Juan Mateos - La Celebration de La Parole Dans La Liturgie Byzantine

April 21, 2017 | Author: rafajil | Category: N/A
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Juan Mateos - La Celebration de La Parole Dans La Liturgie Byzantine...

Description

ORI E NT A LIA C H R I S T I A N A ANALKCTA 191

JUAN M ATEOS. S.J.

LA CÉLÉBRATION DE LA PAROLE DANS LA LITURGIE BYZANTINE Étude historique

PO N T. IX STITU TU M STUDIORUM ORIEXTALIUM P ia z z a S. M a ria M a g g io re , 7 0018ô R O M A 197 1

PRÉFACE Nous publions, recueillis dans un volume, les articles publiés dans la revue « Proche-Orient Chrétien » depuis l’année 1965 jus­ qu'à 1970; tous concernent la célébration de la Parole dans la Liturgie Byzantine. Nous avons ajouté en appendice une briève étude sur deux prières de la même Liturgie, parue en 1964 dans « Orientalia Christiana Periodica ». Nous remercions la Direction de « Proche-Orient Chrétien » pour la bienveillante permission accordée de reproduire les ar­ ticles. J.

Cum p erm issu S u perioru m TYPIS PONTIFICIAE U N IV E R SITÄ T « GREGORIANAE —

ROMAE

M

a teo s,

S. J.

INTRODUCTION LA PSALMODIE: SES GENRES

Le chant des psaumes étant un des éléments les plus importants dans la liturgie, il nous semble utile d’exposer quelles sont les différentes façons d ’exécuter la psalmodie dans le rite byzantin; elles peuvent se réduire à trois : a) Le chant du psaume, fait par des solistes, est interrompu par des interventions du peuple; l’interruption peut être faite soit par tout le peuple ensemble, qui répond à un soliste — psau m e responsorial — , soit p a rle peuple divisé en deux chœurs qui répondent alternativement à un ou deux solistes— psau m e antiphoné. b) Les versets des psaumes sont récités sans interruption, soit par un soliste {psaum e de m éditation), soit par la communauté entière (psaum e directané).

c) Les versets des psaumes sont récités alternativement par deux groupes égaux (chant a ltern a tif). Dans les offices liturgiques auxquels participent les fidèles avec le clergé — offices cathédraux ou ecclésiastiques — l’exécution des psaumes se fait surtout selon la première manière : nous en traiterons donc en premier lieu et en détail. Ensuite, nous exposerons brièvement les autres formes de psalmodie, propres avant tout aux offices monasti­ ques. À. Le psaume responsorial

Dans le chant responsorial des psaumes, le peuple, formant un seul chœur, interrompt à plusieurs reprises, par un «répons», le chant des versets psalmiques exécuté par un soliste. Dans la messe romaine, le psaume chanté autrefois de cette manière recevait le nom de responsorium (1) — le graduel actuel —; dans le rite byzantin il est appelé prokeim enon. L’appellation responsorium ou prokeim enon n’est cepen­ dant pas en usage lorsque le répons chanté par le peuple est Y alleluia. L’identification du responsorium (graduel) romain et du p ro k e i­ byzantin n’est pas arbitraire. Outre la place égale qu’ils occu­ paient dans la liturgie de la parole (2) et leur façon égale d’exécution. menon

(1) «Responsum ou responsorium, au début du VIIIe siècle, cf. Ordo Romanus I, 57; éd. M. Andrieu, Les Ordines romani du Haut Moyen Age Π, Louvain 1960, p. 86. (2) Cf. J. A. Jungmann, Missarum Sollemnia I, Freiburg 1952, pp. 543-44.

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INTRODUCTION

on peut citer encore le fait qu’Anastase le Bibliothécaire (IXe siècle), dans sa traduction latine du commentaire de s. Germain de Constan­ tinople à la liturgie byzantine, traduisit le terme prokeimenon par responsorium (3). A l ’origine, le responsorium romain désignait le verset psalmique choisi pour être employé comme répons, et qui était placé en tête du psaume. Il devait être répété par le peuple après chacun des versus chantés par le soliste. Plus tard, le mot responsorium servit à signifier l ’ensemble du psaume avec son répons. De même, chez les Byzantins, le mot prokeimenon (litt. : «placé avant») désignait à l ’origine le verset psalmique placé avant le psaume pour servir de répons. Plus tard, cependant, comme dans le rite romain, le terme prokeimenon finit par désigner le psaume avec son répons (4). Excepté le cas de l’alleluia, le répons est toujours un verset du psaume lui-même. Autres termes pour désigner le répons D ’autres termes, outre celui de prokeimenon, ont été employés pour désigner le répons, tels : a) hypopsalma ( ύπόψαλμα = chant de réponse), dérivé du verbe ύποψάλλειν (chanter en réponse). Ce terme apparaît chez sainte Mélanie la Jeune pour désigner les psaumes chantés responsorialement : Leur office nocturne comprenait trois répons (ύπ ο ψ ά λ μ α τα ), trois leçons et quinze antiphones, sans compter celles du matin (5).

Les trois hypopsalmata et les trois leçons de Mélanie sont le parallèle des trois psaumes responsoriaux et des trois leçons mentionnés par Cassien dans la description de la vigile nocturne du vendredi au samedi : Nam cum stantes antiphona tria concinuerint, humi post haec vel sedilibus humillimis insidentes très psalmos, uno modulante, respondent,... atque his, sub eadem quiete residentes, tentas adiciunt lectiones (6). (3) N. Borgia, Il commentario liturgico di s. Germano patriarca constantinopolitano e la versione latina di Anastasia Bibliotecario, Grottaferrata 1912, n° 28 (lat. 39), p. 25. (4) Que le prokeimenon ne soit pas un psaume destiné à être chanté avant une lecture, cela apparaît clairement dans les usages constantinopolitains, cf. J. Mateos, Le Typicon de la Grande Eglise II, Rome 1963, index liturgique, s.v. (5) Vie de Sainte Mélanie, ch. 47, éd. D. Gorce, Sources Chrétiennes 90, Paris 1962, pp. 216-17. (6) De Instit. ccenob. ΠΙ, éd. Petschenig, CSEL XVII, p. 43, 1-6.

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SES GENRES

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b) propsàlmon (πράψαλμον = chanté avant, entonné), dérivé du verbe προψάλλειν ( = chanter avant, entonner), opposé à ύποψάλλειν ( = chanter en réponse). Ces termes apparaissent dans un document syrien du VIe siècle qui présente une forte influence grecque: (Après les deux premières lectures de la messe) aussitôt un psalte monte (à l’ambon) et il dit : ψαλμός τοΟ Δαυίδ Et l’archidiacre dit : πρδψαλλε Et le psalte chante le πρόψαλμον E t l’archidiacre dit : ύποψάλλωμεν Et aussitôt les φύλακες répondent... (Après l’apôtre) aussitôt l’alléluia. L ’archidiacre dit : π ρ ό ψ α λ λε Et aussitôt après (que le psalte a chanté) l’alleluia, l’archidiacre dit : Συμφώνως πάντες ύποψάλλωμεν (6 bis).

Dans le document de Cassien et dans le document syrien on distingue entre le «psaume» ou «psaume de David» et son répons. A Jérusalem, selon les mss. du lectionnaire géorgien (7), le psaume responsorial était appelé simplement «psaume». Chez les Maronites, le psaume responsorial avant l ’apôtre et en certains endroits de l ’office, reçoit encore le nom de mazmuro. La dénomination «psaume de David» s’est conservée d ’ailleurs dans le rite byzantin jusqu’à une époque assez tardive (8). Quant au terme ύπακοή, qui signifie aussi répons, il est devenu un terme technique pour désigner une façon spéciale de chanter les psaumes. Nous en traiterons plus loin. Quelques témoignages de s. Jean Chrysostome Le chant responsorial des psaumes était en usage déjà au temps de s. Jean Chrysostome. Dans les textes qui suivront, on remarquera que le saint emploie les verbes ύπηχεΐν et ύποψάλλειν pour indiquer le chant responsorial, mais qu’aucun terme ne désigne particulièrement le répons lui-même. Dans son commentaire à la 1ère épître aux Corinthiens, il dit : (6 bis) I. E. Rahmani, Studia Syriaca III, Charfet 1908, pp. 1-4; G. KhouriSarkis, Réception d'un évêque syrien au VIe siècle, dans L'Orient Syrien 2 (1957), p. 161. (7) Le Grand Lectionnaire de l'Eglise*, de Jérusalem, éd. M. Tarchnischvili, CSCO vol. 189 (Scriptores Iberici 10), tome I, Louvain 1959, p. 13 (n° 24), p. 14 (n° 34) et passim. (8) Ms. «Sri», gr. 1020 (XII-XIIIe s.), éd. A. Dmitrievskij, Opisanie liturgiceskich rukopisej II, Kiev 1901, p. 140. Diataxis de Philothée, éd. N. Krasnoseltsev, Materialy dlja istorii cinoposledovanija Liturgii sv. Ioanna Zlatoustago, Kazan 1889, p'. 54. Ms. Vat, gr. 573, Diataxis (XVe s.), éd. ibid., p. 105.

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INTRODUCTION

Celui qui psalmodie, psalmodie tout seul et, si tous répondent, (ύπη χοϋσιν), leurs voix sortent comme d’une seule bouche (9).

Ailleurs, il commence son commentaire du ps. 144 par le verset 15, destiné sans doute à accompagner la communion : H faut faire grande attention à ce psaume dans tous ses détails. C’est bien lui qui contient ces paroles que les initiés répondent (ύποψ άλλουσι) continuellement,: Les yeux de tous espèrent en toi, et tu leur donnes la nourriture en temps opportun (10).

Cette façon de chanter les psaumes semblait à Chrysostome re­ monter à une époque assez ancienne : Jadis tous se réunissaient et répondaient (ΰπέψ αλλον) ensemble; nous le faisons encore aujourd’hui (II).

Et dans le commentaire du ps. 117 il fait allusion aux Pères : La phrase du psaume que le peuple a coutume de répondre (δποψ άλλεΐν) est celle-ci: C'est aujourd’hui le jour qu'a fait le Seigneur·, réjouissonsnous en lui et soyons dans l’allégresse·, elle réveille beaucoup, et c’est surtout cette phrase que le peuple a coutume de répondre (ΰ π η χεΐν) dans la solennité spirituelle qui imite la fête céleste (probablement le jour de Pâques). Mais nous, si vous le permettez, nous allons parcourir le psaume entier, depuis le'haut et le début, en faisant l’exégèse, non depuis le verset de réponse (xoô στίχου xfjç δπη χή σεω ς), mais depuis l’exorde. Les Pères prescrirent que la foule réponde ce verset, car il est sonore et il contient une doctrine sublime (12).

Un texte des Constitutions Apostoliques Dans les Constitutions Apostoliques, le chant de psaumes responsoriaux est prescrit entre les lectures, mais l’interprétation du texte présente une certaine difficulté : Après qu’on a fait deux lectures, qu’un autre chante les hymnes de David, et que le peuple réponde (υποψ αλλέτω ) par les finales de verset (ά κ ρ οσχίχια ) (13).

Dans son commentaire, Funk exclut que le mot acrostichia désigne en ce texte la finale de chaque verset, car le peuple, dit-il, ne pouvait pas connaître les psaumes au point d’être capable d’achever les versets commencés par le soliste (14). (9) (10) (11) (12) (13) (14)

in 1 ad Cor. 36, 6 (PG 61, 315). In ps 144, 1 (PG 55, 464). In 1 ad Cor., 36, 5 (PG 61, 313). In ps 117, 1 (PG 55, 328). Π, 57, 6 (Funk 161). Ibid., pp. 160-61, note 6.

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La difficulté soulevée par Funk est réelle. On pourrait essayer de lui trouver une solution en supposant que le nombre de psaumes qu’on y chantait était réduit, ou que peut-être le peuple répétait les finales de verset après qu’elles avaient été chantées par le soliste. On pourrait aussi invoquer le témoignage de certains mss- de la liturgie byzantine, assez tardifs, il est vrai (15), mais d ’origine vraisem­ blablement palestinienne, selon lesquels, l’exécution des antiphones de la liturgie se faisait de façon responsoriale, le peuple chantant la seconde moitié de chaque verset ou des versets différents : 1er antiphone : Il est bon de rendre grâce au Seigneur. Peuple : D e jouer pour ton nom. Très Haut. Prêtre : D e publier au matin ta miséricorde. Peuple : Car le Seigneur Dieu est droit. Prêtre : Gloire au Père... Peuple : Maintenant et à jam ais... Par les prières de la Théotocos, etc.

Cependant, deux raisons s’opposent à l’identification de cet usage avec celui des Constitutions Apostoliques. D ’abord, la date tardive des documents cités. Ensuite, le fait que le ps. 91 était à l’origine antiphoné, non responsorial, et donc que la manière d’exécution pré­ sentée par ces mss. a plutôt l’air d’une simplification de l’usage original, le prêtre et le peuple prenant la place des deux anciens solistes propres au chant antiphoné. C’est pourquoi nous préférons chercher l’explication du texte des Constitutions dans une manière constantinopolitaine de chanter le prokeimenon. Deux manières d'exécuter le chant du prokeimenon Dans la tradition byzantine, on trouve deux manières d’exécuter le chant du prokeimenon ou psaume responsorial. La première, la seule en usage actuellement, fait répéter le verset-prokeimenon en entier après chaque stique du psaume. La seconde, propre, nous semble-t-il, à Constantinople, et qui apparaît encore au Xe siècle (16), répétait, après chaque stique, seulement la partie finale du verset-prokeimenon (akrostichiori). Voici deux exemples de cette seconde manière, empruntés aux prokeimena pour l’orthros du dimanche : Mode 4. (Prokeimenon:) Lève-toi, Seigneur, viens à notre aide* et rachète-nous par amour de ton nom. Verset (stique): O Dieu, nous avons oui de nos oreilles, nos Pères nous ont raconté l’œuvre que tu fis de leurs jours, aux jours d’autrefois. (Répons): Et rachète-nous par amour de ton nom (ps. 43, 27.2). (15) Sin. gr. 1020 (XII-XIII* s.), éd. Dmitrievskij, Opisanie II, p. 140; Patmos 709 (a.D. 1260), ibid., p. 157. (16) Le Typicon de la Grande Eglise U , 170.

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INTRODUCTION

Mode 2 pi. (Prokeimenon:) Seigneur, réveille ta puissance* et viens nous sauver! Verset (stique) : Pasteur d’Israël, écoute, toi qui mènes Joseph comme un troupeau; toi qui trônes sur les Chérubins, resplendis! Répons : Et viens nous sauver! (ps. 79, 3bc. 2).

C’est Constantinople probablement qui a conservé ici, comme ' ailleurs (17), l’ancien usage d’Antioche. Notons que, dans cette manière de psalmodier, le verset placé en tête du psaume ne pouvait pas être appelé hypopsalma, car il n ’était pas repris en entier par le peuple. C’est peut-être à cause de cela qu’il fut appelé prokeimenon — «verset placé avant» —, dénomination qui ne préjugeait pas la façon d’exécuter le chant. Comme synthèse des données qui précèdent, on pourrait proposer ce qui suit : a) Les verbes (ιποψάλλειν et υπηχεΤν indiquent une réponse du peuple au chant du soliste. b) le substantif ύπόψαλμα, qui apparaît en Palestine, s’applique d’abord à un verset psalmique qui est chanté en entier comme répons; secondairement, au psaume lui-même avec son répons. Cette évolution dans la signification du terme montre que Vhypopsalma était placé en tête du psaume, (comme le responsorium romain), pour être entonné par le soliste. c) Le terme προκείμενον, apparemment d ’origine constantinopolitaine, désigne un verset psalmique placé avant le début du psaume, mais dont seulement la partie finale (άκροστιχιον) aurait été chantée comme répons après chaque stique (18). Le prokeimenon actuel Dans les livres liturgiques, le prokeimenon apparaît ordinairement composé du verset-répons et d’un stique. En réalité, il ne s’agit pas d ’une réduction; le stique, qui correspond dans la plupart des cas au premier verset du psaume, n’était qu’un rappel pour le psalmiste,

(17) Ce fut Constantinople aussi qui conserva le ps. 140 comme seul psaume vespéral à l’office du soir, tandis que les rites syriens adoptaient la tradition de Jéru­ salem comportant plusieurs psaumes vespéraux. (18) Notons qu’à Constantinople, lorsque dans l'office l’antiphone du psaume était alleluia, il était précédé dans l’intonation d’une phrase psalmique qui n’était pas répétée par le peuple. Cette phrase était ordinairement τήν οικουμένην, cf. Syméon de Thessalonique, De Sacra precatione 349 (PG 155., 637 B; ibid. D).

la

p s a l m o d ie :

ses

genres

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qui connaissait les psaumes par cœur ou les lisait dans un psautier (19). Chez les Arméniens, le psaume qui correspond au prokeimenon est chanté en entier 6u en grande partie, et cette pratique, à moins que le psaume ne fût trop long, a dû être anciennement celle des autres rites. C’est l’indication de trois stiques déterminés, qu’on trouve aux prokeimena pour les vêpres des grandes fêtes, ce qui représente une abréviation relativement à l’usage ancien. Le prokeimenon, par opposition à l’antiphone, n’est jamais terminé par le Gloria Patri. Le graduel ou responsorium romain non plus (20). B. Le psaume antiphoné

Quoi qu’il en soit des significations primitives du mot άντίφωvov (21), il est certain que, dans l’usage liturgique du rite byzantin, il signifie certains refrains — mots ou phrases de l’Ecriture ou bien, le plus souvent, compositions ecclésiastiques — destinés à être chantés alternativement par le peuple qui, divisé en deux chœurs, répond à un ou à deux solistes. Plus tard, comme il est arrivé avec le prokeime­ non, le mot antiphone désigne le psaume avec son ou ses refrains (21 bis). Le chant alterné de deux chœurs est clairement prouvé par la présence, non rare, de deux refrains pour le même psaume, chacun (19) Le canon 15 du synode de Laodicée présente le psalmiste qui, du haut de l’ambon, lit ou chante άπό Οιφ&έρας, «d’un parchemin», Mansi 2, 567. (20) Nous ne parlons pas ici des responsoria du nocturne romain ; nous pensons que leur origine est différente, car ils ne sont ordinairement pas composés de versets psalmiques. On trouvera plus loin une hypothèse sur leur origine. (21) Cf. L. Petit, Antiphone dans la Liturgie grecque, dans Diet. d ’Archéol. et Lit. I, 2462-64. (21 bis) C’est ainsi qu’à Constantinople le psautier Iui-mêmé était divisé en antiphones, comprenant chacune, en principe, trois psaumes ayant le même anti­ phone-refrain, cf. O. Strunk, The Byzantine Office at Hagia Sophia, dans Dumbarton Oaks Papers 9-10 (1955-56), pp. 185,200, et J. Mateos, Quelques problèmes de Vorthros byzantin, dans Proche-Orient Chrétien, XI (1961), pp. 18-19. Postérieurement, le mot «antiphone» sert encore parfois à désigner une stasis du psautier (bien que l ’antiphone constantinopolitaine et la stasis palestinienne n’étaient pas équivalentes), p. ex. chez s. Athanase l’Athonite, cf. Dmitrievsky, Opisanie, I 249; le Typicon de Saint-Sabas (cod. Sinait. gr. 1094) du XI1-XIIIC utilise régulièrement le mot anti­ phone pour stasis, cf. Opisanie, III, pp. 22 ss. Cet usage apparaît encore dans les Horologia slaves, cf. Iereiskij Molitroslov, éd. Rome 1950, pp. 271, 273, 275. L’exé­ cution de la psalmodia currente psalterio en chant antiphoné montre un rite avant tout cathédral; dans le rite monastique palestinien les psaumes sont chantés par un ou deux solistes.

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INTRODUCTION

destiné évidemment à un des chœurs. Celui du second chœur est parfois appelé τό άνταποκρινόμενον, c’est-à-dire «ce qu’on répond alternative­ ment» (22). Voici quelques exemples de double refrain pour le même psaume, empruntés aux usages constantinopolitains. A la liturgie du dimanche de Pâques, le premier psaume antiphoné avait comme refrains : Par les prières de la Théotocos, etc. et Par les prières de tes saints, etc. De même, le dimanche de la Pentecôte (23). Le matin du 7 octobre, avant la sortie de la procession, on chantait à l’église Sainte-Anastasie, où se faisait la première station de la proces­ sion, trois psaumes antiphônés. Le premier, le ps. 119, avait ces deux refrains : Pitié pour nous, Philanthropel et Sauve-nous, 6 Christ notre Dieul Pareillement, à une occasion semblable, le 6 novembre : Pitié pour nous, Philanthropel et Aide-nous, ô Christ notre Dieul (24). Même dans le cas où il n’y a qu’un seul refrain, les indications du chant antiphoné, à part le titre antiphone, ne manquent pas dans les documents. Ainsi, le commentaire attribué à saint Germain de Constantinople ( f 733 ) emploie le verbe άνθ-υπακούω «répondre alternativement» pour désigner le chant du troisième antiphone de la liturgie (25). Un manuscrit de Karlsruhe, datable vers l’année 1200 (26) décrit ce chant de la façon suivante : Les psalmistes chantent le troisième antiphone : Venez, crions de joie pour le Seigneur (ps. 94, 1). Sauve-nous, Fils de Dieu, etc. Le second chœur répond : Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons Dieu notre Sauveur. Sauve-nous, Fils de Dieu, etc. D e nouveau le premier chœur : Allons devant lui en action de grâces, au son des musiques acelamons-le. Sauve-nous, Fils de Dieu, etc. (et ainsi de suite)

Des indications semblables sont données pour les deux premiers antiphones. A cette époque tardive, le caractère alternatif est encore

(22) Cf. Le Typicon de la G. E. Π, index liturgique, s.v. (23) Ibid., Π, 94. 138. (24) Ibid. L 62. 90-92. (25) Καί πάντων άνΟοπακοΰντων (éd. Borgia, n° 24, p. 22). (26) Karlsruhe, Badische Landesbibl., cod. Ettenheim Munster 6, (vers a.D. 1200), éd. R. Engdahl, Beitrüge zur Kenntnis der byzantinischen Liturgie, Berlin 1908, pp. 8-9.

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GENRES

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bien marqué, mais solistes et chœurs ne se distinguent plus. Le demiverset qu’on chantait au début servait pour donner le ton (27). Les refrains ou antiphones des psaumes antiphônés peuvent être un alleluia simple ou répété (28), une phrase de l’Ecriture ou, plus souvent, un verset ou strophe de composition ecclésiastique. Parfois ils sont appelés stichères (στιχηρά) (29), le plus souvent iropaires (τροπάρια). Ce vocable est un diminutif d’époque tardive du clas­ sique τρόπος ( = quelque chose qui revient, mœurs, mode); il doit signifier ici une phrase qui revient dans le chant, tout comme le diminutif italien «ritomello» de «ritorno». Une dérivation semblable apparaît chez les Chaldépns : le mot hepakta (retour), dérivé du verbe hpak (revenir) est utilisé dans le Pon­ tifical pour désigner les deux refrains de composition ecclésiastique — un pour chaque chœur — qui accompagnent un psaume antiphoné (30). Les tropaires byzantins peuvent avoir une longueur très variable. Quelques-uns sont très courts, p. ex. le tropaire baptismal (Gai 3, 27) : Vous tous baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ ; Alleluia (31), ou celui de la sainte croix : Nous adorons ta croix. Seigneur, et nous glorifions ta sainte résurrection (32). Pareillement, l’ancien tropaire pour la mémoire d ’un saint ascète : En fêtant. Seigneur, la mémoire de ton saint, par lui nous t ’en supplions : Sauve nos âmesl (33). D ’au­ tres sont plus développés, arrivant parfois à des proportions assez considérables. Comme il appert du chant de l’antiphone selon le ms. de Karlsruhe cité peu avant, chaque chœur répondait à un verset différent du psaume. Dans le cas de deux tropaires différents pour le même psaume, c’est le verbe άλλάσσειν qui indique le changement; souvent on spécifie que ce changement a lieu après deux versets successifs (34). Les versets psalmiques, étaient-ils chantés par un ou par deux solistes ou groupes de solistes? Selon les données du même ms. de Karlsruhe il semble (27) Soit l’intonation au moyen d’un demi-verset suivi du refrain, soit l’iden­ tification des solistes avec les chœurs correspondants se rencontre aussi dans le rite chaldéen, cf. J. Mateos, Lelya-Sapra, Rome 1959, pp. 67-68. (28) Le Typicon Π, index liturgique, άντίφωνον B b. (29) Ms. d’Isidore Pyromalos (XIIe s.), dans Goar, Euchologion, Paris 1647, 181 i. (30) Pontifical chaldéen, éd. Rome 1957, p. 143. La strophe après le Gloria, est appelée aussi hepakta, comme chez les Grecs on l’appelle tropaire, sans égard à la signification originale, cf. ibid., p. 144. (31) Cf.L e Typicon II, 94, où ce verset est appelé tropaire. (32) Ibid. 44. (33) Ibid. I, 122 (5-ΧΠ). (34) Ibid. Π, index liturgique, άλλάοοειν.

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INTRODUCTION

plus probable d ’admettre l’existence de deux solistes avant la fusion de chaque soliste avec son chœur. Le typicon de la Grande Eglise ne précise pas. Notons seulement qu’au Xe siècle c’étaient les lecteurs, non les psalmistes, qui chantaient les versets psalmiques des antipho­ nes (35). Par opposition à ce qui arrive dans l’exécution du prokeimenon, le psaume antiphoné byzantin est toujours terminé par le Gloria Patri. Cette pratique est déjà notée par Cassien, en supposant que le mot antiphona ait chez lui le même sens que chez les Byzantins : Illud etiam quod in hac prouincia uidimus, ut uno cantante in clausula psalmi omnes adstantes concinant cum clamore 'gloria patri et filio et spiritui sancto’, nusquam per omnem orientem audiuimus, sed cum omnium silentio, ab eo qui cantat finito psalmo, orationem succedere, bac vero glorificatione trinitatis tantummodo solere antiphona terminari (36).

Exécution des antiphones Dans le chant du prokeimenon, le peuple, après chaque verset psalmique, reprenait soit le répons en entier, soit seulement la partie finale. La même chose s’observe dans l’exécution des antiphones, surtout si le tropaire est plutôt long. Ceci explique la présence dans de nombreux tropaires d’une phrase finale facilement détachable du reste de la composition. Les tropaires de la résurrection, par exemple, se terminent souvent par la phrase : Le Christ est ressuscité, donnant au monde la grande miséricorde! ou par une autre semblable; les tropaires des saints, par des invocations comme celles-ci : Par ses supplications, ô Christ Dieu, sauve nos âmesl ou : Prie le Christ Dieu de sauver nos âmes\ Que cette façon d ’exécuter les psaumes ait été en usage à Cons­ tantinople est chose certaine. Le samedi-saint, en effet, le typicon de la Grande Eglise prescrivait : Après l’orthros, au trisagion du Gloria in exceisis, a lieu l’entrée du patriarche et des prêtres avec l'évangile. Les psaltes montent alors à l’ambon et chantent le tropaire, mode 2 : Toi qui enserres les extrémités du monde, as accepté d'être enserré dans un tombeau. Christ Dieu, pour délivrer l'humanité dè la chute dans l'Hadès, et pour nous donner la vie en nous immortalisant, 6 Dieu immortel et philanthrope que tu es\ (37).

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SES GENRES

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qu’on répétait, après le Gloria Patri, la clausula: et pour nous donner la vie, etc. (39). Un exemple très clair de la même façon de psalmodier apparaît dans les tropaires qui interrompent les lectures aux vigiles de Noël et de l’Epiphanie. Le premier de ces tropaires, selon le typicon et le prophétologion (40), était chanté de la façon suivante : Psalmistes : Tu es né dans le secret d ’une grotte, mais le ciel, embouchant une étoile pour le publier, t ’annonçait à tous, Sauveur, et il t'amena les Mages qui t’adorèrent avec foi : avec eux aie pitié de nous! (trois fois) (41). Lecteurs et peuple : Tu es né... aie pitié de nous! (trois fois). Psalmiste : Sa fondation sur les montagnes saintes, le Seigneur la chérit. Il préfère les portes de Sion à toute demeure de Jacob. Il parle de toi pour ta gloire, cité de Dieu : «Je compte Rahab et Babylone parmi ceux qui me connaissent» (ps. 86, l-4a). Peuple : Avec eux, aie pitié de nousl Psalmiste : Tyr, la Philistie ou PEthiopie, un tel y est né\ mais Sion, chacun lui dit : «Mère», car en elle chacun est né. Et lui, le Très Haut, il l’assure en sa place (ibid. 4b-5). Peuple : Avec eux, aie pitié de nousl Psalmiste : Le Seigneur inscrit au registre des peuples : « Un tel y est né», et les princes parmi les chœurs : tousfont en toi leur demeure (ibid. 6-7). Peuple : Avec eux, aie pitié de nousl Psalmiste : Gloria Patri... et nunc... Peuple : Avec eux, aie pitié de nousl Psalmistes : Tu es né dans le secret... jusqu’à la fin. Lecteurs et peuple : Tu es né dans le secret... jusqu’à la fin.

Selon les mss. P et H du typicon, la clausula répétée par le peuple était Seulement: Avec eux, aie pitié de nousl Parmi les mss. du prophétologion, le V 768 (XIII-XIVe siècle) est le seul à rapporter la clausula courte. Les autres ont tous la clausula longue : Et il t ’amena les mages..., sauf deux mss. d’Italie méridionale (Xe siècle), qui pres­ crivent le tropaire en entier après chaque stique.

Le typicon ne donne pas de détails sur l’exécution du tropaire, mais certains mss. du prophétologion constantinopolitain (38) précisent

Après le Gloria Patri on répétait la clausula une dernière fois. Ensuite, les psalmistes chantaient le tropaire en entier et le peuple avec les lecteurs le reprenaient encore une fois. Cette double répétition

(35) Ibid., index liturgique, αναγνώστης. (36) De Instit. canob. II, 8 (Petschenig), 24). (37) Le Typicon Π, 82. (38) Le prophétologion est le livre musical qui contient les lectures bibliques de ΓΑ.Τ. propres aux vigiles ou au carême. Outre les rubriques, assez abondantes, on y trouve des tropaires, mais sans notation musicale.

(39) Ed. C. Hœg et G. Zuntz, fase. V, Copenhagen 1962, p. 428. (40) Le Typicon I, 150; Prophetologium, éd. citée, fase. I, Copenhagen 1939, pp. 39-41. (41) Pour la triple répétition du tropaire par les psalmistes et par le peuple, cf. les rubriques du Prophetologium I, pp. 395-409.

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INTRODUCTION

finale du tropaire entier recevait le nom de périssie ( περισσή ) ou appendice (42). Cette façon de chanter les tropaires semble être très ancienne. Le psaume y reste l’élément principal ; il n ’est pas étouffé par la répétition d ’une longue strophe après chaque verset. On remarquera aussi la longueur des versets psalmiques — une vraie strophe psalmique — chantés par le soliste, ce qui contribue à donner du relief au texte inspiré. La strophe ou tropaire, qui est chantée en entier seulement au début et à la fin, semble être une espèce d’explicitation ou de commentaire appliquant au mystère le psaume qu’on chante. Un ms. sinaïtique du IXe siècle, conservé actuellement à Lenin­ grad (43), présente l’exécution du tropaire O Fils unique CO Μονογενής) — chant d ’entrée pour la liturgie des dimanches — de la même façon que nous venons de décrire, c.-à-d. avec la répétition de la seule clausula. Après le tropaire et le Gloria Patri, en effet, le ms. insère la phrase finale : Toi, un de la sainte Trinité, glorifié avec le Père et le Saint-Esprit, sauve-nous\{44). C ’est un indice clair qu’on répétait cette seule clausula comme refrain du psaume d’entrée. Si le tropaire est court, on peut le chanter en entier après chaque verset du psaume. Tel est le cas du tropaire pascal : Le Christ est ressuscité des morts, au début de la liturgie et des offices pendant la semaine pascale. Chez les Slaves, il est chanté au début trois fois par le prêtre (qui prend ici la place des psalmistes d ’autrefois) et trois fois par le peuple, selon l’ancienne manière de commencer le chant des tropaires processionnels. Le chant du tropaire de la résurrection au début de la liturgie n ’est, en effet, que le «reliquat» d ’une ancienne pro­ cession qui avait lieu, avant la liturgie, le lundi de Pâques (45). Dans la liturgie elle-même, le même tropaire est chanté, avec le même psaume, comme chant d ’entrée au troisième antiphone. C ’est de la même façon, c’est-à-dire avec triple répétition initiale, qu’on chantait le tropaire final des vêpres à Constantinople (46). Ce (42) Cf. Le Typicon II, index liturgique, περισσή. (43) Cod. gr. 44, publié par J.-B. Thibaut, Monuments de la notation ekphonétique et hagiopolite de l'Eglise Grecque, Saint-Pétersbourg 1913,3e partie, pp. 1-11. (44) Ibid., p. 7, formulaire pour le 1er dimanche. (45) Le Typicon Π, 98. Au XIIe siècle, le typicon du monastère de l’Evergétis ignore encore le chant du tropaire pascal avant le premier antiphone de la liturgie de Pâques, cf. A. Dmitrievsldj, Opisanie liturgiceskich rukopisei I, Kiev 1895, p. 559. (46) Cf. Le Typicon II, index liturgique, τροπάριον IV a. La traduction française donnée dans le Typicon des passages où il s’agit de l ’exécution du tropaire diss vêpres n ’est pas assez précise. A 8-IX (I, 18-20), par exemple, elle devrait dire: «On le chante trois fois, et (ensuite avec) trois stiques du Magnificat et la répétition finale».

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tropaire, chanté après les litanies — partie finale des offices — a pu être destiné à l ’origine à la procession qui, selon Egérie, suivait l’office du soir (47). U n mot encore sur la périssie ou répétition finale du tropaire. Assez souvent, le nom de périssie est donné à un second tropaire qui terminait le chant du premier tropaire avec psaume prenant la place de la répétition finale (47 bis). Les jours du mardi au vendredi de la 4e semaine du carême, p. ex., on chantait le tropaire : Nous adorons ta croix, Seigneur, cité ci-dessus. Le mercredi on chantait comme périssie le tropaire : La croix vivifiante que tu nous as donnée, etc. (48). Ce cas est fréquent dans le rite byzantin (49). Dans la liturgie eucharistique elle-même, le deuxième antiphone du début a c o m m e périssie le tropaire O Fils unique·, le troisième antiphone, aux fêtes, le tropaire appelé contakion (50) ; le psaume de communion, le tropaire : Que notre bouche se remplisse (πληρωθ-ήτω) (51). Dans l ’office divin, Vhirmos (ειρμός) des canons poétiques de l ’orthros, loin d ’être un ancien tropaire intercalé aux versets d ’un cantique, était la strophe finale ou périssie (bien que ce terme n ’ait pas été en usage en Palestine, à ce qu’il semble) d ’un cantique chanté avec un refrain propre (52). L ’hirmos chanté après les tropaires de chaque ode du canon reçoit le nom de catabasia (καταβασία), probablement parce qu’il était chanté ensemble par les deux chœurs qui descendaient des stalles. C ’est la catabasia,

(47) Journal de voyage 24, 7 (éd. Pétré, Sources Chrétiennes 21, Paris 1948, pp. 192-94). (47 bis) Dans le chant antiphoné, le mot périssie s’applique aussi à la répétition finale d ’un refrain court, p. ex. alleluia, cf. Syméon de Thessalonique, De Sacra Precatione 349 (PG 155, 637 Q . (48) Le Typicon Π, 42; cf. index liturgique, περισσή. (49) Dans le rite syrien aussi, où la périssie reçoit le nom de ‘eqba. Chez les Chaldéens on l’appelle tesbohta. Chez les Maronites, de longues poésies jouent le rôle de périssie, sous le nom de sogita. (50) D ’ailleurs, la strophe Ή Παρθ-ένος σήμερον du jour de Noël, actuel­ lement "appelée contakion, est appelée tropaire par le Typicon de la Grande Eglise, I, pp. 156-58. (51) Que le tropaire πληρωθ-ήτω se rattache étroitement au psaume de communion, ressort de ce texte du Chronicon Paschale (mai 624, sous Serge patriarche, PG 92, 1001 BÇ) : Έπενοήθ-η ψάλλεαθ-αι μετά το μεταλαβείν πάντας τδ>ν αγίων μυστηρίων... μετά το... ψαλθ·ήναι τον τελεοταίον στίχον τοδ κοινωνικού, λεγεσθ-αι καί τούτο τό τροπάριν Πληρω8·ήτω τό στόμα ήμδν κτλ. (52) Les tropaires qui suivent l’hirmos, plus récents que celui-ci, n ’ont donc jamais été destinés à être répétés comme des refrains. L ’intercalation des tropaires aux derniers versets des cantiques n ’a été que la conséquence de leur multiplication après l ’hirmos. Celui-ci, d ’ailleurs, est encore répété à son ancienne place, après le Gloria Patri.

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INTRODUCTION

sans doute, l’ancienne périssie des cantiques scripturaires, avant la composition des canons poétiques. Tropaire-hypacoè Le mode d ’exécution du tropaire, avec répétition de la seule clausula, caractérisait aussi l'hypacoè (litt, répons). La strophe poétique appelée ainsi est actuellement chantée, sans versets psalmiques, à l’orthros festif. Le mot hypacoè, cependant, indique que cette strophe devait être répétée de quelque façon comme refrain. La rubrique pour le chant de l ’hypacoè donnée par le typicon de l’Evergétis (XIIe siècle) au deuxième dimanche avant Noël, permet de conclure que le chant de cette strophe était jadis exécuté comme celui du tropaire : On chante (l’hypacoè) ainsi : d'abord le psalmiste, ensuite le peuple avec chiroDomie (c.-à-d. sous la direction rythmique du psalmiste). Puis le psalmiste chante le verset Acclamez le Seigneur (ps. 99, 1)... Après le verset, le peuple chante de nouveau la fin de l’hypacoè (53).

Certains documents, d ’ailleurs, appellent hypacoè une pièce que d ’autres appellent tropaire. Ainsi, le refrain baptismal : Vous tous baptisés dans le Christ, etc. (Gai 3, 27), appelé tropaire par les documents constantinopolitains (54), est appelé hypacoè par le grand lectionnaire de Jérusalem (55). Pareillement, le refrain pour le ps. 140, aux vêpres de Sainte-Sophie, est appelé tropaire par le typicon de la Grande Eglise, mais hypacoè par un autre ms. d ’influence palestinienne (56). L ’on dirait que les termes hypacoè et tropaire sont équivalents, mais que le premier est d ’origine palestinienne, le second d ’origine constantinopolitaine(56 bis). La signification du mot syrien ‘enyana, qui désigne des tropairesantiphones à intercaler dans le chant d ’un psaume, est l’équivalent exact du terme grec hypacoè. Cette équivalence confirme les origines palestiniennes de ce terme. Le mot tropaire, par contre, trouve son

(53) Dmitrievskij, Opisanie I, pp. 339-40. (54) Le Typicon II, 94. (55) Ed. citée, tome I (vol. 189), n° 736, p. 113. (56) Le Typicon I, 148, et apparat lin. 9. (56 bis) Au Xe siècle, époque des mss. du Typicon de la Grande Eglise et de ceux du Lectionnaire de Jérusalem; l’échange entre Constantinople et la Palestine a déjà commencé. Ainsi, on chantait une hypacoè au début du nocturne constantinopolitain (cf. Le Typicon II, index liturgique, s.v. hypacoè), et un tropaire apparaît comme chant d'entrée de la liturgie de Jérusalem (Le Grand Lectionnaire, éd. citée, n° 6, p. 9; n° 26, p. 13; n° 33, p. 14; n° 42, p. 15, etc). Si aucun psaume n ’est indiqué pour ce tropaire (le psalmus qui suit appartient aux lectures), c'est sans doute parce que le psaume d’entrée était fixe, comme à Constantinople, c.-à-d. le ps 94.

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équivalent syriaque dans hepakta, en usage chez les Chaldéens, comme nous l ’avons remarqué plus haut, mais qui n ’est pas utilisé dans le ter­ ritoire syro-palestinien. Autres termes pour désigner le tropaire Un autre terme palestinien pour désigner le tropaire est celui de στίχος; il apparaît fréquemment dans le lectionnaire géorgien, où le stichos est toujours accompagné d ’un psaume (57). La même déno­ mination est employée dans la liturgie de saint Marc, pour un tropaire qui est probablement à identifier avec celui que le lectionnaire géorgien appelle «manuum lotionis» (58). Le terme, aussi palestinien, κάθισμα indiquait à l’origine les tropaires chantés au nocturne pour interrompre la psalmodie. Celle-ci, en effet, était récitée debout, comme l’indique le nom στάσις appliqué aux petites divisions — les plus anciennes — du psautier (59). Le cathisme était aussi chanté avec verset psalmique, répétition de la clausula et périssie finale ( = théotokion), selon l’exécution ordinaire du tropaire. Voici un exemple emprunté au cod. Sinaït. gr. 864 (Horologion, IXe siècle), fol. 59v-60r : Cathisme, mode 2 : Réveiile-moi, Seigneur, pour t ’adorer, ouvre mes lèvres pour te chanter, efface la multitude de mes chutes, donne-moi, pour mon salut, un esprit facile à la componction; accueille ma supplication, Christ Dieu : Car toi, tu peux tout (faire), ô seul Ami des hommes. Stique (ps. 56, 2) : Pitié pour moi, ô Dieu, pitié pour moi, car en toi mon âme se confie; à l’ombre de tes ailes j ’espère, tant que soit passée l’iniquité. ♦Car toi, tu peux tout (faire), ô seul Ami des hommes. Gloria et théotokion : En toi, ô Mère de Dieu, etc.

La même façon d ’exécuter le cathisme est indiquée par les typica. Dans VHypotyposis de s. Théodore Studite on prescrit, pour le temps depuis l’exaltation de la croix jusqu’au carême, la répétition du tropaire, avec l ’intercalation du verset psalmique (59 bis). Le typicon de l'Evergétis (XIIe s.) omet la mention du verset psalmique, mais il indique que la répétition est chantée par le peuple, (57) Ed. citée, nn. 12-23, pp. 10-12. (58) Ibid., nn. 40, p. 15; 46, p. 16; 90, p. 20, etc. (59) Dans les anciens psautiers, le mot cathisme n ’est pas le titre d ’une section psalmique, mais une rubrique placée à la fin de la section, pour indiquer le chant du tropaire. Ainsi, le cod. Vat. gr. 341 (XIe siècle) met la rubrique 1er cathisme après le Gloria qui termine le ps 8, fin de la troisième stasis, et pareillement par la suite. Egalement, le cod. Bibl. Nat. Athènes n° 7, psautier du X e siècle. (59 bis) Opisanie I, p. 321 : τά τροπάρια 8è τού καθΊσματος βιπλοΰνται, λεγομένου μεοοστίχοο.

LA PSALMODIE:

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INTRODUCTION

c’est-à-dire par la communauté (60). Pendant la semaine sainte le théotokion était omis; après le Gloria Patri, le psalmiste et le peuple répétaient le cathisme entier (60 bis). Les termes estikon et qatisma ont été aussi appliqués aux tropaires par les Syriens (61). Les Chaldéens connaissent le mawtba, de signification identique à κάθισμα, et qui s’applique à l’ensemble de la poésie ecclésiastique et des autres pièces qui suivent la psalmodie nocturne. Le terme απολυτίκιοv était parfois employé à Constantinople pour· désigner un tropaire situé à la fin d ’un office, près de Vapolysis ou renvoi du peuple; à la liturgie eucharistique, c’était le tropaire après le psaume de communion; aux vêpres, le tropaire final (61 bis). Στιχηρόν, dérivé de στίχος, désigne une composition disposée en vers, pratiquement une strophe. Il désigne les tropaires intercalés aux psaumes des vêpres, mais un ms. de Patmos donne ce nom aussi au tropaire du 3e antiphone de la Liturgie : Sauve-nous, Fils de Dieu (62). Sur les termes hirmos et catabasia, voir ce que nous avons dit plus haut, à propos de la périssie. Evolution du chant des tropaires A l ’origine, le tropaire était subordonné au texte psalmique, ou bien parce que le tropaire lui-même était court, ou bien parce qu’après chaque verset du psaume on répétait seulement la clausula du tropaire. Au cours du temps, cependant, le tropaire devient parfois l’élément principal, en sorte que les versets psalmiques ne sont plus que le prétexte pour la répétition du tropaire, chanté chaque fois en entier. Tels sont, dans l ’office byzantin actuel, les tropaires de tierce, sexe et none, jadis quotidiens, mais réservés maintenant pour le carême (63). (60) Opisame I, p. 513 : πάντα τά καθίσματα πρίδτον b ψάλτης, είτα ό Δόξα καί ν&ν θεοτοκίον ; ibid. 516, 525. (60 bis) Ibid. pp. 544, 545, 546. (61) P. ex., dans le ms. de Charfet, fonds Rahmani n° 121, fol. 167v. (61 bis) Cf. Le Typicon II, index liturgique, s.v. (62) Voir ci-dessus, note 29. (63) Ces tropaires expriment le sens ancien de ces heures. Celui de tierce, la descente du Saint-Esprit, comme chez Tertullien, De Oratione 25 (CC, Series Latina I, Turnhout 1954, p. 272), s. Cyprien, De oratione dominica 24 (PL 4, 541), s. Basile, Grande Règle, Interr. 37, 3 (PG 31, 1013). Sexte et none rappellent la crucifixion et la mort du Seigneur respectivement, cf. Hippolyte, La tradition Aposto­ lique 41 (éd. B. Botte, Liturgiewissem. Quellen u. Forschungen 39, Münster 1963, pp. 90-92) et s. Cyprien (loc. dt.). λαός,

SES GENRES

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D ’ailleurs, même dans la manière traditionnelle d’exécution du tropaire, on trouve des simplifications déjà au Xe siècle. Dans le tro­ paire de la vigile de Noël, en effet, cité in extenso ci-dessus, le chant est devenu responsorial : le soliste est représenté par le chœur de psalmistes et le peuple n ’est plus divisé en deux chœurs, mais chante tout ensemble. La présence du Gloria Patri à la fin du psaume oblige cepen­ dant à considérer ce chant comme primitivement antiphoné. Il existe toutefois des tropaires et des hypacoai qui semblent ne pas avoir été suivis de la doxologie (64). Seraient-ils des chants proprement responsoriaux? Il n ’y a pas d ’inconvénient à admettre cette possibilité, surtout si l’on considère qu’étymologiquement, ni le mot tropaire ( = ritornello) ni le mot hypacoè ( = répons) ne spécifient de quelle façon le peuple doit les utiliser. Une évolution plus ms. de Karlsruhe, cité plus l’alternance est conservée, ce sont les deux chœurs de ques et le refrain.

regrettable est celle qui apparaît dans le haut, pour les antiphones de la liturgie (65) : mais la participation du peuple a disparu; psalmistes qui chantent et les versets psalmi­

Ce fut principalement l’influence monastique qui fit s’estomper la façon populaire, pastoralement si efficace, de chanter les psaumes avec tropaires. Les anciennes hypacoai palestiniennes perdirent leurs versets psalmiques et, par conséquent, leurs répétitions. Ailleurs, où les versets psalmiques furent conservés, on intercala après chaque verset un tropaire différent, supprimant la répétition de l ’ancien tropaire-refrain, et faisant donc disparaître l’antiphonie. Ce fut le cas des στιχηρά άπόσχιχα à la fin des vêpres dominicales; le ps. 92 y avait jadis un seul stichère, le premier des stichères actuels, qui devait être chanté tout au long du psaume. D ’autres stichères dé mètre différent, appartenant à une série alphabétique, furent intercalés entre les versets du psaume et devinrent l’élément principal. Finalement, la dénomination «tropaire» fut appliquée aussi à des strophes qui n ’étaient pas composées pour être répétées avec des versets psalmiques. Tel est le cas des tropaires, composés à l ’imitation de l ’hirmos, dans les canons poétiques de l ’orthros.

(64) Parmi les tropaires, peut-être le tropaire final des vêpres constantïnopolitaines, où jamais on ne mentionne le Gloria Patri, bien que celui-ci pourrait être sous-entendu comme allant de soi, cf. Le Typicon II, index liturgique, s.v. troparion IV, a. Les hypacoai conservées à l’orthros, privées désormais de leurs versets psal­ miques, n ’ont pas non plus de Gloria; il est certain, cependant, que le nom hypacoè a été donné à des tropaires terminés par la doxologie, cf. ci-dessus, p. 14. (65) Voir ci-dessus, p. 4.

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INTRODUCTION

Correspondants du tropaire dans les autres rites Le tropaire byzantin n’est pas un genre de composition exclusif de ce rite. Chez les Chaldéens, il reçoit le nom de qanona (κανών) ou, plus rarement, de hepakta, lorsque le psaume reste l’élément prin­ cipal, mais il est appelé ‘onita lorsque c’est le texte ecclésiastique qui prédomine sur les versets psalmiques (66). Chez les Syriens, c’est le ‘enyana qui, selon la terminologie pales­ tinienne, correspond à Vhypacoè byzantine ( = responsorium), où le psaume restait l’élément principal (67). Les qale d’encens sont par contre des tropaires qui, comme la ‘onita chaldéenne, laissent la psalmodie aü second rang (68). Chez les Romains, les antiphonae processionnelles de la messe (antiphona ad introïtum, ad offertorium, ad communionem) correspondent à Yantiphona ou tropaire byzantin. Souvent, Yantiphona romaine est empruntée au psaume lui-même; aux fêtes, on trouve d’autres textes de l’Ecriture utilisés comme antiphonae (69); plus rarement des textes de composition ecclésiastique (Gaudeamus omnes, Salve sancta Parens). Les antiphonae prcessionnelles pour le jour des Rameaux (Pueri hebraeorum, etc.) sont de vrais tropaires pour être chantés avec des psaumes; on y trouve même, selon le style des tropaires byzantins, une phrase finale (Hosanna in excelsis) qui pouvait être répétée après chaque verset, réservant le chant de Yantiphona entière pour le début et pour (66) Chez s. Ephrem, cependant, ‘onita désigne le refrain d’un madrasa (poésie didactique correspondant à l ’ancien contakion byzantin), cf. p. ex. Carmina Nisibena, éd. E. Beck, CSCO vol. 218 (Scriptores Syri 92), Louvain 1961, p. 1, ligne 17; p. 7, ligne 4; p. 11, ligne 13, etc. Le nom actuel de ce refrain est 'unnaya. On notera que la répétition de la seule clausula, après les versets psalmiques, propre aux tropaires byzantins, est inconnue chez les Chaldéens. (67) Les anciens ‘enyane possédaient une ou deux strophes; ils ont été ensuite développés en une série comportant une strophe différente pour chaque verset psalmique. C’est probablement la répétition de la clausula qui a provoqué la com­ position de nouvelles strophes, terminées par la même clausula. Un cas assez clair apparaît dans l’invitatoire (m'irana) du jeudi (Shima, éd. Charfet 1937, pp. 286-89), où chaque strophe se termine par la doxologie : Seigneur de tout, gloire à toi, mais seule la première strophe a un caractère de minuit. (68) Le psaume traditionnel pour ces qale est le ps. 116, qui apparaît dans l’office maronite. Le nombre primitif de strophes est difficile à determiner : probablement une, répétée plusieurs fois. Chez les Syriens, on a ajouté au qala d’encens des séries de strophes en l’honneur de la Sainte Vierge, des saints, etc. (69) Au début de l’année ecclésiastique, les 2e, 3e et 4e dimanches de l’avent, le mercredi des Quatre-Temps, la vigile de Noël, 2e et 3e messes de Noël, s. Jean Evangéliste, dimanche après N oël, 1er janvier. Nom de Jésus, Epiphanie, etc.

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la fia. C’est peut-être de cette manière d’exécuter les antiphones que dérive l’antienne monastique romaine, chantée seulement au début et à la fin des psaumes de l’office. Les antiphonae en l ’honneur de la Sainte Vierge (Alma Redemptoris, Ave Regina, Regina coeli. Salve Regina), qu’on chante à la fin des heures, soiit peut-être l’exemple romain d’un tropaire qui a perdu sa fonction de refrain. Les responsoria du nocturne romain Examinons ici les responsoria rofnains qui suivent les lectures du nocturne. Quant à leur fonction, ils correspondent aux tropaires byzantins appelés cathismata (70). Leur texte, d’ailleurs, n’est ordinairement pas psalmique, mais de composition ecclésiastique, en quoi ils correspondent encore aux tropaires byzantins. Ce fait empêche de les placer, malgré l’identité de nom, dans la même catégorie que le responsorium (graduel) de la messe. Leur exécution, qui comporte la répétition de la clausula après un stique (versus), est égale à celle du tropaire et du cathisme byzantin, selon les exemples cités ci-dessus. Ces trois ressemblances nous obligent donc à identifier le respon­ sorium romain avec le tropaire-cathisme byzantin. Il reste la question du nom. Pourquoi ces tropaires sont-ils appelés responsorium? Nous croyons trouver la réponse à cette question dans le fait qu’en Palestine le tropaire était appelé hypacoè (= responsorium). L’office romain aurait conservé cette ancienne dénomination du tropaire. D ’ailleurs, puisque le responsorium romain n’est pas terminé, sinon exceptionnelle­ ment, par le Gloria Patri, on doit admettre que le chant de ces composi­ tions était responsorial, non antiphoné. Finalement, le verset, qui dans le tropaire byzantin est psalmique, dans le rite romain est devenu une composition ecclésiastique. Les trois antiphones Dans l’ancien office de Constantinople, le chant de trois psaumes antiphonés .se succédant (trois antiphones) était très fréquent. Les trois antiphones qu’on chantait à vêpres étaient appelés, du moins (70) Leur place dans l’office est légèrement différente. Chaque nocturne romain dispose ses éléments en cet ordre : psalmodie, lectures (suivies chacune d’un responsorium)·, chaque nocturne byzantin les dispose ainsi : psalmodie, prière, cathisme (= responsorium), lecture. Cf. J. Mateos, Quelques problèmes de l'orthros byzantin, dans Proche-Orient Chrétien XJ (1961), p. 23.

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INTRODUCTION

depuis le Xe siècle, les «petits antiphones» (71). Selon Syméon de Thés· salonique, cette dénomination était due au fait que les psaumes étaient réduits à quatre versets (72).

CHAPITRE I

La succession de trois antiphones à la façon constantinopolitaine est inconnue des offices byzantins d ’origine palestinienne (73).

LA SYNAPTIE ET L’ORIGINE DES TROIS ANTIPHONES

C. Les antres genres de psalmodie

Le psaume directané (en grec : κοινώς ψάλλειν) est chanté par toute une communauté à la fois. On ne trouve pas à la liturgie eucharistique des psaumes exécutés ainsi. A l’orthros, l’hexapsalmos du début, selon les anciens typica, était chanté par toute la communauté des moines (74). Le psaume de méditation est chanté ou récité lentement par un soliste, tandis que les assistants méditent les paroles inspirées. Cette manière de faire est propre aux offices monastiques et réservée à la psalmodia currente psalterio (c.-à-d. la récitation des psaumes selon leur ordre numérique) du soir et de la nuit. Elle a ses racines dans l’ancienne Egypte (75). En pratique, de nos jours, ce sont souvent deux solistes qui récitent alternativement les psaumes de méditation. Deux chœurs peuvent aussi réciter les psaumes, alternant les ver­ sets. Cette façon, courante dans la pratique chorale de l’Occident, était probablement pratiquée dans les communautés basiliennes (76) et dans le monastère de Stoudios (77). Cependant, elle ne semble pas être prévue par les Typica, qui suivent la tradition de Palestine.

Préliminaire : Déroulement actuel de cette partie de la liturgie Au IVe siècle, selon le témoignage de saint Jean Chrysostome, le peuple et le clergé entraient à l’église sans solennité pour célébrer la divine liturgie. A l’intérieur de l’église, l’évêque, avant de monter à son siège, saluait le peuple en disant : Paix à tous. Ensuite on s’asseyait pour écouter les lectures. Voici les textes de Chrysostome qui se réfèrent à ce début de la liturgie : L’église est la maison commune de tous, et vous nous précédez lorsque nous y entrons... C’est pourquoi, en entrant nous souhaitons immédiatement la paix à tous en général, selon cette loi-là (1). Lorsque le père ( = l’évêque) entre, il ne monte pas à ce trône avant de vous avoir souhaité la paix à tous (2). C’est pourquoi, recevez-nous alors avec amour, lorsque nous entrons vers vous, et lorsque je dis : Paix à vous, répondez : Et à ton esprit (3).

(71) Cf. Le Typicon Π, index liturgique, s.v. antiphonon II A e. (72) De Sacra Precatione 348 (PG 155, 632 Q . (73) Les trois antiphones des anabathmoi (psaumes graduels), dans l’orthros du dimanche, sont un élément constantinopolitain intercalé dans l’office palestinien. Cf. l’article cité Quelques problèmes, pp. 208-210. (74) Typicon ms. Saint-Sabas n° 1096, XIIe s. (Dmitrievskij, Opisanie ΙΠ, 24) : ψάλλομεν xoivffls έξάψαλμον. Euckologe ms. Sinai «° 973, XIIe S. (Opisanie Π, 88) : καί ε&9·ΰς à λαός έρχονται (sic) τόν έξάψαλμον. (75) Cf. Cassien, De Instit. Π, 12 (Petschenig, 27). (76) Cf. J. Mateos, L'office monastique à la fin du IV? siècle : Antioche, Palestine, Cappadoce, dans Orlens Christianus 47 (1963), p. 83. (77) Cf. S. Théodore Studite, catéchèse 99, dans A. Mai, Nova Patrum Bibliotheca IX, Rome 1888, pp. 230-31.

Lorsque le président (é προεστώ ς) de l’assemblée (τ7)ς έκκλησίας) entre, il dit : Paix à tous (4). (1) In M t. 32 (33), 6 (PG 57, 384). La loi à laquelle Chrysostome fait allusion est celle que le Seigneur établit en Mt 10, 12-13 : «En entrant dans la maison, saluez-la : si cette maison en est digne, que votre paix descende sur elle». Le pluriel employé par Chrysostome : «nous vous souhaitons la paix», indiquerait que chaque membre du clergé, outre l’évêque, saluait le peuple; en effet, les homélies in Matthaeum furent prononcées à Antioche (vers 390), comme il appert de ce passage de l’homélie 7, 7 (PG 57, 81) : «Votre ville fut la première à employer le nom de chrétiens». Chrysostome n’était donc pas encore évêque. (2) Adv. Iudaeos 3, 6 (PG 48, 870). (3) In Mt. 32 (33), 6 (PG 57, 385). (4) In Col. 3, 4 (PG 62, 323).

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CHAP. I !

SYNAPTIE ET ANTIPHONES

La salutation Paix à tous dont parle Chrysostome correspond sans aucun doute à celle qui, encore aujourd’hui chez les Slaves et les Roumains, précède le prokeimenon. Chez les Grecs et les Melkites elle a disparu à une date assez récente (5). Mais, avant cet ancien début, il y a actuellement toute une série de pièces liturgiques, dont la première est une bénédiction initiale et la dernière le chant du trjsagion. Nous voudrions les étudier en des articles successifs, pour déterminer, autant que possible, l ’époque de leur apparition, leur rôle primitif et l’évolution qu’elles ont subie avant d ’arriver à prendre la place qu’elles occupent dans la structure actuelle.

§ 1. LA GRANDE SYNAPTIE

Le chœur chante alors plusieurs tropaires où l’on commémore la fête ou la solennité du jour. Aux grandes fêtes, l’évêque encense l’autel tout autour. Pendant le chant des tropaires, le célébrant récite la' «prière du trisagion» (7) et, après qu’il a prononcé l ’eephonèse, le chœur chante le trisagion. Pendant ce chant, les célébrants baisent l’autel et vont à l’abside, où ils se placent devant leurs sièges, pour s’y asseoir pendant les lectures. Dans ses grandes lignes, cette partie introductoire se présente donc ainsi : Bénédiction initiale

Voyons d ’abord en détail quelles sont ces pièces. La liturgie commence à haute voix par une bénédiction : Béni soit le règne du Père et du Fils et du Saint-Esprit, en tout temps, maintenant et à jamais pour les 'siècles des siècles, prononcée par le prêtre à la suite de l’invitation : Bénis, maître, dite par le diacre. Le diacre propose ensuite les intentions de la litanie de la paix (ειρηνικά) ou grande synaptie (6). Le chœur chante trois psaumes antiphonés, appelés «antiphones» chacun précédé d ’une prière sacerdotale dite en secret. La première prière est dite pendant la récitation de la grande synaptie, la deuxième et la troisième pendant que le diacre récite une abréviation de la grande synaptie, appelée «petite synaptie». Pendant le chant du troisième antiphone, on fait une procession, appelée actuellement «la petite entrée». Le clergé sort du sanctuaire par la porte du nord, un diacre portant le livre des évangiles; si l’évêque célèbre et se trouve à l’ambon au centre de l ’église, il rejoint la proces­ sion, et l’on entre de nouveau au sanctuaire par la porte centrale. Avant d ’entrer, l’évêque ou le premier des célébrants récite à voix basse une prière, appelée «prière de l’entrée», et il baise le livre des évangiles que lui présente le diacre. Celui-ci élève le saint livre en faisant avec lui un signe de croix et dit : Sagesse, debout ! On chante le verset de l’entrée (είσοδικόν) et on entre au sanctuaire.

(5) Elle apparaît dans l’édition de Doucas (a. 1526), cf. C. A. Swainson, The Greek Liturgies, Cambridge 1884, p. 116. Au XVIIIe siècle, elle manque dans les euchologes de Nicolas Saros, éditions de Venise 1745 et 1776, mais elle existe dans l’édition bilingue d ’Antoine Bortoli (Venise 1775), p. 19. (6) La synaptie ou litanie de la paix est appelée par les Slaves «ecténie», et les petites synapties «petites ecténies». Cela porte à confusion. Il faut réserver la dénomination «ecténie» ( = sugubaya) uniquement pour la litanie qui suit l’évangile, en conformité avec le texte grec.

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grande synaptie — prière du 1er antiphone — eephonèse premier antiphone petite synaptie — prière du 2e antiphone — eephonèse deuxième antiphone petite synaptie — prière du 3e antiphone — eephonèse troisième antiphone — prière de l’entrée . entrée — tropaires prière du trisagion — trisagion — montée à l’abside § 1. La grande synaptie

Selon ce que nous venons de dire, il y a dans cette partie de la liturgie trois synapties ou litanies : la grande synaptie et les deux petites synapties, chacune avant un antiphone. Ces litanies, sont-elles des éléments anciens à cet endroit? Commençons par la grande synaptie : c’est depuis une époque relativement récente que cette litanie occupe sa place actuelle. Aux IX-Xe siècles elle était récitée après l’entrée, avant le trisagion, de telle sorte que la prière du trisagion était dite pendant la récitation de la synaptie (8), et que cette litanie était appelée «synaptie du trisagion» ou «aitisis du trisagion» (9). (7) Ainsi chez les Slaves et les Roumains. Les Grecs et les Melkites la récitent pendant le chant de l’hymne, en sorte que l’ecphonèse est séparée de la prière et prononcée à haute voix avant le trisagion. Le raison en est que le clergé grec et melkite participe davantage au chant des tropaires et des contakia. (8) Cod. Grottaferrata Γ. β. VII (324) (Xe s.); Leningrad 226 ( — Euchologe de Porphyre) (Xe s.), éd. N. Krasnoseltsev, Svedenija o njekotorych Uturgieskich rukopisjach Vatikanskoj Biblioteki, Kazan 1885, p. 286; Le Typicon de la Grande Eglise (Xe s.), éd. J. Mateos (t. I, Rome 1962; t. II, Rome 1963), cf. Index liturgique, II, 297. (9) «Synaptie du trisagion» par le Typicon de la Grande Eglise, cf. ibid.; «aitisis du trisagion» par le cod. Leningrad 22f, ibid., p. 285.

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Elle apparaît aussi, après l ’entrée, dans un ms. du XIe siècle de Grottaferrata (10) et dans le Paris grec 330 (XIIe s.) (11). Constantinople conserve cette pratique au XIIe siècle, comme l ’attestent le cod. d'Isidore Pyromalos (12) et le typicon de l'Evergétis (13). Cependant, déjà au XIe siècle, le transfert avait commencé; nous avons comme premiers témoins de ce transfert la traduction arabe publiée par C. Bacha, qui prescrit la synaptie d ’abord au début et puis avant le trisagion, et la traduction géorgienne publiée par A. Jacob, qui fait de même, bien qu’à la seconde récitation on omette quelques demandes (14). A la même époque, le Grottaferrata Γ. ß. II (319) place la synaptie seulement au début (15). L ’ancienne coutume survit cependant au XIIe siècle, aussi bien dans certains mss. italo-grecs (16) que dans le diaconat cod. Sinaïtique grec 1040, qui prescrit la récitation de la grande synaptie avant le tri­ sagion dans la liturgie de s. Basile et au début dans celle de Chrysostome (17). Depuis le XIIIe siècle la synaptie occupe définitivement sa place actuelle. Les exceptions sont rares et prescrivent l’ancienne pratique seulement en certains jours de l ’année, p. ex. le typicon du monastère italo-grec de Mili (1292) (18), ou celui de la cathédrale de Bovo en Calabre (1552) (19). Notons que la récitation de la synaptie entre l’entrée et les lectures a un parallèle dans les rites arménien (après le trisagion) et ambrosien (après l’entrée les dimanches de Carême). (10) Cité par Goar, Euchologe, 2e éd., Venise 1730, p. 150, note x. (11) Voir, pour toute cette question, A. Strittmatter, Notes on the Byzantine Synapte, dans Traditio X (1954), pp. 85-108. (12) Cf. Goar, Euchologe, éd. citée, pp. 153-56. (13) Ed. A. Dmitrievskij, Opisanie liturgiceskich rukopisej I, Kiev 1895, pp. 256-655. Ce typicon prescrit explicitement la récitation de la synaptie avant le trisagion, maintes fois, au cours de l’année: 24-XII, p. 355; 29-XII, p. 367; 5-tI, p. 379; 25-III, p. 432; 6-VIII, p. 481; Jeudi Saint (après la troisième prophétie)!, p. 549; Samedi Saint, p. 555; dimanche de Pâques, p. 559. Il indique aussi que cela était la pratique ordinaire; voici, en effet, la remarque qui apparaît le 5-1, pour le cas où ce jour tombait un samedi ou un dimanche et que le soir on ne célébrait pas la Liturgie, mais un office de lectures : «On ne dit pas la synaptie du trisagion, car on n ’accom­ plit pas la Liturgie» (p. 381). (14) Version arabe, dans Chrysostomica, Rome 1908, pp. 418-19; version géorgienne, dans Le Muséon LXXVII (1964), pp. 93-94. (15) Ed. S. Muretov, Kmaterialam dlja istorij cinoposljedovanija Litnrgij, Sergiev Posad 1895, p. 3. (16) Vat. gr. 1863, cf. Strittmatter, art. cité, p. 96. (17) Opisanie Π, 133. (18) Vat. gr. 1877; Strittmatter, art. cité, p. 104. (19) Barb. gr. 359; Strittmatter, art. cité, p. 105, note 88.

§ 2. LES PETITES SYNAPTIES

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Il ne faudrait pourtant pas penser que la grande synaptie ait eu sa place primitive avant le trisagion. Par rapport aux IV-Ve siècles, il y a eu déjà un déplacement. Dans les Constitutions Apostoliques (20), chez s. Jean Chrysostome (21) et dans les autres documents de cette époque, la grande synaptie ou une litanie équivalente apparaît, sans exception, après les lectures et le renvoi des catéchumènes. Chez les Slaves, elle est récitée encore, un peu abrégée, entre la première et la deuxième prière des fidèles. De nombreux mss. grecs témoignent aussi de la récitation de la grande synaptie à cet endroit, en entier (22) ou abrégée (23). § 2. Les petites synapties

Quant aux petites synapties, leur formulaire est composé de l’invitation initiale et de la dernière demande de la grande synaptie. Souvent, comme il arrive ici, on y ajoute l’exhortation : Faisant mémoire de Notre-Dame, etc.', dans les petites synapties, qui accom­ pagnent les prières des fidèles, cette addition n ’a pas lieu. Au Xe siècle, cette forme de litanie abrégée existait déjà, mais sans qu’elle fut nommée petite synaptie (24). A Constantinople, le Typicon du Xe siècle n ’y fait pas allusion (25). Certains documents appellent «irénica» aussi la petite synaptie (26). A notre avis, la petite synaptie n ’est que le développement de Voremus diaconal avant une prière. Nous savons, en effet, que Y oremus qui précède les oraisons romaines comprend ordinairement dans le rite byzantin, non seulement le mot : Prions, mais la formule : Prions le Seigneur. Cette formule simple, avec réponse (Kyrie eleison) ou sans réponse du peuple, dans d ’autres cérémonies liturgiques, est souvent suivie de la seule prière sacerdotale, lorsque celle-ci est prononcée à (20) V in , 10; Funk 588-92. (21) In 2 ad Cor. 18, 3 (PG 61, 527); in Matth. 71 (72), 4 (PG 58, 660). (22) Leningrad 226 (Xe s.), Krasnoseltsev, Svedenija, 210-12; Sinait. gr. 1040 (XII s.), Dmitrievskij, Opisanie Π, 133, 135; Sinait, gr. 1020 (ΧΠ-ΧΠΡ s.), ibid., 141. Cf. Strittmatter, art. cité, pp. 65-69. Encore, dans la traduction géorgienne publiée par A. Jacob. (23) La synaptie abrégée apparaît d ’abord dans la Liturgie des Présanctifiés : Barb. gr. 329 (XI* s.); dans les mss. du XIIe s. Γ. β. VIII, Barb. gr. 345, Vat, gr. 1863; dans le Γ. β. ΧΙΠ (XIIIe s.) et dans le Codex Falascae Γ. β. Ill (XIVe s.). Pour la Liturgie de s. Basile elle apparaît dans le Sinait. gr. 958 (XIe s.), Cf. Strittmatter, art. cité, p. 69. (24) Grottaferr. Γ. β. VII ; Leningrad 226, éd. citée, p. 284. Le second ms., selon A. Jacob, est aussi italo-grec. (25) Index liturgique Π, 320, s. v. synaptie. (26) Cod. Pyromalos, dans Goar, Euchologion, p. 153; édition Doucas, dans Swainson, The Greek Liturgies, p. 113.

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§ 2.

SYNAPTIE ET ANTIPHONES

haute voix (27), et, dans la liturgie elle-même, le cas se vérifie pour la prière derrière l’ambon. L ’invitation : En paix, prions le Seigneur, légèrement plus développée que la précédente, apparaît dans les documents soit pour introduire la récitation d ’une prière, soit pour commencer une litanie. On la trouve avant la prière de la prothèse (28), avant la prière de l’entrée (29) et avant les prières du deuxième et du troisième antiphonè, et donc, comme début de la petite synaptie (30). Le ετι καί ετι initial apparaît pour la première fois au Xe siècle dans les cod. Grottaferrata Γ. β. VII et Leningrad 22% (31) et, au XIe siècle, dans le Grottaferrata Γ. β. II (32) et dans la traduction géorgienne citée plus haut (33). Quelques anciens euchologes contiennent seulement les pièces que le célébrant doit réciter : ils ne présentent donc que la prière et l’ecphonèse (34); l’invitation à la prière y est sans doute sous-entendue. Dans d ’autres, la petite synaptie est donnée en entier, mais la prière suit immédiatement l’invitation du diacre (35). Dans la traduction arménienne du XIIIe siècle (36), l’invitation initiale n ’est pas écrite, mais les autres demandes de la synaptie suivent la prière; l ’on dirait que l’invitation était encore censée faire corps avec la prière et qu’on ne jugeait pas nécessaire de l’écrire. Dans d ’autres documents, la prière se détache de l’invitation et s’attache à l’ecphonèse, la précédant (37). Parfois elle apparaît complètement séparée de la synaptie (38). (27) Dans les rites du baptême, p. ex., cf. Euchologion, éd. Rome 1873, pp. 140-60; éd. Athènes 1927, pp. 85-102, passim. (28) Leningrad 226 (cf. ci-dessus, note 8). (29) Version arabe (XIe s.) (ci-dessus, note 14); traduction latine de la Liturgie de S. Basile (XIIe s.) publiée par G. Morel, Liturgiae sive Missae Sanctorum Patrum, Paris 1560, p. 33. (30) Dans les deux documents cités dans la note précédente et dans le cod. Pyromalos, Goar, Euchologion, p. 153. — (31) Ed. citée (ci-dessus, note 8), p. 284. (32) L’édition de Muretov (ci-dessus, note 15) omet ce passage. (33) Cf. ci-dessus, note 14. (34) Le Barb. gr. 336 (VIIIe s.), éd. F. E. Brightman, Liturgies Eastern and Western, Oxford 1896, pp. 309-344; Moscou, Publ. Bibl. gr. 15 ( = Scvastianov 474) (X-XIe s.) éd. Krasnoseltsev, Svedenija, pp. 237-82; Vat. gr. 1970 ( = codex Rossanensis) (XIIe s.), éd. Swainson, The Greek Liturgies, pp. 88-94 (dans les notes). (35) Leningrad 226, éd. citée (note 8); version arabe (note 14); version Morel (note 29). (36) Publiée par G. Aucher dans Chrysostomika, cf. pp. 376-77. L’attri­ bution de cette traduction au VIIIe siècle est impossible à admettre. (37) Version arabe (note 14); cod. Ettenheim Munster 6 (vers 1200), éd. R. Engdahl, Beitraege zur Kenntnis der byz. Lit., Berlin 1908. (38) Version latine de Léon Thuscus (XIIIe s.), dans Morel (note 29), pp. 59-60.

LES PETITES SYNAPTIES

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L ’allusion à la paix peut accompagner aussi d ’autres invitations, p. ex. dans la liturgie de saint Jacques : Dans la paix du Christ, chan­ tons (39). L ’invitation diaconale se développe encore, en certains cas, pour exprimer l ’intention ou le but de la prière qui suit, p. ex. avant la prière de la prothèse dans le formulaire actuel : Au moment de la présentation des précieux dons, prions le Seigneur ! ou avant la prière d ’action de grâces pour la communion : Debout ! Après avoir reçu les divins mystères... rendons grâces, comme il est juste, au Seigneur ! qui enchaîne avec la prière sacerdotale : Nous te rendons grâces, Seigneur ami des hommes, etc. En ce dernier cas on a intercalé une petite litanie, bien que le lien entre l ’exhortation et la prière soit évident. Une prière donc, à moins qu’elle ne soit la prière terminale d ’une litanie comme la grande synaptie ou l’ecténie, est naturellement placée entre l’invitation diaconale qui la précède et l’ecphonèse qui la termine. La place hésitante occupée par les prières du deuxième et du troisième antiphones dans la tradition manuscrite — parfois attachées à l’invitation, parfois précédant l’ecphonèse — suggère que ces prières étaient jadis placées entre l’une et l’autre, sans que d ’autres demandes fussent intercalées. Le prolongement de l’invitation diaconale par une litanie a pu être causé ou occasionné par le fait que la prière, jadis prononcée à haute voix, était devenue secrète. Pour donner au prêtre le temps de terminer la prière, on aura fait suivre l’invitation primitive de formules à peu près fixes; il en est résulté que l’ecphonèse de la prière, restée à haute voix, semble maintenant conclure la litanie. Conformément à ces considérations, simplifions le schéma proposé auparavant, en omettant la grande synaptie, dont la place primitive se trouve ailleurs, et les petites synapties, qui ne semblent être que des développements de l’ancienne et très simple invitation diaconale : Bénédiction initiale prière du prière du prière du

1erantiphone — eephonèse —'· premier antiphone 2eantiphone — eephonèse — deuxième antiphone 3eantiphone — eephonèse — troisième antiphone prière de l’entrée — entrée — tropaires prière du trisagion — trisagion — montée à l’abside

Laissant de côté le trisagion, dont nous traiterons plus tard, la considération de ce schéma soulève tout d ’abord deux problèmes : quelle est l ’origine de ces trois antiphones? quel rapport y a-t-il entre le troisième antiphone et l’entrée?

(39) Brightman, p. 67.

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SYNAPTIE ET ANTIPHONES

§ 3. Les trois antiphones

1.

Dans le typicon de Sainte-Sophie ( X e siècle)

On sait que le rite byzantin actuel est le résultat de deux traditions confluentes : l’une, proprement constantinopolitaine, ayant ses racines lointaines à Antioche et probablement aussi en Cappadoce; l’autre, palestinienne, inspirée des offices de Jérusalem et des monastères des alentours. L ’office divin byzantin actuel appartient à la seconde tradition, depuis que l’ancien office constantinopolitain a été aban­ donné (40) ; par contre, la liturgie eucharistique est décidément constantinopolitaine et a conservé les usages de la capitale. L ’office des trois antiphones était une structure liturgique qui apparaissait fréquemment dans les célébrations constantinopolitaines (41) et on peut le considérer comme une caractéristique de cet ancien rite. Il n ’existe pas dans les offices de tradition palestinienne (42). Pour étudier donc ces trois antiphones du début de la Liturgie, le meilleur document à notre disposition sera le Typicon de la Grande Eglise (43). Ce document nous montre que la célébration de la liturgie, à part les samedis, les dimanches et les fêtes du calendrier universel ,(44), avait un caractère stational. La commémoraison d ’un saint ou d ’un événement n ’était donc pas célébrée dans toutes les églises de la ville; elle avait lieu dans une ou dans plusieurs églises, p. ex. dans celle qui conservait les reliques du saint : 22-VTI, mémoire de ste Marie Madeleine :... sous Léon (VI), notre empereur à l’heureux destin, ses saintes reliques furent déposées dans le monastère de Saint-Lazare, fondé par lui, où chaque année on célèbre la mémoire de la sainte, ainsi que dans le quartier de Curator, près du Taurus.

La célébration dans le quartier de Curator était due au fait que les reliques de la sainte avaient été déposées pendant quelque temps dans l’église de la Théotocos de ce quartier avant leur transfert au monastère de Lazare. (40) Selon Syméon de Thessalonique, la décadence de cet office commença lors de l’invasion des Latins; aux siècles suivants on le célébrait très rarement à Constantinople, un peu plus souvent à Thessalonique, cf. De Sacra Precatione, ch. 301 (PG 155, 553-56) et ch. 347 (ibid. 625 B). Après la conquête turque, il fut abandonné. (41) Cf. Typicon, index liturgique, Π, 284, s. v. antiphone. (42) La seule exception que nous connaissions est celle des anabathmoi ou psaumes graduels antiphonés à l’orthros, mais ils sont empruntés à l’office cons­ tantinopolitain, cf. J. Mateos, Quelques problèmes de i'orthros byzantin, dans Proche-Orient Chrétien, XI (1961), 208-210. (43) Edition citée (ci-dessus, note 8). (44) Index liturgique, Π 294, s. v. heortè.

§ 3.

LES TROIS ANTIPHONES

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2-VIII, l’invention, par l’intervention d ’un ange, des reliques des saints Maxime, Dadas et Quintillien :... elles sont déposées maintenant dans l’oratoire de la Théotocos du quartier de la Vigie. C ’est là que la synaxe a lieu.

La synaxe était d ’autres fois célébrée dans l’église dédiée aux saints : 22-X, les saintes Anne, Elisabeth, Théodote et Glycérie : cette synaxe a lieu à leur martyrion, près de Saint-Georges, dans la Cyprière. 26-X, le saint mégalomartyr Démétrius : sa synaxe a lieu à son martyrion, dans la Seconde.

Parfois on célébrait des synaxes dans plusieurs églises dédiées au même saint : 8-XI, synaxe de saint Michel archange ; elle a lieu à son sanctuaire dans le quartier d’Addas... Cette fête se célèbre aussi sur la Colline Pointue, dans le quartier du Sénateur près de celui d ’Arcade, dans l’enceinte de Saint-Julien-Martyr près du Forum et dans la Nouvelle Basilique.

Ce sont là des sanctuaires ou des chapelles dédiés à saint Michel, situés à des endroits différents de la ville. Lorsqu’il n ’existait aucune église dédiée au saint, la synaxe avait lieu dans l ’église d ’un autre saint : 24-X, les ss. martyrs Aréthas et ses 4.253 compagnons ; leur synaxe a lieu au sanctuaire de la Théotocos dans le quartier de Protais. 22-VI, les ss. martyrs Zenon et Zénas : leur synaxe a lieu à SaintGeorges-Martyr dans la Cyprière.

Les jours d ’une certaine solennité, on allait en procession à l’église stationale; la procession partait d ’une autre église et pendant le trajet on chantait un tropaire : 18-XII, -Dédicace de Notre-Dame des Chalcoprateia : la procession sort de la Grande Eglise, et les psalmistes entonnent sur l’ambon le tropaire cité plus haut : Réjouis-toi, pleine de grâce. La procession, à travers la Plomberie qui est au Militaire, va aux Chalcoprateia, et elle entre au narthex. 16-1, mémoire du s. apôtre Pierre, à l’occasion de laquelle on vénère la chaîne qu’il porta pour le Christ Γ vers la deuxième heure (du matin), la procession sort de la Grande Eglise au chant du même tropaire : (Sans quitter Rome, tu t'es transporté chez nous...), puis elle entre dans SaintPierre et on dit le Gloria Patri avec le même tropaire. Π n ’y a pas d ’anti­ phones, mais tout de suite le trisagion. 29-VI, les ss. apôtres coryphées Pierre et Paul : vers la deuxième heure (du matin), la procession sort de la (Grande) Eglise en chantant

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CHAP. I :

SYNAPTIE ET ANTIPHONES

le même tropaire : (Princes des apôtres et docteurs de toute la terre...). A Saint-Pierre, lies psalmistes disent le Gloria Pqtri et Ton chante le tropaire, mode 1 : De quelle prison ne connais-tu les chaînes? Ensuite le trisagion. Prokeimenon, etc.

La procession s’arrêtait souvent au Forum, où l’on récitait des prières de supplication : 18-X, le saint apôtre et évangéliste Luc : sa synaxe a lieu aux SaintsApôtres. A l’aurore, la procession va de la Grande Eglise au Forum et, après les prières qu’on y récite habituellement, elle se rend à la synaxe mentionnée. 26-X, mémoire de la terrible menace, le- tremblement de terre... au temps de Léon l’Isaurien : vers la première heure (du matin), le patriarche descend et il entre au sanctuaire par la porte latérale. Les psalmistes montent à l’ambon et, lorsque la procession se met en marche, on chante ce tropaire, mode 4 pl. : Toi qui regardes la terre et la fais trembler... Ils disent le Gloria Patri au Forum et, après les prières qu’on y dit d’habitude, la procession se dirige vers le sanctuaire de la Théotocos aux Blachemes; les psalmistes chantent le même tropaire et y disent le Gloria Patri. Il n’y a pas d’antiphones, mais tout de suite le trisagion.

La procession pouvait aussi s’arrêter dans une église intermédiaire pour y célébrer un office de trois antiphones : 7-X, mémoire du grand tremblement de terre : après l’orthros de la Grande Eglise, le patriarche se rend, avec la procession, à SainteAnastasie, dans les portiques de Domnin. Là on dit trois antiphones. Le premier, ps. 119 : Aie pitié de nous. Seigneur ami des hommes, et Sauve-nous, â Christ notre Dieu. Le deuxième ps. 120 : Par les prières de la Théotocos. Le troisième, ps. 121 : Alleluia simple. Après le troisième antiphone, on dit la prière du trisagion, et ensuite les psalmistes commencent sur l’ambon le tropaire processionnel, mode 2 pl. : Pitié pour nous Seigneur, pitié pour nous. La procession se rend au Forum, et les psalmistes chantent le Gloria Patri. Le diacre dit la grande ecténie, et les psalmistes commencent le tropaire, mode 1 pl. : Les miracles de. tes saints martyrs...

§ 3.

LES TROIS ANTIPHONES

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La procession monte au Forum et l’on dit la prière (de l’antiphone). 1er antiphone, ps. 45 : Par les prières de la Théotocos. 2e antiphone, ps. 46 : Alleluia double vespéral. 3e antiphone, ps. 47, tropaire, mode 4 : Toi, réellement et vraiment Mère de Dieu. Ensuite, le patriarche récite les prières habituelles et dit : Paix à tous. (Ensuite le prokeimenon, la lecture des Actes, l’alleluia, l’évangile). Le diacre dit ensuite la grande ecténie, et les psalmistes, avec la procession, entonnent le tropaire, mode 4 pl. : Délivre, Seigneur, notre Ville, Oeil du monde, de toutes tes justes menaces... Lorsque la procession revient à la (Grande) Eglise, les psalmistes disent le Gloria Patri. Il n’y a pas d’antiphones, mais tout de suite le trisagion.

Dans ce passage du Typicon apparaît une distinction nette entre le tropaire du troisième antiphone (Toi, réellement et vraiment Mère de Dieu) et le tropaire processionnel (Délivre, Seigneur, notre Ville). C’est ce dernier qui sert de chant d’entrée à l’église. Une célébration semblable avait lieu le 1er septembre, début de l’année civile : A la Grande Eglise, le matin après l’orthros, le patriarche descend et entre par la porte latérale au sanctuaire, où il récite la prière du trisagion. Les psalmistes, sur l'ambon, entonnent, au lieu d’un tropaire de procession, le trisagion, et ils chantent le Gloria Patri au Forum. Ensuite on récite la prière de l’antiphone. 1er antiphone, ps. 1 : Secours-moi, Seigneur. 21 antiphone, ps. 2 : Alleluia vespéral double. 3e antiphone, ps. 64, tropaire, mode 3 : Refuge et force. Lorsqu’on 'termine le troisième antiphone, le patriarche récite les prières habituelles, et ensuite on dit le prokeimenon (apôtre, alleluia, évangile). Après l’évaiigile, le diacre dit la grande ecténie et la procession revient. Les psalmistes chantent le tropaire : Artisan de la création entière, cité plus haut. La procession s’achemine vers les Chalcoprateia et les psalmistes y chantent pareillement le Gloria Patri. Il n’y a pas d’antiphones, mais immédiatement le trisagion.

Lorsqu’on arrive à Saint-Serge dans le Nouveau Palais, ils chantent le Gloria Patri de ce tropaire. Il n’y a pas d’antiphones, mais on dit tout de suite le trisagion.

Nous trouvons de nouveau ici la distinction entre le tropaire du troisième antiphone, qui commémorait la sainte Vierge (Refuge et force) (45) et qui n’était pas processionnel, et le tropaire de procession (Artisan de la création) (46), pour le début de l’année, qui servait de chant d’entrée à l’église.

Dans d’autres occasions, l’office de trois antiphones était chanté au Forum :

En résumant donc les données du Typicon que nous venons de citer, on constate l’existence d’une liturgie stationale; souvent on allait

ll-V , le dies natalis de cette ville royale : vers la première heure (du matin), le patriarche descend et il entre au sanctuaire par la porte latérale. On dit la prière du trisagion et les psalmistes entonnent sur l’ambon le même tropaire : La Ville de la Théotocos.

(45) Ce tropaire se trouve dans les Horologia actuels comme théotokionapolytikion pour l’orthros du jeudi (3e mode); éd. Rome 1937, p. 796. (46) Chanté toujours au 1er septembre; Horologion, éd. Rome, p. 299,

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CHAP. I : SYNAPTIE ET ANTIPHONES

§ 3. LES TROIS ΑΝΤΙ PHONES

à la station processionnellement, au chant d ’un tropaire qui servait d ’antiphone à un psaume. Lorsqu’on arrivait à l’église où avait lieu la synaxe, les psalmistes chantaient le Gloria Patri, qui indiquait la fin psaume, et l’on chantait encore le tropaire, qui servait ainsi de chant d ’entrée; immédiatement on entonnait le trisagion et l’on commençait les lectures.

le troisième antiphone était en même temps le chant d’entrée. Aussi, deux prières y sont rattachées, celle du troisième antiphone et celle de l’entrée.

Parfois la procession faisait un arrêt au Forum, et le patriarche y récitait des prières de supplication (47). D ’autres jours, la procession entrait dans une église où T o n chantait un office de trois antiphones. La procession se rendait ensuite au Forum, au chant d ’un tropaire, l ’on y récitait la grande ecténie et de nouveau, au chant d’un autre tropaire, on arrivait à l ’église stationale, où l ’on commençait la liturgie par le trisagion. Aux jours les plus solennels, l’office de trois antiphones était chanté au Forum, et était suivi d ’un office de lectures. La procession se rendait ensuite, au chant d ’un autre tropaire, à l’église stationale, et l’on commençait par le trisagion. L ’on voit donc que les trois antiphones étaient destinés à être chantés, non à l ’église, mais en dehors, et seulement dans certaines processions plus solennelles. Ce qu’on appelle maintenant «la petite entrée» n ’était donc autre chose que l’entrée à l’église du peuple et du clergé, soit comme terme d ’une procession, soit sans procession préalable. Cet état de choses est bien exprimé dans la prière de l ’entrée que les anciens manuscrits italo-grecs (48) assignent à la liturgie de Chrysostome : Bienfaiteur et Artisan de la création entière, accueille l’Eglise qui entre, accomplis ce qui convient à chacun, porte-nous tous à la perfection et rends-nous dignes de ton royaume : par la grâce, la miséricorde et l'amour pour les hommes de ton Fils Unique, avec lequel tu es béni...

Pourtant, déjà au Xe siècle, dans le même Typicon de la Grande Eglise, on constate que les dimanches et les autres jours de Liturgie non stationale on faisait précéder la Liturgie d ’un office de trois anti­ phones célébré dans l’église même. L ’ancienne procession où le peuple entrait dans l ’église avec le clergé se réduit alors à l ’entrée du patriarche à l’église. Cependant la distinction reste encore très nette entre les antiphones chantés avant l’arrivée du patriarche et le début de la liturgie, qui coïncide avec l ’entrée de celui-ci pendant le chant du troisième. Lorsque les antiphones étaient chantés au Forum, le tropaire du troisième antiphone était différent de celui de la procession qui suivait. Lorsqu’on chantait les antiphones à l’église, avant la liturgie, (47) Pour le texte de ees prières, cf. Typicon II, 202. (48) Barb, grec 336 (Brightman, p. 312); pareillement, le cod. Leningrad 266 et des mss. inédits de Grottaferrata.

39

Au 1er septembre, le Typicon présente le cas d ’un même tropaire chanté à la célébration stationale comme chant de procession et à la célébration non stationale au troisième antiphone. Pour bien com­ prendre le passage qui va être cité, il faut tenir compte de l ’enche­ vêtrement de célébrations propre au 1er septembre. En ce jour, en effet, on fêtait d ’abord le début de l’année civile (49) (tropaire ; Artisan de la Création), puis la mémoire de la Théotocos des Miasenoi, pour laquelle on faisait la station à Notre-Dame des Chalcoprateia, finalement celle de s. Syméon le Stylite (tropaire : Tu as été une colonne), qui avait lieu à la Grande Eglise (50). Depuis le Forum jusqu’à l’entrée dans Notre-Dame des Chalcoprateia, la procession chantait le tropaire Artisan de la Création. Or, le même tropaire, ensemble avec celui de s. Syméon, est prescrit pour le troisième antiphone à la Liturgie de la Grande Eglise : Après l’évangile (au Forum), le diacre dit la grande ecténie et la procession revient. Les psalmistes chantent le tropaire : Artisan de la création entière, cité plus haut. La procession s’achemine vers les Chal­ coprateia et les psalmistes y chantent pareillement le Gloria Patri. Il n ’y a pas d ’antiphones, mais immédiatement le trisagion. Prokeimenon, etc. A la Grande Eglise, on chante trois antiphones ; au troisième on chante les deux tropaires écrits auparavant : Tu as été une colonne et Artisan de la création. Prokeimenon, etc.

Une juxtaposition des deux usages — stational et ordinaire — est visible dans l’ordo du lundi de Pâques. Avant le départ de la procession on chantait trois antiphones ; la procession avait son tropaire propre, mais ensuite, arrivés à l ’église stationale, on chantait encore, avant la liturgie, les trois antiphones du dimanche de Pâques : Après l’orthros il n’y a pas de lecture, mais tout de suite la prière et les antiphones. Les antiphones sont au nombre de trois, et on les chante sur la soléa. 1er antiphone, ps. 119 : Aie pitié de nous. Christ notre Dieu. 2e antiphone, ps. 120 : Par les prières de la Théotocos. Troisième, ps. 121 : Alleluia simple vespéral, d ’affilée, jusqu’à ce que le patriarche entre au sanctuaire par la porte latérale. Alors, l’archidiacre dit au lecteur : Paix à toi, et le diacre dit une prière synaptie. Les psalmistes montent à l’ambon et entonnent le tropaire : Le Christ est ressuscité des morts, et la procession sort. (49) Au X e siècle, le début de l’année ecclésiastique était le 23 septembre, cf. Typicon I, 55. (50) Il faut noter encore que le trisagion était chanté comme tropaire pénitentiel de procession (Typicon I, 6), à cause, sans doute, de la commémoraison de l’incendie qui avait eu lieu 1er septembre.

40

CHAP. I !

§ 3. LES TROIS ANTIPHONES

SYNAPTIE ET ANTIPHONES

Les psalmistes, avec la procession, disent le Gloria Patri au F o ru n v le diacre dit la grande ecténie et- le patriarche récite la prière. Ensuite on se rend aux Saints-Apôtres, où les psalmistes disent de nouveau le Gloria Patri. Après le Gloria Patri, prière, les trois antiphones du dimanche de Pâques et le reste. Au lieu du trisagion : Vous qui avez été baptisés dans le Christ.

2.

Dans deux documents du X IIe siècle

L ’exécution des antiphones à Constantinople est illustrée par le ms. d ’Isidore Pyromalos (XIIe siècle), qui suit l’ordonnance de la Grande Eglise (51). Dans ce document, aucune mention n ’est faite de la bénédiction initiale; l’office de trois antiphones est célébré en dehors du sanctuaire. Le patriarche se trouve au diaconicon, il entre à l’église à un moment non précisé de l’office et siège sur le trône d ’en bas, dans la nef, en attendant le moment de monter au sanctuaire : Avant l’arrivée du patriarche, les prêtres et les diacres qui concélèbrent entrent dans la nef. Se tenant tous devant les portes saintes, le premier des prêtres, s'inclinant, récite en secret cette prière : (prière du premier antiphone avec son ecphonèse, tout en silence). Les psalmistes chantent trois ou quatre versets du psaume. de rendre grâces au Seigneur (ps. 91).

Il est bon

Le diacre, derrière eux, montant à la deuxième marche de l’ambon, prononce à haute voix les irénica : En paix prions le Seigneur (52). Le prêtre dit encore en secret cette prière : (prière du deuxième antiphone). Le diacre, à haute voix : Secours-nous, sauve-nous, etc. Le prêtre, à haute voix : Car à toi appartient la puissance, etc. Les psalmistes, sur l’ambon, chantent deux ou trois versets du psaume : Le Seigneur règne (ps. 92), avec Alleluia et Gloria Patri. Après le Gloria, le prêtre dit : O Fils unique. Le diacre, à sa place habituelle, dit : En paix prions le Seigneur. Le peuple: Seigneur, aie, pitié. Le prêtre, à voix basse: (prière du troisième antiphone). Le diacre : Secours-nous, etc. Le prêtre, à haute voix : Car tu es un Dieu bon, etc. Les psalmistes chantent : Venez, crions de joie pour le Seigneur (ps. 94). Stichère : Sauve-nous, Fils de Dieu, ressuscité d'entre les morts. Alleluia. (Ensuite a lieu l'entrée du patriarche au sanctuaire et la récitation de la grande synaptie). (51) Edition dans Goar, Euchologion, pp. 153-55. (52) Notons que la petite synaptie est appelée irénica, comme la grande synaptie, et que la première exhortation diaconale ne com menceras par Ιτι καί Ixt.

41

Ce manuscrit représente l’usage de la Grande Eglise. Les prêtres et les diacres se tenaient sur la soléa, devant les portes du cancel. Les psalmistes étaient sur l’ambon, le diacre sur les marches de l ’ambon. Puisque la bénédiction initiale n ’existait pas et que la prière du premier antiphone était dite en secret, ecphonèse incluse, sans invitation diaconale, c ’était le chant du ps. 91 qui ouvrait l’office. Les psaumes étaient très raccourcis et l’office lui-même était très bref. Dans l’Euchologe de Porphyre (Xe siècle), italo-grec à ce qu’il semble (53), les petites synapties commençaient déjà par Ιτι καί Ιτι, mais cette formule n ’est pas encore entrée dans les usages de Constan­ tinople au XIIe siècle. L ’exhortation : Faisant mémoire de NotreDame, etc. qui apparaît aussi dans l’euehologe de Porphyre, n ’est indiquée par notre document dans aucune des deux petites synapties qu’il insère. Celles-ci étaient donc semblables aux petites synapties qui accompagnent aujourd’hui les prières des fidèles. Le refrain pour le deuxième antiphone était alleluia. C ’était le prêtre qui chantait, ou peut-être qui entonnait, le tropaire: O Fils unique. Le second document qui nous intéresse ici est l’ancienne tra­ duction de la Liturgie de s. Basile publiée par G. Morel (54). Ce document décrit le début de la Liturgie d ’une façon tout à fait semblable à celle du précédent. Le Patriarche se trouvait au diaconicon où il encensait les dons et prononçait sur eux la prière de la prothèse. Entretemps se déroulait l’office de trois antiphones : Tunc ante adventum pontifiais intrant ecclesiam presbyter et diaconus et, stantibus ante cancellos, dicit presbyter inclinato capite hanc orationem secrete : (prière du premier antiphone, avec son ecphonèse, tout à voix basse). Et cantant cantores très vel quatuor versus psalmi : Bonum est confiteri Domino (ps. 91).

Pour le reste, cette traduction suit de près le texte du ms. Pyromalos. Voici les différences qu’on y rencontre : il ajoute aux petites synapties l ’exhortation : Faisant mémoire de Notre-Dame, etc. Le stichère (qu’il appelle «antiphona») du troisième antiphone est le suivant : Salva nos, Fili Dei, qui resurrexisti a mortuis, canentes tibi. Alleluia. Dans les deux documents que nous venons de citer, la grande synaptie est placée après l’entrée, avant le trisagion. Ceci indiquerait pour les deux une date non postérieure au XIIe siècle. (53) Comme nous l’avons dit plus haut, c’est l’opinion de A. Jacob, qui étudie la tradition manuscrite de la Liturgie de Chrysostome. Le cod. Leningrad 226 ( = Euchologe de Porphyre) a été édité par Krasnoseltsev, cf. ci-dessus, note 8. (54) Pour l’édition, cf. ci-dessus, note 29.

42

CHAP, i :

3. Introduction progressive des antiphones dans la liturgie Aperçu historique

Depuis quand apparaissent donc les antiphones au début de la liturgie? Rappelons les textes de Chrysostome, cités au début de cet article, où il décrit l’entrée de l’évêque à l’église pour célébrer la synaxe eucharistique. Le peuple entrait devant lui, et la Liturgie commençait par la salutation Paix à tous adressée par l’évêque aux fidèles. Ensuite, on s’asseyait pour écouter les lectures. Dans la Mystagogie.de s. Maxime le Confesseur, écrite vers 628-30, Üévêque entre avec le peuple à l’église, peut-être en procession, sans aucun office préalable : L'entrée du peuple à l’église avec l’évêque signifie la conversion des infidèles de l’ignorance et de l’erreur à la. connaissance de Dieu (55).

C’est dans le commentaire attribué au patriarche s. Germain ( f 733) qu’on fait mention des antiphones' pour la première fois : Les antiphones de la Liturgie sont les vaticines des prophètes, qui annonçaient d’avance la venue du Fils de Dieu, en disant : Notre Dieu est apparu sur la terre et a vécu parmi les hommes (Baruch 3, 38) et / / s'est vêtu de puissance (ps. 92, 1), montrant son incarnation... (56).

Dans le texte primitif du commentaire, aucune mention n ’est faite du tropaire : O Fils unique, mais le texte traduit en latin par Anastase le Bibliothécaire (869-70) contenait déjà cet hymne (57). Le cod. Barber, gr. 336 (VIIIe-IXe siècle) insère les prières des antiphones avant la Liturgie de Saint Basile, non pas avant celle de Chrysostome. Il ne donne aucune indication sur la bénédiction initiale, sur les petites synapties ni sur la grande synaptie. Aucune rubrique ne prescrit la récitation des prières à voix basse, mais on trouve le titre «eephonèse» pour la doxologie. Vers 950, le Typicon de la Grande Eglise montre que les antiphones n’étaient pas encore considérés comme une partie intégrante de la liturgie. En effet, lorsqu’on allait en procession à l’église, ils étaient ou simplement omis ou chantés à une station intermédiaire de la procession. En ces jours, la grande synaptie était dite avant la sortie de la procession. Les jours où la Liturgie n’était pas stationale, les antiphones étaient toujours chàntés. Le patriarche, cependant, ne (55) (56) tinopoïitano p. 21. (57)

§ 3.

SYNAPTIE ET ANTIPHONES

Ch. 9 (PG 91, 688-89). Ed. N . Borgia, Il Commentario Liturgico di S. Germano patriarca costan· e la versione latina di Anastasio Bibliotecario, Grottaferrata 1912, n° 23, Ibid., n° 32 (latin), p. 21.

LES TROIS ANTIPHONES

43

faisait son entrée à l’église que pendant le chant du troisième antiphone La grande synaptie était alors placée avant le trisagion. Ces usages de la Grande Eglise étaient encore en vigueur au XIIe siècle (58). L’office des trois antiphones était célébré en dehors du Sanctuaire, le patriarche absent, et sans bénédiction initiale. La première prière était dite à voix basse, sans invitation diaconale, do façon que pratiquement c’était le chant du ps. 91 qui ouvrait la célébration. Ce sont les documents italo-grecs, depuis le Xe siècle, qui présentent les premiers la bénédiction initiale et les petites synapties accompagnant les prières des antiphones (59); la deuxième et la troisième synaptie commençaient par Ιτι καί Ιτι (60). La grande synaptie était encore dite avant le trisagion, sous le titre de αΐτησις τοϋ τριοαγίου (61). Au début du XIe siècle, dans l’Italie byzantine comme partout ailleurs; la grande synaptie était récitée avant le trisagion (62). Au même siècle, cependant, nous trouvons des témoins où la grande synaptie a été transférée à sa place actuelle avant le premier antiphone, soit en l’omettant complètement avant le trisagion (63), soit en conservant la double récitation (64). Cependant, plusieurs mss. italo-grecs du XIIe siècle (65) conservent la synaptie avant le trisagion, même si parfois on l’avait récitée une première fois avant le premier antiphone. Au XIIIe siècle, l’ancien usage est en vigueur seulement en certains jours de l’année (66). Dans le territoire syro-palestinien, les premiers témoignages du transfert de la synaptie remontent aussi au XIe siècle (67), mais conservent la double récitation de la synaptie, et avant le premier antiphone et avant le trisagion. Au XIIe siècle, on commence à l’omettre avant le trisagion (68). Au XIIIe siècle se généralise l’usage de la réciter seulement au début de la liturgie, avant le premier antiphone. Etapes du changement

Dans l’aperçu historique qui précède, on constate l’absence des trois antiphones au temps de s. Maxime (VIIe siècle) et leur présence au temps du patriarche s. Germain (VIIIe siècle).

(58) (59) (60) (61) (63) (65) (67)

Cf. le paragraphe ί de Mss. cités ànote 24. Cf. note 31. Ci-dessus, note 9. Cf. note 15. N ote 16. Note 14.

cet article (62) (64) (66) (68)

Cf. note 10. Note 14. Note 18. Note 17.

44

CHAP. I : SYNAPTIE ET ANTIPHONES

D ’autre part, encore au Xe siècle il existait des jours sans antiphones et d ’autres où le chant des antiphones se faisait en dehors de la liturgie, pendant une procession de caractère plutôt pénitentiel. Les jours sans antiphones, il y avait au moins un tropaire processionnel qui servait de tropaire d’entrée à l’église. Ce tropaire existait aussi, indépendamment des antiphones, les jours où ceux-ci étaient chantés au Forum ou ailleurs. On peut donc se demander: les trois antiphones avant la Liturgie ordinaire, apparaissent-ils tout d ’un coup, comme un office tout fait qu’on place avant le début, ou bien sont-ils le développement d ’un chant d’entrée déjà existant? En d’autres termes : avant le VIIIe siècle, chantait-on, les jours ordinaires, sans procession, un psaume avec tropaire pendant que le clergé ou bien le peuple avec le clergé entraient à l’église?

§ 3 . LES TROIS ANTIPHONES

45

Chez s. Germain, par contre, quatre paragraphes expliquent le symbolisme de la prothèse, qui est placée avant les antiphones de la Liturgie (70). Ce fut donc peut-être pour donner le temps à la prépa­ ration des dons que deux nouveaux antiphones furent placés avant celui de l’entrée. Cette hypothèse est confirmée par les deux documents cités cidessus ( § 3. 2 ), selon lesquels le patriarche récitait au diaconicon la prière sur les dons, pendant que, dans l ’église, on chantait les antiphones.

Nous le pensons. Il nous semble que, depuis une certaine époque, on a fait l’entrée à l’église au chant d’un psaume adapté à la fête, accompagné d’un tropaire commentant le mystère qu’on célébrait. C’était le parallèle exact de l’introït romain; d ’autre part, il n’est pas impossible que la récitation de la synaptie après l’entrée soit à l’origine du Kyrie eleison occidental. Ensuite, imitant les offices de trois antiphones existant aux stations des processions, on a placé avant l’ancien psaume d’entrée deux autres psaumes, généralement sans rapport avec la fête, accompagnés de refrains de çommuni. Cette conclusion est confirmée par l’analyse du formulaire concret des antiphones qui fera l’objet d’un autre article; elle sera encore approfondie lorsque nous traiterons du rôle du trisagion dans la liturgie. Raison du changement

Mais quelle a pu être la raison qui a porté à faire précéder l’entrée de ces deux psaumes ? Il est fort probable que ce développement a été en rapport avec le transfert de la préparation des oblats à son endroit actuel, avant la liturgie. Ce transfert a eu lieu, en effet, à la même époque que l’addition des antiphones. Dans la Mystagogie de s. Maxime, aucune allusion n ’est faite à une préparation des dons avant la liturgie. Bien plus, l’entrée simultanée du peuple et de l’évêque à l’église exclut une telle possibilité. Si donc ailleurs s. Maxime parle de la «prothèse du précieux Corps et Sang du Seigneur», cette prothèse, si elle se réfère vraiment à la préparation des dons (69), doit être placée immédiatement avant la grande entrée. (69) Quaestiones et dubia, interrog. 41 (PG 90, 820 A) : τίνος χάριν έν τή προθ’έσει τοΰ τιμίου σώματος καί αίματος τοΟ Κυρίου, τούς

άρτους κ α ί τά ποτή ρια ανίσους π ρ οτιθ εΐν Ιθ-ος τή Ε κ κ λ η σ ία ; Il est fort possible que s. Maxime parle ici de la «présentation» des dons sur l’autel plutôt que de leur préparation. (70) Ed. Borgia, n° 20-22, pp. 19-20.

LE FORMULAIRE ACTUEL

4

16

C H A PITRE II

47

[G: sur la lyre à dix cordes et la cithare, avec un murmure de harpe]. Refrain : Par les prières, etc. Pour publier que le Seigneur mon Dieu est droit, et qu’en lui point d’injustice. Refrain : Par les prières, etc. Gloire au Père, etc. [S et A : Refrain : Par les prières, etc.]

LES ANTIPHONES ORDINAIRES: LEURS REFRAINS, TROPAIRES ET PR IÈR ES

Maintenant et toujours, etc. Refrain : Par les prières, etc. Deuxième antiphone, ps. 92

Après avoir traité de l’origine des antiphones,- il nous faut analyser leur formulaire; cette étude aidera à mieux établir quelquesunes des conclusions ou des hypothèses exposées à la fin de l’article précédent D ’abord nous examinerons les antiphones des jours ordinaires, puis ceux des jours de fête, où l ’on trouvera des variantes plus nom­ breuses selon les diverses branches du rite byzantin. Plus tard, nous dirons un mot de l'office des Typica, qui remplace parfois le chant des antiphones.

lab

Le Seigneur règne, vêtu de majesté, le Seigneur s’est vêtu de puissance, il s’en est ceint. Refrain : Par les prières de tes saints, sauve-nous, Seigneur.

le

II a fixé l’univers, qui ne sera pas ébranlé. Refrain : Par les prières, etc.

5a

[S:

5bc

à ta maison convient la sainteté, Seigneur, pour la suite des jours. Refrain : Par les prières, etc.

4. Les antiphones ordinaires

Gloire au Père, etc. Refrain : Par les prières, etc. Maintenant et toujours, etc. Tropaire : O Fils Unique et Verbe de Dieu, etc.

Le formulaire actuel

Actuellement, les antiphones prescrits pour la Liturgie en dehors des jours de fete sont composés d ’un certain nombre de versets des pss 91, 92 et 94, avec des refrains fixes. Ce nombre varie selon les pays; nous signalerons les variantes que présentent l’Horologion grec (G), l’Apostol slave (S) et ÜApostolos arabe (A) (2):

Ton témoignage est très véridique,]

Troisième antiphone, ps. 94 1

Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons Dieu notre Sauveur. Refrain: Sauve-nous, Fils de Dieu, ressuscité d ’entre les morts ( fériés: admirable en tes saints), nous qui te chantons. Alleluia.

Premier antiphone, ps. 91 2

II est bon de. rendre grâce au Seigneur, de jouer pour ton nom, Très Haut. Refrain : Par les prières de la Théotocos, Sauveur, sauve-nous !

2

Allons devant lui en action de grâces, au son des musiques acclamons-le. Refrain : Sauve-nous, etc. [A om,]

3

De publier au matin ton amour, ta fidélité au long des nuits,2

3

[S et A: Car c’est un Dieu grand que le Seigneur, un roi grand par dessus tous les dieux. Refrain : Sauve-nous, etc.]

4

En sa main sont les creux de la terre, et les hauts des montagnes sont à lui. Refrain : Sauve-nous, etc. [A om.]

(2) Horologion, Rome 1937, pp. 829-31; Athènes 1952, pp. 128-29; Apostol (slave), éd. Rome, pp. 721-24; Kitab al·Rasa'U, Harissa 1935, pp. 1-3.

48

CHAP. Π !

LES ANTIPHONES ORDINAIRES

S

[S et A: A lui la mer, c ’est lui qui l’a faite la terre ferme, ses mains l’ont façonnée. Refrain : Sauve-nous, etc.]

6a

Venez, adorons et prosternons-nous devant le Christ. Refrain : Sauve-nous, etc. Gloire au Père, etc. Tropaires. Maintenant et toujours, etc. Contakia.

On remarquera que le verset 6 du ps. 94 (troisième antiphone): Venez, adorons... devant Lui, a subi une adaptation christologique. La date où elle apparaît est difficile à préciser, car la plupart des manus­ crits insèrent seulement l ’incipit du verset (3). Mais la traduction latine (IXe siècle) du commentaire de s. Germain (4) et les versions arabe et géorgienne du XIe siècle donnent le texte psalmique, sans adaptation (5). L’entrée avec l ’évangile se fait pendant le troisième antiphone, et précisément au chant du refrain Sauve-nous, etc., après le verset 6 : Venez, adorons, appelé είσοοικόν et adapté en un sens christologique. Le Gloria Patri et le Et nunc et semper sont chantés, du moins chez les Slaves, avant les deux derniers tropaires ou contakia qui suivent le troisième antiphone. Le nombre de ces tropaires et conta­ kia varie beaucoup selon les pays. Les Grecs et les Melkites, p. ex., chantent un seul contakion. Les Russes, par contre, chantent presque autant de contakia que de tropaires. Les trois psaumes

Les pss 91, 92 et 94 semblent avoir constitué les trois antiphones de la Liturgie depuis l’apparition de ceux-ci. Le commentaire de s. Germain (VIIIe siècle) mentionne les pss 92 et 94 (6), le Typicon de3456 (3) Ainsi les mss. du X IIe siècle Paris grec 328, 330, 391. (4) N. Borgia, Il commentant> liturgico di S. Germano Patriarca costantinopolitano e la versione latina di Anastasio Bibliotecario, Grottaferrata 1912, n°(latin) 33, p. 22. Le texte grec de s. Germain donne seulement jusqu'à prosternonsnous, supposant le pronom αύτω , ibid., n° (grec) 24, p. 22. Les mss. Grottaf. Γ. β, Vil (Xe siècle) et Paris grec 328, cité dans la note précédente, donnent le même texte de s. Germain; on peut donc supposer que l ’adaptation christologique n ’exis­ tait pas encore. (5) Version arabe publiée par C. Bacha, dans Chrysostomika, Rome 1908, p. 418 (texte arabe), p. 449 (trad, française). Version géorgienne publiée par A. Jacob dans Le Muséon, 77 (1964), p. 92. (6) Ed. Borgia, nn, (grec) 23-24, pp. 21-22.

LE REFRAINS

49

la Grande Eglise, les trois psaumes actuels (7). Dans ces documents, cependant, il n ’est pas question d’une abréviation des psaumes telle qu ’elle apparaît depuis le XIIe siècle jusqu’à nos jours (8). Dans le Typicon de la Grande Eglise ces antiphones ne sont jamais appelés “petits antiphones” , comme ceux de vêpres, mais simplement “anti­ phones” (9). Dans le cas des pss 91 et 92, l’abréviation se fait en choisissant quelques versets du début du psaume et son dernier verset, en sautant chaque fois la partie centrale. II est possible que certains versets, qui ne s’adaptaient pas au sens de la célébration, aient été omis depuis les anciens temps. Le ps. 94 est simplement interrompu après le v. 6a, qui s’adapte au moment de l’entrée. Le motif qui a fait choisir ces psaumes doit être recherché dans le ps. 94. Ce psaume invitatoire convient parfaitement, d ’après son texte, au début de la Liturgie, voire à l’entrée dans l’église: (v. 2) Allons devant lui en action de grâces. Ce verset, qui s’adresse à tous, suppose assez clairement une procession d ’entrée à l’église plutôt qu ’une assemblée statique de fidèles. Les psaumes 91 et 92 sont ceux qui précèdent le ps. 94 dans le psautier, si l’on saute le ps. 93: Dieu des vengeances, le Seigneur, qui évidemment n’était pas adapté à la célébration joyeuse qu’est la Liturgie. Le ps. 91 est un psaume matinal qui est chanté actuellement en partie à la fin de l’orthros férial. Le ps. 92 s’applique à la résurrec­ tion; mais, à ce qu’il semble, il n ’a pas été choisi pour ce motif, car il est utilisé, depuis le VIIIe siècle, comme deuxième antiphone ordinaire, sans aucune distinction de jours. Les refrains des antiphones

Si les trois psaumes ont été fixes depuis l’apparition des anti­ phones, on ne peut pas en dire autant des refrains de ces psaumes. Dans le Typicon de la Grande Eglise, le premier psaume a comme refrain, les jours ordinaires: Par les prières de la Théotocos, etc. Aux antiphones des processions ce refrain appartient parfois au deuxième psaume, lorsque le premier a un refrain christologique. (10). (7) Ed. J. Mateos, tome 1 (Rome 1962), tome II (Rome 1963); cf. II, p. 110, lin. 8-13. (8) L ’abréviation se poursuit de nos jours : la pratique actuelle grecque et melkite arrive jusqu’à la suppression totale des versets psalmiques, se limitant au chant des refrains. (9) Cf. tome II, Index liturgique, antiphone II, A, c et e. (10) Cf. tome Π, Index liturgique, antiphone II, B.

50

CHAP. U :

LES ANTIPHONES ORDINAIRES

Pour le deuxième psaume ou deuxième antiphone de la Liturgie on ne trouve jamais le refrain: Par les prières de tes saints, etc., mais un triple alleluia. Cet usage existait encore à Constantinople au XIIe siècle (11). Cependant, dans quelques documents non constantinopolitains on trouve à la même époque, et déjà auparavant, le refrain actuel des saints (12). Le chant du tropaire O Fils unique fut prescrit aux églises by­ zantines par l ’empereur Justinien en 528 (13). Rien n ’est dit, pourtant, de l’office où cette hymne devait être chantée. Le texte le plus ancien du commentaire de s. Germain (VIIIe siècle) ne le mentionne pas, mais le texte interpolé de ce commentaire, qui servit à Anastase le Biblio­ thécaire pour faire sa traduction latine (fin IXe siècle), rattache ce tropaire aux antiphones de la Liturgie, sans préciser auquel (14). Dans le Typicon de la Grande Eglise (Xe siècle), il apparaît comme tropaire ou refrain du ps. 94 (3e antiphone), c.-à-d. comme chant d’entrée pour les célébrations en dehors des fêtes (15). Il n ’était chanté à sa place actuelle — après le Gloria Patri du deuxième anti­ phone — qu’en certaines occasions où le troisième avait un tropaire spécial. Ce transfert du O Fils unique est très clair dans les rubriques présentées par le Typicon de la Grande Eglise, le deuxième lundi après Pâques. En ce jour, avaient lieu deux célébrations différentes: à la Grande Eglise, la célébration ordinaire; aux Chalcoprateia, une autre, en l ’honneur de la Sainte Vierge, où le patriarche officiait. Pour chacune de ces célébrations on prescrit des antiphones: à la Grande Eglise, les ordinaires, qui servaient de norme pour toute l’année; mais aux Chalcoprateia, où il fallait que le chant d ’entrée fut un tropaire en l ’honneur de la Sainte Vierge, le tropaire O Fils unique était trans­ féré à la fin du deuxième antiphone : [A la Grande Eglise :] Antiphones de la Liturgie : Le premier, ■ ps. 91: Par les prières de la Théotocos. Le deuxième, ps. 92: Alleluia triple. Le troisième, ps. 94: O Fils unique. [Aux Chalcoprateia] Antiphones: Le premier: Par les prières de la Théotocos. Le deuxième: Alleluia triple et, au Gloria Patri·. O Fils unique. Le troisième, avec le tropaire du ps. 50 (Bénie es-tu. Mère de Dieu (11) . Cod. Pyromalos, dans Goar, Euchologion, 2e édition, Venise 1730, p. 153. Traduction de la Liturgie de S. Basile (XIIe s.) publiée par G. Morel, Liturgiae she Missae Sanctorum Patriim, Paris 1560, p. 32. (12) Au XIIe siècle, la version de Léon Thuscus, dans Morel, op. cit., p. 59; au X Ie siècle, version arabe (cf. ci-dessus, note 5), p. 415 (texte arabe), p. 446 (trad, française). (13) Theophanes Abbas (IXe s.), Chronographie, PG 108, 477 B; Georgius Cedrenus (XIe s.), Historiarum Compendium, PG 121, 729 B. (14) Ed. Borgia, n° (grec) 23, comparé avec le n° latin 32, p. 21. (15) Cf. tome II, Index liturgique Ό Μονογενής.

LE REFRAINS

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et Vierge) et, au Gloria Patri, tropaire, mode 1 pl. : Plus sainte que les Chérubins (16).

Ordinairement, pourtant, lorsque le troisième antiphone avait comme refrain le tropaire d’un saint, il semble que le O Fils unique était simplement omis, car on ne donne pas d ’indication pour son transfert au deuxième antiphone. A part le cas cité ci-dessus, le trans­ fert n’est indiqué que le dimanche de Pâques et celui de la Pentecôte (17). Le tropaire O Fils unique est sans aucun doute un chant d ’entrée très adapté à la célébration du dimanche, car il résume l’œuvre de la rédemption: l’incarnation du Fils de Dieu, sa mort et sa victoire sur la mort (18). Aussi, est-il utilisé dans beaucoup de Liturgies, sous l ’influence byzantine, en connexion avec la procession de l’évangile, vestige de l ’ancienne entrée: chez les Arméniens, chez les Syriens, dans la Liturgie grecque de saint Jacques, dans celle de saint Marc (19), et dans le diaconal Sinaïtique piiblié par Thibaut. Dans ce dernier do­ cument on voit qu’après chaque verset psalmique on répétait seulement la clausula du tropaire: Toi, un de la Sainte Trinité, etc. (20). Dans la Liturgie italo-grecque de saint Pierre (21), qui est une adaptation byzantine de la Liturgie romaine, il n ’y a pas de premier ni de deuxième antiphone, mais seulement le troisième, correspondant à l’introït romain, formé par le ps. 94 avec le tropaire O Fils unique. A tierce-sexte, office quadragésimal pour les fériés, qui démar­ quait la première partie de la Liturgie, le troisième antiphone avait comme tropaire le O Fils unique, et pendant qu’on le chantait le patriarche faisait son entrée à l’église (22). Le tropaire O Fils unique était donc le chant pour la procession d ’entrée au début de la Liturgie. Le fait qu’il apparaît aussi dans le Typicon utilisé dans une procession qui allait à l’église stationale, où l ’on entrait au chant du O Fils unique et en omettant les antiphones, est encore un fort argument pour affirmer que le troisième antiphone (16) Typicon II, 110. (17) Ibid., 94, 138. (18) Sur l’origine de ce tropaire voir V. Grumel, L ’auteur et la date de composition du tropaire ho monogenes, dans Echos d'Orient 22 (1923), pp. 398-418. (19) Pour ces quatre Liturgies, cf. Brightman, Liturgies Eastern and Western, Oxford 1896, pp. 421 (arm.), 77 (syr.), 33 (S. Jacques), 116-17 (S. Marc). (20) Cod. gr. 44, publié par J.-B. Thibaut, Monuments de la notation ekphonétique et hagiopolite de l’Eglise Grecque, Saint-Pétersbourg 1913, 3e partie, p. 7. (21) Publiée selon le codex Rossanensis par C. A. Swainson, The Greek Liturgies, Cambridge 1884, pp. 191-203. Selon plusieurs mss., par H.W. Codrington, The Liturgy o f Saint Peter (Liturgiegeschichtliche Quellen und Forschungen 30), Münster 1936, pp. 115-175. (22) Cf. Typicon II, p. 4.

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CHAP. I l :

LES ANTIPHONES ORDINAIRES

LES TROPAIRES

n’était que l ’ancien chant processionnel d ’entrée avant l’introduction des deux premiers antiphones : [Mercredi après ta Pentecôte·.] Vers la deuxième heure du jour, la procession sort de la Grande Eglise et, au chant du tropaire O Fils unique, elle se rend au Nouveau Palais. Une fois entrée, le trisagion. Prokeimenon, etc. (23).

Quand eut lieu le transfert du O Fils unique à la fin du deuxième antiphone ? Le cod. Leningrad 226 (Xe siècle) le présente encore au troisième, après le Venez, adorons (ps 94,6). Une main postérieure a rayé dans le ms. et le Venez, adorons et le O Fils unique (24). Le changement a dû survenir peu après le Xe siècle (25). Les refrains du premier et du deuxième antiphone de la Liturgie dérivent de ceux des antiphones chantés aux stations des processions. Selon le Typicon de la Grande Eglise, il y avait cinq jours qui possé­ daient ces antiphones aux stations intermédiaires: 1er sept., 7 oct., 6 nov. (deux fois), 11 mai, lundi de Pâques (avant la procession). Encore, le 24 déc. et le 5 janv. on chantait, entre la vigile et la Liturgie, trois antiphones selon le schéma de ceux des processions. De ces huit formulaires, cinq montrent un schéma identique, destinant au premier antiphone un refrain christologique (26), au deuxième le refrain Par les prières de la Théotocos, etc. ou Par les prières de tes saints, etc., au troisième 1'alleluia : 7-X 6-XI (1er form.) 24-XII 5-1 Lundi de Pâques

Christ. Christ. Christ. Christ, Christ.

Théot. Saints Théot. Théot. Théot.

alleluia alleluia alleluia alleluia alleluia

Dans les trois autres formulaires on a un tropaire au troisième antiphone. Alors, l’alleluia est transféré au deuxième. Pour le pre­ mier antiphone, on pouvait ou bien y transférer le refrain de la Théo­ tocos (11 mai), ou bien y laisser le refrain christologique (1er sept.; 6 nov., deuxième formulaire). Comme à la Liturgie on avait un tro­ paire avec le psaume d ’entrée, on a suivi la méthode ordinaire, en destinant l ’alleluia au deuxième antiphone et, comme le 11 mai, on a (23) Typicon II, p. 142. (24) Cf. N. Krasnoseltsev, Svedenija o njekotorych liturgiceskich rukopisjach Vatikanskoj Biblioteki, Kazan 1885, p. 285, note 1. (25) Il apparaît après le deuxième antiphone dans la version arabe du XIe siècle (ci-dessus, note 5); au X IIe s., dans le cod. Pyromalos (ci-dessus, note 11), dans le Sinait. gr. 961 (cf. A. Dmitrievskij, Opisanie liturgiceskich rukopisei Π, Kiev 1901, pp. 75-76) et dans la version latine de Thuscus (ci-dessus, note 12). (26) Tels: Aide-nous, Seigneur; Secours-nous, Christ notre Dieu et d'autres semblales, cf. Typicon Π, Index liturgique, antiphone B.

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mis le refrain de la Théotocos au premier, d ’autant plus naturellement que le tropaire du troisième antiphone ( O Fils unique) était christolo­ gique. Nous avons dit que les antiphones du 24 déc. et du 5 janv. sui­ vaient le modèle de ceux des stations des processions. Cela s’explique par le fait que ces vigiles n ’avaient pas de tropaire propre qui put être chanté au troisième antiphone. Les tropaires

Actuellement, après le chant du troisième antiphone avec son refrain: Sauve-nous, Fils de Dieu, etc, (27), on chante un nombre de tropaires assez élevé. Le chant de ces tropaires et contakia est devenu un élément indépendant du chant du troisième antiphone. Seulement aux fêtes, où le tropaire de la fete remplace le Sauve-nous, Fils de Dieu, on chante généralement après l’antiphone le seul contakion de la fête (28). Quelle était l’ancienne pratique ? Disons tout d ’abord que, au Xe siècle, selon le Typicon de la Grande Eglise, le refrain Sauve-nous, Fils de Dieu n ’était jamais destiné au troisième antiphone (29). Celui-ci avait, aux dimanches et aux autres célébrations ordinaires, le tropaire O Fils unique ( Ό Μονογενής); pour les commémoraisons des saints, le tropaire du saint (30). Le tropaire faisait corps avec le psaume d ’entrée et ordinairement était unique. Parfois, bien que rarement, on chantait au Gloria Patri un tropaire différent, selon ce que nous avons exposé ailleurs à propos des variations de la périssie (31). Jamais on n’ajoutait alors d ’autres tropaires ou contakia. Le troi­ sième antiphone suivait en tout la manière ordinaire du chant d ’un psaume avec tropaire. Selon le Typicon, quelques fêtes avaient deux tropaires, un avec le psaume, l’autre après le Gloria Patri (32). Cela est souvent dû à (27) Appelé stichère par le cod. Pyromalos (ci-dessus, note 11). (28) Le chant de l’hypacoï à Pâques avant le contakion n ’est attesté par aucun document ancien, cf. Typicon de la Grande Eglise II, p. 94, où le jour de Pâques on chante au troisième antiphone le seul tropaire : Le Christ est ressuscité, même pas le contakion. Selon le Typicon de l'Evergétis (Dmitrievskij, Opisanie I, Kiev 1895, p. 559) on chantait le jour de Pâques le tropaire et le contakion, mais non l’hypacoï. (29) Typicon, II, Index liturgique, antiphone B. (30) Typicon II, Index liturgique, Ό Μονογενής. Pour les saints, voir p. ex. le 25 sept. (I, 48), le 6 nov. (I, 92), le 9 mais (I, 244), etc. (31) Cf. Proche-Orient Chrétien 15 (1965), pp. 342-343, et Typicon II, Index liturgique, tropaire I, d (p. 324). (32) 9 sept., 25 déc., 26 déc., 16 juil., 31 juil., 2e lundi après Pâques.

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ΟΗΑ,Ρ. π :

LES ANTIPHONES ORDINAIRES

la rencontre de deux commémoraisons le même jour, ou bien au désir de souligner deux aspects de la même célébration : Le 9 sept., mémoire des saints Joachim et Anne, célébrée à NotreDame des Chalcopratcia, on chantait au troisième antiphone le tropaire: Plus sainte que les Chérubins. Cependant, le même jour, à une autre synaxe qui commémorait le concile d’Ephèse, on chantait, outre le tropaire cité, un autre au Gloria Patri: Réjouis-toi, pleine de grâce. Mère de Dieu et Vierge, etc., où l’on donne à la Sainte Vierge le titre de Théotocos, établi à Ephèse contre Nestorius (33). Le 16 juillet, commémoraison du concile de Chalcédoine, le tropaire du troisième antiphone n ’est pas indiqué, il était donc le O Fils unique, tropaire ordinaire. Au Gloria Patri on en ajoute un second : Aujourd'hui .les dogmes de l'Eglise catholique, etc., qui résume la doctrine de Chalcé­ doine (34). Le 31 juillet, dédicace de Notre-Dame des Blachemes, on chantait au troisième antiphone le tropaire commun des Dédicaces : Elevez vos portes, δ princes (ps 23,9); au Gloria Patri, un autre en l’honneur de la Sainte Vierge : Plus sainte que les Chérubins (35). Notons que cela arrivait parfois aux processions. Le 29 juin, le tropaire processionnel honorait les deux apôtres Pierre et Paul: Princes des apôtres, etc. A l’entrée de l’église on chantait le Gloria Patri avec un tropaire spécial pour s. Paul: De quelle prison ne connais-tu les chaînes? (36).

La multiplication des tropaires commence au XIe siècle, en même temps, semble-t-il, que l’adoption du refrain Sauve-nous, Fils de Dieu pour le troisième antiphone et le transfert du O Fils unique après le deuxième. Le cas du chant de deux tropaires au troisième antiphone, dont le premier était le refrain du psaume, restait exceptionnel au Xe siècle. Au XIe siècle, on trouve un tropaire et un contakion ou un théotokion chantés après le Gloria Patri, outre le refrain ordinaire Sauve-nous Fils de Dieu (37). Notons aussi que le terme contakion (33) Œ Typicon I, 22. (34) Ibid., I, 342. (35) Ibid., I, 354. (36) Ibid., I, 324. (37) Un contakion ou un tropaire après le Gloria : cod. Grottaferrata Γ. β. II, éd. S. Muretov, K materialam dlja istorij cinoposljedovanija Liturgij, Sergiev Posad 1895, p. 3. La version arabe du XIe siècle (ci-dessus, note 5), outre le chant du Sauve-nous, Fils de Dieu, ajoute après le Gloria le tropaire du jour, après le et nunc, un théotokion (texte arabe, p. 418; trad, franç., p. 449). Cependant, la ver­ sion géorgienne du XIe siècle (ci-dessus, note 5), prescrit le seul tropaire du jour (art. cité, p. 92).

LES PRIÈRES

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était utilisé, encore au Xe siècle, en son sens original de longue poésie didactique, par ex. l ’Acathiste (38). Plus tard il désigne un tropaire qui est parfois le proœmium de l’ancien contakion (39). Quelques mss italo-grecs du XIIe siècle prescrivent encore le chant du seul tropaire du jour après le Gloria Patri du troisième an­ tiphone (40). Le Typicon constantinopolitain de l’Evergétis prescrit généralement le chant d ’un tropaire suivi d’un contakion ou d ’un théotokion (41), mais en cas de rencontre d ’une fete avec un dimanche on devait chanter déjà trois pièces: le tropaire de la fête, celui de la résurrection et le contakion (42). Au XIIIe siècle, on trouve le chant de trois pièces à la suite: tropaire, Gloria suivi du contakion, et nunc suivi du théotokion (43). D ’autres documents suivent encore la tradition plus ancienne: tropaire et contakion (44) ou tropaire et théotokion (45). Un ms. de Grottaferrata du XIVe siècle exclut encore la multi­ plication des tropaires, prescrivant le chant du contakion ou de l’apolytikion du jour (46). Au XVe siècle, il y a encore des témoins en faveur des deux usa­ ges: une Diataxis. italo-grecque, suit l’usage le plus simple (tropaire,

(38) Typicon II, index liturgique, contakion. Même dans le cas où un tro­ paire chanté à la Liturgie était le proœmium d ’un contakion, le Typicon l’appelle simplement tropaire, p. ex. ap 25 décembre (I, 156-158), le tropaire Ή Παρθένος σήμερον (aujourd’hui appelé contakion de Noël), qui est le proœmium d’un con­ takion de s. Romain le Mélode sur la Nativité du Seigneur, cf. P. Maas et C. A. Trypanis, Sancti Romani Melodi Cantica, Cantica genuina, Oxford 1963, p. 1. (39) Ainsi, le contakion du dimanche de Thomas : Τή φιλοπράγμονι δεξιοί est le proœmium d’un contakion de s. Romain sur le doute de s, Thomas, cf. Maas-Trypanis, op. cit., p. 234. (40) Barber, gr. 345, Barber, gr. 393. (41) Selon le degré de solennité avec lequel on fêtait les saints : les plus importants avaient tropaire et contakion (sept. 1, 6, 26 ; oct. 6, 26 ; nov. 1, 8, 13, 14, etc.) ; les moins importants, tropaire et thétokion (sept. 16, 20, 23, 24, 28, 30 ; oct. 1, 2, 3, 7, 9, 12, 16, 18, 20, 21, 22, 23, 24; nov. 2, 3, 4, 6, 11, 12, etc.). En ces jours, le troisième antiphone était toujours remplacé par les Béatitudes. Parfois, on chantait seulement le tropaire (sept.' 7, 22), Cf. Opisanie I, pp. 258-313. (42) Par ex., le 25 mars (Opisanie I, 433). (43) Cod. Patmos 719, Opisanie II, 173. (44) Sinait. gr. 1020, Opisanie II, 140. (45) Version arménienne du XIIIe siècle publiée par G. Aucher dans Chrysostomika, Rome 1908, p. 378. (46) Grott. Γ. β. Ill, éd. Muretov, op. cil. (cf. ci-dessus, note 37), p. 13.

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LES ANTIPHONES ORDINAIRES

théotokion) (47); une autre de Palestine, l’usage le plus développé (tropaire, contakion, théotokion) (48). Le refrain “Sauve-nous, Fils de Dieu, etc."

Disons un mot du refrain Sauve-nous, Fils de Dieu. Dans le Typicon de la Grande Eglise il était destiné au deuxième antiphone, jamais au troisième, et cela seulement aux jours suivants : Noël, Epiphanie, dimanche et semaine de Pâques, dimanche après Pâques, dimanche de la Pentecôte. C ’était donc un refrain festif, qui rempla­ çait 1’alleluia des jours ordinaires (49). Aux jours mentionnés, le refrain Sauve-nous, Fils de Dieu présente dans le Typicon de la Grande Eglise trois formulaires différents: a) le jour de Noël: Sauve-nous, Fils de Dieu, né de la Vierge, etc. (50); b) le jour de l’Epiphanie: Sauve-nous, Fils de Dieu, baptisé dans le Jourdain, etc. (51); c) le jour de Pâques jusqu’au dimanche suivant et le jour de la Pentecôte, aucune intercalation n ’est indiquée (52). Il est pos­ sible qu’en ces jours on ait conservé un formulaire plus primitif : Sauve-nous, Fils dé Dieu, nous qui te chantons. Alleluia, sans interca­ lation. Les variantes apparaissent dans le Typicon de l ’Evergétis (XIIe siècle). On trouve d ’abord le formulaire de Noël étendu au 2 février et au 25 mars (53), jours, qui, à la Grande Eglise, n ’avaient pas d ’anti­ phones à la Liturgie, car celle-ci était précédée d ’une procession (54). Il y a ensuite, des formulaires spéciaux pour le 14 septembre et pour le 6 août (55); à la Grande Eglise, le 14 septembre n ’avait pas d ’antiphones, car la Liturgie était précédée de la cérémonie de l’exaltation et adoration de la Croix (56). Le dimanche des Rameaux n ’avait pas à l ’Evergétis un formulaire propre, car on chantait les Typica au lieu des antiphones (57); à la Grande Eglise on célébrait la procession des Rameaux avant la Liturgie, et on ne chantait pas d ’antiphones (58). Lorsque le refrain Sauve-nous, Fils de Dieu a été transféré au troisième antiphone et chanté quotidiennement, il est possible qu’on ait (47) Contenue dans le Vatic, gr. 573, éd. N. Krasnoseltsev, Maierialy dlja istorij cinoposljedovanija Liturgij Sviatago Ioanna Zlatoustago, Kazan 1889, p. 104. (48) Saint-Sabas 305, éd. Materialy, p. 88. (49) Typicon II, Index liturgique, p. 321. (50) Typicon I, 156. (51) Typicon .1, 186. (52) Typicon II, 94. 108. 138. On notera que le jour de la Pentecôte le refrain n ’était pas appliqué à l ’Esprit-Saint, comme il l’est aujourd’hui. (53) Opisanie I, 407. 432. (54) Typicon I, 222-223 . 254. (55) Opisanie I, 274. 481. (56) Typicon I, 30-32. (57) Opisanie I, 542. (58) Typicon II, 66..

LES PRIÈRES

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utilisé d ’abord le formulaire de Noël et que seulement ensuite on ait composé les formulaires spéciaux pour les dimanches et pour les fériés. Cette possibilité se base sur la présence du refrain: Sauve-nous... né de la Vierge, etc., à l’entrée avec l’évangile dans un ms. de l’année 1200 (59), même si pendant tout l’antiphone on avait chanté les formulaires actuels pour les dimanches ou pour les fériés. Notons encore que les intercalations variables des fêtes se sont développées au cours des siècles. A l’origine, les variantes semblent respecter le nombre de syllabes, et autant que possible l’assonance de la plus ancienne, qui est sans doute celle de Noël : ό έκ παρθένου τεχθείς (25 déc.), ό έν ’Ιορδάνη βαπτισθ·εις (5 janv.), ό δι’ήμδς σταυ­ ρωθείς· (14 sept.), ό έν δάξη άναλειφθ-είς (Ascension), ό έν Μξη μεταμορφωθείς (6 août), ό άναστάς έκ νεκρών (Pâques). Ensuite on a interpolé ou ajouté des mots supplémentaires qui abîment la simplicité du rythme original, p. ex., pour l ’Epiphanie; ό έν ’Ιορδάνη υπό Ίωαννου βαπτισθείς; pour l’Ascension: ό έν δύξη άναλειφθείς άφ’ήμών εις τούς ούρανούς (60). Les prières des antiphones

Chacun des trois antiphones est précédé d’une prière, appelée respectivement prière du premier, du deuxième et du troisième anti­ phone. Des prières appelées ainsi étaient dites dans l ’office constantinopolitain chaque fois que trois antiphones étaient chantés (61). Les prières des antiphones de la Liturgie sont courtes et simples. Elles apparaissent dans le cod. Barber, gr. 336 (VIII-IXe s.) avant la Liturgie de saint Basile, mais sont sans doute beaucoup plus ancien­ nes. Voici leur texte : Prière du premier antiphone : Seigneur notre Dieu, dont la puissance est incomparable, la gloire incompréhensible, la miséricorde infinie et ineffable l'amour pour les hommes : toi, Souverain, jette dans ta tendresse un regard sur nous et sur cette sainte maison, et fais abonder pour nous et pour ceux qui prient avec nous tes miséricordes et tes pitiés :

(59) Cod. Ettenheim Münster 6, éd. R. Engdahl, Beitraege zur Kenntnis der byzant. Liturgie, Berlin 1908, p. 8-9, (60) Pour le Typicon de l’Evergétis, voir Opisanie I, 274 (14 sept.), 383 (6 janv.), 481 (6 août), 586 (Ascension). Pour Pâques et Pentecôte, Dmitrievskij ne transcrit pas le texte du manuscrit, il se limite à dire: “comme maintenant” . Ce­ pendant, le dimanche après Pâques, on n ’indique aucune intercalation pour le refrain, Opisanie I, 566. (61) Cf. Opisanie II, 13-14 (pour les antiphones de la pannychis); 35-39 (pour ceux des petites heures); 62-63 (pour ceux de minuit).

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LES ANTI P HONES ORDINAIRES

car à toi convient toute gloire,, honneur et adoration, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Prière du deuxième antiphone : Seigneur notre Dieu, sauve ton peuple et bénis ton héritage (ps. 27,9). Garde en paix la plénitude de ton Eglise. Sanctifie ceux qui aiment la beauté de ta maison (ps. 25,8); glorifie-les en retour, par ta divine puissance, et ne nous abandonne pas, ô Dieu, nous qui espérons en toi (ps. 16,7). car à toi appartient le pouvoir, et à toi appartiennent le règne et la puissance et la gloire, Père, Fils et Saint-Esprit, etc. Prière du troisième antiphone : Toi qui nous as fait don de ces prières (faites) en commun et en union de voix, toi qui as promis, lorsque deux ou trois uniraient leurs voix (Mt., 18,19) pour (invoquer) ton nom, d ’ac­ corder leurs demandes : accomplis, en ce moment encore, pour le bien (1 Cor., 12,7) les de­ mandes de tes serviteurs, nous donnant en ce monde la connaissance de ta vérité (Hebr., 10,26), et nous faisant don dans le [monde] futur de la vie étemelle : car tu es un Dieu bon et ami des hommes, et nous te rendons gloire, Père, Fils et Saint Esprit, etc.

On remarque tout de suite une différence de style entre la pre­ mière et la troisième prière, d ’une part, et la deuxième, de l’autre. Dans le premier cas, la structure de la prière est classique: 1) invocation de Dieu suivie des attributs divins adaptés aux demandes qu’on va faire, 2) demande, 3) doxologie. La deuxième prière apparaît, par contre, comme une série de demandes sans lien logique. Elle est, en réalité, une prière de béné­ diction. On a souvent remarqué sa ressemblance avec la prière derrière l’ambon, qui commence actuellement :

LES PRIÈRES

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Or, les prières derrière l’ambon étaient jadis des bénédictions sacerdotales pour terminer la Liturgie; la version géorgienne du XIe siècle la fait précéder du “Bénis, maître” du diacre, coutume conservée aujourd’hui dans certains diocèses de Chypre (63). Nous avons donc dans la prière du deuxième antiphone une ancienne prière de bénédic­ tion, qui a reçu la fonction de précéder le chant d ’un antiphone. Tandis que la première et la deuxième prière sont adressées à Dieu le Père ou à Dieu un et trois, la troisième est adressée au Christ, comme il ressort de son allusion à Mt., 18, 19. C ’est une prière d ’une beauté remarquable; la doxologie, cependant, ne devrait pas être trinitaire (64). Son texte ne se réfère pas au chant de psaumes, mais aux demandes des fidèles. On y mentionne des prières “faites en commun et en union de voix” (κοινάς... καί συμφώνους... προσευχάς), qui comportent des demandes (αιτήσεις, αιτήματα). L ’appellation “commune” , appliquée à une prière, désigne souvent les prières litaniques, comme il apparaît chez s. Justin (65) et chez Chrysostome (66). Si l’on ajoute que ces prières se font “en union de voix” et qu’elles contiennent des “demandes” , on peut conclure que la prière du troisième antiphone a été jadis en connexion avec une litanie, non pas avec le chant d ’un psaume. La première prière, très bien bâtie elle aussi, fait allusion à des prières communes du clergé et des fidèles (μεθ’ήμών καί τ&ν συνευχομένων ήμΐν). On soupçonne de nouveau une allusion à une litanie, certainement pas au chant d ’un antiphone. L ’analyse du texte de ces trois prières, que nous venons de proposer, montre que cette triade de prières a eu jadis un rôle tout à fait différent. Leur simplicité, d ’ailleurs, permet de les attribuer à une époque bien antérieure au VIIe-VIIIe siècle, moment de l’apparition des antiphones dans la Liturgie.

[Toi qui bénis ceux qui te bénissent, Seigneur, et sanctifies ceux qui se confient en toi,] sauve ton peuple et bénis ton héritage, etc.

Si l’on regarde le formulaire de la prière derrière l’ambon trans­ mis par le Barber. 336, on constate qu’il n ’y a pas seulement ressem­ blance entre les deux prières, mais une identité parfaite (62). Le début actuel de la prière derrière l’ambon, mis ci-dessus entre crochets, manque dans le Barber. 336, où il est remplacé par les mots: “ Seigneur notre Dieu” , comme à la prière du deuxième antiphone. La prière derrière l’ambon n ’est donc qu’une version prolongée de celle du deuxième antiphone. (62) Même la variante actuelle : το πλήρωμα τής ’Εκκλησίας σου φύλαξον apparaît dans le cod. Barberini comme dans la prière du deuxième anti­ phone: τό πλήρ. τής Έκκλ. σου έν ειρήνη διαφύλαξον.

(63) Pour la version géorgienne, cf. article cité (ci-dessus, note 5), p. 117. Le renseignement sur les diocèses de Chypre nous a été donné par le métropolite Gennadios de Paphos en juillet 1963. (64) Notre opinion, dont la justification nous porterait hors du sujet de l’article, est qué cette prière, à cause de son ancien rôle exposé dans la suite du texte, n'avait pas de doxologie. (65) Apologia I, ch. 65 (PG 6, 428 A) : κ ο ινά ς ε ύ χ ά ς ποιησ όμενοι υ π έρ τ ε έα υ τώ ν κ α ί του φωτισθ-έντος π α ί ά λλω ν πα ντα χοΟ π ά ν τω ν εύτόνω ς. Ibid., ch. 67 (ibid., 429 Β): άνιστάμεθ-α κοινή π ά ν τες κ α ί εύ χά ς π έμ π ο μ εν . (66) In Ephes., hom. 3, 5 (PG 62,29): . ..πρότεροι έκβάλλονται οί έν

άμαρτήμασι... δταν άκούσης Δεηθώμεν πάντες κ οινή ...

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CHAP. I l :

LES ANTIPHONES ORDINAIRES

Pour essayer de retrouver leur ancienne destination, on doit cher­ cher dans le rite byzantin des groupes de trois prières dont une soit une prière de bénédiction. Or, ces conditions se remplissent dans le rite constantinopolitain pour les groupes de trois prières finales des offices (67). La troisième prière y est toujours une prière de béné­ diction et de renvoi; la première et la deuxième sont appelées “pre­ mière et deuxième prière des fidèles” . Comme nous espérons le montrer avec plus d ’ampleur dans une autre occasion, la première prière des fidèles était dite pendant que le diacre récitait la sÿnaptie, la deuxième prière était destinée à la conclure.

LES PRIÈRES

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de Basile et de Chrysostome pour se rendre compte de la diversité qu’elles montrent: tandis que celles de Chrysostome se réfèrent à la prière commune du clergé et des fidèles (69), celles de Basile, qui de­ vraient avoir un contenu semblable, se réfèrent exclusivement au sa­ crifice eucharistique et à la descente du Saint-Esprit sur les dons.

D ’après le texte de nos trois prières, si on les dispose dans l’ordre 3e, Ie, 2e, il semble qu’on a exactement ce schéma. La troi­ sième, qui rappelle la promesse du Seigneur d ’exaucer les prières des chrétiens réunis, serait la prière qu’on récitait pendant les orationes communes, ou première prière des fidèles; la première prière actuelle, qui demande la miséricorde de Dieu, serait la conclusion de la litanie, c.-à-d. la deuxième prière des fidèles; la deuxième prière actuelle serait la prière de bénédiction ou apolysis. La raison pour laquelle l’ordre de ces prières a été renversé a pu être la suivante: des trois refrains des antiphones qui étaient jadis en usage (1er, Par les prières de la Théotocos; 2e, alleluia; 3e, le tropaire O Fils unique), seul le troisième était christologique. Aussi, la seule prière adressée au Christ aurait été destinée à précéder le refrain christologique. Si l’on admet que les prières des antiphones sont des anciennes prières des fidèles, comme nous l’avons proposé, on peut se demander encore à quel office elles ont appartenu autrefois. Nous proposons une hypothèse, dont la justification mérite une étude à part: ces trois prières, qui apparaissent d ’abord dans la Liturgie de saint Basile, sont les anciennes prières des fidèles de cette Liturgie et la prière de béné­ diction qui autrefois terminait la Liturgie de la parole (68). Il suffit, en effet, de comparer les prières actuelles des fidèles dans les Liturgies

(67) Cf. Goar, Euchohgion, p. 37, où l’on trouve les variantes du Barber, gr. 336 pour les prières du lucernaire. Il y a les deux prières des fidèles, une prière appelée apolysis, d ’origine palestinienne, et la prière d’inclination. Ce sont les deux premières et la dernière qui sont propres à l'office constantinopolitain. A la p. 45 on trouve les prières finales de l’orthros: deux des fidèles, une prière intercalée qui appartient à la grande doxologie, et la prière d ’inclination. (68) Cette dernière est, à notre ayis, la troisième prière des fidèles mention­ née par le concile de Laodicée, Mansi, 2, 567 C. Une prière d ’inclination qui termine la Liturgie de la parole existe encore chez les Chaldéens, cf. Brightman, Liturgies Eastern and Western, p. 266-67.

(69) La première prière se fait pour le clergé: “que tu as établi pour ce ministère” . La deuxième, pour le clergé: “donne-nous” , et pour les fidèles: “à ceux qui prient avec nous” (τοίς σ υνευχομένοίζ ή μ ϊν); ce sont là les mêmes mots pour désigner clergé et fidèles qu’on emploie dans la prière du premier antiphone.

LES ANTIPHONES SPÉCIAUX

CH A PIT R E III

LES ANTIPHONES SPÉCIAUX, L’OFFICE DES TYPICA ET LA PROCESSION D’ENTRÉE

Nous entendons par antiphones spéciaux ceux qui comportent, non seulement le changement de tropaire au troisième antiphone, mais ceux qui en outre utilisent des psaumes différents des psaumes ordinaires (pss 91, 92, 94).

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sauf pour les vigiles de Noël et de l’Epiphanie, qui n ’en avaient plus (73). On remarque, cependant, dans ce Typicon, une tendance à la variété. En certains jours de fête, en effet, où l ’on chantait les antiphones ordinaires, le verset d ’entrée, qui aurait dû être le ps. 94, 6 : Venez adorons, etc., était remplacé par un verset propre appartenant à un psaume différent, déjà utilisé à un autre endroit de l’office ou de la Liturgie : Ainsi, 14 sept., Exaltation de la Croix : Exaltez le Seigneur notre Dieu, etc. (ps. 98, 9 = prokeimenon) (74). 21 nov., Présentation de la Sainte Vierge, au Temple : On amène vers le roi des vierges, etc. (ps. 44, 15 = koinonicon) (75). 2 févr., Rencontre du Seigneur : Le Seigneur a fa it connaître son salut, etc. (ps. 97, 2 = prokeimenon de l’orthros) (76). 25 mars, Annonciation : Proclamez jour après jour le salut de notre Dieu, etc. (ps. 95, 2 = prokeimenon de l’orthros) (77).

Dans ce Typicon, les antiphones commencent parfois par un demi-verset destiné à l’intonation (25 déc., le 1er antiphone; 6 janv., les trois), p. ex., le 25 déc., : 1er antiphone, ps. 110 : 1. Je rendrai grâces au Seigneur. Par les prières de la Théotocos, etc.

L ’usage ancien

Au Xe siècle, le Typicon de la Grande Eglise prescrivait des antiphones spéciaux seulement pour cinq fêtes : Noël, Epiphanie, Pâques, Ascension, Pentecôte (70). Les vigiles de Noël et de l’Epiphanie avaient elles aussi des antiphoies spéciaux, mais leurs refrains ressemblaient à ceux des antiphones processionnels plutôt qu’à ceux de la Liturgie (71). Us ne se conservent actuellement que dans le monastère italo-grec de Grottaferrata. Les autiphones spéciaux étaient chantés au seul jour de la fête, à l’exception de Pâques, seule fête qui possédait une octave dans le rite de Constantinople, et qui comportait le chant des antiphones spéciaux, chaque jour, jusqu’au samedi suivant. Au XIIe siècle, selon le Typicon du monastère de l’Evergétis, les jours qui avaient des antiphones spéciaux étaient les mêmes (72)

(70) Sauf le dimanche après Pâques, ce sont les mêmes jours qui ont le refrain Sanve-nous, Fils de Dieu au, deuxième antiphone, cf. ci-dessus, note 49. (71) Voir ci-dessus, paragraphe 3. (72) Opisanie I, 357 (Noël), 383 (Epiph.), 559 (Pâques), 586 (Asc.), 594 (Pentec.).

2. Je rendrai grâces au Seigneur de tout mon cœur, etc. prières de la Théotocos, etc. (78).

Par les

Les usages actuels

Dans les usages actuels on peut distinguer une tradition slave, plus ancienne, et une autre grecque, plus récente. La tradition slave ajoute aux anciens antiphones certifiés par les documents du Xe et du XIIe siècle, d ’autres antiphones spéciaux pour le 14 septembre, Exaltation de la Croix (pss 21, 73, 98), pour le b août. Transfiguration (pss composites) et pour le dimanche des Rameaux (pss 114, 115, 117). Le 2 février on chante les psaumes ordinaires, mais le verset d ’entrée est ps. 97, 2, comme dans le Typicon de l ’Evergétis. L’on voit que le troisième antiphone du 14 septembre (ps. 98) a été déterminé par le verset d ’entrée signalé aussi par l ’Evergétis (ps. 98, 9). Le troisième antiphone du dimanche des Rameaux est le psaume chanté comme prokeimenon à la Liturgie. (73) (74) (75) (76) (77) (78)

Ibid., Ibid., Ibid., Ibid., Ibid., Ibid.,

cf. p. 355 (vigile de Noël), 379 (vigile de l’Epiphanie). p. 274. p. 322. p. 407. p. 432. p. 357.

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CHAP. I l l :

ANTIPHONES. TYP1CA. ENTRÉE

La tradition grecque a encore ajouté de nouveaux antiphones spéciaux à ceux qu’on trouve chez les Slaves. Ainsi, pour les fêtes de la Sainte Vierge : 8 sept. (Nativité), 21 nov. (Entrée au Temple), 25 mars (Annonciation), 15 août (Assomption); aussi pour le 1er janvier. (Circoncision du Seigneur) et pour le 2 février (Rencontre du Seigneur); finalement, pour le premier dimanche du Carême (fete de l’Orthodoxie) et pour le troisième (Adoration de la Croix). La plupart de ces antiphones (8 sept., 21 nov., 1 janv., 25 mars, 15 août, 1er et 3e dimanche de Carême) sont composites, c.-à-d. formés de versets psalmiques qui n ’appartiennent pas au même psaume. Les jours qui ont des antiphones composites, à l’exception du 25 mars, ne possèdent pas un verset d ’entrée propre, mais celui du troisième antiphone ordinaire (ps. 94, 6). Le 2 février on rencontre un cas spécial ; les trois antiphones se composent de versets du ps. 44 : Mon cœur a frém i de paroles belles, mais le verset, d ’entrée est toujours pris au ps. 95, 2, comme dans le Typicon de l’Evergétis. Une autre différence entre la tradition grecque et la tradition slave consiste en ce que cette dernière a fréquemment conservé les versets d ’intonation, selon l’usage ancien (79). Chez les Grecs, les Roumains et les Melkites on a introduit un usage qui contredit la structure des antiphones. Aux fêtes, en effet, le refrain du troisième antiphone est le tropaire de la fête, et, d ’autre part, le verset d ’entrée n ’est en principe qu’un verset du psaume du troisième antiphone, le dernier à être chanté (80). Comme à tous les autres versets précédents, donc, on devrait répondre au verset d ’entrée par le tropaire de la fête, qui est le refrain du psaume. Or, dans les Eglises citées, le verset d ’entrée est toujours suivi du refrain : Sauve-nous, Fils de Dieu, qui, en ces jours, est propre au deuxième antiphone. C ’est un contresens, occasionné sans doute par la force de l’usage quotidien, où le troisième antiphone est le ps. 94 avec le refrain : Sauve-nous, Fils de Dieu. Chez les Slaves, comme dans le Typicon de la Grande Eglise et dans celui de l’Evergétis (81), on répond au verset d ’entrée par le chant du tropaire de la fête.

(79) Le dimanche de la Pentecôte, p. ex., on a les versets suivants (ceux qui sont mis entre parenthèses sont propres aux Slaves): 1er antiphone, ps. 18 : (2a), 2ab, 3, étc.; 2e antiphone, ps, 19: (2a), 2ab, 3, etc.; 3e antiphone, ps. 20: (2a), 2ab, 3, etc. (80) C ’est ainsi que s’exprime le Typicon de l’Evergétis au jour de Pâques (Opisanie I, 559) : (après le troisième antiphone) ensuite le diacre : Sagesse, debout, et il dit le 5e verset : Dans les assemblées bénissez le Seigneur, etc. (81) Le Typicon de la Grande Eglise ne mentionne jamais le refrain Sauvenous, Fils de Dieu en dehors du deuxième antiphone. Celui de l’Evergétis prescrit explicitement le chant du seul tropaire après le verset d ’entrée, p. ex. à Pâques à (iOpisanie I, 559), à l’Ascension (ibid., 586), à la Pentecôte (ibid., 594).

LES ANTIPHONES SPÉCIAUX

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Le texte des antiphones a été parfois contaminé. Le ps. 110, p. ex., premier antiphone de Noël, commence comme le ps. 9. On a confondu les deux psaumes et l’on a écrit comme premier verset de l’antiphone le ps. 9, 2, au lieu du ps. ll'O, 1. Le troisième antiphone de Pâques est le ps. 67; chez les Grecs on y a intercalé le ps. 117, 21 : Voici le jour qu'a fait le Seigneur, emprunté au prokeimenon de la fête. Chez les Slaves ce verset n ’apparaît pas dans l’antiphone, mais il a été introduit dans le chant du tropaire pascal avant la grande synaptie. Les psaumes des anüphones spéciaux

Si l’on examine les psaumes qui composent les anciens antiphones spéciaux, on découvre sans difficulté que le seul psaume choisi à cause de son rapport à la fête est celui du troisième antiphone. Le verset du psaume qui détermine le choix est le premier ou un autre : Pâques, ps. 67, 2 : Que Dieu se lève (Exsurgat Deus). Ascension, ps. 46, 6 : Dieu monte parmi l’acclamation (verset d ’entrée). Pentecôte, ps. 20, 2 : Seigneur, ta force réjouit le roi. Noël, ps. 109, 3 : Du sein, avant l’étoile du matin, je t'ai engendré (verset d ’entrée). Epiphanie, ps. 117, 27 : Le Seigneur est Dieu et nous a illuminés (verset d ’entrée). Le seul cas qui demande un éclaircissement est celui de la Pentecôte. Le premier verset de l’antiphone (ps. 20, 2), autant que le verset d ’entrée (ibid. 14) : Sois exalté, Seigneur, dans ta force, font allusion à la force de Dieu. Or, cette force, dans le contexte de la fête, n ’est que le Saint-Esprit, dont le Seigneur dit dans la lecture de l’Apôtre (Act. 1, 8): «Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui descendra sur vous». Le psaume est donc parfaitement adapté à la fête. Si l ’on examine ensuite quels sont les psaumes choisis comme premier et deuxième antiphones de ces fêtes, on constate que généralement ce sont les psaumes les plus proches dans le psautier, pourvu que leur sens ne contredise pas l’esprit festif. Ainsi le dimanche de Pâques : ps. 65 : Acclamez le Seigneur, toute la terre. ps. 66 : Que Dieu nous prenné en grâce et nous bénisse. ps. 67 : Que Dieu se lève. Le ps. 65 est un ancien psaume de résurrection, qui, dans les mss chrétiens des LXX, porte le titre « άναστάσεοις »; mais il est chanté à la vigile pascale comme prokeimenon de la Liturgie le samedi soir. Le ps. 66 est un psaume festif; son texte, cependant, ne s’applique pas au mystère de Pâques.

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CHAP, i n :

ANTI PHONES. TÏPICA. ENTRÉE

La fete de l'Ascension présente une différence intéressante entre l’usage actuel et l ’ancien. Les antiphones actuels sont les pss 46, 47, 48, mais le verset d ’entrée est le ps. 46, 6. Dans le Typicon de la Grande Eglise (82) et dans celui de l ’Evergétis (83), ce sont les psaumes 41, 45, 46; le verset d ’entrée appartenait, comme il est .normal, au psaume du troisième antiphone. Le changement montre en même temps que le seul psaume qui a rapport à la fete est le ps. 46. La Pentecôte a comme antiphones : ps. 18 : Les deux racontent la gloire de Dieu ( = prokeimenon). ps. 19 : Qu'il te réponde, le Seigneur, au jour de l’angoisse. ps. 20 : Seigneur, ta force réjouit le roi. Nous avons vu que le ps. 20 est choisi en raison de la fête. Il est sans aucun doute le psaume ancien. Les deux autres le précèdent tout simplement dans le psautier, bien que, par hasard, le ps. 18 coïncide avec le prokeimenon de la fête.

LES ANTIPHONES SPÉCIAUX

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Le ps. 113 est utilisé à cause de son allusion au Jourdain qui s’ensuit devant la présence du Seigneur; le ps. 114 n ’a aucun rapport avec la fête. Les antiphones de la vigile se réfèrent plutôt à la bénédiction de l’eau qu ’à la Théophanie. C ’est à cause de cela que le troisième psaume est, ou le ps. 113, selon un usage plus ancien (85), ou bien le ps. 28 (86), dont le verset 3 : La voix du Seigneur sur les eaux, est employé comme verset de l’alleluia à la Liturgie du 6 janvier. De cette analyse, il appert que seul le psaume du troisième antiphone est primitif et qu’il doit être plus ancien que les deux autres. Il était — comme il l’est encore aujourd’hui — le psaume destiné à accompagner la procession d ’entrée à l’église, exactement comme l ’introït romain et, comme celui-ci, il était choisi avec soin pour indiquer le sens de la célébration. D ’ailleurs le .jour de l ’Ascension, le ps. 46, ancien chant d ’entrée byzantin, est aussi le psaume de l’introït romain.

ps. 110 : Je rendrai grâces au Seigneur de tout mon cœur. ps. 111 : Heureux l'homme qui craint Je Seigneur. ps. 109 : Le Seigneur dit à mon Seigneur : siège à ma droite.

D ’autre part, le fait que les prières des antiphones sont d ’anciennes prières des fidèles, montre aussi le caractère artificiel de ces trois antiphones. La seule prière ancienne à cet endroit est la prière de l’entrée, qui accompagnait le psaume d ’entrée. Elle a aussi son parallèle dans le rite romain ;

Cette fois on a choisi les deux psaumes qui suivent celui de la fête, car le 108, qui le précédé, est un psaume d ’imprécation, peut-être le plus violent de tout le psautier.

Aufer a nobis, quaesumus, Domine, iniquitates nostras, ut ad Sancta Sanctorum puris mereamur mentibus introire. Per Christum Dominum nostrum (87).

Le cas des antiphones de Noël est très clair :

Les antiphones qu’on chantait au Xe siècle, à la vigile de Noël, sont instructifs quant au choix des psaumes (84) : ps. 1 : Heureux est l’homme qui ne va pas au conseil des impies. ps. 2 : Pourquoi ces nations en tumulte? ( = prokeimenon). ps. 109 : Le Seigneur dit à mon Seigneur. On reprend donc le prokeimenon comme deuxième antiphone et on lui associe le ps. 1, qui n ’a pas de rapport avec la fête, mais qui le précède dans le psautier. La comparaison entre les deux séries d ’antiphones montre que le seul psaume commun et donc ancien est le ps. 109. A l’Epiphanie, les psaumes sont ceux-ci : ps. 113 : Quand Israël so/tit d'Egypte. ps. 114 : J ’aime, car le Seigneur écoute le cri de ma prière. ps. 117 : Rendez grâces au Seigneur car il est bon. (82) II, 128. (83) Opisanie I, 586. (84) Typicon l, 150-52.

Un jugement sur l’évolution des antiphones

Revenons maintenant au fait que le Typicon de l’Evergétis présente à certaines fêtes le changement du verset d ’entrée ordinaire (ps. 94, 6) par un autre verset psalmique adapté à la fête, tout en conservant, cependant, le chant du ps. 94 comme troisième antiphone, ce qui va contre la structure de celui-ci. Cette innovation a été à l’origine de la création de nouveaux antiphones spéciaux. En examinant, cependant, ces versets choisis pour l’entrée, nous avons constaté qu’il s’agissait toujours de versets déjà utilisés comme prokeimena ou comme koinonica (psaume de communion). L ’inno­ vation manquait donc de toute originalité et elle n ’était pas le fruit d ’un approfondissement dans la connaissance de l’Ecriture. Quelle a donc pu être la raison qui a motivé l’introduction de ces versets? (85) Typicon I, 180, apparat critique lin. 1. (86) Ibid., 178-80. (87) D ’après son contenu, cette prière pourrait être destinée aussi à la se­ conde entrée de la Liturgie, mais de fait elle est utilisée comme prière de la première entrée.

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CHAP. I l l : ANTIPHONES. TYPICA. ENTRÉE

Nous pensons que cette innovation a été la première des conséquences de l’atrophie du chant des psaumes anciens de la Liturgie : prokeimenon et koinonicon (88). Ces psaumes, destinés jadis à être chantés en entier ou, s’ils étaient trop longs, en bonne partie, avec un répons qui soulignait le sens de la fete, ont été réduits .à deux versets (prokeimenon), ou à un seul (koinonicon). Les refrains, choisis avec soin, qui par leur répétition auraient dû rester dans l’esprit des fidèles comme matière de méditation, ont été sommairement expédiés. Le besoin de les exploiter davantage surgit alors; mais, au lieu de révivifier l’ancienne pratique, on procéda par transposition ou par accumulation. Evolution malheureuse qui a laissé la Liturgie parsemée de petites pièces — organes témoins des anciens usages — dépourvues de leur primitive valeur pastorale.

§ 4. L’office des Typica Au début de la Liturgie on peut chanter, à la place des trois antiphones, ce qu’on appelle les Typica. Ce sont les psaumes 102 et 145, et les Béatitudes, qui remplacent respectivement le premier, le deuxième et le troisième antiphone. Ces pièces proviennent d ’un office, appelé aussi Typica, qui se trouve dans l ’Horologion après Sexte ou après None. En dehors du Carême sa structure est la suivante : ps. 102 ps. 145 — tropaire O Fils unique Béatitudes tropaire invitatoire — second tropaire au Gloria Credo, prière d’absolution, Pater contakion variable Kyrie eleison (40 fois) Sit nomen Domini benedictum (ps. 112, 2) ps. 33 congé

En Carême on omet les deux premiers psaumes. D ’autre part, l’office est divisé en deux par l’intercalation des vêpres : Béatitudes tropaire invitatoire — second tropaire au Gloria (88) Le cas de Γalleluia est moins clair, et il ne semble pas qu’il ait eu jamais de nombreux versets. Dans le Typicon de la Grande Eglise, le cas ordinaire c’est un seul verset, parfois deux. Trois versets apparaissent seulement le 24 déc., le 5 janv., le jeudi et le vendredi saint, cf. Typicon Π, index liturgique, alleluia.

l ’o f f i c e

des

t y p ic a

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Credo, prière d’absolution, Pater Kyrie eleison (40 fois) Prière : Toi qui en tout moment. congé (après les vêpres): Prière : Trinité sainte, puissance consubstantielle, terminée par le Utius sanctus Sit nomen Domini benedictum ps. 33 congé

Le manuscrit le plus ancien qui présente cet office est le cod., Sinaît. grec 863 (IXe siècle) (89). Dans ce document, l’office, placé après None, porte le titre : «Pour la communion», et commence, comme aujourd’hui en Carême, par le chant des Béatitudes : Béatitudes tropaire invitatoire Credo, Pater, Kyrie eleison (trois fois) Unus sanctus (=fraction) psaume de communion ( = ps. 33) — strophe finale (90) prière d ’action de grâces

L ’office était destiné, comme sa structure le montre, à la communion des moines les jours où l’on ne célébrait pas la Liturgie eucharistique. Il était donc une sorte d ’office des Présanctifiés monastique palestinien. Rappelons-nous que la Liturgie des Présanctifiés actuelle est d ’origine constantinopolitaine et de caractère cathédral. Cet office des Typica fut adopté par les monastères constantinopolitains avec le reste de l ’office sabaïte, tandis que le Typicon de la Grande Eglise ne le connaît pas. Dans le monastère de Stoudios et dans ceux qui suivaient sa règle, les jours où, à cause du travail, on omettait les petites heures, il était chanté après la Liturgie. Pourtant, on ne faisait plus la communion à l’office des Typica, mais on recevait seulement l'eulogie ou aniidoron, c.-à-d. le pain béni (91). Les jours où l’on chantait les petites heures, il était célébré après None (92). Au XIIe siècle, le monastère de l ’Evergétis s’écartait des usages studites. A l’Evergétis presque tous les moines faisaient la communion quotidiennement (93); la Liturgie, en effet, était célébrée. chaque jour, sauf dans les temps de jeûne, mais en Carême on célébrait aussi chaque (89) Edité dans l’article Un Horologion inédit. Le codex sinaît. grec 863, ( I X e siècle), dans Mélanges Eugène Tisseront (Sludi e Testi 233), Città del Vaticano 1964, pp. 47-76; voir spécialement pp. 54-55. (90) Appelée dans le ms. : «prière après la communion». La vraie postcommunio vient immédiatement après, sous le nom de : «prière d ’action de grâces».

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CHAP, i n :

ANTIPHONES. TYPICA. ENTRÉE

jour (sauf le premier lundi) (94) la Liturgie des Présanctifiés. L ’office des Typica était alors joint à la Liturgie, les jours où celle-ci avait lieu, en y remplaçant les trois antipliones du début par les pss 102 et 145 et les Béatitudes, et en distribuant l’antidoron après le renvoi ( = prière derrière l’ambon), pendant le chant ou la récitation du ps. 33, ancien psaume de communion des Typica (95). L ’introduction des Béatitudes n’arriva pourtant pas à supprimer le verset d ’entrée :Venez, adorons, (ps. 94, 6), appartenant au psaume du troisième antiphone. Au IXe siècle, selon le ms. sinaïtique cité, les Béatitudes avaient leur refrain propre : Souviens-toi de nous, Seigneur, lorsque tu viendras dans ton royaume (cf. Le 23, 42). Ce refrain n ’était plus répété à l’Evergétis; entre les versets des Béatitudes on intercalait des tropaires spéciaux pour les Béatitudes ou appartenant aux canons de l’orthros, qui commémoraient le saint du jour (96). Sauf aux fêtes qui avaient des antiphones spéciaux, ou aux fêtes de la Sainte Vierge, les Typica étaient chantés à la Liturgie presque quotidiennement (97).

l 'e n t r é e

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Que sont devenus les autres éléments qui composaient l’office de communion palestinien? Le Credo, le Pater, le Unus sanctus, la prière d’action de grâces existaient déjà dans la Liturgie. Nous ne savons pas en détail comment on célébrait les Typica au monastère de Stoudios, mais certainement la distribution de l’antidoron a dû y avoir lieu au moment où autrefois on distribuait la communion, donc pendant le chant du ps. 33. Elle a été placée à la Liturgie après la prière derrière l’ambon ( = ancienne apolysis), pendant qu’on chante ou qu’on récite le ps. 33. Le verset Sit nomen Domini benedictum (ps. 112, 2) n’apparaît pas dans l’office de communion du IXe siècle, mais dans l’office des Typica de l’Horologion il est chanté avant le ps. 33. C ’est de là sans doute qu’il a été transféré à la Liturgie, car après l’apolysis ( = prière derrière I’ambon) aucune, autre pièce ne pouvait trouver place.

L ’innovation qui apparaît dans les usages de l ’Evergétis par rapport à ceux de Stoudios n ’a pas eu son origine à Constantinople : la version géorgienne de la Liturgie qui date du XIe siècle montre qu’en Palestine les Typica étaient chantés à la Liturgie déjà à cette époque (98).

Dans la pratique actuelle, les Roumains chantent les Typica à la Liturgie tous les jours de l’année sauf les jours qui possèdent des antiphones spéciaux. Les Russes les réservent pour les dimanches ordinaires et pour les fêtes de saints de solennité moyenne ; les jours sans solennité ils chantent les antiphones ordinaires. Les Grecs et les Melkites semblent les ignorer dans les églises séculières mais les chantent dans les monastères.

Au XIVe siècle, la Diataxis de Philothée ne prévoit à la Liturgie que le chant des Typica; c’était donc l’usage des monastères de l’Athos à cette époque (99). Par contre, plusieurs documents, surtout italogrecs, du XÎVe-XVe siècle, conservent le chant des antiphones (100).

Dans tous les pays, pourtant, les Typica ont été extrêmement raccourcis. Du premier psaume, on chante seulement le premier verset avec l’ancien refrain : Béni es-tu, Seigneur. Le second psaume est omis, on chante seulement le tropaire: O Fils unique.

(91) Hypotypose de s. Théodore Studite, Opisanie I, 233. (92) Ibid., et dans le Typicon de l’Evergétis, Opisanie I, 603. (93) Opisanie I, 603 (94) Ibid., 515 : «Il faut savoir aussi que seulement en ce jour nous ne fai­ sons pas de Liturgie» (où λεΐτουργοϋμεν). (95) Ibid., 603 et 515. (96) Si c’était dimanche, les μ α κ α ρ ισ μ ο ί α να σ τά σ ιμ ο ι (ibid. 259); pour un saint, une ode du canon, p. ex. sept. 1 (p. 258), 6 (p. 262), 8 (p. 265), 9 (p. 266), etc. Les jours les moins solennels, les μ α κ α ρ ισ μ ο ί του ή χ ο υ ou τή ς ή μ έρ α ς, p. ex., sept. 7 (p. 263), 16 (p. 278), 17 (p. 279), etc. (97) Au mois de septembre, p. ex., on fait mention des Typica pour la Liturgie les jours suivants : 1, 2, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 20, 22, 23, 24, 26, 28, 30. D ’ailleurs, la rubrique ή α κ ο λ ο υ θ ία τ ή ς ή μ έ ρ α ς ou semblable, qui apparaît les jours 3,18, 19,25,27,29, pourrait inclure les τ υ π ικ ά τ ή ς ή μ έρ α ς. (98) Edition citée (ci-dessus, note 5), pp. 90-92; voir aussi p. 80. (99) Dans Krasnoseltsev, Materialy (ci-dessus, note 47), p. 50 : les deux premiers psaumes sont appelés antiphones, mais pour le troisième il ne prévoit que les Béatitudes; il faut donc conclure qu’on chantait les Typica, (100) Cod. Grottaferrata Γ.β. I ll (XIVe siècle), éd. Muretov, K materialant (ci-dessus, note 37), p. 13; Saint-Sabas 305 (XVe s.), dans Krasnoseltsev, Materialy (cf. note 47), .p. 88; Vatic, gr. 573 (XVe s.), ibid., p. 103.

Le terme obednitsa ( = petit repas), qui désigne chez les Slaves l’office des Typica, est le diminutif de obednja ( = δεΐπνον, repas), nom populaire pour désigner la Liturgie. Il doit faire allusion, au moins, à la distribution de l’antidoron, peut-être même à celle de la communion.

§ 5. L’Entrée Au temps de saint Maxime le Confesseur, la Liturgie commençait par l’entrée— liturgique ou préliturgique, — du peuple et du clergé à l’église (1). Dans le commentaire du VIIIe siècle, attribué au patriarche s. Germain, elle débutait par le chant des antiphones, et l’entrée, réservée désormais au seul clergé, y est appelée «entrée avec l’évangile» (2). Au Xe siècle, - cependant, le Typicon de la Grande 12 (1) Mystagogie, 8-9 (PG 91, 688-89): Ή πρώτή εις την άγίαν έκκλήσίαν του άρχιερέως κατά τήν ίεράν σύναςιν είσοδος... Ή τοδ λαοΰ συν τφ Ιεράρχη... εις τήν έκκλησίαν είσοδος. (2) Cf. Le Typicon de la Grande Eglise, éd. J. Mateos II, Rome 1963 (Orientalia Christiana Analecta 166), index liturgique, s.v. είσοδος.

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chap,

in :

a n tip h o n e s ,

ty p ic a .

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Eglise lui conserve le simple nom d ’«entrée» ou d ’«entrée du patriarche» (3). Actuellement on l’appelle «la Petite Entrée», par opposition à l’entrée avec les dons ou «Grande Entrée». L ’appellation de «Petite Entrée» date évidemment du temps où la procession avec les dons prit tout son éclat actuel.. La plupart des mss. du XIIIe siècle l’appellent simplement «l’Entrée» et n ’appliquent pas encore ce nom à la procession avec les dons (4), mais une Diataxe du X lIe-XIIIe siècle l ’appelle «la première Entrée», et celle des dons, «la Grande Entrée» (5). C ’est peut-être. la Diataxe de Philothée (XIVe s.) qui est le premier document à opposer les termes de «Petite Entrée» et de «Grande Entrée» (6). L ’on sait que les rubriques des livres actuels dépendent en grande partie de cette Diataxe. Les deux entrées, comme on les appelle aujourd’hui, sont deux processions, dont chacune marquait jadis le début d ’une partie de la Liturgie : l’entrée à l’église commençait la Liturgie de la Parole, tandis que l’accès à l’autel commençait la Liturgie eucharistique. Le point d ’arrivée de ces deux processions n ’est pas le même. La première se termine aux sièges du clergé, où l’on va s’asseoir pour écouter les lectures, la seconde va à l ’autel, où l ’on célébrera l’Eucharistie. Dans les rites syriens la distinction est très nette, car les sièges de l’évêque et du clergé ne se trouvent pas dans le sanctuaire mais sur le béma, au centre de la nef (7). La première procession s’arrêtait donc à la nef, la seconde montait de la nef au sanctuaire. Notons bien que jadis la seconde procession ne comportait pas le transfert des dons — fait préalablement et sans solennité par les diacres — mais uniquement l’accès de l’évêque et des prêtres à l’autel.

(3) Ed. N. Borgia, Il commentario Hturgico di s. Germarto Patriarca costantinopolitano e la versione lalina di Anastasio Bibliotecario, Grottaferrata 1912, n° 24, p. 21. (4) Cad. Ettenheim Munster 6, éd. R. Enddahl, Beitraege zur Kenntnis der byzantinischen Liturgie, Berlin 1908, pp. 8, 19-20; cod. Palmos 709 (A.D. 1250), dans A. Dmitrievskij, Opisanie liturgiceskich rulcopisei Π, Kiev 1901, p. 157.; cod. Sinait. gr. 1020 (XIIIe s.), ibid., p. 140 (είσοδεύει): de même cod. Grottaferrata Γ. ß. III (codex Falascae, XIVe s.), dans S. Muretov, K materialam dlja istorii cinoposljedovanija liturgii, Sergiev Pesad 1895, p. 13, 14. (5) Cod. Athènes Bibi Nat. 662, éd. P. N. Trempelas, Α ί τρ είς λειτουργ ία ι κ α τ ά τους Ιν Ά θ·ή να ις κ ώ δ ικ α ς ( = Texte und Forschungen zur Byzantinisch-Neugriechischen Philologie 15), Athènes 1935, pp. 6, 9; également le Typicon Moscou Saint Synode 381 (XIII-XTVe s.), éd. N. Krasnoseltsev, Materialy dlja istorii cinoposfjedovanija liturgii sv. Ioanna Zlatoustago, Kazan 1889, pp. 23, 25. (6) Krasnoseltsev, Materialy, pp. 50, 60. (7) La pratique actuelle ne tient plus compte de cet usage traditionnel, qui est prévu par les livres liturgiques.

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Chez les Byzantins et les Roumains la distinction est moins claire, car lés sièges du clergé sont actuellement placés dans l’abside (8). La seconde procession n ’est donc pas un accès au sanctuaire, où l’on est déjà, mais une simple approche de l’autel. Comme, d ’autre part, chez les Byzantins, cette approche a déjà eu lieu auparavant, au moment de la récitation des litanies qui suivent l’évangile, la procession s’est identifiée avec le transfert des dons; l’évêque, cependant, n ’y prend pas part. Revenons à la procession avec l’évangile : elle se termine donc au siège de l’évêque et à ceux des prêtres, situés dans l’abside. Actuellement, des cérémonies et des chants s’intercalent entre le moment 'de l’entrée au sanctuaire et l ’arrivée à l’abside. Dans cet article nous essayerons d ’expliquer historiquement leur origine, sauf pour le chant du trisagion, auquel nous réservons un article à part. Nous étudierons donc ici les cérémonies comprises entre le début de la procession et le retour au sanctuaire. L ’usage actuel

Selon les rubriques et les usages en vigueur, l’Entrée se déroule ainsi : Le chœur chante le troisième antiphone ou les Béatitudes. Lorsqu’on entonne le Gloire'au Père (9), le prêtre et le diacre s’inclinent trois fois devant l’autel et l’on ouvre les portes saintes. Le prêtre baise l’évangile .et l’autel, le diacre seulement l’autel. Le prêtre prend l’évangile et le donne au diacre et, faisant le tour de l’autel, ils sortent du côté nord. Des sous-diacres portent des cierges et, dans certains pays, la croix. Ils s’arrêtent se tenant de côté à dit à voix basse : prière de l’Entrée

sur la soléa, devant les portes centrales, le diacre la droite du prêtre. Ils inclinent la tête, et le diacre Prions le Seigneur. Le prêtre récite en silence la : Maître Souverain Seigneur notre Dieu, etc.

(8) L ’analyse du texte des «prières de la proscomidie», des Liturgies de saint Jean Chrysostome et de saint Basile, récitées par le prêtre avant le baiser de paix, montre que dans le rite byzantin a existé aussi jadis une entrée au sanctuaire avant l'anaphore, cf. J. Mateos, Deux problèmes de traduction dans la Liturgie Byzantine de S. Jean Chrysostome, dans Or. Christ. Per, XXX (1964), pp. 248-53. (9) C ’est la teneur ordinaire de la rubrique dans les Hieratica Slaves (Liturgie de S. Jean Chrysostome, éd. Moscou 1889, p. 15); roumains (Dumnezeestile Liturgii, Sibiu 1902, p. 76), arabes (Kitab al-liturgiyyat al-ilahiyya al-muqaddasa. Harissa 1962, p. 104), de l’édition grecque de Venise 1877 (Ευχολόγιον τό μέγα, p. 50). L ’édition d’Athènes 1951 (Ιερατικόν, p. 70) corrige un peu la rubrique :

ψαλλομένου δέ του Δοξαστικού των Μακαρισμών, η τού Γ’ ’Αντιφώνου, κ.τ.λ.

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La prière terminée, le diacre fait un signe vers la porte avec la main droite, et dit au prêtre : Bénis, maître, la sainte Entrée. Et le prêtre bénit, disant à voix basse : Bénie soit l’Entrée de ton sanctuaire, maintenant et en tout temps, etc. Le diacre présente l’évangile au prêtre. que le diacre baise la main du prêtre.

Celui-ci le. baise, tandis

Lorsqu’on a terminé le chant du troisième antiphone ou des Béatitudes, le diacre se place au centre, devant le prêtre, lève l’évangile et trace avec lui une croix, disant : Sagesse, debout. Et l’on chante le verset d’entrée : Venez, adorons, etc., ou le verset propre de la fête. S’étant inclinés, le diacre et le prêtre entrent au sanctuaire par les portes centrales. Le diacre dépose l’évangile sur la sainte Table. Le prêtre baise l’évangile et l’autel, le diacre, l’autel. Le chœur chante les tropaires habituels. Nous avons donc les actes suivants : 1. Trois inclinations et baiser de l’autel. 2. Remise de l’évangile au diacre et sortie du sanctuaire. 3. Prière de l’Entrée. 4. Bénédiction de l’Entrée. 5. Avertissement du diacre et chant du verset d ’entrée. 6. Entrée au sanctuaire, déposition de l’évangile et baiser de l’évangile et de l’autel. La sortie du sanctuaire

Les rubriques actuelles, font généralement commencer les cérémonies de la sortie au moment où l’on chante le Gloire au Père. Cela vaut seulement pour le cas où, comme troisième antiphone, on chante les Béatitudes. La rubrique est inspirée par celle de la Diataxe de Philothée : (Après la dernière petite synaptie) le diacre fait une inclination, entre au sanctuaire et se tient là durant le chant, des Béatitudes. Lorsque les chantres en viennent au Gloire au Père, le prêtre et le diacre vont devant l’autel, font ensemble une inclination,.le prêtre prend le saint évangile et le donne au diacre... (sortie)... Lorsque les chantres terminent le dernier tropaire, le diacre se met au milieu et se tient devant le prêtre, lève un peu les mains et, montrant le saint évangile, dit : Sagesse, debout. Puis, faisant une inclination, lui et le prêtre derrière lui, ils entrent au sanctuaire. Lorsqu’il dépose l'évangile sur l’autel, les chantres disent les tropaires habituels (10). (10) Krasnoseltsev, Material)1, p. 50-52.

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Ce texte, après avoir parlé du dernier tropaire, mentionne encore les tropaires habituels. Le dernier tropaire est donc «dernier» seulement par rapport à la série de tropaires qu’on intercale aux Béatitudes; le Gloire au Père dont il est question est celui qui termine les Béatitudes, qui est suivi d’un tropaire, tout comme le maintenant et toujours qui vient ensuite (11). La Diataxe suppose donc le chant des Béatitudes et non celui du troisième antiphone. La rubrique actuelle, par contre, laisse le choix entre le chant de l’antiphone et celui des Béatitudes; mais elle a adopté un usage qui ne s’accorde pas avec cette double possibilité; en effet, le Gloire au Père auquel elle fait allusion, vaut seulement pour le cas où l'on chante les Béatitudes. Si l’on chante le troisième antiphone, le Gloire au Père doit être chanté après le verset d’entrée, qui appartient au psaume de l’antiphone. Aujourd’hui on n ’intercale plus de tropaires aux Béatitudes, sauf dans les monastères. Dans les églises séculières, les Russes les omettent tous, seuls les Roumains conservent ce Gloire au Père et chantent aussi le théotokion final de la série de tropaires. Seulement chez eux, donc, la rubrique actuelle trouverait encore son application. Les trois inclinations prescrites actuellement avant de prendre l’évangile n ’apparaissent pas dans la Diataxe de Philotée, qui parle d’une seule inclination. Le baiser de l’évangile et de l’autel n’est qu’une coutume, non indiquée par les anciens documents. Le baiser est parfois indiqué, non à cette place, mais au début de la Liturgie; alors, le prêtre baise seulement l’évangile, le diacre, l’angle droit de l’autel (12). La remise de l’évangile au diacre par le prêtre apparaît au XIVe siècle. Les plus anciens mss ne disent rien à cet sujet. Ceux du XIIIe siècle indiquent encore que c’est le diacre lui-même qui prend l’évangile (13). Dans la Diataxe de Philothée (XIVe siècle) c’est déjà le prêtre qui le donne au diacre (14), mais on trouve au moins un document du XVe siècle qui laisse encore le choix entre les deux manières d’agir (15). Selon plusieurs documents, le diacre qui portait l’évangile ou un1

(11) Les tropaires des Béatitudes pour les dimanches se trouvent dans l’Octoèque. (12) Diataxe d’Athènes (ΧΙΙ-ΧΠΙ* s.), p. 5; Typicon Moscou (XIVe s.), p. 23 (éditions citées ci-dessus, note 5). (13) Cod. Euenheim Miinster 6 et Sinait. gr. 1020, cités à note 4; Diataxe d'Athènes et Typicon de Moscou cités à note 5. (14) Krasnoseltsev, Materialy, p. 50. (15) Diataxe Vatic, gr. 573 (italo-grec), éd. Krasnoseltsev, Materialy, p. 103.

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autre diacre prenait aussi l’encensoir à la procession d ’entrée (16). Parfois des sous-diacres sont mentionnés, qui, avec des flambeaux participaient à la procession (17). La sortie du sanctuaire en faisant le tour de l’autel est en vigueur, actuellement du moins, chez les Slaves; les rubriques ne mentionnent pas ce tour, non plus que les anciens documents. Un document du XVe siècle (18) prescrit cependant au prêtre de bénir la table de la prothèse lorsqu’il passe à côté d ’elle, ce qui pourrait indiquer le passage du prêtre et du diacre derrière l ’autel.

Parcours de la procession.

Actuellement, la procession est très courte : on sort par le côté nord et l ’on vient directement, sans sortir de la soléa, au devant des portes centrales. Les plus anciens documents ne donnent aucun détail sur le parcours de la procession. Avant l’introduction des deux premiers antiphones, cependant, cette procession était simplement l ’entrée à l ’église. Si la festivité ne comportait pas une procession de l ’église principale à l’église stationale, la procession devait avoir lieu depuis l’atrium de l’église jusqu’à l’intérieur et, pour le clergé, jusqu’à l’abside. Un usage pareil, mais limité au seul clergé, était en vigueur au Xe siècle lorsque le patriarche faisait son entrée à l’église pendant le chant du troisième antiphone (19). La description d ’une entrée semblable est donnée par le Typicon de la Grande Eglise le samedi saint, jour où le patriarche venait en procession du baptistère à l’église avec les néophytes :

(16) Euchologe de Porphyre (Xe siècle), éd. Krasnoseltsev, Svedenija o nekotorych lilurgiceskich rukopisei Vatikansokoj Vivlioteki, Kazan 1885, p. 285. Traduction arabe du XT' siècle, publiée par C. Bacha, Notions générales sur tes versions arabes de la Liturgie de S. Jean Chrysostome, suivies d ’une ancienne version inédite, dans Xpycoctomika, Rome 1908, p. 417. Typicon du monastère de l'Evergétis, (XIIe s.) 14 septembre, éd. A. Dmitrievskij, Opisanie I, Kiev 1895, p. 272. Sinalt. grec 1020 (XIIIe s.), Opisanie II, 140. (17) Grottaferrata Γ. j3. I I'(X I e s.), éd. Muretpv, K materialam, p. 3; version arabe du XIe siècle, éd. Bacha, Xpycoctomika, p. 417; Vat. gr. 1811 (A.D. 1147). Selon le Vat. gr. 1863 (XIIe s.), c’étaient des diacres qui portaient les cierges. (18) Ainsi la Diataxe citée à note 15. (19) Le Typicon de la Grande Eglise, index liturgique, s.v. είσοδος.

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Lorsque le patriarche avec les néophytes se mettent en mouvement ' pour faire la deuxième entrée (20), le chef du second choeur chante : Heureux ceux qui sont absous de leurs péchés, (acquittés de leurs fautes) (ps. 31, 1). Stique : Heureux l'homme à qui le Seigneur n'impute aucun tort (ibid. 2). Lorsqu’on arrive aux portes centrales (de l ’église), le patriarche s’agenouille trois fois et entre ensuite. Douze évêques, revêtus de leurs ornements, avec leurs omophoria, entrent avec lui au sanctuaire et montent avec lui au trône de l’abside (21).

La plupart des manuscrits d ’origine monastique, ou ceux qui décrivent une liturgie sacerdotale ne s’attardent pas à décrire l’entrée. Mais voici les rubriques de la traduction arabe du XIe siècle (22), qui présente une liturgie ponticale où l’archevêque faisait encore son entrée à l’église pendant le chant du troisième antiphone : La procession sort jusqu’à la porte royale ou centrale de l’église. En avant, deux sous-diacres ouvrent la procession, portant des chandeliers avec des cierges allumés. Les diacres marchent devant l’archiprêtre. L’archevêque se tient sur le seuil de la porte; les diacres se mettent à sa droite, à l’intérieur de la porte, et les prêtres en face de lui, les premiers en dignité à côté de l’archevêque; ils se tiennent l'un après l’autre, par ordre de dignité. L’archidiacre apporte l’évangile et le second diacre l’encensoir. Lorsqu’ils arrivent, l’archidiacre dit à voix basse : En paix prions le Seigneur. Le second diacre, tenant l’encensoir dans sa main gauche et l’encens dans sa droite, s’approche de l’archiprêtre (23), qui dit à voix basse la prière de l'encens et à la fin signe avec la croix (il fait un signe de croix); à peine a-t-il fait le signe que le diacre verse l’encens et encense à droite et à gauche, et l’archevêque. Celui-ci prononce cette prière : (prière ordinaire de l’entrée). Le diacre proclame : Debout, avec sagesse ! Les céroféraires marchent en tête, puis les diacres, deux à deux, selon leur ordre, ensuite l'archevêque, dont deux diacres, en signe de respect et d ’honneur, soutiennent les mains (chacun baise la main de son côté lorsqu’il la prend et lorsqu'il la relâche (20) Le patriarche avait fait sa première entrée à l’église après les psaumes vespéraux, cf. Le Typicon de la Grande Eglise II, 85. On remarquera que nous traduisons ici «pour faire la deuxième entrée» au lieu de «pour traverser le second seuil», comme nous avions traduit dans l’édition du Typicon. Nous pensons que la traduction proposée ici est meilleure. (21) Le Typicon de la G.E., II, 89. (22) Ed. Bacha, Xpycoctomika, p. 417-18 (arabe), 448-49 (français). (23) Un peu plus haut, est traduit par Bacha «archiprêtre»; à cet endroit, il traduit «pontife», mais il s’agit bien du même personnage. «Pontife» ou plutôt «archevêque» est toujours traduit ÂiSL.'jl 0 '*j

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devant la porte du sanctuaire); les prêtres viennent derrière lui, deux à deux. Et les lecteurs chantent : Venez, adorons et prosternons-nous devant lui. Sauve-nous, Fils de Dieu, etc.

L’archevêque est donc reçu par le clergé à la porte de l’église; en signe d ’honneur on apporte des cierges et l’encensoir. La prière de l’entrée est récitée à la porte de l’église. Notons aussi que l’archevêque ne va pas à la prothèse pendant le chant des deux premiers antiphones, comme c’est le cas dans deux manuscrits constantinopolitains du XIe siècle (24); s’il prononçait la prière de la prothèse, il devait donc le faire avant la procession avec les dons, comme il le fait aujourd’hui (25).

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pour celle des vêpres le vendredi saint (28), montre qu'ordinairement on les portait, ensemble avec l’évangile, pour accompagner le patriarche. Les cierges et l’encens sont indiqués, en effet, pour l’entrée avec l’évangile le soir du samedi saint (29). Même dans quelques mss tardifs, le parcours de la procession apparaît plus long qu’aujourd’hui : ou bien on précise que le prêtre et le diacre vont au milieu de la nef (30), ou bien qu’ils s’arrêtent derrière l’ambon (31). La prière de l’Entrée

Les plus anciens manuscrits italo-grecs (32) présentent pour la Liturgie de Chrysostome un formulaire de la prière de l’entrée différent de l’actuel ;

Remarquons finalement que le verset d’entrée : Venez, adorons, n’a pas encore subi l’adaptation christologique, mais est chanté selon le texte du ps. 94, 6 (26). Les traits de cette entrée sont certainement assez archaïques.

Bienfaiteur et Artisan de la création entière, accueille l’Eglise qui avance, accomplis ce qui est bon pour chacun, porte tous à la perfection et Tends-nous dignes de ton royaume : par la grâce et la miséricorde et l’amour pour les hommes de ton Fils Unique, avec lequel tu es béni, etc.

Le Typicon de la Grande Eglise olfre des données éparses qui coïncident avec celles de la traduction arabe. Le jeudi saint, p. ex., après le lavement des pieds au narthex, le patriarche fait son entrée à l’église :

Cette prière s’adapte parfaitement à l’ancienne entrée, telle qu’elle apparaît chez s. Maxime le Confesseur (33). L’Eglise qui avance est évidemment l’ensemble du peuple et du clergé.

On dit la prière de l’entrée : le patriarche fait son entrée avec l’évan' gile, sans encens ni chandeliers, et monte au trône de l’abside (27).

La prière actuellement en usage est commune aux deux liturgies dans les mss, sauf dans les mss italo-grecs cités ci-dessus, qui l’attri­ buent à la Liturgie de saint Basile.

La prière de l’entrée était donc récitée à la porte de l’église. La mention de l’absence de cierges et d ’encens pour cette entrée, comme (24) Le cod. Pyromalos et la version de la Liturgie de s. Basile publiée par Morel, Cf. POC XV (1965), pp. 346-47. ' (25) Et comme cela se faisait au temps de s. Maxime et de s. Germain, cf. POC XV (1965), pp. 350-51. Chez s. Germain il y a une préparation des dons (πρόθ-εσις) avant les àntiphones (ch. 36, Borgia, pp. 28-29). La récitation par le prêtre de la prière de la prothèse avant les antiphones apparaît dans le texte latin d’Anastase (ch. XXX, Borgia, p. 21), mais non dans le texte grec original. Notons que aussi bien chez Anastase que dans le ms. contemporain Barberini grec 336 (Brightman, Litugies Eastern and Western, Oxford 1896, p. 309), lorsqu’on parle de la prière de la prothèse au début de la Liturgie, sa récitation est attribuée au prêtre, non à l’évêque. (26) De même, dans la traduction latine de s. Germain faite par Anastase, ch. XXXIII, Borgia, p. 22; dans la traduction géorgienne du XIe s., publiée par A. Jacob, Une version géorgienne inédite de la liturgie de s. Jean Chrysostome, dans le Muséon LXXVII (1964), p. 92. Les mss anciens ne donnent que l’incipit du verset; cependant, le cod. Grott. Γ. β. Ill (XIVe s.), donne encore le texte complet avec la finale «devant lui», au lieu de «devant le Christ». (27) Le Typicon de la G.E., II, p. 74.

Souverain Seigneur notre Dieu, qui as établi dans les deux des ordres et des armées d’anges et d’archanges pour la liturgie de ta gloire, fais qu’avec notre entrée se fasse aussi une entrée d’anges saints, qui célèbrent (28) Ibid., p. 80; cf. aussi l’orthros du samedi saint, p. 82. (29) Ibid., p. 84. (30) Diataxe Athènes 662 (cf. note 5) : είσελ-3-όντος èv τφ μεσονάψ ; Typicon Moscou Saint-Synode 381 (Kxasnoseltsev, Materialy, p. 23 έν τφ μέσωνα φ ; Diataxe cod. Jérusalem, Patriarcat grec-orthodoxe 305 (XVe s.) (Krasnoseltsev, Materialy, p. 88) : έν μ έσ φ τοϋ ναού. (31) Diataxe, cod. Var. gr. 573 (XVe s.) (Krasnoseltsev, Materialy, p. 103) : όπίσω τοϋ άμβωνος. (32) Barberini grec 336 (VIIIe s.), cf. ci-dessus, note 25; Grott. Γ. β. VII (IXe s.); Euchologe de Porphyre (Xe s.), cf. d-dessus, note 16. L’origine italo-grecque de ces mss a été prouvée par A. Jacob ; voir pour l’Euchologe de Porphyre son article L'Euchoioge de Porphyre Uspenski cod. Leningr. 226 {X e siècle), dans Le Muséon LXXVIII (1965), pp. 175-76. Pour le texte de la prière, voir A. Jacob, Zum Eisodosgebet der byzantinischen ChrysostomusUturgie des Vat. Barb. gr. 336, dans Ostlcirchliche Studien XV (1966), pp. 35-38. (33) Cf. ci-dessus, note 1.

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avec nous et avec nous glorifient ta bonté : car à toi convient toute gloire, honneur et adoration, Père, Fils et Saint Esprit, maintenant, etc.

\ Cette prière ne mentionne pas l’entrée à l’église ni même l’entrée du peuple avec le clergé. Son allusion à la liturgie des anges et à la célébration avec les esprits célestes, fait penser plutôt à une prière pour l’entrée au sanctuaire, qui, selon s. Maxime le Confesseur, représente les régions célestes (34). Nous n ’avons pas cependant de documents antérieurs au VIIIe siècle qui nous permettent de retracer l’origine de cette prière ni la place de la Liturgie pour laquelle elle a été composée. La prière de l’entrée est précédée de l’invitation diaconale : Prions le Seigneur. La formule plus longue : En paix prions le Seigneur, apparaît dans plusieurs documents du XIe et XIIe siècle (35). Selon un de ces documents, le peuple répondait Kyrie eleison à l ’invitation diaconale et Amen à la fin de la prière (36). Un document du XIIIe siècle prescrit le Kyrie eleison comme réponse à l’invitation, même si celle-ci, selon la rubrique, était dite à voix basse (37). Dans des mss plus récents, l’invitation est sous-entendue (38). La prière était-elle dite à haute voix? L’existence d’une invitation diaconale le fait supposer, car ces invitations s’adressent, non au prêtre seul, mais aussi au peuple, tout comme VOremus romain. D ’autre part, le cod. Barberini, de la fin du VIIIe siècle, qui donne la rubrique μυστικώς pour la récitation de certaines prières (39), ne met pas une telle rubrique à la prière de l’entrée. Selon l’Euchologe de Porphyre, italo-grec du Xe siècle, elle était dite en secret (40); mais elle apparaît prononcée à haute voix dans plusieurs mss du XIe et XIIe

(34) Cf. H.-J. Schulz, Die Byzantinische Liturgie, Vom Werden ihrer Symbolgeslalt, Freiburg im Breisgau 1964, p. 85. (35) Version arabe publiée par Bacha (cf. ci-dessus, note 16); traduction latine de la Lit. de S. Basile publiée par G. Morel, Liturgiae sive Missae Sanctorum Patriim, Paris 1560, p. 33. God. Pyromalos, dans Goar, Euchologion, p. 154. Dans ce dernier document, le scribe, confondant l’invitation à la prière de l’entrée avec le début de la grande synaptie qui, dans ce ms., suit immédiatement l’entrée, a écrit : «En paix, prions le Seigneur, etc.». Après l’entrée, il répète : «En paix, prions le Seigneur» et donne le formulaire de la synaptie. (36) Dans la version publiée par-Morel. .Le Kyrie eleison est attesté aussi par le cod. Paris Coislin grec 214 (XIIe s.), fol 4r. (37)

Cod. Ettenheim Munster 6, cf. ci-dessus, note 4.

(38) Sin. gr. 1020, et cod. Falascae, cf. ci-dessus, note 4. (39) Avant la prière qui suit le Sanctus et, dans la Liturgie de Chrysostome, avant l’anamnèse, l’épiclèse, la prière avant le Pater et la prière d ’inclination après le Pater, cf. Brightman, Liturgies, pp. 324, 329, 330, 338, 340. (40) Krasnoseltsev, Svedenija, p. 285.

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siècles (41). Dans certains de ces documents, la doxologie n’est pas séparée de la prière par la rubrique «ecphonèse», et le peuple répond Amen (42); signes évidents d ’une récitation à haute voix. Depuis la fin du XIIe siècle on prescrit la récitation à voix basse (43). La pratique a dû se généraliser au cours du XIIe siècle. Selon un document du XIVe siècle, tous les célébrants — patriarche, évêques et prêtres — récitaient, évidemment à voix basse, la prière de l’entrée (44). A ce propos, il faut dire un mot au sujet de l’ecphonèse c.-à-d. de l’exclamation doxologiquc à la fin des prières. Il y a des cas où cette rubrique (έκφώνως, έκφώνησις) est intercalée entre une prière, dite de toute évidence à haute voix, et sa doxologie, comme il arrive au Notre Père (45). 11 faut en conclure que la rubrique έκφώνως n ’implique pas nécessairement la récitation à voix basse de la prière qui précède. On peut remarquer le soin avec lequel le cod. Barberini insère la rubrique «en secret» devant certaines prières de l’anaphore de Chrysostome : prière après le Sanctus, anamnèse et épiclèse. Puisque la prière avant le Sanctus n ’a pas cette rubrique, la conclusion s’impose que cette prière était encore dite à haute voix ; cependant, elle se terminait par une «ecphonèse», l’introduction au Sanctus : Chantant l'hymne de victoire, etc. L’ecphonèse devait donc être la partie finale d ’une prière, récitée ou chantée d ’une façon plus ornée et introduisant une réponse du peuple. La bénédiction de l’entrée

La prière terminée, le diacre invite le p rêtre'à bénir l’entrée ; Bénis, maître, la sainte entrée. Et le prêtre, bénissant la porte : Bénie soit l'entrée de ton sanctuaire, en tout temps, maintenant, et toujours, etc. Le m ot είσοδος, comme en français «entrée», peut signifier soit la porte d ’entrée, soit l’action d ’entrer (46). Ici il est pris au sens de porte d ’entrée, et c’est bien la porte que le prêtre bénit. (41) Du moins, ces mss ne mettent pas la rubrique μ υ σ τικ ώ ς: Version arabe (XIe s.), cf. ci-dessus, note 16; Version géorgienne (XIe s.), ci-dessus, note 26; Paris grec 328 (inédit, XIe s.), p. 11 ; Sin. gr. 9Ti (XIIe s.), Dmitrievskij, Opisanie II, p. 83; Paris gr. 330 (inédit, XIIe s.), p. 3-4; Paris Coislin gr. 214 (XIIe s.), fol. 4r-4v; Paris gr. 391 (XIIe s.), fol. 4v; Version latine publiée par Morel, cf. ci-dessus, note 35; cod. Pyromalos (XIIe s.), Goar, Euchologion, p. 154. (42) Cod. Pyromalos et version de Morel. (43) Version de Léon Toscan (v. 1180), éd. A. Jacob, La traduction de Léon Toscan, dans Orientalia Chnstiana Periodica XXXII (1966), p. 141 ; cod. Ettenheim Munster 6, cf. ci-dessus, note 4); Dialaxe de Philothée (ci-dessus, note 6); Diataxe Val, gr. 573 (ci-dessus, note 31). (44) Cod. Saint-Sabas 362, Dmitrievskij, Opisanie II, p. 305. (45) Déjà dans le cod. Barberini 336, Brightman, Liturgies, p. 339. (46) Cf. Le Typicon de la Grande Eglise II, index liturgique, s.v. είσοδος.

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ANTIPHONES. TYPICA. ENTRÉE

Των άγιων doit être interprété, à notre avis, comme le génitif de τά άγια (Sancta, le sanctuaire, le temple), appellation fréquente dans l ’Ancien Testament pour le temple de Jérusalem (47).. La traduction «l’entrée de tes saints» au lieu de «l’entrée de ton sanctuaire» ne semble pas convenir au contexte. «Tes saints» serait une dénomina­ tion antique du peuple chrétien, en aucun cas dü clergé seul. Pour admettre le sens «de tes saints», c.-à-d. paraphrasant la formule : «Bénie soit la porte par où entre ton peuple saint», il faudrait appliquer la bénédiction à la porte de l’église, non à celle du sanctuaire. Or, comme nous le verrons tout à l’heure, cette bénédiction apparaît tardivement, à une époque où la procession se faisait pratique­ ment comme de nos jours. / Disons, comme chose évidente, que les mots «tes saints» ne font aucune allusion aux dons du sacrifice, qui restent en dehors de l’horizon de la Liturgie de la Parole. Gette bénédiction n ’est pas ancienne. vers la fin du XIIe siècle (48).

Elle a dû être introduite

Les variantes de son texte sont minimes; elles se réduisent à l ’intercalation des mots «ô notre Dieu» (49) ou «Seigneur» (50) après «ton sanctuaire». Voici une rubrique curieuse d ’une Diataxe du XVe siècle pour la bénédiction de l’entrée : r Le prêtre, tenant la main au dedans du phénolion, bénit l’entrée en disant : Bénie soit, etc. (51).

L ’ostension de l’évangile et le verset d’entrée

Après la bénédiction de la porte, le diacre présente l’évangile au prêtre, qui le baise; si l’évêque ou l’higoumène sont présents, c’est à eux qu’il offre l’évangile à baiser.

(47) Ps. 133, 2; Is. 57. 15; Jer. 28, 51; Ez. 44, 5-9, 11, 13, 15-16. (48) Elle manque dans la version arabe du XIe siècle, éd. Bacha (ci-dessus, note 16); dans Sin. gr. 973 (XIIe s.) (ci-dessus, note 41); dans les codd. de Paris cités à note 41 ; dans la version latine du X IIe s., éd. Morel (ci-dessus, note 35), et même dans la version arménienne du XIIIe s.,^ publiée par G. Aucher dans Xpycoctomika, p. 378. (49) Version de Léon Toscan (ci-dessus, note 43), et cod. Ett, Munster 6 (ci-dessus, note 4). (50) Diataxe Athènes 662 (ci-dessus, note 5); Moscou Saint-Synode 381 (ci-dessus, note 5). (51) Val. gr. 573 (ci-dessus, note 31).

l ’entrée

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L’Euchologe de Porphyre (Xe siècle) dit seulement que le prêtre fait une inclination à l’évangile (52). La rubrique du baiser n ’apparaît que dans des mss tardifs (53), et aussi, par conséquent, le cas spécial où l’évêque ou l’higoumène assistent à la Liturgie. Le diacre alors, se mettant devant le prêtre, face à la porte, élève l’évangile et trace avec lui une croix, en disant : Sagesse, debout. L ’élévation de l’évangile est attestée au Xe siècle, ensemble avec celle de l’encensoir, mais sans mention du signe de croix (54). Des manuscrits allant du XIe au XIVe siècle (55) précisent qu’on élève l’évangile pour le montrer; une Diataxe du XII-XIIIe siècle (56) interdit explicitement de tracer le signe de croix, probablement parce qu’on commençait à le faire; cette action apparaît dans un document du XIVe s. (57). L ’édition de Doucas parle encore de la simple élévation (58). Le signe de croix est donc assez récent. Les mots Sagesse, debout apparaissent depuis le Xe siècle (59). La Diataxe de Philotée dit que le prêtre et le diacre s’inclinent ensuite, sans doute pendant le chant du Venez, adorons. L’exhortation Sagesse accompagnant l’ostension de l’évangile est ordinairement censée s’appliquer à ce livre, comme si l’on disait : «Voici la Sagesse». Cette interprétation est pourtant difficile à justifier. Dans la liturgie actuelle, le diacre dit Sagesse aussi à d ’autres moments : avant l’apôtre, avant les eephonèses des deux prières des fidèles, avant le Credo. De même, en dehors de la Liturgie, avant les lectures et, à la fin des vêpres et de l’orthros, avant le tropaire à la Sainte Vierge : Plus vénérable que les Chérubins. Selon le Typicon de la Grande Eglise, on le disait aussi avant le Dirigatur (ps. 140, 2) de la Liturgie des Présanctifiés, avant le chant (52) Krasnoseltsev, Svedente, p. 285. (53) Diataxe Athènes 662 (XIIe-XlIIe s.) (ci-dessus, note 5); Moscou SaintSynode 381 (ci-dessus, note 5); Diataxe de Philothée (cf. note 6); Saint-Sabas 362 (cf. note 44); Vat. gr. 513 (cf. note 15). (54) Euchologe de Porphyre (cf. note 16). (55) Version arabe (cf. note 16); Léon Toscan (cf. note 43); Sin. gr. 973 (cf. note 41); Diataxe de Philothée (cf. note 6); Saint-Sabas 362 (cf. note 44). (56) Athènes 662, éd. citée (note 5), p. 7; de même le Vat. gr. 573 (XVe s) (cf. note 15). (57) Moscou Saint-Synode 381 (cf. note 5), à moins que ce ne soit une mauvaise lecture de Krasnoseltsev, car ordinairement ce ms. suit à la lettre la Diataxe d ’Athènes et le texte à cet endroit semble être corrompu: ό διάκονος... α ίρει... κ α ί έκ φ ω ν εί Σ ο φ ία , ορθοί, ό μέντοι τυ π ώ ν κ α ί σταυροειδοις. Diataxe d ’Athènes : ού μέντοι τ υ π ο ΐ κ α ί στα υροειδώ ς. (58) Dans C.A. Swainson, The Greek Liturgies, Cambridge 1884, p. 114. (59) Euchologe de Porphyre.

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du cantique de l’Exode à la vigile pascale (60); selon un ms. plus tardif qui s’inspire du même Typicon(61), avant le chant d ’un tropaire; selon une Diataxe du XVe siècle, avant l ’alleluia de la Liturgie (62). Les deux mots réunis : Sagesse, debout, sont prononcés avant la lecture de l ’évangile. Le Typicon de la Grande Eglise les prescrit avant l’ecténie qui suit l ’évangile (63); la traduction arménienne du XIIIe siècle, avant le trisagion (64). Dans tous ces cas, on suppose que le peuple était assis, soit pendant le chant de l’alleluia, soit pendant l’homélie, soit pendant le chant des tropaires. L’avertissement Sagesse ne précède donc pas seulement une lecture, mais également une litanie, un chant ou une ecphonèse. Aussi ne peut-on pas affirmer qu’il contient une allusion à la Parole de Dieu. A notre avis, il n ’est que l ’équivalent de πρόσχωμεν (soyons attentifs), c.-à-d. un rappel de l’attention (65). Avant les deux ecphonèses qui terminent les prières des fidèles, il avertit le prêtre, qui se trouve à l’intérieur du sanctuaire, de la fin de la litanie, afin qu’il prononce l’ecphonèse. Avant les tropaires, le trisagion, le prokeimenon ou l’alleluia, il demande au peuple de faire attention au chant qu’on va entonner. Avant les lectures, on utilise les deux formules : Sagesse et Soyons attentifs pour exciter l’attention des fidèles (66). A l’entrée avec l ’évangile, il avertissait le peuple de se lever pour recevoir l’évêque et aux lecteurs de chanter le verset d ’entrée : Venez, adorons. Nous pouvons confirmer cette interprétation par un passage du Commentaire de l’Explication de la Divine Liturgie de Nicolas Cabasilas : (Le trisagion) terminé, le prêtre invite tous les fidèles, écartant toute attitude négligée.ou nonchalante, à prêter attention à ce qui se fait et se chante : car tel est le sens du π ρ ό σ χ ω μ εν «Soyons attentifs».

(60) Ed. citée, I, p. 246; II, p. 84. (61) Ibid. II, index liturgique, s.v. σοφία. (62) Vat. gr. 573 (cf. note 15). (63) Ed. citée, Π, p. 95. (64) Cf. note 48. (65) L ’avertissement, π ρ ό σ χ ω μ εν semble être plus ancien que σοφία. Il apparaît, en effet, dans les Constitutions Apostoliques, avant le baiser de paix et avant le Sancta sanctis (VIII, 11, 7; 13, 11; Funk, pp. 494, 516). (66) Avant lé Credo on a combiné les deux avertissements : έν σοφία π ρ ό σ χ ω μ εν , mais les mots έν σοφία n ’apparaissent pas dans les documents les plus anciens, p. ex. : Croît. Γ. β. VII (IXe s.), fol. 7Γ; version géorgienne (XI* s.), art. cité (note 26), p. 104; Barb. gr. 431 (XI-XIIe s.), fol. 14r; Paris Coislin gr. 214 (ΧΠ* s.), fol. 10*.

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Puis il souhaite à tous la paix et rappelle là sagesse avec laquelle il convient d ’apporter son attention (προσ έχειν) aux saints mystères. Quelle est cette sagesse? c’est l’ensemble des pensées en accord avec la cérémonie, lesquelles, au spectacle des rites et à l’audition des formules, doivent animer les chrétiens remplis de foi pour ne laisser nulle prise à aucun sentiment purement humain. Telle est, en effet, la sagesse des chrétiens; et c’est ce que signifie l’acclamation «Sagesse», qui est redite par le prêtre aux fidèles en maints endroits de la liturgie : c’est un rappel de ces pensées-là... Quelle nécessité y a-t-il de ce rappel? C'est que la tyrannie de l’oubli est grande... un rappel du dehors nous est nécessaire pour que nous puissions reprendre à nouveau notre esprit emporté par l’oubli et entraîné à de vaines imaginations. Telle est également la signification du tropaire qui sera chanté pendant le transfert des oblats à l’autel : «Déposons toute préocupation mondaine». C ’est bien, en effet, le sens de ce mot «Sagesse» (67). Le verset d’entrée

On chante alors le verset d’entrée, qui est, pour les jours ordinaires : Venez, adorons, etc. (ps. 94, 6). Dans le Typicon de la Grande Eglise, ce sont les lecteurs qui chantent les antiphones (68), et quelques manuscrits postérieurs précisent encore que les lecteurs chantent aussi le verset d ’entrée (69). Des mss tardifs, probablement tous monastiques, attribuent ce rôle au peuple, c.-à-d. à la communauté des moines (70). Depuis le XIe siècle on répond au verset d ’entrée par le refrain : Sauve-nous, Fils de Dieu. Le texte ordinaire du refrain semble avoir continué : né de la Vierge, nous qui te chantons. Alleluia. En effet, quelques documents du XIIIe siècle et postérieurs (71) donnent ce verset comme réponse au Venez, adorons même si les tropaires qu’on mentionne ensuite appartiennent parfois à des dimanches ou à d ’autres jours en dehors de Noël. Dans un de ccs documents (72), le témoignage est encore plus explicite, car à tous les versets du troisième antiphone le refrain Sauve-nous, etc. présentait l’incise : ressuscité des morts ou admirable dans les saints, tandis qu’avec le verset d’entrée on chantait : né de la Vierge. (67) Liturgiœ Expositio, 21; PG 150, 413. La traduction est de S. Salaville, Sources Chrétiennes 4, Paris 1943, pp. 129-13Ô. (68) Cf. tome Π, index liturgique, s.v. α ναγνώ σ της. (69) Version arabe (cf. note 16), cod. Ett. Munster 6 (cf. note 4). (70) Moscou Saint-Synode 381 (cf. note 5); cod. Falascae, éd. Muretov K materiaiam, p. 10-17.; Vat. grec 573 (cf. note 15). (71) Léon Toscan (en marge); cod. Ett. Munster 6; Grott. Γ.β. ΙΠ (XIVe s.). (72) Cod. Ett. Münster 6.

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La traduction géorgienne du XIe siècle (73) donne, comme réponse au verset d ’entrée, une rédaction plus longue : Sauve-nous, Fils de Dieu, né de la Vierge et glorifié par tes saints, etc. Les jours qui ont des antiphones spéciaux, le refrain Sauve-nous, etc. passe au deuxième antiphone. Le troisième a, comme refrain, le tropaire de la fête. Puisque le verset d ’entrée n ’est que le dernier verset, qu’on chante, du psaume du troisième antiphone, il doit avoir comme refrain le tropaire de la fête, tout comme les versets précédents. Cet usage, qui était l’unique, anciennement (74), est encore en vigueur aujourd’hui chez les Russes. Chez les Roumains, les Grecs et les Melkites on répond au verset d ’entrée par le Sauve-nous, etc. qu’on a chanté au deuxième antiphone. Le troisième antiphone des fêtes a donc été contaminé dans ces pays par celui des joins ordinaires. Avant le XIe siècle, le refrain Sauve-nous, etc. n ’était chanté qu’au deuxième antiphone, et seulement les jours de Noël, de l’Epiphanie, de Pâques jusqu’au dimanche suivant, et le dimanche de la Pentecôte (75). Pour le troisième antiphone, on chantait, comme refrain, un tropaire, comme on fait actuellement aux fêtes du Seigneur. Les dimanches c’était le O Fils Unique·, aux mémoires des saints, le tropaire du saint (76). Mentionnons un usage qui apparaît dans le Typicon de la Grande Eglise : le 9 janvier, commémoraison d ’un tremblement de terre et du saint martyr Polyeucte, la liturgie était stationale, et la procession allait de la Grande Eglise à celle du martyr. A l ’entrée de l’église, au lieu du verset psalmique Venez, adorons, on chantait le Kyrie, eleison, en mémoire du tremblement de terre (77). La traduction géorgienne du XIe siècle prescrit le chant du Kyrie eleison comme réponse du peuple au refrain Sauve-nous, Fils de Dieu (78).

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Dans une Diataxe italo-grecque du XVe siècle (79) on trouve une salutation spéciale pour ce moment. Le diacre disait au prêtre ; Εις πολλά έτη, δέσποτα fad multos annos, domine), et le prêtre répondait : "Αμα xtj αιώνια ζωτ) ήμών (simul cum vita nostra aeterna). C ’était probablement un usage local, que nous n’avons pas trouvé ailleurs. Selon la traduction arabe du XIe siècle, l’archevêque faisait trois inclinations avant d ’entrer (80). Le baiser des portes apparaît seulement dans un ms. constantinopolitain du XIVe siècle (81), où la file droite des diacres, prêtres et évêques baisait le battant de droite, et la file gauche celui de gauche. Lorsque le patriarche arrivait aux portes, les ostiaires (ώσχιάριοι) fermaient les portes afin qu’il put commodément baiser les deux battants. Ensuite ils les rouvraient et le patriarche entrait. Entrés au sanctuaire, après que le diacre a déposé l’évangile sur l’autel et s’est mis de côté, le prêtre baise l’évangile et l’autel et le diacre l ’autel. Parmi les documents que nous avons examinés, le seul qui parle d’un baiser de l’autel, mais seulement de la part des diacres, est une description de la Liturgie patriarcale du XIVe siècle (82). Dans la Liturgie pontificale actuelle, l’évêque encense l’autel tout autour en forme de croix, ensuite le sanctuaire, la prothèse et les icônes, le tout pendant le chant des trôpaires. Cet encensement, mais limité à l’autel, est attesté pour la liturgie sacerdotale par un ms. du XIIIe siècle où c’est le diacre qui encense (83); pour la Liturgie pontificale par la traduction arabe du XIe siècle où le second diacre encense, et par la description constantinopolitaine du XIVe siècle, où l’encensement est fait par le patriarche (84). Dans un document italo-grec du XIVe siècle, l’encensement est étendu à la table de la prothèse (85). Il s’agit évidemment d ’une marque d ’honneur faite à l ’autel lorsqu’on entre pour la première fois au sanctuaire. C ’est une cérémonie

L ’entrée au sanctuaire

Le diacre et le prêtre, qui s’étaient inclinés pendant le chant du Venez, adorons, se redressent et entrent au sanctuaire. (73) Cf. note 26. (74) Cf. Typicon de l'Evergétis, 14-IX (Opisanie I, 274); 21-XI (ibid., 322); 2-II (ibid., 407); 25-III (ibid. 432); Ascension (ibid., 586). (75) Cf. Le Typicon de la G. E., Π, index liturgique, s.v. άντίφωνον. Au XIe s., le refrain Sauve-nous apparaît au troisième antiphone dans la version arabe (cf. note 16) et dans la version géorgienne (cf. note 26). (76) Le Typicon de la G. E. II, index liturgique, s.v. τ ρ ο π ά ρ toy. (77) Ibid. I, p. 192. (78) Cf. note 26.

(79)

Vat. gr. 573 (cf. note 15).

(80) Ed. Bacha (cf. note 16).

Le texte arabe donne ■>·» -J ■ Bacha

traduit «U se prosteme)>, mais le verbe arabe traduit le grec προσκυνεΤν (cf. ps. 94, 6), qui plus souvent signifie une inclination. (81) Soint-Sabas 362 (cf. note 44). (82) Ibid. (83) Cod. Patmos 719, Dmitrievskij, Opisanie II, p. 173. (84) Cf. notes 16 et 44. Selon le deuxième document, l’encensement avait lieu comme dans le rite romain : d ’abord, le patriarche encensait l’autel, ensuite il était lui-même encensé par le castrensis. Pour encenser l’autel, il en faisait le tour, s'arrêtant à chacun des quatre côtés (σ τα υ ρ ο ειδ ές). (85) Cod. Falascae (cf. note 4).

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in :

l ’e n t r é e

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tardive, parallèle à l’encensement romain de l'autel pendant le chant du Kyrie eleison. L ’extension de l’encensement au sanctuaire, à la prothèse et aux icônes montre une méconnaissance de sa vraie signification. La traduction arabe du XIe siècle décrit un usage singulier : lorsque l’archevêque entre au sanctuaire, il se tient au pied de l’autel, devant la première marche. Les prêtres, comme auparavant ont fait les diacres, se divisent en deux groupes qui se placent l’un à droite, l’autre à gauche de l ’autel. Au moment où les lecteurs chantent le Gloire au Père de l ’antiphone, le premier sous-diacre s’avance et remet le trikirion à l’archevêque; celui-ci le prend, s’incline trois fois et bénit avec lui le sanctuaire au milieu, à droite et à gauche (86). Il est possible que cette cérémonie soit à l’origine des bénédictions avec le trikirion et le dikirion que l’évêque donne actuellement pendant le trisagion à la Liturgie pontificale. L ’évangile, la croix et l’encens à la procession

Jusqu’ici nous avons admis, sans l’expliquer, le fait que le diacre porte l’évangile à la procession d ’entrée. Les documents sont aussi assez explicites quant à la présence de l ’encens. Ni les anciens documents ni les rubriques actuelles ne font mention de la croix, sauf les livres melkites (87). On dit parfois que le livre de l ’évangile à la procession d ’entrée remplace la présence de l’évêque. Cette opinion n ’a aucun fondement dans les documents; l’évangile était porté toujours, même à la Liturgie pontificale. On peut éclairer les usages actuels par l’étude des anciens euchologes constantinopolitains qui décrivent les processions propres aux liturgies stationales. Parmi eux, nous choisissons le cod. Coislin grec 213 (A.D. 1027) (88). Cet euchologe expose en détail la sortie de la procession. Voici les passages qui touchent à notre sujet : Le sous-diacre, prenant la croix qui se trouve devant l’autel, va se placer avec elle à gauche du pontife. (Prières prononcées par le pontife). L ’archidiacre demande la permission et donne un ordre aux psalmistes, qui entonnent le tropaire de la procession. Entre-temps, un autre diacre s’approche du pontife avec l’encensoir et l’encens fie pontife bénit l’encens). Pendant que le diacre encense, le pontife prend l’évangile de l’autel et se tient au-dessus (derrière?) de celui qui porte la croix. Le diacre encense l'autel et le pontife, qui tient l’évangile; puis il se retourne pour encenser aussi la croix. (86) Xpycoctomika, p. 418, 449. (87) Cf. l’édition de Harissa (citée à note 9), p. 104. (88) Dmitrievsky, Opisanie II, p. 1009.

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Ensuite, l’archidiacre reçoit l’évangile des mains du pontife et celui-ci le baise. Celui qui porte la croix s’approche aussi de lui, pour qu’il la baise. Ils sortent alors, d ’abord le diacre qui porte l’encens, après lui celui qui porte la croix, ensuite l’archidiacre avec l’évangile et, finalement, le pontife, sans être soutenu par personne (89).

Dans les processions, on porte la croix aussi bien en Orient qu’en Occident. La croix glorieuse des anciens temps était le symbole du Christ ressuscité. La présence de l’évangile pourrait s’expliquer par le fait qu’en certains jours (90) on célébrait un office de lectures à une station intermédiaire; ces offices au Forum ou ailleurs restaient pourtant une exception, tandis que l’évangile était porté toujours. Il nous semble donc que le Livre Saint était lui aussi considéré comme le symbole du Christ, dont la Parole allait être entendue dans la synaxe eucharistique. Le livre de l’évangile qu’on porte à la procession serait ainsi en rapport avec la lecture qu’on en fera à la Liturgie de la Parole. Aux vêpres, en effet, où il y a aussi une entrée de l’évêque, mais où les jours ordinaires il n ’y pas de lectures, on porte bien l ’encens à la procession d ’entrée, mais non l’évangile. Par contre, les jours où les vêpres sont suivies d’une Liturgie des Présanctifiés avec lecture évangélique ou de la Liturgie complète, l’évangile est porté à la procession. La procession stationale est donc probablement à l’origine des cérémonies qui accompagnent l’entrée de la Liturgie. Evolution de l’entrée de l’évêque

Il n ’est pas nécessaire de décrire tous les détails de l’Entrée dans la Liturgie pontificale. Nous noterons seulement que l’évêque ne monte pas au sanctuaire pendant le chant des deux premiers antiphones, mais qu’il reste assis sur l’ambon. Seulement lorsqu’on arrive au troisième antiphone, il s’avance avec les prêtres et monte au sanctuaire. Avant le début de la Liturgie on a récité Tierce, pendant qu’on revêtait l’évêque de ses ornements. (89) Cf. la description donnée par la version arabe du XIe siècle (ci-dessus, note 3), où deux diacres tenaient les mains dç l’archevêque pendant le trajet de la porte à l’autel; aussi VOrdo romamis I, 29 : «Cum vero ecclesiam introierit pontifex, non ascendit continuo ad altare, sed prius intrat in secretario, sustentatus a diaconibus...» (éd. M. Andrieu, Les Ordines Romani du Haut Moyen Age II, Louvain 1960, p. 76). (90) 1 septembre, 25 mars, 11 mai ; cf. Le Typicon de la G. E. I, aux jours cités.

9Q

CHAP, i n :

ANTI PHONES,

t y p ic a .

entrée

Si Ton voulait faire un essai de synthèse des données sur l’entrée de l ’évêque, étudiées jusqu’ici, on pourrait y considérer une évolution en trois étapes : a) Au VIIe siècle, l ’évêque entrait à l’église ensemble avec le clergé et le peuple, Cette procession venait d ’une autre église ou bien se formait dans l’atrium. Pendant la procession on chantait un psaume ayant comme antiphone un tropaire (Introït, le troisième antiphone d ’aujourd’hui). L ’évêque et le clergé montaient au sanctuaire tandis que les fidèles restaient dans la nef. La préparation des dons, très simple, était faite après la Liturgie de la Parole. b) Depuis le VIIIe siècle, la préparation des dons s’allonge e't est accomplie, du moins en partie, avant l’arrivée de l’évêque; celui-ci entrait pendant le chant du troisième antiphone. Le peuple était entré auparavant et, pendant que les diacres préparaient les dons, on chantait deux nouveaux psaumes antiphonés. Les nouveaux psaumes et l ’ancien chant d ’entrée, considérés comme un bloc de trois antiphones, sont alors précédés chacun d ’une prière sacerdotale. La grande synaptie est dite tout de suite après la montée au sanctuaire. Les jours de procession, cependant, on conserve l’ancien usage. Cet état de choses persiste jusqu’au Xe (91) et XIe siècles (92). Les documents du XIIe siècle présentent déjà quelques nouveautés (93) : l’évêque, avant de faire son entrée, allait au diaconicon où il prononçait la prière sur les dons. Entre-temps, les prêtres et les diacres se tenaient sur la soléa et y récitaient, sans entrer dans le sanctuaire, les prières des antiphones. Il n ’y avait pas encore une bénédiction initiale de la Liturgie. L ’évêque, venant du diaconicon, faisait son entrée à l’église et restait assis dans la nef jusqu’à ce qu’on commençâ le chant du troisième antiphone. Il montait alors au sanctuaire avec le clergé. c) Pratique actuelle. Avant la Liturgie, pendant la récitation de Tierce, on revêt l’évêque de ses ornements, sur I’ambon. Il assiste donc au chant des antiphones, mais ne monte au sanctuaire que pendant le chant du troisième. Plusieurs prêtres, cependant, seront déjà montés successivement au sanctuaire pour prononcer la bénédiction initiale de la Liturgie ou les ecphonèses des synapties. Là grande synaptie est récitée avant le premier antiphone.

CH A PITRE IV

LE CHANT DU TRISAGION ET LA SESSION A L’ABSIDE

Dans un article précédent (li) nous avons montré que la grande synaptie avait sa place, jusqu’au XIIe siècle, entre le chant des tropaires et lé trisagion. Au Xe siècle, elle était appelée «prière synaptie du trisagion» (2) ou «αίτησις du trisagion» (3); dans deux documents du XIIe siècle (4) elle porte le titre de «première litanie» (5), la deuxième étant l ’ecténie après l’évangile, la troisième, la répétition de la grande synaptie qui accompagnait la deuxième prière des fidèles, la quatrième, la litanie avant le Pater. Lorsque la synaptie était dite avant le trisagion, la prière du trisagion jouait le rôle de prière de la synaptie, et celle-ci était terminée par la doxologie ou ecphonèse de la prière.

(2) Εύχή συναπτή τοΟ τρισάγιου, ou bien εύχή τοϋ τρισαγίου, cf. Le Typicon de la Grande Eglise II (Orient. Christ. Analecta 166) Rome 1963,

index liturgique, s.v. συναπτή. (3) Cf. Euchologe de Porphyre, cod. Leningrad 226, éd. N. Kxasnoseltsev Svedenija o njekotorych liturgiceskich rukopisjach Vatikanskoi Biblioteki, Kazan 1885, pp. 285. (91) Selon le Typicon de la G. E., cf. tome Π, index lit., s.v. άντίφωνον, σ υνα π τή , είσοδος. (92) Version arabe, cf. note 16. (93) Les documents cités à la note 24.

(4) Cod. Isidori Pyromali, dans Goar, Euchologion, 2e éd. Venise 1730, p. 154, et l’ancienne traduction de la liturgie de S. Basile publiée par G. Morel, Liturgiae sive Missae sanctorum Palrum, Paris 1560, p. 33. (5) Λιτανεία πρώτη.

92

CHAP. I V :

LE TRISAGION

l ’i n t r o d u c t io n

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1. L'usage actuel

2. L’introduction au trisagion

Le chant du trisagion est introduit actuellement par une invitation faite par le diacre au prêtre ; on la traduit ordinairement : Bénis, maître, le moment du trisagion (6). Chez les Grecs et les Melkites, le diacre ajoute à haute voix : Prions le Seigneur, et le chœur répond : Kyrie eleison. Cette addition n'existe pas chez les Slaves et les Roumains. Le prêtre fait alors un signe de croix sur le diacre, disant à haute voix : Car tu es saint, ô notre Dieu, et nous te rendons gloire, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et à jamais.

Le transfert de la synaptie à sa place actuelle avant le premier antiphone amena des hésitations sur la manière d’introduire le chant du trisagion.

Le diacre s’approche de la porte centrale où, levant l’orarion et s’adressant à ceux du dehors, il termine la doxologie : Et pour les siècles des siècles. Le chœur répond : Amen, et entonne le trisagion. Le moment où est récitée la prière du trisagion varie selon les pays. Les Slaves et les Roumains la récitent avànt l’ecphonèse : Car tu es saint, qui précède le trisagion. Chez les Grecs et les Melkites, le prêtre chante ordinairement le contakion final; ensuite, après l’invitation du diacre, il chante l’ecphonèse et enfin, pendant le chant du trisagion, il dit la prière du trisagion, qu’il termine à voix basse par la même doxologie. Tandis que le chœür chante le trisagion, le prêtre et le diacre le récitent à voix basse devant l’autel en faisant trois inclinations. Puis, le prêtre baise l’évangile et l’autel, le diacre seulement l’autel, et ils vont à l’abside. Pendant le trajet, le diacre dit au prêtre : S ’il vous plaît, maître (lube, domne) ( 7 ) . Et le prêtre : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Chez les Grecs et les Melkites, lorsque le chœur doit commencer la dernière répétition du trisagion, le diacre exclame : Δύναμις (Force1.). Arrivés à l’abside, le diacre dit : Bénis, maître, la chaire d'enhaut (8). Et le prêtre : Béni es-tu sur le trône de gloire de ton royaume, toi qui sièges sur les Chérubins, maintenant et toujours et pour les siècles des siècles. Amen. En certains jours de l’année, le trisagion est remplacé par un hymne différent. Les jours de Noël, Epiphanie, sixième samedi de carême (samedi de Lazare), samedi saint, dimanche de Pâques jusqu’au samedi suivant et dimanche de la Pentecôte, on chante le tropaire baptismal (Gai 3. 27) : Vous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Alleluia. Le 14 septembre et le troisième dimanche de carême, on chante : Nous adorons ta croix. Maître, et nous glorifions ta sainte résurrection. (6) ΕύΧόγησον, δέσποτα, τόν καιρόν του τρισάγιου. (7) Telle est la traduction de κέλευσον δέσποτα, cf. Le Livre des Cérémo­ nies de Constantin Porphyrogénète, éd. A. Vogt, vol. I, Paris 1935, p. 66 et passim.

a) L’introduction en usage aujourd’hui, c.-à-d. la doxologie de la prière dite à haute voix, apparaît fréquemment dans les documents à partir du XIIe siècle (9). Quelques-uns mettent la récitation de la prière avant la doxologie (10), la plupart, cependant, pendant le chant de l’hymne. Il n’y a pas pourtant d ’uniformité dans le détail. Voici quelques particularités qui apparaissent dans les documents - consultés : trois mss tardifs (11) mettent simplement l’ecphonèse : Car tu es saint, etc. Selon le cod. Ettenheim Munster 6 (A.D. 1200), le prêtre récitait l’ecphonëse et le diacre faisait signe aux psalmistes avec l’orarion. Dans Sin. gr. 1020 (XIIIe s.), ce signe se développe en un signe de croix (σταυρώνει) fait par le diacre sur le peuple avec l’extrémité de l’orarion, pendant que le prêtre dit : Car tu es saint... Saint-Esprit·, ensuite le prêtre (ou peut-être le diacre) ajoutait : Recevez le Saint-Esprit, et le peuple chantait le trisagion. Dans le ms. Patmos 709 (A.D. 1260), c’est le prêtre qui fait un signe de croix (σταυρώνει) sur le peuple en disant : Car tu es saint, etc. Le ms. Patmos 719 (XIIIe s.) met ce signe de croix (σφραγ(ζει) fait par le prêtre avant la doxologie qui, pour la première fois, est introduite par le : Prions le Seigneur, du diacre. Selon un codex Athos Saint-André (XVe s.) (12), le diacre invitait l’évêque à bénir : Bénis, maître, rhymne trisagion, et celui-ci prononçait la doxologie; ensuite, le diacre faisait signe avec l’orarion à ceux du dehors; aucune mention d'un signe de croix.

b) Selon d ’autres mss, le prêtre disait la doxologie ou une autre formule, à voix basse, durant le chant des tropaires, en sorte qu’elle ne servait pas d’introduction au chant du trisagion. Cependant, (8) Εύλδγησον, δέσποτα, τήν άνω καθ-έδραν, (9) Vatic, gr. 1554, Vatic, gr. 1863 et Paris gr. 328 (tous du XIIe siècle, inédits); Vatic, gr. 2005 (A.D. 1197-1211, inédit); cod. Ettenheim Münster 6 (c. 1200), éd. R. Engdahl, Beiträge zur Kenntnis der byzantinischen Liturgie, Berlin 1908, p. 13; Sinatt. gr. 1020 (XII-XIII* s.), Dmitrievskij, Opisanie II, p. 140; Patmos 709 (A.D. 1260), ibid., p. 157; Patmos 719 (XIIIe s.), ibid., p. 173; Athos Esphigmen (A.D. 1306) ibid., p. 266; Grottaf. Γ.β. I ll (XIVe s.), éd. S. Muretov, K materialam dlja Istorii cinoposljedovanija Liturgii, Sergiev Posad 1895, p. 13; Saint-Sabas 362 (XIVe s.), Opisanie II, p. 306; Jérusalem Patriarcat grec-orthod. 305 (Diataxe XVe s.), éd. Krasnoseltsev, Màteriaiy dlja Istorii cinoposljedovanija Liturgii Cv. Ioanna Zlatoustago, Kazan 1889, p. 88; Sinait. gr. 986 (XVe s.), Opisanie II, pp. 608-609. De même, Nicolas Cabasilas dans sa Liturgiae Expositio, ch. 21 (Pg. 150, 413 A.B.). (10) Codd. Ettenheim Münster 6, Sinait. gr. 986, Nicolas Cabasilas. (11) Codd. Athos Esphigmen, Grottaf. Γ. ß. Ill, Jérus. Patriarcat 305. (12) Opisanie L PP- 169-170.

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CHAP. IV : LE TRISAGION

dans plusieurs mss à partir du XIVe siècle, la partie finale de la doxologie est dite à haute voix par le diacre, de façon à donner le signal au chœur pour le chant du trisagion. Ainsi, dans Grottaf. Γ. ß. / / (XIcs.) (13), il n ’y a aucune introduction; probablement non plus dans Val. gr. 1811 (A.D. 1147) (14). Dans la Diataxe cod. Athènes 662 (ΧΠ-ΧΙΠ® s.) (15) et dans sa copie du XIVe s. cod. Moscou Saint-Synode 381 (16), le diacre, prenant l'orarion avec sa droite et s’inclinant, dit au prêtre : Bénis, maître, l'hymne trisagion (17); et le prêtre : Car tu es saint, etc.; après le chant du contakion, le diacre, sans rien dire, montrait l'orarion au peuple, qui commençait le chant du trisagion. Dans la Diataxe de Philothée (XIVe s.) (18), l’invitation du diacre est l’actuelle : Bénis, maître, le moment du trisagion; le prêtre, bénissant le diacre, prononçait ou bien la doxologie ou bien cette formule : Béni soit Dieu qui est glorifié par des hymnes trois fois saints (19); le chant des tropaires terminé, le diacre montrait l’orarion vers le dehors en disant à haute voix : et pour les siècles des siècles. La Diataxe italo-grecque cod. Vat. gr. 573 (XVe s.) met la même invitation diaconale que Athènes 662 cité ci-dessus; le prêtre n ’y répond pas cependant par la doxologie mais par cette bénédiction : Béni es-tu, auquel les Chérubins rendent gloire et que les Séraphins glorifient par le cri du trisagion (20); après la fin du théotokion, le diacre, debout devant les portes, tenant l’orarion avec deux doigts de la main droite, le montre à ceux du dehors disant : et pour les siècles des siècles. Le peuple chante le trisagion. Dans le ms. SaintSabas 362 (XIVe s.), apparaît l’invitation diaconale adressée au patriarche selon le formulaire actuel : Bénis, maître, le moment du trisagion, à laquelle le patriarche répondait disant à voix basse la doxologie : Car tu es saint, et faisant un signe de croix sur le diacre; le contakion terminé, le diacre

(13) Ed. S. Muretov, K materialam, p. 3, Dans le ms. on trouve la rubrique, apparemment contradictoire : έκ φ ώ νει μ υσ τικ ώ ς. Le verbe έκ φ ω νέω doit être devenu un terme technique pour signifier «prononcer la doxologie»; l’adverbe μ υ σ τικ ώ ς doit se référer à la façon d’exécution. On pourrait donc traduire ; «Il prononce la doxologie à voix basse». (14) Inédit. Le prêtre prononce la doxologie μ υ σ τικ β ς, mais le peuple répond «Amen». (15) Ed. P. N. Trembelas, Αί τρεις λειτουργίαι κατά τούς έν Άθήναις κώδικας (= Texte und Forschungen zur byzantinisch-neugriechischen Philologie 15), Athènes 1935, p. 7 (à gauche). (16) Ed. Krasnoseltsev, Materialy, p. 23. (17) Ευλόγησαν, δέσποτα, τόν τρισάγιον Ομνον. (18) Ed. Trembelas, Αί τρ ε ις Λειτουργίαι, p. 7 (colonne à droite); N. Krasnoseltsev, Materialy, p. 52. (19) Seulement dans la recension publiée par Krasnoseltsev. (20) Ed. Krasnoseltsev, Materialy, p. 104 ; Εύλογητός εί ό èv τρισαγίφ

φωνζ Οπό τών χερουβίμ δοξολογούμενος καί Οπό τών ΣεράφΙμ δοξα­ ζόμενος, πάντοτε.

l ' in t r o d u c t io n

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montrait l’orarion à ceux du dehors et disait la finale : et pour les siècles des siècles. Selon S in. gr. 986 (XVe s.), le diacre invitait le prêtre à bénir, comme dans le ms. précédent, pendant le chant du tropaire et du contakion; le prêtre bénissait vers l’Orient avec cette formule : Béni es-tu, qui reposes dans les saints et es adoré dans la Trinité Sainte, en tout temps, maintenant et à jamais. Le diacre, tenant l’orarion avec trois doigts de la main droite, se tournait vers le peuple et disait : et pour les siècles des siècles. S’il n ’y avait pas de diacre, c’était le prêtre qui terminait la formule, bénissant en même temps le peuple. Dans l’édition de Doucas (XVIe s.) (21), l’invitation diaconale et la doxologie sont dites à voix basse, pendant le chant des tropaires; le diacre montre ensuite l’orarion à ceux du dehors et dit à haute voix : et pour les siècles des siècles. Parmi les traductions, la géorgienne du XIIIe siècle (22) insère cette phrase, qui, par la place qu’elle occupe, doit être une introduction au chant : J'adore le Père, le Fils et le Saint-Esprit, Trinité consubstantielle et indivisible qui règne pour les siècles; la traduction arménienne du XIIIe siècle prescrit avant le trisagion : Sagesse, debout, sagesse (23).

c) Il y a encore quelques documents qui, tout en mettant la prière durant le chant du trisagion, comme les précédents, n ’ont aucune introduction à l ’hymne : ainsi, Sin. gr. 973 (A.D. 1153) (24) et la traduction de Léon Toscan (25); cette dernière prescrit que le diacre, sans rien dire, fasse signe aux lecteurs, afin qu’ils chantent le trisagion. Le fait de détacher la doxologie qui termine la prière du trisagion pour en faire l’introduction est évidemment un reste de l’ancien usage qui plaçait la synaptie avant l ’hymne. La doxologie ou ecphonèse terminait alors naturellement la litanie et était suivie du chant du trisagion. Lors du transfert de la litanie, l’usage grec presque général a transféré aussi la prière, plaçant sa récitation pendant le chant de l’hymne. Sans préjuger de l’opportunité de ce déplacement, il faut accorder qu’il y a un manque de logique dans le fait de laisser la doxologie isolée avant l’hymne, et de réciter ensuite la prière, terminée encore une fois par la même doxologie. Les documents du groupe b) témoignent d ’ailleurs que l’usage, pourtant très répandu, de prononcer (21) Reimprimée par C. A. Swainson, The Greek Liturgies, Cambridge 1884, p. 115. (22) Ed. M. Tarchnischvili, Liturgiae Ibericae antiquiores, CSCO 123, Scriptores Iberici I, Louvain 1950, p. 51. (23) Ed. G. Aucher, Versione armena della Liturgia di S. Giovanni Crisostomo fa t ta sul principio dell'VlIl secolo (la datation est fantaisiste), dans Xpycoctomika, Rome 1908, p. 378. (24) Opisanie Π, p. 83. (25) Ed. A. Jacob, La traduction de fa Liturgie de saint Jean Chrysostome par Léon Toscan. Edition critique, dans Orient. Christ. Per. ΧΧΧΠ (1966), pp. 144-45.

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CHAP. IV : LE TRISAGION

l ’i n t r o d u c t io n

la doxologie à haute voix comme introduction au trisagion, n ’obtenait pas tous les suffrages; dans ces mss, on emploie la doxologie ou une autre formule pour s’adresser au diacre, lui permettant de faire signe pour le chant de l’hymne. D ’autres documents (26) sont plus logiques : la doxologie reste à la fin de la prière, parfois avec la rubrique «à haute voix» (27). Un élément qui apparaît dans les trois groupes de documents et qui, par conséquent, doit être plus ancien que les diversités, est le signe fait par le diacre avec l’orarion. Le but de ce signe était à l’origine d’avertir les chantres (28) d’entonner le chant du trisagion. Ensuite, le signe a été adressé au peuple, si celui-ci chantait le trisagion, mais, mal interprété, on l’a transformé en un signe de croix fait par le diacre (29) ou par le prêtre (30) sur les fidèles. Parfois (31) il est devenu une bénédiction donnée par le prêtre avant de prononcer la doxologie. Dans les mss plus récents (32), le signe avec l’orarion n ’a pas de sens déterminé, il est indiqué comme une simple ostension de l’orarion à ceux qui sont hors du sanctuaire, le sens d’avertissement étant peutêtre sous-entendu. Demander la permission avant de commencer une cérémonie doit être une coutume ancienne. Il suffit d’un geste, comme une inclination, auquel le supérieur peut répondre par un signe de croix. Dans la traduction arabe du XIe siècle (33), l’archidiacre fait signe à l’archiprêtre pour lui demander la permission et, lorsque celui-ci répond par un signe de croix, il fait signe à son tour aux lecteurs de chanter le trisagion (34). (26) Ceux du groupe c) et, parmi ceux du groupe b), ceux qui mettent non la doxologie de la prière, mais une autre formule pour introduire le trisagion. (27) Version arménienne citée ci-dessus, note 23. La rubrique traduit le mot grec έκφώνως ou έκφώνησις, qui, comme il arrive dans le cod. Grott. Γ. β. //, (ci-dessus, note 13), doit désigner le fait de prononcer la doxologie, sans tenir compte de la façon de la prononcer. (28) Cod. Euenheim Munster 6 (ci-dessus, note 9); la traduction arabe du XIe siècle (éd. C. Bacha, Notions générales sur les versions arabes de ta Liturgie de S. Jean Chrysostome, suivies d'une ancienne version inédite, dans Xpycoctomika, Rome 1908) texte arabe, p. 419; texte français, p. 450; aussi, la traduction latine de Léon Toscan, citée ci-dessus, note 25. (29) Sinalt. gr. 1020 (XII-XIIIe s.), Opisanle.il, p. 140. (30) Patmos 709 (A.D. 1260), ibid., p. 157. (31) Patmos 719 (XIIIe s.), ibid., p. 173. (32) Saint-Sabas 362 (XIVe s.), ibid., p. 306; Diataxe de Philothée (XIVe s.), éditions citées ci-dessus, note 18, et Vat. gr. 573, cf. note 20; éd. Doucas, Swainson, op. cit., p. 115. (33) Ci-dessus, note 28. (34) O jj'jîJl 1*1* ùjSjJuî’j'iî f Le ms. appelle l'archevêque À iïD ll se réfère à l’archiprêtre.

; il semble donc que

Kjrp J

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Le document le plus ancien, à notre connaissance, qui présente une formule pour demander la permission, est la Diataxe Athènes 662 (34 bis). La formule est plus simple que l’actuelle, et se retrouve dans deux autres mss plus tardifs (35) : Bénis, maître, l'hymne trisagion. Il est connu que les mots εύλογία, εύλογεϊν sont synonymes de «permission»(36); la traduction de la phrase serait donc; Permets maître, le chant du trisagion. Certains mss du XIVe siècle présentent la formule actuelle : Bénis, maître, le moment (τόν "καιρόν) du trisagion. Le mot καιρός est parfois synonyme de εύλογία et signifie aussi «permission» (37). Il est utilisé en ce sens dans le dialogue entre le prêtre et le diacre qui précède la bénédiction initiale, où le diacre demande au prêtre la permission d ’officier (καιρός xoö πσιησαι τψ Κυρίψ = permission de célébrer pour le Seigneur). La formule actuelle est donc le résultat de l ’estompement du sens de permission, propre au mot «bénir», et de la juxtaposition conséquente de deux synonymes : εύλογεϊν, καιρός. Son objet est cependant de demander la permission pour le chant du trisagion, et non de donner une bénédiction de quelque sorte. Selon ce sens de l’invitation, le prêtre fait un signe de croix sur le diacre, comme il le fait à d’autres moments de la liturgie, p. ex. lorsque le diacre s’apprête à prononcer une litanie. Ce signe de croix ne comporte pas nécessairement la récitation d ’une formule, et en tout cas il est clair que la doxologie : Car tu es saint, n ’est pas apte à donner cette permission. Les formules données par certains mss du XIV-XVe siècle (38) ne sont pas plus aptes que la doxologie elle-même. Comme nous l’avons vu, elles se réfèrent à la Sainte Trinité et commencent par le mot «Béni» ; c’est sans doute l’invitation mal comprise qui a provoqué la composition de ce genre de bénédictions. Le Sluzebnik ucrainien publié par A. Bacinskij (39) sépare la bénédiction de la doxologie : le prêtre répond au diacre par cette formule, dont nous donnons une traduction trop littérale : Que du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, qui ont chacun des trois son hypostase, soit bénie en commun l’unique divinité et l'unique essence (40). Ensuite le prêtre prononce l ’ecphonèse de la prière du trisagion. (34 bis) Ci-dessus, note 15. (35) Moscou Saint-Synode 381 (cf. note 16); Vat. gr. 573 (note 20). (36) Au moins dans de nombreuses formules du langage ecclésiastique. (37) Le Typicon de la Grande Eglise II, index liturgique, s.v. καιρός. (38) Diataxe de Philotée, éd. Krasnoseltsev, Materialy, p. 52 : Εύλογητός b θεός, b Iv τρ ισ α γίοις ϋμνοις δοξαζόμενος, πάντοτε... Vat. gr. 573, ibid., p. 104: Ευλογητός el b έν τρισαγίψ φωνή όπό τ
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