Histoire Tle S 2014, Hatier (Corr)

December 20, 2017 | Author: Mathieu | Category: French Resistance, Algeria, Vichy France, The Holocaust, Politics Of France
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Livre corrigé de la partie Histoire du livre d'Histoire Géo de Terminale S. Edition Hatier 2014...

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Histoire Tle S Livre du professeur Sous la direction de

Guillaume Bourel Professeur en classes préparatoires au lycée Fénelon à Paris Marielle Chevallier Centre national de documentation pédagogique

Auteurs

Pascal Buresi Directeur de recherche au CNRS Anne Descamps Professeur en CPGE au lycée Jean Jaurès à Reims Ivan Dufresnoy Professeur au lycée Jean Monnet à Franconville Axelle Guillausseau Professeur en CPGE au lycée Michelet à Vanves Jean Hubac Académie de Rouen François-Xavier Nérard Maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Paris 1 Xavier Paulès Maître de conférences à l’EHESS Tramor Quemeneur Attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER à l’université de Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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SOMMAIRE

Chapitre 1 L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale …………………………………………………… 3 Chapitre 2 L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie …………………………………………………………………

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Chapitre 3 Les États-Unis et le monde depuis 1945 ………………………………………………………………………………... 19 Chapitre 4 La Chine et le monde depuis 1949 ……………………………………………………………………………………….… 35 Chapitre 5 Proche et Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis 1945 ………………………………………………………. 48 Chapitre 6 Gouverner la France depuis 1946 ……………………………………………………………………………………….… 63 Chapitre 7 Une gouvernance européenne depuis 1992…………………………………………………………………………… 74 Chapitre 8 La gouvernance économique mondiale depuis 1975 ……………………………………………………………

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Chapitre 1 L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale LA DÉMARCHE DU CHAPITRE Le chapitre s’organise autour de deux questions problématiques qui en constituent le fil rouge. La construction des mémoires plurielles de la Seconde Guerre mondiale et le contexte de leur élaboration sont évoqués à travers les trois premiers dossiers (mémoires de la collaboration, de la Résistance et de la déportation) et la leçon 1. La deuxième partie du chapitre (dossiers sur les historiens et les procès, la place de l’historien entre histoire et mémoire et la leçon 2) propose de mener avec les élèves une réflexion sur l’historicisation des mémoires de la guerre en soulignant les rapports problématiques qui peuvent exister entre mémoire et histoire, injonction mémorielle et travail scientifique, instrumentalisation des mémoires et nécessaire recul historique. BIBLIOGRAPHIE - J.-P. Azéma et F. Bédarida (dir.), 1938-1948. Les Années de tourmente. De Munich à Prague. Dictionnaire critique, Flammarion, 1995. - J.-P. Azéma et F. Bédarida (dir.), La France des années noires (2 vols.), Le Seuil, « Points Histoire », 2000 [1993]. - J.-P. Azéma et F. Bédarida (dir.), Vichy et les Français, Fayard, « Pour une histoire du XXe siècle », 1992. - P. Burrin, La France à l’heure allemande, 1940-1944, Le Seuil, « Points Histoire », 1997. - R. Paxton, O. Robert, La France de Vichy 1940-1944, Le Seuil, « Points Histoire », 1999 [1973]. - H. Rousso, Les Années noires. Vivre sous l’Occupation, Gallimard, « Découvertes », 2001 [1992]. - O. Wieviorka, La Mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres, de la Libération à nos jours, Le Seuil, « Points Histoire », 2013 [2010]. P. 10-11 Ouverture de chapitre Cette double page vise à présenter les deux axes d’étude qui structureront le chapitre. La photographie des cérémonies du 11 novembre 1945 (doc. 1 p. 10) souligne la diversité des victimes françaises et des vécus de la guerre/des violences de guerre, de façon à suggérer qu’il y a, dès 1945, différentes mémoires de la guerre. Celles-ci sont évoquées dans la première partie du chapitre à travers trois doubles pages thématiques : mémoire de la collaboration, de la Résistance, de la déportation. L’affiche de l’exposition organisée en 2010 au Centre européen du résistant déporté (installé dans l’ancien camp de concentration du Struthof en Alsace, où plus de 50 000 déportés ont été internés pendant la Seconde Guerre mondiale) met en avant, dans un même mouvement, la nécessité et la difficulté de transmettre la mémoire des camps. À travers le soustitre (« Découvrons l’inoubliable ») et le choix de photographies en noir et blanc de barbelés qui suggèrent l’univers concentrationnaire, les élèves sont invités à réfléchir au travail de l’historien face aux mémoires et à la difficulté de transmettre l’expérience et la mémoire des camps. P. 12-13 Étude Les mémoires de la collaboration Dans cette double page, est traitée la mémoire des « années noires ». Sont évoquées la collaboration avec le Reich durant la guerre, qui fut le fait des pouvoirs

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publics comme d’individus, mais aussi la diversité des attitudes des Français et la passivité de beaucoup. La question posée est également celle de la place faite après-guerre à cet épisode qui a été largement tu, occulté notamment par le mythe résistancialiste, c’est-à-dire le mythe d’une France majoritairement résistante. Document 1 Les souvenirs d’un Juif français d’origine polonaise Ce document est un témoignage de Laurent Lazare Goldberg, évoquant le retrait de la nationalité française dont ses parents et lui, naturalisés en 1938, furent victimes en 1942. La loi du 22 juillet 1940 prévoyait la révision systématique de toutes les naturalisations accordées depuis 1927 : plus de 15 000 étrangers furent alors privés de citoyenneté. Document 2 L’épuration sauvage à la Libération Cette photographie a été prise à Chartres le 18 août 1944 par le photographe Robert Capa (1913-1954, reporter qui couvrit notamment la Guerre d’Espagne et la Seconde Guerre mondiale et qui trouva la mort alors qu’il photographiait les combats de la guerre d’Indochine). Cette photographie permet d’étudier l’épuration sauvage qui eut lieu à la Libération. Ceux qui avaient collaboré avec l’ennemi furent alors frappés par la vindicte populaire. 3

Document 3 Le verdict au procès du maréchal Pétain Ce document est la une du journal Le Populaire, datée du 15 août 1945. La moitié gauche est consacrée à la condamnation du maréchal Pétain par la Haute Cour de justice (le tribunal est présidé par le premier président de la Cour de cassation et le jury est composé de douze parlementaires n’ayant pas voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940 et de douze nonparlementaires issus de la résistance), et la moitié droite à la fin de la guerre en Asie (avec la reddition japonaise). Document 4 Le Chagrin et la Pitié, un film qui dérange Marcel Ophüls réalise en 1969 Le Chagrin et la pitié. Chronique d’une ville française sous l’occupation, dans lequel il brosse un tableau de la vie quotidienne à Clermont-Ferrand pendant la guerre. Ce documentaire montre la diversité des attitudes des Français durant l’occupation, et souligne notamment le fait que nombreux furent ceux qui, sans collaborer directement avec l’ennemi, demeurèrent passifs. Il tourne ainsi le dos à la reconstruction épique de la Résistance. Les témoignages alternent avec des images d’archives, bandes d’actualités pour la plupart, mais cette méthode fut l’objet de critiques car elle juxtapose, parfois injustement, la mémoire et l’Histoire. On découvre la France de Vichy, moins conditionnée par la présence allemande qu’on pouvait le croire, et les traces encore vivantes de la guerre franco-française. Des plages d’oubli apparaissent de manière criante : l’antisémitisme d’État et celui de la population, l’engagement d’une partie des Français auprès de la Waffen-SS, choix largement idéologique et conscient, la mise de côté des composantes gaulliste et communiste de la Résistance (c’est Pierre Mendès-France qui est interrogé, de Gaulle est absent). Entre 1971 et 1981, un conflit fait long feu entre le réalisateur et la télévision. Le projet, financé par la télévision allemande, est diffusé en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas et aux États-Unis, mais l’ORTF pratique la censure et refuse de diffuser un film qui risquerait de faire resurgir une mémoire enfouie et de vieilles querelles. Projeté dans une petite salle du Quartier latin, le film est vu par 600 000 spectateurs en 87 semaines ininterrompues. Françoise Giroud, spectatrice dès la sortie sur les écrans, témoigne à sa manière de l’engouement et de l’impact extraordinaire qu’eût cette œuvre. Elle véhicule ici une critique acerbe du résistancialisme et de l’attitude paternaliste de l’ORTF qui livre selon elle un combat d’arrière-garde. Document 5 « Oublier ces temps où les Français ne s’aimaient pas » En novembre 1971, Georges Pompidou prend une mesure de grâce partielle en faveur Paul Touvier, qui fut le chef de la milice lyonnaise à partir de 1944. Condamné à mort par deux fois par contumace Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

en 1946 et 1947, puis s’étant échappé après son arrestation en 1947, Paul Touvier bénéficie depuis 1967 de la prescription légale de vingt ans mais est toujours frappé par une interdiction de séjour dans la région de Lyon et par la confiscation de ses biens. La grâce présidentielle amnistie les peines secondaires, mais ne concerne pas tous les droits civiques, notamment le droit de vote. Cette mesure suscite un vif débat et conduit Georges Pompidou à s’exprimer sur ce sujet lors d’une conférence de presse organisée en septembre 1972. Réponses aux questions 1. Dans une optique xénophobe, le régime de Vichy revint sur des naturalisations qui avaient été accordées par la Troisième République à des étrangers venus en France pour y travailler et s’étant intégrés. 2. 20 000 femmes ont été tondues à la Libération, dans le cadre de l’épuration sauvage (menée par des citoyens et non par des institutions) pour avoir entretenu des relations avec des Allemands. Il s’agissait de leur imposer une humiliation mais aussi de les marquer physiquement pour rendre visible aux yeux de tous leur comportement pendant l’Occupation. 3. Pétain fut jugé pour deux chefs d’accusation : complot contre la République et intelligence avec l’ennemi. Il fut condamné à mort, à la dégradation nationale et à la confiscation de ses biens mais la Haute Cour demanda qu’il ne soit pas fusillé en raison de son âge (89 ans). 4. Ces deux documents mettent l’accent sur l’Occupation et sur la collaboration avec l’ennemi durant cette période. 5. Marcel Ophüls montre, dans Le Chagrin et la pitié. Chronique d’une ville française sous l’occupation, la diversité des attitudes des Français durant l’Occupation, et souligne notamment le fait que nombreux furent ceux qui, sans collaborer directement avec l’ennemi, demeurèrent passifs. Selon Françoise Giroud, c’est par volonté politique que le documentaire de Marcel Ophüls ne fut pas diffusé à la télévision (qui était alors un monopole d’État), de façon à ne pas rappeler la collaboration ou la passivité des Français durant la guerre et, de là, à ne pas rappeler un épisode de l’histoire largement occulté par le résistancialisme du général de Gaulle. 6. Georges Pompidou souligne lors de cette conférence de presse les lignes de fracture qui ont divisé les Français depuis la Seconde Guerre mondiale. Il appelle, alors que les Français ont de nouveau été éprouvés et divisés par la Guerre d’Algérie, à « jeter le voile, [à] oublier ces temps » de l’Occupation et de la collaboration pour favoriser la concorde nationale. P. 14-15 Étude Les mémoires de la Résistance Sont abordées dans cette double page les mémoires de la Résistance et la façon dont elles ont évolué depuis la fin de la guerre. 4

Document 1 Un fils de résistant témoigne Marcel Authier livre un témoignage sur l’action de ses parents, Catherine et François Authier, qui ont été reconnus « Justes parmi les Nations » en 2003 pour avoir caché leurs voisins Jacques et Simon Borenstein pendant deux ans (1942-1944). Ces derniers leur avaient demandé asile après que des policiers étaient venus les arrêter car ils étaient Juifs étrangers. Avec l’aide de François Authier, Jacques Borenstein passa en Espagne mais les autres membres de sa famille furent dénoncés et arrêtés tandis qu’ils tentaient de le rejoindre. Ils furent déportés à Auschwitz. Seule Hélène, la femme de Jacques, survécut à la déportation. Document 4 La France rend hommage à Jean Moulin Le succès du culte à Jean Moulin s’explique par l’unification opérée par le résistancialisme gaullien : Jean Moulin, figure propice au rassemblement parce qu’il symbolise l’union de la France libre et de la résistance intérieure, permit d’assimiler la diversité des résistances à un seul homme, finalement alter ego de de Gaulle. Ce culte permet d’évacuer la guerre civile puisque Jean Moulin s’est battu contre un ennemi étranger, non pas contre les traîtres de Vichy. Il permet d’évacuer l’aspect politique et idéologique de la Résistance. L’idée de transférer au Panthéon les cendres de Jean Moulin pour le vingtième anniversaire de la Libération revient à l’Union des résistants de l’Hérault et elle est relayée par la gauche locale. Le projet fut repris par Malraux alors ministre d’État aux affaires culturelles puis par le chef de l’État lui-même qui, fait exceptionnel, en promulgua le décret. Le contexte est double : le transfert se déroule après le vote d’amnistie des délits commis pendant la guerre d’Algérie et une semaine avant le vote de l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité : entre l’oubli des crimes de l’Algérie et la réaffirmation que l’on n’oublie pas ceux de la Seconde Guerre mondiale, il s’agit d’opérer une sélection du passé propre à ressouder la communauté nationale. La cérémonie se déroula les 18 et 19 décembre, en deux temps : exhumation et transfert de l’urne du Père-Lachaise à la crypte des martyrs de la déportation, dans l’île de la Cité : 194 compagnons de toute tendance, y compris les communistes, formèrent une garde d’honneur. Le transfert au Panthéon s’effectua de nuit à travers Paris. Le lendemain, la cérémonie retransmise à la télévision eut pour but d’assimiler Jean Moulin, de Gaulle et l’aspect militaire de la Résistance dans une tradition resistancialiste avouée : cette fois, c’est le Général qui présida les hommages avec toute la pompe républicaine. À midi, Malraux prononça l’éloge funèbre conclu par Le Chant des partisans puis un défilé militaire. Cette journée fut centrée sur le général de Gaulle qui « vola la vedette » au héros : le discours lui est d’ailleurs adressé à lui seul, en tant que Président de la République mais aussi, tout le Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

monde le comprend, en tant qu’« Homme du 18 juin ». Derrière le discours, qui dure quinze minutes, se profile une équation simple : Jean Moulin = Résistance = de Gaulle = France. La Résistance, c’est la France éternelle. Le caractère œcuménique de Jean Moulin fut réactivé par François Mitterrand en 1981. Document 5 La figure du résistant en 1946 La Bataille du rail (1946) reflète le foisonnement des films héroïques et historiques au lendemain de la guerre : entre 1946 et 1950, 39 films (soit 1/7 des films français) s’inscrivent dans cette veine, contre 1/20 dans les années suivantes. Réponses aux questions 1. Les parents de Marcel Authier ont caché Jacques et Simon Borenstein, qui étaient poursuivis par les Allemands car ils étaient Juifs étrangers. Ils ont agi de façon instinctive. Après guerre, la famille Authier a tu ces événements, notamment car une partie de la famille Borenstein a été arrêtée par les Allemands puis déportée à Auschwitz, ce qui a été pour eux très douloureux car des liens d’amitié s’étaient tissés entre les deux familles. 2. L’armistice de la Première Guerre mondiale est commémoré le 11 novembre depuis 1919 (même si la 11 novembre n’est devenu fête nationale qu’en vertu de la loi du 24 octobre 1922). 3. Henri Fresnay est confronté à la difficulté qu’il y a à rendre hommage aux Morts pour la France entre 1939 et 1945 alors que les violences subies et les façons de lutter et contre les Allemands ont été très diverses. Henri Fresnay s’inspire du symbole du Soldat inconnu de la Grande Guerre en l’adaptant aux spécificités du second conflit mondial. Quinze cercueils contenant les dépouilles de victimes françaises sont installés autour de l’Arc de Triomphe le 11 novembre 1945 : deux résistants (dont une femme), deux déportés (dont un Juif), un prisonnier de guerre, un FFI et neuf militaires. 4. En 1946, le Parti communiste français se présente comme le « Parti des fusillés », comme en témoigne cette affiche réalisée en vue des élections législatives de 1946. L’accent est mis sur la place que les communistes ont tenue dans la Résistance, ce qui montre l’importance de cette dernière dans les mentalités au sortir de la guerre. 5. Le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon en 1964 est une façon de valoriser les résistants à travers la figure symbolique du fondateur du Conseil national de la Résistance. La Résistance est alors vue de façon héroïque : alors que le général de Gaulle est président de la République, est entretenue l’image d’une France unanimement résistante. C’est ce qu’on appelle le « Résistancialisme ». 6. Alors qu’en 1946, René Clément construit, dans La Bataille du Rail, une image héroïque des cheminots, présentés comme unanimement résistants, la figure de « Super Résistant » imaginée par Jean-Marie Poiré en 1982 dans la comédie Papy fait de la résistance témoigne plutôt d’une prise de distance. 5

7. Jean-Marie Poiré a choisi d’appeler son personnage « Super Résistant » et de l’accoutrer d’un costume mêlant des éléments empruntés à Arsène Lupin et à Zorro afin de se moquer des films sur la résistance. P. 16-17 Étude Les mémoires de la déportation Cette double page est consacrée aux mémoires de la déportation et à la difficile transmission de ce vécu. Une place est aussi faite à la question de la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs et au débat sur le statut de déporté. Document 3 Porter au cinéma la déportation des Juifs Le film Shoah de Claude Lanzmann sort en 1985 au terme de dix ans de travail. Cette œuvre de plus de dix heures mêle des témoignages de témoins et des images des lieux du génocide. Sans images d’archives, elle consacre une vision victimaire du génocide. Son originalité réside dans son objet qui n’est pas tant le génocide en lui-même que la survivance de sa mémoire. Cette re-création à vocation morale abolit la distance entre la mémoire et l’histoire, quitte à survaloriser certains éléments (l’antisémitisme des Polonais et le lien entre celui-ci et la présence des camps sur le territoire polonais). L’auteur a d’ailleurs revendiqué ce parti-pris. Signe du « réveil » de la mémoire juive, Shoah joue vis-à-vis du génocide des Juifs d’Europe le rôle que Le Chagrin et la pitié a joué au début des années 1970 vis-à-vis de l’Occupation. Réponses aux questions 1. Rachel Jedinak a été confrontée, au lendemain de la guerre à la difficulté de faire son deuil face au manque d’informations et à l’absence des corps de ses parents, déportés et tués à Auschwitz. Elle a tenté de surmonter cette épreuve en s’investissant notamment, lorsqu’elle fut à la retraite, dans des associations de mémoire. 2. Dans L’Écriture ou la vie, Jorge Semprun montre la diversité des attitudes adoptées face aux déportés au lendemain de la guerre (refus de poser des questions, malaise face aux réponses) et souligne de là l’incommunicabilité de l’expérience de la déportation, l’impossibilité de la faire partager à ceux qui ne l’ont pas vécue. 3. En réalisant le film Shoah, Jacques Lanzmann a travaillé sur la survivance de la mémoire du génocide dans une optique visant à abolir la distance entre la mémoire et l’histoire. 4. La reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la rafle du Vel’ d’Hiv’ est fondamentale pour les familles des victimes car le rôle des forces de l’ordre françaises a été longtemps tu, alors même qu’il a été décisif. 5. Le discours prononcé par Jacques Chirac le 16 juillet 1995 témoigne d’un changement d’attitude du pouvoir politique vis-à-vis du régime de Vichy. Pour la première fois un président de la République reconnaît la responsabilité de ce dernier dans la Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

collaboration et en particulier dans la Shoah, et par là même il souligne que le régime de Vichy n’est pas une parenthèse aberrante dont la République ne saurait être comptable. 6. Les victimes du STO ont revendiqué après la fin de la Seconde Guerre mondiale le titre de déporté pour faire reconnaître les violences qu’ils avaient subies. Les associations les regroupant avaient ainsi adopté le titre de « déportés du travail ». Interrogé au Sénat en janvier 1997 sur la reconnaissance du titre de déporté pour les victimes du STO, le ministre délégué aux Anciens combattants rappelle que la cour de cassation a interdit à ces associations de faire usage des termes de déporté ou de déportation, qui ne doivent être utilisés que pour évoquer les camps d’extermination et leurs victimes. Il ne s’agit pas de hiérarchiser les violences subies et les victimes, mais de marquer la diversité des vécus de la guerre. Le ministre met également en évidence la nécessité de clore le débat et de pérenniser les statuts votés par des parlementaires qui avaient eux-mêmes vécu la Seconde Guerre mondiale. P. 18-19 Cours 1 L’histoire des mémoires de la Seconde Guerre mondiale Réponses aux questions 1. La pluralité des journées commémoratives relatives à la Seconde Guerre mondiale révèle la diversité des « vécus » de la guerre. 2. Les timbres sont des sources exploitables par l’historien dans la mesure où ils sont révélateurs des mentalités collectives. Cette analyse vaut particulièrement pour ces trois timbres dédiés à la commémoration et au souvenir de la Seconde Guerre mondiale. 3. Les documents un et deux témoignent de l’évolution de la mémoire du conflit dans les mentalités collectives et de la lente prise en compte de la déportation et, en particulier, de la singularité de la Shoah. Ils montrent une évolution de la grille de lecture du conflit, dominée au lendemain de la guerre et durant la présidence du général de Gaulle par la geste héroïque de la Résistance. P. 20-21 Étude Les historiens et les procès Il s’agit, dans cette double page, d’évoquer les procès des responsables de la Shoah qui ont été organisés à partir des années 1960, de montrer la complexité de leur organisation mais aussi les divergences des historiens quant au rôle qu’ils ont à y jouer. Réponses aux questions 1. Eichmann, ancien officier SS qui a dirigé la logistique de la « Solution finale », est jugé à Jérusalem en 1961 après avoir été enlevé par les services secrets israéliens en Argentine, où il s’était enfui. Ce procès marque un tournant, notamment par rapport au procès de Nuremberg, à la fois car il est organisé en Israël et car une place importante y est 6

faite aux dépositions des témoins. Il a également joué un rôle important dans la mise en place d’une mémoire de la Shoah, inscrite en particulier dans les programmes scolaires. 2. Par cette affiche, la Fédération nationale des Déportés et Internés résistants et patriotes dénonce l’impunité dont ont joui des responsables de la Shoah et la grâce présidentielle dont a bénéficié Paul Touvier. Elle exige que la justice soit rendue, c’est-àdire que ceux qui ont été condamnés après-guerre par contumace soient recherchés et qu’ils exécutent leur peine. 3. Les poursuites contre d’anciens hauts dignitaires de Vichy ont été rendues possibles par le vote à l’unanimité, en 1964, de la loi déclarant imprescriptibles les crimes contre l’humanité. Audelà, les associations de déportés et d’enfants de déportés ont joué un rôle important dans l’organisation de ces procès, alors qu’après guerre la mémoire du génocide avait été tue ou ignorée. Ces procès marquent une rupture par rapport aux procès organisés au lendemain de la guerre, dans la mesure où dans l’immédiat après-guerre avaient été principalement jugés les crimes perpétrés contre des résistants et les faits de collaboration avec l’ennemi. En cela, ces procès témoignent de l’évolution progressive de la grille de lecture du conflit et de la reconnaissance de la Shoah. 4. Jean-Noël Jeanneney et Henry Rousso ont des avis opposés sur la question de la participation des historiens au procès Papon en tant que témoins. JeanNoël Jeanneney souligne l’utilité de ces témoignages qui permettent, selon lui, d’éclairer les magistrats et les jurés. Apporter à ces derniers des connaissances historiques les rend davantage aptes à juger les actes et les choix faits par un individu dans un contexte donné. Au contraire, pour Henry Rousso, les historiens ne doivent pas témoigner lors des procès à la fois car ils évoquent des faits que, comme les jurés, ils n’ont pas connus, mais aussi car ils n’ont pas accès au dossier. C’est donc la place assignée à l’historien dans cette procédure qu’il dénonce. P. 22-23 Étude L’historien entre histoire et mémoires Il s’agit dans cette double page de réfléchir aux difficultés spécifiques auxquelles est confronté l’historien qui travaille sur la Seconde Guerre mondiale. Sont prises en compte à la fois la diversité et la spécificité des sources (et en particulier des témoignages) sur lesquels il s’appuie. Est également posée la question de la posture de l’historien face à la diversité des mémoires de la guerre et face aux tentatives d’instrumentalisation politique qui se sont développées depuis la fin des années 1970. Document 1 Il n’y a pas de témoignage neutre Germaine Tillion est une ethnologue qui a été arrêtée pour sa participation à la Résistance (elle appartenait au Groupe du musée de l’Homme) puis déportée à Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Ravensbrück. Pendant son internement puis après la libération du camp, elle a utilisé des méthodes scientifiques (prises de notes, recueil de témoignages…) pour appréhender l’univers concentrationnaire. Elle a publié dès 1946 une étude sur le camp intitulée Ravensbrück. Réponses aux questions 1. Pour Germaine Tillon, la nature même de la déportation fait qu’il ne peut pas y avoir de témoignage neutre à son sujet, tous les témoins ayant un parti pris, qu’il s’agisse des victimes, des responsables ou des libérateurs des camps. 2. Tandis que l’histoire repose sur des faits objectifs, établis de façon scientifique, la mémoire est subjective et dépend d’un point de vue. De là, les conflits qui peuvent surgir entre histoire et mémoire, entre historiens et témoins. 3. L’historien qui étudie la Seconde Guerre mondiale peut non seulement travailler à partir de témoignages mais aussi à partir d’archives (ex : des photographies) ou de résultats de fouilles archéologiques. En parlant de « zone grise de l’histoire », le journaliste Édouard Launet évoque une question à la fois mal connue et sujette à débats. De là, l’intérêt des fouilles archéologiques qui ont permis de confronter témoignages et éléments objectifs, et d’éclairer des points importants. 4. Pour les propos qu’il a tenus lors de l’émission Grand Jury-RTL Le Monde le 13 septembre 1987, Jean-Marie Le Pen a été condamné pour « banalisation de crimes contre l’humanité » et « consentement à l’horrible ». 5. Le révisionnisme consiste à remettre en cause les massacres perpétrés par les nazis pendant la guerre. Pierre Vidal-Naquet souligne la différence fondamentale de nature entre le discours des négationnistes et le récit des historiens : alors que ces derniers se fondent sur des arguments établis scientifiquement, les révisionnistes n’appuient pas leurs affirmations sur des faits objectifs. Il met donc en évidence l’absence totale de sérieux scientifique des discours négationnistes. P. 24-25 Le travail des historiens Document 1 « Les dangers de la répétition du passé » Selon Benjamin Stora, le travail de l’historien apaise les mémoires et atténue les conflits dans la mesure où il établit les faits et permet d’atteindre une sorte d’équilibre entre « rumination » et effacement du passé. Document 2 Centre européen du résistant déporté Le Centre européen du résistant déporté de Struthof (Alsace) a été inauguré en 2005. Il est installé dans le seul camp de concentration installé par les nazis sur le territoire français. L’objectif pédagogique du Centre européen du résistant déporté de Struthof est de faire 7

voir, en particulier à des groupes scolaires, la réalité d’un camp de concentration (barbelés, baraquements, places d’appel lieux de travail, block du four crématoire et des expérimentations médicales, chambre à gaz…) de façon à donner corps à la violence de la Seconde Guerre mondiale et à permettre la transmission de cette mémoire. La conservation de ses bâtiments est particulièrement importante alors que les derniers déportés survivants disparaissent peu à peu. Le Centre européen du résistant déporté de Struthof est aussi un lieu d’exposition. Réponses aux questions 1. Les hommes poursuivis pour crimes contre l’humanité dans les années 1980 et 1990, étaient soit des nazis ayant exercé en France des fonctions importantes durant la guerre, soit de hauts fonctionnaires du régime de Vichy. 2. Des procès peuvent être organisés plus d’un demisiècle après les faits en vertu de la loi de 1964 qui établit l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité. 3. Ces procès confrontent à la difficulté d’établir les faits parfois plus d’un demi-siècle après leur déroulement. Au-delà, la nécessaire contextualisation pose aussi problème, dans la mesure où, selon certains, le récit historique ne permet pas de ressaisir la spécificité des comportements individuels.

- Silence des rescapés et des familles des victimes de la Shoah. II. Années 1970 : La relecture des années d’occupation et l’évolution des mémoires de la guerre - 1969 : démission de de Gaulle - 1971 : sortie en salles du film de M. Ophüls, Le Chagrin et la pitié - 1971 : Pompidou gracie Paul Touvier - 1973 : R. Paxton, La France de Vichy 1975 : Valéry Giscard d’Estaing supprime la commémoration du 8 mai 1945 III. Depuis la fin des années 1970 : La reconnaissance de la Shoah et du rôle de Vichy 1985 : Shoah de Claude Lanzmann 1987 : P. Vidal-Naquet prend position contre le négationnisme 1994 : procès de Paul Touvier 1995 : reconnaissance par Jacques Chirac de la responsabilité de l’État français dans la Shoah 1997-1998 : - condamnation de Maurice Papon - questionnement sur le rôle de l’historien lors des procès. 2. Il s’agira de réfléchir au rôle que l’historien est amené à jouer face à l’émergence de plusieurs mémoires de la Seconde Guerre mondiale, celle-ci étant liée à la diversité des « vécus » de la guerre. P. 28 BAC Analyse de document

P. 26-27 BAC Composition

Sujet 2 La mémoire de la déportation

Sujet 1 L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale

Ce document est un extrait d’une conférence prononcée par Geneviève de Gaulle en 1947 à Paris, deux semaines après la fin du premier procès de membres du personnel du camp de Ravensbrück organisé à Hambourg par les Britanniques. La nièce du général de Gaulle a été déportée dans ce camp pour fait de résistance en 1944, après avoir été arrêtée par la Gestapo. Dans cette conférence, elle se fait la porte-parole des résistants déportés qui sont certes héroïsés au lendemain de la guerre, mais aussi largement confrontés à l’indifférence de ceux qui n’ont pas vécu l’expérience des camps.

Réponses aux questions 1. Historien : L’historien a pour rôle d’établir des faits en croisant des témoignages et des sources (archives, sources archéologiques etc.), mais non d’établir une hiérarchie entre des mémoires ou encore de juger. Mémoires : Les mémoires – individuelles ou collectives – sont subjectives : elles reposent sur le souvenir vécu et transmis et présupposent la sélection et donc l’oubli. Idées et éléments-clés I. 1945-années 1970 : L’hégémonie du résistancialisme - 1945 : - Célébration de la victoire sur l’Allemagne nazie/Épuration (procès de Pétain et Laval) - Mythe de la France résistante - Le Parti Communiste, « parti des fusillés », remporte les élections au sortir de la guerre - De Gaulle - 1954 : - Instauration d’une « Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation » - 1960 : - Inauguration du mémorial de la France combattante au Mont-Valérien - 1964 : - Jean Moulin entre au Panthéon Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

P. 29 BAC Analyse de document Sujet 3 Le procès Papon et la mémoire de la collaboration Réponses aux questions 1. a. Maurice Papon a été jugé en 1997-1998 pour complicité de crimes contre l’humanité pour son rôle dans l’arrestation de 1 600 Juifs. b. Maurice Papon était Secrétaire général de la préfecture de Gironde entre 1942 et 1944. 2. a. Les jeunes et les sympathisants de gauche étaient favorables à la tenue du procès de Maurice Papon, car ils considéraient nécessaires que les actes commis 8

lors de la guerre soient jugés en vertu de l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité. b. Ceux qui étaient opposés au procès soulignaient pour leur part la difficulté qu’il y avait à établir les faits plus d’un demi-siècle après, ainsi que le risque de juger le régime de Vichy à travers Maurice Papon.

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3. On peut distinguer deux parties dans l’article et considérer qu’après un paragraphe d’exposition des faits les débats qui agitent les historiens sont traités à partir de la phrase « Faut-il juger Maurice Papon ? »

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Chapitre 2 L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie LA DÉMARCHE DU CHAPITRE Ce chapitre vise à revenir tout d’abord sur les caractères spécifiques de la guerre d’Algérie qui expliquent les difficultés de la mémoire de cette guerre, tant en France qu’en Algérie (cours 1). Dans le premier cas, une période d’occultation de la mémoire a suivi la guerre, tant de manière organisée et officielle (amnistie) que de manière individuelle et collective. En Algérie, au contraire, c’est une forme d’exaltation qui a suivi, mais qui a occulté tout pluralisme politique. Le cours 2 aborde ensuite le fait que acteurs de la guerre d’Algérie, opposés des deux bords de la Méditerranée mais aussi dans chaque pays, ont progressivement formé des groupes « porteurs de mémoire », pour reprendre la formule de B. Stora, notamment celui des pieds-noirs ou celui des immigrés algériens qui font chacun l’objet d’une étude ; ces groupes étant en quelque sorte dépositaires d’une mémoire spécifique. La mémoire malmenée de la guerre d’Algérie surgit alors par bouffées, comme autant de conflagrations, des deux côtés de la Méditerranée, en miroir. Le attendus du programme insistent sur le travail de l’historien, à la fois sur la guerre d’Algérie, mais aussi sur les mémoires devenues objets d’histoire. Ce chapitre invite à montrer que dans le cadre de la pluralité et la conflictualité des mémoires de la guerre d’Algérie, le travail historique émerge lentement, difficilement, depuis la fin des années 1970 et prend son essor depuis le début des années 2000. BIBLIOGRAPHIE - Raphaëlle Branche, La Guerre d’Algérie : une histoire apaisée ?, Le Seuil, Points, 2005. - Tramor Quemeneur et Benjamin Stora (dir.), La Guerre d’Algérie, Géo, Les dossiers de l’Histoire, 2012. - Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), La Découverte, Paris, 1995. - Benjamin Stora et Tramor Quemeneur, Algérie 1954-1962. Lettres, carnets et récits des Français et des Algériens dans la guerre, Les Arènes, 2010 (Prix Elle). - Benjamin Stora, La Gangrène et l’Oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, La Découverte, Paris, 1991. - Benjamin Stora, Le Transfert d’une mémoire. De l’« Algérie française » au racisme anti-arabe, La Découverte, 1999. - Benjamin Stora, La Guerre d’Algérie expliquée à tous, Le Seuil, 2012. - Sylvie Thénault, Algérie : des « événements » à la guerre. Idées reçues sur la guerre d’indépendance algérienne, Cavalier bleu, 2012. Bandes dessinées, romans - Daniel Blancou, Retour à Saint-Laurent des Arabes, Delcourt, 2012. - Marie Cardinal, Les mots pour le dire, 1975. - Didier Daeninckx, Meurtres pour mémoire, Gallimard – Série noire, 1984. - Didier Daeninckx, Mako, Octobre noir, Ad Libris, 2011. - Claire ETCHERELLI, Élise ou la vraie vie, Gallimard, 1973 (Prix Fémina 1967). - Jacques FERRANDEZ, Carnets d’Orient, Casterman, 1994. - Désirée et Alain Frappier, Dans l’ombre de Charonne, Mauconduit, 2012. - Laurent Maffre, Demain, demain. Nanterre. Bidonville de La Folie. 1962-1966, Acte Sud / Arte éditions, 2012.

P. 32-33 Ouverture de chapitre Cette double page montre l’importance de la mémoire de la guerre d’Algérie, tant par l’existence de mémoriaux et de monuments aux morts que par des commémorations. Le premier document se focalise sur la mémoire française, avec le mémorial du quai Branly, bien qu’il concerne aussi des victimes d’origine algérienne. Le second document se centre quant à lui sur la mémoire algérienne, mais il s’agit plus spécifiquement d’une commémoration qui concerne l’immigration algérienne en France. De ce point de vue, elle concerne aussi la population française, l’opinion publique et politique française, et donc la mémoire française. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Document 1 Commémorer les appelés morts durant la guerre d’Algérie Trois ans après la reconnaissance officielle du terme « guerre d’Algérie », le mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie a été inauguré au quai Branly le 5 décembre 2002. Ce mémorial se divise en trois colonnes aux couleurs de la France. Sur la première, défilent les noms des 23 000 militaires français officiellement tués au cours des conflits qui se sont déroulés de 1952 (pour le Maroc et la Tunisie) à 1962. Sur la deuxième colonne, nous constatons que figure un prénom féminin, montrant ainsi que la guerre d’Algérie n’était pas 10

uniquement une question masculine. En fait, cette colonne rend notamment compte des noms des personnes (civiles et militaires, hommes et femmes) qui ont disparu après le cessez-le-feu. Enfin, la troisième colonne consiste en une borne interactive permettant la recherche d’un nom. Le nom qui est ici affiché est à consonance nord-africaine, soulignant que des Maghrébins combattaient dans les rangs de l’armée française, que ce soit en tant que militaires de carrière, qu’appelés ou encore que supplétifs (notamment les « harkis »). Ainsi, cette photographie très officielle souligne la diversité des personnes qui ont perdu leur vie (du côté français) au cours du conflit. La date d’inauguration du mémorial a dans un premier temps été choisie pour commémorer la « journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie ». Mais, ne correspondant à aucune date symbolique de la guerre d’Algérie, elle a été rejetée par une partie des anciens combattants (regroupés en particulier au sein de la Fédération nationale des anciens combattants d’Algérie, de Tunisie et du Maroc – FNACA), militant pour la reconnaissance de la date du cessez-le-feu francoalgérien, le 19 mars, comme date commémorative de la guerre. Document 2 Commémorer les victimes algériennes de la répression policière Le 17 octobre 1961, les Algériens des quartiers populaires de banlieue et des bidonvilles entourant Paris ont cherché à défiler au cœur de la capitale afin de contester le couvre-feu imposé par le préfet de police, Maurice Papon. Violemment réprimés dès la sortie du métro alors qu’ils se gagnaient Paris, ils sont roués de coups, victimes de coups de feu ou encore jetés à la Seine. Vraisemblablement, plusieurs centaines d’Algériens sont morts ce jour-là, le bilan exact étant encore un sujet de recherches, du fait du nombre élevé de disparus. La répression de la manifestation du 17 octobre 1961 a été condamnée par les militants anticolonialistes et plus largement par une partie de la population française. Mais l’événement a ensuite été occulté, dans la mémoire française, par le souvenir de la manifestation contre l’OAS violemment réprimée au métro Charonne (9 morts). La mémoire de la répression du 17 octobre a cependant perduré dans une quasi-intimité, avant de resurgir au cours des années 1980, à la suite de l’impulsion donnée par la « Marche pour l’égalité et contre le racisme » de 1983 (cf. p. 41 du manuel). Le livre de Jean-Luc Einaudi, La Bataille de Paris, puis son témoignage au cours du procès de Maurice Papon, ont contribué à mieux faire connaître cet événement. En 2001, le maire de Paris Bertrand Delanoë inaugure une plaque commémorative sur le pont Saint-Michel à Paris pour rappeler « la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 ». En 2011, à l’occasion Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

des cinquante ans de la répression, François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, rend hommage aux victimes du 17 octobre 1961 sur le pont de Clichy. Plusieurs autres cérémonies se déroulent le même jour, comme à Colombes, à Aubervilliers, Clichy-la-Garenne ou encore à Paris. Un an plus tard, le Président François Hollande rend « hommage à la mémoire des victimes » de la « sanglante répression » du 17 octobre, et affirme que « la République reconnaît avec lucidité ces faits ». P. 34-35 Cours 1 L’émergence des mémoires Avant de montrer comment les mémoires ont émergé, il convient de revenir sur le déroulement de la guerre en effectuant ainsi un bref rappel du programme de Première. Les caractères spécifiques de la guerre d’Algérie expliquent en effet les particularités des mémoires de cette guerre. Du côté français, la tentation a d’abord été de vouloir « enterrer » cette guerre dans les mémoires, notamment en instituant un oubli officiel, ce qui peut se voir dans le document 2. De ce fait, la reconnaissance d’un état de guerre s’est faite lentement et laborieusement, comme en témoigne le fait que ce n’est qu’en 1999 que la guerre a été reconnue comme telle (doc. 3). Au contraire, du côté algérien, la célébration de la victoire et de l’indépendance s’est traduite par un culte des martyrs (doc. 1) et l’effacement de la diversité des parcours et de la pluralité des courants politiques. Document 1 La célébration d’une guerre d’Indépendance en Algérie Le mémorial du martyr d’Alger surplombe la ville et la baie d’Alger. Il a été inauguré en 1982, à l’occasion du vingtième anniversaire de l’indépendance algérienne. Il représente trois feuilles de palmier entre lesquelles se trouve une tourelle. Devant chaque feuille de palmier se trouve une statue de soldat symbolisant la lutte pour l’indépendance algérienne. Une flamme éternelle brûle sur l’esplanade à la mémoire des combattants morts pour l’indépendance algérienne et le musée du moudjahid (combattant) se trouve sous le mémorial. Ce mémorial montre donc le culte des héros et des martyrs qui est officiellement cultivé en Algérie et qui affirme à l’excès qu’un million voire 1,5 million d’Algériens ont été tués pendant le conflit. Il souligne aussi l’importance du sacrifice réalisé pour l’indépendance du pays. Document 2 1962 : Oublier les violences de la guerre en France Trois jours après le cessez-le-feu prévu dans les accords d’Évian, deux décrets sont passés pour amnistier les Algériens qui ont participé à la lutte indépendantiste – ce qui permet notamment de les libérer de prison –, ainsi que les Français qui ont commis des infractions dans le cadre des « opérations de maintien de l’ordre ». Ce décret permet en particulier d’amnistier les tortures et exécutions 11

sommaires commises par les forces françaises. La reconnaissance réciproque des amnisties est officiellement prévue dans les Accords d’Évian, mais cette disposition ne sera jamais vraiment mise en œuvre, chaque nation tenant à « garder la main » sur les décisions d’amnistie. Ce qui est surtout notable dans ce processus, c’est la rapidité de sa mise en œuvre : alors même que l’Algérie n’est pas encore indépendante, les premières mesures d’amnistie sont prises. Le processus est également long : il a été complété par une loi en 1964 pour les faits qui se sont déroulés en Algérie, par une autre loi en 1966 pour les atteintes à la sûreté de l’État (visant en particulier les réseaux français d’aide au FLN) et enfin en juillet 1968 pour les crimes liés à l’OAS. Réponse à la question Le gouvernement français tente de « tourner la page » du conflit algérien en prenant des mesures d’amnistie, tant pour les Algériens que pour les Français, afin d’organiser une sorte « d’oubli officiel » des infractions qui ont pu être commises par les uns et par les autres dans le cadre de la lutte pour l’indépendance algérienne et de sa répression. Document 3 1999 : nommer la guerre d’Algérie La loi du 18 octobre 1999 consacre l’expression « guerre d’Algérie » à la place « d’opérations effectuées en Afrique du Nord ». La qualité de guerre est donc reconnue au conflit d’indépendance algérien. Cette réalité était auparavant niée parce que l’Algérie était considérée comme trois départements français et que la France ne pouvait donc déclarer la guerre à une partie de son territoire. Les autorités françaises ont de plus cherché à minimiser la gravité du conflit tant pour rassurer l’opinion publique française que pour être moins gênées sur le plan international. Cette situation a perduré après la fin du conflit, même si les mentalités avaient évolué : dès la fin des années 1970, les manuels scolaires utilisent l’expression « guerre d’Algérie ». La loi du 18 octobre 1999 officialise donc un fait déjà largement reconnu : elle est d’ailleurs votée à l’unanimité. Réponse aux questions 1. La guerre d’Algérie était officiellement qualifiée « d’opérations » pour en minimiser la gravité. 2. La loi rompt avec « l’oubli officiel » organisé dès 1962 parce qu’elle reconnaît pleinement que la guerre d’Algérie était un conflit opposant des combattants. Les autorités françaises ne cherchent plus à en minimiser la gravité : le processus de reconnaissance des faits qui s’y sont déroulés peut ainsi commencer. P. 36-37 Étude La mémoire de la torture dans la guerre d’Algérie Une des questions les plus épineuses de la guerre d’Algérie a été la torture, instituée en système, même si la majorité des soldats ne l’a pas pratiquée. Connue Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

dès les premiers moments de la guerre comme le montre le témoignage d’Henri Alleg (doc. 1), mise en image dans les années 1970 (doc. 2), la question de la torture a continué de resurgir périodiquement dans les mémoires meurtries de la guerre d’Algérie. Ainsi, le livre du général Massu La Vraie Bataille d’Alger suscite un important débat dans les années 1970. Plus récemment, le témoignage de la militante indépendantiste Louisette Ighilahriz (doc. 6) en juin 2000 a entraîné un déluge mémoriel, en particulier après la publication du livre du général Aussaresses justifiant la torture et les exécutions sommaires qu’il a ordonnées (doc. 3). Au même moment, une jeune historienne, Raphaëlle Branche, soutenait sa thèse sur la pratique de la torture par l’armée française dans la guerre d’Algérie (doc. 5). Document 1 Un témoignage précoce sur la torture en Algérie Henri Alleg, de son vrai nom Henri Salem (19212013), est un Européen d’Algérie, communiste, rédacteur en chef du journal Alger républicain. Le parti communiste algérien étant interdit par les autorités françaises en septembre 1955, Henri Alleg plonge dans la clandestinité. Il est arrêté en juin 1957 et subit les tortures des parachutistes de la 10 e Division parachutiste (dirigée par le général Massu pendant la « bataille d’Alger »). Ce document montre que des Français d’Algérie ont aussi participé à la lutte pour l’indépendance algérienne et ont subi le même traitement que les militants algériens. Cet extrait montre le discours dépréciatif qui peut exister sur les Algériens (qualifiés de « ratons » ou de « troncs »), et expose la filiation des pratiques et des mémoires qui existe de la Seconde Guerre mondiale (avec la référence à la Gestapo) à la guerre d’Indochine (qui exacerbe l’anticommunisme) et jusqu’à la guerre d’Algérie. À la différence du militant communiste Maurice Audin qui a subi le même sort qu’Henri Alleg, mais qui a été exécuté selon les déclarations posthumes du général Aussaresses (son corps n’a cependant jamais été retrouvé), Henri Alleg a été ensuite emprisonné. Il a alors clandestinement commencé à écrire son témoignage, qui a été publié en 1958. Il a été censuré quatre semaines après sa diffusion et a continué à circuler largement après son interdiction, devenant l’un des textes les plus emblématiques de la dénonciation de la torture au cours même de la guerre d’Algérie. Document 2 La torture au cinéma En 1976, alors que la guerre d’Algérie suscite le débat depuis le début de la décennie avec le témoignage du général Massu, Laurent Heynemann sort son premier film, La Question, tiré du livre d’Henri Alleg, mais le mettant également en perspective avec le contexte de la « bataille d’Alger ». Le film avait alors été interdit aux moins de 18 ans, bien que ne montrant pas des scènes aussi dures que celles qui sont relatées dans le livre. 12

Document 3 Une justification de la torture À la suite du témoignage de Louisette Ighilahriz (auteure du doc. 6), le général Paul Aussaresses revient sur son parcours algérien dans son livre Services spéciaux. Algérie 1955-1957, paru en 2001. Le général Aussaresses apparaissait déjà sous son nom de code « Commandant O. » dans les livres d’Yves Courrières. Membre du Service action du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), en charge des coups de force, le général Aussaresses revient sur son arrivée en Algérie en 1955, avant l’insurrection du Nord-Constantinois le 20 août et sa répression sanglante. Puis il relate les circonstances dans lesquelles il a participé à la « bataille d’Alger » à partir de 1957. Il raconte comment il a tué le chef du FLN de la Zone autonome d’Alger, Larbi Ben M’Hidi, et l’avocat nationaliste Ali Boumendjel, dont la version officielle affirmait qu’ils s’étaient suicidés. En 1955, au début de son séjour en Algérie, il raconte comment il en est venu à accepter et à pratiquer la torture pour sa prétendue efficacité. C’est un policier qui le convainc : la torture était en effet régulièrement pratiquée dans les commissariats algériens avant même la guerre d’Algérie. Cet ouvrage a fait l’objet d’une condamnation pour « apologie de crimes de guerre », Paul Aussaresses a été mis d’office à la retraite et la légion d’honneur lui a été retirée. Document 4 Juger les responsables ? En 1971, le général Jacques Massu, commandant la 10e Division parachutiste pendant la guerre d’Algérie, raconte la répression qu’il a menée lors de « sa » bataille d’Alger en 1957 (La Vraie Bataille d’Alger, Plon, 1971), au cours de laquelle un système de tortures généralisé a été mis en place pour démanteler l’Organisation politico-administrative (OPA) du FLN. Le film La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo (1966) en rend bien compte. Le livre du général Massu suscite de nombreuses réactions. Ainsi, le général Jacques Pâris de Bollardière, qui s’est opposé à la pratique de la torture et a été sanctionné pour cela, réplique avec Bataille d’Alger, bataille de l’homme (Desclée de Brouwer, 1972). Jules Roy, écrivain pied-noir proche d’Albert Camus, lance J’accuse le général Massu (Seuil, 1972). L’historien Pierre Vidal-Naquet, très investi dans l’opposition à la guerre d’Algérie, publie également La Torture dans la République (Minuit, 1972). Les anciens opposants de la guerre d’Algérie (notamment l’éditeur François Maspéro) créent même un Comité pour le procès au général Massu à la suite du livre de ce dernier, au début des années 1970. Michel Debré, Premier Ministre pendant la guerre d’Algérie, est alors ministre de la Défense. Il s’agit surtout d’un Comité créé en vue de dénoncer le général Massu puisque les faits commis pendant la guerre ont été amnistiés depuis 1962. À la fin de sa vie, le général Massu a éprouvé du repentir pour ce qu’il avait commis, Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

affirmant qu’il aurait fallu faire autrement, à la différence des généraux Bigeard et Aussaresses. Document 5 L’analyse de l’historien En l’an 2000, en plein dans le débat suscité par le témoignage de Louisette Ighilahriz, une jeune historienne soutient sa thèse à l’IEP de Paris sur la torture et l’armée pendant la guerre. Un an plus tard, l’ouvrage est publié. L’historienne montre notamment comment s’est mis en place un système de tortures pendant la « bataille d’Alger » qui s’est ensuite organisé sur tout le territoire algérien, en particulier avec les Détachements opérationnels de protection (DOP) et les Centres de renseignement et d’action (CRA). Document 6 Une reconnaissance toujours difficile Le 20 juin 2000, la journaliste Florence Beaugé publie le témoignage de l’ancienne militante indépendantiste, Louisette Ighilahriz, dans le journal Le Monde, à l’occasion de la première visite officielle d’un chef d’État algérien en France depuis l’indépendance. Ce témoignage suscite des réactions de dénégation (général Bigeard), de reconnaissance sans regrets (général Aussaresses) et de reconnaissance avec regrets (général Massu). Le débat se poursuit toute l’année suivante, notamment à la suite de l’Appel des 12 signé par douze personnalités appelant à la condamnation de la torture pendant la guerre d’Algérie, avec de nombreux témoignages d’anciens appelés qui rendent compte des tortures auxquelles ils ont pu assister. De plus, le général Aussaresses et Louisette Ighilahriz publient leurs témoignages. Dans son livre, Louisette Ighilahriz revient notamment sur sa quête : retrouver le médecin (docteur Richaud) qui lui a permis d’être emprisonnée pour ne plus être torturée par les militaires. Il est cependant décédé quelques mois avant qu’elle retrouve sa trace. Elle rend également compte de son parcours de jeune militante indépendantiste, de son arrestation, des tortures qu’elle a subies, de son incarcération, jusqu’à son parcours de femme politique après l’indépendance algérienne. Réponse aux questions 1. Les Français ont entendu parler de la torture dès la guerre d’Algérie, comme le montre le témoignage d’Henri Alleg. Le deuxième temps important se situe au début des années 1970, avec le témoignage du général Massu (doc. 4), qui a occasionné d’autres publications et la sortie de films (doc. 2). Enfin, le témoignage de Louisette Ighilahriz en 2000 puis le livre qu’elle a publié (doc. 6) sur les tortures qu’elle a subies ont suscité de nombreuses réactions, notamment celle du général Aussaresses (doc. 3). Parallèlement, le travail historique émerge, comme le montre l’extrait du livre de Raphaëlle Branche (doc. 5). 13

2. Au début de son livre, le général Aussaresses justifie l’emploi de la torture par la nécessité de retrouver une bombe qui doit exploser. Cet argument est régulièrement mis en avant par les partisans de la torture, mais le cas de figure ne s’est jamais trouvé. Surtout, il omet les conséquences dramatiques de la pratique de la torture sur des « suspects » dont beaucoup sont innocents, sur la population du voisinage qui entend les cris et sur l’opinion publique nationale et internationale. 3. L’auteur estime que la torture est connue, parce que la nation est engagée en Algérie par les appelés du contingent. Les citoyens participent donc à la guerre, contre d’autres citoyens, ce qui demande de créer un état d’exception qui permet une pratique ouverte, publique, de la torture. 4. Alors qu’au début des années 1970, le général Massu justifie la pratique de la torture, voire en fait « l’apologie », à la fin de sa vie, il entre en contact avec l’une des anciennes militantes torturées par ses soldats pour lui permettre de retrouver la trace de la personne qui l’a aidée. 5. Raphaëlle Branche montre que dans le cas de la guerre d’Algérie, l’État crée les conditions nécessaires pour pouvoir utiliser une violence légale de plus en plus importante du fait de la difficulté à caractériser l’ennemi (il est « intime » : il fait normalement partie de la communauté). Mais cette violence n’est pas forcément légitime : elle peut être condamnée par une partie de l’opinion, ce qui peut conduire à une remise en cause de l’État voire à sa « désintégration ». P. 38-39 Étude Les mémoires pieds-noires Les « Européens d’Algérie », originaires de France mais aussi d’autres pays européens (Espagne, Italie, Malte…), se sont progressivement installés en Algérie. Avec la guerre d’Algérie, ils ont été désignés, avec les Juifs d’Algérie pourtant autochtones, sous le terme générique de « pieds-noirs ». Ce terme a des origines incertaines. Il proviendrait de la couleur des pieds de vigne que les colons européens cultivaient. Pendant la guerre d’Algérie, le FLN assure que les pieds-noirs pourront rester à l’indépendance. Mais le contexte meurtrier de la fin de la guerre, avec la politique de la terre brûlée de l’OAS et les représailles contre la population européenne, conduit une grande majorité des pieds-noirs à fuir au cours du printemps et de l’été 1962. Les mémoires pieds-noires, marquées par l’arrachement, sont néanmoins multiples. Document 1 Quitter l’Algérie Ce document montre la foule des anonymes qui attend pour prendre le bateau. Quelques personnes, plus fortunées, ont pu prendre l’avion. Pour les uns et pour les autres, l’attente de plusieurs jours fait alterner l’anxiété, l’angoisse, à la colère, à l’accablement, au soulagement et à la tristesse. La photographie montre également la quantité sommaire d’effets emportés par les pieds-noirs, dont bon nombre étaient persuadés de revenir une fois les tensions retombées. D’autres rendaient inutilisables Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

leur logement, leur mobilier et les affaires qu’ils laissaient, conscients que leur départ était définitif. Document 2 Souvenirs des derniers temps de l’Algérie française Jules Roy (1907-2000), ancien résistant, est un écrivain pied-noir, proche d’Albert Camus, et l’auteur des Chevaux du soleil, grande fresque romanesque sur l’histoire de l’Algérie coloniale. Il est même devenu favorable à l’indépendance algérienne, ce dont il témoigne en particulier dans son essai La Guerre d’Algérie. Le titre peut aujourd’hui paraître banal mais l’expression même était interdite, sanctionnée pendant la guerre. Ce texte suppose une lecture attentive avec les élèves pour leur faire saisir la distance critique avec la laquelle écrit Jules Roy qui dénonce l’attitude des pieds-noirs. Document 3 Une nostalgie durable Marie Cardinale (1928-2001) est une auteure piednoire, qui a en particulier écrit l’œuvre Les Mots pour le dire (Grasset, 1975), roman autobiographique dans lequel elle raconte la difficulté et l’importance de dire certains mots pour guérir des maux psychologiques. Cette « exilée absolue » (Josyane Savigneau) a signé une œuvre notamment marquée par l’absence et la perte. L’Inédit est un roman posthume, réalisé par ses filles à partir des notes, carnets et archives de leur mère disparue. Cet extrait montre la prégnance de la mémoire et la difficulté du retour, qui s’effectue comme s’il n’y avait eu aucune rupture. Document 4 Les pieds-noirs au cinéma Le Coup de Sirocco d’Alexandre Arcady a remporté un très grand succès auprès des anciens Européens d’Algérie. Il raconte – sur le mode du flash back propre à la mémoire – l’enfance du narrateur (Paul Narboni, joué par Patrick Bruel) avant et pendant la guerre d’Algérie, le départ au moment de l’indépendance et l’installation de la famille à Paris. La famille Narboni (jouée notamment par Roger Hanin et Marthe Villalonga) doit alors difficilement s’insérer, mais réussit en fin de compte à se relancer. Ce film parvient donc à allier la tragédie du départ (bien illustrée par le bateau sur l’affiche) à la joie du renouveau. De plus, ce film est tourné et joué par plusieurs « pieds-noirs », ce qui renforce aussi l’adhésion identitaire. Document 5 Les pieds-noirs militent pour leur reconnaissance L’Association des pieds-noirs progressistes et de leurs amis (ANPNPA) est une association relativement récente qui milite pour un dialogue franco-algérien. En cela, elle tient à marquer sa différence par rapport à de nombreuses autres associations de pieds-noirs, bercées par une forme de nostalgie d’un temps passé, heureux et harmonieux où les pieds-noirs et les 14

Algériens vivaient ensemble, sans expliquer les raisons pour lesquelles ces derniers se sont révoltés pour demander leur indépendance. En même temps, l’ANPNPA tient à souligner les liens forts qui unissent les peuples algérien et français. Document 6 Une reconnaissance officielle La loi du 23 février 2005 est une « loi mémorielle » qui « reconnaît les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés ». En ce sens, elle souligne les souffrances subies par les pieds noirs et les harkis (les deux catégories prises au sens générique). Mais elle a suscité d’importantes controverses car il s’agit de louer « l’œuvre accomplie » par la France en Algérie et dans les anciennes colonies, uniquement dans un « sens positif ». Le point de cristallisation qui a suscité les plus importantes oppositions, en particulier des historiens et des professeurs d’histoire-géographie, est ainsi l’article 4 qui stipule que les programmes scolaires doivent reconnaître le « rôle positif » de la colonisation. Réponses aux questions 1. Les conditions de départ des pieds-noirs ont conduit à l’existence d’une mémoire traumatique, de souffrance et de déchirement. Lucienne compare ainsi l’embarquement sur le bateau à un enterrement. 2. Le ton adopté par l’auteur est ironique, sarcastique. Au cours des dernières années de la colonisation, les pieds-noirs constatent que certains Algériens commencent à reprendre possession des terres et des fermes agricoles et qu’il commence à exister une bourgeoisie algérienne, certes très limitée. 3. Le texte de Marie Cardinal témoigne de la perte et de la focalisation de la mémoire sur les « fantômes » du temps passé. Il témoigne également de la difficulté à retourner dans ce que certains considèrent comme un « paradis perdu ». 4. La sortie d’un film sur les pieds-noirs dans les années 1970 révèle que cette mémoire est toujours très présente dans les esprits et ne demande qu’à être ravivée pour susciter un intérêt social très important. 5. L’article 4 de la loi du 23 février 2005 a été supprimé car il donne une orientation univoque aux programmes scolaires, alors que le travail historique consiste au contraire à ne pas avoir une lecture unique, mais de critique constructive des faits sociaux. 6. La loi du 23 février 2005 n’œuvre pas dans la même optique que l’ANPNPA car l’association entend contribuer à une réconciliation entre les peuples français et algérien, alors que la loi du 23 février 2005, faisant l’éloge de la colonisation, ne peut que contribuer à tendre les relations franco-algériennes.

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P. 40-41 Étude La mémoire des immigrés algériens L’optique de cette double page est de faire le point sur l’immigration algérienne en France pendant la guerre d’Algérie – en particulier à travers le cas des bidonvilles – et de montrer que cette histoire a façonné une mémoire spécifique (doc. 1 à 3) qui a progressivement émergé et a commencé à se faire entendre au cours des années 1980 (doc. 4). Sur le sujet, on peut travailler avec les élèves sur le webreportage interactif d’Arte.tv, élaboré à partir de l’interview de Monique Hervo et des entretiens qu’elle a réalisés avec des habitants du bidonville, sur des images de la bande dessinée de Laurent Maffre, Demain, demain : http://bidonville-nanterre.arte.tv/ Document 1 Les bidonvilles en banlieue parisienne Le bidonville de La Folie (du nom de la gare la plus proche) à Nanterre était composé de 8 000 à 10 000 personnes environ, des Algériens, des Marocains mais aussi des Portugais. Une seule adresse administrative regroupait ces personnes – le 127, rue de la Garenne – alors que le bidonville était constitué de ruelles et même de quartiers. Il n’y avait qu’une seule fontaine pour tout le bidonville, qui a existé de 1950 (sur fond de crise du logement) à 1971. Document 2 Les immigrés algériens manifestent pour l’indépendance de leur pays La manifestation du 17 octobre 1961 à Paris, organisée par le FLN et violemment réprimée par les forces de l’ordre sous les ordres du préfet de police Maurice Papon (sans doute plusieurs centaines de morts), part des quartiers périphériques, notamment des bidonvilles qui entourent Paris. Monique Hervo est une militante du Service civil international – organisme non-gouvernemental venant en aide aux populations sinistrées – qui a partagé la vie des habitants du bidonville de La Folie à Nanterre de 1959 jusqu’à sa résorption en 1971. D’autres Français, notamment de l’Action civique non-violente (ACNV), ont également vécu dans le bidonville ou ont apporté leur soutien aux Algériens et aux habitants de La Folie. Document 3 Le quotidien des immigrés maghrébins Muriel Cohen est une jeune docteure en histoire, qui a soutenu sa thèse sur les trajectoires résidentielles des migrants algériens en France. Elle a notamment travaillé sur les bidonvilles de Nanterre. L’article est ici paru dans le catalogue de l’exposition réalisée par Benjamin Stora et Linda Amiri à la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration (CNHI), à Paris, en 2012. Cet extrait fait le point sur les régions de provenance des Algériens et les conditions de vie dans les bidonvilles.

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Document 4 Des Français d’origine maghrébine en quête d’intégration En 1983, des affrontements ont lieu entre les forces de l’ordre et des jeunes du quartier des Minguettes à Vénissieux. Toumi Djaïdja, président de l’association SOS Avenir Minguettes est grièvement blessé par un policier. À l’hôpital, le prêtre Christian Delorme et le pasteur Jean Costil de l’association, La Cimade (Comité inter mouvements auprès des évacués) et du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) proposent d’effectuer une longue marche « pour l’égalité et contre le racisme », sur le modèle de celles de Martin Luther King et de Gandhi. Cette marche part de Marseille le 15 octobre 1983 (avec 17 personnes) et s’étoffe tout au long du périple vers Paris où plus de 100 000 personnes défilent le 3 décembre. Cette affiche symbolise la volonté d’égalité et la solidarité qui peut exister entre les Français (la pantoufle) et les personnes issues de l’immigration nord-africaine (la babouche). L’objectif de la marche est clair : la tour Eiffel ! Réponses aux questions 1. Le 17 octobre 1961, les Algériens manifestent concrètement pour réclamer la fin du couvre-feu, institué par le préfet de police Maurice Papon, interdisant les déplacements pour les Algériens de 20 h 30 à 5 h 30. Surtout, ils manifestent pour réclamer l’indépendance algérienne et montrer aux Parisiens leur détermination. 2. Les conditions de vie des Algériens en France ne correspondaient pas à l’idéal qu’ils s’en faisaient. Ils fuyaient des conditions misérables en Algérie et se trouvaient dans des conditions similaires en France, avec la rigueur climatique en plus. Mais ils fuyaient la guerre et les camps de regroupements en Algérie (près de deux millions d’Algériens sur huit millions ont été déplacés dans des camps de regroupement pendant la guerre d’Algérie). Même si la répression existait aussi en France, comme lors du 17 octobre 1961, la pression de la guerre était moins forte qu’en Algérie. 3. Les immigrés algériens subissent des discriminations administratives (absence de ramassage des ordures, d’approvisionnement en eau, réticences à trouver un logement social) et des discriminations sociales et symboliques (stigmatisation par la présence de boue sur les chaussures, isolement des femmes…). 4. Les discriminations n’ont pas disparu dans les années 1980, ce qui amène les enfants de la « seconde génération » à revendiquer l’égalité et la fin du racisme, notamment par la réalisation d’une marche, mais aussi par le biais associatif (Convergences 1984, SOS Racisme, Au nom de la mémoire…). 5. Les conditions de vie des immigrés algériens en France pendant la guerre d’Algérie entraînent dans les mémoires de ces personnes une intériorisation de la discrimination voire un sentiment de rejet et de violence (17 octobre 1961). Effectivement, les Français peuvent stigmatiser la population d’origine Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

immigrée, notamment pour des conditions sanitaires. Ces représentations sociales peuvent changer par des revendications communes visant à lutter contre les discriminations et pour l’égalité. P. 42-43 Cours 2 Des mémoires à l’histoire La mémoire traumatique de la guerre d’Algérie a conduit à la naissance et la construction de groupes mémoriels qui ont porté une vision propre, parcellaire, de la guerre d’Algérie, que ce soit dans un sens favorable à l’indépendance algérienne ou nostalgique de l’« Algérie française » (étude p. 38-39). Périodiquement, de véritables bouffées de mémoire surgissent comme autant de « retours du refoulé » (doc. 1 sur les harkis, doc. 2 sur les appelés du contingent). Les groupes « porteurs de mémoire » s’affrontent alors dans des conflits mémoriels. Du fait de cette situation, le travail historique émerge avec difficulté, depuis les années 1970 avec les travaux des précurseurs (doc. 3). Depuis le début des années 2000, les recherches sont plus nombreuses mais les « crises mémorielles » subsistent toujours. Document 1 Les harkis : les tabous de la mémoire Daniel Blancou raconte dans cette bande dessinée l’histoire de ses parents, instituteurs qui ont travaillé dans le camp de Saint-Maurice-L’Ardoise, dans le Gard. Le titre de la bande dessinée est un jeu de mots à partir de la localité où se trouve le camp : SaintLaurent-des-Arbres. Ce camp militaire a servi pour interner des prisonniers pendant la Seconde Guerre mondiale. Pendant la guerre d’Algérie, il a servi à interner des nationalistes algériens puis des membres de l’OAS et enfin des harkis, de 1962 à 1976. La bande dessinée alterne les moments de dialogue entre l’auteur et ses parents, et l’histoire de ses parents en tant que telle. Cet extrait provenant du début de l’album permet de présenter qui sont les harkis et les conditions de leur arrivée en France. Réponse à la question Les harkis se sont retrouvés victimes de la vindicte et de la violence des indépendantistes algériens et oubliés par les autorités françaises à l’issue du conflit. Déracinés, considérés comme des « collaborateurs » par les autorités algériennes, et cantonnés dans des camps de fortune à leur arrivée en France, les harkis ont refoulé une histoire douloureuse et que personne ne voulait entendre. Document 2 Souvenir d’un appelé Bernard Gerland est un appelé de la région lyonnaise. Catholique, il est plutôt opposé à cette guerre. Il arrive en Algérie en 1960 et sert dans une harka comme sous-officier. Progressivement, il est gagné par la participation à la répression, jusqu’au moment où il effectue une exécution sommaire. Après 35 ans de silence, il témoigne de son parcours et de cette dérive dans le spectacle Ma guerre d’Algérie qu’il a mis en 16

scène avec sa compagnie Parlons-en. Plus de 300 représentations de ce spectacle ont été jouées partout en France. Document 3 Un historien face aux mémoires de la guerre Benjamin Stora est l’historien qui a le premier travaillé sur les mémoires de la guerre d’Algérie, tant en France qu’en Algérie. Son livre La Gangrène et l’Oubli a obtenu un important succès, autour du trentième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Ce livre a permis de mettre à jour les processus mémoriels de la guerre d’Algérie, les refoulements, les retours du refoulé et les affrontements qui se déroulent. Benjamin Stora est certainement l’historien de la guerre d’Algérie le plus connu : il a Réponses aux questions Définir - Historiens : Scientifiques qui visent à comprendre le passé avec objectivité, à partir de la confrontation de différentes sources. - Mémoires : Souvenirs personnels et collectifs, vécus et transmis entre les générations. Elles font appel à l’affectif et sont donc subjectives Délimiter De la fin de la guerre d’Algérie… à nos jours

publié de nombreux livres, tant sur l’histoire que sur les mémoires. P. 44-45 BAC Composition Sujet 4 L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie depuis 1962 Comme la méthode le précise, les sujets de compositions sont identiques entre les filières L/ES et S, mais les attentes sont différentes. En terminale S, l’élève qui ne dispose que d’1h45 doit faire quelques phrases d’introduction où il pose des fils conducteurs sous forme de questions et développe en trois paragraphes argumentés sa composition.

Plan de votre cours

Idées et éléments-clés

I. L’émergence des mémoires (1962-années 1980) 1. une guerre complexe à l’origine d’une mémoire douloureuse 2. En France : de l’oubli au retour des mémoires 3. En Algérie : la mémoire d’une guerre d’indépendance II. Des mémoires à l’histoire 1. Une guerre qui marque de façon diverse la société 2. Une nostalgie de l’Algérie française 3. Le travail des historiens

- La guerre d’Algérie est asymétrique (guérilla). Utilisation de la torture => oppositions. Division des camps.

Plan possible I. L’émergence des mémoires (1962-années 1980) 1. Une guerre complexe à l’origine d’une mémoire douloureuse La guerre d’Algérie est complexe : c’est une guerre asymétrique, qui intervient dans le contexte de la Guerre froide. Le FLN mène une guérilla et l’armée française cherche à obtenir des renseignements – notamment par la torture – ce qui suscite des oppositions de l’opinion publique, nationale et internationale. Elle a également divisé les camps en présence, du côté français (OAS contre gouvernement) et algérien (FLN contre MNA). 2. En France : de l’oubli au retour des mémoires (dénonciation de l’utilisation de la torture, revendication des enfants d’immigrés). Après la guerre, du côté français, l’amnistie et une forme d’amnésie sociale ont fait oublier la guerre d’Algérie, qui réapparaissait par « bouffées de mémoire ». 3. En Algérie : la mémoire d’une guerre d’indépendance

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- France : Amnistie, oubli. Algérie : mémoire officielle. Bouffées de mémoire. Relations francoalgériennes. - Groupes de mémoire - Nostalgérie - Affrontements mémoriels - Historiens : faits, mémoires, aspects spécifiques.

En Algérie, une mémoire officielle de la guerre d’Algérie, donnant une lecture unique du conflit, a été entretenue, rendant complexes les relations francoalgériennes. II. Des mémoires à l’histoire 1. Une guerre qui marque de façon diverse la société : les appelés, les pieds-noirs, les partisans de l’indépendance, les immigrés et leurs enfants Des « groupes de mémoire » se forment, entretenant une vision parcellaire et déformée de l’histoire, et conduisant parfois à des affrontements mémoriels, par exemple sur la question de la torture. 2. Une nostalgie de l’Algérie française 3. Des enfants d’immigrés qui prennent conscience de l’humiliation subie par leurs parents 4. Le travail des historiens Mais progressivement, les historiens commencent à établir les faits de la guerre, dressent l’histoire de ces mémoires comme Benjamin Stora, et commencent à travailler sur des aspects plus spécifiques de cette guerre. 17

P. 46 BAC Analyse de document Sujet 5 Commémorer la guerre d’Algérie Réponse à la question Le texte se structure ainsi : Dans un premier temps, la question du député Alain Néri : - Il rappelle les cérémonies qui se sont déroulées le 19 mars 1998. - Il demande si une officialisation de cette date est envisagée. Vient ensuite la réponse du Secrétaire d’État aux anciens combattants qui suit cette argumentation : - Rappel qu’il n’existe alors aucun hommage officiel pour les combattants des guerres de décolonisation. - Problème : aucune date ne fait l’unanimité. Exemples de ces dates. - Rappel des divisions entre les groupes porteurs de mémoire par rapport au choix de cette date. Conclusion : une date doit rassembler et non diviser : le choix est impossible. Plan possible 1. La difficulté de choisir une date de commémoration de la guerre d’Algérie montre la diversité des groupes de mémoires (anciens combattants, rapatriés…). 2. Le refus de trancher du ministre montre l’embarras de l’État quand il s’agit de commémorer un souvenir qui divise, car la guerre d’Algérie fut une guerre de décolonisation. Finalement, le choix du 19 mars en 2012 ne satisfait que certains groupes. P. 47 BAC Analyse de document Sujet 6 La mémoire des rapatriés Réponse à la question Le monument est inauguré officiellement en 2012, année du cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie et du « rapatriement » des Français d’Algérie et des harkis, par le maire UMP de Nice Christian Estrosi. Il tient son existence à la

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protestation des certains groupes de pieds-noirs contre l’érection d’une statue du général de Gaulle, qui a accordé l’indépendance à l’Algérie. Il se situe sur la commune de Nice, où vivent de nombreux pieds-noirs. Le monument est inauguré sur la Promenade des Anglais, lieu emblématique et très passant de Nice : le monument est donc fait pour être vu. Il se situe face à la Méditerranée et permet donc de porter le regard de l’autre côté de la Méditerranée, vers l’Algérie perdue. Le monument est imposant, de forme parallélépipédique, en pierre. Il est ceint d’un drapeau français et comporte également en arrière-fond les trois couleurs : son caractère officiel et national est donc très fortement marqué. Il présente trois dates dans l’ordre chronologique inversé : 2012 (date de l’érection), 1962 (date de l’indépendance algérienne et du rapatriement des pieds-noirs et des harkis) et 1830, date du début de la conquête de l’Algérie. Le parallélépipède comporte une grande faille après l’année 1962, symbole de la déchirure vécue par les « français d’Afrique du Nord de toutes confessions ». Ce monument s’adresse donc à la fois aux « pieds noirs » et aux « harkis » auxquels il est rendu hommage. Les traces de pas dans le monument symbolisent le chemin de ces personnes vers la métropole. On remarque cependant que les traces sont moins nombreuses dans la période postérieure à l’indépendance algérienne : le monument tient ainsi à souligner le nombre important de pieds-noirs et de harkis qui sont morts ou qui ont disparu à l’indépendance algérienne. Plan possible 1. Le monument illustre la mémoire encore vive, notamment dans le sud de la France, des pieds-noirs qui ont vécu le rapatriement comme un déchirement, un arrachement à leur terre. 2. L’érection de ce monument répond à celle du monument à la mémoire de Gaulle qui est celui, pour certains pieds-noirs, qui aurait « abandonné » l’Algérie française.

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Chapitre 3 Les États-Unis et le monde depuis 1945 LA DÉMARCHE DU CHAPITRE Ce chapitre s’inscrit dans une question sur « les chemins de la puissance ». Il ne s’agit donc ni d’une histoire des relations internationales ni d’une histoire intérieure des États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’étude de la relation ambiguë que les États-Unis ont entretenue avec le monde doit permettre d’analyser ce qu’est une grande puissance et comment elle interagit dans un environnement qui se mondialise. L’articulation des dimensions économique, politique et militaire est indispensable car elles s’éclairent mutuellement. La prise en compte d’un long demi-siècle rend possible de souligner des tournants. Il conviendra donc de faire le portrait de la puissance étasunienne en 1945, au sortir d’une guerre victorieuse mais coûteuse. L’analyse pourra s’appuyer sur des connaissances acquises par les élèves durant leur année de Première (croissance et mondialisation, Seconde Guerre mondiale, Guerre froide), tout en prenant la peine de les problématiser de manière différente. La permanence de certains fondements de la puissance étasunienne est remarquable (prétention à incarner et défendre le libéralisme politique et économique, croyance dans la supériorité du libéralisme et dans la nécessité de l’exporter dans le monde, attraction du rêve américain et de l’American Way of Life, volonté de subordonner l’interventionnisme à la défense des intérêts économiques et financiers, prétention à réorganiser le monde au terme de chacune de leurs interventions majeures : 1945, 1991). On peut distinguer trois moments chronologiques : – en 1945, les États-Unis sortent de la Seconde Guerre mondiale en ayant conforté leur statut de première puissance mondiale. Leur participation à la guerre a accru la dépendance des Alliés vis-à-vis de leur économie, et leur influence se fait particulièrement sentir dans la mise en place des grandes organisations internationales (ONU, FMI...). Les États-Unis assument donc désormais leur statut de grande puissance, qu’ils entendent défendre dans le monde ; – de 1945 à 1991, les États-Unis sont investis dans la lutte contre les totalitarismes, qui prend la forme du communisme soviétique (après la disparition du nazisme) ; le leadership du « monde libre » mobilise les Américains, qui renforcent leurs capacités d’influence (diplomatique, militaire, économique, financière) sur le monde au cours de la guerre froide ; - entre 1947 et 1991, l’extension de la puissance étasunienne (hard et soft power) est justifiée par la lutte idéologique menée contre le communisme ; – depuis 1991, les États-Unis accèdent au statut de seule superpuissance. Si les années 1990 constituent bien une période d’apogée apparent de la puissance étasunienne au cours de laquelle ils interviennent pour défendre un « nouvel ordre mondial », les années 2000 sont celles de l’accélération de la remise en cause de la puissance étasunienne dans un monde de plus en plus complexe et de plus en plus multipolaire. Les guerres de l’administration Bush II sont difficiles à légitimer aux yeux d’une large partie du monde, et les tournants imprimés par Obama (retrait du Moyen-Orient, pivot stratégique vers l’Asie) ont connu des fortunes diverses. Parallèlement, la définition de la puissance évolue, avec l’apparition de nouveaux modèles, comme celui de la Chine. Il conviendra de s’interroger dans quelle mesure la notion de puissance est marquée par l’histoire des États-Unis dans le monde au second XXe siècle. En effet, c’est avec le modèle de la puissance étasunienne en ligne de mire que le concept même de la puissance a été largement repensé par les intellectuels. BIBLIOGRAPHIE • Ouvrages généraux sur les États-Unis - Denise Artaud, La Fin de l’innocence. Les États-Unis de Wilson à Reagan, Armand Colin, 1985. - Gérard Dorel, Atlas de l’empire américain, Éditions Autrement, 2012. - Philip Golub, Une Autre Histoire de la puissance américaine, Le Seuil, 2011. - Paul Kennedy, Naissance et déclin des grandes puissances, Payot, 2004. - Pierre Mélandri et Serge Ricard (dir.), Ethnocentrisme et diplomatie : l’Amérique et le monde au XXe siècle, L’Harmattan, 2003. - Pierre Mélandri et Serge Ricard (dir.), La Montée en puissance des États-Unis. De la guerre hispano-américaine à la guerre de Corée 1898-1953, L’Harmattan, 2004. - Pierre Mélandri et Serge Ricard (dir.), Les États-Unis et la fin de la Guerre froide, L’Harmattan, 2005. - Pierre Mélandri et Serge Ricard (dir.), La Politique extérieure des États-Unis au XXe siècle : le poids des déterminants intérieurs, L’Harmattan, 2008. - Pierre Mélandri et Serge Ricard (dir.), Les États-Unis entre uni- et multilatéralisme de Woodrow Wilson à George W. Bush, L’Harmattan, 2008. - Scott Nearing et Joseph Freeman, Dollar Diplomacy : a study in American Imperialism, Literary Licensing, 2011. - Yves-Henri Nouailhat, Les États-Unis et le monde de 1898 à nos jours, Armand Colin, 2003.

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• Les États-Unis et le monde depuis 1945 - Michel Allner et Larry Portis, La Politique étrangère des États-Unis depuis 1945. De la guerre mondiale à la mondialisation, Ellipses, 2000. - Chine et États-Unis. Des puissances en déclin ?, numéro 59 de Diplomatie, novembre-décembre 2012. - Hervé Coutau-Bégarie, L’Amérique solitaire ? Les Alliances militaires dans la stratégie des États-Unis, Économica, 2009. - Charles-Philippe David, Louis Balthazar, Justin Vaïsse, La Politique étrangère des États-Unis. Fondements, acteurs, formulation, Presses de Sciences Po, 2008. - Murielle Delaporte, La Politique étrangère américaine depuis 1945. L’Amérique à la croisée de l’histoire, Complexe, 1999. - Diplomatie : les choix d’Obama II, numéro de Politique étrangère, IFRI, été 2013. - États-Unis : vers une hégémonie discrète, numéro 64 de Questions internationales, La Documentation française, 2013. - Pierre Hassner et Justin Vaïsse, Washington et le monde. Ceux qui pensent la stratégie américaine, Éditions Autrement, 2003. - Emmanuel Mourlon-Druol, La Stratégie nord-américaine après le 11 septembre : un réel renouveau ?, L’Harmattan, 2005. - Justin Vaïsse et Pierre Mélandri, L’Empire du milieu. Les États-Unis et le monde depuis la fin de la Guerre froide, Odile Jacob, 2001. • Penseurs américains - Zbigniew Brzezinski, Le Grand Échiquier. L’Amérique et le reste du monde, Fayard/Pluriel, 2011. - Noam Chomsky, De la guerre comme politique étrangère des États-Unis, Agone, 2004. - Noam Chomsky, La Doctrine des bonnes intentions, 10/18, 2007. - Francis Fukuyama, La Fin de l’histoire ou le dernier homme, Flammarion, 2009. - Samuel R. Huntington, Le Choc des civilisations, Odile Jacob, 2009. - Robert Kagan, La Puissance et la Faiblesse, suivi de Le Revers de la puissance, Hachette, 2006. - Robert Kagan, Le Retour de l’Histoire et la Fin des rêves, Plon, 2008. - Henry Kissinger, La Nouvelle Puissance américaine, Fayard, 2003. - Gabriel Kolko, Un Siècle de guerres. Politique, conflits et société depuis 1914, L’Harmattan, 2000. FILMOGRAPHIE • Sur la guerre du Vietnam - Les Bérets Verts, John Wayne et Ray Kellogg, 1968. - Voyage au bout de l’enfer, Michael Cimino, 1978. - Apocalypse Now, Francis Ford Coppola, 1979. - Platoon, Oliver Stone, 1986. - Good Morning Vietnam, Barry Levinson, 1987. - Full Metal Jacket, Stanley Kubrick, 1987. • Sur la politique étrangère américaine - Treize jours, Roger Donaldson, 2000 (sur la crise de Cuba). - Jarhead. La fin de l’innocence, Sam Mendes, 2005 (sur la guerre du Golfe). - La Chute du faucon noir, Ridley Scott, 2001 (sur l’intervention en Somalie en 1993). - Green zone, Paul Greengrass, 2010 (sur l’occupation de l’Irak en 2003). - World Trade Center, Oliver Stone, 2005 (sur les attentats du 11 septembre 2001). SITOGRAPHIE - www.dandurand.uqam.ca : un observatoire analysant les débats de société aux États-Unis et la politique étrangère américaine. - history.state.gov : site du département d’État des États-Unis, avec de nombreux documents sur la politique extérieure étasunienne durant les années 1945-1974. - uwdc.library.wisc.edu/collections/FRUS : site de l’Université du Wisconsin, qui propose en ligne l’ensemble des 375 volumes de la série FRUS (Foreign Relations of the United States) de 1861 à 1960 ; mine inestimable de documents issus du département d’État. - www.cia.gov/library/center-for-the-study-ofintelligence/index.html : site de la CIA qui publie de nombreux articles de la revue Studies in intelligence. - www.gwu.edu : site de l’Université George Washington qui réunit des documents sur la politique extérieure des États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale.

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P. 50-51 Ouverture de chapitre La mise en regard des deux photographies met en valeur deux types d’intervention des États-Unis dans le monde. La première représente l’accueil des troupes américaines dans le centre-ville d’Angers, lors de sa libération en août 1944. Elle exprime l’aide matérielle et humaine fournie par les États-Unis à partir de leur entrée en guerre en décembre 1941 et leur rôle déterminant dans la libération du territoire français et plus largement européen – après les débarquements en Normandie et en Provence. Les GI’s dans leurs jeeps ont en effet souvent été accueillis de manière enthousiaste par la population française. Ils ont en même temps véhiculé des produits de consommation qui deviendront bientôt le symbole de l’American way of life en Europe occidentale (CocaCola, cigarettes blondes, boîtes de conserve…). Sur la seconde photographie, un soldat recouvre symboliquement d’un drapeau étasunien une statue monumentale de Saddam Hussein le 9 avril 2003. Consécutifs aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, l’invasion de l’Irak par les États-Unis et le renversement du régime de Saddam Hussein en 2003 provoquent une occupation du pays. Le cliché rend compte de la médiatisation des événements et de la force symbolique de l’acte : la bannière étoilée libère l’Irak de la dictature en l’effaçant du paysage urbain de Bagdad. Les contextes des deux photographies sont donc très différents, mais chacune illustre à sa manière la capacité et la volonté des États-Unis de se projeter dans le monde. P. 52-53 Cartes De l’isolationnisme à l’interventionnisme des États-Unis dans le monde La longue durée – près d’un siècle – dans laquelle s’inscrit l’étude de ce chapitre nécessite la présentation de deux planisphères. Le premier présente le monde de la Guerre froide dans les années 1950-1960. Le centrage sur les États-Unis met en valeur la vision étasunienne du monde. Si la bipolarisation du monde apparaît bien comme le principal enseignement de ces décennies, c’est aussi la « pactomanie » des États-Unis qui ressort, comme volonté d’encerclement du bloc communiste (dans la logique d’endiguement énoncée par le Président Truman en 1947). Les États-Unis ont « organisé » le « monde libre » dans des alliances transatlantiques et transpacifiques. La représentation du monde centrée sur les États-Unis renforce l’impression de domination étasunienne et semble atténuer la menace communiste (le bloc communiste apparaît fragmenté par le découpage cartographique et les « bords » de la carte, et semble relégué dans la périphérie d’un monde américain). L’étude de ce planisphère est l’occasion de réactiver des connaissances acquises lors de l’année de Première, au cours de laquelle les élèves ont étudié la Guerre froide. Le second planisphère, lui aussi articulé au programme de Première sur les nouvelles conflictualités dans le monde de l’après-Guerre froide, interroge la place des Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

États-Unis dans le monde à l’aube du XXIe siècle. Le pays apparaît bien comme une superpuissance en capacité d’intervenir sur tous les océans et continents (voir les moyens de la domination étasunienne). La lecture unipolaire du monde est induite par la première partie de la légende, dont la continuité avec l’organisation du « monde libre » durant la Guerre froide est évidente. L’extension de l’OTAN à l’Europe de l’Est, anciennement communiste, semble renforcer la domination étasunienne. Cependant, celle-ci est contestée ou ébranlée par l’expression de puissances concurrentes. Aujourd’hui, on assiste à un relatif déclin de la position des États-Unis dans le concert des nations. La vision d’un monde multipolaire, dans lequel les États-Unis assument encore un rôle prépondérant, correspond mieux à la réalité du monde complexe du début du XXIe siècle. P. 54-55 Cours 1 La puissance américaine en 1945 En 1945, les États-Unis sortent victorieux de la Seconde Guerre mondiale et sont surtout confortés dans le bien-fondé de la rupture avec l’isolationnisme. Le Président Truman, qui succède à Roosevelt en avril 1945, est persuadé que les États-Unis ont désormais un rôle mondial à jouer dans le maintien de la paix et la diffusion de la liberté. C’est pourquoi l’administration étasunienne envisage que le retour à la paix soit en même temps l’avènement d’un nouvel ordre mondial dans lequel son pays aurait un rôle de premier plan à jouer. Si la Première Guerre mondiale a permis aux États-Unis de devenir la première puissance économique du monde, la Seconde Guerre mondiale et la conception que les Américains se font de leur influence démultiplient la puissance des ÉtatsUnis. Jamais un pays n’avait réuni autant d’éléments de puissance entre ses mains que les États-Unis en 1945. Document 1 Le premier bombardement atomique Les États-Unis ont lancé le projet Manhattan de fabrication d’une arme atomique en 1942. Une large équipe, travaillant dans le plus grand secret sur trois sites et regroupant savants américains et européens réfugiés, réussit un essai concluant en juillet 1945. Le 6 août 1945, un bombardier américain lance sur la ville japonaise d’Hiroshima une bombe atomique, provoquant la mort de plusieurs dizaines de milliers de Japonais. Le lendemain, le Président Harry Truman justifie l’utilisation de cette bombe d’un type nouveau en expliquant qu’elle accélère « la destruction du Japon » et donc qu’elle précipite l’issue d’une guerre qui dure. Le Japon refusant de se rendre, une seconde bombe atomique est larguée sur Nagasaki le 9 août. Ces deux événements, qui marquent l’entrée dans l’ère atomique, témoignent de l’avance technologique et financière – le projet étant très coûteux – des ÉtatsUnis en 1945.

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Document 2 CARE, la première ONG de l’histoire L’ONG CARE est née de la Seconde Guerre mondiale. C’est le souci de venir au secours des populations européennes démunies au sortir du conflit qui a présidé à la constitution de l’organisation étasunienne Cooperative for American Remittances to Europe. Ainsi les États-Unis manifestent-ils leur supériorité matérielle et financière sur un Vieux Continent très affaibli et qui dépend en partie des approvisionnements nord-américains pour assurer la reconstruction. Document 3 Les États-Unis, artisans de la reconstruction Avant le plan Marshall de 1947 et dès les années de guerre, les États-Unis ont participé à l’approvisionnement des pays européens. Le cadre international de la jeune Organisation des Nations unies sert à livrer aux anciens alliés de la nourriture et du charbon. Réponses aux questions 1. En 1945, les États-Unis sont la première puissance économique du monde. Leur PIB équivaut à la moitié du PIB mondial. Non seulement la production militaire a connu une progression sans précédent, mais de nombreuses autres branches d’activités ont été tirées par cette formidable croissance et par la demande militaire (électronique, chimie, pharmacie…). La loi du prêt-bail, mise en place avant leur entrée en guerre, a fait des États-Unis un fournisseur essentiel des puissances alliées (Royaume-Uni, URSS, France libre…). Parallèlement, la suprématie du dollar comme monnaie internationale est solidement assise. 2. Les États-Unis ont intérêt à venir en aide aux puissances européennes, afin qu’elles se relèvent le plus vite possible de la guerre, qu’elles participent au marché économique mondial et achètent des produits étasuniens, et qu’elles puissent rembourser les créances contractées auprès des États-Unis. Dès 1945, la conscience que l’économie est globalisée force les États-Unis à considérer qu’ils ne pourront que tirer bénéfice de la rapide croissance économique de pays partenaires et clients traditionnellement au fort pouvoir d’achat. Pour les Américains, aider l’Europe, c’est aussi s’ouvrir un gigantesque marché rapidement solvable. Document 4 Pourquoi ratifier la charte des Nations unies ? La charte des Nations unies a été rédigée lors de la conférence de San Francisco et signée par 50 États – auxquels la Pologne se joignit rapidement – le 26 juin 1945. Elle s’appuie sur les travaux préparatoires de la conférence de Dumbarton Oaks, tenue en aoûtoctobre 1944 aux États-Unis entre les principales puissances luttant contre l’Axe. La charte constitue et spécifie l’Organisation des Nations unies, en fondant les relations internationales sur des principes universels comme l’égalité et la souveraineté des Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

États. Pour entrer en vigueur – ce qui sera effectif le 24 octobre 1945 –, la charte devait être ratifiée par chacun des États signataires. C’est pourquoi le Président Truman défend la charte et sa ratification en s’adressant le 2 juillet 1945 au Sénat américain. Le texte est adopté à l’unanimité moins deux voix par les sénateurs. Réponses aux questions 1. La création de l’ONU est pour Truman la seule possibilité pour pacifier durablement le monde. Pour lui, comme pour Wilson en 1918, l’ordre international fondé sur le dialogue et la concertation entre les États doit permettre un renouveau de la prospérité, qui luimême consolidera la paix, les États n’ayant plus intérêts à déstabiliser un ordre dont ils tirent un profit matériel. Le nouvel ordre mondial vu de Washington est celui des grands principes à prétention universelle, comme le respect des droits de l’homme, l’égale dignité de tous les hommes, le règlement pacifique des différends internationaux, la foi dans le progrès. 2. Ces principes sont ceux que les États-Unis défendent depuis l’indépendance et la rédaction de leur constitution à la fin du XVIIIe siècle. L’écho entre les principes universels libéraux proclamés en 1787 et ceux que porte la charte des Nations unies est évident, même si les conséquences en matière de politique étrangère étasunienne sont radicalement différentes. En effet, en 1945, la proclamation et la défense de l’idéal des droits de l’homme impliquent des États-Unis une attitude interventionniste et volontariste sur la scène internationale. La ratification de la charte est donc un acte de foi dans les valeurs fondatrices de l’identité américaine en même temps qu’un manifeste de la croyance dans l’efficacité des textes pour maintenir la paix dans le monde. P. 56-57 Étude L’influence du modèle américain Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale permettent aux États-Unis d’étendre leur influence, à la fois dans l’espace, en touchant des territoires toujours plus vastes, et dans l’élargissement des domaines concernés. En effet, la puissance et l’influence étasunienne sont complètes à partir de 1945, tant la combinaison du hard power et du soft power est aboutie. La présente étude s’intéresse surtout à l’influence culturelle américaine en Europe occidentale, qui se décline aussi en exportation d’un modèle de vie, l’American way of life, et qui est fondée sur la domination économique, les États-Unis confirmant leur place de première puissance productrice de la planète. L’aide fournie à l’Europe aux lendemains de la guerre et dans les années qui suivent a donc permis aux États-Unis de conquérir des marchés et de diffuser ses valeurs et ses produits, non sans critique parfois. Réponse aux questions. 1. Le tableau statistique (doc. 1) montre bien la place dominante des États-Unis dans l’économie mondiale. 22

La part du PIB étasunien dans le PIB mondial oscille entre 15 et 25 % sur l’ensemble du XXe siècle. Elle connaît un apogée dans les années 1950, dans un contexte de forte croissance économique mondiale, avant de connaître un relatif déclin (que la croissance du PIB en valeur absolue permet de nuancer fortement) à partir des années 1970, en raison de la place croissante des économies asiatiques – et surtout chinoise. Première puissance économique mondiale depuis le début du XXe siècle, les États-Unis sont confrontés depuis les années 1990 en particulier à l’émergence de concurrents aux taux de croissance annuels supérieurs aux leurs. En revanche, la concurrence économique avec l’Europe est de plus en plus favorable aux États-Unis, la part représentant les pays européens dans l’économie mondiale ne cessant de diminuer, surtout en raison des chocs des deux guerres mondiales et de la crise économie des années 1970. 2. Les documents 2, 3 et 4 témoignent de l’American way of life dans les années 1950 et 1960. L’extrait de la philosophe française Simone de Beauvoir, daté de 1954 (doc. 2), met en valeur l’effet presque hypnotique de l’Amérique de la prospérité, symbolisée par la skyline des gratte-ciel. Elle insiste sur l’impression de facilité et de grandeur qui la saisit à l’évocation des États-Unis, cependant qu’elle met en garde contre les illusions. La publicité française des années 1960 pour les jeans Levi’s (doc. 3) renvoie aux Européens une image stéréotypée du mythe américain, celui de la nouvelle frontière et du cowboy épris de liberté. L’image de robustesse, d’authenticité, de conquête et de maîtrise des grands espaces favorise la diffusion du jean comme produit de consommation de masse sur les marchés européens. Autre emblème de la culture américaine exportée dans le monde entier, le Coca-Cola fait lui aussi l’objet de grandes campagnes de publicité après la guerre. L’affiche allemande de 1956 (doc. 4) assimile la consommation du Coca-Cola à un acte de plaisir, de détente et d’insouciance. La publicité véhicule aussi une image de modernité avec la mise en scène d’un couple correspondant à des canons esthétiques idéaux dans un décor balnéaire qui invite au voyage et au rêve. L’étude croisée de ces trois documents permet donc de qualifier le rêve américain. Il s’agit de l’aspiration à un mode de vie fondé sur la consommation et l’esprit d’entreprise. L’adoption de produits made in USA permet au consommateur européen d’approcher les standards américains. Le rêve américain apparaît aussi, à travers le texte critique de Simone de Beauvoir, comme une illusion de maîtrise totale du monde. 3. Le personnage de la publicité Levi’s est vêtu comme un cow-boy (éperons, pantalon en toile, chapeau, selle, fer pour marquer les bêtes) prêt au départ. Le mythe de la conquête de l’Ouest et de la nouvelle frontière est véhiculé par les valeurs de liberté et de volonté de maîtriser la nature. 4. En décrivant la naissance et l’essor de la société Coca-Cola, le journal communiste Action dénonce la menace d’une intrusion américaine en France. Le Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Coca-Cola est perçu comme un produit de combat au service de la puissance des États-Unis, qui cherchent ainsi à contrôler les territoires où il est commercialisé. La consommation de Coca-Cola créerait donc une dépendance aux États-Unis, elle dénaturerait et contreviendrait aux lois françaises. Ce discours idéologique est déterminé par l’appartenance politique du journal Action. Publié entre 1944 et 1952, Action est en effet un journal d’obédience communiste, dont la ligne éditoriale se radicalise après 1947 dans la critique de l’impérialisme étasunien. 5. Radio Free Europe, créée en 1950 par les ÉtatsUnis, est installée en Allemagne de l’Ouest (RFA) et diffuse en polonais, hongrois, tchèque, bulgare… L’objectif est de s’adresser aux peuples d’Europe de l’Est vivant sous le régime des démocraties populaires. Le contexte de la Guerre froide implique la diffusion d’outils de propagande à destination du monde communiste. La guerre froide est aussi une guerre des ondes qui s’affranchit des frontières, y compris du rideau de fer qui traverse l’Europe du Nord au Sud. BAC Analyse de document Le document étudié est extrait du journal communiste Action. Créé par des résistants communistes, d’abord dans la clandestinité en 1943, puis librement à partir de 1944, ce journal défend une vision partiale du monde. Le début de la Guerre froide en 1947 raidit ses positions, qui prennent une facture nettement antiaméricaine. Sa faible audience entraîne sa disparition en 1952. C’est l’autorisation obtenue par l’industriel Jacques Foussier de produire du CocaCola pour le marché français qui provoque la réaction du journal Action, en décembre 1949. Plan possible 1. Un produit de consommation courante ? Il s’agit de s’interroger sur les usages du Coca-Cola qui transparaissent dans le texte. Même s’il est précisé que peu de Français en connaissent encore le goût, l’histoire de la boisson, sa diffusion aux États-Unis et son arrivée importante en Europe avec les GI’s lors de la Seconde Guerre mondiale en font un produit connu. Le texte dénonce en creux le modèle de la libre consommation et la domination des riches industriels et entrepreneurs, incarnés par Woodruff ou par Foussier. 2. Un produit polémique ? L’attention prêtée à la boisson, comme en témoigne le jugement de la cour d’appel de Bruxelles, est révélatrice des débats qu’elle suscite. La question de sa nocivité est au cœur de la polémique. Les dirigeants français – Bidault, Schuman – sont dénoncés comme partisans et soumis aux intérêts américains. 3. Un produit de combat ? Le Coca-Cola est décrit comme une arme secrète que les Américains emploieraient pour étendre leur influence en Europe. La théorie du complot – une boisson à la composition secrète mais qui crée une 23

dépendance… – sous-tend le texte. La mise en cause des services secrets américains le confirme. Le contexte de Guerre froide est à rappeler, car il explique la démesure des critiques et la recherche d’un dessein caché derrière la logique commerciale de Coca-Cola. Conclusion : Coca-Cola est dénoncé comme un fourrier du capitalisme et de l’impérialisme américain. Un texte daté qui trouve les clés de son analyse dans le contexte de Guerre froide. Un texte qui rend compte de la puissance étasunienne et des débats qu’elle suscite en Europe. P. 58-59 Cours 2 Les États-Unis dans la Guerre froide Cette leçon, comme la suivante, est fortement articulée avec la seconde question du thème 2 du programme de Première, « De la Guerre froide à de nouvelles conflictualités ». Il est donc possible et recommandé de s’appuyer sur les acquis des élèves concernant la définition et les grands enjeux de la Guerre froide. La période de la Guerre froide constitue pour les États-Unis la poursuite de leur politique extérieure d’intervention dans le monde pour promouvoir la liberté politique et économique et défendre leurs intérêts. En ce sens, il n’y a pas solution de continuité depuis leur entrée en guerre le 8 décembre 1941. Il convient d’analyser les motivations et les modalités de la compétition avec l’Union soviétique, au cours de laquelle les États-Unis luttent contre toute concurrence. C’est sans doute la période chronologique du XXe siècle pour laquelle le risque de perdre la focale étasunienne est le plus important, au profit d’une simple histoire des relations internationales. A contrario, l’histoire intérieure des États-Unis ne doit être mobilisée que dans la mesure où elle permet de mieux comprendre les enjeux de la projection de la puissance étasunienne dans le monde. Document 1 Une nouvelle croisade pour la liberté (1946) C’est délibérément que la doctrine Truman – qui figure par ailleurs dans le manuel de Première – n’est pas ici mobilisée pour montrer comment les Américains appréhendent l’Union soviétique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Un autre document, le long télégramme que George F. Kennan adresse le 20 février 1946 au département d’État, lui aussi très connu du public à l’époque, mais moins connu des élèves, a donc été préféré ici. Il révèle la manière dont un diplomate spécialiste des relations avec l’Union soviétique justifie l’endiguement officiellement défini par le Président Truman en mars 1947. C’est le rapport de Kennan qui constitue d’ailleurs le fondement de la doctrine Truman. Le diplomate, devenu directeur des affaires politiques au département d’État, remanie son rapport et le publie de manière anonyme durant l’été 1947. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Réponses aux questions 1. George Kennan pense que la politique soviétique dans le monde est fondée sur l’estimation d’un rapport de force. Sans se décourager par des défaites ponctuelles, l’Union soviétique mène une politique expansionniste des petits pas et préfère céder lorsque le rapport de force lui est trop défavorable sans perdre de vue les objectifs généraux de sa politique, qui consistent à vouloir diffuser le communisme dans le monde, en particulier dans le « monde occidental ». 2. Face à l’attitude soviétique, Kennan préconise une diplomatie prudente et localisée dans des endroits stratégiques. Il s’agit donc d’exercer de manière systématique une force contraire et proportionnée à chaque fois que l’Union soviétique exerce elle-même sa force. La stratégie de l’endiguement du communisme est ainsi pensée comme une politique de résistance aux ambitions soviétiques qui doit cependant veiller à ne pas envenimer les situations géopolitiques. Kennan condamne aussi le présupposé qui consiste à penser qu’il suffit de s’opposer verbalement aux Soviétiques pour les contenir ; seul l’usage de la force est susceptible de les contraindre sur le long terme. Document 2 Le plan Marshall L’affiche néerlandaise illustre le plan Marshall d’aide à la reconstruction de l’Europe. Dans le contexte d’endiguement du communisme, le Président Truman charge le secrétaire d’État George Marshall de proposer un plan de reconstruction de l’Europe. En effet, le déséquilibre de la balance commerciale avec les États-Unis provoque une pénurie de dollars en Europe et un risque d’appauvrissement que les Américains interprètent comme un risque de succomber à la tentation du communisme. L’objectif des États-Unis est de permettre à l’Europe de se redresser économiquement et de redevenir des partenaires commerciaux solvables susceptibles d’acheter une partie de la production étasunienne. Marshall présente son plan le 5 juin 1947 à l’université d’Harvard. L’aide massive proposée par les Américains est assortie de l’obligation pour les pays récepteurs de s’organiser pour la répartir. Sans être écartés de l’offre, l’URSS et les pays d’Europe de l’Est la déclinent, la première par idéologie et pour préserver son image, les seconds sous la contrainte de Moscou. Finalement, seize pays européens (leurs drapeaux constituent les pales de l’éolienne de l’affiche, tandis que le drapeau américain fait office de « gouvernail » et donne ainsi la direction) acceptent l’aide et forment, en 1948, l’Organisation européenne de coopération économique. La loi créant l’European Recovery Program est votée par le Congrès début 1948. Jusqu’en 1952, ce sont près de 14 milliards de dollars d’aide économique qui prennent le chemin de l’Europe. Le plan Marshall contribue à la division de l’Europe en deux et à l’affirmation d’une aire d’influence étasunienne en Europe occidentale.

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Document 3 « Ça c’est l’Amérique » Cette affiche est une publicité produite par le gouvernement des États-Unis et datant de la Seconde Guerre mondiale. Elle fait partie d’une série d’affiches qui présentent une image idéale des États-Unis ; elles commencent toutes par « This is America » et s’achèvent par « This is your America… Keep it Free ! ». Elles célèbrent les classes moyennes, la famille nucléaire traditionnelle (deux parents, deux enfants), la société de consommation, la liberté d’entreprendre, la modernisation de la vie quotidienne… Parallèlement, la conscience d’une exceptionnalité étasunienne rend l’American way of life à nul autre pareil. Cette image de prospérité qui profite à tous entretient le rêve américain des candidats à l’immigration. Bien que légèrement antérieure au début officiel de la Guerre froide, cette affiche est révélatrice d’une conception de l’American way of life qui perdure pendant quelques décennies. Document 4 L’Amérique de la moralité (1983) Au moment du discours d’Orlando, Ronald Reagan est Président des États-Unis depuis deux ans. Il a été élu sur un programme musclé de refoulement du communisme (America is back), après une période de relatif retrait étasunien de la scène internationale. Réponses aux questions 1. Le risque que Reagan évoque est le « gel nucléaire », c’est-à-dire les négociations de réduction des armements nucléaires (les START commencent en mai 1982), qu’il estime plus favorables à l’URSS qu’aux États-Unis, en particulier en Europe où elle a déployé des missiles SS20. Il se prononce en faveur d’une reprise de la course aux armements et d’un renforcement de l’arsenal nucléaire de son pays. L’objectif est de soutenir la comparaison avec un arsenal soviétique qu’il surestime. Davantage encore, il pense que la sûreté des États-Unis ne sera assurée que lorsque leur supériorité technologique sera avérée, car l’URSS est par définition nourrie de mauvaises intentions. La diabolisation manichéenne de l’adversaire, qualifié d’« empire du mal », est très forte. 2. Reagan préconise une attitude de fermeté face aux Soviétiques et un réarmement moral et militaire des États-Unis. La confiance en Dieu qui fonde la certitude d’être un peuple élu doit soutenir les Américains dans la quête de leur sécurité. Il ne s’agit pas simplement d’une thématique de circonstance liée à la qualité des destinataires de son discours, mais d’une conviction ancrée dans la vision politique du Président. Quelques jours plus tard, le 23 mars, Reagan annonce le projet d’initiative de défense stratégique (IDS). La relance de la course aux armements achève de ruiner l’Union soviétique. En 1987, le traité de Washington prévoit la suppression d’une partie des arsenaux nucléaires des deux Grands.

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P. 60-61 Étude John Foster Dulles, artisan de la lutte contre le communisme Parmi les décideurs de la politique extérieure étasunienne, certains secrétaires d’État occupent une place éminente en raison de leur longévité et de leurs conceptions. Le choix s’est porté sur J.-F. Dulles, en poste de 1953 à 1959, plutôt que sur Dean Acheson (1949-1953), Dean Rusk (1961-1969) ou Henry Kissinger (1973-1977), en raison de l’intérêt d’étudier les années 1950 comme premier moment d’inflexion de la stratégie américaine dans la logique de Guerre froide. La particularité de Dulles est aussi d’être le frère du directeur de la CIA, Allen W. Dulles (1953-1961). Document 2 « Paix et rumeurs de paix » en Corée La signature de l’armistice coréen à Pan Mun Jom intervient le 27 juillet 1953, alors que Dulles est en poste depuis quelques mois. Les négociations ont commencé dès 1951, lorsque le conflit s’est transformé en guerre de position. Il s’agit d’entériner un retour à la situation d’avant-guerre, avec une fixation de la frontière entre les deux Corée autour du 38e parallèle Nord. Officiellement, c’est l’ONU qui négocie la paix avec les puissances communistes, Corée du Nord et Chine. En réalité, les États-Unis sont les inspirateurs de la paix. Document 4 Endiguer le communisme en Amérique latine Depuis 1945, les deux Présidents guatémaltèques successifs ont entrepris des réformes économiques et sociales. Le Président Arbenz, élu en 1951, met en chantier une réforme agraire qui permet la constitution d’une classe de petits propriétaires terriens, au détriment des terrains en friche des grandes exploitations. Les intérêts étasuniens sont menacés par cette redistribution forcée, puisque la firme United Fruit Company (dont les frères Dulles sont des actionnaires) est le premier propriétaire de terres au Guatemala. Dès 1951, la CIA étudie des plans de renversement d’Arbenz. L’influence du Parti guatémaltèque du travail, d’obédience communiste, grandit à partir de sa légalisation en 1952. L’administration Eisenhower se prépare à agir. Dulles voit Arbenz comme un pantin manipulé par les communistes, dont l’objectif est de prendre pied sur le continent américain. En réalité, si l’influence sociale du PGT est importante par le biais des syndicats, son influence politique est assez faible (il représente 4 sièges sur 58 au Congrès). Le fait est que Dulles surestime son pouvoir, sans doute par conviction et par intérêt politique. À Caracas, lors de la réunion de l’Organisation des États américains tenue en mars 1954, Dulles obtient une déclaration qui condamne toute tentative communiste d’intrusion sur le continent américain, au nom de la défense de tous les pays participants. Il se présente alors comme un champion de la lutte contre le communisme et un défenseur d’intérêts qui ne sont pas seulement ceux des États-Unis. Au-delà de l’offensive diplomatique, 25

Eisenhower et Dulles donnent l’ordre à la CIA de soutenir un coup d’État pour renverser Arbenz. Le colonel Castillo Armas, déjà à l’origine d’une tentative de coup d’État, est armé par les États-Unis et renverse Arbenz, qui préfère quitter le Guatemala après avoir démissionné le 27 juin 1954 par peur d’une intervention directe des États-Unis. Dulles ne peut évidemment pas faire état de l’intervention de la CIA dans le changement de pouvoir au Guatemala, aussi explique-t-il que Castillo Armas est épaulé par « des patriotes » et que les États-Unis ne sont que les observateurs d’une situation au cours de laquelle n’agissent que des Guatémaltèques. Sa rhétorique oppose le communisme international au « patriotisme », à l’amour de son pays. De fait, Castillo Armas devient Président et s’engage dans une politique anticommuniste. Document 5 John Foster Dulles : quelle stratégie pour le Moyen-Orient ? On rappellera rapidement la crise de Suez. Le 26 juillet 1956, le Président égyptien Nasser annonce la nationalisation du canal de Suez, lésant ainsi les intérêts français et britanniques. L’objectif est de financer la construction du barrage d’Assouan, alors que les États-Unis viennent justement de se retirer de son financement. La France, le Royaume-Uni et Israël, qui compte profiter de la situation pour régler ses différends avec l’Égypte, opèrent un rapprochement et décident d’une intervention armée pour renverser Nasser et récupérer le contrôle du canal de Suez. Le conflit a lieu à l’automne 1956 et entraîne l’intervention de l’URSS, qui vient défendre son allié égyptien, des États-Unis, qui craignent une extension du communisme, et de l’ONU, soucieuse de restaurer la paix. L’intervention des deux grandes puissances est d’ordre diplomatique. L’URSS menace Israël, la France et le Royaume-Uni d’une riposte nucléaire s’ils ne se retirent pas. Réponses aux questions 1. La stratégie des représailles massives, définie par la directive NSC 162/2 du Conseil national de sécurité, est une stratégie politico-militaire de dissuasion. Il s’agit de faire preuve de fermeté et de s’appuyer sur des capacités de riposte élargies, y compris nucléaires. La prise d’initiative et l’emploi massif de la force à des endroits précis et déterminés permettent une légère réduction du budget militaire étasunien (« sélectionner les moyens militaires, au lieu de les multiplier »). Plutôt que d’adapter la politique extérieure des États-Unis aux capacités d’intervention de l’armée, il faut adapter ces capacités à la définition préalable d’une politique cohérente et intransigeante face au communisme. Cette stratégie imprime une inflexion aux relations américanosoviétiques durant les années 1950. 2. Le contexte international explique en partie le choix des représailles massives. La guerre de Corée s’est achevée en 1953 sans réelle victoire pour le « monde libre », qui a tout au plus réussi à contenir la Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

poussée communiste en Asie pacifique. En 1954, Dulles explique que le territoire étasunien est luimême menacé par une attaque potentielle de l’URSS. L’acquisition de l’arme nucléaire par celle-ci en 1949 entretient le sentiment de vulnérabilité étasunien. Le secrétaire d’État s’inscrit dans une tradition américaine d’assimilation des difficultés économiques à des conditions favorables à la diffusion du communisme. En effet, il qualifie la politique soviétique d’expansionniste, en raison de l’Internationale communiste qui entretient des ramifications dans le monde entier et se plaît à déstabiliser les États ennemis en exploitant toute forme de mécontentement. Dulles voit la main de Moscou derrière les tentatives de soulèvement des peuples colonisés. Il pense sans doute à l’Indochine française, où les communistes d’Ho Chi Minh sont en train de battre l’armée de la métropole, à l’Iran, où Mossadegh se rapproche des communistes et lèse les intérêts pétroliers étasuniens avant d’être renversé par un coup d’État orchestré par la CIA en 1953, ou encore au Guatemala d’Arbenz (voir doc. 4). 3. Dulles favorise la conclusion de l’armistice, permise aussi par la mort de Staline en mars 1953, pour mettre fin à un conflit coûteux qui n’aboutit pas (et pour réaliser une des promesses de campagne du candidat Eisenhower à la présidence…). Il préfère entretenir la pression sur d’autres théâtres d’opérations périphériques, comme en Indochine, où les États-Unis aident les Français à lutter contre les indépendantistes communistes (les Américains auraient financé 80 % de l’effort de guerre français). 4. Pour Dulles, le Guatemala connaît une dérive vers le communisme. Il interprète l’évolution de la décennie écoulée comme le signe d’une intrusion du communisme international sur le continent américain, pourtant traditionnelle zone d’influence privilégiée des États-Unis. 5. Les États-Unis réagissent de manière ferme face à l’évolution politique du Guatemala et la CIA organise le renversement du Président. 6. Les États-Unis annoncent d’une part que l’OTAN riposterait en ce cas, mais d’autre part que les Occidentaux doivent se retirer d’Égypte. Il s’agit à la fois de se montrer ferme face à l’URSS et d’obtenir une sortie de crise compatible avec leur condamnation du colonialisme. Sur la caricature (à la géographie fantaisiste pour gagner en efficacité), Dulles met en garde Israël sur les dangers consécutifs à la traversée du canal de Suez par Tsahal. À l’ONU, les Américains soutiennent les résolutions de novembre 1956, qui prévoient le déploiement d’une force d’interposition sur le terrain égyptien. BAC Analyse de document Les éléments permettant de répondre à la consigne sont déjà exposés dans les réponses aux questions 4 et 5 de l’étude. On peut construire un plan en définissant la manière dont Dulles conçoit l’action politique des États-Unis dans le monde :

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1. Dénoncer le péril rouge (offensive diplomatique, conférence de Caracas, interprétation publique des événements guatémaltèques). 2. Contrer le péril rouge (en apparence, profiter de l’anticommunisme des populations sud-américaines ; en réalité, utiliser la CIA pour manipuler des activistes et obtenir le renversement d’Arbenz par des voies détournées mais apparemment « propres »). 3. Maintenir les intérêts étasuniens sur le continent américain (contenir et refouler le communisme en Amérique latine pour éviter une menace proche et la contagion, selon la « théorie des dominos » énoncée par Eisenhower le 7 avril 1954) ; soutenir les intérêts économiques des grandes firmes transnationales étasuniennes comme la United Fruit Company. L’intérêt du texte est de pouvoir confronter le discours de Dulles à la réalité des faits, les deux dimensions contribuant à analyser la politique étrangère étasunienne des années 1950. P. 62-63 Étude La Détente : négocier avec l’ennemi ? Traditionnellement limitée en amont par la crise de Cuba et en aval par l’invasion soviétique de l’Afghanistan, la Détente est une période particulière des relations américano-soviétiques qui reprend en partie les ambitions de la coexistence pacifique. Pour les États-Unis, il s’agit d’une période marquée par la guerre du Vietnam et le traumatisme qu’elle provoque dans les consciences. L’ère du doute remet en cause le bien-fondé de l’impérialisme étasunien. Les historiens étasuniens ont tendance à considérer que la Détente ne commence vraiment qu’à la fin des années 1960, lorsque la « vietnamisation » de la guerre du Vietnam est entamée. Réponses aux questions 1. Le discours inaugural du Président Kennedy, prononcé le 20 janvier 1961, pose les principes de la Détente : demande d’ouverture de négociations renforcées avec l’Union soviétique, conscience que l’équilibre de la terreur menace la survie de l’humanité, volonté de réduire le coût de la course aux armements, mais sans s’affaiblir devant l’adversaire. Kennedy entend rompre avec la politique de l’administration Eisenhower : la stratégie de la « riposte graduée » vient remplacer celle des « représailles massives ». Cependant, dans des extraits non cités ici, le nouveau Président réaffirme avec fermeté sa volonté de défendre « le monde libre », dont les États-Unis se posent en leader, au besoin par les armes. La relance de la course aux armements et de la course à l’espace, en dépit de leur coût, doit permettre aux États-Unis de négocier en position de force face à l’URSS et constitue donc un préalable nécessaire. Une des conséquences de cette relance est pourtant la mobilisation équivalente de l’URSS. Durant le mandat de Kennedy, le secrétaire à la Défense, Robert S. MacNamara, utilise l’expression « destruction mutuelle assurée » (MAD en anglais) pour désigner l’équilibre consécutif à l’inflation Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

nucléaire entre les deux Grands. De manière en partie paradoxale, la volonté d’apaisement dans les relations américano-soviétiques qui se dégage du discours de Kennedy se traduit par un durcissement de la course aux armements. Les événements de Berlin (1961) et de Cuba (1962) constituent des crises paroxystiques de la Guerre froide. 2. Richard Nixon, élu Président en 1968, prend ses fonctions en 1969. Le 4 juin 1969, il prononce un discours devant les élèves de l’École de l’Air. Le contexte est difficile pour les États-Unis : leurs soldats sont embourbés au Vietnam (doc. 2), la politique d’endiguement du communisme est remise en cause dans le pays, le Congrès veut reprendre le contrôle de la politique étrangère en mettant fin à la « présidence impériale ». Nixon choisit Henry Kissinger pour le conseiller en matière de sécurité nationale. Le ton immédiatement adopté par Nixon est celui de l’analyse réaliste de la situation internationale et de la modération dans les ambitions étasuniennes. Dans les extraits du discours du 4 juin 1969, le Président justifie la Détente par deux arguments : le rapport de force international a changé avec l’éclatement de l’unité du bloc communiste, la prolifération des armes de destruction massive menace la sécurité de l’humanité. Kennedy avait déjà utilisé le second argument, mais les deux Présidents en concluent deux postures opposées : si Kennedy pensait que la supériorité de l’arsenal nucléaire étasunien était un préalable indispensable à l’ouverture de négociation avec l’URSS, Nixon en appelle à une limitation rapide de la course aux armements. Sans que cet argument soit utilisé par Nixon, l’affaiblissement du dollar (lié aux dépenses engagées pour faire la guerre au Vietnam et à la concurrence commerciale croissante des autres pays industrialisés) contribue à fragiliser les États-Unis. En 1971, Nixon décide la suspension de la convertibilité du dollar en or pour pouvoir le dévaluer. 3. Le principal objectif de la Détente est la limitation des armes stratégiques. Nixon et son administration semblent accepter une forme de parité nucléaire avec l’Union soviétique. 4. La Détente s’est traduite par la « diplomatie triangulaire » (en jouant de la division du monde communiste entre URSS et Chine), par le désengagement au Vietnam (acté en 1972), par l’aboutissement des négociations avec l’URSS sur les accords SALT 1 signés à Moscou en mai 1972 (doc. 4), par la négociation du Traité de non-prolifération nucléaire (signé en 1968). Elle a été poursuivie par les successeurs de Nixon, et surtout par James E. Carter (Jimmy Carter) de 1977 à 1981. Sa politique extérieure, défendue par le conseiller Brzezinski, veut s’appuyer sur la défense des droits de l’homme. C’est le premier point de son discours à l’université de Notre-Dame du 22 mai 1977 (doc. 5). La Détente a aussi favorisé le développement du libre-échange dans le monde, y compris avec l’URSS, à qui les ÉtatsUnis ont vendu du blé et du matériel (pour 2,3 milliards de dollars en 1976). Elle n’empêche pas un approfondissement des relations entre pays 27

membres de l’OTAN et entre démocraties libérales (point 2 du discours). Durant cette période, les ÉtatsUnis (et surtout Kissinger) se sont engagés au MoyenOrient afin d’obtenir un accord israélo-arabe. C’est d’ailleurs Carter qui obtient la signature d’un traité de paix entre Israël et l’Égypte le 26 mars 1979. L’amélioration des relations avec le Tiers-monde passe par l’abandon des politiques d’aide aux régimes anticommunistes, même dictatoriaux comme le Chili. 5. La Détente ne supprime cependant pas la rivalité entre les deux blocs. Elle en déporte les formes les plus extrêmes sur des théâtres d’opérations périphériques (guerre du Vietnam, Tiers-monde). De Kennedy à Ford, les États-Unis continuent d’intervenir dans le Tiers-monde pour préserver leurs intérêts et contrer le communisme (au Chili en 1973 par exemple). Les négociations sur les arsenaux nucléaires sont certes un progrès, mais n’empêchent pas que la course aux armements continue et que les deux Grands se dotent d’armes et de vecteurs de plus en plus sophistiqués. La fragilité du processus de Détente est évidente en 1980, lorsque l’invasion soviétique de l’Afghanistan provoque un tournant irréversible de la politique extérieure de l’administration Carter (doc. 6). 6. Dans son discours sur l’état de l’Union du 21 janvier 1980, Carter évoque « une menace pour la paix mondiale ». Il désigne ainsi l’invasion soviétique de l’Afghanistan en décembre 1979. En agissant de manière agressive et expansionniste, les Soviétiques sont accusés de déstabiliser les équilibres régionaux et mondiaux. Les États-Unis ne peuvent accepter que l’URSS étende son influence au Moyen-Orient, dont le bloc occidental dépend pour ses approvisionnements en pétrole. Cet événement provoque une rupture majeure dans la politique extérieure menée par Carter. Les difficiles négociations pour la poursuite de la limitation des armes stratégiques sont remises en cause par le Sénat américain : début 1980, les accords SALT II, finalement signés en juin 1979, sont retirés du Sénat, où ils étaient soumis à discussion. Surtout, les États-Unis fournissent des armes au Pakistan, où s’organise la résistance afghane à l’URSS. Partout dans le monde, l’armée américaine est déployée, non sans débat au sein de la population et de la classe politique étasuniennes. La Détente s’achève donc en Afghanistan. P. 64-65 Cours 3 Les États-Unis dans le nouvel ordre mondial Cette leçon montre comment les États-Unis ont exercé leur statut de seule « superpuissance » dans le monde en recomposition de l’après-Guerre froide. Elle peut s’articuler avec la mise en œuvre du chapitre consacré au Moyen-Orient, foyer de conflits. Au-delà des permanences (poursuite de la diffusion du libéralisme…), quatre temps distincts se succèdent : la sortie de la Guerre froide est négociée par George H. Bush, qui entend définir un « nouvel ordre mondial » sur le multilatéralisme ; les mandats de Bill Clinton, qui met la puissance étasunienne au service Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

de l’« élargissement » de la démocratie dans le monde ; les mandats de G.W. Bush, au cours desquels la guerre préemptive contre le terrorisme devient une priorité au risque de l’unilatéralisme et de la remise en cause de la légitimité des combats étasuniens (Bertrand Badie parle d’« impuissance de la puissance ») ; enfin, les mandats de B. Obama sont caractérisés par un regain de considération des ÉtatsUnis sur la scène internationale sur fond de crise économique mondiale. Au cours de ces deux décennies, la notion de puissance se redéfinit et le champ économique et culturel prend une place plus grande que durant la Guerre froide, où la diplomatie et l’armée constituaient davantage l’aune de la puissance. Dans ces domaines à l’importance grandissante, les États-Unis sont concurrencés de manière accrue. La rivalité économique ÉtatsUnis/Chine est d’ailleurs l’occasion de faire un lien entre le chapitre suivant sur les « chemins de la puissance » chinoise. Document 1 Les États-Unis, promoteurs du libre-échange Ce planisphère un peu complexe est intéressant car il permet d’analyser comment les États-Unis sont commercialement présents dans le monde. Réponses aux questions 1. Les pays qui concurrencent la puissance économique étasunienne sont de deux types : des pays industrialisés regroupés dans l’Union européenne, et des pays émergents en voie d’intégration régionale (MERCOSUR) ou en pleine expansion (Chine). 2. Les États-Unis utilisent leur position de première puissance économique mondiale pour défendre leurs intérêts commerciaux. À l’OMC, dont le siège est à Washington, ils sont prêts à faire l’apologie de l’ouverture des frontières (afin de permettre les investissements des FTN étasuniennes à l’étranger), tout en maintenant une attitude protectionniste dans des domaines où la concurrence est importante (agriculture par exemple). Ils ont tissé une série d’accords bilatéraux avec des pays traditionnellement alliés (Australie, Asean, Israël…). Surtout, l’intégration économique de l’Amérique du Nord par l’ALENA est considérée comme un modèle extensible à l’ensemble du continent américain. Le projet de zone de libreéchange des Amériques (ZLEA) se heurte aux réticences de certains pays latino-américains, qui craignent une dépendance accrue de leur économie vis-à-vis du voisin étasunien. La situation du Mexique et du Canada, dont les économies sont justement dans ce cas, encourage le Mercosur à développer ses liens commerciaux avec l’Union européenne. Document 2 Les États-Unis en guerre contre le « Mal » Le 29 janvier 2002, soit un peu plus de quatre mois après les attentats contre le World Trade Center de New York, le Président George W. Bush prononce le 28

traditionnel discours sur l’état de l’Union devant le Congrès des États-Unis (réunion des deux chambres). Son allocution est fortement marquée par les événements internationaux récents (attentats du 11 septembre 2001, invasion de l’Afghanistan en octobre de la même année) et témoigne d’une vision presque manichéenne du monde. Il s’agit d’un discours programmatique de la guerre mondiale contre le terrorisme, au nom de la sécurité collective et nationale défendue par les États-Unis. G. W. Bush définit un « axe maléfique » constitué de pays qui soutiennent les terroristes et/ou qui fabriquent des armes de destruction massive. La menace que font peser ces « États voyous » sur l’équilibre international justifie, aux yeux du Président étasunien, une attitude déterminée et délibérément préventive. Document 3 Le retour des États-Unis à l’ONU Traditionnellement, chaque pays est représenté à l’ONU par une personnalité qualifiée (ambassadeur ou haut représentant, voire délégué ad hoc). Le 24 septembre 2009, soit moins d’un an après son entrée en fonction, le Président Obama crée l’événement en venant lui-même siéger au Conseil de sécurité de l’ONU. Réponses aux questions 1. Selon G. W. Bush, l’« axe du mal » est un agrégat de pays qui présentent ces caractéristiques : soutien aux groupes terroristes hostiles à l’Occident et fabrication d’armes de destruction massive. La liste de ces États est clairement définie : la Corée du Nord, l’Iran et surtout l’Irak. Bush les associe dans une même catégorie, en dépit de leurs différences et de leurs différends (entre Iran et Irak par exemple). Ainsi, il construit par le discours la réalité qu’il prétend combattre : celle d’une concertation de ces puissances pour lutter contre l’influence occidentale et étasunienne en particulier. L’évocation du sort des populations soumises à l’autorité despotique des dirigeants de ces États permet aussi à Bush de légitimer son combat. L’amalgame entre la nécessaire sécurisation du territoire et des intérêts américains d’un côté et la défense du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes de l’autre a un effet auto-légitimateur. Pour s’opposer à l’« axe du mal », G. W. Bush annonce une guerre sans relâche contre le terrorisme. L’invasion de l’Afghanistan en octobre 2001 avait justement pour but de détruire les camps d’entraînement des terroristes et de renverser un régime favorable à ces derniers. L’invasion de l’Irak en 2003 sera aussi justifiée au nom de la guerre préemptive. Les moyens mis en œuvre sont à la fois matériels, financiers et humains, militaires et diplomatiques. 2. En venant siéger lui-même au Conseil de sécurité de l’ONU, le Président Obama a pour objectif de montrer le changement de politique en cours et l’attention portée au multilatéralisme dans le cadre coopératif onusien. Le choix d’une résolution sur le désarmement nucléaire est aussi révélateur des Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

priorités d’Obama en matière de politique étrangère. La rupture avec la politique de Bush est évidente, tant le précédent Président avait été critiqué pour sa vision unilatérale de l’interventionnisme américain. L’invasion de l’Irak avait par exemple été décidée sans consulter le Conseil de sécurité. En revanche, la priorité du désarmement nucléaire, pour éviter la prolifération des armes de destruction massive, reste une constante de la politique extérieure américaine. P. 66-67 Étude Du multilatéralisme à l’unilatéralisme Arrivé au pouvoir début 1993, le Président démocrate Bill Clinton entend œuvrer pour la promotion de la démocratie libérale dans le monde. Cette politique inspirée du wilsonisme connaît d’indéniables succès, mais se heurte aussi à des échecs, et s’achève avec un retour marqué à l’unilatéralisme défensif des intérêts étasuniens. Son successeur George W. Bush confirme et accentue le tournant unilatéral, à la faveur du traumatisme des attentats du 11 septembre 2001. Les invasions successives de l’Afghanistan (2001) et de l’Irak (2003) s’inscrivent dans le contexte idéologique de la « guerre préventive contre le terrorisme ». Document 1 Défendre les intérêts américains En 1997 dans un entretien accordé à la revue française Limes, le Président Bill Clinton définit sa conception de la défense de la puissance étasunienne. L’enlargement est fondé sur la démocratie libérale et le libre-échange. Ce discours s’inscrit dans une certaine tradition démocrate, depuis Wilson jusqu’à Obama, en passant par Roosevelt et Truman. Cette politique doit permettre en même temps une extension du marché américain et la diffusion d’une bonne image des États-Unis dans le monde. Document 2 Les États-Unis, puissance pacificatrice ? Les accords d’Oslo sont signés à la Maison Blanche, sous l’égide du Président Clinton, le 13 septembre 1993 (après de longues négociations à Oslo, en Norvège). Yasser Arafat, dirigeant de l’OLP, et Itzhak Rabin, Premier ministre israélien, signent une déclaration de principes encourageante pour le processus de paix. Le rôle de médiateur du Président américain ne s’arrête pas à la signature des accords, mais se poursuit pour obtenir leur application pratique (transfert de souveraineté de Gaza et Jéricho à l’Autorité palestinienne, union douanière entre Israël et les territoires palestiniens, partage de la responsabilité civile des territoires contestés entre Israéliens et Palestiniens). Document 3 L’opération « Renard du désert » L’intervention américaine contre l’Irak en décembre 1998 – frappes aériennes contre des cibles stratégiques – montre l’évolution de la politique étrangère de Washington durant les années 1990. En 29

agissant de manière unilatérale aux provocations de Saddam Hussein, Clinton a rendu caduques les actions menées par la communauté internationale pour parvenir à un accord pacifique. Document 4 « Une guerre juste » La décision prise par l’administration Bush d’envahir l’Afghanistan, en octobre 2001, pour répondre aux attentats du 11 septembre précédent, provoque des débats parmi les intellectuels étasuniens. Les médias se font les relais de l’expression publique de ces débats, y compris à destination des Européens. Ainsi Le Monde publie-t-il le 15 février 2002 une lettre cosignée par une soixantaine d’intellectuels américains qui soutiennent la politique étrangère de G. W. Bush. Document 5 Les contestations de la guerre en Irak L’annonce de la guerre en Irak et les débats qui agitent la communauté internationale, largement retransmis dans les médias, provoquent une vague de manifestations opposées à la guerre dans le monde entier, y compris aux États-Unis. Des millions de personnes ont ainsi exprimé leur désaccord avec une politique qui leur semblait grosse de menace pour l’avenir des relations internationales. Document 6 Les États-Unis en guerre contre l’Irak Cette carte met en évidence la progression fulgurant de l’arme de coalition engagée en Irak en mars 2003. En quelques jours, l’écrasante supériorité technique et matérielle de la coalition conduite par les ÉtatsUnis renverse le régime de Saddam Hussein, sans parvenir à pacifier le pays. Réponses aux questions 1. Les principes de l’enlargement sont, d’après Bill Clinton, « d’étendre et de renforcer la communauté mondiale des démocraties fondées sur le marché ». Il s’agit donc de mettre la puissance étasunienne au service d’un intérêt supérieur libéral. La démocratie libérale et le libéralisme économique sont deux ambitions dont la diffusion garantirait la paix dans le monde. Clinton assigne aux États-Unis un rôle majeur dans le monde, celui d’assurer, par des interventions choisies dans les différentes parties de la planète, la promotion d’un idéal libéral conjointement avec celle des intérêts étasuniens. 2. L’enlargement repose sur le présupposé que la démocratie garantit la pacification des relations internationales et que le libéralisme noue des intérêts croisés dont la violence est exclue car trop risquée pour les intérêts de chacun. L’ouverture économique et commerciale permet aussi aux États-Unis d’investir dans de nouveaux marchés, ce qui est un des buts avoués de l’enlargement. 3. La présence de Bill Clinton entre les deux dirigeants, Rabin pour Israël et Arafat pour la Palestine, s’explique par le rôle que les États-Unis ont Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

joué dans le processus de paix qui aboutit à la signature des accords d’Oslo le 13 septembre 1993. Le soutien américain à Israël reste une donnée intangible de la politique moyen-orientale de Washington, mais la contribution au rapprochement entre Israéliens et Palestiniens est à mettre à l’actif de l’administration du premier mandat de Clinton (voir aussi la présentation du document supra). 4. L’enlargement présente des limites. La première est sans doute la difficulté à imposer la démocratie sans passer par des moyens de pression militaires, dont l’usage est contradictoire avec la volonté de pacification (par exemple en Haïti, en ex-Yougoslavie ou en Somalie). La deuxième est « l’impuissance de la puissance », c’est-à-dire la difficulté pour les ÉtatsUnis à utiliser leur puissance dans des contextes dont le contrôle leur échappe (par exemple en Somalie ou au Moyen-Orient). La troisième enfin est la remise en cause de cette politique dès que les intérêts étasuniens sont directement menacés. Ainsi en 1998, les États-Unis mènent une opération militaire (« Renard du Désert ») contre l’Irak de Saddam Hussein, accusé de déstabiliser la région en cherchant à fabriquer des armes de destruction massive. L’ONU, garante prévue du désarmement irakien à la suite de la guerre du Golfe, est mise devant le fait accompli. Clinton estime certes que la déstabilisation du dictateur irakien permise par une intervention ciblée peut permettre d’envisager une démocratisation du régime opérée par les Irakiens eux-mêmes, mais la réalité est la négation étasunienne de la politique multilatérale pourtant promue durant les années précédentes. 5. Après les attentats du 11 septembre 2001, le Président Bush déclare la « guerre contre le terrorisme ». En son nom, l’Afghanistan est envahi le 7 octobre 2001. L’objectif est de détruire de manière préventive les camps d’entraînement terroristes d’Al Qaida, auquel les attentats sont immédiatement attribués et que l’Afghanistan des Talibans accueille sur son territoire. La lutte menée par les États-Unis est organisée contre un réseau mondialisé qu’il faut décapiter en supprimant les régimes qui les assistent. C’est aussi au nom de la « guerre préemptive contre le terrorisme » que l’Irak est envahi à son tour en 2003. Le secrétaire d’État Colin Powell a cherché à convaincre le conseil de sécurité de l’ONU du danger que représente l’Irak de Saddam Hussein. L’argument consiste à lier la prolifération des armes de destruction massive, que l’Irak est accusé de fabriquer, au terrorisme international, que l’Irak est accusé de soutenir. Ne parvenant pas à leurs fins à l’ONU, les États-Unis décident d’intervenir unilatéralement à la tête d’une coalition de 48 pays. La « guerre juste » est définie par les auteurs du texte par l’épuisement préalable des moyens de maintenir la paix, le caractère avéré et rationnel de la menace, la légitimité de l’acteur politique qui en prend la responsabilité, le recours à la violence contre les seuls combattants, l’absence de volonté impérialiste. Pour les auteurs, la guerre contre le terrorisme 30

correspondrait donc à l’engagement d’une « guerre juste ». 6. Les opposants à l’intervention américaine en Afghanistan dénoncent les fondements de la « guerre contre le terrorisme ». En effet, en tant que guerre préemptive, elle est fondée sur des présomptions ; à ce titre, elle pourrait ne jamais prendre fin et s’entretenir elle-même par la définition sans cesse renouvelée de nouveaux suspects à combattre. Pour les opposants à la guerre, les États-Unis n’ont pas le droit de se soustraire au droit international. Les motivations de Bush sont critiquées et accusées d’amoindrir la crédibilité des États-Unis dans le monde. En rien défensive, la guerre contre le terrorisme serait au contraire l’expression d’un impérialisme agressif visant à défendre les intérêts particuliers des États-Unis. 7. La guerre contre le terrorisme prend la forme d’une intervention armée en Irak en mars 2003, afin de renverser le régime de Saddam Hussein, accusé de soutenir les terroristes et un programme de fabrication d’armes chimiques et de destruction massive. Cette guerre prend aussi la forme d’une distance vis-à-vis de l’ONU dans la prise de décision d’intervenir en Irak. L’armée de coalition qui entre en Irak n’a donc pas de mandat onusien. L’unilatéralisme est justifié dans les discours par la nécessité de prendre en compte rapidement et efficacement la menace qui pèse sur les États-Unis. P. 68-69 Étude Les États-Unis d’Obama dans le monde L’élection d’Obama à la présidence des États-Unis en 2008 et son accession au pouvoir en 2009 suscitent un grand espoir, tant les Américains attendent de lui une rupture avec la politique extérieure de G. W. Bush. Le retour à un certain multilatéralisme et le retrait de certains théâtres d’opération coïncident avec une crise économique d’ampleur mondiale, qui replie en partie les États-Unis sur les problèmes intérieurs. Surtout, le changement majeur de la politique étrangère américaine est sans doute le « pivot » vers la région Asie-Pacifique. Ce rééquilibrage redéfinit les hiérarchies stratégiques et témoigne du choix de privilégier la puissance économique plutôt que la puissance militaire. Document 1 Une nouvelle politique en direction des pays arabes Le Président Barack Obama prononce un discours au Caire le 4 juin 2009, année de son accession au pouvoir, dans lequel il se démarque de son prédécesseur. Pour lui, la guerre en Afghanistan était justifiée par les attentats du 11 septembre 2001 et légitimé par le soutien de l’ONU. En revanche, la recherche du consensus et du multilatéralisme a fait défaut à l’administration Bush lorsqu’elle a prévu l’invasion de l’Irak. Les États-Unis ont donc « choisi » d’envahir l’Irak. C’est pourquoi il annonce une nouvelle politique en direction des pays arabes. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Document 2 Les débuts d’un Président à l’étranger Le voyage diplomatique du Président Obama en Europe et au Proche-Orient au début du mois de juin 2009 est à la fois symbolique et stratégique. Symbolique car Obama se rend sur des lieux de mémoire fondamentaux de la Seconde Guerre mondiale (Dresde-Normandie), à laquelle les ÉtatsUnis ont pris une part décisive. Stratégique car il resserre les liens avec des alliés du Proche-Orient (Arabie saoudite et Egypte). Document 3 Le désengagement américain du Moyen-Orient Alain Frachon publie dans Le Monde le 28 mars 2013 une analyse de la politique étrangère d’Obama en soulignant la relativisation de l’intérêt stratégique moyen-oriental pour les États-Unis. Le « pivot » vers l’Asie couplée avec l’évolution de la donne énergétique explique en partie le relatif retrait étasunien dans le monde arabo-musulman. Document 4 La guerre contre le terrorisme à distance Ces trois graphiques montrent bien l’évolution technique de la guerre, avec la possibilité de frapper des cibles à distance grâce à l’utilisation de drones. Ils témoignent aussi de la volonté (et de l’illusion ?) de mener une guerre sans victime étasunienne. Enfin, ils révèlent que les États-Unis procèdent à des frappes ciblées dans des pays avec lesquels ils ne sont pas en état de guerre Document 5 Un déficit alarmant… Cette carte souligne la dépendance financière des États-Unis vis-à-vis de pays créanciers détenteurs d’une partie de la dette étasunienne. Le premier constat est celui de l’énormité de la dette publique. Le second est celui de la répartition des détenteurs de la dette : pays développés d’Europe et d’Asie, pays émergents (pétroliers ou non) et paradis fiscaux. La Chine est devenue le premier créancier de la dette américaine Document 6 … qui affaiblit les États-Unis Cette dépêche de l’Agence France-Presse rend compte du forum des pays de l’APEC, tenu à Bali en octobre 2013 en l’absence du Président Obama. Le rapport de puissance entre les États-Unis et la Chine dans l’aire pacifique est dans un état d’équilibre précaire. Les États-Unis doivent compter avec une Chine offensive qui cherche à organiser de son côté une vaste aire de coopération asiatique. Réponses aux questions 1. Le projet du Président Obama est tourné vers l’avenir et non sur la critique du passé. Il ambitionne une stabilisation politique de l’Irak sous un gouvernement démocratique (alors que les 140 000 31

soldats américains présents sur place ne parviennent pas à établir l’ordre) et le départ des troupes américaines du sol irakien. L’établissement de relations diplomatiques égalitaires entre les ÉtatsUnis et l’Irak est un objectif prioritaire. La promesse du retrait de l’armée américaine a été respectée entre 2010 et décembre 2011. 2. La visite d’Obama en Europe en juin 2009 montre l’attachement du Président à la mémoire des combats de la Seconde Guerre mondiale. L’attention prêtée aux victimes des bombardements stratégiques américains (Dresde), aux victimes des camps de concentration nazis (Buchenwald), et aux soldats qui ont débarqué en Normandie le 6 juin 1944 marque le voyage officiel de son empreinte. Obama peut ainsi rappeler la participation américaine à la libération de l’Europe du joug nazi, sans cependant oublier les victimes de guerre allemandes. Son premier déplacement au Moyen-Orient peut se lire comme la volonté de souligner le maintien des liens avec les alliés traditionnels des États-Unis dans cette zone (Arabie saoudite et Egypte) qui en garantissent aussi la stabilité. 3. Les États-Unis se désengagent du Proche-Orient pour trois raisons avancées dans les documents. La première est d’ordre éthique : évacuer l’Irak doit permettre de respecter le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et donc la souveraineté des Irakiens, tout en les aidant à accéder à cette liberté retrouvée en reconstruisant le pays. La deuxième est plus géoéconomique avec une donne énergétique relativement nouvelle : le gaz de schiste pourrait rendre les États-Unis beaucoup moins dépendant du pétrole moyen-oriental. La troisième raison est géopolitique avec le « pivot » stratégique vers l’Asie ou le basculement du centre des intérêts étasuniens vers l’Asie pacifique. 4. Les États-Unis privilégient davantage la guerre à distance, réputée « zéro mort » grâce au pilotage des drones depuis des centres situés loin des cibles (voire aux États-Unis). Le déploiement d’hommes au sol – tel que G. W. Bush l’a pratiqué en Afghanistan et en Irak – est ainsi réduit, surtout pour des cibles installées sur le territoire d’États avec les États-Unis ne sont pas en guerre. 5. La dette des États-Unis est en constante croissance. En vivant à crédit, les États-Unis accroissent leur dépendance vis-à-vis des pays qui achètent les bons du Trésor. Parmi ces États, se distinguent des puissances émergentes comme la Chine et dans une moindre mesure les États pétroliers du golfe Persique. La Chine profite d’ailleurs de cette situation pour faire entendre une voix concurrente dans les relations transpacifiques. Le risque est donc pour les États-Unis de dépendre de plus en plus de pays qui ne sont pas seulement des partenaires mais aussi de redoutables concurrents, et de perdre leur fragile leadership sur la zone pacifique.

P. 70-71 BAC Composition Sujet 7 Les États-Unis et le monde depuis 1945 Plan possible I. 1945-1947 : les États-Unis sont une superpuissance qui entend reconstruire l’ordre mondial La superpuissance se décline en domaines : 1. militaire : les États-Unis sont les grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Leur avance militaire est considérable en 1945. Ex. : la production industrialo-militaire, la bombe atomique, les progrès liés à la guerre… 2. politique et diplomatique : les États-Unis jouent un rôle majeur dans l’installation d’une nouvelle organisation internationale. Ex. : la place américaine au sein de l’ONU. 3. économique et financier : les États-Unis sont la première puissance du monde en 1945, en partie grâce à la guerre. Ex. : leur PIB représente 50 % de celui du monde, leur monnaie est la seule convertible en or, leur poids au FMI, plan Marshall. 4. culturel : les États-Unis profitent de leur puissance pour exporter leur modèle culturel. Ex. : les modes de consommation, les musiques, le cinéma. II. 1947-1991 : les États-Unis se projettent dans le monde de la Guerre froide comme leader du monde libre 1. Un leadership fondé sur la liberté : défense et illustration du libéralisme politique et économique, dans les discours et dans les actes au sein des organisations internationales dépendant de l’ONU (FMI…). 2. La compétition avec le bloc communiste : évoquer ici divers aspects de la Guerre froide : compétition technique, militaire, idéologique… 3. Une puissance schizophrène ? Étudier le décalage, voire la contradiction, entre les discours légitimateurs et l’action concrète des États-Unis pour maintenir leur puissance et leur influence, souvent au mépris du respect des droits de l’homme (Vietnam, Chili…). Étudier aussi les effets du traumatisme vietnamien sur la politique étrangère étasunienne. III. Depuis 1991 : les États-Unis, une superpuissance entre doute et certitude ? 1. Une pax americana au sortir de la Guerre froide ? (Bush père) 2. Du multilatéralisme à l’unilatéralisme (Clinton et Bush fils) 3. Un retour au multilatéralisme à l’heure du doute et de l’exacerbation des concurrences (Obama). P. 72 BAC Analyse de documents Sujet 8 Le cinéma, un instrument de la puissance américaine Réponses aux questions 2. La phrase soulignée évoque les conditions misérables dans lesquelles serait plongé le monde du

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spectacle gravitant autour des studios de cinéma français si le cinéma américain continuait à s’imposer en France. En effet, pour Thorez, le risque consiste en une perte d’emplois et de revenus pour les Français. 3. Les éléments du tableau révèlent l’exagération de Maurice Thorez. Même si le rapport entre le nombre de films américains et celui des films français est favorable à l’industrie cinématographique des ÉtatsUnis, il ne l’est pas dans les proportions décrites par Thorez. L’effet d’emphase accentue l’évidence de sa dénonciation. 4. Thorez reproche aux films de diffuser une culture américaine néfaste, sans valeur morale autre que religieuse, et prompte à présenter les plaisirs de la chair comme un objet de désir. Pour Thorez, le cinéma doit permettre aux Français de prendre conscience « de leurs devoirs envers la France, envers la République ». Les films doivent donc contribuer à l’édification républicaine et nationaliste des citoyens (ce qui est d’ailleurs contradictoire avec l’universalisme communiste…). P. 73 BAC Analyse de document Sujet 9 Les États-Unis et le monde en 2002 Document 1er paragraphe

Idées principales Bilan de la situation des États-Unis depuis le 11 septembre 2001

2e paragraphe

Menace qui pèse encore sur les États-Unis et le monde

3e paragraphe

Principes d’action des États-Unis contre « l’axe maléfique » dans le cadre de la « guerre contre le

Connaissances - attentats contre le World Trade Center de New York et le Pentagone - traumatisme national qui fédère les Américains derrière leur Président - invasion de l’Afghanistan par une coalition approuvée par l’ONU - « nouvelles menaces » du monde post-Guerre froide : prolifération des armes de destruction massive, terrorisme de masse, existence de « zones grises » - concept de guerre préemptive - isoler diplomatiquement les « États voyous » - frapper les États réputés soutenir les terroristes pour

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terrorisme »

détruire leurs bases arrière - contribuer à la reconstruction des « États faillis », zone grises om prospèrent les réseaux illégaux (drogue, prostitution, blanchiment d’argent, terrorisme)

Plan possible Introduction : auteur, nature et contexte du discours. Destinataires : le Congrès des États-Unis, et au-delà le monde entier. I. Les États-Unis en guerre contre le terrorisme : les modalités de la guerre 1. Une guerre psychologique : faire peur à l’ennemi avant de l’attaquer en le dénonçant à la face du monde. 2. Une guerre avec des moyens considérables : mise au service de la puissance étasunienne… guerre très coûteuse. 3. Une guerre longue et décisive : invasion de l’Irak en 2003, présence durable des forces américaines en Afghanistan… II. Les États-Unis champions de la justice et de la liberté : les motivations et les buts de la guerre Inscrire le discours de Bush dans une tradition idéologique étasunienne. 1. Pourquoi la guerre ? Contexte des attentats du 11 septembre 2001, du traumatisme, de la cohésion nationale… prévention d’une prochaine agression par une guerre préemptive. 2. Pourquoi la guerre ? Pour se faire justice, pour rendre la justice. Bush conçoit le rôle de son pays comme celui de gendarmes du monde et de libérateur des peuples opprimés (celui des États-Unis d’abord, en état de choc, ceux de l’« axe maléfique », qui vivent dans les privations et la terreur). 3. Un tournant dans l’histoire mondiale ? le messianisme étasunien s’affirme avec la conviction que les États-Unis ont un grand rôle à assumer – à rapprocher de l’idée ancienne de « destinée manifeste ». III. Une guerre pour les États-Unis ? : les dessous de la guerre Évoquer ici, grâce à une approche critique du texte, ce que les États-Unis ont à gagner dans la guerre contre le terrorisme : 1. Une crédibilité accrue sur la scène internationale, non seulement aux yeux de leurs ennemis, mais aussi à ceux de leurs alliés. 2. Une défense de leurs intérêts économiques par l’affirmation de la puissance dans une zone dont les États-Unis dépendent pour leurs approvisionnements énergétiques – pétrole irakien.

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3. Une défense du monopole nucléaire détenu par une dizaine de puissances dans le monde et qui assoie une

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partie de la puissance étasunienne.

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Chapitre 4 La Chine et le monde depuis 1949 LA DÉMARCHE DU CHAPITRE Le chapitre vise à mettre en évidence les voies successives suivies par la Chine pour tenter de retrouver sa puissance perdue depuis le XIXe siècle. La confrontation avec le chapitre consacré à la puissance américaine vise à montrer un cheminement évidemment différent, depuis 1949 vers le statut de grande puissance dont dispose actuellement la Chine et de montrer également que cette puissance est encore incomplète. La Chine jusqu’en 1949 est restée en effet soumise à la pression des impérialismes, parmi lesquels le Japon s’affirme rapidement comme le plus menaçant. La période se caractérise donc par la tutelle économique des grandes puissances, la perte de sa souveraineté territorial et la faiblesse du pouvoir central (inexistant dans un premier temps, puis contrôlant le pays de façon bien imparfaite sous le Guomindang). 1949 est une rupture car cette année ouvre une période d’hégémonie du PCC qui tente de mettre la Chine sur le chemin du développement en suivant la voie communiste et en s’adossant à l’URSS. Le pays tente assez rapidement de trouver une voie de développement originale dictée par Mao (cours 1). La politique extérieure chinoise, à laquelle est consacré le cours 2, vise à retrouver la souveraineté territoriale du pays par un repli sur lui-même et l’affirmation dans son voisinage proche (invasion du Tibet, intervention dans la guerre de Corée) dans un premier temps. Les divergences idéologiques conduisent ensuite la Chine à prendre ses distances avec l’URSS et à prétendre au même statut de superpuissance, en se posant en concurrente dans le Tiers-Monde. Dans cours 3, est examinée la façon dont la politique des réformes initiée en 1978 par Deng Xiaoping, qui rompt avec le maoïsme, porte ses fruits sur le plan économique. Le miracle économique offre ainsi de nouveaux leviers à la politique étrangère chinoise qui se fait de plus en plus active ces dernières années, en particulier en Asie du SudEst et en Afrique. BIBLIOGRAPHIE - Marie-Claire Bergère, Lucien Bianco, Jörgen Domes, La Chine au XXe siècle, Fayard, 1989-1990. - Jean-Luc Domenach, Comprendre la Chine d’aujourd’hui, Perrin, 2007. - Jean-Luc Domenach et Philippe Richer, La Chine, Le Seuil, 1995. - François Guipoloux, La Chine au XXIe siècle. Une Nouvelle Superpuissance ?, Armand Colin, 2005. - Alain Roux, La Chine contemporaine, Armand Colin, 2010. - Thierry Sanjuan, Atlas de la Chine, Autrement, 2007. - Thierry Sanjuan, Le Défi chinois, La Documentation française, 2008. - La Chine, 2000 ans d’histoire, TDC n°1021, 2011. BIBLIOGRAPHIE POUR LES ÉLÈVES - Dai Sijie, Balzac et la petite tailleuse chinoise, Gallimard, 2000. - Simon Leys, Les Habits neufs du président Mao, Champ libre, 1971. FILMOGRAPHIE - Le Sorgho rouge de Zhang Yimou, 1987. - Le Cerf-volant bleu de Tian Zhuangzhuang, 1993. SITOGRAPHIE - Conférence d’Yves Chevrier sur Mao, Université populaire du Quai Branly, en ligne sur : www.quaibranly.fr - Cartes du Monde diplomatique sur la Chine : www.monde-diplomatique.fr/cartes/#Asie P. 76-77 Ouverture de chapitre Document 1 1949 : la Chine devient communiste En utilisant la double page « contexte » qui suit, on rappellera d’abord que le Guomindang a réunifié la Chine en 1928 et installé la capitale à Nankin. Le gouvernement nationaliste mène la guerre à son rival : le PCC de Mao (longue marche de 1935). Après le déclenchement de la guerre sino-japonaise en 1937 et l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale, un Front Uni est décidé pour faire face à la menace du Japon. Toutefois le PCC considère cette alliance comme une manœuvre tactique provisoire. Le front uni offre, en Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

effet, le grand avantage pour le PCC de neutraliser le Guomindang et de confirmer la grande autonomie de manœuvre du PCC dans les zones qu’il contrôle. De fait, en 1945 la guerre civile reprend et le retrait de l’aide militaire américaine au gouvernement nationaliste en 1947 contribue, entre autres, à la victoire des troupes de Mao. Il proclame à Pékin la République Populaire de Chine le 1er octobre 1949. Le défilé dans la capitale historique de Pékin célèbre la réunification (à l’exception de Taïwan) et l’indépendance retrouvée sous un pouvoir dorénavant communiste. La foule est ici prise en photo devant les portraits de ceux qui sont considérés

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comme les artisans de la victoire militaire, Mao et Lin Biao notamment. Document 2 2009 : la République populaire de Chine affirme sa puissance Pour célébrer le 60e anniversaire de la proclamation de la République populaire de Chine, le gouvernement a voulu à la fois montrer son unité (et on pourra noter au premier plan les participants en costumes traditionnels des différentes ethnies), célébrer le parti communiste (les drapeaux, mais aussi les portraits qu’on ne voit pas ici des grandes figures de parti), sa puissance symbolisée ici par le navire entouré de 80 000 jeunes, marquée également par la plus grande parade militaire jamais organisée (près de 10 000 hommes). En confrontant les deux images, il ressort, qu’au delà de la permanence de l’exaltation du communisme, l’image que la Chine entend donner change : d’une Chine révolutionnaire, on passe à une Chine nationaliste fière de son passé (à l’occasion des festivités de 2009, un immense portrait de Sun Yat Sen, le fondateur de la république en 1912) et de sa puissance. P. 78-79 Carte La République populaire de Chine, puissance asiatique La victoire des communistes en 1949 est suivie par la mise en place de la République populaire de Chine. Le pays, rétabli dans son intégrité territoriale, revendique la souveraineté sur le Tibet et cherche à s’imposer comme une puissance régionale (ce qui ne va pas sans frictions avec ses voisins). Après la rétrocession de Hong Kong et Macao, la Chine continue de revendiquer le retour dans son giron de Taïwan. P. 80-81 Cours 1 La Chine de Mao (1949-1978) Le titre de la leçon met l’accent sur l’importance de Mao Zedong dans la conduite de la politique en Chine. Si l’organisation du PCC est supposée être collégiale et démocratique, le prestige (nourri par une abondante propagande) et l’habileté manouvrière de Mao lui permettent d’imposer ses vues jusqu’à sa mort. L’alignement sur l’Union soviétique est commandé par l’isolement diplomatique du régime au moment de son avènement. La période voit ensuite une succession de campagnes de mobilisation des masses (là est la principale originalité du maoïsme), supposées amener le pays en quelques années vers le socialisme. Leurs conséquences désastreuses imposent des périodes d’accalmie durant lesquelles est laissée davantage de liberté (en particulier, pour les paysans, par des redistributions partielles des terres collectivisées). Seule la mort de Mao, le 9 septembre 1976, tournant crucial, permet au pays de se détourner de l’utopie révolutionnaire, après que Deng Xiaoping est parvenu à écarter le pâle successeur que Mao s’était choisi, Hua Guofeng. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Document 1 Les transformations socialistes Pour reconstruire l’économie chinoise, Mao n’a d’autres choix que de rechercher l’appui de l’URSS et de s’aligner sur la voie marxiste-léniniste telle qu’elle est interprétée par Moscou. Cette alliance, évoquée à la fin du texte, qui passe aussi par des accords économiques et militaires ne va pas cependant de soi. Les relations sino-soviétiques sont hésitantes dans les mois qui suivent la proclamation de la République populaire de Chine en 1949, comme en témoigne la longue négociation du traité d’alliance signé en 1950. Les Chinois n’ont pas oublié l’appui apporté par Staline au Guomindang et Staline exprime des doutes depuis longtemps sur l’authenticité du communisme « à la chinoise », car c’est une révolution de paysans qui, du point de vue soviétique, n’a pas grand chose de prolétarien. Réponse à la question Mao reprend ici les étapes de la construction du socialisme, telle que décrites par Marx et Lénine : après la révolution (ici réalisée par la guerre contre le régime nationaliste), vient le temps où l’État, incarné par le seul parti communiste, supprime la société de classes en nationalisant les industries, banques et transports et en collectivisant les terres. L’étape ultime, une fois la disparition de la société de classes achevée, est la réalisation du socialisme en tant que tel, c’est-à-dire la gestion collective par le peuple luimême des moyens de production. Document 2 La réforme agraire La Chine en 1949 n’était pas caractérisée par une inégalité particulièrement prononcée de la répartition des terres. Mais le PCC s’efforce de faire du conflit entre les masses paysannes et leurs supposés oppresseurs, les « propriétaires fonciers » (dizhu), le trait structurant de la société rurale. On voit ici l’exemple d’une cérémonie soigneusement réglée par les cadres locaux du parti et qui vise à faire participer activement la masse des paysans. La redistribution des terres du début des années 1950 permet l’anéantissement de l’influence des élites rurales traditionnelles. Plus de deux millions de propriétaires fonciers sont tués dans les violences qui l’accompagnent. La voie est libre pour les grandes campagnes de collectivisation à marche forcée des années suivantes. Document 3 L’alliance avec l’URSS Il s’agit d’une illustration d’origine russe. Le recours aux figures de Mao et Staline pour personnifier l’alliance traduit le pouvoir personnel des deux hommes. Mao a, en effet, établi son pouvoir personnel sur le PCC, depuis 1943. La poignée de main, le fond rouge uni, l’attitude des personnages et la composition symétrique semblent traduire un rapport d’égalité entre eux. Cependant, le fait que Mao tienne en main deux volumes des œuvres de Lénine 36

tend à faire de lui un élève qui se place sous la protection de son maître. On peut cependant préciser que lors de la visite de Mao à Moscou entre décembre 1949 et février 1950 (le premier voyage hors de Chine de sa vie), qui sera la seule occasion de rencontre des deux dirigeants, le courant passe mal entre eux. Réponses aux questions 1. Mao Zedong est le maître incontesté de la RPC, et Staline celui de l’Union soviétique. 2. La poignée de main, les yeux dans les yeux, des deux personnages de l’affiche est évidemment là pour affirmer l’alliance des deux géants du bloc communiste. La présence marquée de la couleur rouge, comme trame de fond, mais également dans différents éléments du costume des deux hommes constitue une preuve d’union idéologique. Le document 1 montre en effet que la Chine s’aligne sur la doctrine marxiste-léniniste professée par l’URSS (cf. réponse à la question sur le document 1). Document 4 L’enrôlement de la jeunesse lors de la Révolution culturelle Voici un exemple de l’iconographie de propagande de la révolution culturelle, où la couleur rouge est toujours omniprésente. Cette affiche concerne les théories de Mao sur l’art révolutionnaire et sa mise au service de la Révolution. La citation signée de Mao se lit ainsi : « La littérature et les arts doivent être une des composantes de la machine révolutionnaire. Il faut en faire une arme puissante pour unir et éduquer le peuple, attaquer et anéantir ses ennemis, et aider le peuple à lutter d’un même élan contre ses ennemis. » Les adolescents du second plan brandissent le Petit Livre rouge. Le personnage recroquevillé en bas à gauche est une incarnation du révisionnisme. Réponses aux questions 1. Les objectifs affichés de la Révolution culturelle sont de poursuivre la révolution en éliminant son « ennemi » qui n’est plus le bourgeois à proprement parler, mais le cadre du parti qui aurait confisqué le pouvoir au pouvoir au peuple. 2. Mao cherche l’appui de la jeunesse qu’il oppose aux cadres du parti, la génération qui est arrivée au pouvoir à ses côtés en 1949. P. 82-83 Étude Du modèle soviétique à un modèle chinois ? Le modèle soviétique de développement privilégie les grands conglomérats d’industrie lourde dans le cadre d’une économie planifiée (plans quinquennaux). Si les campagnes sont collectivisées, elles font l’objet de moins d’attention et leur développement est sacrifié au primat de l’industrie. C’est ce modèle que la Chine copie, avec l’aide de techniciens russes, au début des années 1950. Elle va néanmoins s’en détacher assez vite avec des mots d’ordre tel que « marcher sur ses deux jambes » (industrie et agriculture). Autre Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

innovation inspirée par Mao : l’exaltation politique des masses doit permettre de sauter des étapes et d’accéder en quelques années au stade de développement atteint par les pays capitalistes (c’est la thématique « le rouge prime l’expert »). Document 1 La révolution chinoise vue d’Union soviétique L’organe de presse officiel de l’État soviétique vante les efforts du « frère » chinois dans la réalisation du communisme en Chine Toutefois on notera que la Pravda souligne le retard de la Chine dans ce processus par rapport à l’URSS puisque la Chine de Mao en est finalement ici au stade où elle sort d’un régime féodal, et où elle réalise à la fois son industrialisation et le communisme. Document 2 Le modèle de collectivisation soviétique La photographie met en scène une visite de Mao, qui met l’accent sur la volonté d’indépendance économique et de modernité, la Chine procédant à la fois à une collectivisation des terres et à une modernisation (les serres ici). On notera la présence à droite de conseillers techniques et militaires soviétiques. Document 3 La coopération sino-soviétique Les conglomérats sidérurgiques ou encore les grands projets d’infrastructures, comme ce pont enjambant le gigantesque Yangzi, sont les éléments les plus symboliques de la coopération sino-soviétique. La présence de ce bateau permet de mieux mesurer la taille impressionnante de la construction. Document 4 Le Grande Bond en avant décidé par Mao Cette commune pékinoise produit de l’acier avec un des fameux « petits hauts-fourneaux » dont on peut voir ici le caractère improvisé et pour ainsi dire bricolé. L’acier ainsi produit, trop impur, est inutilisable. Sa production mobilise les travailleurs en pure perte, et se traduit par un gaspillage de matières premières. La politique des « petits hauts-fourneaux » découle d’un véritable fétichisme pour les chiffres de production que l’on veut voir rattraper puis dépasser ceux des grands pays capitalistes le plus vite possible. Elle est un des éléments du désastre économique causé par le Grand Bond en avant. Document 5 Des tensions grandissantes avec l’Union soviétique Même si Khrouchtchev fait remonter les prémisses d’une détérioration des rapports entre Chine et URSS à l’époque de Staline, il est pourtant clair que son arrivée au pouvoir va accélérer les choses. Ses rapports avec Mao ne seront jamais bons tant ce dernier voit en lui le responsable d’une remise en cause de la dictature stalinienne qu’il désapprouve radicalement. Ce document traduit de façon très 37

claire que le Grand Bond en avant est non seulement un tournant de politique intérieure, mais qu’il représente aussi un tournant dans les relations sinosoviétiques. Le Grand Bond en avant traduit la volonté chinoise de trouver sa propre voie vers le socialisme. L’ampleur de l’aide apportée à la Chine est quelque peu exagérée par Khrouchtchev. Et l’allusion assez peu aimable aux communes populaires (et à leur principe de répartition selon les besoins) et aux petits hauts-fourneaux traduit un certain sentiment de supériorité. On peut lire dans le doc. 3 p. 86 une critique en règle de la politique d’apaisement et de coexistence pacifique de l’URSS, point de désaccord auquel Khrouchtchev fait ici brièvement allusion. Document 6 Des lignes politiques divergentes La rupture sino-soviétique est consommée en 1963 quand Mao publie Lettre ouverte au Parti Communiste de l’Union soviétique dénonçant les deux impérialismes soviétiques et américains. La querelle prend plusieurs aspects. Le premier est idéologique : Mao dénonce l’URSS comme puissance impérialiste dans la continuité de sa critique du caractère « socialiste » de la société soviétique. Pour lui, Khrouchtchev est un traître : et la Chine dénonce la déstalinisation mais joue aussi de l’échec de Cuba, la notion de « révisionnisme » fait son apparition en 1962. Le deuxième est la rivalité entre deux puissances qui s’érigent en leader des peuples opprimés du Tiers-monde. Mais le conflit larvé tient aussi à la question de la possession et du rôle de l’armement nucléaire, ce que l’on voit bien lors de la condamnation chinoise de l’accord de 1963 sur l’arrêt partiel des essais nucléaires : la bombe A en octobre 1964, de la bombe H en juin 1967. Enfin, un litige territorial porte sur les « traités inégaux », comme disent les Chinois depuis le XIXe siècle, ce qui renvoie l’URSS dans le camp des puissances « occidentales ». Au fond l’alliance sino-soviétique des années 1950 est vue comme l’ultime phase de la subordination de la Chine à une puissance étrangère. Durant la révolution culturelle (1966-69), les incidents sur l’Oussouri de 1969 provoquent de gigantesques manifestations de protestations en Chine (10 millions de manifestants à Shanghai le 5 mars !). La Chine populaire se dote, en quelque sorte, d’une diplomatie « de gardes rouges ». Réponses aux questions 1. La Chine de 1949 est dévastée par quatre années de guerre civile qui ont succédé aux huit années de guerre contre le Japon. Son économie est exsangue, l’inflation fait rage et une partie de ses élites a fui le territoire chinois. Elle est aussi isolée sur l’échiquier international. Dans ces conditions, l’aide soviétique pour moderniser son agriculture et se doter d’infrastructures est indispensable. Pour l’URSS, il s’agit d’aider un État certes communiste, mais qui sort à peine – de son point de vue – d’une situation de type féodal et qui est resté un pays essentiellement agricole. Pour l’URSS, les relations sino-soviétiques ne peuvent pas être tout à fait des relations entre égaux. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

2. Mao lance le Grand bond en avant pour développer en même temps l’industrie et l’agriculture (« les deux jambes de la Chine » selon sa formule). Cette réorientation de la politique économique est donc une critique implicite du modèle de l’Union soviétique qui avait largement consisté à sacrifier l’agriculture au développement de l’industrie lourde. Il y a là l’affirmation d’une spécificité chinoise que Khrouchtchev perçoit nettement comme une volonté de prendre ses distances avec l’URSS et même rivaliser avec elle. 3. Mao dénonce en même temps l’attitude de l’URSS sur la scène internationale : elle ne serait plus révolutionnaire (référence à la déstalinisation opérée par Khrouchtchev), elle ne soutiendrait pas les pays opprimés (allusion à la crise de Cuba de 1962) et elle se comporterait finalement en puissance impérialiste avec les pays qui ont rejoint le bloc soviétique. Mao renvoie dos à dos États-Unis et URSS comme les deux puissances impérialistes qui dominent le monde bipolaire, tandis qu’il fait de la Chine le leader naturel des pays du Tiers-monde. BAC Analyse de document Plan possible I. La fin de la coopération sino-soviétique depuis 1950 1. Rappeler dans un premier temps le traité de 1950 et en quoi à consisté « la coopération commerciale et industrielle » 2. Expliquer l’alignement idéologique de la Chine sur l’URSS II. La revendication d’une autre voie vers le socialisme 1. Expliquer le grand bond avant et en quoi il est différent du modèle économique soviétique (cf. « les hauts-fourneaux du genre samovar ») 2. Expliquer qu’il y a d’autres raisons aux attaques de Mao envers Krouchtchev. P. 84-85 Cours 2 L’affirmation sur la scène internationale (1949-1976) La leçon vise à montrer les étapes de l’affirmation de la Chine sur la scène internationale : l’alliance avec l’URSS jusqu’à la guerre de Corée au moins, la rupture sino-soviétique qui correspond à un politique d’expansion de l’influence chinoise dans le Tiersmonde et enfin le rapprochement avec l’Occident dont le but est pour la Chine de se faire reconnaître comme puissance au niveau international. Document 1 L’occupation du Tibet Le Tibet était lié par un lien vassalique assez lâche jusqu’au XIXe siècle. Durant la période républicaine, il jouissait d’une indépendance de fait. Du 12 au 18 octobre 1950, les troupes du PCC n’ont eu aucun mal à bousculer les maigres forces tibétaines et à occuper le pays.

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Document 2 Le soutien aux pays frères Cette affiche est intitulée « résister à l’Amérique, soutenir la Corée ». La Chine a fourni une aide tout à fait considérable à la Corée du Nord, en envoyant une armée de « volontaires du peuple chinois pour aider le peuple coréen à résister à l’agression de l’impérialisme américain », l’URSS se contentant d’une aide en matériel. De façon assez ironique, cette affiche met en avant le nombre de soldats ennemis tués depuis le début de la guerre, alors que les pertes parmi les « volontaires » chinois sont bien plus considérables.

s’engager militairement pour soutenir le Guomindang. 2. Dans les années 1970, Mao considère que la Chine peut normaliser ses relations avec les États-Unis, à la fois parce que cela entre dans un jeu d’équilibre face au rival soviétique (du reste la théorie maoïste place les deux puissances soviétique et américaine sur un pied d’égalité comme puissances « impérialistes ») et parce que la Chine espère retrouver une place sur la scène internationale (notamment la reconnaissance par l’ONU) à un moment où elle se tourne vers le Tiers-Monde.

Document 3 Chine-États-Unis : de la méfiance… Cette interview est réalisée à Yan’an (la capitale de la zone contrôlée par le PCC) durant l’été 1946 avec la journaliste américaine sympathisante communiste, Anna Louise Strong. Dans la première partie de l’extrait, la lecture de la situation américaine faite par Mao témoigne d’un parfait dogmatisme doublé d’une superbe ignorance de la société américaine (Mao ne parlait aucune langue étrangère et n’a pratiquement jamais quitté le territoire chinois). Le contexte est celui de la mission du général Marshall en Chine qui vise à empêcher la guerre civile qui a de fait déjà repris entre le Guomindang et le PCC.

P. 86-87 Étude La Chine et le Tiers-Monde Les documents mettent clairement en évidence une vision cohérente des relations internationales et l’ambition de la Chine d’y jouer un rôle important, en se posant comme le véritable porte-parole du TiersMonde. Avec la doctrine des « trois mondes », la Chine, qui se considère comme une composante du Tiers-Monde, s’estime légitime pour le représenter.

Document 4 … à la normalisation La fin des années 1960 voit une dégradation très rapide des relations avec l’URSS ; de graves incidents frontaliers ont même lieu en mars 1968. Face à cette menace, Mao fait le choix pragmatique d’un rapprochement avec l’autre grande puissance, les États-Unis. Ce dernier est initié par l’accueil en Chine d’une équipe de joueurs de tennis de table américains au printemps 1971. La venue de Nixon en février 1972 représente un tournant diplomatique. Elle concrétise un rapprochement avec les États-Unis qui porte des fruits importants dans la mesure où la République de Chine (Taïwan) perd son siège permanent au Conseil de sécurité au profit de la RPC le 25 octobre 1971. D’une façon plus large, une normalisation des relations diplomatiques avec d’autres pays occidentaux se fera dans les années suivantes. Réponses aux questions 1. Pour Mao, les États-Unis sont un pays capitaliste et il plaque le discours marxiste/léniniste d’un État capitaliste qui opprime d’abord son peuple. Il s’écarte ici de la vision soviétique en espérant une révolution mondiale qui touchera à terme les États-Unis euxmêmes. S’il traduit une méconnaissance des ÉtatsUnis, ce discours permet à Mao de relativiser la puissance américaine et l’arme nucléaire « tigre de papier ». L’indifférence affichée vis-à-vis de la bombe atomique peut être interprétée comme un message adressé aux États-Unis afin de les dissuader de Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Document 1 Soutenir les guerres d’indépendance En soutenant Hô Chi Minh dans sa lutte contre le corps expéditionnaire français en Indochine avec la bénédiction de Staline, la Chine participe directement à la Guerre froide. Mais ce faisant, elle renoue avec une stratégie d’influence régionale qui était la sienne à l’époque impériale (la France s’était substituée à elle comme puissance dominante dans la région au prix d’une guerre contre la Chine en 1884-1885). La Chine sera présente à la conférence de Genève qui se conclura par la reconnaissance de l’indépendance des composantes de l’Indochine française (Vietnam, Laos, Cambodge). Document 2 La Chine, poids lourd du Tiers-Monde La conférence de Bandung est l’occasion pour la Chine de s’affirmer comme un leader du Tiers-Monde (l’URSS est absente de la conférence). Zhou Enlai, qui est le chef de la diplomatie chinoise de 1949 jusqu’à sa mort en 1976, y mène la délégation chinoise. Document 3 La Chine, rivale de l’URSS Cet article se situe dans le cadre de la rupture avec l’URSS. Les positions du très officiel Quotidien du peuple ici exprimées sont une condamnation sans nuance du PCUS (Parti Communiste d’Union soviétique). La politique de détente avec les ÉtatsUnis est ici dénoncée. Elle se situe en droite ligne de la théorie des « trois mondes » (voir doc. 6). La thématique de la lutte contre l’impérialisme est inscrite dans une plus longue durée pour le PCC (c’était un des thèmes de la rhétorique du PCC sous la République).

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Document 5 Zhou Enlai en visite en Tanzanie, 1965 Les voyages de Zhou Enlai sont une des manières les plus visibles de mettre en scène l’activité diplomatique déployée par la Chine sur la scène internationale. Il s’agit aussi d’une stratégie à usage interne : cette mise en scène d’une Chine « forte » et qui rayonne sur le monde, contrastant avec la période précédente, vise à renforcer la légitimité du régime. À noter le costume de Zhou Enlai qui est improprement appelé en français « costume Mao » alors qu’il a été créé et popularisé par Sun Yat-sen dans les dernières années de sa vie. Document 6 Les « trois mondes » vus par la Chine communiste Dès 1964 les dirigeants de la République populaire de Chine définissent deux « zones intermédiaires » (entre URSS et États-Unis) qui s’opposent à l’impérialisme américain. La première « zone intermédiaire » est constituée des « pays indépendants ou en lutte pour l’indépendance » (autrement dit le Tiers-Monde). La deuxième « zone intermédiaire » est formée du Canada, de l’Europe occidentale et d’autres pays capitalistes (la France de De Gaulle étant le modèle (cf. le rétablissement des relations diplomatiques avec la France en janvier 1964). La théorie des « trois mondes » exprimée par Deng Xiaoping en 1974 est l’élaboration finale de la théorie des zones intermédiaires. Le premier Monde est celui des deux superpuissances, le deuxième Monde regroupe le Japon, l’Europe et le Canada, et le troisième Monde englobe la Chine et le Tiers Monde. La façon dont Deng Xiaoping ne distingue jamais, dans ce texte, les États-Unis et l’URSS (rangé par lui dans la même catégorie) est remarquable. Le divorce d’avec l’URSS, qui se trouve ainsi explicitement accusée d’hégémonisme, est consommé. Même si la Chine se considère comme un pays socialiste, son appartenance au Tiers-Monde est particulièrement mise en avant. Réponses aux questions 1. Les étapes de la décolonisation : - Asie (1945-1954) : doc. 1 - Affirmation du Tiers-Monde (1955) : doc. 2 - Décolonisation de l’Afrique du Nord (1954-1962) : : doc. 4 et 5 - Décolonisation de l’Afrique noire (1960-1975) : doc. 4 et 5. 2. L’Afrique peut sembler un angle mort dans la lutte URSS/États-Unis dans le monde car c’est une zone où aucune des deux superpuissances n’exerce une influence très forte. C’est par ailleurs un continent en voie de déveoppement, où la Chine estime que la doctrine maoïste peut être appliquée. 3. La Chine n’ambitionne pas de concurrencer les États-Unis ou l’URSS dans la quête de l’hégémonie mondiale, mais se place dans la position d’un représentant des pays du Tiers-Monde. Elle entend favoriser la lutte des pays en développement pour Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

s’émanciper de l’impérialisme exercé par les grandes puissances. BAC Analyse de document Plan possible I. Une critique de la bipolarisation qui remet en cause le caractère réellement socialiste de l’URSS. II. La Chine se pose alors en nouveau porte-drapeau de la lutte anti-impérialiste dans le Tiers-monde. P. 88-89 Étude La tentation maoïste à l’Ouest Document 1 Un nouveau leader pour la jeunesse du monde, Mao La Sorbonne est un point névralgique de la contestation étudiante de mai 1968. La présence des maos dans ce lieu rend compte de l’importance de leur rôle. Le maoïsme n’est assurément pas le seul courant qui porte la contestation étudiante de mai 1968, mais il en est du moins une composante importante. Document 2 La Chine, un modèle idéologique L’intérêt pour le maoïsme en France va au-delà d’un microcosme parisien comme en témoigne cette affiche imprimée à Marseille. La révolution culturelle est évoquée très positivement comme une « étape de la marche du peuple chinois pour le renforcement du socialisme ». Les horreurs que recouvre la révolution culturelle sont largement ignorées à l’époque. Document 3 Un militant maoïste américain La présence du visage de Mao sur le badge et Le Petit Livre rouge font écho à deux piliers de la propagande maoïste en Chine. Le Petit Livre rouge (terme utilisé en Occident uniquement) a été publié dans un très grand nombre de langues étrangères. En 1967, il était traduit dans 36 langues et imprimé à plus de 720 millions d’exemplaires. Document 4 La Chinoise Jean-Luc Godard est, depuis la sortie d’À bout de souffle, en 1959, un des représentants principaux de la « Nouvelle vague » du cinéma français. Le film La Chinoise témoigne de l’intérêt manifesté par l’intelligentsia française au sens le plus large pour le courant maoïste, qui est traité comme un véritable phénomène de société. La révolution culturelle fascine un Occident qui la regarde de très loin et principalement à travers le prisme de la propagande officielle. L’impression qui en ressort est celle d’un mouvement largement spontané de la jeunesse, qui se donne pour ambition de faire table rase du passé et des inégalités.

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Document 5 La fascination des intellectuels Romancier, philosophe, dramaturge, Jean-Paul Sartre (1905-1980) est d’abord une figure majeure du renouveau intellectuel français de l’après-guerre. S’il rompt avec le PCF en 1956, Sartre continue d’incarner dans les années 1960-1970 l’intellectuel de gauche. Représentatif de l’engagement des intellectuels, il prend position par exemple contre la guerre d’Algérie et apparaît comme la figure tutélaire de la contestation étudiante et ouvrière lors des événements de mai 1968. La Cause du peuple est l’organe de la gauche prolétarienne, la principale organisation maoïste en France à cette époque. L’allusion à Marcellin concerne Raymond Marcellin, alors ministre de l’Intérieur, adversaire résolu de l’activisme gauchiste. Document 6 Mao par Andy Warhol La série des sérigraphies de Warhol reprend, pour les détourner, des clichés de certaines des personnalités les plus médiatisées de l’époque. Mao y prend place aux côtés, par exemple, de Marylin Monroe. L’œuvre de Warhol témoigne donc de façon indirecte de l’aura planétaire de Mao, bien supérieure à ce qu’avait été celle de Jiang Jieshi, mais aussi de la force d’évocation des images (qui tendent à l’emporter sur l’écrit dans les mass médias). Réponses aux questions 1. Les idées maoïstes se diffusent dans le milieu étudiant. Mao apparaît alors comme un héros révolutionnaire, très éloigné des figures embaumées de la Place rouge. En prônant une voie alternative à côté du modèle soviétique, en condamnant l’impérialisme (guerre du Vietnam), il séduit ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’ordre bipolaire imposé par la Guerre froide. 2. Le modèle chinois se veut une autre voie vers la révolution prolétarienne : appel aux masses, révolution culturelle, dénonciation des élites, soutien aux peuples opprimés, etc. Mao y tient une place centrale, comme promoteur d’une révolution permanente. Il est devenu, au même titre que Che Guevara ou Castro, une icône de la révolte. Image qu’il entretient avec Le Petit Livre rouge (ou Pensées du Président Mao) dont les maximes se diffusent dans le monde entier. 3. Sartre voit dans les « maos » une force de révolte capable de mettre à bas l’ordre capitaliste et n’hésite pas à soutenir l’action directe (« séquestration »). Sans vouloir appliquer le modèle chinois à la France, il pense, à l’instar de ce qui passe en Chine, que seule une révolution culturelle mettra un terme à l’exploitation des masses. 4. Les « maos » veulent une révolution prolétarienne : recours à la violence, désignation de l’ennemi à éradiquer (les patrons-nazis), séquestration, agitprop, etc. Ces actions leur valent d’être poursuivis en justice, d’où la clandestinité à laquelle un certain nombre d’entre eux sont réduits. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

5. En s’érigeant au rang d’icône, Mao est devenu une référence pour toute une génération d’artistes : au cinéma Godard, en arts plastiques Warhol. À ce moment, rien n’est dit des millions de morts que les expériences maoïstes ont entraînés en Chine. L’image et le discours priment sur la réalité. En France, beaucoup d’intellectuels ont cédé aux sirènes du maoïsme (Sartre, Barthes, Sollers, etc.). Face à eux, rares étaient ceux qui, comme Simon Leys, ont su mettre à jour et dénoncer la vraie nature du maoïsme. 6. Ce portrait coïncide avec la couverture médiatique d’un voyage de Richard Nixon en Chine. Les portraits de Warhol ne se veulent pas réalistes. Ils visent au contraire à dépasser l’image connue et publique. Introduire l’image de Mao dans la société américaine était une provocation, mais c’est pour la réduire à un motif décoratif, un produit. P. 90-91 Cours 3 Quand la Chine se réveille (depuis 1978) Le titre de la leçon est une allusion au célèbre livre d’Alain Peyrefitte Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera qui annonçait en 1973 (alors que le pays était encore plongé dans la révolution culturelle) le retour de la Chine au premier rang dans le monde. Elle vise à mettre en évidence la façon dont la Chine s’est placée sur l’orbite d’un développement économique rapide tout en demeurant un pays autoritaire. Derrière les données chiffrées impressionnantes, les limites et les apories du modèle chinois ne doivent pas être perdus de vue. Par ailleurs, les transformations économiques et sociales n’ont guère affaibli le pouvoir du parti communiste. La Chine reste un pays autoritaire où les libertés individuelles sont très limitées. Document 2 L’évolution de l’IDH de la Chine Réponses aux questions 1. La Chine connaît une hausse de son IDH sensible passant de 0,65 à quasiment 0,7 en 6 ans (rappelons qu’en 1980, son IDH n’était que de 0,4) pour se classer dans le groupe des niveaux de développement « moyens ». Pour autant on peut noter un certain ralentissement et que la Chine reste un pays en développement si on ne retient que ce chiffre. 2. L’Inde a connu une progression assez semblable, mais reste moins développée que la Chine (l’Inde se classe au 128e rang mondial tandis que la Chine est au 81e rang en 2013). La comparaison avec les États-Unis montre que, si la Chine est une grande puissance économique, elle conserve certaines caractéristiques d’un pays en voie de développement. Document 3 Un vent de liberté vite réprimé La grève de la faim a été un des moyens de contestation utilisé par les manifestants de Tiananmen. Le fait que l’inscription soit rédigée en anglais témoigne que des médias internationaux 41

nombreux couvrent la manifestation. Les étudiants espèrent que leur présence pourrait permettre de faire plus efficacement pression sur le gouvernement et d’autre part dissuaderait ce dernier de recourir à la violence. Espoir qui s’avérera vain.

ressurgissent d’une temporalité plus longue, comme l’existence de la diaspora. L’étude des différents documents laisse transparaître le rôle fondamental du nationalisme dans le discours des autorités chinoises.

Document 4 Une commémoration sous surveillance Les événements comme l’anniversaire de Tiananmen suscitent certes toujours l’inquiétude des autorités chinoises actuelles. Néanmoins, il ne faut pas surestimer l’influence de la dissidence en Chine. Les opposants font l’objet d’une répression policière efficace et le soutien qu’ils reçoivent parmi la population reste limité. Les revendications démocratiques sont habilement présentées comme le fait de personnes isolées et manipulées qui voudraient imposer un modèle occidental inadapté à l’identité chinoise. Internet est surveillé au moyen d’un impressionnant dispositif policier et d’une technologie sophistiquée. Les sites supposés subversifs sont systématiquement bloqués. Les médias traditionnels, quant à eux, sont étroitement contrôlés par le Bureau central de la propagande du Parti communiste. L’agence Xinhua [Chine Nouvelle], le Renmin ribao [Quotidien du peuple] ou la Télévision centrale chinoise (CCTV) dépendent directement de lui.

Document 1 La diaspora chinoise en Asie La présence de la diaspora chinoise en Asie est ancienne. Ainsi, des Chinois originaires du Fujian sont installés dès le XIVe siècle à Java (Indonésie). Mais le caractère relativement massif de cette diaspora est lui récent. Il remonte aux migrations de travailleurs de force (les coolies) originaires du Guangdong et du Fujian durant la seconde moitié du XIX e siècle. Si elles pèsent assez peu démographiquement dans la majorité des pays (à l’exception notable de Singapour et de la Malaisie), les communautés de Chinois d’outre-mer parviennent dans de nombreux cas à contrôler une partie importante de l’économie locale. La réussite économique des Chinois peut entraîner des troubles, comme c’est le cas en Indonésie en proie à des émeutes antichinoises à la fin des années 1990. La Chine fait aujourd’hui un effort tout particulier envers sa diaspora qu’elle entend utiliser comme un relais de son influence. Les investissements massifs de la diaspora chinoise (en particulier dans les deux provinces dont elle est très majoritairement issue, le Guangdong et le Fujian) sont l’un des ressorts cachés de l’essor économique de la Chine de ces trente dernières années.

Réponses aux questions 1. La fin des années 1980 représente un bref moment d’ouverture et de liberté relative, qui donne l’impression aux étudiants et intellectuels qu’une critique du régime devient possible. Le mouvement est mené par les étudiants. Ils réclament que les modernisations du pays soient accompagnées de réformes politiques allant vers une démocratisation (la « cinquième modernisation ») et vers davantage de liberté d’expression. Ils dénoncent également l’ampleur de la corruption dans les rangs de l’administration et du parti. S’il s’étend rapidement aux autres grandes villes du pays, son moment le plus symbolique est l’occupation de la place Tiananmen, au cœur de Pékin, à côté des principaux lieux du pouvoir du pays. 2. Après quelques semaines de flottement où le gouvernement fait mine de privilégier la négociation, il proclame la loi martiale à Pékin fin mai. Le mouvement est réprimé dans un bain de sang par l’armée durant la nuit du 3 au 4 juin. Une reprise en main radicale de la société est impulsée par le conservateur Li Peng (fils adoptif de Zhou Enlai et figure centrale de la répression). 3. Les manifestants sont assimilés à des fauteurs de trouble et les manifestations de 1989 à une « émeute contre-révolutionnaire » qui devait être écrasée. P. 92-95 Étude La Chine, puissance mondiale L’étude met en évidence les différents aspects de la puissance chinoise. Le socle en est son fantastique essor économique récent. Certains atouts Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Document 2 La Chine face au Japon et à l’Inde Les performances économiques de la Chine lors des trente dernières années sont tout à fait remarquables. Il y a certes un effet de rattrapage par rapport au Japon, qui était déjà un des pays les plus développés de la planète à la fin des années 1970. Mais les performances en termes de rythme de croissance par rapport à l’Inde, également un pays pauvre, sont impressionnantes. En 2010 (les données ne figurent pas sur le graphique), le PIB chinois a dépassé celui du Japon. On constate cependant que le rattrapage en PIB par habitant avec ce dernier reste très partiel. Le budget militaire de la Chine reste assez modeste (en pourcentage du PIB comme en valeur absolue). L’armée chinoise, tout particulièrement sa marine, le précède de beaucoup, qualitativement, à celle du Japon. L’importance relative du budget militaire de l’Inde s’explique par les relations extrêmement tendues avec le Pakistan. Document 3 L’accord-cadre de coopération économique avec Taïwan Les relations économiques entre Taïwan et la RPC se sont développées de façon très rapide depuis le début de la politique d’ouverture. Elles ont pris la forme d’échanges commerciaux, mais aussi de très importants investissements taïwanais sur le continent (en particulier dans le sud du pays). Ces dernières 42

années, les voyages de Chinois du continent à Taïwan ont également été considérablement facilités. Document 4 Le Tibet reste la chasse gardée de la Chine Non seulement la position de la Chine est sans ambiguïté concernant sa souveraineté sur le Tibet, mais elle se montre extrêmement sourcilleuse concernant les témoignages de reconnaissance que certains pays peuvent témoigner au dalaï-lama. Les puissances occidentales mènent une politique visant à donner des gages à leurs opinions publiques, qui sont d’une manière générale très sensible à la cause tibétaine, tout en ne risquant pas de compromettre sérieusement les relations diplomatiques avec la Chine. C’est ce dont témoigne ici le choix du Président Obama de recevoir le dalaï-lama, tout en prenant les précautions nécessaires pour que sa visite ne puisse être assimilée à celle d’un chef d’État. Document 5 Une démonstration de force La démonstration d’une capacité d’action dans le domaine des troupes amphibies est évidemment un moyen d’exercer une pression sur Taïwan. Cette manœuvre s’inscrit dans une stratégie envers Taïwan qui mêle négociations, renforcement des liens économiques, mais aussi des intimidations répétées et un effort continu pour réaliser l’isolement diplomatique de l’île. Document 6 La Chine et la Corée du Nord La Chine est le seul appui diplomatique significatif de la Corée du Nord, que l’on peut considérer comme la dernière dictature stalinienne du monde. Le texte de Shi Yinhong montre les différents aspects que revêt le soutien de la Chine au régime : soutien diplomatique, échanges commerciaux, aide matérielle. L’intérêt pour elle d’avoir sur sa frontière un régime qui lui est largement redevable de sa survie (par opposition à une Corée du Sud très pro-américaine) est évident. Il est clair à la lecture de ce texte que la Chine entend considérer la péninsule coréenne comme une sphère d’influence « naturelle », renouant du reste avec la politique de l’empire dans la région. Réponses aux questions 1. La Chine est avant tout une puissance démographique et sa diaspora est un instrument qui permet d’influencer l’attitude de certains États, notamment en Asie (doc. 1). C’est une puissance économique principalement industrielle et commerciale (doc. 2 et 3), mais aussi militaire (doc. 2 et 5). 2. L’économie chinoise rejoint en chiffre absolu le Japon comme puissance industrielle et devrait le dépasser en conservant le taux de croissance actuel, devenant la deuxième puissance économique mondiale après les États-Unis. L’écart avec l’Inde reste important. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

3. La Chine réussit, à la fois par ses atouts économiques, son poids démographique et sa capacité de nuisance militaire (directement ou via la menace nord-coréenne), à s’imposer comme l’arbitre de la région dont elle cherche à faire sa zone d’influence surtout face aux États-Unis. Le mécontentement que manifeste la Chine quand les chefs d’États occidentaux reçoivent le dalaï-lama participe de ce souci de réaffirmer la position prééminente qu’elle entend jouer dans la région en général. 4. Il ressort de l’analyse de Shi Yinhong que l’appui traditionnel que la Chine apporte à la Corée du Nord, s’il est inconditionnel, cherche en même temps à en tempérer les ardeurs belliqueuses. La survivance de la Corée du Nord permet à la Chine d’être un interlocuteur obligé pour toute résolution des tensions en Asie ; l’intérêt de la Chine est bien de faire de cette région « une zone de paix stable », mais sous son leadership. 5. La puissance militaire chinoise repose avant tout sur la masse que représente son armée, la plus nombreuse au monde. Toutefois elle dépense, depuis 1978 et la politique lancée par Deng Xiaoping, une part importante de son PIB dans la modernisation de son équipement. Le document 5 est révélateur de sa stratégie récente : sa puissance navale est encore relative malgré là aussi d’énormes investissements et elle tente de s’affirmer comme une puissance de la mer de Chine jusqu’au détroit de Malacca (voie d’approvisionnement énergétique stratégique pour la Chine) en multipliant les manœuvres sino-russes. Début 2012, les deux pays ont organisé des manœuvres navales conjointes. Document 7 Le « retour » de la Chine Depuis le début du XXe siècle, l’intelligentsia chinoise se donnait pour ambition de provoquer le nécessaire réveil de la Chine. Le Guomindang et le PCC étaient sur ce point en parfait accord. Cette métaphore du « réveil » impliquait un état de faiblesse anormal. Le postulat partagé par tous est en effet que la situation de faiblesse de la Chine au XIXe et au premier XXe siècle constituait une anomalie. Il est par conséquent tout à fait logique que cette rhétorique du « retour » fasse florès après les progrès considérables de la puissance chinoise depuis trois décennies.

Document 8 La flamme olympique sur la place Tienanmen (2008) Le choix du porteur de la flamme olympique pour ce relais est hautement significatif. Yao Ming peut apparaître comme un des Chinois les plus connus dans le monde. Il est aussi, en tant que vedette du championnat de basket-ball le plus relevé et médiatisé du monde, un symbole de la réussite de la Chine et de son ouverture au monde. 43

Document 9 Les médailles d’or aux JO de Pékin La Chine devance largement les autres pays, y compris les États-Unis, au nombre de médailles d’or. Il ne s’agit nullement d’une conséquence « naturelle » du poids démographique de la Chine (on remarque l’absence de nombreux géants démographiques de ce palmarès, comme l’Inde), mais du résultat d’une politique de longue haleine à laquelle le pays consacre des moyens importants. Cette dernière passe par la détection précoce d’enfants dotés d’excellentes capacités physiques et par la mise en place de centres de formation dans lesquels ils sont soumis à un entraînement intensif. La Chine a entrepris un effort particulier dans des disciplines relativement confidentielles, mais pourvoyeuses de médailles. L’utilisation du prestige sportif à des fins de propagande était une réalité à l’époque de la rivalité des blocs. Elle se perpétue largement en Chine aujourd’hui. Document 10 Le grand ménage avant les Jeux Ce dessin illustre les efforts du gouvernement pour contrer la dissidence qui pouvait espérer profiter de la médiatisation des JO pour dénoncer certains des aspects du régime en place. Au prix d’un formidable effort policier, aucune manifestation de protestation n’a émergé durant les Jeux. Document 11 La stratégie africaine de la Chine Le relatif repli qu’évoque le début du texte correspond à un temps de latence entre la période de prosélytisme anti-impérialiste de la période maoïste et la progression récente de l’influence chinoise en Afrique (qui renoue du reste avec le même discours tiers-mondiste Sud-Sud). Le texte souligne le fait que la politique africaine ne se résume pas à une volonté de sécuriser les approvisionnements en matières premières. La Chine utilise aussi ses soutiens en Afrique à l’ONU pour contrer les ambitions du Japon à intégrer le Conseil de sécurité. Document 12 Le veto chinois contre une intervention internationale en Syrie La République populaire de Chine est membre du Conseil de sécurité de l’ONU depuis que l’Assemblée générale des Nations unies a voté, le 25 octobre 1971, une résolution décidant « le rétablissement de la République populaire de Chine dans tous ses droits et la reconnaissance des représentants de son gouvernement comme les seuls représentants légitimes de la Chine à l’Organisation des Nations unies »., remplaçant le gouvernement nationaliste de Taïpei. Ce statut est un arme diplomatique redoutable, la Chine ayant pout politique de s’opposer à toute sanction envers un allié. Plus encore, la Chine s’oppose à reconnaître un droit d’ingérence qui va à l’encontre de la défense de ce qu’elle estime être ses intérêts, au Tibet par exemple. Dans le cas de la Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

guerre en Syrie, les raisons de l’opposition chinoise à des sanctions ou une intervention tiennent à la fois à la méfiance envers les Occidentaux, à ses relations avec la Russie (économiques notamment) qu’elle veut préserver, et aussi à la présence en Chine d’une minorité musulman importante, les Ouïghours, et donc à la crainte (qu’elle partage avec la Russie) de toute extension de la menace islamiste quitte à soutenir un régime dictatorial. Par ailleurs, La Chine n’a en effet aucun intérêt économique en Syrie. Document 13 Le soft power chinois Le cinéma chinois était déjà une industrie florissante durant les années 1930, mais il restait uniquement destiné à un public chinois. Hong Kong avait commencé durant la période de la Guerre froide à alimenter l’Asie du Sud-Est en productions destinées à un public populaire (films de kung-fu). Profitant d’une liberté relative, des réalisateurs de RPC ont émergé sur la scène internationale en remportant de nombreux prix à partir des années 1980. Des réalisateurs comme Zhang Yimou sont désormais bien connus du public occidental, ce dont témoigne cette affiche en français. Réponses aux questions 1. La Chine est consciente des progrès récents de sa puissance, mais aussi du fait que les États-Unis restent incontestablement la seule « hyperpuissance ». Elle justifie l’ambition de s’affirmer comme la seconde puissance mondiale par les performances de son économie et présente ce retour au premier plan comme la fin d’une éclipse de deux siècles et la correction d’une anomalie historique. La croyance en une supériorité naturelle de la culture chinoise, qui était, de façon traditionnelle, au fondement de la façon dont la Chine se représentait son rapport au monde, n’est pas très loin. 2. Les efforts faits par la Chine pour obtenir les Jeux Olympiques en 2008 (après un premier échec pour ceux de 2000) témoignent de l’importance qu’elle accorde à ce moyen d’affirmer son retour au premier plan sur la scène internationale. Le choix de programmer l’ouverture le 8 août 2008, date porte bonheur (8/8/8 : le nombre huit étant considéré comme très bénéfique selon les croyances populaires) constitue une affirmation d’une identité culturelle distincte et spécifiquement chinoise. Les performances sportives de la Chine constituent un autre moyen d’affirmer la puissance du pays et d’alimenter un nationalisme qui constitue désormais le socle du discours officiel en matière de relations internationales. 3. La Chine cherche aussi à se constituer une clientèle de pays africains à l’ONU. Ces arguments relèvent encore de la solidarité entre pays du Tiers-Monde et d’opposition à l’impérialisme (sous-entendu occidental). Mais la Chine joue aussi de son siège au Conseil de sécurité pour offrir un soutien de grande puissance aux pays qui lui sont proches. 44

4. Cependant, l’influence chinoise reste entachée par l’image qu’elle renvoie à l’Ouest et principalement son soutien à des régimes dictatoriaux (Soudan, Syrie, Birmanie…) et la répression qu’elle exerce en interne. Cela peut nuire à ses relations diplomatiques et l’oblige parfois à des concessions, certes minimes (cf. doc. 11 sur le Darfour). 5. La Chine peut utiliser son outil diplomatique et notamment son siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU pour peser sur les décisions internationales. C’est ainsi qu’elle s’oppose à toute intervention en Syrie au nom du refus du droit d’ingérence dans un État souverain. 6. La Chine tend à s’affirmer également par son rayonnement culturel et ce, de façon encore récente. Elle joue également du soft power par l’image qu’elle diffuse d’elle-même dans le cinéma, les expositions, voire par ses artistes contemporains. Il est notable que dans le domaine culturel, ce qui séduit en Europe, mais ce que veut également montrer le gouvernement chinois, c’est l’image traditionnelle d’une Chine héritière d’une vieille civilisation, d’un empire centralisé millénaire, berceau de l’imprimerie… P. 96-97 Étude La Chine, géant économique L’étude vise à étudier le socle du renouveau de la puissance chinoise : son essor économique. Reposant sur une contradiction idéologique fondamentale avec la nature prétendument communiste du régime, la politique d’ouverture est marquée tout entière du sceau du pragmatisme. Document 1 Les quatre modernisations de Deng Xiaoping Deng Xiaoping s’efforce de résoudre le grand écart entre le caractère supposé socialiste du régime et une réalité qui va rapidement différer. Il affirme avec force la nature socialiste d’un tournant politique qui en est pourtant la négation même. On est ici au début des réformes, Deng Xiaoping vient seulement d’affermir son pouvoir et le programme des quatre modernisations date de l’année précédente. Le mot d’ordre mis ici en avant par Deng Xiaoping est la modernisation, car il est consensuel et donc acceptable par toutes les composantes du PCC, y compris son aile la plus conservatrice encore très influente en 1979 (la mort de Mao ne date que de trois ans). La notion d’économie de marché est présentée avec beaucoup de prudence et Deng Xiaoping affirme sa compatibilité avec le système socialiste. Document 2 La croissance économique de la Chine Il convient de faire remarquer que l’étude statistique de l’économie chinoise reste dépendante des chiffres fournis par la Chine elle-même et qu’il faut prendre avec précaution. Toutefois, le graphique montre d’abord l’impact de la politique d’ouverture et de modernisation lancée par Deng Xiaoping. Depuis la fin des années 1980, la Chine maintient un taux de Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

croissance qui oscille entre 8 et 10 %, même dans la période de ralentissement internationale depuis la crise de 2008. Depuis 2013, le taux croissance est un peu moins haut (7,5 %) et on pourra évoquer les limites de la croissance chinoise générées par son modèle de développement. Elle repose sur les exportations, or les coûts de production augmentent en Chine. D’où la volonté affichée en 2014 de favoriser la demande intérieure. La croissance s’accompagne d’une grave dégradation de l’environnement et de risque de surinvestissements et de bulle spéculative. Enfin, le vieillissement de la population, conséquence de la politique de l’enfant unique, réduit la disponibilité de la main-d’œuvre nécessaire à alimenter la croissance. Document 3 La Chine dans l’OMC Ce discours de Pascal Lamy permet de mettre en évidence certains traits de l’économie chinoise en particulier la façon dont elle s’est intégrée dans l’OMC. Lamy met en avant l’exemple du secteur automobile comme particulièrement révélateur de la croissance économique de la Chine depuis les réformes. Selon lui, l’exode rural alimente l’essor industriel dans lequel les multinationales vont puiser une main-d’œuvre bon marché. Il faut noter que si Lamy avait commencé par évoquer les aspects les plus spectaculaires, visibles dans les grandes villes, de l’enrichissement, il fait dans un deuxième temps allusion aux faiblesses les plus notoires du modèle de développement chinois : l’insuffisance de la protection sociale (particulièrement patente pour les salariés du secteur privé), les déséquilibres entre les régions, les dégâts considérables portés à l’environnement. Exemple du déséquilibre régional, le salaire annuel moyen en 2007 est de 49 310 yuans dans la région de Shanghai quand il plafonne à 20 668 yuans dans la province du Guizhou (source : Annuaire statistique général de la Chine sur la population et l’emploi, 2008). Le vieillissement de la population auquel il est fait allusion résulte du freinage brutal imposé à partir des années 1980 avec la politique de l’enfant unique. Pour être utile et nécessaire, cette politique n’en a pas moins pour conséquence de faire bientôt reposer l’entretien d’importantes cohortes démographiques de personnes âgées sur une population active relativement peu nombreuse. Des ajustements restent nécessaires à l’intégration de la Chine dans l’économie mondiale. Lamy cite le respect de la propriété intellectuelle (la contrefaçon est un secteur très prospère en Chine) et les restrictions qui pèsent sur les entreprises (en particulier les entreprises étrangères qui s’implantent en Chine). La fin du texte insiste sur les nouvelles responsabilités que la Chine se doit d’assumer en raison du statut qui est désormais le sien. De fait, dans le contexte d’endettement critique des pays occidentaux, les réserves de change gigantesques de la Chine constituent un atout considérable dans son jeu. Lamy l’incite (implicitement) ici à l’utiliser pour régler les 45

problèmes qui se posent à l’ensemble de l’économie mondiale. Document 4 Des produits chinois sur un marché africain Il s’agit de l’illustration du déséquilibre des échanges économiques entre la Chine et les pays africains. Ces derniers exportent vers la Chine leurs matières premières (pétrole, minerais, bois…) tandis que les exportations chinoises sont constituées de biens de consommation de bas ou milieu de gamme, bon marché, qui se révèlent parfaitement adaptés à la demande locale. Document 5 L’ascension de la Chine Jean-Luc Domenach fait ici sienne l’opinion du sinologue Lucien Bianco, à savoir que la Chine ne fait ces dernières années que retrouver la place qui doit être la sienne et qu’il n’y a donc pas lieu de s’étonner de la place grandissante qu’elle occupe dans l’économie mondiale. La Chine, jusqu’au XVIIIe siècle, est en effet le pays le plus avancé du monde en terme de développement économique. Réponses aux questions 1. Le « socialisme de marché » est l’alliance de l’économie de marché, de l’ouverture au commerce et aux investissements étrangers avec un pouvoir politique qui reste autoritaire et entend conserver un rôle dans la planification économique. L’objectif assigné au socialisme de marché par Deng Xiaoping est de développer les forces productives du pays et de réaliser la modernisation du pays selon quatre axes : agriculture, industrie, sciences et forces armées. 2. Le tournant vers le « socialisme de marché » a permis une forte croissance économique durant une trentaine d’années jusqu’à aujourd’hui. L’enrichissement du pays est visible à travers, par exemple, le développement de l’automobile. Mais il faut aussi noter les progrès de la productivité du secteur agricole, qui a permis, par l’exode rural, d’alimenter l’essor industriel des zones côtières. 3. La Chine a pu, en adhérant à l’OMC en 2011, accélérer sa croissance en bénéficiant de débouchés plus importants. Les groupes étrangers qui ont pu s’installer plus nombreux et les investissements ainsi réalisés ont alimenté l’expansion du secteur industriel. 4. Les difficultés sont d’ordre démographique (vieillissement de la population), économique (inégalités croissantes dans la répartition des revenus entre les catégories sociales, mais aussi les régions), sociale (insuffisance de la protection sociale) et environnementale. 5. La Chine est l’atelier du monde. Elle produit et exporte des quantités énormes de biens de consommation très variés dans toutes les parties du monde. Les produits les plus avancés technologiquement et les biens culturels constituent pour l’instant ses seuls points faibles. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

6. Domenach illustre la variété des exportations chinoises en citant deux exemples très différents : un produit agricole (les champignons de Paris) et un produit industriel à faible valeur ajoutée (les statuettes de saints). Chacun peut connaître d’autres exemples tirés de son expérience personnelle. 7. La Chine est riche de ses réserves de devises résultant d’années d’excédents commerciaux colossaux. Elle commence à jouer le rôle du prêteur en dernier recours, qui était celui des États-Unis dans l’immédiat après-guerre. P. 98-99 BAC Composition Sujet 10 La Chine et monde depuis 1949 Réponse aux questions Exercice 1 On peut formuler le fil directeur de la composition ainsi : - Pourquoi la Chine est-elle passé d’une vision bipolaire du monde à une vision multipolaire ? - Par quels moyens la Chine est-elle devenue une grande puissance ? Exercice 2 On peut dégager deux tournants : - En 1963, lors de la rupture sino-soviétique, Mao entend faire de la Chine le leader du troisième monde (le Tiers-Monde), en se posant en rivale des deux puissances impérialistes, les États-Unis et l’URSS. - Depuis la politique de modernisation et d’ouverture lancée par Deng Xiaoping en 1979, la Chine a connu une croissance économique spectaculaire. C’est également à cette époque (en 1971) qu’elle est reconnue officiellement par l’ONU ainsi que les ÉtatsUnis (après la France qui l’avait fait en 1964). Plan possible I. 1949-1963 : la Chine se reconstruit sous l’aile de Moscou 1. L’alliance sino-soviétique et l’alignement sur l’URSS 2. La Chine intervient en Asie II. La Chine, puissance socialiste concurrente de l’URSS (1963-1979) 1. La rupture sino-soviétique 2. La vision du monde de la Chine 3. L’influence de la Chine dans le Tiers-Monde III. Une grande puissance ouverte sur le monde depuis 1979 1. Une puissance économique, militaire et diplomatique 2. Des zones d’influence privilégiées : l’Afrique et l’Asie 3. Les limites : une image ternie par le non-respect des droits de l’homme, un développement inégal…

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P. 100-101 Analyse de document Sujet 11 La Chine, nouveau leader mondial en 2010 ? Exercice 1 1. Hu Jin Tao évoque surtout les pays d’Asie du SudEst (l’ASEAN) et d’Afrique (les PMA africains), ce qui correspond aux régions où la Chine cherche depuis longtemps à établir son influence. 2. L’intérêt de la Chine pour l’Afrique s’explique surtout par ses besoins en matières premières et denrées agricoles pour soutenir sa croissance et nourrir sa population. Exercice 2 1. Hu Jin Tao fait une série de propositions face à la crise financière :

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- renforcer la coopération au sein du G20 - réguler les flux financiers - promouvoir le libre-échange 2. La politique de la Chine repose pour Hu Jin Tao sur la volonté de soutenir la croissance économique mondiale qui est nécessaire à l’économie chinoise tournée vers l’extérieur, et l’aide au pays d’Asie du Sud-Est et d’Afrique. Exercice 3 On peut illustrer et commenter la politique affichée par Hu Jin Tao en se reportant au cours 3 sur le développement économique de la Chine ainsi qu’au cours 2 pour ce qui concerne le rôle ancien de la Chine en Afrique.

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Chapitre 5 Proche et Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis 1945 LA DÉMARCHE DU CHAPITRE L’ampleur, géographique du thème proposé appelle une insistance sur les structures plutôt que sur l’histoire politique et événementielle. La notion de Proche-Orient, comprenant les États méditerranéens (Syrie, Liban, Israël, Palestine, Turquie, Égypte), est polarisée par la question israélo-palestinienne, alors que celle de MoyenOrient, créée par les Britanniques au début du XXe siècle, et incluant tous les États de la Méditerranée orientale (dont Chypre) jusqu’aux frontières de l’Asie Centrale (Jordanie, péninsule Arabique, Yémen, Iran, Irak, Afghanistan…), dilue ce conflit dans une problématique beaucoup plus vaste. Le conflit israélo-palestinien s’il doit être analysé, n’est donc pas l’angle d’attaque de cette question telle qu’elle a été conçue dans le programme. Il s’agit davantage de montrer les permanences mais aussi les profondes mutations, sociales, politiques, démographiques, économiques dans cette région que d’insister sur tel ou tel conflit. Après l’introduction et les cartes, la première leçon porte sur l’importance stratégique de la région pour les deux Grands notamment, tandis que l’influence européenne y décline. Les études décrivent la concurrence suscitée par les richesses locales, d’abord pendant la Guerre froide, ensuite, depuis la disparition de l’URSS en 1991 jusqu’à nos jours. La deuxième leçon analyse le conflit israélo-arabe. Les études qui y sont consacrées décrivent comment le conclit entre Israël et se voisins devient un conflit israélo-palestinien et aborde la question des occupations de territoires et des réfugiés. La dernière leçon sur les nouvelles conflictualités insiste sur la confessionnalisation des identités et des conflits depuis une vingtaine d’années, ainsi que sur les formes très récentes de la contestation. BIBLIOGRAPHIE - Anne-Laure Dupont, Catherine Mayeur-Jaouen, Chantal Verdeil, Le Moyen-Orient par les textes, XIXe-XXIe siècles, Armand Colin, 2011. - André Sellier et Jean Sellier, Atlas des peuples d’Orient. Moyen-Orient, Caucase, Asie Centrale, La Découverte, 2002. - Karine Bennafla, Delphine Pagès-El Karoui, Olivier Sanmartin, Géopolitique du Maghreb et du Moyen-Orient, Éditions Sedes, 2007. - « D’où viennent les révolutions arabes. 150 ans de combats politiques », dans Les collections de l’Histoire, n° 52, 2011. - Hamit Bozarslan, Sociologie politique du Moyen-Orient, La Découverte, 2011. - Henri Laurens, Le Grand Jeu : Orient arabe et rivalités internationales depuis 1945, Armand Colin, 1991. - Andre Nouschi, Luttes pétrolières au Proche-Orient, Flammarion, 1970. - Nadine Picaudou, La Décennie qui ébranla le Moyen-Orient, 1914-1923, Bruxelles, Éditions Complexe, 1999. - Nadine Picaudou, L’Islam entre religion et idéologie. Essai sur la modernité musulmane, Gallimard, 2010. - Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, Atlas des Palestiniens. Un Peuple en quête d’un État, Éditions Autrement, 2001. FILMOGRAPHIE - Lawrence d’Arabie, David Lean, 1962. - Valse avec Bachir, Ari Folman, 2008 (sur l’intervention israélienne au Liban de 1982). - Persepolis, Marjane Satrapi, 2007 (sur la révolution iranienne). - Le Tableau noir, Samira Makhmalbaf, 2000 (sur le Kurdistan iranien). - Les Rois du désert, David O. Russel, 1999 (sur la guerre du Golfe). - Argo, Ben Affleck, 2012 (sur la prise d’otage à l’ambassade américaine de Téhéran au moment de la révolution islamique d’Iran) SITOGRAPHIE - www.irancarto.cnrs.fr : un site de cartes sur l’Iran. - cartographie.sciences-po.fr : cartothèque de Sciences Po. - www.un.org/french/newscentre : le centre d’actualités de l’ONU propose de nombreux dossiers notamment sur le Proche-Orient.

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P. 104-105 Ouverture de chapitre Les deux illustrations permettent de dégager quelques grandes évolutions du chapitre : la question palestinienne en 1945/46 révèle à la fois les tensions nationalistes et la perte d’influence des Britanniques dans la région. La confrontation avec la seconde photographie montre l’interventionnisme des ÉtatsUnis et de leurs alliés, les richesses en hydrocarbures du Moyen-Orient et les convoitises que celles-ci suscitent. Avec l’effacement des puissances coloniales après 1945 ce sont les deux Grands, et surtout les États-Unis qui se veulent les gendarmes de la région pour assurer les approvisionnements en pétrole, au moins jusqu’au début du XXIe siècle. Les acteurs changent donc. Pour autant, on pourra faire remarquer des constantes comme l’ancienneté de l’arme terroriste dans la région. Il faut également rappeler que le pétrole est déjà un des grands enjeux de la présence et de la rivalité entre Britanniques et Français dans l’entre-deux-guerres. Document 1 1945 : la décolonisation de la Palestine, source d’un long conflit La création de l’État d’Israël s’inscrit d’une part dans la question des nationalités, depuis la fin du XIXe siècle, de l’autre dans celle de la décolonisation. C’est pour cela que la lutte des Juifs de Palestine pour l’indépendance est particulièrement complexe : les Juifs devaient lutter d’un côté contre les occupants britanniques, de l’autre ils devaient s’imposer comme les maîtres légitimes du pays aux dépens des autres habitants de la région, présents pour la plupart depuis bien plus longtemps, les Arabes, chrétiens et musulmans. La photographie présentée permet d’insister sur un aspect du mandat britannique : la présence policière et militaire. En effet on distingue au premier plan plusieurs policiers britanniques avec leur képi, et un véhicule blindé. Au second plan, devant l’édifice éventré par la bombe, des policiers et des militaires, identifiables à leur casque typique, observent les dégâts. Les rares civils, en costume, sont très manifestement des Occidentaux, vraisemblablement aussi des Anglais. Les habitants de la région, les « indigènes », sont absents. C’est l’image d’une domination coloniale contestée que représente ainsi cette photographie. Document 2 2003 : le conflit en Irak, la défense des intérêts américains au Moyen-Orient Sur la photographie, prise en Irak, les populations locales sont absentes, au premier plan se dresse la force militaire, un véhicule blindé amené des ÉtatsUnis, sur lequel se tiennent des soldats vêtus d’uniformes avec un camouflage adapté au désert. À l’arrière-plan un puits de pétrole en flamme atteste les destructions des infrastructures irakiennes et la violence des combats. L’intervention militaire de 2003 en Irak a été décidée quasiment unilatéralement par les États-Unis, avec leurs alliés britanniques, contre l’avis de l’ONU. Elle s’inscrit dans la continuité Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

de la précédente intervention qui avait reçu, en revanche, en 1991, l’aval de l’ONU, et avait vu la participation de militaires en provenance de très nombreux États. Cette précédente intervention internationale sous l’égide de l’ONU, appelée « Tempête du désert », avait été décidée après l’invasion du Koweit par l’Irak de Saddam Hussein, en août 1990. Elle avait libéré le Koweit et s’était arrêtée aux frontières de l’Irak. En revanche, en 2003, c’est sous des prétextes fallacieux (liens inexistants entre Saddam Hussein et Oussama Ben Laden, lui-même responsable des attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center de New York, et fabrication d’armes de destruction massive, qui n’ont jamais été trouvées) que les Américains et leurs alliés, principalement les Britanniques, envahissent l’Irak, soumis pendant plus de dix ans à un embargo international et à une zone d’exclusion aérienne, pour renverser Saddam Hussein. Les États-Unis justifient leur intervention en affirmant qu’elle doit provoquer une chute en cascade des dictatures du Moyen-Orient selon la « loi des dominos ». En fait, cette invasion n’a été possible qu’en raison de la chute de l’Union soviétique, de la fin de la Guerre froide, et de l’émergence temporaire d’un monde unipolaire. Elle vise à assurer aux États-Unis la sécurité sur le long terme de l’approvisionnement en produits pétroliers et une présence militaire durable dans la région. P. 106-107 Cartes Proche et Moyen-Orient : des conflits régionaux aux enjeux internationaux Ces deux cartes permettent d’aborder l’ensemble des problématiques du chapitre : tout d’abord, le MoyenOrient passe des empires locaux (ottoman et persan) à la domination coloniale franco-anglaise, puis à l’indépendance, ce qui conduit à un morcellement politique de la région. Cette évolution a des conséquences majeures : alors que le contrôle impérial des populations est relativement souple, autorise les migrations et le nomadisme et favorise la mixité des zones de résidence pour des populations variées (langue, religion, origine géographique), l’apparition de frontières étatiques conduit à la sédentarisation des populations, à la fragmentation de groupes. L’inadéquation entre les frontières et les populations qu’elles englobent conduit à de nombreuses tensions avivées par la découverte des hydrocarbures. L’ingérence, qui se traduit au début du siècle par la domination coloniale, se manifeste ensuite, malgré les indépendances progressives des États de la région, par des interventions militaires répétées. La concurrence internationale pour le contrôle des richesses du sous-sol de la région apparaît pleinement durant la Guerre froide, puis lors des interventions internationales dans le Golfe. Proche et Moyen-Orient sous domination européenne jusqu’en 1945 L’Empire ottoman, « colosse aux pieds d’argile » au début du XXe siècle, s’est étendu pendant plusieurs siècles sur tous les versants orientaux et méridionaux 49

de la Méditerranée (jusqu’à l’Algérie actuelle). Sa décomposition a commencé avec l’expansion coloniale de la France en Algérie (en 1830), anglaise en Égypte (en 1882), italienne en Libye (en 1911). Ce vaste Empire est donc démembré au lendemain de la Première Guerre mondiale au profit d’unités régionales contrôlées plus ou moins directement par les puissances coloniales. Quelques États indépendants apparaissent alors entre-deux-guerres, la Turquie d’abord ultime reliquat de l’Empire ottoman, profondément réformé par Atatürk, ensuite l’Irak et l’Égypte. La monarchie constitutionnelle de Perse (depuis 1906), menacée au nord par la Russie, puis par l’Union soviétique, au sud par la GrandeBretagne, passe sous la domination de la dynastie des Pahlavi et devient en 1935 l’« État impérial d’Iran ». Dans toutes ces régions, les minorités juives sont encore nombreuses (Syrie, Iran, Irak, sud de l’Arabie), ainsi que les chrétiens de diverses obédiences. Depuis 1945, des frontières contestées, des interventions occidentales répétées Aux frontières incertaines des Empires, succèdent les frontières rectilignes des États modernes (entre la Syrie et l’Irak, entre l’Irak, l’Arabie Saoudite et l’Iran, entre l’Arabie Saoudite et les États limitrophes du Sud [Yémen, Oman], entre l’Égypte et le Soudan). Le caractère rectiligne de ces limites est d’autant plus arbitraire qu’il découpe des espaces steppiques ou désertiques où nomadisent les pasteurs bédouins. Entre le début et la fin du XXe siècle, de nouveaux poids lourds régionaux apparaissent : l’Iran et l’Arabie Saoudite qui tous deux prétendent à une direction religieuse des musulmans du monde. Le premier État est persan et chiite, le second arabe et sunnite, mais tous deux comportent des minorités, sunnites en Iran, chiites en Arabie Saoudite. Les ressources du sous-sol expliquent l’émergence des petits États du Golfe, extrêmement riches sous protection occidentale. L’influence américaine dans cette zone a pris la relève du Commonwealth britannique, non sans se heurter à l’influence soviétique. Les ports de la Syrie (Tartous et Lattaquieh) servent de points de relâche pour les navires soviétiques en Méditerranée. Nulle région n’est épargnée par les conflits. Des territoires sont occupés : Chypre, envahie en 1974 par les troupes turques lors de l’opération Attila, la Cisjordanie et Gaza conquis par Israël, en 1967. Les conflits frontaliers sont nombreux entre le Yémen et l’Arabie Saoudite, entre l’Irak et le Koweit ou l’Iran. Plusieurs États doivent faire face à des guerres civiles : Oman entre 1965 et 1976, le Liban entre 1975 et 1990, l’Irak depuis 2003, le Bahreïn et la Syrie aujourd’hui. P. 108-109 Cours 1 Un carrefour convoité depuis 1945 Outre ses atouts naturels liés à la situation sur les grandes voies commerciales terrestres et maritimes, avec les différents isthmes et détroits qui s’y trouvent, le Proche et Moyen-Orient jouit de la richesse de son Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

sous-sol (doc. 1 et 2). L’histoire du XXe siècle dans la région se confond avec celle des hydrocarbures. Ce sont les puissances occidentales (européennes et américaines) qui organisent dans un premier temps l’exploitation des gisements pétroliers, nécessaires à leurs industries, en se livrant entre elles une féroce concurrence et en se réservant la majeure partie des bénéfices. La lutte pour l’indépendance des États dans la région passe aussi par le contrôle de l’exploitation et de la commercialisation des hydrocarbures et des revenus qui en découlent. En même temps, c’est aussi tout l’enjeu des matières premières qui explique la réticence des puissances coloniales à accorder leur indépendance aux États de la région ou à voir émerger une grande puissance contrôlant la majeure partie des ressources énergétiques dont le reste du monde a de plus en plus besoin au cours du XXe siècle. Le Moyen-Orient devient ainsi un des théâtres de la Guerre froide. Les anciennes grandes puissances voient leur pouvoir décliner non seulement face aux puissances régionales, mais aussi face aux deux Grands, les États-Unis et l’URSS (doc. 1), qui s’affrontent sur le terrain par l’intermédiaire de leurs alliés sur place (doc. 3). Document 1 La crise de Suez en 1956 La crise de Suez est l’un des derniers soubresauts des anciennes grandes puissances, la France et la GrandeBretagne. Dorénavant les acteurs qui décident sont les États-Unis et l’URSS, bien décidés à écarter les prétentions européennes. En outre la question des détroits est à ce point stratégique qu’ils préfèrent non seulement condamner l’intervention francobritannique-israélienne, mais aussi ne pas intervenir pour éviter tout débordement. La déclaration d’Eisenhower est une décharge de responsabilité, en raison du soutien que les États-Unis commencent à apporter à Israël. L’intervention du maréchal Boulganine se réfugie derrière l’ONU pour condamner l’intervention contre l’Égypte et pour menacer de représailles. Réponses aux questions 1. En 1956, la nationalisation du canal de Suez par Nasser provoque une riposte franco-anglaise combinée avec l’armée israélienne. 2. Les Soviétiques condamnent, avec le soutien de l’ONU, cette opération illégale, et menacent d’intervenir militairement contre les armées françaises, anglaises et israéliennes. 3. Cette crise et les réponses américaines et soviétiques révèlent le caractère stratégique de la région, véritable zone d’influence respective et concurrente, avec la question du passage de la Méditerranée à la mer Rouge, et la proximité des ressources pétrolifères. Document 2 Des compagnies pétrolières puissantes Le classement des différentes compagnies pétrolières permet de voir leur importance. Le chiffre d’affaires 50

représente le montant des ventes de marchandises réalisées par l’entreprise. Les montants financiers mentionnés permettent de comprendre la puissance de ces compagnies et l’influence qu’elles peuvent avoir sur la politique quand il s’agit de défendre leurs intérêts. Document 3 Un conflit périphérique de la Guerre froide : le Yémen Le Yémen est dans les années 1960-1970 un des théâtres de la Guerre froide. Les États en voie de décolonisation ont tous fait l’objet de rivalités intenses de la part des États-Unis et de l’URSS pour qu’ils se rattachent à leur bloc respectif. C’est le cas du Yémen qui se trouve à un endroit stratégique près du détroit d’Ormuz, à l’embouchure du golfe Arabopersique, face à l’Iran, et à proximité des gisements pétroliers du Golfe. Les troupes reçoivent des armes, du matériel, des fonds, et plus rarement des conseillers militaires. P. 110-111 Étude Le Moyen-Orient : un carrefour stratégique et convoité Les documents présentés et la mini-chronologie couvrent l’ensemble du XXe siècle, de la découverte du premier gisement de pétrole, en 1908, à l’intervention américaine (avec alliés) en Irak, en 2003. C’est dans une région stratégique, entre Asie Centrale et Méditerranée, océan Indien et Europe, que se trouve une part importante des réserves énergétiques mondiales. Document 1 Les premiers oléoducs Les premiers investissements sont réalisés par les puissances coloniales. Au début du siècle, les concessions pétrolières du Moyen-Orient sont essentiellement aux mains des Britanniques : le pionnier est l’anglais Knox d’Arcy en Perse dès 1901, à l’origine de l’Anglo-Persian Company. La compagnie monopolise l’exploitation de l’or noir qui débute effectivement en 1909. En 1912, est créée la Turkish Petroleum Company dont le capital se partage entre la National Bank of Turkey (50 %) dont les capitaux sont pour l’essentiel européens, Shell (25 %) et la Deutsche Bank (25 %). L’entre-deux-guerres voit la rivalité entre Anglais et Américains s’exacerber, les derniers tentant de brise le monopole de fait britannique. L’exploitation du pétrole brut exige de lui faire traverser de vastes étendues désertiques pour l’amener à des ports. Ces investissements, réalisés par les puissances coloniales avec une main-d’œuvre locale bon marché, bouleversent peu dans un premier temps les populations du pays puisque les oléoducs sont enterrés et ne sont pas un obstacle au pastoralisme des nomades. Pendant quelques décennies, forages, extraction et transport sont une affaire étrangère qui affecte peu les sociétés moyenorientales. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Document 2 Les réserves d’hydrocarbures au Moyen-Orient en 2007 Avec les indépendances nationales, les ressources de la région, avec les revenus qui y sont liés, deviennent l’objet d’une vive concurrence. Les gouvernements locaux veulent participer aux bénéfices liés à l’exploitation pétrolière dans un premier temps, gazière ces vingt dernières années, pour moderniser leur pays. En gros, 60 % des réserves en pétrole et 40 % de celles de gaz se trouvent au Moyen-Orient, alors que les grands centres de consommation ont longtemps été localisés en Europe, aux États-Unis, maintenant en Asie du Sud-Est et en Chine. Cette répartition explique non seulement les enjeux dans la région, mais aussi la question du contrôle des flux et des points de passage, tels les détroits et les oléoducs. Document 3 Le Moyen-Orient, un rôle-clé dans la Seconde Guerre mondiale Durant la Seconde Guerre mondiale, l’approvisionnement et le déplacement des troupes jouèrent un rôle très important, en raison de la diversité, du nombre et de l’éloignement des fronts. La guerre ayant lieu à la fois en Europe, en Afrique, au Proche-Orient, et dans le Pacifique, le Moyen-Orient se retrouve à la fois zone de combat et de transit. Document 4 Suez : un canal essentiel pour le commerce international Malgré la durée de la traversée du Canal (12-16 h), l’économie réalisée, en temps et en distance, par rapport au tour de l’Afrique par le Cap de BonneEspérance est considérable ; elle représente une réduction de près de 30 % du trajet. La zone du Canal est parfaitement contrôlée, en revanche, l’arrivée dans l’océan Indien à la sortie du golfe d’Aden est périlleuse car les convois de navires suscitent la convoitise des pirates. La diversité des flottes présentes dans la région révèle l’importance de cette région pour l’approvisionnement en hydrocarbures. Document 5 Suez : un canal stratégique pour les puissances Cet article de presse évoque un fait somme toute secondaire : le passage d’un navire militaire par le canal de Suez. Ce qui rend l’anecdote intéressante, c’est d’une part le contexte à court terme et la tension des relations entre l’Égypte et les États-Unis, d’autre part le développement sur la manière dont se passent les choses. Le canal, quoique contrôlé par l’Égypte, est ouvert à tous, comme s’il s’agissait d’un patrimoine commun à l’ensemble des nations, mais les navires de guerre américains bénéficient d’un traitement de faveur, malgré les tensions conjoncturelles. C’est là aussi une des nouvelles formes de la domination. Réponses aux questions 1. Deux caractéristiques rendent le Moyen-Orient important pour les économies occidentales : le 51

premier est structurel, c’est sa situation et la présence du canal de Suez permettant d’unir l’océan Indien à la Méditerranée par le golfe d’Aden ; le second est conjoncturel, c’est la présence dans le sous-sol des plus importantes réserves d’hydrocarbures du monde. 2. Au début du XXe siècle, la Grande-Bretagne dominait de nombreuses régions du Moyen-Orient, qui constituait un relais entre ses colonies indiennes, la Méditerranée et la métropole. 3. Le Moyen-Orient et le canal de Suez sont dans une position centrale par rapport aux échanges internationaux. C’est un point de passage presque obligé entre l’Extrême-Orient et l’Europe. C’est aussi un grand centre de production de ressources énergétiques. 4. Le Canal est un point de passage stratégique pour les flottes militaires, en particulier celles des ÉtatsUnis. P. 112-113 Étude L’intervention des grandes puissances pendant la Guerre froide La double page d’étude traite des ingérences internationales au Proche et Moyen-Orient durant la Guerre froide, de 1945 à 1991. C’est durant la Guerre froide que les anciennes puissances coloniales perdent leurs capacités d’intervention dans la région. Les deux Grands agissent le plus souvent de manière indirecte, en s’appuyant, pour l’Union soviétique, sur les volontés d’indépendance des États de la région, en défendant, pour les États-Unis, leurs intérêts économiques, en particulier en soutenant et en armant Israël ou les États pétroliers comme l’Arabie Saoudite. Document 1 Le containment en Iran Ce document secret, déclassifié révèle l’analyse que le gouvernement américain faisait de la situation en Iran et les motivations de leurs services secrets (CIA) pour organiser un coup d’État. Il faut rappeler que l’Iran avait une frontière commune avec l’URSS et que la stratégie américaine consistait à avoir des alliés puissants tout autour de l’Empire soviétique pour éviter la « contagion communiste ». Aussi étrange que cela puisse paraître aujourd’hui, des partis communistes existaient dans les pays du MoyenOrient et les autorités locales jouaient d’un Grand contre l’autre pour négocier les meilleurs accords. Toute velléité d’indépendance était en fait jugée au prisme de la Guerre froide et était inacceptable pour les autorités américaines. En 1953, la CIA intervient pour renverser Mossadegh et imposer un chef de gouvernement qui leur soit plus favorable. Les Iraniens en ont tiré des griefs durables contre l’interventionnisme américain et cela s’est manifesté clairement au moment de la révolution islamique d’Iran avec le blocus de l’ambassade américaine à Téhéran, en 1979.

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Document 2 L’Égypte dans la Guerre froide L’Union soviétique apparaît pour bien des dirigeants du monde en général, du Proche et Moyen-Orient en particulier, comme le garant de l’indépendance à l’égard des puissances occidentales. Le Président égyptien, Nasser, nationaliste panarabe, choisit d’affirmer son indépendance en s’appuyant sur l’URSS. Le rejet des anciennes puissances coloniales, française et britannique, et des États-Unis qui leur sont liés, explique la présence de Ben Bella, président de la République algérienne qui vient tout juste d’obtenir son indépendance après une guerre longue et violente contre la France. Document 3 La démocratie populaire du Yémen du Sud en 1969 On mesure mal aujourd’hui, où l’on ne parle que d’islamisme, l’influence qu’eut le marxisme dans les sociétés du Proche et Moyen-Orient. En fait, si le lexique de la contestation a changé, les revendications restent bien souvent les mêmes : lutte contre l’ingérence des États-Unis et le système économique que ceux-ci cherchent à imposer partout, équité sociale, indépendance nationale, modernisation des sociétés, aspiration à des systèmes plus démocratiques. Apparaît ainsi un front de lutte contre les États-Unis, du Viet-Nam, à l’Europe, en passant par le Moyen-Orient. Au Yémen, la lutte contre le protectorat britannique a été menée par le Front de libération de l’occupation du Yémen du Sud (FLOYS) et le FLN marxiste. L’indépendance du Sud-Yémen est déclarée en 1967, le pays devient république démocratique en 1969 et tête de pont de l’influence soviétique dans la région. Le Yémen est réunifié en 1990 à l’issue de la Guerre froide, le régime communiste ne pouvant plus bénéficier de l’aide soviétique. Document 4 Les aires d’influence soviétique et américaine (1948-1991) Cette carte met en relief non seulement les différentes interventions militaires dans la région, francobritannique à Suez en 1956, américaine au Liban en 1958, britannique à Oman entre 1965 et 1976, soviétique en Afghanistan en 1979. Elle montre le succès de la politique d’encerclement de l’Union soviétique par les États-Unis et par leurs alliés. On voit apparaître la nouvelle donnée caractéristique de la fin du XXe siècle et du début du XXIe, c’est-à-dire l’émergence d’une nouvelle force, l’islam politique, avec la révolution islamique d’Iran en 1979. C’est contre l’influence américaine et contre la corruption du régime du Shah d’Iran que la révolution a lieu, mais en même temps, c’est contre le matérialisme soviétique. C’est donc une nouvelle voie de l’indépendance politique qui apparaît pour les pays du Proche et du Moyen-Orient dans le dernier quart du XXe siècle. 52

Document 5 L’influence américaine renforcée après 1973 La dernière composante à prendre en compte dans l’analyse du difficile combat pour les indépendances nationales, est la dimension énergétique. En 1973, les États arabes utilisent les prix du pétrole comme arme politique pour faire pression sur les puissances industrialisées et l’Égypte (sans ressources pétrolières) ferme le canal de Suez. Cela accroît grandement le coût des matières énergétiques. Faute d’unité, le pouvoir des puissances productrices et exportatrices de pétrole est cependant limité, dans le temps et dans l’espace. Réponses aux questions 1. Les anciennes puissances coloniales que sont la France et la Grande-Bretagne continuent d’avoir une politique active au Moyen-Orient, mais leur influence décroît rapidement au fur et à mesure que croît la puissance américaine. L’impérialisme des tsars de Russie a été relayé par la politique soviétique de lutte contre le capitalisme et le pouvoir américains dans le cadre de la Guerre froide. 2. Les ressources énergétiques gigantesques, la situation stratégique sur les grands axes du commerce mondial, et la proximité de l’Union soviétique expliquent l’enjeu représenté par le Proche et Moyen-Orient au cours de la Guerre froide. 3. Infiltration par les services secrets, coups d’État, interventions militaires, soutiens logistiques et techniques (Assouan), liens commerciaux privilégiés, soutiens militaires aux régimes dictatoriaux locaux sont les différents modes d’intervention, simultanés ou successifs des deux Grands dans la région. 4. Ce sont essentiellement la recherche de l’indépendance politique et économique et, secondairement, l’anticapitalisme qui poussent certains États, partis ou groupes, à rechercher l’alliance de l’URSS. P. 114-115 Étude Nasser et le nationalisme arabe Document 1 La nationalisation du canal de Suez Ce texte est destiné à montrer comment la nationalisation du Canal est intégrée dans le mouvement non seulement des indépendances nationales (« souveraineté », « peuple d’Égypte », « libres et indépendants »), mais aussi dans une perspective marxiste d’émancipation par rapport à l’exploitation. Les revenus du Canal étaient censés financer la construction du barrage d’Assouan, réalisée grâce à l’aide soviétique. Ils devaient revenir à l’Égypte et non à la Compagnie du Canal, dont les principaux actionnaires étaient la France et la Grande-Bretagne. C’est donc presque d’un discours d’indépendance qu’il s’agit.

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Document 2 Nasser, un modèle pour le Yémen Près d’une décennie après la crise de Suez, Nasser incarne celui qui s’est libéré avec succès de l’emprise coloniale britannique (et française), un héros qui a résisté à une attaque militaire conjointe francobritannique et israélienne. Le prestige de Nasser, dirigeant arabe, prêchant l’unité du monde arabe et l’union contre les colonisateurs, est alors très grand. Il est un modèle pour tous les pays arabes, et au-delà. Au Yémen, les Britanniques contrôlaient le port d’Aden depuis 1839 et avaient constitué un hinterland qu’ils dominaient. En 1967, les Yéménites se libèrent de la tutelle coloniale anglaise. Document 3 Nasser, héros du nationalisme arabe Les extraits de la notice nécrologique rédigée par le grand journaliste anticolonialiste Jean Lacouture deux jours après la mort de Gamal Abdel Nasser dressent un rapide bilan de l’action du Raïs (« le Président »). Les intervenants dans l’opération militaire sont désignés par leur capitale respective (Londres, Paris, Tel Aviv, dont il faut rappeler que c’est aujourd’hui encore la seule capitale de l’État d’Israël, qui tente en vain depuis 1967 de faire reconnaître Jérusalem comme capitale de l’État, pour entériner l’occupation de Jérusalem-Est). Casablanca (Maroc) représente le point le plus occidental du monde arabe et Aden (Yémen), une autre extrémité. Document 4 Nasser soutient la cause palestinienne Cette photographie, prise au Maroc en 1969, illustre le propos précédent. On y voit Nasser partager une boisson avec Yasser Arafat, devenu au début de l’année le dirigeant officiel de l’Organisation de Libération de la Palestine, créée en 1964. Document 5 Les funérailles de Nasser L’image des funérailles de Nasser permet d’évoquer la figure de héros populaire que ce personnage a pu représenter pour les Égyptiens, pour les Arabes de manière plus générale. Au centre d’une foule d’hommes se trouve le cercueil ballotté au gré des mouvements de la foule. Les rares soldats sont totalement débordés par la vague populaire. Cette image anticipe celles qui ont pu être vues lors des funérailles de Yasser Arafat en 2004 à Ramallah en Cisjordanie. Réponses aux questions 1. Nasser présente la nationalisation du canal de Suez comme un mouvement d’indépendance nationale, dans le contexte de la décolonisation, et comme un mouvement de libération des peuples. Cette décision entraîne une opération militaire franco-anglaise et israélienne, rapidement stoppée par les Américains et les Soviétiques. 53

2. Les Yéménites brandissent le portrait de Nasser qui est parvenu à se débarrasser de la tutelle francoanglaise sur le Canal de Suez. 3. Nasser est parvenu à s’imposer dans tout le monde arabe comme un modèle de courage, se dressant pour les droits de son peuple. Son rôle fut cependant limité par les divisions nationales. Faisant le choix du panarabisme, il est contraint du même coup d’être à l’avant-garde du combat contre Israël. 4. L’importance de la ferveur populaire autour du cercueil de Nasser prouve la popularité du Président égyptien dans la population égyptienne, et vraisemblablement au-delà. P. 116-117 Cours 3 Le conflit israélo-arabe Ce conflit présente deux grandes phases chronologiques : la première s’inscrit dans le mouvement des indépendances nationales, mais l’auto-proclamation de l’État d’Israël a ceci de spécifique, qu’elle se fait à la fois contre la puissance coloniale britannique, et aux dépens d’une partie des habitants historiques de la région, encouragés à s’exiler, voire chassés. La seconde commence en 1967 avec la conquête de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Désormais, le problème politique, d’israéloarabe qu’il était, évolue en « question palestinienne » avec l’occupation de territoires peuplés majoritairement par des Palestiniens. Document 1 La résolution 242 de l’ONU Cette résolution 242 de l’ONU adoptée en 1967, après l’invasion israélienne de la Cisjordanie, de Gaza, du Sinaï et du Golan est la base de toutes les négociations de paix depuis plus d’un demi-siècle. L’Organisation des Nations Unies qui a reconnu la proclamation de l’État d’Israël en 1949, à la différence des États arabes de la région, est la garante de l’intégrité territoriale des États qui la composent. Elle ne pouvait donc accepter l’invasion et l’occupation israélienne de territoires jordaniens, syriens et égyptiens. Elle exige donc le retrait des forces israéliennes et la mise en place d’un traité de paix qui garantisse la circulation des personnes et des biens dans la région. La formulation adoptée permet d’exiger non seulement d’Israël le retrait des territoires conquis, mais aussi des pays arabes la reconnaissance de l’État d’Israël. L’envoi d’un représentant spécial est la première tentative internationale pour le règlement de la question des réfugiés palestiniens de 1948, et pour l’évacuation des territoires occupés par Israël. La mission du représentant de l’ONU n’a eu aucun effet. Document 2 L’usage politique des fêtes religieuses Cette photographie permet d’évoquer plusieurs questions, d’abord l’occupation des territoires palestiniens par Israël depuis 1967 (l’étude pages 224-225 revient sur la question palestinienne en soi) et le rôle de Yasser Arafat dans la lutte nationale palestinienne, puis l’utilisation des fêtes religieuses à Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

des fins politiques, enfin le rôle et l’impact symboliques des images dans le monde actuel. Yasser Arafat était musulman, mais le parti qu’il avait fondé, le Fatah, principale composante de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine), fondée en 1964, était un parti nationaliste laïc. Ce parti accueillait en son sein des Palestiniens, musulmans et chrétiens. D’autres partis palestiniens, tel le FPLP (le Front populaire de Libération de la Palestine), fondé en 1967 par Georges Habache et Ahmed Jibril, et le FDPLP (le Front démocratique pour la libération de la Palestine), qui se détache du premier en 1969 sous la direction de Nayef Hawatmeh, sont marxistesléninistes. Très influencés par le nationalisme arabe, ces deux partis où militent de nombreux chrétiens palestiniens sont nettement plus radicaux que l’OLP dans leur lutte contre Israël. Réponses aux questions 1. Organiser une visite dans les lieux saints chrétiens de Cisjordanie en 2002 est l’occasion pour Yasser Arafat d’afficher non seulement qu’il est le représentant de tous les Palestiniens, indépendamment de leur confession et qu’il rejette l’islamisme radical d’al-Qaida et d’Oussama Ben Laden, mais c’est aussi une manière de revendiquer, aux yeux du monde et des autorités israéliennes, son droit à se déplacer librement dans l’ensemble des territoires revendiqués par les Palestiniens. Le caractère exceptionnel de l’autorisation israélienne lui donne l’occasion de dénoncer l’occupation israélienne et les innombrables obstacles aux déplacements dont les populations palestiniennes font l’objet de la part des autorités israéliennes. 2. On comprend de ce fait la raison pour laquelle les autorités israéliennes n’ont pas renouvelé cette autorisation l’année suivante. La visite aux lieux saints est un geste politique qui embarrasse Israël : Yasser Arafat prend à témoins musulmans et chrétiens, pour faire avancer la cause d’un État palestinien souverain et dénonce également, de façon pacifique, devant les caméras et les reporters du monde entier comment Israël entrave cette perspective. Document 3 L’eau, question cruciale entre Arabes et Israéliens Cette carte est destinée à compléter la question des hydrocarbures dont les enjeux sont surtout internationaux. La question de l’eau est locale, et pourtant elle fait l’objet de compétitions très violentes. En effet, les cours d’eau servent non seulement à l’agriculture et à l’approvisionnement des villes, mais aussi la force motrice de l’eau sert à la production d’hydro-électricité. La construction de barrages pour la production d’électricité a aussi des conséquences sur les possibilités d’irrigation en aval. Entre Israël et la Palestine, l’eau est un enjeu important, et la carte montre d’une part comment les autorités israéliennes accaparent les ressources en eau du Jourdain, d’autre part l’importance du Golan comme château d’eau. 54

Réponses aux questions 1. Les ressources en eau sont inégalement réparties. On les trouve localisées aux frontières de l’État d’Israël, et surtout à proximité des Territoires occupés depuis 1967. 2. L’eau est indispensable pour l’agriculture, pour l’approvisionnement des villes et des campagnes. Un barrage peut mettre en péril tout une région. De la découlent à la fois l’expansion des Israéliens pour assurer leur approvisionnement en eau, depuis le mont du Golan au NE, et depuis le Jourdain, et la création de canaux de dérivation destinés aux colonies de peuplement dans les territoires occupés et aux territoires israéliens, canaux qui privent les territoires palestiniens de l’eau qu’ils utilisaient précédemment. P. 118-121 Étude Le conflit israélo-arabe et la question palestinienne A. LES GUERRES ISRAÉLO-ARABES Document 1 La proclamation de l’État d’Israël L’État d’Israël est un peu atypique dans le processus des indépendances nationales du Proche et MoyenOrient. En effet, le mouvement national juif naît en Europe à la fin du XIXe siècle en même temps que se développent les nationalismes européens. La proclamation d’indépendance prononcée en 1948 par David Ben Gourion se caractérise par ses fondements bibliques et religieux. Il repose sur la convergence de l’aspiration à l’indépendance des Juifs de Palestine, immigrés pour une part dès la fin du XIXe siècle, du choc provoqué par l’ouverture des camps d’extermination créés par les nazis un peu partout en Europe et des indépendances voisines de la Syrie et du Liban. Document 2 La première guerre israélo-arabe (1948-1949) Le premier plan de partage de la Palestine par l’ONU en 1947 est refusé par les Arabes de Palestine. Aussi Ben Gourion proclame-t-il unilatéralement l’indépendance de l’État d’Israël en 1948. Cette décision provoque alors la réaction des États arabes voisins nouvellement indépendants (Syrie, Liban, Irak, Égypte, Jordanie) qui refusent cette amputation de leurs territoires respectifs. La guerre dure plus d’un an et débouche sur la victoire des troupes israéliennes, mieux équipées et mieux entraînées que les armées arabes. Document 3 Les guerres israélo-arabes De 1948 à nos jours, l’histoire de l’État d’Israël est une succession de guerres avec ses voisins. En 1948 et 1973, ce sont les Arabes qui ont l’initiative, mais les autres guerres ont été décidées par Israël pour défendre ses intérêts ou s’étendre territorialement. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

En 1956, la nationalisation du canal de Suez par Nasser, le Président égyptien, provoque l’attaque des Français, des Britanniques et des Israéliens. C’est l’intervention conjointe des Américains et des Soviétiques qui interrompt l’offensive. En 1967, les Israéliens lancent une opération « préventive » qui débouche sur l’occupation du Golan (Syrie), de la Cisjordanie (Jordanie), de Gaza et du Sinaï (Égypte). En octobre 1973, durant la fête du Kippour, Syriens et Égyptiens attaquent Israël par surprise pour tenter de récupérer les territoires occupés par Israël depuis la guerre précédente. C’est un échec tant la supériorité militaire d’Israël est grande, mais l’attaque non prévue par Israël ni par ses services secrets provoque un électrochoc dans le pays qui se rend compte de sa vulnérabilité et s’oriente dès lors encore plus dans une course à l’armement. Document 4 L’Égypte propose la paix La venue du Président égyptien, Anouar al-Sadate, en Israël en 1977 est un événement historique. Pour la première fois depuis la création de l’État d’Israël en 1948, un chef d’État arabe s’y rend en visite officielle. Le discours de Sadate est très attendu, mais les principaux arrangements de la paix entre l’Égypte et Israël ont déjà été réglés. Le discours s’inscrit dans la tradition de l’Égypte premier pays arabe et modèle pour les autres. Mais en même temps, il décrit les conditions dans lesquelles ce traité sera effectif : le règlement du problème palestinien et la libération des territoires occupés par Israël depuis 1967. En un certain sens, ce discours est prémonitoire. La paix entre l’Égypte et Israël n’a pas résolu les problèmes dans la région et les relations n’ont pas été normalisées avec les autres États arabes. Réponses aux questions 1. David Ben Gourion invoque d’abord l’histoire biblique pour justifier la proclamation de l’État d’Israël à cet endroit, puis la tentative nazie de génocide et l’absence d’une patrie pour les Juifs. Il s’appuie enfin sur les recommandations des NationsUnies. 2. La proclamation de l’indépendance de l’État d’Israël provoque l’entrée en guerre des pays arabes voisins. Les victoires militaires israéliennes permettent au nouvel État d’étendre ses frontières au-delà du plan de partage initialement prévu par l’ONU. 3. Les États arabes voisins, Égypte, Jordanie et Syrie, refusent de reconnaître le nouvel État et tentent donc de l’envahir dès 1948. 4. De 1949 à 1973, les territoires israéliens n’ont cessé de s’étendre : aux dépens de la Syrie (Golan jusqu’à aujourd’hui), de l’Égypte (Sinaï jusqu’en 1979, et Gaza) et de la Jordanie (Cis-Jordanie). 5. Avec la reconnaissance de l’État d’Israël par l’Égypte et la paix entre ces deux États, c’est la fin des conflits entre pays arabes et Israël (l’Égypte était le principal pivot des coalitions tournées contre Israël). Toutefois, ce rapprochement ne règle pas la question 55

des Palestiniens : quel territoire ? Quelle solution pour les réfugiés à l’extérieur des limites de la Palestine ? B. LA QUESTION PALESTINIENNE Document 5 Expulsion ou départ volontaire ? Durant toute la guerre de 1948-1949, les populations civiles de Palestine ont souffert des affrontements. Selon la version officielle israélienne, les populations arabes ont déserté leurs terres, en cédant aux sirènes des pays arabes voisins qui leur auraient promis un retour rapide au pays à l’issue d’une guerre qui allait naturellement déboucher sur leur victoire. En fait, cette version n’est pas conforme à ce qui s’est passé comme l’ont montré nombre d’historiens israéliens récemment. Le plan Daleth dressé par la Haganah, l’armée juive d’indépendance, en mars 1948 pendant la première guerre de Palestine, est un plan d’opérations militaires dont l’objectif, en prévision des attaques arabes, est d’éviter aux Israéliens la présence d’Arabes en trop grand nombre. Quelques massacres et des mesures d’intimidation ou de terreur, conduisent au départ des familles arabes qui allaient finir dans des camps de réfugiés sans jamais revoir leurs terres ou leurs maisons. La question palestinienne est née. Document 6 La naissance de la question palestinienne Pour les Palestiniens, la proclamation d’indépendance de l’État d’Israël et la guerre qui s’en est suivie sont la Nakba, la « catastrophe ». Plus de 500 villages arabes sont détruits ou dynamités par les Israéliens, provoquant la frayeur et le départ de très nombreux habitants qui se réfugient dans les pays voisins pour éviter les ravages de la guerre et les massacres. La Cisjordanie, la bande de Gaza, le Liban et la Syrie sont les principales destinations de ces réfugiés. Document 7 Une réfugiée palestinienne Ce témoignage d’une réfugiée montre, pour les populations palestiniennes locales, le revers de la médaille que constitue la proclamation de l’État d’Israël pour les Juifs. La précarité de la vie des réfugiés, installés dans des habitats temporaires, souvent détruits en raison des guerres répétées entre pays arabes et Israël, l’éclatement des familles dans les différents États de la région, la difficulté de la vie dans les camps sont décrits comme une fatalité, le cycle routinier de pénibles et lentes constructions, suivies d’inévitables destructions et massacres. Document 8 Le terrorisme, arme des nationalistes Ce tableau chronologique montre comment le terrorisme et les assassinats plus ou moins ciblés ont été depuis 1946 l’arme des nationalistes de tous bords, juifs ou palestiniens. Les organisations armées juives, Haganah, groupe Stern, n’ont pas hésité à Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

commettre des assassinats ou des actions terroristes pour chasser les Britanniques de Palestine, ou pour contester la politique de paix d’Israël (assassinat d’Yitzhak Rabbin, 1995). Du côté palestinien, devant l’incapacité de l’ONU à faire respecter le droit international, et considérant que l’État d’Israël est une entité étrangère au Proche-Orient, des organisations clandestines se lancent dans une politique d’actions spectaculaires contre les intérêts ou les représentants d’Israël (JO de Munich, ou compagnie aérienne El Al) : détournement d’avions, prises d’otages, attentats, assassinats se multiplient alors. En raison du soutien que certaines organisations juives européennes ou américaines apportent à Israël, ce sont parfois les juifs dans leur ensemble, même s’ils n’ont aucun lien avec Israël, qui sont pris pour cibles et font les frais, en Europe, du conflit israélo-palestinien (magasin Tati de la rue de Rennes, rue des Rosiers à Paris). Document 9 Les Palestiniens demandent un État reconnu par l’ONU Cet article de presse du 14 septembre 2011 analyse la future demande de reconnaissance d’un État par les dirigeants palestiniens et les risques que celle-ci représente pour l’État d’Israël. Cette reconnaissance aurait en effet un impact symbolique et juridique très fort. Dorénavant, ce ne serait plus une organisation politique qui porterait ses revendications, mais les représentants d’un État légitime et les membres de l’ONU, au premier rang desquels les États-Unis, auraient du mal à ne pas soutenir les droits de cet État sous peine de discréditer l’institution internationale. Document 10 Une indépendance en cours En 1974, Yasser Arafat, alors chef en exil de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) avait fait un long discours devant l’assemblée générale des Nations Unies en prônant la création d’un État unique pour les juifs, les chrétiens et les musulmans. Près de 40 ans plus tard, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, présente officiellement une demande de reconnaissance de l’État de Palestine. Cette photographie officielle prend toute son importance dans le contexte : au moment où l’Autorité palestinienne voit sa souveraineté contestée quotidiennement dans les territoires occupés par Israël (qui interdit l’ouverture d’un aéroport international et tout commerce par voie maritime, qui contrôle le commerce extérieur de la Palestine), c’est devant les représentants de tous les États de la terre qu’une demande est déposée. Cette photographie de la demande, tenue par le secrétaire général de l’ONU, est en soi une forme de reconnaissance symbolique. Réponses aux questions 1. La création de l’État d’Israël s’est accompagnée de déplacements forcés de populations palestiniennes et 56

de destruction de villages. Le conflit qui démarre en 1948 amplifie encore ce phénomène. 2. Nombre de Palestiniens sont alors réfugiés dans les États voisins, mais aussi parfois dans des États arabes plus lointains. Leurs conditions de vie sont particulièrement précaires (bidonvilles) car ils sont pris en otage dans les conflits qui traversent ces États comme au Liban. Ils sont également victime de politiques délibérées de massacres comme au Liban en 1982. 3. La question palestinienne devient celle d’un peuple qui revendique un État, peuple qui ne peut plus compter sur l’appui militaire des États arabes. La création de l’OLP en 1967 marque ce tournant. Cette action se déplace sur la scène internationale par l’organisation d’attentats retentissants (comme la prise d’otage des athlètes israélien aux JO de Munich en 1972). 4. Toutefois la stratégie des Palestiniens évolue au cours des années 1990 : abandonnant le terrorisme, l’OLP cherche la reconnaissance d’un État par les voix qu’offrent les institutions et le droit internationaux, et notamment dans l’enceinte de l’ONU. 5. Toutefois, si une Autorité palestinienne a été reconnue, Israël freine les négociations pour la transformation de celle-ci en État car cela remettrait en cause sa politique de colonisation des territoires palestiniens (et sa revendication de Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël). P. 122-123 Cours 3 De nouvelles conflictualités depuis 1991 Les convoitises pesant sur les hydrocarbures présents au Moyen-Orient et la Guerre froide ont favorisé l’émergence après les indépendances d’États autoritaires et empêché l’émergence de toute contestation. La disparition de l’URSS à partir de 1991 et les nouvelles formes de la domination, l’alphabétisation des populations, le développement des moyens modernes de communication ont ouvert les sociétés de la région à la société de consommation et ont permis de profonds bouleversements sociétaux et politiques. Document 1 Comment justifier l’invasion de l’Irak en 2003 ? La déclaration commune de Georges Bush et de Tony Blair en 2003 sur l’intervention en Irak est très intéressante. D’abord elle permet une analyse du discours politique : déclarations rhétoriques — « L’avenir de l’Irak appartient au peuple irakien » au moment où l’on vient de modifier profondément cet avenir par une intervention militaire, « un gouvernement représentatif qui respectera les droits de l’Homme et de l’État de droit » après une invasion non légalisée par l’ONU !, « protéger les ressources naturelles de l’Irak… uniquement à son profit », quand il s’agit de protéger l’approvisionnement américain en hydrocarbures et éviter le contrôle de ces ressources par un État ennemi des États-Unis —, et reprise d’un argument qui était déjà utilisé pour Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

justifier la mise en place des mandats (« aider le peuple irakien à mettre en place ses propres institutions politiques », comme s’il ne l’avait pas déjà fait). Document 2 Les Émirats arabes unis, pacificateurs ? La manne financière tirée par les États du Golfe, en particulier les Émirats arabes unis, de leur sous-sol, leur donne une puissance économique et politique importante. Depuis la fin de la Guerre froide, les émirs du Golfe ont décidé de préparer l’aprèshydrocarbures, dont ils savent qu’elles n’ont qu’un temps. Ils ont donc réorienté leurs activités vers les services (finances, tourisme de luxe, arts). Pour préparer cet avenir, les Émirats ont besoin d’une région pacifiée et parfaitement intégrée dans les réseaux mondiaux. Donc ils s’appuient d’une part sur le développement des relations bilatérales, d’autre part sur les institutions internationales telle l’ONU. Document 3 Les Émirats arabes unis, une puissance régionale Dubaï est devenue une grande place d’affaires à l’échelle mondiale. La ville compte 2,3 millions d’habitants, dont la majeure partie est étrangère. La puissance financière de l’Émirat lui a permis de faire appel aux architectes les plus connus pour bâtir des édifices gigantesques et luxueux. Cette villechampignon, extrêmement moderne, a surgi des sables du désert, au cours des quarante dernières années, avec des projets très médiatisés comme la tour la plus haute du monde Burj Khalifa. Dubaï se prépare ainsi à accueillir en 2020, Expo 2020, une exposition universelle, destinée à faire valoir le rôle central que la ville compte jouer dans le monde de la culture du XXIe siècle. Cette politique s’accompagne de la création de nombreux musées, avec une politique très dynamique d’achats d’œuvres d’art. Document 4 Syrie : de la révolte à une guerre civile meurtrière Quoique la Guerre froide soit finie depuis plus de vingt ans, le Moyen-Orient continue d’être un enjeu important des relations internationales comme le prouve la question de la Syrie, dont le régime est soutenu par la Russie, malgré les révoltes qui ont soustrait une grande partie du pays à l’autorité de Bachar al-Asad. La Syrie possède un port dans lequel la marine soviétique puis russe avait ses quartiers, Tartous. Quant à la Chine, elle s’oppose par principe à toute ingérence étrangère dans les affaires d’un pays. Malgré le « tournant diplomatique » évoqué dans l’article du journal, aucune mesure n’a réellement été prise contre le régime syrien qui a repris du terrain sur les rebelles. Il n’est pas impossible que la crise ukrainienne du début de l’année 2014 soit liée à la question syrienne. Réponses aux questions 1. Des manifestations réclamant plus de démocratie et un meilleur partage des richesses, dans la 57

continuité des mouvements de révolte populaires qui ont marqué le monde arabe depuis 2010 ont évolué en révolte populaire contre le régime de Bachar alAsad à la suite d’une répression disproportionnée et brutale. 2. L’usage d’armes chimiques inquiète la communauté internationale. Pourtant la majorité des victimes de la guerre civile ne sont pas dues aux armes chimiques mais aux armes conventionnelles. En septembre 2013, le conseil de Sécurité condamne l’emploi d’armes chimiques en Syrie, qu’il qualifie de « menace contre la paix et la sécurité internationales ». L’élimination de toutes les armes chimiques syriennes devra être achevée au premier semestre 2014. P. 124-125 Étude Le Moyen-Orient dans le nouvel ordre mondial Les révolutions dans le monde arabe s’inscrivent dans la continuité de la révolution islamique d’Iran en 1979 : émergence d’une société civile, essor de l’alphabétisation, ouverture au monde, refus du clientélisme, exigences de plus de démocratie et de transparence. Or la disparition de l’Union soviétique à partir de 1991 ouvre la voie à des recompositions régionales importantes. Les convoitises sur les ressources énergétiques de la région sont exacerbées et les intérêts privés s’expriment par le lobbying auprès des gouvernements et se manifestent par la multiplication des conflits d’intérêts. Interventions armées, contrôles des armements dans la région, construction et sécurisation du réseau de transports des hydrocarbures, constituent les nouveaux enjeux au Moyen-Orient. Document 1 Un lobby pétrolier derrière la politique américaine ? On est là en présence d’une analyse publiée dans le quotidien du soir Le Monde un an après l’attaque contre le World Trade Center, au moment où l’intervention américaine en Irak se prépare. Ce texte met en rapport le consumérisme américain (l’American way of life) et le tout-voiture, avec la stratégie internationale et l’interventionnisme des États-Unis. On y voit les répercussions d’un modèle de développement sur les grandes décisions de politique étrangère. En fait, le pacte entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite découle de la découverte en 1938 de pétrole dans la Péninsule. L’Irak et les régions du Golfe sont alors sous l’influence britannique et l’Arabie Saoudite est une tête de pont américaine dans la région. Depuis le milieu du XXe siècle, l’alliance entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite n’a jamais été remise en question, même après les attentats du 11 septembre 2001. Document 2 La guerre des oléoducs Le tracé des oléoducs et des gazoducs est intéressant car dorénavant, il ne s’agit plus comme dans la période de la Guerre froide d’isoler l’Union soviétique, Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

mais au contraire de permettre le désenclavement du bloc russe, sibérien et centre asiatique pour le relier le plus directement possible aux grands marchés de consommation de matières premières. On voit la place stratégique du Proche et Moyen-Orient, où se trouvent de nombreux pays au régime instable, cette instabilité étant due aussi, au moins partiellement, aux interventions internationales. Finalement, paradoxalement, le réseau des oléoducs et des gazoducs évitent la zone centrale où se trouvent les verrous stratégiques (détroits et isthmes) facilement contrôlables par les pouvoirs locaux, dont l’alliance n’est pas garantie. Document 3 Le retrait des troupes américaines d’Irak L’épisode représenté est un acte symbolique : pourtant il masque mal la réalité des nouvelles formes de la domination. L’invasion de l’Irak en 2003 par l’armée des États-Unis et de leurs alliés était destinée officiellement à détruire l’usage d’armes non conventionnelles (chimiques) par le régime de Saddam Hussein. Ces armes n’ont jamais été retrouvées. Elles ont servi d’alibi pour la mise sous tutelle d’un pays riche en ressources énergétiques. La présence pendant plus de dix ans des troupes américaines sur le sol irakien liait les mains de tout pouvoir en place à Bagdad. La remise d’une clé symbolique représente donc un passage de souveraineté, sur le modèle des clés des villes remises au Moyen Âge ou l’époque moderne au nouveau maître. Pourtant, cette cérémonie est doublement symbolique : les troupes américaines sont toujours en Irak, et elles y sont moins nombreuses que les milices de mercenaires privés, engagées par les grandes compagnies pétrolières. La souveraineté des autorités irakiennes est donc toujours limitée. Document 4 Le rôle des puissances émergentes dans le dossier iranien La fin de la Guerre froide et l’émergence d’un monde multipolaire expliquent le développement de relations bi- ou multilatérales qui s’écartent des orientations américaines ou onusiennes. Alors que les États-Unis ont renforcé leur présence dans la région après la guerre en Irak de 2003, d’autres puissances développent des liens privilégiés avec l’Iran pour échapper à la mainmise américaine sur les ressources énergétiques. Outre la Turquie, le Brésil et la Suède, mentionnés dans le texte, la Chine développe aussi dorénavant des relations privilégiées avec l’Iran. Document 5 L’accord de Genève sur le nucléaire iranien Toute la difficulté de la question du nucléaire iranien réside dans la finalité supposée de cette énergie nucléaire. D’un côté l’Iran a officiellement le droit de développer du nucléaire civil, mais la maîtrise de cette technologie lui permettrait de développer aussi du nucléaire militaire, ce qui est contraire aux traités 58

de non-prolifération des armes nucléaires signés par un grand nombre d’États dont l’Iran. Réponses aux questions 1. L’auteur met en lumière les liens personnels que les dirigeants des États-Unis avaient avec l’industrie pétrolière. Il affirme donc que les décisions américaines ont été déterminées par l’inquiétude visà-vis de l’Arabie Saoudite avec laquelle l’alliance historique pourrait être un jour remise en question. 2. Après les interventions militaires directes, les États-Unis tentent de passer le relais dans la région à des dirigeants qui leur soient favorables. 3. À part l’Iran, puissance régionale locale, ce sont toutes les grandes puissances qui tentent de contrôler les gazoducs et oléoducs de la région : Russie, Chine, États-Unis et Union européenne. 4. Si l’Iran se dotait de l’arme nucléaire, cela bouleverserait les équilibres de pouvoir dans la région. Israël ne serait plus le seul pays à l’avoir et à pouvoir menacer ses ennemis de représailles massives nucléaires. Ce sont donc à la fois des puissances régionales comme la Turquie, et des puissances extérieures qui jouent les médiatrices : Turquie, Brésil et Suède. 5. À part la Chine, absente apparemment des négociations de Genève, l’accord a pu voir le jour grâce aux pressions de la Russie, des États-Unis et des trois premiers États de l’Union Européenne (Allemagne, GB, France), dont les deux derniers siègent au Conseil de Sécurité de l’ONU. P. 126-127 Étude Le rôle croissant des identités religieuses Cette double page d’étude est destinée à faire prendre conscience que la religion n’est pas une donnée permanente, essentielle. Ce sont les discours qui lui donnent plus ou moins d’importance. Durant la Guerre froide, les discours et programmes politiques, lisaient le monde à travers une grille bi-polaire — États-Unis vs URSS, capitalisme vs marxisme, économie de marché vs économie collectiviste, démocraties libérales vs démocraties populaires —, et les luttes menées partout dans le monde se rattachaient d’une manière ou d’une autre à cet antagonisme. L’effondrement du bloc soviétique et la disparition de la puissance qui incarnait l’un des deux grands systèmes d’organisation sociale et politique, ont rendu caduques toutes les grilles de lecture antérieures. En outre l’Union soviétique, qui avait soutenu tous les mouvements révolutionnaires partout dans le monde, cesse à partir de ce moment de devenir le point de référence de nombreux contestataires. Or la révolution islamique d’Iran en 1979 propose une alternative : l’islam politique. Quoique s’étant déroulée dans un pays chiite, cette révolution influence aussi les mouvements politiques de l’Islam sunnite.

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Document 1 La révolution islamique en Iran En 1979, la population iranienne se révolte contre le régime autoritaire du Shah d’Iran et contre sa police secrète. Or le Shah est soutenu par les États-Unis. La CIA d’ailleurs n’a pas hésité à intervenir en 1953 pour renverser le gouvernement de Mossadegh qui ne leur était pas favorable et voulait nationaliser les compagnies pétrolières. L’ambassade américaine à Téhéran est encerclée par des manifestants qui en retiennent les occupants en otage pendant plus d’un an, malgré une tentative de sauvetage qui tourne au fiasco. Des mises en scène sont organisées pour faire avouer aux membres de l’ambassade qu’ils espionnaient au profit des États-Unis. Il s’agit d’un des premiers usages de la télévision et des images dans ce contexte-là. Document 2 Un nationalisme islamiste, le Hamas Pendant près de deux décennies, le mouvement national palestinien a été incarné par l’OLP avec Yasser Arafat à sa tête. Chassé du Liban par l’armée israélienne et par l’armée syrienne, Yasser Arafat se réfugie en Tunisie à partir de 1982. Dans les territoires occupés, son leadership apparaît lointain et son combat inefficace après la guerre du Liban menée par Israël. Apparaît alors un nouveau mouvement de résistance nationale, dont la création est favorisée par Israël qui y voit un moyen de marginaliser Yasser Arafat et l’OLP dont la légitimité internationale s’est progressivement imposée. Le Hamas, dont l’acronyme en arabe signifie « Le mouvement de résistance islamique », se rattache aux Frères musulmans, un courant de réislamisation et de réforme des mœurs, fondé en Égypte en 1928 par Hassan al-Bannâ’. Le Hamas refuse de reconnaître la légitimité de l’existence de l’État d’Israël qui s’étendrait sur des terres considérées comme islamiques (plutôt qu’arabes). Il s’inscrit dans la continuité de la grande révolte arabe de 1936-1939 contre l’occupant britannique et contre l’immigration juive en Palestine (art. 7). Grâce à l’intégrité de ses dirigeants et à son action sociale locale en faveur des pauvres, des femmes, des orphelins, le Hamas, classé comme organisation terroriste par Israël et les ÉtatsUnis, a gagné en 2006 les élections législatives en Palestine, ce qui a provoqué une grave crise politique dans les Territoires occupés. Document 3 Israël, « État juif » Depuis quelques années, un courant essaie de marginaliser la minorité arabe d’Israël. Cette minorité de citoyens arabes (18-20 % de la population israélienne) est considérée comme une cinquième colonne et des partis extrémistes israéliens réclament leur expulsion. C’est dans cette optique que s’inscrit le projet de constitutionnaliser le caractère juif de l’État d’Israël. Cette idée est soutenue par le gouvernement de droite au pouvoir en Israël. L’article présenté du quotidien Ha’Aretz, connu pour ses positions de 59

gauche en faveur de la paix entre Israéliens et Palestiniens, présente le point de vue laïc opposé à la confessionnalisation de l’État. Document 4 Une vision exclusivement « religieuse » du monde Les origines de l’organisation terroriste al-Qaida remontent à la guerre menée par les Afghans contre les troupes soviétiques qui ont envahi le pays en 1979. Soutenus, armés et financés par les Américains, des mujâhidîn (combattants de la foi) arrivent en Afghanistan depuis de nombreux pays musulmans pour lutter contre les communistes athées soviétiques. Parmi eux, probablement Oussama Ben Laden, héritier d’une riche famille saoudienne. Après l’effondrement de l’URSS, les États-Unis abandonnent les mujâhidîn qui se retournent alors contre leurs anciens parrains. Dès 1993 a lieu un attentat, revendiqué par le mouvement, contre le World Trade Center à New York. Les idéologues du mouvement ont proclamé le djihad (la « guerre légale », c’est-à-dire au regard du droit islamique) contre les Américains et leurs alliés israéliens, sous prétexte qu’ils occupent les lieux saints de l’Islam, en Arabie Saoudite et en Israël. On lit, sous-jacente à la rhétorique religieuse (« croisés-sionistes », « musulmans »), une critique économique et financière de la politique américaine de contrôle des ressources en hydrocarbures des pays du Proche et Moyen-Orient. Ces ressources du soussol sont considérées comme un cadeau de Dieu. Document 5 Des islamistes dans la guerre civile syrienne Le gouvernement des Asad en Syrie est un gouvernement de minorités. Comme en Irak à l’époque de Saddam Hussein, c’est une famille appartenant à une minorité, religieuse-culturelle, qui dirige un pays dont la majorité de la population appartient à un autre groupe. En Syrie, ce sont les Alaouites, d’origine chiite, qui gouvernent en s’appuyant sur les autres minorités, dont les chrétiens. En Irak, avant 2003, c’était l’inverse, une minorité sunnite, soutenue par les chrétiens, dirigeait un pays dont la majeure partie de la population était chiite. Or les Alaouites ne sont pas considérés comme musulmans par les sunnites et ils ont mené depuis les années 1970 une politique plutôt « laïque », même si le terme est imparfait pour désigner le système politique baathiste, c’est-à-dire arabe, laïc et officiellement socialiste. Depuis la mort de Hafizh alAsad en 2000, c’est son fils Bachar qui a pris sa succession. Progressivement s’est mis en place à la tête de l’État un système clientéliste qui a monopolisé les richesses du pays. Dans un premier temps, la population s’est révoltée contre ce système autoritaire et peu redistributeur, indépendamment des appartenances confessionnelles. Mais l’influence des États du Golfe, sunnites, a joué un grand rôle dans la confessionnalisation du conflit. Le Golfe a envoyé des ressources à ceux qui défendaient l’islam politique : frères musulmans et djihadistes. De Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

nombreux pays du monde, des combattants sont venus soutenir leurs « frères » sunnites. Réponses aux questions 1. La prise d’otage est destinée à punir les États-Unis d’avoir soutenu la dictature du Shah et d’être intervenu dans la politique intérieure du pays. La mise en scène est destinée à humilier la plus grande puissance militaire et économique du monde. 2. À partir des années 1980 et surtout 1990, les différents protagonistes du conflit israélopalestiniens invoquent de plus en plus souvent des motivations d’ordre religieux, plus que nationaux, pour justifier leur combat ou pour définir leurs identités mutuelles, alors même que les populations concernées sont diverses. 3. Les débats en Israël pour définir ou non Israël comme « État juif » révèlent la pression que les religieux exercent de plus en plus sur la politique. Cela est un risque pour la démocratie car cela lie la citoyenneté à l’appartenance religieuse et soumet les lois, censées être votées démocratiquement à une loi supérieure, celle de Dieu. Une telle décision permettrait au gouvernement de traiter les citoyens non juifs (les Arabes israéliens) qui n’ont déjà pas exactement les mêmes droits, en citoyens de « seconde zone » et établirait ainsi une hiérarchie constitutionnelle entre citoyens. 4. Le discours d’Oussama Ben Laden s’adresse au monde entier, mais plus particulièrement aux musulmans qui voudraient s’engager à ses côtés dans la guerre qu’il mène contre les États-Unis et Israël, désignés comme « croisés-sionistes », c’est-à-dire réduits à leur dimension religieuse : le terme croisé renvoie aux Croisades du Moyen Âge, et donc à un épisode chrétien de l’histoire méditerranéenne, et le terme sionisme renvoie aux juifs, dans leur mouvement de « retour » en Terre sainte. 5. En Libye, en Syrie (pour le doc. 5), en Irak aussi, dès que l’autorité étatique faiblit dans une région, les mouvements islamistes, certains plutôt démocratiques, d’autres violents et militaires, tentent de s’imposer et participent aux événements destinés à renverser les autorités en place pour imposer un régime s’inspirant d’un des nombreux droits musulmans. En général, il s’agit du droit hanbalite/wahhabite, en vigueur dans les monarchies du Golfe et en Arabie saoudite et particulièrement rétrograde. P. 128-129 « Indignés »

Étude

« Printemps

arabe »

et

Les analystes et « spécialistes » des relations internationales ont le plus souvent été naïfs face à l’essor de la rhétorique religieuse et ils ont eu tendance à enfermer l’ensemble du monde musulman dans une identité religieuse qui aurait tout expliqué. La vigueur du mouvement qui débute à la fin de l’année 2010 en Tunisie et s’étend rapidement à l’ensemble des pays arabes, en débouchant parfois 60

sur la chute des dictateurs locaux, dément l’image d’immobilisme des sociétés du Proche et MoyenOrient. Bien souvent la rhétorique religieuse adoptée par les hommes politiques a masqué les évolutions profondes des sociétés de la région. Document 1 2010 : géographie des événements La carte montre l’extension du « Printemps arabe » qui a fait vaciller, voire tomber, de nombreux régimes, qui se serrent les coudes. L’intervention saoudienne à Bahreïn est à cet égard caractéristique, alors que la monarchie saoudienne était affectée aussi par le mouvement : les chiites des zones pétrolières et les femmes y ont manifesté pour exiger une réforme des institutions et des pratiques politiques. Après la chute de Ben Ali en Tunisie, de Moubarak en Égypte, le renversement de Kadhafi en Libye par les troupes européennes, et le départ du Président Saleh du Yémen, c’est Bachar al-Assad qui doit affronter une révolte de pans entiers de la population. La répression menée par le régime est en train de conduire le pays à la guerre civile. Document 2 Les changements démographiques Document 3 Alphabétisation et fécondité Ces deux documents ont l’intérêt de montrer la complexité des phénomènes et les liens existant entre structures familiales et politiques, et alphabétisation. L’alphabétisation des hommes, puis des femmes avec quelque retard, conduit à l’augmentation du taux d’activité féminine (traditionnellement très bas dans les sociétés arabes, iranienne et turque) et en même temps au contrôle de la natalité. La maîtrise du corps, de la sexualité et de la reproduction par la femme, ce dont témoigne l’effondrement des indices de fécondité dans tous les pays du monde, se traduit par une évolution des équilibres et des tâches au sein des familles. Ce processus a des conséquences politiques : avec moins d’enfants, les familles ont des attentes supérieures pour les générations futures. Elles sont attentives à l’éducation, à la santé, à la sécurité et à la justice sociale. Elles tolèrent d’autant moins l’iniquité et l’arbitraire de systèmes non démocratiques où domine la corruption. Document 4 Les manifestations d’« Indignés » en Israël Le « Printemps arabe » se conjugue en fait à l’échelle planétaire avec une « indignation » face aux excès du capitalisme et aux inégalités croissantes entre pauvres et riches. Alors que la sécurité d’Israël et les différents conflits étaient considérés par le gouvernement israélien comme la préoccupation principale de la population du pays, l’ampleur des manifestations d’« indignés » a surpris le gouvernement, dans un système politique qui, quoique démocratique, a laissé la corruption se répandre. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Document 5 Le Koweït touché par le « Printemps arabe » Une des caractéristiques du « Printemps arabe », c’est qu’il ne recouvre plus seulement des contestations de nature sociale et économique, comme il y en a eu de nombreuses dans les différents pays arabes, en période de crise. Le Koweit est un des États les plus riches du monde, où la pauvreté concerne uniquement la main-d’œuvre étrangère immigrée cantonnée aux tâches domestiques (femmes de ménage, nounous, etc.) ou techniques (ouvriers spécialisés). Or même dans ce contexte, la population s’est levée et a manifesté pour obtenir une réforme du système en exigeant plus de démocratie et une participation croissante à la vie politique du pays. Réponses aux questions 1. L’alphabétisation et l’évolution démographique des pays arabes rendent insupportables la corruption et le manque de démocratie. Responsabilisés au niveau individuel, les citoyens supportent mal d’être dépourvus de tous droits au niveau politique. 2. Ces deux mouvements contestent le mode de fonctionnement des sociétés et remettent en cause le partage des richesses, la corruption et l’ensemble du système social. 3. La lutte contre la corruption, pour un fonctionnement plus démocratique des régimes politiques et un partage plus équitable des richesses animent ces mouvements. 4. Finalement tant le discours nationaliste panarabe, que la rhétorique islamiste, ont contribué à favoriser la « contagion », de même que l’histoire partagée, depuis la colonisation jusqu’aux indépendances récentes, et la nature autoritaire de tous les régimes en place (malgré de nombreuses différences). 5. De manière générale, les pouvoirs en place ont tendance à réprimer les manifestations. Pourtant leur ampleur a conduit à l’exil de Ben Ali en Tunisie, à l’arrestation de Moubarak et de sa famille en Égypte, à l’exécution de Kadhafi en Libye et au départ de Saleh au Yémen. En revanche, la répression est violente au Bahreïn, en Arabie Saoudite et surtout en Syrie. 6. Ce vaste mouvement révèle la conscience et la maturation politiques des populations et des sociétés du Proche et du Moyen-Orient. P. 1306131 BAC Composition Sujet 12 Proche et Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale Réponses aux questions Exercice 1 1. Le Moyen-Orient est la région qui s’étend des rivages orientaux de la Méditerranée aux frontières de l’Inde. Le Proche-Orient se limite plus spécifiquement aux pays qui bordent l’est de la Méditerranée et on utilise souvent ce terme pour 61

désigner la Palestine quand on parle du « conflit du Proche-Orient ». 2. Quels sont les différents facteurs qui font du Proche et du Moyen Orient une zone de conflits permanents depuis 1945 ? 3. Quels motifs poussent les grandes puissances à intervenir dans cette région ?

2. Le retrait des troupes américaines d’Irak voulue par Obama montre une évolution de la politique américaine vers un certain désengagement.

Exercice 2 I. Le Proche-Orient est une zone de conflits entre peuples, notamment depuis le plan de partage de la Palestine en 1947 et la création d’Israël en 1948 1. Les enjeux question palestinienne au sortir de la Seconde Guerre mondiale 2. Les conflits israélo-arabes II. Le Proche et le Moyen-Orient sont un enjeu entre les États-Unis et l’Union soviétique à partir des années 1950 1. La région s’inscrit dans la politique de containment des États-Unis (quels sont ses alliés dans la région ?). 2. La Russie tente de s’y faire des alliés pour étendre son influence dans le Tiers-Monde et avoir accès aux mers chaudes (prendre l’exemple de son soutien à l’Égypte). 3. À partir de 1973, les conflits échappent au contrôle des deux Grands. III. Les rapports de forces ont évolué dans cette région stratégique pour l’approvisionnement en pétrole depuis la première guerre du Golfe en 1991 1. L’hégémonie américaine après la fin de l’URSS en 1991 et sa stratégie de contrôle de l’approvisionnement en pétrole 2. La montée de nouveaux enjeux, religieux notamment

Réponses aux questions Exercice 1 Le texte s’organise selon le plan suivant : - Lignes 1 à 8 : l’Irak se pose en leader du nationalisme arabe. - Lignes 9 à 16 : Tarek Aziz ne reconnaît pas la légitimité des frontières du Koweït, construites arbitrairement par les Britanniques lors de la période coloniale. - Lignes 17 à 33 : le Koweït mène une politique qui menace les intérêts pétroliers de l’Irak.

1. Le Proche et le Moyen Orient constituent un foyer de conflits car la région est stratégique sur les routes de commerce et du fait de sa richesse en hydrocarbures. Son contrôle a donc toujours été convoité par les grandes puissances. Elles ont tenté d’instrumentaliser les différends dans la région. Aussi les conflits de l’après-guerre ont été marqués en réaction par le nationalisme. Or c’est davantage la religion qui est maintenant brandie pour justifier les nouveaux conflits dans la région.

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P132 BAC Analyse de document Sujet 13 Les tensions au Moyen-Orient en 1990

P. 133 BAC Analyse de document Sujet 14 Le Moyen-Orient, une région instable Plan possible 1. Une zone où interviennent les grandes puissances -interventions des puissances coloniales : l’enjeu de Suez et la crise de 1956 - les interventions soviétiques (en Afghanistan) et américaines (Guerre du Golfe) 2. Une mosaïque de religions, d’ethnies, de régimes politiques et des frontières établies parfois arbitrairement - Des langues diverses - Les trois grandes religions monothéistes - Des frontières souvent établies par les anciens colonisateurs - Ces facteurs entremêlés entraînent des conflits (Guerre Iran/Irak et conflit du Proche-Orient) 3. Le contrôle des gisements de pétrole : un enjeu majeur - Les principales ressources en pétrole concentrées autour du Golfe persique… - … ce qui explique le souci des États-Unis de contrôler cette zone (invasion de l’Irak)

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Chapitre 6 Gouverner la France depuis 1946 LA DÉMARCHE DU CHAPITRE L’État-nation, modèle d’organisation politique, est le produit d’une longue construction historique marquée par l’étape fondamentale de la Révolution française. Après 1945, cet État-nation a été renforcé par la mise en place de l’État-providence et par les politiques keynésiennes qui privilégient l’échelle de l’économie nationale, d’autant plus que l’échelle nationale triomphe avec la disparition de l’empire colonial. Mais depuis les années 1970, les fondements de l’État-nation ont été remis en cause par la crise de l’État-providence et par la mondialisation. Dans le même temps, les évolutions sociales et culturelles ont contribué à transformer l’idée de nation. La question de l’État en France est centrale car c’est lui qui a construit la nation. Cette spécificité explique en partie pourquoi la remise en question du rôle de l’État peut y provoquer des résistances et susciter une crise d’identité. Dans cette perspective, ce chapitre vise à comprendre les conceptions de l’État et de son rôle, de sa manière de gouverner le pays, d’exercer son autorité et de prendre ses décisions face à la société française et à son évolution. Ainsi, il s’agit d’analyser le rôle de l’État dans la construction du sentiment national par sa politique scolaire, l’instauration du suffrage universel ou encore du service militaire obligatoire ; les concepts d’égalité, d’intérêt général, de recrutement au mérite sont autant d’éléments d’identité nationale, héritage du XIXe siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, le lien social est renforcé par la mise en place de l’État-providence qui étend ses missions dans le domaine de la santé, de la sécurité sociale, du travail, de l’éducation, mais aussi de la culture. D’ailleurs, plusieurs gouvernements tentent d’apaiser les tensions sociales, particulièrement après les événements de mai 1968 : la nouvelle société de Jacques Chaban-Delmas par exemple. D’autre part, par ses politiques keynésiennes adoptées à la Libération, l’État est aussi devenu un acteur économique majeur. Par les nationalisations après la Libération, la création du commissariat au Plan en janvier 1946, l’État se présente comme le principal promoteur de la modernisation du pays. La V e République n’est pas en reste, et l’État gaulliste se veut entrepreneur, favorisant la concentration des entreprises et lançant de grands programmes industriels (nucléaire, aérospatial ou informatique). Autre héritage de l’histoire de la construction étatique, la centralisation administrative (ou jacobinisme) doit également faire l’objet d’une analyse. L’expansion administrative se poursuit après la Seconde Guerre mondiale et s’accompagne d’une accentuation de la rationalisation de l’administration avec la création de l’École nationale d’administration (ENA) en 1945 et le statut de la fonction publique en 1946. Elle renforce l’influence des hauts fonctionnaires. La IVe République voit l’apparition des hauts fonctionnaires caractérisés par leurs compétences administratives et techniques, les technocrates. Ils investissent les sommets de l’État sous la Ve République (ainsi Valéry Giscard d’Estaing est le premier énarque élu président de la République). Leur influence contribue au renforcement de l’exécutif. À partir des années 1970, l’État est remis en cause par la mondialisation et la construction européenne qui réduit la souveraineté nationale dans le domaine économique. L’État cesse de s’identifier à l’intérêt général et est accusé d’être inefficace et coûteux. Il n’est plus la solution, mais le problème. Ainsi, l’État abandonne une partie de ses compétences : mouvement de privatisations d’entreprises publiques à partir de 1986, mais aussi politique de décentralisation qui permet à l’État de déléguer certaines de ses charges aux collectivités locales à partir des lois Deferre de 1982-1983. Pour autant, ce retrait de l’État français n’est pas linéaire, car il a suscité et suscite aujourd’hui encore des résistances (les résultats aux référendums sur l’Europe ont prouvé par exemple qu’une partie importante des Français reste attachée à la souveraineté de l’État). Il faut donc nuancer le recul de l’État. Son poids reste considérable, comme l’indique par exemple le poids des prélèvements obligatoires depuis 30 ans. L’État continue de jouer un rôle majeur, y compris dans l’économie, et il a réorienté son action vers de nouveaux domaines comme l’environnement. Son activité législative et réglementaire s’est étendue. Cela correspond à une demande de la population qui, tout en demandant plus d’efficacité à l’État, attend toujours de lui une protection, ce qu’on appelle l’État de « rassurance ». BIBLIOGRAPHIE - Philippe Bezes, Réinventer l’État, les réformes de l’administration française (1962-2008), PUF, 2009. - François Burdeau, Histoire de l’administration française du XVIIIe au XXe siècle, Montchrestien, 1994. - Jean Garrigues, Sylvie Guillaume, Jean François Sirinelli (dir.), Comprendre la Ve République, PUF, 2010. - Pierre Ronsavallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Le Seuil, 1990. - Dominique Schnapper, La Communauté des citoyens, Gallimard, 2003. - Michelle Zancarini, Christian Delacroix, La France du temps présent, 1945-2005, Belin, 2010. SITOGRAPHIE - Le site de l’Assemblée nationale : www.assemblee-nationale.fr - Le site du Sénat : www.senat.fr - Le site de l’ENA présente les anciens élèves, son histoire… : www.ena.fr - Le site du ministère de l’Intérieur met en ligne les textes et des dossiers sur la décentralisation : www.interieur.gouv.fr - Le site institutionnel de la Réforme de l’État : www.modernisation.gouv.fr Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

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P. 136-137 Ouverture de chapitre Document 1 1946 : la Sécurité Sociale est instaurée par la loi Il s’agit ici de revenir sur une décision phare de la IVe République, héritage du gouvernement provisoire de la République française. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Conseil national de la Résistance intègre à son programme « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ». Le plan est mis en œuvre par les ordonnances d’octobre 1945. La Constitution de la IVe République crée dans son préambule une obligation constitutionnelle d’assistance financière de la collectivité envers les citoyens. La mise en place de la Sécurité sociale symbolise l’État-providence dans une France en grande difficulté économique aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale (destructions, problèmes de logements et de parc industriel, problème de transports). On peut noter sur cette photographie la foule présente à cette inauguration (visiblement ouvrière) et son attention aux explications du préposé à la Caisse de Stains, en banlieue parisienne. Document 2 2008 : manifestation contre le désengagement de l’État Depuis les années 1990, mais particulièrement à partir de la crise financière de 2007-2008, l’État tente de se désengager afin de faire des économies. Des agents des huit établissements publics (Météo France, ONF, INSEE…) menacés de délocalisation ou de réduction d’effectifs manifestent par crainte d’un affaiblissement du service public. P. 138-139 Cours 1 La République depuis 1946 Il s’agit de mettre en avant les principes intangibles et la stabilité du modèle républicain. Mais il faut aussi montrer que la République a des capacités d’adaptation, qu’elle a su se moderniser, mais qu’elle doit encore relever des défis. Document 1 L’élection du Président au suffrage universel Le 20 septembre 1962, de Gaulle propose aux Français l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Réponse à la question Il s’agit pour lui de donner au président de la République, chef de l’État, la légitimité suprême (comparable à celle de l’Assemblée nationale). Il n’en a pas ressenti le besoin pour lui-même car son rôle dans la Seconde Guerre mondiale et le fait qu’on l’ait

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appelé au pouvoir en 1958 constituent une légitimité à part entière. Document 2 La cohabitation Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, l’Assemblée nationale est « opposée » au président de la République (élections législatives de 1986 qui donnent la majorité absolue à la droite). François Mitterrand ne démissionne pas et nomme Jacques Chirac Premier ministre. Or, le président de la République préside le Conseil des ministres, d’où le paradoxe d’un Conseil des ministres dirigé par un Président opposé à ses projets de loi. Il faut aussi y voir la montée en puissance du Premier ministre avec une stricte répartition des rôles : affaires intérieures au Premier ministre et affaires extérieures au président de la République. Document 3 Le quinquennat Il s’agit de mettre fin au problème de la cohabitation (1986-1988, 1993-1995, 1997-2002). En effet, Jacques Chirac a dissous l’Assemblée nationale en 1997 et les élections législatives ont donné la majorité à la gauche, d’où la nomination de Lionel Jospin comme Premier ministre. Il s’agit d’une décision qui vise à aligner sur le calendrier électoral l’élection présidentielle et les élections législatives (qui ont lieu juste après). Document 4 La Journée défense et citoyenneté Il s’agit de la page d’accueil du site internet du ministère de la Défense illustrant les Journées défense et citoyenneté qui ont remplacé le service militaire. Ces journées concernent les filles comme les garçons, à la différence du service militaire qui ne concernait les filles que si elles étaient volontaires. Elles participent à la construction de la citoyenneté (unité et non-discrimination). Le document permet d’aborder un des éléments de la construction de la nation évoquée par le programme, en complément de ce que les élèves ont vu sur la naissance de l’école républicaine en Première. P. 140-141 Étude L’ENA, l’école de l’État Les différents documents, analysés individuellement mais aussi comparés les uns aux autres, visent à définir les fonctions de l’ENA, l’évolution de la place des énarques dans l’État français, mais aussi les critiques qui remettent en question le fonctionnement de l’école et son rôle. Document 1 La nécessité de l’ENA Le projet de formation de l’ENA est conduit, après la Libération, par Michel Debré et Emmanuel Monick. Michel Debré, gaulliste et résistant, est chargé auprès du Gouvernement provisoire de la République 64

française par le général de Gaulle d’une mission de réforme de la fonction publique, dans le cadre de laquelle il crée et rédige les statuts de l’ENA dont l’idée avait été formulée par Jean Zay avant-guerre. L’ENA est créée par l’ordonnance du 9 octobre 1945 (cf. doc. 2) par le Gouvernement provisoire de la République française. Michel Debré, alors maître des requêtes au Conseil d’État et commissaire de la République à Angers, assure provisoirement la direction de l’école. La création de l’ENA visait à renouveler la classe dirigeante tout en l’adaptant aux nouvelles fonctions de l’État. Le souhait d’ouverture des élites fut limité par l’instauration du concours, certes plus égalitaire, qui préserva le passage obligé préalable par Sciences Po. Document 2 Les objectifs de l’ENA Ordonnance du 9 octobre 1945 qui crée l’École Nationale d’Administration. Document 3 Les serviteurs de l’État Il s’agit, à travers ce document iconographique, de comprendre le rôle de l’ENA comme école formatrice des futurs dirigeants français (ici Michel Rocard). On peut aussi noter la présence de femmes, certes encore largement minoritaire (10 présentes sur la photo contre 24 hommes). Document 4 Les énarques, futurs dirigeants La comparaison des deux photos, qui ont près de 25 ans d’écart, est intéressante à plusieurs niveaux : comparaison du nombre d’élèves (en nette augmentation), alors que le ratio hommes/femmes est loin de s’être amélioré, nombre de personnes ayant fait une carrière notable en tant que dirigeants de l’État. Document 5 Les critiques de l’ENA L’ENA fait l’objet de réforme depuis les années 1990. Dans un premier temps, Édith Cresson, Premier ministre, décide du déménagement de l’école à Strasbourg en 1991 (il faut attendre 10 ans pour qu’une promotion fasse toute sa scolarité à Strasbourg). Ce déménagement représente un rapprochement symbolique de l’école avec les institutions européennes. Parallèlement, depuis les années 1960, l’ENA fait l’objet de critiques : on reproche aux énarques une pensée technocratique, mais aussi à l’école de faire de la « reproduction sociale » (Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les Héritiers, 1964). L’école fait même l’objet de critique de la part d’anciens élèves comme JeanPierre Chevènement, qui édite, en 1967, L’Énarchie ou les mandarins de la société bourgeoise. La critique de l’ENA participe aux interrogations sur la société française et sur le rôle de l’État (bureaucratie, centralisation) car nombre de ceux qui gouvernent la France sont énarques. Ainsi, lors de la campagne Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

présidentielle de 2007, certains candidats comme François Bayrou proposent la suppression de l’ENA, mais la mesure semble impopulaire (d’après un sondage, seuls 27 % des sondés adhéraient à cette proposition). En janvier 2008, Nicolas Sarkozy remet en cause le principe du classement de sortie au nom de la promotion au mérite. Le 24 septembre 2008 est annoncée la suppression du classement de sortie pour 2011 et son remplacement par un « dossier d’aptitude » complété d’un entretien de recrutement. En janvier 2012, le ministre de la Fonction publique, François Sauvadet, met en place une commission de réflexion sur le classement de sortie de l’ENA. Mais en février 2012, François Sauvadet annonce qu’il renonce à déposer un amendement au vote de l’Assemblée nationale visant à permettre la suppression du classement. On pourra souligner le retour en force des énarques au gouvernement avec l’élection de François Hollande à la présidence de la République. Réponses aux questions 1. L’ENA doit apporter une formation pratique et technique aux futurs hauts fonctionnaires, tout en veillant à maintenir un enthousiasme à participer à la fonction publique. 2. Il s’agit de reconstruire l’administration française malmenée par l’occupation allemande et la période de Vichy, de restaurer la confiance des citoyens dans cette administration vivement critiquée pour sa participation à Vichy, et enfin de moderniser cette administration en lui permettant de s’adapter aux évolutions de la société française et de l’État. 3. L’ENA est fondée par le Gouvernement provisoire de la République française. 4. Les énarques se destinent à la haute fonction publique : au Conseil d’État, à la Cour des comptes, aux carrières diplomatiques et préfectorales, à l’Inspection générale des finances, au corps des administrateurs civils. Mais surtout, certains se lancent dans une carrière politique qui les mène aux conseils généraux et régionaux, aux fonctions de secrétaires d’État, de ministres, voire de Premier ministre. 5. On reproche surtout à l’ENA d’être trop académique et pas assez technique et spécialisée. On lui reproche aussi son concours d’entrée, jugé trop élitiste. Élitisme que l’on reproche aussi au classement de sortie qui permet aux mieux classés de « choisir » les postes les plus prestigieux et qui fixe de manière quasi définitive leur place dans la haute fonction publique. 6. On propose une suppression du classement de sortie, un cursus plus spécialisé (avec cinq filières), un raccourcissement du cursus et une ouverture sur le monde de l’entreprise par des stages. En revanche, le concours d’entrée n’est pas réformé.

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P. 142-143 Étude État, démocratie et opinion Document 1 Évolution de l’abstention électorale On notera que si les années 1970 (volonté d’alternance, politisation de la société plus importante après mai 1968) ont connu une certaine embellie, depuis les années 1980, l’abstention ne cesse d’augmenter. Rappel : pour les élections politiques en France, l’inscription sur les listes électorales est un droit mais aussi un devoir, car elle est en principe obligatoire (art. L9 du Code électoral). Mais le défaut d’inscription n’est soumis à aucune sanction. Certains analystes expliquent l’abstention par la nonreconnaissance du vote blanc. Ce dernier est pris en compte à partir des élections européennes de mai 2014. Document 2 La contestation en mai 1968 Le Comité d’initiative pour un mouvement populaire est composé de dissidents du PC. Mai 1968 a été l’occasion d’une grande inventivité en termes d’affichage d’opinion. Pour cette affiche, il s’agit de remettre en cause l’État policier (de Gaulle tient une matraque) qui se réfugierait derrière le modèle démocratique en flattant les électeurs. Document 3 Quand les médias jugent l’État En septembre 2012, l’élection présidentielle a eu lieu à peine 4 mois auparavant et le gouvernement est très critiqué, ce qui se ressent dans les sondages. D’où cette interrogation d’un hebdomadaire politique, Le Nouvel Observateur, pourtant classé à gauche. Document 4 Politologue et sondeur Cet extrait, tiré de l’ouvrage La Revanche de l’opinion, tend à montrer que même la recherche universitaire s’appuie de plus en plus sur les sondages, au risque de pousser le chercheur à devenir sondeur. Roland Cayrol est directeur de recherche au Centre de recherches politiques de Sciences Po et fut directeur de l’institut de sondage CSA. Document 5 Média et opinion La presse française prend l’habitude, avant un mouvement social, de faire réaliser des sondages pour savoir ce que les Français pensent de la grève, des motivations des grévistes, surtout quand la grève touche les services publics et donc les usagers. On assiste alors à une opposition entre les médias pour imposer « leurs chiffres ». Ici l’Humanité s’appuie sur un sondage CSA et le Figaro sur un sondage BVA en prévision d’une journée d’action et de grève notamment sur l’avenir du système de retraite et des régimes spéciaux. En fait, cette contradiction entre deux sondages le même jour pose le problème de l’échantillonnage, car ces échantillons sont surtout Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

représentatifs de ceux qui acceptent de répondre à ces sondages : ce qui explique le faible pourcentage de non-réponses exprimées aux questions. L’autre problème soulevé est celui de la formulation des questions et les réponses possibles proposées aux enquêtes. Ainsi, dans le cas du 17 octobre 2007, alors que le CSA prévoyait dans ses réponses proposées (« soutenaient le mouvement » 39 % ; « avaient de la sympathie » 15 % ; « y étaient opposés » 18 % ; « hostile » 8 %) que le sondé puisse être « indifférent » (17 %), BVA demandait aux sondés si la journée de grève était « tout à fait justifiée » (18 %), « plutôt justifiée » (25 %), « pas vraiment justifiée » (24 %), ou « pas du tout justifiée » (31 %) et ne prévoyait pas l’indifférence du sondé. Document 6 Gouverner en étant impopulaire ? Alain Garrigou, professeur en science politique à l’Université de Paris Ouest-Nanterre la Défense, a fondé l’Observatoire des sondages dans le but de décortiquer et de dénoncer leurs manipulations. Il est l’auteur, entre autres, du Manuel anti-sondages. La démocratie n’est pas à vendre, 2011. Réponses aux questions 1. De manière générale, l’abstention a augmenté depuis le début de la Ve République. Cela montre que de plus en plus de Français considèrent le régime parlementaire comme insuffisant voire injuste. En tous les cas, cette abstention peut être vue comme une défiance vis-à-vis de l’État et du modèle républicain. 2. Il s’agit ici d’exprimer une défiance et une méfiance vis-à-vis de la démocratie et du rôle du vote. 3. Elle vise à choquer, à interpeller le lecteur en grossissant le trait. 4. Ils ont un aspect scientifique, mathématique d’autant plus qu’ils sont utilisés par des chercheurs. 5. Chaque média veut « imposer » son chiffre comme une vérité scientifique et indiscutable. 6. L’impopularité s’installe de façon de plus en plus rapide (à peine 4 mois pour François Hollande) et pose le problème de la gouvernance et de sa légitimité : doit-on forcément être populaire pour gouverner ? En effet, l’impopularité peut être un facteur paralysant du jeu démocratique. 7. Parce que les sondages d’opinion sont devenus omniprésents et influencent les décisions politiques alors qu’ils ne reposent que sur un échantillon de sondés. P. 144-145 Cours 2 Le rôle économique et social de l’État Cette leçon revient sur le rôle de l’État-providence mis en place en 1945. Il s’agit aussi de comprendre comment l’État a participé à la modernisation de l’économie française. Enfin, il s’agit de connaître les critiques et remises en question de cet Étatprovidence. 66

Document 1 Une ambition nationale : la conquête spatiale Le 16 avril 1964, le gouvernement français décide d’installer une base spatiale en Guyane, et c’est avec la construction de cette base en 1965 que Kourou, jusqu’alors simple village, va devenir une véritable ville. Suite à l’indépendance de l’Algérie et des accords d’Évian en 1962, le CNES est dans l’obligation de quitter la base de lancement de Hammaguir. Le choix de la Guyane s’explique par l’emplacement équatorial. En effet, l’effet de fronde qui est généré par la rotation terrestre près de l’Équateur permet d’obtenir 15 % de gain de performance supplémentaire par rapport à la base de lancement de Cap Kennedy située plus au nord. De plus, la Guyane offre plusieurs avantages comme la faible densité de population et la large ouverture sur l’océan Atlantique qui permet ainsi de réduire les risques en cas de problème avec le lanceur. La façade maritime permet également de faire des lancements de satellites sur l’orbite polaire dans des conditions optimales.

processus de réforme devait se traduire par 7 milliards d’euros d’économie d’ici 2011 (nonremplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite entre 2009 et 2011 : un gain de productivité de 4 à 5 % de l’appareil d’État en était attendu). Dans ce document, Pierre Moscovici, député socialiste, fait un bilan critique de la RGPP et de ses résultats.

Document 2 La réforme de la carte judiciaire de HauteNormandie en 2010 La carte judiciaire (répartition des tribunaux en France) fait l’objet d’une réforme à partir d’octobre 2007 sous l’égide de la garde des Sceaux, Rachida Dati. Face à l’opposition au projet initial des élus locaux et des professionnels de la justice, seuls 23 tribunaux de grande instance (juridiction de droit commun en première instance : il traite les litiges qui ne sont pas spécialement attribués à une autre juridiction) sont finalement supprimés, réduisant leur nombre à 158 (pour 101 départements), 178 tribunaux d’instance sur 473 (tribunaux d’exception de premier degré traitant certaines affaires de nature civile) et 55 tribunaux de commerce sur 191 sont également supprimés. Cette réforme visait à fusionner les tribunaux afin d’améliorer les délais de traitement des contentieux, de faciliter l’accès du justiciable à la justice par la concentration des effectifs de greffe et de mutualiser les ressources humaines et les moyens. Les opposants à cette réforme lui reprochaient de ne pas résoudre les problèmes de financement de la justice en France.

Document 4 Quel modèle social français ? Le Commissariat à la stratégie et à la prospective a été créé le 22 avril 2013 (héritier du Commissariat général au plan). Directement rattaché au Premier ministre, il doit apporter son concours au gouvernement pour la détermination des grandes orientations à l’avenir de la nation, à son développement économique, social, culturel, et à la préparation des réformes décidées par les pouvoirs publics. Il établit un rapport annuel remis au président de la République, au Premier ministre et transmis au Parlement. Ses rapports sont rendus publics. Il s’agit ici d’évoquer les perspectives de l’État-Providence dont le modèle est mis à mal, entre autres, par la crise de 2007-2008.

Document 3 La RGPP vue par l’opposition La révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée à l’été 2007 par le gouvernement, consiste en une analyse des missions et actions de l’État, suivie de la mise en œuvre de projets de réformes structurelles. Il s’agit donc de réformer l’État, de baisser les dépenses publiques et d’améliorer dans le même temps les politiques publiques. En France, une grille de sept questions a été élaborée pour mener cette mise à plat : que faisons-nous ? Quels sont les besoins et les attentes collectives ? Faut-il continuer à faire de la sorte ? Qui doit le faire ? Qui doit payer ? Comment faire mieux et moins cher ? Quel doit être le scénario de transformation ? Selon le gouvernement, le Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Réponses aux questions 1. Pour Pierre Moscovici, il s’agit d’une déstructuration des services publics ayant pour but premier de faire des économies et réalisée dans l’urgence. 2. L’objectif de la réforme est de limiter les sites judiciaires (en en supprimant certains) et de concentrer ces derniers dans des pôles (Le Havre, Évreux, Rouen, Dieppe). On notera d’ailleurs que la Haute Normandie du Nord, plus rurale, est celle qui voit disparaître le plus de tribunaux au profit des sites urbains. Il s’agit de faire des économies.

P. 146-147 Étude L’affirmation du rôle de l’État (1946-1969) Cette étude vise à montrer comment l’État de la Ve République a étendu son champ d’action, principalement dans l’économie (État entrepreneur) mais aussi dans l’information, la communication et la culture. Document 1 Le rôle de l’État pour de Gaulle Après s’être retiré du pouvoir en 1969, de Gaulle rédige ses Mémoires d’Espoir en deux volumes (il n’eut pas le temps de rédiger le troisième). Le premier volume présente les différents domaines que le général eut à gérer en tant que président de la République : institutions, outre-mer, Algérie, économie, Europe, relations avec le reste du monde. Rappeler qu’il faut être critique vis-à-vis du document.

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Document 2 L’État et le territoire La DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) est une administration française chargée de préparer les orientations et de mettre en œuvre la politique nationale d’aménagement et de développement du territoire. Elle est créée le 14 février 1963. Son rôle est renforcé en 1964 et 1966 par des décrets. Document 3 L’État aménage la côte languedocienne (19631983) Tableau récapitulant la politique d’aménagement de la côte languedocienne pour le tourisme sur 20 ans (1963-1983). Au début du XXe siècle, la côte languedocienne était marécageuse et quasiment déserte. Jusqu’aux années 1960, la côte est infestée de moustiques. Pour répondre à la demande des Français et des touristes des pays du Nord, l’État entreprend son aménagement à partir de 1963 : démoustication, construction de routes d’accès et de réseaux d’eau potable. Sur 200 km de côte, construction de 12 ports de plaisance et de 7 nouvelles stations balnéaires. Document 4 L’État et la technologie Pierre Audoin est un acteur majeur de la mise en œuvre du plan Calcul et des politiques informatiques françaises jusqu’en 1975. De 1964 à 1967, il travaille au sein du Commissariat général au Plan où il conçoit et met en place les principaux éléments de la stratégie du plan Calcul. Ce dernier est lancé en juillet 1966. Il est destiné à assurer l’indépendance du pays en matière de gros ordinateurs. Ses objectifs sont de développer une industrie nationale informatique et d’en faire un élément d’une future industrie informatique européenne. Document 5 L’État et l’information Alain Peyrefitte est ministre de l’Information de 1962 à 1965, à une époque où le pouvoir politique exerce une mainmise sur le journal télévisé. Il ouvre à la modernisation et à la libéralisation de l’audiovisuel public avec notamment le développement des chaînes de télévision et la création de l’ORTF. Il est toutefois souvent présenté par l’opposition comme le « ministre de la censure ». Il s’explique en direct lors du 20 heures de Léon Zitrone : « cette formule qui supprime les commentaires pour laisser parler seulement les images ou les faits, ou alors des dialogues, marquera un progrès vers l’objectivité et la dépolitisation ». Document 6 L’État et la culture André Malraux est le premier ministre des Affaires culturelles de 1959 à 1969. Il est à l’origine d’une politique de démocratisation de la culture et de l’élargissement de l’État-Providence aux questions culturelles. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Réponses aux questions 1. L’État intervient dans le domaine énergétique, spatial, dans le domaine des transports (routes mais aussi infrastructures aériennes), dans la recherche, et dans la construction, tant de logements que de routes. Il s’agit de moderniser le pays et d’encourager l’économie. 2. La DATAR dépend du Premier ministre. Elle doit veiller à l’élaboration du plan de développement économique et social visant à l’aménagement du territoire. Elle doit veiller à l’exécution des programmes d’équipement mais aussi à l’harmonisation des aides au développement entre les régions françaises et à rééquilibrer le rapport villes/campagnes. 3. Il s’agit de répondre à la demande touristique en aménageant le littoral pour qu’il puisse accueillir le tourisme de masse. 4. C’est un projet d’envergure tant par le nombre de stations aménagées et créées que par la durée du projet. 5. L’État encadre, voire dirige la télévision publique. 6. Il étend son domaine de compétence à l’information, à la communication et à la culture. P. 148-151 Étude État, économie et société Il s’agit ici de comprendre la mise en place de l’ÉtatProvidence après 1945 et le rôle que l’État a pu jouer dans la modernisation de l’économie française pendant les Trente Glorieuses. L’étude vise aussi à analyser les critiques que l’État subit depuis les débuts de la crise économique dans les années 1970. A. UN ÉTAT INTERVENTIONNISTE Document 1 La charte du Conseil national de la Résistance (mars 1944) À partir de 1942, le comité général d’étude du CNR mène une réflexion sur la politique économique. En janvier 1944, le bureau du CNR adopte à l’unanimité une charte de la Résistance où les réformes de l’aprèsLibération sont évoquées dans un sens socialisant. Le texte final est adopté par le bureau du CNR le 15 mars 1944. C’est la deuxième partie que l’on désigne généralement sous le nom de « programme du CNR » et qui devient le guide des réformes mises en œuvre par le gouvernement provisoire, et à partir du 21 octobre 1945, par les gouvernements bénéficiant du soutien d’assemblées législatives élues.

Document 2 Propositions au sujet du plan de modernisation et d’équipement (décembre 1945) La planification en France, gérée par le Commissariat général du Plan, voit le jour en 1946 à l’initiative de Jean Monnet. Le Commissariat général au Plan fut créé le 3 janvier 1946 par le général de Gaulle. Il 68

bénéficie alors d’une sorte d’unanimité nationale. Jean Monnet est le premier à occuper ce qu’il désigne luimême comme « la fonction indéfinissable de Commissaire au Plan ». Le Commissariat général au Plan est composé de 160 personnes : 20 % de fonctionnaires et 80 % de chargés de mission contractuels. La planification française du commissariat au plan, à l’instar de celle mise en place par le régime de Vichy, est indicative et incitative, à la différence de la planification soviétique. Document 3 En 1957, un stand de la Sécurité sociale à Meaux Pendant la guerre, le Conseil national de la Résistance intègre à son programme « un plan complet de sécurité sociale ». Rapidement, la Constitution de la IVe République, adoptée par référendum, crée dans son préambule une obligation constitutionnelle d’assistance financière de la collectivité envers les citoyens, et notamment les personnes exposées aux risques sociaux les plus importants (mères, enfants, travailleurs âgés). Une fois que les principes de la Sécurité sociale sont créés, ils ont pu être élargis : – convention collective interprofessionnelle du 14 mars 1947 instituant le régime de retraite complémentaire des cadres ; – loi du 9 avril 1947 étendant la Sécurité sociale aux fonctionnaires ; – loi du 17 janvier 1948 instaurant trois régimes d’assurance vieillesse des professions non salariées non agricoles (artisans, professions industrielles et commerciales, professions libérales) ; – loi du 12 avril 1949 créant un régime d’assurancemaladie obligatoire pour les militaires et leurs familles ; – loi du 10 juillet 1952 instaurant un régime d’assurance vieillesse obligatoire des exploitants agricoles géré par la mutualité sociale agricole (MSA). Les « caisses » sont les organismes financiers qui matérialisent la Sécurité sociale. Lors de la création de la Sécurité sociale, il existait une caisse nationale unique pour les branches vieillesse, famille et maladie. Document 4 Les nationalisations en France après 1945 Une nationalisation est un transfert de la propriété privée à l’État, une substitution de la propriété publique à la propriété privée. À la Libération, trois vagues de nationalisation se succèdent : – du 13 décembre 1944 au 16 janvier 1945 : le général de Gaulle nationalise, par ordonnances notamment, les houillères (14 décembre 1944) et Renault (16 janvier 1945, sans compensation financière pour collaboration avec l’ennemi) qui devient alors une régie ; – du 29 mai 1945 au 17 mai 1946 : par une série de lois, les transports aériens (juin 1945), la Banque de France et les quatre plus grandes banques françaises (2 décembre 1945) suivent. Après le départ du général de Gaulle, le gaz et l’électricité (loi du 8 avril Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

1945) et les onze plus importantes compagnies d’assurances (25 avril 1946) sont nationalisés ; – du 23 février au 16 juin 1948 : une troisième vague de bien moindre ampleur suit. La nationalisation des banques s’est effectuée de manière rapide, afin d’éviter des mouvements spéculatifs. Le projet de loi a été déposé le vendredi 30 novembre au soir, après la fermeture de la bourse, pour être voté le 2 décembre et publié au Journal officiel dès le lendemain. Des années 1950 à 1981, le secteur nationalisé change peu. En revanche, l’État accroît ses participations minoritaires dans un nombre important d’entreprises au cours de cette période. L’élection de François Mitterrand s’accompagne d’une nouvelle vague de nationalisations indemnisées à hauteur de 39 milliards de francs. Ce plan de nationalisation figure au « programme commun de gouvernement » signé en 1972 entre le Parti socialiste, le Parti communiste français et les Radicaux de gauche et repris parmi les « 110 propositions » du candidat Mitterrand en 1981. La loi de nationalisation devient effective en février 1982 et touche de nombreux secteurs, particulièrement l’industrie (Thomson, Saint-Gobain Pont-à-Mousson, Rhône-Poulenc, Pechiney-Urgine-Kuhlmann, Sacilor, Usinor) et la finance (Paribas, Suez, CIC, Crédit du Nord, Crédit commercial de France, Banque Worms, Banque la Hénin…). En 1983, un salarié sur quatre travaille dans le secteur public. Document 5 Une économie mixte Les entreprises nationalisées qui jouent la carte de l’économie mixte, en introduisant notamment des filiales sur le marché privé dès 1983, sont privatisées suite au retour aux affaires de la droite après leur succès aux élections législatives (16 mars 1986). C’est la première fois en France qu’un gouvernement pratique des « dénationalisations ». Le krach de 1987 met un terme à cette politique de privatisation. La réélection de François Mitterrand en 1988 donne naissance à la politique du « ni-ni » : ni nationalisation, ni privatisation. En effet, François Mitterrand se fait le défenseur de l’État-providence lors de la campagne présidentielle de 1988. Réponses aux questions 1. Ces deux documents ont été rédigés dans le contexte de la Libération nationale et sous la direction du Conseil national de la Résistance, puis du Gouvernement provisoire de la République française. 2. Il s’agit de récupérer les moyens de production utiles à la nation relevant de l’énergie, des richesses du sous-sol et des grandes banques. 3. La Sécurité sociale a pour fonction de protéger les citoyens exposés aux risques sociaux les plus importants et de fournir une retraite aux travailleurs âgés. 4. L’État participe au développement de la production et des exportations, à l’accroissement de la productivité, à la reconstruction afin de fournir des logements et au développement des emplois. 69

5. Une première série suit la Libération, tandis qu’une deuxième série correspond à l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand. Les entreprises de transport, de l’énergie et des banques sont les principales entreprises nationalisées. Les nationalisations répondent à la volonté affichée dans le programme du CNR d’évincer les « grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie » et de voir revenir à la nation les « grands moyens de production monopolisés ». 6. Il s’agit d’une économie où l’État joue un rôle avec les entreprises de secteur public mais qui compte aussi un secteur privé important. Il s’agit d’une association public/privé. Pour François Mitterrand, les entreprises privées ont besoin des résultats de la recherche scientifique et technique et l’État joue un rôle majeur dans la formation et la qualification de la main-d’œuvre. B. UN ÉTAT MOINS INTERVENTIONNISTE ? Document 6 Le poids des prélèvements obligatoires en France Les prélèvements obligatoires correspondent à l’ensemble des « versements effectifs opérés par tous les agents économiques au secteur des administrations publiques […] dès lors que ces versements résultent, non d’une décision de l’agent économique qui les acquitte, mais d’un processus collectif […] et que ces versements sont sans contrepartie directe », selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), à l’origine de cette notion. Il s’agit pour l’essentiel des impôts et des cotisations sociales. En France, le taux de prélèvements obligatoires s’établit à 42,5 % du PIB pour l’année 2010 (le PIB français était de 1 946 milliards d’euros en 2010), un des taux les plus élevés des pays de l’OCDE. Le taux de prélèvements obligatoires a fortement augmenté entre 1960 et 2010, passant d’environ 30 % du PIB à environ 45 %. Pour autant, on note une légère baisse depuis la fin des années 1990. Document 7 Réduire la fiscalité et les déficits Nommé Premier ministre par le nouveau Président Jacques Chirac le jour de son investiture, Alain Juppé prononce son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale le 23 mai 1995, autour du thème de la « bataille pour l’emploi ». Document 8 Les fonctions de l’État Discours de Jacques Chirac dans un contexte de cohabitation, dans lequel il redéfinit le rôle de l’État : il préfère l’État de « rassurance » à l’État-providence. Document 9 Les privatisations La France a connu une vague de privatisation d’entreprises publiques à partir de 1986 sous le gouvernement de cohabitation dirigé par Jacques Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Chirac. Certaines de ces privatisations concernaient des sociétés fraîchement nationalisées, comme Paribas ou Saint-Gobain, à la suite de l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Ce mouvement de privatisation était au début une réaction à ces nationalisations, une sorte de dénationalisation d’inspiration idéologique, mais il a continué au cours des années, notamment sous le gouvernement de Lionel Jospin. D’autres motifs ont été avancés, principalement la pression de la politique européenne de la concurrence qui empêche le gouvernement de jouer le rôle normal d’un actionnaire en lui interdisant toute recapitalisation de sociétés en difficulté, ou simplement en phase de développement, si cela conduit à interférer dans la situation concurrentielle du secteur. Était aussi avancée la justification que l’État français est fortement endetté et que les recettes des privatisations sont un moyen immédiat de réduire la dette publique, même si cela réduit à long terme les revenus des entreprises perçus par l’État. Document 10 Un maintien de l’État-Providence Malgré cette politique de privatisations et les critiques visant l’État-providence, les décisions politiques visant à protéger les citoyens les plus fragiles (chômeurs, sans-travail, santé publique) et à réduire la durée du temps de travail (il s’agit d’augmenter le temps de loisir et donc la consommation) se poursuivent. Document 11 La défense des droits sociaux Le 15 novembre 1995, Alain Juppé présente son projet de réforme de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale. Ce projet prévoit un allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 40 annuités pour les salariés de la fonction publique afin de l’aligner sur celle du secteur privé déjà réformé en 1993 ; l’établissement d’une loi annuelle de la Sécurité sociale fixant les objectifs de progression des dépenses maladies et envisageant la mise en place de sanctions pour les médecins qui dépassent cet objectif, l’accroissement des frais d’hospitalisation, des restrictions sur les médicaments remboursables et le blocage et l’imposition des allocations familiales versées aux familles avec enfants les plus démunies, combinés à l’augmentation des cotisations maladie pour les retraités et les chômeurs et au gel du salaire des fonctionnaires. Celui-ci déclenche un vaste mouvement social dans l’ensemble du pays. Malgré le soutien apporté par la CFDT à Alain Juppé, les mouvements de grève de novembre et décembre 1995 de « défense des acquis sociaux » font, le 15 décembre 1995, céder le Premier ministre sur l’extension aux régimes publics des mesures décidées en 1993 par Édouard Balladur pour les retraites de base du secteur privé.

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Document 12 Répondre à l’urgence : le SAMU social Le but du SAMU social est de « secourir selon la philosophie de la Déclaration universelle des droits de l’homme en réaffirmant les principes de Liberté, d’Égalité, de Fraternité et de Solidarité ». Le SAMU social est financé à 92 % par l’État. Il gère l’hébergement des personnes ayant appelé le 115 en les orientant vers ses propres centres d’hébergement ou ceux d’associations partenaires. Le numéro d’urgence du SAMU social (le 115) est ainsi le point d’entrée pour les sans-abri souhaitant de l’aide. Dans chaque département, les sans-abri peuvent ainsi accéder à une permanence téléphonique ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Les « écoutants » évaluent la situation et mettent la personne en lien avec une association ou un établissement qui pourra l’héberger pour une nuit ou plus. En 2010, rien qu’à Paris, le 115 a géré l’hébergement de 21 500 personnes. Elles étaient 14 400 en 1999. Le 19 juillet 2011, Xavier Emmanuelli démissionne de la présidence suite à l’annonce de l’État de réductions drastiques des moyens alloués à l’hébergement d’urgence. Il poursuivra toutefois son action au SAMU social international. Cette décision sera suivie d’une grève des professionnels de l’urgence sociale le 2 août 2011. Réponses aux questions 7. Il lui reproche d’être trop important (employant 1 actif sur 4), trop coûteux et peu efficace. 8. D’après lui, l’État doit continuer à soutenir, à réguler et à sécuriser l’économie, mais il ne doit plus produire, entreprendre et intervenir directement dans l’économie. 9. Pour Alain Juppé, il s’agit de réduire le déficit public et de limiter l’endettement de l’État français. 10. Il tente de réduire le déficit de la Sécurité sociale et privatise des entreprises publiques pour réduire le déficit. 11. Les manifestants réclament le retrait du projet de réforme sur les retraites au nom de la défense du système d’assurance sociale. 12. L’État doit faire face à une crise économique depuis le choc pétrolier de 1973. Il doit sécuriser la société française face à cette crise qui touche plus particulièrement les plus fragiles. P. 152-153 Cours 3 Gouverner la France, c’est décentraliser Cette leçon reprend le problème encore actuel de la décentralisation d’un État unitaire et indivisible de manière chronologique en évoquant dans un premier temps les prémices de la décentralisation après la libération du territoire (doc. 1), puis dans un deuxième temps l’application d’un programme politique de décentralisation (doc. 2) pour finir sur une évocation du fonctionnement des institutions locales (doc. 3) et ses limites (doc. 4).

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Document 1 La République reconnaît les collectivités locales Dès la Constitution de 1946, l’État reconnaît l’existence des collectivités territoriales (communes et départements) tout en les replaçant dans le cadre d’une République « une et indivisible » (art. 85). Il s’agit d’expliquer le paradoxe d’une République centralisée mais qui reconnaît du bout des lèvres l’existence de pouvoirs politiques locaux. Document 2 Décentraliser Jusqu’au début des années 1980, la décentralisation politique n’a rien d’effectif. Il faut attendre les lois Deferre de 1982-1983 qui suppriment la tutelle de l’État sur les collectivités locales et qui fixent l’organisation et les règles de financement de ces nouveaux pouvoirs politiques locaux. Document 3 L’acte II de la décentralisation Ce document présente les différentes strates administratives de la France à l’exception des communes, c’est-à-dire les départements et régions métropolitains, les départements et régions d’outremer ainsi que les collectivités d’outre-mer. La Nouvelle-Calédonie, ainsi que les TAAF (Terres australes et antarctiques françaises) disposent d’un statut qui leur est propre. Réponses aux questions 1. En 1946, les collectivités locales sont reconnues par l’État ; en 1982, les lois Defferre décentralisent le pouvoir et créent les régions ; en 2004, une loi élargit les domaines de compétence des collectivités territoriales. 2. L’acte II prévoit d’élargir les compétences en matière de développement économique, de transport, d’action sociale, de logement, de santé, d’éducation. 3. On craint que le principe d’égalité républicaine sorte battu en brèche si les règles ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre. Document 4 Trente ans de décentralisation Il s’agit d’une caricature visant à dénoncer l’accumulation de réformes et d’institutions représentatives en France (commune, département, région, État, Europe). Réponses aux questions 1. Parce que les institutions représentatives s’accumulent comme autant de couches d’un millefeuilles. 2. La Commune, le Département, la Région, l’État, l’Europe. P. 154-155 Étude Gouverner la France d’outremer Cette étude vise à revenir sur le problème de la décentralisation spécifique à l’outre-mer, héritage de l’empire colonial français. Il s’agit de comprendre 71

comment ces anciennes colonies sont devenues des départements et territoires d’outre-mer, quelle place la France a laissé à ces territoires éloignés de l’Europe et quelles évolutions ont connu les revendications des collectivités d’outre-mer. Document 1 La France d’outre-mer et les pays de langue et de culture françaises Il s’agit d’une carte permettant aux élèves de prendre conscience des distances qui séparent la France métropolitaine des territoires français d’outre-mer. La carte permet également de constater que la France dispose d’une Zone économique exclusive qui couvre 8 % de la totalité des ZEE du monde. Document 2 Création des départements d’outre-mer En mars 1946, l’Assemblée constituante vote à l’unanimité la création de quatre départements d’outre-mer, faisant des habitants de ces régions des citoyens français. La décision concerne quatre territoires qui sont restés français sans interruption depuis le XVIIe siècle. Document 3 La Ve République et l’outre-mer Extrait de la Constitution qui vise à rappeler aux élèves que les départements et régions d’outre-mer relèvent d’une histoire spécifique et que l’État français s’autorise une adaptation à ces spécificités (géographiques, historiques, culturelles qui ont déjà été rappelées dans les documents précédents). Document 4 Essai atomique de Mururoa (1973) Les premiers essais nucléaires français ont lieu dans le désert algérien à partir de 1960. En 1966, le centre d’essai nucléaire est transféré sur l’atoll de Mururoa en Polynésie française. Au total, 46 essais nucléaires aériens ont été réalisés en Polynésie française jusqu’en 1975. À cette date et jusqu’en 1996, les essais seront souterrains. Après un moratoire décidé par F. Mitterrand de 1992 à 1995, J. Chirac initie une première campagne d’essais nucléaires (six au total) avant de signer le traité de Rarotonga (dénucléarisation du Pacifique sud) en mars 1996. Document 5 La contestation de l’État en Nouvelle-Calédonie Le Front de libération nationale kanake et socialiste (FLNKS) est un rassemblement de partis politiques de Nouvelle-Calédonie fondé en 1984, dont le projet est l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. En 1988, des affrontements opposent FLNKS et forces de l’ordre : un commando du FLNKS capture et prend en otage un groupe de gendarmes, puis se réfugie dans une grotte d’Ouvéa où il est assiégé. L’intervention de l’armée permet la libération des otages, mais coûte la vie à 19 indépendantistes et 2 militaires. À la suite de ces événements, les premiers accords de Nouméa sont signés en 1988. Ils mettent fin aux affrontements Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

et prévoient un référendum d’autodétermination pour 1998. On pourra envisager d’accompagner ce document d’extraits du film de Matthieu Kassovitz, L’Ordre et la Morale, 2009. Document 6 Mayotte, un nouveau département Par cette affiche électorale, il s’agit de rappeler aux élèves que Mayotte, à la suite d’un référendum en 2009, est devenue le cinquième département d’outremer en 2011. Il faut rappeler la présence française à Mayotte sans interruption depuis le XIXe siècle. La départementalisation correspond à un souhait d’une population dont les difficultés économiques ne sont pas sans rappeler celles de la Martinique d’Aimé Césaire en 1946. Réponses aux questions 1. Ce sont des terres lointaines présentes dans le monde entier, principalement sous les tropiques. 2. En créant des départements d’outre-mer, l’État français intègre les populations de Guadeloupe, Martine, Guyane et Réunion à la citoyenneté française. 3. L’outre-mer a le droit, dans un cadre strict, d’adapter les lois et règlements de la République à ces spécificités. 4. Les territoires d’outre-mer participent de la puissance française en lui fournissant des matières premières absentes du territoire métropolitain ainsi que des emplacements stratégiques dans le monde tant au niveau militaire qu’économique (cf. doc. 1). 5. L’identité française des populations d’outre-mer suscite des questionnements et des réactions diverses. Si certaines populations expriment leur attachement à la France (cf. référendum à Mayotte), d’autres souhaitent une plus grande autonomie, voire l’accès à une indépendance négociée au nom de leur identité propre. Le positionnement des populations d’outre-mer s’exprime tant par le vote que par la protestation politique voire violente. P. 156-157 BAC Composition Sujet 15 Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique Plan possible I. De 1946 aux années 1960 1. La restauration républicaine 2. L’État se dote de nouveaux outils de gouvernance 3. Les nouveaux rôles de l’État dans le domaine économique et social II. Des années 1970 au début des années 1990 1. Un État qui se décentralise 2. Un État moins interventionniste 3. La critique de l’État dans une démocratie d’opinion III. Depuis le milieu des années 1990 1. Gouverner dans un cadre européen 2. Le désengagement de l’État 3. Une intégration en panne ? 72

P. 158 BAC Analyse de document Sujet 16 Gouverner sous la cohabitation en 1986 Le document est un extrait de l’adresse au Parlement du président de la République François Mitterrand au lendemain des élections législatives remportées par l’opposition de droite (UDF et RPR). Élu président de la République le 10 mai 1981, François Mitterrand a jusqu’ici dirigé le pays avec un Parlement majoritairement de gauche. Or, les élections de mars 1986 créent une situation inédite en France : la cohabitation. Plan possible I. La cohabitation 1. Le Président nomme un Premier ministre issue de la majorité parlementaire de droite : Jacques Chirac 2. Une situation inédite qui n’est pas envisagée dans la Constitution II. L’évolution des pratiques institutionnelles 1. Le rôle du Président de la République conforté : continuité de l’État 2. Le rôle du gouvernement délimité et précisé. Conclusion : Malgré la référence à la Constitution, le Président et le Gouvernement vont devoir s’adapter et innover pour faire face à cette « nouveauté » institutionnelle. P. 159 BAC Analyse de document Sujet 17 L’État et l’opinion publique à partir de mai 1968 Réponses aux questions 1. En mai 1968, le gouvernement doit faire face à des manifestations ouvrières mais aussi étudiantes. Les « jeunes » baby-boomers réclament des réformes et un changement de société. 2. Le Garde des Sceaux est ministre de la justice et garant de l’impartialité et de l’indépendance de l’institution judiciaire. En 1974, le centriste Valery Giscard d’Estaing est élu président de la République française. 3. Éléments tirés des documents - « des devoirs et des

Connaissances

responsabilités » - un appel lancé par l’affiche

- le pavé sur l’affiche - « l’abandonner à la contestation »

- « répondre à l’attente de la jeunesse »

- « la volonté de changement de réforme, qui anime l’action du gouvernement »

jeunes de moins de 21 ans - Les années 1960, dans le contexte du baby-boom, voient l’émergence d’une nouvelle catégorie sociale : les jeunes. Ils réclament davantage de droits et de visibilité dans la société. Les moyens utilisés par les jeunes dans leur contestation - En mai 1968, les étudiants dans la rue (manifestations parfois violentes) et par voie de tracts et d’affiches. Les aspirations des étudiants en mai 1968 Ils contestent l’organisation patriarcale de la France gaullienne et réclament davantage de libertés et de démocratie. Les grandes réformes dans le domaine social mises en œuvre par le gouvernement en 1974 - Le nouveau Président Giscard d’Estaing décide l’abaissement de la majorité à 18 ans, reconnaît de nouveaux droits aux femmes, etc.

4. Plan possible I. Un État remis en cause par les jeunes 1. Les jeunes ne peuvent pas voter et s’exprimer politiquement 2. Ils s’expriment donc par la manifestation et la contestation II. L’État tente de répondre aux aspirations de la société 1. Les aspirations de la jeunesse 2. Les réformes du gouvernement de Valery Giscard d’Estaing (droit de vote, élargissement des droits sociaux)

Les revendications des

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Chapitre 7 Une gouvernance européenne depuis 1992 LA DÉMARCHE DU CHAPITRE Dans l’optique du programme de série S, il ne s’agit pas d’aborder la construction européenne dans la longue durée. On pourra s’appuyer sur la double page de cartes pour rappeler toutefois comment, depuis la Seconde Guerre mondiale, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), puis les traités de Rome ont été des moments fondateurs. Le chapitre se centre sur la période des vingt dernières années, marquées par la mise en place d’une gouvernance politique et économique – qui tranche avec une construction européenne sectorielle depuis les années 1950 (douanières, agricoles…) –, mais aussi par les débats et les divisions sur l’Europe. Deux temps sont dégagés dans le chapitre : celui qui démarre avec le traité de Maastricht qui accroît une intégration politique rendue nécessaire par l’élargissement à l’Est ; celui des 10 dernières années où l’Europe est confrontée à la fois à la montée de la défiance des citoyens, de l’euroscepticisme, et aux défis de la crise financière. BIBLIOGRAPHIE - Yves Bertoncini, Thierry Chopin, Anne Dulphy, Sylvain Kahn et Christine Manigand (dir.), Dictionnaire critique de l’Union européenne, Armand Colin, 2008. - Marie-Thérèse Bitsch, Le Couple franco-allemand et les institutions européennes, Bruxelles, Bruylant, 2001. - Marie-Thérèse Bitsch, Histoire de la construction européenne, Éditions Complexe, 2003. - Gérard Bossuat, Les Fondateurs de l’Europe unie, Belin, 2001. - Bernard Bruneteau, Histoire de l’idée européenne au premier XXe siècle à travers les textes, Armand Colin, 2006. - Élisabeth du Réau, L’Idée d’Europe au XXe siècle. Des mythes aux réalités, Bruxelles, Éditions Complexe, 1996. - Jean-Michel Guieu, Christophe Le Dréau, Jenny Raflik, Laurent Warlouzet, Penser et construire l’Europe (19191992), Belin, 2007. - Jean-Michel Guieu et Christophe Le Dréau (dir.), Le Congrès de l’Europe à La Haye (1948-2008), Bruxelles, éditions Peter Lang, 2009. - Robert Frank, « L’histoire de l’Europe : l’histoire d’un problème et une histoire du temps présent », dans Vingtième siècle. Revue d’histoire, juillet-septembre 2001. - Bertrand Laude, L’Europe en construction depuis 1945, Ellipses, 2004. - Nicolas Levrat, La Construction européenne est-elle démocratique ?, La Documentation française, 2012. - Wilfried Loth (dir.), La Gouvernance supranationale dans la construction européenne, Bruxelles, Bruylant, 2005. - Gilbert Noël (dir.), Penser et construire l’Europe (1919-1992), Atlande, 2007. - François Roth, Robert Schuman. Du Lorrain des frontières au père de l’Europe, Fayard, 2008. SITOGRAPHIE - Le site de l’Union européenne (voir notamment l’espace Enseignants) : europa.eu - Le site du Conseil de l’Europe : www.coe.int - Le site de la Fondation Schuman : www.robert-schuman.eu - Le CVCE, plateforme multimédia sur l’Europe (nombreux documents iconographiques notamment) : www.cvce.eu - Le site de l’eurofound sur les conditions de vie et de travail en Europe : http://www.eurofound.europa.eu - Le site de Notre Europe – Institut Jacques Delors, un think tank européen : http://www.notre-europe.eu P. 162-163-65 Ouverture de chapitre Les deux documents mis en vis-à-vis illustrent deux moments-clés, bornant les efforts pour mettre en place et faire vivre une gouvernance européenne pendant la seconde partie du XXe siècle. Ils opposent les espoirs de 1948, à la Haye, aux doutes de 2013 alors que l’Union européenne (UE) traverse une crise économique majeure et doit faire face à de multiples critiques qui portent sur la faiblesse démocratique de son fonctionnement. L’Europe de La Haye est un projet, une ambition, un espoir, mais également un lieu de débats, parfois acharnés, entre fédéralistes et unionistes. En 2013, le dessin de Nicolas Vadot souligne l’impuissance d’une Union désormais à 28 à se fixer des règles communes, à répondre aux défis économiques et démocratiques qui lui sont lancés. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Il s’agit donc de montrer des contrastes, certes, mais aussi la continuité des débats sur la teneur de cette Europe à construire. Document 1 1992 : le traité de Maastricht divise l’opinion publique européenne Le traité sur l'Union européenne marque une nouvelle étape dans l'intégration européenne puisqu'il permet le lancement de l'intégration politique. Il crée une Union européenne qui comporte de trois piliers : les Communautés européennes, la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la coopération policière et judiciaire en matière pénale (JAI). Sa ratification divise profondément les opinions publiques et les Etats. La négociation du traité a été 74

l’objet de tractations intenses, principalement entre La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Ce dernier est réticent depuis son adhésion à la CEE à une évolution vers le fédéralisme et reste attaché à sa souveraineté monétaire. Par ailleurs, le Royaume-Uni a toujours cherché à éviter l’émergence d’un pouvoir politique puissant en Europe. Le gouvernement a donc âprement débattu pour obtenir des dérogations sur la partie consacrée aux droits sociaux et sur la question monétaire. Sous la pression de son opinion publique, mais aussi du fait de sa vision de l’Europe, le Royaume-Uni a également imposé que le traité prévoit que les décisions sociales et fiscales ne puissent être prises qu’à l’unanimité. Document 2 2013 : une nouvelle adhésion dans une Europe en crise Le 1er juillet 2013 marque la fin du processus d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, une histoire débutée 10 ans plus tôt. La République de Croatie devient ainsi le 28e État membre de l’UE. Les longues négociations se sont ouvertes en octobre 2005 et s’achèvent par la signature du traité d’adhésion le 9 décembre 2011. Ce texte est alors soumis à référendum : le peuple croate l’approuve certes à 66,27 %, mais le taux de participation très faible (43,51 %), reflétant les doutes et les désillusions de la population croate. Le symbole est pourtant fort : après la Slovénie (en 2004), la Croatie est le 2e État issu de la République fédérale de Yougoslavie, dont l’effondrement au début des années 1990 avait marqué l’Europe confrontée à ses incohérences et son impuissance, à intégrer l’Union. La caricature est réalisée par Nicolas Vadot, publiée dans L’Écho, un quotidien belge francophone destiné aux élites économiques du pays, au lendemain de la signature du traité d’adhésion de la Croatie en décembre 2011 dans la capitale belge. L’état de ruine dans lequel se trouve la maison européenne ne peut pas ne pas faire penser à la destruction de la Yougoslavie pendant la guerre, interrogeant, par là, le parcours de la Croatie qui s’est relevé de la ruine de la guerre pour entrer dans une Union en crise. La crise qui touche l’Europe n’est pourtant pas militaire. Elle est d’abord économique. Surnommée « crise de la dette », elle touche d’abord, dès le début de l’année 2010, l’économie grecque, puis rapidement celle de l’Irlande. Le Portugal, Chypre, mais aussi l’Italie et l’Espagne sont frappées à des degrés divers. Les mesures d’austérité et de contrôle que l’Union européenne impose mettent les pays et les populations sous tension. La situation de la Croatie elle aussi soumise aux exigences de réformes de l’UE n’est guère plus enviable avec un taux de chômage de plus de 18 % au moment de l’adhésion après plusieurs années de réformes nécessaires pour obtenir l’adhésion.

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P. 164-165 Cartes L’élargissement de l’Europe continent Cette double page ambitionne de souligner la diversité de la notion d’Europe et du projet d’Europe politique au cours du second XXe siècle. Loin d’être l’histoire nécessaire de l’apparition de l’Union européenne, ces trois cartes montrent les évolutions du projet européen, de son périmètre et de sa nature. Carte De la CEE des 6 à l’UE des 28 Les définitions de l’Europe sont multiples. Au début du XXIe siècle, l’Europe politique en vient à épouser les frontières de l’Europe géographique. Les frontières de l’Union ne vont certes pas de l’Atlantique à l’Oural, mais 28 pays la composent, ce qui ne laisse que peu de pays à l’ouest de la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine. Seules la Norvège (en 1972 et 1994) et la Suisse (dont les citoyens repoussent en 1992 un Espace économique européen commun) ont refusé de rejoindre l’Union. Cet élargissement a été progressif. Six pays (l’Italie, l’Allemagne, la France, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg) fondent la CECA, puis la CEE en 1957. Cette « petite Europe », centrée à l’ouest du continent, attire à elle de nouveaux pays en plusieurs vagues. Le saut quantitatif le plus important est celui des années 2000 où, en 2004 puis en 2007, l’Union passe de 15 à 27 membres. La Croatie rejoint l’Union en 2013. Pour autant, les difficultés de négociations et les divergences de visions politiques sont à l’origine de multiples sous-ensembles qui complexifient l’Europe politique et économique. La monnaie unique européenne, forme importante d’intégration, ne concerne à sa création que onze pays, rejoints progressivement par six autres. La Grande-Bretagne ou la Pologne restent notamment à l’écart. L’espace Schengen (libre circulation des personnes) concerne 26 pays qui ne sont pas tous membres de l’Union européenne (comme la Suisse). Carte D’autres organisations régionales européennes L’Union européenne ne constitue pas la seule force de structuration de l’Europe, y compris dans le domaine politique. Les deux cartes de la page 277 abordent deux exemples. Le Conseil de l’Europe est fondé en 1949 par le traité de Londres, dans la continuité du congrès de La Haye. Il rassemble à sa fondation dix États (indiqués en bleu sur la carte). Son siège est à Strasbourg. Après la disparition du socialisme réel, la quasi-totalité des pays du continent européen le rejoint. Il compte aujourd’hui 47 États membres (seule la Biélorussie n’y participe pas), dont des pays aux limites du continent comme le Kazakhstan, la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan ou la Turquie. L’un de ses principaux objectifs est de promouvoir les droits de l’homme. Ses instruments sont la Convention européenne des droits de l’homme (1950) que se charge de faire appliquer la Cour européenne des droits de l’homme (1959). Celle-ci joue un rôle fondamental dans la construction d’un 75

espace commun européen fondé sur les mêmes valeurs. Le nombre des recours devant la Cour européenne croît de façon significative depuis le début du XXIe siècle. Elle a rendu plus de 15 000 arrêts depuis sa création, qui visent essentiellement cinq États : la Russie, la Turquie, la Pologne, la France et l’Italie (pour des statistiques plus précises, on pourra consulter le site de la cour : www.echr.coe.int). L’OTAN, organisation militaire destinée à assurer la sécurité du bloc occidental face aux Soviétiques et à leurs alliés pendant la Guerre froide, poursuit son existence même après l’élimination de la menace dont il était censé protéger (dissolution du pacte de Varsovie en juillet 1991). Une partie des anciennes démocraties populaires et des républiques de l’exURSS rejoignent l’Alliance atlantique. En 1999, c’est le cas de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque. En 2004, l’Alliance se rapproche plus encore des frontières de la Russie et intègre la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Elle couvre désormais, elle aussi, la quasi-totalité du continent européen. D’autres pays ont également entamé des démarches, mais la Russie qui craint un isolement diplomatique et politique y est très hostile : c’est notamment le cas de la Géorgie et de l’Ukraine, qui a d’ailleurs renoncé à son adhésion. Les perspectives de rapprochement de l’Ukraine et de l’OTAN ne sont d’ailleurs pas étrangères à l’acuité de la crise que rencontre ce pays depuis la fin 2013. La solidarité atlantique, particulièrement importante pour les anciens membres du pacte de Varsovie, interroge sur les limites de l’autonomie d’une politique étrangère européenne commune, comme ce fut le cas au moment de la guerre contre l’Irak de Saddam Hussein en 2003. P. 166-167 Cours 1 Les enjeux d’une Europe élargie (1922-2004) Penser l’Europe à l’échelle du continent devient une ambition majeure avec l’effondrement des démocraties populaires en 1989, puis celui de l’URSS en 1991. Cela pose rapidement de graves problèmes de gouvernance : les mécanismes de prise de décision ne peuvent pas être les mêmes à 6, à 12 ou à 25. Les enjeux sont donc majeurs pour les Européens partagés entre leur souhait de cicatriser les blessures de la Guerre froide, en intégrant le plus possible de nouveaux membres et l’incapacité à véritablement décider la forme politique future de l’Europe. Cette leçon aborde donc les difficultés de l’UE à prendre les dimensions du continent européen. Document 1 La création de l’Union européenne en 1992 Le traité de Maastricht est l’aboutissement de la relance de la construction européenne depuis les années 1980, relance dans laquelle Jacques Delors a joué un rôle important. L’Acte unique signé en 1986, est le premier traité qui comporte des dispositions Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

communautaires (supranational). Il est dû en grande partie à Delors qui a souhaité relancer le processus d'intégration européenne après la période d'« euroscepticisme » qui avait suivi les chocs pétroliers des années 1970. L'Acte unique a modifié les traités de Rome de 1957 qui instituait la Communauté économique européenne (CEE), en a approfondi les objectifs et a ouvert la voie à la réalisation du marché unique, fixé à la fin de 1992. Le processus d’intégration et de libéralisation s’accélère à la fin des années 1980 puisqu’en avril 1989, la Commission européenne propose l’Union économique et monétaire, ce qui lance le processus de création de l’Union européenne et du traité de Maastricht, signé en 1992. Réponses aux questions 1. Le traité de Maastricht vise plusieurs objectifs : démocratique en renforçant le rôle du parlement européen, économique en complétant la zone de libre-échange par un marché unique, donc doté de règles communes (le traité reprend l’Acte unique de 1986). 2. Il élargit donc les compétences de l’Union en matière monétaire en envisageant une monnaie unique (l’euro) et prévoit également la mise en place d’une politique étrangère commune. Document 2 Immigrants retenus à la frontière de l’espace Schengen entre l’Autriche et la Slovaquie, 2001 Les difficultés à parvenir à des accords qui associent tous les États membres conduisent à la multiplication d’accords à géométrie variable. Les accords de Schengen ne rassemblent pas tous les États de l’Union : ils prévoient la libre circulation des individus à l’intérieur de l’espace délimité par les États signataires, mais également le renforcement des contrôles aux frontières. La Slovaquie ne rejoindra l’UE qu’en 2004. En 2001, la frontière entre l’Autriche et la Slovaquie est donc l’une de ces frontières extérieures renforcées entre l’espace Schengen et le reste de l’Europe. Attirés par la prospérité européenne, ces immigrants illégaux sont arrêtés par les gardes-frontières. Document 3 Polonais fêtant leur entrée dans Schengen en 2007 La Pologne, elle, intègre l’UE en 2004, mais Schengen en décembre 2007. Pour ces jeunes Polonais, cela signifie la fin des contrôles à la frontière allemande et la possibilité de se déplacer dans l’ensemble de l’espace Schengen. Réponse à la question Les accords de Schengen prévoient la libre circulation des personnes dans l’espace délimité par les pays signataires. Ce qui ne signifie pas toute l’Europe. Un titulaire d’un visa « Schengen » pourra passer sans 76

contrôle de France en Allemagne ou aller jusqu’en Pologne. En revanche, il peut avoir besoin d’un visa supplémentaire pour rejoindre le Royaume-Uni. Cette liberté de déplacement peut attirer vers l’Europe des migrants illégaux. C’est en tout cas le procès régulièrement fait par ses détracteurs aux opposants aux accords de Schengen qui regrettent notamment que les pays concernés ne contrôlent plus totalement l’admission sur leur territoire. Document 4 Rénover l’OTAN Il s’agit du onzième sommet des chefs d’État de l’OTAN qui se tient à Londres les 5 et 6 juillet 1990. C’est un sommet important puisqu’il se déroule après la disparition du bloc communiste qui constituait la raison d’être de l’Alliance. À cette occasion, les chefs d’État et de gouvernement publient ce texte, intitulé « Déclaration sur une Alliance de l’Atlantique nord rénovée ». P. 168-169 Étude La directive européenne sur l’immigration Au cœur de l’acte politique et démocratique se trouve la loi. Au niveau européen, on ne parle pas de loi, mais de directive. L’initiative de ces directives revient exclusivement à la Commission. Après une procédure complexe, la directive, si elle est adoptée, doit être traduite en droit national et devient alors une loi de chacun des pays de l’Union. Cette étude cherche à présenter le rôle de chacun des acteurs européens dans ce processus politique. Elle se fonde sur l’histoire d’une directive très contestée, dite « directive retour », qui porte sur les questions d’immigration. Les débats qui ont entouré l’adoption de ce texte permettent de bien comprendre le rôle de chacun. Document 1 Le Conseil européen fixe une politique commune Le Conseil européen (la réunion des chefs d’État et de gouvernement) fixe une politique qu’il appartient à la Commission de mettre en œuvre. Il fixe le cadre général de l’action de la Commission. La question de l’immigration et de l’asile politique est abordée lors du sommet de Tampere en octobre 1999. Ce texte est un extrait de la conférence de presse du Président Chirac qui rend compte des conclusions. Les termes qu’il utilise sont très généraux. La France, à cette époque, est en situation de cohabitation : le Premier ministre Lionel Jospin est socialiste. Document 2 Une directive contestée Manifestation organisée à Paris en juin 2008 au carrefour de l’Odéon, à la veille du vote de la directive. Le texte produit par la Commission vise à harmoniser les règles de séjour et d’expulsion des étrangers et prévoit des conditions de rétention pouvant aller jusqu’à 18 mois et des bannissements pour 5 ans. On reconnaît au centre de la photographie Annick Coupé, l’une des porte-parole du syndicat SUD (Union Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

syndicale solidaires) qui appelait à la manifestation tout comme la Ligue des droits de l’homme et d’autres organisations membres du collectif « Unis contre une immigration jetable ». Le nombre de manifestants témoigne d’une faible mobilisation citoyenne, malgré de très nombreux articles publiés dans la presse en 2008. Document 3 Vote de la directive par le Parlement européen, 18 juin 2008 La directive est votée par le Parlement européen à Strasbourg le 18 juin 2008. La droite a massivement voté en faveur du texte (PPE et libéraux). Les socialistes européens étaient divisés : 33 députés PSE ont voté pour, 48 se sont abstenus et 89 ont voté contre, dont les Français. Les Verts/ALE et les communistes de la Gauche unitaire européenne ont voté contre. Lors du vote, des députés de gauche affichent leur opposition au texte en brandissant des affiches sur lesquelles on peut lire le slogan « No to the return directive » (« Non à la directive retour »). Document 4 Le contenu de la directive Le texte présente les principaux points de la directive qui a été adoptée. Il doit servir à réfléchir au fond de la question et permettre d’expliquer la mobilisation citoyenne et politique dont témoignent les documents 2 et 3. Au cœur des protestations se trouve la durée « maximale » de rétention, donc de privation de liberté, fixée par la directive (qui peut atteindre 18 mois). En France, avant la directive, cette durée maximale était alors de trente-deux jours. La directive n’impose pourtant pas à la France de modifier son texte, plus « favorable aux clandestins ». Le texte prévoit également une interdiction de séjour de cinq ans sur tout le territoire européen pour les clandestins expulsés. Le texte reprend cependant l’argumentation de ses inventeurs, en insistant sur la facilitation du retour et sur le fait de la nécessaire harmonisation des conditions entre les différents pays européens. Document 5 Le texte de la directive Il s’agit d’un extrait de texte officiel qui permet de comprendre les acteurs et les procédures en jeu. Le schéma du document 6 reprend en partie les informations de ce texte. Il importe de distinguer le Conseil européen (des chefs d’État et de gouvernement), la Commission, le Parlement et le Conseil de l’Union européenne (des ministres des gouvernements des pays membres). Dans son article 63, le traité d’Amsterdam de l’Union rappelle que « le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 67, arrête, dans les cinq ans qui suivent l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, des mesures relatives à la politique d’immigration, dans les domaines suivants : […] immigration clandestine et séjour irrégulier, y compris le rapatriement des personnes en séjour irrégulier ». Le 77

Conseil fixe donc le cadre : le texte le rappelle dans son premier point en se référant aux conseils de Tampere et de Bruxelles. L’initiative de la directive appartient à la Commission qui fait une « proposition ». Le texte est alors élaboré par la Commission, le Parlement et le Conseil de l’Union au cours d’une procédure complexe. L’extrait aborde, dans sa seconde partie, les justifications des mesures en insistant sur la nécessaire harmonisation européenne. Document 6 De la directive européenne à la loi française Ce schéma synthétise la procédure européenne d’élaboration et de vote des directives, puis leur transposition en droit national. On note l’absence de flèche entre les deux premières cases. Le monopole de l’initiative reste entre les mains de la Commission européenne. L’élaboration de la directive se fait par un processus de navette entre le Parlement et le Conseil de l’Union européenne sur la base de textes proposés par la Commission. Les délais peuvent être très longs. Une fois le texte adopté par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne, il doit être, dans des délais fixés par la directive elle-même, mais pas toujours respectés, transposé en droit national. On peut suivre les étapes de cette procédure sur un site dédié. Pour la directive objet de cette étude : http://www.europarl.europa.eu Réponses aux questions 1. Les acteurs institutionnels d’une directive sont le Conseil européen (réunion des chefs d’État et de gouvernement de l’Union, créé en 1974 et se réunissant deux fois par an, sauf cas exceptionnels), la Commission européenne (composée d’un commissaire par État membre pour un mandat de cinq ans), le Conseil de l’Union européenne (instance de réunion des ministres des gouvernements des pays membres de l’Union) et le Parlement européen (députés élus au suffrage universel direct depuis 1979). 2. À l’origine de la directive, on trouve le Conseil européen, qui fixe le cadre général de la politique, et surtout la Commission européenne qui dispose d’un droit d’initiative. 3. Le Parlement européen vote la directive après l’avoir éventuellement amendée. 4. Les objectifs proclamés de la directive sont d’harmoniser les législations européennes en fixant des règles « horizontales » qui s’appliquent donc à tous les pays membres en donnant une dimension européenne aux décisions prises concernant le séjour, l’interdiction d’entrée et de séjour prise dans un pays s’appliquant aux autres. Il s’agit également de favoriser le retour des clandestins et l’intégration des immigrés légaux. 5. Le projet est contesté par des associations et des partis politiques à la fois dans la rue (manifestations), dans les médias (publication de nombreuses tribunes libres, dont une du Président Evo Morales de Bolivie) Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

et au Parlement, où une partie de l’opposition de gauche a voté contre. 6. Plusieurs points sont contestés, notamment la question de l’allongement de la durée de rétention des étrangers à 18 mois, et celle d’une interdiction de séjour pouvant aller jusqu’à 5 ans. D’autres points sont également contestés, comme la question du droit aux soins. 7. Le Parlement français vote une loi, le 16 juin 2011, qui insère dans le droit français l’ensemble du contenu normatif de la directive européenne et qui assure une compatibilité entre les nouvelles normes et le droit existant. P. 170-171 Étude L’Europe des citoyens ? L’histoire de la construction européenne et du projet d’une Europe politique est le plus souvent pensée et racontée du point de vue des élites et des décideurs. Cette étude est l’occasion de s’intéresser au rôle des populations, à leurs réactions et à leurs avis face à une Europe qui s’est jusqu’ici très largement construite par le haut. Outre l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct effective depuis 1979 (doc. 6), les populations sont essentiellement consultées à l’occasion des adhésions à l’Union européenne (doc. 3) ou lors de la ratification de traités modifiant substantiellement la teneur de cette Union (doc. 1, 2, 4 et 5). Plus récemment, l’initiative citoyenne européenne (doc. 7) cherche à associer plus encore les citoyens européens au fonctionnement des institutions. Avec quel impact ? Document 1 La participation aux élections européennes La participation aux élections européennes est en baisse depuis celles de 1979 (le taux est alors d’à peu près 62 %). Le graphique cache de grandes disparités entre les pays. Ainsi il ne faudrait ne pas surestimer le taux d’abstention français comme on le fait souvent. En effet, la France et l’Allemagne sont dans la moyenne européenne et suivent son évolution. Seuls la Belgique, le Luxembourg et l’Italie connaissent des taux de participations élevés en Europe. À l’inverse, le taux de participation aux Pays-Bas n’a jamais dépassé 40 % depuis 1994, loin derrière la France, sans parler des pays d’Europe de l’Est très bas, ce qui participe à la chute de la participation au niveau européen aux élections de 2004 et 2009. Document 2 Des citoyens plus ou moins impliqués Le document illustre l’extrême hétérogénéité des taux de participation aux élections de 2009. Elle s’explique d’abord par la diversité des systèmes constitutionnels : dans certains pays de l’UE, le vote est obligatoire. C’est le cas par exemple en Belgique (le taux de participation est en 2009 de 90,39 %) ou au Luxembourg (90,75 %). Ce taux n’est supérieur à 50 % que dans 9 pays sur les 27 qui organisent les élections. Il est particulièrement faible dans les nouveaux États membres : 28 % en 78

République Tchèque, 36,3 % en Hongrie, 19,64 % en Slovaquie. Cela illustre le désintérêt de ces populations pour l’Union européenne et l’action politique. Le taux de participation est également très faible dans les pays membres depuis plus longtemps des communautés européennes puis de l’Union : France (40,63 %), Allemagne (43,3 %) ou Grande-Bretagne (34,7 %). Le taux de participation est alors à l’échelle des 27 pays membres de 43 %. C’est un taux relativement faible si on le compare à des élections nationales (aux législatives de 2007, l’abstention en France est d’environ 40 %). Le désintérêt des populations pour un parlement au fonctionnement complexe et doté de peu de pouvoirs est patent. Document 3 « Saisir notre peuple de la question européenne » Le débat autour de la ratification du traité de Maastricht divise largement les familles politiques françaises. Si les partis de droite (RPR et UDF) soutiennent le Oui, certains hommes politiques s’y refusent : Philippe Seguin, avec Charles Pasqua, est de ceux-là. Député, il réclame dans ce discours prononcé le 5 mai 1992 un référendum. C’est le choix que fait le Président Mitterrand en juin de la même année. Philippe Seguin insiste dans ce texte sur la nécessité de donner la parole au peuple. On peut noter à la fin de l’extrait une allusion au positionnement de Jacques Chirac, pourtant auteur de l’appel de Cochin, président du RPR, en faveur du Oui à Maastricht. Document 4 Démocratie directe ou participative ? Le traité de Maastricht est ratifié différemment selon les pays. Trois d’entre eux (la France, l’Irlande et le Danemark) font le choix de consulter directement leurs citoyens en organisant des référendums. Pour les autres pays, la ratification adopte la procédure parlementaire, jugée plus sûre. Document 5 Le rejet du Traité constitutionnel européen en France Le référendum sur le traité constitutionnel est décidé par J. Chirac en 2005, comme 9 autres des 25 pays signataires. La campagne une fois encore divise la classe politique et le camp du non, qui finit par l’emporter, est aussi politiquement hétérogène que le camp du Oui (qui rassemble l’essentiel des socialistes et de la droite modérée). Front national, MPF ou RPF mobilisent l’opposition de droite. Le non de gauche est porté dans la campagne officielle par le PCF, mais de nombreuses personnalités socialistes, comme Laurent Fabius, jouent un rôle essentiel. Sur cette photo, on voit une manifestante se réjouir de la victoire du Non (54, 67 %). La place de la Bastille est un lieu traditionnel de rassemblement de la gauche. La jeune fille porte placardée la Une du Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

journal L’Humanité et on remarque des drapeaux d’ATTAC, association contre le libéralisme économique. Document 6 L’initiative citoyenne européenne Face au déficit démocratique de la construction européenne que les différents référendums ont manifesté, tout comme la baisse constante de la participation aux élections européennes, les dirigeants européens, lors du traité de Lisbonne, ont mis au point le mécanisme de l’ICE. Il s’agit de permettre aux citoyens d’avoir une certaine initiative sur les directives européennes, sous conditions contraignantes (précisées dans l’extrait). La Commission peut alors donner suite, ou pas, à la demande des citoyens européens. Officiellement, les premières ICE auraient pu apparaître début 2012. Ce n’est pas encore le cas. Le site de la Commission est instructif : ec.europa.eu Réponses aux questions 1. Les citoyens européens sont directement consultés lors des procédures d’adhésion à l’Union, lors des élections au Parlement européen (doc. 2) et lors des référendums organisés à l’occasion des modifications des traités européens (doc. 3, 4 et 5). 2. La participation des Européens aux élections du Parlement est en baisse régulière. On peut y voir une forme de désaffection (qui se retrouve dans les élections nationales), mais aussi un effet de la crise économique et la traduction du sentiment d’une Europe bureaucratique, lointaine et dont on connaît mal le fonctionnement. 3. Les pays du Sud, ainsi que la Belgique et le Luxembourg ont des taux de participation élevés. Ce sont soit des pays anciennement intégrés dans la CEE, soit des pays pour lesquels la construction européenne a contribué à consolider la démocratie (Espagne) et à doper les exportations. À l’inverse ce sont les pays d’Europe orientale, les plus récemment entrés dans l’UE, qui ont un taux faible. Ces pays voient la montée de mouvements nationalistes et populistes et c’est moins de l’Europe que des ÉtatsUnis (à travers l’OTAN notamment) que ces pays attendent une protection. 4. En France, la ratification du traité de Maastricht a fait l’objet d’un référendum. 5. Toutefois, seuls la France, le Danemark et l’Irlande ont adopté cette procédure. Dans les autres pays les étapes de la construction européenne sont validées par le Parlement. Le référendum permet une participation plus active des citoyens et l’organisation d’un débat ; toutefois il peut, comme lors de celui sur le projet de constitution en 2005, révéler la défiance des peuples. 6. Conscients de ce décalage entre la classe politique et les citoyens, l’Union européenne a mis en place, par le traité de Lisbonne, l’initiative européenne citoyenne : les citoyens peuvent faire des 79

propositions à la Commission européenne sous certaines conditions. 7. Les rejets par référendum ne signifient pas nécessairement la mort des textes proposés qui, parfois modifiés, sont de nouveau soumis aux peuples réfractaires, comme lors du deuxième vote danois sur Maastricht. De nouveaux textes, pas nécessairement ratifiés par référendum, sont élaborés. Enfin, la procédure d’ICE, tout comme les pouvoirs du Parlement européen, est d’une portée extrêmement limitée. P. 172-173 Cours 2 Une Europe en panne ? Les hésitations et les impasses (2004-2012) Les élargissements successifs de l’Europe (en 2004, l’Union compte 25 membres) posent des problèmes majeurs de gouvernance. Comment faire fonctionner ce vaste ensemble ? Comment prendre des décisions ? Le projet de traité constitutionnel, rejeté en 2005, tentait de répondre à ces questions. Passant outre ce premier refus des populations européennes, un nouveau traité, signé à Lisbonne, permet alors de donner de nouvelles règles de fonctionnement à l’Europe-continent. Pour autant, toutes les questions ne trouvent pas de réponse : faut-il continuer à s’élargir ? Jusqu’où ? La question des frontières de l’Europe, notamment celle de l’adhésion de la Turquie, est ainsi régulièrement posée. Les crises de la dette qui frappent l’Europe depuis 2011 posent une nouvelle fois la question de la réactivité des institutions européennes, de leur viabilité. Faut-il coordonner les efforts à l’échelle de l’Union ? La zone euro est-elle le bon niveau d’action ? Chaque pays peut-il disposer de son autonomie ou doit-il respecter les règles édictées par l’Union ? Ces hésitations, ces doutes, ces questions, et les réponses qui leur sont apportées marquent l’Europe des dernières années. Document 1 Plus d’Europe face à la crise Le document proposé est un article de Jean Quatremer, le correspondant permanent du journal Libération à Bruxelles. Europhile, il tient notamment un blog, très apprécié, très lu et parfois contesté : http://bruxelles.blogs.liberation.fr. Cet article est publié en 2011, à la suite du conseil du 21 juillet pendant lequel les dirigeants européens tentent de faire face à la crise provoquée par la dette grecque. Les Européens décident de réagir de façon coordonnée en proposant une restructuration partielle de la dette (l’annulation de certaines créances) et une aide coordonnée des autres états membres, sous conditions drastiques. Le Fonds européen de stabilité financière voit son rôle renforcé. La solidarité manifestée par les États européens cherche à faire face au risque de contagion à d’autres économies fragilisées. La coordination des efforts est Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

généralement saluée à la fois par les marchés et par le journaliste dont le compte rendu est assez positif. L’action de la « troïka » (délégation de la Commission européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne) reste néanmoins très contestée en Grèce même et fait l’objet de nombreuses manifestations. Document 2 La défiance à l’égard de l’UE Il s’agit d’une carte publiée dans Le Figaro fondée sur des statistiques de l’Eurobaromètre. La Commission européenne dispose en effet depuis 1973 d’un secteur d’analyse qui effectue un suivi régulier de l’opinion publique. Il s’agit ici des résultats de l’enquête (la 78e de ce type) menée entre le 3 et le 18 novembre 2012 dans 34 pays ou territoires. Plusieurs questions sont posées sur les domaines économiques, sociaux et institutionnels. La carte illustre les réponses relatives à la confiance dans les institutions politiques européennes. Les résultats sont assez hétérogènes : le taux de défiance à l’égard de l’Union varie entre 24 % (la Bulgarie) et 81 % en Grèce. Il reste plus modéré dans les nouveaux États membres de l’est du continent (moins de 50 %), mais dépasse la barre des 50 % dans tous les pays fondateurs de la CEE. De façon générale, ce niveau de défiance est en nette augmentation depuis le début de la crise (souvent en hausse de plus de 15 %). Cette dégradation ne concerne pas que les pays du Sud directement touchés par la crise, mais aussi certains pays du Nord (Hollande, Suède…). Réponse à la question C’est dans les pays du sud de l’Europe les plus touchés par la crise de la dette que cette défiance progresse le plus (+ 41 % en Espagne, + 39 % en Grèce). Document 3 Voter oui pour mieux dire non à la Turquie La tribune est publiée dans le quotidien conservateur Le Figaro pendant les débats sur la ratification du Traité constitutionnel européen en 2005. Ses signataires sont des parlementaires UMP (notamment Richard Mallié, Georges Fenech, Claude Goasguen, François Grosdidier, Eric Raoult, André Santini ou Guy Teissier). Ces députés refusent l’idée d’entrée de la Turquie dans l’Union. Ils prônent le vote du TCE pour pouvoir refuser cette adhésion. D’autres forces politiques s’opposent, elles, à la fois à l’adhésion de la Turquie et à au TCE (c’est notamment le cas du Front national). Réponses aux questions 1. Le texte affirme l’incompatibilité du projet politique européen et de ses valeurs avec la Turquie, en insistant notamment sur les droits de l’homme et la question confessionnelle.

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2. Il s’agit d’un texte publié pendant la campagne référendaire pour l’adoption du Traité constitutionnel européen. Document 4 Le désir d’Europe de la Turquie Recep Tayyip Erdogan est le Premier ministre turc depuis 2003. Il appartient à l’AKP, le parti de la justice et du développement qu’il a fondé, un parti conservateur démocrate. Dès son arrivée au pouvoir, il affirme vouloir faire entrer la Turquie dans l’Union européenne. Il obtient en décembre 2004 du Conseil européen la promesse de l’ouverture de négociations d’adhésion pour octobre 2005 (la candidature avait été formellement déposée en avril 1987). Le texte d’Erdogan est donc publié dans Le Figaro pour poursuivre le débat ouvert avec le document précédent. Erdogan affirme une fois encore son projet européen. Il multiplie notamment les références occidentales et européennes (le Président américain Kennedy, le poète français Paul Valéry) pour séduire ses lecteurs. Erdogan doit notamment faire face aux accusations d’islamisme après la victoire de l’AKP, aux élections de 2002. Ses adversaires en Turquie insistent sur la menace qu’il ferait peser sur la laïcité. P. 174-175 Étude Ambitions et échecs d’une puissance mondiale) Document 1 1992 : la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) Le traité de Maastricht institue la politique étrangère et de sécurité commune : c’est l’un des « trois piliers » que définit le traité avec les institutions communes et une coopération renforcée en matière pénale. Le texte néanmoins est particulièrement nuancé pour ne pas donner l’impression de concurrencer l’alliance atlantique (OTAN) qui reste l’instrument de défense de l’Europe (voir notamment l’article 14). L’objectif « le moment venu » d’une « défense commune » est affirmé, mais semble lointain. La PESC en 1992 reste une politique intergouvernementale : aucune structure européenne spécifique n’est prévue. Il s’agit donc bien de coordonner une position que tous s’engagent à respecter. Document 2 Une Europe impuissante, 1992 Le caricaturiste Fritz Behrendt publie l’essentiel de ses dessins dans les journaux germanophones comme le Frankfurter Allgemeine Zeitung ou le Tagesspiegel, mais certaines de ses caricatures franchissent les frontières : il publie également aux Pays-Bas, comme c’est le cas ici. Il illustre dans ce travail l’impuissance de la communauté internationale face au conflit qui oppose les différents États de l’ex-Yougoslavie à la suite du démembrement de cet État (en juin 1991, la Slovénie et la Croatie déclarent leur indépendance, Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

reconnue en décembre par l’Allemagne puis en janvier par les autres pays européens). La guerre éclate sans que l’Europe ne sache agir, en prévenant ou en stoppant le conflit. Les deux personnages représentés illustrent les belligérants. Les initiales JNA désignent l’armée fédérale yougoslave qui intervient contre les républiques sécessionnistes.

Document 3 2004 : l’EUFOR en Bosnie L’EUFOR (European Union Force) est une force opérationnelle de l’Union envoyée en 2004 en Bosnie pour succéder aux forces de l’OTAN dans l’exrépublique yougoslave. Les 7 000 soldats, placés sous commandement britannique, étaient chargés de veiller à l’application des accords de Dayton (décembre 1995) et d’assurer la sécurité en BosnieHerzégovine. Leur nombre est approximativement le même que celui des soldats de l’OTAN. Pour certains Européens qui restent en place, le changement, politiquement et symboliquement important, consiste donc simplement à changer les moyens d’identification, notamment sur les véhicules comme le montre la photo. Les effectifs de l’EUFOR en Bosnie sont depuis lors progressivement réduits (600 soldats actuellement). Un petit contingent de soldats de l’OTAN reste néanmoins présent en Bosnie et est en charge de la chasse aux criminels de guerre. Document 4 Un haut représentant pour les Affaires étrangères et de sécurité Une nouvelle étape d’intégration des politiques étrangères des pays membres est franchie avec l’institution d’un Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la sécurité par le traité d’Amsterdam. Son premier titulaire sera Javier Solana, un socialiste espagnol. Ancien ministre des Affaires étrangères, Solana reste très proche des Américains : il est ancien boursier Fulbright (1965) et ancien secrétaire général de l’OTAN (1995-1999), notamment au moment des bombardements en Serbie (mars 1999). Il occupe ces fonctions jusqu’en 2009. Le traité de Lisbonne renforce l’importance de ce haut représentant en fusionnant les deux postes de Haut représentant et de Commissaire aux relations extérieures. Il s’agit de renforcer la visibilité de l’UE : elle dispose donc d’un représentant unique, qui n’a pourtant pas le monopole de la représentation. Vice-président de la Commission, sa nomination doit être ratifiée par le Parlement européen. Il dispose en outre d’un « Service européen pour l’action extérieure » pour appuyer sa politique : cela représente environ 1 600 fonctionnaires. Actuellement, c’est Catherine Ashton qui a été nommée pour 5 ans.

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Document 5 Le silence européen face au Printemps arabe Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre belge, intervient devant le Parlement européen au moment des révolutions populaires en Afrique du Nord (les « printemps arabes »). Il souligne l’inefficacité de la nouvelle institution, prévue par le traité de Lisbonne, du Haut représentant pour les Affaires étrangères. Catherine Ashton est ainsi durement mise en cause pour son inactivité, son absence de visibilité. Verhofstadt insiste également sur l’absence de véritable réaction commune européenne. Catherine Ashton n’est qu’un élément de cette politique sans parvenir à la diriger et à la représenter. C. Ashton est déjà violemment critiquée au moment de sa nomination : on lui reproche son manque d’expérience et de charisme. Verhofstadt est membre de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (Centre droit) et est un fédéraliste convaincu (fondateur du groupe Spinelli au Parlement européen).

débloque une aide humanitaire importante et est représentée au niveau international par le Haut représentant. 4. La politique étrangère reste une prérogative importante des États membres, ce qui laisse peu d’autonomie à l’échelon européen. L’action du Haut représentation pour la politique étrangère et la sécurité est ainsi très largement bornée. L’importance maintenue de l’Alliance atlantique est l’autre limite de l’action européenne.

Document 6 2012 : l’aide financière à la Syrie À défaut d’une action politique véritablement coordonnée, l’Union européenne dispose d’un budget d’intervention conséquent. Elle est le principal contributeur international : 615 millions en 2013 (l’action est poursuivie : le document date de 2012). Il s’agit essentiellement d’aide aux réfugiés qui transite par les « partenaires de l’Union », des ONG ou des agences de l’ONU, comme l’UNICEF. Au total, en additionnant les aides communautaires et celles des différents pays européens, l’aide européenne à la Syrie se monte à 2,6 milliards d’euros en 2013. Le dossier n’est pas géré par le seul Haut représentant, mais également par la Commissaire européenne chargée de l’aide humanitaire.

Sujet 19 Les citoyens et la gouvernance politique européenne

Réponses aux questions 1. La politique étrangère reste d’abord l’apanage de chacun des États membres. Depuis le traité d’Amsterdam, les États affirment leur volonté de se coordonner au sein du Conseil européen et nomment un Haut représentant pour la politique étrangère. Celui-ci voit ses pouvoirs et ses moyens renforcés par le traité de Lisbonne. Pourtant, il peine véritablement à incarner cette politique commune. D’autres structures jouent un rôle également important comme l’OTAN. Le premier Haut représentant est un ancien secrétaire général de l’Alliance. Enfin, la Commission européenne, par l’intermédiaire de son Commissaire chargé de l’humanitaire, intervient également dans les zones de crise. 2. Certains États européens sont également membres de l’OTAN et, jusqu’en 2011, de l’UEO (Union de l’Europe occidentale, fondée par le traité de Bruxelles en 1948). 3. L’UE intervient comment force de stabilisation et de sécurisation (Bosnie en 2004, Congo en 2006, Tchad et RCA en 2007 et en RCA en 2014). Elle Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

P. 176-177 BAC Composition Sujet 18 Une gouvernance politique européenne depuis le traité de Maastricht Voir plan détaillé p. 176-177 du manuel P. 178 BAC Analyse de document

Plan détaillé 1. Les causes d’une désaffection des citoyens envers l’Europe - La crise d’abord à laquelle l’Europe semble incapable d’apporter des solutions (« L'Union est perçue comme incapable d'agir efficacement là où le besoin s'en fait clairement sentir, par exemple dans les domaines du chômage ») car il y a divisions entre les États européens sur des mesures de rigueur ou au contraire de relance. - Le manque de crédibilité en matière diplomatique (cf. les guerres en Yougoslavie, plus récemment la passivité face à la guerre civile en Syrie.) - Une Union européenne jugée lointaine et bureaucratique - Une méconnaissance du fonctionnement de l’UE. 2. Ses manifestations Le texte évoque la baisse du taux de participation aux élections du parlement européen et le « non » irlandais au référendum sur le traité de Nice. On peut évoquer également la montée des partis eurosceptiques, mais aussi nationalistes et populistes (voir les résultats des élections européennes de 2014) P. 179 BAC Analyse de document Sujet 20 Les difficultés de l’Europe face à la crise Plan détaillé 1. L’union européenne face à la crise - Le Mécanisme de stabilité financière emprunte sur les marchés financiers, et prête à son tour aux pays en difficultés comme la Grèce ou L’Irlande qui ne peuvent plus emprunter et on des difficultés à rembourser leur dette. 82

- Il y a donc une solidarité des pays membres de la zone euro, notamment de la France et de l’Allemagne envers les pays en difficulté, mais à nuancer car l’Allemagne s’est montré réticente. 2. Une évolution nécessaire vers plus de fédéralisme - Pour éviter qu’une nouvelle crise économique ne menace de faire éclater la zone euro, la France et l’Allemagne entendent renforcer la gouvernance économique européenne : l’aide à la Grèce est conditionnée par des réformes imposées par la Commission européenne (privatisations, réduction du

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secteur public, réforme fiscale…). On pourra nuancer l’enthousiasme du journaliste en expliquant que ces mesures drastiques pèsent lourdement sur la société et entraînent même un rejet de l’Europe dans l’opinion publique. - On retrouve le rôle moteur du couple francoallemand dans la construction européenne en moment de crise : « L'Allemagne et la France ont décidé de présenter des propositions bilatérales fin août, début septembre ».

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Chapitre 8 La gouvernance économique mondiale depuis 1975 LA DÉMARCHE DU CHAPITRE La gouvernance économique mondiale apparaît comme une question à part entière. En filière scientifique, le choix a été fait d’ouvrir la question non pas sur 1944 et la conférence de Bretton Woods, mais sur les années 1970, qui constituent à bien des égards une rupture fondamentale dans l’histoire économique récente. En effet, la fin du SMI en 1971 ouvre pour les pays industrialisés et le monde une période de forte libéralisation de l’économie mondiale, caractérisée par Angus Maddison comme « ordre néolibéral ». Confrontés à des difficultés économiques inédites – ralentissement de la croissance, perturbations monétaires, essoufflement des dynamiques de la société de consommation de masse, chocs pétroliers et retour d’un chômage de masse –, les pays industrialisés choisissent de combattre la crise par une ouverture croissante de leurs économies au commerce international. En d’autres termes, les années 1970 constituent une étape-clé dans le processus de mondialisation, étudiée dans le programme de géographie de l’année de Terminale. D’autre part, ce chapitre, s’il paraît plus économique qu’historique, a le mérite de fournir aux élèves des clés de compréhension dans la crise actuelle qui secoue avec force les économies des pays industrialisés, en particulier en Europe depuis 2008. Le chapitre s’organise d’abord de manière chronologique en deux temps. Le premier cours porte sur les années 1970 et 1980 marquées par une libéralisation accélérée des marchés, en particulier financiers. Les institutions de gouvernance mondiale s’appliquent à libéraliser davantage, en particulier dans les pays en développement, tandis que les pays industrialisés multiplient les initiatives – comme le G6 en 1975 – pour favoriser le libreéchange. Le second cours porte à la fois sur l’entrée sur la scène mondiale de nouveaux concurrents, comme la Chine ou l’Inde et la crise actuelle, probablement la plus grave qu’ait connue le monde industrialisé depuis les années 1930. Celle-ci met aujourd’hui en cause les politiques de libéralisation et de dérégulation des décennies précédentes. Elle remet au cœur du débat la nécessité d’une plus grande coordination des États en matière économique. Elle a enfin accéléré la refonte de la gouvernance économique mondiale en donnant à un G20 élargi, en 2009, aux pays émergents, le leadership et les instruments pour coordonner les politiques de lutte contre la crise. BIBLIOGRAPHIE - Christophe Chavagneux, Une brève histoire des crises financières : des Tulipes aux subprimes, La Découverte, 2013. - Jean-Christophe Graz, La Gouvernance de la mondialisation, La Découverte, 2008. - Paul Krugman, Pourquoi les crises reviennent toujours ?, Le Seuil, 2009. - « Mondialisation, une gouvernance introuvable », dans Questions internationales, n°46, mai-juin 2010. - Angus Maddison, L’Économie mondiale-Statistiques historiques, OCDE, 2003. - Jacques Mistral (dir.), Le G20 et la nouvelle gouvernance économique mondiale, PUF, 2011. - Moreau-Defarges Philippe, La Gouvernance, Que-sais-je ?, PUF, 2011 (4e édition). - Philippe Norel, L’Invention du marché, une histoire économique de la mondialisation, Le Seuil, 2004. - Nouriel Roubini et Stephen Mihm, Économie de crise, Jean Claude Lattès, 2010. - Joseph Stigltiz, Le Rapport Stiglitz. Pour une vraie réforme du système monétaire et financier international, Les Liens qui libèrent, 2010. SITOGRAPHIE - Le site de la Banque mondiale : www.banquemondiale.org - Le site du FMI : www.imf.org - Le site de la Réserve fédérale américaine (en anglais) : www.federalreserve.gov - Le site de l’OMC : www.wto.org - Le site du G20 de Los Cabos (Mexique), juin 2010 (en anglais et espagnol) : www.g20.org FILMOGRAPHIE • Sur le monde de la finance - Wall Street d’Oliver Stone, 1987, et sa suite, Wall Street : l’argent ne dort jamais, 2011. - Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese, 2013. • Sur la crise financière actuelle - le téléfilm d’HBO « To Big to fail », 2011. - le reportage de Marc Roche, Jérôme Fritel, Godman Sachs, la banque qui dirige le monde, ArteVideo, 2012. P. 182-183 Ouverture de chapitre La confrontation des deux photographies permet de montrer que les puissances économiques (au sein du G6, puis du G20) tentent de reprendre la main sur la Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

gouvernance économique par rapport aux institutions issues de la fin de la Seconde Guerre mondiale, face à la nécessité que crée à chaque fois le contexte de crise. La gouvernance économique est révélatrice 84

également des nouvelles hiérarchies dans l’économie mondiale. En 1975, c’est à l’initiative de Valery Giscard d’Estaing que se réunit le premier G6 à Fontainebleau (doc. 1). En 2009 (doc. 2), dans un monde ébranlé par la crise financière, le G20 réunit à Pittsburgh l’UE et 19 États dont les puissances dites encore récemment émergentes. Il affirme sa volonté de combattre collectivement les effets de la crise et d’intégrer les pays émergents aux processus de décision. P. 184-185 Cartes À la recherche d’une gouvernance économique mondiale La carte met en évidence l’organisation nouvelle de la gouvernance économique mondiale, au lendemain de la crise qui a secoué l’économie américaine avant de frapper durement les pays européens. Elle permet de saisir les nouveaux rapports de force qui se sont clairement révélés au lendemain de la crise : le G20, qui assume l’essentiel du leadership en matière économique, intègre aujourd’hui les pays émergents. Une lecture plus attentive à la légende permet de retracer l’évolution de la gouvernance économique mondiale depuis 1945. P. 186-187 Cours 1 La gouvernance économique depuis 1975 L’abandon de la libre-convertibilité décidée de manière unilatérale par le Président américain Richard Nixon en 1971, ouvre une période d’instabilité en matière économique. La fin d’un régime de taux fixes mis en place à la conférence de Bretton Woods inaugure une période de fortes instabilités monétaires. D’autre part, les années 1970 se caractérisent par des difficultés économiques nouvelles pour les pays industrialisés, frappés de plein fouet par les chocs pétroliers (1973, 1979) et la stagflation. Quant aux pays récemment décolonisés, les problèmes liés au mal-développement sont aggravés, particulièrement pour l’Afrique, par une intégration problématique au marché mondial. Document 1 La fin du Gold Exchange Standard (1971) En 1971, le Président Nixon décide d’abandonner la libre-convertibilité du dollar en or. Il met ainsi fin au système monétaire international mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1976, la conférence de la Jamaïque confirme la fin du SMI : les monnaies entrent désormais dans un système de changes flottants. Plusieurs raisons expliquent cette décision prise unilatéralement par les États-Unis. Les États-Unis, confrontés à l’arrivée de nouveaux concurrents économiques (Europe, Japon), voient leur balance commerciale plonger à partir de 1970. Ces déficits commerciaux alourdissent le déficit de la balance des paiements. Au début des années 1970, le dollar ne peut soutenir la croissance des échanges internationaux. Monnaie à la fois nationale et internationale, le dollar seul ne peut assurer la forte Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

croissance des échanges depuis 1945 sans mettre en danger la parité or/dollar. Cette limite du système de Bretton Woods avait été déjà mise en évidence dans les années 1960 par l’économiste belge Triffin (19111993) (le fameux « dilemme de Triffin »). Au moment où Nixon décide de l’abandon de la libreconvertibilité, la masse de dollars dans le monde (autour de 50 milliards) représentait cinq fois le stock d’or du Trésor américain. Les États-Unis connaissent au début des années 1970 un fort ralentissement de la croissance, voire, comme en 1971, des signes d’entrée en récession. En matière économique, la marge de manœuvre du gouvernement fédéral se réduit. Les déficits publics se creusent du fait des dépenses engagées pour financer la guerre du Vietnam (19641973) et les programmes sociaux (Medicaid, Medicare) de l’Administration Johnson (1963-1968). Nixon accompagne ainsi son annonce de mesures d’austérité : gel des salaires et des prix, mesures de taxation des produits importés. Le Président américain entend ainsi combattre la récession d’abord en luttant contre la spirale inflationniste. En décembre, il annoncera une première dévaluation du dollar. Réponses aux questions 1. Richard Nixon annonce l’abandon de la libreconvertibilité du dollar en or. Il s’adresse avant tout au peuple américain, dans une retransmission télévisée. La décision de quitter unilatéralement le SMI s’explique avant tout par des raisons de politique intérieure (et à un an de la prochaine présidentielle). Les États-Unis sont alors une puissance en crise. Le Président évoque ainsi le Vietnam (« des difficultés à clore la guerre ») et les difficultés économiques des États-Unis : « l’inflation vole chaque Américain », « notre combat contre le chômage ». 2. Il invoque de prétendues attaques contre le dollar, attaques menées à l’étranger par « ceux qui spéculent sur la monnaie ». Cette désignation d’un ennemi flou, peu identifié, permet à Nixon de ne pas aborder les questions économiques de fond. Document 2 La fluctuation des monnaies : la parité yen/dollar (1970-2000) À partir de 1971, les monnaies entrent dans un régime de changes flottants. Dans le cadre du SMI de Bretton Woods, le yen avait une parité fixée depuis 1945 à 360 yens pour 1 dollar, parité restée inchangée jusqu’à 1971. Mais entre 1945 et 1970, la situation économique du Japon a rapidement évolué : ruiné en 1945, le Japon connaît la plus forte croissance économique au monde entre 1955 et 1970 et s’impose comme une puissance commerciale redoutable. En 1970, le Japon bénéficie de fait d’une monnaie nettement sous-évaluée : le cours fixé en 1945 ne reflète plus la puissance économique de l’archipel à la fin des années 1960. De plus, cette sousévaluation du yen sert la politique commerciale du Japon en favorisant les tarifs à l’exportation, et concurrençant, même sur son propre marché, les 85

produits américains. Face à la dégradation de leur balance commerciale, les États-Unis font pression, à la fin des années 1960, pour que le Japon révise à la baisse sa parité avec le dollar. Sans effet jusqu’en 1971. L’annonce en août par Nixon de l’abandon de la libre-convertibilité (doc. 2) et l’imminence d’une dévaluation du dollar (réelle en décembre), poussent le Japon à une première réévaluation en 1971. Elle est vécue comme une « catastrophe », car une réévaluation pénalise les exportations (mais favorise les investissements). Document 3 Des inégalités qui se creusent Léopold Sendar Senghor (1906-2001), alors Président du Sénégal (1960-1980), aborde dans ce document la « dégradation des termes de l’échange », particulièrement préjudiciable pour les pays récemment décolonisés et exportateurs, voire monoexportateurs de matières premières non énergétiques. En effet, les années 1970 s’accompagnent d’une chute globale des cours des matières premières, en particulier agricoles. Les pays du Tiers-Monde confrontés aux défis du mal développement souffrent d’une intégration problématique au commerce mondial : acheteurs de biens manufacturés à forte valeur ajoutée, ils sont exportateurs de matières premières dont les cours se sont effondrés. De plus, Léopold Sendar Senghor souligne le peu de solidarité des pays industrialisés : faiblesse de l’aide publique au développement, poids des dettes contractées auprès des pays industrialisés ou des organisations internationales comme la Banque mondiale. Aux yeux du Président sénégalais, la libéralisation de l’économie mondiale aggrave les inégalités entre ce qu’il est désormais courant d’appeler pays du Nord et pays du Sud. Document 4 Le choc pétrolier La photographie témoigne de la pénurie de pétrole à laquelle sont confrontés les pays industrialisés au lendemain du premier choc pétrolier de 1973. Au lendemain de la guerre du Kippour, dernière guerre israélo-arabe, les pays membres de l’OPEP – organisation des pays exportateurs de pétrole, fondée en 1960 – décident de restreindre l’approvisionnement de pétrole pour protester contre les interventions occidentales en faveur d’Israël. Les conséquences sur les cours sont immédiates ; en limitant leurs exportations, en décidant d’un embargo sur les exportations vers les États-Unis et l’Europe, les pays de l’OPEP, majoritairement arabes, entraînent une augmentation rapide des cours du pétrole. En quelques semaines, le prix du baril double, handicapant considérablement les pays industrialisés, dont l’économie reposait jusqu’alors sur l’utilisation massive de cette énergie bon marché. Ce premier choc pétrolier, suivi d’un second en 1979 consécutif à la révolution iranienne aggrave les difficultés économiques, en particulier l’inflation que Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

connaissent les pays industrialisés depuis le début des années 1970. P. 188-189 Étude Les États dans la libéralisation des échanges (1975-années 2000) L’étude s’attache à montrer comment les pays industrialisés sont, dans la période d’incertitude que constitue le début des années 1970, les principaux acteurs de la poursuite de la libéralisation des échanges. En créant le G6, les pays industrialisés entendent prendre le relais des grandes organisations internationales, en particulier le FMI, incapables de résoudre les perturbations monétaires nées de l’effondrement du système de Bretton Woods en 1971. Document 1 Le GATT libéralise les échanges Face à l’échec de la création d’une organisation internationale du commerce, négociée lors de la conférence de la Havane (1947), mais non ratifiée par le Congrès américain, les États-Unis signent avec 21 autres pays les premiers accords du GATT (1947). Le GATT n’est pas une organisation internationale, mais un forum réunissant les représentants des différents États membres, en vue de conclure des accords commerciaux. Il devient de fait l’un des principaux promoteurs du libre-échange. Les accords commerciaux sont multilatéraux : entre membres, s’appliquent ainsi la « clause de la nation la plus favorisée » (les avantages commerciaux accordés à un membre, le sont à tous), la « réciprocité » et la « nondiscrimination » en matière commerciale. Les négociations se font au cours de cycles, qui peuvent s’étaler sur plusieurs années. On pourrait par exemple citer : le Tokyo Round (1973-1979), cycle de négociations pendant lequel les ministres des pays industrialisés poussent à combattre la crise par une accélération des mesures de libéralisation de l’économie mondiale. L’Uruguay Round (1985-1993) est le cycle le plus long et réunissant le plus de membres, il s’attaque également à réduire les barrières non tarifaires (subventions, normes, quotas) et étend ses compétences à des secteurs jusque-là protégés : agriculture, services publics, propriété intellectuelle. La conférence de Marrakech (1995) entérine la transformation du GATT en véritable organisation internationale, l’OMC. Document 2 Promouvoir la libéralisation malgré la crise Au début des années 1970, les pays industrialisés entrent, à l’exception du Japon, dans une phase de ralentissement de la croissance. La crise n’est pas une dépression comme dans les années 1930, mais plusieurs indicateurs sont inquiétants : désindustrialisation, hausse du chômage, inflation, épisodes récessifs… Les facteurs sont connus, mais méritent d’être rappelés brièvement : désordres monétaires liés à l’abandon du Gold Exchange Standard (1971) et entrée dans un régime de changes 86

flottants, chocs pétroliers qui aggravent la facture énergétique et les coûts de production, concurrence de nouveaux pays industrialisés… C’est dans ce contexte de retournement de la conjoncture économique que le Président français, Valéry Giscard d’Estaing, prend l’initiative de réunir dans un sommet informel les chefs d’État des pays les plus industrialisés : France, RFA, Royaume-Uni, États-Unis, Italie et, la puissance montante du moment, le Japon. L’objectif principal est d’éviter une contraction du commerce international comme pendant les années 1930 ; il faut bannir le recours au protectionnisme et « accélérer les négociations multilatérales ». Le G6 entend donc coordonner les politiques économiques de ses membres et se substituer temporairement aux organisations internationales, en particulier le FMI, déstabilisé par la fin du système de Bretton Woods. Document 3 Un monde ouvert Le dernier cycle de négociation du GATT, s’achève par la conférence de Marrakech qui institue en 1995 l’OMC. Fort du constat que les objectifs initiaux, c’està-dire la baisse massive des barrières douanières, ont été remplis, le GATT devient une véritable organisation internationale qui réunit à sa fondation plus de 130 États-membres. Contrairement au GATT qui n’était qu’un forum où se réunissaient depuis 1947 les États soucieux de négocier des baisses de barrières douanières au cours de cycles, ou « rounds » parfois longs, l’OMC est en effet une véritable organisation internationale à laquelle les États membres adhèrent par traité. L’OMC reprend les objectifs du GATT, c’est-à-dire la promotion du libreéchange. Elle reprend également les modalités de négociations, basées sur les clauses de la nation la plus favorisée et de non-discrimination en matière commerciale. Mais elle élargit ses prérogatives à des domaines jusqu’alors peu abordées comme la propriété intellectuelle, les services publics, ou la question des subventions agricoles. De plus, l’OMC, contrairement au GATT, se dote d’un instrument d’arbitrage, l’ORD, l’organe de règlement des différends qu’un État membre peut saisir en cas de litiges commerciaux. Depuis sa création en 1995, l’OMC a intégré pratiquement tous les États du monde, même ceux qui avant 1990 appartenaient au bloc communiste : la Chine en 2001, la Russie en 2011. Document 4 Les conditions de l’aide du FMI au Maroc À travers l’exemple du Maroc, le document permet de comprendre les politiques menées par le FMI, mais aussi la BM, à l’égard des pays en développement depuis les années 1970. En effet, un pays qui contractait un prêt auprès du FMI ou de la BM s’engageait à accélérer son ouverture économique par des mesures de libéralisation, ici des mesures de déréglementation du secteur financier et la baisse des barrières douanières. Ainsi, les prêts étaient conditionnés à des réformes économiques ou Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

« politiques d’ajustement structurels ». Ces politiques d’inspiration libérale et défendues à la fois par le FMI et la BM sont aussi connues sous le nom de « consensus de Washington ». Document 5 L’ouverture des marchés du Sud Boligan est un dessinateur né en 1965 à Cuba et aujourd’hui dessinateur au quotidien mexicain El universal. Il montre ici d’une manière humoristique les effets destructeurs de la libéralisation économique au Mexique. À noter que l’intégration du Mexique est d’autant plus poussée qu’elle appartient depuis 1992 à l’ALENA (Association de libre-échange américain). Réponses aux questions 1. Le G6 est un sommet à l’initiative du Président français Valéry Giscard d’Estaing et réunissant les six pays les plus industrialisés. Il se réunit dans un contexte de turbulences monétaires après l’abandon de la libre-convertibilité en or (« en ce qui concerne les désordres monétaires, nous affirmons notre intention d’œuvrer en faveur d’une plus grande stabilité »). Les pays industrialisés, à l’exception du Japon, sont touchés par la crise qui se manifeste par du « chômage, de l’inflation continue et de graves problèmes d’énergie », référence à l’impact du premier choc pétrolier de 1973. 2. Sur le plan économique, le G6 défend l’idée d’une plus grande coopération entre pays industrialisés en période de crise. Il s’agit d’abord de combattre la crise sur le plan national en luttant sur le plan international contre les tentations du protectionnisme. Il s’agit en effet pour ses participants d’accélérer la libéralisation des échanges : « les négociations multilatérales […] devraient viser à obtenir le plus haut niveau possible de libéralisation des échanges ». 3. L’OMC succède en 1995 au GATT. Elle témoigne de l’ouverture du monde par le nombre important d’États qui y ont adhéré depuis 1995. Aujourd’hui, la plupart des États du monde, membres de l’ONU, appartiennent à l’OMC, même les anciens pays du bloc communiste comme la Chine ou la Russie. 4. Les prêts du FMI sont conditionnés à des « politiques d’ajustement structurels », c’est-à-dire des réformes de libéralisation économique. Ici le Maroc s’est engagé à déréglementer son système bancaire, à abaisser ses barrières douanières et à moins soutenir son industrie locale. 5. Depuis les émeutes à Seattle en 1999, l’OMC cristallise les critiques des courants altermondialistes qui souhaitent une autre mondialisation, plus respectueuse des peuples, de leurs identités et moins tournées vers la diffusion d’un modèle unique, capitaliste et libéral. BAC Analyse de documents Plan possible I. Le « consensus de Washington » 1. Une aide au développement… 2. … conditionnée à des politiques d’ajustements structurels 87

II. Une ouverture au profit des pays du Nord 1. De nouveaux marchés pour les FTN des pays du Nord… 2. … et une remise en cause des identités locales.

6. Cette période de forte spéculation boursière se clôture par deux krachs : le premier en 2001 est lié au dégonflement de la bulle internet, le deuxième, plus grave, à la crise des subprimes en 2007.

P. 190-191 Étude La libéralisation des marchés financiers depuis 1980 L’objectif est de montrer la rupture opérée par les années 1980 en matière de finance internationale. Les États ont favorisé la circulation des capitaux en abaissant progressivement le contrôle sur les transactions financières. Cette politique de libéralisation et de déréglementation a permis la création d’un marché mondial de capitaux, capable de soutenir la forte croissance mondiale, mais aussi responsable de davantage de volatilité et d’instabilité.

Document 2 Le poids du crédit et de la spéculation Maurice Allais (1911-2010) est prix Nobel d’économie, le seul Français à avoir obtenu cette distinction. Les positions qu’il a défendues l’ont souvent fait passer pour un libéral hétérodoxe. En effet dans ses travaux, il dénonce les effets de la mondialisation, se montre favorable à des mesures protectionnistes et voit dans l’évolution de la finance mondiale un risque de crise majeure du capitalisme. À la fin des années 1980, ses positions tranchent donc avec le consensus unanimement partagé dans le monde occidental : libre-échange, dérégulation, financiarisation… Dans son ouvrage destiné au grand public, La Crise mondiale aujourd’hui, Maurice Allais dresse en 1999 un tableau pessimiste de l’économie mondiale au lendemain de la crise asiatique (1997) et prophétise une crise prochaine, systémique, dont l’origine ne peut être que financière : « Jamais sans doute une telle instabilité potentielle n’était apparue avec une telle menace d’un effondrement général ».

Document 1 Le cours du Dow Jones au XXe siècle (corrigé par l’infaltion) Le Dow Jones est le premier indice boursier, créé en 1884 et il s’impose progressivement comme l’indicateur officiel de l’activité boursière à Wall Street. À l’origine, il ne cotait que quelques entreprises du secteur ferroviaire avant d’intégrer dans son calcul d’autres entreprises industrielles : en 1896 par exemple, General Electrics, dynamisée par les brevets de Thomas Edison, rejoint le club très restreint des entreprises intégrées dans le calcul du Dow Jones. À titre de comparaison, le footsie britannique a été lancé en 1984, le CAC 40 français en 1987. L’étude sur la longue durée du Dow Jones depuis 1900 permet de souligner les points suivants : 1. En rappel : l’importance du Jeudi noir sur l’économie américaine après une période de prospérité, mais aussi de forte spéculation (« roaring twenties » ou « les années 20 rutilantes »). Il faudra attendra la fin des années 1950 pour que l’on retrouve à Wall Street le même niveau de capitalisation boursière qu’en 1928. 2. Une croissance continue de la capitalisation boursière après 1945, malgré quelques épisodes récessifs, souvent dus à la conjecture internationale. 3. Des difficultés croissantes qui apparaissent à la fin des années 1960 et qui se manifestent surtout après 1971. Elles témoignent des perturbations monétaires liées à l’abandon de la libre-convertibilité du dollar en or, et les difficultés nouvelles d’un certain nombre de secteurs, en particulier industriels, dans les années 1970. 4. Une accélération de la capitalisation boursière, initiée sous Reagan (1980-1988) et caractérisée par d’importantes mesures de libéralisation et de dérégulation. Un seul accident est clairement visible : le krach de 1987. 5. Une accélération encore plus forte à partir des années 1990 de la capitalisation boursière, portée en particulier par l’émergence de secteurs nouveaux, en particulier dans le domaine de l’informatique et des communications. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Document 3 Une réglementation insuffisante L’article met en évidence les faiblesses de la réglementation dans le secteur bancaire, malgré les efforts de réglementation initiés par le comité de Bâle. Le comité de Bâle est un forum créé en 1974 au lendemain de la faillite de la banque ouest-allemande Herstatt. Il réunit les gouverneurs des banques centrales des membres du groupe des 10 (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, RFA, Suisse, Suède, Belgique, Pays-Bas, Japon). L’objectif est d’unifier les pratiques bancaires et de renforcer la coopération en matière de surveillance. Pour autant, ces recommandations ne sont qu’indicatives, même si elles tendent à se diffuser ; aujourd’hui, les normes bancaires redéfinies par le comité en 2004 (Bâle II) sont appliquées dans plus de cent pays. Le comité est à l’origine des seuls accords internationaux de réglementations bancaires, qui surviennent généralement après un choc financier d’importance. C’est le cas par exemple des accords de Bâle I (1988), un an après le krach boursier à Wall Street (1987), et de Bâle III (2010), au lendemain de la faillite de la banque américaine, Lehman Brothers. Document 4 Un chef d’orchestre, la FED Alan Greenspan (né en 1926) est un économiste américain qui commence sa carrière publique d’abord en soutenant la candidature Nixon en 1968, puis celle de Ronald Reagan en 1980. Libéral et monétariste, il prend ses fonctions à la tête de la Banque centrale en 1987 ; quelques semaines plus tard, il doit affronter l’un des plus graves krachs boursiers qu’ait connus Wall Street depuis 1929. Son action est déjà saluée et 88

il enchaînera, à la tête de l’institution, cinq mandats successifs, jusqu’en 2006 où il sera remplacé par Ben Bernanke. Considéré avant la crise des subprimes comme un héros de la prospérité américaine et le garant de la stabilité mondiale, Alan Greenspan est aujourd’hui plus violemment attaqué pour son rôle dans le déclenchement de la crise. La Une du Time présentée ici salue son action dans la crise asiatique de 1997-1998. La crise commence lorsqu’après des années de forte croissance, les économies asiatiques sont frappées par d’importants désordres monétaires. La chute du bath thaïlandais entraîne l’ensemble de l’Asie du Sud dans la tourmente et menace bientôt d’autres puissances émergentes (Argentine, Brésil, Russie). En refusant de hausser brutalement les taux d’intérêt, Alan Greenspan aurait empêché le « credit crunch » (contraction du crédit) et la récession mondiale. La FED, et le secrétaire d’État au Trésor auraient été des agents régulateurs de l’économie mondiale, éloignant les risques d’un « effet domino ». À noter que le Time choisira, comme personnalité de l’année 1999, un autre symbole de la réussite économique américaine : Jeffrey Bezos (né en 1964), fondateur de la boutique en ligne Amazon. Ironie de l’histoire, c’est son successeur à la FED, Ben Bernanke, qui décrochera, en pleine crise financière, la palme de « Man of the Year » 2009. Document 5 La globalisation financière Theodore Levitt (1925-2006) est un économiste américain, professeur à Harvard. Peu connu en France, il est l’intellectuel qui, en 1983, a théorisé et vulgarisé le terme de globalization. À l’origine, il décrit les transformations accélérées de la finance mondiale. Les mesures de libéralisation et de dérégulation du secteur de la finance, prises à partir des années 1970 par les États, favorisent une meilleure circulation des capitaux, au prix d’un abandon progressif des instruments de contrôle. Parallèlement, les progrès rapides des TIC facilitent et accélèrent les transactions. Les grandes bourses mondiales étendent leurs durées de cotation et resserrent leurs liens d’interdépendance. Les mesures d’ouverture économique prônées par les grandes institutions internationales (FMI, BM) dans les pays en développement ou conduites par certains pays émergents, favorisent la création d’un marché mondial de capitaux et offrent aux FMN, de nouvelles perspectives d’investissement. Document 6 Les limites de la politique monétaire américaine Paul Krugman (né en 1953) est un économiste américain, souvent étiqueté « à gauche » aux ÉtatsUnis. Prix Nobel d’économie en 2008 pour ses travaux universitaires, il est davantage connu pour ses prises de positions engagées, ses éditoriaux économiques dans le New York Times et son intense activité numérique. Doté d’une plume bien acérée, Paul Krugman s’autorise dans cet extrait un portrait à charge de l’ancien directeur de la FED, Alan Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Greenspan. Paul Krugman y pourfend la politique monétariste d’Alan Greenspan, la rendant même responsable du déclenchement de la crise actuelle. Derrière ce bilan que l’on pourrait regretter tardif, se cache en réalité une opposition fondamentale entre les deux hommes : le premier, Alan Greenspan, reste le symbole d’une politique néolibérale de déréglementation financière, le second, Paul Krugman, est davantage un néo-keynésien, favorable à plus d’intervention de l’État fédéral en matière de régulation financière. Réponses aux questions 1. Wall Street est l’épicentre des grands krachs boursiers qui ont par la suite secoué l’ensemble de l’économie mondiale : en 1929, avec la Grande dépression des années 1930, et 2008, avec la crise des subprimes, et ses répercussions actuelles. 2. C’est à partir des années 1970 que l’économie se financiarise du fait d’une accélération de la capitalisation boursière, initiée sous Reagan (19801988) et caractérisée par d’importantes mesures de libéralisation et de dérégulation et une accélération encore plus forte à partir des années 1990, portée par l’émergence de secteurs nouveaux, en particulier dans le domaine de l’informatique et des communications. 3. Le marché des capitaux tel qu’il se constitue dans les années 1980, se caractérise par : a. Un marché devenu mondial « où les tables de jeu sont réparties sur toutes les longitudes et toutes les latitudes ». b. Une interdépendance croissante : « aux cotations américaines se succèdent les cotations à Tokyo et à Hong Kong, puis à Londres, Francfort et Paris. ». c. Une spéculation croissante qui tend à déconnecter la finance de l’économie réelle : « on constate le plus souvent une dissociation entre les données de l’économie réelle et les cours nominaux déterminés par la spéculation ». d. Une instabilité et une volatilité des marchés des capitaux : « l’économie mondiale repose tout entière sur une pyramide de dettes ». e. Un secteur déréglementé par les États : l’exemple du secteur bancaire (doc. 3). 4. Le secteur financier a été de plus en plus déréglementé, laissant place, selon Maurice Allais, à « un vaste casino » : les États ont donc de plus en plus abandonné le contrôle qu’ils exerçaient sur les flux de capitaux. L’internationalisation a pour autant ses risques : à partir de 1974, le comité de Bâle, réunissant dix pays, choisit de proposer des règles communes pour éviter les faillites bancaires, comme celles de Herstatt, un établissement ouest-allemand. Mais ces règlements sont insuffisants, inégalement appliqués (« Bâle II n’est jamais entré en vigueur en Atlantique) et incapables d’éviter les faillites spectaculaires, comme celles de Lehmann Brothers en 2008. 5. La Banque centrale, en fixant le taux directeur, a une action sur le marché américain, mais aussi, du fait du statut du dollar et du rôle central des États-Unis, sur l’ensemble de l’économie mondiale. Dans les 89

années 1980, Paul Volcker avait réduit l’inflation (en relevant le taux directeur) (doc. 6). En 1997-1998, au moment de la crise asiatique, la FED évite une contraction du crédit à l’échelle mondiale en maintenant des taux directeurs bas (doc. 4). Au moment où s’annonçait un possible krach immobilier, Alan Greenspan aurait dû, selon Paul Krugman, relever le taux directeur pour « freiner l’enthousiasme du marché ». BAC Analyse de documents Le premier document est la couverture du magazine américain Time, qui présente Alan Greenspan, gouverneur de la FED depuis 1987, comme l’un des sauveurs de l’économie mondiale. Le deuxième document est un bilan à charge de l’action de Greenspan tiré de l’ouvrage de l’économiste et prix Nobel, Paul Krugman, Pourquoi les crises reviennent toujours, publié en 2009. Dix ans séparent les deux documents : entre-temps, Alan Greenspan a quitté ses fonctions et les États-Unis ont basculé dans la crise la plus grave depuis 1929. Quel bilan de l’action de Greenspan à la tête de la FED ces deux documents font-ils à dix ans d’intervalles ? Plan possible I. Un portrait élogieux (Time) 1. Un mandat exceptionnellement long à la tête de la FED 2. Une action efficace de la FED dans la crise asiatique (1997) II. Un portrait à charge (Krugman) 1. Une croissance mondiale découplée de l’action de la FED 2. Une responsabilité certaine de la FED dans le déclenchement de la crise de 2008. P. 192-193 Cours 2 Les nouveaux défis de la gouvernance économique mondiale La gouvernance économique mondiale est confrontée à de nouveaux défis, en particulier celui de trouver des solutions globales à des problèmes globaux, comme celui du réchauffement climatique. Pour autant, en dépit d’avancées notables comme le protocole de Kyoto (1997), la gouvernance se heurte souvent aux intérêts spécifiques des États. La crise actuelle a accéléré les initiatives en faveur d’une refonte de la gouvernance économique. Face à l’ampleur des défis économiques, un forum tend à assumer un leadership économique en temps de crise : le G20. Mené par les chefs d’État des grandes puissances économiques, ouvert aux puissances émergentes, le G20 marque le retour d’un volontarisme des États et un souci nouveau de revenir à davantage de régulation et de coopération. C’est par l’intermédiaire de ce G20 rénové que le FMI retrouve une nouvelle légitimité. Document 1 Protéger le climat à l’échelle de la planète Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

Depuis 1988, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) rend, sous l’égide de l’ONU, ses conclusions sur le lien direct entre l’activité humaine et les désordres climatiques qui en résulteraient. Depuis 1990, le GIEC a rendu 4 rapports, dont le dernier, en 2007, met en lumière la responsabilité « probable » de l’homme sur le réchauffement climatique. Depuis 1992 et le Sommet de la Terre à Rio, l’ONU réunit régulièrement ses États membres afin de trouver des solutions globales aux problèmes environnementaux. En 1997, les négociations débouchent sur la signature du protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2005 et qui vise à la réduction des gaz à effets de serre pour obtenir un niveau d’émission proche de celui de 1990. Signé par la grande majorité des États membres de l’ONU, le protocole de Kyoto n’a pas été ratifié par États-Unis, pourtant premiers émetteurs de gaz à effet de serre, qui le considéraient comme trop contraignant pour les intérêts américains. Depuis 2004, la Russie a accepté la ratification du protocole. Réponses aux questions 1. Les principaux pays développés, et principaux pollueurs, ont accepté de signer et de ratifier le protocole de Kyoto en acceptant de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. La plupart des pays en développement l’ont aussi signé et ratifié, tout en n’étant pas soumis à limitation. 2. Les États-Unis, pourtant premiers émetteurs de gaz à effet de serre ont certes signé le protocole de Kyoto mais ont refusé de le ratifier. Document 2 Une superpuissance affaiblie sur la scène internationale Au lendemain de l’élection de Barack Obama (2008), la presse américaine, ici le New York Times, s’interroge sur la place des États-Unis dans le monde. Enlisés en Afghanistan et en Irak, durement frappé par la crise immobilière et financière de 2007, concurrencés par la montée en puissance des pays émergents, en particulier la Chine, les États-Unis semblent affaiblis sur la scène internationale. Document 3 Taxer les flux financiers Pour limiter l’importante volatilité des flux financiers liée à l’effondrement du système de Bretton Woods, l’économiste et prix Nobel, James Tobin (1918-2002) avait proposé une taxe, faible – de l’ordre de 0,05 % – qui reposerait sur les transactions monétaires (et non sur l’ensemble des transactions financières comme Ignacio Ramonet le propose ici). Les revenus générés par cette taxe permettraient à la communauté internationale de financer encore davantage des projets de développement dans les pays du Sud. En pleine crise asiatique (1997), le débat ressurgit en Europe et aux États-Unis. La mise en place d’une « taxe Tobin », qui reposerait désormais sur l’ensemble des transactions financières, et plus simplement sur le marché des devises, est défendue 90

par l’association ATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne) créée en 1998 en France. Pour cette ONG altermondialiste, la « taxe Tobin » devrait permettre de financer l’aide au développement et la lutte contre le réchauffement climatique, tout en limitant la spéculation encouragée par les acteurs de la finance internationale. Pour autant, James Tobin, ardent défenseur du libre-échange et des organisations internationales (FMI, BM, OMC) tant critiquées par les courants altermondialistes, a rapidement pris ses distances avec ATTAC et son projet de taxe élargie à toutes les transactions financières. Réponses aux questions 1. La taxe Tobin (vue par Ignacio Ramonet) consiste à une taxation minime des transactions financières pour le financement des projets de développement et pour lutter contre le réchauffement climatique. 2. ATTAC est une organisation non gouvernementale fondée en France en 1998 pour défendre l’idée d’une taxation des transactions financières. P. 194-195 Étude Une crise mondiale À partir du texte de Nouriel Roubini (doc. 1), l’élève est invité à compléter la réflexion entamée dans le sujet d’étude précédent, et à se pencher sur les manifestations mondiales de la crise actuelle. Document 1 De la récession américaine à la récession mondiale Nouriel Roubini, économiste américano-turc né en 1959, se fait connaître au début des années 2000 pour son style particulier et ses analyses souvent pessimistes sur la conjoncture économique américaine et mondiale. Spécialiste des économies émergentes et fines connaisseur de la crise asiatique, il commence à avancer l’idée que les États-Unis pourraient être les prochaines victimes d’une crise systémique. Dès 2004, il annonce un futur krach immobilier. En 2005, les médias américains commencent à le surnommer « Dr Doom », tant ses analyses ressemblent à de funestes prédictions : il annonçait ainsi un effondrement prochain du secteur immobilier pire que celui observé dans les années 1930. D’ailleurs, le ton et la méthode, qui ne s’appuient que rarement sur des modèles macroéconomiques mais plutôt sur le « test du canard » (identifier un sujet inconnu simplement en observant ses caractéristiques habituelles), renforcent cette première impression de charlatan de l’économie. Pourtant, le déclenchement de la crise en 2007, selon un scénario qu’il avait auparavant décrit, donne une nouvelle notoriété à Nouriel Roubini. L’économiste multiplie depuis les analyses prospectives, toujours aussi pessimistes, mais prises plus au sérieux peut-être : sortie de la Grèce de la zone euro en 2012, éclatement de la zone euro avant cinq ans, crise en Chine du fait de ses surcapacités de production en 2013… L’extrait présenté est la plus Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

connue des analyses « prémonitoires » de Nouriel Roubini. Devant un auditoire d’économistes avertis, Roubini dresse en septembre 2006 le scénario, jugé hautement improbable à l’époque, de l’imminence d’une récession aux États-Unis (ce que certains conçoivent) aux conséquences dramatiques pour l’économie mondiale (ce que la plupart excluent). Dans cette analyse, Nouriel Roubini revient en particulier sur la thèse du découplage. « Encore une fois, le consensus aujourd’hui est que la croissance mondiale est découplée de la croissance américaine ». Le découplage désigne le fait que le dynamisme des économies émergentes pourrait atténuer les effets d’une crise économique régionale, aux États-Unis ou ailleurs. De fait, la forte croissance économique mondiale observée dans les années 2000 ne serait que peu influencée par des difficultés aux États-Unis, en Europe ou au Japon. Nouriel Roubini rejette cette lecture de l’économie mondiale et souligne l’interdépendance toujours forte entre les différentes parties du monde. La baisse de la demande aux ÉtatsUnis, voire en Europe, n’épargnerait pas la Chine, fortement dépendante des marchés du Nord. Une baisse de l’activité manufacturière en Chine aurait des conséquences sur la demande en matières premières. Document 3 L’Europe fragilisée La crise révèle les fragilités des pays européens. La crise financière mondiale a entraîné une forte contraction du crédit à l’échelle mondiale et a révélé l’ampleur des déficits publics ou privés dans les pays européens. La crise de la dette en Europe naît de la crainte des créanciers sur les possibilités de remboursement d’un certain nombre d’États, en premier lieu la Grèce, puis les autres États à risques, comme l’Irlande, le Portugal, l’Espagne ou l’Italie. La Grèce est le premier pays de l’Union européenne à basculer. En décembre 2009, à l’annonce des vrais chiffres de ses déficits publics par le nouveau gouvernement issu des législatives (le Pasok), les agences de notation dégradent la note de la Grèce. C’est le début d’importantes perturbations sur les marchés boursiers européens, inquiets de la possibilité que la Grèce ne puisse honorer ses créanciers. En février 2010, après une première aide conjointe du FMI et de l’Union européenne, le gouvernement grec de Papandreou annonce une première série de mesures d’austérité visant à économiser près de six milliards d’euros. Impopulaires, les mesures, gel des salaires et augmentation de la pression fiscale, déclenchent la première grande grève générale dans le pays, comme en témoigne la photographie présentée ici. Document 5 La contraction du commerce international : l’exemple de la Chine L’évolution des excédents commerciaux chinois depuis 1993 permet de voir la rapidité de l’intégration de la Chine dans le commerce mondial. Si l’ouverture économique débute en 1978 par les 91

réformes impulsées par Deng Xiaoping, la balance commerciale ne commence à devenir excédentaire qu’après 1995. Avant 1995, les exportations chinoises, souvent à faible valeur ajoutée, ne compensent pas la forte demande en produits d’importations à forte valeur ajoutée, en particulier pour moderniser et étendre les capacités de production chinoises. La balance commerciale chinoise devient nettement excédentaire au milieu des années 2000 : la Chine s’impose progressivement comme la troisième puissance industrielle mondiale, à la fois capable de produire des biens de faible qualité, mais aujourd’hui également spécialisée dans les secteurs de pointe, comme l’électronique ou l’informatique. Le graphique montre enfin que la Chine est elle aussi impactée par la crise, comme le prévoyait Nouriel Roubini en 2006 (doc. 1). L’entrée dans la crise mondiale s’accompagne d’une baisse des excédents commerciaux ; ils ne traduisent pas un ralentissement de l’économie chinoise, mais une chute de la demande dans les pays industrialisés et le retour à certaines formes de protectionnistes (« Buy American Act »). Pour autant, la Chine doit trouver des nouveaux débouchés pour les produits de son industrie, au risque d’être elle-même confrontée à un ralentissement de sa croissance. Réponses aux questions 1. Selon Nouriel Roubini, trois signes sont annonciateurs de la récession à venir : la spéculation dans le secteur immobilier : « il y a maintenant des preuves que les prix des maisons vont chuter », l’inflation créée par l’augmentation de la facture énergétique : « une flambée des prix de l’énergie », en particulier du pétrole, l’inaction de la FED à empêcher la création d’une énorme bulle spéculative : « le relèvement trop tardif des taux d’intérêts de la FED ». À noter que cette dernière critique est reprise par Paul Krugman (doc. 6 p. 191). 2. Selon Nouriel Roubini, le monde subira les conséquences de la crise américaine. L’économiste réfute l’idée qu’il existe un découplage entre les économies. Aussi dynamiques soient-ils, les pays émergents, en particulier la Chine, restent dépendants des marchés américains. Selon lui, la crise américaine fera basculer le monde dans la crise : « À terme, le reste du monde ne sera pas capable de se dissocier des États-Unis. Sur cette note joyeuse, je vais arrêter » conclut-il. 3. L’Europe est la région du monde qui semble le plus impactée par la crise américaine. Pour autant, la crise en Europe a des spécificités : elle prend la forme d’une crise de la dette souveraine qui menace la stabilité et l’unité de toute la zone euro. 4. La Chine est également touchée par la crise dans la mesure où elle dépend des marchés extérieurs pour exporter les produits de son industrie. Son intégration croissante dans le commerce international s’est accompagnée d’une explosion de sa balance commerciale : au cours des années 2000, la Chine s’est imposée comme une puissance commerciale de premier plan en même temps qu’une nouvelle Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

puissance financière. La baisse de la demande aux États-Unis et en Europe, et les tentations protectionnistes observées un peu partout en tant de crise, fragilisent la Chine et remettent en cause son modèle de développement récent. Sur le graphique, cela se traduit par une chute importante des excédents commerciaux à partir de 2009, et une reprise pour le moment fragile. P. 196-197 La gouvernance économique d’un monde en crise La dernière étude a pour objectif de montrer comment la gouvernance économique mondiale a évolué contrainte et forcée du fait de l’urgence de la crise. La nouvelle architecture pensée au sommet de Pittsburgh (2009) réserve le leadership en matière économique au forum du G20, à la représentativité et aux compétences élargies. Dans les nouveaux rapports de force qui se révèlent à la lumière de la crise, les pays émergents, en particulier la Chine, entendent désormais être des acteurs majeurs de la gouvernance économique mondiale. Document 1 Trois états de gouvernance Dans cet entretien, Pascal Lamy (né en 1947), ancien directeur général de l’OMC entre 2005 et 2013, fait part de son expérience en tant que haut fonctionnaire à toutes les échelles de gouvernance : - À l’échelle nationale, ce diplômé de Sciences Po, d’HEC et de l’ENA, a occupé diverses fonctions d’administrateur : il commence sa carrière à l’Inspection générale des finances à partir de 1979 et devient conseiller de Jacques Delors dans les années 1980 quand celui-ci devient ministre de l’Économie et des Finances. - À l’échelle européenne, Pascal Lamy suit le parcours de son mentor, Jacques Delors, à la Commission européenne dans les années 1990. - À l’échelle mondiale, il est élu à la direction de l’OMC en 2005 et, chose rare, il est candidat en 2009 à sa propre succession et en dépit de la limite d’âge fixée par les statuts de l’organisation, il est reconduit à l’issue d’un vote par acclamation de ses 153 membres. Document 1 Trois états de gouvernance Document 2 Le G20, une solution à la crise ? Les documents 1 et 2 sont des entretiens avec de hauts fonctionnaires français, ayant chacun occupé d’importantes fonctions à chacune des échelles de gouvernance : la République, l’Europe, les organisations internationales. Pascal Lamy (né en 1947) : Ancien élève de Sciences Politiques, HEC et l’ENA. Membre du Parti socialiste à partir de 1969. Plusieurs postes de conseillers économiques, conseiller de Jacques Delors au ministère des Finances (1981-1984), chef de cabinet adjoint du Premier ministre Pierre Mauroy (19831984) Directeur du cabinet du président de la 92

Commission européenne (Jacques Delors) entre 1984 et 1994. À la tête de l’OMC depuis 2005 (mandat renouvelé en 2009). Michel Camdessus (né en 1936) : Ancien élève de Sciences Politiques et de l’ENA. Membre du Parti socialiste. Nombreux postes à la direction du Trésor à partir de 1960, gouverneur de la banque de France (1984-1987). Chargé d’une mission sur les rémunérations des traders en 2009. Membre de la représentation permanente française à Bruxelles à la fin des années 1960. Directeur général du FMI entre 1987 et 2000. Études et formations Engagement politique Fonction publique française Fonctions européennes Fonctions internationales Document 3 Europe : la difficile solidarité en temps de crise Face à la crise de la dette qui secoue la zone euro, et particulièrement les pays de l’Europe méditerranéenne (Grèce, Portugal, Espagne, Italie), le leadership européen est incarné par le couple francoallemand. Ce resserrement autour des deux plus grandes puissances de la zone euro, s’explique par l’urgence de la situation et la nécessité de trouver des solutions rapidement pour rassurer les marchés et éviter une faillite grecque. Réponses aux questions 1. Selon Pascal Lamy, les décisions paraissent plus faciles à prendre à l’échelle d’un État : la République française constitue, pour lui, l’état « solide » de la gouvernance. C’est un cadre de l’action politique plus ancien et davantage compris et vécu par ses citoyens et ses gouvernants : « l’histoire, la géographie, la langue, les mythes, la culture nous rassemblent ». 2. Selon ces deux hauts fonctionnaires internationaux, la gouvernance mondiale manque à la fois de visibilité et de légitimité. Pour Pascal Lamy, aucune institution internationale ne répond aux exigences de « leadership, de cohérence et de légitimité ». Michel Camdessus insiste sur le manque de légitimité du G20, mais le vrai leadership affiché par ses participants depuis le sommet de Pittsburgh en 2009. 3. Le G20 apparaît, pour Michel Camdessus, comme une évolution positive car en élargissant sa représentativité, le G20 incarne le volontarisme des États et assume, à défaut d’un parfait multilatéralisme, un certain leadership en temps de crise. Il complète, et surtout supervise désormais l’action des grandes organisations internationales, en particulier le FMI, dont les compétences et les capacités de prêts (doublées depuis 2009) sont de plus en plus sollicitées. 4. Face à la crise de la dette qui secoue la zone euro, et particulièrement les pays de l’Europe méditerranéenne (Grèce, Portugal, Espagne, Italie), le leadership européen est incarné par le couple francoallemand. Ce resserrement autour des deux plus grandes puissances de la zone euro, s’explique par l’urgence de la situation et la nécessité de trouver des solutions rapidement pour rassurer les marchés et éviter une faillite grecque. Livre du professeur Histoire Tle S © Hatier 2014

5. Les pays représentés au sommet des BRICS sont les puissances dites émergentes : Brésil, Russie, Inde, Chine, et l’Afrique du Sud (intégrée tardivement par souci de représentation de l’Afrique en développement). Les puissances émergentes sont des pays présentant des problèmes de développement, mais qui connaissent depuis les années 2000 des taux de croissance souvent à deux chiffres et une intégration de plus en plus poussée dans le commerce international. P. 198-199 BAC Composition Sujet 21 Une gouvernance économique mondiale depuis 1975 Plan possible 1. Libéraliser les échanges après la fin du système de Bretton Woods - Les désordres monétaires et les difficultés économiques des années 1970 - Le rôle des États industrialisés et du G6 dans la relance du commerce international - Une libéralisation accélérée des échanges qui s’étend aux pays en développement 2. Les nouveaux défis de la gouvernance économique mondiale - Trouver des solutions globales à des problèmes globaux : la difficile mise en œuvre du protocole de Kyoto (1997) - Imposer plus de régulation après la crise de 2007 - Intégrer davantage les nouvelles puissances émergentes dans le cadre du G20 P. 200 BAC Analyse de documents Sujet 22 Une nouvelle gouvernance économique face à la crise Plan possible 1. Libéraliser l’économie mondiale pour répondre à la crise - Les caractéristiques de la crise des années 1970 (choc pétrolier, instabilité monétaire, crise industrielle, chômage de masse) - Relancer les échanges en poursuivant les négociations dans le cadre du GATT - Établir une stabilité monétaire (exemple du SME) 2. Une gouvernance par les pays développés - Les États membres du G6 - Leur poids dans l’économie mondiale (doc. 2) Si le texte se termine sur le souci d’un développement des pays du Sud, la libéralisation qu’appellent de leurs vœux les six chefs d’État bénéficie surtout aux Etats développés.

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P. 201 BAC Analyse de documents Sujet 23 La gouvernance économique mondiale aujourd’hui Plan possible 1. Une crise financière qui révèle le fort endettement des pays industrialisés - De la crise des subprimes à la crise de la dette souveraine - Des pays du Nord fortement endettés - Les pays émergents, nouveaux créanciers des ÉtatsUnis et de l’Europe 2. La nécessaire refonte des institutions de gouvernance économique mondiale - L’incapacité des organisations de gouvernance économique à juguler les effets de la crise - Un nouveau leadership économique incarné par le G20 - Le poids croissant des puissances régionales dans les instances de gouvernance économique

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