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MECANISMES INTERNES DE GOUVERNANCE BANCAIRE ET RISQUES 1 FINANCIERS DANS LA ZONE UEMOA : UNE ANALYSE ECONOMETRIQUE PAR LES DONNEES DE PANEL
Pascal Hodonou DANNON 2 RESUME
Cette étude se propose d’analyser la relation entre les mécanismes internes de gouvernance et les risques financiers, notamment le risque d’insolvabilité et celui de crédit des banques de la zone UEMOA. Les résultats suggèrent que l’origine et la structure de la propriété n’ont pas d’impact significatif sur le risque d’insolvabilité des banques de la zone UEMOA. En outre, la capitalisation et la taille bancaires ont des effets négatifs et très significatifs sur le risque d’insolvabilité. De plus, l’accroissement de la taille des banques est favorable à la minimisation des risques de crédit. En outre, conformément aux prédictions théoriques de Jensen (1993), la taille du conseil d’administration des banques de l’UEMOA a un impact positif et très significatif sur le risque d’insolvabilité tandis que la proportion des administrateurs institutionnels siégeant au conseil est négativement et significativement reliée à ce risque. Les résultats semblent également indiquer que les administrateurs représentant l’Etat et les établissements publics ont un effet négatif et significatif sur le risque d’insolvabilité et celui de crédit des banques. Enfin, les banques les plus anciennes sont plus confrontées à ces deux types de risques. Classification Classification JEL : G21, G32, G34. Mots clés : banque, gouvernance, conseil d’administration, structure de propriété, risques.
Abstract
This paper aims to analyze the relationship between internal mechanisms of governance and financial risks of banks in the WAEMU zone by modeling econometric panel data over the period 1996 to 2007. The sample consists of fifty (50) banks of the Union. The results indicate that the origin and the structure of ownership haven’t significant effect on the risk of insolvency. Moreover, the increase of size banks minimizes credit risk. Furthermore, according to theoretical point of views of Jensen (1993) , the size of the board of directors has a significant positive effect on the risk of insolvency while institutional directors have a significant negative effect on this risk. The results show that directors representing state and public institutions have a significant negative effect on the risk of insolvency and credit risk of banks. Finally, banks that are oldest are more affected by these two types of risks. JEL Classifications: G21, G32, G34. Keywords: Bank, technical efficiency, risk, governance.
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L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) est composée de huit pays : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo dont les plus stables politiquement et démocratiquement sont le Bénin, le Mali et le Sénégal. 2 Chercheur au CERME-RII CERME-RII – ULCO et enseignant à la FASEG/UAC, 148 rue Faidherbe, Faidherbe, 62200 Boulogne sur mer, Tél. 06 98 05 92 00, Email :
[email protected]..
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Introduction
Les systèmes financiers des pays membres de l Union Economique et Monétaire Ouest ’
Africaine (UEMOA), se caractérisaient par la répression financière au cours des années soixante à quatre-vingt. De ce fait, tout le système financier de l’UEMOA a connu des crises bancaires généralisées à la fin des années 1980 qui ont nécessité des réformes dont les objectifs étaient, entre autres, de rendre le secteur bancaire plus performant et stable. Dans le nouvel environnement bancaire, cette stabilité passe par l’implication des différentes parties prenantes bancaires et la mise en place des structures et des incitations appropriées en vue d’assurer l’existence de banques individuelles solides. En d’autres termes, elle passe par l’existence d’une bonne gouvernance des banques (Belkhir, 2007). Les mécanismes de gouvernance peuvent être des facteurs de risques bancaires (Golliard-Le Poder, 2007). Anderson et Campbell (2004) trouvent qu’il existe une certaine rigidité des mécanismes externes ce qui implique un rôle plus important pour les mécanismes internes de gouvernance, notamment la structure de propriété et la composition du conseil d’administration. L’explication des performances des banques françaises en 2004 réside pour une bonne part dans la baisse du coût du risque dans les comptes d’exploitation (Lamarque, 2005). Ce résultat confirme que la gestion des risques demeure un atout majeur de compétitivité et constitue à ce titre un réel avantage concurrentiel. L’incitation à des prises de risque excessif, étant donné l’absence d’une motivation pour les créanciers déposants d’exiger un taux plus élevé en cas d’augmentation du risque des actifs, est une particularité des banques. Plusieurs auteurs se sont consacrés à l’étude microéconomique des comportements qui sont à l’origine des défaillances bancaires dans le contexte de la libéralisation financière. Deux approches peuvent être distinguées. La première propose d’expliquer les défaillances par une prise de risque excessive liée à un aléa moral résultant des mécanismes de protection publics tels que l’intervention du prêteur en dernier ressort et les plans de sauvetage des banques en difficultés (Ayachi Jebnoun, 2008 ; Hellmann et al., 1998 ; Caprio et Summers, 1993). La deuxième approche explique les défaillances bancaires à l’origine des crises par les comportements spéculatifs des banques favorisés par la libéralisation financière (Miotti et Plihon, 2001 ; Geoffron et Plihon, 1998). L’étude de Llewellyn (2002) relève cinq caractéristiques communes à la majorité des problèmes bancaires dans le monde : des processus d’analyse, de gestion et de contrôle du risque inefficaces ; une surveillance insuffisante, une structure incitative faible ou contreproductive, une transmission de l’information insuffisante et une gouvernance inadéquate. 2
Un excès de risque et une mauvaise gouvernance d’entreprise dans la banque sont les principaux facteurs de défaut internes. L’étude de l’O.C.C (1988) rapporte les caractéristiques des banques américaines défaillantes dans les années 80. La cause principale de défaillance a été la mauvaise qualité des actifs bancaires. Or, cette qualité incombe à la responsabilité des dirigeants et des managers de l’établissement. C’est donc une mauvaise gestion des risques qui est à l’origine de la défaillance bancaire. La tendance la plus courante dans le secteur bancaire de nos jours est la globalisation qui a accentué la concurrence entre les banques et augmenté parallèlement les expositions aux risques bancaires notamment le risque d’insolvabilité (Blount, 2003). Ce risque ajoute au risque de liquidité pure le risque provenant d’un rendement incertain de l’actif des banques et d’une information imparfaite des déposants concernant ces rendements. Le risque de crédit, sous les différents traits qu’il révèle, se situe au cœur des préoccupations bancaires. Les études qui portent sur l’impact de la structure de propriété et de la composition du conseil d’administration sur les risques financiers des banques dans les pays de la zone UEMOA sont pratiquement inexistantes, bien entendu au mieux de notre connaissance. L’objectif de ce papier est d’analyser la relation entre ces mécanismes internes de gouvernance et deux principaux risques financiers auxquels les banques de la zone UEMOA sont le plus confrontées, notamment le risque d’insolvabilité et celui de crédit. La suite du papier est structurée autour de trois sections. Dans la première, nous faisons un aperçu des risques auxquels se trouvent confrontées les banques dans l’exercice de leurs activités et présentons quelques conflits d’agence entre certaines parties prenantes dans la prise de risque bancaire. La seconde section se rapporte à une revue de la littérature sur le sujet et à la formulation les hypothèses opérationnelles de l’étude. Dans la dernière section, nous analysons les résultats obtenus. Section 1 : Champs des risques bancaires et parties prenantes de sa gestion 1.1 Le champs du risque bancaire
Le risque peut se définir comme un danger éventuel plus ou moins prévisible. La caractéristique propre du risque est donc l’incertitude temporelle d’un évènement ayant une certaine probabilité de survenir et de mettre en difficulté la banque. Le risque inhérent au secteur bancaire se distingue par sa multiplicité et par son caractère multidimensionnel (Chiappori et Yanelle, 1996). Comme l’illustre la figure 1 ci-dessous, on distingue 3
généralement quatre catégories de risques bancaires : risques financiers, risques opérationnels, risques d’exploitation et risques accidentels. Les risques financiers se subdivisent en deux types de risque : les risques purs et les risques spéculatifs. Les premiers, au nombre desquels nous notons les risques de liquidité, de crédit et d’insolvabilité, peuvent engendrer des pertes pour une banque, lorsqu’ils ne sont pas bien gérer tandis que les seconds, basés sur un arbitrage financier, peuvent engendrer un profit lorsque l’arbitrage est bon ou une perte lorsqu’il est mauvais. Les principales sortes de risques spéculatifs sont les risques de taux d’intérêt, les risques monétaires et les risques de prix de marché. Les risques financiers sont aussi sujets à des phénomènes complexes d’interdépendance susceptibles d’accroître de manière significative le profil de risque global d’une banque qui se consacrent à des opération en devises étrangère se trouve normalement exposée au risque de change, mais si elle tient des opérations ouvertes ou si ses prévisions comportent des décalages, elle sera aussi exposés à un risque supplémentaire de liquidité et de taux d’intérêt. Les risques opérationnels sont, selon le comité de Bâle (2001), « les risques de pertes directes ou indirectes résultant d’une inadéquation ou d’une défaillance attribuable à des procédures, des agents, des systèmes internes ou à des évènements extérieurs ». Ils renvoient donc à des inefficiences de l’organisation, du management et au fonctionnement général des systèmes internes de la banque, notamment à l’informatisation et aux autres technologies, à l’adéquation aux pratiques et aux procédures bancaires et aux dispositions prises contre la mauvaise gestion de la fraude. Cependant, Vanini (2004) critique la définition de Bâle, selon lui, l’utilisation de cette définition sans aucune extension amène à des difficultés d’application dans les banques, telles que le risque opérationnel représente seulement une possibilité de perte, le potentiel de gain est négligé. La définition indique que les personnels et les systèmes sont les causes de pertes, mais elle ne prend pas en compte le fait qu’ils soient les mieux placés pour détecter les sources de pertes potentielles et lancer des avertissements. De plus, le document de travail de Bâle centré sur la perte, ne permet pas de représenter les anciennes pertes des banques, ni les éventuelles à venir. Et enfin, Vanini (2004) ajoute que cette définition sous-entend que les pertes sont seulement directes, alors qu'en réalité, les pertes indirectes sont comparativement plus importantes. Il conclut en définissant le risque opérationnel comme le risque de déviation entre le profit associé à la production d'un service et les attentes de la planification managériale. Le risque opérationnel correspond à l'écart enregistré, positif ou négatif, par
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rapport au profit attendu. La gestion du risque opérationnel doit être basée sur trois facteurs : le gain, les coûts et le risque de production des services. Figure 1 : Le Champ du risque bancaire
Exposition au risque bancaire
Risques financiers
Risques opérationnels
Risques d’exploitation
Risques accidentels
Structure du bilan
Fraude interne
Politique macroéconomique
Politique
Structure / rentabilité du compte de résultat Solvabilité et Adéquation des fonds propres
Crédit
Fraude externe
Infrastructure Pratiques en matière d’emploi et de sécurité du lieu de travail
Clients, produits et services d’affaires
Contagion
financière Crise bancaire Responsabilité civile
Autres risques exogènes
Responsabilité civile
Liquidité Dégradation des actifs physiques
Marché Devise
Interruption d’activité et défaillances du système (risque technologique)
Exécution, livraison et gestion du processus
Respect de la réglementation Réputation et risque fiduciaire Risque pays
Source : Adapté de Greuning et Bratanovic (2004, p.4)
Les risques d’exploitation sont liés à l’environnement commercial de la banque, notamment aux problèmes d’ordre macroéconomique, aux facteurs juridiques et réglementaires et au système global d’infrastructure du secteur financier et de paiement. Les risques accidentels comprennent toutes sortes de risques exogènes qui, lorsqu’ils se matérialisent, sont 5
susceptibles de compromettre l’activité de la banque ou sa situation financière et l’adéquation de ses fonds propres. Compte tenu des particularités du secteur bancaire de la zone UEMOA, seuls deux risques financiers purs (risques de crédit et d’insolvabilité) retiennent notre attention dans la suite de ce paragraphe. 1.1.1
Le risque de crédit et le nouvel Accord de Bâle
Le risque de crédit, forme la plus ancienne du risque sur le marché des capitaux, est le risque de défaut de remboursement de l’emprunteur. Il s’agit du principal risque pour une banque qui prend aussi diverses autres formes ou appellations : risque de contrepartie (dans les transactions sur les marchés financiers ou interbancaires), risque de faillite ou risque de crédit au sens propre (dans les transactions sur les marchés de crédits). Le risque de crédit a été le premier risque bancaire et financier placé au centre de la réglementation prudentielle (Lamarque, 2005). En 1988, le comité de Bâle sur le contrôle bancaire recommande aux institutions financière de respecter un ratio de solvabilité Cooke, selon lequel le rapport entre fonds propres réglementaires sur actifs pondérés doit être d’au moins 8%. Cependant, même si les exigences en fonds propres instaurées en 1988 ont été considérées comme un bon rempart contre l’instabilité financière, de nombreuses faillites de banques ont eu lieu au cours des années 1990 (Dietsch et Petey, 2003). Hoggarth et al. (2002) ont montré que le coût des crises bancaires en termes d’activités perdue atteindrait 15 à 20% du PIB. De plus, face à l’évolution des risques de crédit, le dispositif du ratio Cooke a montré ses lacunes liées à l’absence de relation entre les exigences de fonds propres et le risque effectif des crédits à l’économie. En particulier, le ratio ne tient compte :
ni des différences de qualité des emprunteurs privés, puisque virtuellement tous les prêts au secteur privé supportent des charges en fonds propres correspondant à 8% des sommes prêtées, quelle que soit la maturité des crédits, leur taille et la solidité financière de leurs bénéficiaires,
ni de la réduction potentielle du risque induite par la diversification du portefeuille, la prise de garantie ou l’assurance-crédit.
La menace que fait planer ces lacunes sur la stabilité du système bancaire a nécessité la réforme de la réglementation du capital des banques. Désormais, il ne suffit pas de contraindre les banques à détenir un niveau minimum de fonds propres. Il faut parvenir à une meilleure gestion du risque bancaire en poursuivant les objectifs suivants : 6
inciter les banques à mettre en place une gestion efficiente de leurs risques et à se doter des instruments de mesure et de contrôle correspondants ;
diminuer les coûts des difficultés ou faillites bancaires, tout en permettant aux banques de jouer leur rôle économique et social fondamental qui est de fournir des crédits à des emprunteurs risqués et dont la situation est complexe à analyser,
déterminer le montant minimum des fonds propres bancaires.
Le comité de Bâle a alors lancé, en juin 1999, une première consultation auprès des banques suivie, en janvier 2001 d’un nouveau document consultatif qui pose les bases d’une nouvelle réforme du ratio Cooke communément appelé Bâle II3. Ce nouveau dispositif, qui précise et étend Bale I, s’articule autour de trois piliers a savoir : une exigence minimale de fonds propres qui doit dépendre de la probabilité de défaut que la banque elle-même choisit de supporter, un processus de surveillance prudentielle et la mise en place de la discipline de marché. Dans la zone UEMOA des réflexions sont encore en cours en vue d’étudier les conditions de mise en œuvre du nouvel accord de Bâle II4 qui devient plus accommodante avec les activités de détail qu’exerce la quasi-totalité des banques de cet espace (Lamarque, 2005 ; BCEAO, 2007). 1.1.2
Le risque d’insolvabilité
Le risque d’insolvabilité d’une institution financière résulte d’une part des conséquences des risques encourus par celle-ci dans le cadre de ses activités, et d’autre part de sa capacité à les absorber. Il concerne la survie de la firme bancaire et il est présenté en dernier car il est en général la conséquence de la manifestation d’un ou plusieurs des risques que la banque n’a pas pu prévenir (de Coussergues, 2005). L’insolvabilité d’une banque débute classiquement par une crise de liquidité car dès que les marchés commencent à se défier d’une banque sur la foi d’informations vérifiées ou non sur les pertes élevées, celle-ci ne peut plus se refinancer.
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Depuis le 31 décembre 2006, les accords de Bâle II sont appliqués par les banques internationales des 13 pa ys membres du comité de Bâle : Allemagne, Belgique, Espagne, Etats-Unis, France, Luxembourg, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse. Le texte définitif a été adopté le 26 juin 2004. Les Etablissements de crédit des 27 pays de l’Union Européenne observent cette nouvelle réglementation de même que les pays non membres du G10. D’autres pays à l’instar de l’Afrique du Sud, Hong Kong et Singapour l’appliquent depuis fin 2006 alors que les grands pays émergeants (Chine, Inde, Brésil, Malaisie, Mexique) le seront dans quelques années. Les accords de Bâle II ont donc une dimension planétaire. 4 Dans le cadre de ses activités, le Groupe des Superviseurs Bancaires Francophones (GSBF) a tenu avec la participation du secrétariat Général de la commission bancaire de l’UEMOA, à Yaoundé, le 19 mars 2007, une session annuelle consacrée essentiellement aux outils de surveillance prudentielle, à la mise en œuvre de Bâle 2, à la microfinance et à la mise en œuvre de la nouvelle version des principes de base pour une supervision bancaire efficace. Au titre des instances Bâloises, le Secrétariat Général de la Commission Bancaire a participé à une réunion organisée par l’Institut pour la Stabilité Financière Internationale (ISFI) sur « la mise en œuvre de Bâle 2 en Afrique » qui s’est tenue à Cape Town les 5 et 6 février 2007, puis à deux réunions de l’International Liaison Group (ILG) qui se sont tenues à Bâle, respectivement en février et octobre 2007.
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La tendance la plus courante dans le secteur bancaire de nos jours est la globalisation qui a accentué la concurrence entre les banques et augmenté parallèlement les expositions aux risques bancaires notamment le risque d’insolvabilité (Blount, 2003). Ce risque ajoute au risque de liquidité pure le risque provenant d’un rendement incertain de l’actif des banques et d’une information imparfaite des déposants concernant ces rendements. L’hypothèse d’une double incertitude portant à la fois sur la demande de liquidité agrégée et sur la rentabilité des projets de long terme est certainement très réaliste. De plus, elle fournit une justification naturelle de l’intermédiation bancaire en démontant la supériorité des contrats de dépôt par rapport aux contrats disponibles sur le marché. Enfin, elle permet de mieux comprendre l’instabilité intrinsèque des dépôts bancaires et renforce le rôle joué par l’assurance des dépôts. Dans ce contexte, l’absence d’assurance des dépôts peut être extrêmement néfaste, et conduire l’économie à multiplier les phénomènes de panique bancaire. Chari et Jagannathan (1988) montrent même que, dans certains cas, les seuls équilibres possibles sont des équilibres avec panique bancaire. Par ailleurs, on peut se demander quels types d’actifs il revient aux banques de financer. Certains travaux théoriques (Jacklin et Bhattacharya, 1988) tendent à montrer que, d’un point de vue social, il est préférable que les contrats de dépôt servent à financer des projets peu risqués, la tâche de financer les projets plus risqués revenant alors au marché. En poussant cette vue à l’extrême, on aboutirait aux propositions de « narrow banking », selon lesquelles les banques de dépôt devraient consacrer la totalité de leurs ressources à l’achat d’actifs sans risques. Il est clair, toutefois, qu’une solution de ce type aurait un coût économique extrêmement élevé. Dans une contribution récente, Hellwig (1991) étudie de façon générale les stratégies consistant à supprimer totalement les risques de transformation en adaptant exactement la structure des emplois à celle des ressources. Il montre que de telles solutions sont nettement sous-optimales ; la répartition optimale des risques comme le financement des investissements supposent qu’un rôle de transformation soit effectivement conservé au niveau bancaire. Pour les autorités de surveillance, la structure financière et les exigences en fonds propres d’une banque permettent de prévenir le risque d’insolvabilité (Golliard-Le Poder, 2007). Ainsi, plus le risque d’insolvabilité est important, plus les autorités réglementaires exigent un niveau de fonds propres importants, ce qui est d’ailleurs le cas constaté dans le secteur bancaire de la zone UEMOA.
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1.1.3 Conflits d’agence entre parties prenantes et risque bancaire
On assiste à des conflits d’agence entre certaines parties prenantes dans la prise de risque bancaire. Dans la théorie bancaire, le conflit d’agence entre actionnaires et déposants et le conflit d’agence entre actionnaires et dirigeants font l’objet d’une attention particulière (Belkhir, 2007). La divergence d’intérêts caractérisant les actionnaires et les créanciers en tant qu’acteurs dans la gouvernance de la firme bancaire est bien expliquée dans la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976). Les actionnaires peuvent considérer les décisions destinées à maximiser la richesse de toutes les parties prenantes comme non conformes à l’objectif d’augmentation de la valeur des fonds propres. Cette divergence d’intérêt est susceptible d’engendrer de véritables transferts de richesse des créditeurs vers les actionnaires. Tout d’abord, à cause des asymétries d’information subsistant entre créanciers et actionnaires/dirigeants, ces derniers sont tentés de favoriser les substitutions d’actifs risqués à des actifs sûrs. Grâce à leur responsabilité limitée, les actionnaires peuvent bénéficier de presque tous les gains associés à une telle politique générant des résultats positifs. En revanche, les pertes qu’ils doivent subir en cas d’échec sont limitées à l’étendue de leurs investissements initiaux. Par conséquent, les pertes en excès de leurs investissements seront supportées par tous les autres créanciers de la banque. Cette asymétrie évidente dans le partage du risque entre les créanciers et les actionnaires, incite ces derniers à provoquer une prise de risques excessive de la part de leur banque. Deuxièmement, si un choc exogène diminue la valeur de l’actif net en augmentant le risque d’insolvabilité, les actionnaires ne sont pas très enclins à réaliser des apports supplémentaires de capital puisque les bénéfices futurs seront utilisés en premier lieu pour rembourser les créanciers. Troisièmement, les actionnaires sont fortement incités à tout faire pour que la banque poursuive son activité audelà du point de défaut, même si la valeur de l’actif net devient négative. Enfin, les conflits d’intérêt entre les actionnaires et les déposants s’amplifient en présence de difficultés financières. Les actionnaires ont intérêt à maximiser la valeur de leurs actions et c’est la raison pour laquelle ils seraient sont incités à entreprendre des activités risquées au détriment des déposants qui sont supposés être mal informés. Les déposants, par contre, sont intéressés à une liquidation de la banque afin d’éviter les pertes futures provenant de la poursuite de l’activité bancaire. La réalisation d’importantes pertes pourrait inciter les actionnaires et les managers à manipuler les comptes dans le but de dissimuler les problèmes de la banque (Berger et al, 1995). Cela pose pour les déposants un véritable problème de confiance par rapport à la fiabilité des bilans bancaires. Face à ces problèmes d’agence, les déposants 9
exigent des primes de compensation sous forme de taux d’intérêt plus élevés. Face à ces exigences, les actionnaires procéderaient à une augmentation du ratio de capitaux propres de la banque afin d’assurer les déposant que cette dernière est saine. De même, le conflit entre les actionnaires et les managers de la banque favorisent un plus grand endettement car les dettes contraignent les managers à faire preuve d’une plus grande discipline associée à un paiement de service de la dette plus importante. De plus, une faillite bancaire due à l’endettement due à ternirait la réputation des managers et, en conséquence, ils auraient des difficultés à trouver un emploi aussi avantageux (Jensen et Meckling, 1976). On pourrait s’attendre dès lors à ce que leurs décisions d’investissement soient moins risquées pour les banques. Pour ces dernières, une plus grande implication des dirigeants dans le capital peut être source de risques plus importants. La généralisation de cette situation à l’ensemble des banques peut accroître le risque systématique. Section 2 : Revue de littérature et formulation des hypothèses opérationnelles
La nature de la propriété de la banque et plus particulièrement l’identité de ses propriétaires peut exercer une influence directe sur la direction stratégique de la banque et les orientations de sa prise de risque. Quant au conseil d’administration, il doit s’assurer que les dirigeants élaborent des stratégies et des procédures de contrôle pour gérer les différentes situations de risque auxquelles la banque serait exposée. 2.1 La relation entre le risque et la structure de propriété dans l’industrie bancaire Les premières études ayant examiné la relation risque et structure de capital remontent aux travaux de Berle et Means (1932) et ceux de Jensen et Meckling (1976). La relation entre la prise de risque et la structure actionnariale est complexe. Les résultats sont sensibles à la période, la nature de la mesure du risque, la nature de la relation et aussi à l’échantillon de l’étude (Thierno, 2007). En Europe, Sironi et al (2006) comparent la performance et le risque de 181 grandes banques européennes sur la période de 1999 à 2004. Ils examinent également la relation entre la prise de risque et la structure actionnariale. Pour cela, ils utilisent quatre variables de structure actionnariale et trois mesures de risque dont deux issus des données de marchés. Les variables de structure actionnariale sont celles traditionnelles à savoir banque coopérative privée, public et concentrée. Les résultats montrent que le niveau de concentration est associé à une 10
meilleure qualité de prêts, un faible risque d’actif et un faible risque d’insolvabilité. De plus, la variable banque étrangère est corrélée négativement avec le risque d’insolvabilité ce qui signifie que les banques étrangères ont tendance à prendre plus des risques que les banques domestiques. Du reste, les études antérieures montrent que l’analyse de la relation risque et structure actionnariale se limite généralement à une des dimensions de la géographie du capital. L’apport de notre étude est donc triple. Elle permet tout d’abord d’évaluer l’impact de la structure actionnariale sur la prise de risque aussi bien avec le degré de concentration que la nature de l’actionnariat. Aussi nous utilisons le pourcentage d’action détenu respectivement par l’Etat, les privés nationaux et les étrangers au lieu d’une variable indicatrice muette comme c’est le cas dans la plupart des études antérieures en supposant que des banques avec des pourcentages différents ont des attitudes différentes face à la prise de risque. Enfin nous travaillons aussi bien sur les banques de petite taille que celles de taille moyenne et de grande taille non cotées contrairement aux études précédentes qui se limitent aux banques de grande taille cotées. L’objectif est de vérifier l’hypothèse selon laquelle des catégories différentes de propriétaires peuvent avoir des attitudes différentes face aux risques financiers. 2.2 Impact de la composition du conseil d’administration des banques sur le risque
Selon Jensen et Meckling (1976), les actionnaires éluent les administrateurs pour contrôler la gestion et pour diriger la stratégie de la firme, ce qui inciterait les managers à s’engager dans des projets risqués dans l’objectif d’améliorer la valeur de la firme. Wiseman et Gomez (1998) précisent que lorsque le niveau de contrôle est élevé, les administrateurs mettent en place des objectifs difficiles à atteindre, ce qui stimule la prise de risque par les managers. Morellec et Smith (2005) maintiennent aussi l’hypothèse que le conseil d’administration peut influencer la prise de risque par les managers. Le conseil d’administration peut influencer chaque décision et il peut même menacer le dirigeant quand celui-ci montre un manque de diligence ou de responsabilité. Cependant, Charléty (2006) propose de cerner l’impact du conseil d’administration sur la prise de risque à travers sa composition, sa taille et son mode de direction. 2.2.1 Impact de la taille du Conseil d’Administration sur le risque de la banque
Les professionnels de l’entreprise et les spécialistes de la gouvernance défendent l’idée qu’un nombre limité d’administrateurs aurait pour effet d’améliorer l’efficacité du conseil d’administration et augmenterait la performance. Si cette prédiction est valable pour tous les 11
secteurs d’activité, une étude empirique devrait révéler une relation négative entre la taille du conseil d’administration et les risques financiers des banques. En effet, la taille du conseil d’administration peut avoir aussi un impact sur la prise de risque par le dirigeant. Adams et Mehran (2003) ont précisé que lorsque la taille du CA est élevée, les firmes enregistrent toujours des niveaux élevés de performance (mesurée par le Q de Tobin) associés à des niveaux de risques élevés. Ils ont trouvé aussi que lorsqu’il s’agit d’un conseil d’administration dont la taille est réduite, ses membres peuvent être facilement manipulés et influencés par le dirigeant. Blanchard et Dionne (2004) ont suggéré que plus le nombre des administrateurs augmente, plus l’utilisation des instruments sophistiqués pour la couverture contre le risque augmente, ce qui justifie la prise de risque excessif par les managers. Nous prévoyons qu’une taille élevée du conseil d’administration pourrait l’aider à mieux évaluer le risque des projets d’investissement, grâce à la structure diversifiée et la meilleure expertise qui caractérise un conseil d’administration de taille élevée, ce qui réduirait le risque des banques. De ce fait, nous anticipons que : H 1 : La taille du conseil d’administration a un impact négatif sur le risque d’insolvabilité (respectivement le risque de crédit) de la banque : plus elle augmente, plus le risque d’insolvabilité (respectivement le risque de crédit) de la banque est f aible . 2.2.2 Impact de la dualité de la structure de leadership du conseil d’administration sur le risque bancaire
Lorsque le directeur général est la même personne qui occupe le poste de président du conseil d’administration, celui-ci acquiert suffisamment d’influence sur le fonctionnement de ce dernier et le rend incapable d’accomplir efficacement ses fonctions. Il en résulte un système de contrôle faible qui pourrait affecter négativement la performance de la banque. Parallèlement, en cas d’une dualité des deux fonctions du dirigeant et du président du conseil, celui-ci aura une influence sur le conseil (Jensen, 1993) et ainsi il pourra poursuivre ses investissements risqués. En se basant sur la « théorie de la myopie au désastre », Mamoghli et Dhouibi (2009) ont empiriquement montré que lorsque le dirigeant occupe aussi la fonction du président du conseil le risque d’insolvabilité des banques tunisiennes augmente. Par conséquent, nous anticipons la relation suivante dans le cas des banques de la zone UEMOA: H 2 : la dualité a un impact positif sur le risque d’insolvabilité ( respectivement le risque de crédit) de la banque.
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2.2.3 Impact des administrateurs étrangers sur le risque de la banque
La proportion des administrateurs étrangers siégeant dans le conseil d’administration a été utilisée par plusieurs auteurs qui ont tenté de mesurer l’influence de cette variable sur la performance des firmes (Beck et al., 2004 ; Marimuthu, 2008 ; Mamoghli et Dhouibi, 2009). Leurs résultats montrent globalement que la présence des administrateurs étrangers améliore la performance financière des firmes. En effet, il est très important de mettre en évidence l’impact de la présence d’administrateurs étrangers sur la performance et les risques financiers des banques parce que pendant ces dernières années, il y a eu une vague de privatisation des banques et une acquisition par les banques étrangères des participations au sein du capital des banques domestiques en Afrique subsaharienne et particulièrement dans la zone UEMOA (Ahmed, 2007). De plus, les banques à forte propriété étrangère jouissent d’un meilleur accès aux marchés des capitaux, d’une capacité supérieure à diversifier les risques et de plus grandes opportunités à offrir certains de leurs services à des clients étrangers non facilement accessibles aux banques locales. Bien qu’il n’existe pas à notre connaissance d’études spécifiques qui analysent la relation entre la proportion des administrateurs institutionnels et les risques financiers de la banque, en nous fondant sur les travaux antérieurs qui révèlent une relation positive de cette variable avec la performance de la firme bancaire, nous pouvons supposer les relations suivantes : H 3a : Le risque d’insolvabilité (respectivement le risque de crédit) de la banque est négativement lié au pourcentage des administrateurs étrangers siégeant au conseil d’administration. H 3b : Plus le pourcentage des capitaux détenus par les étrangers augmente, plus le risque d’insolvabilité (respectivement le risque de crédit) de la banque diminue. 2.2.4 Impact des administrateurs représentant l’Etat et les établissements publics sur le risque de la banque
En Afrique subsaharienne, les banques publiques ont la réputation de maximiser plusieurs objectifs dont certains sont non mesurables et de nature à affaiblir les incitations des dirigeants. Dans la zone UEMOA par exemple, en plus d’avoir une bonne qualité de services offerts à la clientèle et de minimiser les coûts opérationnels, les banques publiques peuvent avoir pour objectif de satisfaire le maximum de demandes de crédit à des taux préférentiels
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comme elles peuvent financer des secteurs d’activités caractérisés par des risques trop élevés à l’instar du secteur agricole. Ces considérations nous permettent de supposer que : H 4a : Plus le pourcentage des administrateurs représentant l’Etat augmente, plus le risque d’insolvabilité (respectivement le risque de crédit) de la banque augmente. H 4b : Plus le pourcentage des administrateurs représentant les établissements publics augmente, plus le risque d’insolvabilité (respectivement le risque de crédit) de la banque augmente. 2.2.5 Impact des administrateurs institutionnels sur le risque de l a banque
L’étude de la relation entre le pourcentage des administrateurs institutionnels siégeant au conseil d’administration et la prise de risque bancaire est justifiée par le fait que ces derniers sont qualifiés par Jensen (1993) comme ayant une grande expertise. En effet, Jensen a précisé que la présence des administrateurs institutionnels au sein des conseils d’administration permet un meilleur contrôle du dirigeant, étant donné que ces administrateurs ont un meilleur accès aux informations et ont une plus grande expertise dans la gestion des risques bancaires. Mamoghli et Dhouibi (2009) soutiennent également que les investisseurs institutionnels ont une meilleure expertise dans le domaine de prise de risque qui pourrait inciter les dirigeants à faire une meilleure sélection des projets d’investissement. En effet, sur un échantillon de dix banques commerciales cotées sur la Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis (BVMT) sur la période 1998-2007, ces deux auteurs obtiennent que la présence des administrateurs institutionnels au sein des banques tunisiennes est associée à un risque d’insolvabilité plus faible. En se fondant sur le constat de Jensen (1993) et les résultats des études empiriques antérieures, nous formulons l’hypothèse suivante : H 5 : Plus le pourcentage des administrateurs institutionnels augmente, plus le risque d’insolvabilité (respectivement le risque de crédit) de la banque diminue. 2.2.6 Impact des variables de contrôle sur les risques financiers
Les variables de contrôles qui influencent à la fois les risques financiers bancaires, la structure actionnariale et la composition du conseil d’administration sont au nombre de trois comme dans le précédent chapitre : la taille de la banque, son âge et le ratio de capitalisation. Les études empiriques antérieures nous donnent des pistes utiles pour anticiper les signes attendus de ces variables.
Capitalisation de la banque et risques financiers
La détention de fonds propres et la réglementation qui l'encadre visent à réduire la probabilité d'insolvabilité des banques en les dotant d'une capacité suffisante d'absorption des pertes. 14
Dans ce contexte, un niveau de fonds propres plus élevé à actif inchangé doit conduire à une réduction globale de la probabilité de défaillance des institutions financières. L'hétérogénéité des préférences en matière de risque au sein de l'industrie bancaire implique une relation négative entre risque des actifs et taux de fonds propres (Berger, 1995 ; Kim et Santomero, 1988). D’après la littérature bancaire, une banque sous-capitalisée détient moins de fonds propres par rapport à ses actifs, et corrélativement, un coussin de sécurité plus fragile. En revanche, Goyeau et al, (1999) ont montré que la variable capitalisation exerce une influence positive significative sur les risques des banques de la Pologne, de la République Tchèque, de la Hongrie et de l’Estonie. Ces auteurs concluent qu’une capitalisation plus élevée au regard de la quantité de crédits octroyés est compensée pour ces pays par une tarification plus élevée des prêts. On s'attend donc à observer une relation négative entre capitalisation et risque des actifs qui débouche finalement sur une relation négative entre capitalisation et risques financiers.
Taille de la banque et risques financiers
Les arguments théoriques fondant le lien entre taille et risque peuvent être divisés en deux catégories non exclusives. D'une part, les arguments en faveur d'un lien négatif entre taille et risque et, d'autre part, les arguments en faveur d'un lien positif. Plusieurs auteurs ont trouvé une relation négative entre le risque et la taille de la firme (Ceboyan et al., 1999 ; Chen et al., 1998 ; Saunders et al., 1990). L'existence d'un lien négatif entre taille et risque est liée à la justification même de l'existence de banques. L'argument le plus naturel est celui de la diversification par la taille. En effet, les banques de grande taille ont souvent une capacité de diversification du risque plus élevée que celles de petite taille. Un argument similaire est celui de l'existence d'économies d'échelle dans les coûts de transactions introduit par Diamond (1984). Le résultat inverse d'un lien positif entre taille et risque n'est pas incompatible avec l'existence de bénéfices liés à la taille, mais découle de l'environnement institutionnel des banques. La prise de risque excessive résulte alors de l'existence de mécanismes explicites ou implicites de protection publique liés à l'assurance des dépôts et à la doctrine du "too big to fail". En effet, il est évident que le risque d’insolvabilité présenté par les banques de grande
taille est bien moindre que celui présenté par celles de petite taille. Les autorités de tutelle ne permettront pas la faillite d’une grande banque en raison des effets de contagion qui sont à redouter : soit elles sont la cheville ouvrière d’un plan de redressement, soit elles interviennent en tant que prêteur en dernier ressort (de Coussergues, 2005). 15
Plusieurs auteurs ont testé empiriquement ces deux théories contradictoires a priori. Sur un échantillon de banques françaises sur la période 1993 à 1996, Petey (2004) trouve que la taille induit un risque d'insolvabilité supérieur en conduisant notamment à la constitution de portefeuilles de crédits plus risqués pour les banques relativement spécialisées sur cette activité. Boyd et Runkle (1993) concluent que si les grandes banques sont effectivement plus diversifiées, leur probabilité de faillite n'est pas inférieure à celle des banques moins grandes. Leurs résultats suggèrent donc que si les grandes banques bénéficient d'effets positifs liés à la diversification, elles ont des actifs moins rentables et sont moins capitalisées. Goyeau et al. (1998) appliquent une méthodologie similaire sur données comptables à un ensemble de pays européens ainsi qu'aux États-Unis et au Japon. Leurs résultats ne permettent cependant pas de conclure à l'existence pour les banques françaises d'un lien entre taille et risque d'insolvabilité. Par conséquent, nous nous attendons à relation négative entre la taille et les risques financiers bancaires dans les pays de l’UEMOA.
L’âge de la banque et risques financiers
L’âge de la banque est un autre facteur qui pourrait influencer considérablement aussi bien le niveau des risques financiers de l’établissement de crédit que sa performance. En effet, plus la banque est ancienne plus son expérience dans le domaine est large et plus l’accumulation des compétences permettra aux dirigeants de la banque et à son personnel de mieux sélectionner les projets d’investissement. Par conséquent, nous anticipons une relation négative entre l’âge de la banque et ses risques financiers. Section 3 : Analyse des résultats 3.1. Présentation de l’échantillon de l’étude
Notre échantillon (confère annexe 1) est composé de données individuelles de cinquante banques de la zone UEMOA. Les données temporelles couvrent la période de douze années, de 1996 à 2007. Ainsi, nous utilisons des données de panel à double dimension, soit 600 observations. Les données sur la composition du conseil d’administration des banques ont été extraites des divers numéros de l’annuaire des banques et établissements financiers publiés par la BCEAO puis complétées et/ou validées par certaines personnes ressources des banques concernées. Les données relatives à la structure de propriété des banques sont issues des différents rapports annuels de la commission bancaire de l’UEMOA tandis que celles se 16
rapportant aux indicateurs des risques financiers ont été calculées grâce aux bilans et comptes de résultats publiés par ces banques dans les journaux officiels des différents pays et à la BCEAO. Nous adoptons dans ce papier la même démarche que celle utilisée par les études empiriques récentes qui ont analysé l’effet de la structure actionnariale et de la composition du conseil d’administration sur les risques bancaires (Mamoghli et Dhouibi, 2009 ; Barry, 2007). Cependant, notre étude se distingue sur certains aspects. D’une part, à la différence des études de ces deux auteurs, notre échantillon est plus grand et se rapporte à une période plus récente. D’autre part, nous analysons l’impact des variables relatives à la structure de propriété de ces banques ainsi que celui des variables de contrôle sur leurs risques financiers. 3.2 Mesure des variables
Comme annoncé plus haut, seuls deux risques financiers5 auxquels les banques de l’UEMOA sont le plus confrontés retiennent notre attention dans ce chapitre : le risque d’insolvabilité et le risque de crédit. Plusieurs auteurs suggèrent que l’un des indicateurs clés de la stabilité d’une banque est l’indice de son risque d’insolvabilité (Mamoghli et Dhouibi, 2009 ; Hassine, 2000; Sinkey, 1999 ; McAllister et McManus, 1993 ; Liang et Rhoades, 1991). Cet indicateur est :
( ROA) E ( ROA) + CAPRO / TA Le numérateur dans la formule ci-dessus représente l’écart-type de la valeur de la rentabilité
IR =
σ
économique (ROA) de l’actif de la banque. Le dénominateur représente la somme de la moyenne du ratio de la rentabilité économique et du ratio des capitaux propres/Total Actif. Cette formule montre d’une part que si le rendement des actifs augmente, l’indice du risque d’insolvabilité diminuera par la suite. D’autre part, le risque d’insolvabilité est affecté par les fluctuations du passif de la banque. Cette information est capturée par le rapport CAPRO/TA dans le dénominateur.
5 L’analyse des statistiques des réserves obligatoires constituées par les banques de l’UEMOA auprès de la BCEAO et quelques études empiriques antérieures semblent indiquer que les banques de l’UEMOA seraient surliquidites (Dannon, 2004 ; Ary Tanimoune, 2003). Une récente étude du FMI (Magnus Saxegaard, “ Excess liquidity and effectiveness of monetary policy : evidence from SSA ”, WP/06/115, IMF cité par Fatima Hmimid et Anselme Imbert (2006) conclut également à la surliquidité des banques de l’UEMOA. Selon cette étude, le secteur bancaire de 40 pays africains sur 44 serait surliquidite et pour résorber cette surliquidité, les banques centrales augmentent le taux de réserve obligatoire.
17
Le risque de crédit peut être mesuré par différents ratios financiers. Le ratio encours de crédit douteux / total crédit (net ) représente une mesure de la qualité du portefeuille de crédit. Une
valeur élevée de ce ratio indique une activité bancaire dégradée, de faible qualité et implique un risque de défaut plus élevé pour la banque. Un autre ratio est la part que la réserve pour le risque de crédit représentée dans le total crédit. Une valeur élevée de ce ratio indique des pertes anticipées sur le portefeuille de crédit d’autant plus importantes. Néanmoins, ce ratio peut être également interprété comme une mesure du ‘matelas de sécurité’ destiné à absorber les pertes futures. D’autres auteurs à l’exemple de Goyeau et al. (1998) utilisent le ratio crédits à la clientèle/dépôts de la clientèle et celui des crédits totaux/total actif comme mesures du risque de crédit bancaire. Comme Goyeau et al. (1998) et compte tenu de la structure des données bancaires accessibles, nous utilisons le ratio crédits à la clientèle/dépôts de la clientèle comme mesure du risque de crédit bancaire. De plus, Greuning et Bratanovic (2004) soutiennent qu’une limitation à l’ensemble des prêts bancaires consentis doit être fonction des dépôts collectés. Les variables indépendantes ainsi que les indicateurs de leurs mesures sont présentés en annexe 2. 3.3 Statistiques descriptives des variables explicatives et tests de spécification
Le choix de nos variables explicatives a été essentiellement guidé par les récentes études empiriques qui mettent en évidence les relations entre gouvernance et risque bancaires. Nous notons à travers le tableau 1 que la moyenne de l’indice du risque d’insolvabilité des banques de l’UEMOA sur la période 1996-2007 est de 35,5% tandis que celle du risque de crédit est de 95,4%. Ce dernier pourcentage indique que toutes choses étant égales par ailleurs, les banques de l’Union transforment plus de 95% des dépôts de la clientèle en crédits à la clientèle et souligne une fois encore l’important rôle d’intermédiation de ces banques. Par ailleurs, on remarque une nette disparité des valeurs moyennes des variables expliquées et explicatives et de leurs écarts types entre les différentes banques de l’échantillon. Ces deux grandeurs semblent indiquer que la structure de notre échantillon est hétérogène et que des tests de spécification complémentaires sont indispensables afin de choisir l’estimateur approprié.
18
Avant les estimations, nous avons testé l’hypothèse selon laquelle le terme constant est le même pour toutes les banques grâce au test de Ficher (F-test). Le F calculé étant inférieur au F tabulé, nous concluons qu’il n’y a pas de raison de supposer que les effets sont spécifiques. Cela confirme que notre structure de panel n’est pas parfaitement homogène. Par conséquent, notre modèle est soit à effets individuels fixes, soit à effets individuels aléatoires. Nous avons ensuite procédé au test de Hausman (1978) qui nous indique que le modèle qui s’adapte à la structure de notre échantillon est à effets fixes. Tableau 1: Statistiques descriptives des variables explicatives
Variable | Obs Mean Std. Dev. Min Max -------------+-------------------------------------------------------ir | 600 .3554216 1.810398 -3.529378 26.58474 riscr | 600 .9543281 .9361041 .0068626 15.62215 tailca | 600 7.385 2.631536 1 12 adinst | 600 .3670394 .1978334 0 1 adetr | 600 .2706744 .2051857 0 1 -------------+-------------------------------------------------------adetat | 600 .2059037 .1888045 0 1 adetp | 600 .0961611 .1151793 0 .5 dual | 600 .1916667 .3939406 0 1 etat | 600 .2411922 .2871467 0 1 privenat | 600 .2747399 .2803127 0 1 -------------+-------------------------------------------------------etra | 600 .4840684 .3313131 0 1 cap | 600 .0994963 .0905053 -.2636113 .7395615 taille | 600 11.00379 1.149114 6.165418 13.17189 age | 600 22.76 10.10541 1 48 Source : Estimations de l’auteur sous STATA 9.0
Nous pouvons donc appliquer la méthode des moindres carrés ordinaires ou généralisés pour l’estimation des différents modèles dont les résultats sont analysés dans le paragraphe suivant. 3.4 Analyse des résultats des estimations économétriques de l’indice du risque d’insolvabilité en fonction des variables de gouvernance
La littérature sur la relation entre le risque et les mécanismes de gouvernance fournit principalement quatre spécifications du modèle. Ainsi on trouve une équation de type linéaire, log linéaire, par morceaux et quadratique. Dans notre cas nous avons choisi un modèle de type linaire en raison de la structure des données bancaires disponibles. Nous utilisons à cet effet cinq différents modèles. Les trois premiers permettent de cerner l’effet de la structure actionnariale sur le risque d’insolvabilité des banques tandis que le quatrième étudie l’impact des caractéristiques du conseil d’administration. Le cinquième modèle mesure simultanément les effets des deux sous groupes de variables explicatives sur le risque d’insolvabilité des 19
banques de la zone UEMOA. Globalement, les spécifications des cinq modèles qui permettent de tester les hypothèses opérationnelles formulées plus haut sont respectivement les suivantes. Modèles 1a, 1b et 1c : variable risque d’insolvabilité = f(variable structure
actionnariale + variables de contrôle)6. Modèle 4 : variable risque d’insolvabilité = f(variable caractéristique du conseil
d’administration + variables de contrôle). Modèle 5 : variable risque d’insolvabilité = f(variable structure actionnariale
+
variable caractéristiques du conseil d’administration + variables de contrôle). Les différentes variables sont mesurées à partir des données du bilan et du compte de résultat en valeurs comptables. Les résultats des estimations économétriques sont présentés dans le tableau 2 ci-dessous Tableau 2 : Mécanismes internes de gouvernance et risque d’insolvabilité des banques Variable Dépendante I.R Variables Indépendantes
Signe attendu
Modèle 1a
Modèle 1b
Modèle 1c
-
Tailca adinst
-
adetr
-
Modèle 4
Modèle 5
.0799**
.0809**
(2.53)
(2.48)
-1.168 *
-1.048 *
(-1.73)
(-1.71)
-.2964
-.0244
(-0.42)
(-0.03)
**
-1.629
+
adetat
+
adetp dual
+
etat
+
privenat
-
etra
-
cap
-
(-1.32)
(-2.61)
-1.370
-1.496 *
(-1.58)
(-1.71)
-.0053
-.0293
(-0.03)
(-0.15)
-.0019
-.3363
(1.32)
(-0.01)
(-0.85)
.4247
.0019
(1.56)
(0.01)
-.4725 (-1.14)
-2.362 **
-2.362**
-2.362 **
-2.953 ***
-3.018 ***
(-2.49)
(-2.49)
(-2.49)
(-3.06)
(-3.12)
-.2784
(-3.53) ***
age
-.4228
(-1.56)
(-2.37)
.4228
***
taille
-.4247
-1.888 ***
.0241
(3.15)
-.2784
***
(-3.53) ***
.0241
***
-.2784
(-3.53) ***
.0241
-.3415
***
(-3.96)
.0259
***
-.3275 *** (-3.69)
.0249***
(3.15)
(3.15)
(3.29)
(3.15)
3.206***
4.205***
4.346***
(3.14)
3.208*** (3.52 )
(3.56)
(3.90)
(3.94)
Observations
600,000
600,000
600,000
600,000
600,000
Prob > F
0.0018
0.0018
0.0018
0.0000
0.0000
***
constante
Source
2.783
: estimations de l’auteur avec le logiciel STATA 9.0
Les astérisques indiquent une significativité au seuil de (1%)***, (5%)** et (10%)*. Les statistiques de Student (t) sont présentées entre parenthèses.
6 La matrice des corrélations est présentée en annexe 27.
20
Le modèle 1 qui permet de cerner l’effet de la structure actionnariale sur le risque d’insolvabilité est subdivisé en trois sous modèles étant donné que la somme des proportions de capital détenues respectivement par l’Etat, les privés nationaux et les étrangers est égale à l’unité. Les modèles 1a, 1b, 1c et le modèle 5 montrent que l’origine de la propriété et le pourcentage d’actions détenu respectivement par l’Etat, les privés nationaux et les étrangers n’ont pas d’effet sur le risque d’insolvabilité des banques de la zone UEMOA. Conformément à nos anticipations, la capitalisation de la banque exerce un impact négatif et très significatif sur le risque d’insolvabilité dans tous les modèles estimés. Ce résultat corrobore celui obtenu récemment sur le secteur bancaire tunisien qui révèle que plus les fonds propres augmentent, plus le risque d’insolvabilité diminue (Mamoghli et Dhouibi, 2009). Toutefois, ce résultat ne supporte pas les conclusions d’autres études antérieures qui indiquent que les banques qui ont un ratio de capitalisation plus important présentent un risque de d’insolvabilité plus fort (Camara, 2006 ; Besanko et Kanatas, 1996 ; Koehn et Santomero ; 1980). De plus, il met l’accent sur l’efficacité de la réglementation de capital. De même, la taille des banques est négativement et très significativement reliée à leur risque d’insolvabilité mettant ainsi en évidence que l’accroissement de la taille permet de diminuer le risque d’insolvabilité. Cependant, l’âge est positivement et très significativement relié au risque d’insolvabilité des banques de l’UEMOA. Ce résultat indique que les banques les plus anciennes ont le niveau du risque d’insolvabilité le plus élevé. Ainsi l’âge de la banque entraîne un phénomène du cloisonnement du management et une illusion d’autosuffisance qui induisent une mauvaise sélection des investissements et à terme une gestion inefficace du risque. Conformément aux recommandations de Jensen (1993) qui proposent qu’un conseil d’administration opérant avec un nombre réduit d’administrateurs produit un mécanisme de contrôle plus efficace, les modèles 4 et 5 indiquent que la taille du conseil d’administration des banques de l’UEMOA a un impact positif et très significatif sur le risque d’insolvabilité. Par conséquent, lorsque la taille du conseil d’administration augmente il en résulte un manque de coordination et de synchronisation des efforts des administrateurs ce qui permet au dirigeant de poursuive sa politique d’investissement risquée. Ce résultat rejoint celui d’Adams et Mehran (2003) qui ont précisé que lorsque la taille du conseil d’administration est élevée, les firmes enregistrent toujours des niveaux élevés de performance associés à des niveaux de risques d’insolvabilité élevés. De même, conformément aux prédictions théoriques de Jensen 21
(1993), la variable mesurant la proportion des administrateurs institutionnels siégeant au conseil est négativement et significativement reliée au risque d’insolvabilité des banques de l’UEMOA. Ce résultat confirme le fait que cette catégorie d’administrateurs a un meilleur accès aux informations et une plus grande expertise dans la sélection des investissements et la gestion des risques bancaires. Ainsi, la diversité cognitive du conseil d’administration est favorable aux banques de l’UEMOA. Ce résultat corrobore celui obtenu récemment par Mamoghli et Dhouibi (2009) dans le secteur bancaire tunisien. Enfin, d’après le modèle 5 et contrairement à nos anticipations, les administrateurs représentant l’Etat et les établissements publics ont un effet négatif et significatif sur le risque d’insolvabilité des banques. 3.1 Analyse des résultats des estimations économétriques du risque de crédit en fonction des variables de gouvernance
Comme dans le précédent paragraphe, le tableau 3 présente les résultats des estimations du risque de crédit bancaire respectivement en fonction de la structure de propriété (modèles 6a, 6b et 6c), de la composition du conseil d’administration (modèle 7) et finalement en fonction des deux mécanismes de gouvernance considérés simultanément. Nous pouvons déduire de nos résultats les grandes constatations suivantes :
La propriété publique affecte positivement et significativement le risque de crédit bancaire. Ainsi, les banques domestiques d’Etat seraient les plus exposées au risque de crédit dans la zone UEMOA. Cela peut être dû au fait qu’il existe une politisation à outrance des banques publiques. Ces banques sont gouvernées par des hommes politiques qui cherchent à renforcer leurs positions et leurs intérêts. Corrélativement, les crédits distribués par ces banques ne sont généralement pas évalués selon les critères de gestion des risques et d’efficacité. De plus, de nombreuses entreprises publiques ne présentant pas de situations financières satisfaisantes sont pourtant éligibles au crédit bancaire sans oublier que les gouvernements utilisent parfois les banques publiques pour résoudre leur problème de trésorerie.
En revanche, les banques étrangères ont un impact négatif et significatif sur le risque de crédit bancaire conformément au signe attendu et à la littérature théorique et empirique. Comme le souligne Demirgüç-Kunt et al. (1998), le risque de crédit bancaire est atténué par une forte participation des banques étrangères dans le secteur bancaire. Aussi les banques étrangères poursuivent-elles une politique de crédit plus sélective que les banques domestiques. En outre, ces banques sont plus réputées pour 22
leur expertise managériale et les bonnes pratiques en matière de sélection des demandes de crédit. Tableau 3 : Mécanismes internes de gouvernance et risque de crédit des banques Variable Dépendante : risque de crédit bancaire Variables Indépendantes Tailca
Signe attendu
Modèle 6a
Modèle 6b
Modèle 6c
Modèle 7 -.0380
-
***
(-2.64)
-
adetr
-
adetat
+
adetp
+
.2959
privenat
-
etra
-
cap taille
-
age constante
(2.38)
.0304 (0.21)
-.2959
.3264
.0936
(-1.42)
(0.28) *
3.533
***
.2069
-.0778
(0.53)
(-0.20)
**
(8.17)
-.1586
***
(8.17)
-.1586
***
(-4.41)
(-4.41)
.0181***
.0181***
(5.19)
2.070***
(5.19)
1.774
***
*
(1.77)
(-0.21)
-.3479
**
(-1.97) ***
-.8443
(-2.58)
3.533
.1509
-.0304
-.3264 ***
***
(-2.94)
(2.58)
(-2.38)
-.9533
(-1.74)
***
**
**
-.4507
(2.16)
+
etat
.6343
(2.07)
.1863 **
***
(1.46)
-.5447
+
dual
-.0432
(-2.97)
.4500 adinst
Modèle 8
3.533
***
(8.17)
-.1586
***
(-4.41)
.0181
***
(5.19)
.0181
***
***
(-4.55)
3.559
***
(8.09)
-.2029
***
(-5.17) .0209
***
(5.83)
2.651
***
3.455
***
(7.98)
-.1638
***
(-4.13)
.0191
***
(5.39)
2.719
***
(5.12)
(4.27)
(5.12)
(5.40)
(5.51)
Observations
600,000
600,000
600,000
600,000
600,000
Prob > F
0.0000
0.0000
0.0000
0.0000
0.0000
Source
: estimations de l’auteur avec le logiciel STATA 9.0
Les astérisques indiquent une significativité au seuil de (1%)***, (5%)** et (10%)*. Les statistiques robustes de Student (t) sont présentées entre parenthèses.
Les modèles 7 et 8 montrent que la taille du conseil d’administration a un impact négatif et très significatif sur le risque de crédit bancaire. Ce résultat est à l’opposé de celui obtenu au niveau du risque d’insolvabilité. Il n’est pas conforme aux recommandations de Jensen (1993) qui soutient qu’un conseil d’administration opérant avec un nombre réduit d’administrateurs produit un mécanisme de contrôle plus efficace. Ainsi, plus la taille du conseil d’administration des banques de l’UEMOA est élevée, plus le risque de crédit est faible.
23
Comme au niveau du risque d’insolvabilité et contrairement à nos anticipations, les administrateurs représentant l’Etat ont un effet négatif et significatif sur le risque de crédit des banques de l’UEMOA.
La dualité du style de leadership est positivement et significativement reliée au risque de crédit bancaire. En effet, dans le cas d’une dualité des deux fonctions de directeur et de président du conseil d’administration, il y aurait évidemment une altération des fonctions du contrôle et de la supervision. Ainsi, le dirigeant aura probablement un pouvoir plus élevé sur le conseil et sur la firme bancaire. Ce fait pourrait engendrer probablement une réduction de l’efficacité des mécanismes de contrôle de la structure de gouvernance. C’est pour cette raison que Jensen (1993) souligne que le dirigeant ne devrait pas être le président du conseil, en précisant que le dirigeant peut ne pas pouvoir faire la distinction entre ses propres intérêts avec ceux des actionnaires. Plus spécifiquement, dans le cas des banques de la zone UEMOA, la dualité des fonctions de directeur et du président du conseil conduit à des décisions de crédit et d’investissement risquées.
Contrairement à nos anticipations, la capitalisation exerce une influence positive et significative sur le risque de crédit bancaire. Ce résultat peut être dû au fait que dans la zone UEMOA, les décisions de capitalisation des banques ne sont pas généralement basées sur un objectif d’absorption des risques de crédit.
Comme au niveau du risque d’insolvabilité, la taille des banques a une influence négative et significative sur le risque de crédit bancaire. Ce résultat confirme une fois encore que les banques de grande taille sont plus réputées dans la maîtrise du risque de crédit dans la zone UEMOA. Il est toutefois en accord avec les travaux de Aggarwal et Jacques (2001) sur les banques américaines, Van Roy (2003) sur les banques européennes, Rime (2001) sur les banques suisses et Murinde et Yaseen (2004) sur les banques africaines et du Moyen-Orient qui trouvent aussi une influence négative entre le niveau de capital et le risque bancaire.
Enfin et contrairement à nos anticipations, l’âge de la banque est positivement et significativement lié au risque de crédit. Il semble que les banques les plus anciennes soient plus confrontées au risque de crédit dans la zone UEMOA.
24
Conclusion
Ce papier se proposait d’étudier la relation entre les mécanismes internes de gouvernance et les risques financiers des banques de la zone UEMOA, notamment le risque d’insolvabilité et celui de crédit. Pour y parvenir nous avons adopté une démarche bipartite. D’une part, à travers une revue de littérature théorique et empirique, nous avons formulé des hypothèses opérationnelles de recherche après avoir donné un aperçu du champ des risques bancaires. D’autre part, sur un panel de 50 banques commerciales de la zone UEMOA sur la période 1996 à 2007, nous avons procédé à des tests de spécification des modèles économétriques que nous avons estimés à l’aide du logiciel STATA 9.0. Cinq grandes conclusions se dégagent des résultats obtenus. Primo, l’origine et la structure de la propriété n’ont pas d’impact significatif sur le risque d’insolvabilité des banques de la zone UEMOA. En revanche, les banques étrangères démontrent plus de capacité dans la maîtrise des risques de crédit. Secundo, la capitalisation et la taille bancaires ont des effets négatifs et très significatifs sur le risque d’insolvabilité. Ainsi, l’accroissement des mesures visant la réglementation du capital des banques est favorable à la diminution du risque d’insolvabilité des banques. De plus, l’accroissement de la taille des banques est favorable à la minimisation des risques de crédit. Tertio, conformément aux prédictions théoriques de Jensen (1993), la taille du conseil d’administration des banques de l’UEMOA a un impact positif et très significatif sur le risque d’insolvabilité tandis que la proportion des administrateurs institutionnels siégeant au conseil est négativement et significativement reliée à ce risque. L’effet contraire est observé au niveau du risque de crédit bancaire. Quatro, nos résultats semblent indiquer que les administrateurs représentant l’Etat et les établissements publics ont un effet négatif et significatif sur le risque d’insolvabilité et sur le risque de crédit des banques. Enfin, les banques les plus anciennes sont plus confrontées à ces deux types de risques. Il est intéressant de faire ressortir quelques prolongements possibles à nos analyses. Une première piste consiste à analyser les interactions existantes entre les mécanismes internes de gouvernance bancaire. Une deuxième piste concerne l’analyse de l’impact de la structure de propriété et la composition du conseil d’administration des banques sur les autres types de risques financiers comme le risque de liquidité. Enfin, il convient d’étudier le problème d’interaction entres les variables qui peut inhiber la relation entre gouvernance et performance bancaires. Ces voies de recherche futures permettront de mieux comprendre le fonctionnement
des
mécanismes
internes
de
gouvernance
des
banques. 25
Annexe 1 : Représentativité de l’échantillon des banques au 31/12/2007 NOMBRE DE BANQUES DANS L’ECHANTILLON
PAYS
Bénin Burkina Faso Côte d’Ivoire Mali Niger Sénégal Togo
5 5 13 6 5 9 7
UEMOA
50
NOMBRE TOTAL DE BANQUES AGREES
CREDITS (EN %)
DEPOTS (EN %)
TOTAL BILAN (EN %)
RESEAUX (EN %)
12 12 18 13 10 17 10
70 68 92 73 68 87 89
69 66 91 75 74 87 97
71 65 92 74 70 86 89
69 63 92 87 49 83 86
92
82
82
82
80
Source : élaboré à partir des données statistique de la BCEAO et de la commission bancaire.
(*) : Pourcentage par rapport à chaque système bancaire national (**) : Pourcentage par rapport à l’ensemble du système bancaire de l’UEMOA (données en gras)
Annexe 2: Mesure des variables de conseil d’administration et de la structure de propriété des banques Variables
TAILC DUAL ADETR ADETAT ADETP ADINST ETAT PRIVENAT
ETRA CAP
Signification
Mesure
Taille du conseil d’administ. Dualité Présidence du conseil-direction générale Pourcentage des administrateurs étrangers Pourcentage administrateurs représentant de l'Etat Pourcentage des administrateurs représentant les établissements publics
Nombre total des administrateurs Variables binaire égale à 1 si dualité existe et 0 sinon Nombre des administrateurs étrangers/Nombre total des administrateurs Nombre des administrateurs représentant l'Etat/Nombre total des administrateurs Nombre des administrateurs représentant les établissements publics /Nombre total des administrateurs Nombre des administrateurs institutionnels/Nombre total des administrateurs Montant du capital détenu par l’Etat/Capital de la Banque Montant du capital détenu par les privés nationaux/Capital de la Banque Montant du capital détenu par les Etrangers/Capital de la Banque
Pourcentage administrateurs institutionnels Pourcentage du capital de la banque détenu par l’Etat Pourcentage du capital détenu par les privés nationaux Pourcentage du capital de la banque détenu par les Etrangers Le niveau des fonds propres de la banque
TAILLE
Taille de la banque
AGE
L’âge de la banque
Source : Adapté de Mamoghli
Capitaux propres / total actif Logarithme népérien de la valeur comptable de l'actif total de la banque Le nombre d’années depuis la création de la banque jusqu’à l’année 2007
C. et Dhouibi R. (2009)
26
EFFECTIF DU PERSONNEL (EN %)
63 73 90 69 63 83 84
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