La Cité de Rhodes, Architecture Civil Et Religiuese (Gabriel Albert, Paris 1923)

February 11, 2017 | Author: porolithos | Category: N/A
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ALBERT

GABRIEL

ARCHITECTE DIPLOMÉ DU GOUVERNEMENT DOCTEUR ÈS-LETTRES

LA CITÉ DE

RHODES MCCCX — MDXXII ARCHITECTURE CIVILE ET RELIGIEUSE OUVRAGE HONORÉ D'UNE SOUSCRIPTION DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES

PARIS E.

DE

B O C C A R D ,

DES ÉCOLES FRANÇAISES 1,

RUE

DE

ÉDITEUR

D'ATHÈNES ET DE ROME MÉDICIS,

1923

1

BIBLIOGRAPHIE

Les ouvrages auxquels nous nous référons dans le cours de ce volume figurent pour la plupart dans l'index bibliographique du tome 1

e r

(1); on trouvera plus loin le complément

de cette liste. Nous avons dit déjà qu'aux Archives de Malte il n'existe aucune pièce de comptabilité relative aux monuments rhodiens; à défaut de textes plus explicites, nous y avons recueilli certaines pièces qui fournissent incidemment quelques précisions sur les édifices. C'est ainsi que des décisions de Chapitres généraux permettent de retracer l'historique des travaux de construction de la Nouvelle Infirmerie et de fixer la date exacte des différentes parties du monument (2). On constatera, d'ailleurs, qu'à Malte, la collection des Registres relatifs aux Chapitres généraux (Sacra Capitula Generalia) est elle-même incomplète; il manque, entre autres, les décisions des Chapitres tenus au Couvent en 1440 et 1449. Cette lacune peut être comblée e

grâce à un manuscrit du x v siècle, conservé à la Bibliothèque Nationale (Ms. fr. 17255), qui renferme une série de décisions capitulaires (3). Les textes que contient ce volume ne sont pour la plupart, il est vrai, que la traduction en français des décisions originales rédigées en latin (4); mais, dans le cas où ces dernières nous sont également parvenues, on peut constater que le texte français est une interprétation exacte du texte latin correspondant (5). Signalons, en outre, le manuscrit français N° 1978, où l'on trouve à la fois la Règle de Γ Hôpital et les décisions des Chapitres de 1311 et 1314 (6). Les Statuts de l'Ordre, codifiés par Guillaume Caoursin, vice-chancelier, et rédigés d'abord en latin en 1489, furent traduits en français, sur l'ordre de P. d'Aubusson, en 1493, et imprimés (1) Cf. Tome I, p. XIII-XVII. (2) Cf. inf. Ch. III, p. 29; et Pièces justificatives. (3) Le volume débute par les Usages et Coutumes; il contient également les décisions de Chapitres tenus en Terre Sainte et à Limassol de Chypre. — Le plus ancien des Chapitres de Rhodes dont il soit fait mention est celui du 28 septembre 1332; on n'y trouve aucun texte émanant des Chapitres de 1311 et 1314. (4) Depuis le début jusqu'au f° CXXXII (Chapitre de Rome réuni par Raimondo Zacosta en janvier 1466), les textes des décisions sont traduits en français et précédés d'un titre à l'encre rouge. Les décisions du Chapitre tenu par le grand-maître J.-B. des Ursins (Orsini), en 1472 (f° CXXXII et suiv.), sont rédigées de la même main et suivant le même dispositif, mais en latin. Enfin, à partir du f° CXXXVI jusqu'à la fin du manuscrit, l'écriture change et les titres rouges sont supprimés. Ces quatre derniers folios se rapportent à des Chapitres réunis par Orsini. Il semble donc que jusqu'au f° CXXXVI exclusivement le manuscrit ait été rédigé en 1472 ou 1473. (5) Nous avons pu comparer, entre autres, deux textes assez étendus relatant une décision du Chapitre du 27 novembre 1454, relative à l'Infirmerie de Rhodes. Elle figure, à Malte, dans les Sacra Capitula Generalia, 1454, 1459, 1462, Ms. 282, f° 18 v.; et à la Bib. Nat, dans le Ms. 17255, f° cviij et v., § ij. Les textes latins du Ms. 17255 ont été transcrits avec une exactitude suffisante et les omissions que nous avons constatées portent sur des membres de phrase d'intérêt secondaire. Cf. Sacra Capitula Generalia, 1466, 1471, 1475 et 1478, Ms. 283, f° 76 v. et 77, les passages intitulés : De mille florenis fabrice ecclesie deputatis et De Hospitalitate et Infirmaria, avec les passages correspondants du Ms. 17255, f° lxvj, v. et f° lxvij. (6) « Ce manuscrit appartenait à Daniel de S. Estène, lieutenant du visitateur général de Lombardie, et très probablement apparenté avec l'auteur de l'Exordium Hospitalis. » (Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte, p. 25, n. 2.)

VI

BIBLIOGRAPHIE

à Paris cette même année (1). C'est cette dernière édition que nous citerons sous le titre : Establissemens. Les textes provenant des Archives de Malte, qui figurent à la fin de ce volume parmi nos Pièces justificatives, ont été transcrits d'après des photographies des manuscrits que nous a communiquées M. H.-P. Scicluna. Nous tenons à rendre hommage au zèle désintéressé et au soin minutieux avec lequel M. H.-P. Scicluna a poursuivi des recherches souvent fort laborieuses, et nous lui exprimons à nouveau pour son amicale et dévouée collaboration l'expression de notre vive gratitude.

I N D E X C O M P L É M E N T A I R E (2) ARATA (G.). — L'Architettura arabo-normanna e il Rinasciamento in Sicilia. Milan, 1 9 1 3 . BRUTAILS (J. Α.). — La Loge de Mer et l'Architecture civile à Perpignan, ds. Album de l'Art ancien et des Monuments du Midi de la France. Toulouse, 1 8 9 7 . CAPODILISTA (Gabriele). — Descrizione del Viaggio di Terra Santa ( 1 4 5 8 ) . Bib. Nat., Ms. ital. n° 8 9 6 . CLAVIJO (R. G. de). — Narrative of the Embassy of Ruy Gonzalez de Clavijo ( 1 4 0 3 - 1 4 0 6 ) . (Pub. par C. R. Markham, ds. Hakluyt Society. Londres, 1 8 5 9 . ) COYECQUE (E.). — L'Hôtel-Dieu de Paris au Moyen Age. Paris, 1 8 8 9 - 1 8 9 1 . FONTANUS (J.). — De bello Rhodio libri très. (Nous citons, dans ce volume, l'édition de Rome, 1 5 2 4 . ) FURSE (H.). — Mémoires numismatiques de l'Ordre souverain de Saint-Jean de Jérusalem. Rome, 1889. GEROLA (G.). — Il Castello di S. Pietro in Anatolia ed i suoi stemmi dei Cavalieri di Rodi, ds. Rivista del Collegio Araldico. Rome, Janvier 1 9 1 5 et suiv. G I L ( I . ) . — Impresiones de Viaje, ds. Arte Español, Novembre 1 9 1 4 . JOUBIN (Α.). — Musée impérial ottoman. Catalogue des sculptures grecques, romaines, byzantines et franques. Constantinople, 1 8 9 3 . LAMPEREZ (V.) Y ROMEA. — Los Palacios de los Reyes de España en la Edad Media, ds. Arte Español, Novembre 1 9 1 4 et Février 1 9 1 5 . L E GRAND (L.). — Statuts d'Hôtels-Dieu et de Léproseries. Recueil de textes du XII au X I V siècle. Paris, 1 9 0 1 . La Prière des malades dans les Hôpitaux de Saint-Jean de Jérusalem, ds. Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, T. LVII. Paris, 1 8 9 6 . MAIURI (Α.). — I Lavori della Missione archeologica a Rodi; ds. Atene e Roma, nouv. série, II Année, n 4 - 6 . Florence, 1 9 2 1 . — Rodi. (N° 21 de la Collection : Il Piccolo Cicerone moderno.) Rome, 1 9 2 2 . MILLET (G.). — L'Ecole grecque dans l'Architecture byzantine. Paris, 1 9 1 6 . (Bibliothèque de l'Ecole des Hautes-Etudes, Sciences religieuses, 2 6 volume.) MIRET ( J . ) Y SANS. — Les Cases de Templers y Hospitalers en Catalunya. Barcelone, 1 9 1 0 . — V. PUIG Y CADAFALCH. MORANVILLÉ (H.). — Un Pèlerinage en Terre Sainte et au Sinaï au X V siècle, ds. Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, T. L X V I . Paris, 1 9 0 6 . PUIG Y CADAFALCH Y J. MIRET Y SANS. — El Palau de la Diputació general de Catalunya, ds. Institut d'Estudis Catalans, Anuari 1 9 0 9 - 1 9 1 0 . REINACH (S.). — Catalogue du Musée d'Antiquités de Constantinople. Constantinople, 1 8 8 2 . SALVATOR (Archiduc Ludwig). — Die Balearen. Wurzburg et Leipzig, 1 8 9 7 . Statuta Domus Hospitalis Hierusalem. Rome, 1 5 8 8 . e

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(1) Le texte latin fut imprimé à Ulm, en 1496, sous le titre · « Stabilimenta militum Hierosolymitanum a Guilelmo Caorsino composita ». Il ne renferme aucun détail important qui ne figure dans l'édition française. (2) Nous avons jugé inutile d'énumérer dans notre index les ouvrages bien connus de Strzygowski, Rott, Miss Bell, etc., relatifs aux origines et à l'évolution de l'architecture byzantine en Asie Mineure, et que nous aurons l'occasion de citer dans la II partie de ce volume (Architecture religieuse). e

PREMIÈRE

PARTIE

ARCHITECTURE CIVILE

CHAPITRE

NOMENCLATURE

I

DES

ÉDIFICES

La Cité de Rhodes, comme nous l'avons précédemment exposé, comprenait deux parties distinctes : le Château et la Ville, protégées toutes deux par l'enceinte fortifiée et séparées lune de l'autre par une muraille intérieure. Le Château, réservé aux Hospitaliers, renfermait le Palais du Grand-Maître, l'Hôpital, les Auberges, les demeures des dignitaires de l'Ordre et des Chevaliers. Dans la Ville, habitaient les Grecs et les Latins, dont les maisons et les boutiques s'entremêlaient, desservies par un réseau de rues étroites. Les Juifs étaient groupés en un quartier spécial, à l'est de la Cité. Sur la Place s'élevaient les édifices publics, Châtellenie, Bailliage du Commerce, etc. Avant d'entreprendre l'étude des différents monuments répartis dans le Château et la Ville, il nous semble désirable de dresser la liste des constructions qui nous sont parvenues, qu'il s'agisse d'édifices complets ou d'éléments significatifs ayant appartenu à des bâtiments aujourd'hui transformés ou ruinés. Le plan ci-contre (Fig. 1) et la légende qui l'accompagne montreront l'importance de ces restes du moyen âge et justifieront ce que nous avons dit de l'aspect général qu'a conservé la Cité. D'autre part, des transformations profondes s'accomplissent chaque jour parmi les anciennes demeures et le défaut d'entretien ne laisse pas d'entraîner des disparitions totales. Quelque zèle que déploie le Service des Antiquités, il lui sera difficile d'assurer la conservation de tous les fragments d'architecture répartis à travers la ville. Aussi, croyons-nous utile de fixer avec précision l'état actuel de ce patrimoine archéologique.

LEGENDE DU PLAN (Fig. 1) NOTA. — Sur ce plan, nous avons figuré en noir tous les éléments de l'architecture civile qui présentent quelque importance. Les numéros ont été réservés aux édifices complets et aux vestiges qui, offrant un intérêt spécial, seront cités dans le cours de ce volume. Les parties non numérotées correspondent à des pans de murs anciens, conservant pour la plupart des éléments architectoniques de type courant : portes du rez-de-chaussée, baies rectangulaires du premier étage, corniches moulurées, etc., où se répètent des formules identiques. Les hachures désignent les monuments de l'architecture religieuse, églises ou mosquées, e

qui feront l'objet d'une étude particulière. (V. inf., I I Partie, Architecture religieuse.) 2

LA CITÉ DE RHODES

2

Dans la nomenclature ci-contre, les numéros précédés d'un astérisque se rapportent à des édifices armoriés; les numéros entre crochets renvoient aux pages où seront étudiés les édifices ou certains de leurs éléments. I. — ÉDIFICES DU CHATEAU

*1. — Palais du Grand-Maître [5]. 2. — Mur sur rue et porte d'entrée. *3, 3. — Hôpital [13].

*14. — Auberge d'Angleterre (reconstruite en 1919) [68]. *15. — Façade aux armes de C. Operti; intérieur ruiné [63].

4. — Palais non identifié [73]. *5. — Auberge de France [39].

*16. — Eléments de façade.

*6. — Maison complète, probablement rat-

*17. — Maison des Chapelains de France

tachée à l'Auberge de France [47] *7. — Maison non identifiée [79]. *8. — Maison dite « Auberge d'Italie » [81] 9. — Maison non identifiée [86]. 10. — Maison non identifiée [86], 10 bis. — Maison reconstruite en 1916 sur des fondations anciennes. 11. — Auberge d'Auvergne [63]. 12. — Hôpital primitif ( ? ) [73].

( ? ) [88]. *18. — Maison dite « Auberge de Provence » [61]. *19, — Auberge d'Espagne [55]. *20. — Quatre petites maisons contiguës [90]. *21. — Mur extérieur et porte d'entrée [61]. 22. — Maison ; restes du rez-de-chaussée, escalier.

13. — Maison de G. de Melay [88].

*23. — Maison de Hieronimo de Trocho : éléments de la façade [91].

II. — EDIFICES DE LA VILLE

24. — Groupe de magasins voûtés [106]. *25. — Groupe de magasins voûtés [106]. *26. — Mosquée

du

Bezesten

(Bailliage

du Commerce?) [93]. 27. — Maison ; restes du rez-de-chaussée, du premier étage et de la façade [135-142]. 28. — Maison ; restes du rez-de-chaussée et de la façade. 29. — Maison complète (transformée en 1918) [109]. 30. — Maison ; restes du rez-de-chaussée et de la façade. *31. — Maison du Métropolite ( ? ) [110]. 32. — Maisons; restes du rez-de-chaussée, escaliers extérieurs.

\

33. — Maison complète : façade transformée [114]. *34. — Maison ; éléments du rez-de-chaussée et de la façade. 35. — Maison ; éléments du rez-de-chaussée, escalier intérieur. 36. — Eléments de façade. 37. — Maison ; éléments du rez-de-chaussée, escalier intérieur. 38. — Maison ; éléments du rez-de-chaussée, façade et escalier extérieur [105]. *39. — Hospice de Sainte-Catherine [102]. 40. — Maison ; rez-de-chaussée et escalier intérieur.

FIG. 1. — PLAN DE SITUATION DUS MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE CIVILE.

LA CITÉ DE RHODES

4

*4I. — Edifice non identifié : parties du rez-de-chaussée [107]. 42. — Edifice non identifié [116]. 43. — Maison ; rez-de-chaussée et façade

56. — Porte d'entrée [134]. 57. — Porte d'entrée. 58. — Porte d'entrée [95]. *59. — Porte d'entrée [134].

(contiguë à Yeni Tcheri Djamii)

60. — Moulin à vent.

[116].

61. — Restes de façade.

44. — Maison complète, transformée en partie au premier étage [117]. 45. — Maison ; cour intérieure et escalier. 46. — Maison ; surélevée à l'époque moderne, transformée en 1921. 47. — Maison; rez-de-chaussée, cour inté-

63. — Maison complète : premier étage en partie transformé [121]. 64. — Restes de façade [137]. *65. — Restes du premier étage [123]. 66. — Maison complète [123]. 67. — Emplacement de la Châtellenie ( ? )

rieure et escalier. 48. — Restes de façade [136]. 49. — Restes de façade.

[102]. 68. — Maison complète : premier étage

50. — Maison complète [120]. 51. — Maison complète,

62. — Moulin à vent.

premier étage

transformé.

transformé [124]. 69. — Maison complète [125]. 70. — Restes de façade.

52. — Restes de façade.

71. — Maison complète [126].

53. — Maisons ; parties du rez-de-chaussée

72. — Restes du rez-de-chaussée et de la

et de l'étage. Escaliers, restes de façade, etc. 54. — Maison; restes de façade [137]. 55. — Maison ; façade conservée. Intérieur transformé.

façade. 73. — Porte d'entrée [134], 74. — Restes du rez-de-chaussée et de la façade. 75. 76, 77. — Moulins à vent [127].

C H A P I T R E

LE

PALAIS

DU

II

GRAND-MAITRE

Au cours de la description des remparts, nous avons indiqué que les murs extérieurs du Palais du Grand-Maître constituaient de puissants éléments de défense, à l'angle nord-ouest du Château (1). Il nous reste à fournir sur l'édifice lui-même quelques détails complémentaires. Son état actuel n'en permet point une restitution complète. L'étage supérieur a totalement disparu et les parties basses ont elles-mêmes subi de nombreuses transformations. Il n'est pas nécessaire, d'ailleurs, pour expliquer cette destruction partielle, de supposer que le Palais ait particulièrement souffert pendant le siège de 1522 (2). Il semble bien que les tremblements de terre du siècle dernier et l'explosion de l'église Saint-Jean, survenue en 1856, soient les causes principales de sa ruine (3). e

e

Durant le XVI et le XVII siècle, il servait à loger des prisonniers de marque (4); en 1826, lors du passage de Rottiers, le topdji bachi de Rhodes y avait établi sa résidence (5). Peu après, les bâtiments furent transformés en bagne et ils ont, jusqu'à nos jours, conservé cette destination (6). I. — LES

MAGASINS

Le Palais couvre un rectangle de 75 mètres sur 80, dont les axes sont orientés suivant les directions nord-sud et est-ouest (Fig. 2). On y pénètre par un portail en arc brisé a, s'ouvrant (1) V. Tome I. Architecture militaire, p. 8 et 76-77. (2) C'est ce qu'affirme Rottiers (Monuments de Rhodes, p. 151); mais aucun des témoins du siège ne signale que le Palais ait subi de sérieux dommages; il était d'ailleurs difficilement vulnérable. (3) Biliotti, rhodien, spécifie notamment que l'explosion de l'église Saint-Jean fit crouler le premier étage. (Biliotti et Cottret, L'Ile de Rhodes, p. 509, 510.) Déjà, en 1851, un tremblement de terre avait renversé « plusieurs pans considérables de murs ». (Guérin, L'Ile de Rhodes, p. lj$l.) (4) En 1579, date du passage de J. Carlier à Rhodes, le Palais, qu'il appelle le « logis auquel se tenoit le commandeur », « est guardé par quelques soldats turcs, car il abrite cinq rois prisonniers et leurs femmes et enfants ». (Carlier. Voyage dans le Levant, Bib. Nat., Ms. fr., 6092, f° 48.) — En 1631, Stochove visite « le Palais du Grand Maistre, qui « sert de Donjon à la Ville haute... : c'est un édifice fort spacieux, et très bien basty en pierre de taille; il paroist « encore au dehors en son entier, mais au dedans on reconnoist qu'il est grandement ruiné, estant comme il a esté dit « cy-dessus, l'ordinaire des Turcs de tout laisser en décadence, et quoy que le bastiment en soit beau et grand, il ne « sert que pour y loger des prisonniers de remarque ». Le voyageur ne put d'ailleurs pénétrer dans le Palais qui servait de prison à un prince tartare. (Stochove, Voyage d'Italie et du Levant, p. 219 et suiv.) (5) Rottiers, Op. cit., p. 149. (6) Biliotti et Cottret, Op. cit., p. 509.

6

LA CITÉ DE RHODES

entre deux tours demi-circulaires (PL. I, 1) (1). Il est fort probable qu'un porche voûté, des corps de garde et des communs occupaient, au moyen âge, l'emplacement des constructions modernes qui précèdent la cour centrale b (2). Cette cour, de vastes dimensions (40 mètres

FIG. 2. — PLAN D'ENSEMBLE DU PALAIS DU GRAND-MAÎTRE.

sur 50 environ), groupe autour d'elle quatre corps de bâtiments; ils sont maintenant arasés à la hauteur d'un bandeau qui correspondait au niveau du premier étage (Fig. 3). (1) Cf. inf. fig. 6 (d'ap. Flandin) et Rottiers, Atlas, PL. X X X V I I I (à l'arrière-plan) et PL. L X X I I I , 16. (2) « Passant sous une voûte massive, on arrive dans une vaste cour ». (Biliotti et Cottret, Op. cit., p. 510.)

7

LE PALAIS DU GRAND-MAITRE

L'aile nord renferme huit magasins, c, c,..., voûtés en berceau brisé. Dans l'aile orientale, moins profonde, étaient ménagés des magasins semblables, d, d,... A l'ouest, on observe en e deux étages de magasins voûtés. Pour le reste, il est impossible de distinguer, parmi les remaniements et les adjonctions turques, quelles étaient les dispositions du plan primitif (1).

FIG. 3. — COUR INTÉRIEURE DU PALAIS. — Etat actuel.

Ce qui ne laissera pas de retenir l'attention, c'est le développement des magasins destinés à recevoir des provisions de toute nature. Dans le sol de la cour elle-même, s'ouvraient dix silos, de plan circulaire, où l'on pouvait accumuler d'énormes quantités de céréales (2). Vers 1829, on distinguait en outre trois étages de souterrains dont le dernier correspondait au fond des fossés; mais l'accès en était obstrué par des décombres et ils étaient déjà inaccessibles. Actuellement, on ne peut se rendre compte de quelle manière ils étaient distribués (3). Au moyen âge, l'importance de ces magasins et le soin avec lequel ils étaient surveillés n'avaient point échappé à certains Musulmans, prisonniers des Chevaliers. Ce sont eux qui, e r

libérés par la victoire ottomane, fournirent à Ramadan, médecin de Suleiman I , les détails qu'il nous a transmis et qui n'ont avec la réalité qu'un très lointain rapport (4).

II. — LE PREMIER É T A G E L'édifice est aujourd'hui couvert par une vaste terrasse reposant sur les voûtes des magasins ou sur les amoncellements de décombres provenant des parties ruinées. C'est au niveau de cette terrasse que se répartissaient les différentes salles du premier étage. (1) Aussi le plan de la fig. 2 ne doit-il être considéré que comme un schéma approximatif où nous avons cherché à concilier nos propres observations avec les données des différents auteurs. (2) Il existe encore, vers le sommet de la rue principale du Bazar, deux silos semblables qui s'ouvrent au milieu de la chaussée. Ces différents magasins et dépôts dépendaient sans doute du service général des approvisionnements de la Place. (3) Biliotti et Cottret, Op. cit., p. 509-510. (4) « . . . Le magasin dans lequel on garde les trésors est bâti sous le Palais du grand-maître. On lui a donné assez « d'étendue pour y retirer toutes les richesses des Infidèles avec leurs femmes et leurs enfants. On pourrait le com« parer à une seconde forteresse sous terre, remplie de maisons, d'habitants et de toutes sortes d'objets précieux. « Ces magasins étaient ornés de peintures et recevaient l'air par des soupiraux qui étaient en dehors de la forteresse « et fort loin ». (Ramadan, Epître triomphale sur la Conquête de Rhodes, pub. p. Tercier ds. Mémoires de l'Acad. des Inscr., T. X X V I , 1759, p. 739.)

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LA CITÉ DE RHODES

Il n'en reste plus que des vestiges insignifiants, mais Rottiers, en 1826, en vit encore une partie debout. Il y accéda par un large escalier, parcourut la grande salle d'audience, où subsistaient des colonnes gothiques, la chapelle, la galerie d'où les grands-maîtres assistaient aux offices, puis descendit, par un autre escalier, dans une galerie profonde (1). Selon d'autres récits, l'escalier principal était situé à droite de l'entrée; la Salle du Conseil était divisée en trois nefs par une double rangée de colonnes et précédait les appartements du grand-maître (2). Il semble bien que cet étage ait été voûté, au moins en partie (3).

FIG. 4. —- FAÇADE OCCIDENTALE DU PALAIS

(D'après Rottiers, op. cit., Pl.. XIII).

Toutes ces indications sont d'ailleurs trop sommaires et trop imprécises pour servir de base à un schéma de restauration, aussi simplifié qu'il puisse être. Tout au plus, peut-on admettre que dans l'aile orientale était située la Salle du Conseil, vaisseau de vastes dimensions, capable de contenir une foule nombreuse. C'est là que le corps du grand-maître d'Aubusson fut exposé à la vénération du public (4); en 1522, Villiers de l'Isle-Adam y harangua la foule (5). Quant à la Chapelle, dédiée à Sainte-Catherine et à Sainte-Marie-Madeleine (6), elle était célèbre par les reliques fameuses qu'elle renfermait : le bras et la main gauche de Sainte-Catherine et une épine de la couronne de Jésus qui fleurissait le vendredi saint (7). (1) Rottiers, Op. cit., p. 150-151, et Atlas, PL. XVIII. Cf. également les gravures de Berg, plus pittoresques que documentaires. (Berg, Die Insel Rhodus, I. Pl. 29-30.) (2) Biliotti et Cottret, Op. cit., p. 510. — Guérin, L' Ile de Rhodes, p. 151. (3) Rottiers, Op. cit., p. 150.— Guérin, Op. et loc. cit. D'ailleurs on peut encore observer, sur la paroi interne du mur nord, des amorces de voûtes. (4) Bosio, Istoria, II, 567. (5) « ...Adunato essendosi il Popolo... nella gran Sala del Palagio Magistrale. » (Bosio, Istoria, II, 648.) Nous pensons que cette grande salle n'était point différente de la Salle du Conseil à laquelle fait allusion le passage précédemment cité. On observe toutefois que Carlier, recueillant sans doute à Rhodes, en 1579, une tradition locale, situe la Salle du Conseil hors du Palais. (Ms. Carlier, Voyage dans le Levant, f° 48.) (6) Elle était certainement située au premier étage : « Magister aedes introivit, gradusque conscendens, oratorium Sanctae Katherinae dicatum adiit ». (Caoursin, De translatione.) Bosio la dit consacrée à Sainte-Marie-Madeleine (Istoria, II, 363 et 485) et aussi à Sainte-Catherine (II, 385). Elle renfermait, en tout cas, des tapisseries représentant la vie des deux saintes (Istoria, III, 811) et pouvait être désignée sous un double vocable. (7) « ...Et dicelle (couronne de J.-C.) tenons une espine qui poindy le précieux chief de crist dont sa face de son « précieux sang fut perfuse, laquelle espine est recluse es arches et secretz lieux de l'oratoire magistral en Rodes... » (Caoursin, Etablissements des Chevaliers hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Paris, 1493, f° e vij, verso. — Cf. Bib. Nat., Ms. fr. 17255, f° cxj, v.) Sur les reliques renfermées dans la chapelle, cf. : Roberto da Sanseverino, Viaggio in Terra Santa, p. 60; Santo Brasca, Viaggio ai Luoghi Santi, f° f iiij, verso; Breydenbach, Sanctorum Peregrinationum... f° 29; G. Capodilista, Descrizione del Viaggio di Terra Santa (Bib. Nat., Ms. ital. 896, f° 22 v . ) ; H. Moranville, Un Pèlerinage en Terre Sainte et au Sinaï au XI siècle, ds. Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, T. X L V I , 1905, p. 103. e

LE PALAIS DU GRAND-MAITRE

9

III. — ASPECT E X T É R I E U R Les documents graphiques nous renseignent exclusivement sur l'aspect extérieur du m o nument. C'est ainsi qu'on trouve dans Rottiers (Fig. 4) et dans Flandin (Fig. 5) des vues de la façade occidentale, exécutées alors que l'étage supérieur était en partie conservé. Sur ces

FIG. 5. — FAÇADE OCCIDENTALE DU PALAIS

(D'après Flandin, L'Orient, II, P L . 21).

dessins, on distingue, entre autres, la puissante tour carrée f (Fig. 2) qui flanquait cette face du Palais et dont les substructions sont encore aujourd'hui apparentes. A l'angle sud-est subsiste le soubassement en talus d'une tour demi-circulaire g (Cf. Fig. 6).

FIG. 6.

FAÇADE MÉRIDIONALE DU PALAIS

(D'après Flandin, L'Orient, II, P L . 22).

3

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LA CITÉ DE RHODES

II semble résulter de l'état actuel que deux autres tours se dressaient au nord (1). L'une, h, à l'angle nord-est, commandait la fausse braie du rempart; elle est presque entièrement détruite. L'autre, i, ne constituait qu'un faible flanquement barlong ; elle a conservé les premières marches du bel escalier à vis qu'elle renfermait. Les miniatures du code Caoursin fournissent quelques autres détails (Fig. 7); dans l'angle sud-ouest de la cour est figurée une tour carrée j (Fig. 2) et, près de là, un puits ( ? ) avec une couverture conique (2). On peut observer, en outre, de quelle manière se raccordait au Palais le massif ^ avec son boulevard l qui, comme nous l'avons montré précédemment, doit s'identifier au Boulevard du Palais (3). Un fossé m, que franchissait un pont-levis n, longeait le Palais sur sa face nord et le séparait du massif. Ce fossé a été comblé, sans doute à 1 époque moderne, mais, pour le reste, cette région garde le dispositif que reproduisent les miniatures. Du massif k,, par la porte o, la poterne p et le pont q, on gagnait la Porte d'Amboise. En suivant la rampe qui longeait la face ouest du Palais, on franchissait le passage voûté r, ménagé à la base de la tour f, et on arrivait à la FIG. 7. — LE PALAIS EN 1 4 8 0

(D'après le Ms. fr. 6067, Bib. Nat.).

porte s, qui défendait l'accès au chemin de ronde de l'enceinte (4).

Vu de la mer, le Palais offrait l'aspect d'une masse puissante dominant la Cité et les ports. Tout y était conçu de manière qu'il pût devenir, le cas échéant, le réduit de la forteresse. Les magasins ne prenaient jour vers l'extérieur que par de rares ouvertures; les appartements eux-mêmes ne possédaient, tout au moins vers l'ouest, que des fenêtres de petites dimensions, réparties sans nulle recherche de symétrie ou d'ordonnance (5). Çà et là, des marbres armoriés rappelaient les travaux des grands-maîtres passés.

(1) Cette région est occupée par des dépendances de l'hôpital militaire construit par les Turcs dans le jardin du Palais; la présence de ces bâtiments rend plus difficiles encore les recherches sur ce point. (2) Notre croquis (fig. 7) a été dessiné d'après la miniature du f° 19, verso, du Ms. de la Bib. Nat. (lat. 6067). Mais l'indication est constante, notamment aux f 24 v, 26 et 30 v. Aucune tour n'est figurée sur la face nord du Palais, qui présente simplement une série de décrochements au niveau des terrasses. Toutefois, les tours que nous restituons n'étaient que des flanquements peu saillants, et par conséquent peu apparents à distance : ils pouvaient parfaitement échapper à l'attention du dessinateur. Breydenbach indique une tour à l'angle nord-est. (Cf. notre croquis, Tome I, fig. 2.) os

(3) Cf. Tome I, Ch. II, p. 77. (4) Cette porte s'ouvrait entre les « deux tournelies tenans a lostel de monsegneur le mastre... », citées dans l'ordonnance de répartition des Langues de 1465. (V. Tome I. Pièces justificatives, I, p. 143.) Elle constituait évidemment à cette époque une défense extérieure du Palais, devenue sans grande utilité dans la suite. (5) C'est ce qui résulte notamment du dessin de Flandin (fig. 5) ; il semblerait que sur la face méridionale on ait ménagé des fenêtres plus grandes, analogues à celles des Auberges et des maisons de Rhodes (fig. 6). Si la représentation de Flandin est fidèle, la construction de ces fenêtres, d'après le type adopté, remonterait à la fin du XV siècle. Il est possible d'ailleurs que, sur cette face, l'édifice n'ait pas donné directement sur la voie publique, mais qu'il ait été précédé d'une avant-cour ou bordé par un fossé. e

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LE PALAIS DU GRAND-MAITRE

Les terrasses étaient munies de parapets crénelés. La face nord possède encore des restes de consoles ayant appartenu à une ligne continue de mâchicoulis (1), mais il est probable que e

ces éléments de défense trop fragiles firent place, dès la fin du x v siècle, aux dispositifs plus robustes que réclamait l'artillerie nouvelle. Sur le terre-plein du boulevard était établi un jardin, planté d'arbres de toutes sortes. De ses appartements, le grand-maître y descendait directement, au moyen de l'escalier à vis de la tour i (Fig. 2). C'est sur cette terrasse, rafraîchie par la brise du nord, que, durant les splendides journées du long été de Rhodes, les familiers du Palais pouvaient goûter tout le charme de leur résidence; à leurs pieds s'étendaient la ville, les ports, la pointe de l'île couverte de vergers et de jardins; et sur la mer éclatante apparaissaient les silhouettes caractéristiques de Symi, Piscopi, Nyssiros, les plus proches des possessions de l'Hôpital.

IV. — T E C H N I Q U E ET D É C O R A T I O N m

Les murs de l'édifice sont appareillés en assises de 0 4 0 de hauteur en moyenne. Au nord et à l'ouest, leur parement extérieur présente une série de retraites de 5 centimètres environ, destinées à augmenter la stabilité de la construction. A l'est et au sud règne un soubassement en talus, couronné d'un bandeau mouluré. Les profils des corniches et des e

encadrements reproduisent les types ordinaires, en usage à Rhodes durant le x v siècle. Nous en sommes réduits à imaginer ce que pouvait être la décoration intérieure. II n'est pas douteux que certaines salles, destinées aux audiences publiques, n'aient revêtu un caractère somptueux; Rottiers a vu des restes de fresques représentant des combats et, dans la chapelle, des fragments de vitraux aux armes du grand-maître Zacosta (2). Au temps des Hospitaliers, des tapisseries, où étaient retracés les événements mémorables de l'histoire de l'Ordre, ornaient les murailles (3) et la grande salle possédait une cheminée monumentale, au manteau sculpté (4).

V. — LA D A T E Le Palais fut l'œuvre exclusive des Hospitaliers; la technique de la construction, l'appareil, le profil des bandeaux et des corniches, la forme des arcs et des voûtes suffisent à le prouver. Il est vraisemblable, toutefois, que les premiers grands-maîtres utilisèrent des substructions anciennes. La plate-forme qu'occupe le Palais, et d'où l'on domine la ville et les ports, (1) Nous avions cru tout d'abord que ces consoles avaient supporté un linçoir et qu'une sorte de loggia s'appuyait sur la face nord du Palais. (V. Tome I, fig. 7.) Cette supposition n'était pas fondée; la suppression de la loggia ne modifie point, d'ailleurs, le reste de notre restitution. (2) Rottiers, Op. cit., p. 151. (3) Bosio, Istoria, II, 25. Selon Rottiers (Op. cit., p. 61), les tapisseries, qui représentaient la prise de Rhodes par Foulques de Villaret, auraient été exécutées, sur l'ordre de d'Aubusson, d'après des cartons de Quentin Metsys. On n'a nulle preuve de ce détail, mais on sait que d'Aubusson avait chargé Fr. A. de Actis de faire exécuter en Flandre certaines tapisseries qui, au début du XVII siècle, ornaient le Palais et l'Eglise de Malte. Elles représentaient divers épisodes du siège de 1480. (Bosio, Istoria, II, 513 et 566) e

(4) Cette cheminée fut enlevée, paraît-il, par un consul anglais de Beyrouth, en 1854. (De Belabre, Rhodes of the Knights, p. 103.)

12

LA CITÉ DE RHODES

dut être, de tout temps, l'emplacement d'un ouvrage important de défense, et l'on peut admettre que les gouverneurs byzantins y bâtirent leur demeure sur les bases d'une citadelle hellénique; peut-être les vastes silos à grain de la cour intérieure furent-ils déjà utilisés, dès l'antiquité, dans un but analogue. L'édifice fut commencé, sans doute, dès les premières années de la domination de l'Hôpital. Au-dessus de la porte d'entrée, on voyait encore, au début du siècle dernier, deux écus armoriés, celui de la papauté et celui du grand-maître Hélion de Villeneuve (1), ce qui date e

cette aile méridionale de 1319-1346. En tout cas, dès la fin du X I V siècle, le Palais constituait déjà un vaste ensemble de constructions (2). e

Durant le X V siècle, il ne subit probablement que des modifications de détail, tout au moins jusqu'en 1481, date à laquelle un tremblement de terre d'une extrême violence y causa de graves dommages : « dirupta, fracta, lapsa, vel ruinam minantia, palacia vero magistratus » (3); et d'Aubusson dut y exécuter d'importants travaux de restauration. On retrouve son écu sur la tour du nord, en t (Fig. 2), sur la façade de l'ouest, en u, et dans la cour, en v. Mais il semble bien que ce grand-maître se soit borné à réédifier les parties détruites sans apporter de profondes transformations au plan général de 1 édifice (4). Nous avons des preuves, il est vrai, que durant son long magistère il s employa à orner et embellir l'œuvre de ses prédécesseurs; il n'en demeure pas moins que le Palais, tel que nous avons cru pouvoir e

le restituer, doit être considéré comme un monument conçu au XIV siècle, et construit en majeure partie à cette époque. (1) Rottiers, Op. cit., p. 186; Atlas, PL. L X X I I I , 16. (2) N. de Martoni n'est pas très explicite à cet égard : « In dicto Castro est quoddam magnum hospitium cum « multis et magnis salis et cameris in quibus manent frerii inter quas sunt sale et camere pulchris et varus laboribus « in quibus manet magnus Magister ordinis quando est in civitate Rodi ». (Pèlerinage à Jérusalem de N. de Martoni, ds. Revue de l'Orient latin, III, p. 584.) On pourrait croire qu'en 1394 le Grand-Maître et les Chevaliers habitaient un même édifice. C'est ce qui semble résulter également de la relation de Ruy Gonzalez de Clavijo (1403); mais l'édifice y est bien désigné sous le nom de Palais du Grand-Maître. (Clement R. Markham, Narrative of the Embassy of Ruy Gonzalez de Clavijo, ds. Hakluyt Society, Londres 1859, p. 18.) Nous pensons que le texte de Buondelmonti répond plus exactement à la réalité et que le Palais doit être identifié à la première partie de la Cité (primaque superior pars) réservée à l'usage exclusif du grand-maître. (Cf. Buondelmonti, Liber Insularum Archipelagi, Ed. de Sinner, p. 73; Ms. Milan, A. 219, f° 19; Ms. Ravenne, ds. Gerola, Le Tredici Sporadi nel Codice classense, p. 14; Ms. du Sérail, Ed. Legrand, p. 27. Sur les différentes leçons, cf. Tome I, Topographie, p. 7.) On admettrait difficilement, d'ailleurs, que les deux cents chevaliers que contenait le Château, en 1395, aient pu cohabiter avec le grand-maître en un même édifice. (Cf. Le Saint Voyage de Jherusalem du Seigneur d'Anglure, p. 9.) (3) Caoursin, De terrae motus labe, f° b vij, v. (Opera, Ulm, 1496.) (4) La présence des voûtes, au premier étage, semble exclure une reconstruction totale. Nous verrons en effet que les édifices du xv siècle sont toujours plafonnés à l'étage supérieur. D'autre part, la chapelle du Palais possédait encore, en 1826, des vitraux aux armes de Zacosta (Rottiers, Op. cit., p. 151), ce qui prouve que certaines parties de l'étage avaient résisté aux tremblements de terre. e

CHAPITRE

111

L'HOPITAL

Exclusivement hospitalier à l'origine, l'Ordre de Saint-Jean ne devait pas tarder à devenir militaire, sans cesser toutefois de considérer comme la première de ses obligations la pratique de l'Hospitalité à laquelle il devait sa naissance et son nom (1). Le plus ancien des hôpitaux de l'Ordre, celui de Jérusalem, était un édifice de vastes dimensions, « hedificium magnum et mirabile, ita quod impossibile videretur nisi quis videret » (2). Plus tard, à Acre, et même, après la perte de la Terre Sainte, à Limassol de Chypre (3), se perpétuaient les « bones coustumes de la maison », en des bâtiments spécialement destinés à cet usage (4). On conçoit donc que, dès les premières années de l'occupation de Rhodes, les Chevaliers aient dû pourvoir à l'aménagement de l'Hôpital dans lequel la Règle leur imposait le devoir de soigner les malades et de loger les pèlerins. Dès 1311, on trouve mention de cet établissement : une décision du 22 Avril permet aux frères qui auront quitté volontairement l'habit de venir « seurement » à Rhodes, « al hospital des segnour malades » (5). Toutefois ce n'était là, sans doute, qu'une installation provisoire et insuffisante, car au chapitre du 4 Novembre 1314, on jugeait nécessaire de fonder un hôpital et de le doter : « Item establi est que 1 hospital « soit fait a Rodes a l'honour de dieu et de nostre daime et de saint johan baptiste et que il « soit dotes de xxx m bezans en lisle de rodes et que toutes les questes ou laises qui se font « ou feront pour universe monde que les doient venir au desusdit hospital a Rodes » (6). Le même chapitre désignait en outre les terres de l'île qui devaient fournir ce revenu de trente mille besants (7). (1) Cf. Delaville Le Roux, Les Hospitaliers en Terre Sainte et à Chypre, p. 11 et suiv., p. 45 et suiv. (2) Pèlerinage à Jérusalem de N. de Martoni ds. Revue de l'Orient latin, III, p. 48. — Sur l'hôpital de Jérusalem cf. C. Schick, The Muristan, or the Site of the hospital of S. John, at Jerusalem, ds. Palestina Exploration Fund, quarterly statement, 1902, p. 42-56. (3) Au chapitre de Limassol (22 octobre 1301), il est fait allusion aux « Seigneurs malades qui morront au palais de l'enfermerie ». (Bib. nat., Ms. fr. 17255, f° xxiij, § xxx.) Cf. également le chapitre tenu dans la même ville le 23 novembre 1304, ibid., f° xxv, v., § lxiij. (4) Sur les premiers statuts de l'Hôpital, cf. Delaville Le Roulx, Cartulaire général de l'Ordre des Hospitaliers t. I, p. 62-68 et 425-429. (5) Bib. nat, Ms. fr. 1978, f° 113, v. (6) Ibid., f° 119; V. Pièces justificatives, I. (7) Ibid., f° 120, v.; V. Pièces justificatives, I.

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LA CITÉ DE

RHODES

Dans quelles conditions l'édifice fut-il construit? A quelle date fut-il achevé? Nous manquons d'informations précises sur ce point, mais il semble résulter des décisions de l'Assemblée tenue à Avignon, sous Roger de Pins, que l'hôpital n'était pas encore entièrement terminé à cette époque (1). En 1394, Nicolô Martoni le visite dès son premier séjour à Rhodes : « Et est hospitale « lectorum magnum pro peregnnis et infirmis in quo fit magna helemosina, cum medicis sem« per paratis et ahis rebus pro infirmis necessariis » (2). L'année suivante (Septembre 1395), le seigneur d'Anglure signale, dans « le Chastel », « l'Ospital de saint Jehan que l'en appelle « l'Enfermerie, ouquel povres et riches sont noblement gouvernés quant ilz sont malades » (3); et Ruy Gonzalez de Clavijo (1403) n'omet point de noter, parmi les principaux monuments, « le grand hôpital pour les malades » (4). Cet édifice correspond à celui que Buondelmonti, dans sa description de Rhodes, écrite e

au début du x v siècle, considère comme la troisième des quatre parties qui constituent la Cité : « Tertia demque pars munitionem cum hospitali dicti conventus resedit (sic) ad quod « peregrini et transeuntes per rodum habent refugium » (5). Nous avons montré précédemment qu'on pouvait l'identifier à certains bâtiments voisins de l'Auberge d'Auvergne (6). A l'époque de Fluvian (1421-1437), les constructions ne répondaient plus, sans doute, aux besoms du moment, et le grand-maître, dans son testament, demandait que sa fortune fût employée à bâtir une nouvelle infirmerie (7). Les travaux furent commencés sous le magistère de J. de Lastic en 1440, nous en avons des preuves indiscutables (8), mais ils ne tardèrent pas, comme nous le montrerons plus loin, à être interrompus. Nous rechercherons dans quelles conditions ils furent repris par d'Aubusson et conduits à leur terme en 1489. Il nous faudra tout d'abord décrire en détail l'édifice qui nous est parvenu presque intact et qui correspond précisément à cette nouvelle infirmerie fondée par Fluvian et achevée par d'Aubusson. (1) « Item que l'hospital de Rhodes tant aux peregrins que aux poures malades soit parfait et maintenu comme « il appartient et ainsi qu'il est acoustumé. » (Bib. nat., Ms. fr. 17255, f° xliiij, § xxij. — (Assemblée d'Avignon, sous Roger de Pins; non datée.) Bosio, relatant cette décision, la date de 1356. (Istoria, II, 91.) (2) Pèlerinage à Jérusalem de N. de Martoni, ds. Revue de l'Orient latin, III, p. 584-585. (3) Le Saint voyage de Jherusalem du Seigneur d'Anglure (éd. Bonnardot et Longnon), p. 9. (4) Narrative of the Embassy of Ruy Gonzalez de Clavijo, pub. par C. R. Markham, ds. Hakiuyt Society, Londres 1879, p. 19. (5) Le manuscrit de l'Ambrosiana (Α. 219, Inf. f° 19) porte : munitionem... resedit; celui de Ravenne : monicionem... resedit. (Qerola, Le tredici Sporadi nel Codice Classense, p. 14.) Munitio et monicio peuvent être employés l'un et l'autre pour désigner des approvisionnements, mais resedit est inacceptable. Quelle que soit la correction que l'on adopte, il semble bien que la troisième partie de la Cité renfermait à la fois l'hôpital et les approvisionnements de la place. Munitio doit être pris, sans doute, dans un sens étendu et correspond à la fois au Grenier et aux dépôts de munitions. D'ailleurs, dans le récit de R. Sanseverino (1458), « l'hospitale » et « la munitione de l'instrumenti bellici » sont cités dans un même alinéa. (R. da Sanseverino, Viaggio, p. 60.) Dans le manuscrit de Paris, le passage précédent se réduit à : tertia (parte) hospitale ipsorum visitatur. (Ed. de Sinner, p. 73.) Le texte correspondant du manuscrit du sérail est moins écourté : εν τω τρίτω δε το οσπίτιον αυτών εστίν, εις όπερ και συνεχώς παραγίνονται ». (Ed. Legrand, p. 27.) M. Legrand en donne la traduction suivante : « Le troisième (quartier est occupé) par l'hôpital des Chevaliers, édifice où ceux-ci ont l'habitude de se réunir ». (Ibid., p. 183.) Cette réunion des Chevaliers dans l'hôpital ne répond ni aux coutumes de l'Ordre, ni aux textes précédents. Nous pensons qu'il faut entendre : εις όπερ (άνθρωποι) και συνεχώς παραγίνονται = dans lequel il arrive continuellement des gens. (6) Cf. Tome I, Topographie, p. 9-10. Sur ces bâtiments eux-mêmes, V. inf., p. 73 et PL. X X I I , 1. (7) Bosio, Istoria, II, 209. (8) Cf. inf. l'inscription de la façade orientale (fig. 16) qui corrige la date de 1439 donnée par Bosio. (Istoria, II, 213.)

15

L'HÔPITAL e

e

Les relations des pèlerins et des voyageurs de la fin du XV et du début du XVI siècle font pour la plupart mention de cet Hôpital (1); et même après le départ de l'Ordre, on gardait à Rhodes le souvenir de l'ancienne destination du monument (2). Sous la domination turque, ses vastes magasins ne cessèrent jamais d'être utilisés comme dépôts. En 1826, le premier étage servait d'asile à des invalides de la campagne de Morée (3); dans la suite, il fut transformé en caserne (4), et il était encore en assez bon état lors de l'occupation de l'île par l'Italie, en 1912. La restauration italienne a rendu à l'édifice son véritable aspect; elle a non seulement fait disparaître les constructions parasites de l'époque ottomane, et débarrassé les murailles de leurs épais enduits de chaux, mais en outre, elle a mis au jour une partie du monument qui était enfouie sous les décombres et dont on ne soupçonnait pas l'existence (5). Nos plans, façade et coupe reproduisent cet état actuel de l'Hôpital (PL. II, III, IV, V ) . Seule, une aile secondaire du premier étage, au sud-ouest, est aujourd'hui détruite; les autres bâtiments ont conservé jusque dans leurs détails les dispositions du moyen âge. Ils abritent maintenant les collections archéologiques recueillies à Rhodes et dans les autres îles du Dodecanese. I. — DESCRIPTION L'édifice s'élève dans la partie basse du Château, à l'angle de la grand'rue (Rue des Chevaliers) et de la petite place où elle aboutit. Les différents locaux se groupent autour de deux m

m

cours : l'une, de vastes dimensions ( 2 1 5 0 x 2 3 0 0 ) , au nord; l'autre, beaucoup plus réduite m

m

( 8 0 0 x 9 0 0 ) , au sud. Le rez-de-chaussée est constitué, dans toute son étendue, par des magasins voûtés; le premier étage, réservé à l'Hôpital proprement dit, comprend les salles de l'Infirmerie, leurs dépendances et les galeries de circulation.

REZ-DE-CHAUSSÉE (PL. MAGASINS.

II)

— Au nord et à l'est, les magasins du rez-de-chaussée donnent directement

soit sur la rue des Chevaliers, soit sur la petite place qui s'étend devant le monument. De cette place, un portail en arc brisé et un passage à deux travées de voûtes d'ogives conduisent au portique qui entoure la cour et qui dessert, à l'ouest et au sud, des magasins de dimensions variables. (1) V. notamment : Voyage de Georges Lengherand (éd. Meniglaise), p. 102-103; Relation du Voyage de Domenico Trevisan (éd. Schefer), p. 219; Le Voyage et Itinéraire de Frère Jehan Thenaud (éd. Schefer), p. 130; Voyage de Jacques Le Saige (éd. Duthillœul), p. 87. (2) Cf. Carlier, Voyage dans le Levant (1579), f° 48 (Bib. Nat., Ms. fr. 6092); Stochove, Voyage d'Italie et du Levant (1631), p. 219; Pietro della Valle, Viaggi, p. 320; Dapper, Description exacte des Iles de l'Archipel, p. 99. (3) Rottiers, op. cit., p. 257-58. On ne s'explique pas pourquoi Rottiers appelle l'Hôpital : le Couvent des Chevaliers, ni pourquoi il identifie à l'Hôpital une construction voisine (p. 260). (4) L. Ross, Reisen auf den griechischen Inseln, p. 82. (5) Sur la première phase des travaux de restauration, cf. Gerola, Il Restauro dello Spedale dei Cavalieri a Rodi, ds. VArte (Ad. Venturi), Anno X V I I , Fasc. v, vi. Sur l'achèvement de la restauration et l'état actuel du monument, cf. A. Maiuri, L'Ospedale dei Cavalieri a Rodi, ds. Bollettino d'Arte del Minister ο della Pub. Istr., novembre 1921.

16

LA CITÉ DE HODES

Au sud, un étroit couloir mène à la cour secondaire, autour de laquelle sont répartis d'autres magasins. Un escalier de pierre, à ciel ouvert, met en communication le sol de cette cour avec le niveau du premier étage (Fig. 8).

FIG. 8. — COUR DES COMMUNS : état actuel

Tous les magasins sont couverts de berceaux appareillés, légèrement surbaissés. Ceux qui bordent la voie publique possèdent de larges baies d'accès; les autres sont desservis par des m

portes en arc brisé ( 1 2 0 de largeur, en moyenne), et éclairés par des fenêtres rectangulaires. Quelle était la destination de ces magasins? Ceux qui s'ouvrent sur la place étaient loués au profit du Prieur et du Chapelain de l'Infirmerie (1). Ils étaient utilisés sans doute par l'un des services de l'Ordre qui en acquittait le loyer annuel (2). Les voûtes de la grand'rue devaient remplir un rôle analogue. Quant aux magasins intérieurs, il est probable qu'ils étaient rattachés à l'office d'un des baillis conventuels (3). En tout cas, ils étaient destinés à abriter des objets volumineux ou des denrées difficilement périssables et étaient indépendants de l'Infirmerie. PORTIQUE.

— Dans la grande cour, le portique détermine sur chacune des faces cinq travées

(1) V. Pièces justificatives, VI : de l'institution et ordinacion de la nove enfermerie. (2) « Les Chevaliers y avaient établi l'arsenal de l'artillerie légère ; les Turcs n'ont rien changé à leur disposition ni à leur usage. » (Rottiers, op. cit., p. 255.) L'affirmation de Rottiers, touchant l'utilisation des magasins au moyen âge, ne repose sur aucun fait probant; mais il est vrai que, très souvent, les Turcs conservèrent aux monuments leur destination primitive. (3) Sur ces grands officiers et leurs fonctions, cf. Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte, p. 332 et suiv. En 1826, les magasins intérieurs abritaient les « voiles, cordages et autres agrès pour l'équipement des navires de guerre ». (Rottiers, op. cit., p. 315.) C'est là que Ross vit des tronçons de la chaîne de fer qui fermait l'entrée du port. (Ross, Reisen auf den griechischen Inseln, p. 82.) Peut-être ces voûtes étaient-elles, au moyen âge, rattachées à l'office de l'Amiral et à l'Arsenal? Il est possible également qu'elles aient constitué le magasin central de l'Ordre, administré par le petit Commandeur ou Commandeur de la voûte, officier subalterne placé sous les ordres du grand Commandeur. (Cf. Delaville Le Roulx, op. cit., p. 335-336.)

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L'HÔPITAL

qui présentent entre elles des différences notables de largeur. On comprend que la travée du passage, à l'est, soit plus large que les autres; mais, pour le reste, les inégalités observées s'expliqueraient difficilement par des erreurs répétées d'implantation; il est plus probable qu'elles proviennent de l'utilisation de fondations antiques. Lors des derniers travaux de restauration, on a remarqué, à travers les magasins qui bore

dent la cour des communs, les traces d'un mur de construction romaine. Au XV siècle, ce mur composé d'un blocage assez grossier existait encore sur une certaine hauteur. On ne le détruisit que dans la largeur des magasins et on le laissa subsister au droit des murs où son appareil tranche nettement sur les assises réglées du moyen âge. Il est certain que, dans l'antiquité, une construction importante s'élevait en ce lieu et occupait le rectangle a b cd (Fig. 9).

FIG. 9. — COUR DES COMMUNS : plan

Une galerie souterraine longeait le mur suivant g g g, et se poursuivait au delà de l'hôpital sans qu'on puisse déterminer, maintenant où elle aboutissait. On y pouvait descendre par une trémie pratiquée en e. Il est fort probable que la grande cour et ses environs recouvrent également des substruce

tions antiques; dans ce cas, les constructeurs du X V siècle avaient intérêt à utiliser les massifs helléniques ou romains pour assurer aux murs de l'Hôpital une stabilité parfaite, tout en réalisant une économie appréciable de matériaux et de main-d'œuvre. Mais l'emplacement des différentes piles du portique médiéval ne coïncidait pas nécessairement avec les fondations 4

18

LA CITÉ DE RHODES

antérieures; de là les variations observées dans les travées. A l'appui de cette hypothèse, nous ferons remarquer que, dans le vestibule du rez-de-chaussée qui conduit de la place à la cour, on aperçoit, au niveau du sol, trois arcs surbaissés dont le rôle paraît être de reporter sur des fondations antiques solidement établies le poids du mur supérieur (v. la coupe, PL. V ) . A chaque travée du portique correspond une voûte d'ogives (1) ; les croisées et les doubleaux retombent, vers le mur, sur des consoles sculptées, et, vers la cour, sur des colonnes engagées, avec bases et chapiteaux. Les chapiteaux présentent diverses variétés; les uns sont constitués de tores et de gorges superposés, d'autres portent des frises de rinceaux. Parmi les consoles, on observe également plusieurs motifs; nous en donnons ci-contre deux exemples caractéristiques (Fig. 10).

FIG. 10. — CONSOLES DU PORTIQUE DU REZ-DE-CHAUSSÉE

ESCALIER

L'escalier principal de l'édifice est situé dans l'angle nord-ouest. Il mesure cinq mètres de de large et se compose de quatorze degrés, au droit desquels s'ouvre la porte de l'Infirmerie proprement dite; ainsi, de la grand'rue du Château, on accédait directement à la galerie plafonnée qui, au premier étage, desservait les différentes salles de l'Hôpital. La cour des communs, au sud, possédait son escalier propre; nous ne pensons pas qu'il en ait existé d'autre et que l'Infirmerie ait été en communication directe avec la cour centrale. Les inspirateurs de la restauration italienne en ont jugé différemment, et ils ont construit dans l'angle sud-est de la cour un escalier d'une seule volée qui ne se raccorde point avec l'ordonnance générale, mais en rompt l'unité en aveuglant deux travées du portique du rez-

( 1 ) L'appareil de ces voûtes d'ogives présente des particularités que nous exposerons plus loin. (Cf. inf. Ch. VIII, Technique, Voûtes.)

19

L'HÔPITAL

de-chaussée. Les preuves alléguées pour attester son existence au moyen âge (1) nous semblent insuffisantes pour justifier une telle restitution qui constitue, de toute manière, une véritable anomalie. II n'y a pas d'exemple, dans les constructions rhodiennes que nous passerons en revue, d'une dissociation aussi brutale entre des éléments architectoniques juxtaposés. Au reste, le rez-de-chaussée et le premier étage répondaient à des services absolument distincts et un tel escalier n'était nullement indispensable.

FIG. 11. — LA GRANDE SALLE

PREMIER ETAGE ( P L . L A GRANDE SALLE ET SES DÉPENDANCES.

III)

— La grande salle, qui s'étend à l'est, en bordure m

de la place, est un vaste vaisseau rectangulaire de 51 mètres de longueur et 12 25 de largeur. Elle est divisée en deux nefs égales par une rangée de piliers octogonaux dont les chapiteaux portent la croix de l'Ordre alternant avec la croix ancrée de d'Aubusson. Huit arcades, en arc (1) Gerola, Il Restaure dello Spedale, op. cit., p. 16. La découverte de fondations, l'usure de la pierre sous le parapet de la galerie semblent prouver tout simplement que les Turcs avaient construit un escalier symétrique de celui qui, en 1912, s'élevait dans l'angle nord-est de la cour et qui était également leur ouvrage. L'escalier actuel est extrêmement raide. Les marches mesurent 0,19 sur 0,31 et on ne s'explique point pourquoi la dernière marche n'a que 12 centimètres de hauteur. Le dessin de Rottiers (Atlas, PL. X X X I I I ) n'indique aucun escalier, et il paraît bien qu'en 1826, c'est seulement par la rue des Chevaliers qu'on accédait au premier étage. (Rottiers, Monuments de Rhodes, p. 257-260.) Il est vrai que plus loin (p. 315) Rottiers dit s'être rendu de la cour au pourtour (galerie), mais sans indiquer par quel moyen. En tout cas, même s'il était prouvé que l'escalier fût l'œuvre des Chevaliers, il ne pourrait être considéré que comme une adjonction sans rapport avec les dispositions d'ensemble de la cour et de l'édifice lui-même.

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brisé, s'appuient sur ces piliers et supportent le faîte de la toiture, constituée par une terrasse à deux versants (Fig. 11). Sur les longs côtés de la salle sont ménagés des alvéoles voûtés qui communiquent avec elle par d'étroites portes en plein cintre. Ils pouvaient constituer des resserres utiles, mais leur rôle était avant tout constructif : tout d'abord on réalisait ainsi une notable économie dans le cube de la maçonnerie; en outre, les berceaux qui couvraient ces évidements combinaient leurs poussées sur les piles du mur extérieur et en augmentaient la stabilité; enfin, les arcades de la façade orientale se trouvaient déchargées d'une masse considérable. La porte d'entrée de la salle, en arc brisé, s'ouvre dans la paroi ouest; elle présente, vers la galerie, les mêmes éléments décoratifs que la porte d'entrée du rez-de-chaussée, sur la place. Une abside à cinq pans lui fait face; elle est couverte de voûtes rayonnantes et éclairée par trois baies à remplages variés. L'arc brisé de tête est décoré, vers la salle, de lourds festons trilobés et de rinceaux stylisés retombant sur des consoles sculptées; il s accompagne d'une archivolte moulurée supportée par des culots ornés de feuillages (Fig. 12). La destination de cette abside n'est pas douteuse ; c'est là qu'on disait la messe, chaque matin, devant les malades, dont les lits devaient s'aligner en deux rangées parallèles dans les deux travées de la grande salle (1), désignée sous le nom FIG. 12. — DÉTAIL DE LA CHAPELLE

de Palais des malades (2). Douze fenêtres rectangulaires de

m

m

0 80 x l 00, cinq à l'est, cinq à l'ouest et deux au sud, sont percées sous le solivage; (1) « Et en la salle ou sont a present les mallades y a X X X I I litz richement aornez et tous couvers de pavillons; « et au milieu de la place y a ung autel ou l'on dist chascun jour messe. » (Voyage de Georges Lengherand, p. 102-103.) Dans l'abside, on distingue encore quelques pierres ayant appartenu au soubassement de l'autel. C'est vraisemblablement la seule chapelle que renfermait l'édifice, bien que Rottiers en signale une autre, s'ouvrant sur le pourtour (galerie) par une porte à deux battants. (Rottiers, op. cit., p. 258.) Aucune des pièces situées autour de la galerie ne saurait répondre à une chapelle. (2) « Et aussi de tous autres biens et utensilles de quelque condicion que soient deputez au service de la chap« pelle palaix chambres et aultres offices... » Caoursin, Establissemens des Chevaliers Hospitaliers, II, De l'Hospitalité, viij. — « ...Que les establissemens... soyent escriptz en une table et mys au palaix des malades. » Ibid, xix. Cf. également inf. p. 36, n° 3.

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deux fenêtres plus grandes, en arc surbaissé, donnent sur la rue des Chevaliers. Il est probable que si les baies de la chapelle pouvaient être munies de vitraux, les autres ouvertures ne possédaient que des volets pleins; ceux-ci une fois clos, le vaisseau était assez sombre, mais il ne faut pas oublier qu'à Rhodes les journées sont rares où l'on ne peut tenir les fenêtres ouvertes. Par contre, pendant l'été, l'épaisseur des murs et la rareté des ouvertures entretenaient dans la salle une agréable fraîcheur. Le sol était constitué par de grandes dalles de pierre, en partie conservées, mais profondément rongées par endroits. Quant à la toiture, sa charpente est encore intacte; elle comprend 170 fortes solives renforcées à leurs extrémités par des consoles découpées. Entre les solives, sur les entretoises, subsistent des traces de peinture plus ou moins apparentes, où l'on peut distinguer la répétition régulière, dans toute la longueur de la salle, des écus de Fluvian, Lastic et d'Aubusson. Le solivage supporte une épaisse chappe de béton, suivant un procédé uniformément adopté dans toutes les constructions rhodiennes et que nous aurons l'occasion d'étudier en détail (1). Au sud-ouest de la grande salle, et en communication directe avec elle, sont groupées différentes pièces qui, fort probablement, en étaient les annexes indispensables. La plus importante, large de m

m

6 7 5 et longue de 12 35, est divisée en deux nefs égales par deux arcs surbaissés, retombant sur un pilier octogonal. Elle possède une cheminée et plusieurs fenêtres. On y peut voir, sans invraisemblance, un réfectoire (Fig. 13) (2). Le groupement

adjacent, dans l'angle nord-

ouest, présente une disposition singulière. Il comprend trois pièces distinctes, séparées l'une de l'autre par des arcs appareillés. Deux d'entre elles sont plafonnées; la troisième, pourvue d'une cheminée, est couverte d'un berceau percé à son sommet de trois trémies rectangulaires. C'était là, croyons-nous, la cuisine de l'hôpital et ses dépendances. Dans la

FIG. 1 3 . — LE RÉFECTOIRE

paroi qui la sépare du réfectoire est ménagée une petite ouverture qui ne peut avoir été qu'un passe-plats (3).

(1) Cf. inf. Ch. VIII, fig. 106. (2) Cette salle est bien vaste pour être identifiée à la pharmacie, ainsi que le propose M.TMaiuri (L'Ospedale dei Cavalieri, p. 15); et le passe-plats qui s'ouvre sur la cuisine contiguë atteste, semble-t-il, que cette salle était un réfectoire. C'est là sans doute qu'était servie la table de lenfermier, à laquelle pouvaient s'asseoir les frères convalescents (V. Pièces justificatives, III) et où se pratiquaient certaines aumônes traditionnelles. (Caoursin, Establissemens, II, De l'Hospitalité, i, usaige. — N. de Martoni, op. et loc. cit.) (3) Cette particularité, à elle seule, suffirait à faire rejeter l'hypothèse de M. Gerola, qui place en cet endroit la salle de bains de l'hôpital. (Gerola, Restaure dello Spedale, p. 27) On sait d'ailleurs que très fréquemment les cuisines du moyen âge étaient voûtées et ventilées par le haut. (Dijon, Fontevrault, Pampelune, etc.)

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D'autres pièces, offices, dépenses, salles de bains, devaient se grouper autour de la cour secondaire, ainsi que l'attestent les traces de murs qui subsistent encore. L A GALERIE ET LES CHAMBRES.

— Autour de la cour centrale règne, au premier étage, une

large galerie plafonnée (Fig. 1 4 ) qui, sur chaque face, comprend cinq travées d'arcs surbaissés; elles correspondent aux travées du portique du rez-de-chaussée et présentent les mêmes irrégularités que celles-ci.

FIG. 14. — LA GALERIE DU PREMIER ÉTAGE

Cette galerie dessert, tant au nord qu'à l'ouest, une série de onze chambres, de dimensions à peu près égales; chacune d'elles prend jour vers l'extérieur et sous le portique, et possède une porte d'entrée distincte et une cheminée. On a pensé qu'elles étaient destinées à loger des pèlerins, mais nous verrons que la Nouvelle Infirmerie semble avoir été réservée aux malades. D'ailleurs le récit de Georges Lengherrand, qui vit l'édifice en cours de construction, indique que ces pièces étaient « des chambres a part, selon lestat des mallades » ( 1 ) . Au milieu de l'aile sud, un corridor conduit de la galerie à la cour secondaire. Dans les pièces voisines, remaniées à 1 époque turque, étaient installés sans doute, au moyen âge, des services annexes, notamment celui de la pharmacie (2) et, peut-être, les logements du personnel, infirmiers et serviteurs. Chambres et portique étaient plafonnés suivant le même système que la grande salle; le dallage était formé de carreaux de terre cuite, sur lesquels on observe quelques traces de (1) Voyage de Georges Lengherand, éd. cit., p. 102. (2) On peut voir dans la Salle des Croisades du Musée de Versailles un très beau mortier de pharmacie, en bronze, qui porte sur une banderole, en capitales, le nom : MANOLI LAMBADIS. Il fut donné par le sultan Mahmoud au roi Louis-Philippe, en 1836, en même temps que la porte de cyprès que nous décrivons plus loin; il provient certainement de la pharmacie de l'Hôpital.

FIG. 1 5 . — FAÇADE ORIENTALE. — Motif central

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vernis. De la galerie, on accédait aux terrasses au moyen d'un escalier à vis, ménagé dans le mur sud de la grande salle. L'eau était fournie par un puits, dont la margelle s'élevait jusqu'au portique du premier étage. La cour secondaire possédait également son puits (1). FAÇADE ORIENTALE (PL.

IV)

Les trois pans de l'abside de la chapelle s'avancent en encorbellement sur le nu général de la façade, au-dessus de la porte d'accès à la cour (Fig. 15). L'arc brisé et les piédroits de cette porte sont ornés de moulures, d'entrelacs et de colonnettes ; l'archivolte qui la couronne retombe sur deux culots aux feuillages stylisés. A la naissance de l'arc régnent des impostes dont la décoration lourde et gauche trahit la persistance des formules et de la technique byzantines. Sur les faces de l'encorbellement se manifeste le même style, parmi les divers éléments décoratifs : colonnes engagées accusant les angles, portées sur des culots, et terminées sans doute vers le sommet, maintenant ruiné, par quelque pinacle; fenêtres en arc brisé et en plein cintre dont les remplages gothiques demeurent assez frustes; enfin motif central, d'un intérêt essentiel pour l'histoire du monument.

FIG. 16. — INSCRIPTION DE LA FAÇADE ORIENTALE

Il se compose d'un cadre rectangulaire mouluré renfermant trois dalles de marbre blanc. Sur celle du sommet est sculptée une bannière à la croix de l'Ordre; au milieu, deux anges ailés tiennent un écu à la fasce et, dans la partie inférieure, une inscription de cinq lignes en caractères gothiques, est gravée sur une banderole. Ce motif était encore en place en 1826; Rottiers crut y pouvoir lire : a nativitate Jesu Christi, 1445 (2). En 1909, date de notre premier séjour à Rhodes, le tout avait disparu depuis longtemps. Le bas-relief, retrouvé dès 1912, et l'inscription découverte par un heureux hasard en 1919 ont permis la restitution complète de l'ensemble. (1) On n'a retrouvé aucun vestige de l'ancien lavoir que Rottiers prétend avoir vu et qui, dit-il, était encore intact, « ainsi que la croix de l'ordre qui surmontait sa porte ». (Rottiers, op. cit., p. 260.) La citerne creusée sous le sol de la cour est de construction turque. (2) Rottiers, op. cit., p. 255.

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L'inscription est d'une lecture assez difficile (Fig. 16). Les lettres profondément gravées étaient remplies de plomb; en arrachant le métal on a, en maintes places, épauffré le marbre. Cependant, s'il subsiste quelque incertitude sur certains mots, le sens général n'est pas douteux : f(rater) antonius fluvian hospital(is) S(ancti) Joh(annis) mag(ister) magn(us) pius et prude(n)tissimus domi forisque huic xenodochio co(n)struendo o

flo(renorum) d(e)ce(m) milia legavit suo i(n)g(enti) (?) b(e)n(e)fitio xvij k(a)l(end)as julias a(n) 0

no a nati(vi)tate ]h(es)u christi m cccc xl paup(er)ib{us) pie cura(n)dis i(n)choatu(m) extitit. Cui(us) a(n)i(m)a in pace q(ui)escat et... extollet... (1)

FIG. 17. — FAÇADE NORD

Ainsi se trouve confirmée et précisée la donation de Fluvian : 10.000 florins furent légués au Trésor pour l'édification de cet hôpital. D'autre part, l'inscription corrige la lecture de Rottiers (1445) et 1e texte de Bosio qui fixe à 1439 le commencement des travaux ( 2 ) ; c'est seulement le 15 juin 1440 qu'ils furent entrepris. En outre, on peut identifier en toute certitude le blason tenu par les anges : il répond à celui de Fluvian, à la fasce de gueules, et non point à celui de J. de Lastic, à la fasce d'argent. (1) Maiuri, L'Ospedale dei Cavalieri, p. 7. (2) Bosio, Istoria, II, 213.

5

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De part et d'autre de l'encorbellement se développent les arcades surbaissées, qui forment m

devant chaque magasin un enfoncement couvert de 1 6 0 de profondeur. Au-dessus de ce rez-de-chaussée, aux ombres puissantes, règne un mur nu coupé seulement de deux bandeaux parallèles. A l'arnère-plan apparaît le mur de la grande salle, percé de fenêtres rectangulaires. FAÇADE

NORD

Sur la rue des Chevaliers s'accuse, tout d'abord, la grande salle, avec ses deux fenêtres; puis c'est la suite des arcades trapues des magasins et, à l'étage, les fenêtres des sept pièces de l'aile nord (Fig. 17). Cette façade est d'une extrême simplicité : un bandeau mouluré sert d'appui aux fenêtres; vers le centre, un cadre en accolade, décoré d'entrelacs et de rosaces, renferme les armes de l'Ordre et de d'Aubusson; à l'extrémité ouest s'ouvre la porte de l'Infirmerie proprement dite. Aujourd'hui, l'arc brisé, mouluré, s'accompagne simplement d'une élégante accolade

FIG. 18. — ARMOIRIES ET INSCRIPTIONS SUR LA FAÇADE NORD

reposant sur deux piliers polygonaux surmontés de pinacles. Au sommet de l'arc, on lit la date de la construction, 1489 (1), en chiffres arabes. Un cadre rectangulaire décoré de feuillages délicats couronne le tout (PL. VI, 1). C'est le seul élément de sculpture que conserve cette porte, mutilée par un ravalement dans le cours du siècle dernier; mais un dessin de Rottiers reproduit, dans tous ses détails, son état ancien (2). Sa riche ornementation con(1) Le dernier chiffre est maintenant en partie rongé et d'une lecture douteuse. Rottiers a lu 1489 (op. cit., p. 260); M. Gerola propose 1487 ou 1482 (Il restauro dello Spedale, p. 4). Il semble difficile d'être très affirmatif; ce qui est certain, c'est que l'ouvrage fut exécuté avant l'élévation de d'Aubusson au cardinalat (mars 1489), car l'écu sculpté au-dessus de l'archivolte n'était pas surmonté du chapeau. (2) Rottiers, op. cit., Atlas, PL. X X X I I .

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trastait avec l'austérité des constructions voisines. Sur l'archivolte se greffaient des crochets de grande échelle; le fond du cadre était complètement couvert de rinceaux de feuillage, parmi lesquels se détachaient les écus de l'Ordre et de d'Aubusson. Des angelots en hautrelief étaient sculptés dans les chapiteaux des piliers. A droite de cette entrée débouche un passage voûté, dont l'ouverture est surmontée d'un cadre rectangulaire renfermant trois écus : la croix de l'Ordre, au centre, est flanquée de part et d'autre des armes du Commandeur Pierre Clouet (Fig. 18). Sur une banderole (Fig. 19), on lit 1 inscription suivante : Diligent de leuvre sollicitez enfermie. F. P. Clouet commandeur MCCCCLXXXVIIII compli fut lospital tout neuf. Ces lignes ont donné lieu à des interprétations diverses (1); il semble bien que le premier membre de l'inscription est une exhortation : « Vous qui portez intérêt à cette œuvre, prenez « soin de l'Infirmerie » (2). Et ce qui suit forme une proposition indépendante de la première : « En 1489, Frère Pierre Clouet étant commandeur, fut achevé l'hôpital entièrement neuf ».

FIG. 19. — INSCRIPTION DE LA FAÇADE NORD

On ne saurait dire quel fut le rôle exact de Pierre Clouet. Son nom figure dans la liste des Chevaliers de la Langue de France qui prirent part au siège de 1480 (3), et nous retrouverons ses armes au-dessus de la porte de l'Auberge de France, à côté d'une inscription datée de 1492 (4). Cependant P. Clouet n'était point investi d'une haute dignité et le titre de commandeur, sans autre qualificatif, laisserait penser qu'il était commandeur de la voûte ou petit e

commandeur. Peut-être les fonctions de cet officier se confondaient-elles, au XV siècle, avec celles du « custos operis » et du maître de l'ânerie, dont les rôles ne sont point, d'ailleurs, définis avec exactitude (5). En tout cas, la présence des armes de P. Clouet à l'Hôpital et à l'Auberge de France permet de supposer qu'il remplissait le rôle d'un surveillant des bâtiments ou d'un directeur de travaux.

(1) M. Gerola (op. cit., p. 4, n. 4) en indique plusieurs : « Diligent pour l'œuvre, soigne les malades ; Frère Pierre Clouet, Commandeur, 1489, achevé fut l'hôpital tout neuf » (Bourciez). — « Le Frère P. Clouet s'occupant avec diligence de l'œuvre de construction pousse activement les travaux de l'infirmerie » (Thomas). — « Fr. Pierre Clouet, actif dans cet œuvre, prend soin de l'hôpital » (Herzog). Jusqu'ici, le z qui accompagne le mot sollicite était passé inaperçu. (2) Pour le sens de sollicite, cf. : « ...touteffois le tresillustre seigneur grand maistre non voulant estre surpris, mais comme prudent et sollicitif des affaires de la religion et de son peuple... a toute diligence feist reparer et fortiffier la ville ». (J. Bourbon, La Grande et merveilleuse oppugnation, f° A, iij, v.). — « ... le tresillustre seigneur, sollicitif d'avoir les choses plus necessaires... (ibid., f° A, v.) (3) Bosio, Istoria, II, 424. (4) V. inf. PL. XV, 1 et PL. X V I , 1. (5) Delaville Le Roulx. Les Hospitaliers en Terre Sainte, p. 335 et suiv., et 347-348.

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VANTAUX DES PORTES EST ET NORD

Chacune des entrées du monument possédait encore, en 1826, ses vantaux de cyprès. Rottiers nous en a donné des dessins minutieux dont il est facile de vérifier l'exactitude. En effet, s'il ne reste pas vestige des battants de la porte nord, ceux de la porte est, sur la place, ont été sauvegardés. Ils furent offerts par le sultan Mahmoud II au roi Louis-Philippe et rapportés en France par le prince de Joinville, en 1836. Ils figurent aujourd'hui parmi les collections du Musée de Versailles (PL. VI, 2) (1). Chaque vantail se compose d'un assemblage de panneaux rectangulaires décorés de motifs flamboyants, rosaces, étoiles, etc. Les panneaux oblongs de la partie inférieure sont modernes; ils ont été ajoutés à la porte pour lui permettre de remplir un cadre déterminé, dans la salle des croisades. A Rhodes, chaque battant comprenait, au-dessous de la naissance de l'arc, douze panneaux de dimensions égales; dans le vantail de droite est ménagé un guichet, au sommet duquel, à gauche, est sculpté un écu au chef denché, sous le chef de l'Ordre. On y pourrait voir les armes d'un Infirmier, d'un donateur, ou peut-être celles du Chevalier qui fournit le dessin de l'ouvrage (2). Un même motif se répète au sommet de chacun des battants : entre deux colonnes torses, supportant une archivolte flamboyante, un ange ailé tient un blason où les armes de l'Ordre sont écartelées avec celles du grand-maître Emery d'Amboise; au-dessous, l'écu de Villiers de l'Isle-Adam, hospitalier, s'accompagne d'une banderole avec la date : 1512. Le pilastre médian, composé de torsades et de pinacles, supporte une statuette de Saint-Jean-Baptiste, encastrée dans une petite niche; les figures latérales, à la naissance de l'arc brisé, sont modernes, mais reproduisent sans doute des motifs anciens. Celle de gauche représente un Chevalier revêtu de son armure et tenant son épée, celle de droite désigne peut-être un infirmier ou un frère servant d'armes (?). La porte est tout entière en bois de cyprès (3). Le bâti de 12 centimètres d'épaisseur est assemblé avec soin. On peut juger sur notre PL VI de la finesse avec laquelle ont été traités les différents motifs décoratifs. Si les figures n'offrent qu'une valeur médiocre, les ornements géométriques sont incisés avec une extrême précision. Le sculpteur était, plutôt qu'un artiste, un honnête et patient ouvrier. La porte qui s'ouvrait sur la rue des Chevaliers présentait une disposition semblable; au sommet de chacun des vantaux était sculpté un blason surmonté du chapeau cardinalice et portant la croix du grand-maître d'Aubusson écartelée avec celle de l'Ordre. Dans l'un des panneaux du vantail de droite se détachait un petit écu : de... au cœur de..., coiffé d'un compas. Ce dernier attribut laisse penser que ce blason était la signature de celui qui fournit le dessin de la porte ou du menuisier qui l'exécuta. La présence du chapeau au-dessus de l'écu de d'Aubusson permet de supposer que ces vantaux ont été exécutés en 1489, 1 année même où furent terminés les travaux de l'Infirmerie et où le grand-maître fut élevé à la dignité de cardinal. (1) M. Gaston Brière, conservateur au Musée de Versailles, nous a procuré tous les documents utiles pour l'étude de cette porte. Nous lui renouvelons ici nos très vifs remerciements pour sa courtoise bienveillance. (2) Dans la pierre tombale de N. de Montmirel (PL. XL, 2), on remarque à la partie inférieure, à gauche, un écu semblable qui paraît être également une signature. (3) Et non de sycomore, comme le dit Rottiers (op. cit., p. 256) et comme on l'a souvent répété après lui.

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II. - HISTORIQUE DES T R A V A U X En rapprochant de la description et des observations qui précédent différents textes du moyen âge relatifs à la Nouvelle Infirmerie, nous rechercherons quelles furent les étapes successives de la construction de l'Hôpital. C'est en 1437, l'année même de sa mort, que le grand-maître Anton Fluvian consacra sa fortune à cette pieuse fondation : « Ε sentendosi molto aggravato, fece il suo dispropriamento, « nel quale lascio e ordino che del danaro suo s'edificasse una nova Infermeria in Rodi : e di « cio l a s c i ò esecutore fra Giovanni Morello, Prior della Chiesa e fra Giovanni Cavaglione, « gran Comendatore » (1). L'inscription de la façade orientale rappelle cette donation et fixe la valeur du legs : 10.000 florins; elle précise en outre que c'est seulement le 15 juin 1440 (et non en 1439 comme le dit Bosio) que Pierre Morel, exécuteur testamentaire de Fluvian, « con licenza del Granmastro e del Consiglio », fit commencer les travaux (2). L'hôpital de 1440 correspond-il à celui qu'acheva d'Aubusson en 1489? M. Gerola suppose que l'édifice qui nous est parvenu est « opera precipua, se non esclusiva » de ce grandmaître; le marbre aux armes de Fluvian aurait été mis en place par d'Aubusson, pour honorer la mémoire de son prédécesseur; quant à la nouvelle infirmerie de Fluvian, elle se serait élevée peut-être en un tout autre endroit (3). Ces hypothèses, antérieures à la découverte de l'inscription de 1440, sont contredites tout d'abord par la formule « huic xenodochio construendo ».Le démonstratif huic indique à lui seul que le marbre du motif central se trouve à son poste original. En outre, un texte du 23 Novembre 1440 prouve que, dès cette date, une partie des magasins du rez-de-chaussée étaient déjà achevés. Le grand-maître de Lastic, désirant que la « nove enfermerie » soit pourvue d'un prieur et d'un chapelain, détermine de quelle manière ils seront rétribués : « Et pour leur « aulmosne remuneracion de service et labour lesdis prieur et chapellain auront a eux perpe« tuellement les prouffis et esmolumens de VIII magasins qui sont dessoubz ladite nove enfer« merie devant la porte de la marine... » (4). La Porte de la Marine est évidemment celle qui s ouvre à l'est de l'Hôpital et conduit au Port (5) ; des huit magasins du texte précédent, sept sont conservés et correspondent aux voûtes qui donnent sur la place; le huitième, qui prolongeait l'édifice au sud, a été remplacé par des boutiques modernes. Ainsi, il paraît établi que les substructions de l'édifice actuel remontent à 1440. Il est plus (1) Bosio, Istoria, II, 209. (2) « ...Cominciô in quest'anno, ch'era nel mille quattrocento e trentanove, ad edificare la nuova infermeria nella Città e Convento di Rodi. » (Bosio, Istoria, II, 213.) (3) Qerola, Il Restaure dello Spedale, p. 4-5. (4) V. Pièces justificatives, VI. Cf. Caoursin, Establissemens, II, v. (5) Dans notre tome I, nous avons identifié à la Porte de la Marine celle qui fait communiquer directement le Bazar avec le Port. (Tome I, Ch. I, p. 25 et Ch. II, p. 63 et suiv.) Le texte précédent prouve que la Porte de la Marine de 1440 s'ouvrait à l'est de l'hôpital, entre deux tours rectangulaires fort anciennes. Peut-être serait-il plus, exact de donner à la première le nom de Porte de la Place, encore que ces ouvertures, assez proches l'une de l'autre, aient conduit toutes deux à la Marine. (V. inf. Additions et Corrections au Tome I.)

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malaisé de fixer jusqu'à quel point furent poussés les travaux durant ce premier stade. Sans doute au-dessus des magasins, à l'est, commença-t-on à élever les murs de la grande salle et le motif de la chapelle où l'on encastra les armes de Fluvian avec l'inscription qui relatait sa libéralité. Il semble bien qu'alors les crédits aient été épuisés et qu'on ait dû suspendre entièrement les travaux. La grande salle elle-même ne paraît pas avoir été achevée dès cette époque. Certes, dans la décoration intérieure de la chapelle, aussi bien dans la porte qui donne sur la galerie, on retrouve les mêmes motifs et le même style que dans la porte sur la place et dans le portique du rez-de-chaussée. Mais les chapiteaux des piliers octogonaux portent exclusivement la croix ancrée de d'Aubusson; c'est donc à ce grand-maître qu'il faut attribuer l'achèvement du vaisseau. En tout cas, si les travaux n'étaient pas encore suspendus à la date du 23 novembre 1440, on envisageait déjà la nécessité de se procurer des ressources et le chapitre général prenait des dispositions pour faciliter des donations nouvelles : « Et pour l'expediction d'icelle nove « enfermerie avons pour l'honneur de dieu ordonne et establi... que chacun frère de notre « religion... puisse donner ou laisser par depropriement ou aultrement tout ce qu'il vouldra « soit argent ou aultre moeuble pour estre seulement employe à la perfection et achèvement « de ladite nove enfermerie jusques a ce qu'elle soit deuement accomplie » (1). En 1444, le châtelain d'Amposte, Jean de Villagut (2), transférait à l'Ordre une rente de quatre mille sous de monnaie catalane, que lui devait la ville de Tortose. Cette somme devait être envoyée chaque année au Drapier ou à son lieutenant et affectée à l'entretien de l'Infirmerie, « dumtaxat pro suffragio, manutentione et subventione rerum oportunarum dicte infir« marie et peregrinorum ac pauperum Christianorum quotidie diversis

egritudinibus

ad

« ipsam confluentium » (3). Ces arrérages étaient destinés, semble-t-il, à l'institution traditionnelle de 1 Infirmerie, et non point au nouvel édifice qui, certainement, n'était pas achevé à cette date (4). En effet, en 1449, on s'inquiète à nouveau de la « perfection de la nove enfermerie » (5); et cette même année, on afferme pour cinq ans à Jacques de Fossato le Casai de Tarse, en Chypre, dont les revenus sont destinés « ad edificationem... infirmarie nove » (6). Il est probable que, faute d'argent, le chantier fut ensuite abandonné pendant une longue période, ou qu'on y travailla bien peu activement, puisque dix ans plus tard, sous le magis(1) Bib. nat., Ms. fr. 17255, f° xxxx, § iij. (2) Le nom a été inexactement transcrit par Bosio (Istoria II, 221) en Villargut, et l'erreur a été répétée par la plupart des auteurs. Les pièces originales portent : Joannis de Villacuto (V. Pièces justificatives, V ) ; et le ms. de la bib. nat., fr. 17255 : Villagut (f° cxj, v., § xj). Le châtelain d'Amposte de 1444 ne semble pas avoir appartenu à la même famille que Diomède Viltaragut, qui était Drapier en 1489. (Lib. Bull., an. 1489-1490, Ms. 390, f° 163.) Pauli donne l'orthographe exacte « Ioannis de Villagut ». (Codice diplomatico, II, 116, 121, 545.) Cf. inf. p. 59, n. 3. (3) V. Pièces justificatives, V. (4) On pourra voir dans la pièce citée qu'il n'est pas question une seule fois de la nouvelle infirmerie et que la donation parait bien être destinée à un établissement en plein fonctionnement. On ne s'explique pas clairement comment le chapitre de 1454 peut décider que « les IIII C florins jadis donnez par frere Jehan de Villagut... a l'enfer« merie nove soient payez a icelle enfermerie... » (Bib. nat., Ms. fr. 17255, f° cxj, v., § xj.) (5) Bib. nat., Ms. fr. 17255, f° cij, § xxxxix. — Cf. Pièces justificatives, VIII. (6) Lib. Bull., an. 1447, 1448, 1449, Ms. n° 361, f° 354, v.

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tère de J. de Milly, le chapitre du 27 octobre 1459 revient sur cette question : « A l'œuvre « salutaire de la nove enfermerie par lequel est dédie aux povres de Jhesu Crist ung si noble « edifice que ja est commencé que chascun voit à ce qu'il soit plus hastivement mis à fin « d'achevement, eslevans nos pensees... etc. » (1). Et l'on décide que les sommes dont le roi de Chypre est débiteur envers l'Ordre seront « deputez et appliquez entierement à (l') enfermerie et oeuvre d'icelle»; « les pecunes et debtes dessus dites » seront envoyées « aux ouvriers d'icelle enfermerie par nous deputez le plus tos qu'il pourra » (2). Il y eut vraisemblablement des reprises de l'ouvrage, bientôt interrompues par le manque de ressources. De même que ses prédécesseurs, Orsini cherche à se procurer de nouveaux subsides : « Et ex hiis edificium « ipsum augeatur et decorem suscipiat taliter quod usu infirmorum et pauperum ydoneus « et utilis ipse locus reddatur » (3). Ainsi, en 1472, non seulement l'édifice n'était pas achevé, mais il n'était pas utilisable, même partiellement. On remarquera d'ailleurs qu'à côté des décisions relatives à la nove enfermerie, des ordonnances contemporaines se rapportent à l'enfermerie, sans autre qualificatif (4). Il s'agit là de l'hôpital primitif, qui continuait à recevoir régulièrement malades et pèlerins; c'est à cet établissement que fait allusion, entre autres, le récit du voyage de Rob erto Sanseverino, en 1458 (5). S'il subsistait quelques doutes au sujet d'une aussi longue interruption de l'œuvre, un texte précis de 1478 suffirait à lever toute incertitude : « ...Idcirco est ordinatum quod corn« pleatur palacium Infirmarie nove et camere que fuerint necessarie atque alia edificia ad « usum infirmorum comoda taliter quod infirmi ad ilium locum pro honore religionis et quiete « ac salute Infirmorum transmigrare debeant » (6). Toutefois, cette décision, comme les précédentes, demeura lettre morte; et c'est seulement à l'époque de d'Aubusson que l'édifice put être achevé. Durant les premières années de son magistère, d'Aubusson donna tous ses soins à la transformation des remparts. Après le siège, il lui fallut exécuter des travaux urgents, fermer les brèches pratiquées par les Turcs, modifier des ouvrages anciens et restaurer les monuments ruinés par les tremblements de terre de 1481. On conçoit donc que le grand-maître ait été contraint de reporter à une époque moins troublée la reprise des travaux de l'Hôpital (7). Ils furent répartis sur plusieurs années. Tout d'abord on termina la grande salle, en même temps sans doute que les annexes nécessaires, car dès 1485 des malades étaient en traitement

(1) Bib. nat, Ms. fr. 17255, f° cxv, § xxvij. (2) Ibid. — Cf. Pièces justificatives, IX et Χ. (3) Sacra capitula generalia, 1466, 1471, 1475, 1478. Ms. n° 283, f° 77. — Bib. nat., Ms. fr. 17255, f°cxxxij, v., § v. (4) V. Pièces justificatives, II à X I I . Par ailleurs, il est question « des depens de notre enfermerie, tant nove que vieille ». (Ms. 17255, f° cxvj, v., § xxxij.) (5) R. da Sanseverino, Viaggio, p. 60. (6) Sacra capitula generalia, Ms. 283, f° 166, v. (7) Il est à noter que dans les miniatures de Caoursin, nul monument particulier ne figure en bas de la Rue des Chevaliers. M. Gerola en avait tiré un argument en faveur de son hypothèse, d'après laquelle l'hôpital de 1440 aurait été situé en un autre endroit. (Gerola, Il Restaure dello Spedale, p. 3.) Peut-être le dessinateur aurait-il pris soin d'indiquer l'édifice, si la façade au moins eût été achevée; mais si l'on admet que les murs étaient interrompus à une certaine hauteur, on s'explique fort bien que le miniaturiste ait omis de les faire figurer dans ses représentations du siège de 1480.

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dans cet Hôpital. A ce moment les travaux étaient en cours : « Et y euvre l'on très fort de nouveaulx ediffices qui seront chambres a part selon Testat des mallades » (1). Il s'agit, nous l'avons vu, des chambres de l'aile nord. L'activité signalée par G. Lengherand ne tarda pas d ailleurs à se ralentir, puisque le monument n'était achevé définitivement que quatre années plus tard, en 1489. Le fait est attesté par l'inscription de P. Clouet, sur la façade septentrionale (Fig. 19). Durant toute cette période, les dépenses furent supportées par le grand-maître lui-même. Au chapitre général qui se tint à Rhodes, à la fin de l'été de 1489, on établissait un compte sommaire des dépenses effectuées du 1

e r

Septembre 1483 au 31 Août 1489 et on faisait obser-

ver que : « in dicte opère di reparatione e fortificatione non sono compresi ni inclusi lidificij « de linfermaria nova... lequalle cosse sua R

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S. a facte fare e pagate di soi propri dinari

« e non vole che lo dito thesoro... paga alcuna cosse » (2). Les variations qu'on observe dans la technique et la décoration entre différentes parties de l'édifice confirment les déductions précédentes, sans qu'on puisse toutefois, devant la persistance de certains procédés, établir une chronologie rigoureuse. On ne saurait, par exemple, tirer des conséquences trop absolues des différences de hauteur dans les assises ; mais il apparaît que dans les constructions les plus anciennes, on employa de préférence des assises de m

m

0 4 5 , alors qu'à l'époque de d'Aubusson, l'appareil fut généralement réglé suivant 0 2 2 de hauteur. Ce qui semble certain, c'est que les magasins sur la place, la porte d'entrée de l'est, le portique de la cour et la chapelle paraissent antérieurs à d'Aubusson. Les motifs ornementaux de la façade orientale et ceux qui décorent les consoles du portique et de la chapelle sont d'une facture assez grossière; nombre d'entre eux sont d'ailleurs inachevés, ou à peine amorcés sur leurs épanelages. Au contraire, la Porte septentrionale était une composition élégante et d'une exécution soignée. Ces différences ne sont que la conséquence de 1 évolution e

du style ornemental à Rhodes durant la seconde moitié du x v siècle. Ainsi, les textes relatifs à l'Infirmerie aussi bien que l'étude du monument lui-même conduisent à la même conclusion et permettent de préciser le rôle de d'Aubusson; il se limita à l'amplification et à l'achèvement de l'édifice fondé par Anton Fluvian, en 1437, et dont la première pierre avait été posée en 1440 (3).

III. - LE T Y P E DE L'EDIFICE La grande salle répond à un type courant, qu'on observe dans les Hôtels-Dieu d'occident, e

e

du X I I au X V I siècle; fréquemment, les salles d'infirmerie sont divisées en deux ou trois nefs parallèles par des points d'appui intermédiaires. C'est ainsi qu'elles étaient conçues dans les

(1) Voyage de Georges Lengherand (éd. cit.), p. 102. (2) Lib. Bull, an. 1489-1490, Ms. 390, f° 161, v. — Cf. Bosio, Istoria, II, 505-506. (3) Caoursin, dans sa traduction des statuts (éd. Paris, 1493), fait allusion à cet achèvement récent de l'édifice « qui en notre age de edifices et palais est complye et orne et fait ». (Establissemens, II, i, usaige.)

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L'HÔPITAL

e

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hôpitaux d'Angers ( X I I siècle), d'Ourscamps ( X I I I ) , de Brie-Comte-Robert ( X I I I ) , de Bourges e

e

( X V I ) , d'Orléans ( X V I ) ; tantôt elles étaient voûtées, tantôt plafonnées (1). Dans les premiers établissements de l'Ordre de Saint-Jean, on avait adopté un dispositif e

semblable. A Jérusalem subsistait encore à la fin du X I V siècle « una lamia, magna et longa ac « larga cum columpnis in medio » (2). Il est probable qu'à Rhodes un vaisseau analogue constituait une des parties essentielles de l'hôpital primitif. La chapelle, où l'on pouvait officier devant les malades, se retrouve également dans les Hôtels-Dieu de Tonnerre (3), de Chartres, de Beaune (4), d'Issoudun. Comme à Rhodes, elle s'ouvrait directement sur la grande salle, sur le long ou le petit côté, selon l'orientation générale. Si l'ordonnance de la grande salle accuse une inspiration occidentale, l'édifice, par ses dispositions générales, rentre dans une catégorie de monuments orientaux, dont le type s est perpétué jusqu'à l'époque moderne : les khans ou caravansérails. Les plus anciens de ceux qu'édifièrent les Turcs dérivent des ξενοδοχεία byzantins, ou hôtels pour les étrangers. Les uns et les autres possédaient au rez-de-chaussée des magasins pour entreposer les marchandises et des écuries pour les chevaux. Au premier étage étaient réparties des chambres pour les voyageurs (5). A Salonique, on attribuait au sultan Mourad la construction d'un grand caravansérail, isolé de toutes parts; sur trois des faces s'ouvraient des boutiques dont le revenu faisait partie de la dotation de l'édifice (6). Il y a là une analogie curieuse avec Rhodes. Il ne semble pas que les traditions de l'Ordre aient perpétué un type d'hôpital appliqué aux différents établissements d outre-mer. L'Hôpital de Jérusalem comprenait un groupement très important de constructions couvrant un carré de 150 mètres de côté : on y trouvait trois églises, des salles pour les malades et les pèlerins, des citernes, etc., mais, autant que permet d'en juger l'état actuel du Mouristan, ces éléments n'étaient pas répartis suivant un plan systématique (7). A Rhodes même, les bâtiments que nous avons cru pouvoir identifier à l'hôpital primitif n'appartenaient point à un ensemble du même type que la Nouvelle Infirmerie (8). Celle-ci fut conçue sans doute par quelque maître-d'œuvres qui avait recueilli la tradition du ξενοδοχείον byzantin et qui en adapta la formule à ce programme particulier.

(1) Verdier et Cattois, Architecture civile et domestique, II, p. 101, 103, 106, 148. (2) Pèlerinage à Jérusalem de N. de Martoni, ds. Revue de l'Orient latin, III, p. 48. (3) Verdier et Cattois, op. cit., II, 148. (4) Ibid., I, 1. (5) Texier et Pullan, Architecture byzantine, p. 143. — Il est possible d'ailleurs qu'il faille voir dans certains caravansérails turcs une simple adaptation de monuments byzantins. Ainsi le Validé-Khan de Constantinople ne serait autre que le ξενοδοχείον qui s'élevait près de Sainte-Sophie. Le même principe se retrouve également au Vizir-Khan de Stamboul. (Cf. de Beylié, L'Habitation byzantine, Sup. PL. 1.) (6) Texier et Pullan, op. cit., PL. X X V I I . (7) C. Schick, op. cit., ds. Palestina Expl. Fund, quarterly statement, 1902, Plan p. 48. (8) Cf. inf. p. 73. Parmi les hôpitaux d'occident, on pourrait rapprocher de Rhodes l'hôpital de Cues, en Prusse rhénane, qui groupe autour d'une cour rectangulaire deux vastes salles à deux nefs et des salles secondaires desservies les unes et les autres par un promenoir, ainsi qu'une chapelle et des dépendances. Date : 1450. (Verdier et Cattois, op. cit., II, p. 150, et Planche p. 148.)

6

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LA CITÉ DE RHODES

IV. - LE ROLE DE

L'HOPITAL

L'hôpital primitif de Rhodes est désigné tantôt sous le nom d'ospital, tantôt sous celui e

d'enfermerie (1), mais celui du XV siècle est plus généralement appelé enfermerie; cependant, dans l'inscription de 1440, apparaît le terme de xenodochium, alors que dans celle de 1489 figurent à la fois ceux d'ospital et d'enjermerie (2). On sait que certains Hôtels-Dieu du moyen âge, notamment l'Hôtel-Dieu de Paris, étaient à la fois des hôpitaux, des hospices et des asiles pour les indigents, dans le sens que nous donnons aujourd'hui à ces mots (3); à l'origine, c'était là le rôle de l'Hôpital de Jérusalem, et le premier Ospital de Rhodes recevait des malades et des pèlerins (4). Quant à celui de 14401489, il paraît au contraire avoir été exclusivement réservé à des malades (5). Parmi les pèlerins de toute condition qui firent escale à Rhodes après son achèvement, nous n'en relevons aucun qui rapporte y avoir été logé. Les clercs étaient généralement reçus dans les couvents, les personnages de qualité demeuraient chez quelque dignitaire de l'Ordre ou dans les Auberges. Il existait en outre, dans la ville, un Hospice de Sainte-Catherine, ouvert aux voyageurs (6). Jacques Le Saige relate d'ailleurs que Rhodes n'offrait point de grandes ressources à cet égard et qu'il était difficile d'y trouver un gîte convenable : si ses compagnons malades furent accueillis et soignés à l'Infirmerie, il dut se contenter d'un piètre logis (7). Ainsi, sous quelque terme que soit désigné l'Hôpital de Rhodes, son rôle correspondait avant tout à celui d'un hôpital moderne. Il recevait sans doute des malades des deux sexes et on y prenait soin des enfants abandonnés (8). Peut-être faut-il y rattacher le service de l'aumônerie instituée dès les premiers temps de l'Ordre (9), mais ceci ne saurait modifier le caractère essentiel de l'Infirmerie, attesté d'ailleurs par les règlements qui s'y rapportent. Les préceptes relatifs à l'Hospitalité avaient été codifiés par Raymond du Puy et, peu après, complétés par Roger des Moulins (10). Plus tard, aux chapitres tenus à Limassol, puis à (1) V. Pièces justificatives, I; Le Saint Voyage de Jherusalem du Seigneur d'Angture, éd. cit., p. 9. (2) Les textes originaux du x v siècle le désignent toujours sous le nom d'Infirmaria nova. (Cf. Pièces justificatives, passim.) Caoursin l'appelle le « zenodoche enfermerie et hospital de rhodes ». (Establissemens, éd. cit., II, i.) e

(3) E. Coyecque, L'Hôtel-Dieu de Paris au moyen âge, I, 59. (4) Bib. nat., Ms. fr. 17255, f° xliiij, § xxij. — N. de Martoni, op. et loc. cit., 48 et 584-585; cependant, en 1458, il est simplement signalé comme « pieno de infirmi di diverse natione ». (R. da Sanseverino, op. cit., p. 60.) (5) « Ouquel les malades de quelque nation chretienne que soyent sont receuz et pensez et aux despens de nostre « tresor nourriz et maintenuz et de medicines pourveuz et soutenuz. » (Caoursin, Establissemens, II, i ) . — Cf. également les relations de G. Lengherand, J. Thenaud, D. Trevisan, J. Le Saige, op. et loc. cit. (6) Cf. inf. Ch. VI, p. 102. (7) « Après vinsmes a nostre logis pour estre mieulx couchies que la nuict devant.'Mais ce fut tout ung, en ung « grenier de près les ongnons, et sur ung matra, et sestoit le meilleur logis de la ville. Se deliberames que lendemain « yriesmes couchier sur nos coffre en nostre nave. » Voyage de Jacques Le Saige (éd. cit.), p. 155. (8) C'est ce qui résulte des règles hospitalières édictées par le chapitre de 1182 (Delaville Le Roulx, Cartulaire, I, n° 627); et il n'y a aucune raison de supposer qu'elles soient tombées en désuétude. Il ne paraît pas d'ailleurs qu'on se soit inquiété de séparer les sexes : hommes et femmes devaient être hospitalisés dans la grande salle. (9) Cf. Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte, p. 340-341. — N. de Martoni donne le détail des aumônes qui étaient encore en usage à Rhodes en 1395. (N. de Martoni, op. cit., p. 640.) Cf. Delaville Le Roulx, Cartulaire, I, p. 425 et suiv. (10) Delaville Le Roulx, Cartulaire, I, p. 62-68 et 425-429. — E. Le Grand, Statuts d'Hôtels-Dieu et de Léproseries, p. 6-11 et 12-15.

L'HÔPITAL

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Rhodes, on confirma les pratiques anciennes et l'on créa des services nouveaux, mais c'est surtout après la fondation de 1440 que se multiplièrent les décisions relatives au fonctionnement de l'Hôpital; elles nous renseignent sur ce point de manière assez précise. Le bailli conventuel de la Langue de France portait le titre d'Hospitalier et avait la haute main sur les services de l'Hôpital (1). Il était désigné par le chapitre général, auquel il devait, à chaque réunion, rendre compte de sa gestion. Assisté de deux Prud'hommes élus par le grandmaître et le conseil (2), il dressait l'inventaire du matériel et marquait d'un sceau spécial les divers objets mobiliers (3). Il choisissait l'Infirmier, autant que possible parmi les frères de la Langue de France, et le présentait au grand-maître et au conseil, qui le confirmaient dans sa charge (4). L'infirmier, dont les fonctions prenaient fin au bout de deux ans, mais pouvaient être renouvelées, devait visiter les malades chaque jour et chaque nuit : son administration était journellement contrôlée par les deux prud'hommes (5). Les médecins « aornez de science et practique, honnestes personnes, expers et graves », en présence de l'infirmier et de huit frères des huit langues de l'Ordre, faisaient « iurement solennel » de donner aux malades tous les soins nécessaires. Ils étaient tenus d'accomplir chaque jour deux visites, auxquelles assistaient l'infirmier et le greffier. Ceux-ci notaient soigneusement les ordonnances et veillaient à leur exécution ponctuelle (6). Deux chirurgiens agréés par les médecins étaient attachés à l'établissement (7). Au service de la boutique (pharmacie) était préposé un apothicaire; par des visites périodiques, l'Hospitalier et les Prud'hommes vérifiaient l'approvisionnement en remèdes (8). Chaque matin, à tour de rôle, un prieur et un chapelain disaient la messe dans la chapelle; ils étaient chargés, en outre, d'administrer les sacrements aux malades, d'ensevelir les morts et de célébrer pour eux les offices accoutumés (9). Dès leur entrée à l'hôpital, les malades étaient obligés de se confesser, de communier et de faire leur testament par-devant le Prieur et le greffier. Ils ne pouvaient transgresser en rien les ordonnances des médecins, ni modifier le régime prescrit (10). Ils étaient d'ailleurs traités

(1) Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte, p. 339. (2) Caoursin, Establissemens, II, vij. (3) V. Pièces justificatives, II. Cf. Caoursin, Establissemens, II, viij. (4) « ...Establissons et ordonnons derechef que deca en avant cellui qui sera ou devera estre enfermier soit esleu « par Ihospitalier du couvent de Rhodes ung de la langue de france se en icelle y a homme qui soit ydoine pour faire « tel exercice et sil ny a homme destat pour ce faire... soit esleu par ledit hospitalier ung de tout le couvent... » (Bib. nat., Ms. fr. 17255, f° Ixxxx, § iiij, Chapitre du 23 novembre 1440.) Cf. Caoursin, Establissemens, des Baillifs, xxiij. — On voit qu'à cette époque l'Infirmier n'est qu'un subalterne de l'Hospitalier, alors qu'à l'origine les deux termes désignaient indistinctement le grand-officier préposé au soin des malades. Cf. Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte, p. 339. (5) Ms. fr. 17255, f° lxxxx, v., § vi. — Caoursin, Establissemens, II, x. (6) Caoursin, Establissemens, II, ix. (7) V. Pièces justificatives; IV. — Caoursin, Establissemens, II, xv. (8) V. Pièces justificatives, IV. — Caoursin, Establissemens, II, xij. (9) V. Pièces justificatives, VI. — Caoursin, Establissemens, II, v et xiij. (10) V. Pièces justificatives, III. — Caoursin, Establissemens, II, vi.

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LA CITÉ DE RHODES

avec une extrême sollicitude. Chacun d e u x avait son lit, protégé par une courtine, et une nourriture choisie leur était servie dans de la vaisselle d'argent (1). Une fois convalescents, il leur était interdit de faire du bruit, de jouer aux cartes ou aux dés, de lire à haute voix (2). Les règlements de l'Infirmerie, écrits sur parchemin et suspendus à une chaîne, étaient à leur disposition dans le Palais des Malades (3). e

D'après une coutume qui remonte sans doute au XII siècle, on récitait, le soir, dans les Hôpitaux de Saint-Jean de Jérusalem, une prière spéciale, dont le texte nous a été conservé. Il est fort probable qu'elle fut en usage à Rhodes, et que chaque jour, après complies, retentit, dans la grande salle sonore, l'invocation traditionnelle : « Seigneurs malades, priez !... », suivie de l'exhortation à prier pour la paix, pour les fruits de la terre, pour les princes chrétiens d'Occident et d'Orient, pour l'Hôpital et ses bienfaiteurs (4). Telle était la note, pieuse et grave, sur laquelle s'achevait la journée en cette Infirmerie de Rhodes, où les vertus charitables s'alliaient à la discipline d'un Ordre militaire.

(1) « Pour passer le temps allasmes veoir lhospital de Rodhe dont je vis que a chascun malade on balloit du vin « dedens de belles tasses d'argent et le viande dedens beaux plats d'argents... Les lictz sont comme ung petit pavillon « bien beau... » (Voyage de Jacques Le Saige, ed. cit., p. 89). — Cf. Voyage de G. Lengherand, ed. cit., p. 103. — « Sa« crum xenodochium omni ornatu cultuque et supellectile argentea plane maximi valoris spoliarunt... » (Fontanus, de bello Rhodio, II, K, i, verso.)— Cf. Bourbon, La grande et merveilleuse oppugnation, f° E, iv, verso. (2) V. Pièces justificatives, III. « « « «

(3) « ...Que de tous nos establissemens iceux qui seront trouvez fais pour le prouffit bien et utilite de nostre dite enfermerie depuis le commencement jusques a present inclusivement... soient mis en une quarte ou volume de grant parchemin et decentement escrips en une table clouée en icellui pallais de lenfermerie et en lieu de grant veue et publique en le pendant dune chainne de fer affin que souvent eux mesmes le lisent le retiegnent et le gardent et observent soubz ladite painne dobedience. » Bib. nat., Ms. fr. 17255, f° cxiv, v., § xxv.

(4) L. Le Grand, La Prière des malades dans les Hôpitaux de Saint-Jean de Jérusalem, ds. Bib. de l'Ecole des Chartes, t. LVII, 1896, p. 325-338.

C H A P I T R E

LES

IV

AUBERGES

Les Hospitaliers vivaient dans le Château de Rhodes comme en un vaste monastère, partageant leur temps entre les exercices militaires et les pratiques religieuses (1). A chaque Langue ou Nation correspondait un groupe particulier, soumis à l'autorité d'un bailli conventuel, président de la Langue et Pilier de l'Auberge (2). Le terme d'Auberge, qui apparaît dans les Usances (3), figure également dans les Ordonnances de Terre Sainte (4) et dans celles qui, plus tard, furent promulguées à Limassol de Chypre (5). Il répond donc à d'anciennes traditions de l'Ordre. Au couvent de Rhodes, des herbergies fonctionnaient dès 1311 (6) et, dans la suite, les décisions des chapitres y font allusion à diverses reprises (7). e

Les relations des pèlerins du XV siècle ne fournissent à leur sujet que de brèves indications. En 1458, Roberto da Sanseverino demeura dans l'Auberge de la Langue d'Italie, « lo (1) « ...Pour ce voulons et establissons que les freres de ci en avant ne puissent aler ou yssir hors du chastel de « Rhodes se non par le congié du M (grand-maître) ou du mareschal avec ce qu'il y ait cause honneste et raisonnable « et ce entre les heures de la campane du disner et du souper. Mes en celluy temps du jour puissent estre ou aler « entre les portes et les murs du chastel et conviegnent ensemble en loge ou en lieu publique denviron loge dicelluy a couvent et ilx usent du jeu de larbaleste auquel exercice soient constrains par le mareschal ou en aucun exercice a darmes par lequel puissent soy usiter en armes... Mais par avant ladite campane de disner et apres ladite campane « de souper pourront yssir ledit chasteaul... jusques a leglise saint Sebastien... Et parmy la cité ne puissent aler ne « traverser icelle se non a cheval et toujours deux a deux et le filz Arnaud (jeune chevalier) en compagnie dung ancien « de iij ans du mains... » Bib. Nat., Ms. fr. 17255, f° cxxv, § xxvj, Du passaigement des freres on couvent de Rhodes. — Cf. Caoursin, Establissemens, Des frères, xlij, De la deambulacion des freres on couvent de Rhodes. e

(2) Après la division de la Langue d'Espagne en deux groupes distincts, voici comment se répartissaient les baillis conventuels : le Grand-Commandeur appartenait à la Langue de Provence; le Maréchal, à la Langue d'Auvergne; l'Hospitalier, à la Langue de France; l'Amiral, à la Langue d'Italie'; le Grand-Conservateur ou Drapier, à la Langue d'Aragon, Catalogne et Navarre; le Turcopolier, à la Langue d'Angleterre; le Grand-Bailli, à la Langue d'Allemagne; le Grand-Chancelier, à la Langue de Castille, Léon et Portugal. — Cf. Stabilimenta, de Bajulivis. — Sur l'origine et les fonctions de ces grands-officiers, cf. Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte et à Chypre, p. 332-346. (3) « Et en les herberges le mareschal peut comander laigue apres les horres en la chapelle. » (Bib. Nat., Ms. fr 1978, f° 198). — Commander laigue = mettre au pain et à l'eau. (Cf. ibid., f° 197 v.) Cf. Pièces justificatives, I. (4) « Ensuyvent les establissemens fais au chapitre general celebre aux herbergies pres de cesaire et de jaffe en « acre et a la vigne noeufve par religieux maistre hugues revel... » (20 septembre 1261) (Bib. Nat., Ms. fr. 17255, f° χ, v.) (5) Ms. 17255, f° xxvj v., § lxxiij. (6) « ...Establi est que le marescale puisse comander laygue a leglise as freres dou couent en si com as herbergies « et le grand comandaour as freres des offices ». Ms. 1978, f° 117. (7) « Que nul frere ne tiegne au couvent esclave thurq... saulve et retenu que en chacune haulberge en puisse avoir « un pour le service de ladite haulberge soit turc ou aultre ». (Ms. 17255, f° xliij, § xiij; chapitre du 18 janvier 1357.) V. ibid. f° c, § xlj : « Des pilliers des auberges comme ilz devront prandre le grain ».

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LA CITÉ DE RHODES

« albergo de Italiani, pero che dicta caxa fu facta per receptare tuti li cavalieri Italiani, se« condo la constitutione di loro religione, come etiandio sono caxe de tutte le cristiane natione « nel castello de dita cità, per receptare li cavalieri, come dicto » (1). L'anonyme de 1480 note que « pour chascune nation desdictz chevalliers y a belles salles ou ils mangent ensemble « comme religieux » (2). Ces salles correspondent certainement aux « hostelz des huit nacions » situés dans le « chastel » et que signale Georges Lengherand en 1485 (3). Aucun texte ne définit le rôle exact des Auberges de Rhodes ; mais il est bien certain que, dans celles de Malte, se perpétuaient les mêmes traditions et que les statuts et ordonnances qui en réglaient le fonctionnement ne faisaient que codifier des usages antérieurs. On peut, e

en tout cas, appliquer aux Auberges du XV siècle la définition suivante, ajoutée aux « Statuta » sous Claude de la Sengle : « Albergia nomen familiare est Italis Gallis et Hispanis quod « Hospitium significat sicque vocantur domus in quibus fratres nostri per nationes una come« dunt et congregantur » (4). Il paraît résulter de cette définition que les Frères ne logeaient point dans les Auberges; ils s'y réunissaient seulement à l'heure des repas et lors des Assemblées générales de la Langue. Des allusions, au reste assez vagues, contenues en d'autres textes, laissent penser qu'en effet les Chevaliers possédaient des chambres dans des maisons indépendantes (5). Cependant les Auberges, ou tout au moins certaines d'entre elles, étaient des édifices assez importants pour qu'on y pût aménager des appartements pour des hôtes de marque. R. da Sanseverino et ses compagnons demeurèrent à l'Auberge d'Italie; le prince Djem, en 1481, habita l'Auberge de France que Caoursin appelle « Palatia Equitum Francorum » (6). Il semble donc que chaque Auberge ait constitué un groupe de plusieurs corps de logis et de dépendances diverses. Celle d'Auvergne possédait un jardin (7) et toutes disposaient de terrains assez étendus pour qu'en 1515 on pût installer dans chacune d'elles un moulin mû par un cheval (8). La plupart des Auberges subsistèrent longtemps après le départ de l'Ordre, et des voyae

e

geurs du XVI et du XVII siècle les signalent parmi les principaux édifices du Château ( 9 ) ; mais on ne trouve guère dans ces récits que l'énumération des monuments, sans indications

(1) R. da Sanseverino, Viaggio in Terra Santa (éd. cit.), p. 54-55. (2) Le Voyage de la Saincte Cyte de Hierusalem (éd. Schefer), p. 114. (3) Voyage de Georges Lengherand (éd. cit.), p. 103. (4) Statuta Domus Hospitatis Hierusalem (Rome, 1588) : De verborum significatione, f° 69, verso. — Dans le même texte sont également définis les Piliers : « Pillerii vocantur octo Baiulivi conventuales capita et praesidentes « ac veluti columnae nationum. Nam columnas vulgus pillerios vocat ». (5) Ms. 17255, f° xxij v., § xxv : Des loges et chambres des frères du couvent. (Texte de 1301, relatif à Limassol). — « Les Frères ne peuvent tenir, avoir et nourrir concubines en leurs propres maisons ou dehors ». Caoursin, Establissemens, des Freres, § xxxvij. (6) Caoursin, De casu Zizymi, e, i, verso. — Les chambres y étaient assez nombreuses : « Edium cellulas omnes « lustravit ut cubaret ». (Ibid., e, iiij.) (7) Cf. inf., Auberge d'Auvergne, p. 63. (8) « ...Item statuerunt quod quelibet albergia conventus habeat unum molendinum ad equum... » (Décision du 13 Décembre 1515.) (Lib. Concil., A. D. 1512-1516, Ms. N° 82, f° 160.) (9) Des Hayes signale « la porte de l'Hauberge de France » (Voyage du Levant, p. 319); Pietro della Valle a vu dans le Château « moite case segnalate, che io credo, che fossero gli Alberghi delle Nationi ». (Viaggi, p. 320). — Stochove, Voyage d'Italie et du Levant, p. 219.

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topographiques précises. D'autre part, on ne saurait accepter sans réserves certaines identifications proposées dans la suite et c'est aux édifices eux-mêmes que nous demanderons des preuves de leur destination ancienne. On peut toutefois présumer de l'importance relative des différentes Auberges. Le développement de chacune d'elles était évidemment en rapport avec le nombre des Chevaliers de la Langue correspondante et nous possédons sur ce point des données exactes. Une décision du chapitre de Janvier 1466 fixait à 350 le nombre total des Frères (Chevaliers, Sergents et Chapelains) appelés à résider au couvent (1). Ils se répartissaient ainsi : Provence, 48; France, 71; Auvergne, 47; Angleterre, 28; Espagne, 89; Italie, 47; Allemagne, 20. Les chiffres que fournit Bosio, pour les années 1513 et 1522, sont à peu près proportionnels aux précédents (2). Ainsi, la plus vaste des Auberges devait être celle des Langues espagnoles, dont les Chevaliers, après leur division en deux groupes distincts, continuèrent à se réunir en un même édifice. L'Auberge de France n'était guère moins importante; venaient ensuite celles de Provence, d'Auvergne et d'Italie. Quant à celles d'Angleterre et d'Allemagne, elles étaient certainement de dimensions beaucoup plus réduites que les autres.

I. — AUBERGE DE FRANCE ( N

o s

5 ET 6)

L'édifice qu'on désigne actuellement sous ce nom (Cf. fig. 1, N° 5) ne répond sans doute qu'à une partie des bâtiments qui constituaient au moyen âge Y Auberge de la Langue de France. Nous rattacherons également à cette Auberge la maison N° 6; il est probable, d'ailleurs, que l'ensemble des constructions anciennes ne se limitait point à ce groupe, mais occupait une étendue beaucoup plus vaste. MAISON N° 5 Nous étudierons d'abord la maison N° 5. M. Maurice Bompard, ambassadeur à Constantinople, désirant la sauver de la ruine, en fit l'acquisition et la donna à la France. Elle est classée, depuis 1914, parmi les monuments historiques (3). Notre relevé (PL. IX) reproduit l'état de la façade en 1911, avant les premiers travaux de restauration. On y verra que, malgré les mutilations et les adjonctions turques, elle conservait tous les éléments de sa structure et jusqu'à ses moindres détails ornementaux; aussi ne fut-il pas malaisé de lui rendre son aspect primitif. Malheureusement, les toitures anciennes avaient été détruites et les lourdes poutres de cyprès remplacées par des solivages établis dans les conditions les plus défectueuses. Par ailleurs, les transformations multiples subies par le bâtiment avaient eu pour effet d'en dis(1) V. Pièces justificatives, X I I I . (2) Voici les chiffres de Bosio pour l'année 1513 : Provence, 90; France, 100; Auvergne, 84; Angleterre, 3 8 ; Aragon, 66; Castille et Portugal, 88 (soit au total 154 chevaliers pour les Langues espagnoles); Italie, 60; Allemagne, 5. (Bosio, Istoria, II, 610.) Pour l'année 1522, V. ibid., p. 640-643. (3) Lorsqu'en 1911 M. Bompard fit négocier par le Consul de France, M. A. Laffon, l'acquisition de cet immeuble, aucun service de protection des monuments du moyen âge ne fonctionnait à Rhodes; c'est seulement après l'occupation italienne, en 1912, que furent édictés les règlements aujourd'hui en vigueur.

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loquer le gros œuvre. Le mur de façade s'était déversé de manière inquiétante et le fauxaplomb atteignait sur certains points 22 centimètres. On ne pouvait songer à redresser la muraille; encore fallait-il par des chaînages appropriés et surtout par le rétablissement des anciennes toitures en assurer la stabilité. Ce fut la première phase des travaux de restauration. On dut reconstruire, dans toute son étendue, le mur intérieur parallèle à la façade et compléter les murs de refend en majeure partie détruits. L'emplacement des gargouilles indiquait le niveau exact des terrasses et les murs conservaient les traces d'encastrement des poutres. Les solivages de cyprès furent donc restitués

FIG. 20. — AUBERGE DE FRANCE. — Plan du rez-de-chaussée.

suivant des données certaines et supportèrent leurs terrasses bétonnées. Ainsi, les quatre pièces sur rue, e, f, g, h (Fig. 21), se trouvaient rétablies suivant leurs dispositions premières; la liaison des différents murs, le chaînage des poutres et surtout le poids des solivages et des terrasses s'opposaient dès lors au déversement du mur de façade. Nous aurions souhaité de poursuivre cette œuvre et nous avons tenté, dans une campagne récente (1921-22), d'amorcer les travaux futurs, autant que le permettaient les circonstances

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actuelles, vraiment défavorables. Nous avons pu rebâtir le magasin c (Fig. 20), dont le mur oriental et la voûte en berceau surbaissé étaient détruits; puis nous avons construit l'escalier à deux volées de la cour b, accédant au niveau du premier étage à la galerie a (Fig. 21). Il serait nécessaire d'exposer en détail dans quel état se trouvait l'intérieur de l'Auberge pour justifier certaines de nos restitutions, mais une telle description ne présenterait qu'un médiocre intérêt. Notons seulement que l'immeuble avait été partagé entre trois propriétaires ; le rez-de-chaussée, voûté, était presque entièrement conservé, mais on avait démoli la plupart des murs du premier étage et construit des cloisons légères disposées sur un plan nouveau. En outre, les empiétements des voisins sur le terrain de l'Auberge, au nord-ouest et à l'est, rendaient plus difficile encore la recherche du plan primitif ( 1 ) . On conçoit que, dans ces conditions, nos dessins (Fig. 20 et Fig. 21) soient sur quelques points hypothétiques : nous nous bornerons ci-après à distinguer les parties anciennes de celles que nous avons restituées, en donnant les raisons essentielles qui ont déterminé le choix de telle ou telle solution.

PLAN DU REZ-DE-CHAUSSÉE ( F I G . 20)

a. Vestibule d'entrée. — La voûte, en arc surbaissé, était conservée; le portail, en arc brisé, flanqué de deux petites fenêtres (PL. X V I , 1), correspondait évidemment à l'entrée principale de l'Auberge, d'où l'on pouvait accéder aux salles du premier étage. Le vestibule commandait donc l'escalier, placé sans doute, suivant la coutume, dans une cour à ciel ouvert b, dont, malgré nos recherches jusqu'au sol vierge, nous n'avons pu retrouver avec certitude les limites exactes. Il existait en ce lieu un remblai de plus de deux mètres au-dessus du sol actuel; et des traces nombreuses de constructions turques laissent penser que toute cette région fut remaniée de fond en comble. L'escalier, tel que nous l'avons construit, répond à un dispositif traditionnel à Rhodes ; à défaut de preuves indiscutables, nous verrons que certaines dispositions du premier étage, notamment celle de la galerie a (Fig. 21), paraissent justifier cette restitution. c. Magasin voûté. — Le mur oriental était détruit sur la majeure partie de son développement, mais nous avons retrouvé ses fondations; d'ailleurs, les claveaux de retombée de la voûte en berceau surbaissé étaient en place dans le mur ouest. d. Magasin sur rue, intact. e. f. Magasins restitués, attestés par des restes de berceau englobés aujourd'hui dans la propriété voisine (Maison N° 7). g, h, i, j, k, l. Magasins voûtés, en parfait état de conservation, m. Escalier secondaire restitué d'après des traces très apparentes.

(1) Il en résulte, d'autre part, que nos plans ne correspondent pas exactement au terrain qui est la propriété de l'Etat français. A l'est, le mur mitoyen de la maison N° 7 a été déplacé de 3 mètres environ, vers l'ouest; à l'ouest, le magasin j est devenu une propriété indépendante. Au premier étage (Fig. 21), les pièces i, j, k tombent en majeure partie hors du terrain français, ainsi que les pièces ο et l et partie de l'espace n.

7

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PLAN DU PREMIER ÉTAGE F I G . 21)

a. Galerie ou portique. — On ne saurait imaginer que l'espace a correspondît à une grande salle; en effet, le mur ouest, d'un appareil très soigné et conservé dans toute sa longueur, présente, en q, un groupe d'armoiries en marbre, motif de décoration extérieure; d'ailleurs, les fenêtres t et x ne pouvaient prendre jour sur une salle close. D'autre part, on doit rejeter l'hypothèse d'une terrasse à ciel ouvert : la colonne engagée r, avec base et chapiteau, porte encore le premier claveau d'un arc surbaissé, r-u; en u, on observe les traces du pilier corres-

FIG. 21. — AUBERGE DE FRANCE. — Plan du premier étage.

pondant à r, et en s le piédroit d'une fenêtre dont il reste en place un claveau de l'arc surbaissé avec un fragment de l'appui. Ainsi l'espace a devait former une galerie plafonnée, largement ouverte sur la cour. Nous en avons indiqué l'ordonnance d'après des exemples analogues (Hôpital, Auberge d'Auvergne) (1). (1) V. PL. V et Fig. 39.

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Il était nécessaire, semble-t-il, que l'arc r-u fût contrebuté par un arc semblable, dans la longueur d'une galerie c, portée sur une voûte poursuivant le vestibule d'entrée. Cette galerie c prolongeait la partie b encore en place et permettait de desservir les différentes salles situées sur la rue. Signalons toutefois que cette restitution du passage c, si elle est motivée par des raisons de stabilité et d'analogie, demeure hypothétique; de même, celle de la galerie d et des salles i, j, k. a été déterminée par l'observation de vestiges trop menus pour qu'on puisse affirmer que la disposition figurée sur notre plan correspond exactement à la réalité. De la salle e, tous les éléments étaient conservés. Les fenêtres sur la rue étaient encore munies des sièges de pierre f, f, ménagés dans les ébrasements. La cheminée était intacte ainsi que la porte voisine. De la fenêtre nord, il restait le piédroit mouluré t, le siège v' , une amorce de l'appui, et le trou d'encastrement d'un meneau de marbre dont nous avons recueilli un fragment dans les décombres. Dans les murs de refend des salles f et g, en partie détruits, on retrouva les gaines des cheminées et, au niveau du sol, les traces des foyers et les restes des chambranles. La salle h, les pièces o, p, l, plus ou moins transformées, répondent, toutefois, à la distribution ancienne. Il est probable qu'en n une cour à ciel ouvert, établie sur la voûte du magasin inférieur, formait le palier d'arrivée de l'escalier secondaire m, et desservait les pièces h, l, ο et la galerie b. COUPE ( F I G . 2 2 )

Notre coupe a été tracée suivant l'axe du vestibule d'entrée et de l'escalier. Le corps de bâtiments, en bordure de la rue, correspond exactement dans toute sa hauteur à la construction médiévale. Si l'existence de la galerie-portique n'est pas douteuse, le nombre et les dimensions des travées, l'arrangement du détail ainsi que le dispositif de l'escalier ne doivent être considérés que comme une restitution vraisemblable. On remarquera, sur le mur du fond de la galerie, l'indication d'une fenêtre plein cintre qui correspond à la fenêtre x de notre plan (Fig. 2 1 ) . La baie est encore en place, mais le remplage que nous avons figuré a été détruit; toutefois, on en retrouve les traces sur les piédroits et sur l'intrados de l'arc. A droite de cette baie se développe un cadre mouluré, en Τ renversé, dont l'angle inférieur gauche apparaît seul sur notre dessin. Ce cadre renferme trois écus de marbre : 1° au sommet, les armes d'E. d'Amboise écartelées avec la croix de l'Ordre; 2° en bas, à gauche : de... à l'aigle de... accompagné en chef de l'étoile à six pointes, au chef de l'Ordre; 3° en bas, à droite, l'écu de Villiers de l'Isle-Adam. A la partie inférieure du marbre est gravée la date : 1 5 0 9 . FAÇADE

(PL.

Χ,

XI,

XII)

Au niveau de la rue s'ouvrent la porte d'entrée, les quatre baies des magasins et le passage voûté de l'ouest; au premier étage, cinq fenêtres rectangulaires s'appuient sur un bandeau mouluré, orné d'une tresse. Un bandeau de profil différent couronne les arcades du rez-dechaussée, au-dessus des corbeaux destinés à recevoir des auvents légers. On remarquera les divers décrochements de ces cordons, conséquence de la pente accentuée de la rue, qui présentait sans doute, au moyen âge, une série de larges gradins.

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Au-dessus des baies du premier étage, des corbeaux et des corniches en quart-de-rond permettaient l'installation d'auvents. Les gargouilles accusent les plans différents des terrasses, mais, malgré la surélévation de la salle principale au milieu de la façade, le faîte du mur demeure horizontal. Le parapet des terrasses offre deux dispositifs de créneaux et merlons qui, sans doute, répondent à deux phases de la construction; trois porte-bannière s'intercalent entre les quatre échauguettes demi-circulaires qui achèvent de donner à l'édifice son caractère particulier.

FIG. 22. — AUBERGE DE FRANCE. — Coupe longitudinale.

Cette façade est tout entière appareillée en assises réglées, d'un travail très soigné. Chacune des fenêtres du premier étage, au chambranle mouluré, est couronnée d'une corniche sculptée retombant sur des consoles. On remarquera la variété des motifs ornementaux de ces divers éléments : rinceaux stylisés, combinaisons de fleurs et de feuillages, entrelacs où apparaissent le cordon et les glands du chapeau cardinalice (PL. X I I I ) . Les gargouilles affectent des formes d'animaux étranges. Dans la quatrième, à droite, le sculpteur semble s'être inspiré d'une tête de bœuf; dans la première, à gauche (PL. X V , 3), et dans celles du centre (PL. XV, 2), l'imitation du crocodile est évidente. La reproduction de

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cet animal au faîte des édifices des Chevaliers se rattache peut-être à la prouesse célèbre de Dieudonné de Gozon et à sa lutte légendaire contre un dragon (1). De la menuiserie des portes et des fenêtres, il ne restait que partie des vantaux de la porte d'entrée (V. PL. I X ) . Nous avons rétabli les volets du premier étage d'après le type en usage à Rhodes, dont la maison N° 6 offre les exemples les plus complets et les mieux conservés (V. inf. Fig. 105). ARMOIRIES ET INSCRIPTIONS

a. — Au-dessus du portail d'entrée, plaque de marbre blanc de 0,57 x 0,22 (PL. X V , 1); sur une banderole, l'inscription suivante, en caractères gothiques (Fig. 23) : « De france le grant prior a. f. mery de amboyse ». Au-dessous de l'inscription, la date : 1492.

FIG. 2 3

A gauche de ce marbre, l'écu à la croix de l'Ordre; à droite, celui d'E. d'Amboise, et sous chacun d'eux, le blason du commandeur P. Clouet, tel qu'il figure sur la façade nord de l'Hôpital (2). b. — Entre les deux bandeaux, trois cadres semblables, rectangulaires, ornés de moulures et de rinceaux de feuillages. Les marbres que contenait le premier, à l'extrémité gauche, ont disparu. Le second renferme les écus de l'Ordre et d'E. d'Amboise et l'inscription suivante

FIG. 24

(Fig. 24 et PL. X V , 4) : « Reverendi Domini fratris Merici Damboise Francie magni prions edes, 1492 ». (1) Sur la prouesse de D. de Gozon, Cf. Bosio, Istoria, II, 72 et suiv. (2) Cf. Sup. Ch. III, fig. 18.

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Le troisième contient les mêmes armes et l'inscription (Fig. 25) : « De amboyse au (?) grant prieur ». c. — Au-dessus du premier bandeau ont été enchâssés dans le mur trois marbres de dimensions égales. Vers l'extrémité gauche de la façade, le dextrochère de Villiers de l'Isle-Adam est écartelé avec les armes de la famille de Nesle, à laquelle appartenait sa mère; à la partie inférieure du marbre, l'inscription : « Pour l'Oratoire, 1511 » (PL. X I X , 3). Au centre de la façade figure le dextrochère seul, avec l'inscription : « Pour la Maison, 1511 » (PL. XIX, 2);

FIG. 2 5

enfin à l'extrémité droite, on retrouve le même blason que le premier, avec l'inscription : « Pour Philerme, 1511 ». Il est bien certain que ces motifs ont été mis en place après coup; mais les hypothèses qu'on a pu faire sur leur destination première ne s'appuient sur aucun fait exact (1). d. — Motif central, intact, entre les deux fenêtres de la grande salle (PL. XIII et X I V ) . Le cadre rectangulaire, orné de colonnettes et de rinceaux de feuilles de chêne, renferme deux dalles de marbre blanc. Sur chacune d'elles est sculpté un écu : à gauche, l'écu de France aux trois lys, couronné du diadème royal, s'accompagne des légendes : « Dieu conduye le pèlerin », « Sainct Denis », « Voluntas Dei est », et de la date : 1495; le blason de droite porte les armes de d'Aubusson, écartelées avec celles de l'Ordre, et comme cimier la croix et le chapeau de cardinal. e. — A droite de la première fenêtre, cadre rectangulaire plus petit que le précédent, mais de même style, renfermant un écu aux armes d'E. d'Amboise écartelées avec celles de l'Ordre. Date : 1503. f. — Dans l'axe de chaque fenêtre, la corniche de couronnement présente un petit écu, sculpté dans le calcaire et portant les pals d'E. d'Amboise. Notons que dans la fenêtre de l'extrémité gauche ces pals sont écartelés avec la croix de l'Ordre et se rapportent à E. d'Amboise, grand-maître. Dans l'axe du motif central, à hauteur de la corniche, il existait un petit encastrement carré; un écu de marbre, aux armes d'E. d'Amboise, y était sans doute enchâssé ainsi que nous l'avons restitué. (1) On a supposé que ces marbres appartenaient à des troncs destinés à recevoir des aumônes. (Picenardi, Itinéraire, p. 65.) M. Gerola reprend cette hypothèse et l'appuie sur le fait que l'Hospitalier exerçait également la fonction d'Aumônier. (Gerola, Monumenti Medioevali, I, p. 280, η. 1.) Il convient d'observer qu'en 1511 Villiers de l'IsleAdam fut nommé Bailli de la Morée en remplacement de Charles de Brumières, qui succéda, dans les fonctions d'Hospitalier, à N. de Montmirel, décédé cette même année. (Bosio, Istoria, II, 596.) La pierre tombale de N. de Montmirel, conservée au Musée de Rhodes (Cf. PL. X L , 2), permet de vérifier l'exactitude de la date fournie par Bosio; et c'est seulement en 1512 que Villiers de l'Isle-Adam devint Hospitalier. (Bosio, II, 600.)

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A l'intérieur du bâtiment on n'observe que les armoiries, signalées plus haut, du mur de fond de la galerie. DATES DE LA CONSTRUCTION

Il résulte des inscriptions précédentes que l'édifice fut commencé en 1 4 9 2 et élevé, cette même année, jusqu'à la hauteur du second bandeau. Il est probable que les travaux subirent un temps d'arrêt puisque le motif central est daté de 1 4 9 5 . D'autre part, la première fenêtre à gauche porte dans sa corniche les armes d'E. d'Amboise, grand-maître, qui se répètent dans le cadre voisin, avec la date de 1 5 0 3 . Fut-il réservé à E. d'Amboise de terminer la construction? Son intervention se borna-t-elle à quelque remaniement de l'aile gauche? Il est impossible de rien affirmer; ce qui est certain, c'est que si la façade était complète dès 1 5 0 3 , certaines parties, à l'intérieur de l'édifice, furent achevées ou tout au moins transformées en 1 5 0 9 ; on en retrouve la preuve dans les armes qui ornent le mur de fond de la galerie du premier étage et qui portent cette date. Au reste, quelles qu'aient été les différentes phases de sa construction, le monument offre une parfaite homogénéité de style et demeure un exemple typique de ce que fut l'architecture rhodienne durant les trente dernières années de la domination de l'Hôpital ( 1 ) .

FIG. 26. — MAISON N° 6. — Porte d'entrée.

MAISON N° 6 A l'issue du passage pratiqué sous la maison N° 5, on rencontre à main gauche un large escalier a (Fig. 27), au sommet duquel s'ouvre une porte rectangulaire b, à l'enca(1) Ces constructions, édifiées entre 1492 et 1509, s'élevèrent peut-être sur l'emplacement de l'ancienne Auberge de France, où demeura le prince Djem en 1482; comme tous les édifices de Rhodes, elle avait sans doute beaucoup souffert des tremblements de terre de 1480.

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drement de marbre (Fig. 26) (1). Les piédroits ornés de moulures et de rosaces se ter-, minent par des chapiteaux à deux rangées de feuillages. Le linteau est surmonté dune fine

FIG. 2 7 . — MAISON N ° 6. — Plan du rez-de-chaussée.

corniche que décoraient trois blasons, taillés dans la masse du marbre. Ces armoiries, qui, au siècle dernier, ont été arrachées par quelque collectionneur, sont reproduites dans un dessin (1) L'escalier n'est point « en pierre bleue », comme le dit Rottiers (op. cit., p. 318); la première marche et le seuil de la porte sont en marbre, et tout le reste en calcaire ordinaire. Le dessin de cette porte, dans l'Atlas de Rottiers (PL. XLIV, 9), est exact dans les détails, mais les mesures sont erronées. D'autre part, l'auteur place en cet endroit la porte de style semblable, « entourée d'un feston et parsemée de fleurs » (Texte, p. 317; Atlas, PL. X L I V , 8), qui se trouve aujourd'hui à la Mosquée du Bezesten. Berg fournit la même indication (Die Inset Rhodus, Beschr. Theil, p. 49); mais il n'a fait, très certainement, que copier Rottiers. Flandin, qui visita Rhodes en 1844, donne en effet de la Mosquée du Bezesten une gravure qui correspond à son état actuel; la porte de marbre y est figurée à l'endroit qu'elle occupe aujourd'hui. (Flandin, l'Orient, II, pl. 30.) Il est

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de Rottiers : au milieu, l'écu de France aux trois lys, surmonté de la couronne royale et flanqué à droite et à gauche de deux blasons semblables entre eux, non identifiés : « Ecartelé; au premier et au quatrième, de... au lion de...; au second et au troisième, aux sept fuseaux de... » (1).

FIG. 28. — MAISON N° 6. — Plan du premier étage.

Au-dessous de l'écu de France, on lit la date : M D X ( ? ) ; la lecture du dernier chiffre est douteuse. vrai que son encadrement de marbre paraît avoir été mis en place après coup; mais on admettrait difficilement qu'il ait été transporté par les Turcs entre 1826 et 1844. Il est plus probable que Rottiers a commis une erreur en attribuant les deux portes à l'Auberge de France. On n'imagine point, d'ailleurs, en quel endroit la seconde eût pu trouver place. (1) Rottiers, op. cit., PL. X L I V , 9, et PL. L X X I I I , 5. — Berg (op.cit., Beschr. Theil, p. 50) signale un blason différent, mais c'est sans doute le résultat d'une confusion L'écu qu'il indique est donné par Rottiers comme appartenant à l'Auberge d'Espagne. (Texte, p. 321; Atlas, PL. L X X X I I I , 23)

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REZ-DE-CHAUSSÉE ( F I G . 2 7 )

La porte b franchie, on pénètre dans un jardin, sur lequel s'ouvrent les arcades c, d, e, supportant un escalier et une galerie extérieure. Le magasin f est voûté d'un berceau très surbaissé et la ruelle contiguë d'un berceau plein cintre. C'est de cette ruelle qu'on accède aux magasins j, k, l cependant qu'en face de l'escalier a, une porte en arc brisé conduit au vestibule g, remanié à son extrémité est, mais où nous avons cru retrouver les traces d'un escalier h conduisant au premier étage. Ainsi, au rez-de-chaussée, la maison se composait de deux groupes de magasins distincts, situés de part et d'autre du passage.

PREMIER ÉTAGE ( F I G . 2 8 )

L'escalier m et la galerie n desservaient les salles ο et p; l'escalier h menait au couloir r, et, de là, aux différentes pièces q, s, t, u, éclairées sur la cour i. Cette aile orientale de la maison tombe en ruines. A part la fenêtre z, bien conservée, les autres ouvertures ont été restituées sur notre plan d'après des indices parfois assez vagues. Par contre, les pièces ο et p, qui forment maintenant un logis indépendant, sont encore intactes; elles possèdent leurs plafonds de cyprès, leurs fenêtres à meneaux ν, υ, leurs fenêtres secondaires w et y. En outre, les volets de menuiserie sont demeurés en place en v et v', ainsi que les vantaux de la porte x (1). Au-dessous de la fenêtre w, sur la façade regardant la ruelle, est encastré un blason de marbre où se répètent les armes qui figuraient sur le linteau de la porte d'entrée, de part et d'autre de l'écu de France.

FAÇADE SUR LE JARDIN ( F I G . 2 9 )

La grande salle est plus élevée que les pièces secondaires (V. Fig. 30); la terrasse possède encore son parapet à créneaux et merlons, muni vers l'intérieur d'une série de porte-bannière. Sous les plafonds s'ouvrent de petites fenêtres rectangulaires; au-dessus de la porte de la grande salle, un cadre mouluré, en croix, renfermait quatre blasons aujourd'hui disparus : les armes de France aux trois lys, surmontées de la couronne royale, étaient flanquées à gauche des armes d'E. d'Amboise et à droite de celles de F. de Carretto, écartelées l'une et l'autre avec la croix de l'Ordre. En bas, figurait à nouveau l'écu du dignitaire inconnu, signalé déjà à deux reprises ( 2 ) . La réunion dans un même cadre des armes d'E. d'Amboise et de F. de Carretto prouve que les travaux de construction, commencés dès 1510, millésime de la porte d'entrée, sous le magistère d'E. d'Amboise, ne furent parachevés qu'en 1513 sous celui de F. de Carretto, date à laquelle, sans doute, fut mis en place le motif décoratif de la façade sur le jardin.

(1) V. inf. fig. 108. (2) Ces quatre blasons faisaient partie d'une collection dont M. de Belabre donne une photographie. (De Belabre, Rhodes of the Knights, fig. 2; cf. ibid., p. 119). — Cf. Flandin, Histotre des Chevaliers de Rhodes, Tours 1879, p. 320.

FIG. 29. — MAISON N° 6. — Façade sur le jardin.

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LA CITÉ DE RHODES

IDENTIFICATION DES MAISONS N

O

S

5 ET 6

Les armes d'Emery d'Amboise, qui se répètent sur la façade de la maison N° 5 (PL. X ) , les inscriptions où revient le nom du Grand-Prieur de France, et notamment la formule : Reverendi Domini Fratris Merici Damboise Francie magni prions edes (Fig. 24), paraissent justifier l'opinion de Rottiers qui voit dans cet édifice le Prieuré de France (1). Il faut reconnaître, en tout cas, que cette identification ne saurait être rejetée à priori, et que les raisons qu'on a alléguées pour la combattre ne sont pas rigoureusement exactes.

FIG. 30. — MAISON N° 6. — Coupe.

On a dit, en effet, que les Prieurs ne résidaient pas au couvent (2). Il est vrai que ces dignitaires étaient des officiers d'outremer, ou « deça mer », c'est-à-dire d'Occident, dont le rôle essentiel était de veiller à l'administration des prieurés (3); mais on peut constater, dans l'histoire de l'Ordre, qu'ils venaient fréquemment à Rhodes et que certains d'entre eux y firent des séjours prolongés (4). Au reste, sous le magistère de R. Bérenger, on décida que trois prieurs, au moins, devraient demeurer au couvent, et plus tard, au temps de R. Zacosta, on précisa dans quel ordre devaient se faire les mutations (5). (1) Rottiers, op. cit., p. 315 et suiv.; PL. X L V . (2) Berg (op. cit., Beschreib. Theil, p. 48) est le premier à avoir soutenu cette idée, souvent répétée après lui. — Cf. Biliotti et Cottret, op. cit., p. 515; Picenardi, Itinéraire, p. 62. (3) Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte et à Chypre, p. 355 et suiv. ; sur le Prieur de France, v. p. 367-371. (4) Pierre de Corneillan, Prieur de Saint-Gilles, était à Rhodes lors de son élection (Bosio, Istoria, II, 86); Jean de Lastic, Prieur d'Auvergne, assistait au Chapitre de 1428 (ibid., p. 201); Pierre d'Aubusson, Prieur d'Auvergne et Surintendant des Travaux de fortification, semble s'être fixé à Rhodes dès 1472 (ibid., p. 335); Guy de Blanchefort, Prieur d'Auvergne, fit au couvent de nombreux séjours (ibid., p. 509 et 570). (5) Décision du Chapitre présidé par Raymond Bérenger en Octobre 1370 (Bib. Nat., Ms. 17255, f° xlviij, § xxix), confirmée le 1 Mars 1380 (f° lv, § xxxij) et complétée par R. Zacosta (ibid., f° cxxvj, § xxxv). er

LES AUBERGES

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Est-il possible, toutefois, d'admettre qu'un édifice aussi vaste que la maison N° 5 ait été entièrement réservé au seul Prieur de France, dont le séjour à Rhodes ne pouvait être que temporaire? (1) On observera, en outre, qu'aucun voyageur ne fait mention des Prieurés, alors qu'on trouve, en différents récits, des allusions aux Auberges, qui paraissent avoir compté parmi les monuments les plus importants du Château (2); enfin, il serait singulier que les Auberges de France, de Provence et d'Auvergne aient totalement disparu, et que les prieurés correspondants nous soient parvenus plus ou moins complets. Certaines observations, que suggère l'examen de la maison N° 5, paraissent à elles seules infirmer l'identification de Rottiers. Les armes de P. Clouet, au-dessus de la porte d'entrée, ne sont peut-être que la signature d'un architecte ou d'un directeur des travaux; mais dans le cas où la maison eût été la demeure exclusive du grand-prieur, comment justifier la présence, sur la façade, des trois écus de Villiers de l'Isle-Adam, qui ne remplit jamais cette fonction? Son blason figure, en outre, sous la loggia de la cour; il y fut mis en place en 1509, date à laquelle Villiers de l'Isle-Adam était tout au plus Trésorier (3); et quel qu'ait été le rang du dignitaire auquel appartenait l'écu voisin, la réunion de deux blasons dans un même cadre laisse supposer que l'édifice faisait partie du patrimoine commun de la Langue de France. Il nous semble possible de concilier ces données diverses, en apparence contradictoires. Nous ne possédons aucun texte relatif au rôle joué par E. d'Amboise dans la construction de cette maison; mais nous savons que, vers 1511, le Prieur de Saint-Gilles, Charles Aleman de la Rochechenart, faisait édifier, à ses frais, « un bello, e commodo Palagio nella Città di Rodi ; « per publica utilità de' Cavalieri délia Lingua di Provenza, e per commodità de' Priori di « San Gilio, che dopo lui, in Convento farebbono residenza » (4). Il est permis d'attribuer à E. d'Amboise une libéralité analogue et d'imaginer que l'édifice qui porte ses armes et son nom n'était pas seulement destiné au grand-prieur, mais qu'il était ouvert également aux Chevaliers de la Langue de France : il constituait donc une partie de l'Auberge de cette Langue (5). On pourrait objecter que le Pilier de l'Auberge de France était l'Hospitalier, bailli conventuel. Or, les seules armes de la façade qui datent de la construction sont, avec celles du grand-maître P. d'Aubusson et du grand-prieur E. d'Amboise, les deux blasons de P. Clouet qui surmontent la porte d'entrée. P. Clouet exerçait-il alors les fonctions d'Hospitalier? Nous n'avons retrouvé sur ce point aucune indication; on peut admettre, toutefois, que, même

(1) E. d'Amboise assistait au Chapitre tenu à Rhodes en 1489, en qualité de Prieur de France (Lib. Bull., A. D. 1489-1490, Ms. 390, f° 171 ; Bosio, Istoria, II, 505). Nous n'avons pu recueillir, sur ses séjours à Rhodes, aucune autre précision; ce qui est certain, c'est qu'il demeurait en France, lors de son élection au magistère, en 1503 (Bosio. II, 609); il est probable, en outre, qu'il présida en personne à la construction de l'oratoire élevé à Paris à ses frais en 1493 (Bosio, II, 512). (2) V. Anonyme de 1480, G. Lengherand, Des Hayes, Pietro della Valle, Stochove, etc., op. et loc. cit. (3) Villiers de l'Isle-Adam était Hospitalier lorsqu'il succéda à F. de Carretto, en 1520; il occupait cette charge depuis 1512 (Bosio, II, 600). En 1503, il était Commandeur de la Croix-en-Brie et de Troyes (Bosio, II, 571), et en 1511 recevait le Bailliage de la Morée (II, 596). Nous ignorons ses fonctions exactes en 1509. (4) Bosio, Istoria, II, 599. (5) Notons qu'E. d'Amboise était riche et généreux; il avait fait construire à ses frais, au temple de Paris, un somptueux oratoire, à l'imitation du Saint-Sépulcre. (Bosio, II, 512.)

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LA CITÉ DE RHODES

dans ce cas, ses armes aient occupé un rang secondaire par rapport à celles d'E. d'Amboise. Le Grand-Prieur de France paraît, en effet, avoir été à cette époque le premier dignitaire de la Langue (1). A en croire les relations de certains voyageurs, les maisons N° 5 et N° 6 étaient en communication directe au premier étage (2). Il est impossible, aujourd'hui, de vérifier cette assertion, mais la présence, dans chaque demeure, de l'écu royal aux trois lys laisse supposer qu'elles se rattachaient l'une et l'autre à une institution de la Langue de France. Dans une décision du chapitre de Janvier 1466, les Frères de cette Langue sont divisés en trois groupes, correspondant aux Prieurés de France, de Champagne et d'Aquitaine (3). Possédaient-ils trois tables distinctes et l'une d'elles était-elle dressée dans la maison N° 6? Ou bien était-ce là l'habitation de quelque dignitaire? Seule, l'identification des blasons inconnus permettrait peut-être de trancher cette question. Selon Rottiers, l'Auberge de France aurait correspondu à une construction voisine de la Mosquée de Suleiman; il ne reste plus aucun vestige de cet édifice qui, en 1826, était déjà « entièrement délabré ». Sur l'arrière-façade, on pouvait voir les armes de France, de l'Ordre et du Trésorier, Renaud (et non Régis) de Saint-Simon; au-dessous, on lisait l'inscription suivante : « Christus vicit, Chrïstus regnat, Christus imperat. R. D. F. Regis (sic) de Sancto Simone thesaurarius has aedes restauravit, M.CCCC.LXXXVIIII, X junii » (4). La façade principale du bâtiment, dès 1826, « ne ressemblait plus à rien ». Rottiers se borna à y relever l'inscription suivante : « R. D. F. P. Couriaut (sic) Baiulius Moree et Preceptor des Espaulx hanc reedificaverunt MDXX » (5).

.

Ainsi, Rottiers n'apporte aucune preuve à l'appui de l'identification qu'il propose. L'immeuble, toutefois, se rattachait à la Langue de France; ce pouvait être la demeure du Trésorier ou celle du Bailli de la Morée, qui appartenaient l'un et l'autre à cette Langue (6). En tout cas, les édifices N

o s

5 et 6 semblent avoir fait partie d'un groupe de constructions

s'étendant au delà de ces deux habitations, mais dont il est maintenant impossible de fixer

(1) Antoine Chabot, Pierre Pont, Charles de Brumières étaient tous trois Hospitaliers lorsqu'ils furent élus Grands-Prieurs de France (V. Bosio, Istoria, 590, 596, 600, 621, 645). — On doit d'ailleurs observer que « les agents de l'autorité centrale et ceux de l'autorité régionale formaient deux classes parallèles, et sans rapports l'une avec l'autre »; on ne saurait donc établir entre eux une hiérarchie rigoureuse. (Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte, p. 356). (2) Vers 1830, l'ensemble des constructions était occupé, semble-t-il, par le Directeur de la Douane; la maison n° 6 correspondait au selamlik et la maison n° 5 au harem. (Michaud et Poujoulat, Correspondance d'Orient, p. 10.) (3) V. Pièces justificatives, X I I I . (4) Rottiers, op. cit., p. 314. On en déduit les armes de R. de Saint-Simon. (Rottiers, Atlas, PL. L X X I I I , 18). — Renaud de Saint-Simon,'nommé Trésorier en 1486 (Bosio, II, 495), devint Bailli de la Morée en 1491 (ibid., II, 509), il intervint à diverses reprises dans les îles de la Religion (II, 511, 516) et au Château Saint-Pierre (II, 580). (5) Rottiers, op. cit., p. 322. — On peut se demander si la date et le nom ont été lus très exactement. Nous n'avons point retrouvé mention de ce P. Couriaut; mais nous savons qu'Emery Cumbault était trésorier dès la fin de 1519. (Bosio, II, 621.) Nous le retrouvons comme Bailli de la Morée durant le siège de 1522. (Ibid., II, 679, 686.) Notons que Flandin donne la lecture suivante, qui de toute manière nous paraît plus exacte que celle de Rottiers : « R. D. E. P. Gouriaut Baiulivus Moree preceptor Des Espaulx hanc reedificavit MDXX ». (Flandin, Histoire des Chevaliers de Rhodes, Tours 1879, p. 323.) L'auteur suppose qu'il s'agit de Gouriaut de Passa ( ? ) . (6) Les armes de France ne suffiraient point, à elles seules, à prouver que le monument dépendît de la Langue de France; elles s'accompagnaient, en effet, de la date : 1489. Or, dès 1487, la Provence était réunie au domaine royal, et nous voyons les lys figurer sur la façade de la maison N° 18, au-dessus du blason du Prieur de Toulouse, dignitaire de la Langue de Provence.

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les limites et les dispositions d'ensemble. La persistance de la tradition, la situation et l'importance de ces maisons, plus encore que les déductions suggérées par quelques détails, nous ont conduit à les considérer comme la partie essentielle de l'Auberge de France. Nous ne dissimulons point, d'ailleurs, que des éléments précis nous font défaut, qui seuls permettraient de présenter des conclusions très affirmatives.

II. — AUBERGE D'ESPAGNE En 1462, les Chevaliers originaires de la péninsule ibérique furent répartis en deux Langues distinctes : Aragon, Catalogne et Navarre d'une part, Castille-Léon et Portugal de l'autre; toutefois, ils continuèrent à se réunir dans une Auberge unique (1). Cet édifice est assez bien conservé et correspond à un ensemble de vastes bâtiments situés sur le côté sud de la grand' rue du Château, de part et d'autre de l'arcade qui la traverse vers le milieu (2).

PLAN

Au rez-de-chaussée (Fig. 31), un passage voûté divise les constructions en deux groupes distincts : à l'ouest, le vestibule a, l'escalier à ciel ouvert b, les magasins c et d; à l'est, les magasins e, f, h et la cour g, en partie modernisée. Au premier étage (Fig. 32), l'escalier b aboutit au palier i, qui dessert la salle n et le couloir k,. D'autres pièces, j, l, m, o, sont réparties à ce niveau. Une salle de très vastes dimensions ρ (21 m. x 8 m.) s'étendait en bordure de la rue. Sa toiture est aujourd'hui détruite, ainsi que la partie supérieure des murs, et des cloisons modernes la divisent en plusieurs chambres. Elle s'accompagnait au sud d'une galerie couverte q, dont les arcades ont été murées ou remaniées et dont il est malaisé de fixer les limites exactes. De l'examen de certains détails, il semble résulter qu'elle s'étendait jusqu'à la cour g et était desservie ainsi que la salle ρ par un escalier s, élevé sur l'emplacement de l'escalier actuel, entièrement moderne; mais cette restitution n'est qu'hypothétique. Ce qu'il convient de remarquer, c'est l'ampleur inaccoutumée de la grande salle, que justifie la réunion de deux Langues en une seule Auberge. La salle r, supportée par l'arcade qui franchit la rue des Chevaliers, est d'origine ancienne et figure sur les miniatures du code Caoursin (3). Elle est aujourd'hui rattachée à l'édifice qui fait face à l'Auberge. Il est possible qu'au moyen âge elle ait servi de passage entre la grande salle de l'Auberge et des dépendances situées de l'autre côté de la rue.

(1) « De la creation et institution du chancellier nouveau bailly. » « ...laquelle dignite de nouveaul bailliage assi« gnons perpetuellement a la venerable langue despaigne laquelle nous divisons en deux langues constituées soubz « une auberge... » (Bib. Nat., Ms. fr. 17255, f° cxxjv., § ij.) (2) Rottiers l'appelle Prieuré d'Espagne (Op. cit., p. 319 et suiv.; Atlas, PL. X L V I . ) (3) Bib. Nat., Ms. lat. 6067, f° 37 verso, f° 58 et analogues. — Cette arcade est visible également sur le f° 32, reproduit dans notre Tome I, PL. I, 2.

FIG. 3 1 . — AUBERGE D'ESPAGNE. — Plan du rez-de-chaussée.

F I G . 32. —

AUBERGE

D'ESPAGNE,

– Plan du premier étage.

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LA CITÉ DE RHODES

FAÇADE

La façade de l'Auberge, qui se développe sur 35 mètres de longueur, trahit des différences de style et de technique qui répondent à des phases diverses dans la construction de l'édifice (Fig. 43).

FIG. 3 3 . — AUBERGE D'ESPAGNE. — Façade (aile orientale) m

A gauche de l'arcade qui franchit la rue, le mur est appareillé en assises de 0 4 5 jusqu'au bandeau d'appui des fenêtres du premier étage. Cette aile est datée par les armes du grandmaître Fluvian. Les deux piliers polygonaux remontent à la même époque (Fig. 33) (PL. X V I I , 2). Au-dessus du bandeau orné d'entrelacs, la construction, à en juger par son appareil de hauteur réduite, paraît plus récente. Elle porte les traces d'un remaniement assez curieux de

LES AUBERGES

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la baie en arc surbaissé, transformée en une fenêtre rectangulaire de moindres dimensions. Le mur de façade étant arasé à trois mètres du faîte ancien, on ne saurait préciser comment se terminaient, vers le sommet, les piliers polygonaux. On peut supposer que, comme à la Lonja de Palma, ils étaient couronnés par des plates-formes crénelées. A droite du passage, la façade est entièrement appareillée en petites assises (Fig. 34) (PL. X V I I , 1); toutefois, l'arcade plein cintre de la porte d'entrée, aux larges claveaux, est surmontée des armes de Fluvian; c'est donc à ce grand-maître qu'il faut attribuer la fondation des deux ailes de l'Auberge. Les fenêtres du premier étage ont été restituées sur notre dessin, mais sont trop mutilées pour qu'on puisse fixer leur date. Ce qui est certain, c'est e

qu'au début du XVI siècle, sous le magistère d'E. d'Amboise, le monument subit une dernière transformation. Une gravure de Rottiers nous en fournit la preuve (1); un cadre en croix, dont il ne reste aujourd'hui que la partie inférieure, était encore intact en 1826, au sommet de l'édifice, et renfermait un groupe de sept blasons de marbre. Dans la suite, ces armoiries furent transportées au musée de Constantinople. La reproduction des trois principales d'entre elles (PL. X V I I I ) (2) suffira à attester l'exactitude du dessin de Rottiers. Les marbres étaient disposés de la manière suivante : à la rangée supérieure, au centre, les armes de Castille, Aragon et Grenade étaient assemblées sur un même écu, supporté par un aigle aux ailes éployées (PL. X V I I I , 2 ) ; elles étaient flanquées, à gauche, des armes de Portugal (ibid., 1); à droite, de celles de Navarre (ibid., 3 ) ; les écus d'A. Fluvian et d'E. d'Amboise, grands-maîtres, occupaient les extrémités gauche et droite de cette rangée. Audessous figuraient trois blasons plus petits; celui du milieu peut être attribué à Diomède de Villaragut, Châtelain d'Amposte (3); les deux autres, qui n'ont pas été identifiés, appartenaient sans doute à des dignitaires de la Langue d Espagne.

(1) Rottiers, op. cit., PL. X L V i et PL. L X X I I I , 6. (2) Si nous avons pu reproduire les photographies de ces marbres, d'après les clichés mêmes du Musée, nous le devons à l'amicale obligeance de Th. Macridy-Bey, Conservateur du Musée impérial, auquel nous sommes heureux d'adresser à nouveau nos vifs remerciements. Les trois blasons que contient notre PL. XVIII correspondent aux numéros suivants de l'inventaire général du Musée : 1 (N° 967), 2 (N° 944), 3 (N° 964). On conserve également au Musée les écus d'E. d'Amboise (N° 957) et de Fluvian (N° 955), qui appartenaient au même groupe; ainsi que ceux de D. de Villaragut (N° 956) et du dignitaire espagnol inconnu (N° 952), qui figuraient l'un et l'autre à la rangée inférieure du motif. Ces marbres sont signalés par S. Reinach (Catalogue du Musée d'Antiquités de Constantinople, Constantinople, 1882) sous les numéros 586-596 (p. 61); et par A. Joubin (Catalogue des Sculptures grecques, romaines, byzantines et franques, Constantinople, 1893) sous les numéros 201-219, en même temps que d'autres armoiries de même provenance. (3) L'identification de cet écu (fascé de... et de... de six pièces) résulte de l'inscription : « Dels Vilaraguts » qui accompagne un blason semblable daté de 1497 (Musée de Rhodes, N° 1129). — Cf. De Belabre, Rhodes of the Knights, p. 149, fig. 152 a.) Diomède de Villaragut, Procurateur du grand-maître dès 1471 (Bosio, Istoria, II, 239), prend part comme Commandeur d'Aliaga au siège de 1480 (Ibid., 425). En qualité de Drapier, il approuve les comptes du chapitre général de 1489. (Lib. Bull., A. D. 1489-1490, Ms. 390, f° 163). Il est cité comme Châtelain d'Amposte en 1497 (Bosio, Istoria, II, 528) et en 1504 (Lib. Bull., A. D. 1510-1511, Ms. n» 400, f° 108; copie d'un acte de 1504. — Bosio, Istoria, II, 581.) Il était donc Châtelain d'Amposte lorsque, sous le magistère d'E. d'Amboise, ses armes furent placées sur la façade de l'Auberge d'Espagne. L'orthographe Villaragut, attestée par les textes de Malte cités plus haut, n'est pas douteuse; et Diomède de Villaragut ne doit pas être confondu avec Jean de Villagut, dont nous avons relaté précédemment la donation en faveur de l'Hôpital. (V. sup., p. 30.)

FIG. 3 4 . — AUBERG D'ESPAGNE. — Façade (aile occidentale).

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LES AUBERGES

Il est certain qu'E. d'Amboise, ayant présidé à une modification ou à une restauration de l'édifice, voulut rappeler les travaux de Fluvian en réunissant dans un même cadre ses propres armes et celles de son prédécesseur. On ne saurait déterminer quelle fut l'importance de cette e

dernière transformation, au début du XVI siècle; mais il ne semble pas qu'elle ait modifié les e

dispositions générales de l'Auberge qui, dans leur ensemble, remontent au milieu du XV siècle.

FIG. 35. — AUBERGE D'ESPAGNE. — Coupe.

Nous n'avons pas retrouvé l'emplacement de la chapelle signalée par Rottiers (1); aussi bien, l'Auberge pouvait-elle s'étendre au delà des limites de notre plan. Peut-être faut-il y rattacher une maison voisine, à l'est, qui s'ouvre sur une rue parallèle à la rue des Chevaliers ( N ° 21). Il n'en reste qu'un pan de mur, où est encastré le blason de marbre suivant : «Ecartelé; au premier et au quatrième, de... à l'étoile à 8 pointes de...; au second et au troisième, de

au

e

château à 3 tours de... » Cet écu, d'exécution malhabile, paraît remonter au X I V siècle. Quoi qu'il en soit, on peut en toute certitude identifier à l'Auberge d'Espagne le monument que nous venons de décrire; cette destination est attestée par la présence, dans un même cadre, des armes de Castille, d'Aragon, de Grenade, de Navarre et de Portugal.

III. — AUBERGE DE PROVENCE En face de l'Auberge d'Espagne s'étendait une vaste construction (V. Fig. 1, N° 18) dont il ne subsiste qu'une partie du mur de façade; le portail d'entrée (PL. X X , 1), du même style que celui de l'Auberge de France, est surmonté de l'inscription suivante (Fig. 36) : « Reverendus Dominus F rater Franciscus Flota Prior Tholose construxit, anno 1518 ». Au-dessus, dans un cadre en croix, sont réunis quatre blasons de marbre : l'écu royal de (1) Rottiers, op. cit., p. 321. — Rottiers a vu « à côté de la porte un bénitier de marbre » ; et ce détail semble prouver que son observation répond à la réalité. Il signale également une chapelle dans l'enclos du Prieuré d'Italie, et il est fort possible que chaque Auberge ait possédé une chapelle particulière.

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LA CITÉ DE RHODES

France, celui de l'Ordre, celui de Carretto, grand-maître, et celui de François Flota (PL. X I X , 1). Des dispositions intérieures de la maison, complètement modernisée, il ne reste pas vestige.

FIG. 3 6 . — AUBERGE DE PROVENCE ( ? ) . — Inscription.

Ecus et inscriptions ne permettent pas d'affirmer que l'édifice corresponde à l'Auberge de Provence. Nous savons que celle-ci fut gravement endommagée par le tremblement de terre de 1481 (1) et que le Prieur de Saint-Gilles, Charles Aleman de la Rochechenart, la fit reconstruire à ses frais, au moins en partie (2). Il est possible que l'édifice ait été complété, en 1518, par le Prieur de Toulouse. En tout cas, le siège des chevaliers provençaux paraît avoir été situé dans ces parages; c'est là que Rottiers signale la présence d'un écu à la croix de Jérusalem, signe distinctif de la Langue de Provence (3).

IV. — AUBERGE D ' I T A L I E Etant donné le nombre des Chevaliers italiens qui résidaient au Couvent, il semble difficile d'identifier à l'Auberge d'Italie la maison N° 8 (V. Fig. 1), située dans la partie basse de la grand'rue du Château, et que Rottiers appelle « Prieuré d'Italie » (4). Elle est de dimensions bien réduites pour avoir pu recevoir chaque jour une nombreuse assemblée; en outre, on n'y observe d'autre blason que celui de F. de Carretto, grand-maître, alors que la coutume était de faire figurer sur la façade des Auberges les armes des Baillis Conventuels ou des Prieurs. Les arguments qu'on a fournis pour justifier l'identification communément admise ne nous paraissent pas très convaincants (5); s'il convient de tenir compte de certaines traditions, il est également nécessaire d'accueillir avec quelque réserve celles que Rottiers nous a transmises (6). M. Gerola a pensé (7) que l'Auberge d'Italie pouvait correspondre à une maison située (1) Bosio, Istoria, II, 438. (2) Ibid., II, 599. (3) Rottiers, op. cit., p. 323, et Atlas, PL. LXII, 13. (4) Rottiers, op. cit., p. 324 et suiv.; Atlas, PL. X L V I I . (5) A Maiuri, Il Restaure dell'Albergo d'Italia a Rodi, p. 12 et suiv., ds. Bollettino d!Arte, X, 5-6, 1916. (6) La description de Rottiers (op. et loc. cit.) est d'ailleurs remplie d'inexactitudes. Où placer le jardin au chêne immense et la chapelle, qui, dans son récit, sont les dépendances directes du Prieuré? (7) Gerola, Monumenti medioevali, I, p. 297-298.

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dans une rue perpendiculaire à la Rue des Chevaliers (V. Fig. 1, N° 15). Sa façade, fort simple, est décorée d'un blason, daté de 1517, aux armes de l'Amiral C. Operti; mais il est malaisé de se rendre compte des dispositions anciennes de cet édifice, entièrement transformé à l'intérieur. Peut-être n'était-ce qu'un immeuble appartenant à l'Amiral C. Operti, ou quelque dépendance de la Langue d'Italie, sans relation directe avec l'Auberge. Dans deux textes de Malte, nous avons retrouvé mention du Jardin de l'Amiral, propriété de la Langue d'Italie; il était voisin de l'Arsenal et de la Chapelle de Saint-Démétrius, et s'étendait jusqu'aux remparts (1). On pourrait penser qu'il était contigu, d'autre part, à l'Auberge d'Italie, qui aurait été située, en ce cas, dans la région nord-est du Château. Mais malgré nos recherches dans ces parages, parmi des maisons transformées ou détruites, nous n'avons pu recueillir aucune indication nouvelle permettant de préciser l'emplacement de cette Auberge (2).

V. — AUBERGE D'AUVERGNE Nous l'avons identifiée à la maison N° 11 (V. Fig. 1) d'après l'inscription datée de 1507 qui surmonte la porte d'entrée (Fig. 41). De même que les Auberges de France et de Provence, cet édifice abritait sans doute et le Prieur et les Chevaliers d'Auvergne. Nous possédons d'ailleurs, sur la situation de l'Auberge de cette Langue, une indication assez précise. Durant le siège de 1480, les Turcs avaient affûté, dans le voisinage de l'église Saint-Antoine, des canons qui tiraient contre la Tour Saint-Nicolas. Pour tenter de les détruire, les assiégés placèrent de leur côté trois bombardes, in ortulo palacii militum arverniorum (3), ou Jardin de Loberge d'Auvergne (4). Il ne pouvait s'agir, évidemment, que d'un tir indirect par-dessus la courtine; et les alentours de la maison N° 11, vers le nord, étaient un des emplacements les plus favorables à l'installation de cette batterie. Les magasins voûtés du rez-de-chaussée sont en majeure partie intacts; le premier étage a été restauré par les soins du Corps d'occupation italien. Tel qu il se présente aujourd hui, l'édifice ne correspond qu'à une partie de l'Auberge du moyen âge : celle-ci possédait, au sud-est, une aile de bâtiments qui a complètement disparu. Le mur moderne g' g' laisse en dehors de l'enclos actuel l'angle sud-est du terrain ancien, qui devait être limité par les murs h et i (Fig. 37).

(1) Le 23 Décembre 1480, le grand-maître ordonne de payer à la Langue d'Italie 50 florins de Rhodes « occasione « duorum domorum arborum quorundem et terreni destructorum in jardino venerandi admirati occasione construc« tionis murorum... » (Lib. Bull., 1480, f° 191). — « ...A fundamentis ereximus instauravimus ampliavimusque sacel« lum sive capellam juxta viridarium nostri admirati infra Castellum Rhodi in vicinia Tersenalis quod ad honorem « dei sub nominibus sanctorum Marie et Dimitrii dedicavimus... » (Lib. Bull., 1510-1511, f° 207.) Le Jardin de l'Amiral nous paraît correspondre, au moins en partie, au lieu dit Egri Liman. (2) Nous rangeons la maison N° 8 parmi les édifices non identifiés, que nous étudions au chapitre suivant. (3) Caoursin, De Urbis Rhodiae obsidione, a, iiij. (4) Merri Dupui, Relation du siège de 1480, ds. Vertot, Histoire des Chevaliers de Saint-Jean (Ed. Paris, 1726), p. 601.

64

LA CITÉ DE RHODES

FIG. 37. — AUBERGE D'AUVERGNE. — Plan du rez-de-chaussée.

LES AUBERGES

FIG. 38. — AUBERGE D'AUVERGNE. — Plan du premier étage 10

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66

LA CITÉ DE RHODES

PLAN DU REZ-DE-CHAUSSÉE ( F I G . 3 7 )

La porte principale de l'Auberge a s'ouvre sur le vestibule b, voûté d'ogives, d'où l'on accède à la cour c. En d, on observe le seul pan du mur qui subsiste de l'aile du sud-est. Un escalier f conduisait aux différentes salles du premier étage, groupées autour de cette cour. A gauche de la porte a, un large passage voûté débouche dans l'enclos de l'Arsenal. Sur la façade nord s'appuient un escalier l et une galerie, supportés par les berceaux m, n, n, n ; en ο est creusé un puits. Toutes les autres divisions du plan correspondent à des magasins p, p, p, voûtés en berceau. Il est fort probable que des magasins analogues occupaient l'espace quadrangulaire compris entre les murs h, i, j, k.

FIG. 39. — AUBERGE D'AUVERGNE. — Façade nord.

PLAN DU PREMIER ÉTAGE ( F I G . 3 8 )

Le point d'appui d'est le seul vestige des constructions qui entouraient la cour c, au premier étage. Nous avons restitué en pointillé la distribution hypothétique correspondant à la partie détruite. Au nord, l'escalier l aboutissait à la galerie r, sur laquelle s'ouvraient différentes pièces s, t, u, v; la dernière paraît avoir été une cuisine. Les salles s, w, x, y, z possèdent encore leurs fenêtres rectangulaires, munies dans les ébrasements de sièges de pierre; la salle z, établie sur la voûte du passage, était divisée en deux travées par un arc supportant le solivage. FAÇADE NORD ( F I G . 3 9 )

Les arcs surbaissés du soubassement reproduisent une disposition courante. La galerie couverte a été reconstruite en 1919, d'après des traces assez précises. Elle comprend trois

LES AUBERGES

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travées d'arcs surbaissés et un arc plein cintre. Les points d'appui de ce portique sont flanqués de colonnes engagées avec bases et chapiteaux. Les salles, plus élevées que la galerie, ont conservé en partie leurs solivages et parfois leurs cheminées anciennes (Fig. 40).

FIG. 40. — AUBERGE D'AUVERGNE. — Coupe.

FIG. 41. — AUBERGE D'AUVERGNE. — Inscription.

FAÇADE SUD

Au premier étage, les fenêtres rectangulaires, au chambranle mouluré, sont surmontées de petites ouvertures. Au rez-de-chaussée, à côté du grand arc surbaissé du passage, s'ouvre

68

LA CITÉ DE RHODES

l'arc brisé de la porte principale de l'Auberge (PL. X V I , 2). L'archivolte est ornée de moulures qui se répètent dans la hauteur des piédroits ; à la naissance de l'arc règnent deux impostes de rinceaux. Un cadre rectangulaire, décoré de feuillages et retombant sur des culots sculptés, couronne ce portail; il renferme les écus de l'Ordre et de Guy de Blanchefort et, dans l'axe de la baie, un marbre portant l'inscription suivante (Fig. 41) : « D'Auvergne le grand prieur frère guy de blanchefort », et la date : 1507 (1). Ce portail et le vestibule b, où l'on observe, dans la clé de la croisée d'ogives, les lions léopardés de G. de Blanchefort, sont les seuls éléments qu'on peut dater, en toute certitude, de 1507; mais on ne saurait déterminer s'il faut attribuer au même prieur la construction totale de l'Auberge ou si son intervention se limita à la transformation partielle d'un édifice plus ancien.

VI. — AUBERGE D ' A N G L E T E R R E De l'édifice que visita Rottiers, et qu'il appelle Prieuré d'Angleterre, il ne restait que quelques éléments et une voûte du rez-de-chaussée, lorsqu'en 1919 le Service italien des Antiquités tenta de rendre à ce monument son aspect ancien (2). Cette reconstruction n'ajoute rien à nos connaissances, mais elle a scrupuleusement tenu compte des moindres fragments restés en place et corrige, sur quelques points de détail, le médiocre dessin de Whitdoek (3). Il est regrettable qu'on n'ait pu retrouver la distribution ancienne du plan; selon Rottiers, la maison possédait, au rez-de-chaussée, «une assez belle pièce... pavée de carreaux de brique du temps des Chevaliers » (4) : disposition exceptionnelle à Rhodes, où le rez-de-chaussée des constructions médiévales est généralement occupé par des magasins voûtés. Sur la façade nord, un cadre, orné de feuillages stylisés, renfermait six écus; deux d'entre eux avaient déjà disparu dès 1826 (Fig. 42). Les armes d'Angleterre occupaient le centre du motif; à droite étaient sculptées les armes de J. Kendal, Turcopolier (5), et à la rangée inférieure, les blasons de dignitaires inconnus (6).

(1) Rottiers ne fait pas mention de cet édifice qui cependant devait offrir alors des détails intéressants; en tout cas, l'inscription de G. de Blanchefort était certainement, comme aujourd'hui, très apparente. Il est probable que Rottiers craignit de donner prise aux soupçons des Turcs en stationnant dans le voisinage de l'Arsenal-et de la poudrière. (2) M. V. Gabriel, colonel dans l'armée britannique, est l'instigateur de cette restauration, exécutée à ses frais : M. V. Gabriel appartient d'ailleurs à l'Ordre de Saint-Jean. (3) Rottiers, op. cit., Atlas, PL. XLVIII. (4) Rottiers, op. cit., p. 327 et 330. Il existait toutefois des appartements au premier étage (ibid.). (5) Jean Kendal fut Turcopolier dès 1478 (Bosio, Istoria, II, 382) et prit part en cette qualité au siège de 1480. Elu Prieur d'Angleterre en 1489 (Bosio, ibid., 505), il mourut à Rome (Pauli, Codice diplomatico, II, 561, ibid., p. 146, 162, 165. On peut identifier les armes de Kendal grâce à une médaille de bronze publiée par H. Furse (Mémoires numismatiques de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Rome 1889, p. 379); cette médaille porte sur la face le buste de Kendal et l'inscription : lo. Kendal Rhodi Turcupellerius, et au revers, l'inscription : Tempore obsidionis Turchorum MCCCCLXXX, et l'écu de Kendal tel qu'il figure sur le dessin de Rottiers. (6) Ce motif a été refait à neuf lors de la restauration; on pourrait présenter quelques réserves sur la manière dont a été traitée cette sculpture ornementale.

69

LES AUBERGES

Il résulte du groupement de ces différentes armes que l'édifice correspond à l'Auberge d'Angleterre; et il est probable que c'est à ce bâtiment qu'appartenait le marbre que Rottiers remarqua au pied des tours de l'Arsenal, vers le port; on y pouvait lire l'inscription suivante : « Lingue Anglie edes ac podia (?) obsidione delapsa dominus frater petrus Daubusson reedificavit, Anno 1483 » (1).

VII. — AUBERGE D ' A L L E M A G N E Les Chevaliers d'Allemagne étaient fort peu nombreux au Couvent et leur Langue ne disposait que de revenus très modiques : « ...minimi sunt nobiles Alemani, semper pauperiores et omnium servi » (2). Il est donc certain que leur Auberge était, de toutes, la moins importante et la moins riche. On n'en retrouve pas trace aujourd'hui et les identifications proposées jusqu'ici ne s'appuient sur aucun fait

FIG. 4 2 . — AUBERGE D'ANGLETERRE.

Armoiries (d'après Rottiers, PL. LXXIII, 11).

concluant (3). Seule, la mise au jour de quelque élément nouveau, blason ou inscription, permettrait d'en fixer l'emplacement.

(1) Rottiers, op. cit., p. 81; Atlas, PL. X I . (2) F. Faber, Evagatorium, III, 255. (3) Rottiers, op. cit., p. 238; J. Guérin, L'Ile de Rhodes, p. 149; De Belabre, Rhodes of the Knights, p. 106.

FIG. 4 3 . — AUBERGE D'ESPAGNE.

FIG. 44. — MAISONS ΝOS 7, 8, 9 et 10.

CHAPITRE

V

EDIFICES DU C H A T E A U

Outre le Palais du grand-maître, l'Hôpital et les Auberges, le Château renferme d'autres édifices, plus ou moins bien conservés. Il nous a été impossible de déterminer la destination ancienne de la plupart d'entre eux et nous les désignerons par les numéros qu'ils portent sur le plan d'ensemble (V. Fig. 1).

LA LOGE La grand'rue du Château aboutissait, à l'ouest, à un portique voûté dont il ne reste plus que quelques piliers, attenant aux murs des maisons avoisinantes. Rottiers et Flandin en ont observé et dessiné des vestiges beaucoup plus significatifs, entre autres l'arcade qui franchissait la rue; et l'Atlas de Rottiers contient, en outre, une vue restaurée qui paraît reproduire assez fidèlement le caractère ancien du monument (1). En tenant compte de ces documents graphiques et des traces qui subsistent encore, nous avons dressé le plan ci-contre, qui peut donner tout au moins quelque idée des dimensions et des dispositions générales du portique (Fig. 45). Il semble qu'il ait été contigu à l'église SaintJean, sans qu'on puisse préciser de quelle manière il s'y rattachait. Ce qui est certain, c'est que ce portique comprenait trois travées principales prolongeant la grand'rue; elles étaient couvertes de voûtes d'ogives, dont les croisées et les doubleaux retombaient sur des colonnes engagées, avec base et chapiteau. Une aile, orientée nord-sud, dont les dessins de Rottiers ne rendent pas compte, était branchée sur la précédente, ainsi qu'il résulte des éléments demeurés en place et figurés en noir sur notre plan. Si, comme nous le supposons, le sol de l'église dominait de plusieurs mètres celui du portique, cette aile secondaire pouvait être un passage voûté ménagé sous le chœur de l'église. Les voûtes du portique supportaient une ou plusieurs salles dont le niveau correspondait peut-être à celui de l'église : on y peut voir la salle du chapitre, des sacristies ou des dépen-

(1) Rottiers, op. cit., Atlas, PL. X X X V I I I et X X X I X ; Flandin, L'Orient, II, pl. 20 et 21. — On trouve également un bon dessin des ruines de ce portique dans Carne, The Holy Land, III, 34; et un détail de l'arcade sur la rue dans Berg, Die Jnsel Rhodus, I, pl. 11.

72

LA CITÉ DE RHODES

dances diverses du sanctuaire (1). La construction de l'ensemble remontait sans doute à A. Fluvian ou à J. de Lastic; un écu à la fasce figurait en effet au-dessus de l'arcade orientale, vers la rue (2). Quel était le rôle de ce portique ? Il est permis, semble-t-il, de l'identifier à la Loge où les Chevaliers venaient « user du jeu d'arbalète » (3). Nous savons en effet que cette Loge

(Lobia

Conventus)

était voisine du Palais (4) ; il est probable qu'elle en était séparée par une sorte d'esplanade, où les Chevaliers

pouvaient

prati-

quer leurs exercices journaliers.

(1) Dans les miniatures du code Caoursin est figuré, à l'est de l'église Saint-Jean, un bâtiment important ouvert au rez-de-chaussée suivant deux larges arcades et percé au premier étage de plusieurs fenêtres. Malgré l'inexactitude des détails et les maladresses de la perspective, cette indication paraît se rapporter à la Loge. (Cf. Bib. Nat, Ms. lat. 6067, f 18, 32 et 37 v.) L'existence d'un premier étage est attestée en outre par la planche de Berg (op. cit., I, pl. II), où l'on distingue, au-dessus de l'arcade qui franchit la rue, les ébrasements de deux fenêtres et les sièges de pierre qui, suivant l'usage, y étaient aménagés. — C'est par erreur, croyons-nous, qu'on a identifié ce premier étage à la Salle du Conseil, qui devait plutôt appartenir au Palais. (Rotos

FIG. 4 5 . — LOGE DE SAINT-JEAN. — Plan restitué.

tiers, Flandin, etc., op. et toc. cit.) (Cf. sup., Ch. I, § II.) (2) Flandin, op. cit., pl. 21. — Il existait une profonde analogie entre les voûtes du portique, leurs points d'appui, les profils des chapiteaux et des croisées, et les détails correspondants du portique du rez-de-chaussée de l'Hôpital, construit durant les premières années du magistère de J. de Lastic. (3) Bib. Nat., Ms. fr. 17255, f° cxxv, § xxvj. — Cf. sup., Ch. IV, p. 37, η. 1. (4) En 1472, on décide de placer une horloge et une cloche sur une des tours du palais; il est ordonné en outre « quod... fiat una Spira ( ? ) ut ex lobia possint conspici hore ». Lib. ConciL, An. 1470-72, Ms. N° 74, f° 147 v.

ÉDIFICES DU CHATEAU

73

MAGASINS N° 12 e

(Hôpital du XIV

siècle?)

A l'ouest de l'Auberge d'Auvergne, s'étend un groupe important de magasins, répartis en deux étages voûtés et dont une partie semble dater de l'époque turque. L'aile dont nous reproduisons la façade (PL. X X I I , 1) est, sans nul doute, l'œuvre des Chevaliers et compte parmi les édifices les plus anciens de Rhodes; on remarque, en effet, sur cette façade, un marbre rectangulaire, aux armes de l'Ordre et du grand-maître Roger de Pins (1355-1365). A gauche, au-dessus de la porte, figurent, il est vrai, les armes de F. de Carretto, mais il apparaîtra de suite que l'intervention de ce grand-maître se borna à murer une large ouverture, en arc brisé, et à construire l'escalier d'accès à la salle du premier étage. Avant cette transformation, l'arc brisé correspondait sans doute à l'abside d'une chapelle, orientée à l'est, dont la disposition rappelait celle que nous avons observée à la Nouvelle Infirmerie (1). Les deux fenêtres, de proportion élancée, qui flanquent cet arc, éclairaient donc e

une grande salle qui, croyons-nous, correspond à la salle des malades de l'Hôpital du XIV

siècle. Elle a subi, à l'intérieur, des transformations profondes ainsi que les magasins contigus, au nord. On peut constater que le mur nord de la salle actuelle est de construction turque et réunit entre eux des piliers octogonaux sur lesquels retombaient des arcs brisés; à chaque pilier correspondait, entre les archivoltes, un évidement triangulaire. Ainsi, la salle du moyen âge ne se limitait pas au magasin moderne, mais comprenait deux et peut-être trois travées semblables. Elle appartenait, en tout cas, à un édifice important et le caractère même de la façade permet d'y voir l'Hôpital primitif, dont la fondation remonte aux premières années de la domination de l'Ordre (2). Un texte de Malte (1509) nous fournit incidemment une précision nouvelle sur l'emplacement de cet hôpital. Parmi les biens attribués à la chapelle de Samt-Démétrius, nous voyons figurer « quasdam domos infra Castellum antedictum sitas, in contrata Sancti Demetrii, eu jus « confines sunt : a parte orientis, Tholi veteris infirmarie, a parte meridiei jardinus ipsius « veteris infirmarie... » (3). Ainsi, l'ancienne infirmerie s'élevait dans la partie basse du Château et dans le voisinage de la chapelle de Samt-Démétrius ; la situation des magasins N° 12 s'accorde parfaitement avec cette indication topographique.

MAISON N° 4 Cette importante demeure, palais plutôt que maison, était contiguë, à l'est, à la Nouvelle Infirmerie et faisait face à l'Auberge de France; l'aile occidentale donnait sur une rue secondaire. Le vaste jardin, qui s'étend aujourd'hui au sud, devait être au moyen âge, en partie tout au moins, la dépendance directe de ce palais.

(1) Cf. sup., Ch. III, p. 20. (2) Sur l'emplacement de cet hôpital primitif, cf. Tome I, Topographie, p. 9-10; sur sa fondation, v. sup., Ch. III, p. 6 et Pièces justificatives I. (3) Lib. Bull., An. 1510-1511, Ms. N° 400, f° ccvij, v. 11

74

LA CITÉ DE RHODES

ETAT ACTUEL

Le rez-de-chaussée se compose de magasins voûtés qui, pour la plupart, sont intacts. Ils servent actuellement de dépôts et d'écuries. La large voûte du sud est ruinée, mais on distingue encore le soubassement du mur extérieur sur lequel retombait le berceau surbaissé; en outre, le mur nord de ce magasin est resté debout, ainsi que quelques voussoirs, à la naissance du berceau. Dans la cour centrale, seule l'aile orientale du portique est encore en place, mais les amorces d'arcs, les claveaux de retombée des berceaux, qu'on observe çà et là, ne laissent aucun doute sur les dispositions d'ensemble. Toutefois la restitution de l'escalier est hypothétique, ainsi que l'ordonnance de l'aile du portique contiguë à cet escalier : tout ce qui demeure douteux a été indiqué sur le plan de la fig. 46 en hachures et pointillé. Au premier étage, des constructions turques ont remplacé les salles anciennes. Notre plan ne saurait donc être considéré que comme une restitution vraisemblable. Il était inutile de marquer une distinction entre les parties certaines et celles que nous avons cru pouvoir restituer. On peut affirmer que, dans ses grandes lignes, le plan du premier étage correspondait à celui de notre figure. REZ-DE-CHAUSSÉE ( F I G . 4 6 )

La porte sur la rue a s'ouvrait sur un portique voûté en berceau plein cintre, maintenant détruit, mais dont on observe l'amorce sur le mur de façade. On peut remarquer, en outre, qu'à la porte correspondait une voûte d'arêtes, dont les arêtiers sont encore en place, à la naissance. L'aile orientale du portique comprend trois arcades plein cintre, s'ouvrant sur la cour : ce sont les seules qui soient demeurées debout, mais il n'est pas douteux qu'une ordonnance semblable n'ait régné sur les faces du nord et du sud. On observera que l'intrados de ces arcades, à la clé, correspond au plan des naissances des berceaux, de sorte que ceux-ci sont continus, sans pénétration. En outre les doubleaux f, f', f'', f''', de même montée que les arcades sur la cour, simplifient la jonction des berceaux qui, dans chaque aile, sont indépendants de ceux des ailes contiguës. Il est fort probable que, de la cour, on devait accéder facilement à l'étage supérieur; et ce n'est pas sans raison, sans doute, que la porte d'entrée correspond à une travée d angle du portique. Aussi, avons-nous été conduit à restituer au droit de cette porte une volée d'escalier qui conduit au premier étage. Nous devons noter, toutefois, que nul indice n'atteste son existence en cette place. Le sol général de la cour ayant été rehaussé de plus d'un mètre à l'époque moderne, des sondages seraient nécessaires pour trancher cette question. Si, comme il est à présumer, l'escalier s'appuyait sur l'aile occidentale du portique, celle-ci ne pouvait reproduire la même ordonnance que les trois autres faces à la cour : mais nous ne saurions émettre sur ce point qu'une hypothèse vraisemblable. Des magasins de dimensions variables entourent la cour; celui de l'est, h, était accessible seulement de l'intérieur du palais par la porte i et prenait jour sous le portique; sa voûte en berceau plein cintre, très soigneusement appareillée, était renforcée par deux doubleaux. Au sud s'étendait la grande salle j, au berceau surbaissé, dont nous avons parlé plus haut;

FIG. 46. — MAISON ΝO 4.

— Plan du rez-de-chaussée.

76

LA CITÉ DE RHODES

elle donnait accès aux deux magasins secondaires k. et l. Enfin l'aile ouest possédait une salle à deux travées m, avec point d'appui et doubleaux intermédiaires, qui s'ouvrait à la fois sur le portique et sur la rue; le magasin n, à la voûte renforcée de doubleaux, communiquait avec la cour par le passage o, dont la voûte pénétrait dans le berceau du portique. Des constructions et des remaniements modernes ont modifié la distribution originale du plan, vers le sud-ouest. Cependant, on discerne là des vestiges d'un escalier q, qui, peutêtre, conduisait directement du premier étage au jardin. Cette restitution demeure assez douteuse. PREMIER ETAGE ( F I G . 4 7 )

Au-dessus du portique voûté du rez-de-chaussée régnait, au premier étage, une galerie plafonnée : le fait est attesté par le pilastre demi-circulaire z; il supporte une console dont le rôle était évidemment de recevoir un arc z' appartenant à une galerie ouverte sur la cour par une disposition analogue à celle de l'hôpital voisin. Cette galerie se développait-elle sur les quatre faces de la cour? Il faut admettre plutôt que la face sur rue n'était pas surmontée d'un portique; le berceau du rez-de-chaussée supportait simplement un passage à ciel ouvert servant de jonction entre les deux ailes opposées de l'édifice. A travers les remaniements turcs, on distingue à peine quelques éléments de la construction originale. Il semble bien qu'il ait existé trois salles importantes, en t, u, v, et que le reste de l'étage ait été occupé par des pièces secondaires x, x., x.., y, y, y... dont quelques-unes, en x' et y', possèdent encore leurs cheminées anciennes. C'est en tenant compte de ces diverses indications et surtout en prenant comme base le plan du rez-de-chaussée que nous avons pu dresser notre dessin. FAÇADE SUR LA GRAND'RUE ( F I G . 4 8 )

La porte d'entrée est percée dans un mur nu qui, sur la largeur de la cour, est appareillé en assises de 0,45 de hauteur moyenne. L'arc plein cintre de la porte est lui-même constitué par des claveaux de 1,20 de largeur; au-dessus était ménagé un cadre rectangulaire, dont il ne reste qu'un fragment et qui, suivant la coutume, abritait des armoiries, aujourd'hui disparues. Dans l'aile orientale, une ouverture rectangulaire éclairait le magasin du rez-de-chaussée; on remarquera que, dans la largeur de ce magasin, les assises du mur n'ont que 0,225 de hauteur. Une amorce de bandeau est demeurée en place au niveau des appuis de fenêtres du premier étage, mais on ne retrouve aucun autre élément des dispositions anciennes du mur de façade. Par contre, dans l'aile occidentale subsistent l'appui, le piédroit et la naissance de l'archivolte d'une baie que nous avons restituée d'après ces données et qui était sans doute en arc brisé. Peut-être conviendrait-il de tracer suivant le même type les ouvertures de la galerie du premier étage ; mais devant l'état actuel et en l'absence de toute indication précise, nous sommes contraint de limiter notre restauration à un schéma explicatif; la forme des ouvertures y est nécessairement arbitraire.

FIG. 4 7 . — MAISON Ν

0

4.

— Plan du premier étage.

FIG. 48. — MAISON Ν 0 4.

— Façade.

FIG. 4 9 . — MAISON N ° 4. — Coupe longitudinale.

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ÉDIFICES DU CHATEAU

COUPE LONGITUDINALE ( F I G . 4 9 )

Ce dessin montrera quelles sont les données de notre restitution; les hachures correspondent aux parties conservées et la ligne H - H ' marque à quel niveau est aujourd'hui détruit le portique de l'aile orientale. On peut voir que le mur nord de la grande salle u (Fig. 4 7 ) est conservé sur une assez grande hauteur : il a gardé, intacte, la porte qui faisait communiquer la salle avec la galerie du premier étage.

DATE ET DESTINATION

Sur la rue latérale, à l'ouest, une partie du mur de façade est encore en place. Entre les deux fenêtres éclairant les pièces y, y (Fig. 4 7 ) , on observe en w un cadre rectangulaire qui renferme trois écus : à gauche celui de l'Ordre, à droite celui de d'Aubusson, au centre celui de Diomède de Villaragut avec la date 1 4 9 9 ( ? ) et la devise : « Firma Fé» ( 1 ) . On n'en saurait conclure que D. de Villaragut présida seul à la construction de ce palais : les armes qui surmontaient la porte d'entrée auraient permis peut-être de trancher la question. e

Ce qui n'est pas douteux, c'est que l'édifice fut achevé à la fin du XV siècle. La personnalité de D. de Villaragut, alors Châtelain d'Amposte, le caractère nettement catalan de la porte d'entrée et sa ressemblance avec celle de l'Auberge d'Espagne laissent croire qu'on se trouve en présence d'une construction destinée à l'un des hauts dignitaires de la Langue d'Espagne.

MAISON N° 7 Elle est contiguë, à l'est, à l'Auberge de France et séparée de la maison N° 8 par un passage voûté. La façade est intacte; le plan a subi de profondes transformations, surtout au premier étage. REZ-DE-CHAUSSÉE ( F I G . 5 0 )

a, Vestibule d'entrée voûté d'un berceau brisé; b, petite pièce voûtée; c, d, magasins voûtés de berceaux surbaissés; e, escalier; f, grand magasin, voûté d'un berceau surbaissé; g, porte d'entrée de la maison contiguë, au nord.

PREMIER ETAGE ( F I G . 5 1 )

Seuls le mur de façade et les murs mitoyens sont conservés; les parties hachurées ont été restituées, mais de nombreux indices laissent penser que cette distribution répond aux dispositions anciennes. L'escalier débouchait sur une terrasse à ciel ouvert h, reposant sur la voûte des magasins du rez-de-chaussée ; de là on accédait aux différentes pièces i, j, k, l, Dans l'angle nord-ouest de la salle l, trois puissantes consoles, encore en place, supportaient en encorbellement soit un balcon m, soit une cheminée.

(1) L'écu de Diomède de Villaragut figurait également sur la façade de l'Auberge d'Espagne. (Cf. sup., Ch. IV, p. 59, n. 3.)

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LA CITÉ DE RHODES

FAÇADE ( F I G . 5 2 )

Au premier étage, la fenêtre de gauche s'ouvre à un niveau plus élevé que les trois autres et s'appuie sur un bandeau de profil différent; à chacun de ces bandeaux paraît correspondre une phase particulière de la construction de la façade.

FIG. 5 0 . — MAISON N ° 7. — Plan du rez-de-chaussée.

La terrasse de l'aile gauche domine d'un mètre celle de l'aile droite; le motif armorié qui flanque la fenêtre du premier étage porte le millésime de 1 5 0 5 , date de la construction. Des trois écus que renferme le cadre, celui d'E. d'Amboise, grand-maître, est seul identifié. Celui de gauche porte : « De... aux trois plantes déracinées »; celui de droite . « De... au chevron de... à la bordure de merlons de... »; l'un et l'autre au chef de l'Ordre. Les baies des magasins et du passage, en arc surbaissé, sont surmontées d'un bandeau continu servant d'appui à trois des fenêtres du premier étage; au-dessus, quatre porte-bannière de pierre sont encore intacts. Entre les deux fenêtres principales, une moulure en Τ encadre trois écus : ceux de l'Ordre et de Villiers de l'Isle-Adam occupent la rangée supérieure; en bas, dans la première division d'un écu parti, on retrouve le blason de droite du

ÉDIFICES DU CHATEAU

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motif de 1505; la seconde division porte : « Fascé ondé de douze pièces, au chef de l'Ordre » (1). Ce motif est daté de 1521.

FIG. 51. — MAISON N° 7. — Plan du premier étage.

MAISON N° 8 Restaurée en 1915-16, elle est aujourd'hui le siège de la bibliothèque italienne (2). Les dispositions intérieures, tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage, n'avaient subi que des modifications de détail, mais la façade, dans la hauteur du premier étage, était en partie détruite. On l'a restituée en suivant le dessin de Rottiers, qui peut-être ne répond pas très exactement à la réalité (3).

(1) Cet écu pourrait se rapporter à Emery de Rochechouart, signalé comme Lieutenant du Sénéchal en 1501 et 1504. (Bosio, Istoria, II, 541.) Mais l'identification des autres écus serait nécessaire pour fixer la destination de cette maison. X,

(2) Sur les travaux de restauration, v. A. Maiuri, Il Restaure dell' Albergo d'Italia a Rodi, ds. Bollettino d'Arte, 5-6, 1916. (3) Rottiers, Monuments de Rhodes, Atlas, P L . X L V I I .

12

FIG. 52. — MAISON N ° 7. — Façade.

ÉDIFICES DU CHATEAU

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REZ-DE-CHAUSSÉE ( F I G . 5 3 )

a, Vestibule d'entrée, voûté en berceau plein cintre; b, cour contenant l'escalier; c, magasin plafonné; d, e, f, g, magasins voûtés; h, la pile de retombée des arcs surbaissés qui supportent le palier d'arrivée de l'escalier, au niveau du premier étage; i, puits.

FIG. 5 3 . — MAISON N ° 8. — Plan du rez-de-chaussée.

PREMIER ETAGE ( F I G . 5 4 )

j, Palier d'arrivée; k, grande salle; l, pièce secondaire, que la cheminée m et le passe-plats n paraissent désigner comme ayant été la cuisine; o, p, q, r, pièces diverses. Dans l'angle nordest de la pièce q, il existait un petit placard, de construction ancienne. FAÇADE ( F I G . 5 5 )

Notre croquis diffère quelque peu de la solution qui a été adoptée lors de la restauration. Nous avons supposé que le faîte de l'édifice ne formait pas une ligne continue, mais que la

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LA CITÉ DE RHODES

grande salle dominait les constructions voisines. En outre, dans la partie située à droite de l'entrée, nous avons restitué, au premier étage, une seule fenêtre, au lieu des deux baies figurées sur le dessin de Rottiers.

FIG. 5 4 . — MAISON N ° 8. — Plan du premier étage.

Le motif décoratif aux armes de F. de Carretto, tel qu'il est indiqué sur notre croquis, répond à la gravure de Berg (1). Nous pensons en avoir retrouvé le marbre au Musée de Constantinople (2); il porte dans le haut les initiales : F. F. DE C. (Frater Fabricius de Carrecto) et, dans le bas, la date de 1519.

(1) Berg, Die Insel Rhodus, p. 164, p. 26. (2) Musée Impérial, N° 966 de l'inventaire. — Ce marbre figure au Musée à côté des armoiries qui proviennent de l'Auberge d'Espagne, et que nous avons signalées plus haut (V. sup., Ch. IV, p. 59); mais l'aigle couronné qui supporte le blason de F. de Carretto est d'un dessin sans vigueur et sans grâce, et l'œuvre est de beaucoup inférieure à l'habile composition que reproduit notre PL. XVIII, 2.

FIG. 55. — MAISON N ° 8. — Façade.

86

LA CITÉ DE RHODES

COUPE LONGITUDINALE ( F I G . 5 6 )

Elle est établie suivant la ligne A-B-C-D du plan du rez-de-chaussée (Fig. 5 3 ) et rend compte de l'arrangement de l'escalier, dont le palier d'arrivée est supporté par des arcs très surbaissés. On y voit que la cour, ouverte dans toute sa largeur vers le nord, assurait, dans les meilleures conditions, l'éclairage et la ventilation des différentes pièces du premier étage.

FIG. 56. — MAISON N° 8. — Coupe A-B-C-D.

DATE ET DESTINATION

Le blason de F. de Carretto qui décorait la façade est daté de 1 5 1 9 ; au-dessus de la porte de la grande salle, vers la cour, un cadre rectangulaire renferme l'écu du même grand-maître, où se répète la date de 1 5 1 9 . Si l'on observe, d'autre part, que l'édifice, de dimensions restreintes, offre une composition régulière et une technique homogène, on admettra volontiers qu'il ait été entièrement construit durant cette année 1 5 1 9 . Nous n'y trouvons aucun élément qui permette de l'identifier à l'Auberge d'Italie; et la présence des armes du grand-maître, à l'exclusion de toutes autres, laisserait penser qu'il s'agit soit d'un immeuble appartenant en propre à F. de Carretto, soit du siège d'une institution commune à toutes les Langues.

MAISONS N

o s

9 ET 10

Les façades sont fort bien conservées. A l'intérieur, il ne reste en place que les parties indiquées en noir sur notre plan; si incomplètes qu'elles soient, elles permettent de restituer les dispositions de la maison N° 1 0 . La porte d'entrée a (Fig. 5 8 ) s'ouvrait devant un escalier droit, supporté par l'arc c et conduisant au premier étage. Le rez-de-chaussée devait com-

ÉDIFICES

DU

OS

FIG. 5 7 . — MAISONS N

CHATEAU

87

9 ET 10. — Façade.

prendre deux magasins voûtés b et g, séparés par une cour e. A l'étage, une galerie f réunissait sans doute les deux corps de logis de la maison. D'après les ouvertures de la façade au rez-de-chaussée, il est fort probable que la maison N° 9 était distribuée de la même manière et comprenait deux parties, j et k, séparées par la cour l, avec un escalier ί correspondant à l'entrée h. La façade de cette maison N° 9 (Fig. 57) possède au premier étage une fenêtre rectangulaire, encadrée de rinceaux et d'entrelacs; la croix de marbre qui la divisait en quatre

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LA CITÉ DE RHODES

panneaux a été restituée d'après les traces d'encastrement visibles sur le linteau et les piédroits (V. PL. X X I , 2). La maison N° 10 bis a été entièrement reconstruite en 1916; il semble, d'après les substructions anciennes de la façade, qu'elle était conçue suivant le même type que les maisons N

os

9 et 10.

MAISON N° 13 Cette maison, attenant au rempart et faisant face

à l'Auberge

d'Angleterre, ne possède plus que quelques voûtes au rez-de-chaussée. Le premier étage a été modernisé; on y remarque toutefois, sur la façade ouest qui regarde l'hôpital, un cadre mouluré, qui contient le blason de Guy de Melay (Fig. 59) avec la date : mcccclxx, et l'inscription : « f. guy de melay hospitalier ». Guy de Melay, qui assistait en qualité d'Hospitalier au chapitre de 1471, fut privé de sa charge par P. d'Aubusson en FIG. 5 8 . — MAISONS N

0 3

9 ET 10. — Plan.

1479 (1).

MAISON N° 17 La façade sur la rue des Chevaliers a conservé ses éléments essentiels et les travaux de restauration, accomplis en 1914, ont pu lui rendre un aspect ancien; mais il serait difficile de retrouver parmi les transformations modernes de l'intérieur quel était le plan de l'édifice au moyen âge. Les arcades du rez-de-chaussée, aujourd'hui murées, devaient donner accès à des magasins voûtés, suivant la disposition coutumière. Les appartements du premier étage prennent jour sur la grand'rue par (1) Bosio, Istoria, II, 334 et 386.

FIG. 59

ÉDIFICES DU CHATEAU

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deux fenêtres rectangulaires, à encadrement mouluré et accolade. Un bandeau continu, servant d'appui aux fenêtres, règne sur toute la largeur de la façade. D'autres baies, dont on observe les traces, s'ouvrent sur l'impasse qui longe la maison à l'ouest; enfin une porte, au seuil de marbre, assurait une communication directe avec la chapelle contiguë, à l'est (Khan Zadé Mesdjidi). Divers blasons et des inscriptions, demeurés en place, nous renseignent sur la destination de cette demeure. Entre les deux arcades du rez-de-chaussée, sur la rue, un cadre rectangulaire contient l'écu de Pierre Papefust (1), avec l'inscription suivante : « Reverendus Dominus Frater Petrus Papefust bases restauravit, 1483 » (PL. X X I , 2). Pierre Papefust, Prieur de l'église dès 1478, mourut à Rhodes en 1488 (2). Un second cadre, cruciforme, situé au-dessus du premier, entre les deux fenêtres de l'étage, réunit les armes suivantes : en haut, celles de France, surmontées de la couronne royale; à gauche, celles de l'Ordre; à droite, celles du Grand-Maître F. de Carretto, écartelées avec la croix de l'Ordre; enfin, à la partie inférieure, le blason de Jean Chéron (3), identifié par l'inscription qui l'accompagne : « Venerabilis (?) Dominus Frater Ioannes Cheron opus evexit atque complevit, 1519 » (PL. X X I , 2). D'autre part, au-dessous de l'écu de France on lit : « Cappelle Francie ». Ces deux mots ne peuvent guère s'interpréter que comme une dédicace; ils prouvent, en tout cas, que la maison, dépendance de la Langue de France, était rattachée directement à la chapelle de cette Nation (4). C'était peut-être la demeure des chapelains (5) et, dans ce cas, il faudrait admettre, malgré certaines indications contradictoires, que le mesdjid voisin correspond précisément à cette Chapelle de France (6). Quant à Jean Chéron, dont nous n'avons point retrouvé mention dans les textes, il pou-

(1) De... à trois étoiles ά huit branches, placées 2, 1; au chef de l'Ordre. (2) Bosio, istoria, II, 501. — Nous ignorons la date de son élection, mais il prit part comme Prieur de l'Eglise au chapitre de 1478 (Bosio, Ibid., II, 383). Caoursin en fait mention dans son récit de la translation de la main de Saint-Jean-Baptiste. (3) De... à la roue à six rayons de... accompagnée en pointe d'un croissant de... Au chef de l'Ordre. — C'est par erreur que M. de Belabre (op. cit., fig. 92) indique une roue de Sainte-Catherine et qu'il place l'inscription « Cappelle Francie » au-dessous du blason de J. Chéron. (4) Cette relation paraît attestée par l'existence de la porte signalée plus haut qui, percée dans le mur oriental de la maison, conduisait à la chapelle. (5) De toute manière, nous ne pensons pas qu'il soit possible de voir dans cette modeste maison, de dimensions restreintes, la « canonica conventuale », ainsi que le propose M. Gerola (Monumenti medioevali, I, 295). En 1433, Frère Jean Morel, Prieur de l'Eglise, avait fait édifier « un Palagio vicino alla Chiesa Conventuale di San Giovanni, ο sia « una Canonica affinche egli, et i successori suoi col Sottopriore, et i fra Cappellani più commodamente attendere « potessero al culto divino, havendo vicina alla Chiesa commoda habitatione ». (Arch, de Malte, Ms. N° 315, Ristretto e Nota di tutti i Capitoli Generali, p. 97. — Cf. Bosio, Istoria, II, 208.) Il s'agit là, sans nul doute, d'un ensemble important de constructions. D'ailleurs, cette Canonica ne pouvait être placée sous la dépendance exclusive de la Langue de France et la présence des armes de France sur sa façade serait inexplicable. Enfin, il est fort probable que l'édifice bâti par Jean Morel était tout proche de l'église Saint-Jean; la maison N° 17 en est distante de plus de cent mètres. e

(6) Cf. inf., 2 partie, Architecture religieuse, N° 3.

13

90

LA CITÉ DE RHODES

vait être soit un chapelain de France, soit le vicaire désigné en 1519 pour remplacer le Prieur de l'Eglise, décédé cette même année (1).

GROUPE DE MAISONS N° 20 A l'ouest de l'Auberge d'Espagne se succèdent quatre petites maisons dont les façades ont conservé des éléments anciens plus ou moins complets (Fig. 60). Elles sont entièrement modernisées à l'intérieur. Les façades sont des plus simples : au rez-de-chaussée, portes en arc brisé et ouvertures rectangulaires ou en arc surbaissé; bandeau mouluré à hauteur des fenêtres du premier étage, dont une seule, rectangulaire, est encore intacte, dans la maison contiguë à l'Auberge. Cette

FIG. 60. — GROUPE DE MAISONS N ° 2 0 . — Façade.

fenêtre est flanquée, vers la gauche, d'un cadre mouluré renfermant l'écu suivant, daté de 1520 : « De... au soleil à seize rayons de... chargé d'un château aux trois tours de...; au chef de l'Ordre ».

(1) A Pierre Papefust succéda Pierre d'Abencourt (Bosio, Istoria, II, 501), qui à sa mort, en 1495, fut remplacé par Giovanni Farsati (Ibid., 521). Le dernier Prieur de Rhodes fut Raymond de Riolx, signalé par Bosio en 1513 (II, 610), et qui, selon Paciaudi, aurait été élu en 1510 et serait mort en 1519 (Paciaudi, De Cultu, 370). A cette date, le Conseil décida de surseoir à l'élection d'un nouveau Prieur et se contenta de désigner un vicaire (Paciaudi, ibid.).

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ÉDIFICES DU CHATEAU

MAISON N° 23 A l'extérieur, quelques pans de murs anciens sont demeurés en place, ainsi qu'une fenêtre du premier étage, à chambranle mouluré et accolade. Les dispositions intérieures sont modernes : sur le mur où s'appuie l'escalier, on aperçoit un cadre mouluré renfermant une plaque de marbre, portant un blason à la croix de l'Ordre et un blason au chef denché, sous le chef de l'Ordre. Dans le haut du marbre est gravée l'inscription : « Tot per lomilor », et dans le bas, le nom du propriétaire de l'immeuble (Fig. 61), le chevalier italien Hieromimo de Canel.

FIG. 6 1 .

H O T E L DE LA M O N N A I E Il existait dans le Château un Hôtel de la Monnaie, ou Zecha, concédé en 1449 et en 1454 à Giorgio Marchese, à des conditions fort précises; mais les textes où sont stipulées les obligations du Maestro Zecher ne contiennent aucune indication sur l'édifice lui-même et sur sa position exacte (1). Selon une tradition locale, l'Hôtel de la Monnaie aurait été situé au fond de la ruelle qui longe, à l'est, la maison N° 18 (Auberge de Provence?) (2) ; la construction qui s'élève aujourd'hui en ce lieu est entièrement moderne et toute recherche sur ce point est désormais impossible (3).

(1) Il est précisé toutefois que l'établissement est situé dans le Château : « Primo che lo dicto georgio debia fedel« mente cum prodomia et lealita tenire la ditta Zecha in lo loco dentro lo Castello acostumato... » (Lib. Bull., An 1450-51, Ms. N° 362, f° 191.) Le règlement de la Monnaie fut complété par une nouvelle décision du 1 Décembre 1454. (Lib. Bull., 1454-55, Ms. N° 365, f° 254.) L'institution de la Monnaie remontait sans doute aux premiers temps du séjour des Hospitaliers à Rhodes; elle apparaît dans un texte de 1380 : « Item est establi que de ci en avant les offices du tresor du couvent de la volte « du grenier de lenfermerie dessus et dessoubz de ladmiraillerie chancellerie de lisle de rhodes de la monnoie soient « donneez a freres ou a donnez (donats) suffisans a ce... » Bib. Nat., Ms. fr. 17255, f° lj, § ix. er

(2) De Belabre, Rhodes of the Knights, p. 108. (3) De même, on ne saurait déterminer l'emplacement du « Palagio detto del Pino », où se réunirent les chapitres généraux en 1454 et 1459. (Bosio, Istoria, II, 247.)

CHAPITRE

VI

LA VILLE : ÉDIFICES PUBLICS

I. — MOSQUÉE DU BEZESTEN (Bailliage du Commerce?) Dans la partie orientale du Bazar (V. Fig. 1, N° 26) s'élève un élégant édifice, aujourd'hui défiguré par les magasins modernes qui l'enserrent et surtout par les échoppes sordides qui s'appuient sur la façade méridionale (PL. X X I I I , 1, 2). Le monument comprenait, au moyen âge, un ensemble de constructions s'étendant jusqu'aux remparts du port. A travers les boutiques des cordonniers et les amoncellements de marchandises, on retrouve, assez malaisément, les grandes lignes des dispositions du rez-dechaussée; du premier étage, il ne subsiste que la salle principale, fort bien conservée, dans laquelle les Turcs ont installé une mosquée, Bezesten Djamii, ou Mosquée du Bazar. L'existence de salles et de dépendances contiguës est attestée par quelques pans de murs, mais la distribution générale de cet étage demeure hypothétique.

PLAN DU REZ-DE-CHAUSSÉE ( F I G . 62)

a, b, Loge comprenant deux travées de voûtes d'ogives, largement ouverte, au sud, suivant deux arcs plein cintre et, à l'ouest, suivant l'arc surbaissé c. On remarquera qu'aucun de ces arcs ne porte d'ébrasement ou de feuillure et il ne semble pas qu'ils aient été munis d'une clôture quelconque. d, e, f, Magasins de dimensions diverses, sur lesquels s'appuie le large escalier droit qui conduit au premier étage. g, h, Magasins voûtés en berceau; le magasin g prend jour par trois soupiraux sur le jardin voisin. i, Voûtes anciennes, irrégulières et remaniées; j, k., l, m, n, magasins restitués d'après les traces observées parmi les magasins modernes. Les murs indiqués en pointillé sont hypothétiques. o, Boutique ( ? ) ancienne, voûtée d'ogives; x, x', alignement ancien probable. p, p', Boutiques et magasins anciens, voûtés d'ogives.

94

LA CITÉ DE RHODES

FIG. 62. — MOSQUÉE DU BEZESTEN. — Plan du rez-de-chaussée.

PLAN DU PREMIER ÉTAGE ( F I G . 6 3 )

a, Escalier (V. PL. X X V I I , 1); b, terrasse, limitée par un parapet auquel est adossé un banc de pierre. c, Porte rectangulaire (PL. X X I V , 1); d, escalier conduisant au palier e; f, arc surbaissé retombant sur deux colonnettes engagées, avec base et chapiteau. g, Porte d'accès à la salle h; i, porte de communication de la salle h avec la pièce contiguë, éclairée à l'est par la fenêtre m. Les murs de cette pièce sont complètement détruits en j et n. Sur la paroi on remarque une série d'entailles très soigneusement exécutées, qui semblent

LA VILLE : ÉDIFICES PUBLICS

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FIG. 6 3 . — MOSQUÉE DU BEZESTEN. — Plan du premier étage.

répondre à un dispositif de rayons et de casiers de bois, datant probablement de la construction primitive; cette pièce l pouvait recevoir un d é p ô t d'archives; o, pièce secondaire, éclairée par la fenêtre p et l'ouverture r ménagée à travers la courtine du port ; q, cheminée. N o u s avons indiqué en pointillé le reste de la distribution, en nous basant sur le plan, lui-même hypothétique, du rez-de-chaussée. Le mur u, u, v a été reconstruit en partie à l'époque moderne, mais on a suivi, très probablement, un tracé ancien. En s, s' régnait peutêtre un portique ou une galerie, s'ouvrant sur la cour t. Le long de la courtine, en y, on observe les voussoirs de retombée d'un berceau et en x subsiste, dans un pan de mur, un ébrasement de fenêtre. D e s pièces diverses devaient être réparties suivant z, z, z.

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LA CITÉ DE RHODES

FAÇADE OUEST ( F I G . 6 4 )

L'arc surbaissé du rez-de-chaussée est épaulé à gauche par le massif de l'escalier; il retombe à droite sur un encorbellement, supporté par quatre consoles superposées, en quart de rond. Au-dessus de la terrasse où aboutit l'escalier, règne un bandeau orné d'entrelacs, servant d'appui à une élégante fenêtre dont nous donnons le détail (PL. X X I V , 2 et 3). La croisée de marbre blanc est parsemée de fleurs de lys, sur le médaillon central est gravé le monogramme « j h s ». Dans l'axe de la corniche se détache un écu aux armes d'E. d'Amboise. Un motif décoratif flanque la fenêtre, à gauche (PL. X X I V , 4, 5 ) . Il comprend une archivolte flamboyante retombant sur des colonnettes à torsades, surmontées de pinacles à crochets; l'accolade est couronnée d'un fleuron où apparaît à nouveau la fleur de lys. Un rinceau de feuillages décore cet encadrement; sur la corniche inférieure sont figurés des raisins et des feuilles de vigne; dans l'axe était sculptée, sans doute, une figure en haut-relief, aujourd'hui brisée. Le tympan de l'accolade est orné de rameaux entrelacés, profondément rongés par endroits. Au-dessous est enchâssée une dalle de marbre qui porte l'écu d'E. d'Amboise, grandmaître, soutenu par deux hommes sauvages. Ces figures, dont on ne distingue plus que la silhouette, ont été martelées par les Turcs. Au-dessous de l'écu, sur une banderole, on lit la date de 1 5 0 7 , en chiffres arabes. Un blason plus petit est taillé dans le calcaire au-dessous de la corniche inférieure; il porte : « De... à la fasce composée de... et de... de quatre pièces; au chef de l'Ordre ». Ces armes sont, très probablement, celles de Jacques d'Aymer de la Chevalerie ( 1 ) . On remarquera, à gauche du motif précédent, un arc de décharge surbaissé; il surmonte une ligne d'appareil en accolade, qui provient certainement de la présence en cet endroit d'un linteau monolithe. On y peut voir les preuves d'un repentir ou d'une refaçon : il est probable que la porte d'accès à la grande salle était percée primitivement au-dessous de cet arc de décharge, au droit de l'escalier qui se prolongeait alors jusqu'au seuil de la porte. Au cours des travaux ou après leur achèvement, mais en tout cas sous le magistère d'E. d'Amboise, on dut murer cette porte, construire la terrasse et mettre en place la porte latérale (PL. X X I V , 1) (2). L'encadrement de cette dernière, qui n'est pas liaisonné avec les constructions voisines, provient peut-être de quelque autre monument; les piédroits et le linteau, parsemés de flammes, et la corniche, décorée de moulures et d'ornements Renaissance, sont taillés dans le marbre blanc. Dans l'axe du linteau est sculpté un ange ailé supportant deux écus de style italien : celui de gauche porte la croix de l'Ordre, celui de droite, les pals d'E. d'Amboise. De part et d'autre de ce motif central, des écus plus petits sont suspendus à des branches de cactus ( ? ) : à gauche figurent les armes de Villiers de l'Isle-Adam (3), sous la forme où nous les avons trouvées déjà à l'Auberge de France et dans les vantaux de l'Hôpital; à droite appa(1) Les Aymer de la Chevalerie portaient : « D'argent à la fasce composée de sable et de gueules ». (Gerola, Stemmi LXVIII, 1, et p. 60, η. 1.) (2) Nous avons signalé plus haut l'erreur commise par Rottiers et répétée par Berg. L'un et l'autre ont situé cette porte dans la ruelle qui longe à l'ouest l'Auberge de France. (Cf. sup., p. 48, η. 1.) (3) Il n'y a pas lieu de retenir l'identification proposée par Berg, qui a cru voir dans cet écu les armes de Christophe Waldener. (Berg, Die Inset Rhodus, I, p. 184.)

LA VILLE : ÉDIFICES PUBLICS

FIG. 6 4 . — MOSQUÉE DU BEZESTEN. — Façade occidentale.

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FIG. 65. — MOSQUÉE DU BEZESTEN. — Façade méridionale.

LA VILLE : ÉDIFICES PUBLICS

raît l'écu suivant, non identifié : « Ecartelé; au 1 e

e r

99

e

et au 4 , de... à deux renards (?) de... à la

e

bordure de... étoilée de...; au 2 et au 3 , de... au château à trois tours de... à la bordure composée de... et de... ». FAÇADE SUD ( F I G . 6 5 )

Au rez-de-chaussée, deux larges baies plein cintre s'ouvrent sur la voie publique. Chaque piédroit est constitué par une demi-colonne accompagnée de deux cavets et le même profil se répète dans l'archivolte. Les chapiteaux se composent de moulures superposées qui paraissent s'être prolongées, en façade, suivant des impostes horizontales. Au premier étage, deux baies rectangulaires reposent sur le bandeau orné d'entrelacs qui se raccorde à celui de la façade ouest. A chaque baie correspond dans la corniche une ornementation particulière (PL. X X I V , 6, 7), suivant les motifs usuels souvent répétés à cette époque. Dans l'axe de la corniche de gauche est sculptée la croix de l'Ordre; celle de droite porte les pals d'E. d'Amboise. Au faîte de l'édifice se détachent trois porte-bannière; trois gargouilles en forme de têtes de crocodile rejetaient les eaux des terrasses, avant l'installation barbare de tuyaux de poterie scellés dans la façade.

COUPE ( F I G . 6 6 )

Elle correspond à une section effectuée suivant l'axe des voûtes d'ogives du rez-de-chaussée, en regardant la voie publique. Un blason à la croix de l'Ordre décore le chapiteau de la pile demi-circulaire sur laquelle retombent les croisées d'ogives et le doubleau intermédiaire. On retrouve le même blason sur les chapiteaux des arcades extérieures. Dans les clés des croisées sont taillés des écus de l'Ordre et d'E. d'Amboise. Au premier étage on distingue, dans l'ébrasement des fenêtres, les sièges de pierre qui y sont ménagés et les voussures en arc surbaissé qui doublent les linteaux extérieurs. Le solivage de la terrasse est encore intact et constitue l'exemple le plus complet de ce dispositif. Nous en donnerons plus loin le détail (1). Le plafond était décoré de peintures, ornements polychromes tracés sur les divers éléments de la charpente, et blasons peints entre les solives, sur les entretoises qui régnent le long des murs; mais les vestiges de ce décor sont insuffisants, nous semble-1-il, pour qu'on puisse tenter une restitution complète de l'ensemble (2).

DESTINATION DU MONUMENT

Nous avons vu que des fleurs de lys décoraient certains éléments de la façade ouest, mais il n'en faudrait pas déduire que l'édifice ait été rattaché à quelque institution de la Langue (1) V. inf., Ch. VIII, fig. 106. (2) Ce plafond a été récemment blanchi à la chaux. Peut-être les détails de la décoration étaient-ils beaucoup plus apparents lorsque M. Holger Rasmussen en a dressé un dessin très détaillé. (Orientalske Rejsebilleder, ds. Architekten, VIII, p. 558, Copenhague, 1906.)

LA CITÉ DE RHODES

100

de France (1); on n'eût point manqué, dans ce cas, de faire figurer sur le monument, suivant la coutume, le blason aux trois lys. Les armoiries sculptées sur le linteau de la porte latérale ne fournissent, d'autre part, aucune indication; elles ne sont pas datées et l'écu de droite n'a pas été identifié. Nous ne

FIG. 6 6 . — MOSQUÉE DU BEZESTEN. — Coupe.

pouvons donc préciser à quel titre les armes de Villiers de l'Isle-Adam accompagnaient celles du grand-maître. La réunion, dans un même motif, de l'écu du grand-maître à celui de Jacques d'Aymer (1) Picenardi, Itinéraire, p. 122. — Aujourd'hui, on désigne généralement l'édifice sous le nom de Tribunal de l'Ordre ou de Châtellenie. M. Gerola suppose que cette dénomination est postérieure au passage de Rottiers et provient d'une confusion entre la Châtellenie décrite et dessinée par le voyageur et la Mosquée du Bezesten. (Gerola, Monumenti medioevali, I p. 302.) On remarquera toutefois que Flandin, qui passa à Rhodes en 1844, appelle cette mosquée la Maison de Justice. (Flandin, L'Orient, II, pl. 30.)

LA VILLE : ÉDIFICES PUBLICS

101

laisse penser que cet édifice, situé dans la Ville, devait être le siège d'une administration publique placée sous la direction d'un membre de l'Ordre; or, le Châtelain et le Bailli du Commerce paraissent avoir été les seuls Chevaliers investis d'une fonction publique (1). La Châtellenie, nous le montrerons plus loin, s'élevait probablement vers le haut de la Rue du Bazar. Le Bailliage du Commerce ne correspondait-il point à la Mosquée du Bezesten? Il suffirait, pour en avoir la certitude, de prouver que la charge de Bailli du Commerce était exercée en 1507 par Jacques d'Aymer de la Chevalerie. Châtelain de Lindos sous le magistère de P. d'Aubusson (2), il paraît avoir été, à deux reprises, Capitaine du Château Saint-Pierre (1502 et 1508-1509) (3). Plus tard il devint Trésorier, puis, en 1512, Bailli de la Morée; en 1517 il était Prieur de Champagne (4). Peut-être assumait-il, en 1507, les fonctions de Bailli du Commerce. Nous savons, d'autre part, que la Basilica mercatorum donnait sur la Place (5). C'est le cas du monument que nous étudions; et ses larges arcades qui demeuraient ouvertes, sans clôture, sur la voie publique, laissent penser que le rez-de-chaussée servait de heu de réunion alors que les salles du premier étage pouvaient abriter divers services administratifs. On retrouve un dispositif analogue dans les Loges des Marchands des villes méditerranéennes. C'est en nous basant sur ces diverses observations que nous proposons d'identifier la Mosquée du Bezesten au Bailliage du Commerce (6).

(1) Les fonctions de ces officiers ne sont point définies avec exactitude. II semble toutefois que du Châtelain de Rhodes dépendait la Châtellenie où se jugeaient les causes criminelles; alors que les litiges commerciaux étaient soumis au Bailliage du Commerce. On trouve des allusions à ces charges dès le magistère de Roger de Pins; elles étaient exercées par des Chevaliers ayant au moins huit années d'ancienneté. (V. Bib. Nat., Ms. fr. 17255, f° xliiij, § xxij; f° xlviij, § xxx; f° lv, § xxxiij; f° lvj, § x x x ; f° Ixxxxvj, § xxvij. — Cf. Caoursin, Establissemens, Des Elections, xv.) (2) Le blason à la fasce composée de quatre pièces figure, au-dessous des armes de P. d'Aubusson, sur le campanile de l'église du Bourg, à Lindos. (3) On retrouve plusieurs exemplaires du blason mentionné plus haut au château Saint-Pierre (Boudroum). — V. R. P. Pullan, Description of the Castle of St. Peter at Budrum, ds. C. T. Newton, A history of discoveries at Halicarnassus, Cnidus and Branchidae, p. 652; numéros du plan : 21, 53, 62, 64, etc... — G. Gerola, Il Castello di S. Pietro in Anatolia ed i suoi stemmi dei Cavalieri di Rodi, ds. Rivista del Collegio araldico (Gennaio, 1915), p. 26, tir. à part. Certains de ces blasons sont datés de 1508 et de 1509, et c'est avec raison que M. Gerola (op. et loc. cit.) a pensé que J. d'Aymer avait été Capitaine du Château durant ces deux années. De notre côté, nous avons retrouvé, à Malte, un texte de 1502 qui précise à quelles conditions Iacobo Emer, commandeur « de la Lauda Verze e del Templo de la Rochella », sera tenu d'exécuter au château Saint-Pierre les réparations nécessaires, durant le temps où il y sera capitaine. (Lib. Bull., An. 1502, f° 233.) Jacques d'Aymer paraît donc avoir été à la tête de la forteresse une première fois de 1502 à 1505 et une seconde fois en 1508-1509. Cette indication nouvelle s'accorde avec la liste dressée par M. Gerola (op. cit., p. 6-7). On remarquera d'autre part que certains des capitaines, G. Geltru, F. Boxolles, occupèrent la même charge à diverses reprises. (4) Bosio, Istoria, II, 600. — Etant Prieur de Champagne, il envoya à Rhodes, en 1517, 2.000 écus d'or. (Bosio, ibid., II, 619.) Peut-être faudrait-il attribuer à une libéralité du même ordre la présence de son blason au-dessous de celui du grand-maître. (5) Durant le siège de 1522, le métropolite grec Clement harangua la foule, cohortatus loco publico pro basilica mercatorum. (Fontanus, De bello Rhodio, I, 50.) (6) On l'appelait sans doute couramment : le Commerce. Ainsi, dans le règlement du Mont-de-Piété, dont nous parlerons plus loin, il est dit qu'on fera « publica grida a lo Commerchio di Rhodi... » (Lib. Bull., An. 1505, Ms. 396, f° 192 v.). — Peut-être l'édifice n'était-il qu'une sorte de Bourse, analogue à celle de Famagouste, qui portait également le nom de Commercium (Enlart, L'Art gothique et la Renaissance en Chypre, II, p. 627).

102

LA CITÉ DE RHODES

II. — CHATELLENIE Il ne reste plus que des vestiges informes de l'édifice que Rottiers a décrit sous le nom de Châtellenie et dont il donne deux dessins assez explicites (1). Son emplacement correspondait au N° 67 de notre plan de situation (Fig. 1). C'est là qu'on retrouve, parmi les ateliers des maréchaux-ferrants, quelques substructions qui ont appartenu à la cour centrale. On y accédait par un passage voûté s'ouvrant sur la Grand'rue du Bazar. Au rez-de-chaussée étaient distribués des magasins voûtés, précédés d'arcades surbaissées, dont quelques-unes retombaient sur de puissantes consoles ; nous avons observé une disposition analogue dans la cour des communs de l'Hôpital. Un large escalier de pierre, à deux volées, conduisait au portique du premier étage, qui régnait sur deux des faces de la cour. Sur l'une des faces, il comprenait deux travées d'arcs brisés retombant sur des colonnes engagées; sur l'autre se répétaient deux travées semblables, auxquelles faisait suite, au droit de l'escalier, une arcade plus étroite décorée d'une archivolte saillante, retombant sur des culots. Autant qu'on en peut juger par les dessins de Rottiers, cette cour constituait une composition régulière et bien ordonnée dont les détails ne manquaient ni de variété ni d'élégance. Sur la face opposée à l'entrée figuraient les armes de l'Ordre et du grand-maître Fluvian e

(ou Lastic); c'est donc au milieu du XV siècle que remontait la construction de l'édifice. L'identification proposée par Rottiers nous paraît acceptable. Il convient de remarquer qu'en 1826 le monument abritait le tribunal du Cadi et que très probablement, après la prise de possession de Rhodes, les Turcs conservèrent à la Châtellenie ou Tribunal sa destination ancienne. D'autre part, certains textes font allusion à la Porte de la Châtellenie; elle était située, semble-t-il, vers le milieu de la muraille sud du Château, c'est-à-dire dans le voisinage immédiat du N° 67 de notre plan (Fig. 1) (2).

III. — HOSPICE DE SAINTE-CATHERINE e

A la fin du XIV siècle, l'Amiral Domenico d'Allemagna, chef de la Langue d'Italie, avait fondé un hospice in burgo Rodi iuxtum menia porte scilicet moduli (3); il l'avait dédié à SainteCatherine et doté de maisons, de moulins et de propriétés diverses (4). Après sa mort, les Amiraux de l'Ordre, ses successeurs, devaient conserver la haute main sur cet établissement. Nous avons montré précédemment que la Porte du Môle semble correspondre à la Porte Sainte-Catherine signalée dans un texte de 1465; on peut donc identifier à l'hospice la maison N° 39 située dans le voisinage de cette porte; sur sa façade figurent les blasons de Domenico d'Allemagna et de Costanzo Operti, et la roue de Sainte-Catherine. (1) Rottiers, op. cit., Atlas, PL. X X V , X X V I , XLIV. — D'après la description de Rottiers, l'édifice était situé à peu de distance de la Porte d'Amboise (Texte, p. 224-225) et donnait sur la rue du Bazar (p. 230). (2) Cf. Tome I, Ch. I, p. 25-26. (3) Lib. Butt., An. 1392, f° 129 v.; Cf. Pièces justificatives XIV. (4) Dans cette dotation figuraient notamment les revenus de trois des moulins du môle (Ibid.).

FIG. 6 7 . — HOSPICE DE SAINTE-CATHERINE. — Plans.

104

LA CITÉ DE RHODES

PLAN

L'édifice, habité par des familles juives, nous est parvenu en assez bon état; mais il est probable que le terrain de l'hospice s'étendait au delà des limites de notre dessin et qu'il contenait, entre autres dépendances, la chapelle de Sainte-Catherine, dont fait mention le texte de 1 4 9 2 ( 1 ) . REZ-DE-CHAUSSÉE (Fig. 6 7 ) . — La porte d'entrée, en arc brisé a, donne accès au long vesti-

bule b voûté en berceau, d'où part l'escalier c; d, e, f sont des magasins voûtés desservis par le vestibule; g, h, i, j formaient des petites boutiques ou magasins indépendants, accessibles seulement de la voie publique. Le passage voûté k conduisait peut-être à une cour l, qui semble avoir été nécessaire pour éclairer certaines pièces du premier étage; mais cette région est couverte de constructions modernes et les dispositions anciennes y sont méconnaissables. PREMIER ÉTAGE (Fig. 6 7 ) . — L'escalier c aboutissait, sans doute, à une terrasse à ciel

ouvert, ou cour n, établie sur la voûte du magasin d. Il reste quelques traces du portique p, et le petit cabinet o, loge de portier ou de surveillant, est intact. La grande salle r a conservé son solivage de cyprès, sur lequel apparaissent de nombreuses traces de peinture; sur cette salle s'ouvraient des pièces secondaires s, t, u, ainsi que la cuisine v, dont la vaste cheminée w et le four x semblent d'origine ancienne. On peut se demander si la maison contiguë, au nordest, n'était pas rattachée à l'hospice. Dans ce cas, le couloir q se serait prolongé par une galerie y rejoignant le corps de bâtiments z. FAÇADES

Elles sont défigurées par des fenêtres et des volets modernes; d'ailleurs, elles n'avaient point, au moyen âge, un caractère artistique bien marqué. Les ouvertures, de diverses dimensions, y étaient percées, çà et là, sans souci d'ordonnance, et la décoration se réduisait à un bandeau et à quelques chambranles moulurés. Sur ces façades se répète le dispositif courant : ouvertures en arc brisé au rez-de-chaussée, fenêtres rectangulaires au premier étage. Vers le sommet de la façade du nord-est (Fig. 6 8 ) , un cadre rectangulaire abrite le blason de Domenico d'Allemagna ( 2 ) . Il fut probablement mis e

en place au début du XVI siècle, époque à laquelle l'édifice paraît avoir été construit : on n'y observe, en effet, aucun élément qui puisse dater de sa fondation. Au reste, sur la façade sud-ouest (PL. X X V I 1 , 5 ) , un cadre en Τ réunit l'écu de l'amiral Costanzo Operti ( 3 ) à celui de F. de Carretto, grand-maître, qu'accompagne à l'ouest la roue de Sainte-Catherine; ce motif porte la date : M C C C C C X V I . C'est donc Costanzo Operti, Amiral et chef de la Langue d'Italie, qui présida à la reconstruction de l'hospice fondé par D. d'Allemagna; et c'est pour honorer la mémoire du fondateur qu'il en plaça le blason sur la façade. (1) « ...Quoddam hospitale cum quadam capella sub beate Catherine (vocabulo)... » (Ibid., f° 129.) (2) Le blason de Domenico d'Allemagna figurait sur une des tours du port à côté de celui de Dragonetto Clavelli (V. Tome I, p. 69). Un autre blason semblable accompagne le bas-relief de la Vierge à l'enfant, qui décore actuellement le maître-autel de l'église catholique moderne. (3) L'écu de C. Operti se retrouve à Rhodes, dans la maison N° 15; le château Saint-Pierre, dont C. Operti fut capitaine, en possède de nombreux exemples. Il portait « De gueules au château adextré d'une tour d'argent ». (Cf. Gerola, Il Castello di San Pietro in Anatolia, p. 30.)

LA VILLE : ÉDIFICES PUBLICS

105

A côté de la façade de l'hospice (Fig. 68), nous avons dessiné celle de la maison contiguë au nord-est qui, peut-être, se rattachait à l'établissement (PL. X X V I I , 2 et 6). Elle possède un escalier extérieur qui conduit directement aux salles du premier étage. Les deux maisons, appartenant à des propriétaires différents, sont aujourd'hui indépendantes l'une de l'autre.

FIG. 6 8 . — HOSPICE DE SAINTE-CATHERINE ET MAISON N ° 3 8 . — Façade.

DESTINATION

N. de Martoni définit le rôle exact de l'Hospice de Sainte-Catherine en énumérant les reliques qu'abritait l'église, « sita in tus Rodum, quam fieri fecit supradictus dominus de Ala« mangia (sic) cum quodam pulchro hospitali in quo sunt pulcre camere cum lectis pluribus « et bonis, in quo hospitali hospitantur omnes peregrini euntes et venientes de Jerusolimis « et alns sacris locis ultra mare in quantumcumque sint nobiles... » (1). Ainsi, dès les premières années de son fonctionnement (N. de Martoni visita Rhodes en 1394 et 1395), l'hospice était réservé aux pèlerins de marque et il ne paraît point qu'on ait modifié cette destination dans la suite. C'est à « la casa di sancta Caterina » qu'en 1458 furent logés tout d'abord Roberto da Sanseverino et ses compagnons, avant d'être accueillis à l'Auberge d'Italie (2). Le même hospice reçut également, en 1468, Nicolô da Este, durant son escale à Rhodes : « Egli accetto la casa di santa Catenna per suo allogiamento, la quale era appresso al porto, molto bella » (3). (1) Voyage de N. de Martoni, ds. Revue de l'Orient latin, III, 642. (2) R. da Sanseverino, Viaggio in Terra Santa (ed. cit.), p. 54. (3) Viaggio a Gerusalemme di Nicolô da Este, ds. Collezione di opère inédite ο rare dei primi tre secoli délia lingua, Turin 1861, Vol. I, p. 115.

15

106

LA CITÉ DE RHODES

L'édifice ne fut jamais, semble-t-il, ouvert aux voyageurs de basse condition; ceux-ci devaient être, en principe, admis à l'Hôpital, mais en fait il leur était difficile de trouver à Rhodes un gîte convenable (1).

ÏV. — MAGASINS N

os

24 ET 25

Dans la région centrale du Bazar, parallèlement à l'ancienne muraille sud du Château, se développe un bâtiment de 55 mètres de longueur sur 12 mètres de largeur, qui renferme au rez-de-chaussée treize magasins parallèles, voûtés de berceaux brisés (V. Fig. 1, N° 24). Les constructions du premier étage ont été modernisées et forment actuellement une sorte de khan pour les indigents. Elles ne couvrent qu'une partie des voûtes du rez-de-chaussée, vers le nord; au sud est établie une terrasse. Le mur nord, faisant face à l'enceinte du Château, est ancien, et chaque division du premier étage correspondant à un magasin s'accuse suivant un pignon triangulaire, ce qui laisse penser que primitivement cet étage était luimême voûté. On observe, d'autre part, une série de magasins analogues donnant sur la rue principale du Bazar, parmi des boutiques modernes (V. Fig. 1, N° 25); sur la façade de l'un d'entre eux, au sud, sont encastrées les armes de F. de Carretto, grand-maître. Ces deux groupes de magasins faisaient partie, à n'en pas douter, de cet ensemble que Rottiers appelle les Casernes des Chevaliers et dont il donne le dessin et la description (2). Lorsqu'il visita ces bâtiments, ils étaient beaucoup plus complets qu'aujourd'hui et s étendaient jusque dans le voisinage de la mosquée de Suleiman. Au-dessus des voûtes du rez-dechaussée s'élevaient de petites chambres ou cellules. Chacune d'elles possédait sa cheminée et elles étaient desservies par une large galerie couverte, comparable au portique de l'Hôpital. Diverses armoiries étaient encore en place, entre autres celles de P. d'Aubusson. Ces bâtiments, situés hors du Château, ne pouvaient servir de logis à des Chevaliers, comme 1 imagine Rottiers, mais nous manquons de précisions au sujet de leur destination ancienne. La région où ils s'élèvent correspondait au moyen âge à la Place du Marché, et il est probable que, comme aujourd'hui, les voûtes du rez-de-chaussée servaient de magasins de dépôt et de boutiques. Quant aux logements du premier étage, ils abritaient peut-être les mercenaires à la solde de l'Ordre; on avait intérêt à les grouper hors du Château, à proximité de ses murailles (3). V. — AUTRES EDIFICES PUBLICS En 1505, E. d'Amboise fonda un Mont-de-Piété dans la Cité de Rhodes. Le règlement détaillé de cette institution, dont nous avons retrouvé le texte à Malte (4), ne contient que

(1) Cf. sup., Ch. III, p. 34. (2) Rottiers, op. cit., Texte, p. 398-401; Atlas, PL. LXVIII, L X V I X , L X X . (3) En 1522, l'Ordre disposait de 400 soldats candiotes, placés sous le commandement d'Antonio Bosio. (Bosio, Istoria, II, 644.) (4) Lib. Bull., An. 1505, Ms. 396, f° 192 et suiv.

LA VILLE : ÉDIFICES PUBLICS

107

de vagues allusions à la « casa del monte » où le « governatore » était tenu de résider, « per secura guardia a suo risico ». Cette maison donnait sur la place (1) et devait comprendre, en même temps que le logis du directeur, une salle ouverte au public, où se vendaient, le terme du prêt échu, les gages non rachetés. Ceux-ci consistaient uniquement, semble-t-il, en objets d'or et d'argent, en perles et joyaux, et l'édifice où était installé ce Mont-de-Piété était une simple maison à loyer qui n'avait point été construite en vue de ce service public. Dans la maison N° 41, au-dessus de la poite d'entrée en arc brisé, un cadre rectangulaire réunit les écus de l'Ordre et de J. de Milly. Les blasons des grands-maîtres ne figurent qu'exceptionnellement parmi les constructions de la Ville. Ceux que nous avons signalés précédemment semblent avoir appartenu à des édifices publics, mais on peut admettre qu'ils aient désigné parfois des propriétés particulières du grand-maître, et c'est peut-être le cas de la maison N° 41 (2). Les écus de l'Ordre et de P. d'Aubusson apparaissaient dans la cour d'une maison située « derrière le Bazar » et que Rottiers appelle le Palais de l'Evêque (3). On n'en retrouve pas trace aujourd'hui.

(1) «... Et acio lο populo sappia quando si impresta si metta a la fenestra che responde in piaza una bandiera deputata per dicto monte... » (Ibid., f° 192 v.) (2) M. Gerola a proposé d'identifier cette maison à certains magasins appartenant au grand-maître, signalés dans un texte de 1459. (Gerola, Monumenti medioevali, p. 260, n. 8 et p. 310.) Cette question se rattache à la situation de l'église Saint-Augustin; nous y reviendrons plus loin (V. I I partie, Architecture religieuse). E

(3) Rottiers, op. cit., p. 330, Atlas, P L . X X X X I X .

CHAPITRE VII

LES MAISONS DE LA VILLE

I. — MAISON N° 29 Elle s'appuie au rempart du port et comprend au rez-de-chaussée une série de magasins voûtés parallèles (Fig. 70). La distribution du premier étage est entièrement moderne, mais

FIG. 69. — MAISON

N

O

2 9 . — FAÇADE.

les murs extérieurs conservaient encore en 1913 leur aspect ancien; on y a, depuis lors, pratiqué de nouvelles ouvertures, et la maçonnerie disparaît sous d'épais enduits badigeonnés

110

LA CITE DE RHODES

de couleurs vives. Nous donnons ci-contre (Fig. 69) le relevé d'une partie de la façade, d'après l'état ancien; c'est un exemple de maison modeste, à escalier extérieur. La porte d'entrée, rectangulaire, qui s'ouvre sur le palier est des plus simples : le chanfrein taillé sur l'arête du tableau se relève suivant une accolade dans l'axe du linteau. La fenêtre principale, en arc surbaissé, possède un chambranle et un appui moulurés et deux petites fenêtres rectangulaires sont percées à la partie supérieure du mur, audessous du solivage. Sur la façade latérale subsistait une fenêtre rectangulaire dont

l'appui

offrait un profil en doucine (PL. X X X I I , 5).

II. — MAISON N

0

31

Cette importante maison occupe un terrain quadrangulaire compris entre la place actuelle FIG. 7 0 . — MAISON N ° 2 9 . — Plan.

du quartier juif, la rue qui longe le rempart du port et deux murs qui, à l'est et à l'ouest, la

séparent des immeubles voisins. Tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage, les divisions principales du plan correspondent encore à la distribution ancienne; les façades sur la place et sur la rue sont presque intactes et les solivages eux-mêmes datent pour la plupart du moyen âge. Cette construction constitue l'exemple le plus complet et le plus homogène d'une riche e

maison de Rhodes, à la fin du XV siècle.

PLAN DU REZ-DE-CHAUSSÉE ( F I G . 7 1 )

Le vestibule d'entrée a s'ouvre à l'extrémité de la façade, à l'est d'une série de cinq magasins b, c, c, c. Seul le magasin b communique avec la cour de la maison; les autres, indépendants entre eux, et accessibles seulement de la place publique, étaient très probablement, comme aujourd'hui encore, des boutiques à loyer. Le vestibule a, voûté en berceau et muni d'un banc de pierre, conduit à la cour d, où se développe l'escalier e, à trois volées; sous la seconde est creusé le puits g. Les magasins f et k, voûtés en berceau, dépendent de la cour centrale; le magasin du nord-ouest est divisé en deux travées i, j, également voûtées, par deux arcs surbaissés retombant sur une pile centrale. Ce dispositif a pour but de soutenir le mur de refend du premier étage. Le groupe i-j est sans communication avec la cour; on y accède de la rue postérieure.

PREMIER ÉTAGE ( F I G . 7 2 )

Le second palier de l'escalier e donne accès à la pièce l; sur la galerie h, supportée par un arc très surbaissé, s'ouvre la porte de la grande salle m, éclairée sur la place par deux larges

FIG.

71. — MAISON Ν 0 31. — Plan du rez-de-chaussée.

FIG. 72. — MAISON Ν 0 31. — Plan du premier étage.

112

LA CITÉ DE RHODES

fenêtres rectangulaires et par deux petites ouvertures, percées sous le solivage; elle possède également sur la cour une fenêtre en arc surbaissé et a conservé sa cheminée n; le solivage de cyprès garde de nombreuses traces de peinture. Les pièces secondaires ο et r, dépendant de la grande salle, sont munies de cheminées s et q; en p-p, un arc brisé divisait en deux travées la pièce o. En t, s'étend aujourd'hui une sorte de terrasse à ciel ouvert, et il est possible que tel ait été l'arrangement primitif. Mais il faut remarquer que l'angle sud-ouest de la maison a été détruit; l'espace t correspondait peut-être, au moyen âge, à une salle qui, montant à même hauteur que la salle m, pouvait prendre jour au-dessus des toitures des pièces u et v. C'est suivant ce principe que nous avons dessiné notre coupe (Fig. 74). La pièce z s'éclairait sur la rue, ainsi que la cuisine u, qui possède sa cheminée v, son four x et son puits y, descendant jusqu'à la nappe souterraine à travers le massif du rez-de-chaussée.

FAÇADE SUR LA PLACE

Elle est défigurée par des balcons modernes, mais on constatera, d'après nos photographies (PL. X X V , 1, 2), qu'on en peut restituer, en toute certitude, les quelques éléments maintenant détruits (PL. X X V I ) . La porte d'entrée, dont l'arc brisé et les piédroits sont décorés de moulures, est surmontée d'une archivolte saillante retombant sur deux culots, ornés d'entrelacs et de cannelures. A la naissance de l'arc règnent des frises de rinceaux formant impostes. Au sommet de l'archivolte, un marbre rectangulaire est encastré dans le calcaire; l'écu, de forme italienne, qui y est sculpté, porte trois gonfalons; il s'accompagne à la base de deux feuilles d'acanthe ( ? ) et une colombe aux ailes déployées en forme le cimier. Les cinq arcades des magasins, en arc surbaissé, sont surmontées d'une rangée de corbeaux destinés à supporter un auvent. Un bandeau, orné d'entrelacs, règne sur toute la longueur de la façade et sert d'appui aux fenêtres du premier étage. Au milieu de la façade, sous le bandeau, on lit l'inscription suivante, gravée sur marbre : « Pax huic domui et omnibus habitantibus in ea ». Les quatre fenêtres principales, égales entre elles, reproduisent le type déjà observé à l'Auberge de France et à la Mosquée du Bezesten. Les baies plus petites qui les accompagnent au niveau du bandeau ou qui s'ouvrent au sommet de l'édifice s'encadrent simplement de chambranles moulurés. Au-dessus de chacune des fenêtres centrales se détachent, en saillie sur le nu du mur, deux cadres rectangulaires décorés de feuillages; des motifs semblables surmontaient sans doute les fenêtres latérales, et un autre, du même type, est situé dans l'axe de la façade. Ces cadres portaient des inscriptions en caractères grecs ; elles sont très mutilées et l'on ne peut déchiffrer qu'une seule d'entre elles : ΜΡ ΘΥ. COUPES

La coupe suivant Α-Α' (Fig. 73) montre comment la salle principale domine les construc­ tions voisines. La coupe B-B' (Fig. 74) rend compte également de cette disposition; on y voit en outre de quelle manière la salle que nous avons restituée, en t, pouvait prendre jour au-

LES MAISONS DE LA VILLE

113

dessus des terrasses contiguës. A chacun de ces dessins correspond une des faces de la cour intérieure. Sur celle qui regarde le midi (Fig. 74) apparaît une fenêtre en arc surbaissé qui éclaire la pièce du premier étage l. Selon Rottiers, le chambranle de la fenêtre actuelle aurait

0

FIG. 7 3 . — MAISON N 31. — Coupe suivant A-A'.

encadré une Crucifixion en bas-relief; mais la planche où est indiqué ce détail paraît fantaisiste sur divers points (1) et il est probable que le bas-relief n'a pas été figuré à la place exacte qu'il occupait. En tout cas, on n'en observe pas vestige aujourd'hui.

FIG. 74. — MAISON N ° 31. — Coupe suivant B-B'.

(1) Rottiers, op. cit., Atlas, PL. LVI. — Rottiers indique entre autres, dans le vestibule d'entrée, le bas-relief qui se trouve aujourd'hui à la Porte conduisant du Bazar au Port (V. Tome I, Ch. II, p. 66) et qui représente un sablier accompagné du mot Palitharo. Il est certain, d'autre part, que ce marbre n'est point à son poste original; peut-être provient-il, en effet, de la maison N° 31 ; mais d'autres détails sont certainement inexacts.

16

LA CITÉ DE RHODES

114

Au-dessous de la fenêtre on retrouve, sculpté sur marbre et entouré d'une moulure archaïsante, à billettes, l'écu aux trois gonfalons de la porte d'entrée. Au-dessus de la fenêtre est encastrée dans la maçonnerie une dalle de marbre sur laquelle est gravée l'inscription suivante (Fig. 75) : Ή ειρήνη τω οίκω τούτω και πάσι τοίς κατοικούσιν έν αύτω

FIG. 75. — MAISON Ν

0

3 1 . — Inscription.

DESTINATION ET DATE

L'écu qui se répète sur la façade et dans la cour semble avoir été plutôt un emblème qu un blason. Les trois gonfalons ne seraient-ils point la figuration de la Trinité et la colombe du cimier l'image du Saint-Esprit? D'ailleurs, parmi les traces de peintures conservées sur les entretoises du plafond de la grande salle, nous avons retrouvé le même écu, mais les gonfalons y sont représentés flottant à gauche et non à droite de la hampe. En matière de blason, une telle variation serait inadmissible, alors qu'elle se peut tolérer si l'écu n'a qu'une valeur symbolique. D'autre part, les inscriptions grecques de la façade et de la cour prouvent que la maison appartenait à un Grec, désireux toutefois d'affirmer l'union des deux églises à Rhodes, en répétant en latin, sur la façade, la formule byzantine gravée dans la cour. Le caractère de ces diverses inscriptions, rapproché du symbole exprimé par l'écu, semble indiquer que l'occupant de la maison appartenait au clergé, ce que confirmerait la présence d'une Crucifixion dans la Cour. Il est donc possible de supposer que cette maison importante fut la demeure e

e

du Métropolite grec, à la fin du X V et au début du X V I siècle (1); elle offre, en tout cas, les mêmes détails architectoniques que l'Auberge de France et la Mosquée du Bezesten, et fut construite vers la même époque. MAISON N° 33 Le rez-de-chaussée est assez bien conservé, le premier étage en majeure partie remanié, la façade entièrement modernisée. REZ-DE-CHAUSSÉE

(Fig. 76). — Le vestibule a, voûté en berceau, conduit à la cour cen-

(1) En tout cas, il n'y a pas lieu de retenir l'identification proposée par Rottiers, qui voit dans cet édifice l'Amirauté ( ? ) (Rottiers, op. cit., p. 346).

FIG.

76. — MAISON Ν0 33. — Plan du rez-de-chaussée.

FIG. 77. — MAISON Ν0 33. — Plan du premier étage.

116

LA CITÉ DE RHODES

traie b, où se développe l'escalier c. Le reste du terrain est occupé par des magasins voûtés; d, e, f, g, h, i, en communication directe ou indirecte avec la cour; j, k, l ne sont accessibles que de la voie publique. PREMIER ÉTAGE (Fig. 77). — Sur notre plan, nous avons figuré en hachures les parties

hypothétiques. L'escalier ancien (PL. X X X I I , 7) aboutit à une galerie, supportée par des berceaux surbaissés. Des appartements qui entouraient la cour, la salle principale ο et la pièce voisine u sont seules intactes et présentent encore leurs plafonds anciens; pour le reste, la distribution primitive se restitue aisément. L'escalier de pierre qui, partant de sa salle o, conduit à une soupente, est de construction moderne. La porte d'accès à la salle ο subsiste, ainsi que la jolie fenêtre voisine, composée de deux baies trilobées séparées par un meneau (PL. X X X I I , 7). On nous a affirmé que des fenêtres semblables éclairaient les pièces sur la rue, avant la transformation de la façade. De ses éléments anciens, elle n'a conservé que l'archivolte en arc brisé qui couronnait la porte d'entrée (PL. X X X I I , 2). D'après le style de la fenêtre sur la cour, cette maison paraît remonter à la première moitié e

du XV siècle. MAISON N° 42 Sur la place du quartier juif, entre deux des rues qui y aboutissent, au sud, s'étend un édifice important dont le premier étage est entièrement détruit. De la façade, qui se développe sur 30 mètres de longueur, il ne subsiste au-dessus du sol de la rue que 12 assises de m

0 4 5 de hauteur, couronnées par un bandeau de profil gothique; six arcs surbaissés donnaient accès à autant de magasins, voûtés en berceau, qui constituaient le rez-de-chaussée du monument. A l'extrémité ouest, on observe encore le profil des marches de l'escalier qui conduisait au premier étage et qui se trouve englobé dans des remaniements modernes. La hauteur des assises laisse penser que le monument fut construit vers le milieu du XV

e

siècle. D'après son importance, on pourrait croire qu'il abritait des services publics, mais on ne possède à ce sujet aucune indication précise.

MAISON N° 43 ET YENI DJAMI La maison N° 43, de petites dimensions, ne conserve au-dessus des voûtes du rez-dechaussée que quelques éléments, bandeaux et fenêtres, du premier étage ancien. A cette maison est contiguë, à l'est, la mosquée appelée Yeni Djami ou Yeni Tcheri Djamii, qu'on a cru pouvoir identifier à l'église Saint-Sébastien. Nous avions nous-même accepté cette hypothèse qui, après un nouvel examen de l'édifice, nous paraît devoir être abandonnée (1). Le fait qu'une mosquée ait été installée dans un édifice ne suffit point à prouver que celui-ci ait été une église (2); encore faudrait-il y retrouver quelques éléments du sanctuaire (1) V. Tome I, Topographie, p. 12. (2) En règle générale, les anciennes églises devinrent des mosquées, mais on compte des exceptions, entre autres la Mosquée du Bezesten.

LES MAISONS DE LA VILLE

117

ancien; or Yeni Djami se compose de deux parties : 1° Deux travées inégales de voûtes d'ogives, de construction médiévale (Fig. 7 8 ) ; 2° Un porche plafonné et un minaret bâtis par les Turcs. Dans la partie médiévale, on n'observe pas trace d'abside et, d'ailleurs, la présence de la maison voisine ( N ° 4 3 ) , à l'est, dont les voûtes de rez-de-chaussée sont anciennes, ne permet point de supposer que le chœur ait été muré par les Turcs. Dans la paroi ouest étaient pratiquées des ouvertures qui semblent avoir été remaniées à diverses reprises et peut-être dès le moyen âge; mais en admettant que l'édifice se soit prolongé autrefois dans la direction de l'ouest, on n'imagine point quelle restitution pourrait correspondre au plan FIG. 78. — YENI TCHERI DJAMII. — Plan et Coupe.

d'une église. On doit donc admettre que les voûtes de la mosquée appartenaient à une Loge ou à des boutiques analogues à celles de la Mosquée du Bezesten et des maisons voisines.

MAISON N ° 4 4 Le rez-de-chaussée est en majeure partie intact; le premier étage a été transformé, mais on retrouve les grandes lignes des anciennes dispositions. REZ-DE-CHAUSSÉE

(Fig. 7 9 ) . — a, Porte d'entrée; b, vestibule voûté en berceau surbaissé;

c, escalier (PL. X X V I I I , 2 ) ; d, puits; e, e', f, g, g', , h, h', magasins voûtés. Les berceaux b, e, e', f sont perpendiculaires à la rue; les berceaux h, h', g, g' lui sont parallèles. Chacun des magasins de l'ouest est divisé en deux travées par des doubleaux, qui s'appuient sur une pile centrale et sur lesquels retombent les berceaux. PREMIER ÉTAGE

(Fig. 8 0 ) . — Les trois volées de l'escalier se développent dans une cour

à ciel ouvert. Le palier c' dessert l'espace h, aujourd'hui sans couverture, mais qui, d'après les deux fenêtres i, j, était certainement une salle plafonnée. Le palier c" donne accès aux autres pièces; m, η, ο correspondent à des arcs brisés sur lesquels s'appuie le solivage. La fenêtre q conserve d'importants fragments de sa décoration (V. inf., fig. 105). La cheminée p

FIG. 79. — MAISON Ν0 44. — Plan du rez-de-chaussée.

FIG. 80. — MAISON Ν 0 44.

— Plan du premier étage.

LES MAISONS DE LA VILLE

119

a été modernisée; toutefois le profil de l'encorbellement, en façade (Fig. 8 1 ) , laisse penser qu'au moyen âge une cheminée s'accusait à l'extérieur, suivant une saillie demi-cylindrique. FAÇADE

(Fig.

81)

(PL. X X V I I ,

4).—

Au rez-de-chaussée, la porte plein cintre, de style

catalan, est couronnée d'un motif armorié « de... a la Jasce de... accompagnée de trois colombes (?) de... placées 2, 1 ». Les fenêtres des magasins latéraux ont été restituées.

FIG. 8 1 . — MAISON N ° 4 4 . — Façade.

Au-dessus d'un bandeau orné d'entrelacs, dont il ne subsiste que quelques fragments, s'ouvraient trois fenêtres rectangulaires qu'on a murées pour aménager une installation moderne. Mais on distingue encore les corniches des fenêtres anciennes, exemple unique à Rhodes d'une influence mudejare (PL. X X X I , 4) ( 1 ) . D'après le style du portail principal, et les motifs archaïsants de la fenêtre qui donne sur l'escalier ( 2 ) , on peut fixer à 1 4 5 0 environ la date de la construction de l'édifice.

(1) V. inf. Ch. VIII, fig. 110. (2) V. inf. fig. 105.

LA CITÉ DE RHODES

120

MAISON

N ° 5 0 (FIG.

82)

C'est l'exemple de l'utilisation d'un terrain très étroit (3 mètres dans œuvre) compris entre deux murs mitoyens parallèles. Le plan a été modifié à l'époque moderne, surtout au premier étage; mais on peut distinguer encore quelles en étaient les dispositions générales.

FIG. 82. — MAISON N ° 5 0 . — Plans et Coupes.

A. REZ-DE-CHAUSSÉE. — a, Porte d'entrée en arc brisé; b, linteau monolithe reposant sur le pilier d; c, arc plein cintre; e, magasin; f, projection de l'arc plein cintre supportant la galerie du premier étage.

LES MAISONS DE LA VILLE B.

PREMIER

ÉTAGE. —

g,

Vestibule s'ouvrant vers la cour, suivant l'arc surbaissé i; h, chambre sur la rue; galerie

à

ciel

ouvert ; k,

chambre. Les coupes rendent compte de

la

manière

dont

sont

construits le linteau b et le point d'appui d. Au premier étage, l'arc i retombe d'un côté sur une colonne engagée avec base et chapiteau, de l'autre sur un culot polygonal mouluré. Tous ces détails sont fort bien conservés. La façade a été complètement modernisée. D'après le style du culot du premier étage, cette construction peut être datée de la fin du X V

e

siècle.

MAISON N° 63 Son plan répond à une distribution claire et régulière sur un terrain situé à l'angle de deux rues (Fig. 83). Au rez-de-chaussée, la porte en arc brisé a s'ouvre sur la cour, d'où part l'escalier b. Le reste du terrain est occupé par deux magasins voûtés e et d : ce dernier possède une entrée distincte sur la rue f. Au premier étage, le palier d'arrivée de l'escalier g conduit aux deux pièces j et h; de h, on accède à la salle i, et de là au cabinet k, dont le mur extérieur, à l'ouest, 17

FIG. 8 3 . — MAISON N » 6 3 . — Plans et Coupe.

121

122

LA CITÉ DE RHODES

FIG. 84. — MAISON N° 66. — Plans et Coupe.

FIG. 85. — MAISON N ° 66. — Façade.

123

LES MAISONS DE LA VILLE

était supporté par un pilier monolithe. Les parties du premier étage qui ont disparu, et que nous avons restituées, sont indiquées en pointillé dans notre coupe.

MAISON N° 65 De la construction ancienne, il ne subsiste que quelques pans de murs. Dans l'un d'eux s'ouvre la fenêtre que reproduit notre PL. X X X , 1 ; elle se compose de deux baies trilobées séparées par une colonnette de marbre. Au-dessus, dans un cadre rectangulaire, est enchâssé un écu de marbre, non identifié, qu'accompagnent les initiales Γ Μ et la date : 1515. Il est fort probable que cet écu est bien postérieur à la fenêtre; celle-ci paraît remonter à la e

première moitié du XV siècle.

MAISON N° 66 La composition du plan est d'une extrême simplicité. Au rez-de-chaussée, le vestibule plafonné, où s'ouvre le puits, est flanqué d'un escalier droit qui o

FIG. 86. — MAISON N

68. — Plan.

conduit à la salle du premier étage : un petit ca-

binet (1,20 x 1,90) constitue l'unique dépendance de ce logis (Fig. 84).

FIG. 87. — MAISON N ° 6 8 . — Coupes.

Les éléments de la façade (Fig. 85), portes, fenêtres, bandeau, ne sont que la répétition e

de ceux que nous avons décrits à diverses reprises. La construction date de la fin du XV ou e

du début du XVI siècle.

124

LA CITÉ DE RHODES

FIG. 8 8 . — MAISON N ° 6 8 . — Façade.

MAISON N° 68 La cour de cette maison occupe l'angle des deux rues qui bordent l'immeuble (Fig. 86). La porte d'entrée a donne accès au magasin b, largement ouvert sur la cour d. L'escalier à deux volées aboutit à une galerie supportée par l'arc surbaissé c. Sous la seconde volée de l'escalier, en e, est creusé le puits. Nous donnons ci-contre (Fig. 87) le détail de cette cour.

FIG. 89 — MAISON N ° 6 9 . — Plans.

LES MAISONS DE LA VILLE

La porte d'entrée, en arc plein deux

cintre, et les

fenêtres

rectangu-

laires qui éclairent le vestibule sont décorées d'un large boudin taillé sur l'arête du tableau (Fig. 88). Au-dessus

des

linteaux

des fenêtres sont ménagées des plates-bandes de décharge.

MAISON N° 69 Elle répond en partie au même

dispositif que

la

maison N° 66 : entrée en a dans le vestibule plafonné b, escalier c (Fig. 80); mais elle possède en outre, au

rez-de-chaussée, une

salle d, voûtée d'ogives et de berceaux, que surmontent au premier étage la grande salle g et sa dépendance h, éclairées l'une et l'autre sur un jardin. La façade (Fig. 90) est semblable à celle de la maison N° 66; on remarquera quelque différence dans les proportions

et

l'absence de décor floral dans la corniche moulurée de la fenêtre. Date de la construction : e

fin du XV ou début du e

XVI

siècle. O

FIG. 90. — MAISON N 69. — Façade et Coupe.

125

126

LA CITÉ DE RHODES

FIG. 91. — MAISON

M A I S O N N° 71

N

O

71.

(FIG. 9 1 )

Cet exemple dune maison entre rue et jardin, sur un terrain de dix mètres de largeur, présente, en plan, certaines irrégularités singulières qui paraissent provenir de la fantaisie ou de la maladresse du constructeur. Elles n'altèrent point, d'ailleurs, le caractère de franchise et de simplicité de cette composition. REZ-DE-CHAUSSÉE. — La porte a et le vestibule ou passage voûté b conduisent au jardin ; c et d sont des magasins voûtés; e, dépendance du vestibule, abrite le puits f; du jardin, part l'escalier g. PREMIER ÉTAGE.

— L'escalier g, à deux volées, aboutit au palier h qui, au moyen âge

LES MAISONS DE LA VILLE

127

comme aujourd'hui même, devait être couvert d'un auvent de construction légère. Ce porche dessert la salle principale i et la petite pièce voisine j, munie d'une cheminée k. La façade sur la rue est fort délabrée; toutefois la porte d'entrée en arc brisé est intacte, et l'on observe des vestiges du bandeau et des fenêtres du premier étage. Sur le jardin, seul l'escalier, supporté par deux arcs surbaissés, a conservé son aspect ancien; le reste de la façade est en majeure partie moderne.

MOULINS A VENT Au moyen âge comme de nos jours, les moulins à vent étaient fort nombreux dans la Cité et dans la campagne environnante (1). Sur le môle oriental, on comptait, en 1480, 13 moulins (2); il en existait 2 ou 3 sur le Môle Saint-Nicolas (3); quatre autres s'élevaient dans la partie haute de la Ville, vers la Porte de Koskino (4). Ceux qui sont demeurés debout, en ces divers endroits, n'offrent aucun élément caractéristique qui permette de les dater, mais ils répondent au même type que les moulins du x v

e

siècle, tels qu'ils figurent notamment sur les gravures de Breydenbach : ils se composent d'une tour circulaire de cinq mètres de diamètre en moyenne, couverte d'une toiture à deux pentes ; cette toiture, mobile autour de l'axe de la tour, permet d'orienter les ailes suivant la direction du vent. Au point culminant de la route qui, partant de la Porte d'Amboise, se dirige vers Trianda, e

on trouve deux autres moulins qui remontent au X V siècle (5). L un d'eux possède, en effet, une porte rectangulaire à chambranle mouluré et accolade; dans le second, au-dessus de la porte, figure la croix de l'Ordre et l'écu, non identifié, que nous avons signalé sur la façade de maison N° 7 (6). Ainsi se trouve fixé le type des moulins anciens; on peut constater qu'ils étaient en tous points semblables à ceux de la Ville et des môles.

A ne considérer que le plan, les édifices que nous venons de décrire, Auberges ou maisons, correspondent à trois types distincts ; chacun d'eux est déterminé par l'emplacement de l'escalier. On peut donc proposer, comme première conclusion de cette étude, le classement suivant : (1) « ...sono moite moline che masino a vento che fano uno mirabel vedere ». (Santo Brasca, Viaggio ai Luoghi Santi, f° iiij v.) Cf. Relation du voyage de Domenico Trevisan, éd. cit., p. 219. — L'irrigation des jardins était assurée par les mêmes moyens que de nos jours; des roues élévatoires, mues par le vent, puisaient l'eau et la déversaient dans un large bassin, d'où elle était distribuée dans le jardin. (N. de Martoni, Pèlerinage, éd. cit., p. 583-584.) (2) C'est ce qui résulte des indications concordantes que fournissent les miniatures du Code Caoursin et le panorama de Breydenbach (Cf.,Tome I, Pl. 1 et Fig. 2). Faber Felix (Evagatorium, III, 257) et l'Anonyme de 1480 (Voyage de la Sainte Cyté, éd. cit., p. 114). Arnold von Harff (Pilgerfahrt, éd. cit., p. 70), signalent également 13 moulins sur le môle. Georges Lengherand (Voyage, éd. cit., p. 104) et Ramadan (Epître triomphale, éd. cit., p. 739) n'en ont compté que 12. Cependant, Maître Possot, en 1532, revient au chiffre de 13, qui nous parait répondre à la réalité. Les moulins du môle étaient d'ailleurs plus nombreux à la fin du X I V siècle : N. de Martoni en a vu 15 (Pèlerinage à Jérusalem, éd. cit., p. 583), et ce chiffre est confirmé par la fondation de D. d'Allemagna, attribuant, entre autres, le neuvième, le dixième et le quatorzième moulin du môle à l'Hospice de Sainte-Catherine (Liber Bullarum, 1392, Ms. n° 326, f 130). e

(3) Le panorama de Breydenbach indique 2 moulins; les miniatures de Caoursin n'en figurent aucun. G. Lengherand (op. et loc. cit.) en signale trois, ce qui correspond au nombre des moulins existant actuellement sur ce môle. (4) Ils apparaissent très nettement dans les miniatures de Caoursin; deux d'entre eux sont encore debout aujourd'hui. (5) C'est auprès de ces moulins qu'en 1522 les Turcs installèrent la batterie qui tirait contre les murailles d'Allemagne (Bosio, Istoria, II, 664). (6) Cf. sup. p. 80. — Cet écu porte : de... aux trois plantes déracinées de...; au chef de l'Ordre.

LA CITÉ DE RHODES

128

CONCLUSION : LES TYPES DE PLAN 1°. T Y P E a. — L'escalier est disposé dans une cour rectangulaire qui peut être située au

centre de la composition ( N

o s

33, 44), mais qui, le plus souvent, s'étend en bordure du ter-

rain; elle est alors contiguë à l'immeuble voisin ( N

o s

7, 31) ou à la rue ( N

o s

8, 63, 68). Cette

cour, à laquelle on accède par un vestibule voûté est de dimensions variables; dans la plupart des cas, elle est occupée tout entière par les volées de l'escalier et ne constitue, en somme, qu'une cage d'escalier à ciel ouvert. 2°.

TYPE

b. — L'escalier est adossé à la façade sur rue (Mosquée du Bezesten, N

38), ou sur jardin ( N

o s

o s

29, 32,

6,11, 71). Il se termine par une galerie desservant les différentes pièces

ou par un palier sur lequel s'ouvre la porte d'entrée de la maison. 3°. T Y P E C. — L'escalier, qui ne comprend qu'une volée de faible largeur, longe un des murs qui sépare la maison de la construction adjacente. Ce dispositif est employé dans les habitations où le terrain, très oblong, ne possède qu'un faible développement en façade ( N

o s

9, 10,

50, 66). Remarquons d'ailleurs que la volée d'escalier demeure à ciel ouvert, en sorte que ce plan peut être considéré comme une contraction d'un plan du type a, dans lequel la cour serait réduite à sa plus simple expression. Certains arrangements sont communs à tous les types en usage : les magasins du rez-dechaussée s'ouvrent sur la voie publique par de larges arcades surbaissées; les appartements, répartis exclusivement au premier étage, comprennent, en général, une salle de dimensions plus vastes que les autres, et un nombre variable de pièces secondaires. Doit-on voir dans ce plan la persistance de types locaux? Notre documentation sur les maisons de l'Orient médiéval est trop sommaire pour permettre de répondre catégoriquement à cette question. Notons toutefois que la maison à cour centrale, fréquente en Espagne, dans le Midi de la France et en Italie affecte souvent, en Catalogne, en Provence, et dans l'Italie méridionale, des dispositions semblables à celles de Rhodes (1). La maison du type c, à escalier latéral, se retrouve en Occident, notamment en France (Cluny, Monpazier) (2). Quant à la maison à escalier extérieur et galerie, on pourrait peut-être la rattacher aux maisons de la Syrie (3) et y voir la survivance d'un type ancien qui, sous une forme rudimentaire, s'est perpétué jusqu'à nos jours, en diverses régions de la mer Egée (4); encore serait-il malaisé de déterminer la source d'inspiration. Ainsi les plans du type b seraient, avec celui de l'Hôpital, les seules compositions où semble se marquer la persistance des traditions orientales; les autres demeurent, comme les détails de la technique et de la décoration des importations d'Occident. (1) Nous montrerons plus loin comment, par exemple, les escaliers de Rhodes sont en tous points semblables à ceux de l'architecture catalane (Cf. inf. p. 152). (2) Viollet-Le-Duc, Dictionnaire, VI, 222-223, 247. (3) De Vogué, Architecture civile et religieuse dans la Syrie centrale, II, PL. 110 et suiv. (4) Nous l'avons observé notamment à Mykonos dans les Cyclades et à Kalymnos dans les Sporades. — Il est curieux de retrouver l'escalier extérieur des maisons rhodiennes, avec le même profil de l'about des marches, en deux points extrêmes du monde oriental : en Arménie, dans l'église d'Amaghou et au Caire, à la mosquée Al Mouaïyad.

CHAPITRE

TECHNIQUE

ET

VIII

DÉCORATION

I. — MAÇONNERIE A. — MATÉRIAUX

On utilisa dans les constructions civiles les mêmes matériaux que dans les remparts. Les restes des monuments antiques, les carrières du voisinage et celles de Malona et de Lindos e

fournirent la pierre employée dans les édifices. Il semble que, dès la fin du X V siècle, on ait fait un choix parmi ces différents matériaux; les façades et surtout les parties sculptées sont alors appareillées de préférence en calcaire de Lindos fortement coloré d'oxyde de fer, qui offre, avec un grain assez fin, une dureté supérieure à celle de toute autre pierre de l'île. L'emploi du marbre est fréquent. Les armoiries enchâssées dans les murs, les dalles portant inscriptions, les colonnettes des baies trilobées, certaines croisées de grandes fenêtres rece

tangulaires, enfin, au début du X V siècle, quelques piédroits et linteaux de porte sont taillés dans des marbres antiques, blancs ou bleuâtres. Les seuils des portails sont souvent de marbre; en général leur section est rectangulaire, mais parfois aussi on emploie tel quel le fût d'une colonne, en se contentant d'y pratiquer une feuillure. Il est vraisemblable que les marbres antiques servirent également à alimenter les fours à chaux : les mortiers de chaux et sable étaient d'une qualité excellente et d'une prise si tenace que les pans de mur devenaient avec le temps de véritables monolithes.

B.

— APPAREIL

Tous les murs sont appareillés en assises réglées; l'assise de 0,40 à 0,45 de hauteur paraît e

avoir été de règle dans les constructions du milieu du X V siècle (Hôpital, Auberge d'Espagne). La technique, sans être négligée, n'en est point alors très précise, et si les joints sont assez serrés, ils présentent certaines irrégularités suffisamment accentuées, parfois, pour nécessiter l'introduction de cales de tuile entre deux blocs superposés. e

e

Par contre, l'appareil de la fin du X V siècle et du début du X V I siècle est extrêmement précis, à tel point que sur certains nus, patines de manière uniforme, il est souvent difficile d'apercevoir les joints : c'est le cas, notamment, de la façade de l'Auberge de France dans la hauteur du premier étage, de la Mosquée du Bezesten, de la maison N° 31, etc. Durant cette 18

130

LA CITÉ DE RHODES m

période, la hauteur d'assises est la même dans la majorité des édifices et mesure 0 2 1 5 . Cette longueur correspond sans doute à une fraction simple ou à la totalité d'une unité locale. Elle semble, en tout cas, sans rapport direct avec le palme qui, d'après des données assez précises, m

était voisin de 0 2 6 (1). L'épaisseur courante des murs est de 0,50 à 0,60; au rez-de-chaussée, il fut nécessaire parfois d'augmenter cette dimension pour contrebuter la poussée des voûtes; au premier étage, on rencontre exceptionnellement des murs et des cloisons de 0,25. Les murs présentent toujours deux parements, appareillés l'un et l'autre avec le même soin. Les parpaings sont fort rares et l'on comptait sur la qualité du mortier pour suppléer au manque de liaison; cependant on observe sur la façade de l'Auberge de France, entre les deux bandeaux, un appareil composé presque entièrement de boutisses dont un grand nombre forme parpaing. C. — ARCS ET VOÛTES

L'arc plein cintre

et l'arc surbaissé n'appellent aucune remarque particulière. Le tracé

de l'arc brisé correspond en général à une ouverture de 8 parties pour une montée de 5; c'est la formule connue où l'on retrouve les côtés du triangle parfait (2). Le joint dans l'axe est de règle. Les berceaux brisés ou surbaissés sont appareillés en assises réglées suivant les procédés courants. Les voûtes d'ogives sont peu fréquentes; à l'Auberge d'Auvergne, à la Mosquée du Bezesten, dans la maison N° 69, il en subsiste des exemples où les lignes de joint des voûtains sont, suivant la disposition usuelle, des génératrices des berceaux cylindriques. Dans le portique du rez-de-chaussée de l'Hôpital on observe un appareil particulier : la surface d'intrados demeurant cylindrique, les joints ne sont plus des génératrices du cylindre, mais viennent se couper sur la ligne horizontale, qui réunit la clé de l'ogive à la clé du formeret. On trouve dans Viollet-le-Duc un exposé très clair du même principe appliqué à un exemple plus complexe où l'intrados du voûtain est une surface non réglée (3). Cet appareil singulier simplifie la main-d'œuvre; il permet de placer les couchis en évitant la construction de cintres de bois permanents, et un ouvrier habile, muni d'une cerce et d'une hachette, peut à lui seul effectuer le remplissage de la voûte. Notons d'ailleurs qu'à Rhodes, le dispositif n'a point une régularité mathématique et que le travail n'a pas été exécuté suivant des règles rigoureuses : mais le désir de supprimer le cintrage, ou tout au moins de le réduire au minimum, n'en est pas moins évident. D. — BANDEAUX, CORBEAUX, PORTE-BANNIÈRE

Des bandeaux simplement moulurés ou décorés de sculptures règnent généralement sur toute la longueur d'une façade. Ils peuvent être classés en deux groupes distincts (Fig. 92) : 1° les larmiers, qu'ils soient simples ou accompagnés d'un boudin; 2° les bandeaux dont la face supérieure est horizontale et qui, généralement, constituent les appuis des fenêtres du (1) V. Tome I, Ch. IV, p. 117. (2) Cf. Viollet-le-Duc, Dictionnaire, T. VI, p. 422 et suiv. (art. ogive). (3) Viollet-le-Duc, Dictionnaire, T. IX, p. 521 et suiv. (art. voûte).

TECHNIQUE

ET

DÉCORATION

131

premier étage. Parfois un bandeau du premier type correspond à l'appui des fenêtres; en ce cas, dans la longueur de chaque baie, on a redressé le glacis supérieur suivant un plan horizontal, et la différence des plans aux extrémités a été amortie par deux pans à 45° (1). Les bandeaux décorés appartiennent tous au second type et offrent diverses variétés de profils et d'ornements (Fig. 93). Au-dessus des fenêtres de l'Auberge de France, on peut observer des bandeaux discontinus dont le profil est un quart de cercle (V. PL. X ) . Ils s'accompagnent, vers leurs

FIG. 9 2 . — PROFILS DE BANDEAUX.

extrémités, de corbeaux de pierre munis d'encoches, où devaient s'encastrer des sablières horizontales. Le profil du bandeau explique sa fonction : il recouvrait un chevronnage et une couverture légère qui constituaient un auvent, abritant chacune des ouvertures (Fig. 94). On ne retrouve plus qu'à l'Auberge de France et à la maison N° 9 ce dispositif complet, adapté à des fenêtres du premier étage;

FIG. 93. — BANDEAUX DÉCORÉS.

mais, çà et là, des corbeaux sont conservés au-dessus des fenêtres et attestent l'existence d'installations analogues (2). En tout cas, dans la majorité des édifices, les arcades du rez-de(1) V. sup., maison n° 7 (Fig. 52) et maison n° 8 (Fig. 55). (2) V. maison n° 8 (Fig. 55) et maison n° 10 (Fig. 58).

LA CITÉ DE RHODES

132

chaussée sont surmontées d'une rangée de ces corbeaux qui permettaient d'établir sur toute la longueur de la façade un auvent continu. Le procédé paraît avoir été importé d'Occident, où l'on en observe des applications nombreuses (1). A Rhodes, les auvents, bien que de construction légère, devaient constituer des installations permanentes (2). Ils rappelaient sans doute ces appentis de bois, patines par le temps, qui, dans la Turquie moderne, abritent les échopes des bazars anatoliens et les galeries des yalis du Bosphore; et l'on imagine dans quelle mesure ils pouvaient modifier le caractère d'une façade : les ombres qu'ils y projetaient rompaient la monotonie des murailles nues et accentuaient d'un trait vigoureux les lignes essentielles de la composition. Au sommet des édifices sont fréquemment disposés des porte-bannière. Chacun d'eux comprend un culot de forme variable, mouluré ou sculpté, que surmonte un anneau de pierre cylindrique, percé d'un trou circulaire. La hampe de la bannière, maintenue par cet anneau, venait reposer sur le culot inférieur (Fig. 33, 52, 55, 64, 65) FIG.

94. — AUVENT.

(3).

Ε.



PORTES

Les portes, quelle que soit leur forme, sont construites suivant un même principe. Elles m

m

sont percées généralement dans des murs de 0 5 0 à 0 6 0 d'épaisseur et le tableau est à peu près égal à l'ébrasement; l'arrière-voussure est toujours un arc surbaissé, indépendant de l'arc ou du linteau de façade. Dans les portes en arc, cette voussure est indispensable pour le mouvement des battants; dans les portes rectangulaires, elle remplace avantageusement un arrière-linteau. On remarquera la forme particulière des feuillures qui constituent une cavité où venait s'encastrer le dormant (V. Fig. 95 et 100). Dans le cas où, par suite de l'épaisseur du mur ou pour tout autre motif, il n'existe pas d'ébrasement, la feuillure est taillée en demi-queue d'aronde.

(1) V. entre autres exemples la Maison du grand-écuyer, à Cordes (Verdier et Cattois, Architecture civile et domestique, T. I. p. 161); la Grange aux Dîmes de Provins (Ibid., I, p. 118); des maisons diverses à San Gemignano (Ibid., I, p. 102 et 111). — Cf. Viollet-le-Duc, Dictionnaire, T. II, p. 56 (art. auvent). (2) Aujourd'hui encore, il n'est boutique du bazar qui ne soit munie d'un auvent de tuile mécanique ou de tôle ondulée. Au-dessus des fenêtres des maisons, on a coutume de disposer un rang de tuiles encastrées dans le mur. Il est nécessaire, en effet, de protéger les ouvertures contre le ruissellement des pluies torrentielles de l'hiver. (3) Les porte-bannière sont également fréquents dans les édifices chypriotes (Enlart, L'Art gothique et la Renaissance en Chypre, I, p. 18). Nous ne pensons pas toutefois que les constructeurs de Rhodes aient emprunté ce motif à l'antiquité romaine (Enlart, ibid.); on en trouve de nombreux exemples dans les palais italiens de la Renaissance.

TECHNIQUE ET DÉCORATION PORTES EN ARC SURBAISSÉ. —

133

Elles sont réservées

aux magasins et aux boutiques du rez-de-chaussée, et l'arc n'y reçoit aucune décoration. L ouverture de ces baies, qui varie en général entre 2 et 4 mètres, atteint exceptionnellement 5 mètres dans la maison N° 8. PORTES EN ARC PLEIN CINTRE.

— Il existe encore

trois exemples significatifs de la porte dite aragonaise, aux claveaux démesurés : à l'Auberge d'Espagne (Fig. 33), au palais N° 4 (Fig. 48) et dans la maison N ° 4 4 (Fig. 81). Dans l'un et l'autre cas, elles correspondent à la porte principale de l'édifice. L'archivolte ne présente ni moulure ni ornementation : l'arête d'intrados est simplement émoussée suivant un léger chanfrein. On trouve d'autres exemples participant du même principe, mais où l'influence espagnole est moins nettement exprimée et le développement des claveaux plus réduit; dans ce cas, un large boudin règne sur l'intrados et les piédroits (Fig. 88). PORTES EN ARC BRISÉ.

— Les portes d'entrée des

maisons sont, en général, en arc brisé; elles offrent diverses variétés : a) Dans les demeures les plus modestes, l'arc brisé est extradossé parallèlement; suivant l'arête d'intrados est taillé un chanfrein, une gorge et, beaucoup plus rarement, un boudin. b) L'archivolte porte une moulure plus ou moins complexe, qui se poursuit le long des piédroits ; parfois, parmi les moulures, se développe une frise d'entrelacs (Fig. 95). c) Dans certains cas, cette première archivolte

FIG. 9 5 . — PORTE D'ENTRÉE ( N ° 5 8 ) .

est couronnée d'une forte moulure en saillie qui suit la courbe de l'arc (Fig. 96 à 99) (1); tantôt elle retombe sur des culots (V. Fig. 15) (2), tantôt se termine suivant un retour horizontal (Fig. 97). Dans un exemple unique cette moulure s'amortit suivant un motif en forme de volute (Fig. 98, 99). La naissance de l'arc est accusée parfois par une imposte (3).

(1) Cf. Fig. 15; PL. X X V I ; PL. X X X I I , 2. (2) Ibid. (3) Fig. 15; PL. X X V I .

LA CITÉ DE RHODES

134

FIG. 9 6 . — ARCHIVOLTE ( N ° 7 3 ) .

FIG. 97. — ARCHIVOLTE ( N ° 5 6 ) .

d) Les Auberges de France (PL. X V I , 1), d'Auvergne (PL. X V I , 2) et de Provence (PL. XX, 1) offrent des exemples des portails les plus riches et les plus élégants. Ils sont tous

FIG. 9 8 . — PORTE D'ENTRÉE ( N ° 5 9 ) .

FIG. 99. — ARCHIVOLTE ( N ° 5 9 ) .

TECHNIQUE ET DÉCORATION

135

trois du même type et reproduisent même des détails semblables. A la naissance de l'arc règne une frise de rinceaux et l'archivolte est couronnée par un cadre rectangulaire retombant sur des culots polygonaux. Sur le tympan ainsi constitué se détachent des inscriptions gravées sur marbre et des blasons armoriés sculptés dans le calcaire. PORTES RECTANGULAIRES.

— La forme rectangulaire est exceptionnellement employée pour

les portes extérieures des maisons, mais elle est plus usuelle à l'intérieur des édifices. Dans les exemples les plus simples, un chanfrein ou une gorge sont taillés sur les arêtes du linteau et des piédroits, mais en général ces portes possèdent un chambranle formé de boudins et de gorges juxtaposés (Fig. 100); chanfreins, gorges et moulures se relèvent souvent dans l'arc de la porte, suivant une accolade ornée d'un bouton sphérique, d'une FIG. 100. — PROFILS DE CHAMBRANLES.

fleur de lys ou d'un écu armorié.

Le linteau monolithe, dont la largeur correspond à celle du tableau, est généralement surmonté d'un arc de décharge. Cette précaution demeura très souvent insuffisante pour éviter la rupture de la pierre. Aussi a-t-on été amené, dans certains cas, à diminuer sa portée au moyen de consoles en quart de cercle. Les exemples de ce dispositif qui nous sont parvenus appartiennent tous à des églises (1), mais il est fort probable qu'on l'appliqua également à des constructions civiles. PORTES A ENCADREMENTS DE MARBRE.

— Tous les types de porte que nous venons de passer

en revue sont d'inspiration gothique sans qu'on puisse en déduire quelque indication chronologique; ils paraissent en effet avoir été employés concurremment. Mais on doit classer à part la porte de l'Auberge de France (Fig. 26) et celle de la Mosquée du Bezesten (PL. X X I V , 1) qui, l'une et l'autre, datent de 1510 environ et trahissent l'influence de la Renaissance italienne dans leurs dispositions générales aussi bien que dans les moulures des piédroits, la décoration de l'architrave et le profil de la corniche.

F. — FENÊTRES

De même que pour les portes, le tableau des fenêtres dans les murs de 0,50 à 0,60 est égal à la demi-épaisseur du mur et une arrière-voussure en arc surbaissé correspond à l'ébrasem

ment; dans les murs de 0 2 5 l'ébrasement est supprimé. Les fenêtres répondent aux types suivants

:

FENÊTRES EN ARC SURBAISSÉ.

— Assez fréquentes dans les maisons modestes, elles sont bien

souvent dépourvues de toute décoration; une gorge ou un chanfrein sont simplement pratiqués sur l'arête du tableau. En d'autres cas, elles possèdent un chambranle mouluré, d'un profil plus ou moins complexe, décoré parfois d'un cours d'entrelacs. La maison N° 27 offre les seuls exemples de fenêtres en arc surbaissé décorées de rinceaux de feuillage de caractère byzantin (Fig. 101, PL. X X X I I , 3, 4).

(1) V . P L . X X X V I I , 10.

136

LA CITÉ DE RHODES

FENÊTRES EN ARC PLEIN CINTRE.

— On n'en trouve pas d'exem-

ples dans les constructions civiles. Les fenêtres latérales du motif central de l'Hôpital sont, il est vrai, en plein cintre, mais elles éclairent la chapelle, et il semble bien que cette forme de baies ait été réservée à l'architecture religieuse. FENÊTRES EN ARC BRISÉ.

— Peut-être étaient-elles assez nome

e

breuses dans les constructions du XIV et du début du XV siècle, mais, parmi les édifices qui nous sont parvenus, on n'en observe que des fragments appartenant aux maisons N° 4 (Fig.48) et N ° 4 8 (Fig. 102). Dans ce dernier exemple nous avons reconstitué, à quelques détails près, la lourde archivolte à crochets qui couronnait la fenêtre; il est probable que la baie possédait un remplage dont il ne reste pas trace. FENÊTRES TRILOBEES ET GÉMINÉES.—

Il subsiste quelques exem-

ples de fenêtres trilobées et géminées ; elles sont séparées par un meneau de calcaire mouluré (PL. X X X I I , 7) ou, le plus souvent, par une colonnette de marbre (PL. X X X , 1, 2). On remarquera, sur la Fig. 103, les chapiteaux des piédroits à deux rangées de feuilFIG. 1 0 1 . — FENÊTRE ( N ° 2 7 ) .

lages, très gauches de dessin et d'exécution. En général, les baies

FIG. 1 0 2 . — FENÊTRE ( N ° 4 8 ) .

137

TECHNIQUE ET DÉCORATION

FIG. 103. — FENÊTRES (N° 5 4 ) .

ont comme appui un bandeau et s'encadrent d'une corniche rectangulaire moulurée (PL. X X X , 1) ou décorée de rinceaux (PL. X X X , 2 ) . On ne saurait dire quelle était la forme exacte de la fenêtre N° 6 4 , dont il ne reste que des fragments (Fig. 1 0 4 ) ; son appui offre un curieux motif d'amortissement en volute. FENÊTRES RECTANGULAIRES.

— Ce sont les plus usuelles, celles

qui furent presque uniquement adoptées dans les constructions e

e

m

de la fin du X V et du X V I siècle. Les plus larges atteignent 1 40 et l'arc de décharge surbaissé est de règle. Dans les soupiraux rectangulaires, comme dans ceux où le linteau est évidé en arc, on a pratiquera décharge en appareillant en plate-bande l'assise qui repose sur le linteau et en ménageant entre celui-ci et la clé un vide de quelques millimètres (V. Fig. 3 4 ) . Les chambranles offrent une modénature variable, depuis la simple gorge sur l'arête jusqu'aux larges moulures de l'Auberge de France, de la Mosquée du Bezesten, de la Maison du Métropolite, qui reproduisent des types identiques. Quelquefois ce chambranle mouluré constitue toute la décoration; dans de très

19

FIG. 1 0 4 . — FENÊTRE (N

O

64).

138

LA CITÉ DE RHODES

nombreux exemples, la baie est couronnée d'une corniche sculptée retombant le long des piédroits sur deux culots décorés de cannelures, d'entrelacs et de feuillages. Ces diverses e

e

fenêtres datent des dernières années du XV et des premières années du XVI siècle. On en peut rapprocher d'autres types d'une facture moins habile et qui paraissent plus anciens (milieu e

du XV siècle). Dans ce cas, le chambranle est décoré d'entrelacs ou de rinceaux. La présence d'un remplage, probable dans la Fig. 105, est certaine dans la PL. X X X I , 3. Dans d'autres édifices, élevés vers 1500, on trouve des croisées de pierre ou de marbre ; c'est le cas de la maison N° 6, qui a conservé intactes les deux croisées de pierre de la façade sur le jardin. A l'Auberge de France, nous avons retrouvé 1 encastrement de la branche horizontale de la croix qui s'adaptait à une fenêtre intérieure. FIG. 1 0 5 . — FENÊTRE ( N ° 4 4 ) .

A la fenêtre de la maison N° 9,

il existait également une croix de marbre (PL. X X X I , 2) (1); enfin, dans une des fenêtres de la Mosquée du Bezesten, une belle croix de marbre blanc, délicatement ornée, est encore en place (PL. X X I V , 3).

II. - CHARPENTE ET COUVERTURE L'île de Rhodes possédait au moyen âge des forêts étendues où, entre autres conifères, croissaient de nombreux cyprès. Ils fournissaient un bois de charpente très résistant et presque imputrescible, et nombreux sont les solivages qui nous sont parvenus absolument intacts. Les Chevaliers utilisèrent en outre, mais exceptionnellement, semble-t-il, le bois de mélèze (katranni) qui, sans avoir les qualités du cyprès, vaut cependant nos meilleures essences. Les solivages sont établis dans tous les édifices suivant des principes et des détails identiques. Nous donnons ci-contre (Fig. 106) les coupes, suivant les deux axes, de la charpente de la Mosquée du Bezesten, qui est l'exemple le plus complet du genre. Des corbeaux de pierre soutiennent un linçoir sur lequel repose l'about des solives; chacune d'elle est renforcée à son extrémité par une console de même largeur, découpée suivant un profil invariable. Les solives supportent des chevrons de section carrée, sur lesquelles est (1) La présence de cette croix était attestée par les entailles profondes pratiquées dans le linteau et le piédroit, et qui apparaissent dans notre photographie. On a, récemment, restitué cette croix de marbre en l'enjolivant de quelques détails fantaisistes.

TECHNIQUE ET DÉCORATION

139

clouée une aire de planches; les joints sont recouverts de lattes assemblées dans chaque chevron. Tous les vides sont calfeutrés au moyen de plinthes clouées sur des solives. Sur le plancher est établie une chappe de béton de chaux de 10 centimètres d'épaisseur environ, protégée par un enduit de ciment hydraulique de 4 à 5 centimètres, dont la surface est soigneusement polie.

FIG. 106. — SOLIVAGE (Mosquée du Bezesten).

Ce mode de construction des terrasses est demeuré en usage jusqu'à nos jours et il est probable que la technique actuelle ne diffère point de celle du moyen âge. Le dernier enduit est appliqué suivant une méthode singulière : au heu de se servir de ciment pulvérisé, on casse en menus morceaux, de la grosseur d'une amande, des fragments de tuile et de poterie, et on les mélange à leur volume de chaux. On répand alors le béton ainsi obtenu sur l'aire à couvrir; on le dame, puis, à l'aide d'une étroite et lourde truelle de fer, on le frappe de manière à briser la terre cuite et à transformer ce ciment en une pâte homogène et dure. Pour terminer le travail on polit la surface et on la frotte d'huile. Le ciment qui forme la chappe extérieure porte le nom de khorassan; il offre une profonde analogie avec le khomra des Arabes et avec les mortiers hydrauliques des Romains et des Byzantins. Aujourd'hui, cette méthode, assez coûteuse et qui exige des solivages très résistants, est peu employée. On se sert de la patelia (en turc : guéren), terre argileuse grisâtre que la pluie transforme en une boue imperméable et qui assure tant bien que mal l'étanchéité des toitures. Comme elle se fendille sous l'action du soleil d'été, il faut chaque année renouveler la couche extérieure de terre. Il semble bien que ce procédé ait été utilisé au moyen âge, dans les maisons modestes. A Rhodes, où les pluies torrentielles sont très fréquentes en hiver, il est nécessaire d'assurer l'évacuation rapide de l'eau des toitures. Aussi les solivages ont-ils une pente assez accentuée et de nombreuses gargouilles sont disposées le long des façades. Nous avons vu qu'à l'Auberge de France, et à la Mosquée du Bezesten, elles affectent des formes d'animaux. En

140

LA CITÉ DE RHODES

général, elles sont formées d'une simple dalle de calcaire percée d'un conduit. A l'Hospice de Sainte-Catherine, elles sont renforcées par une console en quart de cercle (Fig. 107) ; dans certaines rues très étroites, le canal s'ouvre sur un pan coupé (Fig. 107) de manière que l'eau, en s'écoulant de la gargouille, ne puisse atteindre la maison d'en face.

III. - MENUISERIE De même que pour la charpente, le bois employé est de préférence le cyprès ou, à défaut, le mélèze. Les vantaux des portes de l'Hôpital (PL. VI, 2), bien qu'exécutés à Rhodes, sont des œuvres d inspiration et de technique occidentale, composées et assemblées suivant les règles usuelles de la France et de l'Espagne; mais, en général, la technique de la menuiserie rhodienne paraît avoir été beaucoup moins complexe. Il est certain que dans tous les édifices civils les fenêtres étaient munies de volets pleins; les vitraux étaient réservés aux églises. Aujourd hui encore, dans tout l'Orient, l'usage de la vitre est exceptionnel. Au moyen âge les volets des petites fenêtres comprenaient un ou FIG. 1 0 7 . — GARGOUILLES

deux vantaux; dans les grandes baies, chaque vantail devait se composer de plusieurs feuilles se rabattant les

unes sur les autres dans les ébrasements. Il est possible qu'un dormant de menuiserie ait divisé l'ouverture en plusieurs compartiments, mais on ne recueille à ce sujet aucune indication précise. Ce qui reste acquis, c'est que les fenêtres ne possédaient que rarement des croisées de pierre ou de marbre; par exemple, dans les fenêtres sur rue de l'Auberge de France, m

qui atteignent 1 4 0 de largeur, on n observe sur les tableaux aucune trace d'un encastrement quelconque, et cette constatation s'étend à la plupart des ouvertures semblables. Dans la maison N° 6 les fenêtres, aux croisées de pierre, et les portes extérieures conservent leur menuiserie ancienne; nous en donnons ci-contre le détail (Fig. 108). A chacun des quatre compartiments des fenêtres correspond un vantail formé de deux feuilles réunies par des charnières et venant se rabattre sur l'ébrasement. Les portes (Fig. 29) étaient formées de deux vantaux inégaux. La construction de ces volets est des plus simples; ils sont constitués de planches jointives, clouées sur des traverses. Les caissons extérieurs sont formés de baguettes moulurées clouées sur ces panneaux; ce treillis, qui s'oppose au gauchissement du panneau, ne nécessite que des coupes d'onglet, sans aucun assemblage. Le plus grave inconvénient du procédé est d'augmenter dans une large mesure le poids des volets.

TECHNIQUE ET DÉCORATION

141

Un dispositif semblable e

fut en usage au XIV

siècle

dans le centre de la France (1); on le retrouve également e

en Espagne au XV siècle (2). Il se pourrait qu'il ait été importé à Rhodes par les Chevaliers ; mais il nous semble se rattacher plutôt à des traditions orientales qui se perpétuèrent

jusqu'à

nos

e

jours et qui, au XVII siècle, inspiraient les menuisiers du monastère de Patmos : on peut voir dans l'église de ce couvent deux portes, datées de cette époque, où s'affirme le même principe que dans les volets de Rhodes (3).

IV. — D E C O R A T I O N INTÉRIEURE. PEINTURE. CARRELAGES On retrouve dans quelques églises des fragments d'enduits recouverts de peinture et il est possible que le même procédé décoratif ait été appliqué à des édifices civils. Au Palais du grandmaître on avait retracé sur les murailles les grands événements

historiques

dont

Rhodes fut le théâtre, et

FIG. 108. — VOLETS ( N ° 6 ) .

(1) Dans une porte de l'église de Gannat, où fut appliqué le même principe, apparaissent des profils absolument identiques à ceux de Rhodes (Viollet-le-Duc, Dictionnaire, T. VI, p. 361 et suiv., art. menuiserie). (2) Puig y Cadafalch y J. Miret y Sans, El Palau de la Diputacio general de Catalunya, fig. 61 (ds. Institut d'Estudis Catalans, Anuari 1909-10). (3) Gerola, Monumenti medioevali, II, p. 92-93, Fig. 74 et 75.

142

LA CITE DE RHODES

dans une maison du Château, Rottiers vit une fresque ( ? ) représentant le combat de Gozon contre le dragon (1). Mais rien ne subsiste de ces décorations murales, et il semble bien que ce procédé soit demeuré exceptionnel. Les enduits qu'on observe aujourd'hui dans les pièces des appartements sont modernes, et le soin avec lequel était appareillé le parement intérieur des murs laisse penser qu'aucun enduit ne les recouvrait au moyen âge. Il est probable que, pour égayer ces murailles nues, on y suspendait des tapisseries et des broderies rhodiennes, dont les motifs rouges et verts se détachaient sur la toile écrue. C'est ainsi qu'étaient brodées les courtines des lits (2), et ce décor aux couleurs vives tranchait sur la patine sombre des meubles de cyprès, cependant qu'aux murs étincelaient les émaux multicolores des faïences de Lindos. Les plafonds étaient peints. Les traces qui subsistent ne permettent point, nous semblet-il, avec quelque attention qu'on les veuille observer, de donner des restitutions complètes, ni de déterminer si tous les éléments des solivages étaient recouverts de peinture. Certaines moulures étaient soulignées d'un trait vif, d'autres décorées d'ornements. Entre les consoles, sur les entretoises qui règnent le long des murs, étaient dessinés des motifs variés : à l'Hôpital, dans la grande salle et dans la galerie du premier étage, de même qu'à la Mosquée du Bezesten, c'étaient des blasons à la croix de l'Ordre et aux armes de certains grands-maîtres; dans la maison du Métropolite se répétait l'écu symbolique qui surmonte la porte d'entrée. De ces peintures enfumées, écaillées, il ne reste, la plupart du temps, que des traces peu visibles. Dans la maison N° 27, malgré la couche de bistre et de poussière qui les recouvre, on peut encore distinguer quelques sujets, tracés d'une main assez habile (Fig. 109) : figures humaines ou animaux fantastiques se détachaient en demi-teinte sur un fond plus soutenu. Autant qu'on en peut juger, le jaune et le brun dominaient, rehaussés par quelques touFIG. 1 0 9 . — PEINTURES (N° 27).

ches éclatantes de vermillon. Cette décoration s'apparente par le choix des sujets aux pla-

fonds du château de Tarascon, à ceux de la Maison du Roi d'Avignon et de la Maison des Chevaliers de Pont-Saint-Esprit. Le sol était formé, dans les cours et dans certaines salles de grandes dimensions (Hôpital), de dalles de calcaire. Le plus souvent, on employa, semble-t-il, les carreaux de terre cuite.

(1) « On nous introduisit dans la grande salle où était représentée l'histoire dudit dragon. Cette fresque est peinte « au-dessus d'une vaste cheminée et occupe une étendue de 10 pieds environ sur 7 ou 8 de hauteur ». (Rottiers, op. cit., p. 238). La planche de l'Atlas, où est reproduite cette composition (PL. X X V I I I ) , est si grossièrement exécutée qu'elle ne permet point de juger de la valeur de l'original. (2) On trouvait encore dans l'île, jusqu'à ces dernières années, de ces courtines richement brodées de lourds motifs rouges et verts, figurant des oiseaux, des bouquets et des feuillages stylisés. Elles ne dataient pas, pour la plupart, du moyen âge, mais dans les motifs et la technique se perpétuaient d'anciennes traditions, dont les travaux des brodeuses modernes n'offrent plus qu'un pâle reflet.

143

TECHNIQUE ET DÉCORATION

A l'Hôpital, ils étaient carrés; à l'Auberge de France, nous en avons retrouvé un échantillon octogonal. Ces carreaux étaient de fabrication locale et portaient parfois une couverte vernissée, bleue ou verte (1).

V. — LA S C U L P T U R E O R N E M E N T A L E e

Nous avons signalé déjà que les édifices rhodiens de la fin du X V siècle et du début du e

X V I témoignaient d'une technique plus habile et plus soignée que les constructions antérieures. Dans la sculpture ornementale, aux époques correspondantes, se manifeste une opposition du même ordre, qu'accentue une différence essentielle entre les formes et les éléments de la décoration. Les motifs qui nous sont parvenus paraissent répondre à deux styles distincts, auxquels, pour plus de commodité, nous donnerons le nom de premier et de second style rhodien. Nous en analyserons les caractères distinctifs et préciserons à quelles époques ils furent en usage l'un et l'autre. A. — LE PREMIER STYLE RHODIEN

Il est essentiellement gothique et occidental par le choix des profils et des formes architectoniques, mais les motifs ornementaux perpétuent des thèmes byzantins : dents de scie, billettes, étoiles à quatre branches, pointes de diamant, rinceaux et feuillages stylisés. Dans un cadre aux armes d'A. Fluvian apparaît le plus ancien exemple daté de l'ornement qui figure deux cordons entrelacés (2) ; il servira à décorer les bandeaux, les piédroits et les archivoltes des portes, les encadrements des armoiries, et demeurera jusqu'aux derniers jours de la domination de l'Ordre une des marques distinctives des monuments des Chevaliers. A Chypre, au château de Colossi, domaine des Hospitaliers, on retrouve cet entrelacs, ainsi que les rinceaux typiques dont Rhodes possède de nombreuses applications (3). Ce motif des cordons entrelacés est d'origine orientale; il remonte à la plus haute antiquité chaldéenne (4) et figure sur les vases de style rhodien du V I I siècle avant J.-C. (5). E

Il apparaît dans l'architecture musulmane, sous une forme un peu plus compliquée, dans la porte de la citadelle, à Alep (6). On ne saurait déterminer, d'ailleurs, si les Chevaliers l'importèrent de Syrie ou s'ils en trouvèrent à Rhodes même des applications. Nous avons signalé les volutes d'amortissement des archivoltes et des appuis de fenêtres; il n'en reste que deux exemples (Fig. 98, 99, 104), mais il est probable qu'au début du X V

E

siècle, et peut-être durant le X I V , ce détail caractéristique fut d'un usage assez fréquent. E

Son origine orientale n'est pas douteuse et, dès les premiers siècles de 1ère chrétienne, il était

(1) Sur des carreaux de l'Hôpital on observe encore quelques traces de cette couverte. Il est probable que les « pierres carrées, bleues et blanches » signalées par Rottiers (op. cit., p. 258) n'étaient que des carreaux de terre cuite vernissée. (2) Cf. Tome I, Ch. III, p. 96, n° 26; PL. X X V I I I , 1. (3) Enlart, L'Art gothique et la Renaissance en Chypre, II, p. 692, fig. 409. (4) Monuments et Mémoires Piot (Heuzey), I, PL. II. (5) E. Pottier, Catalogue des vases antiques du Musée du Louvre (Ed. 1896), I, 139. (6) Van Berchem et Strzygowski, Amida, p. 84, fig. 32.

144

LA CITÉ DE RHODES

employé en Syrie dans l'architecture civile et religieuse (1). On doit remarquer, toutefois, qu'on le retrouve, au moyen âge, en diverses régions méditerranéennes, à Chypre (2), en Crète (3), en Sicile (4), en Egypte et jusque dans la France septentrionale (5). Par quelle voie pénétra-t-il à Rhodes? C'est une question à laquelle nous tenterons de répondre en étudiant, au chapitre suivant, comment se répartissent les influences de l'Orient et de l'Occident sur les monuments de la Cité. Quoi qu'il en soit, le premier style rhodien peut être considéré comme une combinaison de tracés et de profils gothiques avec d'anciennes formules orientales et byzantines. Ce style est pauvre et terne; les éléments importés d'Occident sont alourdis et parfois défigurés par une exécution maladroite, et les motifs traditionnels de l'art byzantin, traités sans grâce et sans vigueur, trahissent la gaucherie et le manque d'inspiration des exécutants, ouvriers indigènes ou tailleurs de pierre venus de Crète ou de Sicile.

FIG. 1 1 0 . — CORNICHE DE COURONNEMENT D'UNE FENÊTRE ( N ° 4 4 ) .

C'est dans les monuments antérieurs à 1480, comme il nous sera donné plus loin de le préciser, que se retrouvent les caractéristiques essentielles de ce premier style. Nous signalerons toutefois une exception : dans la maison N° 44, qui paraît dater du milieu du XV

e

siècle, les corniches qui surmontent les fenêtres sur la rue participent de principes décoratifs particuliers; elles offrent un assemblage complexe de feuillages et de fleurs (Fig. 110) d'un er

e

e

(1) De Vogué, Architecture civile du I au VI siècle dans la Syrie centrale, II. PL. 110 (Maison du V I siècle); II, PL. 120 (Chapelle du V I siècle à Kokannaya); II, PL. 125 (Façade postérieure de l'église de Qalb-Louzeh, V I s.); II, PL. 126 (Intérieur de la même église); II, PL. 150 (Kalat Sema'an). — Cf. Van Berchem, Voyage en Syrie, II, PL. L. — On retrouve également le même motif dans le portail de l'ouest de Kasr-el-Benat (Strzygowski, Mchatta, p. 250). Cf. Chapot, B. C. H., 1902, p. 173. e

e

(2) Enlart, L'Art gothique et la Renaissance en Chypre, I, p. 112, fig. 44 (Sainte-Sophie de Nicosie). (3) Gerola, Monumenti veneti dell' Isola di Creta, II, fig. 332, 333, 351, 356. (4) G. Arata, L'Architettura arabo-normanna e il Rinasciamento in Sicilia (Milan, 1913), PL. 114 (Palais Bellonio). (5) En Egypte, ce motif d'enroulement en volute apparaît dans la cour de la Mosquée de Soultan-Hassan et dans le vestibule de la Mosquée al Mouayad. — Il pénétra également en Asie-Mineure : à Koniah, une niche de la façade du palais-mosquée est couronnée d'une archivolte qui s'amortit suivant deux volutes (Van Berchem et Strzygowski, Amida, p. 142, fig. 61). — En France, on observe le même élément dans une tour des remparts de Langres; on le retrouve en Italie, à Viterbe, sous une forme un peu différente, mais qui trahit la même inspiration (Verdier et Cattois, Architecture civile et domestique, II, p. 213 B).

TECHNIQUE ET DÉCORATION

145

aspect modem style, qui les apparente au style mudejare. Cet exemple isolé fut sans cloute l'œuvre de quelque sculpteur espagnol venu au couvent de Rhodes à l'époque où florissait encore, au centre de la péninsule, cet art aux formes tourmentées.

B. — LE SECOND STYLE RHODIEN

Des motifs géométriques du premier style, l'ornement en tresse est le seul dont l'usage persiste; les autres sont abandonnés et font place à des décors beaucoup plus libres, où se marque l'imitation directe de la nature; c'est le cas des rinceaux fleuris de l'Auberge de France et des pampres de la Mosquée du Bezesten. Parfois se manifeste une tendance à la stylisation, notamment dans les enroulements de feuillages de certains cadres ou bandeaux, mais le sculpteur conserve à l'élément ornemental sa couleur et sa souplesse. Cette décoration porte la marque d'un ciseau fort habile; la taille, nette et précise, le modelé vigoureux, accentué par des refouillements profonds, attestent une dextérité qui, dans le premier style, fait totalement défaut. Il est bien certain que des ouvriers rhodiens eussent été incapables de concevoir et d'exécuter ces ouvrages et que seuls des sculpteurs occidentaux pouvaient traiter le calcaire avec une telle maîtrise. Ainsi les deux styles s opposent l'un à l'autre autant par la facture que par le choix des motifs et l'esprit des compositions. A l'époque où apparaissent les premières manifestations du second style, les procédés du premier subsistent encore. Des cadres, aux armoiries de P. d'Aubusson, ne sont que des applications de formules anciennes, et les ruines de l'église Sainte-Marie de la Victoire, fondée en 1481, offrent quelques éléments de sculpture empreints du même caractère (1). Cependant, en des motifs datés de 1478 (2), on observe déjà l'élégance et la précision du second style, qui supplantera définitivement, quelques années plus tard, les formules archaïques de l'âge précédent. De toute manière, on ne saurait considérer le second style comme dérivant du premier; il n'est point le résultat d'une évolution locale, mais correspond à une importation plus active de formes et de procédés occidentaux. Dès les premières années de son magistère, P. d'Aubusson dut mander au couvent les ornemanistes, qui collaborèrent à ses nombreux travaux et qui, en même temps que leur technique, introduisent à Rhodes des motifs et des compositions nouvelles. Nous ne croyons pas, d'ailleurs, que ces sculpteurs aient été bien nombreux. On observera, en effet, que certains éléments se répètent suivant des dispositions absolument semblables en plusieurs édifices. La date exacte de chacun d'eux n'est pas connue; mais dans le premier étage de l'Auberge de France, daté de 1495, et dans la Mosquée du Bezesten, qui remonte à 1507, les profils des chambranles, les détails des corniches et des culots paraissent avoir été taillés par la même main. Nombreuses sont les façades, non datées, où se répètent des éléments de même forme et de mêmes dimensions; ils sont traités de manière tellement (1) V. PL. X X X V I I , 6. — Le chapiteau que reproduit notre photographie est décoré des mêmes rinceaux que l'imposte de la porte ouest de l'Hôpital (Cf. fig. 15). (2) V. Tome I, PL. X X X , 2; PL. X X X I , 2; PL. X X X I I .

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identique qu'on doit les considérer, pour la plupart, comme l'œuvre d'un seul sculpteur ou d'un groupe d'ouvriers travaillant sous une direction unique. Le caractère de cette décoration, où apparaissent çà et là des motifs de la Renaissance, laisse penser qu'elle fut exécutée par des artisans venus d'Italie; d'autres sculptures, notamment celles de la porte nord de l'Hôpital, rappellent plutôt l'art de la Provence et de l'Espagne septentrionale, mais, dans tous les cas, persiste le caractère gothique de l'ensemble. II ne disparaît totalement que dans certains décors, taillés dans le marbre, qui remontent à 1510 environ : portes de la maison N° 6 (V. Fig. 26) et de la Mosquée du Bezesten (PL. X X I V , 1), armoiries de l'Auberge d'Espagne (PL. X V I I I ) . Ce sont là des œuvres de la Renaissance qui doivent être attribuées, semble-t-il, à des marbriers originaires d'Italie.

CHAPITRE

IX

INFLUENCES - É V O L U T I O N

I. - CARACTERES G É N É R A U X DE L ' A R C H I T E C T U R E CIVILE Des premiers monuments des Hospitaliers, à Rhodes, il ne nous est parvenu que quelques vestiges : les substructions du Palais du grand-maître et sa porte d'entrée, datée par l'écu d'H. de Villeneuve (1319-1346) ( 1 ) ; la façade, d'ailleurs très délabrée, d'une maison de la Rue des Chevaliers, où figure le même blason (Fig. 1, N° 16); enfin les magasins de l'Arsenal aux armes de Roger de Pins (1355-1365) (PL. X X I I , 1). Si peu expressifs que soient ces restes e

du XIV siècle, on en peut déduire que, dès leur arrivée à Rhodes, les Chevaliers appliquèrent à leurs constructions les principes essentiels de l'art occidental. Ils employèrent l'arc brisé et appareillèrent murs et voûtes en assises réglées. La voûte d'ogives n'apparaît point, il est vrai, dans ces édifices, mais les plus anciennes tours de l'enceinte du Château en offrent des exemples significatifs, sur plan carré et barlong. e

On remarquera, dans ces constructions du XIV siècle, l'adoption d'un principe général appliqué dans la suite à tous les édifices civils de Rhodes. Partout le rez-de-chaussée se compose de magasins voûtés, alors que les appartements sont distribués au premier étage (2). Ce dispositif n'était point étranger à l'architecture byzantine et on le retrouve, à diverses époques, en maintes régions de l'Orient (3); mais il était d'un usage répandu dans les provinces d'Occident, en Espagne comme en Italie, dans le midi de la France comme dans le (1) Cet écu a maintenant disparu, mais il a été signalé par Rottiers et Flandin. Cf. sup., p. 12. (2) Les monuments qui nous sont parvenus sont toujours plafonnés au premier étage et les exceptions que l'on peut observer, soit au Palais du grand-maître, soit dans l'édifice N° 12, proviennent peut-être de transformations turques. Mais il n'est pas douteux qu'au moyen âge certains appartements du premier étage n'aient été couverts de voûtes. Nous en avons signalé les traces parmi les vestiges du Palais; durant le siège de 1480, un boulet de pierre de gros calibre « tomba sur la voulte dune sale ou les freres mangeoient et abatit la voulte et rompit par le milieu « deux gros pilliers de marbre qui estoyent au meillieu de ladicte sale... et tomba jusque dans la cave... sur une bocte « de vin quelle rompit en pieces... » (Merri Dupui, Relation du siège de 1480, ds. Vertot, op. et éd. cit., p. 602.) Il résulte de ce récit que certaines constructions possédaient deux étages voûtés. Il est possible que ce soit à cause de la fréquence des secousses sismiques qu'on ait renoncé à voûter les appartements du premier étage; les plafonds de bois constituaient, en tout cas, un procédé plus expéditif et moins dispendieux. (3) C'est suivant ce principe qu'étaient conçues les maisons byzantines des villes, avec leurs portiques au rez-dechaussée et les appartements privés relégués au premier étage (Cf. De Beylié, Habitation byzantine). En Egypte, dans les maisons cairotes du xiv et du x v siècle, les pièces de l'habitation, en particulier le harem, se développent audessus de communs, d'écuries et de magasins voûtés. Un dispositif semblable est encore appliqué dans les maisons modernes de l'Yrak. (Cf. Reuther, Das Wohnhaus in Bagdad und anderen Stàdten des Irak, Berlin, 1910.) e

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nord. Citons, parmi les exemples les plus connus, les maisons de Lucques, San Gemignano, Cordes, Figeac, Périgueux, Saint-Gilles, Cluny, Provins, Laon, etc. (1). D'autre part, nous avons indiqué, plus haut (p. 128), que les plans des Auberges et des e

maisons du X V siècle attestaient, pour la plupart, une importation occidentale. Le plan de l'Hôpital rappelle, il est vrai, celui des xenodochia byzantins, mais ce monument demeure un exemple isolé, et, dans la majorité des cas, c'est l'Occident qui, en même temps que les formes structurales et les règles essentielles de la technique, fournit aux constructeurs rhodiens les prototypes de leurs édifices civils. e

Au début du X I V siècle, Rhodes n'était plus d'ailleurs qu'une cité déchue, et les quelques monuments que pouvait renfermer le kastron parmi beaucoup de masures misérables n'offraient ni un style assez caractéristique ni une technique assez soignée pour que les Chevaliers aient été tentés de s'inspirer des coutumes locales. Au reste, en Palestine comme en Syrie, l'Ordre n'avait cessé d'appliquer les méthodes de l'Occident, et, à Chypre, s'étaient implantées les formes de la Champagne et de la Provence (2). On conçoit donc qu'à leur arrivée à Rhodes, les Hospitaliers aient continué, comme par le passé, à adapter à leurs besoins et à leurs ressources des modèles occidentaux. Ils les choisirent de préférence dans les provinces du midi de la France et du nord-est de l'Espagne, avec lesquelles le Couvent entretenait les relations les plus suivies. L'adaptation de ces modèles d'outremer était singulièrement favorisée par la similitude des climats. Comme les côtes de Provence et de Catalogne, Rhodes jouit d'un long et bel été et ne connaît pas les hivers rigoureux; en ces points extrêmes de la Méditerranée, les mêmes formes typiques répondaient à des nécessités analogues et les constructions en terrasse du Comtat-Venaissin et des Baléares convenaient en tous points au climat rhodien. De part et d'autre, les ressources en matériaux étaient comparables, et si le calcaire rugueux que l'île fournit en abondance ne possède ni le grain ni la résistance de certaines roches occidentales, il offrait en tout cas des qualités suffisantes pour se prêter à la technique gothique. Ainsi, les conditions locales aussi bien que l'importance des possessions de l'Ordre en Provence et en Catalogne favorisaient l'influence des écoles de l'ouest méditerranéen sur les monuments de Rhodes ; nous allons rechercher par quels traits caractéristiques s'affirme cette influence. II. — LES INFLUENCES A. — INFLUENCES FRANÇAISES e

On connaît le rôle prépondérant de la Langue de Provence durant le X I V siècle, les étroites relations qui unissaient Rhodes à Avignon et 1 activité du grand-maître F. de Heredia, qui passa la majeure partie de son existence à la cour des papes (3). Nous avons montré précé(1) Verdier et Cattois, Architecture civile et domestique, T. I, p. 72, 73, 74, 82, 101, 111, 118, 119, 128, 149, 161; T. II, p. 208 et suiv. Cf. Darcel, De l'Architecture civile au moyen âge, ds. Gazette des Beaux-Arts, 1862, p. 360. (2) Enlart, L'Art gothique et la Renaissance en Chypre, I, p. 24 et suiv. ; p. 37 et suiv. (3) Sur F. de Heredia, v. Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers à Rhodes, p. 199 et suiv.; et Les Archives de l'Ordre de l'Hôpital dans ta péninsule ibérique, p. 2. — Cf. Herquet, Juan Fernandez de Heredia, Mulhouse 1878.

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demment ce qui, dans les constructions militaires des Hospitaliers, paraissait d'importation provençale, et indiqué quelles analogies on pouvait constater entre le Palais des Papes et le e

Palais du grand-maître (1). Les édifices rhodiens du XIV siècle sont d'ailleurs trop peu nombreux et trop incomplets pour qu'on puisse proposer des rapprochements significatifs, mais e

nous retrouverons dans ceux du XV siècle les caractères essentiels de l'architecture civile du midi de la France : les façades aux grands nus, où les pleins l'emportent de beaucoup sur les vides et où s'accusent de préférence les lignes horizontales, les toitures en terrasse, les cours intérieures, les galeries et les loggias largement ouvertes. On rapprochera des maisons de la Rue des Chevaliers certaines demeures de Villeneuveles-Avignon, notamment le Palais du cardinal de Giffons. Dans sa façade se marque la distinction entre le rez-de-chaussée, occupé par des magasins et des dépendances, et l'étage réservé aux appartements. Nul élément vertical de décoration; l'absence de corniche au faîte de l'édifice, la couverture en terrasse, le passage voûté qui franchit tout un corps de logis sont autant de points de comparaison avec Rhodes. Non loin de ce palais, dans une maison fort modeste, mais assez bien conservée à l'intérieur, on peut voir encore une cour centrale où l'escalier et le palier d'arrivée sont supportés par des arcs surbaissés, suivant le système généralement adopté dans les maisons rhodiennes. Parfois, la similitude de certains détails permet de conclure à une véritable importation de types provençaux ; c'est le cas, entre autres, de nombreux profils de bandeaux et de chambranles, composés exclusivement de tores et de gorges, séparés par de minces filets. Très souvent, à Rhodes, les fenêtres, rectangulaires ou en arc surbaissé, ont un chambranle très simple, formé d'un tore entre deux gorges de faible développement; l'appui, qui comprend un étroit bandeau, un tore et une gorge, exceptionnellement une doucine, est limité à la largeur de la fenêtre et terminé par deux pans à 45°. De telles fenêtres sont très nombreuses à Avie

e

gnon, dans les maisons du XIV et du XV siècle. Au midi de la France et à la Provence se rattachent également les fenêtres géminées et trilobées, séparées par une colonnette, les arcs brisés dont l'angle au sommet est très obtus et que surmonte une archivolte moulurée retombant sur des culots sculptés; les archivoltes flamboyantes, en accolade, ornées de crochets, flanquées de pinacles et terminées par un fleuron; enfin les corniches surmontant les fenêtres rectangulaires et s'arrêtant à mi-hauteur des piédroits sur des culots décorés de feuillages. A vrai dire, ces formes diverses ne sont point particulières aux provinces méridionales de la France, non plus, par exemple, que la croisée de pierre. Mais par le caractère qu'il revêt à Rhodes, chacun de ces éléments de la construction est plus voisin du type provençal que de tout autre. Ainsi les croisées de pierre de l'Auberge de France (Maison N° 6, Fig. 29) sont, par leur profil, comparables à celles de l'Hôtel de Giffons, à Villeneuve-les-Avignon : un tore entre deux gorges, se raccordant au chambranle composé des mêmes moulures. Le faîte crénelé de l'Auberge de France rappelle ceux du palais episcopal de Narbonne et du palais des papes d'Avignon. Des échauguettes demi-circulaires se retrouvent dans ces

(1) V. Tome I, Ch. V, p. 135.

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mêmes édifices, ainsi qu'à l'évêché d'Avignon et dans une porte des remparts de Monteux ( 1 ) ; dans ce dernier cas, le profil de l'encorbellement est absolument semblable à celui de Rhodes; il fut fréquemment répété en Provence, particulièrement aux châteaux de Tarascon et de Beaucaire. B. — INFLUENCES ESPAGNOLES

L'influence des provinces du nord-est de l'Espagne s'exerça de la manière la plus active e

e

dans la Méditerranée orientale, au X I V et surtout au X V siècle (2). Chypre était en relations étroites avec la Catalogne, et des alliances nombreuses unissaient les maisons de Chypre à celles d'Aragon et de Majorque. Alphonse d'Aragon, maître de la Sicile, rêvait de grandes entreprises en Orient; c'est sur son ordre que, dans le voisinage même de Rhodes, Bernard de Villamarin occupait en 1450 l'île de Castellorizo et y faisait construire un château (3). Les Hospitaliers possédaient de nombreux domaines dans la péninsule ibérique (4). Ils avaient recueilli en Castille et Léon tous les biens des Templiers, et cet accroissement de richesses avait eu pour conséquence le dédoublement de la Châtellenie d'Amposte et la création du Prieuré de Catalogne (5). Enfin, au couvent même, l'élévation au magistère du Catalan Anton Fluvian et de l'Aragonais Raimondo Zacosta ne pouvait que favoriser le développement des influences espagnoles (6). Il est donc tout naturel de rencontrer à Rhodes des formules architectoniques qui appellent un rapprochement immédiat avec celles de la Catalogne et de l'Aragon. Une des caractéristiques les plus significatives du style catalan réside dans l'emploi des arcades plein cintre, aux claveaux démesurés (7). Sous la forme exacte où on les observe à

(1) A Rodez, sur le mur de façade de la Chapellenie de Guiraudon, se répètent des échauguettes demi-circulaires dont le rôle est, comme celles de Rhodes, exclusivement décoratif. (P. Benoît, Le vieux Rodez, p. 102.) e

(2) Les relations politiques entre l'Orient et le nord de l'Espagne, durant la première moitié du x v siècle, ont été étudiées, d'après les Archives d'Aragon et de Catalogne, par un historien roumain, M. G. Marinesco; le résultat de ses recherches sera très prochainement publié sous le titre : Un Roi de la Renaissance, Alphonse V d'Aragon et de Naples, et l'Orient. Le rôle d'Alphonse V dans les affaires du Levant favorisa évidemment la diffusion, à Rhodes et à Chypre, des motifs de l'art espagnol. (3) Malgré l'autorisation accordée par le pape Nicolas V au roi d'Aragon (Pauli, Codice diplomatico, II, p. 121), le grand-maître J. de Lastic revendiqua, sans succès d'ailleurs, la possession de l'île. (Bosio, Istoria, II, p. 238.) Certains détails montrent l'importance qu'attachait Alphonse V à Castellorizo. En février 1452, Bernard de Villamarin (Bernat de Vilamari), qui y faisait construire un château, avisait le roi « del derrocament de la maior part de la torre maestra del dit castell ». (Archivo de la Corona de Aragon, reg. 2659, f° 82.) Le roi lui ordonna de la réédifier. Le 19 novembre de la même année, un mémorial était adressé au capitaine-général de la flotte qui opérait dans le Levant; il y est notifié, entre autres instructions, que les armes qui devront figurer à la partie haute du château seront celles d'Aragon, exécutées suivant le dessin remis à l'envoyé du roi. (Ibid., reg. 2798, f 77-78.) — Nous devons à l'obligeance de M. O. Marinesco la communication de ces documents inédits. os

(4) Cf. Miret y Sans, Les Cases de Tempters y Hospitalers en Catalunya (Barcelone, 1910), p. 413, 419, 423, 432, 437, 458, 469. (5) Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte, p. 380-381. (6) Nous savons qu'en 1466 les Chevaliers originaires de la péninsule ibérique constituaient le groupe le plus nombreux au couvent de Rhodes. (V. Pièces justificatives, XIII.) Dans la Ville, les marchands catalans comptaient parmi les principaux notables. (Bosio, Istoria, II, 274-275.) (7) Sur le style catalan, cf. J.-A. Brutails, La Loge de mer et l'Architecture civile à Perpignan, ds. Album de l'Art ancien et des Monuments du Midi de la France, Toulouse 1897, p. 129-137.

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Barcelone (1), à Ampurias (2), à Perpignan (3), on les retrouve à Rhodes à l'Auberge d'Espagne, dans le palais N° 4 et dans la maison N° 68 (Fig. 88) (4). Ces portails s'ouvrent, comme dans les monuments espagnols, dans un mur de rez-de-chaussée percé de rares ouvertures. On remarquera toutefois que les deux premiers des exemples rhodiens étaient des dépendances de la Langue d'Espagne et il est possible que ce type singulier n'ait été adopté que dans les constructions se rattachant à cette Langue. Il paraît, en tout cas, avoir été exceptionnel et l'arc brisé demeure la forme la plus généralement usitée. Les Auberges de France, d'Auvergne, de Provence reproduisent dans leurs portails des dispositions identiques entre elles : l'arc brisé s'encadre d'une corniche rectangulaire retombant sur des culots ornés de feuillage. On retrouve l'origine de cet arrangement dans certains édifices de la Castille où, comme à Rhodes, les blasons de grande échelle se détachent en haut-relief sur le nu des tympans (5). Les modèles castillans, avec leurs arcs aux larges claveaux, ont d'ailleurs un caractère beaucoup plus monumental que les portails rhodiens où les moulures de l'archivolte et les colonnettes des piédroits manquent de puissance et de vigueur. Nous ne retrouvons pas à Rhodes le dispositif caractéristique de la fenêtre catalane géminée, aux colonnes si fluettes qu'elles paraissent être de métal (6). La plupart des maisons ont été remaniées, il est vrai, dans la hauteur du premier étage, et il est possible que des éléments aussi fragiles, s'il en existait, aient été ruinés par des tremblements de terre et remplacés dans la suite par des baies rectangulaires. Quoi qu'il en soit, dans les fenêtres qui nous paraissent les plus anciennes se manifestent également des influences espagnoles. On le constate dans les baies en arc brisé (V. Fig. 102), dont l'archivolte s'accompagne de larges crochets et dont le remplage, maintenant détruit, devait accentuer l'analogie avec certaines fenêtres de Vich, de Barcelone et de Palma. Dans les rares exemples où l'on a voulu rompre la monotonie des façades nues, les motifs en saillie sont de section polygonale. L'aile orientale de l'Auberge d'Espagne est flanquée de contreforts semi-octogonaux; sur la façade de l'Hôpital, l'abside de la chapelle se détache suivant un avant-corps à trois pans, dont les arêtes sont amorties par des colonnettes cylindriques. Les supports verticaux affectent volontiers, d'ailleurs, des formes polygonales : des piliers octogonaux divisent en deux travées la grande salle de l'Hôpital et le réfectoire. (1) Cf., entre autres exemples, la maison dite : La Canonya (D. Pablo Piferrer, España, Sus monumentos y artes; Cataluña, p. 97); portail de la Casa consisterial, etc. (2) Cf. Puig y Cadafalch y J. Miret y Sans, El Palau de ta Diputaciô general de Catalunya, fig. 5 et 6 (ds. Institut d'Estudis Catalans. Anuari 1909-1910, p. 385-480). (3) Sur le Palais de la Deputation de Perpignan, cf. J.-A. Brutails, La Loge de Mer et l'Architecture civile à Perpignan, art. et loc. cit.; on y trouvera une excellente description et de jolis dessins du monument (p. 134 et fig. 3 et 4). — Le croquis qu'en a donné Viollet-le-Duc renferme quelques inexactitudes (Dictionnaire, T. VI, p. 262, art. Maison). (A) C'est par erreur que M. Enlart affirme « qu'on ne rencontre pas la porte aragonaise à très larges claveaux sans moulure » (art. ds. A. Michel, Histoire de l'Art, Tome III, 1 partie, p. 91). (5) Citons, entre autres, l'Hôpital de la Latina, à Madrid, aujourd'hui détruit ; la Maison de Maria la Brava, à Avila; la Maison de Doña Uracca, à Zamorra; la Maison de Juan Bravo, à Ségovie. re

(6) On en trouvera les exemples les plus significatifs au Palau de la Diputaciô de Barcelone (Puig y Cadafalch, art. cit., fig. 10), à l'Abadia de Vilabertràn (ibid., fig. 5), au Castellô d'Empuries (fig. 6); on rencontre le même dispositif dans les Baléares, à Palma, à Ibiza (L. Salvator, Die Balearen, 1, p. 56, 385, 386) et à Perpignan, au Palais de la Deputation (J.-A. Brutails, op. et loc. cit.).

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Cet emploi fréquent du polygone s'apparente également à l'art catalan et plus particulièrement à celui des monuments de Majorque. Les contreforts de l'Auberge d'Espagne sont analogues à ceux de la Lonja de Palma et devaient, comme ceux-ci, se terminer par de petites plates-formes crénelées (1). Les piliers octogonaux de l'Hôpital rappellent ceux du château de Bellver (2), de la cathédrale de Palma, du couvent de Santa-Clara (3). On a vu que les escaliers des monuments de Rhodes composés d'une ou plusieurs volées, sont construits en pierre; ils s'adossent à une façade ou s'appuient sur les faces d'une cour et aboutissent à une galerie couverte ou à ciel ouvert. Dans la maison à cour centrale, l'escalier ainsi que la galerie sont supportés par des arcs très surbaissés retombant parfois sur de puissantes consoles. Ce dispositif fut importé de Catalogne; à Barcelone, nous en trouvons un exemple somptueux dans le patio du Palau de la Diputació (4). Là, les consoles sont richement décorées et l'escalier possède une balustrade ajourée qui n'existe point dans les escaliers rhodiens. Mais, de part et d'autre, le principe constructif est identique, et si nous nous reportons à des édifices plus modestes que le riche Palau de la Diputació, nous y retrouvons des analogies beaucoup plus frappantes : par exemple, le Palais des Rois de Majorque à Perpignan (5) possède dans sa cour un large escalier droit, sans balustrade, qui, par ses proportions, le profil de l'about des marches, la combinaison des arcs qui le supportent est tout à fait semblable aux escaliers des maisons rhodiennes (6). Quelques-unes parmi celles-ci e

remontent au milieu du XV siècle, mais la même formule demeura en honneur jusqu'aux derniers jours de la domination chrétienne et il est hors de doute qu'elle ne se rattache à une influence catalane. On remarquera que la combinaison des consoles réunies par des arcs très surbaissés s'observe déjà dans d'anciens monuments arabes de l'Espagne (7); et il est probable qu'il y faut chercher l'origine des escaliers catalans. Au reste, l'arc surbaissé, utilisé, il est vrai, dans tous les pays, jouit d'une faveur singulière dans l'art de l'Espagne du nord-est; à Barcelone, à Majorque, à Tarragone, et même à Valence il est employé sur une grande échelle (8). A Rhodes, il demeure de règle dans les galeries couvertes (Hôpital, Auberge d'Auvergne) qui

(1) L. Salvator, Die Balearen, I, p. 394-396. (2) P. Piferrer y Quadrado, España, Islas Baleares, p. 939 et suiv. ; P. Huguet y Campana, Monumentos del Arte español, p. 36. (3) L. Salvator, op. cit., I, p. 431, 454. — Dans la péninsule elle-même, on retrouve le plan polygonal dans les Tours de Saragosse et à Valence, dans les Torres de Serranos (P. Piferrer y Quadrado, España, Valencia, I, p. 535). (4) Cf. Puig y Cadafalch, op. et loc. cit.; P. Piferrer y Quadrado, España, Cataluña, p. 122. (5) J.-A. Brutails, art. cit., fig. 8, p. 136. — Le portique du premier étage est composé de piliers polygonaux. (6) Cf. la Casa de Oleo à Palma (Salvator, op. cit., I, p. 401); la balustrade de l'escalier reproduit les motifs qui décoraient la cour de la Châtellenie de Rhodes (Rottiers, op. cit., PL. X X V et X X V I ) . Le même dispositif persista aux Baléares durant le XVI siècle (Salvator, op. cit., I, p. 403). e

(7) V. Bosco, Medina Azzahra y Almiriya (Madrid, 1912), Lam. VI. (8) L'arc surbaissé de grande portée fut en usage également dans le midi de la France où d'ailleurs il paraît avoir été importé d'Espagne. La cour de l'hôtel de Bernuy, à Toulouse, en offre un exemple typique (Album de l'Art ancien et des Monuments du Midi de la France, PL. XLVI). Lorsqu'apparaissent au XVI siècle les premiers arcs en anse de panier, ils ne sont que des arcs surbaissés raccordés avec la verticale par deux voussures de faible rayon (Ibid., PL. XLV). — On peut faire la même constatation dans certaines maisons de la Renaissance, à Palma (Salvator, op. cit., p. 408). e

TECHNIQUE ET DÉCORATION

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rappellent, plutôt que les portiques aux fines colonnettes de Barcelone, les promenoirs plus modestes de certains couvents de la Catalogne et de Majorque (1). Il est parfois malaisé de déterminer si certaines formules ont été importées de l'Espagne ou de la Provence. On sait en effet que l'art du nord de l'Espagne et celui de la France méridionale possèdent bien des traits communs; à côté de motifs caractéristiques particuliers à une province, il en est d'autres qui se retrouvent, sous des formes identiques, de part et d'autre des Pyrénées. Ainsi, les échauguettes demi-circulaires de l'Auberge de France, que nous avons comparées à celles des monuments d'Avignon, sont fréquemment employées en Espagne : la Tour de l'Alcazar de Ségovie (2), la Torre del Homenaje du château de Coca (3), le Château de la Mota à Medina del Campo (4) en offrent de nombreux exemples, et les balcons circulaires qui couronnent le Palais de l'Infantado à Guadalajarra (5), abstraction faite de la loggia qui les accompagne, ne sont point sans analogie avec les échauguettes de Rhodes (6). C. — INFLUENCES ÉTRANGÈRES A LA FRANCE ET A L'ESPAGNE

Nous avons noté la persistance, dans le premier style ornemental, de traditions byzantines et signalé certains motifs qui semblent provenir de l'Orient et particulièrement de la Syrie; encore n'est-il pas certain que, de leur pays d origine, ils soient parvenus à Rhodes par une voie directe, car on les retrouve également à Chypre, en Crète et en Sicile. Pas plus que Rhodes, ni la Crète ni Chypre ne possédaient d'école vraiment originale, alors qu'en Sicile s'était formé un style particulier où les formes gothiques de l'Espagne s'alliaient à des motifs orientaux et byzantins. On peut constater, entre certains monuments de la Sicile et de Rhodes, une grande analogie de caractère : par la couleur du décor, la lourdeur et la gaucherie de l'exécution, la modénature du palais du duc de San Stefano, à Taormina (7), rappelle les fenêtres de la Chapelle de l'Hôpital (Fig. 15) ; l'archivolte du palais Ciampoli (8) s'apparente à celle des maisons N° 31 (PL. X X V I ) et N° 33 (PL. X X X I I , 2). Parfois l'analogie se marque jusque dans les détails : nous avons rapproché déjà l'amortissement en volute du palais Bellonio des motifs semblables de Rhodes (9) ; dans le tailloir des chapiteaux de l'église Saint-Dominique, à Palerme (10), on retrouve, trait pour trait, les rinceaux qui décorent l'imposte de la porte de l'Hôpital et les chapiteaux de l'église Sainte(1) C'est le cas des couvents de Sainte-Thérèse (Salvator, op. cit., I, p. 458) et de Sainte-Madeleine (Ibid., p. 460) ; ils sont postérieurs aux monuments de Rhodes, mais dans leurs larges promenoirs plafonnés, dont le portique est formé de piliers octogonaux, se marque la persistance des traditions locales. (2) Vicente Lamperez y Romea, Les Palacios de los Reyes de España en la Edad Media, ds. Arte Español, Novembre 1914 et Février 1915, fig. p. 220. (3) Isidro Gil, Impresiones de Viaje, ds. Arte Español, Novembre 1914, fig. p. 188; P. de Villa Amil et P. de la Escosura, España artistica y monumental, T. III, 10 livr., PL. IV. (4) M. Dieulafoy, Espagne et Portugal, Paris 1913, p. 154-156, fig. 318 et 319. e

e

(5) A. Michel, Histoire de l'Art, Tome IV, 2 part., fig. 543. (6) On en peut rapprocher également l'échauguette d'angle qui couronne le Palacio del Virey à Barcelone. (P. Piferrer y Quadrado, España, Cataluña, p. 119.) (7) G. Arata, L'Architettura arabo normanna e il Rinasciamento in Sicilia, PL. 100. — Ce palais date du XIV et du x v siècle. (8) Ibid., PL. 106. — Première moitié du X V siècle. e

e

e

(9) Cf. sup., Ch. VIII, p. 114, n. 4. (10) G. Arata, op. cit., PL. 191. — Cf. ibid., PL. 92.

21

154

LA CITÉ DE RHODES

Marie de la Victoire (1); au palais Abatelli, une fenêtre rectangulaire est divisée en trois travées par deux fines colonnettes, sur lesquelles retombe un remplage formé d'arcs brisés et d'accolades; elle est couronnée d'une corniche retombant sur des culots polygonaux (2). A Rhodes, la fenêtre N° 61 (PL. X X I , 3) et celle qui s'ouvre sur la cour de la maison N° 44 (Fig. 105) paraissent avoir été conçues suivant un type analogue et possédaient probablement des remplages de même caractère. Ainsi, à côté de certains éléments importés directement d'Espagne, l'architecture rhodienne offre des exemples significatifs de déformations siciliennes du style aragonais. Nous serions tenté de croire que les motifs orientaux et byzantins du premier style rhodien se rattachent à une influence de la Sicile plutôt qu'ils ne marquent la persistance, à Rhodes même, de traditions anciennes. Quant à l'influence de l'Italie septentrionale, elle n'apparaît guère qu'aux dernières années de la domination de l'Ordre; elle est manifeste dans les encadrements de marbre de certaines portes rectangulaires et dans des armoiries de la même époque (3). Ce sont là, d'ailleurs, des exemples isolés qui semblent répondre à la présence au couvent de Rhodes de quelques marbriers italiens. III. — ÉVOLUTION DE L ' A R C H I T E C T U R E CIVILE e

Les constructions du XIV siècle paraissent avoir revêtu, à Rhodes, un caractère de grande simplicité. Les Hospitaliers ne disposaient alors que de moyens matériels limités, et nombre d'édifices élevés durant cette période étaient des œuvres de maçons plutôt que d'architectes. L'influence de la Provence s'y marque cependant avec netteté, en particulier dans les dispositions d'ensemble du Palais du grand-maître. Les éléments décoratifs qu'on peut dater à coup sûr de cette époque se limitent à quelques dalles de marbre, enchâssées dans le calcaire sans l'interposition d'aucune moulure. Des écus de l'Ordre et des grands-maîtres y sont figurés; ils n'offrent que des reliefs méplats, de faible saillie et d'une exécution maladroite, taillés probablement par des ouvriers indigènes. A mesure que l'Ordre de l'Hôpital affermissait sa conquête, développait ses possessions d'Occident et en tirait des revenus nouveaux, il s'efforçait de doter la Cité de défenses puise

santes; nous avons vu que durant le XV siècle l'enceinte fortifiée subissait, sous les magistères d'A. Fluvian et J. de Lastic, une transformation radicale. L'activité des constructeurs ne se limitait point d'ailleurs aux ouvrages des remparts et, en 1440, on commençait les travaux de la Nouvelle Infirmerie; ils ne furent achevés, il est vrai, qu'en 1489, mais des parties e

importantes de cet édifice remontent au milieu du XV siècle. Le rez-de-chaussée de l'Auberge d'Espagne, qui porte les armes d'A. Fluvian, fut élevé entre 1421 et 1437, et l'on peut, par analogie, attribuer une date voisine à certaines maisons dispersées à travers la ville. Dans toutes ces constructions, l'influence espagnole, si elle n'exclut point celle du midi de la France, paraît prépondérante. Il faut remarquer toutefois que l'Hôpital fut fondé par (1) V. sup., Fig. 15; et PL. X X X V I I , 6. (2) G. Arata, op. cit., PL. 117. (3) L'exemple le plus expressif est la porte de la Mosquée du Bezesten (PL. X X I V , 1); on en peut rapprocher le linteau de celui de la Maison de Charles-Quint à Bonifacio (A. Michel, Histoire de l'Art, Tome III, 1 partie, fig. 13). re

TECHNIQUE ET DÉCORATION

155

un Catalan et que dans l'Auberge d'Espagne pouvait se marquer une inspiration espagnole particulièrement accentuée. Au reste, l'art gothique de l'Espagne est tributaire, sur bien des points, de celui du midi de la France, en sorte qu'il est parfois malaisé de déterminer la provenance de tel ou tel élément. Les formes de l'art catalan s'étaient d'ailleurs acclimatées en Sicile et c'est probablement de Sicile que certaines d'entre elles furent importées à Rhodes. Quelles que soient les sources de son inspiration, l'architecture rhodienne de cette période demeure empreinte d'une lourdeur qui ne résulte point exclusivement de la qualité des matériaux. Certes, le calcaire de Rhodes, même le plus compact, s'effrite assez facilement; il se prête toutefois, comme nous l'avons vu dans le second style, à une sculpture ornementale beaucoup plus colorée que celle des culots et des archivoltes de l'Hôpital de Fluvian. Il faut voir dans ce décor incisé, au modelé sans vigueur, l'œuvre d'artisans d'une valeur professionnelle médiocre : tailleurs de pierre venus de Sicile et reproduisant tels quels des motifs traditionnels, ou bien ouvriers indigènes adaptant à des tracés gothiques d'anciennes formules orientales et byzantines. Des chevaliers possédant quelques connaissances de 1 art de bâtir pouvaient implanter une construction, fixer ses dimensions, déterminer la forme de ses éléments, mais il était plus malaisé de modifier l'éducation des ouvriers, nourris de procédés étroits et stériles, et de développer chez eux des qualités de hardiesse et de liberté. Ainsi, la taille imprécise des carreaux et des voussoirs, le dressement incertain des arêtes, le manque d accent des profils, l'aspect lourd et mou du décor ornemental sont autant de preuves que si l'œuvre demeure une conception occidentale, l'ouvrier n'en a point pénétré tout le sens, et que sa main reste rebelle à transcrire sans défaillance des formules d'un art étranger. Le même caractère se perpétue jusqu'à l'époque de P. d'Aubusson. Il ne subsiste d'ailleurs que de rares exemples des édifices antérieurs à 1480. A cette date, la Cité subit un siège de trois mois (mai-août 1480), durant lequel les bombardements des Turcs causèrent de graves dommages. A peine les réparations nécessaires étaient-elles effectuées que des secousses sismiques d'une extrême violence ajoutèrent désastre sur désastre (1481). Bien peu de monuments demeurèrent intacts et nombre d'entre eux furent ruinés de fond en comble, en sorte que, durant les magistères de P. d'Aubusson, d'E. d'Amboise et de F. de Carretto, il fallut procéder à une reconstruction presque totale de la Cité; c'est ce qui explique que les édifices datés de 1485 à 1520 soient de beaucoup les plus nombreux et les mieux conservés. Nous y trouverons tous les éléments de l'architecture civile à Rhodes pendant les dernières années de la domination de l'Hôpital. Par leur technique soignée, le tracé précis de leur appareil, aux joints serrés, leur ornementation élégante et colorée, les œuvres de cette période s'opposent nettement aux productions antérieures. Le choix des matériaux y est beaucoup plus judicieux; on recherche les calcaires les plus durs, au grain assez fin pour porter l'arête et pour se prêter à certaines finesses de modelé. Les motifs décoratifs, traités avec beaucoup d'habileté, ne gardent aucune trace des formules byzantines de l'époque précédente. Tels qu'ils nous sont parvenus, tous ces monuments forment un groupe de documents variés et expressifs; les circonstances qui ont présidé à leur construction, le rôle particulier réservé à chacun d'eux, les donations qui en ont permis la fondation ou l'achèvement sont

156

LA CITÉ DE RHODES

autant de détails de l'histoire intérieure de l'Ordre qui pourraient ajouter quelques touches précises à une esquisse de la vie des Hospitaliers dans le Couvent. D'autre part, dans l'Hôpital, dans les Auberges, dans les maisons du Château et de la Ville, on retrouve les influences de l'Occident méditerranéen amalgamées en un style caractéristique. Il ne possède point, il est vrai, la puissante originalité de certaines écoles de la France ou de l'Espagne; les constructions rhodiennes sont d'échelle réduite; elles manquent d'ame

pleur et de hardiesse et même, jusqu'aux dernières années du XV siècle, elles allient des proportions un peu lourdes à une technique assez fruste. Cependant, en dépit de quelques maladresses de composition, les édifices les plus importants comme les maisons les plus modestes sont des œuvres honnêtes qui répondent avec une extrême franchise à leur destination; les façades, en leur simplicité, atteignent parfois à une véritable élégance et la distribution du plan, toujours rationnelle, ne sacrifie aucune commodité à la recherche de l'aspect extérieur. On a voulu voir, dans cette architecture, une sorte de style colonial; mais il serait difficile, croyons-nous, de justifier par des exemples probants une telle expression. Elle laisse supposer une adaptation de formes et de procédés occidentaux au climat et aux ressources du pays, en même temps que la persistance de certaines traditions de l'art indigène. Or, le climat de Rhodes ne diffère guère de celui de la Méditerranée occidentale et les ressources que l'île offrait aux constructeurs ne leur imposaient aucune technique spéciale. Les quelques éléments de la structure et de la décoration qui trahissent l'influence de l'Orient ne sont que des traits secondaires du style rhodien et n'influent point de manière sensible sur son caractère général. Il semble qu'en lui accolant l'épithète de colonial, on ait commis quelque confusion entre l'impression que produisent les monuments eux-mêmes et celle que fait naître le cadre qui les entoure; les touffes de palmiers qui surgissent au-dessus des terrasses, les cactus et les aloès saupoudrés de poussière, la mer d'un bleu chatoyant, l'arrière-plan, précis et sans sécheresse, de la côte et des îles sont autant de panneaux d'un décor oriental devant lequel se déroulent les manifestations pittoresques de la vie animée et joyeuse d'une échelle du Levant; mais dans l'architecture elle-même, dans ses conceptions d'ensemble comme dans ses détails, n'apparaît nulle trace significative d'exotisme, nulle dérogation systématique aux principes de l'art d'Occident. Il n'en demeure pas moins que si les monuments de Rhodes, tout imparfaits qu'ils soient, en arrivent à laisser une impression d'art profonde et durable, ils le doivent en partie à la splendide lumière qui les enveloppe. Le calcaire, gris et terne sous un ciel bas et nuageux, revêt au soleil une chaude patine dorée; les marbres armoriés, sertis de moulures et de rinceaux, s'illuminent en une tache éblouissante, et cette opposition de couleurs, ce scintillement de la matière fine et précieuse suffisent à donner à la plus simple des façades un aspect de noblesse un peu austère, d'élégance discrète et rare.

DEUXIÈME

PARTIE

ARCHITECTURE RELIGIEUSE

CHAPITRE I

ÉGLISES

LATINES

ET

GRECQUES

Dès les premiers temps de la domination de l'Hôpital, Rhodes devint le siège d'un archevêché latin dont le titulaire, archiepiscopus colossensis (1) était désigné par l'Ordre, selon le privilège octroyé par Clément V à Foulques de Villaret, avant la conquête de l'île (2). Le titre d'archiepiscopus rhodiensis (3) était réservé au Métropolite grec, choisi par le grand-maître sur une liste de trois candidats; cette nomination était d'ailleurs ratifiée par l'archevêque latin, agissant en qualité de délégué du Saint-Siège (4). Latins et Grecs vivaient donc côte à côte, dans le libre exercice de leurs cultes respectifs (5). Le Château, résidence exclusive des Chevaliers, ne renfermait que des églises latines alors que la Ville possédait des églises latines et grecques ; en outre, de nombreuses chapelles, grecques pour la]plupart, s'élevaient hors des murs, au milieu des jardins et des vergers environnant la Cité (6). Les Juifs, groupés dans le quartier spécial où ils sont demeurés jusqu'à nos jours, se réunissaient dans une synagogue qui, sans doute, fut démolie en 1502, lors des persécutions qui marquèrent la fin du magistère de d'Aubusson (7). Les deux synagogues qui existent aujourd'hui ont subi des transformations récentes et ne présentent aucun intérêt archéologique (8).

(1) Cf. Henricus Suarez, Orbis christianus, ds. Archives de l'Orient latin, Tome I, p. 267 ( X X I I I ) ; p. 269 ( X X X V I I ) ; p. 272 (LIV); p. 281 ( C X X I I I ) ; p. 283 (CXLIII); p. 285 (CLIII); p. 286 (CLXIII). C'est à la statue gigantesque d'Apollon que les Rhodiens devaient le nom de Κολοσσαείς (Suidas, ν. Κολοσσαεύς); d'où Colossensis. — Cf. F. Préchac, Ampeliana, ds. Rev. Archéol, 1920, p. 263. — « (Civitas) a choloso colocensis dicitur in Scripturis». (Buondelmonti, Liber Insularum, ds. Gerola, éd. cit. du Ms. de Ravenne, p. 15.)— L'épître de Saint Paul, ad Colossenses, aurait été adressée d'après Érasme, non point aux Rhodiens, mais aux habitants de Colosses en Phrygie. (2) H. Furse, Mémoires numismatiques de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, p. 27. (3) Pauli, Codice diplomatico, II, 184. (4) Bosio, Istoria, II, 697-698. (5) L'attitude du clergé grec, souvent turbulent et indiscipliné, contraignit le Métropolite à des mesures de répression envers ses subordonnés. (Bosio, Istoria, II, 326 et 361.) (6) « Tout autour de ladicte ville y a beaucoup de jardins et tout plain de petites maisons eglises et chapelles de Grecs. » (Merri Dupui, ds. Vertot, op. cit., p. 599.) (7) La synagogue avait été détruite lors du siège de 1480 et les Juifs avaient été autorisés par le pape Sixte IV à la reconstruire (Faber Felix, Evagatorium, III, 260). Il est à supposer que d'Aubusson qui contraignit les Juifs à se convertir au christianisme sous peine de bannissement (Bosio, Istoria, II, 564) ne laissa point subsister leur synagogue. (8) L'une h (Fig. 112) est de construction moderne; l'autre a été transformée ces années dernières, mais on trouverait peut-être sous les revêtements actuels de bois et de plâtre des détails assez anciens.

160

LA CITÉ DE RHODES

Après la conquête musulmane, les familles latines abandonnèrent la Cité à la suite des Hospitaliers (1) ; aux Grecs, qui demeurèrent à Rhodes, il fut interdit d'élire domicile à l'intérieur de l'enceinte, et les églises, tant grecques que latines, furent pour la plupart transformées en mosquées (djami), oratoires (mesdjid) ou écoles (medressé). Celles qui ont conservé jusqu'à ces dernières années cette destination nous sont parvenues en assez bon état. Les Turcs n'ont apporté au gros œuvre aucune modification essentielle; ils se sont bornés, en

FIG. 1 1 1 . — LES ÉGLISES DE LA CITÉ

(d'après le Ms. lat. 6067 de la Bib. nat., f° 3 2 )

general, à accoler au monument un minaret et à installer un mihrab suivant l'orientation voulue. Malheureusement ils ont le plus souvent fait disparaître sous d'épais enduits et sous des badigeons répétés toute trace des peintures qui décoraient les parois et les voûtes. A côté de ces édifices, on retrouve d'autres églises ou chapelles qui sont devenues des magasins, des maisons d'habitation ou même des étables. Il est possible, d'autre part, que certains sanctuaires aient totalement disparu; ce serait le cas, notamment, des églises qui, comme nous l'avons supposé, s'élevaient sur l'emplacement des différentes mosquées cons(1) Bosio donne le nombre de 4.000 personnes (Istoria, III, 2). Une partie d'entre elles demeura à Candie; d'autres s'établirent en Italie et, plus tard, rejoignirent l'Ordre à Malte.

ÉGLISES LATINES ET GRECQUES

161

truites par les Turcs (1). On a pu croire, en outre, que les deux hammams (bains) de la Ville étaient également d'anciennes églises (2), mais il faudrait admettre que, là aussi, il y eut reconstruction totale, car ces bâtiments ne sont point orientés conformément aux règles usuelles toujours observées à Rhodes, et les procédés de la technique n'y rappellent en rien ceux des Chevaliers. On ne saurait, dans ces conditions, fixer le nombre exact des églises que renfermait la Cité. Dans le Château, nous en comptons au moins quatre; dans la Ville, nous avons relevé vingt-huit sanctuaires dont les restes sont plus ou moins complets, mais dont la destination n'est pas douteuse. Le miniaturiste du Code Caoursin a tenté de représenter en leurs places respectives les différentes églises ; en tenant compte des déformations d'une perspective imparfaite, on peut constater que les indications fournies par les miniatures (Fig. 111) s'accordent pour la plupart avec notre plan de situation (Fig. 112) qui répond, à quelques unités près, à la répartition des églises du moyen âge. L'identification des édifices est, dans bien des cas, impossible. On distinguera toutefois les églises latines, fondées et bâties par les Chevaliers suivant des types occidentaux, des églises grecques où se perpétuent les formules de l'architecture byzantine.

ÉGLISES LATINES L'église conventuelle de Saint-Jean, détruite en 1856, a totalement disparu, mais nous en possédons des représentations graphiques assez fidèles. De certains édifices, comme NotreDame de la Victoire ou Sainte-Marie du Bourg ( ? ) , il ne reste que quelques vestiges, suffisants toutefois pour donner une idée exacte des dispositions et du caractère de ces églises, œuvres de dimensions réduites, sans grand intérêt artistique. De même que les constructions civiles, elles dénotent une inspiration exclusivement occidentale et dérivent de prototypes italiens, provençaux ou catalans. Les textes font allusion à d'autres églises latines, Saint-Sébastien, Saint-Michel, SaintAugustin, dont l'emplacement n'est point défini avec exactitude et dont l'identification reste très douteuse (3). ÉGLISES GRECQUES On peut les classer, d'après leur plan, en plusieurs groupes répondant à des schémas traditionnels. a) Les basiliques à nef centrale aveugle. — Elles se rattachent à un type anatolien et oriental, dont on rencontre des exemples à Binbir-Kilissé, à Trébizonde, en Arménie, ainsi qu'en (1) V. Tome I, Topographie, p. 13. (2) Cf. Rottiers, Monuments de Rhodes, p. 245; Guérin, L'Ile de Rhodes, p. 159; de Belabre, Rhodes of the Knights, p. 106, 153, 155. (3) L'église Saint-Sébastien donnait son nom à la Place. Nous avions précédemment accepté l'identification généralement admise (Tome I, p. 12), qui nous semble aujourd'hui devoir être abandonnée (Cf. inf., Additions et corrections au Tome I). — Quant aux restes de l'église N° 25 (Fig. 112), ils nous paraissent correspondre plutôt à Sainte-Marie du Bourg qu'à Saint-Augustin.

22

162

LA CITÉ DE RHODES

Crète, en Grèce et en Serbie (1). Notons toutefois que, dans ces régions, les trois nefs sont comprises en général sous un toit unique; dans les exemples rhodiens ( N

o s

9, 19, 23) chacun

des berceaux est couvert d'une toiture indépendante, accusée à l'est et à l'ouest par des pignons triangulaires, suivant le procédé observé en Laconie à l'église Saint-Georges de Geraki (2). Il est difficile de fixer la date de ces églises qui comptent en tout cas parmi les plus anciennes de la Cité et où n'apparaît aucune influence gothique nettement marquée. Quelques indices laissent penser toutefois qu'elles furent construites durant la domination de l'Hôpital, e

sans doute au début du XIV siècle (3). b) Les églises cruciformes à croix inscrite. — Elles participent du type provincial, dit simple, où les bas-côtés sont couverts de voûtes en berceau et qui s'oppose au plan complexe, de Constantinople et de Salonique, avec coupoles dans les bas-côtés (4). Des deux églises de ce type qui nous sont parvenues, l'une ( N ° 2), modifiée par les Chevaliers, est devenue la cathédrale latine Sainte-Marie du Château et paraît e

XIII

dater du e

siècle; l'autre, Demirli Djami ( N ° 12), fut édifiée sans doute dans le cours du XIV . c) Les églises cruciformes à croix libre. — Elles semblent postérieures aux églises à croix e

e

inscrite, mais il s'agit là d'oeuvres tardives qui remontent pour la plupart au XIV et au XV

siècle, et qui ne sauraient apporter un élément nouveau à la question de l'évolution du plan cruciforme. La date de certaines d'entre elles n'est pas douteuse; les influences gothiques qui s'y manifestent, aussi bien dans la technique que dans la décoration, prouvent qu'elles furent bâties durant la domination de l'Hôpital. On y observe toutefois un retour aux formes archaïques : c'est ainsi que les tambours qui supportent les coupoles sont des prismes polygonaux aux faces nues, aux arêtes vives, limités au sommet par un plan horizontal (5). On notera quelques cas singuliers : l'église N° 13 ne possède que deux nefs parallèles; dans l'église N° 6, à croix libre, le carré central n'est point couvert par une coupole, mais par un berceau; enfin l'église N° 7 offre un exemple curieux et complet de plan quadrilobé. Diverses chapelles à nef unique, de petites dimensions, reproduisent des dispositions semblables entre elles; elles paraissent avoir été affectées, les unes au rite latin, les autres au rite grec.

(1) Cf. Strzygowski, Kleinasien, n° VI; Q. Millet, B. C. H., T. X I X (1895), p. 144; G. Gerola, Monumenti veneti dell' Isola di Creta, Vol. II, p. 184, 191, 193; G. Millet, L'Ecole grecque dans l'Architecture byzantine, p. 41 et suiv. (2) G. Millet, op. cit., p. 44. (3) C'est ainsi que dans l'église N° 9 (Kadi Mesdjidi) la croix grecque et la croix latine figurent toutes deux sur le linteau de la porte d'entrée (V. Fig. 127). On constatera d'ailleurs que les procédés de la technique byzantine persistèrent, dans certains cas, durant le XIV siècle (V. Eglise N° 3, Khan Zadé Mesdjidi); en sorte que l'absence de tout élément gothique ne suffirait point à prouver que les édifices sont antérieurs au XIV siècle. e

e

(4) On ne retrouve à Rhodes aucun exemple de transition entre la croix libre et la croix inscrite. En Crète, de tels exemples sont fréquents. Cf. Gerola, Monumenti veneti dell' Isola di Creta, II, p. 219. e

(5) Les églises N° 8 (Takkedji Mesdjidi) et N° 21 (Dolaply Mesdjidi) remontent au X V siècle; les églises N° 6 (Sâtri Tchelebi Mesdjidi) et N° 15 (Peial ad Dîn Mesdjidi) sont certainement plus anciennes, mais en l'absence d'éléments significatifs on ne saurait fixer leur date avec précision.

ÉGLISES LATINES ET GRECQUES

163

Ainsi on retrouve à Rhodes, sous leur aspect le plus simple, la plupart des plans typiques de l'architecture byzantine. Ce qui constitue l'originalité de ces monuments, c'est l'alliance des thèmes byzantins avec les formes et les procédés de l'art gothique. Mais ces églises sont de date trop récente pour offrir un réel intérêt historique; dépouillées de leur décor intérieur, la plupart d'entre elles ne présentent plus aujourd'hui qu'un aspect misérable, sans caractère artistique bien marqué.

COUVENTS En 1 5 1 2 , selon Jehan Thenaud, Rhodes possédait un couvent de Franciscains et un autre d'Augustins

(1).

Le premier était attenant à l'église Notre-Dame de la Victoire, et l'on observe encore, dans le voisinage immédiat de cette église, des restes de constructions qui ont pu appartenir à un monastère. Aux Franciscains, installés dans l'île en 1 4 5 7 , on avait attribué l'église Saint-Marc, auprès de laquelle ils avaient construit leur couvent ( 2 ) . Cet établissement primitif des Franciscains correspond peut-être à Khourmaly Medressé. L'oratoire d'Abdul Djelil est une ancienne église byzantine entourée de bâtiments monastiques assez étendus. Son identification reste douteuse. De même, il paraît difficile de retrouver l'emplacement du Couvent des Augustins, dont l'église s'élevait dans le voisinage de la Place Saint-Sébastien ( 3 ) .

LÉGENDE D U PLAN (FIG. 1 1 2 ) NOTA. —

Les chiffres et les lettres placés en tête de chaque alinéa correspondent à la numé-

rotation du plan. Les titres en italique indiquent les identifications proposées; les nombres entre crochets renvoient aux pages où l'édifice est signalé ou étudié.

EGLISES DU CHATEAU

1. — Restes de la Loge de Saint-Jean, at-

2. — Kantouri Djami (Cathédrale latine de Sainte-Marie du Château)

tenant à l'église conventuelle [ 7 1 ] . 1'. — Ecole turque élevée en partie sur

3. — Khan Zadé Mesdjidi (Chapelle de France?)

l'emplacement de l'Eglise SaintJean

[167].

[170].

4. —

[174].

Chapelle Saint-Démétrius

[176].

5. — Bain turc (Chapelle?).

(1) « Item : y estoient pour lors deux couvents c'est assavoir des freres mineurs vivans en observance soubz la congregation de la famille a Nostre Dame de la Victoire et ung aultre d'Augustins. » (Le Voyage de Frère Jehan Thenaud, Ed. Schefer, p. 131.) (2) Bosio, Istoria, II, 257. (3) L. de Mas Latrie, Histoire de l'Ile de Chypre, Paris, 1855, T. III, p. 95.

FIG. 112. — PLAN DE SITUATION DES MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE RELIGIEUSE.

165

ÉGLISES LATINES ET GRECQUES

EGLISES DE LA VILLE

6. — Sâtri Tchelebi Mesdjidi [190].

15. — Peial ad Dîn Mesdjidi [193].

7. — Khourmaly Medressé (Eglise Saint-

16. — Alemnaki Mesdjidi [200].

Marc

et

Couvent

des

Francis-

cains ?) [202].

17. — Borouzan Mesdjidi [201]. 18. — Hudaï Mesdjidi [201].

8. — Takkedji Mesdjidi [191].

19. — Restes d une église à trois nefs [185].

9. — Kadi Mesdjidi [182].

20. — Kyzyl Kapou Mesdjidi [202].

10. — Sykynty Mesdjid [193].

21. — Dolaply Mesdjidi [194].

11. — Kavakly Mesdjid [189].

22. — Chapelle abandonnée [202].

12. — Demirli Djami (Cathédrale grecque?)

23. — Ilk Mihrab Djami‘i [184].

[185].

24. — Memi Cheikh Mesdjidi [202].

13. — Abdul Djelil Mesdjidi ou Tchoukour Mesdjid

(Eglise

Saint-Bernar-

25. — Sainte-Marie du Bourg? [179]. 26. — Eglise

din?) [207].

transformée

en

habitation

[196].

14. — Bab-ou-Mestoud Mesdjidi (Chapelle Saint-Athanase) [199].

27. — Sainte-Marie de la Victoire [180]. 28. — Saint-Pantaléon [197].

MOSQUÉES MODERNES

a. — Suleimanié Djami [210].

e. — Soultan Moustafa Djami‘i [210].

b. — Agha Djami'i [211].

f. — Ibrahim Pacha Djami‘i [210].

c. — Chadrevan Djami‘i [211].

g.— Redjeb Pacha Djami‘i [210].

d. — Hamza Bey Djami‘i (Emplacement de l'église Saint-Sauveur) [210]. SYNAGOGUES

h. — Nouvelle synagogue [159].

i. — Ancienne synagogue [159]. DIVERS

j. — Yeni Tcheri Djami‘i [116].

l. — Bain turc [161].

k. — Bezesten Djami‘i [93].

m.— Bain turc, dit de Moustafa [161].

C H A P I T R E II

LES

ÉGLISES

DU

CHATEAU

EGLISE SAINT-JEAN ( N

o s

1, 1')

L'église conventuelle de Saint-Jean s'élevait dans la partie haute du Château, au sud du Palais du grand-maître. Devenue, sous la domination turque, une des principales mosquées, elle fut entièrement détruite par une explosion, en Novembre 1856 (1). On en remploya les matériaux dans la construction de l'école qui occupe son emplacement, et il ne reste aujourd'hui de l'église elle-même aucun vestige apparent (2). Certaines descriptions (3) et surtout les dessins de Flandin et de Rottiers (4) donnent une idée assez exacte des dispositions du monument. A l'intérieur, le vaisseau, d'une largeur totale de 17 mètres dans œuvre (52 pieds), était divisé en trois nefs par deux rangées de quatre colonnes, réunies par des arcs brisés; de petites ouvertures circulaires redentées de trèfles allégeaient les écoinçons (PL. X X I I , 2). La nef centrale offrait une charpente apparente, en berceau plein cintre, décorée de caissons rectangulaires; dans les appentis des bas-côtés, on retrouvait le dispositif précédemment décrit des solivages rhodiens. Toute cette charpente, en bois de cyprès, était peinte et parsemée d'étoiles dorées sur fond bleu; elle était recouverte de feuilles de plomb, appliquées sur un voligeage jointif. De hautes fenêtres étaient percées dans les murs extérieurs; d'autres, plus petites, s'ouvraient au sommet des arcades de la nef, au-dessus des toitures des bas-côtés. Les fûts des colonnes, en granit, provenaient de monuments antiques, ainsi que la plupart des chapiteaux, d'ordre dorique ou corinthien ; le premier chapiteau, à droite de l'entrée, (1) La foudre, tombant sur le minaret de la mosquée, mit le feu à un dépôt de poudre et détermina une explosion d'une extrême violence qui causa la mort de 800 personnes (Biliolli et Cottret, L'Ile de Rhodes, p. 511). — Il se peut, comme le suppose Picenardi (Itinéraire, p. 97), que cette énorme accumulation d'explosif provienne d'une mine creusée par les Turcs en 1522; ainsi s'expliquerait le passage de Fontanus, relatant que « magnates quidam in Rhodo « secreta consilia cum hostibus communicabant, qui viam sibi subterraneam sternebant in septo equitum exituram « ad Phanum Ioannis Colossensis. » (Fontanus, De Bello Rhodio, II, F iiij) (2) Peut-être faudrait-il rattacher à quelque dépendance de l'église ou même au bras nord du transept certains éléments de piliers demeurés en place à l'extrémité de la Rue des Chevaliers, au-dessus des restes de voûtes d'ogives ayant appartenu à la Loge. D'autre part, dans le sous-sol de l'école turque, difficilement accessible, on aperçoit des massifs de maçonnerie qui pourraient être des fondations de l'église. (3) Rottiers, Monument de Rhodes, p. 295 et suiv; L. Ross, Reisen auf den 'griechischen Inseln, IV, 56; Guérin, L'Ile de Rhodes, p. 154 et suiv. (4) Rottiers, op. cit., Atlas, PL. X L , XLII et X L I I I ; Flandin, L'Orient, II, Pl. 25 et 26.

168

LA CITÉ DE RHODES

portait la croix de l'Ordre et datait du moyen âge; seule, la première colonne, à gauche, reposait sur une base, probablement antique. Le transept, moins élevé que la nef centrale, mesurait environ 25 mètres de longueur ( 1 ) ; il était voûté d'ogives, ainsi que le choeur et les chapelles qui l'accompagnaient, L'église renfermait les tombeaux des grands-maîtres; Rottiers y vit ceux de D. de Gozon, J.-B. Orsini, P. d'Aubusson, E. d'Amboise, G. de Blanchefort, F. de Carretto (2). A cette époque, les fenêtres possédaient encore des vitraux aux armes de J.-B. Orsini, et il subsistait même quelques restes du somptueux mobilier d'autrefois (3). A l'extérieur, la façade occidentale se terminait par un pignon triangulaire; une rosace était percée au-dessus de la porte principale, en arc brisé, qui s'ouvrait au niveau du sol (4). Sur les faces latérales, un bandeau continu réunissait les fenêtres, et des portes secondaires conduisaient aux bas-côtés. Il semble que l'église ait été bâtie au sommet d'un monticule dont le point culminant correspondait au seuil de la porte occidentale. De toute manière, ce seuil était situé à un niveau plus élevé que l'extrémité ouest de la Rue des Chevaliers (5), et la Loge dont nous avons parlé plus haut pouvait se continuer par un passage voûté ménagé sous le chœur de l'église. Les miniatures de Caoursin confirment cette disposition singulière; l'église Saint-Jean, figurée avec sa nef centrale et ses bas-côtés, est précédée d'une sorte de porche correspondant à la Loge. D'autre part, dans les dessins de la façade méridionale que donne Rottiers, les bâtiments perpendiculaires à cette façade offrent la même ordonnance de fenêtres et de bandeaux que l'église elle-même, au-dessus d'un soubassement percé de larges arcades. Celles-ci correspondaient à un passage public, alors que les fenêtres du premier étage éclairaient le transept et les salles contiguës. Un clocher rectangulaire, complètement détaché de l'église, se dressait à quelque distance de la façade occidentale; c'était une haute tour carrée, terminée par une plate-forme et couronnée d'un campanile (6). (1) « L'enfoncement qui forme la croix de l'église, du nord au midi, a soixante-seize pieds. » (Rottiers, op. cit., p. 300). (2) Cf. inf., Ch. IV, Pierres tombales. (3) Rottiers donne le dessin de bahuts de cyprès, de style Renaissance, composés d'une suite de niches ornées de coquilles et séparées par des colonnettes (Rottiers, op. cit., PL. L X X I I ) . Ces meubles portaient les armes des Rochechenart et on peut admettre que les niches étaient destinées à recevoir les statues dont le Prieur de Saint-Gilles, Charles Aleman de la Rochechenart fit cadeau à l'église conventuelle (Cf. Bosio, istoria, II, 598-599). — Les objets précieux qui constituaient le Trésor de l'église ont été en partie transportés à Malte où ils sont conservés dans l'église Saint-Jean. (4) Selon Thevenot, la façade aurait été décorée d'un bas-relief, représentant le Christ, la Vierge et Saint-JeanBaptiste (Relation d'un voyage fait au Levant, I, 224). Peut-être y eut-il confusion de la part de voyageur; en tout cas, Rottiers ne signale aucun motif semblable. (5) On peut se demander si les « molti gradi di sarizio » dont parle Santo Brasca (Viaggio ai Luoghi Sancti, f° f iiij V. et suiv.) se rapportent bien aux degrés de la grand'rue du Château; peut-être existait-il entre le sommet de celle-ci et l'esplanade qui entourait l'église un escalier monumental qui rachetait la différence des niveaux. (6) Cette tour était très élevée et comme elle était construite sur le point culminant du Château, la plate-forme supérieure constituait un excellent observatoire. En 1522, quelques soldats turcs, capturés par les Chevaliers, « turrim templi divi Ioannis editissimam scandere iussi sunt » (Fontanus, op. cit., II, F v. ); de là, ils purent indiquer les diverses positions des assiégeants. D'ailleurs, un poste de veilleurs était installé en permanence au sommet de la tour et avertissait les défenseurs par des sonneries de cloches (Fontanus, ibid, et F ij). Les Turcs cherchèrent à détruire cet ouvrage à coups de canon et parvinrent à en abattre la partie supérieure (Bosio, Istoria, II, 664). Sur le soubassement, resté debout, ils édifièrent plus tard un minaret. Ce soubassement, dont Rottiers donne le dessin (Atlas, PL. X L ) , fut ruiné en même temps que l'église par l'explosion de 1856.

LES ÉGLISES DU CHATEAU

169

Au moyen âge, l'église Saint-Jean, désignée parfois sous le nom de Saint Jean du Collac (1), était célèbre par les reliques fameuses qu'elle renfermait (2), et les pèlerins manquaient rarement de l'aller visiter; si N. de Martoni, en 1394, la juge « parva sed multum devota » (3), e

Jacques le Saige, au début du XVI siècle la considère comme « la plus belle et la plus exquise de la ville »; et il y admire fort le cérémonial des offices où il « faict bien beau voir les commandeurs en leurs formes. » (4) Il est fort probable que l'église, fondée dès les premiers temps du séjour des Chevaliers à Rhodes, fut achevée sous le magistère d'Hélion de Villeneuve (1319-1346) (5), mais dans la suite, et jusqu'aux dernières années de la domination de l'Hôpital, le monument fut l'objet d'une sollicitude particulière de la part des grands-maîtres et des plus riches dignitaires de l'Ordre. En 1389, Domenico d'Allemagna y dédiait une chapelle à la sainte Vierge et la dotait d'immeubles et de moulins (6); en 1511, le Prieur de Saint-Gilles, Aleman de la Rochechenart, offrait à l'église une série d'objets précieux, tableaux, statues, ornements brodés d'or (7). Dans les registres de l'Ordre, reviennent de fréquentes décisions relatives aux réparations, aux agrandissements et aux embellissements de l'église et de ses annexes (8); ces travaux ne portaient d'ailleurs que sur des détails et ne modifiaient point les dispositions d'ene

semble de 1 édifice du XIV siècle. Le plan adopté dès la fondation de l'église rappelait celui des basiliques italiennes du type de l'Ara Cœli, où la croix latine s accuse par un transept en saillie sur les bas côtés; sa (1) Caoursin l'appelle saint iehan du collac (Establissemens, de l'Eglise, xxvi et xxviij); dans le Ms. fr. 17255 (Bib. nat.) elle est désignée sous le nom de Saint Jehan du Coulac (f° cix, § iij; f° cxxiv, § xxiij, etc..) Ces expressions traduisent l'une et l'autre, celle d ' « ecclesia Sancti Johannis collaci » qu'on trouve dans les textes de Malte (Cf. Pièces justificatives, X V ; et Sacra Capitula Generalia, 1466-78, Ms. 283, f° 76 V. et f° 89.). — Collatium (Colacium, Collocium) dérive, selon Du Cange, de collocare. Quelle que soit l'étymologie du mot, il désigne ici le Château, parfois nommé Collachio (Cf. notamment les Ordonnances du chapitre de 1603, ds. Baudoin et Naberat, Les Statuts de l'Ordre de SaintJean, p. 129-130); collaci ne saurait être considéré, ainsi qu'on l'a prétendu, comme une abrévation de colossensis (Torr, Rhodes in modem times, p. 82). C'est par une extension de sens que l'adjectif colossensis (Cf. sup. p. 159, η. 1) s'applique à l'archevêque latin, à l'église Saint-Jean (Fontanus, De Bello Rhodio, II, F iiij) et à la cathédrale latine (Archives de l'Orient latin, I, p. 267, X X I I I ) . Faute de donner à ces mots leur véritable signification, on a été conduit à des erreurs assez graves; c'est ainsi qu'on a imaginé qu'une chapelle médiévale de Saint-Jean du Colosse, située près du Mandraki, marquait l'emplacement du fameux Colosse. (Guérin, L'lie de Rhoaes, p. 110, 121; Van Gelder, Geschichte der alien Rhodier, p. 387; F. Préchac, Le Colosse de Rhodes, ds. Revue Archéologique, 1919, IX, p. 74). (2) Cf. Caoursin, Establissemens, De l'Eglise ; Voyage de N. de Martoni, éd. cit., p. 641 ; Breydenbach, op. cit., f° 29; Arnold von Harff, op. et éd. cit., p. 72; etc.. (3) Voyage de N. de Martoni, éd. cit., p. 584. (4) Voyage de Jacques Le Saige, éd. cit., p. 155-156. (5) Peut-être fut-elle commencée dès le magistère de Foulques de Villaret et remplaça-t-elle une église byzantine; mais on ne saurait admettre avec Rottiers (Op. cit., p. 286) qu'elle fut l'œuvre du Florentin Arnolphe dont Vasari fixe la mort à l'année 1300. Les armes d'H. de Villeneuve figuraient, paraît-il, sur les façades nord et sud; c'est du moins ce qu'attestent les dessins d'un médecin suédois, Hedenborg. (Picenardi, Itinéraire, p. 83). En tout cas, l'église possédait une chapelle dite de Villeneuve où se réunirent les votants, lors de l'élection du Grand-maître en 1461 (Bosio, Istoria, II, 277). (6) «.... ad honorem dei et beate marie virginis eiusdem matris.... unam perpetuam cappeUaniam in ecclesia « nostra conventuali Colocensi sub eiusdem dei genitricis marie vocabulo.... fundavistis.... » (Liber Bullarum, 13891390, Ms. 324, f° 135 v.). — La dotation comprenait des magasins, des maisons, et deux des moulins du môle, le premier et le sixième à partir de l'extrémité nord (ibid.). (7) Bosio, Istoria, II, 598-599. (8) Sacra Capitula Generalia, 1454-1459-1462, Ms. 282, f° 18 v.; Sacra Capitula Generalia, 1466-1471-1475-1478, Ms. 283, f° 76 v, f° 89, f° 166 v.

23

170

LA CITÉ DE RHODES

charpente, notamment la carène de la nef centrale, l'apparentait aux églises de Vérone, Ravenne, Rimini, etc. Par les détails ornementaux, le monument participait de l'art de la Catalogne et de l'Italie méridionale, au même titre que les productions rhodiennes de l'architecture civile. É G L I S E SAINTE-MARIE D U C H A T E A U ( N ° 2 ) Une bulle pontificale de 1322 fait mention de la cathédrale latine, « ecclesiam cathedralem positam in civitate seu Castro Rhodi », (1) dont la situation est précisée par un texte de 1476 : à la suite d'une violente tempête, « quedam pars muri circa portum Rhodi retro eccle« siam cathedralem sancte marie Castelli Rhodi,... collapsa est » ( 2 ) ; et ce mur, voisin de la m

Porte de l'Arsenal fut reconstruit suivant une largeur de 12 palmes, soit 3 15 environ (3).

FIG. 113. — EGLISE SAINTE-MARIE DU CHATEAU (Kantouri Djami). — Plan. (1) Archives de l'Orient latin, I, 269, X X X V I I . (2) Pièces justificatives, X V I . — Selon J. Thenaud : « En la cité de Rhodes estoit ung archevesque latin qui avoit son siège a Notre Dame de la Place. » (Le Voyage de Frère Jehan Thenaud, éd. Schefer, p. 131). — M. Schefer a pensé qu'il fallait lire: Notre-Dame de la Garde (Ibid, n. 1); il a basé sans doute cette correction sur une carte de l'île de Rhodes qu'on a supposé, sans raisons bien probantes, inspirée par le texte de Buondelmonti (Cf. E. Legrand, Liber Insularum, Version Grecque, p. X X X V I I I . — Carte, ibid., p. 180). On y voit, il est vrai, l'indication d'une église N. D. de la Garde, mais elle correspond à N. D. de Philerme, qui ne pouvait être le siège archiépiscopal. Il ne nous paraît pas douteux que N. D. de la Place du texte de J. Thenaud ne désigne Sainte-Marie du Château. (3) Nous avons établi précédemment (Cf. Tome I, p. 117) que la valeur du palme usité à Rhodes devait être voisine de 0 2 6 . m

FIG. 114. — EGLISE SAINTE-MARIE DU CHATEAU (Kantouri Djami).

Plan au niveau de la naissance des voûtes de la nef.

FIG. 1 1 5 . — EGLISE SAINTE-MARIE DU CHATEAU. — Coupe transversale.

172

LA CITÉ DE RHODES

L'église Sainte-Marie s'élevait donc dans la partie basse du Château et doit être identifiée à la Mosquée Kantouri (PL. X X X V I , 1) (1), attenant au mur du port, là où il mesure précisément la largeur indiquée plus haut. A ne considérer que le plan, l'édifice répond au type cruciforme simple, à croix inscrite; mais alors que les bas-côtés et les bras de la croix sont voûtés de berceaux plein cintre, la nef centrale et le chœur sont couverts de voûtes d'ogives, dont les croisées et les doubleaux retombent sur des culots à trois pans. Une section horizontale, à 1 mètre du sol, donne le schéma byzantin d'une église à coupole centrale (Fig. 113); par contre, une section au niveau des naissances des ogives offre tous les caractères d'un plan gothique (Fig. 114, 115, 116).

FIG. 116. — EGLISE SAINTE-MARIE DU CHATEAU. — Coupe longitudinale.

Tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, les murs sont maintenant recouverts d'un épais enduit sous lequel disparaissent les détails de la modénature. En 1826, nombre des éléments anciens était encore apparents; les baies, en arc brisé, qui éclairaient la nef, possédaient, alors non seulement leurs remplages gothiques (Fig. 117) mais encore leurs vitraux armoriés. L'un d'eux représentait un chevalier en armes agenouillé devant Sainte-Catherine, désignée par sa roue; les autres étaient composés de dessins géométriques, parsemés de blasons divers. On (1) On l'appelle également Enderoun Djami. — Nous ne saurions dire d'où provient le mot Kantouri; les interprétations diverses qu'on en donne à Rhodes sont fantaisistes. Il est bien certain, en tout cas, que le terme ne peut être considéré comme une déformation de Catherine; cette étrange hypothèse a conduit Rottiers, et d'autres après lui, à identifier le monument à l'église Sainte-Catherine (Rottiers, op. cit., p. 278).

173

LES ÉGLISES DU CHATEAU

y retrouvait les armes d'Angleterre, les écus des grands-maîtres A. Fluvian, J. de Lastic. J. de Milly, celui de Costanzo Operti et la roue de Sainte-Catherine (1). L'église contenait en outre un tombeau que l'on disait

avoir servi de sépulture à

Marie de Baux décédée à Rhodes en 1343 (2). D'après les dessins qu'en donne Rottiers, les remplages paraissent dater de la première moitié du e

XV siècle, ce qui s'accorde avec la présence des vitraux, mis en place successivement dans le cours e

e

du XV et même au début du XVI siècle.

On

remarquera,

d'autre

FIG. 117. — EGLISE SAINTE-MARIE DU CHATEAU. — Remplages.

(D'après ROTTIERS, Atlas, P L . X X X V I I , 2).

part, que le chœur de l'église est de plan demi-circulaire jusqu'à la naissance des ogives; au-dessus, il se développe suivant trois pans égaux. Les contreforts extérieurs proviennent de la modification apportée au système primitif des voûtes, en sorte qu'il faut considérer les ogives de la nef comme un dispositif occidental greffé après coup sur une église byzantine. Quelques détails paraissent avoir appartenu à la construction primitive; c'est le cas, notamment,

de

l'ouverture

circulaire,

aujourd'hui

murée, qui éclairait le sanctuaire du sud (διακονικόν) et dont le décor, en dents de scie, n'a pas été recouvert d'enduit (Fig. 118) ; les pignons nord et sud offraient une série de voussures plein cintre en retraite les unes sur les autres; on en distingue encore quelques traces, au nord, ainsi que les restes de petites baies plein cintre géminées et séparées par une colonnette de marbre. Tous ces éléments trahissent évidemment une inspiration et une technique byzantines. Nos déductions semblent confirmées par la bulle de 1322; il y est spécifié, en effet, que les archevêques latins posséderont « domum FIG.

118.

« archiepiscopalem in qua archiepiscopus grecus « consueverat habitare superius et inferius cum cli-

« bano et balneo existentibus in eadem » (3); cette maison était, d'après le texte de 1476, voisine de l'église Sainte-Marie. Or, la Mosquée Kantouri est contiguë, au nord, à une maison presque entièrement modernisée, mais dont la liaison avec l'édifice est encore apparente. C'est ainsi qu'un passage couvert, reposant sur une trompe appareillée, reliait le (1) Rottiers, op. cit., Atlas, PL. X X X V I I , 2 et L X X I I I , 17 et 28. (2) Ibid. p. 279 et Atlas, PL. X X X V et X X X V I I . (3) Archives de l'Orient latin, I, 269, X X X V I I .

174

LA CITÉ DE RHODES

premier étage de cette maison avec une salle située au-dessus du bas-côté nord-ouest, cependant qu'une porte en arc brisé conduisait directement de l'église dans le jardin. On peut donc situer en cet endroit la demeure des archevêques grecs devenue celle des archevêques latins après la prise de possession de Rhodes par l'Hôpital. L'église voisine répondait, au dée

but du XIV siècle, à la cathédrale grecque, bâtie à une époque antérieure; il est probable que la nef était alors voûtée d'un berceau plein cintre de même hauteur que ceux des bras de la croix, et qu'une coupole sur pendentifs s'élevait sur le carré central. Peut-être les Chevaliers utilisèrent-ils d'abord l'édifice sans y apporter de modifications profondes (1); c'est seulee

ment, semble-t-il, dans le cours du XV siècle qu'ils augmentèrent la hauteur de la nef centrale en la voûtant d'ogives et qu'ils firent disparaître la coupole. Pour contrebuter la poussée des ogives, ils épaulèrent le mur de contreforts. Enfin, au faîte de l'édifice, ils construisirent un parapet crenelé et l'église, contiguë aux remparts du port, dont elle dominait le chemin de ronde, devint un élément de la défense. Quant aux bras de la croix et aux bas-côtés, ils cone

servèrent jusqu'à nos jours leur structure primitive qui, probablement, remonte au XIII siècle. K H A N Z A D É MESDJIDI (Chapelle de France?) ( N ° 3) Située dans la partie haute de la grand'rue du Château, elle est contiguë, à l'ouest, à la maison qui, peut-être, était la résidence des chapelains de la Langue de France ( ? ) (2). Elle a été transformée en mesdjid par les Turcs et possède actuellement une coupole ellipsoïdale. Nous ne pensons pas que tel ait été le mode de structure original; en effet, la porte d'entrée, en arc brisé, dont l'ouverture a été récemment dégagée, est obstruée, à l'intérieur, par le massif de maçonnerie sur lequel retombe le pendentif sud-ouest de la coupole. Celle-ci, dont le centre ne tombe pas sur l'axe de l'abside, paraît de construction turque et il est probable qu'au moyen âge, la chapelle était couverte d'un berceau continu. Les remaniements turcs sont, en tout cas, évidents; un marbre, portant armoiries, a été remployé à la base du contrefort du sud-est (3), et seuls les murs pochés en noir (Fig. 119) appartiennent à la construction primitive, dont le plan ne saurait être restitué en toute certitude. Les parties anciennes de la façade offrent des détails caractéristiques (Fig. 120 et PL. X X I , 1). La porte d'entrée, en arc brisé, flanquée à droite d'une petite baie trilobée et à gauche d'une niche de même style, est surmontée d'une dalle de marbre où sont figurées les armes de l'Eglise et celles d'Angleterre. (PL. XXXVII, 4) (4). A droite de la porte, dans l'an(1) En 1321, l'église était, en tout cas, fort pauvre, et manquait des objets nécessaires au culte ; le pape Jean X X I I , auquel l'archevêque avait exposé cette situation misérable, lui fit don du mobilier provenant de l'église de Beyrouth, conservé alors à Nicosie de Chypre. (Archives de l'Orient latin, I, 267, X X X I I I ) . (2) Cf. sup. 1 Partie, Maison n» 17, p. 88 et suiv. (3) Sur ce marbre sont figurés cinq écus : a) De...a la fasce de...; b) De...a 3 besants de... placés 2, 1, a la bordure dentée de...; c) fascé ondé de...et de..., de 8 pièces; d) De...au lion contourné de...; e) De...barré de 3 pièces de...au chef chargé de 3 étoiles de.... — Ces armoiries, qui appartiennent sans doute à des dignitaires de l'Ordre, n'ont pas été identifiées. re

(4) Le motif comprend 3 écus : au centre les clés pontificales, à gauche un écu fleurdelysé, à droite l'écu d'Angleterre, aux trois léopards. On a cru voir dans celui de gauche les armes de France (Gerola, Monumenti medioevali, 259); il est vrai que jusqu'en 1376, l'écu de France était d'azur fleurdelysé d'or et que c'est seulement à partir de cette date qu'il devint d'azur aux 3 lys d'or. Mais le rapprochement des armes de France et d'Angleterre sur un même édifice, en pleine guerre de cent ans, se justifierait difficilement. Il faut remarquer qu'en 1340, les armes d'Angleterre

175

LES ÉGLISES DU CHATEAU

gle rentrant du mur extérieur, un dais polygonal, décoré de frontons et de pinacles devait abriter quelque statue. On observe, en outre, des fragments d'un cadre rectangulaire mouluré et une partie de la corniche médiévale, demeurée en place. Dans la maçonnerie ancienne, peu régulière, les assises de pierre sont calées au moyen de fragments de poteries ; l'édifice était d'ailleurs enduit, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. L'ébrasement de la porte a conservé un revêtement décoré de motifs géométriques et floraux, aux tons éclatants, mais d'une facture médiocre; et sur le tableau, on observe de menus fragments d'un mortier hydraulique (chaux et tuile) sur lequel était appliquée une couverte d'un rouge vif. Il est probable qu'elle s'étendait à toute la façade : la corniche présente encore des traces du même enduit coloré. A l'ouest, la chapelle est séparée de la maison voisine par un étroit passage qui aboutit, vers la rue, à une porte rectangulaire au linteau de marbre. Ce linteau paraît occuper sa place originale : il ne pourrait d'ailleurs avoir été destiné à un autre usage puisque sur chacune de ses faces, est figurée, en un relief très méplat, une série d'écussons. Ce sont, sur la face sur rue, et de gauche à droite : a) les armes d'Angleterre; b) celles d'H. de Villeneuve écartelées avec la croix de l'Ordre; c) la croix de l'Ordre; d)

FIG. 119. — KHAN ZADÉ MESDJIDI.

Plan et Coupe.

l'écu de D. de Gozon; e) les armes d'Angleterre (PL. X X X V I I , 3). Sur la face intérieure du linteau, de gauche à droite : a) la croix de l'Ordre; b) l'écu de P. de Corneillan; c) celui de Raymond Bérenger; d) celui de Roger de Pins; e) un écu inconnu, au lion contourné (1). furent modifiées et les 3 léopards écartelés avec l'écu de France; c'est sous cette forme que ces armes figurent sur le linteau de la porte latérale (PL. X X X V I I , 3) en même temps d'ailleurs que le simple écu aux trois léopards. Dans ces conditions, nous pensons que c'est simplement par raison de symétrie qu'au lieu d'écarteler les lys et les léopards sur un même écu, on les répartit sur deux écus simples, de part et d'autre des armes de l'Église. Ainsi les lys, de quelque manière qu'ils soient disposés, se rapportent aux armes d'Angleterre et non point à celles de France. (1) Ces armoiries sont figurées avec tous leurs détails, fort bien conservés ; c'est par erreur que M. Gerola note que les 3 corneilles de l'écu de Corneillan ne sont plus visibles (Gerola, Stemmi, 34, X I I ) , et que celui de R. Bérenger porte « croce traversa quantunque non scorciata »; le sautoir y est bel et bien alaisé.

LA CITÉ DE RHODES

176

Ainsi ce marbre porte les armes des différents grands-maîtres jusqu'à Raymond Bérenger; il peut donc être daté de 1365-1374 et comme il est de même style que les autres éléments sculptés de la façade, l'édifice lui-même remonte à la même période.

FIG. 120. — KHAN ZADÉ MESDJIDI. — Façade (Etat actuel).

La présence des armes d'Angleterre, répétées à trois reprises sur la façade, laisse penser e

qu'au XIV siècle, la chapelle était une dépendance de la Langue d Angleterre, et il est possible que l'Auberge de cette Langue se soit élevé alors dans le voisinage. Peut-être la chapelle fut-elle transférée dans la suite à la Langue de France; on n'imagine point comment se pourrait justifier autrement l'inscription : Capelle Francie, qu'on lit sur la maison contiguë, à l'ouest, au-dessous de l'écu royal aux trois lys.

CHAPELLE S A I N T - D É M É T R I U S ( N ° 4 ) Cette chapelle est enclavée dans une propriété turque qui répond en partie au lieudit Egri-Liman. La nef unique, de plan rectangulaire, est voûtée d'un berceau brisé; le chœur, demi-circulaire, s'accuse à l'extérieur par une abside à trois pans. (Fig.121). La façade occidentale, bien que mutilée, peut être restituée en entier (Fig. 122). Une porte rectangulaire donne accès à la nef; son linteau est constitué par un fragment de corniche antique en marbre blanc. Au-dessus, un cadre rectangulaire, orné d'une tresse, renfermait sans doute des armes, aujourd'hui disparues. Une petite baie plein cintre s'ouvre à la partie su-

177

LES ÉGLISES DU CHATEAU

périeure du pignon, au sommet duquel sont demeurés en place les jambages de pierre qui supportaient la cloche de la chapelle. Au nord, une porte donnait accès à des bâtiments voisins c, dont il ne reste que des traces. Au sud, une fenêtre rectangulaire b éclairait la nef; sur la partie extérieure du mur méridional, à gauche de cette fenêtre, on observe un enfoncement rectangulaire d, qui, jusqu'à la fin du siècle dernier renfermait une inscription sur marbre; elle relatait que cette chapelle, dédiée à Saint-Démétrius, avait été érigée par l'amiral Louis de Polsasco en 1499 (1). Les armes des Polsasco, d'argent à neuf merlettes de sable, y figurent encore, auprès du chœur, du côté de l'Evangile (Fig. 121, e, e'); et l'édifice peut, en toute certitude, être identifié à la chapelle qui d'après un texte de 1509, fut fondée et dotée par l'amiral Louis de Scalenghe, de la famille des Polsasco (2).

FIG. 121. — CHAPELLE SAINT-DÉMÉTRIUS.

Plan et Coupe.

(1) Voici cette inscription telle que l'a lue Picenardi (Itinéraire, 74) : « Hoc sacellum divo Demetrio dicatum R. D. F. Ludovicus ex cumitibus (sic) de Poissasco (sic) Rhodi Admiratus Taurini Cand. Rec. ac Pacalieri P. Lombardie Preceptor a fundamentis erexit perfecit et ornavit anno MCCCC 99 ». (2) Pièces justificatives, XVII. — Cette pièce relate la fondation de la chapelle, sa dotation en 1504 et l'approbation du grandmaître en 1509. C'est par erreur que Bosio date de 1510 la fondation de la chapelle (Bosio, Istoria II, 593).

FIG. 122. — CHAPELLE SAINT-DÉMÉTRIUS. — Façade.

24

CHAPITRE

III

LES ÉGLISES DE LA VILLE

I.



ÉGLISES

LATINES

ÉGLISE SAINTE-MARIE DU BOURG ( ? ) ( N ° 25) Il n'en reste plus que des vestiges, dispersés parmi diverses constructions qui bordent au sud la rue principale du quartier juif. A l'est, on distingue nettement, sur le mur extérieur d'une maison, les traces des trois absides répondant aux trois nefs dont se composait l'église (Fig. 123); l'abside centrale, à trois pans, couverte de voûtes rayonnantes, est encore intacte et constitue l'une des pièces de l'habitation dans laquelle elle est englobée. Les faisceaux de colonnes qui reçoivent les arcs de tête des absides possèdent des chapiteaux décorés de deux rangées de feuillages, d'un travail assez grossier (PL. X X X V I I , 7 et 8) ; l'ornement est demeuré en partie épannelé. L'abside du

sud

était flanquée d'une salle voûtée d'ogives qui servait sans doute de sacristie.

FIG. 123. — EGLISE SAINTE-MARIE DU BOURG.

L'église était divisée en trois nefs m

par deux rangées de piliers cylindriques de l 5 0 de diamètre; un seul d'entre eux, resté debout, émerge de la terrasse d'une maison. Il est couronné d'un chapiteau composé d'une suite de boudins et de gorges superposés. A l'ouest, on retrouve dans un fournil une partie du mur qui limitait le monument; la salle voûtée d'ogives qui se détache au sud-ouest devait être une chapelle ou quelque autre dépendance de l'église. Dans cette région, où l'on distingue à peine aujourd'hui quelques traces d'enduit et de peinture, on ne retrouve aucun des blasons relevés par Rottiers (1). La présence de ces armoiries ne serait point suffisante, d'ailleurs, pour déterminer la date exacte de l'édi(1) Rottiers, Monuments de Rhodes, Atlas, PL. L X X I I , 5, 6 et 24. — Ces blasons paraissent correspondre aux armes d'H. de Villeneuve ( ? ) , D. de Gozon, P. de Corneillan.

180

LA CITÉ DE RHODES

fice (1); mais il ressort des dispositions du plan et de la technique que l'église, affectée au culte latin, fut construite entièrement par les Chevaliers et fort probablement à la fin du e

XIV

e

ou au début du XV siècle. Cette église, qui mesurait 30 mètres de longueur, non compris la saillie des absides, et

18 mètres de largeur, dans œuvre, était la plus importante de la Ville. On ne saurait donc y voir l'église Saint-Marc (2) et il semble également impossible de l'identifier à l'église des Augustins qui, comme Saint-Marc, était de petites dimensions (3). Nous pensons qu'elle correspond plutôt à Sainte-Marie du Bourg (4), qu'il ne faut pas confondre avec la cathédrale latine Sainte-Marie du Château.

ÉGLISE SAINTE-MARIE DE LA VICTOIRE ( N ° 27) Durant le siège de 1480, des combats violents avaient été livrés à l'angle nord-est de la forteresse, sous le Mur des Juifs. La miraculeuse apparition de la Vierge Marie fut, selon les chroniques, la cause principale du succès des Chrétiens (5). C'est pourquoi, après le départ des Turcs, le grand-maître d'Aubusson, désireux de commémorer cette victoire et de célébrer l'intervention de la sainte Vierge, fonda en ce lieu une église sous le vocable de Sainte-Marie de la Victoire. Il acheta de ses propres deniers plusieurs maisons juives, à demi ruinées par l'artillerie ennemie, et sur leur emplacement commença la construction du nouveau sanctuaire. De nombreux Chevaliers contribuèrent à cette œuvre par des donations importantes (6). En 1522, les Turcs ayant occupé le terre-plein d'Italie, le grand-maître Villiers de l'IsleAdam fit démolir une partie de cette église pour élever des retranchements (7); ainsi, le monument était déjà à demi ruiné lorsque les Musulmans prirent possession de la Cité. Aujourd'hui, nous n'en retrouvons plus que quelques vestiges, attenant au rempart, à la base du Môle des Moulins, dans le jardin d'une maison juive (Fig. 124). Une abside à trois pans s'appuyait à l'est sur la courtine et correspondait sans doute à la nef principale de l'église; (1) Il n'est point prouvé qu'il n'existait pas d'autres blasons plus récents; et ces armoiries peuvent avoir été peintes au X V siècle, en mémoire des anciens grands-maîtres. (2) Rottiers, op. cit., p. 345 et Atlas, PL. LV. — L'église Saint-Marc, concédée aux Franciscains en 1457 (Bosio, Istoria, II, 257), était une petite église grecque voisine du Château (Merri Dupui, ds. Vertot, op. cit., p. 604). Peut-être correspond-elle, comme nous le dirons plus loin, à Khourmaly Medressé. e

(3) « Le lundi deuxième d'octobre allasmes ouyr messe en une petite église de Sainct Augustin et sont religieux vestus comme cheulx de Sainct-Dominicle a nous ». (Voyage de Jacques Le Saige, éd. cit., p. 155). Il résulte d'un texte de Malte, publié par L. de Mas-Latrie, que l'église Saint-Augustin était voisine de la place Saint-Sébastien. (Cf. L. de Mas-Latrie, Histoire de V Ile de Chypre, III, p. 95), et c'est en se basant sur ce texte que M. Gerola propose d'identifier à Saint-Augustin l'église N° 25 (Monumenti medioevali, I p. 260). Il admet, d'autre part, que Yeni Djami, ou Yeni Tcheri Djami'i correspond à Saint-Sébastien; or nous avons montré précédemment que cette mosquée avait été installée dans un édifice civil (Cf. sup. 1 partie, N° 43). L'église St-Sébastien paraît avoir été située sur l'emplacement de Chadrevan Djami'i (Ci. inf. Additions et Corrections au Tome I ). Il ne subsiste donc aucun argument en faveur de l'hypothèse de M. Gerola, formellement contredite, d'ailleurs, par le texte de J. Le Saige. re

er

(4) C'est à Sainte-Marie du Bourg, dans la chapelle de Saint-Bernardin, que fut inhumé le Grand-Commandeur, F. Gabriel de Pommerol, durant le siège de 1522 (Sanuto, Diari, X X X I V , 76; Bosio, Istoria, II, 670). —Avant l'arrivée des Turcs, une procession solennelle, partant du Château, s'était rendue à l'église Sainte-Marie : « ...conventum dimisit et... ad Phanum deiparae virginis indixit » (Fontanus, De bello Rhodio, I, Di j v). Il semble résulter du contexte qu'il s'agit de Sainte-Marie du Bourg. (5) Caoursin, De urbis Rhodiae obsidione; Merri Dupui, ds. Vertot, op. et loc. cit.; Bosio, Istoria, II, 420. (6) Bosio, Istoria, II, 426. — Sainte-Marie de la Victoire figure parmi les églises qui bénéficièrent, en 1489, de fondations spéciales du grand-maître d'Aubusson (Liber Bullarum, 1489-1490, Ms. N° 390, f° 195). (7) Bosio, Istoria, II, 691.

181

LES ÉGLISES DE LA VILLE

les retombées de voûtes d'ogives attenant au rempart du port devaient appartenir au bas-côté nord (PL. X X X V I I , 5). Ces données sont d'ailleurs insuffisantes pour qu'on puisse restituer le plan complet de l'édifice et notre croquis ne fait que traduire une hypothèse vraisemblable (Fig. 125) (1). Dans les angles rentrants de l'abside, des colonnes et des contre-colonnes recevaient les retombées de croisées d'ogives. Un des faisceaux possède encore son chapiteau, décoré d'ornements stylisés, dont le dessin et l'exécution rappellent le style de la porte orientale de l'Hôpital (PL. X X X V I I , 6) (2). Dans le voisinage immédiat de l'église elle-même

FIG. 124. — EGLISE SAINTE-MARIE DE LA VICTOIRE.

apparaissent quelques traces de constructions : au sud,

FIG. 1 2 5 . — EGLISE SAINTE-MARIE DE LA VICTOIRE. — Plan restitué.

(1) Le jardin où se trouvent les vestiges que nous décrivons est constitué par un remblai, et son niveau est loin de correspondre au sol de l'église. Il est fort probable que des sondages feraient réapparaître le plan de l'édifice. (2) Cf. sup. Ch. III, fig. 15.

182

LA CITÉ DE RHODES

longue voûte en berceau, appuyée sur la courtine, et restes d'un escalier conduisant au chemin de ronde ; au sud-est, soubassements et arcades : tous ces éléments appartenaient peut-être à un monastère ou à des annexes de l'église (1). Cette identification de Sainte-Marie de la Victoire ne semble pas douteuse (2); et c'est probablement sur un des murs de cette église qu'on put lire, en 1743, l'inscription suivante, aujourd'hui disparue : « Ob insignem victoriam de Turcis a cœlo Rhodiis demissam ecclesiam Sanctae Mariae de Victoria Petrus Daubusson Magister erexit MCCCCLXXX ab Inc. XII Augusti » (3). II.

-

ÉGLISES

GRECQUES

A. — ÉGLISES A TROIS NEFS K A D I MESDJIDI ( N ° 9) Il est assez difficile de fixer les dimensions exactes et le plan de l'église (Fig. 126); s'il est certain qu'elle se composait de trois nefs parallèles a, b, c, voûtées en berceau, on ne saurait être très affirmatif en ce qui concerne la forme de l'extrémité orientale remaniée par les Turcs. Il nous semble toutefois que les nefs du nord et du sud, en e et f, ne possédaient point d'absides; il existait encore en e, lors de notre première visite en 1911, une fenêtre à deux arcades géminées qui a disparu aujourd'hui. Des traces d'arrachement et de reconstruction autorisent la restitution, en d, d'une abside. Les nefs α et c sont voûtées de berceaux brisés, la nef b d'un berceau plein cintre. Elles communiquent entre elles par de larges arcades surbaissées. Une porte s'ouvre au nord, en g, et une autre au sud, en h. Celle-ci est surmontée d'un arc brisé (Fig. 127). Le linteau de la porte, en marbre bleuâtre, est décoré d'entrelacs de style byzantin; dans le disque du centre est figurée une croix latine. Les consoles qui reposent sur ce linteau recevaient sans doute les retombées d'une archivolte, aujourd'hui disparue. La console de gauche porte une croix grecque, celle de droite une croix latine. Dans la technique se marque nettement la persistance des procédés byzantins; les assises (1) En 1512, le couvent des Franciscains était situé à Sainte-Marie de la Victoire (Voyage de Jehan Thenaud, éd. cit., p. 131). Il semble qu'il ait été transporté là dès la fondation de l'église; en effet, au chapitre général de 1480, « fù « data autorità, e facultà al Cardinale Gran Maestro sopradetto, di poter instituire, fondare e a modo suo dottare « moite Capelle, Oratorii, Messe e Divini Ufficij... ne' Monasterij di Sant'Agostino, di Santa-Maria della Vittoria in « detta Città... » (Bosio, Istoria, II, 506). (2) D'après Rottiers, l'église « était adossée au rempart, et une rampe y conduisait «.(Rottiers, Monuments de Rhodes, p. 351). Le dessin de la PL. LVII de l'Atlas se rapporte à un endroit situé à 200 mètres au sud de l'angle nord-est de l'enceinte; là existait encore, jusqu'à ces derniers temps, une rampe d'accès au chemin de ronde. Peutêtre s'y trouvait-il également une chapelle votive, mais il n'en reste pas trace aujourd'hui. En tout cas, l'abside ( ? ) voûtée que reproduit Rottiers, un simple cul-de-four sans aucune ornementation, ne pouvait avoir appartenu à une église importante. — Guérin paraît avoir retrouvé l'emplacement véritable et les « trois ou quatre arceaux gothiques » qui subsistaient à l'époque (Guérin, L'Ile de Rhodes, p. 161). Cf. également: De Belabre, Rhodes of the Knights, p. 151 et suiv., et Gerola, Monumenti medioevali, I, 260. (3) Ce texte est conservé dans les archives des Franciscains de Néokhori. Le récit qui l'accompagne ne laisse pas de contredire certaines données historiques. C'est ainsi qu'en 1743, l'église aurait été intacte alors que les relations du siège de 1522 parlent d'une démolition partielle. — Selon la tradition, le bas-relief de la Vierge qui décore aujourd'hui le maître-autel de l'église catholique aurait été trouvé en ce lieu. Cf. Biliotti et Cottret, V Ile de Rhodes, p. 266-267. Sur le bas-relief lui-même, cf. Rottiers, Atlas, PL. X X ; Picenardi, Itinéraire, p. 155; De Belabre, op. cit., p. 163.

LES EGLISES DE LA VILLE

FIG. 126. — KADI MESDJIDI.

FIG. 1 2 7 . — KADI MESDJIDI. — Détail de la Porte sud.

183

LA CITÉ DE RHODES

184

de pierre, grossièrement taillées, sont calées par des fragments de poterie, mais l'emploi de l'arc brisé dans les berceaux et dans l'arc de décharge du linteau paraît se rattacher à une influence occidentale. e

Cette église fut construite sans doute durant le XIV siècle et peut-être dès les premiers temps de l'installation de l'Ordre à Rhodes. On ne manquera pas d'observer la présence simultanée des deux formes de la croix. On y peut voir comme un symbole de la situation particulière de l'église grecque de Rhodes, placée sous la dépendance de l'archevêque latin. On a supposé que ce monument correspondait à la cathédrale grecque (1); ses dimensions, fort réduites, suffiraient à elles seules à faire rejeter cette identification qu'aucun argument ne vient appuyer.

ILK MIHRAB DJAMI'I ( N ° 23) Selon la tradition populaire musulmane, ce serait la première église chrétienne où Suleiman I

e r

aurait fait sa prière, après la capitulation de la place. Ainsi s'expliquerait cette déno-

mination d'Ilk Mihrab, qu'elle reçut après avoir été transformée en mosquée (2). L'édifice comprend trois nefs et couvre un quadrilatère irrégulier, limité par trois maisons qui, au nord et au sud, conservent encore des restes de leur structure médiévale (Fig. 128). La nef centrale et celle du sud sont voûtées en berceau brisé, celle du nord en berceau plein cintre ; elles communiquent entre elles par des arcades plein cintre. Dans le sanctuaire demi-circulaire, on retrouve trace d'une petite fenêtre ; les constructions modernes qui s'appuient à l'est sur l'église ne permettent

pas de

reconnaître

la

forme extérieure de l'abside. Sur la façade ouest, chaque nef s'accuse suivant un pignon triangulaire; les nefs latérales sont éclaiFIG. 128. — ILK MIHRAB.

rées par de petites fenêtres, et on

entre dans la nef centrale par une porte rectangulaire surmontée d'une niche plein cintre (Fig. 129).

(1) De Belabre, op. cit., p. 155. (2) Ilk Mihrab Djami'i = la mosquée où fut installée la première (en date) niche pour la prière.

185

LES ÉGLISES DE LA VILLE

La technique de la maçonnerie est assez grossière; les murs, appareillés en moellons calés avec des fragments de poteries, étaient enduits à l'intérieur comme à l'extérieur. La façade était recouverte d'une première couche de 15 millimètres d'épaisseur de ciment de tuile écrasée, sur laquelle était appliqué un enduit de 2 à 3 millimètres de mortier plus fin, qui recevait la peinture. La porte d'entrée et la niche qui la surmonte conservent des restes de ce revêtement extérieur, dont nous donnons le schéma (Fig. 129). Il figurait un appareil isodome; le fond du mur était coloré en rose clair et les listels des joints horizontaux et verticaux en blanc; les filets qui cernaient l'archivolte de la niche se détachaient en rouge foncé. L'intérieur

était

entièrement enduit et

FIG. 129. — ILK MIHRAB. — Détail de la porte.

peint. Les peintures ont été mutilées et recouvertes de couches successives d'enduit et de badigeon; il en reste toutefois des vestiges significatifs. Dans la calotte hémisphérique de l'abside apparaissent les trois figures traditionnelles et, sur la paroi cylindrique, six figures auréolées. On observera que la deuxième d'entre elles, à partir de la gauche, est vêtue d'une robe semblable à celle que nous avons relevée à la mosquée de Peial ad Dîn (V. inf., Fig. 140). Dans la nef, sur l'intrados du berceau, des cadres rectangulaires limitaient des sujets divers, aujourd'hui méconnaissables, mais qui étaient traités comme de véritables tableaux. Une bande, décorée d'ornements géométriques, se développait suivant l'arête du berceau brisé; au bas des murs régnait une plinthe composée de triangles remplis alternativement de palmettes noires et de feuillages rouges. Il serait difficile d'assigner à cette construction une date exacte; cependant, d'après la e

e

technique de la maçonnerie, elle paraît remonter plutôt au XIV qu'au XV siècle.

ÉGLISE N° 19 De dimensions plus petites que les églises précédentes, elle semble répondre à un type analogue autant qu'en permet de juger l'état de délabrement dans lequel elle se trouve. Deux des berceaux sont ruinés et le troisième sert aujourd'hui de magasin de dépôt. Les traces de peintures qui subsistent sur les parois sont les seuls éléments qui attestent sa destination ancienne. B. — ÉGLISES CRUCIFORMES A CROIX INSCRITE D E M I R L I DJAMI ( N ° 12) La dénomination de Demirli Djami provient des grilles massives dont les Turcs ont muni les fenêtres modernes, percées au niveau de la rue (1). Le monument offre un exemple, de di(1) Demirli Djami = Mosquée au fer (et non pas Mosquée de fer, comme on a coutume de le répéter).

25

FIG. 130. — DEMIRLI DJAMI. — Plan.

FIG. 131. — DEMIRLI DJAMI. — Coupe longitudinale.

LES ÉGLISES DE LA VILLE

187

mensions assez vastes, du plan cruciforme simple, à croix inscrite (Fig. 130). La nef et les bras de la croix sont voûtés de berceaux plein cintre, et les bas-côtés de berceaux brisés (Fig. 131 et 132). A la nef et aux bas-côtés correspondent des sanctuaires demi-circulaires qui s'accusent à l'extérieur par des absides à trois pans. La coupole centrale est supportée par un tambour décoré à l'intérieur de 16 arcatures, qui constituent, à la retombée de la voûte, 16 facettes planes. Chaque arcature comprend une archivolte moulurée retombant sur des culots; l'épais enduit de chaux qui recouvre les parois ne laisse apparaître aucun élément de la modénature. A l'extérieur, le tambour est divisé en 24 parties égales, et quatre fenêtres y sont percées suivant les axes de l'édifice. Là aussi le revê-

FIG. 1 3 2 . — DEMIRLI DJAMI. — Coupe transversale.

tement de ciment a empâté tous les détails de la décoration ; on peut se rendre compte, cependant, que les angles du polygone étaient amortis par des colonnes engagées, réunies par des arcs plein cintre; ces archivoltes, extradossées parallèlement, donnent au faîte du tambour une forme sinueuse faiblement accentuée (PL. X X X I I I , 1). Les branches de la croix s'accusent suivant quatre pignons; dans ceux du nord et de l'ouest s'ouvrent des fenêtres plein cintre; dans celui du sud, trois fenêtres en arc brisé. A l'ouest, devant la porte d'entrée, s'étend un vaste porche, voûté d'ogives (Fig. 133). Actuellement, un mur moderne, auquel s'adosse une fontaine, obstrue l'arc occidental, mais, au moyen âge, le porche était ouvert sur ses trois faces extérieures. La porte d'entrée de l'église, percée dans

188

LA CITÉ DE RHODES

l'axe de la nef, est rectangulaire ; son chambranle mouluré offre une décoration

archaïsante

d'étoiles à

quatre branches ; son linteau est surmonté d'une niche plein cintre. L'église possédait au sud une porte secondaire, aujourd'hui murée, qui s'ouvrait dans le bras méridional de la croix. Un porche voûté d'ogives l'abritait; il n'en reste plus que des traces sur la paroi de l'édifice, et seule une des consoles qui recevait la retombée des croisées est demeurée en place. Ce porche n'était point situé sur la voie publique, mais sur un terrain clos où l'on pénétrait de la rue par une porte rectangulaire surmontée d'une niche plein cintre. Il n'est pas douteux que ce terrain assez vaste n'ait dépendu de l'église à laquelle il est contigu à l'est et au sud. Aujourd'hui, il est occupé en partie par des bâtiments modernes, qui ont servi autrefois de medressé (école). On n'y observe plus aucune trace de constructions médiévales, mais on peut admettre que les bâtiments actuels FIG. 133. — DEMIRLI DJAMI. — Porche occidental.

ont remplacé des installations plus anciennes, dépendances directes de

l'église. Il semble bien que ce monument, identifié parfois à l'église Saint-Augustin (1), corresponde plutôt à une église grecque, et peut-être à la Cathédrale. Lorsque les Chevaliers eurent pris possession de l'ancienne Cathédrale et de la maison du Métropolite, situées dans le Château, les Grecs durent construire dans la ville une nouvelle église métropolitaine, conçue sans doute suivant le même plan que l'ancienne. C est le cas de Demirli Djami, où l'on retrouve le dispositif général de Sainte-Marie du Château. Les quelques détails techniques et décoratifs qu'il nous est permis d'y observer ne contredisent point cette hypothèse. L'édifice est bâti en assises de 0.35 de hauteur, soigneusement appareillées; d'après les profils des bandeaux, les moulures des chambranles, la décoration de la porte d'entrée, la construction paraît remonter e

au XIV siècle. Les deux porches sont peut-être quelque peu postérieurs. (1) Guérin, L'Ile de Rhodes, p. 139.

LES ÉGLISES DE LA VILLE

189

K A V A K L Y MESDJID ( N ° 11) (1) Il serait intéressant de pouvoir fixer en toute certitude les dispositions de cet édifice; mais la transformation de l'église en mosquée rend malaisée la restitution du plan original. Le massif du minaret englobe tout l'angle sud-ouest et le mur du mihrab masque la partie sud-est. D'autre part, l'épais enduit de chaux qui recouvre les murs ne laisse apparaître ni un profil ni un élément de construction, en sorte qu'il est impossible de distinguer ce qui appartient en propre à l'église et ce qui est l'œuvre des Turcs. Ajoutons que le plan ne présente point la rectitude que lui donne notre schéma (Fig. 134), où nous avons figuré par des lignes droites certains pans de murs curvilignes.

FIG. 134. — KAVAKLY MESDJID.

Quatre piliers massifs supportent la coupole sur pendentifs. La nef principale, de part et d'autre de la coupole, est voûtée en plein cintre et se termine à l'est par un βήμα demi-circu­ laire. La nef latérale du nord, voûtée en partie d'un berceau plein cintre, est couverte à l'est par un berceau brisé. Il est possible qu'une disposition symétrique ait régné au sud, mais on ne peut s'en rendre compte aujourd'hui, le mur extérieur de l'édifice, sur la rue, paraissant de construction turque. Peut-être existait-il, au nord et au sud, deux berceaux transversaux de même montée que la nef et formant les bras de la croix; dans ce cas, le berceau plein cintre de la nef nord correspondrait à un remaniement postérieur, et le plan primitif aurait été du type cruciforme simple à croix inscrite. (1) Kavakly Mesdjid = l'oratoire au platane.

190

LA CITÉ DE RHODES

On observe, vers la naissance des arcs, des traces d'encorbellement, mais il n'est pas certain qu'ils appartiennent à la disposition primitive. La coutume d'abattre les angles des piliers et d'en diminuer la section a pu conduire les Turcs à établir ces encorbellements qui, empâtés dans l'endroit, ne sauraient être datés d'après la technique. A l'extérieur, les murs, recouverts d'enduits, ont été restaurés et remaniés. Ils ne présentent aucun détail intéressant; cependant, on distingue, malgré l'enduit, les vingt pans du tambour de la coupole; sur les pans qui répondent aux axes de l'église s'ouvrent quatre fenêtres plein cintre; sur les autres sont creusées des niches demi-circulaires. Le sol actuel de la mosquée repose sur un remblai moderne dont la hauteur ne dépasse guère 50 centimètres; au moyen âge comme aujourd'hui, l'édifice offrait donc une proportion trapue, ainsi qu'on peut s'en rendre compte d'après la coupe (Fig. 134). C. — ÉGLISES CRUCIFORMES A CROIX LIBRE SATRI TCHEBELI MESDJIDI ( N ° 6) L'édifice, de dimensions très réduites, occupe un terrain de 7 mètres de largeur comprise entre deux maisons qui paraissent remonter au moyen âge (Fig. 135). De la voie publique on pénètre dans le bras septentrional de la croix par une porte en arc surbaissé b, s'ouvrant sous un petit porche a voûté en berceau. Au sud, le bras de la croix se réduit à un enfoncement de 0.75 de largeur ; c'est la conséquence de l'exiguïté du terrain et non point, croyons-nous, le résultat d'une transformation postérieure. Quant à la nef, elle était, au moyen âge, plus développée qu'aujourd'hui et se prolongeait au-delà du mur actuel c, construit par les Turcs. Cette église offre une particularité qui vaut d'être notée; le carré central n'est point couvert d'une coupole, mais d'un berceau plein cintre. On n'observe aucune trace de pendentifs et on ne saurait affirmer que le berceau est de construction turque. Il serait nécessaire toutefois d'examiner la technique de la maçonnerie sous les enduits pour avoir la certitude que cette disposition, exceptionnelle à Rhodes, FIG. 1 3 5 . — SATRI TCHELEBI MESDJIDI.

remonte au moyen âge.

191

LES ÉGLISES DE LA VILLE

TAKKEDJI MESDJIDI ( N ° 8) (1) De la rue, une porte rectangulaire surmontée d'une niche plein cintre (PL. X X X V I I , 10) conduit dans une petite cour pourvue d'un banc de pierre (Fig. 36); au moyen âge comme

FIG. 136. TAKKEDJI MESDJIDI.

( 1 ) Takkedji = Fabricant de bonnets.

Coupe transversale et plan.

192

LA CITÉ DE RHODES

aujourd'hui, cet espace était à ciel ouvert, ainsi qu'en témoignent les porte-bannière encore en place sur la paroi interne du mur de façade. De cette cour, on pénètre dans le bras septentrional de la croix par une porte rectangulaire aux linteaux de marbre. La nef et les bras de la croix sont couverts de berceaux brisés (Fig. 136 et 137). La coupole repose sur un tambour cylindrique à l'intérieur, dodécagonal à

FIG. 1 3 7 . — TAKKEDJI MESDJIDI. — Coupe longitudinale.

l'extérieur; le chœur, demi-circulaire, est flanqué au nord d'un petit alvéole voûté. Quatre fenêtres sont percées dans le tambour de la coupole, suivant les axes. Dans la nef et le transept, des fenêtres rectangulaires, avec arrière-voussure surbaissée, prennent jour sur les jardins voisins où conduisaient autrefois trois portes, aujourd'hui murées. Il semble donc, qu'au moyen âge, un terrain assez étendu ait été rattaché à cette église. L'édifice, entièrement construit en assises réglées d'un travail très soigné, paraît remonter e

au x v siècle; il ne subsiste aucun élément de l'enduit et de la décoration intérieure. On a proposé d'identifier cette église à celle du Saint-Sauveur, signalée dans les chroniques du siège de 1522 (1). Nous pensons que l'église du Saint-Sauveur est aujourd'hui détruite, et que son emplacement devait correspondre à celui de la Mosquée Hamza Bey (2).

(1) Gerola, Monumenti medioevali, 1, p. 267. (2) Durant le siège de 1522, on fit construire un retranchement derrière la muraille d'Espagne : « ledict repaire « estoit de la grandeur que les ennemys tailloient la muraille et davantage. Et commençait a ung massif que avoit fait « faire le bon seigneur et grand maistre frere Mery Damboyse et alloit finir a une eglise nommee Sainct Sauveur, la« quelle les Grecs appelloient Ayos Sotiros » (Bourbon, La grande et merveilleuse oppugnation). Takkedji Mesdjidi est beaucoup trop éloigné des murailles d'Espagne pour que le retranchement se soit étendu jusque-là.

LES ÉGLISES DE LA VILLE

193

S Y K Y N T Y MESDJID ( N ° 10) Accolée au sud à des maisons, enduite au dehors comme au dedans, elle se présente aujourd'hui en plan sous la forme de notre croquis (Fig. 138). Mais nous ne saurions affirmer que les massifs de maçonnerie, qui occupent au nord-est et au nord-ouest les angles rentrants de la croix, appartiennent à la construction originale. Peut-être ont-ils été bâtis par les Turcs pour contrebuter les berceaux intérieurs. En tout cas, vers l'ouest, la nef s'étendait plus avant; on observe des traces de la continuation de la voûte au-delà du mur de clôture, qui est moderne. Les berceaux sont en arc brisé, et le tambour de la coupole, percé de quatre fenêtres, s'accuse à l'extérieur suivant un dodécagone. Aucune trace de peinture ne subsiste. Si l'emploi de l'arc brisé dans les berceaux permet d'attribuer la construction à l'époque des Chevaliers, l'identification de l'église est impossible : elle était certainement affectée au rite grec.

FIG. 138. — SYKYNTY MESDJID.

PEIAL AD D I N MESDJIDI ( N ° 15) Aujourd'hui abandonnée et fort délabrée, elle conserve toutefois tous ses éléments et des vestiges assez importants de décoration murale (Fig. 139). La travée occidentale, correspondant aux deux niches plein cintre, paraît résulter d'un allongement de la nef, voûtée, ainsi que les bras de la croix, en berceau plein cintre; la coupole repose sur un tambour de section elliptique percé, suivant les axes, de quatre ouvertures; l'abside s'accuse par quatre pans égaux. La technique de la construction est assez grossière; les parties basses de l'église ont été remaniées, mais on peut se rendre compte, d'après le parement externe de la coupole, que la maçonnerie était constituée par des assises de pierre alternant avec des couches minces de fragments de tuile. A l'intérieur, murs et voûtes étaient entièrement décorés de peintures. Les enduits dont les Turcs les avaient recouverts sont en partie tombés et laissent apparaître, sur la paroi nord, une figure équestre (Saint-Georges?), accompagnée d'un cadre rectangulaire, et une série de têtes auréolées rangées autour du βήμα. 26

194

LA CITÉ DE RHODES

FIG. 139. — PEIAL AD DÎN MESDJIDI.

FIG. 1 4 0

Sur la paroi sud on distingue une figure, à la face mutilée, dont le vêtement se compose d'un assemblage de croix (Fig. 1 4 0 ) . Le dessin, assez habile, dénote une main exercée; dans le coloris, aux teintes encore vives, le jaune clair et l'ocre rouge s'opposent à un noir très brillant; une figure semblable subsiste dans l'église N° 3 (Ilk Mihrab Djami'i).

D O L A P L Y MESDJIDI ( N ° 2 1 ( 1 ) Le bras nord de la croix, plus court que le bras sud, est flanqué d'une salle carrée couverte d'une voûte octogonale (Fig. 1 4 1 ) . Le passage du carré à l'octogone est assuré par quatre trompes coniques à 4 5 ° , dont les voussoirs sont taillés avec beaucoup de précision. Les ogives de la voûte, en forte saillie sur l'intrados, retombent sur un bandeau demi-cylindrique. La salle était éclairée par trois petites fenêtres pénétrant dans la voûte (Fig. 1 4 2 ) . On ne saurait dire si le sarcophage antique situé dans l'angle sud-ouest fut mis en place dès le moyen âge. Peut-être servait-il alors de fonts baptismaux; il est possible, en effet, que la salle, dont aucun enduit ne masquait l'appareil, ait été un baptistère. La nef et les bras de la croix sont voûtés de berceaux brisés, et un court berceau de même profil précède le βήμα, flanqué au nord et au sud de petits alvéoles. La coupole est percée suivant les axes, d'étroites fenêtres; des œils-de-bœuf s'ouvrent dans les pignons du nord et de (2) Dolap = Roue ėlévatoire ou noria. Il en existait une, autrefois, sur un puits voisin de l'église.

LES ÉGLISES DE LA VILLE

FIG. 1 4 1 . — DOLAPLY MESDJIDI.

FIG. 142. — DOLAPLY MESDJIDI. — Coupe suivant A B du plan.

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LA CITÉ DE RHODES

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l'ouest; dans celui du sud semblent avoir été pratiquées deux ouvertures, aujourd'hui murées. Murs et voûtes étaient enduits et décorés de peintures. Nous avions eu la bonne fortune, en 1912, alors que l'édifice était abandonné, de découvrir sur la paroi nord de la nef une série de figures très intéressantes, mais il ne nous a pas été permis de continuer nos investigations; le mesdjid ayant été réaffecté au culte musulman, toutes les peintures furent détruites ou disparurent sous de nouveaux enduits. Le sol est revêtu de dalles de marbre rectangulaires ; suivant les axes, sont disposés de place en place des disques de marbre rouge. Devant le sanctuaire, on observe les entailles où venaient s'engager les montants du τέμπλον. Dans le bras nord de la croix une dalle mobile semble avoir servi d'accès à un tombeau ( ? ) . Les murs sont soigneusement appareillés en assises réglées. La porte septentrionale, rectangulaire, est décorée d'un large boudin sur l'arête du tableau. Au-dessus, s'ouvre une des petites fenêtres trilobées qui éclairent le baptistère ( ? ) ; elle s'accompagne d'une voussure plein cintre décorée d'une gorge en accolade (PL. X X X I V , 1, et X X X V , 1). Dans l'appui de cette baie était sculpté un petit écu, aujourd'hui méconnaissable. La porte principale de l'église est percée dans le pignon ouest (PL. X X X I V , 2, et X X X V , 2). Elle est composée d'une niche en arc brisé reposant sur un bandeau; l'arc, découpé en festons trilobés, s'accompagne d'une archivolte retombant sur des culots ornés de feuillages stylisés. Au-dessus de cette niche, s'ouvre l'œil-de-bœuf qui éclairait la nef. Le pignon sud a été remanié; il semble s'être terminé au sommet par un petit campanile. La coupole octogonale (PL. X X X I I I , 2) n'offre à l'extérieur que des faces unies et des arêtes vives. Elle a conservé ses tuiles anciennes mortelées sur une chappe de ciment, les autres voûtes étaient recouvertes suivant le même procédé. De part et d'autre de la porte nord, on observe dans le mur une série d'entailles de 2 cm. de profondeur dont l'ensemble forme une croix latine; le dessin de cet emblème a été obtenu au moyen d'hexagones réguliers juxtaposés qui marquent l'emplacement de carreaux de céramique enchâssés dans la maçonnerie. Des carreaux du même modèle décoraient le pignon de l'ouest; ils provenaient sans doute des célèbres fabriques de Lindos. Nous n'avons pas réussi à identifier ce monument. Malgré le caractère nettement gothique de la décoration et les croix latines de la façade nord, les dispositions générales du plan et la présence des scellements du τέμπλον nous portent à croire que l'église était affectée au culte e

grec. Sa construction paraît remonter au milieu du xv siècle.

CHAPELLE N° 26 Elle sert aujourd'hui d'habitation à des familles juives et a été divisée en plusieurs chambres à l'aide de cloisons; on y a même construit des soupentes. Il serait difficile d'en lever un plan très exact, et le croquis que nous donnons ci-contre ne doit être considéré que comme un schéma approximatif (Fig. 143). L'édifice est loin de présenter une telle rectitude, et son implantation offre de nombreuses irrégularités. La coupole repose sur les pendentifs, sans tambour intermédiaire; à l'extérieur, elle s'accuse suivant un cylindre recouvert d'un cône très aplati; quatre fenêtres s'ouvrent dans la

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paroi cylindrique et pénètrent dans la coupole. On remarquera que l'orientation de l'église n'est point conforme à l'usage normal, toujours observé à Rhodes; ici, l'axe de la nef fait avec la ligne est-ouest un angle de 30° environ. On ne saurait fixer la date de cet édifice, entièrement recouvert d'épais enduits. Il est impossible, en tout cas, d'y voir la chapelle de SainteCatherine, qui dépendait de l'hospice fondé par D. d'Ailemagna. Il faudrait, en effet, assigner à cet établissement des dimensions beaucoup trop étendues, et, d'ailleurs, il est bien certain que la chapelle que nous venons de décrire offre tous les caractères d'une église grecque.

FIG. 1 4 3 . — CHAPELLE N° 2 6 .

EGLISE SAINT-PANTALÉON ( N ° 28) En même temps qu'il élevait l'église Sainte-Marie de la Victoire, P. d'Aubusson construisait également une église dédiée à Saint-Pantaléon et consacrée au rite grec (1). On doit l'identifier, sans nul doute, avec l'édifice qui, situé au sud-ouest de NotreDame de la Victoire, sert aujourd'hui d'habitation à des familles juives. Il se compose d'une nef voûtée en berceau brisé, orientée est-ouest, et terminée par une abside, demi-circulaire à l'intérieur, à 3 pans à l'extérieur (Fig. 144). Au sud, se détache un berceau brisé; au nord, il n'existe plus que l'amorce d'un second berceau, plus étroit que le précédent, mais qui, sans doute, se prolongeait de quelques mètres, de sorte que le plan de l'église devait présenter la (1) Bosio, Istoria, II, 426. — Les assiégés remportèrent la victoire sur les Turcs le 27 juillet, jour de la fête de Saint-Pantaléon. En 1489, l'église fut à nouveau dotée par P. d'Aubusson (Liber Bullarum, 1489-1490, Ms. N° 390, fo 195).

198

LA CITÉ DE RHODES

forme d'une croix latine. Un arc transversal constitue, en avant de la nef, une sorte de narthex pourvu de niches latérales. Des niches semblables se répètent dans la nef elle-même.

FIG. 144. — EGLISE SAINT-PANTALÉON.

La porte d'entrée, percée dans le mur occidental, a été remaniée, et l'on n'en distingue plus la forme originale (PL. X X X V I I , 9); les piédroits étaient décorés de moulures dont il reste quelques fragments en place. Au-dessus de la porte, une niche à archivolte plein cintre décorait le pignon de la façade. Les voûtes sont encore recouvertes en partie de tuiles creuses qui remontent, croyons-nous, à l'époque de la construction.

199

LES ÉGLISES DE LA VILLE

ΙΙΙ.

-

CHAPELLES

A

NEF

UNIQUE

BAB-OU-MESTOUD MESDJIDI ( N ° 14) (1) Elle est adossée au rempart, à l'ouest de la large arcade surbaissée qui franchit la courtine principale au droit de la Tour Saint-Athanase. La chapelle était sans doute dédiée à ce saint; la Porte Saint-Athanase ayant été fermée par ordre de Suleiman I tallé dans la chapelle prit le nom de Mesdjid de la porte murée.

FIG. 1 4 5 . — BAB-OU-MESTOUD MESDJIDI.

(1) Pour Bâb-i-Mesdoûd (porte fermée, murée) Mesdjidi. (2) Cf. Tome I, Ch. II, p. 47, et Ch. III, p. 97, N°_42.

e r

(2), l'oratoire turc ins-

200

LA CITÉ DE RHODES

La nef, couverte d'un berceau brisé, se termine à l'est par un sanctuaire demi-circulaire, voûté en cul-de-four (Fig. 145). Sur la façade septentrionale, s'ouvrent une porte et une fenêtre rectangulaires, avec un large boudin sur le tableau, et des arrière-voussures en arc surbaissé. Sur la façade ouest, la porte rectangulaire, du même type, est surmontée d'une niche à archivolte plein cintre; au sommet du pignon, une petite fenêtre donne jour à la nef. Tout l'édifice est soigneusement construit en assises réglées, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, où l'appareil demeura sans doute apparent; le profil du cadre de la niche ne saurait constituer à lui seul un élément suffisant pour dater la construction; mais on observe que les murs sont liaisonnés avec la courtine voisine, où sont enchâssées les armes de Carretto, et il n'est pas douteux que la chapelle ne remonte à la même date que la paroi interne des remparts, e

c'est-à-dire au début du XVI siècle.

A L E M N A K I MESDJIDI ( N ° 16) (1) Elle est voûtée d'un berceau brisé et terminé par une abside à 4 pans (Fig. 146); elle possède

une

porte à

l'ouest et une fenêtre au sud. Sur la face nord s'ouvre la porte principale, en arc surbaissé, surmontée d'une niche plein cintre (a). D'après les profils et la technique, la construction de la chapelle e

paraît remonter au x v siècle. On observe, au sommet du pignon oriental, un portebannière dont la console inférieure, en marbre, est ornée d'une croix à branches égales (b) ; il est donc probable que la chapelle était consacrée au rite grec.

(1) Alem signifie bannière, drapeau, et la tradition rhodienne attribue la fondation du mesdjid au porte-étendard de Suleiman I ; mais il est possible que l'oratoire doive son nom au porte-bannière encastré dans le pignon oriental. er

FIG. 146. — ALEMNAKI MESDJIDI.

LES ÉGLISES DE LA VILLE

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BOROUZAN MESDJIDI ( N ° 17) (1) Composée d'une nef voûtée d'un berceau brisé et d'une abside à 3 pans, elle offre le même dispositif que la chapelle précédente, avec des dimensions à peu près égales. Elle ne renferme aucun détail intéressant.

HUDAI MESDJIDI ( N ° 18) Cette église se compose d'une nef rectangulaire, terminée par un chœur demi-circulaire s'accusant suivant quatre pans à l'extérieur (Fig. 147). Une porte et une fenêtre rectangulaires, avec arrière-voussures surbaissées, s'ouvrent sur la face nord. Les autres baies sont modernes.

FIG. 147. — HUDAÏ MESDJIDI.

La nef est couverte vers l'ouest d'un berceau brisé, et vers l'est d'une voûte d'ogives dont les croisées retombent sur des colonnes engagées. Dans la partie haute du pignon nord, correspondant à la voûte d'ogives, est percée une fenêtre rectangulaire. L'édifice, enduit à l'intérieur et à l'extérieur, ne présente aucune caractéristique ornementale qui permette de le dater, et nul indice ne peut conduire à une identification plausible.

FIG. 148.

(1) Borouzan ou Borazan = Celui qui sonne de la trompette. Selon la tradition, ce serait le trompette de Suleiman I qui aurait fondé cet oratoire. er

27

202

LA CITÉ DE RHODES

Dans la cour, un sarcophage de marbre blanc, d'un travail assez soigné, est décoré de deux croix flanquant un disque et réunies par des banderoles (Fig. 148). Il est possible qu'on se trouve là en présence du tombeau de quelque prêtre grec ayant desservi la chapelle. K Y Z Y L KAPOU MESDJIDI ( N ° 20) (1) Lorsqu'on entre dans la ville par la porte de Koskino, on trouve, à main droite, une nef voûtée en berceau pratiquée sous l'escalier d'accès au chemin de ronde; elle est terminée par un chœur demi-circulaire et flanquée au nord d'une petite pièce également voûtée. Dans la paroi extérieure du mur est encastré un blason, au lion passant, au chef de l'Ordre. C'était là, sans doute, une chapelle de Saint-Jean-Baptiste; elle dut remplacer la chapelle plus ancienne ménagée dans la tour voisine et qui fut remplie d'un blocage de maçonnerie à e

la fin du x v siècle (2). Dans la chapelle N° 22, aujourd'hui abandonnée, on peut observer quelques traces de peintures; le mesdjid N° 24 (Memi Cheïkh ou MemchikhMesdjid) ne comprend qu'une simple voûte en berceau, sans abside m sanctuaire, et sa destination ancienne est douteuse.

IV.

-

COUVENTS

K H O U R M A L Y MEDRESSE ( N ° 7) (3) Autour d'une église encore intacte sont groupés trois corps de bâtiments, où était autrefois installée une école, et qui servent aujourd'hui de logis pour des indigents (Fig. 149). L'aile m, qui limite le terrain à l'est, entièrement moderne, a peut-être remplacé des constructions anciennes. Au nord et à l'ouest se développe une suite de chambres voûtées en berceau, k., l, qui semblent remonter à l'époque des Chevaliers; chacune d'elles constitue une petite cellule indépendante et possède une porte et une fenêtre ouvrant sur le jardin qui entoure l'église. Le premier étage que supportent ces voûtes est de construction moderne, mais les dispositions de l'ensemble paraissent répondre à un Couvent. L'église (PL. X X X V I I , 1), située en bordure de la rue qui conduit à l'ancienne Porte SaintGeorges, compte parmi les plus intéressantes de Rhod es et offre un exemple complet de plan quadrilobé (4). De la rue, on pénètre dans l'enclos du couvent par une porte rectangulaire a (Fig. 150), surmontée d'une niche en arc brisé (PL. X X X V I I , 2 ) ; cinq marches conduisent au sol du jardin, situé en contre-bas du niveau de la rue. L'église est précédée, à l'ouest, d'un narthex b, voûté en berceau; de la porte extérieure, il ne reste que quelques fragments du chambranle. Au nord s'ouvre une porte rectangulaire, qu'abrite un porche f couvert d'une voûte d'ogives. Une niche munie d'un banc de pierre est ménagée en j (Fig. 152). (1) Kyzyl Kapou = Porte rouge; c'est ainsi que les Turcs désignent la Porte de Koskino. Le mesdjid est parfois nommé Guezmedji Mesdjidi. (2) Cf. Tome I, Ch. II, p. 50. (3) Khourmaly Medressé = L'école aux dattes. — Un beau palmier-dattier existait dans le jardin jusqu'à ces dernières années. (4) Dans l'île même de Rhodes, nous avons observé un plan semblable à la Panaghia de Salakos, village situé au pied du Mont Saint-Élie. Cette église a été restaurée en 1845, mais la date de sa fondation est inconnue. Nous la croyons contemporaine de Khourmaly Medressé.

LES ÉGLISES DE LA VILLE

203

Le plan de l'église se compose d'un carré central c, flanqué au nord, au sud et à l'ouest de trois niches égales, en segment de cercle; le βήμα demi-circulaire est précédé d'un court berceau brisé d. Dans le dallage apparaissent les encoches où venaient s'engager les montants du τέμπλον. Le sanctuaire s'accompagne, au sud, d'une petite sacristie voûtée g. La pièce h, à droite de l'entrée, devait être la loge du portier. Le tambour circulaire qui supporte la coupole repose sur des pendentifs, à la retombée desquels on observera un dispositif singulier (Fig. 151). Pour diminuer le diamètre de la coupole, le constructeur a encastré dans la maçonnerie, à la naissance des arcs et aux quatre angles du carré, d'épaisses dalles de marbre, moulurées sur leurs faces verticales et décorées d'un caisson sur leur face intérieure. C'est sur ces dalles que retombent les formerets, en arc brisé, des pendentifs.

FIG. 1 4 9 . — KHOURMALY MEDRESSÉ. — Plan d'ensemble.

A l'intérieur, le tambour est décoré de seize arcatures retombant sur des colonnettes engagées; à l'extérieur, il est divisé en vingt parties égales par des faisceaux de colonnettes, entre lesquels s'ouvrent des niches concaves ; quatre baies trilobées sont percées suivant les axes. Chaque niche est couronnée d'une archivolte retombant sur des culots de formes variées (Fig. 153), et cette succession de courbes, de faible rayon, donne au faîte de l'édifice une forme sinueuse caractéristique. La coupole, seule, possède encore ses tuiles anciennes, demi-cylindriques; il est probable que les demi-coupoles latérales, le sanctuaire et le narthex étaient couverts de la même manière. L'ensemble des toitures devait répondre au dispositif de notre croquis (Fig. 154). Le plan répond à un type byzantin et la présence du τέμπλον, attestée par les encoches que

FIG. 150. — KHOURMALY MEDRESSÉ. — Plan.

FIG. 151. — KHOURMALY MEDRESSÉ. — Coupe.

FIG. 1 5 2 .

206

LA CITÉ DE RHODES

nous avons signalées, prouve que l'église fut affectée, tout au moins à l'origine, au culte grec. D'autre part, durant les travaux de restauration de 1922, on a découvert, enfouis au pied de l'édifice, de nombreux fragments d'enduit, décorés de figures peintes, qu'accompagnent parfois des caractères grecs. Il fut impossible de restituer une figure ou une inscription complètes. L'édifice peut-il être identifié à l'église grecque de Saint-Marc concédée en 1457 aux Franciscains et où ils installèrent leur premier couvent? (1) D'après des textes de 1480, une église de ce nom, de petites dimensions, était située près du Château, à une faible distance des rem-

FIG. 153. — KHOURMALY MEDRESSÉ. — Détail du tambour.

parts (2). Khourmaly Medressé satisferait à ces précisions topographiques, mais il n'est pas certain que l'église Saint-Marc des textes précédents puisse s'identifier à Saint-Marc des Franciscains (3). Cependant, les fragments de décoration murale paraissent avoir été enfouis avec (1) Bosio, Istoria, II, 257. (2) C'est ce qui résulte des textes comparés de Bourbon et de Merri Dupui, relatant qu'en 1480, avant l'investissement de la place, l'image de la Vierge avait été apportée dans la Ville et placée « en une petite église de Grecs, près du Chasteau » (Merri Dupui, ds. Vertot, op. cit., p. 604), « nommée Saint-Marc » (Bourbon, op. cit.). (3) N'est-il point étrange, en effet, que Merri Dupui l'appelle une église de Grecs, et que Bourbon la signale comme une petite église nommée Saint-Marc, sans aucune allusion aux Franciscains? Peut-être faut-il admettre que la Ville possédait deux églises dédiées à Saint-Marc. De toute manière, la question reste fort confuse. — Rottiers identifie le couvent des Franciscains au bain turc voisin de Chadrevan Djami'i, sans appuyer son hypothèse d'aucun argument (Rottiers, Monuments de Rhodes, p. 245).

LES ÉGLISES DE LA VILLE

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soin, après avoir été brisés en morceaux très menus. En des cas semblables, les Turcs n'ont point fait preuve d'une telle minutie et se sont contentés de recouvrir les peintures d'un épais badigeon. On pourrait donc supposer que cette destruction systématique fut l'œuvre des Franciscains lorsqu'ils prirent possession de l'église. C'est peut-être à cette époque qu'on construisit le narthex de l'ouest et le porche du nord, où se marque une solution de continuité avec la maçonnerie du corps principal de l'édifice.

FIG. 154. — KHOURMALY MEDRESSÉ. — Plan des toitures.

Il est difficile de vérifier si, comme le suggère H. Rott, les fondations et le soubassement remontent au début du moyen âge (1). Ce qui est certain, c'est que la forme des arcs, les chambranles des portes et la décoration du tambour sont autant d'éléments occidentaux qui trahise

sent l'influence de l'art des Chevaliers et qui ne peuvent être antérieurs au XIV siècle.

ABDUL-DJELIL MESDJIDI ( N ° 13) De la rue on pénètre d'abord, par une porte rectangulaire a (Fig. 155) surmontée d'une niche en arc brisé, dans un porche voûté d'ogives, dont les croisées retombent à gauche sur deux (1) H. Rott, Kleinasiatische Denkmäler, p. 344-345, fig. 129-130.— Le plan de l'église (Fig. 129) est assez exact; la description contient quelques erreurs : on chercherait en vain la corniche de marbre qui fait le tour de l'édifice, à l'intérieur; en fait, les bandeaux sont en calcaire, comme le reste de la maçonnerie. De marbre, on ne trouve que les quatre dalles d'angle signalées plus haut.

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LA CITÉ DE RHODES

colonnettes engagées, et à droite sur deux culots ornés de feuillages ; des bancs de pierre c, c, sont disposés le long des murs. Le sol du porche est situé en contre-bas du sol de la rue, et on descend encore trois marches en B pour gagner, par la porte d, le niveau de l'oratoire; d'où le nom de Tchoukjour Mesdjid (tchoukour = enfoncé) qu'on lui donne quelquefois.

FIG. 1 5 5 . — ABDUL DJELIL MESDJIDI.

L'église se compose de deux nefs parallèles; elles sont séparées l'une de l'autre par deux piliers rectangulaires réunis par des arcs plein cintre. A chacune des nefs, voûtée d'un berceau brisé et couverte d'une toiture indépendante, correspond un sanctuaire demi-circulaire accusé à l'extérieur par une abside à trois pans. Des ouvertures rectangulaires, disposées irrégulièrement, éclairent les nefs, où ne subsiste aucune trace de décoration.

209

LES ÉGLISES DE LA VILLE

Devant le caractère singulier de ce plan, nous n'avons pas manqué de rechercher si une troisième nef, aujourd'hui détruite, n'aurait pas existé au sud. La présence de deux consoles, en h et i, sur lesquelles retombaient des croisées d'ogives, prouve qu'un porche ou un portique régnait sur cette face. Peut-être fut-il construit sur l'emplacement d'une troisième nef, mais e

on n'en saurait fournir aucune preuve. En tout cas, au x v siècle, l'église ne possédait que deux berceaux parallèles.

FIG. 1 5 6 . — ABDUL DJELIL MESDJIDI. — Plan d'ensemble.

D'autre part, sous le porche, d'entrée s'ouvre en b une porte en arc surbaissé couronnée d'une niche plein cintre. C'est par là qu'on accédait à un ensemble de constructions disposées autour de l'église. Certaines parties ont été transformées, d'autres sont ruinées et ne laissent apparaître que quelques vestiges anciens. Cependant, une aile de bâtiments, à l'est, possède encore une série de cellules voûtées qui, certainement, remontent au moyen âge. Il est donc très probable que nous nous trouvons ici en présence d'un Couvent, dont nous ne saurions restituer les dispositions, mais dont notre schéma (Fig. 156) fixe l'implantation d'ensemble. Ajoutons qu'au sud s'ouvrent, sur la rue, deux portes, surmontées l'une et l'autre de niches plein cintre. Il y faut voir, sans nul doute, des entrées de ce même couvent dont les bâtiments couvraient une étendue assez vaste. Il suffit, d'ailleurs, de monter sur le minaret construit à l'ouest de l'église pour se rendre compte que celleci se rattachait à une composition groupant autour du sanctuaire des cellules et des constructions diverses. Les seuls éléments significatifs de ce monument capables de fournir quelque indication sur sa date

28

FIG. 1 5 7 .

210

LA CITÉ DE RHODES

sont les deux consoles encastrées dans le mur du sud (Fig. 157) et les moulures qu'on observe dans le porche d'entrée. Ces détails sont du même style que les ornements les plus anciens de l'Hôpital. Il semble donc que l'église fut, sinon construite, du moins transformée au début e

du x v siècle; mais on ne saurait dater de cette époque que le porche d'entrée du nord et le portique du sud. Les nefs elles-mêmes sont probablement plus anciennes. Les bâtiments groupés autour de l'église ne sont point sans analogie avec Khourmaly Medressé, et l'on pourrait être tenté, malgré certaines indications contraires, d'identifier l'église à celle de Saint-Bernardin, concédée aux Franciscains en même temps que Saint-Marc (1). Mais ce ne sont là que des hypothèses reposant sur des données assez vagues, et il est possible que Khourmaly Medressé, aussi bien qu'Abdul Djelil Mesdjidi, correspondent l'un et l'autre à des couvents grecs. V.

-

MOSQUEES

MODERNES

Les plus importantes des mosquées modernes sont conçues suivant des types analogues; chacune d'elles comprend une vaste salle carrée, couverte d'une coupole sur pendentifs, et éclairée de nombreuses fenêtres. Un large portique s'appuie sur la façade occidentale; on y a utilisé parfois des fûts de colonnes antiques (Mosquée d'Ibrahim Pacha, Mosquée de Redjeb Pacha). Certains portails, décorés de claveaux alternativement blancs et rouges, sont les seuls éléments où s'accuse quelque recherche dans la décoration ; les murs, construits en calcaire de l'île, sont recouverts d'un enduit de chaux badigeonné de couleurs vives. Chacune de ces mosquées donne sur une place ombragée de platanes; là se dresse une fontaine à ablutions, circulaire ou polygonale, dont la coupole repose sur des colonnes antiques. La Mosquée d'Ibrahim Pacha (Fig. 112, f) remonte aux premiers temps de la conquête (937 Hg. — 1531 J . - C ) ; dans la Mosquée de Redjeb Pacha (g), bâtie en 1588 (906 Hg.), les fenêtres qui s'ouvrent sous le portique sont surmontées de tympans décorés de faïences persanes; la Mosquée de Hamza Bey (d), qui paraît plus récente, occupe peut-être l'emplacement de l'église Saint-Sauveur. La Mosquée de Suleiman (Suleimanié Djami) (a) fondée par le conquérant, au lendemain de la prise de Rhodes, remplaça, dit-on, une Eglise des Saints-Apôtres; elle fut reconstruite, sous e

sa forme actuelle, au début du XIX siècle. Dans la porte d'entrée, on a employé des colonnettes de marbre ornées de guirlandes et de rubans et des pilastres sur lesquels sont sculptés des têtes de chérubins, des clepsydres, des cuirasses, des tambours et d'autres attributs guerriers (PL. X X X V I , 3). Ces marbres devaient appartenir primitivement à quelque motif intérieur de l'église, probablement à un tombeau ; les Turcs ont modifié les proportions de la composition en y intercalant des éléments nouveaux. Le travail, assez délicatement exécuté, est du style de la Renaissance vénitienne. (1) Bosio, Istoria, II, 257. — Comme le remarque avec raison M. Gerola (Monumenti medioevali, I, p. 266, N° 2), il est peu probable que les églises Saint-Marc et Saint-Bernardin aient été l'une et l'autre situées dans la Ville; la donation comprenait également des jardins et des vergers, et il est possible que l'église St-Bernardin se soit élevée hors les murs. Cette hypothèse paraît justifiée par le texte du Franciscain F. Surian qui fit escale à Rhodes en 1484: « stae« mo assai poco contenti perchè lo loco nostro che stava fuore della città era stato ruinato nella guerra del Turcho et « quello che era stato dentro della terra era per lo terremoto ruinato » (F. Suriano, Il Trattato di Terra Santa, Milan, 1900, p. 249. — Cit. p. G. Gerola).

211

LES ÉGLISES DE LA VILLE

Agha Djami'i (b) offre une disposition particulière : la salle de la mosquée, rectangulaire, est située au premier étage et s'étend en partie au-dessus de la voie publique. L'édifice, couvert de tuiles creuses, avec des avant-toits très saillants, des balcons et des échauguettes de bois, répond au type des constructions anatoliennes. Chad revan Djami'i (c) (La Mosquée à la Fontaine) occupe également le premier étage d'un e

édifice octogonal, qui a remplacé, à la fin du XIX siècle, une mosquée beaucoup plus ancienne, détruite par un incendie. Son emplacement correspond peut-être à celui de l'église Saint-Sébastien (1).

VI.

-

ÉGLISES

HORS

LES

MURS

Aux alentours de la Cité, s'élevaient de nombreuses églises et chapelles, grecques pour la plupart. En 1481, on estima que les plus proches des remparts pouvaient être utilisées par l'ennemi en cas de siège et qu'elles devaient être démolies. Avec les matériaux qu'on en put retirer, on édifia une église dédiée à la Vierge et à tous les saints des églises détruites (2). De tous ces monuments, il ne reste nulle trace; la seule église des environs immédiats de la Cité qui nous soit parvenue est celle de Saint-Jean de la Fontaine, dans le faubourg de SaintGeorges; elle comprend une nef souterraine, couverte d'un berceau; quelques traces de peintures subsistent sur les murailles. L'église moderne des Saints-Anarghyres marque l'emplacement de l'église Saint-Cosme et Saint-Damien, sur la colline du même nom (3); de même, l'église Sainte-Anastasie a remplacé le sanctuaire homonyme du moyen âge (4). Uéglise Saint-Antoine, détruite avant le siège, et réédifiée peu après le départ des Turcs (5), s'élevait sur le rivage du Mandraki, en face de la Tour Saint-Nicolas; autour du monument s'étendait le cimetière des Chevaliers; son emplacement correspond, en partie tout au moins, au cimetière musulman voisin de la Mosquée de Mourad-Reïs. Plus loin, dans la campagne, on trouvait d'autres églises : celle de Saint-Etienne, au sommet de la colline qui domine la ville, et, sur le Mont-Philerme, l'église et le cloître de Notre-Dame de Philerme, récemment restaurés par la mission archéologique italienne. La chapelle souterraine voisine n'est que la crypte d'une église byzantine, dont il reste quelques vestiges. Cette crypte, voûtée en berceau, était décorée de peintures fort mal reproduites par Rottiers (6), et dont il ne subsiste que des fragments à demi effacés. On distingue cependant une figure de

(1) V. inf. Additions et Corrections au Tome premier. (2) Bosio, Istoria, II, 431-432. (3) Fontanus, De bello Rhodio, II, E, iv. v. (4) Bosio, Istoria, II, 431. (5) « ... Item fuit deliberatum pro indemnitate civitatis quod diruatur ecclesia S. Anthonij et beate Marie lemonitre « et alia loca que impediunt », 21 mai 1480 (Liber Conciliorum, 1478-1488, Ms. N° 76, f° 35). — Le 25 octobre 1481 on délibéra de réédifier, aux frais du Trésor, l'église Saint-Antoine, qui avait été détruite « pro tuitioni urbis Rhodi specialiter ad conservationem turris Sancti Nicolai » (Liber Conciliorum, 1481, f° 66 v. (6) Rottiers, Monuments de Rhodes, Atlas, PL. L X I à LXVI.

LA CITÉ DE RHODES

212

Sainte-Catherine portant sa roue; Saint-Georges ( ? ) à cheval, et une figure du Rédempteur. La voûte est divisée en deux compartiments : d'un côté se déroulent des scènes de la vie de Jésus, de l'autre sont retracés des épisodes de la vie de la Vierge. Ces peintures paraissent dater du

e

XIV

e

ou du XV

siècle (1).

(1) Cf. Ο. Schlumberger, Fresques du XIV e siècle d'un caveau funéraire de Notre-Dame de Phileremos (Monuments Piot, Paris, 1911).

C H A P I T R E

IV

TOMBEAUX

Les tombeaux des grands-maîtres, que renfermait l'église Saint-Jean furent pour la plupart violés par les Turcs, dans les journées qui suivirent la capitulation de la Place (1). Seul, celui de F. de Carretto était encore intact en 1826 et Rottiers en a donné un dessin détaillé (2). Le motif central était constitué par une pierre tombale, placée au niveau du pavé de l'église; le grand-maître y était représenté couché, les mains jointes, vêtu d'un ample manteau à capuchon; sur l'épaule gauche, se détachait la croix de l'Ordre, à huit pointes. Cette figure était simplement gravée et les traits « enduits de noir ». Au-dessus de la tête, un aigle aux ailes éployées, dessiné suivant le même procédé, soutenait les armes du défunt écartelées avec celles de l'Ordre. Un assemblage de dalles de marbre blanc et de porphyre ( ? ) jaune, vert et rouge encadrait la tombe, au pied de laquelle on lisait l'inscription que nous reproduisons plus loin (V. inf. fig. 161). Rottiers vit également d'autres pierres tombales et des fragments de celles de Roger de Pins et de Philibert de Naillac (3); il semble bien que dès cette époque, elles aient été déplacées et remployées par les Turcs. En tout cas, les grands-maîtres étaient généralement ensevelis en des sarcophages de marbre ou de pierre; c'est ce qui résulte des éléments rassemblés au Musée de Cluny, qui tous se rapportent à un type uniforme. Ces sarcophages sont d'origine antique; sur la face latérale, on a gravé les armes de l'Ordre, le blason du Grand-maître et son épitaphe; le couvercle est constitué par une lourde dalle où le défunt est représenté en haut-relief, dans la posture traditionnelle que reproduisait, au trait, la tombe de F. dé Carretto. Le Musée de Cluny possède : a) Un fragment du sarcophage de Dieudonné de Gozon (marbre) (N° 422 du catalogue) (4). b) Le couvercle du tombeau de Pierre de Corneillan (marbre) (N° 423); le sarcophage est au Musée de Rhodes (V. inf. fig. 159). ( 1 ) «... Et sacra omnia prophanans, Primarium phanum numini tutelari sacrum in aedem Mahumetis conver« sit Sepulcra magistrorum et quicquid sculptum scriptumque magistratus causa erat, dirui ac complanari ius« sit.» (Fontanus, De bello Rhodio, II, f° K). — Cf. Bourbon, La grande et merveilleuse oppugnation,f° Ε IV verso. (2) Rottiers, Monuments de Rhodes, p. 299-300 et Atlas, PL. X L I . (3) Ibid., p. 301-302. (4) E. du Sommerard, Catalogue du Musée de Cluny, 1883, p. 39-41.

214

LA CITÉ DE RHODES

c) Le sarcophage de Robert de Juilly (marbre) (N° 424). d) Le tombeau complet, sarcophage et couvercle, de Jacques de Milly (marbre) (N° 425). e) Le sarcophage de Battista Orsini, avec une longue inscription métrique (granit) (N° 426). Il apparaît donc que les grands-maîtres qui mouraient à Rhodes étaient, pour la plupart, ensevelis dans des tombeaux semblables, disposés dans l'église Saint-Jean. Quant aux Chevaliers, ils étaient, en général, inhumés dans le cimetière qui s'étendait autour de l'église Saint-Antoine, sur la rive du Mandraki. C'est d'ailleurs en cette région qu'ont été retrouvées la majeure partie des pierres tombales conservées aujourd'hui au Musée de Rhodes. Avant d'en donner la nomenclature, signalons que le Musée de Constantinople possède deux dalles funéraires qui proviennent de Rhodes (1). La première, (PL. X X X I X , 1) porte l'inscription suivante : « Hic jacet nobilis vir dominus Gulielmus Bechabius onorabilis burgensis Rodi qui obiit anno Domini M CCC LXXIII die... ». La seconde (PL. X X X I X , 2) s'entourait également d une inscription en caractères gothiques, presque entièrement détruite; elle paraît dater du e

XV siècle. Dans le même musée, figure un fragment recueilli à Rhodes (Fig. 158); la croix de l'Ordre qu'on y observe FIG. 1 5 8 . — FRAGMENT DE PIERRE TOMBALE

(Musée de Constantinople).

prouve qu'il appartenait à la tombe d'un Chevalier.

SARCOPHAGE ET PIERRES T O M B A L E S CONSERVÉS AU MUSÉE DE RHODES

(Les numéros entre parenthèses sont ceux de l'inventaire du Musée) 1.— (Ν° 1138) (Fig. 159). Sarcophage de Pierre de Corneillan. Ce sarcophage, d'origine an-

FIG. 159. — SARCOPHAGE DE P. DE CORNEILLAN (Musée de Rhodes). o s

(1) A. Joubin, Musée impérial ottoman : catalogue des sculptures grecques, romaines, byzantines et franques, N 192-194. — La première de ces dalles est seule signalée dans le catalogue de S. Reinach, sous le N° 591. Nous devons à l'obligeance de Th. Macridy-Bey d'avoir pu reproduire ces monuments qui portent actuellement les N 944, 945 et 945 bis de l'inventaire du Musée. 0S

215

TOMBEAUX

tique, est en marbre blanc ; jusqu'à ces dernières années, il servait de vasque à une fontaine publique; m

m

m

il mesure l 9 5 x 0 69. x 0 7 3 . Au milieu de l'une des faces, est sculpté en creux l'écu de P. de Corneillan, « de gueules à la bande d argent chargée de trois corneilles de sable », flanqué à droite et à gauche de la croix de l'Ordre. Sur le bord supérieur de cette face, se développe, en deux lignes de caractères

gothiques,

l'inscription

suivante : « Hic iacet reverendus in Christo pater dominus frater Petrus Cornilhani condam magister sacre domus hospitalis sancti Iohannis Ierosolimitani qui obiit anno Domini

MCCCLV et

die

XXIIII

mensis augusti. Cuius anima requiescat in pace. Amen. » (1) 2. — (N° 1138 bis) (Fig. 160). Pierre tombale en marbre grisâtre m

m

(2 06 x 0 9 2 ) . La figure qui y était gravée au trait est presque entièrement

effacée, le

marbre

ayant été remployé dans le dallage d un hammam. On distingue toutefois que le personnage, drapé dans une robe à larges plis tenait dans la main gauche la crosse épiscopale. Dans le cadre, on lit l'inscription : « Hic ia[cet venerabil]is frater... sa ordinis fratrum minorum Dei gratia archiepiscopus colocensis qui hobiit anno Domini millesimo

CCCXXXV

die

XIII

mensis augusti. Cuius anima requiescat in pace. » Il s'agit de Ber-

FIG. 160. — PIERRE TOMBALE DE L'ARCHEVÊQUE LATIN BERNARD

nard, évêque de Lango (Kos),

(Musée de Rhodes)

nommé archevêque de Rhodes en 1324(2). (1) Le couvercle de ce sarcophage, où le grand-maître est représenté en haut-relief, est conservé au Musée de Cluny (N° 423). (2) Cf. Archives de l'Orient latin, I, 272 (LIV) et 280 ( C X X I I I ) .

216

LA CITÉ DE RHODES

3.— (Ν° 1139). Fragment de pierre tombale, retaillée et remployée comme seuil dans une maison moderne. On y lit : « Hic iacet... bogio de... qui obiit MCCCLXVIII die... iuly. » m

m

m

4. — (N° 1140) (PL. X X X V I I I , l ) . Fragment de pierre tombale ( l 0 5 x 0 6 5 x 0 14); il manque la partie inférieure et la bordure de gauche. La figure, en bas-relief, est très mutilée; elle représente un Chevalier, vêtu du long manteau, les mains croisées sur la poitrine; sur l'épaule gauche, apparaît la croix à huit pointes. Dans l'angle supérieur de gauche, un blason à la croix de l'Ordre; dans celui de droite, l'écu du Chevalier, non identifié. De l'inscription, on ne lit plus que les mots suivants : «... iacet fenerabilis... [domin]us frater Bernardus... de mal... » 5 . — (N° 1141) (PL. X X X V I I I , 3). Fragment de pierre tombale, en marbre grisâtre, brim

m

m

sée à la partie supérieure, retaillée à la base ( l 2 5 x 0 7 3 x 0 1 3 ) . Un Chevalier y est figuré, dans la même posture que sur la tombe précédente, mais dans l'effigie, obtenue par un faible relief méplat, se marque une stylisation des plus caractéristiques. Il ne reste pas trace de l'inscription qui encadrait le personnage. m

m

6. — (N° 1142) (PL. X X X V I , 2). Dalle funéraire, en marbre gris foncé (2 07 x 0 7 8 x m

0 2 5 ) . A la partie supérieure, le blason des Heredia; les tours de l'écu et les lignes d'encadrement sont gravées en creux et remplies d'un mastic noirâtre, de même que l'épitaphe suivante : « Re[verendus] d[ominus] f[rater] Pe[trus] Ferdinandus de Heredia eques christiane milicie Rhodiorum, clara virtute ornatus, Emposte castellanus, mortem obiit anno Christi. M.CCCC.LXXXXIII augusti XV kalendas. Vixit annos LX. Sit foelix. » Pierre Ferdinand de Heredia, Châtelain d'Emposte, appartenait à la même famille que le grand-maître J. F. de Heredia (1). m

m

7. — (N° 1137). Fragment de dalle funéraire, très mutilée ( l 4 6 x 0 8 1 ) . L'épitaphe est composée de lettres gravées et remplies de plomb; sa lecture permettra d'identifier l'écu qui la surmonte (2). 8.— (N° 1136) (PL. X L , 1). Pierre tombale, en marbre gris, du Chevalier italien Thomas m

m

m

Provana, qui fut Capitaine du Château Saint-Pierre (1 16 x 0 4 3 x 0 1 0 ) . Au centre, une couronne de lauriers entoure le blason de T. Provana; au-dessous, la date : 1499; en bordure, l'inscription : « Hic iacet r[everendus] d[ominus] f[rater] Thomas Provana olim capit[anius] castri sancti Petri ac preceptor Lamotte et Lansonis. Obiit die 29 sept[embris]. » (3). 9.— (N° 1134) (PL. X L , 3). Pierre tombale, en marbre blanc, du chevalier anglais Thomas m

m

m

Newport ( 1 8 2 x 0 5 7 x 0 1 3 ) . En haut, une couronne de lauriers, qu'accompagnent des flots de ruban, entoure le blason de T. Newport. A la partie inférieure, sont sculptés des tibias et une tête de mort. L'épitaphe est la suivante : « Hic iacet Thomas Newport p[ri]oratus Anglie miles qui obiit 1502, XXII die mensis septembris. Cuius anima requiescat in pace. Amen. 1502.» (4). (1) Bosio, Istoria, II, p. 302, 383, 385, 394. (2) M. Maiuri se réserve de publier prochainement cette inscription. (3) Cette pierre tombale avait été encastrée dans le mur de la Tour d'Espagne. Il est peu probable que, comme le suppose M. Gerola (Monum. medioevali, I, 235) ce remploi ait été l'œuvre des Chevaliers; il est plus probable que cette dalle, provenant du cimetière de Saint-Antoine ou de quelque église, fut mise en place par les Turcs lors des travaux de restauration de la forteresse. (4) Ce marbre avait été, comme le précédent, remployé à la Tour d'Espagne. Sur l'escarpe du boulevard de cette Tour, on peut voir encore une autre pierre tombale; c'est celle de Renier Pot, lieutenant de P. d'Aubusson, décédé le 22 Septembre 1498.

217

TOMBEAUX

10. — (N° 1135) (PL. X L , 2). Pierre tombale, en marbre blanc, du chevalier français Nicolas de Montmirel, grand-hospitalier. A la partie supérieure, une banderole, sur laquelle on lit : Domine in te confido, et qu'accompagne le monogramme : J. H. S., couronne l'écu de N. de Montmirel, composé originairement d'un assemblage de marbres polychromes, aujourd'hui disparus. Au-dessous, se développe l'épitaphe, gravée en élégants caractères : « Hic iacet r[everendus] d[ominus] f[rater] Nicolaus de Montmirel di[gnus] hospitalerius, preceptor de S. Mauvis et de S. Vaubourg, qui obiit 20 Febr[uarii] 1511. Requiescat in pace. Amen. » A la partie inférieure du marbre, sur une banderole, la devise anglaise : « As god will ». Sur les bases des colonnettes qui forment l'encadrement de cette dalle, on remarque deux blasons minuscules; ce sont peut-être les signatures de celui qui composa l'inscription et du lapicide qui grava l'épitaphe et les ornements (1). m

m

11. — (N° 1131). Fragment de marbre gris ( 0 9 0 x 0 6 6 ) , ayant appartenu au tombeau de Fabrizio del Carretto, que Rottiers vit et dessina dans l'église Saint Jean. On y relève l'inscription suivante (Fig. 161) : « R[everendissi]mus et ill[ustrissi]mus d[ominus] f[rater] Fabricius de Carrecto magnus Rhodi magister, urbis instaurator, et ad publicam utilitatem per septennium rector hic iacet. Anno MDXXI ».

FIG. 1 6 1 . — ÉPITAPHE DE F . DEL CARRETTO (Musée de Rhodes).

A l'Auberge de France, est conservée une pierre tombale en marbre blanc (PL. X X X V I I I , 2) m

m

m

( 2 1 0 x O 6 6 xO 22) qui, remployée dans une construction moderne, a été retaillée et mutilée. Un Chevalier y est représenté en haut-relief. Il est vêtu d'une armure, dont les détails sont indiqués avec minutie. A droite de la tête, sur un écu en relief, devaient figurer les armes du défunt, complètement effacées aujourd'hui.

Parmi ces œuvres, se marquent les différences de style que nous avons pu constater en étudiant les armoiries réparties le long de l'enceinte fortifiée (2). On rapprochera des figures de (1) L'écu de gauche, au chef denché, figure sur le vantail de cyprès de la porte orientale de l'Hôpital (Cf. sup., p. 28). (2) Cf. Tome I, Ch. III.

29

218

LA CITÉ DE RHODES

Saint-Athanase (1) et de Saint-Jean (2) la pierre tombale N° 5 (PL. X X X V I I I , 3) qui, par son faible relief méplat et son dessin stylisé, se rattache aux traditions de l'art byzantin; cette effigie, qui ne manque point de caractère, fut sans doute exécutée par quelque imagier rhodien, accoutumé à travailler le bois plutôt que le marbre. Dans la tombe N° 4 (PL. X X X V I I I , 1) et dans celle du Musée de Constantinople qui porte la date de 1374 (PL. X X X I X , 1), les figures sont d'un relief plus saillant, et on y observe une tentative de modelé qui, d'ailleurs, aboutit, dans le dernier exemple, à un résultat des plus médiocres; mais la raideur de l'attitude aussi bien que la simplification du dessin donnent à ces images un aspect archaïsant et prouvent que le sculpteur n'a point réussi à s'affranchir entièrement des formules byzantines. e

Cependant, dès le XIV siècle, apparaissent des figures en haut-relief. Celle du sarcophage de P. de Corneillan (1355) (3) est sans grande valeur artistique. Les incorrections d'un dessin plus maladroit que naïf, la sécheresse d'un modelé inexpressif et sans accent, la minutie puérile avec laquelle sont traités certains détails laissent penser que ce marbre fut taillé par quelque artisan consciencieux, mais sans talent; et le sarcophage de J. de Milly, exécuté au siècle suivant (4) n'offre guère qu'une répétition des mêmes défauts masqués par une facture plus habile. De tous ces tombeaux où sont reproduits des personnages en haut-relief, l'effigie inconnue du Musée de Constantinople (PL. X X X I X , 2) est le seul morceau qui présente de solides qualités; il n'est pas douteux que le sculpteur n'ait su rendre le caractère de robustesse un peu lourde de son modèle et qu'il n'ait composé un véritable portrait. En tout cas, les meilleures comme les plus mauvaises de ces figures sont d'esprit occidental et furent probablement exécutées par des sculpteurs originaires de France, d'Italie ou d'Espagne. Quant aux pierres tombales de T. Provana (1499) (N° 8) et de T. Newport (1502) (N° 9) simplement décorées de motifs funéraires, elles trahissent l'influence de la Renaissance florentine et sont l'œuvre, sans doute, de marbriers venus d'Italie.

(1) Cf. Tome i, p. 97, N° 44. (2) Ibid., p. 99, N° 60. (3) Musée de Cluny, N° 423. (4) Musée de Cluny, N° 425.

PIÈCES

JUSTIFICATIVES E T

TABLES

PIÈCES

JUSTIFICATIVES

I BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, M S . fr. 1 9 7 8 .

f° 1 1 7 . — Ces sont les establimens fais et ordenés au chapitle general celebrés a rodes pour le religious frere foulque de villaret honorable maistre de la sante maison de lospital de sant johan de Jerusalem et pour le (f° 1 1 7 , v.) proudeshomes qui furent au dit chapitle l'an de la incarnacion nostre segnour m ccc xiiij a iiij jour de novembre. f° 1 1 8 , v. —

Item establi est que les aubergies se tienent en si comme se tenoient au

jour que le devant dit chapitle fut celebré. f° 1 1 9 . —

Item establi est que j hospital soit fait a rodes a l'honour de dieu et de nostre

daime et de saint johan baptiste et que il soit dotés de xxx m bz (besants) en lisle de rodes et que toutes les questes ou laises qui se font ou feront pour universe monde que les doient venir au desusdit hospital a rodes. f° 120, v. —

Item establi est que pour le xxx m bz que doit avoir lospitalier soit obli-

gés le casai dou salarcco et le casai de polleune avec les appartenances, damaillée solus et plataine et laureus et calopetra usques as confines de damatrie et diascore ( 1 ) le casai qui fu de sire vignol et si toutes cestes choses ne sofizasent au complement dou devant dit xxx m bz que de la defaute a complir fussent tenues les rendes de la chatelleme de filerme. Π BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, M S . fr. 1 7 2 5 5 ,

f° lxxxxj, § vij. (Chapitre du

23

Novembre

1440).

Que se face inventoire des biens de ladite enfermerie. Et pour plusieurs deffaulz qui sont chacun jour survenus touchant les moeubles et utencilles donnez a ladite enfermerie Par lauctorité de ce present chapitre general est establi et ordonné que lospitalier et les II preudomes deputez en sa Compaignie a visiter et reformer ladite enfermerie doient tenir compte en ung livre ordinaire du nombre de la qualité quantité et valeur selonc commune extimacion de tous esperviers couvertoirs courtines linceux draps de lit tapis bancquiers vestimens barrettes et aultres paremens de lis Et pareillement des traversains plumes et astramatz ( 2 ) Et aussi de la vaisselle tant dargent que daultre chose especialement de mettail qui seront députez a lusage dicelle maison et service de dieu et de nos seigneurs mallades lesquelles vaisselles soient bullées dune bulle ou signe tellement que par nul ne se puissent prouver a pieur ou meilleur Et toutes ces choses soient bien gardées ( 1 ) Salarcco = Salakos; Polleune = Apollona; Damaillee = Dimilia; Solus = T h o l o s ( ? ) ; Plataine = Platania; Laureus = Lero; Damatrie = Damatria; Diascore = Asgourou ( ? ) : villages du centre, du nord-ouest et du nord de l'île. Kalopetra est un monastère voisin du village de Psithos (Cf. Rhodes Island, Admiralty Chart, 1667). (2) Espervier = ensemble de pièces qui constituent le coucher; bancquier = housse; astramatz (pour estramat) = paillasse. (Godefroy, Dictionnaire).

222

LA CITÉ DE RHODES

en lieu net en seur et soit fait commandement audit enfermier sur painne de privacion qu'il ne puisse prester ni porter hors pour convertir a aultre usage quelque chose que soit ja deputtée a ladite enfermerie. III BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, M S . fr. 1 7 2 5 5 ,

f° lxxxxj v., § ix. (Chapitre du

23

Novembre

1440).

En quelle maniere se doit gouverner le seigneur malade en lenfermerie. Pour ce que plusieurs grans inconveniens se sont ensievis pour la ineffrenée voulunté et desordonné appetit daucuns seigneurs malades demourans en ladite enfermerie ne doit demander ne avoir aultre viande ne aultre chose du monde fors ce et autant que par les medecins sera ordonné et mandé Et se gardent bien lesdits seigneurs malades de faire aucunes noises mais soient pacifiques et ne demandent rien par force ne par violence ou orgoeul. Item de ci en avant lesdits seigneurs malades tant qu'ilz seront soubz la cure des medecins ne jouent plus aux cartes ne aux tables ( 1 ) ou eschetz ne aultre quelconque jeu ne lisent roman et s'ilz ne veulent ainsi maintenir ne leur soit fait depuis la en avant aucun aide ou service en ladite enfermerie et se ledit enfermier ne fait ce ainsi observer et maintenir soit incontinant privé comme dit est Déclarons oultre que s'il y a aucun frere malade qui aprez qu'il viendra a convalescence et sera licencié des medicins et par viij ou x jours voudra manger a la table de lenfermier faire le pourra et de ce sera audit enfermier par le tresor satisfait pour autant de jours qu'il mangera a sa table. IV BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, M S . fr. 1 7 2 5 5 ,

f° cj v., § xlviij. (Chapitre du 21 Septembre

1449).

De lenfermerie de la boutique de la probacion de la despense et des cirurgiens et medecins dicelle. Item que oultre lenfermier de nostre enfermerie soient deputez pour la cure des seigneurs malades ij preudommes qui aucunes foiz doient estre a la reffection desditz seigneurs malades Et qu'ilz regardent les despenses des medicines et victuailles qui de jour en jour sont dispensées Et soient au surplus tenues chacun jour au soir de revoir les despenses par escript Et icelles approuver par subscription de leur propre main Aultrement ne soient point icelles despenses receues ès comptes du Tresor Et oultre que la boutique soit revisitée du mains une fois lan par preudomes en ce entendans en la compaignie de lospitalier ou son lieutenant et soit mis le pris ès choses qui excedent oultre le deu et par especial on zuchre dont sommes moult agrevez Et a ce soit incontinent prouveu aprez ce present chapitre Oultre plus soient les chirurgiens examinez Et pour le service de ladite enfermerie en soient retenus ij suffisans aux gages dicelle. V ARCHIVES D E MALTE, M S . N ° 3 5 6 ,

Liber Bullarum 1 4 4 4 , f IN NOMINE DOMINI AMEN.

os

76 et suiv.

— Anno ab Incarnatione ejusdem

1444,

indictione septima,

et die quinta mensis octobris, Reverendus in Christo pater et dominus dominus frater Joan(1) Tables = tric-trac.

PIÈCES JUSTIFICATIVES

223

nis de Villacuto, castellanie emposte benemeritus castellanus, ac Reverendissimi in Christo patris et domini domini fratris Joannis de Lastico dei gratia sacre domus hospitalis sancti Joannis hierosolimitani magistri dignissimi locumtenens exiens, In presentia prefati Reverendissimi domini magistri et sui venerandi consiln, meique notarii publici et testium infrascriptorum ac rei vocatorum et specialiter rogatorum, Intendens a Rhodi conventu abire nocte futura in galleis cathalanorum de mercancia ad castellaniam suam et partes occidentales, dixit et commemoravit quod in vita sua habuit dignitates, honores plurimos officiaque et beneficia a sua religione J. de Villagut rappelle les charges qu'il a remplies et exprime son désir de reconnaître les bienfaits qu'il a reçus, avant de quitter Rhodes pour n'y plus revenir. Il expose ensuite qu'il a prêté autrefois à la ville de Tortose en Catalogne la somme de cent mille sous de monnaie catalane, produisant un intérêt annuel de quatre mille sous de la même monnaie équivalant à quatre cents florins de Rhodes. Capital et intérêts « dedit, cessit, concessit, firmiter et perpetuo transtulit infirmarie urbis Rhodi dumtaxat pro suffragio, manutentione, et subventione rerum oportunarum dicte infirmarie et peregrinorum ac pauperum Christianorum quotidie diversis egritudinibus ad ipsam infirmariam confluentium et exeuntium, hiis pactis et conditionibus Sous aucun prétexte, ni le capital ni les intérêts qui constituent cette donation ne pourront être aliénés; dans le cas où la ville de Tortose se libérerait de ses obligations par un remboursement, le receveur de la Châtellenie et les procureurs du Grand-Maître et du Couvent, nomine ac pro parte prefate infirmarie Rhodi ad hoc ordinandi et constituendi, devront rechercher une autre ville, locum apertum et bene securum, qui veuille accepter ce prêt de cent mille sous aux mêmes conditions que Tortose. Le revenu de quatre mille sous catalans (quatre cents florins de Rhodes) sera envoyé chaque année à Rhodes, et remis entre les mains du Drapier ou de son Lieutenant, qui assumeront la charge de verser la somme à l'Infirmerie. ... ita et taliter quod ad subventionem pauperum Christianorum illuc concurrentium et infermorum et aliarum rerum oportunarum dicte infirmarie distribuantur et disponantur ad sensum et voluntatem Reverendissimi domini magistri et sui venerandi consilii... J. de Villagut s'engage à ne jamais révoquer cette donation, pour quelque raison que ce soit : il en fait serment devant le Crucifix et l'Evangile. Suit la liste des témoins, tant Frères que bourgeois et marchands de Rhodes. Le dernier alinéa expose que ce texte est une copie authentique, de verbo ad verbum, effectuée le 5 Novembre 1 4 6 7 par le notaire « Matheus de Arnustis » à la requête du grand-maître J. B. Orsini, d'après les registres du notaire Elisée d'Allemagne. VI BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, M S . fr. 1 7 2 5 5 ,

f° lxxxix v., § ij. (Chapitre du

23

Novembre

1440).

De l'institucion et ordinacion de la nove enfermerie. Par l'auctorité de ce present chapitre general touchant ladite enfermerie nove Establissons et ordonnons que oultre et pardessus le prieur ordinaire dicelle soit par lospitalier du couvent de Rhodes present ou advenir mis et institué a icelle nove enfermerie ung aultre chape-

224

LA CITÉ DE RHODES

lain de vie et conversacion honneste et loable en presentant icellui a notre venerable pere espirituel le prieur de leglise pour icellui confermer lequel chapelain soit tenu de la en avant dire et celebrer pour chacune sepmaine III messes et le prieur dessus dit III messes affin que nos seigneurs qui seront mallades en icelle enfermerie puissent chacun jour ouir messe et eux recommander à Dieu Et pour le service dicelle chapelle ledit prieur continuellement aura ung clerc delivré Et pour leur aulmosne remuneracion de service et labour lesdits prieur et chapellain auront a eux perpetuellement les prouffis et esmolumens de

VIII

magasins qui

sont dessoubz ladite nove enfermerie devant la porte de la marine îesquelz prouffis ilz partiront ensemble par equale porcion sauf que diceux leveront premierement

VIII

ff° qu'ilz seront

seront tenus donner audit clerc pour son sallaire et plus autre chose ne seront tenus de prendre dicelle enfermerie fors de faire leur devoir en confessant visitant celebrant et faisant tout ce que sera de faire de leur estat en icelle enfermerie. VII ARCHIVES D E MALTE, M S . N ° 3 6 1 ,

Liber Bullarum 1447-1448-1449, f

os

354 v. et suiv.

Pro Casali Tarsi. Noverint universi et singuli presentes pariter et futuri has nostras patentes litteras inspecturi lecturi et audituri quod nos, frater Johannes de Lastico, dei gratia sacre domus hospitalis sancti Johannis Jerosolimitani Magister humilis ac pauperum Jhesu Christi Custos, et nos conventus Rhodi domus ejusdem, Confidentes de probata fide ac laudabili probitate et bono regimine religiosi in Christo nobis carissimi fratris Jacobis de Fossato Papie etc., prioratus nostri Lombardie preceptoris, in nostro conventu Rhodi personaliter residentis, Et sperantes eundem que nobis et religioni nostre decora et utilia sint de bene in melius curaturum, Quoddam arrendamentum sive appaltum vel affictum, per deputatos ad edificationem nostre infirmarie nove, videlicet Reverendissimum Dominum Achiepiscopum Colossensem modernum et venerabiles ac religiosos in christo nobis carissimos fratres Raymundum Jou, locumtenentem Reverendissimi Domini trapperii dicti nostri conventus Rhodi, Anthonium de Segnorio preceptorem Savone

dicti prioratus lombardie, sive per nos infras-

criptos, nomine et pro parte dicte nostre infirmarie ac dicti nostri communis thesauri, de Casali Tarsi, in regno cipri situato, ad certum tempus nobis nostro communi thesauro et ipsi infirmarie obligato, deputato et ordinato per nos magistrum et generale nostrum capitulum ad edificationem et constructionem dicte infirmarie nove Les commissaires à ce députés afferment ledit Casai de Tarse à Jacques de Fossato, « per spacium annorum quinque, incipientium die primo marcii primum venturi »; ils déterminent que la redevance annuelle sera calculée d'après la moyenne des revenus des cinq dernières années et fixent dans quelles conditions le preneur pourra résilier son bail. «

fuit etiam ulterius cautum et reservatum quod sit in electione partium, videlicet nostri

dicti magistri et reliquorum supradictorum, vice ac nomme dicte nove infirmarie, ex una, et dieti fratris Jacobi, parte ex altera, post lapsum dictorum quinque annorum, dictum casale vel dimittere vel tenere pro toto tempore nobis et religioni nostre a dicta regia magestate concesso, prout patet litteris sue magestatis datis Nicosie die decimo mensis Octobris Anno domini

PIÈCES JUSTIFICATIVES

millesimo

CCCC

xl

m o

sexto ad quas nos referimus

225

Datum Rhodi in nostro Conventu die

III mensis Januarii Anno ab Incarnato salvatore christo Jhesu domino de nostro millesimo cccc

0

xl° nono. Cum subscriptione manuum dicti venerandi Conservatoris et Thome de

Toradis scribe dicti communis thesauri. VIII BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, M S . fr. 1 7 2 5 5 ,

f° cij, § xlix (Chapitre du

21

Septembre

1449).

De la construction de la nove enfermerie comme elle se pourra parfaire. Item nous establissons et ordonnons que tout le deu que nous doit le serenissime roy de chipre soit appliqué a la perfection de la nove enfermerie Et comme il a esté ordonné au chapitre faict a Romme soit mis a œuvre et diligemment executé. IX BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, M S . fr. 1 7 2 5 5 ,

f° cxv, § xxvij (Chapitre du

27

Octobre

1459).

De la perfection de la nove enfermerie. A loeuvre salutaire de la nove enfermerie par lequel est dedié aux poures de Jhesu crist ung si noble edifice que ja est commencé que chacun voit a ce qu'il soit plus hastivement mis a fin dachevement eslevans nos pensées en hault Etablissons et ordonnons que tous les deniers ou debtes que serenissime le Roi de Chipre peut devoir a nous et notre commun tresor tant celles pour lesquelles nous est obligé le Casai de Tarse que pour quelque raison ou cause qu' ilz puissent estre deubz soient deputez et appliquez entierement a notre enfermerie et oeuvre dicelle et proviegnent a icelle Commettans au venerable commandeur de Chipre frere Louys de Maignac que en son premier accès du regime dicelle Commanderie de Chipre il face compte final recoeuvre les pecunes et debtes dessusdites et icelle envoye aux ouvriers dicelle enfermerie par nous deputez le plus tos qu'il pourra. X BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, M S . fr. 1 7 2 5 5 ,

f° cxv, § xxviij (Chapitre du

27

Octobre

1459).

De la quarte part des fruiz d'ung an de chascune commanderie de grace a applicquer a leuvre de lenfermerie. Outre plus avons establi et ordonné que tous les commandeurs ausquelz depuis le dernier · chapitre celebré jusques a present sera prouveu daucune commanderie de grace ou aura este prouveu doie bailler de fait la quarte partie des fruicts d'ung an dicelle commanderie pour lachevement de ledifice de lenfermerie nove et comme ja par aultre chapitre dessusdit a esté ordonné et de ci en avant tous ceux a qui sera prouveu daucune commanderie de grace tant e

deca la mer que dela soit par les M prieurs ou chastelain demposte ou mesmement par les langues de nostre couvent seront tenus de bailler ladite quarte partie des fruicts dung an et en dedens VI mois aprez ladite provision a eux faite Et s'ilz sont deca la mer la paieront au recepveur des resperations qui les recepvra au nom de ladite enfermerie et qu'en ce n'ait faulte. 30

226

LA CITÉ DE RHODES

XI ARCHIVES D E MALTE, M S . Ν 0 2 8 3 ,

Sacra Capitula Generalia,

1466, 1471, 1475

et

1478,



77.

(Chapitre du 7 Juillet

1472).

De Infirmaria Nova. Summis viribus intendum est ut nove infirmarie palacia et edificia augeantur et ad pauperum et infirmorum solamen utilitatem et requiem erigantur. Id circa instituimus ut jura dicte infirmarie nove diligentius per procuratores eiusdem qui ydonei graves religiosi et sufficientes per magistrum et consilium completum eligantur, summa cum diligentia exigantur et recipiantur, tam de preceptorns de gratia quam alia occasione, debita et ex his edificium ipsum augeatur et decorem suscipiat, taliter quod usui infirmorum et pauperum ydoneus et utilis ipse locus reddatur. XII ARCHIVES DE MALTE, M S . N° 2 8 3 ,

Sacra Capitula Generalia,

1 4 6 6 , 1 4 7 1 , 1 4 7 5 , 1478,



166

ν (Chapitre du

17

Novembre

1478).

De edificio nove Infirmarie. Quia hospitalitas in nostro ordine est summopera honoranda et colenda, cum ab ea sumpserimus exordium, ideirco est ordinatum quod compleatur palacium Infirmarie nove et camere que fuerint necessarie atque alia edificia ad usum infirmorum comoda, taliter quod infirmi ad ilium locum, pro honore religionis et quiete ac salute Infirmorum, transmigrare debeant. XIII BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, M S . 1 7 2 5 5 ,

f° cxxix, § xliv (Chapitre de Janvier

1466).

Du nombre des freres que devront estre au convent. Nous avons estably que desoremais au convent de Rhodes soint freres en certain nombre pour ce que honereuse chose est d'en avoir tant grant multitude Parquoy ordonnons que soient c

audit convent Trois cens cinquante freres estans III chevaliers conventualz trante chapelains et ving freres sergens Lequel nombre soit divisé par huit langues comme sensuit Primo des priores de saint Gile et Tholouse freres chevaliers xl chapelains iiij sergens iiij qui sont en nombre xlviij Du prioré de france chevaliers xxxiij chapelains trois sergens ung qui sont en nombre xxxvij Du prioré dacquictame chevaliers xviij chapelains ij sergens ung qui sont en nombre xxj Du prioré dauvergne chevaliers xl chapelains quatre sergens iij qui sont en nombre xlvij Du prioré de Champaigne chevaliers x chapelains ij sergens ung qui sont en nombre xiij Du prioré dangleterre avec celluy dibernie et descosse chevaliers xxviij Du prioré de Castille chevaliers xxij chapelain ung sergens ung qui sont en nombre xxiiij Du prioré de Portugal chevaliers x sergens ung De la Castelenie d'emposte chevaliers xxvij chapelains ij sergens ung qui sont en nombre xxx Du prioré de catheloigne chevaliers xviij chapelains deux sergens ung qui sont en nombre xxj Du prioré de naverre chevaliers iij Du prioré dalmaigne chevaliers xv chapelains iij sergens deux qui sont en nombre xx Du prioré de venise chevaliers vii chapelain ung qui sont en nombre huit Du prioré de lombardie chevaliers xj chapelain ung sergens ung qui sont en nombre xiij Du prioré de pize chevaliers iiij chapelain

227

PIÈCES JUSTIFICATIVES

ung sergens ung qui sont en nombre six Des priorés de barlete et capoue chevaliers vj chapelains ij sergens ung qui sont en nombre ix Du prioré de messine chevaliers iiij chapelains ung sergens ung qui sont en nombre six Du prioré de romme chevaliers iiij chapelain ung qui sont en nombre v. XIV ARCHIVES DE MALTE, M S . N° 326,

Liber Bullarum 1392, f° 129 et suiv. Frater Johannes Ferdinandus de Heredia, dei gratia sacre domus hospitalis sancti Johannis Hierosolimitani Magister humilis et pauperum Christi custos, Religioso in Christo nobis carissimo fratri Dominico de Alamania, baiulivo neapolis et sancti stephani de monopolo, preceptori domus eiusdem, salutem et sinceram in domino caritatem nobis nuper, pro parte vestra, petitio continebat quod in suburbiis civitatis nostre Rodi, quoddam hospitale cum quadam capella sub beate Catherine et quamdam aliam capellam sub beate marie vocabulis in ecclesia nostra Conventuali Colocensi, de religiosi in Christo nobis carissimi dicte domus fratris Petri de Culento, in ultramarinis partibus nostrum locum tenentis et marescalli, ac fratrum... priorum et procuratorum aliorum sibi assistentium expressa licentia, fundavistis et de certis proventibus, possessionibus et bonis, a Deo vobis collatis, dotavistis sub certis modis et pactis... etc

, stipulates per notarium publicum.

Suit la copie de l'acte notarié, en date du 20 Avril 1391, par lequel le donateur fonde une chapelle dans l'église conventuelle (in ecclesia conventuali collocensi) et détermine de quelle manière elle sera desservie. Cette chapelle est dotée des immeubles suivants : « magasena nova, numero quatuordecim, sita et fabricata in platea ubi venduntur blada et cetera legumina, confrontata anterius cum Castro Rodi et posterius cum domibus nobilium de vignollo, et ab omnibus partibus est via

publica

A la fin de cette transcription, figurent les noms des témoins

et du notaire. Vient ensuite le texte d'un second acte, de la même date que le précédent, 20 Avril 1391 : In nomine dommi

frater Dominicus de Allamania

quoddam hospitale ac

quamdam capellam interius fabricatam sub nomme virginis Catherine fondavit, edificavit et instrui fecit in burgo Rodi, iuxtum menia porte scilicet moduli, Et eandem capellam simul et hospitale de bonis a Deo sibi collatis et inferius particulariter annotatis dotavit et de novo dotat De même que dans l'acte précédent, D. d'Allemagna désigne comme son procurateur l'Amiral de la Langue d'Italie qui choisira un homme capable de gérer les biens légués à l'hospice et à la chapelle. L'Amiral « de consilio unius vel duorum burgensium ex melioribus qui tunc erunt in Rodo » chargera deux chapelains d'assurer le service quotidien de la chapelle, qui devra être pourvue de tous les objets nécessaires au culte. Si les revenus sont supérieurs aux frais d'entretien, le surplus servira à acquérir de nouveaux immeubles. .... Que quidem donata sunt ista : tria molendina, posita in modulo portus Rodi, videlicet primum in ordine, nonum, decimum et quartumdecimum; item, domus due contigue, site rope macellum burgi Rodi; item, magasena duo contigua, posita in burgo Rodi, in contrata

228

LA CITÉ DE RHODES

vocata la porta de alnardo, quibus confinet antica via publica, ab una parte magasenum micali Coiliero Couventi, et ab alia, domus Mauritii..., retro vero menia burgi Rodi; item, aliud magasenum novum, situm iuxta portam alnardi, cui coheret a duabus partibus via publica, ab alia magasenum nam Johannis de Florencia et retro menia burgi Rodi; item, magasenum positum iuxta mandrachium, emptum ab heredibus quondam nobilis vin Bartholomei Assante, cui coheret ab omnibus partibus via publica, salvo retro menia burgi Rodi; item, possessiones quedam vineate et alborate in insula Rodi, loco qui dicitur la smicha ( ? ) , empte ab heredibus quondam presbiten Georgii. (Suivent les noms des témoins et du notaire). Les précédentes donations sont acceptées et confirmées, le 2 Juillet 1 3 9 1 , par le grand-maître F. de Heredia, à Avignon. XV ARCHIVES D E MALTE, M S . N ° 2 8 3 ,

Sacra Capitula Generalia,

1466, 1471, 1475, 1478,



166

v. (Chapitre du

17

Novembre

1478).

De reparatione ecclesie Sancti Johannis Collaci Rhodi complenda. Ad laudem dei et honorem cul tus domini dignum censetur ecclesiam Sancti Johannis ornari et reparari. Ideo, reparationem ceptam et hactenus in ea factam insequendo, ordinatum est quod, cum diligentia et omm sollicitudine, ceptum opus ornamentorum dicte ecclesie, chori et capellarum, lampadarum et sacristie, compleatur et proficiatur, omni remota contradictione, expensis communis thesauri. XVI ARCHIVES D E MALTE, M S . N ° 7 5 ,

Liber Conciliorum

1473-1478,



137.

Pro ruina murorum. Die xviij mensis decembris 1 4 7 6 , fuit propositum consilio ordinario per R

m u m

Dominum

fratrem petrum Daubusson, ordinis Jherosolimitani Magistrum dignissimum : generali nuper ex procellosa tempestate vique ventorum, quedam pars muri circa portum Rhodi, retro ecclesiam Cathedralem sancte marie castelli Rhodi et domum archiepiscopalem, collapsa est, ita ut facilis pateat aditus volentibus intrare, quod indecorum et periculosum esse videatur; ideo omni cura instituendum ( ? ) est ut ipsa ruina de novo edificetur et fortificetur, ad tuitionem et secuntatem castelli et civitatis Rhodie ; super quo consuluit dicti consilii R

d o s

dominos, de modo et forma id exequendi, quo celerius fieri poterit. Quaquidem

propositione intellecta, omnes et singuli R. d. d. dicti Rd. consilii affirmarunt et dixerunt omnino esse necessarium ut ipsa pars muri collapsa cum omni diligentia et sollicitudine de novo edificetur. Idcirco, fuit ordinatum et deliberatum quod hujusmodi pars muri dirrupta et collapsa et etiam murus sequens ipsam ruinam, quia vetustate collabitur, incipiendo a parte que ruit versus portam castelli, eundo versus et usque

portam tercinalis ( 1 ) ,

edificetur de novo cum calce et lapidibus sufficienter, et sit murus de novo struendus et edificandus latitudinis palmarum xij, altitudinis vero secundum quod videbitur necessarium; (1) Tercinale = Tersenale, Arsenal.

PIÈCES JUSTIFICATIVES

229

et quia nullus habet opportunitatem circumvicinam et potiorem commoditatem atque diligenciam id exequendi, nisi ipse R

m u s

dominus magister, pro extunc ex animo dispositus ad di

hec agenda, qui habet sclavos et operarios, ideo fuit supplicatum per dominos dicti R Consilii dicto R

m o

domino magistro quod ipsum murum a ruina predicta usque portam tercinalis

modo predicto faciat struere et edificare, et quod pro qualibet cana habeat a thesauro florenos Rhodi currentes novem cum dimidio, summatque et recipiat in defalcatione horum jura duorum pro centenario applicata reparationibus et fortificationibus, et etiam jura unius pro centenario. Quod tune finitum atque ad currendum, factum per quondam suum predecessorem, de computo ipsius edificii, et istud quod ipse R

nus

dominus magister receperit et habue-

rit de dictis juribus, ponatur in defalcatione expensarum operis, et de resto hujusmodi expensarum, sumat et capiat solucionem et satisfactionem a generali thesauro. Et ita ipse R

m u s

dominus magister ad supplicationem dicti R. Consilii pro honore et utilitate religionis hoc onus acceptavit modis predictis, licet plura alia onera reparationum exequi habeat.

XVII ARCHIVES D E MALTE, M S . N ° 4 0 0 ,

Liber Bullarum FRATER

1510-1511,

f

os

206

v. et suiv.

Emericus Damboyse, Dei gratia sacre domus hospitalis Sancti Johannis hieroso-

lymitani magister humilis, Pauperum Jesu Christi custos, et nos baiulivi primum predicti et frares capitulum generale celebrantes, venerando ac religioso in christo nobis preclarissimo fratri Ludovico de Scalinghe, nostri prelibati magistri locumtenenti ac prioratus Lombardie priori, salutem in domino sempiternam

Sane postulatio vostra

nobis exhibita in effectu continebat quod vos, vostris propriis sumptibus, in loco sive area ad hoc vobis concesso, erigi fecistis duos tholos sive fornices in urbe nostra Rhodi in insula sancti Sebastiani, et

vostns propriis sumptibus emistis duas domos, infra nostrum Castellum

Rhodi, ut eas daretis pro dote et nomine dotis oratorii sive cappelle, a vobis nuper a fundamentis instaurate sub vocabulis et nominibus sancte marie et sancti demitrii infra castellum Rhodi, prout litteris, a vobis super hoc confectis, presentibus insertis, latius continetur, quas nobis presentastis, et reverenter humiliterque postulastis pro eorundem firmiori robore nostre confirmationis decretum apponere dignaremur, ut futuris temporibus illesa permaneat. Tenor autem litterarum vostrarum sequitur et est talis :

FRATER

Ludovicus de Scalinghe,

sacre domus hospitalis sancti Johannis hierosolymitani humilis Admiratus, ac Reverendissimi in christo patris et domini Domini Fratris Emerici Damboyse, dei gratia dicte sacre domus magistri dignissimi Locumtenens, universis et singulis hujusmodi nostras litteras visuris, audituris et lecturis, salutem m domino sempiternam. Quia humana fragilitas incessanter ad non esse tendit, et evangelica lectione admonemur ut caduca et transitoria cum perpetuis et celestibus felici comercio commutemus, et in celis ubi fur non furatur, nec tinea comedit, aut erugo demolitur, thesaurizemus, Superioribus annis accedente licentia bone memorie Fratris Petri Daubusson Sacrosancte Romane Ecclesie Sancti Hadriani diaconi Cardinalis et magni magistri domus predicti, nostris propriis sumptibus et ex pecuniis a Deo nobis collatis, a fundamentis ereximus, instauravimus ampliavimusque sacellum, sive cappellam iuxta virida-

230

LA CITÉ DE RHODES

rium nostri Admirati, infra castellum Rhodi, in vicinia Tersenalis (1), quod ad honorem dei sub nominibus sanctorum Marie et Demitrii dedicavimus, et ecclesiastica suppellectile et calice atque patina argenteis deauratis ornavimus, atque pro dote ipsius cappelle et pro subsentatione sacerdotis in eodem divina pro tempore celebrantis, nostris propriis sumptibus, et legitimo titulo a bone memorie Cardinali et prelibato nuper magistro ad hunc effectum nobis (2), vendicavimus quasdam domos sitas infra Castellum ipsum Rhodi, in contrata Tersenalis, quarum confines sunt : A parte tramontane, viridarium nostri Admirati iuxta tersenale, et, a parte ponentis, similiter viridarium predictum; a parte meridiei, domus Catherine Suriane; a parte levantis, domus philippi de mediolano et via publica. Item, alias domos sitas infra dictum Castellum in contrata sancti Demitrii, quarum confines sunt : a parte tramontane, viridarium nostri admirati; a parte levantis, via publica et domus sancti Augustini e regione; a parte meridiei, domus sancte marie; a parte ponentis, viridarium nostrum antedictum, ubi est cisterna, quas emimus et titulo emptionis nobis acquisivimus a nicolao cathelano. Item propriis nostris sumptibus, ex licentia nobis ad hoc specialiter data et concessa, a fundamentis ereximus duos fornices, sive tholos, aut magazenos, in insula sancti Sebastiam urbis Rhodi, e regione domorum quondam dragonetti clavelli, quorum confines sunt : A parte levantis, apotheca Chiriacu, uxoris nicolay antiple, chirurgi infirmarie Rhodi ; a parte tramontane, campus macelli, qui est medius infra ipsos tholos et castrum; a parte ponentis, tholi Reverendi Domini Castellani Emposte, fratris Diomedis de Villaragut; a parte meridiei, via publica. Item, dicta cappella nuper sibi, iure legati facti per quondam Annuzam Cotissam, dum viveret uxorem Fratris mendagne biscayni, acquisivit quasdam domos infra castellum antedictum, sitas in contrata sancti Demitrii, cuius confines sunt : A parte orientis, tholi veteris Infirmarie; a parte meridiei, jardinus ipsius veteris infirmarie; a parte ponentis, via publica; a parte tramontane, domus Catherine, olim serve quondam fratris Francisci de Bossolx, quas quidem domos prefata annuza, per suam ultimam voluntatem, legavit dicte ecclesie post mortem prefati viri sui, pro anima sua, quequidem in dicta ecclesia est sepulta; et nos ad futuram rei memoriam, presentibus nostris litteris inserimus, quas domos et tholos, calicem patinam et ecclesiastica ornamenta, tenore presentium damus, concedimus et donamus, donatione que dicitur inter vivos, perpetua et irrevocabili, prefato oratorio sive cappelle sancti demitrii, ut ex emolumentis et redditibus ipsorum, sacerdos qui divina pro tempore in dicta cappella celebrabit, possit se substentare et de altari vivat qui altari serviet. Le texte de ces donations avait été rédigé, in Albergia venerande Lingue Italie, le 4 Novemer

bre 1504; elles furent confirmées et approuvées au chapitre général du 1 Février 1509. (1) Cf. sup. p. 228, η. 1. (2) Un mot est omis dans le texte, probablement concesso.

231

ADDITIONS ET CORRECTIONS AU TOME PREMIER I.

— TOPOGRAPHIE

A. — Page 4. — Le texte suivant confirme ce que nous avons dit des ports de Rhodes (Port principal et Mandrahi) et du rôle de chacun d'eux : Ordinationes Portus et Mandrachij Rhodi. « Primo che tute Gallee, Nave, Galleote, Navilij, Ballmen, Caravelle et altre fuste maiore ο minore, armate ο non armate, et mercantile di qualunche natione et conditione se sia, da hora inavanti chi non vorano intrare nel Porto de Rhodi, zoe dentro le doe torre del ditto Porto, essendo ο non essendo la Catena al ditto Porto, non possino stare salve hore ventiquatro, zoe xxiiij, sorte de fora, infra le quale hore xxiiij possino prendere rifrescamento et victualie, et charegare et descharigar robe de mercantia cum licentia de Monsignor lo Maestro et de la Religion, Intendandosi che tale gallee nave et altri navilij di sopra nominati debian donar securtade ala usanza et secundo li novi capituli del Porto. Et passato le ditte hore xxiiij le sopraditte Nave et altri navilij desopra nominati, voiando stare fora de la ponta de la savora per ponente, et de la Ponta de le forche per levante, non possino per debito dimandare victualie, ni altro rinfrescamento : ni scender in terra, et per lo simile se intenda del Porto del Mandrachio como piu largamente se contene in la Crida de lo assecuramento del Reverendissimo Monsignor lo Maestro. « Item se serano doe Nave ο tre Gallee armate sorte fora de la Catena, ο de le doe Torre del Porto, ο Mandrachio, siano tenute et obligate como nel Capitol precedente se contene. Et se serano piu numero che doy nave ο tre gallee intendendosi esser Armata, non sian supposita a questa lege, et a le cose contengute in lo precedente Capitolo. » (ARCHIVES DE MALTE. — Ms. N° 365, Liber Bullarum, 1454-1455, f° 252). La suite du texte contient divers autres règlements relatifs aux navires mouillés soit dans le Port, soit dans le MandrakiB. — Page 12. — Nous avions pensé, avec M. Gerola (Monumenti medioevali, I, 261) qu'on pouvait identifier à l'église Saint-Sébastien la mosquée dite Yeni Djami (ou Iki Djeli). En étudiant cet édifice, nous avons pu conclure qu'il avait été une Loge et non point une église (V. sup. p. 116). L'emplacement de Saint-Sébastien correspond sans doute à celui de la Mosquée dite Chadrevan Djami'i (V. sup. p. 211). Cette nouvelle identification s'accorde, mieux encore que les précédentes, avec les indications topographiques fournies par les textes. I I . — ARCHITECTURE MILITAIRE

C. — Page 25. — Nous avons identifié la Porte de la Marine, citée à diverses reprises dans les

textes,

celle qui fait communiquer le Bazar avec le Port, et qu'on appelle à tort Porte

Sainte-Catherine. Cependant, un texte de 1440, relatif à l'Hôpital, (Pièces justificatives, VI) montre que la Porte qui s'ouvre à l'est de cet édifice était désignée sous le nom de Porte de la Marine. Remarquons que la soi-disant Porte Sainte-Catherine n'existait pas en 1440, au moins sous sa forme actuelle. D'autre part, elle s'ouvrait sur le Port, comme la Porte de la Marine, à laquelle elle est réunie par une série de barbacanes et d'ouvrages avancés. Il est donc possible que ces deux passages aient été désignés l'un et l'autre sous le nom de Porte de la Marine.

232

LA CITÉ DE RHODES

D. — Page 61. — Dans le texte cité plus haut (A), relatif au règlement du Port, il est question des doe torre del ditto Porto, qui correspondent évidemment à la Tour de Naillac et à la Tour des Moulins. Cette dernière était donc construite dès 1454; elle fut fondée, par conséquent, entre 1440-1454 et non point, comme nous l'avons dit, entre 1461-1475. Si Arnold von Harff, qui en attribue la fondation à Louis de France, n'a pas commis quelque confusion, il faut admettre que l'ouvrage fut réédifié grâce à la libéralité de Louis XI entre 1461 et 1475. Mais on peut se demander si le pèlerin allemand n'aurait pas attribué à Louis XI une fondation de Charles VII, dont nous avons des preuves de la générosité envers l'Ordre : en 1457, le Roi donnait à P. d'Aubusson, alors Commandeur de Salins, seize mille écus d'or, destinés à des achats d'artillerie et de munitions (Bosio, Istoria, II, 258). De toute manière, la présence de l'écu aux trois lys atteste une donation de l'un de ces rois de France en faveur de l'Ordre. (V. ci-après.) E.— Chapitre III.— Le grand-maître E. d'Amboise avait fait placer l'écu aux trois lys au-dessus de la Porte de la Belle Garde (Porte d'Amboise) qu'il venait de construire. Après sa mort, le Conseil décida de faire transporter ces armoiries dans les limites du poste de la Langue de France : « D i e eodem (19 Juillet 1513) Reverendus Dominus Locumtenens et Consilium cum scrutinio ballotarum legitimis rapportibus animum eorum moventibus ac pro bono pacis et concordia ordinaverunt quod tres lilij sive flores dalys (sic) sparsim positi iuxta arma religionis et quondam magistri extrahantur ex nova porta belloguardij iuxta palatium magistrale et quod statim ponantur in loco beneviso Reverendis Dominis baiulijs Venerande lingue francie infra limites sue poste ad eorum libitum. Item ordinaverunt quod quelibet veneranda lingua sit in sua libertate ponendi arma suorum regum in sua posta et quod Vetera que ibidem sunt affixa non removeantur. »

(ARCHIVES DE M A L T E . —

Ms. N° 82, Liber Conciliorum 1512-1516,

f° 77). Aucune Langue n'usa d'ailleurs de cette liberté de placer dans l'étendue du Poste qui lui était assigné les armes de son souverain. On ne retrouve sur le circuit du rempart que les écus de l'Ordre et des Grands-Maîtres, et, très exceptionnellement, ceux de quelques hauts dignitaires ( N

o s

116 et 122). En tout cas, les écus aux trois lys situés hors des limites du Poste

de la Langue de France ( N

o s

99, 100 et 110) commémorent très certainement des donations

spéciales de rois de France. F. — Page 9 8 . — A la cinquième ligne de l'inscription italienne, nous avions indiqué comme douteuse la lecture seto. Après un nouvel examen du marbre, nous pensons qu'il faut lire : Scto = Scrito, inscription. — Le nom du protomaistro paraît être Manoli Counti, et non point Manoli Constanti. G . — Page 107, II.— On trouve dans une décision du Chapitre général tenu par Foulques de Villaret, le 22 Août 1311, une allusion à « la garde dou dit chastel et dou borg. » (Bib. Nat., 0

Ms. fr. 1978, f 116 v). Il semble donc que dès cette époque, le Bourg ou Ville et le Château étaient déjà compris dans une même enceinte.

TABLE

ALPHABÉTIQUE

NOTA. — Les indices désignent les numéros des notes, à la page indiquée par le chiffre principal.

Abdul-Djelil Mesdjidi, 163, 2 0 7 - 2 1 0 .

Bab-ou-Mestoud Mesdjidi, 1 9 9 - 2 0 0 .

Abencourt (Pierre d'), 90 . Acre, 13, 37 . Actis (A. de), 11 .

Bailliage du Commerce, 1, 93. (V. Mosquée du Bezesten). Bailli de la Morée, 54, 101. Bailli du Commerce, 101. Baillis conventuels, 37. Baléares, 148, 152 . Barcelone, 151, 152, 153, 153 . Basilica mercatorum, 101. Baux (Marie de), 173. Beaucaire, 150. Beaune (Hôpital de), 33. Bellver (Château de), 152.

1

4

3

Agha Djami'i, 211. Alep, (Porte de la Citadelle), 143. Alemnaki Mesdjidi, 2 0 0 .

3

Allemagna (Domenico d'), 102, 104, 127, 169, 197. Amaghou (Eglise d'), 128 . 4

Amboise (Emery d'), grand-maître, 28, 43, 45, 46, 47, 50, 52, 53, 59, 61, 80, 96, 99, 106, 155, 168, 192 . Ampurias, 151. Angers (Hôpital d'), 33. Aragon (Alphonse d'), 150. Aragon, 150. Archevêque latin, 159. Arménie, 161. Arsenal, 16 , 63, 66, 69. 2

6

Bérenger (Raymond), grand-maître, 52, 175, 176. Bernard, archevêque latin, 215. Bezesten Djami'i, 93. (V. Mosquée du Bezesten). Binbir-Kilissé (Eglise de), 161. Blanchefort (Guy de), grand-maître, 5 2 , 68, 168. 4

Borouzan Mesdjidi, 201. Bourges (Hôpital de), 33.

3

Auberges, 1, 10 , 34, 3 7 - 6 9 , 71, 128, 156. 5

Auberge d'Allemagne, 6 9 .

Bourse, 101 . Brie-Comte-Robert (Hôpital de), 33. Brumières (Charles de), 46 . 6

Auberge d'Angleterre, 6 8 - 6 9 . Auberge d'Auvergne, 14, 38, 42, 6 3 - 6 8 , 73, 130,

1

134, 151, 152. Auberge d'Espagne, 4 9 , 5 5 - 6 1 , 78, 84 , 90, 133, 1

2

146, 151, 152, 154 , 155. 1

Auberge de France, 27, 38, 3 9 - 5 5 , 73, 78, 96, 112,

114, 129, 130, 131, 134, 135, 137, 138, 139, 140, 143, 145, 149, 151, 153. Auberge d'Italie, 37, 6 2 - 6 3 , 86. Auberge de Provence, 6 1 - 6 2 , 91, 134, 151.

Aubusson (Pierre d'), grand-maître, 8, 11 , 12, 14, 3

19, 21, 26, 26i, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 46, 52 , 4

78, 101, 106, 107, 145, 155, 159, 180, 180 , 197, 6

216 . Augustins, 163. Aumônier, 46 . 4

1

Avignon, 14, 142, 148, 149, 150, 153. Avila, 151 . 5

Aymer de la Chevalerie (Jacques d'), 96, 101. 31

Cane! (Hieronimo de), 50. Carretto (Fabrizio del), grand-maître, 62, 73, 84, 86, 89, 104, 106, 155, 168. 200, 213, 217. Casernes des Chevaliers, 106. Castellorizo, 150. Castille, 151. Catalogne, 128, 148, 150, 152, 153, 170. Cavaglione (Giovanni), 29. Chadrevan Djami'i, 180 , 206 , 211. Chapelle de France ( ? ) , 8 9 . Chapelle de Saint-Athanase, 199. Chapelle de Saint-Bernardin, 180 . Chapelle de Sainte-Catherine (au Palais), 8. Chapelle de Sainte-Catherine (à l'Hospice), 104, 197. 3

3

4

234

TABLE ALPHABÉTIQUE

Chapelle de Saint-Démétrius, 63, 73, 176.

180. — Sainte-Marie du Château (Cathédrale la-

Chapelle de Saint-Jean-Baptiste, 202.

tine), 162, 170-174, 180, 188. — Saint-Michel, 161.

Chapelle de Sainte-Marie-Madeleine, 8.

Saint-Pantaléon, 197-198. — Saint-Sauveur, 192.

Chartres (Hôpital de), 33.

— Saint-Sébastien, 37 , 116, 161.

Château, 1, 5, 37, 38, 53, 63, 159. Château Saint-Pierre, 101, 216.

Egypte, 144, 147 .

1

3

Enderoun Djami, 172 . (V. Eglise Sainte-Marie du Château). 1

Châtellenie, 1, 101, 101 , 102. Cheron (Jean), 89. 1

Espagne, 128, 146, 148, 150, 153, 154, 155, 218. Este (Nicolô da), 105.

Chypre, 143, 144, 148, 150, 153. Cimetière de Saint-Antoine, 214, 216 . Clément, métropolite grec, 101 . 3

5

Clément V, 159. Clouet (Pierre), 27, 32, 45, 53.

Farsati (Giovanni), 90 .

Cluny, 128, 148.

Flota (François), 62.

Coca (Château de), 153.

Fluvian (Anton), grand-maître, 14, 21, 25, 29, 30,

Collachio, 169 .

32, 61, 72, 102, 143, 150, 154, 155, 173. Fossato (Giacomo de), 30.

1

Figeac (Maisons), 148.

1

Colossensis, 159, 169 . Colossi (Château de), 143. 1

France, 128, 144, 147, 148, 149, 153, 154, 155, 218.

Commandeur de la Voûte, 16 , 27. Comtat-Venaissin, 148. 3

Franciscains, 163, 182

1;

182 , 206. 3

Constantinople, 33 , 162. 5

Cordes, 132 , 148. Corneillan (Pierre de), grand-maître, 52 , 179 , 1

4

1

213, 214, 215, 218. Couriaut (Pierre), 54. Couvents, 163, 202-210.

Gozon (Dieudonné de), grand-maître, 45, 142, 168, 175, 179i, 213. Grèce, 161. Grenier, 145. Guadalajarra (Palais de l'infantado à), 153.

Crète, 144, 153, 161. Cues (Hôpital de), 3 3 . 8

Cumbault (Emery), 54 . Custos operis, 27.

Hamza Bey Djami'i, 192, 210. Heredia (Juan Fernando de), grand-maître, 148, 216.

Demirli Djami, 162, 185-189.

Heredia (Pedro Fernando de), châtelain d'Emposte, 216.

5

Djem, 38, 47 . Dolaply Mesdjidi, 162 , 194-196. 1

Hôpital, 1, 13-36, 42, 71, 72 , 96, 102, 106, 128, 129, 142, 145 , 151, 152,153,154, 156, 181, 210. Hôpital du X I V siècle, 73. Hospice de Sainte-Catherine, 34, 102-106, 127, 140. Hospitalier, 35, 46 , 53. Hôtel de la Monnaie, 91. Hudaï Mesdjidi, 201-202. 2

5

1

e

Eglises : Notre-Dame de la Garde, 170 . — Notre-Dame de Philerme, 170 , 211. — Notre-Dame de la. Place, 170 . — Sainte-Anastasie, 211. — Saint-Antoine, 211,214.-— Saints-Apôtres, 210. — Saint-Augustin, 107 , 161, 180 , 188. — SaintBernardin, 210. — Sainte-Catherine, 172 . — Saint-Cosme et Saint-Damien, 211. — SaintEtienne, 211. — Saint-Jean (Eglise conventuelle), 71, 72, 167-170, 213, 214. — Saint-Jean de la Fontaine, 211. — Saint-Marc, 163, 180, 206, 210. — Sainte-Marie de la Victoire, 145, 153, 161, 163, 180-182, 197. — Sainte-Marie du Bourg, 161, 1792

2

2

2

1

3

1

Ibiza, 151 . Ibrahim Pacha Djami'i, 210. Ilk Mihrab Mesdjidi, 184-185, 194. Infirmerie (V. Hôpital). Infirmier, 34. Issoudun (Hôpital d'), 33. Italie, 128, 146, 154, 170, 218. 6

TABLE ALPHABÉTIQUE

235

Montmirel (Nicolas de), 28 , 4 6 Morel (Jean), 29, 89 . 2

Jaffa, 37 . 4

1;

217.

5

Jardin de l'Amiral, 63. Jardin du Palais, 10 , 11. Jérusalem (Hôpital de), 33, 34. Juilly (Robert de), grand-maître, 214.

Mosquée Al Mouayad (au Caire), 128 , Mosquée de Mourad-Reïs, 211. Mosquée de Soultan Hassan (au Caire), Mosquée du Bazar, 93. (V. Mosquée du Mosquée du Bezesten, 48 , 93-101, 112, 128, 129, 130, 135, 137, 138, 139, 142, Moulins (Roger de), grand-maître, 34. Moulins à vent, 127. Mudejare (Influence), 119, 145. Mykonos, 128 . 4

1

1

Kadi Mesdjidi, 182-184. Kalymnos, 128 . 4

Kantouri Djami, 172. (V. Eglise Sainte-Marie du Château).

144 . 5

144 . Bezesten). 114, 117, 145, 154 . 5

3

4

Kavakly Mesdjid, 189. Kasr-el-Benat, 144 . 1

Kendal (Jean), 68.

Naillac (Philibert de), grand-maître, 213.

Khans, 33.

Narbonne, 149.

Khan Zadé Mesdjidi, 89, 162 , 174.

Newport (Thomas), 216, 218.

Khomra (Khorassari), 139.

Nicolas V, 150 .

Khourmaly Medressé, 163, 202-207.

Nicosie, 144 , 174.

3

3

2

Kokannaya, 144 . 1

Koniah, 144 . 5

Operti (Costanzo), 63, 102, 104, 173.

Kyzyl Kapou Mesdjidi, 202.

Orléans (Hôpital d'), 33. Orsini (Battista), grand-maître, 31, 168, 214. Ourscamps (Hôpital d'), 33.

Langres, 144 . Laon, 148. 5

Lastic (Jean de), grand-maître, 14, 21, 24, 25, 52 , 4

72, 102, 154, 173. Limassol, 13, 34, 37. Lindos, 37, 101 , 129, 142. Loge de Saint-Jean, 37 , 71-72, 168. Lucques, 148.

Palais de l'Évêque, 107. Palais des malades, 20, 36. Palais des Papes, 149.

2

Palais du grand-maître, 1, 5-12, 71, 141, 147 , 2

1

149, 154. Palais du Pin, 9 1 . Palerme, 153. Palestine, 148. Palma, 59, 151, 152. Papefust (Pierre), 89. Paris (Hôtel-Dieu de), 34. Patmos, 141. 3

Madrid, 151 . Mahmoud II, 22 , 28. Maître de l'ânerie, 27. Majorque, 150, 152, 153. Malona, 129. Malte, 11 , 168 . Medina del Campo, 153. Melay (Guy de), 88. Memi Cheikh Mesdjidi, 202. Métropolite grec, 114, 159. 5

2

3

3

Peial ad Dîn Mesdjidi, 162 , 193-194, 185. Périgueux, 148. 5

Perpignan, 151, 152. Petit Commandeur, 16 , 27. 3

Milly (Jacques de), grand-maître, 31, 107, 173,

Piliers des Auberges, 37, 38 . Pins (Roger de), grand-maître, 14, 73, 101

214, 218. Monpazier, 128. Mont-de-Piété, 106-107. Monteux, 150.

175, 213. Place Saint-Sébastien, 163. Polsasco (Ludovico de), 177. Pommerol (Gabriel de), 180 .

4

4

1;

147,

TABLE ALPHABÉTIQUE

236

Pont Saint-Esprit, 142. Porte d'Amboise, 10, 127.

Takkedji Mesdjidi, 162 , 191-192.

Porte de la Châtellenie, 102.

Taormina, 153.

Porte de la Marine, 29.

Tarascon, 142, 150.

Porte du Môle, 102. Porte Sainte-Catherine, 102.

Tarragone, 152.

5

Tarse (Casai de), 30.

Pot (Renier), 216 .

Tchoukour Mesdjid, 208.

Prieurs, 52.

Templiers, 150.

Prieur de l'Hôpital, 35. Provana (Tomaso), 216, 218.

Tombeaux, 213-218.

Provence, 128, 146, 148, 149, 153, 154, 170.

Tortose, 30.

Provins, 132 , 148,

Toulouse, 152 .

Prud'hommes de l'Hôpital, 35. Puy (Raymond du), grand-maître, 34.

Trébizonde, 161.

4

Tonnerre (Hôpital de), 33.

1

8

Trésorier, 53, 54, 101.

Valence, 152.

Redjeb-Pacha Djami'i, 210.

Validé Khan, (de Constantinople), 3 3 . 5

Rimini, 170.

Vérone, 170.

Riolx (Raymond de), 90 . 1

Rochechenard (Charles-Aleman de la), 53, 62,168 , 3

Vich, 151. Villagut (Jean de), 30, 59 . 3

169.

Villamarin (Bernard de), 150.

Rochechouart (Emery de), 81 . 1

Villaragut (Diomède de), 30 , 59, 78. 2

Rodez, 150 . 1

Rue des Chevaliers, 15, 21, 26, 3 1 , 63, 149, 167 , 7

2

Villaret (Foulques de),

grand-maître,

11 ,

159,

3

169 . 5

168.

Villeneuve (Hélion de), grand-maître, 12, 147, 169, 175, 179 . Villeneuve-les-Avignon, 149. Villiers de l'Isle-Adam (Philippe de), grand-maître, 28, 43, 46, 53, 80, 96, 100, 180. Viterbe, 144 . Vizir Khan (de Constantinople), 3 3 . 1

Saint-Gilles, 148. Saint-Simon (Renaud de), 54. Salakos (Panaghia de), 202 . 4

Salle du Conseil, 8, 72 .

5

1

Salonique, 33, 162.

5

San Gemignano, 132 , 148. 1

Saragosse, 152 . 3

Sâtri Tchelebi Mesdjidi, 162 , 190. Scalenghe (Ludovico de), 177. Ségovie, 151 , 153. Serbie, 161. Sicile, 144, 150, 153, 154, 155. Suleiman 1 , 7, 106, 184. Suleimanié Djami, 210. Sykynty Mesdjid, 193. Synagogues, 159. Syrie, 128, 143, 144, 148, 153.

Waldener (Christophe), 96 . 3

5

5

Yeni Djami (Yeni Tcheri Djami'i), 116-117, 180. Yrak, 147 . 3

er

Zacosta (Raimondo), grand-maître, 11, 12 , 52, 4

150. Zamorra, 151 . 5

Zecha, 91.

T A B L E

PLANCHE

D E S

P L A N C H E S

H O R S

T E X T E

I. — 1. Porte d'entrée du Palais du Grand-Maître. 2. Façade orientale de l'Hôpital.

PL.

II. — L'Hôpital : plan du rez-de chaussée.

PL.

III. — L'Hôpital : plan du premier étage.

PL.

IV. — L'Hôpital : façade orientale.

PL. PL.

V. — L'Hôpital : coupe longitudinale. VI. — L'Hôpital. 1. Porte nord. 2. Vantaux de la porte est.

PL. PL.

VII. — Rue des Chevaliers. VIII. — Auberge de France. 1. La façade pendant les travaux de restauration en 1 9 1 3 . 2. Motif central, avant la restauration.

PL. PL. PL.

PL.

IX. — Auberge de France : façade avant la restauration. X. — Auberge de France : façade restaurée. X I . — Auberge de France ( 1 9 2 1 ) .

X I I . — Auberge de France : vue prise de la terrasse de l'Hôpital.

PL.

X I I I . — Auberge de France : détails.

PL.

X I V . — Auberge de France : motif central.

PL.

X V . — Auberge de France : détails. 1. Couronnement de la porte d'entrée. 2 , 3 . Gargouilles. 4. Armoiries de l'Ordre et d'E. d'Amboise.

PL.

X V I . — 1. Auberge de France : porte d'entrée. 2. Auberge d'Auvergne : porte d'entrée.

PL.

X V I I . — Auberge d'Espagne. 1. Façade : aile occidentale. 2. Façade : aile orientale.

PL.

X V I I I . — Auberge d'Espagne : armoiries conservées au Musée de Constantinople. 1. Armes de Portugal. 2. Armes de Castille, Aragon et Grenade. 3. Armes de Navarre.

PL.

X I X . — 1. Auberge de Provence ( ? ) : armoiries. 2, 3. Auberge de France : armes de Villiers de l'Isle-Adam.

PL.

X X . — 1. Auberge de Provence ( ? ) : façade. 2. Maison N° 7 : façade.

PL.

X X I . — 1. Khan Zadé Mesdjidi et maison des Chapelains de France ( ? ) . 2. Maison des Chapelains de France ( ? ) : armoiries.

238 PL.

TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE e

X X I I . — 1. Magasins de l'Arsenal (Hôpital du X I V siècle?). 2. Eglise Saint-Jean (d'après Rottiers).

PL.

X X I I I . — Mosquée du Bezesten (Bailliage du Commerce?). 1. Vue d'ensemble. 2. Façade méridionale.

PL. PL. PL. PL.

X X I V . — Mosquée du Bezesten : détails. X X V . — Maison N° 31 : état actuel. X X V I . — Maison N° 31 : façade restaurée. X X V I I . — Maisons de la ville. o

o

o

1 ( N 26), 2 (N° 38), 3 ( N 32), 4 (N° 44), 5 (N° 39), 6 (N° 38), 7 ( N 66). o

P L . X X V I I I . — 1. Une rue de la Ville (Maison N 46). 2. Cour de la maison N° 44. PL.

X X I X . — Rues de la Ville.

PL.

X X X . — Architecture civile : détails. 1 (N° 65), 2 (N° 52).

PL.

X X X I . — Architecture civile : détails. 1 (N° 31), 2 (N° 9), 3 (N° 61), 4 (N° 44). o

o

o

o

P L . X X X I I . — Architecture civile : détails. 1 ( N 31), 2 (N° 33), 3 ( N 27), 4 ( N 27), 5 ( N 29), 6 (N° 66), 7 (N° 33), 8 (N° 26). P L . X X X I I I . — 1. Demirli Djami. 2. Dolaply Mesdjidi. P L . X X X I V . — Dolaply Mesdjidi : état actuel. 1. Face Nord. — 2. Face ouest. P L . X X X V . — Dolaply Mesdjidi : restauration. P L . X X X V I . — 1. Kantouri Djami. (Église Sainte-Marie du Château). 2. Pierre tombale de P. F. de Heredia (Musée de Rhodes). 3. Suleimanié Djami : porte d'entrée. P L . X X X V I I . — Architecture religieuse : détails. 1 (N° 7), 2 (N° 7), 3 (N° 3), 4 (N° 3), 5 (N° 27), o

o

6 (N° 27), 7 ( N 25), 8 (N° 25), 9 ( N 28), 10 (N° 8). P L . X X X V I I I . — Pierres tombales conservées au Musée de Rhodes (1, 3) et à l'Auberge de France (2). P L . X X X I X . — Pierres tombales conservées au Musée de Constantinople. PL.

X L . — Pierres tombales conservées au Musée de Rhodes. 1. Tombe de Thomas Provana. — 2. Tombe de Nicolas de Montmirel. — 3. Tombe de Thomas Newport.

PL.

e

X L I . — La Cité de Rhodes au début du X V I siècle : essai de restitution. Vue d'ensemble, prise du nord-est, de la Cité et des Ports.

TABLE

DES

BIBLIOGRAPHIE

MATIÈRES

.

.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE COMPLÉMENTAIRE

V VI

PREMIÈRE PARTIE : ARCHITECTURE CIVILE CHAPITRE

I. — NOMENCLATURE DES ÉDIFICES

1

CHAPITRE

II. — LE PALAIS DU G R A N D - M A Î T R E

5

CHAPITRE

III. — L ' H Ô P I T A L

13

I. — Description (p. 1 5 ) . — II. Historique des Travaux ( 2 9 ) . — III. Le type de l'édifice (32). — IV. Le rôle de l'Hôpital (34). CHAPITRE

IV. — LES AUBERGES

37

I. — Auberge de France (39). — II. Auberge d'Espagne (55). — III. Auberge de Provence (61). — IV. Auberge d'Italie (62). — V. Auberge d'Auvergne (63). — VI. Auberge d'Angleterre (68). — VII. Auberge d'Allemagne (69). CHAPITRE CHAPITRE CHAPITRE

V. — ÉDIFICES DU CHATEAU

71

VI. — LA V I L L E : ÉDIFICES PUBLICS

93

VII. — LES MAISONS DE LA V I L L E

.

CHAPITRE V I I I . — TECHNIQUE ET DÉCORATION

109 129

I. — Maçonnerie : A, Matériaux (129); B, Appareil (129); C, Arcs et voûtes (130); D, Bandeaux, corbeaux, porte-bannière (130); E, Portes (132); F, Fenêtres (135). II. — Charpente et couverture (138). III. — Menuiserie (140). IV. — Décoration intérieure; peinture; carrelages (141). V. — La sculpture ornementale : le premier et le second style rhodien (143). CHAPITRE

IX. — INFLUENCES. ÉVOLUTION

147

I. — Caractères généraux de l'architecture civile (147). II. — Les Influences : A, Influences françaises (148); B, Influences espagnoles (150); C, Influences étrangères à la France et à l'Espagne (153). III. — Évolution de l'architecture civile (154). D E U X I È M E PARTIE : CHAPITRE CHAPITRE CHAPITRE CHAPITRE

ARCHITECTURE

I. — ÉGLISES LATINES ET GRECQUES II. — L E S ÉGLISES DU CHATEAU III. — LES ÉGLISES DE LA V I L L E IV. — TOMBEAUX

RELIGIEUSE 159 167 179 213

240

TABLE

DES

MATIERES

PIÈCES JUSTIFICATIVES ET TABLES PIÈCES JUSTIFICATIVES

221

ADDITIONS ET CORRECTIONS AU TOME PREMIER

231

TABLE

233

ALPHABÉTIQUE.

T A B L E DES PLANCHES HORS-TEXTE

237

ERRATA Page 29, ligne 11, au lieu de Pierre Morel, lire : Jean Morel. Page 84, note 1, au lieu de p. 26, lire : pl. 26. Page 104, ligne 31, au lieu de à l'ouest, lire : à droite. Page 153, note 2, au lieu de Les palacios, lire : Los palacios.

PL.

1. PORTE D'ENTRÉE DU PALAIS.

2 . F A Ç A D E ORIENTALE D E L'HOPITAL.

I

PL.

L'HOPITAL : PLAN DU REZ-DE-CHAUSSÉE

II

PL.

L'HOPITAL : PLAN DU PREMIER ÉTAGE.

III

PL.

L'HOPITAL : FAÇADE ORIENTALE

IV

PL.

L'HOPITAL : COUPE LONGITUDINALE.

V

P L . VI

1. L'HOPITAL : PORTE NORD, (avant la restauration)

2. L'HOPITAL : VANTAUX DE LA PORTE EST. (Musée de Versailles)

PL.

RUE DES CHEVALIERS.

VII

PL.

AUBERGE DE FRANCE. 1. LA F A Ç A D E (Vue prise pendant les travaux de restauration en 1 9 1 3 )

2. MOTIF CENTRAL (avant la restauration).

VIII

PL.

AUBERGE DE FRANCE : FAÇADE AVANT LA RESTAURATION.

IX

PL.

AUBERGE DE FRANCE : FAÇADE RESTAURÉE.

Χ

PL.

AUBERGE DE FRANCE (1921).

XI

P L . XII

AUBERGE DE FRANCE. Vue prise de la Terrasse de l'Hôpital.

PL.

AUBERGE DE FRANCE : DÉTAILS.

XIII

PL.

AUBERGE DE FRANCE : MOTIF CENTRAL.

XIV

PL.

AUBERGE DE FRANCE : DÉTAILS

XV

PL.

1. AUBERGE DE FRANCE : PORTE D'ENTRÉE.

2. AUBERGE D'AUVERGNE : PORTE D'ENTRÉE.

XVI

PL.

AUBERGE DESPAGNE.

XVII

PL.

AUBERGE D'ESPAGNE.

XVIII

ARMOIRIES (Musée de Constantinople).

PL.

1. AUBERGE DE PROVENCE (?) : ARMOIRIES.

AUBERGE DE FRANCE : ARMOIRIES.

XIX

PL.

1. AUBERGE DE PROVENCE (?) : PORTE D'ENTRÉE.

2. MAISON N° 7.

XX

PL. XXI

1. KHAN ZADÉ MESDJIDI ET MAISON DES CHAPELAINS DE FRANCE (?).

2. MAISON DES CHAPELAINS DE FRANCE : ARMOIRIES.

PL.

1. MAGASINS DE L'ARSENAL. (Hôpital du X I V siècle ?) e

2. ÉGLISE SAINT-JEAN, (d'après Rottiers)

XXII

PL.

1. MOSQUEE DU BEZESTEN (Bailliage du Commerce ?). VUE D'ENSEMBLE.

2. F A Ç A D E MÉRIDIONALE.

XXIII

PL. XXIV

MOSQUÉE DU BEZESTEN : DÉTAILS.

PL.

MAISON N° 31 : ÉTAT ACTUEL.

XXV

PL.

o

MAISON N 31 : FAÇADE RESTAURÉE.

XXVI

PL.

MAISONS DE LA VILLE.

XXVII

PL.

1. UNE RUE DE LA VILLE (MAISON N° 46).

2. COUR DE LA MAISON N° 44.

XXVIII

PL.

RUES DE LA VILLE.

XXIX

PL.

DÉTAILS.

XXX

PL.

DÉTAILS.

XXXI

PL.

DÉTAILS.

XXXII

PL.

1. DEMIRLI DJAMI.

2. D O L A P L Y MESDJIDI.

XXXIII

PL.

1. FACE NORD.

2. FACE OUEST. D O L A P L Y MESDJIDI : ÉTAT ACTUEL.

XXXIV

PL.

D O L A P L Y MESDJIDI : RESTAURATION

XXXV

PL.

1.

KANTOURI

DJAMI.

2.

PIERRE

TOMBALE.

Musée de Rhodes.

3.

SULEIMANIÉ

DJAMI

:

PORTE

D'ENTRÉE.

XXXVI

PL.

ARCHITECTURE RELIGIEUSE : DÉTAILS.

XXXVII

PL.

1

3

PIERRE TOMBALE. Musée de Rhodes.

PIERRE TOMBALE. Musée de Rhodes.

2 PIERRE TOMBALE.

XXXVIII

PL.

PIERRES TOMBALES. Musée de Constantinople.

XXXIX

PL.

PIERRES TOMBALES. Musée de Rhodes.

XL

PL. XLI

LA CITÉ DE RHODES AU DÉBUT DU X V I

e

SIÉCLE

ESSAI DE RESTITUTION.

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