Gaber_Deux variants de la scène de la psychostasie (chapitres 30 et 125 du Livre des Morts)

December 1, 2017 | Author: Imhotep72 | Category: Weighing Scale, Death, Religion And Belief
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DEUX VARIANTES DE LA SCÈNE DE LA PSYCHOSTASIE (CHAPITRES 30 ET 125 DU LIVRE DES MORTS)1 [PLANCHES I-II] PAR

HANANE GABER Head Registrar Registration, Collections Management, and Documentation Department Egyptian Museum, Tahrir Square, Cairo – Egypt Wissenschaftliche Mitarbeiterin Seminar für Ägyptologie der Universität zu Köln – Deutschland

Bien que la scène de la psychostasie soit largement diffusée et longuement commentée dans plusieurs ouvrages2, ses variantes ont jusqu’à ce jour suscité très peu d’intérêt. Normalement, le plateau le plus proche du défunt contient son cœur et le plateau du côté d’Osiris la déesse Maât (pl. I a). Mais il est des cas où l’ordre est inversé. Parfois, un œil-oudjat3 ou un poids4 apparaît sur le plateau à la place de la plume ou de l'effigie de Maât. La balance peut également recevoir, d’un côté, deux cœurs qui sont ceux du couple défunt et de l’autre, deux plumes5. La présente recherche est consacrée à deux de ces nombreuses variantes de la pesée du cœur dont l’interprétation demeure obscure. Je propose de les étudier en parallèle car ces deux scènes disposent d’un élément commun – la figure du défunt présente sur un des plateaux –, ce qui invite à les associer. 1 J’ai discuté des idées de cet article avec Claude Traunecker et Françoise Labrique∞∞; qu’ils soient cordialement remerciés pour leur soutien. 2 E. Schott, Die Ägyptischen Sünden. Kapitel 125 und Kapitel 30 des ägyptischen Totenbuches übersetzt und kommentiert, 1992∞∞; J. Assmann, Mort et au-delà dans l’Égypte ancienne (trad. N. Baum), 2003, p. 131-140∞∞; idem, Maât. L’Égypte pharaonique et l’idée de justice sociale, 1989. p. 77-82∞∞; Chr. Seeber, Untersuchungen zur Darstellung des Totengerichts im Alten Ägypten (MÄS 35), 1976 (abrégé par la suite en Totengerichts)∞∞; R. Grieshammer, Das Jenseitsgericht in den Sargtexten (ÄA 20), 1970∞∞; J. Yoyotte, «∞∞Le jugement des morts dans l’Égypte ancienne∞∞», dans∞∞: Le jugement des morts (Sources Orientales IV), 1961, p. 15-80∞∞; Ch. Maystre, Les déclarations d’innocence (Livre des Morts, chapitre 125) (RAPH 8), 1937∞∞; J. Spiegel, Die Idee des Totengerichts in der ägyptischen Religion (LÄS 2), 1935, p. 61-66∞∞; J.J. Clère, «∞∞Un passage de la Stèle du Général Antef∞∞», BIFAO 30 (1931), p. 425-447. 3 La présence de cet œil à la place de Maât a été élucidée par Ph. Derchain, «∞∞L’Œil, Gardien de la Justice∞∞», ZÄS 83 (1958), p. 75-76. 4 Th.M. Davis, The Funeral Papyrus of Iouiya, 2000 (1ère édition∞∞: 1908), pl. 22, p. 17∞∞; N. de G. Davies, Two Ramesside Tombs at Thebes (Publications of the MMA. Robb de Peyster Tytus. Memorial Series V), 1927, p. 28, n. 1∞∞; Chr. Seeber, Totengerichts, p. 161. 5 M. Baud – É. Drioton, Le tombeau de Roy (no 255) (MIFAO 57/1), 1928, p. 16, fig. 11.

Revue d’Égyptologie 60, 1-16. doi∞∞: 10.2143/RE.60.0.2049271 Tous droits réservés © Revue d’Égyptologie, 2009.

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H. GABER

Illustrant souvent les chapitres 30 ou 125 du Livre des Morts, la première des variantes présente sur l’un des plateaux de la balance un personnage (tableau 1, no 1-6, 8-12, pl. I b) ou son ombre (tableau 1, no 7, 13-14) et sur l’autre, un cœur. Dans cette scène, le défunt surmonté de son nom6 se substitue donc à Maât. La particularité de cette variante n'a guère attiré l'attention, car on a souvent pris l’effigie du personnage pour celle de la déesse de la vérité7. Si certains savants ont identifié le mort8, d’autres ont même expliqué la représentation de l’homme, à la place dévolue à Maât, par une étourderie de scribe9. Un exemple de cette scène assez fréquente10 avait attiré l’attention de Jean Yoyotte∞∞: «∞∞S’agit-il d’un contrôle de la sincérité du mort∞∞?∞ »11. Afin de mieux appréhender cette figuration, une série de questions s’impose∞∞: qui pèset-on, le mort ou son cœur∞∞? Quel sont le statut de l’homme sur la balance et sa relation avec Maât∞∞? Quel est l’écart entre cette représentation et la scène «∞∞classique∞∞» illustrant le chapitre 125, où le cœur du défunt est pesé en face de la déesse de la vérité (pl. I a)∞∞? Aussi peu connue que la première variante, la seconde montre l’effigie du mort et Maât, chacun posé sur un plateau (pl. II a). Cette représentation insolite, dans laquelle le cœur est absent et sa place occupée par le défunt lui-même, mérite qu'on s'y attarde. Faisant pendant au cœur (pl. I b) ou à Maât (pl. II a), l’effigie du défunt est ainsi attestée dans chacune des deux variantes. Y assume-t-elle pour autant la même fonction∞∞? L’étude parallèle des différentes scènes, en prenant comme point de départ cet élément commun, pourrait permettre d’en déduire la signification. Au préalable seront présentées les sources où figurent les représentations du mort devant son cœur ou devant Maât ainsi que la répartition des documents dans le temps et l’espace. La scène canonique de la psychostasie et ses deux variantes seront dorénavant désignées comme suit∞∞: 6

E. Naville, Das aegyptische Todtenbuch der XVIII. bis XX. Dynastie aus verschiedenen Urkunden, I, 1886, pl. 43, Ae (P. BM EA 9964) et Aa (P. BM EA 9900)∞∞; P. Le Page Renouf, The Life-Work of Sir Peter Le Page Renouf. IV. The Book of the Dead, 1907, pl. 38 (P. BM 9900) et pl. 39 (P. BM 9964)∞∞; I. Myer, Oldest Books in the World. An Account of the Religion, Wisdom, Philosophy, Ethics, Psychology, Manners, Proverbs, Sayings, Refinement, etc., of the Ancient Egyptians, 1900, pl. 10 (P. BM EA 9900) et 11 (P. BM EA 9964). 7 I. Myer, op. cit., p. 419, 421 (P. BM EA 9900, P. BM EA 9964, P. Leyde T 2)∞∞; C. Leemans, Description raisonnée des monuments égyptiens du Musée d’Antiquités des Pays-Bas à Leide, 1840, p. 228 (P. Leyde T 2). 8 J. Yoyotte, op. cit., p. 74, n. 75. R. Grieshammer, op. cit., p. 54∞∞; J.-P. Corteggiani décrit ceux qui sont représentés sur la balance faisant partie du p. CG 24095 par «∞∞le personnage et son cœur∞∞», dans L’Égypte des pharaons au Musée du Caire, 1986, p. 94∞∞; B. Bruyère signale la présence de l’ombre du défunt et de son cœur dans la chapelle de Nebenmaât (TT 219), dans Rapport sur les fouilles de Deir el Médineh (1927) (FIFAO V), 1928, p. 72. 9 M. Mosher, The Papyrus of Hor (BM EA 10479) with Papyrus MacGregor∞∞: The Late Period Tradition at Akhmim, Catalogue of the Books of Dead in the British Museum, II, 2001, p. 103∞∞; N. de G. Davies, op. cit., p. 27-28. 10 Chr. Seeber, Totengerichts, p. 74, n. 269∞∞; quatre des documents où cette variante est attestée ont été aussi signalés par I. Munro, Die Totenbuch-Handschriften der 18. Dynastie im Ägyptischen Museum Cairo. Text und Tafelband (ÄA 54), 1994, p. 243, n. 40∞∞; idem, Untersuchungen zu den Totenbuch-Papyri der 18. Dynastie, 1987, p. 110. 11 J. Yoyotte, op. cit., p. 74, n. 75.

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– modèle 1 (C-M) (pl. I a)∞∞: la balance oppose le cœur (C) à Maât (M) (scène canonique). – modèle 2 (C-D) (pl. I b)∞∞: la balance oppose le cœur (C) à l’effigie du défunt (D) ou à son ombre12. – modèle 3 (D-M) (pl. II a)∞∞: la balance oppose le défunt (D) ou son ombre à Maât (M). 1. Présentation des documents 1.1. Le cœur et le défunt∞∞: modèle 2 (C-D) Dans son ouvrage sur les représentations du jugement des morts13, Christine Seeber a réuni un ensemble de papyrus et de scènes de tombes où le défunt apparaît sur l’un des plateaux de la balance alors que son cœur occupe l’autre (modèle 2 [C-D]). Le tableau suivant ajoute à cette liste trois documents (no 12, 13, 14) publiés récemment∞∞: DOCUMENT 1

P. CG 24095 (Thèbes)

2

DATATION e

LDM

PUBLICATION

18 dynastie (Amenhotep II – Thoutmosis IV)

Chap. 30 – I. Munro, Die Totenbuch-Handschriften der 18. Dynastie im Ägyptischen Museum Cairo. Text und Tafelband (ÄA 54), 1994, p. 180, pl. 57.

P. BM EA 9900 (Memphis14)

18e dynastie

Chap. 30 – Photographs of the Papyrus of Nebseni in the British Museum, 1876, pl. 4∞∞; – E. Naville, Das aegyptische Todtenbuch der XVIII. bis XX. Dynastie aus verschiedenen Urkunden, I, 1886, pl. 137, Aa.

3

P. BM EA 9964 (Thèbes)

18e dynastie

Chap. 30 – E. Naville, Todtenbuch, I, pl. 43, Ae.

4

P. CG 2512 (provenance∞∞?)

18e dynastie

Chap. 125 – I. Munro, Die Totenbuch-Handschriften, p. 243, pl. 79.

5

Ouserhat (TT 51)

19e dynastie

6

Amennakht (TT 218)

19e dynastie (Séthy Ier – Ramsès II)

12



– N. de G. Davies, Two Ramesside Tombs at Thebes, Publications of the MMA. Robb de Peyster Tytus. Memorial Series V, 1927, pl. 13∞∞; – Chr. Seeber, Totengerichts, fig. 9.

Chap. 125 – B. Bruyère, Rapport sur les fouilles de Deir el Médineh (1927) (FIFAO V), 1928, p. 59∞∞; – Photographie inédite de l’Ifao, no 73/2421.

L’ombre du mort peut désigner sa momie, B. George, Zu den altägyptischen Vorstellungen vom Schatten als Seele (Habelts Dissertationsdrucke. Reihe Klassische Philologie 7), 1970, p. 100-103. 13 Chr. Seeber, Totengerichts. 14 St.G.J. Quirke, Owners of Funerary Papyri in the British Museum (British Museum Occasional Paper 92), 1993, p. 15, 47, no 124.

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H. GABER DOCUMENT

DATATION e

LDM

PUBLICATION

7

Nebenmaât (TT 219)

19 dynastie (Ramsès II)

Chap. 125 – B. Bruyère, op. cit., p. 72∞∞; – Photographie inédite de l’Ifao, no 73/2416.

8

Qaha (TT 360)

19e dynastie (Ramsès II)

Chap. 125 – B. Bruyère, Rapport sur les fouilles de Deir el Médineh (1930) (FIFAO VIII), 1933, pl. 29.

9

Amenmes (TT 9)

19e dynastie (Ramsès II)

(détruit)

– A. Wiedemann, «∞∞Tombs of the Nineteenth Dynasty at Dêr el-Medinet (Thebes)», PSBA 8 (1886), p. 229-230.

10 Nebounenef (TT 157)

19e dynastie (Ramsès II)

(inédit)

– Chr. Seeber, Totengerichts, p. 205.

11 P. Leyde T 2 (Thèbes15)

19e dynastie



12 P. BM EA 10479/6 (Akhmîm)

Époque ptolémaïque

– C. Leemans, Aegyptische Hieroglyphische Lijkpapyrus (T 2) van het Nederlemdsche Museum van Oudheden te Leyden, 1882, pl. 6-7, 21-22.

Chap. 125, – M. Mosher, The Papyrus of Hor (BM chap. 30 EA 10479) with Papyrus MacGregor∞∞: The Late Period Tradition at Akhmim, Catalogue of the Books of Dead in the British Museum, II, 2001, pl. 2∞∞; – E.R. Russmann (éd.), Eternal Egypt. Masterworks of Ancient Art from the British Museum, 2001, p. 202-203, no cat. 105.

13 Cercueil de Didyme (Zawyet el-Meïtin)

Époque romaine



– D. Kurth, Der Sarg der Teüris. Eine Studie zum Totenglauben im römerzeitlichen Ägypten (Aeg. Trev. 6), 1990, p. 33-34, pl. 5.

14 Cartonnage (Meir)

Époque romaine



– Kl. Parlasca – H. Seemann (éd.), Augenblicke, Mumienporträts und ägyptische Grabkunst aus römischer Zeit, 1999, p. 312, no cat. 206e.

Tableau 1. Modèle 2 (C–D)

Trois des vignettes les plus anciennes, datées de la 18e dynastie, illustrent le chapitre 30 du Livre des Morts (no 1-2-3), alors qu’une seule de cette époque est jointe au chapitre 125 (no 4). À partir de la 19e dynastie, les représentations ne sont plus systématiquement accompagnées par l’une des deux formules du Livre des Morts. Il semble que la nature du support ait présidé au choix du décor. Les papyrus (no 1-4, 12) reproduisent ainsi fidèlement les chapitres 30 et 125. En revanche, dans quelques tombes thébaines (no 6-8), le scribe a privilégié les légendes que prononcent les dieux mettant en valeur le résultat bénéfique de la pesée. Dans d’autres cas, comme sur les cercueils et cartonnages romains (no 13-14), les représentations sont dépourvues des deux formules. 15

M.J. Raven, De dodencultus van het Oude Egypte. Rijksmuseum van Oudheden, 1992, p. 36.

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1.2. Le défunt et Maât∞∞: modèle 3 (D-M) Plusieurs documents rassemblés par Chr. Seeber comprennent une variante de la pesée où le défunt est examiné par rapport à Maât. Un exemple supplémentaire a été ajouté à ce corpus (no 6). DOCUMENT Amenemipet (TT 41) Amenhotep (Assiout)

DATATION 19e dynastie (Ramsès II) 19e dynastie (Ramsès II)

3

Tjanéfer (TT 158)

20e dynastie (Ramsès III)

4

Pahemnétjer

5

P. BM EA 10541 et P. Louvre Pq (Thèbes16)

21e dynastie

6

P. Leyde 7 (Thèbes)

21e dynastie

7

P. Leyde T 1 (provenance∞∞?)17

Époque ptolémaïque

8

Sarcophage BM EA 6705 (Thèbes18)

Époque romaine

1 2

16

19-20e dynastie

LDM –

PUBLICATION – J. Assmann, Das Grab des Amenemope (TT 41) (Theben III), 1991, pl. 40, LVa. Chap. 125 – J.S. Karig, «∞∞Die Kultkammer des Amenhotep aus Deir Durunka∞∞», ZÄS 95 (1969), p. 31, fig. 2∞∞; – Ägyptisches Museum Berlin, 1967, p. 75-76, no cat. 805, ill.∞∞; – A. Kamal, «∞∞Fouilles à Deir Dronka et à Assiout (1913-1914)∞∞», ASAE 16 (1916), p. 90-91. Chap. 125 – K.C. Seele, The Tomb of Tjanefer at Thebes (OIP 86), 1959, pl. 31. –∞∞? – Chr. Seeber, Totengerichts, p. 208, no 36. (inédit) –∞∞? – P. Le Page Renouf, «∞∞Book of the Dead. Chap(inédit) ter CXXV∞∞», PSBA 17 (1895), p. 216-219, pl. 31∞∞; – Chr. Seeber, Totengerichts, p. 75, fig. 22∞∞; – E.A.W. Budge, A Guide to the Egyptian Collections in the British Museum, 1909, pl. 1. Chap. 125 – A. Niwinski, Studies on the Illustrated Theban Funerary Papyri of the 11th and 10th Centuries B.C. (OBO 86), 1989, pl. 9b. – – P. Le Page Renouf, The Life-Work of Sir Peter Le Page Renouf. Volume IV. The Book of the Dead, 1907, pl. 35, fig. 14∞∞; – I. Myer, Oldest Books in the World. An Account of the Religion, Wisdom, Philosophy, Ethics, Psychology, Manners, Proverbs, Sayings, Refinement, etc., of the Ancient Egyptians, 1900, pl. 19. – – V. Schmidt, Sarkofager, Mumiekister og mumiehylstre i det Gamle Ægypten. Typologisk Atlas, 1919, p. 229, fig. 1319∞∞; – E.A.W. Budge, Guide to the First and Second Egyptian Rooms, British Museum, 1904, pl. 25.

Chr. Seeber, Totengerichts, p. 210∞∞; PM I/2, 662, no 1. Lors de sa description de ce papyrus, C. Leemans, Description raisonnée des monuments égyptiens du Musée d’Antiquités des Pays-Bas à Leide, 1840, p. 224-228, n’a pas indiqué sa provenance. 18 PM I/2, p. 674, no 4. 17

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DOCUMENT

DATATION

LDM

PUBLICATION

Sarcophage Berlin 12442 (provenance∞∞?)

Époque romaine

–∞∞? (inédit)

– S. Morenz, «∞∞Anubis mit dem Schlüssel∞∞», Wissenschaftliche Zeitschrift der Karl-MarxUniversität Leipzig, Gesellschafts- und Sprach wissenschaftliche Reihe 3/1 (1953-54), p. 127, fig. 1.

10 Tombe d’Akhmîm

Époque romaine



– Fr.W. Fr. von Bissing, «∞∞Tombeaux d’époque romaine à Akhmîm∞∞», ASAE 50 (1950), p. 547576, pl. 1.

9

Tableau 2. Modèle 3 (D–M)

1.3. Répartition spatio-temporelle des variantes Le tableau suivant résume la chronologie des différentes attestations des variantes∞∞: 18E DYNASTIE

19E–20E

21E DYNASTIE

DYNASTIES

22E–30E

ÉPOQUE

DYNASTIES

PTOLÉMAIQUE ET ROMAINE

Cœur / Maât modèle 1 (C-M)

X

X

X

X

X

Cœur / défunt modèle 2 (C-D)

X

X





X

Défunt (+ cœur) / Maât modèle 3 (D-M)



X

X



X

Si la scène classique montrant l’évaluation du cœur (modèle 1) est attestée de manière continue, les autres représentations (modèles 2 et 3) ont été particulièrement privilégiées à une époque déterminée. À partir de la 18e dynastie, la pesée traditionnelle (modèle 1) et la confrontation entre le défunt et son cœur (modèle 2) apparaissent côte à côte. Pendant les 19e et 20e dynasties, une deuxième variante (modèle 3) enrichit le répertoire des scènes de psychostasie. Les trois types de représentations sont attestés à l’époque ptolémaïque et romaine. De la 18e à la 21e dynastie, la majorité des scènes (modèles 2 et 3) provient de la région thébaine. Le reste de la documentation témoigne toutefois de leur diffusion au-delà de Thèbes∞∞: Memphis, Assiout. RdE 60 (2009)

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2. Première variante∞∞: le monologue du défunt (D) face à son cœur (C) Les exemples les plus anciens de cette version illustrent le chapitre 30 du Livre des Morts (tableau 1, no 1-3) qui comprend un monologue du trépassé19. L’examen de la formule permettrait de mieux comprendre ce cas de figure opposant le mort à son cœur. 2.1. Qui pèse-t-on, le mort ou son cœur∞∞? Dans la mesure où Maât disparaît de la balance (pl. I b), on peut s’interroger sur l’objet de la pesée∞∞: s’agit-il du défunt ou de son cœur∞∞? Selon Chr. Seeber, c'est l’homme qui serait pesé et le cœur assumerait en l'occurrence la fonction de Maât, indiquant ainsi la situation du défunt par rapport à la norme éthique20. Il me paraît toutefois difficile d’admettre cette suggestion qui assimile le cœur à Maât tout en reconnaissant l’individu comme l’objet de la pesée. Si l’homme était évalué sur la balance, il ne réciterait pas la «∞∞Formule pour empêcher que le cœur de N ne s’oppose à lui dans la nécropole∞∞»21 (tableau 1, no 1-3, pl. I b). Cette requête du défunt ne se justifie guère que par la pesée de son cœur. L'analyse du chapitre 30B (tableau 1, no 3) repose notamment sur une phrase dont l’interprétation a été très discutée pour tenter de comprendre concrètement le procédé de l’examen du cœur face à l’homme. On proposera d’emblée une nouvelle lecture de cette formule dans laquelle le mort s’adresse à son cœur∞∞: m ír rqw=k r=í m-bÌ íry mÌ.t (pl. II b). Un long débat a porté sur la signification exacte du terme rqw. Comme ce mot est déterminé par un ennemi, il a été traduit par «∞∞hostilité, opposition∞∞»22. A. Piankoff avait compris l’ensemble comme suit∞∞: «∞∞Ne te montre pas hostile à moi par devant le préposé de la balance∞∞»23. Plusieurs égyptologues ont à leur tour adopté cette traduction24. D’un autre côté, se référant à l’évolution étymologique du terme copte rike / riki «∞∞pencher, courber, tourner∞∞», A.H. Gardiner avait traduit rqw par «∞∞s’incliner∞∞» et toute la phrase du chapitre 30B par∞∞: «∞∞do not weigh heavy (lit. make thy inclination) against me in 19 Par exemple, E. Naville, Todtenbuch, I, pl. 43, Ae (P. BM EA 9964)∞∞; traduction dans P. Barguet, Le Livre des Morts des anciens Égyptiens (LAPO 1), 1967, p. 75-76. 20 Chr. Seeber, Totengerichts, p. 81. 21 E. Naville, op. cit., I, pl. 137, Aa. 22 Wb. II, 156, 22-24∞∞; D. Meeks, AnLex 2, no 78.2448. 23 A. Piankoff, Le «∞∞cœur∞∞» dans les textes égyptiens depuis l’Ancien jusqu’à la fin du Nouvel Empire, 1930, p. 81. 24 C. Geisen, Die Totentexte des verschollenen Sarges der Königin Mentuhotep aus der 13. Dynastie. Ein Textzeuge aus der Übergangszeit von den Sargtexten zum Totenbuch (SAT 8), 2004, p. 137∞∞; J. Assmann, op. cit., p. 167∞∞; B. Mathieu, «∞∞Le dialogue d’un homme avec son âme. Un débat d’idées dans l’Égypte ancienne∞∞», Égypte, Afrique & Orient 19 (2000), p. 21∞∞; M. Malaise, Les scarabées de cœur dans l’Égypte ancienne (MRE 4), 1978, p. 23-24, n. i∞∞; P. Barguet, op. cit., p. 76∞∞; A. Erman, La religion des Égyptiens (trad. de Henri Wild), 1937, p. 320-321∞∞; E.A.W. Budge, The Book of the Dead. The Papyrus of Ani in the British Museum, 1967 [1ère éd., 1895], p. 258, 309.

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presence of the keeper of the scales∞∞»25. Cette interprétation a été retenue par d’autres savants26. En fait, ces deux interprétations de rqw ne sont pas contradictoires mais plutôt complémentaires. Puisque le cas idéal de la justification du défunt implique l’équivalence entre le cœur et un étalon incarnant la justice, l’écart des deux plateaux de la balance pourrait être conçu comme un acte belliqueux∞∞; dans cette perspective, on suggérerait de traduire la phrase par «∞∞ne t’incline pas (hostilement) contre moi en présence du gardien de la balance (litt.∞∞: ne fais pas ton inclinaison / écart (hostile)∞∞». Dans un exemple de la psychostasie (tableau 1, no 3) (pl. II b), c'est cette proposition qui a été choisie pour introduire le chapitre 30, contrairement aux autres documents qui commencent traditionnellement par r n ∞ : «∞∞Formule pour …∞∞». Elle y apparaît ainsi juste audessous de la vignette où le défunt et son cœur sont sur la balance (modèle 2). La présence de cette phrase à proximité de la représentation met en valeur le but de la scène∞∞: le souhait du mort adressé à son cœur afin que celui-ci ne provoque pas un «∞∞écart (hostile)∞∞» contre lui. 2.2. Quel est le rapport du défunt avec Maât∞∞? Étant donné que, dans le modèle 2 (C-D), le cœur est pesé face à l’homme assis sur l’autre plateau de la balance, l’effigie du défunt jouerait, comme on l’a montré plus haut, le rôle du poids étalon habituellement dévolu à Maât, à l’œil-oudjat27 ou à un simple poids, comme c’est le cas dans les papyrus de Iouya28 ou de Pennesettaouy29. Toutefois, on ignore la raison pour laquelle l’image du défunt s’est substituée à celle de la déesse de la justice ainsi que le rapport du mort avec cette divinité. Comme la vignette où sont figurés le défunt et son cœur illustre les chapitres 30 et 125 du Livre des Morts, l’examen de ceux-ci pourrait fournir quelques éléments de réponse à ces questions. La formule 30 suggère que les paroles du cœur doivent être en accord30 avec celles du mort, sans aucune référence à Maât qui n’est d’ailleurs nulle part mentionnée au cours du 25

A.H. Gardiner, Egyptian Grammar being an introduction to the study of hieroglyphs (Third edition, revised), 1969, p. 269, 578. 26 R. Grieshammer, Jenseitsgericht, p. 54-55∞∞; J.J. Clère, BIFAO 30 (1931), p. 432-433∞∞; G. Nagel, «∞∞Un papyrus funéraire de la fin du Nouvel Empire [Louvre 3292 (Inv.)]∞∞», BIFAO 29 (1929), p. 33, n. 3∞∞; E. Hornung, Das Totenbuch der Ägypter, 1979, p. 96∞∞; T.G. Allen, The Book of the Dead or Going Forth by Day (SAOC 37), 1974, p. 40∞∞; H. Junker, Pyramidenzeit. Das Wesen der altägyptischen Religion, 1949, p. 100∞∞; J.-L. de Cenival, Le Livre pour sortir le jour. Le Livre des Morts des anciens Égyptiens, 1992, p. 47∞∞; P. Montet, La vie quotidienne au temps des Ramsès, 1946, p. 305∞∞; Z.I. Fabian, «∞∞Heart-Chapters in the context of the Book of the Dead∞∞», dans∞∞: S. Schoske (éd.), Akten des vierten internationalen Ägyptologen Kongress München 1985 (SAK Beihefte 3), 1989, p. 258∞∞; E. Brunner-Traut, ∞ »∞ Der Skarabäus∞∞», Antaios 6 (1965), p. 571. 27 Ph. Derchain, loc. cit. 28 Th.M. Davis, loc. cit. 29 Chr. Seeber, Totengerichts, p. 161, fig. 60. 30 Selon ibid., p. 76-77, dans un cas de jugement idéal, l’homme, son cœur et Maât sont en harmonie.

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monologue du défunt. Dans le chapitre 125, deux passages toutefois permettent d’expliquer le rapport entre le défunt et Maât. Texte 131 En s’adressant à Osiris, le défunt dit∞∞: ín~n=í n=k M¨.t dr~n=í n=k ísf.t

«∞∞Je t’ai apporté Maât, j’ai chassé pour toi l’iniquité∞∞».

D’après ce texte et la confession négative32 du défunt, ce dernier intervient pendant le jugement en tant que représentant universel de sa communauté et de Maât33, se faisant ainsi son propre juge34. Outre les déclarations du défunt destinées à prouver sa rectitude, celui-ci emploie un autre moyen, purement rituel35, qui sert le même but∞∞; dans la formule 125, le mort reconnaît ses membres, alternativement, comme «∞∞purs∞∞» et «∞∞justes∞∞»∞ : Texte 236∞ : ír~n=í M¨.t n nb M¨.t íw=í w¨b=kwí Ì.t=í m w¨b pÌwy=í twr(=w) Ìr-íb=í m sdy.t M¨.t nn ¨.t ím=í sw.t m M¨.t

«∞∞Si j’ai accompli Maât, c'est pour le seigneur de Maât. Je suis pur, ma face est purifiée, mon derrière est pur, mon torse est dans le domaine de Maât, il n’y a pas en moi de membre exempt de Maât∞∞».

Dans la mesure où la figure du défunt sur le plateau de la balance accompagne parfois son discours (chapitre 125∞∞: tableau 1, no 4, 12) insistant sur sa soumission «∞∞morale∞∞» et «∞∞rituelle∞∞» aux principes de Maât, on peut admettre que l’effigie du mort traduit son image idéale, conforme à la justice. Face à cette figure de l’individu, qui s’affiche dans «∞∞l’instant∞∞», son cœur est pesé en tant que représentant de la «∞∞mémoire∞∞»37 et du vécu concret du trépassé. 31

E.A.W. Budge, The Book of the Dead. The Chapters of Coming Forth by Day, 1898, p. 249 (P. Nou). J. Spiegel, op. cit., p. 63, n. 1. 33 Ibid., p. 63-66 et spéc. p. 66∞∞: «∞∞Das Bild, das in der Vignette zum 30. Kap. sonst dadurch vereinfacht ist, daß der Tote mit dem Symbol der Gerechtigkeit verschmolzen und auf der Wage seinem Herzen unmittelbar gegenübergesetzt wird, …∞∞». 34 Je tiens ici à remercier vivement Marc Gabolde pour ses notes, qu’il m’a communiquées avant la parution de son article, «∞∞Une interprétation alternative de la “pesée du cœur” du Livre des Morts∞∞», Égypte, Afrique & Orient 43 (2006), p. 19. 35 A. Piankoff, op. cit., p. 82, estime que le texte suivant véhicule une idée de pureté morale et physique. 36 E.A.W. Budge, op. cit., p. 262 (P. Nou). 37 Ph. Derchain, «∞∞Anthropologie. Égypte pharaonique∞∞», dans∞∞: Dictionnaire des mythologies et des sociétés traditionnelles et du monde antique, 1981, p. 47. 32

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3. Deuxième variante (modèle 3)∞∞: la figure du mort (D) face à Maât (M) 3.1. Le défunt assume-t-il deux fonctions opposées selon sa position sur la balance face à son cœur (modèle 2) ou à Maât (modèle 3)∞∞? Si on reconnaît en «∞∞l’homme∞∞» son portrait idéal conforme à la justice, face auquel le cœur est pesé (modèle 2), on peut se demander pour quelle raison, dans d’autres scènes, l’effigie du défunt ou son ombre doit être examinée par rapport à l’emblème de Maât (modèle 3). Avant de répondre à cette question, on tentera d’abord de comprendre pourquoi le cœur cède la place, sur le plateau de la balance, au défunt qui est évalué face à la déesse de la justice. Selon Chr. Seeber, la figuration de l’homme sur le plateau représente la personnalité de l’homme examinée devant la norme universelle éthique de Maât38. Toutefois, l’objectif recherché par la présence du défunt au détriment de son cœur demeure inexpliqué. Éliminé de la balance, le cœur pourrait éventuellement être «∞∞incorporé∞∞» dans l’effigie du défunt. L’image de l’homme se réfèrerait non seulement au corps, mais aussi au cœur, ce qui expliquerait l’absence de cet organe sur la balance. Dans une tombe d’Assiout (tableau 2, no 2), les inscriptions qui accompagnent la scène de psychostasie peuvent corroborer cette hypothèse∞∞; après que l’effigie d’Amenhotep a été évaluée face à Maât, Thot s’adressant à Osiris ordonne qu’on rende son cœur au mort (pl. II c)∞∞: ∂d mdw ín ΔÌwty nb mdw.t-n†r nb M¨.t ¨m ísf.t ¨nÌ=f m M¨.t dí=tw n=f íb=f n mw.t=f Ìty=f n…

«∞∞Paroles à dire par Thot, le seigneur des paroles divines, le seigneur de Maât. Le mal est englouti39, il vit de Maât. Qu’on lui rende son cœur, (celui) de sa mère, son cœur de …40∞ ».

38

Chr. Seeber, Totengerichts, p. 77. À propos de cette expression, voir ibid., p. 111, n. 443, p. 170. 40 Chr. Seeber, Totengerichts, p. 95, a traduit ce passage par «∞∞es werde ihm gegeben sein Herz von seiner Mutter her, sein Herz von jeglicher Beschaffenheit∞∞». J.S. Karig, «∞∞Die Kultkammer des Amenhotep aus Deir Durunka∞∞», ZÄS 95 (1969), p. 32, avait suggéré une autre traduction «∞∞gegeben sei ihm sein Herz seiner Mutter, sein Herz von…∞∞». Des raisons diverses rendent la lecture de Chr. Seeber peu certaine. D’abord, sur le dessin de cette scène publié par J.S. Karig, op. cit., p. 31, fig. 2 (voir pl. V), on voit wnn et wn∂w.t (wnn ne fait pas partie de wn∂w.t∞∞; cf. Wb. I, 326), qu’on peut traduire par «∞∞Beschaffenheit∞∞». Ensuite, ce n’est pas nb «∞∞jeglicher∞∞» qui suit wn∂w.t, mais le pronom suffixe =k. Enfin, la reproduction et la transcription de ce texte, respectivement par J.S. Karig et A. Kamal, diffèrent et sont par conséquent peu fiables. Sur le dessin donné par J.S. Karig, loc. cit., les groupes wnn et wn∂w.t semblent faire partie de l’inscription qui accompagne la psychostasie. En revanche, le même texte transcrit par A. Kamal, «∞∞Fouilles à Deir Dronka et à Assiout∞∞», ASAE 16 (1916), p. 90, semble servir de légende à la figure d’Osiris représentée sur le registre supérieur de la paroi, à côté de la pesée du cœur∞∞; l’égyptologue a ici choisi de considérer que l’inscription surmontant la psychostasie s’arrête à Ìty=f n, sans inclure les termes wnn et wn∂w.t. Au contraire de la scène publiée par J.S. Karig où aucun signe disparu n'est signalé, la transcription donnée par A. Kamal laisse apparaître deux cadrats détruits. L’incohérence de ces deux publications reproduisant pourtant le même texte ne permet de connaître ni l’emplacement exact de wnn et wn∂w.t, ni leur état de conservation originel. Il est donc plus prudent de ne pas rattacher ces derniers termes à la scène de la psychostasie, comme l’a fait J.S. Karig, loc. cit. 39

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Dans la sépulture d’Amenhotep, étant donné que ce discours surmonte une représentation qui oppose sur la balance l’«∞∞homme∞∞» à la déesse de la justice41 (modèle 3 [D-M]), on peut déduire que le cœur de cette personne a été contrôlé conjointement à son corps qui occupe un des deux plateaux. L’examen de l’image du défunt ou de sa momie42 – qui inclut son cœur –, par rapport à la déesse de la justice (modèle 3 [D-M]) pourrait être l’expression d’une idée élaborée à la 18e dynastie et adoptée dans l’iconographie de la 21e dynastie. À partir de la 18e dynastie, après que cet organe a été confronté à Maât (modèle 1 [C-M]), on confère au mort la justification, non seulement du cœur, mais aussi de la bouche et des yeux43. Pendant la 21e dynastie, les nombreuses scènes représentant le cœur du mort, sa bouche et ses yeux superposés sur un des plateaux et évalués en fonction de Maât44 (modèle 1 [C-M]), donnent plus d’étendue à l’examen qui, outre le cœur, englobe les autres membres du corps. Pendant la 19e dynastie et jusqu’à l’époque tardive, l’effigie du défunt ou son ombre (modèle 3 [D-M]), qui n’est autre que sa momie, pourrait donc évoquer le développement de l’évaluation du mort, dont tous les membres sont alors rassemblés et contrôlés devant l’emblème de la justice. En résumé, à partir de la 19e dynastie, la représentation sur l’un des plateaux de la balance des organes du défunt ou son corps tout entier (modèle 3 [D-M]), face à Maât figurée sur l’autre, constituerait deux modes d’expression d’une seule et même conception∞∞: l’extension du contrôle du mort, au-delà de son cœur mais sans exclure ce dernier, par la figuration des différentes parties du corps, séparées ou réunies. En conclusion, les deux scènes confrontées (modèles 2 [C-D] et 3 [D-M]) ont permis d’élucider la question initiale, à savoir le rôle joué par l’image du mort placée sur un plateau. Incarnant l’idéal de la justice lorsqu’elle est confrontée au cœur (modèle 2 [C-D]), l’effigie du défunt ne revêt pas la même signification dans son rapport à Maât (modèle 3 [D-M]). Dans ce dernier cas, la figure du trépassé ou sa momie sont le support de son cœur et des parties de son corps, dont l’innocence est examinée devant l’emblème de la vérité.

Résumé / Abstract La présente contribution est consacrée à deux variantes de la célèbre scène de la pesée du cœur dont il s’agit de déterminer la portée sémantique au sein des conceptions religieuses égyptiennes. Dans la première, l’effigie du défunt se substitue à Maât sur la balance, face au cœur du mort occupant l’autre plateau. La seconde montre, chacun sur un plateau, l’image du trépassé et Maât. La 41 42 43 44

Chr. Seeber, Totengerichts, p. 93-96. Celle-ci est représentée comme une ombre noire, B. George, op. cit., p. 100-103. Chr. Seeber, Totengerichts, p. 79, no 294, p. 80, 111, no 447, 448. Ibid., p. 80.

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comparaison de ces deux vignettes avec certains passages des chapitres 125 et 30 du Livre des Morts permet d'élucider le jeu des variantes∞∞: l’image du mort ne revêt pas la même signification dans les deux cas. Dans la première scène, l’effigie du défunt, lorsqu’elle est confrontée au cœur, incarne l’idéal de la justice∞∞; dans la seconde variante, l’image du mort inclut son cœur et les autres membres de son corps, l’ensemble étant évalué devant l’emblème de Maât. This article focuses on two variants of the famous scene of the heart’s weighting and discusses their significance in the Egyptian religious conceptions. In the first one, the image of the deceased replaces Maat in the balance, facing the deceased heart on the other side. The second variant shows the image of the dead in front of Maat’s figure in the two pans. The comparison of the two variants with some passages of chapters 125 and 30 of the Book of the Dead is instrumental in clarifying the significance of the two variants∞∞: the image of the deceased has not the same meaning in the two cases. The figure of the dead, confronted to the heart, represents the ideal of the justice in the first variant, whereas the image of the person in the second variant contains his heart and the other members of his body, which are assessed before Maat’s sign to know if the deceased performed the justice principle (Maat) during his life.

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PL. I

a. Papyrus de Hounéfer (P. BM 9901). D’après Nefertari. Luce d’Egitto, cat. exp. Palazzo Ruspoli, Roma, 6 oct. 1994 – 19 févr. 1995, Rome, 1994, p. 177, no cat. 45.

b. Papyrus de Nebsény (P. BM 9900). D’après E. Naville, Todtenbuch, I, pl. XLIII, Aa. H. Gaber, Deux variantes de la scène de la psychostasie (LdM 30 et 125).

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PL. II

a. Amenemope (TT 41). D’après Chr. Seeber, Totengerichts, p. 141, fig. 51.

b. Papyrus de Nebamon (P. BM 9964), chapitre 30B. Représentation d’après E. Naville, Todtenbuch, I, pl. XLIII, Ae∞∞; textes d’après ibid., II, pl. 98, Aa et Ae.

c. Tombe d’Amenhotep (Assiout). D’après J.S. Karig, ZÄS 95 (1969), p. 31, fig. 2. H. Gaber, Deux variantes de la scène de la psychostasie (LdM 30 et 125).

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