Le concept de bien commun comprend davantage que la synthèse des intérêts particuliers, ou du moins des groupes ou indiv...
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14 juillet 2015
L’intelligence du bien commun Yannick Quéau
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L’intelligence du bien commun
L’intelligence du bien commun Le Fonds de dotation OSINTPOL est un laboratoire d'idées ou think tank. Il accomplit une mission d'intérêt général en soutenant la recherche et la diffusion d’analyses en science politique, notamment les domaines liés à la paix et aux relations internationales. Il agit dans l'intérêt du bien commun en conformité avec les valeurs humanistes qui sont les siennes et les idéaux de justice et de liberté énoncés dans la Déclaration universelle des droits de la personne. Les travaux d’OSINTPOL s'inscrivent pleinement dans les débats parcourant ses sphères d'intérêt. La démarche est résolument critique et avant tout orientée vers la production et la diffusion aussi large que possible des savoirs relatifs à ses domaines d'interventions. OSINTPOL ne saurait accomplir efficacement sa mission d’information et de sensibilisation du public sans le soutien de donateurs motivés par la défense du bien commun. Rejoignez-nous sur osintpol.org. Fonds de dotation OSINTPOL - Tous droits réservés Les opinions exprimées n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement une prise de position d’OSINTPOL 125 rue de Longchamp 75116 Paris Courriel :
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Photographie : rassemblement place de la République à Paris le 11 janvier 2015 suite aux attaques de Charlie Hebdo et de l’Hypercasher. Laurent Sauvebois/CC BY-SA 2.0.
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Biographie de l’auteur Yannick Quéau assure la direction d’OSINTPOL. Il se consacre également à la recherche, ses sphères d’expertise couvrant la sécurité internationale, les relations transatlantiques, les aspects industriels, stratégiques et économiques du commerce des armes, qu’elles soient classiques ou nucléaires, ainsi que les règles de contrôle s’y rapportant. Il est l’auteur de nombreuses analyses et rapports sur ces sujets qu’il couvre également par le biais de conférences. Il est par ailleurs chercheur associé au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP, Bruxelles). Il a auparavant travaillé au sein du Groupe de recherche sur l’industrie militaire et la sécurité (GRIMS, Montréal) et été rattaché à l’Observatoire de l’économie politique de la défense (OEPD, Montréal). Il a collaboré en tant que chercheur associé avec la Fondation pour la recherche stratégique (FRS, Paris) de novembre 2010 à août 2013. Il a aussi officié comme analyste au Technopole défense et sécurité à Valcartier (Québec, Canada), plus précisément, au Bureau de commercialisation et d’intelligence des marchés, ainsi que comme enseignant pendant 3 ans pour le compte du ministère de la Défense du Canada à Saint Jean-sur-Richelieu (Canada). Il a aussi enseigné épisodiquement comme chargé de cours à l’université du Québec à Montréal (UQAM), à l’université Paris 2 Panthéon-Assas et à Sciences Po Paris. Yannick Quéau est diplômé de l’UQAM) et de l’université de Bradford (Royaume-Uni).
Pour citer ce document Yannick Quéau, « L’intelligence du bien commun », Décryptage d’OSINTPOL, 14 juillet 2015.
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Introduction : dépasser l’élément de langage Faire court, punché, formaté pour voyager rapidement sur les médias sociaux (« être viral »), se limiter à quelques idées simples, faciles à retenir… Ces préoccupations ont un temps été prises en compte au moment de se lancer dans l’écriture de ce premier texte publié par le Fonds de dotation Open Source Intelligence on Politics (OSINTPOL). Et puis, les critères se sont faits plus précis. Court comment, au juste ? En 140 caractères ? Rien que le titre en compte 29 espaces compris. Et puis, la réflexion quant au contenu a surpassé les considérations de forme. Cette démarche correspond bien mieux à l’approche d’OSINTPOL. Elle a finalement motivé le choix d’un essai pour présenter plusieurs des éléments ayant présidé à la genèse de ce projet de laboratoire d'idées au service du bien commun. Trop souvent le débat public est en effet noyé sous du prêt-à-penser ou sous des éléments de langage savamment choisis par une armée de spin doctors plus intéressés par l’image projetée par leurs clients que par le fond des propos tenus. Or, pour OSINTPOL, le concept d’élément de langage n’équivaut à rien d’autre qu’au degré Kelvin de l’analyse. À ce stade, c’est sans espoir, toute nuance est impossible, les neurones gèlent assurément. Le bien commun est une notion qui mérite qu’on s’y arrête pour comprendre jusqu’à quel point elle est actuellement malmenée. Tant pis si cette entorse au rituel du prémâché fait reculer le nombre de lecteurs potentiels et nous vaut à tord d’être taxé d’élitisme. La sphère politique qui constitue l’objet d’OSINTPOL n’est pas le domaine de la facilité. La compréhension des rapports sociaux qui la façonnent implique nécessairement de faire un effort, en particulier de critique. S’y refuser, c’est limiter l’exercice de sa citoyenneté. C’est aussi cautionner une communication des dirigeants dont l’incapacité à justifier leurs choix se dissimule parfois derrière un « manque de pédagogie. » Tout en donnant l’illusion d’une faute avouée (à moitié pardonnée ?), cette expression accomplit simultanément deux fonctions : elle absout pour un moment celui qui l’emploie de l’effort de justification tout rendant le peuple en partie responsable cette situation à cause de son incapacité alléguée à se munir des outils nécessaires à la compréhension des finesses du monde politique. C’est une manière de mépriser la démocratie tout en justifiant la technocratie ou plus exactement l’oligarchie. Le concept de bien commun comprend davantage que la synthèse des intérêts particuliers, ou du moins des groupes ou individus disposant de suffisamment de ressources pour promouvoir efficacement leur cause. La notion renvoie à une forme de transcendance, à une ouverture à l’autre, à une empathie face à sa réalité et aux défis qui jalonnent son existence. Elle porte en elle l’idée de justice, de partage et même d’humanisme, autant de termes qui peinent à percer dans l’espace politique contemporain où l’accent est plus souvent mis sur ce qui divise et oppose les êtres humains plutôt que sur ce qui les unit ou ce
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qui pourrait les rassembler. C’est vrai à l’international comme au sein des États où l’intérêt collectif, l’impératif du vivre ensemble, s’éclipse devant les aspirations contradictoires d’une multitude d’acteurs. Dans des contextes sociaux tendus marqués par les effets d’une crise économique durable, l’autre inspire plusieurs peurs propices au développement du militarisme et du sécuritarisme. Une culture de l’insécurité, qu’elle soit identitaire, matérielle ou physique, s’est ainsi peu à peu à installée dans les sociétés occidentales. L’autre est devenu une menace devant être contrée, un être sacrifiable. Les questionnements identitaires qui sont instrumentalisés à des fins électorales autorisent son rejet de même que l’effacement des idées de justice et de liberté. Si les responsables politiques contribuent à cette situation (s’ils ne sont pas responsables, qui le serait ?), ils détiennent aussi une large part de la solution. Ils ne sont toutefois pas les seuls dans ce cas. Les représentants de la société civile et en fait chaque citoyen est tout à la fois acteur du problème et de ses solutions. Il reste à cibler les aspects néfastes de l’ordre établi, à en cerner les tenants et les aboutissants pour ensuite afficher sa volonté de changement face à ceux et celles qui s’y objecteront par souci de préserver leurs intérêts, leurs statuts, leurs privilèges.
Sécuritarisme et militarisme Les discours sur la menace ont rarement occupé autant d’espace dans les médias depuis la fin de la Guerre froide alors même que les analyses statistiques et les études réalisées par les organismes indépendants montrent que les sociétés occidentales n’ont peut-être jamais été aussi sûres. Cela ne signifie pas que toutes les menaces ont disparu, mais l’empressement à exiger des mesures radicales dès que l’une d’entre elles se matérialise n’est certainement pas dénué d’arrières-pensées. Lorsqu’au lendemain des attaques de Charlie Hebdo et de l’Hypercacher les 7 et 8 janvier 2015, des voix s’élèvent pour exiger la fermeté envers les terroristes, elles instrumentalisent aussi pour certaines l’évènement afin de mettre au plus vite leurs budgets à l’abri de l’effort collectif de redressement économique et d’élargir leur mandat et donc leurs moyens. C’est la logique suivie avec succès, depuis bien avant les attentats, par les appareils français de défense et de sécurité. Dans un contexte économique difficile, les budgets militaires ont ainsi été « sanctuarisés » ; le choix du terme dans une république autant attachée à la laïcité n’étant pas innocent. Pour la première fois depuis longtemps la courbe des dépenses militaires françaises est appelée à dépasser les prévisions de la Loi de programmation militaire, des prévisions qui sont historiquement rarement atteintes, loin de là. En conséquence, les ressources devant permettre de sortir de la crise devront être ponctionnées ailleurs que dans le budget de défense.
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Or, si dans la lutte contre la menace terroriste, l’action policière est bien sûr une option, le recours aux forces militaires est quant à lui beaucoup plus questionnable. Depuis 2001, l’idée consistant à vouloir porter le combat en Afghanistan, chez les terroristes islamistes, s’est plus souvent qu’autrement avérée contre-productive. On ne compte plus les nouveaux théâtres du Pakistan à la Syrie en passant par la Libye ou la Tunisie sans oublier l’Irak, le Mali ou encore le Nigeria et le Yémen. L’Occident s’est précipité dans le piège de la guerre globale au terrorisme. Après bientôt 15 ans, les diverses chancelleries de l’OTAN n’ont formulé aucun objectif qui soit sérieusement porteur de paix, de stabilité et de développement. Le déploiement durable de troupes à l’étranger et/ou le bombardement des positions jihadistes font figure d’horizon opérationnel indépassable, manière de confondre le moyen avec le but. Il s’agit là d’une première victoire pour des groupes islamistes appliquant la logique du Choc des civilisations et cherchant à épuiser les armées occidentales dans des missions longues et onéreuses leur donnant l’occasion de discréditer la capacité des « Croisés » à mettre les « combattants d’Allah » hors d’état de nuire. Une seconde victoire des terroristes islamistes réside dans les diverses versions du Patriot Act américain implantées dans les démocraties occidentales et dans l’ensemble des mesures administratives rognant chaque fois un peu plus les libertés individuelles et collectives et attisant les suspicions à l’endroit des Occidentaux de confession musulmane (une expression rarissime). Ces mesures sont conformes à la stratégie de division poursuivie par les terroristes qui doit conduire les États démocratiques vers l’autodestruction via le renoncement progressif à leurs principes fondamentaux. La logique de l’ennemi intérieur s’est imposée en Amérique du Nord comme en Europe, la lutte contre les cinquièmes colonnes justifiant des mesures autoritaires. En France, de manière assez troublante, c’est dans une période où, suite aux révélations d’Edward Snowden, la population prend conscience de l’utilisation de ses métadonnées par les géants d’Internet ou par des gouvernements étrangers que les dirigeants français ont cru bon de s’accaparer les informations autorisant une connaissance fine de la vie privée de chaque individu actif sur la toile à partir de l’hexagone. La mesure est une véritable trahison au regard des idéaux démocratiques. Pour ceux et celles qui avaient espéré voir dans l’État un moyen de préservation contre les éventuelles dérives des entreprises privées dans l’exploitation des données personnelles, la désillusion est majeure. C’est autant plus le cas que c’est aux militaires que le gouvernement prévoit de confier une partie de cette mission. On aurait cru de telles dispositions réservées aux dictatures. Qu’on imagine seulement cette masse ahurissante de données à la disposition d’un exécutif d’extrême droite et les quelques mécanismes de contrôle mis en place apparaissent immédiatement comme n’étant que cosmétiques. Les cibles traditionnelles des partis extrémistes auraient alors de quoi s’inquiéter (juifs, musulmans, étrangers, homosexuels, communistes, francs-maçons…). Attendu
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les percées électorales réalisées par les partis populistes un peu partout en Europe (Danemark, Belgique, France, Hongrie, Suède…), ce scénario ne peut être écarté. Il est d’autant plus inquiétant que les idées de l’extrême droite ne s’arrêtent aucunement aux frontières des partis politiques. Mais sans même anticiper cette situation, l’accaparement sans discrimination des métadonnées de tout à chacun porte en elle le germe de la criminalisation de la dissidence. L’exécutif s’est octroyé la possibilité technique d’accéder à la vie privée de tout opposant politique. C’est potentiellement bien plus qu’un bracelet électronique virtuel passé à la cheville de chaque contestataire. Pendant que les politiciens se lancent dans une surenchère sécuritaire teintée fortement de militarisme, la réflexion sur les sources du terrorisme, c’est-àdire sur le terreau fertile de l’injustice et de la pauvreté qui permet aux groupes armés violents de prospérer est totalement éclipsée. Le largage des bombes et la criminalisation de la dissidence se sont imposés comme les premières options par défaut de l’action gouvernementale.
L’effacement de l’idéal républicain Il en va de même en matière de lutte contre l’immigration clandestine. Pour contrer les drames humains faisant de la méditerranée le tombeau de milliers de migrants les moyens militaires sont aussi mis de l’avant ; comme si la destruction des navires des passeurs suffisait à régler le problème. Jusqu’à présent, la principale conséquence de la surveillance policière et militaire des migrants de la méditerranée a été de générer plus de chaos en forçant des hommes et des femmes désespérés à prendre toujours plus de risques pour rejoindre une terre synonyme d’avenir. Pour les membres de l’Union européenne, il serait certainement plus rentable et efficace d’instaurer en amont, de manière clairement accessible aux migrants, des processus d’identification, d’accueil et d’insertion au sein de l’Union. Dans un paysage médiatique dominé par les apprentis sorciers de l’identité nationale cette mesure est cependant réputée invendable politiquement, au contraire des options répressives. Pourtant, l’Europe vieillit, l’Allemagne, son poumon économique, étant même plus proche de la fossilisation. Le continent aurait bien besoin de la main d’œuvre qu’apporte l’immigration pour maintenir sa prospérité économique, mais l’aspiration d’une frange non négligeable des électeurs est tout autre : se bercer dans le fantasme revisité d’une Europe blanche aux valeurs chrétiennes. Les migrants (on ne dit même plus immigrés, histoire de marquer la permanence du processus de déplacement), qu’ils soient de première, de seconde ou même de troisième génération, sont devenus les boucs émissaires des maux de la société occidentale. Ils sont suspectés de ne pas assez aimer leur pays d’accueil et même de lui en vouloir, de ne pas accepter les valeurs de la majorité, c’est-à-dire de ne pas se conformer à une identité nationale essentialisée, ce qui au passage revient à leur nier le droit de
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contribuer dans un processus dynamique à l’évolution du socle idéologique de leur nouvelle nation. S’ils sont réels, les questionnements identitaires sont aussi, et même principalement, des déflecteurs instrumentalisés par des forces politiciennes, administratives et privées y voyant un vecteur utile pour la préservation de leurs intérêts, qu’il s’agisse de mandats électifs, de budgets publics ou de profits. Sur un plan matériel, on oppose ainsi volontiers le pauvre migrant au pauvre du pays dans une tentative de faire des moyens de subsistance du premier la cause du sort du second. L’autre, cet étranger, est sacrifiable pour le mieux-être de « nationaux de souche », une expression évidemment porteuse d’exclusion. Mais cette logique est loin de se limiter aux « barbares » de l’extérieur comme de l’intérieur. Elle s’applique de manière protéiforme dans des sociétés stratifiées par des plafonds de verre indépassables (où est passé l’ascenseur social ?) et cloisonnées par des corporatismes et des communautarismes. Si l’on veut parfois bien entendre en période de crise économique des discours prônant l’austérité et du sang et des larmes, la plupart des groupes sociaux pensent d’abord au sang et aux larmes de leurs voisins. Chacun voit dans l’autre celui devant se sacrifier pour la préservation de ses propres privilèges. C’est le bouclier fiscal, la fronde des bonnets rouges, celle des Pigeons ou encore la querelle entre les taxis et les véhicules de tourisme avec chauffeurs... En sommes : des efforts collectifs, oui ! Mais que les autres s’y plient ! Après que le sécuritarisme et le militarisme aient entrepris d’écorner l’idéal de liberté, c’est l’idée de fraternité qui est ici clairement mise à mal. Le phénomène cache un autre processus d’effacement concernant la notion de justice, ou d’égalité pour reprendre le vocable de la devise républicaine. Or, il importe ici de rappeler une évidence trop souvent oubliée : soumettre les peuples au dictat du marché et de la préservation des privilèges des uns en leur faisant assumer au passage les coûts de leur surveillance et de leur répression est un projet politique incompatible avec les notions de gouvernement du peuple par le peuple, de justice et de liberté. Ce projet est autoritaire. Puisqu’il se double d’une instrumentalisation des questionnements identitaires, il ne faut donc pas s’étonner d’assister à la progression du vote en faveur de l’extrême droite ou de voir ses thèses gangrener jusqu’à des partis s’affichant par ailleurs comme sociaux-démocrates. On ne peut que s’inquiéter de voir que c’est dans bien des cas aux juges qu’il revient de préserver l’essentiel des libertés individuelles et collectives ; leur tâche consistant à vérifier la conformité des mesures administratives et législatives avec des chartes des droits et des libertés et des constitutions d’inspiration libérale. Tout un corps politique se réclamant du libéralisme semble avoir oublié que ce courant de pensée est aussi et peut-être surtout une critique de la tyrannie.
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L’intelligence du bien commun Acteurs du problème et de ses solutions
On peut concevoir que l’offre politique ne soit pas à la hauteur des aspirations des peuples. La maxime voulant qu’en démocratie on ait les gouvernants qu’on mérite ne tient pas. La situation au sein de l’Union européenne l’illustre fort bien : peu importe le suffrage populaire, une caste politique entend ne permettre que l’application d’une seule et même politique ; d’éventuelles variations n’étant tolérées qu’à la marge. Ce principe d’action a quelque chose d’indigne de la part d’une instance construite pour ne plus revivre le cataclysme des guerres mondiales et les souffrances des régimes totalitaires, mais qui ne semble que peu se préoccuper du déficit démocratique qui la caractérise. Mais l’Union européenne est elle aussi un bouc émissaire commode pour les personnes composant au sein des États membres le groupe des dirigeants politiques. Ces dernières sont les principales responsables de la situation actuelle. Depuis qu’il ne s’agit plus essentiellement que de gérer les affaires courantes quand ce n’est pas défaire ce qu’il reste de l’État-providence ou de désarmer encore un peu plus économiquement les acteurs publics pour laisser l’entreprise privée agir avec toujours plus de liberté, la fonction de politicien a perdu de son attrait et n’attire plus, sauf en de rares exceptions, les candidats les plus brillants. Défaire est moins stimulant que faire. Les partis souffrent aujourd’hui de manière assez évidente de cette situation. Le désaveu de la population envers les appareils politiques est palpable. Partout, une portion croissante des électeurs se lasse de voir les chefs de file des formations politiques installés depuis des lustres dans des fonctions de décideurs jouer les contorsionnistes pour adapter leurs discours à chaque joute électorale et continuer de prétendre incarner l’avenir. De plus, comme la caste dirigeante montre une fâcheuse tendance à se reproduire par adoubement quand ce n’est pas par parthénogenèse, le paysage politique n’évolue que très peu et très lentement, à l’inverse d’un contexte économique et social en ébullition constante. S’il est parfois teinté de populisme, les termes de « noblesse d’État » ou de « Gatsby » (on peut s’étonner au passage que le terme oligraque soit réservé aux Russes) désignant un monde étranger aux réalités partagées par l’immense majorité de la population ne sont pas nécessairement usurpés. Les allégeances des uns et les liens de solidarité qui unissent élus du peuple, hauts fonctionnaires et décideurs du milieu des affaires participent à une vie politique et sociale ou les solidarités de caste, les statuts, les postures et les habiletés communicationnelles autojustificatrices l’emportent trop souvent sur les compétences de fond et sur la capacité à formuler un projet porteur pour l’intérêt général. Ce jeu de posture confine parfois ni plus ni moins qu’à l’imposture. La commission Charbonneau sur la corruption dans le milieu de la construction au Québec, les enquêtes sur la FIFA, l’affaire Pétrobras au Brésil, les
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révélations d’Edward Snowden, les WikiLeaks, LuxLeaks et autres SwissLeaks (liste non exhaustive) ont au moins une chose en commun : ces affaires montrent que bien des dirigeants politiques et économiques de ce monde sont moins dérangés par le fait de s’adonner à des pratiques questionnables voir illégales que par le fait que le public en soit informé. Dès lors, les diverses initiatives législatives visant à faire du journaliste d’investigation et de ses sources des espions mus par la volonté de nuire à des acteurs privés ou publics (c’est aussi ce qui se cache sous le terme de « secret des affaires ») ou des lanceurs d’alertes des traîtres passibles de poursuites prennent un tout autre sens. On peut apparemment prôner la mise sous surveillance des populations tout en œuvrant à faire en sorte que les conséquences de cette mesure soient différenciées selon les acteurs. Il y a quelque chose d’incongru à voir la classe politique française s’indigner des écoutes pratiquées par les États-Unis sur les plus hauts responsables de l’hexagone le jour même où elle vote la collecte massive des informations auparavant privées de tout un chacun. Les décideurs français ont semblé découvrir pour l’occasion que la pêche au chalut des métadonnées est moins drôle pour le poisson que pour le pêcheur. Pourtant, les dirigeants politiques sont nécessairement appelés à faire partie de la solution. Les travers des uns ne doivent pas faire oublier l’investissement des autres. Les atteintes envers le bien public méritent d’être questionnées et combattues et elles le sont aussi grâce à la vigilance d’élus, d’associations, de fonctionnaires, d’entrepreneur, d’employés ou de simples citoyens n’hésitant pas si nécessaire à se mettre en porte à faux avec leur hiérarchie, le parti auquel ils appartiennent ou même la loi (cas de délit de solidarité, par exemple) pour continuer de faire vivre la notion d’intérêt général et la préservation des idéaux de justice, de liberté et d’humanisme. Ces cas sont plus nombreux et quotidiens qu’on ne pourrait parfois le penser et constituent le socle sur lequel refonder le bien commun.
Contrer le fatalisme, oser l’intelligence Malgré la morosité ambiante, il convient de ne pas céder au cynisme. Ce serait habiller de prétentions analytiques sa propre apathie et faire le jeu de ceux et celles qui incarnent le projet de dilution du bien commun à travers le détournement des ressources et des outils de l’action collective au service des intérêts de groupes sociaux spécifiques. Dans une optique similaire, il faut aussi rejeter le passéisme prôné par divers groupuscules n’hésitant pas à idéaliser les sociétés d’antan pour justifier des programmes politiques réactionnaires faisant de cibles minoritaires et vulnérables les responsables des maux contemporains. Mais la pire menace planant actuellement sur le politique est sans conteste le fatalisme. Plusieurs catégories d’acteurs s’évertuent à présenter les mesures
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qu’elles imposent à la collectivité, occasionnellement de manière violente, comme inéluctables. Des pans entiers du discours médiatique s’échinent en effet à marteler l’idée qu’il n’existerait pas d’alternative à la soumission au chantage à la fuite des capitaux, à l’abandon partiel des libertés individuelles et collectives et à la militarisation d’enjeux sécuritaires toujours plus larges. Les liens de solidarité orchestrés par l’État-providence seraientt appelés à disparaître pour le plus grand profit des individus. Qu’importe que les ultrariches deviennent de plus en plus riches et que les pauvres n’aient plus de raison d’espérer, le travail, lorsqu’il leur est accessible, ne payant souvent plus assez. Qu’importe si la fronde gronde dans les quartiers populaires comme au sein d’une classe moyenne atrophiée, les soldats de la nation (sur)veillent, traquant les ennemis de l’intérieur comme ceux de l’extérieur. Se soumettre à ces discours fatalistes, c’est renier l’idéal républicain pour se faire le fossoyeur de l’idée même de bien commun. Il ne faut pas s’y tromper, ce fatalisme est un phénomène construit résultant de rapports de forces sociaux non neutres sur un plan idéationnel comme matériel. Il est véhiculé par le biais d’un ensemble d’artifices rhétoriques visant à décrédibiliser d’emblée toute critique. Ce fatalisme aurait ainsi le monopole de la raison, de la pondération, du sens des responsabilités et du pragmatisme voir de l’hyperpragmatisme, la surenchère étant encouragée. Ce rapt sémantique est une manière de faire des contradicteurs éventuels des doux rêveurs irresponsables sombrant dans l’irrationnel des utopies. Les ravisseurs peuvent alors se draper dans une forme de condescendance leur faisant l’économie du débat. Le militant écologiste est ainsi qualifié de « tree hugger », le critique du sécuritarisme et du militarisme de « bisounours ». Le partisan d’une Union européenne davantage démocratique et moins sourde à la souffrance causée par ses politiques austéritaires sans effets positifs depuis une crise débutée en 2008 est étiqueté comme « populiste ». Le chercheur travaillant sur le formidable creusement des inégalités et décodant le risque qu’il fait planer sur la démocratie est un gauchiste adepte de l’hypertaxation (surenchère, là aussi) à combattre sur tous les fronts, que ce soit via les études de la Heritage Foundation les cours dispensés dans certaines écoles de commerce, les colonnes du Financial Times à celle du Figaro, Thomas Piketty en sait quelque chose. Économie, environnement, sécurité et défense… autant de théâtres d’affrontement entre des groupes sociaux, experts inclus, en lutte pour imposer leurs conceptions du savoir comme celui faisant autorité et devant guider l’action politique. Les experts justement, leurs compétences analytiques de déconstructions des mécanismes politiques sont cruciales, car elles sont un facteur essentiel de changement ou… de justification de l’ordre établi. Les groupes sociaux les plus puissants l’ont parfaitement compris tant le financement d’une recherche indépendante relève aujourd’hui de l’exception. Les entreprises privées, mais aussi des acteurs publics en lutte avec d’autres pour leurs ressources, ont investi les laboratoires de recherche du milieu universitaire et des think tanks. Le contrôle ainsi exercé sur le robinet
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budgétaire est un incitatif à orienter les travaux dans le sens des intérêts des bailleurs de fonds ou, à tout le moins, à s’abstenir publiquement de critiques radicales ou répétées. Ce contrôle est d’autant plus grand que la fonction de chercheurs se paupérise en même temps qu’elle se précarise. Combien d’arrangements de conscience pour assurer ses moyens de subsistance ? C’est pour permettre à autant de chercheurs que possible de ne jamais à avoir se poser cette question que des simples citoyens de France, de Belgique et du Québec se sont réunis pour fonder OSINTOL. Agissant de manière désintéressée, ils ont assemblé autour d’eux des chercheurs capables de mettre bénévolement leur expertise au service du bien commun en n’acceptant pour guides que l’indépendance et la rigueur de leurs travaux et les idéaux de liberté, de justice et de fraternité incarnés notamment dans la Déclaration universelle des droits de la personne. L’intelligence en source ouverte à laquelle OSINTPOL se réfère n’a rien à voir avec une quelconque activité de renseignement, elle qualifie l’action de tous ceux et celles désireux de soutenir par leurs dons ou la mise à disposition de leurs compétences une recherche affranchie, critique, facteur d’évolution et librement accessible. Si ce projet peut un jour s’autoriser quelque ambition ce sera grâce à ces personnes.
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OSINTPOL Questionner, informer, éduquer, innover L’action d’OSINTPOL est axée sur la production et la diffusion aussi étendue que possible des savoirs relatifs à la sphère politique au sens large. L’organisme participe pleinement via ses analyses aux débats contemporains parcourant ses domaines d’intervention. Un des objectifs poursuivis est de contribuer au renouvellement des idées politiques dans le monde francophone et même au delà en favorisant les échanges avec les chercheurs-es de tous horizons. Parce qu’innover c’est aussi inévitablement questionner l’ordre établi, la démarche d’OSINTOL est résolument critique. Par son action, ce laboratoire d’idées au service de la société civile entend renforcer la capacité des décideurs politiques et de tous les citoyens à faire leurs choix. OSINTPOL s’est donné pour premiers objectifs de couvrir les enjeux liés aux liés à la paix, à la défense et à la sécurité en croisant, en autres, les domaines de la science politique, du droit, de l’économie, de la sociologie et de l’histoire. Les expertises indépendantes en cette matière sont particulièrement rares et d’autant plus précieuses. Trois premiers observatoires ont ainsi été mis sur pied :
L’observatoire des armements conventionnels ;
L’observatoire de la dissuasion nucléaire ;
L’observatoire de géopolitique énergétique ;
Le soutien de citoyens-ennes engagés-es OSINTPOL ne saurait accomplir efficacement sa mission d’information et de sensibilisation du public sans le soutien de donateurs-trices motivés-es par la défense du bien commun. En soutenant OSINTPOL, vous contribuez au renforcement d’une recherche indépendante et de qualité au service de la société civile sur de nombreux sujets qui sont parfois malheureusement monopolisés par des organismes publics ou privés en lutte pour leur budgets ou leurs profits. Vous permettez aussi aux chercheurs d’OSINTPOL de s’investir dans la formation d’une relève étudiante en fournissant un encadrement propice à la transmission des savoirs et, surtout, des compétences nécessaires à l’analyse critique des enjeux de société. Rejoigneznous sur osintpol.org.
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