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L’ENFANT CHÉTIF D’UNE FEMME SÉTHIENNE, OU LE NOUVEAU-NÉ SOLAIRE D’UNE MÈRE DIVINE ? À PROPOS DE ÎM.T DSR.T ET ÎPRW DANS
MUTTER UND KIND (FORMULE V)
PAR
SYLVIE DONNAT Institut d’Égyptologie de Strasbourg – M.I.S.H.A. 5, allée du général Rouvillois, CS 50008 67083 STRASBOURG cedex
L’univers chromatique est un champ de recherche qui suscite un regain d’intérêt depuis plusieurs années dans les sciences humaines1. Les travaux, tant en histoire qu’en anthropologie, invitent à prendre conscience des spécificités de cet objet, en particulier sur deux plans : d’une part, au niveau de la perception et de la nomination des couleurs, ils pointent le rôle central de la détermination culturelle et, partant, le relativisme des divers lexiques chromatiques et des concepts attachés à chaque couleur malgré l’universalité des processus sensoriels et cognitifs2 ; d’autre part, considérant le domaine symbolique, ils mettent en évidence l’ambivalence sémantique possible de certaines couleurs dans un système culturel donné, selon leurs contextes d’apparition et d’usage3. S’agissant de la couleur-décher, cette dernière observation est parfois occultée dans la littérature égyptologique. Malgré les nombreuses études sur ce terme chromatique mettant en lumière sa polysémie4, les connotations « séthiennes » (comprendre « négatives ») de 1 Voir par exemple, en France, le large écho reçu par les travaux du médiéviste M. Pastoureau. Cet article s’inscrit pour sa part en marge de l’atelier de recherche « Chromo » de l’équipe ANHiMA/UMR 8210 (Paris) sur la couleur dans l’Antiquité, dont le premier volet a abouti à la rédaction d’un volume collectif : M. Carastro (dir.), L’Antiquité en couleurs. Catégories, pratiques, représentations, 2009. 2 De manière générale, G. Lenglud, dans P. Bonte – M. Izard, Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, 2010 (4e éd.), s.v. « Couleur », p. 779-780. Voir aussi les remarques de M. Pastoureau dans l’introduction de son ouvrage Bleu. Histoire d’une couleur, 2000, ou encore l’exemple de l’identification linguistique des couleurs chez les Ndembu de Zambie : V.W. Turner, « La classification des couleurs dans le rituel Ndembu. Un problème de classification primitive », dans R.E Bradbury et al., Essais d’anthropologie religieuse (trad. française), 1972, p. 68. Sur le lexique chromatique égyptien : W. Schenkel, ZÄS 88 (1963), p. 131-147 ; id., dans R.E. MacLaury – G.V. Paramei – D. Dedrick, Anthropology of color: interdisciplinary multilevel modeling, 2007, p. 211-228 ; J. Baines, American Anthropologist 87 (1985), p. 282-297 ; St. Quirke, dans W.V. Davies (éd.), Colour and Painting in Ancient Egypt, 2001, p. 186-191 ; D. Warburton, LingAeg 16 (2008), p. 213-259. 3 À titre d’exemple, V.W. Turner, op. cit., en particulier p. 81-82 sur l’ambivalence du rouge dans le système Ndembu, et les nuances apportées à l’inventaire des associations sémantiques attachées au noir, p. 82-85. 4 J.G. Griffiths, « The Symbolism of Red in Egyptian Religion », Ex Orbe Religionum: Studia Geo Widengren (SHR 21), 1972, p. 81-90 ; H. Kees, Farbensymbolik in ägyptischen religiösen Texten (NAWG 11), 1943, p. 446-464 ; G. Pinch, « Red things: the symbolism of colour in magic », dans W.V. Davies (éd.), Colour and Painting in Ancient Egypt, 2001, p. 182-185 et pl. 12.
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la couleur sont parfois placées au premier plan, au détriment d’autres connotations comme les connotations solaires, aussi bien documentées. C’est notamment, à de très rares exceptions près5, le cas des interprétations habituelles du titre de la dernière formule du recueil formulaire du papyrus Berlin 3027 (la formule V), où apparaît Ìm.t dsr.t, littéralement « femme rouge/rousse ». L’expression y est une désignation de la mère de l’enfant à protéger, lui-même appelé Ìprw. L’appréciation négative du groupe Ìm.t dsr.t semble avoir influencé la perception de la qualification Ìprw du nouveau-né, aussi comprise comme une référence au malheur qui le frappe. Un réexamen de la formule invite, toutefois, à abandonner ces lectures au profit d’une interprétation plus conforme aux principes de la protection rituelle égyptienne. Préambule : la formule V dans le recueil Le papyrus Berlin 3027, désigné sous le nom de Mutter und Kind depuis l’édition de A. Erman en 19016, est un recueil de 18 formules et 3 recettes médicinales pour la protection de la femme enceinte et du nouveau-né. Acquis en 1843 par Richard Lepsius, le manuscrit faisait partie d’une collection de papyrus réunie par Giovanni d’Athanasi dans la région de Thèbes et de Memphis7. Si la date de la composition du texte, rédigé dans un moyen égyptien teinté de quelques « néo-égyptianismes », est sujette à discussion8, celle du manuscrit a été attribuée, par la paléographie, au début de la XVIIIe dynastie9. L’ensemble des formules du recueil est consacré à la protection du jeune enfant et de sa mère contre des adversaires désignés : les morts dangereux (mwt mwt.t). Les procédés mis en œuvre par le magicien correspondent à l’outillage habituel de cette littérature : le praticien récite une incantation (rite oral) et procède à un rite manuel (ici généralement la confection d’amulettes à placer au cou de l’enfant). Le rite oral consiste tour à tour, ou de manière combinatoire, en des injonctions adressées au mal lui intimant l’ordre de quitter le corps de sa victime, des appels aux divinités, des identifications du patient à des entités divines, des évocations de précédents mythiques destinés à appeler une issue heureuse comparable pour le cas traité10. Les divinités convoquées sont Isis et son jeune enfant Horus, archétypes de la mère et du bébé en détresse, mais aussi d’autres dieux souvent associés à la naissance parmi lesquels Meskhénet, Nout, Geb, Khnoum potier11, ainsi que 5
Voir infra, n. 16, 17 et 100-101. A. Erman, Zaubersprüche für Mutter und Kind. Aus dem Papyrus 3027 des Berliner Museums, 1901. 7 N. Yamazaki, Zaubersprüche für Mutter und Kind. Papyrus Berlin 3027, Achet B2, 2003, p. 1. 8 Pour H. Altenmüller en particulier (Die Apotropaia und die Götter Mittelägyptens, 1965, p. 182-183), la composition est plus ancienne que la date du manuscrit. 9 N. Yamazaki, Zaubersprüche für Mutter und Kind, p. 2-3. 10 Voir de manière générale, ibid., p. 4-6. 11 Voir les formules F (V,8-VI,8), G (VI,8-VII,1) et B (I,4-9) du recueil. 6
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le dieu solaire Rê. Ce dernier tient en fait une place de premier plan dans l’économie du recueil. Dans cinq formules, il est explicitement désigné comme la divinité garante de la protection du jeune enfant (fille ou garçon) et de sa mère12. Il apparaît en outre de manière implicite ailleurs13. En particulier, bien que son nom ne soit pas mentionné, il est présent dans la formule qui clôt le recueil, la formule V selon la numérotation d’A. Erman. Cette formule, qui se définit comme une mk.t ̨w (vo VI,6)14, protection du corps, d’un enfant qui souffre (vo VI,5), présente les deux sections attendues : une incantation avec historiola et une rubrique finale prescrivant la confection d’une amulette. L’épisode mythique évoque le combat primordial auquel se livre le jeune soleil (re)naissant chaque matin dans le canal de Desdès contre ses adversaires. L’incantation est encore précédée d’un titre (tracé à l’encre noire, vo VI,1) qui précise son objectif en ces termes : « Incantation de la femme rouge-déchéret qui a mis au monde une forme-khépérou » (Ìm.t-r() n(y).t Ìm.t dsr.t ms.t Ìprw)
Selon une interprétation courante, l’adjectif chromatique dsr spécifierait que la formule s’applique de manière restrictive pour le cas singulier d’une femme « rouge/rousse », c’est-à-dire « séthienne » qui aurait particulièrement des difficultés à enfanter normalement, ou exprimerait de manière métaphorique le malheur qui frappe la parturiente, génitrice d’un enfant en souffrance (mn)15. J.G. Griffiths, dans un article sur la couleur rouge en Égypte, a toutefois émis des réserves sur la pertinence de l’interprétation péjorative du qualificatif dsr.t dans ce texte16. De même, dans sa thèse inédite sur le lexique chromatique égyptien, P.A. Gautier opte, lui aussi, pour une connotation positive17. D’autres pistes d’analyse n’ont en effet pas été retenues par les principaux commentateurs, en raison d’une vision réduisant, en ce contexte, la couleur décher à ses seules connotations « séthiennes » 12 Formules B, Q-T (vo II,7-vo IV,6). Il apparaît aussi dans la formule O (vo I,2) et dans l’identification des parties du corps de l’enfant aux divinités de la formule U (vo IV,7 et 8). 13 Dans la formule A (I, 1-4) du recueil, la lumière solaire est évoquée via la description de ses rayons colorés illuminant le biotope des marais. Cf. S. Donnat, « Lumière, couleurs et peaux dans l’Égypte ancienne. (Autour de la formule A du P. Berlin 3027) », dans M. Carastro (dir.), L’Antiquité en couleurs (cité supra n. 1), p. 186-206 ; voir aussi la conclusion, infra. 14 Cette référence à la « protection du corps » en fin de formule V est à mettre en parallèle avec les premières phrases de l’incantation précédente (formule U), qui appartiennent au Livre de protéger le corps. Cf. N. Yamazaki, op. cit., p. 49-50, n. b. Sur ce livre, H. Altenmüller, GM 33 (1979), p. 7-12 ; Y. Koenig, BIFAO 99 (1999), p. 262. 15 G. Maspero, Causeries d’Égypte, 1907, p. 234 (dans « Formules égyptiennes pour la protection des enfants », 1902) ; G. Lefebvre, « Rouge et nuances voisines », JEA 35 (1949), p. 74 ; J-Cl. Goyon, Les dieux-gardiens et la genèse des temples (BdE 93), 1976, p. 204 ; Y. Koenig, Magie et magiciens de l’Égypte ancienne, 1994, p. 213 ; B. Mathieu, « Les couleurs dans les Textes des Pyramides : approche des systèmes chromatiques », ENiM 2 (2009), p. 36-37 ; E.A. Waraska, Female Figurines from the Mut Precinct. Context and Ritual Function (OBO 240), 2009, p. 105. 16 J.G. Griffiths, dans Ex Orbe Religionum: Studia Geo Widengren, p. 87. 17 P.A. Gautier, Le rouge et le vert : sémiologie de la couleur en Égypte ancienne, thèse de doctorat inédite sous la direction du professeur Nicolas Grimal, Paris IV-Sorbonne, octobre 1995. Cf. la position de thèse publiée : id., « Le Rouge et le Vert : sémiologie de la couleur en Égypte ancienne », ArchéoNil 7 (1994), p. 9-15. Voir, plus spécifiquement, infra, n. 100-101.
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négatives : d’une part, la connotation positive du rouge dans le contexte de la procréation féminine documentée par diverses sources18, et d’autre part l’association du rouge au monde solaire19. Les données internes au texte, qui font apparaître que l’enfant à protéger est identifié au jeune soleil renaissant en lutte dans le Noun à l’aube, invitent à considérer avec attention ces autres réseaux sémantiques du rouge-dsr, en particulier sa dimension solaire. Traduction et notes de traduction20 Îm.t-r() n(y).t Ìm.t dsr.t ms.t Ìprw Än∂-Ìr=tn ss{t}.n vo. VI, 2 s.t, msn.n Nb.t-Ìr.t, †s.t n(y).t ntry m †s.t 7 ím. Îw=tw=k ím=f, Ìrd pn snb, mn ms.n mn.t, r ssnb=k, r s¨d vo. VI,3 =k, r sÌtp n=k ntr nb, ntr.t nb.t, r sÌr=t(w) Ìfty nmtyw, r sÌr=t(w) Ìfty.t nmt.t, r srí rn n vo. VI,4 s[í]w (?) n=k, mí srí=tw r(), mí [Ìt] m=tw r() n p ¨ 77 wnny.w m mr Dsds. vo. VI,5 RÌ.n=í s.t, k rÌ.n=í rn.w=s[n]. N rÌ s.t ín nty khb [Ìrd] pn, mn=f s.t Ìm.t-r(). Δd=tw r() [pn] v o. V I, 6 Ìr sp.w 4 Ìr bnn.w n(y.w) jbh[ty] 7, nbw 7, mÌw 7 ssnw ín sn.wt-mw.t 2 vo. VI,7 ín w¨.t ss, k.t msn, ír.w w∂w n †s.t 7 ím=f, d.w r ÌÌ n Ìrd. Mk.t ̨.wt [pw n(y)] Ìrd. Incantationa) de la femme rouge qui a mis au monde une forme-khépérou. Salut à vous, ceux qu’a peignés (?) vo. VI,2 Isis et ceux qu’a tordus Nephthys b), dans lesquels se trouve le nœud de la corde-netery à sept nœuds ! Tu seras protégé au moyen d’elle, enfant sain que voici, un tel qu’a mis au monde une telle, afin que tu sois rendu sain, afin que tu sois préservé vo. VI,3, afin que tous les dieux et toutes les déesses te soient favorables, afin qu’on renverse l’adversaire itinérant, et qu’on renverse l’adversaire itinérante c), afin de clore le nom de vo. VI,4 celui qui s’est [plaint] (?) à toi d), comme on clôt la bouche, comme on scelle la bouche des soixante-dix-sept ânes qui sont dans le canal de Desdès ! vo. VI.5 J’ai appris à les connaître, et ainsi j’ai appris à connaître leurs noms e) ! (Mais) cela n’est pas connu de celui qui allait faire f) du tort à l’[enfant] que voici, qui souffre de cela, etc.g) Qu’on dise [cette] formule vo. VI,6 quatre fois sur sept perles de pierre-ibehty h), sept d’or, sept (brins de) lin préparés (?) par deux tantes vo. V I, 7 dont l’une peigna et l’autre tordit, une amulette à sept nœuds étant faite ainsi et placée au cou de l’enfant. [C’est] i) la protection du corps [de] l’enfant. a)
Sur ce terme, voir R.K. Ritner, The Mechanics of Ancient Egyptian Magical Practice (SAOC 54), 1993, p. 42-43. b) Les déesses Isis et Nephthys sont régulièrement citées comme préparatrices des fils protecteurs dans les textes funéraires, magiques et rituels : M. Münster, Untersuchungen zur Göttin Isis 18
Voir infra, n. 99. Cf. supra, n. 4. 20 Sur cette formule : A. Erman, Zaubersprüche, p. 50-51 ; N. Yamazaki, Zaubersprüche, p. 52-55. Voir encore les références bibliographiques dans M. Rochholz, Schöpfung, Feindvernichtung, Regeneration: Untersuchung zum Symbolgehalt der machtgeladenen Zahl 7 im alten Ägypten (ÄAT 56), 2002, p. 212, n. 1096. 19
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von Alten Reich bis zum Ende des Neuen Reiches (MÄS 11), 1968, p. 150-152, spécialement p. 151 pour ce passage. Voir encore, par exemple, W. Pleyte – F. Rossi, Papyrus de Turin, 1869-1876, pl. 119, l. 2, et J.F. Borghouts, The Magical Texts of Papyrus Leiden I 348 (OMRO 51), 1971, p. 24 (ro 11,8) et note 250 p. 117. Comparer avec les fils de l’amulette confectionnée contre l’action de la substance-bââ sur le lait maternel qui doit être ssn et msn par une jeune mère, dans les papyrus magiques du Ramesseum : J.F.W. Barns, Five Ramesseum Papyri, 1956 : pRamesseum III, B31 et B33, aussi pRamesseum IV, Diii,5 (cités dans TLA, R. Stegbauer Projekt Digital Heka Universität Leipzig, consultation 16 mars 2011) ; cf. Th. Bardinet, Les papyrus médicaux de l’Égypte pharaonique, 1995, p. 470, et, dernièrement, R.-A. Jean – A.-M. Loyrette, La mère, l’enfant, et le lait en Égypte ancienne, 2010, p. 287-288. Sur le sens des verbes ssn et msn décrivant des étapes du processus de filage, voir les remarques de N. Yamazaki, Zaubersprüche, p. 38-39, n. o (formule O contre la substance bââ) et 53 n. b (formule V). Sur le sens probable de ces deux verbes, comparer encore les légendes de la scène reproduite dans P.E. Newberry, Beni Hasan Part 2, 1893, pl. XIII, avec J. Kemp – G. Vogelsang-Eastwood, The Ancient Textile Industry at Amarna (ExcMem 68), 2001, p. 69. De manière générale, sur les procédés de filage en Égypte ancienne, voir ibid., chapitres 3 et 8. Ssn et msn se réfèrent vraisemblablement aux deux actions principales de la préparation de la fibre qui précède le filage proprement dit effectué au moyen du fuseau et des « spinning bowls ». Cf. Chr. Strauss-Seeber, LÄ V, col. 1156. c) Ce type d’adversaire est déjà mentionné dans la formule M du même recueil. Voir N. Yamazaki, op. cit., p. 53 n. f (formule V) et p. 33 n. s (formule M). d) A. Erman, dans l’édition première, proposait de lire s[Ì]w. N. Yamazaki (op. cit., p. 53, n. h) opte pour une lecture síw (Wb IV, 34, 1-5 – lecture reprise dans le TLA, lemna 128050, K. Stegbauer, consultation février 2011). Le terme est en effet employé pour désigner les ennemis primordiaux de Rê, voir infra, n. 31. e) N. Yamazaki (op. cit., p. 54 n. l) propose de lire rÌ=n s.t k rÌ=n « Wenn wir sie (Die Esel) erkennen, dann werden wir ihre Namen kennen » (ibid., p. 52), d’après les traces du hiératique qui pourraient aussi correspondre aux trois traits du pluriel (ibid., pl. 16, n. g), et en raison de la présence de l’auxiliaire k qui commanderait nécessairement un prospectif/subjonctif. Pourtant, la forme s∂m.n=f est comptabilisée au titre des formes verbales pouvant être introduites par cet auxiliaire (voir M. Malaise – J. Winand, Grammaire raisonnée de l’égyptien hiéroglyphique [AegLeod 6], 1999, §824, il est vrai citant comme seul exemple notre texte, ibid., p. 503, ex. 1328), de même que le parfait ancien de rÌ (ibid., §772). On pourra toutefois comparer notre passage avec une formulation similaire dans le chapitre 407 des Textes des sarcophages, où le défunt se prévaut de connaître les sept propos de Mehet-ouret : rÌ.n=í †n rÌ.n=í rn.w=†n « je vous connais et je connais vos noms » (CT V, 222b/c). f) Sur la possibilité pour cette construction à valeur déontique de fonctionner dans le passé, voir M. Malaise – J. Winand, op. cit, p. 479, §786. g) Cette séquence est à mettre en relation avec la prescription médicale de Eb. 273 (49,21) : « (ce que l’on doit faire pour) un enfant qui souffre d’incontinence d’urine » (Ìrd mn=f ∂∂y.t). Trad. ibid., p. 648, ex. 1886. Voir encore Th. Bardinet, op. cit., p. 293. h) Sur cette pierre, déjà évoquée dans la formule U (vo IV,7), se reporter à S.H. Aufrère, L’Univers minéral dans la pensée égyptienne (BdE 105), 1991, p. 247 n. d, p. 284, 316, 548, 784 n. d, 819. Elle est citée parmi les pierres fines portées par les femmes dans les Admonitions, cf. dernièrement : R. Enmarch, A World Upturned: commentary and analysis of The Dialogue of Ipuwer and the Lord RdE 63 (2012)
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of All, 2008, p. 85. Sur l’amulette décrite dans cette rubrique, voir P. Eschweiler, Bildzauber im alten Ägypten (OBO 137), 1994, p. 201. i) La traduction suit ici la restitution proposée par N. Yamazaki (op. cit., p. 32).
Le canal de Desdès et la naissance de l’enfant solaire L’historiola évoquée par le magicien ne pose pas grande difficulté. Les ennemis à combattre sont identifiés à soixante-dix-sept ânes qui sont dans le canal de Desdès. Animaux séthiens bien connus, les ânes peuvent renvoyer tout à la fois aux adversaires du jeune Horus, prototype des enfants en détresse, et aux ennemis du dieu solaire21. Dans le papyrus de Leyde étudié par Adhémar Massart, un âne, personnifiant la force hostile à combattre, voit en effet sa gorge coupée par Rê22. Ce combat est sans doute à rapprocher du combat mythique entre Rê et Apophis que plusieurs textes placent dans le canal de Desdès mentionné dans notre papyrus23. Le canal de Desdès, rattaché à la cosmogonie de tradition hermopolitaine24, est bien attesté dans la littérature religieuse et funéraire. Il s’agit du lieu où fut mis au monde le soleil et où prit place le combat primordial entre le dieu solaire naissant et les forces du chaos, avant son lever sur la butte25. Il est notamment mentionné à deux reprises dans le papyrus magique Harris26, en particulier dans une incantation contre les animaux dangereux (crocodiles), dans laquelle le locuteur s’identifie à un compagnon du dieu soleil émergeant des eaux au moment de la création. Il est cité aussi dans un phylactère ramesside inédit conservé à la bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg27. Comme l’avait noté A. Erman28, le papyrus magique Harris offre un éclairage particulièrement lumineux sur l’historiola de la formule V. Les soixante-dix-sept adjuvants du dieu
21
P. Vernus – J. Yoyotte, Bestiaire des pharaons, 2005, p. 106 et 468-469. A. Massart, The Leiden Magical Papyrus I 343+I 345 (OMRO. Supplement op nieuwe reeks 34), 1954, (m), p. 61 n. 11, et III 7, p. 59. Voir encore le démon femelle âne, dans la formule pour accélérer la naissance, du papyrus Leyde I 348, no 29, J.F. Borghouts, The Magical Texts of Papyrus Leiden I 348 (OMRO 51), 1971, p. 28 et 144-145 n. 344. 23 J-Cl. Goyon, Les dieux-gardiens, p. 153. 24 Cf. G. Roeder, Hermopolis. 1929-1939, 1959, p. 36-37 (§39), p. 169-171 (§8-9). 25 Wb V, 487, 1. H. Altenmüller, Apotropaia, p. 94-97 ; id., LÄ IV, col. 113-114, s.v. « Messersee » ; id., « “Messersee”, “gewundener Wasserlauf” und “Flammensee”. Eine Untersuchung zur Gleichsetzung und Lesung der drei Bereiche », ZÄS 92 (1966), p. 86-95 ; J. Bennett, « The mythical sea of Knives », JEA 53 (1967), p. 164, J. Assmann, Liturgische Lieder an den Sonnengott: Untersuchungen zur altägyptischen Hymnik (MÄS 19), 1969, p. 271-272 ; J-Cl. Goyon, op. cit., p. 205 n. 3. 26 Papyrus magique Harris VI,2 (parallèle dans l’hymne à Amon-Rê présent au temple d’Hibis : A. Barucq – Fr. Daumas, Hymnes et prières de l’Égypte ancienne [LAPO 10], 1980, p. 332 ; D. Klotz, Adoration of the ram : five hymns to Amun-Re from Hibis temple, 2006, p. 87 et p. 94, n. j) et 6,11-12 : Chr. Leitz, HPBM VIIth-Serie, p. 38 et 39. 27 Le papyrus Hier 69 (actuellement en cours d’étude) est mentionné par A.H. Gardiner (HPBM IIIrd-Serie, p. 65, n. 4) et S. Sauneron (Kêmi XX [1970], p. 11 n. 9). Je tiens à remercier Yvan Koenig d’avoir attiré mon attention sur l’existence de ce papyrus. 28 A. Erman, op. cit., p. 50. 22
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solaire qui l’accompagnent dans le canal de Desdès29 sont en effet à mettre en relation avec leurs contreparties négatives que sont les soixante-dix-sept ânes du même lac de notre papyrus, ou encore les soixante-dix-sept chiens à la peau noire qui suivent Baba dans le papyrus Genève MAH 1527430. L’évocation du canal de Desdès et des soixante dix-sept ânes inscrit donc la dernière formule du papyrus Berlin 3027 dans le cadre des récits cosmogoniques relatant la (re)naissance, chaque matin, du dieu solaire, épisode particulièrement délicat puisqu’il doit affronter les ennemis de la création31. Isis et Nephthys solaires Si l’historiola identifie les adversaires de l’enfant à protéger aux adversaires du dieu solaire, en toute logique, il est, de ce fait, assimilé au jeune soleil renaissant et non pas, comme ailleurs dans le recueil, à Horus fils d’Isis et d’Osiris32. L’évocation d’Isis et de Nephthys en début d’incantation le confirme. Isis n’y est pas convoquée comme la mère de l’être en danger. Dans la rubrique finale, sur le plan rituel, son rôle, comme celui de Nephthys, doit être tenu par une tante de l’enfant (sn.t-mw.t). Isis et Nephthys jouent ici le rôle d’assistantes lors de la mise au monde. C’est la fonction qu’elles occupent régulièrement auprès du jeune soleil à l’aube dans les textes relatifs à sa naissance33. Dans les hymnes solaires du chapitre 15 du Livre des morts, elles participent activement à la défaite de l’ennemi de Rê34. Dans un contexte identique, d’autres textes parlent simplement de « deux sœurs ». Ainsi, dans l’hymne à Rê-Horakhty du papyrus Berlin 3050 daté de la
29 Papyrus magique Harris VI, 5-7. Comparer encore avec les « soixante-dix-sept rouleaux-medjat » récités par le défunt sur le billot d’Apophis dans des stèles de Basse Époque et d’époque ptolémaïque portant une version des chapitres 15A5 et 15B4-5 du Livre des morts : T.G. Allen, « Some Egyptian Sun Hymns », JNES 8 (1949), p. 349-355, spécialement p. 352 n. h. À propos des soixante-dix-sept protecteurs de Rê puis d’Osiris, voir J.-Cl. Goyon, Les dieux-gardiens, p. 197-203. 30 A. Massart, « The Egyptian Geneva Papyrus MAH 15274 », MDAIK 15 (1957), p. 177-178. Cf. les références citées dans M. Rochholz, Schöpfung, p. 114, n. 519, en particulier Chr. Leitz, Tagewählerei: das Buch Ì.t nÌÌ pÌ.wy ∂.t (ÄgAbh 55), 1994, texte 22, p. 248, n. 54. Voir encore J.-Cl. Goyon, BIFAO 75 (1975), p. 374 n. 4. Sur les liens entre génies-gardiens et leurs équivalents en génies-destructeurs, id., Les dieux-gardiens, p. 185-188 et p. 203-208. 31 La proposition de N. Yamazaki de restituer síw l. 6,4 (voir supra, n. d) s’inscrit parfaitement dans ce contexte mythologique. Un dérivé du verbe síw « annoncer, accuser » (Wb IV, 34, 1-4) est en effet mentionné, dans une formule des Textes des sarcophages (formule 317, CT IV, 126a-c), comme désignation des ennemis que le défunt (identifié à Khépri) affronte. Il s’agit « d’accusateurs » (síw.w) qui se trouvent dans l’île de la Flamme (íw-nsrsr, île située dans le canal de Desdès). Le passage est évoqué dans G. Roeder, Hermopolis 1929-1939, p. 170 (§9a). 32 Sur la comparaison de l’enfant à protéger avec le soleil dans sa barque, cf. N. Yamazaki, Zaubersprüche, p. 55. Pour l’identification ailleurs dans le recueil avec Horus fils d’Isis, voir, par exemple, la formule D (2,10) : « mes deux bras sont autour de cet enfant, les deux bras d’Isis sont sur lui comme elle a placé ses deux bras sur son fils Horus. » 33 J. Assmann, Liturgische Lieder an den Sonnengott, p. 197, 202-203 ; M. Münster, Untersuchungen zur Göttin Isis von Alten Reich bis zum Ende des Neuen Reiches (MÄS 11), 1968, p. 96-98. 34 A. Barucq – Fr. Daumas, Hymnes et prières de l’Égypte ancienne, p. 177, no 66. E. Naville, Das ägyptische Todtenbuch der XVIII. Bis XX. Dynastie, 1886, pl. XVII, col. 15.
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XXIIe dynastie35, les deux sœurs (sn.ty) accueillent Amon-Rê-Horakhty à l’Orient (V, 8), ou l’élèvent au sortir des cuisses de sa mère Nout (III, 4-5). Dans le mammisi romain de Dendara, elles sont décrites recevant dans leurs bras (¨.wy) le soleil brillant dans le ciel lointain36. L’hymne solaire d’Horemheb à Saqqâra évoque pareillement deux sœurs37, et la version d’Edfou de la Litanie des douze noms de Rê (E 34,11) mentionne « deux sœurs » unies au dieu solaire38. Le rôle d’Isis et Nephthys auprès de Rê est enfin clairement illustré dans le Livre de la nuit, qui, après la douzième heure, représente le disque solaire (rouge ou jaune selon les versions) mis au monde par Nout et accueilli par les deux déesses39. L’enfant à protéger comme khépérou du dieu solaire Adversaires assimilés à Apophis, tantes identifiées à Isis et Nephthys assistant Nout dans sa délivrance quotidienne : voilà qui suffit à faire de l’enfant à protéger un avatar de l’enfant solaire40. Pourtant, bien que le nom du dieu ne soit pas cité, le texte insiste sur cette identification, essentielle dans le dispositif protecteur. L’enfant en danger est en effet désigné à trois reprises dans la formule. Dans la rubrique finale et dans l’incantation, il est simplement appelé Ìrd pn, « cet enfant » (vo VI,5). Dans l’incantation, il est plus précisément interpelé comme Ìrd snb « enfant sain », une expression qui, dans la formule U précédente (vo IV,9), est, à son tour, appliquée au dieu Rê. La troisième désignation du patient dans notre texte est toutefois plus spécifique. Dans le titre, l’enfant mis au monde est appelé précise41. Lu
Ìprw. Le sens de ce terme est particulièrement délicat à établir de façon Ìprww avant le réexamen du hiératique de N. Yamazaki42, il a été
35
S. Sauneron, « L’hymne au soleil levant des papyrus de Berlin 3050, 3056 et 3048 », BIFAO 53 (1953), p. 65-90. Ibid., 76, n. 54, citant Fr. Daumas, « Sur trois représentations de Nout à Dendéra », ASAE 41 (1941), p. 397-398. 37 Elles sont qualifiées de w∂.yt. A. Barucq – Fr. Daumas, op. cit., p. 123-124 (HTBM VIII, p. 325-326). 38 A. Gasse, « La litanie des douze noms de Rê », BIFAO 84 (1984), p. 197. 39 G. Roulin, Le Livre de la Nuit : une composition égyptienne de l’au-delà (OBO 147), 1995, p. 346-521, et p. 351 n. 1826. Sur les assistantes de la mère de l’enfant divin, voir encore W. Spiegelberg, « Die Weihestatuette einer Wöchnerin », ASAE 29 (1929), p. 162-165, en particulier la figure en page 162. La scène, qui provient d’Ermant, dépeint la mise au monde de l’enfant divin, par sa mère assistée de deux femmes à ses côtés et d’une troisième accueillant l’enfant. Cf. aussi, ibid., pl. II (Caire inv. 40627), un bloc provenant du temple d’Isis à Dendara, montrant l’accouchement divin dans un naos, la mère étant assistée de deux femmes à tête hathorique. La brique de naissance décorée du Moyen Empire, mise au jour en 2001 à Abydos-sud, montre de manière analogue la mère entourée de deux femmes ainsi que de deux hampes surmontées de têtes hathoriques. J. Wegner, « A Decorated Birth-Brick from South-Abydos », dans D.P. Silverman – W.K. Simpson – J. Wegner (éd.), Archaism and innovation: studies in the culture of Middle Kingdom Egypt, 2009, p. 447-496. 40 Sur les désignations du dieu comme enfant solaire lors de son apparition dans l’île de la Flamme, consulter en particulier H. Altenmüller, Apotropaia, p. 89 (citant le chapitre 15B1 du Livre des morts, Ìwn n(y) nbw, et E VI, 16,8 wnw). 41 Pour une bibliographie sur le problème général du sens de Ìprw, voir Fr. Servajean, Les formules de transformation du Livre des Morts à la lumière d’une théorie de la performativité (BdE 137), 2003, p. 91, n. 1. 42 N. Yamazaki, Zaubersprüche, pl. 16a. Cf. A. Erman, Zaubersprüche, p. 50, n. 2. 36
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abondamment commenté. Il a été le plus souvent compris, à la suite du Wörterbuch (Ìprww, III, 266, 11), comme un hapax désignant un enfant prématuré, en tout cas un bébé non parfaitement achevé ou malade43. Dans son étude sur Ìpr, H. Buchberger, influencé par une interprétation négative du qualificatif décher appliqué à la mère (« eine Art Hexe »), traduit le terme (qu’il lit Ìprww et comprend comme un pluriel) « die Transformatsinhaber », en d’autres termes « die Wechselbälger44 » (« petits monstres, changelins »). N. Yamazaki, établissant la lecture Ìprw mais observant néanmoins la présence du déterminatif pluriel, comprend « Mehrlinge », « naissances multiples », et considère que l’usage du singulier Ìrd pn dans la suite s’explique par la considération successive de chaque enfant dans la protection45. Malgré la marque du pluriel, il me paraît clair que le terme Ìprw désigne sans doute possible un enfant unique46. Rien ne permet en effet de dire que, dans la suite du texte, plusieurs enfants sont, successivement, envisagés47. Pour comprendre ce que recouvre le terme Ìprw en ce contexte, il faut, à mon sens, abandonner la piste de la description concrète d’un état clinique de l’enfant. Le terme n’est d’ailleurs pas attesté dans les papyrus gynécologiques connus48. La question de la pertinence du concept de prématuré – auquel l’occurrence de Ìprw/Ìprww dans notre texte a été rattachée – a du reste été posée pour l’Égypte ancienne. Pour Fr. Jonckheere en effet, le calcul de l’âge utérin jouait un rôle réduit dans l’estimation de la viabilité d’un nouveau-né49, même si, d’après les textes religieux d’époque ptolémaïque, les Égyptiens considéraient que l’accouchement devait survenir normalement le dixième mois50. D’autres sources (littéraires, magiques et religieuses) indiquent ainsi une attention accordée au temps propice pour l’accouchement. Certaines mettent notamment en parallèle la venue de la moisson en son temps (∂md.yt) et la venue au monde à son terme
43
G. Maspero, Causeries d’Égypte, p. 234 (« une forme ») ; J.-Cl. Goyon, Les dieux-gardiens, p. 204 (considérant que le terme se réfère à une fausse-couche). A. Erman, Zaubersprüche, p. 52, ne propose pas de traduction et suggère seulement que la formule concerne un enfant qui se révèle malade. 44 H. Buchberger, Tranformation und Transformat, p. 284-285. 45 N. Yamazaki, op. cit., p. 52-53 n. a. 46 Opinion identique exprimée par R. Krauss, Die Ende der Amarnazeit: Beiträge zur Geschichte und Chronologie des Neuen Reiches (HÄB 7), 1978, p. 144 n. 2 (lecture Ìprww), et réfutée par H. Buchberger (op. cit., p. 285, n. 544). Comparer avec le texte cité infra à la note 77. 47 Sur les jumeaux en Égypte : J. Baines, « Egyptian Twins », Or 54/4 (1985), p. 461-482 (Ìtr, Wb III, 199, 6-7), et, infra, l’extrait du décret oraculaire T2. 48 Un mot Ìprw « formes » est en revanche recensé dans Grundriss VII/2, p. 654B (cité par J.-Cl. Goyon, Les dieuxgardiens, p. 204, n. 3), comme désignation, dans les textes magico-médicaux, d’êtres néfastes (« ceux qui existent, sont advenus ») à repousser. Voir aussi D. Meeks, AnLex II, 78.2992. 49 Fr. Jonckheere, « La durée de la gestation dans les textes égyptiens », CdE XXX/59 (1955), p. 19-45, spécialement p. 39 et n. 1. 50 Ibid., 38. Sur la durée de gestation, voir encore S. Sauneron, « Les “dix mois” précédant la naissance (Esna 300, 2 et 302, 14) », BIFAO 58 (1959), p. 33-34.
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(∂md.yt)51, ou encore décrivent, à l’inverse, la mise au monde par une mère divine d’un être prématuré (nn km=s dm∂.yt=s tn « alors qu’elle n’avait pas achevé cette sienne période [normale] »), « sous la forme d’un singe qui n’était pas (entièrement) formé » (m í¨¨n nn qd.w »)52. Les textes gynécologiques ne fixent pas, pour leur part, la durée de la gestation ; ils ne semblent pas non plus s’attacher outre mesure au caractère dangereux d’une naissance prématurée, même si le désir de « fermer », en certaines circonstances, l’utérus – action qui est le corollaire de son « ouverture » destinée à permettre la fécondation et l’accouchement –, en vue d’une régulation des menstrues et saignements pourrait avoir une influence sur le bon déroulement de la grossesse (notamment dans la prévention des fausses-couches)53. Les prescriptions autour de la naissance concernent davantage des pronostics de viabilité de l’enfant nouveau-né, reposant sur l’observation de son comportement, ou de naissances retardées54. De manière comparable, les textes magiques ont prioritairement pour objectif l’accélération de l’accouchement55. La prévention d’un accouchement avant terme n’est, semble-t-il, pas évoquée dans ce corpus, ou en tout cas n’a pas été encore clairement identifiée. Les rares textes et pratiques magiques spécifiquement associés par certains auteurs à ce danger restent en effet sujets à discussion. Le cas du génie protecteur Bès est particulièrement complexe. Même si on admet, à la suite de D. Meeks, que le dieu est à l’origine la « transposition
51
D. Meeks, Mythes et légendes du Delta d’après le papyrus Brooklyn 47.218.84 (MIFAO 125), 2006, p. 115 n. 358 ; Wb V, 462, 4-5 ; cf. P. Wilson, A Ptolemaic Lexikon (OLA 78), 1997, p. 1198. Comparer aussi avec le texte du mammisi d’Edfou (Chassinat, MammEd 47,3) : « ta fille est enceinte ; elle a achevé son temps de grossesse » (s.t=k íwr.t[í], mÌ=s ∂md(y).t=s), trad. Fr. Daumas, Les mammisis des temples égyptiens, 1958, p. 432. 52 D. Meeks, op. cit., p. 24 §25 (papyrus du Delta XI,4-5). Comparer aussi avec la formule 18 du papyrus Leiden I 348 (vo XI,4) pour accélérer la naissance : M†n s.t Ìr mn.tí pÌ.w=s m íwr, mÌ bd r-rÌ.t m íwr.t, « voyez Isis souffre de sa partie basse, étant enceinte, les mois ayant été accomplis selon le nombre de la grossesse » (J.F. Borghouts, Leiden I 348, p. 31 et p. 169-170 n. 408). 53 R.K. Ritner, « A Uterine Amulet in the Oriental Institute Collection », JNES 43/3 (1984), p. 212-213, qui cite le Papyrus médical de Londres, notamment la section 40 (XIII,9-14) où il est question de « renforcer l’œuf » (srw∂ swÌ.t) ; C. Speiser, « De l’embryon humain à l’embryon divin en Égypte ancienne », dans V. Dasen (éd.), L’embryon humain à travers l’histoire. Images, savoirs et rites. Actes du colloque international de Fribourg, 27-29 octobre 2004, 2007, p. 26 et p. 27-39 (je remercie Bérengère Beauquier Maccotta, pour m’avoir communiqué cette référence), sur l’œuf comme image de l’embryon dans le ventre de la mère. Comparer avec le substantif s¨í identifié par D. Meeks, relié à un verbe s¨í « éprouver les douleurs de l’enfantement », qui désignerait « l’œuf et ses annexes tels qu’ils peuvent être observés lors de l’accouchement : les eaux, le fœtus et la délivre » : D. Meeks, op. cit., p. 107-108 n. 316. 54 Th. Bardinet, Les papyrus médicaux de l’Égypte pharaonique, p. 437-451 et p. 223-226. Il est à noter que, dans la société occidentale moderne, l’appréciation du caractère prématuré d’un enfant a évolué. Anciennement, le principal critère retenu pour déterminer la vitalité d’un nouveau-né né avant terme était son poids à la naissance (le poids critique étant un poids inférieur à 2,5 kg). Des spécialistes signalaient toutefois la nécessité de prendre aussi en considération le temps de vie in utero. En 1948, l’OMS a énoncé une définition officielle de la prématurité et a ainsi retenu le critère de l’âge gestationnel (naissance avant 37 semaines d’aménorrhée, c’est-à-dire avant 8 mois de gestation). Du reste, les professionnels distinguent aujourd’hui prématurité et retard de croissance intra-utérine (ou hypotrophie) : voir J.-P. Relier, Encyclopaedia Universalis 18, 2002, p. 803-804, s.v. « Prématurité ». 55 Sur les formules de protection autour de la naissance, voir, en particulier, J.F. Borghouts, Leiden I 348, §10, et les formules pour accélérer (sÌÌ) la naissance, ibid., nos 29-34, p. 28-30.
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apotropaïque d’un prématuré56 », l’usage de son image est loin de se limiter à la seule protection des morts-nés ou des prématurés57. De même, l’unique texte qui, à ma connaissance, a été cité comme témoignage de rites apotropaïques58 contre le risque d’une naissance prématurée reste d’interprétation délicate. Il s’agit d’un passage d’un des décrets oraculaires de protection édictés pendant la Troisième Période intermédiaire, étudiés par I.E.S. Edwards. Le décret T2 (Turin 1984), qui offre une protection complète à une fillette depuis sa petite enfance jusqu’à sa vie d’adulte, liste en effet trois types accouchements à éviter : (íw=n (r) mÌ Ì.t=s m Ìrd.w ¨Ìwty.w Ìrd.w Ìmy.w) íw=n (r) sd(.t)=s r msw-Îr íw=n (r) sd(.t)=s r msw-∂y.t íw=n (r) sd(.t)=s r msw-Ìtr (íw=n (r) sd(.t)=s r mwt nb r mr nb ms.) (Nous ferons en sorte qu’elle conçoive des enfants mâles et femelles.) Nous la protégerons d’un enfantement-d’Horus. Nous la protégerons d’un enfantement-de-défaillance-djayt59. Nous la protégerons d’un enfantement-de-jumeaux. (Nous la protégerons de toute mort, de toute souffrance de l’enfantement)60.
Pour I.E.S. Edwards, msw-Îr serait un terme technique désignant une circonstance indésirable de l’accouchement dont la contrepartie positive serait exprimée dans un autre décret61 : (íw=n (r) d.t ¨nÌ ny=w nty íw=s (r) ms=w) íw=n (r) d.t ms=s msw-nfr íw=n (r) d.t ms=s r(?) msw-Ämn (Nous ferons en sorte que ceux qu’elle porte vivent.) Nous ferons en sorte qu’elle enfante (d’)un enfantement parfait. Nous ferons en sorte qu’elle enfante selon (?) l’enfantement-d’Amon62.
Msw-Îr renverrait, selon l’éditeur, au caractère posthume de la naissance de cet orphelin de père63, mais, selon d’autres auteurs, l’expression pourrait se référer à la faiblesse, souvent 56 D. Meeks, « Le nom du dieu Bès et ses implications mythologiques », dans The Intellectual Heritage of Ancient Egypt. Studies Kákosy (StudAeg 14), 1992, p. 427. 57 À titre d’exemple, voir les remarques dans A. Forgeau, Horus-fils-d’Isis. La jeunesse d’un dieu (BdE 150), 2010, p. 346. 58 D. Meeks, op. cit., p. 431. 59 I.E.S. Edwards, HPBM IVth Serie, p. 66, n. 68, identifie le terme comme étant le mot ∂y.t du Wb V, 518, 5-8, et propose le sens de « miscarriage », « fausse couche », mais la désignation d’un enfant atteint de malformation est aussi possible (A. Forgeau, op. cit., p. 347, n. 415). 60 I.E.S. Edwards, op. cit., p. 66, pl. xxv, l. 112-116 (décret T2). 61 Ibid., p. 66, n. 67. 62 Ibid., p. 86, pl. xxxiii, l. 72-76 (décret P3). 63 Cf. R.O. Faulkner, « The pregnancy of Isis », JEA 54 (1968), p. 40-44 ; J.G. Griffiths, « “The pregnancy of Isis” : a comment », JEA 56 (1970), p. 194-195.
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évoquée dans les textes magiques, du jeune dieu et peut-être à son caractère de prématuré64. On adoptera toutefois, jusqu’à plus ample examen, la position prudente d’A. Forgeau qui note que « s’il ne fait aucun doute que l’expression “naissance d’Horus” désigne une naissance anormale, rien ne permet de savoir à quel risque précis doit en ce cas échapper la parturiente65. » En effet, comme elle le rappelle, l’origine égyptienne du motif de la naissance prématurée d’Horus évoquée par Plutarque n’est pas encore clairement établie. On le voit, l’existence de pratiques de protection spécifiquement conçues et dirigées contre les accouchements avant terme ou pour la protection des prématurés est loin d’être un fait avéré dans les sources égyptiennes. Il n’y a, à fortiori, dans le dossier, aucun élément concret qui permette de rattacher un mot Ìprw à une notion (médicale) de prématurité. Si le terme Ìprw ne fait pas partie du vocabulaire technique médical, il n’appartient pas non plus au lexique habituel de l’enfance66. On notera toutefois que la racine Ìpr (« advenir, devenir, se transformer ») est employée dans des expressions évoquant la croissance humaine67 et, de ce fait, est particulièrement associée à la sphère de l’enfance et de la vie humaine en général68. Le mot Ìprw lui-même a par ailleurs un emploi bien documenté en contexte solaire, où le thème de la croissance et du développement de l’astre est prépondérant69. Tel qu’il apparaît dans notre papyrus, il correspond au nom abstrait « transforma64
D. Meeks, loc. cit. ; J.F. Borghouts, Leiden I 348, n. 408, p. 169-170 (mais envisageant la possibilité qu’il puisse s’agir d’un autre danger). 65 A. Forgeau, op. cit., p. 347-348. 66 E. Feucht, LÄ III, col. 428-431, s.v. « Kind » ; id., Das Kind im alten Ägypten, 1995, chapitre 10 ; A. Forgeau, op. cit., p. 48-53 et p. 331-348. Cf. C. Spieser, op. cit., p. 27, à propos des termes désignant l’enfant pendant sa vie intra-utérine. 67 Voir l’exemple du décret amulettique oraculaire où les dieux promettent à l’enfant une bonne croissance et un bon développement : íw=n (r) d.t ¨=s, íw=n (r) Ìpr=s ; « nous ferons en sorte qu’elle grandisse et qu’elle se développe. » I.E.S. Edwards, HPBM IVth Serie, p. 78, et pl. xxix (P1, ro 19-20), ainsi que son commentaire p. 30 n. 11. 68 Voir l’expression Ìpr-nÌn (Wb III, 262,1), « grandir en tant qu’enfant (auprès du roi) ». Le Wb III, 265,16 (cité par J.-Cl. Goyon, Les dieux-gardiens, p. 204, n. 3 ; cf. encore D. Meeks, AnLex II, 78.2989) signale par ailleurs un Ìpry.w désignant des enfants au mammisi d’Edfou, comme dérivé de cette dernière expression (Chassinat, MammEd 165, tableau H, col. ext. g. o. I, l. 2 : . L’entrée est reprise dans FCD 189, mais les références citées sont à reconsidérer (pour Siut, pl. 13,29, voir la traduction différente de W. Schenkel, Memphis, Herakleopolis, Theben [ÄgAbh 12], 1965, p. 88, l. 29 ; celle de la stèle de Nébipousenousret British Museum 101 doit sans doute être comprise comme une graphie de Ìpr-nÌn). Il est par ailleurs à noter que, dans les textes de protection de l’accouchement, recensés par J.F. Borghouts (Leiden I 348, §10), un terme Ìprw apparaît à deux reprises : deux fois dans la formule 29 du papyrus Leyde I 348 (ibid., 142 n. 333 : Ìpríw déterminé par le faucon sur le pavois) où il semble désigner des entités divines, et une fois dans le papyrus Ramesseum IV C, col. 28 (J.F.W. Barns, Five Ramesseum Papyri, pl. 18, déterminé par le rouleau de papyrus fermé) qui mentionne les Ìprw tpy.w-¨. Les contextes sont malheureusement insuffisamment clairs ou trop lacunaires pour comprendre à quelles entités ils se réfèrent. Comparer sans doute avec Ìprw « êtres vivants, ceux qui sont advenus », Wb III, 265,15 (cf. aussi référence, supra, n. 48). 69 J. Zandee, De hymnen aan Amon van Papyrus Leiden I 350, 1947, p. 77 (cité par J.F. Borgouths, Leiden I 348, p. 142, n. 333). Les Ìprw sont encore au cœur du développement du « rouleau de connaître les Ìprw de Rê et de renverser Apopis : pBremner-Rhind XXVI, 21-XXIX, 6. R.O. Faulkner, JEA 24 (1938), p. 41-53 ; id., JEA 23 (1937), p. 174-185 ; cf. S. Sauneron – J. Yoyotte, dans La naissance du monde (SourcOr 1),1959, p. 51 ; Chr. Zivie-Coche, AEPHE – Ve Section 103 (1994-1995), p. 137-143.
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tion » ou concret Ìprw « forme(s) », qui peut désigner les diverses transformations du dieu dans le Noun primordial, avant sa renaissance le matin. Îprw constitue, en effet, avec írw, un couple de termes complémentaires70, couple qui exprime les divers modes d’apparence de la divinité. Dans l’hymne à Amon du papyrus Leyde I 350, le dieu solaire est ainsi : st.w Ìprw, †Ìn írw « secret de formes-khépérou71, brillant d’apparences-irou72 ». Pour D. Meeks, les khépérou représentent la « succession des individualités momentanées (…) que la divinité est capable d’assumer », alors que les irou sont les formes « discernable et déchiffrable » du dieu73. Îprw entre encore dans un autre couple de termes complémentaires, Ìprw et msw.t : íw=f rÌw msw.t n(y).t r¨, Ìprw=f ímy nwy Il connaît la (re)naissance de Rê, ses formes-khépérou dans le Noun74.
La dimension solaire conférée à notre formule par la mention du canal de Desdès invite à considérer avec une grande attention les connotations solaires attachées au terme Ìprw. Dans cette optique, le titre de la formule, loin de le décrire comme un être non parfaitement achevé et donc faible, assimilerait plutôt l’enfant à protéger aux divers modes d’existence du dieu solaire renaissant – en particulier celles assumées par la figure du scarabée75 –, induisant de fait, par cette identification, une issue heureuse pour le nouveau-né. Ces formes Ìprw étant associées au Noun, on pourrait toutefois avancer que le terme Ìprw annonce le futur heureux d’un être par trop attaché au Noun (une image du monde fœtal), car non entièrement achevé (donc prématuré). Ce n’est à mon sens pas le cas. Le terme Ìprw est en effet aussi régulièrement associé à la figure royale. Parmi les exemples d’occurrences de Ìprw en contexte royal relevées par H. Buchberger76, on retiendra cet extrait particulièrement éloquent : 70 Sur ce couple, D. Meeks – Chr. Favard-Meeks, Dieux égyptiens, 1995, p. 75-77 ; J. Assmann, Liturgische Lieder an den Sonnengott, p. 43, n. 20. 71 Graphie identique à celle de la formule V du papyrus Berlin 3027 (pLeyde I 350, ro IV, 12-13). 72 Comparer encore avec l’hymne d’Amon-Rê dans le papyrus magique Harris IV,10-V,1 : bíí.ty Ìprw (…) Ìy írw « prodigieux de formes-khépérou (…) resplendissant de formes-irou » (Chr. Leitz, HPBM VII, p. 37). Voir toutefois l’interprétation différente de D. Klotz, Adoration of the Ram, p. 81-82 et pl. 18, suivant la version parallèle du grand hymne à Amon du temple d’Hibis, col. 6-8. Cf. A. Barucq – Fr. Daumas, Hymnes et prières de l’Égypte ancienne, p. 332. 73 D. Meeks – Chr. Favard-Meeks, loc. cit. 74 J. Assmann, Der König als Sonnenpriester (ADAIK 7), 1970, p. 21 et 32-33, qui renvoie aussi à la stèle Leyde V, 1 (A.H. Gardiner, AEO I, p. 52, n. 2). Sur msw.t, se reporter à J. Baines, « MSWT “Manifestation” », dans Hommages à François Daumas, 1986, p. 43-50. 75 Sur le lien scarabée / enfant solaire : S.H. Aufrère, L’Univers minéral, p. 467-487 ; O. Roulin, Le Livre de la Nuit, p. 346-521, et pl. XX (scène de naissance solaire où le dieu est représenté comme un scarabée et comme un enfant portant le doigt à la bouche). Voir encore les diverses sources indiquant que la sépulture héliopolitaine d’Osiris renfermait le « corps fœtal » du dieu, sous la forme d’un singe (en particulier d’après le papyrus magique Harris VIII,12-IX,1, IX,4 et IX, 9-10) ou d’un scarabée : D. Meeks – Chr. Favard-Meeks, « Les corps osiriens : du Papyrus du Delta au temple de Behbeit », dans L. Coulon (éd.), Le culte d’Osiris au Ier millénaire av. J.-C. Découvertes et travaux récents (BdE 153), 2010, p. 40, n. b ; D. Meeks, Mythes et légendes du Delta, p. 172-173 §2b, p. 258-260 §25c, et p. 223-224 §17b. 76 H. Buchberger, Transformation und Transformat, p. 428-534.
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« Puisses-tu le (le pharaon) mettre au monde le matin comme ta forme-khépérou, puisses-tu le façonner en tant que ton image-tit comme le disque solaire… 77 » (Msy=k sw dww mí Ìprw=k qd=k sw m tí.t=k mí ítn).
Il est du reste à noter que l’élément Ìprw du composé Ìprw-R¨ est courant dans les noms royaux de la XVIIIe dynastie et qu’il peut justement être écrit au moyen d’un hiéroglyphe représentant le roi sous la forme d’un enfant78. L’enfant à protéger de notre formule n’est donc pas nécessairement un prématuré, mais un jeune être solaire et royal, appelé – comme tout enfant – à croître et à se développer, et possédant donc tous les atouts pour triompher de ces adversaires dans cette période délicate de la post-délivrance et de la prime jeunesse. Cet usage de Ìprw dans le titre de l’incantation pourrait ainsi être mis en relation avec une pièce bien connue du mobilier funéraire de Toutânkhamon, la boîte à onguent en forme de cartouche, sur laquelle le nom de couronnement du roi, Nebkhépérourê, répété à quatre reprises, est successivement écrit au moyen de représentations du roi enfant ou du roi plus âgé ayant pour valeur Ìprw. Selon Fr. Labrique79, ce dispositif iconographique serait une façon de mettre en scène « un cycle solaire passant par la prime enfance, l’adolescence, l’âge adulte et sans doute la mort (adulte au visage noir)80 ». Un souhait similaire de croissance est vraisemblablement exprimé pour le nouveau-né, dans notre papyrus, par cette assimilation aux modes d’existence-khépérou d’un dieu, lui-même responsable de tous les modes d’existence d’après le papyrus Bremner-Rhind81. La mère du jeune soleil L’identification opérée entre l’enfant nouveau-né dans notre texte et l’enfant solaire paraît claire au regard des données internes du texte. Cette identification, comme procédé magique, est d’ailleurs bien connue par d’autres sources, en particulier depuis le Moyen Empire82. Dans ce contexte, la désignation Ìm.t dsr.t de la mère, si on confère à l’adjectif
77 M. Sandman, Texts from the Time of Akhenaten (BiAeg VIII), 1938, 91,3 (cité par H. Buchberger, op. cit., p. 527 ; cf. B. Ockinga, Die Göttenbildlichkeit im Alten Ägypten und im Alten Testament [ÄAT 7], 1984, p. 117-118). 78 E. Feucht, SAK 11 (1984), p. 407-409. 79 Fr. Labrique, « La tête du soleil », dans E. Warmenbol – V. Angenot (éd.), Thèbes aux 101 portes. Mélanges à la mémoire de Roland Tefnin (MonAeg XII, série Imago 3), 2010, p. 110. 80 Loc. cit. Voir encore E. Feucht, op. cit., p. 408-409, renvoyant aux remarques de D.P. Silverman, SAK 8 (1980), p. 236, au sujet de la tête noire d’une des figures du roi. 81 Papyrus Bremner-Rhind, XXVI,21-XXVII,5 et XXVIII,10-XXIX,6 ; Chr. Zivie-Coche, AEPHE – Ve Section 103 (1994-1995), p. 137-139. 82 H. Altenmüller, Apotropaia ; J. Wegner, dans D.P. Silverman – W.K. Simpson – J. Wegner (éd.), Archaism and Innovation, p. 447-496 ; J. Roberson, « The Early History of “New Kingdom” Netherworld Iconography: A Late Middle Kingdom Apotropaic Wand Reconsidered », dans ibid., p. 427-445.
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chromatique une connotation négative, apparaît comme particulièrement contre-productive : pourquoi identifier d’un côté le nouvel enfant en danger aux Ìprw de Rê, annonçant ainsi une croissance triomphante, et de l’autre sa mère à une femme « malheureuse », « séthienne » voire sujette à la stérilité ou aux grossesses et accouchements difficiles ? Il y aurait là, semble-t-il, faute logique de la part du ritualiste. Les interprétations habituellement proposées de l’expression Ìm.t dsr.t paraissent donc devoir être remises en question. Comme cela a déjà été signalé en introduction, les deux interprétations principales jusqu’ici retenues sont les suivantes : 1) Ìm.t dsr.t désignerait une femme « séthienne » : la formule serait donc destinée à une catégorie spécifique de femmes, ayant particulièrement du mal à procréer de façon normale83, selon une taxinomie déjà observée dans la Clef des songes du papyrus Chester Beatty III qui réserve une notice spéciale pour les « suivants de Seth84 ». 2) Le qualificatif décher est utilisé métaphoriquement pour désigner le sort « malheureux » d’une femme ayant eu une grossesse et un accouchement difficiles85. Adoptant cette dernière hypothèse, N. Yamazaki signale néanmoins la possibilité d’une interprétation alternative qualifiée de « réaliste » – déjà suggérée par J.G. Griffiths86 : le qualificatif renverrait à la rougeur du sang versé au cours de l’accouchement. Cette troisième proposition est intéressante, car elle se démarque des appréciations négatives du sens apporté par le terme chromatique. Les deux premières lectures de l’expression « femme rouge » procèdent en effet d’une vision sélective de la couleur décher et de son univers sémantique87. Seules ont été retenues les connotations négatives de cette couleur, alors que son réseau sémantique n’est pas univoque. Si elle renvoie aux terres désertiques, et donc à la sécheresse et la stérilité, elle est aussi la couleur des rayons du soleil, de l’orge, de la viande fraîche, du sang, et du pelage d’animaux qui ne sont pas tous séthiens. Isis et Nephthys sont deux déesses, qualifiées de « rouges ». Dans les Textes des pyramides (Pyr 1464), Isis est associée à la nuance rouge inès, et Nephthys à la nuance rouge décher, deux « rougeurs » apparemment positives dans ce texte puisque le roi défunt leur est identifié88. C. Spieser met du reste cette dualité de rouge en relation avec l’image de l’horizon, doublement rougi 83
Dernièrement, B. Mathieu, ENiM 2 (2009), p. 38. A.H. Gardiner, HPBM III, p. 19-21 ; K. Szpakowska, Behind Closed Eyes. Dreams and Nightmares in Ancient Egypt, 2003, p. 73 et p. 113-114. 85 Par exemple, G. Lefebvre, JEA 35 (1949), p. 74 ; N. Yamakazi, op. cit., p. 53, n. a. 86 Cf supra, n. 16. 87 Sur la connotation négative du rouge en contexte magique, voir notamment R.K. Ritner, The Mechanics of Ancient Egyptian Magical Practice, p. 147-148. 88 Se reporter toutefois à l’analyse de B. Mathieu (op. cit., p. 36), pour qui la première nuance concentre les aspects positifs du rouge, « un sang oxygéné », et la deuxième ses aspects négatifs, « un sang séthien » voué à la mort. 84
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par le sang du combat, au moment du coucher et au moment du lever du soleil. Dans les Litanies du soleil, le b dsr de Rê est celui pour qui l’Occident est ouvert (wb)89. Pour l’auteur, l’identification des deux déesses à deux rougeurs est faite au moment où le roi défunt s’apprête justement à traverser le ciel comme Rê, donc les horizons : « Isis et Nephthys sont associées à l’horizon montagneux où le roi fait son apparition en tant que dieu solaire90. » L’auteur rappelle du reste que, dans le chapitre 168 du Livre des morts, Isis et Nephthys sont appelées les « deux rouges91 ». Les deux vaches rouges (dsr.ty) glorifient le mort dans le chapitre 293 des Textes des sarcophages, formule destinée à « ouvrir (wb) l’Occident92 ». Dans un bandeau de soubassement du sanctuaire A du temple d’Isis dans le téménos de Dendara93, Isis mise au monde par Nout est qualifiée de noire (km.t) et de rouge (dsr.t)94. Le Wörterbuch considère que km.t dsr.t exprime simplement une nuance sombre de rouge95. Pour G. Lefebvre, cette double qualification d’Isis renverrait à sa double relation en tant qu’épouse d’Osiris et sœur de Seth, mais selon Fr. Daumas, ces couleurs seraient à mettre en relation avec le lien duel que la déesse entretiendrait avec la nuit et avec l’aube96. J.G. Griffiths comprend, pour sa part, les qualificatifs comme des composantes d’une épithète naturaliste97. Dans un ordre d’idée comparable, S. Cauville y voit une description des cheveux noirs et de la peau rose de la déesse98. Les interprétations sont donc variées ; mais quelle que soit l’interprétation correcte, le qualificatif dsr.t d’Isis n’est certainement pas négatif en ce contexte. À travers ces exemples, on constate que l’association de la couleur rouge à l’univers féminin ne dénote donc pas nécessairement un caractère malheureux ou stérile mais
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Chr. Leitz, LGG VII, p. 574, s.v. dsrty : “Der Rote”. C. Speiser, « Le sang et la vie éternelle dans le culte solaire amarnien », dans J.-Cl. Goyon – Chr. Cardin (éd.), Proceedings of the Ninth international Congress of Egyptologists, Grenoble, 6-12 septembre 2004, 2007, p. 1720 (je remercie Frédéric Colin pour cette référence). 91 Ibid., n. 4, p. 1720. 92 Chr. Leitz, LGG VI, p. 574 (CT IV 45i), s.v. dsrty : «Die beiden roten Kühe”. 93 S. Cauville, Dendara. Le temple d’Isis. Texte, 2007, p. 78 (côté droit), l. 5. 94 Fr. Daumas, Les mammisis, p. 32 : « sous la forme d’une femme noire et rose douée de vie, douce d’amour ». Voir encore, ibid., p. 29 et p. 36. Cf. G. Lefebvre, JEA 35 (1949), p. 74 et n. 13. 95 Wb V, 123, 20 : « Schwarz roter Frau ». Voir aussi, K. Goebs, Crowns in Egyptian Funerary Literature: royalty, rebirth, and destruction, 2008, p. 162 n. 406 ; É. Chassinat, Le mystère d’Osiris au mois de Khoiak, 1966, p. 325, n. 7 (« une femme [de couleur] brune »). 96 Fr. Daumas, op. cit., p. 36. 97 J.G. Griffiths, Ex Orbe Religionum: Studia Geo Widengren, p. 88. 98 S. Cauville, Dendara. Le temple d’Isis I. Traduction (OLA 178), 2009, p. 24-25 : « femme à la chevelure noire et rose » (s.t km.t sny dsr.t ); id., BIFAO 90 (1990), p. 93, note 8 ; id., Dendara. Le temple d’Isis II. Analyse à la lumière du temple d’Hathor (OLA 179), 2009, p. 16-18, et surtout la synthèse sur la naissance d’Isis, p. 269-282, spécialement p. 279 pour un commentaire sur km.t dsr.t, les diverses graphies du groupe dans les occurrences de Dendara et les interprétations envisagées. 90
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possède au contraire des connotations positives99. Dans sa thèse sur le lexique chromatique égyptien, P.A. Gautier interprète le qualificatif dsr.t dans notre formule comme une évocation du sang maternel en tant que vecteur d’énergie vitale100. Considérant que l’expression « femme rouge » renvoie à un prototype maternel divin, il met en parallèle le titre de la formule avec un passage du chapitre 96 des Textes des sarcophages où la vache divine qui met au monde et allaite le jeune soleil est qualifiée de « vache rousse101 » : Äw í¨.n Wsír r()=í m í[r†].t n(y).t íd.t dsr.t pr.t m íÌw mss.t R¨ r¨-nb « Osiris a lavé ma bouche avec du lait de la vache rousse qui est sortie de la lumière et qui met au monde Rê chaque jour. » (TS 96, CT II 81b-83c, version M3C)
Le rapprochement établi par P.A. Gautier entre les deux textes apparaît particulièrement pertinent suite à l’examen de l’historiola de la formule V et de la signification de Ìprw dans son titre102. Tous deux rattachent en effet, comme on l’a vu, l’enfant à protéger au dieu solaire Rê. En conséquence, la rougeur de la femme, mère de l’enfant à protéger, ne doit certainement pas être comprise comme un stigmate séthien, mais comme l’annonce, ici, du caractère solaire de sa progéniture et donc de sa croissance réussie. Selon un jeu habituel, le rouge-décher de l’accouchée peut être à la fois signe de son identification à la mère du jeune soleil et évoquer les briques rougies par le sang de son accouchement, comme un écho aux montagnes rougeoyantes de l’aube103. Conclusion Ainsi, la formule du recueil Mutter und Kind, loin de mettre en scène une femme stigmatisée, « malheureuse » ou « séthienne », identifie, selon un procédé habituel des textes magiques, les deux patients – la mère et l’enfant en danger – à des archétypes divins, 99 À propos de la couleur rouge présente sur des bustes anthropoïdes (considérés comme représentant des femmes par l’auteur), voir N. Harrington, dans K. Piquette – S. Love (éd.), CRE IV, 2003. Proceedings of the Fourth Annual Symposium, University College London, 18-19 January 2003, 2005, p. 75-76. Au sujet des figurines féminines et de la couleur rouge, consulter A. Stevens, Private Religion in Amarna: the material evidence (BAR-IS 1587), 2006, p. 282. Voir encore E.A. Waraska, Female Figurines from the Mut Precinct, p. 102-133, pour une discussion sur la valeur à donner à cette teinte en ce contexte (cf. par ailleurs la couleur rouge des fecundity figures : K. Goebs, op. cit., p. 338.). À titre comparatif, on pourra évoquer le commentaire de V.W. Turner (dans R.E Bradbury et. al., Essais d’anthropologie religieuse, cité supra n. 3) à propos des couleurs respectivement associées aux hommes et aux femmes dans le système Ndembu, dans lequel il n’y a pas « de corrélation fixe entre les couleurs et les sexes », le blanc, comme le rouge, pouvant être, selon les réseaux symboliques en jeu dans une situation donnée, attribués aux hommes ou aux femmes. 100 P.A. Gautier, Le rouge et le vert, p. 409-411. 101 Ibid., doc. 459, p. 409-411. Sur la vache rousse, voir encore, H. Kees, op. cit., p. 450. 102 Dans son travail, P.A. Gautier considère que la formule elle-même n’apporte pas d’éléments qui permettent d’en éclairer le titre. Se limitant à un commentaire grammatical, il traduit par ailleurs Ìprw par « ceux qui sont venus à l’existence » (P.A. Gautier, op. cit., p. 410-411). 103 Comparer avec « la rougeur après la naissance » (dsr.t m-Ìt msw.t), qui survient lors de la mise au monde du soleil dans le Livre de Nout : ibid., p. 194 ; A. von Lieven, The Carlsberg Papyri 8. Grundiss des Laufes der Sterne. Das sogennante Nutbuch (CNIP 31), 2007, p. 54-55, § 20.
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appelant ainsi une issue heureuse au problème traité. La nature de ce problème n’est pas absolument certaine. Le terme khépérou induisant une assimilation de l’enfant au jeune soleil sortant du Noun suggère-t-il spécifiquement que l’enfant en souffrance (mn) est un prématuré, un être non totalement formé ? Les emplois de khépérou en contexte royal me conduisent à répondre à cette question par la négative. Ils tendent à prouver que la formule doit protéger un nourrisson qui, du fait de son jeune âge, est sujet à des dangers, auquel il arrivera à faire face tout comme le jeune soleil, son prototype, chaque matin. Cette lecture de la formule V et de son titre confirme en conséquence l’importance de la théologie solaire dans ce recueil. Elle s’inscrit dans la tradition de l’identification du jeune enfant au soleil nocturne puis renaissant bien documentée dans les rites de protection du Moyen Empire104, et dans le développement, au Nouvel Empire, du thème de la croissance nocturne du dieu dans la matrice maternelle et de sa mise au monde chaque matin. L’expression la plus emblématique de cette conception se trouve sans doute dans le Livre du jour qui représente la déesse Nout enceinte du dieu105. Dans la formule V, la dernière du recueil, l’enfant est ainsi assimilé au soleil naissant à l’aube, un enfant solaire en lutte au sein de l’univers fœtal du Noun dont il s’extrait pour entamer sa croissance diurne triomphale. Elle constitue donc, en quelque sorte, un écho à la première formule préservée, la formule A qui établissait déjà une identification ou une association du jeune enfant au dieu solaire, en présentant les différents éléments constitutifs de l’amulette (lapis-lazuli, turquoise, jaspe rouge) qui lui était destinée comme autant de parcelles colorées ([bleue], rouge, verte) de la lumière solaire irradiant le biotope des marais et assujettissant ses forces chaotiques au monde lumineux et scintillant de l’astre106. Post-scriptum : Alors que cet article était sous presse, Pierre Meyrat m’a signalé l’existence d’un parallèle lacunaire au titre de la formule V de Mutter und Kind dans le papyrus Ramesseum XVI (9,3) : [Ìm.t-r() n(y).t Ìm.t] dsr.t ms.t Îprí, « [Incantation de la femme] rouge qui a mis au monde Khépri. » Voir : P. Meyrat, Les papyrus magiques du Ramesseum. Recherches sur une bibliothèque privée de la fin du Moyen Empire, Vol. II/1, p 58-59 (thèse de doctorat inédite, réalisée sous la direction de H.-W. Fischer-Elfert, déposée en novembre 2011 et soutenue à l’université de Genève en mai 2012), qui associe la qualification « rouge » de la femme à l’hémorragie d’un accouchement éventuellement avant terme, mais aussi à la lumière naissante du jeune dieu solaire Khépri. 104
Voir supra, n. 82. C. Speiser, dans V. Dasen (éd.), L’embryon humain à travers l’histoire, p. 34 (tombe de Ramsès VI) ; M. MüllerRoth, Das Buch vom Tage (OBO 236), 2008, p. 69-77, pl. I (Ramsès VI), pl. XVII (Ramsès VI), pl. XXII (Ramsès IX), pl. XXIII (Osorkon II), pl. XXV (sarcophage de Tauher). 106 S. Donnat, dans M. Carastro (dir.), L’Antiquité en couleurs, p. 186-206. 105
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Résumé / Abstract La dernière formule du papyrus Berlin 3027 (Mutter und Kind) désigne la mère de l’enfant à protéger comme une « femme rouge/rousse ». Ce qualificatif décher a généralement été compris, dans ce contexte, comme une expression du malheur qui frappe celle qui met au monde un enfant particulièrement en danger : un khépérou, un être qui ne serait pas totalement achevé. Cet article considère que décher et khépérou sont, au contraire, des qualifications solaires, induisant une issue favorable au problème traité. The last formula of Papyrus Berlin 3027 (Mutter und Kind) refers to the mother of the child in danger as a “red woman”. In literature, the adjective red-decher is usually understood, in that context, as an expression of her misfortune. This paper argues that it is, on the contrary, a solar qualification, linked to the identification of the child, through his designation as kheperu, to the sun god child.
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