Hematologie Et Transfusion Sanguine

December 18, 2017 | Author: adnan | Category: Red Blood Cell, Haematopoiesis, White Blood Cell, Anemia, Cellular Differentiation
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Cette nouvelle version de l’Abrégé d’hématologie repose sur le même principe que les précédentes : la compréhension de ...

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Hématologie et transfusion

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DERMATOLOGIE

CHEZ

LE MÊME ÉDITEUR

Dans la même collection : Radiodiagnostic, sous la direction de J.-M. TUBIANA. 2004, 350 pages. Urologie, par B. DEBRÉ, D. SAÏGHI et M. PEYROMAURE . 2004, 216 pages. Cancérologie clinique, par N. DALY-SCHVEITZER, É. CABARROT, R. GUIMBAUD, É. MOYAL. 2003, 2e édition, 392 pages. Dermatologie, par le CEDEF (Collège des enseignants de dermatologie-vénérologie de France). 2003, 2e édition, 400 pages. Diabète et maladies métaboliques, par L. PERLEMUTER, G. COLLIN DE L’HORTET, J.-L. SÉLAM. 2003, 4e édition, 428 pages. Endocrinologie, par L. PERLEMUTER, J.-L. THOMAS. 2003, 5e édition, 512 pages. Hépato-gastro-entérologie, par S. NAVEAU, G. PERLEMUTER, A. BALIAN. 2003, 486 pages. Médecine du travail, par P. DYÈVRE, D. LÉGER. 2003, 3e édition, 356 pages. Médecine générale, par le CNGE (Collège national des généralistes enseignants). 2003, 416 pages. Nutrition humaine, par B. JACOTOT, B. CAMPILLO, J.-L. BRESSON, M. CORCOS, R. HANKARD, P. JEAMMET, G. PERES. 2003, 328 pages. ORL, par F. LEGENT, P. NARCY, C. BEAUVILLAIN, Ph. BORDURE. 2003, 6e édition, 392 pages. Pneumologie, sous la direction de B. HOUSSET. 2003, 2e édition, 504 pages. Psychiatrie, par I. GASMAN, J.-F. ALLILAIRE, L. KARILA, A. PELISSOLO, N. GIRAUT. 2003, 400 pages. Gynécologie, par J.R. GIRAUD, D. ROTTEN, A. BRÉMOND et P. POULAIN. 2002, 360 pages. Médecine interne, par B. DEVULDER, P.Y. HATRON, É. HACHULLA. 2002, 480 pages. Ophtalmologie, par J. FLAMENT. 2002, 384 pages. Pédiatrie, par A. BOURRILLON. 2002, 2e édition, 688 pages. Pharmacologie, par M. MOULIN, A. COQUEREL. 2002, 2e édition, 856 pages. Réanimation et urgences, par le CNERM (Collège national des enseignants de réanimation médicale). 2002, 576 pages. Rhumatologie, par le COFER (Collège français des enseignants en rhumatologie). 2002, 808 pages. Virologie humaine, par H.J.A. FLEURY. 2002, 4e édition, 264 pages. Bactériologie médicale, par C. NAUCIEL. 2001, 288 pages. Économie de la santé, par A. BERESNIAK, G. DURU. 2001, 5e édition, 224 pages. Épidémiologie, par P. CZERNICHOW , J. CHAPERON, X. LE COUTOUR et coll. 2001, 456 pages. Immunologie générale, par P. LETONTURIER . 2001, 7e édition, 192 pages. Néphrologie et troubles hydroélectrolytiques, par A. KANFER, O. KOURILSKY, M.-N. PERALDI. 2001, 2e édition, 400 pages. Santé publique, par M. CAZABAN, J. DUFFOUR, P. FABBRO-PERAY, R. JOURDAN, A. LÉVY. 2001, 4e édition, 264 pages. Sécurité sociale, par L. DALIGAND et coll. 2001, 5e édition, 224 pages.

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Hématologie et transfusion Jean-Paul LÉVY Professeur à la faculté de médecine Cochin-Port-Royal (université Paris-V) Ancien chef du service d’hématologie de l’hôpital Cochin

Bruno VARET Professeur à la faculté de médecine Necker (université Paris-V) Chef du service d’hématologie adultes de l’hôpital Necker

Jean-Pierre CLAUVEL Professeur à la faculté de médecine Saint-Louis-Lariboisière (université Paris-VII) Chef du service d’immuno-hématologie de l’hôpital Saint-Louis

François LEFRÈRE Praticien hospitalier, unité de thérapeutique transfusionnelle Service d’hématologie de l’hôpital Necker

Annie BEZEAUD Professeur à la faculté de médecine Xavier-Bichat Chef du service d’hématologie et immunologie de l’hôpital Beaujon

Marie-Claude GUILLIN Professeur à la faculté de médecine Xavier-Bichat Chef du service d’hématologie et immunologie à l’hôpital Bichat

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DERMATOLOGIE Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photocopillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recul, sont possibles de poursuites. Les demandes d’autorisation de photocopier doivent être adressées à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 76006 Paris Tél. 01 41 07 47 70.

Maquette intérieure : Christian Blangez

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© Masson, Paris, 2001 ISBN e-PDF : 978-2-294-09107-0

ELSEVIER MASSON S.A.S. — 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux Cedex

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Préface Le sang définit l’homme. L’homme sain d’abord. De très anciennes observations avaient pressenti cette vertu passée dans le langage. Les études modernes des groupes sanguins l’ont avec rigueur établie, confirmée. Chaque homme défini par les caractères de son sang est différent de tous les autres hommes. C’est la science du sang, l’hématologie, qui a reconnu la valeur unique de chaque être humain. L’homme malade ensuite. L’analyse du sang a, la première, apporté la définition chimique de la prédisposition aux maladies, du terrain morbide. Elle a, la première, précisé le rôle de l’inné et le rôle de l’acquis. Elle a, la première, par l’étude de l’hémoglobine et de ses anomalies, apporté la définition exacte des maladies. Les maladies ne sont plus caractérisées par des lésions anatomiques assez grossières mais, beaucoup plus rigoureusement, par des changements de la structure, de la fonction des molécules. Ainsi, l’hématologie a suscité la pathologie moléculaire. La science du sang a ainsi la fierté de fournir à certains domaines essentiels de la médecine leurs modèles. Les leucémies sont les maladies pilotes de la cancérologie. L’étude des plaquettes sanguines oriente l’étude des thromboses. La génétique trouve, dans l’étude des maladies héréditaires du sang, ses exemples les plus assurés. La science du sang va plus loin. En ces dernières années, l’étude de la géographie du sang, l’hématologie géographique, a ouvert de nouvelles voies. Ce n’est plus l’homme seul qui est examiné. Ce sont des populations tout entières avec leur diversité. Ce n’est plus seulement l’homme immobile. Ce sont les hommes migrants portant avec eux, au fil des longitudes, des latitudes au long des millénaires, leurs caractères génétiques et sensibles aux influences changeantes de leur environnement. L’hématologie éclaire ainsi le passé. Elle annonce aussi l’avenir. Elle a, la première, reconnu le pluralisme des causes, inspiré l’anthropologie médicale, préparé les chemins de préventions efficaces des maladies. L’hématologie est aussi une discipline en pleine évolution. Ainsi ce nouvel Abrégé d’hématologie que je suis heureux de préfacer est très différent des précédents. Il allie la description des données fondamentales restées valables à l’analyse des progrès récents, de leurs conséquences. Il rappelle que l’hématologie est une discipline importante dans la pratique quotidienne des médecins non spécialisés. Le sang irrigue tous nos organes et peut être le reflet de nombreuses maladies. Professeur Jean BERNARD

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DERMATOLOGIE

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Avant-propos Cette nouvelle version de l’Abrégé d’hématologie repose sur le même principe que les précédentes : la compréhension de la physiologie permet d’appréhender les mécanismes et sous-tend la logique de résolution des problèmes diagnostiques. La présentation remaniée suit celle retenue pour d’autres ouvrages récents de la même collection. Ainsi, chaque chapitre important comporte un rappel (en fin de texte) des points clés et des points de débat. Des données, soit importantes, soit incertaines, font l’objet d’encadrés. Une partie pratique, à la fin de l’ouvrage, comporte des cas cliniques dont les réponses commentées sont complétées par des renvois aux pages correspondantes de l’ouvrage. Des indications sont données pour aider les étudiants à préparer examen et concours. Une liste des connaissances indispensables en hématologie en fin de 2e cycle a été élaborée par la Commission universitaire de la Société française d’hématologie. Leur contenu, pour les auteurs de cet ouvrage, est identifiable au sein de chaque chapitre par une impression sur fond grisé. Ces notions de base doivent être connues de tous les médecins non hématologistes. La majorité de ces connaissances, mais non leur totalité, se retrouve dans le programme de l’Internat, tel qu’il a été élaboré en 2000-2001 par la Commission nationale des études médicales. Les objectifs retenus par la Commission nationale des études médicales pour le programme du 2e cycle et le concours sont indiqués en tête des chapitres correspondants par le terme CNEM. Certains de ces objectifs sont très généraux (par exemple « diagnostic des anémies »). Il est donc conseillé aux étudiants d’apprendre essentiellement au sein de ces objectifs, ce qui est retenu comme connaissance minimale de fin de 2e cycle par la Société française d’hématologie. On trouvera enfin en petits caractères des notions très spécialisées qui peuvent intéresser ceux qui veulent en savoir plus. Les auteurs

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DERMATOLOGIE

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TABLE DES MATIÈRES

Table des matières Préface du professeur Jean Bernard ..........................................................................

V

Avant-propos ............................................................................................................................... VII Connaissances

Hématologie et transfusion

◗ Origine des éléments figurés du sang

...................................................................

3

Les cellules souches (3). Régulation de l’hématopoïèse (4).

◗ Exploration du sang et des organes hématopoïétiques .............................

9

Examen des éléments figurés du sang (9). Exploration de la moelle (16). Examen des organes lymphoïdes (19).

◗ Anatomie et physiologie du globule rouge

et de la lignée érythroblastique ................................................................................

21

Le globule rouge (21). Données quantitatives sur le globule rouge (23). Physiologie du globule rouge (23). L’érythropoïèse (28). Facteurs exogènes nécessaires à l’érythropoïèse (32). L’hémoglobine (42). L’hémolyse physiologique (49).

◗ Physiopathologie des anémies ....................................................................................

53

Définition d’une anémie (53). Adaptation à l’anémie (55). Symptômes liés à l’anémie (56). Mécanismes physiopathologiques des anémies (56). Mécanisme des anémies dues à un excès de pertes (régénératives) (57). Mécanisme des anémies dues à un défaut de production (arégénératives) (61). Anémies de mécanismes multiples (65).

◗ Symptômes, évolution et traitement des principales anémies ..............

69

Les anémies hyposidérémiques (69). Les anémies par anomalie de synthèse de l’hème (76). Les anémies par insuffisances médullaires quantitatives (77). Les anémies par insuffisances médullaires qualitatives (79). Les anémies aiguës hémorragiques (85). Les anémies hémolytiques (87). Pathologie de l’hémoglobine (103). Les anomalies constitutionnelles de la synthèse de la globine : les thalassémies (107). Les anomalies acquises de l’hémoglobine (110).

◗ Diagnostic d’une anémie

...............................................................................................

Diagnostic des anémies microcytaires ou hypochromes (114). Diagnostic des anémies normochromes, normocytaires ou macrocytaires, arégénératives (118). Diagnostic des anémies normochromes régénératives (125).

IX ◗

113



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CONNAISSANCES

◗ Thérapeutiques antianémiques médicamenteuses ......................................

131

◗ La transfusion sanguine .................................................................................................

133

Les produits sanguins labiles : natures et indications (133). Les bases immunologiques de la transfusion et les règles de prescription des produits sanguins labiles (138). Les accidents transfusionnels (142). Aspects médico-légaux de la transfusion sanguine et grands principes de l’hémovigilance (151). Avenir et perspectives en transfusion sanguine (154). Les médicaments dérivés du sang (155).

◗ Les polyglobulies ................................................................................................................

157

Définition (157). Conséquences générales (157). Mécanismes (158). Diagnostic général (159). Maladie de Vaquez (161). Syndrome de Gaisbock (162).

◗ Le polynucléaire neutrophile et sa pathologie ................................................

165

Le polynucléaire neutrophile (165). Les polynucléoses neutrophiles (171). Les neutropénies et les agranulocytoses (173). Anomalies qualitatives des granulocytes (177).

◗ Le polynucléaire éosinophile et sa pathologie ................................................

179

Le polynucléaire éosinophile (179). Les hyperéosinophilies (181).

◗ Le polynucléaire basophile, le mastocyte et leurs pathologies

............

183

Le polynucléaire basophile (183). Basocytoses (183). Le mastocyte (ou basophile tissulaire) (184). Mastocytoses (184).

◗ Monocytes et monocytoses

.........................................................................................

185

Le monocyte (185). Monocytoses (186). Monocytopénies (187).

◗ Les plaquettes sanguines et leur pathologie quantitative .......................

189

Les plaquettes normales et la thrombopoïèse (189). Les thrombocytoses (191). Les thrombopénies (194).

◗ Bicytopénies, pancytopénies et insuffisances médullaires globales .

203

Définitions (203). Diagnostic général des bicytopénies et pancytopénies (204). Les aplasies médullaires (205). Les envahissements médullaires (209). Les fibroses médullaires (209). Les anémies réfractaires (ou myélodysplasies) (209). Bicytopénies et pancytopénies d’origine périphérique (209).

◗ Rappels sur le tissu lymphoïde

.................................................................................

211

Les organes lymphoïdes centraux (211). Les organes lymphoïdes périphériques (211). Physiologie du tissu lymphoïde (213).

◗ Pathologie réactionnelle du tissu lymphoïde.

Diagnostic des adénopathies et des splénomégalies .................................

Diagnostic d’une hyperlymphocytose sanguine (219). Les syndromes mononucléosiques (220). La mononucléose infectieuse (221). La toxoplasmose acquise (222). Le syndrome mononucléosique dû au virus de la maladie des inclusions cytomégaliques (223). La primo-infection par le VIH (223). Les plasmocytoses (223). Diagnostic d’une adénopathie (224). Diagnostic d’une splénomégalie (228). Asplénie (230).

X◗

219



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TABLE DES MATIÈRES

◗ Les hémopathies malignes : généralités ..............................................................

231

Définition (231). Étiologie (231). Physiopathologie (232). CLassification des hémopathies malignes (234). Principaux moyens thérapeutiques (235). Les objectifs généraux du traitement (239). Progrès thérapeutiques et protocoles (240).

◗ Les leucémies aiguës ........................................................................................................

241

Définition et physiopathologie (241). Symptomatologie (241). Les leucémies aiguës lymphoblastiques (244). Les leucémies aiguës myéloblastiques (247).

◗ Les syndromes myéloprolifératifs

............................................................................

253

Définition (253). La leucémie myéloïde chronique (254). La maladie de Vaquez (256). La thrombocytémie essentielle (256). La splénomégalie myéloïde ou myélofibrose primitive (256). Les autres syndromes myéloprolifératifs (258). Diagnostic général d’une myélémie ou d’un passage de cellules immatures dans le sang (258).

◗ Les syndromes myélodysplasiques et myéloprolifératifs/

myélodysplasiques ............................................................................................................

261

Les syndromes myélodysplasiques (261). Les syndromes myéloprolifératifs/myélodysplasiques (264).

◗ Les hémopathies malignes du tissu lymphoïde

..............................................

267

Données générales communes (267). Leucémie lymphoïde chronique (LLC) (269). La maladie de Waldenström (271). La leucémie à tricholeucocytes (273). Le myélome multiple ou maladie de Kahler (275). Le plasmocytome solitaire (278). Les immunoglobulines monoclonales bénignes (279). Les maladies des chaînes lourdes (281). Les cryoglobulinémies (281). La maladie de Hodgkin ou lymphome hodgkinien (283). Les lymphomes non hodgkiniens (288). Cas particulier des lymphomes liés à des infections virales (294).

◗ Physiologie de l’hémostase ..........................................................................................

297

L’hémostase primaire (297). La coagulation plasmatique (300). Régulation négative de l’hémostase (305). La fibrinolyse (307).

◗ Exploration de l’hémostase ..........................................................................................

309

Exploration de l’hémostase primaire (309). Exploration de la coagulation plasmatique (310). Exploration de la fibrinolyse (313). Orientation du diagnostic devant une anomalie du bilan d’hémostase (314).

◗ Syndromes hémorragiques ........................................................................................... ◗ Syndromes hémorragiques dus à une anomalie

de l’hémostase primaire .................................................................................................

318

319

Les thrombopénies (319). Les thrombopathies (319). La maladie de Willebrand (321). Les syndromes hémorragiques dus à une anomalie vasculaire (324).

◗ Syndromes hémorragiques dus à une anomalie constitutionnelle

de la coagulation ................................................................................................................. Les hémophilies (325). Déficits constitutionnels en facteurs de la coagulation en dehors de l’hémophilie (327).

XI ◗

325



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CONNAISSANCES

◗ Syndromes hémorragiques dus à une pathologie acquise

de l’hémostase .....................................................................................................................

329

L’insuffisance hépatocellulaire (329). Les hypovitaminoses K (330). Les coagulations intravasculaires disséminées (CIVD) (331). Les anticoagulants circulants (ACC) (335).

◗ Thromboses : mécanismes et traitement ............................................................

337

Physiopathologie des thromboses veineuses et artérielles (337). Les traitements antithrombotiques (340). Les anticoagulants (341). Les thrombolytiques (347).

◗ Manifestations hématologiques associées à certaines situations

physiologiques ou pathologiques ...........................................................................

349

Manifestations hématologiques de la grossesse (349). Manifestations hématologiques des syndromes inflammatoires (350). Manifestations hématologiques des cirrhoses (350). Manifestations hématologiques de l’insuffisance rénale (350). Manifestations hématologiques des insuffisances endocriniennes (351). Manifestations hématologiques de l’infection par le VIH (351).

Pratique

Hématologie et transfusion Cas cliniques ..........................................................................................................................

353

Index ............................................................................................................................................

373

XII ◗



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Connaissances

Hématologie et transfusion

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Origine des éléments figurés du sang

1

◗ LES CELLULES SOUCHES ◗ RÉGULATION DE L’HÉMATOPOÏÈSE

Introduction ◗ Le sang est une suspension de cellules dans un liquide complexe : le plasma. Celui-ci est constitué lui-même d’eau, de sels minéraux et de molécules organiques. Après coagulation, le plasma dépourvu de fibrinogène constitue le sérum. ◗ Les cellules, que l’on peut séparer par centrifugation, appartiennent à trois catégories : les globules rouges (ou érythrocytes, ou hématies), les globules blancs (ou leucocytes) et les plaquettes (ou thrombocytes). Les leucocytes constituent en fait plusieurs populations distinctes. Toutes ces cellules proviennent originellement de la moelle osseuse, soit directement (cellules dites myéloïdes), soit indirectement, (cellules dites lymphoïdes). Bien qu’étroitement mêlées dans le sang, les cellules ont, selon leur lignée, des destins et des fonctions différentes. Les hématies et les plaquettes les exercent dans le sang, pour le transport d’oxygène et l’hémostase respectivement. Les leucocytes d’origine myéloïde ne sont qu’en transit dans le sang. Ils passent dans les tissus en fonction des besoins pour y contribuer aux réactions de défense. Les lymphocytes ont une circulation plus complexe, transitant par les organes lymphoïdes et les tissus et recirculant. Ce sont les supports de l’immunité spécifique. Ces fonctions seront étudiées dans des chapitres ultérieurs.

◗ LES CELLULES SOUCHES

Physiologiquement, pour assurer le renouvellement des cellules myéloïdes et lymphoïdes, il existe dans l’organisme des cellules dites « souches ». Ces cellules souches assurent par définition deux fonctions, d’une part leur propre renouvellement, d’autre part la production de cellules différenciées. Ces cellules souches dites hématopoïétiques pourraient avoir des potentialités plus larges et être capables de donner des cellules musculaires et hépatiques. Les cellules souches hématopoïétiques sont en revanche différentes des cellules souches mésenchymateuses, également présentes dans la moelle osseuse, et qui sont à l’origine des cellules du stroma de la moelle, des ostéoblastes, de cellules adipeuses et musculaires lisses. Les cellules souches primordiales sont totipotentes, et elles ont un faible taux de renouvellement. Elles sont donc rarement en mitose, ce qui les met relativement à l’abri de certaines agressions comme les radiations ionisantes et les chimiothérapies antimitotiques. Ces cellules souches hématopoïétiques non différenciées encore totipotentes, vont 3◗



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CONNAISSANCES

donner naissance à des cellules souches à potentialités plus restreintes, mais encore à l’origine de plusieurs lignées et capables de s’autorenouveller, comme la cellule souche myéloïde commune ou la cellule souche lymphoïde commune. On trouve sur ces cellules souches (définies comme celles capables d’autorenouvellement) un marqueur phénotypique, la molécule CD34, ce qui permet de les isoler, à l’état relativement pur à l’aide d’anticorps monoclonaux, bien que CD34 soit aussi exprimé sur des cellules myéloïdes plus mûres et sur les cellules endothéliales. Les cellules souches stricto sensu sont présentes dans une sous-population de cellules CD34+ qui n’exprime pas l’antigène CD38. Aux étapes suivantes du processus vont apparaître des cellules encore incomplètement différenciées, mais qui ne sont plus capables d’autorenouvellement : on les désigne sous le terme générique de « progéniteurs hématopoïétiques » et non plus de cellules souches. Le processus aboutit finalement à des progéniteurs complètement prédéterminés, se différenciant vers une seule lignée, comme par exemple les CFUe, précurseurs des érythroblastes. Le processus se déroule cependant sur de multiples générations cellulaires et la spécialisation ne se fait que progressivement avec, à des étapes intermédiaires, des progéniteurs qui ne donnent plus naissance à toutes les lignées myéloïdes mais à certaines d’entre elles seulement. Ainsi cellules érythroïdes, mégacaryocytaires et basophiles ont-elles un ancêtre commun. Les polynucléaires neutrophiles et les monocytes dérivent de même d’un précurseur commun déjà relativement différencié. Les polynucléaires neutrophiles, éosinophiles et basophiles sont donc des « cousins » plus éloignés que leur nom commun et l’usage ne le suggèrent. Trop peu nombreux, par rapport aux cellules différenciées de la fin des lignées, et sans caractères morphologiques permettant leur identification formelle, les cellules souches et les progéniteurs ne sont pas reconnus par le myélogramme. On les met en évidence par des méthodes expérimentales, comme la reconstruction de l’hématopoïèse chez des souris irradiées et immuno-déficientes, et chez l’homme par greffe de moelle. Seules les cellules souches totipotentes peuvent reconstituer l’hématopoïèse à long terme. On étudie les progéniteurs par des méthodes de cultures qui permettent de cloner ceux qui forment des colonies de cellules hématopoïétiques et d’en identifier la différenciation. En raison de leur aptitude à former ces colonies on les appelle CFU (colony forming unit), CFU-E, CFU-G ou CFU-GM, par exemple, pour les progéniteurs érythroïdes, granuleux ou granulo-monocytaires, respectivement.

Les cellules souches circulent de la moelle vers le sang et réciproquement (Fig. 1.1) ce qui explique que l’on peut utiliser des précurseurs sanguins à la place de la moelle pour reconstituer le tissu myéloïde dans certaines indications de greffe. Cela explique aussi que les maladies malignes comme les leucémies myéloïdes sont d’emblée, ou très rapidement, généralisées.

◗ RÉGULATION DE L’HÉMATOPOÏÈSE

La différenciation progressive des cellules hématopoïétiques et l’orientation préférentielle vers telle ou telle lignée, en fonction des besoins, résultent de phénomènes complexes et encore incomplètement élucidés. Dans cette régulation les facteurs de croissance jouent un rôle central. Ces molécules, bien connues depuis que leurs gènes ont été clonés sont très schématiquement regroupés en deux catégories : 4◗



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ORIGINE DES ÉLÉMENTS FIGURÉS DU SANG

➤ Fig. 1.1. Lignées myéloïdes. ➤

C

ti o ula irc

nd

es

lu c el

le s

souc

hes CS GR

CFUE

Érythroblastes

CFUMeg

Megacaryocytes

CSL

Plaq

CFU E Meg B

Lignée Basophile CFUB Poly. bas

CST

Poly. Neuf

Lignée Granuleuse Moelle

CFUGM

CSM

Macrophages

Monocytes

Lignée Monocytaire C. Dendritiques

CHUEO

Lignée Éosinophile Poly. Eosino

SANG CST Cellule souche (cs) Totipotente CSM. C.S Myéloïde CSL.CS Lymphoïde

TISSUS

Progéniteurs prédéterminés Zone explorée par le myélogramme

Passage tissulaire des cellules

Zone de la NFS

➤ Fig. 1.2. Lignées lymphoïdes. ➤ Organes lymphoïdes centraux : Production des précurseurs T et B TISSUS - Contacts avec les antigènes

THYMUS

CSL

Précurseurs T

LT

LT

CSL

Précurseurs B

LB

LB

LT

LB

LB interaction T-B Plasmocytes

CST

Plasmocytes CSM

LB

circulation entre sang et tissus

Moelle

SANG CST: Cellule souche totipotente CSM: Cellule souche myéloïde CSL: Cellule souche lymphoïde LB: lymphocyte B LT: lymphocyte T

RATE, GANGLIONS … Organes lymphoïdes périphériques réactions immunitaires

1. Les facteurs de la différenciation terminale • L’érythropoïétine pour la lignée érythroïde. • La thrombopoïétine pour les mégacaryocytes et plaquettes. 5◗

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CONNAISSANCES

• Le G-CSF pour la lignée granuleuse. • Le M-CSF pour les monocytes. • L’IL5 (interleukine 5) pour les éosinophiles. • Le GM-CSF qui agit sur les granuleux et les monocytes. 2. Les facteurs actifs en amont. On connaît très mal en fait les phénomènes qui régulent la vie des cellules souches. Le stem cell factor (SCF) est l’un des agents intervenant précocement, mais en fait de multiples facteurs de croissance, comme le GM.CSF, voire le G.CSF, ou la thrombopoïétine ne sont pas seulement actifs aux stades terminaux mais également en amont. De nombreuses interleukines (IL3, IL6) et des chemokines comme le SDF1 qui attirent les cellules vers la moelle, interviennent aussi dans cette régulation très complexe. ➤ Fig. 1.3. Régulation de la myélopoïèse. ➤

SCF Cellules souches

Érythropoïétine

Progéniteurs CFUe

P E.Meg.B

Facteurs indéterminés: contacts cellulaires ?

CSM

CST

GR

Erythroblastes

thrombopoïétine CFU Meg

Prog.* multip

Plaq

Mégacaryocytes

SCF G.CSF CST

Poly-Neut

CSM

Autorenouvellement

Lignée granuleuse

IL3 IL6 CFU

GM.CSF

GM

en cycle ≤ 10%

Monocytes

Lignée monocytaire

Multiplication active en cycle : 30-70% 10 à 20 divisions 1 DIVISION

M.CSF

Cellules differencies dernières mitoses * Progéniteurs multipotentiels

L’expression sur les précurseurs cellulaires, des récepteurs de tel ou tel facteur de croissance, est déterminante dans la programmation de la différenciation cellulaire. Schématiquement, il apparaît que les progéniteurs expriment les récepteurs de plusieurs facteurs mais en faible abondance. Au cours de la différenciation l’expression se restreint et se limite finalement au récepteur d’un facteur donné, qui devient alors très abondant, ce qui favorise l’orientation vers la lignée correspondante. Des facteurs de transcription, plus ou moins spécifiques d’un stade et d’un type de différentiation, exprimés dans les cellules souches et les progéniteurs, jouent un rôle capital. Leur rôle est mis en évidence par l’inactivation du gène correspondant chez la souris. Ainsi l’inactivation de GATA 1 inhibe la différentiation érythroïde, celle de PU 1 la différentiation granulo-monocytaire, celle du facteur TAL/ SCL l’ensemble de la myélopoïèse… 6◗



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ORIGINE DES ÉLÉMENTS FIGURÉS DU SANG

Résumé Points clés Les cellules du sang sont produites toute la vie par la moelle, grâce à des cellules souches dont la caractéristique principale est la capacité d’autorenouvellement. La différentiation vers les cellules mûres implique de multiples générations de cellules, progressivement orientées vers telle ou telle lignée, grâce à l’expression dans ces cellules de facteurs de transcription particuliers à certaines différentiations, et par conséquent de récepteurs de facteurs de croissance exogènes. Les cellules souches circulent dans le sang et peuvent y être mobilisées, en vue de greffe.

Points de débat Les mécanismes exacts de la régulation de la myélopoïèse, dont l’élucidation nécessite de nombreuses études expérimentales.

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Exploration du sang et des organes hématopoïétiques

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◗ EXAMEN DES ÉLÉMENTS FIGURÉS DU SANG ◗ EXPLORATION DE LA MOELLE ◗ EXAMEN DES ORGANES LYMPHOÏDES

◗ EXAMEN DES ÉLÉMENTS FIGURÉS DU SANG ◗

L’hémogramme CNEM

L’hémogramme est réalisé par un prélèvement de sang sur anticoagulant, veineux chez l’adulte ou capillaire chez le petit enfant. Il comporte deux types d’analyses distinctes : l’analyse quantitative des globules rouges, des leucocytes et des plaquettes et l’examen morphologique des cellules. La part quantitative de ces explorations consiste d’abord à mesurer le nombre absolu de cellules par unité de volume de sang. La technique manuelle en cellule de Malassez, longue et imprécise, a été remplacée par l’usage des compteurs électroniques qui permettent d’effectuer les mesures beaucoup plus rapidement, avec une marge d’erreur beaucoup plus faible, qui reste cependant de 2 à 6% pour les globules rouges et les globules blancs, et de plus ou moins 10 à 15% pour les plaquettes. Ces compteurs permettent de compter simultanément les trois types de cellules sur un petit échantillon de sang et ils sont le plus souvent couplés à un analyseur qui fournit directement les résultats de la « formule sanguine ».



Mesures quantitatives sur les globules rouges et leur contenu

La quantité de globules rouges présente dans un échantillon de sang peut être appréciée par trois mesures : celle du nombre de globules rouges, celle de l’hématocrite et celle du taux d’hémoglobine. Si, en pathologie, ces trois mesures évoluaient toujours parallèlement, l’étude de l’une d’elle serait suffisante. Comme on peut observer des modifications dissociées de ces trois variables, leurs mesures conjointes sont indispensables. Les compteurs électroniques modernes assurent simultanément ces trois mesures. CNEM : item 316 « hémogramme indication et interprétation ».

9◗



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CONNAISSANCES



Nombre normal de globules rouges

Il est indiqué dans le tableau 2.I.

Numération de globules rouges (résultats normaux en millions par mm3).

Tableau 2.I. Homme

4,5 à 6,2

Femme et enfant jusqu’à la puberté

4 à 5,4

Enfant (1 an)

3,6 à 5

Nouveau-né



5à6

Hématocrite

La centrifugation d’un petit volume de sang dans un tube gradué permet la lecture directe des volumes relatifs du plasma et des globules rouges (les autres cellules forment une mince couche négligeable à la surface des globules rouges). La mesure se fait dans des microtubes centrifugés à haute vitesse. Dans les compteurs automatiques, l’hématocrite n’est en revanche pas mesuré, mais calculé, à partir du volume globulaire moyen que l’appareil mesure directement (voir ci-dessous VGM). Le tableau 2.II. donne les valeurs normales de l’hématocrite.

Tableau Tableau 8.I. 2.II.

Hématocrite normal (en%).

Homme

40 à 54

Femme et enfant jusqu’à la puberté

35 à 47

Enfant (1 an)

36 à 44

Nouveau-né

44 à 62



Taux d’hémoglobine

On dose l’hémoglobine dans un échantillon de sang par diverses méthodes, mais une seule est aujourd’hui retenue : la méthode de la cyanméthémoglobine, dans laquelle l’hémoglobine et tous ses dérivés sont transformés par un réactif à base d’acide cyanhydrique en cyanméthémoglobine, laquelle est dosée sur un spectrophotomètre. Les résultats en sont habituellement exprimés, en France, pour 100 mL de sang. Le tableau 2.III. donne les résultats normaux.

Tableau 8.II. 2.III.

Hémoglobine normale (pour 100 mL).

Homme

13 à 18 g

Femme

12 à 16 g

Enfant (> 2 ans)

12 à 16 g

Nouveau-né

14 à 20 g

10 ◗



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EXPLORATION DU SANG ET DES ORGANES HÉMATOPOÏÉTIQUES



Volume et contenu des globules rouges

Le contenu du globule rouge dépend de la quantité d’hémoglobine synthétisée au cours de l’érythropoïèse et du volume de l’hématie. On les apprécie essentiellement par le calcul des constantes dites de Wintrobe : volume globulaire moyen (VGM), concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) et teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH). Lorsque l’on prescrit une « NFS » les constantes érythrocytaires sont habituellement fournies par le laboratoire, cependant ce n’est pas toujours le cas, et c’est pourquoi il est utile de connaître les modalités de leur calcul.

Calcul du volume globulaire moyen (VGM)

Calcul de la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) Le calcul consiste à diviser le résultat du dosage d’hémoglobine par celui de l’hématocrite. On rapporte ainsi la quantité d’hémoglobine à l’unité de volume de globules rouges. Le résultat normal est compris entre 0,32 et 0,36 généralement exprimé en%. La CCMH peut être abaissée en dessous de 32 quand le contenu en hémoglobine des globules rouges par unité de volume est insuffisant : il y a hypochromie. Lorsque la CCMH est comprise entre 32 et 36, il y a normochromie. En revanche, il n’y a jamais d’élévation de la CCMH au-dessus de 36 (sauf erreur technique ou microsphérocytose) : il n’existe pas d’hyperchromie.

Teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH) La TCMH a moins d’intérêt que la CCMH ou le VGM. Elle s’obtient en divisant le résultat du dosage d’hémoglobine par le nombre de globules rouges et indique le poids moyen d’hémoglobine par globule, soit à l’état normal 29 ± 2 γγ. Elle dépend à la fois du contenu en hémoglobine par unité de volume et du volume globulaire.



Numération des réticulocytes

Les réticulocytes sont des globules rouges jeunes, identifiables dans le sang pendant 24 heures environ, alors que la durée de vie des globules rouges est d’environ 120 jours. Ces réticulocytes représentent donc environ 1% des globules rouges, ils permettent d’évaluer approximativement l’activité actuelle de la lignée érythroblastique. Pour les mesurer, on les met classiquement en évidence sur frottis de sang à l’aide de certains colorants comme le bleu de méthylène qui font précipiter les organites cytoplasmiques qu’ils comportent encore (ARN messagers en particulier), et qui disparaissent dans les globules ◗

◗ Il existe chez le petit enfant une microcytose (7580 μm3) qui semble physiologique.

Il se fait en divisant le volume globulaire compris dans 1 mm3 de sang (fourni par l’hématocrite) par le nombre de globules rouges contenu dans le même volume (fourni par la numération). La normale se situe entre 85 et 95 μm3. En dessous de 85 μm3, on parlera de microcytose, audessus de 95 μm3 de macrocytose, dans les limites normales de normocytose. En pratique cependant, et tenant compte des incertitudes sur les mesures, une microcytose ne peut être affirmée qu’au-dessous de 83 μm3, si elle est constante, et une macrocytose au-dessus de 97 μm3.

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CONNAISSANCES

rouges plus âgés. C’est ce que l’on appelle la « substance réticulofilamenteuse ». On estime sur 1000 globules rouges environ le pourcentage de ceux qui sont des réticulocytes. Il existe maintenant une technique automatique de décompte des réticulocytes qui tend à se généraliser En pratique clinique il faut exprimer le résultat en nombre absolu, en rapportant le pourcentage de réticulocytes au nombre total de globules rouges par mm3. En effet un même taux de réticulocytes a une signification tout à fait différente selon qu’il existe ou non une anémie. Le nombre normal des réticulocytes est compris entre 25000 et 100000 par mm3 pour un taux d’hémoglobine normal. La numération des réticulocytes ne fait pas partie de l’hémogramme standard et doit être spécifié sur l’ordonnance.



Étude quantitative des globules blancs

Elle est assurée sur le même prélèvement que les globules rouges et par le même appareil. Les valeurs normales sont comprises entre 4 et 10 000/mm3 chez l’adulte.



Étude quantitative des plaquettes

Elle peut être effectuée soit par technique manuelle soit à l’aide des compteurs électroniques qui assurent simultanément les comptes des globules rouges et des globules blancs. L’intervalle de variation du taux normal de plaquettes est très large, de 150000 à 500000 par mm3.



Étude morphologique des éléments figurés du sang

Elle est réalisée en étalant une fine goutte de sang sur une lame de verre et en l’examinant au microscope après coloration (la coloration la plus utilisée en France est le May-Grunwald-Giemsa). Cet examen au microscope permet d’étudier la morphologie des hématies et de faire la « formule sanguine ». Celle-ci est souvent fournies aujourd’hui par des analyseurs automatiques.



Examen des hématies sur le frottis

Normalement tous les globules rouges ont approximativement même forme, même coloration et même diamètre. Toute modification de ces données traduit un état pathologique. Ainsi les hématies peuvent avoir une taille inégale, c’est l’anisocytose ou des formes variables c’est la poïkilocytose : dans ces deux cas ceci suggère l’existence d’une anomalie de l’érythropoïèse. De même, la coloration des hématies peut être modifiée : elles peuvent apparaître décolorées sur lame, ou franchement hypochromes, confirmant, lorsqu’elle est douteuse, l’hypochromie mesurée par la CCMH, et par conséquent, l’existence d’une insuffisance de l’hémoglobinogenèse, il peut aussi exister une polychromatophilie (les hématies apparaissant plus bleues qu’oranges) qui témoigne d’une érythropoïèse accélérée et d’une hyper-réticulocytose. Dans certains cas existent en outre soit des hématies de formes très particulières témoins de certaines anémies 12 ◗



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EXPLORATION DU SANG ET DES ORGANES HÉMATOPOÏÉTIQUES

hémolytiques (voir p. 127), soit des inclusions intra-érythrocytaires également de grande valeur diagnostique dans certains cas particuliers. ➤ Fig. 2.2. Anisocytose. ➤

➤ Fig. 2.1. Hématies normales. ➤

➤ Fig. 2.3. Poïkilocytose. ➤



Étude morphologique des globules blancs : la formule sanguine

L’examen des frottis de sang permet de reconnaître les variétés de leucocytes et d’en établir les proportions relatives; c’est la classique « formule sanguine ». Le tableau 2.IV. donne les valeurs normales de la formule sanguine chez l’adulte. Il est important de tenir compte seulement des nombres absolus de chaque catégorie de leucocytes (obtenus en rapportant le pourcentage dans la formule au résultat de la numération globale des leucocytes). D’ailleurs beaucoup d’appareils électroniques mesurent maintenant ces différents leucocytes en valeur absolue, mais reconvertissent (malheureusement) encore souvent ces valeurs absolues en

13 ◗

2



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CONNAISSANCES

Tableau Tableau 8.III. 2.IV.

Constantes biologiques, anciennes et nouvelles unités.

Ancienne nomenclature (A)

Système international d’unités (SI)

Globules rouges

× 10 /mm ou μL

×1012/L

Leucocytes

× 103/mm3 ou μL

×109/L

Plaquettes

× 103/mm3 ou μL

× 109/L

Hémoglobine

g/100 ml

G/dL

Hématocrite

% ou p. 100

0à1

VGM

μ3

femtolitre (fL)

CCHM

% ou p. 100

G/dL

TCHM

pg/cellule

pg/cellule

6

3

pourcentage, tant la « formule sanguine » historique en pourcentage reste gravée dans les habitudes. Les données du tableau 2.V. sont des moyennes établies chez l’adulte. La formule sanguine de l’enfant est très différente : elle est proche de celle de l’adulte chez le nouveau-né, mais au cours du premier mois s’établit une formule à prédominance lymphocytaire avec tendance à une leucocytose totale plus élevée (jusqu’à 15 000/mm3). Le passage à la formule de l’adulte se fait entre 4 et 10 ans.

Tableau 2.V.

Formule sanguine et nombres absolus de leucocytes (à l’état normal chez l’adulte).

Types de leucocytes

Nombres absolus (par mm3)

Polynucléaires neutrophiles (PN)

1700 à 7000

Polynucléaires éosinophiles (PE)

0 à 500

Polynucléaires basophiles (PB)

0 à 50

Lymphocytes

1000 à 4000

Monocytes

100 à 1000

Des méthodes plus sophistiquées, qui ne sont pas de pratique courante, ont recours à la cytométrie en flux pour permettre de mieux caractériser, après marquage des cellules du sang ou de la moelle par des anticorps monoclonaux, les cellules de certaines proliférations. Elles seront envisagées aux chapitres correspondants.

L’aspect des différentes catégories de leucocytes dont les propriétés seront étudiées ultérieurement est donné dans les figures 2.5. à 2.9. Noter que la distinction entre petits et grands lymphocytes n’a pas d’intérêt diagnostique.



Étude des plaquettes sur frottis de sang

L’examen des plaquettes sur le frottis permet d’abord de « contrôler » les résultats de la numération : on peut vérifier si les plaquettes sont rencontrées en petits amas de 2 à 5 ou plus, comme cela est normal, ainsi que leur taille et leur morphologie. On peut estimer grossièrement l’abondance des plaquettes et cette estimation peut parfois suggérer l’invraisemblance de certains décomptes, justifiant alors une 14 ◗



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EXPLORATION DU SANG ET DES ORGANES HÉMATOPOÏÉTIQUES

nouvelle numération. L’agglutination anormale in vitro en présence de l’anticoagulant usuel (EDTA) est ainsi une cause non exceptionnelle de fausses thrombopénies, aisément décelées par l’examen du frottis et confirmées par un nouveau décompte sur prélèvement citraté. . ➤ Fig. 2.4. Hypochromie. ➤

➤ Fig. 2.5. Polynucléaire neutrophile (1) et polynucléaire éosinophile (2). ➤

➤ Fig. 2.7. Grand lymphocyte. ➤

15 ◗

➤ Fig. 2.6. Polynucléaire basophile. ➤

➤ Fig. 2.8. Petit lymphocyte. ➤

2



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CONNAISSANCES

➤ Fig. 2.9. Monocyte. ➤



Prescription de l’hémogramme en urgence

L’hémogramme est le plus souvent prescrit dans une situation diagnostique qui ne comporte pas de caractères d’urgence, mais il est des cas où il doit impérativement être prescrit en urgence : devant des symptômes pouvant faire craindre : – une anémie aiguë : asthénie majeure avec pâleur, polypnée, tachycardie, voire souffle systolique, céphalées, « mouches volantes » et soif intense, – une granulopénie majeure : fièvre, syndrome infectieux, surtout accompagnés d’angine et/ou d’ulcérations buccales, – une thrombopénie : purpura, syndrome hémorragique. La constatation d’une anémie sévère (< 7 g/dL) ou d’une neutropénie majeure (< 200/mm3) ou d’une thrombopénie à risque (< 20 000/mm3) impose le recours d’urgence à un spécialiste.

Hémogramme et vieillissement CNEM Plusieurs études concordantes montrent l’absence de modification de l’hémogramme avec l’âge, en l’absence de pathologie. En revanche, les réserves médullaires diminuent avec l’âge, comme le montre la moins bonne tolérance de la chimiothérapie chez l’adulte que chez l’enfant et d’autant plus que l’adulte avance en âge. CNEM : item 54 « vieillissement normal : aspects biologiques ».

◗ EXPLORATION DE LA MOELLE ◗

Myélogramme

La moelle rouge des épiphyses des os longs, et celle des os plats, représente un énorme organe hématopoïétique diffus, doué d’une activité mitotique intense qui lui permet par exemple de produire, chaque jour, environ 100 à 250 milliards de GR, 70 à 150 milliards de plaquettes et plusieurs dizaines de milliards de leucocytes polynucléaires des trois variétés. En pratique courante, l’examen cytologique de la 16 ◗



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EXPLORATION DU SANG ET DES ORGANES HÉMATOPOÏÉTIQUES

moelle osseuse, ou myélogramme, permet de se renseigner sur l’état de cet organe hématopoïétique. L’examen se pratique par ponction au trocart d’une épiphyse fertile, en général le sternum ou une épine iliaque postérieure. On réalise une anesthésie superficielle de la peau, mais il n’y a pas d’anesthésie du périoste. Le myélogramme est donc un examen un peu douloureux. La moelle est aspirée à la seringue, puis un frottis est préparé et coloré comme pour le sang. Cet examen ne donne aucun chiffre absolu, mais seulement des pourcentages traduisant les proportions relatives des diverses cellules médullaires normales. Il est très important de savoir si le frottis est riche en cellules ou non, ce qui donne une appréciation grossière sur la richesse cellulaire de la moelle, et permet ainsi de mieux utiliser les données des pourcentages. Par exemple, un taux élevé de lymphocytes sur un frottis très pauvre suggère une aplasie médullaire et traduit surtout la raréfaction des autres cellules. En revanche, le même taux sur un frottis riche suggère une leucémie lymphoïde avec envahissement de la moelle par les lymphocytes. Les cellules de la moelle sont regroupées en « lignées » qui sont l’ensemble des précurseurs d’un type de cellules circulantes. En pratique, les variations de pourcentage de l’ensemble des cellules d’une lignée sont importantes à apprécier, car elles donnent des indications sur celles qui sont enrichies ou appauvries. Le tableau 2.VI donne les principaux chiffres normaux. À l’intérieur des lignées, les cellules sont d’autant plus nombreuses qu’elles sont plus mûres. La rupture de cet équilibre, avec excès de formes immatures, suggère un trouble de maturation.

Tableau Tableau 8.IV. 2.VI.

Myélogramme normal (riche).

I. Lignée du globule rouge ou érythoblastique (proérythroblastes, érythroblastes basophiles, polychromatophiles, et acidophiles).

8 à 30%

II. Lignée du polynucléaire neutrophile ou granulocytaire (myéloblastes, promyélocytes, myélocytes, métamyélocytes et PN).

50 à 70%

III. Lignées éosinophiles et basophiles

2 à 4%

IV. Lignée plaquettaire : mégacaryocytes

Présents

V. Lignée monocytaire

2 à 3%

VI. Cellules « souches » (dites « indifférenciées ») ou hémoblastes.

1 à 2%

VII. Éléments « non myéloïdes » (lymphocytes, plasmocytes).

moins de 20 %

Les données du tableau 2.VI. appellent quatre remarques : – Les mégacaryocytes ne peuvent être comptés avec précision car ce sont de très grosses cellules inégalement réparties, et rares (environ 1 à 10 pour 10 000 cellules), leurs variations sont donc difficiles à apprécier. On estime en général, de façon globale, la richesse ou la pauvreté du myélogramme en mégacaryocytes. – Le rapport érythroblastes/granuleux varie en général de 1/3 à 1/4. – Les éléments dits « non myéloïdes » sont en fait des éléments nor17 ◗

2



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CONNAISSANCES

maux de la moelle, mais ils ont des fonctions correspondant à celle de l’ensemble du tissu lymphoïde. Notons qu’ils sont plus abondants chez le très jeune enfant (jusqu’à 50%), et que chez le nourrisson, on peut même trouver quelques lymphoblastes dans la moelle. – Les hémoblastes ne sont pas réellement des cellules souches, contrairement à une croyance ancienne, ce sont seulement les cellules granulocytaires les plus jeunes.

La lecture pratique du myélogramme comporte trois étapes – l’appréciation de sa richesse globale en cellules, – la comparaison du pourcentage global d’érythroblastes, de granuleux, et d’éléments lymphoïdes avec les pourcentages normaux, – la vérification de l’équilibre « pyramidal » de chaque lignée.



Biopsie de moelle (BM)

Elle se pratique, en milieu spécialisé, avec un trocart spécial qui permet de découper un petit fragment osseux dans l’épine iliaque postérosupérieure, sous anesthésie locale et dans des conditions rigoureuses d’asepsie. Son principal mérite est de permettre une étude histologique de la moelle non dilacérée, comme elle l’est sur le myélogramme par l’aspiration et la confection du frottis. Elle apprécie beaucoup mieux la richesse cellulaire de la moelle, mais moins bien la morphologie cellulaire. En pratique c’est un examen spécialisé, complémentaire du myélogramme. La richesse médullaire est appréciée sur le rapport des surfaces occupées respectivement par les cellules myéloïdes et par les cellules graisseuses. Il est normalement d’environ 50% chez l’adulte. Lorsque la richesse est augmentée l’espace occupé par les cellules graisseuses diminue et récipro-

➤ Fig. 2.10. Biopsie médullaire, aspect normal : lamelle osseuse, cellules hématopoïétiques, cellules graisseuses. ➤

18 ◗



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EXPLORATION DU SANG ET DES ORGANES HÉMATOPOÏÉTIQUES

➤ Fig. 2.11. Biopsie médullaire, moelle aplasique : prédominance de graisse. ➤

quement. Par ailleurs, la biopsie médullaire permet seule d’affirmer l’existence d’une augmentation de la trame réticulinique ou collagène de la moelle, c’est-à-dire d’une fibrose médullaire. Elle permet aussi, avec une probabilité beaucoup plus grande que le myélogramme, de déceler les envahissements médullaires nodulaires, qu’il s’agisse de métastases de cancers ou de lymphomes.

La BM est contre-indiquée en cas de troubles de la coagulation ou de thrombopénie sévère. Sauf exceptions (recherche de fibrose, d’envahissement par un lymphome ou un cancer), le myélogramme doit toujours précéder la BM.

◗ EXAMEN DES ORGANES LYMPHOÏDES

◗ Attention Il ne faut plus mettre un ganglion biopsié dans le fixateur en salle d’opération. Il faut l’envoyer frais, non fixé, dans des délais rapides au laboratoire d’anatomie pathologique.

La ponction ganglionnaire permet d’étudier le tissu lymphoïde du ganglion prélevé par ponction sans et parfois avec aspiration, à l’aide d’une aiguille fine, de préférence sous anesthésie locale et en piquant une zone non déclive, si l’allure est inflammatoire. L’examen du frottis permet d’établir les proportions des différentes cellules du ganglion ou adénogramme et soit d’éviter la biopsie, soit de l’orienter. En cas d’infection elle permet l’examen bactériologique. La biopsie ganglionnaire avec examen histologique est souvent nécessaire pour avoir une certitude diagnostique devant une adénopathie. Il est hautement préférable de la réaliser en centre spécialisé et sous anesthésie générale. Il est essentiel de prélever un ganglion entier, sur lequel, outre l’étude anatomo-pathologique, une série de manipulations est nécessaire : la réalisation d’empreintes pour examen cytologique, éventuellement le caryotype sur cellules fraîches, l’isolement de cellules ganglionnaires et la congélation d’une partie du ganglion pour que puissent être réalisé ensuite, si besoin est, certains immunomarquages et des études de biologie moléculaire. Il faut éviter ◗

◗ Attention Ne jamais piquer une masse possiblement vasculaire, notamment sur les axes carotidiens et fémoraux.

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CONNAISSANCES

de prélever les ganglions inguinaux en raison du risque de complications locales et d’une interprétation souvent difficile, et les ganglions cervicaux postérieurs, proches du nerf spinal.

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Anatomie et physiologie du globule rouge et de la lignée érythroblastique ◗ LE GLOBULE ROUGE ◗ DONNÉES QUANTITATIVES SUR LE GLOBULE ◗ ◗

3

◗ FACTEURS EXOGÈNES NÉCESSAIRES À L’ÉRYTHROPOÏÈSE

◗ L’HÉMOGLOBINE ◗ L’HÉMOLYSE PHYSIOLOGIQUE

ROUGE PHYSIOLOGIE DU GLOBULE ROUGE L’ÉRYTHROPOÏÈSE

Introduction ◗ Le globule rouge, du fait de son isolement facile à partir du sang, a longtemps été une cellule modèle. ◗ Son constituant principal, l’hémoglobine, a été également le modèle de la physiologie moléculaire grâce aux premières techniques de biologie structurale. ◗ Les gènes de globine et leurs mutations, étudiés depuis plus de 30 ans, représentent de leur côté un modèle majeur de la génétique moléculaire. ◗ En pathologie le niveau des connaissances physiologiques permet d’élaborer des schémas de comportements diagnostiques rationnels particulièrement performants. ◗ La connaissance de la physiologie et de la physiopathologie est donc indissociable de la compréhension du raisonnement diagnostique.

◗ LE GLOBULE ROUGE ◗

Structure du globule rouge

Le globule rouge est un sac sans noyau qui transporte de l’hémoglobine en la protégeant de l’oxygène qu’elle transporte. Le globule rouge (GR) normal à la forme d’un disque biconcave : déposé sur une lame, il a une forme circulaire régulière, un diamètre de 7,5 µm environ. Après coloration de May-Grunwald-Giemsa, il est orangé (acidophile). À l’état normal, tous les globules rouges ont sensiblement même forme, même diamètre, même coloration et toute modification de ces critères traduit un phénomène pathologique (voir chap. 2). 21 ◗



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CONNAISSANCES

Cellule anucléée, le GR comprend : a. Une membrane comportant une double couche de phospholipides, stabilisée par du cholestérol, dans laquelle s’intercalent des protéines (fig. 3.1). À l’extérieur, il existe une couche supplémentaire riche en mucopolysaccharides et contenant notamment les substances de groupes sanguins. Les protéines peuvent être, soit superficielles et mobiles dans la couche lipidique, soit transmembranaires (elles jouent alors souvent un rôle dans les échanges), soit sous-membranaires formant le squelette du globule rouge. Longtemps mal connues, les protéines des cytosquelettes sont maintenant bien identifiées, leurs gènes clonés, et la connaissance de leur pathologie progresse rapidement. b. Le cytoplasme du GR : le microscope électronique ne permet de distinguer aucun organite cellulaire dans le GR. L’analyse révèle que le GR contient : de l’eau, de l’hémoglobine, des ions (K+ essentiellement), des enzymes et du glucose. L’hémoglobine, constituant essentiel (environ 300 millions de molécules par GR) représente environ le tiers du poids des GR. ➤ Fig. 3.1. Structure schématique de la membrane du globule rouge. ➤ Certaines protéines portent un nom (glycophorine, spectrine, ankyrine). D’autres sont désignées par leur migration électrophorétique (bande 3, bande 4.1). Les interactions entre les protéines sont très importantes, d’où la difficulté à analyser leur responsabilité en cas de déficit, celui-ci pouvant n’être que secondaire.

Le globule rouge qui vient de perdre le noyau de l’érythroblaste est appelé réticulocyte. Il contient des organites cytoplasmiques résiduels notamment des mitochondries et des polyribosomes qui disparaissent en 48 heures, dont environ 24 heures après passage dans la circulation. Au microscope électronique les réticulocytes sont remarquables par une forme très irrégulière, contrairement aux globules rouges. Ils peuvent être comptés grâce à des techniques spéciales (voir chap. 2) et ils ont un très grand intérêt pour apprécier la production médullaire dans le diagnostic des anémies (voir p. 113).

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ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DU GLOBULE ROUGE ET DE LA LIGNÉE ÉRYTHROBLASTIQUE

◗ DONNÉES QUANTITATIVES SUR LE GLOBULE ROUGE ◗

Hémogramme

L’hémogramme fournit la mesure sur un échantillon de sang veineux de la quantité de globules rouges par unité de volume. On doit apprécier à la fois leur nombre, la quantité d’hémoglobine et le volume qu’ils occupent (hématocrite) dans le sang. Les valeurs normales sont données dans le chapitre 2.

◗ ◗ Le volume globulaire total est pathologique s’il est supérieur à 120 % de sa valeur théorique.

Mesure de la masse globulaire totale

La numération globulaire, l’hématocrite et le taux d’hémoglobine représentent différentes mesures de la quantité de globules rouges présente dans un échantillon de sang. Ce sont donc des mesures de concentration. Dans la grande majorité des cas, la masse plasmatique étant peu modifiée, ces trois examens permettent d’apprécier de façon satisfaisante si le sujet est normal, anémique ou polyglobulique. Cependant toute variation de la masse plasmatique les modifie de façon parallèle, qu’il s’agisse d’une hémodilution ou d’une hémoconcentration. Dans ces cas il ne sera pas possible de conclure sur les simples résultats de l’hémogramme s’il y a anémie ou hémodilution et à l’inverse s’il y a polyglobulie ou hémoconcentration. Dans certaines circonstances cliniques, il est donc nécessaire de disposer d’une méthode de mesure directe de la masse globulaire totale. La méthode la plus simple consiste à injecter des globules rouges marqués par un isotope radioactif (le chrome 51 ou surtout le technetium). Environ 20 minutes après l’injection, les globules rouges marqués sont répartis dans le sang de façon homogène. Connaissant la radioactivité totale injectée, on calcule le volume sanguin total, en mesurant la radioactivité d’un millilitre de sang. A partir des résultats de l’hématocrite et du volume sanguin total, on calcule le volume globulaire total et le volume plasmatique total. Il est recommandé de coupler cette mesure du volume globulaire à celle du volume plasmatique, grâce à l’albumine marquée par l’iode121. Les variations de ces volumes sont très importantes à l’état normal en fonction surtout du poids, de la taille et du sexe. L’expression en mL/kg des valeurs normales est relativement facile à mémoriser (33 +/-3 chez l’homme, 25 +/-3 chez la femme) mais, en raison de ces variations, elle n’est pas aussi fiable que l’expression en mL rapportée à la valeur théorique donnée par des abaques.

◗ PHYSIOLOGIE DU GLOBULE ROUGE

Le globule rouge n’a qu’une fonction : le transport et le maintien à l’état fonctionnel de l’hémoglobine. L’hémoglobine est le pigment respiratoire qui assure le transport de l’oxygène et d’une partie du gaz carbonique, ainsi que du NO. Notons que la surface considérable des GR (plusieurs milliers de mètres carrés au total) permet une diffusion rapide de l’oxygène, que la forme de cette cellule favorise également.



Circulation du globule rouge

Le globule rouge, dont le diamètre est légèrement supérieur à 7 µm, doit traverser des capillaires de très petite taille, dont le diamètre peut atteindre 3 µm, en particulier au niveau de la rate. Pour pouvoir traverser sans dommage des orifices aussi restreints, il doit être ◗

◗ Tout déficit en GR sera ressenti comme un défaut d’oxygène au niveau des tissus.

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CONNAISSANCES

extrêmement plastique. Cette plasticité est assurée grâce à sa forme biconcave. Toute modification de cette forme, toute augmentation de la rigidité de la membrane, toute augmentation de la viscosité de l’hémoglobine diminueront la plasticité entraînant une gêne circulatoire et favorisant la destruction des hématies. Ainsi les microsphérocytes ne sont pratiquement pas déformables et sont donc systématiquement éliminées par la rate (Fig. 3.2). ➤ Fig. 3.2. Déformabilité du GR. ➤



Remodelage du globule rouge par la rate

Lorsque les globules rouges sortent de la moelle ils peuvent contenir encore des restes de noyaux (appelés corps de Jolly) ou des grains de fer. Ces « imperfections » sont éliminées des globules rouges par les macrophages spléniques lors du passage à travers la rate. Lorsque la rate est absente anatomiquement ou fonctionnellement cela se traduit sur l’examen du frottis de sang par la présence de corps de Jolly et de grains d’hémosidérine dans les hématies. En l’absence d’anémie, la présence de corps de Jolly dans les globules rouges doit faire rechercher un antécédent de splénectomie ou une asplénie.



Métabolisme du globule rouge et glycolyse intra-érythrocytaire

Pour assurer sa fonction et maintenir son existence le GR doit constamment lutter contre deux dangers principaux : l’oxydation de ses constituants (le fer et la globine notamment) grâce à une série de systèmes réducteurs, et l’hyperhydration grâce au mécanisme des « pompes à sodium » qui lui permet de chasser vers l’extérieur l’ion Na+. L’énergie nécessaire à ces fonctions provient entièrement de la dégradation du glucose.



Rappel schématique de la glycolyse intra-érythrocytaire

Le glucose transformé par l’hexokinase en glucose-6-phosphate est catabolisé par deux voies, la voie principale dite d’Embden-Meyerhof (90%) anaérobie, et la voie accessoire ou shunt des pentoses (10%). La voie principale permet la dégradation du glucose (C6) en deux 24 ◗



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trioses phosphates (C3). Une seconde série de réactions productrices d’énergie aboutit à la formation d’acide pyruvique éliminé sous forme d’acide lactique. Cette seconde partie de la voie principale permet la régénération de deux molécules d’ATP (à partir d’ADP) et de deux molécules de NADH réduit. Tout au long de cette chaîne de réactions interviennent une série d’enzymes qui peuvent être déficitaires à l’état pathologique. C’est notamment le cas de la pyruvate kinase. L’absence dans les GR des mitochondries et des enzymes du cycle de Krebs arrête là les réactions qui, dans les autres cellules, se poursuivent par le cycle de Krebs avec un rendement énergétique très supérieur (Fig. 3.3). ➤ Fig. 3.3. Schéma de la voie principale de la glycolyse. ➤

La voie des pentoses ne dégrade que 10% du glucose qui est transformé en un triose phosphate par une série de réactions qui font intervenir des sucres en C5 (pentoses). Son importance est cependant très grande car elle est la seule source de régénération du NADPH réduit. Parmi les enzymes de cette voie, il faut se rappeler le rôle de la glucose-6-phosphate déshydrogénase (G-6-PD) à son origine (Fig. 3.4). La glycolyse intra-érythrocytaire aboutit donc à la régénération de l’ATP, du NADH réduit, et du NADPH réduit, dont les rôles sont différents :

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 3.4. Schéma de la voie des pentoses. ➤

L’ATP assure le fonctionnement de la pompe à sodium : au niveau de la membrane globulaire une enzyme, l’ATPase, joue un rôle important dans ce phénomène en libérant l’énergie de l’ATP qui est utilisée dans la chasse du sodium. L’ATP joue également un rôle important dans le maintien de la forme biconcave des GR et la stabilité des lipides de la membrane. Un déficit en ATP entraînera donc des altérations de la membrane globulaire et une tendance à l’hyperhydratation avec formation de sphérocytes, puis destruction de la cellule (Fig. 3.5). ➤ Fig. 3.5. Rôles du NADH réduit et de l’ATP. ➤

Le NADH réduit est le coenzyme de la principale méthémoglobine réductase ou diaphorase qui assure la réduction de la méthémoglobine inactive (à fer ferrique) en hémoglobine (à fer ferreux). 26 ◗



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Le NADPH réduit, qui n’est fourni que par la voie accessoire de la glycolyse, a des fonctions complexes : d’une part, il est la coenzyme d’une méthémoglobine réductase accessoire qui n’intervient pas à l’état physiologique; d’autre part, il est la coenzyme de la glutathion-réductase qui assure la régénération du glutathion réduit GSH (donneur de groupement SH) et par lui, la protection contre l’oxydation de la globine et de diverses protéines structurales. En effet, la glutathion peroxydase qui assure l’élimination des peroxydes dangereux, comme H2O2, utilise comme substrat le GSH (Fig. 3.6 et 3.7). ➤ Fig. 3.6. Rôle du NADPH réduit. ➤

La vie du GR dépend de la régénération de ces composés réducteurs ou énergétiques, et par conséquent, du bon fonctionnement de la glycolyse, donc de la présence de toutes ces enzymes à un taux suffisant. Le GR n’ayant pas de noyau, il ne peut synthétiser de nouvelles protéines, ➤ Fig. 3.7. Détails du métabolisme du glutathion. ➤

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CONNAISSANCES

lorsque le stock d’enzymes qu’il a reçu au départ est épuisé, commence son vieillissement et sa mort (voir « Hémolyse »).

Résumé Points clés Le globule rouge apparaît comme une cellule particulièrement optimisée. Presque toute anomalie de ses constituants va se traduire par une diminution de ses performances.

Points de débat La mise au point de succédanés efficaces des globules rouges ou même l’hémoglobine sera-t-elle possible, sans reconstituer un globule rouge avec ses caractéristiques naturelles?

◗ L’ÉRYTHROPOÏÈSE

C’est l’ensemble des mécanismes qui aboutissent à la formation des globules rouges. C’est un phénomène permanent puisque chaque jour 1/120e des globules rouges arrive au terme de leur vie normale et sont détruits. L’érythropoïèse compense cette destruction en mettant en circulation chaque jour chez un adulte l’équivalent du nombre de globules rouges contenu dans 25 à 50 cm3 de sang. C’est un phénomène adaptatif qui peut, en cas de besoin accru, être multiplié par 7 ou 8.



Lignée érythroblastique

C’est l’ensemble des cellules qui se différencient vers la synthèse de l’hémoglobine aboutissant aux globules rouges. La lignée érythroblastique chez l’homme est localisée dans la moelle osseuse et représente 8 à 30% des cellules médullaires (voir p. 17). On distingue par ordre de maturité de croissance : le proérythroblaste, l’érythroblaste basophile, l’érythroblaste polychromatophile, l’érythroblaste acidophile, le réticulocyte, l’hématie ou globule rouge ou érythrocyte. Les différentes catégories d’érythroblastes sont reconnues sur les caractères du noyau et du cytoplasme. Plus les cellules sont avancées dans la lignée plus leur taille diminue, plus le cytoplasme initialement basophile et riche en ARN devient acidophile et riche en hémoglobine et plus le noyau se condense jusqu’à son expulsion qui transforme l’érythroblaste acidophile en réticulocyte.



Origine de la lignée érythroblastique

Toutes les cellules myéloïdes dérivent de cellules souches communes dites totipotentes (chap. 2). Entre ces cellules totipotentes et les érythroblastes se situent plusieurs générations (sans doute au moins 28 ◗



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une dizaine) de précurseurs. Les dernières cellules pré-érythroblastiques, les CFU.E n’ont que deux avenirs possibles : ◗ Les CFU.E constituent un important volant de régulation de l’érythropoïèse, dont le régulateur est le taux d’érythropoïétine.

– se différencier en proérythroblaste, sous l’effet de l’érythopoïétine qui déclenche le programme de différentiation terminale, dont la synthèse de l’hémoglobine; – ou mourir par apoptose, si aucune molécule d’érythropoïétine ne leur parvient.



Formation des érythroblastes

La synthèse de l’ADN du noyau est suivie de la mitose, lorsque le taux d’ADN a doublé. Il y a dans la lignée érythroblastique quatre mitoses entre le proérythroblaste et l’érythroblaste acidophile (Fig. 3.8). L’érythroblaste acidophile ne se divise pas et son noyau devenu pycnotique et inutile est finalement expulsé, donnant naissance aux réticulocytes anucléés. L’expulsion du noyau a sans doute pour conséquence de réduire les dépenses énergétiques de la cellule et d’accroître sa plasticité La synthèse protéique dans le cytoplasme est très spécialisée, l’hémoglobine étant de très loin la principale protéine synthétisée dans la lignée érythroblastique. L’augmentation de la concentration en hémoglobine dans le cytoplasme explique l’acidophilie croissante avec la maturation. Petit à petit tous les organites cytoplasmiques disparaissent et au stade réticulocytes il n’en subsiste que des vestiges qui suffisent cependant à une synthèse d’hémoglobine encore active. Tout a disparu dans le globule rouge adulte qui ne peut plus synthétiser mais seulement conserver l’hémoglobine. Ces deux phénomènes, de synthèse d’ADN et de différenciation cytoplasmique, sont synchronisés, si bien qu’à un même stade d’évolution nucléaire correspond morphologiquement un même stade de différenciation cytoplasmique. La rupture de ce synchronisme est toujours pathologique. Le mécanisme de la synchronisation mitose-différenciation est mal connu mais il semble certain que l’arrêt de synthèse de l’ADN survient lorsque la concentration en hémoglobine dans le cytoplasme approche 32%.

Ceci explique la synchronisation, dans les conditions physiologiques, du VGM et de la CCMH. En effet, le VGM dépend du nombre des mitoses. Si ce nombre augmente (> 4) le VGM diminue; s’il diminue (< 4), le VGM augmente. Par conséquent, si la CCMH de 32% est atteinte plus lentement (en cas de défaut de synthèse de l’hémoglobine), il y aura une mitose supplémentaire et microcytose.



Étude cinétique de l’érythropoïèse

Le temps total de l’érythropoïèse est d’environ 7 jours. L’étude du métabolisme du radio-fer 59 est le moyen le plus précis pour apprécier le fonctionnement de l’érythropoïèse. Il est injecté par voie veineuse. Dans les jours qui suivent apparaissent dans le sang des hématies dont l’hémoglobine contient le fer marqué et, après 10 à 12 jours, un plateau de radioactivité est atteint qui représente normalement 80% du total injecté. L’examen est surtout utilisé pour étudier certaines anomalies de l’érythropoïèse.

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➤ Fig. 3.8. Les cellules de la lignée érythroblastique. ➤



Régulation de l’érythropoïèse

Elle se fait essentiellement grâce à l’érythropoïétine. C’est une glycoprotéine dont le gène a été cloné en 1984 et qui est maintenant produite industriellement par génie génétique, et utilisée en thérapeutique. Elle peut être dosée par une technique immunologique. Elle est produite par des cellules rénales péritubulaires, probablement endothéliales et accessoirement par des cellules du foie. L’oxygénation tissulaire règle la synthèse de l’érythropoïétine. Celle-ci est stimulée par l’hypoxie tissulaire, et déprimée par l’hyperoxygénation ou l’augmentation de la masse globulaire circulante (par exemple par transfusion). Le rôle de l’érythropoïétine est de déclencher la différenciation des cellules souches en proérythroblastes, en permettant en particulier l’induction de la synthèse d’hémoglobine, mais il est aussi d’augmenter la vitesse de synthèse d’hémoglobine dans les érythroblastes et d’accélérer la sortie de la moelle des réticulocytes. 30 ◗



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D’autres hormones jouent un rôle dans l’érythropoïèse. Ce sont les androgènes, dont certains métabolites augmentent la synthèse de l’érythropoïétine, tandis que d’autres stimulent directement les cellules souches, l’hormone de croissance hypophysaire et les hormones thyroïdiennes. On conçoit que toute diminution de l’activité de ces hormones puisse être responsable d’une anémie.

➤ Fig. 3.9. Régulation de l’érythropoïèse. ➤

➤ Fig. 3.10. Régulation de la sécrétion d’érythropoïétine. ➤

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CONNAISSANCES



Adaptation de l’érythropoïèse à des besoins accrus

En cas de perte importante de globules rouges il se produit normalement une hypersécrétion d’érythropoïétine. L’érythropoïèse peut être ainsi multipliée par 7 ou 8. Le nombre des érythroblastes dans la moelle est augmenté, la vitesse de synthèse de l’hémoglobine s’accroît, la concentration corpusculaire d’hémoglobine optimale est plus rapidement atteinte et le nombre de mitoses, donc de générations cellulaires, entre le proérythroblaste et le réticulocyte diminue, ce qui permet une sortie plus rapide des cellules. La durée totale de l’érythropoïèse peut alors tomber à 3 ou 4 jours. On constate par conséquent dans ces hyperérythropoïèses. On constate alors : – une élévation du nombre des réticulocytes, – une polychromatophilie liée à l’immaturité des hématies, – une macrocytose du fait de la réticulocytose (les réticulocytes sont plus gros que les hématies plus mûres) et de la diminution du nombre des mitoses, – plus inconstamment, le passage dans le sang en petit nombre d’érythroblastes acidophiles (parfois appelés hématies nucléées).

Résumé Point clé L’érythropoïèse est régulée essentiellement par l’érythropoïétine, dont la synthèse essentiellement rénale est stimulée par l’hypoxie tissulaire.

Points de débat Quel est le mécanisme qui assure l’arrêt des mitoses ou la mort cellulaire en fonction de l’évolution de la CCMH? Quel est le « senseur » qui mesure la concentration en oxygène tissulaire dans le rein?

EXOGÈNES NÉCESSAIRES ◗ ÀFACTEURS L’ÉRYTHROPOÏÈSE CNEM

L’érythropoïèse consomme du fer, de la vitamine B12 et de l’acide folique. L’érythropoïèse nécessite simultanément la synthèse d’ADN et la synthèse d’hémoglobine. Pour la synthèse d’ADN l’organisme doit disposer d’une quantité suffisante de vitamines B12 et d’acide folique. Pour la synthèse d’hémoglobine, il consomme du fer. Il a plus accessoirement besoin de vitamine B6 pour la synthèse de l’hème. CNEM : item 110 : « besoins nutritionnels et apports alimentaires de l’adulte ».

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Le fer

Le fer est le plus important des facteurs exogènes limitant l’érythropoïèse et il est rapidement consommé quand elle augmente. L’organisme contient 4 à 5 g de fer sous forme de composés héminiques (comprenant de l’hème) hémoglobine, myoglobine, cytochromes, peroxydases et catalases, ou non-héminiques : sidérophiline (ou transferrine), ferritine, hémosidérine. Ces derniers composés représentent les formes de transport et de stockage.



Les pertes quotidiennes de fer sont normalement extrêmement faibles, de l’ordre de 1 mg par jour (par la sueur, la desquamation cellulaire, les phanères, les urines et les fèces). Le seul autre moyen de perdre du fer est l’hémorragie, mais ce moyen est extrêmement efficace puisque 1 litre de sang contient 0,50 g de fer. Pour cette raison, les pertes de fer sont plus élevées chez la femme réglée (2 à 3 mg par jour en moyenne). Toute hémorragie pathologique représente une cause de perte de fer. Même une hémorragie de petit volume, répétée et prolongée peut épuiser les réserves de fer de l’organisme. Pour compenser les pertes physiologiques ou pathologiques par hémorragie, l’organisme dépend du fer de l’alimentation. La richesse des aliments en fer est très variable. Sont particulièrement riches : les lentilles, la viande, les épinards, le chocolat, les fruits secs, le vin rouge. L’alimentation normale d’un pays développé comprend chaque jour chez l’adulte 10 à 25 mg de fer. Cependant 10 à 20 % seulement de l’apport sera absorbé. L’absorption du fer se fait dans l’intestin, surtout dans le duodénum, en 1 à 2 heures et essentiellement sous forme de fer ferreux. Pour être absorbé, le fer doit être libéré des protéines alimentaires qui le contiennent. Ceci explique qu’en cas de modification de la sécrétion gastrique, on peut observer une diminution de l’absorption du fer, qui n’est pas due à la diminution de la sécrétion d’acide chlorhydrique, mais à celle de la pepsine. Dans le duodénum et plus accessoirement le jéjunum, le fer passe du pôle intestinal au pôle sanguin de la cellule intestinale. Au pôle sanguin, il est fixé sur la sidérophiline (appelée aussi transferrine) qui va le transporter jusqu’au lieu d’utilisation, à raison de deux atomes de fer par molécule de sidérophiline (Fig. 3.12).



Régulation de l’absorption du fer

Une partie seulement du fer qui a pénétré dans la cellule intestinale est délivrée à la sidérophiline, le reste demeure dans la cellule et finalement repassera avec elle dans les selles lorsqu’elle desquamera. Le pourcentage de fer qui passe de la cellule intestinale à la sidérophiline semble en partie conditionné par le taux de saturation de celle-ci Plus les besoins sont grands, plus la sidérophiline livre rapidement son fer à l’érythropoïèse et aux réserves, et par conséquent, plus elle est désaturée, ce qui élève le taux d’absorption.



◗ Un saignement de 10 mL par jour fait perdre 5 mg de fer.

Pertes, apports et absorption du fer

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 3.11. Schéma du métabolisme du fer. ➤

➤ Fig. 3.12. Absorption du fer. ➤

En outre, en cas de grande carence la synthèse de sidérophiline augmente et l’excès de sidérophiline circulante accroît aussi le degré de désaturation, donc l’absorption. Un autre facteur de régulation, pour le moment inexpliqué, est le niveau de l’érythropoïèse : quelles que soient les réserves du fer, plus la moelle est riche en érythroblastes, mieux le fer est absorbé. À l’inverse, il y a peu de possibilités de régulation au niveau des échanges entre lumière et cellule intestinale. Même en cas de grands besoins, l’absorption par la cellule intestinale ne dépasse pas 5 à 10 mg au grand maximum, même si le taux de désaturation de la sidérophiline permet que le total passe en circulation. 34 ◗



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On conçoit qu’une hémorragie chronique puisse représenter une perte plus importante que cet apport, d’où une balance négative. Le seul moyen d’améliorer les choses est d’augmenter de façon très importante le contenu en fer de la ration alimentaire par l’apport massif de fer médicamenteux.



Utilisation du fer pour l’érythropoïèse

Quantitativement, la partie la plus importante du fer de l’organisme est contenue dans les GR. Ainsi, chez l’homme, jusqu’à 3 g de fer environ sont présents en permanence dans les GR sous la forme de fer hémoglobinique. Chaque jour 1/120e de la masse globulaire est détruite et remplacée par une quantité équivalente de GR jeunes. Par conséquent, chaque jour, 10 à 30 mg de fer environ sont libérés de l’hémoglobine, et la même quantité de fer réintroduite dans de nouveaux globules. Il existe un circuit presque fermé du fer de l’érythropoïèse, qui est réutilisé en grande majorité pour l’érythropoïèse. La destruction normale des globules rouges a lieu au sein du cytoplasme des macrophages de la moelle et beaucoup plus accessoirement du foie ou de la rate. Le fer récupéré par ces cellules est retransmis aux érythroblastes, essentiellement par l’intermédiaire de la sidérophiline qui vient s’accoler à son récepteur spécifique (le TfR, pour récepteur de la transferrine) présent à la membrane des cellules érythropoïétiques. Elle libère les deux atomes de fer qu’elle porte, puis repart désaturée.



À l’état normal, 0,6 à 1,2 g de fer sont stockés dans des réserves, au sein de macrophages, notamment dans le foie, la rate et la moelle osseuse. Ces réserves sont de deux types : – une réserve rapidement disponible sous forme de ferritine, grosse molécule (PM : environ 650 000) constituée d’une copule protéique, l’apoferritine et de fer (jusqu’à 4 000 atomes) sous forme de micelles d’hydroxyde de fer; – une réserve lentement disponible sous forme d’hémosidérine en gros grains visibles au microscope après coloration par le bleu de Prusse (réaction de Perls). Dans le plasma, on trouve en permanence un peu de fer. Ce fer sérique n’est jamais libre, mais fixé sur la sidérophiline. Son taux normal est d’environ 23 ± 11 µmol/L, la limite inférieure de la normale étant de 12,5 µmol/L chez l’homme et de 11 µmol/L chez la femme. La sidérophiline n’est normalement saturée qu’au tiers de sa capacité. Tous les échanges de fer se font par l’intermédiaire de la sidérophiline.



Autres facteurs de régulation

Les différentes étapes et molécules intervenant dans la régulation du métabolisme du fer sont encore mal connues. La molécule HFE, proche du HLA, semble moduler l’efficacité du récepteur à la transferrine dont elle est proche à la membrane cellulaire. L’hepcidine sécrétée par les hépatocytes est responsable d’une baisse de la sidérémie et d’une rétention du fer dans les macrophages. Des mutations de ces molécules expliquent une partie des hémochromatoses génétiques. ◗

◗ Les réserves sont en général plus faibles chez la femme ( 600 mg), que chez l’homme ( 1200 mg), ce qui explique en partie la plus grande fréquence des carences martiales chez la femme. Les réserves représentent au mieux 1/3 du fer présent dans les hématies.

Réserves de fer

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 3.13. Cycle du fer. ➤



Accroissements physiologiques des besoins en fer CNEM

Outre les pertes physiologiques de fer par hémorragies, chez la femme, il existe des causes d’accroissement des besoins de fer qui peuvent être responsables de déséquilibre entre apports et besoins et induire une carence martiale.

La grossesse Au cours de la grossesse, les besoins en fer sont très augmentés chez la mère pour : – l’apport de fer au fœtus (environ 300 mg), – la synthèse de globules rouges supplémentaires, – compenser la perte moyenne de fer à la délivrance (en moyenne 200 mg). Ces besoins atteignent au total 8 à 10 mg par jour. Pour les compenser, il y a d’une part appel aux réserves et d’autre part augmentation de l’absorption intestinale. Néanmoins, les grossesses CNEM : items 16 & 34 « besoins nutritionnels de la femme enceinte » et « alimentation et besoins nutritionnels du nourrisson et de l’enfant ».

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ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DU GLOBULE ROUGE ET DE LA LIGNÉE ÉRYTHROBLASTIQUE

répétées et rapprochées, surtout si les apports sont limités, peuvent être responsables d’une carence martiale.

Le nourrisson Les besoins en fer sont élevés, alors que l’apport alimentaire lacté est pratiquement nul. Au fur et à mesure qu’il grandit, l’enfant doit en effet utiliser du fer pour la synthèse de myoglobine, et surtout pour la synthèse d’hémoglobine, la masse globulaire augmentant avec le poids et la taille. Le nourrisson ne dispose que d’une réserve de fer hépatique, prélevée pendant la grossesse sur les réserves de la mère. En l’absence d’apport de fer alimentaire, il l’épuise en quelques mois. Ses réserves étant essentiellement constituées dans les derniers mois de la gestation, on conçoit la fréquence des carences en fer chez les prématurés. L’apport précoce de fer alimentaire est indispensable chez le nourrisson pour éviter une carence martiale.

L’adolescent Les besoins en fer sont plus importants pendant toute la période de croissance et plus particulièrement pendant la période de croissance accélérée de l’adolescent qui coïncide en outre avec l’établissement des règles chez la fille. La microcytose fréquemment observée au cours de la croissance, témoigne probablement d’une « carence fonctionnelle en fer ».



L’étude clinique du métabolisme du fer repose essentiellement sur la mesure du fer sérique (voir ci-dessus), celle de la capacité totale de fixation (ou de saturation) du fer par le plasma (60 à 75 µmol/L). Cette dernière est une mesure indirecte de la sidérophiline par sa capacité à fixer le fer. Le dosage direct de la sidérophiline, ou transferrine, se fait de plus en plus par technique immuno-enzymatique (valeurs normales : 60 à 75 µmol/L). Le métabolisme du radio-fer 59 sert surtout à explorer l’érythropoïèse (voir p. 124) et les études de l’absorption digestive du fer n’ont que des indications exceptionnelles.



Variations pathologiques du fer sérique et de la sidérophiline

Les variations pathologiques du fer sérique et de la capacité totale peuvent être schématisées comme indiqué à la figure 3.14. • La diminution des réserves de fer entraîne un abaissement du fer sérique avec élévation de la capacité totale de fixation. Cette dernière est due à l’augmentation de la synthèse de la sidérophiline qui semble être un mécanisme régulateur (voir p. 34). Cette augmentation de la capacité de fixation apparaît avant l’abaissement du fer sérique. Elle représente le premier signe de carence martiale et le dernier signe à se corriger au cours du traitement.



◗ Dans le système ancien, encore souvent utilisé en France, les valeurs du fer sérique et de la capacité totale de saturation sont exprimées en γ ou µg/100 mL. Dans le système international, elles doivent être exprimées en µmol/L.

Exploration du métabolisme du fer

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 3.14. Variations pathologiques du fer sérique et de la capacité totale, et leur signification. ➤

Capacité totale (sidérophiline)

Fer ➚

• Le syndrome inflammatoire perturbe la répartition du fer dans l’organisme avec accumulation dans les phagocytes médullaires sans retour à l’érythropoïèse. L’abaissement du fer sérique ne s’accompagne pas d’une augmentation de la capacité totale mais d’une diminution car, d’une part, les réserves de fer augmentent ce qui ne stimule pas la synthèse de sidérophiline et, d’autre part, il y a un hypercatabolisme de cette protéine. • Au cours des surcharges martiales, le fer sérique augmente jusqu’à saturation complète de la sidérophiline. Le fer ionisé présent alors dans les tissus est responsable de l’hémochromatose et de ses différentes conséquences. • On peut observer une diminution de la sidérophiline (et donc de la capacité totale) en cas de défaut de synthèse hépatique (toute insuffisance cellulaire hépatique) ou en cas d’excès de perte urinaire (syndrome néphrotique). La ferritine, protéine de réserve de fer (voir p. 35) peut être dosée dans le plasma par technique immuno-enzymatique. La ferritine circulante est un bon reflet des réserves, son augmentation ou sa diminution étant assez parallèle à l’augmentation ou à la diminution des réserves. Les limites de variation normale sont toutefois assez larges, encore incertaines et variables avec les techniques. Un taux inférieur à 10 ng/mL chez la femme témoigne à coup sûr d’une carence. Pour les élévations, ce n’est qu’au-delà de 800 ng/mL qu’une explication mérite certainement d’être recherchée.



Acide folique et vitamine B12



Rôles physiologiques

L’acide folique agit sous forme d’acide tétrahydrofolique (FH4) comme donneur de groupes méthyles nécessaires à la synthèse de l’acide thymidilique (Fig. 3.15). La vitamine B12 a un mode d’action complexe imparfaitement élucidé. Elle interviendrait, soit dans la régénération de la forme active des folates, FH4, soit dans la pénétration des folates dans la cellule, soit encore dans la transformation en forme active des ◗

◗ L’acide folique et la vitamine B12 sont indispensables à la synthèse d’ADN. Le déficit d’une de ces vitamines entraîne une macrocytose, puis un défaut de production des érythroblastes et de l’ensemble des cellules myéloïdes..

Isolée de la Hyposidérémie Surcharge martiale avec de la sidérophiline (défaut de syn- capacité thèse ou excès totale de perte), fré- (syndrome quente au cours inflammatoire, carrences des cirrhoses protidiques





◗ Attention : l’élévation du taux de la ferritine ne traduit pas toujours l’état des réserves. Elle s’observe aussi en cas d’inflammation, dans certaines pathologies tumorales, dans certaines lyses cellulaires, l’alcoolisme, le diabète mal équilibré ou du fait de mutations modifiant la synthèse. Des taux extrêmement élevés peuvent être atteints en cas de « syndrome d’activation macrophagique ».

Carrence martiale (fer CTSS ➚) ➚

« Hyposidérémie latente » = des réserves sans du fer sérique ➚

Sujet normal

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folates de transport qui entrent dans la cellule. En cas de carence en vitamine B12, les conséquences sur l’hématopoïèse sont identiques à celles d’une carence en acide folique. Les mêmes phénomènes existent au niveau de tous les tissus en division active. De plus, la vitamine B12 joue dans le système nerveux, un rôle indépendant de son intervention dans la synthèse d’ADN (voir p. 81). ➤ Fig. 3.15. Rôle de l’acide folique dans la synthèse de l’ADN. ➤



L’acide folique est une vitamine hydrosoluble. C’est l’acide ptéroylglutamique qui existe dans la nature sous diverses formes notamment dans les légumes verts, les céréales, le foie et les viandes. Les besoins sont relativement importants, de l’ordre de 50 µg par jour. Si un régime équilibré et riche contient beaucoup plus que cette dose, des régimes insuffisants sont fréquents, d’autant plus que les folates sont instables à l’air et à la chaleur (conserves). L’absorption se fait tout le long de l’intestin grêle, mais principalement dans le jéjunum, sous forme de monoglutamates, par un mécanisme actif. Cependant lorsqu’une dose massive de folates est apportée par l’alimentation, une diffusion passive à travers l’intestin se produit. Ceci permet des apports médicamenteux oraux efficaces, même en cas de malabsorption modérée. Dans le plasma les folates sont liés à des protéines, sans protéine de transport spécifique. Leur taux est de 5 à 15 ng/mL. Les réserves sont réparties dans tous les tissus mais elles sont faibles, épuisables en cas de carence d’apport en deux semaines à quatre mois. Les globules rouges contiennent des quantités importantes de folates sous forme de ptéroylpolyglutamate. L’excrétion est fécale et urinaire. Outre le rôle dans la synthèse d’ADN (voir ci-dessus) les folates ont de nombreuses autres actions enzymatiques dans l’organisme sous des formes diverses qui s’interconvertissent autour d’une plaque centrale, le FH4 ou acide tétrahydrofolique. Une enzyme, la déhydrofolate réductase, joue un rôle important pour retransformer les folates d’apport alimentaire, ou ceux qui sont intervenus dans la synthèse d’ADN, en acide tétrahydrofolique. Le blocage de cette enzyme par certains médicaments (les antifoliques) inhibe donc l’utilisation des folates (voir Fig. 3.15).



◗ L’exploration clinique du métabolisme des folates relève essentiellement du dosage des folates sériques.

L’acide folique et son métabolisme

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 3.16. Cycle de l’acide folique. ➤



La vitamine B12 et son métabolisme

La vitamine B12 existe sous diverses formes : les « cobalamines ». Elles sont présentes dans différents aliments, notamment le foie, mais très rares dans les végétaux. Les besoins quotidiens sont de l’ordre de 1 µg largement couverts par la plupart des régimes. Dans l’estomac la vitamine est séparée des protéines et conjuguée à un transporteur propre le facteur intrinsèque. C’est une glycoprotéine sécrétée par des cellules du fundus et du corps de l’estomac, qui se dimérise en fixant la vitamine B12 sur un site spécifique et assure ensuite son transport jusqu’à l’iléon. L’absorption a lieu sur l’iléon terminal grâce à un récepteur spécifique des cellules de la bordure en brosse de la muqueuse. Dans la circulation, la vitamine B12 est fixée sur des transporteurs spécifiques les transcobalamines. La transcobalamine I, très avide, est principalement une forme de réserve, alors que la transcobalamine II transfère rapidement la vitamine aux cellules.

Les réserves, essentiellement hépatiques, sont considérables, suffisantes pour 4 ans en moyenne. L’excrétion est urinaire et biliaire. L’exploration clinique de la vitamine B12 et de son métabolisme comporte principalement trois examens : – le dosage sérique de la vitamine B12 (200 à 400 pg/L) qui permet de dépister les déficits ; 40 ◗



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ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DU GLOBULE ROUGE ET DE LA LIGNÉE ÉRYTHROBLASTIQUE

– le dosage du facteur intrinsèque dans le liquide gastrique, avant et après stimulation par la pentagastrine ; – le test de Schilling. En fait, le test de Schilling n’est pratiquement plus utilisé, mais sa description permet d’illustrer le métabolisme de la vitamine. Il consiste à faire absorber au sujet une dose traceuse minime de vitamine B12 radioactive et à lui injecter par voie intramusculaire une dose de charge de vitamine B12 non radioactive. Cette injection a pour but de mettre à la disposition de l’organisme un excès de vitamine B12, ce qui entraîne une élimination urinaire importante en l’absence de laquelle on ne pourrait pas apprécier si la vitamine radioactive a été absorbée. La mesure de la radioactivité des urines montre que normalement plus de 10 à 15% de la vitamine radioactive injectée passe dans les urines. Si ce taux s’abaisse, cela signifie que la vitamine B12 radioactive n’est pas arrivée en quantité suffisante dans le plasma, donc qu’elle a été mal absorbée par le tube digestif. Dans la maladie de Biermer, ce taux est en règle inférieur à 5%. Dans un syndrome de malabsorption, le taux est souvent moins abaissé, mais surtout le trouble n’est pas corrigé par l’adjonction de facteur intrinsèque à la différence de ce que l’on observe en cas de maladie de Biermer. Ce test n’a de valeur que si le recueil d’urines est suffisant, d’une part, et si, d’autre part, il n’y a pas eu dans les 8 jours précédant le test, d’injection de la vitamine car, en raison de sa recirculation biliaire, il risquerait d’y avoir dilution de la vitamine B12 marquée dans la vitamine B12 froide (Fig. 3.17).

➤ Fig. 3.17. Cycle de la vitamine B12. ➤

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CONNAISSANCES

Résumé Points clés Le fer est indispensable à la synthèse de l’hème, et donc de la globine. Les apports couvrant juste les besoins, toute perte prolongée, essentiellement par hémorragie, va entraîner une carence martiale. La vitamine B12 et l’acide folique sont indispensables à la synthèse de l’ADN. Les réserves de vitamine B12 sont élevées, les besoins minimes et une malabsorption prolongée est la cause principale de carence. Les réserves d’acide folique sont faibles, les besoins relativement importants et les carences sont essentiellement dues à des besoins accrus, à des apports insuffisants, ou à des malabsorptions.

Points de débat De nombreuses inconnues persistent sur les étapes cellulaires de l’absorption du fer, les mécanismes exacts des conséquences des déficits en vitamine B12 sur les cellules en division et sur le système nerveux.

◗ L’HÉMOGLOBINE

L’hémoglobine est la raison d’être de globule rouge. Elle y est enfermée pour être protégée de l’oxydation, et être efficacement distribuées aux tissus. Elle est parfaitement adaptée à sa fonction principale qui est le transport de l’oxygène.



Structure de l’hémoglobine (rappel)

La molécule (poids moléculaire 64 500) comprend 4 chaînes de globine et 4 molécules d’hème.



L’hème

C’est une porphyrine contenant 1 atome de fer. La porphyrine, ou protoporphyne III, comprend elle-même : 4 noyaux pyrrol à sommet azote réunis par des ponts méthène (-CH =) et 8 chaînes latérales, méthyl, vinyl, ou acide propionique.

Le fer est au centre, fixé sur 4 azotes des noyaux pyrrol et garde 2 valences libres. La molécule est plane (Fig. 3.18).

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➤ Fig. 3.18. Molécule d’hème. ➤ AP = Acide propionique. M = Méthyl. V = Vinyl.



La globine

C’est un ensemble de 4 chaînes polypeptidiques avec pour chaque molécule d’hémoglobine, 4 chaînes semblables deux à deux et appelées α et β pour l’hémoglobine A α2β2 que l’on prendra pour type de description. Chaque chaîne est un polypeptide, constituée de 146 acides aminés pour la chaîne β et de 141 pour la chaîne α. La chaîne ainsi formée s’enroule sur elle-même pour réaliser une structure secondaire en hélice. L’ensemble de la chaîne forme huit segments hélicoïdaux séparés par de courts segments non hélicoïdaux au niveau desquels se font des coudures qui donnent à chaque chaîne sa forme définitive. Des liaisons de natures diverses entre acides aminés mis en contact par les courbures de la molécule la stabilisent (structure tertiaire). Enfin la réunion de deux chaînes α et de deux chaînes β forme une molécule symétrique globulaire : c’est la structure quaternaire.



Liaisons hème-globine

La structure tertiaire de chaque chaîne de globine ménage la « poche de l’hème », dans lequel se loge une molécule d’hème. L’arrimage se fait d’une part par des liaisons qu’échangent les chaînes latérales acides propioniques de l’hème et la globine, d’autre part par le fer qui dispose de deux valences libres : l’une le fixe directement à la globine sur un résidu histidine dit « proximal », l’autre intervenant sur la face opposée de la molécule d’hème fixe une molécule d’oxygène et par son intermédiaire assure un arrimage supplémentaire sur un autre résidu histidine dit « distal » de la globine (Fig. 3.19).



Liaisons entre les quatre sous-unités

Les sous-unités, constituées chacune d’une chaîne de globine portant sa molécule d’hème, sont réunies entre elles par de nombreuses liaisons (Fig. 3.20). Les liaisons α1β2 et α2β1 sont relativement peu nombreuses (contacts entre 19 acides aminés), alors que les liaisons α1β1 et α2β2 sont plus fortes (par 35 acides aminés).

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 3.19. Liaisons hème-globine. ➤

➤ Fig. 3.20. Schéma de la molécule complète d’hémoglobine. ➤



Fonctions de l’hémoglobine

Pigment respiratoire des globules rouges, l’hémoglobine assure plusieurs fonctions dont la principale est le transport de l’oxygène des poumons aux tissus. Chaque molécule d’hémoglobine fixe 4 molécules d’oxygène (O2) sur le fer et constitue l’oxyhémoglobine. La saturation en oxygène en fonction de la pression partielle d’oxygène se fait selon une courbe sigmoïde très particulière qui assure un maximum d’efficacité tant pour la fixation dans les poumons que pour la libération dans les tissus (Fig. 3.21). La propriété de fixation et de libération de l’oxygène selon ce type de courbe est liée à l’existence de deux types de chaînes (α et β) dans la même molécule; elle n’existe ni pour la myoglobine, qui ne possède qu’un type de chaîne, ni pour des hémoglobines pathologiques, comme Hb. H qui est un tétramère β4. Ces molécules fixent l’oxygène selon une courbe hyperbolique (Fig. 3.21). La rotation des chaînes β autour des chaînes α avec glissement des unes sur les autres est indispensable pour assurer cette efficacité. En effet au cours de la fixation ou de la libération d’oxygène, les sous-unités se déplacent les unes par rapport aux autres avec dilatation de l’ensemble à l’état désoxygéné et contraction à l’état oxygéné, ce qui a fait comparer la molécule d’hémoglobine à un poumon à l’échelle moléculaire. Les principaux mouvements se font au niveau des liaisons faibles α1β2 et α2β1 d’où l’importance d’une mutation entraînant une anomalie structurale à ce niveau : les mouvements seront gênés et l’affinité pour l’oxygène accrue avec mauvaise libération vers les tissus ou plus rarement diminuée avec meilleure libération de l’oxygène aux tissus. La poche centrale située entre les quatre sousunités joue également un rôle important. À ce niveau vient se fixer à l’état déoxygéné le 2,3-DPG (2,3-diphosphoglycérate) issu d’une voie annexe de la glycolyse (Fig. 3.22.). Il règle l’affinité pour l’oxygène, avec libération du 2,3-DPG et contraction de la poche centrale au cours de la fixation de O2 sur les quatre molécules d’hème.

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➤ Fig. 3.21. Courbe de saturation en O2 de l’hémoglobine. ➤ Sa O 2

◗ L’hémoglobine doit être considérée comme une enzyme dont les deux substrats sont l’O2 et le 2,3-DPG.

dimin uée Hb. à

affinit é

Hb. n orma le

Poumons

Tissus

Hb. à

affinit é

accr ue

Myog lobin e

%

P a O2

Tout se passe donc comme s’il existait une compétition au niveau de l’hémoglobine entre l’oxygène et le 2,3-DPG.

➤ Fig. 3.22. Formation du 2,3-DPG en annexe de la voie principale de la glycolyse (shunt de RapoportLuebering). ➤

Un déficit en 2,3-DPG, ou une mutation, entraînant une anomalie de l’hémoglobine au niveau du site de fixation du 2,3-DPG dans la poche centrale entraîne également une affinité anormale de l’hémoglobine pour l’oxygène qui est mal libéré dans les tissus (Fig. 3.23). D’autres facteurs que la structure de l’hémoglobine et le 2,3-DPG. interviennent dans la régulation de l’affinité de la molécule d’Hb pour l’O2. Le principal est le pH, car la baisse du pH modifie les lésions ioniques à l’intérieur de la molécule d’Hb et diminue l’affinité de l’Hb pour l’O2. Ceci conduit théoriquement à une meilleure oxygénation tissulaire ; l’inverse est vrai de l’augmentation du pH. En fait, si ces phénomènes sont indiscutables sur l’Hb in vitro, in vivo la régulation est encore plus complexe, car la modification du pH influe aussi en sens inverse sur le taux de synthèse du 2,3-DPG et modifie aussi l’affinité de l’Hb et du 2,3-DPG. Il est donc difficile de prévoir l’effet sur la fonction du globule rouge de diverses modifications métaboliques in vivo.

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 3.23. Hémoglobine et 2,3-DPG au cours des échanges d’oxygène. ➤

Une autre fonction est le transport du gaz carbonique (CO2) des tissus aux poumons. Une partie seulement du CO2 (environ 40%) est transportée sous cette forme. L’hémoglobine fixe le gaz carbonique non sur le fer comme l’oxygène, mais sur des groupements aminés latéraux de la globine, pour constituer la carbhémoglobine ou carbaminohémoglobine. Une fonction additionnelle a été récemment mise en évidence : le transport du NO.



Variantes normales de l’hémoglobine

L’hémoglobine n’est pas la même à tous les âges (Fig. 3.24) : – chez l’embryon, ce sont les Hb Gowers associant chaînes embryonnaire (ζ, ε) fœtale (γ) et adulte (α), selon l’âge de l’embryon; – chez le fœtus, l’hémoglobine fœtale (F), (α2γ2) dont l’affinité pour l’O2 est plus forte que celle de l’HbA. – chez l’adulte, on trouve simultanément plusieurs hémoglobines. Dans les semaines qui précèdent la naissance et celles qui la suivent, la synthèse de l’hémoglobine F est progressivement réprimée au profit de l’hémoglobine A qui apparaît en fin de gestation et de l’hémoglobine A2 (α2δ2). Vers l’âge de 6 mois, on arrive à une formule voisine de celle de l’adulte (voir tableau 3.I.). Tableau8.I. 3.I. Tableau

Hémoglobine de l’adulte sain.

Hémoglobine A (α2β2)

97 à 99%

Hémoglobine A2 (α2δ2)

1 à 3,5%

Hémoglobine F (α2γ2)

traces

Les 3 hémoglobines normales A, A2 et F ont en commun deux chaînes α mais différent par la nature de leurs chaînes non-α qui sont respectivement appelées β, δ et γ. Il existe, par ailleurs, des constituants minoritaires qui sont des produits de dégradation d’une hémoglobine normale. Le plus important de ces constituants minoritaires est l’hémoglobine A1c qui est l’hémoglobine A modifiée par le glucose (glycosylée). Le taux de cette hémoglobine est augmenté au cours du diabète. 46 ◗



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➤ Fig. 3.24. Évolution de la synthèse des chaînes d’hémoglobine en fonction de l’âge. ➤



Identification des variétés d’hémoglobines normales

Les différentes hémoglobines normales peuvent être distinguées par diverses méthodes. Les deux plus employées en pratique sont : – l’électrophorèse de l’hémoglobine qui sépare A, A2, F par leurs différences de migration dans un champ électrique et sur divers supports (papier, gel d’amidon, etc.) (Fig. 3.25) ; – l’étude de la résistance à la dénaturation alcaline qui permet de doser l’hémoglobine F, très résistante aux pH alcalins. On peut également étudier la répartition de l’hémoglobine fœtale dans les globules rouges par une technique biochimique (test de Kleihauer) ou par une technique immunochimique à l’aide d’anticorps antihémoglobine fœtale. ➤ Fig. 3.25. Migration électrophorétique de diverses hémoglobines. ➤



Gènes de la globine

Chez l’homme le gène α est dupliqué, les deux gènes α identiques étant présents sur le chromosome 16 à proximité l’un de l’autre. Les gènes γ, δ, et β sont situés dans cet ordre sur le chromosome 11. Il n’y a qu’un seul gène β et un seul gène δ. En revanche, il existe deux gènes γ qui donnent naissance à deux chaînes différant par un seul acide aminé (alanine ou glycocolle en 136e position) et qui ont la même migration électrophorétique. Il existe une certaine coordination dans la synthèse des gènes non α, et en cas de diminution de l’activité

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CONNAISSANCES

de l’un d’eux, on observe généralement une augmentation de l’activité de l’un ou des deux autres.



Synthèse de l’hémoglobine



Synthèse de l’hème

Elle se fait dans les mitochondries des érythroblastes où toutes les enzymes nécessaires sont réunies. À partir de la glycine et de l’acide succinique, une série de précurseurs intermédiaires est synthétisée : les porphyrines. L’importation du fer dans la protoporphyrine III réalise l’hème. ➤ Fig. 3.26. Schéma de la synthèse de l’hème. ➤

La pyridoxine (vitamine B6) est le coenzyme de l’ala-synthétase et de l’hème-synthétase aux deux extrémités de la chaîne de réaction qui mène à l’hème. Le défaut de synthèse de l’hème n’est cependant qu’une conséquence très tardive, et exceptionnelle, de la carence en vitamine B6. La régulation de la synthèse de l’hème se fait essentiellement au niveau de l’ala-synthétase, enzyme clef dont l’activité est inhibée par son produit direct ala et par le produit final, l’hème.



Synthèse de la globine

Elle se fait selon le schéma général de la synthèse des protéines. Il existe une synchronisation normale de la synthèse des chaînes α et non-α : une chaîne α et une chaîne non-α s’associent pour former un dimère, deux dimères associés à 4 molécules d’hème constituant une molécule d’Hb. La synchronisation entre la synthèse de l’hème et celle de la globine se fait par l’intermédiaire de l’hème qui stimule la synthèse des chaînes de globine. L’hème joue donc un rôle clef dans la régulation de la synthèse de l’hémoglobine (hème et globine). On ignore encore le mécanisme exact du passage de la synthèse d’une chaîne non-a à une autre, et principalement du switch de la synthèse de chaînes g à celle des chaînes b, autour de la naissance. 48 ◗



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Protection de l’hémoglobine contre l’oxydation

Les hémoglobines normales sont constamment exposées à l’oxydation par l’oxygène transporté, notamment au niveau de l’hème. La transformation du fer ferreux (Fe++) de l’hème, en fer ferrique (Fe+++) réalise une forme de dénaturation de l’hémoglobine, inapte au transport d’oxygène, la méthémoglobine. À l’état normal, 1% environ de l’hémoglobine est sous cette forme dénaturée mais plusieurs enzymes assurent sa retransformation permanente en hémoglobine fonctionnelle, ce sont les méthémoglobines-réductases ou diaphorases dont la forme principale a pour coenzyme le NADH réduit, alors que la diaphorase à NADPH semble accessoire à l’état normal.

Résumé Points clés La connaissance des grandes lignes de la physiologie et de la génétique de l’hémoglobine est indispensable à la compréhension d’une grande partie des maladies génétiques du globule rouge.

Points de débat Malgré un niveau de connaissance important sur la molécule et sur les gènes, aucun traitement susceptible de remédier aux maladies génétiques de l’hémoglobine ou de remplacer l’hémoglobine naturelle n’a été découvert.

◗ L’HÉMOLYSE PHYSIOLOGIQUE ◗

Durée de vie des hématies

Le globule normal vit en moyenne 120 jours et meurt par vieillissement. On peut montrer ce fait en injectant à un sujet de la glycine marquée par l’azote 15N ou de carbone 14C, elle s’incorpore dans les érythroblastes et une population de GR radioactifs passe en circulation (fig. 3.27). Après quelques jours, la radioactivité atteint un plateau qui reste constant jusqu’à 80-90 jours environ, puis décroît lentement et disparaît vers 140 jours. 49 ◗

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 3.27. Radioactivité des GR après marquage des érythroblastes par la glycine

En pathologie on utilise le marquage des GR par le chrome 51. On fait incuber in vitro le Cr51 avec des GR réinjectés ensuite au sujet. Les jours suivants on prélève du sang et on compte la radioactivité des GR pour déterminer leur durée de vie, ou plus précisément leur « demi-vie ». Les GR marqués étant ceux qui circulaient lors du prélèvement initial sont de tous les âges donc la radioactivité commence immédiatement à décroître (les plus âgés mourant les jours suivants). En outre, il y a une petite perte de chrome par les hématies qui diminue leur durée de demi-vie apparente. La demi-vie normale calculée par cette méthode est donc de 30 ± 3 jours au lieu des 60 jours attendus. Le vieillissement du GR est dû au fait que cette cellule anucléée ne peut renouveler son stock d’enzymes qui s’épuise lentement. Le mécanisme exact de la mort naturelle du GR reste mal connu. Le vieillissement des enzymes de la membrane facilitant la fixation aspécifique d’immunoglobulines, d’où la phagocytose par les macrophages, a été incriminé. Le résultat final est une altération de la membrane : le GR est retenu dans les capillaires où les macrophages le phagocytent et le détruisent. À l’état normal, l’hémolyse a lieu essentiellement dans les macrophages de la moelle osseuse et du foie. La splénectomie n’augmente pas la durée de vie des GR normaux puisque la rate n’est pas un organe prépondérant dans leur destruction.



Destin des constituants du globule rouge lors de sa destruction dans le macrophage

– Les stromas sont décomposés. – Le fer est réutilisé par l’hématopoïèse (voir p. 35). – La globine est dégradée en acides aminés, ce qui consomme de l’énergie : d’où la fébricule fréquente en cas d’hyperhémolyse.



◗ La demi-vie normale des GR est de 60 jours. La demivie normale des GR marqués au chrome radioactif est de 30 jours.

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ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DU GLOBULE ROUGE ET DE LA LIGNÉE ÉRYTHROBLASTIQUE

➤ Fig. 3.28. Deux exemples de « demi-vie des GR au chrome 51 ». Courbe (A) : normale. Courbe (B) : anémie hémolytique. ➤

Le noyau tétrapyrrolique de l’hème est transformé sous l’action d’enzymes spécifiques, en une série de pigments avec libération d’oxyde de carbone (CO) et finalement transféré dans le plasma sous forme de bilirubine libre (non conjuguée) qui est fixée sur l’albumine et transportée vers les cellules hépatiques. Dans ces cellules, une glycuronyl-transférase transforme la bilirubine non conjuguée en bilirubine glycuro-conjuguée hydrosoluble qui passe dans la bile et s’élimine dans les selles, sous forme d’une série de dérivés dont le plus important est le stercobilinogène. À partir de l’intestin, il existe un certain degré de réabsorption de ces pigments biliaires avec élimination finale par les urines sous forme d’urobiline (Fig. 3.29). ➤ Fig. 3.29. Cycle des produits de dégradation de l’hème. ➤

Le taux de bilirubine libre, normalement inférieur à 17 µmol/L, est proportionnel à la masse d’hémoglobine libérée par l’hémolyse; il augmentera donc en cas d’hyperhémolyse. En fait, la capacité de glycuroconjugaison hépatique, assez variable d’un sujet à l’autre, augmente 51 ◗

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CONNAISSANCES

rapidement en cas d’hyperbilirubinémie, si bien qu’une destruction de GR multipliée par 3 peut ne pas s’accompagner d’élévation de la bilirubinémie libre, chez certains sujets. Notons qu’en l’absence d’anomalie hépatique, et à condition que la technique soit correcte, on ne trouve pas de bilirubine conjuguée dans le plasma. La bilirubine non conjuguée possède une propriété particulière qui fait, chez le nouveau-né, tout le danger de son accumulation dans le plasma (par immaturité du système de glycuro-conjugaison) : elle est liposoluble et peut, lorsque le seuil plasmatique dépasse les capacités de fixation à l’albumine, passer dans les centres nerveux, y créant des lésions irréversibles (ictère nucléaire de la maladie hémolytique du nouveau-né). La mesure du stercobilinogène fécal (inférieure à 200 mg/j à l’état normal) donne des indications voisines de celles que fournit le dosage de la bilirubine libre, mais elle est peu pratiquée.



L’importance diagnostique du dosage de la bilirubine non conjuguée du sérum impose de connaître les différentes causes de son élévation : – l’hyperhémolyse, quel que soit son siège (vasculaire, tissulaire, médullaire) ; – le déficit en glycuro-conjugaison hépatique, qui peut être : • physiologique et transitoire : ictère néonatal; • ou pathologique et définitif : maladie de Gilbert ou « cholémie familiale », où il reste modéré, et maladie de Crigler-Najjar à déficit complet et grave; – l’inhibition de la glycuroconjugaison, par des toxiques, comme la novobiocine ou la rifampicine.



L’hémolyse intravasculaire

Normalement les GR ne semblent être détruits que dans les macrophages. Si de l’hémoglobine est libre dans le plasma, elle est captée par l’haptoglobine qui ainsi couplée est rapidement détruite. Ceci est mi à profit dans le diagnostic d’hyperhémolyse pathologiques (voir p. 87).



◗ La bilirubine non conjuguée, comme la bilirubine conjuguée, colore en jaune les téguments et les muqueuses (ictère). Devant un ictère, il faut préciser par le dosage s’il est dû à une augmentation de la bilirubine conjuguée ou à celle de la bilirubine non conjuguée.

Les augmentations du taux de bilirubine non conjuguée

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Physiopathologie des anémies CNEM

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◗ MÉCANISME DES ANÉMIES DUES À UN EXCÈS

◗ DÉFINITION D’UNE ANÉMIE ◗ ADAPTATION À L’ANÉMIE ◗ SYMPTÔMES LIÉS À L’ANÉMIE ◗ MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES

DE PERTES (RÉGÉNÉRATIVES)

◗ MÉCANISME DES ANÉMIES DUES À UN DÉFAUT DE PRODUCTION (ARÉGÉNÉRATIVES)

◗ ANÉMIES DE MÉCANISMES MULTIPLES

DES ANÉMIES

Introduction ◗ L’anémie est la modification hématologique la plus fréquente en pathologie. Elle représente environ la moitié des anomalies constatées sur un hémogramme. ◗ La physiopathologie, éclairée par la connaissance de la physiologie du globule rouge et de la lignée érythroblastique, permet seule d’organiser une approche logique du diagnostic.

◗ DÉFINITION D’UNE ANÉMIE

Les globules rouges sont mesurés sur trois valeurs de l’hémogramme : leur nombre, le taux d’hémoglobine et l’hématocrite (voir p. 10). En pathologie, si ces trois valeurs se modifiaient toujours parallèlement, la mesure d’une des trois serait suffisante. En fait, ces trois valeurs peuvent évoluer de façon dissociée. Ainsi, lorsque le volume de chaque globule rouge diminue leur nombre peut rester stable alors que l’hématocrite et l’hémoglobine diminuent (Fig. 4.1). À l’inverse, le nombre des globules rouges peut diminuer et leur volume augmenter sans qu’il y ait diminution du taux d’hémoglobine ou de l’hématocrite et il y a alors macrocytose (Fig. 4.2).

➤ Fig. 4.1. Le nombre de globules rouges peut rester normal alors que Ht et Hb diminuent (le volume moyen des GR diminue). ➤

CNEM : item 316 « hémogramme : indications et interprétation » et item 297 « anémies : argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires ».

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 4.2. Le nombre des globules rouges diminue sans que l’hématocrite ni le taux d’hémoglobine ne baissent (le volume globulaire moyen est augmenté). ➤

Ce qui est important pour l’organisme, ce n’est pas le nombre de globules rouges, mais la quantité d’oxygène qu’ils transportent et par conséquent le taux d’hémoglobine par unité de volume. On ne définit donc pas l’anémie par la diminution du nombre des globules rouges, mais par la diminution du taux de l’hémoglobine par unité de volume de sang au-dessous des valeurs physiologiques. On parle d’anémie au-dessous de : – 13 g d’hémoglobine pour 100 mL de sang chez l’homme adulte, – 12 g d’hémoglobine pour 100 mL de sang chez la femme et l’enfant, – 14 g d’hémoglobine pour 100 mL de sang chez le nouveau-né. Il faut cependant faire une réserve à cette définition, c’est que l’hémogramme doit refléter ce qui se passe dans l’ensemble de l’organisme. C’est très généralement le cas, et en règle, la diminution du taux d’hémoglobine reflète effectivement une diminution du volume globulaire total. En pratique, il n’est donc pas nécessaire de vérifier le volume globulaire total par la mesure de la masse sanguine (voir p. 23) lorsque le taux d’hémoglobine a diminué. Il faut cependant connaître les circonstances où la diminution du taux d’hémoglobine peut témoigner d’une hémodilution et non d’une anémie véritable (Fig. 4.3). ➤ Fig. 4.3. Vraie et fausse anémies. ➤

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PHYSIOPATHOLOGIE DES ANÉMIES

Ce sont :

Point de débat Le mécanisme des hémodilutions observées dans de volumineuses splénomégalies est mal connu.

– la grossesse à partir du 2e trimestre, où le volume globulaire et le volume plasmatique augmentent, mais le volume plasmatique augmente plus vite que le volume globulaire, d’où « anémie » à l’hémogramme. Cette fausse anémie est physiologique tant que le volume globulaire reste normal, et que le taux d’hémoglobine est supérieur à 10,5 g pour 100 mL, à condition que les GR restent normochromes et normocytaires. Étant donné la banalité de cette constatation en fin de grossesse, la mesure de la masse sanguine n’est, bien entendu, pas justifiée CNEM ; – les splénomégalies volumineuses où le volume plasmatique augmente de façon parfois considérable, sans doute par augmentation de la sécrétion d’aldostérone. La mesure du volume globulaire total est alors nécessaire pour savoir si la baisse du taux d’hémoglobine témoigne d’une anémie vraie ou d’une hémodilution; – certaines immunoglobulines monoclonales, en particulier les IgM de la maladie de Waldenström, peuvent entraîner une augmentation du volume plasmatique et une baisse du taux d’hémoglobine, sans anémie vraie. Tableau8.I. 4.I. Tableau

Fausses anémies par hémodilution.

Grossesse (à partir du 2e trimestre) Volumineuse splénomégalie Immunoglobuline monoclonale (maladie de Waldenström +++) Insuffisance cardiaque

◗ ADAPTATION À L’ANÉMIE

L’organisme a deux modes d’adaptation à l’anémie, l’un est intraérythrocytaire, l’autre extra-érythrocytaire. L’association de ces deux mécanismes d’adaptation explique qu’une anémie quantitativement sévère (7 g d’hémoglobine), mais installée progressivement, peut être remarquablement tolérée, chez un sujet dont l’activité physique est réduite (c’est le cas souvent chez les sujets âgés).



Adaptation intra-érythrocytaire

En cas d’anémie (ou toute autre cause d’hypoxie tissulaire), il y a augmentation de l’activité de la voie principale de la glycolyse et augmentation de la production du 2,3-DPG. Il en résulte une diminution de l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène et par conséquent, une meilleure oxygénation tissulaire pour la même saturation de l’hémoglobine en oxygène. Cette adaptation intra-érythrocytaire est très rapide.

CNEM : item 16 « grossesse normale ».

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CONNAISSANCES



Adaptation extra-érythrocytaire

Elle est essentiellement cardiovasculaire. Au niveau des vaisseaux, il y a vasoconstriction des zones non nobles, en particulier la peau et les vaisseaux mésentériques, alors que les organes « nobles » (cœur, cerveau, reins) sont protégés. La vasoconstriction cutanée contribue à majorer la pâleur liée à la baisse du taux d’hémoglobine. Au niveau du cœur, il y a augmentation du débit cardiaque, par augmentation du rythme cardiaque.

◗ SYMPTÔMES LIÉS À L’ANÉMIE

Les symptômes de l’anémie sont liés à son degré, à la rapidité d’installation de la déglobulisation, au terrain sur lequel elle survient. Une anémie très rapidement installée entraîne une symptomatologie beaucoup plus dramatique qu’une anémie chronique pour un même degré d’anémie, l’adaptation à l’hypoxie se faisant progressivement. En outre, l’état cardiaque et respiratoire du malade joue un rôle important dans ses possibilités d’adaptation, ainsi que l’âge. Dans l’anémie chronique, installée lentement, les signes cliniques de l’anémie traduisent grossièrement sa gravité. Ils sont toujours moins marqués au repos. On observe quelle que soit la cause de l’anémie les mêmes symptômes, ce sont :

– en premier lieu, une pâleur cutanée et muqueuse, polypnée et tachycardie d’effort, et pour des efforts de moins en moins marqués; l’asthénie est nette; – à un stade plus grave on constate une polypnée permanente, avec tachycardie, et à l’auscultation du cœur ou des gros vaisseaux un souffle systolique anorganique, voire, plus tardivement, des œdèmes des membres inférieurs ainsi que des signes d’anoxie cérébrale, céphalées, vertiges, bourdonnements d’oreille, « mouches volantes » ; – à l’extrême le coma anémique (autour de 3 g/100 mL pour un sujet par ailleurs sain). Il est important de connaître ces signes communs à toutes les anémies, et les conséquences de celles-ci sur les parenchymes nobles, notamment le myocarde. L’anémie aiguë, celle notamment des hémorragies abondantes, comporte les mêmes symptômes, mais souvent beaucoup plus intensément perçus, et il s’y ajoute une tendance au collapsus et souvent une sensation de soif intense, surtout en cas d’hémorragie.

◗ MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES DES ANÉMIES

La baisse du taux d’hémoglobine peut résulter de deux mécanismes fondamentaux, une augmentation des pertes à laquelle une augmentation compensatrice de la production médullaire ne parvient pas à faire face ou une diminution de la production médullaire. Dans le premier cas, les réticulocytes augmentent, témoignant de l’effort de la 56 ◗



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PHYSIOPATHOLOGIE DES ANÉMIES

moelle qui tend à compenser l’excès de perte, mais cette augmentation est légèrement retardée par rapport au début de l’anémie. Dans le deuxième cas, la baisse du taux des réticulocytes est le primum movens de l’anémie et elle précède la baisse du taux d’hémoglobine (Fig. 4.4.a et b). On qualifie souvent les anémies du premier groupe d’anémies « régénératives », et celles du deuxième groupe d’anémies « arégénératives ». ➤ Fig. 4.4.a. Anémie par excès de perte : baisse du taux d’hémoglobine puis augmentation secondaire de la réticulocytose, puis stabilisation. ➤

➤ Fig. 4.4.b. Anémie par défaut de production : diminution primitive de la réticulocytose puis baisse du taux d’hémoglobine. ➤

MÉCANISME DES ANÉMIES DUES À UN EXCÈS ◗ DE PERTES (RÉGÉNÉRATIVES) Elles sont dues à une disparition accélérée des hématies circulantes. En d’autres termes, la masse globulaire perdue chaque jour devient supérieure au 1/120e du total perdu normalement. Si la perte est modérée (destruction 2 ou 3 fois supérieure à la normale au maximum), elle peut être compensée par l’hyperactivité de la moelle osseuse et, après quelques jours, le taux d’hémoglobine peut revenir à la normale, seule l’hyper réticulocytose est détectée, traduisant indirectement le phénomène sur l’hémogramme (hémorragies ou 57 ◗

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CONNAISSANCES

hémolyses « compensées »). Dans la majorité des cas, l’hyperdestruction dépasse les possibilités de compensation et l’anémie persiste, détectable à l’hémogramme. L’hémorragie et l’hyperhémolyse sont les deux mécanismes des anémies par excès de perte. Les anémies par excès de perte sont en principe toujours normochromes. Elles peuvent être normocytaires mais aussi macrocytaires, ce dernier caractère étant fréquent et dû à la régénération (voir p. 32). Les réticulocytes sont toujours élevés sauf immédiatement (2-3 j) après le déclenchement de l’anémie (Fig. 4.4.a).



Anémies hémorragiques aiguës

Toute hémorragie abondante et survenant dans un délai court (de l’ordre de quelques jours) provoque une perte de globules rouges suffisante pour entraîner une anémie. L’hémorragie peut être externe, d’extériorisation plus ou moins rapide, ou intra-cavitaire, ou interstitielle. En général, l’anémie normochrome, normocytaire (ou macrocytaire si la situation se prolonge), régénérative est caractérisée par la normalité de la bilirubine non conjuguée et de l’haptoglobine. Cependant, une hémorragie interstitielle ou intracavitaire abondante peut entraîner dans les jours qui suivent une élévation du taux de la bilirubine non conjuguée et une baisse de l’haptoglobine. Il faut 3 à 7 jours après une hémorragie abondante pour que l’hyper-réticulocytose compensatrice devienne évidente et au début d’une hémorragie aiguë, l’anémie peut donc être arégénérative. Ce délai est parfois prolongé jusqu’à dix jours, retard qui témoigne d’une insuffisance latente de l’érythropoïèse, généralement due à un certain degré de carence en fer. Le caractère retardé de l’hyper-réticulocytose n’a toutefois pas beaucoup d’importance pratique, les hémorragies entraînant ce type d’anémie étant toujours abondantes, aiguës et le plus souvent évidentes.



Anémies hémolytiques

L’hyperhémolyse est le raccourcissement de la durée de vie des globules rouges au-dessous de 120 jours. Cette hyperhémolyse pathologique peut être mise en évidence directement par la mesure de la demi-vie des globules rouges marqués au chrome 51 (voir p. 50). Elle s’apprécie sur la réduction de la demi-vie des hématies ou plus précisément sur le pourcentage d’hémolyse quotidienne (normalement 1 à 2%). Cependant le plus souvent, en pratique, la preuve de l’hyperhémolyse peut être faite sans avoir recours à cette méthode longue et coûteuse. Il existe en effet, le plus souvent au cours des hyperhémolyses, des signes d’hypercatabolisme de l’hémoglobine ou d’hémolyse intravasculaire. Il existe en effet deux types d’hyperhémolyse selon leur siège. Lorsque l’hémolyse se fait comme l’hémolyse physiologique dans les macrophages, on dit qu’elle est intratissulaire ; lorsque l’hémolyse se fait dans la circulation, on dit qu’elle est intravasculaire. L’association de ces deux mécanismes est relativement fréquente.

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PHYSIOPATHOLOGIE DES ANÉMIES

◗ ◗ Le diagnostic d’hémolyse intravasculaire repose sur l’association d’un effondrement du taux d’haptoglobine avec une hémoglobine plasmatique élevée et souvent une hémoglobinurie (sans hématurie). D’autres signes plus rarement recherchés sont la présence de méthémalbumine dans le sang et la chute de l’hémopexine. Ultérieurement, une hémosidérinurie accompagne la desquamation des cellules rénales chargées d’hémosidérine.

◗ Une bilirubinémie normale n’élimine pas le diagnostic d’anémie hémolytique intravasculaire.

Hémolyse tissulaire et hémolyse intravasculaire

L’hémolyse tissulaire, qui se fait dans les macrophages, est l’exagération du processus normal : les GR altérés ou anormaux sont phagocytés par les macrophages, comme le sont, à l’état normal, les hématies âgées (voir p. 50). Le phénomène est souvent important dans le foie et surtout la rate. La quantité d’hémoglobine détruite étant élevée, il apparaît un signe majeur d’hypercatabolisme de l’hémoglobine : l’élévation de la bilirubinémie non conjuguée. Cependant, même quand ce cas où l’hémolyse est essentiellement intratissulaire, il y a libération d’un excès d’hémoglobine dans le plasma et baisse de l’haptoglobine (voir ci-dessous). L’hémolyse intravasculaire survient, soit isolément du fait de certaines étiologies particulières, soit en association avec l’hémolyse tissulaire lorsque l’hémolyse est massive. La libération de l’hémoglobine dans la circulation est suivie de sa fixation sur l’haptoglobine, protéine dont la seule fonction connue est la fixation de l’hémoglobine et dont le taux normal est de 0,5 à 1,5 g/L. Le taux résulte de l’équilibre entre la production par les hépatocytes (qui s’élève en cas de syndrome inflammatoire) et la disparition (accélérée par la liaison avec l’hémoglobine). Le complexe hémoglobine-haptoglobine est transporté aux cellules macrophages. L’haptoglobine est très vite consommée et l’hémoglobine qui ne trouve plus d’haptoglobine pour la fixer passe alors dans le plasma, puis dans les urines. En outre, une partie du pigment est fixée sur l’albumine pour donner de la méthémalbumine qui persistera plusieurs jours. Une autre protéine fixe l’hème, l’hémopexine. L’élévation de la bilirubinémie non conjuguée survient dans un second temps, mais elle reste souvent très modérée si la principale partie du pigment libéré est passée dans les urines.

➤ Fig. 4.5. Hémolyse pathologique. Destin des constituants de l’hémoglobine. ➤

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CONNAISSANCES



Mécanismes des hyperhémolyses

Elles peuvent être liées à des anomalies constitutionnelles ou acquises, et l’origine du trouble est tantôt extra, tantôt intracorpusculaire. Quelle que soit la cause initiale de l’anomalie et sa nature constitutionnelle ou acquise, la raison pour laquelle le GR est finalement détruit est en règle l’une des suivantes, ou une association (Fig. 4.6 et 4.7). • Sa forme est anormale, d’où une moindre plasticité et une rétention dans les filtres que constituent les très petits vaisseaux, notamment le passage à travers les cordons de Billroth dans la rate. Cette cause sera rencontrée aussi bien dans le cas d’anomalies constitutionnelles (sphérocytose, elliptocytose, drépanocytose) que dans celui d’anomalies acquises (schizocytose). • Sa membrane est anormale, la surface altérée en est « reconnue » par les macrophages provoquant la phagocytose. C’est vrai, pour les hématies recouvertes d’anticorps (hémolyses immunes) mais aussi de celles dans lesquelles des constituants dégradés font des précipités qui forment de grosses inclusions au contact de la membrane (corps de Heinz des hémoglobines instables, de certains déficits enzymatiques et d’intoxication par divers oxydants, de l’infestation par le plasmodium). • Le complément se fixe sur le GR et le lyse directement, soit parce qu’un anticorps apte à fixer le complément est présent à la surface (hémolysine), soit parce que les GR sont anormalement sensibles au complément, même en l’absence d’anticorps fixés à leur surface (Marchiafava-Micheli). • La résistance des GR est moindre par anomalie métabolique, notamment dans les zones de stagnation (rate) cela se voit aussi bien dans des anomalies enzymatiques (pyruvate-kinase) que dans les sphérocytoses héréditaires. • La membrane du globule rouge est rompue par une fracture mécanique (hémolyse par fragmentation) ou par une agression chimique.



◗ L’association d’un taux normal de bilirubine non conjuguée et d’un taux normal d’haptoglobine permet d’écarter le diagnostic d’hyperhémolyse.

L’hémolyse aiguë intravasculaire comporte un risque grave : celui de choc avec anurie secondaire (dans les accidents transfusionnels et la septicémie à Perfringens notamment). L’hémolyse intravasculaire chronique est une cause de carence martiale (par perte de fer dans les urines), qui aggrave l’anémie. L’appréciation du degré d’une hémolyse intravasculaire pose un problème particulier. La baisse de l’haptoglobine est un phénomène très sensible, et le taux d’haptoglobine s’effondre pour des hémolyses intravasculaires modérées. Le dosage d’hémoglobine plasmatique est peu fiable et les dosages de la méthémalbumine et de l’hémopexine ne sont pas de pratique courante. Un bon moyen de quantifier une hémolyse intravasculaire est de doser les LDH plasmatiques, les LDH d’origine érythrocytaire étant libérées dans le plasma par l’éclatement intravasculaire du globule rouge. L’élévation des LDH, pouvant avoir d’autres causes, n’est pas en revanche un élément de diagnostic.

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PHYSIOPATHOLOGIE DES ANÉMIES

➤ Fig. 4.6. Exemples de mécanisme final d’hémolyse intravasculaire. ➤

➤ Fig. 4.7. Exemples de mécanisme final d’hémolyse intratissulaire. ➤

MÉCANISME DES ANÉMIES DUES À UN DÉFAUT ◗ DE PRODUCTION (ARÉGÉNÉRATIVES) Les anémies arégénératives sont toujours dues à un défaut de production par la moelle. Les insuffisances quantitatives de l’érythropoïèse se rencontrent, soit isolément, soit en association avec une atteinte des autres lignées médullaires, réalisant alors une insuffisance médullaire quantitative globale (hypoplasie et aplasie médullaire (voir p. 203). En ce qui concerne la lignée des globules rouges, ces insuffisances sont toujours caractérisées par une diminution du nombre absolu des réticulocytes. En pratique, cette diminution se traduit le plus souvent par la non-augmentation des réticulocytes malgré l’anémie.

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 4.8. Mécanisme des insuffisances quantitatives de l’érythropoïèse. ➤

Le défaut de production des réticulocytes par la moelle peut être dû à deux grands types de mécanismes : l’absence ou la diminution du nombre des érythroblastes (insuffisance quantitative pure) ou une anomalie qualitative de la lignée érythroblastique entraînant la mort dans la moelle d’une partie des érythroblastes (elle est qualifiée aussi d’érythropoïèse inefficace, d’avortement intramédullaire ou de dysérythropoïèse).



Les insuffisances purement quantitatives de l’érythropoïèse

Il s’agit des anémies arégénératives dues à la diminution, voire à la disparition, des cellules érythroblastiques. Cette diminution des érythroblastes peut avoir théoriquement trois causes : la raréfaction des cellules souches, une diminution de la différenciation des progéniteurs en érythroblastes (par exemple par défaut d’érythropoïétine) ou une destruction des érythroblastes. La disparition du tissu myéloïde normal peut aussi être due à l’envahissement de la moelle par un tissu étranger ou anormal : cellules cancéreuses, envahissement lymphoïde (lymphocytaire ou lymphoblastique) ou myéloïde, survenue d’une fibrose, dans ces cas l’atteinte de la lignée rouge n’est pas isolée. La raréfaction des érythroblastes dans l’ensemble de la moelle aboutit, dans tous les cas à une insuffisance de production des réticulocytes dans le sang. Sur le myélogramme, elle se manifeste simultanément par la diminution du pourcentage des érythroblastes, confirmée, si besoin est, par la biopsie de moelle.

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PHYSIOPATHOLOGIE DES ANÉMIES Un moyen plus précis mais d’utilisation moins courante, étant donné sa durée (15 jours) et son prix, est l’étude du métabolisme du fer radioactif (voir p. 29). L’insuffisance quantitative de la lignée érythroblastique est caractérisée, après injection du fer radioactif, par un abaissement du taux d’incorporation, mais une vitesse d’incorporation normale du fer dans les hématies. La diminution du nombre d’érythroblastes dans la moelle se traduit particulièrement par un ralentissement de la disparition (clearance) du fer 59 du plasma, expliquée par le nombre insuffisant d’érythroblastes aptes à le capter (Fig. 4.10)

➤ Fig. 4.9. Mécanismes des insuffisances qualitatives de l’érythropoïèse. ➤ Anomalie des mitoses

Anomalie de synthèse de l'hémoglobine

Chimiothérapie anticellulaire

Déficit en fer (hyposidérémie)

Défaut de synthèse d'ADN par déficit en A. folique ou vit. B12

Défaut de synthèse de l'hème

Anomalie nucléaire primitive constitutionnelle ou acquise

diminution du nombre des mitoses + synthèse normale de l'hémoglobine

Défaut de synthèse de l'hémoglobine avec mitoses normales

Défaut de synthèse de la globine (thalassémie)

augmentation du nombre des microcytose

macrocytose microcytose

Les défauts quantitatifs isolés en érythroblastes peuvent être complets, réalisant alors une anémie anérythroblastique, syndrome rare dont les étiologies sont bien particulières (voir p. 77). Dans d’autres cas, les érythroblastes peuvent être seulement diminués, l’anémie étant alors le plus souvent modérée. On observe ces défauts de production dans les circonstances suivantes. Au cours du myxœdème, la diminution de la production semble simplement résulter d’une adaptation à la diminution des besoins d’oxygène. Dans le panhypopituitarisme s’y associent les effets de la diminution de la sécrétion d’androgènes et d’hormone de croissance (qui agissent peut-être surtout par le biais d’une diminution de la sécrétion d’érythropoïétine) (voir p. 31). L’anémie de l’insuffisance rénale associe un facteur hémolytique à un facteur central quantitatif. Le défaut de production des érythroblastes au cours de l’insuffisance rénale s’explique surtout par une diminution de la production d’érythropoïétine et accessoirement l’accumulation de substances toxiques pour les érythroblastes non éliminées par le rein et pour l’essentiel épurées lors des hémodialyses. Le rôle essentiel du défaut en érythropoïétine est illustré par la correction de l’anémie par l’injection d’érythropoïétine recombinante. Enfin, au cours de toute inflammation, se produit rapidement une diminution quantitative de l’érythropoïèse dont le mécanisme est complexe (voir p. 74).



Les insuffisances qualitatives de l’érythropoïèse

Dans ce type d’anémie, la lignée érythroblastique est anatomiquement présente, voire souvent hyperplasique, mais l’érythropoïèse est inefficace et les érythroblastes « avortent » avant d’arriver à maturation ou au stade du réticulocyte. Dans tous les cas, ceci explique la diminution constante de la réticulocytose. Les insuffisances qualitatives de l’érythropoïèse sont dues à des anomalies diverses qui peuvent porter, soit sur la synthèse de l’ADN, soit sur celle de l’hémoglobine. 63 ◗

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CONNAISSANCES



Les anomalies de la synthèse de l’ADN

Elles peuvent être la conséquence, soit d’une chimiothérapie « antimitotique », soit de l’absence d’un facteur vitaminique nécessaire à la synthèse de l’ADN (acide folique ou vitamine B12), soit d’une anomalie constitutionnelle du métabolisme nucléaire (dysérythropoïèses congénitales), soit d’une dysérythropoïése acquise dans les myélodysplasies, dont le mécanisme est encore inconnu. Une forme particulièrement caractéristique d’insuffisance qualitative de l’érythropoïèse est l’anémie mégaloblastique généralement due à un défaut soit de vitamine B12, soit d’acide folique (voir p. 79). Quel que soit le mécanisme intime des anomalies de la synthèse de l’ADN, elles se traduisent par un ralentissement de la maturation nucléaire par rapport à la maturation cytoplasmique. La concentration optimale en hémoglobine dans l’érythroblaste est donc atteinte avant les 4 mitoses normales (voir p. 29). Il en résulte un arrêt plus précoce des mitoses et une macrocytose. La macrocytose sans anémie est, en règle générale, la première manifestation de ce type de perturbation. L’anémie apparaît lorsque le trouble devient suffisamment important pour entraîner la mort intramédullaire d’une proportion importante des érythroblastes. L’anémie garde alors généralement son caractère macrocytaire, normochrome et arégénératif. Les insuffisances médullaires par défaut de la synthèse de l’ADN se traduisent à l’étude isotopique par le fer 59 par un tableau tout à fait caractéristique, avec clearance du fer du plasma généralement augmentée traduisant la richesse de la moelle en érythroblastes, une incorporation du fer diminuée et surtout ralentie traduisant le défaut qualitatif de la multiplication cellulaire (Fig. 4.10).

➤ Fig. 4.10. Exploration de l’érythropoïèse par le fer radioactif (Fer 59). ➤



Elles peuvent être dues à un défaut de fer dans le plasma (hyposidérémie), à une anomalie de la synthèse de l’hème (rare), ou à un défaut de synthèse de la globine (essentiellement dans les thalassémies). Dans tous les cas la concentration corpusculaire en hémoglobine normale n’est pas atteinte au terme du nombre normal de mitoses. Des mitoses supplémentaires ont lieu, ce qui permet aux érythroblastes d’atteindre une concentration corpusculaire en hémoglobine normale, ce qui aboutit à une microcytose, sans toujours empêcher finalement l’hypochromie. ◗

◗ La microcytose est toujours le premier symptôme des défauts de synthèse d’hémoglobine.

Les anomalies de la synthèse de l’hémoglobine

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PHYSIOPATHOLOGIE DES ANÉMIES

Une anémie apparaît lorsque le défaut de synthèse de l’hémoglobine est tel que survient un avortement intramédullaire d’une partie des érythroblastes. – L’hyposidérémie peut être due soit à une diminution du fer des réserves, entraînant secondairement une diminution du fer plasmatique (carence vraie, voir p. 69), soit à une rétention du fer dans les macrophages ralentissant le passage normal dans la circulation, phénomène qui s’observe essentiellement dans les syndromes inflammatoires (voir p. 74). – Les défauts de synthèse de l’hème se traduisent souvent par l’accumulation du fer dans les mitochondries réalisant un tableau dit d’anémie sidéroblastique (voir p. 76). – Quant aux thalassémies, l’anémie y a généralement des composantes multiples avec, outre le défaut de synthèse de l’hémoglobine, une hémolyse intramédullaire due à la précipitation des chaînes libres de globine dans les érythroblastes, et une hémolyse périphérique due au même mécanisme au niveau des globules rouges (voir p. 107). À l’étude isotopique par le fer 59, les défauts de synthèse de l’hème ou de la globine se traduisent par un tableau d’insuffisance médullaire qualitative sans différence avec le syndrome identique dû au défaut de synthèse de l’ADN. Lorsqu’il existe une hyposidérémie (que celle-ci soit liée à une déplétion des réserves ou à une rétention du fer dans les macrophages), l’étude par le fer 59 perd toute valeur, l’extrême avidité des érythroblastes pour le fer intraveineux faussant complètement l’appréciation de l’érythropoïèse réelle.

Cinétique d’évolution du volume globulaire moyen En raison de la durée de vie des globules rouges (120 jours en l’absence d’hyperhémolyse), il faut plusieurs semaines pour que le retentissement d’un trouble de l’érythropoïèse se traduise par une modification du volume globulaire moyen. L’étude de la courbe de distribution du volume érythrocytaire permet un diagnostic plus précoce.

◗ ANÉMIES DE MÉCANISMES MULTIPLES

L’association d’un défaut de production et d’une augmentation des pertes n’est pas exceptionnelle. Hormis le cas particulier des thalassémies, il s’agit généralement de l’association de deux causes différentes, par exemple inflammation et hémolyse, insuffisance rénale et hémolyse, etc. On peut voir aussi s’associer une hypoplasie érythroblastique et un défaut de synthèse de l’ADN, les rares érythroblastes restant se divisant anormalement lentement, avec ou sans mortalité intramédullaire. L’association d’une hyposidérémie et d’un défaut de synthèse de l’ADN, observée en particulier dans les doubles carences en fer et en acide folique, peut donner naissance à une anémie dite dimorphe à la fois macrocytaire et hypochrome, généralement arégénérative (très rare).

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CONNAISSANCES

Tableau Tableau8.II. 4.II.

Principaux mécanismes des anémies.

I. Anémies régénératives (« périphériques ») normocytaires ou macrocytaires A. Hémorragies aiguës abondantes B. Hyperhémolyse 1. D’origine corpusculaire : a) anomalie des enzymes, b) anomalie de l’hémoglobine, c) anomalie de la membrane, d) Maladie de Marchiafava-Micheli. 2. D’origine extracorpusculaire : a) substances toxiques et toxines, b) parasitisme, c) agression mécanique, d) agression immunologique. C. Phase de réparation d’un défaut d’érythropoïèse a) apport de facteurs déficitaires (fer, acide folique, vitamine B 12), b) levée d’inhibition (traitement d’une inflammation), c) arrêt d’un toxique (alcool, chimiothérapie cytopéniante).

II. Anémies arégénératives (« centrales ») A. Aplasies des érythroblastes : typiquement normocytaires 1. Isolée : anémie anérythroblastique, ou érythroblastopénie (défaut partiel par déficit d’érythropoïétine ou insuffisance hormonale). 2. Dans une insuffisance médullaire globale : a) envahissement ; b) aplasie médullaire pure : – destruction des cellules-souches ; – destruction du tissu de soutien. B. Anomalie qualitative de l’érythropoïèse 1. Portant sur l’ADN : (typiquement macrocytaires) : a) carence folique ou B12 ; b) primitive (dysmyélopoïése). 2. Portant sur l’hémoglobinogenèse : (typiquement microcytaires) : a) carence en fer ou rétention dans les macrophages, b) troubles d’utilisation du fer, c) thalassémies. C. Causes diverses Insuffisances rénales, endocriniennes, inflammatoires.

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PHYSIOPATHOLOGIE DES ANÉMIES

Résumé Points clés Les caractéristiques physiologiques moyennes des globules rouges (VGM, réticulocytes) permettent de classer les anémies dans de grandes catégories physiopathologiques : – anémies microcytaires, en règle générale, arégénératives, – anémies non microcytaires régénératives, – anémies non microcytaires arégénératives.

Points de débat À partir de quel chiffre de réticulocytes une anémie est-elle régénérative? La physiologie voudrait que l’on tienne compte du degré de l’anémie, mais les mesures des réticulocytes sont trop peu fiables pour établir des abaques de référence. Pour cette raison, il est opérationnel de distinguer les anémies avec réticulocytose non augmentée, arégénératives (< 100 000/mm3) et les anémies régénératives (> 150 000/mm3). Les situations intermédiaires justifient plusieurs mesures des réticulocytes pour établir une valeur moyenne.

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CONNAISSANCES

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Symptômes, évolution et traitement des principales anémies ◗ LES ANÉMIES HYPOSIDÉRÉMIQUES ◗ LES ANÉMIES PAR ANOMALIE DE SYNTHÈSE

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◗ LES ANÉMIES AIGUËS HÉMORRAGIQUES ◗ LES ANÉMIES HÉMOLYTIQUES ◗ PATHOLOGIE DE L’HÉMOGLOBINE ◗ LES ANOMALIES CONSTITUTIONNELLES

DE L’HÈME

◗ LES ANÉMIES PAR INSUFFISANCES MÉDULLAIRES QUANTITATIVES

◗ LES ANÉMIES PAR INSUFFISANCES MÉDULLAIRES



QUALITATIVES

DE LA SYNTHÈSE DE LA GLOBINE : LES THALASSÉMIES LES ANOMALIES ACQUISES DE L’HÉMOGLOBINE

Introduction ◗ Toutes les anémies ont en commun une symptomatologie liée à la baisse du taux d’hémoglobine (voir p. 56). ◗ L’attitude diagnostique devant une anémie est détaillée au chapitre 6. CNEM ◗ Les thérapeutiques médicamenteuses des anémies sont détaillées au chapitre 7.

◗ LES ANÉMIES HYPOSIDÉRÉMIQUES ◗

CNEM

Anémies par carence martiale (ou « ferriprives ») de l’adulte

La carence martiale est la cause numéro 1 des anémies de l’adulte, et les anémies par carence martiale sont, dans tous les pays et sous toutes les latitudes, les plus fréquentes des anémies.



Physiopathologie

Le fer étant un constituant majeur de l’hème, toute carence en fer retentit sur l’érythropoïèse. La synthèse de l’hémoglobine dans les érythroblastes est ralentie et le nombre des mitoses dans la lignée érythroblastique augmente (voir p. 29). À un degré de plus, l’anémie apparaît, microcytaire puis parfois hypochrome. L’anémie est la plupart du temps arégénérative puisqu’elle est due à un défaut de synthèse de l’hémoglobine, et à un défaut de production des globules rouges par la moelle. CNEM : item 297 « Orientation diagnostique devant une anémie ». CNEM : item 222 « Diagnostiquer une anémie par carence martiale – Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient ».

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CONNAISSANCES

Au niveau du métabolisme du fer le premier symptôme est l’élévation de la sidérophiline ou transferrine (voir p. 33), qui traduit une baisse du fer des réserves. À ce stade, il n’y a le plus souvent pas encore d’anémie. Puis apparaît l’hyposidérémie, avec persistance ou accentuation de l’augmentation de la sidérophiline. Autres modifications biologiques : le taux de ferritine sanguine s’effondre, lié à la baisse des réserves et le fer disparaît des érythroblastes (diminution au-dessous de 20% du pourcentage normal d’érythroblastes contenant du fer ou « sidéroblaste ».)



Étiologie

L’excès de perte, par saignement chronique le plus souvent, est de loin la cause la plus fréquente (90% des cas). Ce saignement n’affecte guère la masse sanguine mais entraîne assez rapidement un déficit en fer que l’on conçoit si on se rappelle que 10 mL de sang contiennent 5 mg de fer, c’est-à-dire plus que l’absorption quotidienne normale (voir p. 33). Cependant l’importance des réserves en fer explique que l’anémie n’apparaît éventuellement qu’après plusieurs mois de saignement. Les points de départ de ces saignements sont le plus souvent génitaux (chez la femme réglée) ou digestifs. En période d’activité génitale, on a pu estimer que près de 40% des femmes auraient un bilan de fer négatif et 8 à 10% d’entre elles une anémie ferriprive. Les grossesses accentuent les risques de carence et le régime alimentaire, souvent moins riche en fer que celui de l’homme, limite les possibilités de compensation (la quantité totale de fer absorbé dépend du contenu en fer du bol alimentaire) (voir p. 33). On conçoit par conséquent que des hémorragies chroniques encore plus minimes que chez l’homme puissent entraîner des carences martiales profondes chez la femme. C’est en particulier le cas de nombreuses ménorragies souvent méconnues. Les autres causes de carence en fer sont plus rares. Ce sont les carences d’apport exceptionnelles sauf chez le nourrisson (voir ci-dessous), les défauts d’absorption par lésions digestives, rares sauf dans les malabsorptions de siège proximal, maladie cœliaque essentiellement (on peut voir alors l’anémie hyposidérémique s’associer à une carence en acide folique, voire à une ostéomalacie). Les carences relatives (déséquilibre entre les apports et les besoins) sont en revanche assez fréquentes. Les grossesses répétées sont ainsi non exceptionnellement la cause d’anémies ferriprives.



Symptomatologie

– L’asthénie des anémies par carence martiale s’explique à la fois par l’anémie et par le déficit en fer. Celui-ci retentit en effet sur tous les métabolismes de l’organisme où interviennent des molécules héminiques, en particulier les cytochromes. Ceci explique que le traitement martial entraîne une amélioration de l’asthénie bien avant que le taux d’hémoglobine ne se soit corrigé. – L’anémie est en règle microcytaire, normochrome ou hypochrome, et arégénérative. Elle peut être cependant normocytaire et hypochrome régénérative, soit lors de saignements chroniques abondants et traités par le fer sans que les apports de fer ne parviennent à compenser les pertes, soit transitoirement lors de l’installation d’une carence martiale. 70 ◗



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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

– Les autres symptômes, inconstants, sont : • une leuconeutropénie modérée, une thrombocytose, exceptionnellement une thrombopénie; • des fissures des commissures labiales; • des altérations des ongles : aplatis, parfois creusés au centre et se redressant sur les bords (koïlonychie) seulement en cas de carence très ancienne et non traitée; • une glossite (langue peu papillée ou dépapillée); • très rarement une dysphagie spasmodique avec atrophie de la muqueuse œsophagienne; • une splénomégalie modérée peut s’observer, surtout chez l’enfant. Elle régresse avec le traitement martial; • il n’est pas exceptionnel de trouver, lorsqu’on la recherche, une modification du goût alimentaire avec une attirance pour des substances comme la terre (géophagie), le plâtre ou les cubes de glace. Ce sont des conséquences et non des causes de la carence. Elles disparaissent d’ailleurs rapidement avec le traitement martial. Ces signes sont essentiellement liés à la gravité de la carence en fer qui retentit sur tout l’organisme.



Diagnostic

Il repose sur les caractères de l’anémie, le dosage du fer sérique (abaissé) et de la capacité de saturation de la sidérophiline totale (élevée), ou sur la baisse du taux de la ferritine. L’étape essentielle est l’étape étiologique pour laquelle une démarche pratique est proposée p. 117. Critères de diagnostic d’une anémie par carence martiale

◗ ◗ Attention : les préparations de sels de fer ont des concentrations variables en fer métal. Ainsi, un comprimé de Fumafer contient 200 mg de fumarate ferreux, soit 66 mg de fer. Pour chaque médicament, vérifier dans le dictionnaire des spécialités.

{

Anémie microcytaire + Fer sérique bas Capacité totale de saturation de la sidérophiline élevée ou ferritine basse

Évolution et traitement CNEM

L’évolution est favorable en quelques semaines avec un traitement bien conduit, qui repose sur deux éléments obligatoirement associés : la prescription de fer et le traitement de la cause. La prescription de fer par voie orale peut utiliser diverses spécialités dont les avantages respectifs sont peu évidents. L’important est de prescrire une dose suffisante, c’est à dire 100 à 200 mg de fer élément par jour. Le nombre de prises dépend de la concentration en fer élément par unité de prise, précisée dans les dictionnaires de spécialités. Il est préférable de fractionner cette dose et, pour limiter les troubles digestifs, de prescrire le fer au milieu des repas. Il est nécessaire en outre de prévenir les sujets des troubles fonctionnels

CNEM : item 222 « Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient ».

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CONNAISSANCES

parfois occasionnés par le traitement martial : nausées, douleurs épigastriques, constipation ou diarrhée. Ces anomalies se corrigent souvent au cours du traitement. Le traitement doit être poursuivi suffisamment longtemps pour obtenir une réplétion des réserves. En pratique, il est recommandé de prescrire un traitement pour quatre mois et de vérifier après quatre mois la normalisation de toutes les constantes biologiques, c’est-à-dire la numération, le fer sérique et la capacité totale de saturation de la sidérophiline ou la ferritine. Un contrôle plus précoce de l’efficacité du traitement est inutile. Si après 4 mois la capacité totale de saturation ou la ferritine basse reste élevée, il faut poursuivre le traitement un mois supplémentaire. Traitement curatif de la carence martiale de l’adulte fer élément per os : 100 à 200 mg/j × 4 mois Le fer injectable (IM) a pour seule indication l’inefficacité du traitement martial per os (grande malabsorption essentiellement) ou son intolérance absolue. Le fer injectable disponible en France (fer maltose) se résorbe lentement et ne corrige donc pas l’anémie aussi vite que le fer per os. Il existe de plus un risque de pigmentation indélébile aux points d’injection. Le traitement de la cause est indispensable si l’on veut éviter les récidives. Si elle n’est pas accessible à un traitement (maladie de RenduOsler ou hernie hiatale, par exemple), un traitement préventif par le fer, plus ou moins continu, est justifié à condition de vérifier régulièrement le fer sérique et la numération. Le traitement préventif des carences martiales de la grossesse est certainement justifié dans les populations à haut risque (en France : essentiellement les femmes émigrées des pays en voie de développement et les multipares).

Résumé Points clés L’anémie par carence martiale de l’adulte est la plus fréquente des anémies. Tout médecin doit savoir la reconnaître, conduire l’enquête étiologique et la traiter. Le diagnostic repose sur des critères biologiques simples : anémie microcytaire, fer sérique abaissé et sidérophilline élevée ou ferritine basse. Les causes, de loin les plus fréquentes, sont les saignements, le plus souvent chroniques et non décelables à l’interrogatoire, gynécologiques chez la femme réglée, ou digestifs. Le traitement est un sel de fer per os à dose suffisante, pendant quatre mois et le traitement de la cause.

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

Résumé Points de débat • Associer au dosage du fer, la capacité totale de saturation ou le dosage de la ferritine? Non, en cas de carence martiale affirmée et avec un dosage fiable les deux se valent pour le suivi. Pour le diagnostic la capacité totale est plus informative (voir p. 114). • Quel sel de fer préférer? Aucune des préparations, avec ou sans vitamine C, ne semble avoir d’avantage déterminant. L’association d’acide folique n’a aucun intérêt. Les formes à libération lente sont réputées mieux tolérées, mais elles ne sont pas libérées là où l’absorption est la plus efficace, dans le duodéno-jéjunum.

Anémie ferriprive du nourrisson



Physiopathologie, étiologie

À la différence de la carence martiale de l’adulte celle du nourrisson est le plus souvent due à un défaut d’apport. Elle devrait être prévenue par le traitement préventif. La carence s’installe d’autant plus tôt et d’autant plus facilement que les réserves sont plus basses au départ. Les étiologies à rechercher sont d’abord : – le défaut d’apport par régime lacté prolongé, fréquent dans les pays en voie de développement; – les prématurités (réserve de fer plus basse à la naissance, en raison du plus petit poids); – les gémellarités (réserve de fer plus basse à la naissance chez un des jumeaux en cas de transfusion intergémellaire); – les hémorragies néonatales (réduisant les réserves martiales); – la carence en fer de la mère. Les déficits en fer par saignement sont l’exception.



Symptomatologie

La seule particularité de la carence martiale du nourrisson est la fréquence de certains symptômes rares chez l’adulte : splénomégalie et thrombocytose. On peut observer aussi de la fièvre, voire une érythroblastémie. L’association à d’autres carences en particulier en vitamine D ou vitamine C est possible.



Diagnostic

Il se pose dans les mêmes conditions que chez l’adulte. L’enquête étiologique est en revanche très différente : il est, en règle générale, inutile de faire des explorations digestives.



Évolution et traitement

L’évolution est rapidement favorable sous l’effet du traitement martial per os. On utilise des poudres ou des solutions buvables (protoxalate ou fumarate ou glutamate) à des doses adaptées au poids. ◗

◗ La prévention est essentielle : elle repose sur un apport précoce de fer dans l’alimentation du nourrisson, par l’introduction d’un régime varié et non purement lacté. Les laits supplémentés en fer sont recommandés précocement dans ce but.



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CONNAISSANCES



Les anémies inflammatoires

Les anémies inflammatoires sont les plus fréquentes des anémies, après les anémies par carence martiale. Elles sont particulièrement fréquentes en milieu hospitalier.



Physiopathologie

L’inflammation s’accompagne de trois phénomènes distincts, qui sont en partie liés à une augmentation du taux des cytokines pro inflammatoires (IL1 et IL6 notamment) et qui concourent à l’apparition d’une anémie. 1. Un trouble du métabolisme du fer : le fer, libéré par l’hémolyse dans les macrophages et normalement rendu à l’érythropoïèse par l’intermédiaire de la sidérophiline, est en cas de syndrome inflammatoire retenu dans les macrophages. L’augmentation de la production d’hepcidine sous l’effet de l’IL6 semble expliquer ces modifications. Cette rétention entraîne une hyposidérémie. Cependant les réserves martiales ne sont pas abaissées (elles sont même augmentées) et la sidérophiline n’augmente pas. Le plus souvent elle diminue car il y a au cours des syndromes inflammatoires à la fois défaut de synthèse et hypercatabolisme de cette protéine. De même, le taux de la ferritine ne baisse pas. Il peut même s’élever, certaines causes d’inflammation (tumorales en particulier) s’accompagnant d’une augmentation du taux de la ferritine. 2. Une discrète hyperhémolyse, insuffisante pour entraîner une augmentation de la bilirubine (2 ou au maximum 3 fois supérieure à la normale). 3. Un défaut de production médullaire, lié en partie à un défaut de sécrétion de l’érythropoïétine, et en partie à une toxicité sur l’érythropoïèse de certaines cytokines libérées lors de l’inflammation. La part respective de ces différents facteurs dépend de la durée d’évolution de l’inflammation. Au début c’est le défaut de production qui est le facteur dominant et l’anémie est normochrome normocytaire arégénérative. Après quelques semaines d’évolution (en raison de la prédominance initiale des globules rouges normocytaires), l’hyposidérémie se traduit par l’apparition d’une microcytose, à partir du moment où la microcytose d’un nombre suffisant d’hématies retentit sur le VGM.



Étiologie

Tous les syndromes inflammatoires : maladies rhumatismales, immunologiques, infections fébriles, cancers, maladie de Hodgkin, etc. entraînent une anémie inflammatoire avec parfois une hémoglobine à 7 ou 8 g/ 100 mL. Dans tous les cas le syndrome inflammatoire est caractérisé par une accélération de la vitesse de sédimentation, une augmentation de la CRP, une hyperα-2-globulinémie, une hyperfibrinémie. (Les VS accélérées par hyperγglobulinémie polyclonale ou monoclonale, ne s’accompagnent en général pas d’anémie inflammatoire.)



Symptomatologie

Cliniquement, elle est en général limitée et les symptômes dont se plaint le malade sont dominés par la cause du syndrome inflammatoire ou le syndrome inflammatoire lui-même. Biologiquement, l’anémie 74 ◗



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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

s’accompagne souvent d’une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles ou d’une thrombocytose pouvant atteindre un million de plaquettes/mm3, rarement plus. ➤ Fig. 5.1. Mécanisme complexe des anémies inflammatoires : association possible de 3 facteurs. ➤



Diagnostic

Il se pose en deux circonstances : – devant une anémie normochrome, normocytaire, arégénérative, – ou devant une anémie microcytaire, voire hypochrome, arégé-nérative. Dans les deux cas, le diagnostic repose sur deux examens : le dosage du fer sérique et celui de la transferrine ou de la capacité totale de saturation de la sidérophiline. Critères diagnostiques d’une anémie inflammatoire Anémie arégénérative + Syndrome inflammatoire + Fer sérique bas + Sidérophiline basse

Cas particuliers On se pose souvent le problème de l’association d’un syndrome inflammatoire et d’une carence martiale. Le diagnostic est souvent difficile. Le seul critère formel est l’estimation du fer dans les macrophages recueillis soit par biopsie médullaire, soit par biopsie hépatique : l’absence de fer dans les macrophages signe la carence martiale associée à l’inflammation. Le dosage de la ferritinémie ne permet pas de trancher, car son taux peut être élevé en cas d’inflammation, même si une carence martiale est associée.

Évolution et traitement La guérison est rapide avec celle du syndrome inflammatoire. Les traitements anti-anémiques sont sans intérêt. Il faut traiter le syndrome 75 ◗

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CONNAISSANCES

inflammatoire et surtout sa cause. Les transfusions sont très rarement nécessaires. L’érythropoïétine recombinante peut être partiellement efficace, mais le coût élevé du produit restreint son utilisation à des indications très limitées.

Points clés L’anémie inflammatoire est l’anémie la plus fréquente, après les carences martiales. Le diagnostic est très simple. Le traitement est celui de la cause.

LES ANÉMIES PAR ANOMALIE DE SYNTHÈSE ◗ DE L’HÈME



Porphyries

Elles sont pour l’essentiel des maladies non hématologiques, qu’elles soient secondaires, intoxication par le plomb, et par différents médicaments, notamment fongicides, ou primitives. Seule la porphyrie érythropoïétique congénitale ou maladie de Gunther comporte des anomalies hématologiques. Due à un déficit en uroporphyrinogène IIIcosynthétase, elle est caractérisée par l’accumulation d’uroporphyrine I et de coproporphyrine I, pigment rouge qui colore les urines. Elle est marquée par des manifestations cutanées diverses, une splénomégalie, la coloration rouge des dents et des accidents hémolytiques aigus intermittents.



Les anémies sidéroblastiques

Ce sont des anémies par dysérythropoïèse (mort intramédullaire des érythroblastes) particulières par la présence dans les érythroblastes de grains de fer accumulés dans les mitochondries et répartis en couronne autour du noyau (sidéroblastes en couronne). Cette répartition particulière du fer est pathologique et bien différente de la répartition cytoplasmique irrégulière des sidéroblastes normaux (20 à 80% des érythroblastes normaux contiennent des grains de fer et sont donc des sidéroblastes) (Fig. 5.2). Une anomalie de la synthèse de l’hème a été évoquée à l’origine de certaines anémies sidéroblastiques. En fait, elle n’est le facteur essentiel de l’anémie que dans les anémies génétiques. ➤ Fig. 5.2. Schéma des sidéroblastes. ➤

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES Ces anémies sidéroblastiques génétiques sont révélées vers l’âge de 20 ans ou 30 ans, généralement chez un sujet de sexe masculin, la maladie semblant habituellement récessive et liée au sexe. L’anémie est profonde (7 g d’hémoglobine environ), microcytaire avec des réticulocytes abaissés, un fer sérique élevé. L’électrophorèse de l’hémoglobine est normale. Le myélogramme montre une hyperplasie érythroblastique avec de nombreux sidéroblastes en couronne. Argument supplémentaire en faveur d’une anomalie du métabolisme de l’hème, le traitement par la vitamine B6 à fortes doses améliore souvent l’anémie. Le risque essentiel de ces anémies sidéroblastiques génétiques est l’accumulation du fer entraînant une hémochromatose. Les anomalies génétiques moléculaires à l’origine de ces anémies rares sont peu à peu identifiées.

Les anémies sidéroblastiques acquises peuvent s’observer dans différentes circonstances mais elles sont le plus souvent idiopathiques et entrent dans le cadre des anémies réfractaires (voir p. 262). Le défaut de synthèse de l’hème n’est qu’un mécanisme accessoire de l’anémie, qui est habituellement macrocytaire.



Déficit en vitamine B6

Il peut perturber la synthèse de l’hème puisque 3 des enzymes dont l’ala-synthétase et l’hème-synthétase ont pour coenzyme la vitamine B6. En pathologie humaine il ne semble cependant pas exister d’anémie carentielle, les autres manifestations de la carence en vitamine B6, précédant toujours de beaucoup l’anémie.

LES ANÉMIES PAR INSUFFISANCES MÉDULLAIRES ◗ QUANTITATIVES



Les érythroblastopénies pures



Érythroblastopénie chronique congénitale. Maladie de Blackfan-Diamond

C’est une maladie très rare.

Physiopathologie et étiologie Tout se passe comme si l’anémie résultait d’une anomalie de la sensibilité à l’érythropoïétine, mais le mécanisme est vraisemblablement plus complexe. Il existe parfois d’autres malformations congénitales et dans certains cas une mutation constitutionnelle d’un gène ribosomal est décelée.

Diagnostic C’est celui d’une anémie normochrome arégénérative avec myélogramme anérythroblastique (évoluant plus de 3 mois). Sa survenue très tôt dans la vie, en règle générale avant un an, rend ce diagnostic généralement facile.

Traitement La corticothérapie à fortes doses est irrégulièrement efficace. La guérison spontanée est possible. Transfusions palliatives. Il existe un risque ultérieur, tardif, d’hémopathie myéloïde.



Érythroblastopénies aiguës

Elles peuvent survenir sur un état hématologique normal (forme idiopathique) ou au cours des anémies hémolytiques qu’elles viennent 77 ◗

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CONNAISSANCES

brusquement compliquer. Elles se révèlent brutalement et guérissent en quelques semaines. Le parvovirus humain B19 est le seul virus identifié. Il est responsable de la quasi-totalité des érythroblastopénies aiguës au cours des anémies hémolytiques constitutionnelles (que l’érythroblastopénie peut révéler). Il entraîne la lyse des cellules érythroïdes qu’il infecte. Les érythroblastopénies aiguës idiopathiques de l’enfant sans hémolyse préexistante semblent souvent en revanche de mécanisme immunologique. Des érythroblastopénies aiguës toxiques s’observent au cours de traitements par les dérivés du chloramphénicol.

Diagnostic Il consiste à rechercher une intoxication par le chloramphénicol, une infection par le parvovirus B19 (sérologie IgM, PCR sur la moelle), et à affirmer le caractère aigu sur l’évolution.

Évolution et traitement Elle est spontanément résolutive en un maximum de 6 semaines. Le traitement se fait par transfusions si besoin.



Érythroblastopénies chroniques de l’adulte

Étiologie Elles sont le plus souvent immunologiques, et probablement autoimmunes. Ceci est fortement suggéré par le développement in vitro de précurseurs érythroblastiques, alors qu’in vivo la moelle est dépourvue d’érythroblastes. Dans de rares cas, un thymone est associé. La leucémie lymphoïde chronique est une étiologie assez fréquente. Au cours de l’infection VIH, et d’autres déficits immunitaires, la primoinfection par le parvovirus B19 peut être à l’origine d’une érythroblastopénie chronique. Dans quelques cas, l’anomalie est due à une anomalie des cellules souches et l’érythroblastopénie peut préluder à une leucémie aiguë ou une myélodysplasie.

Diagnostic Éliminer les érythroblastopénies aiguës et chercher un thymome. Dans les formes avec thymomes, on peut rencontrer : – hypo-γ globulinémie, – atteinte ultérieure des autres lignées de la moelle.

Évolution et traitement S’il y a un thymome, l’enlever, ce qui n’entraîne souvent qu’une rémission transitoire, mais semble favoriser l’action de la corticothérapie. En cas d’échec ou en l’absence de thymome, essais d’immunomodulateurs (corticoïdes, cyclophosphamide, immunoglobulines IV…).



Aplasies médullaires

Dans les aplasies médullaires une atteinte des autres lignées, avec appauvrissement global de la moelle, s’associe toujours à l’anémie arégénérative avec diminution des érythroblastes. Ces aplasies médullaires sont donc étudiées avec les insuffisances médullaires globales (voir chapitre 15).

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

LES ANÉMIES PAR INSUFFISANCES MÉDULLAIRES ◗ QUALITATIVES



Physiopathologie générale

Voir page 63.



Les anémies mégaloblastiques

Devant une anémie macrocytaire arégénérative, avec ou sans atteinte des autres lignées, le diagnostic d’anémie mégaloblastique, qui est cytologique, est rassurant, car quasi-synonyme de carence vitaminique curable.

◗ ◗ Le mégaloblaste est un érythroblaste pathologique résultant d’une anomalie de synthèse de l’ADN.

Physiopathologie

Dans le mégaloblaste, la synthèse d’ADN est insuffisante, si bien que la phase S du cycle cellulaire se prolonge (Fig. 5.3). Certaines cellules se bloquent à ce stade et avortent, d’autres finissent par synthétiser suffisamment d’ADN pour que le cycle se poursuive, mais le ralentissement de la phase S le prolonge de façon importante. Il en résulte deux conséquences : d’une part les érythroblastes sont de trop grande taille (moindre nombre de mitoses dans la lignée), d’autant plus que pendant la même période les synthèses cytoplasmiques se poursuivent normalement. D’autre part, on constate morphologiquement un asynchronisme de maturation nucléocytoplasmique : le noyau qui évolue lentement garde l’aspect morphologique qu’il a dans les érythroblastes jeunes, alors que le cytoplasme, déjà hémoglobinisé, ressemble à celui des érythroblastes les plus mûrs.

Ces érythroblastes anormaux, dont une partie importante avorte dans la moelle, aboutissent donc à une insuffisance médullaire qualitative. En outre, les globules rouges quittant la moelle sont dans l’ensemble de trop grande taille, dépassant 110 et parfois 130 µm3. Il est important de noter que le trouble de synthèse d’ADN ne porte pas exclusivement sur les globules rouges mais concerne aussi, bien qu’à moindre degré, la granulopoïèse (formation de myélocytes et métamyélocytes géants) et la thrombopoïèse. ➤ Fig. 5.3. Le cycle cellulaire. ➤



Étiologie

Les anémies mégaloblastiques sont généralement dues à une anomalie du métabolisme de l’acide folique ou de la vitamine B12 ou des deux vitamines. 79 ◗

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CONNAISSANCES

La maladie de Biermer C’est une maladie où un facteur familial peut être retrouvé. Plus fréquente après 50 ans, elle résulte de phénomènes d’auto-immunisation au niveau de la muqueuse gastrique. La carence en vitamine B12 est due à l’absence du facteur intrinsèque gastrique nécessaire à l’absorption de la vitamine. Ce défaut de facteur intrinsèque s’explique par la destruction, par les lymphocytes autoréactifs qui l’infiltrent, des cellules pariétales de l’estomac qui sécrètent aussi l’acide chlorhydrique. Ceci rend compte du fait que la maladie de Biermer s’accompagne constamment d’une achlorhydrie histamino-résistante. Environ 70% des sujets ont des anticorps antifacteur intrinsèque très caractéristiques. D’autres, plus nombreux, ont des auto-anticorps anti-cellules pariétales (anti ATP-ase), antithyroïdiens, ou antinucléaires non spécifiques.

Autres causes d’anémie mégaloblastique chez l’adulte – Les carences d’apport sont fréquentes (une des causes majeures d’anémie en pays sous-développés). Elles sont quasi-exclusivement foliques. Elles s’observent notamment en hiver chez les sujets âgés. La carence d’apport en B12 ne survient que dans des cas exceptionnels, chez les végétariens absolus pendant plusieurs années, en raison des réserves importantes de la vitamine. – Des maladies gastriques autres que la maladie de Biermer peuvent entraîner une anémie mégaloblastique : c’est essentiellement la gastrectomie totale (carence en B12 obligatoire en 2 à 9 ans), mais aussi la gastrectomie sub-totale en raison de l’atrophie secondaire du moignon (carence en vitamine B12) ou d’une malabsorption secondaire des folates. – Les malabsorptions digestives quelle qu’en soit la cause : sprue tropicale, maladie cœliaque, malabsorption isolée de l’acide folique (d’existence incertaine) et résections du jéjunum entraînent des carences en folates. Les résections de l’iléon terminal (lieu d’absorption de la vitamine B12) et le syndrome des anses borgnes avec prolifération bactérienne sur des diverticules, striction ou fistules du grêle (consommation de la vitamine), entraînent des carences en vita-mine B12. Des anémies mégaloblastiques, principalement par carence folique, s’observent également lors des lymphomes de l’intestin, de la maladie de Crohn, de la maladie de Whipple et de la sclérodermie. L’anémie botriocéphalique est une carence en vitamine B12 due à sa consommation par le tænia. Elle est rare même chez les porteurs de botriocéphale qui se rencontrent surtout dans les régions de lacs : on l’observe surtout en Finlande (ingestion de poissons de lacs).

– Les anémies mégaloblastiques des cirrhoses sont dues à une carence folique complexe avec défaut d’apport et trouble d’utilisation des folates. Elles sont presque toujours modérées. Des carences en folates avec mégaloblastose franche sont moins rares au cours de l’alcoolisme aigu qui inhibe certains enzymes du métabolisme folique. – Certains médicaments provoquent des anémies mégaloblastiques : • les antifoliques : amethoptérine (méthorexate), trimethoprime (Bactrim, Eusaprim), triamtérène (Tériam) ainsi que la penta80 ◗



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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

midine et la pyriméthamine agissent en inhibant la dihydrofolate réductase ; • les anticonvulsivants (hydantoïnes principalement), surtout associés aux barbituriques et à la primidione, peuvent entraîner des carences foliques de cause mal connue et qui peuvent être traitées par l’acide folique malgré la poursuite du traitement ; • la néomycine, la colchicine et certains antidiabétiques perturbent l’absorption de la vitamine B12. Les conséquences hématologiques en sont exceptionnelles. – Les anémies mégaloblastiques des carences « relatives » en folates sont dues à une couverture insuffisante par l’alimentation de besoins accrus. Elles s’observent au cours des grossesses surtout chez les multipares et dans les grossesses gémellaires. La carence en folates peut se révéler par une thrombopénie isolée. Elle peut justifier le traitement préventif dans les derniers mois de la grossesse.



Symptomatologie

Symptomatologie clinique commune à toutes les anémies mégaloblastiques par carence vitaminique L’anémie s’accompagne de ses conséquences cliniques habituelles. Son installation souvent très progressive explique qu’elle peut n’être découverte qu’à un stade d’anémie profonde (4 g/dL d’hémoglobine, voire moins). Un syndrome hémorragique peut se voir dans les formes très évoluées avec thrombopénie majeure. La mort dans la moelle des érythroblastes libère de l’hémoglobine, ce qui est habituellement responsable d’une baisse de l’haptoglobine et souvent d’une augmentation de la bilirubine non conjuguée et aussi des enzymes qu’ils contiennent dont les LDH. Un certain nombre de symptômes peuvent enrichir le tableau clinique. Ils s’expliquent par l’extension du défaut de synthèse de l’ADN à d’autres tissus à renouvellement rapide : – l’atrophie des muqueuses digestives : les aphtes, la glossite atrophique vernissée, l’atrophie qui existe aussi au niveau de l’intestin grêle est parfois responsable d’une diarrhée. – il peut exister aussi une atrophie des muqueuses génitales et urinaires.

Symptômes cliniques particuliers aux carences en vitamine B12 Ce sont les signes neurologiques. Ils sont particuliers à la carence en vitamine B12 dans l’espèce humaine. Ils sont en général discrets, se limitant à une perte de la sensibilité profonde au diapason et quelques paresthésies. L’exagération des réflexes tendineux aux membres inférieurs et un syndrome pyramidal fruste sont beaucoup plus rares. Dans quelques cas on peut observer l’existence d’un syndrome ataxospasmodique grave, d’une névrite optique, de troubles psychiques qui semblent en fait dus à l’anémie chez des sujets âgés. Les signes neurologiques manquent souvent complètement. À l’inverse, les neurologues décrivent des formes neurologiques pures, sans anémie, de carence en vitamine B12. Les mécanismes de ces mani81 ◗

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CONNAISSANCES

festations neurologiques des carences en vitamines B12 restent incertains.

Symptomatologie biologique L’anémie est normochrome, généralement franchement macrocytaire, arégénérative, avec souvent leuconeutropénie et thrombopénie. L’atteinte des lignées granuleuses et plaquettaires est d’autant plus fréquente que l’anémie est plus sévère. La moelle est mégaloblastique.



Diagnostic

Le myélogramme permet d’affirmer la mégaloblastose médullaire ce qui oriente vers le diagnostic de carence en vitamine B12 ou en acide folique.

Diagnostic des carences en vitamine B12 Le diagnostic de maladie de Biermer repose sur l’association de plusieurs éléments : – l’abaissement du taux sérique de vitamine B12 (les folates sont souvent augmentés); – l’existence d’une maladie de l’estomac authentifiée par l’achlorhydrie histamino-résistante au tubage gastrique (l’atrophie visible en fibroscopie et retrouvée par la biopsie a moins de valeur). La classique atrophie « en aires nacrées » n’est qu’un artefact technique, lié à l’utilisation de gastroscopes rigides actuellement abandonnés; – la preuve d’un déficit en facteur intrinsèque apportée soit directement par le dosage direct du facteur intrinsèque dans le liquide gastrique prélevé par tubage, soit indirectement par le test de Schilling avec et sans facteur intrinsèque (voir p. 41). On peut se contenter de la présence d’anticorps antifacteur intrinsèque, dans le sérum, qui semblent spécifiques de la maladie de Biermer, mais sont absents dans au moins 30 % des cas.

Critères du diagnostic de maladie de Biermer Déficit en vitamine B12 + Déficit en facteur intrinsèque et Déficit en acide chlorhydrique gastrique

ou

anticorps anti facteur intrinsèque

Le diagnostic des autres causes de carence en vitamine B12, rarissimes, repose essentiellement sur le contexte et les résultats du test de Schilling (voir p. 41).

Le diagnostic des carences en acide folique Il repose d’abord sur le dosage de cette vitamine. Une fois la carence prouvée, une enquête étiologique approfondie doit être menée, essentiellement par l’interrogatoire et les explorations fonctionnelles, radiologique et, biopsique de l’intestin grêle (voir p. 124). 82 ◗



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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

Problèmes diagnostiques particuliers Les anémies mégaloblastiques avec taux normaux d’acide folique et de vitamine B12 ou « anémies mégaloblastiques primitives » sont exceptionnelles. Après avoir écarté l’hypothèse d’une erreur de laboratoire lors du dosage des vitamines, il faut savoir qu’il s’agit de maladies apparentées aux anémies réfractaires (voir p. 263), non exceptionnellement préleucémiques.

L’anémie mégaloblastique associée à une hyposidérémie carentielle pose un problème particulier. Le problème peut se poser comme celui d’une anémie à la fois macrocytaire et hypochrome. Ce tableau paradoxal correspond en règle à une double carence en fer et en folates. Il se voit essentiellement au cours des malabsorptions intestinales (maladie cœliaque) et des carences multiples en fin de grossesse.



Traitements

Traitement de la maladie de Biermer Au début du traitement, la gravité du tableau ne justifie qu’exceptionnellement les transfusions. Celles-ci doivent alors être réalisées très lentement car elles sont souvent très mal tolérées, chez ces sujets souvent âgés et progressivement adaptés à leur anémie. Le traitement, étiologique, comporte une seule prescription : celle de vitamine B12 par voie parentérale. Il existe deux formes thérapeutiques de vitamine B12 : l’hydroxocobalamine et la cyanocobalamine. La rétention tissulaire de l’hydroxocobalamine est très supérieure à celle de la cyanocobalmine et ce premier produit doit donc être préféré mais il est devenu impossible à obtenir en pharmacie, en France. Avec la cyanocobalamine, dont 50 à 60 % sont éliminés dans les urines, une dizaine d’injections est nécessaire. L’efficacité immédiate de la vitamine B12 est classiquement suivie sur la poussée réticulocytaire qui apparaît en 3 à 10 jours. Il est cependant tout à fait inutile de contrôler l’hémogramme à cette période et encore plus inutile de garder les malades hospitalisés pour les surveiller.

Un ralentissement de la croissance du taux d’hémoglobine survient souvent après 2 à 4 semaines de traitement : il est presque toujours dû à l’apparition secondaire d’un déficit en fer par consommation. Il est alors utile d’associer le traitement martial. Une infection (souvent urinaire), cause d’anémie inflammatoire associée peut avoir le même effet. Le traitement d’entretien doit être poursuivi à vie. Une dose de 1 000 µg chaque mois est généralement utilisée bien que certainement supérieure aux besoins (200 à 300 µg par mois suffisent). Remarquablement sensible au traitement, la maladie de Biermer a une évolution très favorable. Deux risques doivent cependant être connus : – les récidives si le malade ne reçoit pas de traitement d’entretien, le risque majeur étant le « syndrome neuro-anémique » pouvant aboutir finalement à un syndrome ataxo-spasmodique grave; – une fréquence anormalement élevée de cancers de l’estomac, et de carcinoïdes gastriques qui doivent être recherchés systématiquement par fibroscopie à intervalles réguliers avec exérèse d’éventuels polypes (tous les 3 ans).

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CONNAISSANCES

Traitement des autres anémies mégaloblastiques



Les anémies mégaloblastiques constitutionnelles

Ces anémies se révèlent habituellement chez les petits enfants et exceptionnellement à l’âge adulte. Elles peuvent relever (voir Fig. 3.17) : – d’une anomalie du métabolisme de la vitamine B12 : déficit constitutionnel en facteur intrinsèque, anomalie du récepteur iléal de la vitamine B12 (maladie d’Imerslund), déficit constitutionnel en transcobalamine II ; – d’une anomalie du métabolisme de l’acide folique, anomalie d’absorption ou défaut d’utilisation; – de l’orotico-acidurie congénitale.



Les dysérythropoïèses non mégaloblastiques

Il s’agit d’insuffisances qualitatives de l’érythropoïèse où les érythroblastes sont souvent morphologiquement anormaux sans avoir l’aspect très particulier des mégaloblastes. Le mécanisme physiopathologique de l’anémie est toujours un avortement intramédullaire généralement moins marqué que dans les anémies mégaloblastiques. Le mécanisme exact de la mort intramédullaire des érythroblastes n’est généralement pas connu. Le diagnostic de ces dysérythropoïèses non mégaloblastiques repose essentiellement sur la compétence du cytologiste qui examine la moelle. L’aspect du sang — anémie normochrome généralement macrocytaire arégénérative avec ou sans atteinte des autres lignées — n’a en effet rien de spécifique.



Les dysérythropoïèses congénitales

Ces maladies rares sont marquées par la présence d’érythroblastes anormaux parfois de grande taille, souvent bi ou multinucléés avec ◗

◗ L’utilisation de l’acide folinique injectable ou per os en lieu et place de l’acide folique per os est totalement injustifiée dans les cas habituels.

Les carences en vitamine B12 sont à traiter par la vitamine B12 parentérale généralement à vie (sauf celles des exceptionnelles carences d’apport, seule indication de la vitamine B12 per os). Dans le cas du botriocéphale (traitement du tænia) ou des anses borgnes (antibiotiques), le traitement de la cause doit être associé aux injections de vitamine B12. Les carences en acide folique sont généralement à traiter par l’acide folique per os (Spéciafoldine, 1 cp. par jour) (voir chap. 7). Les doses apportées sont généralement suffisantes pour traiter efficacement même un défaut d’absorption. Les grandes malabsorptions, les alimentations strictement parentérales, les anémies dues à un traitement antifolique par inhibiteur de la dihydrofolate réductase sont les seules justifications à l’utilisation de l’acide folinique injectable. Il faut toujours associer au traitement folique, le traitement de la cause quand il est possible. Si la cause n’est pas accessible à un traitement spécifique, la poursuite du traitement folique est nécessaire pour prévenir les rechutes. Il importe de ne jamais donner d’acide folique sans être certain de l’absence de carence en vitamine B12 pour ne pas courir le risque d’aggravation d’accidents neurologiques liés à l’absence de cette vitamine. En cas d’incertitude le plus prudent est de donner simultanément les deux vitamines jusqu’au résultat du dosage.

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

quelquefois des anomalies de mitose. Selon ces anomalies, on en distingue trois grands types. Ce sont des maladies constitutionnelles remarquables par une anémie chronique arégénérative, mais souvent associées à des signes d’hémolyse modérée, due à la destruction intramédullaire des érythroblastes. Elles se révèlent dans l’enfance.



Les dysérythropoïèses acquises toxiques

Elles sont généralement dues aux chimiothérapies antimitotiques qui entraînent une anomalie de la synthèse de l’ADN. C’est le cas, en particulier, de tous les agents alkylants (chloraminophène, alkéran…) de l’hydroxyurée, etc. Elles régressent, parfois très lentement, à l’arrêt du traitement.



Les anémies réfractaires (ou dysmyélopoïèses acquises)

Voir page 263.

Résumé Points clés Les anémies mégaloblastiques sont presque toujours dues à une carence vitaminique, en vitamine B12 ou en acide folique. Le diagnostic étiologique est facile, à condition de suivre une démarche rigoureuse. Il se fait en ambulatoire. Le traitement substitutif associé à celui de la cause est très efficace.

Points de débat La place du test de Schilling, de plus en plus difficile à faire pratiquer. En fait, il n’est vraiment utile que dans le diagnostic d’une carence en vitamine B12 non biermérienne.

◗ LES ANÉMIES AIGUËS HÉMORRAGIQUES Une confusion est fréquemment faite entre anémie par hémorragie chronique et anémie aiguë hémorragique. Les premières ont été étudiées (voir p. 70). Dues à des hémorragies répétées, mais minimes par elles-mêmes, qui ne modifient pas sensiblement la masse sanguine, elles sont liées à la perte de fer. Elles réalisent donc un tableau d’anémie microcytaire arégénérative. À l’inverse, les anémies aiguës 85 ◗

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CONNAISSANCES

hémorragiques correspondent à des saignements importants et forcément limités dans le temps, entraînant une perte de masse globulaire et par conséquent une anémie immédiate. On peut distinguer deux situations : – les grandes hémorragies abondantes posent, dès qu’elles dépassent environ 1 litre, un problème de masse sanguine et de choc aigu hémorragique; – des hémorragies d’importance plus modérée (100 à 300 mL par jour par exemple) mais répétées de façon rapprochée, posent un problème différent. La perte de masse sanguine y est moins importante du fait de sa compensation en quelques jours par l’augmentation de la masse plasmatique. Le problème principal est alors celui de la perte de globules rouges. Seules les anémies de ce type peuvent se présenter en clinique comme le problème diagnostique d’une anémie, les autres étant toujours extériorisées de façon évidente.



Physiopathologie

L’anémie est la conséquence directe de la perte de globules rouges mais son estimation est difficile sur les numérations, pour deux raisons : – initialement les pertes de globules rouges et de plasma étant parallèles l’hématocrite se modifie peu et la numération, le taux d’hémoglobine ou l’hématocrite sous-estiment l’anémie; – ultérieurement, l’hémodilution compensatrice se produisant, ces examens surestiment au contraire l’anémie avec chute progressive des chiffres pendant deux à trois jours, même si l’hémorragie a cessé. L’hyperplasie érythropoïétique tend à compenser l’anémie avec sortie des réticulocytes vers le 5-7e jour, lorsque l’adaptation de l’érythropoïèse arrive à son plein effet. Dans certains cas la sortie de réticulocytes est retardée parce qu’il existe une autre cause de perturbation de l’érythropoïèse, syndrome inflammatoire majeur, ou surtout carence martiale antérieure, due par exemple à des saignements chroniques ayant précédé un saignement aigu.



Symptômes et diagnostic

Le diagnostic est en général évident mais dans quelques cas l’hémorragie peut ne pas être connue. Tous les signes d’anémies sont à leur maximum : tachycardie, souffle systolique, hypotension, dyspnée, pâleur, polypnée superficielle. Il existe souvent une sensation de soif intense. Dans quelques cas la symptomatologie s’enrichit d’une fébricule liée à la résorption de quantités importantes de sang accumulé dans les tissus. Il peut exister alors un ictère modéré et une élévation discrète de la bilirubine libre, qui pourrait faire croire à une hyperhémolyse. Outre l’anémie régénérative, on note une polychromatophilie qui ne fait que confirmer la réticulocytose. Il peut exister une thrombocytose et une hyperleucocytose modérée.

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES



Évolution et traitement

C’est l’urgence médicale par excellence nécessitant la transfusion. L’évolution à distance est fonction de la cause. Le traitement est double : transfusions répétées et traitement de la cause.

Résumé Point clé Urgence médicale, l’anémie aiguë hémorragique ne se présente que rarement comme un problème de diagnostic hématologique.

◗ LES ANÉMIES HÉMOLYTIQUES

Les anémies hémolytiques ont des mécanismes très divers et des étiologies très nombreuses. Une fois affirmé le diagnostic d’hyperhémolyse, et après avoir écarté les causes les plus fréquentes, un avis spécialisé est le plus souvent nécessaire.



Physiopathologie

Voir page 58.



Symptomatologie commune aux anémies hémolytiques

L’anémie est normochrome normocytaire ou macrocytaire (en raison de la régénération) et régénérative (les réticulocytes sont souvent très élevés > à 300 000/mm3). Seules les thalassémies (exceptionnellement les formes sévères de sphérocytoses héréditaires) peuvent expliquer une hémolyse avec microcytose. L’hypercatabolisme de l’hémoglobine se traduit généralement par une augmentation de la bilirubine non conjuguée, en général associée à une diminution de l’haptoglobine. Dans les hémolyses les plus importantes un ictère est cliniquement décelable. Dans les hémolyses intravasculaires, la bilirubine non conjuguée peut être normale et la preuve de l’hémolyse est apportée par la diminution de l’haptoglobine et d’autres symptômes biologiques (augmentation de l’hémoglobine plasmatique, hémoglobinurie, hémosidérinurie et augmentation de la méthémalbumine, chute de l’hémopexine).

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CONNAISSANCES

Diagnostic d’un ictère CNEM L’ictère est dû à une augmentation de la bilirubine. Il est visible, surtout au niveau des conjonctives oculaires ou de la muqueuse sublinguale, lorsque la bilirubine est supérieure à 30 µmol/L. L’augmentation de la bilirubine peut être due à celle de la bilirubine conjuguée ou non conjuguée. Si l’augmentation porte sur la bilirubine conjuguée, c’est un problème hépatologique (cholestase). Si l’augmentation porte sur la bilirubine non conjuguée, il peut s’agir selon les cas : – de la résorption d’un hématome ou d’une hémorragie interne; – d’une hyperhémolyse, qui peut être intramédullaire (il existe en général une anémie macrocytaire arégénérative), ou périphérique (l’anémie est régénérative). Dans les deux cas, le taux de l’haptoglobine est effondré; – un défaut de glycuroconjugaison, diagnostic retenu sur l’absence d’anomalie de l’hémogramme, l’absence d’hyperréticulocytose, l’absence d’hémorragie et la normalité du taux de l’haptoglobine. CNEM : item 320 « Ictères ».

Les anémies hémolytiques constitutionnelles, en raison de l’hyperplasie érythroblastique précoce et prolongée qu’elles entraînent, ont parfois des symptômes particuliers : – elles peuvent s’accompagner de lésions osseuses en particulier du rachis (ostéoporose, vertèbre dite de poisson, du crâne (hyperplasie du diploé réalisant l’aspect classique de crâne en « poils de brosse » à la radio et de crâne « en tour » cliniquement, aspect « mongoloïde » du visage, figures 5.4a. et b.), aspect soufflé pseudokystique des phalanges. C’est aussi, dans ces cas, surtout chez l’enfant que l’on peut observer des érythropoïèses compensatrices ectopiques, spléniques, voire médiastinales; – l’augmentation permanente de la production de bilirubine non conjuguée peut entraîner une lithiase vésiculaire ou cholédocienne dite pigmentaire; – des ulcères de jambes peuvent enfin être observés. ➤ Fig. 5.4a. Aspect typique du visage dans la maladie de Cooley. ➤

➤ Fig. 5.4b. Image radiologique d’un « crâne en poils de brosse ». ➤

© Professeur R. Girot, hôpital Tenon.

© Docteur de Montalembert, hôpital Necker-Enfants Malades.

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES



Les étiologies

Elles sont résumées dans le tableau 5.I. Tableau Tableau8.I. 5.I.

Causes des hyperhémolyses.

A. Causes corpusculaires 1. Maladies de l’hémoglobine (voir p. 103) – Drépanocytose (hémoglobinose SS et SC). – Hémoglobines instables. – Thalassémies homozygotes ou en double hétérozygotie avec une hémoglobinopathie (l’anémie est microcytaire). 2. Enzymopathies (voir p. 89) – De la voie principale : pyruvate kinase +. – Du shunt des pentoses : glucose 6 phosphate déshydrogénase ++. 3. Maladies de la membrane – Constitutionnelles (voir p. 91) : sphérocytose héréditaire, elliptocytose, acanthocytose, anomalies rares. – Acquises : acanthocytose, maladie de Marchiafava-Micheli (voir p. 103). B. Causes extracorpusculaires 1. Immunologiques (voir p. 94) : – auto-immunisation (voir p. 95), – allo-immunisation (voir p. 99), – allergies médicamenteuses (voir p. 97). 2. Toxiques : saturnisme, médicament divers. 3. Bactériennes : B. Perfringens (voir p. 101). 4. Parasitaires (voir p. 101) : paludisme, bartonellose. 5. Mécaniques (voir p. 100).



Les anémies hémolytiques par maladie de l’hémoglobine

Voir page 103.



Les anémies hémolytiques par enzymopathies constitutionnelles



Déficit en glucose-6 phosphate déshydrogénase

Physiopathologie Il existe près de 300 variantes identifiées de la G6PD. Certaines de ces enzymes ont une fonction normale, d’autres sont déficitaires. Le déficit est dû soit à une instabilité de la molécule qui se dégrade prématurément dans le globule rouge, soit à une modification du site enzymatique dont l’affinité pour le substrat est restreinte. D’une façon générale le déficit de l’activité G6PD gêne la régénération du NADPH, par conséquent celle du glutathion réduit, qui, lui-même, est le substrat de la glutathion peroxydase (Fig. 3.7). Dans ces conditions le déficit aboutira à une accumulation de peroxyde toxique que la glutathion-peroxydase ne pourra pas éliminer.

L’hémolyse apparaît dans deux cas : – lorsque l’enzyme est déficitaire de façon extrême, ce qui est très rare, l’hémolyse est permanente; 89 ◗

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CONNAISSANCES

– dans les autres cas l’activité résiduelle suffit à l’état normal mais ne permet pas l’élimination des peroxydes accumulés sous l’effet d’oxydants, des médicaments le plus souvent. Les accidents d’hémolyse sont paroxystiques, notamment provoqués par des médicaments. La sortie des réticulocytes qui suit le déclenchement de l’anémie explique que l’anémie se stabilise, voire s’améliore, alors que la prise médicamenteuse se poursuit. En effet, la richesse des réticulocytes en G6PD entraîne une augmentation de la résistance à l’agression oxydante. L’enzyme étant produite par un gène situé sur le chromosome X, les déficits sont essentiellement symptomatiques chez les hommes.

Symptomatologie La maladie est fréquente puisqu’il existe environ 100 millions de porteurs de mutations déficitaires dans le monde, surtout autour de la Méditerranée (où elle est particulièrement sévère), en Afrique et en Asie. La diffusion particulière des déficits dans certaines régions s’explique par une résistance au paludisme chez les porteurs de la mutation. Elle se présente, dans le cas habituel, comme une anémie hémolytique aiguë survenant lors de l’absorption de certains médicaments (antipaludéens, sulfones, sulfamides, chloramphénicol, phénacétine, PAS, vitamine K, etc.), ou au contact de pollens de fèves (favisme) (symptomatologie particulière au déficit méditerranéen), ou encore à l’occasion de diverses maladies acquises, en particulier l’hépatite virale. Le diagnostic repose sur la survenue brutale de l’accident hémolytique, la présence de corps de Heinz visibles sur la coloration des réticulocytes, et surtout le dosage de l’enzyme.

Évolution et traitement L’évolution peut être mortelle dans les hémolyses graves avec anurie. Dans d’autres cas (notamment dans les déficits de la race noire) la destruction des hématies se stabilise au bout de quelques jours, avec hyper-réticulocytose permanente. Ceci s’explique parce que les hématies, ayant dépassé, par exemple, 25 jours d’âge, sont détruites car leur taux d’enzyme est trop faible, mais l’hyperproduction compense. À l’arrêt de la prise médicamenteuse, le retour à la normale est rapide dans tous les cas. Le traitement relève exclusivement des transfusions lors des crises et de la prévention de celles-ci par la prohibition de tous médicaments dangereux dont le malade doit porter la liste.

Problème diagnostique particulier Dans de rares cas, essentiellement chez les Européens, le diagnostic peut être celui d’une anémie hémolytique chronique sans cause déclenchante. La confusion avec la maladie de Minkowski-Chauffard est possible, mais le déficit en G6PD ne s’accompagne pas de microsphérocytose, ni habituellement de splénomégalie. L’autohémolyse in vitro y est perturbée mais non corrigée par le glucose.



◗ Comme pour tous les déficits enzymatiques, se rappeler qu’un taux normal en période hémolytique traduit vraisemblablement un déficit puisque les réticulocytes, très augmentés à ce moment, étant des cellules plus riches que la moyenne en enzyme, devraient provoquer un taux élevé.

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

Diagnostic des enzymopathies érythrocytaires par le dosage de l’enzyme • Justifié si suspicion de déficit en G6PD (origine géographique, sujet masculin). • Seulement par élimination, et sur avis spécialisé, pour les autres déficits.



Déficit en pyruvate-kinase

Physiopathologie Ce déficit, peu fréquent, mais existant dans le monde entier, entraîne principalement un défaut de régénération de l’ATP, la pyruvate kinase étant une enzyme clef dans la régulation du fonctionnement de la voie principale de la glycolyse. Il en résulte un déficit de la pompe à sodium principale et des anomalies possibles des échanges de lipides (voir Fig. 3.5). La transmission est autosomale récessive.

Diagnostic La maladie se présente comme une hémolyse chronique avec éventuellement des poussées aiguës, souvent révélées dès la naissance. Il n’existe pas, ou peu, de microsphérocytes, mais des petites hématies crénelées sont fréquentes. L’autohémolyse in vitro est perturbée et peut être corrigée par l’ATP, mais non par le glucose. Seul le dosage de l’enzyme fait le diagnostic. Les deux parents ont une activité enzymatique diminuée.

Traitement Il relève des transfusions répétées. Cependant, dans quelques cas, la splénectomie peut être efficace lorsqu’il existe une destruction splénique nette détectable par les épreuves isotopiques.



Les autres déficits enzymatiques

Les autres déficits du shunt des pentoses et du métabolisme du glutathion sont très rares. Seul celui portant sur la glutathion peroxydase n’est pas exceptionnel. Le tableau est voisin de celui du déficit en G6PD. Les autres déficits de la voie principale de la glycolyse sont tous exceptionnels, ils réalisent une hémolyse du même type que le déficit en pyruvate kinase, souvent modérée, parfois associée à d’autres pathologies. Le déficit en pyrimydine 5 nucléotidase, rare, se caractérise par une hémolyse chronique modérée, avec inclusions basophiles dans les hématies.



Les anomalies constitutionnelles de la membrane des globules rouges



La maladie de Minkowski-Chauffard ou sphérocytose héréditaire

Physiopathologie La maladie (il s’agit plutôt d’un syndrome) provient d’une anomalie protéique membranaire. Les mutations de différentes protéines de la membrane (ankyrine, spectrine, bande 3) sont à l’origine du même tableau. La transmission est le plus souvent dominante, car l’anomalie d’une molécule sur deux suffit à perturber le fonctionnement membranaire. Il existe cependant des formes récessives et aussi des formes en apparence sporadiques (correspondant à 91 ◗

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CONNAISSANCES

des mutations récentes). Cette maladie est observée dans toutes les régions du monde. C’est la moins rare des anémies hémolytiques constitutionnelles dans la population française. La membrane perd des lambeaux phospholipidiques, ce qui diminue sa surface et fait perdre au GR sa forme biconcave, le transformant irréversiblement en microsphérocyte. Les microsphérocytes sont denses et rigides, par conséquent ils se déforment mal pour franchir les plus petits pertuis capillaires de l’organisme, ceux qui se trouvent dans la rate, au niveau des cordons de Billroth. Ils sont retenus à ce niveau et détruits. Ils sont suffisamment plastiques en revanche, pour franchir tous les autres capillaires, ce qui explique l’efficacité de la splénectomie.

Symptomatologie La maladie peut se révéler dès la naissance ou dans les premières années de la vie mais, l’expression étant très variable d’une famille à l’autre, elle peut n’être découverte qu’à l’âge adulte. Elle se présente comme une anémie hémolytique chronique avec poussées paroxystiques d’où souvent une histoire de jaunisses à répétition. L’hémolyse est franche et le diagnostic repose sur plusieurs éléments : – la microsphérocytose, qui manque rarement (10% des cas cependant), est associée à une diminution de la résistance globulaire osmotique mais ce signe n’a aucune valeur diagnostique, car il traduit uniquement la microsphérocytose; – l’autohémolyse in vitro est l’examen le plus accessible pour le diagnostic; – L’ektacytométrie, réalisée à l’aide d’un appareil complexe et peu répandu, permet un diagnostic précis, ainsi que celui de la plupart des autres maladies de la membrane du GR. La mesure de la résistance globulaire à l’hypotonie se pratique en plaçant les GR dans une série de solutions de tonicité décroissante. On mesure, après incubation, le degré d’hémolyse dans chaque tube en dosant l’hémoglobine libérée dans la solution. À l’état normal, l’hémolyse commence vers 4,4 ‰ de NaCl, elle est complète à 3,4 ‰. En cas de microsphérocytose, l’hémolyse commence au-dessus de 5 ‰, voire de 6 ‰. L’étude de l’autohémolyse consiste à mesurer le degré d’hémolyse des GR laissés 24 puis 48 heures à l’étuve par rapport à un témoin normal, soit en milieu ordinaire, soit en milieu enrichi en glucose ou en ATP. Dans la sphérocytose héréditaire, l’autohémolyse est typiquement augmentée corrigée par le glucose et non par l’ATP.

Diagnostic Il est en général simple : c’est celui d’une anémie hémolytique avec un test de Coombs négatif et une microsphérocytose. Il sera définitivement établi sur : – l’autohémolyse augmentée corrigée par le glucose, non corrigée par l’ATP, meilleur critère biologique de l’affection; – l’existence des mêmes anomalies chez un des parents, ou à défaut, un membre de la fratrie. L’identification des protéines de membrane susceptibles d’être mutées ou celle des gènes correspondants ne sont pas de pratique diagnostique.

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

Diagnostic de la sphérocytose héréditaire Hémolyse chronique avec microsphérocytose (sauf exception) + autohémolyse augmentée corrigée par le glucose et non par l’ATP + transmission dominante ou destruction splénique pure des hématies

Problèmes diagnostiques particuliers La microsphérocytose n’est pas spécifique : elle se voit dans plusieurs autres hyperhémolyses, notamment par auto-immunisation. Elle peut manquer (10% des cas) et la fragilité osmotique est alors normale. L’autohémolyse reste typique, permettant d’évoquer le diagnostic. Par ailleurs, il existe des formes sans anémie, la production médullaire compensant l’hémolyse. La maladie se présente alors comme le diagnostic d’un ictère à bilirubine non conjuguée ou celui d’une splénomégalie. Lorsque aucun cas familial ne peut être trouvé, la démonstration de la séquestration splénique pure des globules rouges est nécessaire (hématies marquées au chrome 51).

Évolution et traitement L’évolution peut être marquée, outre les grandes crises d’hyperhémolyse, par des accès d’érythroblastopénie aiguë beaucoup plus fréquents que chez les sujets normaux. Parmi les complications la lithiase biliaire est fréquente ainsi que les troubles du développement (retard de croissance) et le retentissement sur l’état général parfois important. Les ulcères de jambes classiques sont en fait exceptionnels. Le traitement par splénectomie doit être systématique dans les formes symptomatiques, mais, en principe, elle ne doit pas être pratiquée avant l’âge de 5 ans (sauf sous forme partielle, dans des cas particulièrement graves, ce qui améliore l’anémie sans la faire disparaître) en raison du risque infectieux. Elle entraîne une disparition rapide de la symptomatologie clinique, en particulier de l’ictère, qui est habituel chez ces sujets, mais la microsphérocytose persiste.



Les autres anomalies constitutionnelles de la membrane

L’elliptocytose familiale C’est une maladie de la membrane, de mécanisme mieux connu que celui de la sphérocytose héréditaire (anomalie de la protéine 4.1) mais beaucoup moins fréquente. Elle se traduit par des hématies de forme ovale allongée avec une splénomégalie modérée. L’hémolyse y est constante, la transmission est dominante. Elle protège du paludisme, d’où une fréquence particulière dans certaines régions d’Afrique. Seules les formes avec hémolyse importante justifient une splénectomie. Stomatocytose héréditaire et anomalies d’échange des cations Ces syndromes rares sont marqués par l’existence de stomatocytes (hématies en forme de bouche) visibles sur lame et mieux caractérisés en microscopie électronique à balayage et par des anomalies des échanges du sodium et du potassium à travers la membrane. Le diagnostic relève d’explorations spécialisées. L’anomalie est dominante. Acanthocytose constitutionnelle Elle est marquée par l’existence d’hématies en forme d’oursin ou de feuille d’acanthe. Elle est due à une abétalipoprotéinémie congénitale avec ses conséquences digestives, neurologiques et ophtalmologiques diverses. Ne pas les confondre avec les acanthocytoses acquises (voir ci-dessous).

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CONNAISSANCES Plus exceptionnellement encore, une hémolyse chronique peut être due : à un déficit en ATPase, à une anomalie familiale des phospholipides de membranes, ou encore à la maladie du groupe sanguin Rh nul, les sujets homozygotes qui n’ont pas de groupe Rh détectable ont une hémolyse chronique modérée.



Les anémies hémolytiques immunologiques



Physiopathologie générale

Elles ont en commun la fixation d’un anticorps sur le globule rouge entraînant sa destruction, soit directement par activation du complément avec hémolyse intravasculaire (phénomène rare), soit beaucoup plus souvent parce que les globules rouges sont reconnus par des phagocytes dans différents organes, en particulier la rate et le foie. Elles se répartissent en trois catégories : – dans les hémolyses allo-immunes, l’anticorps réagit contre un antigène érythrocytaire étranger, ce qui se produit dans deux cas : 1) après transfusion récente, lorsque le globule rouge transfusé est reconnu par un anticorps naturel ou acquis (voir chap. 8). Par exemple, chez un sujet homozygote pour l’antigène c (c/c), l’anticorps pourra être dirigé contre l’antigène C; 2) au cours de la maladie hémolytique périnatale l’anticorps peut être synthétisé par la mère, contre un antigène que porte le fœtus (hérité du père) et traverser le placenta pour aller provoquer la destruction des hématies de l’enfant (voir p. 98); – les hémolyses auto-immunes surviennent chez un sujet qui synthétise des anticorps contre un antigène normal de ses globules rouges (par exemple un sujet C/C ou C/c qui synthétise un anticorps anti-C) la raison précise de ce dérèglement est inconnue, comme pour les autres maladies auto-immunes. Il ne s’agit pas d’une anomalie antigénique mais d’une synthèse incontrôlée de certains anticorps; – l’hémolyse immuno-allergique est due à la fixation d’un complexe antigène/anticorps sur le globule rouge, substrat passif. Dans ce cas, l’anticorps ne reconnaît aucun antigène du globule rouge et se fixe sur lui, soit parce que l’antigène correspondant (l’allergène) est fixé à la membrane du globule rouge (hémolyse de type pénicilline), soit parce que le complexe antigène/anticorps se fixe passivement sur le globule rouge (autres hémolyses immuno-allergiques).



Le diagnostic d’hémolyse allo-immune, soit post-transfusionnelle, soit néonatale, ne pose pas de problème car il survient dans des circonstances bien particulières. Le diagnostic d’hémolyse auto-immune est facile à affirmer quand l’élution de l’anticorps est positive, c’est-à-dire que l’on peut décoller du globule rouge un anticorps et le fixer sur des hématies normales, démontrant ainsi que cet anticorps reconnaît un antigène normal du globule rouge. On peut aussi essayer de préciser la nature de l’anticorps et de l’antigène en cause. Lorsque l’élution est négative (ce qui est souvent le cas quand il n’y a que du complément sur les hématies) on ne peut pas trancher simplement entre hémolyse ◗

◗ Le diagnostic d’hémolyse immunologique, qu’elle soit aiguë ou chronique, repose sur la constatation d’un test de Coombs direct positif, révélant la présence d’anticorps sur ce globule rouge.

Diagnostic

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

auto-immune sans anticorps décelable et hémolyse immuno-allergique. C’est dans ces circonstances qu’il faut rechercher avec soin la prise d’un médicament immuno-allergisant et refaire éventuellement un test de Coombs indirect en mettant en présence le sérum du malade, l’allergène supposé et des globules rouges normaux.

Les anémies hémolytiques par auto-immunisation



Étiologies

Les principales causes et maladies associées sont : – les maladies malignes du tissu lymphoïde, leucémie lymphoïde chronique, maladie de Waldeström, lymphome non hodgkinien; – le lupus érythémateux disséminé et la sclérodermie; – certaines infections virales (notamment mononucléose infectieuse et cytomégalovirus) ou à mycoplasme; – la cirrhose (rarement); – la prise prolongée d’α-méthyl dopa qui induisent chez 10% des malades après plusieurs mois de traitement une auto-immunisation, et chez 1% des malades une anémie hémolytique. L’hémolyse est toujours due à des anticorps IgG anti-Rhésus ne fixant pas le complément. Le mécanisme de l’induction des auto-anticorps n’est pas éclairci. La L-dopa peut être aussi responsable; – des tumeurs de l’ovaire, la syphilis peuvent être en cause; – le plus souvent cependant l’hémolyse auto-immune est isolée, dite idiopathique.



Symptomatologie

C’est celle d’une anémie hémolytique aiguë ou chronique. Le tableau clinique et biologique comporte souvent des signes non spécifiques mais très évocateurs : – changement de couleur des extrémités au froid (agglutinines froides), – microsphérocytose, – auto-agglutination spontanée des globules rouges. Dans certains cas (agglutinines froides à un taux élevé), la numération au compteur électronique est complètement faussée, sauf si elle est faite à 37 ˚C, et le groupe sanguin du malade peut être très difficile à préciser, en raison de l’agglutination spontanée des hématies.



Diagnostic

Il repose sur le test de Coombs érythrocytaire. L’étude de la nature de l’anticorps (IgG ou IgM avec ou sans complément C), et de sa spécificité déterminée après élution du GR (anti-I ou i, anti-Rhésus, anti-P) sont nécessaires pour affirmer qu’il s’agit bien d’auto-anticorps, et orienter le diagnostic étiologique (tableau 5.II.).



◗ Les anémies hémolytiques auto-immunes (AHAI) sont les moins rares des anémies hémolytiques acquises.



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CONNAISSANCES

Tableau8.II. 5.II. Tableau

Bilan étiologique d’une anémie hémolytique auto-immune.

1. Rechercher une infection aiguë – Cytomégalovirus – Mononucléose infectieuse (IgM ou IgG anti-i) – Mycoplasme (IgM polyclonale anti-I) – Infections rhino-pharyngées virales chez l’enfant (anticorps IgG anti-P + C’) – Rarement autres viroses 2. éliminer deux causes rapidement curables – Une tumeur de l’ovaire – La prise de : méthyl-dopa (Aldomet) (IgG anti-Rhésus), lévodopa ou acide méfénamique 3. Chercher une hémopathie maligne – Leucémie lymphoïde chronique – Lymphomes non hodgkiniens (souvent T) – Maladie de Waldenström – Hodgkin (rare) 4. Chercher une autre affection auto-immune – LED surtout, voire sclérodermie, rectocolite hémorragique. – Association à une thrombopénie auto-immune (syndrome d’Evans). 5. Les anémies hémolytiques auto-immunes idiopathiques sont très fréquentes – Maladie chronique des agglutinines froides (IgM monoclonale anti-I) – Auto-immunisation isolée IgG, ou IgM ou C ou mixte



Évolution et traitement dépendent de la cause

Les AHAI aiguës virales ou mycoplasmiques guérissent spontanément en quelques semaines. Généralement les anticorps sont IgM anti-I, mais ce peuvent être des IgG. Une forme aiguë chez les jeunes enfants, souvent post-rhinopharyngite, caractérisée par un test de Coombs positif complément ou plus rarement IgG anti-P + complément, est relativement fréquente. Le tableau initial est souvent dramatique mais l’évolution est finalement bénigne. La corticothérapie est souvent prescrite bien que son efficacité soit incertaine.

Parmi les formes chroniques deux étiologies ont une place à part : certaines tumeur de l’ovaire (rarissime) et l’α-méthyl-dopa (Aldomet) ou la L-dopa (toujours IgG anti-Rh pour ces deux médicaments) car elles guérissent avec la suppression de la cause (dans l’AHAI due aux dérivés de la dopa le test de Coombs reste positif plusieurs mois après l’arrêt du médicament). Les AHAI associées à des hémopathies malignes posent des problèmes particuliers. Elles doivent être traitées par la corticothérapie comme les AHAI idiopathiques. Le traitement de l’hémopathie maligne n’a guère d’influence sur l’évolution de l’hémolyse. Les AHAI des lymphomes sont souvent graves, de type plus souvent IgM ou complément. Celles de la LLC, généralement IgG anti-Rh ou C posent un problème particulier, car la corticothérapie à doses élevées est souvent très mal tolérée avec risque d’infection grave en particulier virale. La splénectomie est parfois utile. Les AHAI du lupus érythémateux. Une thrombopénie est parfois associée (syndrome d’Evans). L’anticorps est le plus souvent IgG antiRhésus.

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

La maladie chronique des agglutinines froides est caractérisée par des anticorps IgM le plus souvent kappa anti-I actifs à froid de caractère monoclonal présents à un taux élevé dans le sérum. L’évolution est chronique avec poussée d’hémolyse intravasculaire, acrosyndrome, voire nécroses des extrémités au froid. L’IgM monoclonale est isolée ou accompagne une hémopathie lymphoïde. Le traitement par le Chloraminophène est généralement inefficace. L’abstention thérapeutique est la plupart du temps la seule solution avec des mesures simples comme le séjour en région chaude en hiver. L’évolution peut se faire vers une véritable maladie de Waldenström. Les AHAI idiopathiques : – les anémies hémolytiques auto-immunes aiguës sont probablement souvent d’étiologie virale. Elles guérissent soit spontanément soit sous corticothérapie mais ne récidivent pas à l’arrêt de la corticothérapie; – les formes chroniques, IgG ou mixtes, précèdent rarement l’apparition d’une des causes ci-dessus, le plus souvent elles restent idiopathiques. Elles relèvent de la corticothérapie à dose forte (1,52 mg/kg/jour) et prolongée jusqu’à contrôle de l’hémolyse (3 à 4 semaines) puis diminuée très lentement. Une petite dose d’entretien est souvent nécessaire. Le traitement relève de services expérimentés. En cas d’échec ou de nécessité de trop fortes doses d’entretien, la splénectomie est souvent efficace lorsque l’anticorps est IgG et/ou si l’étude isotopique montre une séquestration splénique très prédominante. Sinon ou en cas d’échec, d’autres traitements immunosuppresseurs (cyclophosphamide) doivent être tentés. D’une façon générale, les transfusions sont à éviter, dans la mesure où les globules rouges transfusés sont rapidement détruits, et où les malades atteints d’AHAI ont facilement des agglutinines irrégulières. Dans les formes très sévères, les transfusions sont cependant nécessaires tant que l’hémolyse n’est pas contrôlée.



Les anémies hémolytiques immunoallergiques

Souvent évoquées, elles sont en pratique beaucoup plus rares que les hémolyses auto-immunes.



Étiologie

Elles sont liées à une sensibilisation à un médicament.



Diagnostic

C’est une anémie hémolytique aiguë apparemment acquise. En cas d’accident dû à la pénicilline ou la céphalotine, il s’agit toujours d’un traitement entraînant des concentrations plasmatiques élevées. L’hémolyse est intratissulaire et progressive. Le test de Coombs est, en règle générale, positif, mais l’anticorps élué n’a aucune spécificité antiglobules rouges décelable, il n’est actif qu’en présence de pénicilline. Avec les autres médicaments (quinine, sulfamides, rifampicine…) une dose minime suffit à déclencher l’hémolyse qui est aiguë et généralement intravasculaire. Le test de Coombs direct est généralement positif 97 ◗

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CONNAISSANCES

de type complément ou négatif, mais l’anticorps actif en présence du médicament est retrouvé dans le sérum.

Évolution et traitement L’anémie peut être assez grave pour justifier des transfusions, mais celles-ci sont inefficaces tant que le traitement n’est pas interrompu. La guérison est complète dans les jours qui suivent, mais la reprise du traitement entraînerait une rechute rapide.



La maladie hémolytique néonatale et les anémies néonatales

Le contexte néonatal pose évidemment des problèmes très particuliers. On évoquera donc, tout d’abord, et très rapidement, les causes des anémies néonatales, pour replacer dans ce contexte les allo-immunisation fœto-maternelles.



Étiologie

Le tableau 5.III rappelle les principales causes d’anémies néonatales dont les plus fréquentes sont des anémies hémolytiques.

Tableau 8.III. 5.III.

Causes des anémies néonatales.

A. Les anémies régénératives sont de loin les plus fréquentes 1. Hémolytiques 1. Allo-immunisation fœto-maternelle. 2. Infections néonatales : septicémies, syphilis, rubéole, herpès, inclusions cytomégaliques, hépatite, toxoplasmose. 3. Déficit enzymatique : G6PD et P.K. 4. Maladie de Minkowski-Chauffard. 5. Galactosémie et fructosémie congénitales. 2. Hémorragiques 1. Hémorragies obstétricales. 2. Transfusions intergémellaires. 3. Transfusion fœto-maternelle. B. Les anémies arégénératives sont très rares. Elles révèlent : 1. La maladie de Blackfan-Diamond. 2. Les crises d’érythroblastopénie aiguë des anémies hémolytiques. 3. Les très rares anémies mégaloblastiques par anomalies du métabolisme des pyrimidines ou des folates. 4. L’aplasie néonatale est exceptionnelle. Les allo-immunisations fœto-maternelles anti-Rhésus ont été pendant longtemps et sont encore, dans certains pays, la cause principale de ces hémolyses. Actuellement le dépistage systématique et le traitement préventif ont diminué de façon importante la fréquence de ces accidents et les hémolyses néonatales sont au moins aussi fréquemment dues à d’autres causes parmi lesquelles les déficits enzymatiques et la maladie de Minkowski-Chauffard sont particulièrement importantes. La révélation néonatale en est très fréquente surtout dans le déficit en pyruvate kinase. Le déficit en G6PD semble avoir une révélation néonatale plus particulière à certaines populations exposées. La maladie de Minkowski-Chauffard à révélation néonatale correspond généralement à une forme ultérieurement grave. Le diagnostic de ces formes est souvent difficile chez les nouveau-nés, en particulier en raison des difficultés de l’appréciation des résultats du dosage enzymatique, compte tenu du nombre de réticulocytes. C’est surtout l’examen des parents qui permet d’affirmer le diagnostic.

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES Conséquences de l’hémolyse néonatale Toute la gravité du syndrome tient à l’immaturité enzymatique du nouveau-né, à son incapacité d’éliminer comme l’adulte la bilirubine par glycuroconjugaison. L’accumulation de bilirubine non conjuguée atteint donc des chiffres exceptionnels à un autre âge. Sa liposolubilité permet le passage de la bilirubine dans le tissu nerveux, et, en particulier, dans les noyaux de la base entraînant des séquelles psychomotrices considérables (ictère nucléaire). La thérapeutique, quelle que soit la cause initiale de l’hémolyse, relève donc essentiellement de l’exsanguino-transfusion lorsque le taux de bilirubine approche du seuil critique de 180 mg/1. La répétition de l’exsanguino-transfusion aussi souvent que nécessaire permet de franchir le cap dangereux et d’attendre la guérison spontanée de la crise hémolytique néonatale.



L’anémie hémolytique néonatale par allo-immunisation fœto-maternelle



Étiologie, physiologie

C’est l’allo-immunisation de la mère contre les antigènes érythrocytaires du fœtus, à l’occasion de transfusions fœto-maternelles. De toutes les incompatibilités fœto-maternelles, celle liée au facteur Rhésus est la plus fréquente et la plus grave. L’immunisation se fait et les accidents ne se produisent que lorsque la mère est Rhésus –, le père et le fœtus Rhésus + (D) ; les autres antigènes du système Rhésus sont plus rarement en cause. La première grossesse est généralement normale, mais durant la grossesse, surtout lors des dernières semaines et de la délivrance, des hématies fœtales passent à travers le placenta dans la circulation maternelle. La mère développe des anticorps immuns anti-D, et ceci surtout lorsque les hématies fœtales et maternelles sont compatibles dans le système ABO. Lors de la deuxième grossesse incompatible, les anticorps maternels sont réactivés : leur passage transplacentaire entraîne une hémolyse des hématies fœtales. L’incompatibilité Rhésus peut se voir dès la première grossesse si la mère a été immunisée antérieurement par une transfusion incompatible de sang Rh +.



Diagnostic

C’est celui d’une anémie hémolytique néonatale. Il repose sur le groupage de la mère et de l’enfant, le test de Coombs sur le sang du cordon, l’agglutination des hématies fœtales. Noter que l’on peut voir l’allo-immunisation se révéler par d’autres accidents : anasarque fœtoplacentaire, accouchement d’un enfant mort-né, avortements répétés.



Traitement préventif

On doit actuellement prévenir l’immunisation de la mère en injectant immédiatement, après tout accouchement, ou avortement spontané ou thérapeutique, chez une femme Rh négatif, des γ-globulines spécifiques anti-D (ce qui permet par un mécanisme complexe d’inhiber la production d’anticorps anti-D chez la mère). Ces injections sont inefficaces chez une malade préalablement immunisée. Dans de tels cas, on peut diminuer le risque d’hémolyse fœtale en épurant les anticorps circulants de la mère par des plasmaphérèses répétées. On peut faire également des transfusions in utero de globules rouges Rh-. Ce type de traitement relève de maternités très spécialisées.

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CONNAISSANCES



Immunisation dirigée contre des antigènes autres que D

L’hémolyse néonatale peut porter sur d’autres antigènes du système Rhésus c, C, e, E ou d’autres systèmes : Kell, Duffy, Kidd, Lewis, exceptionnellement d’autres. Une immunisation fœto-maternelle dans le système ABO n’est pas rare, les mères O s’immunisant par exemple contre des hématies fœtales A et produisant des anticorps IgG acquis traversant le placenta. Les hétéro-immunisations par transfusion avant la grossesse facilitent ce syndrome, ainsi que certains vaccins qui contiennent des antigènes A ou B. La relative pauvreté des globules rouges du fœtus en antigènes A et B et l’abondance de ces substances sur d’autres tissus limitent le risque de l’immunisation ABO, qui ne provoque habituellement qu’une symptomatologie d’anémie très modérée ou nulle nécessitant rarement des transfusions.



Les anémies hémolytiques d’origine mécanique



Physiopathologie

Elles sont dues à la destruction de globules rouges dans la circulation soit sur des turbulences provoquées par des prothèses, notamment des valves intracardiaques, soit lors du passage dans les vaisseaux profondément altérés (microangiopathies).



Symptomatologie

Qu’elles soient aiguës (microangiopathies) ou chroniques (hémolyses des cardiaques), les anémies hémolytiques mécaniques se caractérisent par la présence de schizocytes (Fig. 6.5). Ce sont des fragments d’hématies résultant de la rupture du globule rouge dans la circulation, caractéristiques par leur forme triangulaire. Il existe, au cours des hémolyses mécaniques, une symptomatologie commune d’hémolyse intravasculaire, avec effondrement de l’haptoglobine et hémoglobinurie fréquente.



Étiologie

Les hémolyses des cardiaques surviennent essentiellement chez les porteurs de valve intracardiaque, parfois de prothèse vasculaire, exceptionnellement dans des rétrécissements valvulaires très serrés. C’est une hémolyse chronique, en général modérée, pouvant s’aggraver, ce qui fait soupçonner une désinsertion de la prothèse ou une surinfection locale modifiant les conditions circulatoires. La gravité de l’anémie peut, dans certains cas, imposer une réintervention. Plus souvent, l’hémolyse est modérée et ne nécessite aucun traitement. L’hémosidérinurie chronique peut entraîner une carence martiale, justifiant alors un traitement martial. Les anémies hémolytiques par microangiopathies se rencontrent dans les cas suivants : – Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) de l’enfant, associant : fièvre, ictère avec hémolyse, insuffisance rénale et signes neurologiques en foyer. Différents germes intestinaux peuvent être associés au SHU. Les symptômes digestifs sont très fréquents à la phase prodromique (colite hémorragique). 100 ◗



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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES

– Le purpura thrombotique thrombocytopénique (syndrome de Moschcowitz) tableau voisin, chez l’adulte, avec lésions artériolaires plus diffuses. Histologiquement, thrombi hyalins des capillaires et des petits vaisseaux, surtout au niveau du rein. – Des tableaux voisins s’observent parfois au cours de l’hypertension artérielle maligne, l’éclampsie, des coagulations intravasculaires diffuses, de la périartérite noueuse, du lupus érythémateux, du Sida, des greffes de moelle, des angiomes géants. – La microangiopathie des cancers diffus, généralement métastasés à la moelle osseuse et de type infiltrant (estomac surtout) réalise un tableau typique : anémie hémolytique schizocytaire avec souvent myélémie (due à l’envahissement médullaire), thrombopénie, fièvre, évolution aiguë. Le diagnostic repose sur la biopsie de moelle. Il n’y a, en règle, pas de signes rénaux ou neurologiques.



Évolution et traitement

Les cancers avec microangiopathie sont, en règle générale, au-dessus de toute ressource thérapeutique. Dans les autres cas, l’évolution est grave, mais des rémissions spontanées sont possibles. En centre spécialisé, on peut traiter par échanges plasmatiques et/ou plasma frais congelé. Une rémission est ainsi parfois obtenue avec retour apparent à la normale, mais des rechutes peuvent survenir. Les corticoïdes, la vincristine, les γ−globulines IV, les antiagrégants plaquettaires ont aussi été proposés. Le pronostic, dominé par le degré de l’atteinte rénale, est moins mauvais chez l’enfant. L’épuration extrarénale est souvent nécessaire.



Les hémolyses bactériennes et parasitaires

Les hémolyses bactériennes étaient surtout fréquentes au cours de la septicémie à B. Perfringens avec un tableau d’hémolyse aiguë intravasculaire accompagnant la septicémie. Elles s’observent parfois aussi dans d’autres infections postabortum, et beaucoup plus rarement, dans d’autres septicémies : à colibacilles ou à streptocoques hémolytiques. Les hémolyses parasitaires s’observent au cours du paludisme et des bartonelloses. L’hémolyse palustre, fréquente, survient dans un contexte fébrile souvent associée à une neutropénie, une monocytose et une thrombopénie. La réticulocytose peut être basse, le plasmodium détruisant principalement les réticulocytes. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du parasite.



Les hémolyses toxiques

Elles sont devenues exceptionnelles, sauf celles qui sont induites par certains médicaments. Elles sont modérées, telles celles induites par la disulone, utilisée en dermatologie, ou par la ribavirine, employée dans le traitement de l’hépatite C.



Physiopathologie

Ce sont les hémolyses dues à des produits toxiques n’intervenant, ni par un mécanisme allergique (voir p. 94), ni en provoquant une auto-immu101 ◗

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CONNAISSANCES

nisation, comme l’α-méthyl-dopa (voir p. 95), ni encore par l’intermédiaire d’une accumulation anormale de peroxydes toxiques chez des sujets ne pouvant les éliminer, du fait d’une enzymopathie (voir déficit en G6PD). Ces toxiques proprement dits agissent soit par altération massive du métabolisme globulaire avec formation de corps de Heinz qui déforme la membrane, soit par agression directe de la membrane.



Diagnostic

Les principaux toxiques responsables sont résumés dans le tableau 5.IV. Les circonstances étiologiques rendent le plus souvent le diagnostic évident, la plupart du temps l’hémolyse est aiguë, voire gravissime. Dans certains cas cependant, surtout lorsqu’il s’agit de médicaments et dans le cas de l’intoxication par le plomb (saturnisme) le diagnostic doit être évoqué devant une hémolyse chronique et généralement modérée.

Tableau Tableau 8.IV. 5.IV.

Toxiques responsables d’anémies hémolytiques.

1. Toxiques professionnels ou accidentels – hydrogène arsénié – chlorate – aniline – nitrobenzène – naphtalène – paradichlorobenzène – sulfate de cuivre – plomb 2. Médicaments – actuellement surtout : disulone et ribavirine 3. Autres thérapeutiques – eau distillée, oxygène hyperbare 4. Toxines – venin de certains serpents (vipère, crotale, cobra), morsures d’araignées – toxines de certains champignons, piqûres de guêpes



L’anémie du saturnisme

Étiologie, physiopathologie L’intoxication chronique par le plomb, professionnelle ou accidentelle, entraîne parfois une anémie par l’un ou l’autre des deux mécanismes suivants, souvent associés : a) trouble de la synthèse de l’hème par blocage de l’action de trois enzymes différents entraînant une anémie sidéroblastique (voir p. 76) en fait très rare. b) hémolyse chronique qui semble essentiellement due à un déficit enzymatique en pyrimidine 5’nucléotidase, induit par le plomb. Le déficit de cet enzyme explique en particulier l’apparition d’hématies ponctuées, le premier des signes hématologiques de l’intoxication par le plomb et le symptôme essentiel de la surveillance par les médecins du travail des sujets exposés au plomb. Symptomatologie À l’anémie peuvent s’associer des crises douloureuses abdominales, une hypertension artérielle, des paralysies périphériques, une pigmentation des gencives. Diagnostic Il est évoqué sur la présence d’hématies ponctuées qu’il y ait ou non une hémolyse. On peut rechercher des signes d’orientation : élévation de la coproporphyrinurie, de l’acide ∆-amino-lévulinique. La certitude sera apportée par l’élévation de la plombémie et de la plomburie, spontanée et surtout après admi-

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES nistration d’un chélateur l’EDTA. La mise en évidence de l’origine de l’intoxication est relativement facile lorsqu’elle est professionnelle, souvent beaucoup plus difficile lorsqu’elle est domestique.



La maladie de Marchiafava-Micheli (hémoglobinurie paroxystique nocturne)

Physiopathologie Au cours de cette maladie, rare, acquise et clonale, les globules rouges sont détruits dans la circulation avec hémolyse intravasculaire en raison d’une sensibilité excessive de la membrane au complément activé. La maladie est due à une lésion corpusculaire de la membrane responsable d’une activation anormalement facile du complément. Le gène muté (mutation acquise) a été récemment identifié. Il est porté par le chromosome X et intervient dans la synthèse d’une molécule d’ancrage de la membrane (GPI). Le déficit de cette molécule empêche la fixation à la membrane de plusieurs protéines dont certaines jouent un rôle essentiel dans l’inactivation du complément à la membrane. Des conflits immunologiques mineurs qui passent inaperçus chez le sujet normal entraînent une destruction des globules rouges. La baisse nocturne du pH activant le complément expliquerait les hémoglobinuries nocturnes, révélées au réveil par la couleur des urines. Diagnostic Il se pose devant une hémolyse chronique isolée ou marquée par des hémoglobinuries, parfois aussi par des crises douloureuses abdominales ou des thromboses à répétition. Il existe souvent des anomalies des neutrophiles (neutropénie, phosphatases alcalines basses) et une thrombopénie. Le diagnostic repose sur le test classique de Ham-Dacie (hémolyse en milieu acide) et de plus en plus sur la mise en évidence de l’anomalie membranaire de protéines spécifiques, en cytométrie de flux. Évolution Habituellement grave, elle est marquée par des crises répétées et parfois par des thromboses veineuses ou artérielles. Aucun traitement n’est efficace en dehors des transfusions de globules rouges lavés (les transfusions de globules rouges non lavés peuvent déclencher des crises d’hémolyse). Une carence martiale apparaît parfois secondairement en raison de l’hémoglobinurie chronique et justifie une thérapeutique martiale per os prudente, car le fer peut déclencher l’accentuation de l’hémolyse. L’évolution vers une leucémie aiguë est très rare. Une insuffisance médullaire globale peut se développer et faire discuter une greffe de moelle. On peut aussi voir des aplasies médullaires traitées se compliquer d’hémoglobinurie paroxystique nocturne.

◗ PATHOLOGIE DE L’HÉMOGLOBINE

Historiquement, l’hémoglobine est la première molécule sur laquelle une véritable pathologie moléculaire et génétique a pu être étudiée. Sa pathologie est responsable d’anémies hémolytiques, mais aussi, plus rarement d’autres syndromes, que l’on citera ci-dessous.



Les anomalies constitutionnelles de la structure de la globine



Génétique

Elles résultent d’une mutation qui est le plus souvent une mutation ponctuelle (avec remplacement d’une base par une autre et d’un acide aminé par un autre) et qui peut être aussi une délétion. Selon les cas, la maladie se manifestera chez les hétérozygotes et sera donc phénotypiquement dominante, ou seulement chez les homozygotes (phénotypiquement récessive).



Physiopathologie générale

Les conséquences des mutations dépendent en grande partie de leur siège (tableau 5.V). 103 ◗

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CONNAISSANCES

– La drépanocytose ou hémoglobinose S, touche essentiellement la race noire, avec plusieurs millions de porteurs de la mutation. La substitution porte sur le 6e acide aminé de la chaîne β (valine à la place d’acide glutamique). Cette anomalie favorise la formation de longues chaînes moléculaires sous faible pression d’oxygène. Les molécules d’hémoglobine au lieu de rester indépendantes échangent des liaisons et forment un gel dans lequel les molécules constituent de longues chaînes qui déforment le GR et lui donnent un aspect en faucille (hématie falciforme ou « drépanocyte »). Cette hématie de forme anormale tend à se bloquer dans les petits vaisseaux formant des thromboses; le trouble circulatoire qui en résulte aggrave la désaturation locale en oxygène et par conséquent la falciformation. En outre, ces hématies rigides sont facilement phagocytées par les cellules réticulaires, d’où l’hyperhémolyse. Seuls les homozygotes sont gravement atteints car les molécules d’hémoglobine A qui constituent environ 50% du total chez les hétérozygotes empêchent la formation de chaînes d’HbS. Un taux élevé d’HbF a le même effet protecteur.

– Les hémoglobines dites « instables » (Hémoglobine Zurich, Köln, etc.). La mutation porte sur la cavité de l’hème ou sur les liaisons entre les chaînes (surtout au niveau des liaisons fortes α1 β1, ou α2 β2) ou sur la forme générale de la molécule, par mutation modifiant ses coudures internes. L’hémoglobine précipite sous forme de corps de Heinz. La formation de méthémoglobine est souvent associée. Ce sont des anomalies rares, responsables d’hémolyse chronique, avec pigmenturie. L’anomalie s’exprime chez les hétérozygotes puisque les molécules instables dues au seul chromosome muté précipitent.

Tableau 5.V.

Conséquences des principales mutations de l’hémoglobine selon leur siège.

Sièges

Conséquences

Liaisons fortes (α1β1, α2β2)

Hémoglobine instable

Liaisons faibles (α1β2, α2β1)

Affinité anormale pour l’oxygène

Poche centrale (fixation du 2-3 DPG)

Affinité anormale pour l’oxygène

Poche de l’hème

a) Hémoglobine instable b) Sites de fixation de l’hème : hémoglobine M

Intérieur de la molécule, avec coudure anormale (mutation proline surtout)

Hémoglobine instable

Extérieur de la molécule

a) Hémoglobine S : hémolyse grave et thromboses chez l’homozygote b) Hémoglobine C, E, D : hémolyse minime même chez l’homozygote c) Autres mutations : pas de pathologie

– Les mutations bien supportées. Il existe de nombreuses autres hémoglobines anormales, avec substitution portant le plus souvent sur un acide aminé situé en périphérie dans la structure tertiaire de la globine. La différence de capacité de migration électrophorétique permet souvent d’identifier ces anomalies, mais elles sont généralement peu dangereuses même chez l’homozygote et n’entraînent qu’une hémolyse modérée. Les plus fréquentes sont les hémoglobines C et D en Afrique; l’une et l’autre entraînant la formation de nombreuses cellules en cible.

– Les anomalies qualitatives entraînant d’autres conséquences qu’une hémolyse. Les hémoglobines M : la mutation porte sur le site de fixation de l’hème ou son voisinage; il y a en fait dans ces cas une méthémoglobinémie, avec cyanose, mais peu d’hémolyse.

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES Les hémoglobines à affinité anormale pour l’oxygène qui entraînent une polyglobulie. Elles sont essentiellement dues à des mutations au niveau des liaisons faibles α1 β2 ou α2 β1 (voir Fig. 3.23). Perturbant à ce niveau les mouvements de la molécule, elles gênent la fixation de l’oxygène. Elles peuvent également se situer dans la poche centrale où elles perturbent l’interaction avec le 2.3.DPG. Ces hémoglobines ne provoquent pas d’hémolyse mais le plus souvent une polyglobulie par augmentation de l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène (voir p. 158).



La drépanocytose (hémoglobinose S)

Un minimum de connaissances est indispensable à propos de cette mutation de l’hémoglobine qui est la plus répandue dans le monde.



Répartition géographique

Au moins quatre événements mutationnels indépendants, survenus dans l’histoire de l’humanité, sont à l’origine de la répartition géographique de la maladie, qui est observée d’une part en Afrique de l’Ouest, d’autre part en Afrique de l’Est, en Arabie et en Inde. L’HbS s’observe, en outre, dans le bassin méditerranéen et chez les Noirs Américains, suite aux migrations et à la traite des Noirs. La diffusion du gène muté s’explique par la protection dont bénéficient les hétérozygotes vis-à-vis de la maladie palustre. C’est d’ailleurs aussi le cas d’autres maladies du globule rouge, comme les thalassémies, le déficit en G6PD, et l’elliptocytose.



Symptomatologie

– La drépanocytose homozygote est une maladie très grave qui se révèle dès la petite enfance, par une altération de l’état général ou des manifestations articulaires fébriles (notamment au niveau des mains et des pieds), des douleurs abdominales ou un ictère hémolytique. La « crise de séquestration splénique » réalise une véritable hémorragie intrasplénique, parfois mortelle. L’anémie hémolytique est évidente avec hématies falciformes (drépanocytes) sur lame. L’électrophorèse de l’hémoglobine fait facilement le diagnostic : hémoglobine S, et révèle en outre une augmentation modérée de l’hémoglobine F. L’évolution est marquée par des crises d’hémolyse répétées et surtout par des crises de thromboses avec symptomatologie variable : infarctus viscéraux et osseux, crises douloureuses abdominales violentes en particulier provoquées par la déshydratation. Infarctus spléniques aboutissant très vite à l’atrophie de la rate. En Afrique, la mort est fréquente dans l’enfance, en particulier à cause des complications infectieuses liées à l’asplénie. Les sujets qui atteignent l’âge adulte, ce qui est plus fréquent grâce au progrès de la prise en charge, gardent une symptomatologie d’hémolyse chronique entrecoupée de crises de thromboses qui perturbent profondément leur existence. Les grossesses sont souvent mal tolérées. – Chez l’hétérozygote la maladie est au contraire pratiquement asymptomatique. On n’observe que de rares thromboses lors d’hypooxygénation profonde (anesthésie, voyage en avion non pressurisé). Elles peuvent se révéler par une hématurie ou un infarctus splénique. Lorsqu’il existe une anémie franche, même si elle est hémolytique, il faut rechercher systématiquement une autre cause. L’espérance de vie 105 ◗

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CONNAISSANCES

ne diffère pas de celle des sujets AA. – Les doubles hétérozygotes S-C, fréquents aux Antilles ont une hémolyse chronique avec splénomégalie et surtout des thromboses (osseuses, oculaires, spléniques) de fréquence très variable. Le principal risque chez ces sujets est la nécrose aseptique osseuse nécessitant parfois des interventions orthopédiques. La grossesse est souvent compliquée. La splénectomie peut être indiquée en cas d’hypersplénisme cliniquement gênant. Le diagnostic repose sur la positivité du test de falciformation et à l’électrophorèse de l’Hb, l’absence d’HbA, la présence à des taux voisins d’HbS et d’HbC. Les doubles hétérozygotes SD ont une symptomatologie voisine mais plus atténuée. Les doubles hétérozygotes HbS-βthalassémie ont une anémie microcytaire franche, mais moins de complications hémolytiques et thrombosantes que les HbS homozygotes ou les HbSC (effet protecteur de l’HbF).



Il est important de traiter énergiquement toute infection intercurrente et de les prévenir par les vaccinations, les soins dentaires, etc. L’utilisation d’antalgiques et surtout de la réhydratation sont essentiels lors des crises aiguës essentiellement thrombosantes et des transfusions sont nécessaires lors des crises de déglobulisation, surtout dans l’enfance. En fin de grossesse, des transfusions sont également nécessaires. Le seul traitement de fond a longtemps été la prescription d’acide folique à petites doses pour éviter la carence par excès de besoins. De nombreux médicaments ont été essayés sans succès ou avec des effets secondaires inacceptables. Récemment, l’hydroxyurée, qui est une chimiothérapie antimitotique, a été utilisée avec succès comme traitement de fond, réduisant la fréquence des crises et améliorant l’anémie chez certains patients.



Prévention

Le diagnostic anténatal précoce, basé sur l’étude de l’ADN, est entré dans la pratique. Lorsqu’un embryon est reconnu comme homozygote, l’interruption de grossesse peut être proposée.



L’hémoglobinose C

Elle se situe en Afrique de l’Ouest, surtout sur le plateau voltaïque. Elle est asymptomatique chez l’hétérozygote, ne comportant qu’une hémolyse extrêmement modérée souvent accompagnée d’une grosse rate chez l’homozygote. La double hétérozygotie avec la drépanocytose (voir ci-dessus) entraîne un tableau beaucoup plus grave. Le diagnostic se pose habituellement à l’occasion de la découverte d’une anomalie des GR sur frottis, chez un sujet bien portant (cellules cibles). Dans quelques cas existent une hémolyse chronique modérée et une splénomégalie. Il repose sur l’identification de l’hémoglobine anormale présente seule (homozygote) ou avec A (hétérozygote). Aucun traitement n’est utile en raison de l’excellente tolérance.



L’hémoglobinose E

On la trouve dans l’ancien empire Thaï : Cambodge, Thaïlande et Laos. Chez l’homozygote, c’est un tableau de thalassémie mineure (voir ci-dessous). Chez l’hétérozygote, il est asymptomatique mais on trouve une microcytose.



◗ Il est préférable de confier le traitement de la drépanocytose à des centres spécialisés.

Traitement

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES



L’hémoglobine D

Elle n’a d’intérêt clinique qu’en association avec l’hémoglobine S, les doubles hétérozygotes HbSD étant symptomatiques avec une forme plus atténuée que l’HbSC.



Les hémoglobines instables

Il s’agit, à la différence des précédentes, d’anomalies rares, beaucoup de cas rapportés résultant d’une mutation récente. Le tableau clinique de gravité, variable selon les mutations, est celui d’une hémolyse parfois déclenchée, ou plus souvent aggravée, par la prise d’oxydants. Il peut s’y associer une méthémoglobinémie (dans les formes où la mutation siège au niveau de la poche de l’hème). Le diagnostic est parfois suspecté sur l’association à l’hémolyse d’urines roses ou noires, sans hémoglobinurie. Il repose sur l’étude de la stabilité de l’hémoglobine plus que sur l’électrophorèse moins fiable. Le traitement est à discuter en milieu spécialisé. Outre l’abstention des médicaments oxydants (les mêmes que dans le déficit en G6PD), il ne repose guère que sur la splénectomie, indiquée dans des cas particuliers présentant une hémolyse splénique très prédominante.



L’hémoglobinose M

Elle se traduit par une cyanose congénitale, à transmission dominante, apparue dans les premiers jours de la vie (mutation α), ou après 3 ou 6 mois (mutation β). La tolérance est bonne.

LES ANOMALIES CONSTITUTIONNELLES DE LA SYNTHÈSE ◗ DE LA GLOBINE : LES THALASSÉMIES



Génétique

Les travaux de ces dernières années ont montré l’extrême hétérogénéité génétique des thalassémies au niveau moléculaire. Les lésions de l’ADN vont de mutations ponctuelles à de larges délétions. La connaissance de ces mutations éclaire le fonctionnement de gènes de globine. Elle montre que les homozygotes sont en fait très souvent, au niveau de l’ADN, des doubles hétérozygotes. Cette hétérogénéité des mutations (à la différence de la drépanocytose) complique le diagnostic anténatal.



β-thalassémies



δ-β-thalassémie



α-thalassémies

On en distingue deux grands types : les thalassémies β où la synthèse de la chaîne β est complètement absente (généralement due à l’absence d’ARN messager ou à un ARN messager très instable), et les thalassémies β+, où le gène β-thalassémique synthétise un peu d’ARN messager et une faible quantité de chaînes β. Il n’y a pas de différence clinique entre les formes ß– et ß+. Elle résulte de la délétion des gènes δ et β et entraîne donc une absence complète de synthèse des chaînes δ et β par le chromosome atteint. Il y a deux gènes α par chromosome (voir p. 47). Les α-thalassémies résultent généralement du défaut de fonctionnement d’un nombre variable de gènes α. L’atteinte de 4 gènes α entraîne une maladie létale avant la naissance, ou juste après la naissance, l’atteinte de 3 gènes sur 4 entraîne une hémolyse avec hémoglobinose H. L’atteinte de 1 ou 2 gènes α n’entraîne qu’une forme mineure (Fig. 5.6). 107 ◗

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CONNAISSANCES



Physiopathologie

La symptomatologie des thalassémies résulte de l’association de plusieurs phénomènes. – Un défaut de synthèse de l’hémoglobine. C’est le seul que l’on observe chez l’hétérozygote : il explique la microcytose quasi-constante dans les thalassémies, quelle que soit la forme (homozygote, hétérozygote ou double hétérozygote avec un mutant sur l’autre chaîne). – Un excès de la chaîne homologue (chaîne α dans les β, et δ-β-thalassémies, chaîne β ou γ dans les α-thalassémies). Cet excès de chaînes libres, qui précipite dans l’érythroblaste ou le globule, n’est pathogène que chez l’homozygote et dans l’hémoglobinose H. Il entraîne une hémolyse à la fois intramédullaire et périphérique. (L’exemple des β-thalassémies est donné dans la figure 5.5.) – Dans les β-thalassémies, pour tenter de compenser le défaut de synthèse de chaînes β, il y a une augmentation de la synthèse des chaînes non α (δ ou γ). Cependant, cette augmentation compensatrice n’atteint pas un taux suffisant pour empêcher l’excès de chaînes α d’apparaître. Dans les β-thalassémies l’augmentation concerne les chaînes δ et γ. Dans les δ-β-thalassémies, seule la chaîne γ peut augmenter. Dans les α-thalassémies, en l’absence de gènes voisins permettant une compensation dans les formes majeures, un tel phénomène ne peut exister.



Les β-thalassémies

Elles s’observent surtout autour du bassin méditerranéen avec jusqu’à 10% de fréquence du gène dans certaines régions d’Italie et en Asie du Sud-Est. La δ-β-thalassémie surtout fréquente en Grèce peut se voir en Inde. Chez les Noirs la β-thalassémie est en général moins grave.



La β-thalassémie homozygote ou maladie de Cooley

Elle commence dès la petite enfance par une altération de l’état général révélant une anémie microcytaire, hypochrome, hypersidérémique modérément régénérative ce qui justifie l’électrophorèse d’hémoglobine. Sur l’électrophorèse, HbA diminuée (thalassémie β+) ou absente (thalassémie β) HbF élevée (30 à 80 %) et HbA2 élevée (5 à 10 %) affirment la β-thalassémie.

➤ Fig. 5.5. Physiopathologie de l’anémie dans les ß-thalassémies homozygotes. ➤

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES Le tableau comporte en outre : – un faciès particulier, mongoloïde, avec « crâne en tour » et, à la radiographie, épaississement de la voûte crânienne et aspect en « poils de brosse » par hyperplasie médullaire; – une grosse rate habituelle; – une grande aniso-poïkilocytose avec souvent des cellules en cibles (nullement spécifiques); – des signes d’hyperhémolyse. Évolution et traitement Elle est mortelle avant 20 ans dans la grande majorité des cas. Les sujets peu nombreux qui atteignent l’âge adulte sont en règle atteints d’hémochromatose transfusionnelle grave. Le traitement justifie le recours aux centres spécialisés. Les transfusions sont nécessaires pour prolonger la vie. Elles doivent maintenir un taux d’hémoglobine suffisant pour assurer une croissance normale. Limiter les risques d’allo-immunisation en utilisant du sang « phénotypé » dans la mesure du possible. La splénectomie n’est utile qu’en cas de séquestration splénique isotopique. Les chélateurs du fer par administration continue par voie sous-cutanée retardent sans les empêcher les complications de l’hémochromatose. La greffe de moelle allogénique peut être proposée dans des formes sélectionnées. Les perspectives de thérapie génique sont encore lointaines. Prévention Le diagnostic anténatal des formes homozygotes est maintenant possible permettant l’interruption volontaire des grossesses.



La δ−β−thalassémie homozygote

Elle réalise un tableau de thalassémie intermédiaire, c’est-à-dire une hémolyse chronique microcytaire avec splénomégalie moins sévère que la maladie de Cooley. L’hémoglobine est autour de 89 g en l’absence de transfusion avec une espérance de vie plus prolongée. L’électrophorèse d’hémoglobine montre l’augmentation d’hémoglobine fœtale sans hémoglobine A2.



Les β et β−δ−thalassémies mineures

En règle générale, l’anomalie est parfaitement supportée. On trouve le plus souvent une microcytose sans anémie. La maladie se présente donc souvent comme une pseudo-polyglobulie microcytaire bien tolérée. Dans d’autres cas, c’est une anémie modérée (11-12 g) avec microcytose, parfois hypochromie et discrète anisopoïkilocytose. – Dans les β-thalassémies, le diagnostic repose sur une élévation modérée (> 3,5 %) de l’hémoglobine A2, parfois associée à une augmentation modérée de l’hémoglobine F. – Dans les δβ-thalassémies, c’est l’hémoglobine F qui est augmentée. L’anomalie n’a pas à être traitée. Les seuls risques résident dans la transmission et la confusion avec une anémie hyposidérémique conduisant à un traitement martial injustifié. Ce sont cependant des sujets dont l’érythropoïèse fonctionne à son maximum et chez lesquels toute infection intercurrente peut entraîner une diminution du taux de l’hémoglobine.



Les maladies apparentées aux β−thalassémies

La persistance héréditaire de l’hémoglobine fœtale ou « Trait F » comporte une synthèse nulle de chaîne β par le chromosome atteint, mais une dérépression complète du gène γ. Les sujets ont donc un taux très élevé d’HbF, atteignant 100 % chez les homozygotes et moindre, mais réparti également dans tous les GR, chez l’hétérozygote, contrairement à ce qu’on observe dans les β-thalassémies. Il n’y a aucun trouble clinique chez ces sujets, habituellement de race noire, plus rarement grecs. Il existe souvent une microcytose. Génétiquement, les anomalies sont variables comme dans les thalassémies, il s’agit donc fondamentalement de variantes de thalassémies caractérisées par une dépression « efficace » de la synthèse de la chaîne γ. L’hémoglobine Lepore résulte d’un crossing over entre les gènes β et γ ; elle réalise un tableau de thalassémie avec, en outre, présence de l’hémoglobine Lepore à chaîne hybride γβ.

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CONNAISSANCES

◗ ◗ En pratique, il est particulièrement important de bien connaître les formes mineures qui se caractérisent par une symptomatologie purement biologique avec une microcytose sans anémie (ou une pseudopolyglobulie microcytaire) avec fer sérique normal et électrophorèse de l’hémoglobine normale.

Les α -thalassémies

Les α-thalassémies n’ont été comprises que grâce au progrès de la génétique moléculaire. Il a été ainsi possible de démontrer que le gène α était dupliqué dans les populations humaines, et que les délétions, ou inactivations, d’un gène α étaient particulièrement fréquentes. Selon les populations, on trouve des formes hétérozygotes avec un seul gène α-thalassémique par chromosome (Noirs africains), ou avec deux gènes α-thalassémiques par chromosome (Asie du SudEst). Ceci explique que l’on observe en Asie du Sud-Est, et non chez les Noirs, des α-thalassémies graves (HbH et anasarque fœto-placentaire) (fig. 5.6). (Le diagnostic anténatal des formes à 4 et 3 gènes α thalassémiques est maintenant possible dans les populations exposées). Ce tableau d’α-thalassémie mineure est très fréquent dans certaines populations, en particulier chez les Noirs (environ 10% de la population, voire plus dans certaines régions), et n’est pas exceptionnel en Europe (environ 1% de la population). Il n’y a aucun traitement indiqué dans ces formes mineures parfaitement asymptomatiques.

➤ Fig. 5.6. Génétique et symptomatologie des α-thalassémies. ➤

◗ LES ANOMALIES ACQUISES DE L’HÉMOGLOBINE ◗

Anomalies acquises de la molécule d’hémoglobine

L’accumulation pathologique de méthémoglobine ou méthémoglobinémie entraîne une cyanose lorsque le taux est de 1,5 g/L. Une hypoxie n’apparaît que pour des taux considérables de méthémoglobine qui sont exceptionnels. Il existe plusieurs causes possibles de méthémoglobinémie auxquelles on doit toujours penser dans le diagnostic d’une cyanose : les plus fréquentes sont acquises, toxiques, dues à des agents oxy-

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SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPALES ANÉMIES dants (chlorates, aniline, nitrates, sulfamides). D’autres méthémoglobinémies sont constitutionnelles et provoquent des cyanoses familiales. Elles sont liées, soit à un déficit en diaphorase à transmission récessive (il s’agit du système principal de méthémoglobine réductase à NADH), on utilise pour le traitement le bleu de méthylène qui réduira l’hème grâce au système accessoire à NADPH; soit à une anomalie héréditaire de l’hémoglobine, l’hémoglobine M, dans laquelle la substitution d’un acide aminé au site de fixation de l’hème (généralement une des deux histidines) empêche la réduction de celui-ci (transmission dominante). La fixation de l’oxyde de carbone pour lequel l’hémoglobine a une affinité très supérieure à celle qu’elle a pour l’oxygène forme la carboxyhémoglobine. La sulfhémoglobine résulte de la modification par oxydation de l’hémoglobine qui devient incapable de fixer l’oxygène. Elle entraîne une cyanose à des concentrations encore plus faibles que la méthémoglobine (0,5 g/100 mL). Elle est toujours acquise et, en général, médicamenteuse (phénacétine ++). L’évolution est bénigne bien que la sulfhémoglobine soit irréversible et ne disparaisse qu’avec l’élimination des globules rouges. Le diagnostic de toutes ces anomalies repose sur l’étude spectrale de l’hémoglobine.



Anomalies acquises de la synthèse de l’hémoglobine

Une augmentation de l’hémoglobine fœtale est observée dans des circonstances acquises diverses, en particulier certaines hyperthyroïdies où elle s’accompagne d’un VGM aux limites inférieures de la normale, et surtout des maladies myéloïdes, comme les anémies réfractaires et les leucémies myéloïdes aiguës ou chroniques. Une hémoglobinose H acquise peut s’observer, à titre exceptionnel, dans certaines formes de leucémies myéloblastiques avec microcytose.



La formule normale du sujet adulte a été donnée dans le tableau 3.I. L’interprétation des résultats d’une électrophorèse d’hémoglobine repose sur les principes élémentaires suivants. – L’existence d’une hémoglobine anormale (S, C, E, ou autres) traduit une anomalie qualitative par mutation d’un gène de structure. Elle n’existe pas dans les thalassémies. – Si on exclut les constituants minoritaires (A2 et F) tout sujet, n’ayant que deux gènes β sains ou pathologiques, ne peut avoir que deux hémoglobines majoritaires. Ainsi : l’existence simultanée d’hémoglobines S et A (hémoglobinose SA) caractérise la drépanocytose hétérozygote. Les homozygotes auront au contraire une absence totale d’hémoglobine A (hémoglobine SS). Deux hémoglobines anormales peuvent coexister (exemple hémoglobinose SC) mais dans ce cas il n’y a pas du tout d’hémoglobine A. – S’il existe 3 hémoglobines (par exemple SC et A), il faut penser que le sujet a été transfusé et porte en plus de la sienne de l’hémoglobine d’un donneur. – Les β et δβ-thalassémies ne comportent pas d’hémoglobine anormale mais seulement une modification de la répartition des hémoglobines avec élévation importante chez l’homozygote, très modérée chez l’hétérozygote, des hémoglobines A2 ou F. Une microcytose est toujours associée. – Les α-thalassémies mineures n’ont pas de modification évidente à l’électrophorèse d’hémoglobine. L’association d’une anomalie qualitative de l’hémoglobine et d’une anomalie quantitative (thalassémie) va entraîner des modifications complexes d’électrophorèse. Ainsi le double hétérozygote Sthalassémie aura de l’hémoglobine S et de l’hémoglobine A dans la forme habituelle (β+) mais



◗ L’électrophorèse d’hémoglobine est l’examen de base du diagnostic des hémoglobinopathies.

Utilisation diagnostique de l’électrophorèse de l’hémoglobine

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CONNAISSANCES contrairement à ce que l’on observe dans l’hémoglobine SA banale on trouvera ici nettement plus d’hémoglobine S que d’hémoglobine A et une élévation des hémoglobines F ou A2. Le problème est encore plus difficile chez un double d’hétérozygote S thalassémique dans lequel le gène thalassémique provient d’une forme β– puisque dans ce cas il n’y aura pas d’hémoglobine A et que ce sujet pourra être confondu avec un homozygote SS. Dans certains cas difficiles, seule l’étude d’autres membres de la famille ou l’étude in vitro de la synthèse des chaînes de globine peut trancher. Il faut savoir que les hémoglobines instables et les hémoglobines à affinité anormale pour l’oxygène ne sont pas toujours détectables à l’électrophorèse d’hémoglobine et peuvent demander des épreuves spéciales : test de stabilité thermique de l’hémoglobine ou étude de l’affinité de la molécule pour l’oxygène in vitro.

◗ ◗ L’électrophorèse de l’hémoglobine est un examen trop souvent prescrit par excès.

Indications de l’électrophorèse de l’hémoglobine

En dehors d’enquêtes systématiques à la recherche d’hémoglobines anormales asymptomatiques, l’électrophorèse de l’hémoglobine n’est justifiée que : – devant une microcytose avec ou sans anémie et fer sérique normal, – devant une anémie hémolytique si et seulement s’il y a : • des drépanocytes spontanés sur le frottis, • une grande hypochromie ou des cellules-cibles sur le frottis. Dans toute autre circonstance il vaut mieux pratiquer un test plus spécifique en particulier : – devant une anémie hémolytique sans anomalie morphologique des hématies : recherche d’une hémoglobine instable par l’étude de la stabilité de l’hémoglobine; – devant une polyglobulie recherche d’une hémoglobine à affinité pour l’oxygène augmentée devant une polyglobulie : étude de la fonction de l’hémoglobine; – devant une cyanose : étude du spectre de l’hémoglobine.

Résumé Points clés La drépanocytose homozygote et les thalassémies homozygotes sont les pathologies les plus fréquentes de l’hémoglobine. Leur diagnostic repose sur l’électrophorèse de l’hémoglobine orientée par l’hémogramme (drépanocytes, anémie microcytaire). En dehors de ces deux circonstances, les anomalies de l’hémoglobine responsables de pathologie sont rares. Les thalassémies hétérozygotes sont au contraire fréquentes, mais bénignes. Les hétérozygotes AS ont un hémogramme normal.

Points de débat Il a été dit qu’une carence martiale pouvait masquer l’élévation de l’hémoglobine A2, d’une β-thalassémie hétérozygote. Il semble que ce soit inexact.

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Diagnostic d’une anémie CNEM

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◗ DIAGNOSTIC DES ANÉMIES MICROCYTAIRES OU HYPOCHROMES ◗ DIAGNOSTIC DES ANÉMIES NORMOCHROMES, NORMOCYTAIRES OU MACROCYTAIRES, ARÉGÉNÉRATIVES

◗ DIAGNOSTIC DES ANÉMIES NORMOCHROMES RÉGÉNÉRATIVES

Introduction ◗ En médecine, peu de diagnostics peuvent se fonder sur des bases aussi rationnelles que celui des anémies. Alors que le diagnostic médical est souvent encore probabiliste, celui des anémies peut (et doit) se bâtir sur des examens fiables, traduisant des phénomènes physiologiques, et qui « ouvrent ou ferment » des portes. ◗ Le diagnostic d’une anémie nécessite la connaissance des mécanismes physiopathologiques (voir chap. 4). On l’envisagera dans le cas habituel, celui où une seule cause d’anémie intervient. Les associations de causes sont possibles, mais très difficiles à schématiser. La connaissance de la physiopathologie permet de limiter logiquement les explorations complémentaires aux examens réellement « discriminatifs ». L’hémogramme de dépistage fait systématiquement ou en raison de l’existence de l’un des symptômes d’anémie, permet d’affirmer son existence sur un taux d’hémoglobine inférieur à 13 g/100 mL chez l’homme, à 12 g/100 mL chez la femme et l’enfant, ou encore inférieur à 10,5 g/100 mL chez la femme enceinte. Dans tous les cas, cette constatation impose un hémogramme complet qui va orienter l’enquête, le diagnostic étant d’emblée orienté par deux éléments majeurs : Le VGM permet de séparer les anémies microcytaires de toutes les autres. La microcytose signe un déficit de la synthèse de l’hémoglobine et oriente d’emblée l’investigation. Le taux de réticulocytes affirme le caractère central ou périphérique de l’anémie ce qui, lorsqu’elle n’est pas microcytaire, oriente vers deux groupes différents d’étiologies. En outre, la CCMH peut montrer une hypochromie, anomalie qui a la même signification que la microcytose, mais qui apparaît plus tardivement. Une CCMH supérieure à la normale témoigne d’une erreur de laboratoire. Sur ces éléments, confirmés au besoin par un deuxième examen, on peut distinguer d’emblée trois problèmes diagnostiques très différents : – les anémies microcytaires ou hypochromes, – les anémies normochromes arégératives, – les anémies normochromes régénératives. Il n’est pas utile d’identifier en première intention le cadre des « anémies macrocytaires » car la macrocytose n’est pas réellement un élément sûr de raisonnement; en effet elle peut se voir dans des anémies de causes centrales aussi bien que de causes périphériques. CNEM : item 297 « Anémie : devant une anémie argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents ».

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CONNAISSANCES

DIAGNOSTIC DES ANÉMIES MICROCYTAIRES ◗ OU HYPOCHROMES Point de débat On voit souvent doser la ferritine devant une anémie microcytaire. Si le taux est effondré, cela permet en effet d’affirmer la carence martiale, mais si le taux est normal ou élevé, on ne peut distinguer inflammation et défaut d’incorporation du fer dans les érythroblastes. Pour ce diagnostic différentiel, le dosage du fer et de la transferrine (ou capacité totale de fixation du fer) sont indispensables

La constatation d’une microcytose ou d’une hypochromie orientent d’emblée vers une perturbation de l’hémoglobinogenèse. Un seul examen complémentaire est logique : le dosage du fer sérique, toujours complété par le dosage de le transferrine ou de la capacité totale de saturation de la siderophilline. Il va permettre de distinguer : un cas habituel (plus de 90% des cas), celui où le fer sérique est bas, et un cas peu fréquent, celui où le fer sérique est élevé ou normal (la signification pratique est la même). Tableau 6.I.

Places respectives des divers examens dans le bilan clinique du fer.

Anémie microcytaire non étiquetée

doser fer + capacité totale de saturation + VS & CRP ce qui distingue d’emblée, carence martiale et inflammation.

Anémie par carence martiale prouvée

doser la ferritine pour apprécier la réplétion des réserves en fin de traitement.

Recherche d’une surcharge en fer

doser fer + capacité totale de saturation. Ne doser la ferritine que si le fer sérique est élevé, avec capacité totale > 50%.

Enquête de prévalence de la carence en fer

doser la ferritine dans la population.

RMO La prescription simultanée des dosages de fer et de la capacité totale de saturation d’une part, et de la ferritine d’autre part, n’est pas recommandée. Explication : le dosage de fer sérique et de la capacité totale de saturation (ou de la transferrine) étaient autrefois peu fiables. Ce n’est plus le cas actuellement. Le dosage de la ferritine n’est justifié, dans le contexte d’une anémie par carence martiale, que pour vérifier l’évolution des réserves de fer après le traitement martial.

◗ Tableau Tableau8.I. 6.II.

Diagnostic des anémies microcytaires ou hypochromes hyposidérémiques

Diagnostic d’une anémie microcytaire et/ou hypochrome.

VGM < 82 µm et/ou CCHM < 32 = microcytose avec ou sans hypochromie Dosage du fer sérique et de la sidérophiline totale 3

< 10 µmol () – < 12,5 µmol () Anémie microcytaire hyposidérémique

> 10 µmol () ou > 12,5 µmol () Anémie microcytaire et/ou hypochrome non hyposidérémique 1. Sidérophilline élevée : Carence martiale 1. Chercher une anomalie à l’électrophorèse d’Hb. 2. Sidérophilline basse + VS accélérée et CRP 2. Anémie sidéroblastique : génétique? élevée : anémie inflammatoire

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DIAGNOSTIC D’UNE ANÉMIE



Le diagnostic d’anémie inflammatoire repose

sur l’association : – d’un syndrome inflammatoire clinique et biologique (VS accélérée, CRP et fibrine élevées); – d’une capacité totale de saturation de la sidérophiline souvent basse (< 60 μmol/L) en tous les cas non élevée.



Difficultés diagnostiques

En l’absence de syndrome inflammatoire, la baisse de la capacité totale généralement associée à une baisse du taux d’albumine témoigne d’un défaut de synthèse protéique, ou d’un excès de perte (syndrome néphrotique). Il peut y avoir association d’une inflammation et d’une carence martiale. On peut suspecter cette éventualité si, alors qu’il y a un syndrome inflammatoire franc, la capacité totale est normale ou peu abaissée. Le diagnostic formel de cette association est difficile, le seul critère formel est la coloration de Perls sur les cellules macrophages de la moelle ou du foie. L’absence de fer dans les macrophages permet d’affirmer une carence martiale associée à l’inflammation.



La carence martiale (ou sidéropénie)

C’est le cas le plus fréquent, dans tous les pays et à tous les âges. Le taux de sidérophiline (capacité totale) est élevé (> 75 µmol/L). Un saignement chronique est en cause dans 90% des cas environ, mais il est souvent difficile à trouver. Mis à part quelques cas particuliers (nourrisson, grossesses répétées), le diagnostic d’une anémie microcytaire ne peut s’arrêter à une autre cause avant que le saignement chronique ait été formellement éliminé. Certaines causes de saignement, comme la hernie hiatale ou les hémorroïdes, ne seront retenues qu’après avoir certainement éliminé une autre cause. Chez la femme réglée, la cause est le plus souvent gynécologique. L’élément essentiel de l’enquête est l’interrogatoire portant sur l’abondance et la durée des règles, la présence éventuelle de caillots. Chez l’homme et la femme ménopausée, il y a presque obligatoirement une cause digestive, même si, comme c’est le plus souvent le cas, l’interrogatoire ne retrouve aucune hémorragie extériorisée. Il faut donc faire une enquête digestive (fibroscopie gastrique, coloscopie complète; le transit baryté du grèle n’est justifié que si l’estomac et le côlon sont normaux). En théorie le don du sang ne peut être incriminé puisqu’il est en France légalement limité à 3 ou au maximum 4 par an, mais il peut aggraver une autre cause. Les prises de sang répétées en milieu hospitalier peuvent parfois être responsables. La malabsorption est une cause rare; un bon moyen de la dépister (maladie cœliaque) est la biopsie systématique du duodénum au cours de la fibroscopie gastrique, qui de toutes les façons doit être faite, à la recherche d’un saignement. Le tableau 6.III. résume la recherche de ce saignement chronique. 115 ◗

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CONNAISSANCES

Tableau 6.III.

Recherche d’un saignement chronique responsable d’une anémie ferriprive de l’adulte.

I. – Chez la femme réglée : enquête gynécologique A. Interrogatoire précis sur la durée et l’abondance des règles +++ B. Si les règles semblent anormales, explorations gynécologiques à la recherche de : – fibrome utérin – cancer (assez rarement en cause) – souvent ménorragies par contraceptif intra-utérin – ménorragies dites fonctionnelles, souvent accessibles à un traitement hormonal II. Chercher un saignement digestif

d’hémorragie digestive à l’interrogatoire n’écarte en aucun cas l’étiologie digestive.

◗ La recherche biochimique de sang dans les selles n’est pas utile car sa négativité n’écarte pas l’étiologie digestive.

A. Par la fibroscopie gastrique (avec biopsie duodénale) – ulcères +++ – cancer de l’estomac +++ – ulcérations médicamenteuses (anti-inflammatoires) – varices œsophagiennes de l’hypertension portale – hernie hiatale (souvent en cause mais à ne retenir qu’après avoir éliminé une autre lésion possible) B. Par la rectoscopie, la coloscopie – cancer du côlon +++ et du rectum – polypose – rectocolite hémorragique – hémorroïdes (souvent en cause mais à ne retenir qu’après avoir éliminé une autre lésion possible) C. Dans les populations exposées (Antillais, mineurs de fonds), chercher l’ankylostomiase D. Si A, B et C sont négatifs, Explorer le grêle, (transit baryté) : tumeurs, angiomes III. Causes possibles peu fréquentes 1. Épistaxis chroniques (maladie de Rendu-Osler ++) 2. Hémosidérose pulmonaire 3. Hématurie chronique (toujours macroscopique) 4. Prises de sang répétées 5. Malabsorption (biopsie duodénale à faire lors de la fibroscopie [II]) IV. Si l’enquête est restée négative 1. Reprendre l’exploration si après traitement martial per os bien conduit l’anémie ne se corrige pas (penser alors à une malabsorption) ou se reproduit après arrêt du traitement martial, malgré une correction initialement complète (NFS, fer sérique et siderophiline). 2. Penser au saignement volontaire caché : problème psychiatrique. 3. En l’absence de solution : entéroscopie, artériographie mésentérique, voire exploration chirurgicale du tube digestif.

Chez le nourrisson L’enfant de moins de 1 an est assez souvent atteint d’anémie par carence martiale, mais les saignements chroniques sont rarement responsables à cet âge ou surviennent dans des contextes particuliers (malformations digestives, syndromes hémorragiques constitutionnels). Beaucoup plus souvent, il s’agit d’une carence d’apport due à la grande pauvreté en fer du régime lacté et à certaines circonstances de la fin de gestation, ou de l’accouchement qui ont entraîné une ◗

◗ L’absence de signes

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DIAGNOSTIC D’UNE ANÉMIE

baisse des réserves : la prématurité notamment, la gémellité, l’existence d’une carence ferrique chez la mère ou d’une hémorragie fœtomaternelle à la naissance favorisent la carence ferrique. Le traitement préventif est essentiel.

Chez l’adulte, en dehors du saignement chronique Les carences d’apport pures n’existent pratiquement pas. Les anomalies d’absorption sont moins rares. Un bon moyen de les dépister est la biopsie du duodénum au cours de la fibroscopie gastrique. La seule carence fréquente (relative, par insuffisance d’apport en comparaison des besoins) est celle qui succède à des grossesses rapprochées et répétées, surtout si elles se sont accompagnées de troubles digestifs.



Diagnostic des anémies microcytaires ou hypochromes hypersidérémiques ou normosidérémiques

Sauf erreur de laboratoire, aujourd’hui très rare, cette association témoigne d’un défaut de synthèse de la globine. Les défauts de synthèse de l’hème sans hyposidérémie sont exceptionnels.



Thalassémies

C’est une hypothèse que l’on ne doit jamais exclure sur la base de l’origine géographique du sujet, étant donnée la fréquence des mutations thalassémiques.

Les thalassémies sont généralement classées dans les anémies hémolytiques. Toutefois, elles sont toujours microcytaires et seules deux formes s’accompagnent d’hyperhémolyse franche. – Les β-thalassémies majeures (voir p. 108) le diagnostic y est essentiellement intramédullaire. Le diagnostic est rapidement évoqué sur la morphologie, chez un enfant, avec une anémie sévère et habituellement une splénomégalie. – Les rares hémoglobinoses H (voir p. 107) : l’anémie est relativement modérée (9-10 g/dL), franchement microcytaire et régénérative. Les β-thalassémies hétérozygotes représentent une cause fréquente d’anémie modérée (10-12 g/dL), avec une microcytose de degré variable, selon les mutations (65-75 µ3) et généralement arégénérative. Le diagnostic repose dans tous les cas sur l’électrophorèse de l’hémoglobine (voir Fig. 6.1).

Cas particulier fréquent En l’absence d’anémie, une microcytose avec fer sérique normal et électrophorèse de l’hémoglobine normale représente un ensemble de symptômes suffisant pour affirmer le diagnostic d’α-thalassémie mineure (voir p. 110). Compte tenu de cette fréquence, une anémie microcytaire normosidérémique avec électrophorèse de l’hémoglobine normale peut résulter de la survenue d’une autre cause d’anémie chez un sujet α-thalassémique. 117 ◗

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CONNAISSANCES

◗ Il faut se rappeler que les autres anémies sidéroblastiques, c’est à dire les formes acquises primitives ou secondaires ne sont en général pas microcytaires et tout au plus discrètement hypochromes sur le frottis (voir p. 262).



Anémies sidéroblastiques

Devant une anémie microcytaire avec fer sérique normal, et électrophorèse de l’hémoglobine normale, le premier diagnostic à évoquer, surtout chez un homme (transmission liée à l’X) est celui d’anémie sidéroblastique génétique (voir p. 75). Il repose sur la coloration de Perls sur le myélogramme et sur l’enquête familiale.

➤ Fig. 6.1. Anémie microcytaire (hypochrome) non hyposidérémique ➤ Électrophorèse de l'hémoglobine

F A=0 ou

Thalassémie majeure

A+++ A2 > 3,5% F nl/peu

F S A=0

β−thalassémie + HbS

β-thalassémie hétérozygote

A H

A+++ A2 nl F

δβ−thalassémie hétérozygote

Hémoglobinose H α-thalassémie à 3 gènes non actifs)

Électrophorèse normale

Anémie sidéroblastique génétique

α-thalassémie + autre cause d'anémie

DIAGNOSTIC DES ANÉMIES NORMOCHROMES, ◗ NORMOCYTAIRES OU MACROCYTAIRES, ARÉGÉNÉRATIVES



Diagnostic général

On ne peut parler d’anémie arégénérative que si l’anémie existe certainement depuis plus d’une semaine. Dans le cas contraire on peut encore être dans la phase précédant l’élévation du taux des réticulocytes d’une anémie régénérative. L’absence d’élévation du taux des réticulocytes malgré l’existence d’une anémie signifie qu’il existe un défaut de production (exemple : 100 000 réticulocytes/mm3 pour une Hb à 10 g/100 mL signifient anémie non régénérative bien que ce taux soit à la limite supérieure de la normale).



Indications du myélogramme

Le caractère arégénératif d’une anémie normochrome non microcytaire (normocytaire ou macrocytaire) témoigne d’une insuffisance de production médullaire. La sanction logique de ce raisonnement devrait ◗

Point de débat La limite pratique du taux des réticulocytes en deçà de laquelle une anémie est arégénérative est difficile à fixer avec certitude : entre 120 000 et 150 000/mm3, il faut diposer de plusieurs numérations et tenir compte du degré de l’anémie.

(tableaux 6.V.a et 6.V.b)

118 ◗

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DIAGNOSTIC D’UNE ANÉMIE

Tableau 6.V.a. 8.II.

Comportement à suivre devant une anémie arégénérative non microcytaire. Anémie à VGM >82μ3, CCMH > 32 %, réticulocytes < 120 000/mm3 Orientation sur : plaquettes et leucocytoses, VGM, alcoolisme*

Macrocytose modérée Normocytose discrète macrocytose < 105 μ3,GB et plaquettes normaux + (< 105 μ3) + alcoolisme pas de cause d’hémodilution Créatinine, VS, CRP, fer sérique et sidérophiline, signes endocriniens ?

Neutropénie ou thrombopénie ou cellules jeunes dans le sang

Possible anémie de l’alcoolisme

➚➚

Créatinine Signes endocryniens : VS et CRP➚ + fer < 150 μmol/L = dosages hormonaux + sidérophiline anémie de l’insuffisance rénale (VMG parfois entre 98 et 150μ3)

Macrocytose sans alcoolisme ou VGM > 105 μ3

Pas d’anomalie

Anémie inflammatoire

Anémie du myxœdème VGM souvent entre 98 et 105 μ3 ou du panhypopituitarisme

Myélogramme (Voir tableau 6.V.b)

* interrogatoire, dosage des γGT

Tableau 6.V.b.

Cadres diagnostiques révélés par le myélogramme au cours d’une anémie normochrome normocytaire (ou macrocytaire) arégénérative. Myélogramme

Anémie anérythroblastique (tableau 6. VI)

2 Présence de mégalo blastes Anémie mégalolastique

3 Envahissement par des cellules étrangères

4 Pauvre non envahi

5 Normal

Envahissement médulaire

(tableau 6. VII)

6 Érythroblastes malformés non mégaloblastes

Dysérythopoïèse Biopsie de moelle

Envahie retour à 3

Fibreuse

Pauvre

Fibrose médullaire

Aplasie

(voir page 205)



1 Absence d'érythroblastes

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Normale Anémie normochrome arégénérative à moelle riche

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CONNAISSANCES

être la pratique systématique d’un myélogramme. L’expérience montre cependant que les anémies normochromes non microcytaires les plus fréquentes ne s’accompagnent d’aucune modification du myélogramme et que celui-ci ne doit donc pas être systématique en première intention. ◗ Les anémies du myxœdème sont souvent un peu macrocytaires et cela peut se voir aussi dans l’insuffisance rénale. Les anémies de l’alcoolisme chronique, avec ou sans cirrhose, sont très habituellement macrocytaires et ne justifient pas non plus de myélogramme dans la plupart des cas.

Les anémies de l’insuffisance rénale, les anémies inflammatoires au début, les anémies du myxoedème et du panhypopituitarisme sont normochromes normocytaires arégénératives et sans anomalie au myélogramme. Il est facile d’en faire le diagnostic par le dosage de la créatinine, du fer sérique et de la sidérophiline, ou par les dosages hormonaux, si la clinique oriente vers le diagnostic d’insuffisance antéhypophysaire ou thyroïdienne. Le myélogramme s’impose donc : 1. devant une anémie normochrome normocytaire arégénérative si : – insuffisance rénale, inflammation, insuffisance endocrinienne ont été écartées, – il n’y a pas de cause d’hémodilution (splénomégalie volumineuse, Ig monoclonale, ou insuffisance cardiaque) qui imposerait une mesure de la masse sanguine; 2. devant une anémie macrocytaire normochrome arégénérative si : – myxœdème et alcoolisme sont exclus, – quelle que soit la clinique si le VGM est supérieur à 105 μm3 ; 3. que l’anémie soit macrocytaire ou normocytaire, s’il y a passage de cellules anormales dans le sang ou s’il associe à l’anémie une neutropénie ou une thrombopénie. Le tableau 6.V.a résume le schéma du diagnostic devant une anémie normochrome non microcytaire arégénérative. Il est important de noter :

Le tableau 6.V.b résume la situation diagnostique quand un myélogramme s’est avéré nécessaire. Le dosage systématique du fer et de la capacité totale de saturation peut parfois permettre d’identifier une carence martiale. À titre exceptionnel, une carence martiale peut se révéler par une anémie normochrome normocytaire arégénérative.



◗ Le dosage des folates n’est donc justifié, avant le myélogramme que s’il y a un éthylisme, ou après le myélogramme avec celui de la vitamine B12 s’il y a une mégaloblastose médullaire.

– qu’anémie macrocytaire n’est pas synonyme d’anémie mégaloblastique : une anémie macrocytaire peut s’accompagner aussi bien d’une moelle pauvre, d’une moelle morphologiquement normale, d’une dysérythropoïèse ou d’un envahissement malin; – qu’habituellement les moelles pauvres envahies et même mégaloblastiques sont responsables d’une pancytopénie plutôt que d’une anémie isolée.

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DIAGNOSTIC D’UNE ANÉMIE



Diagnostic des anémies normochromes arégénératives à myélogramme anérythroblastique, ou érythroblastopénies

Facilement reconnues sur l’absence ou l’extrême rareté des érythroblastes et un taux de réticulocytes voisin de 0, ces anémies ne posent qu’un problème étiologique et pronostique. Les causes en sont rappelées dans le tableau 6.VI (voir p. 77). Tableau 8.III. 6.VI. Tableau

Diagnostic d’une érythroblastopénie.

1. Évolution aiguë a) Crise aiguë des anémies hémolytiques chroniques : parvovirus HPVB 19. b) Érythroblastopénie aiguë idiopathique. c) Intoxication iatrogène (chloramphénicol et dérivés, acide valproique…). d) Insuffisance rénale aiguë. 2. Évolution chronique a) Nourrisson : maladie de Blackfan-Diamond. b) Adulte : tumeur du thymus, leucémie lymphoïde chronique c) Érythroblastopénie chronique idiopathique de l’adulte (les plus fréquentes).



Quelles que soient les éventuels signes d’orientation cliniques et biologiques, notamment le VGM souvent très élevé (en règle supérieur à 110 μ3) le diagnostic d’une anémie mégaloblastique repose exclusivement sur le myélogramme découvrant les mégaloblastes. Toutes les causes des carences vitaminiques (en folates et en vitamine B12) doivent alors être envisagées sans donner de valeur particulière à l’une des étiologies, comme la maladie de Biermer, trop souvent isolée des autres anémies mégaloblastiques. Le diagnostic précis d’une anémie mégaloblastique n’est pas très difficile, mais il nécessite le recours à des examens coûteux exécutés surtout en milieu hospitalier. La démarche que l’on peut recommander est la suivante (tableau 6.VII). Il faut commencer par rechercher à l’interrogatoire des causes évidentes des carences foliques ou mixtes : – carence d’apport : grande dénutrition, – carence d’absorption : par résection du grêle, ou gastrectomie, sténoses, ou fistules digestives et surtout par malabsorption quelle qu’en soit la cause (notion de diarrhée), – carence relative : chez les multipares et en cas de stimulation chronique de la moelle par une anémie hémolytique, – carence d’utilisation : alcoolisme, médicaments antifoliques (hydantoïnes, améthoptérine, triméthoprime, triamterène, etc.). Si l’une de ces conditions est réalisée, la probalité de sa responsabilité est assez grande pour justifier l’arrêt, au moins temporaire, des explorations et le traitement par l’acide folique. Un dosage de l’acide folique et de la vitamine B12 du sérum est toutefois nécessaire pour confirmer le diagnostic et il doit être prélevé avant tout traitement (y compris une éventuelle transfusion). ◗

◗ En pratique, le test de Schilling n’est plus réalisé que par un nombre très restreint de laboratoires et il impose de nombreuses contraintes (voir p. 41). Les patients sont souvent réticents envers le tubage gastrique. On peut donc recommander de : – prélever la recherche des anticorps anti-facteur intrinsèque dans le sérum ; – si elle est positive, le diagnostic est affirmé ; – si elle est négative, prévoir le tubage avec prélèvements simultanés pour les dosages d’HCL et du FI, avant et après injection de pentagastrine.

Diagnostic des anémies mégaloblastiques

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CONNAISSANCES

Tableau 6.VII.

Diagnostic pratique d’une anémie mégaloblastique de l’adulte.

1 • Interroger le malade, à la recherche de : – – – – – –

grande dénutrition diarrhée chronique alcoolisme résection digestive (estomac, grêle) prise de médicaments antifoliques grossesses répétées

2 • Dosages de vitamine B12 et folates sériques avant tout traitement 3 • Si une des causes ci-dessus est retrouvée, attendre les résultats de dosages vitaminiques • Si folates abaissés + B12 normale : traitement par l’acide folique. • Si B12 abaissée : traiter par la vitamine B12.

4 • Si aucune des causes ci-dessus n’est retrouvée, sans attendre les résultats des dosages vitaminiques, mettre en route les investigations à la recherche d’une maladie de Biermer (voir ci-dessous). Lorsqu’on reçoit les résultats des dosages : a) Si vitamine B12 diminuée, folates normaux + critères de maladie de Biermer. Compléter le bilan par une fibroscopie gastrique (recherche de cancer). b) Si Biermer exclu : – vitamine B12 abaissée, folates normaux : rechercher botriocéphale et anses borgnes. – folates abaissés : rechercher malabsorption. – vitamine B12 et folates normaux : penser à une anémie réfractaire et revoir la cytologie médullaire.

S’il n’existe aucune cause évidente, le diagnostic à soupçonner en priorité est celui de maladie de Biermer (voir p. 82). Son diagnostic impose : 1. de

démontrer d’abord la carence en vitamine B12 par le dosage de la vitaminémie (avec taux de folates normal);

de mettre en évidence : soit l’anomalie gastrique, associant l’achlorhydrie gastrique totale et histamino-résistante dont la valeur en association avec une anémie mégaloblastique est très grande, et l’absence de facteur intrinsèque dans le liquide gastrique démontrée par le dosage direct de ce facteur, ou par le test de Schilling révélant une absorption de la vitamine B12 effondrée et corrigeable par l’adjonction de facteur intrinsèque, soit la présence d’anticorps anti-FI qui sont pathognomoniques, mais absents dans au moins 30 % des cas. La maladie de Biermer éliminée, il reste à rechercher d’autres causes plus rares. Les dosages d’acide folique et de vitamine B12112 sont indispensables pour savoir si l’une des 2 vitamines est déficitaire. Il peut s’agir de : 2.

– anémie botriocéphalique, dans les régions de lacs, le ver consommant la vitamine B12 ; 122 ◗



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DIAGNOSTIC D’UNE ANÉMIE

– malabsorption non évidente (dans les maladies du collagène surtout). Le déficit en acide folique est habituellement en cause. Celui de vitamine B12 peut parfois être associé, ainsi qu’une carence en fer. Cas particulier des anémies mégaloblastiques de l’enfant (voir p. 84).



Diagnostic des anémies normochromes arégénératives avec myélogramme envahi

Le problème est généralement simple, la nature des cellules anormales présentes sur le myélogramme permettant de savoir quel tissu pathologique infiltre la moelle normale : – leucémie aiguë, – maladie de Kahler, – métastase d’un cancer, – lymphome malin et autres hémopathies lymphoïdes. Il faut savoir cependant que dans certains cas (cancer, lymphome malin), les cellules malignes sont rares sur le myélogramme et demandent une recherche minutieuse par un cytologiste averti. La négativité de la recherche n’élimine pas l’envahissement, qu’il faut rechercher alors par la biopsie.



La constatation d’un myélogramme pauvre en cellules correspond presque toujours à une anémie arégénérative associée à une atteinte des autres lignées, et rejoint donc le problème du diagnostic des insuffisances médullaires globales. Si l’anémie est isolée, il faut suspecter un problème technique ou une myélofibrose. Dans tous les cas, la découverte d’un myélogramme pauvre impose la biopsie de moelle qui, seule, affirmera s’il s’agit réellement d’une moelle pauvre, ou s’il s’agit d’une erreur technique du myélogramme ; le problème rejoint, dans ce dernier cas, celui des anémies arégénératives à myélogramme riche (voir ci-dessous). En outre la biopsie médullaire permet parfois de découvrir un envahissement de la moelle par des cellules lymphomateuses ou cancéreuses qui n’avaient pas été décelées sur le myélogramme, ou révèle une fibrose médullaire qui explique la pauvreté de la moelle en ponction. Si la pauvreté de la moelle est confirmée, c’est le diagnostic d’une aplasie médullaire. Il est traité dans un autre chapitre : voir page 205.



Diagnostic d’une anémie normochrome arégénérative avec anomalies de structure des érythroblastes

Il s’agit de myélogrammes riches avec érythroblastes anormaux mais non mégaloblastiques. On trouve en particulier des noyaux multiples, fragmentés. Ces « dysérythropoïèses » peuvent être dues à : ◗

◗ Fausse moelle pauvre Il ne faut pas prélever le myélogramme dans des territoires préalablement irradiés (notamment le sternum après cancer du sein) car la cellularité y est souvent pauvre mais ne reflète pas la situation du reste de la moelle.

Diagnostic des anémies normochromes arégénératives à myélogramme pauvre

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CONNAISSANCES

– un traitement par antimitotiques ou antirétroviraux (AZT); – des anomalies congénitales rares, de mécanisme encore mal connu : elles peuvent évoluer vers une hémochromatose; – surtout une dysérythropoïèse acquise idiopathique : il s’agit des « anémies réfractaires » ou myélodysplasies. Des anomalies morphologiques diverses peuvent en effet révéler une anémie sidéroblastique (voir p. 262) ou une anémie réfractaire non sidéroblastique (voir p. 263).



Diagnostic d’une anémie normochrome arégénérative à myélogramme normal

Ce problème, comme le précédent, ne peut réellement être envisagé qu’après vérification de l’état médullaire par la biopsie de moelle qui, seule, affirmera si la moelle est pauvre ou riche. Si la moelle est réellement riche, un certain nombre d’hypothèses doivent être envisagées successivement avant de passer à des explorations complexes. Ces hypothèses sont : – l’anémie inflammatoire, l’anémie normochrome arégénérative de l’insuffisance rénale, des insuffisances thyroïdiennes et antéhypophysaires, toutes causes qui devraient avoir été recherchées avant de faire le myélogramme; – y a-t-il une cause méconnue d’hémodilution que l’on aurait négligée? : cirrhoses, maladie de Waldenström, insuffisance cardiaque etc. La mesure de la masse sanguine, épreuve simple, rapide et sans danger, montrera alors qu’il n’y a en fait qu’une « pseudo-anémie par hémodilution ». Cette constatation comme les précédentes aurait dû éviter le myélogramme; – vérifier qu’il ne s’agit pas en fait d’une anémie régénérative en recontrôlant les réticulocytes; – savoir que les anémies mégaloblastiques déjà traitées peuvent donner ce tableau. C’est le cas des maladies de Biermer récemment traitées « à l’aveugle » par la vitamine B12, voire simplement transfusées, ou plus rarement des carences foliques. Un cas fréquent est aussi celui des sujets malnutris (vieillards) en carence folique qui ont reçu des vitamines variées ou simplement un régime équilibré plusieurs jours avant que l’on pratique le myélogramme. Dans tous ces cas, les mégaloblastes ont déjà disparus lors du premier examen et le diagnostic est difficile. L’amélioration spontanée lente, une montée du taux des réticulocytes, et les circonstances cliniques, peuvent aider au diagnostic.

Lorsque aucune des hypothèses précédentes ne peut être retenue, le diagnostic des anémies normochromes arégénératives à moelle riche relève du spécialiste. Les explorations isotopiques trouvent là leur principale indication. La meilleure épreuve comporte une étude simultanée de la durée de vie des hématies marquées par le chrome 51 et du métabolisme du fer 59. La comparaison des données de ces deux examens permet au moins de comprendre le mécanisme de l’anémie qui est souvent complexe. Insistons sur le fait que les épreuves sont longues, difficiles et coûteuses et ne doivent être pratiquées que si l’on est parfaitement sûr de se trouver dans ce cadre des anémies normochromes arégénératives à moelle riche et après avoir éliminé les hypothèses ci-dessus. Par ces explorations, on pourra révéler : – tantôt une insuffisance médullaire quantitative pure, avec duré de vie des GR normale mais fixation médullaire et sortie sanguine du fer 59 diminuée, c’est une aplasie modérée ; – tantôt une érythropoïèse inefficace aboutissant à une insuffisance médullaire qualitative, c’est habituellement une « anémie réfractaire »; – tantôt une hémolyse précoce des réticulocytes à leur sortie de la moelle ; – tantôt une association de ces troubles, annonçant en général une hémopathie maligne.

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DIAGNOSTIC D’UNE ANÉMIE

DIAGNOSTIC DES ANÉMIES NORMOCHROMES ◗ RÉGÉNÉRATIVES

Le caractère régénératif est affirmé d’emblée ou après quelques jours par le taux de réticulocytes franchement supérieur à 150 000/mm3.



Distinguer d’abord hémorragie aiguë et hyperhémolyse

La démarche initiale la plus importante est la recherche systématique d’une hémorragie aiguë qui peut ne pas être encore extériorisée. Le toucher vaginal, le toucher rectal et la recherche d’un melæna sont indispensables dans tous les cas, ainsi que l’interrogatoire soigneux à la recherche d’un saignement extériorisé des jours précédents (hématémèse, épistaxis, melæna, hémoptysie, etc.). L’hyperhémolyse ne peut être retenue comme cause, que s’il existe des signes d’hémolyse intravaculaire ou si le taux de bilirubine non conjugué du sérum est franchement élevé, à condition que toute hémorragie ait été d’abord formellement éliminée. Tableau Tableau 6.VIII. 8.IV.

Comportement diagnostique initial devant une anémie regénérative. – Réticulocytes > 150 000/mm3 – VGM normal ou modérément augmenté

ANÉMIE RÉGÉNÉRATIVE

(1) Signe d’hémorragie aïgue abondante

(2) Pas d’hémorragie Bilirubine non conjuguée Haptogobine

Anémie aiguë hémorragique

Anémie hémolytique

(1) et (2) négatifs suivre l’évolution

Correction Anémie Extériorisation centrale retardée en cours d’une hémorragie de réparation

Dans un certain nombre de cas, on ne trouve ni signes hémorragiques, ni signes d’hyperhémolyse (bilirubine non conjuguée et haptoglobine normales) et aucune cause suffisamment probante en faveur de l’un ou l’autre diagnostic. Il faut alors penser à un 3e mécanisme d’anémie régénérative : la réparation d’une insuffisance d’érythropoïèse, que celle-ci soit due à l’introduction d’une thérapeutique corrigeant une carence (en vitamine B12, ou en acide folique par exemple) ou à l’arrêt d’un toxique pour l’érythropoïèse (alcool ou chloramphénicol par exemple).

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CONNAISSANCES



Diagnostic étiologique d’une hyperhémolyse

Le diagnostic est extrêmement difficile à schématiser. Bien que ce diagnostic soit souvent orienté d’emblée par le contexte, il est nécessaire de procéder selon une démarche systématique qui permette de n’ignorer aucune hypothèse. On peut raisonner de la façon suivante (tableau 6.IX) : Tableau 8.V. 6.IX. Tableau

Diagnostic étiologique d’une anémie hémolytique.

A) Les circonstances de survenue rendent parfois le diagnostic évident : Intoxication aiguë professionnelle, septicémie post abortum, morsure de serpent, accidents d’allo-immunisation, etc. B) Sinon : on cherchera de principe 3 causes d’hyperhémolyse aiguë : 1. Paludisme (goutte épaisse si fièvre). 2. Hémolyse des septicémies. Hémoculture si fièvre. 3. Accidents aigus du déficit en G6PD (dosage si contexte +) C) Deuxième temps. Recherche d’anomalie des hématies sur lames et test de Coombs. a) Examen de frottis 1. Microsphérocytose : maladie de Minkowski-Chauffard à confirmer (auto-hémolyse, famille) mais non spécifique. 2. Drépanocytose : électrophorèse d’Hb. 3. Aniso-poïkilocytose ou cellules-cibles : hémoglobinoses diverses : électrophorèse d’Hb. 4. Elliptocytose. 5. Schizocytose : anémie de cause mécanique. 6. Inclusions intra-érythrocytaires : hémoglobines instables, saturnisme, hémolyse par toxique oxydant. 7. Autres anomalies (stomatocytose, acanthocytose…) b) Test de Coombs direct érythrocytaire ; si positif : étude de la nature immunochimique de l’anticorps et élution. D) Troisième temps. Il n’y a pas d’anomalie sur lame et le test de Coombs est négatif, rechercher : 1. Un contexte familial d’hémolyse . 2. Exposition au saturnisme. 3. Pigmenturie : penser à la maladie de Marchiafava-Micheli et aux hémoglobines instables. 4. Porphyrie érythropoïétique congénitale (exceptionnelle).



Éliminer d’abord quelques causes d’anémies hémolytiques aiguës

Certaines sont de diagnostic évident par leur circonstance de survenue. C’est le cas des hémolyses aiguës par toxiques chimiques professionnels, toxines animales (serpents) ou bactériennes post abortum (septicémie à Perfringens). Elles sont rarement rencontrées. Un 2e groupe de causes d’hémolyse aiguë (ou chronique à poussée aiguë) doit être recherché par principe. Ce sont : – le paludisme (et les Bartonelloses) s’il y a un contexte géographique d’exposition, chercher le parasite dans le sang (« goutte épaisse »); – l’hémolyse bactérienne : hémoculture systématique s’il y a un tableau clinique en faveur d’une septicémie; 126 ◗



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DIAGNOSTIC D’UNE ANÉMIE

– l’accident aigu médicamenteux du déficit en G6PD, s’il y a eu prise de médicament ou infection virale récente (hépatite).



Si ces causes d’hémolyses aiguës ont été écartées

Deux examens sont essentiels : frottis de sang et test de Coombs direct.

L’examen du frottis de sang Il faut systématiquement examiner (et faire réexaminer par un spécialiste entraîné) le frottis de sang, si cela n’a pas été fait d’emblée. Cet examen est souvent très instructif. Il peut révéler : 1. Une microsphérocytose (Fig. 6.2). Elle n’est pas spécifique (fréquente notamment dans les auto-immunisations) mais lorsque le test de Coombs est négatif, elle doit faire rechercher d’abord la sphérocytose héréditaire ou maladie de Minkowski-Chauffard. Le diagnostic de cette maladie génétique est confirmé par l’augmentation de l’autohémolyse in vitro corrigible partiellement par le glucose. La fragilité osmotique, augmentée, n’a pas la même valeur diagnostique, car toute microsphérocytose s’accompagne d’une fragilité osmotique accrue. Le diagnostic sera confirmé par l’ektacytométrie, le contexte familial ou l’étude isotopique (voir p. 93). 2. Une drépanocytose (Fig. 6.3), découverte en règle chez un sujet noir (ou d’ascendance noire), elle impose l’électrophorèse d’hémoglobine. Le seul problème est de savoir si elle est responsable de l’hémolyse. C’est certain si l’électrophorèse de l’Hb montre la présence d’HbS et l’absence d’hémoglobine A (hémoglobinose S – ou drépanocytose – homozygote) ou une double hétérozygotie SC ou SD. S’il y a autant d’HbA que d’HbS, il s’agit d’une hétérozygotie et il faut trouver une autre cause à l’hémolyse. 3. Une grande aniso-poïkilocytose avec hypochromie et cellules en cibles (Fig. 6.4) évoque surtout une thalassémie. En fait, les thalassémies sont toujours microcytaires (voir p. 117) et ce diagnostic peut donc être écarté sur les seules données de la numération. L’hypochromie sur lame au cours d’une hémolyse doit donc faire rechercher d’abord une Hb instable, accessoirement une Hb, C, ou D, en fait rarement hémolytiques même chez les homozygotes. 4. L’elliptocytose (Fig. 6.5) permet le diagnostic d’elliptocytose familiale, anomalie de membrane, génétique, en règle générale bien tolérée (voir p. 93). 5. Une acanthocytose (GR en oursins) fait rechercher une anomalie des β-lipoprotéines; c’est un problème qui se pose chez de très jeunes enfants. Il est plus fréquent de rencontrer des acanthocytoses chez les cirrhotiques. 6. Une stomatocytose peut révéler une maladie familiale rare. 7. La schizocytose (Fig. 6.6) est beaucoup plus importante car si elle est isolée, elle révèle toujours une anémie hémolytique acquise de cause mécanique : – anémie des prothèses intracardiaques (voir p. 100); – ou des microangiopathies diffuses (voir p. 101). 127 ◗

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 6.2. Microsphérocytes. ➤

➤ Fig. 6.3. Drépanocyte et cellules cibles. ➤

➤ Fig. 6.4. Hématies en cible. ➤

➤ Fig. 6.6. Schizocytes. ➤



➤ Fig. 6.5. Elliptocytes. ➤

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DIAGNOSTIC D’UNE ANÉMIE

8. Des inclusions intra-érythrocytaires peuvent enfin révéler : – une hémolyse toxique (phénacétine), une hémoglobine instable (voir p. 107), une α-thalassémie avec hémoglobine H (voir p. 108), un déficit en G6PD (voir p. 89), s’il s’agit de corps de Heinz, – ou encore une anémie hémolytique du saturnisme (voir p. 102), s’il s’agit de granulations basophiles (hématies ponctuées).

Le test de Coombs Il faut également prescrire systématiquement un test de Coombs érythrocytaire direct. En effet l’immunisation anti-érythrocytaire (autoimmunisation le plus souvent) est le mécanisme le plus fréquent des hémolyses acquises. Si le test de Coombs direct est positif, il faut : – éluer l’anticorps pour étudier sa spécificité. On peut aussi préciser s’il s’agit bien d’un auto-anticorps; – en préciser la nature immunochimique (IgG, IgM complément), ce qui est utile sur le plan étiologique et thérapeutique.



S’il n’existe aucune anomalie des GR et si le test de Coombs est négatif

Si les grandes causes d’hémolyse aiguë ont été également éliminées, on recherchera dans le tableau clinique les éléments d’orientation. – Existence d’un contexte familial d’hémolyse chronique. On cherchera la même affection chez le malade. Si la maladie n’est pas identifiée, l’existence du contexte familial permet seulement de retenir le mécanisme corpusculaire de l’hémolyse et on sera amené à une recherche systématique des anomalies de membrane, d’hémoglobine et d’enzymes. – Existence d’une pigmenturie qui fera rechercher la maladie de Marchiafava-Micheli s’il s’agit d’hémoglobine (voir p. 103) et une hémoglobine instable s’il s’agit d’autres pigments (voir p. 107). – Notion d’exposition au saturnisme : doser la plombémie et la plomburie provoquée par les chélateurs (voir p. 102) car les hématies à ponctuations basophiles peuvent manquer. – Contexte évident de porphyrie érythropoïétique, très rare, avec hypértrichose, érythèmes et bulles cutanées à l’exposition solaire.



Si rien n’oriente le diagnostic

Si rien, ni dans les circonstances, ni dans le tableau clinique, ni sur le frottis de sang n’oriente le diagnostic (cas rare) on sera amené à envisager systématiquement toutes les causes possibles d’hyperhémolyse. Le problème est difficile et du ressort du spécialiste. On sera amené à penser à des causes d’hémolyse chronique intracorpusculaire : anomalie constitutionnelle de membrane, de l’hémoglobine, d’enzymes et maladie de Marchiafava-Micheli, ou extracorpusculaire, surtout une auto-immunisation sans auto-anticorps décelables. On ne peut se passer dans ce cas d’un bilan systématique comprenant : électrophorèse d’hémoglobine, autohémolyse in vitro, étude de la stabilité thermique de l’hémoglobine et tests de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne. 129 ◗

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CONNAISSANCES

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Thérapeutiques antianémiques médicamenteuses Introduction

◗ Les indications des différents médicaments antianémiques sont résumées dans le tableau 7.I. Le tableau 7.II résume les possibles effets secondaires de ces médicaments ainsi que les traitements qui doivent leur être associés. ◗ Il faut se rappeler que les médications antianémiques d’usage courant (fer, acide folique, et vitamines B12) n’ont d’efficacité que lorsqu’il existe un déficit correspondant. ◗ Contrairement à ce que suggèrent de nombreuses publicités médicales, il n’existe aucun médicament antianémique « tous azimuts ». ◗ La stimulation de l’érythropoïèse par la corticothérapie relève par ailleurs de cas particuliers et d’un domaine spécialisé. L’indication de la vitamine B6 relève également de cas fort rares du domaine du spécialiste. Quant à l’érythropoïétine recombinante, elle n’est à coup sûr indiquée que dans l’anémie sévère de l’insuffisant rénal chronique et dans l’anémie induite par des chimiothérapies avec un sel de platine. Tableau Tableau8.I. 7.I.

Indications des médicaments antianémiques.

Médicament

Indications

Doses

Sels de fer per os

Anémies par carence martiale prouvée

100 à 200 mg de fer métal par jour (le nombre de comprimés dépend de la teneur en fer du sel utilisé, précisée dans le dictionnaire des spécialités). Durée : 4 mois

Fer injectable

Grandes malabsorptions Dialysés rénaux Exceptionnellement sidéropénie carentielle résistante au fer per os

Cf. : Indications données par le laboratoire

Vitamines B12 per os

Pas d’indication sauf exceptionnelle carence d’apport

Vitamines B12 per os + facteur intrinsèque animal

Pas d’indication

Vitamines B12 IM

Exclusivement : anémie par carence prouvée en vitamines B12

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Hydroxocobalamine : 1 000 μg/ injection ; 6 injections suffisent à remplir les réserves, puis 1 injection/ mois Cyanocobalamine : 1 000 μg/injection tous les 2 jours jusqu’à 10 ou 12 puis 1 injection/mois



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CONNAISSANCES

Tableau 7.I.

Suite

Acide folique per os

Exclusivement carence prouvée en acide folique

Spéciafoldine 5 à 15 mg/jour (1 cp. contient 5 mg)

Acide folinique

Pas d’indication sauf grande malabsorption et neutralisation d’un traitement antifolique

Variable selon les indications

Prednisone

Anémies hémolytiques auto-immunes et certaines érythroblastopénies

1,5 à 2 mg/kg jour, puis doses dégressives. Indication du spécialiste.

Androgènes

Exclusivement insuffisance médullaire quantitative grave

2 mg/kg jour. Indication du spécialiste.

Érythropoïétine recombinante

– Anémie de l’insuffisance rénale. – Anémie des cancers traités par cisplatine

Indication du spécialiste

Tableau 7.II.

Possibles effets secondaires des principaux médicaments antianémiques et traitements associés.

Médicament

Effets secondaires

Traitements associés

Sels de fer per os

Mineurs : Coloration noire des selles Troubles digestifs Majeurs : Troubles neurologiques par surdosage observés seulement chez l’enfant

Traitement de la cause en cas d’étiologie hémorragique Pansements digestifs en cas d’intolérance digestive

Fer injectable

Réactions inflammatoires Pigmentation cutanée au point d’injection, indélébile Substance cancérigène chez le rat

Vitamines B12 per os Vitamines B12 per os + facteur intrinsèque animal

Hétéro-immunisation vis-à-vis des protéines animales

Vitamines B12 IM

Exceptionnelles allergies

Acide folique per os

Vitaminothérapie B12 IM toutes les fois qu’un déficit associé en B12 peut exister (risque de syndrome neuroanémique)

Acide folinique Prednisone

Tous ceux d’une corticothérapie massive : à ne décider qu’en milieu spécialisé

Androgènes

Ceux d’une androgénothérapie à doses élevées (virilisation, retentissements prostatique, hépatique, etc.). À ne décider qu’en milieu spécialisé

132 ◗

Comme pour toute corticothérapie



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8

La transfusion sanguine CNEM ◗ LES PRODUITS SANGUINS LABILES : NATURES ◗ ◗

◗ ASPECTS MÉDICO-LÉGAUX DE LA TRANSFUSION

ET INDICATIONS LES BASES IMMUNOLOGIQUES DE LA TRANSFUSION ET LES RÈGLES DE PRESCRIPTION DES PRODUITS SANGUINS LABILES LES ACCIDENTS TRANSFUSIONNELS

◗ ◗

SANGUINE ET GRANDS PRINCIPES DE L’HÉMOVIGILANCE. AVENIR ET PERSPECTIVES EN TRANSFUSION SANGUINE LES MÉDICAMENTS DÉRIVÉS DU SANG

LES PRODUITS SANGUINS LABILES ◗ NATURES ET INDICATIONS

:

Les produits sanguins labiles (PSL) sont obtenus à partir d’un don de sang total dont la séparation permet d’obtenir des concentrés de globules rouges, des concentrés plaquettaires unitaires et du plasma. Le don peut être plus « ciblé » grâce à des échangeurs de cellules afin de ne prélever chez le donneur que les plaquettes ou le plasma mais en plus grande quantité.



Les concentrés de globules rouges (CGR)

Les CGR résultent du fractionnement d’un don de sang total. Le volume est d’environ 250 ml, l’hématocrite de 60 à 80%, le milieu comprend une solution anticoagulante à base de citrate ainsi qu’une réserve en adénine destinée à préserver la durée de vie des hématies. Le soutien transfusionnel en CGR est indiqué dans de multiples circonstances, parmi les principales, signalons : – les syndromes hémorragiques post-traumatiques ou chirurgicaux; – les anémies d’origine centrale par insuffisance médullaire quantitative (aplasie, hémopathie maligne, chimiothérapie…) ou qualitative (hémoglobinopathie…); – l’exsanguino-transfusion. D’une façon générale, le soutien transfusionnel en CGR est indiqué plus sur la tolérance de l’anémie que sur le seul chiffre d’hémoglobine. Le seuil transfusionnel toutefois admis dans le traitement des anémies centrales d’origine maligne et/ou chimio-induite est de l’ordre de 8 g/dL. Toutefois, dans certaines situations où l’adaptation de l’organisme à une anémie prolongée, voire chronique n’est pas possible, un seuil transfusionnel de 10 g/dL est envisageable : CNEM : item 178 « Transfusion sanguine et produits dérivés du sang : indications, complications. Hémovigilance ».

133 ◗



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CONNAISSANCES

– sujet âgé, – patient avec insuffisance cardiaque et/ou respiratoire, – insuffisance coronaire, artériopathie. Le cas particulier des anémies hémolytiques auto-immunes relève d’un avis spécialisé (voir p. 97). Aucune anémie aisément curable sans risque pour le patient ne doit être traitée par transfusion (carence martiale, maladie de Biermer, érythropoïétine chez l’insuffisant rénal chronique…). (VST) x (Hb désirée – Hb initiale)

Nombre de CGR à transfuser :

Quantité d’Hb par CGR

• VST (volume sanguin total) = Homme et nourrisson : 80 mL/kg, Femme : 70 mL/kg • Quantité d’Hb par CGR = environ 50 g



Qualifications des CGR

– Le CGR standard respecte la seule compatibilité ABO et Rh D – Le CGR « phénotypé » respecte en sus la compatibilité des antigènes C, c, E, e du système Rhésus et de l’antigène K du système Kell. Ils sont indiqués chez les femmes en âge de procréer, mais aussi chez les fillettes (prévention de l’allo-immunisation en vue de futures grossesses), chez les patients présentant des allo-anticorps anti-érythrocytaires, et également à titre préventif chez des patients polytransfusés ou transfusés au long cours (et à présent volontiers indiqués chez tous les enfants). – Le CGR avec « phénotypage étendu » respecte la compatibilité d’autres systèmes potentiellement immunogènes (Duffy, Kidd, MNSs…). Il est indiqué en cas de risque d’extension d’une poly-alloimmunisation. – Le CGR « compatibilisé » : il s’agit de rechercher une incompatibilité in vitro entre un échantillon du CGR et le sérum du patient. Cette précaution est obligatoire en cas d’allo-immunisation anti-érythrocytaire, de grossesse ainsi que chez les polytransfusés. – Le CGR « CMV négatif » : Il est recueilli auprès de donneurs séronégatifs pour le cytomégalovirus. Son emploi est réservé aux patients immunodéprimés, eux-mêmes « CMV négatifs » et aux transfusions in utero (la déleucocytation systématique constituant déjà une bonne prévention de transmission du CMV).



Transformation des CGR

Le CGR « irradié » L’irradiation a pour but de bloquer la potentialité de mitose des leucocytes, empêchant ainsi une réaction de type greffon contre l’hôte susceptible de survenir chez des patients immunodéprimés incapables d’éliminer les lymphocytes transfusés. L’irradiation varie de 25 à 45 Grays, elle n’entraîne pas d’altérations fonctionnelles des hématies. Les indications sont : – un programme de recueil de cellules hématopoïétiques, – greffe de moelle, transplantation d’organe, – déficit congénital ou acquis de l’immunité cellulaire (sauf sida), – transfusion in utero, prématurité, 134 ◗



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LA TRANSFUSION SANGUINE

– traitement fortement immunosuppresseur, – maladie de Hodgkin.

Le CGR « déplasmatisé » Il s’agit d’éliminer les protéines plasmatiques résiduelles à l’origine de réaction allergique. On retient les indications suivantes : – déficit congénital en IgA, en raison du risque de choc anaphylactique par transfusion d’IgA si des anticorps anti-IgA sont présents, ou de sensibilisation si les anticorps anti-IgA ne sont pas encore apparus; – hémophilie avec anticorps anti-facteur VIII acquis; – antécédents de réactions anaphylactiques post-transfusionnelles notables ou répétées.

Le CGR « congelé » La cryoconservation au long cours des CGR est rendue possible par ajout de glycérol comme cryoprotecteur. Ces produits sont à réserver aux patients présentant des groupes sanguins rares ou des tableaux de poly-alloimmunisation, rendant le nombre de donneurs potentiels très réduit.

Le CGR « pédiatrique » Il résulte de la séparation d’un CGR en plusieurs sous-unités afin de disposer de culots de volume réduit destinés à des enfants de faible poids. Un patient pourra ainsi être transfusé plusieurs fois à partir d’un même don, minimisant les risques infectieux et immunologiques.

Les produits sanguins labiles sont à présent systématiquement déleucocytés (moins de 106 leucocytes/poche) ce qui a l’intérêt : • d’améliorer la conservation des CGR, • de prévenir des syndromes frissons-hyperthermie, • de diminuer le risque de transmission virale, • de minimiser les réactions immunes allogéniques.

À part : le CGR « autologue » Il peut être recueilli par un don autologue classique de sang total ou par érythraphérèse. Son indication classique relève d’une transfusion programmable, à l’occasion d’une intervention chirurgicale non urgente. Ce type de CGR permet de diminuer les risques infectieux virologiques et immunologiques.

les antigènes ABO, il convient, dans la mesure du possible, de respecter cette compatibilité pour un meilleur rendement.

Les concentrés plaquettaires (CP)



Le CP standard (CPS)

Il est obtenu par centrifugation et séparation à partir d’un don de sang total (soit une unité de sang) et contient 0,5.1011 plaquettes. La posologie requise pour une transfusion de plaquettes étant généralement d’une unité pour 7 kg de poids, on doit ainsi procéder à un « poolage « de plusieurs unités, (douze au maximum et donc autant de donneurs) pour une transfusion efficace, ce qui majore les risques infectieux, voire immunologiques. ◗

◗ Les plaquettes exprimant



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8

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CONNAISSANCES

◗ ◗ Dans la mesure des stocks disponibles, les CPA doivent être préférés aux CSP.

Le CP d’aphérèse (CPA)

Il est obtenu auprès d’un donneur unique par thrombophérèse (grâce à un séparateur automatique de cellules en circulation extra-corporelle). Il contient de 2 à 8.1011 plaquettes. Le don unitaire permet de réduire les risques immunologiques et infectieux. Les CP contiennent quelques stromas globulaires porteurs d’antigènes Rhésus, si le respect de la compatibilité D ne peut pas être fait, il existe un risque théorique d’allo-immunisation anti-D pour laquelle certains préconisent à titre préventif un traitement associé de 100 μg de γ−globulines anti-D (en sachant que la pénurie chronique de ce produit doit faire privilégier son indication chez les femmes enceintes pour la prophylaxie d’une immunisation foeto-maternelle).



Les CP sont indiqués à titre préventif en cas de thrombopénies centrales pour maintenir un seuil plaquettaire de 20 x 109/L (hémopathie maligne, chimiothérapie). Certaines équipes ont proposé des seuils entre 10 et 20.109/L chez des patients par ailleurs « stables », ne présentant pas de facteur de surconsommation plaquettaire (absence de fièvre, de sepsis, de CIVD…). Les patients présentant des thrombopénies chroniques sévères (inférieures à 20 000/mm3) sans syndrome hémorragique peuvent cependant bénéficier d’une simple surveillance et ne recevoir des CP qu’en cas de manifestations hémorragiques. En revanche, la nécessité de réaliser un geste invasif (ponction, pose de cathéter, chirurgie) impose un seuil supérieur à 50.109/L. De même, un patient présentant un facteur de risque hémorragique comme un traitement anticoagulant associé, ou une lésion digestive à fort risque de saignement, une ventilation mécanique, une tumeur cérébrale, ou des antécédents hémorragiques graves doit se voir proposer un protocole destiné à maintenir un seuil de 50.109/L. En cas de CIVD, il faut maintenir le taux de plaquettes supérieur à 50.109/L en administrant pour cela 2 unités/7 kg de poids, à éventuellement répéter dans la journée. Les transfusions de CP sont recommandées à titre préventif lors des transfusions massives de CGR qui peuvent susciter une thrombopénie par perte et dilution. Les CP peuvent être également indiqués dans certaines thrombopathies surtout constitutionnelles sans même thrombopénie associée. La transfusion de CPA ou CPS n’est pas indiquée (voire contre-indiquée) lors des thrombopénies périphériques (PTI, microangiopathie thrombotique, thrombopénie à l’héparine…) car inutile, dans la mesure où les plaquettes transfusées seront comme les plaquettes autologues rapidement éliminées. En cas de syndrome hémorragique menaçant (hémorragie digestive ou méningée) l’apport de plaquettes pourra néanmoins favoriser une hémostase transitoire.



Le plasma

En règle générale obtenu par plasmaphérèse, il est disponible sous 3 formes : – le plasma viro-inactivé est obtenu après poolage d’une centaine de dons, soumis à l’action virucide de solvants-détergents actifs sur les ◗

◗ Adultes : 1 unité pour 7 kg de poids, enfants : 2 unités pour 7 kg de poids.

Les indications

136 ◗

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LA TRANSFUSION SANGUINE

virus enveloppés (VIH, VHB, VHC…) mais non sur les virus nus (VHA, parvovirus B19…); – le plasma sécurisé par quarantaine : le plasma recueillit lors du don est congelé et le donneur contrôlé 4 mois plus tard sur le plan viral. Si les tests demeurent négatifs, écartant les risques de prélèvement initial en période d’incubation sérologique, le plasma peut alors être délivré; – le plasma solidarisé : en cas de besoin transfusionnel en CGR et plasma, les deux types de produits distribués auront pour origine le même don afin de réduire les risques infectieux.



Les indications

Le plasma doit être strictement réservé à quatre indications et cellesci doivent figurer sur la prescription : – hémorragie aiguë avec déficit global des facteurs de la coagulation, – coagulopathies graves de consommation avec effondrement des facteurs de la coagulation, – déficit congénital isolé d’un facteur de la coagulation pour lequel il n’existe pas de produit spécifique de substitution (facteurs V, XI), – échange plasmatique dans le cadre d’une microangiopathie thrombotique. La transfusion d’1 mL/kg de plasma permet d’augmenter le TP de 2%, la posologie requise est le plus souvent comprise entre 15 et 25 mL/kg. Les unités de plasma issues du don de sang total sont destinées au fractionnement biologique pour assurer la production des médicaments dérivés du sang (immunoglobuline, albumine…).

Conditions de conservation des PSL • CGR : entre 4 ˚C et 8 ˚C durant 42 jours. • CP : entre 20 et 24 ˚C sous agitation lente et continue, au plus 5 jours. • Plasma : – 30 ˚C durant un an.



Le « sang total reconstitué »

Le sang total n’existe plus en tant que tel, au profit du sang reconstitué, c’est-à-dire du mélange de CGR et de plasma (ou d’albumine). Ces indications se limitent aux exsanguino-transfusions.



Le concentré de granulocytes d’aphérèse (CGA)

Les CGA sont obtenus, comme les CPA, par aphérèse, auprès de donneurs préalablement « stimulés » par corticoïdes afin d’enrichir le prélèvement. Les indications sont limitées aux patients en agranulocytose présentant des infections graves (cellulite bactérienne ou fungique) rebelles aux antibiotiques. La mise à disposition des CGA exige une logistique lourde pour laquelle, plus que jamais, les indications de prescription doivent être sérieusement établies. L’emploi des CGA exige une irradiation systématique compte tenu du risque de réaction immunologique post-transfusionnelle du greffon contre l’hôte. L’emploi du G-CSF, non encore autorisé en France dans cette indication, permet d’obtenir auprès de donneurs ainsi stimulés de grande quantité de granuleux par ailleurs plus fonctionnels.

137 ◗

8



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CONNAISSANCES

Les PSL ont un coût (au 26 avril 2001) Concentré de globules rouges : 1016 F. Concentré de plaquettes d’aphérèse : 1217 à 3590 F (suivant « richesse » en plaquettes). Concentré de plaquettes standard : 3CPS : 980 F, 6 CPS : 1426 F. Plasma frais-congelé viro-inactivé : 662 F.

IMMUNOLOGIQUES DE LA TRANSFUSION ◗ ETLESLESBASES RÈGLES DE PRESCRIPTION DES PRODUITS SANGUINS LABILES Il existe une grande variété de groupes sanguins et tissulaires (26 identifiés à ce jour); certains groupes présentent un intérêt en pratique clinique.



Le système ABO

➤ Fig. 8.1. Les antigènes ABO. ➤ Glycosyl-transférase A N-acétyl galactosamine : phénotype A Hématie Galactose : phénotype B Substance H : phénotype O Glycosyl-transférase B

Les enzymes ABO sont des glycosyltransférases capables de fixer certaine unité glucidique sur des radicaux sucrés présents à la surface des cellules. Les patients de phénotype O sont déficients pour les enzymes susceptibles de fixer les sucres capables de conférer un phénotype A, B ou AB (cf. schéma). Les allèles A et B sont codominants car pouvant s’exprimer simultanément si l’un et l’autre sont présents. Un sujet possède dans son sérum les anticorps dirigés contre les antigènes dont il est dépourvu : – Le sujet de groupe A possède des anticorps anti-B. – Le sujet de groupe B possède des anticorps anti-A. – Le sujet de groupe O possède des anticorps anti-B et anti-A. – Le sujet de groupe AB n’a pas d’anticorps anti A ou anti B.

Fréquence des phénotypes en France • 10% de sujets B • 5% de sujets AB



• 45% de sujets A • 40% de sujets 0

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LA TRANSFUSION SANGUINE

Ces anticorps sont : – Naturels, c’est-à-dire retrouvés dès les premiers mois de vie en dehors de toute allo-immunisation apparente (ils seraient en fait suscités par la flore digestive progressivement acquise après la naissance et dont les constituants comportent des motifs antigéniques voisins des antigènes A et B). Ces anticorps sont des IgM (ils ne traversent pas le placenta). – Réguliers : ils sont constamment présents chez tous les individus dépourvus de l’antigène. Les antigènes ABO définissent un groupe tissulaire : ils sont exprimés à la surface des globules rouges, mais aussi au niveau des endothéliums vasculaires, des hépatocytes, des cellules rénales… La transfusion de globules rouges doit impérativement tenir compte de la compatibilité ABO, il doit s’agir soit d’une transfusion identique (iso-groupe), soit d’une transfusion compatible :

un un un un

patient patient patient patient

de de de de

groupe groupe groupe groupe

O ne peut recevoir que des CGR O, A ne peut recevoir que des CGR O ou A, B ne peut recevoir que des CGR O ou B, AB peut recevoir des CGR O, A, B ou AB.

À signaler : • Certains sujets peuvent développer des anticorps « immuns » anti-A et/ou anti-B à titre élevés de nature IgG (suite à une transfusion, une grossesse ou sans cause identifiée) en sus de leur anticorps « naturels » de type IgM. Ces anticorps à titre élevés, présents dans les reliquats plasmatiques des CGR et surtout des CP et plasma peuvent susciter une hémolyse des hématies autologues du patient en cas de transfusion ABO compatible mais non identique. De tels produits doivent être strictement réservés à des transfusions iso groupes. • Les phénotypes A1 et A2 : les individus de groupe A expriment une quantité variable d’antigène à la surface des hématies. La glycosyltransférase des individus de groupe A1, plus active que celle de groupe A2 leur permet d’accrocher environ un million d’antigènes par hématies contre (250 000 pour A2). Cette distinction a toutefois peu d’intérêt transfusionnel. • Le phénotype « Bombay » (décrit initialement à Bombay) : représente d’exceptionnels sujets déficients pour l’enzyme capable de fixer la substance H à la surface des hématies. En dépit de glycosyl-transférases A et B normales, ces patients ne pourront exprimer de phénotype ni O ni A ni B et présenteront des anticorps naturels anti-O, anti-A et anti-B. En cas de besoins transfusionnels, seules les unités de sang provenant de donneurs possédant le même phénotype pourront être dispensées.



Le système Rh

Il comporte de nombreux antigènes distincts dont cinq sont importants en pratique clinique courante : – l’antigène D : le plus immunogène, – les antigènes C et c qui se comportent comme fruit de l’expression ◗

– – – –

139 ◗

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CONNAISSANCES

de deux gènes allèles, – les antigènes E et e qui se comportent comme fruit de l’expression de deux gènes allèles. En réalité, le locus de l’haplotype rhésus, situé sur le chromosome 1, comporte deux gènes : le gène RhD à l’origine du polypeptide D (dont le gène allèle inactif confère le phénotype d) et le gène RhCE qui selon une capacité variable suivant les individus produit les antigènes C, c, E, e au terme de mécanismes d’épissages alternatifs des transcrits.

Les anticorps produits contre les antigènes du système Rhésus sont : – immuns car ils résultent d’une allo-immunisation par transfusion antérieure ou par incompatibilité foeto-maternelle acquise lors d’une grossesse antérieure ; – irréguliers car non présents chez tous les individus. Les polypeptides porteurs des antigènes rhésus relient à plusieurs reprises les surfaces interne et externe de la membrane des hématies, semblables à des canaux, ils sont vraisemblablement impliqués dans des phénomènes de transports trans-membranaires. De rares patients, déficitaires pour les antigènes du système rhésus (phénotype rhésus nul), présentent un niveau variable d’hémolyse corpusculaire.



Les autres systèmes de groupe sanguins

On retrouve à la surface des hématies de nombreux autres antigènes n’appartenant pas aux groupes ABO et Rh. Ces antigènes sont en règle moins immunogènes mais peuvent parfois susciter en cas d’incompatibilité transfusionnelle une allo-immunisation avec risque d’hémolyse. – Le système Kell : l’antigène K est le plus immunogène de ce groupe; 90% de la population est K négatif, c’est-à-dire porteur à l’état homozygote de l’allèle k (alias celano) et donc susceptible de s’allo-immuniser contre l’antigène K. Les différents phénotypes possibles sont donc KK, Kk et kk. La fonction précise des antigènes de ce système est inconnue, mais leurs structures rappellent celles de certaines endopeptidases. – Le système Duffy : il comprend 2 gènes allèles produisant 2 antigènes antithétiques, Fya et Fyb (3 phénotypes courants en France : Fy (a+b+), Fy (a+,b-) et Fy (a-, b+)). Il est à noter que la majorité des ◗

◗ Un patient D+ peut recevoir des CGR D+ ou D-.

Ces antigènes sont uniquement présents sur les hématies, définissant ainsi un système de groupe sanguin. Les différents phénotypes rencontrés seront D+C+E-c+e+, D+C+E-c-e+, D-C-E+c+e+, D-C-E-c+e+, etc. (certains courants, d’autres rarissimes). Les patients possédant l’antigène D sont dits Rh positif (85% de la population caucasienne). Les patients dépourvus de l’antigène D sont dits Rh négatif. La règle transfusionnelle minimale est de respecter la compatibilité Rh D : un patient Rh négatif doit recevoir du sang Rh négatif (hormis des situations exceptionnelles d’extrême urgence transfusionnelle avec pénurie de sang Rh négatif). Une plus stricte compatibilité transfusionnelle, étendue aux antigènes C, c, E, e, doit être respectée chez les femmes de moins de 45 ans, chez les polytransfusés, ainsi que chez les enfants dans le but de prévenir une allo-immunisation contre ces antigènes (prévention de la maladie hémolytique du nouveau-né).

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LA TRANSFUSION SANGUINE

sujets noirs ont un phénotype Fy (a-b-). Certains antigènes du système Duffy constituent une porte d’entrée pour le plasmodium vivax. – Le système Kidd : il comprend 2 gènes allèles produisant 2 antigènes antithétiques, Jka (ou Jk1) et Jkb (ou Jk2), avec 3 phénotypes courants Jk (a+b+), Jk (a+b-), Jk (a-b+) ; Les anticorps anti-Jka ont la réputation d’être perfides et dangereux (difficile à détecter et à l’origine d’accident grave). – Le système MNSs : il est surtout intéressant par l’impact immunogène de l’antigène S susceptibles de provoquer l’apparition d’anti-S à l’origine d’accident hémolytique. – D’exceptionnels sujets peuvent manquer d’un antigène de groupe ou tissulaire communs à toutes les personnes (antigène dit public), soit posséder un groupe particulier très rare. Ces sujets doivent être transfusés soit par leurs propres globules rouges (auto-transfusion), soit par des globules issus de donneurs très ciblés, possédant les mêmes caractéristiques immunologiques.



Règles de prescription

« La transfusion est un acte médical délégué au personnel infirmier ». Il faut en premier lieu, informer le patient et peser l’indication de la transfusion de PSL avec respect des indications dans le choix des qualifications et éventuelles transformations.

La prescription de concentrés globulaires rouges Elle requiert : – une recherche d’agglutinines irrégulières sérique (RAI) datant de moins de 3 jours, – un groupage ABO Rh D avec deux déterminations; éventuellement un phénotype Rhésus (DCcEe) Kell (Kk) – l’épreuve de compatibilité in vitro pré-transfusionnelle (au laboratoire) est nécessaire pour les patients présentant une RAI positive, une transfusion précédente sans rendement explicable, une hémolyse, (test la compatibilité entre le sérum du patient et les poches de sang à transfuser en recherchant une agglutination), – la précision du nombre de CGR requis et leur qualification éventuelle, – la précision de l’identité du prescripteur et du receveur.

Contrôle ultime au lit du malade Obligatoire, dernier rempart contre l’accident ABO, il est, en règle générale, réalisé par l’infirmière : – vérification de l’identité du patient, de son groupe (carte) et celui de la poche de sang (étiquette). L’infirmière doit également vérifier la date de péremption et l’intégrité de la poche, l’aspect du produit (coagulé ou hémolysé); – vérification de la compatibilité du groupe ABO du patient et du CGR par la méthode de Beth-Vincent (voir p. 152); – les PSL distribués doivent être utilisés dans les 6 heures suivant leur distribution. La transfusion proprement dite ne doit pas excéder 2 heures par CGR, et doit faire l’objet d’une surveillance rapprochée; 141 ◗

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CONNAISSANCES

– le retour d’information à l’Établissement français du sang (EFS) du PSL transfusé est obligatoire afin d’assurer la traçabilité des produits.

Lors de la sortie du patient : – information et remise d’un document relatif à la transfusion reçue, – bilan sanguin à effectuer 3 mois plus tard (RAI, sérologie VIH, VHC, anti-HbC, Ag HBs, ALAT).

Distribution – Le PSL doit être accompagné d’une fiche de distribution nominative (identité du patient, type de produit). – En France, chaque produit sanguin possède un numéro de don « spécifique » définissant son identité.

La prescription de concentrés plaquettaires requiert : – un groupage ABO, Rh D avec deux déterminations, – une prescription indiquant le nombre d’unités requises, le poids du patient, sa numération plaquettaire et la présence d’en éventuel syndrome hémorragique, – l’identification du patient et du prescripteur.

◗ LES ACCIDENTS TRANSFUSIONNELS ◗

Les accidents immédiats



Le tableau d’hémolyse intra-vasculaire aiguë par incompatibilité ABO

Les IgM « naturelles » anti-A et/ou anti-B peuvent susciter par le concours de l’activation directe du complément une hémolyse rapide, intravasculaire, indépendamment de toute antériorité transfusionnelle. L’accident qui survient généralement durant la transfusion de CGR, est de gravité potentiellement extrême (quelques millilitres peuvent suffire à déclencher un accident mortel). Ce tableau pourra associer de façon diverse : – malaise, frissons, hyperthermie, céphalées, oppression thoracique, douleurs lombaires violentes, angoisse, sensation de chaleur du visage, brûlure dans la veine d’injection; – l’examen peut retrouver une chute de la tension artérielle, une tachycardie, une polypnée, des sueurs, un syndrome hémorragique (en rapport avec une CIVD), une hyperthermie; – chez un patient anesthésié, le tableau se résume à un tableau de choc hémodynamique avec syndrome hémorragique; – secondairement, le tableau se complètera par un collapsus cardiovasculaire complet, la poursuite du syndrome hémorragique, des urines couleur porto puis une anurie et enfin un éventuel ictère plusieurs heures après. Dans certains cas, le tableau sera moins dramatique, pouvant même passer inaperçu et seulement responsable d’une transfusion inefficace. 142 ◗



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LA TRANSFUSION SANGUINE

Conduite à tenir – Arrêt immédiat de la transfusion et conservation de la voie veineuse – Traitement du choc : oxygène au masque, remplissage, diurétique, amine vaso-pressives, transfert en réanimation. – Vérification de l’identité du malade, de son groupe et de celui des poches de sang. – Vérifier les résultats de l’épreuve ultime du contrôle ABO.

Diagnostic biologique de l’accident aigu – Affirmer l’hémolyse : teinte rosée du plasma, hémoglobinurie, élévation des LDH, effondrement de l’haptoglobine, hémoglobinémie plasmatique, hémoglobinurie. L’élévation de la bilirubine est différée de plusieurs heures. – Bilan d’hémostase à la recherche d’une CIVD. – Au laboratoire : vérification du groupe du patient et du reliquat de la poche. – Test de Coombs direct, recherche d’agglutinines irrégulières, épreuve de compatibilité, élution. Ces examens immunologiques sont à répéter quelques jours après car les anticorps peuvent être adsorbés sur les hématies hémolysées contenue dans l’échantillon initial. Le test de Coombs direct (TCD) Les hématies transfusées (et non encore hémolysées) ont fixé des anticorps du receveur. In vitro, ces hématies sont incubées avec une antiglobuline humaine provoquant alors une agglutination visible. Élution des anticorps fixés sur les hématies Elle consiste à détacher les anticorps fixés sur les hématies du receveur puis à les tester avec des hématies d’un pannel pour en connaître les antigènes cibles. L’élution permet de rechercher des anticorps fixés sur des stromas globulaire d’hématies hémolysées et ainsi plus sensible que le test de Coombs qui ne teste que les hématies encore intactes.

Enquête Erreur d’étiquetage d’un tube, homonymie, contrôle non fait ou mal interprété.



Le syndrome frisson-hyperthermie

Il s’agit d’un incident fréquent, associant fièvre et frissons pendant et/ou au décours de la transfusion (jusqu’à 6 heures après) sans état de choc ; parfois associé à une éruption urticarienne avec prurit. L’évolution est en règle rapidement favorable. Plus rarement, on peut observer une dyspnée asthmatiforme, un choc anaphylactique, voire un œdème lésionnel pulmonaire.

Étiologies – Immunologiques : anticorps anti-HLA, anti-leucoplaquettaires, antiérythrocytes ou présence de cytokines pyogènes libérées par les granuleux et les plaquettes (IL1, IL6). Les anticorps anti-HLA et leucoplaquettaires sont le plus souvent acquis après transfusion ou grossesse et peuvent être à l’origine de mauvais rendement transfusionnel en plaquettes. Leur prévention repose sur : • le dépistage des anticorps anti-HLA et leucoplaquettaires ainsi que la déleucocytation systématique des produits sanguins labiles; 143 ◗

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CONNAISSANCES

• la prescription d’anti-histaminique voire de corticoïde en cas d’intolérance reste controversée; • la sélection de produits compatibilisés avec le sérum du patient et la sélection de donneurs compatibles vis-à-vis des allo-immunisations HLA et leucoplaquettaires. – Non immunologiques : des réactions liées à une contamination transfusionnelle par des agents infectieux ou toxiques doivent être évoquées.



Les manifestations allergiques

Elles sont dues à des anticorps anti-IgA développés chez les patients ayant un déficit congénital en IgA (1/700). Les résidus plasmatiques des produits sanguins cellulaires transfusés apportent des IgA pouvant être à l’origine de manifestations allergiques graves (choc anaphylactique). La prévention repose sur la prescription de produits cellulaires déplasmatisés (par lavage) chez les patients à risque, associée à l’administration d’anti-histaminiques et de corticoïdes. Noter que risque et prévention sont comparables pour les patients hémophiles ayant développés un anti-VIII.



Il peut être lié à une bactériémie chez le donneur, une faute d’asepsie lors du don, une poche perméable, de mauvaises conditions de conservation (risque d’accidents en série). Il faut alors impérativement stopper la transfusion, prendre les mesures de réanimation nécessaires, réaliser des hémocultures, prescrire une antibiothérapie à large spectre, effectuer des examens bactériologiques et rechercher des endotoxines dans les poches transfusées (et éliminer un accident immunologique). Il faut également alerter le centre de transfusion afin de prendre des mesures conservatoires concernant d’autres poches potentiellement infectées.



Les accidents de surcharge : les plus fréquents des accidents transfusionnels

La surcharge circulatoire Elle risque de survenir après une transfusion trop rapide et massive surtout chez un patient insuffisant cardiaque. Un terrain à risque particulier est le post partum. Le tableau d’œdème pulmonaire associe dyspnée, toux, cyanose et crépitants. Une transfusion lente (au maximum 2 heures par culot) entrecoupée d’injection de furosémide et surveillance régulière du patient (état général, pression artérielle, dyspnée) constitue les mesures préventives essentielles.

La surcharge en citrate La surcharge en sels de citrate est liée aux produits anticoagulants présents dans les PSL qui suscitent une chélation du calcium sérique. Elle se rencontre essentiellement lors de transfusions massives, se manifestant par des crises tétaniques, voire des troubles du rythme ◗

◗ Le tableau peut associer des signes de choc pendant ou au décours immédiat de la transfusion avec vomissements, diarrhées et douleurs abdominales.

Le choc septique ou endotoxinique (gravissime)

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LA TRANSFUSION SANGUINE

cardiaque. La prévention repose sur l’apport concomitant de gluconate de calcium par voie intraveineuse.

Règle à respecter 1 ampoule de gluconate de Ca 10% pour 500 mL transfusée 1 PFC* +/– 1CP pour 4 à 6 CGR (penser également à réchauffer le sang) *PFC = plasma frais congelé

Complications métaboliques Des complications métaboliques comme hyperkaliémie et hyperammoniémie peuvent également se rencontrer en cas de transfusions massives.



Le syndrome « d’hémodilution »

La transfusion massive et exclusive de CGR finit par conduire à une dilution et consommation des plaquettes ainsi que des facteurs plasmatiques de la coagulation à l’origine d’un syndrome hémorragique. Il convient de prévenir de telles situations par l’apport concomitant aux CGR, de plasma et de CP.

Résumé Points clés Devant une réaction d’intolérance à une transfusion, on doit de principe évoquer : – un choc endotoxinique et/ou septique, – un accident ABO, – une allo-immunisation anti-érythrocytaire, – une allo-immunisation anti-HLA ou leucoplaquettaire, – une allo-immunisation anti-IgA, avant de conclure à un incident bénin de type « frisson-hyperthermie » isolé.



Les accidents et incidents différés



La transfusion globulaire inefficace

Elle s’évalue par le rendement transfusionnel globulaire (RTG) : RTG = (Taux Hb 24 h post-tr – Taux Hb 24 h pré-tr) × 100 RTG = Quantité Hb transfusée/Vol. sang patient

On parlera d’inefficacité transfusionnelle si le RTG est inférieur à 80%. On doit alors rechercher un syndrome hémorragique, une hémolyse auto-immune ou infectieuse, une prescription globulaire insuffisante, des CGR proches de la péremption. Enfin il convient de s’interroger sur l’éventualité d’une incompatibilité immunologique en rapport avec une allo-immunisation (fruit d’une transfusion ou d’une grossesse antérieure), non mise en évidence lors du dépistage par recherche d’agglitinines irrégulières. Il peut également s’agir d’une erreur ABO



◗ Les antigènes les plus immunogènes sont : D > K > c > E > Fya > Jka > S > s

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CONNAISSANCES

passée inaperçue ou encore d’une alloimmunisation naturelle (ex. : anticorps anti-Lewis). Il faut alors s’enquérir de la présence de signes d’hyperhémolyse : un ictère, une élévation de la bilirubine non conjuguée, un effondrement de l’haptoglobine sérique. L’augmentation des LDH est inconstante car l’hémolyse est intratissulaire. En outre, on effectuera : – un test de Coombs direct (TCD). – une nouvelle recherche de RAI (rarement positive au décours immédiat de l’accident car les allo-anticorps présents sont adsorbés sur les GR transfusés), et lorsqu’une agglutinine irrégulière est identifiée (antiE, anti-K…), il faut vérifier le phénotype érythrocytaire du patient afin de s’assurer qu’il ne possède pas l’antigène cible (et qu’il ne s’agit pas d’un auto-anticorps); – une élution directe sur les hématies transfusées au patient; – une épreuve de compatibilité entre sérum du patient et un reliquat de GR non transfusés. Penser à répéter 10 à 15 jours après la transfusion la « recherche d’agglutinine irrégulière ». Elle consiste en la détection au niveau du sérum du patient d’anticorps anti-GR, grâce à deux techniques. 1. par un test de Coombs indirect. Trois échantillons d’hématies de groupe O rassemblant les principaux antigènes susceptibles de susciter des accidents hémolytiques sont mis en présence du sérum du patient à transfuser. La mise en évidence d’une agglutination in vitro au moyen d’un antisérum antiglobuline humaine atteste alors de la présence d’anticorps anti-GR fixés sur les hématies-tests qu’il convient d’identifier. 2. Par test enzymatique (papaïne, broméline) qui favorisent les tests d’agglutination. L’identification de l’agglutinine irrégulière repose sur le même principe mais use de 10 échantillons d’hématies tests dont les identités antigéniques sont individuellement connues et dont les réactions d’agglutination communes permettent d’identifier un antigène alors suspect d’être la cible de l’alloanticorps.



La transfusion plaquettaire inefficace

Elle s’évalue par le rendement transfusionnel plaquettaire : RTP =

(Nb Plaq post-tr – Nb plaq pré-tr) × poids × 0,075 Nb plaquettes transfusées

On parlera d’inefficacité post-transfusionnelle si le RTP est inférieur à 0,2 ou si les besoins transfusionnels sont supérieurs à 2 fois par semaine. Si tel est le cas, il convient de rechercher : – une cause immunologique : essentiellement la recherche d’anticorps anti-HLA acquis (post-transfusionnel ou post-grossesse), plus rarement des anticorps anti-HPA (human platelet antigen) spécifiquement dirigés contre des antigènes plaquettaires; – une splénomégalie conduisant à une séquestration des plaquettes transfusées ; – un sepsis évolutif, une fièvre, une CIVD, une microangiopathie thrombotique ainsi qu’une maladie veino-occlusive hépatique peuvent conduire à une consommation exagérée des plaquettes transfusées ; – enfin, il faut penser à une posologie insuffisante, vérifier la date de 146 ◗



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LA TRANSFUSION SANGUINE

péremption du produit et le respect de la compatibilité ABO (les plaquettes expriment les antigènes ABO).



La réaction du greffon contre l’hôte

Accident rare mais gravissime. Il résulte du fait que les cellules immunocompétentes (lymphocytes T) contenues dans les produits sanguins labiles transfusés à un organisme immunodéficient et stimulées par les antigènes HLA de ce dernier, peuvent en se multipliant coloniser et agresser des tissus du receveur reconnus comme étrangers (foie : ictère et cytolyse; peau : érythrodermie jusqu’à un syndrome de Lyell; tube digestif : diarrhée, hémorragie digestive; insuffisance médullaire). L’irradiation de tous les produits sanguins labiles destinés à des patients immunodéprimés bloque le processus de mitose des cellules transfusées sans altérer leur fonction (la déleucocytation ne suffit pas à éliminer la totalité des cellules immunocompétentes). Les transfusions intrafamiliales sont à ce titre vivement déconseillées car la possibilité d’un haplotype HLA commun entre le donneur et le receveur, et qui plus est présent à l’état homozygote chez le donneur, bloquera le processus de rejet des cellules transfusées, alors que ces cellules immunocompétentes du donneur reconnaîtront pour étranger l’autre haplotype du receveu (Dans les rares indications de transfusion intra-familliale il est nécessaire d’irradier les PSL).

➤ Fig. 8.2. Transfusion intrafamiliale et réaction du greffon contre l’hôte. ➤ AA

AB

AA



Le purpura post-transfusionnel aigu

Par un mécanisme mal élucidé, la transfusion de concentrés plaquettaires allogéniques (mais aussi de CGR contenant quelques plaquettes) suscite un phénomène immunologique où les plaquettes autologues du receveur sont détruites aussi bien que les plaquettes transfusées. Les hypothèses physiopathologiques balancent entre les responsabilités de dépôt de complexes immuns et/ou d’auto-immunité escortant le mécanisme allogénique. L’accident se produit le plus souvent chez des patients présentant un phénotype plaquettaire particulier, notamment HPA-1a négatif (environ 1% de la population) associé à un terrain HLA à risque (HLA DR3, DR8), recevant des plaquettes HPA-1a positif (HPA, human platelet antigen). La présentation clinique peut associer à un syndrome hémorragique avec thrombopénie périphérique entre 8 et 15 jours après la transfusion.



◗ Le traitement peut consister en l’administration de perfusion d’immunoglobulines polyvalentes dans les cas graves et si besoin de transfusion de concentrés plaquettaires HPA-compatibles.

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CONNAISSANCES



L’œdème lésionnel pulmonaire et les anticorps antigranuleux dit “TRALI” pour Transfusion related acute injury

Il s’agit d’un accident rare mais grave. L’apport transfusionnel passif d’anticorps anti-granuleux du donneur, ou la présence d’alloanticorps antigranuleux chez le patient peuvent conduire à la libération par les polynucléaires de cytokines toxiques qui sont à l’origine d’une altération des cellules endothéliales pulmonaires. Le tableau clinique et radiologique est celui d’une pneumopathie interstitielle. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’anticorps anti-polynucléaires et/ou d’anti-HLA inconstamment retrouvés dans le sérum du malade (ou dans la poche de PSL) et d’anticorps fixés sur les granuleux.



Les complications infectieuses « différées » (quelques jours à quelques semaines).

L’infection par le Parvovirus B19 utilisés pour la décontamination virale du plasma et des produits stables, garantissent une protection efficace à l’encontre des virus enveloppés : VIH, VHC, VHB, mais sont inactifs sur les virus nus (Parvovirus B19, virus de l’hépatite A et virus nus non encore identifiés). Ces méthodes ne peuvent s’appliquer aux CGR et CP.

Elle est en règle générale bénigne, mais il convient de citer deux terrains à risque : – Les patients immunodéprimés qui pourront développer une érythroblastopénie chronique (voire un pancytopénie). – Les patients présentant une anémie chronique pour laquelle une érythroblastopénie acquise même transitoire risque de susciter une déglobulisation aiguë.

L’infection par le CMV Il peut être à l’origine d’un syndrome mononucléosique chez le receveur mais ne présente un risque grave que chez les patients immunodéprimés pour lesquels il convient de distribuer des PSL provenant de donneurs séronégatifs pour le CMV. (L’administration de produits déleucocytés constitue déjà un bon niveau de prophylaxie).

Le paludisme post-transfusionnel La transmission de plasmodium par les PSL contenant des hématies (CGR et CP) est possible. La prévention repose sur l’éviction des donneurs ayant séjourné depuis moins de 4 mois en zone d’endémie et le contrôle de la sérologie palustre en cas de séjour datant de moins de 3 ans.

La toxoplasmose transfusionnelle Grave chez les patients immunodéprimés non immunisés (allogreffe de moelle). Pour mémoire citons la syphilis post-transfusionnelle.

Certains pays sont exposés à des risques transfusionnels particuliers : – En Amérique du sud, la trypanosomiase. – En Amérique centrale, les babésioses.



Les complications tardives



L’hémochromatose post-transfusionnelle CNEM

C’est une complication tardive des patients polytransfusés en concentrés globulaires. L’accumulation tissulaire de fer au long cours apporté ◗

◗ Les solvants-détergents,

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LA TRANSFUSION SANGUINE

par les CGR peut être à l’origine de plusieurs complications : cirrhose, insuffisance cardiaque, endocrinopathies (diabète, insuffisance thyroïdienne). Les principaux sujets à risque sont les patients polytransfusés de longue date comme les personnes atteintes de thalassémie ou de myélodysplasie. Le diagnostic biologique repose sur la confirmation d’un taux très élevé de fer sérique associé à un coefficient de saturation de la sidérophilline également élevée qu’il convient de surveiller régulièrement chez les sujets à risque. Le traitement est avant tout préventif, reposant sur l’administration au long cours de chélateur du fer (Desféral). Ses modalités d’administration, exigeant des systèmes quotidiens de perfusions sous-cutanés en continue et au long cours demeurent toutefois contraignantes. Les patients n’ayant plus de besoins transfusionnels réguliers peuvent dès lors bénéficier d’un programme de saignées, ce qui constitue encore la méthode la plus simple et la plus efficace pour venir à bout d’une surcharge martiale.

Hémochromatoses primitives et secondaires L’hémochromatose est la conséquence de la surcharge des tissus en fer. Le fer ferrique oxyde les cellules à proximité des zones où il se dépose. Quelle qu’en soit l’étiologie, l’hémochromatose peut se traduire par : – une modification brune de la coloration de la peau, – une toxicité tissulaire, notamment cardiaque (insuffisance cardiaque), pancréatique (diabète insulino-dépendant), hépatique (cirrhose, cancer), endocrinienne (insuffisance hypophysaire, insuffisance gonadique) et conduire au décès. L’hémochromatose secondaire est le plus souvent liée à la surcharge progressive en fer due aux transfusions répétées. L’hémochromatose génétique semble liée essentiellement à une augmentation de l’absorption du fer alimentaire au niveau de l’intestin, mais les phénomènes sont probablement plus complexes. La forme la plus habituelle apparaît chez l’adulte, plus tôt chez l’homme (à partir de 20 ans) que chez la femme, qui est relativement protégée du fait des règles jusqu’à la ménopause. La mutation du gène HFE, appartenant à la famille du système HLA, a été reconnue récemment comme étant à l’origine de la grande majorité des hémochromatoses génétiques de l’Europe du Nord (la mutation est fréquente dans les populations celtes notamment). Chez l’adulte, en Europe du sud et en Afrique : il existe un gradient Nord-Sud décroissant des hémochromatoses expliquées par la mutation du gène HFE. Les sujets homozygotes pour la mutation C 282Y sont fréquemment porteurs de la maladie. Les hétérozygotes composites (C282Y + H 63D) semblent présenter un risque intermédiaire. Les hétérozygotes semblent à l’abri de la surcharge martiale. Toutefois, la maladie est de pénétrance variable et l’intérêt du dépistage génétique demeure controversé. Il existe d’autres hémochromatoses génétiques non liées au gène HFE : – l’hémochromatose juvénile; – l’hémochromatose néonatale. Diagnostic Il existe un consensus sur le fait que le meilleur test de dépistage de la surcharge martiale est l’augmentation du fer sérique (> 35 mmol/L) et du coefficient de saturation de la sidérophiline (> 50 % chez l’homme et à 45% chez la femme).

CNEM : item 242 « Hémochromatose »

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CONNAISSANCES

Il est malheureusement fréquent que le diagnostic soit évoqué sur un dosage de la ferritine élevée, sans contrôle du fer sérique et de la capacité totale, alors qu’il existe diverses causes d’augmentation de la ferritine sans surcharge martiale (voir p. 74 et 114) Devant un coefficient de la sidérophilline élevé sans explication (autre notamment que l’intoxication alcoolique ou des transfusions), il est légitime de pratiquer d’emblée un test génotypique. Si le sujet présente la mutation, l’intensité de la surcharge martiale pourra être évaluée en tenant compte de la ferritine et de l’imagerie par résonance magnétique du foie. Dans les autres situations (hétérozygotes simples ou composites, homozygotes H63D ou absence de mutation du gène HFE) et devant un bilan biologique d’autre part fortement perturbé (ferritine > 1000 µg/L ou estimation par imagerie IRM), la biopsie hépatique reste le meilleur test. Traitement Le traitement de l’hémochromatose primitive, qu’elle soit associée à une mutation du gène HFE ou pas, repose sur les saignées. Les saignées doivent être abondantes, répétées (une par semaine au début). Il faut obtenir une normalisation du bilan martial et même des chiffres aux limites inférieures de la normale, avant de passer à un traitement d’entretien par saignées plus espacées tous les deux ou trois mois, rythme adapté à l’évolution du bilan martial. Dans les hémochromatoses secondaires aux transfusions, il n’y a pas d’autre possibilité que le traitement chélateur du fer (voir p. 151) sauf si l’anémie est finalement accessible à un traitement curateur.



Les maladies infectieuses à révélations tardives

Les virus transmissibles par transfusion sont nombreux et pas nécessairement identifiés. Le risque résiduel actuel est devenu infime pour les virus identifiés et systématiquement recherchés chez les donneurs de sang : VIH : 1/2 500 000 VHC : 1/5 000 000 VHB : 1/450 000 HTLV-I : ~ 0 Toute personne ayant reçue des produits sanguins labiles doit bénéficier 3 mois plus tard d’un contrôle sérologique : VIH – VHB – VHC (mesure médico-légale). Il reste conseillé de vacciner contre le virus de l’hépatite B, toute personne par ailleurs séronégative, susceptible de recevoir des PSL au long cours. Les procédures d’auto-transfusion ont, par ailleurs, été très développées ces dernières années en prévention de ces risques. Le risque de contamination par voie transfusionnelle, par des agents transmissibles non-conventionnels (« prions »), n’est pas à ce jour clairement établi. Toutefois, la mise en évidence d’un nouveau variant de la maladie de Kreutzfeldt-Jakob associé à la maladie de la « vache folle », utilisant les lymphocytes B comme porteurs jusqu’au site d’infection neurologique a été bien démontré sur des modèles murins. Les mesures prophylactiques contre ce risque, encore théorique, consistent à écarter du don du sang toute personne ayant des antécédents personnels ou familiaux de maladie neurologique non expliquée, ayant reçu des hormones de croissance d’origine humaine, mais aussi toute personne ayant séjourné plus de un an au total en Angleterre. La déleucocytation systématique des CGR et CP constitue également un moyen de réduire la charge infectieuse contaminante; cette mesure s’étend aux concentrés de plasma (où il peut persister un reliquat leucocytaire). 150 ◗



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LA TRANSFUSION SANGUINE

MÉDICO-LÉGAUX DE LA TRANSFUSION SANGUINE ◗ ETASPECTS GRANDS PRINCIPES DE L’HÉMOVIGILANCE La transfusion sanguine a longtemps reposé en France sur de multiples associations locales ou régionales. Ces dernères années, et notamment depuis le 1er janvier 2000, l’organisation a été totalement bouleversée avec une centralisation au sein de l’ESF de toutes les activités de collecte, préparation, contrôles internes et fourniture aux établissements de santé. L’AFSSaPS exerce une fonction de contrôle externe (FIG. 8.3). ➤ Fig. 8.3. Organisation de la transfusion sanguine en France depuis le 1er janvier 2000.➤ Ministère

AFSSaPS* Agence de contrôle

EFS (Établissement français du sang) Effecteur de l’activité

* AFSSaPS : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

◗ ◗ Au maximum Hommes : 5 dons/an (3 entre 60 et 65 ans) Femmes : 3 dons/an.

Le don du sang

Chaque donneur de sang (18 à 65 ans) est soumis à un entretien médical visant à contrôler son aptitude au don tant dans son intérêt que celui des receveurs (évaluation état de santé, comportement sexuel, prises médicamenteuses, antécédent de transfusion, problème neurologique personnel ou famillaux…). Des examens biologiques sont par ailleurs systématiquement pratiqués. Les donneurs peuvent également s’auto censurer après l’entretien médical et le don, en stipulant grâce à une procédure préservant leur anonymat si à « leur réflexion, leur sang peut être transfusé ou pas ».

Sont donc systématiques :

Dons de plasma d’aphérèse 18-60 ans : maximum 20/an.

– Groupe ABO Phénotype Rhésus Kell – Hb, hématocrite – Recherche d’agglutinines irrégulières, hémolysines anti-A, anti-B – Sérologie syphilitique – Sérologie VIH – Sérologie VHC – Sérologie HTLV-I/II – Ag HBs, Ac anti-HBc – Ac anti-paludéens si séjour à risque < 3 ans – Dépistage génomique du VHC et VIH (ARN)



◗ Dons de plaquettes d’aphérèse 18-60 ans : maximum 5/an distants de 8 semaines.

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CONNAISSANCES



Motifs d’éviction du don

Éviction définitive : infarctus du myocarde, antécédents d’épilepsie, crise de paludisme, antécédents de transfusion ou de greffe, hépatites virales B ou C, comportement à risque vis-à-vis du sida (toxicomanie, homosexualité, contacts sexuels à risque), antécédents personnels ou familiaux de maladies neurologiques non expliquées. Éviction temporaire : poids < 50 kg, soins dentaires récents, arrêt de travail en cours pour raison médicale, maladie infectieuse ou prise d’antibiotiques, voyage récent en pays d’endémie palustre, grossesse et 6 mois après l’accouchement, anesthésie générale ou endoscopie depuis moins de 6 mois, séjour en Grande-Bretagne (exposition alimentaire carnée aux prions).



Le groupage ABO Rh D des patients : la règle des « 4 × 2 »

Le groupage s’effectue par deux techniques différentes, par recherche d’agglutination : – épreuve sérique de Simonin : elle identifie les anticorps présents dans le sérum grâce à des pannels d’hématies de groupes connus A, B et O; – épreuve globulaire de Beth-Vincent : identifie les antigènes présents sur les hématies grâce à des sérums tests anti-A, anti-B et anti-AB. Les épreuves sont toutes deux réalisées par deux personnes différentes. Les épreuves seront répétées sur un second échantillon distinct du premier issu d’un deuxième prélèvement (deuxième détermination). Les réactifs employés par chacun des deux techniciens seront issus de deux lots différents. L’identification de l’antigène D par un anticorps anti-D est systématiquement réalisé lors du groupage ABO.



L’information du patient

Toute personne susceptible d’être transfusée doit être au préalable informée au cours d’un entretien médical de l’éventualité de la transfusion proprement dite, des examens pré et post transfusionnels requis (sérologie VIH…) ainsi que des risques encourus (la remise d’un document écrit est obligatoire).



La « traçabilité »

L’établissement de transfusion et l’établissement de soin ont pour obligation d’établir un circuit permettant d’identifier de façon permanente tout patient ayant reçu un PSL donné. De même, pour un patient donné, l’origine des PSL administrés doit être parfaitement identifiée (site de prélèvement, identification anonyme du donneur…). Tout cela, dans le but de permettre des enquêtes transfusionnelles ascendantes ou descendantes principalement en cas de complications infectieuses.

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LA TRANSFUSION SANGUINE



La déclaration des incidents transfusionnels

Tout incident survenu au cours, ou décours d’une transfusion, ou suspecté d’origine transfusionnelle (même tardif), doit être signalé dans les 6 heures au correspondant local d’hémovigilance de l’établissement de soins, ainsi qu’à son homologue de l’établissement français du sang (EFS). Tous deux rédigent conjointement une fiche d’incident transfusionnel (FIT) et la font parvenir aux autorités de tutelle, dans un délai maximum de 48 heures.



Le bilan post-transfusionnel

Il doit être réalisé 3 mois après la dernière transfusion (ou tous les 6 mois en cas de transfusions itératives). Il comprend : RAI, Sérologies VIH, VHB VHB, ALAT. Les résultats doivent parvenir au médecin prescripteur, au correspondant d’hémovigilance et doivent figurer dans le dossier transfusionnel.



Le « dossier transfusionnel »

Il doit obligatoirement faire partie du dossier médical du patient et contenir les résultats des examens immuno-hématologiques (groupe, RAI, anticorps anti-leucoplaquettaire…), les prescriptions de PSL avec leur fiche de traçabilité, les sérologies virales pré et post transfusionnelles ainsi que les éventuelles fiches d’incident transfusionnel.



Les enquêtes épidémiologiques

Elles sont organisées par les organismes de tutelle d’hémovigilance et visent à recenser les incidents transfusionnels, les besoins, l’activité, l’adaptation des technologies…



Le comité de sécurité transfusionnel et d’hémovigilance

Présents au sein des établissements de soins, il est composé de correspondant d’hémovigilance, de médecins prescripteurs, de personnels infirmiers, de membre de l’EFS ainsi que du directeur de l’établissement de soins. Ce comité se réunit régulièrement afin de veiller aux applications des règles d’hémovigilance, de faire le point sur la gestion des PSL et d’assurer la formation des personnels.

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CONNAISSANCES

AVENIR ET PERSPECTIVES EN TRANSFUSION ◗ SANGUINE La médecine transfusionnelle suit depuis plusieurs années une évolution dans le but d’améliorer la qualité et la sécurité des produits sanguins labiles. Des substituts des différents PSL et des solutions alternatives à la transfusion font l’objet de nombreuses recherches.



L’amélioration de la sécurité transfusionnelle



Améliorer la sécurité virale

Des techniques prometteuses de photoinactivation par traitement in vitro des produits cellulaires avec des composés photoréactifs, comme le psoralène, capables de s’intercaler au sein des acides nucléiques (ADN et ARN), puis soumis à une action lumineuse (UVA), induisent des lésions des génomes infectieux (bactéries comme virus) permettant une inactivation large des agents infectieux identifiés ou non.



Améliorer la sécurité immunologique

Plusieurs essais cliniques ont testé, avec des premiers résultats encourageants, des hématies initialement de groupe A ou B soumises à une action enzymatique destinée à leur conférer un phénotype O.

◗ Les solutions alternatives à la transfusion Les facteurs de croissance hématopoïétiques L’érythropoïétine recombinante a déjà permis de réduire à néant les besoins transfusionnels chez les patients présentant une insuffisance rénale chronique. Son efficacité éventuelle dans d’autres pathologies permettrait de réduire les besoins transfusionnels de bon nombre de patients. L’emploi du G-CSF chez les donneurs sains permet l’obtention de concentré granuleux beaucoup plus riche et fonctionnel que les stimulation classique par corticoïdes. Une plus grande disponibilité de ces produits permettrait d’en élargir les indications avec probablement plus d’efficacité. Ces techniques ne sont pas encore autorisées en France. L’emploi clinique des facteurs de croissance plaquettaire comme la thrombopoïétine (TPO) recombinante s’est avéré décevant, ne semblant pas épargner les besoins transfusionnels plaquettaires et de surcroît pouvant être à l’origine d’immunisation thrombopéniante. D’autres formes de TPO font cependant l’objet d’investigation clinique actuelle. Les « hémoglobines artificielles » Plusieurs types de substituts de l’hémoglobine sont en cours d’évaluation comme les émulsions de perfluorocarbones, l’hémoglobine recombinante dans E. coli ou intégré dans le génome de végétaux (tabac, maïs). Toutefois, soit des performances cliniques limitées, soit des effets toxiques ou encore l’absence de rentabilité industrielle en limitent leur développement. Des substituts plaquettaires Ils sont testés chez le lapin, comme des billes synthétiques recouvertes de fibrinogène permettent de raccourcir le temps de saignement. Des fragments membranaires plaquettaires lyophilisés et congelés s’avéreraient capables de réduire le temps de saignement chez des volontaires ayant préalablement consommé de l’aspirine.

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◗ LES MÉDICAMENTS DÉRIVÉS DU SANG

LA TRANSFUSION SANGUINE

Les produits extraits du plasma humain ne sont plus assimilés à des produits sanguins, mais à des médicaments. Ils sont stockés et distribués par les pharmaciens et soumis aux règles de la pharmacovigilance.



L’albumine humaine

Sa préparation comprend un chauffage prolongé et une extraction par l’éthanol. Elle est indiquée dans les situations d’hypoprotidémie avec déficit oncotique (brûlures étendues, insuffisance hépatique, malabsorption, échanges plasmatiques). • Albumine iso-oncotique à 4% (4 g/100 mL). • Albumine à 20% (20 g/100 mL).



Les immunoglobulines (Ig)

Les Ig polyvalentes sont disponibles en préparation injectable par voie veineuse. Elles sont obtenues à partir d’un « pool » de plasmas de nombreux donneurs, reflétant ainsi « l’immunité » d’une population adulte normale. Leur extraction suit un processus sophistiqué d’inactivation virale comprenant précipitation éthanolique et digestion pepsinique. Les indications actuellement reconnues par les comités d’experts sont indiquées dans le tableau 8.I.

Tableau Tableau8.I. 8.I.

Indications reconnues des immunoglobulines.

• Purpura thrombocytopénique immunologique (lié ou non au VIH) • Neutropénie auto-immune • Allogreffe de moelle osseuse • Hypogammglobulinémie au cours de la leucémie lymphoïde chronique et du myélome, avec infections à répétition • Syndrome de Guillain-Barré et polyradiculonévrite chronique ou à rechute • Hypo-γ−globulinémie congénitale • Érythroblastopénie auto-immune • Cytopénie en rapport avec le parvovirus B19 chez l’immunodéprimé • Dermatomyosite cortico-résistante • Maladie de Kawasaki • Myasténie aiguë • Syndrome hémorragique en rapport avec un auto-anticorps anti-facteur VIII ou syndrome de Willebrand acquis • Rétinopathie de birdshot • Infection de l’enfant par le VIH avec infection bactérienne à répétition

L’administration intraveineuse d’Ig doit s’effectuer en milieu hospitalier sous bonne surveillance. Des réactions d’intolérance à type de fièvre, frissons, céphalée sont couramment observées et sont en règle réso155 ◗

8



08_chap8.fm Page 156 Mardi, 9. mai 2006 1:37 13

CONNAISSANCES

lutives après arrêt ou ralentissement de la perfusion. Cependant, des réactions allergiques et/ou des troubles hémodynamiques plus sévères peuvent se rencontrer. Des cas d’insuffisance rénale ont été signalés avec les préparations d’Ig contenant du saccharose. Les Ig spécifiques sont préparées à partir du plasma de donneurs possédant des titres élevés d’un anticorps particulier : anti-tétaniques, antirabique, anti-hépatite B, anti-Rh D, etc.



Les fractions coagulantes d’origine humaine

Elles comprennent une phase d’inactivation virale (solvants-détergents, purification par chromatographie). Pour certains des produits issus du génie génétique sont également disponibles.

156 ◗



09_chap9.fm Page 157 Mardi, 9. mai 2006 1:41 13

Les polyglobulies CNEM

9

◗ DIAGNOSTIC GÉNÉRAL ◗ MALADIE DE VAQUEZ ◗ SYNDROME DE GAISBOCK

◗ DÉFINITION ◗ CONSÉQUENCES GÉNÉRALES ◗ MÉCANISMES

◗ DÉFINITION

C’est l’augmentation du volume total occupé par les globules rouges. Elle se traduit en général par une élévation de l’hématocrite.

◗ On peut considérer qu’un sujet de corpulence normale est polyglobulique pour un volume globulaire supérieur à 32 mL/kg chez la femme et 36 mL/kg chez l’homme.

On ne peut définir une polyglobulie seulement comme l’augmentation du nombre des globules rouges par mm3, celle de l’hématocrite, ou celle du taux d’hémoglobine pour 100 mL. En effet toutes ces données sont des mesures de concentration de globules rouges dans le plasma qui peuvent varier non seulement quand la masse érythrocytaire augmente, mais aussi quand la masse plasmatique totale diminue. En outre, la seule numération globulaire induit en erreur quand il y a une grande microcytose. Le signe d’appel qui doit conduire à la masse sanguine est l’élévation de l’hématocrite. En raison de ses relations avec la viscosité (voir ci-dessous) la mesure de l’hématocrite est en effet le meilleur élément de dépistage et de surveillance d’une polyglobulie. On évoquera une polyglobulie (et l’on envisagera donc une mesure de la masse globulaire) si l’hématocrite est : Homme > 54%, Femme > 48% Chez certains sportifs, comme les coureurs cyclistes, l’hématocrite diminue et se situe normalement au-dessous de 50%. La masse sanguine normale mesurée par la dilution des hématies marquées au chrome 51 (ou de plus en plus au technecium 99) est plus élevée chez l’homme que chez la femme. Pour la masse globulaire la normale est de 33 ± 3 mL/kg chez l’homme et de 25 ± 3 mL/kg chez la femme. Ces chiffres doivent cependant être interprétés avec prudence chez les sujets de taille extrême, en particulier chez les obèses. On recommande donc actuellement une mesure simultanée du volume plasmatique, et de se référer aux volumes théoriques calculés à partir d’abaques en considérant l’augmentation comme significative lorsqu’elle est supérieure à 120% de la valeur théorique normale.

◗ CONSÉQUENCES GÉNÉRALES

La conséquence la plus pathogène de l’augmentation du volume globulaire est l’hyperviscosité. Au-delà de 60%, l’augmentation de

CNEM : item 316 « Hémogramme : indications, interprétation ».

157 ◗



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CONNAISSANCES

l’hématocrite s’accompagne d’une augmentation exponentielle de la viscosité. De plus il y a en général augmentation du volume sanguin total et distension vasculaire. Il en résulte : – un risque de thrombose, considérable au-dessus de 60% d’hématocrite, encore accru si une déshydratation s’y ajoute, ou si une thrombocytose existe parallèlement comme cela est fréquent dans le cas de la maladie de Vaquez; – le transport d’oxygène aux tissus est perturbé; – le débit cardiaque est augmenté; – il existe une vasodilatation périphérique, expliquant un certain nombre de symptômes y compris les hémorragies par distension capillaire.

◗ MÉCANISMES

Les polyglobulies sont toujours dues à une anomalie de production par la moelle osseuse et jamais à une augmentation du séjour intravasculaire des hématies.



Polyglobulies par anoxie

La baisse de la saturation en oxygène du sang artériel entraîne par un mécanisme compensateur une stimulation de l’érythropoïèse avec hypersécrétion physiologique d’érythropoïétine (voir p. 30). C’est ce qui se passe lors de séjours en très haute altitude et dans certaines maladies respiratoires (bronchopneumopathies chroniques), ou cardiaques (shunt droite-gauche), ou plus rarement chez certains sujets dont l’hémoglobine a une affinité anormale pour l’oxygène (polyglobulies familiales). Dans ce dernier cas il y a anoxie tissulaire sans anoxémie, l’oxygène passant mal de l’hémoglobine aux tissus.



Polyglobulies « hormonales »

Elles surviennent chez des sujets qui ont une hypersécrétion pathologique d’érythropoïétine. Les causes en sont surtout les tumeurs sécrétantes du rein (épithélioma à cellules claires), ou du cervelet (hémangioblastome solide), ou plus rarement d’autres cancers (hépatomes), voire des lésions bénignes (kystes rénaux, fibromes utérins). Une hypersécrétion d’androgènes peut entraîner aussi une polyglobulie modérée, de même que l’administration thérapeutique d’androgènes.



Polyglobulie primitive

C’est celle de la maladie de Vaquez qui entre dans le cadre des syndromes myéloprolifératifs. L’anomalie responsable siège au niveau des cellules souches qui sont anormalement sensibles à l’érythropoïétine, ce qui entraîne une hyperplasie de la lignée érythroblastique de 158 ◗



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LES POLYGLOBULIES

type tumoral, mais avec une maturation complète jusqu’au globule rouge. ➤ Fig. 9.1. Mécanismes physiopathologiques des polyglobulies. ➤

◗ DIAGNOSTIC GÉNÉRAL

Le comportement diagnostique est résumé dans le tableau 9.I. Ce tableau appelle quelques remarques : – L’erreur diagnostique entre polyglobulie et microcytose sans polyglobulie, telle que la réalisent les thalassémies hétérozygotes β ou α, est très souvent commise. La constatation d’un nombre élevé de globules rouges (supérieur à 7 000 000) ne permet jamais d’affirmer la polyglobulie, si l’hémoglobine et l’hématocrite sont normaux, voire diminués. Ce tableau rend en revanche très probable le diagnostic de thalassémie. Il justifie donc, non pas la mesure du volume globulaire total, mais l’électrophorèse de l’hémoglobine. – Il faut cependant vérifier le taux du fer sérique, car la seule autre hypothèse est une polyglobulie vraie masquée par un saignement chronique (voir tableau 9.II). – Les fausses polyglobulies parfois connues en France sous le nom de syndrome de Gaisbock sont assez fréquentes (voir plus bas). 159 ◗

9



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CONNAISSANCES

Tableau8.I. 9.I. Tableau

Diagnostic d’une polyglobulie.

1 : DÉPISTAGE SUR L'HÉMOGRAMME Hématocrite > 54 % 웧 > 47 % 씸 2 : EN L'ABSENCE DE DÉSHYDRATATION ÉVIDENTE Mesurer le volume globulaire total

Vraie polyglobulie (volume globulaire élevé)

Fausse polyglobulie (v. globulaire normal v. plasmatique diminué)

3 : S'IL S'AGIT D'UNE POLYGLOBULIE VRAIE : Rechercher cliniquement : – un syndrome cérébelleux toujours évident en cas d'hémangioblastome du cervelet – une cardiopathie avec shunt droit-gauche – un fibrome utérin – une hématomégalie (hépatome) – une prise méconnue d'androgènes Faire : – Gaz du sang (insuffisance respiratoire chronique) – Echographie rénale (tumeur bénigne ou maligne du rein) 4 : EN L'ABSENCE DE CES ÉTIOLOGIES si la polyglobulie n'est pas avec certitude acquise (hémogramme antérieurs) et ne s'accompagne ni de thrombocytose ni de polynucléose : faire une étude fonctionnelle de l'hémoglobine à la recherche d'une hémoglobine à affinité augmentée. 5 : SI LA POLYGLOBULIE EST SANS CAUSE SECONDAIRE et associée à une splénomégalie et/ou une thrombocytose, et à une hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile : on peut affirmer la maladie de Vaquez. 6 : SI 3 ET 4 SONT NÉGATIFS et qu'il n'y a pas de critère de la maladie de Vaquez, surveiller l'évolution sous saignées. Il s'agit d'une polyglobulie primitive et le plus souvent d'un mode de début de la maladie de Vaquez. Un argument de plus peut être obtenu par l'étude des colonies érythroïdes in vitro.

Tableau 9.II.

Comportement devant une pseudopolyglobulie microcytaire.

- Nb de GR élevé avec - Hématocrite < 54 % (웧) ou < 48 % ( 씸) = VGM bas Fer sérique + CTS + électrophorèse de l'Hb

Fer nl ou élevé + HB.A2 élevée

Fer bas + CTS élevée

Vraie polyglobulie possible masquée par saignement chronique

160 ◗

β - Thalassémie mineure

fer nl ou élevé + Hb.A2 nl ou basse α - Thalassémie mineure



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◗ MALADIE DE VAQUEZ

LES POLYGLOBULIES

CNEM

C’est un syndrome myéloprolifératif (voir chap. 20), c’est-à-dire une prolifération clonale primitive incontrôlée prédominant sur les précurseurs érythropoïétiques mais touchant une cellule souche, donc toutes les lignées myéloïdes. Il est peu fréquent avant 55 ans.



Symptomatologie et complications

Les arguments du diagnostic sont (critères internationaux) : • polyglobulie vraie, • SaO2 > 95%, • pas de tumeur rénale, • splénomégalie ou hyperleucocytose et hyperplaquettose. C’est souvent une polyglobulie à symptomatologie fonctionnelle franche, d’autant plus marquée que l’hématocrite est plus élevé, comportant notamment une érythrose faciale et muqueuse, souvent des paresthésies et un prurit qui s’accentuent au contact de l’eau, une altération de l’état général avec amaigrissement, des gastralgies et parfois des ulcères gastroduodénaux, des signes d’hyperviscosité sanguine avec céphalées, vertiges, bourdonnements d’oreilles, mouches volantes, insomnies, une hypertention artérielle qui régressera avec la polyglobulie. Aucun de ces symptômes n’est tout à fait spécifique de la maladie de Vaquez et tous résultent de l’élévation de l’hématocrite. La splénomégalie est fréquente, alors qu’elle manque en principe dans les polyglobulies secondaires. Le foie peut être aussi augmenté de volume. Il peut s’y associer d’emblée des complications de deux ordres. Des thromboses vasculaires de tout type, artériel ou veineux, parfois révélatrices, responsables de la mort dans les formes non traitées. Des hémorragies sont également possibles : essentiellement muqueuses, parfois abondantes et révélatrices. Elles sont favorisées par des anomalies fonctionnelles des plaquettes. Comme dans les autres syndromes myéloprolifératifs, on note en outre la possibilité de crises de goutte ou de lithiase urinaire. L’existence d’une hyperleucocytose notable (20 000 à 30 000 polynucléaires par mm3) ne modifie pas le pronostic. Celle d’une thrombocytose parfois considérable, dépassant 1000000 par mm3, ne permet pas d’individualiser une forme particulière, mais augmente le risque de thrombose et surtout doit rendre prudent dans la prescription des saignées lors du traitement initial. La biopsie médullaire montre une moelle hyperplasique avec souvent des mégacaryocytes dystrophiques et parfois une fibrose réticulinique mais cet examen n’est pas nécessaire au diagnostic. On peut trouver aussi une augmentation de la vitamine B12 (par augmentation de la transcobalamine I) qui n’a pas d’intérêt diagnostique.



Traitement

Le risque de thromboses nécessite, si la polyglobulie est importante, un traitement, éventuellement d’urgence par les saignées : 400 mL par saignée, répétées de façon rapprochée. CNEM : item 165 « Diagnostiquer une maladie de Vaquez ».

161 ◗

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CONNAISSANCES Le choix du traitement de fond doit mettre en balance les risques de thromboses, liés à un mauvais contrôle de l’hématocrite et/ou du chiffre des plaquettes, et le risque leucémogène à long terme (supérieur à 10 ans) des traitements myélosuppresseurs. Chez les sujets de moins de 60 ans, le traitement de fond repose sur les saignées répétées. Il faut maintenir l’hématocrite dans les limites de la normale. Ce traitement n’est possible qu’en l’absence de pathologie vasculaire, s’il n’y a pas de thrombocytose d’emblée, et si les plaquettes restent inférieures à 800000/mm3 malgré les saignées. Après 60 ans, ou dans les cas ou les saignées répétées ne sont pas possibles, un traitement myélosuppresseur réputé peu mutagène est justifié. L’hydroxyurée (Hydrea) per os au long cours à des doses quotidiennes de 15 à 30 mg/kg est habituellement efficace et bien toléré. Le pipobroman (Vercyte) est également utilisé. Le traitement classique par le phosphore 32 n’est pratiquement plus utilisé, en raison du risque leucémogène.



Pronostic

Les malades traités par saignées seules doivent être surveillés par un hémogramme pratiqué toutes les 4 à 8 semaines afin de dépister la remontée de l’hématocrite. Les autres traitements ne nécessitent qu’un contrôle tous les 3 mois. À distance, le risque majeur est l’évolution vers un tableau de myélofibrose avec anémie, éventuellement thrombopénie et habituellement splénomégalie avec métaplasie myéloïde. Ce tableau peut précéder une évolution à type de leucémie aiguë myéloïde. La fréquence des évolutions leucémiques est très augmentée par les alkylants (abandonnés de ce fait dans cette maladie), un peu moins par des injections répétées de 32P certainement encore moins (mais les chiffres précis manquent) par l’Hydrea ou le Vercyte. L’espérance moyenne de vie est de l’ordre de 10 à 20 ans, mais il faut bien entendu tenir compte de l’âge moyen initial élevé de la plupart des malades et chez les sujets jeunes l’espérance de vie est certainement supérieure.

◗ SYNDROME DE GAISBOCK

On peut observer, tout particulièrement chez des sujets pléthoriques presque toujours de sexe masculin, des chiffres d’hématocrite juste audessus des limites supérieures de la normale avec un nombre de globules rouges en rapport. L’étude des volumes sanguins montre cependant une masse globulaire à la limite supérieure et une masse plasmatique à la limite inférieure de la normale d’où l’élévation de l’hématocrite.

162 ◗



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LES POLYGLOBULIES

Résumé Points clés Le diagnostic de polyglobulie doit être évoqué sur l’élévation du taux de l’hématocrite. Il est affirmé par les mesures des volumes globulaires et plasmatiques, à l’aide de méthodes isotopiques. L’enquête étiologique est simple mais doit être rigoureuse. Le diagnostic de maladie de Vaquez repose sur des critères objectifs précis, qui sont affaire de spécialiste.

Points de débat La limite supérieure de l’hématocrite justifiant la mesure du volume globulaire isotopique est matière à discussion. 54% chez l’homme et 48% chez la femme sont en pratique des valeurs très rarement atteintes dans la population normale. Elles évitent nombre de mesures inutiles des volumes sanguins auxquelles conduisent les normes plus basses parfois indiquées. La culture in vitro des précurseurs érythroblastiques doit sans doute être réservée aux cas rares des polyglobulies sans cause secondaire et sans preuve de maladie de Vaquez.

163 ◗

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Le polynucléaire neutrophile et sa pathologie

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◗ LE POLYNUCLÉAIRE NEUTROPHILE ◗ LES POLYNUCLÉOSES NEUTROPHILES ◗ LES NEUTROPÉNIES ET LES AGRANULOCYTOSES ◗ ANOMALIES QUALITATIVES DES GRANULOCYTES

◗ LE POLYNUCLÉAIRE NEUTROPHILE ◗

Morphologie

Au microscope optique, l’aspect du polynucléaire neutrophile est caractéristique avec un noyau polylobé contenant généralement 3 lobes et des granulations cytoplasmiques fines dites neutrophiles. Au microscope électronique le polynucléaire apparaît constitué : – d’un noyau dense « peu actif » ce qui corrobore notamment son incapacité de mitose; – dans le cytoplasme on trouve tous les organes vitaux d’une cellule normale mais dans l’ensemble peu abondants; – en revanche on trouve en abondance des granulations de deux types : – des granules primaires dits azurophiles dont l’étude cytochimique révèle qu’ils contiennent en abondance des peroxydases et des phosphatases acides ainsi que divers autres enzymes. Ces granules ont la structure typique des lysosomes avec une membrane analogue à celle de la cellule, et un contenu essentiellement fait d’hydrolases, – des granulations dites spécifiques ou neutrophiles qui contiennent des phosphatases alcalines. On trouve en outre du lysozyme dans les deux types de granulations.



Données quantitatives CNEM

La numération de leucocytes révèle à l’état normal de 4000 à 10000 globules blancs par mm3 ce chiffre pouvant s’élever jusqu’à 12000 chez l’enfant de moins de 2 ans. La normale est encore plus élevée chez le nouveau-né : entre 10000 à 25000. Parmi ces éléments 40 à 70% sont des polynucléaires neutrophiles comme le rappelle le tableau 10.I. CNEM : item 316 « Hémogramme : indications, interprétation ».

165 ◗



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CONNAISSANCES

➤ Fig. 10.1. Polynucléaire neutrophile. ➤

En nombre absolu il y a donc en théorie de 1700 à 7000 polynucléaires par mm3 chez l’homme et ces chiffres seuls ont un intérêt pratique. Noter que les laboratoires rendent le plus souvent aujourd’hui les résultats selon les normes internationales qui expriment les taux de leucocytes et des différentes populations leucocytaires, par litre et non par mm3. Le nombre normal de polynucléaire neutrophile est alors de 1,7 à 7.109/L.

Tableau 10.I.

Formule sanguine et nombres absolus de leucocytes (à l’état normal chez l’adulte).

Types de leucocytes

Formule (%)

Nombres absolus (par mm3)

Polynucléaires neutrophiles (PN)

40 à 70

1700 à 7000

Polynucléaires éosinophiles (PE)

1à3

50 à 500

Polynucléaires basophiles (PB)

0 à 0,5

10 à 50

Lymphocytes

20 à 40

1500 à 4000

Monocytes

3 à 10

100 à 1000



Fonctions du polynucléaire neutrophile

Sa fonction essentielle est la phagocytose de corps étrangers et surtout de bactéries. Le polynucléaire a donc essentiellement une activité antibactérienne qu’il assure grâce à une série de propriétés caractéristiques.



Mobilité

C’est une cellule très mobile par mouvements amœboïdes, apte à ramper sur un support solide et capable de déformations extrêmes. Le polynucléaire neutrophile peut ainsi s’infiltrer entre les cellules des endothéliums pour passer des vaisseaux dans les tissus (diapédèse).



◗ Dans les populations originaires d’Afrique noire, les taux normaux de PN (et de globules blancs) sont en moyenne plus bas, la limite inférieure de la normale semblant être 800 PN/mm3.

166 ◗

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LE POLYNUCLÉAIRE NEUTROPHILE ET SA PATHOLOGIE



Chimiotactisme

Certaines substances attirent les polynucléaires neutrophiles. Ce sont notamment des produits bactériens et certains constituants sériques intervenant dans les réactions antigène-anticorps. Les constituants activés 3, 5 et plus accessoirement 6 et 7 du complément (C) activent des enzymes présents sur la membrane, déclenchant la mise en mouvement. Les polynucléaires neutrophiles se déplacent des zones de faible concentration vers les zones de forte concentration de l’activateur. Celui-ci est formé partout où a lieu une réaction antigène-anticorps et dans les foyers d’attrition. Il diffuse à distance et attire les polynucléaires vers le foyer. La dégranulation des PN contribue ensuite à accentuer le phénomène, certains produits des granules libérés dans le milieu ayant eux-mêmes un pouvoir chimiotactique.

➤ Fig. 10.2. Schéma du chimiotactisme. ➤



Phagocytose

Ayant quitté les vaisseaux sous l’effet du chimiotactisme et par diapédèse, le polynucléaire arrive dans les tissus. Il exerce ici la fonction de phagocytose qui consiste à ingérer des corps étrangers qu’il inclut dans des vacuoles intra cytoplasmiques. La phagocytose est spécialement intense pour les particules recouvertes d’anticorps (« opsonisées »). Inclus dans les vacuoles, certains corps étrangers comme les bactéries sont alors détruits.



C’est la première étape de la destruction des bactéries. Elle résulte de l’accumulation dans la vacuole de phagocytose de diverses substances produites par le PN et capables de lyser la membrane des bactéries, comme le peroxyde d’oxygène (H2O2) qui est produit durant la phagocytose par l’activation du « shunt » des pentoses, la myéloperoxydase contenue dans les granulations primaires, de l’iode, du brome ou du chlore. La libération d’une partie de ces substances à l’extérieur de la cellule explique que le polynucléaire joue un rôle important dans l’inflammation.



Digestion

Une fois la bactérie tuée et sa membrane lésée, elle est attaquée par les hydrolases, très nombreuses, contenues dans les lysosomes, qui se ◗

◗ L’environnement du PN peut être altéré par ces susbstances protéolytiques.

Bactéricidie

167 ◗

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10_chap10.fm Page 168 Mardi, 9. mai 2006 1:43 13

CONNAISSANCES

déversent dans la vacuole de phagocytose (« dégranulation » du PN). Elle est finalement complètement détruite. Les PN vidés de leur granulation par la destruction des bactéries meurent en formant le « pus ».



Granulopoïèse



Lignée des précurseurs du PN (lignée « granuleuse »)

Elle comprend successivement (Fig. 10.3) :

Dans une moelle normale, les éléments sont d’autant plus nombreux qu’ils sont plus mûrs, comme l’indique le tableau 10.II.

Tableau 10.II.

Proportion des cellules granuleuses sur le myélogramme normal (%). 1-2 2-3 4-8 10-15 15-20 20-30

Hémoblastes Myéloblastes Promyélocytes Myélocytes Métamyélocytes Polynucléaires

Soit 50 à 70% des cellules médullaires

À l’état normal, tous les éléments de la lignée restent dans la moelle sauf le PN qui passe dans le sang. La durée totale de la granulopoïèse est de 10 jours environ.



Cinétique de la granulopoïèse

La moelle fabrique 20 à 30.109 PN par jour en moyenne. Les cellules de la lignée sont aptes à la mitose jusqu’aux myélocytes. On appelle l’ensemble des cellules qui se divisent : secteur ou « pool » de multiplication. À l’état normal, ce secteur se maintient constant en quantité absolue, les cellules qui mûrissent et quittent ce secteur étant remplacées par la division d’autres cellules du secteur. Les cellules qui ne se divisent plus, c’est-à-dire certains myélocytes, les métamyélocytes et les polynucléaires restent dans la moelle encore 4 ou 5 jours au total pour achever d’y mûrir avant de passer dans le sang. C’est le secteur ou « pool » de maturation. La réserve médullaire de PN est considérable, plusieurs dizaines de fois supérieure à ce qui circule dans le sang.



◗ Lorsque le pourcentage de polynucléaires est beaucoup plus important que celui des métamyélocytes, il y a eu dilution de la moelle par le sang par un prélèvement mal fait.

– l’hémoblaste, cellule encore peu différenciée sans grains, sans activité enzymatique; – le myéloblaste qui se différencie du précédent par la formation des premiers grains azurophiles : ce sont des lysosomes avec une activité peroxydasique; – le promyélocyte qui se distingue du précédent par l’accumulation importante des grains azurophiles synthétisés activement sur l’appareil de Golgi (Fig. 10.4.a); – le myélocyte qui est caractérisé par l’apparition d’un deuxième type de granulations, dites « neutrophiles » alors que les grains azurophiles ne sont plus synthétisés; – le métamyélocyte, stade terminal de maturation du précédent, inapte à la mitose. Le noyau y perd son aspect massif pour amorcer sa lobulation, favorable aux mouvements cellulaires. Il se transforme en polynucléaire.

168 ◗

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LE POLYNUCLÉAIRE NEUTROPHILE ET SA PATHOLOGIE

➤ Fig. 10.3. Lignée des précurseurs du PN. ➤

➤ Fig. 10.4.a. Promyélocyte neutrophile (ultrastructure schématique). ➤

169 ◗

10



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CONNAISSANCES

➤ Fig. 10.4.b. Polynucléaire neutrophile (ultrastructure schématique). ➤

Dans le sang, les PN ne sont pas tous en circulation, ils sont divisés en deux secteurs approximativement égaux : – le secteur circulant; – le secteur marginal qui est fait de PN collés aux parois vasculaires. Ils repassent immédiatement en circulation en fonction des besoins. L’exercice et l’adrénaline mobilisent aussi les PN du secteur marginal en les renvoyant vers le secteur circulant. Remarquer que la numération globulaire ne compte que les PN du secteur circulant. ➤ Fig. 10.5. Dynamique de la granulopoïèse. ➤ Cellules souches (retardée) Secteur de multiplication

Régulations

? (immédiate)

Secteur de maturation

Secteur circulant Secteur marginal



Secteur tissulaire

Besoins accrus de PN

En cas de besoins accrus de PN, l’organisme dispose de deux ressources. Il peut mobiliser immédiatement les réserves médullaires. C’est à dire faire passer plus vite dans le sang les polynucléaires qui achevaient leur maturation et que l’on reconnaît à un noyau encore peu segmenté (moins de 3 lobes). En cas de besoins très importants, lors d’une infec170 ◗



10_chap10.fm Page 171 Mardi, 9. mai 2006 1:43 13

LE POLYNUCLÉAIRE NEUTROPHILE ET SA PATHOLOGIE

tion ou en phase de régénération après une neutropénie profonde, des métamyélocytes et même des myélocytes peuvent passer dans le sang, c’est la myélémie. Si le besoin se prolonge, la production augmente, ce qui résulte de l’augmentation du nombre de progéniteurs qui entrent dans la différenciation neutrophile. La durée de la différenciation peut en outre se réduire à une semaine. La moelle a alors un aspect « d’hyperplasie granuleuse » dû à l’augmentation des éléments de la lignée du PN. Cette régulation dépend de la production accrue de facteurs de croissance spécifiques de cette lignée. Ce sont principalement le GM.CSF et le G.CSF. Le G.CSF est le plus spécifique de la lignée granuleuse neutrophile, mais G.CSF, GM.CSF et d’autres facteurs comme l’IL3 (interleukine 3) concourent, simultanément et de façon complémentaire, à la production des polynucléaires neutrophiles, et à leur répartition tissulaire.



Destin du PN, durée de vie

Le PN ne séjourne que très peu dans le sang qui n’est pour lui qu’un lieu de passage. En 12 heures environ, 50 % des PN du sang l’ont déjà quitté pour passer dans les tissus. De là, les PN ne retournent jamais vers le sang : ils effectuent leurs fonctions de phagocytose et sont détruits par les cellules macrophages, sur place ou dans les ganglions.



Exploration de la granulopoïèse

L’exploration de la granulopoïèse dispose de peu de moyens. Il n’existe pas dans cette lignée, de cellules analogues aux réticulocytes, faciles à repérer dans le sang, et permettant d’apprécier la production quotidienne. En effet, les cellules granuleuses, à l’état normal, mûrissent longuement dans la moelle et sortent complètement achevées. Par ailleurs, l’étude de la durée de vie des polynucléaires marqués, ou celle de la production de polynucléaires par la moelle, par des méthodes isotopiques, sont très délicates et ne fournissent que des résultats difficiles à apprécier. Par conséquent, en pratique, seules la comparaison des données quantitatives de polynucléaires circulants, l’appréciation de la lignée granuleuse sur le myélogramme, où elle représente 50 à 70 % du total des cellules, et sur la biopsie de moelle, peuvent permettre d’évaluer la granulopoïèse.

◗ LES POLYNUCLÉOSES NEUTROPHILES

CNEM

L’augmentation pathologique du nombre de polynucléaires neutrophiles, au-dessus de la limite de 7000 par mm3, peut relever de deux situations : la polynucléose réactionnelle bénigne, transitoire et spontanément résolutive, et la polynucléose dans le cadre d’une prolifération maligne ou « syndrome myéloprolifératif » (voir chap. 20). Pour les distinguer, il est essentiel de tenir compte notamment, d’une part, de l’existence ou non d’une myélémie, d’autre part, du nombre des plaquettes et de la vitesse de sédimentation (VS). En effet, une polynucléose avec hyperplaquettose et VS normale témoigne, presque à coup sûr, d’un syndrome myéloprolifératif. On envisagera surtout dans ce chapitre le problème des polynucléoses pures (c’est-à-dire sans anémie, ni thrombopénie). Le problème est d’une extrême fréquence en pratique médicale.

CNEM : item 316 « Hémogramme : indications, interprétation ».

171 ◗

10



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CONNAISSANCES

8.II. Tableau 10.III.

Les causes pathologiques majeures

1. L’infection bactérienne localisée (abcès, angine, panaris, appendicite) ou généralisée (septicémie) 2. Les maladies inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, maladie de Still, etc.) 3. Les réactions allergiques aiguës 4. Les nécroses tissulaires (infarctus du myocarde, pancréatite…) 5. Les cancers évolués et la maladie de Hodgkin 6. Le tabagisme 7. La prise de certains médicaments (lithium, corticoïdes)

Les causes plus rares ou évidentes

1. Les hémorragies et les hyperhémolyses aiguës 2. Des intoxications (benzol) 3. L‘irradiation 4. Le début d’un syndrome myéloprolifératif, mais exceptionnellement sans myélémie

Les polynucléoses physiologiques : toujours modérées

1. 2. 3. 4.



Nouveau-né Grossesse (derniers mois) Menstruations Exercice violent

Polynucléoses neutrophiles réactionnelles

En pratique, les polynucléoses survenant dans le cadre d’une pathologie aiguë, en particulier fébrile sont généralement de diagnostic évident. La polynucléose neutrophile est d’ailleurs un élément important du diagnostic de certaines infections aiguës (appendicite, pneumonie…). La polynucléose n’est pas surprenante, par ailleurs, en cas de réaction allergique aiguë. En revanche, les polynucléoses neutrophiles chroniques pures (sans myélémie) et sans contexte clinique posent un problème souvent plus difficile. Dans ce cas toutes les causes énumérées dans le tableau 10.III. peuvent être rencontrées. Parmi elles, les plus fréquentes sont : – les infections bactériennes cachées : elles doivent être recherchées systématiquement, notamment les infections sinusiennes, amygdaliennes, dentaires, génitales (chez la femme) et urinaires. Il faut penser en outre chez certains sujets, en fonction de leurs activités professionnelles, aux excoriations cutanées à répétition; – le tabagisme est une cause très fréquente, surtout chez les sujets qui inhalent la fumée. La polynucléose chronique est fréquente pour une consommation supérieure à 15 à 20 cigarettes par jour. Elle reste en principe modérée. Elle cesse spontanément en plusieurs semaines à l’arrêt de l’intoxication; – les maladies inflammatoires chroniques s’accompagnent banalement d’une polynucléose neutrophile. ◗

◗ En cas de grande polynucléose, le passage dans le sang de quelques métamyélocytes, voire de rares myélocytes, n’a pas de signification diagnostique autre que d’exprimer l’importance de la granulopoïèse en cours.

Causes des polynucléoses neutrophiles.

172 ◗

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LE POLYNUCLÉAIRE NEUTROPHILE ET SA PATHOLOGIE



Les polynucléoses qui accompagnent un syndrome myéloprolifératif

Elles seront envisagées avec ce chapitre, mais il faut se rappeler qu’en règle générale elles ne sont pas isolées : thrombocytose, myélémie franche et/ou hématocrite élevé les accompagnent le plus souvent.

◗ LES NEUTROPÉNIES ET LES AGRANULOCYTOSES ◗

Physiopathologie



Neutropénies par insuffisance de production médullaire (centrales)

La neutropénie survenant dans le cadre d’une insuffisance médullaire globale accompagne une thrombopénie et une anémie normochrome arégénérative, mais la neutropénie peut parfois être la première manifestation (voir chap. 15). La neutropénie centrale isolée peut être due à : – une immuno-allergie avec atteinte de toutes les cellules de la lignée dès qu’elles ébauchent leur différenciation, l’agranulocytose immuno-allergique, par sensibilisation à l’amidopyrine, en est le type. Les éléments granuleux seraient les supports passifs de la réaction anticorps-allergène. Le lieu de destruction est en fait dans ce cas à la fois central et périphérique; – une toxicité élective pour les granuleux est en cause dans d’autres cas (phénothiazines par exemple); – une maladie héréditaire rare, maladie de Kotsmann ou agranulocytose chronique des jeunes enfants (récessive).



Neutropénies par disparition des cellules circulantes (périphériques)

– Par auto-immunisation anti-polynucléaires neutrophiles isolée ou dans le cadre du lupus érythémateux (exceptionnelle). – Par hypersplénisme, la neutropénie est due à la séquestration dans le secteur marginal de la rate. Elle est constamment associée à une thrombopénie (voir page 209). – Par trouble de répartition : la plus grande partie des PN est alors marginée au lieu d’être circulante. Les PN ne sont pas comptés à la numération mais ils existent et sont disponibles en cas d’infection. Il n’y a donc pas de risque infectieux. C’est la cause la plus fréquente des « neutropénies mineures », sans conséquence pathologique.



Diagnostic d’une neutropénie ou d’une agranulocytose CNEM 316

On ne peut porter le diagnostic neutropénie à moins de 1700 PN/mm3. Tenant compte des variations mineures possibles, les neutropénies patho173 ◗

10



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CONNAISSANCES

logiques sont habituellement en dessous de 1500/mm3. Tout autre donnée, en particulier le pourcentage des polynucléaires à l’hémogramme, n’a aucun intérêt. La notion de neutropénie relative, qui désigne la diminution du pourcentage de PN sur la formule sanguine par élévation d’une autre population, doit être abandonnée car il n’y a en fait souvent aucune neutropénie. C’est ce qu’on observe chez le nourrisson qui a une hyperlymphocytose absolue par rapport à l’adulte, mais pas de neutropénie (« formule inversée » de l’enfant) ou en cas de grandes lymphocytoses ou hyperéosinophilies pathologiques, par exemple. L’agranulocytose est la disparition des PN du sang. En pratique, les neutropénies extrêmes (moins de 200 PN/mm3) entrent dans le même cadre, car elles posent les mêmes problèmes pronostiques et thérapeutiques. Le comportement diagnostique est résumé dans les tableaux 10.IV et 10.V. Il est dominé par la nécessité de ne pas méconnaître une agranulocytose, qui constitue une urgence majeure. ◗ Les neutropénies cycliques doivent évoquer, soit une anomalie de régulation (constitutionnelle), soit la prise cyclique d’un médicament.

Tableau 10.IV. 8.III.

Diagnostic d’une neutropénie modérée.

PN entre 800 et 1700/mm3 ➞ Neutropénie modérée 1. Éliminer les causes bactériennes ou parasitaires : typhoïde, brucellose, diverses septicémies, paludisme, kalaazar… 2. Penser aux infections virales : l’hépatite virale, la rougeole, la grippe, l’infection à VIH 3. Éliminer lupus érythémateux et syndrome de Sjögren 4. En cas de rhumatisme inflammatoire, penser au syndrome de Felty 5. Conduite ultérieure • Si l’anomalie s’aggrave (en quelques jours), ou s’il existe des anomalies des autres lignées (macrocytose, thrombopénie modérée) ou en cas de prise de médicament suspect : myélogramme immédiat. • Si l’anomalie est stable depuis au moins trois semaines et isolée : anomalie bénigne probable : Trouble banal de répartition ou neutropénie ethnique des Africains. S’abstenir d’explorations.



L’agranulocytose aiguë acquise (type : agranulocytose due à l’amidopyrine) CNEM



Diagnostic

C’est une maladie aiguë à début rapide marqué par la fièvre et les infections multiples, souvent dramatiques : septicémie, angine ulcéronécrotique, infections cutanées multiples, foyers pulmonaires, etc. L’hémogramme révèle immédiatement l’agranulocytose sans atteinte des autres lignées (une thrombopénie n’est cependant pas exceptionnelle). Cette constatation impose le myélogramme qui va montrer une moelle peu riche avec atteinte de la lignée granuleuse soit complète, soit avec un début de régénération marqué par la présence de promyélocytes. CNEM : item 316 « Hémogramme : indications, interprétation ». CNEM : item 143 « Agranulocytose médicamenteuse : conduite à tenir ».

174 ◗



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LE POLYNUCLÉAIRE NEUTROPHILE ET SA PATHOLOGIE

Tableau 10.V.

Diagnostic d’une neutropénie profonde ou d’une agranulocytose. Neutropénie profonde ou, si < 200 / mm3 , Agranulocytose

PN < 800 / mm3

Myélogramme

Atteinte centrale de plusieurs lignées

Atteinte granuleuse pure

Leucémie aiguë Insuffisance médullaire globale

Agranulocytose pure : cause ?

1- Agranulocytose immuno-allergique 2- Agranulocytose toxique 3- Syndrome de Felty et clones T LGL 4- Agranulocytose constitutionnelle 5- Neutropénie chronique idiopathique sévère

En effet, tantôt il y a « blocage de maturation » au stade promyélocytaire : les promyélocytes sont proportionnellement plus nombreux que normalement et il n’y a aucune cellule plus différenciée dans la lignée. Cet aspect de « blocage » correspond en fait à un début de régénération de la lignée myéloïde. Tantôt la moelle est extrêmement pauvre, pratiquement sans cellules granuleuses, ce qui correspond à un stade plus éloigné de la récupération, les cellules myéloïdes différenciées n’étant pas encore réapparues. Les autres lignées sont respectées ou peu modifiées et il n’y a pas d’élévation du taux des hémoblastes, en revanche une plasmocytose est fréquente. Le seul diagnostic qui peut se discuter est celui d’une leucémie aiguë à promyélocytes (voir p. 249). Les arguments à retenir contre ce diagnostic sont l’absence d’anémie et de corps d’Auer, et l’évolution. En effet, en cas d’agranulocytose médicamenteuse, si elle est bien prise en charge, en quelques jours on assiste à une guérison totale dans 90% des cas. Les décès sont dus aux complications infectieuses. Tableau 10.VI. 8.IV. – – – –

Isoler le malade d’URGENCE Supprimer tout médicament suspect Antibiothérapie bactéricide à large spectre par voie veineuse Proscrire toute injection intramusculaire



1 2 3 4

Conduite à tenir devant une fièvre avec agranulocytose.

175 ◗

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CONNAISSANCES

Les transfusions de globules rouges n’apportent pas de PN et sont inutiles. En revanche, les transfusions de PN sont parfois utiles dans les infections graves, non contrôlées par les antibiotiques.



Il est relativement bon si le diagnostic est fait rapidement et surtout si le blocage de maturation n’est pas trop haut situé, ce qui serait un facteur de prolongation de l’agranulocytose. Toute prise ultérieure de l’allergène, même à dose minime, entraînera une nouvelle agranulocytose; or il faut savoir que plusieurs spécialités contiennent de l’amidopyrine sous des terminologies diverses. Heureusement beaucoup de médicament contenant ce produit ont été retirés du marché et ceux qui restent sont au tableau A.

◗ ◗ Tout médicament pris depuis moins de trois mois est suspect, a fortiori s’il est d’introduction récente sur le marché.

Autres médicaments responsables d’agranulocytoses

Les autres médicaments responsables d’agranulocytoses pures, toxiques ou immunoallergiques, sont notamment les phénothiazines, certaines sulfamides, la phénylbutazone, la phénylindanedione, les antithyroïdiens…, et à titre plus rare de très nombreux autres produits. Ce ne sont souvent que les études de pharmacovigilance qui mettent en évidence l’effet neutropéniant de médicaments nouveaux, pouvant alors justifier leur retrait du marché. Toute agranulocytose doit donc être signalée au Centre de pharmacovigilance. Dans le doute, il faut arrêter tout médicament jusqu’à plus ample information.



Les agranulocytoses constitutionnelles

Ce sont des maladies génétiques très rares. La maladie de Kostmann est une maladie récessive qui débute dans les premiers jours par des infections graves et peut aboutir à la mort en quelques mois. L’administration de G. CSF recombinant par voie sous-cutanée est efficace dans la plupart des cas et représente un progrès très important. L’agranulocytose cyclique se reproduit tous les 21 jours. Sa transmission est dominante. Elle est aussi améliorée par le G.CSF. Les deux maladies résultent de mutations du même gène (celui de l’élastase) en des points différents. Il existe aussi une agranulocytose chronique des jeunes enfants, sans facteur familial, qui entraîne des infections sévères mais guérit en quelques mois. Le traitement curatif et préventif est celui des infections.



Neutropénies chroniques



Diagnostic

Les neutropénies chroniques sont très fréquentes et découvertes sur l’hémogramme de sujets qui consultent pour une symptomatologie très variée, en règle sans rapport, la neutropénie n’entraînant absolument aucun trouble… en dehors de l’anxiété que provoque sa découverte. Le problème est essentiellement d’ordre étiologique. Il faut bien sûr éliminer d’abord les causes indiquées dans le tableau 10.IV. Dans un très grand nombre de cas, aucune étiologie n’est retrouvée. On parle de neutropénie chronique idiopathique ou de neutropénie mineure. C’est une affection bénigne, fréquente en particulier chez la femme, qui n’entraîne aucune conséquence, le nombre de PN restant toujours suffisant pour éviter toute ◗

◗ Une agranulocytose non traitée est mortelle dans 90% des cas.

Pronostic

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LE POLYNUCLÉAIRE NEUTROPHILE ET SA PATHOLOGIE

infection (aucun risque au-dessus de 1000 PN/mm3, risque très faible entre 500 à 1000 PN/mm3). En fait, il semble s’agir le plus souvent d’un trouble de répartition des PN qui se situent préférentiellement dans le secteur marginal (voir p. 170). Ils ne sont donc pas comptés lors de la numération, mais ils sont remis en circulation selon les besoins. L’origine du trouble de répartition est inconnue. La notion de stabilité depuis quelques semaines est essentielle au diagnostic.



Traitement

La conduite indiquée dans le tableau 10.IV a pour but d’assurer le diagnostic en montrant la stabilité de l’anomalie. Aucun médicament n’est justifié. Il est surtout important d’éviter l’excès médical et de rassurer ces malades souvent anxieux mais qui ne courent aucun risque. La surveillance répétée de l’hémogramme n’est donc même pas justifiée.



Neutropénies constitutionnelles physiologique

Relativement fréquentes, surtout chez les sujets d’ascendance africaine, elles sont asymptomatiques. Le taux de PN circulant est généralement entre 800 et 1500/mm3.



Syndrome de Felty

C’est l’association à une polyarthrite de type rhumatoïde, d’une neutropénie et parfois d’une splénomégalie. La polyarthrite est en général ancienne. Il faut éliminer les autres causes de neutropénie, médicamenteuses notamment (sels d’or). Le myélogramme et la biopsie montrent une diminution des éléments granuleux mûrs et souvent une diminution de la richesse médullaire. La gravité de ce syndrome est due à la sévérité des infections lorsque le taux des polynucléaires neutrophiles est inférieur à 500/mm3. Les études récentes suggèrent que la plupart de ces « syndromes de Felty » correspondent à des proliférations chroniques, et en elles-mêmes peu agressives, de « grands lymphocytes à grains », généralement T et clonales. Divers traitements ont été proposés. Le plus efficace tant sur la neutropénie que sur la polyarthrite semble être le méthrotrexate per os à faible dose.

◗ ANOMALIES QUALITATIVES DES GRANULOCYTES ◗

Anomalies morphologiques

Les moins rares sont l’anomalie de Pelger-Huet (hyposegmentation des PN), l’anomalie de Undritz (hypersegmentation des PN) et celle de May-Hegglin avec inclusions basophiles (corps de Döhle) dans le cytoplasme. Elles sont familiales et parfaitement bénignes. L’exceptionnelle anomalie de Chediak avec granulations géantes évolue en revanche vers une insuffisance médullaire ou un lymphome.

177 ◗

10



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CONNAISSANCES



Anomalies fonctionnelles

Anomalies dues à des médicaments Les corticoïdes perturbent la migration et la mobilité des PN, la colchicine perturbe leur mobilité, les salicylés stabilisent la membrane des lysosomes gênant la fonction des PN. Ces anomalies fonctionnelles ne favorisent pas les infections sauf dans le cas de la corticothérapie. Cet effet sur les fonctions est l’explication même de l’effet anti-inflammatoire de ces drogues. Anomalies du chimiotactisme On les observe dans de très rares maladies congénitales, mais aussi chez les diabétiques et les éthyliques. Anomalie de la bactéricidie On l’observe dans une série de maladies familiales dont la moins rare est la granulomatose chronique familiale liée au sexe masculin, marquée par des infections sévères, avec adénopathies, voire hépatosplénomégalie, lésions osseuses et pulmonaires de pronostic très grave. La phagocytose et la dégranulation des PN sont normales mais il existe un défaut de bactéricidie par défaut de production d’H2O2. Le diagnostic de ces affections est celui d’infections à répétition chez l’enfant.

Résumé Points clés L’excès de PN dans le sang est défini par un nombre de PN supérieur à 7000/mm3 chez l’adulte. C’est la polynucléose neutrophile. Les polynucléoses neutrophiles pures peuvent avoir diverses causes parmi lesquelles dominent : les infections à pyogènes, l’inflammation, les nécroses tissulaires et le tabagisme. La diminution des PN dans le sang (neutropénie) est définie par un nombre de PN inférieur à 1700/mm3 (800 chez l’Africain) quel que soit leur pourcentage dans la formule sanguine. Une neutropénie inférieure à 500/mm3 doit faire craindre la survenue d’infections. Les neutropénies extrêmes, à moins de 200 PN/mm3 dans le sang et les agranulocytoses constituent des urgences médicales. Elles nécessitent des mesures préventives immédiates en milieu hospitalier. Les principales causes des agranulocytoses sont médicamenteuses.

178 ◗



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Le polynucléaire éosinophile et sa pathologie

11

◗ LE POLYNUCLÉAIRE ÉOSINOPHILE ◗ LES HYPERÉOSINOPHILIES

◗ LE POLYNUCLÉAIRE ÉOSINOPHILE ◗

Morphologie

En microscopie optique le polynucléaire éosinophile (PE) ressemble au PN mais il s’en distingue par ses granulations beaucoup plus grosses et de teinte orangée. En outre son noyau est en général moins lobé, en « bissac ». Au microscope électronique, les granulations éosinophiles ont une structure très particulière, car elles contiennent un cristal bien distinct du reste de la granulation. ➤ Fig. 11.1. Polynucléaire éosinophile. ➤



Propriétés et fonctions

Les grains du polynucléaire éosinophile, comme ceux du polynucléaire neutrophile, sont des lysosomes et comme le polynucléaire neutrophile, le polynucléaire éosinophile est doué de mobilité et de phagocytose. Il 179 ◗



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CONNAISSANCES

passe du sang dans les tissus, très précocement au cours des processus inflammatoires, attiré par des facteurs chimiotactiques multiples, dont l’Il5. Ses fonctions sont mal connues, mais liées notamment au processus inflammatoire local : il phagocyterait spécialement les complexes antigène-anticorps et peut-être plus spécialement les réagines des réactions allergiques. Il porte un récepteur à haute affinité pour les IgE et synthétise de nombreuses cytokines pro inflammatoires. Il joue un rôle dans la destruction de certaines larves de parasites sensibilisées par des anticorps, en libérant des protéines cathioniques très cytotoxiques qui désorganisent les membranes des parasites, mais parfois aussi celles de tissus sains environnants. Production Le PE est issu de la moelle où il existe une lignée éosinophile analogue à la lignée neutrophile, mais très minoritaire. Le polynucléaire éosinophile n’est qu’un parent éloigné du polynucléaire neutrophile (dont le « cousin » le plus proche est le monocyte). Sa durée de vie dans le sang n’est pas connue avec précision, elle est probablement très courte. En cas de besoins tissulaires importants, la totalité des PE peut être très rapidement appelée dans le foyer et il apparaît une éosinopénie sanguine liée à la très faible importance des réserves. Dans un second temps, la moelle augmente la synthèse et une hyperéosinophilie peut apparaître. L’A.C.T.H. et les corticoïdes diminuent le nombre des éosinophiles circulants. Le facteur régulateur essentiel de la production des éosinophiles est l’interleukine 5 (IL5), synthétisé en particulier par les lymphocytes T stimulés. D’autres facteurs de croissance hématoprotéïques (GM-CSF, IL3) favorisent aussi la production des éosinophiles.

Tableau 8.V. 11.I. Tableau

Causes des hyperéosinophilies.

1 – Les affections allergiques

• Asthme • Eczéma et réactions allergiques chroniques • Sensibilisation médicamenteuse

2 – Les dermatoses prurigènes. 3 – Les parasitoses, surtout par les helminthes

• En France : Ascaris, oxyures, douves, Taenia, Toxacara canis • En pays d’endémie : Anguillules, filaires, Ankylostomes, trichines, bilharzies

À chercher systématiquement par : – examen des selles – voir sérologie

4 – La périartérite noueuse et les syndromes voisins telle que la pneumonie à éosinophile. 5 – Certains cancers et hémopathies malignes. 6 – Le syndrome hyperéosinophilique.

L’hyperéosinophilie se rencontre dans : la maladie de Hodgkin, des lymphones T, certains cancers (foie, ovaires), la leucémie à éosinophile est extrêmement rare. 180 ◗



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◗ LES HYPERÉOSINOPHILIES

LE POLYNUCLÉAIRE ÉOSINOPHILE ET SA PATHOLOGIE

CNEM

On ne peut parler d’hyperéosinophilie que lorsqu’il existe plus de 500 éosinophiles par mm3 quel que soit leur pourcentage dans la formule sanguine. Les principales causes en sont résumées dans le tableau 10.I. Lorsque aucune cause n’a été retrouvée à une éosinophilie il faut distinguer deux cas : – dans les grandes hyperéosinophilies et celles qui comportent une vitesse de sédimentation élevée l’enquête approfondie doit s’acharner à trouver une cause, car il existe en général une maladie aiguë ou chronique bien caractérisée parmi celles du tableau ci-dessus; – quand l’éosinophilie est modérée (inférieure à 1 000 mm3) et la vitesse de sédimentation normale, il est fréquent que l’enquête ne révèle rien, on recommande alors un traitement antiparasitaire polyvalent et, si ce traitement est sans effet, une surveillance espacée (tous les 6 mois, ou 1 an) de l’hémogramme.

Le Syndrome hyperéosinophilique idiopathique est défini par une éosinophilie à plus de 1500/mm3 persistant plus de 6 mois, sans étiologie apparente, mais avec des lésions viscérales : fibrose endomyocardiques, infiltrats pulmonaires ou localisations digestives à éosinophiles. Certains cas se rapprochent de syndromes myéloprolifératifs, d’autres, qui comportent élévation des IgE et angioedémes sont plus bénins et sensibles aux corticoïdes.

Résumé Points clés L’hyperéosinophilie est définie par un taux de PE > 500/mm3. Les dermatoses prurigènes, les helminthiases et les allergies sont les causes les plus fréquentes.

CNEM : item 311 « Éosinophilies ».

181 ◗

11



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Le polynucléaire basophile, le mastocyte et leurs pathologies

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◗ LE POLYNUCLÉAIRE BASOPHILE ◗ BASOCYTOSES ◗ LE MASTOCYTE (OU BASOPHILE TISSULAIRE) ◗ MASTOCYTOSES

◗ LE POLYNUCLÉAIRE BASOPHILE ◗

Morphologie

Il est caractérisé par de grosses granulations basophiles noirâtres qui ont une structure spéciale au microscope électronique : inégale avec figures myéliniques ou gros grains internes. Sur le plan cytochimique ces cellules (comme les mastocytes) ont une réaction métachromasique avec les colorants basiques, comme le bleu de Toluidine qui colore leurs grains en rouge.



Propriétés et fonctions

Cellule riche en histamine et porteuse d’un récepteur à haute affinité pour les IgE le polynucléaire basophile passe dans les tissus en cas de réaction inflammatoire. Les mêmes facteurs de croissance que ceux actifs sur l’éosinophile règlent sa production, particulièrement l’IL3. Ses fonctions sont mal connues. On sait qu’il joue un rôle dans les réactions inflammatoires, y compris chroniques et celles qui sont dues localement aux helminthes. Il libère des leucotriènes et pourrait moduler la réponse inflammatoire par la libération d’IL4 et d’IL13.

◗ BASOCYTOSES

Ce sont des anomalies rares et d’intérêt diagnostique limité. On peut parler de basocytose lorsqu’en nombre absolu le taux de basophiles supérieur à 100 par mm3. En pratique étant donné la rareté de cette cellule ce chiffre est difficile à apprécier avec précision. Les basocytoses se rencontrent dans les maladies suivantes : – leucémies myéloïdes chroniques et autres syndromes myéloprolifératifs, – grandes hyperlipémies, – hypothyroïdie. 183 ◗



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CONNAISSANCES

◗ LE MASTOCYTE (OU BASOPHILE TISSULAIRE)

Il est présent en grandes quantités dans les tissus, en particulier dans les muqueuses, aux frontières du monde extérieur. Il joue un rôle important dans les réactions inflammatoires locales. Il porte un récepteur à haute affinité pour les IgE. Sa dégranulation survient au stade tout initial de l’inflammation. On sait que les grains des mastocytes contiennent de l’histamine, de la 5-hydroxytryptamine et peut-être de l’héparine. Il libère aussi de l’IL5 et sa dégranulation entraîne l’appel local des éosinophiles. Production Elle est régulée par le stem cell factor ou kit ligand qui agit très précocement dans la différenciation myéloïde (voir p. 6). Il ne dérive pas du polynucléaire basophile, mais semble se former localement à partir d’un précurseur circulant très immature, venu vraisemblablement de la moelle.

◗ MASTOCYTOSES

Il existe d’exceptionnelles leucémies aiguës à mastocytes. On rencontre en revanche moins rarement des mastocytoses cutanées pures, maladies bénignes qui ont l’aspect d’une urticaire pigmentaire, isolée le plus souvent. La mastocytose systémique, est une maladie rare marquée par une prolifération mastocytaire diffuse, d’évolution lente, qui associe des manifestations cutanées (dont les plus typiques sont à type d’urticaire pigmentaire), des manifestations osseuses (ostéo-condensantes beaucoup plus fréquemment qu’ostéolytiques), parfois des adénopathies, une grosse rate, une hépatomégalie, mais peu de manifestations hématologiques, en dehors d’une infiltration mastocytaire du myélogramme. Il peut exister des signes pulmonaires et digestifs, en particulier des diarrhées aiguës liées à l’hyperhistaminémie, après une prise médicamenteuse (aspirine, opiacés.) un flush avec vasodilatation, une hypotension (possibilité de syncopes).

184 ◗



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Monocytes et monocytoses

13

◗ LE MONOCYTE ◗ MONOCYTOSES ◗ MONOCYTOPÉNIES

◗ LE MONOCYTE ◗

Morphologie

Le monocyte est la plus grande des cellules circulantes; il est caractérisé par un noyau encoché (mais non polylobé). Son cytoplasme contient de fines granulations azurophiles. L’aspect en microscopie électronique n’a rien de caractéristique. La cytochimie en revanche montre une activité phosphatase alcaline faible, une activité peroxydasique franche mais labile, et une intense activité estérasique, qui distingue cette cellule des granulocytes.



Origine

Le monocyte a une origine médullaire à partir d’un précurseur commun (CFU-GM) avec le polynucléaire neutrophile dont il est très proche phylogénétiquement et également fonctionnellement. Contrairement au polynucléaire neutrophile, il a une formation médullaire rapide : environ 48 heures, et sort de la moelle encore très « immature ». Il persisterait en revanche dans le sang plus longtemps (demivie : 2 à 3 jours).



Fonctions

Comme le polynucléaire neutrophile, le monocyte est capable de phagocyter et d’éliminer les bactéries grâce à des granulations lysosomales dont le contenu est proche de celui des polynucléaires neutrophiles. Cependant, c’est au niveau des tissus, où il se transforme en macrophage (dont la durée de vie peut être de plusieurs mois) ou en cellule dendritique, que le monocyte exerce ses principales fonctions : élimination des cellules âgées, des « déchets », des substances étrangères par le macrophage, et rôle dans la genèse de la réaction immunitaire, la cellule dendritique présentant les antigènes aux lymphocytes T, à la phase initiale de la réponse immunologique.



Production

Plusieurs facteurs de croissance hématopoïétiques participent à la régulation de la production des monocytes, et à leur évolution vers le 185 ◗



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CONNAISSANCES

macrophage, ou vers la cellule dendritique. Certains sont communs à d’autres lignées myéloïdes (GM-CSF, IL3) le M-CSF est en revanche le facteur spécifique de régulation de la lignée. ➤ Fig. 13-1. Monocyte ➤

◗ MONOCYTOSES

CNEM

Elles sont définies par un nombre de monocytes sanguins supérieur à 1000/mm3.



Monocytoses réactionnelles

Ce sont des anomalies relativement fréquentes mais de signification diagnostique limitée. Elles s’observent au cours de maladies infectieuses et, contrairement aux notions classiques, pas spécialement au cours de la maladie d’Osler ou de la tuberculose, mais en réponse à diverses infections : bactériennes, virales ou parasitaires. Des monocytoses réactionnelles au cours d’états inflammatoires non spécifiques sont également fréquentes. La monocytose qui survient au début de la phase de correction d’une agranulocytose est intéressante à connaître, car elle témoigne de la récupération des fonctions médullaires, les monocytes qui ont une synthèse médullaire rapide sortant avant les polynucléaires et annonçant ceux-ci.



Monocytoses malignes

Elles surviennent soit dans le cadre de leucémies aiguës monocytaires (voir chap. 18), soit dans le cadre de leucémies chroniques myélomonocytaires (voir chap. 19).



Monocytoses chroniques isolées

Elles sont rares mais elles représentent en général le premier symptôme d’une maladie médullaire maligne telle que la leucémie myélomonocytaire chronique ou une dysmyélopoïèse acquise. CNEM : item 316 « Hémogramme : indications, interprétation ».

186 ◗



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MONOCYTES ET MONOCYTOSES

◗ MONOCYTOPÉNIES

C’est un problème qui se pose rarement en pathologie, ou en association avec une neutropénie. Il existe cependant dans le cas particulier des leucémies à tricholeucocytes (voir p. 280).

187 ◗

13



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Les plaquettes sanguines et leur pathologie quantitative

14

◗ LES PLAQUETTES NORMALES ET LA THROMBOPOÏÈSE ◗ LES THROMBOCYTOSES ◗ LES THROMBOPÉNIES

◗ LES PLAQUETTES NORMALES ET LA THROMBOPOÏÈSE ◗

Structure des plaquettes

Les plaquettes résultent de la fragmentation programmée du cytoplasme des mégacaryocytes. Dans la circulation, elles ont l’aspect de petits disques de 3 μm de diamètre et de 1 μm d’épaisseur, séparés les uns des autres et restant à distance de la paroi vasculaire, à laquelle ils n’adhèrent pas. Ce sont des fragments de cellules sécrétrices, sans noyau, mais contenant de nombreuses granulations et tout l’équipement du cytoplasme de cellules sécrétoires. Ce contenu et la membrane des plaquettes sont étudiés dans le chapitre 23 consacré à l’hémostase. ➤ Fig. 14.1. Plaquettes : aspect en microscopie électronique. ➤ mf = microfibrilles; Mt = microtubules; Gly = glycogène; mit = mitochondrie; Gr = α-granules; GrD = granule dense ; SCS = système canaliculaire connecté à la surface.



Données quantitatives CNEM

• Chez le sujet normal la concentration des plaquettes est de 150 à 500.103 par millilitre de sang.

CNEM : item 316 « Hémogrammme : indications, interprétation ».

189 ◗



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CONNAISSANCES

• Le terme de thrombopénie est utilisé lorsque la concentration est inférieure à 150 x 103 plaquettes/mL. Il existe cependant des sujets (sur le pourtour du Bassin méditerranéen surtout) dont le chiffre de plaquettes normal est plus bas (100 000-150 000/mm3) avec des plaquettes de plus grande taille. • On utilise le terme de thrombocytose pour des chiffres supérieurs à 500.103/mL (même si, chez certains sujets, des taux compris entre 450 000 et 500 000 mm3 sont déjà pathologiques). Il faut s’assurer que les anomalies quantitatives sont confirmées par l’aspect du frottis. En effet, on peut observer de fausses thrombopénies lorsque les plaquettes s’agglutinent in vitro en présence de l’anticoagulant (EDTA) contenu dans les tubes à NFS (1% des sujets normaux).



Fonctions des plaquettes

Ce sont principalement des fonctions liées à l’hémostase. Elles sont étudiées dans le chapitre 23. Elles jouent également un rôle dans la réponse inflammatoire, par l’activation des facteurs chimiotactiques, et par la sécrétion d’amines vasopressives qu’elles transportent et dont elles se chargent dans la circulation. Elles auraient aussi un rôle de phagocytose, pouvant éliminer de petites particules et des bactéries.



Thrombopoïèse

Les plaquettes proviennent de la fragmentation du cytoplasme des mégacaryocytes localisés dans la moelle osseuse. Ceux-ci proviennent eux-mêmes de la différenciation d’une cellule souche, puis de progéniteurs particuliers (voir chapitre 1), selon un mode de division et de maturation unique, marquée par l’endomitose. Le noyau se multiplie sans que la cellule se divise : 2N étant le nombre de chromosomes de la cellule précurseur, les mégacaryocytes des générations successives vont contenir 4N, 8N, 16N, 32N, 64N. En même temps, le cytoplasme s’agrandit et les plaquettes se forment. Les mégacaryocytes qui libèrent des plaquettes sont habituellement au stade 32N, mais des formes 16N et 64N libèrent également des plaquettes. Celles-ci représentent de petits territoires du cytoplasme du mégacaryocyte délimités par des membranes de démarcation. Plus le noyau est jeune, plus le territoire délimité est grand (grosses plaquettes). C’est pourquoi, lors d’une accélération de la thrombopoïèse (déplétion aiguë, purpura thrombopénique) les plaquettes circulantes sont de grande taille. Ce mécanisme explique l’hétérogénéité des populations plaquettaires et l’existence de grosses plaquettes circulantes en période de régénération. Cette constatation est cependant sans intérêt pratique diagnostique, car les plaquettes peuvent être également de grande taille dans des thrombopénies centrales.

La thrombopoïèse est régulée par la thrombopoïétine. Ce facteur de croissance hématopoïétique a été isolé et son gène cloné en 1994. Il présente des homologies avec l’érythropoïétine. Il est produit principalement par le foie et le rein. Il est régulé passivement par le taux de son récepteur (Mpl), donc par la masse mégacaryocyto-plaquettaire. D’autres facteurs de croissance hématopoïétiques (IL3, IL6) jouant également un rôle, mais plus accessoire en termes quantitatifs. La durée de vie des plaquettes chez l’homme est de 7 à 10 jours. Divers isotopes, surtout aujourd’hui du technetium ou de l’indium, permettent de marquer les plaquettes et de suivre la vitesse de leur destruction dans l’organisme. Cette destruction se fait dans la rate et le foie principalement. ◗

◗ Actuellement les laboratoires rendent le plus souvent les résultats selon les normes internationales, les taux de plaquettes sont exprimés par litre et non par mm3. La normale est donc de 150 à 500 × 109/L ou 150 à 500 G/L.

190 ◗

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LES PLAQUETTES SANGUINES ET LEUR PATHOLOGIE QUANTITATIVE



Exploration de la thrombopoïèse

• Le myélogramme, et éventuellement la biopsie médullaire, permettent d’apprécier le nombre des mégacaryocytes. Dans un myélogramme normal on décompte un mégacaryocyte pour 10 000 cellules environ. Mais les mégacaryocytes sont très inégalement répartis sur le frottis, si bien qu’il est difficile d’en faire une numération précise. Cet examen permet seulement une estimation grossière, de la présence, ou de la rareté, ou de l’extrême abondance, de ces cellules dans la moelle. Sur la coupe faite après biopsie l’estimation est plus précise. • L’étude de la durée de vie des plaquettes marquées par un radioisotope (avec les propres plaquettes du malade) permet de distinguer les trois mécanismes possibles des thrombopénies : – les thrombopénies d’origine centrale par défaut de fabrication par la moelle : la durée de vie est normale; – les thrombopénies par destruction périphérique des plaquettes qui sont cependant produites en quantité normale ou augmentée : durée de vie très raccourcie; – les thrombopénies par trouble de répartition : durée de vie modérément diminuée et répartition anormale des plaquettes marquées.

Résumé Points clés Les plaquettes sont des lambeaux de cytoplasmes des mégacaryocytes dont les fonctions principales portent sur l ‘hémostase. Leur production, médullaire, est réglée par la thrombopoïétine. Leur durée de vie est de 7 à 10 jours.

◗ LES THROMBOCYTOSES Point de débat La limite supérieure normale est discutée. Pour certains un taux > à 450000, voire à 400000/mm3 est pathologique. Ce n’est cependant pas toujours le cas. En revanche, au-dessus de 500000/mm3, il y a certainement pathologie et il est justifié d’explorer.



CNEM

Définition

Toute élévation du taux de plaquettes à 500000/mm3 ou plus.



Physiopathologie

Les thrombocytoses permanentes sont, en règle générale, dues à une hyperproduction médullaire. Leur conséquence essentielle est le risque de thrombose, dû à la formation d’agrégats plaquettaires dans la circulation par un mécanisme mal connu. Il devient très important lorsque le nombre des plaquettes atteint 1 million par mm3.

CNEM : item 316 « Hémogramme : indications, interprétations ».

191 ◗

14



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CONNAISSANCES



Principales causes

C’est un problème diagnostique qui a été longtemps considéré comme rare. En fait, les appareils qui comptent automatiquement les plaquettes sur le sang total, et avec eux l’intégration du décompte systématique des plaquettes à la numération, reconnue à la nomenclature depuis 1993, ont changé les choses. Il s’avère que c’est un problème relativement fréquent, et « nouveau » en pratique courante.



Thrombocytoses secondaires

Tableau Tableau 8.I. 14.I.

Causes des thrombocytoses secondaires.

Les causes des thrombocytoses secondaires (> 500 000 plaquettes, et généralement < 1 million/mm3) sont : • splénectomie ou asplénie fonctionnelle ; • inflammation aiguë ou chronique (infection, rhumatisme inflammatoire, maladie de Hodgkin, cancers, etc.) ; • hémorragie aiguë ; • carence martiale; • hémolyse chronique.



Splénectomie et asplénie

– Dans les heures qui suivent une splénectomie, quelle qu’en soit la cause, le nombre des plaquettes tend à s’élever pour atteindre un maximum qui peut dépasser 1 million/mm3 en une semaine et régresser en un à deux mois. Il reste parfois élevé de manière permanente, aux alentours de 500 à 700 000/mL, surtout lorsque persiste une cause de stimulation myéloïde, comme une anémie hémolytique non guérie par la splénectomie. Il est rare que des chiffres plus élevés persistent posant le problème d’une thérapeutique spécifique. Pendant la phase de thrombocytose précoce après la splénectomie, il est prudent de prévenir les thromboses par les antiagrégants plaquettaires (voir p. 340). – Le syndrome d’asplénie, constitutionnel ou acquis (thromboses spléniques répétées) peut s’accompagner d’une thrombocytose permanente souvent élevée (voir p. 230).



Les thrombocytoses « réactionnelles »

Dépassant rarement 800 000 par mm3, elles se voient au cours de diverses maladies infectieuses et de syndromes inflammatoires. Elles sont généralement associées à une polynucléose neutrophile. On en rencontre également au cours des hémolyses chroniques, des hémorragies aiguës, et au cours des carences martiales.



Les thrombocytoses des cancers

Elles sont assez fréquentes, généralement modérées. Elles se rencontreraient plus particulièrement au cours de cancers broncho192 ◗



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LES PLAQUETTES SANGUINES ET LEUR PATHOLOGIE QUANTITATIVE

pulmonaires. Elles sont pratiquement toujours expliquées par le syndrome inflammatoire associé au cancer. 8.II. Tableau 14.II.

Diagnostic d’une hyperplaquettose.

Plaquettes > 500000/mm3 = Thrombocytose – Vérifier : • VS, CRP (syndrome inflammatoire ?) • Fer + capacité totale (carence martiale ?) • Corps de Jolly sur le frottis (absence de rate fonctionnelle ?) • l’absence d’hémorragie aiguë ou d’hyperhémolyse – Si tout est normal : syndrome myéloprolifératif ou myélodysplasie. • Selon le reste de l’hémogramme : Vaquez, LMC, splénomégalie myéloïde, myélodysplasie avec hyperplaquettose • Si pas d’anémie, ni de polyglobulie, avec ou sans hyperleucocytose modérée, sans myélémie : thrombocytémie essentielle (diagnostic d’élimination).



Thrombocytoses des syndromes myéloprolifératifs

1. La thrombocytémie essentielle est un syndrome myéloprolifératif (voir chap. 20) caractérisée par une atteinte exclusive de la lignée plaquettaire. Longtemps considéré comme rare, il est en fait fréquent, mais souvent latent. Il s’observe à tous les âges. Les plaquettes dépassent 500 000 et parfois 2 millions/mm3. Très souvent, l’anomalie est révélée par un hémogramme systématique, parfois par des thromboses de vaisseaux de petit ou moyen calibre ou par une érythromélalgie. Il existe inconstamment une splénomégalie. Les autres lignées sont normales ou très peu modifiées (discrète polynucléose neutrophile). La présence d’autres anomalies de la ligne granuleuse (éosinophilie, basophilie, myélémie) doit faire rechercher les anomalies chromosomiques ou moléculaires de la leucémie myéloïde chronique. L’hyperplasie myéloïde est souvent globale en biopsie médullaire (qui n’est pas nécessaire au diagnostic) avec une prédominance mégacaryocytaire. Des hémorragies peuvent apparaître, liées à une thrombopathie associée. Le diagnostic différentiel consiste essentiellement à éliminer les thrombocytoses secondaires (Tableaux 14.I et 14.II). Il faut également écarter les autres syndromes myéloprolifératifs et en particulier la maladie de Vaquez. Le risque de thrombose justifie la thérapeutique. Le traitement dépend du nombre de plaquettes, de l’âge du patient et de son état vasculaire. Il faut savoir qu’il n’existe aucun facteur prédictif formel du risque de thrombose. – Chez un sujet de moins de 60 ans, sans manifestations thrombotiques, sans facteurs de risque surajoutés (tabac, lipides) un traitement anti-agrégant plaquettaire est suffisant si les plaquettes sont inférieures à 800000, voire 1 million ou même 1,5 million/mm3, selon les auteurs. – Le traitement myélosuppresseur fait appel à l’hydroxyurée (Hydréa), au Pipobroman (vercyte), voire à l’interféron. – Chez les femmes jeunes, la grossesse peut poser des problèmes difficiles

2. Les thrombocytoses associées à d’autres syndromes myéloprolifératifs sont observées au cours de la maladie de Vaquez, la leucémie myéloïde et la splénomégalie myéloïde. 193 ◗

14



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CONNAISSANCES

◗ LES THROMBOPÉNIES ◗

CNEM

Physiopathologie générale

Il existe trois mécanismes de thrombopénie



Thrombopénie d’origine centrale (médullaire)

Elle est liée à une diminution de la production, en raison d’un nombre diminué de mégacaryocytes, par aplasie, ou par la prolifération maligne d’une autre lignée cellulaire (leucémies) ou par envahissement par des métastases cancéreuses. Dans ce cas, la durée de vie des plaquettes dans la circulation est normale. Le nombre de mégacaryocytes est habituellement diminué si la thrombopénie est importante (< 50 000/mm3), en revanche, dans les thrombopénies modérées le myélogramme est insuffisamment sensible pour mettre en évidence cette diminution.



Thrombopénie par hyperdestruction

Les plaquettes produites normalement sont détruites dans la circulation. La durée de vie des plaquettes est alors très courte, parfois inférieure à 24 heures, et s’accompagne d’une mégacaryocytose augmentée.



Thrombopénie par séquestration des plaquettes dans une rate hypertrophiée

Dans ces cas, la moelle est riche en mégacaryocytes, la durée de vie est peu diminuée ou normale, les comptages externes montrent que les plaquettes marquées se localisent souvent dans la rate.



Conséquences d’une thrombopénie sévère

Elle se traduit par une perturbation des différentes fonctions auxquelles participent les plaquettes, soit en pratique : – une perturbation de l’hémostase primaire avec allongement du temps du saignement. Les anomalies sont d’autant plus nettes que la thrombopénie est plus sévère ; – en revanche, la coagulation proprement dite n’est pas perturbée. Les thrombopénies sévères, inférieures à 20 000/mm3, se traduisent souvent (mais pas toujours) par des hémorragies cutanées et muqueuses : gingivorragies, épistaxis, ménorragies, hémorragies du fond d’œil et, dans les cas les plus graves (taux de plaquettes généralement inférieurs à 10 000/mm3) elles peuvent provoquer méléna, saignement intracrânien, ou hémorragie intra-alvéolaire. Tout se résume parfois à un purpura pétéchial, éventuellement ecchymotique. Les formes d’apparition rapide s’accompagnent souvent de bulles ecchymotiques en grain de cassis sur la muqueuse buccale.

CNEM : item 335 « Attitude diagnostique devant une thrombopénie ».

194 ◗



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LES PLAQUETTES SANGUINES ET LEUR PATHOLOGIE QUANTITATIVE

Tableau 14.III.

Retentissement de la thrombopénie sur l’hémostase (schématique).

Plaquettes > 80000/mm3

TS normal

Plaquettes < 80000/mm et > 50000/mm3

TS généralement allongé – possibilité de saignements cutanéo-muqueux surtout provoqués – pas d’hémorragie grave si isolée

3

Plaquettes < 50000/mm3

TS toujours allongé (inutile de le vérifier) : – possibilité de saignements cutanéomuqueux : ecchymoses – hémorragies graves possibles surtout si < 20000/mm3.

Certains gestes doivent absolument être évités en cas de thrombopénie < 50000 mm3 Le temps de saignement, d’ailleurs inutile (voir p. 309). Les activités sportives à risque de traumatisme. Les injections intramusculaires et tout geste thérapeutique traumatisant. Les médicaments modifiant l’hémostase et surtout les anti-agrégants plaquettaires.



Diagnostic général d’une thrombopénie en dehors de la période néonatale (voir tableau 14.IV)



Fausses thrombopénies de l’EDTA

La première éventualité à évoquer, si la baisse du chiffre des plaquettes ne s’accompagne pas de syndrome hémorragique, est celle d’une fausse thrombopénie. Chez certains sujets parfaitement bien portants, les plaquettes s’agglutinent en effet dans le tube de prélèvement, qui contient de l’EDTA pour empêcher la coagulation. Seules les plaquettes non agglutinées sont comptées dans les appareils électroniques modernes. Ce diagnostic est évoqué par le laboratoire si l’examen du frottis, qui devrait être systématique en cas de thrombopénie, met en évidence les amas de plaquettes. Le diagnostic est affirmé sur la normalité du chiffre des plaquettes mesurées sur un autre prélèvement, citraté ou capillaire. Cet artéfact exclu, les thrombopénies périphériques sont, de très loin les plus fréquentes, les thrombopénies centrales se rencontrant dans deux contextes : a) celui de maladies graves de la petite enfance : thrombopénies constitutionnelles (voir ci-après); b) chez l’adulte, devant des thrombopénies de gravité variable qui peuvent être constitutionnelles ou acquises. C’est un cas rare qui pose un problème diagnostique difficile avec le purpura thrombopénique idiopathique auto-immun. ◗

– – – –

195 ◗

14

2

3

4

Thrombopénie isolée + Mégacaryocytes rares

Thrombopénie isolée mégacaryotescytes nombreux

Anémie hémolytique + Thrombopénie

Thrombopénie périphérique très probable

Frottis Test de Combs érythrocytaire

Thrombopénie centrale isolée

Thrombopénie centrale dans le cadre d’une insuffisance médullaire



— alcoolisme aigu

196 ◗

— thrombopénie centrale idiopathique acquise * — thrombopénie autosomale * — thrombopénie toxique (chlorothiazide)

3.2

4.1

Contexte non caractéristique

Schizocytes

4.2 Test de Combs érythrocytaire positif

Micro-angiopathie thrombolique

Syndrome d’Evans

Évolution ? récupération en quelques semaines

chronicité **

3.1 Contexte évocateur Diagnostic facile

Thrombopénie des CIVD

Hypersplénisme

Thrombopénie allergique

* Vérifier le caractère central par la durée de vie des plaquettes ** Certaine après 6 mois

Durée de vie des plaquettes

Thrombopénies virales et purpura thrombopénique aigu idiopathique Thrombopénie du lupus E.D.

Thrombopénie chronique périphérique (généralement auto-immune).

Thrombopénies chroniques centrales — idiopathiques — autosomales

Diagnostic d’une thrombopénie chez l’adulte.

2 Existence d’une anémie arégénérative ou d’une pancytopénie + Mégacaryocytes rares

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Contrôler hémogramme et myélogramme

CONNAISSANCES

8.III. Tableau 14.IV.

Thrombopénie vraie (vérifier l’absence d’agglutinats)

14_chap14.fm Page 197 Mardi, 9. mai 2006 1:50 13

LES PLAQUETTES SANGUINES ET LEUR PATHOLOGIE QUANTITATIVE



Les thrombopénies non auto-immunes



Les thrombopénies constitutionnelles

Les thrombopénies autosomales sont des maladies généralement peu sévères et sans doute très hétérogènes. La thrombopénie, entre 40000 et 100000 habituellement, survient chez plusieurs membres d’une même famille, elle peut s’accompagner de plaquettes géantes et d’anomalies des polynucléaires neutrophiles (inclusions basophiles ou « corps de Döhle » de la maladie de May-Hegglin). Les thrombopénies congénitales avec amégacaryocytose sont sévères. Elles s’accompagnent ou non de malformations et résultent, selon les cas, de diverses mutations dont celle du récepteur de la thrombopoïétine. Les thrombopénies liées au sexe, plus rares que les formes autosomales, de gravité variable se rencontrent soit au cours du syndrome de Wiskott-Aldrich, soit isolément. Elles résultent d’une mutation du même gène. Les plaquettes sont de taille réduite. Certaines thrombopathies évoluent vers une thrombopénie, telle la maladie de Bernard-Soulier qui résulte d’anomalies quantitatives ou qualitatives du complexe GPIb-IX-V. Une forme de maladie de Willebrand (IIB) s’accompagne d’une thrombopénie.



Les thrombopénies infectieuses

Les thrombopénies virales sont essentiellement aiguës et transitoires, au cours des oreillons, de la varicelle, de la mononucléose infectieuse, de la rubéole, des hépatites, de l’infection par le CMV, ou par les parvovirus. Elles peuvent être observées également à l’occasion de vaccinations. L’infection virale est souvent méconnue et la thrombopénie peut en être la seule manifestation. Elles sont surtout fréquentes chez l’enfant. La guérison spontanée est habituelle en 2 à 4 semaines. La thrombopénie chronique est une manifestation relativement fréquente des infections VIH et à VHC. Elle peut être sévère et symptomatique dans le cas du VIH. Le tableau et le traitement sont alors proches de ceux d’un purpura thrombopénique idiopathique. De plus, les antiviraux sont souvent efficaces. Dans le cas du VHC la thrombopénie peut survenir même en l’absence de splénomégalie. Elle est généralement modérée (50 000 à 100 000/mm3). Les thrombopénies bactériennes se rencontrent en dehors de tout syndrome de consommation, dans des infections aiguës diffuses, notamment au cours de la typhoïde et au cours des septicémies.



Les thrombopénies dues à des médicaments

Elles peuvent être dues à une toxicité centrale, sur la lignée plaquettaire. C’est un cas exceptionnel (chlorothiazide). Beaucoup plus souvent le mécanisme est immunologique et périphérique : thrombopénies dues à un conflit immuno-allergique avec thrombopénie brutale et très profonde après quelque temps de traitement, ou lors d’une deuxième prise. Le complexe antigène-anticorps se fixant sur les plaquettes celles-ci sont détruites. L’anticorps est retrouvé dans le plasma du malade : il est actif sur toutes les plaquettes normales, mais seulement en présence du médicament. Les accidents sont rares, hormis le cas des thrombopénies à l’héparine qui peuvent s’accompagner de thrombose par agrégation plaquettaire massive (voir p. 344). La quinine (y compris dans des boissons industrielles), la quinidine, la rifampicine sont moins souvent en cause. De nombreux autres médi197 ◗

14



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CONNAISSANCES

caments ont été incriminés, mais pour chacun d’entre eux, le nombre de cas connus est très faible : méprobamate, digitoxine, diurétiques de la famille des sulfamides, etc. La guérison est très rapide (quelques jours) à l’arrêt du médicament.



Les thrombopénies alcooliques

L’alcoolisme aigu entraîne parfois une thrombopénie sévère liée à la toxicité directe de l’alcool sur les mégacaryocytes. Ce tableau est à différencier de la thrombopénie modérée des cirrhoses éthyliques.



Les thrombopénies par consommation périphérique (CIVD et hémangiomes)

– La thrombopénie des CIVD est liée à l’utilisation des plaquettes dans les microthrombi qui se forment dans les vaisseaux. – La consommation intravasculaire par un hémangiome ou un hémangiosarcome, est une variante rare des thrombopénies par consommation.



Les thrombopénies des microangiopathies thrombotiques

(Voir p. 101) La thrombopénie avec syndrome hémorragique peut être au premier plan. Les signes neurologiques ou rénaux orientent rapidement s’ils existent; sinon c’est l’examen de frottis de sang par un cytologiste compétent qui fera le diagnostic sur la présence de schizocytes.



Les thrombopénies des hypersplénismes

Elles sont fréquentes et dues à la séquestration des plaquettes dans la pulpe rouge des rates volumineuses. La thrombopénie est rarement très profonde, en général elle reste supérieure à 50000/mm3, il n’y a donc pas de syndrome hémorragique. Le pool splénique plaquettaire normal, qui représente normalement environ 30% des plaquettes, peut être considérablement augmenté dans ce cas, ce que révèle l’épreuve isotopique, en montrant une séquestration splénique initiale majeure avec une durée de vie subnormale. Cette épreuve est cependant généralement inutile au diagnostic, l’association splénomégalie + neutropénie + thrombopénie modérée étant très évocatrice. L’hypersplénisme se rencontre surtout dans les rates, congestives, mais peut exister dans des splénomégalies d’autres étiologies.



Les thrombopénies post-transfusionnelles

– En cas d’exanguino-transfusions, la perte abondante de sang avec ses plaquettes, si elle est uniquement compensée par du sang conservé, entraîne très rapidement une thrombopénie. Elle peut être prévenue en transfusant des plaquettes. – Le purpura transfusionnel allo-immun est un syndrome rare, survenant après transfusions abondantes, la thrombopénie apparaissant après un délai d’une semaine, chez une personne qui, génétiquement, ne possède pas le gène codant pour l’antigène Pl1-a1 (HPA 1a) (1% environ). Les sujets atteints sont souvent des femmes qui développent un anticorps antiplaquettaire anti-PlA1a1. Certains gènes du système majeur d’histocompatibilité favorisent cette réponse. Cette thrombopénie se prolonge souvent plusieurs semaines. 198 ◗



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LES PLAQUETTES SANGUINES ET LEUR PATHOLOGIE QUANTITATIVE

Résumé Points clés La thrombopénie est une anomalie fréquente de l’hémogramme. Une fois écartée l’hypothèse d’une fausse thrombopénie, les étiologies à rechercher sont nombreuses et variées. Le diagnostic de purpura thrombopénique idiopathique, cause très fréquente et posant des problèmes très spécifiques, est un diagnostic d’élimination.



Les thrombopénies associées aux maladies auto-immunes

Cinq à 10% des purpuras thrombopéniques immunologiques témoignent initialement d’un lupus érythémateux disséminé. Chez d’autres patients, il existe des anticorps anti-nucléaires et un petit nombre d’entre eux développera ultérieurement un LED. La thrombopénie peut également s’associer à une anémie hémolytique auto-immune (syndrome d’Evans) ou être associée à un syndrome des antiphospholipides, ou à une thyroïdite auto-immune. Le problème thérapeutique rejoint, dans ces cas, celui de la thrombopénie chronique idiopathique, avec un taux de succès moindre.



Le purpura thrombopénique « idiopathique » (PTI)



Étiologie

Les thrombopénies chroniques, dites idiopathiques, sont des maladies auto-immunes, équivalentes dans la lignée plaquettaire des anémies hémolytiques auto-immunes. Elles sont donc aussi appelées : « purpura thrombopénique auto-immun ». Les plaquettes sont détruites, soit essentiellement dans la rate, soit dans le foie, soit dans les deux organes, voire de façon diffuse. La nature des thrombopénies aiguës idiopathiques est moins claire, il peut s’agir d’autoimmunisation qui sont alors spontanément curables, ou de thrombopénies virales méconnues.



Diagnostic

La maladie existe à tout âge, surtout entre 2 et 8 ans, et chez la femme entre 20 et 40 ans. Le taux de plaquettes peut être effondré, ou seulement diminué, de façon modérée. Il n’y a aucune atteinte des autres lignées, sauf en cas de pathologies associées (carence martiale liée aux hémorragies par exemple). Il faut systématiquement : • rechercher la notion de prise médicamenteuse; • celle d’une infection virale récente. S’assurer en outre de la négativité des sérologies VIH et VHC; • rechercher des anticorps antinucléaires et pratiquer un test de Coombs érythrocytaire; 199 ◗

14



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CONNAISSANCES

• en revanche, la recherche d’auto-anticorps anti-plaquettes n’est pas recommandée, en raison des faux positifs et faux négatifs des techniques actuelles. Le myélogramme, en principe systématique, montre une moelle riche en mégacaryocytes, suggérant le caractère périphérique de la thrombopénie. Certaines erreurs diagnostiques sont possibles. Les thrombopénies centrales constitutionnelles, dans leurs formes modérées autosomales (voir p. 203), sont évoquées s’il existe un contexte familial connu ou des anomalies morphologiques. Parfois cependant, seule l’épreuve isotopique révèle des formes centrales, éventuellement acquises, que rien jusque-là ne distinguait d’un PTI.



Évolution

Le risque immédiat est celui des hémorragies massives, essentiellement cérébro-méningées, chez l’adulte, dont cependant moins de 5% des cas sont mortels. Les hémorragies rétiniennes au fond d’œil sont classiquement un signe d’alarme. Les purpuras thrombopéniques aigus sont observés surtout chez l’enfant. Ces formes guérissent en trois semaines à trois mois sans séquelles, mais doivent être surveillées car un petit nombre rechute ultérieurement. Les purpuras thrombopéniques chroniques sont la forme habituellement observée chez l’adulte. Le diagnostic peut être porté devant un syndrome hémorragique brutal et sévère, ou discret mais qui attire l’attention par sa persistance. Il n’est pas exceptionnel que la thrombopénie ne s’accompagne d’aucune hémorragie et soit découverte par un hémogramme prescrit pour d’autres raisons. La thrombopénie évolue de façon variable avec des phrases d’aggravation. La maladie peut durer de quelques mois à toute la vie. Une anémie microcytaire par carence martiale peut apparaître, liée aux hémorragies. Il existe de rares formes intermittentes.



Traitement

Il est souvent difficile et il est prudent de le mener sur un avis spécialisé.

Traitement d’urgence Lorsque le syndrome hémorragique est sévère il est préférable que le patient soit admis dans un service spécialisé. Le traitement repose sur la corticothérapie per os (1 à 2 mg/kg/Jour) ou intraveineuse (méthylprednisolone : 60 à 120 mg/jour, pendant 3 jours) ou sur les immunoglobulines intraveineuses (0,4 g/kg/jour x 5 jours ou 1 g/kg/jour x 2 jours). Il est en général efficace en quelques jours, mais ce n’est qu’une efficacité transitoire. Le relais par une corticothérapie orale à 1 mg/kg/jour permet de prolonger la durée de la réponse. Dans tous les cas, il semble bien que ce traitement ne modifie pas l’évolution : les thrombopénies aiguës ne récidivent pas et les thrombopénies chroniques récidivent.

aux patients qui ont moins de 50 000 plaquettes/mm3.

Traitement de fond La Prednisone, comme traitement initial, à raison de 0,5 à 1 mg/kg pendant 3 semaines, puis à doses dégressives, entraîne une réponse complète dans 80% des cas chez l’enfant et 30 à 40% chez l’adulte. ◗

◗ Le traitement est réservé

200 ◗

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LES PLAQUETTES SANGUINES ET LEUR PATHOLOGIE QUANTITATIVE

Dans 1/3 des cas chez l’enfant et 2/3 des cas chez l’adulte, la thrombopénie va récidiver, témoignant de sa chronicité. L’intérêt de maintenir une corticothérapie, dans les formes où les plaquettes sont entre 20000 et 50000/mm3 sans autre syndrome hémorragique qu’un purpura pétéchial est très incertain. La splénectomie est le traitement de fond de référence des thrombopénies chroniques idiopathiques. Elle doit être envisagée en cas de thrombopénie inférieure à 50000/mm3 ne répondant pas aux corticoïdes ou rechutant à la diminution de la posologie, mais après un délai de six mois, car certaines thrombopénies guérissent spontanément durant cette période. Son indication doit être posée en milieu spécialisé. Soixante à 80 % des patients répondent à la splénectomie. L’étude de la durée de vie des plaquettes est indispensable au préalable, dans les formes qui n’ont pas été traitées médicalement (formes paucisymptomatiques) ou en cas de résistance aux traitements médicaux. En revanche, en cas de thrombopénie sensible aux traitements médicaux mais récidivante, l’étude de la durée de vie n’est pas indispensable. Traitement des thrombopénies réfractaires : Outre les immunoglobulines intraveineuses et les corticoïdes, plusieurs thérapeutiques peuvent être utilisées, soit en attendant la splénectomie, soit en cas d’échec de celle-ci. Ce sont : – Les immunosuppresseurs : azathioprine ou cyclophosphamide, associés ou non à des doses modérées de corticoïdes, pendant 6 à 12 mois. – Des injections discontinues de Vincristine (Une injection lente par semaine, quatre semaines). – Les androgènes per os (Danasol) ou un agent hémolysant (dapsone) pendant plusieurs mois.



Thrombopénie et grossesse

Au cours de la grossesse, il existe une thrombopénie physiologique, qui reste supérieure à 100000/mm3 Une thrombopénie périphérique, à moins de 100000/mm3, généralement un PTI, peut être découvert en cours de grossesse, ou bien une grossesse peut survenir chez une patiente atteinte de PTI. Le problème est généralement bénin mais préoccupant car les anticorps de la mère peuvent être transmis à l’enfant. La prise en charge par une équipe hospitalière regroupant maternité et hématologie doit être recommandée, notamment afin d’éviter des gestes éventuellement inutiles (poches de sang systématiques, césarienne…). ...

Résumé Points clés Le purpura thrombopénique idiopathique est une maladie auto-immune bien identifiée dont le diagnostic est facile, selon des critères rigoureux. C’est la plus fréquente des thrombopénies acquises sévères. Le traitement doit de préférence être confié au spécialiste, car il comporte de nombreuses incertitudes.

Points de débat La plupart des stratégies thérapeutiques ne reposent pas sur des bases scientifiques solides (corticoïdes vs. immunoglobulines vs. abstention, date de la splénectomie, place des immunosuppresseurs, etc.). 201 ◗

14



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CONNAISSANCES



Les thrombopénies néonatales

Les principales causes en sont résumées dans le tableau 14.V. Tableau 14.V. 8.IV.

Causes des thrombopénies du nouveau-né.

1. — Infection a) bactérienne : septicémie, syphilis, etc. b) virale : rubéole, maladie des inclusions cytomégaliques c) parasitaire : toxoplasmose 2. — Intoxication Prise de chlorothiazide par la mère. 3. — Immunisation antiplaquettaire a) mère atteinte de purpura thrombopénique idiopathique : transmission d’anticorps b) iso-immunisation fœto-maternelle dirigée contre les antigènes plaquettairess 4. — Anomalies constitutionnelles diverses Maladie de May-Hegglin, absence congénitale de radius Syndrome de Wiskott-Aldrich 5. — Consommation des plaquettes dans un angiome géant 6. — Leucémie congénitale

202 ◗



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Bicytopénies, pancytopénies et insuffisances médullaires globales ◗ DÉFINITIONS ◗ DIAGNOSTIC GÉNÉRAL DES BICYTOPÉNIES

◗ LES FIBROSES MÉDULLAIRES ◗ LES ANÉMIES RÉFRACTAIRES

◗ LES APLASIES MÉDULLAIRES ◗ LES ENVAHISSEMENTS MÉDULLAIRES

◗ BICYTOPÉNIES ET PANCYTOPÉNIES

ET PANCYTOPÉNIES

◗ DÉFINITIONS

(OU MYÉLODYSPLASIES)

D’ORIGINE PÉRIPHÉRIQUE

CNEM

Pancytopénie = anémie + neutropénie + thrombopénie. C’est un déficit des trois principales lignées myéloïdes. Bicytopénie : deux des éléments du syndrome de pancytopénie. Les cytopénies comportant un déficit en lymphocytes associé à l’atteinte d’une autre lignée ne sont pas incluses dans ce cadre, par définition. Aplasie médullaire : absence de tissus myéloïdes. Souvent utilisé comme synonyme d’insuffisance médullaire quantitative. Insuffisance médullaire globale : insuffisance de production des cellules de toutes les lignées médullaires. Insuffisance médullaire quantitative : l’anomalie est due à une raréfaction du tissu médullaire (par aplasie). Insuffisance médullaire qualitative : le tissu médullaire est quantitativement normal ou hyperplasique mais les cellules avortent avant leur maturation; la sortie de la moelle est donc insuffisante. Lorsque le phénomène porte surtout sur la lignée rouge, c’est « l’érythropoïèse inefficace ». On étudiera seulement dans ce chapitre les insuffisances médullaires quantitatives globales (IMG) ou portant au moins sur deux lignées, en renvoyant à d’autres chapitres deux autres types de pathologies :

• Les insuffisances médullaires portant sur une seule lignée : anémies anérythroblastiques (voir chap. 5), neutropénies pures d’origine centrale (voir chap. 10), thrombopénies pures d’origine centrale (voir chap. 14) qui posent des problèmes diagnostiques différents de ceux d’une pancytopénie. Il faut savoir cependant qu’ils peuvent parfois aussi être le début d’une IMG. CNEM : item 316 « Hémogramme : indications, interprétation ».

203 ◗



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CONNAISSANCES

• Les insuffisances médullaires qualitatives ou à « moelle riche » sont traitées ailleurs. Rappelons que les anémies mégaloblastiques (voir p. 79) en sont un exemple très caractéristique.

GÉNÉRAL DES BICYTOPÉNIES ◗ ETDIAGNOSTIC PANCYTOPÉNIES Ce diagnostic dépend du contexte et du type de cytopénie. Il relève essentiellement du myélogramme, mais il est des cas où il peut être évité. Une neutropénie avec thrombopénie, mais sans anémie, ne justifie pas le myélogramme, si les deux cytopénies sont modérées, et s’il existe une splénomégalie, surtout si elle est de type vasculaire (hypertension portale). Dans ce cas, en effet, il s’agit selon toute vraisemblance d’un hypersplénisme (tableau 15.I.). Le myélogramme peut également être évité, le plus souvent, s’il existe une anémie régénérative, soit hémolytique, soit hémorragique, ou une anémie microcytaire (tableau 15.II.). En revanche, dans tous les autres cas le myélogramme est immédiatement indispensable, comme l’indique le tableau 15.III. Cela est vrai aussi devant une neutropénie et une thrombopénie sans anémie, si elles sont d’emblée profondes.

Tableau 15.I.

Diagnostic d’une neutropénie et thrombopénie sans anémie. Neutropénie + Thrombopénie ⇓ Splénomégalie? ⇓

Oui (avec cytopénies modérées) ⇓ Hypersplénisme probable

Tableau 15.II.

⇓ NON (ou cytopénies majeures) ⇓ début d’une IMG? myélogramme

Diagnostic d’une pancytopénie ou d’une bicytopénie comportant une anémie dans le cas où l’anémie est soit régénérative, soit microcytaire.

1. Thrombopénie et anémie régénérative sans signes d’hyperhémolyse : Thrombopénie + hémorragie 2. Thrombopénie et anémie hémolytique (hyperbilirubinémie libre et haptoglobine effondrée) : – avec Coombs + : syndrome d’Evans – avec Schizocytes  microangiopathie 3. L’anémie est microcytaire : association probable de pathologies. Par exemple : • Carence martiale + neutropénie mineure ou éthnique • Carence martiale par thrombopénie avec saignement chronique • Thrombopénie associée à une thalassémie mineure • Neutropénie éthnique associée à une thalassémie mineure

204 ◗



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BICYTOPÉNIES, PANCYTOPÉNIES ET INSUFFISANCES MÉDULLAIRES GLOBALES

Diagnostic d’une bicytopénie ou d’une pancytopénie, comportant une anémie arégénérative normocytaire ou macrocytaire.

Tableau 15.III.

Panycytopénie ou bicytopénie avec anémie arégénérative normocytaire ou macrocytaire

Myélogramme

Moelle très pauvre : Insuffisance médullaire quantitative

Compléter par BM

Aplasie pure

Fibrose médullaire

Moelle riche ou moyenne avec anomalies morphologiques

Moelle envahie

Leucémie aiguë, myélome

Moelle normale

Biopsie médullaire

Métastase

Anémie mégaloblastique

voir chapitre 6

Dysmyélopoïèse

voir chapitre 21

Moelle envahie

Moelle pauvre

Aplasie à moelle hétérogène

Les insuffisances médullaires quantitatives, qu’elles portent sur toutes les lignées ou seulement sur deux (au début) sont toujours des affections graves. L’exploration doit être faite immédiatement en service spécialisé. Le diagnostic nécessite très souvent la biopsie de moelle, pour mettre en évidence une fibrose médullaire que le myélogramme méconnaît, ou l’envahissement médullaire par un lymphome à lésions nodulaires ou par des métastases cancéreuses, souvent non vues sur le myélogramme, ou pour affirmer qu’il s’agit d’une aplasie médullaire pure et apprécier sa gravité par le degré de pauvreté de la moelle. La biopsie de moelle est moins nécessaire lorsqu’il existe un tableau clair de dysmyélopoïèse (voir p. 263). Les anémies mégaloblastiques (voir p. 79) sont en fait souvent des pancytopénies et posent alors ce problème diagnostique, puisqu’elles s’associent à une neutropénie et une thrombopénie, généralement modérées mais parfois profondes. Le caractère très macrocytaire n’est pas absolument caractéristique puisqu’il peut se rencontrer dans des dysmyélopoïèses acquises. La présence de mégaloblastes sur le myélogramme permet seule le diagnostic (voir p. 121).

◗ LES APLASIES MÉDULLAIRES

L’aplasie médullaire est une pathologie rare, caractérisée par un déficit quantitatif, plus ou moins sévère de la production des cellules myé205 ◗

15



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CONNAISSANCES

loïdes. Elle réalise en général le tableau complet de l’insuffisance médullaire globale avec atteinte des trois lignées. L’atteinte peut être dissociée au début, mais elle se complète souvent rapidement. Les principales causes sont résumées dans le tableau 15.IV. Il faut noter que d’assez nombreuses aplasies médullaires ne font pas la preuve de leur étiologie. Certaines pourraient être auto-immunes, ou de causes virales, ou dues à des toxiques méconnus.



Aplasies toxiques et radio-induites

Elles sont dues, soit à la toxicité directe des rayons ionisants ou de certains médicaments ou produits chimiques sur les cellules souches, soit dans certains cas d’irradiation, à une lésion du tissu de soutien lui-même, avec dans ce cas une extrême gravité. Les principaux agents responsables sont donnés dans le tableau 15.IV. Le diagnostic d’aplasie repose sur la biopsie de moelle qui montre la pauvreté de la moelle et élimine envahissements ou fibroses. Le pronostic, variable selon l’agent étiologique, dépend de la profondeur et de la durée de l’aplasie et par conséquent de l’importance des complications, surtout infectieuses. Tableau 15.IV. 8.I.

Les causes des aplasies médullaires.

1. Les irradiations ionisantes 2. Des toxiques médicamenteux • Chloramphénicol et dérivés • Certains sulfamides • Hydantoïnes • Sels d’or • Antithyroïdiens de synthèse • Phénothiazines • Quinacrine • Pyriméthamine • Arsénicaux organiques • Sulfonylurée Tout médicament récent est a priori suspect 3 — Des toxiques non médicamenteux : • les organochlorés • le benzène 4 – Des agents infectieux : hépatite virale, virus non identifiés, tuberculose diffuse. 5 – Des causes génétiques : maladie de Fanconi. 6 – Exceptionnellement : thymôme, maladie de Marchiafava-Micheli. 7 – Aplasies idiopathiques : auto-immunes (?) toxique méconnu (?)



Les aplasies infectieuses

Elles sont très rares. Celles de l’hépatite virale surviennent au cours ou au décours d’une hépatite d’apparence banale, mais non-A, non-B, non-C. Il s’agit souvent d’une aplasie particulièrement brutale (ce dont témoigne le contraste dû à la durée de vie des hématies, entre une anémie modérée et des neutropénie et thrombopénie profondes) et 206 ◗



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BICYTOPÉNIES, PANCYTOPÉNIES ET INSUFFISANCES MÉDULLAIRES GLOBALES

gravissime. L’indication de la greffe de moelle est formelle chaque fois qu’elle est techniquement possible (donneur compatible). Celles de la tuberculose correspondent habituellement à des tuberculoses diffuses. Il ne s’agit pas en fait à proprement parler d’aplasie, mais de pancytopénie à moelle riche. Le diagnostic repose sur la biopsie de moelle ou de foie mettant en évidence des foyers de nécrose, souvent sans réaction cellulaire typique.



La maladie de Fanconi

C’est une maladie génétique récessive dont les gènes sont en cours d’identification. Ils semblent coder pour des molécules entrant dans des complexes multimoléculaires, d’où l’hétérogénéité génétique. Le diagnostic repose sur l’association : – d’une aplasie, – d’une notion familiale : autre cas d’aplasie ou de malformation dans la fratrie, – de malformations : anomalie des pouces, pigmentation cutanée, hypotrophie céphalique, malformations osseuses, rénales, etc. Le début de l’aplasie se situe entre 4 et 20 ans. En l’absence de traitement, l’évolution est constamment mortelle. Le traitement est réservé à des équipes spécialisées.



Les aplasies idiopathiques

Par définition leur étiologie est inconnue, cependant des arguments thérapeutiques suggèrent une possible origine auto-immune, au moins dans un certain nombre de cas. Le diagnostic est celui de l’aplasie, puis repose sur l’élimination de toutes les causes connues. Le pronostic actuel dépend beaucoup de la gravité initiale. Il faut distinguer : – L’aplasie très profonde, avec atteinte massive des trois lignées et moelle déserte. Révélée souvent en quelques jours avec complications multiples, elle a une évolution en règle catastrophique, en quelques semaines. C’est l’indication d’une greffe de moelle en première intention, s’il existe un donneur compatible. – L’aplasie moins sévère, caractérisée par des cytopénies moins profondes, une moelle pauvre mais non désertique et une évolution imprévisible vers la stabilisation, l’aggravation fatale ou la guérison spontanée (10% de cas environ). Cette évolution se fait sur des mois, parfois sur des années. – L’aplasie aiguë, spontanément résolutive en quelques semaines, est un syndrome rare, en l’absence de cause toxique, observé surtout chez les enfants. Se méfier d’une leucémie aiguë qui peut se révéler après quelques mois.



Le traitement des aplasies médullaires

Il impose le transfert d’urgence en milieu spécialisé. ◗

◗ Les indications évoluent rapidement et ne peuvent être discutées qu’en milieu spécialisé.

207 ◗

15

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CONNAISSANCES

Le traitement symptomatique est le même quelle que soit l’étiologie : isolement, précautions d’asepsie, traitement de toute infection par antibiothérapie veineuse polyvalente et éventuellement transfusions de globules rouges et de plaquettes. Pour le traitement de fond, on dispose de trois possibilités : – le traitement immunosuppresseur est le traitement de première ligne dans la majorité des aplasies médullaires idiopathiques. Il a recours au sérum antilymphocytaire, administré en une cure brève de 5 jours et la ciclosporine (administrée tous les jours pendant plusieurs mois). Des réponses plus ou moins complètes sont obtenues dans 50% des cas. Des rechutes sont possibles. Ce traitement ne s’applique pas aux autres étiologies; – la greffe de moelle allogénique est indiquée d’emblée dans les formes profondes dont la mortalité spontanée avoisine 90%, ou secondairement, en cas d’échec des immunosuppresseurs. Elle n’est possible que s’il existe un donneur, généralement frère ou sœur, histocompatible. On obtient actuellement environ 60% de succès à plus d’un an; – les stéroïdes anabolisants sont réservés aux échecs des traitements immunosuppresseurs et à l’impossibilité de greffe. Ils doivent être administrés à fortes doses (2 mg/kg) pendant au moins trois mois avant d’observer un effet, puis à doses lentement dégressives. Un résultat positif est observé dans 50% environ des cas d’aplasie idiopathique, mais les résultats stables et portant sur les trois lignées ne représentent que 25% des cas traités. L’amélioration est souvent supérieure pour les hématies que pour les autres lignées, dans le cas de la maladie de Fanconi. Les effets secondaires sont lourds surtout chez la femme et l’enfant. Les androgènes ne sont donc pratiquement plus utilisés en première intention.

Résumé Points clés Il existe une forte corrélation entre la profondeur de l’aplasie et sa gravité. La majorité des aplasies médullaires sont idiopathiques. La prise en charge ne se conçoit qu’en milieu spécialisé.

Points de débat Le mécanisme des aplasies médullaires idiopathiques est incertain. Une participation immune (auto?) est probable, dans la mesure où les immunosuppresseurs sont souvent efficaces.

208 ◗



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BICYTOPÉNIES, PANCYTOPÉNIES ET INSUFFISANCES MÉDULLAIRES GLOBALES

◗ LES ENVAHISSEMENTS MÉDULLAIRES

Ils sont révélés, soit par le myélogramme (surtout quand il s’agit d’une leucémie aiguë, d’un myélome, ou d’une LLC) soit par la biopsie de moelle, après qu’un myélogramme ait montré une moelle pauvre ou normale : cancer métastatique, ou lymphome notamment souvent méconnus au myélogramme. Le diagnostic, essentiellement morphologique, peut être aidé dans certains cas par un immuno-marquage des cellules.

◗ LES FIBROSES MÉDULLAIRES

Lorsque le myélogramme ne ramène que très peu de cellules ou reste blanc, contrastant avec les résultats de l’hémogramme, ou que l’os est difficile à ponctionner, il faut penser à l’existence d’une fibrose. Seule la biopsie de moelle peut en faire le diagnostic. L’existence d’une fibrose majeure avec ou sans ostéosclérose relève de causes multiples dont les principales sont : – la splénomégalie myéloïde (voir chap. 20); – certaines leucémies aiguës (voir chap. 19); – la leucémie à tricholeucocytes (voir chap. 21); – rarement des cancers métastatiques; – éventuellement les fibroses post-radiothérapiques.

◗ LES ANÉMIES RÉFRACTAIRES (OU MYÉLODYSPLASIES)

Elles se présentent souvent comme une bicytopénie ou une pancytopénie. Elles sont traitées dans le chapitre 21.

BICYTOPÉNIES ET PANCYTOPÉNIES D’ORIGINE ◗ PÉRIPHÉRIQUE Les principales causes ont été données dans le tableau 15.II. Ces associations de cytopénies sont des cas particuliers de certaines anémies hémolytiques ou l’association d’une thrombopénie et d’une hémorragie. Seul l’hypersplénisme pose un problème spécifique. L’hypersplénisme est un syndrome dû à l’existence d’une splénomégalie, mais sans lien direct avec le volume de celle-ci. L’augmentation du volume de la rate entraîne ce syndrome, surtout lorsqu’il s’agit de rate vasculaire (d’hypertension portale), ou de rates réactionnelles diverses avec hyperplasie de la pulpe rouge (splénomégalie des infections, etc.). Il est beaucoup plus rare au cours des splénomégalies malignes, mais il peut exister dans les hémopathies les plus diverses. La symptomatologie comporte deux éléments principaux : la neutropénie modérée rarement inférieure à 1000 polynucléaires par mm3 et 209 ◗

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CONNAISSANCES

la thrombopénie en général supérieure à 50000 par mm3. L’anémie est au contraire exceptionnelle. Les réticulocytes sont habituellement normaux ou très discrètement augmentés. La neutropénie est due essentiellement à la margination dans le compartiment splénique avec disponibilité des polynucléaires en cas de besoin. La thrombopénie est due à l’accumulation des plaquettes dans la pulpe rouge due à l’augmentation de volume de ce secteur et au ralentissement de la circulation à ce niveau. Les plaquettes sont en grande partie disponibles en cas de besoin. Lorsqu’une anémie est constatée il s’agit en fait dans la plupart des cas d’une pseudoanémie par hémodilution. L’hémolyse est très rare dans l’hypersplénisme et toujours très modérée. Il n’y a en général aucune thérapeutique à envisager dans ce syndrome bien toléré. Seules les formes extrêmes pourraient faire discuter une splénectomie à visée purement thérapeutique, dont l’indication hématologique est en fait exceptionnelle.

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Rappels sur le tissu lymphoïde

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◗ LES ORGANES LYMPHOÏDES CENTRAUX ◗ LES ORGANES LYMPHOÏDES PÉRIPHÉRIQUES ◗ PHYSIOLOGIE DU TISSU LYMPHOÏDE

Introduction ◗ Le tissu lymphoïde est réparti dans un certain nombre d’organes « centraux » ou « périphériques ».

◗ LES ORGANES LYMPHOÏDES CENTRAUX

Le thymus est le seul organe lymphoïde non folliculaire. Apparu dès la 6e semaine chez l’embryon, il diminue progressivement après la naissance, involue après la puberté, tout en persistant plus ou moins jusqu’à 60 ans environ. Il est constitué de lobules, dont la corticale contient 85% de thymocytes immatures CD3 + CD4+ CD8+. Dans la zone médullaire, surtout épithéliale, les thymocytes moins nombreux sont des cellules T mûres, CD3+ et soit CD4+, soit CD8+. Ces cellules migrent ensuite dans le sang et les organes lymphoïdes périphériques. La moelle osseuse, n’est pas seulement un organe myéloïde, elle contient un tissu lymphoïde diffus, non folliculaire, ayant des interactions étroites avec le tissu de soutien, en particulier les cellules stromales.

◗ LES ORGANES LYMPHOÏDES PÉRIPHÉRIQUES

Sièges des réponses des lymphocytes aux antigènes, ils comprennent les ganglions lymphatiques, la rate, les amygdales, le tissu lymphoïde associé aux muqueuses et le système lymphoïde cutané. Des lymphocytes sont présents en outre, de façon diffuse dans presque tous les organes et tissus, à l’exception du système nerveux central. Le ganglion est peuplé de tissu lymphoïde à partir du 5e mois de la vie fœtale. La capsule est séparée du parenchyme ganglionnaire par un sinus. Le ganglion est composé de (Fig. 16.1) : – une zone corticale externe, siège des follicules lymphoïdes (lymphocytes B), 211 ◗



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CONNAISSANCES

➤ Fig. 16.1. Schéma du ganglion. ➤ Lymphatique afférent Follicule primaire Lymphatique afférent Sinus

Cortex

Zone paracorticale

Follicule secondaire

Médullaire

Lymphatique efferent

– une zone paracorticale, où se trouvent des lymphocytes T et des cellules dendritiques, – une zone médullaire centrale, peu cellulaire. On distingue deux types de follicules au sein des ganglions : – les follicules primaires constitués de petits lymphocytes B au repos et de cellules folliculaires dendritiques, – les follicules secondaires observés après stimulation antigénique et constitués (Fig. 16.2) par : • une zone du manteau, en périphérie, reste du follicule primaire; • un centre germinatif qui présente une zone sombre faite de « centroblastes » (grandes cellules à noyaux non clivés) siège de la prolifération lymphoïde, des mutations physiologiques propres à cette lignée et de la commutation isotypique. ➤ Fig. 16.2. Schéma du follicule secondaire. ➤ Plasmocyte

B mémoire Manteau

Zone sombre : Centroblastes

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Centre germinatif

Zone claire : Centrocytes et cellules dendritiques



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RAPPELS SUR LE TISSU LYMPHOÏDE

• une zone claire, faite de « centrocytes » (petites cellules à noyaux clivés) et de cellules dendritiques, siège de la sélection par l’antigène des lymphocytes qui se différencient en cellules B mémoires et en plasmocytes. – La rate qui a une fonction hématopoïétique jusqu’au dernier mois de la vie fœtale est peuplée de tissu lymphoïde à partir du 6e mois de celle-ci. Elle est constituée de deux types de tissus : • la pulpe rouge, faite de sinus veineux et des cordons de Billroth, elle est quantitativement la plus importante; • la pulpe blanche, péri-artériolaire, en manchons lymphoïdes faits de lymphocytes T et à leur périphérie de follicules lymphoïdes. Les manchons péri-artériolaires et les follicules sont entourés d’un anneau de lymphocytes et de macrophages constituant la zone marginale.



Les autres organes lymphoïdes périphériques

Le tissu lymphoïde muqueux, quantitativement très important, est présent sous forme diffuse ou nodulaire dans les amygdales l’intestin grêle (plaques de Peyer), l’appendice. Les amygdales contiennent habituellement de nombreux centres germinatifs. La plupart des plasmocytes du tissu lymphoïde digestif contiennent des IgA, dont les formes dimériques peuvent se lier à la pièce sécrétoire, synthétisée par les cellules épithéliales de l’intestin.

◗ PHYSIOLOGIE DU TISSU LYMPHOÏDE ◗

La lymphopoïèse

Les cellules souches lymphoïdes (voir chap. 1) sont formées initialement comme les autres cellules souches hématopoïétiques dans le sac vitellin, puis migrent dans l’embryon, où elles peuplent le thymus et la moelle osseuse, par l’intermédiaire du foie fœtal. Elles se localisent dans la moelle, et de là, celles qui vont donner naissance aux lymphocytes B migrent directement dans les organes périphériques, tandis que celles qui vont former les lymphocytes T passent par le thymus pour achever leur différentiation.



Les cellules lymphoïdes

– Les lymphocytes sont présents dans le sang (au total normalement 1500 à 4000 lymphocytes/mm3) et dans les organes lymphoïdes. Selon la morphologie on distingue traditionnellement : le petit lymphocyte, cellule mononuclée de petite taille (8-10 µm de diamètre), à noyau dense et cytoplasme peu important et le grand lymphocyte cellule plus grande (diamètre 10-12 µm) à cytoplasme légèrement basophile (Fig. 16.4, 16.5 et 16.8) La distinction n’a aucun intérêt pra213 ◗

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CONNAISSANCES

tique. Un certain nombre de grand lymphocytes portent quelques grains azurophiles. – Dans les organes lymphoïdes, en phase de multiplication active, les lymphocytes passent par un stade de grandes cellules, très nucléolés et très hyperbasophiles, auxquelles on donne des noms divers : immunoblastes, grandes cellules hyperbasophiles, voire lymphoblastes. Ces cellules ont des stades intermédiaires entre lymphocytes au repos et lymphocytes activés, effecteurs ou mémoires (Fig. 16.6). – Le plasmocyte est une cellule à noyau excentré, à chromatine mottée, à cytoplasme très basophile, qui a toutes les caractéristiques d’une cellule sécrétoire (Fig. 16.7 et 16.9). C’est un lymphocyte B parvenu à un stade terminal de différentiation vers la synthèse d’anticorps. Les lymphocytes B et T ont la même morphologie mais des fonctions différentes. ➤ Fig 16.3. Filiation des cellules lymphoïdes. ➤

➤ Fig 16.5. Grand lymphocyte. ➤



➤ Fig 16.4. Petit lymphocyte. ➤

214 ◗

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RAPPELS SUR LE TISSU LYMPHOÏDE

➤ Fig 16.7. Le plasmocyte. ➤

➤ Fig 16.6. L’immunoblaste. ➤

➤ Fig 16.8. Lymphocyte : ultrastructure schématique. ➤



Les lymphocytes B

Les progéniteurs lymphoïdes se différencient en cellules « pro-B », puis « pré-B » caractérisées par l’expression du marqueur de surface cellulaire CD19, et dans le cytoplasme, par celle des molécules CD79 a et b. Au stade suivant, la « cellule B immature » exprime à sa surface une IgM, puis donne naissance à une cellule « B mature » exprimant à la fois IgM et IgD, en même temps que le marqueur CD20. C’est cette cellule qui quitte la moelle, pour aller coloniser les organes périphériques sous forme de lymphocytes. Ceux-ci évolueront éventuellement en plasmocytes pour assurer une synthèse massive d’anticorps et leur sécrétion. La fonction des cellules B est en effet la synthèse et la sécrétion des anticorps, ainsi que la présentation de certains antigènes aux lymphocytes T et la modulation de la réponse immunitaire. La production des immunoglobulines implique d’abord le réarrangement des gènes de leurs chaînes lourdes, puis celui des gènes des chaînes légères. Après migration dans les organes périphériques, au sein des follicules secondaires, et après contact avec l’antigène, les lymphocytes B activés peuvent subir une commutation isotypique qui leur permet d’exprimer de nouvelles chaînes lourdes, et par

215 ◗

16



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CONNAISSANCES conséquent, de synthétiser, non plus des IgM, mais des IgG, par exemple. Elles sont aussi le siège possible d’hypermutations somatiques dans les jonctions des gènes V, D, J ou V, J, individualisant encore l’anticorps produit et peuvent devenir, soit des plasmocytes, soit des cellules B mémoires. Les interactions cellulaires nécessaires (T/B), et qui ont lieu dans les organes lymphoïdes périphériques, dépendent de diverses molécules, notamment le couple CD40/CD40 ligand (ou CD54).

➤ Fig 16.9. Plasmocyte. ➤ RE : réticulum endoplasmique, M : mitochondrie.

Le tableau 16.I. résume les marqueurs des cellules B, qui permettent de les identifier et de les quantifier : normalement environ 10% des lymphocytes circulants sont des cellules B. Ils permettent aussi de caractériser l’origine B d’une hémopathie lymphoïde, la majorité de ces hémopathies étant liée à une prolifération B clonale. Une sous-population particulière de lymphocytes B normaux (5 à 10%) porte un marqueur CD5 qui est par ailleurs très souvent exprimé sur des proliférations malignes (voir chap. 22).



Les lymphocytes T

Les progéniteurs venus de la moelle migrent dans le thymus où ils prolifèrent et se différencient en lymphocytes T matures, qui expriment à leur surface un récepteur spécifique d’antigène, le récepteur T. Il en existe deux variétés : l’une majoritaire composée de chaînes α et β, l’autre très minoritaire faite de chaînes γ et δ. Les Tαβ sont eux-mêmes constitués de deux populations : CD3+, CD4+, CD8- et CD3+, CD4-, CD8+. La première reconnaît des antigènes associés à des molécules HLA de classe II et représente 60% des lymphocytes circulants (450 à 1600/mm3). La seconde réagit avec des antigènes associés à des molécules HLA de classe I et constitue 20 à 25% des lymphocytes totaux; elle inclut les cellules T cytotoxiques. La figure 16.8. montre la filiation des cellules T. Les cellules T coopèrent avec les cellules B pour permettre la synthèse d’anticorps (cellules dites « auxiliaires ») portent en général le marqueur CD4.

216 ◗



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RAPPELS SUR LE TISSU LYMPHOÏDE

Fig. 16.10. Différenciation des cellules lymphoïdes. ➤

Cellule souche lymphoïde Thymocyte immature « double négatif »

cellules pro-B

CD2 CD7 CD4 – CD8–

CD34 CD19 CD10

ψLC Cμ

Thymocyte « double positif »

CD19 CD10 Cellules Pré B

CD2 CD7 CD4+ CD8+

ψLC Cμ

Thymocyte mature

CD19 CD20

CD2 CD3 CD7 RT CD4+ ou CD8+

Lymphocyte B immature CD19 CD20 SIgM

Lymphocyte T

CD2 CD3 CD7 CD4+ ou CD8+

Lymphocyte B mature

CD19 CD20 SIgm SIgD

217 ◗

16



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CONNAISSANCES

Tableau Tableau 8.I. 16.I.

Principaux marqueurs des lymphocytes B et T.

Anticorps

Cellules-Cibles

CD24

Cellules B, cellules granuleuses

CD79a,b

Cellules pro-B et pré-B

CD10

précurseurs B, polynucléaires

CD20

Cellules pré-B et B

CD21

Cellules B (récepteur pour le virus EBV)

CD19

Cellules B

CD23

Cellules B, monocytes, sous-population cellules T

CD5

Cellules T, sous-population de cellules B

CD3

Cellules T

CD2

Cellules T

CD7

Cellules T, rares précurseurs myéloïdes

CD4

Cellules T, restreintes par CMH II, cellules dendritiques

CD8

Cellules T, restreintes par CMH I

CD25

Cellules T et B activées (récepteur pour l’interleukine-2)

L’interaction fait intervenir diverses molécules : CD28 et CTLA4 et leur ligand B7 (CD80 et CD86) ou le couple CD40/CD40 ligand. Selon les interleukines produites par les lymphocytes CD4, on distingue des cellules TH1, TH2 et TH0 assurant des fonctions immunologiques différentes.

Les cellules T exprimant le marqueur CD8 assurent principalement des fonctions cytolytiques, détruisant les cellules autologues infectés par des parasites intracellulaires et les cellules allogéniques. Elles sont, comme les cellules B, dépendantes de la coopération de cellules T auxiliaires.



Les lymphocytes NK (natural killer)

Ce sont des lymphocytes CD3-, CD16+, CD56+ qui n’expriment pas de récepteur spécifique de l’antigène, mais divers récepteurs d’interaction avec des molécules HLA. Ils jouent un rôle d’élimination de cellules cancéreuses ou infectées ne portant pas d’antigènes HLA. Il s’agit surtout des grands lymphocytes à grains azurophiles.

218 ◗



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Pathologie réactionnelle du tissu lymphoïde. Diagnostic des adénopathies et des splénomégalies ◗ LA PRIMO-INFECTION PAR LE VIH ◗ LES PLASMOCYTOSES ◗ DIAGNOSTIC D’UNE ADÉNOPATHIE ◗ DIAGNOSTIC D’UNE SPLÉNOMÉGALIE ◗ ASPLÉNIE

◗ DIAGNOSTIC D’UNE HYPERLYMPHOCYTOSE ◗ ◗ ◗ ◗

SANGUINE LES SYNDROMES MONONUCLÉOSIQUES LA MONONUCLÉOSE INFECTIEUSE LA TOXOPLASMOSE ACQUISE LE SYNDROME MONONUCLÉOSIQUE DÛ AU VIRUS DE LA MALADIE DES INCLUSIONS CYTOMÉGALIQUES

DIAGNOSTIC D’UNE HYPERLYMPHOCYTOSE ◗ SANGUINE CNEM

Une hyperlymphocytose est une augmentation du nombre des lymphocytes sanguins en nombre absolu : au-dessus de 4000 à 4500/mm3 chez l’adulte. Rappelons que la notion de « lymphocytose relative », basée sur le pourcentage de lymphocytes dans la formule sanguine n’a aucun intérêt : il peut s’agir d’une hyperlymphocytose mais aussi d’une neutropénie et les deux problèmes sont entièrement différents. Par ailleurs, il faut se rappeler que chez le jeune enfant le nombre de lymphocytes est nettement plus élevé physiologiquement, atteignant 6000 à 7000 dans certains cas dans les deux premières années, et qu’il peut rester parfois supérieur à 4000 jusqu’à 8 à 10 ans. Une lymphocytose sanguine peut révéler une maladie maligne, telle que la leucémie lymphoïde chronique ou une autre hémopathie B, mais aussi une infection, dont l’hyperlymphocytose disparaît avec la guérison. Toute lymphocytose qui persiste 2 mois sans régresser est très vraisemblablement une leucémie lymphoïde chronique, du moins chez l’adulte, la maladie n’existant pas chez l’enfant. Le tableau 17.I. résume le comportement diagnostique devant une lymphocytose sanguine isolée.

CNEM : item 316 « Hémogramme indications, interprétation ».

219 ◗



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CONNAISSANCES

Tableau Tableau 8.I. 17.I.

Diagnostic d’une hyperlymphocytose.

I – Éliminer une erreur d’interprétation • Lymphocytose relative • Lymphocytose physiologique de l’enfance • Erreur sur les cellules (blastes, cellules de Sézary, etc.) II – Lymphocytes hyperbasophiles d’un syndrome mononucléosique (Voir tableau 17.2) III – Les lymphocytes sont d’apparence mûre et non hyperbasophiles • Lymphocytoses virales : – « lymphocytose infectieuse » de C. Smith., varicelle, hépatite, herpès, exanthème subit (HHV6), voire infection à VIH. • Lymphocytoses bactériennes : coqueluche, brucellose. • Lymphocytoses malignes (adulte) : LLC, maladie de Waldenström, formes leucémiques des lymphomes à petites cellules (lymphome folliculaire, ou du manteau • Lymphocytose à lymphocytes binucléés des fumeurs (très rare).

Résumé Points clés Bien distinguer hyperlymphocytose et neutropénie. L’inversion de formule sanguine n’existe pas. La morphologie cellulaire est l ‘élément essentiel du diagnostic. L’immunophénotypage peut apporter d’importantes précisions.

◗ LES SYNDROMES MONONUCLÉOSIQUES ◗ Ne pas confondre « syndrome mononucléosi-que » et « monocytose » = plus de 1000 monocytes/mm3 (voir p. 186).

CNEM

Les syndromes mononucléosiques sont caractérisés par la présence de grands lymphocytes hyperbasophiles ayant l’aspect général classique du « grand mononucléaire » que l’on appelle parfois aussi « cellules hyperbasophiles », « virocytes », « lymphocytes stimulés ». Ce sont des lymphocytoses réactionnelles à des agressions, le plus souvent virales. Le diagnostic général en est résumé dans le tableau 17.II. où l’on considère, à coté des formes typiques, le problème général que pose l’observation de lymphocytes sanguins hyperbasophiles, mais n’ayant pas toujours la morphologie typique.

CNEM : item 334 « Attitude diagnostique devant un syndrome mononucléosique ».

220 ◗



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PATHOLOGIE RÉACTIONNELLE DU TISSU LYMPHOÏDE. DIAGNOSTIC DES ADÉNOPATHIES ET DES SPLÉNOMÉGALIES

Tableau 17.II. 8.II.

Causes des syndromes mononucléosiques.

1. Maladies infectieuses – Mononucléose infectieuse : MNI-test, sérologie EBV. +++ – Infection par le CMV : sérologie, antigénémie. – Primo-infection à VIH : sérologie, antigénémie. – Viroses diverses. – Rubéole : plasmocytose, éruption, ganglions de la nuque. – Hépatite : plasmocytose souvent pré-ictérique. – rarement : Varicelle, herpès. – Toxoplasmose acquise (exceptionnelle) : anticorps IgM spécifiques. – Infections bactériennes : rarement en cause, brucellose, syphilis secondaire, Osler. 2. Allergies : Maladie sérique et allergies médicamenteuses. 3. Exceptionnellement des hémopathies malignes : la leucémie lymphoïde chronique, la maladie de Waldenström et surtout la lymphadénite angio-immunoblastique peuvent s’accompagner de lymphocytes hyperbasophiles dans le sang.

◗ LA MONONUCLÉOSE INFECTIEUSE La MNI est la forme la plus symptomatique de la primo-infection par l’EBV, d’évolution habituellement simple.



Circonstances du diagnostic

C’est surtout une maladie de l’adolescent et de l’adulte jeune, due au virus d’Epstein Barr (EBV) dont elle représente la primo-infection, transmise le plus souvent par la salive. Elle se révèle dans des circonstances variables : – le plus souvent c’est une angine aiguë, rouge ou pseudomembraneuse, avec pétéchies vélopalatines. L’associant à cette angine d’une polyadénopathie et d’une splénomégalie peut faire hésiter avec une leucémie aiguë; – parfois c’est le diagnostic d’adénopathies, essentiellement cervicales, bilatérales et symétriques; – les formes inapparentes sont très fréquentes; – beaucoup plus rarement, elle se révèle par une manifestation inhabituelle du tableau clinique : érythèmes, volontiers provoqués par la prise d’antibiotiques (ampicilline); ictère franc (l’hépatite biologique et surtout histologique est, elle, habituelle) d’évolution bénigne; méningite lymphocytaire; polyradiculonévrite; anémie hémolytique aiguë à auto-anticorps; cryoglobulinémie transitoire; thrombopénie transitoire; exceptionnelle rupture spontanée de la rate.



Arguments du diagnostic

Le syndrome mononucléosique, non spécifique, comprend typiquement une hyperlymphocytose modérée (12000 à 25000/mm3) de 221 ◗

17



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CONNAISSANCES

grands lymphocytes bleutés caractéristiques, associés aux lymphocytes normaux et aux monocytes; ce ne sont pas les lymphocytes infectés par l’EBV, qui se réplique dans les lymphocytes B, mais des lymphocytes T CD8+ anti-EBV, polyclonaux. Ce syndrome peut avoir disparu au premier examen, s’il est tardif. La sérologie de la mononucléose infectieuse est de deux types. 1) La sérologie classique repose sur la mise en évidence d’un anticorps dit « hétérophile », agglutinant les globules rouges de mouton induits indirectement par l’EBV et facilement détecté par le « MNI-test ». Toutefois, comme il existe des faux positifs, si le MNI-test est positif, il faut s’assurer de la positivité par le test de « Paul, Bunnel et Davidson » (les anticorps sont absorbés par les globules rouges de bœuf, mais non par les cellules de rein de hamster). Si le MNI-test est négatif, il est inutile de faire ce test, mais la sérologie EBV est indispensable (10% environ des MNI tests sont négatifs au cours de l’infection). 2) La sérologie EBV spécifique consiste à rechercher des IgM anti-EBV témoignant d’une infection en cours ou récente. Un nombre croissant de laboratoires assure maintenant cette sérologie.



Évolution et traitement

La maladie étant parfaitement bénigne ne nécessite en général aucun traitement. Dans les formes très fébriles, l’asthénie peut être importante et se prolonger plusieurs semaines. Dans ces cas, et en cas d’anémie hémolytique, de thrombopénie ou d’hypertrophie amygdalienne pseudo tumorale, la corticothérapie à petites doses est utile.

Résumé Points clés Évoquer le diagnostic de mononucléose infectieuse est généralement facile, devant une angine, des adénopathies, un syndrome mononucléosique, et il est aisément confirmé par la sérologie.

Points de débat Faut-il encore prescrire le MNI test ou s’adresser directement à la sérologie EBV ? Celle-ci tend, à juste titre, à supplanter la sérologie classique.

◗ LA TOXOPLASMOSE ACQUISE

C’est en général une polyadénopathie asymétrique, cervicale haute et en particulier occipitale, faite de ganglions de taille 222 ◗



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PATHOLOGIE RÉACTIONNELLE DU TISSU LYMPHOÏDE. DIAGNOSTIC DES ADÉNOPATHIES ET DES SPLÉNOMÉGALIES

modérée chez un enfant ou un adolescent. Il peut s’agir d’une adénopathie isolée. Dans quelques cas la maladie se révèle par une asthénie avec fièvre modérée, mais les formes inapparentes sont beaucoup plus fréquentes. Le syndrome mononucléosique est en fait très rare. Quelques symptômes peuvent enrichir le tableau, notamment les rashs cutanés, une chrorio-rétinite ou une méningite, toutes deux exceptionnelles. L’éosinophilie sanguine est classique mais rare. C’est la sérologie spécifique de la toxoplasmose qui fait le diagnostic, la nature IgM des anticorps témoignant formellement d’une infestation récente. Le traitement est peu efficace. La spiramycine ou l’association trimethoprim-sulfaméthoxazole sont utilisées. En fait, dans la majorité des cas, l’affection est très bénigne et ne nécessite aucune thérapeutique. Les seuls risques très sérieux sont la contamination du fœtus par une mère infestée en début de grossesse, et la survenue de manifestations graves (cérébrales) chez l’immunodéprimé (greffe, sida).

MONONUCLÉOSIQUE DÛ AU VIRUS ◗ DELE SYNDROME LA MALADIE DES INCLUSIONS CYTOMÉGALIQUES (CMV) C’est tantôt une réaction fébrile chez un polytransfusé ou un opéré récent, tantôt une découverte d’un syndrome mononucléosique chez un malade fébrile, souvent mais pas toujours immunodéprimé, parfois accompagné de splénomégalie et d’une pneumonie interstitielle. Le tableau peut être assez semblable à celui de la mononucléose infectieuse, mais il n’y a pas d’angine et pas d’adénopathies. L’aspect hématologique et les perturbations immunologiques sont voisins, très labiles. Le diagnostic repose sur le sérodiagnostic ou la culture du virus et surtout l’antigénémie chez l’immunodéprimé. L’évolution est spontanément bénigne en 2 à 4 semaines, sauf chez les immunodéprimés.

◗ LA PRIMO-INFECTION PAR LE VIH

La primo-infection par le virus VIH, le plus souvent asymptomatique, peut se manifester, une à plusieurs semaines après le contage, par les manifestations suivantes : fièvre, arthralgies, myalgies, fréquemment des adénopathies et une splénomégalie, un rash cutané, parfois une angine ou une diarrhée. L’hémogramme peut montrer une hyperlymphocytose et/ou un syndrome mononucléosique, ainsi qu’une thrombopénie. Le diagnostic sérologique peut être pris en défaut, et la recherche de l’antigénémie p24 est alors justifiée, ainsi que l’étude de la charge virale.

◗ LES PLASMOCYTOSES

Les plasmocytoses sanguines sont peu fréquentes bien qu’elles accompagnent certains syndromes mononucléosiques et que dans le 223 ◗

17



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CONNAISSANCES

cas de la rubéole et de l’hépatite virale notamment, ce soit plutôt des plasmocytoses circulantes qu’un syndrome mononucléosique que l’on observe. Les plasmocytoses médullaires sont beaucoup plus importantes en pratique diagnostique, d’autant plus qu’elles peuvent accompagner des maladies réactionnelles banales, virales ou immunitaires aussi bien que des hémopathies malignes. Le tableau 17.III résume leurs causes principales. Tableau 17.III. 8.III. Tableau

Causes des plasmocytoses médullaires.

I. Plasmocytoses accompagnant une immunoglobuline monoclonale. 1. Maladie de Kahler. 2. Maladie de Waldenström. 3. Immunoglobuline monoclonale isolée. 4. Maladie des chaînes lourdes : rare. 5. Amylose AL. II. Plasmocytoses des cancers avec métastases ostéomédullaires. III. Plasmocytoses relative des aplasies et agranulocytoses immunoallergiques. IV. Plasmocytoses réactionnelles, modérées, dans : 1. Réaction allergiques. 2. Rhumatismes inflammatoires chroniques et rhumatisme articulaire aigu. 3. Cirrhose. 4. Amyloïdose. 5. Viroses diverses (rubéole, hépatite, etc.).

◗ DIAGNOSTIC D’UNE ADÉNOPATHIE

CNEM

Les adénopathies sont des manifestations fréquentes au cours des infections bactériennes (pyogènes, tuberculose, syphilis…), virales (mononucléose infectieuse, rubéole, virus VIH…), ou des infestations parasitaires (toxoplasmose, leishmanioses…). Elles se rencontrent aussi au cours de diverses maladies systémiques, telles que les lupus érythémateux, la sarcoïdose, ou la polyarthrite rhumatismale. On rencontre aussi des adénopathies après prise de médicaments tels que des anticonvulsivants, le lipiodol, les sels d’or. Le diagnostic le plus redouté est évidemment celui d’une pathologie maligne, notamment d’un lymphome. Le diagnostic général des adénopathies est résumé dans les tableaux 17.IV., 17.V. et 17.VI. Il se présente différemment, selon que l’adénopathie est isolée, ou qu’il s’agit d’une polyadénopathie.

CNEM : item 291 « Orientation diagnostique devant une adénopathie superficielle »

224 ◗



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PATHOLOGIE RÉACTIONNELLE DU TISSU LYMPHOÏDE. DIAGNOSTIC DES ADÉNOPATHIES ET DES SPLÉNOMÉGALIES

➤ Fig 17.1. Recherche clinique d’une adénopathie. ➤ Recherche de ganglions : a. cervicaux; b. sus-claviculaires; c. rétroclaviculaires; d. axillaires; e. épitrochléens; f. inguinaux.

a

b

d

c

f

e

Deux notions sont à retenir devant une adénopathie sans explication évidente 1. L’intérêt de l’examen cytologique (« ponction ») par un spécialiste entraîné. Il peut orienter les explorations, selon les caractères des cellules prélevées. (En cas de pus la ponction permet les prélèvements bactériologiques). 2. Toute adénopathie certainement pathologique et persistant depuis plus d’un mois doit impérativement être biopsiée. La biopsie ganglionnaire doit porter sur le ganglion le plus volumineux. Le prélèvement doit être transmis immédiatement, non fixé, au laboratoire d’anatomie pathologique, pour y être partiellement fixé, congelé et éventuellement retransmis à d’autres laboratoires spécialisés.

225 ◗

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CONNAISSANCES

8.IV. Tableau 17.IV.

Diagnostic d’une adénopathie superficielle localisée.

A. Chercher d’abord une cause locale. 1. Infectieuse • Plaie, furoncle, abcès, dermatose, prurit, angine, infection dentaire. • Syphilis : adénopathie inguinale mais aussi cervicale des chancres de l’amygdale. • Maladies des griffes du chat (adénopathie volontiers axillaire, inflammatoire, évoluant vite vers l’abcédation). • Tularémie, peste. 2. Cancer régional • Mélanome (ne pas ponctionner le ganglion). • Cancer du canal anal et ganglion inguinal. • Cancer du sein et ganglion axillaire. • Cancer de la sphère ORL et ganglion cervical. • Cancer intra-abdominal et ganglion de Troisier. B. S’il n’y a aucune cause locale à l’évidence responsable , raisonner comme en présence d’une polyadénopathie (voir le tableau 17.V)

Tableau 17.V.

1 – Pratiquer systématiquement d’emblée : • hémogramme et vitesse de sédimentation ; • s’il y a un syndrome mononucléosique sérologie de la mononucléose, de la toxoplasmose, de l’infection VIH ; • cuti-réaction tuberculinique et radio du thorax ; • ponction ganglionnaire. En fonction de ces explorations, on pourra reconnaître : Les infections : mononucléose infectieuse, toxoplasmose acquise, infection VIH. Les leucémies à formes ganglionnaires : leucémie aiguë et LLC, si elles envahissent le sang ou s’il existe des signes d’insuffisance médullaire qui commandent le myélogramme. 2 – Dans tous les autres cas, on se fondera sur la ponction ganglionnaire avec étude cytologique et éventuellement bactériologique qui pourra identifier : 1. Du pus : a) infection banale, b) ou pus amicrobien de la maladie des griffes du chat, c) ou tuberculose ganglionnaire, d) penser au cancer nécrosé (ORL + +). 2. Des cellules de métastases : cancer secondaire. 3. Des cellules malignes de lymphome (envahissements massifs seuls significatifs). À confirmer par biopsie. 4. Des cellules de Sternberg : maladie de Hodgkin. Confirmer par biopsie. 5. Un aspect inflammatoire banal : en l’absence de cause évidente, de syndrome mononucléosique et de sérologie significative, on ne peut se contenter de ce diagnostic : biopsie nécessaire. 6. Un frottis purement lymphocytaire : biopsie nécessaire car un ganglion inflammatoire n’est pas purement lymphocytaire. 3 – Si les examens systématiques et l’adénogramme n’ont pas permis de conclure. Si le ganglion persiste 3 semaines, faire une biopsie chirurgicale. 1. La biopsie identifie : Maladie de Hodgkin, Lymphomes non hodgkiniens. Métastase d’un cancer, Tuberculose, Sarcoïdose, Toxoplasmose… 2. L’aspect est seulement inflammatoire ou même normal : adénopathie réactionnelle simple : reprendre le bilan après 2 mois si les ganglions persistent.



◗ En pratique : confier systématiquement avant biopsie à un hématologiste tout patient présentant une adénopathie pathologique inexpliquée est une attitude à conseiller.

Diagnostic d’une polyadénopathie ou d’une adénopathie localisée sans cause locale.

226 ◗

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PATHOLOGIE RÉACTIONNELLE DU TISSU LYMPHOÏDE. DIAGNOSTIC DES ADÉNOPATHIES ET DES SPLÉNOMÉGALIES

8.V. Causes principales des adénopathies profondes isolées. Tableau 17.VI. Elles sont reconnues à l’occasion d’un syndrome de compression ou lors d’un examen systématique (radio du thorax) A) Causes des adénopathies médiastinales isolées* 1. Hodgkin 2. Lymphomes 3. Tuberculose 4. Sarcoïdose 5. Cancer du poumon ou de l’œsophage B) Causes des adénopathies abdominales isolées* 1. Hodgkin 2. Lymphomes 3. Métastases d’un cancer * Toujours vérifier soigneusement qu’il n’existe pas d’adénopathie rétroclaviculaire interne dont la ponction et la biopsie permettent un diagnostic plus aisé que les prélèvements intrathoraciques ou intraabdominaux.



Quelques définitions

Ponction : (à l’aiguille fine) permet l’examen cytologique et éventuellement bactériologique (pus). Biopsie : permet l’examen histologique, cytogénétique et moléculaire. Curage ganglionnaire : geste thérapeutique consistant à enlever tous les ganglions d’une chaîne. N’est justifié que dans certains cancers dans des situations très précises, jamais sans diagnostic. Apposition ganglionnaire : le ganglion biopsié est coupé au bistouri et sa tranche appliquée sur une lame, pour examen cytologique. Examen (anatomopathologique) extemporané : nécessite la présence de l’anatomo-pathologiste au moment du prélèvement. Principal intérêt : avoir la certitude que le tissu prélevé permettra le diagnostic (le plus souvent d’une tumeur). Causes rares d’adénopathies Les adénopathies sont fréquentes au cours de l’arthrite rhumatoïde et du lupus érythémateux disséminé. Elles le sont aussi au cours des réactions d’hypersensibilité, notamment de la maladie sérique. La maladie de Castleman réalise une adénopathie, souvent localisée (dans sa forme histologique hyaline vasculaire) ou une polyadénopathie souvent plasmocytaire, parfois accompagnée de symptômes généraux (forme multicentrique). La maladie de Kikuchi donne une adénopathie cervicale caractérisée par une nécrose avec prolifération d’histiocytes et d’immunoblastes et peu de polynucléaires neutrophiles. Association possible à une maladie auto-immune. L’histiocytose sinusale est une distention des sinus ganglionnaire par des histiocytes, avec souvent lymphocytophagocytose. Les adénopathies, souvent importantes, sont essentiellement cervicales et peuvent s’accompagner de localisations à la peau, au tractus respiratoire supérieur, à l’os.

227 ◗

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CONNAISSANCES

Résumé Points clés Toute adénopathie persistante doit être biopsiée. La biopsie doit être faite par un chirurgien entraîné, prélevant un ganglion entier, sans curage systématique. Les prélèvements doivent parvenir non fixés dans un centre disposant de toutes les techniques d’étude immuno-cyto-chimiques, cytogénétiques et de biologie moléculaire.

Points de débat La ponction ganglionnaire avec examen cytologique est souvent omise, notamment en pratique de ville. Ceci est du au petit nombre de cytologistes suffisamment compétents pour interpréter les résultats. Il est pourtant facile d’adresser les lames, une fois le prélèvement fait, à un laboratoire d’hématologie expérimenté, notamment en CHU.

◗ DIAGNOSTIC D’UNE SPLÉNOMÉGALIE

CNEM

La première étape du diagnostic est la reconnaissance clinique de l’augmentation du volume splénique. Elle nécessite une technique rigoureuse (patient étendu à plat sur le dos, la main droite de l’examinateur est posée sur l’hypocondre gauche, déprimant doucement la paroi. Le patient doit respirer à fond et après chaque expiration l’examinateur rapproche sa main du rebord costal de 1 à 2 cm. Le pôle inférieur de la rate, si elle est hypertrophiée, vient buter sur la face interne de l’index de la main qui examine. Cette mobilité respiratoire est très caractéristique, Fig. 17.2). Dans certains cas, chez l’obèse en particulier, l’examen radiologique, et en particulier l’échographie s’avère nécessaire.

➤ Fig. 17.2. Recherche clinique d’une splénomégalie. ➤

Une augmentation du volume splénique, lymphoïde ou de la pulpe rouge selon les cas, survient fréquemment au cours de maladies très CNEM : item 332 « Orientation diagnostique devant une splénomégalie ».

228 ◗



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PATHOLOGIE RÉACTIONNELLE DU TISSU LYMPHOÏDE. DIAGNOSTIC DES ADÉNOPATHIES ET DES SPLÉNOMÉGALIES

diverses : septicémies, infections virales, maladies parasitaires, affections immunologiques. Des splénomégalies sont en outre observées dans certaines maladies de surcharge : hémochromatose, lipidoses, et au cours des anémies hémolytiques dans lesquelles la rate est l’un des sites essentiels de l’hémolyse. Des splénomégalies accompagnent par ailleurs les cirrhoses hépatiques quelle qu’en soit l’étiologie, avec habituellement un syndrome net d’hypersplénisme (voir p. 209). Si le contexte étiologique rend souvent le diagnostic facile, la découverte d’une rate isolée est fréquente, posant des problèmes difficiles, dominés par la nécessité d’exclure une rate tumorale observable dans de nombreuses hémopathies malignes. Le tableau 17.VII. résume le comportement devant une splénomégalie isolée. Tableau 17.VII. 8.VI. Diagnostic d’une splénomégalie. Tableau 1. Orienté par le contexte clinique, rechercher une maladie générale : – infectieuse (septicémie), – parasitaire (paludisme, leishmaniose…), – immunologique (lupus), – cirrhose. 2. L’hémogramme suggère souvent d’emblée : – une hémolyse chronique : hyper-réticulocytose qu’il faut chercher systématiquement, même sans anémie, – LA, LMC ou LLC, à confirmer, – splénomégalie myéloïde. 3. Si 1 et 2 sont négatifs : faire le myélogramme (voire la biopsie de moelle) ce qui permettra de reconnaître : – LA, LLC ou leucémie à tricholeucocytes, non vues sur la NFS, – lymphome à envahissement médullaire, – maladie de Gaucher (si la glucocérébrosidase n’a pas été dosée). 4. Si tout est négatif approfondir l’exploration hépatique : avec notamment échographie, fibroscopie œsophagienne (varices ?), scanner abdominal et éventuellement bioposie hépatique, pour identifier : – cirrhoses avec hypertension portale – lymphome avec atteinte hépatique, – autres maladies hépatospléniques. 5. Si la splénomégalie reste inexpliquée, rechercher des causes rares : éventuellement splénectomie diagnostique.

Résumé Points clés Dans l’escalade des examens nécessaires pour le diagnostic d’une splénomégalie, préférer et si possible se limiter aux examens biologiques ou radiologiques. Si une autre approche est nécessaire, choisir le geste le moins risqué.

Points de débat La ponction splénique pour examen cytologique est un geste « à risque », peu rentable et de moins en moins pratiqué.

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CONNAISSANCES

L’absence de rate s’observe après splénectomie mais elle peut aussi être congénitale, ou encore acquise lors d’infarctus spléniques et notamment au cours de la drépanocytose. Elle s’accompagne de la présence de corps de Jolly, d’une thrombocytose (voir p. 198), parfois d’une hyperleucocytose avec hyperlymphocytose. Elle prédispose à des infections d’une extrême gravité (dont la fréquence est faible : de l’ordre de 1%) : septicémies ou méningites à pneumocoque, ou à Haemophilus influenzae type B, ou à méningocoque. Elles sont plus fréquentes chez l’enfant, ce qui explique que la splénectomie n’est habituellement pratiquée qu’après cinq ans ou partiellement. Leur existence justifie la pratique de la vaccination prophylactique antihémophilus et anti-pneumocoque. Cependant, comme la vaccination ne protège pas contre tous les pneumocoques, le patient doit être prévenu qu’il doit s’adresser d’urgence à l’hôpital en cas de fièvre élevée, surtout avec toux et/ou céphalées. La prise préventive de pénicilline per os n’est pas justifiée chez l’adulte au-delà de deux ans après la splénectomie, car il existe des pneumocoques résistants et parce que, quoi qu’il advienne, ce n’est pas une protection absolue. Le port d’une carte d’information est recommandé.



◗ ASPLÉNIE

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Les hémopathies malignes : généralités ◗ DÉFINITION ◗ ÉTIOLOGIE ◗ PHYSIOPATHOLOGIE ◗ CLASSIFICATION DES HÉMOPATHIES MALIGNES

◗ DÉFINITION

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◗ PRINCIPAUX MOYENS THÉRAPEUTIQUES ◗ LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX DU TRAITEMENT ◗ PROGRÈS THÉRAPEUTIQUES ET PROTOCOLES

CNEM

Les hémopathies malignes sont toutes caractérisées par l’accumulation de cellules hématopïétiques, soit relativement bien différenciées (maladies d’évolution généralement lente, dites « chroniques »), soit très immatures (maladies d’évolution généralement rapide, dites « aiguës ») mais qui, dans tous les cas, échappent à la régulation normale

◗ ÉTIOLOGIE

La plupart des hémopathies malignes chez l’homme n’ont pas d’étiologie identifiée. Elles résultent probablement de mutations qui se produisent dans un clone cellulaire, au hasard des accidents survenus sur l’ADN lors de sa duplication, au cours des mitoses. C’est en fait, en général, une série de mutations successives qui semble conférer sa pleine malignité au clone concerné. Certains agents étiologiques favorisants sont cependant bien identifiés. Ainsi les radiations ionisantes, certaines chimiothérapies antinéoplasiques ou le benzène sont des facteurs mutagènes qui favorisent la survenue d’hémopathies malignes, essentiellement myéloïdes. D’autre part, certains virus lymphotropes sont associés à diverses formes de lymphomes : le virus d’Epstein Barr l’est surtout à des lymphomes B (lymphome de Burkitt « endémique », lymphomes immunoblastiques du sida et des transplantés, syndromes lymphoprolifératifs des immunodéprimés) et plus rarement à des lymphomes T ou NK. Le virus HTLV-1 est responsable de lymphomes T, au Japon et aux Caraïbes essentiellement. Le virus de l’hépatite C semble favoriser l’émergence d’hémopathies lymphoïdes de « bas grade ». Des facteurs génétiques favorisants existent sans doute aussi, comme le suggèrent de rares familles dans lesquelles survient la même hémopathie de façon répétée, mais ils sont moins évidents que pour certains cancers (sein, côlon…).

CNEM : item 138 « Cancers : épidémiologie, cancérogenèse, classification »

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CONNAISSANCES

◗ PHYSIOPATHOLOGIE

1 – L’accumulation des cellules anormales peut résulter d’une cinétique cellulaire plus rapide que celle des cellules normales, mais cela est loin d’être la règle. Le plus souvent, les cellules malignes augmentent en nombre, soit parce qu’elles meurent plus lentement que les cellules normales, soit parce qu’elles se reproduisent à l’identique sans maturation, s’accumulant donc à un certain stade de différentiation. 2 – Les hémopathies malignes sont clonales, c’est-à-dire qu’elles dérivent toutes d’une même cellule où est survenue la mutation « inaugurale » de la transformation maligne. Le tissu lymphoïde est un organe privilégié pour mettre en évidence ce caractère clonal, grâce à l’existence d’un récepteur ou d’une immunoglobuline particulière à chaque lymphocyte. Il se manifeste, par exemple, par la sécrétion d’une immunoglobuline monoclonale (avec une seule chaîne légère), dans les cellules B des proliférations plasmocytaires. De même, on observe une immunoglobuline monoclonale à la membrane des cellules B immatures, ou un récepteur T monoclonal dans diverses leucémies et lymphomes T. La monoclonalité peut se révéler aussi par la mise en évidence, directement au niveau du génome, du caractère clonal du récepteur des cellules T ou des cellules B de la prolifération. Cette clonalité peut d’autre part être mise en évidence, dans les tissus myéloïdes aussi bien que lymphoïdes (comme dans les tumeurs solides), par la présence dans toutes les cellules tumorales d’une même anomalie chromosomique. Parfois même, une anomalie chromosomique n’est décelée que dans une sous-population de cellules tumorales. Elle témoigne d’une mutation additionnelle qui aboutit éventuellement à un avantage de croissance pour cette sous-population. La clonalité peut enfin être mise en évidence chez la femme par les conséquences de l’inactivation au hasard d’un chromosome X dans les cellules somatiques. Alors que les cellules de l’organisme ont normalement l’un ou l’autre des deux chromosomes X inactivé, avec une fréquence de 50% environ pour chacun, toutes les cellules d’une prolifération maligne ont inactivé le même chromosome X, puisqu’elles dérivent d’un seul clone. On peut le mettre en évidence par la méthylation spécifique de gènes portés par ce chromosome. Il arrive toutefois que la clonalité soit difficile à mettre en évidence, lorsque la prolifération tumorale s’accompagne d’une réaction cellulaire importante dans l’environnement, déclenchée par la prolifération maligne. C’est le cas notamment de certains lymphomes T sécrétant des cytokines responsables de l’afflux dans le tissu malin, notamment ganglionnaire, de cellules polyclonales diverses qui contaminent les prélèvements de cellules tumorales.

3 – Les hémopathies malignes, comme les autres proliférations tumorales malignes, résultent de dysfonctionnements de gènes cellulaires normaux jouant un rôle important dans la différenciation physiologique. Il peut s’agir d’une activation anormale de gènes qui prennent alors le nom d’« oncogènes » ou de l’inactivation d’anti-oncogènes (des gènes dont la fonction normale est de contribuer à l’élimination des mutants) ou enfin d’autres mutations aboutissant à des gènes aberrants dont les produits vont perturber le fonctionnement cellulaire. Ces mutations ne sont souvent mises en évidence que par des techniques de biologie moléculaire, mais elles peuvent aussi se traduire parfois par des anomalies cytogénétiques, telles que des translocations chromosomiques. Le « catalogue » des oncogènes et anti-oncogènes impliqués dans les hémopathies malignes est loin d’être terminé. Il faut notamment retenir que, d’une façon générale, une anomalie cytogénétique donnée s’observe plus spécifiquement dans une hémopathie bien définie. Ainsi la translocation BCR/ABL est responsable de la leucémie myéloïde chronique lorsqu’elle aboutit à la production d’une protéine de poids moléculaire de 210 kD, alors que, lorsque la mutation aboutit à une protéine de 190 kD, la pathologie observée est généralement une leucémie aiguë lymphoblastique. Dans les leucémies aiguës myéloïdes, les translocations, lorsqu’elles existent, sont plus spécifiques d’un type cellulaire donné (8/21 de la LAM2, 15/17 de la LAM3, inversion du 16 des LAM4 à éosino…). On tend désormais à définir une hémopathie par la mutation en cause. 232 ◗



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LES HÉMOPATHIES MALIGNES : GÉNÉRALITÉS

Parmi, les anomalies moléculaires résultant d’une translocation, on peut distinguer deux grandes catégories. Certaines translocations aboutissent à l’hyperexpression pathologique d’un gène normal. Deux exemples peuvent en être donnés : La translocation 8/14 des lymphomes de Burkitt met en contact le gène des immunoglobulines sur le chromosome 14 et le gène MYC sur le chromosome 8. Le gène MYC est alors exprimé tout au long du cycle cellulaire sous le contrôle des promoteurs très actifs du gène des immunoglobulines (Fig. 18.1). Le produit du gène MYC étant un facteur de transcription important, on imagine que c’est là l’explication de la transformation lymphoïde.

➤ Fig. 18.1. Translocation 8/14. ➤

La translocation 14/18 observée dans les lymphomes folliculaires met en contact le même gène des immunoglobulines sur le chromosome 14 et le gène BCL2 sur le chromosome 18. Ceci aboutit à l’expression anormalement importante du produit du gène BCL2 (Fig. 18.2). La protéine BCL2 joue un rôle important dans l’inhibition de l’apoptose (mort cellulaire programmée) et les cellules porteuses de la translocation ont donc une survie prolongée. Les souris transgéniques MYC ou BCL2 présentent d’ailleurs une fréquence anormalement élevée de proliférations malignes lymphoïdes.

➤ Fig. 18.2. Translocation 14/18. ➤

D’autres translocations aboutissent à des protéines de fusion qui n’existent pas à l’état normal. Deux exemples peuvent en être donnés : – C’est dans la leucémie myéloïde chronique qu’a été décrite la première anomalie cytogénétique récurrente des hémopathies malignes : le chromosome Philadelphie (Ph1). Il résulte d’une translocation entre le chromosome 9 et le chromosome 22. Cette translocation met en contact un oncogène précédemment identifié chez la souris car responsable de leucémie lorsqu’il est muté (le gène ABL) et un gène appelé BCR. La fusion de ces gènes conduit à la production d’un ARNm hybride et d’une protéine hybride dite BCR/ABL qui augmente l’activité tyrosine kinase de la molécule ABL (Fig. 18.3). Les conséquences de la présence de cette protéine hybride dans la cellule qui porte la translocation commencent à être identifiées : réduction de l’apoptose, augmentation de la synthèse de facteurs de croissance, augmentation

233 ◗

18



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CONNAISSANCES de la sensibilité à certains facteurs de croissance, augmentation du risque des mutations secondaires. La translocation BCR/ABL « P210 » de la leucémie myéloïde chronique a un pouvoir « transformant » moins important que la translocation presque semblable mais aboutissant à une protéine de poids moléculaire 190 que l’on observe dans les leucémies aiguës lymphoblastiques dites « à chromosome Philadelphie ».

➤ Fig. 18.3. Translocation 9/22. ➤

– Autre exemple, la translocation 15/17 de la leucémie aiguë promyélocytaire (LAM3) met au contact un gène du récepteur de l’acide rétinoïque (RAR α), récepteur nucléaire qui joue un rôle physiologique important dans la différenciation cellulaire et un gène appelé PML dont le produit est un composant des corps nucléaires. La protéine hybride aboutit notamment à la délocalisation de la protéine PML et sans doute à des modifications multiples de régulations géniques, soit par inhibition, soit par stimulation. Ces exemples, parmi d’autres qui se multiplient, montrent à quel point une mutation unique aboutissant à la fusion de deux gènes cellulaires importants peut avoir des conséquences pathogènes pour la cellule où elle se produit.

4 – La survenue d’une nouvelle anomalie moléculaire va favoriser l’émergence de populations encore plus agressives. C’est l’explication des « transformations » observées, tant dans des hémopathies lymphoïdes que dans des hémopathies myéloïdes, qui prennent alors des évolutions plus aiguës. L’exemple le plus clair résulte de la mutation de l’anti-oncogène P53. Cet anti-oncogène joue physiologiquement un rôle dans l’élimination des cellules ayant subi des mutations dangereuses, en favorisant leur mort cellulaire programmée. L’inactivation de ce gène s’observe fréquemment dans les transformations aiguës des leucémies myéloïdes chroniques et des lymphomes folliculaires. De la même façon, certaines mutations additionnelles vont pouvoir rendre les sous-clones cellulaires qui les portent résistants aux chimiothérapies, ce qui permet leur échappement thérapeutique. 5 – Pour le moment l’identification des anomalies génétiques à l’origine des transformations malignes dans les tissus myéloïdes ou lymphoïdes n’a pas débouché sur des conséquences thérapeutiques. On peut cependant espérer, soit le développement de nouvelles molécules agissant spécifiquement, par exemple sur des protéines hybrides, soit la possibilité d’induire une réaction immunitaire antitumorale spécifique vis-àvis des protéines hybrides. Une première molécule est en cours d’essais thérapeutique dans le cas de la leucémie myéloïde chronique.

◗ CLASSIFICATION DES HÉMOPATHIES MALIGNES

Les classifications internationales des hémopathies malignes sont de plus en plus complexes et de moins en moins accessibles aux non initiés. Ceci s’explique par le fait que but de ces classifications n’est pas pédagogique, 234 ◗



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LES HÉMOPATHIES MALIGNES : GÉNÉRALITÉS

mais pratique : il s’agit d’une part de permettre aux différentes équipes dans le monde, de comparer les résultats sur des catégories homogènes de malades et, de plus en plus d’autre part, d’adapter les thérapeutiques à des facteurs de pronostic parmi lesquels les données morphologiques, immunophénotypiques et moléculaires des maladies, prises en compte dans ces classifications modernes, jouent un rôle essentiel. Ainsi, la classification des lymphomes non hodgkiniens a connu quatre étapes essentielles, entre la classification initiale dite de Rappaport, qui remonte aux années 1970, suivie de la classification dite Working classification, puis la classification « REAL » (1994), reprise pour l’essentiel dans la récente classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (1999). De leur côté, les classifications des leucémies aiguës et des syndromes myélodysplasiques étaient relativement figées dans les classifications dites FAB pour French American British. Elles ont été assez profondément modifiées dans la nouvelle classification de l’OMS. Cette classification de l’OMS fera sans doute autorité plusieurs années, probablement jusqu’à ce que les profils d’expression des gènes dans les tumeurs (« carte d’identité des tumeurs ») ne viennent apporter de nouvelles précisions. Cette classification OMS est dans ses grandes lignes assez facile à mémoriser, car très physiopathologique. Elle distingue : 1. Les hémopathies lymphoïdes : 1.1. Les hémopathies lymphoïdes B 1.1.1. Les hémopathies à précurseurs B (leucémies et lymphomes lymphoblastiques B). 1.1.2. Les hémopathies B matures La leucémie lymphoïde chronique et les syndromes lymphoprolifératifs apparentés; Les proliférations plasmocytaires, dont le myélome; Les lymphomes folliculaires; Les lymphomes du Manteau. 1.1.3. Les lymphomes diffus à grandes cellules Les lymphomes à cellules de Burkitt. 1.2. Les hémopathies T et NK 1.3. Les lymphomes hodkginiens 1.4. Les proliférations histiocytaires 2. Les hémopathies myéloïdes : 2.1 Les syndromes myéloprolifératifs (sans modification avec les classifications antérieurs, puisque comportant leucémie myéloïde chronique, splénomégalie myéloïde, maladie de Vaquez, thrombocytémie primitive et deux raretés : les leucémies à polynucléaires neutrophiles et les leucémies à éosinophiles). 2.2. Les syndromes myélodysplasiques (ex. : « anémies réfractaires ») 2.3. Les syndromes myéloprolifératifs-myélodysplasiques, nouvelle entité comportant la leucémie myéloïde chronique atypique et la leucémie myélomonocytaire chronique. 2.4. Les leucémies aiguës myéloïdes, définies par la présence de 20% de blastes dans la moelle.

◗ PRINCIPAUX MOYENS THÉRAPEUTIQUES ◗

Chirurgie

Elle peut être utile dans certaines tumeurs viscérales, localisées (digestives notamment) et à titre palliatif, par exemple pour l’ablation d’une volumineuse splénomégalie dans une hémopathie lymphoïde de bas grade.



Radiothérapie

En hématologie elle répond aux mêmes principes généraux qu’en cancérologie des tumeurs solides. La destruction immédiate ou retardée (lors de la mitose) des cellules malignes augmente avec la dose totale administrée, en sachant qu’au-delà de certaines doses les chances d’améliorer les résultats sont faibles proportionnellement aux risques des lésions irréversibles des tissus avoisinants. Il y a intérêt à rappro235 ◗

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CONNAISSANCES

cher les doses avec un optimum moyen habituel de 10 Grays par semaine répartis en 3 à 5 séances. Dans certains cas on utilise des irradiations rapides « flash » pour agir sur une compression menaçante. La radiothérapie doit être réalisée par une équipe très entraînée aux techniques cancérologiques et disposant d’appareillages modernes. Une radiothérapie menée dans de mauvaises conditions peut laisser des séquelles irréversibles. Les principales indications de la radiothérapie sont : – la maladie de Hodgkin, – les lymphomes non hodgkiniens ou plasmocytomes localisés, – dans le traitement préventif des rechutes de LA : irradiation du système nerveux central, – à titre palliatif dans des indications diverses, pour faire régresser des lésions compressives ou douloureuses, peu sensibles à la chimiothérapie, – l’irradiation corporelle totale fait partie du conditionnement de beaucoup de protocoles d’auto- ou d’allo-greffes.



La chimiothérapie



Principaux groupes de médicaments

Les agents alkylants établissent des liaisons covalentes entre les chaînes de ADN. Les plus utilisés parmi eux sont la caryolysine, le chlorambucil (Chloraminophène) le cyclophosphamide (Endoxan) le melphalan (Alkéran) le busulfan (Myléran). Les nitroso-urées ont une action mal connue parfois rapprochée de celle des alkylants. Les plus utilisés sont le BCNU et le CCNU (Belustine). La procarbazine (Natulan) pourrait agir par un mécanisme voisin. Les antimétabolites agissent par substitution à un métabolite normal. Contrairement aux précédents, dont l’action s’exercerait surtout en phase prémitotique (G2), la leur s’exercerait surtout en phase S. Les plus importants sont l’améthoptérine (Méthotréxate) médicament antifolique, des antipuriques tels la 6-mercaptopurine (Purinéthol), l’azathioprine (Imurel et Imuran) et les antipyrimidines (5-fluorouracile (5-FU) de peu d’utilité en hématologie), la cytosine-arabinoside (Aracytine). Parmi les poisons du fuseau, les alcaloïdes de la pervenche, la vincoleucoblastine (Velbé), la vincristine (Oncovin) et les divers épipodophilotoxines, VP16 (étoposide). De nombreux antibiotiques à action antimitotique sont également employés, surtout la daunorubicine (Cérubidine) et divers dérivés appartenant au même groupe des anthracyclines tels que l’adriamycine. La bléomycine est surtout utile pour certaines localisations particulières en raison de son élimination pulmonaire et cutanée avec très peu de toxicité médullaire. L’hydroxyurée (Hydréa) inhibe la synthèse des acides nucléiques. On utilise enfin souvent les corticoïdes à fortes doses et parfois des enzymes telles que la L-asparaginase (qui fait chuter le taux d’asparagine). 236 ◗



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LES HÉMOPATHIES MALIGNES : GÉNÉRALITÉS

De nouveaux médicaments apparaissent régulièrement après de longs tests in vitro, chez l’animal puis chez l’homme. D’autres, d’abord surtout utilisés dans les tumeurs solides, ont trouvé des indications en hématologie. Citons le cis-platine et ses dérivés, la fludarabine et autres analogues des purines (Pentostatine, 2CdA).



Principes généraux d’utilisation

Certains médicaments sont utilisés essentiellement en monochimiothérapie, c’est le cas notamment de l’hydroxyurée dans le traitement des syndromes myéloprolifératifs, ou du chloraminophène dans le traitement de la LLC. Dans les autres cas des polychimiothérapies sont généralement utilisées, qui ont l’avantage d’une efficacité maximum quand elles sont données en doses fortes et fractionnées, en associant plusieurs médicaments de mode d’action différent, ce qui augmente les chances de détruire des populations qui seraient résistantes à un des produits utilisé seul.



Surveillance du traitement, toxicité

Toutes les chimiothérapies anti-néoplasiques sont toxiques. Presque toutes comportent en particulier un danger d’aplasie médullaire. Ces médicaments ne doivent par conséquent être utilisés que par des prescripteurs ayant l’habitude des doses, des conséquences particulières de certaines associations, et des toxicités particulières à l’âge, l’état physiologique, etc., ainsi que sous surveillance rapprochée de l’hémogramme complet. Certaines drogues ont en outre des toxicités propres. Ce sont notamment : – caryolysine : vomissements; – cytosine-arabinoside : vomissements; réactions cutanées et fièvre, conjonctivite, réaction neurologique centrale; – cyclophosphamide : cystite, alopécie; – améthoptérine : ulcérations muqueuses, hépatites toxiques, toxicité rénale; – alcaloïdes de la pervenche : neuropathies périphériques, paralysies intestinales, alopécie; – anthracyclines : ulcérations digestives, toxicité myocardique cumulative. – asparaginase : toxicité hépatique, réactions allergiques, hypofibrinémie; – cisplatine : toxicité rénale; – corticothérapie : ulcères digestifs, hypertension artérielle, diabète, rétention hydrosodée, troubles psychiques. – Savoir aussi que certaines drogues (anthracyclines par exemple) sont très caustiques et que les injections doivent être strictement intraveineuses.

Un grand progrès a été l’apparition d’anti-émétisants très efficaces qui permettent de réduire de façon très importante les nausées et vomissements induits par les chimiothérapies (ondansetron, granisétron) et l’utilisation de cathéters centraux reliés ou non à des « chambres » implantées sous la peau (ce qui évite la causticité des produits sur les veines périphériques).



Immunothérapie

L’immunothérapie non spécifique (utilisant des stimulants de l’immunité tels que le BCG) est actuellement en désuétude, les immunothérapies spécifiques restent du domaine de la recherche. En revanche, les anticorps monoclonaux, souvent génétiquement modifiés pour être « humanisés », sont de plus en plus étudiés. Spécifiques 237 ◗

18



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CONNAISSANCES

d’un antigène de différentiation, par exemple l’antigène CD20 des lymphocytes B, ils peuvent être efficaces seuls, associés à une chimiothérapie, ou encore pour transporter une drogue ou un isotope vers des cellules cibles. L’interféron recombinant est par ailleurs efficace dans certaines hémopathie, la LMC et la leucémie à tricholeucocytes, sans que le mode d’action anti-tumoral soit bien éclairci.



Greffe de cellules souches allogéniques

C’est une thérapeutique qui comporte de nombreuses difficultés pratiques et qui n’est indiquée que pour les sujets jeunes (< 50 ans) lorsqu’il existe un donneur compatible dans la fratrie, ou éventuellement en dehors de la fratrie, à partir de donneurs volontaires du monde entier. La compatibilité doit être totale chez l’adulte dans le système HLA, en biologie moléculaire. La greffe (qui se fait par une simple transfusion) est précédée d’un traitement à visée d’éradication de la maladie et d’immunosuppression (généralement cyclophosphamide et irradiation totale) et suivi d’un traitement immunosuppresseur. Les indications actuelles sont les leucémies aiguës myéloblastiques en première rémission, les LAL graves de l’enfant en première rémission, les LAL de l’enfant sans facteur de pronostic péjoratif seulement en cas de rechute et les LAL non T de l’adulte en première rémission complète. Les résultats dans les LA en poussée sont médiocres. La LMC a été une indication majeure, mais elle tend à se restreindre (voir p. 255). Les échecs immédiats sont rares mais la mortalité précoce relativement élevée, due à la maladie immunologique par réaction du greffon contre l’hôte (GVH) ou à l’immunosuppression nécessaire pour lutter ultérieurement contre cette maladie. Cependant la GVH réduit le risque de rechute de la maladie. C’est partant de cette constatation qu’est actuellement expérimentée une nouvelle forme de greffe allogénique avec un conditionnement immunosuppresseur et peu myélotoxique (« greffes à conditionnement atténué »).



Autogreffe de moelle ou de cellules souches périphériques

C’est en fait une autotransfusion de cellules souches, prélevées, soit directement par ponctions médullaires, soit, de plus en plus, dans le sang après chimiothérapie aplasiante et/ou facteurs de croissance granulocytaires (G. CSF). Ces cellules souches sont prélevées en période de rémission et réinjectées après un traitement très agressif notamment pour la moelle (souvent chimiothérapie et irradiation totale). Cette réinjection empêche la mortalité par aplasie, mais peut comporter la réinjection de cellules malignes.



Traitement spécifique de l’anomalie moléculaire causale

C’est évidemment l’espoir pour l’avenir et ce que l’on attend des progrès de la recherche fondamentale. Ils ne peuvent être envisagés que de façon très spécifique pour une sous-catégorie précise d’hémo238 ◗



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LES HÉMOPATHIES MALIGNES : GÉNÉRALITÉS

pathie. Le premier exemple a été l’utilisation de l’acide tout trans rétinoïque appliqué au traitement de la leucémie promyélocytaire à translocation 15;17. Plus récemment a été mis au point un médicament inhibiteur de la kinase de fusion BCR/ABL. Ce traitement a révolutionné la prise en charge de la leucémie myéloïde chronique.

◗ LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX DU TRAITEMENT

On peut distinguer à cet égard plusieurs groupes d’hémopathies. En effet, selon la sensibilité des cellules malignes aux traitements, la gravité à plus ou moins court terme et l’extension des lésions, la stratégie est différente. Dans certains cas on recherche la guérison, dans d’autres on ne peut actuellement que limiter à court ou moyen termes les conséquences de la prolifération. – Les hémopathies malignes extramédullaires et curables. Ce sont la maladie de Hodgkin et les lymphomes (ou certains lymphomes) non hodgkiniens. Dans ces cas on cherche la guérison car on dispose de moyens capables de l’obtenir. On a recours à des thérapeutiques très actives, radiothérapie, chimiothérapie et exceptionnellement chirurgie (dans des lymphomes digestifs) et l’on accepte de prendre des risques de toxicité, avec la chimiothérapie, en raison de son efficacité et surtout dans les formes les plus agressives. Ainsi les chimiothérapies utilisées dans les lymphomes non hodgkiniens étendus et agressifs induisent régulièrement des aplasies sévères, ce qui n’est pas nécessaire dans les formes moins graves. – Les hémopathies atteignant la moelle, mais ne comportant pas d’insuffisance médullaire et restant non curables actuellement. Ce sont les LLC (dans la plupart des cas) et les maladies apparentées, les LMC non greffables, et les myélomes multiples sans insuffisance médullaire. Il n’y a pas de traitement curateur à ce jour. On cherche essentiellement à limiter les risques de thrombose, dans le cas des syndromes myéloprolifératifs, les lésions compressives de diverses hémopathies, l’hyperviscosité induite par certains pics monoclonaux, les risques des lésions osseuses des myélomes, en réduisant la prolifération cellulaire par la chimiothérapie (en complétant sur les foyers locaux des myélomes par la radiothérapie). – Les hémopathies malignes entraînant une insuffisance médullaire. La situation est différente dans ces cas, car les conséquences de l’insuffisance médullaire limitent l’espérance de vie à quelques semaines ou mois. Les risques que l’on est autorisé à prendre dépendent de l’existence ou non de traitements très efficaces. On doit alors distinguer deux cas. • Celui des leucémies aiguës, qui relèvent d’un traitement chimiothérapique initial lourd, provoquant une aplasie médullaire profonde et prolongée (sauf dans les LAL de l’enfant). Cette aplasie est absolument nécessaire pour obtenir une rémission, qui est très fréquente avec les traitements actuels, donne au malade une chance de guérison, et au moins de survie prolon239 ◗

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CONNAISSANCES

gée dans des conditions de vie proches de la normale. L’abstention thérapeutique, en revanche, est suivie de la mort en quelques semaines, dans des conditions aussi pénibles que celles de l’échec du traitement. • Le problème est tout différent dans le cas des hémopathies malignes plus chroniques mais entraînant secondairement une insuffisance médullaire, comme les LLC à un stade avancé, les myélomes, la splénomégalie myéloïde avec myélofibrose majeure etc. En effet : d’une part, la survie spontanée est généralement plus longue, d’autre part, la chimiothérapie est beaucoup moins efficace sur les cellules malignes et la rémission complète très rare. L’attitude thérapeutique est donc moins agressive et dépend des hémopathies : abstention dans la splénomégalie myéloïde, abstention ou chimiothérapie prudente dans les LLC, polychimiothérapie dans la maladie de Kahler. Cependant, les tentatives de traitements chimio ou chimio-radiothérapiques lourds, suivis d’autogreffe de moelle se multiplient chez les sujets jeunes, en état de les supporter.

◗ PROGRÈS THÉRAPEUTIQUES ET PROTOCOLES

Depuis environ quarante ans en France et dans le monde développé, les progrès thérapeutiques ont résulté : de la découverte, parfois fortuite, de nouveaux médicaments actifs, mais au moins autant d’une meilleure utilisation des médicaments. Pour établir scientifiquement l’efficacité d’un traitement (ou de plus en plus souvent d’une stratégie thérapeutique), il faut le comparer au traitement de référence (celui dont la meilleure efficacité avait préalablement été démontrée). C’est pour continuer à faire des progrès, que les patients atteints d’hémopathies malignes sont très systématiquement inclus dans des essais thérapeutiques contrôlés. Depuis 1988 en France, ces essais doivent être expliqués aux patients qui signent un « consentement éclairé ». Au préalable, l’essai doit avoir été approuvé par un comité indépendant. Pour progresser plus rapidement, les services spécialisés se regroupent pour des essais « multicentriques ».

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Les leucémies aiguës

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◗ DÉFINITION ET PHYSIOPATHOLOGIE ◗ SYMPTOMATOLOGIE ◗ LES LEUCÉMIES AIGUËS LYMPHOBLASTIQUES ◗ LES LEUCÉMIES AIGUËS MYÉLOBLASTIQUES (LAM)

◗ DÉFINITION ET PHYSIOPATHOLOGIE

CNEM

Les leucémies aiguës ne sont plus définies par leur durée d’évolution, mais par leurs caractéristiques anatomiques : prolifération de précurseurs hématopoïétiques peu différenciés incapables d’achever leur maturation (dits « cellules blastiques »). Il est probable que des mutations somatiques sur des précurseurs hématopoïétiques, situés en amont des cellules des différentes lignées, sont responsables de la maladie, la mutation ayant pour effet de bloquer les possibilités de différenciation au-delà d’un certain stade (voir chap. 18). Progressivement, la moelle est envahie par ces cellules qui se divisent pour donner naissance à des cellules identiques à elles-mêmes, jusqu’à ce qu’elles occupent l’ensemble du volume médullaire, puis essaiment par voie sanguine dans les autres organes. Les leucémies aiguës s’accompagnent dans un pourcentage variable de cas d’anomalies chromosomiques. Certaines de ces anomalie sont spécifiques de certains types cytologiques. Ces anomalies chromosomiques acquises ne touchent que les cellules du tissu intéressé et parfois même seulement une partie de ce tissu (par exemple : il n’y a pas d’anomalie du caryotype dans les érythroblastes, au cours de certaines leucémies myéloïdes aiguës). Les anomalies spécifiques du caryotype, qui sont en général des translocations, ont donc probablement une relation étroite avec l’anomalie génétique acquise qui est à l’origine de ces maladies. L’étiologie des leucémies aiguës est généralement inconnue. Cependant le benzène, les rayonnements X, les chimiothérapies antinéoplasiques (en particulier les alkylants) sont des agents étiologiques bien identifiés, dans un petit nombre de cas. La leucémie, généralement myéloïde, survient plusieurs années après l’exposition, souvent après une période de plusieurs mois d’insuffisance médullaire qualitative.

◗ SYMPTOMATOLOGIE

Elle est marquée par trois faits : – l’existence d’une insuffisance médullaire initiale ou très rapidement installée : les cellules leucémiques, quelle que soit leur nature, n’ont

CNEM : item 162 « Diagnostic d’une leucémie aiguë ».

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CONNAISSANCES

aucune activité fonctionnelle et remplacent la moelle normale, puis les cellules sanguines; – les risques de thromboses, mais ils sont moindres que dans les syndromes myéloprolifératifs. Ils existent cependant dans les hyperleucocytoses extrêmes, surtout quand les cellules ont une différenciation granuleuse ou monocytaire; – la prolifération maligne, diffuse au stade clinique de la maladie, va donner des signes tumoraux non seulement au niveau des organes hématopoïétiques, mais éventuellement de tous les viscères.



Circonstances du diagnostic

La maladie touche des sujets de tous les âges et tout particulièrement les enfants. Elle se révèle par des manifestations de deux ordres : – des signes d’insuffisance médullaire : pâleur et asthénie dues à l’anémie, infection et fièvre dues à la granulopénie, purpuras et hémorragies dus à la thrombopénie. Ces signes peuvent être très marqués ou manquer complètement, selon l’état de l’hémogramme lors de la découverte; – des signes de prolifération : splénomégalie ou adénopathies, tumeurs ou seulement douleurs osseuses et la radiographie trouvera chez les enfants, dans la zone douloureuse, des images en « bandes claires métaphysaires ». Ces signes osseux doivent être bien connus car ils simulent souvent le rhumatisme articulaire aigu, ou une ostéomyélite, ou une séquelle d’entorse et le diagnostic en est retardé, surtout si une corticothérapie aveugle a été prescrite qui peut masquer provisoirement l’aspect médullaire typique. Dans des cas plus rares, on trouve une tumeur du testicule ou de l’ovaire, ou une méningite par envahissement leucémique, une atteinte d’un nerf crânien, ou une adénopathie médiastinale compressive ou non, des lésions cutanées.

Au total ces signes diversement associés réalisent des tableaux multiformes, de la tumeur localisée à la grande insuffisance médullaire avec prolifération diffuse. Quelle est la conduite à tenir? Le degré d’urgence est variable. Lorsqu’il n’existe ni fièvre, ni hémorragie, ni hyperleucocytose menaçante (< 20000/mm3), le patient peut attendre sans risque quelques jours avant d’être hospitalisé en centre spécialisé. Dans tous les autres cas, il y a urgence.



Arguments du diagnostic

– Il est facile pour un laboratoire compétent. L’hémogramme de leucémie aiguë associe : • des signes d’insuffisance médullaire : anémie arégénérative, neutropénie et thrombopénie, mais tous peuvent manquer au début; • des signes de prolifération : présence dans le sang de leucoblastes qui sont surtout nombreux lorsqu’il existe une hyperleucocytose, et à plus forte raison si elle est élevée, car ce sont eux qui constituent l’essentiel de cette hyperleucocytose. Dans d’autres cas, la leucocytose est normale ou même dimi242 ◗



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LES LEUCÉMIES AIGUËS

nuée en raison de l’insuffisance médullaire et les leucoblastes peuvent faire totalement défaut. Cependant les signes d’insuffisance médullaire imposent à eux seuls le myélogramme. – Le myélogramme révèle en général un envahissement massif par les « blastes », qui affirme immédiatement le diagnostic, si on est sûr de la qualité du cytologiste qui a interprété les lames. Dans un petit nombre de cas l’envahissement n’est que partiel et l’examen d’autres secteurs de moelle et la biopsie de moelle sont nécessaires, c’est notamment le cas lorsque la moelle est fibreuse : le myélogramme ramène peu ou pas de cellules et seule la BM montrera l’envahissement blastique. Le diagnostic de LA est établi dès lors qu’il existe au moins 20% de cellules blastiques sur le myélogramme, selon la définition actuelle de l’OMS.



Types cytologiques de la leucémie aiguë

Il est établi sur une série de caractères. – Cytologiques et cytochimiques : la morphologie des cellules blastiques du myélogramme orientera le diagnostic vers une LAM ou LAL, en s’aidant au besoin des colorations cytochimiques. – Cytogénétiques : par caryotype conventionnel ou par fish (fluorescence in situ hybridisation) indispensables au classement précis de l’hémopathie en cause. L’examen s’effectue sur la moelle ou sur le sang, s’il existe de nombreux blastes circulants. Les anomalies diagnostiquées peuvent avoir un fort impact pronostic et guider la thérapeutique. – Immuno-phénotypiques : cette approche utilise des panels d’anticorps monoclonaux et une analyse par cytométrie en flux, destinée à identifier la nature des antigènes membranaires et cytoplasmiques des cellules malignes. Elle précise la nature myéloïde ou lymphoïde des blastes, et c’est un élément déterminant lorsque les analyses cytologiques et cytochimiques sont douteuses. – Moléculaires : l’analyse moléculaire permet de préciser « l’origine » lymphoïdes de la LA en identifiant soit un réarrangement clonal du récepteur T pour l’antigène, soit un réarrangement des gènes des immunoglobulines. Cette information est capitale surtout pour les formes les plus immatures et par conséquent les moins différentiées, tant sur le plan cytologique que de l’expression antigénique. Dans ces formes, en effet, le diagnostic entre LAL et LAM peut demeurer hésitant voire erroné. Elle permet, en outre, d’identifier des transcripts anormaux, résultats de certaines translocations chromosomiques qui auront pu passer inaperçues en cytogénétique conventionnelle et ainsi affiner le pronostic de la LA. Enfin, dans certains cas, grâce à un niveau de sensibilité supérieure à la cytologie et à la cytogénétique, elle précise l’état de rémission de la LA ou permet d’anticiper sur la rechute cytologique. Le bilan pré-thérapeutique doit comprendre : – évaluation cardiaque avant usage d’anthracycline surtout chez les sujets âgés (échographie cardiaque et ECG), – bilan pré-transfusionnel avec groupage sanguin ABO, phénotypage Rhésus, RAI et sérologies virales, – bilan métabolique : ionogramme sanguin, fonction rénale et hépatique, uricémie, LDH. – bilan d’hémostase à la recherche d’une CIVD. – bilan infectieux : radiographie thoracique, ECBU, hémocultures…



Point de débat La classification FAB, en vigueur jusqu’à récemment, retenait le diagnostic de leucémie aiguë à partir de 30% de cellules blastiques. La récente classification de l’OMS propose le seuil de 20%, qui va certainement s’imposer.

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CONNAISSANCES – ponction lombaire à la recherche d’une localisation blastique. – typage HLA du patient et de sa fratrie si une allogreffe de moelle paraît envisageable (patients jeunes).

◗ ◗ La prise en charge diagnostique et thérapeutique d’une leucémie aiguë impose le transfert du patient dans un « centre lourd » d’hématologie.

Traitement

Le traitement des LA comprend deux aspects. – Le traitement spécifique : une chimiothérapie d’induction visant à obtenir une rémission complète, c’est-à-dire un aspect cytologiquement normal du sang et de la moelle. La rémission complète est un état indistinct de l’état normal, même au myélogramme. On parle de rémission complète et non de guérison, car, en l’absence de traitement complémentaire, la rechute est inéluctable en quelques semaines ou mois, témoignant de la persistance de cellules leucémiques viables. Suivent donc des traitements chimiothérapiques de consolidation visant à réduire au maximum la masse résiduelle tumorale, non visible mais bien présente, afin de prévenir les risques de récidives. Les protocoles employés différent selon le type de LA et les facteurs pronostics identifiés. De façon schématique, les LAM se traitent par des cures de consolidation « lourdes » mais en nombre réduit (environ 1 à 2 cures), alors que les LAL bénéficient de cures plus légères mais répétées et prolongées (2 à 3 ans), destinées à obtenir l’extinction progressive mais définitive du clone leucémique lymphoïde, bien suggérée par les données actuelles. La place des intensifications thérapeutiques en première intention par auto. ou allogreffe de moelle est à adapter en fonction des facteurs pronostics et des protocoles d’études en cours.

– Les traitements adjuvants : ils comprennent la pose d’une voie d’abord centrale, une hyperhydratation alcaline associée à un traitement hypouricémiant dans le soucis de minimiser les effets toxiques du syndrome de lyse blastique accentuée par la chimiothérapie, la prise en charge des besoins transfusionnels en globules rouges et plaquettes, les antibiotiques à large spectre par voie parentérale, une éventuelle nutrition parentérale en cas de mucite chimio-induite ou d’intolérance digestive majeure.

À ne pas faire • Transfusion de concentrés globulaires dans une LAM hyperleucocytaire : risque notable d’accroissement de la viscosité sanguine à l’origine de syndrome lésionnel pulmonaire gravissime. • Ponction lombaire initiale en phase blastique sanguine : risque de susciter le passage de cellules malignes dans le système nerveux central.

◗ LES LEUCÉMIES AIGUËS LYMPHOBLASTIQUES ◗

Diagnostic

L’incidence des LAL est de l’ordre de 3 à 5 cas pour 100000 habitants et par an. Elle représente environ 80% des LA de l’enfant (avec un pic de fréquence vers l’âge de 4 ans) et une proportion inverse chez l’adulte. Les LAL de l’enfant ont un meilleur pronostic que celle de l’adulte. Il en existe différentes variantes selon l’aspect des blastes (grands ou petits) 244 ◗



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LES LEUCÉMIES AIGUËS

et surtout les caractères immunophénotypique T, B plus ou moins matures de la prolifération. Sur le plan clinique, les LAL comportent plus souvent que les formes myéloblastiques des adénopathies et une splénomégalie et surtout une atteinte, habituellement secondaire au cours des rechutes, du système nerveux central, avec envahissement méningé ou localisation à l’encéphale, ou aux nerfs crâniens. Les localisations osseuses y sont également fréquentes. Les localisations testiculaires ou ovariennes s’observent surtout comme formes de récidive. Fréquence LAL pré-T

Cliniques

Phénotype

•Fréquente atteinte médiastinale et hyperleucocytose •Atteinte du SNC

15-25%

Pronostic

Médiocre si immature CD7+ CD5+ CD1+ Meilleur si mature CD2+ CD3+ CD4, CD8+

LAL pré B

75%

Pas de spécificité

LAL B mature type Burkitt

< 5%

Syndrome tumoral ++ Syndrome de lyse ++ Évolutivité rapide

Très immature HLA Dr+ CD19+ CD10 (CALLA)+ CD20+ Immature Chaîne μ intracytoplasmique

Favorable sauf translocation associée t(9;22) t(4;11) t(1;19)

CD19+, CD22+ Ig de surface+

Bon

SNC : système nerveux central



Étude cytologique et cytochimique

Les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) correspondent à la prolifération de blastes non granulaires à réaction du PAS habituellement positive et réaction des peroxydases négatives.



Étude immuno-phénotypique

Elle permet de caractériser le phénotype B ou T de l’hémopathie ainsi que son niveau de différenciation. De façon schématique, les blastes de LAL exprimeront de façon variable mais dans un ordre croissant de maturité : – pour les formes B : HLA Dr, CD19, CD10 (CALLA), CD20, chaîne μ intracytoplasmique, immunoglobuline de surface, – pour les formes T : CD7, CD5, CD1, CD2, CD3, CD4, CD8. Environ 20% des LAL expriment toutefois des marqueurs myéloïdes (CD13, CD33), leur conférant un caractère biphénotypique. Certaines formes de LAL n’expriment aucun marqueurs lymphoïdes, et seule, la biologie moléculaire permet de préciser le diagnostic.



Étude cytogénétique

Elle est indispensable pour le pronostic. – Le chromosome Philadelphie (Ph1) ou t(9;22), dont l’identification augmente avec l’age (rare chez l’enfant, plus de 30% des cas après 245 ◗

19



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CONNAISSANCES

60 ans) confère un très mauvais pronostic. Comme dans la leucémie myéloïde chronique (LMC), il est le reflet d’une translocation entre les gènes bcr et abelson (cf. chapitre 18) à l’origine de la production d’un transcrit détectable en biologie moléculaire et de l’expression d’une tyrosine kinase anormale dont le poids moléculaire est en règle plus léger que celui des LMC. – La t(12;21) est la plus fréquente des anomalies moléculaires de l’enfant. Son impact pronostic demeure discuté. – La t(4;11) est associée à un mauvais pronostic (5% des LAL de adulte). Elle concerne le gène MLL situé sur le chromosome 11 et le gène AF4, anomalie détectable par biologie moléculaire. – La t(1;19) résulte d’une translocation réciproque entre les gènes E2A et PBX1 (30% des formes pédiatriques, principalement de phénotype pré-B). – Les t(8;14), t(8;22) et t(2;8) sont associés aux LAL de type Burkitt. – Les hyperploïdies s’observent essentiellement chez l’enfant et sont associées à un bon pronostic.



Étude en biologie moléculaire

Elle permet de préciser le phénotype B ou T, surtout dans les formes les plus immatures, en identifiant un réarrangement clonal du récepteur T pour l’antigène (forme T) ou un réarrangement des gènes des immunoglobulines (forme B). Il existe des LAL, sans marqueurs T ou B identifiés et reconnues comme lymphoïdes seulement par les résultats de la biologie moléculaire. Elle permet en outre d’identifier des transcripts anormaux, fruits de certaines translocations chromosomiques qui auront pu passer inaperçues en cytogénétique conventionnelle et ainsi affiner le pronostic de la LAL. Plus tard, après le traitement, la haute sensibilité des méthodes de biologie moléculaire quantitative sera précieuse pour préciser l’état de rémission de la LAL ou anticiper sur la rechute cytologique.



Classification OMS

La nouvelle classification OMS de 1999 distingue 3 variétés de LAL : – Les LAL pré-T – Les LAL pré-B, comprenant notamment : • t(9; 22) – BCR/ABL • t(variants; 11q23 – réarrangement du gène MLL • t(1; 19) – E2A/PBX1 • t(12; 21) – ETV/CBF-_ – La LAL type Burkitt : forme B mature.

Les facteurs de mauvais pronostic – L’âge : médiocre chez l’adulte – L’hyperleucocytose – L’immunophénoype non-T – Les anomalies cytogénétiques (ou leur équivalent moléculaire) comme la t(9;22), la t(4;11) et la t(1;19) – La corticorésistance

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LES LEUCÉMIES AIGUËS Noter deux formes très particulières : La LAL de type Burkitt : forme rare de LAL-B, elle présente des lymphoblastes caractérisés par la présence de volumineuses vacuoles, un phénotype B « mature » avec expression d’une immunoglobuline monoclonale de surface. Les t(8;14), t(8;22) et t(2;8) souvent identifiées sont le reflet de la translocation de l’oncogène cMYC avec les gènes codant pour les chaînes lourdes et/ou légères des immunoglobulines (voir chap.18). Elle s’apparente à une présentation leucémisée des lymphomes de Burkitt. Cette forme s’accompagne volontiers d’un syndrome tumoral abdominal important et d’un syndrome de lyse spontanée majeure d’où le risque d’insuffisance rénale anurique très préoccupant. Les atteintes du système nerveux central sont fréquentes. Malgré une présentation clinique initiale inquiétante, une fois le cap des complications aiguës passé, le pronostic est bon. LAL-T associée au virus HTLV-I : très rare en France métropolitaine, elle concerne les patients infectés de longue date par le rétrovirus (à suspecter chez des patients d’origine antillaise, guyanaise et africaine) en général par transmission maternelle. Une hypercalcémie est fréquemment associée. La chimiorésistance est classique et le pronostic sombre.

◗ ◗ La tendance actuelle, chez l’enfant comme chez l’adulte, est de moduler les traitements en fonction des facteurs de risque, le traitement étant d’autant plus agressif que le pronostic est plus mauvais. C’est aussi en fonction de ces facteurs de pronostic que sont portées les indications d’allogreffe de moelle en première rémission complète, s’il y a un donneur intrafamilial, ou même non apparenté (par exemple LAL Ph1).

Le traitement des LAL

Le traitement d’induction repose initialement sur l’association d’une corticothérapie (Prednisone de l’ordre de 1 à 2 mg/kg/j) associée à l’administration séquentielle de vincristine de cyclophosphamide, de daunorubicine, d’asparaginase, etc. Ce traitement initial a pour but de faire disparaître les cellules leucémiques de la moelle et du sang (« rémission »). L’aplasie causée par ce traitement est en règle relativement peu profonde et courte, surtout chez l’enfant, et les complications infectieuses ou hémorragiques peuvent assez facilement être prévenues par le traitement symptomatique (transfusions de globules rouges, de plaquettes et antibiothérapie). Toutefois l’administration d’une corticothérapie accentuant les risques infectieux tout en les masquant incite à une grande prudence. Ce traitement complémentaire comporte actuellement des cures de « consolidation », d’autant plus lourdes que les éléments de pronostic initiaux sont péjoratifs, et souvent un traitement d’entretien associant généralement 6-mercaptopurine, méthotrexate, aracytine, asparaginase et endoxan en cures séquentielles. Un traitement préventif des localisations au système nerveux central par la chimiothérapie intrarachidienne et irradiation de l’encéphale est systématique. Des protocoles d’intensification thérapeutique avec autogreffe ou allogreffe de cellules hématopoïétiques effectuées rapidement après l’obtention de la rémission complète sont en cours d’évaluation dans les formes de mauvais pronostics. Les rechutes relèvent de la reprise de la chimiothérapie initiale ou de l’utilisation de nouvelles chimiothérapies. Elles peuvent être suivies de nouvelles rémissions, mais l’évolution est alors toujours beaucoup plus courte. La discussion d’une greffe de moelle est alors justifiée. Le taux de rémission complète est supérieur à 90% chez l’enfant, de 70 à 80% chez l’adulte. L’espérance de guérison est en moyenne de 70% chez l’enfant, beaucoup plus faible chez l’adulte où seulement un tiers des patients ont des rémissions de plus de 3 ans. Le pronostic « global » n’a cependant plus beaucoup de signification tant sont grandes les différences, en fonction des données pronostiques initiales.

◗ LES LEUCÉMIES AIGUËS MYÉLOBLASTIQUES (LAM)

Les LAM surviennent à tout âge, n’épargnant pas les sujets âgés, leur fréquence augmentant au contraire avec l’âge. Elles comportent moins 247 ◗

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CONNAISSANCES

de proliférations ganglionnaires et spléniques que les leucémies aiguës lymphoblastiques, et l’atteinte du système nerveux central y est beaucoup plus rare. Certaines circonstances favorisantes, comme une exposition au benzène, à des agents mutagènes (certaines chimiothérapie, radiothérapie) sont clairement établies. Ailleurs, elles constituent l’évolution « naturelle », à la faveur d’événements oncogéniques secondaires surajoutés, de certaines hémopathies chroniques comme les syndromes myéloprolifératifs (surtout la leucémie myéloïde chronique) et myélodysplasiques.



Étude cytologique et cytochimique

Les LAM se présentent avec des blastes granuleux PAS négatif et peroxydases positives, voire estérases positives dans certains cas. On trouve parfois des inclusions en bâtonnets azurophiles caractéristiques, les corps d’Auer. Le diagnostic peut être plus difficile dans les formes immatures, les granulations n’étant détectées qu’en cytochimie.



Étude immunophénotypique

Son intérêt est moindre que pour les LAL. Elle reste utile dans les formes peu différentiées où l’identification d’antigènes comme le CD13 et le CD33 caractérise un phénotype myéloïde. L’identification d’antigènes propres aux lignées érythrocytaire (GPA) et mégacaryocytaire (CD41, CD42) permet le diagnostic de certaines variétés rares de LAM.



Apport de la cytogénétique

Les anomalies chromosomiques sont fréquentes au cours des LAM. Certaines anomalies sont étroitement corrélées au type cytologique de la LAM : t(15;17) et LA promyélocytaire – inversion du 16 et LA myélomonocytaire à éosinophiles – t(8;22) et LAM à différentiation granuleuse (25% des cas). Ces 3 derniers exemples confèrent à la LA un relatif bon pronostic tout spécialement la t(15;17). D’autres anomalies, non spécifiques de types cytologiques donnés, comme les monosomies ou délétions des chromosomes 5 et 7, sont en revanche péjoratives.



Apport de la biologie moléculaire

Elle permet de repérer les équivalents moléculaires de certaines anomalies chromosomiques passées inaperçues en analyse cytogénétique : • La t(8;21) avec son équivalent moléculaire concernant une translocation entre les gènes AML1 et ETO, • La t(15;17) reflet de la translocation entre les gènes PML et RARα (forme de LA à différentiation promyélocytaire), • L’inversion péricentrique du chromosome 16 intéressant les gènes CBFβ et MYH1, • Les remaniements en 11q23 du gène MLL.



Classification des LAM

La classification dite « FAB » (French American British) qui a fait référence durant de nombreuses années reposait essentiellement sur la morphologie des cellules blastiques en distinguant les types LAM0 à 248 ◗



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LES LEUCÉMIES AIGUËS

LAM7.Quatre principaux groupes de LAM sont à présent distingués par la nouvelle classification OMS de 1999 : LAM associées à des translocations cytogénétiques récurrentes : • t(8;21) – gènes AML1/ETO • t(15;17) -gènes PML/RARα−à différentiation promyélocytaire (exLAM3)

• Inversion péricentrique du chromosome 16 – gènes CBFβ/MYH1 • Remaniement en 11q23 – gène MLL LAM associées à des signes cytologiques de myélodysplasie • Avec antécédent connue de myélodysplasie • Sans antécédent connue de myélodysplasie LAM secondaires à des traitements mutagènes Autres LAM : sans maturation (LAM0), avec maturation granuleuse (M1, M2), à différentiation myélomonocytaire (M4), monocytaire (M5), érythroblastique (M6), mégacaryocytaire (M7), comme dans la classification FAB À noter des formes particulières : Les leucémies aiguës à promyélocytes (LAM3) sont rares et marquées par la prolifération de blastes d’une extrême richesse en granulations et comportant parfois des corps d’Auer en fagots. Un tableau de CIVD notable est en règle associé lié à l’activité procoagulante du contenu des granules, volontiers aggravé par la chimiothérapie initiale. La présence d’une t(15;17) et/ou son équivalent moléculaire PML/RARα sont le plus souvent identifiés. Le gène RARα impliqué dans la translocation est un récepteur pour l’acide rétinoïque et ceci explique l’efficacité thérapeutique de l’acide tout-transrétinoïque dans cette affection. Certaine formes, très rares, s’accompagnent non pas d’une t(15;17) mais d’une t(11;17) leur conférant une résistante à ce traitement et un mauvais pronostic. Les leucémies aiguës myélo-monoblastiques et monoblastiques sont surtout marquées par la prolifération de grandes cellules spécialement monstrueuses avec parfois une ébauche de différenciation monocytaire ou l’association de monocytes caractérisés. Les blastes sont riches en estérase. Ces formes monocytaires se présentent volontiers sur un plan clinique par un syndrome tumoral avec notamment une hypertrophie gingivale évocatrice, ou des lésions cutanées spécifiques. Le grand volume de ces blastes et leur capacité d’adhésion suscitent lors des formes hyperleucocytaires (fréquente dans cette entité) des risques de leucostase pulmonaire et/ou cérébrales. Les érythroleucémies sont des formes rares associant, à des précurseurs myéloblastiques, des cellules qui ont des caractères cytologiques et phénotypiques d’érythroblastes jeunes. Il existe à titre exceptionnel des proliférations de micro-mégacaryoblastes, de mastoblastes ou de plasmoblastes. Dans quelques cas, les cellules restent totalement inclassables ou coexpriment des marqueurs lymphoïdes (formes biphénotypiques).

Facteurs de pronostic Facteurs de mauvais pronostic :

Facteurs de bon pronostic :

– Âge élevé – LAM secondaire – Formes hyperleucocytaires et/ou tumorales – Délétions, monosomies des chromosomes 5 et 7, caryotype complexe – LAM à différenciation nulle, érythroblastique ou mégacaryocytaire – Expression de gène de résistance (mdr+)

– LA promyélocytaire avec t(15;17) – LAM non hyperleucocytaires associées aux t(8;21) et Inv16.

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CONNAISSANCES



Traitement des LAM

Les traitements d’induction et de consolidation relèvent généralement de l’association d’anthracyclines et de cytosine arabinosine (Aracytine) selon différentes modalités. D’autres médications comme l’étoposide sont parfois utilisées. L’aplasie entraînée par ce traitement est profonde et dure 3 à 4 semaines, voire plus. La thérapeutique symptomatique pendant la période d’aplasie est particulièrement importante : outre les transfusions (globules rouges, plaquettes), l’antibiothérapie, une réanimation permanente de ces sujets sous perfusion continue est nécessaire et les précautions d’asepsie sont indispensables. La rémission est obtenue dans environ 70 % des cas, l’échec survenant dans les autres cas, soit par résistance à la chimiothérapie, soit par complication infectieuse ou hémorragique. Bien que moins marquées que dans les LAL, les différences selon les données initiales du pronostic permettent de reconnaître des formes de gravité très diverse. Une fois la rémission obtenue, la probabilité de guérison est très variable. Globalement, elle est médiocre, de l’ordre de 20%. Chez les sujets jeunes ayant un donneur HLA identique familial, l’indication d’une greffe de moelle allogénique est donc facilement portée, sauf dans les formes de bon pronostic. En l’absence d’allogreffe, les attitudes restent partagées : chimiothérapie de consolidation, autogreffe. Les traitements d’entretien prolongés, contrairement aux LAL, n’ont pas d’intérêt sauf dans les LA promyélocytaires.



Les cas particuliers

L’expression des molécules de résistances aux drogues Certaines LAM exprimant des antigènes leur conférant des propriétés de résistances vis-à-vis de certaines drogues (mdr+ pour « multidrug resistance ») pourraient bénéficier de l’apport d’inhibiteur spécifique couplé à la chimiothérapie. La LAM promyélocytaire Au plan thérapeutique, l’acide tout transrétinoïque (ATRA) a transformé leur traitement initial, permettant d’obtenir relativement facilement, associé à une chimiothérapie, 90% de rémissions complètes. Un traitement de consolidation chimiothérapique est ensuite nécessaire. L’intérêt d’un traitement d’entretien associant chimiothérapie et ATRA est établi constituant une exception au sein des LAM. Leucémies aiguës néonatales Ce sont des leucémies rares révélées dès la naissance. Elles se manifestent par des signes cutanés, des troubles digestifs, des hémorragies, un état fébrile. L’hépatosplénomégalie est constante, les adénopathies habituelles. L’hyperleucocytose est souvent massive, la prolifération étant le plus souvent constituée de myéloblastes. Difficiles à traiter, ces formes sont en règle générale rapidement fatales. Il est à noter que ces leucémies surviennent dans environ 15 % des cas chez des mongoliens, qui sont remarquables par ailleurs par un taux élevé de leucémie aiguë lymphoblastique dans l’enfance et par l’existence fréquente, autour de la naissance, d’un syndrome pseudoleucémique marqué par une prolifération d’éléments myéloïdes, spontanément régressifs en quelques jours. Les leucémies néonatales ne sont en revanche pas observées spécialement chez les enfants de mères leucémiques.



Point de débat Le cumul de facteurs pronostiques péjoratifs chez les patients âgés mérite une discussion entre le traitement classique ou une prise en charge « palliative » par chimiothérapie orale visant à simplement réduire d’éventuelles composantes hyperleucocytaires.

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LES LEUCÉMIES AIGUËS

Résumé Points clés Les leucémies aiguës sont les plus redoutables des hémopathies malignes Leur diagnostic est généralement facile La prise en charge, souvent en urgence, nécessite le recours aux centres lourds d’hématologie. Le pronostic est de plus en plus finement centré et le traitement adapté. La polychimiothérapie, généralement aplasiante, est nécessaire pour obtenir la rémission complète, elle-même préalable indispensable à une éventuelle guérison. La leucémie aiguë est en règle moins grave chez l’enfant que chez l’adulte.

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CONNAISSANCES

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Les syndromes myéloprolifératifs

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◗ LES AUTRES SYNDROMES MYÉLOPROLIFÉRATIFS ◗ DIAGNOSTIC GÉNÉRAL D’UNE MYÉLÉMIE

◗ DÉFINITION ◗ LA LEUCÉMIE MYÉLOÏDE CHRONIQUE ◗ LA MALADIE DE VAQUEZ ◗ LA THROMBOCYTÉMIE ESSENTIELLE ◗ LA SPLÉNOMÉGALIE MYÉLOÏDE OU MYÉLO-

OU D’UN PASSAGE DE CELLULES IMMATURES DANS LE SANG

FIBROSE PRIMITIVE

◗ DÉFINITION Il s’agit d’une hyperproduction d’une ou plusieurs lignées myéloïdes, faite de cellules bien différenciées. On réunit généralement sous ce terme : – la leucémie myéloïde chronique ; – la polyglobulie essentielle ou primitive ou maladie de Vaquez ; – la thrombocytémie essentielle ou primitive ; – la splénomégalie myéloïde ; – quelques syndromes plus rares et moins bien caractérisés. Ces maladies ont un certain nombre de points communs. – Une prolifération qui porte sur l’une au moins des trois lignées myéloïdes principales, sans blocage de maturation, aboutissant donc à une hyperplasie importante érythrocytaire, plaquettaire ou granulocytaire dans le sang. Les éléments présents dans le sang sont les stades terminaux normaux de la lignée, ou des précurseurs très différenciés (myélocytes ou métamyélocytes pour les granuleux) et très peu de cellules plus jeunes. L’association de l’atteinte de deux ou trois lignées est très fréquente, au point que le syndrome myéloprolifératif est parfois inclassable plus précisément. – Une fibrose médullaire est possible dans tous les cas. – Le risque principal commun initial est celui de thrombose. L’augmentation de la viscosité sanguine due à la masse cellulaire circulante au cours des polyglobulies et les propriétés particulières d’adhésivité au support des plaquettes et des granulocytes sont responsables de thromboses vasculaires. – À terme le risque évolutif essentiel est l’évolution vers une leucémie aiguë généralement myéloblastique (transformation aiguë). L’évolution terminale se fait en règle vers la transformation aiguë dans la leucose myéloïde chronique, moins fréquemment dans les autres syndromes myéloprolifératifs. Il est probable que la survenue de mutations somatiques additionnelles explique la sélection de clones encore plus malins qui non



◗ Dans les syndromes myéloprolifératifs typiques, il n’existe aucune insuffisance médullaire, contrairement à ce que l’on observe dans les leucémies aiguës. Les cellules produites sont aptes à assurer leur fonction, celles de la LMC peuvent même être utilisées pour la transfusion de globules blancs.

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CONNAISSANCES seulement échappent aux régulations physiologiques mais sont incapables d’une différenciation totale et remplacent progressivement le syndrome myéloprolifératif pour aboutir à un tableau analogue à celui de la leucémie aiguë. Les traitements par radiations, phosphore 32 et alkylants augmentent ce risque.

◗ LA LEUCÉMIE MYÉLOÏDE CHRONIQUE

C’est une maladie touchant surtout l’adulte jeune, caractérisée par une translocation chromosomique et une anomalie moléculaire spécifique, dont l’évolution spontanée est inéluctablement fatale en quelques années, mais dont le traitement est en cours de bouleversement.



Circonstances de diagnostic

Elle survient à tout âge mais surtout chez l’adulte jeune (entre 20 et 40 ans) et rarement chez l’enfant, révélée par l’altération de l’état général ou une pesanteur de l’hypochondre gauche, plus rarement à l’occasion d’un examen systématique ou d’une complication (thrombose). Dans quelques cas existent des antécédents à caractère étiologique : exposition au benzène, ou aux radiations ionisantes.



L’examen clinique révèle une splénomégalie parfois volumineuse, le plus souvent isolée. Une hépatomégalie peut s’y associer. Il arrive que la rate soit peu volumineuse. L’hémogramme révèle une hyperleucocytose considérable, le plus souvent au-dessus de 50000/mm3 avec prédominance des cellules matures granuleuses et passage sanguin de cellules immatures : myélocytes et métamyélocytes principalement, voire quelques promyélocytes et myéloblastes. Une éosinophilie et une basocytose sont très fréquentes. L’anémie normochrome normocytaire arégénérative est inconstante. Les plaquettes sont normales, ou bien il existe une thrombocythémie associée, parfois très importante. Il n’y a pas de syndrome inflammatoire. Le myélogramme confirmerait l’hyperplasie granuleuse : moelle très riche avec 80 à 95% de cellules granuleuses, mais aussi le respect de l’équilibre général de la lignée. Il n’est pas nécessaire au diagnostic. La biopsie médullaire aurait pour seul intérêt la recherche d’une éventuelle fibrose. Le diagnostic repose sur le caryotype médullaire (qui imposerait le myélogramme) ou sanguin en cas de franche myélémie. Il met en évidence la translocation entre les chromosomes 9 et 22, appelée « chromosome Philadelphie » ou Ph1. La détection moléculaire de l’ARN hybride est constante quand le chromosome Philadelphie est présent. Quand il est absent, la biologie moléculaire peut néanmoins détecter le transcrit hybride. Les leucémies myéloïdes chroniques sans anomalie moléculaire du gène BCR entrent dans un autre cadre, celui dit « des LMC atypiques » (voir plus loin).



◗ Les autres examens classiques (dosage des phosphatases alcalines leucocytaires, de la vitamine B12) sont à abandonner.

Diagnostic simple (cas le plus fréquent)

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LES SYNDROMES MYÉLOPROLIFÉRATIFS



Dans quelques cas particuliers le diagnostic peut être moins évident sur l’hémogramme. C’est le plus souvent parce que la leucocytose reste modérée (20 000 à 50 000/mm3) avec une formule sanguine analogue à celle de la forme typique. Parfois la formule sanguine est inhabituelle : prédominance d’éosinophiles (les LMC à éosinophiles sont extrêmement rares) ; prédominance des polynucléaires neutrophiles sans myélémie. La LMC peut débuter par une thrombocythémie isolée (voir p. 193).



L’évolution

Elle est dominée par le risque de « transformation aiguë ». Cette évolution vers une leucémie aiguë, le plus souvent myéloïde mais parfois lymphoïde B, tantôt brutale, tantôt progressive avec une phase « d’accélération », survient à peu près dans 100 % des cas, avec un pic de fréquence autour de 5 ans après le diagnostic. Les transformations lymphoblastiques peuvent répondre à un traitement de type LAL (voir chap. 19) mais le « retour à la phase chronique » (c’est-àdire au tableau de LMC) n’est que transitoire. Les transformations myéloblastiques ne répondent généralement pas aux traitements du type LAM (voir chap. 19) et des mesures palliatives (transfusions, association d’hydroxyurée et de purinéthol) sont généralement utilisées. Tant que les prémices de transformation aiguë sont absents (fièvre, anémie, augmentation du volume splénique, douleurs osseuses…), les malades atteints de LMC qui répondent à l’un des traitements de fond vont parfaitement bien et mènent une vie normale.



Le traitement

Il reposait encore récemment sur l’interféron associé à l’Aracytine et sur la greffe de moelle allogénique. Il a été bouleversé par la mise au point d’un traitement spectaculairement efficace, une molécule inhibitrice de la tyrosine kinase activée par la translocation 9/22 (BCR/ABL). Ce traitement permet en quelques semaines la normalisation de l’hémogramme, en quelques mois, la disparition du chromosome philadelphie en cytogénétique. Plus rarement, l’anomalie moléculaire peut aussi disparaître. L’imatinib (Glivec) se prend par voie buccale et est extrêmement bien toléré. La greffe de moelle n’est plus indiquée que chez les patients très jeunes ou résistants au Glivec. Des associations avec interféron et Aracytine, de nouvelles molécules inhibitrices sont actuellement testées. Il est encore trop tôt pour savoir dans quelle proportion les patients vont être définitivement guéris.



◗ Le diagnostic de leucémie myéloïde chronique repose sur la mise en évidence du chromosome Philadelphie par les méthodes cytogénétique, ou de ses équivalents moléculaires.

Diagnostic moins évident

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CONNAISSANCES

Résumé Points clés La LMC est une maladie de l’adulte jeune. Le diagnostic est facile sur une présentation habituellement très homogène, grâce à l’identification du chromosome Philadelphie. Un bouleversement de la thérapeutique est survenu avec la mise au point du premier médicament spécifique d’une anomalie moléculaire cause de pathologie maligne.

Points de débat L’imatinib va-t-il rendre l’allogreffe de moelle obsolète chez les patients dont la LMC est sensible à ce médicament ?

◗ LA MALADIE DE VAQUEZ

Ce syndrome myéloprolifératif portant purement ou de façon très prédominante sur la lignée érythroblastique a été étudié avec les polyglobulies (voir chap. 9).

◗ LA THROMBOCYTÉMIE ESSENTIELLE

C’est le syndrome myéloprolifératif portant purement ou de façon très prédominante sur la lignée mégacaryocyto-plaquettaire. Elle a été étudiée avec les thrombocytoses (voir chap. 14).

LA SPLÉNOMÉGALIE MYÉLOÏDE OU MYÉLOFIBROSE ◗ PRIMITIVE ◗

Diagnostic

Elle s’observe surtout après 50 ans. Elle est environ deux fois plus rare que le LMC. Ce syndrome myéloprolifératif est caractérisé par une fibrose médullaire importante, généralement avec une métaplasie myéloïde de la rate qui est augmentée de volume. Il n’y a pas de chromosome Philadelphie. On peut distinguer deux tableaux principaux qui sont parfois, mais inconstamment, observés successivement.

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LES SYNDROMES MYÉLOPROLIFÉRATIFS



Ce tableau rappelle celui de la LMC car la formule sanguine est voisine mais la leucocytose dépasse rarement 50 000/mm3, la rate est très grosse, mais elle n’est parfois pas décelée au début. Une polyglobulie est parfois associée, une thrombocytémie plus rarement. Sur l’hémogramme, on note une anisocytose et une poïkilocytose parfois très importantes, et typiquement des hématies « en larme ». L’érythroblastémie est parfois très élevée. Ces particularités ne sont pas habituelles dans le LMC et doivent faire évoquer le diagnostic. Celui-ci va être confirmé par la biopsie médullaire (le myélogramme est inutile et s’il était tenté, il est souvent pauvre de fait de la myélofibrose). La biopsie médullaire montre une importante myélofibrose, réticulinique et collagène, avec parfois déjà une ostéomyélosclérose. L’absence du remaniement BCR-ABL en biologie moléculaire (sur le sang) permet d’écarter une LMC dans les cas douteux.



Splénomégalie myéloïde à type d’insuffisance médullaire prédominante

Après quelques mois ou années d’évolution, mais parfois aussi d’emblée, la myélofibrose devient très importante et le tableau est celui d’une insuffisance médullaire globale ou dissociée d’installation progressive. La maladie peut n’être découverte qu’à ce stade : c’est alors le diagnostic d’une anémie avec souvent thrombopénie, plus rarement leucopénie + myélémie + grosse rate + fibrose médullaire, avec ou sans ostéomyélosclérose.



Évolution et traitement

Dans la forme à type de syndrome myéloprolifératif prédominant les risques de thrombose sont en général modérés, car la leucocytose n’est pas très élevée, à moins qu’il existe une thrombocytémie associée. On s’abstiendra souvent de toute thérapeutique. Seules les splénomégalies extrêmement volumineuses, pénibles par leur volume justifient une chimiothérapie très prudente, rarement une splénectomie dangereuse dans cette forme. Dans les formes comportant une insuffisance médullaire majeure, initiale ou secondaire, l’androgénothérapie est inefficace ainsi que le traitement des aplasies et la chimiothérapie ne pourrait qu’aggraver les choses. Le traitement est essentiellement symptomatique (transfusions selon les besoins) éventuellement splénectomie. L’évolution générale d’ensemble est assez lente, 3 à 15 ans, mais beaucoup plus courte lorsqu’une insuffisance médullaire majeure est installée, de l’ordre de 1 à 3 ans. La mort survient habituellement du fait d’un accident de l’insuffisance médullaire, infections ou hémorragies. La transformation aiguë survient dans 20 à 30% des cas.



◗ Il n’est pas exceptionnel que les anomalies des globules rouges et une discrète myélémie soient les premiers symptômes biologiques. Elles ne sont pas détectées par les compteurs électroniques. D’où l’intérêt d’un examen systématique du frottis de sang devant une splénomégalie

Splénomégalie myéloïde de type myéloprolifératif

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CONNAISSANCES

Résumé Points clés Maladie rare mais de diagnostic facile sur les anomalies de l’hémogramme et la biopsie médullaire.

Points de débat Prise en charge thérapeutique limitée à l’abstention dans les formes de bon pronostic, et sans solution satisfaisante dans les formes évolutives.

◗ LES AUTRES SYNDROMES MYÉLOPROLIFÉRATIFS

Tous les autres syndromes myéloprolifératifs sont plus rares et moins bien caractérisés, en dehors des syndromes myéloprolifératifs et myélodysplasiques traités dans le chapitre 21. On tend cependant à isoler quelques formes particulières : – les leucémies à polynucléaires neutrophiles, éosinophiles ou basophiles vraies (en dehors des formes atypiques de LMC) sont exceptionnelles, – les leucémies myéloïdes subaiguës sont des formes rares de proliférations myéloïdes malignes dans lesquelles d’emblée il est difficile de trancher entre leucémie aiguë et syndrome myéloprolifératif en particulier du fait de l’importance du taux des éléments blastiques. Parmi elles se situent des formes dites de transformation aiguë d’emblée de leucémie myéloïde chronique qui ont l’aspect de leucémie myéloblastiques avec un chromosome Ph1. Il existe souvent dans les autres cas une myélofibrose, parfois une basocytose et des modifications des plaquettes. L’évolution est de toute façon rapidement fatale, dans un tableau progressivement plus caractéristique de leucémie aiguë.

DIAGNOSTIC GÉNÉRAL D’UNE MYÉLÉMIE OU D’UN ◗ PASSAGE DE CELLULES IMMATURES DANS LE SANG

CNEM

La présence de myélocytes, métamyélocytes et éventuellement de quelques éléments plus jeunes de la lignée, dans le sang (myélémie), celui d’érythroblastes, ou encore de cellules non différenciées peut

CNEM : item 316 « Hémogramme, interprétation ».

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LES SYNDROMES MYÉLOPROLIFÉRATIFS

poser un problème diagnostique. Le raisonnement de base et les principales causes de ces anomalies sont résumés dans le tableau 20.I. Tableau 8.I. Tableau 20.I.

Diagnostic à envisager devant la présence de cellules « anormales » dans le sang.

1. C’est une myélémie (myélo et métamyélocytes, voire quelques cellules plus jeunes) avec ou sans érythroblastémie • Une myélémie modérée (jusqu’à 10-15 %) accompagne les grandes polynucléoses neutrophiles réactionnelles généralement dans le cadre d’une pathologie infectieuse aiguë pulmonaire ou intrapéritonéale (voir chap. 10). • Parmi les syndromes myéloprolifératifs penser à la LMC, la splénomégalie myéloïde (érythroblastémie fréquente), la leucémie myélomonocytaire chronique (monocytose > 1000/mm3), • Les envahissements médullaires, notamment par cancers métastatiques, s’accompagnent souvent d’une myélémie ou érythroblastémie discrète, avec insuffisance médullaire associée. • Elle se voit transitoirement lors de la récupération d’une aplasie médullaire. 2. C’est une érythroblastémie pure – Grande régénération au cours d’une anémie hémolytique massive. – Sinon, même signification générale qu’une myélémie. 3. Ce sont des cellules immatures granuleuses ou « indifférenciées », penser d’abord aux leucémies aiguës (voir chap. 19). 4. Toujours s’assurer que ce ne sont pas en fait : – des plasmocytes, – des lymphocytes bleutés d’un syndrome mononucléosique (voir chap. 17), – ou des lymphocytes mal fixés d’une LLC (voir chap. 22), – des tricholeucocytes (voir chap. 22).

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Les syndromes myélodysplasiques et myéloprolifératifs/ myélodysplasiques CNEM

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◗ LES SYNDROMES MYÉLODYSPLASIQUES ◗ LES SYNDROMES MYÉLOPROLIFÉRATIFS/MYÉLODYSPLASIQUES

Introduction ◗ Il s’agit de pathologies dont la place s’est progressivement précisée depuis trente ans, à la frontière des syndromes myéloprolifératifs, des leucémies aiguës et des aplasies médullaires. ◗ Appelée aussi anémies réfractaires, l’anémie étant le symptôme le plus fréquent et prédominant, les syndromes myélodysplasiques incluent dans la classification « FAB » (voir chap. 18), les leucémies myélomonocytaire. La classification FAB identifie aussi au sein des myélodysplasies, les anémies réfractaires en transformation (entre 20 et 30% de blastes). Ces dernières sont transférées dans la classification OMS au sein des leucémies aiguës. ◗ L’identification dans la classification OMS des « syndromes myélodysplasiques/myéloprolifératifs » est tout à fait satisfaisante, ces pathologies étant, selon les cas, plutôt évocatrices de myélodysplasie ou de syndrome myéloprolifératif.

◗ LES SYNDROMES MYÉLODYSPLASIQUES

Leur caractéristique commune est un défaut de production des cellules myéloïdes, débutant et/ou prédominant, le plus souvent sur la lignée rouge, et dû à la mort intramédullaire des précurseurs myéloïdes. Ces pathologies sont caractérisées par la richesse normale ou augmentée de la moelle, les anomalies morphologiques des cellules myéloïdes résultant d’anomalies cytogénétiques et moléculaires acquises multiples. Elles s’observent surtout après cinquante ans. Il s’agit le plus souvent de maladies sans circonstances causales évidentes, mais les radiations, les chimiothérapies mutagènes, le benzène sont des facteurs étiologiques certains.

CNEM : item 161 « Diagnostiquer une dysmyélopoïèse ».

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CONNAISSANCES



L’anémie sidéroblastique primitive acquise



Physiopathologie

Le sidéroblaste est un érythroblaste chargé de fer. Les sidéroblastes physiologiques (à l’état normal 20 à 90%) ont 1 à 3 grains bien visibles au microscope optique après coloration de Perls. Au cours des anémies sidéroblastiques tous les érythroblastes sont des sidéroblastes caractérisés par leur richesse en grains et par la disposition de ces grains autour du noyau « en couronne ». Les sidéroblastes en couronne sont les seuls absolument caractéristiques des anémies sidéroblastiques (voir p. 76). Au microscopie électronique on constate que ces grains sont des mitochondries dégénérées remplies de fer. L’origine précise du trouble n’est pas connue.



Symptomatologie

L’anémie sidéroblastique est caractéristique par : – une anémie normochrome ou macrocytaire, normocytaire, ou quelquefois modérément hypochrome; – l’association fréquente mais inconstante d’une neutropénie alors que les plaquettes sont le plus souvent normales. Sur la lame de sang l’existence fréquente d’une double population d’hématies : à côté des hématies normales on trouve des hématies hypochromes, en petit nombre; – le myélogramme est riche en érythroblastes puisqu’il s’agit d’une dysérythropoïèse et ces érythroblastes sont abortifs, décolorés dans leurs stades terminaux avec anomalies multiples; – on trouve par définition plus de 15% de sidéroblastes en couronne; Il existe d’emblée des signes de surcharge martiale (CTS augmentés, ferritine augmentée).



Diagnostic

Le diagnostic définitif d’anémie sidéroblastique primitive acquise repose sur l’élimination des rares formes secondaires à une intoxication par le plomb, dans le cadre du saturnisme. Il faut également éliminer les anémies sidéroblastiques de l’alcoolisme aigu et celles de l’intoxication prolongée par certains agents antituberculeux : la sidéroblastose et surtout l’anémie y restent toujours très modérées. L’anémie sidéroblastique génétique est de son côté facile à éliminer par sa survenue familiale avant 30 ans et surtout son caractère habituellement microcytaire (voir p. 76).



Évolution et traitement

L’anémie est rebelle à toutes les thérapeutiques anti-anémiques d’où le nom qui lui est souvent donné de « réfractaire » en commun avec la forme suivante. L’essai du traitement par de fortes doses de pyridoxine et d’acide folique peut être tenté : il est parfois partiellement efficace. Les autres médications dites antianémiques sont inutiles. Les facteurs de croissance (érythropoïétine + GCSF) semblent utiles dans certains cas. 262 ◗



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LES SYNDROMES MYÉLODYSPLASIQUES ET MYÉLOPROLIFÉRATIFS/ MYÉLODYSPLASIQUES

L’évolution et très lente, portant dans les formes modérées sur des durées de 10 à 20 ans. Le risque principal est celui de l’hémochromatose qui se développe spontanément de façon lente, mais est aggravée lorsque l’anémie impose des transfusions répétées. Dans quelques cas les anémies sidéroblastiques, après une longue évolution, se compliquent d’une leucémie aiguë myéloblastique. Cette éventualité est beaucoup plus rare que dans les autres syndromes myélodysplasiques.



Anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB)

C’est la forme la plus fréquente.



Symptomatologie

Diverses présentations sont possibles : – pancytopénie manifestement centrale; – une bicytopénie et toutes les associations sont possibles; – dans près de la moitié des cas, l’anémie est isolée au début, anémie normochrome arégénératrice, normocytaire ou modérément macrocytaire qui a elle seule impose le myélogramme comme cela a été discuté au chapitre 6; – la révélation par une neutropénie ou une thrombopénie isolée est exceptionnelle. L’examen clinique ne montre pas d’hypertrophie des organes hématopoïétiques.



Diagnostic

Il est évoqué sur le caractère macrocytaire de l’anémie, en règle moins marqué à degré d’anémie équivalent que dans les carences en acide folique ou vitamine B12. C’est le myélogramme qui va l’affirmer montrant, dans une moelle de richesse la plus souvent normale : – une augmentation du nombre du taux des hémoblastes ou des éléments les plus jeunes (myéloblastes) de la lignée granuleuse l’ensemble représentant de 5 à 20% au décompte; – l’existence d’anomalies morphologiques diverses sur les populations médullaires en particulier les granuleux ou les érythroblastes; si une biopsie de moelle est pratiquée, l’existence d’une fibrose médullaire modérée est possible; – si l’on étudiait les sidéroblastes ce qui est inutile, ils seraient normaux ou très modérément augmentés avec à l’extrême de rares sidéroblastes en couronne.



Évolution et traitement

Les divers médicaments antianémiques sont sans action. Les androgènes ne modifient pas l’évolution. Les chimiothérapies antileucémiques, parfois proposées en raison de l’évolution fréquente vers une hémopathie maligne aiguë, peuvent être utilisées (cytosine arabinoside à faibles doses) dans certaines formes, mais les résultats parfois observés ne se traduisent 263 ◗

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CONNAISSANCES

◗ Chez les sujets jeunes, où elles sont rares, ces pathologies justifient d’envisager une allogreffe de moelle.

pas par une amélioration de la survie. La thérapeutique essentielle est donc substitutive (transfusions). Le pronostic est très variable, influencé notamment par la présence ou non d’anomalies cytogénétiques. Dans beaucoup de cas, l’évolution se fait en quelques mois à deux ans vers la mort, soit dans un tableau d’insuffisance médullaire profonde, soit de leucémie aiguë myéloblastique particulièrement rebelle à la thérapeutique.



Les autres formes de myélodysplasies

– L’anémie réfractaire simple est caractérisée par des anomalies morphologiques de cellules myéloïdes médullaires (classification OMS 1999). Avec < 5% de blastes, > 15% de sidéroblastes en couronne, le pronostic est voisin de celui de l’AR sidéroblastique; – L’anémie réfractaire avec dysplasie des trois lignées dont le pronostic est défavorable; – Le syndrome 5 q avec anémie, hyperplaquettose modérée, plaquettes géantes, mégacaryocytes hypolobés et à l’examen cytogénétique, délétion du chromosome 5q. l’évolution est lente et de pronostic voisin de celui de l’anémie réfractaire sidéroblastique. – Les SMD non classables.

Résumé Points clés Les syndromes myélodysplasiques représentent la cause d’anémie macrocytaire la plus fréquente chez les sujets âgés. L’anémie macrocytaire normochrome arégénérative isolée ou associée à une cytopénie des autres lignées est le maître symptôme des syndromes myélodysplasiques. Le diagnostic repose sur le myélogramme qui permet d’identifier les différentes formes. Le pronostic dépend du type cytologique et de la cytogénétique notamment. Le traitement est essentiellement symptomatique. Divers essais thérapeutiques sont en cours.

LES SYNDROMES MYÉLOPROLIFÉRATIFS/ ◗ MYÉLODYSPLASIQUES Ils associent des caractéristiques de syndrome myéloprolifératif (le plus souvent une hyperleucocytose avec myélémie) et de myélodysplasie avec anémie et/ou thrombopénie et anomalies morphologiques des cellules myéloïdes au myélogramme.

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LES SYNDROMES MYÉLODYSPLASIQUES ET MYÉLOPROLIFÉRATIFS/ MYÉLODYSPLASIQUES



La leucémie myélomonocytaire chronique



Symptomatologie

Cliniquement, une splénomégalie est fréquente. Biologiquement, le signe caractéristique est une monocytose sanguine > à 1000/mm3 de façon reproductible. Le chiffre des leucocytes est tantôt élevé, tantôt normal. Il existe presque toujours une discrète myélémie. Le myélogramme met en évidence un excès de monocytes, des signes de myélodysplasie et, très souvent, un excès de blastes. Le tableau médullaire est donc souvent voisin de celui des AREB (voir ci-dessus).



Évolution et traitement

L’hyperleucocytose peut justifier un traitement myélosuppresseur par l’Hydréa, qui ne semble pas modifier le pronostic. L’insuffisance médullaire, et notamment l’anémie, justifie une thérapeutique transfusionnelle comme dans les myélodysplasies. Le risque évolutif principal est l’évolution vers une leucémie aiguë de type myélomonocytaire, généralement réfractaire au traitement ou rechutant rapidement après rémission.



La LMC atypique

Le tableau est celui d’une LMC mais avec souvent une anémie ou une thrombopénie. Il n’y a pas de chromosome Philadelphie, ni son équivalent moléculaire. La moelle montre le plus souvent des signes de myélodysplasie que l’on observe pas dans les LMC typiques. L’évolution est fréquemment défavorable en quelques mois ou peu d’années, avec une aggravation de l’insuffisance médullaire et surtout la transformation en leucémie aiguë



Les leucémies myélomonocytaires de l’enfant

Elles sont caractérisées par un tableau clinique riche avec hépatosplénomégalie, adénopathies, infiltration cutanée. Le tableau sanguin et médullaire est voisin de la leucémie myélomonocytaire chronique de l’adulte. L’évolution est variable.

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Les hémopathies malignes du tissu lymphoïde ◗ DONNÉES GÉNÉRALES COMMUNES ◗ LEUCÉMIE LYMPHOÏDE CHRONIQUE (LLC) ◗ LA MALADIE DE WALDENSTRÖM ◗ LA LEUCÉMIE À TRICHOLEUCOCYTES ◗ LE MYÉLOME MULTIPLE OU MALADIE DE KAHLER ◗ LE PLASMOCYTOME SOLITAIRE ◗ LES IMMUNOGLOBULINES MONOCLONALES

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◗ LES MALADIES DES CHAÎNES LOURDES ◗ LES CRYOGLOBULINÉMIES ◗ LA MALADIE DE HODGKIN OU LYMPHOME HODGKINIEN

◗ LES LYMPHOMES NON HODGKINIENS ◗ CAS PARTICULIER DES LYMPHOMES LIÉS À DES INFECTIONS VIRALES

BÉNIGNES

◗ DONNÉES GÉNÉRALES COMMUNES

Les hémopahies malignes du tissu lymphoïde ont plusieurs caractéristiques en commun. – Leur fréquence, au moins celle de certaines d’entre elles, augmente dans tous les pays développés, sans explication connue à l’heure actuelle. – Elles résultent presque toujours de mutations (détectées ou non par le caryotype) dans un clone de cellules B ou T, souvent identifié facilement, par l’immunophénotype, ou surtout par le remaniement unique du gène du récepteur T ou des immunoglobulines. Il s’agit généralement d’un processus de transformation par étapes, d’où la possibilité de passer, par exemple, d’une hyper-lymphocytose B monoclonale stable et isolée à une LLC cliniquement évolutive, ou d’une immunoglobuline monoclonale isolée (« bénigne ») à un myélome. – Elles s’accompagne logiquement d’une fréquence élevée, mais variable selon les pathologies, d’anomalies immunitaires : • déficits immunitaires, en anticorps ou de l’immunité cellulaire, ou les deux, • sécrétion d’une immunoglobuline monoclonale généralement produite par le clone B qui prolifère, • auto-immunisation : surtout anti-érythrocytaire (avec ou sans anémie hémolytique). Le plus souvent ces autoanticorps résultent d’un déséquilibre de la réponse immune polyclonale, plutôt que de la sécrétion d’un autoanticorps par le clone malin. Ils sont plus fréquents dans certaines pathologies B (LLC et Waldenström) ou T (certains lymphomes) sans que l’explication en soit connue. 267 ◗



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CONNAISSANCES

– Au sein d’une même maladie, le pronostic est souvent hétérogène (LLC par exemple) sans doute parce que l’on regroupe encore actuellement, faute de marqueurs d’identification assez précis, des maladie qui se ressemblent mais n’en diffèrent pas moins fondamentalement.



Classification

Elle ne cesse de se complexifier, car elle prend aujourd’hui en compte un nombre croissant de données biologiques (immunophénotype, caryotype, mutations identifiées par la biologie moléculaire), qui permettent à la fois de mieux les classer et de mieux les prendre en charge. Un avis spécialisé est donc de plus en plus indispensable, au moins lors du diagnostic et en cas de modification évolutive, pour que puissent être pris en compte les progrès biologiques et thérapeutiques. Pour l’essentiel, il faut distinguer : – les hémopathies lymphoïdes médullaires : • chroniques : LLC, maladie de Waldenström, leucémie à tricholeucocyte, myélome, • aiguës : leucémies aiguës lymphoïdes, – les hémopathies lymphoïdes ganglionnaires (éventuellement extra-ganglionnaire) • les lymphomes hodgkiniens, • les lymphomes non hodgkiniens.

Résumé Points clés Toutes les hémopathies B peuvent s’associer à un déficit immunitaire, ou à une auto-immunisation, notamment une anémie hémolytique auto-immune ou une thrombopénie, qui nécessite un traitement particulier, corticoïdes ou immunolobulines intraveineuses, par exemple. Toutefois, les immunoglobulines doivent être évitées s’il existe une immunoglobuline monoclonale, à cause du risque d’hyperviscosité.

Points de débat L’existence d’une cytopénie auto-immune au cours d’une hémopathie B n’est pas une indication formelle de la chimiothérapie. La place de la splénectomie dans ces affections est discutée. Cependant, elle est utile, dans des formes hypersplénomégaliques, quand la rate est la seule masse tumorale, et dans certains cas d’association à une cytopénie auto-immune. Parmi les hémopathies B chroniques, la distinction entre leucémie lymphoïde chronique, maladie de Waldenström et lymphome lymphoplasmocytaire est purement nosologique.

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LES HÉMOPATHIES MALIGNES DU TISSU LYMPHOÏDE

◗ LEUCÉMIE LYMPHOÏDE CHRONIQUE (LLC) ◗

Définition CNEM

La LLC est une prolifération maligne de lymphocytes ayant le plus souvent la morphologie du petit lymphocyte. C’est une pathologie fréquente (1 nouveau cas par an pour 30000 habitants) surtout après 60 ans. Il s’agit d’une prolifération monoclonale B dans 95% des cas exprimant des chaînes μ (κ ou λ) et CD19+, CD20+, CD5+ et CD23+ (voir p. 224).



Circonstances du diagnostic

Ce peut être à l’occasion d’une altération de l’état général, d’infections, ou de la découverte d’adénopathies, ou encore et fréquemment, la maladie étant souvent bien supportée, à l’occasion d’un hémogramme systématique. Le diagnostic est très habituellement celui d’une hyperlymphocytose. Noter qu’elle est rare avant 40 ans, n’existe pas chez l’enfant, et qu’elle est exceptionnelle en Extrême-Orient.



Manifestations cliniques

Les tumeurs lymphoïdes sont des adénopathies généralement superficielles, symétriques et indolores, mais aussi profondes, abdominales habituellement non compressives. La splénomégalie est inconstante. Plus rarement, on trouve une hépatomégalie, des tumeurs amygdaliennes ou salivaires, voire cutanées, digestives, ou pulmonaires. L’examen clinique est souvent tout à fait normal.

◗ ◗ Depuis l’immunophénotypage des cellules du sang, le myélogramme n’est habituellement pas utile au diagnostic, l’aspect morphologique monomorphe des cellules du sang et l’étude de leurs antigènes de membrane suffisent au diagnostic.

Arguments du diagnostic

L’hyperlymphocytose sanguine est très variable, généralement modérée (20000 à 50000 lymphocytes/mm3), parfois importante. Elle s’accompagne d’un envahissement médullaire avec plus de 25% de lymphocytes de la moelle. L’hémogramme montre inconstamment une anémie, une thrombopénie et/ou une granulopénie. Leur mécanisme, central ou périphérique, est important à préciser. Il faut rechercher systématiquement des désordres immunitaires. – Une hypogammaglobulinémie est fréquente, détectée à l’électrophorèse des protides, de même qu’un déficit de l’immunité de type cellulaire (généralement pas exploré en clinique). Le déficit immunitaire se traduit par des infections répétées. – Une immunoglobuline monoclonale, le plus souvent IgM, est associée à 10% des cas. – Une auto-immunisation, généralement anti-érythrocytaire, avec ou sans anémie hémolytique et avec test de Coombs positif existe dans 10 à 25% des cas.

CNEM : item 163 « Diagnostiquer une leucémie lymphoïde chronique ».

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CONNAISSANCES

Le diagnostic peut se poser avec les autres hyper-lymphocytoses (voir p. 219), avec les formes leucémiques des lymphomes du manteau et des lymphomes folliculaire (voir p. 289) ainsi qu’avec la leucémie à tricholeucocytes (voir p. 273). L’aspect morphologique des cellules et leur immunophénotypage sont essentiels.



Pronostic

Les éléments principaux du pronostic sont : l’existence d’une anémie ou d’une thrombopénie, le nombre de territoires ganglionnaires atteints, et l’importance du volume tumoral. Diverses classifications sont utilisées, elles tiennent compte de ces éléments. La plus utilisée est celle de Binet qui distingue trois stades : A : moins de 3 étages cliniquement atteints (ganglions et rate incluse), B : au moins 3 étages atteints, C : anémie (< 10 g) et/ou thrombopénie < 100000/mm3. L’espérance de vie est très différente : identique à celle des sujets sains du même âge, pour A, mais respectivement de 5 et 3 ans pour B et C.



Traitement

Dans de nombreux cas, la maladie est bien tolérée et ne nécessite aucun traitement. Il doit être réservé aux formes symptomatiques, c’est-à-dire ayant une insuffisance médullaire, une anémie autoimmune et/ou une thrombopénie, une hypertrophie très importantes des organes lymphoïdes. L’hyperlymphocytose sanguine, non thrombogène, n’est pas une indication en soi. Le traitement habituel est le chlorambucil (Chloraminophène) donné à raison de 0,1 à 0,2 mg/kg/jour. Il est efficace dans 70% des cas et entraîne une rémission qui, chez certains malades, se maintient sans traitement, mais, chez d’autres, exige une thérapeutique prolongée. Dans les formes résistantes au chloraminophène, la fludarabine, administrée par cycle de 5 jours, est devenue le traitement de référence. Il est profondément immunosuppresseur. Dans certains cas, d’autres chimiothérapies sont utilisées.



Évolution et complications

Il existe dans la LLC une nette augmentation de la fréquence des infections virales (zona surtout) ou bactériennes, notamment pulmonaires. Leur répétition peut justifier la prescription d’immunoglobulines intraveineuses. L’anémie, lorsqu’elle est due à une insuffisance médullaire, est rarement réversible, sauf quand il s’agit d’une érythroblastopénie. L’anémie auto-immune nécessite le recours à une corticothérapie à dose de 1 à 2 mg/kg/jour. La transformation en leucémie aiguë lymphoblastique est absolument exceptionnelle. En revanche, on observe parfois : – une leucémie prolymphocytaire, avec de grandes cellules basophiles et nucléolées. Elle peut constituer une évolution ou exister d’emblée, son pronostic est médiocre; 270 ◗



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LES HÉMOPATHIES MALIGNES DU TISSU LYMPHOÏDE

– un syndrome de Richter, qui survient chez 10 à 20% des patients. Il se présente comme une transformation en lymphome à grandes cellules, avec amaigrissement et/ou fièvre, modification d’une adénopathie qui devient volumineuse de façon asymétrique, et augmentation des LDH. Le diagnostic repose sur la biopsie ganglionnaire.

Résumé Points clés La LLC B est la plus fréquente des hyper-lymphocytoses chroniques et la plus fréquente des hémopathies malignes. La majorité des cas ne comportent que des anomalies biologiques isolées, stables pendant des années, mais dont la découverte inquiète le patient et sa famille. Le diagnostic est facile sur des prélèvements sanguins examinés en milieu spécialisé, sur l’aspect des lymphocytes et leur immunophénotypage. Ces examens permettent d’identifier des pathologies voisines, mais rares sont celles dont le pronostic est plus péjoratif Le pronostic de la LLC est de plus en plus finement cerné.

Points de débat Quand faut-il adresser le patient au spécialiste? Une hyperlymphocytose isolée et stable peut ne pas justifier d’immunophénotypage. Cependant la consultation spécialisée est souvent importante pour rassurer ou dépister des problèmes. Chez un sujet de moins de 60 ans des explorations plus poussées (caryotype…) sont indispensables.

◗ LA MALADIE DE WALDENSTRÖM ◗

Définition

C’est une prolifération maligne monoclonale de lymphocytes B qui évoluent jusqu’aux plasmocytes, et sont responsables de la sécrétion dans le sérum d’une IgM monoclonale. Les lymphocytes sont CD10+, CD20+, CD5+, CD38+. C’est une affection rare, qui représente environ 2% des hémopathies malignes.



Circonstances du diagnostic

La maladie est découverte lors d’une altération progressive de l’état général, de la survenue d’adénopathies ou d’une splénomégalie, ou parfois devant une VS accélérée et/ou une électrophorèse des pro-

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CONNAISSANCES

tides révélant un pic, chez un sujet dont la moyenne d’âge est de 60 ans.



Arguments du diagnostic

Ils sont de deux ordres : l’existence d’une prolifération lymphoïde et la présence d’une macroglobuline monoclonale. La prolifération lymphoïde est en général modérée : – les masses lymphoïdes sont décelées dans 40% des cas cliniquement ou par les divers examens radiologiques : adénopathies superficielles ou profondes (rarement médiastinales), splénomégalie, hépatomégalie, tumeurs salivaires, amygdaliennes, digestives, ou localisations pulmonaires. Contrairement au myélome, les lésions osseuses lytiques visibles sur les radiographies sont rares (2%); – l’hyperlymphocytose sanguine est inconstante, généralement modérée. L’hémogramme peut montrer une anémie, une granulopénie ou une thrombopénie en général modérées; il est souvent normal. En revanche, l’existence de rouleaux érythrocytaires est très évocatrice de l’anomalie protéique associée; – l’envahissement lymphoïde de la moelle est la principale particularité hématologique, avec des lymphocytes, des plasmocytes, des « lymphoplasmocytes » très basophiles, et souvent des mastocytes. La macroglobulinémie monoclonale peut être soupçonnée sur les rouleaux érythrocytaires et une très forte accélération de la vitesse de sédimentation. L’électrophorèse du sérum met en évidence un pic, habituellement situé dans la zone des β-globulines, et l’immunofixation ou l’immunoélectrophorèse montrent qu’il s’agit d’une IgM monoclonale. Les autres immunoglobulines sont normales, parfois augmentées, rarement aussi diminuées que dans le myélome. On trouve souvent dans les urines une protéine de Bence-Jones habituellement inférieure à 1 g/j. Le seul problème diagnostic est celui des IgM monoclonales isolées, sans prolifération lymphoïde (voir p. 279).



Complications

– Le syndrome d’hypervolémie et d’hyperviscosité peut s’observer lorsque l’IgM monoclonale atteint un taux de 30 g/L. Il se manifeste par une asthénie, des étourdissements, des troubles de la vue et des saignements muqueux. L’examen du fond d’œil montre des veines dilatées, des hémorragies rétiniennes et un œdème papillaire. L’augmentation du volume plasmatique est souvent très importante. Les anomalies de l’hémostase sont fréquentes : thrombopénie, inhibition des fonctions plaquettaires par l’IgM, inhibition de la polymérisation du fibrinogène et diminution du taux de certains facteurs de coagulation. – L’anémie rare est à distinguer de la pseudo-anémie par hémodilution (mesures des volumes plasmatique et globulaire). Elle peut être secondaire à un saignement, à l’insuffisance médullaire, et/ou à une hémolyse auto-immune. 272 ◗



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LES HÉMOPATHIES MALIGNES DU TISSU LYMPHOÏDE

– Des anticorps antiérythrocytaires, qui peuvent être IgG comme dans toute hémopathie lymphoïde. Cependant l’IgM monoclonale peut elle-même avoir parfois une activité anticorps anti-I ou anti-I, ou former des complexes avec une agglutinine froide (voir p. 97). – Cryoglobulinémie : l’IgM monoclonale peut être liée aux cryoprécipitantes de type I ou former des complexes immuns avec des IgG polyclonales (type II) (voir p. 282). – Neuropathie périphérique. Plus de 5% des patients ont une neuropathie périphérique sensitivomotrice, démyélinisante. Dans la moitié des cas, l’IgM a une activité dirigée contre une glycoprotéine associée à la myéline, mais d’autres activités anticorps sont possibles.

– L’atteinte rénale et l’amylose sont rares. – Syndrome de Richter : il peut survenir, comme dans la LLC.



Traitement

Les formes asymptomatiques ne doivent pas être traitées. La chimiothérapie est nécessaire lorsqu’il existe une insuffisance médullaire notable, dans les formes tumorales et en cas d’hyperviscosité. Le chlorambucil (Chloraminophène) est le traitement le plus utilisé, efficace dans 2/3 des cas. La Fludarabine est également utile. Les manifestations cliniques du syndrome d’hyperviscosité doivent être traitées d’urgence par les échanges plasmatiques associés à une chimiothérapie. Plus de 60% des cas ont une survie supérieure à 5 ans. Les principaux éléments du pronostic sont l’âge (> 60 ans), le taux initial d’hémoglobine et la résistance à la thérapeutique.

Résumé Points clés La maladie de Waldenström est définie par l’association d’une IgM monoclonale sanguine et d’une infiltration lymphoïde mature, habituellement lymphoplasmocytaire, de la moelle osseuse. Les manifestations et complications peuvent combiner celle de la prolifération (comme dans la LLC), celles d’une auto-immunisation (comme dans la LLC), celles de l’insuffisance médullaire (comme dans la LLC et le myélome) et celles de l’IgM monoclonale sérique.

◗ LA LEUCÉMIE À TRICHOLEUCOCYTES ◗

Définition

La leucémie à tricholeucocytes est une variante rare d’hémopathie chronique médullaire à cellule B dont le diagnostic est essentiellement 273 ◗

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CONNAISSANCES

morphologique. La cellule en cause est un lymphocyte avec de nombreuses projections cytoplasmiques lui donnant un aspect chevelu. Elle est FMC7+, CD5-, à la différence des cellules de LLC. Le diagnostic est d’autant plus important que cette maladie bénéficie de traitements nouveaux spectaculairement efficaces.



Diagnostic

Parfois latente, elle se traduit par : – une splénomégalie inconstante parfois volumineuse, rarement des adénopathies, – fréquemment des infections sévères et récidivantes, – parfois des vascularites ou des manifestations articulaires. L’hémogramme montre :



Évolution

Elle est souvent compliquée par des infections graves, parfois difficiles à identifier, notamment à mycobactéries atypiques ou par une vasculite. Le pronostic de la maladie, le plus souvent mortel, il y a peu de temps encore, a été transformé par les traitements. Sauf révélation par une infection grave ou exceptionnelle résistance au traitement, on ne meurt plus de cette maladie.



Traitement

Il est indiqué s’il existe : des infections sévères ou récidivantes, une neutropénie, une monocytopénie, une anémie, ou une thrombopénie. L’interféron α recombinant (3 M unités x 3 fois/semaine) permet la correction de la cytopénie en quelques mois, dans plus de 80% des cas. Il n’est pas toujours bien toléré et de moins en moins utilisé. Les analogues des purines sont également efficaces : la 2-chloro-déoxyadénosine (2 CdA) en perfusion veineuse durant 5 à 7 jours ou la déoxycoformycine sont, surtout le premier, de plus en plus utilisés, avec des rémissions qui durent des années, sans traitement. La splénectomie n’est plus proposée qu’en cas d’échec de la chimiothérapie lorsque la splénomégalie est très volumineuse.



◗ Il est fréquent que les tricholeucocytes du sang ne soient découverts qu’après le myélogramme, à l’examen systématique, car ils ne sont pas détectés par les compteurs automatiques

– une pancytopénie et de façon fréquente une monocytopénie. L’anémie est souvent majorée par une hémodilution; – la présence dans le sang, dans 90% des cas, de tricholeucocytes en nombre variable, modéré ou pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers. La moelle est le siège d’une infiltration de tricholeucocytes plus ou moins importante associée à une fibrose qui explique la fréquente pauvreté du myélogramme.

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LES HÉMOPATHIES MALIGNES DU TISSU LYMPHOÏDE

Résumé Point clé Triomphe du cytologiste qui le reconnaît au premier coup d’œil, la leucémie à tricholeucocytes est un exemple encore rare de progrès thérapeutiques remarquables.

◗ LE MYÉLOME MULTIPLE OU MALADIE DE KAHLER ◗

CNEM

Définition

C’est une prolifération maligne monoclonale de plasmocytes. C’est une affection relativement rare (4 pour 100000 habitants par an). Elle survient chez l’adulte et la moyenne d’âge au moment du diagnostic est de 70 ans.



Circonstances du diagnostic

Les douleurs osseuses, une altération de l’état général ou la découverte d’anomalies biologiques sont les circonstances habituelles. Le myélome peut être découvert dans un contexte hématologique, rhumatologique ou néphrologique, ce qui complique sa prise en charge (Fig. 22.1).



Arguments du diagnostic

Le diagnostic repose habituellement sur l’association d’une plasmocytose médullaire supérieure à 10%, d’une immunoglobuline monoclonale sérique ou urinaire et de lésions squelettiques. Deux de ces éléments permettent le diagnostic. Le diagnostic peut être affirmé dans des cas particuliers : – Avec moins de 10% de plasmocytose médullaire s’il existe des lésions osseuses caractéristiques, a fortiori si leur biopsie montre l’envahissement plasmocytaire. – Sans immunoglobuline monoclonale sérique ou urinaire, si la plasmocytose dépasse 20%, ou si les lésions osseuses sont caractéristiques (rares myélomes non excrétants ou non sécrétants). – Avec plus de 20% de plasmocytes médullaires même sans lésions osseuses caractéristiques (myélome stade A).

– La prolifération plasmocytaire est détectée par le myélogramme, sur lequel elle dépasse 10%, avec souvent des plasmocytes anormaux. Elle est inégalement répartie et la biopsie médullaire peut être utile en cas de doute. Elle est le plus souvent inutile.

CNEM : item 166 « Diagnostiquer un myélome multiple des os ».

275 ◗

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CONNAISSANCES

➤ Fig. 22.1. Myélome. Images lacunaires sur un crâne de profil. ➤



Les complications

– L’anémie est présente dans les 2/3 des cas. Une fausse anémie par hémodilution s’observe dans un petit nombre de cas et ne doit pas être méconnue. – Une plasmocytose sanguine à plus de 2000/mm3 est rare. Elle définit la « leucémie à plasmocytes » de pronostic très grave. ◗

◗ Noter que la plupart des bandelettes utilisées pour la recherche d’une protéinurie ne détectent pas la protéinurie à chaînes légères.

– L’immunoglobuline monoclonale, est soupçonnée sur un pic étroit à l’électrophorèse du sérum et l’immunofixation ou l’immunoélectrophorèse montrent que le « pic » correspond à une seule chaîne lourde (α, γ, µ, exceptionnellement δ ou ε) et une seule chaîne légère (κ ou λ). Les autres immunoglobulines sont généralement diminuées. Le taux de l’immunoglobuline monoclonale est mal apprécié par les méthodes néphélométriques et sa valeur est mieux estimée sur l’électrophorèse. – L’étude des urines après précipitation par l’acide sulfosalycilique montre à forte concentration, la présence de l’immunoglobuline monoclonale et/ou de chaînes légères dans presque 100% des cas. – L’immunoglobuline monoclonale est le plus souvent une IgG (> 60 % des cas), parfois une IgA (> 20 %), dans 15% des cas, il s’agit d’un myélome à chaînes légères (ex. protéine de Bence Jones). – Les signes osseux : cette prolifération se traduit cliniquement par des signes osseux : douleurs, fractures ou plus rarement tuméfactions (costales, crâniennes, sternales). Dans 80% des cas existent des lésions radiologiques surtout sur le crâne, le rachis, le bassin, les côtes, les humérus, les fémurs. Ce sont soit des images de décalcification diffuse, soit des lacunes bien circonscrites, à l’emporte-pièce, soit fractures ou tassements vertébraux. Les aspects de condensation sont très rares.

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LES HÉMOPATHIES MALIGNES DU TISSU LYMPHOÏDE

– L’atteinte rénale (50% des cas) est une néphropathie tubulo-interstitielle due à la néphrotoxicité des chaînes légères, plus rarement à une amylose, à un dépôt de chaînes légères ou aux conséquences de l’hypercalcémie. Une insuffisance rénale aiguë peut survenir à l’occasion d’une déshydratation ou d’injection intraveineuse de produits iodés, dont l’usage est formellement proscrit (UIV, scanner). – L’amylose, avec macroglossie, cardiopathie, syndrome du canal carpien survient surtout dans les myélomes à chaînes légères, essentiellement lambda. – Les lésions osseuses peuvent aboutir à des tassements vertébraux avec compression médullaire (urgence) et à des fractures des os longs. – Les complications neurologiques : outre la compression médullaire qui se traduit par des signes radiculaires, puis par une paraplégie nécessitant, après IRM, un traitement d’urgence, on observe des neuropathies sensitivomotrices, très rares, souvent associées à un plasmocytome localisé ostéocondensant. – L’hypercalcémie est fréquente au cours de l’évolution, parfois présente dès le diagnostic. C’est une urgence. – Le syndrome d’hyperviscosité (voir p. 272) plus rare que dans la maladie de Waldenström survient lorsque le taux de l’IgG est très important, ou surtout avec les IgA. – Le déficit immunitaire entraîne des complications infectieuses bactériennes pulmonaires et rénales.



Le taux d’hémoglobine, celui du calcium sanguin, l’étendue des lésions lytiques, les taux d’Ig monoclonale sanguin et urinaire et l’existence d’une insuffisance rénale conditionnent principalement le pronostic. De plus en plus finement cernés, certains de ces facteurs ont une influence si déterminante qu’ils sont davantage pris en compte dans les décisions thérapeutiques, c’est le cas du taux de la β2-microglobuline au diagnostic et surtout de certaines anomalies cytogénétiques.



Traitement

Les myélomes asymptomatiques ne doivent pas être traités : ils peuvent rester stables plusieurs années. Le traitement initial des myélomes symptomatiques est représenté par la chimiothérapie. Chez les sujets agés, elle repose sur l’association classique Melphalan-Prednisone (MP) en cycles mensuels de 4 jours, associée ou non à la cyclophosphamide par voie veineuse (MCP). Environ 50% des cas des patients répondent au traitement initial et atteignent une phase dite de plateau. Cette phase atteinte, l’interruption du traitement est possible. La médiane de survie est de deux ans pour les formes avec insuffisance rénale ou celles qui répondent peu au traitement. Elle atteint quatre ans dans les cas contraires. D’autres chimiothérapies et/ou de fortes doses de dexamethasone sont utilisées dans certains cas. Chez les sujets de moins de 65 ans, le traitement intensif consiste, après réduction de la masse tumorale par une chimiothérapie associant dexaméthasone, vincristine et adriamycine ◗

◗ L’étude cytogénétique des plasmocytes doit maintenant faire partie du bilan pronostique initial de tout myélome chez le sujet jeune.

Pronostic

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CONNAISSANCES

(« VAD »), en l’administration de melphalan à fortes doses par voie intraveineuse, éventuellement associée à une irradiation corporelle totale, suivies de la greffe de cellules souches autologues périphériques préalablement prélevées (après chimiothérapie et facteurs de croissance). La radiothérapie est essentiellement palliative. Elle peut être effectuée d’urgence en cas de compression médullaire (associée à de fortes doses de corticoïdes). Elle peut être utile dans certaines lésions osseuses douloureuses ou lors d’une fracture spontanée, ou sur un plasmocytome solitaire. Elle est à éviter si une autogreffe est envisagée. Il est rare qu’il faille avoir recours à une décompression chirurgicale. Les autres traitements sont ceux de l’hypercalcémie, des infections et de l’atteinte rénale. Les biphosphonates sont utiles pour prévenir les complications squelettiques ou traiter une hypercalcémie. Dans cette maladie où les thérapeutiques étaient très limitées depuis longtemps, de nouveaux médicaments apparaissent comme le thalidomide dont l’activité dans le myélome a été découverte par hasard et plus récemment des inhibiteurs du protéasome.

◗ LE PLASMOCYTOME SOLITAIRE

.

C’est une tumeur osseuse isolée, plasmocytaire, ostéolytique, souvent révélée par des douleurs ou, au niveau du rachis par une paraplégie. Il nécessite une radiothérapie à fortes doses et/ou un traitement intensif pour éviter la dissémination ultérieure. La récidive peut se faire sous forme de plasmocytomes osseux ou de myélome.

Résumé Points clés Le diagnostic est le plus souvent facile sur l’association : immunoglobuline monoclonale sanguine ou urinaire + lésions osseuses lytiques + plasmocytose médullaire. La décision thérapeutique est beaucoup plus difficile et relève du spécialiste. Le suivi se fait essentiellement sur le taux de l’Ig monoclonale à l’électrophorèse simple des protéines sériques ou des protéines urinaires en cas de myélome à chaînes légères. Le pronostic a été significativement amélioré chez le sujet jeune par l’intensification suivie d’autogreffe.

Points de débat Les critères de diagnostic différentiel entre le myélome asymptomatique et l’immunoglobuline monoclonale bénigne qui se pose en l’absence de lésions osseuses et entre 10 et 20% de plasmocytose médullaire. Ce débat est théorique car dans tous les cas la seule surveillance est indiquée. La place de l’allogreffe chez les sujets jeunes.

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LES HÉMOPATHIES MALIGNES DU TISSU LYMPHOÏDE

LES IMMUNOGLOBULINES MONOCLONALES ◗ BÉNIGNES CNEM

La découverte d’une immunoglobuline monoclonale est fréquente, surtout après 60 ans (> 1 % de la population) et la fréquence croît avec l’âge (environ 10% après 80 ans). La question posée lors d’une telle découverte est celle du diagnostic différentiel avec une prolifération maligne (myélome essentiellement).



Physiopathologie

Toute prolifération cellulaire aboutit, à un moment donné, à un équilibre entre le nombre de cellules qui naissent et le nombre de cellules qui meurent. Lorsque cet état d’équilibre est atteint pour un nombre élevé de cellules tumorales, il existe des manifestations cliniques (en cas de myélome : lésions osseuses). Lorsque l’équilibre est atteint pour une masse tumorale qui ne retentit, ni sur l’os, ni sur l’hématopoïèse, on est dans la situation d’une immunoglobuline monoclonale bénigne (Fig 22.2).

◗ ◗ À noter que chez le sujet de plus de 70 ans, dont le taux de l’immunoglobuline monoclonale est très faible, l’absence de symptôme clinique, biologique et radiologique permet d’éviter le myélogramme, mais la surveillance est de règle.

Diagnostic

C’est en général à l’occasion d’un examen systématique, ou devant une vitesse de sédimentation accélérée, qu’une électrophorèse met en évidence un pic dans le sérum. L’immunoélectrophorèse ou l’immunofixation précise qu’il s’agit d’une immunoglobuline monoclonale. Lorsque l’immunoglobuline monoclonale est IgG ou IgA ou lorsqu’il s’agit, ce qui est beaucoup plus rare d’une protéinurie à chaîne légère isolée, le diagnostic différentiel est celui du myélome. Il faut donc contrôler hémogramme, calcémie, créatinine, myélogramme, radiographies de l’ensemble du squelette sauf les extrémités. S’il s’agit d’une immunoglobuline monoclonale « dite bénigne », ou appelée aussi « de signification indéterminée », le taux de l’immunoglobuline monoclonale est modéré, presque toujours inférieur à 30 g/L, le nombre des plasmocytes dans la moelle est inférieur à 10%. La protéinurie à chaîne légère est absente ou à un taux minime. Il n’y a ni anémie, ni hypercalcémie, ni lésion osseuse, ni atteinte rénale. S’il s’agit d’une IgM monoclonale, le problème est de savoir s’il s’agit d’une maladie de Waldenström. Les recherches d’adénopathies superficielles profondes (échographie abdominale) et le myélogramme, permettent la distinction.

CNEM : item 126 « Diagnostiquer une immunoglobine monoclonale ».

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CONNAISSANCES

➤ Fig 22.2. Ig monoclonale bénigne. ➤ Nombre de cellules Hémopathie maligne

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Seuil de la maladie Ig monoclonale « bénigne »

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Seuil de détection

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Temps (années)

Conduite à tenir La surveillance biologique (hémogramme, électrophorèse simple des protides, créatinine et calcémie) est nécessaire. En effet, si dans la majorité des cas l’immunoglobuline reste stable, la survenue d’un myélome ou d’une amylose est observée dans 5 à 15% des cas selon les séries et selon la durée de la surveillance. Elle est donc très supérieure à celle de la population standard. Il existe une corrélation entre le risque d’évolution myélomateuse et le taux des plasmocytes médullaires, de sorte que la distinction entre myélome asymptomatique (> à 10% de plasmocytes, pas de lésion osseuse) et immunoglobuline monoclonale « bénigne » est très théorique puisque dans les deux cas la surveillance est nécessaire. En pratique, une surveillance semestrielle au début, puis annuelle si la situation reste stable, est l’attitude la plus habituelle. La surveillance doit être plus rapprochée, plus longtemps (trimestrielle, puis semestrielle) si la plasmocytose est proche de 10 % ou chez le sujet jeune, afin de ne pas laisser passer une évolution qui justifierait une intervention thérapeutique.



Affections associées

– La présence d’une immunoglobuline monoclonale est relativement fréquente dans certaines affections : déficit immunitaire, hémopathie lymphoïde. – Au cours de l’amylose AL, une immunoglobuline monoclonale sérique et/ou urinaire est retrouvée dans 90% des cas, et dans la majorité, la prolifération plasmocytaire médullaire est peu importante. – L’immunoglobuline monoclonale peut avoir une activité anticorps et dans certains cas s’accompagner de manifestations cliniques : anémie hémolytique auto-immune, maladie des agglutines froides, cryoglobuli280 ◗



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LES HÉMOPATHIES MALIGNES DU TISSU LYMPHOÏDE

némie de type II (voir p. 282), neuropathie sensitive ou motrice associée à une activité antimyéline.

Résumé Points clés La découverte d’une immunoglobuline monoclonale isolée (hémogramme normal, calcémie normale, créatinine normale) est un problème fréquent chez le sujet âgé. Le contrôle des radiographies osseuses permet, s’il est normal, d’écarter un myélome évolutif. Seul le contrôle du myélogramme permet de distinguer le myélome asymptomatique et l’immunoglobuline monoclonale dite « bénigne » (< ou > 10 % plasmocytes).

Points de débat • Le traitement optimal du myélome chez le sujet jeune. • Les facteurs prédictifs de l’évolution d’une immoglobuline monoclonale bénigne vers un myélome.

◗ LES MALADIES DES CHAÎNES LOURDES

Il s’agit de maladies lymphoïdes peu fréquentes, avec prolifération monoclonale de cellules de la lignée B, qui sont sécrétantes, mais seulement de chaînes lourdes incomplètes. On en distingue trois types selon la chaîne sécrétée : α, γ, ou μ. Les deux dernières sont très rares. La maladie des chaînes lourdes α, moins rare, atteint surtout des enfants et des adultes jeunes originaires du bassin méditerranéen ou d’Asie. Elle est caractérisée par une infiltration de la lamina propria du duodéno-jéjunum et des ganglions mésentériques par des plasmocytes α qui envahissent ensuite la sous-muqueuse et la musculeuse. L’évolution se fait vers un lymphome du grêle, à grandes cellules. Au stade initial, où elle peut se révéler par un syndrome de malabsorption, le traitement antibiotique est souvent efficace.

◗ LES CRYOGLOBULINÉMIES ◗

Définition et nosologie

Les cryoglobulines sont des immunoglobulines sériques qui précipitent à froid et se resolubilisent à chaud. On en distingue trois types : – type I : ce sont des immunoglobulines monoclonales cryoprécipitantes, atteignant des taux très variables, 281 ◗

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CONNAISSANCES

– types II et III : ce sont des cryoglobulines mixtes, constituant des complexes immuns circulants, faits d’immunoglobulines d’isotypes différent, avec au moins deux composants. La précipitation n’apparaît qu’en présence des deux. La recherche de facteur rhumatoïde est positive. Dans le type II, il s’agit le plus souvent d’une IgM monoclonale et d’IgG polyclonales. Dans le type III, on ne trouve que des immunoglobulines polyclonales. Les paramètres physico-chimiques expliquant le phénomène sont mal connus.



Circonstances de découvertes

Les cryoglobulinémies sont souvent des découvertes d’examens systématiques dans le bilan d’une hémopathie ou d’une maladie autoimmune. Ailleurs, elles se révèlent par des signes de deux ordres : – un purpura infiltré, parfois nécrotique, prédominant aux membres inférieurs, il correspond à une vascularite leucocytoclasique, des arthralgies lui sont souvent associées; – des manifestations vasculaires à type de syndrome de Raynaud, de livedo, d’ulcère, voire de nécrose cutanée déclenchés par le froid; – la cryoglobulinémie peut se compliquer d’une glomérulonéphrite membrano-proliférative, plus fréquente dans le type II IgMκ/IgG; – ou d’une neuropathie périphérique, symétrique distale; – on peut observer de fausses hyperleucocytoses, ou thrombocytoses ou une hypoγglobulinémie, dues aux précipitations dans les tubes et qui ne sont pas retrouvées sur des prélèvements maintenus à 37 ˚C.



Diagnostic

Le prélèvement sanguin effectué à jeûn, sur tubes secs, doit être réalisé, puis manipulé à une température aussi proche que possible de 37 ˚C. Il est ensuite incubé 8 jours à 4 ˚C, pour révéler le cryoprécipité.



Étiologies

Les cryoglobulines de type I peuvent être l’un des éléments du tableau d’une maladie de Kahler ou de Waldenström ou d’une LLC. Elle est parfois totalement isolée comme une « immunoglobuline monoclonale bénigne » (voir ci-dessus). Les cryoglobulines mixtes de type II sont dans 60 à 80% des cas associées à une infection chronique par le virus de l’hépatite C. Elles s’observent également dans des hémopathies lymphoïdes ou des maladies auto-immunes. Les cryoglobulines de type III se rencontrent au cours d’infections virales (à virus EBV, à cytomégalovirus) et au cours des maladies autoimmunes. En l’absence de maladie identifiée, on parle de « cryoglobulinémie essentielle ».

282 ◗



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LES HÉMOPATHIES MALIGNES DU TISSU LYMPHOÏDE



Traitement

C’est celui de la maladie associée, notamment lorsqu’il existe un syndrome lymphoprolifératif, une affection auto-immune, ou une hépatite C. Dans les formes avec nécrose, les échanges plasmatiques peuvent être utilisés.

Résumé Points clés Typer la cryoglobuline est utile pour la démarche diagnostique, devant cette anomalie biologique. Dans la majorité des cas, les lésions ne sont pas dues à des thromboses par cryoprécipitation d’une Ig monoclonale, mais à une vascularite secondaire aux complexes immuns que forment les cryoglobulinémies mixtes. Il faut connaître les fausses anomalies biologiques des prélèvements standards qu’elles peuvent induire.

Points de débat La fréquence des cryoglobulinémies est difficile à préciser, car elle dépend des techniques de recherche et de l’épidémiologie de certaines infections virales, l’hépatite C notamment.

LA MALADIE DE HODGKIN OU LYMPHOME ◗ HODGKINIEN CNEM

La maladie de Hodgkin est une prolifération maligne ganglionnaire caractérisée par la présence d’une cellule très particulière, la cellule de Sternberg, dont l’origine la plupart du temps encore incertaine, a pu être démontrée lymphocytaire B dans certains cas. L’étiologie est inconnue. Certaines formes sont associées à la présence de virus EB dans les cellules de Sternberg, sans signification pronostique. La survenue de la maladie est biphasique avec un premier pic entre 20 et 40 ans (plutôt de type 2) et un deuxième pic après 40 ans, plutôt de type 3.



Anatomopathologie

La classification histologique classique distingue quatre types : 1. riche en lymphocytes 2. scléronodulaire CNEM : item 164 « Diagnostiquer un lymphome malin ».

283 ◗

5%, 30-60%,

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CONNAISSANCES

3. cellularité mixte 4. déplétion lymphocytaire

30-50%, 4%.

Évolution récente de la classification : dans le type 1, une forme particulière, le paragranulome de Poppema n’est plus considéré comme une maladie de Hodgkin mais comme un lymphome B. Les types 4 sont à distinguer des lymphomes non hodgkiniens, notamment anaplasiques, avec lesquels ils ont été certainement en partie confondus. L’analyse histochimique peut aider au diagnostic. Les cellules de Sternberg sont CD30+ et habituellement CD15+.



Circonstances diagnostiques

Le plus souvent, c’est chez un adulte jeune la découverte : – d’adénopathies périphériques (80%), • soit isolées, souvent cervicales, • soit plusieurs adénopathies, indolores, asymétriques, fermes, ne suppurant pas, – d’adénopathies profondes : abdominales accompagnées de fièvre et souvent d’une splénomégalie ou médiastinales révélées par un cliché systématique ou des signes de compression ; – la fièvre peut revêtir tous les types et s’accompagner de sueurs nocturnes et d’amaigrissement. Rarement (forme dite fébrile pure) la fièvre est au premier plan durant des semaines, avec amaigrissement, sueurs et parfois prurit, mais sans adénopathie, ni lésion viscérale à l’examen clinique. Le diagnostic est habituellement évoqué devant la mise en évidence d’adénopathies profondes (échographie, tomodensitométrie) ; – un prurit persistant peut-être le seul symptôme révélateur.



Arguments du diagnostic

Le diagnostic de maladie de Hodgkin est anatomique. Les cellules de Sternberg sont indispensables pour le porter : grandes cellules basophiles, polynuclées, à gros nucléoles très bleus et chromatine oedématiée. Elles sont peu nombreuses au sein d’un frottis polymorphe. La cytologie n’a cependant qu’une valeur d’orientation. Le diagnostic repose sur une biopsie ganglionnaire, il est donc relativement facile dans les formes qui comportent une lésion d’accès aisé. Si la lésion est profonde, la preuve du diagnostic est affirmée par un prélèvement obtenu par médiastinoscopie, ou au niveau de l’abdomen, par biopsie dirigée sous scanner ou biopsie après laparotomie.



Bilan d’extension et d’évolutivité

L’extension, qui se fait par voie lymphatique de proche en proche, ou par voie hématogène, doit être appréciée systématiquement. 284 ◗



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LES HÉMOPATHIES MALIGNES DU TISSU LYMPHOÏDE

– L’examen clinique précis fait d’abord le bilan des aires ganglionnaires superficielles atteintes (une aire ganglionnaire est représentée, par exemple, par un côté de la région cervicale ou par une aisselle). Le siège exact des ganglions est précisé par rapport aux repères osseux ainsi que leur taille et ceci avant tout traitement. – L’examen clinique de l’abdomen le complète : taille du foie et de la rate : on complète par échographie et scanner abdominal. – Les clichés du thorax de face et de profil précisent la taille des adénopathies médiastinales qui, habituellement, comblent l’espace clair rétrosternal. Le scanner thoracique est indispensable. La masse médiastinale est dite volumineuse si le rapport du diamètre maximal de la masse sur le diamètre thoracique, au niveau du disque D5-D6, est supérieur ou égal à 0,35 sur un cliché debout de face, en inspiration correcte. – Les clichés osseux et/ou une scintigraphie, un scanner, une IRM sont utiles, s’il existe des douleurs osseuses. Les localisations osseuses sont en général tardives. C’est le plus souvent une localisation rachidienne ostéolytique ou ostéocondensante avec le risque de paraplégie par compression. – La biopsie médullaire est systématique. – Certaines localisations sont beaucoup plus rares : pleuropulmonaire, digestive notamment gastrique dans les formes vues tardivement. La lymphographie qui a été longtemps systématique n’est plus effectuée. De même, la laparotomie n’a pratiquement plus d’indication dans la maladie de Hodgkin. Le retentissement de la maladie doit aussi être apprécié par : – les signes cliniques d’évolutivité : L’examen clinique précise l’existence de signes généraux, d’un amaigrissement de plus de 10% du poids corporel en moins de 6 mois, d’une fièvre de plus de 38 ˚C pendant plus de huit jours et l’existence de sueurs nocturnes; – les symptômes biologiques témoignant d’une évolutivité sont une augmentation de la vitesse de sédimentation, une hyperfibrinémie, une hyper-α-2-globulinémie, une augmentation de la C-réactive protéine, c’est à, dire un syndrome inflammatoire. Sur l’hémogramme, une hyperleucocytose modérée à polynucléaires neutrophiles est inconstamment accompagnée d’une hyperéosinophilie, d’une hyperplaquettose et d’une anémie sidéropénique de type inflammatoire; – un déficit de l’immunité cellulaire est fréquent, mais il est généralement peu exploré. La classification de la maladie, en termes d’extension peut alors être effectuée. Elle va guider la thérapeutique. Elle repose sur l’extension anatomique de la maladie, l’existence de signes cliniques d’évolutivité, et d’un syndrome inflammatoire (a ou b suivant que la vitesse de sédimentation est inférieure ou supérieure à 30 mm à la première heure).



Classification selon l’extension et l’évolutivité

I – Un seul territoire ganglionnaire d’un côté du diaphragme ou un seul organe extralymphatique. II – Deux territoires ganglionnaires ou plus, d’un côté du diaphragme. 285 ◗

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CONNAISSANCES

III – Atteinte ganglionnaire sus- et sous-diaphragmatique. III-I – Abdominale supérieure : lombo-aortique ou splénique. III-2. Disséminée abdomino-pelvienne. IV – Localisation viscérale ou médullaire. A ou B – selon l’absence ou la présence d’au moins un signe clinique d’évolutivité; a ou b : selon l’absence ou la présence d’un syndrome inflammatoire. E – Localisation extranodale isolée. I-E – Atteinte viscérale au contact d’un ganglion.



Principes du traitement

L’histoire du traitement de la maladie de Hodgkin est exemplaire de l’évolution du traitement des hémopathies malignes. La première étape a été la démonstration, il y a plus de 50 ans, de l’efficacité de la radiothérapie, puis la mise en évidence de l’utilité de l’irradiation préventive des aires ganglionnaires adjacentes aux aires atteintes. À partir du début des années 60, l’introduction de la polychimiothérapie MOPP, restée la référence pendant 30 ans, ouvre l’époque des traitements mixtes chimioradiothérapiques, avec radiothérapie prédominante dans les formes localisées, chimiothérapie prédominante dans les formes étendues. Devant la démonstration des risques leucémogènes de l’association MOPP, surtout combinée à la radiothérapie, la laparotomie exploratrice avec splénectomie a été pratiquée pour réduire les indications de la chimiothérapie. Plus récemment, l’émergence de polychimiothérapies peu ou pas leucémogènes (chef de file : ABVD) et la démonstration des effets secondaires à longs termes de la radiothérapie (voir ci-dessous) expliquent toutes les tentatives en cours actuellement de décélération thérapeutique dans les formes localisées et l’agressivité accrue des chimiothérapies dans les formes de mauvais pronostic prévisible.

La chimiothérapie de référence est aujourd’hui la polychimiothérapie dite ABVD qui associe adriamycine, bléomycine, Velbé et Déticène suivant des modalités variables, par exemple, chaque cycle étant répété tous les 28 jours. – – – –

adriamycine : 25 mg/m2 J1 et J14 bléomycine : 10 mg/m2 J1 et J14 Velbé : 6 mg/m2 J1 et J15 Déticène : 375 mg/m2 J1 et J14

La radiothérapie de référence reste l’irradiation en mantelet susdiaphragmatique ou en Y inversé sous-diaphragmatique, 40 Grays en 4 semaines.



Indications et pronostic

Ce sont les différents stades de la maladie sur la classification anatomoclinique qui permettent de préciser le pronostic, en tenant compte d’autres facteurs de pronostic péjoratif : sexe masculin, plus de trois aires ganglionnaires atteintes, masse médiastinale volumineuse, plus de deux atteintes viscérales, envahissement médullaire. – Dans les formes localisées I et II, de pronostic favorable, le traitement repose en général sur l’association chimiothérapique, trois ou quatre cycles, et irradiation des territoires initialement envahis, 36-40 Gy. – Pour les stades IIIA, sans facteur défavorable, le traitement repose sur l’association chimiothérapie, radiothérapie avec 4 à 6 cycles de chimiothérapie. ◗

◗ Les patients au stade I et II sus-diaphragmatique ont un taux de survie à 10 ans, de 85%. Les patients avec un stade III ou IV ont un taux de survie à 10 ans, de 50 à 70%.

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LES HÉMOPATHIES MALIGNES DU TISSU LYMPHOÏDE

– Le traitement des stades IIIB et IV est de six à huit cycles de chimiothérapie. C’est dans ces formes que d’autres chimiothérapies sont utilisables comportant notamment de l’Etoposide ou de l’Alkeran. La surveillance repose sur l’examen clinique, les clichés thoraciques et tomodensitométriques. La scintigraphie au Gallium est utile lorsqu’il existe une masse médiastinale résiduelle.



Les rechutes

– Les rechutes à distance du traitement peuvent survenir en dehors du territoire initialement irradié dans les formes localisées. Les chances de guérison avec un traitement par polychimiothérapie puis radiothérapie restent alors excellentes. – Les rechutes en territoires irradiés dans les formes localisées et les rechutes des stades IIIB et IV sont plus péjoratives et il existe même les formes localisées d’emblée résistantes au traitement, qui rechutent rapidement et dont le pronostic est très mauvais. Dans ces formes, la tendance est de proposer une intensification thérapeutique avec autogreffe de cellules souches hématopoïétiques effectuée après une chimiothérapie de deuxième ligne. – C’est évidemment essentiellement dans les formes de bon pronostic que l’on craint les complications iatrogènes à long terme. La radiothérapie en mantelet augmente le risque de sténose coronarienne et le risque de cancer du sein chez la femme, d’autant plus qu’elle est plus jeune au moment de l’irradiation. L’irradiation sous-diaphragmatique chez la femme est généralement responsable d’une stérilité définitive. Chez l’homme, la polychimiothérapie augmente le risque de stérilité et justifie un prélèvement systématique de sperme pour congélation avant traitement.

Résumé Points clés La maladie de Hodgkin, est généralement de diagnostic facile, même s’il continue à reposer essentiellement sur la morphologie. Même si les résultats sont supérieurs à ceux obtenus dans la majorité des hémopathies malignes, ils restent insuffisants, avec deux obstacles : les effets secondaires à long terme des traitements et les échecs thérapeutiques. Pour ces raisons, les patients atteints de la maladie d’Hodgkin doivent toujours être adressés en milieu spécialisé, pour être prise en charge dans le cadre des protocoles thérapeutiques contrôlés. Ceux-ci ne peuvent donner d’indication nouvelle qu’après plusieurs années de recul, surtout dans les formes localisées (10 ans de recul ou plus sont nécessaires).

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CONNAISSANCES

◗ LES LYMPHOMES NON HODGKINIENS ◗

Définition CNEM

Le terme de « lymphomes non hodgkiniens » (LNH), d’origine anglosaxonne, a remplacé les nombreuses terminologies jadis utilisées en France pour désigner diverses proliférations lymphoïdes, en particulier celles de lymphosarcome, et de réticulosarcome. Ils sont en principe à l’origine extra médullaires et dépourvus de cellules de Sternberg. Outre l’examen anatomo-pathologique classique, les techniques d’immuno-histochimie, de biologie moléculaire et de cytogénétique permettent une classification de plus en plus précise de ces affections et l’individualisation d’une série de lymphomes différents.



Fréquence

Elle va en augmentant dans tous les pays développés. Les lymphomes s’observent à tout âge et les formes de l’enfant sont toujours des formes agressives, à grandes cellules ou lymphoblastiques.



Étiologie

Elle est le plus souvent inconnue, mais de nombreux facteurs peuvent jouer un rôle. Les LNH peuvent survenir chez des sujets atteints de déficits immunitaires génétiques ou acquis. Le problème est alors de distinguer, ce qui est parfois difficile, cette situation de la survenue secondaire au lymphome d’un déficit immunitaire acquis, fréquente dans ces affections, que le déficit soit cellulaire ou humoral. Des infections bactériennes (Helicobacter pylori) ou surtout virales (EBV, HTLV-1). En outre, des LNH peuvent s’associer à certaines manifestations autoimmunes, l’anémie hémolytique auto-immune notamment. Des facteurs génétiques inconnus sont probablement en cause dans certains cas, comme en témoigne la survenue répétée d’un même type de LNH dans d’exceptionnelles familles.



Anatomie pathologique

Le diagnostic repose sur la biopsie d’un organe atteint. En cas d’atteinte ganglionnaire et extraganglionnaire, elle doit porter de préférence sur un ganglion. La description anatomo-pathologique repose sur : – la structure nodulaire (ou « folliculaire ») ou diffuse; – la morphologie des cellules proliférantes; – le phénotypes B ou T complété de l’étude d’autres phénotypes. En Occident, la grande majorité des LNH est B; – l’existence d’un réarrangement monoclonal T ou B et d’une translocation chromosomique.

CNEM : item 164 « Diagnostiquer un lymphome malin ».

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LES HÉMOPATHIES MALIGNES DU TISSU LYMPHOÏDE

La classification des LNH ne cesse d’évoluer, vers des précisions physiopathologiques et pronostiques. Pour donner une idée de la complexité les tableaux 22.I et 22.II donnent les caractéristiques des principales formes de LNH, reprises pour l’essentiel dans la nouvelle classification OMS. Ces tableaux ne sont qu’une approche, d’autant que l’utilisation des « puces à ADN » va vraisemblablement entraîner de nouvelles classifications.

Tableau Tableau 8.I. 22.I.

Principales formes des lymphomes B.

Lymphomes

Anatomopathologie

Phénotypes

Particularités

Petits lymphocytes Petits lymphocytes

CD19+, 20+, CD5+, CD23+, SigM+

Analogues à la LLC B

Lymphoplasmocytaire

Infiltrat diffus de petits lymphocytes, Cellules lymphoplasmocytaires, plasmocytes

CD19, CD20+, CD5-, cIgM+

Maladie de Waldenström IgM monoclonale

Du manteau

Atteinte diffuse + nodulaire : cellules à noyau ± clivé

CD19+, CD20+, CD5+, CD23-, CD10+/- CD43+, S IgM + SigD+

t (11 ; 14) polypose digestive lymphomateuse Cycline D1

Folliculaire

Petites cellules clivées en follicules

CD19, CD20, CD5-, CD23+/- , CD10+, Bc12+

t (14 ; 18)

Diffus à grandes cellules

Prolifération diffuse de grandes cellules, parfois clivées ou anaplasiques

CD19+, 20+, CD5-/+, SIg+/-

R Bcl2 : 30%

De Burkitt

Prolifération diffuse de cellules basophiles au noyau plurinucléolé

CD19+, CD20+, CD10+, CD5-, CD23-, SigM+

t (8; 14) t (2; 8) t (8; 22) R-C-myc+ EBV+

Du MALT

Chorion infiltré par les C. lymphoïdes lésion lymphoépithéliale, hyperplasie folliculaire

CD19, CD20+, CD5-, CD23-, SigM+

Helicobater pylori : estomac

t : Translocation, R : réarrangement



Circonstances du diagnostic

Il s’agit le plus souvent de l’apparition d’adénopathies isolées ou associées à de la fièvre. Ailleurs, c’est la découverte d’une splénomégalie ou d’une localisation viscérale. – Les localisations de la sphère oto-rhino-laryngologique consistent en une tumeur de l’amygdale, volumineuse, parfois ulcérée ou en une atteinte du cavum avec otalgie et obstruction nasale. Il s’agit généralement de lymphomes à grandes cellules. – Les localisations digestives, avec par ordre de fréquence décroissante : 1. localisation gastrique dont le diagnostic est endoscopique ou histologique postopératoire. Elle est volontiers localisée. 289 ◗

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CONNAISSANCES

2. atteintes du grêle, le plus souvent iléales, elles peuvent entraîner des complications mécaniques (invagination, volvulus) ou se perforer. 3. atteinte colique ou rectale. – Les localisations osseuses sont parfois associées à une atteinte ganglionnaire, quelquefois isolées et le diagnostic peut être difficile, notamment au niveau du rachis. – Les localisations cutanées sont plus fréquentes, parfois primitives, isolées ou associées à d’autres localisations. – L’atteinte du système nerveux central peut être isolée ou associée à d’autres localisations, notamment dans les lymphomes à grandes cellules et les lymphomes de Burkitt, souvent lorsqu’il existe une atteinte médullaire ou testiculaire.



Bilan d’extension

Il est adapté au type histologique. Outre l’examen clinique, il comporte un examen ORL, une ponction lombaire (lymphomes agressifs), une fibroscopie gastrique en cas de signes d’appel ou de localisation ORL, une coloscopie (lymphome du manteau), une échographie abdominale et un scanner abdominal qui permettent de préciser la taille des masses tumorales. On doit tenir compte aussi des signes généraux : fièvre, sueurs, amaigrissement, augmentation de la VS, hyperfibrinémie ont une valeur pronostique, de même que l’élévation des LDH, reflet de la masse tumorale et de la cinétique cellulaire. Enfin, il faut rechercher des anomalies immunologiques : hypo-γ−globulinémie, immunoglobuline monoclonale, et anticorps anti-érythrocytaires (test de Coombs). Sur l’ensemble de ces examens, on peut classer le cas, selon une classification par stade, analogue à celle de la maladie de Hodgkin.



Évolution et pronostic

Les principaux éléments du pronostic sont l’aspect anatomo-pathologique (dans la classification actuelle, dite REAL) et 5 facteurs, dont l’étude permet d’établir un index pronostique international de gravité (IPI) : l’âge (inférieur ou supérieur à 60 ans), le stade « Ann-Arbor » (I ou II versus III ou IV), l’indice d’activité suivant l’échelle de l’OMS (0 ou 1 versus 2 à 4), le taux de LDH sériques (supérieur ou égal à une fois la normale), le nombre des localisations extra-ganglionnaires (0 ou 1 versus > 1). Des différents types de lymphomes individualisés par l’étude histologique, les trois plus fréquents sont : les lymphomes agressifs à grandes cellules, les lymphomes indolents folliculaires et le lymphome de Burkitt. On peut en pratique considérer, en fonction du pronostic, les trois grandes catégories de lymphomes indiquées ci-dessous.



Les lymphomes de malignité très élevée

– Le lymphome de Burkitt, décrit initialement comme une maladie endémique en Afrique, essentiellement chez l’enfant, dont la localisation principale est maxillaire, le lymphome de Burkitt est remarquable par : son association régulière en Afrique au virus EBV et par l’existence 290 ◗



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d’anomalies chromosomiques avec translocation du gène c. myc du chromosome 8 vers le chromosome 14 dans la région qui code pour les chaînes lourdes d’immunoglobuline ou vers la région des chaînes légères sur les chromosomes 2 ou 22. Le lymphome de Burkitt a depuis été décrit sous forme sporadique dans tous les pays. Il s’agit alors généralement d’un lymphome étendu, très rapidement évolutif, avec un tropisme méningé marqué. Le lymphome de Burkitt est une des pathologies malignes favorisées par l’infection par le VIH. – Les lymphomes lymphoblastiques, observés surtout chez les jeunes, volontiers de phénotype T, sont à rapprocher des leucémies aiguës lymphoblastiques.



Les lymphomes agressifs

– Les lymphomes B à grandes cellules, qui représentent 40% des LNH, sont des proliférations de grandes cellules (centroblastiques, immunoblastiques ou anaplasiques) de présentation ganglionnaire dans la majorité des cas. Les atteintes extra-ganglionnaires sont digestives, ORL, osseuses ou cutanées. L’atteinte médullaire, lorsqu’elle existe, s’accompagne souvent d’une atteinte neuro-méningée. – Les lymphomes T et NK sont beaucoup plus rares (10 à 15% des LNH) et assez diversifiés (voir tableau 22.II).



Les lymphomes d’évolution lente

Parfois dits « indolents », ces lymphomes sont d’évolution lente mais progressive et, contrairement aux lymphomes à grandes cellules, la chimiothérapie n’en permet habituellement pas la guérison. – Les lymphomes folliculaires représentent plus de 20% des LNH. Ils se traduisent par des adénopathies superficielles et/ou profondes avec une infiltration médullaire présente dans les 2/3 des cas. L’architecture du ganglion est folliculaire, avec des cellules centroblastiques et centrocytiques comme dans un centre germinatif normal. Dans plus de 80% des cas il existe une translocation t (14;18) qui transfère le gène bcl-2, du chromosome 18 vers la région des gènes des chaînes lourdes des immunoglobulines sur le chromosome 14, ce qui entraîne une hyperexpression de la protéine BCL-2 et une résistance à l’apoptose (voir chapitre 18). Noter qu’au cours de l’évolution, un lymphome folliculaire peut se transformer en un lymphome diffus à grandes cellules dont le pronostic est alors très réservé. – Les lymphomes lymphocytiques : ces lymphomes à petits lymphocytes ont une évolution spontanée longue (plus de 10 ans) comparable à celle d’une LLC, avec une évolution plus fréquente vers une transformation en lymphome à grandes cellules, comme dans le syndrome de Richter (voir p. 271).



Les autres formes de LNH

– Les lymphomes du manteau sont habituellement disséminés avec polyadénopathies, splénomégalie, atteinte médullaire, amygdalienne, voire colique réalisant l’aspect d’une polypose. Ils ont longtemps été considérés comme des lymphomes à petites cellules de bon pronostic. En fait, 291 ◗

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CONNAISSANCES

Tableau 22.II. 8.II.

Lymphomes

Principales formes des lymphomes T.

Anatomopathologie

Phénotypes

Particularités

T périphériques

Prolifération diffuse ou inter-folliculaire Cellules au noyau irrégulier

CD23+/-, CD5+/-, CD4+>CD8

R-TCR+ Hémophagocytose Atteinte cutanée

Angioimmunoblastique

Prolifération lymphoïde polymorphe Hyperplasie vasculaire et des cellules dendritiques folliculaires

CD3+, CD7+, CD4+

Trisomie 3 ou 5 R-TCR+, anti-muscle lisse Coombs+

Gamma-Delta

Prolifération diffuse, grandes cellules, angiocentrisme

CD3+, CD5-, CD4-, CD8-

Hépato-splénique R-γ

Anaplasique à grandes cellules

Prolifération diffuse intrasinusale polymorphe de grandes cellules au noyau irrégulier

CD30+, CD45+/-, CD3+/-

t (2; 5) R-TCR+ (50%)

Mycosis fongoïde

Infiltration de petites cellules, noyau cérébriforme, épidermotropisme

CD3+, CD5+, CD4+

Lymphome/leucémie à cellules T de l’adulte

Petites et grandes CD3+, CD2+, CD5+, CD4+, cellules, noyau en trèfle CD25+, HLA DR+

R-TCR+, HTLV1+, S. Cutanés, Hypercalcémie

t : Translocation, R : réarrangement

le pronostic est sévère avec un taux de survie à 5 ans de 25%, d’où l’importance de les reconnaître sur des arguments précis (tableau 21.I). – Les lymphomes B de la zone marginale du tissu lymphoïde associé aux muqueuses (MALT) : ils se développent à partir du tissu lymphoïde des muqueuses digestives ou pulmonaires. Ce sont des lymphomes B caractérisés par l’infiltration des structures épithéliales (lésions lymphoépithéliales). Dans les localisations gastriques, le lymphome peut être associé à une infection par Helicobacter pylori et le traitement antibiotique peut, dans certains cas, entraîner une régression. – Les lymphomes cérébraux primitifs : leur fréquence est en augmentation. Ils se manifestent par des signes neurologiques focalisés et/ou un syndrome d’hypertension intra-crânienne. L’examen tomodensitométrique ou en RMN permet rapidement d’envisager le diagnostic qui est confirmé par la biopsie stéréotaxique. Il s’agit toujours de lymphomes B à grandes cellules, dont le traitement repose sur une polychimiothérapie, associant cytarabine et méthotrexate à fortes doses et éventuellement une radiothérapie. – Les lymphomes des immunodéprimés. Au cours de l’infection par le VIH, ils surviennent dans environ 5% des cas. Il s’agit de lymphomes de Burkitt, de lymphomes à grandes cellules habituellement disséminés, de 292 ◗



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lymphomes primitifs du cerveau ou plus rarement de lymphomes des séreuses. Le lymphome peut aussi être une complication d’autres déficits immunitaires, soit génétiques (ataxie-telangiectasie, Wiscott-Aldrich), soit par immunosuppression thérapeutique, notamment chez les transplantés. Dans ces cas il s’agit de proliférations B, habituellement associées au virus EBV et de classement histologique difficile. Dans les formes précoces, la diminution de l’immunosuppression et l’administration d’un anticorps monoclonal anti-B peut permettre la guérison. – Les adénopathies angio-immunoblastiques. Après un début parfois aigu, elles se caractérisent par des polyadénopathies habituellement associées à une fièvre, une hépatosplénomégalie, souvent un rash cutané, parfois des manifestations pleuro-pulmonaires. Anatomiquement, la structure ganglionnaire est effacée avec une prolifération polymorphe lymphocytaire, plasmocytaire et immunoblastique, une néovascularisation importante et la présence de dépôts acidophiles dans l’interstitium. Biologiquement, on note une hyper−γ−globulinémie polyclonale, un test de Coombs positif, une anémie souvent hémolytique, la présence d’anticorps anti-muscle lisse, parfois une hyperéosinophilie. Certaines formes semblent secondaires à la prise d’un médicament, d’autres sont associées à ou évoluent vers un lymphome immunoblastique et dès le début de l’affection, l’étude du réarrangement des gènes montre qu’il s’agit d’une prolifération clonale T. Le traitement par corticothérapie est habituellement efficace seulement transitoirement. Les polychimiothérapies des lymphomes peuvent permettre des guérisons. – Les hématodermies sont des lymphomes cutanés à cellules T dont les aspects les plus fréquents sont le mycosis fungoïde et le syndrome de Sezary. – Le mycosis fungoïde est une hématodermie d’évolution progressive, réalisant d’abord des plaques érythémateuses, prurigineuses, puis des tumeurs cutanées. Des adénopathies peuvent apparaître à ce stade. L’aspect histologique est celui d’un infiltrat polymorphe comprenant des cellules de Sezary. – Le syndrome de Sezary est marqué par une érythrodermie diffuse, souvent associée à une pigmentation brune et à un œdème important. Le prurit est souvent intense. Il existe souvent aussi des adénopathies et une alopécie. Il s’agit de la forme leucémique du mycosis fungoïde, caractérisée par la présence dans le sang de cellules mononucléées, aux noyaux cérébriformes, les cellules de Sezary. L’hyperleucocytose est inconstante, les mêmes cellules sont retrouvées dans les ganglions et la peau; la moelle est souvent normale. Les cellules de Sezary sont des lymphocytes T matures, CD3 +, CD4 +. Il existe un réarrangement clonal des gènes du récepteurs T. Le traitement est difficile. La photochimiothérapie extracorporelle, l’association chloraminophène et prednisone ou les faibles doses de méthotrexate sont les traitements les plus utiles.



Traitement

– Les lymphomes de Burkitt : les formes localisées sont traitées comme celles de lymphomes à grandes cellules (voir ci-dessous). Les formes disséminées par une chimiothérapie lourde comportant outre 293 ◗

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CONNAISSANCES

les anthracyclines, des médicaments à bonne diffusion neuro-méningée, le méthotrexate à fortes doses et la cytarabine, ainsi qu’une prophylaxie neuroméningée. Le syndrome de lyse tumorale parfois présent avant tout traitement doit être prévenu lors du début de la chimiothérapie. Les nouvelles associations thérapeutiques permettent une guérison dans plus de 60% des cas. – Les lymphomes agressifs : chez un sujet de plus de 60 à 65 ans, le traitement repose sur une polychimiothérapie de type CHOP à des doses adaptées selon la tolérance hématologique associée à l’anticorps monoclonal anti-CD20 (Rituximab). Le but est d’obtenir une rémission complète dès le traitement initial. Chez un sujet de moins de 60 à 65 ans les formes localisées sont traitées par trois cures de CHOP puis radiothérapie, ce qui permet la guérison dans 80 % des cas. Les formes disséminées sans autre facteur de mauvais pronostic sont traitées par huit cycles de CHOP ou d’une chimiothérapie apparentée (ACVBP), ce qui permet d’obtenir 60 % de rémission complète, avec plus de 30 % de survie à long terme. Dans les formes comportant d’autres facteurs de mauvais pronostic on augmente les doses du CHOP et on associe un plus grand nombre de drogues. Toutes ces chimiothérapies sont associées à un traitement intrarachidien. En cas de rechute ou de résistance primaire au traitement d’autres chimiothérapies sont utiles, notamment l’aracytine et les sels de platine, précédant, chez les sujets jeunes, un traitement intensif avec autogreffe de cellules souches médullaires ou périphériques. CHOP : cyclophosphamide 750 mg/m2/j à J1 – adriamycine 50 mg/m2/j à J1 – vincristine 1,4 mg/ m2/j à J1 (maximum 2 mg) – prednisone 1 mg/kg/J de J1 à J5. Le cycle est répété tous les 15 jours.

– Les lymphomes folliculaires ne relèvent, dans les formes localisées, que de l’exérèse chirurgicale ou d’une radiothérapie. Dans les formes disséminées l’attitude varie en fonction de l’importance de la masse tumorale. Avec une faible masse, l’abstention est justifiée. Avec une forte masse la chimiothérapie est indiquée : polychimiothérapie de type CHOP associée à l’Interféron ou à la Fludarabine. Une intensification doit être envisagée dans les formes qui rechutent après ce traitement. L’anticorps monoclonal humanisé anti-CD20 (antigène exprimé sur la plupart des lymphomes B) (Rituximab) est de plus en plus utilisé seul ou en association.

CAS PARTICULIER DES LYMPHOMES ◗LIÉS À DES INFECTIONS VIRALES

.

C’est une des rares pathologies malignes dans laquelle des virus sont certainement impliqués, dans des cas particuliers au moins.



Le virus HTLV1

Il entraîne chez un petit nombre de sujets, dans la zone intertropicale, notamment au Japon et dans les Caraïbes, une prolifération de lymphocytes CD4+, bien que dans la majorité de cas l’infection par le virus 294 ◗



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soit asymptomatique. Les formes chroniques, habituellement compatible avec une longue survie, sont marquées par la présence de cellules anormales dans le sang et une inconstante hyperlymphocytose. Les formes lymphomateuses et leucémiques sont caractérisées par l’atteinte des organes hématopoïétiques, et souvent digestive, osseuse, nerveuse, cutanée, pulmonaire et une hypercalcémie. Dans les formes leucémiques « l’hyperlymphocytose » est faite de cellules de taille très variée, souvent polylobées, « en fleur ». Le pronostic est très mauvais.



Le virus HHV8

Responsable par ailleurs du sarcome de Kaposi, il est associé, essentiellement au cours du sida, à des lymphomes des séreuses. Il est aussi retrouvé dans les syndromes de Castleman disséminés.



Le virus EBV ou virus d’Epstein-Barr

Il est impliqué au cours de diverses proliférations lymphoïdes : Burkitt africain et syndromes lymphoprolifératifs des immunosupprimés (voir cidessus). Il est présent dans tous les cas de lymphome cérébraux primitifs, la moitié des cas de lymphomes à grandes cellules et près de la moitié des cas de lymphomes de Burkitt, au cours de l’infection par le VIH.

Résumé Points clés Les lymphomes non hodgkiniens sont fréquents et de présentations très polymorphes. La biopsie ganglionnaire doit de préférence être faite dans un centre spécialisé, en raison des implications pronostiques considérables qui en découlent. La classification des lymphomes, qui sont des maladies au pronostic très varié, repose d’abord sur l’examen anatomopathologique, mais les données immunologiques et cytogénétiques sont très souvent déterminantes. Il n’y pas de correspondance stricte entre l’aspect des cellules et le pronostic : exemple le lymphome du manteau. La localisation de la tumeur (cerveau, estomac, peau…) est également importante pour le pronostic. Tout lymphome devrait être pris en charge dans un centre spécialisé parce que le patient bénéficie des progrès diagnostiques et thérapeutiques particulièrement nombreux dans cette pathologie.

Points de débat La place dans le traitement des anticorps monoclonaux. La place de l’intensification thérapeutique (chimiothérapie ± radiothérapie + autogreffe).

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CONNAISSANCES

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Physiologie de l’hémostase

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◗ L’HÉMOSTASE PRIMAIRE ◗ LA COAGULATION PLASMATIQUE ◗ RÉGULATION NÉGATIVE DE L’HÉMOSTASE ◗ LA FIBRINOLYSE

Introduction ◗ L’hémostase est le processus physiologique qui regroupe l’ensemble des phénomènes destinés à limiter les pertes sanguines au niveau d’une brèche vasculaire. ◗ En rompant la continuité de la monocouche de cellules endothéliales, la brèche vasculaire expose les structures sous-endothéliales au contact du sang, entraînant l’adhésion et l’activation des plaquettes au site de la lésion (hémostase primaire). Dans le même temps, l’activation locale de la coagulation conduit à la formation de fibrine : le thrombus fait de plaquettes agrégées et de fibrine comble la brèche vasculaire, arrête le saignement et permet au processus de cicatrisation de prendre place. Lorsque celui-ci est terminé, la fibrinolyse entraîne la dissolution du caillot de fibrine. ◗ Les mécanismes mis en jeu dépendent de l’importance de la lésion : l’hémostase primaire suffit à arrêter le saignement du à la lésion de capillaires alors qu’elle doit être renforcée par la coagulation si le vaisseau endommagé est de plus gros calibre. ◗ L’hémostase fait intervenir le vaisseau, les plaquettes, et les protéines de la coagulation. C’est un phénomène localisé, rapide, grâce à une auto-amplification locale, et régulé négativement de façon à ne pas obstruer tout le vaisseau.

◗ L’HÉMOSTASE PRIMAIRE

L’hémostase primaire est la succession d’événements qui aboutissent à la formation d’un amas de plaquettes agrégées sur la brèche vasculaire.



Les intervenants

L’hémostase primaire fait intervenir le vaisseau, les plaquettes, le facteur Willebrand et le fibrinogène.



Le vaisseau

La paroi du vaisseau comporte 3 tuniques concentriques : l’intima (tunique la plus interne) formée de l’endothélium et du sous-endothélium, puis la média et l’adventice. Les propriétés de ces tuniques sont très différentes : 297 ◗



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CONNAISSANCES

– la monocouche de cellules endothéliales au contact du sang est non thrombogène : elle protège de l’activation des plaquettes. Elle régule négativement la coagulation et synthétise des protéines du système fibrinolytique. – le sous-endothélium est thrombogène : composé de macromolécules synthétisées par la cellule endothéliale sus-jacente (collagènes, microfibrilles, fibronectine, thrombospondine, facteur Willebrand, glycosaminoglycanes), il provoque l’adhésion des plaquettes. – les fibroblastes de l’adventice portent une protéine membranaire, le facteur tissulaire, qui active la coagulation.



Les plaquettes

Formées dans la moelle osseuse à partir du mégacaryocyte, ce sont des structures discoïdes, anucléées. Leur durée de vie est de 8 à 10 jours. Après leur mort, elles sont phagocytées par les macrophages essentiellement de la rate, du foie, de la moelle osseuse (voir p. 190). Des granules sont présents dans le cytoplasme des plaquettes. Leur contenu sera secrété via le système canaliculaire ouvert lors de l’activation. Les granules α contiennent de nombreuses protéines, spécifiques de la plaquette (facteur 4 plaquettaire, β-thromboglobuline) ou non (fibronectine, thrombospondine, fibrinogène et autre facteurs de coagulation, facteur Willebrand, facteurs de croissance, inhibiteurs de la fibrinolyse, immunoglobulines). Les granules denses contiennent de l’ADP, du calcium et de la sérotonine

La membrane des plaquettes est formée d’une bicouche de phospholipides dans laquelle sont insérés des récepteurs pour un certain nombre de molécules (ADP, collagène, thrombine…).



Le facteur Willebrand (FW) et le fibrinogène

Ces deux protéines sont présentes à la fois dans le plasma et les granules α des plaquettes. Le FW est également présent dans la matrice sous-endothéliale, où il a la conformation nécessaire à sa fixation sur la plaquette, ce qui n’est pas le cas pour le FW circulant. Le FW joue un rôle déterminant dans l’adhésion des plaquettes à la brèche vasculaire et le fibrinogène dans l’agrégation des plaquettes entre elles.



Les étapes

La lésion vasculaire entraîne une vasoconstriction temporaire et met en contact le sang avec les structures du sous-endothélium : les plaquettes vont s’arrêter pour boucher la brèche vasculaire, avec une succession très rapide d’événements (Fig. 23.1).



Adhésion

Le FW du sous-endothélium sert de colle entre le vaisseau lésé et la plaquette à laquelle il se fixe par l’intermédiaire d’une glycoprotéine membranaire : la glycoprotéine Ib (GPIb). Les plaquettes peuvent également se fixer directement au collagène du sous-endothélium par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques.



Activation

L’adhésion des plaquettes au sous-endothélium déclenche des signaux intracellulaires qui aboutissent à une série de réponses : 298 ◗



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PHYSIOLOGIE DE L’HÉMOSTASE

– changement de forme : les plaquettes deviennent sphériques et forment des pseudopodes. Les granules se regroupent et leurs membranes fusionnent avec celles du système canaliculaire ouvert; – sécrétion rapide du contenu des granules : les granules denses libèrent l’ADP et la sérotonine (pro-agrégants, les granules α libèrent des protéines qui vont participer à l’agrégation des plaquettes (ex. : fibrinogène), ou à l’activation de la coagulation (ex. : facteur V); – métabolisme des prostaglandines : une phospholipase libère l’acide arachidonique des phospholipides membranaires. La cyclo-oxygénase (Cox) et la thromboxane synthase interviennent successivement et transforment l’acide arachidonique en thromboxane A2 (TxA2), puissant agent pro-agrégant et vasoconstricteur ; Dans la cellule endothéliale, la thromboxane synthase n’existe pas. Elle est remplacée par une PGI2 synthase : l’activation conduit à la formation, non pas de TxA2, mais de prostacycline (PGI2), un puissant anti-agrégant. L’aspirine peut bloquer la Cox de la cellule endothéliale et diminuer la production de PGI2, ce qui limite son effet antithrombotique, mais seulement à dose élevée : c’est pourquoi l’aspirine est utilisée à faible dose pour la prévention des accidents thrombotiques.

– remaniement des phospholipides membranaires : les phospholipides acides (phosphatidylsérine) présents dans le feuillet interne de la membrane de la cellule au repos sont transportés en surface lorsque la cellule est activée. Ils sont essentiels au processus de coagulation. ➤Fig 23.1. Adhésion, activation et agrégation des plaquettes. ➤ Les plaquettes reconnaissent dans le sousendothélium des protéines adhésives pour lesquelles elles ont des récepteurs (ex. : GPIb/ facteur Willebrand). L’adhésion déclenche des signaux intra-cellulaires qui provoquent le changement de forme, la sécrétion d’ADP, la synthèse de thromboxane A2 (TxA2) et l’activation de l’intégrine αIIb β3. Celle-ci devient capable de fixer le fibrinogène et les plaquettes s’agrègent entre elles. Enfin, un remaniement de la membrane plaquettaire entraîne l’exposition de phospholipides procoagulants en surface.



Recrutement des plaquettes

Les produits secrétés (ADP, sérotonine), ou formés (TxA2) lors de l’activation des plaquettes, ont leurs propres récepteurs spécifiques à la surface des plaquettes : ils se fixent sur les plaquettes qui passent à proximité et les recrutent, amplifiant le processus d’activation pla◗

◗ Les conséquences de l’activation sont : changement de forme, sécrétion, activation de la voie des prostaglandines, exposition des phospholipides acides, recrutement et activation de nouvelles plaquettes.

L’aspirine est un inhibiteur de la cyclo-oxygénase (Cox) : elle prévient l’activation des plaquettes en bloquant la production de TxA2 : c’est un antiagrégant plaquettaire.

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CONNAISSANCES

◗ L’identification des récepteurs et de leurs mécanismes d’action a permis de proposer des médicaments antiagrégants, dont les cibles sont diverses : – aspirine (inhibiteur de la cyclo-oxygénase), – ticlopidine et Clopidogrel (inhibiteurs de l’activation par l’ADP), – abciximab ou ReoPro (anticorps antiαIIbβ3 inhibiteur de la liaison du fibrinogène à αIIbβ3).

quettaire. De plus, la thrombine, produite au terme des réactions de la coagulation qui se déroulent à la surface des plaquettes (cf. plus loin), est elle-même un puissant agent pro-agrégant, promoteur de l’accroissement du thrombus plaquettaire.



Agrégation des plaquettes

Lorsque les plaquettes sont activées, l’intégrine αIIbβ3 (ou GPIIb-IIIa) adopte une conformation qui lui permet de reconnaître et de fixer le fibrinogène. Celui-ci est une protéine dimérique, qui possède plusieurs sites de reconnaissance pour αIIbβ3 activée. Ces interactions vont permettre d’accrocher les plaquettes les unes aux autres pour former un agrégat de plaquettes.

◗ LA COAGULATION PLASMATIQUE

La coagulation plasmatique est la succession de réactions enzymatiques qui aboutissent à la formation du réseau de fibrine qui enserre l’amas de plaquettes fixées sur la brèche vasculaire.



Les protéines de la coagulation

Elles incluent les facteurs de coagulation et les inhibiteurs physiologiques de la coagulation. Une protéine membranaire présente dans la tunique externe du vaisseau, le facteur tissulaire, est l’élément déclenchant le processus de coagulation quand une lésion vasculaire l’amène au contact du sang. – Les 12 facteurs de coagulation sont, pour la majorité, désignés par des chiffres romains. Ex : prothrombine = Facteur II (F. II). Une fois activés, les facteurs de coagulation portent leur nom suivi du suffixe « a ». Ex : Facteur Xa (F. Xa) désigne le facteur X activé. Ils sont regroupés en différentes catégories, selon leur structure et leur fonction (tableau 23.I). • Les F. II, VII, IX, et X d’une part, les F. XI, XII et la prékallikréine d’autre part, sont les zymogènes de sérine protéases, enzymes protéolytiques. • Le F. XIII est le zymogène d’une transglutaminase, enzyme établissant des liaisons covalentes entre deux protéines. • Le F. V, le F. VIII (facteur anti-hémophilique A) et le kininogène de haut poids moléculaire n’ont pas d’activité enzymatique mais jouent le rôle de cofacteur. Pour acquérir cette fonction, les F. V et VIII doivent être au préalable activés par protéolyse. • Le fibrinogène est le substrat final des réactions de coagulation : protéine soluble, il est transformé en fibrine insoluble par la thrombine. – Les inhibiteurs physiologiques de la coagulation appartiennent à 3 familles. • Les inhibiteurs de sérine protéases ou serpines forment des complexes irréversibles avec leur(s) enzyme(s) cible(s). Elles 300 ◗



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PHYSIOLOGIE DE L’HÉMOSTASE

incluent l’antithrombine (AT), le cofacteur II de l’héparine (HCII), et plus accessoirement l’α1-antitrypsine et le C1-inhibiteur. L’AT et le HCII ont la particularité de posséder dans leur région N-terminale des structures qui leur permettent de se fixer sur certains glycosaminoglycanes, qui accélèrent considérablement leur interaction avec leur(s) enzyme(s) cible(s). • Le système de la protéine C fait intervenir deux récepteurs membranaires (thrombomoduline et EPCR) et deux protéines plasmatiques, la protéine C (zymogène d’une sérine protéase) et la protéine S (son cofacteur). Il régule la coagulation par protéolyse. • Le tissue factor pathway inhibitor (TFPI) appartient à la famille des inhibiteurs de type Kunitz, c’est-à-dire des inhibiteurs qui se présentent comme de faux substrats vis-à-vis de leurs enzymes cibles. Il se fixe aux glycosaminoglycanes de la paroi vasculaire. – Le facteur tissulaire (FT) n’est pas une protéine plasmatique mais une protéine membranaire, synthétisée de façon constitutive par les fibroblastes présents dans la tunique externe (adventice) des vaisseaux. Il est distribué de façon très particulière, formant une enveloppe hémostatique autour de l’arbre vasculaire, séparé du sang par l’endothélium mais prêt à intervenir en cas de lésion du vaisseau. Inséré dans la bicouche lipidique des membranes des cellules qui l’expriment, le FT est à la fois l’initiateur de l’activation de la coagulation sanguine et un vrai récepteur. La fixation du facteur VII sur le FT et son activation déclenchent des signaux intracellulaires et des réponses qui participent au remodelage de la paroi vasculaire.



Synthèse des protéines de la coagulation

Toutes les protéines plasmatiques de la coagulation sont synthétisées dans l’hépatocyte avant d’être secrétées dans la circulation, à l’exception du TFPI, produit par l’endothélium vasculaire. Le foie joue donc un rôle clé dans le maintien d’une hémostase normale. Toutefois, certaines des protéines de la coagulation ne sont pas exclusivement produites par le foie, mais aussi par d’autres organes : c’est le cas pour le F. VIII, produit également par la rate et le poumon, et pour la protéine S, produite également par l’endothélium vasculaire. Immédiatement après sa sécrétion dans la circulation, le F. VIII se lie au FW qui le protège de la dégradation. Les protéines vitamine K-dépendantes (F. II, VII, IX et X, protéines C et S) subissent dans l’hépatocyte les modifications post-traductionnelles qui sont indispensables à l’acquisition de leur activité fonctionnelle. La vitamine K est une vitamine liposoluble apportée par l’alimentation (vitamine K1), en particulier par certains légumes verts (chou, brocolis, épinards), le thé vert, le foie. Elle est également synthétisée par la flore microbienne intestinale (vitamine K2). Absorbée dans l’intestin grêle, elle gagne l’hépatocyte où elle subit dans les microsomes un cycle d’oxydation réduction. La forme réduite de la vitamine K (naphtohydroquinone) sert de cofacteur à une carboxylase qui transforme 9 à 12 résidus acide glutamique (Glu) en acide γ carboxyglutamique (Gla) dans la région N-terminale des protéines vitamine-K dépendantes. Celles-ci peuvent alors se fixer aux phospholipides acides des membranes cellulaires en présence de Ca2+.

301 ◗

23



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CONNAISSANCES

Tableau Tableau 8.I. 23.I.

Principales caractéristiques des protéines de la coagulation.

Masse moléculaire (kDa)

Fonction

Concentration plasmatique (mg/L)

Demi-vie plasmatique (h)

340 72 330 50 330 59 57 160 80 320 85 100

Substrat Zymogène Cofacteur Zymogène Cofacteur Zymogène Zymogène Zymogène Zymogène Zymogène Zymogène Cofacteur

2-4 x 103 100-150 5-10 0,35-0,6 0,1-0,2 7-17 3-5 3-6 30-40 20-30 25-50 60-90

120 80 24 6 12 48 24 60 60 240 35 150

65 62 70 65 42

Serpine Zymogène Cofacteur Serpine Inhibiteur de type Kunitz

180-300 2,7-6 25 60-110 0,1

60 6 ND 60 ND

Facteurs de coagulation I (fibrinogène) II (prothrombine)* V VII* VIII (f. antihémophilique A) X* IX (f. antihémophilique B)* XI XII XIII (f. stabilisant de la fibrine) Prékallikréine Kininogène de haut poids moléculaire Inhibiteurs de la coagulation Antithrombine Protéine C* Protéine S* HC II TFPI (Inhibiteur du facteur tissulaire)

Tous les zymogènes sont des précurseurs de sérine protéases sauf le F. XIII (zymogène d’une transglutaminase). * : Synthèse vitamine K-dépendante.

Les antagonistes de la vitamine K (AVK), médicaments utilisés pour la prévention des thromboses ou de leur extension, bloquent le cycle d’oxydation-réduction de la vitamine K et empêchent donc la carboxylation : les facteurs vitamine K-dépendants ne se fixent plus aux phospholipides membranaires et ne sont donc plus fonctionnels. Les complexes enzymatiques de la coagulation Les réactions de la coagulation sont caractérisées par la formation de complexes enzymatiques amarrés sur des surfaces, que l’on retrouve à toutes les étapes. En solution, les enzymes de la coagulation ont une faible affinité pour leur substrat. Les réactions deviennent plus rapides si l’enzyme et le substrat sont fixés sur une surface phospholipidique et atteignent leur vitesse optimale grâce à des interactions protéine-protéine : un cofacteur protéique se lie d’une part aux phospholipides membranaires et d’autre part à la fois à l’enzyme et à son substrat. Par exemple, le F. Va interagit avec les phospholipides, le F. Xa et le F. II pour que la protéolyse du F. II par le F. Xa soit rapide (fig. 23.2). Par ailleurs, le complexe d’activation protège les enzymes de leur inhibiteur naturel, l’antithrombine, qui ne pourra interagir avec les enzymes que lorsque celles-ci diffuseront à distance de la surface phospholipidique.



Les différentes étapes de la coagulation



Initiation de la coagulation par le facteur tissulaire (FT)

Lors d’une lésion vasculaire, le FT présent dans l’adventice fixe à la fois le F. VII et les traces de F. VIIa du sang circulant, avec autoactivation immédiate du F. VII (Fig. 23.2). Le complexe binaire FT/VIIa active ensuite simultanément les F. IX et X fixés sur les surfaces membranaires, initiant ainsi la voie exogène de la coagulation. 302 ◗



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PHYSIOLOGIE DE L’HÉMOSTASE

➤Fig. 23.2. Cascade des réactions enzymatiques de la coagulation. ➤

La série de réactions fait intervenir des enzymes ( ), des zymogènes ( ) et des cofacteurs ( ) et se déroule à la surface des plaquettes activées. L’exposition de facteur tissulaire (FT) au contact du sang permet l’activation du F. VII, initiant la voie exogène de la coagulation. Le complexe FT. VIIa active simultanément le F. IX et le F.X. Le F. Xa lui-même renforce l’activation du F.X. À son tour, le F. Xa transforme la prothrombine (F. II) en thrombine. La thrombine transforme le fibrinogène en fibrine et active le F. XIII, qui stabilise le caillot. La thrombine amplifie sa propre production en recrutant de nouvelles plaquettes, et activant les cofacteurs V et VIII, et le F. XI. Une voie accessoire de la coagulation (voie endogène) fait intervenir les facteurs de la phase contact : Prékallikréine (PK), facteur XII et kininogène de haut poids moléculaire (KHPM). L’activation du F. XII entraîne l’activation du F. XI qui elle-même renforce la production de thrombine.

Les monocytes sanguins ou les cellules endothéliales n’expriment pas normalement le FT. Néanmoins, dans des conditions pathologiques, la synthèse du FT peut être induite dans ces cellules, en particulier sous l’effet de cytokines pro-inflammatoires ou du lipopolysaccharide. Dans ces conditions, ces cellules peuvent initier la coagulation (voir p. 332).



Formation de la thrombine et amplification du processus

Les F. IXa et Xa activent leurs substrats respectifs (F. X et F. II) à la surface des membranes des plaquettes activées. Au terme de cet enchaînement de réactions, les premières molécules de thrombine sont formées (Fig. 23.2). La thrombine amplifie immédiatement sa propre formation : – elle stimule les plaquettes qui passent à proximité, provoquant le recrutement et l’activation de nouvelles plaquettes, et l’accroissement du thrombus plaquettaire avec une exposition plus grande de phospholipides acides membranaires, c’est-à-dire de surfaces catalytiques; – elle active les cofacteurs VIII et V, leur permettant de remplir leur 303 ◗

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CONNAISSANCES

fonction : le F. VIIIa accélère l’activation du F. X par le F. IXa; le F. Va accélère l’activation du F. II par le F. Xa; – elle active le F. XI, renforçant les réactions qui mènent à sa propre production; – la thrombine peut aussi activer d’autres types cellulaires que les plaquettes, en particulier les leucocytes et les cellules vasculaires. Elle participe ainsi aux événements qui suivent une lésion vasculaire : réaction inflammatoire, remodelage vasculaire et cicatrisation.



Activation du facteur XI et phase contact

Le F. XI n’est pas seulement activé de façon rétroactive par la thrombine mais peut l’être par le contact de protéines plasmatiques (F. XII, prékallikréine ou PK, kininogène de haut poids moléculaire ou KHPM) avec le sous-endothélium. La séquence des événements est la suivante (Fig. 23.2) : – – – –

le la la le

F. XII et le KHPM (et par son intermédiaire, la PK et le F. XI) se fixent au sous-endothélium, PK est alors transformée en kallikréine par une protéase de la paroi vasculaire, kallikréine active à son tour le F. XII qui lui même active le F. XI, F. XIIa amplifie le processus en activant de façon rétroactive la PK.

Le rôle de cette voie d’activation de la coagulation (appelée voie endogène) est mineur, et les déficits même sévères en F. XII, PK ou KHPM n’entraînent pas d’augmentation du risque hémorragique. En revanche, la kallikréine active 3 autres systèmes. – Elle clive le KHPM libérant un peptide vasoactif puissant : la bradykinine, qui entraîne hypotension, bronchoconstriction et augmentation de la perméabilité vasculaire. – Elle active la pro-urokinase (scuPA) fixée sur son récepteur (uPAR), produisant l’urokinase (tcuPA) qui transforme le plasminogène en plasmine, une enzyme fibrinolytique. – Elle active le système du complément, activé également directement par le F. XIIa.



Formation du caillot de fibrine

Lorsque la concentration de thrombine formée atteint un certain seuil, la thrombine convertit le fibrinogène soluble en fibrine insoluble. La fibrine forme une solide enveloppe autour de l’agrégat de plaquettes pour réaliser le caillot. Le fibrinogène est constitué de 3 paires de chaînes Aα, Bβ et γ. La thrombine clive l’extrémité N-terminale des chaînes Aα et Bβ et sépare ainsi les fibrinopeptides A et B des monomères de fibrine. Les nouvelles séquences N-terminales des chaînes α et β des monomères de fibrine s’apparient avec des séquences complémentaires sur les chaînes γ et β d’un monomère voisin : un polymère instable de fibrine se forme. Il va être stabilisé par le F. XIIIa. L’activation du F. XIII est réalisée par la thrombine et régulée par la présence de calcium et de fibrine qui sert de cofacteur. Le F. XIIIa est une transglutaminase qui stabilise le caillot en créant des liaisons covalentes entre les monomères de fibrine adjacents. Le F. XIIIa pourrait intervenir aussi en amarrant le caillot de fibrine à des protéines du sous-endothélium comme la fibronectine et pourrait aussi, en liant l’α2antiplasmine à la fibrine, retarder la destruction du caillot par la plasmine jusqu’à réparation des tissus.

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PHYSIOLOGIE DE L’HÉMOSTASE

◗ RÉGULATION NÉGATIVE DE L’HÉMOSTASE

L’extension des réactions de l’hémostase à distance de la brèche vasculaire est limitée, d’une part, par le flux sanguin, qui permet la dilution des enzymes de la coagulation, d’autre part, par différents systèmes d’inhibiteurs physiologiques, qui sont tous sous le contrôle de la cellule endothéliale.



Contrôle de l’activation des plaquettes

Produit du métabolisme des prostaglandines, la prostacycline (PGI2) est formée par la cellule endothéliale et sa formation augmente lorsque cette cellule est stimulée. Le monoxyde d’azote (NO) est synthétisé à partir de la L-arginine sous l’action de la NO synthase (NOS) présente dans la cellule endothéliale. La PGI2 et le NO diffusent dans la lumière vasculaire où ils inhibent l’adhésion, l’activation et l’agrégation des plaquettes, ainsi que l’adhésion des leucocytes aux cellules endothéliales. Une ecto-ADPase présente à la surface des cellules endothéliales dégrade l’ADP en AMP, limitant le recrutement de plaquettes.

Contrôle de la coagulation plasmatique



Les serpines

(Fig 23.3)

Un rôle majeur est joué par l’antithrombine (AT), alors que le HCII, l’α1-antitrypsine et le C1-inhibiteur, qui sont capables d’inhiber certaines des enzymes de la coagulation, semblent d’une bien moindre importance in vivo. Les enzymes de la coagulation échappent au contrôle de l’AT tant qu’elles sont liées aux phospholipides de la membrane plaquettaire, mais sont accessibles quand elles diffusent vers la phase liquide et plus encore vers la paroi vasculaire. La liaison de l’AT aux héparane-sulfates de la paroi vasculaire entraîne un changement de conformation de l’inhibiteur, lui permettant d’inhiber rapidement la thrombine, et les F. Xa, IXa, XIa, XIIa. L’AT n’inhibe pas le F. VIIa de façon efficace. Le complexe enzyme-AT est covalent, donc très stable : l’inhibition est irréversible. Une fois formé, le complexe se détache de l’héparane-sulfate et va se fixer sur un récepteur de l’hépatocyte pour être internalisé. L’héparane-sulfate est alors à nouveau disponible pour fixer l’AT. L’héparine est un glycosaminoglycane acide, composé d’une famille de chaînes polysaccharidiques de tailles et de structures différentes. Certaines de ces chaînes portent un motif particulier (5 résidus = pentasaccharide) qui va se lier à des domaines spécifiques de l’AT. Cette liaison entraîne l’exposition de la boucle réactive de l’AT facilitant la reconnaissance des enzymes cibles. Après clivage, la boucle s’insère à l’intérieur de l’AT et l’enzyme est piégée de façon irréversible. L’inactivation de la thrombine et du F. Xa par l’AT se fait par des mécanismes un peu différents. L’héparine doit se lier à la fois à l’AT et à la thrombine pour que l’inactivation soit efficace alors que seule l’interaction héparine/AT est nécessaire dans le cas du F. Xa.



◗ Cette propriété de l’AT de se lier aux héparane-sulfates pour inhiber de façon immédiate les sérine protéases est la base du traitement anticoagulant par un analogue : l’héparine.



305 ◗

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CONNAISSANCES

Des héparines à courtes chaînes (héparine de bas poids moléculaire ou HBPM), comportant le pentasaccharide, ont été produites : elles catalysent l’interaction AT-F. Xa, mais incapables de se lier à la thrombine, elles n’ont pas ou peu d’activité anti-thrombine. D’administration plus facile du fait de leur pharmacocinétique, elles sont au moins aussi efficaces que les héparines standards pour la prévention des thromboses ou de leur extension. ➤Figure 23.3. Régulation de la coagulation. ➤

La coagulation est régulée par 3 principaux systèmes : 1) L’antithrombine (AT) se fixe aux héparane-sulfates de la paroi vasculaire et inhibe la thrombine, les F. Xa, IXa, XIa et XIIa lorsqu’ils diffusent à distance de l’amas plaquettaire. Elle forme avec ces enzymes des complexes irréversibles. 2) La protéine C activée (PCa), à l’aide de son cofacteur : la protéine S (PS) exerce son effet anticoagulant en inactivant par protéolyse les cofacteurs Va et VIIIa. L’activation de la Protéine C (PC) est régulée par la thrombomoduline (TM) : ce récepteur fixe la thrombine (IIa) et la transforme en activateur de la PC; un 2 e récepteur, l’EPCR, fixe la PC et accélère son activation par le complexe IIa-TM. 3) La voie du facteur tissulaire est régulée par le TFPI. Le TFPI fixé sur les glycosaminoglycanes (GAGs) de la paroi vasculaire forme un premier complexe avec le facteur Xa. Il se forme ensuite un complexe quaternaire Xa -TFPIVIIa-FT qui inhibe le facteur VIIa et bloque l’activité du facteur tissulaire.



Le système de la protéine C

La protéine C est une protéine plasmatique dont l’activation est régulée par un récepteur membranaire de la cellule endothéliale : la thrombomoduline (TM). La TM est présente en grande quantité dans la microcirculation. En se fixant à la TM, la thrombine perd ses propriétés procoagulantes et acquiert des propriétés anticoagulantes : elle devient incapable de coaguler le fibrinogène et d’activer les cofacteurs V et VIII ou les plaquettes, mais devient capable d’activer la protéine C (Fig. 23.3). Un second récepteur (EPCR, pour endothelial protein C receptor) dont la densité est très élevée dans les gros 306 ◗



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PHYSIOLOGIE DE L’HÉMOSTASE

vaisseaux (aorte) fixe la protéine C et accélère son activation par le complexe thrombine/TM. Son rôle pourrait être de concentrer la protéine C sur des sites où la TM est peu présente (gros vaisseaux). La protéine C activée (PCa) est une sérine protéase. Son cofacteur, la protéine S, favorise sa fixation sur les phospholipides acides des membranes cellulaires, lui permettant d’inactiver par protéolyse les F. Va et VIIIa. Les complexes d’activation des F. II et X ne peuvent plus se former efficacement, puisque les cofacteurs Va et VIIIa ne sont plus actifs, et la cinétique de production de la thrombine devient très lente. La protéine S circule dans le sang liée en partie à une protéine du système du complément, la C4b binding protein (C4bBp). Seule la protéine S libre (soit environ 40% de la protéine S totale) a une activité cofacteur.



Le TFPI (Tissue Factor Pathway Inhibitor)

La voie du facteur tissulaire (FT) est régulée par un inhibiteur plasmatique produit par la cellule endothéliale, le TFPI (Fig. 23.3). Le TFPI est présent à la fois dans le sang circulant et fixé sur les glycosaminoglycanes de la paroi vasculaire. Le TFPI forme d’abord un complexe binaire avec le F. Xa, puis ce complexe va se fixer sur le F. VIIa, lui-même lié au FT. Le complexe quaternaire Xa-TFPI-VIIa-FT bloque l’activité du FT.

◗ LA FIBRINOLYSE

– Le PAI-1, une serpine produite par de nombreuses cellules (cellules endothéliales, monocytes, hépatocytes, fibroblastes, adipocytes, mégacaryocytes), est présente dans le plasma et les plaquettes. Le taux plasmatique de PAI-1 est élevé pendant la grossesse, dans l’inflammation et dans le diabète non-insulino-dépendant. Le rôle du PAI-1 est de prévenir toute activation du système de la fibrinolyse en inactivant le tPA et l’uPA. ◗

◗ L’activation du plasminogène par le tPA dans le sang permet la fibrinolyse, alors que l’activation du plasminogène par l’uPA dans la paroi permet le remodelage vasculaire.

La fibrinolyse est le processus qui entraîne la dissolution progressive de la fibrine formée au niveau de la brèche vasculaire. Ce processus fait intervenir le plasminogène, synthétisé dans le foie et présent dans le plasma. Sous l’influence d’activateurs, le plasminogène (zymogène) se transforme en une sérine protéase, la plasmine, qui scinde la fibrine en produits de dégradation solubles (fig. 23.4). Les cellules endothéliales synthétisent l’activateur tissulaire du plasminogène (tPA) et son inhibiteur, le PAI-1 (plasminogen activator inhibitor de type 1). Dans le plasma, le PAI-1 est en excès par rapport à son enzyme cible, le tPA et ce dernier, complexé au PAI-1, est inactif. En revanche, si un thrombus se forme, le tPA, qui a une affinité très importante pour la fibrine, se fixe préférentiellement sur celle-ci, échappant à l’inhibition par le PAI-1. Parallèlement, le plasminogène, dont l’affinité pour la fibrine est aussi très élevée, se fixe sur la fibrine, et le tPA fixé à proximité transforme le plasminogène en plasmine de façon efficace. Ceci permet donc de localiser la fibrinolyse sur le caillot de fibrine, là où elle est nécessaire. Dans la paroi vasculaire, un autre activateur, l’urokinase (uPA), transforme le plasminogène en plasmine qui intervient alors dans les processus de dégradation de la matrice extracellulaire en activant des métalloprotéases. Le système fibrinolytique est régulé par plusieurs inhibiteurs. Les principaux sont les suivants :

307 ◗

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CONNAISSANCES

– L’α2-antiplasmine, une serpine synthétisée par le foie, inhibe très rapidement la plasmine en circulation. – Le TAFI (thrombin activatable fibrinolysis inhibitor) ou procarboxypeptidase B est synthétisé dans l’hépatocyte. Présent dans le plasma, il est transformé par le complexe thrombine-thrombomoduline (et à un moindre degré par la plasmine) en carboxypeptidase B. Son rôle est de ralentir la fibrinolyse en éliminant les sites qui permettent à la fibrine d’être reconnue par le plasminogène ou la plasmine (résidus lysine). ➤Fig. 23.4. La fibrinolyse. ➤ La cellule endothéliale produit l’activateur tissulaire du plasminogène (tPA) et son inhibiteur, le PAI-1. Lorsqu’un thrombus se forme dans la circulation, le tPA se fixe préférentiellement sur la fibrine. Le plasminogène circulant (Pg) se fixe également sur la fibrine, où le tPA le transforme en plasmine, une enzyme protéolytique qui dégrade la fibrine en produits solubles.

Résumé Points clés L’hémostase un phénomène localisé : le vaisseau (source entre autres de facteur tissulaire), les plaquettes sanguines et des protéines plasmatiques concourent, dans un enchaînement de réactions, à la formation d’un caillot hémostatique fait de plaquettes agrégées, fixées sur une brèche vasculaire et enserrées dans un réseau de fibrine. C’est un phénomène auto-régulé : – auto-amplification : chaque métabolite produit ou protéine secrétée ou activée agit en amont pour accélérer le processus d’activation ; – auto-limitation : l’endothélium vasculaire, de chaque côté de la brèche vasculaire, contrôle les réactions d’activation pour qu’elles ne diffusent pas à distance, en régulant l’activité d’inhibiteurs physiologiques. Le réseau de fibrine formé permet au processus de cicatrisation de prendre place. Parallèlement, la fibrinolyse s’enclenche pour éliminer les dépôts fibrineux devenus inutiles. L’équilibre entre activation et limitation de l’hémostase est fondamental. La rupture a pour conséquence une augmentation du risque hémorragique si les mécanismes d’activation font défaut, et à l’inverse, une augmentation du risque de thrombose si l’inactivation fonctionne mal.

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Exploration de l’hémostase CNEM

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◗ EXPLORATION DE L’HÉMOSTASE PRIMAIRE ◗ EXPLORATION DE LA COAGULATION PLASMATIQUE ◗ EXPLORATION DE LA FIBRINOLYSE ◗ ORIENTATION DU DIAGNOSTIC DEVANT UNE ANOMALIE DU BILAN D’HÉMOSTASE

Introduction ◗ L’exploration de l’hémostase est nécessaire pour apprécier un risque hémorragique ou un risque de thrombose. ◗ L’évaluation du risque hémorragique avant une intervention chirurgicale, ou la recherche de l’origine d’un symptôme hémorragique, ou encore l’appréciation du retentissement d’une pathologie (maladies hépatiques, maladies auto-immunes…) sont facilitées par l’existence de tests de dépistage qui font partie des examens de première intention : numération des plaquettes, temps de céphaline + activateur (TCA) et temps de Quick (TQ), et, dans des indications bien précises, mesure du temps de saignement (TS). En fonction des résultats obtenus et du contexte clinique, des tests complémentaires et/ou des dosages spécifiques sont réalisés. ◗ Dans le cadre de l’appréciation du risque de thrombose, l’absence de moyen d’évaluation globale complique l’approche et oblige au dosage spécifique des protéines plasmatiques impliquées dans la régulation de la coagulation ou même, d’emblée, à la recherche des anomalies génétiques associées à un risque élevé de thrombose.

◗ EXPLORATION DE L’HÉMOSTASE PRIMAIRE ◗

Numération des plaquettes

Elle se fait, comme indiqué au chapitre 2, à l’aide de compteurs globulaires automatiques. Le nombre normal est de 150 à 500 Giga/litre (G/L), ou en unités traditionnelles, encore très utilisées en France, de 150000 à 500000/mm3.



Temps de saignement

Le temps de saignement (TS) permet une exploration globale de l’hémostase primaire in vivo, nécessaire au diagnostic étiologique des syndromes hémorragiques. Il correspond au temps qui s’écoule entre la réalisation d’une petite plaie cutanée superficielle et le moment où le saignement provoqué s’arrête. CNEM : item 339 « Troubles de l’hémostase et de la coagulation ».

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CONNAISSANCES

◗ Le TS est fonction à la fois de la qualité de la paroi vasculaire, du nombre et de la qualité des plaquettes, et de la concentration plasmatique de facteur Willebrand et de fibrinogène. Le TS est également influencé par les conditions rhéologiques, elles-même dépendantes du nombre de globules rouges.

La méthode utilisée (méthode d’Ivy-incision, normale < 10 minutes), consiste à faire, avec un dispositif standardisé à usage unique, une incision horizontale de 5 mm de longueur et 1 mm de profondeur à la face antérieure du tiers supérieur de l’avant-bras, sous une pression de 4 cm de Hg maintenue à l’aide d’un brassard à tension. Le temps nécessaire à l’arrêt du saignement est mesuré. Cette technique très sensible a l’inconvénient de laisser parfois de petites cicatrices. Le TS explore les différentes phases de l’hémostase primaire, c’est-àdire l’adhésion des plaquettes au sous-endothélium en présence de facteur Willebrand, l’activation des plaquettes par leurs agonistes physiologiques, la sécrétion du contenu de leurs granules et, enfin, leur agrégation en présence de fibrinogène.



Étude des fonctions plaquettaires

L’étude des fonctions plaquettaires peut être réalisée de façon simple et rapide in vitro sur un tube de sang à l’aide d’un appareil, le PFA 100R (platelet function analyzer). Le test consiste à mesurer le temps d’adhésion et d’agrégation des plaquettes sur une membrane recouverte de collagène (en présence d’adrénaline ou d’ADP) dans des conditions de flux standardisées. Ce test, très sensible, tend à remplacer la mesure du TS, mais il est inutilisable en cas de thrombopénie. Si le TS, ou le temps d’occlusion du PFA, sont anormaux, en l’absence de thrombopénie, ou de prise de médicaments anti-agrégants, chacune des fonctions des plaquettes peut être étudiée in vitro de façon spécifique. Ces examens ne sont réalisés que dans des laboratoires spécialisés

◗ EXPLORATION DE LA COAGULATION PLASMATIQUE

Les tests de coagulation consistent à mesurer la vitesse de formation d’un caillot de fibrine dans différentes conditions, à l’aide d’automates qui permettent une bonne standardisation.



Le temps de céphaline + activateur (TCA)

Le TCA mesure le temps de coagulation à 37 ˚C d’un plasma en présence de phospholipides (céphaline), d’un activateur de la phase contact (kaolin, acide ellagique, célite ou autre) et de calcium. Le temps de coagulation mesuré est exprimé par rapport au temps d’un plasma témoin, dont la valeur moyenne varie entre 30 et 40 secondes selon les réactifs utilisés. Le TCA est allongé lorsqu’il dépasse de 6 à 8 secondes le temps du témoin, mais la frontière n’est pas stricte. Le résultat peut aussi être exprimé en ratio : temps du malade/temps du témoin. Le TCA (fig. 24.1) explore la voie de la coagulation déclenchée par le contact (voie dite « endogène ») et il est fonction de la concentration plasmatique de chacun des facteurs de coagulation impliqués : facteurs de la phase contact (F. XII, kininogène de haut poids moléculaire, prékallikréine), F. XI, IX, VIII, X, V, II et fibrinogène. Il n’explore pas le F. VII, ni les plaquettes (remplacées par la céphaline). 310 ◗



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EXPLORATION DE L’HÉMOSTASE



Le temps de Quick est le temps de coagulation à 37 ˚C d’un plasma en présence de thromboplastine (mélange de facteur tissulaire et de phospholipides) et de calcium. Le temps de coagulation du plasma du patient est comparé à celui d’un témoin, voisin de 12 secondes pour la plupart des réactifs. Le résultat est exprimé, en France, en pourcentage d’activité, en désignant ce pourcentage sous le nom de « taux de prothrombine » (TP), terme incorrect. Le pourcentage est calculé par référence à différentes dilutions du plasma témoin qui, par définition, correspond à 100% de la normale. Les valeurs inférieures à 70% sont considérées comme pathologiques. Un autre mode d’expression est exclusivement réservé à la surveillance des traitements anticoagulants par les antagonistes de la vitamine K : l’INR (International Normalized Ratio) correspond au rapport du temps de Quick du malade sur celui du témoin, élevé à la puissance ISI (International Sensitivity Index). Cet index définit la sensibilité du réactif utilisé. Dans les conditions de concentration de facteur tissulaire utilisées, le complexe FT-VIIa active exclusivement le F. X, les F. IX et VIII ne sont donc pas explorés par le temps de Quick (fig. 24.1).



Temps de thrombine et dosage du fibrinogène

Le temps de thrombine est la mesure du temps de coagulation d’un plasma après apport d’une quantité connue de thrombine. La vitesse de coagulation est fonction de la quantité et de la qualité du fibrinogène et de la présence, ou non, d’inhibiteurs de la fibrinoformation (héparine non fractionnée, produits de dégradation de la fibrine…). Les résultats sont exprimés en secondes, par référence à un témoin. Une variante de ce test, utilisant des concentrations élevées de thrombine, permet de mesurer la concentration plasmatique de fibrinogène, normalement comprise entre 2 et 4 g/L.



Temps de reptilase

La reptilase est une protéine de venin de serpent qui transforme le fibrinogène en fibrine mais, à la différence de la thrombine, elle est insensible à la présence d’héparine dans le plasma. Ce test permet donc d’identifier les allongements du temps de thrombine dus à la présence d’héparine dans le prélèvement.



◗ Le temps de Quick explore de façon globale les facteurs de coagulation de la voie exogène de la coagulation (F. VII, X, V, II et fibrinogène).

Le temps de Quick (TQ)

311 ◗

24

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CONNAISSANCES

➤Fig. 24.1. Facteurs de coagulation explorés par le temps de Quick et le temps de céphaline + activateur (TCA). ➤ La voie endogène et le tronc commun sont explorés par le TCA, la voie exogène et le tronc commun sont explorés par le temps de Quick.



Dosage spécifique des facteurs de coagulation

Les dosages des facteurs de coagulation ne sont effectués que si les tests de dépistage (TCA ou TQ) sont anormaux. Tous les facteurs de coagulation peuvent être dosés individuellement, avec un même principe de dosage biologique, quel que soit le facteur de coagulation considéré. On ajoute au plasma du malade, un plasma qui contient tous les facteurs sauf celui que l’on veut doser : le temps de coagulation sera fonction de la quantité de ce facteur dans le plasma à tester. Les résultats sont exprimés en% de la normale. Lorsqu’un déficit isolé en l’un des facteurs de coagulation est mis en évidence, l’exploration peut être complétée par un dosage immunologique de la protéine pour distinguer les déficits quantitatifs et qualitatifs.



Recherche d’un anticoagulant circulant (ACC)

Des anticorps appelés « anticoagulants circulants » (ACC) peuvent perturber les tests de coagulation. Leur mise en évidence repose sur un « test de correction » : l’examen anormal (TCA, TQ ou temps de thrombine) est répété sur un mélange à parties égales de plasma du malade et de plasma normal. Si l’anomalie est due à un déficit, l’apport de 50% de plasma normal suffit à corriger le déficit et le temps de coagulation redevient normal. S’il s’agit d’un ACC, celui-ci bloque la coagulation du plasma normal et le test n’est pas corrigé. L’ACC peut être dirigé contre un des facteurs de coagulation (le plus souvent contre le F. VIII) : le dosage spécifique du facteur en cause permet le diagnostic. L’ACC peut être dirigé contre les phospholipides procoagulants : des tests complémentaires, faisant varier la concentration de phospholipides ou la sensibilité aux phospholipides, permettent de les identifier. 312 ◗



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EXPLORATION DE L’HÉMOSTASE



Recherche d’un déficit en F. XIII

Le déficit en F. XIII ne modifie pas la vitesse de formation d’un caillot et ne peut donc pas être dépisté avec les tests décrits ci-dessus. Si un syndrome hémorragique reste inexpliqué, on demandera l’étude de la redissolution du caillot dans l’acide monochloracétique à 1% : un caillot non stabilisé par le FXIIIa se dissout en moins de 10 minutes.



Recherche d’une anomalie des phospholipides procoagulants plaquettaires

Les tests de coagulation décrits plus hauts n’explorent pas les plaquettes. Les anomalies (rares) d’exposition des phospholipides acides par les plaquettes lors de leur activation ne sont donc pas dépistées. Si un syndrome hémorragique reste inexpliqué, on demandera une mesure de la consommation de prothrombine. Le sang est recueilli dans un tube de verre sans anticoagulant (tube sec), et laissé à 37 ˚C où il coagule. Au bout de 4 heures, presque toute la prothrombine (F. II) est transformée en thrombine et il en reste moins de 5% dans le sérum. Si les plaquettes n’ont pas apporté assez de phospholipides procoagulants, le taux de prothrombine résiduelle est plus important.



Exploration des systèmes de régulation de la coagulation

L’exploration des systèmes de régulation de la coagulation permet de dépister des facteurs de risque de thrombose. Il n’existe actuellement pas de test satisfaisant permettant d’apprécier de façon globale le fonctionnement des inhibiteurs de la coagulation, et chaque protéine plasmatique doit être dosée séparément : antithrombine, protéine C, protéine S, etc. Dans un premier temps, seul le dosage fonctionnel est réalisé. S’il est anormal, le dosage immunologique précise si l’anomalie est quantitative ou qualitative. Par ailleurs, certains polymorphismes génétiques sont associés à une augmentation du risque de thrombose et peuvent être recherchés : ce sont essentiellement (i) la mutation G 1691 A de l’exon 10 du F. V (F. V Leiden) qui rend le F. Va résistant à la protéine C activée; (ii) la mutation G 20210 A dans la région 3’non codante du gène du F. II, associée à une augmentation de la concentration plasmatique du F. II. D’autres polymorphismes associés à des variations du taux des différents facteurs de coagulation (F. VII, F. XIII, etc.) ont été décrits : ils sont considérés soit comme « protecteurs », soit comme « facteurs de risque », selon le phénotype lié au polymorphisme.

◗ EXPLORATION DE LA FIBRINOLYSE ◗

Tests globaux

Le temps de lyse d’un caillot de sang total est très long (environ 72 h) et peu utilisé, car peu sensible. Le temps de lyse des euglobulines, plus sensible, consiste à évaluer l’activité fibrinolytique d’un plasma déplété en inhibiteurs par précipitation en milieu acide (pH 5,9). Le précipité d’euglobulines (facteurs de coagulation, plasminogène, t-PA, u-PA) est recalcifié, et le temps de lyse du caillot formé est ensuite mesuré. Il est normalement supérieur à 3 h, mais est accéléré lorsque la quantité de tPA circulant augmente. 313 ◗

24



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CONNAISSANCES



Tests analytiques

Le plasminogène, le t-PA, l’α2-antiplasmine, et le PAI-1 peuvent être mesurés spécifiquement (dosages biologiques ou immunologiques). La concentration plasmatique des produits de dégradation du fibrinogène ou de la fibrine est un reflet de l’activité fibrinolytique. Parmi ceux-ci, les D-dimères proviennent de la dégradation de la fibrine par la plasmine et sont donc le témoin d’un processus thrombotique évolutif. Le dosage des D-dimères a une excellente valeur prédictive négative (VPN) : lorsque leur concentration plasmatique est basse, la probabilité d’une thrombose veineuse profonde ou d’une embolie pulmonaire est très faible. En revanche, la valeur prédictive positive est mauvaise car le taux augmente dans de nombreuses situations (ex : âge, inflammation, chirurgie).

ORIENTATION DU DIAGNOSTIC DEVANT UNE ANOMALIE ◗ DU BILAN D’HÉMOSTASE Le diagnostic étiologique d’un syndrome hémorragique repose sur la présentation clinique (manifestations et contexte), les antécédents personnels et familiaux, et les premiers examens d’orientation : numération des plaquettes, mesure du temps de saignement (ou mesure rapide des fonctions plaquettaires sur sang total), TCA et temps de Quick. Les résultats permettent d’orienter les explorations complémentaires.



• Les thrombopénies (< 80000/mm3) s’accompagnent le plus souvent d’un allongement du TS (voir chap. 14). • L’association d’un allongement du TS à un nombre de plaquettes normal, et un TCA allongé évoque un déficit en FW (maladie de Willebrand). • Un allongement du TS avec nombre de plaquettes normal et TCA normal se voit au cours des thrombopathies (anomalie fonctionnelle des plaquettes). Avant toute exploration complémentaire, il faut avoir éliminé une prise médicamenteuse (antiagrégant plaquettaire de type aspirine, Ticlopidine, Clopidogrel) ou une anémie. Les thrombopathies peuvent être constitutionnelles ou acquises. • Les anomalies de la paroi vasculaire sont caractérisées par un allongement isolé du TS avec nombre de plaquettes normal et fonctions plaquettaires normales. La mesure du TS tend à être remplacée par la mesure rapide des fonctions plaquettaires en sang total (PFA100). L’allongement du temps d’occlusion a la même signification que l’allongement du TS. Toutefois, cette approche ne permet pas de dépister les anomalies des parois vasculaires



Allongement isolé du TCA

• Le prélévement sanguin peut contenir de l’héparine non fractionnée soit parce-que le malade en reçoit, soit parce que le prélévement a ◗

◗ Attention : toute baisse du taux d’hémoglobine, < 8 g/dL, peut entraîner un allongement du TS qui va disparaître après correction de l’anémie.

Allongement du temps de saignement

314 ◗

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EXPLORATION DE L’HÉMOSTASE

été contaminé ex vivo. Il suffit de demander un temps de reptilase et un temps de thrombine qui seront respectivement normal et allongé si le plasma contient de l’héparine. • Après avoir éliminé la présence d’héparine, le diagnostic se pose entre déficit isolés en un des facteurs de coagulation explorés par le TCA, ou présence d’un anticoagulant circulant (ACC). Si l’anomalie est liée à un déficit, le TCA du mélange de plasma normal et du plasma du patient est normal. Si l’anomalie est liée à la présence d’un ACC, le TCA du mélange reste anormalement long. • Les déficits isolés en F. VIII (hémophilie A), F. IX (hémophilie B) ou F. XI s’accompagnent de manifestations hémorragiques dont la gravité est liée à la sévérité du déficit. En revanche, les déficits en facteurs de la phase contact : (F. XII, prékallikréine, KHPM) n’entraînent jamais d’incidents hémorragiques, même lorsqu’ils sont sévères. • Les ACC sont de deux types : soit dirigés contre les phospholipides (ACC de type lupique), soit dirigés contre un facteur de coagulation. Les ACC anti-facteur VIII ou anti-facteur IX exposent à un risque hémorragique majeur contrairement aux anticoagulants de type anti-phospholipides qui s’accompagnent d’une augmentation du risque de thrombose. Conduite diagnostique devant un allongement isolé du TCA, après exclusion de la présence d’héparine dans le prélèvement.

Tableau 24.I.

Temps de céphaline + activateur (TCA) allongé et temps de Quick normal Test de correction du TCA par mélange plasma normal + plasma patient

TCA non corrigé

TCA corrigé

Tests de dépendance vis-à-vis des phospholipides

Dosages spécifiques des F. VIII, IX, XI, XII, PK, KHPM

Résultat positif

Résultat négatif

Dosage spécifique des F. VIII, IX, XI, XII, PK, KHPM

ACC spécifique d'un facteur de coagulation (ex. anti-VIII)

ACC de type lupique (antiphospholipides)

315 ◗

Déficit spécifique ou combiné

24



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CONNAISSANCES



Allongement isolé du temps de Quick

• Un temps de Quick allongé avec TCA normal indique un déficit isolé en F. VII, exceptionnellement constitutionnel, plus souvent observé au début d’un traitement par les antagonistes de la vitamine K (AVK) ou d’une hypovitaminose K. Cet effet précoce est du à la courte durée de vie du F. VII. • Une insuffisance cellulaire hépatique modérée entraîne des déficits modérés des facteurs de coagulation synthétisés dans le foie, avec un allongement du temps de Quick qui peut ne pas être accompagné d’un allongement du TCA, parce que ce test a une moindre sensibilité.



Allongement associé du TCA et du temps de Quick

• Un allongement associé du TCA et du temps de Quick s’observe dans les hypovitaminoses K et chez les sujets traités par les AVK au long cours : les taux de F. II, VII et X sont diminués, le taux de F. V est normal, le nombre des plaquettes est normal. • En cas d’insuffisance hépatocellulaire et en fonction de la sévérité de l’atteinte hépatique, les taux de F. II, VII, X et V diminuent et le déficit entraîne un allongement du temps de Quick, et à un moindre degré, du TCA. Le taux de fibrinogène est variable, comme le nombre de plaquettes. Le taux de F. VIII n’est pas diminué puisque la synthèse de cette protéine n’est pas majoritairement hépatocytaire. • Dans un contexte clinique particulier (septicémies, néoplasies, brûlures étendues, pathologie obstétricale, chirurgie), l’allongement du temps de Quick et du TCA peut traduire l’existence d’une CIVD (coagulation intravasculaire disséminée) : ce processus associe une thrombopénie, une diminution du taux de fibrinogène et des autres facteurs de coagulation consommés au cours du processus de coagulation, et la présence de produits de dégradation de la fibrine (D-dimères). Une hyperactivité fibrinolytique secondaire peut être observée, avec un raccourcissement du temps de lyse des euglobulines. • Les ACC de type antiphospholipides, déjà décrits plus haut, allongent simultanément le TCA et le temps de Quick, s’ils sont puissants. L’absence de correction du TCA par le plasma normal prouve la présence de l’inhibiteur. Un ACC dirigé spécifiquement contre le F. V, X ou II allongera également à la fois le TCA et le temps de Quick. • Les déficits isolés en fibrinogène, F. II, V ou X sont exceptionnels. • Les inhibiteurs de la fibrinoformation allongent le temps de thrombine, mais peuvent aussi, s’ils sont en concentration élevée, allonger le TCA et le temps de Quick : ce sont des inhibiteurs de la polymérisation de la fibrine (dysglobulinémies) ou des produits de dégradation de la fibrine (CIVD, fibrinolyse aiguë, traitements thrombolytiques).

316 ◗



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EXPLORATION DE L’HÉMOSTASE

Résumé Points clés Les examens d’hémostase destinés à rechercher un risque hémorragique sont, en première intention, la numération des plaquettes, le temps de céphaline + activateur (TCA) et le temps de Quick (TQ ou TP). L’exécution de ces examens à l’aide d’automates et la mise en place d’un contrôle de qualité garantissent une bonne reproductibilité des résultats entre les laboratoires. La mesure du temps de saignement (TS) n’a d’intérêt que lorsqu’il existe des arguments cliniques évoquant l’existence d’une anomalie des plaquettes ou du vaisseau. Le TS n’a aucun intérêt en cas de thrombopénie sévère connue (< 50 G/L), où le résultat (allongement) est prévisible. Dans la majorité des cas (mais pas tous), les résultats de ces examens de première intention orientent la démarche diagnostique.

317 ◗

24



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CONNAISSANCES

Syndromes hémorragiques Quel que soit le syndrome hémorragique constaté, l’examen clinique initial est le même. Il va orienter, soit vers une pathologie acquise de l’hémostase, conséquence d’une maladie associée, soit plus rarement vers une pathologie contitutionnelle, et il va aussi orienter l’exploration biologique.

Tableau

Syndrome hémorragique : conduite de l’examen clinique et de l’interrogatoire.

L’examen clinique • Définir le contexte : hémorragie isolée ou associée à une maladie hépatique, rénale, infectieuse. • Préciser le type d’hémorragie : Cutanée : ecchymose, purpura. Muqueuse : epistaxis, gingivorragie, méno/métrorragie, hématémèse, melaena, hématurie, hémorragie intra-cranienne, qui doivent en premier lieu faire rechercher une cause locale. Hématome (collection de sang enkystée dans un tissu). Hémarthrose (hémorragie intra-articulaire). • Évaluer le retentissement de l’hémorragie : rechercher une anémie (pâleur, fatigue, tachycardie, essoufflement) et/ou une hypovolémie (hypotension, choc). L’interrogatoire • Préciser si les hémorragies sont spontanées ou provoquées. • Établir la liste des médicaments pris par le sujet. • Demander si le sujet a subi des interventions chirurgicales ou des extractions dentaires, et si celles-ci ont été suivies de saignement. • S’il existe des antécédents hémorragiques personnels, préciser : la date de début (naissance, âge de la marche, adulte…), le type, le caractère spontané ou provoqué, et la durée du saignement, la gravité du saignement (hospitalisation, transfusion ou non). • Rechercher l’existence de manifestations dans la famille, en établissant un arbre généalogique.

Trois situations peuvent être distinguées : les anomalies de l’hémostase primaire, et celles soit constitutionnelles, soit acquises de la coagulation. Elles sont exposées dans les 3 chapitres suivants.

318 ◗



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Syndromes hémorragiques dus à une anomalie de l’hémostase primaire ◗ LES THROMBOPÉNIES ◗ LES THROMBOPATHIES ◗ LA MALADIE DE WILLEBRAND ◗ LES SYNDROMES HÉMORRAGIQUES DUS À UNE ANOMALIE VASCULAIRE

Introduction ◗ Une anomalie de l’hémostase primaire doit être envisagée devant des manifestations hémorragiques cutanées (purpura, ecchymoses) et/ou muqueuses (epistaxis, gingivorragies, hémorragies génitales…). L’ancienneté et la sévérité des manifestations, l’histoire familiale et le contexte clinique (association ou non à une autre pathologie) sont importants à considérer. Dans un premier temps, le bilan biologique se limite à une numération des plaquettes, et, selon les résultats, à une mesure du temps de saignement (TS), du TCA et du temps de Quick, dont les résultats décideront de la poursuite des examens complémentaires. ◗ Les anomalies de l’hémostase primaire incluent les thrombopénies, la maladie de Willebrand, les thrombopathies acquises ou constitutionnelles et certaines pathologies vasculaires.

◗ LES THROMBOPÉNIES ◗ Il est inutile de faire pratiquer un TS avec une numération des plaquette < 50 G/L, il sera nécessairement allongé, voire très allongé.

Une thrombopénie (cf. chap. 14) est la cause la plus fréquente d’atteinte de l’hémostase primaire. Dans les thrombopénies d’origine centrale, il existe une relation directe entre la sévérité de la thrombopénie et l’allongement du TS, celui-ci étant pratiquement constant lorsque le nombre des plaquettes est inférieur à 50 G/L (ce qui rend la mesure du TS inutile si la thrombopénie est connue). Dans les thrombopénies périphériques, l’allongement du TS est plus variable.

◗ LES THROMBOPATHIES

Les signes biologiques du tableau 25.I évoquent le diagnostic de thrombopathie. 319 ◗



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CONNAISSANCES

Tableau Tableau 8.I. 25.I. ➪ ➪ ➪ ➪

Thrombopathies : signes biologiques.

Nombre de plaquettes normal TS allongé TCA et temps de Quick normaux Taux d’hémoglobine > 8g/dL

Avant de poursuivre les investigations, on devra d’abord rechercher la prise de médicaments interférant avec les mécanismes d’activation plaquettaire, étant donnée la fréquence des thrombopathies médicamenteuses (voir ci-dessous). Il s’agit le plus souvent d’aspirine (ou de médicaments en contenant), d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou de médicaments utilisés comme antiagrégants (ex. : Clopidogrel). L’allongement du TS persiste 8 à 10 jours après la dernière prise d’aspirine ou de Clopidogrel.



Les thrombopathies constitutionnelles

Ces maladies exceptionnelles se traduisent par des hémorragies cutanées et muqueuses de gravité variable. L’identification récente de nouveaux récepteurs (récepteur à l’ADP, au TxA2, à la thrombine…) permettra de démembrer ce groupe de maladies souvent mal caractérisées. Les thrombopathies bien identifiées sont les suivantes : – la maladie de Bernard-Soulier, autosomale et récessive, sévère chez les homozygotes, se révèle tôt dans l’enfance, Elle associe une thrombopénie modérée et une augmentation du volume des plaquettes. L’anomalie est due à un défaut quantitatif ou qualitatif du complexe GPIb-IX-V : l’interaction avec le facteur Willebrand (F. W) ne se fait pas ou mal, ce qui empêche les plaquettes d’adhérer au sous-endothélium. Le diagnostic repose sur l’absence d’agglutination des plaquettes par la ristocétine, non corrigée par l’apport de F. W, alors que l’agrégation des plaquettes par l’ADP ou le collagène est normale. L’agrégation des plaquettes par la thrombine est réduite.

– la thrombasthénie de Glanzmann, autosomale et récessive, sévère chez les homozygotes, Elle est liée à l’absence ou au défaut moléculaire de l’intégrine αIIβ b3, récepteur plaquettaire du fibrinogène. Cette anomalie empêche les plaquettes de s’agréger entre elles. L’agrégation plaquettaire est anormale quel que soit l’agoniste utilisé (ADP, thrombine, collagène).

– les anomalies de la secrétion, qui se traduisent par des symptomes hémorragiques modérés, Elles incluent la maladie du pool vide dans laquelle les granules denses intraplaquettaires sont absents ou vides de leur contenu (ADP, sérotonine) et le Syndrome des plaquettes grises dans laquelle le contenu des granules α est absent.

– les anomalies de la synthèse des prostaglandines intra-plaquettaires. Elles incluent les déficits constitutionnels en cyclo-oxygénase ou thromboxane synthétase et reproduisent la thrombopathie induite par l’aspirine.



Les thrombopathies acquises

Beaucoup plus fréquentes que les thrombopathies constitutionnelles, elles sont associées à la prise de médicaments ou à certaines maladies (tableau 25.II). Comme déjà signalé ci-dessus, l’aspirine et les AINS 320 ◗



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SYNDROMES HÉMORRAGIQUES DUS À UNE ANOMALIE DE L’HÉMOSTASE PRIMAIRE

bloquent l’action de la cyclo-oxygénase plaquettaire (Cox) de façon irréversible. D’autres médicaments (pénicillines, céphalosporines) perturbent les fonctions plaquettaires, mais seulement s’ils sont utilisés à forte dose. La prise de ces médicaments doit être stoppée si elle s’accompagne de saignement.

Tableau 25.II. 8.II.

Principales causes de thrombopathie acquise.

– Médicaments* (aspirine et antiinflammatoires non stéroïdiens ; pénicillines, céphalosporines…) – Insuffisance rénale – Syndromes myéloprolifératifs et syndromes myélodysplasiques – Dysglobulinémies – Maladies du foie – Intoxication alcoolique aiguë – Contact avec les surfaces artificielles (circulation extracorporelle, hémodialyse…) * en dehors des médicaments utilisés spécifiquement pour bloquer les fonctions plaquettaires.

Les manifestations hémorragiques des thrombopathies associées à des maladies sont modérées si le nombre des plaquettes est normal, plus graves s’il y a une thrombopénie ou des anomalies de la coagulation associées. Les mécanismes responsables de l’anomalie plaquettaire sont le plus souvent multiples. Par exemple, la thrombopathie associée à l’insuffisance rénale est attribuée à une accumulation de métabolites toxiques (acide guanidino-succinique, urée.), une hyperproduction de PGI2, un défaut de production de TxA2, une anomalie de la pompe à calcium intraplaquettaire.

◗ LA MALADIE DE WILLEBRAND

La maladie de Willebrand est la plus fréquente des maladies constitutionnelles de l’hémostase (1% de la population). Elle est due à une anomalie quantitative ou qualitative du facteur Willebrand (FW). Celui-ci est synthétisé par la cellule endothéliale et le mégacaryocyte sous forme de monomères qui se multimérisent avant d’être secrétés. Les multimères de FW permettent l’interaction des plaquettes avec le sous-endothélium vasculaire en se fixant sur le récepteur plaquettaire GPIb et sur le collagène du sous-endothélium.



Manifestations cliniques

Les manifestations hémorragiques sont muqueuses (épistaxis, gingivorragies, méno-métrorragies, hémorragies gastro-intestinales, etc.) et cutanées (ecchymoses), spontanées ou provoquées par un traumatisme minime, une intervention chirurgicale ou une extraction dentaire. Dans la forme sévère (type 3), se rajoutent des hémorragies identiques à celles observées dans l’hémophilie : hématomes, hémarthroses, plus rarement hémorragies intra-abdominales ou rétropéritonéales. La transmission est autosomale dominante, sauf dans le type 3 où elle est récessive. 321 ◗

25



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CONNAISSANCES



Le diagnostic biologique

Il doit permettre d’affirmer le diagnostic et de préciser le type de maladie de Willebrand, qui conditionne le traitement. La reconnaissance des formes sévères (type 3) ne pose pas de problème, mais celle des formes frustes (type 1), ou de certains défauts qualitatifs (type 2) peut être difficile, surtout en cas de syndrome inflammatoire ou grossesse, où les taux de F. VIII et de FW s’élèvent.

Tableau 25.III. 8.III. Tableau ➪ ➪ ➪ ➪ ➪

Maladie de Willebrand : signes biologiques.

TS ou temps d’occlusion sur PFA ( Platelet Function Analyzer) allongé Nombre de plaquettes normal * TCA allongé**, temps de Quick normal Taux plasmatique de F. VIII diminué** Taux plasmatique de FW (FW Ag et/ou FW RCo) diminué

*sauf dans le type 2B (thrombopénie modérée); ** anomalie de degré variable.

– Le dosage biologique du FW (FW RCo) repose sur l’utilisation de Ristocétine, un antibiotique qui se lie au FW et provoque l’agglutination des plaquettes : la vitesse d’agglutination de plaquettes normales en présence de Ristocétine est proportionnelle à la quantité de FW présente dans le plasma. Le dosage immunologique du FW (FW Ag) permet de différencier les types 1 et 3 (déficits quantitatifs), des types 2 (déficits qualitatifs). Les valeurs normales de FW RCo et FW Ag varient entre 50 et 150%. – Un allongement du TCA est le plus souvent observé, du à un déficit en F. VIII. En effet, un des rôles du FW est de transporter le F. VIII : le taux de F. VIII reflète donc indirectement un déficit en FW. L’allongement du TCA et le déficit en F. VIII sont inconstants, absents dans certaines formes de maladie de Willebrand : type 1 fruste ou type 2 sans anomalie de liaison au F. VIII. À l’inverse, le type 2N est défini par un défaut de liaison au FVIII, mais une liaison normale à la GPIb : l’allongement du TCA ne s’accompagne pas d’allongement du TS. – L’exploration complète de la maladie de Willebrand comprend l’étude des multimères de FW, du compartiment plaquettaire de FW, et de la liaison du FW aux glycoprotéines plaquettaires ou au F. VIII, et enfin l’étude du gène du FW, qui sont réalisés dans des laboratoires spécialisés.



Les différents types de maladie de Willebrand

Le défaut est quantitatif (types 1 et 3), ou qualitatif (type2) et lié à un défaut d’interaction du FW avec les plaquettes (types 2A, 2M et 2B) ou avec le F. VIII (type2N).

322 ◗



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SYNDROMES HÉMORRAGIQUES DUS À UNE ANOMALIE DE L’HÉMOSTASE PRIMAIRE

Tableau Tableau 25.IV. 8.IV.

Classification biologique des principaux types de maladie de Willebrand.

Test

Type 1 (70-80%)

Type 3 (1-5%)

Type 2A (8-10%)

Type 2M (< 1 %)

Type 2B (5%)

Type 2N (8-10%)

TS

N ou allongé

Très allongé

Allongé

Allongé

Allongé

Normal

F. VIII

N ou diminué

Très diminué

N ou diminué

N ou diminué

N ou diminué

Diminué

FW Ag

Diminué

Indétectable

N N N Normal ou subnormal ou subnormal ou subnormal

FW RCo

Diminué

Indétectable

Diminué

Diminué

Diminué

Normal

RIPA*

Diminué

Nul

Diminué

Diminué

Augmenté

Normal

Multimères dans le Plasma

Distribution normale

Absents

Absence des formes intermédiaires et de grandes tailles

Distribution normale

Absence des formes de grandes tailles

Distribution normale

* Le RIPA mesure l’agglutination des plaquettes du sujet en suspension dans son plasma en présence de quantités variables de Ristocétine. Ce test permet de différencier les types 2B des autres groupes en mettant en évidence une hyperagglutinabilité plaquettaire. Dans le type 2B, il existe souvent une thrombopénie modérée.



Diagnostic différentiel

Il existe des syndromes de Willebrand acquis, qui sont exceptionnels et peuvent résulter d’un défaut de synthèse ou de secrétion du FW par les cellules endothéliales, d’une élimination accélérée, d’une absorption sur des cellules tumorales, d’une protéolyse exagérée des multimères par une protéase endothéliale ou de la présence d’un autoanticorps. Les éléments du diagnostic différentiel sont essentiellement l’absence d’antécédents personnels et familiaux et l’association à différentes pathologies (maladies auto-immunes, angiodysplasie, tumeurs, syndromes lympho. ou myéloprolifératifs…).



Principes du traitement

Les injections IM, l’aspirine et les autres antiagrégants plaquettaires sont proscrits. La prise en charge d’une maladie de Willebrand relève du spécialiste qui dispose de deux possibilités. • La desmopressine (DDAVP), un analogue synthétique de la vasopressine, augmente 2 à 4 fois le taux de base du FW en 30 minutes, en stimulant son relargage par les cellules endothéliales. Inefficace dans les types 3 où il n’y a pas de synthèse de FW, souvent peu ou pas efficace dans les types 2, le DDAVP est généralement efficace chez les sujets de type 1, mais de façon inconstante. Il faut donc faire une étude de la réponse chez ces patients lors du diagnostic. Chez les bons répondeurs, le DDAVP est le traitement de choix des saignements spontanés ou après trauma minime, ou en préventif (ex. : avant extraction dentaire), en injection IV (Minirin : 0,3 µg/kg) ou en spray nasal (Octim). La correction est transitoire (demi-vie du FW : 12 h). L’administration peut être répétée toutes les 12 ou 24 heures, avec le risque que les administrations fréquentes conduisent à une tachyphylaxie. • La transfusion de concentrés de FW purifié, d’origine plasmatique, traités par solvent-détergent, est réservée aux sujets qui ne peuvent bénéficier du DDAVP. Avant une intervention chirurgicale, le taux de FW doit être voisin de 80-100%, puis maintenu supérieur à 50% jusqu’à cicatrisation complète.

323 ◗

25



25_chap25.fm Page 324 Mardi, 9. mai 2006 2:18 14

CONNAISSANCES

LES SYNDROMES HÉMORRAGIQUES ◗ DUS À UNE ANOMALIE VASCULAIRE Cause fréquente de saignement en pratique médicale courante, ils sont en général modérés (tendance facile aux saignements spontanés, ecchymoses). Le diagnostic est posé par exclusion : le TS est normal ou allongé de façon isolée, le nombre et les fonctions des plaquettes sont normaux. On distingue deux types d’anomalie.



Les anomalies vasculaires primitives

– Des formes bénignes de fragilité capillaire, familiale et rencontrée essentiellement chez la femme (ecchymoses spontanées), ou liée à l’âge (purpura sénile). – La télangiectasie hémorragique héréditaire, ou maladie de RenduOsler, maladie héréditaire autosomale et dominante, caractérisée par une lésion dysplasique vasculaire spécifique. Les lésions, localisées sur les muqueuses, le visage et les extrémités, se présentent comme un réseau de capillaires distendus avec un aspect en araignée et sont souvent multiples.



Les anomalies vasculaires secondaires

Elles sont liées à des modifications de la paroi vasculaire par des processus infectieux, immunologiques (ex. : purpuras médicamenteux, purpura des dysglobulinémies) ou métaboliques (ex. : diabète, scorbut), et les symptomes hémorragiques ne sont que l’un des éléments du tableau clinique. On distingue le purpura rhumatoïde, qui est une vascularite associée à un purpura infiltré prédominant aux membres inférieurs, des arthralgies, une atteinte digestive et une glomérulonéphrite. Cette maladie, probablement due à un dépôt de complexes immuns dans les petits vaisseaux, n’est pas rare, en particulier chez l’enfant.

Résumé Points clés Les anomalies de l’hémostase primaire, caractérisées par un allongement du temps de saignement, sont découvertes soit fortuitement à l’occasion d’un bilan biologique, soit parce qu’elles sont associées à des hémorragies le plus souvent cutanées et/ou muqueuses. Les thrombopénies sont la cause la plus fréquente. Les anomalies fonctionnelles plaquettaires (thrombopathies) sont rarement des maladies génétiques, plus souvent d’origine médicamenteuse (aspirine...) ou associées à diverses maladies. La maladie de Willebrand est une maladie génétique fréquente, due à un déficit quantitatif ou qualitatif du facteur Willebrand. Il en existe différents types qu’il faut différencier parce que la prise en charge thérapeutique est différente. Les formes sévères doivent être suivies par des spécialistes. 324 ◗



26_chap26.fm Page 325 Mardi, 9. mai 2006 2:21 14

Syndromes hémorragiques dus à une anomalie constitutionnelle de la coagulation

26

◗ LES HÉMOPHILIES ◗ DÉFICITS CONSTITUTIONNELS EN FACTEURS DE LA COAGULATION EN DEHORS DE L’HÉMOPHILIE

Introduction ◗ Une anomalie constitutionnelle de la coagulation peut être découverte à l’occasion d’un syndrome hémorragique ou d’un examen pré-opératoire, selon la gravité du déficit. ◗ Dès l’examen clinique (tableau p. 318), le contexte oriente souvent d’emblée vers l’une de ces maladies peu fréquentes.

◗ LES HÉMOPHILIES

L’hémophilie A (déficit en F. VIII) touche 1 enfant sur 5000 naissances; elle est 6 fois plus fréquente que l’hémophilie B (déficit en F. IX). La transmission de ces maladies hémorragiques graves est récessive et liée au sexe. Le gène du F. VIII est situé à l’extrémité du chromosome X (Xq28), distal par rapport au gène du F. IX. Les garçons sont atteints, les femmes sont conductrices, généralement asymptomatiques et difficiles à détecter. Le taux de mutations de novo est très élevé, de l’ordre de 30%.



Le diagnostic clinique

Le syndrome hémorragique est fonction de l’importance du déficit. Il est caractéristique. – Les hémarthroses (saignements à l’intérieur d’une articulation) constituent 80% des accidents hémorragiques, ils surviennent dès l’âge de la marche ou après un traumatisme minime qui passe souvent inaperçu. Elles sont récidivantes et douloureuses. Leur localisation par 325 ◗



26_chap26.fm Page 326 Mardi, 9. mai 2006 2:21 14

CONNAISSANCES

ordre préférentiel décroissant est : genoux (45%), coudes (30%), chevilles (15%), poignets (3%), épaules (3%) et hanches (2%). En l’absence de traitement, elles se compliquent d’arthropathies graves. – Les hématomes (saignements dans les tissus sous-cutanés et les muscles) constituent 10 à 20 % des hémorragies post-traumatiques. Suivant la localisation, ils peuvent être plus ou moins graves, entraîner une compression : vasculaire (ischémie), ou nerveuse (paralysie), ou mettre en danger le pronostic vital : c’est le cas des hématomes du plancher de la bouche obstruant les voies aériennes supérieures. Un hématome du psoas peut simuler un syndrome abdominal aigu. Un hématome rétro-orbitaire peut menacer la fonction oculaire. – Les ecchymoses sont le plus souvent post-traumatiques. – Les hémorragies viscérales sont plus rares (ex : hémorragies intracérébrales < 5%).



Le diagnostic biologique

Une hémophilie est caractérisée par les signes biologiques résumés dans le tableau 26.I.

Tableau Tableau 8.I. 26.I.

Signes biologiques d’une hémophilie.

➪ Temps de saignement ou temps d’occlusion sur PFA (Platelet Function Analyzer) normal. ➪ Nombre de plaquettes normal. ➪ TCA allongé. ➪ Temps de Quick normal.

Le dosage des facteurs antihémophiliques permet de faire le diagnostic et de classer l’hémophilie (Tableau 26. II).

8.II. Tableau 26.II.

Classification des différentes formes d’hémophilie. F. VIII ou IX

< 1%

Hémophilie A ou B sévère

> 1%

F. VIII ou IX

< 5%

Hémophilie A ou B modérée

> 5%

F. VIII ou IX

< 50%

Hémophilie A ou B mineure

Tout hémophile doit posséder une carte d’hémophile sur laquelle figurent les caractéristiques de l’hémophilie, le groupe sanguin, les principaux accidents hémorragiques, la fréquence des transfusions, les recherches d’un anticorps anti F. VIII ou anti F. IX, les dates des vaccinations contre les hépatites A et B. Les diagnostics différentiels sont la maladie de Willebrand, les anticorps anti F. VIII acquis et le déficit en F. XI. 326 ◗



26_chap26.fm Page 327 Mardi, 9. mai 2006 2:21 14

SYNDROMES HÉMORRAGIQUES DUS À UNE ANOMALIE CONSTITUTIONNELLE DE LA COAGULATION Dépistage des conductrices et diagnostic prénatal Seule une fraction des conductrices est détectée par le dosage du F. VIII ou du F. IX (70-80% des conductrices d’hémophilie A et 50-60% des conductrices d’hémophilie B). Ceci est lié, d’une part à l’inactivation aléatoire du chromosome X, et d’autre part, à la grande dispersion des activités coagulantes et antigéniques dans la population normale. L’étude de l’ADN permet de faire un diagnostic direct (identification de l’anomalie génétique), ou indirect par étude de marqueurs informatifs (polymorphismes). Dans ce dernier cas, le diagnostic sera probabiliste (risque de recombinaisons entre marqueur et mutation délétère, mosaïques, etc.). Si, dans l’hémophilie B, 95% des anomalies génétiques sont caractérisées, la situation est plus difficile dans l’hémophilie A du fait de la taille du gène. Toutefois, 50% des formes sévères d’hémophilie A sont dues à une inversion de l’intron 22 interrompant le gène du F. VIII, et la recherche de cette inversion, combinée à l’utilisation de marqueurs intragéniques multialléliques, permet de résoudre plus de 90% des cas. Un diagnostic prénatal doit être proposé pour les formes sévères. Le diagnostic du sexe de l’enfant sur un prélèvement de trophoblaste est possible dès la 10e semaine d’aménorrhée. L’analyse moléculaire peut être faite dès la 14e semaine sur un prélèvement de cellules amniotiques. Le dosage des F. VIII et IX peut être effectué vers la 18e semaine dans le sang de cordon prélevé sous échographie. Si le diagnostic est positif, et en cas d’hémophilie sévère, une interruption thérapeutique de grossesse peut être proposée aux parents.



Principes du traitement

Tout hémophile doit être adressé à un centre spécialisé (Centre régional de traitement de l’hémophilie), où il sera suivi de façon globale et où sa famille sera associée à la prise en charge. Les injections IM, l’aspirine et les autres antiagrégants plaquettaires sont proscrits. Le traitement substitutif doit être le plus rapide possible lors d’un accident hémorragique. Il précède tout geste invasif. Le spécialiste peut proposer un traitement prophylactique aux hémophiles majeurs devant la fréquence trop élevée de saignement dans une articulation donnée, ceci dans le but de préserver l’appareil locomoteur de l’enfant. Les concentrés purifiés de F. VIII pour l’hémophilie A, de F. IX pour l’hémophilie B, sont d’origine plasmatique ou recombinants. Les produits d’origine plasmatique ont subi une étape d’inactivation virale des virus enveloppés (VIH, VHB, VHC) par solvent détergent (SD), et certains une étape d’élimination des virus non enveloppés par nanofiltration. La posologie et le rythme d’administration dépendent du type d’accident hémorragique ou de chirurgie, et de la demi-vie du facteur (F. VIII : 8 heures; F. IX : 12 heures). Les traitements adjuvants incluent la desmopressine (DDAVP) (cf. maladie de Willebrand), utilisée dans le traitement d’accidents hémorragiques mineurs et pour une intervention chirurgicale mineure dans l’hémophilie modérée. Le traitement substitutif peut entrainer l’apparition d’anticorps antiF. VIII (ou anti-F. IX) et rendre les sujets résistants au traitement habituel. Ces sujets bénéficieront alors de l’utilisation de concentrés de F. VIIa (Novoseven, et/ou de protocoles d’induction de tolérence immune).

DÉFICITS CONSTITUTIONNELS EN FACTEURS ◗ DE LA COAGULATION EN DEHORS DE L’HÉMOPHILIE Ces déficits (Tableau 26.III) sont exceptionnels, et sont d’une grande hétérogénéité clinique et biologique. Les déficits des facteurs 327 ◗

26



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CONNAISSANCES

« contact » (F. XII, prékallikréine, kininogène de haut poids moléculaire) ne s’accompagnent d’aucune manifestation hémorragique. Pour les autres facteurs de coagulation, le risque hémorragique est variable mais peut être important (exemple : afibrinogénémie, déficit sévère en F. XIII). Les anomalies sont soit quantitatives, soit qualitatives (variants : la protéine est présente mais son activité est anormale). La transmission est autosomale récessive.

Tableau 26.III.

Déficits constitutionnels homozygotes en facteurs de coagulation en dehors de l’hémophilie. Orientation diagnostique.

Facteur

TCA TQ

TT*

Type d’hemorragie

Fibrinogène







Sévères ou modérées

II





N

Spontanées, modérées, cutanéo-muqueuses

V





N

Cutanéo-muqueuses

VII

N



N

Variables selon le génotype, parfois précoces et sévères

X





N

Variables selon le génotype, parfois sévères

XI



N

N

Post-traumatiques, retardées, prolongées

XIII

N

N

N

Graves, cérébrales, néonatales

*TT : temps de thrombine.

Résumé Points clés Les hémophilies A (déficit en F. VIII) et B (déficit en F. IX) sont les plus fréquentes des maladies hémorragiques touchant les facteurs de la coagulation, mais restent des maladies rares. La prise en charge des formes sévères et modérées relève des Centres Régionaux de Traitement de l’Hémophilie.

328 ◗



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Syndromes hémorragiques dus à une pathologie acquise de l’hémostase

27

◗ L’INSUFFISANCE HÉPATOCELLULAIRE ◗ LES HYPOVITAMINOSES K ◗ LES COAGULATIONS INTRAVASCULAIRES DISSÉMINÉES (CIVD) ◗ LES ANTICOAGULANTS CIRCULANTS (ACC)

Introduction ◗ Ils se rencontrent dans des cironstances très diverses et induisent des riques hémorragiques variables. L’examen clinique (voir tableau p. 318) oriente l’exploration.

◗ L’INSUFFISANCE HÉPATOCELLULAIRE

Elle est la cause la plus fréquente des coagulopathies acquises, quelle qu’en soit l’origine (hépatites aiguës ou chroniques, cirrhoses…). En effet, le foie est le lieu de synthèse de la majeure partie des protéines impliquées dans la coagulation et la fibrinolyse. L’intensité des perturbations dépend de l’importance de l’atteinte hépatique. L’atteinte hépatique se traduit (Tableau 27.I) par un allongement du temps de Quick (TQ), et à un moindre degré, du TCA (moins sensible aux déficits modérés), associant des déficits multiples en facteurs de coagulation (F. II, V, VII et X) et en inhibiteurs (AT, PC), avec dans la cirrhose, une thrombopénie modérée souvent associée… L’activateur du plasminogène (t-PA) est augmenté (défaut de clearance hépatique), et les inhibiteurs de la fibrinolyse (PAI-1 et α2-antiplasmine) diminués (défaut de synthèse), avec pour résultante une fibrinolyse augmentée, objectivée par un raccourcissement du temps de lyse des euglobulines. La fibrinolyse peut contribuer à la diminution du taux de fibrinogène. Dans les hépatites sévères, on accorde une valeur pronostique au taux du F.V. La diminution quantitative du fibrinogène, liée à la sévérité de l’atteinte hépatique, peut être associée à une dysfibrinogénémie, mise en évidence par un allongement du temps de thrombine. Le taux de F. VIII est normal car sa synthèse n’est 329 ◗



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CONNAISSANCES

pas exclusivement hépatique; il peut même être augmenté en cas de syndrome inflammatoire associé (ex : hépatite aiguë).

Tableau 27.I.

Exemple d’un bilan hématologique d’un patient atteint de cirrhose alcoolique.

T. Quick = 47%

GR = 2,8 T/L

TCA = 48 s/32 s

Hb = 10,2 g/dL

V = 45%

VGM = 105 fl

VII + X = 50%

CCMH = 34,5%

II = 45%

GB = 3,8 G/L

TT* = 18 s/17 s

PNN = 52%

Fibrinogène = 2 g/L

PE = 2%

AT = 42%

L = 41%

PC = 40%

M = 5%

**

Lyse des euglobulines : 2 h (N > 3 h) *TT : temps de thrombine



**

Plaquettes = 90 G/L

AT : antithrombine

Traitement

Il peut faire appel à l’injection de plasma frais congelé, viro-inactivé, en cas de saignement. La vitamine K est inutile, sauf en cas de cholestase, et les concentrés de facteurs de coagulation sont contreindiqués. Les anti-fibrinolytiques qui bloquent l’activité du tPA (acide tranexamique) ont leur place si le temps de lyse des euglobulines est raccourci, en particulier avant une ponction-biopsie hépatique ou une intervention chirurgicale.

◗ L’HYPOVITAMINOSE K

L’hypovitaminose K s’oppose à la production des formes fonctionnelles des facteurs de coagulation (F. II, VII, IX et X), vitamine K-dépendants (voir chap. 23).

◗ ◗

Les causes Chez l’adulte

– Une carence d’apport est exceptionnelle (dénutrition sévère ou alimentation parentérale sans apport de vitamine K). – Un défaut d’absorption peut être du à une obstruction des voies biliaires, une cholestase (l’absence des sels biliaires empêche l’absorption de la vitamine K dans le jéjunum) ou un syndrome de malabsorption intestinale (résection intestinale étendue, maladie coeliaque, colite ulcéreuse…). 330 ◗



27_chap27.fm Page 331 Mardi, 9. mai 2006 2:22 14

SYNDROMES HÉMORRAGIQUES DUS À UNE PATHOLOGIE ACQUISE DE L’HÉMOSTASE

– Les médicaments qui détruisent la flore microbienne intestinale (antibiotiques) ou bloquent le métabolisme hépatique de la vitamine K (céphalosporines de 3e génération) peuvent être en cause. Il faudra également rechercher une ingestion connue ou non, voire masquée, d’antagonistes de la vitamine K (AVK).



Chez l’enfant

– L’hypovitaminose K néonatale, responsable de la maladie hémorragique du nouveau-né, due à la fois à une carence d’apport et à l’immaturité hépatique, est facilement prévenue par l’administration systématique de vitamine K1 à la naissance. Si cette précaution n’est pas prise, elle se manifeste par des hémorragies survenant 2 à 6 jours après la naissance (digestives, ombilicales, voire intracrâniennes). – Une anomalie génétique de la carboxylase vitamine K-dépendante est exceptionnelle.

◗ ◗ Le taux du facteur V est le meilleur critère de discrimination entre l’insuffisance cellulaire hépatique (F. V diminué) et l’hypovitaminose K (F. V normal).

Le diagnostic biologique

Les taux des facteurs vitamine K-dépendants (F. II, VII, X et IX) sont diminués alors que la concentration des autres facteurs de coagulation (F. V, fibrinogène) est normale, ainsi que le nombre des plaquettes. Si nécessaire, le test de Köller apporte la preuve de la carence en vitamine K et précise son origine : la vitamine K1 (5-10 mg) par voie orale corrige une carence d’apport mais pas un défaut d’absorption, qui n’est corrigé que si l’administration est parentérale. Une autre façon d’affirmer le diagnostic (rarement utile) est de demander un dosage de la descarboxyprothrombine (précurseur non γ-carboxylé du F. II).



Traitement

Le traitement préventif doit être systématique chez le nouveau-né (1 mg de vitamine K1 per os, ou 5 mg IM à la naissance), ou en cas de nutrition parentérale (5 mg chez l’enfant, 10 mg chez l’adulte). Le traitement curatif repose sur le traitement de la cause de l’hypovitaminose K et l’administration de vitamine K1. Administrée en IV lente (1 mg/kg chez l’enfant, 10 à 20 mg chez l’adulte), la vitamine K1 corrige les anomalies en 6 à 12 heures. L’existence de manifestations hémorragiques graves peut nécessiter l’apport de plasma frais congelé viro-inactivé pour corriger le déficit en facteurs de coagulation.

LES COAGULATIONS INTRAVASCULAIRES DISSÉMINÉES ◗ (CIVD) L’activation de la coagulation constitue la réponse physiologique à toute lésion tissulaire, mais peut se généraliser (coagulation intravasculaire disséminée ou CIVD) si les facteurs déclenchant l’activation de la coagulation sont présents en excès, ou si les divers mécanismes de contrôle sont insuffisants ou débordés. C’est une complication fréquente d’une grande variété de processus pathologiques. Elle peut 331 ◗

27



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CONNAISSANCES

être aiguë ou chronique et responsable de manifestations cliniques extrêmement variables, allant de l’absence de symptômes à des manifestations hémorragiques ou thrombotiques sévères.



Étiologie et physiopathologie

8.I. Tableau 27.II.

Principales étiologies des CIVD.

1. Infections Septicémies, principalement à Gram négatif Infections virales sévères Paludisme à falciparum Rickettsioses 2. Pathologie obstétricale Hématome rétro-placentaire Embolie amniotique Toxémie gravidique Mort in utero Môle hydatiforme Placenta praevia 3. Chirurgie lourde (chirurgie pulmonaire, cardiaque avec circulation extracorporelle, prostatique…) 4. Pathologie maligne (cancers surtout du poumon, du pancréas, de la prostate ; leucémie aiguë) 5. Traumatismes et brûlures étendues 6. Accidents transfusionnels et autres hémolyses 7. Morsures de serpents 8. Embolies graisseuses 9. Malformations vasculaires (hémangiomes, anévrismes, vascularites)

Dans la grande majorité des cas, le processus déclenchant est l’exposition non contrôlée du facteur tissulaire (FT) lors de lésions tissulaires étendues intéressant des organes riches en FT (ex : placenta, prostate) : dans ce cadre rentrent les polytraumatismes, écrasements, brûlures, interventions chirurgicales, ou les pathologies obstétricales. Une expression pathologique du FT par des cellules circulantes (monocytes) ou au contact du sang (cellules endothéliales) peut être induite par différents agonistes : endotoxine, cytokines, complexes antigène-anticorps (ex : infections; accidents transfusionnels). Les cellules cancéreuses peuvent exprimer un activateur de la coagulation encore mal caractérisé. La présence intempestive de certaines enzymes protéolytiques en circulation (venins lors de morsures de serpents, trypsine lors de pancréatites aiguës) peut enfin être à l’origine d’une CIVD. L’insuffisance cellulaire hépatique, responsable d’un défaut d’épuration des enzymes de la coagulation, favorise les CIVD. La production de thrombine a pour conséquence la transformation du fibrinogène en fibrine, l’activation des plaquettes, une consommation des facteurs de coagulation et des inhibiteurs et une fibrinolyse secondaire. Par ailleurs, l’activation du système des kinines par l’inter332 ◗



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SYNDROMES HÉMORRAGIQUES DUS À UNE PATHOLOGIE ACQUISE DE L’HÉMOSTASE

médiaire du facteur XIIa est responsable d’une augmentation de la perméabilité vasculaire, d’hypotension et de choc, qui eux-mêmes favorisent le processus de CIVD.



Manifestations cliniques

La présentation clinique est très variable. Dans les formes aiguës, le tableau peut être catastrophique. Il associe (i) des microthromboses diffuses responsables de nécrose organique ischémique, intéressant préférentiellement la peau, le rein, le poumon, le cerveau, et (ii) des manifestations hémorragiques, plus souvent observées lorsqu’il existe une lésion, c’est-à-dire en cas d’intervention chirurgicale, de traumatisme, en obstétrique. Les hémorragies aux sites de ponction veineuse ou artérielle sont également fréquentes, ainsi que des hémorragies cutanéomuqueuses. Les pertes sanguines induisent une hypovolémie, une hypotension et un choc. Le purpura fulminans est une forme particulièrement sévère de CIVD, qui associe nécrose cutanée hémorragique et gangrène : il est typiquement observé en cas d’infection à bacilles Gram négatif. Dans les formes chroniques de CIVD (néoplasies, insuffisance hépatocellulaire chronique, anomalies vasculaires), les thromboses de la microcirculation sont prépondérantes, pouvant induire une insuffisance rénale, quant au syndrome hémorragique, il est généralement discret.



Diagnostic biologique

Bien que les signes biologiques de CIVD (tableau 28.III) soient évidents en cas de CIVD aiguë, le diagnostic précoce de CIVD est souvent difficile avec des signes dissociés et c’est alors l’étude de l’évolution qui sera informative : la diminution du fibrinogène, d’une valeur élevée à une valeur normale entre deux prélévements, a autant de valeur diagnostique qu’une hypofibrinogénémie. Tableau 27.III. 8.II. Tableau

Tableau biologique d’une CIVD.

• Signes de consommation Thrombopénie Allongement du TCA et du temps de Quick Déficit en F. II, VII+X, et plus sévère en F. V Diminution du taux du fibrinogène • Signes de fibrinolyse secondaire Raccourcissement (inconstant) du temps de lyse des euglobulines Présence de complexes solubles Augmentation de la concentration des D-dimères

Lors d’une CIVD, des complexes solubles se forment entre les monomères de fibrine et les produits de dégradation de la fibrine par la plasmine : ils peuvent être mis en évidence parce qu’ils précipitent en présence d’éthanol ou de sulfate de protamine. Ils signent la présence de monomères de fibrine et, par conséquent, de l’action de la thrombine. Si le fibrinogène est très bas, les complexes ne se forment pas, mais leur absence ne permet pas d’éliminer le diagnostic de CIVD. 333 ◗

27



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CONNAISSANCES

Les D-dimères, produits de dégradation de la fibrine stabilisée par le F. XIIIa, sont des témoins directs de l’action de la plasmine sur la fibrine et indirects de l’action de la thrombine. Leur absence exclut une CIVD dans la majorité des cas, mais leur présence n’est pas spécifique. L’appréciation du risque hémorragique nécessite la mesure de l’activité fibrinolytique circulante réactionnelle : un temps de lyse inférieur à 30 min indique une activité fibrinolytique circulante aiguë avec un risque de fibrinogénolyse et donc d’aggravation de l’hypocoagulabilité.



Diagnostic différentiel : la fibrinolyse primitive

Ce processus exceptionnel, lié à la libération massive et non contrôlée de t-PA, peut être observé en chirurgie hépatique, vasculaire ou pulmonaire, ou dans certaines maladies malignes. Les manifestations sont uniquement hémorragiques et profuses. Les signes biologiques sont voisins de ceux d’une CIVD, mais : – le nombre de plaquettes est normal, – l’hypofibrinogénémie est importante, – il n’y a pas de complexes solubles, – la concentration de D-dimères est normale, – le temps de lyse des euglobulines est très raccourci.



– Le pronostic de la CIVD aiguë est souvent fatal et son amélioration dépend du traitement efficace de la cause de la CIVD (obstétrique : délivrance du foetus et du placenta, révision utérine; infections : antibiothérapie). Dans les cas où il n’est pas possible d’éliminer immédiatement la cause de la CIVD (polytraumatismes, néoplasies…), ou en attendant que la cause soit corrigée, il faut traiter les manifestations immédiates. – La prévention des microthromboses ou de leur extension relève de l’héparinothérapie, qui a assez peu d’indications, mais peut être utile à faibles doses en perfusion IV continue (environ 10 u/kg/h) en attendant que la cause ait été traitée. Le taux d’antithrombine peut être très bas dans une CIVD parce-que l’inhibiteur est consommé. L’administration de concentrés d’antithrombine pourrait alors être bénéfique (ex. : chocs septiques) mais reste exceptionnelle. – En cas d’hémorragie ou avant intervention chirurgicale, un traitement substitutif peut être envisagé, utilisant des concentrés plaquettaires (1 unité/10 kg de poids) si le nombre de plaquettes est < 50 G/L et/ou du plasma frais congelé (sécurisé ou viroinactivé) pour que le taux des facteurs de coagulation atteigne au moins 30% et celui du fibrinogène au moins 1 g/L. – L’activité fibrinolytique circulante n’est traitée que si elle est très importante. On utilise un inhibiteur de la plasmine, l’aprotinine ◗

◗ L’administration de fractions coagulantes (fractions du plasma riches en facteurs de coagulation) de type PPSB est prohibée, ces fractions comportant un risque thrombogène du fait de la présence possible de facteurs de coagulation activés. L’utilisation d’analogues de la lysine, inhibiteurs du t-PA (acide tranexamique) est contre-indiquée en cas de CIVD.

Le traitement

334 ◗

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SYNDROMES HÉMORRAGIQUES DUS À UNE PATHOLOGIE ACQUISE DE L’HÉMOSTASE

◗ Note : * UIK : unités inhibitrices de la kallikréine ; ** UPh. E : unités pharmacopée européenne.

(Antagosan, Trasylol) à la dose de 500000 à 1000 000 d’UIK* (250 à 500 UPhE**) par voie IV.

◗ LES ANTICOAGULANTS CIRCULANTS (ACC)

Ce terme désigne des anticorps qui ont différentes cibles. Deux types d’ACC s’opposent : les ACC dirigés de façon spécifiques contre un facteur de coagulation peuvent être responsables de saignement et seront envisagés ici. Les ACC de type anti-phospholipides sont associés à un risque de thrombose et non un risque hémorragique et sont traités dans le chapitre « Thrombose ». Les ACC spécifiques d’un facteur de coagulation sont rares, dirigés contre n’importe quel facteur de coagulation, mais le plus souvent contre le F. VIII. Il peut s’agir d’allo-anticorps apparaissant chez les hémophiles polytransfusés : ils augmentent le risque hémorragique et rendent les hémophiles résistants au traitement substitutif habituel. Il peut aussi s’agir d’auto-anticorps, qui apparaissent au cours de maladies dysimmunitaires, en association avec la prise de médicaments ou dans le post-partum. Ils peuvent être responsables de manifestations hémorragiques aussi sévères que celles de l’hémophilie. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’un effet inhibiteur du plasma du sujet vis-à-vis du facteur de coagulation-cible.

335 ◗

27



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28

Thromboses : mécanismes et traitement ◗ PHYSIOPATHOLOGIE DES THROMBOSES VEINEUSES ET ARTÉRIELLES ◗ LES TRAITEMENTS ANTITHROMBOTIQUES ◗ LES ANTICOAGULANTS ◗ LES THROMBOLYTIQUES

DES THROMBOSES VEINEUSES ◗ ETPHYSIOPATHOLOGIE ARTÉRIELLES CNEM

Le développement des thromboses est un phénomène complexe qui met en jeu les éléments de la triade de Virchow : – stase sanguine, – lésions vasculaires, – hypercoagulabilité sanguine. Ces différents éléments se combinent de façon différente selon les situations cliniques. Les thromboses peuvent se développer dans les artères, les veines, les cavités cardiaques ou au contact d’une surface artificielle.



Physiopathologie de la thrombose veineuse

Les thromboses veineuses sont essentiellement composées de fibrine et de globules rouges, avec une part variable de leucocytes et de plaquettes. Les deux éléments majeurs à l’origine des thromboses veineuses sont la stase sanguine et l’hypercoagulabilité. Dans les conditions normales de flux, les enzymes de la coagulation sont diluées et ne sont pas efficaces. En cas de stase, en particulier au niveau des membres inférieurs, à partir d’une valvule altérée, le flux et CNEM : item 124 « Facteurs de risques cardio-vasculaires et prévention ».

337 ◗



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CONNAISSANCES

les forces de cisaillement diminuent, les enzymes restent concentrées à proximité des surfaces, et la production de thrombine et donc de fibrine est favorisée. L’activation des plaquettes est au second plan. L’existence d’une lésion endothéliale est difficile à démontrer dans ce contexte, mais l’hypercoagulabilté est un déterminant majeur. Les facultés d’initiation de la coagulation peuvent être majorées, avec stimulation de l’expression du facteur tissulaire par les cellules sanguines et/ou vasculaires et perturbation des mécanismes de défense des cellules endothéliales (ex. : cancers, maladies infectieuses ou inflammatoires). L’augmentation de la concentration plasmatique des facteurs de coagulation, acquise (ex. : grossesse, inflammation) ou génétique (ex. : mutation G20210A du F. II) permet de générer plus de thrombine. L’altération des mécanismes de régulation négative de la coagulation est également favorable à la production de thrombine (ex. : déficits des inhibiteurs, constitutionnels ou acquis; résistance à la protéine C activée).



Physiopathologie de la thrombose artérielle

À l’opposé des thromboses veineuses, les thromboses artérielles sont essentiellement composées de plaquettes. Leur pathogénie est très différente : elles surviennent dans des conditions de flux rapide avec forces de cisaillement élevées, et le rôle de la lésion vasculaire (essentiellement les plaques d’athérosclérose) est déterminant. Les plaques d’athérosclérose obstruent progressivement la lumière du vaisseau, en particulier lorsqu’elles sont proches d’une bifurcation vasculaire. La sténose augmente les forces de cisaillement, favorisant l’activation des plaquettes. La rupture ou fissuration de la plaque expose des composants thrombogènes au contact du sang, permettant l’adhésion/ activation des plaquettes et le déclenchement de la coagulation. La thrombose peut soit rester localisée, contribuant ainsi à la progression de la plaque, soit entraîner l’occlusion totale du vaisseau, soit s’emboliser et être à l’origine d’accidents en aval (Accident vasculaire cérébral, par exemple). Des facteurs thrombogéniques systémiques peuvent contribuer à la survenue des thromboses artérielles. Sont ainsi impliquées les variations quantitatives, génétiquement déterminées, de composants plasmatiques capables d’engendrer une hypercoagulabilité (fibrinogène, F. VII), des lésions endothéliales (homocystéine), de limiter la fibrinolyse (lipoprotéine (a), PAI-1), ou d’augmenter la réactivité des plaquettes (densité des glycoprotéines membranaires). L’importance de ces éléments reste toutefois discutée.



Anomalies de la coagulation et thromboses

La recherche d’anomalies de la coagulation dans un contexte de thrombose ne doit pas être systématique. Son seul intérêt est dans les thromboses veineuses authentifiées, avec au moins une des caractéristiques suivantes : – accident thrombotique du sujet jeune (avant 50 ans), – caractère récidivant, – siège inhabituel (membre supérieur, veine cérébrale, veine mésentérique, porte ou sus-hépatique, veine rénale), 338 ◗



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THROMBOSES : MÉCANISMES ET TRAITEMENT

– survenue en dehors de tout événement déclenchant, – antécédent de nécrose cutanée à l’introduction d’un traitement anticoagulant oral (AVK), – association thrombose veineuse/avortements à répétition. L’exploration de la coagulation dans les thromboses artérielles doit être exceptionnelle (sujet de moins de 50 ans, sans athérosclérose, ou récidivant malgré un traitement antithrombotique bien conduit). Le bilan à réaliser dans ces circonstances inclut : – dosages de l’antithrombine (AT) de la protéine C et de la protéine S (mesure de l’activité), – test de résistance à la protéine C activée (RPCA) et recherche de la mutation R506Q du F. V Leiden, – recherche de la mutation G20210A du F. II, – recherche d’un ACC de type antiphospholipides.

La prévalence des anomalies génétiques de la coagulation connues et le risque relatif de thrombose associé, chez les hétérozygotes, en Europe, sont résumés dans le tableau 28.I. Le risque est beaucoup plus élevé chez les homozygotes ou en cas d’associations de ces anomalies génétiques.

Tableau Tableau 8.I. 28.I.

Facteurs génétiques de risque de thrombose.

Prévalence dans la population générale

Prévalence chez les patients avec TVP

Risque relatif estimé

1. 2%

5 – 15%

5 – 10

F. V Leiden

3 – 10%

20%

5 – 10

Mutation G20210A du F. II

1 – 3%

5 – 10%

2–4

Déficits en AT, PC ou PS

Les déficits des inhibiteurs physiologiques perturbent la régulation négative de la coagulation et rompent l’équilibre entre mécanismes procoagulants et anticoagulants. Il faudra éliminer les causes de déficits acquis de ces inhibiteurs, qui peuvent être liés à une consommation lors de l’épisode thrombotique, à un défaut de synthèse (insuffisance hépatocellulaire), à une perte urinaire (syndrome néphrotique) ou être induite par un traitement associé : héparine ou traitements oestroprogestatifs pour l’antithrombine, AVK pour les protéines C et S. Le F. V Leiden est caractérisé par une mutation (R506Q) qui rend le F. Va résistant à l’inactivation par la protéine C activée. La mutation G20210A du F. II est associée à une augmentation de la concentration plasmatique de F. II, qui est probablement à l’origine du risque de thrombose. Les anticoagulants circulants (ACC) de type antiphospholipides ont été décrits pour la première fois dans le lupus et sont encore souvent appelés « ACC de type lupique ou LA », bien qu’ils soient observés dans des circonstances cliniques beaucoup plus larges (autres maladies auto-immunes, infections, néoplasies, prise de certains 339 ◗

28



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CONNAISSANCES

médicaments…). Ils peuvent être isolés (syndrome des antiphospholipides primaire). Les LA sont détectés par les tests de coagulation faisant intervenir des phospholipides comme le TCA ou le temps de Quick. Bien qu’ils allongent ces tests de coagulation, les LA ne font pas saigner, au contraire, ils sont associés à des manifestations thrombotiques, veineuses et/ou artérielles et à des pertes fœtales récidivantes, liées à des thromboses de la circulation placentaire.

◗ LES TRAITEMENTS ANTITHROMBOTIQUES

CNEM

La prévention et le traitement des thromboses font appel à trois classes de médicaments, utilisés dans des indications différentes : les antiagrégants plaquettaires, les anticoagulants et les thrombolytiques.



Les anti-agrégants plaquettaires

Les antiagrégants plaquettaires sont utilisés pour la prévention secondaire après une première thrombose artérielle, coronaire ou cérébrale, ou pour la prévention des complications thrombotiques des artérites des membres inférieurs, de l’angor stable ou instable, des procédures d’angioplastie coronaire transluminale. Acide acétylsalicylique (aspirine et analogues) L’aspirine bloque l’activité de la cyclo-oxygénase (Cox) qui transforme l’acide arachidonique en endoperoxydes; ceux-ci sont transformés, dans la plaquette, en thromboxane A2 (TxA2, agent pro-agrégant et vasoconstricteur) et, dans la cellule endothéliale, en prostacycline (PGI2, agent anti-agrégant et vaso-dilatateur). L’effet de l’aspirine sur les plaquettes est immédiat et irréversible, avec blocage de la production de TxA2 le temps de vie de la plaquette (8-10 j). L’effet sur les cellules endothéliales est en revanche réversible car la cellule est capable de resynthétiser la Cox et de reprendre la production de PGI2, ce qui est observé si les doses d’aspirine sont faibles. Pour obtenir une effet antiagrégant, la dose recommandée est de 75 à 325 mg/j. Clopidogrel (Plavix) Le clopidogrel est un dérivé de la ticlopidine. Après métabolisation dans le foie, il inhibe l’activation des plaquettes en bloquant de façon irréversible le récepteur à l’ADP couplé à l’adényl-cyclase (P2Ycyc). La dose recommandée est de 75 mg/j et l’équilibre est atteint progressivement en 3-4 jours. Ce médicament remplace le Ticlid® (ticlopidine) dont le mécanisme d’action est identique mais dont les effets secondaires, en particulier hématologiques (neutropénies, aplasies), rendait l’utilisation difficile. Anticorps anti-αIIb β3 (Réopro) Un anticorps monoclonal murin humanisé se fixe de façon irréversible sur le récepteur αIIb β3 (GPIIbIIIa) et inhibe l’agrégation des plaquettes en bloquant la liaison du récepteur au fibrinogène et au FW. Ce médicament, administré par voie intraveineuse et en association avec d’autres antithrombotiques, est utilisé en milieu spécialisé, essentiellement dans les angioplasties coronaires transluminales. CNEM : item 18 « Accidents de anticoagulants. »; item 175 : « Prescription et surveillance d’un traitement antithrombotique ».

340 ◗



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THROMBOSES : MÉCANISMES ET TRAITEMENT

◗ LES ANTICOAGULANTS ◗

Les antagonistes de la vitamine K (AVK)

Les antagonistes de la vitamine K (AVK) agissent au niveau du foie, en bloquant le cycle métabolique de la vitamine K : la synthèse des F. II, VII, IX, X aboutit alors à des formes non γ−carboxylées ou partiellement γ−carboxylées, dont l’activité fonctionnelle est réduite, et la formation de thrombine est ralentie.



Les différents AVK et leurs modalités d’administration

Les AVK sont des dérivés de la coumarine (acénocoumarol, tioclomarol, warfarine) ou de l’indane-dione (fluindione, phénindione). Tous sont administrés par voie orale. Ils diffèrent (Tableau 28.II) par leur délai et durée d’action, qui sont fonction de la rapidité de leur absorption, du degré de leur liaison à l’albumine plasmatique, de leur affinité pour leur récepteur hépatique et de la rapidité de leur catabolisme. Les AVK à demi-vie longue permettent d’obtenir une hypocoagulabilité plus stable dans le temps. En raison d’une grande variabilité interindividuelle, la posologie est strictement individuelle. La dose initiale est une posologie moyenne : 1 comprimé par jour, de préférence le soir. Le traitement doit être pris tous les jours à la même heure. Le délai d’action est par ailleurs dépendant de la demi-vie propre de chacune des protéines de la coagulation vitamine K-dépendantes. Le taux du F. VII, dont la demi-vie est courte ( 6 h) diminue le premier, puis les taux des facteurs IX (20 h), X (48 h) et II ( 60 h). Ainsi, quel que soit le type d’AVK administré, l’équilibre thérapeutique n’est atteint qu’une semaine environ après le début du traitement. Tableau 28.II. 8.II.

Principaux antagonistes de la vitamine K (AVK)

Demi vie (heure)

Médicaments

Durée d’action* (jours)

Dose initiale (mg)

Posologies habituelles à l’équilibre (mg)

4

2 – 10

Demi-vie courte Acénocoumarol (Sintrom)

8-9

2–4

Demi-vie longue Fluindione (Préviscan)

31

3–4

20

5 – 40

Warfarine (Coumadine)

35 – 45

4

5

2 – 15

* temps de retour à la normale des paramètres de la coagulation après arrêt du traitement.



Surveillance des traitements AVK

Un point capital est d’abord d’évaluer la capacité du sujet à comprendre les risques et contraintes d’un traitement qui doit être suivi scrupuleusement pour être efficace et sans danger. Le risque de saignement conduit à proscrire les injections intramusculaires (et les gestes invasifs) pendant un traitement AVK. 341 ◗

28



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CONNAISSANCES

La surveillance biologique des traitements par AVK repose sur l’INR (International Normalized Ratio), mode d’expression standardisée du temps de Quick (TQ) : INR = [TQ Patient (s)/ TQ Témoin (s)]

ISI

*

*ISI = International Sensitivity Index, index de sensibilité du réactif utilisé par rapport au réactif de référence internationale.

Le rythme de la surveillance est le suivant : le premier INR est demandé le matin de la 3e prise (J3), puis tous les jours jusqu’à obtention d’un INR stable et dans la zone thérapeutique deux jours consécutifs. Les contrôles ultérieurs se font une fois par semaine pendant un mois, puis tous les 15 jours et enfin une fois par mois en fonction de la stabilité des résultats. Les modifications de dose se font le plus souvent par 1/4 de comprimé. Un traitement par les AVK vient souvent en relais d’un traitement par l’héparine. Les modalités sont les suivantes : – débuter les AVK le plus tôt possible (1 à 3 j) après le début du traitement par l’héparine en maintenant l’héparine au moins 4 jours; – commencer la surveillance quotidienne de l’INR à J3 comme cidessus; – si l’héparine standard est utilisée, associer la mesure du TCA à l’INR (l’INR n’indique pas le degré d’hypocoagulabilité globale), et moduler la posologie de l’héparine de façon à maintenir le TCA dans la zone thérapeutique; – l’héparine peut être arrétée lorsque l’INR est stable et dans la zone thérapeutique deux jours consécutifs. Le maintien d’une hypocoagulabilité satisfaisante pendant toute la durée du relais est essentiel pour éviter les récidives ultérieures de manifestations thrombotiques.



Facteurs influençant l’efficacité des AVK

– Une alimentation riche en vitamine K (légumes verts à feuilles : salade, épinards, chou, brocolis, chou de Bruxelles ; abats; foie) rend le sujet résistant aux AVK. A l’inverse, une alimentation pauvre en vitamine K (alimentation parentérale, dénutrition) potentialise le traitement AVK. – Les médicaments susceptibles d’interagir avec les AVK sont très nombreux. Si un autre traitement doit être débuté, modifié ou supprimé, il est nécessaire d’effectuer un contrôle de l’INR 3 à 4 jours après chaque modification. Nous n’indiquerons ici que les associations contre-indiquées parce-qu’elles augmentent le risque hémorragique : • Acide acétylsalicylique (aspirine) à forte dose (3 g/jour), • Miconazole (voie générale et gel buccal), • Phénylbutazone (voie générale). La liste des associations déconseillées (les anti-inflammatoires non stéroïdiens en particulier) peut être consultée soit sur le dictionnaire Vidal, soit sur le site de l’AFSS des produits de santé : http://www. agmed.sante.gouv.fr. 342 ◗



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THROMBOSES : MÉCANISMES ET TRAITEMENT



Indications et zones thérapeutiques

Tableau 28.III. 8.III. Tableau

Principales indications des AVK.

Indications

INR cible

• Prévention primaire des thromboses veineuses (chirurgie à haut risque thrombotique)

2,0 à 3,0

• Traitement des thromboses veineuses en relais de l’héparine • Prévention des accidents artériels en cas de : – prothèse valvulaire tissulaire – fibrillation auriculaire – cardiopathie valvulaire – infarctus du myocarde • Prothèse valvulaire mécanique • Thromboses artérielles récidivantes

Durée Fonction du risque

3 – 6 mois* 2 – 3 mois À vie À vie 2 – 3 mois** 3,0 à 4,5***

À vie

* Prolongé si persistance du risque (cancer, ACC, récidives, thrombophilie familiale…). ** Prolongé si le relais par l’aspirine ne peut être pris (en cas d’intolérance). *** La zone cible est moins élevée (2,5 à 3,5) dans le consensus nord-américain dans ces indications.



Contre-indications des AVK

– Hypertension artérielle mal contrôlée ou insuffisance rénale grave (clairance de la créatinine < 20 mL/min). – Accident vasculaire récent. – Chirurgie intracrânienne ou traumatisme crânien récents. – Ulcère gastrique en évolution. – Varices œsophagiennes, cirrhose décompensée. – Grossesse : les AVK traversent la barrière placentaire et exposent à un risque d’embryopathie pendant le 1er trimestre de la grossesse et à des anomalies du système nerveux central chez le fœtus quel que soit le stade de la grossesse. La sensibilité aux AVK augmente avec l’âge, ainsi que le risque d’hémorragie majeure.



Complications du traitement par les AVK

– Surdosage : la conduite à tenir est fonction de l’INR et des signes hémorragiques éventuels : • INR < 5, sans saignement : supprimer la prochaine prise, puis reprendre en réduisant la dose. • INR 5-9, sans saignement : supprimer la prochaine prise, mesurer l’INR quotidiennement, reprendre en réduisant la dose dès que l’INR est dans la zone thérapeutique. • INR > 9, sans saignement : 2-5 mg de vitamine K1 per os, supprimer la prochaine prise, mesurer l’INR quotidiennement, reprendre en réduisant la dose dès que l’INR est dans la zone thérapeutique. 343 ◗

28



28_chap28.fm Page 344 Mardi, 9. mai 2006 2:59 14

CONNAISSANCES

• INR > 5 et saignement : 10 mg de vitamine K1 en I.V. lente, et si le saignement est majeur, concentré de facteurs de coagulation vitamine K-dépendants (Kaskadil), mesurer l’INR quotidiennement, reprendre en réduisant la dose dès que l’INR est dans la zone thérapeutique. – Nécrose cutanée : cette complication est peu fréquente, elle est due à l’apparition de thromboses dans la microcirculation. Elle est principalement observée en cas de déficit en protéine C. Certaines complications rares sont particulières au type d’AVK utilisé : agranulocytose, hépatite, néphropathie interstitielle avec les dérivés de l’Indane-dione, troubles digestifs avec les dérivés coumariniques.



Les héparines



Origine, structure et mode d’action

L’héparine standard non fractionnée (HNF) est une substance naturelle constituée d’un mélange hétérogène de polysaccharides sulfatés de masses moléculaires variables (4000 à 30000 Da). L’héparine utilisée en thérapeutique est d’origine porcine. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) sont obtenues par dépolymérisation chimique ou enzymatique de l’héparine standard. Leur masse moléculaire plus faible, est comprise entre 2000 et 10000 Da. L’héparine se lie à l’AT par l’intermédiaire d’une structure pentasaccharidique et change la conformation de l’inhibiteur. L’HNF accélère environ 1000 fois l’inactivation de la thrombine comme des F. Xa, IXa, XIa et XIIa par l’AT. L’inactivation rapide de la thrombine exige que l’enzyme se lie également à l’héparine, ce qui n’est pas le cas pour le F. Xa : la taille des HBPM leur permet de catalyser l’inactivation du F. Xa mais pas, ou peu, celle de la thrombine (Fig 28.1)



Pharmacocinétique et mode d’administration

Injectée en IV, l’HNF a une demi-vie très courte (30 à 90 min pour les doses usuelles) et doit être administrée en perfusion continue. Injectée en SC, sa biodisponibilité est faible et les injections doivent être répétées 3 fois/j. Les HBPM ont une meilleure biodisponibilité et une demi-vie plus longue que l’HNF, ce qui facilite leur administration : une seule injection sous-cutanée par jour est suffisante en préventif. Leur efficacité antithrombotique étant au moins égale, elles sont préférées à l’HNF dans la plupart des indications de l’héparinothérapie.



Surveillance biologique

Une complication redoutable, plus souvent observée avec l’HNF qu’avec les HBPM, est la thrombopénie induite par l’héparine (cf. cidessous) : le dépistage précoce de cette complication impose qu’une numération des plaquettes soit réalisée deux fois/semaine pendant toute la durée d’un traitement par l’héparine, quelle que soit la nature 344 ◗



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THROMBOSES : MÉCANISMES ET TRAITEMENT

de l’héparine (HNF ou HBPM), quelles que soient les posologies utilisées (traitements préventifs ou curatifs). La seule surveillance biologique, nécessaire dans les traitements préventifs, est celle des plaquettes.

➤Fig. 28.1. Mode d’action de l’héparine et taille des chaînes polysaccharidiques. ➤ L’héparine se lie à l’AT par l’intermédiaire d’un pentasaccharide qui reconnaît des structures complémentaires de l’inhibiteur. Cette liaison change la conformation de l’AT et rend immédiate son interaction avec ses enzymes cibles. (A) Dans le cas de la thrombine (IIa), l’héparine doit aussi interagir avec la thrombine pour que l’inhibition soit immédiate : seules les chaînes longues d’héparine portent à la fois le pentasaccharide et le site de liaison au F. IIa. (B) Dans le cas du F. Xa, seule l’interaction héparine/AT est nécessaire, donc les chaînes courtes d’héparine catalysent l’interaction AT/Xa aussi bien que les chaînes longues.

-A-

-B-

AT

Illustration

IIa

venir

à

HNF

AT

AT

Xa

Xa

HNF

HBPM

Un traitement par HNF à doses curatives doit être surveillé quotidiennement par le TCA qui doit être allongé 2 à 3 fois. L’horaire du prélévement est indifférent dans le cas d’une perfusion IV continue, mais doit être fixe en cas d’injections SC (4 h après l’injection). La mesure de l’héparinémie, plus coûteuse, doit être réservée aux cas où le résultat du TCA est difficile à interpréter (ex : existence d’un ACC). Un traitement par HBPM n’allonge pas, ou peu, le TCA puisqu’il ne bloque pas, ou peu, l’activité de la thrombine. La surveillance s’appuie dans ce cas sur la détermination de l’héparinémie par mesure de l’activité anti-Xa. La surveillance biologique est en réalité inutile, même si les HBPM sont utilisées à doses curatives, sauf chez certains patients pour lesquels on peut craindre une accumulation de l’HPBM : sujets âgés, insuffisants rénaux, patients à risque de saignement particulier : le prélèvement se fait entre la 3e et la 5e heure après la seconde ou la troisième injection afin de dépister une éventuelle accumulation. L’activité anti-Xa attendue est variable selon l’HBPM utilisée.



Indications et posologies

Les héparines sont utilisées dans la prévention (Tableau 28.IV) et le traitement (Tableau 28.V) des thromboses veineuses et des embolies pulmonaires et, dans certains cas, de coagulation intravasculaire disséminée. En préventif, la posologie est adaptée au risque. Dans tous les cas, il faut instaurer le plus rapidement possible un relais par les AVK et arrêter l’héparine dès l’obtention d’un INR satisfaisant et stable. 345 ◗

28



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CONNAISSANCES

Tableau 28.IV. 8.IV. Tableau

Utilisation des héparines à titre préventif.

Indication

Héparine

Injection

Spécialités

HBPM

SC, 1f/j

Clivarine Fragmine Fraxiparine Innohep Lovenox

1750 2500 2850 2500 2000

HNF

SC, 3f/j

Calciparine

5000 u

HBPM

SC, 1f/j

Clivarine Fragmine Fraxiparine Innohep Lovenox

3436 u 5000 u 38 u/kg pendant 3 j., puis 57u/kg 4500 u 4000 u

Calciparine

7500 u

Prophylaxie des thromboses veineuses, risque modéré

Prophylaxie des thromboses veineuses, risque élevé

HNF

SC, 3f/j

Doses*/ injection u u u u u

* Unités anti-Xa pour les HBPM, unités Internationales (UI) pour l’HNF.

Tableau 28.V.

Héparine

Utilisation des héparines à titre curatif (traitement d’une thrombose constituée).

Injection(s)

Spécialités

Doses*/injection

SC, 2f/j

Clivarine Fragmine Fraxiparine Lovenox

71 u/kg 100 u/kg 85 u/kg 100 u/kg

SC, 1f/j

Fraxodi Innohep

171 u/kg 175 u/kg

Perfusion continue

Héparine sodique

400-800 u/kg/j

HBPM

HNF

* Unités anti-Xa pour les HBPM, unités Internationales (UI) pour l’HNF.



Complications

Hémorragies Des hémorragies sont observées dans 5% des traitements curatifs par l’héparine. Dans le cas des traitements par HNF, l’arrêt du traitement corrige rapidement l’hypocoagulabilité, du fait de la demi-vie courte de l’héparine, mais il peut être nécessaire de neutraliser l’activité anticoagulante par le sulfate de protamine (1 unité pour 1 unité d’HNF). Le risque hémorragique est un peu moindre avec les HBPM, qui sont en revanche non neutralisées par le sulfate de protamine.

Thrombopénies induites par l’héparine (TIH) L’héparine peut induire une thrombopénie précoce (J1, J2), très modérée, transitoire, régressant malgré la poursuite du traitement. Beaucoup plus graves sont les thrombopénies apparaissant entre le 4e et le 20e jour de traitement, avec un pic de fréquence au 7e-10e jour : 346 ◗



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THROMBOSES : MÉCANISMES ET TRAITEMENT

ces thrombopénies immunoallergiques à l’héparine (TIH de type II) résultent, dans plus de 95% des cas, d’une immunisation contre le complexe que forme l’héparine avec le facteur 4 plaquettaire (F4P) : ces anticorps sont capables d’activer les plaquettes en présence d’héparine. On les détecte au laboratoire par des tests d’agrégation ou des tests ELISA. Les TIH peuvent être asymptomatiques mais peuvent aussi se compliquer de thromboses veineuses, d’embolies pulmonaires ou de thromboses artérielles, susceptibles d’entraîner des amputations, voire le décès du patient. Il faut donc penser à ce diagnostic en cas de thrombopénie mais aussi devant une diminution progressive du nombre des plaquettes. Le diagnostic impose l’arrêt immédiat de l’héparine. Si le maintien d’un traitement antithrombotique est nécessaire, l’héparine est remplacée par le danaparoïde de sodium (Orgaran) ou l’hirudine (Refludan).

◗ LES THROMBOLYTIQUES

Les thrombolytiques (Tableau 28.VI) sont utilisés pour reperméabiliser les vaisseaux thrombosés, avec pour indication essentielle l’infarctus du myocarde, plus rarement l’embolie pulmonaire grave, ou la thrombose des prothèses cardiaques. Ce sont des molécules qui activent le plasminogène en plasmine, qui elle-même dissout le réseau de fibrine intravasculaire.

8.V. Tableau 28.VI.

Thrombolytiques utilisés en France.

Streptokinase (Streptase, Kabikinase)

Urokinase (Abbokinase)

Alteplase (Actilyse)

Retéplase (Rapilysin)

-

-

+

+

Protéolyse systémique

++

++

+

+

Antigénicité

+

-

-

-

Demi-vie (min)

25

15

5

15

Sélectivité pour la fibrine

Les thrombolytiques de première génération (streptokinase, urokinase) sont non sélectifs : ils activent le plasminogène qu’il soit lié ou non à la fibrine, et la plasmine produite protéolyse non seulement la fibrine, mais aussi de nombreuses protéines dont le fibrinogène, avec un risque hémorragique important. La streptokinase est un produit du métabolisme des streptocoques : 10% des sujets ont en circulation des anticorps neutralisants, ce qui impose l’administration d’une dose de charge destinée à saturer les anticorps. L’urokinase est un activateur naturel du plasminogène (u-PA), isolée de cultures de cellules embryonnaires humaines. 347 ◗

28



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CONNAISSANCES

Le t-PA recombinant (Alteplase) est dit sélectif car il se fixe sur la fibrine pour activer le plasminogène : l’activation est locale et l’effet systémique réduit. Un dérivé du t-PA (Retéplase) est lui aussi dit sélectif, mais son action est plus rapide et son élimination plus lente que celle du t-PA. Les thrombolytiques sont utilisés uniquement en milieu spécialisé, associés à des antithrombotiques (anti-agrégants, héparine). Un élément déterminant de l’efficacité est la précocité d’administration après l’accident thrombotique.

Résumé Points clés • La surveillance biologique des traitements par les anticoagulants oraux (AVK) se fait par l’INR qui doit être dans la majorité des indications compris entre 2 et 3, un peu plus élevé (ciblé sur 3,5) chez les porteurs de prothèse valvulaire mécanique ou en cas de récidives de thromboses artérielles. • La surveillance biologique d’un traitement curatif par l’héparine non fractionnée (HNF) inclut le TCA, qui doit être allongé 2 à 3 fois par rapport au temps du témoin, et, 2 fois par semaine, la numération des plaquettes. • Les traitements préventifs par l’HNF ou par les HBPM, et les traitements curatifs par les HBPM, ne nécessitent pas de surveillance du TCA ni de l’héparinémie (activité anti-Xa), sauf lorsqu’il y a danger d’accumulation (sujets âgés, insuffisants rénaux). Dans tous les cas, ils imposent la numération des plaquettes deux fois par semaine. La thrombopénie induite par l’héparine (TIH) immuno-allergique est une complication rare mais redoutable des traitements par l’héparine. Elle est moins fréquente avec les HBPM qu’avec l’HNF.

348 ◗



29_chap29.fm Page 349 Mardi, 9. mai 2006 3:00 15

29

Manifestations hématologiques associées à certaines situations physiologiques ou pathologiques ◗ MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES

◗ MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES



◗ MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES



DE L’INSUFFISANCE RÉNALE

DE LA GROSSESSE MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES DES SYNDROMES INFLAMMATOIRES MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES DES CIRRHOSES

DES INSUFFISANCES ENDOCRINIENNES

◗ MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES DE L’INFECTION PAR LE VIH

Introduction ◗ On trouvera regroupées ci-dessous les principales manifestations hématologiques que l’on peut rencontrer en pathologie générale, dans quelques cas particuliers qu’il est utile de connaître. Les notions physiopathologiques et les démarches diagnostiques sont données dans les chapitres correspondants.

◗ MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES DE LA GROSSESSE

– Les anémies sont fréquentes au cours de la grossesse. Il importe cependant de distinguer la fausse anémie par hémodilution physiologique (voir page 55) observable à partir du deuxième trimestre de la grossesse, des anémies vraies : microcytaires par carence en fer (voir page 70) ou macrocytaire par carences en folates, surtout chez les multipares (voir page 81). – Il existe souvent une polynucléose neutrophile, toujours modérée, à n’affirmer qu’après s’être assuré de l’absence d’infection (voir page 172). – Des thrombopénies surviennent modérées (supérieures à 100000/mm3 (voir p. 201)) volontiers récidivantes à chaque grossesse, et disparaissant après l’accouchement. Elles n’entraînent pas de manifestations hémorragi349 ◗



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CONNAISSANCES

ques. Des thrombopénies plus profondes doivent faire rechercher une autre cause.

MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES DES SYNDROMES ◗ INFLAMMATOIRES – Tout syndrome inflammatoire s’accompagne, en fonction de sa durée, d’une anémie normochrome normocytaire arégénérative, qui peut devenir hypochrome et microcytaire, après quelques semaines. Cette anémie de physiopathologie complexe est étudiée page 74. – L’hyposidérémie avec capacité de saturation de la sidérophiline normale ou basse est caractéristique. – La polynucléose neutrophile est un symptôme habituel (voir page 172). – Une thrombocytose modérée est souvent associée (voir page 192). Il importe de préciser qu’accélération de la VS n’est pas synonyme de syndrome inflammatoire. Le syndrome inflammatoire associe augmentation de la CRP, du fibrinogène, des 2-globulines et les modifications caractéristiques du bilan du fer. La VS peut être accélérée sans syndrome inflammatoire en cas d’hypergammaglobulinémie, monoclonale ou polyclonale, ou encore de positivité du test de Coombs direct.

◗ MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES DES CIRRHOSES

– L’anémie macrocytaire arégénérative (voir page 121) est très fréquente et ne justifie pas d’exploration complémentaire en cas d’alcoolisme, et si le VGM ne dépasse pas 105 µ3. L’anémie macrocytaire peut également survenir par toxicité de l’alcoolisme aigu. – Une thrombopénie associée à une neutropénie, toutes deux restant modérées caractérise le syndrome d’hypersplénisme (voir page 209). Une thrombopénie isolée parfois profonde, par toxicité directe de l’alcool, peut se rencontrer en cas d’alcoolisme aigu. – L’hémostase typique des cirrhoses est marquée par des déficits en facteurs VII et X, d’abord, puis II, IX et V (voir page 329). On peut aussi observer une CIVD caractérisée (voir page 331). – À titre exceptionnel on observe des anémies hémolytiques, avec ou sans hyperlipémie (syndrome de Zieve).

MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES ◗ DE L’INSUFFISANCE RÉNALE – L’anémie est un symptôme banal de l’insuffisance rénale chronique majeur, essentiellement due au déficit en érythropoïétine. Elle ne justifie pas d’exploration complémentaire (voir page 120). 350 ◗



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MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES ASSOCIÉES À CERTAINES SITUATIONS PHYSIOLOGIQUES OU PATHOLOGIQUES

– Des anomalies de l’hémostase primaire sont possibles : thrombopénie modérée avec thrombopathie (voir page 321). – Un déficit grave en facteur X peut se voir en cas d’amylose. – Une anémie hémolytique aiguë, associée à la présence de schizocytes, est caractéristique du syndrome hémolytique et urémique de l’enfant (voir page 101).

MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES ◗ DES INSUFFISANCES ENDOCRINIENNES – Les anémies normocytaires arégénératives (insuffisance hypophysaire) ou légèrement macrocytaires arégénératives (myxœdème) sont fréquentes (voir page 120). – Une basocytose peut parfois s’observe au cours du myxœdème. – Une tendance à la microcytose, une neutropénie, exceptionnellement une thrombopénie peuvent s’observer au cours des hyperthyroïdies.

MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES DE L’INFECTION ◗ PAR LE VIH – Une Lymphopénie ou plus exactement un déficit en lymphocytes CD4+ est caractéristique de l’infection, souvent associé à une élévation du taux des lymphocytes CD8+ – Une neutropénie est fréquente, l’ensemble expliquant une leucopénie. – L’anémie fréquente au stade de sida avéré, peut avoir des causes multiples, notamment une insuffisance médullaire par érythroblastopénie. – Une thrombopénie peut survenir de façon isolée : elle est alors périphérique et probablement auto-immune. – Les adénopathies chroniques bilatérales, symétriques, touchant toutes les aires, en particulier cervicales postérieures, et de petite taille, surviennent souvent précocement. Elles sont liées à une hyperplasie lymphoïde folliculaire et interfolliculaire et peuvent être associées à une splénomégalie. – Un syndrome mononucléosique peut accompagner la primo infection – Des lymphomes malins souvent de haut grade (immunoblastiques ou à grandes cellules) sont relativement fréquents, avec souvent des localisations extraganglionnaires : cerveau, tube digestif, moelle.

351 ◗

29



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Pratique

Hématologie et transfusion

Cas cliniques

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CONNAISSANCES

354 ◗



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CAS CLINIQUES

Cas clinique 1

Un homme de 65 ans est hospitalisé du fait d’une anémie révélée par une aggravation de l’angor d’effort chez un coronarien connu, hypertendu, diabétique, traité depuis 2 ans (Sintrom, Diabinèse, Aldomet, Avlocardyl et Lasilix). L’hémogramme montre : – Hb 6,3 g/dL – VGM 107 μ3 (fl) – CCMH 33,5% – Réticulocytes 400 x 109/L (400000/mm3) – Leucocytes 6,5.109/l (6 500/mm3) • Polynucléaires neutrophiles 75% • Lymphocytes 15% • Monocytes 10% – Plaquettes 250 x 109/L(250000/mm3) Le patient est apyrétique. L’examen clinique ne révèle qu’une splénomégalie débordant le rebord costal d’un travers de doigt et un ictère. La bilirubine non conjuguée est élevée et l’haptoglobine effondrée.

Questions n°1

Quel(s) est (sont) le(s) symptôme(s) de l’observation qui peut (peuvent) s’expliquer par la baisse du taux d’hémoglobine quel qu’en soit le mécanisme ?

n°2

Parmi les principaux mécanismes d’anémie, lequel explique le mieux l’ensemble des données cliniques et biologiques ?

Parmi les examens biologiques, lesquels vous paraissent les plus utiles en première intention pour orienter le diagnostic étiologique de l’hémolyse ?

n°4

Après les prélèvements nécessaires, quelle attitude thérapeutique vous paraît la plus appropriée dans l’immédiat à la situation du patient ?

Une femme de 40 ans, consulte pour asthénie. Elle n’accuse aucun antécédent particulier. Elle n’a pas d’enfant et n’est pas enceinte. L’examen clinique retrouve un syndrome anémique isolé. Vous faites pratiquer un hémogramme qui vous donne les résultats suivants : – Érythrocytes 4,0 1012/L – Hémoglobine 8,7 g/dL – Hématocrite 27% – Leucocytes 9.109/L dont : • Polynucléaires neutrophiles 64 % • Polynucléaires éosinophiles 6 % • Lymphocytes 24 % • Monocytes 6 % – Plaquettes 540.109/L La VS est à 12/25. Le fer sérique est dosé ainsi que la capacité totale de fixation (CTF) et le coefficient de saturation de la sidérophiline (CSS). On aboutit ainsi au diagnostic d’anémie ferriprive.



Cas clinique 2

n°3

355 ◗

3

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PRATIQUE

Questions n°1

Au vu de l’hémogramme, comment définissez-vous l’anémie ?

n°2

Quel(s) résultat(s) du dosage du fer sérique et de la capacité totale de fixation, pourrai(en)t correspondre au diagnostic porté chez cette malade ? (les unités de mesure sont en μmol/L).

n°3

n°4

Quel autre résultat anormal de l’hémogramme est concordant avec une carence en fer ?

une anémie du type de celle présentée par la malade et quelles seraient les caractéristiques du bilan martial ? n°5

Quelle est la première catégorie d’étiologie à rechercher à l’origine de l’anémie ferriprive chez cette malade et quelles questions posez-vous pour la recherche ?

n°6

Rédigez l’observation pour le traitement martial (catégorie de médicament, voie, dose quotidienne, durée).

En dehors de la carence en fer, quelle(s) autre(s) affection(s) pourrai(en)t induire

Cas clinique 3

Femme de 25 ans. Pas d’antécédent particulier. Anémie ancienne traitée à plusieurs reprises par le fer sans efficacité semble-t-il. NFS 11,5 g/dL – VGM 68 μ3 – CCMH 32 % – Réticulocytes 80000/mm3 Fer sérique 20 μmol/L HbA 95% – HBA 5% – HbF traces

Questions n°1

Quel est votre diagnostic ?

n°4

Quel est le pronostic ?

n°2

Est-elle β + ou β 0 ?

n°5

n°3

Quel est le traitement ?

Il s’agit d’une jeune femme corse qui a épousé un Italien qui a la même anomalie. Que conseillez-vous dans l’optique d’une grossesse ?

Cas clinique 4

Un homme de 45 ans, noir NFS : Hb 14,6 g/dL VGM 73 μ3 Fer sérique : normal Électrophorèse Hb : normale.

Questions Quel est votre diagnostic ?

n°2

Quel traitement proposez-vous ?



n°1

n°3

Quelle est la fréquence de cette particularité dans le monde ?

n°4

Quel est le pronostic ?

356 ◗

31_questions Page 357 Mardi, 9. mai 2006 3:44 15

CAS CLINIQUES

Cas clinique 5

Un patient de 48 ans est vu en consultation pour la découverte d’une splénomégalie. L’étude des antécédents apprend qu’un oncle maternel a été splénectomisé et que la mère du patient a un subictère conjonctival chronique, qu’une des filles du patient a été cholécystectomisée à l’âge de 12 ans pour lithiase et qu’il n’y a pas d’antécédent paternel connu. L’examen clinique montre l’existence d’une discrète splénomégalie, d’un sub-ictère conjonctival. Globules rouges 4 500 000/mm3 VGM 88,8 μ3 Hématocrite 40% CCMH 32,5% Hémoglobine 13 g/dL Réticulocytes 16% Présence de microsphérocytes sur le frottis Leucocytes et plaquettes normaux Bilirubine totale 34 μmol/L dont 32 μmol/L de bilirubine non conjuguée Test de Coombs direct négatif Résistance osmotique diminuée

Questions n°1

Discutez en fonction des données de l’observation les hypothèses diagnostiques suivantes : 1) trouble familial de la glycuroconjugaison, 2) hémolyse congénitale.

n°2

L’hypothèse la plus vraisemblable est une sphérocytose héréditaire. Pourquoi ?

n°3

Pour confirmer l’hypothèse d’une sphérocytose héréditaire, quel examen prescrivez-vous ?

Le diagnostic de sphérocytose héréditaire étant confirmé, quelles sont les complications qui peuvent survenir chez ce patient ?

n°5

Quel est le traitement ? Quelles précautions doivent être prises ? Quel est son mode d’action ?

n°6

Pour ce patient quelle est la probabilité de transmettre cette affection à un descendant direct ?

Un homme de 40 ans, manœuvre, consulte pour dyspnée, troubles digestifs avec diarrhée, amaigrissement. À l’examen, visage couperosé mais pâle, léger tremblement des mains, foie débordant les côtes de 4 cm, ferme. Rate non perçue. Hémogramme : – Globules rouges 2,4.1012/L VGM 125 μ3 – Hématocrite 30% CCMH 33% – Hémoglobine 9,9 g/dL – Leucocytes 3.109/L – Polynucléaires neutrophiles 75% – Lymphocytes 20% – Monocytes 5% – Plaquettes 90.109/L – Réticulocytes 3%



Cas clinique 6

n°4

357 ◗

3

31_questions Page 358 Mardi, 9. mai 2006 3:44 15

PRATIQUE

Questions n°1

Quelles sont les caractéristiques de cette anémie ?

n°2

Un complément de bilan montre : Fer sérique 32 μmol/L ; coefficient de saturation 58 % Bilirubine totale : 35 μmol/L, non conjuguée : 32 μmol/L Haptoglobine effondrée Quel est le mécanisme de l’anémie ?

n°3

n°4

Pour progresser dans le diagnostic de la maladie responsable de l’ensemble du tableau, quelle exploration vous paraît la plus discriminative et quels diagnostics cet examen permet-il de distinguer ?

n°5

On a vérifié que l’activité facteur intrinsèque gastrique était normale. Quel diagnostic est écarté par ce résultat ?

Quel est le mécanisme le plus vraisemblable de l’augmentation de la bilirubinémie chez ce patient ?

Cas clinique 7

Un homme de 55 ans se plaint de vertiges et de céphalées. À l’examen, érythrose faciale nette : front, pommettes, nez sont rouges. La rate est palpée 2 cm sous le rebord costal. Cœur : éclat de B2. TA 19-10 cm Hg. NFS : Globules rouges 7,8 x 1012/L Hématocrite 60% Hémoglobine 22 g/100 mL Leucocytes 12 x 109/L Polynucléaires neutrophiles 75% – Monocytes 4% – Lymphocytes 21% Plaquettes 390.109/L Gaz du sang artériel : PO2 85 mm Hg SaO2 95%, PCO2 39 mm Hg Fonction rénale normale Échographie abdominale : reins normaux, foie normal, rate augmentée de volume (15 cm dans son plus grand diamètre) Uricémie normale Mesure du volume sanguin isotopique en attente

Questions n°1

Dès ce stade, vous pouvez écarter certaines causes de polyglobulie secondaire en fonction de données de l’observation. Lesquelles ?

n°2

Quel(s) élément(s) de l’observation retenez-vous en faveur du diagnostic de maladie de Vaquez ?

Vous êtes interne de garde en médecine et vous êtes appelé auprès de ce patient pour une phlébite surale typique. Vous n’avez pas d’autre renseignement sur le diagnostic. Quel traitement prescrivezvous ?

n°5 n°4

Vous pensez que le diagnostic de maladie de Vaquez est affirmé. Quelle décision thérapeutique de fond prenez-vous seul pour ce malade ?

Quel est l’utilité de la mesure du volume globulaire par la technique des hématies marquées ?



n°3

n°4

358 ◗

31_questions Page 359 Mardi, 9. mai 2006 3:44 15

CAS CLINIQUES

Femme de 55 ans, atteinte d’une polyarthrite rhumatoïde séropositive connue depuis un an et traitée par l’aspirine 2 g/24 h et Indocid – est hospitalisée pour une grande poussée polyarticulaire – pas d’autres antécédents – ménopause depuis 10 ans. Examen : pâleurs – déformations articulaires typiques des articulations des mains et des poignets, qui sont chauds et douloureux. Hémogramme • VGM 70 μ3 • Globules rouges 3,25 M/mm3 • Hématocrite 21,8% • CCMH 32,1% • Hémoglobine 7 g/dL • Leucocytes 12500/mm3 • Polynucléaires neutrophiles 78% • Lymphocytes 22% • Plaquettes 518000/mm3 • Réticulocytes 2% VS 65-93 Fibrinogène 6 g/L Électrophorèse des protides • Albumine 35 g/L • alpha 1 : 1,3 g/L • alpha 2 : 2,9 g/L • bêta : 10 g/L • gamma : 25 g/L pas de pic Latex : 1/40000 Waaler Rose : 1/1 400 Recherche de sang dans les selles : négative Le rhumatologue demande que l’on précise la cause de l’anémie car il ne retrouve pas de notion de saignement digestif à l’interrogatoire.

Cas clinique 8

Questions n°1

Quelles sont l’anémie ?

n°2

Les deux hypothèses à évoquer sont la carence martiale et l’inflammation. L’augmentation des plaquettes vous aidet-elle à trancher ?

caractéristiques

de

n°4

Quels examens biologiques demandezvous pour trancher ?

n°5 n°4

Comment serait le bilan martial si l’anémie était inflammatoire ?

n°6 n°4

Quel est le traitement en cas d’anémie inflammatoire ?

Quelle valeur attribuez-vous à l’absence de saignement digestif à l’interrogatoire ?

Cas clinique 9

Un homme de 70 ans, est adressé en consultation pour une hyperleucocytose découverte sur une NFS systématique. État général excellent. Examen clinique normal. Globules rouges, hémoglobine, VGM, CCMH : normaux Leucocytes 12800/mm3 – Polynucléaires neutrophiles 39% – Lymphocytes 60% – Monocytes 1% Plaquettes 300000/mm3 VS 3-5 Il a refait un autre hémogramme deux mois plus tard qui est très voisin.



n°3

les

359 ◗

3

31_questions Page 360 Mardi, 9. mai 2006 3:44 15

PRATIQUE

Questions n°1

Quelles sont les anomalies de cette numération ?

n°2

Quels diagnostics pourquoi ?

n°3

Que faites-vous et pourquoi ?

n°4

Le diagnostic de Maladie de Waldenström est-il à évoquer et pourquoi ?

n°5

Il s’agit d’une leucémie lymphoïde chronique. Quels sont les examens à prescrire pour le bilan initial ?

Cas clinique 10

envisagez-vous

et

n°6 n°4

Pensez-vous que le spécialiste décidera de traiter cette LLC ?

n°7 n°4

Quelle est l’espérance de vie dans une telle forme ?

n°8 n°4

Quel est le risque de la corticothérapie dans la LLC ?

Un homme de 63 ans est adressé par son médecin traitant pour accélération de la vitesse de sédimentation. Examen clinique normal Hémoglobine 13 g/dL VGM 90 μ3 CCMH 33% Réticulocytes 60000/mm3 Leucocytes 6500/mm3 – Polynucléaires neutrophiles 75% – Polynucléaires éosinophiles 1% Lymphocytes 19% – Monocytes 5% Plaquettes 350000/mm3 Hématies en rouleaux VS 100-140 Électrophorèse des protides : pic étroit dans les gammaglobulines (23 g) Immunoélectrophorèse : immunoglobuline monoclonale IgG Kappa. Diminution modérée des immunoglobulines normales. Radiographie du squelette : normale Myélogramme : richesse normale – Granuleux 62% – Érythroblastes 25% – Lymphocytes 8% – Monocytes 1% – Plasmocytes 5%.

Questions Quel diagnostic portez-vous ?

n°2

Quelle est votre attitude ?

n°2

Quels sont les possibilités évolutives ?

n°4



n°1

360 ◗

Quelle est la fréquence de ce type d’anomalie après 60 ans ?

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CAS CLINIQUES

Cas clinique 11

Une femme de 53 ans consulte à l’occasion de douleurs dorsales irradiant en ceinture sous le mamelon gauche, existant depuis un mois, accompagnées d’une fatigue inhabituelle. Rien de particulier à l’examen clinique et notamment aucun symptôme neurologique objectif. Examens complémentaires : leucocytes 8 900/mm 3 dont 5 070 polyneutrophiles/mm3, 3 220 lymphocytes/mm3, 530 monocytes/mm3, 224 000 plaquettes/mm3, 8,5 g/dL d’hémoglobine, VGM 90 μ3. Vitesse de sédimentation 114 à la première heure. Créatinine 84 μmol/L, sodium 135 mmol/L, potassium 4 mmol/L, protides totaux 107 g/L.

Questions n°1

Le diagnostic envisagé est celui de myélome, pourquoi ?

n°2

Quels sont les examens qui permettent le diagnostic ?

n°3

Outre les examens permettant le diagnostic, quels sont les examens utiles pour adapter le traitement et la surveillance ?

Cas clinique 12

n°4

Quel traitement initial conseiller ?

n°5 n°4

Quels sont les principaux éléments de surveillance ?

Jeune femme de 20 ans, adressée pour une adénopathie cervicale découverte il y a 15 jours. Antécédents : aucun. A eu le BCG. Réaction tuberculinique positive il y a 1 an. Possède un chat avec lequel elle joue souvent. A l’examen, bon état général – pas de fièvre. Adénopathie de 3 cm × 3 cm jugulo-carotidienne basse à gauche, mobile, indolore, de consistance ferme, avec peau normale en regard. Le reste de l’examen est normal. À l’interrogatoire le malade signale un prurit des membres inférieurs. Pas de douleur lors de l’ingestion d’alcool au niveau de cette adénopathie.

Questions n°1

Cela peut-il être une maladie des griffes du chat ?

n°2

Ce ganglion vous inquiète-t-il ? Pourquoi ?

n°3 n°4

361 ◗

Que faites-vous ?

3



31_questions Page 362 Mardi, 9. mai 2006 3:44 15

PRATIQUE

Cas clinique 13

Homme de 45 ans, splénectomisé il y a 3 jours pour rupture traumatique de la rate lors d’un accident de la route. NFS : Hb 14 g/L Leucocytes : 13000/mm3 Polynucléaires neutrophiles 70% Lymphocytes 20% Monocytes 10% 20 – 10 Corps de Jolly Plaquettes : 900000/mm3

Questions n°1

Quels sont les signes évocateurs de splénectomie sur cet hémogramme ?

Cas clinique 14

n°2 n°4

Lesquels vont régresser à distance de splénectomie ?

Une patiente âgée de 25 ans, présente depuis 4 semaines une toux persistante et plus récemment une dyspnée d’effort. Durant cette période, elle a maigri de 4 kg. Il n’y a pas de fièvre. À l’examen clinique, il existe des adénopathies jugulo-carotidiennes, sus-claviculaires, axillaires bilatérales et faites de ganglions de 2 x 2 cm, non douloureux. L’examen du thorax montre un syndrome pleural bilatéral. Hémogramme : 8500 leucocytes/mm3 dont 7230 polyneutrophiles/ mm3, 600 lymphocytes/mm3, 680 monocytes/mm3, 522000 plaquettes/mm3, 8,3 g d’hémoglobine/dL, VGM 76 μ3, réticulocytes 80 000/mm3, vitesse de sédimentation 73 à la première heure. Fibrine 6 g/L, CRP 80 mg/L (N 15 min Plaquettes : 322 G/L TCA : M/T, s : 46/36 Ratio (N ≤ 1,2) : 1,28 Temps de Quick : 80% Fibrinogène g/L : 3,55

Questions n°1

Quels diagnostics peuvent être envisagés ?

n°3 n°4

Quelles sont les mesures complémentaires à prendre ?

n°2

Quels sont les examens biologiques nécessaires pour faire le diagnostic différentiel ?

n°4

Quelle est la conduite thérapeutique ?

363 ◗

3



31_questions Page 364 Mardi, 9. mai 2006 3:44 15

PRATIQUE

Réponses

Cas clinique 1

n°1

Angor d’effort dû à l’aggravation de l’hypoxie myocardique (voir p. 56).

n°3

Test de Coombs direct, examen du frottis du sang.

n°2

Hémolyse périphérique. En effet, l’anémie est régénérative. L’association d’un ictère et d’une splénomégalie est évocatrice d’hémolyse périphérique. L’augmentation de la bilirubine non conjuguée et la baisse de l’haptoglobine sont caractéristiques.

n°4

Transfusion de deux culots globulaires. En effet, il s’agit d’une anémie mal tolérée par le myocarde chez un patient coronarien.

n°4

Trouble de synthèse de l’hème (fer normal ou élevé), défaut de synthèse de la globine (thalassémie) (fer normal ou élevé), inflammation chronique (fer abaissé, capacité totale abaissée).

n°5

Causes gynécologiques. Interrogatoire sur caractères des règles (durée, abondance, présence de caillots). (voir p.117)

n°6

Sel de fer ferreux per os. 100 à 200 mg de fer élément/jour x 4 mois. Contrôle fer + CT ou ferritine après les 4 mois de traitement.

n°5

1)Contrôle de l’hémogramme du mari. 2)S’il est normal, pas de problème pour la grossesse sachant qu’un enfant sur deux sera comme la mère. 3)S’il montre une microcytose, électrophorèse de l’hémoglobine et si elle est pathologique, conseil génétique en milieu spécialisé.

Cas clinique 2

n°1

n°2

n°3

Microcytaire (32,2%).

(Voir p. 69 et suivantes)

(67,3

μ3)

normochrome

Fer sérique 3 μmol/L, sidérophiline : 100 μmol/L donc fer sérique diminué avec capacité totale augmentée. Nombre des plaquettes. Au cours des carences martiales le chiffre des plaquettes peut être élevé. Il peut exister aussi une fausse hyperplaquettose en cas de microcytose très importante.

Cas clinique 3

n°1

β-thalassémie hétérozygote (voir p. 109).

n°2

Il est impossible de répondre à la question chez un simple hétérozygote dont le gène normal produit de la chaîne β.

n°3

Aucun, notamment pas de traitement martial.

n°4

Pronostic excellent. Asthénie postinfectieuse.

364 ◗



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CAS CLINIQUES

Cas clinique 4

n°1

n°2

α−thalassémie (voir p. 110).

probable

n°3

25% des naissances dans certaines régions d’Afrique. 1 à 10% bassin méditerranéen, Moyen-Orient, Inde, Asie.

n°4

Excellent. Aucun symptôme.

n°4

1) Crises de déglobulisation (hyperhémolyse, érythroblastopénie). 2) Lithiase vésiculaire.

n°5

Splénectomie après 5 ans et après vaccinations contre pneumocoque et hémophilus. Principe : ablation de lieu de destruction des GR mais ceux-ci restant pathologiques, leur destruction exclusive par la rate explique l’efficacité du traitement.

n°6

Une chance sur deux. Transmission autosomique dominante.

n°4

Le myélogramme qui permet de trancher entre : anémie mégaloblastique, dysérythropoïèse non mégaloblastique (myélodysplasie), envahissement médullaire.

n°5

Maladie de Biermer. (Voir p. 80 et 82)

Aucun.

Cas clinique 5

n°1

hétérozygote

(Voir p. 91 et suivantes)

1) Non car il existe des signes d’hyperhémolyse (réticulocytes, hyperbilirubinémie non conjuguée, microsphérocytes). (Voir p. 88) 2) Oui car hyperhémolyse (cf. ci-dessus/+ notion d’histoire familiale).

n°2

Hémolyse avec microsphérocytose. Test de Coombs direct négatif. Histoire familiale typique d’une transmission dominante.

n°3

L’examen le plus couramment réalisé est l’autohémolyse en présence de glucose et d’ATP (voir p. 92) (L’éktactrocytométrie est très performante mais rarement effectuée).

Cas clinique 6

n°1

Normochrome macrocytaire arégénérative 90000/μm3.

n°2

Défaut de synthèse de l’ADN qui explique la macrocytose arégénérative. (voir p. 64) Hémolyse intramédullaire du fait de la mort des érythroblastes dans la moelle due au défaut de synthèse de l’ADN.



n°3

365 ◗

3

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PRATIQUE

Cas clinique 7

(Voir p. 157 et suivantes)

n°1

1)Respiratoire et cardiaque : Résultat SaO2 2)Tumeur du rein ou du foie (échographie normale).

n°2

1)Hyperleucocytose neutrophile. 2)Splénomégalie.

n°3

Elle est indispensable pour différencier polyglobulie vraie et hémoconcentration sauf quand l’hématocrite est très élevée.

avec

polynucléose

n°4

n°5

1)Héparinothérapie. 2)Saignées 350 cm3 répétées et rapprochées jusqu’à normalisation de l’hématocrite. Je ne prends seul aucune décision et je demande l’avis d’un spécialiste.

Cas clinique 8

n°1

Microcytaire normochrome arégénérative.

n°4

Fer sérique + capacité totale.

n°2

Non car elle se voit aussi bien dans l’inflammation que dans la carence martiale. Aucune. (Voir p. 115)

n°5

Fer sérique abaissé. Capacité totale diminuée. (Voir p. 75)

n°6

Celui de la cause : la PR.

n°5

Coombs direct, électrophorèse des protides, uricémie, radio de thorax.

n°6

Non. Stade A.

n°7

Identique à celle d’un sujet avec un hémogramme normal.

n°8

Infection.

n°3

Cas clinique 9

(Voir p. 269 et suivantes)

n°1

Hyperleucocytose. Lymphocytose.

n°2

Leucémie lymphoïde chronique ou autre syndrome lymphoprolifératif car il ne s’agit pas d’une infection virale (lymphocytose stable sur deux mois). Immunophénotypage des lymphocytes du sang et examen du frottis pour différencier LLC et autre hémopathie lymphoïde. Non, Waldenström écarté car VS normale.

n°4



n°3

366 ◗

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CAS CLINIQUES

Cas clinique 10

(Voir p. 279 et suivantes)

n°1

Immunoglobuline monoclonale bénigne (myélogramme < 10% des plasmocytes. Pas de lésion osseuse spécifique).

n°2

Refaire une électrophorèse 3 mois plus tard puis surveillance/6 mois, voire 1 an (hémogramme, calcémie, créatinine, électrophorèse des protides, protéinurie).

Cas clinique 11

n°2

n°3

Stabilité, disparition (rare), évolution vers un Kahler (% variable selon les séries). D’autant plus fréquent qu’on a plus de recul et que % de plasmocytes dans la moelle plus élevé.

n°4

• 60-70 ans : 1% • 70-80 ans : 3% • > 80 ans : 10%

(Voir p. 275 et suivantes)

Douleurs rachidiennes et augmentation de la vitesse de sédimentation peuvent relever de multiples causes (hémopathie, cancer métastatique, infection) mais l’hyperprotidémie associée permet d’évoquer immédiatement le diagnostic de myélome multiple. La confirmation du diagnostic est apportée par les clichés de l’ensemble du squelette qui montrent des lacunes à l’emporte-pièce des humérus et des radius, des fémurs et des tibias, de la voûte crânienne, une déminéralisation diffuse au niveau du rachis avec un tassement au niveau de D10. L’électrophorèse des protéines montre un pic en γ globulines (pic et γ globulines : 60 g/L), l’immunoglobuline monoclonale est identifiée en immunofixation comme une IgG kappa. L’ensemble de ces examens permet le diagnostic de myélome multiple. Le myélogramme montre 50% de plasmocytes.

qui est inférieur à 0,07 g/L et des IgM polyclonales : 0,12 g/L. L’IRM vertébrale montre un bombement du mur vertébral postérieur sans épidurie ni compression médullaire. n°4

Le traitement initial conduit à calmer les douleurs (corticothérapie intraveineuse à fortes doses et antalgiques) et parallèlement, chez cette femme jeune, à commencer une chimiothérapie et prévoir, après récupération des cellules souches un traitement intensif.

n°5

Les éléments de surveillance sont cliniques : douleurs osseuses et dans ce myélome avec atteinte rachidienne, il faut se méfier de la possibilité de complications neurologiques par compression médullaire. La surveillance biologique doit comporter de façon régulière : hémogramme, créatinine, calcémie, électrophorèse des protéines, le taux de l’immunoglobuline monoclonale (estimé sur le taux du pic en g/L) étant un des éléments importants de surveillance, étude de la protéinuries des urines de 24 heures, clichés du squelette essentiellement du rachis dans son ensemble et des zones portantes. En cas d’apparition de nouvelles douleurs rachidiennes et a fortiori d’un syndrome radiculaire, une IRM devra être effectuée en urgence pour guider le traitement.

Le diagnostic porté, il faut compléter les examens biologiques. Outre le groupe sanguin, mesurer le taux de la calcémie : 2,2 μmol/L et étudier les urines : la protéinurie est inférieure à 0,1 g/jour faite de traces d’albumine sans immunoglobuline monoclonale. Le dosage des immunoglobulines permet de préciser le taux des IgA polyclonales



n°1

n°3

367 ◗

3

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PRATIQUE

Cas clinique 12

(Voir p. 226)

n°1

Non car le ganglion serait inflammatoire.

n°2

Il est inquiétant car non inflammatoire, volumineux.

Cas clinique 13

n°1

Cytologie ganglionnaire, a priori suivie de biopsie.

n°2

La thrombocytose et la polynucléose neutrophile.

(Voir p. 230)

Polynucléose neutrophile, hyperplaquettose, Corps de Jolly.

Cas clinique 14

n°3

(Voir p. 288 et suivantes)

n°1

Maladie de Hodgkin ou lymphome non hodgkinien, à la rigueur tuberculose ganglionnaire.

n°2

La ponction ganglionnaire montre la présence de grandes cellules de lymphome. La biopsie ganglionnaire est nécessaire, faite en prélevant l’ensemble d’un ganglion cervical. Elle confirme le diagnostic de lymphome à grandes cellules CD20+.

n°3

Examen clinique : palper et noter précisément sur un schéma les aires ganglionnaires atteintes, examen de l’abdomen, examen ORL. Clichés du thorax : ils confirment l’existence d’un épanchement pleural bilatéral et montrent une masse médiastinale antérieure mesurant 3 × 4 × 10 cm de hauteur associé à une adénopathie latéro-trachéale droite de 3 cm. Ces données sont confirmées sur le scanner thoracique, l’échographie de l’abdomen ou le scanner abdomino-pelvien montre qu’il n’y a pas d’adénopathie abdomino-pelvienne et que le foie et la rate sont normaux.

La ponction pleurale montre la présence de grandes cellules lymphomateuses. La biopsie médullaire est normale. Examens biologiques : LDH 355 UI/L (N = 100 à 190), fibrine 6 g/L. Ponction lombaire normale : protéinorachie 0,36 g/L, 2 éléments/mm3. Conclusion : lymphome à grandes cellules cervico-médiastinal avec atteinte pleurale, sus-diaphragmatique stade IV sans masse tumorale médiastinale volumineuse avec signes généraux (fièvre, amaigrissement), et élévation des LDH. n°4

Polychimiothérapie associant prednisone, antracycline, alcaloïde de la pervenche, cyclophosphamide (CHOP ou apparenté) Nombres et modalités exactes des cures adaptées au bilan d’exptension et facteurs de pronostic. Inclusion dans un protocole multicentrique après consentement éclairé +++.

n°5

Anémie inflammatoire car microcytaire, arégénérative associée à un syndrome inflammatoire biologique.

368 ◗



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CAS CLINIQUES

Cas clinique 15

n°2

L’instauration d’un traitement par l’héparine nécessite de déterminer les valeurs de départ du TCA, temps de Quick et plaquettes. Compte tenu du caractère inhabituel de la survenue d’une thrombose à cet âge, on fera un prélèvement sanguin pour rechercher un facteur de risque constitutionnel ou acquis : dosages d’AT, de protéine C et de protéine S, test de résistance à la protéine C activée, recherche de la mutation G20210A du gène de la prothrombine, recherche d’un anticoagulant circulant de type antiphospholipides et d’anticorps anticardiolipide. (Voir p. 339) Médicament : HBPM, par ex. : Fraxodi : 171 UI anti Xa/kg/jour (7866 UI = 0,4 mL), une injection SC tous les jours à 16h00. L’injection sous-cutanée doit être réalisée dans le tissu cellulaire souscutané de la ceinture abdominale antérolatérale ou postérolatérale, alternativement du côté droit et du côté gauche, patient de préférence en décubitus. Surveillance biologique : La surveillance de l’héparinémie (activité anti-Xa) n’est pas nécessaire si l’interrogatoire a éliminé une tendance au saignement et s’il n’existe pas d’insuffisance rénale



n°1

(clairance de la créatinine). Si ce n’est pas le cas, le prélèvement sanguin doit être fait 3 à 5 h après l’injection SC (entre 19h00 et 21h00); l’activité anti-Xa attendue est de 1,3 UI/mL. La numération des plaquettes doit être faite à J3. (Voir p. 345) n°3

– La régression des signes locaux (œdème, douleur) et généraux (fièvre) de la phlébite est un garant d’efficacité. – La numération doit être faite 2 fois par semaine (risque de thrombopénie induite par l’héparine) et surveillance de l’hémoglobine (risque hémorragique).

n°4

– Continuer le traitement par le Fraxodi à la même posologie. – Administrer 1 comprimé de Préviscan 20 mg, à partir de J3, le soir, puis chaque soir au coucher. – Faire mesurer l’INR tous les matins à partir de J6. Quand la zone thérapeutique est atteinte (INR compris entre 2 et deux jours consécutifs, arrêter le Fraxodi. Ceci peut nécessiter un ajustement de la dose de Préviscan par 1/4 de comprimé. Ensuite, un INR tous les 15 jours sera nécessaire pendant toute la durée du traitement. – Durée du traitement : 3 mois, ou 6 mois si l’enquête biologique met en évidence un facteur de risque de thrombose constitutionnel ou acquis. (Voir p. 342)

369 ◗

3

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PRATIQUE

Cas clinique 16

n°2

Diagnostics envisagés (voir p. 319 et suivantes) : – Thrombopathie acquise ou constitutionnelle, – Maladie de Willebrand. Arguments cliniques : manifestations hémorragiques de type cutanéo-muqueux, apparues dans l’enfance (épistaxis) et à la puberté (ménorragies), avec une histoire familiale, évoquant une anomalie de l’hémostase primaire, possiblement constitutionnelle. Écarter la prise d’anti-agrégants plaquettaires au moment des explorations complémentaires. Arguments biologiques : anomalie de l’hémostase primaire (temps de saignement allongé) avec nombre de plaquettes normal, associée à une anomalie de la voie endogène de la coagulation (allongement discret du TCA). L’existence simultanée de ces deux anomalies est en faveur d’une maladie de Willebrand. Le facteur Willebrand intervient dans l’adhésion des plaquettes aux structures sous-endothéliales. Il circule associé au F. VIII qu’il protège de la dégradation in vivo. Un déficit en facteur Willebrand allonge le temps de saignement parce que les plaquettes adhèrent peu ou pas à la brèche vasculaire créée par l’incision cutanée. L’allongement du TCA peut s’expliquer par la diminution du facteur VIII, dont le catabolisme est accéléré. Examens biologiques nécessaires pour faire un diagnostic différentiel (voir p. 322) : – Dosage du facteur VIII, du facteur Willebrand (activité et antigène), – Étude de l’agrégation plaquettaire induite par la ristocétine (RIPA) Résultats : Facteur VIII (N : 60-120%) 30 Facteur Willebrand Activité (N : 50-150%) 22 (activité cofacteur de la ristocétine) Antigène (N : 50-150%) 24 Agrégation plaquettaire induite par la ristocétine (RIPA) : nulle à faible



n°1

concentration de ristocétine (0,5 mg/mL), diminuée pour 1 mg/mL de ristocétine. Commentaires : – Le taux du facteur VIII est abaissé par rapport à la normale – Le taux du facteur Willebrand (antigène) et l’activité sont diminuées de façon équivalente. – Absence d’hyperagglutinabilité des plaquettes en présence de ristocétine, éliminant les variants caractérisés par une augmentation d’affinité pour la GPIb plaquettaire (type IIB). Conclusion : Maladie de Willebrand de type 1 (déficit quantitatif). n°3

Mesures complémentaires (voir p. 323) : – Remettre une carte mentionnant le diagnostic, le groupe sanguin et les précautions à prendre en cas d’intervention chirurgicale. – Vaccination contre les virus de l’hépatite B et de l’hépatite A. – Faire un test au DDAVP (desmo-pressine) : DDAVP (Minirin) 0,3 µg/kg de poids corporel. Administré par voie intraveineuse, dilué dans 50 mL de sérum physiologique, en 20 minutes. Évaluer l’effet sur le TS, le temps de lyse des euglobulines, les taux du facteur VIII et du Facteur Willebrand, dans les heures qui suivent l’injection. Normales

TS, Ivy (min) F. VIII (%) F.W. RCo (%) F.W. Ag (%) T. lyse des euglobulines (h)

370 ◗

< 10 60-120 50-150 50-150 >3

H1

H2

H3

7 – 120 100 80 75 90 88

– 80 70 71

2





NB : le DDAVP est généralement efficace chez les sujets de type 1, mais de façon inconstante, ce qui rend indispensable le test. Marie-Laure L. est un bon répondeur. La réponse au DDAVP (augmentation des taux de F.VIII et Facteur Willebrand) est

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CAS CLINIQUES

Cas clinique 16 constante chez un même individu et dans une même famille. Le DDAVP entraîne parallèlement une libération de t-PA par la cellule endothéliale dont il faut s’assurer qu’elle n’est pas trop importante (temps de lyse des euglobulines). L’effet du DDAVP s’épuise si le rythme d’administration est supérieur à 1 fois/24 ou 48 h. Un contrôle biologique est donc indispensable en cas d’administration répétée, un traitement substitutif pouvant devenir nécessaire chez certains patients. Les effets secondaires du DDAVP sont essentiellement l’apparition de rougeur de la face et de maux de tête.

n°4

371 ◗

Conduite thérapeutique Dans le cas de Marie-Laure L. (maladie de Willebrand de type 1 modérée, intervention gynécologique peu hémorragique), la Desmopressine (DDAVP) sera utilisée en injection IV (Minirin : 0,3 µg/kg) une heure avant l’intervention. L’administration peut être répétée 12 heures après. Dans les formes sévères de maladie de Willebrand de type 1 où la réponse au Minirin est insuffisante (absence de correction du TS et du Facteur Willebrand), le traitement substitutif sera utilisé.

3



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INDEX

Index



2,3-DPG 44, 45, 55 2,3-DPG 105 2-chloro-deoxy-adénosine 274

Agglutinine irrégulière 141, 143 – Recherche d’ 146 Agranulocytose 173, 174, 186 – chronique des jeunes enfants 176 – cyclique 176 – Médicament responsable 176 Agrégat plaquettaire 191 AHAI, voir Anémie hémolytique auto-immune Albumine humaine 155 Alcoolisme aigu 80 Aldomet 96 Alkeran 287 Alkylant 236 Allogreffe de moelle, voir Greffe de moelle allogénique Alteplase 347 Améthoptérine 121 α−méthyl dopa 95 Amidopyrine 174, 176 Amylose 273, 277, 280 Androgène 31, 63, 132, 158 Anémie 117, 350 – Adaptation 55 – Définition 53 – Hémodilution 55 – Mécanismes physiopathologiques 56 – Symptôme 56 Anémie aiguë 56 Anémie aiguë hémorragique 85 Anémie anérythroblastique 63 Anémie arégénérative 61 Anémie botriocéphalique 80, 122 Anémie de prothèse intracardiaque 127 Anémie fausse 55 Anémie ferriprive, voir Carence martiale Anémie ferriprive du nourrisson 73 Anémie hémolytique 58, 87, 126, voir aussi Hémolyse Anémie hémolytique auto-immune (AHAI) 95 – aiguë virale 96 – idiopathique 97 Anémie hémolytique immuno-allergique 97 Anémie hémolytique mécanique 100 Anémie hémolytique néonatale par iso-immunisation fœto-maternelle 99 Anémie hémolytique par enzymopathie constitutionnelle 89

A

α1−antitrypsine 301 α2−antiplasmine 307, 314 Abciximab 300 Abétalipoprotéinémie congénitale 93 ABO – Système 138 – Incompatibilité 142 ABVD 286 Acanthocytose 127 Acanthocytose constitutionnelle 93 ACC, voir Anticoagulant circulant Accident transfusionnel 142 – Accident de surcharge 144 – Choc septique 144 – Manifestation allergique 144 – Surcharge en citrate 144 – Syndrome « d’hémodilution » 145 – Syndrome frisson-hyperthermie 143 Acénocoumarol 341 Acide folinique 84, 132 Acide folique 38, 64, 80, 262 – Absorption 39 – Dosage 39 – Métabolisme 39 – Réserve 39 – Traitement per os 84, 132 Acide lactique 25 Acide ptéroylglutamique 39 Acide pyruvique 25 Acide tout transrétinoïque 249, 250 Acide valproique 121 Activateur tissulaire du plasminogène (tPA) 307 Adénogramme 19 Adénopathie 224 – angio-immunoblastique 293 – Diagnostic 224 ADN (anomalie de la synthèse) 64 ADP 299 Afibrinogénémie 328 Agglutinine froide 95 Agglutinines froides (maladie chronique des) 97

373 ◗



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INDEX Anémie hémorragique 58 Anémie hyposidérémique 69 – Étiologie 70 – Traitement 71 Anémie inflammatoire 74, 115, 120, 124 Anémie macrocytaire 113, 120, 350 Anémie mégaloblastique 64, 79, 81, 121 Anémie mégaloblastique constitutionnelle 84 Anémie microcytaire ou hypochrome 114 Anémie microcytaire ou hypochrome hypersidérémique 117 Anémie néonatale 98 Anémie normochrome normocytaire arégénérative 120 Anémie normochrome régénérative 125 Anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB) 263 Anémie réfractaire simple 264 Anémie régénérative 57 Anémie sidéroblastique 65, 76, 117 Anémie sidéroblastique génétique 77 Anémie sidéroblastique primitive acquise 262 Angine ulcéro-nécrotique 174 Anisocytose 12, 257 Aniso-poïkilocytose 127 Anse borgne 80 Antéhypophysaire 124 Antiagrégant 300 – plaquettaire 299, 320, 340 Antianémique 131 Antibiotique antimitotique 236 Anti-CD20 294 Anticoagulant 341 – circulant (ACC) 312, 315, 335 – – antiphospholipide 339 Anticonvulsivant 81, 224 Anticorp anti-αΙΙbβ3 340 Anticorp anti-granuleux 148 Anticorp anti-IgA 144 Anticorps leucoplaquettaire 143 Anticorps anti-F. VIII 327 Anticorps anti-facteur intrinsèque (FI) 82, 122 Anticorps anti-HLA 143 Anti-émétisant 237 Anti-fibrinolytique 330 Antifolique 80 Anti-inflammatoire non stéroïdien 320 Antimétabolite 236 Antimitotique 124 Anti-oncogène 232 Anti-phospholipide 315, 316 Antithrombine (AT) 301, 305 Antithrombotique 340



Antithyroïdien de synthèse 206 Antivitamine K (AVK) 316 – Contre-indication 343 – Indication 343 Anurie 60 Aplasie médullaire 203, 205, 237 – idiopathique 207 – infectieuse 206 – toxique 206 – Traitement 207 Aprotinine 334 Aracytine 255 Arsénicaux organiques 206 Arthropathie 326 Aspirine 299, 300, 314, 320, 340 Asplénie 192, 230 α−thalassémie 107, 110 ATP 25, 26 ATPase 26 – Déficit 94 AT, PC ou PS – Déficit 339 Auto-agglutination 95 Auto-anticorps anti-plaquettes 200 Autogreffe de moelle 238 Autohémolyse in vitro 90, 91, 92 Auto-immunisation 267, 269 AVK, voir Antivitamine K Avortement intramédullaire 62, 65 AZT 124

B

374 ◗

β2-microglobuline – Taux 277 β et β−δ−thalassémie mineure 108, 109 Babésiose 148 Bactéricidie 167 Bartonellose 101 Basocytose 183 BCR/ABL 233 Bence-Jones, protéine de 272 Benzène 206, 231 Bernard-Soulier (maladie de) 197, 320 Bêta-thalassémie 107, 108 Bicytopénie 203 Biermer (maladie de) 80, 82-83, 122, 124 Bilan post-transfusionnel 152 Bilirubine 58 Bilirubine conjuguée 51, 88 Bilirubine non conjuguée 51, 87 Biopsie de moelle 18 Biopsie ganglionnaire 19



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INDEX



Biphosphonate 278 Blackfan-Diamond (maladie de) 77, 121 Bléomycine 236, 287 Blocage de maturation 175 Bombay, phénotype 139 Bradykinine 304 Burkitt, voir Lymphome non hodgkien de - 108

CHOP 294 Chrome 51 124 Chromosome Philadelphie (Ph1) 233, 245, 254 Cirrhose 80, 350 CIVD, voir Coagulation intravasculaire disséminée Clopidogrel 300, 314, 320, 340 CMV 134, 148, 197, 223, 282 Coagulants circulants 335 Coagulation – Étapes 303 – Initiation 303 – Voie exogène de la 303, 311 Coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) 136, 143, 198, 249, 316, 331, 350 – Étiologie 332 – Traitement 334 Coagulation plasmatique 300, 303, 310 – Contrôle 305 – Exploration 310 Cobalamine 40 Cœliaque (maladie) 80, 83, 115 Cofacteur II de l’héparine 301 Collagène 298 Coma anémique 56 Compatibilité in vitro pré-transfusionnelle 141 Complément (Système du) 304 Complexe soluble 333 Complications iatrogène 287 Concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) 11 Concentré d’antithrombine 334 Concentré de globules rouges (CGR) 133 – « autologue » 135 – « CMV négatif » 134 – « compatibilisé » 134 – « congelé » 135 – « déplasmatisé » 135 – « irradié » 134 – « pédiatrique » 135 – « phénotypé » 134 – avec « phénotypage étendu » 134 – Prescription 141 Concentré de granulocytes 137 Concentré plaquettaire 135, 334 Concentré purifié de F. VIII 327 Consommation de prothrombine 313 Contact 328 Cooley (maladie de) 108 Coombs (test de) 95, 126, 129, 143 – Test positif 269 Cordon de Billroth 60 Corps d’Auer 248, 249 Corps de Döhle 197

C

C1-inhibiteur 301 Caillot – Redissolution 313 Caillot de fibrine – Formation 304 Cancer du sein 287 Cancers de l’estomac 83 Capacité totale de saturation 114 Carbhémoglobine ou carbaminohémoglobine 46 Carboxyhémoglobine 111 Carence en acide folique 80, 84, 121 Carence martiale 69, 72, 115 – Symptomatologie 70 Caryotype 243 Caryotype médullaire 254 Castleman (maladie de) 227 CD5 216 CD19 215 CD20 215 CD34 4 Cellule anormale dans le sang 120 Cellule cible 104, 106, 127 Cellule de Sezary 293 Cellule de Sternberg 283, 284 Cellule dendritique 185 Cellule immature dans le sang 258 Cellule souche 3 Céphalosporine 321 CFU-E 4, 29 CFU-G 4 CFU-GM 4, 185 CGR, voir concentré de globules rouges Chaînes lourdes (maladie des) 281 Chediak 177 Chélateur du fer 149 Chimiotactisme 167 Chimiothérapie 236 Chirurgie 235 Chlorambucil 270, 273 Chloramphénicol 121, 206 Chlorothiazide 197 Cholémie familiale 52

375 ◗



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INDEX



Corps de Heinz 60, 90, 102, 104 Corps de Jolly 24 CP, voir Concentré plaquettaire Crâne « en tour » 88 Crâne en « poils de brosse » 88 Crigler-Najjar (maladie de) 52 Crise tétanique 144 CRP (C Reactive protein) 74 Cryoglobulinémie 273, 281 Cyanocobalamine 83 Cyanose 110 Cyanose congénitale 107 Cycle cellulaire 79 Cyclo-oxygénase 299, 340 – Déficit constitutionnel 320 – plaquettaire 321 Cytomégalovirus, voir CMV Cytométrie en flux 243



Dysfibrinogénémie 329 Dysphagie 71

E

D

Danaparoïde de sodium 347 δ−β−thalassémie homozygote 109 D-dimère 314, 334 Décarboxyprothrombine 331 Déclaration d’incident transfusionnel 152 Déficit immunitaire 267 Déficit isolé en un des facteurs de coagulation 315 Déleucocytation 143 Déleucocyté (produit sanguin) 135 Déoxycoformycine 274 Desmopressine (DDAVP) 323, 327 Diagnostic anténatal 106, 109 Diagnostic prénatal 327 Diapédèse 166 Diaphorase 26, 49 – Déficit 111 Digestion 167 Digitoxine 198 Disulone 101 Don du sang 151 Double hétérozygote HbS-β-thalassémie 106 Double hétérozygote SC 106, 127 Double hétérozygote SD 106, 127 Drépanocyte 104, 105, 128 Drépanocytose 60, 104, 105, 127 Duffy (système) 140 Dysérythropoïèse 62, 76, 123 Dysérythropoïése acquise 64 Dysérythropoïèse acquise idiopathique 124 Dysérythropoïèse acquise toxique 85 Dysérythropoïèse congénitale 64, 85



EBV, voir Epstein-Barr Ecchymose 326 Échange plasmatique 273 EDTA 190 Ektacytométrie 92 Elliptocytose 60, 127 Elliptocytose familiale 93, 127 Endothelial 306 Envahissement médullaire 205, 209 Envahissement méningé 245 Éosinophile (lignée) 17, 180 Epstein Barr (virus d’) 221, 231, 282, 283, 288, 290, 293, 295 Érythroblastémie 259 Érythroblastes – Formation 29 – Lignée 17, 28 Érythroblastopénie 63 Érythroblastopénie aiguë 77 Érythroblastopénie aiguë idiopathique 121 Érythroblastopénie chronique congénitale 77 Érythroblastopénie chronique de l’adulte 78 Érythroblastopénie chronique idiopathique 121 Érythroleucémie 249 Érythropoïèse 28-32 Érythropoïèse inefficace 62, 203 Érythropoïétine 5, 30, 63, 74, 132, 158 Etoposide 287 Evans (syndrome d’) 96 Exploration isotopique 124 Exsanguino-transfusion 99

F

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FAB (classification) 248 Facteur II 328 Facteur V 328 Facteur V Leiden 313, 339 Facteur VII 316, 328 Facteur VIII – Déficit isolé 315 Facteur XIII – Activation 304 – Déficit 328 Facteur IX 315, 327 Facteur X 328 Facteur XI 328 – Activation 304



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Facteur XII, prékallikréine 304 Facteur XIII 313, 328 – Déficit 328 Facteur de coagulation 300, 302 – Dosage 312 Facteur de croissance hématopoïétique 4, 154 Facteur de la phase contact – Déficit 315 Facteur intrinsèque 40, 41, 80, 82, 84 Facteur thrombogénique 338 Facteur tissulaire 298, 300, 301, 303, 332 Facteur Willebrand 298, 310 – Dosage 322 Fanconi (maladie de) 207 Felty (syndrome de) 177 Fer 33, 43, 64 – Absorption 33 – Apport 33 – Besoins 36 – Capacité totale de fixation 37 – Carence d’apport 70, 116, 117 – Carence relative 70 – Cycle 36 – Défaut d’absorption 70 – Grossesse 117 – injectable 72, 131, 132 – per os 71, 131 – per os (sel de -) 132 – Perte 33 – radioactif (Fer 59) 64-65, 124 – Réserve 35 – sérique 37, 114 – Variation pathologique 37 Fer 59 , voir Fer radioactif Ferritine 35, 38, 70, 74 Fibrine, formation du caillot de, 304 Fibrinogène 298, 304, 310, 328 – Dosage 311 Fibrinolyse 307 – Exploration 313 – primitive 334 Fibrose 274 Fibrose médullaire 205, 209 FISH 243 Fludarabine 270, 273, 294 Fluindione 341 Follicule lymphoïde 211 Fonction plaquettaire 310 Formule sanguine 12, 13 – Inversée 174 Fragilité capillaire 324 Frottis – Examen des hématies 12 – Étude des plaquettes 14



INDEX

G



G6PD – Déficit 98, 127, 129 Gaisbock (syndrome de) 162 Ganglion 211 Gastrectomie sub-totale 80 G-CSF 6, 137, 154, 171, 176, 238 Géophagie 71 Gilbert (maladie de) 52 Glanzmann – Thrombasthénie de 320 Globine 43 – Gène 47 – Synthèse 48 Globule blanc 12 Globule rouge, voir Hématie Glomérulonéphrite 282 Glossite 71, 81 Glucose-6-phosphate déshydrogénase (G-6PD) 25 Glutathion peroxydase 91 Glutathion réduit 27 Glutathion-réductase 27 Glycolyse intra-érythrocytaire – Shunt des pentose 24 – Voie principale dite d’Embden-Meyerhof 24 Glycoprotéine Ib 298 Glycuronyl-transférase 51 GM-CSF 6, 171, 180, 186 Grand lymphocyte 15 Granulation neutrophile 165 Granule primaire azurophile 165 Granulomatose chronique familiale 178 Granulopoïèse 168 Greffon contre l’hôte (réaction du) 134, 147 Greffe de cellule souche autologue 278 Greffe de moelle 207 – allogénique 109, 238, 247, 250, 255 Grossesse 55, 81, 83, 134, 349 – Anémie 349 – Fer 36 – Polynucléose neutrophile 349 – Thrombopénie 349 Groupes sanguins 138, 152 Groupe sanguin Rh nul (maladie du) 94 Gunther (maladie de) 76

H

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Ham-Dacie 103 Haptoglobine 52, 58 Hb, voir Hémoglobine



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INDEX HBPM, voir Héparine de bas poids moléculaire Helicobacter pylori 288, 292 Helminthe 180 Hémangiome 198 Hémangiosarcome 198 Hémarthrose 325 Hématie 49 – Circulation 23 – Donnée quantitative 23 – Durée de vie 49 – « en larme » 257 – falciforme 104, 105 – Glycolyse intra-érythrocytaire 24 – Membrane 22 – Métabolisme 24 – Nombre 53 – Nombre normal 10 – Physiologie 23 – ponctuée 102, 129 – Structure 21 – sur lames 126 – – Anomalie 126 – Vieillissement 50 Hématocrite 10, 53, 157 Hématodermie 293 Hématome 326 Hématopoïèse 4 Hème 42, 43, 48, 51 – Anémies par anomalie de synthèse de l’- 76 – Poche de 43 Hémoblaste 168 Hémochromatose 77, 263 Hémochromatose génétique 149 Hémochromatose post-transfusionnelle 109, 148 Hémochromatose secondaire 149 Hémodilution 54, 124 Hémoglobine 29, 42, 49, 53, 59 – Anomalie de la synthèse 64 – Électrophorèse 110-112 – Fonction 44 – Pathologie 103 – Résistance à la dénaturation alcaline 47 – Synthèse 48 – Taux 10 – Variante normale 46 Hémoglobine A 46 Hémoglobine à affinité anormale pour l’oxygène 105, 158 Hémoglobine A1c 46 Hémoglobine A2 46, 109 Hémoglobine artificielle 154 Hémoglobine D 107

Hémoglobine F 109 Hémoglobine fœtale (F) 46 – Persistance héréditaire 109 Hémoglobine Gowers 46 Hémoglobine H 44, 129 Hémoglobine instable 104, 107, 129 Hémoglobine Köln 104 Hémoglobine Lepore 109 Hémoglobine M 111 Hémoglobine Zurich 104 Hémoglobines M 104 Hémoglobinose C 106 Hémoglobinose E 106 Hémoglobinose H 107 Hémoglobinose M 107 Hémoglobinose S 104, 105, 127 Hémoglobinurie paroxystique nocturne 103 Hémogramme 9, 16 – Urgence 16 – Vieillissement 16 Hémolyse 49, voir aussi Anémie hémolytique Hémolyse auto-immune 94 Hémolyse bactérienne 101, 126 Hémolyse bactérienne et parasitaire 101 Hémolyse des cardiaques 100 Hémolyse immune 60 Hémolyse immuno-allergique 94 Hémolyse intravasculaire 52, 59, 100 Hémolyse intra-vasculaire aiguë par incompatibilité ABO 142 Hémolyse parasitaire 101 Hémolyse tissulaire 59 Hémolyse toxique 101, 129 Hémolyses allo-immunes 94 Hémolysine 60 Hémopathie lymphoïde B 235 Hémopathies malignes 231 – du tissu lymphoïde 267 Hémopathie T et NK 235 Hémopexine 59 Hémophilie 325 – Dépistage des conductrices 327 Hémophilie A (déficit en F. VIII) 325 Hémophilie B (déficit en F. IX) 325 Hémorragie aiguë 125 Hémosidérine 24, 35 Hémostase – Exploration 309 – Inhibiteur physiologique 305 – Régulation négative 305 Hémostase primaire 297 – Exploration 309 – Vaisseau 297

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INDEX



Héparine 305, 314, 344 Héparine de bas poids moléculaire 306, 344, 345 Héparine standard 344 Héparinémie 345 Héparinothérapie 334 Heparius – Indication 345 – Posologie 345 Hépatite 197 Hépatite C 282 Hépatite virale 206, 224 Hexokinase 24 HHV8 295 Hirudine 347 Histiocytes – Prolifération 235 Histiocytose sinusale 227 Hodgkin – Maladie de - 235, 239, 283 Hormone de croissance 31, 63 Hormone thyroïdienne 31 HTLV-1 231, 288 – Infection transfusionnelle 150 – LAL-T associée au virus 247 Hydantoïne 121, 206 Hydréa, voir Hydroxyurée Hydrolase 167 Hydroxocobalamine 83 Hydroxyurée 106, 162, 193, 236, 255 Hyperα−2−globulinémie 74 Hypercoagulabilité 337 Hyperéosinophilie 180, 181 Hyperhémolyse 58, 60 Hyperlymphocytose sanguine 219 Hyper-réticulocytose 58 Hypersplénisme 198, 204, 209, 350 Hyperthyroïdie 351 Hyperviscosité 157 Hyperviscosité sanguine 161 Hypochromie 11, 15, 114 Hyposidérémie 350 Hypovitaminose K 316, 330 – néonatale 331

I



IL6 190 Iléon terminal 80 Imerslund (maladie d’) 84 Immunoblaste 214 Immunoglobuline monoclonale 267, 269, 276 Immunoglobuline monoclonale bénigne 279 Immunoglobulines 215 – Production des 215 Immunoglobulines (Traitement par) – Indications 155 Inclusion intra-érythrocytaire 129 Inclusions cytomégaliques (maladie des) 223 Infection aiguë 172 Inflammation 63, 74 Inhibiteur de la coagulation 300, 302 Inhibiteur de la fibrinoformation 316 Inhibiteur de sérine protéase ou serpine 300 INR (International Normalized Ratio) 311, 342 Insuffisance endocrinienne 351 Insuffisance hépatocellulaire 316, 329 Insuffisance hypophysaire 351 Insuffisance médullaire globale 203 Insuffisance médullaire qualitative 79, 203 Insuffisance médullaire quantitative 77, 203 Insuffisance rénale 63, 120, 121, 124, 321, 350 Insuffisance thyroïdienne 124 Intégrine αΙΙbβ3 300 Interféron 193, 294 Interféron α recombinant 238, 255 International Normalized Ratio, voir INR Ivy-incision, méthode d’ 310

K



Kahler (maladie de), voir Myélome multiple Kell (système) 134, 140 Kidd (système) 141 Kikuchi (maladie de) 227 Kininogène de haut poids moléculaire 304 Kleihauer (test de) 47 Koïlonychie 71 Köller (test de) 331 Kostmann (maladie de) 173, 176 Kreutzfeldt-Jakob 150

L

Ictère 51, 87 – Diagnostic 88 – nucléaire 99 IgM monoclonale 272 IL3 171, 180, 186, 190 IL5 6, 180, 184

379 ◗

LAL B mature 245 LAL de type Burkitt 247 LAL pré B 245 LAL pré-T 245 LAM, voir Leucémie aiguë myéloblastique L-asparaginase 237



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INDEX LDH plasmatique 60 Leucémie à plasmocytes 276 Leucémie à polynucléaire neutrophile, éosinophile ou basophile 258 Leucémie à tricholeucocytes 273 Leucémie aiguë 239, 241 – Types cytologiques 243 Leucémie aiguë à mastocyte 184 Leucémie aiguë à promyélocyte (LAM3) 249 Leucémie aiguë lymphoblastique 244 – Classification 246, 248 – Traitement 247 Leucémie aiguë monocytaire 186 Leucémie aiguë myéloblastique 235, 247 – Traitement 250 Leucémie aiguë monoblastique 249 Leucémie aiguë néonatale 250 Leucémies et lymphome – Classification 234 – Étiologie 231 – Immunothérapie 237 – Moyen thérapeutique 235 – Physiopathologie 232 Leucémie lymphoïde chronique (LLC) 239, 269 Leucémie myéloïde chronique 239, 254 – atypique 265 Leucémie myéloïde subaiguë 258 Leucémie myélomonocytaire chronique 265 Leucémie myélomonocytaire de l’enfant 265 Leucémie prolymphocytaire 270 Lipiodol 224 Lithiase vésiculaire 88 LMC, voir Leucémie myéloïde chronique Lymphoblaste 214 Lymphocyte 14, 17, 166, 213 – Petit 15, 289 Lymphocyte B 215 Lymphocytes B et T – Marqueur 216, 217 Lymphocyte NK 217 Lymphocyte T 216 Lymphocytose relative 219 Lymphome hodgkinien, voir Hodgkin Lymphome non hodgkinien 239, 288 – Traitement 293 – B 289 – B à grandes cellules 291 – B de la zone marginale du tissu lymphoïde associé aux muqueuses (MALT) 292 – cérébral primitif 292 – de Burkitt 290, 293 – des immunodéprimés 292



– du grêle 281 – du manteau 291 – folliculaire 291 – lymphoblastique 291 – lymphocytique 291 – T et NK 291 Lymphoplasmocyte 272 Lymphopoïèse 213 Lymphosarcome 288 Lyse des euglobulines (temps de) 313 Lysozyme 165

M

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M-CSF 6 Macrocytose 11, 38, 53 Macrophage 185 Malabsorption 80, 83, 123, 281, 330 Maladies des chaînes lourdes 281 Maladie hémolytique néonatale 94, 98 Marchiafava-Micheli (maladie de) 103 Martial (traitement) 72 Masse globulaire, voir Volume globulaire Mastocyte 184 Mastocytose 184 May-Hegglin (maladie de) 177, 197 Mégacaryocyte 17, 190, 191 Méprobamate 198 Métamyélocyte 168 Méthémalbumine 59 Méthémoglobine 26, 49 Méthémoglobinémie 104, 107, 110 Méthémoglobine-réductase 49 Microangiopathie 100, 127 – des cancers 101 – thrombotique 198 Microcytaire 160 Microcytose 11, 64, 74, 108, 114 Microsphérocyte 24, 91, 128 Microsphérocytose 95, 127 Minkowski-Chauffard (maladie de) 60, 91, 98 MNI-test 222 MNSs (système) 141 Mœlle, exploration 16 Mongolien 250 Monocyte 14, 16, 166, 185 – Lignée monocytaire 17 Monocytopénie 187, 274 Monocytose 186, 265 Mononucléose infectieuse 197 – Sérologie 222 Moschcowitz (syndrome de) 101 Monoxyde d’azote (NO) 305



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INDEX



Mycosis fungoïde 293 Myélémie 171, 258 Myéloblaste 168 Myélocyte 168 Myélodysplasie 64, 124, 209 Myélofibrose 162, 257 Myélofibrose primitive 256 Myélogramme 16 – Indication 118 Myélome multiple 239, 275 – à chaînes légères 276 Myéloperoxydase 167 Myleran 255 Myxœdème 63, 120, 351

Pancytopénie 203 Panhypopituitarisme 63, 120 Paroi vasculaire 310 Parvovirus B19 19, 78, 121, 148 « Paul, Bunnel et Davidson » (test de) 222 Pelger-Huet 177 Peroxyde d’oxygène 167 PFA100 310, 314 Phagocytose 166, 167 Phase contact 304, 310 Phénothiazine 206 Phosphatase alcaline 165 Phospholipides de membranes – Anomalie familiale 94 Phospholipide procoagulant plaquettaire 313 Phosphore 32 162 Pipobroman 162, 193 Plaquette 12, 184, 298 – Activation 298, 305, 310 – Adhésion 298, 310 – Agrégation 300, 310 – Étude de la durée de vie 201 – Étude des fonctions 310 – Granule α 298 – Granule dense 298 – Numération 309 – Phospholipide membranaire 299 – Sécrétion 299, 310 Plasma 136 – frais congelé 334 – sécurisé 137 – solidarisé 137 – viro-inactivé 136 Plasmine 307 Plasminogène 307, 314 – Activateur 307 Plasmocyte 17, 214, 275 Plasmocytome solitaire 278 Plasmocytose 175, 223, 275 Plasmocytose médullaire 224 Plasmocytose sanguine 223 Plomb, intoxication par, voir Saturnisme Poïkilocytose 12, 257 Poison du fuseau 236 Polyarthrite rhumatoïde 177 Polychromatophilie 12 Polyglobulie 157 – Diagnostic 159 – par anoxie 158 – primitive 158 Polynucléaire basophile 14, 15, 166, 183 Polynucléaire éosinophile 14, 166, 179 Polynucléaire neutrophile 14-15, 165, 166

N



NADH réduit 25, 26, 49 NADPH 49 NADPH réduit 25, 27 Nécrose cutanée 282 Neuropathie périphérique 273, 282 Neutropénie 173 – périphérique 173 – centrale 173 – chronique 176 – constitutionnelle physiologique 177 – cyclique 174 – mineure 176 Nitroso-urée 236 Normochromie 11 Normocytose 11 Nourrisson 116

O



Œdème lésionnel pulmonaire 148 OMS (classification) 235, 246, 249 Oncogène 232 Or, sel, 206, 224 Oreillon 197 Organochloré 206 Orotico-acidurie congénitale 84 Ostéomyélosclérose 257 Oxyhémoglobine 44

P

P53 234 PAI-1 307, 314 Paludisme 101, 126 Paludisme post-transfusionnel 148

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INDEX Polynucléose neutrophile 171, 350 Polynucléose neutrophile réactionnelle 172 Polytransfusé 134, 140, 148 Ponction ganglionnaire, voir Adénogramme Ponction lombaire 244 Pool vide (maladie du) 320 Poppema, paragranulome de 284 Porphyrie 76 Porphyrine 42, 48 Prednisone 132 Procarbazine 236 Procarboxypeptidase B 307 Produit sanguin labile 133 – Règle de prescription 138 Proérythroblaste 28 Progéniteur hématopoïétique 4 Progéniteur lymphoïde 215 Promyélocyte 168, 170 Prostaglandine 299, 305 Prostaglandines intra-plaquettaires – Anomalie de la synthèse 320 Protéine C 301, 306 Protéine C (Système de) 301 Protéine S 301, 306 Protéine vitamine K-dépendante 301 Prothrombine, taux 311 Pro-urokinase 304 Prurit 161 Pseudoanémie par hémodilution 210, 272 Pseudopolyglobulie 160 Pseudopolyglobulie microcytaire 109 Pulpe blanche 213 Pulpe rouge 213 Purpura infiltré 282 Purpura pétéchial 194 Purpura post-transfusionnel aigu 147 Purpura rhumatoïde 324 Purpura thrombopénique idiopathique 199 – Traitement 200 Purpura thrombopénique auto-immun 199 Purpura thrombotique thrombocytopénique 101 Purpura transfusionnel allo-immun 198 Pus 168 Pyridoxine 262 Pyriméthamine 206 Pyrimydine 5 nucléotidase 91 Pyruvate kinase 25, 60, 91 – Déficit 98

◗ Q



Quick – Allongement isolé du temps 316 – Temps de (TQ) 316, 311 Quinacrine 206 Quinidine 197 Quinine 197

R



Radiothérapie 235, 278 Rate 213 Raynaud (syndrome de) 282 REAL (classification) 235 Rendu-Osler (maladie de) 324 ReoPro 300 Reptilase (temps de) 311, 315 Résistance globulaire à l’hypotonie 92 Retéplase 347 Réticulocyte 11, 22, 28, 56, 61, 67, 86, 125 Réticulosarcome 288 Rhésus, voir Groupes sanguins Rhésus nul (maladie du graoupe sanguin) 94 Rhésus nul 140 Rhésus (Rh) (système) 134, 139 Ribavirine 101 Richter (syndrome de) 271, 273 Rifampicine 197 Rouleau érythrocytaire 272 Rubéole 197, 224

S

382 ◗

Saignée 150 Saignement chronique 115 Saignement (temps de) 309, 314 Sang total reconstitué 137 Saturnisme 76, 102, 129 Schilling (test de) 41, 82 Schizocyte 100, 128 Schizocytose 60, 127 Septicémie 197 Septicémie à B. Perfringens 101 Sérotonine 299 Serpine 305 Sezary (syndrome de) 293 Sida 295, voir aussi VIH Sidéroblaste 70, 76, 262 Sidéroblaste en couronne 76, 262 Sidérophiline 33-35, 37, 38, 70, 74 Souffle systolique 56 Sphérocytose 60



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INDEX



Sphérocytose héréditaire voir MinkowskiChauffard Splénectomie 93, 192, 201 Splénomégalie 71 – Diagnostic 228 Splénomégalie myéloïde 240, 256 Sprue tropicale 80 Stase sanguine 337 Stem cell factor 6, 184 Sténose coronarienne 287 Stercobilinogène 51 Stérilité 287 Stomatocyte 93 Stomatocytose 127 Stomatocytose héréditaire et anomalie d’échange des cation 93 Streptokinase 347 Substitut plaquettaire 154 Sulfamide 198 Sulfate de protamine 346 Sulfhémoglobine 111 Sulfonylurée 206 Syndrome ataxospasmodique 81 Syndrome des plaquettes grises 320 Syndrome frisson-hyperthermie 143 Syndrome hémolytique et urémique 100 Syndromes hémorragiques 318 Syndrome inflammatoire 74, 115, 192, 350 Syndrome mononucléosique 148, 220, 221 Syndrome mononucléosique dû au virus de la maladie des inclusions cytomégaliques 223 Syndrome myélodysplasique 235, 261 Syndrome myéloprolifératif 235, 253 Syndrome myéloprolifératif-myélodysplasique 235, 264 Syndrome néphrotique 115 Syndrome neuro-anémique 83

Thrombine 300 – Formation 303 Thrombine (temps de) 311, 315 Thrombocytose 190, 191, 193, 350 Thrombocytose « réactionnelle » 192 Thrombolytique 347 Thrombomoduline 301, 306 Thrombopathie 136, 314, 319 Thrombopathie constitutionnelle 320 Thrombopathie médicamenteuse 320 Thrombopathies acquise 320 Thrombopénie 190, 194, 314, 350 – Conséquence 194 – fausse 190 – – de l’EDTA 195 Thrombopénie à l’héparine 197 Thrombopénie alcoolique 198 Thrombopénie autosomale 197 Thrombopénie bactérienne 197 Thrombopénie centrale 136, 194, 195 Thrombopénie congénitale avec amégacaryocytose 197 Thrombopénie constitutionnelle 197 Thrombopénie due à des médicaments 197 Thrombopénie induite par l’héparine 344, 347 Thrombopénie infectieuse 197 Thrombopénie liée au sexe 197 Thrombopénie néonatale 202 Thrombopénie par hyperdestruction 194 Thrombopénie par séquestration 194 Thrombopénie périphérique 136, 195, 198 Thrombopénie virale 197 Thromboplastine 311 Thrombopoïèse 190 Thrombopoïétine 5, 154, 190 Thrombose 191, 253, 337 Thrombose artérielle 338 Thrombose vasculaire 161 Thrombose veineuse 337 Thromboxane A2 299 Thromboxane synthase 299, 320 Thymone 78 Thymus 121, 211 Ticlopidine 300, 314, 340 Tissue factor pathway inhibitor (TFPI) 301, 307 Toxoplasmose acquise 222 Toxoplasmose transfusionnelle 148 T-PA 314 T-PA recombinant 348 Trait F 109 Transcobalamine II 84 Transcobalamine 40 Transferrine (voir aussi Sidérophiline) 33, 37

T

Tabagisme 172 TAFI (thrombin activatable fibrinolysis inhibitor) 307 TCA 310, 314, 345 – Allongement isolé 314 Télangiectasie hémorragique héréditaire 324 Temps de céphaline + activateur, voir TCA Teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH) 11 TFPI 307 Thalassémie 65, 107, 117 Thalassémie hétérozygote 159 Thalidomide 277

383 ◗



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INDEX



Transformation aiguë 253, 255 Transfusion sanguine 133, 264 – inefficace 142 – plaquettaire inefficace 146 Translocation – (1;11) 246 – (8;14) 233 – (12;14) 246 – (14;18) 233 – (15;17) 234 – (15;17) 234, 248, 249 – (2;19) 246 – (4;19) 246 – (8;21) 246, 248 – (9;22) 234, 245 Triamterène 121 Tricholeucocyte 274 Triméthoprime 121 Trypanosomiase 148 TS, voir Saignement (temps de) Tuberculose 207 Typhoïde 197

U





VHC et VHB – Infection transfusionnelle 150 VIH – Infection 197, 291, 351 – Infection transfusionnelle 150 – Manifestations hématologiques 351 – Primo-infection 223 Viscosité 157 Vitamine B12 38, 40, 64 – Absorption 40 – Carence d’apport 80 – Dosage 40 – per os 131, 132 – Réserve 40 – Taux sérique 82 – Traitement par IM 131 Vitamine B6 48, 77 Vitamine K 301 – Antagoniste 302, 341 – Carence d’apport 330 – Défaut d’absorption 330 Volume globulaire moyen 11, 65 Volume globulaire total 23, 157 Volume plasmatique total 23

W

Ulcère de jambe 88 Urobiline 51 Urokinase 307, 347

V

Vaccination 197 Valve intracardiaque 100 Vaquez (maladie de) 158, 161, 256 Varicelle 197 Vascularite leucocytoclasique 282 VHC 197



Waldenström (maladie de) 271 Warfarine 341 Willebrand (facteur) voir Facteur Willebrand (maladie de) 197, 314, 321 Willebrand acquis (syndrome de - acquis) 323 Wiskott-Aldrich (syndrome de) 197

Z

384 ◗

Zieve (syndrome de) 350



41201 acheves.fm Page 385 Mercredi, 14. février 2007 1:11 13

Retirage corrigé 400395 - (IV) - (1,4) - CSB - 90° - NOR

Photocomposition : Nord Compo 59650 Villeneuve-d’Ascq.

ELSEVIER MASSON Éditeur 62, rue Camille-Desmoulins 92442 Issy-les-Moulineaux Cedex Dépôt légal : mars 2007

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Achevé d’imprimer sur les presses de SNEL Grafics sa rue Saint-Vincent 12 – B-4020 Liège Tél +32(0)4 344 65 60 - Fax +32(0)4 341 48 41 juin 2006 – 37788 Imprimé en Belgique

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