieu des jardins et des vergers, sur les pentes du Mont Smith (3). De la mer, et plus précisément du point où les bateaux à vapeur prennent d'ordinaire leur mouillage (Fig. 3 — A ) (4), la vue embrasse tout cet ensemble. De là, on peut distinguer non seulement les ouvrages avancés qui commandent les ports et la partie des murailles avoisinant la mer, mais encore, grâce à la déclivité du terrain sur lequel est bâtie la Cité, quelques pans du rempart qui la protège vers la campagne. (PL. X X X I I I ) . A l'arrière plan apparaissent les faubourgs; ils sont séparés de la forteresse par une large zone de cimetières qui s'étend jusqu'à la contrescarpe des fossés. Sur les glacis du sud, touchant à la mer, les sépultures des Juifs alignent leurs dalles uniformes et nues. Partout ailleurs, disséminées dans la campagne, escaladant les tertres, bordant les sentiers, se pressent les tombes musulmanes, stèles de pierre ou de marbre, turbés en ruines, à demi enfouis au milieu des aloès ou s'abritant sous l'ombre des oliviers et des platanes. (1) Elle est appelée par les Grecs : ή χώρα, το κάστρον ou τό φρούριον; par les Turcs : Chehir (la ville). Jusqu'à la Constitution turque, les chrétiens n'y pouvaient élire domicile : ils devaient quitter la forteresse avant le coucher du soleil : de là, la création des faubourgs voisins. Cf. Ms. Carlier : « Il n'est permis à aucun chrestien d'y avoir logis et demeure ordinaire » (f° 48 v.). — « ...les portes sont fermées le vendredi quand les Turcs font leur oraison » (ibid). Carlier note la présence, dans la ville, d'une nombreuse population juive. Son passage à Rhodes date de 1579 : H est très probable que les chrétiens furent exclus de la forteresse dès le début de l'occupation turque. V. également Stochove. Voyage d'Italie et du Levant, p. 228. :

(2) Cf. la carte (Fig. 3). — Neokhori, le plus récent des faubourgs, est habité par une majorité de Grecs; mais c'est là que demeurent également les catholiques de Rhodes, dans le voisinage de leur église Sainte-Marie de la Victoire. (3) Du nom de l'Amiral Sidney Smith, qui avait établi au sommet de la colline un observatoire, lors de l'expédition de Bonaparte en Egypte. C'est le Mont Saint-Etienne des Chevaliers. (4) Ce point A (Fig. 3), d'où a été dessiné notre panorama (PL. X X X I I I ) , correspond au « Summer Anchorage » de l' « Admiralty Chart, n° 1.667, Rhodes Island ».

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Etablis au lendemain de la conquête (1), ces cimetières ont préservé la Cité du voisinage immédiat des constructions modernes, et lorsqu'on s'élève, parmi les tombeaux, jusqu'aux premières maisons des faubourgs, la ville apparaît dans toute son étendue au milieu de ce cadre de solitude. Le rempart, avec ses courtines, ses tours et ses bastions, est demeuré dans l'état où le laissèrent les Chevaliers. Les Turcs se sont contentés de réparer les brèches (2) qu'ils avaient pratiquées dans la muraille et de déblayer les fossés en partie comblés par les explosions de leurs mines; mais ils n'ont apporté aucune modification au tracé de l'enceinte, et la forteresse livre dans ses moindres détails le plan complet de ses défenses. Derrière les murailles s'entassent les maisons cubiques, aux toitures en terrasse, parmi lesquelles s'élèvent les coupoles et les minarets des mosquées, seuls témoignages de la domination ottomane. Au delà de cet enchevêtrement de constructions, le circuit du rempart détache sa grisaille sur le bleu puissant de la mer. Comme fond du tableau, la côte d'Anatolie : elle semble toute proche, tant est net et précis le profil des montagnes de Lycie, qui découpent leurs masses violettes, finement modelées, sur le ciel limpide (PL. Χ Χ Χ Ι V ) (3). Rhodes n'a pas seulement conservé ses remparts et son aspect extérieur. Lorsque, franchissant le fossé, on pénètre dans la ville, on y retrouve la plupart des maisons et des églises du moyen âge. Aussi bien dans le quartier turc, silencieux et désert, que dans les rues animées du bazar et de la Juiverie, les demeures entièrement modernes sont rares. Les habitations gardent en général des éléments importants de leur plan primitif : leurs portes ogivales, leurs fenêtres aux chambranles moulurés, leurs corniches ornées d'entrelacs et de rinceaux, leurs cours intérieures aux escaliers de pierre. Certes, des réparations trop sommaires, des adjonctions malheureuses, un badigeon blanc répandu à profusion sur la patine sombre des façades, ne laissent pas d'altérer le caractère des édifices; mais ces mutilations, ces rapiècements sont en général superficiels. Depuis la conquête turque, Rhodes a vécu dans un demi-sommeil et n'a point connu ces nécessités modernes qui modifiaient si profondément l'aspect de nos villes d'occident. La douceur du climat, l'extrême facilité de la vie ont permis d'adapter à des besoins modestes e

les constructions du moyen âge, et les maisons du X V siècle, munies d'un balcon à moucharabieh ou d'un auvent de tuiles, sont demeurées les harems et les boutiques des générations successives. Aussi, dans l'état actuel de la ville, peut-on, sans trop de difficulté, retrouver les aligne(1) Auprès de la Porte Saint-Athanase, on montre un turbé fort ancien, qu'on dit avoir été celui d'Ahmet Pacha, surnommé Ahmet le Têtu (Inât Ahmet), en souvenir de sa conduite pendant le siège de 1522. Aucune inscription ne vient confirmer cette tradition. Les tombes voisines, renfermées avec le turbé dans un petit enclos, datent de 200 ans environ. Vers la Porte de Koskino, à gauche en sortant de la ville, on remarque une tombe récemment restaurée et de manière fort maladroite; on a en effet, enfoncé la stèle qui porte l'épitaphe dans le massif de maçonnerie de la tombe, de sorte qu'on ne lit plus que les trois lignes supérieures de l'inscription : « Lorsque Suleiman fit la conquête de Rhodes... » Il nous a été affirmé par un hodja, qui avait lu l'inscription entière, que cette tombe était celle du porte-étendard de Suleiman I . er

(2) Ces restaurations étaient encore apparentes en 1579 : « ...quelque peu au delà est l'endroit par lequel la ville a été assaillie du Turc, comme le demonstre la muraille bastye de neuf en ce lieu la depuis la prinse de ladicte ville ». (Ms. Carlier, f° 47 v.). (3) Ce panorama a été dessiné du point Β de la figure 3 (terrasse de la première maison du faubourg des SaintsAnargyres).

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FIG. 3. — LA CITÉ ET LES FAUBOURGS : ÉTAT ACTUEL.

1. Neokhori. — 2. Faubourgs de Saint-Jean et des Saints-Anargyres. — 3. Faubourg de Sainte-Anastasie. — 4. Faubourg de la Métropole. — 5. Faubourg de Saint-Georges. α, α, α... = Cimetières turcs. — β, β = Cimetières juifs. — γ = Cimetière grec. — δ = Cimetière catholique.

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ments anciens, situer les rues, les églises, les édifices publics, et, parmi les maisons, celles qui sont les mieux conservées ou offrent les types les plus significatifs. Ces conditions exceptionnelles nous ont conduit à dresser un plan détaillé de la Cité de Rhodes, telle qu'elle se présentait au début du

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siècle,,pendant les dernières années de la

domination de l'Hôpital (PL. X X X V ) . Pour établir ce dessin, il nous a suffi, la plupart du temps, de transcrire des observations faites sur place. Des textes nombreux viennent d'ailleurs contrôler ces données : ils rendent possibles la restitution des rares parties détruites et l'identification des ouvrages et des monuments. La suite de cette étude montrera que la part de l'hypothèse, fort réduite, se limite à quelques points de détail.

II. — FORME ET DIMENSIONS DE LA C I T É . — LES PORTS La Cité de Rhodes affecte la forme d'un croissant qui mesure environ 1000 mètres suivant le diamètre est-ouest, et 800 mètres suivant le diamètre Nord-Sud. L'échancrure correspond au port principal; un second bassin s'étend au nord, en dehors de l'enceinte fortifiée; il est généralement appelé par les auteurs modernes Port des Galères, alors que la désignation de Port du Commerce est réservée au premier (1). Ces termes étaient inusités au moyen âge et ne correspondent nullement, comme on a pu le croire, à des règles maritimes régulières. Le port principal, dont une chaîne fermait la passe et dont l'accès était rigoureusement surveillé, recevait aussi bien les navires marchands que les galères. Limité à l'est par le Môle et la Tour des Moulins (2), au nord par le Môle et la Tour de Naillac (3), ce n'est d'ailleurs qu'un havre médiocre, insuffisamment défendu contre la houle du sud-est qui y fait sentir en hiver un violent ressac. Le port septentrional était déjà désigné au moyen âge, comme aujourd'hui encore, sous le nom de Mandraki (4). Il est protégé à l'est par un môle de 400 mètres environ de longueur, orienté sud-nord, à l'extrémité duquel se dresse la Tour Saint-Nicolas (5). A l'ouest, ses eaux e

(1) Cette distinction semble dater du xvii siècle : « La ville est fort munie de deux bons ports, l'un pour les naves, l'autre pour les galères. (H. de Beauvau. Relation journalière d'un voyage de Levant, p. 83.) Stochove signale un port des galions et un port des vaisseaux. (Voyage d'Italie et du Levant, p. 219.) Les voyageurs du x v i siècle qui visitent Rhodes après le départ de l'Ordre ne parlent que d'un port. (Cf. Voyage de la Terre Sainte, de maître Possot, 1532, éd. Schefer, p. 190, et Ms. Carlier, f° 47). e

(2) Il serait fastidieux d'énumérer toutes les dénominations erronées qu'ont reçues les tours des ports. Une ordonnance du grand-maître Orsini (1467-1476) ne laisse aucun doute sur les vocables exacts : « Magister et consilium ordinarium benevisos fratres idoneos et sufficientes in capitaneos trium turrium portus videlicet Sancti Nicolai de Nailliacho et molis molendinorum deputent et eligant ». Stabilimenta — de Electionibus X V I I I . Ce sont là, au moyen âge, les désignations courantes employées par les voyageurs du x v et du x v i siècles. Sur les vocables exceptionnels de Tour de France, Tour de Bourgogne, e t c . , Cf. inf., p. X X . Les erreurs des auteurs modernes sont inexplicables. C'est ainsi que la Tour des Moulins est appelée Saint-Michel, par Stochove; Saint-Jean, par Ross; S. Angelo, dans la carte anglaise; c'est ce dernier nom, aussi fantaisiste que les précédents, qu'accrédite la plaque commemorative de la restauration italienne (1917). e

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(3) Saint-Jean, dans Stochove; Saint-Nicolas, dans Thévenot; Saint-Michel, dans Ross, etc.. (4) Cf. notamment Merri Dupui, Caoursin, Bourbon. Op. cit. Mandraki est d'ailleurs un terme générique d'un usage très fréquent. On le retrouve dans toutes les îles, et même jusqu'en Istrie et en Provence. (5) Saint-Elme, dans Stochove; Château Saint-Ange ou de Diamant, dans Thévenot; Saint-Elme, dans la carte anglaise, etc..

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s'étendaient autrefois jusqu'à l'endroit où s'élèvent maintenant les bâtiments modernes de l'administration locale; l'ensablement, puis le quai promenade, récemment construit, en ont réduit sensiblement la largeur. Ce bassin est bien abrité par tous les temps, mais il est peu profond et des écueils en rendent l'accès difficile; « commode pour les Galères » (1), il était impraticable aux lourdes caraques. On en a conclu que le Mandraki constituait le port militaire de Rhodes et que l'Arsenal s'élevait sur ses rives (2) ; rien ne justifie cette hypothèse. Il est possible que la plage du Mandraki ait servi de chantier pour la construction et la réparation des navires (3), ainsi que cela se pratique de nos jours, mais un Arsenal extra muros aurait été inutilisable en cas de siège, de même qu'il eût été impossible de laisser des galères au mouillage en ces parages, battus par les canons de l'ennemi. Les miniatures de Caoursin, représentant les divers épisodes du siège de 1480, précisent que nefs et galères sont à l'ancre dans le grand port, qui offrait un excellent abri contre l'artillerie des Turcs (4). Il est donc certain que le Mandraki ne fut jamais qu'un refuge secondaire, praticable seulement en temps de paix : le véritable port de la forteresse était celui qu'entouraient les murailles et que défendaient les tours de Naillac et des Moulins, entre lesquelles se tendait la chaîne. C'est à lui que se rapportent les récits des pèlerins et des voyageurs du moyen âge Dès 1395, N i c o l ó Martoni en note l'importance : « Portus dicte civitatis est satis pulcer et cum pulcro molo in quo sunt navilia undecumque venientia » (5). Dans la suite, il sera cité comme « un moult bon port et seur » (6), « uno bello et fortissimo porto » (7) et même comme « le plus beau et le plus grand qui soit en tout le chemin de Hierusalem » (8). Il est vrai que Trevisan, en 1512, signale « deux ports extrêmement sûrs », mais il ajoute que « l'un se ferme au moyen d'une chaîne », alors que « l'autre est toujours ouvert » (9); et cette remarque justifie ce que nous avons dit plus haut du rôle accessoire du Mandraki. Selon une tradition locale, le grand Port et le Mandraki auraient communiqué autrefois l'un et l'autre avec un bassin situé dans l'angle nord-est de la forteresse, à l'abri des murs. Cette disposition, si elle exista jamais, était supprimée dès 1480 : Caoursin est trop précis dans ses détails pour avoir omis une particularité aussi importante; or, au lieu où se serait étendu

(1) Bosio, Istoria, II. 402. (2) Picenardi. Itinéraire, p. 139. (3) Cf. Breydenbach. Sand, peregr. Vue panoramique de Rhodes. (Fig. 2). Au milieu du Mandraki, on distingue la carène d'un navire sans agrès : des calfats, installés sur des radeaux, s'emploient à la goudronner. Les Turcs appelaient le Mandraki Tershaneh (Arsenal), en donnant à ce mot le sens étymologique de dâr as sanâat : le lieu de la construction (des navires). (4) V. PL. I. — 2, et Ms. Caoursin. Au reste, avant la construction de la Tour Saint-Nicolas, édifiée en 1465, le môle lui-même pouvait être occupé par l'ennemi; en 1444, lors de l'attaque du Sultan d'Egypte contre Rhodes, les assiégeants installèrent leurs bombardes sur la plate-forme rocheuse où devait s'élever plus tard la Tour Saint-Nicolas(Ioannes Germanus. Vita Philippi III, p. 73). (5) Pèlerinage à Jérusalem de N. de Martoni. ds. Revue de l'Orient latin, III. 583. Toutefois, à cette époque, les Tours des Ports n'existaient pas encore, comme nous le verrons plus loin. (6) Gilles Le Bouvier. Le Livre de la Description des Pays, p..68-69. (7) Santo Brasca. Viaggio, f° f. IIII v. (8) Anonyme de 1480. Ed. Schefer, p. 113. Cf. également : Ramadan, passage cité inf., p. X X . ( 9 ) Relation du Voyage de Domenico Trevisan. Ed. Schefer, p. 219.

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ce bassin intérieur (1), il figure des constructions et des jardins. Nous verrons plus loin que ces constructions répondent vraisemblablement à l'Arsenal des Chevaliers (2). Au sud-est du Môle des Moulins, et protégé à l'est par une barrière de rochers, il existe un troisième port (Baie d'Akandia); trop largement ouvert au nord, il semble bien n'avoir jamais été utilisé au moyen âge (3). C'est en ce lieu désert qu'était dressé le gibet (4). III. — DIVISIONS DE LA C I T E : LE C H A T E A U ET LA V I L L E Une muraille intérieure, branchée sur le rempart du Port, divisait la Cité en deux parties inégales; elle suivait d'abord une direction est-ouest, sur une longueur d'environ 400 mètres, jusqu'au point où s'élève aujourd'hui la Tour de l'Horloge. De là, prenant la direction sudnord, elle venait se raccorder aux défenses extérieures du nord-ouest. Le tronçon est-ouest a été en grande partie détruit; cependant l'examen des lieux permet de retrouver des traces suffisantes de la courtine et des tours qui la flanquaient pour qu'on les puisse indiquer sur le plan (Cf. PL. X X X V et Fig. 4 et 5) (5). Cette division de la Cité en deux parties est signalée, dès 1395, par le notaire italien Nicole Martoni : « et est « divisa civitas in qua est castrum et ecclesia sancti Johannis a burgo per menia alta et turres « altas et spissas. Burgum dicte civitatis est clausum meniis altis; in quo burgo major habi« tatio gentium est quam intus castrum, et in dicto burgo sunt stalenses, spetiarii et alii mer« catores et est conjunctus marine... « In dicto Castro est ecclesia Sancti Johannis... In dicto Castro est quoddam magnum « hospitium cum multis et magnis salis et cameris in quibus manent frerii inter quas sunt « sale et camere pulcris et variis laboribus in quibus manet magnus Magister ordinis quando « est in civitate Rodi. Et est hospitale lectorum magnum pro peregrinis et infirmis... » (6) Le Seigneur d'Anglure, qui fait escale à Rhodes en septembre 1395, y visite le « chastel », « merveilleusement bel, grant et fort. Dedans lequel est la demorance des seigneurs frères de « Rodes qui y sont demorans bien deux cents et plus. Dedans cedit chastel est l'Ospital « de Saint Jehan que l'en appelle l'Enfermerie, ouquel povres et riches sont noblement gou« vernés quant îlz sont malades » (7). Nous rapprocherons de ces textes la description de Buondelmonti, qui remonte au début e

du X V siècle (8) : (1) Une partie de ces jardins, qui existent encore aujourd'hui, est désignée sous le nom d'Egri-Liman : le port coudé, ce qui donne quelque valeur à cette tradition. (2) Cf. inf., p. 10. (3) Bourbon l'appelle également Madraqui, sans qu'il y sait confusion possible avec le port septentrional. Cf. inf., p. X X . (4) Cf. Les représentations de Caoursin (PL. I. — 2) et Breydenbach (Fig. 2). Elles ne sont pas concordantes: Caoursin indique les fourches à l'extrémité du môle; Breydenbach à la base. (5) Cette muraille est figurée par un trait continu dans le carton : « Town and Ports of Rhodes » de la carte an glaise, n° 1667, levée en 1841. (6) Le Pèlerinage à Jérusalem de N. de Martoni, ds. Revue de l'Orient latin, III., p. 583. (7) Le Saint Voyage de Jérusalem du Seigneur d'Anglure, p. 9. (8) Sur la date du Liber Insularum, Cf. Legrand. Manuscrit du Serait (p. X X I et suiv.). Selon Legrand, Buondelmonti serait demeuré huit ans à Rhodes et cinq ans dans les autres îles, soit quatorze années consécutives dans l'Egée, de 1406 à 1420.

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« Nunc autem ad comparationem antique civitatis modica est que septentrionem prosit pectat et in quatuor divisa remanet. Est autem prima que superior pars munitissima valde « in qua reverendissimus in Christo pater et dominus magnus magister hospitalis hierosoli« mitani habitat. Secunda autem a fratribus dicti ordinis possessa est : in qua est ecclesia « nobilissima sancti Iohannis edificata, quam dicti fratres honorifice tenent et semper alacri« ter totis viribus pro sancta atque catholica fide sarracenos invadunt. Tertia denique pars « munitionem cum hospitali dicti conventus resedit ad quod peregrini qui transeuntes per « rodum habent refugium. Quarta et ultima pars dicte civitatis a mercatoribus una cum « grecis habitata est : que a coloso colocensis dicitur in scripturis » (1). Nous verrons plus loin quelles précisions peuvent fournir ces diverses enumerations. Retenons, pour l'instant, que le palais du grand maître, l'église Saint-Jean, les demeures des Chevaliers et l'Hôpital constituaient une partie de la Cité distincte de celle qu'habitait le peuple. Les trois premières divisions du texte de Buondelmonti correspondent évidemment au Castrum du voyageur de 1394 et au Chastel du Seigneur d'Anglure. Quant au Burgum e

ou Burgus, il s'identifie à la Ville des textes français du X V siècle (2). S'il était besoin d'apporter quelque éclaircissement aux données précédentes, la relation de Georges Lengherand suffirait à lever toute incertitude : « Dillec allâmes veoir le Chastel et le Pallais du grand Maistre qui est encloz en icellui. Lequel Chastel est a manière d'une ville qui jrumme quand on veult contre la ville » (3). Citons encore, pour terminer, Jacques de Bourbon, racontant le sac de Rhodes par les Turcs après le siège de 1522 : « Et entrèrent lesdits ennemys par force dedans les maisons du chasteau et de la ville ». Le Château (Castello-Collacchio) (4), réservé au grand-maître et aux Chevaliers, s'oppose ainsi à la Ville (ou Bourg), résidence des bourgeois et des marchands (5). (1) Buondelmonti. Liber insularum. Manuscrit de l'Ambrosiana, Milan A. 219. inf. f° 19 (II. 30-42). Cette copie nous a été communiquée, avec une extrême obligeance, par M. le D Luigi Gramatica, préfet de cette bibliothèque. D'autre part, M. Gerola a publié les parties du manuscrit de Ravenne qui se rapportent aux îles occupées par l'Italie en 1912 (G. Gerola. Le Tredict Sporadi nel Codice classense di Christoforo Buondelmonti). Signalons de légères différences entre les deux textes correspondants : Iherosolimi (Ravenne), au lieu de hierosolimitani (Milan); catolica. au lieu de catholica; monicionem, au lieu de munitionem; peregrini et transeuntes, au lieu de peregrini qui transeuntes; choloso, au lieu de coloso. On peut constater combien sont écourtés et le texte latin publié par de Sinner d'après les manuscrits de Paris et le manuscrit du sérail publié par E. Legrand. Le premier surtout laisse de côté tous les détails. Dans l'un et l'autre, munitionem est omis : « tertia parte hospitale ipsorum visitatur ». (Ed. de Sinner, p. 73). « εν τω τρίτω δέ το οσπίτιον αυτών έστιν, εις δ'περ και συνεχώς παραγίνονται. ». Manuscrit du Sérail. Ed. Legrand, p. 27. Sur les différents manuscrits de Buondelmonti, v. également: S. Reinach. Rev. Arch., 1883, I. 75-88; Ο. Rubensohn. Ath. Mitth. X X V (1900 f. 343-349); L. Gallois. Cartogaphie de l'île de Délos, 1910, p. 9-11 et 82-83; J. Paris. Ξε'νια, Athènes 1912, p. 115-120. (2) Sur cette distinction entre le castrum et le burgus, Cf. : Archives de Malte. Lib. Bull. 1389, f° 135 v. Lib. Bull. 1392, f° 129. — Au lieu de castrum, on trouve également castellum (Lib. Concil. 1473-1478, i 99 bis, 104, 119, etc. Pièces justificatives VI, VII, VIII, X ) . Sur le château opposé à la ville, Cf. Gilles Bouvier, Le Livre de la des. cription des pays, p. 68-69. — Anonyme de 1480 (Ed. Schefer), p. 114. — Bertrandon de la Broquière, Voyage d'oultremer, p. 8-9. Les voyageurs du x v n siècle distinguent la ville haute de la ville basse. (Stochove, Voyage d'Italie et du Levant, p. 219 et suiv.). r

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(3) Georges Lengherand. Voyage, p. 103. (4) Après l'installation des Hospitaliers à Malte, le chapitre général du 13 Mars 1603 regrette que les circonstances n'aient pas permis à l'Ordre « de se bâtir une demeure dans l'enclos de son vieux et propre Convent, vulgairement appelé Collacchio, d'un mot composé du Syriaque et du Grec », et que « les Religieux vivent pesle-mesle parmy le vil populaire ». (Ordonnances du chapitre général de 1603. De la Règle I. 1.) (Naberat, p. 128-129.) (5) Un passage du récit de Ramadan, médecin de Suleiman I et témoin du siège de 1522, fait allusion à cette particularité; mais Tercier, dans son ignorance de la topographie de la Cité, donne de ce passage une version incomer

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IV. — TOPOGRAPHIE DU C H A T E A U Le Château occupe, dans la partie nord-est de la Cité, un espace de 360 mètres de longueur dans le sens est-ouest, sur 250 mètres de largeur dans le sens Nord-Sud, limité au nord et à l'est par l'enceinte extérieure et séparé du Bourg par cette muraille intérieure dont nous avons parlé plus haut. PALAIS DU GRAND-MAÎTRE

Le terrain s'élève en pente douce de l'est vers l'ouest, où se trouve le point culminant de la Cité, à une altitude d'environ dix mètres au-dessus du niveau de la mer. C'est sur ce sommet qu'est bâti le palais du grand-maître, la primaque superior pars de Buondelmonti; il n'en reste aujourd'hui que l'étage inférieur, transformé en prison par les Turcs, et qui a conservé cette destination sous l'occupation italienne. Il a subi de telles modifications qu'il serait difficile d'en dresser un plan détaillé ; on peut toutefois déterminer la masse des constructions, telle qu'elle figure sur le plan d'ensemble. EGLISE SAINT-JEAN

En face de ce palais s'élevait l'église de Saint-Jean, ecclesia nobilissima sancti Johannis, détruite, en 1856, par une violente explosion, dont les causes semblent assez mal définies (1). Le gouvernement turc a édifié depuis, sur l'emplacement de l'église, une école publique. Dans la nouvelle construction, on a remployé tous les matériaux trouvés sur place, et il ne reste aujourd'hui, de l'église elle-même, que des fragments insignifiants de l'examen desquels on ne saurait rien conclure. Les miniatures de Caoursin, les dessins de Flandin et de Rottiers permettent d'ailleurs de situer le vaisseau avec une approximation suffisante (2). Ces mêmes dessins donnent également des indications assez précises sur ce que Rottiers appelle la Loge de Saint-Jean, sorte de loggia ou de péristyle contigu à l'église, et dont quelques éléments sont encore en place (3). GRAND'RUE DU CHATEAU ( R U E DES CHEVALIERS)

Cette loge était l'aboutissement d'une rue rectiligne, artère principale du Château, qu'elle divisait en deux parties, suivant la ligne de plus grande pente du terrain ; large de 6 mètres et longue de 200 mètres, elle conduisait du palais du grand-maître et de l'église Saint-Jean aux portes qui s'ouvraient sur le port et sur la ville. préhensible, en le traduisant ainsi : « Les Infidèles du temps passé avaient construit trois forts, celui des Français, celui des Romains et celui des Rois ». Le fort des Rois n'est autre que le palais du grand-maître; mais au lieu de Français et de Romains, il faut entendre Francs et Roums, c'est-à-dire les Chevaliers et les Grecs; ainsi, le fort des Francs correspond au Château, et le fort des Roums à la ville. (Ramadan, Relation du siège de 1522, publiée par Tercier dans Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. T. X X V I , 1759, p. 738-739.) (1) Biliotti et Cottret. L'Ile de Rhodes, p. 511 et suiv. (2) Flandin. L'Orient, II. PL. 25 et 26. — Rottiers. Monuments de Rhodes, p. 295 et suiv. et Atlas PL. X L XLII-XLIII. (3) Rottiers. Atlas, PL. X X X V I I I et X X X I X . — Carne. The Holy Land, III. 34.

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C'est évidemment cette rue que Bourbon appelle la Grant rue du Chasteau (1). Elle est connue aujourd'hui sous le nom de rue des Chevaliers (2). La chaussée actuelle est moderne; il existait sans doute au moyen âge une disposition analogue à celle que reproduisent les dessins de Rottiers et de Flandin, c'est-à-dire une succession de larges gradins (3), avec un caniveau central pour l'écoulement des eaux déversées dans la rue par les gargouilles. Perpendiculairement à la Grand'rue du Château se détachent, au nord et au sud, plusieurs rues secondaires, dont le tracé répond encore dans son ensemble à celui du moyen âge. Ce quartier renfermait les auberges des différentes Langues et les demeures des dignitaires de l'Ordre ou des simples Chevaliers; les édifices ont parfois subi des transformations telles qu'il n'est pas toujours possible d'en retrouver les détails; par contre, les destructions totales sont peu fréquentes et il reste partout des traces suffisamment nettes des alignements anciens pour qu'on puisse reproduire dans ses grandes lignes le plan du Château de 1522 (4). L'HÔPITAL

La troisième partie de la Cité, signalée dans la description de Buondelmonti, semble constituer, vers 1420, une sorte de quartier distinct : « munitionem cum hospitali dicti conventus resedit ». Notons que l'hôpital auquel se rapporte ce texte n'est pas celui qui nous est parvenu; ce dernier n'est autre que la nouvelle infirmerie fondée en 1439, en exécution du testament de Fluvian, et achevée sous d'Aub usson, en 1489 (5). Au nord de cet édifice, au delà de la rue du Château, s'élève un groupe importantde bâtiments, dont le rez-de-chaussée et le premier étage, voûtés, remontent en majeure partie à l'époque des Chevaliers. Ils sont contigus à l'Auberge de la Langue d'Auvergne, à qui était réservée la charge de Maréchal (Intendant général) (6); une quantité énorme de boulets de pierre et de fer était encore, jusqu'à ces dernières années, accumulée en cet endroit. Il est donc assez plausible d'admettre que nous sommes là en présence des magasins qui renfermaient les approvisionnements et munitions de guerre de la place (munitionem). D'autre part, M. Gerola propose d'identifier l'aile occidentale de ces constructions avec l'hôpital du texte de Buondelmonti (7), et cette conjecture paraît fort vraisemblable. Une des salles du premier étage possédait en effet, sur la face orientale, une absidiole, dont on aperçoit encore les traces, et qui devait servir de chapelle par une disposition analogue à celle qu'a conservée l'hôpital de 1489. On ne saurait déterminer la nature des travaux exécutés par Carretto, dont les armes (1) « Le propos finy le grand Turcq sortit du palais et alla en l'église de Sainct Jehan puis monta à cheval et descendit du loing de la grant rue du chasteau tirant à la marine et passa par la place. » Bourbon. e

(2) Cette dénomination fut en usage dès le x v i siècle. Cf. Ms. Carlier, f° 48. (3) Rottiers. Op. Cit. Atlas, PL. X L V - L I I I - L X X I I I . — Flandin, L'Orient, II. PL. 19 et 20. Ce sont là sans doute les « molti gradi di sarizio » (pierre dure), dont parle Santo Brasca. (Viaggio, f° f. IIII v.). (4) Des auberges des différentes Langues, par exemple, celle d'Allemagne est la seule qui ait totalement disparu. On en ignore l'emplacement. (5) Bosio. Istoria, 11.209-213-236. (6) Cf. Delaville Le Roulx. Les Hospitaliers en Terre Sainte et à Chypre, p. 337, II. (7) Gerola. Il restaure dello spedale dei Cavalieri (ds. L'Arte de Venturi. Anno X V I I , fasc. V-Vl).

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figurent au-dessus de la porte; peut-être se bornèrent-ils à la suppression de cette chapelle et à la construction de l'escalier extérieur; il n'en demeure pas moins que ces bâtiments comptent parmi les plus anciens de la Cité, puisque, dans le mur oriental, sont encastrées les armes de l'Ordre et du grand-maître Roger de Pins (1355-1365). Cet hôpital primitif, compris, à l'origine, dans l'enceinte des dépôts de munitions (1), devint sans doute lui-même un groupe de magasins lorsque, sous les successeurs de Fluvian, on édifia la nouvelle infirmerie. De cette manière, la topographie de Rhodes, au début du

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siècle, appelle une légère

modification de la description de Buondelmonti : la première et la seconde partie de la Cité sont demeurées, l'une le palais du grand-maître et l'autre le lieu de séjour des Chevaliers, E

mais la troisième, depuis l'achèvement de l'hôpital du X V siècle, ne comprend plus que des magasins destinés à recevoir les approvisionnements de la place. L'ARSENAL

Ce terme désigne un établissement essentiellement maritime, un ensemble de magasins renfermant les « fers, bois, rames, filasse, estouppe, armes, voiles, et autres choses semblables » (2). Buondelmonti n'en fait point mention d'une manière explicite; mais peut-être le terme général de munitionem s'étend-il également aux matières nécessaires au gréement et à l'armement des galères (3). 'En 1458, Roberto da Sanseverino visite « la camera de la munitione de « le galee, la quale era bellissima et copiosissima ; et fra molti instrumenti bellici gli erano « alchune balestre le quale gitano grossissime sagite » (4). On ne peut envisager, ainsi que nous l'avons dit plus haut, que l'arsenal ait été situé hors des remparts; au reste, ses murailles, de 18 palmes d'épaisseur et du prix de 9 florins et demi la canne (5), ne sauraient se rapporter qu'à un pan des courtines de la forteresse. e r

Le récit de Ramadan, médecin de Suleiman I , lors du siège de 1522, signale deux maga" sins pour les vaisseaux : « le premier est dans l'intérieur de la forteresse, et c'est là qu'on met « les armes; le second, destiné aux agrès, est sur la mer, près de la place. Ce dernier est fort « vaste; il est défendu par deux forts : l'un à l'orient, du côté des moulins, et l'autre à l'occi« dent, et ces deux forts protègent également le port, où se trouvent tous les vaisseaux des « infidèles » (6). Les deux forts en question sont évidemment la Tour des Moulins et la Tour (1) Sanseverino, cite dans le même paragraphe « l'hospitale, lo quale e bello et ficto in dicto castello... et la munitione de l'instrumenti bellici ». R. Sanseverino. Viaggio, p. 60. Nous verrons d'ailleurs que, dans l'hôpital de 1489, le rez-de-chaussée servait en partie de dépôts pour les munitions. (2) Ordonnance de Raimondo Zacosta. Statuts. Des Baillifs, X. 33. (Ds. Naberat, p. 74.) C'est le sens étymologique (Dâr as sanâat ou as sanâat : arsenal maritime ou fluvial). Dans les Archives de Malte, il apparaît en latin sous le nom de tersinale ou tercinale. (Lib. Concil. 1473-78, f 99 bis, 118 bis. Pièces justificatives — V I et X ) . En italien : lo tarsinale (Pièce V). os

(3) L'arsenal était sous la dépendance du Maréchal et de l'Amiral, ce qui ne laissa pas de susciter de graves difficultés entre les langues d'Auvergne et d'Italie. Cf. Bosio, Istoria II, 283-284. L'ordonnance de Zacosta, citée plus haut, s'efforça d'aplanir ce différend. (4) Sanseverino. Viaggio, p. 57. s

(5) Lib. Concil. 1473-78, f° 118 bis, 119. (Pièces justificatives — X ) . (6) Ramadan, Relation du siège de 1522. Ds. Tercier, Mém. de l'Acad. des Inscrip. 1759, T. X X V I , p. 739.

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de Naillac; quant à l'expression près de la place, elle n'implique pas un voisinage immédiat avec la place publique, dont nous parlerons plus loin. Diverses décisions du Conseil s'accordent avec les textes précédents pour prouver que les bâtiments de l'Arsenal s'élevaient à l'intérieur de l'enceinte (1), et, selon toute vraisemblance, dans l'angle nord-est du Château. En cet endroit, on ne voit guère aujourd'hui que des traces de fondations et de murs au niveau du sol, et des retombées de voûtes le long du rempart. Une salle, voûtée en berceau, s'appuie sur la courtine septentrionale; elle est datée par les armes du grand-maître de Milly (1454-1461) (2). Si ces vestiges ne permettent pas de retrouver les dispositions de détail des bâtiments, ils attestent en tous cas la présence de vastes constructions. A Γ est, une large arcade, pratiquée dans la courtine, entre deux tours rectangulaires, s'ouvrait sur le port. Dans les miniatures de Caoursin, cette porte et les deux tours qui la flanquent sont représentées avec précision; le dessin indique également, à quelque distance du rempart, un groupe de magasins voûtés, dont l'emplacement répond aux traces de murs qu'on observe aujourd'hui : situés à proximité du port, et en communication directe avec lui, ils réunissaient, semble-t-il, toutes les conditions requises pour servir de dépôts à la marine de l'Ordre. En utilisant ces différentes données, nous avons tracé, sur le plan d'ensemble, une masse de constructions qui ne saurait prétendre à une exactitude rigoureuse, mais qui fixe les dispositions générales de l'Arsenal de 1522 (3). EGLISES DU CHATEAU

Outre l'église de Saint-Jean, le Château possédait l'église Sainte-Marie du Château, au bas de la grand'rue, et deux chapelles : l'une dans la grand'rue (Chapelle de France), l'autre dans une rue avoisinante (Saint-Démétrius). Nous justifierons plus tard ces identifications en étudiant l'architecture religieuse.

V. — TOPOGRAPHIE DE LA V I L L E La Ville occupait environ les quatre cinquièmes de la surface de la Cité Elle renfermait, avec les demeures des marchands et des bourgeois, de nombreuses églises de rite grec ou latin et les édifices publics nécessaires à l'administration. La disposition générale de la voirie se retrouve aisément; il n'y a pas de rue qui n'ait conservé des éléments des constructions médiévales suffisants pour déterminer l'alignement ancien. Ces rues sont généralement orientées nord-sud ou est-ouest; néanmoins, on ne saurait voir dans cet enchevêtrement de petites artères une composition systématique pouvant (1) Entre autres, en 1501, en prévision d'une attaque des Turcs, on créa quatre corps de garde : le quatrième devait se tenir « alla Piazza e all'Arsenale ». Bosio, Istoria II. 547. (2) Une inscription turque relate que « le Sultan Abd-ul-Madjid, qui a déployé ses efforts pour perfectionner la forteresse, a élevé cette poudrière (Djaba-Khaneh) ». Toute cette région était, au temps des Turcs, occupée par des dépôts d'armes, munitions, etc. Les Italiens y ont installé les magasins généraux de l'Intendance. (3) Cf. Plan d'ensemble (PL. X X X V ) et Plan de la région nord-est (PL. X V I I I ) .

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fournir une indication sur le plan antique tracé par Hippodamos de Milet; tout au plus, peut-on supposer que ces directions nord-sud et est-ouest, qui dominent aujourd'hui, étaient les deux axes rectangulaires suivant lesquels s'orientaient les rues de la ville hellénique.

LA PLACE

Les miniatures de Caoursin indiquent dans la Ville un large espace libre qui longe la muraille méridionale du Château, puis les remparts du Port jusqu'au Môle des Moulins, et s'étend même au delà, vers le sud. Cette esplanade correspond, en partie au moins, à la magna et communis platea, qui servait de marché, macellus rhodi ou macellus burgi rhodi, (1) et qui, aujourd'hui, est presque totalement occupée par le bazar moderne. La place actuelle du quartier juif en formait l'extrémité orientale : c'est là que s'élevait l'église Saint-Sébastien (2), qu'on peut identifier à la mosquée Yeni-Tcheri Djami ou YeniDjami. Au delà se développait cette carreria longa circa mare, seu portum, qui donna naissance, dans la suite, aux plus larges rues de la ville, les rues actuelles du quartier juif parallèles au rempart. Cette place, si elle fut au début un espace entièrement libre, ne tarda pas à se couvrir de constructions : on y éleva des magasins dès 1389-1392 (3), et si l'on examine à la loupe les miniatures de Caoursin, on y observe, entre la muraille du Château et les maisons de la ville, le tracé de quelques bâtiments qu'on s'est efforcé de masquer sous une retouche de gouache. Actuellement, on peut distinguer, vers le centre du bazar, deux rangées de magasins voûtés, enchevêtrés dans des boutiques modernes; l'un d'eux porte les armes de Carretto. Il est d'ailleurs évident que les remparts de Rhodes constituant une ceinture immuable, on était contraint d'utiliser les terrains disponibles pour élever les magasins ou les édifices publics que les circonstances rendaient nécessaires; c'est ainsi qu'on réduisit peu à peu la surface de la Place, qui devait s'étendre, vers 1522, entre la Porte de la Marine et l'Eglise Saint-Sébastien : du reste, elle ne rappelait en rien nos places publiques d'Occident, groupant, suivant une composition architectonique, les principaux monuments d'une ville. A Rhodes, la Place ne fut jamais qu'un espace libre, de plus en plus restreint, place du marché avant tout, ................................., sur laquelle le peuple se réunissait aussi bien pour les transactions commerciales que pour les fêtes et les cérémonies religieuses (4).

(1) «...aliis duobus hospitiis de novo constructis situatis in magna et communi platea dicti burgi eadem circumcinctis... alio magasine. situato in dicto burgo iuxta macellum rodi... » Lib. Bull. 1389, f° 135 v. En 1391, Domenico d'Alemagna ayant fondé une chapelle dédiée à la Vierge Marie, dans l'église Saint-Jean, la dote entre autres de : « magasena nova numéro quatuordecim sita et fabricata in platea ubi venduntur blada et cetera legumina confrontata anterius cum Castro Rodi ». Lib. Bull. 1392, f° 129. (2) « Edem Sancti Sebastiani foro sitam de industria magister non transit ». Caoursin, De casu regis Zizimi, Cf. Lib. Bull. 1460, f» 214. (3) Lib. bull. loc. cit. et 1392, f° 124. (4) V. dans Caoursin les fêtes de la réception de Zizim (Djem) et de la translation de la main de Saint-JeanBaptiste (De translatione). Dans les miniatures, on observe deux croix : l'une dans le voisinage de l'église Saint-Sébastien, l'autre à l'extrémité occidentale de la place (vers la mosquée de Suleiman actuelle). C'est auprès d'une de ces croix, appelée croix de la padelle, que fut dressé l'échafaud de d'Amaral, en 1522 (Bourbon). C'est également sur la place qu'eut lieu l'exécution de Maître Georges, pendant le siège de 1480 (Merri Dupui, dans Vertot, op. cit., p. 610).

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L A VOIRIE

Sauf dans la partie orientale du quartier juif, où les rues qui se développent parallèlement au rempart atteignent une dizaine de mètres de largeur, la Ville ne possède qu'un réseau inextricable de ruelles dont la largeur varie entre 5 et 2 mètres (1). Les nombreuses arcades qui franchissent les rues ont pour unique but d'assurer la stabilité des maisons sur lesquelles elles s'appuient, et en particulier de s'opposer au déversement des murs en cas de tremblement de terre; nous ne croyons pas qu'on puisse dater du temps des Chevaliers beaucoup de ces arcs de soutien : la construction en est généralement peu soignée et la manière dont ils viennent buter contre une corniche, dans un ornement sculpté, et même dans un blason armorié, suffit à prouver qu'ils ont été pour la plupart établis par les Turcs (2). LES EGLISES

Parmi les différentes églises qui ont été situées sur le plan d'ensemble, les unes, et c'est le plus grand nombre, transformées en mosquées, sont encore intactes. D'autres ont été affectées à des usages variés (habitations, magasins, étables) ou sont à demi ruinées; on en peut cependant déterminer les dimensions. Nous avons supposé, en outre, que les cinq grandes mosquées, bâties entièrement par les Turcs, avaient remplacé des églises détruites par les conquérants ; car c'est une loi générale que les temples des différentes religions se succèdent sur le même emplacement. Nous avons donc, à l'endroit où s'élève chacune de ces mosquées, indiqué la masse, convenablement orientée, d'une église : la forme et les dimensions du sanctuaire restitué ont été nécessairement fixées d'une manière arbitraire.

MONUMENTS DE LA VILLE

On retrouve dans la ville, butre les églises, de nombreuses maisons d'importance variable et des édifices auxquels leur plan assigne une destination spéciale. Nous nous réservons d'en tenter l'identification lorsque nous étudierons l'architecture civile. Du monument qu'a reproduit Rottiers sous le nom de Chatellenie (3), il ne reste plus que des substructions : il s'élevait dans la grande rue du Bazar, à mi-hauteur de la muraille méridionale du Château. On désigne aujourd'hui, à tort, sous le nom de Chatellenie, un édifice attenant au rempart du port et transformé en mosquée (Bezesten-Djami) : c'était au moyen âge, croyons-nous, la Cour du Commerce. L' Hospice de Sainte-Catherine est maintenant une demeure privée du quartier juif (4);

(1) Le fait est noté très exactement par Lengherand : « Et quant à la ville de Rodes les rues sinon une sont fort estroictes, et par dedans ne monstre pas d'estre bien belle ville ». Lengherand, Voyage, p. 103. (2) Par contre, on doit dater du moyen âge les passages voûtés de quelque étendue, qui, au premier étage, ne sont que des dépendances des maisons voisines; par exemple, dans la rue des Chevaliers, entre les auberges d'Espagne et de Provence. (3) Rottiers. Atlas, PL. X X V - X X V I X L I V . (4) Gerola. I Monumenti medioevali delle tredici Sporadi, I. p. 309.

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sur la place voisine, une grande maison, fort bien conservée, répond sans doute à l'Archevêché. QUARTIER JUIF

Sous la domination de l'Hôpital, les Juifs étaient déjà groupés en un quartier spécial, la Juifrie (1) ou Giudecha (2), situé comme aujourd'hui dans l'angle sud-est de la ville. Philibert de Naillac (1396-1421) en avait réduit les limites (3); en 1480, ce quartier eut beaucoup à souffrir des attaques des Turcs, dirigées contre la muraille orientale (4). Pour récompenser ses habitants de leur belle conduite pendant le siège, « induisit idem papa (Sixte IV) ut Iudaeis nova ædificaretur synagoga » (5). Les synagogues actuelles sont entièrement modernes.

V I . — LES A L E N T O U R S DE LA C I T E Pour compléter la représentation graphique de la Cité de Rhodes, il resterait à figurer les abords du rempart. Une indication constante de Caoursin, dans ses diverses miniatures, reproduit un certain nombre de chemins qui s'éloignent de la ville vers l'intérieur de l'île; ils semblent correspondre aux routes actuelles. C'est ainsi que nous avons tracé sur le plan l'amorce de ces chemins, qui, des portes de la forteresse, conduisent vers la plaine d'Akandia, vers Koskino, vers Trianda.

EGLISE SAINT-ANTOINE ET CIMETIÈRE DES CHEVALIERS

Sur la rive du Mandraki, en face de la Tour Saint-Nicolas, s'élevait, dès 1395, l'église Saint-Antoine « cum magno cortilio, quasi unius modii, clauso ad portam » (6). Cet enclos, qu'entouraient des jardins plantés d'arbres fruitiers, était réservé aux sépultures des Chevaliers. N i c o l ó Martoni en vit cinquante et une « ad arcus et lamias » (7) ; Breydenbach et Caoursin figurent l'église et le cimetière. Celui-ci correspondait, en partie au moins, à l'enceinte du « Tekkyé », qui, à l'est de Neokhori, groupe autour d'une mosquée quelques tombes musulmanes. En 1480, l'église fut utilisée par les Turcs dans leurs attaques contre la Tour SaintNicolas ; aussi, après le siège, sa destruction fut-elle ordonnée, et on ne laissa subsister qu'une petite chapelle, « ch'era nel fianco di detta chiesa, che guardava verso il Castello di Rodi » (8) ; c'est là qu'on célébrait les offices des morts. Cependant, l'année suivante, on décida de recons-

(1) Merri Dupui. Relation du Siège de 1480, dans Vertot. Ed. Paris 1726, p. 605. (2) Santo Brasca. Viaggio, f° IIII, verso et sq. Ce quartier s'étendait jusqu'à la torre de li lombardi = Tour d'Italie. (3) Delaville Le Roulx. Les Hospitaliers à Rhodes, p. 355. (4) Iudeorum edes (que in pomerio erecte erant) diruuntur. Caoursin. Obsidionis descriptio. (5) Faber Félix. Evagatorium, III, 260. Par contre, durant les dernières années du magistère de d'Aubusson, les Juifs furent cruellement persécutés. (6) N. de Martoni. Op. cit., p. 585. (7) Ibid. Cf. également. Arnold von Harff, éd. Groote, p. 71. — Lengherand, Op. cit., p. 106. (8) Bosio. Istoria, II. 429.

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TOPOGRAPHIE

truire l'église, « con piu sontuosa fabrica e con piu ampio Cemeterio » ( I ) . C'est à cette dernière transformation que se rapporte notre plan (PL. X X X V ) . JARDINS

Les faubourgs modernes, séparés de la ville par les cimetières, forment évidemment des agglomérations beaucoup plus denses qu'au moyen âge. Il existait toutefois, à cette époque, comme le dit Merri Dupui, « tout autour de ladicte ville beaucoup de jardins et tout plain « de petites maisons, églises et chapelles des Grecs » (2) ; mais toutes ces constructions, comme celles de notre zone militaire, devaient être rasées dès que l'approche de l'ennemi était sie

gnalée (3); et l'on peut constater, d'après les représentations graphiques du X V siècle, qu'il ne s'agit là que de maisons et de chapelles isolées et npn point de villages analogues aux faubourgs modernes. Les dessins de Caoursin et de Breydenbach expriment naïvement que toute cette campagne était couverte de jardins et de vergers. Félix Faber le note avec précision : « per cir« cuitum urbis, in locis ubi mare muros non tangit, sunt horti et viridaria et pomeria qui ir« rigantur ex cisternis ibi fossis » (4). Les jardins étaient plantés^d'orangers, de citronniers et d'arbres de toutes les espèces; chaque propriété possédait un pavillon et un moulin à vent mettant en mouvement une roue élévatoire, et cette banlieue s'étendait au loin, à plus de trois milles de la Cité (5). L'île de Rhodes était au moyen âge, comme elle l'est encore aujourd'hui, l'oasis verdoyante des Sporades méridionales. (1) Bosio. Istoria, II. 435. (2) Merri Dupui. Relation du Siège de 1480, dans Vertot. Op. cit., p. 599. (3) V. les préparatifs des Sièges, dans Dupui, Bourbon, Fontanus. (4) Faber Félix. Evagatorium, I I I . 254. (5) N. de Martoni. Op. cit., p. 584.

CHAPITRE

IDENTIFICATION

I

DES

OUVRAGES

Α. - LE VOCABULAIRE T E C H N I Q U E L'indécision dans le choix des systèmes demeure la marque distinctive de la période de transition de l'art militaire, à la fin du X V et au début du X V I siècle. Devant les progrès e

e

croissants de l'artillerie, les moyens de défense se compliquent; les ouvrages se transforment, et, tout en gardant leurs désignations d'origine, ne conservent plus que de lointains rapports avec leurs prototypes. D'autre part, l'intervention des ingénieurs étrangers, l'influence prépondérante de telle ou telle école ajoutent à la confusion des méthodes et du vocabulaire. Il en résulte qu'à la même époque des termes identiques sont employés parfois dans des sens différents, d'un pays à un autre : c'est ainsi, par exemple, que le mot barbacane s'applique en France à un ouvrage avancé et correspondrait plutôt au rivellino des Italiens; par contre, e

il barbacane désigne au X V siècle, en Italie, ce que les Français appellent la fausse-braie, le terme de jalsabraga n'ayant été usité dans la péninsule qu'après l'expédition de Charles VIII (1). Il serait hors de propos de vouloir étudier ici les variations de sens de ces différents termes. On devrait d'ailleurs posséder, pour établir un tel vocabulaire, une série de monographies d'art militaire qui font totalement défaut. Nous avons cru utile cependant, pour l'intelligence de ce qui va suivre, de donner une explication succincte des termes les plus fréquemment employés et de déterminer aussi précisément que possible à quelles sortes d'ouvrages ils correspondent à Rhodes. COURTINE. — La courtine ou mur d'enceinte continu se termine par un chemin de ronde protégé par un parapet à créneaux et merlons, percé de meurtrières ou archères; à la fin du XV

e

et au début du X V I siècle, elle est remparée, c'est-à-dire renforcée par des massifs de terre, e

et désignée souvent sous le nom de terre-plein. A cette époque, les créneaux font place à des embrasures de types divers, pour l'installation de l'artillerie. FAUSSE-BRAIE. — A la base de la courtine, vers le fossé, règne un étroit passage protégé par un parapet : c'est la fausse-braie, souvenir du προτείχισμα des Byzantins. Un voyageur de 1485 remarque les faulses brayes de Rhodes, qui se développent sur le circuit presque entier (1) Sur cette question du vocabulaire technique, particulièrement en Italie, Cf. C. Promis. Dell'arte dell'ingegnere e dell'artigliere in Italia. (Annexe au Trattato di architettura di Francesco Martini pubblicato da C. Saluzzo. Turin, 1841).

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LA CITÉ DE RHODES

du rempart (1); le mot, cependant, ne semble pas avoir été employé communément par les Chevaliers, et on ne le rencontre ni dans Bourbon, ni dans une ordonnance de 1465 où apparaissent de nombreux termes de fortification (2). Dans ces textes, il est souvent question par contre, de barbacane ou barbaquenne; ce terme, croyons-nous, ne doit pas être pris dans le sens qu'on lui donne généralement en Occident, où il désigne un ouvrage avancé devant une porte ou une tour. Ici, il semblerait plutôt se rapporter aux fausses-braies (3) et s'étendre, en outre, aux ouvrages qui flanquent les boulevards et sont situés à peu près au même niveau que les fausses-braies (4). Ce serait un emprunt au vocabulaire des Italiens, chez lesquels, comme nous l'avons dit, il barbacane correspond à notre fausse-braie. Pour éviter toute confusion sur ce point, nous appliquerons la dénomination de faussebraie aux défenses qui longent la base des courtines, et réserverons celle de barbacane aux ouvrages qui flanquent les boulevards. e

TOUR. — Les tours demeurent, jusqu'au X V siècle, le seul flanquement direct des courtines, sur lesquelles elles avaient à l'origine un commandement très élevé. Abaissées, dans la suite, à un niveau voisin du chemin de ronde, elles se rapprochent alors des ouvrages qu'on appellera plus tard bastions; on ne saurait toutefois les désigner sous ce terme de bastion, qui n'est employé que par les auteurs modernes. BOULEVARD. — Quelle que soit l'origine de ce mot, il s'applique à Rhodes aux défenses avancées des tours et des portes, et ces défenses, dans leurs transformations successives, conservent le nom de boulevard, à l'exclusion de tout autre, qu'il s'agisse d'une muraille basse, sorte de courtine de faibles dimensions, ou d'un massif plus ou moins étendu. De même que pour les tours, le terme de bastion, appliqué à ces défenses, est impropre. RAVELIN. — Nous n'userons qu'exceptionnellement de cette expression qu'on ne rencontre point dans les textes français : elle n'est d'ailleurs que la traduction de rivellino, qui, en italien, s'applique à tout ouvrage avancé, notamment à ce que nous appelons boulevard (5). Le mot de ravelin nous servira cependant à désigner des ouvrages particuliers qui ne rentrent ni dans la catégorie des boulevards, ni dans celle des barbacanes. OUVRAGES BAS DANS LES FOSSÉS.

— Les galeries ménagées, au niveau du fossé, dans les

œuvres basses des boulevards sont des casemates; lorsqu'une galerie couverte, détachée de la

(1) G. Lengherand. Voyage, p. 103. (2) Cf. inf. p. 19 et suiv. et Pièces justificatives, I. (3) Parmi les tours de garde, dont le Conseil décide la construction le 7 mai 1476, on cite « unam aliam turrim grossam cum barbaquennis in dictis littoribus versus Sanctam Martam ». (Lib. Concil, 1473-78, f° 107.) Barbaquenna est, ici, très certainement, l'équivalent de fausse-braie. D'autre part, on estime que le mur situé entre la Tour Saint-Pierre et la Tour de Plaignes peut être détruit en vue de la construction du nouveau mur, étant donné que « barbaquenna est de novo instructa et restaurata ». (Lib. Concil, 1473-78, f° 104. Pièces justificatives, VIII.) Ce passage ne s'explique qu'en donnant à barbaquenna le sens de fausse-braie. (4) C'est ainsi qu'à diverses reprises, dans Bourbon, il est question des barbacanes des boulevards : « Et de cette manière furent seigneurs de la barbacane » (du boulevard d'Espagne). « Il entra au Bollouard Dauvergne et passa par la barbacane ». — «... Et le maistre regardait par les canonnières de la barbacane dedans le fossé ». Cf. également, p. 19, note 1. (5) Le nom de baluardo fut porté en Italie par Charles VIII. (Promis, op. cit., p. 325.)

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IDENTIFICATION DES OUVRAGES

courtine, s'avance isolée dans le fossé, c'est un moineau; enfin, lorsqu'elle franchit le fossé tout entier, c'est une caponnière. Bourbon désigne, semble-t-il, les casemates inférieures des boulevards sous le nom de mynes (1); nous notons cet emploi, mais nous ne le suivrons pas, car il peut donner lieu à confusion. CHEMIN COUVERT.

— Le chemin couvert, dont nous ne trouverons à Rhodes qu'un seul

exemple, s'étend au-dessus du mur de contrescarpe, entre celle-ci et le glacis. Nous donnons ci-après l'équivalence des termes précédents, en français, en italien et en latin : ce tableau résulte de comparaisons entre différents textes se rapportant aux remparts de Rhodes; il n'a rien d'absolu, étant donné le flottement observé à diverses reprises dans l'emploi de ces termes. Français

Italien

Latin

Courtine.

Cortina, Mura.

Murus.

Fausse-braie.

Barbacane.

Promurus, Barbaquenna.

Boulevard. Barbacane.

Beluardo, Rivellino, Antiporto. Barbacane.

Propugnaculum. Antemurale.

B. — I D E N T I F I C A T I O N S Il convient d'autre part, avant d'entreprendre la description et l'étude des remparts, de rechercher quels vocables particuliers distinguaient, au moyen âge, les différents ouvrages de la forteresse. Les noms turcs qu'ils portent aujourd'hui (Kyzil Capou, Egri Capou, etc.) (2) ne rappellent en rien les désignations primitives, et les auteurs modernes, recueillant certaines traditions erronées, ont accrédité nombre d'inexactitudes (3); il est donc nécessaire de procéder à une identification préliminaire des portes, tours, boulevards, etc. Les récits des sièges, dans Caoursin, Bourbon, Fontanus, et les relations des pèlerins et des voyageurs, renferment d'utiles indications; mais la nomenclature la plus complète nous est fournie par un texte original, daté de 1465 et conservé aux Archives de Malte. C'est une ordonnance du grand-maître Raimondo Zacosta, rédigée en français, qui assigne à chacune des Langues (4) son poste de combat. Le rempart y est divisé en huit secteurs correspondant aux huit Langues de l'Ordre, et les limites de chaque poste sont fixées par des ouvrages impor(1) Le terme s'applique à la fois des galeries souterraines, creusées tant par les Turcs que par les assiégés (mynes et contremynes), et aux ouvrages permanents établis dans les boulevards : «...Frère Desdier de Tholon... feist mettre l'artillerie tant grosse que menue en tous les lieux nécessaires, tant sus la muraille de la ville qu'aux bollouards et aux barbacanes et mynes desdits bollouards... » (Bourbon, op. cit.) Au cours du siège, le Boulevard d'Espagne étant occupé par l'ennemi,! Bourbon réussit à y rentrer « par la porte de la myne ». (2) Kyzil Capou (la porte rouge) = Porte de Koskino; Egri Capou (la porte coudée) = Porte d'Amboise. (3) Cf. ce que nous avons dit plus haut des ouvrages des ports, p. 4, n. 2, 3, 5. V. également inf. l'identification de la Porte Sainte-Catherine (p. 22) et de la Tour du Trébuc (p. 24). (4) Rappelons qu'à Rhodes les Hospitaliers étaient d'abord répartis en sept Langues : France, Auvergne, Provence, Italie, Espagne, Angleterre, Allemagne. Ce n'est que sous le magistère de Zacosta que la Langue d'Espagne « fut divisée en deux Langues sous une Auberge » : Aragon d'une part, Castille et Portugal de l'autre. (Statuts. Titre X, 34.)

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LA CITÉ DE RHODES

tants, nommés successivement, en partant du Palais et en faisant le tour complet des murailles (1) : « Primo la langue dalemagne tient la poste qui commence aux deux tournelles tenans a « lostel de monsegneur le mastre, non contant les predictes tournelles iusques a la porte de « sainct george, non contant la predicte porte de sainct george, comprehendant en la dicte (2) « porte de sainct anthoine torres muralle et barbaquennes hault et bas estans entre les pre

-

« dictes deux termes » (3). Les deux tournelles voisines du Palais du grand-maître sont encore en place; elles marquent la jonction de l'enceinte extérieure de 1465 avec la muraille du château. (P.L. IV. 1-2.) On retrouve aisément l'emplacement de la Porte Saint-Georges, aujourd'hui murée; un bas-relief de Saint-Georges décore la tour qui la commandait (4). Quant à la porte intermédiaire de Saint-Antoine, qui était, au temps de Zacosta, une des portes extérieures de la ville, elle devint, à la suite des travaux de d'Amboise et de Carretto, une simple poterne intérieure. (P.L. III. 1.) « La langue daulvergne tient la poste qui commence a la dicte porte de sainct george « iusques a la tour despaigne comprehendant en la dicte poste la dicte porte tour et boulevard « de sainct george la muralle tourres et barbaquennes estant entre les predictes deux termes « non comptant ne compnnze la dicte tour despagne ». Le Boulevard de Saint-Georges défendait la tour et la porte du même nom; il correspond au Boulevard d'Auvergne, dont l'état actuel est le résultat des transformations effectuées par d'Aubusson et Villiers de l'Isle-Adam. Nous rechercherons plus loin quelles étaient ses dispositions en 1465. « La langue dengleterre tient la poste qui commence a la dicte tour despagne contant et « comprinze la dicte tour iusques a la tour de saincte marie non comprendant le dessus dicelle « tour que tient la langue darragon mais bien le dessoub et magasin dicelle tour avec le boule« vert dengleterre (5) muralle barbaquennes hault et bas estans entre les predictes deux « termes reserve la partition dicelle tour de saincte marie de laquelle comme il est le dessus « tient la langue darragon et le bas tient engleterre ». Ce passage permet de situer la Tour d'Espagne et la Tour Sainte-Marie; cette dernière est désignée d'ailleurs par un bas-relief de la Vierge, avec une dédicace datée du magistère de

(1) Lib. Concil., A.D. 1459-1466, f° 144 v. et suiv. Nous donnons plus loin ce texte in-extenso. V. Pièces justificatives, I. (2) 11 faut entendre : comprehendant en la dicte (poste la) porte de sainct anthoine... (3) Ce texte fut connu de Bosio, qui en donne dans son Istoria (II. 293-294) une traduction complète. Nous citerons seulement le passage correspondant au premier alinéa: « Alla lingua d'Alemagna fù assegnata tutta la parte délie « mura, che commincia dalle due Torri, che sono vicine al Palagio del gran Maestro; fin alla Porta di San Giorgio; « comprendendosi in questa posta, la porta di Sant'Antonio, con tutte le Torri, muraglie e barbacani alti et bassi, « che frà i due termini sopradetti si contengono ». On voit que la version italienne est une interprétation fidèle du texte français; ceci nous permet d'apprécier la valeur de la documentation fournie par Bosio sur les points nombreux où la pièce originale nous fait défaut et où nous nous sommes basés sur l'Istoria. (4) V. PL. X X V I I I , 1. (N° 26). (5) Bosio (loc. cit.) traduit improprement par : « ...insieme col Bastione d'Inghilterra ». Cette inexactitude est répétée plusieurs fois.

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Lastic (1441) (1). Le Boulevard d'Angleterre ne pouvait être qu'un ouvrage avancé, au pied de la Tour Sainte-Marie. Il fut transformé, dans la suite, de manière à constituer le boulevard qui nous est parvenu, mais les Chevaliers d'Angleterre ne cessèrent pas d'en assurer la défense, et l'ouvrage conserva sa désignation première. « Lune des langues despaigne appellee arragon qui contient les castellenie damposte « priores de cathalogne et navarre tient la poste qui commence au dessus et hault de la dicte « tour de saincte marie jusques a la porte de coquino excluse et non comprehendant la dicte « porte contenant et comprinzes la porte de sainct atanase tour dicelle porte muralle barba« quennes hault et bas estans entre les predictes deux termes avec la porte bolevert (2) situe « asses pres de la dicte porte de coquino ». La Porte de Coquino (ou Cosquino) a conservé son nom : nous adopterons la transcription de Koskino (3). Sur la première tour, située à l'est de la Tour Sainte-Marie, on observe un bas-relief accompagné de l'inscription : ΑΘΑΝΑCΙΟC (4). L'ouverture pratiquée dans la courtine au droit de ce flanquement correspond à la partie intérieure de la Porte Saint-Athanase; nous verrons plus loin, en étudiant les détails de cette région, comment ont été modifiés les ouvrages avancés de la Porte, contigus au Boulevard d'Angleterre; ils sont aujourd'hui sans issue vers les glacis, mais il demeure certain qu'en 1465, c'est là que s'ouvrait la porte dédiée à SaintAthanase (5). Quant à la porte bolevert, voisine de la Porte de Koskino, elle appartenait sans doute à un ouvrage défensif avancé, modifié par les travaux ultérieurs et dont on ne saurait fixer l'emplacement exact. « La langue de provence tient la poste qui commence a la porte de coquino contant la « dicte porte avec son boulevert iusques a la tour dytalie non comprehendant ladicte tour « dytalie contenues et comprinzes la muralle barbaquenne et tourres aussi que celle de la « dicte porte de coquino et ledicte boulevert hault et bas iusques a celle tour dytalie. « La langue dytalie tient la poste qui commence a la tour deja dicte dytalie comptant la « dicte tour avec la porte et boulevert iusques a le schielle (6) de saincte Catherine compren« dant les muralles barbaquennes tourres boulevert hault et bas estans entre les predictes deux « termes reserve la barbaquenne qui commence de la première porte du molle laquelle tiendra « le capitaine du dicte molle. O

(1) V. PL. X X V I I I , 3. (N 38). (2) Bosio a lu par erreur : le petit boulevard (picciolo beluardo). (3) Le village actuel de Koskino existait déjà au moyen âge. (Cf. Bosio. Istoria, II. 640-653.) La porte d'où partait le chemin menant à Koskino prit le nom du village. (4) V. PL. X X V I I I , 4. (N° 44). (5). Le vocable d'Athanase n'est pas douteux malgré l'erreur de Bourbon : « Le grand-maître, adverty de la grande baterie contre la poste Dangleterre, partit de la Victoire où il estoit logé et s'en vint à la porte nommée Sainct Anastace et logea soulz ladicte muraille Dangleterre, où se faisoit la baterie ». Fontanus (De Bello Rhodio) cite à plusieurs reprises la Porte Saint-Athanase : « ...ad radices portée Athanasianae... (II. 64) ...porta Sancti Athanasii... (II. 68) ...portam Athanasianam, quam aliter propugnaculum Anglorum vocamus... (II. 67). Cette dernière désignation lève toute incertitude. (6) L'échelle ou escalier de Sainte-Catherine. La suite du texte montre que cet escalier était situé à la Porte SainteCatherine.

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LA CITÉ DE RHODES

« L'autre langue des langues despagne nommee castille qui contient les priores de castille « et de portugale tient la poste qui commence a la porte de saincte Catherine par laquelle on « va au dicte molle comptant le dessus de la dicte porte et non le bas iusques due chasteau « comprinzes la muralle barbaquenne tours et bolevert du port estans entre les dictes deux « termes ». De la Porte d'Italie, on ne voit plus aujourd'hui que la trace d'un arc plein cintre, percé dans la courtine, au droit d'une tour construite par Carretto et dont le noyau central, plus ancien, devait correspondre à la Tour d'Italie. Nous ignorons à quelle date fut supprimée cette porte; elle n'est pas visible dans les miniatures de Caoursin, mais on ne saurait tirer de ce fait une conclusion catégorique : un chemin extérieur, figuré entre la Porte de Koskino et la mer (1), laisse supposer qu'en 1480 il existait dans cette région une entrée dans la ville; en tous cas, elle fut condamnée dans la suite, probablement lors de la reconstruction des remparts du sud, en partie détruits pendant le premier siège. L'escalier de la Porte Sainte-Catherine était la limite extrême du poste de la Langue d'Italie. Les auteurs modernes ont désigné sous le nom de Porte Sainte-Catherine celle qui comprise entre deux tours circulaires, conduit directement du bazar au port; ils ont cru voir dans la figure mutilée de la Vierge Marie, qui orne la façade, une représentation de SainteCatherine (2) : de là l'erreur si souvent répétée. On doit chercher ailleurs l'emplacement de cette porte, dont on retrouve mention dans les récits du siège de 1522. Villiers de l'Isle-Adam, avant l'arrivée des Turcs, « feist mettre a fons certains vieulx navires derrière ladicte tour des « Mollins, c'est assavoir au Madraqui de paour que les ennemys ne se essayassent d'entrer « avec quelque nombre de gallères par ledit Madraqui pour gaigner le Molle des Mollins et « depuis venir a une des portes de la ville que on dit la porte de Saincte Katherine » (3). Or, la communication la plus directe entre la Ville et le Môle est assurée par une baie ogivale, percée dans un redan de la courtine, à 50 mètres environ de la base du Môle; deux écussons de marbre surmontent cette ouverture; si la croix de l'Ordre se distingue aisément sur celui de gauche, il nous semble impossible d'identifier celui de droite : au reste, appartiendrait-il à Orsini ou même à d'Aubusson que la technique de la partie inférieure de la porte, notamment l'arc ogival, permettrait d'en faire remonter la construction à une date antérieure à 1465 (4). Au niveau du chemin de ronde, on observe les restes d'un emmarchement qui, sans doute, mettait la plate-forme supérieure en communication directe avec le sol de la rue : ce serait là (1) V. notre reproduction du f° 32. (PL. I. 2.) (2) Déjà Flandin (Hist, des Chevaliers de Rhodes. Tours, 1864) avait reconnu une Vierge Marie dans la figure de la soi-disant Sainte-Catherine. M. Gerola adopte cette identification, mais ne formule pas de proposition très nette sur l'emplacement de la porte Sainte-Catherine. (Gerola. Monumenti mediœvali delle Tredici Sporadi, I. p. 219, η. 1.) (3) Bourbon. Op. cit. Le Madraqui désigne ici la Baie d'Akandia : l'allusion à la Tour des Moulins exclut toute confusion avec le port septentrional. (4) On pourrait même supposer qu'elle existait dès 1391. Le 20 Avril 1391, « frater Domenicus de Allamania... quoddam hospitale cum quadam capella interius fabricata sub nomine virginis Catherine fondavit edificavit et instrui fecit in burgo Rodi iuxtum menia porte scilicet moduli ». Lib. Bull., 1389, f° 135 v. Cette Porte du Môle, voisine de i'Hospice de Sainte-Catherine, répond sans doute à la Porte Sainte-Catherine de l'ordonnance de Zacosta.

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LA CITÉ DE RHODES

l'échelle ou escalier de Sainte-Catherine. En outre s'élève, dans le voisinage, l'édifice important que M. Gerola suppose, à juste titre, avoir été l'hospice de Sainte-Catherine (1). Pour ces raisons, il nous semble plausible de voir en cette entrée la Porte Sainte-Catherine, d'autant mieux qu'on assigne ainsi à la Langue d'Italie la défense d'une partie du rempart en rapport avec le nombre de ses Chevaliers (2). La barbaquenne, qui commence de la première porte du molle, désigne évidemment un ensemble de constructions basses, s'étendant au pied de la courtine, entre la Porte SainteCatherine et le Môle. En cet endroit s'élèvent aujourd'hui des magasins modernes, mais on peut restituer, d'après les indications minutieuses de Caoursin, cette sorte de fausse-braie, doublée d'un fossé et munie d'une poterne donnant accés au Môle. La langue de Castille a des limites clairement fixées. Le Boulevard du Port, dont elle assumait la défense, est situé à l'ouest de la Porte Sainte-Catherine, au pied de la courtine : il est encore intact. « La langue de france tient la poste qui commence a la porte du chastel qui entre en la « ville comptant la dicte porte iusques au palais de monsegneur le mastre comprinzes muralle « barbaquenne et les tours estans entre les dictes deux termes hault et bas aussi comptes les « boleverts de sainct pierre et de la tour du trebuc (3) qui regarde sur le molle de sainct « nicolay. « La garde de lostel de monsegneur le mastre avec ce qui reste de la dicte partition devant « le dicte hostel est a lordonnance et disposition de monsegneur ». On a vu plus haut que le secteur réservé à la Langue de Castille se terminait au château; la Porte du Château, où commençait le poste de la Langue de France, correspond donc à la première porte, située à la jonction de l'enceinte avec le mur méridional du Château. Ainsi, en 1465, la Langue de France occupait les remparts du Château, à l'est et au nord. La Tour Saint-Pierre est identifiée par une figure de l'apôtre, surmontant les armes de Zacosta et du pape Pie II Piccolomini; le Boulevard de Saint-Pierre répond évidemment au boulevard polygonal qui protège la base de la tour et duquel se détache un ravelin s'étendant jusqu'au Mandraki. On semble avoir admis comme évident que la Tour du Trébuc ou du Trabucco n'est autre que la Tour de Naillac. Pourquoi, dans ce cas, ne serait-elle pas désignée sous le nom de Tour Naillac qu'elle porte toujours dans les textes originaux? Et, d'autre part, le Boulevard de la Tour de Naillac ne saurait être considéré comme regardant sur le Môle Saint-Nicolas (4). Aussi, proposons-nous de situer la Tour du Trébuc à l'emplacement de la tour circulaire qui flanque le saillant des courtines au nord-est du château.

(1) Gerola. Monumenti medioevali. I. 309. (2) D'autre part, la Porte Sainte-Catherine ne pouvait être très proche du Château puisque le Poste de Castille, qui devait avoir un développement assez important, s'étendait entre la Porte et le Château. (3) Trébuc = Trébuchet. En italien : Trabucco. (4) Bosio, qui très certainement écrivit son histoire d'après des documents authentiques, précise la situation de la tour : Zacosta fonde la Tour Saint-Nicolas « sopra alcuni eminenti scogli, che dalla Città e dalla Torre del Trabucco partendosi; a guisa d'un braccio in mare si stendono ». (Bosio, II. 293.) Or, le Môle Saint-Nicolas se détache du rivage à plus de cent mètres à l'ouest de la Tour de Naillac et devant la Tour dite aujourd'hui Tour Saint-Paul.

IDENTIFICATION DES OUVRAGES

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Celle-ci fut dédiée à Saint-Paul par d'Aubusson, mais elle est certainement antérieure à ce grand-maître. Sa situation semble correspondre à celle des Tours de Saint-Nicolas (1) signalées dans le récit des combats qu'en 1444, les Chevaliers livrèrent aux Egyptiens installés sur le môle (2). Lorsque Zacosta eut fondé, à la bouche du Mandraki, la Tour Saint-Nicolas qui nous est parvenue (3), la tour nord-est du château fut sans doute désignée communément sous le nom de Tour du Trébuc, jusqu'au jour où d'Aubusson la consacra à Saint-Paul, vers 1477. Son boulevard polygonal n'est pas daté : il peut fort bien remonter à l'époque de Zacosta (4); en 1484, il était appelé Boulevard de France (5). De l'ordonnance de 1465, il résulte donc qu'à cette date les huit Langues de l'Ordre étaient réparties sur le circuit des remparts ainsi que le montre notre schéma (Fig. 4). On voit que la plupart des ouvrages se trouvent de la sorte identifiés de manière certaine; cependant, trois des portes de l'enceinte actuelle ne sont pas citées dans le texte précédent. La première, commandée par la Tour du Trébuc ou Tour Saint-Paul, conduit au môle Saint-Nicolas; il est possible qu'elle ne soit autre que cette Porte Saint-Nicolas, par laquelle les Hospitaliers firent leur sortie en 1444 (6), et qui fut débaptisée dans la suite. Nous lui garderons le nom de Porte Saint-Paul, qu'on lui donne aujourd'hui et que justifie la figure de Saint-Paul et la dédicace de d'Aubusson. La seconde fait communiquer le bazar, c'est-à-dire l'ancienne place publique, avec le Port ou la Marine; c'est celle qu'on désigne à tort sous le nom de Porte Sainte-Catherine. Elle nous paraît correspondre à la Porte de la Marine. D'Aubusson la construisit en 1478, peut-être en remplacement d'une autre plus modeste (7). Quant à la porte du nord-ouest (Porte d'Amboise), elle ne saurait figurer dans e n u m e ration précédente, puisqu'elle fut élevée par - d'Amboise en 1512. On peut l'identifier, croyons-nous, à la Porte du Camp, qui va à Sainct-Anthoine (Bourbon). C'est évidemment la Porta Ambosiana de Fontanus. La Porta de Alnardo est signalée dès 1392; nous n'en saurions préciser l'emplacement (8). Il est fait mention, en outre, d'une porte du Château, qui regarde vers le midi (9), et d'une (1) « De Sancti Nycholai turribus eminentioribus nostri personant tibicines ». Ioannes Germanus. Vita Philippi III Edit. Ludewig.), p. 77. (2) Jehan de Waurin. Chronique. (Edit. Hardy.) T. V., p. 36. (3) Cf. inf. p. 78. (4) Cf. inf., p. 70. (5) A cette date, d'Aubusson avait projeté de construire « un Rivellino, ο sia Antemurale, dinanzi alla Torre di Nailacco verso il mare; ch'arivasse fin'al Beluardo di Francia ». Bosio. Istoria, II, 487. Cet ouvrage, à vrai dire, s'il répond aux constructions situées au nord de la Tour de Naillac, ne fut pas exécuté sous la forme prévue; mais le texte de Bosio n'en fixe pas moins la situation du Boulevard de France. (6) « Ad portam sancti Nycholai, qua exierant cum victoria redeunt nostri ». (Ioannes Germanus. Vita Philippi III p. 78.) (7) Il existait, dès 1473, une Porte de la Marine. (Bosio. Istoria, II. 342.) En 1501, on décide d'établir quatre corps de garde, dont « il quarto alla Piazza », et de remettre les clés « délia Piazza ο sia della Porta della Marina » au bailli du Commerce. (Bosio. II. 547.) (8) « ...Magasena duo contigua posita in burgo Rodi in contrata vocata la porta de Alnardo... »; « ...magasenum novum situm iuxta portam Alnardi ». Lib. Bull. 1392, f° 129. Alnardus = Arnaldus, terme qui désigne une catégorie de Chevaliers. (Picenardi. Itinéraire, 58.) (9) Bosio. Istoria, II. 486.

LA CITÉ DE RHODES

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Porte de la Chatellenie ( 1 ) ou voisine de la Chatellenie ( 2 ) . Dans l'un et l'autre cas, il s'agit probablement de celle qui s'ouvrait entre deux tours rectangulaires, vers le milieu de la muraille sud du Château; il ne reste aujourd'hui que quelques assises de ces tours, ruinées depuis peu, puisqu'elles figurent encore sur le plan de l'Amirauté anglaise de 1 8 3 9 ( 3 ) . En face de cette porte, dans la rue principale du bazar, on peut retrouver les traces de l'édifice dont Rottiers donne de nombreux détails et auquel la tradition conservait, lorsqu'il visita Rhodes, le nom de Chatellenie ( 4 ) . Enfin, nous ajouterons à la nomenclature précédente la Tour de Plaignes, réunie par une courtine de vingt palmes d'épaisseur à la Tour Saint-Pierre et située sans doute au sud de celle-ci, à l'angle rentrant de l'enceinte ( 5 ) ; et la Tour de la Garde dont l'emplacement, d'après un texte de 1 4 7 5 ( 6 ) , devrait correspondre à l'angle sud-ouest du château. C'est là que s'élève aujourd'hui la Tour de l'Horloge ( 7 ) . OUVRAGES ET POSTES DE COMBAT EN 1 4 8 0 ( 8 )

Il n'apparaît pas que la répartition des postes de combat ait été modifiée entre 1 4 6 5 et 1 4 8 0 , et, d'autre part, les travaux exécutés pendant ces quinze années n'apportèrent aucun changement notable au tracé général du rempart. On peut donc considérer que notre schéma (Fig. 4 ) , répond au système défensif et à la répartition des Langues à l'époque du premier siège ( 1 4 8 0 ) . OUVRAGES ET POSTES DE COMBAT EN 1 5 2 2 e

e

A la fin du X V siècle et au début du X V I , sous les magistères de d'Aubusson, d'Amboise et de Carretto, la forteresse subit de nombreuses et importantes transformations que nous étudierons en détail. On s'efforça, en général, d'augmenter la puissance de la Place par le renforcement des anciennes courtines, l'élargissement des fossés, la multiplication des défenses, en conservant toutefois les lignes générales de l'enceinte primitive. Cependant, la construction de nouveaux boulevards, à l'ouest du Palais, sous d'Aubusson, d'Amboise et Carretto, entraîna la démolition de la tour circulaire du nord-ouest ( 9 ) ; la Porte Saint-Antoine fut réduite au rôle de poterne intérieure, et d'Amboise édifia, en 1 5 1 2 , la Porte du Camp (Porte d'Amboise).

(1) Archives de Malte. Sacra Capitula generalia. Ms. 283, f° 119 bis. Pièces justificatives, V. (2) Bosio. Istoria, II. 367. (3) Admiralty Chart. N° 1667. (Carton. Town and Ports.) (4) Rottiers. Monuments de Rhodes. Atlas : PL. X X V , X X V I , XLIV. (5) Cf. Pièces justificatives, VII, VIII. (6) Sacra Capitula Generalia, Ms 283, f° 119 bis. Pièces justificatives, V. (7) C'est par erreur qu'on la dit bâtie sur les fondations du clocher de Saint Jean, situé plus au nord. (8) Les schémas de répartition des Langues publiés jusqu'ici sont inexacts. Torr. Rhodes in modern times, PL. p. 106. Picenardi. Itinéraire, p. 34-35. (9) Un bas-relief de Saint-Michel, de style byzantin, est aujourd'hui encastré dans le mur d'escarpe voisin de l'endroit où s'élevait cette tour. (V. Plan des armes. Fig. 51, N° 22.) II est vraisemblable qu'il provenait d'un ouvrage dédié à Saint-Michel et qui pouvait être soit cette tour du nord-ouest, soit une porte antérieure à la Porte d'Amboise. (Dapper. Description exacte des îles de l'Archipel, p. 97.)

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LA CITÉ DE RHODES

La Porte Saint-Georges n'existait plus en 1522 (1), et le Boulevard d'Auvergne était alors sans communication avec les glacis. A cette époque, les Portes Saint-Athanase et de Koskino avaient été simplement transformées (2), et celle d'Italie fermée à une date que nous ne pouvons fixer. La description de la Cité de 1522, dans Fontanus (3), bien que plus oratoire que précise, confirmera la plupart des identifications précédentes. (V. fig. 5) : les quinque propugnacula maxima répondent aux Boulevards d'Auvergne (devant la Tour Saint-Georges), d'Espagne (devant la Tour d'Espagne), d'Angleterre (devant la Tour Sainte-Marie), de Koskino ou de Provence (devant la Porte de Koskino), de Carretto ou d'Italie (devant la Tour d'Italie). Quant aux tredecim turres, elles peuvent s'entendre de celles qui s'échelonnent depuis la Tour SaintGeorges jusqu'à la Tour d'Italie; en comptant ces deux dernières, on arrive au total de treize tours. (Fig. 4 et 5.) Suivant le même passage, la répartition des Langues, en 1522, diffère de celle de 1465. La Langue de France occupait les remparts « a turri franca ingenti altaque magnitudine cacumen suum in caelum propre ferenti ad portam usque Ambosianam qua iter ad montem Phileremum est ». De là, jusqu'à la Porte Saint-Georges, s'étendait le poste de la Langue d'Allemagne; à la suite, sans que les limites des secteurs soient indiquées, venaient les Langues d'Espagne, d'Angleterre, de Provence et d'Italie. Il n'est pas fait mention de la Langue de Castille; on peut supposer que, comme auparavant, elle avait la garde des murailles du port (4). On voit de suite que, par rapport à 1465, l'ordre des Langues d'Espagne et d'Angleterre est interverti. Cet échange de postes est confirmé par les récits du siège. C'est ainsi que « Mous« taffa bascha, comme principal cappitaine, choisit la trenchée directe au bollouard Dan« gleterre », alors qu'Achmet Pacha se tient, avec l'aga des janissaires, aux tranchées d'Espagne et d'Auvergne. D'autre part, les Turcs tirent avec sacres et passevolans contre Angleterre et Provence; ailleurs, ils installent des mantelets contre Angleterre et Espagne (5). Toutefois, le boulevard de la Tour Sainte-Marie est toujours défendu par les Chevaliers d'Angleterre : on ne l'appelle que Boulevard d'Angleterre (6), Propugnaculum Anglicanum ou Britannorum (7); les boulevards d'Espagne, de Provence (ou de Koskino), d'Italie (ou de Carretto) appartiennent respectivement à chacune de ces Langues. Celui d'Auvergne fut l'objet d'un litige entre la Langue d'Allemagne, qui en revendiquait une partie, et la Langue d'Auvergne, qui prétendait l'occuper en entier. La décision du grand-maître, qui trancha le

(1) Cf. inf., p. 39. (2) Cf. inf., ρ. 46 et p. 48. (3) Fontanus. Op. cit. II. 51 et suiv. (4) Fontanus. Op. cit. II. 52. Il n'y a point lieu de supposer que le Poste de Castille ait été supprimé, et d'ailleurs Bourbon relate que Fr. Pierre Cluys, Grand Prieur de France, était le capitaine de secours désigné pour les Postes de France et de Castille et Portugal. (5) Bourbon. Op. cit. On pourrait, d'après Bourbon et Fontanus, multiplier les preuves de cette nouvelle distribution des Langues. Notons entre autres que, durant les attaques des Turcs contre le Poste d'Espagne, l'artillerie du Boulevard d'Auvergne et celle du Boulevard d'Angleterre entrent en jeu. (Bourbon, Fontanus. V. également Bosio, II. 675-679.) Le fait ne peut s'expliquer qu'en adoptant l'ordre de notre schéma (Fig. 5). (6) Bourbon ne l'appelle jamais que Bollovard Dangleterre. (7) Fontanus. De bello Rhodio, II. 59-61.

IDENTIFICATION DES OUVRAGES

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différend, laisse croire que tout l'ouvrage demeura entre les mains des Chevaliers d'Auvergne (1) Le Massif de la Porte du Camp, bien que compris dans le secteur de la Langue de France, était considéré comme une dépendance directe du Palais et placé sous le commandement du sénéchal Thomas Chifel (2). Quant aux tours des ports, elles eurent leurs capitaines spéciaux et demeurèrent en dehors de la répartition des Langues. Leurs dénominations courantes, nous l'avons vu plus haut, ne sont pas douteuses : Tour des Moulins, Tour de Naillac, Tour Saint-Nicolas. Ce sont là celles qu'on retrouve dans tous les textes originaux. Cependant, la Tour des Moulins, qui portait des écus aux lys de France, est parfois appelée Tour de France (3) ; la Tour Saint-Nicolas, édifiée grâce à la libéralité du duc Philippe de Bourgogne, est nommée par certains auteurs Tour de Bourgogne (4); et la turris franca, de Fontanus, semble bien correspondre à la Tour de Naillac (5). Ces désignations secondaires nous paraissent avoir été exceptionnellement usitées; quant à celle de Tour des Arabes, appliquée à la Tour de Naillac, elle est, croyons-nous, postérieurs à la conquête turque.

(1) Bosio, II. 651. (2) « Et aussi y avoit le massif de la porte qui va à Sainct Anthoine là où estoit Frère Thomas Chifel, seneschal dudit Seigneur. (Bourbon. Op. cit.) (3) « Et au bout de la chaussée (le Môle des Moulins) y a un petit chasteau qu'on appelle la Tour de France ». (Anonyme de 1480. Ed. Schefer, p. 114.) (4) » J'ay aussy veu la grosse Tour de Bourgoigne que le bon duc Phelippe fist faire ». G. Lengherand. Voyage, p. 104. (5) A cause de l'expression : cacumen suum in caelum prope ferenti : la Tour de Naillac était de beaucoup la plus élevée des Tours de Rhodes. Le qualificatif de turris franca peut s'expliquer par ce fait que la Langue de France occupait les courtines voisines.

C H A P I T R E II

DESCRIPTION

DES

REMPARTS

P O R T E S A I N T - A N T O I N E ET SES ABORDS (PL. II. — PL. III. 1. — PL. IV. — Fig. 7) Les armoiries du grand-maître de Las tic (1437-1454) (1), plusieurs fois répétées sur les murs situés à l'ouest du Palais, permettent de retrouver les dispositions originales de la Porte Saint-Antoine et de ses abords. La Porte principale (PL. III. 1) est constituée par une ouverture plein cintre, percée dans l'ancienne courtine et surmontée d'un haut-relief de Saint-Antoine en marbre rougeâtre, qu'accompagnent les armes de l'Ordre et du grand-maître de Lastic. Primitivement, elle conduisait de la ville à un boulevard élevé entre deux fossés, parallèlement à la façade occidentale du Palais, et protégé à l'ouest par un épais parapet à créneaux et merlons; ce boulevard aboutissait à une seconde porte, d'où, par un pont-levis, puis par un pont en maçonnerie, on franchissait le fossé extérieur. Un petit massif polygonal complétait la défense au nord. L'emplacement des armes de de Lastic ne laisse aucun doute sur cette disposition, confirmée d'ailleurs par les planches de Caoursin (2). La Porte que reproduit la Planche IV (1 et 2) est située au niveau du chemin de ronde, à la jonction de l'enceinte du Château avec l'ancien rempart; elle correspond aux deux tournelles du texte de 1465 (3). Entre deux tours demi-circulaires s'ouvre une baie plein cintre, encadrée d'une feuillure pour le logement d'un pont-levis ; au-dessus, les armes de l'Ordre et de de Lastic; la plate-forme supérieure est protégée par un parapet à mâchicoulis, en partie détruit, mais dont la plupart des consoles sont encore en place. Dans chaque tour est ménagée une salle circulaire, voûtée en coupole sphérique.

(1) Le grand-maître de Lastic portait : de gueules à la fasce d'argent, et son prédécesseur, Fluvian : d'or à la fasce de gueules. Ainsi, les deux blasons ne différaient l'un de l'autre que par les métaux et les émaux. C'est vraisemblablement pour éviter toute confusion avec les armes de son prédécesseur que de Lastic adopta l'usage du marbre rouge pour figurer l'émail. Nous en concluons que les écus monochromes à la fasce remontent à Fluvian, sauf certaines exceptions où une dédicace datée rendait cette distinction superflue, p. ex. PL. X X V I I I . 3. (N° 38). (2) Cf. PL. I. 1. — En haut, à gauche, est représenté le patois du grand-maître et ses abords. Malgré les maladresses de la perspective, les détails ont été scrupuleusement observés et on retrouve dans ce dessin tous les éléments de la défense, encore en place aujourd'hui. (3) Cf. sup., p. 20.

7

32

LA CITÉ DE RHODES

A partir de cette porte, l'ancienne courtine (Fig. 4) se dirigeait vers l'ouest, sur cent mètres de longueur, puis prenait la direction nord-sud; le saillant ainsi formé était flanqué d'une tour circulaire que les transformations ultérieures ont fait disparaître, mais dont les traces sont encore apparentes sur le banc de rocher, au fond du fossé. Nous avons là un premier exemple d'une courtine de l'époque de Lastic : muraille de faible épaisseur, portant un chemin de ronde protégé par des parapets à créneaux et merlons. (Epaisseur totale de la muraille : 4 mètres; épaisseur des parapets : 0 m. 50.) e

Telles étaient les dispositions de cette région, vers le milieu du X V siècle; les planches de Caoursin, aussi bien que les armoiries en place, prouvent qu'aucun changement notable ne survint, jusqu'en 1480; par contre, en comparant les plans de 1465-1480 (Fig. 4) et de 1522 e

(Fig. 5), on peut juger de l'importance des transformations que subit, à la fin du X V siècle et au début du

e

XVI ,

l'angle nord-ouest de la Cité. En 1522, le pan de l'ancienne courtine, orienté est-ouest, n'est plus qu'un mur intérieur; un nouveau terre-plein, utilisant la contrescarpe primitive comme paroi orientale,

poursuit

l'alignement

général sud-nord de la muraille, qu'entoure un large fossé. Cet ouyrage fut fondé par d'Aubusson, Cardinalis'et Magister, donc postérieurement à 1489 ( 1 ) toutefois, la partie septentrionale s'écroula au

XVI

e

siècle et dut être

rebâtie a fundamentis par Carretto (2).

PORTE D'AMBOISE (PL. I I I . 2 . - P L . V . - F i g . 6 ) Elle est percée sous le terreplein du

XVI

e

siècle. Deux tours

demi-circulaires flanquent l'ouverture centrale, plein cintre. Audessus, dans un cadre à accolade, FIG. 6. — PORTE D'AMBOISE

Plans du 1

er

étage et de la plate-forme.

un ange ailé sert de tenant aux armes de l'Ordre et du grand-

(1) Cela résulte de la situation des armes et des inscriptions (V. inf. Ch. I l l , fig. 51, n

os

16 à 22).

(2) Ibid. N° 17. — La Porte Saint-Antoine est signalée dans le de Translatione de Caoursin : c'est par là que la procession qui accompagne la main de Saint Jean-Baptiste rentre dans la ville (1484). En 1501, on décida de la fermer « corne non motto necessaria » (Bosio. Istoria. II 547). Elle subsista néanmoins et ne fut plus, après l'achèvement des travaux du nord-ouest, qu'une sorte de poterne secondaire.

34

LA CITÉ DE RHODES

maître d'Amboise, signées : D A M B O Y S E , et datées : M. D. X I I . (PL. III. 2. — PL. V.) Des parapets munis d'embrasures protègent les plates-formes. Deux étages de salles voûtées en berceau sont aménagés dans ces tours. L'étage supérieur contient deux salles, a et b (Fig. 6 ) , situées de part et d'autre du passage c, à son niveau; l'étage inférieur en renferme deux autres, réunies par une galerie voûtée. La communication entre les deux étages est assurée par un escalier de pierre d, partant de la salle méridionale inférieure et venant déboucher directement dans le passage. Un pont de maçonnerie e, à trois arches, s'élève dans le fossé et s'interrompt à trois mètres de la porte. Cet espace était franchi par un pont-levis f, dont les ais, à contrepoids, venaient s'engager dans deux rainures verticales, suivant le dispoe

sitif en usage dès le X V siècle. (PL. III. 2.) La contrescarpe du fossé s'élève elle-même de quatre mètres au-dessus du tablier du pont, et le chemin d'accès à la ville est encaissé entre deux murailles. Il convient de remarquer les sinuosités du cheminement, selon un principe général dont nous retrouverons à la Porte de Koskino un exemple encore plus significatif. Au nord de la Porte, le massif est flanqué d'une barbacane, qui remonte à d'Amboise (1511), et d'un moineau construit par Caretto en 1514. Le plan (PL. II) et la vue perspective (Fig. 7) feront comprendre la complexité des défenses de cette région. BOULEVARD D'AUVERGNE (PL. V I . — Fig. 8 à 16) La tour centrale, sur plan carré, qui commande le boulevard et la courtine, est appareillée en hautes assises et remonte à 1421-1431 (PL. V I . I); on y voit, en effet, au-dessous d'un bas-relief de Saint-Georges, les armes du grand-maître Fluvian et du pape Martin V (1). Primitivement ouverte à la gorge et détachée de la courtine, elle fut ensuite réunie à celle-ci par des arcs en maçonnerie, et, pour augmenter sa résistance, on remplit d'un blocage une partie du vide intérieur. A l'ouest, dans sa disposition première, elle était protégée par un boulevard à 4 pans : a, a, a, a. (Fig. 11.) En face de la tour, une large baie est percée dans la courtine, à hauteur du sol de la ville (Fig. 8 ) ; aujourd'hui murée, elle marque l'emplacement de l'ancienne Porte SaintGeorges; elle devait donner accès à un système de ponts et de cheminements dont les travaux du FIG. 8. — PORTE SAINT-GEORGES.

XVI

e

siècle ont fait disparaître les traces.

Vraisemblablement, le dispositif était analogue à celui de la Porte de Koskino (Fig. 23).

(1) V. PL. X X V I I I . 1 (N° 26). — Martin V. : 1417-1431. Fluvian : 1421-1437.

DESCRIPTION DES REMPARTS

35

Notre croquis (Fig. 9) donne le plan de la porte, de la tour a et du boulevard b, vers le e

milieu du X V siècle : les fossés d, d, d, étaient alors les fossés extérieurs de la Cité. Les contrescarpes ont été tracées arbitrairement sur ce dessin, sauf t, t, dont on observe la trace dans

FIG. 9. — PORTE ET BOULEVARD DE SAINT-GEORGES VERS 1465.

FIG. 10. — BOULEVARD D'AUVERGNE EN 1496.

le terre-plein (Fig. 11). Le pont qui réunissait le glacis au boulevard était sans doute en c, de manière à contraindre l'assaillant à se présenter de flanc. De ce système défensif fort simple, les grandes lignes apparaissent clairement dans l'état actuel; mais il est plus malaisé de discerner les travaux respectifs de d'Aubusson et de Villiers

36

LA CITÉ DE RHODES

de l'lsle-Adam, dont les armes figurent sur le mur d'escarpe (1), et il nous faudra tout d'abord décrire dans ses détails l'ouvrage qui nous est parvenu. Il renferme deux étages de salles spacieuses, voûtées en berceau. L'étage supérieur (Fig. 12), au niveau de la fausse-braie qui accompagne la courtine, comprend deux salles rectangulaires, pourvues de cheminées d'évent et d'aération s'élevant jusqu'au sol du boulevard. La paroi extérieure de la salle méridionale est percée de quatre embrasures, permettant de battre le fossé d'enfilade. L'étage inférieur (Fig. 13) se compose de trois salles, une au nord et deux au sud, ventilées par des dispositifs analogues aux précédents. On accède à ce niveau au moyen de deux escaliers de pierre; l'escalier du sud f est à ciel ouvert, celui du nord g est voûté d'un berceau en descente. Ces casemates inférieures communiquent entre elles par une étroite galerie polygonale

voûtée en berceau, éclairée de place en place par

des trémies. Les salles pouvaient servir de dépôts de munitions et d'abris; quant à la galerie de jonction de l'étage inférieur, elle permettait de surveiller les travaux de mine de l'ennemi, en facilitant l'installation de postes d'écoute. La plate-forme supérieure du boulevard est entourée d'un parapet à créneaux et merlons, à parements verticaux. Le mur d'escarpe est construit en talus et couronné d'un bandeau mouluré. A la hauteur de ce bandeau, sur les faces sud et nord-ouest, des cadres rectangulaires ornés de feuillages renferment les armes de d'Aubusson, écartelées avec celles de l'Ordre; elles sont surmontées du chapeau cardinalice et datées de 1496. (Fig. 14.) L'écu de Villiers de l'Isle-Adam, daté de 1521, occupe un emplacement analogue, sur la face septentrionale (2). La présence des armes de ces deux grands-maîtres s'accorde avec certaines données e

historiques : nous savons que le Boulevard d'Auvergne, construit à la fin du X V siècle par d'Aubusson, fut transformé par Villiers de l'Isle-Adam, suivant les conseils de Basilio dalla Scuola (3). Cependant, d'après le seul examen de l'état actuel, il serait impossible de déterminer ce qui distinguait le boulevard de 1496 de celui de 1521 : le récit d'Arnold von Harff peut nous permettre de retrouver les caractéristiques de chacun d'eux. Lorsque le voyageur visite Rhodes, à l'époque de d'Aubusson (4), les travaux sont en cours d'exécution : « ind men bouwede zo deser tzijt gar eyn sterck bolwerck an den wal vur « die auarnijen portz (5), dat ich waerachtich masse, was wal vierhondert voesse wijdt ind « vunfftzich breyt ind hatte drij gewulfft boeuen eyn anderen allet (6) in deme grauen » (7). os

03

(1) V. Plan Fig. 51. N 29 et 30 : d'Aubusson. N 28 : Villiers de l'Isle-Adam. (2) On peut admettre que, par raison de symétrie, un motif analogue aux armes de d'Aubusson ou de Villiers de l'Isle-Adam existait au milieu de la face sud-ouest, sur l'emplacement d'une large brèche restaurée par les Turcs (Fig. 14) (3) Bosio. Istoria. II. 629-632. (4) La date du voyage de A. von Harff a donné lieu à controverse (Cf. Introduction de l'édition de E. von Grode. Die Pilgerfahrt des Ritters Arnold von Harff. Cologne, 1860). Or, le pèlerin relate que le grand-maître était alors « eyn ait mengen... uss dem koenyckrijch Auernijen geboeren Petrus de Buscho Cardinalus geheysschen ». (Ed. cit., p. 70) Les travaux du Boulevard d'Auvergne, dont il fut témoin, sont donc ceux qui portent la date de 1496, et qui, d'après son récit, étaient fort avancés. Il paraît bien qu'on puisse fixer à l'année 1496 ou à l'année précédente la date du passage à Rhodes d'Arnold von Harff. (5) Portz = Portion, correspond ici au poste attribué à la Langue d'Auvergne. (6) Allet = ganz. (7) A. von Harff. Pilgerfahrt, p. 70.

DESCRIPTION DES REMPARTS

39

Nous avons, par ailleurs, des preuves nombreuses de l'exactitude minutieuse du récit d'Arnold von Harff, et sommes en droit de baser une restitution sur le texte précédent : les trois constructions voûtées répondent sans doute aux trois salles de l'étage inférieur, et l'autre, tout entière dans le fossé, à la galerie de jonction. A quelles dimensions s'appliquaient les mesures de 400 pieds et de 50 pieds? Nous supposons qu'en 1496 les salles supérieures n'existaient pas et qu'elles ne furent pas l'œuvre de d'Aubusson. L'ouvrage se présentait alors comme un terre-plein polygonal, suivant le plan de la fig. 14. La largeur (breyt) de 50 pieds se rapporte à la largeur moyenne du massif, et la longueur (wijdt) de 400 pieds au développement du polygone, c'est-à-dire à la somme des quatre côtés (1). En se reportant à la coupe de l'état actuel (Fig. 15), on voit qu'en 1496 le sol du boulevard correspondait à peu près au sol des salles de l'étage supérieur. D'autre part, les murs d'escarpe sont évidemment l'œuvre de d'Aubusson (2); c'est donc qu'à cette époque la plate-forme du boulevard était protégée par une courtine polygonale, d'épaisseur indéterminée (3). L'ouvrage était entièrement détaché de la courtine, dont le séparait la largeur de la fausse-braie e (Fig. 10) ; on en trouve la preuve dans les raccords de maçonnerie et dans l'interruption du bandeau mouluré, au droit de la fausse-braie. L'ancien boulevard, renforcé en b, demeurait également séparé du massif h par le fossé il; les murs de contrescarpe étaient devenus des murs de soutènement du nouveau boulevard, auquel on accédait sans doute par le pont c. Est-ce alors que fut supprimée la porte extérieure? C'est vraisemblable, car on ne retrouve dans le mur d'escarpe aucune trace de remaniement (4). Ces déductions admises, on peut spécifier en quoi consista le projet de Basilio dalla Scuola, exécuté par Villiers de l'Isle-Adam. Le sol du boulevard fut haussé au niveau du chemin de ronde au moyen de deux salles d et e (Fig. 12), élevées au sud et au nord, et d'un massif de terre à l'ouest. Dans cette direction, le fossé intérieur fut comblé et le parapet surélevé sur tout son développement (5). Enfin, c'est à ce moment qu'on réunit le boulevard à la courtine. Au sud, le raccord est

(1) Il est bien certain que ce ne sont là que des mesures approximatives, comme le dit l'auteur lui-même, et il était tout naturel qu'il choisît les dimensions capables de donner une idée d'ensemble de l'ouvrage. D'après notre supposition, on obtient pour le pied une valeur admissible, voisine de 25 centimètres. (2) On ne saurait admettre que Villiers de l'Isle-Adam ait procédé à une reconstruction totale. 1° Le texte de Bosio (II.632) dit que le grand-maître « fece alzare » le Boulevard d'Auvergne. 2° Le récit d'Arnold correspond bien aux dimensions du boulevard actuel. 3° Les armes de d'Aubusson sur le mur d'escarpe ne semblent point avoit été déplacées; et d'ailleurs, ce n'était pas la coutume de remployer dans un nouvel ouvrage les blasons situés sur l'ouvrage plus ancien. (3) Pour élucider complètement cette question, quelques sondages, que nous étions dans l'impossibilité d'effectuer, seraient nécessaires. (4) En 1501, ordre est donné « che si facessero quattro corpi di guardia di soldati stipendiati; l'uno vicino alla Porta e al Beluardo di San Giorgio ». (II. 547.) Mais ceci n'implique pas nécessairement que la Porte Saint-Georges ait été encore une des portes extérieures de la Ville; la désignation de Porte Saint-Georges pouvait se rapporter simplement à l'emplacement de l'ancien ouvrage. (5) Ce parapet ne correspond point au type de parapet à embrasures qui semble avoir été de règle dès le début du x v i siècle. (Travaux de d'Amboise et de Carretto.) Celui du Boulevard d'Auvergne est d'ailleurs d'un travail assez peu soigné : il faut admettre que Villiers de l'Isle-Adam, faute de temps, dut se contenter de cette protection insuffisante; la part des restaurations turques est importante. On observera notamment dans la Planche VI. 3, comment se marque la solution de continuité dans la maçonnerie à partir de la deuxième assise au-dessus du bandeau. e

8

FIG. 14. — BOULEVARD D'AUVERGNE, VU DU GLACIS : ÉTAT ACTUEL.

FIG. 15. — BOULEVARD

D'AUVERGNE ET TOUR SAINT-GEORGES

Coupe sur la Tour parallèlement à la courtine : état actuel.

42

LA CITÉ DE RHODES

terminé; au nord, au contraire, la jonction n'est pas complète et la voûte de la salle septentrionale est inachevée (Fig. 11) : la communication entre la courtine et le boulevard est assurée par le passage p. Tels furent les trois états successifs du boulevard d'Auvergne : e

1° au milieu du X V siècle (Fig. 9 ) ; 2 ° en 1496 (Fig. 10); 3° en 1522 (Etat actuel). A défaut de

plans

détaillés, nous possédons ainsi des schémas datés avec précision; nous les utiliserons plus loin, en étudiant l'évolution du système défensif.

DU

BOULEVARD

D'AUVERGNE A LA T O U R D'ESPAGNE Entre le Boulevard d'Auvergne et la Tour d'Espagne, la défense se compose d'une courtine, d'une faussebraie et d'un large fossé. Une seule tour intermédiaire, sur plan rectangulaire, flanque la courtine. Sur le mur d'escarpe du rempart et sur le parapet de la fausse-braie, on retrouve les armes du grand-maître de Lastic. Nous avons là un premier

exem-

ple de la transformation générale des courtines au début du

XVI

e

siècle. Le

mur d'escarpe, construit à plomb, et la fausse-braie sont l'œuvre de Lastic et appartiennent à un mur d'enceinte

d'une

épaisseur

maxi-

mum de quatre mètres. Cette muraille fut remparée sous d'Amboise, et l'épaisseur totale atteignit jusqu'à douze mètres au niveau du chemin de ronde.

DESCRIPTION DES REMPARTS

43

Désormais, nous trouverons sur tout le développement de l'enceinte, jusqu'à la baie d'Akandia, l'application du même principe : nous signalons le fait une fois pour toutes.

T O U R E T BOULEVARD D'ESPAGNE (PL. VIII. 1. - Fig. 17) La Tour d'Espagne, circulaire, était primitivement ouverte à la gorge, en a (Fig. 17), et ne communiquait probablement avec la courtine que par des passages de construction

FIG. 17. — TOUR ET BOULEVARD D'ESPAGNE

Etat actuel.

44

LA CITÉ DE RHODES

légère. Sa plate-forme supérieure, munie d'un parapet à créneaux et merlons, domine actuellement de trois mètres le niveau du chemin de ronde adjacent. Bien que l'appareil ne présente aucune solution de continuité, la réunion de la tour à la courtine est sans doute postérieure, suivant une règle dont nous aurons ailleurs des preuves évidentes. Le boulevard, à quatre pans, qui protège la base de la tour, en est séparé par un fossé h de trois mètres de largeur. Les parements du mur d'escarpe sont verticaux, avec un ressaut intermédiaire. Sur la face méridionale en c, dans un cadre en accolade, les armes d'Aubusson, grand-maître et cardinal, avec la date de 1489. Dans le terre-plein est aménagée une galerie polygonale voûtée (d de la coupe), de 1 m. 55 de largeur. Elle est pourvue de nombreuses canonnières, qui battent les fossés d'enfilade, et munie de cheminées d'évent e, e; on y accède du niveau de la fausse-braie par un plan incliné f. DE LA T O U R D'ESPAGNE A LA T O U R SAINTE-MARIE (PL. IX. — PL. X ) Entre la Tour d'Espagne et la Tour Sainte-Marie, l'ensemble de la fortification devient plus complexe. C'est toujours la même courtine accompagnée de sa fausse-braie, mais celle-ci est elle-même flanquée de deux petites tours, sur plan rectangulaire. Devant la muraille se développent deux fossés parallèles séparés par un terre-plein dont le sol domine de deux mètres environ le niveau des glacis. Le mur d'escarpe de la courtine et le parapet de la fausse-braie portent les armes du grand-maître de Lastic; le terre-plein construit plus tard n'est pas daté (1).

T O U R SAINTE-MARIE E T BOULEVARD D ' A N G L E T E R R E (PL. VIII. 2. — Fig. 18-19) La Tour Sainte-Marie présente des dispositions analogues à celles de la Tour d'Espagne. Bâtie sur plan circulaire et primitivement détachée de la courtine, elle se termine au niveau du chemin de ronde par une plate-forme munie d'un parapet à créneaux et merlons. Elle fut construite en 1441 par de Lastic; les armes de ce grand-maître, surmontées d'une figure de la Vierge en haut-relief et accompagnées d'une dédicace datée, décorent son parement extérieur. (PL. V I I I . 2 et PL. X X V I I I . 3.) La réunion à la courtine date du magistère d'Orsini, qui a encastré ses armes dans le mur de jonction du sud-est a (Fig. 18). C'est à cette époque qu'on dut remplir en majeure partie les salles intérieures de la tour, de manière à opposer au canon des assiégeants un massif de maçonnerie compact. Le boulevard polygonal c est séparé de la tour par un fossé b de 8 à 10 mètres de largeur. Le mur d'escarpe est bâti en talus. Le boulevard, muni d'un large parapet à embrasures, (1) Cette région répond au système de défense le plus complet de toute l'enceinte : il est le résultat des transformations effectuées depuis Fluvian jusqu'aux dernières années de la domination de l'Hôpital. Nous en rechercherons plus loin (Ch. IV) les étapes successives.

FIG. 18. — TOUR SAINTE-MARIE ET BOULEVARD D'ANGLETERRE

Etat actuel : plan.

46

LA CITÉ DE RHODES

est flanqué à l'est et à l'ouest de deux barbacanes, d et e, possédant chacune un étage inférieur voûté en berceau. La plate-forme supérieure de la barbacane orientale d, située en contre-bas du boulevard, communique avec lui au moyen d'une rampe f, franchissant une porte en arc g surmontée d'un cadre rectangulaire : les armes qu'il contenait ont disparu.

PORTE SAINT-ATHANASE (Fig. 18) Le mur méridional de la barbacane orientale était primitivement percé, en h, d'une baie correspondant à un pont i jeté sur le fossé; les fondations de la pile médiane sont encore visibles. La baie est aujourd'hui murée et l'on a remployé dans la maçonnerie des fragments d'un motif sculpté aux armes de d'Aubusson; dans ce remplissage, on retrouve pêle-mêle l'écu du grand-maître, soutenu par un lion et un griffon, quelques claveaux du cadre en accolade qui, contenait ces armes, réunies sans doute à celles de l'Ordre, enfin trois blocs de marbre bleuâtre, portant chacun deux lignes d'une inscription latine (1) : le grand-maître d'Aubusson, de Turcis inclitus victor, fit exécuter cet ouvrage, hoc antemurale, en 1487. Tout ce remaniement est évidemment l'œuvre des Turcs. D'autre part, à 40 mètres à l'est de la Tour Sainte-Marie, le rempart est flanqué d'uneseconde tour, sur plan rectangulaire. Un cadre en Τ renversé, orné de rinceaux, en décore la face méridionale; il contient, avec les armes de l'Ordre et de Fluvian, une figure auréolée de très faible relief, qu'accompagnent à droite et à gauche des inscriptions d'une lecture difficile : celle de droite, en caractères grecs, donne cependant le nom du Saint :

ΑΘΑΝΑCΙΟC.

(PL. X X V I I I . 4. ( N ° 44). La Tour était d'abord détachée du rempart; les consoles qu'on remarque vers le sommet indiquent qu'elle était alors pourvue d'un parapet à mâchicoulis. Dans la suite, on la réunit à la courtine et on la munit d'un parapet à embrasures (2). L'ensemble de cette tour et de la barbacane (antemurale), construite par d'Aubusson en 1487, constituait cette Porte Samt-Athanase dont la suppression fut décidée dès 1501 : on estimait alors « che chiudere si dovessero le Porte di Sant'Antonio e di Sant'Atanagio corne non mol to necessarie » (3).

(1) Cf. inf. Ch. III. N° 41. (2) Cf., fig. 75 et 76, les coupes de cet ouvrage. (3) Bosio. Istoria. II. 547. — Nous avons vu que, touchant la Porte Saint-Antoine, la décision ne fut pas suivie d'effet. (Cf. sup., p. 32, note 2.) En fut-il de même pour la Porte Sainte-Athanase? Pour les raisons déjà exposées (Cf., p. 39, note 4), les expressions de Porta Athanasiana (Fontanus. II, 64) ou Porta Sancti Athanasii (Ibid. 67) ne sont pas des preuves suffisantes de l'existence, en 1522, d'une communication avec les glacis. Bosio parle, il est vrai, d'une sortie que firent les Chevaliers en ouvrant cette porte, mais ni Bourbon ni Fontanus ne rapportent cette action. Toutefois, d'après Ramadan, le Fort des Romains (lire : des Roums, c.-à.-d. la Ville) aurait possédé cinq portes vers la terre, dont trois vers le Fort des Rois (le Château), et par conséquent deux vers la campagne. Or, la Porte d'Amboise est notée à part : c'est celle qui conduit au Palais. Il faut donc, si l'on accepte la version arabe, que la Ville ait possédé, outre la Porte de Koskino, une autre sortie vers la campagne, qui ne pouvait être que la Porte Saint-Athanase. (Ramadan, dans Tercier. Mémoires de l'Académie des lnscr. X X V I , 1759, p. 738-739.)

47

DESCRIPTION DES REMPARTS

Cependant, une inscription turque, encastrée dans le mur d'escarpe du boulevard, attribue cette transformation à Suleiman I

e r

(1). Doit-on admettre que cette inscription répond à la réalité et que la Porte existait encore en 1522 ? Il est impossible de rien affirmer. Toutefois les traces d'un remaniement turc sont, nous l'avons vu, très apparentes, et, d'autre part, il n'est pas certain que la décision de 1501 ait été exécutée. Dans ces conditions, nous avons, dans nos plans de 1522 (PL. VII et X X X V ) (Fig. 5), laissé subsister la Porte Saint-Athanase. Le chemin d'accès à la ville semble avoir utilisé la barbacane d (Fig. 18), puis la fausse-braie, pour franchir la courtine au droit de la Tour ; .ce chemin était d'ailleurs interrompu devant la fausse-braie par un petit fossé

sur lequel s'ouvrait

une porte à pont-levis k.; un système d'escaliers conduisait

à l'étage inférieur de la

barbacane et au fond des fossés. Lors des transformations effectuées sous le magistère de Carretto, la baie percée sous la courtine fut remaniée et couronnée, vers la ville, des armes de ce grand-maître, écartelées avec celles de l'Ordre. L'écusson a comme cimier un aigle aux ailes déployées, et s'accompagne

des initiales :

F. F. D. C. (Frater Fabricius de Carretto).

DE LA PORTE SAINT-ATHANASE A LA PORTE DE K O S K I N O (PL. X I ) Dans cet intervalle, les dispositions sont sensiblement les mêmes qu'entre la Tour d'Espagne et la Tour Sainte-Marie. La dé(1) Cf. inf. Ch. III. n° 42.

9

48

LA CITÉ DE RHODES

fense comprend une large courtine, une fausse-braie, un fossé intérieur, un terre-plein et un fossé extérieur. Ici, la contrescarpe se termine par une plate-forme ou chemin couvert, en contre-bas des glacis. La courtine est flanquée de trois tours analogues à la Tour Saint-Athanase et transformées suivant des méthodes identiques. Nous donnons ci-contre (Fig. 20) le plan de la troisième, la plus proche de la Porte de Koskino.

FIG. 20. — TOUR SECONDAIRE

Les organes de la défense : courtines, tours, fausses-braies, parapets, portent les armes de divers grands-maîtres. On en trouvera, au chapitre suivant, la nomenclature complète. (V. le plan, fig. 51) D'après la situation de ces blasons, on voit que le mur d'escarpe, les tours et les fausses-braies appartiennent à l'époque de Fluvian et de Lastic, c'est-à-dire à la pree

mière moitié du XV siècle. Le terre-plein et le fossé extérieurs furent sans doute établis par d'Aubusson, comme nous le montrerons plus loin (1). Le pan de rempart, qui précède immédiatement la Porte de Koskino, est daté par les armes de Lastic; il n'a subi aucune modification sous les successeurs de ce grand-maître. La muraille a une largeur totale de quatre mètres, avec deux parois verticales et un chemin de ronde protégé par un parapet de quarante-cinq centimètres d'épaisseur, à créneaux et merlons. PORTE DE K O S K I N O (PL. X I I . — F i g . 21, 22, 23,24) Lorsqu'on sort de la ville par cette Porte (Fig. 21), on franchit d'abord une baie plein cintre a, percée dans la courtine et munie de feuillures verticales b, b, pour l'installation d'une herse. L'arc est surmonté des armes du grand-maître de Milly, mutilées, mais reconnaissables. La Porte franchie, on longe la tour centrale, sur plan carré, appareillée en hautes assises et primitivement détachée de la courtine. Sur sa face méridionale, un cadre en Τ renversé (I) Cf. inf. Ch. IV. — III. B. Fossés et Fausses-braies.

FIG. 21. — PORTE DE KOSKINO. -— Etat actuel : plan.

FIG. 22. — PORTE DE KOSKINO. — Etat actuel : coupe.

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LA CITÉ DE RHODES

renferme un bas-relief de Saint-Jean-Baptiste et les armes de Fluvian et de l'Ordre. (PL. X X I X . 2.) Dans l'axe de ce motif, au niveau du chemin, s'ouvre une baie ogivale c (Fig. 21), récemment dégagée par les soins du corps d'occupation italien. Elle avait été murée par les Chevaliers eux-mêmes, et l'on ne trouve à l'intérieur de la Tour qu'un massif compact de cailloux et de mortier de chaux; les sondages effectués à travers ce blocage ont découvert les parois d'une salle intérieure; la présence d'un enduit, décoré de peintures, permet de voir en cette salle une chapelle dédiée sans doute à Saint-Jean-Baptiste (1). La Tour centrale renfermait primitivement, outre cette chapelle, deux étages de salles superposées et commandait le chemin de ronde. Un encorbellement (Fig. 22), qu'on distingue encore au milieu des parties aujourd'hui très ruinées du sommet, ne peut avoir appartenu qu'à un escalier en échauguette, donnant accès au sommet de la Tour. L'arc de maçonnerie qui réunissait d'abord la tour à la courtine fut, lors des remaniements postérieurs, englobé dans un mur plein. C'est à ce moment, sans doute, qu'on remplit par un blocage la chapelle et la salle du premier étage; on ménagea toutefois, au nord, un espace il de 2 m. 10 de largeur pour y établir un escalier, communication directe entre les deux nouvelles salles situées entre la tour et le rempart. Le sol de la salle inférieure, voûtée en berceau, correspond au niveau de la fausse-braie. La voûte de la salle supérieure est presque entièrement détruite; les corbeaux de pierre, encastrés dans les murs, devaient supporter une galerie de bois ou le solivage d'un étage inFIG. 23. — PORTE DE KOSKINO.

Etat primitif restauré.

termédiaire. Devant la tour est établi un

boulevard à quatre pans, dont l'enceinte, munie de canonnières basses et d'un chemin de ronde avec parapet à créneaux et merlons, vient se raccorder avec les parapets des faussesbraies adjacentes. En h, une porte aux armes de Zacosta (PL. X I I . 1) est percée dans la face occidentale; elle s'accompagne d'un défoncement rectangulaire pouvant recevoir le tablier d'un pont(1) Lorsque, pour renforcer la tour, on dut murer cette chapelle, on ne manqua point, sans nul doute, de fonder un. autre sanctuaire sous le vocable du Précurseur qui demeurait le patron de l'ouvrage. Il est très probable que la petite construction voûtée qui s'élève à l'intérieur de l'enceinte, en y, z, sous l'escalier d'accès au chemin de ronde, remplaça la chapelle primitive.

52

LA CITÉ DE RHODES

levis; devant cette ouverture, un pont de maçonnerie à deux arches est jeté sur le fossé. Il semble bien qu'à l'origine l'ensemble de l'ouvrage se soit limité à la tour et à ce premier boulevard, suivant notre schéma (Fig. 23). Des glacis a, on franchissait le fossé b par le pont c, réuni par un pont-levis au boulevard e, dans lequel s'ouvrait la porte d. La tour isolée f ne communiquait avec la courtine que par l'arc g : en h, porte d'entrée dans la ville; en j, faussesbraies. Dès 1465, il existait déjà, indépendamment de ce boulevard, une porte boulevard dont la défense était confiée à la Langue d'Aragon. De cet ouvrage supplémentaire, nous savons seulement qu'il était situé asses près de la Porte de Coquino (1), mais nous ne saunons dire s'il était suffisamment développé pour former la substruction du boulevard extérieur actuel l. (Fig. 21.) Il est certain qu'après la construction de ce terre-plein, le premier boulevard devint en partie inutile; le triangle méridional servit à constituer un massif, protection complémentaire de la base de la tour; le chemin de sortie fut prolongé en j à travers le nouveau boulevard^ jusqu'au fossé extérieur s, franchi comme le précédent par un pont-levis π et des arches en maçonnerie o. On remarquera les nombreux détours du cheminement, destinés à briser l'élan de l'assaillant s'il eût tenté de forcer la porte. (Fig. 21 et 24.) La porte extérieure présente un aspect singulier : le bandeau mouluré qui règne sur le mur d'escarpe du boulevard se relève en forme de mitre; il encadre la baie en arc et le motif décoratif qui la couronne, et qui comprend les armes de l'Ordre et de d'Aubusson, surmontées d'une statue très mutilée de Saint-Jean. Pour compléter la défense, une barbacane ρ s'appuie sur la face occidentale du boulevard; pourvue de batteries basses, elle permettait de surveiller le fond du fossé et d'y accéder par une poterne. A l'est, en q, une seconde barbacane, avec un étage inférieur voûté, rejoint la faussebraie ν et la poterne w. Dans la Ville, en x (Fig. 21), demeurent en place les arcades d'une petite salle qui pouvait être un corps de garde; une autre salle, à même usage, voûtée en berceau, est ménagée dans le terre-plein, à droite de l'entrée principale m (2). Un escalier met en communication le sol de la rue avec le chemin de ronde; au-dessous, en x, y, la chapelle de Saint-Jean-Baptiste qui remplaça la chapelle aujourd'hui murée de la tour centrale. La coupe (Fig. 22) rend compte de la succession des obstacles accumulés devant la tour; en o, premier pont sur le fossé extérieur, avec pont-levis n; en d, premier boulevard, suivi d'un second fossé sur lequel est jeté le pont j; enfin, second boulevard γ, séparé par la chaussée de la tour β, II est malaisé d'assigner une date précise aux constructions de d'Aubusson; ses armes, qu'on retrouve sur les murs d'escarpe et de contrescarpe, ne portent pas de millésime; il est

(1) Cf. sup. Ch. I., p. 21, et Pièces justificatives I. (2) Ce dernier corps de garde est peut-être de construction turque; il est toutefois signalé par Stochove, en 1631. (Stochove. Voyage d'Italie et du Levant, p. 219 et suiv.)

DESCRIPTION DES REMPARTS

53

à noter cependant que le blason du grand-maître n'est pas surmonté du chapeau de cardinal, ce qui donne la date de 1489 comme limite extrême des travaux. D'autre part, on doit observer que le terre-plein extérieur subit lui-même des remaniements; on y distingue encore les traces de canonnières circulaires, au-dessous des embra-

FIG. 25. — REMPARTS DU SUD.

sures actuelles; elles appartenaient sans doute à un parapet de plus faible épaisseur et furent murées lorsqu'on éleva le sol du boulevard et qu'on le munit du parapet qu'il possède aujourd'hui. Enfin, le style de la porte principale et des ornements qui la décorent laisse supposer que ces travaux furent exécutés pendant les premières années du magistère de d'Aubusson.

FIG. 26. — REMPARTS DU SUD.

DE LA PORTE DE K O S K I N O A LA T O U R D ' I T A L I E (Fig. 25 et 26) La défense comprend la courtine, la fausse-braie et un seul fossé large par endroits de plus de 40 mètres (Fig. 25 et 26). Depuis la Porte de Koskino, le glacis, occupé aujourd'hui par le cimetière juif, descend en pente douce vers la baie d'Akandia.

54

LA CITÉ DE RHODES

Le rempart est flanqué de trois tours; la première (Fig. 27), en éperon, enveloppée par la faussebraie, porte les armes de l'Ordre et de J. de Milly; la seconde est circulaire, avec un boulevard polygonal à sa base. Le troisième flanquement est plus développé (Fig. 28. PL. X I V . 1). On y observe la transformation habituelle de la tour centrale, le remplissage des salles par un blocage et la réunion à la courtine par un mur, dans la largeur de la faussebraie. La plate-forme supérieure, protégée par un parapet à créneaux et merlons, s'élève à 1 m. 90 au-dessus du chemin de ronde. FIG. 27. — TOUR SECONDAIRE

aux remparts du sud.

La tour est épaulée sur ses trois faces libres par un berceau ogival couvrant une galerie a, dont le sol est situé à 4 mètres au-dessous du niveau des fausses-braies. Cette galerie possède deux étages de canonnières : sur la face orientale, une poterne b donne accès au fossé. La voûte supporte une terrasse protégée par un parapet à merlons et canonnières ; à la hauteur de cette terrasse règne à l'extérieur un cordon mouluré ; dans l'axe de la face méridionale, il se relève en pointe, en c, au droit d'une niche qui abrite les armes de d'Aubusson, écartelées

avec

celles

de

cette

partie

du

l'Ordre. Dans

rempart, entre la Porte de Koskino et la Tour d'Italie, on remarque les armes des grands-maîtres de Lastic et de Milly sur le parapet de la fausse-braie et le mur d'escarpe de la courtine; vers la ville, sur le mur en talus du Fig. 28. — TOUR ET BOULEVARD AUX REMPARTS DU SUD

Plan et coupe.

DESCRIPTION DES REMPARTS

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terre-plein et sur le parapet à embrasures, celles de Carretto, avec les dates de 1516 et 1517; sur la contrescarpe, celles de d'Aubusson.

T O U R E T BOULEVARD D ' I T A L I E (PL. X I V . 2. — Fig. 29, 30, 31) A l'endroit où s'élève aujourd'hui le Boulevard d'Italie (Boulevard de Carretto) s'ouvrait d'abord, ainsi que nous l'avons dit plus haut, une des portes de la Cité. On peut encore obser-

FIG. 29. — TOUR ET BOULEVARD D'ITALIE.

Plan au niveau des parapets du boulevard.

ver les traces de la baie plein cintre qui était percée dans la courtine et qu'on mura dans la suite en laissant subsister l'appareil de l'arc (Fig. 29. — α) Les dispositifs successifs de la tour centrale se distinguent aisément : la salle intérieure a, voûtée en coupole et ouverte à la gorge, appartient au plan primitif, de même que les segments du mur circulaire, assis sur un soubassement en talus couronné d'un bandeau. La tour 10

56

LA CITÉ DE RHODES

était alors détachée de la courtine; elle y fut reliée dans la suite par deux murs parallèles, constituant deux étages de salles b, pourvues d'ouvertures sur les fausses-braies c, c', c". Il est vraisemblable que cette première transformation eut lieu lors de la fermeture de la porte, à une date qu'on ne saurait préciser, mais probablement dans les années voisines

FIG. 30. — TOUR ET BOULEVARD D'ITALIE. — Coupe.

FIG. 31. — TOUR ET BOULEVARD D'ITALIE.

Plan au niveau de la casemate.

DESCRIPTION DES REMPARTS

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du siège de 1480. Quelles étaient alors la forme et les dimensions du boulevard qui protégeait la tour? Les travaux exécutés sous le magistère de Carretto en ont fait disparaître les traces, et rien ne permet d'en fixer les dispositions. Carretto augmenta l'épaisseur du mur de la tour centrale, qui de 3 mètres atteignit 8 mètres. La plate-forme supérieure, à deux mètres au-dessus du niveau de la courtine, fut pourvue d'un large parapet à embrasures. Enfin on épaula cette maçonnerie par un massif demi-circulaire de 15 mètres d'épaisseur, dont la terrasse fut également protégée par un parapet : remarquons que les axes des canonnières e, e, ne sont pas normaux à la courbe, mais qu'ils sont dirigés de manière à battre le fossé dans toute sa largeur. Dans ce massif est pratiquée une galerie annulaire ou casemate j (Fig. 31), voûtée en berceau, à laquelle on accède par un escalier m partant de la fausse-braie. Le sol de cette galerie correspond au niveau des fossés, que les canonnières k prennent d'enfilade. Des cheminées verticales g assuraient la ventilation de cette casemate. Les poternes n et ο conduisent au fossé : à l'est, une caponnière permet de le franchir à couvert et d'accéder à la plate-forme du grand boulevard qui s'étend jusqu'à la mer. Les armes de Carretto,datées de 1515 à 1517, se retrouvent en divers endroits sur les murs de la tour centrale et du boulevard (1).

D E L A T O U R D ' I T A L I E A U M O L E DES M O U L I N S Au nord de la Tour d'Italie, la courtine, orientée d'abord sud-nord, prend ensuite la direction ouest-est sur une longueur d'environ soixante mètres, formant ainsi une sorte de tour bastionnée, simple plate-forme d'artillerie, en communication directe avec le sol de la Ville et pourvue seulement d'une petite salle abri ; au niveau du fossé est aménagée une casemate munie de canonnières. Au delà de ce saillant, la courtine rejoint le Môle des Moulins; elle n'a plus que trois mètres d'épaisseur moyenne entre ses parements verticaux. Le chemin de ronde est protégé par un parapet dont les merlons sont par exception rectangulaires. Cette partie du rempart porte les armes du grand-maître de Milly; elle s'accompagne d'une fausse-braie dont le parapet garde les traces de remaniements nombreux. Un grand terre-plein renforce la défense de cette partie de l'enceinte; il constitue un boulevard avancé dont la branche méridionale occupe l'angle rentrant du rempart au nord du Boulevard d'Italie; elle s'élève entre deux fossés qui la séparent, l'un de la courtine, l'autre du glacis. La branche septentrionale est isolée de la courtine par le fossé et sa paroi orientale vient baigner dans la mer. A la jonction des deux branches est construit un saillant à quatre pans, permettant de battre les fossés et les approches du boulevard; à la base de cet éperon, au niveau de l'eau, une casemate commande le fond du fossé extérieur et communique par une poterne avec la

(1) Cf. inf. Ch. III. η0S 82, 83, 84.

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LA CITÉ DE RHODES

mer; elle est également réunie à la fausse-braie par un passage voûté qui traverse le massif, puis par une caponnière qui franchit le fossé intérieur. A la naissance du Môle des Moulins, il existait encore, à la fin du siècle dernier, une tour circulaire qui, de même que le rempart avoisinant, avait conservé sa disposition primitive. Les travaux de déblaiement, effectués en cette région par les Italiens, ont fait réapparaître les assises inférieures de l'ouvrage et le boulevard polygonal qui en protégeait la base. La tour, détachée de la courtine, se réunissait à celle-ci, à la hauteur du chemin de ronde, par un arc en maçonnerie dont les voussoirs de naissance sont encore en place dans la muraille. Elle est représentée suivant ce dispositif dans Caoursin et Breydenbach, et d'ailleurs nous en avons retrouvé une photographie, fort médiocre, mais assez explicite, exécutée quelque temps avant la destruction de l'ouvrage (Fig. 32) (1).

M O L E DES M O U L I N S (PL. X V . 1. — F i g . 32) Ce Môle, orienté sud-nord, long de près de 300 mètres, atteint 25 mètres dans sa plus grande largeur; il protège le port à l'est. Le mur de soutènement de l'ouest repose sur des fondations helléniques. Des escaliers y sont ménagés qui descendent au niveau de la mer. Cette disposition est peut-être d'origine

FIG. 32. — LE MÔLE DES MOULINS.

(d'après une ancienne photographie)

antique; en tous cas, elle était en usage au moyen âge (2) et permettait l'accostage des barques; les vaisseaux de grand tonnage mouillaient perpendiculairement au Môle et étaient amarrés par l'arrière aux fûts de colonne disposés le long du quai (3). (1) Cette tour est signalée par Berg : « Ein runder Thurm, durch einem Bogen, mit dem Mauer verbunden... » Berg. Die Insel Rhodus, II. 19. Si cet ouvrage ne subit pal; les mêmes modifications que les autres tours de l'enceinte, c'est que sa situation le réduisait à un rôle secondaire : l'assiégeant ne pouvait l'atteindre qu'en installant ses canons sur le rivage de la baie d'Akandia, sous le feu des batteries du rempart d'Italie; et d'ailleurs, la transformation habituelle, c'est-à-dire la réunion à la courtine par un mur plein, n'eût augmenté en rien la résistance de la tour, le tir de l'ennemi étant dirigé normalement à ce mur. (2) Ces escaliers sont dessinés très exactement, tels qu'ils existent encore, dans la gravure de Breydenbach, reproduite plus haut (Fig. 2). (3) Cf. Caoursin. PL. I — 2. — Aujourd'hui on peut, grâce à l'emploi de coffres, mouiller parallèlement au môle, ce qui permet aux navires de se présenter debout à la lame, en cas de mauvais temps. Malgré cette précaution, il est parfois impossible de rester à l'ancre, pendant les tempêtes d'hiver : on doit alors chercher refuge sur la côte ouest, dans la baie de Trianda. Ceci dit, pour montrer que le Port de Rhodes, vanté par les auteurs du moyen âge, est en réalité fort médiocre.

DESCRIPTION DES REMPARTS

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Selon une tradition rapportée par Faber, Arnold von Harff, Jean Thenaud, etc., les moulins à vent qui s'élevaient sur le Môle auraient été construits par des Génois, faits prisonniers à la suite d'une expédition contre Rhodes (1). Ce qui est certain, c'est que dès 1391, on comptait au moins quatorze moulins : le neuvième, le dixième et le quatorzième faisaient en effet partie de la dotation des chapelles fondées par l'Amiral de l'Ordre, Frère Domenico d'Alemagna (2). En 1394, N. de Martoni en signale quinze (3); en 1480, il en reste encore treize (4), et il n'apparaît pas que ce nombre ait été réduit dans la suite : les textes des voyageurs qui visitent Rhodes entre les deux sièges sont généralement d'accord sur ce point (5). C'est d'après ces indications concordantes que nous avons fait figurer treize moulins sur notre plan d'ensemble. On n'en voit plus que trois aujourd'hui; les autres furent sans doute démolis par les Turcs lorsqu'ils construisirent la batterie voisine, au pied de la Tour des Moulins.

T O U R DES M O U L I N S (PL. X V I . — PL. X V I I . 1. - Fig. 33) A l'extrémité septentrionale du Môle s'élève une tour circulaire de 12 mètres de diamètre, qui, dans les textes du moyen âge, est toujours désignée sous le nom de Tour des Moulins; elle était d'abord ouverte à la gorge au sud, suivant un arc plein cintre, encore visible, de 4 m. 50 d'ouverture (PL. X V I I . 1). En face de cet arc, et séparée de la tour par un passage de 2 mètres, une tourelle circulaire renfermait un escalier à vis : elle est aujourd'hui arasée à la hauteur de la dixième marche (PL. X V I ) . La Tour des Moulins contient deux étages : l'étage inférieur est voûté en coupole sphérique; l'étage supérieur, auquel on accède par une échelle passant dans une trémie de la voûte, se compose de deux salles voûtées en berceau, séparées par un mur de refend dirigé suivant un diamètre de la tour. De cet étage, un escalier de pierre conduit à la plate-forme supérieure, protégée par un parapet à créneaux et merlons; les porte-bannières y sont encore en place, ainsi que des fragments de bretèches. (1) Faber. Evagatorium. Ill, 257.—Arnold von Harff. Pilgerfahrt (Ed. Groote), p. 70. — Jean Thenaud. Voyage. (Ed. Schefer), p. 126-127. — D'après Faber, ces Génois, prisonniers des Turcs, auraient exécuté ce travail pour se racheter. La version de A. von Harff est différente : les Génois ayant tenté de s'emparer de Rhodes par surprise échouèrent dans leur expédition. Comme rançon (Schettzonge = Schätzung), ils durent élever ces moulins. Jean Thenaud laisse entendre que l'expédition eut lieu au temps des Chevaliers. Ch. Schefer rétablit, semble-t-il, les faits exacts : « Les Génois s'emparèrent par surprise de Rhodes, en 1249, pendant l'absence du gouverneur, Jean Gabalas. Ils furent contraints de capituler entre les mains du protosébaste Theodore Contostéphane ». (Thenaud, Voyage, p. 126., note 1.) Il semble donc établi que les moulins remontent, au moins en partie, à l'époque byzantine. (2) Lib. Bull., 1492, f° 129. — Déjà en 1389, D. d'Alemagna, ayant fondé une chapelle de Sainte-Marie dans l'église Saint-Jean, la dotait, entre autres « de duobus molendinis ad ventum situatis super mollum portus nostri Rodi que duo molendina sunt secundum et sextum... numerando a parte maris seu transmontane ». Lib. Bull., 1389, f° 135 v. (3) N. de Martoni, Op. cit. dans Revue de l'Orient latin, III. 584. — Le pèlerin précise que l'espace qui sépare deux moulins voisins est de trois cannes (environ six mètres). (4) Cf. notamment Caoursin (PL. I. 2). Breydenbach (Fig. 2). — Il est bien certain que les trois moulins de la carte de Buondelmonti (Fig. 1) ne répondent pas à la réalité. (5) Anonyme de 1480 (Ed. Schefer), p. 113. — A. von Harff, p. 70. — Voyage de maître Possot (en 1532), p. 105. G. Lengherand et Ramadan (op. et loc. cit.) n'en comptèrent que douze. ,

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LA CITÉ DE RHODES

De l'étude de l'état actuel, on peut conclure que cet ouvrage présentait tout d'abord les dispositions suivantes (Fig. 33) : la tour principale A était ouverte à la gorge par l'arc plein cintre pénétrant dans la coupole de la salle inférieure. Cette salle ne communiquait pas directement avec la plate-forme supérieure, dont le niveau f correspondait au bandeau intermédiaire. L'escalier en tourelle B, partant du sol du môle a, conduisait d'abord à un premier palier en communication par un pont léger b (de maçonnerie ou de bois) avec le sol de la grande salle. En continuant à gravir cet escalier, on atteignait le niveau de la plate-forme supérieure et l'on franchissait également par un pont d l'espace qui séparait la tourelle de la tour. Cette restitution est justifiée d'ailleurs, au moins dans son principe, par les gravures e

du X V siècle. En outre, selon Caoursin, la tour se serait terminée par une tourelle polygonale, en retraite, analogue à celle de la Tour de Naillac, qui lui faisait face (1). Il resterait à déterminer la nature et l'importance des travaux effectués sous d'Aubusson, dont les armes figurent, avec celles de l'Ordre, au-dessus de l'ouverture à la gorge (PL. X V I I . 1); il est certain qu'il restaura la partie supérieure de la tour, au-dessus du bandeau, en supprimant sans doute le couronnement polygonal. Si on lui attribuait également la fermeture du grand arc et la construction des salles du second NIVEAU DE m

MER,

étage, il faudrait admettre qu'il rasa la tourelle d'escalier et établit les moyens d'accès en usage aujourd'hui : la technique négligée de ces travaux laisserait croire plutôt qu'ils sont l'œuvre des Turcs (2). Les armes de France, aux trois lys, sont encastrées dans la paroi extérieure de la tour, vers le nord et vers l'ouest ; leur présence ne saurait s'expliquer

FIG. 33. — TOUR DES MOULINS.

Etat primitif restitué.

que par quelque donation d'un roi de France. Nous trouvons, dans A. von Harff, une allusion précise à ce fait : « item an eynde van desem dijch (le Môle des

« Moulins) lijcht gar eyn schoin thorn mit starcken bolwercken, den hait laissen bouwen « koenyck Loedwich van Franckrijch » (3). De quel Louis de France s'agit-il? On observe que vers 1420, d'après la carte de Buondelmonti, le Môle des Moulins ne porte aucune tour (Fig. 1). La description de Gilles Le Bouvier, qui visite Rhodes en 1440, répond à une disposition analogue : le port est « fermé d'un côté (1) Cf. PL. I. 2 et Fig. 2. (2) La gravure de Breydenbach (Fig. 2) donne le panorama de Rhodes en 1483 : la Tour des Moulins y est représentée comme gravement endommagée au sommet. Le couronnement polygonal n'existe plus. On sait qu'en 1481-1482, de violents tremblements de terre avaient ruiné une partie de la Ville, et il est peu probable que d'Aubusson ait songé à reconstruire des éléments inutiles et instables. Par contre, sur la même gravure, la tourelle d'escalier isolée est figurée intacte ; nous pensons donc qu'elle subsista au moins jusqu'au départ de l'Ordre. (3) A. von Harff. Pilgerfahrt (p. 70-71).

DESCRIPTION DES REMPARTS

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« de meur et dessus pluseurs molins a vent et de l'autre costé d'une grosse tour quarré » (1). Le seul ouvrage qui, à cette époque, défendait l'entrée du port était évidemment la Tour de Naillac. Nous avons vu, d'autre part, que la Tour des Moulins est signalée dans une ordonnance d'Orsini, datée de décembre 1475 (2) : le Louis de France cité par A. von Harff ne peut donc être que Louis X I , et sa libéralité envers l'Ordre justifie le nom de Tour de France, sous lequel le pèlerin anonyme de 1480 désigne, exceptionnellement d'ailleurs, la Tour des Moulins (3). Il demeure possible que la construction de la tour soit antérieure à Orsini : l'ouvrage est conçu sur le même principe que la Tour Saint-Nicolas, que nous étudierons plus loin (V. inf., p. 78), et dont nous connaissons la date exacte (1464-67). L'avènement de Louis XI remontant à 1461,'la fondation de la Tour des Moulins se place à coup sûr entre 1461 et 1475, et fort probablement vers 1465. La base de la tour est protégée par un boulevard à canonnières et chemin de ronde. Sur la paroi ouest de cette muraille venait s'attacher l'extrémité fixe de la chaîne du port; on la manœuvrait par un treuil placé dans la Tour de Naillac (4).

DU M O L E DES M O U L I N S A LA PORTE DE LA M A R I N E

A partir de l'angle nord-est de la Cité, là où se trouvait, à la naissance du Môle des Moulins, la tour circulaire dont nous avons parlé plus haut, commence une courtine qui, jusqu'à la Porte de la Marine, présente les caractéristiques suivantes : ses deux parements sont verticaux et son épaisseur moyenne est de 2 m. 10 (Fig. 64); elle porte un chemin de ronde protégé, vers la mer, par un parapet à créneaux et merlons. Les armes du grand-maître de Milly s'y rencontrent une seule fois; celles d'Orsini y sont souvent répétées. Au pied des remparts s'élève aujourd'hui une étroite banquette dont le mur de soutènement est en majeure partie l'œuvre des Turcs; cependant, il reste en place quelques fragments d'un parapet ancien, qui attestent l'existence, dès le moyen âge, de cette fausse-braie. Elle venait se raccorder à la base du Môle des Moulins avec le boulevard de la tour d'angle du nord-est; un fossé et un pont-levis permettaient d'isoler le môle. Ce dispositif a complètement disparu, mais les miniatures de Caoursin en permettent la restitution : c'est là la barbacanede la porte du Môle.

(1) Gilles Le Bouvier. Le Livre de la Description des Pays (Ed. Hamy), p. 68-69. (2) Cf. sup., p. 4, note 2. (3) Cf. sup., p. 29, note 3. — L'attribution à Saint-Louis de la construction de la tour (Torr. Rhodes in modem times. 38 — Picenardi. Itinéraire. 24) est une interprétation aussi hardie qu'invraisemblable du texte de A. von Harff. (4) Cf. inf., p. 72. — Les murs extérieurs du boulevard,-battus par le flot, ont subi de fréquentes restaurations : on ne distingue aucun élément qui puisse répondre au dispositif d'attache de la chaîne.

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LA CITÉ DE RHODES

PORTE SAINTE-CATHERINE ( ? ) (PL. X V I I . 2. — Fig. 34) Nous avons proposé de l'identifier à la première porte par laquelle on pénètre dans la ville, en venant du Môle des Moulins. Elle est établie dans un redan de la courtine (Fig. 34); l'épaisseur du mur est franchie par un arc ogival biais α et par une arrière-voussure conique b, entre lesquels une large trémie c s'élève jusqu'à la plate-forme du redan ; cette sorte de mâchicoulis défendait l'approche de la herse d, glissant dans deux rainures verticales, et de la porte à deux vantaux qui s'ouvrait derrière elle. Une meurtrière e, pratiquée dans la paroi sud du passage, permettait d'en surveiller les abords.

FIG. 34. — PORTE SAINTE-CATHERINE.

La plate-forme supérieure commande les courtines contiguës; elle est munie, sur ses deux faces extérieures, d'un parapet à créneaux, merlons et mâchicoulis, et réunie au chemin de ronde par des escaliers droits f et d; en outre, à l'est, un emmarchement g, aujourd'hui interrompu, semble s'être poursuivi jusqu'au sol de la ville; ce serait là, si l'on accepte l'identification de cet ouvrage avec la Porte Sainte-Catherine, l'escalier auquel se rapporte le texte de 1465 et qui marquait la limite extrême du Poste de la Langue d'Italie (Cf. sup., p. 22) (1). Dans ce cas, on expliquerait par un remaniement postérieur la présence, sur la face orientale, des armes de d'Aubusson et de l'Ordre; mais, comme nous l'avons dit plus haut, il est impossible de distinguer, sur le marbre profondément rongé, la croix ancrée du grandmaître, et d'ailleurs la technique de l'appareil à la base et l'emploi de l'arc ogival affirment que le passage existait déjà en 1465.

(1) Il y avait intérêt à réduire au minimum le nombre des communications directes entre la Ville et le chemin de ronde. En 1474, on prit diverses précautions en vue d'une attaque possible des Vénitiens, et entre autres, selon Bosio, on mura l'escalier de la muraille voisine des moulins, c'est-à-dire, sans doute, l'escalier de la Porte Sainte-Catherine.

DESCRIPTION DES REMPARTS

BOULEVARD

DU

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PORT

A l'ouest de la Porte Sainte-Catherine, la fausse-braie conduit à un boulevard à trois pans, nommé Boulevard du Port, constitué par une enceinte percée de canonnières à un mètre au-dessus de l'eau. La situation de ce boulevard explique son but : il commandait toute la largeur de la passe, et ses pièces pouvaient atteindre au niveau de la flottaison les navires qui auraient tenté de forcer l'entrée du port. Au delà de ce boulevard, jusqu'à la Porte de la Marine, la courtine suit la courbe du port et comprend une série de pans de longueur variable; elle est flanquée d'une seule tour, sur plan barlong, qui porte les armes de l'Ordre, de Naillac et d'Orsini, et dont la plate-forme commande les chemins de ronde voisins. On observe, vers la ville, des traces d'ouverture à la gorge. Il est probable que cette tour, fondée par P. de Naillac, fut restaurée et sans doute transformée à l'époque d Orsini, lors de la réfection des murailles attenantes.

PORTE

DE

LA

MARINE

(PL. X I X , X X , X X I , X X I I . — Fig. 35-36) C'est certainement l'œuvre la plus expressive de l'architecture militaire à Rhodes : encore a-t-elle perdu de son charme depuis la disparition de la Marine, que reproduisent entre autres les dessins de Choiseul Gouffier ou de Carne (1). Là où les calques à l'ancre séchaient leurs voiles s'élèvent maintenant des magasins modernes, et un quai en maçonnerie a remplacé la plage de sable qui, il y a vingt ans à peine, s'étendait jusqu'au pied des murai lies. La porte, en plein cintre, s'ouvre entre deux tours cylindriques, en saillie sur le nu du rempart, aussi bien vers la mer que vers la ville, et réunies par une courtine de même hauteur que chacune d'elles. Le sol des plates-formes supérieures commande de six mètres le chemin de ronde. Trois étages de salles voûtées en berceau sont aménagés dans ces tours. L'étage inférieur (Fig. 36) comprend deux salles, m et n, de dimensions inégales, situées de part et d'autre du passage, au niveau de la place. L'une et l'autre ne possèdent, d'autre ouverture qu'une étroite meurtrière ο ouvrant sur le passage, avec lequel n'existe aucune communication directe. L'étage intermédiaire (Fig. 35) se compose de deux salles hexagonales, a et b, réunies par une étroite galerie de 0 m. 90 de largeur. Chacune d'elles est éclairée par une fenêtre rectangulaire k, à ébrasement voûté. Trois postes d'observation h, dont deux dans la salle du nord et un dans la salle du midi, permettaient de surveiller l'approche des courtines adjacentes : ce sont de petites cellules rectangulaires, en contre-bas du sol des salles, et auxquelles on accède par des escaliers de pierre j; elles sont munies chacune d'une ouverture circulaire surmontée d'une archère. (1) Choiseul-Gouffier. Voyage pittoresque de la Grèce, tome I, pl. 60. — Carne. The Holy Land, III. — Berg. Die Insel Rhodus, I, pi. 24 et 25.

11

FIG. 35 — PORTE DE LA MARINE — Plan du premier étage

FIG. 36. — PORTE DE LA MARINE. — Plan du rez-de-chaussée.

DESCRIPTION DES REMPARTS

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La galerie de jonction entre les salles n'est pas voûtée dans toute sa longueur. La partie centrale d, sur 3 m. 50 de développement, est plafonnée au moyen d'épaisses dalles de calcaire. Ce plafond correspond au défoncement pratiqué dans la paroi orientale, là où venait se placer la herse lorsqu'on la relevait. Cette herse a disparu, et la restitution que nous en donnons n'est que vraisemblable. Toutefois, les cavités ménagées dans le plafond dallé, en f, f, f, correspondent sans doute à trois palans qu'on pouvait manœuvrer à l'aide d'un treuil placé dans la galerie d. Dans la paroi occidentale s'ouvre une trémie e qui commande le passage. L'étage supérieur (PL. X X . 2) est établi au niveau du chemin de ronde des courtines. Il contient deux salles rectangulaires réunies par une galerie de 1 m. 30 de largeur. Ces salles, pourvues l'une et l'autre de cheminées de pierre, sont éclairées par des fenêtres à linteaux et ébrasements voûtés. Elles servaient sans doute de postes de garde; on pouvait clore les fenêtres au moyen de volets de bois : des feuillures en recevaient les dormants. Cet étage n'est relié aux étages inférieurs que par un système de trémies et d'échelles (g de la fig. 35; s, s de la fig. 36). De la salle méridionale, on gagne la courtine par un étroit couloir voûté en berceau, sur lequel est branchée une petite galerie coudée, couverte de larges dalles et terminée par une bretèche, dans l'angle de la tour et du rempart. La porte rectangulaire, à laquelle conduit le couloir, au sud, s'ouvrait sur un fossé, aujourd'hui comblé; la feuillure qui accompagne la porte et les trous circulaires au niveau du seuil prouvent l'existence d'un pont-levis et par conséquent d'un fossé. Une poterne et un escalier de quatre marches donnaient accès, le pont franchi, au chemin de ronde voisin. (Cf. la coupe transversale. PL. X X I I . ) De la salle du nord, un escalier à vis, couvert d'une voûte conique, monte à la plateforme; le parapet à créneaux, merlons et mâchicoulis qui défendait cette plate-forme est ruiné, vers la ville, au niveau de la terrasse. Il est parfaitement conservé du côté de la mer et repose sur des consoles, formées de trois assises superposées, qui constituent les mâchicoulis. Deux lignes de bandeaux moulurés, toutes deux de même profil, encerclent chacune des tours : le premier bandeau couronne le soubassement en talus; le second divise en deux parties égales le corps cylindrique de la tour. La paroi de la courtine qui réunit les deux tours est décorée, du côté de la mer, d'un grand bas-relief de marbre blanc. (PL. X I X et X X I . ) Un dais pyramidal, orné de pinacles en partie brisés aujourd'hui, abrite trois figures, qu'on identifie aisément malgré les mutilations qu'elles ont subies : au centre, une Vierge portant sur le bras droit l'enfant Jésus; à droite, Saint-JeanBaptiste, reconnaissable à sa toison; à gauche, Saint-Pierre, désigné par l'Evangile qu'il tient à la main. Au-dessous des figures, l'écu de France aux trois lys, flanqué des armes de l'Ordre et de d'Aubusson; enfin, à la partie inférieure du marbre, une inscription, gravée en relief et très effacée, relate que P. d'Aubusson a construit cet ouvrage en 1478 (1). Vers la ville, une inscription analogue accompagne une figure d'ange ailé, soutenant les écussons de l'Ordre et de d'Aubusson (2).

(1) Cf. inf. Ch. III. N° 110, Fig. 59. (2) Cf. inf. Ch. III. N° 111, Fig. 60. PL. X X X , 1.

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LA CITÉ DE RHODES

La situation de ce bas-relief prouve que le passage voûté établi vers la ville, et qui détruit de ce côté tout l'effet décoratif de la façade, est de construction postérieure, très vraisemblablement turque, à en juger par certaines particularités de la technique. On expliquerait difficilement par une autre raison la présence sur les murs, à l'intérieur du passage, de deux marbres qui appartenaient sans nul doute à des édifices des Chevaliers. Le marbre de droite, en sortant de la ville, doit provenir d'une église; il porte une inscription gothique dont les caractères, presque entièrement effacés, ne laissent apparaître que les noms de Jesu... Maria. Sur le marbre de gauche est sculpté un sablier, accompagné du mot P A L I T H A R O (1). Dans nos dessins, plans et coupes, nous n'avons pas fait figurer ce passage, non plus que les boutiques voisines; de la porte et de ses abords, nous n'avons représenté que les parties qui remontent à l'époque de la fondation (1478).

D E L A PORTE D E L A MARINE A U M O L E D E N A I L L A C (PL. X X I I I )

La courtine attenant au nord de la Porte de la Marine a 3 m. 50 d'épaisseur; le chemin de ronde est protégé vers la mer et vers la ville par des parapets munis d'archères et de créneaux, dont quelques-uns sont pourvus de bretèches d'un type spécial, sortes de huchettes de pierre (Fig. 73.) Sur le mur d'escarpe, dans un cadre à accolade, orné d'une tresse, sont encastrées les armes de l'Ordre et de d'Aubusson. Au droit de la muraille intérieure qui sépare le Château du Bourg, la courtine se retourne d'équerre, suivant une direction est-ouest, sur une longueur de 30 mètres; après quoi, elle reprend la direction sud-nord. Ce pan de muraille est-ouest est percé d'une porte, surmontée de mâchicoulis (PL. X V . 3 ) ; au-dessus de la baie, transformée par les Turcs, un cadre mouluré réunit les armes de l'Ordre, accompagnées à gauche de celles du grand-maître de Villeneuve, et à droite de celles du grand-maître Orsini, l'une et l'autre écartelées avec la croix de l'Ordre. A l'angle rentrant de la courtine, la porte rectangulaire qui interrompt le chemin de ronde devait primitivement être précédée d'un pont-levis, remplacé dans la suite par l'arc de maçonnerie qui existe aujourd'hui : on peut, en effet, observer le défoncement dans lequel venait s'engager le tablier du pont-levis. C'est en cet endroit que l'enceinte extérieure se réunit à la muraille intérieure, dont la première des tours s'élève précisément à ce point de jonction. Aujourd'hui ruinée vers le sommet, cette tour est construite en blocs de grande dimension (longueur, 1 m. 35 ; hauteur, 0 m. 65; épaisseur, 0 m. 50), avec des parements en talus. Au niveau de la courtine s'ouvre une porte rectangulaire (Fig. 37); son linteau est surmonté d'un bloc de marbre, où sont gravées les armes de l'Ordre, flanquées de celles du Lieute-

(1) Dans Rottiers, ce marbre est placé à l'entrée d'une maison appellee l'Amirauté. (Rottiers. Monuments de Rhodes, p. 346 et Atlas. PL. LVI.) C'est sans doute une erreur, car rien n'indique qu'il ait jamais appartenu à cet édifice. On a supposé que PALITHARO n'était que la transcription en caractères latins de πάλιν θάρω (A. Maiuri. Rodi. p. 130.)

DESCRIPTION DES REMPARTS

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nant de Heredia, Pierre Culant (1), à gauche, et d'un écu à cinq tours à droite (2); les deux autres blasons n'ont pu être identifiés. Cette porte donne accès dans une salle voûtée en berceau, de 5 mètres de longueur sur 3 m. 50 de largeur, qui servait de chapelle, ainsi que le prouve l'absidiole ménagée dans la paroi orientale. Les murs et la voûte étaient entièrement recouverts de fresques, en fort mauvais état aujourd'hui. Sur la paroi est, on peut reconnaître quelques figures de Saints, un Archange Gabriel et une Vierge; sur la paroi sud, un Saint-Jean-Baptiste, un bandeau décoré de quelques écussons, et un Saint-Martin habillant le pauvre; à l'ouest, une grande figure de SaintGeorges à cheval ; enfin, sur la paroi septentrionale, un Saint-Michel Archange, et d'autres saints, dont le premier, un évêque, porte le nom de Saint-Richard : la date de 1456, tracé au charbon, est postérieure. Dans la voûte, on distingue une scène du baptême du Christ (3). En quittant cette chapelle et en suivant, vers le nord, la courtine qui y aboutit, on rencontre deux tours rectangulaires. Les dimensions extérieures de la première (Fig. 38) sont de 10 mètres de largeur par 11 mètres de saillie sur le rempart; la plate-forme supérieure qui commande le chemin de ronde est protégée par un parapet à créneaux et merlons ; on y accède par un escalier en encorbellement, sous lequel s'ouvre une porte rectangulaire, surmontée d'un arc de décharge ogival : entre le linteau et l'arc, les armes de l'Ordre et de Philibert de Naillac. Cette baie conduit à une salle rectangulaire, voûtée en berceau ogival et munie d'archères cruciformes, qui communique par une trémie avec une salle basse également voûtée. La deuxième tour mesure 6 m. 25 de large et 12 mètres de saillie sur le rempart; un escalier conduit à la plateforme, protégée par un parapet à créneaux et merlons, et qui était supportée par les voûtes d'arête d'une salle rectangulaire. De ces voûtes, il ne reste plus que les voussoirs voisins des naissances. Dans les angles de la salle et dans l'axe des longs côtés, des colonnettes engagées, avec base et chapiteau,'recevaient les retombées des arêtiers et des doubleaux. Le sol de cette salle est de trois mètres en contre-bas du sol du chemin de ronde, sans communication directe avec le rempart : il semble qu'elle n'était accessible que de la plate-forme, par un système de trémies et d'échelles. Entre cette deuxième tour et la Porte de la Marine règne une seconde muraille basse ou (1) F. de Heredia, au moment de son départ pour Avignon, en 1382, désigna comme Lieutenant général Pierre Culant, Maréchal de l'Ordre, qui, semble-t-il, demeura en fonctions jusqu'à la mort du grand-maître, en 1395. (2) Le grand-maître de Heredia portait : de gueuies à sept tours d'or ou d'argent. Cependant, il parait impossible que cet écu aux cinq tours se rapporte à un autre personnage que Heredia. (3) De Belabre. Rhodes of the Knights, p. 91-92, Fig. 74, 75, 76. — La planche hors-texte, en couleurs, du début de l'ouvrage ne répond point à l'état actuel : l'auteur semble avoir complété à l'excès son modèle. V. également : Gerola. Monumenti medioevali, 1. p. 211.

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boulevard, dont les redans successifs venaient baigner dans la mer avant les constructions des quais et des bâtiments de la douane. Autant qu'on en peut juger aujourd'hui, au milieu des boutiques et des magasins de date postérieure situés à l'intérieur de ce boulevard, son enceinte se composait d'une petite courtine portant un chemin de ronde, muni d'un parapet à créneaux «t merlons; dans la courtine elle-même, on voit encore des ouvertures circulaires, pour l'emplacement d'armes à feu. Du rivage de la mer, on pénétrait dans l'intérieur du boulevard par deux portes : la première est percée dans le massif de la deuxième tour rectangulaire; elle est surmontée d'un marbre avec trois écussons; il ne reste pas trace des armes

FIG. 38. — UNE TOUR DES REMPARTS DU PORT.

qu'ils-portaient. La seconde, en plein cintre, aux armes de l'Ordre et de d'Aubusson, franchit le pan septentrional de l'éperon triangulaire qui flanque le boulevard, à l'est. Au sud de cet éperon, on ne voit plus que l'amorce d'un pan de mur qui, d'après d'anciennes photographies, s'étendait jusqu'à la Porte de la Marine. Il était daté par les armes de d'Aubusson et formait devant la courtine principale une sorte de lice se raccordant avec les fausses-braies du port. Au delà du boulevard, le rempart est constitué par une courtine de 3 m. 40 de largeur; le parapet, à créneaux et merlons, protège un chemin de ronde de 2 m. 60 de largeur; la hauteur du rempart, mesurée du niveau de la mer jusqu'au sommet des merlons, est de 13 m. 20. Tout ce pan de muraille remonte à d'Aubusson; un cadre orné d'entrelacs, couronné d'une archivolte trilobée, abrite la figure d'un ange ailé soutenant les armes de l'Ordre et de d'Au-

DESCRIPTION DES REMPARTS

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busson; au-dessus de l'ange, une figure du Père Eternel. Une inscription donne la date exacte des travaux : 1477 et seconde année du magistère, donc postérieurement au 17 juin (1). Plus au nord, un cadre rectangulaire entoure une archivolte ornée de feuillages, retombant sur des colonnettes, et renfermant un marbre aux armes de d'Aubusson, écartelçes avec celles de l'Ordre; le chapeau de cardinal surmonte l'écu et le millésime de 1494 fixe la date de la construction, ou tout au moins du remaniement effectué sous ce grand-maître. (PL, X X X I . 1 ) Ce dernier pan de la courtine était flanqué de deux tours rectangulaires, démolies par les Turcs en 1910 : elles mesuraient chacune 7 mètres de largeur, avec une saillie de 5 mètres environ sur le mur d'escarpe; implantées suivant un carré, elles s'élevaient en partie sur le chemin de ronde, qui se trouvait ainsi interrompu. En 1909, date de notre premier séjour à Rhodes, ces tours étaient déjà rasées à la hauteur du chemin de ronde, mais primitivement elles commandaient les courtines, ainsi qu'on en peut juger d'après les dessins de Rottiers, ceux plus précis et plus fidèles de Berg, et surtout d'après une ancienne photographie dont nous donnons le schéma (Fig. 39) (2).

FIG. 39. — MÔLE ET TOUR DE NAILLAC.

d'après- une ancienne photographie)

Terminées l'une et l'autre par des plates-formes à créneaux et merlons, elles étaient ouvertes à la gorge; la tour méridionale, plus élevée que l'autre, portait, d'après la gravure de Rottiers, les armes de l'Ordre et de d'Aubusson; l'autre était décorée de sept écussons, disposés en deux rangées superposées : le rang supérieur renfermait au centre les armes de Hérédia, accompagnées à droite de celles de l'Ordre et de Villiers de l'Isle-Adam, et à gauche de celles de l'Amiral Domenico d'Alemagna (1392-1396) et de Dragonetto Clavelli. Il faut donc supposer que cette tour, érigée sous le magistère de Heredia, fut plus tard remaniée par Villiers de l'Isle-Adam. Entre les deux tours s'ouvrait une baie de 9 m. 90 de largeur, mesurant 5 m. 20 de hauteur depuis le sol du quai moderne jusqu'à la clé de l'arc. Nous avons dit plus haut que cette (1) D'Aubusson avait été élu le 17 Juin 1476. 11 faut entendre que les travaux furent terminés pendant le second semestre de 1477; peut-être, furent-ils exécutés entièrement durant cette période. Pour le motif et l'inscription, cf. PL. X X X , 2 ; et Ch. III, Fig. 61. (2) Rottiers. Monuments de Rhodes, 81, Atlas. PL. IX et X I . — Berg. Die Insel Rhodus, II, 36 et PL. 38. — Les dessins de Berg aussi bien que notre Fig. 39 montrent que les mâchicoulis figurés par Rottiers ne sont qu'une restitution fantaisiste.

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porte devait assurer la communication entre le port et les chantiers de l'Arsenal : la présence des armes de l'Amiral d'Alemagna justifie cette hypothèse. Il est même possible que, vu sa largeur exceptionnelle, le passage ait été primitivement une porte d'eau, donnant accès à un clos des galées, lorsqu'existait le bassin intérieur dont la tradition conserve le souvenir, mais qui dès 1480 n'était plus en usage.

PORTE E T T O U R S A I N T - P A U L (PL. X X I V . — PL. X X V . 3. — Fig. 40) Le quai de maçonnerie qui longe le rempart a été construit par les Turcs : il aboutit à la porte extérieure qui faisait communiquer le Port avec le Môle Saint-Nicolas, et que nous sommes convenus de désigner sous le nom de Porte Saint-Paul. Du quai, on pénètre, par une première porte a (Fig. 40) percée dans la courtine, à l'intérieur d'un boulevard polygonal, protégeant une tour circulaire b de 12 mètres de diamètre; cette tour repose sur une base en talus, couronnée d'un bandeau mouluré, et s'entoure d'un fossé h de 3 mètres de largeur. Elle est réunie à la courtine par un massif renfermant deux étages de salles voûtées c, qui s'ouvraient vers l'Arsenal. La plate-forme supérieure commande le chemin de ronde, auquel elle est réunie par des emmarchements droits : elle est munie d'un parapet à créneaux, merlons et canonnières (Fig. 40). La paroi de la tour est décorée d'une figure en bas-relief et de trois écussons sculptés dans un marbre gris-bleu (PL. X X I . 4. N° 132) : ce sont les armes du pape Sixte IV, couronnées de la tiare et des clés pontificales et flanquées de celles de l'Ordre et de d'Aubusson; au-dessus des blasons, une dédicace à Saint-Paul (Fig. 62). La figure du saint, très mutilée, est coiffée de la mitre épiscopale, et l'inscription s. paul', en caractères gothiques, se lit dans la partie supérieure du marbre. La présence des armes de Sixte IV et de d'Aubusson fixe les limites extrêmes des travaux de ce grand-maître : 14761484. Il semble d'ailleurs, d'après l'appareil, que l'ouvrage soit antérieur à d'Aubusson, dont l'œuvre se borna sans doute à des modifications de détail, vers 1477, date de la réfection des remparts du nord (1). Le boulevard polygonal (Boulevard de France) se compose d'une courtine basse, avec chemin de ronde et parapet à créneaux et merlons (V. inf., Fig. 77). Des canonnières sont établies au niveau du sol : chacune d'elles est constituée par une ouverture carrée, surmontée d'une meurtrière verticale. La porte e, par laquelle on franchit le boulevard (Fig. 40), a été élargie par les Turcs; au-dessus, vers l'extérieur, on distingue encore les deux rainures où venaient se loger les ais du pont-levis f; il s'abattait sur le tablier d'un pont en maçonnerie g, qu'ont dégagé les fouilles de 1918. Deux arches franchissent le fossé creusé au pied du boulevard et conduisent au Môle Saint-Nicolas. Les armoiries qui étaient encastrées dans le mur d'escarpe du boulevard ont disparu (1) Si l'on compare la Tour Saint-Paul à la Tour Saint-Pierre, dont nous parlerons plus loin, on observe de nombreuses analogies dans la disposition générales, les dimensions de l'appareil, etc.. Il est donc fort probable que le gros œuvre de la Tour Saint-Paul remonte, comme la Tour Saint-Pierre, au magistère de Zacosta.

FIO. 40. — PORTE ET TOUR SAINT-PAUL. — MÔLE ET TOUR DE NAILLAC.

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LA CITÉ DE RHODES

(Fig. 51. N° 133); toutefois, les analogies que présente l'ouvrage avec le Boulevard SaintPierre et le Boulevard primitif de la Tour Saint-Nicolas (Cf. inf., fig. 46) laissent croire que celui de Saint-Paul est antérieur à d'Aubusson et contemporain sans doute de Zacosta ou d'Orsini. MOLE ET TOUR DE NAILLAC (PL. X X I V . — PL. X X V . 3. — Fig. 40) A l'est de la tour Saint-Paul se détache le môle qui protège le port vers le nord; là s'élève un terre-plein de 12 mètres de largeur moyenne sur 65 mètres de longueur; la hauteur de la plate-forme, au-dessus du niveau de la mer, atteint 12 mètres. Le mur septentrional de ce massif porte les armes de Fluvian (Fig. 51. N° 129), alors que celui du sud est daté par celles de d'Aubusson ( N ° 123); on en déduit que Fluvian éleva sur le môle une courtine de faible épaisseur, qui ne fut remparée que sous d'Aubusson. Le blason de ce grand-maître figure également au-dessus de la petite porte qui fait communiquer le quai longeant le terre-plein, au sud, avec la plate-forme inférieure de la Tour de Naillac. (t du plan restauré. Fig. 40.) Cette tour a été détruite par le tremblement de terre de 1863, mais on en peut aisément lever le plan, à la base, d'après les restes qui subsistent aujourd'hui (Fig. 40). En outre, par sa situation à l'entrée du port, par ses dimensions et sa silhouette pittoresque, elle attirait tout d'abord les regards des voyageurs et leur apparaissait comme l'ouvrage le plus caractéristique de la forteresse. Aussi, en possédons-nous de nombreuses et fidèles reproductions, où sont notés avec minutie ses détails extérieurs (1). La tour s'élevait au centre d'un massif établi sur l'extrémité rocheuse du môle; les murs de soutènement de cette plate-forme semblent d'origine hellénique, ou accusent tout au moins un remploi de matériaux antiques; la paroi du mur, d'abord verticale, s'incline ensuite en un talus accentué, de manière à former, à 6 mètres au-dessus du niveau de la mer, une plate-forme de 20 mètres de côté, bordée au nord, à l'est et au sud par un mur de 1 m. 40 d'épaisseur, dont il ne reste que quelques assises. Ce mur formait une ceinture au pied de la tour, qui était implantée suivant un carré de 13 m. 75 de côté. L'étage inférieur, en contre-bas du sol de la plate-forme, renfermait une salle carrée k, de 6 m. 35 de côté. L'ouverture, m-m, percée à l'est dans toute l'épaisseur du massif de maçonnerie, servait évidemment au passage de la chaîne s, qui fermait l'entrée du port et qui se manœuvrait à l'aide d'un treuil installé dans la salle basse de la tour. L'assise d'appui de l'ouverture porte encore les traces du frottement de la chaîne, et dans les murs de la salle elle-même apparaissent les trous d'encastrement du bâti du treuil. On ne saurait dire à quelle date exacte remonte l'installation de la chaîne. Au début de son magistère (1454), J. de Milly rappelle que son prédécesseur, J. de Lastic, a fait fortifier « con grande spesa... il detto Porto, per Sicurezza de' Naviganti e de' Marinari, con Torri e (1) Les meilleures sont celles de Berg. Die Insel Rhodus, I., p. 112 et PL. 1, II, p. 38. — Choiseul-Gouffier. Voyage de la Grèce, pl. 62 (sous la désignation erronée de Tour Saint-Nicolas).— Flandin. L'Orient, tome II, PL. 1 et PL. 6 (appelée Tour Saint-Michel).

DESCRIPTION DES REMPARTS

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Catene » (1); et la chaîne existe encore en 1462, époque à laquelle on institue la taxe ou « diritto della Catena del Porto » sur les marchandises qui entrent à Rhodes (2). Il est donc probable que, par la décision, prise en 1475, de mettre à la bouche du Port une chaîne de fer, on ne fit que remplacer une chaîne hors d'usage ou jugée trop faible (3). La précaution de d'Aubusson parut elle-même insuffisante à Villiers de l'Isle-Adam, et, en 1522, on installa une seconde chaîne entre la Tour des Moulins et la Tour Saint-Nicolas (4). Le corps principal de la Tour de Naillac s'élevait suivant la section de la salle basse, jusqu'à une plate-forme située à 37 mètres au-dessus du niveau de la mer et qui, protégée par un parapet à mâchicoulis, était flanquée à chaque angle d'une échauguette cylindrique en encorbellement, couverte en terrasse; un dernier étage octogonal, en retraite, couronnait la tour; la plate-forme extrême, à laquelle conduisait un escalier extérieur, dominait ainsi de 46 mètres environ le niveau de la mer (5). Deux lignes de bandeaux moulurés divisaient les parois de la tour en trois parties égales : dans l'axe de chacune des faces, au-dessous des mâchicoulis, des cadres rectangulaires renfermaient les armes de l'Ordre, flanquées à droite et à gauche de celles du grand-maître de Naillac (6). Le terre-plein j, construit sur le môle, se terminait à 16 mètres de la paroi occidentale : cet espace était franchi par une large arcade plein cintre n, encore en place, et par un pontlevis r qui se commandait de l'intérieur de la tour; il assurait la communication entre le terreplein et l'un des étages, le second, autant qu'on en peut juger d'après les diverses reproductions de l'ouvrage. Dans la pile de l'arc, on distingue, sur la face nord, les traces d'une tourelle cylindrique o; elle renfermait un escalier conduisant du sommet du terre-plein à la plate-forme inférieure. Vers le nord, un boulevard p, muni de canonnières basses et flanqué d'un saillant q, complétait les défenses (7). Une tradition, dont l'origine nous échappe, attribue la construction de la Tour de Naillac à des esclaves arabes (8) : toutefois, le nom de Tour des Arabes n'apparaît point dans les textes du moyen âge et semble avoir pris naissance à l'époque moderne. Quant à la date de cet ouvrage, elle est déterminée par les armes de Philibert de Naillac (1396-1421). (1) Bosio. Istoria, II. 249. (2) Ibid. II. 285. (3) Ibid. II. 351. — En 1579, un fragment était encore en place. « Et y avoit lors que les chrestiens tenoient l'isle une grosse chaîne de fer laquelle on tendoit de l'un chasteau à l'autre quand la necessité le requerroit de laquelle chaîne on y voit encores une pièce ». Ms. Carlier, f° 47. Rottiers en vit, paraît-il, une partie, dans les magasins de l'hôpital : elle aurait été dans la suite transportée à Constantinople. Rottiers. Monuments de Rhodes, 191. — Guérin. V Ile de Rhodes, 127. (4) La distance qui sépare les deux ouvrages est d'environ 700 mètres. D'après Bourbon, il semblerait que la seconde chaîne était tendue, comme la première, entre les deux points extrêmes, ce qui eût été évidemment impossible. Fontanus explique qu'il s'agit là d'un barrage avec flotteurs intermédiaires : « Portus septus est valida ferreaque cathena immanis ponderis transversum ante fauces proiecta, trabibus etiam quae supra undas natabant, validis anchor,ariis funibus inter se connexis, quae a turri molendinaria ad arcem Nicoleam obliquo tractu protendebantur ». Fontanus. De bello Rhodio, I. 34. (5) Dans notre restauration (PL. X X I V , 1), nous avons déterminé les cotes de hauteur d'après une ancienne photographie (Fig. 39), la première sans doute qui ait été exécutée à Rhodes. (6) PL. X X X I , 3. — Le fragment que nous reproduisons, trouvé sur le môle, est actuellement au musée. (7) N'est-ce point là l'amorce du ravelin projeté par d'Aubusson et qui devait rejoindre le Boulevard de France? (Cf. sup., p. 25, note 5). (8) Delaville Le Roulx. Les Hospitaliers à Rhodes, 355.

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LA CITÉ DE RHODES

•DE LA T O U R SAINT-PAUL AU PALAIS DU G R A N D - M A I T R E (PL. X V . 2. - PL. X X V . 1) Le premier pan de courtine, contigu à l'ouest à la Tour Saint-Paul, fut sans doute construit, ou tout au moins transformé, sous le magistère de d'Aubusson, dont il porte les armes. Les deux tours qu'on rencontre ensuite (PL. X V . 2), en parcourant le chemin de ronde, vers l'ouest, datent d'une époque antérieure : les armes de Heredia figurent sur la face septentrionale de chacune d'elles. Quant à la courtine qui les réunit, on peut, d'après les caractéristiques de sa construction (épaisseur totale de 1 m. 70, avec parapet de 0 m. 50), l'attribuer également à ce grand-maître. Première Tour. — Elle est bâtie sur plan barlong (dimensions extérieures : 12 m. 60 sur 7 m. 70) et ses longs pans sont parallèles au rempart. Ses faces montent verticalement au-dessus d'un soubassement en talus, couronné d'un bandeau mouluré. Elle contenait une salle intérieure rectangulaire, à deux travées de voûtes d'arête; il ne reste de ces voûtes que les claveaux de retombée des arêtiers, qui s'appuyaient sur des chapiteaux supportés par des colonnettes engagées. Le sol actuel de la salle est aujourd'hui de plain-pied avec le chemin de ronde et correspond à peu près au niveau des naissances des voûtes : on doit supposer que ce n'est là qu'un remplissage postérieur et que primitivement le sol de cette salle se trouvait en contre-bas du chemin de ronde. On observe dans le mur méridional de la tour les traces de l'escalier qui conduisait à la plate-forme supérieure. L'étage inférieur, au niveau du sol de l'Arsenal, comprend une salle rectangulaire voûtée, dépendance directe des magasins qui s'appuyaient sur cette partie du rempart. Deuxième Tour. — Elle est implantée de biais par rapport à la direction générale de la courtine, suivant un rectangle de 5 m. 90 par 8 m. 20. Ses parois, verticales sont coupées à mi-hauteur, entre le sommet et le sol de la fausse-braie, par un bandeau très simple. Sa plate-forme, munie d'un parapet à créneaux et merlons, est réunie par un escalier extérieur au chemin de ronde, au niveau duquel on accède à une salle rectangulaire, voûtée en berceau plein cintre. De même que pour la tour précédente, la salle de l'étage inférieur, voûtée en berceau, ne communiquait qu'avec les magasins de l'Arsenal, par une porte percée dans l'épaisseur de la courtine. Le pan rectiligne de murailles, qui, sur 120 mètres de longueur, s'étend entre cette dernière tour et celle de Saint-Pierre, présente des caractéristiques nouvelles : la courtine, large de 5 m. 15, supporte un chemin de ronde de 3 m. 60, protégé par un parapet de 1 m. 55 d'épaisseur, percé alternativement de créneaux et d'embrasures à canonnières et archères cruciformes (Fig. 66). Sur le mur d'escarpe, en un élégant motif, sont réunies les armes de l'Ordre et de d'Aubusson (PL. XXXII), datées de 1477 et de la seconde année du magistère (1).

(1) Donc 1477, postérieurement au 17 Juin. Cf. sup., p. 69, note 1.

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DESCRIPTION DES REMPARTS

T O U R SAINT-PIERRE (PL. X X V . 1. — Fig. 41) Elle est circulaire, de 13 mètres de diamètre extérieur; sa plate-forme, protégée par un parapet de 0 m. 80, est réunie par un plan incliné Β aux courtines voisines, dont elle commande les chemins de ronde A. Un escalier à vis E, aujourd'hui ruiné, conduit à une salle intérieure, voûtée, et au niveau e la fausse-braie D, D. Sur la paroi extérieure de la tour, une figure de Saint-Pierre, très mutilée, s'abrite dans une niche; un cadre en Τ renversé la réunit à trois écussons, aux armes du pape Pie II Piccolomini, de l'Ordre et de Zacosta, ces deux derniers composés de marbre blanc et rouge. De la juxtaposition des armes de Pie II et de Zacosta, on déduit la date de la construction : elle doit être fixée entre 1461 et 1464. Un boulevard polygonal F protège le pied de la tour : il possède un chemin de ronde, avec créneaux, merlons, archères et bretèches m, et communique par des escaliers droits avec la faussebraie et avec le fond du fossé H, qui encercle la tour; à ce niveau sont établies des canonnières permettant de battre les fossés voisins. Du chemin de ronde du boulevard, un escalier descend au ravelin g, qui se détache de l'ouvrage; ce ravelin, composé d'une étroite courtine avec un chemin de ronde compris entre deux parapets,

s'étend

jusqu'au

port

du

Mandraki et venait baigner dans la mer

avant

la

construction du quai

actuel (1). Après la Tour Saint-Pierre, la muFIG. 41. — TOUR ET BOULEVARD SAINT-PIERRE.

raille est d'un type analogue à la courtine précédente et datée de la même

époque (PL. X X X I . 2 et Fig. 63). Orientée d'abord nord-sud sur 80 mètres de développement,

elle

prend ensuite à nouveau la direction est-ouest et vient se raccorder aux murailles du Pa-

lais du grand-maître. Dans l'angle rentrant ainsi constitué s'élève une tour rectangulaire qu'on pourrait identifier, comme nous l'avons dit plus haut, à la Tour de Plaignes (ou de Plagnes). En cet en(1) C'est ce qu'indiquent les miniatures de Caoursin (PL. I, 2). Cet ouvrage antemurale (barbacane ou ravelin) est signalé en 1480 : « Constituitur aliud presidium equestrium et pedestrium in antemurali quod a Turri Sancti Petri ad inferiorem mandrachii partem protenditur ». Caoursin. Obsidionis Descriptio.

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LA CITÉ DE RHODES

droit, le niveau du chemin de ronde correspond à celui des rues avoisinantes du Château : de cette manière s'établit une communication directe et de plain-pied entre le Château et le sommet des remparts. Depuis la Tour Saint-Paul jusqu'au Palais, une large fausse-braie longe les murailles; elle est protégée vers le fossé par un parapet à créneaux et merlons. Entre la Tour SaintPierre et la Tour Saint-Paul, le mur de contrescarpe soutient un tertre, aujourd'hui couvert de tombes turques. Au moyen âge, le chemin partant de la Porte Saint-Paul contournait cette levée de terre et conduisait au fossé en franchissant le ravelin devant le Boulevard de SaintPierre. A cette époque, le ravelin, ainsi que la contrescarpe parallèle, s'étendaient jusqu'à la mer, en sorte que, de la Porte Saint-Paul, on ne pouvait gagner à pied sec la rive occidentale du Mandraki et l'Eglise Saint-Antoine. Pour se rendre en cet endroit, on devait alors sortir de la Cité par la Porte d'Amboise; la Porte Saint-Paul desservait uniquement le Môle et la Tour Saint-Nicolas. Cette région du nord fut en partie transformée par d'Aubusson pendant les premières années de son magistère. Nous avons vu que les courtines aboutissant à la Tour Saint-Pierre remontaient à 1477. D'autre part, nous savons que, dès 1476, on avait décidé de reconstruire le mur de l'Arsenal, en lui donnant une épaisseur de dix-huit palmes (1), ainsi qu'un pan de rempart, entre la Tour Saint-Pierre et la Tour de Plaignes, de vingt palmes d'épaisseur (2). Quelle que soit la valeur exacte du palme usité à Rhodes, elle ne saurait s'écarter beaucoup de 25 centimètres, et les murs précédents ne peuvent s'identifier qu'aux courtines limitant le Château au nord; on ne trouverait, en effet, aucune autre portion de l'enceinte qui répondît à la même date et aux mêmes dimensions, et ce fait constitue une nouvelle preuve de la situation de l'Arsenal en cette région du Château.

PALAIS D U G R A N D - M A I T R E (Fig. 7) Le Palais n'était pas seulement la demeure du grand-maître et de sa suite : il formait à lui seul une forteresse indépendante. Ses murailles, flanquées de tours élevées, continuaient l'enceinte, et ses terrasses commandaient les ouvrages avoisinants. Par sa situation au point culminant du Château, il était en quelque sorte le donjon de la Cité. Nous avons dit plus haut que son état actuel n'en permet point une restauration détaillée; la vue perspective de l'ensemble (Fig. 7) a été tracée en utilisant divers documents du siècle dernier (3), qui reproduisent les grandes lignes de l'édifice alors qu'il était beaucoup plus complet : il possédait encore des parties importantes de l'étage supérieur. Parmi les tours qui flanquaient les murailles, les unes sont conservées à la même hauteur que les bâtiments; c'est ainsi qu'on retrouve les œuvres basses des tours demi-circulaires qui (1) Lib. Concil. A. D. 1473-78, f 99 bis et 118 bis-119. Pièces justificatives, VI et Χ. os

(2) Ibid., f° 104. Pièces justificatives, VII. (3) Rottiers. Monuments de Rhodes, p. 149 et suiv. et Atlas. PL. X V I I I . — Berg. Die Insel Rhodus, I. PL. 29 et 35. Flandin. L'Orient, II. PL. 22, 23 et 24.

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DESCRIPTION DES REMPARTS

accompagnaient au sud l'entrée principale du Palais; la tour rectangulaire, qui s'élevait au milieu de la face nord, possède encore quelques marches d'un bel escalier à vis, d'un travail fort soigné. Par contre, la puissante tour carrée qui flanquait la face ouest est entièrement détruite. Au nord du palais s'étend une esplanade où les Turcs ont édifié un hôpital militaire : ce saillant existait dès 1480 et Merri Dupui le désigne sous le nom de Boulevard du Palais. Pendant le premier siège, les Turcs le bombardèrent, « mais pour ce que ledit boulevart si « estoit tout macif et plain de terre jusques pres des creneaux et avoit dessus comme ung pre « ou jardin de plaisance les pierres des bombardes non obstant quelles fussent grosses et furieu« sement gectees ne faisoient que ung petit egratigner la muraille et en demeuroit beaucoup « de fichées dedans » (1). Ce jardin, dépendance directe du Palais, correspond sans doute à celui que visita Arnold von Harff vers 1496 (2) : l'endroit où nous le situons et d'où la vue domine la Cité et la mer, se prêtait tout particulièrement à l'établissement d'un jardin de plaisance. REMPART ENTRE LE CHATEAU ET LA VILLE Nous avons, dans la description précédente accompli le tour complet de l'enceinte extérieure; il nous reste à examiner la muraille intérieure qui séparait le Château de la Ville. Il est certain qu'elle subsista jusqu'aux derniers jours de la domination de l'Ordre : elle constituait en effet un enclos, réunissant les Hospitaliers en un véritable Couvent, suivant la Règle, et leur permettant d'éviter toute promiscuité avec le peuple de Rhodes. Dès la prise de possession de la Cité par les Turcs, cette division devenait inutile; on cessa d'entretenir les tours et les courtines, qui s'écroulèrent et disparurent peu à peu. Aujourd'hui, on n'en retrouve que quelques fragments épars dans les jardins ou noyés dans les constructions modernes. Au reste, même au temps de l'Ordre, cette clôture méridionale du Château jouait un rôle secondaire. La population indigène subissait passivement l'énergique autorité e

des grands-maîtres, qui ne connurent jamais la menace d'une rébellion. Si, à la fin du X V siècle, se manifeste le désir d'augmenter la puissance défensive du Château, ce n'est point en vue d'une agression improbable et facile à réprimer du peuple rhodien, mais au cas où, durant un siège, l'enceinte extérieure de la Ville serait forcée. Le Château pourrait alors devenir le réduit des défenseurs; c'est dans ce but qu'une décision de 1475 prévoyait la création, « a lo castello, verso la terra », de trois boulevards réunis par des fossés larges et profonds (3). En Mars 1476, on fixait à 20 palmes la largeur des murs qui seraient élevés « au Château, vers la Ville » (4). Il n'apparaît pas qu'aucun de ces projets ait été exécuté : alors qu'on retrouve (1) Merri Dupui, dans Vertot. Op. cit., p. 604. (2) « ...buyssen (binnen) der stat nae dem pallais zoe hait der groissmeyster lijgen gar eynen schoynen gemuyrten bungart... » Arnold von Harff. Pilgerfahrt (Ed. Groote), p. 71. Le pèlerin vit dans ce jardin une autruche avec deux petits. Lengherand, lui aussi, note cette curiosité : « ...le pallais ung très beau lieu auquel veymes une ostrice... » (Lengherand. Voyage, p. 103.) Malgré l'indication contraire de Caoursin, on doit donc admettre que le Boulevard du palais renfermait un jardin : ceci s'accorde d'ailleurs avec un passage de Bourbon : « semblablement y avait un autre massif dans le jardin dudit seigneur grand-maître, lequel batait vers la Tour Saint-Nicolas... » (3) Sacra Capitula Generalia. Ms. 283, f° 119 bis. (Pièces justificatives, V.) (4) Lib. Concil. A. D. 1473-1478,f° 99 bis. (Pièces justificatives, VI.)

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LA CITÉ DE RHODES

au nord et à l'est du Château les épaisses courtines bâties par d'Aubusson en 1477 et 1478, on n'observe dans les vestiges de celles du sud aucun élément qui atteste une transformation analogue. D'autre part, dans leur partie orientale, elles n'étaient séparées que par un espace de 4 à 5 mètres des magasins voûtés élevés dans la Ville, sur la Place; les boulevards et les fossés du projet de 1475 n'auraient donc pu se développer en cette région, et il est probable que les remparts méridionaux du Château demeurèrent ce qu'ils étaient dès 1394, lors du passage à Rhodes de N. de Martoni, de hautes murailles flanquées de tours hautes et épaisses (1). Nous avons signalé plus haut les différentes portes qui s'ouvraient dans cette muraille, et montré que, parmi les tours qui la flanquaient, celle de l'angle sud-ouest du Château semble correspondre à la Tour de la Garde (2).

L E M O L E E T L A T O U R SAINT-NICOLAS A. — LE M O L E Le Môle Saint-Nicolas, qui protège à l'est le port du Mandraki, se détache du rivage au nord de la Porte Saint-Paul et s'étend sur une longueur de 400 mètres, suivant une direction sud-nord. Il est constitué par un blocage de chaux et de roche compris entre deux murs verticaux parallèles, appareillés en assises de 0 m. 40 de hauteur. La largeur moyenne de la chaussée est de 10 mètres et sa hauteur au-dessus du niveau de la mer de 3 m. 20. Ce massif repose sur le bord occidental d'un large banc de rochers dont les blocs chaotiques le défendent, vers la haute mer, contre les lames violentes déchaînées par les vents du sud-est. L'existence de constructions antiques est attestée par des fragments significatifs (3), mais des sondages dans la masse du môle médiéval seraient nécessaires pour déterminer les dimensions et les dispositions des travaux antérieurs. Tel qu'il se présente aujourd'hui, le môle correspond au dessin de Breydenbach plutôt qu'aux miniatures de Caoursin. Les trois moulins à vent qui s'y trouvent sont signalés par Arnold von Harff en 1496 (4), alors que Breydenbach n'en indique que deux et qu'ils ne figurent pas dans Caoursin. Comme ils ne présentent entre eux aucune différence notable de construction, nous les avons mis en place, tous trois, sur le plan de 1522. (1) Ν. de Martoni. Pèlerinage, dans Revue de l'Orient latin, III, 1895, p. 583. — C'est ce que semble confirmer la description de Stochove, en 1631 : « La Ville Haute (le Château) est bastie sur le penchant d'une montagne : elle n'est séparée de la basse que d'une simple muraille de pierre de taille flanquée de quelques tours ». Stochove. Voyage d'Italie et du Levant, p. 219 et suiv. (2) Cf. sup. p. 26. (3) En contre-bas du môle actuel, vers l'est, on observe entre les rochers des remplissages de maçonnerie d'un travail très soigné, certainement antique. On gardait, au moyen âge, le souvenir de cette origine : « ...super molem, dextro cornu ante portum admirabili antiquitatis arte et sumptu in mare proiectam... » Fontanus. De bello Rhodio, II, 58. (4) « Item off deme dijch off die lyncke hant lijgen eirst drij thoerne mit wynt moellen, dar nae ein kleyn cappelgen hait deser groyssmeister in ere sijnt Nyclaes laissen bouwen ». A. von Harff. Pilgerfahrt, p. 71. — Ces trois moulins sont signalés également par G. Lengherand. Voyage, p. 105. Quant à la chapelle, c'est sans doute celle où Breydenbach (Sanct. peregr.) fit sa prière avant de s'embarquer. Il n'en reste pas trace sur le môle. Ne correspondrait-elle point à celle que nous retrouverons à l'entrée du fort? (Fig. 50, C.)

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DESCRIPTION DES REMPARTS

Β. — LA T O U R SAINT-NICOLAS (PL. XXV. 2. — PL. X X V I . — PL. X X V I I . — Fig. 42 à 50) Le môle se termine au nord par une plate-forme rocheuse que la tradition désignait, au moyen âge comme l'emplacement du Colosse (1) : jusqu'en 1464, elle ne portait qu'une église consacrée à Saint-Nicolas; c'est celle qui figure, avec l'inscription « Sanctus Nicolaus », sur la miniature du Liber Insularum (Fig. 1) (2). En 1444, les Egyptiens, ayant mis le siège devant Rhodes, « se vindrent affuster leurs gros engiens et bombardes devant la ville » et notamment « sur le terroy molle vers Sainct Nicollay auprez du Mandracque » (3). Puis ils tentèrent un assaut qui fut repoussé et durent abandonner leur entreprise. Parmi les Hospitaliers, combattait Geoffroy de Thoisi, qui, avec les galères de Philippe de Bourgogne, était venu apporter aux assiégés un appui efficace (4). e

On connaît le rôle actif que joua Philippe en Orient, vers le milieu du XV siècle, et les grands projets qu'il rêvait d'accomplir. Il est tout naturel qu'il ait songé à associer l'Ordre de l'Hôpital à ses vastes entreprises et qu'il soit demeuré en rapports assez fréquents avec Rhodes (5). En 1453, il remit à Jean de Vienne, Commandeur de la Romagne, quatre bombardes « qui étoient en l'artillerie de Dijon » et devaient être envoyées à Rhodes (6). Plus tard, en 1465, lorsque Raimondo Zacosta eut entrepris d'élever à l'extrémité du Môle SaintNicolas un ouvrage puissant, il fit appel à la libéralité du duc et, grâce à l'intervention de Jean de Chally, procureur de la Religion, obtint la somme de dix mille écus d'or. Nous avons retrouvé aux Archives de Malte le texte qui relate cette importante donation : c'est l'enregistrement du reçu délivré par le grand-maître (7). Il y est spécifié que, pour rendre hommage à la générosité du prince, ses armes et celles de ses provinces seront placées sur les parois de la tour, en des endroits déterminés; nous allons constater, au cours de cette étude, que Zacosta tint scrupuleusement cette promesse. C'est ainsi que se justifie le nom de Tour de Bourgogne que certains auteurs donnent parfois à la Tour Saint-Nicolas (8). (1) Ν. de Martoni, Op. cit., p. 585. — Fontanus, De bello Rhodio, II, 58. (2) Elle existait déjà en 1394, lors du passage de N. de Martoni. (Op. et loc. cit.) (3) Jehan de Waurin. Chronique (Ed. Hardy), p. 36. — Cf. également. Ioannes Germanus. Vita Philippi III (Ed. Ludewig), p. 77. (4) De Barante. Histoire des Ducs de Bourgogne. Bruxelles, 1838, II. 70. (5) Ghillebert de Lannoy et Bertrandon de la Broquière, chargés l'un et l'autre par Philippe III d'importantes missions en Orient, firent tous deux escale à Rhodes (Schefer. Voyage de l'Anonyme de 1480. Introd, p. I, II). (6) Archives de la Côte d'Or. Original. B. 16, f° 55. (Communiqué par M. Nolin, rédacteur aux Archives.) (7) Lib. Bull. A. D. 1465-1466, f° 160. (Pièces justificatives, II.) (8) Cf. sup., p. 29. — Le don de Philippe de Bourgogne est un fait connu, mais il a été inexactement rapporté : « Philippe de Bourgogne... fit réparer à ses frais la tour des remparts de Rhodes, ruinée en 1445 par l'artillerie des Egyptiens, et qui a conservé depuis cette époque le nom de tour de Bourgogne ». (Schefer. Introd. au discours du voyage d'outremer de Jean Germain, dans Revue de l'Orient latin, 1895, III. 303.) Cf. également Kleinclausz (Histoire de Bourgogne, Paris, 1909, p. 155), qui fixe par erreur à 1436 l'intervention du duc.

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LA CITÉ DE RHODES

LA DATE DES CONSTRUCTIONS

Selon Bosio, la fondation de l'ouvrage remonterait à 1464 : devant les préparatifs menaçants de Mahomet II, Zacosta met la Cité en état de défense, « e per assicurarla da gli assalti, « che per mare dare se le potessero et per maggior sicurezza del Porto; fondo la fortissima « Torre di San Nicolo, dinanzi alla bocca del detto Porto » (1). C'est seulement l'année suivante que le grand-maître recourt à l'aide de Philippe de Bourgogne : « La quai Torre fù poi dall'istesso Gran Maestro, condotta à fine; con l'aiuto di « costa, di dodici mila scudi d'oro, in oro, che Filippo Duca di Borgogna...dono al Gran Maes« tro...» (2).Relevons de suite l'erreur de Bosio: la donation fut de dix mille écus et non de douze mille. A ce détail près, le passage de l'Istoria est vérifié par le texte de Malte : la somme Versée par le duc sera employée « pro edificatione et perfectione murorum turris per nos cepte « super molo Sancti Nicolai nostre civitatis Rhodi in loco ubi sita erat ecclesia Sancti « Nicolai » (3). Tout ce qui suit est au futur et il est prévu que les travaux dureront deux années : « ...deliberamus dictam summam exponi in edificatione et perfectione ipsius turris « quam adimplebimus in terminum duorum annorum... » En résumé, la Tour fut fondée en 1464, et, en Juin 1465, l'Ordre recevait les dix mille écus du duc de Bourgogne; les travaux furent alors poursuivis sans interruption jusqu'à l'achèvement de l'ouvrage. On doit admettre qu'en février 1467, date de la mort de Zacosta à Rome, le gros œuvre tout au moins était terminé, car sur les parties qui remontent aux dispositions premières, on n'observe d'autres armes que celles de Zacosta. La Tour élevée par ce grand-maître eut beaucoup à souffrir du siège de 1480 et des tremblements de terre de 1481 (4). D'Aubusson y effectua les réparations nécessaires ( 5 ) ; en outre, il y ajouta des éléments nouveaux et la transforma en un ouvrage beaucoup plus étendu qui nous est parvenu presque intact.

LA T O U R DE ZACOSTA

C'est dans la partie centrale du fort actuel que nous retrouverons le plan primitif de l'ouvrage de Zacosta (Fig. 42). Il se composait essentiellement d'une puissante tour centrale, circulaire, de 17 m. 30 de diamètre, protégée à sa base par un boulevard polygonal à vingt pans, séparé de la tour par un fossé ou fausse-braie de 2 m. 80 de largeur. La tour et le boulevard sont appareillés en assises de 0 m. 40 de hauteur moyenne. (1) Bosio. Istoria, II, 293. (2) Bosio. ibid. (3) Pièces justificatives, II. (4) Caoursin. Obsidionis descriptio et De Terræ motus labe. (5) Ces restaurations étaient terminées dès le 7 Mars 1482, date à laquelle fut désignée la commission chargée d'estimer les travaux. (Lib. Concil. 1482, f° 124 v.)

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DESCRIPTION DES REMPARTS

FIG. 42. — TOUR SAINT-NICOLAS. — Etat primitif restitué : plan.

Le système d'escaliers, qui permet aujourd'hui d'accéder aux différents niveaux, date en e

partie de la deuxième disposition. D'après les gravures du X V siècle et l'examen des lieux, on doit supposer qu'à l'origine une tourelle circulaire a, détachée de la tour principale, renfermait un escalier à vis qui conduisait au niveau de la fausse-braie; l'espace qui séparait la tourelle du boulevard était alors franchi par un pont-levis b. Bien qu'il ne reste pas de traces de cet escalier, ce dispositif semble justifié par les observations suivantes : d'abord, les miniatures de Caoursin donnent pour l'ouvrage l'indication constante de deux tours circulaires, fort différentes de diamètre et de hauteur; d'autre part, la Tour des Moulins nous a conservé les vestiges d'un système analogue; enfin, et c'est la preuve la plus convaincante de la restitution proposée, on remarque, dans le boulevard, une baie ogivale, surmontée des armes de Zacosta et du duc de Bourgogne, et défendue par une rangée de mâchicoulis (Fig. 45). La feuillure rectangulaire dont s'encadre la porte implique l'existence d'un pont-levis et, par suite, d'une tourelle d'escalier isolée.

FIG. 44. — TOUR SAINT-NICOLAS.

FIG. 43. — SALLE DU PREMIER ÉTAGE. — Etat actuel. er

Coupe suivant les axes de la tour et de la porte du 1 étage. Etat actuel.

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DESCRIPTION DES REMPARTS

Par le pont b, on gagnait donc la fausse-braie, puis par un escalier c le chemin de ronde du boulevard; de là, un nouvel emmarchement d, compris dans une cage rectangulaire, surmontée de mâchicoulis encore en place, conduisait au niveau de l'étage principal de la tour centrale. La largeur de la fausse-braie était franchie par un nouveau pont-levis e, venant se rabattre dans la feuillure rectangulaire qui e n t o u r e la porte ogivale f, ménagée dans la tour. On parvenait ainsi à une grande salle voûtée h, qu'un e s c a l i e r à vis ί réunissait, d'une part à la plate-forme supérieure,d'autre part aune salle basse ; aucune communication directe n'existait primitivement entre cette dernière salle et la fausse-braie : de cette manière était assuré, suivant la règle générale, l'isolement absolu du d o n j o n central, en cas d'occupation des défenses extérieures par l'ennemi. Telle était la disposition d'ensemble de l'ouvrage de Zacosta, dont les détails se retrouvent aisément. La courtine polygonale du boulevard est percée à sa base, dans l'axe de chaque pan, d'une canonnière rectangulaire avec arrière-voussure conique. Le chemin de ronde est défendu FIG.

45. — TOUR SAINT-NICOLAS.

Poterne dans le boulevard de Zacosta.

par un parapet muni de bretèches, dont il reste en place quelques éléments. (Fig. 46.)

Les travaux de d'Aubusson, postérieurement à 1480, modifièrent certainement le plan de la grande salle de la tour. On y voit encore, encastrées dans les murs, cinq consoles de marbre bleuâtre, de 0 m. 50 de diamètre, décorées des armes de l'Ordre et de Zacosta (Fig. 47), et, dans l'alvéole de l'est, deux autres consoles de même style (Fig. 48), mais d'un diamètre plus faible; elles devaient, les unes et les autres, recevoir des retombées de doubleaux. L'habi-

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LA CITÉ DE RHODES

leté et le soin avec lesquels elles sont travaillées laissent supposer qu'elles appartenaient à une véritable composition architecturale, ruinée en partie par le canon des Turcs (1). D'Aubusson, soucieux avant tout d'augmenter la puissance défensive de la tour, s'inquiéta assez peu de conserver à l'œuvre de son prédécesseur son caractère décoratif. Il respecta cependant ces consoles armoriées, bien qu'elles fussent désormais inutiles. C'est en

FIG.

46. — TOUR

SAINT-NICOLAS.

Détail du boulevard de Zacosta.

tenant compte de leur situation, de la position des baies, des variations notables de l'appareil, que nous avons tenté une restauration des dispositions primitives de cet étage : ce n'est, du reste, qu'une hypothèse vraisemblable (Fig. 42). Nous la justifions, en partie tout au moins, (1) Merri Dupui (dans Vertot, op. cit. p. 603) spécifie que du côté de la terre (à l'ouest) la Tour fut entièrement ruinée, alors que du côté opposé, vers la mer, elle demeura intacte.

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LA CITÉ DE RHODES

en reproduisant ci-contre (Fig. 43) le plan de l'état actuel de cette salle, qui répond d'ailleurs aux dernières transformations de la Tour. La situation des consoles détermine celle des doubleaux des salles h et l (Fig. 42), que remplacèrent les berceaux 4 et 6 (Fig. 43); en k, les latrines ( ? ) sont demeurées en place, et en j, une cheminée se laisse deviner à quelques fragments informes. Un puits (5 de la Fig. 43) descend à travers la maçonnerie jusqu'à la nappe souterraine. La salle inférieure semble avoir été également remaniée : elle possède une citerne, une cheminée et un four; la citerne est peut-être de construction turque; au moyen âge, le puits du premier étage devait suffire aux besoins de la garnison.

FIG. 48. — TOUR SAINT-NICOLAS : consoles de marbre.

La plate-forme supérieure de la Tour est aujourd'hui protégée par une petite courtine, avec chemin de ronde et parapet à créneaux et merlons : ce couronnement remplaça, sans doute, un mâchicoulis construit pas Zacosta. A vrai dire, le dessin de Caoursin n'est pas très concluant à cet égard, et Breydenbach semble marquer que le sommet de la tour est en ruines; mais le texte de Malte, déjà cité plus haut, fournit les précisions suivantes : « Corpori dicte « turris valloque eius sive boleuerdo vulgariter nuncupato affigetur plena atque inclita arma « ipsius clarissimi principis lapide marmoreo sculpta excellentius quam fieri poterit in muni« mentis autem superioribus ipsius turris sive in machicollis vulgariter nuncupatis afficta « erunt arma suarum provinciarum pariformiter lapide marmoreo incisa... » (1) (I) Pièces justificatives, II.

DESCRIPTION DES REMPARTS

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Aujourd'hui encore, ces deux groupes d'armes sont en place. Le premier se trouve sur la paroi externe du boulevard polygonal, au-dessus de la baie ogivale dont il est percé (Fig. 45) ; il comprend les écussons de marbre de l'Ordre, du duc de Bourgogne et du grand-maître Zacosta; l'inscription qui les accompagne se compose de deux lignes de lettres gothiques, en saillie, tellement rongées qu'une lecture complète est impossible. On distingue toutefois qu'il s'agit d'une simple dédicace suivant la formule accoutumée : « Frater Raimundus Zacosta Rhodi magister sancto... » La date de m. cccc. lxiiij (1464) apparaît à la seconde ligne. Elle ne se rapporte point à l'année où furent achevés les travaux, mais à celle où Zacosta, en fondant la Tour, la dédia à Saint-Nicolas.

FIG. 49. — TOUR SAINT-NICOLAS. — Etat primitif restitue : coupe.

A droite, un cadre en losange contient le monogramme du Christ, sur marbre blanc. Un ornement semblable existait à gauche : nous verrons comment il fut remployé ailleurs par les Chevaliers eux-mêmes. Le second groupe d'armes, situé au sommet de la tour principale (PL. X X V I I ) , renferme trois écus de marbre, qui sont de gauche à droite : celui du duc de Bourgogne, entouré du collier de la Toison d'Or et soutenu par deux lions; puis celui de l'Ordre; enfin celui de Zacosta, soutenu par un seul lion. La statue mutilée de Saint-Nicolas, qui surmonte ces blasons, appartient à l'œuvre primitive. Le cadre en Τ renversé qui réunit la statue et les armes a été remanié lors de la construction du couronnement actuel de la tour, qui remplaça les mâchicoulis auxquels fait allusion le texte précédent. Les défenses avancées de l'ouvrage ne consistaient en 1480, qu'en un fossé taillé dans le rocher; on dut, pendant le siège, élever devant la contrescarpe une sorte de lice : « Pour la « tuicion et pour la deffense d'icelle tour et mole le grant maître envoie des renforts qui « font todis bastides tout autour et long de ladicte tour et mole de pierres de bois tonneaulx et « autres vaisseaux plains de terre et arment le tout d'artillerie » (1). (1) Merri Dupui, dans Vertot, op. cit., p. 603. Vertot a écrit rodis au lieu de todis : tranchées-abri. Sur les miniatures de Caoursin (PL. 1), une sorte de palissade, colorée en jaune, est dessinée au pied de la tour. C'était «uno riparo « di travi e di grossi legni inchiavati e inchiodati insietne che tutta la torre e il fosso di essa, ch'era cavato nello sco« glio, circondava ». Bosio. Istoria, II. 403.

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LA CITÉ DE RHODES

Notre schéma (Fig. 4 9 ) résume les dispositions de l'ouvrage à cette époque : on y retrouvera la tourelle isolée, dont l'escalier conduit au niveau c de la fausse-braie; le pont-levis b. qui réunit le sommet du boulevard à la salle principale de la tour; enfin le fossé extérieur d, avec sa palissade e. TRAVAUX DE D'AUBUSSON

Les travaux de d'Aubusson furent de deux sortes : d'abord, il restaura les parties ruinées pendant le siège de 1 4 8 0 et le tremblement de terre de 1481 ; puis il compléta l'ouvrage par un nouveau boulevard ou enceinte extérieure, dont les attaques de 1 4 8 0 avaient démontré la nécessité (Fig. 5 0 ) . Cette enceinte, polygonale, suit le littoral de la plate-forme rocheuse : vers l'est, ce n'est qu'une simple courtine de 2 mètres d'épaisseur, avec des canonnières basses et un chemin de ronde, protégé par un parapet à créneaux et merlons. De ce côté, l'ancienne fausse-braie est divisée en deux étages de salles voûtées rayonnantes, s'ouvrant sur le fossé qui les sépare du nouveau boulevard. A l'ouest, un puissant massif s'élève devant la tour; la fausse-braie, comblée à sa partie inférieure, ne possède qu'un seul étage de compartiments voûtés : le fossé lui-même est couvert de berceaux plein cintre D, qui viennent épauler la tour en assurant sa liaison avec le massif. On remarquera que le parement de l'enceinte extérieure, à l'est, est vertical, alors que sur le reste du circuit il s'élève suivant un talus accentué, couronné d'un bandeau; dans cette partie, le parapet, dont on retrouve les traces à travers les remaniements turcs, atteignait quatre mètres d'épaisseur. Les armes de d'Aubusson figurent à la fois sur la courtine orientale et sur les murs en talus : on pourrait donc admettre que les deux systèmes sont contemporains et que, s'ils sont essentiellement différents, cela ne tient qu'à leurs situations respectives; à l'est, une attaque sérieuse par mer était improbable; à l'ouest, à deux cents mètres du rivage, le rempart devait protéger la tour contre le feu des batteries de terre, et l'épreuve du siège de 1 4 8 0 avait démontré que de ce côté venait tout le danger. Cependant, à la jonction du rempart vertical avec le mur en talus, on observe dans les lignes d'appareil quelques solutions de continuité; on aurait donc quelque raison de supposer que la muraille extérieure, construite par d'Aubusson, fut d'abord montée à plomb sur tout son développement, vers 1 4 8 2 , et que, dans la suite, elle fut transformée dans la région nord-ouest-sud et remplacée par un mur en talus.

ETAT DE LA T O U R EN

1522

L'ouvrage est demeuré, dans son ensemble, ce qu'il était en 1 5 2 2 . (PL. X X V I . Fig. 5 0 ) On pénètre dans le fort par une poterne, dont le seuil, à un mètre au-dessus du niveau de l'eau, est réuni par un petit pont-levis A à une rampe branchée sur le môle; un passage voûté B conduit au fossé intérieur. (PL. X X V — 2 ) . A droite s'ouvre sur le passage une chambre rectangulaire C, que nous supposons avoir été une chapelle", dédiée sans doute à Saint-Nicolas. Elle est orientée vers l'est et possède une petite abside; d'autre part, au-dessus de la porte est scellé le monogramme du Christ, qui

F I G . 50. — TOUR SAINT-NICOLAS.

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LA CITÉ DE RHODES

primitivement accompagnait vers la gauche les armes du duc de Bourgogne et de Zacosta, placées sur la paroi du boulevard polygonal (Fig. 45). Lorsqu'on réunit la tourelle d'escalier au boulevard, la maçonnerie vint masquer cet ornement : le soin avec lequel il fut descellé et remployé laisse supposer que cette transformation fut l'œuvre des Chevaliers. D'ailleurs la création de l'enceinte extérieure rendait superflue la complication des chemins d'accès du système de Zacosta, et l'isolement de la tourelle d'escalier était plus dangereux qu'utile devant la puissance de l'artillerie. En résumé, en 1522, le boulevard construit à l'ouest de la tour est la défense essentielle de l'ouvrage; on y accède du fossé intérieur par un système de rampes et d'escaliers; la tourelle de l'ancien escalier est reliée au boulevard de Zacosta, et la fausse-braie occupée désormais par des casemates (H et suiv.) : comme conséquence, suppression du premier pont-levis et de l'escalier à vis, remplacé par un emmarchement droit E, F. Il semble bien que, même à cette époque, on ait maintenu l'isolement de la tour centrale, qui demeure le réduit de la forteresse; dans ce but continuent à fonctionner les escaliers précédents du boulevard polygonal et le deuxième pont-levis, auquel ils conduisent; la salle inférieure reste sans communication directe avec l'extérieur (1). A cette époque, la Tour Saint-Nicolas constituait donc une petite forteresse indépendante et autonome, pourvue de tout ce qui était indispensable au logement et à l'entretien de sa garnison. Elle résista si bien au bombardement des Turcs, pendant le second siège, que ceux-ci, abandonnant leur attaque sur ce point, portèrent ailleurs leurs efforts.

(1) Aujourd'hui, la Tour centrale porte un phare, construit sur l'escalier à vis et qui a remplacé, il y a une vingtaine d'années, un système plus ancien. Un phare est déjà signalé par Corneille Le Bruyn, en 1675 (C. Le Bruyn. Voyage au Levant. Ed. de Rouen, 1725, Fig., p. 528.), et ne cessa de fonctionner jusqu'à nos jours. (V. Archives de la Marine. Journal de la Campagne de quatre vaisseaux du Roi, vue 9, et Ms. 60, 802, — f° 42 : Plan de Rode, et instruction pour le mouillage.) Cependant aucun texte ou document authentique de l'époque des Chevaliers ne fait mention d'un phare et nous ne pensons pas qu'au moyen âge le port de Rhodes ait été doté d'un feu permanent.

C H A P I T R E III

ARMOIRIES ET INSCRIPTIONS

On ne compte pas moins de 150 écus des grands-maîtres, répartis sur le circuit du rempart. Ils sont encastrés dans les murs de la courtine et de la contrescarpe, dans les parapets des fausses-braies ou des boulevards; ils décorent les parois des tours, couronnent les portes et les poternes. Le plus ancien est celui d'Hélion de Villeneuve (1319-1346) (Catalogue : n° 115), mis en place, d'ailleurs, par Orsini, qui le réunit dans un cadre rectangulaire avec ses propres armes. Des grands-maîtres suivants, jusqu'à Fernandez Heredia, il ne reste aucun témoignage. Heredia et ses successeurs, y compris le dernier d'entre eux, Villiers de l'Isle-Adam ont signé de leurs blasons les travaux effectués sous leurs magistères. On ne s'étonnera pas de ne point rencontrer les lions léopardés de Guy de Blanchefort, qui se trouvait en France lors de son élection et mourut durant son voyage de retour. Les écus sont en général taillés dans un marbre blanc ou bleuâtre, et les émaux n'y sont figurés qu'exceptionnellement : la fasce d'argent de Lastic se détache la plupart du temps sur * un fond de gueules formé par un revêtement de marbre rouge; le même principe est toujours adopté par de Milly; Raimondo Zacosta, à la Tour Saint-Pierre, recourt à un procédé analogue. On remarquera, d'autre part, qu'antérieurement à d'Aubusson, sauf une exception (n° 115), l'écu du grand-maître n'est jamais écartelé avec celui de l'Ordre; Heredia, de Naillac et Fluvian répètent leurs armes à droite et à gauche de la croix de l'Ordre; leurs successeurs se content de juxtaposer les deux blasons : celui du grand-maître occupe la droite. D'Aubusson adopte d'abord cette pratique (1), mais après son élévation au cardinalat, il écartèle ses armes avec celles de l'Ordre; Carretto en use toujours ainsi; d'Amboise et Villiers de l'Isle-Adam emploient les deux systèmes. Parmi ces marbres armoriés, les plus anciens, ceux de Heredia, sur les Tours du nord, sont simplement enchâssés dans l'appareil de calcaire, sans nul accompagnement; dans la suite apparaissent les cadres rectangulaires moulurés ou ornés de billettes, de rinceaux styos

(1) Nous signalerons cependant trois exceptions (Catalogue : N 77, 123 et 124) où les armes de d'Aubusson, bien qu'écartelées avec celles de l'Ordre, ne sont pas surmontées du chapeau cardinalice et sont très probablement antérieures à 1489.

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lises, de pointes de diamant. C'est sous Fluvian qu'on observe pour la première fois le motif des cordons entrelacés, dont l'architecture civile fera de son côté un usage si fréquent. Du même grand-maître datent également les plus anciennes figures votives, réunies avec ses armes dans des cadres en Τ renversé : ces effigies maladroites de Saint-Jean-Baptiste (PL. X X I X , 2) et de Saint-Athanase (PL. X X V I I I , 4), au relief à peine perceptible, furent certainement exécutées par des imagiers rhodiens, nourris des méthodes et des traditions byzantines (1); le Saint-Georges combattant le dragon (PL. X X V I I I , 1), bien que d'un modelé plus expressif, trahit les mêmes influences. Les figures exécutées sous le magistère de Lastic sont déjà plus vivantes : celle de Saint-Antoine (PL. III, 1), buste en haut-relief, en marbre rouge, laisse apparaître malgré ses mutilations une recherche de réalisme; celle de la Vierge à l'Enfant, à la Tour SainteMarie (PL. X X V I I I , 3), en l'absence d'un caractère bien marqué, témoigne d'une certaine habileté dans l'arrangement de la draperie. Aussi bien, d'une manière générale, tous ces reliefs ont-ils beaucoup souffert du zèle iconoclaste des Turcs, et il serait difficile de porter sur leur valeur artistique un jugement motivé : c'est le cas, notamment, des images de Saint-Nicolas et de Saint-Pierre, datant de Zacosta, et de celles de Saint-Paul, de Saint-Jean, de SainteMarie, et des Apôtres, de l'époque de d'Aubusson. Les plus anciens parmi les encadrements qui remontent à ce grand-maître, s'apparentent encore aux productions antérieures : mais leurs ornements stylisés, de relief indécis et d'exécution maladroite, feront place bientôt au motif des rinceaux de feuillage, aussi répandu depuis lors que celui de la torsade. Les figures de tenants (anges ailés), de supports (lions ou griffons) sont largement traitées, comme l'exige leur situation au sommet des courtines; toutefois, les imagiers semblent avoir été, plutôt que des artistes, des artisans suffisamment habiles pour reproduire à plusieurs exemplaires des types traditionnels : à quarante années d'intervalle, la Vierge de la Porte de la Marine n'est guère qu'une réplique de celle de la Tour Sainte-Marie. Le réalisme de certains reliefs laisserait supposer que parfois le sculpteur a tenté de fixer les traits de quelque dignitaire de l'Ordre; ces marbres sont en général trop mutilés pour qu'on puisse rien affirmer. L'un d'eux, qui est peut-être une image de Saint-Démétnus, doit à sa situation au sommet de la courtine d'être demeuré intact : on y pourrait voir, sans trop d'invraisemblance, un portrait de Pierre d'Aubusson. (PL. X X I X , 1.) C'est de ce grand-maître que datent les motifs les plus nombreux, les plus variés dans la forme, et les plus richement décorés ; depuis les simples encadrements rectangulaires, jusqu'aux niches aux archivoltes flamboyantes ornées de rinceaux de feuillages, on a toute une série d'édicules, d'une technique habile et d'une composition souvent heureuse. Partout, d'ailleurs, moulures et ornements floraux sont taillés dans le calcaire au grain rude, dont est bâti le rempart : sa patine sombre exalte l'éclat du marbre, et cette opposition de matière et de (1) On sait combien sont rares les icônes de marbre : on n'en possède que peu d'exemples, entre autres le Christ de Majesté de Mistra (O. Millet. Monuments byzantins de Mistra, pl. 51); il offre la même technique et le même aspect méplat que nos figures votives, auxquelles s'applique la conclusion de M. Bréhier : les Grecs du x v siècle en arrivent à représenter le relief par d'autres procédés que le modelage. (L. Bréhier. Nouvelles recherches sur l'histoire de la sculpture byzantine. Nouv. série, fasc. 9, 1913.) e

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couleur, qu'accentue le soleil d'Orient, rehausse singulièrement l'aspect décoratif du plus modeste de ces cadres. Parfois les armes s'accompagnent d'inscriptions : elles sont toujours rédigées en latin. On en trouvera plus loin le relevé complet. Il nous suffira d'observer que, jusqu'à Zacosta, elles emploient les caractères gothiques; nous n'en possédons aucune qui soit datée d'Orsini; sous d'Aubusson et ses successeurs, les caractères romains sont seuls en usage.

C A T A L O G U E DES ARMOIRIES ET INSCRIPTIONS RÉPARTIES SUR LE CIRCUIT DES REMPARTS (1) NOTA. — Les numéros placés en tête de chaque alinéa correspondent à ceux de la Figure 51.

1. — A la Porte Saint-Antoine, au-dessus de la baie, sur la paroi nord de la courtine, niche contenant un buste en haut-relief de Saint-Antoine, avec les armes de l'Ordre et de Lastic (2). Cette figure, en marbre rougeâtre, est en trop mauvais état pour qu'on puisse juger de sa valeur artistique. Le personnage, barbu, porte la tunique serrée à la taille et le manteau flottant sur les épaules. Les écus étaient formés d'un assemblage de marbres rouges et blancs : celui de l'Ordre s'est détaché ; de celui de Lastic, il ne reste que le fond de gueules. (PL. III, 1.) 2. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et de Lastic; marbres rouges et blancs. 3. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et de Villiers de l'Isle-Adam, avec la date : 1522. 4. — Cadre en accolade, mouluré et orné d'une tresse. Tympan décoré d'une rosace et de feuillages. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 5. — Semblable au n° 4. 6. — Semblable au n° 2. 7. — Cadre en accolade, moulures de faible relief. Ornements et rinceaux stylisés. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 8. — Semblable au n° 7. 9. — Sur la façade occidentale du Palais, cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 10. — Semblable au n° 2. 11. — Cadre rectangulaire mouluré, orné de rinceaux de feuillage. Armes de Carretto, écartelées avec la Croix de l'Ordre; date : 1516. 12. — Semblable au n° 11, mais sans date. 13. — Semblable au n° 11, mais sans date. 14. — Cadre rectangulaire mouluré. Armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre : 1514. (1) V. sup., p. X V I I I , la description des armes des grands-maîtres. (2) Sur la distinction entre les armes de Fluvian et celles de Lastic. Cf. sup., page 31, note 1.

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15. — Cadre rectangulaire mouluré. Armes de d'Amboise, écartelées avec celles de l'Ordre : 1511. 16. — Cadre rectangulaire mouluré et orné de rinceaux de feuillage. Armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre. Au-dessous, l'inscription : « Frater Fabricius de Carretto magister collapsam a fundamentis restituit », et la date 1514. (Fig. 52.)

FIG. 52

FIG. 53.

17. — Même cadre que le précédent, mais contenant les armes de d'Aubusson, écartelées avec celles de l'Ordre, et l'inscription : « Frater Petrus Daubusson cardinalis et magister erexerat ». (Fig. 53.) 18. — Même cadre et mêmes armes que le n° 16, mais sans date, et la même inscription sur cinq lignes au lieu de quatre. (Fig. 54.)

FIG. 54.

FIG. 55.

19. — A la Porte d'Amboise, au-dessus de la baie, cadre en accolade, mouluré; un ange ailé tient les écus de l'Ordre et de d'Amboise. Dans la pointe de l'accolade, une tête de Père Eternel. De part et d'autre de la console sculptée qui supporte l'ange, l'inscription : Damboyse, et la d a t e : M. D. X I I . (Fig. 55.) 20. — Cadre rectangulaire mouluré, orné de rinceaux de feuillage. Armes de d'Aubusson, écartelées avec celles de l'Ordre : comme cimier, le chapeau de cardinal. 21. — Semblable au n° 3. 22. — Bloc de marbre rectangulaire, encastré dans le mur et portant une figure de Saint-Michel de très faible relief. Technique byzantine. 23. — Semblable au n° 4. 15

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24. — Semblable au n° 2. 25. — Semblable au n° 2 (en partie masqué par le mur d'escarpe du boulevard d'Auvergne). 26. — Ala Tour Saint-Georges. Cadre carré orné d'une tresse contenant un bas-relief de Saint-Georges, à cheval, terrassant le dragon. Au-dessous, les écus de Fluvian (1), du pape Martin V, de l'Ordre et de Fluvian. (PL. X V I I I , 1.) 27. — A l a Porte Saint-Georges, sur l'ébrasement de la baie primitive : semblable au n° 2. 28. — Cadre rectangulaire mouluré. Armes de Villiers de l'Isle-Adam, écartelées avec celles de l'Ordre; 1521. 29. — Cadre rectangulaire mouluré et orné de rinceaux de feuillage. Armes de d'Aubusson, écartelées avec celles de l'Ordre. Chapeau de cardinal comme cimier; 1496. 30. — Semblable au n° 29. 31. — Semblable au n° 2. 32. — Semblable au n° 2. 33. — Cadre en accolade, mouluré, décoré de colonnettes et de rinceaux de feuillage. Armes de d'Aubusson, écartelées avec celles de l'Ordre. Chapeau de cardinal comme cimier; 1489. 34. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et de Fluvian. 35. — Armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre; 1514. 36. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et d'Orsini. 37. — Analogue au n° 35, mais sans date. 38. — A la Tour Sainte-Marie. Cadre en Τ renversé, orné d'une tresse, renfermant une statue mutilée de la Vierge, les écus de l'Ordre et de Lastic, et l'inscription dédicatoire suivante, en caractères gothiques : « Edita est ab incarnato domino m. cccc. xli ». — (Fig. 56. PL. X X V I I I , 3.)

FIG. 56.

39. — Sur le mur de jonction de la Tour à la courtine, cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et d'Orsini. 40. — Cadre rectangulaire mouluré. Armes disparues. 41. — Fragments remployés, d'un motif décoratif : claveaux d'une archivolte en accolade, ornée de feuillages et bloc de marbre bleuâtre, portant l'écu de d'Aubusson supporté par un lion et un griffon. Trois autres marbres, disséminés dans la maçonnerie, contiennent chacun (1) Ainsi que nous l'avons dit plus haut (page 31, note 1), nous attribuons à Fluvian tous les écus monochromes à la fasce, à moins qu'une inscription ou quelque autre indication n'établisse qu'on les doive considérer comme remontant à de Lastic. (P. exempl. le n° 38.)

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deux lignes d'une inscription latine. En les juxtaposant de manière convenable, on obtient l'inscription suivante : « ad fidei catholice hostes arcendos divus frater petrus daubusson rhodiorum magnus magister de turcis inclitus victor rhodiam urbem muniens hoc antemurale erexit M. CCCC. L. XXXVII ». (Fig. 57.)

FIG. 57.

er

42. — Inscription turque de Suleiman 1 , ordonnant la fermeture de la Porte : « Le sultan a ordonné par firman au Miri Liva Abdul Djelil de fermer avec un mur cette porte. Que Dieu garde les jours du sultan Suleiman » (1). 44. — Tour Saint-Athanase. Cadre en Τ renversé, orné de feuillages, renfermant une figure auréolée, de très faible relief, et trois écus de marbre : la Croix de l'Ordre au centre, flanquée à droite et à gauche de l'écu de Fluvian. Les inscriptions qui accompagnent l'effr gie sont inaccessibles, et on n'en peut tenter la lecture qu'avec l'aide de jumelles. On distingue nettement, à droite : —

ΑΘΑΝΑCΙΟC

(PL. XXVIII, 4.)

45. — Sur la muraille, vers la ville, couronnant la grande baie de la Porte Saint-Athanase,

armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre, renfermées dans un cadre à colonnettes et accolade, orné de rinceaux de feuillage. L'écu a comme cimier un aigle aux ailes déployées. Au-dessous, les initiales F. F. D. C. (Frater Fabricius de Carretto) et la date 1515. (PL. X X V I I I , 2.) 46. — Armes de l'Ordre, écartelées avec celles de Carretto. 47. — Sur le parapet de la fausse-braie : semblable au n° 2. 48. — Semblable au n° 2. 49. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et de Fluvian. 50. — Semblable au n° 2. 51. — Sur la face externe du parapet de la courtine : armes de l'Ordre, écartelées avec celles de Carretto. 52. — Semblable au n° 49. 53. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et de Milly. Assemblage de marbres rouges et blancs. 54. — Sur la paroi extérieure de la courtine, à la hauteur du parapet, cadre orné d'une tresse, terminé par une ogive dont la pointe est brisée. A la base du cadre, écus de l'Ordre et de d'Aubusson, surmontés d'un haut-relief de Saint-Démétrius ( ? ) tenant la lance de la main droite et le bâton de commandement de la main gauche. (PL. X X I X , 1.) 55. — Semblable au n° 48, mais les armes sont taillées dans le calcaire dont est construit le rempart. 56. — Semblable au n° 2. 57. — Inscription bilingue, scellée dans la muraille à main droite, en sortant de la ville par la Porte de Koskino. (PL. X X I X , 3. Fig. 58.) (1) Belabre. Rhodes of the Knights, 65.

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D'abord cinq lignes d'italien, en caractères gothiques : man[o]h c[o]n[stan]ti p[ro]tomaistro muradur e stato p[ro]tomaist[ro] de tuta la mura nova de rodo p[er] laquai cosa de licencia de lo R[everendissimo] m[agist]r[o] pre[claro] signo[r] mo[n]signo[r] fra jacobo de mil[l]i maist[ro] de lo hospital de sant Io[hanni] de ih[e]r[usa]l[e]m 0

0

a fato far questo seto ( ? ) l'an m iiij lvij a xx de aoust.

F I G . 58.

Muradur = muratore. Seto pourrait correspondre à l'espagnol seto : clôture, palissade. Le même mot existe en provençal. Mistral (trésor du Félibrige) donne la traduction : chaussée subdivisant des canaux, etc. Le latin est sæptum : il est donc possible de traduire par enceinte. Cependant on ne saurait affirmer que c'est là le sens exact : d'après le contexte, le terme semblerait plutôt se rapporter à la plaque elle-même, mise en place avec l'autorisation — de licencia — du grand-maître de Milly. La date du 20 août 1457 répond bien à son magistère (1454-1461). Suivent trois lignes de grec : άνηγέρθη έκ βάθρου και αν(ο)ικοδομήΘη τό παχρόν τηχαίον της Ρόδου προτομαστορέβοντος καμ(άτ)ου Μανοήλ Κουν(σταν)τ(ίνου) (?). Nous pensons qu'il faut lire καμ(άτ)ου. Κάματος qui se trouve dans Homère, Eschyle, etc., signifie proprement peine, et peut s'employer dans un sens concret comme notre mot travail. Le mot est donné sous la forme χάματον par Du Cange; προτομαστορέβοντος. Τηχαίον nous paraît signifier : étant premier maître d'œuvre. (Cf. lat. magister operis.) On ne trouve pas dans Du Cange πρωτομαστορεύω, mais seulement μαστορεύω et πρωτομάστωρ. Τηχαίον ne se ren­ contre dans aucun dictionnaire sous la forme τειχαίον ou τοιχαίον; il faut évidemment donner ici, à ce terme, le sens de τείχος = mur. Celui qui composa l'inscription ignorait d'ailleurs la graphie exacte des différents mots. 58.—Au-dessus de la porte précédente, à l'extérieur, cadre rectangulaire, orné d'une tresse, contenant les écus de l'Ordre et de Milly, composés de marbres rouges et blancs. L'écu de l'Ordre a disparu, ainsi que le revêtement rouge de celui de Milly.

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59. - Sur le mur de jonction de la tour primitive à la courtine, cadre rectangulaire : écus de l'Ordre et d'Orsini. 60. — A la Porte de Koskino, sur la face méridionale de la Tour centrale, cadre en Τ renversé, orné de rinceaux stylisés à grande échelle. Au bas du cadre, l'écu de l'Ordre, flanqué à droite et à gauche de celui de Fluvian. Au-dessus, une figure auréolée, de faible relief, très mutilée : vers le haut, le monogramme de Saint-Jean-Baptiste. Le Précurseur tient de la main gauche une banderolle, sur laquelle on lit malaisément une inscription gothique, aux caractères en relief. Il nous a semblé distinguer : « ecce agnus dei, ecce qui tollit...»(?). (PL. X X I X , 2.) 61. — Al'intérieur de la Tour centrale, écus de l'Ordre et de Lastic, en marbres rouges et blancs, dans un cadre mouluré, orné de billettes. 62. — Sur la face extérieure de l'ancien boulevard, cadre rectangulaire mouluré; écus de l'Ordre et de Zacosta. 63. — Porte de Koskino. Au-dessus de la baie en arc, grand cadre en accolade, mouluré, décoré de rinceaux stylisés et de pointes de diamant. A la partie inférieure, écus de l'Ordre et de d'Aubusson : au-dessus, une figure de Saint-Jean-Baptiste, très mutilée, accompagnée de rameaux de feuillage. (PL. X I I , 2.) 64. — Cadre en accolade. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 65. — Cadre en accolade. Armes de d'Aubusson, écartelées avec celles de l'Ordre. 66. — Semblable au n° 64. 67. — Semblable au n° 64. 68. — Armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre. 69. — Semblable au n° 2. 70. — Cadre rectangulaire mouluré, orné de rinceaux stylisés et pointes de diamant. Ecus de l'Ordre et de Milly, en marbres blancs et rouges. 71. — Armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre : 1517. 72. —

id.

73. —·

id.

74. —

id.

id. ,

1516 ( ? ) .

id.

sans date.

id.

1517.

75. — Cadre rectangulaire. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 76. — Semblable au n° 2. 77. — Cadre en accolade, orné de rinceaux. Armes de d'Aubusson, écartelées avec celles de l'Ordre. 78. — Armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre. 79. — Sur le mur d'escarpe de la courtine, archivolte plein cintre, décorée d'une tresse : elle contenait sans doute des armes, aujourd'hui disparues. 80. — Armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre. Date illisible. 81. — Semblable au n° 80, mais sans date. 82. — Cadre rectangulaire, orné de colonnettes et de feuillages. Armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre : 1515. 83. — Semblable au précédent. 84. — Cadre rectangulaire, orné de feuillages. Armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre. Au cimier, un aigle aux ailes déployées. Date de M. D. X V .

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85. — Armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre : 1517. 86. — Semblable au n° 85, avec la date : 1516. 87. — Cadre rectangulaire, orné de feuillages. Armes de d'Amboise, écartelées avec celles de l'Ordre : 1506. 88. — Cadre rectangulaire. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 89. — Cadre rectangulaire. Armes de Carretto, écartelées avec celles de l'Ordre. 90. — Cadre rectangulaire. Armes de d'Amboise, écartelées avec celles de l'Ordre, 91. — Semblable au n° 2. 92. — Cadre rectangulaire mouluré et décoré d'ornements stylisés. Ecus de l'Ordre et de Milly. 93. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 94. — Cadre rectangulaire, orné de rinceaux de feuillage. Armes de d'Amboise, écartelées avec celles de l'Ordre : 1507. 95. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 95

— Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et de Milly.

97. — Cadre rectangulaire. Ecus disparus. 98. — A la Tour des Moulins, au sud, cadre en accolade, décoré d'une tresse. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 99. — Sur la Tour des Moulins, cadre rectangulaire mouluré, orné de rinceaux de feuillage. Ecus aux trois lys de France, couronnés du diadème royal, avec deux palmes comme soutien. 100. — Semblable au précédent. 101. — Cadre rectangulaire : écus méconnaissables. 102. — A la Porte Sainte-Catherine. Cadre rectangulaire mouluré. Ecu de l'Ordre. Deuxième écu méconnaissable. 103. 104, 105, 106, 107, 108, 109. — Armes semblables : cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et d'Orsini. 110. — A la Porte de la Marine, sur la façade regardant la mer, grand motif couronné en mitre, comprenant les figures de la Vierge, de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Pierre. (PL. X I X et X X I ) . (V. la description p. 65.) Au-dessous, l'écu de France aux trois lys, surmonté du diadème royal et flanqué à gauche de l'écu de l'Ordre, à droite de celui de d'Aubusson; enfin, à la base, une inscription dont les lettres en saillie sont en partie effacées, mais qui néanmoins peui se restituer : « Petrus Daubusson Rhodi magister has turres erexit M. CCCC. LXXVIII ». (Fig. 59.)

FIG. 59.

111.

— A la même Porte, sur la façade vers la ville, cadre en accolade, ordé d'une tresse.

Il contient les écus de l'Ordre et de d'Aubusson, tenus par un ange ailé. Au-dessous est répétée l'inscription précédente, mais en lettres gravées, et sur trois lignes. (Fig. 60. PL. XXX, 1.)

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112. — Cadre rectangulaire, écus de l'Ordre et de d'Aubusson. Ces armes, disparues, étaient encastrées dans la muraille, aujourd'hui détruite, de la lice voisine de la Porte de la Marine.

F I G . 60

113. — Cadre en accolade, orné d'une tresse; tympan décoré d'une rosace. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 114. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 115. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de Villeneuve, de l'Ordre et d'Orsini. Les armes de Villeneuve et d'Orsini sont écartelées avec la Croix de l'Ordre. (PL. X V , 3.) 116. — Marbre rectangulaire de 0 m. 65 sur 1 m. 15, au-dessus de la porte de la chapelle. Deux rangées d'écus : à la rangée supérieure, au centre, la Croix de l'Ordre; à gauche, le blason de Pierre Culant, lieutenant de Heredia; à droite, un écu aux cinq tours, qui est sans doute une représentation erronée de celui de Heredia, aux sept tours; les armes de la rangée inférieure n'ont pas été identifiées. (Fig. 37.) 117. — Linteau de marbre, portant les écus de l'Ordre et de P. de Naillac. 118. — Cadre rectangulaire : les trois écus qu'il contenait ont été ravalés et sont méconnaissables. 119. — Cadre en accolade, orné d'une tresse et de colonnettes supportant une archivolte trilobée; une pomme de pin couronne le motif. Les écus de l'Ordre et de d'Aubusson sont tenus par un ange ailé : au-dessus, le Père Eternel portant le globe; au-dessous, la date : M. C C C C . L X X V I I I , et l'inscription : « Reverendissimus dominus jrater Petrus Daubusson Rhodi magister menia condidit magisterii anno II ». (Fig. 61. PL. X X X , 2.)

F I G . 61.

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LA CITÉ DE RHODES

120. — Niche en accolade, accompagnée de colonnettes et de pinacles reposant sur une corniche décorée de pampres; l'archivolte et le tympan sont très mutilés. L'écu de marbre porte les armes de d'Aubusson, écartelées avec celles de l'Ordre. Il est surmonté du chapeau de cardinal; date : 1494. (PL. X X X I , 1.) 121. — A la Porte de l'Arsenal ( ? ) , sur la tour du midi, aujourd'hui détruite. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson, selon Rottiers (1). 122. — A la même Porte, sur la tour du nord, également détruite, Rottiers indique sept écus, parmi lesquels on distingue ceux de l'Ordre, du grand-maître Heredia, de l'amiral Domenico d'Allemagna et de Villiers de l'Isle-Adam (2). 123. — Cadre en accolade, mouluré, tympan décoré d'une étoile à huit pointes. Armes de d'Aubusson, écartelées avec celles de l'Ordre. 124. — Au-dessus de la porte conduisant à la plate-forme de la Tour de Naillac, écu portant les armes de d'Aubusson, écartelées avec celles de l'Ordre : le cadre mouluré forme une étoile à huit pointes. Elle est surmontée de l'inscription turque suivante : « Des Arabes, des Grecs et des Turcs, Abdul Mesdjid est le Sultan. De ces trois manières il répand la joie sur le monde. La plume de Zivner n'a tracé que la date de la forteresse. La Tour des Arabes a été construite à Rhodes par le sultan glorieux. 1276 (de l'Hégire) (1850 J.-C.) (3). 125. 126, 127, 128. — Sur chacune des faces de la Tour de Naillac, écu de l'Ordre, flanqué à droite et à gauche de celui de Naillac. La destruction de la Tour a entraîné la dispersion de ces armes : cependant, un fragment demeuré sur les décombres a été transporté au Musée. (PL. X X X I , 3.) 129. — Sur la paroi nord du Môle de Naillac. Cadre rectangulaire mouluré. Ecu de l'Ordre, flanqué à droite et à gauche de celui de Fluvian. 130. — Cadre rectangulaire. Ecus disparus. 131. — Cadre en accolade, orné d'une tresse. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 132. — Cadre à archivolte plein cintre, entourant une niche qui abrite une figure très mutilée de Saint-Paul, en

marbre bleuâtre, avec l'inscription S. paul', en caractères

gothiques. A la partie inférieure du motif, trois écus : au centre, celui du pape Sixte IV, surmonté de la tiare et des clés; à gauche, celui de l'Ordre; à droite, celui de d'Aubusson. De part et d'autre des attributs de la papauté, l'inscription : « Divo Paulo vasi electionis Petrus Daubusson Rhodi magister dicavit ». (Fig. 62. PL. X X X I , 4.) 133. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus disparus. 134. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et d'Orsini. 135. — Semblable au n° 130. 136. — Ecu de l'Ordre, flanqué à droite et à gauche de celui de Heredia. 137. —

id.

138. — Cadre en accolade, orné d'une tresse, couronné d'une fleur de lys. Le tympan (1) Rottiers. Monuments de Rhodes. Atlas. PL. IX et X I . (2) lbid. (3) Est-il besoin de faire remarquer l'inexactitude de cette inscription? Elle ne saurait que commémorer quelque travail de restauration effectué sous le règne d'Abdul-Mesdjid (1839-1861).

ARMOIRIES ET INSCRIPTIONS

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est décoré d'une rosace trilobée. L'écu de l'Ordre est supporté par deux anges ailés. Celui de d'Aubusson, par un griffon et un lion. Sous les blasons, la date M . C C C C . L X X V I I , et l'inscription : « Reverendissimus dominus frater Petrus Daubusson Rhodï magister hec menia condidit magistratus sui anno II ». (PL. X X X I I . )

FIG. 62.

139. — Cadre rectangulaire mouluré. Ecus de l'Ordre et d'Orsini. 139 bis. — Sur la contrescarpe, armes de l'Ordre et de d'Aubusson. 140. — Cadre en Τ renversé, orné de la tresse. A la partie supérieure, dans une niche, la figure très mutilée de Saint-Pierre. Au-dessous, l'écu du pape Pie II Piccolomini, surmonté des clefs et de la tiare, celui de l'Ordre et celui de Zacosta; ces deux derniers portent les traces du revêtement de marbre rouge qui indiquait les émaux. 141. — Motif analogue au n° 138, mais la fleur de lys du sommet est remplacée par une pomme de pin, et la date et l'inscription, identiques aux précédentes, sont gravées dans le tympan au-dessus des armes. (Fig. 63. PL. X X X I , 2.) Noter l'erreur du lapicide : Bhodi.

FIG. 63.

142. — Cadre en accolade. Ange ailé tenant les écus de l'Ordre et de d'Aubusson. 143. — Cadre rectangulaire. Ecus de l'Ordre et d'Orsini. 144. — Semblable au n° 142. 145. — Cadre rectangulaire. Armes d'Amboise, écartelées avec celles de l'Ordre. 146. — Semblable au n° 145. A LA T O U R SAINT-NICOLAS

147. — Au-dessus de la porte d'entrée donnant sur le môle (PL. X X V , 2), cadre en accolade, contenant les écus de l'Ordre et de d'Aubusson. 148. — Sur la paroi orientale du boulevard (PL. X X V I I ) , cadre en accolade, orné de rinceaux. Ecus de l'Ordre et de d'Aubusson. 16

104

LA CITÉ DE RHODES

149. — Au nord, écus de l'Ordre et de d'Aubusson. 150. — Sur la paroi orientale de la tour centrale, vers le sommet, cadre en Τ renversé (PL. X X V I I . ) La tresse qui devait le décorer n'est exécutée que dans la partie inférieure; le sommet est détruit. Ce cadre renferme une statue de Saint-Nicolas, très mutilée, l'écu du Duc de Bourgogne, Philippe III le Bon, qu'entoure le collier de la Toison d'Or,et les blasons de l'Ordre et de Zacosta. La plaque rectangulaire, située à la base, était destinée sans doute à recevoir une inscription (1). 151. — Sur le premier boulevard polygonal de Zacosta, au-dessus de la poterne ogivale (Fig. 45), cadre rectangulaire mouluré, contenant les armes du Duc de Bourgogne, de l'Ordre et de Zacosta. Au-dessous, deux lignes d'une inscription dont les caractères gothiques, en saillie, sont fortement rongés. On semble lire toutefois : « Frater petrus raimundus zacosta rhodi magister sancto... Mcccclxiiii... (2). Des monogrammes du Christ, Jhs, placés à droite et à gauche du cadre, celui de droite subsiste seul; celui de gauche se trouve maintenant sous la voûte d'accès au fort, à main droite en entrant.

(1) Il est possible qu'à la mort de Zacosta, survenue en février 1467, on ait laissé le motif inachevé. (2) Gerola. Monumenti medioevali. I, 248.

CHAPITRE

LA

CONSTRUCTION

IV

DES

REMPARTS

I. — LE S U B S T R A T U M A N T I Q U E ET B Y Z A N T I N Nous ne possédons que fort peu de données précises sur la topographie de Rhodes à l'époque grecque et sous la domination romaine; ceux qui ont abordé ce sujet ont dû se borner à des études comparatives de textes, et nous en sommes réduits à des conjectures sur la situation exacte et les dimensions de la ville antique : cependant, la découverte récente de restes importants de l'enceinte fortifiée atteste que son étendue dépassait les limites admises jusqu'alors (1). D'autre part, les traces fort nettes d'appareil hellénique, qu'on observe au Môle Saint-Nicolas et au Môle des Moulins, prouvent que les Chevaliers, après les Byzantins, ne firent qu'utiliser des ports antiques; il est fort probable, d'ailleurs, que le Mandraki et le grand Port correspondent à une partie seulement des établissements maritimes, bassins et arsenaux, de l'active métropole hellénistique (2). Enfin, des vestiges de constructions grecques ou romaines sont fréquemment mis à jour, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'enceinte actuelle; on en peut conclure que la Cité des Hospitaliers, bien que de dimensions réduites par rapport à la ville antique, repose sur un substratum hellénique. Existe-t-il quelque relation directe entre les remparts du moyen âge et ceux devant lesquels, en 305 avant J.-C, vinrent échouer les savants artifices de Démétrius? En ce qui concerne les murailles de la Ville, aucun indice caractéristique ne permet d'établir le moindre rapprochement. Par contre, on peut observer que le plan du Château, si l'on néglige l'encoche du nord, se ramène à un rectangle dont les côtés sont orientés nord-sud et est-ouest; et comme cette enceinte comprend au nord-ouest un point culminant, il est fort possible qu'elle corresponde au tracé d'une citadelle antique (3). Aussi bien, cette hypothèse semble-t-elle confirmée (1) Cf. ds. Hiller von Gärtringen. Inscriptiones Graecae Insularum. XII, 1, la carte qui donne le périmètre de la ville antique. On ne saurait concilier cette hypothèse avec la situation des portions d'enceinte mises à jour au sud du faubourg de la Métropole (fig. 3, C) et même jusque sur la colline de Kyzil-Tépé. Toutes ces questions de topographie antique seront traitées prochainement et avec tout le développement nécessaire par M. A. Maiuri. (2) Il est probable que l'étang marécageux situé à la pointe nord de l'île est le reste d'un bassin antique, abrité des vents du sud et accessible par la côte ouest. Sur les ports et l'Arsenal. Cf. Strabon. XIV, 2. (3) Ses portes, placées au milieu de chacun des côtés du rectangle, auraient été orientées suivant les quatre points cardinaux, selon un usage constant. On peut signaler de nombreuses superpositions analogues : Damas, Alep, Amida. etc. (Van Berchem et Strzygowski. Amida, 7.)

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LA CITÉ DE RHODES

par l'aspect des substructions, à l'ouest du Palais du grand-maître, et surtout par certains éléments du rempart méridional du Château : cette dernière muraille, bien que presque entièrement détruite, offre des vestiges caractéristiques dont l'origine antique n'est pas douteuse; c'est ainsi, notamment, que le tribunal actuel du Cadi s'élève sur le soubassement d'une tour, de plan rectangulaire (1), dont les assises inférieures sont composées de blocs de dimensions énormes : l'un d'eux mesure sept mètres de longueur sur un mètre de hauteur. L'histoire de Rhodes, depuis le partage de l'empire romain jusqu'à la conquête franque, n'est qu'une suite de guerres, de pillages, d'occupations temporaires par les puissances qui se disputent alors ces régions de la Méditerranée orientale. Comment, sur les ruines de la ville antique, se forma le kastron byzantin? Quelles en étaient les limites, la forme, la puissance? Autant de questions auxquelles n'apportent aucune réponse ni l'examen de l'état actuel, ni e

e

les relations laconiques des rares pèlerins qui firent escale à Rhodes durant les XII et XIII siècles (2).

L'Itinerarium Peregrinorum (1190) ne fait point mention de constructions byzantines, mais signale des vestiges importants de l'antiquité : « tot sunt ibi domorum ruinae et turrium « dirutarum partes exstantes, murorum et aedificiorum opens praeclari et mirandi reliquiae » (3). Au reste, le lieu, fort peu peuplé, n'exigeait point une enceinte d'un grand développement, s'il en existait une à cette époque (4). En tous cas, dès 1275, la place était défendue : le gouverneur byzantin employait les prisonniers à creuser des fossés et à transporter des pierres pour les murailles (5). Au début du

XIV

e

siècle, à en juger d'après le nombre des assiégeants de 1306 (6), le kastron devait

être de dimensions restreintes ; la durée du siège qui livra la place aux Hospitaliers laisse croire toutefois que la forteresse était capable d'une résistance sérieuse (7), et il est logique de supposer que son enceinte, assise sur des fondations antiques, correspondait dans ses grandes lignes à ce qui devint plus tard le Château des Chevaliers ; la demeure du gouverneur devait s'élever au point culminant du terrain, c'est-à-dire à l'angle nord-ouest, sur l'emplace(1) V. fig. 4 et 5. Elle correspond à la troisième tour de l'enceinte méridionale du Château, à partir de l'angle sud-ouest, sans compter la tour d'angle. (2) A en juger d'après les restes byzantins les plus voisins, ceux que M. Gerola a étudiés en Crète, il semble bien que dans ces postes secondaires la construction ait été fort peu soignée; l'appareil notamment y est fort médiocre. G. Gerola. Monumenti Veneti nell'isola di Creta. I, p. 63 et suiv. Cf. les acropoles de Gortyne (p. 65), de Polyrhenion (p. 72), de Palaiokastro, etc.; ce ne sont que des enceintes de blocage, flanquées de tours demi-circulaires ou rectangulaires. Au Palaiokastro de Castellorizo, on observe des dispositions analogues. (Jaussen et Savignac. L'Ile de Castellorizo. Le Caire, 1917, p. 19.) (3) Ricardus. Itinerarium peregrinorum et gesta regis Ricardi. Ed. Stubbs. T. I, L. II, p. 179-180. (4) Ibid. « Situs quidem tantae civitatis, licet vetustate tam deletae, maximam olim testatur hominum frequentiam ibi fuisse : nonnuli tamen reperti sunt inhabitantes, licet paucissimi, qui nobis victui necessaria vendebant ». (5) Tafel et Thomas. Urkunden zur Geschichte Venedigs. III, 197-208. (6) La flotille avec laquelle Foulques de Villaret vint assiéger Rhodes comprenait « deux galères, une fuste. un chutier et deux pamphiles, portant 35 chevaliers, 6 turcopoliers et 500 hommes de pied ». Delaville Le Roulx. Les Hospitaliers en Terre Sainte et à Chypre, p. 276. (7) Delaville Le Roulx (op. cit., p. 278 et suiv.) montre les inexactitudes et les contradictions des chroniqueurs : on ne saurait dire si le siège dura deux mois ou deux ans. Il faut ranger sans doute parmi les légendes « i fieri e horrendi assalti » dont les tapisseries du palais conservaient le souvenir. (Bosio. Istoria. II, 35.) La capitulation de la place semble avoir été plutôt le résultat de tractations avec les assiégés. Quoi qu'il en soit, et la durée du siège n'eûtelle été que de deux mois, elle suffirait à prouver que le château byzantin était assez solidement fortifié.

LA CONSTRUCTION DES REMPARTS

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ment du palais du grand-maître. Les travaux de fortification des ports semblent avoir été l'œuvre des Hospitaliers : avant eux, on utilisait sans doute, en cas de siège, ce port intérieur, dont la tradition nous a conservé le souvenir, et qui s'étendait au nord-est du Château, à l'abri de ses murailles (1). On voit qu'il est impossible de préciser, d'après l'état actuel des remparts, dans quelle mesure leur tracé fut influencé par le plan des fortifications antiques et byzantines; tout au plus peut-on admettre qu'une citadelle de la ville gréco-romaine détermina l'emplacement du kastron byzantin, qui fut lui-même le premier substratum du Château des Chevaliers (2).

II. — LES T R A V A U X DES GRANDS-MAITRES Aussitôt qu'ils furent maîtres du Château de Rhodes, les Chevaliers s'employèrent à le mettre en état de défense; dès 1310, leur conquête, bien que « faible et encore à peine restaurée » (3), résiste à l'attaque d'Othman; et il faut croire que les travaux sont poussés avec activité puisqu'en 1314 la forteresse peut être considérée comme inexpugnable (4). L'Ordre cependant ne disposait alors que de faibles moyens, et ce n'est que plus tard, sous le magistère d'Hélion de Villeneuve (1319-1346), que les biens des Templiers vinrent accroître dans une large mesure ses ressources financières. Il est donc vraisemblable que l'on se borna d'abo rd à restaurer le kastron byzantin, dont on conserva, sinon les éléments essentiels, du moins les fondations et le tracé. Parmi les grands-maîtres de Rhodes antérieurs à Heredia, Hélion de Villeneuve (13191346) est le seul dont on observe les armes, une seule fois d'ailleurs, sur les remparts (5); encore est-il certain que l'écu d'H. de Villeneuve, réuni dans un même cadre avec ceux de l'Ordre et d'Orsini, fut mis en place par ce dernier grand-maître, lors d'une restauration effectuée en cette région, et pour marquer sans doute que cette partie des murailles était l'œuvre de son lointain prédécesseur. Lorsque Ludolf de Suchen visite Rhodes, le grand-maître est « Elyonus de villa nova... multum senex qui infinitos thesauros congregavit et multa in Rhodo aedificavit »; et le pèlerin allemand donne quelques détails sur la Cité : « pulcherrima et fortissima, muris excelsis et « propugnaculis inexpugnabilibus aedificata cum lapidibus tam grandibus, quod inauditum « esset dicere, ipsos manus humanas posuisse » (6). Il est vrai qu'il ne faut pas prendre à la lettre la relation de Ludolf (7), mais nous croyons (1) Cf. sup., p. 5 et p. 6, η. I. (2) C'est d'ailleurs une loi générale que vérifient des observations analogues. « Les grandes enceintes, dit M. van Berchem, subissent des transformations successives, commandées par les mouvements de la cité qu'elles protègent et par les progrès de la fortification. Il est rare qu'on les construise d'un seul jet : il est plus rare encore qu'on les rase au niveau du sol pour les rebâtir sur un plan tout différent. » Van Berchem et Strzygowski. Amida, 22. (3) Bosio. Istoria. II, 37. (4) « ...restaurando quella Città e riducendola in Fortezza inespugnabile. » Bosio. Istoria. II, 43. (5) Cf. sup. Ch. III. N° 115. (6) Ludolf de Suchem. De itinere terrae sanclae liber (Ed. Deycks), p. 27. (7) Deycks, dans l'édition de Ludolf, fait remarquer « den sagenhaften charakter dieser ganzen Erzâhlung ». (P. 43, n. 3.) Cf. également : Deycks. Uber altère Pilgerfahrten nach Jerusalem. Munster, 1848, p. 49.

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LA CITÉ DE RHODES

que le voyageur put voir dans les défenses de Rhodes ces pierres dont les dimensions le frappèrent d'étonnement : elles n'étaient point l'œuvre des Chevaliers, mais les restes de certains ouvrages antiques, analogues à cette tour que nous signalons plus haut, et qui formaient encore à cette époque les soubassements du Château de Rhodes. e

Les transformations profondes que subirent les remparts durant le cours du X V siècle ont fait disparaître les témoignages de l'activité de Dieudonné de Gozon, Pierre de Corneillan, Roger de Pins, Raymond Bérenger et Robert de Juilly (1). Un texte du

XIV

e

siècle, conservé

dans la Bibliothèque de Malte, attribue, il est vrai, à D. de Gozon la construction du môle et d'une partie au moins de l'enceinte de la Ville (2); mais on ne dispose pas de documents suffisants pour fixer les différents stades de la construction des murs durant cette période. Il nous faut descendre jusqu'à la fin du magistère de Heredia pour trouver dans la relation de N. de Martoni (1394), ou même dans le récit, beaucoup plus succinct, du voyage du Seigneur d'Anglure, des détails explicites sur la Cité (3). Le Château et la Ville sont alors l'un et l'autre entourés de hautes murailles flanquées de tours élevées, aussi bien vers la campagne que vers le port. Celui-ci reçoit de nombreux navires, qui viennent s'amarrer au môle, où s'alignent au moins quinze moulins. Aucune tour n'existe encore à l'entrée des ports. Du magistère de Heredia datent les deux tours des remparts du nord, situées entre celles de Saint-Paul et de Saint-Pierre, les tours à l'est de l'Arsenal et la chapelle aménagée dans la tour de l'angle sud-est du Château. Heredia, d'ailleurs, dès 1382, réside à Avignon; et c'est sans doute sous la direction effective de Pierre Culant, son lieutenant, que se poursuivent les travaux. A Philibert de Naillac, on doit la construction de la belle tour, aujourd'hui détruite, qui portait son nom ; on retrouve également ses armes sur une tour du rempart du port, modifiée plus tard par Orsini. Les restes importants de l'œuvre de Fluvian attestent un remaniement méthodique de l'enceinte de la Ville vers la campagne. On peut dater de ce grand-maître : la muraille nord du terre-plein qui réunit l'enceinte du Château à la Tour de Naillac, la Tour Saint-Georges, la Tour Saint-Athanase et les tours suivantes au sud-est, la Tour Saint-Jean de la Porte de Koskino. Jean de Lastic, qui lui succède, poursuit la transformation générale de l'enceinte, au sud et à l'ouest; il élève les tournelles au sud-ouest du Palais et la Porte Saint-Antoine, travaille à la Porte Saint-Georges et construit la Tour Sainte-Marie : c'est de ses armes que sont signés (1) Doit-on admettre que les premiers grands-maîtres de Rhodes n'avaient pas coutume de signer de leurs armes les travaux accomplis sous leur magistère? Cette hypothèse semble contredite par la présence, signalée plus haut, de l'écu d'H. de Villeneuve, qu'on retrouve également sur la façade d'une maison de la Rue des Chevaliers; le blason de Roger de Pins figure lui aussi sur les anciennes constructions de l'Arsenal. (2) Bibliothèque de Malte. Ms. 69. Rubrica et Régule Statutorum, f° 33 (26). « Postea fuit Magister deodatus de Gosono... suo tempore fuit molle constructum et clausus versus marrem ( ? ) burgus Rodi. » Bosio semble s'être inspiré de ce passage : « E frà l'altre cose, fece egli edificare nella Città di Rodi, il molle... e fece cingere di muraglie il Borgo di Rodi; chiudendolo della banda del mare ». Bosio. Istoria. II, 85. La lecture marrem est, il est vrai, douteuse : on pourrait lire aussi murrum; il nous semble de toute manière impossible de restituer mare. (3) « La Cité de Rodes est grande belle et bien fermée. » Voyage du Seigneur d'Anglure, Ed. cit., p. 9. Voyage de N. de Martoni, ds. Revue de l'Orient latin. III, 583-584. (Passage cité sup., p. 6.)

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LA CONSTRUCTION DES REMPARTS

les murs d'escarpe des courtines, entre la Tour Saint-Georges et la Porte de Koskino; nous savons, par ailleurs, qu'il s'employa également à fortifier le Port (1). Son œuvre, des plus e

importantes, demeurera le noyau des modifications ultérieures, à la fin du X V siècle et au e

commencement du X V I .

Il convient de remarquer que cette activité déployée dans les travaux de fortification est une conséquence de la situation générale : l'Ordre, qui, dans le cours du

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siècle, avait

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rêvé de conquêtes en Morée ou en Anatolie, se trouve au milieu du X V siècle menacé directement par les Turcs, dont les succès retentissants accroissent chaque jour la puissance; les victoires d'Amurat II, sous le magistère de Lastic, et surtout la prise de Constantinople, au début de celui de Milly, accentuent la gravité du péril. Jacques de Milly travaille aux remparts, à l'est de la Porte de Koskino. Raimondo Zacosta, devant les intentions hostiles de Mahomet II, répare et renforce les murailles, partout où le besoin s'en fait sentir (2) ; il érige la Tour Saint-Pierre, peut-être celle des Moulins, termine le boulevard de la Porte de Koskino; son œuvre capitale est la construction, avec l'aide financière du Duc de Bourgogne, de la puissante Tour Saint-Nicolas, qui sera la clé de la forteresse. En 1472, Orsini « si prese carico di far fare cento canne di muraglia intorno alla Città; « dalla banda della Marina, aile spese sue »;et Pierre d'Aubusson, Bailli de Lureil, est nommé Surintendant à la fortification (3). Les armes d'Orsini, qu'on retrouve à diverses reprises sur les remparts du Port, entre la Porte de la Marine et le Môle des Moulins, précisent en quel lieu furent exécutés ces travaux. Il est décidé, en outre, que chaque Langue renforcera à ses frais la partie des murailles qui lui est assignée. Les murs de jonction de la Tour Saint-Jean et de la Tour Sainte-Marie à la courtine, un pan de contrescarpe au nord du Château, certains éléments des défenses avancées de la Tour Saint-Paul portent le blason d'Orsini. Son successeur, Pierre d Aubusson, peut être considéré comme le plus glorieux des grandsmaîtres de Rhodes : c'est en tous cas le plus actif des constructeurs, et les remparts de la Cité gardent à chaque pas les traces de son vigilant labeur. Il n'est guère d'élément de la défense que d'Aubusson n'ait remanié, transformé; plus de cinquante fois, sur le circuit de la muraille, sa croix ancrée apparaît, attestant les nombreux et importants travaux qu'il dirigea durant son magistère de vingt-sept années. Les études poursuivies dès sa jeunesse l'avaient préparé à ce rôle; « après avoir étudié « les langues autant qu'un cavalier doit savoir, il s'appliqua entièrement à toutes les con« naissances honnestes ; il apprit la carte, les mathématiques et surtout la partie des mathé« matiques qui regarde l'art militaire » (4). C'est évidemment en raison de ses capacités spéciales qu'il fut choisi, par Battista Orsini, en 1472, comme Surintendant à la fortification; il occupa cette charge pendant quatre années, jusqu'au jour où il fut lui-même élu grandmaître (17 juin 1476). (1) Jacques de Milly, au début de son magistère, rappelle que son prédécesseur, J. de Lastic, « a fatto con grande spesa fortificare il detto Porto, per sicurezza de' Naviganti e de' Marinari, con Torri e Catene ». Bosio. Istoria, II, 249. (2) Bosio. Istoria, II, 293. (3) Bosio. Istoria, II, 335. (4) Bouhours. Histoire du grand-maître d'Aubusson, p. 6.

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Ses prédécesseurs, depuis cinquante ans, se sont efforcés de doter la Ville de défenses puissantes, mais « le Château est entouré de vieilles murailles et de tours antiques qui menacent ruine » (1). Une délibération du 27 Mars 1475 avait déjà décidé la reconstruction des murs de l'Arsenal et déterminé ses dimensions; dès 1476, le nouveau grand-maître prend le travail à sa charge (2) et en 1477, consacre à la réfection des murs du Château l'argent qu'avait procuré le jubilé demandé par Louis XI au pape Sixte IV (3). Ces travaux sont terminés en 1477, ainsi qu'en témoignent les inscriptions encastrées dans le mur d'escarpe, au nord du Château. La belle Porte de la Marine, qui appartient aux remparts de la Ville, est achevée l'année suivante. Le siège de 1480 et les tremblements de terre de 1481 ont accumulé les ruines; il faut non seulement relever les ouvrages détruits, mais encore les modifier et les renforcer, en profitant des enseignements des épreuves subies. La Tour Saint-Nicolas, en partie renversée par le canon des Turcs, puis par les tremblements de terre, réclame tout d'abord l'attention du grand-maître : nous avons vu dans quelles proportions il en augmente la puissance (4). Devant les tours de l'ouest, il élève de nouveaux ouvrages : la barbacane d'Angleterre est achevée en 1487; le boulevard d'Espagne, en 1489; celui d'Auvergne, transformé plus tard par Villiers de l'Isle-Adam, en 1496. Cette énumération ne comprend que les travaux de d'Aubusson, auxquels on peut assigner une date exacte : nombreux sont ceux qui portent également les armes du grand-maître sans qu'il soit possible de préciser en quelle année de son magistère ils furent exécutés. Les uns sont certainement antérieurs à 1489, puisque le blason du grand-maître n'y est pas surmonté du chapeau cardinalice : le doublement de la courtine du Môle de Naillac, vers le Port, le boulevard rectangulaire situé entre la Tour d'Italie et la Porte de Koskino, le nouveau boulevard de cette dernière Porte, les grands terre-pleins extérieurs parallèles aux courtines et le doublement des fossés correspondants, enfin de nombreuses réfections du mur de contrescarpe datent de cette première période. Certaines parties du mur du Port, vers l'Arsenal, furent restaurées après 1489; et c'est sans doute vers la fin de son magistère que d'Aubusson éleva cette partie du terre-plein du nord-ouest, qui, renversée sous Carretto, fut rebâtie « a fundamentis » en 1512. Ainsi se justifie l'appréciation d'Arnold von Harff, témoin à son passage à Rhodes de l'activité déployée par le grand-maître : « item deser homeyster hait dese stat mit muyren thoernen bulwerken ind grauen gar onseegelich seer gebessert » (5). A cette œuvre, déjà si vaste, il faut ajouter le remaniement du palais et des remparts avoisinants, l'édification d'auberges, de magasins, d'églises, enfin l'achèvement de la nouvelle infirmerie. Certes, la présence d'un écu armorié n'est point une indication certaine que l'ouvrage où il figure puisse être attribué en entier à tel ou tel grand-maître, et il est souvent malaisé, (1) Bosio. Istoria, II, 373. (2) Lib. Concil. 1473-78, f

OS

118 bis, 119. Pièces justificatives, X.

(3) Bosio. Istoria, II, 373. (4) Cf. sup. p. 88. (5) Arnold von Harff. Pilgerfahrt, p. 70.

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vu l'uniformité des matériaux et la persistance des procédés techniques, de déterminer les différents stades d'une construction. Cependant, à ne considérer que les parties du rempart actuel, qui peuvent être datées avec une certitude absolue de 1476 à 1503, l'ensemble des travaux de Pierre d'Aubusson constitue l'œuvre la plus importante qu'ait jamais réalisée un grand-maître. Son successeur, d'Amboise, élu en 1506, entreprend immédiatement de renforcer les courtines voisines de la Tour d'Italie : conservant le massif ancien, il le double vers la Ville d'un terre-plein maintenu par une muraille en talus; on lui doit également quelques restaurations du mur de contrescarpe, au nord-ouest; enfin, dans la même région, il édifie la Porte d'Amboise ou du Camp, achevée l'année même de sa mort (1512). La forteresse ne garde aucun témoignage du court magistère de Guy de Blanchefort (1512-1513); Fabrizio del Carretto, qui lui succède, occupe la charge pendant huit ans (15131521); il continue et parachève l'œuvre de d'Aubusson. Sur une grande partie du circuit du rempart, il augmente l'épaisseur des courtines en renouvelant le procédé employé déjà par d'Amboise; il transforme les anciens parapets, bâtit la nouvelle Tour d'Italie, avec son boulevard et sa casemate. Le terre-plein du nord-ouest, élevé par d'Aubusson, s'était écroulé au nord de la Porte d'Amboise : Carretto reconstruit la partie détruite. Bien qu'il se soit appliqué à renforcer les défenses anciennes plutôt qu'à créer des ouvrages entièrement nouveaux, son œuvre ne laisse pas d'être fort importante : elle accuse très nettement la transformation des remparts tracés, suivant les méthodes du moyen âge, en une enceinte où se lisent déjà les premiers principes de la fortification moderne. Villiers de l'Isle-Adam travaille dans le même sens, avec d'autant plus de diligence que les intentions de Suleiman et ses projets de conquête se précisent davantage. Mais le temps fera défaut au dernier des grands-maîtres de Rhodes : élu en 1520, il doit soutenir, dès l'été de 1522, le siège mémorable qui livrera la Cité aux Ottomans. Il avait pu, cependant, avant l'arrivée des assiégeants, exécuter les travaux de transformation du boulevard d'Auvergne suivant les dessins de Basilio dalla Scuola : nous avons montré plus haut qu'il ne s'agissait que d'une surélévation de 1 ouvrage édifié par d'Aubusson.

III. — T E C H N I Q U E ET MISE EN ŒUVRE A.



MATÉRIAUX

Les Chevaliers trouvèrent sur place ou dans le voisinage immédiat de la Cité les matériaux nécessaires à la construction des remparts. Les ruines des monuments antiques et la forteresse byzantine leur fournirent un premier appoint (1); des fossés eux-mêmes, souvent (1) Il est bien certain que, suivant une coutume constante, on employa de préférence les pierres déjà taillées des monuments antiques. Le château de Lango (Kos) offre un exemple fameux de l'utilisation de frises, corniches et ornements helléniques dans une forteresse médiévale. Au château Saint-Pierre, les Chevaliers firent disparaître les derniers vestiges du mausolée. (Cf. Herquet. Die Zerstörung des Mausoleums von Halikarnass durch die Johanniter, 104.) Un four à chaux y était installé (Lib. Bull. 1502, f° 233); bien souvent, sans doute, il fut alimenté avec des marbres antiques.

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creusés dans le roc, et des carrières du voisinage (Koskino, Malona), ils purent extraire, au fur et à mesure des besoins, la masse considérable de pierre qu'exigeaient les travaux. Tous les ouvrages sont bâtis en un calcaire oolithique, à gros grain, de nuance jaunâtre, tendre et sableux lorsqu'il sort de la carrière, mais qui, au contact de l'air, acquiert une dureté suffisante; il résiste mal, toutefois, à l'action des sels marins, et les murailles du port sont, en certains endroits, profondément rongées. Les blocs de marbre, dans lesquels sont taillées les figures votives, les écus des grandsmaîtres, les seuils des portes, les appuis ou les linteaux des canonnières sont des remplois d'éléments antiques; ils appartenaient aux monuments helléniques ou romains, dont les vese

tiges étaient encore fort nombreux au début du X I V siècle. Nul doute, d'ailleurs, que les chaufourniers n'aient puisé largement dans ces ruines qui procuraient une chaux de qualité excellente : la construction des remparts, et surtout les épais blocages, en réclamait d'énormes quantités, et il est fort probable que les Chevaliers exploitèrent également les carrières de pierre à chaux qu'on utilise encore aujourd'hui. Sur les plages du nord, on trouvait en abondance le sable nécessaire à la fabrication des mortiers. B. — A P P A R E I L

ET VOUTES

On employa d'abord des assises élevées (Tours de Heredia, de Naillac) ; les ouvrages qui datent de Fluvian, les tours de Saint-Georges et de Koskino sont encore appareillés en blocs de 0,40 de hauteur, posés à joints serrés et parfois calés de place en place avec des fragments de tuiles, par un procédé dérivé sans doute de la construction byzantine qui s'est maintenu en usage jusqu'à nos jours. Bientôt, cependant, on recourt à des matériaux de dimensions inférieures, et les murailles élevées par de Lastic sont composées d'assises réglées de 25 centimètres de hauteur maximum : les pierres sont généralement placées en boutisse et liées entre elles par un mortier gras et abondant; les joints, horizontaux et verticaux, sont masqués par un listel de mortier de chaux, irrégulier, de 2 à 3 centimètres de largeur, en légère saillie sur la paroi du mur (1) : la qualité de la chaux employée, la parfaite adhérence du mortier avec le calcaire rugueux font, des remparts ainsi constitués, de véritables monolithes, capables de résister aux chocs répétés des boulets. Toutefois, sous Zacosta, on retrouve les assises élevées, à joints serrés, partout où se marque une recherche de l'effet décoratif, par exemple à la Tour Saint-Nicolas et à la Tour Saint-Pierre. Orsini emploie le petit appareil suivant la méthode adoptée par de Lastic ; d'Aubusson utilise concurremment les deux systèmes ; d'Amboise et Carretto marquent une préférence pour les matériaux de grandes dimensions : tous les murs en talus vers la ville sont élevés en assises de 40 centimètres. Les arcs en ogive, en plein cintre ou en arc de cercle sont les uns et les autres en usage e

durant le X V siècle, sans qu'on en puisse déduire quelque indication chronologique. Dans les voûtes, où le berceau simple est d'usage général, l'appareil ne suggère aucune remarque particulière (2). Certains détails témoignent d'une connaissance assez complète de la science du (1) Les deux procédés d'appareil répondent respectivement à la PL. X X I X . 2, et à la PL. X X X I I . (2) A la Tour Saint-Nicolas, on observe dans les voûtes des casemates un dispositif singulier, en arête de poisson. (Fig. 50, C.) Nous y reviendrons plus tard en étudiant l'Hôpital, où il fut employé sur une grande échelle.

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trait; les solutions adoptées pour les arrière-voussures coniques des embrasures sont très franches et dénotent la parfaite compréhension d'un problème délicat. Dans certains cas (Fig. 71,77), la surface d'intrados est conique et son intersection avec le tableau est une courbe du second degré; ailleurs (Fig. 46), on a tenu à obtenir une intersection rectiligne horizontale et l'on a choisi comme surface d'intrados un conoïde à directrice horizontale. Les tailleurs de pierre étaient même capables d'aborder et de résoudre de manière satisfaisante le problème de l'arrière-voussure conique biaise : la solution adoptée répond en somme à notre solution moderne par l'emploi d hélicoïdes pour les surfaces de joint. (Fig. 78.) (1) C. — MAIN-D'ŒUVRE ET CONDUITE DES TRAVAUX

L'Ordre utilisait dans ses chantiers les prisonniers capturés par ses galères au cours de leurs croisières à travers les îles et sur les côtes d'Anatolie : « Chaque jour, dit une relation du « début du X V I siècle, on augmente les moyens de défense (de Rhodes); on y fait travailler e

« continuellement cent hommes, tant Mores que Turcs, pris en mer par les Rhodiens » (2). Ce sont là, sans doute, les argodolati dont on trouve mention dans les textes de Malte (3). véritables esclaves qui pouvaient devenir la propriété de Chevaliers ou de bourgeois de Rhodes. En 1522, peu de temps avant l'arrivée des Turcs, le grand-maître fait dresser la liste des esclaves appartenant tant aux Chevaliers qu'aux simples particuliers : les trois quarts seront employés aux travaux de la forteresse, le quart sera laissé libre et pourvoira aux besoms de la place et des habitants (4). Mais ces captifs ne pouvaient, pour la plupart, qu'accomplir des travaux de terrassement et servir de manœuvres; pour la taille de pierres, la maçonnerie, on devait recourir à des ouvriers rhodiens salariés, placés sous la direction effective d'un πρωτομάστωρ. L'inscription de la Porte de Koskino (Ch. III, n° 57) nous a conservé précisément le nom du protomaistro Manoli Constanti; il est fort probable que l'organisation du travail demeura sous la domination de l'Hôpital ce qu'elle était à l'époque byzantine, et que les Chevaliers utilisèrent le concours technique des corporations locales (5). (1) Nous n'entendons point dire que les πρωτομάστορες rhodiens aient été capables de dresser une épure complète et de déterminer les panneaux des voussoirs par des constructions géométriques : ils opéraient sans doute par tâtonnements, guidés simplement par leur instinct de praticiens. (2) Relation du voyage de Domenico Trevisan. Ed. Schefer, p. 218. — J. Thenaud, qui visite Rhodes à la même époque (1512), fournit un renseignement analogue : « En la ville estoyent pour lors environ cent Mores et Turcs qui faisoyent les fossés, murailles et aultres forteresses de la ville ». Voyage de Jehan Thenaud. Ed. Schefer, p. 134. (3) « ...quare fuit ordinatum quod fiat mandatum amplum reverendo domino thesaurario, taliter quod possit habere argodolatos in insula, ut possit ilia edificare secundum pacta cum eo inita... commissio fiat ex parte domini magistri et reverendi consilii ut omnino sibi obediatur, taliter quod habeat dictos argodolatos... » Lib. Concil. 1473-78, f 107-107 bis. Ailleurs on rencontre le terme argodulia : « ...alterius reparationis et edificationis argodulia facte... » Lib. Bull. 1494, f° 131. Pièces justificatives X I I . Ces mots sont dérivés du grec. Argodulia (u = ou) = εργοδουλεία. (Sur cette prothèse de l'a, v. H. Pernot. Phonétique des Parlers de Chio, p. 220.) Le mot pourrait signifier main-d'œuvre en général : il a sans doute un sens plus précis. L'actif argodolare est calqué non pas sur εργοδουλευειν mais sur εργοδουλούν = asservir au travail; et argodolatus correspond à εργοδουλώμενος = réduit en esclavage. Argodulia signifie donc : travail accompli par les esclaves. os

(4) Bosio. Istoria, II. 632. On a quelque peine à croire que les travaux des captifs, comme le dit Fontanus, pouvaient être volontaires : ...captivis ad voluntarios labores prasmio liberalitateque magni magistri invitatis ». Fontanus. De bello Rhodio, I. 23. (5) Sur cette organisation, cf. Choisy. L'art de bâtir chez les Byzantins, p. 173. Choisy a observé en Macédoine la persistance des συνεργασία! ou esnafs (corporations), présidées par un chef électif, πρωτοιιάστωρ ; à Rhodes, il n'existe plus rien de semblable.

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Toute construction nouvelle, toute réparation ou transformation des remparts ne peut être entreprise qu'après approbation du Conseil. S'il s'agit de châteaux éloignés, des commissions spéciales sont constituées pour enquêter sur place et procurer au Conseil tous les renseignements nécessaires (1). Une décision du 11 Juillet 1476 va nous fournir des détails assez précis sur le mode d'exécution d'un ouvrage important, à Rhodes même (2). Il s'agit de reconstruire une partie des murailles de l'Arsenal, suivant un projet adopté déjà au temps d'Orsini, « qui preventus « morte nullam provisionem secundum pacta inita cum thesauro fecit ». D'Aubusson envisage d'abord la possibilité d'un travail en régie : « offerendoque est contentus quod... ex parte « comitis thesauri aliquis deputetur qui teneat computum illorum operum que fient in dicto « muro et demum quod fiat solucio secundum calculum dicti computi ». Cette proposition indique que la régie pouvait être en usage; mais la plupart du temps, et c'est le mode qui va être adopté dans le cas présent, on établit une convention sur un prix d'unité. L'épaisseur du mur, à laquelle notre texte ne fait pas allusion, avait été fixée par une décision précédente à dix-huit palmes : et c'est d'Aubusson lui-même qui se charge de l'entreprise, à raison de neuf florins et demi par canne, « sicut habebat suus predecessor ». Le grand-maître agit, en somme, comme un entrepreneur opérant à la série de prix : et le Conseil lui assure les ressources nécessaires pour faire face aux dépenses du chantier; les revenus du magistère et les droits de la chaîne seront consignés, à cet effet, pendant une année entière. Les travaux terminés et évalués, le supplément de dépense sera, le cas échéant, soldé par le Trésor (3). Des conventions semblables avaient été conclues auparavant avec Orsini (4). Au Château Saint-Pierre, François de Bossolx, prieur de Catalogne, exécute tous les travaux utiles, pendant la durée de sa charge, au prix de huit florins la canne (5) ; un autre des gouverneurs du même château, Jacques Aymer, se charge de toutes les réparations, moyennant le prix de six florins la canne, mais il emploiera la chaux déjà prête dans le four de la place et celle qui s'y fabriquera dans la suite; s'il doit s'en procurer ailleurs, le travail lui sera payé a lo acostumato (6). Les travaux terminés sont mesurés (métrés) par une commission spéciale qui se rend sur place; elle est composée de maîtres maçons, accompagnés d'un secrétaire du bureau (scriba burelli) et de Chevaliers (7). Les comptes ainsi établis sont soumis aux trésoriers de l'Ordre, qui (1) En Juin 1476, le capitaine du Château Saint-Pierre voulant effectuer quelques réparations, on envoie sur place le Lieutenant du grand-maître, J. de Lovaltru, et Raimondo Ricardi; ces commissaires, « comissarii ad hoc deputati... retulerunt fecisse concordiam cum domino fratre Petro Raymondo Delguers capitaneo castelli Sancti Petri, super quadam reparacione et fortificacione facienda in dicto castello, que valde necessaria est et utilis dicto castello ». Lib. Concil. 1473-78, f° 119 bis. V. également ibid. f° 110 bis. Pièces justificatives, IX. OS

(2) Lib. Concil. 1473-78, f 118 bis, 119. Pièces justificatives, X. (3) Le Conseil peut être amené à prendre des dispositions exceptionnelles pour assurer au grand-maître les ressources nécessaires aux travaux : en 1475, Orsini est exempté de l'imposition du quart. (Pièces justificatives, IV.) Après le siège de 1480, devant l'importance des restaurations à accomplir, on établit une taxe de deux et demi pour cent sur tous les biens de la Religion. Bosio. Istoria, II. 431. (4) Bosio. Istoria, II. 335. (5) Lib. Bull. 1494, f° 131. Pièces justificatives, X I I . (6) Lib. Bull. 1502, f° 233. (7) Pièces justijicatives, X I I . Les mêmes protomaestri jouaient parfois le rôle d'experts : « E perché era stato necessario per questa fortificatione gettare a terra alcune case di cittadini, il gran maestro... le fece prima stimare d'à protomaestri... » Bosio. Istoria, II. 621.

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les vérifient et les enregistrent. Pour la surveillance des chantiers, la réception des ouvrages et leur évaluation, fonctionnent des commissions de Chevaliers, fratres sufficientes, délégués par le Conseil et choisis sans doute parmi ceux que désignaient des aptitudes spéciales (1). Il n'apparaît point que d'Aubusson ait eu recours aux services de spécialistes : on signale il est vrai, qu'un « certain ingénieur » conseille, en 1480, la construction d'une machine de jet (sans doute un trébuchet), mais sans indiquer quels étaient exactement son rôle et ses fonctions (2). Au reste, tant que se perpétuent les traditions médiévales, les moyens employés demeurent relativement simples, et l'on conçoit qu'on ait pu trouver, parmi les membres de l'Ordre, des Chevaliers capables d'adapter aux conditions locales les enseignements de l'Occident. Cependant, à la fin du

XV

e

siècle et au début du

e

XVI ,

l'art de la fortification devient

plus savant : le tracé et les éléments de la défense se compliquent; en même temps, les méthodes, ainsi que nous l'avons constaté, sont des plus incertaines. Aussi, voyons-nous le grandmaître de Carretto solliciter, dès 1516, la collaboration du vénitien Scarpagnino, dont, d'ailleurs, le Sénat de Venise refuse d'autoriser le départ (3). D'autres maîtres italiens viendront mettre leurs connaissances au service de l'Ordre, et nous relevons, dans Fontanus et Bosio, les noms de Basilio dalla Scuola, de Vicence, du Sicilien Matteo Gioeni, du Florentin Gerolamo Bartolucci et du Bergamasque Tadino da Martinengo (4). On a cru pouvoir attribuer à cette série d'ingénieurs la conception et la direction de l'ensemble des travaux du

XVI

e

siècle; Guglielmotti, notamment, considère Basilio dalla Scuola

comme l'auteur de sept nouveaux boulevards (5). Il est aisé de montrer, avec M. Gerola, que de telles conclusions sont pour le moins exagérées (6). Gabriele Tadino n'arrive à Rhodes que le 22 Juillet 1522 (7), et depuis quatre jours déjà les Turcs bombardent la ville; il ne peut donc avoir collaboré à l'édification de défenses fixes; par contre, il assume la conduite des travaux de siège et s'emploie particulièrement à éventer les mines de l'ennemi par des contre-mines. De même, Bartolucci n'apparaît qu'en 1522, et rien ne prouve qu'il se soit occupé spécialement de fortification : « in rebus bellicis non inexercitatus », dit simplement Fontanus, rapportant une opinion du Florentin au sujet de la flotte turque (8). (1) Ces commissions ont parfois des pouvoirs très étendus. En 1366, Barello Assanti, ayant reçu in feudo les îles de Khalki et de Piscopi, devra élever dans l'île de Limonia « una Torre gagliarda e forte; conforme al disegno che dato gli sarebbe da due Cavalieri, ch'à tal effetto colà mandar si dovevano ». Bosio. Istoria, II, 105. En 1476, pour une construction analogue, le Conseil délègue ses pouvoirs à trois Chevaliers. Pièces justificatives, IX. Des commissions semblables vont reconnaître l'emplacement d'un ouvrage. Lib. Concil. 1470-72, f° 134 bis; ou encore visiter et estimer les fortifications ordonnées et effectuées par le grand-maître à la Tour Saint-Nicolas. Lib. Concil. 1482, f° 124 bis. (2) Bosio. Istoria, II. 410. Selon Marulli, ce serait le vicomte Antoine d'Aubusson, frère du grand-maître, qui aurait conseillé la construction de cette machine. Marulli. Vita dei Gran Maestri (Naples, 1636), p. 534. (3) S. Picenardi. Itinéraire, p. 28, note 5. (4) Bosio. Istoria, II, 621-624. (5) A. Guglielmotti. La Guerra dei Pirati, I. p. 199 et suiv. Storia délie fortificazioni nella spiaggia romana,p. 37 et suiv. L'auteur appuie d'ailleurs son raisonnement sur des identifications en grande partie erronées. (6) Cf. G. Gerola. L'Opéra di Basilio dalla Scuola per le jortijicazioni di Rodi. (7) Bosio. Istoria, II, 657. (8) « Audivi propositum esse a Hieronymo Bartolutio florentino, in rebus bellicis non inexercitato.rationem exurendae classis, quae cum uno ex praefectis aararii... non probaretur, a collegis quoque improbari coepta est ». Fontanus. De bello Rhodio, II, 49.

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Quant à Matteo Gioeni, il est qualifié du titre d ' « ingénieur de la Religion »; en 1521, il est en rapport avec Basilio dalla Scuola et exécute vers la même époque un plan en relief de la Cité de Rhodes, envoyé par Carretto au pape Léon X (1). Il n'est pas impossible qu'il ait pris une part effective dans les travaux, mais nous n'avons à ce sujet aucune précision. Sur Basilio dalla Scuola, par contre, nous possédons quelques détails. En 1519, Carretto décide « di ridurre la fortificatione della Città di Rodi nel piu sicuro e migliore stato che ridurre « si potesse », et l'année suivante il mande à Rhodes « Basilio dalla Scuola, ingegniero dell'im« perator Massimiano, il qual'era il maggior huomo di quella professione ch'in quei tempi vi« vesse » (2). Carretto meurt en 1521, et Basilio quitte l'Egée peu de temps après pour entrer au service de Charles-Quint; notons que son séjour à Rhodes même fut singulièrement réduit par les voyages qu'il dut accomplir au Château Saint-Pierre (Boudroum), à Lango, et dans les autres îles et forteresses de la Religion (3). En 1520, d'accord avec « Mastro Giuenio », il fait exécuter « molti utili e buoni ripari » et spécialement « il terrapieno intorno aile mura della Città, cominciando da' mulini e della casa di Gianatis Mastrorisas fin'alla porta di Cosquino » (4). Ces travaux entraînent la démolition de quelques maisons : il ne s'agit donc que d'un renfoncement des courtines vers la Ville, sur une partie de l'enceinte située sans doute à l'ouest de la Porte de Koskino (5). En quittant Rhodes, Basilio laisse entre les mains du Lieutenant du grand-maître le plan de transformation du Boulevard d'Auvergne : c'est seulement après l'arrivée du

nou-

veau grand-maître Villiers de l'Isle-Adam, en septembre 1521, qu'on met ce projet à exécution; les travaux, poussés activement, ne sont achevés que peu de temps avant le siège de 1522 (6). Nous avons vu plus haut, en étudiant cet ouvrage, en quoi consistait ce dernier remaniement du boulevard d'Auvergne. Basilio dalla Scuola doit donc être considéré comme une sorte d'ingénieur-conseil, appelé pour une consultation sur place, plutôt que comme un directeur effectif des constructions : son rôle se borna à suggérer quelques améliorations de détail et à fournir les idées directrices de la transformation d'un ouvrage important. Ainsi, l'œuvre des maîtres italiens, dont les noms nous sont parvenus, n'a point, à Rhodes, l'ampleur qu'on lui a parfois attribuée. Peut-on admettre, d'autre part, avec M. Gerola, que « le opère fortificatorie di Rodi e délie altre isole dei cavalieri siano in gran parte dovute ad « ingegneri militari italiani » (7). Nous manquons de toute information à ce sujet. Il est fort plausible de supposer que Carretto, Italien lui-même, ait fait appel à ses compatriotes : ceux-ci (1) Bosio. Istoria. II, 624. (2) Ibid. II, 621. (3) Ibid. II, 624. (4) Ibid. II, 621. (5) Ce travail fut sans doute d'importance secondaire; il est à remarquer, en effet, que de tous les blasons de Carretto, aucun ne porte une date postérieure à 1518. (6) « Muri et propugnaculum Avernorum, a Basilio Cæsaris Caroli quinti architecto magistratu Fabricii modulatum, maiori cum diligentia perficiebantur... » Fontanus. De bello Rhodio, I, 23, et Bosio. Istoria, II, 632. (7) G. Gerola. L'opéra di Basilio dalla Scuola, p. 1160.

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LA CONSTRUCTION DES REMPARTS

jouissaient à cette époque, dans toute l'Europe, d'une grande renommée d'habileté. Cependant, il ne faut point oublier qu'à la mort de d'Aubusson, la Cité de Rhodes possédait une enceinte complète, en partie remaniée déjà, suivant les méthodes nouvelles, et qui sur bien des points demeura sans changements jusqu'aux derniers jours de la domination des Chevaliers. Or, il n'apparaît point que d'Aubusson ait eu recours à des ingénieurs italiens : tout semble prouver, au contraire, qu'il conserva toujours la haute main sur les divers travaux et qu'il fut, indépendamment de toute influence étrangère, le plus actif des ingénieurs de l'Ordre (1). D.



MESURES

L'unité de mesure linéaire usitée dans les comptes est la canne, qui se divise en huit palmes ou empans ; on emploie, en outre, le demi-palme (dimidius palmus). L'unité de mesure de surface est la canne carrée (canna quadrata), c'est-à-dire un carré d'une canne de côté. Elle se divise en huit palmes de surface. Chacun d'eux correspond à un rectangle dont les côtés sont respectivement égaux à un palme et à une canne, en sorte que la canne carrée renferme huit palmes de surface. De même, le demi-palme de surface est un rectangle de un demi-palme sur une canne, soit le seizième de la canne carrée (2). Ce système est en tous points semblable au mode de toisé en usage en France jusqu'à l'adoption du système métrique; il semble bien qu'il ait été importé de la Provence par les Chevaliers; l'analogie est complète, en tous cas, entre le compte dont nous donnons plus loin la copie et un compte qui se rapporte aux constructions d'Avignon au

XIV

E

siècle (3). e

Nous serait-il possible de retrouver la valeur de la canne employée à Rhodes au X V siècle? Nous savons que les murailles du port, élevées par Orsini (Fig. 64), avaient une canne d'épaisseur (4), et nous les identifions à des courtines de 2 m. 10 d'épaisseur moyenne; d'où : 1 palme = 0 m. 262. D'autre part, il est probable que les murs adjacents à la Tour Saint-Pierre (Fig. 66) étaient épais de 20 palmes (5), et comme ils mesurent 5 m. 28, on obtient pour le

(1) « Il s'estoit appliqué dès sa jeunesse à cette science militaire, et il s'y estoit rendu si habile avec le temps que les ingénieurs les plus expérimentés ne lui pouvaient rien apprendre ». Bouhours. Histoire du Grand-Maître d'Aubusson, p. 50. (2) Ceci résulte de la transcription d'un compte de travaux effectués au Château Saint-Pierre. Lib. Bull. 1494, f° 131. Pièces justificatives, X I I . La surface de la maçonnerie s'élève à 189 cannes carrées, 5 palmes, plus un demi-palme environ; ce qui, à raison de huit florins la canne, donne pour les 189 cannes : 8 χ 189 = 1512 florins. La somme totale étant de 1517 florins 5 aspres, le prix de 5 palmes et demi de surface est donc de 5 florins 5 aspres, ce qui fixe à 1/8 de canne la surface du palme. On remarquera que, pour être rigoureusement exacte, la somme totale devrait s'élever à 1517 florins 10 aspres, au lieu de 1517 florins 5 aspres. Mais cette légère différence de 5 aspres peut s'expliquer soit par une erreur de calcul, soit par le mot circiter, selon lequel le demi-palme pouvait n'être qu'une approximation maximum. (3) Le compte d'Avignon est plus complet: on y trouve plusieurs prix répondant à des murs d'épaisseurs diverses : ...de muro grosso... ad rationem III florenorum cum dimidio pro qualibet canna...; de barbacanis et merletis... etc.; dans les mesures figurent la canne, le palme et même le demi-quart de palme. Ce compte, extrait des Régestes (170, f° 193), a été publié par E. Muntz dans : Les Sources de l'histoire des Arts dans la ville d'Avignon pendant le x i v siècle. (Bulletin Archéologique, 1887, p. 249.) e

(4) Bosio. Istoria, II, 335. (5) V. Pièces justificatives, VII. Ces murs, à l'est et au sud, ont la même épaisseur, de sorte que, quelle que soit la situation de la Tour de Plaignes, on peut admettre que 5,28 = 20 palmes.

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palme la valeur de 0 m. 263, égale à la précédente à un millimètre près. Enfin, si nous considérons certaines des courtines du port (Fig. 65), nous observons que leur épaisseur 3,38 représente 13 palmes de 0,26, et que le parapet de 0,78 correspond à 3 palmes. C'est là, semble-t-il, une suite de coïncidences et de concordances qui peuvent difficilement apparaître comme fortuites : nous pensons donc que la valeur de la canne rhodienne était voisine de 2 m. 10, ce qui donne un palme de 0 m. 26. Au reste, il est probable qu'à côté de ces mesures officielles, il en existait d'autres plus usuelles : dans les hauteurs d'assises, on retrouve les cotes de 0,22 et 0,44, égales aux deux tiers et aux quatre tiers du pied royal, mais qui peut-être correspondaient à des mesures locales.

C H A P I T R E

V

É V O L U T I O N — INFLUENCES

I. — L ' É V O L U T I O N DU SYSTEME DEFENSIF e

On sait qu'aux progrès de l'artillerie, dans le cours du X V siècle, correspond une transformation générale, suivant des principes nouveaux, des forteresses du moyen âge. Or, les moyens d'attaque dont disposent les Turcs ne le cèdent en rien à ceux des nations d'Occident, et, dès 1453, les fonderies d'Andrinople fournissent à Mahomet II, pour assiéger Constantinople, des canons d'une puissance inconnue jusqu'alors. On conçoit donc que les Chevaliers aient dû envisager, particulièrement après les dures épreuves du siège de 1480 (1), le remaniement méthodique des défenses de Rhodes. Mais le voisinage d'un ennemi puissant et menaçant les oblige à maintenir la Cité en état permanent de défense et leur interdit les transformations radicales, de fond en comble (2); ils possèdent d'ailleurs des moyens matériels réduits, et leurs ressources limitées les contraignent à utiliser dans la plus large mesure possible les constructions antérieures. Aussi, les remparts actuels ne sont-ils que le résultat d'améliorations et de renforcements successifs, à travers lesquels on peut généralement retrouver les dispositions initiales des différents ouvrages (3) : du reste, certaines parties de l'enceinte, peu vulnérables ou appelées à jouer un rôle d'importance secondaire, n'ont point été modifiées, et fixent les dimensions et les détails de l'état primitif. La présence des blasons armoriés, souvent accompagnés d'un millésime, permet d'assigner à la plupart de ces travaux une date précise (4). (1) En 1480, les Turcs installèrent contre le Mur des Juifs huit canons, qui en quelques jours détruisirent la muraille : c'étaient, paraît-il, les plus grosses pièces qui fussent dans le monde, et le bruit des détonations était entendu à Castellorizo, à 70 milles de Rhodes. (Bosio, Istoria. II, 404-405.) (2) Cette prudence était de règle, même en Occident, et l'on tenait, en outre, à garder le bénéfice des travaux antérieurs dont la destruction totale eût entraîné des dépenses considérables. Il semble qu'à Rhodes les précautions aient été particulièrement minutieuses : ainsi, on ne détruit un mur ancien qu'après la restauration de la fausse-braie correspondante. (Pièces justificatives, VIII.) (3) En général, nous ne remontons pas plus haut que le magistère de Fluvian; sur certains points, nous croyons retrouver les travaux de Heredia. Mais nous sommes persuadés que des sondages effectués dans certains murs permettraient de déterminer les prototypes antérieurs. (4) La plupart des écus donnent, sans aucun doute, la date de l'ouvrage où ils sont encastrés; tels sont ceux ομ n'apparaît aucune solution de continuité avec l'appareil des murs, p. ex. PL. X X X I I . Il pourrait sembler que certains motifs, notamment PL. X X I X . 2, ont été mis en place après coup. Tout bien examiné, nous croyons que cette apparence est trompeuse et que le motif est contemporain de la tour; mais pour obtenir une certitude absolue, il faudrait desceller quelques pierres et examiner les mortiers.

18

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LA CITÉ DE RHODES

Il est donc possible de déterminer, pour chacun des éléments de la défense : courtines, tours, portes, boulevards, les différentes phases de la construction, de les dater, et d'en déduire les types successivement adoptés. A.



COURTINES

Les plus anciennes qu'on puisse dater avec exactitude remontent au magistère de Lastic (1437-1454); renforcées et remparées pour la plupart, dans la suite, elles ne laissent apparaître, en général, que leur mur d'escarpe; cependant, en deux endroits différents, à la Porte SaintAntoine et à l'ouest de la Porte de Koskino, elles sont demeurées intactes, sans modification ni adjonction. Il est à présumer, d'ailleurs, qu'elles ne faisaient que reproduire des modèles antérieurs : elles n'offrent, en effet, aucune différence essentielle avec le pan de rempart qui, attenant aux tours de Heredia, au nord du Château, remonte sans doute à l'époque de ce grand-maître (1377-1396). D'autre part, les murailles du Port, bâties par Orsini, en 1472, reproduisent un dispositif absolument semblable; fort bien conservées, elles nous permettront e

e

de fixer le type de courtines en usage à Rhodes durant le X I V et le X V siècle. Notre croquis (Fig. 64) donne les caractéristiques de celles qui se développent depuis la Porte de la Marine jusqu'au Môle des Moulins; elles se composent d'un blocage de maçonnerie, béton de cailloux et de chaux, compris entre deux parois verticales appareillées en

FIG. 64.

FIG. 65

assises réglées de 25 centimètres environ de hauteur; l'épaisseur totale de ce mur d'enceinte est de 2 m. 10 en moyenne, et le sommet des merlons s'élève à 12 mètres au-dessus du niveau de la mer. Aux murailles du Port, élevées par Orsini, correspondaient d'abord, sur le reste de l'enceinte, des remparts analogues; leurs dimensions nous sont fournies par les deux pans de

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courtines, datés de Lastic, et qui, à la Porte Saint-Antoine et à l'ouest de la Porte de Koskino, sont demeurés en leur état primitif (1). Ici, le mur d'escarpe s'accompagne, à sa base, d'une fausse-braie dominant de trois à cinq mètres le fond d'un fossé d'une quinzaine de mètres de largeur. Cette fausse-braie, protégée par un parapet à créneaux, merlons et archères, était à l'origine flanquée de petites tours, au moins dans certaines parties du circuit : deux d'entre elles sont encore en place, au sud-est de la Tour d'Espagne. (Cf. PL. IX.) Tel est donc le profil de la courtine, de la fausse-braie et du fossé, au temps de Lastic; ce tracé demeura en usage à Rhodes jusqu'à l'époque de d'Aubusson. Les premières constructions élevées par ce grand-maître, dès 1477-78, reproduisent encore les dispositions générales de ce type élémentaire, mais marquent déjà un accroissement sensible de ses dimensions. Alors que les courtines d'Orsini mesurent 2 m. 10 d'épaisseur, celles que bâtit d'Aubusson, à l'est du Château, atteignent 3 m. 40. (Fig. 65.) Toute cette partie de l'enceinte, qui suit la courbe du port, était d'ailleurs d'importance secondaire; le rempart septentrional du Château, plus vulnérable, est doté, dès 1477, d'une courtine de 5 m. 30 d'épaisseur, répondant au profil de notre fig. 66.

FIG. 66.

On observera que les parois des murailles demeurent verticales; le mur d'escarpe en talus n'apparaîtra que plus tard. A la barbacane du Boulevard d'Angleterre, construite en 1487, aussi bien qu'au Boulevard d'Espagne, daté de 1489, les parements sont à plomb; mais dès cette époque, le talus était déjà en usage à Rhodes, et l'on peut admettre que son emploi s'y généralisa dans les années qui suivirent le siège de 1480 (2). (1) Il est possible, d'ailleurs, que de Lastic se soit borné, au moins par endroits, à élever un nouveau mur d'escarpe devant une courtine plus ancienne. On expliquerait difficilement par une autre supposition le passage suivant de Bourbon (op. cit.) : « ils rompirent la muraille neufve du terreplain de la poste Dangleterre; nonobstant cela la muraille vieille qui estoit au dessoubz de la neufve demoura entière ou peu endommagée ». (2) Sur ce point, on constate plus tard un retour en arrière; alors que d'Aubusson et d'Amboise semblent avoir adopté définitivement le talus, Carretto, au Boulevard d'Italie, revient à la paroi verticale.

122

LA CITÉ DE RHODES

A quelle époque commença-t-on à remparer les anciennes murailles? D'Aubusson se borna, semble-t-il, à protéger par des terre-pleins extérieurs les courtines jugées trop faibles mais ne modifia point leur profil (1) : leur transformation radicale fut l'œuvre de d'Amboise et de Carretto, ainsi qu'il résulte d'ailleurs de la répartition des armoiries. Notre croquis (Fig. 67) montre comment s'opéra ce remaniement: on conserva l'ancienne courtine, dont le mur d'escarpe x demeure apparent, en x' mais on ajouta, vers la ville, un puissant massif de terre, maintenu par un mur en talus soigneusement appareillé; au niveau du chemin de ronde, le mur de soutènement mesure 2 mètres d'épaisseur, et la largeur totale de la courtine atteint 12 mètres.

FIG. 67.

Nous ne saurions préciser de quelle manière fut constitué ce remblai (2) : les Chevaliers n'ignoraient point la pratique des terrassements et, à défaut de chaînages de bois, ils durent prendre toutes les précautions utiles pour assurer à ces travaux l'homogénéité nécessaire ( 3 ) ; l'état de conservation des remparts est la meilleure preuve de la qualité de leur technique. (1) Santo Brasca visite Rhodes quand les désastres du siège ont été restaurés : « La cita... ha le mure che pareano facte quela nocte tanto sono politi e uaghi; e sono largipie : quator dece de li miei incima de li quali sono moite moline che masino a uento che fano uno mirabel vedere ». (Santo Brasca, Viaggio, f III v.) S. Brasca mesura sans doute le chemin de ronde à l'endroit où il lui paraissait le plus large, dans le voisinage des moulins de la Porte de Koskino; la dimension de 14 pieds indique que la courtine n'était pas remparée. Lengherand, en 1485, confirme ce renseignement; sur le chemin de ronde « l'on yrait a pay ne trois hommes a cheval de froncq », ce qui donne une largeur de quatre mètres au maximum. (G. Lengherand, Voyage, p. 103.) Il semble bien que Merri Dupui, en parlant de 22 pieds et de 28 pieds, commet une erreur; il est possible, d'autre part, que Vertot ait transcrit inexactement le texte original. (Merri Dupui, ds. Vertot, Histoire des Chevaliers. Paris, 1726, p. 599 et 605.) 0

(2) Seule une fouille dans la masse du terre-plein pourrait nous renseigner sur ce point avec précision. (3) Déjà pendant le siège de 1480, on avait exécuté à la Tour Saint-Nicolas et à la muraille des Juifs des retranchements avec des tonneaux, de la terre, des palissades, etc. (Merri Dupui, Caoursin, Bosio. Op. et loc. cit.) En 1522, les Turcs étaient au courant des travaux exécutés par Carretto et Villiers de l'Isle-Adam : « Quelques prisonniers rapportent que peu de temps auparavant les Infidèles avaient construit dans l'intérieur de l'ancienne forteresse un retranchement formé avec du sable, de la terre et des pierres, et lié avec de l'argile. (Ramadan, dans Mémoires Ac. des Inscr. 1759, p. 739.)

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ÉVOLUTION - INFLUENCES

Β.



FAUSSES-BRAIES

ET

FOSSÉS

Considérons la courtine a (Fig. 67), doublée de sa fausse-braie b, flanquée elle-même de tours c; le fossé d sépare l'enceinte de la contrescarpe e et des glacis f. Ce schéma répond, en somme, au dispositif en usage sur tout le développement du rempart (1), vers la campagne, e

jusqu'aux dernières années du X V siècle. A cette époque, on constate l'insuffisance de courtines telles que a, à la fois trop faibles et trop élevées. D'Aubusson pare à ce double inconvénient en établissant devant elle une sorte de braie h, qui utilise la contrescarpe e. Un escalier g donne accès à ce terre-plein, devant lequel est creusé un second fossé j limité par une nouvelle contrescarpe k.. Le terre-plein est lui-même commandé par les boulevards établis en avant des tours. Ce système exigeait pour sa réalisation une dépense considérable de main-d'œuvre, mais n'était point sans présenter de sérieux avantages : il n'entraînait aucune destruction dans la ville elle-même durant les travaux, et la puissance défensive de la Cité n'était pas affaiblie un seul instant. o

Des terre-pleins analogues s'élèvent : 1 Entre la baie d'Akandia et la Tour d'Italie. 2° Entre le Boulevard de Koskino et celui d'Angleterre. 3° Entre le Boulevard d'Angleterre et celui d'Espagne. 4° A l'ouest du Palais. Nous croyons qu'ils furent les uns et les autres édifiés, ou tout au moins fondés, par d'Aubusson. Tout d'abord, les seules armoiries qu'on y relève sont : a) l'écu de d'Aubusson, sans chapeau cardinalice, donc antérieur à 1489, sur le terre-plein d'Akandia. (Ch. III, N° 93.) b) L'écu de d'Aubusson cardinal ( N ° 20), au terre-plein du Palais; l'écu de Villiers de l'IsleAdam, tout proche, ne peut que commémorer une restauration, c) Enfin, sur le même terreplein, au nord de la Porte d'Amboise, les écus de d'Aubusson cardinal et de Carretto. ( N

o s

16,

17, 18.) Les inscriptions qui les accompagnent spécifient d'ailleurs que Carretto ne fit que relever de ses ruines un ouvrage bâti par d'Aubusson. A ces indices s'ajoute le témoignage de Georges Lengherand, de passage à Rhodes en 1485 : « et tout a lentour après y a jaulses brayes et au devant y a encoires doubles grans jossez a ions de cuve » (2). Ainsi, dès 1485, les terre-pleins parallèles aux courtines et les doubles fossés existaient déjà, sauf dans la région ouest du Palais, où ils ne furent exécutés qu'après 1489; sur le reste du circuit, on peut fixer la date de ces travaux aux années qui suivirent le siège de 1480. Quant à la fausse-braie, elle était, dès cette époque, jugée comme un ouvrage plus dangereux qu'utile : on laissa subsister celles qui existaient, mais on n'en établit plus de nouvelles. Résumant la discussion précédente, nous pouvons dire, en nous reportant à la fig. 67, que tous les travaux effectués en dehors des anciennes courtines, vers la campagne, sont l'œuvre e

de d'Aubusson, alors que toutes les adjonctions vers la Ville doivent être datées du X V I siècle, des magistères de d'Amboise et de Carretto. (1) Il n'est pas certain, toutefois, que la fausse-braie ait été flanquée de tours secondaires sur tout le développement de l'enceinte. (2) G. Lengherand. Voyage, p. 103. Il est bien évident que les fossés de Rhodes demeurèrent toujours à sec ; ils sont situés bien au-dessus du niveau de la mer.

124

LA CITÉ DE RHODES

C. — ELÉMENTS DE DÉFENSE DES COURTINES

Parapets, Merlons, Créneaux, Embrasures, Mâchicoulis Au type élémentaire de courtine (Fig. 64) correspond un chemin de ronde de 1 m. 65 de largeur moyenne, protégé par un parapet de 0 m. 45 d'épaisseur par 2 m. 10 de hauteur. En général, ce parapet ne règne que du côté de l'escarpe : exceptionnellement, le chemin de ronde attenant au nord à la Porte de la Marine se développe entre deux parapets. (Fig. 73.)

FIG. 68

Les merlons affectent un profil dentelé caractéristique, dont les dispositions sont d'ailleurs variables : parfois ils forment un V assez accentué entre deux créneaux consécutifs et rappellent alors les merli ghibellini d'Italie; la plupart du temps, ils présentent une succession d'un nombre variable de pointes. On observe également dans les parapets des fausses-braies

FIG. 69

ÉVOLUTION - INFLUENCES

125

(Fig. 66) et aux courtines de l'est, vers la baie d'Akandia, des merlons rectangulaires, mais le profil dentelé est la règle générale. Le parapet, sous sa forme la plus simple (Fig. 64), est percé de créneaux rectangulaires (1,20 de large par 1,40 de haut) : chacun d'eux est muni de deux corbeaux permettant l'ins-

FIG. 70

tallation de volets ou de huchettes de bois. Dans les merlons sont pratiquées des archères, simples fentes verticales avec un ébrasement vers le chemin de ronde. Aux courtines plus épaisses (Fig. 65) correspondent des parapets plus robustes, munis

FIG. 71

de créneaux, d'archères et aussi de canonnières circulaires ou carrées, pour l'installation de pièces de petit calibre. (Fig. 68, 69). (1) (1) La fig. 69 reproduit le parapet de la Tour Saint-Paul; mais une disposition analogue existe également aux parapets des courtines, notamment à l'ouest du Palais du grand-maître.

126

LA CITÉ DE RHODES

Le parapet des remparts du nord (Fig. 66) atteint une épaisseur totale de 1,53; les créneaux y sont disposés comme l'indique notre croquis. (Fig. 70.) On y observe, outre les corbeaux, des encoches rectangulaires ménagées à la base des tableaux; elles permettaient l'encastrement d'une pièce de bois qui servait à fixer le volet ou la huchette. Dans l'axe de chaque merlon s'ouvre une embrasure voûtée (Fig. 71); à chacune d'elles correspond une canonnière de 0,48 x 0,55, pour menue artillerie, et une archère cruciforme. A l'est de la Porte SaintPaul, le parapet, de 1 m. 50 d'épaisseur, est muni d'embrasures non couvertes, à canonnières circulaires. (Fig. 72.) ι

F I G . 72

Les courtines ne possédaient point, comme celles d'Avignon, des lignes continues de mâchicoulis : cet élément de défense était réservé aux tours. Cependant, au nord de la Porte de la Marine, on remarque une série de bretéches (Fig. 73) qui remplissaient un but analogue ; elles sont situées sur les deux faces de la muraille, aussi bien vers l'escarpe que vers la ville. Lorsqu on rempare les courtines, au début du

e

XVI

siècle, les parapets précédents sont

FIG. 73

abandonnés et remplacés par des massifs de maçonnerie de 2 m. 20 de hauteur sur 4 mètres d'épaisseur; ils sont percés d'embrasures à la française, dont les axes ne sont pas toujours normaux à la direction du rempart, mais dirigés suivant des angles variables de manière à battre certaines régions sous des feux croisés.

127

ÉVOLUTION - INFLUENCES

La face supérieure des merlons comprend en général une partie horizontale et un glacis; toutefois, Carretto introduit à l'est de la Porte Saint-Athanase un profil convexe, en quart de cercle. (Fig. 74.) Dans ce cas, le glacis des embrasures est à redans; au sommet et à la base du tableau sont ménagées des cavités qui recevaient les tourillons b et le verrou de fermeture a d'un mantelet ou volet o. A chaque embrasure correspond, sur le terre-plein, une aire trapézoïde, constituée par des dalles de marbre, et qui marque l'emplacement d'une pièce d'artillerie c, affûtée au niveau de l'échancrure d-d (1). De place en place, les merlons sont percés, à hauteur d'homme, de meurtrières qui facilitaient la surveillance des mouvements de l'assiégeant et le tir des engins portatifs. D.



TOURS

Elles répondent à trois types distincts : o

1 Celles qui flanquent les remparts du Château au nord et à l'est, sont de plan rectangulaire et commandent les courtines de 4 à 5 mètres : elles se terminent par une FIG.

74

plate-forme, munie d'un parapet à créneaux et merlons, et réunie au chemin de ronde par un étroit escalier en encor-

bellement; les salles voûtées qu'elles renferment semblent bien n'avoir été accessibles, à l'origine, que de la terrasse supérieure, au moyen de trémies et d'échelles. (Fig. 38.) 2° Les tours, également rectangulaires, de l'Arsenal, aujourd'hui détruites, interrompaient le chemin de ronde : à ce type se rapporte également la tour qui s'élève au fond du port, entre la Porte de la Marine et le Môle des Moulins; c'est un flanquement barlong de commandement très réduit. e

e

Tous ces ouvrages remontent à la fin du X I V et au début du X V siècle, et nous sont parvenus sans modifications importantes. 3° Le rempart de la Ville, au sud et à l'ouest, est flanqué de nombreuses tours, sur plan circulaire ou rectangulaire, qui toutes étaient primitivement détachées des courtines. L'espace qui les séparait du mur d'escarpe, et qui correspond à la largeur de la fausse-braie, était franchi par un pont de maçonnerie ou de bois. Ces tours avaient sur les courtines un commandement élevé ; elles possédaient plusieurs étages de salles voûtées, ouvertes à la gorge, et la plate-forme supérieure était munie d'un parapet à créneaux, merlons et mâchicoulis. Cette disposition, très particulière, peut se justifier : la tour, le pont rompu, pouvait battre la courtine si celle-ci venait à être occupée par l'assaillant; mais surtout ses décombres, si elle était détruite, s'amoncelaient en majeure partie au delà de la fausse-braie, et la cour-

(1) Profil du parapet et disposition des volets se retrouvent aux remparts de Nuremberg construits par A. Durer. (Cf. Viollet-Le-Duc. Dictionnaire, art. embrasure, fig. p. 202.— A. Durer : Instruction sur la fortification des Villes, Ed. Rathenau, fig. 8.)

128

LA CITÉ DE RHODES

tine demeurait intacte en arrière : au contraire, les ouvrages du premier type, en liaison avec l'escarpe, formaient, en s'écroulant, une brèche qui ouvrait une voie à l'assiégeant. Le principe qui a conduit à implanter les tours dans le fossé, au delà des fausses-braies, n'est en somme qu'une conséquence, poussée à l'extrême, des préceptes formulés par Philon de Byzance : « Il ne faut pas, dit-il, relier les tours aux courtines, car le poids des constructions n'étant pas le même de part et d'autre, il résulterait de leur liaison des lézardes » (1). Choisy constate l'application de ce principe à Nicée et à Constantinople (2) : on peut même ajouter qu'à Constantinople les tours possèdent à leur base, du côté de l'escarpe, des arcs de décharge qui accentuent le manque de liaison et détachent nettement des remparts la masse du flanquement (3). A Héraclée, autant qu'on en peut juger par les dessins de Hommaire de Hell (4), la disposition se rapprocherait davantage de celle de Rhodes, où le désir de réaliser un équilibre statique n'est pas seul en jeu : les tours de notre enceinte peuvent en effet être considérées comme de véritables réduits, indépendants des courtines. Toutefois, en aucune des plus célèbres forteresses byzantines : Antioche, Nicée, Dara, non plus que dans celles qui comme Diarbékir conservent les mêmes traditions (5), nous ne retrouvons de tours entièrement détachées des courtines et qui se puissent comparer aux exemples rhodiens. En Occident, on peut signaler quelques ouvrages, appartenant d'ailleurs à des régions et à des époques diverses, et qui présentent avec les tours de Rhodes une certaine analogie ( 6 ) ; mais nous ne connaissons point d'enceinte où le même système ait été appliqué sur une vaste échelle à tout un circuit fortifié. La fondation de ces flanquements remonte à Fluvian, et J. de Lastic, à la Tour SainteMarie, adopta sans doute un dispositif semblable. La Tour Saint-Pierre, bâtie par Zacosta. et la Tour Saint-Paul, qui paraît dater de la même époque, sont conçues suivant des règles différentes : elles sont de proportions beaucoup moins élancées et marquent une tendance fort nette à réduire la hauteur des commandements; les plates-formes de ces tours massives dépassent à peine les chemins de ronde avec lesquels elles communiquent par un escalier (Saint-Paul) ou un plan incliné (Saint-Pierre). En outre, le massif de l'ouvrage est relié aux courtines dans toute sa hauteur et on n'y ménage que des salles de dimensions restreintes qui n'affaiblissent en rien sa résistance. Des préoccupations du même ordre entraînent une première modification des tours de Fluvian, et à une époque indéterminée, on remplit en majeure partie les salles intérieures d'un blocage de béton. Orsini, jugeant dangereux l'isolement de ces hautes tours, les épaule

(1) Philon de Byzance, § 9. Cf. A. de Rochas et Ch. Oraux, art. sur Philon, ds. Revue de Philologie, 1879. Nouv · Série, Tome III, p. 91-151. (2) Choisy. Art de construire chez les Byzantins, p. 112. (3) A. van Millingen, Byzantine Constantinople. Coupes et élévations, p. 106. (4) Hommaire de Hell, Voyage en Turquie et en Perse. Atlas. PL. X I X . (5) Pr. Antioche. Cf. Rey, Etude sur les monuments de l'arch. milit. des Croisés, p. 189. Murs de Nicée, ds. Texier et Pullan, Architecture byzantine, p. 24; de Dara, ibid, p. 56,57, fig. p. 57; d'Edesse, p. 202, 203. Pr. Diarbékir, cf. Van Berchem et Strzygowski, Amida. Hommaire de Hell, Voyage en Turquie et en Perse. PL. XL et suiv. (6) Cf. inf., p. 136.

129

ÉVOLUTION - INFLUENCES

à la courtine par deux murs parallèles, ce qui permet d'installer au-dessus de la fausse-braie plusieurs étages de meurtrières et de canonnières défendant les abords de l'escarpe (3). Il est impossible de dater exactement toutes les opérations qui transforment les ouvrages primitifs en ceux qui nous sont parvenus : la juxtaposition de nos croquis (Fig. 75 et 76) montre quel fut le but poursuivi. La fig. 75 donne le plan et la coupe de la Tour Saint-Athanase, qui remonte à Fluvian et peut être considérée comme un type général. En a s'ouvre la porte percée dans la courtine et conduisant aux fausses-braies b; les salles intérieures c, c

FIG. 75

FIG. 76

sont ouvertes à la gorge, et le dernier étage c est relié au chemin de ronde par un pont d à tablier de bois. On accédait à la plate-forme e par des trémies et des échelles ou par un escalier intérieur, aujourd'hui englobé dans les massifs de remplissage. En f se développe une ligne de mâchicoulis dont les consoles sont demeurées en place en f; en h, image de Saint-Athanase et armes de Fluvian; en g, empattement en talus de la base de la tour. Notons que, dans la transformation des ouvrages analogues, on peut constater l'indécision et les tâtonnements des méthodes de cette époque; comme on ne se résout point à perdre le bénéfice des commandements élevés, on hausse les courtines au niveau de la plate-forme (3) Un tel dispositif n'existe pas à la Tour Saint-Athanase; mais on l'observe à la Porte de Koskino (Fig. 22) et à la Tour d'Italie (Fig. 30).

130

LA CITÉ DE RHODES

des tours, partout où cela semble possible; ailleurs, on se contente de réduire la différence de hauteur; enfin sur d'autres points, comme à la Tour de Saint-Jean ou à celle de Saint-Georges, on conserve le commandement antérieur. Ici (Fig. 75, 76), le chemin de ronde a été rehaussé de α en β et la plate-forme de la tour légèrement abaissée de γ en β. Deux murs parallèles, reposant sur les arcs m, m, et une voûte en berceau n relient la courtine à la tour, dont les salles intérieures sont remplies de massifs compacts. Un parapet e, à embrasures, remplace le parapet à créneaux et merlons, et les mâchicoulis sont supprimés (1). Les armes de Carretto, en j, donnent la date de l'achèvement du travail. Nous avons étudié en détail, précédemment, les trois tours des môles; celle de Naillac conserve sans changements sa silhouette et ses dispositions caractéristiques; celle des Moulins, d'importance secondaire, ne subit que des modifications de détail; quant à la Tour de Saint-Nicolas, qui devient après 1480 une véritable forteresse isolée, elle est transformée suivant les mêmes règles que l'enceinte de la Cité : supprimer les parties fragiles (mâchicoulis, tourelles isolées), renforcer les murailles de la tour et en protéger la base par des ouvrages avancés, tel sera le but des travaux entrepris par d'Aubusson après 1480. E.



BOULEVARDS

Les tours importantes (tours des saillants, tours des portes, tours des môles) sont protégées à leur base par des boulevards. Devant les tours rectangulaires, ils possèdent quatre pans et affectent la forme d'un éperon. (Boulevard de Saint-Georges. Fig. 9. — Premier boulevard de la Porte de Koskino. Fig. 23.) Devant les tours circulaires, ils se développent suivant un polygone d'un nombre variable de côtés. (Tour Saint-Paul, Tour Saint-Pierre, Tour Saint-Nicolas.) Dans tous ces exemples, le boulevard se compose d'une courtine d'environ 2 mètres d'épaisseur, avec chemin de ronde, parapet à créneaux et merlons, et canonnières au niveau du sol. Nous donnons ci-contre (Fig. 77) les éléments du Boulevard de la Tour Saint-Paul. (Boulevard de France.) On notera quelques particularités : les bretèches du Boulevard de Saint-Nicolas, du Boulevard de Saint-Pierre; et au Boulevard de France, les volets d'obturation des canonnières glissant dans des raiFIG. 77

nures verticales h.

(1) Nous avons constaté à la Tour Saint-Nicolas une suppression semblable. Il n'est pas impossible que les Tours Saint-Pierre et Saint-Paul, et les tours intermédiaires, n'aient primitivement possédé un couronnement à mâchicoulis.

131

ÉVOLUTION - INFLUENCES e

A la fin du X V siècle, on estime que ces ouvrages sont incapables de résister au tir de plein fouet de la grosse artillerie; et vers 1485, d'Aubusson juge nécessaire de réunir à la tour, par un berceau continu, le boulevard qu'il construit aux remparts du sud. (Fig. 28.) Sur les points importants de l'enceinte, une transformation beaucoup plus radicale ne tardera pas à s imposer. On conserve les anciens boulevards en éperon comme un élément de la défense dans l'attaque approchée; devant eux, on élève, dès le magistère de d'Aubusson, des platesformes d'artillerie : leur tracé polygonal permet de battre efficacement, d'un tir rasant et sur une zone étendue, les approches de l'ouvrage à protéger. Nous avons signalé plus haut, au sujet des tours, quelle indécision avait présidé d'abord à ces premières adaptations de la forteresse du moyen âge à la lutte d'artillerie; ces mêmes t â t o n n e m e n t s , nous les constaterons

dans

l'éta-

blissement des boulevards. Point de règle fixe, point de méthode précise : tantôt (Boulevard de Koskino, Boulevard

d'Angleterre)

J'ouvrage est flanqué de barbacanes

ou

basses

prennent les

qui

batteries

fossés d'enfilade, ou permettent

l'installation

de

tireurs ou d'archers; tantôt on y ménage des casemates annulaires ou polygonales au niveau du fond des fossés (Boulevard d'Espagne, Boulevard de Carretto). Généralement, un FIG. 78. — CANONNIÈRE DE LA CASEMATE DU BOULEVARD D'ESPAGNE

fossé les sépare de la tour

qu'ils défendent : seul, le Boulevard de Carretto épaule la tour centrale. Tous ces ouvrages sont établis en contre-bas du chemin de ronde et séparés du mur d'escarpe par la largeur de la fausse-braie. Le Boulevard d'Auvergne, transformé en 1522 par Villiers de l'Isle-Adam, selon les conseils de Basilio dalla Scuola, marque l'application d'un principe nouveau : il fait corps avec la courtine et commande le chemin de ronde, avec lequel il est en communication directe. Ses dispositions successives correspondent en somme aux étapes principales de l'évolution du boulevard à Rhodes. 1

o

e

Sous sa forme la plus ancienne, datant du milieu du X V siècle, l'éperon détaché de

la tour n'est guère qu'une amplification de la fausse-braie. (Fig. 9.) 2° Dans le boulevard de d'Aubusson, élevé en 1496 (Fig. 10), se manifeste le désir de porter l'artillerie de la défense aussi loin que possible en avant des courtines et d'augmenter ainsi la surface de la zone battue.

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LA CITÉ DE RHODES

3° Enfin, dans son état final (1522) (Fig. 12, 13, 14), il se rapproche des grands boulevards ou bastions qui apparaîtront quelques années plus tard en Europe et deviendront les ouvrages essentiels des places fortes (1). F. — PORTES

Les portes des forteresses ont, durant tout le moyen âge, retenu spécialement l'attention des constructeurs : c'est contre elles que furent dirigées souvent des attaques par surprise couronnées de succès. Aussi, accumulait-on alentour les obstacles et les ouvrages avancés; en outre, on obligeait l'assaillant à utiliser des chemins détournés et découverts, battus par les projectiles des défenseurs. Des diverses portes de Rhodes, celle de la Marine n'est guère qu'un ouvrage décoratif; bâtie à la fin du quinzième siècle, elle reproduit, comme nous le verrons plus loin, les dispositions d'une œuvre du treizième. Celle de Saint-Paul, peu menacée, n'est que faiblement protégée par son boulevard polygonal. Vers la campagne, au contraire, la Porte d'Amboise et celle de Saint-Antoine, réunies pour former une seule entrée, groupent une série de ponts, d'obstacles, de détours, qui sont autant de difficultés et de dangers accumulés devant l'attaque; à la Porte de Koskino, l'application des mêmes principes est encore plus clairement exprimée : la comparaison des plans, donnant les états successifs de l'ouvrage, montrera quel fut le but poursuivi par les ingénieurs e

militaires, et combien se sont amplifiés, à la fin du X V siècle, les ouvrages de défense. (Cf. fig. 21, 22, 23.) D'ailleurs, on juge prudent de réduire autant que possible le nombre de ces entrées, dont la protection nécessite tant de travaux; et il est assez intéressant de constater que de cinq portes, qui, vers 1480, s'ouvrent sur la campagne, il n'en demeure que trois en 1522 (2). Les accessoires nécessaires de ces ouvrages : ponts, ponts-levis, herses, ne présentent point de dispositions particulières; à noter, toutefois, que des ponts-levis à ais et contrepoids ne fonctionnaient qu'à la Porte Saint-Paul et à la Porte d'Amboise (PL. III, 2 et PL. X X I V ) ; partout ailleurs, ce n'étaient que de simples volets de bois munis d'un tourillon à la base; ils se relevaient au moyen d'une seule poulie et venaient s'engager dans des défoncements rectangulaires ménagés autour des baies : leur légèreté permettait de les manœuvrer sans l'aide de treuil. On observe de tels exemples à la Porte de Koskino, tant à la poterne de Zacosta que sur le fossé extérieur (PL. X I I , 1 et 2), sur les fossés intérieurs de la Porte d'Amboise, à la Tour Saint-Nicolas (Fig. 46), etc. Les herses n'existent que dans les ouvrages les plus anciens (Porte de Koskino, Porte Sainte-Catherine); les dispositifs de la manœuvre semblent y avoir été des plus rudimentaires. Seule, la Porte de la Marine fournit à ce sujet des détails assez curieux. (PL. X X I I . ) Les autres portes, plus récentes, ne possèdent pas de herses.

(1) Le type le plus célèbre en sera le Bastione delle Maddalene de Verone, construit par Samicheli en 1527, ou le Bastion Verde de Turin, qui date de 1536. (Cf. C. Promis, Dell'arte dell'ingegnere, p. 290, 294, 295.) (2) Ce nombre est un maximum; il n'est pas absolument certain que la Porte Saint-Athanase n'ait pas été supprimée par les Chevaliers eux-mêmes : on avait tout au moins manifesté l'intention de la fermer. (Bosio, Istoria, II, 547.)

ÉVOLUTION - INFLUENCES

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II. — LES INFLUENCES Le substratum hellénique, comme nous l'avons montré plus haut, se limite à des éléments trop restreints pour qu'on puisse trouver dans les remparts du moyen âge une influence directe des types de l'antiquité; et l'aspect de travail antique que présentent certaines parties de l'enceinte médiévale n'est que la conséquence du remploi des matériaux extraits des ruines de la ville gréco-romaine (1). Par contre la situation de Rhodes aussi bien que les rapports de l'Ordre avec les diverses régions du Levant nous autorisent à rechercher quelles traditions orientales ont pu se perpétuer dans les constructions des Hospitaliers. La disposition générale des remparts et la répartition des maîtresses tours, placées chacune sous le vocable d'un saint, peuvent suggérer quelques comparaisons avec les enceintes byzantines, et le rapprochement est mieux justifié encore là où s'échelonnent des tours secondaires, comme entre la Tour Sainte-Marie et la Porte de Koskino. De même, la fausse-braie flanquée de tours, qui s'étend entre la Tour d'Espagne et la Tour Sainte-Marie, s'apparente au προτείχισμα de Dara (2) ou à celui de Constantinople (3), dont les flanquements alternent avec ceux des courtines. Les tours rectangulaires du port, celles de Saint-Georges et de Saint-Jean-Baptiste, qui s'élèvent sans une moulure et sans un décrochement, rappellent par leurs masses certaines tours de Constantinople (4), et surtout celles des forteresses de l'Afrique du Nord où la ressemblance est accusée par un appareil analogue et un remploi semblable de matériaux antiques (5). A côté du mâchicoulis, né en Orient, mais répandu dès le

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siècle dans toute l'Europe, on observe à Rhodes,

plus fréquemment qu'en Occident, l'emploi des bretèches de pierre; leur forme, en huchette, est tout à fait particulière, mais elles sont comparables, par leur groupement, aux rangées de bretèches des forteresses arabes de Jérusalem, Alep, Amida, etc. (6). Enfin, on peut également attribuer une origine orientale au profil dentelé des merlons (7). (1) Le remploi de matériaux antiques dans les monuments du moyen âge est d'usage fréquent, surtout en Orient; p. ex. aux châteaux de Jebeil et de Sahyun, en Syrie. Cf. van Berchem, Voyage en Syrie, p. 107 et suiv.— Rey, Etude sur les Monuments de l'Architecture militaire des Croisés, p. 116 et suiv., p. 119. — Renan, Mission, p. 164 et suiv. A Jebeil, Renan, trompé par l'apparence de l'appareil à bossages, avait d'abord attribué au monument une origine phénicienne. (2) Texier et Pullan, Architecture byzantine, p. 56-57, fig. p. 57. (3) A van Millingen, Byzantine Constantinople, p. 106. (4) Notamment Yedi-Koulé, Anatoli Hissar, Roumeli Hissar. (5) M. Diehl fait remarquer « qu'on chercherait en vain dans les forteresses de l'Afrique du Nord l'application intégrale des principes de la fortification byzantine ». Il en donne comme raisons les circonstances particulières dans lesquelles Solomon accomplit son œuvre, et la qualité des adversaires éventuels. (Ch. Diehl, L'Afrique byzantine, p. 173, 174.) Les Chevaliers se trouvaient, au moins au début de l'occupation de l'île, dans des conditions analogues; c'est pourquoi, s'il y eut persistance de certains types byzantins, on n'employa en tous cas que des tracés réduits et simplifiés, et non point le système fort complexe des grandes forteresses orientales. (6) D'une manière générale, les remparts d'Amida (Diarbékir) ne sont pas sans présenter avec ceux de Rhodes une analogie de caractère. Les puissantes tours circulaires de Evli Badan (Van Berchem et Strzygowski, Amida, p. 88, fig. 35 et 36) et de Yedi Qardash (Ibid. p. 91, fig. 40) par leur aspect, le décrochement des bandeaux encadrant des motifs décoratifs, les lignes de bretèches du sommet, rappellent la Tour Saint-Nicolas (dans sa disposition primitive). Sur Amida, cf. également Conrad Preusser, Nordmesopotamische Baudenkmaler. Leipzig 1911, PL. 67, 68, 69. (7) On sait que dès l'antiquité, en Mésopotamie et en Perse, et plus tard à l'époque arabe, en Egypte et en Syrie, les merlons affectent les formes les plus variées. On remarquera que sur une iconographie d'Antioche, datant du XIII siècle (Rey, op. cit. PL. X V I I I ) sont figurés des merlons analogues à ceux de Rhodes. Rey, toutefois, n'en a pas trouvé un seul en place, et la valeur documentaire du dessin est contestable. e

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LA CITÉ DE RHODES

De ces quelques rapprochements on ne saurait conclure à une influence bien marquée de l'Orient byzantin ou arabe sur les fortifications rhodiennes. Peut-on y retrouver, d'autre part, la persistance des traditions particulières des Hospitaliers ? On sait qu'au cours du

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siècle l'Ordre de l'Hôpital et celui du Temple avaient élevé

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de nombreuses forteresses en Palestine et en Syrie ; c'est à Margat et au Krak qu'apparaissent le plus nettement les caractéristiques de ces constructions que G. Rey a classées en deux écoles distinctes : dans les travaux des Templiers, il voit la prédominance de l'inspiration byzantine; à ceux des Hospitaliers, il assigne comme prototypes les châteaux construits en France, aux

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siècles, sur les côtes de l'ouest et sur les bords de la Loire et de la

Seine (1). Peut-être la réalité des faits, fort complexes, ne répond-elle point très exactement à des conclusions aussi absolues, qui d'ailleurs ne sauraient s'appliquer qu'à la période de prospérité du royaume de Jérusalem. Ses malheurs ne laissèrent pas d'entraver le développement de l'art gothique en Terre Sainte, et les derniers établissements de la domination franque, à la fin du

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siècle, sont loin de posséder l'ampleur des châteaux du siècle précédent. Aussi les

Chevaliers, après un long séjour à Chypre (2), dans l'incertitude et le désarroi, pouvaient-ils ne garder qu'un souvenir à demi effacé des traditions de 1 Ordre en matière de fortification. En tous cas, nous ne retrouvons dans les remparts de Rhodes aucune des caractéristiques essentielles des forteresses syriennes de l'Hôpital : ni l'extrême développement du donjon ou réduit de la place, ni l'adoption systématique des flanquements circulaires, ni cet emploi singulier des énormes talus de pierre formant les soubassements des murailles (3). Il est possible, d'ailleurs, que les traditions de l'Ordre aient inspiré les premiers ouvrages e

qui se greffèrent sur le kastron byzantin; mais l'enceinte du X V siècle ne garde aucun élément significatif qui permette d'établir un rapprochement avec les ouvrages de la Syrie. C'est en Occident que les constructeurs rhodiens ont puisé leurs inspirations maîtresses, particulièrement dans les régions riveraines de la Méditerranée où l'Ordre possédait de nombreux domaines et avec lesquelles le Couvent entretenait les relations les plus suivies : la Provence et la Catalogne. On a montré comment se manifeste l'influence d'Avignon dans les constructions civiles et militaires de Chypre, au

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siècle (4). La Cité des papes était alors un véritable foyer

artistique, et l'empereur Charles V I , désirant édifier un château à Karlstein, près de Prague, venait lui-même chercher l'architecte, Mathieu d'Arras, à Avignon (5). D'autre part, les six premiers grands-maîtres de Rhodes, de 1308 à 1373, sont des Provençaux; les Hospitaliers possèdent à Avignon un palais magistral et plusieurs maisons (6), et tiennent en cette ville de nombreux chapitres (7). Le plus ancien des grands-maîtres dont (1) G. Rey, op. cit. p. 14-15. (2) Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte et à Chypre, p. 247 et suiv. (3) Dans la tour que les Chevaliers élevèrent au cap Chiti, dans l'île de Chypre, apparaît encore l'usage de ce talus formant la base de l'ouvrage. Rey, op. cit. p. 231. On en retrouve un semblable au château de Castellorizo. A Rhodes, la base de la Tour de Naillac pourrait être considérée comme marquant une persistance de cette tradition. (4) Enlart, L'Art gothique et la Renaissance en Chypre, p. 43. (5) Enlart, Ibid. — J. Helbig, Le Château de Karlstein, ds. Revue de l'Art chrétien, 1897, p. 93. (6) Bosio, Istoria, II. 59. (7) Bosio, Istoria, II. 70, 112, 118, 121.

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ÉVOLUTION - INFLUENCES

nous possédions des ouvrages, le Catalan Juan Fernandez Heredia, passe à la cour des papes la plus grande partie de son existence. Châtelain d'Amposte, Prieur de Castille et Léon, puis Prieur de Saint-Gilles, il joue dans l'Ordre un rôle prépondérant et peut être considéré, même avant la mort de Juilly, comme le véritable chef de l'Hôpital (1). Il prend, en outre, une part active à la construction des remparts d'Avignon, bâtis de 1350 à 1368, sous trois papes; en 1356, il est nommé, par Innocent V I , commandant de la place et surintendant aux fortifications, et fait alors élever, avec le concours de l'architecte Pierre Obreri, une partie importante des murailles (2). Elu au magistère en 1377, il quitte Rhodes en 1382, et vit jusqu'à sa mort à Avignon. On ne retrouve point à Rhodes les couronnements de mâchicoulis des courtines avignonnaises, mais on peut rapprocher des tours provençales ouvertes à la gorge les tours de l'Arsenal, aujourd'hui détruites, et qui portaient les armes de Heredia, ainsi que les tours SaintGeorges, Saint-Athanase et Saint-Jean, élevées par Fluvian; ces dernières sont, il est vrai, détachées en avant de l'escarpe au heu d'interrompre le chemin de ronde, mais elles étaient primitivement ouvertes à la gorge dans toute leur hauteur. Avignon marque en outre une réaction contre le système défensif des fronts courts : les tours y sont fort espacées, et pour protéger l'intervalle qui les sépare, on munit les courtines d'échauguettes intermédiaires (3). Dans les remparts du port de Rhodes, au delà du Château, est appliqué le même principe : entre la Porte de la Marine et le Môle des Moulins, on n'observe qu'une seule tour barlongue, de très faible flanquement, qui interrompt le chemin de ronde et le commande; fondée par P. de Naillac et restaurée par Orsini, elle joue évidemment le même rôle que les échauguettes d'Avignon. Autant qu'on en peut juger par ses vestiges, le Palais du grand-maître n'était pas sans présenter avec le Palais des papes certaines analogies : même caractère d'austérité, mêmes murailles nues percées d'ouvertures semblables et flanquées de hautes tours rectangulaires; dans l'un et l'autre cas, les différents corps de logis, couverts en terrasse, se répartissent autour de vastes cours, sans que toutefois le Palais de Rhodes atteigne jamais aux dimensions et à la puissance du modèle occidental. Avignon n'est d'ailleurs qu'une des expressions les plus éloquentes de cette école méridionale, qui en pleine période gothique renonce difficilement aux traditions romanes. On a expliqué, d'autre part, par les rapports fréquents de la Provence avec l'Orient, la persistance de la tour rectangulaire dans les forteresses du Midi, du

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siècle (4), alors que les

(1) Cf. sur F. de Heredia. Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers à Rhodes, p. 199 et suiv., et Les Archives de l'Ordre de l'Hôpital dans la péninsule ibérique, p. 2. (2) « ...Delle quali fece quel tratto che dal ponte della Sorghetta si stende fino a San Lazaro ». Fantoni-Castrucci, Istoria della Città d'Avignone, Venezia, 1678. T. I, p. 232. — Viollet-le-Duc, Dictionnaire, T. IX, p. 101. — E. Muntz, art. cit. ds. Bulletin Archéologique, V. 1887, p. 296. (3) Viollet-le-Duc, Dictionnaire, T. V. p. 123 et suiv. (4) Cf. ds Archives de la Commission des Monuments historiques : le château de Foix (T. V. PL. 58), avec ses puissantes tours rectangulaires, de haut commandement; le château de Bonaguil (T. V., PL. 82); le donjon de Bassones (Gers) (T. V., PL. 93), avec des contreforts d'angle portant une échauguette. Il est terminé par une tourelle octogonale et rappelle la Tour de Naillac. La similitude est accentuée par les lignes de bandeaux horizontaux, la proportion trapue de l'ensemble, la division de la tour en quatre étages superposés, etc. On comparera également les ouvrages rhodiens au château de Beaucaire et au château du roi René, à Tarascon. Le profil des mâchicoulis de cette région fut copié non seulement à Rhodes, mais encore à Chypre, dans la tour de Colossi élevée par les Hospitaliers. Cf. Rey, op. cit., p. 234, fig. 58. 20

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provinces septentrionales employaient les tours rondes. Dès lors, les diverses influences qui pouvaient se faire sentir à Rhodes, qu'elles vinssent de l'est ou de l'ouest, agissaient dans le même sens, et contribuaient les unes et les autres à y maintenir des formules semblables. En 1 4 2 1 , Fluvian est élu grand-maître; il semble que l'arrivée au magistère de ce Catalan, Drapier de l'Ordre et Lieutenant de Ph. de Naillac, ait déterminé un courant d'influences espagnoles (1). Nous verrons plus tard que dans l'architecture civile elles sont manifestes, et qu'elles comptent parmi les éléments essentiels de formation du type rhodien; dans les fortifications où l'identité du but à atteindre et des principes généraux peuvent conduire, en des pays divers, à des solutions semblables, il est plus difficile de proposer des rapprochements; d'autant plus que les caractères distinctifs de l'art militaire espagnol, au moyen âge, n'ont point été étudiés de manière très complète (2). Il n'est pas douteux, toutefois, que certaines traditions importées par les Arabes ne se soient maintenues en Espagne durant la période gothique; on remarque notamment l'usage des tours très puissantes, aux flanquements développés, dont on trouve des exemples dans toute la péninsule, et qui souvent, à l'imitation des tours arabes, sont munies de nombreuses bretèches (3). Fluvian dote l'enceinte de Rhodes de tours rectangulaires en forte saillie sur l'escarpe; mais pour parer aux inconvénients qui peuvent résulter de cette pratique, il isole la tour de la courtine, en sorte que, comme nous l'avons exposé plus haut, les ouvrages ainsi conçus conservent le bénéfice d'un flanquement accentué sans en présenter les dangers. Nous ne connaissons point d'enceinte où se répète, comme à Rhodes, un tel dispositif, mais nous retrouvons à Palma, dans le donjon du château de Bellver, l'application d'un principe analogue. Ce château, construit au début du

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siècle, comprend une enceinte circulaire flanquée de

tours et un donjon détaché, appelé Torre del Homenaje, haute tour ronde qui commande tout l'ensemble et se termine par une plate-forme à mâchicoulis. A mi-hauteur, elle est réunie à la courtine par deux arcs ogivaux, sur lesquels s'appuyait un pont-levis (4). Un tel exemple isolé, s'il autorise un rapprochement, n'est point suffisant pour qu'on puisse conclure à un rapport de filiation : on trouve également en France quelques ouvrages où s'affirme la même intention (5), et d'autre part, quelle que soit l'école à laquelle les Hospitaliers aient emprunté ce système, il n'en demeure pas moins que les tours de Fluvian, rectangulaires, ouvertes à la gorge et couronnées de mâchicoulis, possédaient les éléments constitutifs des tours d'Avignon (6). Une influence espagnole n'exclut point d'ailleurs une influence provençale simultanée : e

(1) Les Hospitaliers s'étaient établis en Espagne dès les premières années du XII siècle, et leurs établissements « suivirent dans leur extension territoriale les progrès de la conquête des chrétiens ». Delaville Le Roulx, Archives de l'Ordre de l'Hôpital dans la péninsule ibérique, 1. Sur la transmission des biens du Temple, Cf. ibid., p. 3 et suiv. (2) Dans le Boletin de la Sociedad castellana de excursiones, Valladolid, Diciembre 1911, S. Garcia de Pruneda fait remarquer combien est pauvre la bibliographie espagnole sur cette question. (3) Dans Arquitectura romanica a Catalunya, Puig y Cadafalch a consacré une courte étude à l'architecture militaire à l'époque romane. (T. II, Ch. ix. Arquitectura militare, p. 440 et suiv.) On n'y voit pas apparaître nettement des caractéristiques spéciales. On notera toutefois le flanquement considérable des tours et leur commandement élevé. (Castell Llorda, fig. 376, 384, 385.) (4) Pour le château de Bellver, Cf. Piferrer y Quadrado, España, Islas Baléares, p. 939 et suiv., fig. p. 942, 943. et trad. Bertal, PL. LXV. Pedro Huguet y Campana, Monumentos del Arte español, p. 36. (5) Le château de Montargis possédait une tour-porte circulaire détachée des courtines. Viollet-Le-Duc, Dictionnaire, T. IX, p. 182 et suiv. (6) Viollet-Le-Duc, Dictionnaire, T. IX, p. 101 et suiv.

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l'une et l'autre peuvent apparaître dans le même ouvrage. La Tour de Naillac, élevée au début e

du X V siècle, fait penser, avec ses échauguettes d'angle, à la haute tour du palais des archevêques de Narbonne, bâtie par Gilles Ascelin en 1318 (1), mais elle rappelle surtout certaines tours d'Espagne ; indiquons notamment, dans les Baléares : celle qui dans le port de Portopi (2) occupe une situation analogue et se termine par une tourelle octogonale; le Torre de las Campanas (3), sur le flanc nord de la cathédrale de Palma; la Torre de Canyamel (4), carrée et trapue, sans bandeaux intermédiaires, mais avec une série de bretèches au sommet; en Navarre, les Tours du Palais d'Olite (5); en Castille, la Tour du Château de Coca (6), près de Ségovie, et surtout la haute Tour du Château de la Mota (7), près de Med ina del U a m p o , couronnée, comme la Tour de Naillac, d'échauguettes et de mâchicoulis, et comme elle, réunie par un arc à la courtine voisine. Les cadres en Τ renversé, ornés de lourds rinceaux, rappellent e

tant par leur forme que par leur décoration l'art septentrional de l'Espagne du X V siècle; à l'Espagne également se rattache l'usage d'encastrer dans la maçonnerie les écussons armoriés de grande échelle, et de décrocher les bandeaux au droit des portes ou des motifs décoratifs. J. de Lastic abandonne les tours carrées et adopte le plan circulaire. L'influence espagnole n'en persiste pas moins, et la porte qui s'ouvre entre deux tours demi-circulaires, au sud-ouest du palais, est tout à fait semblable à la porte principale du Château de la Mota. L'œuvre de Zacosta s'apparente aux mêmes origines; mais on peut retrouver en outre, dans la Tour Saint-Nicolas, la persistance du type de château roman, au donjon indépendant; les tourelles d'escalier isolées, de la Tour Saint-Nicolas et de la Tour des Moulins, jouent le même rôle que celle du donjon de Brugnac en Guyenne. Avec d'Aubusson, on constate d'abord un retour aux traditions provençales, dans les ouvrages construits avant 1480 et notamment dans la Porte de la Marine, comparable dans ses dispositions essentielles à la porte principale de Villeneuve-les-Avignon, élevée sous Philippe le Bel, à la fin du

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siècle. On peut noter, il est vrai, quelques différences : les Tours

de la Porte de Rhodes sont en saillie demi-circulaire, tant vers le port que vers la ville; à la porte de Villeneuve, elles dépassent à peine les courtines vers l'intérieur et sont commandées par un châtelet qui n'existe point à Rhodes. Cependant, dans l'un et l'autre ouvrage, ce sont, avec des relations saisissantes dans les proportions, de nombreuses analogies de détail : salles intérieures avec leurs cheminées, escaliers en tourelles, meurtrières surveillant le passage, dispositif de la herse, et jusqu'à la bretèche située à la jonction de la tour avec la courtine. La Porte de la Marine, par son appareil, le profil de ses bandeaux et de ses mâchicoulis, le développement du motif décoratif qui surmonte la baie, n'en demeure pas moins l'œuvre la plus complète et la plus expressive du style rhodien, mais elle possède un prototype provençal, bâti près de deux siècles auparavant. Une telle transposition peut se justifier : par sa situation au fond du port, à l'abri des (1) (2) (3) (4)

Viollet-Le-Duc, Dictionnaire, T. VII, p. 21 et suiv. Piferrer y Quadrado, España, Islas Baleares, p. 641. Ibid., p. 721. Ibid., p. 1109. e

(5) P. de Villa-Amil et P. de la Escosura, España artistica y monumental, T. III, 10 livr., PL. IV. (6) Ibid. T. II, 9 livr., PL. IV. e

(7) M. Dieulafoy, Espagne et Portugal, Paris 1913, p. 254-156, fig. 318 et 319.

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môles, la Porte de la Marine n'avait point à redouter le tir de plein fouet de la grosse artillerie. Elle n'était qu'une défense dans l'attaque approchée, au cas où l'ennemi ayant pris pied à la base des courtines eût tenté de les saper ou d'y donner l'assaut. Il est admissible, d'autre part, que d'Aubusson ait songé, en élevant cette porte, à l'embellissement du port, et qu'il ait tenu à rompre, par la silhouette d'un ouvrage important, la ligne monotone des murailles d'Orsini, qui se développaient sans un ressaut sur près de quatre cents mètres de longueur. Il convient d'observer que dans l'adaptation de la porte de Villeneuve aux remparts rhodiens, les dimensions ont été sensiblement réduites, de manière à mettre l'ouvrage à l'échelle des murailles et des constructions voisines : les chiffres suivants feront ressortir cette réduction d'échelle, qui, d'une manière générale, caractérise toute l'architecture, tant militaire que civile, de la Cité de Rhodes, en comparaison des forteresses occidentales. Nous joignons cicontre, pour appuyer cette remarque, les cotes correspondantes de deux ouvrages similaires : la Porte Narbonnaise de Carcassonne et la Porte de Laon à Coucy.

La Porte de la Marine est le dernier en date des ouvrages qui, tout en satisfaisant aux nécessités militaires, conservent un aspect monumental et décoratif. Ceux que bâtit d'Aubusson après le siège de 1480 revêtent un caractère nouveau et appartiennent plutôt à l'art de l'ingénieur qu'à l'architecture. Les problèmes qui se posaient alors à Rhodes avaient été abordés déjà par des constructeurs d'Occident, et il est évident que le grand-maître était informé de la plupart des méthodes, d'ailleurs imparfaites et variables, en usage en Europe. Il transforme la Tour Saint-Nicolas suivant les principes qui président à l'achèvement, sous Louis X I I , du château de Dijon; plus tard, le remaniement du e r

château de Boulogne, sous François I , accusera les mêmes directives (1). Peut-on voir à Rhodes, dès ce moment, la prédominance de méthodes italiennes? En Italie, Léonard de Vinci et Giuliano da San Gallo, plus architectes qu'ingénieurs (2), ne con(1) La construction du château, interrompue en 1484, ne fut terminée qu'en 1512. Il a été démoli de nos jours. On peut se rendre compte de ses détails par les excellents relevés qu'a publiés M. Suisse (1876) et dont quelques-uns ont été reproduits dans les manuels. (Cf. p. ex. Enlart, Manuel d'archéologie française, II. Paris 1904. Fig. 215, 216, 217.) V. ibid. p. 252-253, les plans du château de Boulogne. (2) Guglielmotti distingue trois écoles : celle de San Gallo; celle de Federigo da Montefeltro, dont Fr. di Giorgio Martini est le représentant le plus illustre, et qui est une école de soldats plutôt que d'architectes; enfin une école mixte à laquelle appartiendrait Basilio dalla Scuola. — Guglielmotti, Storia delle fortificazioni nella spiaggia romana, p. 37 et suiv. — Delair oppose Léonard de Vinci, Michel-Ange et A. Durer, d'une part, à Sanmicheli, San Gallo et Francesco Martini. (Delair, Histoire de la fortification, p. 42.) Sur quelques solutions proposées par Léonard de Vinci, Cf. les manuscrits (publiés) de la Bibliothèque Nationale. Ms. 2037, f° 2 rect. — Ms. L, f° 36 verso. — Ms. L, f° 64 v.

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sentent point à abandonner les formes essentielles de l'ancienne fortification. On ne saurait supposer que leurs idées aient pu servir de guide aux constructeurs rhodiens : au reste, Léonard et San Gallo n'appliquaient point de règles générales, mais adaptaient plutôt à des cas particuliers des dispositions variables (1). Francesco di Giorgio Martini, considéré comme le promoteur de formules beaucoup plus radicales, a réuni en un corps de doctrine les diverses solutions qu'il avait imaginées (2); on trouve dans ce recueil quelques analogies avec Rhodes, mais elles ne sont ni assez nombreuses ni assez manifestes pour qu'on puisse conclure à une influence. On ne doit pas oublier, d'ailleurs que c'est l'expédition de Charles VIII qui démontra brutalement l'insuffisance des anciennes forteresses de la péninsule (3); alors seulement prirent naissance les théories et les formes nouvelles de ce qu'on appelle l'école italienne. Basilio dalla Scuola en fut un des premiers représentants. Nous avons montré à quelle intervention limitée se réduisait son rôle à Rhodes, ainsi que celui des autres maîtres italiens dont les noms nous sont parvenus (4). Aussi bien, est-ce surtout après le départ de l'Ordre que se manifeste, à travers l'Europe et jusque dans l'Orient méditerranéen, avec les Sanmicheli (5), le rayonnement des méthodes italiennes. A cette époque, les Turcs jugeaient suffisant de réparer tant bien que mal, sans y rien changer, l'enceinte fortifiée de leur nouvelle conquête. On ne saurait donc affirmer que les transformations des remparts de Rhodes, au début du X V I siècle, participent de telle école plutôt que e

de telle autre : tout au plus peut-on y noter, comme en France, en Italie ou en Allemagne, les tâtonnements et les méthodes incertaines qui sont la caractéristique générale de cette période de transition. L'influence exercée par l'Espagne ou la Provence sur la construction des remparts rhodiens, si elle est certaine, n'apparaît pas avec une grande netteté : c'est que la manière dont elle a pu se faire sentir ne saurait entrer en comparaison avec le mode de pénétration d'une école d'Occident sur un terrain voisin déjà préparé à en accueillir les enseignements. Lorsque la Champagne inspire la Bourgogne, elle le fait par voie directe, et les ouvriers, dans chaque province, sont accoutumés à mettre en œuvre, suivant des procédés identiques, des matériaux semblables. (1) San Gallo fit exécuter notamment, aux fortifications d'Ostie, des tours massives, à même hauteur que les courtines; elles étaient couronnées d'une rangée de mâchicoulis et possédaient une base en talus avec un bandeau intermédiaire. La tour du nord n'est pas sans analogie dans l'aspect général avec les Tours Saint-Pierre, Saint-Paul, Saint-Nicolas. (G. Clausse, Les San Gallo, I. 74, fig. p. 77.) Antonio da San Gallo construisit la Fortezza vecchia à l'entrée du port de Livourne; à Rome et au château Saint-Ange, il exécuta des travaux aujourd'hui détruits. (G. Clausse, ibid. I. 319.) (2) Traltato di architettura, publié par C. Saluzzo. Fr. di Giorgio Martini préconisait notamment l'emploi de courtines constituées par des voûtes à génératrices verticales. (3) Guglielmotti considère que la chute de Constantinople, en 1453, détermina en Europe, et spécialement en Italie, une transformation radicale des méthodes : c'est ainsi que se serait formée l'école italienne. (Guglielmotti, Storia delle fortificazioni... p. 20-21.) En fait, c'est surtout l'invention des frères Bureau, le boulet métallique, et l'application qu'en fit plus tard Charles VIII, qui contraignirent les ingénieurs italiens à modifier radicalement leurs méthodes et à rompre tout lien avec le moyen âge. (4) Cf. sup. Ch. IV, p. 115, 116. (5) Marc Antoine Michel fut l'architecte de Catherine Cornaro, en Italie; il n'est pas certain qu'il soit venu à Chypre. Mais Giovanni Girolamo Sanmicheli, fils de Paolo et neveu de Michel, mourut à Famagouste en 1559. (Enlart, L'Art gothique et la Renaissance en Chypre, p. 65-66.)

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LA CITÉ DE RHODES

A Rhodes, il s'agit d'un transport à longue distance d'éléments et de méthodes d'Occident, de leur acclimatation en un pays où la nature des matériaux et l'éducation professionnelle des artisans permettent difficilement une reproduction fidèle des modèles provençaux ou espagnols. Il est peu probable, d'autre part, qu'on ait utilisé le dessin, tout au moins sous la forme de relevés précis, pour initier les maçons de Rhodes aux règles d'outre-mer, et rien n'autorise à supposer que des ouvriers et des maîtres d œuvre aient été mandés au couvent pour y guider les travailleurs. Sans doute, certains Chevaliers apportaient-ils d'Europe des principes et des inspirations; mais s'ils étaient capables d'ordonner les diverses parties d'un ouvrage et d'assurer la direction générale d'un chantier, ils demeuraient, pour les détails de l'exécution, tributaires de la main-d'œuvre locale. Au début du

XIV

e

siècle, les ouvriers grecs de Rhodes ignoraient la science du trait. Ils

durent, par la suite, greffer sur leurs connaissances traditionnelles bien des notions nouvelles; ils apprirent notamment à dresser les faces d'une pierre, à régler les assises d'un mur, à tracer des profils gothiques en les adaptant au calcaire de l'île, dont la nature exclut tout refouillee

ment et toute finesse. A travers les œuvres du X V siècle, on peut suivre les progrès des tailleurs de pierre; dans la Tour Saint-Nicolas (1464-67), ils sont en pleine possession d'une technique simplifiée mais probe, où l'influence gothique demeure manifeste malgré la forme un peu gauche de certains détails, le manque de vigueur et l'aspect camard des profils. A ces ouvriers, l'Ordre ne pouvait offrir, d'ailleurs, qu'un champ d'action assez limité : ses ressources financières n'étaient point comparables à celles des princes ou des seigneurs d'Occident, et de fréquents embarras pécuniaires le contraignaient à apporter dans les travaux de fortification une stricte économie. Enfin, si la nature du climat n'exigeait aucune modification des types de la Provence ou de l'Espagne, on peut supposer que la fréquence des tremblements de terre et leur violence pouvaient déterminer, indépendamment de raisons d'ordre militaire, une réduction de hauteur des ouvrages et particulièrement des tours. Tous ces arguments peuvent expliquer les caractéristiques essentielles de ce style local, dans lequel s'amalgament diverses influences, et dont la Tour Saint-Nicolas et la Porte de la Marine offrent les exemples les plus complets et les plus significatifs : style au demeurant sans richesse et sans éclat, que l'architecture civile, plus complexe et plus nuancée, permettra d'analyser de plus près. Ce qui frappe tout d'abord, dans les fortifications de Rhodes, c'est l'échelle réduite des ouvrages et leurs proportions un peu lourdes. Si l'on entre dans le détail, on observe la persistance, dans le système défensif, de toutes ces menues précautions, en partie abandonnées à cette époque dans les ouvrages d'outre-mer : complication des chemins d accès, escaliers isolés, multiplication des poternes et des ponts-levis. La décoration se réduit à quelques bandeaux moulurés ; seuls les marbres aux écus des grands-maîtres, enchâssés dans le calcaire, rehaussent d'un accent vigoureux et brillant cette architecture un peu terne. Ainsi, à ne considérer que l'œuvre architecturale des remparts, Rhodes soutiendrait difficilement la comparaison avec les plus célèbres des cités d'Europe. Celles-ci offrent des sujets d'étude d'une autre ampleur, où la hardiesse et la puissance des conceptions sont servies par une technique impeccable. A côté de Carcassonne, d'Avignon ou de Nuremberg, Rhodes fait modeste figure; si le circuit fortifié est assez étendu, l'élévation des murs, les dimensions des

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ÉVOLUTION - INFLUENCES

ouvrages sont généralement médiocres; les matériaux, de qualité secondaire, sont mis en œuvre honnêtement, mais suivant des formules simples et quelque peu monotones. Cependant, aux voyageurs du moyen âge, Rhodes apparaissait comme une ville petite, mais dotée de fortifications puissantes et parfaitement conçues; toutes les relations du X V et du

XVI

e

e

siècle sont unanimes sur ce point (1). Il est probable qu'indépendamment de la

qualité réelle des ouvrages, l'aspect que la Cité devait au séjour des Chevaliers, la discipline qui y régnait et qui se manifestait aux visiteurs dès leur arrivée au port (2), n'étaient point sans influer sur leurs impressions, et ils gardaient de Rhodes le souvenir d'une citadelle en armes, toujours en éveil à un poste d'avant-garde. Ce qui, semble-t-il, peut justifier une étude de ces remparts, c'est moins peut-être leur valeur artistique ou technique que la rareté des forteresses de cette époque, parvenues jusqu'à nous sous la forme d'un ensemble aussi important et aussi complet. En outre, l'état de conservation des murs est exceptionnel, et l'on y lit, mieux que partout ailleurs, le passage d'un système à un autre : les murailles voisines des ports gardent intacte leur structure du XV

e

siècle, alors que le reste de l'enceinte, transformé au

e

XVI ,

abandonne l'aspect monu-

mental et décoratif pour s'adapter à des méthodes nouvelles; mais à travers ces créations de d'Amboise ou de Carretto, on voit réapparaître l'ouvrage ancien de J. de Lastic ou de J. de Milly, modifié mais non détruit, de sorte que, pendant près d'un siècle, on peut suivre pas à pas la marche des travaux et l'évolution des méthodes. D'autre part, étudier ces murailles, en analyser les différents organes, marquer les dates de leurs transformations essentielles, c'est apporter une modeste contribution à l'histoire de l'Ordre. Les blasons des grands-maîtres attestent les efforts persévérants des Hospitaliers, les règles méthodiques qui président aux travaux de fortification; et les marbres armoriés se multiplient aux périodes critiques, lorsque le Turc, victorieux sur le Bosphore ou en Serbie, tourne vers Rhodes ses regards menaçants. Puis c'est le premier siège, l'échec retentissant qu'inflige aux armées du Sultan, jusque-là victorieuses, l'opiniâtre résistance de ces pionniers de la Foi; c'est l'apogée de la puissance de l'Ordre avec Pierre d'Aubusson, le sollicitif grandmaître. Enfin, au développement des conquêtes de Suleiman correspond du côté des Chevaliers une activité nouvelle. De part et d'autre, on se prépare à la lutte : elle sera décisive. Le rempart, modernisé, pourvu d'une nombreuse artillerie, tiendra pendant six mois les Turcs en échec; encore, la capitulation semble-t-elle due à l'isolement des Chevaliers et à l'indifférence de l'Occident autant qu'à l'effet du canon et des mines sur les défenses de la Cité. Il n'est pas jusqu'à cet épilogue tragique d'un règne de plus de deux siècles qui n'ait laissé ses traces sur les murailles. Les réparations qu'ont pratiquées les Turcs ont été si som-

(1) « ... Ville bien murrëe et bien tourrée... la ville la mieux clause que je veix oncques qui soit au monde.. » (Merri Dupui, ds Vertot, op. cit., p. 599.) «... Ville moult forte et impregnable... » (J. de Cucharmoys, Le Sainct Voyage de Hierusalem.) « ... La ville que ses immenses et inexpugnables fortifications rendent digne d'admiration ». (Relation du voyage de Domenico Trevisan. Ed. Schefer, p. 218.) (2) « La ville dudit Rhodhe n'est point grande; mais elle est forte de murailles et fort d'artillerie, le quart sied en « la mer ou il y a grosse deffense a entrer au port lequel est beau et ny entre nulz se on na congiet du grant maistre « comme ay escript plus devant ». (Voyage de Jacques Le Saige. Ed. Duthillœul, p. 87.)

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LA CITÉ DE RHODES

maires et si maladroites que les brèches de 1522 apparaissent encore. Elles ne furent pas suffisantes, il est vrai, pour permettre aux Janissaires d'entrer de vive force dans la Ville; mais elles marquent les épisodes principaux du siège fameux, les coups répétés qui firent fléchir l'énergie des défenseurs et entraînèrent la chute de cette citadelle avancée du christianisme dans le Levant.

PIÈCES JUSTIFICATIVES

I Libri Conciliorum, A. D. 1459-1466, f° 144 verso et suiv. Eodem die (1) fuerunt partite poste murarie per octo linguas sancti Johannis : describamus lingua volgari ad communem intelligentiam (2). Contient la partition des postes et de la muralle de Rode par les VIII langues ce apps esaxtes... (3) de la dicte muralle. Primo la langue dalemagne tient la poste qui commence aux deux tournelles tenans a lostel de monsegneur le mastre non contant les predictes tournelles iusques a la porte de sainct george comprehendant en la dicte (4) porte de sainct anthoine torres muralle et barbaquennes hault et bas estans entre les predictes deux termes. La langue daulvergne tient la poste qui commence a la dicte porte de sainct george iusques a la tour despaigne comprehendant en la dicte poste la dicte porte tour et boulevard de sainct george la muralle tourres et barbaquennes estant entre les predictes deux termes non comptant ne comprinze la dicte tour despagne. La langue dengleterre tient la poste qui commence a la dicte tour de spagne contant et comprinze la dicte tour iusques a la tour de saincte marie non comprendant le dessus dicelle tour que tient la langue darragon mais bien le dessoub et magasin dicelle tour avec le boulevert dengleterre muralle barbaquennes hault et bas estans entre les predictes deux termes reserve la partition dicelle tour de saincte marie de laquelle comme il est le dessus tient la langue darragon et le bas tient engleterre. L'une des langues despaigne appellee arragon qui contient les castellanie damposte priores de cathalogne et navarre tient la poste qui commence au dessus et hault de la dicte tour de saincte marie iusques a la porte de coquino excluse et non comprehendant la dicte porte contenant et comprinze la porte de sainct atanase tour dicelle porte muralle barbaquennes hault et bas estans entre les predictes deux termes avec la porte bolevert situe asses pres de la dicte porte de coquino. La langue de provence tient la poste qui commence a la porte de coquino contant la dicte porte avec son boulevert iusques a la tour dytalie non comprehendant ladicte tour dytalie contenues et comprinzes la muralle barbaquenne et tourres aussi que celle de la dicte porte de coquino et ledicte boulevert hault et bas iusques a celle tour dytalie. (1) 3 Février 1465. (2) La langue française fut toujours, à Rhodes, « la langue de l'Administration et de la Société ». V. Mas-Latrie. Les Archives de Malte à Cité-la-Valette, p. 1. (Dans Archives des Missions. Tome VI, 1857.) (3) Deux mots illisibles. (4) Sous-entendu : poste.

21

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LA CITÉ DE RHODES

La langue dytalie tient la poste qui commence a la tour deja dicte dytalie comptant la dicte tour avec la porte et boulevert jusques a le schielle de saincte Catherine comprendant les muralle barbaquennes tourres bolevert hault et bas estans entre les predictes deux termes reserve la barbaquenne qui commence de la premiere porte du molle laquelle tiendra le capitaine du dicte molle. L'autre langue des langues despagne nommée castille qui contient les priores de castille et de portugale tient la poste qui commence a la porte de saincte Catherine par laquelle on va audicte molle comptant le dessus de la dicte porte et non le bas iusques due chasteau comprinzes la muralle barbaquenne tours et bolevert du port estans entre les dictes deux termes. La langue de france tient la poste qui commence a la porte du chastel qui entre en la ville comptant la dicte porte iusques au palais de monsegneur le mastre comprinzes muralle barbaquenne et les tours estans entre les dictes deux termes hault et bas aussi comptes les boleverts de sainct pierre et de la tour du Trebuc qui regarde sur le molle de sainct nicolay. La garde de lostel de monsegneur le mastre avec ce qui reste de la dicte partition devant le dicte hostel est a lordonnance et disposition du monsegneur.

II Libri Bullarum, A. D. 1465-1466, f° 160 Frater Petrus Raymundus Zacosta dei gratia sancte domus etc. Universis et singulis facimus notum per presentes qualiter habuimus atque recepimus ab Illustrissimo principe et potentissimo domino Philippo burgundie brabance etc. duce ac hanovie et flandrie etc. comite per manus magnifici ac spectabilis viri domini Jacobi de Bregiles (1) thesaurarij ipsius illustrissimi principis summam scutorum novorum auri Semi regis francorum decem millium m

Sive V . y . Quamquidem summam dictus clarissimus ac nobilissimus princeps concessit et de gratia speciali nobis elargitus est pro edificatione et perfectione murorum turris per nos cepte super molo Sancti Nicolai nostre civitatis Rhodi in loco ubi sita erat ecclesia Sancti Nicolai. Quequidem turris erit summum munimentum et potissimum propugnaculum portus et civitatis prefate quare ipse nobilissimus princeps ductus et compulsus ardore devotionis et benevolentie quam gerit et semper gessit in fidem catholicam et hune ordinem nostrum institutum ad fidei orthodoxe defensionem ipsam summam elargitus est instantia medio tractatu et suasu venerandi religiosi in christo nobis percarissimi fratris Johannis de chally preceptoriarum nostrarum de fieffis beaunoys auxoirri etc preceptoris nostri procuratoris et consiliari. De quo quidem celebri dono et munere ipsi Illustrissimo atque inclitissimo principi ingentes gratias agimus pariter et habemus pro quo et ceteris et gratijs quas pro preterito religio nostra ab Illustrissima d. sua excepit plurimum nos obnoxios sue donationi profitemur. Itaque per présentes de dicta summa quittamus predictos Jacobum et Johannem et quoscumque alios ad quos quittantia spectare dignoscitur. Disponimus autem preveniente divino presidio et

(1) Nous avons retrouvé le nom de Jacques de Brégilles dans la pièce B. 2061 des Archives du Nord. C'est un compte de « Guilbert de Ruples, receveur générai de toutes les finances de monseigneur le Duc de Bourgogne », de 1466 à 1467; Jacques de Brégilles y figure comme garde des joyaulx de monseigneur. (Communication de M. Nolin, rédacteur aux Archives de la Côte d'Or.)

PIÈCES JUSTIFICATIVES

145

deliberamus dictam summam exponi in edificatione et perfectione ipsius turris quam adimplebimus in terminum duorum annorum facemusque corpori dicte turris valloque eius sive boleuerdo vulgariter nuncupato affigetur plena atque inclita arma ipsius clarissimi principis lapide marmoreo sculpta excellentius quam fieri poterit in munimentis autem superioribus ipsius turris sive in machicollis vulgariter nuncupatis afficta erunt arma suarum provinciarum pariformiter lapide marmoreo incisa in monimentum dignam et celebrem memoriam ipsius inclitissimi principis benefactoris quidem optimi et specialissimi huiusce ordinis. Incuius rei testimonium bulla nostra magistralis plumbea presentibus est appensa. Datum in conventu Rhodi die XX mensis Junij M iiij Ixv.

III Libri Conciliorum, A. D. 1470-1472, f° 135 pro castello novo c

Die iij novembris m.iiij . lxxij, dominus bajuhvus commercii frater Carolus de Noray, presentavit reverendo domino lo[cumtenenti ?] et reverendo consilio quasdam litteras reverendissimi domini magistri super edificando castello novo prope le limonnies, et explicavit credenciam quam habebat ab ipso reverendissimo domino magistro super dicta edificatione, dicens quod nonnulli magistri latomi dicebant quod nunc non erat utile et securum edificare propter hiemem, quia quod edificaretur in pauco tempore rueret maxime quia edificandum erat de marmore et saqui ( ? ) , et contingentibus pluviis corruent quia non essent conglutinata, super quo iste reverendissimus dominus magister petebat deliberationem consilii. Quibusquidem intellectis, omnes et singuli domini nemine discrepante, se remiserunt dehberacioni alias facte super dicto castello novo edificando, et hec omnia remittunt execucioni et deliberationi atque ordinationi dicti reverendissimi domini magistri, qui provideat secundum quod necessarium et utile sibi videbitur. IV MS.

N° 283. Sacra Capitula Generalia, f° 118

Die xxij Decembris M . I I I I . L X X V ab Incarn

ne

Le infrascripte deliberatione sonno fatte per quiete e bono publico de la religione e cita de Rhodi per li Reverendi Signori X V I Capitulari a tutte le qualle lo Reverendissimo Signor Maestro a consentito como a riferito lo suo procuratore.

Item considerando le charge de le reparatione che lo Reverendissimo Signor Maestro havvea... per lo presente capitulo advenue e deliberato che Soa Reverendissima Signoria ne sia tenuta de pagare alcuna impositione de quarto ο altremente ma per che e necessano de fare reparatione nel isola de Rhodo per conservatione del populo e ordinato e deliberato che lo dito Reverendissimo Signor Maestro fazza fare e compisse le fortificatione e reparatione altre volte deliberate e passate per Consilio in le parte monolito e altri lochi e castello de lisola per guardare per lo populo comme per la dita deliberatione e larghemente ordinato la qualle ordinatione se intenda sin a lo capitulo generale proximo venente.

146

LA CITÉ DE RHODES

V M S . Ν° 283. Sacra Capitula Generalia, f° 119 bis (Du même Chapitre que la pièce précédente, Décembre 1475.) Por fortificatione de la cita e castello de Rhodi e stato deliberato che con ogni diligentia che se edifica e faza la muralle de Sancto Foti e de lo tarsinale etiandio che se faza porta defensive a lo dito tarsinale e che per fare e compire la dita muralle del tarsinale se habia de convenue e trattare co lo Reverendissimo S. Maestro per li Reverendo S. Prior de lombardia e baillivo de Maiorque c. d. Commandatore Daliaga ( ? ) e trovare lo modo de havere denarij per dita reparatione. Etiam dio fo deliberato che fate le dite reparatione del tersinal e Sancto Foti se facenno tre boluerdi a lo castello verso la terra luno ala porta dela Castellania per contra la terra laltro a la porta che reguarda la casa de Sagramor laltro inanctj la torre de la guardia e che se facianno li fossati de boluerdo a boluerdo profundo e largo per defensione del dito castello per le qualle cosse compire se trovenno dinari azzo che con diligentia se possianno fare. VI Libri Conciliorum, A. D. 1473-1478, f° 99 bis pro muris tersinalis. Die eodem (1) fuit deliberatum quod muri novi tersinalis qui de novo edificari debent construantur grossi et spissi de palmis xviij et muri qui fient in castello versus civitatem fabricentur grossi et spissi de palmis xx, quia sic visum est necessarium et utile. VII Libri Conciliorum, A. D. 1473-1478, f° 104 pro muro a turri S. petri usque turrim de plagnes. Die eadem (2) pro utilitate communi et defensione civitatis et castelli Rod fuit deliberatum quod murus qui ordinatus est fieri a turri S. petri usque turrim de plaignes instauretur et edificetur spissus de palmis xx, quia communis opinio omnium fert quod hec spissitudo est oportuna et necessaria. VIII Libri Conciliorum, A. D. 1473-1478, f° 104 pro demolicione muri. Die xxviij mensis aprilis 1476, quia per deliberacionem alias factam debet de novo edificari murus a turri S. petri usque turrim de plaignes quorum exequutio fieri non decet aut potest nisi presens diruatur murus antiquus; ideo fuit deliberatum quod murus antiquus diruatur ad construendum novum, considerato quod barbaquenna est de novo instructa et restaurata. (1) Die xxvij mensis marcii 1476. (2) Die xxij mensis aprilis 1476.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES

IX Libri Conciliorum, A. D. 1473-1478, f° 110 bis pro edificio turris in insula alimnya. Die prima mensis junn 1476, audita relatione eorum qui fuerunt missi ad insulam alymnya pro visitacione turris antiqui et investigacione rerum pro ipsa turri reparanda et edificanda pro custodia insuie rhodi, super his multis et variis colloquiis habitis, tandem fuit conclusum et ordinatum quod dicta turns restauretur; et ita fuit data commissio in plenaria auctoritate et potestate ordinandum et faciendum edificare et restaurare dictam turrim eo modo et forma quo eis videbitur pro custodia dicte insule rhodi videlicet (?) reverendis dominis draperio ac prioribus Sancti egidii, alumnie et capue, atque bajulivo cantavetule, et locumtenenti reverendi domini magni preceptoris, qui quantocius fieri poterit hujusmodi commissionem exequantur. X Libri Conciliorum, A. D. 1473-1478, f

os

118 bis-119

pro muro tercinalis. Die ij julii 1476 fuit congregatum consilium ordinarium coram quo proposuit reverendissimus dominus magister dominus frater Petrus d'Aubusson imminentem necessitatem agendi et accelerandi reparationes et edificaciones murorum castelli Rhod presertim illius partis et portionis continentis canas [un blanc ds. le texte] a parte tercinalis que...? dicta ( ? ) erat quondam bone memorie domini fratri Baptiste de Ursinis qui preventus morte nullam provisionem secundum pacta inita cum thesauro fecit; pro quibus et etiam pro aliis fortificationibus insularum magisterii adimplendis secundum deliberationem consilii completi ( ? ) reservati sunt pro uno anno integro, incipiente die sancti johannis ultime preteriti, et finiente die sancti johannis proxime futuri anno 1477, redditus et proven tus magisterii prefati, prout in dicta deliberacione f°

119,

continetur

:

idcirco

ipse

reverendissimus

dominus

magister

valde

cupiens et summopere desiderans, tanquam vigilans et intendens utilitati publiée religionis et tuicioni civitatis et castelli Rhodi, exhibuit se paratum et promptum exequi dictam reparacionem et edificationem muri tercinalis dati quondam suo predecessori ; offerendoque est contentus, quod vel ex parte comitis thesauri aliquis deputetur, qui teneat computum illorum operum que fient in dicto muro, et demum quod fiat solucio secundum calculum dicti computi; vel si melius videbitur, est contentus et obtulit complere dictum opus muri tercinalis olim datum ipsi quondam suo predecessori, pro precio et summa tunc concordata cum dicto suo predecessori, videlicet ad racionem florenorum Rhod currencium novem cum dimidio, sive fr. viiij

pro qualibet cana; ita quod redditus magisterii qui colliguntur in

civitate Rhod et ex juribus cathene pro dicto anno integro consignentur et dentur sibi ad supplendum impensis dicti operis, et quod de residuo thesaurus satisfaciat. Et ita requisivit ut reverendi domini consilii et thesauri super hoc deliberarent prout eis utile videretur, quia hberahter se obtulit exequuturum pro viribus, quod decreverint ad honorem et utilitatem religionis. Quaquidem propositione audita et diligenter considerata, omnes et singuli reve-

148

LA CITÉ DE RHODES

rendi domini dicti consilii laudantes sanum propositum sue reverendissime dominacionis, et que semper prompta et propicia fuit, dum etiam in minoribus erat constituta, in dictis operibus perfinendis; deliberaverunt et ordinaverunt quod dictus reverendissimus dominus magister dominus frater Petrus d'Aubusson adimplere et facere ac edificare faciat porcionem dicti muri tercinalis que continet canas [un blanc ds. le texte], et quod sua reverendissima dominacio habeat et recipiat pro qualibet cana f° Rhod currentes novem cum dimidio sive 1

f° viiij / ; sicut habebat suus predecessor, et quod ad supplendum impensis dictorum operum 2

muri, sua reverendissima dominacio, omni obstaculo cessante, colligat, recipiat et habeat pro dicto termino unius anni integri, incipientis et finientis ut supra dicitur, omnes et singulos redditus et proventus magisterii qui colliguntur in civitate Rhod, et ex jure cathene portus Rhod, exceptis juribus enquestarum que sunt reservata pro sustentacione status magisterii; insuper quod pro supplemento solucionis, racionis et calculacionis dicti muri ad racionem predictam, atque resto ipsius, communis thesaurus Rhod sit et intelligatur realiter obligatus et obnoxius ipsi reverendissimo domino magistro, qui hujusmodi satisfactionem sumet a dicto communi thesauro; et ita supplicarunt sue reverendissime dominatio, ut ipsum onus acceptare vellet; quiquidem reverendissimus dominus magister, affectans bonum commune religionis, inclinatus precibus dicti reverendi consilii acceptavit, et ita obtulit se exequuturum. NOTA. — M. Pietresson de Saint-Aubin a bien voulu effectuer, d'après des photographies, la lecture particulièrement difficile de cette pièce et de quelques autres qui ont été citées au cours de cette étude. Je lui en exprime ici mes très vifs remerciements.

N° XI Libri Bullarum, A. D. 1489-1490, f° 162 (Extrait d'un compte des dépenses effectuées par le grand-maître, de 1483 à 1489.) Deve piu havere soa R

m a

S. per le reparatione e fortificatione facte in rhodo in molti e

diversi lochi in tempo e termino di prefati sei anni come liquide e clare appare per h conti de l'infirmario scrivano deputato per sua pratica a le opere etiamdio di lo scrivano del burelo a

di lo palacio de sua R M S. e de certo altro computo del ponton e altre immense spese de le o

qualle a tempo compto lo scrivano de lo thesoro monte in toto la somma de f corenti di rhodi LXXII

M

C° VI, â. X, d. V, qui sono scudi X X X

M

XLIIII â XVIII, d. X V .

N° XII Libri Bullarum, 1494, f° 131 Le grand-maître donne l'ordre de payer a Fr. Francesco de Bossolx, prieur de Catalogne, la somme de 1626 florins de Rhodes 5 aspres, qui font, à raison de 57 aspres pour un ducat d'or de Rhodes, 570 ducats d'or, 35 aspres, pour réparations et fortifications effectuées au château Saint-Pierre, pendant les deux années et demie où il fut châtelain dudit château. Ces différentes réparations et fortifications s'élèvent : « Ad cannas quadratas centum octuaginta novem palmos quinque cum dimidio circiter sicuti computum est per mensuram factam in dicto castello per antonium lu papa muratorem

PIÈCES JUSTIFICATIVES

149

et scribam burelli et per alios magistros maratores dicti castelli, presentibus commestabulis eiusdem fratribus Iacobo de Villarsa et Augustino Carbon, que quidem reparationes ad rationem florenorum rhodi currentium octo per qualibet canna, secundum ordmationem dudum factam per nos et venerabilem Consilium ascendunt ad florenos Rhodi currentes 1517 asperos 5 et etiam florenos

109 qui sunt ratione alterius reparationis et edificationis argo-

dulia (1) facte in dicto castello, extimate per supradictos indices partiter complent dictam summan ducatorum auri de rhodo 570, asp. 35 ad rationem supradictam. Datum die X V I I I augusti 1494 ab Inc.

(1) Argodulia = travail accompli par des esclaves. Cf. sup. p. 113, n. 3.

TABLE

ALPHABÉTIQUE

Boulevard de Carretto. V. Boulevard d'Italie. Boulevard d'Espagne, 4 3 , 4 4 , 121, 123, 131.

Abdul Mesdjid, 102.

Boulevard de France, 25, 7 0 , 1 3 0 .

Alemagna (Domenico d'), 59, 69, 70, 102.

Boulevard de Saint-Georges, 35, 130.

Alentours de la Cité, 14.

Boulevard d'Italie, 5 5 , 5 7 , 131.

Alep, 105 n, 133. Amboise (Emery d'), 20, 26, 34, 42, 91, 95, 100,

Boulevard de Koskino, 28, 109, 123, 131. Boulevard de Saint-Pierre, 24, 72, 7 5 , 130.

103, 1 1 1 , 121 n, 122, 141.

Boulevard du Palais, 77.

Amida, 105 n, 133.

Boulevard du Port, 24, 6 3 .

Amirauté, 66 n.

Boulevard de Provence. V. Boulevard de Koskino.

Amurat II, 109. Anatoli Hissar, 133 n.

Boulogne (Château de), 138.

Antioche, 128, 133 n.

Bourg, 7. (V. Ville.)

Argodulia, Argodolatus, 113 n.

Bretèches, 126.

Arsenal, 5, 6, 1 0 - 1 1 , 70, 74, 76, 102, 105 n., 108,

Brugnac (Donjon de), 137. Bureau (Frères), 139.

114, 127, 135.

Burgus, 6, 7. (V. Ville.)

Ascelin (Gilles), 137. Aubusson (Pierre d'), 20, 22, 25, 26, 32, 35, 36, 39, 44, 46, 52, 54, 55, 60, 65, 68, 69, 72, 73, 78, 80, 83, 84, 88, 91, 92, 93, 96, 99, 100, 101, 102, 103,

104,

109-111,

112,

114,

115,

117,

118,

121,

122, 123, 130, 131, 137, 138. Avignon, 108, 126, 134, 135, 136, 140.

Canne (mesure), 117-118. Carcassonne, 138, 140. Carretto (Fabrizio del), 12, 20, 26, 32, 34, 47, 55, 57, 91, 93, 95, 99, 100, 1 1 1 , 115, 116, 121 η., 122, 123, 127, 130, 141. Castello, 7.

Baie d'Akandia, VIII, 6, 22 n., 53, 58 n., 123, 125.

Castellorizo, 106 n., 134 n.

Baléares, 137.

Castrum, 6, 7.

Barello Assanti, 115 n.

Catalogne, 134.

Bartolucci (G.), 115.

Chaîne du port, 73.

Basilio dalla Scuola, 39, 111, 115, 1 1 6 , 138 n.

Chally (Jean de), 79.

Bassones (Donjon de), 135 n.

Charles VI (Empereur), 134.

Beaucaire (Château de), 135 n.

Charles VIII, 139 n.

Bellver (Château de), 136.

Château, 6, 7, 8, 1 1 , 76, 77, 78, 105, 106, 107,

Bérenger (Raymond), 108.

108, 120, 121, 127.

Blanchefort (Guy de), 91.

Château Saint-Ange, 139 n.

Bonaguil (Château de), 135 n.

Château Saint-Pierre, VII, 111 n., 114.

Bossolx (Fr. de), 114.

Chatellenie, 13, 26.

Boudroum, VII.

Chifel (Thomas), 29.

Boulevard d'Angleterre, 21, 28, 4 4 - 4 6 , 121, 123,

Chiti (Tour du cap), 134 n.

131. Boulevard d'Auvergne, 20, 28, 3 4 - 4 2 , 116, 131. 22

Chypre, 134, 139. Cimetières, 1.

152

TABLE ALPHABÉTIQUE

Cimetière des Chevaliers, 14. Clocher de Saint-Jean, 26 n.

Gibet, 6.

Coca (Château de), 137.

Gioeni (Matteo), 115, 116.

Collachio, 7.

Gortyne, 106 n.

Colosse de Rhodes, 79.

Gozon (Dieudonné de), 108.

Colossi (Tour de), 135 n.

Grand'rue du Château, 8-9.

Constantinople,. 109, 128, 133, 139 n. Corneillan (Pierre de), 108. Coucy (Porte de Laon à), 138. Cour du Commerce, 13. Courtines, 120-122.

Heredia (Juan-Fernandez), 67, 69, 74, 91, 101, 102, 108,

119 η., 120, 128,

135.

Hippodamos de Milet, 12.

Créneaux, 124.

Hôpital, 6, 7, 9 - 1 0 .

Croix de la Padelle, 12 n.

Hospice de Sainte-Catherine, 13.

Culant (Pierre), 67, 108. Infirmerie, 6, 9, 10, 110. Damas, 105 η.

Innocent VI, 135.

Dara, 128, 133. Delguers, 114 n.

Jardins, 15.

Démétrius (Saint), haut-relief, 92, 97.

Jardin du Palais (v. Boulevard du Palais).

Diarbékir, 128, 133 n.

Jebeil, 133 n.

Dijon (Château de), 138.

Jérusalem, 133.

Dragonetto Clavelli, 69.

Juilly (Robert de), 108.

Duc de Bourgogne (Philippe III), 80, 81, 90, 104,

Juiverie, 2, 14.

109. Durer (Α.), 137 n., 138 n.

Karlstein (Château de), 134. Kastron, 106. Khalki, 115 η.

Egri Capou, 19.

Koskino, 21 η., 112.

Eglises, 13.

Krak (Le), 134.

Eglises du Château, 11.

Kyzil Capou, 19.

Eglise Saint-Antoine, 1 4 , 76.

Kyzil Tépé, 105 n.

Eglise Saint-Jean, 7, 8. Eglise Saint-Nicolas, 79. Eglise Saint-Sébastien, 12. Embrasures, 126. Escalier de Sainte-Catherine, 21 n., 24, 62. Evli Badan, 133 n.

Lango, 111 η. Laon (Porte de), à Coucy, 138. Lastic (Jean de), 31, 32, 42, 48, 54, 72, 92, 93, 96, 99, 108, 109, 112, 121, 128, 137, 141. Léon Χ, 116. Livourne, 139 η. Llorda (Castell), 136 η.

Faubourgs, 1, 15.

Louis X I , 61.

Fausses-braies, 123.

Louis X I I , 138.

France (armes de), 60, 65, 100.

Lovaltru (J. de), 114 η.

er

François I ,138. Fluvian, 31 n., 34, 46, 48, 50, 72, 91, 92, 96, 97, 99, 1 0 8 , 112, 119 n., 128, 129, 136.

Mâchicoulis, 126.

Fossés, 123.

Mahomet II, 80, 109, 119.

Foix (Château de), 135 n.

Malona, 112.

153

TABLE ALPHABÉTIQUE Mandraki, 4, 5, 14, 25, 76, 105.

Philippe III de Bourgogne. (V. Duc de Bourgogne.)

Manoli Constant!, protomastor, 98, 113.

Philippe-le-Bel, 137.

Margat, 134.

Philon de Byzance, 128.

Marine (La), 25, 63.

Pie II, 75, 103.

Martin V, 34, 96.

Pins (Roger de), 108.

Martinengo (Tadino da), 115.

Ports, 4 - 5 , 58 n., 72, 73, 109, 120.

Martini (Fr. di Giorgio), 138 n.

Port des Galères, 4.

Massif de la Porte du Camp, 29.

Port du Commerce, 4.

Mathieu d'Arras, 134.

Portes, 132.

Medina del Campo, 137.

Porte d'Amboise, 25, 3 2 - 3 4 , 123, 132.

Mesures, 117, 118.

Porte d'Arnald, 25.

Michel (Saint), bas-relief, 95.

Porte de Koskino, 21, 22, 28, 34, 4 8 - 5 3 , 54, 97, 99,

Michel-Ange, 138 η. Milly (Jacques de), 11, 48, 54, 57, 72, 97, 98, 100, 109, 141. Môle des Moulins, 4, 6, 22, 57, 5 8 - 5 9 , 60, 105, 109, 120, 127, 135.

108, 109, 113, 116, 120, 121, 122 n., 129 n., 130, 132, 133. Porte de la Chatellenie, 26. Porte de la Marine, 25. 61, 6 3 - 6 6 , 67, 68, 92, 100, 120,

124,

126,

127,

132,

135,

137-138,

Môle de Naillac, 4, 66, 7 2 - 7 3 , 76.

Porte d'Italie, 22.

Môle Saint-Nicolas, 24, 70, 7 8 , 105.

Porte du Camp, 25, 26.

Mont Saint-Etienne, 1 n.

Porte du Môle, 22 n.

Mota (Château de la), 137.

Porte Narbonnaise (à Carcassonne), 138.

Mur des Juifs, 119 n., 122 n.

Porte Saint-Athanase, 21, 28, 4 6 - 4 7 , 127.

140.

Porte Saint-Antoine, 3 1 ; 32 n., 93, 108, 120, 121, 132. Porte Sainte-Catherine, 22, 24, 6 2 , 100, 132. Naillac (Philibert de), 14, 63, 67, 73, 91, 101, 102, 1 0 8 , 135, 136, 137.

Neokhori, 1, 14.

Porte Saint-Georges, 20, 28, 34, 39 n., 96, 108. Porte Saint-Nicolas, 25. Porte Saint-Paul, 25, 7 0 - 7 2 , 126, 132.

Nicée, 128.

Portopi, 137.

Nuremberg, 140.

Postes de combat, 23, 2 6 - 2 7 . Prague, 134. Protomastor, 113.

Obreri (Pierre), 135.

Provence, 134, 135.

Olite (Palais d'), 137. Orsini, 22, 61, 63, 66, 72, 91, 93, 96, 99, 102, 103, 108, 1 0 9 , 114, 120, 121, 128, 135. Ostie (fortifications d'), 139 n. Othman, 107.

Ricardi (Raimondo), 114 η. Roumeli Hissar, 133 n. Rues de la Ville, 13. Rue des Chevaliers. (V. Grand'rue du Château.)

Palaiokastro, 106 η. Palais du grand-maître, 8, 74, 75, 106, 123, 125 η., 135.

Sahyun,133 η.

Palma, 136, 137.

San Gallo (Antonio da), 139 n.

Palme (mesure), 117, 118.

San Gallo (Giuliano da), 138, 139.

Parapets, 124.

Sanmicheli, 139.

Place, 11, 12, 78.

Scarpagnino, 115.

Phare, 90 n.

Scriba burelli, 114.

154

TABLE ALPHABÉTIQUE

Sixte IV, 14, 70.

Tour Saint-Athanase, 4 6 , 48, 97, 108, 1 2 9 , 135.

Solomon, 133 η.

Tour Saint-Elme, 4 n.

Suleiman, 97, 111.

Tour Saint-Georges, 28, 3 4 , 96, 108, 109, 112, 130,

Synagogues, 14. Syrie, 134.

133, 135. Tour Saint-Jean, 5 0 , 108, 109, 130, 133, 135. Tour Sainte-Marie, 20, 4 4 , 47, 92, 96, 108, 109, 128, 133.

Tarascon (Château de), 135 η. Tekkyé, 14. Temple (Ordre du), 134. Thoisi (Geoffroy de), 79. Torre de Canyamel, 137. Torre de las Campanas, 137.

Tour Saint-Nicolas, VIII, 4, 5 n,. 14, 25, 29, 72, 73, 7 9 - 9 0 , 103, 109, 112, 115n., 122 n., 130,132, 137, 138, 139 n., 140. Tour Saint-Paul, 24 n., 25, 70-72, 74, 76, 125 n., 128, 130, 139 n. Tour Saint-Pierre, 18 η , 24, 7 5 , 76, 91, 109, 112. 128, 139 n.

Torre del Homenaje. (V. Bellver.)

Tour Sant' Angelo, 4 n.

Tours, 127.

Tours Saint-Nicolas, 25.

Tour de Bourgogne, 4 n., 29, 79. Tour de France, 4 n., 29. Tours de Heredia, 7 4 , 112. Tour de la Garde, 26, 78. Tour de l'Horloge, 26. Tour de Naillac, 5, 24, 29, 61, 7 3 , 76, 108, 112, 130, 134 n., 135 n., 137. Tour de Plaignes, 18 n., 26, 75, 76, 117 n. Tour des Arabes, 29, 73. Tour des Lombards, 14 n.

Villaret (Foulques de), 106 η. Ville (La) ou le Bourg, 6, 7, 11-14, 77, 78, 105, 108, 127. Villeneuve (Hélion de), 66, 91, 101, 107, 108 n. Villeneuve-les-Avignon, 137, 138. Villiers de l'Isle-Adam, 20, 22, 35, 36, 39, 73, 91, 93, 102,

111,

116, 123, 131, 138.

Tour des Moulins, 4, 5, 10, 22, 29, 5 9 - 6 1 , 73, 81, 100, 109, 130, 137. Tour d'Espagne, 20, 4 3 - 4 4 , 47, 121, 133.

Zacosta (Raimondo), 10 η., 19, 20, 50, 72, 75, 79,

Tour d'Italie, 14 n., 22, 54, 5 5 - 5 7 , 123, 129 n.

80, 81, 83, 86, 87, 90, 93, 99, 103, 104,

Tour du Trébuc, 24, 25.

132, 137.

109,

112,

TABLE

PLANCHE

DES

PLANCHES

HORS

TEXTE

I. — 1. Attaque de la Tour Saint-Nicolas. 2. Vue d'ensemble de la Ville assiégée. (D'après le manuscrit de la Bibliothèque Nationale, f. lat. 6067.)

PL PL.

II. — Plan d'ensemble : région nord-ouest. III. — 1. Porte Saint-Antoine. 2. Porte d'Amboise.

PL.

IV. — 1. Porte au sud-ouest du Palais. 2. Courtines et fossés au sud-ouest du Palais.

PL.

V. — Porte d'Amboise et Boulevard d'Auvergne.

PL.

V I . — 1. Tour Saint-Georges. 2. Boulevard d'Auvergne (Face sud). 3. Boulevard d'Auvergne (Face sud-ouest).

PL.

VII. — Plan d'ensemble : région sud-ouest.

PL PL.

VIII. — 1. La Tour d'Espagne et son Boulevard. 2. La Tour Sainte-Marie. IX. — Les Remparts entre la Tour d'Espagne et la Tour Sainte-Marie. (Vue prise de la Tour d'Espagne.)

PL.

X. — Les Remparts entre la Tour Sainte-Marie et la Tour d'Espagne. (Vue prise de la Tour Sainte-Marie.)

PL.

X I . — Les Remparts entre la Tour Sainte-Marie et la Porte de Koskino. ( Vue prise du Boulevard d'Angleterre.)

PL.

X I I . — Porte de Koskino. 1. Porte dans l'ancien Boulevard. 2. Porte extérieure. 3. Vue d'ensemble.

PL.

X I I I . — Plan d'ensemble : région sud-est.

PL.

X I V . — 1. Tour et Boulevard au rempart du sud. 2. Tour et Boulevard de Carretto (ou d'Italie).

PL.

X V . — 1. Vue prise de la Baie d'Akandia. 2. Les tours de Heredia au rempart du nord. 3. Porte entre le Château et la Ville.

PL.

X V I . — Tour des Moulins : plan de l'état actuel.

P L . X V I I . — 1. Tour des Moulins. 2.

Porte Sainte-Catherine.

P L . X V I I I . — Plan d'ensemble : région nord-est. PL.

X I X . — Façade orientale de la Porte de la Marine. (Photographie de l'état actuel.)

PL.

X X . — Porte de la Marine. 1. Plan de la plate-forme. 2. Plan du deuxième étage.

156 PL. PL.

TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE

X X I . — Façade orientale de la Porte de la Marine. (Relevé et restauration.) X X I I . — Porte de la Marine : coupes.

PL.

X X I I I . — Le Port : état actuel.

PL.

X X I V . — Môle de Naillac et Porte Saint-Paul. 1. Vue d'ensemble (Restauration.) 2. Porte Saint-Paul et rempart du nord (Etat actuel.)

PL.

X X V . — 1. Tour Saint-Pierre. 2. Tour Saint-Nicolas. (Vue du môle.) 3. Môle de Naillac et Porte Saint-Paul.

PL.

X X V I . — Tour Saint-Nicolas : plan de l'état actuel.

P L . X X V I I . — Tour Saint-Nicolas : façade orientale restaurée. P L . X X V I I I . — Armoiries. PL.

X X I X . — Armoiries.

PL.

X X X . — Armoiries.

PL.

X X X I . — Armoiries.

Inscriptions.

P L . X X X I I . — Armes de d'Aubusson : rempart du nord. P L . X X X I I I . — Vue d'ensemble prise de la mer. P L . X X X I V . — Vue d'ensemble prise du faubourg des Saints-Anargyres. P L . X X X V . — Plan d'ensemble restauré : la Cité de Rhodes en 1522.

ERRATA Page X V I , ligne 7 : au lieu de Poupoulat, lire Poujoulat. Page 4, note 2 : au lieu de p. X X , lire p. 29. Page 5, note 8 : au lieu de p. X X , lire p. 10. Page 6, note 3 : au lieu de p. X X , lire p. 22. Page 7, note 1, ligne 13 : au lieu de cartogaphie, lire cartographie. Page 19, note 1 : au lieu de des galeries..., lire aux galeries... Page 39, ligne 8 : au lieu de fig. 14, lire fig. 10. Page 62, ligne 10 : au lieu de des escaliers droits f et d, lire des escaliers droits f et g; au lieu de un emmarchement g, lire un emmarchement g'. Page 66, note 1 : au lieu de θάρώ, lire θά ρώ. Page 67, ligne 11 : au lieu de tracé, lire tracée.

TABLE

DES MATIÈRES

PRÉFACE

V

BIBLIOGRAPHIE

VII

XIII

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE TOPOGRAPHIE

1

I. Etat actuel : la Cité, les faubourgs, les cimetières

1

II. Forme et dimensions de la Ville. — Les Ports

4

III. Divisions de la Cité : le Château et la Ville

6

IV. Topographie du Château: Palais du grand-maître. — Eglise Saint-Jean.— Grand'rue du Château Château

(Rue

des

Chevaliers). — L'Hôpital. — L'Arsenal. —

Eglises

du 8

V. Topographie de la Ville : la Place. — La voirie. — Les Eglises. — Monuments de la Ville. — Quartier juif VI. Alentours de la Cité : Eglise Saint-Antoine. — Cimetière des Chevaliers. — Jardins.. C H A P I T R E I. — I D E N T I F I C A T I O N D E S O U V R A G E S

11 14 17

A. — Le Vocabulaire technique

17

B. —Identifications. — Ouvrages et postes de combat en 1480. — Ouvrages et postes de combat en 1522

19

C H A P I T R E II. — D E S C R I P T I O N D E S R E M P A R T S

31

Porte Saint-Antoine et ses abords (p. 31). — Porte d'Amboise (32). — Boulevard d'Auvergne (34). — Du Boulevard d'Auvergne à la Tour d'Espagne (42). — Tour et Boulevard d'Espagne (43). — De la Tour d'Espagne à la Tour Sainte-Marie (44). Tour Sainte-Marie et Boulevard d'Angleterre (44). — Porte Saint-Athanase (46). — De la Porte Saint-Athanase à la Porte de Koskino (47). — Porte de Koskino (48). — De la Porte de Koskino à la Tour d'Italie (53). — Tour et Boulevard d'Italie (55). — De la Tour d'Italie au Môle des Moulins (57). — Môle des Moulins (58). — Tour des Moulins (59). — Du Môle des Moulins à la Porte de la Marine (61). — Porte Sainte-Catherine (62). — Boulevard du Port (63). — Porte de la Marine (63). — De la Porte de la Marine au Môle de Naillac (66). — Porte et Tour Saint-Paul (70). — Môle et Tour de Naillac (72). — De la Tour Saint-Paul au Palais du grandmaître (74). — Tour Saint-Pierre (75). — Palais du grand-maître (76). — Rempart entre le Château et la Ville (77). — Le Môle Saint-Nicolas (78). — Tour SaintNicolas (79). C H A P I T R E III. — A R M O I R I E S ET I N S C R I P T I O N S

91

C H A P I T R E IV. — LA C O N S T R U C T I O N D E S R E M P A R T S

105

I. Le substratum antique et byzantin

105

II. Les travaux des grands-maîtres

107

III. Technique et mise en œuvre. — Matériaux. — Appareil et voûtes. — Main-d'œuvre et

conduite

des

travaux.



Mesures

111

158

TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE V. — ÉVOLUTION ET INFLUENCES

120

I Évolution du système défensif : Courtines, fausses-braies et fossés. — Eléments de défense des courtines : parapets, merlons, créneaux, embrasures, mâchicoulis. — Tours. — Boulevards. —

Portes.......................

II. Influences PIÈCES JUSTIFICATIVES

120 133

....

143

T A B L E ALPHABÉTIQUE

151

T A B L E DES PLANCHES HORS-TEXTE

155

ERRATA

156

PL. I

1. Attaque de la Tour Saint-Nicolas. (f° 30 - verso)

(d'après le Manuscrit de la Bibliothèque Nationale - f. lat. 6067).

2. Vue d'ensemble de la Ville assiégée f° 32).

PL. II

PLAN D'ENSEMBLE - Région Nord-Ouest. Échelle :

PL. Ill

1. PORTE SAINT-ANTOINE.

2 . PORTE D'AMBOISE.

PL. IV

1. PORTE AU SUD-OUEST DU P A L A I S .

2. COURTINES ET FOSSÉS AU SUD-OUEST DU P A L A I S .

PL. V

PORTE D'AMBOISE ET BOULEVARD D'AUVERGNE.

PL. VI

1. TOUR SAINT-GEORGES. - 2. BOULEVARD D'AUVERGNE (Face Sud). 3. BOULEVARD D'AUVERGNE (Face Sud-Ouest).

PL. VII

PLAN D'ENSEMBLE - Région Sud-Ouest. Échelle :

PL. VIII

1. LA TOUR D'ESPAGNE ET SON BOULEVARD.

2. LA TOUR SAINTE-MARIE.

PL. IX

LES REMPARTS ENTRE LA TOUR D'ESPAGNE ET LA TOUR SAINTE-MARIE. Vue prise de la Tour d'Espagne.

PL. Χ

LES REMPARTS ENTRE LA TOUR SAINTE-MARIE ET LA TOUR D'ESPAGNE. Vue prise de la Tour Sainte-Marie.

PL. XI

LES REMPARTS ENTRE LA TOUR SAINTE-MARIE ET LA PORTE DE KOSKINO Vue prise du boulevard d'Angleterre.

PL. XII

PORTE DE KOSKINO. 1. Porte dans l'ancien boulevard. - 2. Porte extérieure. - 3. Vue d'ensemble.

PL. XIII

PLAN D'ENSEMBLE - Région Sud-Est. Échelle :

PL. XIV

1. TOUR ET BOULEVARD. Remparts du Sud.

2. TOUR ET BOULEVARD DE CARRETTO.

PL. XV

1. VUE PRISE DE LA BAIE D'AKANDIA. -

2. LES TOURS DE HEREDIA AU REMPART DU NORD.

3. PORTE ENTRE LE CHATEAU ET LA VILLE.

PL. XVI

TOUR DES MOULINS. Plan de l'état actuel.

PL. XVII

1. TOUR DES MOULINS.

2. PORTE SAINTE-CATHERINE.

PL. XVIII

PLAN D'ENSEMBLE - Région Nord-Est. Échelle :

PL. XIX

F A Ç A D E ORIENTALE DE LA PORTE DE LA MARINE. (Photographie de l'état actuel).

PL. XX

PORTE DE LA MARINE. Plans.

PL. XXI

F A Ç A D E ORIENTALE DE LA PORTE DE LA MARINE. Relevé et restauration.

PL. XXII

PORTE DE LA MARINE. Coupes.

PL. XXIII

LE PORT : ÉTAT ACTUEL.

PL. XXIV

MOLE DE NAILLAC ET PORTE SAINT-PAUL. 1. Vue d'ensemble (Restauration) - 2. Porte Saint-Paul et rempart du nord (Etat actuel).

PL. XXV

1. TOUR SAINT-PIERRE. - 2. TOUR SAINT-NICOLAS (Vue du Môle). 3. MOLE DE NAILLAC ET PORTE SAINT-PAUL.

PL. XXVI

TOUR SAINT-NICOLAS. Plan de l'état actuel. Nota : L'indication 0,01 p. mètre se rapporte au dessin original, réduit ici au quart environ. Consulter l'échelle graphique

PL. XXVII

TOUR SAINT-NICOLAS. Façade orentale restaurée.

PL. XXVIII

o

1. (N 20),

o

2 . (N 45).

3. (N° 38).

4 . (N° 44).

ARMOIRIES.

PL. XXIX

O

1. (N - 51)

2 . (N° 60).

3. (N° 57).

ARMOIRIES.

INSCRIPTIONS.

PL. XXX

1. (N° 111).

2. (N° 110).

ARM01RIES.

PL. XXXI

2. (N° 141).

1. (N° 120).

os

3. (N

125. 126. 127. 128).

o

4. (N 132).

ARMOIRIES.

PL. XXXII

ARMES DE D'AUBUSSON. Rempart du Nord.

PL. XXXIII

VUE D'ENSEMBLE PRISE DE LA MER.

PL. XXXIV

PL. XXXV

PLAN D'ENSEMBLE RESTAURÉ. Nota: L'indiation 0.0015 p. mètre se rapporte au dessin original, réduit ici au cinquième environ. Consulter l'échelle graphique.

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