JEUNESSE, EDUCATION CIVIQUE ET CITOYENNE. Cameroun : l’obligation civique de servir

August 30, 2017 | Author: erwin_makon | Category: Citizenship, Group Cohesiveness, Human Rights, Politics, State (Polity)
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Education civique, jeunesse, citoyenneté, cameroun...

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JEUNESSE, EDUCATION CIVIQUE ET CITOYENNE Cameroun : l’obligation civique de servir.

Publié dans www.academia.edu Par Rommel Erwin Oliviera MAKON Conseiller Principal de Jeunesse et d’Animation Hors Echelle

JEUNESSE, EDUCATION CIVIQUE ET CITOYENNE Un service d’engagement civil.

JEUNESSE, EDUCATION CIVIQUE ET CITOYENNE Cameroun : l’obligation civique de servir.

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Consulter ce document en ligne : http://independent.academia.edu/rommelmakon/Papers/1996589/JEUNESSE_EDUCATION_CIVIQUE_ET_CITO YENNE_Cameroun_lobligation_de_service_civique

Autres articles du même auteur : « Animation socioculturelle dans les universités camerounaises : action de terrains…interrogation globale » http://independent.academia.edu/rommelmakon/Papers/1897727/ANIMATION_SOCIOCULTURELLE_DANS_LES_U NIVERSITES_CAMEROUNAISES._Actions_de_terrain...interro

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PLAN INTERROGATION PLURIELLE 1- LA CONSTRUCTION D’UN REFERENTIEL DE VALEURS VALEUR 1.1. LES VALEURS COMME MATRICE DU SERVICE CIVIQUE 1.2. S’ORIENTER DANS LA DIVERSITE DES CONCEPTIONS

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1.3. LES PRINCIPAUX AXES DE L’EDUCATION A LA CITOYENNETE

2- POUR UNE ÉDUCATION CIVIQUE 2.1. UN APPRENTISSAGE GLOBAL 2.2. QUATRE ATRE TYPES DE COMPETENCES A DEVELOPPER 2.3. CONSOLIDER LES PRINCIPES ES POUR DEVELOPPER LES COMPETENCES

3- LE NECESSAIRE SERVICE 3.1. UNE PÉDAGOGIE ANCRÉE SUR LA VIE 3.2. DECRYPTAGE DES OBJECTIFS 3.3. DES MISSIONS CITOYENNES

4- FLORILEGE DES VALEURS 4.1. UN REFERENTIEL DE VALEURS 4.2. LES VALEURS THÈMES CONCEPTUELS PERTINENTS

5- FACE AUX RESISTANCES 5.1

REFUS DE L’OBLIGATION DE SERVICE.

5.2.

RENDRE ATTRACTIVIF LE SERVICE CIVIQUE

POUR CONCLURE

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INTERROGATION PLURIELLE EN GUISE D’INTRODUCTION

Q

uand on analyse les maux de notre société caractérisée qu’elle est par les déficits de cohésion sociale, l’art de se déchirer sur les questions qui devraient unir, la perte de sens, les difficultés à trouver les raisons de vivre ensemble, le magma des incompréhensions et le brasier des intolérances, on se rend à

l’évidence qu’on ne saurait répondre autrement à ces ‘’malfaçons’’ sociétales que par une éducation assise sur la qualité de la vie et le vivre ensemble. Tant il est vrai que c’est le vivre ensemble qui est menacé par la désagrégation des habitudes de vie dans la cité. Cela d’autant plus que l’évolution des temps de vie libère des disponibilités et pose de nouveaux enjeux de socialisation. Or, devant l’urgence des difficultés sociales, les réponses publiques doivent être efficaces et permettre de nouer de nouveaux liens entre les citoyens. L’éducation civique en ceci qu’elle est avant tout l’apprentissage de la vie ensemble, donne une voie de réponse. Le service civique devient alors une réplique aux dysfonctionnements de notre société et à l'urgence sociale. Il ‘agit d'un sursaut civique pour aller vers un monde plus humain. Il va s’en dire que le civisme doit être au centre de notre organisation sociale. C’est par lui que les nouvelles générations pourront se réapproprier un projet collectif qui transcende les horizons bouchés de l’individualisme. « Chacun seul est Rommel Erwin Oliviera Makon

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responsable de tous », ces propos de Saint Exupery sont fondateurs d’un civisme de responsabilisation. Comment amener les jeunes à s’investir dans la construction de la cité et à partager avec d’autres les valeurs porteuses de sens ? La création de l’Agence du service civique National de participation au développement est donc tout sauf un acte anodin. Le terme de « service

civique» est à n’en point douter, porteur d’une très haute ambition pour notre société et pour notre jeunesse. Il nous donne à reconnaître que notre pays a besoin d’engagement, et singulièrement de l’engagement des jeunes. Donner une nouvelle jeunesse au creuset républicain et offrir de nouvelles perspectives à la jeunesse d’aujourd’hui et de demain, voilà ce dont il s’agit. Le service civique est par conséquent un acte de confiance dans la capacité de notre jeunesse à servir l’intérêt général. Comment pouvions-nous rester indifférents face à une telle interpellation ? Ainsi que nous avons eu à le dire en d’autre lieu, « [notre] parti pris

pédagogique est avant tout communicationnel (…) et vise à mettre en orbite le sens de l’action ». Nous affirmions par là notre « convulsif besoin d’articuler l’action et la réflexion pour [nous] ressourcer et donner du sens aux transitions et incertitudes ».1Aussi au gré de nos expériences personnelles, de nos lectures et de notre compréhension intuitive, nous apportons notre contribution à cette démocratie intellectuelle née sous le prétexte du service civique. La pratique étant inductive de questionnement, voici les interrogations qui nous permettront d’entrer de plein pied dans le vif du service civique : 1

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- Le choix étant fait pour un service dual, à la fois volontaire et obligatoire; quel est le lien entre les deux approches ? l’un est-il le prolongement de l’autre ? - Dans le cas de l’approche obligatoire, comment limiter les inévitables dispenses (ou exemptions) ou mieux, comment rendre attractif l’obligation de service?

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- Faut-il que le service civique obligatoire soit réservé aux seuls j e u n e s a u s o r t i r d u c y c l e s e c o n d a i r e ou y i n c l u r e l e s j e u n e s d e s G r a n d e s E c o l e s ? Que faire des jeunes qui ont « passé » l’âge? - Un service obligatoire réservé aux jeunes, en l’état actuel de notre Constitution, est-il parfaitement légal? Des dispositions ont-elles été prises pour s’affranchir des questions liées au statut des appelés engagés dans un service obligatoire, eut égard à leur état de mineurs? auront-ils besoins d’une autorisation parentale ? - Comment conjuguer service civique et embauche des jeunes diplômés autrement dit, comment faire du service civique un levier pour l’emploi des jeunes? - Toujours dans l’hypothèse du service obligatoire, comment

fera-t-on

appliquer la loi en cas de refus ? - Quel contenu imaginer pour ce service « civil » 2national ? - Que faire pour garantir à la fois l’utilité sociale des actions proposées et la qualité de l’expérience offerte aux jeunes ? 2

Service « civil » ou service « civique » ? Le mot « civil » s’oppose à celui de « militaire ». Le terme « civique » fait lui

référence à des notions de citoyenneté ; il sous-entend un apprentissage de la citoyenneté et un service au profit de la communauté. Ces deux expressions ( ‘civique’ et ‘civil’) ne sont pas incompatibles, ni opposées, elles apportent un éclairage différent à ce qui reste la même réalité : instaurer un service pour tous les jeunes dans le cadre des devoirs vis-à-vis de la société. Rommel Erwin Oliviera Makon

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- Comment faire accepter à ces jeunes conscrits, l’idée qu’un engagement rendu obligatoire serait une bonne chose pour eux comme pour la nation toute entière ? Faut-il mettre en place des avantages divers ou une batterie de mesures coercitives? Des questions et préoccupations et bien d’autres dont nous ne préjugeons pas de l’intérêt. Certaines cependant ont déjà trouvé réponse à travers la réflexion qui a précédé l’engagement des pouvoirs publics à mettre en route l’Agence du Service Civique National de Participation au développement. Il s’agit pour nous de participer à la réflexion qui – de notre point de vue – devrait se poursuivre car le vivre-ensemble est une construction permanente. Ainsi, sans prétendre à l’exhaustivité, le présent article a simplement vocation à offrir un fil directeur à certaines actions de service civique et décliner la complexité d’une lecture du service civique obligatoire. Aussi nous n’aurons pas la prétention de couvrir l’ensemble des domaines du service civique encore moins de présenter l’ensemble des actions et des acteurs. Il s’agit simplement d’une volonté d’illustrer la diversité et la réflexion préalable aux actions de service civique. L’objectif étant de susciter le débat, d’éveiller la curiosité des acteurs et d’encourager les échanges.

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1- LA CONSTRUCTION D’UN REFERENTIEL DE VALEURS

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N

otre pays mobilise-t-il tout le potentiel de sa jeunesse ? L’autre versant de cette question centrale est de savoir si notre jeunesse rend la pleine mesure de ses capacité autrement dit, l’Etat est-il en droit de mettre en demeure les jeunes afin qu’ils agissent à la dimension des espoirs placés en eux ? L’exigence de

cohérence sociale est – du moins nous semble-t-il - tributaire de l’implication des jeunes dans un processus de production de la citoyenneté. Il est donc urgent de produire du sens à travers le raccommodage du tissu social que semble s’effilocher ; l’ambition du service civique étant de : • Reconfigurer le lien social, cette force qui lie les camerounais entre eux ; • Rénover le lien citoyen (égalité

politique

et

libertés

fondamentales) ; • Rétablir le lien étatique (attachement à l’État en raison de ses politiques économique, de l’emploi, scolaire, sociale, fiscale, internationale, culturelle) ;

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• Ressusciter le lien civil (appréciation de la nature des relations sociales et de la qualité de vie au sein de la société civile) ; • Réveiller le lien national (au sens premier du terme de nation, soit une communauté d'histoire, de langue(s) et de culture.). Voici du reste en quels termes la loi n° 2007/003 du 13 juillet 2007 instituant le service civique national de participation au développement rend les objectifs de ce service. En son article 5 il est dit que le service civique obligatoire vise : - la formation au civisme, à l’éducation physique, sportive et culturelle ; - la consolidation de la solidarité et de l’intégration nationales ; - la formation au secourisme et à la protection civile ; -la sensibilisation à la protection de l’environnement.

Toutefois, c’est l’article 2 de cette même loi qui en donnant son contenu au service civique, irradie la dimension conceptuelle du service civique obligatoire au Cameroun. Il y est dit que :

« Le

service civique national de participation au développement a pour but de

contribuer à la mobilisation des énergies pour répondre aux impératifs du développement économique et social du pays et de promouvoir chez tous les citoyens le sentiment national, le sens de la discipline, de la tolérance, de l’intérêt général et de la dignité du travail, ainsi que l’esprit civique et la culture de la paix. »3

Les chantiers de construction sociale dans un tel cadre se trouvent loin du discours creux et des effets d’annonce. Face à un tissu social qui tend à s’effilocher, il est urgent que l’Etat se mette en situation de catalyseur d’une action protéiforme.

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LOI N° 2007/003 DU 13 JUILLET 2007 INSTITUANT LE SERVICE CIVIQUE NATIONAL DE PARTICIPATION AU DEVELOPPEMENT Rommel Erwin Oliviera Makon

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1.1.

LES VALEURS COMME MATRICE DU SERVICE CIVIQUE

L’Etat camerounais l’a compris et a donné sa nouvelle dimension à un Ministère qui est non seulement prends en charge les questions de la jeunesse mais en outre se préoccupe de l’éducation civique. Il s’agit à n’en point douter d’implémenter une véritable politique de la jeunesse ; car il faut le dire ici : la politique de l’enseignement supérieur (ou même de l’éducation qu’elle soit secondaire ou de base) n’est pas, dans sa construction, une politique de la jeunesse. La mise en route de l’Agence du service civique national de participation au développement est la résonnance des préoccupations pour les questions d’utilité sociale et l’engagement de la jeunesse. L’article 4 du décret présidentiel du 23 décembre 2010 portant création, organisation et fonctionnement de cette agence va donner une précision qui est interpellatrice des préhensions conceptuelles de l’éducation civique. Cet article va préciser le rôle à jouer par cette structure en disant qu’elle est : « Investie d’une mission de mobilisation des énergies pour le développement économique, social et culturel du pays, et de promotion du sentiment national et patriotique, du sens de la discipline, de la tolérance, de l’intérêt général, de la dignité du travail, de l’esprit civique et de la culture de la paix ».

Le triptyque ‘’Paix – Travail – Patrie‘’, devise de la république du Cameroun, va apparaître comme la matrice de l’Education civique dans notre pays. Il y appert que, s’agissant du ‘’Travail’’ et de la ‘’Paix’’ par exemple, la quête d’autonomie du jeune et l’expérience de la citoyenneté en sont des enjeux sociaux fondamentaux. Car en effet, développer l’autonomie des jeunes, c’est aussi développer Rommel Erwin Oliviera Makon

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l’indépendance financière et résidentielle des

jeunes, en même

temps que leur capacité à prendre individuellement et collectivement les décisions qui les concernent. Cela implique

aussi un

accompagnement pertinent dans le but de favoriser une meilleure intégration sociale et une émancipation culturelle. 11

a)- La participation des jeunes à la vie de la cité renvoie en effet à des enjeux majeurs pour la jeunesse et son autonomie. Le malaise des jeunes rend compte de leurs difficultés à avoir prise, individuellement et collectivement, sur leur avenir et celui de la société. L’accès à la citoyenneté et aux droits fondamentaux procède d’une continuité éducative qui peut permettre aux jeunes d’expérimenter et d’apprendre le vivre ensemble. L’accès à la citoyenneté ne doit donc pas être conçu comme un processus passif : • Pour les jeunes, l’enjeu est d’entrer dans une nouvelle relation faite de droits et de devoirs à l’égard de la société ; • pour l’Agence de service civique, il est question de créer les conditions d’un développement de la participation des jeunes à la vie civique et d’en assurer la valorisation.

b)- L’absence de valeurs contribue à renforcer la perturbation des

jeunes dévalorisés par les échecs et frustrés de ne pas pouvoir trouver leur place. • Il s’agit donc d’établir sur les valeurs nationales, un langage commun entre tous les acteurs. • Il s’agit en outre de bâtir sur des valeurs citoyennes à visée Rommel Erwin Oliviera Makon

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opérationnelle afin d’agréger autour d’une matrice de l’action civique. C’est cette vision commune sur les données constitutives du service civique nationale et des livrables en termes d’impact sur la construction sociale, d’acquis sur le vivre ensemble et la citoyenneté qui fonde l’obligation de servir. Elle s’impose à tous les participants au service civique selon des modalités qui

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sont à définir. Appelés Volontaires Educateurs, Encadreurs

Agence nationale du service civique

Commande sociale Commande d'Etat Action sociale

REFERENTIEL DES VALEURS

Partenaires

1.2.

S’ORIENTER DANS LA DIVERSITE DES CONCEPTIONS

Cet effort de réflexion démontre à souhait que la mise en route du service civique au Cameroun doit se nourrir de toutes les contributions positives. Le pluralisme normatif que permet la diversité des sources et des références au sein de l’Education civique favorise l’explication des contradictions et la Rommel Erwin Oliviera Makon

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reconstruction des valeurs communes dans un Etat de droit. La question méthodologique, la conception et la pluralité des manuels, le discours des encadreurs, l’observation participante dans les contingents des appelés, se nouent dans une problématique complexe. Le foisonnement des contributions est même nécessaire, dans la mesure où l’opinion est de plus en plus souvent alertée, depuis quelques années, sur les signes de dégradation des comportements juvéniles qui se multiplient, inquiètent les familles, découragent les enseignants. Comportements anormaux qui ne peuvent plus trouver leur seule explication dans l’insuffisance des moyens et la surcharge du nombre en milieu scolaire ou la désinvolture parentale. La vivacité de la participation civique et sociale représente donc un enjeu fondamental pour notre société et tend à devenir une préoccupation réelle des politiques publiques. Les hautes instances de la république ont compris fort opportunément qu’on ne peut plus demander au système éducatif de prendre à lui seul en charge la solution de tous les problèmes de la société notamment ceux qui colorent le paysage de la jeunesse. Le dessein avoué est de faire des jeunes, des citoyens • Autonomes, capables de faire des choix et de gérer leur vie sur le plan personnel et sur le plan social ; • Solidaires, capables d’agir avec les autres et pour eux, de partager leurs préoccupations ; • Responsables, capables d’assumer leurs propres actes, de tenir leurs engagements et d’achever ce qu’ils entreprennent ; • Engagés, capables de s’affirmer par rapport à des valeurs, une Rommel Erwin Oliviera Makon

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cause ou un idéal et d’agir en conséquence. 1.3.

LES PRINCIPAUX AXES DE L’EDUCATION A LA CITOYENNETE

Lamoureux (1996) explicite la conception des droits et « vertus civiques » de trois grandes traditions politiques : la tradition libérale, la tradition républicaine et la tradition ‘’participationniste’’.

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La tradition libérale insiste surtout sur les droits civils qui visent à protéger les individus les uns des autres et des intrusions de l’État dans la sphère privée.

La tradition républicaine véhicule une conception de la nation civique dont la base est territoriale et non ethnique, et elle met surtout l’accent sur les droits politiques.

La tradition « participationniste », préconise une citoyenneté active. Elle met l’accent sur les droits sociaux. Le rôle de l’État est de protéger ces droits, mais il doit laisser la place à la société civile lorsqu’il s’agit de définir la vie des collectivités. Kymlicka (1992), peut nous aider à voir un peu plus clair dans l’enchevêtrement des différentes positions qui structurent les débats contemporains sur l’éducation à la citoyenneté. Il distingue quatre conceptions dans la pensée des théoriciens qui décrivent la citoyenneté : 1) la conception libérale, qui met l’emphase sur les droits qui protègent la liberté des citoyens d’investir dans leur épanouissement personnel, familial, professionnel, sans trop se soucier de la participation civique, sauf lorsque ces droits sont menacés ; 2) la conception délibérative pluraliste, qui insiste sur la participation à la délibération de la communauté politique, seule garantie que les décisions prises Rommel Erwin Oliviera Makon

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en vue du bien commun soient des compromis acceptables par toute la diversité des citoyens ; 3) la citoyenneté civile différenciée, qui met aussi l’emphase sur la participation, mais à l’échelle de la société civile seulement, où les citoyens estiment pouvoir plus sûrement contribuer à la création de biens communs qui satisfont les espérances convergentes des communautés ou des groupes restreints auxquels

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ils appartiennent; 4) la conception nationale unitaire, qui favorise davantage l’épanouissement d’une identité collective forte qui constitue la base de la cohésion de la société, dans le respect des droits des citoyens. TRADITION LIBERALE

PERSONNEL

SOCIAL

ECONOMIQUE

POLITIQUE

Obéissance à la loi Loyauté

TRADITION REPUBLICAINE

Obéissance à la loi Loyauté respect des engagements personnels sociabilité. Indépendance Tolérance Tolérance Assimilation Capacité de se suffire à soi-même Ethique du Ethique travail Fidélité Adaptabilité Solidarité aux changements peu exigeante Nation civique en ce qui Droits politique concerne Civisme l’implication Manifestation dans la vie ouverte de son politique appartenance politique

TRADITION PARTICIPATIONNISTE

CONCEPTION LIBERALE

Solidarité Appartenance Disponibilité

Droits et liberté des citoyens Épanouissement personnel

CONCEPTION DELIBERATIVE PLURALISTE

CITOYENNETE CIVILE DIFFERENCIEE

CONCEPTION NATIONALE UNITAIRE

Participation à la délibération de la communauté politique

participation, mais à l’échelle de la société civile

Épanouisse ment d’une identité collective

Partage Richesse

Adhésion aux institutions Implication directe Capacité de critique, de contestation et de mobilisation,

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Toutes ces approches ne sont pas forcément exclusives. Il ya lieu au contraire d’apprivoiser ces positions dans une démarche intégratrice qui donnera une texture pertinente au bâti de l’éducation citoyenne dans notre pays. Il est évident que la conception de l’éducation à la citoyenneté sera symptomatique de l’option choisie qui ont chacune ses avantages et ses inconvénients. L’European Youth Centre Budapest approche l’éducation à la citoyenneté comme une composante de l’éducation aux droits de l’homme étant entendue que ceux-ci touchent tous les aspects de la vie de l’homme. On admet aujourd’hui que la notion de «droits de l’homme» ne se limite plus aux seules sphères civique et politique. Elle s’applique également aux domaines social, culturel et économique et inclut même les droits collectifs et les problèmes liés à l’avenir de l’humanité. Le graphique ci-dessous illustre en cette interdépendance entre les secteurs de l’éducation qui donnent une visibilité thématique au service civique.

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2- POUR UNE ÉDUCATION CIVIQUE 17

A

ttardons nous sur le besoin de communication nécessaire à toute mise en place innovante. Le service civil ne doit pas souffrir d’un manque de lisibilité ou de communication. Et parce que l’inform mation doit être dirigée vers des jeunes, certains rendez-vous institutionnels se doivent d’être exploités au mieux pour diffuser une information ation systématique

et toucher tous les jeunes d’une classe d’âge. L’information se doit même d’être précoce dès l’école lors des cours d’éducation civique au collège, 2.1. UN APPRENTISSAGE GLOBAL Le choix de l’éducation civique, plutôt que de l’instruction civique est imposé par Rommel Erwin Oliviera Makon

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l’ampleur des transformations intervenues dans la société camerounaise et par l’ampleur croissante des problèmes économiques et sociaux soulevés depuis plusieurs décennies. Cette situation oblige à repenser les contenus et les méthodes de la formation civique des citoyens en termes globaux. A la place de l’’instruction’’, la notion d’éducation a été arrimée au terme civique pour s’accoler au vocable « jeunesse », dans la dénomination actuelle de Ministère de la Jeunesse. Le choix de ce mot signifie que les pouvoirs publics ne peuvent plus ignorer le désarroi moral d’un nombre croissant de parents, devant une transformation des rapports sociaux, des techniques et des mœurs, dont les retombées désorientent de façon de plus en plus manifeste les comportements des nouvelles générations. La Commission internationale sur l'éducation pour le XXIe siècle a mis en évidence quatre piliers sur lesquels repose l'éducation. Nous avons pensé que ces piliers devraient justement encadrer l’éducation civique. Voici énumérés ces piliers : 1- apprendre à connaître ; 2- apprendre à faire ; 3- apprendre à être ; 4- apprendre à vivre ensemble. A ces piliers sont associées quatre compétences spécifiques. 1- compétences cognitives 2- compétences pratiques 3- compétences éthiques 4- compétences sociales

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Lien citoyen

APPRENDRE À VIVRE ENSEMBLE

APPRENDRE À FAIRE •compétences cognitives

•compétences ethiques •compétences pratiques

APPRENDRE À CONNAÎTRE

Lien national, lien étatique

• competences sociales

APPRENDRE À ÊTRE

Lien civil, lien social

• Apprendre à connaître

Apprendre à connaître consiste à maîtriser les instruments de la connaissance de façon à comprendre le monde, développer ses capacités et communiquer. Cela englobe le plaisir de comprendre, de connaître, de découvrir. Apprendre à connaître suppose apprendre à apprendre, par l'exercice de l'attention, de la mémoire et de la pensée: apprendre à concentrer son attention sur les personnes et sur les choses, entraîner sa capacité de mémoire associative, de façon à faire des liens entre les innombrables données disponibles, exercer sa pensée déductive d'une part, et inductive d'autre part. • Apprendre à faire

Faire, signifie participer à la fabrication de quelque chose. Apprendre à faire, c'est développer ses compétences et se préparer préparer au travail futur. Pour apprendre à faire, il faut savoir s'adapter aux progrès techniques et technologiques, c'est-à-dire c'est développer les qualifications nécessaires pour accomplir des tâches de production plus intellectuelles, moins physiques, qu'elles ne ne l'étaient dans le passé.

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• Apprendre à être L'éducation civique doit contribuer au développement global de l’individu: physique, intellectuel, affectif, social et spirituel. Rendre l’individu plus sensible, développer son sens esthétique, sa responsabilité personnelle ; sa capacité de jugement et d'imagination. • Apprendre à vivre ensemble

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Le ‘’vivre ensemble’’ se différencie du ‘’être ensemble’’ qui est simplement de la coexistence. ‘’ vivre ensemble’’ est donc un vouloir c’est-à-dire l’expression d’une volonté de solidarité, de partage et de fraternité. Il s’exprime aussi à travers l'éducation à la paix et à la tolérance ce qui est un objectif essentiel. Pour obtenir des résultats, ne serait-ce que partiels, il faut aborder la diversité humaine en faisant ressortir les similitudes qui nous unissent et l'interdépendance entre tous les êtres humains de la planète. 2.2. QUATRE TYPES DE COMPETENCES A DEVELOPPER François Audigier propose une grille qui permet de préciser la nature des apprentissages (Audigier, 1999). Il distingue trois types de compétences: des compétences cognitives, des compétences éthiques et des compétences sociales. • Les compétences cognitives sont regroupées en quatre familles : – des compétences d’ordre juridique et politique. Il s’agit ici de connaissances sur les « règles de la vie collective et les conditions démocratiques de leur établissement » et sur les pouvoirs à tous les échelons de la vie politique dans une société démocratique. Ces connaissances appellent la prise de conscience que « les institutions publiques démocratiques » et les « règles de liberté et d’action » sont « Rommel Erwin Oliviera Makon

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sous la responsabilité de tous les citoyens » ; – des connaissances du monde actuel qui, comme les précédentes, comportent une dimension historique et une dimension culturelle. Pour pouvoir « intervenir dans le débat public et se prononcer de façon valide sur les choix offerts dans une société démocratique, il est nécessaire de savoir de quoi on parle, d’avoir quelques connaissances sur les objets qui sont ainsi discutés» ;

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– des compétences de type procédural. Deux compétences de ce type sont particulièrement pertinentes pour la citoyenneté démocratique : « la capacité d’argumentation, liée au débat, et la capacité réflexive, c’est-à-dire la capacité à réexaminer les actions et les argumentations à la lumière des principes et valeurs des droits de l’homme » ; – des connaissances sur les principes et les valeurs des droits de l’homme et de la

citoyenneté démocratique. Ces principes reposent sur « une conception de la personne fondée sur la liberté et l’égale dignité de chacun ». • Des compétences éthiques liées au choix de valeurs qui donnent sa capacité d’humanité à l’individu portée par deux valeurs fondatrices - La « dignité de la personne humaine » et - L’«esprit de fraternité », selon les termes de la déclaration universelle des droits de l’homme. Ces compétences doivent s’enraciner dans une attitude éducative générale qui assume la tâche de comprendre, et d’intérioriser les valeurs de l’humanisation. • Des compétences sociales, François Audigier distingue trois capacités d’action particulièrement importantes : Rommel Erwin Oliviera Makon

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- La capacité de vivre avec d’autres, à coopérer, à construire et à réaliser des projets communs, à prendre des responsabilités ; - La capacité à résoudre les conflits selon les principes du droit démocratique. - La capacité à intervenir dans le débat public, à argumenter et à choisir en situation. • Des compétences pratiques. Aux trois compétences développées par Audigier, nous ajoutons la dimension pratique nécessaire. Les compétences pratiques se déclinent en termes de savoir-faire mais aussi en termes d’expression de conduites et attitudes citoyennes. Vivre sa citoyenneté est aussi une expression empirique des compétences cognitives, sociales et éthiques. 2.3. CONSOLIDER LES PRINCIPES POUR DEVELOPPER LES COMPETENCES Ainsi que nous l’avons dit plus haut, le bilan est préoccupant et malgré tout, on conforte les adolescents dans un égocentrisme revendicatif censé relayer l’activisme volontariste du citoyen ou l’esprit critique. L’appel à « penser par soimême » devenu un credo philosophique à l’usage des lycéens, ne peut conduire qu’à trouer le faible tissu social. Cela n’a pas échappé à René Rémond, qui écrit : « L’enseignement a toujours été plus tourné vers l’éducation du jugement critique que vers l’inculcation de valeurs positives […] sur ce terreau s’est greffée depuis quelques décennies – pas du fait de l’enseignement mais de la société - une tradition qui va bien au-delà de l’exercice d’un jugement objectivement critique, une culture du soupçon, la crainte d’être dupe […] Nous vivons de ce point de vue, dans une culture misanthropique, tempérée de temps à autre par des accès de sensibilité ou de

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sentimentalité, mais intermittents, lorsque les médias les sollicitent »

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. C’est un système

complet de valeurs que l’Agence Nationale de service civique doit à présent construire, et presque dans l’urgence. Il est en effet, plus qu’urgent d’opérer une mutation par rapport aux objectifs essentiellement pratiques. Il ya donc pour l’Agence de Service Civique, un intérêt à démontrer et à faire intégrer aux jeunes que les choix de la vie en société n’obéissent pas seulement à des considérations utilitaires. Par- delà les convictions philosophiques et religieuses, ce qui fonde leur humanité est d’être dotés d’une conscience. Une éducation civique bien comprise doit faire comprendre aux jeunes l’idée que le bien, le juste et le vrai existent; dans un second temps, cette éducation doit les inciter à écouter par eux-mêmes la voix de leur conscience, en mettant en commun avec leurs camarades, selon la formule d’Aristote, « discussions et pensées ». Le modèle camerounais devrait s’adosser sur le triptyque « Paix- TravailPatrie» et bâtir sur l’affirmation des droits de l’Homme, sur l’amour de la patrie et la lutte contre les exclusions, la liberté et le sens du devoir, le sens de la discipline, de la tolérance, de l’intérêt général. Le but étant de manifester la cohérence et l’enracinement de ces valeurs dans la conscience des jeunes. La mise en exergue de la paix et du travail comme valeurs cardinales conduit au respect de l’autre basé sur la reconnaissance de ce qui fait aussi de lui notre semblable ; à la dignité et au goût de l’effort. Il est donc important d’enseigner les valeurs en reconstituant les repères dont les jeunes ont besoin en suivant le fil conducteur des 4

René Rémond, « Quelle école ? Pour quelle nation ? », Questions pour l’éducation civique (coordonné par J. P. Obin), Hachette-éducation, 2000, p. 42-43. Rommel Erwin Oliviera Makon

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grandes orientations suivantes : • structurer l’apprentissage des comportements de la vie en commun. On ne saurait assez insister sur la nécessité, d’amener les jeunes à se respecter les uns les autres en ayant le plus grand nombre possible d’activités communes et d’échanges constructifs ce qui implique que leur complémentarité, en fonction de leurs intérêts et de leurs réussites, soit valorisée et mise en évidence. Il y faut un cadre de travail quotidiennement défini, et, de la part des encadreurs, une expérience de la gestion des groupes. • Asseoir l’ensemble des formations sur les principes-clés des valeurs de notre pays. Ce qui exige des encadreurs qu’ils aient à la fois une expérience de terrain et une formation théorique adaptée. Ils doivent faire de véritables prouesses pour en deux mois seulement poser la fondation d’une culture civique. • L’enseignement des principes républicains sera éclairé par l’apprentissage des distinctions fondamentales apportées par l’expérience démocratique. Ainsi, pour intérioriser les valeurs de liberté les jeunes doivent-ils apprendre à être le plus possible, et sans complaisance, autonomes dans l’accomplissement des tâches qui leur sont demandées. • L’apprentissage de la paix et de l’égalité, commence par la transmission des règles du respect et de la politesse. La pédagogie de l’égalité entre femmes et hommes, de la lutte contre le tribalisme, de la lutte contre les Rommel Erwin Oliviera Makon

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discriminations, doit être mise en œuvre afin de libérer les jeunes de préjugés négatifs que la société véhicule et qui pèsent sur leur comportement. •

L’enseignement du respect d’autrui doit être l’occasion de faire réfléchir les jeunes à la notion de réciprocité. Cette notion est illustrée par les 25

formules fondatrices des rapports entre les droits et les devoirs, que tout enfant doit connaître dès le plus jeune âge :

« ne pas faire à autrui ce que

l’on ne voudrait pas qu’il vous fasse » ; « la liberté de l’un commence là où s’arrête celle d’autrui ».

Notons que la première formule, qui vient de

l’Apôtre Paul, existe aussi sous une forme positive dans Luc, 6,31 :

« De plus,

comme vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites de même pour eux.».

• La solidarité est une des conditions du vivre ensemble. À travers les travaux et exercices proposés, la première notion que les jeunes doivent acquérir est d’accepter de vivre dans une société dont la composition est aléatoire. Mais il est bon qu’ils apprennent aussi à cultiver, vis-à-vis de leurs camarades, l’empathie, qui est l’intelligence intuitive et bienveillante de l’autre. • En ce qui concerne l’apprentissage de la notion de responsabilité, toute la difficulté pour l’instructeur est de doser la sanction et la prévention, en sachant que, la sanction est un des modes d’intériorisation d’une conduite responsable. Or la sanction perd son sens aussi bien quand elle n’est plus exercée que quand elle est trop fréquente. • Sur le travail en tant que valeur. Le travail permet l'apprentissage de la vie Rommel Erwin Oliviera Makon

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sociale et la constitution des identités; il est la mesure des échanges sociaux; il permet à chacun d'avoir une utilité sociale; il est un lieu de rencontres et de coopérations, opposés aux lieux non publics que sont le couple et la famille. On insistera sur la notion de contribution, de participation et d’engagement. La notion de devoir liée au travail et au développement du pays. Le travail qui épanouit. Le travail comme expression de notre humanité. Les notions d’utilité sociale et du travail comme réponse à la demande sociale…mais aussi la question du chômage des jeunes … -Un mot sur la tolérance… La société se construit et se cimente par la tolérance. Etre tolérant c’est accepter d’autrui qu’il pense et agisse différemment, accepter de confronter des points de vue, des façons d'être et d'agir dans le respect de l'égalité et de la réciprocité, en toute confiance, dans un souci de compréhension, d'ouverture et de progrès, pour le meilleur des relations humaines. Indiquons ici quelques valeurs liées à la tolérance : assimilation, accueil, complicité, endurance, indulgence, patience, pitié, perméabilité, empathie, résistance, respect, souffrance... Selon Aristote, tolérer c'est connaître (naître avec), devenir la chose connue, sans perdre son identité. Le Service civique implique le jeune dans une démarche de connaissance et de compréhension d’autrui. En tant que creuset des valeurs républicaines, le service civique s’inscrit dans une logique de bataille contre toutes formes d’exclusion et d’injustice: tribalisme, népotisme…Il s’agit d’accepter Rommel Erwin Oliviera Makon

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la nouveauté en levant les barrages mentaux dressés par les préjugés, les a

priori, développer une confrontation positive de points de vue, de manières d’être et de faire. Etre tolérant c'est aussi un acte politique lorsqu'une société accepte de reconnaître la pluralité sous ses formes ethnique, religieuse, philosophique, 27

politique. Cette reconnaissance est fondamentale, elle est de l’ordre du devoir éthique, le ciment de toute démocratie qui favorise l’expression de toutes ses composantes. Pourtant la seule limite à la tolérance est du domaine de la loi. On ne saurait alors considérer comme acceptable ce que la loi n’admet pas.

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3- LE NECESSAIRE SERVICE … 28

’idée d’un service civique n’est pas nouvelle dans le contexte camerounais. Mais il s’agit aujourd’hui de l’’imposer comme une étape naturelle dans la vie des jeunes. C’est en effet d’u n élément de reconnaissance des attentes de la société à l’égard des jeunes et des devoirs que cela implique. Ce cadre est considéré comme essentiel pour donner une reconnaissance de la place qu’occupe chaque jeune dans le corps social. Les devoirs doivent se vivre dans une approche multidimensionnelle : devoir écologique, devoir de solidarité, devoir citoyen... En partant de ces devoirs, on peut définir des missions de service civique en faisant le point sur les besoins de la société qui sont mal couverts. C’est l’analyse de ces besoins qui permet de définir des missions, et d’affecter les jeunes dans l’exercice de ces missions. 3.1. UNE PÉDAGOGIE ANCRÉE SUR LA VIE Pour refonder les principes et les valeurs, il faut les ancrer, non seulement sur la raison, mais sur les pratiques sociales des jeunes. La pédagogie de l’éducation civique doit être active, et ne doit pas confiner à la simple prescription des normes, mais elle se donne le rôle d’éveilleur de conscience notamment pour Rommel Erwin Oliviera Makon

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l’appropriation des valeurs raisonnées. Ces valeurs doivent être illustrées à partir d’expériences de la vie collective et de la réflexion qui s’ensuivra La voie la plus pertinente pour inciter les jeunes à se conformer aux règles de la vie en société est de leur faire comprendre et toucher du doigt, en les faisant travailler ensemble, en fonction de leur âge, le sens et la portée des 29

valeurs universelles qu’on veut leur transmettre. Il s’agit aussi de promouvoir la « participation active » à des projets qui permettent, par exemple : - d’éprouver la capacité à mobiliser les connaissances acquises ; ce qui peut être obtenu aussi bien par la confrontation avec le terrain, par le test, la prise de parole, la maîtrise de l’écrit ou le débat ; - de découvrir l’environnement professionnel et la vie associative, de favoriser la connaissance des métiers; - d’éveiller sur le terrain la conscience de la rareté et l’esprit d’économie; - de permettre aux jeunes d’expérimenter la paix, l’amour de la patrie et du travail à travers des expériences concrètes vécues avec les jeunes de leur classe d’âge ; - de participer et de valoriser leurs contributions à des grands événements nationaux. 3.2. LE DÉCRYPTAGE DES OBJECTIFS De notre point de vue, la recréation d’un service civique au Cameroun répond à plusieurs objectifs : le principal est de pouvoir répondre au besoin d’engagement exprimé par les jeunes et de leur permettre de le valoriser. Rommel Erwin Oliviera Makon

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Mais c’est également de répondre à des besoins de notre société. Le service civique doit aider le jeune volontaire à « s’accomplir », mais aussi à « accomplir » une œuvre utile pour la société à laquelle il appartient. Le service civique doit donc être au service de grandes causes, identifiées comme prioritaires par les jeunes. Il doit être organisé dans des conditions réunissant des jeunes de parcours et d’origine différents, y compris des jeunes très en difficulté. Le service civique d o i t ê t r e une réponse à demande d’engagement et de

participation citoyenne, Dans ces conditions les quatre objectifs

partagés pour un service civique sont: • Permettre aux jeunes d’exprimer leur solidarité et leur désir d’engagement; • Etre utile au corps social; • Permettre aux jeunes de travailler sur le respect des autres et sur leurs différences ; • Etre utile et donc reconnu dans la suite des parcours des jeunes. Plus prosaïquement, le service civique doit satisfaire et concilier entre eux les intentions suivantes : • offrir l’occasion d’accomplir des tâches utiles à la communauté, mais aussi à celui qui les prend en charge ; • ouvrir à la citoyenneté, sensibiliser à divers problèmes de société ; • procurer une occasion de brassage et de rencontres au sein d’une génération et entre générations ; Rommel Erwin Oliviera Makon

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• présenter pour le jeune qui s’y engage un apport significatif dans son parcours personnel : enrichissement de la personnalité, acquis d’expérience. 3.3. DES MISSIONS CITOYENNES Trois types de missions pourront être réalisés en service civique: • Les missions ponctuelles et urgentes : Ce type de service vise à répondre à une situation de crise temporaire ou récurrente (catastrophes naturelles, maladies infectieuses…) pour laquelle les jeunes souhaitent se mobiliser. Les missions devront être organisées en interaction avec les gestionnaires de crise, • Des missions à l’initiative des acteurs de terrain : Une partie importante des missions devraient être réalisées à l’initiative des acteurs de terrain (associations, collectivités et jeunes euxmêmes) et proposées aux volontaires. • Des grandes causes nationales, mobilisatrices pour les jeunes : Parallèlement aux initiatives de terrain, l’organisme gestionnaire du service civique devra déterminer (seul ou sur la base d’une concertation), à échéance régulière, les missions qu’il juge prioritaires pour la nation. Chacune de ces missions devra être réalisée avec un cahier des charges précis assurant que les jeunes en service civique disposent des outils et références utiles pour l’exercice de leur mission.

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4- UN FLORILEGE DE VALEURS a formation civique et citoyenne à initier par l’Agence de service civique 32

s’appuie tant pour son organisation, sa programmation et

son

déroulement sur un référentiel des thèmes eux même découlant des valeurs ainsi mises en évidence. Nous appuyons cependant largement sur le référentiel de thèmes de l’Agence éponyme français5 Cependant, la liste des thèmes présentée n’est qu’indicative. Il faut peutêtre souligner le dynamisme de la logique formative qui anime le service civique. Les thèmes et sous-thèmes sont donc appelés à évoluer en fonction du retour d’expérience, des souhaits des appelés et des évolutions de l’actualité. 4.1. UN REFERENTIEL DE VALEURS Ce nécessaire référentiel des thèmes se décompose en deux grands groupes. Le premier groupe fait référence aux valeurs qui fondent notre République, déclinées au travers de celles de la devise nationale, paix, travail, patrie, auxquelles ont été ajouté le vivre ensemble et l’intégration nationale qui sont fondateurs de notre unité nationale ainsi que des domaines connexes. Le deuxième groupe ressort de l’organisation de la Cité avec une déclinaison duale : d’une part, le fonctionnement et de la vie en société et d’autre part, les grandes questions de société. Le défi ici est de

5

http://www.hautegaronne.gouv.fr/automne_modules_files/pmedia/public/r32316_23_referentiel_formation_civique_et_citoyenne.pdf

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donner du contenu à l’article 5 de la loi sur le service civique qui dit que « La période obligatoire du service civique national de participation au développement vise : - la formation au civisme, à l’éducation physique, sportive et culturelle ; - la consolidation de la solidarité et de l’intégration nationales ; - la formation au secourisme et à la protection civile ; -la sensibilisation à la protection de l’environnement. »

Nous confessons notre parti pris pour l’éducation civique qui renforce la démocratie 33

sociale et qui favorise l’action de proximité qui permet au jeune de découvrir puis d’adhérer à des valeurs citoyennes et développer son savoir-être. Christophe LOUIS6 dira fort opportunément que dans son champ d’intervention, le service civique repose « sur les valeurs coutumières de la pratique sociale, celles de « l’être », du « faire » et du « droit ». « L’être » souligne la responsabilité et la liberté, celle du « faire » souligne l’action au service des autres qui développe l’altérité, l’empathie et la proximité, et celle du « droit » souligne l’égalité, la justice et l’éthique. »

4.2. LES VALEURS THÈMES PERTINENTES. LES VALEURS DE LA REPUBLIQUE La paix. Fondements de la Paix. Retour sur l’histoire. Les enjeux. Les limites. Les droits et les devoirs du citoyen. Les droits et devoirs du citoyen. Le rapport à la loi. Les droits fondamentaux. L’équilibre entre droits et devoirs. La défense des droits et ses limites. La responsabilité individuelle. La discipline. La justice. Les grands principes de la justice. Les différentes juridictions. Les garanties du justiciable. Les sanctions. La prison. 6

Christophe LOUIS, « Rapport le service civique & la prise en charge des personnes sans-abris ou mal logées » Février 2010 Rommel Erwin Oliviera Makon

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Les droits de l’homme. Repères historiques. Universalité et défense des droits de l’homme à travers le monde. La dynamique des droits de l’homme : droits de la femme, droits de l’enfant, les droits de l’homme et l’environnement. Les libertés individuelles et collectives. Les libertés de pensée, d’opinion, d’expression, de religion, de travail, de circulation, de réunion et d’association. L’égalité des droits. L’accès aux droits fondamentaux. L’égalité devant la loi. L’égalité devant l’accès à l’éducation, aux services publics, à la santé et aux soins, au travail et à l’emploi. L’égalité des chances. Définition de l’égalité des chances, ses enjeux. L’équité. La question de l’équilibre régionale L’exclusion sociale. État des lieux. Les actions possibles. Les discriminations Les solidarités. Les différentes formes de solidarités. La solidarité collective. La solidarité intergénérationnelle. Les actions de solidarité. L’engagement. L’engagement associatif. VIVRE ENSEMBLE La connaissance des autres. Le respect de la différence. Le tribalisme. Le handicap. La pauvreté. La question des minorités ethniques. La gestion des conflits. Rommel Erwin Oliviera Makon

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La médiation et la négociation. Le médiateur de la République. Les conflits sur les lieux de travail. La lutte contre la violence. Origine et sources de la violence dans notre société. Les remèdes. Le lien intergénérationnel L’éthique.

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La morale L’éthique et la morale. La déontologie Les conflits d’intérêts. L’ORGANISATION DE LA CITE Le fonctionnement de la cité. La vie en société La démocratie Fondements historiques de la démocratie. Les grands principes. Les droits politiques. L’expression du peuple, les différents types de suffrages. La séparation des pouvoirs. Pouvoirs et contre-pouvoirs. La démocratie à travers le monde. Le rôle du politique. Les responsabilités du politique. Le dialogue avec les électeurs. L’éthique. Les conflits d’intérêts. Les grandes lois. Présentation de grandes lois (sur des exemples concrets). L’élaboration de la loi, les enjeux, les débats, la mise en œuvre. Le respect de la loi. La société civile. La vie associative.

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Le dialogue civil. Le monde associatif. Les principes régissant les associations. Le rôle des associations. Les relations avec les pouvoirs publics. Les réseaux sociaux. L’aménagement du territoire. La ville, les grandes banlieues, l’espace rural. Les inégalités territoriales. La mixité sociale. Les enjeux. La mise en pratique.

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La défense de la Nation. L’esprit de défense. Repères historiques. Les enjeux. L’organisation. La conscription. L’armée professionnalisée. La sécurité civile Les enjeux. L’organisation. L’engagement citoyen dans la protection civile. Les grandes questions de société. Le développement durable Le développement durable sous les trois aspects : social, économique, écologique. Les enjeux écologiques. La santé. Les grandes questions actuelles. L’accès de tous aux soins. La prévention. Les actions de sensibilisation. Le secourisme. Les médias. Le rôle des médias. La liberté de la presse. La protection de la vie privée. Sciences et évolutions technologiques. Les sciences et le progrès. Les énergies renouvelables. La bioéthique. La société de consommation. Le rapport à l’argent. Les rémunérations. Rommel Erwin Oliviera Makon

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5- FACE AUX RESISTANCES 5.1.

REFUS DE L’OBLIGATION DE SERVICE. SERVICE

L

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e choix d’un service civil obligatoire pose le problème du refus éventuel d’accomplir ce service et des dispositions pour faire face à une telle attitude. Au--delà delà du refus, il faut prévoir les diverses exemptions et dispenses. De plus, une réflexion doit être menée sur l’objection de conscience

En introduction nous posions déjà la délicate question du statut de ceux qui Rommel Erwin Oliviera Makon

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sont appelés au service civique. Lorsqu’on connait la complexité qu’il ya à manipuler le matériau humain, on devrait tout de même s’inquiéter du fait que les jeunes conscrits sont des mineurs au regard de la législation camerounaise. Ils sont donc frappés d’une incapacité et sont protégés par un arsenal de textes. Le mineur étant d’emblée placé sous la responsabilité de ses parents, quel sera le rôle à jouer par ces derniers dans la réquisition de leur progéniture ? Leur accordera-t-on le droit de donner un avis quant à l’obligation de servir adressée à son fils ou à sa fille ? La loi laisse tout de même un intervalle. Elle dit que les appelés auront entre 17 et 21 ans. Dans cet intervalle, le choix est-il laissé à l'appréciation du jeune et de ses parents en leur imposant seulement un âge maximum (avant 21 ans)? Il ne nous appartient pas d’apporter une réponse. Jeunes ou enfants ? La question ne semble pas dénuée de sens. Il faut dire que le Ministère de la Jeunesse et de l’Education civique et le Ministère des Affaires Sociales ont des logiques d’approches de l’action sociale passablement différentes notamment quand il s’agit de celle qui s’inscrit dans la quête de l’épanouissement des jeunes personnes mineures. Les textes de lois qui encadrent les missions de protection de cette catégorie de personnes, et sur lesquels repose l’action du Ministère des affaires sociales, visent à protéger ces jeunes personnes encore considérées comme vulnérables. La tendance au Ministère de la Jeunesse est de mettre en avant le besoin d’autonomie et la capacité à s’assumer. Pour le Ministère de la jeunesse, le jeune ‘’adulte’’ (encore mineur au regard de la loi), peut bien s’affranchir de la tutelle familiale pourvu qu’il démontre par son vécu, sa volonté d’autonomie. Alors que pour le Ministère des affaires sociales, le jeune mineur a besoin de la protection familiale et le Rommel Erwin Oliviera Makon

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vécu des enfants de la rue le démontre à souhait. Mais au-delà des cas spécifiques tous les jeunes en âge d’être contraints au service civique sont-ils préparés à une rupture de deux mois vis-à-vis de leur famille ? Disons un mot sur les dispenses. Une question mérite d’être répondue : Faut-il, par exemple, dispenser de service les jeunes qui ont déjà un emploi ? Et dans la négative, conviendrait-il malgré tout d’aménager leur temps de service ? Il ne faut pas penser qu’à 20 ans un jeune ne puisse pas avoir un emploi à plein temps. Peut-on libérer de façon anticipée avant la date de fin de service, un appelé pour des raisons sociales ou répondre à une offre d’emploi? Précisons pour la gouverne de nos lecteurs, que la dispense est différente de l’exemption en ceci que la première peut être accordée au jeune en raison de sa situation personnelle alors que l’exemption s’applique au jeune reconnu médicalement inapte au moment de la sélection. Aux termes de la loi,

« Des dispenses du service civique

national de participation au développement peuvent être accordées en cas d’inaptitude médicalement constatée ou dans des cas fixés par voie réglementaire » (Art.6).

Les cas fixés par voie règlementaire apporteront certainement des

réponses précises. L'objection de conscience désigne le refus d'accomplir ses obligations militaires (Service militaire, enrôlement) en s'appuyant sur des opinions philosophiques, politiques, morales ou religieuses qui prônent le respect de la vie humaine. L'objection de conscience est un acte personnel qui doit être distingué de l’insoumission. Mais un jeune peut arguer d’une objection de conscience dans le cas où certaines activités du service notamment lorsque certaines cérémonies Rommel Erwin Oliviera Makon

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patriotiques s’assimilent à des cérémonies religieuses. Il s’agit là simplement de dispense partielle quant à l’objet source de l’objection. Les grandes démocraties l’ont admise en reconnaissant que le salut au drapeau et quelques autres cérémonies patriotiques sont des actes de dévotion que l’on ne saurait rendre exigibles. Ce qui est requis du bon citoyen, c’est le respect de la république et ses institutions.

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5.2. RENDRE ATTRACTIVIF LE SERVICE CIVIQUE. Il est impératif de bâtir le service civique sous l’air de l’attractivité en démontrant son intérêt pour le parcours individuel du jeune. Des incitations à accomplir le s e r v i c e peuvent constituer la meilleure des réponses. Par exemple, l’obligation d’avoir accompli son service civique pour pouvoir postuler à un emploi dans la fonction publique pourrait être un puissant levier quand on sait que la plupart des jeunes forment le projet d’y faire carrière. L’accès à certaines indemnités ou primes notamment dans les grandes écoles pourrait également être soumis à la condition d’avoir accompli son service civique. Dans la même veine. Le service civil pourrait remplacer le service militaire pour les jeunes admis dans ces grandes écoles en cas de dispense ou pour quelque autre raison à préciser dans le code qui est appelé à régir le service civique. Dans les grandes démocraties, le séjour sous les drapeaux s’accompagne d’une indemnité versée au conscrit. Il est évident que malgré le contingentement par classe d’âge – on parle de 17 à 21 ans- le budget de l’Agence ne peut permettre à cette institution de verser à chaque jeune une indemnité. Mais, en Rommel Erwin Oliviera Makon

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centralisant ce qu’il est convenu d’appeler les ‘’stages de vacances’’ notamment dans les services publics et autres structures partenaires, en les réservant aux appelés pour la période de mobilisation, on parviendra à résoudre le problème de l’indemnité ; en centralisant ou en donnant plus de visibilité aux divers programmes jeunesses portés par divers départements ministériels, l’Agence nationale de service civique se donnera l’étoffe nécessaire à sa mission ; mais il faut pour cela, construire un portage administratif interministériel. On peut penser que du fait de la nouveauté et du compartimentage structurel de l’administration publique, le service civil est encore mal connu des administrations, même d e celles qui sont les plus concernées par les problématiques de solidarité ou d’environnement. Peut-être alors va-t-on trouver urgent, la constitution d’un groupe technique interministériel rassemblant les représentants des administrations centrales concernées. L’objectif serait de faire circuler une information actuellement très lacunaire, de travailler à quelques éléments de prospective chiffrée dans de grands secteurs (Affaires sociales, Santé, Environnement, Intérieur, Tourisme, Défense), de recenser et mettre en synergie les moyens de communication institutionnelle ou d’appui technique au développement du volontariat, de centraliser les offres de stage de vacance afin de leur donner une véritable dimension d’utilité sociale.

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POUR CONCLURE…

L

a cohésion sociale si nécessaire aujourd’hui, passe par des processus qui tissent les liens du tissu social et permettent la mise en évidence du sens d’appartenance sociétale. Le service civique se structure donc sur des valeurs qu’il entrelace avec la jeunesse, afin d’établir avec elle

et pour elle, un projet d’avenir où responsabilité rime avec volonté, où projet rime avec solidarité. Ces valeurs sont interpellatrices et mobilisatrices. Le service civique doit

donc mobiliser dans sa démarche de mise en route les intellectuels et les grandes figures qui peuvent incarner l’engagement afin de concevoir une formation citoyenne et civique de qualité, pour que chaque jeune mesure qu’il n’y a pas de citoyenneté sans engagement. Le service civique doit en outre mobiliser les universités et les écoles, pour que le service civique soit reconnu officiellement dans le parcours d’un jeune, pour qu’il puisse s’accomplir sans qu’on oppose les contraintes d’un cursus, qu’il puisse à terme être valorisé dans l’obtention d’un diplôme ou mieux d’une reconnaissance sociétale. Mais il doit aussi mobiliser les employeurs pour que l’accomplissement du service civique soit considéré comme un atout maître dans le parcours d’un jeune. Toutefois, le plein succès du service civique ne se fera que si l’ensemble de ces jeunes, ceux qui ont spontanément l’envie de s’engager et ceux qu’il faudra convaincre que la Nation a besoin de leur concours, sont fiers des réalisations du service civique.

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