intention phonetique IV

November 29, 2017 | Author: aczecjzefci | Category: Grammatical Gender, Egyptian Hieroglyphs, Noun, Reading (Process), Verb
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L’Intention Phonétique IV . Le rapport entre le signe et la langue en Egypte prédynastique. Idéogrammes et phonogrammes ...

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L’Intention Phonétique IV . Le rapport entre le signe et la langue en Egypte prédynastique. Idéogrammes et phonogrammes des potmarks des Dynasties 0, I et II pre-paper 12 july 2008

Alain Anselin

Tombe Uj du roi Scorpion d’Abydos (XXXII° Siècle BC)

Tombes de Dakhla (XX° Siècle AC)

The Egyptian Scripts Working Group

Script as material culture Workshop Egypt at its Origins 3 London 27 juillet-2 août 2008

L’ Intention Phonétique IV . Le rapport entre le signe et la langue en Egypte prédynastique. Idéogrammes et phonogrammes des potmarks des Dynasties 0, I et II Alain Anselin

Il était une fois un signe. Puis dix, cent signes. Mille signes. Le quatrième millénaire, nagadéen et prédynastique, de l’Egypte ancienne est ainsi caractérisé par une explosion iconographique progressive et saccadée où la hiéroglyphie proto-dynastique trouvera bientôt matériaux de son système d’écriture (D.Huyghe,2002, R.Friedman & S.Hendrickx,2003, G.Bréand,2008, A.Anselin,2007, L.Labridy & F.Silpa,2007,2008). De l’iconographie à l’inscription hiéroglyphique, le signe passe du rocher d’une imagerie rupestre qui fait des rives de la vallée du Nil une province orientale originale d’un continuum de cultures saharo-nubiennes (A.Zboray,2003, A.Anselin,2007, J.C.Darnell,2008), aux artefacts des cultures du IV° millénaire BC ouvertes aux routes de l’Orient. L’abondance des inscriptions n’a d’égale que la variété croissante des supports – rocs, murs des tombes, ivoire des tablettes et des étiquettes de jarres, des peignes et des manches de couteaux cérémoniels, pierre de vases et de palettes, sceaux en tous genres, épaules et flancs des céramiques.

Approchess méthodologique méthodologiquess et déf définitions Approche initions S’y distinguent aisément signes iconiques, présentant un rapport de ressemblance avec l’objet dont ils sont l’image, signes indiciels, représentés pour les propriétés qu’ils partagent avec l’objet réel représenté, par exemple, le bestiaire du pouvoir, et signes symboliques, sans autre rapport que conventionnel avec la réalité (cf. J.Dubois & al. Dictionnaire de linguistque et des sciences du langage, 1994,238). Les dispositifs d’agencement des signes iconiques des décors et des inscriptions ne sont pas non plus les mêmes. Les potmarks proprement dites semblent tenir une place particulière dans ce panorama et susciter des interrogations fécondes, en raison de la variété de leur typologie, iconique, indicielle ou symbolique. Lorsqu’on parle de potmarks, les travaux fondateurs d’Edwin van den Brink viennent immédiatement à l’esprit. Edwin van den Brink a étudié près de 2500 potmarks thinites «found foremost in graves of royalty and their officials of Dynasty 0 and I (i.e. Naqada IIIb1-Naqada IIIc3)», distribuées sur une grande variété de poteries, wine jars, jarres ovoides et cylindriques, bols et plats les plus divers etc…(E.van den Brink,1992,267-268), concentrées autour des premières Dynasties «which happens to corresponds to the overall increase in the amount of offerings placed in the burials» (K.Kroeper,2000,215). La notion de potmark recouvre en fait plusieurs réalités. «Potmarks may be : identification of the potter’s workshop ; indications of property belonging to an individual or an institution ; pertinent to or responsability for the vessel or its content in whatever manner ; identification of the person for whom the vase or its contents were intended ; and indications of capacity with whatever may be the administrative objectives» (N.Buchez,2004,682, cf. aussi G.Bréand,2008). Geoffrey Tassie classe les potmarks en trois catégories: «1) Preformal hiéroglyphs 2) Accounting marks 3) Potters marks» (G.Tassie & al., 2008). Nombre des signes de ces potmarks sont assimilables aux hiéroglyphes des inscriptions des Dynasties thinites, « recognisable as early forms of formal writing (Hassan 1983) » (G.Tassie & al.,2008), la croisée de chemins du village circulaire, nwt, le domaine, hwt, l’étendard divin, ntr (E.van den Brink,1992,267), la houe, mr, le vase, hs, le signe du k3, dont il est évident que chacun réfère à un objet ou un geste intelligible dans la culture égyptienne prédynastique. Ces signes ne manquent pas eux-mêmes, du point de vue figuratif, de points de comparaison antérieurs, en l’occurrence des pictogrammes emblématiques de l’iconographie nagadéenne, bestiaire : éléphant, ibex, addax, faucon, flamant ou autruche, crocodile, scorpion, - artefacts : harpon, flèche, barques, distribués aussi bien par incision que peinture sur des types de poterie plus anciens. Les décors peints des Vases Decorated ne sont pas des potmarks, mais offrent un arrière-pays culturel et des matériaux, dont les fameux emblèmes, aux systèmes graphiques futurs. Là où le neuf surgit, abonde l’ancien.

Les potmarks de Nekhen sont les plus anciennes, début du Nagada II, voire Nagada IC-IIA. Sur le site Hk6, un cimetière d’élite, la Tombe 16 datée du Nagada IIIA2 (B.Adams,2000, 2004), est installée au dessus de la Tombe 16 A «qui contient une trentaine de jarres à fond plat de type Rough Ware» (S.Hendrickx, 2008). Stan Hendrickx la date du début du Nagada II. «D’après l’auteur, des marques sur poteries apparaissent sur un grand nombre de ces jarres à dégraissant végétal, toujours sur l’épaule, juste sous le bord. Elles sont présentes sur vingt cinq des soixante-six jarres identifiées (…), incisées au doigt dans l’argile encore fraîche et doivent, par conséquent, être considérées comme le fait du potier luimême. La variation est limitée à neuf types, les motifs sont très simples, composés de traits fins ou courbes (Hendrickx,2008, fig. 4). (…) aucune des jarres de type Rough Ware de la tombe 16A ne montre de traces d’utilisation ou la présence de contenu (…). Il est donc probable que ces jarres ont été fabriquées spécialement pour le contexte funéraire» (G.Bréand,2008, 37-82). Un autre artefact est cette fois identifiable sans ambiguïté comme powerfact au sens où l’entend M.A.Hoffman, et de ce fait sa potmark comme une powermark, en ce sens qu’elle engage plus qu’une conception funéraire : une conception politique de l’ordre du monde et des hommes : «One of the many remarkable finds made by Barbara Adams during her excavations at HK6 was a fragmentary Polished red bowl from the fill around Tomb 16». Stan Hendrickx le date aussi des débuts du Nagada II, «closely resembling Petrie’s type P15b/d, which is characteristic for the late Naqada I-early Naqada II period». «The bowl has two potmarks on it, both of them incised after firing». L’une est un quadrupède très stylisé, l’autre, l’emblème «of the cow goddess Bat, with the characteristic angular face, protruding ears and tall incurving horns» (S.Hendrickx The Earliest Example of Pharaonic Icongraphy , Nekhen News n° 17,2005, 14-15 ). Cet exemplaire est en l’état actuel des connaissances le plus ancien, antérieur à celui de l’ostracon du temple HK29A de Nekhen. «This new find connects the elite cemetery at HK6 with the temple at HK29A», et fournit un lien direct avec le style de représentation dynastique de Bat. Aucun document archéologique similaire dans le cimetière U d’Abydos au Naqada IID-IIIA. Abydos reprendra l’idéologie de l’ordre et du chaos que Bat emblématise : [Order over chaos, it’s a royal job] (S.Hendrickx & R.Friedman, Chaos and Order. A Predynastic « Ostracon » from HK29A Nekhen News n° 15,2003,9 ). Toujours en Haute-Egypte, les potmarks d’Adaima ne mettent pas au centre du dispositif Horus ou Scorpion, ou un leader politique et culturel de l’époque, et le monde des morts - mais, largement, dans une petite localité de Haute Egypte, des potiers, et le monde des vivants. Les travaux de Nathalie Buchez et Gaëlle Bréand conduisent à son propos à préciser la définition des potmarks par leur écologie culturelle, la place qu’elles trouvent dans les pratiques sociales, domestiques ou funéraires. Ces potmarks d’Adaima sont contemporaines des inscriptions gravées sur les étiquettes ou encrées sur le ventre des jarres de la tombe Uj (Nagada IIIA1), et plus tardives que les powermarks de Nekhen Hk6 : «The oldest known pre-firing potmark identified at Adaïma found on a vase in a tomb of the Naqada IIIA1 period» (N.Buchez, 2004,682). Un corpus d’un millier de signes, classés en dix groupes «comprenant des marques réalisées avant cuisson et des graffiti incisés après cuisson», provient d’un «contexte d’occupation domestique et (d’)un contexte funéraire contemporains» (G.Bréand,2008,37-82). Il se distribue en deux types de signes, les uns symboliques (la croix de la poterie de la Sépulture 628), les autres icôniques (l’éléphant de la Sépulture 715, incisé après cuisson) :

> Sépulture 628 Nagada IID-IIIA1

> (G.Bréand,2008,43)

Sépulture 715 Nagada IIIA1

Ces potmarks nagadéennes sont antérieures aux potmarks prédynastiques des règnes de Djer, Djet ou Den (Nagada III C1C2). Si rien ne permet d’établir que l’incision après cuisson est l’œuvre du potier lui-même, nombre de potmarks sont incisées avant cuisson et donc exécutées par l’auteur dans l’atelier des potiers lui-même. Une première particularité tient au point d’application de la potmark, interne ou externe, par lequel Nathalie Buchez distingue les potmarks.

Potmarks on the inside

and the outside of bread moulds , Adaïma, Naqada IIIA1 (N.Buchez,2004,684)

Une deuxième particularité est l’abondance du type de signes, symboliques -traits, alignés ou combinés, croix, par lequel ces incisions se distinguent aisément des potmarks strictement iconographiques. La similitude des graphes symboliques des poteries d’Adaïma et des numérogrammes des étiquettes abydiennes ne suffit pas à assurer que les uns et les autres appartiennent à un même système symbolique…

Les potmarks iconographiques sont caractérisées par leur degré élevé d’iconicité et de motivation culturelle, réfèrant à la faune, ou plutôt au bestiaire, etc…. Le site d’Adaima est moins riche sur ce point que celui contemporain et royal de la Tombe Uj d’Abydos. Eléphants d’Adaima et d’Abydos & Scorpion et Faucon d’Abydos

Ces signes iconiques, ou plutôt indiciels, puisqu’ils représentent un objet réel pour ses propriétés, sont souvent graffités après cuisson, ce qui laisse supposer un auteur différent que celui prêté aux signes symboliques. L’éléphant de la jarre de la Sépulture 715 d’Adaïma tient bien compagnie à une croix -mais dans un dispositif spatial qui n’associe pas les deux signes… Car une troisième caractéristique, le «contexte utilitaire et domestique quotidien» nombreux pots à Adaïma (G. Bréand,2008, 37-82), les oppose au contexte de la déictique funéraire royale de la Tombe Uj d’Abydos, invite à la prudence en matière d’interprétation, et suggère des auteurs, des destinataires et des fonctions peut-être différentes. Si l’on peut tenir le système symbolique des étiquettes de la tombe Uj d’Abydos pour une numérographie, exprimant au moyen de symboles simples une partie du numerolecte égyptien dès le Nagada IIIA1 (A.Anselin, Signes et mots des nombres en égyptien, 2008, sous presse), rien n’est moins sûr pour les «marques domestiques» symboliques du site d’Adaïma. Quoiqu’il en soit, on est en présence de deux types de signes graphiques distincts, l’un dont les signes présentent un rapport de ressemblance figurative avec l’objet auquels ils refèrent, l’autre dont les signes présentent un rapport purement conventionnel, symbolique, avec la réalité.

ignes L’intégration progressive des ssign ignes iconiques et symboliques L’hétérogènéité des types de potmarks et leur fécondité respective n’a pas échappé à Karla Kroeper : «A strict development from abstract strokes to hieroglyphic signs is therefore not indicated. However, a development from early forms of hieroglyphs (e.g., signs for k3, ntr and hwt) to the developed form used is indicated» (K.Kroeper, 2000, 187-218). Au Nagada II, les deux types de signes, motivés et symboliques, ne cohabitent pas nécessairement à Nekhen. Aux potmarks «très simples, composées de traits fins ou courbes» des Rough jars de la Tombe 16A du site Hk6 de Nekhen «incisées au doigt dans l’argile encore fraîche et (qui) doivent, par conséquent, être considérées comme le fait du potier lui-même» (S.Hendrickx, 2008, fig. 4) – sans préjuger de leur destination, ici funéraire, s’oppose aisément le décor incisé après cuisson -un quadrupède stylisé et l’emblème cornu de Bat, d’un Polished red bowl de la Tombe 16. Au Nagada IIIA1, les potmarks d’Adaima documentent le type symbolique, et des décors figuratifs (éléphant, autruche). Cela est vrai des inscriptions portées sur des jarres et des étiquettes de la tombe Uj du roi Scorpion. Toutefois, la répartition générale des inscriptions montre que les nombres, qui «ne sont pas attestés sur les poteries», et «les hiéroglyphes ne se trouvent pas ensemble sur les étiquettes» du site d’Abydos (J.Baines The earliest Egyptian Writing : development, context, purpose, 2004,150-189) -laissant deviner une première rencontre de deux systèmes de signes plutôt que leur cohabitation et leur intégration dans un système unique. Au Nagada IIIC, la célèbre tête de massue de Narmer intègre bien des chiffres et des lettres, en fait des mots superposés aux nombres, boeufs 400.000, chèvres 1.422.000, captifs 120.000, selon la syntaxe du nombre dans la langue. Le powerfact comporte bien des numérogrammes, mais, comme la vingtaine de signes mis en scène dans un dispositif spatial en accolade du sujet et de ses attributs, ce sont tous des signes iconiques : têtards, , doigts, orant divin de l’infini (J.E.Quibell,,I,1896,9 & pl.XXVIB) A partir de la Dynastie 0, les potmarks de Minshat Abu Omar dans le Delta présentent quelques serekhs, des signes au degré élevé d’iconicité quasi hiéroglyphiques et des potmarks caractérisées par un symbolisme dénué d’iconicité, aux allures de numérogrammes sommaires ou de marques d’enregistrement, souvent cruciformes (cf.G. Bréand,2008,37-82).

Potmarks de Minshat Abu Omar à degré élevé d’iconicité (K.Kroeper,2000)

Potmarks d’Adaima à caractère symbolique (Nagada IIIA1) (N.Buchez,2004)

Potmarks de Minshat Abu Omar (Nagada III C) (K.Kroeper,2000) à caractère symbolique

Les groupes de deux et trois traits connus sur la poterie «banale» d’Adaima en Haute-Egypte au Nagada IIIA, sont attestés sur tous les types de la poterie de Minshat Abu Omar dans le delta au Nagada IIIC : bowl flat, oval and ovoid rounded small and large, wine-type, serekh-type jars, les croix sont attestées sur les serekh-type, les vases ovoides et les nw-type. Pas moins de 56 serekhs-type jars datés de la Dynastie 0, dont seulement 7 comprennent des serekhs avec ou sans Horus et les autres des potmarks (K.Kroeper,2000,189,208,214). L’intégration des deux types de marques sur les mêmes types d’objets - mais pas dans les mêmes inscriptions, est indéniable. Huit étiquettes provenant d’une tombe de Naqada (règne d’Aha, Dynastie I) intègrent les deux types de signes sur le même document. Elles portent au recto un nom, rédigé de deux signes iconiques, Neit-Hotep, et au verso, un nombre, écrit à l’aide de signes symboliques pour les unités, et de signes indiciels, entrave et corde, pour les dizaines et les centaines (A.J.Spencer,1980, pl.51,449-50, G.Dreyer,1998). Trois rois plus tard, deux potmarks identiques de la Dynastie I associent un signe figuratif, la natte d’offrandes et son pain et un signe symbolique, en fait un groupe de quatre traits. L’une provient de la Tombe Y5 d’Abydos, l’autre de la Tombe 895 d’Abu Roasch (E.van den Brink,2006), ce qui implique une autre intégration, géographique, et vraisemblablement administrative. Une série de potmarks distribués sur toute la Dynastie I (dans l’ordre, Djed, Merneith, Den, Adjib) et du sud au nord achève de documenter cette intégration graphique des signes iconiques et symboliques : Tombe 3035 Saqqara Tombe Y5 Abydos Tombes Y5 & X2 Abydos Tombe 3504 Saqqara Tombe 449 Abu Roash (Hemaka, Den) (Merneith) (Merneith & Adjib) (Djed) La graphie verticale de la Tombe Y5 place dessous, c’est-à-dire derrière, le groupe de deux traits. Si l’on admet que l’ordre général de lecture est [signe iconique-signe symbolique], on peut aussi tenir pour vraisemblable que les groupes de traits sont des quantifieurs, gouvernés par la syntaxe du nombre en égyptien, qui place les chiffres après les objets qu’ils dénombrent. Si ces signes symboliques doivent être considérés comme des numérogrammes, leur comparaison avec les numérogrammes de facture similaire des étiquettes abydiennes soulève un problème de généalogie. En effet, comme la plupart des potmarks symboliques domestiques, les potmarks symboliques des tombes de la Dynastie I (Nagada IIIC) s’arrêtent à quatre dans les combinaisons de signes. Les étiquettes de jarres de la Tombe Uj d’Abydos, jamais associées à des signes iconiques ou indiciels, consistent en des séries de groupes de «striche vertikal» et commencent à six pour aller à douze (G.Dreyer,1998,114-118, cf.aussi A.Anselin,2008 sous presse). Les potmarks thinites documentent ainsi l’intégration dans un même système graphique des signes iconiques et des signes symboliques. Le plus souvent inventoriées sur la poterie des tombes de la royauté et de ses haut-fonctionnaires, elles présentent, comme les inscriptions des poteries et des étiquettes de la tombe Uj d’Abydos, un lien, moins direct, avec la mouvance du pouvoir.

Matérialité et socialité des artefacts, artefacts, des iconographies iconographies et des inscriptions prédynastiques. prédynastiques. Parce que la civilisation égyptienne a placé les manières de mort au centre de son dispositif culturel comme l’art d’intégrer les vivants et les défunts, la sphère du funéraire et son corpus de données accumulé par douze décennies d’archéologie, constitue un guide de lecture critique privilégié par où débuter. Mais toute société n’est-elle pas lisible dans ses cimetières ? S’y déclinent conception de la vie et de la mort, pratiques culturelles qui y sont attachées, techniques, organisation politique, hiérarchie sociale. A ce titre, les cimetières fournissent un modèle culturel, évident, consistant et pertinent -évident en raison de la masse des données, consistant par l’organisation de ces données en systèmes, et pertinent par les régularités de sa pratique et le regard qu’il ouvre sur toute une société. Le millénaire nagadéen et les siècles prédynastiques n’échappent pas à la règle avec leurs nécropoles des élites et leurs cimetières des working classes (Cf. B.Adams, R.Friedman). Les cimetières, où ont été recueillis les artefacts et leurs inscriptions sur lesquels nous fondons notre étude, apparaissent ainsi comme des analyseurs sociaux autant que des archives organisées selon des normes culturelles précises et motivées. Toute tombe y constitue un texte, un agencement solidaire d’éléments matériels et moraux, qui implique qu’à tout élément matériel corresponde les éléments moraux qui justifient sa matérialité dans la société : une socialité qui le rende intelligible. Le contexte général, normatif, des dispositifs artefactuels funéraires, de leur iconographie et de leurs inscriptions, est, selon un autre mot de M.A. Hoffman, celui d’un egyptian way of death qui constitue l’écologie sociale et culturelle de l’objet matériel lui-même, simple artefact ou artefact des élites, powerfact. Ce mode de gestion de la mort va de pair avec des cérémoniels, dévolus aux vivants au bénéfice des défunts. Religieuse, funéraire, «toute cérémonie s’accompagne de rituels et de paroles. Dans l’Egypte de l’époque classique, les statues étaient «animées», par la récitation de formules, d’énoncés performatifs. Faut-il attribuer le même

caractère performatif aux cérémonies impliquant l’emploi des powerfacts prédynastiques?» (A.Anselin,2004,22-24). Replacés dans cette perspective, les artefacts funéraires des âges nagadéens, nous considérons ici essentiellement la céramique, Rough jars de Nekhen, vases Decorated de Gebelein, poterie d’Adaïma, ont pu faire partie d’équipements cérémoniels. Leur iconographie a pu alors constituer un élément des rituels et pourrait mériter la définition de libellés iconographiques, co-documents graphiques des paroles proférées par un récitant, ritualiste ou parent - proposition cohérente avec la dimension créatrice accordée au langage chez les Anciens Egyptiens. Ce type de rapport entre le signe et la langue est bien identifié par François Servajean à propos des formules du Livre des Morts, qui «ne s’adressent pas à quelqu’un, n’ont pas de visée communicative, mais participent de la continuité/recréation de l’ordre du monde» (F.Servajean,1999,43). Les Textes des Pyramides, où «l’allocutaire éventuel est le défunt» baignent aussi dans «l’univers sonore de l’oralité et non dans celui, silencieux, du scriptural» (Bertrand Mathieu,1998, 13-22). «Le contexte funéraire fréquent (des) artefacts cérémoniels (nagadéens) et des offrandes qui les accompagnent, leur caractère sacré, conduit à suspecter un caractère performatif aux libellés iconographiques», et à les tenir pour un antécédent lointain des «mdw ntr, des paroles divines – le nom égyptien des hiéroglyphes rappelant leur oraliture première, et les conditions initiales d’une pragmatique de l'écriture» (A.Anselin, 2004,22-24).

L’entrée premiers L’entrée en scène de la langue - les p remiers libellés iconographiques Les poteries sont souvent grafitées, incisées ou peintes, après cuisson de groupes de signes iconiques et indiciels. Ces groupes de signes figuratifs s’inscrivent dans une disposition spatiale dont la motivation culturelle et la signification ne se laissent pas aisément découvrir. L’iconographie d’une jarre du cimetière L de Mahasna ca SD 36-38 (J.Garstang,1901) et celle incisée sur des Rough jars du Nagada IIC présentent un bestiaire commun, autruche, girafe, au bestiaire peint sur les Vases Decorated de la même période (S.Hendrickx,A Remarkable Tomb with an Exceptional Pot, Nekhen News n°14, 2002,11-12 ; R.Friedman, More Mummies : The 1998 Season at HK43, Nekhen News n°10,1998,4-6).

Mahasna cimetière L (J.Garstang,1901)

Autruches et girafes incisées, Hierakonpolis Hk43, Naqada II B-II D (S.Hendrickx,2002, 12 ; R.Friedman, 1998, 5)

Autruches/flamants et girafes Decorated Vase de Gebelein, Berlin 15129 (F.Raffaele, Predynastic Egypt)

Le dispositif, spatial, du Vase Decorated de Gebelein, est le plus élaboré. Il gouverne l’intégration de deux séries d’icônes souscrites sous deux paires de scorpions, des groupes d’icônes paraissant calquer leur construction sur un patron linguistique minimal, celui de l’énoncé nominal : registre gauche, [file de quatre girafes, attribut d’un sujet humain], et registre droit, [file de quatre autruches~flamants1, attribut d’un crocodile ( ?)]. Si ces énoncés ne peuvent faire l’objet d’une lecture au sens linguistique du terme, ils associent cependant des pictogrammes selon la forme la plus simple de la prédication, c'est-à-dire une relation de base entre un terme déterminé, le prédicat, et un terme déterminant, qui le gouverne, le sujet - [un nom, sujet / un nom ou des noms, attribut(s)]. Plus proches encore des phrases nominales propres à la langue égyptienne, caractérisée par l’implication mutuelle d’un sujet et d’un prédicat, deux scènes, peintes, intégrées l’une et l’autre dans les tableaux d’un discours pictural et datées l’une et l’autre du Nagada IIC : le «triomphe pharaonique» de la fresque murale de la Tombe 100 du site hiérakonpolitain 33, avec sa Massue (sujet) et ses Trois Captifs (attribut) : (A.Anselin, 2001,21-42), et le décor d’un autre vase Decorated opposant «un objet singulier (..un crocodile) et la répétition de trois autres objets (..trois autruches -ou flamants ?)» (L.Labridy & F.Silpa, 2007,43-48). Le poids de la langue de l’artisan du signe nagadéen sur la mise en signes d’une relation prédicative finit de se deviner dans la triplication du signe iconique -un modèle de pluralisation graphique promis à un bel avenir. Le nombre de ces «énoncés iconographiques» demeure limité. Cependant, pour la première fois, l’agencement de l’image et l’organisation de la langue y entrent en conflit dans la construction iconographique, et pour la première fois aussi, la langue entreprend de gouverner la syntaxe de l’image. Identifier dans certains libellés iconographiques les règles invisibles de la langue en l’occurrence de celle de l’énoncé nominal n’est pas sans conséquence. La capacité performative reconnue des énoncés nominaux concorde aussi bien avec leur contexte archéologique funéraire et royal qu’avec l’état le plus ancien de la langue. En effet, seule «la 1

Cf. S.Hendrickx Autruches et flamants- les oiseaux représentés sur la céramique prédynastique de la catégorie Decorated Cahiers Caribéens d’Egyptologie n°1, 2000,21-52.

proposition à prédicat nominal comme fondement analogique de la performativité»2 satisfait aux conditions culturelles de contexte, cérémoniel et funéraire, de la performativité, et aux conditions d’existence historique et linguistique. On sait qu’«en égyptien, «la phrase complète»3 n’apparaît comme clairement documentée qu’à la III° Dynastie4. Aussi l’écriture de l’énoncé nominal le plus ancien est-elle nécessairement une suite de noms, et le sujet ne peut-il être que nominal dans le corpus des libellés iconographiques nagadéens considérés sous cet angle» (A.Anselin, s,2004,23). Cela ne suffit évidemment pas pour autant à identifier le système graphique de ces «scènes» peintes ou inscrites du millénaire nagadéen. D’une manière générale, les libellés iconographiques ne sont pas systématiquement des libellés linguistiques. Leur dispositif spatial n’obéit pas non plus à la logique de la langue, on y pressent plutôt une mise en scène d’élements pictographiques indiciels5 renvoyant aux principes, aux valeurs et aux normes de la culture. Des ensembles pictographiques fondés sur l’articulation sémantique du signe iconique et sa motivation culturelle, ne sauraient évidemment remplir toutes les conditions autorisant la représentation graphique de la langue, et être qualifiés d’écriture. D’un point de vue épistémologique, le fait que quelques groupes de signes de fresques murales et de céramiques décorées apposant sujet figuratif et ses attributs paragraphient la proposition nominale, peut signifier tout au plus que la langue entreprend de se frayer un chemin dans l’image nagadéenne. L’entrée en scène de la langue pose pourtant rien moins que des pierres d’angle à la construction d’une proto-écriture6.

Le signe et le système La mise en signes de la langue, l’explosion graphogénétique touchant les média de la mouvance palatiale et leurs supports, pas plus que l’intégration des signes iconiques, indiciels et symboliques dans un même système graphique ne saurait être indépendante de son contexte historique, caractérisé par le développement des formes politiques, des processus de stratification sociale et de changement culturel solidaires de l’essor des échanges interrégionaux contrôlés par les élites - contexte hors duquel elle perd son intelligibilité. La distribution sociale, culturelle et chronologique relativement étroite et concentrée, tombes des élites du Nagada IIIC, des potmarks s’avère en être un reflet assez fidèle. Mais la mise en signes linguistique d’unités iconographiques en nombre soudain croissant, ayant pour référent des objets concrets, reconnaissables sous leur nom -et donc leur valeur phonétique contiguë, dans la langue du graphiste, ne surgit pas par hasard du seul fait d’un contexte qui la favorise. Elle tient aussi au signe lui-même et à son auteur. Premier point, cette élaboration d’un système de signes qualifiable d’écriture découle des propriétés mêmes du signe iconique. Deuxième point, elle découle de l’intention des artisans du signe, de leur motivation, des normes culturelles qui la régissent – de leur place dans le rapport social, et du statut qui leur est attaché. A première vue, en vertu de leur ressemblance, tout comme celle des powermarks et des inscriptions de hautfonctionnaires royaux, qui leur sont contemporaines, la lecture des séries de signes iconiques des potmarks thinites à l’aune des hiéroglyphes semble aller de soi. Cependant, l’identification du système de signes employé dans une inscription donnée constitue un préalable nécessaire à sa lecture. Il faut reconsidérer les potmarks sur la base des caractéristiques propres à tout système de signes. D’abord, tout signe iconique réfère à un objet concret, réel, et jamais l’inverse. Deuxièmement, le signe iconique, est caractérisé par une double articulation, sémantique et phonétique. Tant que l’articulation phonétique n’est pas explicitement identifiée dans ces inscriptions, leur lecture n’est pas assurée. «La définition des systèmes de signes du millénaire nagadéen, pictogrammes, idéogrammes ou phonogrammes, ces signes aient-ils le même dessin, ne privilégie pas la même articulation. L’articulation première de l’idéographie est sémantique. Mais tout système comporte des zones d’incertitude qui s’avèrent autant de points de départ possibles de nouveaux systèmes - ici, les zones de connivence potentielle du sémogramme et du phonogramme» (A.Anselin,2004,547-574). 2

F.Servajean cite E.Benvéniste : «La phrase nominale a valeur d’argument, de preuve, de référence. On l’introduit dans le discours pour agir et convaincre, non pour informer» (F.Servajean 2003, 49). 3 Pascal Vernus La naissance de l’écriture dans l’Egypte ancienne in ArchéoNil n°3, 1993, 75-108 4 L’écriture hiéroglyphique n’atteste guère des pronoms suffixes ou indépendants avant l’Ancien Empire - et les démonstratifs euxmêmes tardent à apparaître dans la graphie des énoncés nominaux. F.Servajean (2003, 9) remarque que la transition du il au je, commencée avec les Textes des Pyramides, en cours avec les Textes des Sarcophages, s’achève avec le Livre des Morts, et souligne la continuité qui mène du –f sujet des Textes des Pyramides au ink, pronom indépendant (dont l’emploi emphatique rappelle la taille du sujet pharaonique sur certains powerfacts, Scorpion, Narmer, la figuration en combinant toutes ses propriétés en accolade de registres. 5 Voir plus haut, sur les catégories de signes graphiques, l’échelle de l’iconicité. 6 «Proto-writing (…) represent(s) knowledge in various ways that do not necessarily presuppose the ability of the system to represent language in the sense of developed writing» (P.Damerow The Origins of Writing as a Problem of Historical Epistemology, Cuneiform Digital Library Journal, 28 janvier 2006).

Cette double valeur du signe iconique, sémantique et phonétique, le rend disponible pour l’invention de codes idéographiques fondés sur l’articulation sémantique, et de codes phonographiques fondés sur l’articulation phonétique. Enfin, tout signe iconique peut être associé à d’autres signes, avec lesquels il forme des textes – ou au moins des libellés iconographiques, et dans le cas précis des inscriptions prédynastiques, des libellés linguistiques. C’est à l’identification du système de signes employé dans une inscription donnée par l’identification de l’articulation, sémantique ou phonétique, qui le règle, et constitue une condition essentielle de sa lecture, que nous allons maintenant nous attacher.

Les bigrammes – de la motivation culturelle à l’intention phonétique Dans cette perspective, tout au long de l’époque prédynastique, les inscriptions ou les agencements de signes iconiques portés sur différents types d’artefacts sont particulièrement remarquables par deux phénomènes en relation avec la bivalence sémographique et phonographique des signes figuratifs que les deux catégories partagent. Le premier, de nature synthétique, combine deux idéogrammes en un seul. L’activité synthétique emploie le dessin pour ce qu’il représente, et associe les icônes selon des normes culturelles pas moins, de prime abord, invisibles que les règles linguistiques. Le second, de nature analytique, emploie les idéogrammes pour une partie de ce qu’ils représentent, pour ce qui leur est contigu dans la langue de l’auteur et du lecteur du dessin, leur valeur phonétique. L’activité analytique est de l’ordre de la métonymie phonétique et exploite le principe de commutabilité des homophones qui régit la stratégie phonétique. Les deux phénomènes, contradictoires et contemporains, caractéristiques du bouillonnement graphogénétique de la culture égyptienne prédynastique, attirent l’attention dès le roi Scorpion. La majorité des documents inscrits livrés par la Tombe Uj d’Abydos comporte deux hiéroglyphes, comme la majorité des potmarks thinites plus tardives. Certains documents comportent des séries composées d’un bigramme et d’un ou deux monogrammes. Le bigramme semble combiner deux idéogrammes, ce qui est déjà un indice d’une manière d’organiser la pensée des choses. Ainsi, les inscriptions d’étiquettes de la tombe Uj Nagada IIIA1-2, (G.Dreyer,Umm el Qaab 1998,fig.142,143), donnent l’exemple sans doute le plus ancien de signes bigraphes, combinant deux icônes, Sichel mit Blitz ou Himmel mit Blitz –«ist das obere Zeichen wie die Mondsichel (N11) augeführt». Gunter Dreyer lit le signe grh, nuit, ouest, occident, qu’il oppose à l’ibis sur la montagne, j3nw, Licht, est, orient (G.Dreyer,1998,139). Le logogramme de la nuit, grh, N2, Nachthimmel, est cependant construit avec pt. Quoiqu’il en soit, cette combinaison trouve des antécédents dans un simple pictogramme inscrit à l’encre sur une jarre d’une tombe d’El Amrah au Nagada II D (J.Kahl,2001,124, d’après Randall-McIver-Mace, 1902, Taf.XVII.30). Au Nagada III C2, sous Adjib, une potmark de la Tombe X d’Abydos affiche deux fois une combinaison de signes pas moins singulière :

(E.van den Brink Basic signs, potmark-Egypt.com, XVII.9.1 & 5), qu’une

wine jar de la même Dynastie I du site de Minshat Abu Omar dans le delta oriental répète, (K.Kroeper,2000). A première vue, il s’agit d’un signe composé, qui associe la lune et l’étoile. L’étoile seule est d’ailleurs aussi attestée dans le même corpus :

(K.Kroeper, 2000, barrel,1030/9 ; 2200/18,1859/5 & ovoid flat large,1666/2). La combinaison manifeste

du croissant de lune, N11, à l’étoile, N14, forme le hiéroglyphe N12a, logogramme, . Le hiéroglyphe N11 proprement dit est le logogramme~déterminatif de ich, lune, graphie abrégée de 3bd, mois (G.Lefebvre,1955,405). Rainer Hannig note : «a. in Personennammen» (R.Hannig,1995,1151). Mais s’agit-il d’une [combinaison de signes icôniques simples] formant un nouveau signe, ou les choses sontelles plus complexes ? Dans notre article «L’Âme jambée» (A.Anselin, Potmark-Egypt.com,2007), nous avions abouti à une conclusion opposée, celle de [signes iconiques complexes], susceptibles d’entrer dans les combinaisons de [groupes de signes] les mettant en [texte]. Michel Malaise et Jean Winand avaient déjà observé et défini avec pertinence les différents types de [signes complexes], d’associations de deux signes dans l’écriture hiéroglyphique - les combinaisons occasionnelles, du type du hiéroglyphe D31,

hm k3, dont les deux composants,

D32 et U36, analysables, pourraient être écrits à la suite, de manière distincte, , k3, , hm, sans que change la lecture de l’ensemble, les signes composites, également analysables, et les [amalgames], formant «un tout insécable et figé», dont les éléments sont «insécables et inanalysables», «la valeur du signe ne se résum(a)nt pas à la somme de ses constituants»(M.Malaise & J.Winand,1999, 692). Le signe complexe N13, ibd, le vérifie, sa valeur ne doit rien à ses unités élémentaires, N11, ich, et N14, sb3.

Les deux grammairiens avaient aussi remarqué que nombre de ces signes complexes posaient un phonogramme sur un déterminatif -c'est-à-dire un sémogramme, par exemple, celui des jambes en mouvement : M18, , N40, , O35, . Ces amalgames n’étaient évidemment pas réductibles à la somme de leurs constituants, N40, sm, phonogramme N37, s, taxogramme D54 du mouvement, O35, sbi, phonogramme O34, *z > s, taxogramme D54 du mouvement. C’est là un des nombreux exemples qui soulignent que les graphistes jouaient de la double articulation avec un art consommé du signe. Un quatrième de ces bigrammes du mouvement (W25) unit un bol, nw, (W24) et le même pas (D54), ] inj, herbeibringen, holen (Wb I 90). Abondant sur les powermarks de la Première Dynastie [ (Nagada IIIC), ce signe complexe ne résulte pas de la combinaison de deux signes graphiques ; sa valeur, inj, n’est pas celle de ses constituants, nw et une paire de jambes en mouvement. Ce que ces exemples mettent en évidence c’est le poids de la motivation culturelle dans l’amalgame. Le signe complexe W25 du tribut/de l’offrande a pour patron la métaphore gestuelle d’un type de rapport social. Ce cérémoniel du tribut connaît une mise en artefact précoce, antérieure à sa mise en signes l’[amalgame] de Michel Malaise et Jean Winand s’avère être rien moins que la réplique graphique d’un théofact ou d’un powerfact, une poterie du Nagada II B-C, le Bol jambé du Metropolitan Museum of Art de New York, une polished red pottery Source : W.C .Hayes, 1953 de Haute Egypte. «Au plus tard, il est datable du milieu de la SD 40-50, soit Nagada IIB-C. Donc largement antérieur aux premiers signes jambés de l’iconographie nagadéenne, aux formes archaïques, prédynastiques, des premiers hiéroglyphes» (A.Anselin, L’Âme jambée Potmark-Egypt.com, 2007). L’activité synthétique qui domine la conception du bol jambé témoigne d’une forte motivation culturelle et précède incontestablement la mise en signe. Elle fournit en retour un modèle conceptuel à l’écriture hiéroglyphique, qui développe toute une série de signes cette fois combinés- amalgamés sur ce patron: «Le signe n’est pas une simple forme. Le jambage porteur fonctionne comme un modèle conceptuel, à la fois iconique et analogique (cf. J.Schlanger,1991,84-87). La fécondité du modèle est attestée par d’autres exemples encore, qui mettent en œuvre des analogies et des images : verrou de porte, ,O35, phonogramme/ déterminatif de valeur /sb/ [O34 + D54] ; N40, ,sm ;V15, jambé, I 96 ,

itj, ergreifen (R.Hannig,1995,1071,818,114) ; soleil jambé, N61, = [N5 + D54] (R.Hannig,1995,1151) ; céraste (f) doublement = [ I 9 + (D54 + D54)] (R.Hannig,1995,1147) ; tête d’Anubis jambée F78 [F71 + D54] (R.Hannig,1995,1140) . Ainsi que les

signes D380, D385, D408, D288, D289 (N.Grimal, J.Hallof & D.van der Plas,2000)» (A.Anselin L’Âme jambée, ,2007). Le «bigramme» lunaire n’est pas attesté aussi tôt que le «bol jambé» du tribut, ou la voûte du «ciel nocturne». Mais il semble bien résulter du même processus conceptuel, qui enracine l’écriture hiéroglyphique dans les lointains les plus lointains de sa culture, avant même que le signe écrit, drf, vint à l’existence. Les potmarks de la Première Dynastie l’associent à d’autres signes, monographes, à caractère culturel, administratif ou religieux, ntr, hwt, voire mr . = Groupe XI.12.4 Groupe XXIX.2.1. Lunaison associée à ntr. Lunaison associée à hwt.

Groupe XVII.9.5 (Abydos) 3bd associé à mr (E. van den Brink, 2007)

Minshat, wine-type 4, 2163/18

Tarkhan (Petrie)

L’exemple des signes complexes aux antécédents archéologiques et sociologiques avérés qui fournissent à l’écriture un arrière-pays culturel et des matériaux, montre qu’ils dis-continuent, c'est-à-dire emploient autrement, du point de vue graphique, des icônes motivés – mettant en signes la relation au monde (cérémoniels de lunaison), ou le rapport social (artefact du bol jambé du tribut) Dernier point, l’activité synthétique qui caractérise les bigrammes les plus anciens se double d’une intense activité analytique. Le bigramme de inw supporte la commutation de deux éléments, bol et poisson, sans affecter sa signification : [ , ], in.w, herbeigebrachte Gaben, Geschenke, Produkte (Wb I 91) – ce qui suggère aussi un minimum d’équivalence des pratiques sociales et culturelles que les deux groupes représentent. A l’époque archaïque, et sont déjà commutables. La cohérence des associations, leur pérennité et la reconnaissance générale de leur valeur sémantique dans le contexte culturel palatial est telle que les scribes n’hésitent pas à en permuter les éléments,

,

et , sans que cela change en rien la signification du libellé hiéroglyphique :

in.w, herbeigebrachte Gaben, Geschenke, Produkte (Wb I 91,12-18) :

>

,

,

,

,

<

(Source : J.Kahl,2002,39-40).

,

L’activité analytique affecte le groupe lui-même : [ ], in k3(.i), sur l’étiquette d’un powerfact de Den (Dynastie I, Nagada III C2) qui découpe la graphie du mot en deux unités phonétiques, [ii + in], dont la disposition, cadrée, n’est pas celle de la langue, mais obéit aux exigences de l’image – et sur les powermarks de la Dynastie II qui dotent le bigramme inw d’un complément phonétique, n, comme un guide de lecture et un indicateur de système : [ Ce sont les mêmes signes que ceux de l’idéographie, mais ce n’est plus le même système de signes.

].

La grammaire des des potmarks L’exemple même des [signes complexes] marqués par les degrés les plus élevés d’iconicité et de motivation culturelle, et lieu privilégié de l’activité synthétique, montre ainsi que le signe iconique n’échappe pas à l’activité analytique. Jouant de la métonymie phonétique du signe, employant, à l’occasion d’une simple commutation, un signe pour sa valeur, contiguë, de signifiant phonétique et non pour ce qu’il signifie luimême au seul plan sémantique, les graphistes de l’époque prédynastique mettent en évidence que l’idéographie ou la logographie est lourde de sa phonographie. A fortiori, les signes simples n’échappent pas au mouvement général de stratégie phonétique qui anime désormais la composition des inscriptions. Alors que l’iconographie du Nagada II C livre les premiers brouillons de la phrase nominale en l’espèce de quelques suites de pictogrammes, les inscriptions du Nagada III B-C fournissent des exemples de plus en plus nombreux de constructions réglées par la grammaire de la langue et débouchant sur une indispensable phonétisation, seule capable de noter les éléments grammaticaux. D’abord intégrée au dispositif iconographique, la graphie de la langue s’en émancipe et se fait de plus en plus analytique. Ses libellés linguistiques s’enrichissent de formes construites sur un modèle proche de la proposition à prédicat nominal, pour l’essentiel tout le spectre des formes participiales, distinguant les aspects accompli, inaccompli et prospectif – formes participiales susceptibles d’être substantivées et d’entrer à ce titre dans la formation de propositions à prédicat substantival en qualité de prédicat~ d’attribut. Une autre forme nominale du verbe, l’infinitif, apparaît à la même période, faisant remarquer à John Baines que «le langage lui-même fut adapté à l’écriture : durant le début de la I° Dynastie, «l’infinitif narratif» fut introduit comme une méthode de présentation des évènements» (J.Baines,2004,150-189). Cette forme narrative se construit en fait sur le modèle de la proposition à prédicat substantival, sdm pw irj entendre ce fait > (c’est) entendre ce qui fut fait > alors il entendit (M.Malaise & J.Winand,1999,285). La fonction de prédicat y est assurée par un infinitif, celle de sujet par un participe, accompli passif, en l’occurrence une forme relative substantivée. La prise en compte du démonstratif, pw, et sa graphie ne sont d’ailleurs pas usuelles dans les temps anciens. Les textes religieux, volontiers conservateurs, font l’économie du démonstratif et placent le sujet nominal en tête, devant son attribut, hw r(3).k, Hou (est) ta bouche (C.Obsomer,2003,83). L’adaptation du langage à l’écriture a-t-elle pu avoir pour pierre d’angle le compromis de la phrase nominale, où une proposition de signes graphiques et une proposition de mots peuvent coïncider dans la mise en scène graphique ? Des formes verbales suffixales, réputées anciennes en égyptien, sont également introduites (J.Kahl,2004, E.V.Mac Arthur,2008). Jochem Kahl en a donné un exemple probant à propos d’une inscription sur une «limestone spindle whorl» de Hiérakonpolis (J.E.Quibell & F.W.Green,1896,II,LXXI). Bien que le signe médian soit peu lisible (?), Jochem Kahl transcrit l’inscription comme une forme «Aktive sdm.f im Personal Name htp.f» en raison d’un parallélisme étroit avec une inscription similaire d’une stèle des Tombes Royales de la Dynastie I (W.M.F.Petrie, II, Taf 26.63), également répertoriée par ses soins ((J.Kahl, 2004,332). Plus analytique, le libellé linguistique devient aussi susceptible de s’accommoder du déplacement de son emploi vers une gamme de plus en plus large d’usages liés aussi bien à la manifestation royale et au discours de sa légitimation, qu’à leur administration - et de fournir à la langue son écriture. Parmi ces libellés linguistiques des inscriptions prédynastiques, les potmarks thinites, caractérisées par de courtes séries de deux ou trois preformal hiéroglyphs, des logogrammes, le plus souvent bilitères ou trilitères dans leur translittération hiéroglyphique, semblent à première vue elliptiques, et paraissent mal se prêter elles aussi à l’encodage d’un énoncé linguistique7. Le contexte des potmarks thinites répertoriées par Edwin van den Brink (E.van den Brink, 1992, 267-292 ; E.van den Brink Basic signs, PotmarkEgypt.com,2006) et à sa suite par de nombreux chercheurs (K.Kroeper,20000, F.Hassan & G.Tassie,2003,N.Buchez,2004, L.Mawdsley, 2007, G.Bréand,2008), leur situation chronologique et sa date médiane, le Nagada IIIC, militent pour leur interprétation 7

Elles n’ont pas le monopole exclusif des groupes de deux signes. D’autres catégories d’inscriptions, portées sur des objets de prestige, hache, vase de pierre, portent de courtes séries de monogrammes bilitères ou trilitères (voir plus bas pp.11 et 16)

hiéroglyphique. Elles sont en effet contemporaines d’inscriptions, nombreuses, powermarks ou officialmarks, qui documentent souvent, mais pas toujours, les traits phonétiques standard de l’écriture égyptienne au milieu de la Dynastie I. Par opposition, les groupes de signes des potmarks sont caractérisés par l’absence de toute complémentation phonétique, et de notation d’éventuels suffixes de la conjugaison ou de morphèmes du genre et du nombre. Dans ces conditions, la prise en compte de l’ordre des constituants graphiques des potmarks thinites revêt une importance particulière dans la recherche d’un guide de lecture pertinent. L’inversion des constituants, d’une inscription à l’autre, est susceptible de témoigner d’une intention grammaticale grammaticale, ticale solidaire de l’expression phonétique que l’on est en droit de prêter à des séries de logogrammes de la Première Dynastie (Nagada IIIC). Les deux agencements les plus fréquents de deux logogrammes soutiennent de ce point de vue la comparaison avec les patrons grammaticaux des formes participiales, que leur complémentation phonétique permet d’identifier dès cette époque dans d’autres types d’inscriptions -passées en revue par Jochem Kahl dans ses travaux.

Du participe et de ses emplois La langue égyptienne distingue plusieurs types de participes pour lesquels nous donnons ici les formes du masculin singulier: participe accompli actif, en -w et en -j, passif en -w, participe accompli actif en -w, passif en -j pour les 3° inf. et les irréguliers, prospectif en -j pour le masculin, en -ti pour le féminin, exemples participe passif prospectif du verbe mr : mrj et mrj.ti (M.Malaise & J.Winand,1999,523). Michel Malaise et Jean Winand remarquent que «dans certains cas, il est très difficile de trancher entre un participe prospectif passif et un parfait ancien à valeur finale consécutive» (M.Malaise & J.Winand,1999,522 & 489). Pierre Du Bourguet en décline la difficulté : mry, puisses-tu aimer, par opposition à la forme passive, mr.w, puisses-tu être aimé, mais, participe accompli actif, mry et mr.w, aimant, passif : mr.w, aimé, inaccompli passif, mrr.w, le (qui est) aimé (P.Du Bourguet, 1980,61-63). Dépourvus d’antécédent, les participes fonctionnent comme des substantifs «dont ils peuvent assumer les différents rôles». Par exemple, complètement phonétisé,

, hsj un (homme qui est) loué (Conte du Paysan,

B1-68), où le vase joue le rôle de déterminatif phonétique, et les idéogrammes , ceux de déterminatifs sémantiques signifiant que le participe est substantivisé et désigne un homme (A1), loué, félicité (oralement, A2). Aussi ces formes nominales des participes sont-elles susceptibles d’entrer dans la formation de propositions à prédicat substantival. Enfin, la construction prospective, prospective au principe de bien des anthroponymes égyptiens «exprim(a)nt des souhaits formulés par les parents à la naissance» (P.Grandet & B.Mathieu, 1993,384 et 387) implique logiquement la mise en signes des affixes grammaticaux. Donnés par les parents, les noms personnels devraient être formulés à la 3° personne du singulier masculin ou féminin. Formulé à la 1° personne du singulier, le prospectif autonome nécessite aussi la graphie phonétique du suffixe - et dans tous les cas de figure, sa supposition, indiquée par des parenthèses, par le philologue en fonction du contexte8. En l’absence de ces éléments grammaticaux, quand les constituants A et B d’une paire donnée sont les mêmes, c’est leur ordre, [A B] ou [B A] qui gouverne la lecture, c'est-à-dire l’identification des formes participiales. La réversibilité grammaticalement significative de l’ordre des signes n’a pas échappé à Henry G.Fischer à propos des noms personnels de l’Ancien Empire. Il se fonde sur elle pour distinguer les deux modèles, participial (forme forme relative) relative et pseudo-participial (parfait parfait ancien, ancien en principe doté de sa propre conjugaison suffixale) : «It is true that the old perfective is well attested in Old Kingdom names containing the element k3, which is not subject to honorific transposition. But there is, in fact, so much evidence fro the old perfective in these cases, compared to the demonstrated rarity of its use in theophoric names, that one immediately suspects the validity of the parallel. While represents K3(.i)-nfr «My k3 is good» (old perfective), is not Nfr-k3(.i) with the same meaning, but nfr-k3, which is probably to be interpreted as «one who is beautiful of k3» as is shown by its apparent feminine counterpart nfrt-k3» (H.G.Fischer, 2001,45-66), l’accompli exclamatif de Pierre Grandet et Bernard Mathieu, nfr hr, (un qui est) beau de visage (P.Grandet & B.Mathieu,1990, 66). Cette opposition du parfait ancien et des participes accomplis se repère dès les Dynasties 0 et I. La construction du parfait ancient est, par exemple, identifiée sur une inscription de la Dynastie I dénuée d’éléments phonétiques et grammaticaux. William F.Petrie a décrit le nom de «Ka-hetep (…) roughly incised on an axe with side lugs», un des plus anciens artefacts de ce type– indéniablement un objet de prestige 8

Certains anthroponymes sont formulés à la 1° personne, exemple célèbre : k3 gm n i –avec k3 antéposé, et possessif éludé. P.Grandet et B.Mathieu le rendent par un logique et non usuel gm n.i k3(.i).

(W.M.F.Petrie, 1925, 5 & Taf.3.8). Jochem Kahl y voit un «Pseudopartizip 3°Person Singular maskulinum im Personal Name», k3.(i) htp (J.Kahl,2004,331), c'est-à-dire «mon k3 est satisfait». La construction du participe actif imperfectif sur une inscription de Narmer est signalée par Elise V.Mc Arthur (Writing Workshop,2008) : ncr-mr htp nnmw (J. Kahl n°125), traduite «Narmer, the one who satisfies Chnum» (Erika Schott, Die Sockelinschrift des Narmeraffen, Revue d'Égyptologie 21,1969,81, fig. 5). L’absence des éléments grammaticaux dans les libellés les plus anciens, et notamment sur les libellés logographiques des potmarks prédynastiques n’est pas pour autant dénuée d’intérêt. Ces graphies elliptiques ont pu laisser des traces dans les graphies de l’âge classique. Pierre du Bourguet note qu’en égyptien classique, le pseudo-participe (old perfective : mr k(wi) étant aimé moi), mr(w) étant aimé lui) sous-entend souvent la 3° personne singulier, (w), non graphié. «Il s’ensuit que dans un énoncé de construction apparente [substantif + verbe] celui-ci est à la forme d’état et le sujet n’est pas le substantif mais le pronom spécial qui va avec la forme d’état». (P.Du Bourguet, 1980, 41). s3 mr.w fils aimé (lui), le fils étant aimé, ou encore, dc pr(w) tempête étant survenue (Conte du Naufragé, v.32). Le défaut du sujet est aussi attesté dans les propositions indépendantes «à valeur exclamative» formées sur le pseudo-participe, exemples : di.(w) cnn, doué de vie (soit-il !), cnn.(w) dt, vivant éternellement (soit-il !) (C.Obsomer, 2003,103). Faut-il voir dans l’élision graphique du sujet un «archaïsme» daté de la mise en signes de la langue, un peu à la manière de la triplication graphique du pluriel archaïque? Nous proposons une lecture des séries de signes des potmarks thinites à l’aune de toutes ces constructions, sans jamais perdre de vue que le propre du chercheur est le doute et non la certitude. Notre corpus de combinaisons, limité à quelques groupes de signes reconnaissables pour leur facture hiéroglyphique, les preformal hieroglyphs de Geoffrey Tassie, Fekri Hassan, Joris van Wetering et Bram Calcoen (2006,201-234,2008), dont on pourra nous disputer l’interprétation, se prête indubitablement au type de lecture proposé. Son choix ne saurait cependant épuiser l’étude des potmarks.

Propositions de lecture de quelques groupes de signes des potmarks Première combinaison Elle associe un signe complexe

et un signe simple :

Combinaison du monogramme ntr et du bigramme 3bd = ibd (E.Van den Brink,Potmark-Egypt.com, basic signs, 2006)

L’ordre des signes, ntr ibd, doit être retourné : , ntr, est dirigé vers la droite. Antéposé, il débute le libellé dans toutes les inscriptions, qui se lit donc de droite à gauche et peut être un génitif direct : la «fête lunaire du dieu» (?).

La graphie minimale pour désigner la Fête de la Lune est attestée. Les variantes de la translittération 3bd = ibd soulignent les valeurs respectives que peuvent prendre /33/ et /ii/ ici interchangeables parce que
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