Fonctionnalisme Rapport ENCGT

February 19, 2018 | Author: amali861 | Category: Anthropology, Science, Sociology, Homo Sapiens, Émile Durkheim
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Fonctionnalisme

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Sommaire Introduction ...........................................................................................................................................2 I FONCTIONNALISME : LES CONCEPTS ET EVOLUTION .....................3 I.1 LES POSTULATS DE BASE ..................................................................... 3 I.2 Les différents sens du mot « fonction » .............................................. 3 I.3 L’ORIGINE DU FONCTIONNALISME ...................................................... 4 II LE FONCTIONNALISME ABSOLU (B. MALINOW SKI, 1884-1942) 5 II.1 Courant théorique : .............................................................................. 5 II.2 LE MODE DE DEMONSTRATION ............................................................ 6 II.3 LES POSTULATS DE L’ AUTEUR ............................................................. 7 II.4 LA THEORIE FONCTIONNELLE .............................................................. 9 III LE FONCTIONNALISME RELATIVISÉ ( R.K. MERTON) ......................11 IV LE STRUCTURO-FONCTIONNALISME DE TALCOTT PARSONS (1902-1979) : FONCTIONNALISME SYSTÉMATIQUE....................................15 IV.1 LE SCHEMA CONCEPTUEL GENERAL DE L'ACTION.......................... 17 IV.2 LE CONCEPT DE SYSTEME SOCIAL .................................................. 19 IV.3 LE CONCEPT DE SOCIETE ................................................................. 20 IV.4 LES ETAPES DE L'EVOLUTION DES SOCIETES .................................. 21 V Le paradigme fonctionnaliste et sa conception de l'organisation .................22 V.1 UNE CONCEPTION SYSTEMIQUE ET SYNCHRONIQUE DE L'ORGANISATION ........................................................................................ 22 V.2 UNE CONCEPTION TELEOLOGIQUE .................................................... 23 V.3 UNE CONCEPTION A – HISTORIQUE .................................................... 24 V.4 UNE CONCEPTION INTEGRATRICE...................................................... 24 Conclusion............................................................................................................................................26 Bibliographie ......................................................................................................................................27 Web graphie : .....................................................................................................................................27

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Introduction A fin d’expliquer l’équilibre actuel des sociétés Face à l’échec des explications par l’évolutionnisme. La notion de fonction a déjà été avancée par Durkheim (qui privilégie tout de même la causalité) et Mauss (le « fait social total »). La thèse du fonctionnalisme est qu’il n’y a pas d’organe sans fonction, d’élément sans rôle, de configuration sans utilité pour la société. Dans cette optique, les traits dysfonctionnels seront annonciateurs de changements ou de crise. La première démarche typiquement fonctionnaliste est celle de Malinowski (« les jardins de corail ») : les institutions et la vie sociale ont alors pour fonction de permettre au groupe de se maintenir et de reproduire sa culture. Trois niveaux sont retenus : celui de l’utilité (c’est-à-dire de la réponse aux besoins économiques), celui des valeurs et enfin le niveau des pulsions profondes. Les autres fonctionnalistes en ethnologie (Radcliffe- Brown, Evans-Pritchard) sont plus influencés par Mauss que par Malinowski. En sociologie, le courant fonctionnaliste sera surtout représenté par la version modérée de Merton qui, à la différence de Malinowski, admet l’existence d’éléments non fonctionnels. Vouloir à tout prix trouver une fonction à un élément et postuler une inévitable unité fonctionnelle amènerait à des interprétations excessives. Malgré les dangers liés à ses excès, le fonctionnalisme aura permis aux sciences sociales d’avancer en mettant en évidence la dynamique des rôles et des statuts et en constituant une approche dominante qui favorise la convergence entre les différentes sciences sociales (notamment avec la science économique). D’après P. Claval, c’est la première fois depuis le XVIIIe siècle qu’une théorie tient ce rôle unificateur. Une science est à un stade multi paradigmatique lorsque plusieurs paradigmes, ayant chacun leurs disciplines, se côtoient. Elle est parvenue à un stade de dualité paradigmatique lorsque deux paradigmes luttent pour la suprématie. Elle serait une science "achevée" si un des deux paradigmes parvenait à faire l'unanimité parmi la communauté scientifique; ceci bien sûr sous réserve d'un renversement de ce paradigme dominant au cours d'un épisode. Quelle que soit la science que l'on utilise pour appréhender l'organisation, aucune n'est parvenue à ce degré d'achèvement; au mieux, elles en sont à un stade de dualité paradigmatique. Ce caractère multi paradigmatique des sciences de l'organisation est par ailleurs souvent masqué par l'idéologie managériale qui privilégie, à l'intérieur de chacune des sciences, certains paradigmes au détriment des autres. Il en résulte une "unanimité artificielle" qui a pour conséquence une incapacité d'appréhender certains phénomènes politiques, économiques, psychologiques ou sociaux. La sociologie qui est la "matrice disciplinaire" que nous avons privilégiée pour le choix des textes qui suivent, n'échappe pas non plus à cette critique. Le paradigme fonctionnaliste qui a dominé la sociologie en général, a fortement imprégné la sociologie des organisations. Ce phénomène a été amplifié par l'existence d'une idéologie managériale qui a trouvé dans l'approche fonctionnaliste des organisations un courant de pensée lui permettant de valoriser l'équilibre, le statu quo et le maintien des structures organisationnelles existantes.

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I FONCTIONNALISM E : LES CONCEPTS ET EVOLUTION I.1 LES POSTULATS DE BASE 1) le fonctionnalisme universel : Tout (les actions de l’homme, les institutions, les structures sociales) a un sens ou une fonction dans la société, chaque élément remplit une certaine fonction ; 2) l’unité fonctionnelle des sociétés : Le sens ou la fonction doivent être analysés au niveau de l’ensemble de la société et pas au niveau des éléments individuels (comme par exemple une institution spécifique) ; 3) la nécessité de chaque élément : chaque élément est indispensable au fonctionnement de l’ensemble de la société.

I.2 Les différents sens du mot « fonction » Le mot « fonction » n’a acquis qu’au XIXe siècle un sens spécialisé, d’abord en mathématiques, puis en biologie et enfin dans les sciences sociales. En mathématiques il désigne, dans son usage le plus général, toute correspondance entre deux classes d’objets, dont les variables sont, le plus souvent, numériques. En biologie, les progrès de l’étude systématique de l’organisme ont amené à établir une distinction entre les organes ou les appareils et les fonctions, qui sont l’ensemble coordonné des opérations que ces appareils effectuent pour le maintien de la vie. Ainsi, à chaque appareil ou système d’organes correspond une fonction qui concourt à l’équilibre et à la vie de l’organisme. L’étude des appareils fait l’objet de l’anatomie, celle des fonctions relève de la physiologie. Comme l’a perçu Claude Bernard, la physiologie est indispensable à la compréhension de l’organisme puisque l’anatomie ne suffit pas à constituer l’organisme en tant que totalité organique ; elle n’en donne que les éléments. La conception de Claude Bernard, qui voit dans la totalité organique l’harmonie d’une totalisation de cellules individuelles, apparaît, ainsi que l’a suggéré Georges Canguilhem, comme une métaphore de la société telle qu’on la concevait à l’époque, une collection harmonieuse d’individus. C’est un des paradoxes des sciences en formation que ces emprunts de notions communes ou de modèles déjà élaborés à des disciplines voisines. Ils sont constants entre les sciences de la nature et les sciences sociales. Vers la fin du XIXe siècle, avec Spencer, la sociologie empruntera à son tour à la biologie les notions d’organisme, de structure et de fonction. C’est donc à partir de l’idée de totalité de la société conçue comme organisme et du rôle joué par certaines de ses parties constituantes les unes par rapport aux autres ou vis-à-vis de la totalité que le fonctionnalisme se développe. Les premiers sociologues (A. Comte, H. Spencer,Durkheim) puisent généreusement dans les sciences de la nature pour former des expressions telles que « morphologie sociale », « structure et fonction », « milieu social », « évolution sociale », plus tard « physiologie sociale » (A. R. Radcliffe-Brown). 3

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Il convient donc d’étudier les origines des principaux concepts utilisés par le fonctionnalisme et celles de la problématique fonctionnaliste, de Spencer à Durkheim. Mais l’école fonctionnaliste proprement dite, création de l’anthropologie sociale anglo-saxonne représentée par ses deux plus illustres porte-parole, B. Malinowski et A. R. Radcliffe-Brown, mérite un intérêt spécial, sans oublier que la sociologie et l’anthropologie sociale, surtout dans les pays anglo-saxons, ont tenté de pallier les insuffisances et les défauts de la méthode fonctionnaliste. Enfin, les modèles « autorégulateurs » sont le dernier avatar du fonctionnalisme et un nouvel emprunt aux sciences de la nature, comme si le fonctionnalisme devait, pour se survivre, retourner à ses sources.

I.3 L’ORIGINE DU FONCTIONNALISME Si l’analyse fonctionnelle ne consistait qu’à relier une partie du système social à une autre partie ou à sa totalité, il est peu de travaux sociologiques qui échapperaient à cette définition. En fait, depuis que la sociologie s’est constituée comme discipline autonome, elle a été fonctionnaliste, même si elle n’en était pas consciente. Poser que la société est analysable, qu’on peut en considérer différentes parties, examiner les rapports entre ces parties et leur rôle dans la société globale, ces exigences ont été satisfaites par tous les sociologues, de Karl Marx à Talcott Parsons, et par beaucoup d’ethnologues. Un certain consensus concernant les éléments pertinents de la société s’est dégagé, bien que le centre d’intérêt se soit progressivement déplacé des institutions normatives déjà données dans la pratique sociale (par exemple les systèmes juridiques et politiques chers aux « philosophes » du XVIIIeme siècle, en particulier à Montesquieu) aux systèmes latents qui n’apparaissent qu’au terme d’une opération de décryptement révélant sous la banalité des conduites et des motivations sociales un sens nouveau et éclairant, qui va souvent à l’encontre du sens commun. Il en est ainsi de la découverte par Marx des concepts de mode de production et de rapports sociaux de production à partir de la monnaie et de la marchandise, évidentes dans leur immédiateté mais dont la signification reste confuse. De même, L. H. Morgan et les historiens du droit britanniques et allemands mettent en lumière la rationalité des systèmes de parenté – jusqu’alors collections embrouillées de termes incompréhensibles –, même s’ils ne font que ramener le donné « exotique » au donné historique, faisant du premier, par le biais de l’évolutionnisme, l’antécédent de notre société.

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II LE FONCTIONNALISME ABSOLU (B. MALINOWSKI, 18841942) Anthropologue Connecticut, 1942).1

britannique

d'origine

polonaise

(Cracovie 1884-New

Haven,

II.1 Courant théorique : B. Malinowski développe l’idée suivante : dans une culture chaque élément a une fonction, comparable à celle d’un organe dans un corps vivant, et répond à un besoin. Il a entre autres réagit contre l’évolutionnisme et le diffusionnisme et a été déterminant pour promouvoir le fonctionnalisme. Dans la plupart de ses études, Malinowski a employé une approche holistique et a traité la culture avec une vision de système d’habitudes collectives. Malinowski est allé pour une visée qui argumente en quelques sortes l’approche positiviste lorsqu’il sentait un désir scientifique de comprendre la culture comme totalité à travers l’étude comparée des espèces. Les travaux sur la culture comparée ont posé les jalons d’une théorie scientifique de la conduite humaine que Malinowski était le fondateur. Il a utilisé sa théorie fonctionnelle pour définir la culture. Ce courant résulte de la croyance de Malinowski que toutes les composantes de la société enclenchent pour former un système bien équilibré. L’originalité de l’étude de la culture de Malinowski est qu’il a montré que la psychologie individuelle dépend du contexte culturel. L’analyse culturelle doit être considérée comme un préalable à l’action administrative. Il y a effectivement un paradoxe à confier la décision à des autorités « officielles » qui n’ont, des sociétés dont elles ont la responsabilité, qu’une connaissance imparfaite, acquise de l’extérieur ; l’anthropologie dit éclairer l’administration sur les conditions de l’intervention du pouvoir. La culture représente tout ce qui est acquis à l’individu par la société et tout ce qui est transmis lors du processus de socialisation. C’est un tout complexe, une totalité qui inclut les connaissances, les croyances, l’art, la morale, les lois, les coutumes, les ustensiles, les biens de consommation, les chartes organiques régulant les groupements sociaux et toute autre habitude acquise par l’homme en tant que membre de la société dans laquelle il vie. La culture est vue comme un tout indivisible où entrent des institutions qui sont autonomes et qui communiquent, ces institutions qui sont des accords naturels sur un ensemble de valeurs traditionnelles qui rassemblent les êtres humains. 1

http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Bronis%C5%82aw_Malinowski/131349#411160 5

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II.2 LE MODE DE DEMONSTRATION Dans son ouvrage, Malinowski met en place sa démarche qui consiste à chercher les lois, les procès ainsi que des produits culturels qui permettent de lier l’objet à la technique, la technique à l’activité économique et l’activité économique à un besoin vital. Peu à peu, avec le développement des courants théoriques, Malinowski est allé pour une visée qui argumente en quelques sortes l’approche positiviste lorsqu’il sentait un désir scientifique de comprendre la culture comme totalité à travers l’étude comparée des espèces. La science « observer ce qui est pour prédire ce qui sera » a imprégné toute la conduite et les comportements humains et on pourra dire que l’attitude scientifique est aussi ancienne que la culture et que le primitif a sa science. Les travaux d’avant garde sur la culture comparée ont posé les jalons d’u ne théorie scientifique de la conduite humaine que notre auteur était un partisan. C’est uniquement grâce à ces travaux qu’on comprend mieux la nature, la société et la culture humaine. Anthropologue par nature, Malinowski a décrit les cheminements scientifiques de l’étude de l’homme :    

Définir les rapports entre les branches de l’anthropologie. Déterminer la place de l’anthropologie dans les sciences humaines. Rouvrir un vieux débat. Demander en quel sens les sciences humaines peuvent être des sciences.

L’élaboration d’une théorie culturelle doit suivre une démarche scientifique plus ou moins normalisée:  



La reconnaissance de l’objet légitime : Identifier et isoler par des méthodes appropriées les traits pertinents du procès. Cette étape consiste à élaborer les lois et concepts généraux. L’extraction des facteurs réels et pertinents pour l’observation et l’expérimentation : Tout concept se traduit en une méthode d’observation et en observant, on doit respecter les directives de l’analyse rationnelle; La vérification empirique est l’originalité de la théorie scientifique : Effacement du discours abstrait devant l’application pratique.

La démarche scientifique ayant trait à la culture c’est que toute culture est menée par des statuts qui impose un ensemble de personnel qui sont les membres de l’institution régulés par des normes, utilisent des matériels pour engager des activités qui aboutissent à une fonction. Selon Malinowski, la définition scientifique invite à observer le fait empirique sous le signe de l’orientation et de la simplification scientifique et elle doit préciser le plus grand dénominateur des

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phénomènes issus de l’observation. Donc l’événement historique est intéressant s’il est le résultat de tout un déterminisme scientifique justifié par une bonne documentation

II.3 LES POSTULATS DE L’AUTEUR 1- La théorie des besoins organiques & la dérivation des besoins culturels D’après l’analyse fonctionnelle de la culture de Malinowski, chaque culture particulière équivaut à une somme d’institutions donc les cultures ont pour trait commun un jeu d’institutions. Toute activité sociale et toute institution sociale sont justifiées par les besoins organiques de l’espèce humaine dont la satisfaction est nécessaire à la survivance de l’individu et à celle du groupe d’où la culture se perpétue. La solution qui répond directement aux hypothèses de l’auteur est le principe des besoins élémentaires de l’homme, une méthode pratique pour satisfaire les besoins. Tout besoin primaire a sa réponse culturelle. L’instinct peut être remis en forme ou déterminé par des influences culturelles, c’est le processus de dérivation des besoins culturels. La satisfaction d’un besoin pour l’exploitation culturelle d’un fait psychologique plutôt que la satisfaction biologique d’un instruit de forme simple implique que les besoins organiques sont déterminés par des facteurs culturels. Lorsqu’il s’agit d’une conduite culturelle, on ne doit jamais ignorer la biologie ni se contenter du déterminisme biologique. Donc l’organisme s’adapte et chaque besoin crée ses habitudes qui sont la routine des satisfactions dans l’organisation des réponses culturelles. 2- L’approche fonctionnaliste L’interprétation fonctionnaliste a inspiré de nombreux chercheurs de l’anthropologie culturelle. Le fonctionnalisme examine quel principe déterminant représente la culture, dans la mesure où elle ajoute au niveau de vie collectif et particulier. Donc la fonction est l’effet global des activités organisées et le rôle de l’institution dans le thème culturel. L’idée de fonctionnalisme de Malinowski découle directement du fait de l’existence de besoins dérivés qui sont liés aux nécessités organiques par un rapport instrumental. Donc ce concept de fonction doit trouver sa place dans l’analyse des institutions. Le fonctionnalisme s’emploie à comprendre la nature des phénomènes culturels. Par suite, une étude est fonctionnelle si elle n’appréhende non seulement des faits isolés mais des rapports et des liens fondamentaux. Le fonctionnalisme n’aurait plus rien de fonctionnel s’il ne définit pas la fonction comme étant « la contribution qu’une activité partielle apporte à l’activité totale dont elle fait partie ». La théorie des besoins dérivés permet d’analyser de manière proprement fonctionnelle les rapports entre les déterminismes de la biologie, de la physiologie et de la culture. Malinowski a réagi face à 7

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l’évolutionnisme et au diffusionnisme. Il a mis l’accent sur le fait que ces écoles ont péché sur un concept facile et antiscientifique de « Résidus ». Les évolutionnistes parlent de « survivance », qui selon Malinowski constitue un mauvais procédé de reconstitution des évolutions. Malinowski leur reproche le traçage du profil de l’évolution de la culture général et assez réducteur. Les théories diffusionnistes parlent plutôt de « complexes de traits » et replacent les procédés historiques à l’échelle globale ce qui fait que la valeur de leurs résultats dépend de la définition plus ou moins scientifique de l’institution. Malinowski a réagi face à l’évolutionnisme et au diffusionnisme. Il a mis l’accent sur le fait que ces écoles ont péché sur un concept facile et antiscientifique de « Résidus ». Les évolutionnistes parlent de « survivance », qui selon Malinowski constitue un mauvais procédé de reconstitution des évolutions. Malinowski leur reproche le traçage du profil de l’évolution de la culture général et assez réducteur. Les théories diffusionnistes parlent plutôt de « complexes de traits » et replacent les procédés historiques à l’échelle globale ce qui fait que la valeur de leurs résultats dépend de la définition plus ou moins scientifique de l’institution. 3-

La théorie scientifique

Pour développer son idée, Malinowski était dans l’obligation de faire référence à la théorie scientifique qui doit partir de l’observation et y conduire. Donc la démarche scientifique de Malinowski est la suivante : * Les expériences de terrain et analyses culturelles : Il a travaillé de nombreuses années en NouvelleGuinée, chez les Mélanésiens des îles Trobriand. Lors de ses diverses expériences de terrain, il pratique la méthode de « l’observation participante ». * Une nouvelle méthode d’enquête dont les principes sont les suivants : L’enquêteur doit d’abord se dépouiller de ses préjugés personnels et des préconceptions résultant de sa propre formation. Il cherchera à réaliser son intégration en apprenant la langue, en partageant la vie quotidienne, en se faisant accepter comme l’un des membres de la communauté. Il se fera l’observateur de l’existence du groupe en collectant des faits saisis en acte. Il distinguera divers paliers du réel :  celui de la coutume théorique, charte officielle du groupe ;  celui de la pratique réellement suivie ;  celui de l’interprétation

que le groupe fait lui même de ses différents modèles de

comportement. * Une analyse culturelle originale : L’un des plus grands mérites de Malinowski est d’avoir abordé l’étude des comportements sexuels à une époque où la pruderie générale des éthiques imposait un véritable tabou sur ces recherches. La communication sexuelle est aussi un langage, l’un des modes essentiels par lequel communiquent entre eux les éléments composant la communauté.

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LA THEORIE FONCTIONNELLE

1- Embryologie et obstétrique La théorie fonctionnelle a été crée et s’est dotée d’une doctrine, une méthode et un esprit qui existaient déjà. Le fonctionnalisme s’emploie à comprendre la nature des phénomènes culturels avant qu’ils soient l’objet de toute autre spéculation. Toute théorie des phénomènes culturels, toute bonne monographie de terrain doivent s’inspirer de certains principes fonctionnels. En outre, dans cette théorie, la forme est toujours déterminée par la fonction, et une fois ce déterminisme est absent, les éléments formels ne peuvent pas entrer dans une démonstration scientifique. Cependant, cette théorie fonctionnelle a reçu un certain nombre d’oppositions notamment, celles développées par Graebner, avec son cheminement antifonctionnel considérant que la forme est entièrement détachée de la fonction. 2- Brève axiomatique du fonctionnalisme Pour effectuer une analyse fonctionnelle pertinente, quelques axiomes ont été cités: La culture est un instrument de résolution de problèmes concrets et spécifiques que l’homme affronte en satisfaisant ses besoins.  La culture est un système d’objets, activités et attitudes qui constituent des moyens et qui ont des finalités.  La culture constitue un tout indivis dont les éléments constitutionnels présentent une certaine indépendance.  La formation de ces institutions (clans, tribus, familles, équipes organisées de coopération économique d’activités politiques, juridiques, pédagogiques...) résulte de l’organisation des comportements et objets autour d’un besoin vital.  De point de vue dynamique, on peut décomposer la culture en un certain nombre d’aspect comme l’éducation, contrôle social, économie, système de connaissances, de croyances et de moralités. 

3- Définition de la fonction La fonction indivise de tous les procès qui constituent l’organisation culturelle d’une communauté est la satisfaction du besoin biologique. Le fonctionnalisme examine quel principe déterminant représente la culture, dans la mesure où elle ajoute au niveau de vie collectif et particulier. La fonction est le rapport entre les conditions de l’organisme avant l’acte, la modification qu’il apporte et qui provoque l’état normal des satisfactions. 4- Ebauche d’une définition du fonctionnalisme La théorie fonctionnelle se résume en une recherche de plein air et une analyse comparée des phénomènes des différentes cultures.

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Les réponses fonctionnelles notamment l’économie, le contrôle social, l’éducation et l’organisation politique dictent la manière avec laquelle s’organise la culture en tant que mécanisme intégral pour satisfaire les impératifs instrumentaux au moyen d’un système homogène et cohérent de réponses caractéristiques. Donc le fonctionnalisme s’emploie à comprendre la nature des phénomènes culturels avant qu’ils soient l’objet de toute autre spéculation. Par suite, une étude est fonctionnelle si elle n’appréhende non seulement des faits isolés mais des rapports et des liens fondamentaux. 5- Les isolats légitimes de l’analyse culturelle Tous les objets, les activités, les symboles et les types d’organisation prennent place dans une institution quelconque, même, certains d’entre eux relèvent de plusieurs institutions et jouent auprès de chacune d’elles un rôle déterminé. Dans cette étude, on remarque une distinction entre l’isolat fonctionnel « Institution » et « complexe de traits ». L’isolat fonctionnel est concret et peut se présenter sous les traits d’un groupement social contrairement au « complexe de traits » qui constitue l’ensemble d’éléments qui n’entretiennent aucun rapport nécessaire entre eux. 6- Structure de l’institution La charte correspond toujours à un désir, à un jeu de mobiles et à une fin commune. Elle varie selon les communautés, mais c’est un savoir qui doit s’acquérir sur le terrain et qui définit l’institution domestique dans chaque culture. Il y a en effet, une tribu culturelle, porteuse d’une culture unifiée et constituée par un groupe de gens qui partagent la même tradition, le même droit coutumier des familles et des équipes. En plus que le principe territorial, il y a une liste d’institutions ou de groupement organisés et cristallisés autour de l’age et du sexe. D’après l’analyse fonctionnelle de la culture de Malinowski, chaque culture particulière équivaut à une somme d’institutions et les cultures ont pour trait commun un jeu d’institutions. Le concept de fonction doit trouver sa place dans l’analyse des institutions. 7- Le concept de fonction La définition complète et précise du concept de fonction revient à dire en quoi consistent les divers besoins, lesquels sont fondamentaux, lesquels sont contingents, comment ils sont liés entre eux et comment naissent les besoins culturels contingents. Le concept de fonction peut et doit trouver place dans l’analyse des institutions. C’est ainsi que la démarche d’une théorie fonctionnelle comporte une phase de décomposition de la culture en institutions puis en leurs traits distinctifs, puis une seconde phase pendant laquelle on donne les critères légitimes de l’identification culturelle.

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8- La théorie des besoins Pour pouvoir bien définir le concept de fonction, il faut bien se baser sur la théorie des besoins en énonçant les divers besoins, leurs rapports et contingences ainsi que leur naissance. Tout besoin primaire a sa réponse culturelle. L’instinct peut être remis en forme ou déterminé par des influences culturelles, c’est la dérivation des besoins culturels. Parfois, on satisfait un besoin pour faire affaire à l’exploitation culturelle d’un fait psychologique plutôt que la satisfaction biologique d’un instruit de forme simple donc, les besoins organiques sont déterminés par des facteurs culturels par exemple, la reproduction, besoin biologique, est impliquée dans des croyances religieuses et a comme réponse culturelle la famille.

III LE FONCTIONNALISME RELATIVISÉ (R.K. M ERTON) La version fonctionnaliste de l'idée d'effets paradoxaux fut exposée pour la première fois par Robert Merton dans un article remarqué intitulé ``The unanticipated consequences of purposive social action'', paru dans l'American Sociological Review en 1936. Muni de l'idée directrice suivant laquelle les actions des individus engendrent une vaste panoplie de conséquences non intentionnelles que les sciences sociales doivent impérativement étudier de près, Merton procéda seize ans plus tard, dans son plus important ouvrage de théorie et de méthodologie (Social Theory and Social Structure, 1957), à une réforme du fonctionnalisme, en proposant les catégories de fonction latente (classe des conséquences non voulues des actions humaines qui sont stabilisatrices pour un système donné) et de dysfonction latente (classe des conséquences non voulues qui perturbent l'équilibre d'un système). Or, l'étude des fonctions et dysfonctions latentes doit avoir, aux yeux de Merton, la priorité, car la découverte des conséquences non voulues des actions individuelles -- que ces conséquences soient bénéfiques ou ``maléfiques'' -- agrandissent le champ de la connaissance plus que ne le fait l'analyse des fonctions et dysfonctions manifestes. L'étude des fonctions latentes représente non seulement un enrichissement significatif de nos connaissances, mais ouvre enfin, estime Merton, des problèmes féconds pour les théories en sociologie. L'ambition des fonctionnalistes mertoniens de la communication, dans un tel cadre, est de faire voir que la communication est un rouage central de la reproduction de l'ordre social. Le spécialiste des phénomènes de communication au sein de l'``école mertonienne'' de sociologie, Charles Wright, a formulé en ces termes la question qui selon lui doit être au centre de l'analyse fonctionnelle des communications de masse: quelles sont les fonctions et dysfonctions, latentes et manifestes, des communications de masse sur les individus, les groupes sociaux, les systèmes culturels et la société dans son ensemble. La sociologie fonctionnaliste révisée par Merton s'est illustrée par beaucoup de spéculations et d'interprétations contradictoires quant aux résultats des recherches sur les communications de masse. En effet, il est étonnant de constater avec quelle facilité toutes les conséquences non intentionnelles que le fonctionnalisme Mertonien met en relief peuvent se retourner en leur contraire: les fonctions latentes pouvant très bien s'analyser et se comprendre comme des dysfonctions latentes et vice et versa.

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Mais plus encore, Merton et ses épigones ont toujours entretenu, malgré eux sans doute, une sorte de flottement théorique entre le raisonnement individualiste et le raisonnement holiste, où l'on passe de l'un à l'autre sans préciser exactement à quel niveau ou à quelle étape d'une recherche il est légitime de faire appel à l'un plutôt qu'à l'autre. Dans de telles conditions, les explications que les fonctionnalistes mertoniens nous donnent à voir ne reviennent pas toujours et en tous lieux à retrouver l'action individuelle, les motifs des acteurs, derrière les régularités qu'on observe au niveau macro-sociologique. La sociologie de Merton et tout le courant fonctionnaliste qu'il a animé en communication procèdent à une analyse trop rapide et partielle des états mentaux à la base des actions et réactions des individus. Pourtant, ce n'est que de cette façon qu'on peut voir comment émergent des conséquences non voulues La nature humaine doit être comprise dans le sens de déterminisme biologique, c'est-à-dire que l’homme doit sacrifier aux fonctions biologiques. Les besoins élémentaires sont les conditions biologiques dont la satisfaction est indispensable à la survivance de l’individu et du groupe, d’où la culture se perpétue. La conduite organisée se base sur le concept de besoins. Tous ces besoins et ces fonctions physiologiques ont nécessairement un aspect culturel. Donc toute culture est formée par des séquences vitales permanentes, chacune est articulée autour de trois phases successives à savoir : La tendance qui prend naissance dans un état physiologique de l’organisme. Les actes physiologiques qui correspondent à chaque tendance. Les résultats des activités physiologiques. Nul dans la sociologie académique ne s'est évertué comme Robert K. Merton à signaler la nécessité de distinguer les objectifs, motifs, buts de l’"acteur" social, bref ses intentions subjectives d'une part et, d'autre part, les conséquences sociales objectives de ses actions, c'est-à-dire la signification sociale objective d'un comportement ou d'une action. Ce qui est plus, sur la base de cette distinction ou en rapport avec elle Merton a été en mesure d'apporter des corrections importantes à l'analyse fonctionnaliste classique. Un examen de la contribution de Merton nous permettra de localiser les enjeux de cette problématique et de l'approfondir d'une manière considérable. Ne pas distinguer entre conséquences sociologiques objectives et intentions subjectives, signale Merton 2, conduit inévitablement à jeter la confusion dans l'analyse, car bien que les dispositions subjectives de l’"acteur" puissent coïncider avec la conséquence objective de son comportement, cette coïncidence n'est pas obligatoire, plus encore il faut s'attendre à ce que les deux varient indépendamment. Ainsi, Merton introduira les notions de "fonction manifeste" et "fonction latente" employées par Sigmund Freud -bien entendu dans un autre contexte, celui de l'analyse psychologique-, pour caractériser, d'une part, "les conséquences objectives qui, pour une unité déterminée (individus, groupes, société globale), contribuent en pleine conscience à son ajustement ou à son adaptation", d'autre part "des conséquences du même ordre, mais involontaires et inconscientes". Grâce au concept de "fonction latente" le sociologue pourrait alors, selon Merton, 2

le chapitre III de l'ouvrage de Merton, Robert K, Éléments de théorie et de méthode sociologique, ibid. 12

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découvrir qu'un comportement social remplit des fonctions pour le groupe qui sont très éloignées du but avoué du comportement. Ainsi, par exemple, les cérémonies des Indiens hopis destinées à obtenir une pluie abondante (but avoué ou intention consciente) peuvent remplir la fonction latente de renforcer la cohésion du groupe en offrant une occasion périodique à ses membres disséminés de se réunir pour participer à une activité commune. Si l'on se limitait, remarque Merton, au problème de savoir si la fonction manifeste est réalisée, on raisonnerait en météorologue et non pas en sociologue, et le comportement des Hopis apparaîtrait comme irrationnel. Ce n'est qu'en cherchant les fonctions latentes, c'est-à-dire en examinant les conséquences de la cérémonie non sur les dieux de la pluie ou sur les phénomènes météorologiques, mais sur les groupes qui célèbrent la cérémonie que ce comportement cesse d'être simplement une "superstition" et montre sa signification sociologique objective. Mais, et c'est la deuxième remarque importante de Merton, de même qu'une seule fonction peut être remplie par des éléments (rites, coutumes, institutions, etc.) interchangeables (notion d’ "équivalents" ou de "substituts fonctionnels"), de même un seul élément peut avoir plusieurs fonctions latentes dépendant des sous-groupes sur lesquels se répercutent les conséquences observables. (Ainsi, par exemple, le boss politique remplit, dans l'analyse de Merton, des fonctions différentes pour les classes défavorisées, les groupes d'affaires, les groupes exclus d'autres voies que politiques de mobilité sociale, et le groupe de ceux qui font des affaires illégales -vice, crime racket)3 Enfin, et c'est la troisième remarque importante de Merton, un élément peut avoir à la fois des conséquences fonctionnelles, c'est-à-dire contribuer à l'adaptation ou à l'ajustement du système en question, et dysfonctionnelles, c'est-à-dire gêner cette adaptation ou ajustement - tout comme il peut avoir des conséquences non fonctionnelles. Nous retrouvons chez Merton certaines idées notamment la distinction du sens subjectif et du sens objectif d'une pratique (sous la forme de distinction des "fonctions manifestes" et "fonctions latentes"), et l'idée d'une pluralité d'effets (exprimée comme pluralité possible de fonctions). Deux différences découlent cependant immédiatement d'une comparaison entre les deux analyses : d'abord, l'usage chez Merton de la notion de "fonction" pour désigner les conséquences ou les effets d'un élément, ensuite la caractérisation de la "fonctionnalité" d'une conséquence comme contribution à l'adaptation ou à l'ajustement d'un individu, d'un groupe, voire d'une société globale. En rapport avec ces différences, deux questions se posent : premièrement qu'est-ce que la notion de "fonction" implique pour l'analyse sociologique et plus particulièrement pour l'analyse des pratiques?, deuxièmement, comment est-il possible que la notion de "fonction" puisse apparaître à la place de celle de la signification objective? , car nous le savons, la question des significations appartient plutôt à la problématique du paradigme de l'action sociale et non pas à celle du paradigme organiciste qui, lui, est le lieu propre d'une analyse fonctionnelle. Commençons par élucider cette deuxième question. Une comparaison des points de vue de Parsons et de Merton concernant la notion de "fonction" s'avérera alors éclairante. 3

Le repérage des fonctions de la machine politique est utilisé ici par Merton pour illustrer d'une manière plus détaillée la pluralité des fonctions latentes. Voir Merton, Robert K., ibid., pp. 126-38. 13

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L'idée suivant laquelle un élément peut avoir plusieurs conséquences (fonctionnelles, dysfonctionnelles et non fonctionnelles) constitue une tentative pour se démarquer d'un fonctionnalisme axé sur le postulat de l'existence de besoins ou de pré requis universels et, par là, de celui du système social comme système autorégulé à la manière d'un organisme. Merton lui-même ne manque pas de reconnaître que, dans le sens où les sociologues l'emploient, le concept d’"exigence", de" pré requis fonctionnel" ou de "besoin systémique" tend à être une tautologie. Mais, corrigée ou raffinée, l'analyse fonctionnelle de Merton continue à être fonctionnelle et, par là, subordonnée à l'idée de "besoin". Cette subordination se manifeste clairement dans la problématique de ce que Merton appelle le "solde net d'un faisceau de conséquences"4. En effet, puisqu'un élément peut comporter plusieurs conséquences suivant les sous-groupes, Merton en conclut que le problème se pose -problème "crucial et difficile" selon ses propres termes-, d'établir le solde net de ce faisceau de conséquences. Or, ce problème ne peut logiquement être résolu qu'en termes d'une unité supérieure d'analyse : le système social global, et les besoins de celui-ci. C'est pourquoi Merton est amené à affirmer que "toute analyse fonctionnelle entraîne une certaine conception, tacite ou exprimée, des exigences fonctionnelles du système observé"5. Enfin, pour Merton, la question se pose du solde net d'un faisceau de conséquences fonctionnelles et non fonctionnelles suivant les sous-groupes et par rapport au problème spécifique d'intégration du système social considéré. Dans notre perspective la question qui se pose est plutôt celle de la configuration structurelle d'une pratique pour un agent social (individu, groupe ou société), c'est-à-dire la question de la position dominante ou non dominante d'un effet, celle de la position des autres effets, enfin celle de leur articulation.

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Voir Merton, Robert K, ibid., p. 102. Voir Merton, Robert K, ibid., p. 103. 14

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IV LE STRUCTURO-FONCTIONNALISME DE TALCOTT PARSONS (1902-1979) : FONCTIONNALISME SYSTÉMATIQUE. Talcott Parsons a occupé durant la majeure partie de sa vie professionnelle des positions institutionnelles dans les universités américaines, et en particulier à Harvard University à partir de 1937. Il réagit à la tendance dominante de la sociologie américaine qui privilégie les études empiriques, en tentant d'édifier une théorie générale de l'action, sans toutefois négliger les approches de terrain. Cette orientation de Parsons en fait le grand théoricien américain qui a marqué toute la sociologie de l'Amérique du Nord durant les années 1950-1970. Nombre de ses détracteurs continuent de penser qu'il ne s'agit pas réellement d'une théorie, «si l'on veut garder au terme de « théorie » son sens strict» (Dahrendorf, 1972), ou bien que «c'est un vaste échafaudage de catégories agencées et superposées les unes aux autres» (Rocher, 1972). Quoi qu'il en soit, cette tentative de construction d'une théorie montre une pensée en perpétuelle évolution, toujours mouvante, et donc difficile à saisir, comme le verra le lecteur. Dans son commentaire, Habermas (1987) met bien en relief ces avancées, retours en arrière et hésitations. De façon traditionnelle, on segmente la pensée de Talcott Parsons en trois grands moments. Jusqu'en 1937, date à laquelle Parsons publie The Structure of Social Action, il emprunte à Weber, à Durkheim, à Pareto, à Marshall (les motivations individuelles de l'économie classique) et aux fonctionnalités (la notion de structure à Radcliffe-Brown en particulier), De 1937 au début des années 1950, il construit sa théorie générale de l'action exposée dans T oward a General Theoryof Action (1957, avec Shilset.Kluchohn), dans The Social System (1957), et dans Working Papers in thé Theory of Action (1953, avec Baies et Shils). Peu à peu Parsons glisse de la notion de structure à celle de système et abandonne le terme de structuro-fonctionnalisme ; ses commentateurs définissent alors sa théorie comme un fonctionnalisme systémique. À partir des années 1950, Parsons tente d'élargir sa théorie du système social, concernant plutôt la sociologie, à l'ensemble des autres sciences sociales et humaines (à l'exception de l'histoire) : économie, science politique, psychologie. Il a publié : Family, Socialization, and Interaction Process (1955, avec Baies, Olds, Zelditch et Slater), Economy and Society (1956, avec Smelser), Théori es and Society (1967, avec Shils, Naegle et Pitts) et Social Structure and Personality (1964). Puis il revient sur la question de l'évolution des sociétés : Societies : Evolutionary and Comparative Perspectives (1966) et The System of Modem Societies (1977). La théorie de Parsons repose sur deux préoccupations centrales: rendre compte de l’individu /'action et donner toute son importance aux valeurs qui sous-tendent l'action. C'est dans Working Papers in the Theory of Action (1953) que Parsons, à partir d'une conceptualisation empruntée à son collègue Robert F. Baies, qui travaille sur les petits groupes, exprime pour la première fois le paradigme des quatre fonctions qu 'il utilisera dès lors en permanence. Selon Parsons, tout système d'action repose sur quatre fonctions primaires qu'il ordonne en général selon le principe cybernétique privilégiant celle qui contient le plus d'information:

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- la fonction de latence ou de maintien des motivations et des modèles (pattern maintenance) orientant l'action, fonction qui est en rapport avec le monde symbolique et culturel des valeurs; - la fonction «/'intégration qui, à partir de normes et de contrôles, évite les déviations ou les changements brusques dans tout système social, fonction qui coordonne l'action des parties (individus ou collectivités) au bénéfice de l'ensemble; - la fonction de poursuite des buts (goal attainment), qui rassemble les actions, vise à atteindre les buts que le système d'action s'est fixé; - la fonction d'adaptation, qui régit les rapports du système d'action considéré avec son environnement et d'où il tire ses ressources (en particulier énergétiques). LES INDIVIDUS SONT POR TEUR S D E VAL EURS : Pour T.Parsons , les individus sont des acteur sociaux qui cherchent à optimiser leur satisfaction. Pour cela, ils se donnent des objectifs et déterminent les moyens les plus efficaces pour y parvenir. L’action sociale résulte donc de choix individuels qui ont un sens pour leurs auteurs. Les choix des individus sont des choix sous contrainte. Contrainte matérielles (ex : le revenu), mais essentiellement contraintes symboliques car la société véhicule des valeurs et des normes qui orientent les actions. Un individu peut, en principe, refuser ces normes et ces valeurs mais leur intériorisation au cours du processus de socialisation rend cette attitude peu probable. LES ACTION S R EM PLISSENT D ES FONCTION S AU SIEN D’UN SYST EM E SOCIAL :  Les actions remplissent des fonctions. Cela signifie qu’elles servent à quelque chose, qu’elles ont une utilité au niveau de la société et de contribuer au maintient de cette société. Ainsi deux individus décident de fonder une famille pour des raisons qui leur semblent strictement personnelles. Il leur échappe peut être que la famille remplit des fonctions au sein de la société : fonction de procréation, de socialisation, etc.  la société est ici considérée comme un système (objet complexe composé d’éléments interdépendants) dont la fonction principale est d’intégrer l’individu. Ce système peut évoluer mais sans cesser de remplir ses fonctions. De la même manière, les éléments(les sous système) peuvent se transformer tout en perpétuant les fonctions qui sont leurs. Mais quelle que soient les évolutions la cohérence du système demeure et il ne peut pas y avoir de contradiction durable entre les éléments du système, pas plus qu’entre un élément et la totalité.

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IV.1 LE SCHEMA CONCEPTUEL GENERAL DE L'ACTION La société est un type particulier de système social. Nous traitons le système social comme l'un des sous-systèmes de base du système humain de l'action, les autres étant la structure organisationnelle du comportement, la personnalité de l'individu et le système culturel. Schéma conceptuel général de l'action : L'action est constituée par les structures et les processus par lesquels les êtres humains émettent des intentions signifiantes et, avec plus ou moins de succès, les incarnent dans des situations concrètes. L'expression signifiante implique un niveau symbolique ou culturel de représentation et de référence. Les intentions et leur impact concret pris ensemble impliquent la tendance du système d'action individuel ou collectif - à modifier sa relation à la situation ou à l'environnement, dans la direction souhaitée. Nous préférons le terme «action» au terme «comportement» parce que nous sommes intéressés non pas par les manifestations physiques du comportement, mais par leurs modèles, par leurs types de produits significatifs (physiques, culturels ou autres) allant des simples outils aux œuvres d'art, et par les mécanismes et les processus qui contrôlent une telle organisation. L'action humaine est «culturelle» de par le fait que les significations et les intentions concernant les actes sont structurées en termes de systèmes symboliques (qui comprennent les codes grâce auxquels ils s'ordonnent) centrés de manière générale autour de cet universel des sociétés humaines qu'est le langage. En un sens, toute action est action individuelle. Cependant, le schéma organique aussi bien que le niveau culturel impliquent des éléments essentiels qui ne peuvent être étudiés au niveau individuel. En ce qui concerne l'organisme, la référence structurelle primaire n'est pas l'anatomie d'un organisme particulier, mais le type de l'espèce. Bien entendu, ce type [idéal] ne s'incarne pas concrètement, mais œuvre à travers les constitutions génétiques d'organismes individuels uniques, qui comprennent à la fois des combinaisons variables des matériaux génétiques propres à l'espèce, et les effets des différentes conditions de l'environnement. Mais, si importantes que puissent être les variations individuelles dans le déterminisme d'une action concrète, ce sont les modèles d'organisation communs à de vastes groupes humains -en incluant leur différenciation en deux sexes -qui constituent la masse du substrat organique de l'action. Il ne serait pas correct de dire que la constitution génétique d'un organisme est modifiée par l'influence de son environnement. On pourrait plutôt dire que la constitution génétique comprend une «orientation» générale qui se révèle en des structures anatomiques, des mécanismes physiologiques, et des schémas de comportement spécifiques. au fur et à mesure qu'elle agit en interaction avec les facteurs de l'environnement pendant la vie de l'organisme. Les facteurs de l'environnement peuvent être classés en deux catégories: d'abord, ceux qui sont responsables des éléments non-héréditaires de l'organisme physique; ensuite, ceux qui sont responsables des éléments acquis du système de comportement, et c'est sur celle catégorie que nous porterons notre attention. Bien qu'un organisme soit certainement capable d'apprentissage dans un environnement où d'autres organismes sont totalement absents. la théorie de l'action est principalement concernée par l'apprentissage dans lequel 17

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la présence d'autres organismes de la même espèce constitue le trait le plus important de l'environnement général. Les schémas culturels organisés symboliquement, comme tous les autres éléments des systèmes vivants, sont certainement apparus grâce à l'Evolution. Cependant, le palier linguistique humain de leur développement est un phénomène absolument unique et limité à l'homme. La capacité d'apprendre et d'utiliser le langage dépend clairement de la constitution génétique spéciale de l'homme, ainsi que le montre l'échec des efforts faits pour l'enseigner à d'autres espèces (spécialement les primates et les oiseaux «parleurs). Mais seule cette capacité générale est génétiquement déterminée, et non pas les systèmes symboliques spécifiques qui sont en fait appris, utilisés et développés par des groupes humains spécifiques. De plus, en dépit de la grande capacité des organismes humains pour apprendre et même pour créer des éléments culturels, aucun individu ne peut créer un système culturel. Les principaux modèles des systèmes culturels ne changent qu'au long de nombreuses générations et sont toujours le fait de groupes relativement importants ; ils ne sont jamais limités à un ou plusieurs individus. Ils sont donc toujours appris par l'individu, qui ne peut contribuer que d'une manière relativement marginale a leur création ou à leur destruction. De cette manière, les schémas culturels les plus généraux fournissent aux systèmes d'action un ancrage structurel relativement stable, assez similaire à celui que fournissent les matériaux génétiques typiques d'une espèce mais centré sur les éléments appris de l'action, à la manière même dont les gènes sont centrés sur les éléments héréditaires. A l'intérieur des limites imposées d'une part par le type d'espèce génétique, et par le schéma culturel d'autre part, certains groupes ou individus ont la possibilité de développer des systèmes de comportement indépendamment structurés. Parce qu'un acteur est génétiquement humain, et parce que son apprentissage a lieu dans le contexte d'un système culturel particulier, son système de comportement appris (que j'appellerai sa personnalité) partage certains traits généraux avec d'autres personnalités, en particulier le langage qu'il utilise habituellement. En même temps, son organisme et son environnement - physique , social et culturel - sont toujours uniques quant à certains aspects. De ce fait, son propre système de comportement sera une variante unique de la culture et de ses schémas d'action particuliers. Il est donc essentiel de considérer le système de la personnalité comme n'étant réductible ni à l'organisme ni à la culture -l'apprentissage ne faisant partie ni de la «structure» de l'organisme au sens habituel, ni des traits du système culturel. Il forme un système analytiquement indépendant. Bien qu'intimement lié aux personnalités des individus en interaction et aux schémas du système culturel, le processus d'interaction sociale forme un quatrième système qui est analytiquement indépendant à la fois des systèmes personnel et culturel, ainsi que de l'organisme. Cette indépendance devient évidente lorsque l'on considère les exigences d'intégration qui pèsent sur les systèmes de relations sociales du fait de leurs virtualités propres de conflit et de désorganisation. Cela est parfois désigné sous le terme de problème de l'ordre dans une société, qui a été posé de manière classique par Thomas Hobbes. Le système d'interaction constitue le système social, le sous-système d'action dont cet ouvrage traite particulièrement.

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La classification ci-dessus en quatre sous-systèmes très généraux de l 'action humaine -l'organisme, la personnalité, le système social et le système culturel - est une application d'un paradigme général que l'on peut utiliser pour le champ de l'action tout entier et que j'utiliserai plus loin pour analyser les systèmes sociaux. Ce paradigme analyse n'importe quel système d'action sous l'angle des quatre catégories fonctionnelles suivantes : 1. - Celle qui a trait au maintien des modèles de contrôle ou de «gouvernement» du système à l'échelon le plus élevé. 2. - L'intégration interne du système. 3. - Son orientation vers la réalisation des fins en liaison avec son environnement. 4. - Son adaptation plus générale aux conditions globales de l'environnement, c'est-à-dire l'environnement physique situé hors du champ de l'action. À l'intérieur des systèmes d'action, les systèmes culturels sont spécialisés dans le maintien des modèles, les systèmes sociaux dans l'intégration des unités actives (les individus, ou, plus précisément, les personnalités engagées dans des rôles), les systèmes de personnalité dans la réalisation des objectifs et l'organisme de comportement dans l'adaptation (voir tableau 1).

IV.2 LE CONCEPT DE SYSTEME SOCIAL Puisque le système social est constitué par l'interaction des individus, chacun de ses membres est à la fois un acteur (ayant ses buts, ses idées, ses attitudes, etc.) et un objet d'orientation à la fois pour les autres acteurs et pour lui-même. Le système d'interaction est alors l'aspect analytique pouvant être abstrait du processus d'action total de ses participants. Et ces «individus» se trouvent en même temps être des organismes, des personnalités et des participants à des systèmes culturels. À cause de cette interpénétration, chacun des trois autres systèmes d'action (culture, personnalité, organisme de comportement) constitue une part de l'environnement - ou, pourrions-nous dire, l'un des environnements - du système social- Au-delà de ces systèmes, on trouve les environnements de l'action elle-même, au-dessus et au-dessous de la hiérarchie générale des facteurs qui contrôlent l'action dans le monde de la vie Au-dessous de l'action se trouve l'environnement physico-organique, qui comprend les espèces d'organismes sous-humaines et les éléments des organismes humains « n'ayant pas trait au comportement ». C'est une limite importante de l'action parce que, en tant qu'humains, nous connaissons le monde physique seulement à travers notre organisme. Nos esprits n'ont aucune expérience directe d'un objet physique extérieur, à moins que nous ne le percevions grâce à des processus physiques et que le cerveau ne « traite » l'information ainsi reçue, au sens psychologique, donc, les objets physiques sont des aspects de l'action. En principe, des considérations similaires s'appliquent à l'environnement situé au-dessus de l'action la «réalité ultime» par laquelle nous sommes finalement concernés lorsque nous nous mesurons avec 19

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ce que Weber appelait «les problèmes du sens», c'est-à-dire le mal et la souffrance, les limitations temporelles de la vie humaine et autres choses du même genre. Les « idées» en ce domaine, en tant qu'objets culturels, sont dans un sens des «représentations» symboliques (conceptions de dieux, totems, surnaturel) des réalités ultimes, mais ne sont pas en elles-mêmes ces réalités. Un principe fondamental de l'organisation des systèmes vivants est que leurs structu res sont différenciées en fonction des diverses exigences de leurs environnements. Ainsi, les fonctions biologiques de la respiration, de la nutrition et de l'élimination, de la locomotion et du traitement de l'information sont les bases des systèmes d'organes différenciés, dont chacun est spécialisé en fonction des exigences de certaines relations entre l'organisme et son environnement. Nous utiliserons ce principe pour organiser notre analyse des systèmes sociaux. Chacun de ces trois sous-systèmes sociaux peut être également considéré comme un environnement distinct du sous-système qui est le centre intégrateur de la société (tableau 2. colonne 11). Nous emploierons cette double application du paradigme fonctionnel pendant tout l'exposé de notre schéma théorique général et dans l'analyse de sociétés particulières dans le corps du livre6.

IV.3 LE CONCEPT DE SOCIETE Pour définir une société, nous pouvons utiliser un critère qui remonte au moins à Aristote. Une société est un type de système social, dans n'importe quel univers de systèmes sociaux, qui atteint le niveau le plus élevé d'autonomie, en tant que système en relation avec son environnement. Cette définition se réfère à un système abstrait, dont l'environnement primaire est constitué d'autres sous-systèmes d'action également abstraits. Cette vue est en contradiction aiguë avec notre vision spontanée d'une société composée d'individus concrets. Les organismes et les personnalités de ses membres seraient alors des éléments constitutifs de ta société, et non pas une partie de son environnement. Nous ne pouvons discuter ici des mérites respectifs de ces deux vues de la société. Mais le lecteur ne doit conserver aucun doute quant à celle qui est adoptée dans ce livre. Ceci étant clair, le critère d'autonomie peut être divisé en cinq sous-critères, chacun d'entre eux étant lié à l'un des cinq environnements des systèmes sociaux - la Réalité Ultime, les Systèmes Culturels, les Systèmes de Personnalité, les Organismes de Comportement et l'Environnement PhysicoOrganique. L'autonomie d'une société dépend de l'équilibre réalisé entre son contrôle sur ses relations avec ces cinq environnements et son propre degré d'intégration interne. Le système culturel structure l'engagement vis-à-vis de la réalité ultime, et lui donne un sens et une orientation en fonction du reste de l'environnement, du système de l'action, du monde physique, des organismes, des personnalités et des systèmes sociaux. Dans le sens cybernétique, le système culturel occupe la place la plus élevée dans le système de l'action, le système social occupant le rang suivant, la personnalité et l'organisme ne venant qu'ensuite. L'environnement physique occupe la première place, non pas au sens organisationnel. mais au sens conditionnel. Puisque les facteurs physiques ne 6

Cf. Talcott parsons. « Social Systems and Subsystems » dans International Encyclopedia of the Social Sciences (à paraître). 20

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sont pas contrôlables par la hiérarchie cybernétique des systèmes, nous devons y adapter ou voir la vie humaine disparaître. La dépendance de l'homme vis-à-vis de gène, de la nourriture, de températures supportables, est un fait connu. A cause de notre vaste perspective d'Évolution, notre intérêt principal en ce qui concerne les soussystèmes non sociaux de l'action portera sur le système culturel. Parce qu’elles se développent au cours de longues périodes et dans des circonstances très variées, les formes d'organisation sociale qui apparaissent possèdent des capacités d’adaptation sans cesse croissantes. En ce qui concerne leurs caractéristiques fondamentales elles tendent à acquérir une immunité croissante à des changements importants qui proviendraient de causes conditionnelles particulières et précises agissant par le biais de I instances physiques spécifiques ou de variations individuelles, personnelles ou organiques. Dans les sociétés les plus avancées, la gamme des personnalités individuelles même s'élargir alors que la structure et le fonctionnement de la société deviennent de moins en moins dépendants des idiosyncrasies individuelles. Nous devons donc porter : notre attention sur les structures situées au rang le plus haut de la hiérarchie cybernétique - le système culturel en tant qu'environnement de la société - afin d'étudier Durées principales de changements importants.

IV.4 LES ETAPES DE L'EVOLUTION DES SOCIETES Une perspective évolutionniste implique aussi bien un critère de direction de l'Évolution qu'un schéma des différents stades de l'Évolution. Nous avons considéré que le facteur directionnel consistait en un progrès de la capacité adaptative généralisée, par une adaptation consciente de la théorie de l'Évolution organique. Nous reprendrons cette interprétation dans notre chapitre de conclusion. Il reste à examiner le problème des stades. Nous ne concevons pas l'Évolution sociale comme un processus continu ou simplement linéaire, mais il est possible de distinguer des niveaux généraux de développement en tenant compte des différences considérables qui existent à l'intérieur de chacun. Dans le cadre limité de cet ouvrage et de celui qui lui fera suite, nous distinguerons trois niveaux très généraux d'Évolution, que nous baptiserons primitif, intermédiaire et moderne. Ce livre concernera tout particulièrement les deux premières catégories, confiant la troisième à l'ouvrage qui doit faire suite. Il y a quelque arbitraire dans n'importe quel type de classement concernant ces stades, et les deux grandes catégories que nous nous proposons de traiter ici devront chacune être subdivisée en deux. Les critères distinctifs des principaux stades de notre classification tiennent aux développements critiques des éléments codés des structures normatives. Pour la transition d'une société primitive à une société intermédiaire, la clef du développement réside dans le langage, qui participe d'abord du système culturel. Dans le passage d'une société intermédiaire à une société moderne, il concerne les codes institutionnalisés de l'ordre normatif interne à la structure sociale et s'ordonne autour du système légal. Dans les deux cas, le critère proposé n'est qu'un point de repère pour un ensemble complexe. Le langage écrit, clé du développement à partir de l'État primitif, accroît la différenciation entre les 21

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systèmes sociaux et culturels ainsi que la taille et l'influence de ce dernier. Les principaux contenus symboliques d'une culture peuvent, grâce à l'écriture, être formulés indépendamment des contextes où s'exercerait concrètement une interaction. Cela permet une diffusion culturelle infiniment plus vaste à la fois dans l'espace et dans le temps. Cela déclenche le phénomène de la « diffusion » -c'està-dire l'émission de messages vers une audience non définie, vers n'importe quelle personne qui sait lire et aux mains de laquelle tombe le document. De plus, il n'y a plus de limitation temporelle concernant la valeur du message. Seules les cultures possédant une écriture peuvent avoir une histoire, dans le sens d'une conscience, fondée sur des témoignages sous forme de documents, d'événements passés situés au-delà des souvenirs de personnes vivantes et du vague on-dit des traditions orales. Les premiers stades, particulièrement évidents dans ce que nous appelons les sociétés archaïques, limitent l'écriture à «l'artisanat» de petits groupes qui l'utilisent dans des buts précis, souvent ésotériques, religieux et magiques. Un autre développement important, probablement u n critère d'une société intermédiaire avancée, est l'institutionnalisation de l'accès à la culture écrite pour les mâles adultes de la classe dominante. De telles sociétés organisent en général leur culture autour d'un ensemble de textes particulièrement importants, le plus souvent sacrés, que tous les gens « éduqués » sont supposés connaître. Seules nos sociétés modernes commencent à institutionnaliser l'accès de toute la population adulte à la pratique du langage écrit, ce qui marque peut-être un second stade important de la modernité. Le langage écrit et l'accès à des documents tendent à stabiliser beaucoup de relations sociales. Par exemple, les termes d'un contrat n'ont plus à dépendre des mémoires, toujours faillibles, des contractants ou de leurs témoins, mais peuvent être écrits et rester disponibles pour vérification, si besoin est. L'importance d'une telle stabilité ne doit pas être sous-estimée. C'est sans aucun doute une condition essentielle pour accroître la taille et la complexité de beaucoup d'éléments de l'organisation sociale.

V Le paradigme fonctionnaliste et sa conception de l'organisation Après avoir vu les principales écoles fonctionnalistes en analyse des organisations, il est possible maintenant de dégager la conception des organisations qu'elles ont en commun.

V.1 UNE CONCEPTION SYSTEMIQUE ET SYNCHRONIQUE DE L'ORGANISATION L'organisation est définie comme un ensemble dont les parties sont reliées les aunes aux autres (systémique). Cette relation ne se fait pas au hasard mais elle est coordonnée. D'où la conception de l'organisation comme un système d'efforts humains concertés. C'est un système conscient d'activités coordonnées, une structure par laquelle les efforts coordonnés des hommes atteignent des résultats supérieurs à la somme des efforts individuels. Dans la théorie de l'organisation, ce besoin de coordination est satisfait par l'existence d'une structure d'autorité (présente dans les conceptions de l'organisation de Fayol, Barnard et de Weber). L'organisation devient alors un arrangement social par lequel les activités de certaines personnes sont 22

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systématiquement planifiées par d'autres personnes, qui, par conséquent, ont de l'autorité sur elles, afin de réaliser certaines objectifs.

V.2 UNE CONCEPTION TELEOLOGIQUE La coordination des hommes et des activités est orientée vers la réalisation des objectifs. Les organisations deviennent des collectivités établies pour la poursuite d'objectifs. Cette notion de buts et d'objectifs est centrale dans la quasi-totalité des définitions de l'organisation. Ces buts ont deux caractéristiques : D'une part, ils sont partagés (ou vus comme tels) par l'ensemble des membres de l'organisation. Ils sont des objets d'acceptation et d'attente communs à tous. Les buts ainsi partagés procure à l'organisation une légitimité interne. Les buts de l'organisation lui permettent d'avoir une fonction sociale puisqu'elle crée une production identifiable qui devient intrant pour le système social dans son ensemble ou pour un sous - système social. En produisant un extrant acceptable pour la société et en conformité avec les valeurs de celle-ci, l'organisation se trouve légitimée dans son existence même. Autrement, les valeurs de l'organisation légitime son existence comme système (légitimité externe). Non seulement, les buts sont les fondements de la légitimité de l'organisation, ils sont aussi la base de sa rationalité : Ils fournissent à l'organisation certaines priorités et certaines lignes directrices qui lui permettent d'orienter et de planifier son action (l'activité organisationnelle découle ainsi des buts et des objectifs fixés au préalable) ; Ils servent de critères et d'instruments de mesure pour évaluer l'efficacité de l'organisation ; Ils servent d'inspiration et de guide pour se doter d'une technologie, d'une structure formelle et d'un système de mobilisation et de contrôle des individus. Cette conception téléologique de l'organisation sera remise en cause par le courant critique qui se caractérise par sa conception démystificatrice de l'organisation. Cette conception ne peut se satisfaire de ce qu'on lui dit (démystifier). En s'attachant prioritairement aux contradictions, aux conflits, aux perturbations, aux crises. Elle vient démontrer, mettre à bas certaines conceptions classiques des hommes et des organisations. Elle révèle les motifs inavoués, elle met à nu les rapports réels, elle détruit les vieux déterminismes. C'est ainsi que tout à tour on dénonce la réédification des buts, la rationalité sous-jacente à l'organisation, les idéologies managériales, que l'on remet en cause les soi - disant lois universelles guidant les structures et les fonctions et que l'on met en avant l'importance et le rôle que jouent le pouvoir et les rapports de domination. En effet, l'organisation ne ses résume pas à un ensemble de cadres unis par

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un objectif commun. D'autant plus qu'on ne précise pas de quels buts ou objectifs s'agit ils et dans quelle mesure ces objectifs sont effectivement acceptés par l'ensemble des membres de l'organisation.

V.3 UNE CONCEPTION A – HISTORIQUE La conception des organisations qui se dégage des écrits fonctionnalistes est une conception a historique. L'organisation n'a pas d'histoire ou plutôt son histoire se résume à l'évolution de variables facilement quantifiables telles que les effectifs, les actifs, les profits...etc. Les analyses fonctionnalistes sont donc davantage préoccupées par le présent que par le passé, elles cherchent à montrer comment les caractéristiques organisationnelles sont en relation étroite les unes avec les autres, ce qui permet aux organisations d'être dans un état d'équilibre relativement stables. En évacuant l'histoire, les analystes fonctionnalistes des organisations occultent, ou marginalisent fortement les phénomènes de causalité et de changement. Contrairement aux études d'inspiration fonctionnaliste, l'analyse critique se veut historique. En effet, la plupart des analystes fonctionnalistes des organisations évacuent l'histoire ou elles ne s'intéressent pratiquement jamais à voir comment les relations sociales se forment et se transforment dans le temps. Si cet a-historismes peut être attribuable en partie au choix de l'objet et de la méthode d'analyse -en privilégiant par exemple le synchronique plutôt que le diachronique- il reste qu'au vu du courant critique ce n'est pas une excuse suffisante pour que l'on n'en tienne aucunement compte. Cette ignorance du caractère historique ou encore de l'historicité des organisations a entraîné trop souvent les analyses fonctionnalistes sur le terrain des généralisations abusives, voire des truismes et des évidences. Comment peut on expliquer l'émergence et l'évolution d'une organisation sans faire appel à l'histoire? Comment peut on expliquer le fonctionnement organisationnel suivant des facteurs : taille, structure, technologie, pouvoir...été, qui n'ont aucune histoire ? Selon les analystes critiques, seule une démarche qui réintègre la durée peut rendre compte pleinement de ce qui s'est passé. L'histoire des organisations ne peut être dissociée de l'histoire de la société qui les environne. Ainsi, pour eux, l'anhistorisme de l'analyse fonctionnaliste, condamnera l'analyse des organisations à un formalisme désincarné à l'intérieur duquel les éléments organisationnels (buts, technologie, division du travail, hiérarchie, etc) deviennent des notions creuses. Le courant critique considère que l'organisation est un produit humain. En tant que produits humains, elles expriment les potentialités, les projets des hommes et des femmes à un moment donné de leur histoire. Ainsi, les organisations ne sont pas immuables : elles ses transforment, elles disparaissent ou elle renaissent sous la pression du faire humain. Autrement dit, les analyses critiques s'opposent au discours du statu quo et de l'immuable.

V.4 UNE CONCEPTION INTEGRATRICE L'organisation est définie comme un système de coordination des activités de deux ou plusieurs individus, pour la réalisation d'objectifs communs. Cette définition tient compte à la fois du caractère systémique et du caractère téléologique cités ci-dessus. La vision de l'organisation, qui est sous 24

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jacente à une telle définition, en est de l'intégration et de l'harmonie entre les individus et les groupes de l'organisation. Cette intégration découle de l'existence et de l'acceptation des buts communs à tous, et d'une division du travail par laquelle certains ont l'autorité hiérarchique pour coordonner et contrôler le travail des autres ce qui permet la réalisation des buts que l'organisation s'est fixés. C'est donc une vision consensuelle de l'organisation qui nous est proposée, l'organisation « idéal » est caractérisée par le consensus et non par l'existence de relations de pouvoir ou par le conflit. Cette vision est donc radicalement différente de cette qui se dégage des courants de pensée se rattachant au paradigme critique.

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Conclusion Actuellement on se trouve devant un environnement évolutif et incertain qui pose beaucoup de problèmes aux entreprises. Dans ce sens, les organisations vivent aujourd'hui dans un système complexe qui ne peut pas être appréhendé et maîtrisé à cent pour cent. Le fonctionnalisme n'admet pas les situations de déséquilibre. Mais face à ces circonstances les entreprises doivent admettre le déséquilibre et le désordre pour pouvoir survivre. Le fonctionnalisme n'est nullement tourné vers l'analyse causale, qui oblige très souvent le chercheur à remettre en cause l'ordre établi, ou vers la définition de situations alternatives toujours menaçantes pour les tenants du statu quo. Le paradigme fonctionnaliste, même s’il constitue aujourd’hui encore le paradigme dominant en sociologie, n’est pas l’unique façon de concevoir et d’appréhender la réalité sociale. Il existe un autre paradigme qui n’a pas manqué, depuis la naissance de la sociologie au siècle dernier, d’inspirer un grand nombre de travaux sociologiques. Ce paradigme qui occupe une place importante en sociologie paraît susciter aujourd’hui un certain intérêt chez les théoriciens des organisations qui s’étaient montrés jusque là relativement imperméables à ce genre de démarche. Or cette conception divisée de la réalité, qui a longtemps dominé l’étude des organisations, semble depuis peu remise en cause, d’une part par un certain nombre de découvertes scientifiques en physique, en chimie et en biologie, et d’autres part par un certain nombre de travaux en sciences sociales, et à tel point que d’aucun n’ont pas hésité à parler de l’émergence d’un nouveau paradigme : le paradigme de complexité.

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Bibliographie

 Bronislav Malinowski « Une théorie scientifique de la culture, et autres essais. » (1944) Paris : François Maspero, Éditeur, 1968, la collection: "Les classiques des sciences sociales" ;  Guy Rocher, « Talcott Parsons et la sociologie américaine ». Paris : Les Presses universitaires de France, 1972, 238 pp. Collection SUP le sociologue, no 29.

 Bronislaw MALINOWSKI (1941) « Les dynamiques de l’évolution culturelle. Recherche sur les relations raciales en Afrique ». Traduit de l’anglais par Georgette Rintzler. Ouvrage publié par Phyllis M. Kaberry. Paris : Payot, Éditeur, 1970,

 A. Radcliffe-Brown, « Structure et fonction dans la société primitive. » Paris : Éditions de Minuit, 1972, 317 pages. Collection : Points Sciences humaines, n˚ 37.Traduction française : Les Éditions de Minuit, 1968.

 J.F.Chanlat et F.Seguin ; « Analyse des organisations : une anthologie sociologique » ; tome I :: les théories des organisations ; 1987  J.F.Chanlat et F.Seguin ; « Analyse des organisations : une anthologie sociologique » ; tome II :les composantes de l’organisation ; 1988

Web graphie :    

Books.google.co.ma : 100 fiches pour comprendre la sociologie ; fiche 15-18 http://www.larousse.fr www.wikipedia.org

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