Didier Franck, Heidegger Et Le Probleme de l'Espace

July 23, 2017 | Author: underpuppy | Category: Being And Time, Phenomenology (Philosophy), Ontology, Martin Heidegger, Metaphysics
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Descripción: Didier Franck, Heidegger et le problème de l'espace (Paris: Ed. de Minuit, 1986)....

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DIDIER

FRANCK

HEIDEGGER DU MÊME AUTEUR

ET

LE PROBLÈME DE L'ESPACE CHAIR ET CORPS,

sur

la phénoménologie de Husserl, 1981.

ARGUMENTS LES ÉDITIONS DE MINUIT

Penser est proprement agir (Handeln ), si agir signifie prêter la main (die Hand gehen) à l'essence de l'être. C'est-à-dire : préparer (bâtir) pour l'essence de l'être au milieu de l'étant ce lieu où l'être et son essence se portent à la langue.

Le tournant,

� 1986 by LES ÉDITIONS DE MINUIT 7, rue Bernard-Palissy- 75006 Paris

L du ll mars l9:S7 les copies ou colle ? Het?egger � tera tr y il qu t � renvoie une première fo1s en t�dtquan ete motifs pour lesquels le phénomene de monde a touJ?urs la sur reverur manqué, une deuxième fois en prévoyant �'y devra « qu'elle copule et le Myoç une troisième fois pour dtre montrer que, et co�ment, l'intentionnalité de. la " cons �ience" se 2 fonde dans la temporalité ekstatique �u Dasem » ;. Mats �ue .les critiques de l'intentionnalité huss�rlienn �, . de l mterpretatlon « logique » de l'être et des , ontologtes tradtti?nnelles du mon�e dussent y prendre place, d une part ne sufftt pas à en car�cte­ riser le contenu, d'autre part et surtout n en montre pas 1 axe

�e�

. . directeur. A quelle phase du mouve�ent �e l'interrogati� n la trol �teme section appartient-elle ? L analytique du Das�tn ache�ee� la destruction de l'ontologie mise hors de cause, il appatait, � se retourner vers l'épure de ce mouvement, dont le plan d en­ semble forme le tracé anticipé, que la section « Temps et être » aurait dû· avérer Je temps comme horizon fondamental de toute compréhension de l'être, traiter de la transcendance et d� la temporalité de l'être lui-même pour répo �dre �ux questions dans l'espace silencieux desquelles la pensee seJ�urnera long­ temps encore et qui, par le jeu ord?�é du soult �ne� �n. t, . en marque le thème avant d'être proviSOirement pU1� défuut�v�­ ment les derniers mots d'Etre et Temps:« Un chemm condUit-il du temps originaire au sens de l'être? Le temps lui-même s� manifeste-t-il comme horizon de l'être?»). Après avoir établi est le se�s d'être du Dasein, le que la temporalité . sens d'être d'un étant à 1 être duquel il appartient de com­ prendre l'être, Heidegger se proposait donc de dégager la temporal-ité (Temporalitiit) de l'être lui-même pour donner« la réponse concrète à la question d� sens de l'être » . Cette caractérisation de la sectton vacante est tres largement confirmée par le cours de 1927, Les problèmes fonda menta ux. de la phénoménologie, qui se présente comme so!l éla??rauon renouvelée. A travers la discussion phénoménologtco-crltlque de ,

(ZeiJlich�eiJ)

:

2. Sein und Zeit, p. 100, 160 et 363. 3. Id., p. 437. 4. Id., p. 19.

12

13

HEIDEGGER ET LE PROBLÈME DE L'ESPACE

quatre thèses sur l'être : la thèse kantienne selon laquelle l'être n'est pas un prédicat réel, la thèse médiévale d'origine aristotéli­ cienne qui partage l'être en essentia et existentia, la thèse de l'ontologie moderne qui scinde l'être en nature (res extensa) et esprit (res cogitans), la thèse de la logique qui réduit l'être à la copule du jugement, Heidegger commence par réaffirmer la nécessité d'une analytique existentiale préalable à toute ontolo­ gie en général. Ensuite, e t parce que la constitution ontologique du Dasein comprenant l'être se fonde sur la temporalité, surgit une problématique propre rapportée à cette dernière en tant que condition de possibilité de toute compréhension de l'être. « Nous la désignons comme celle de la temporal-ité. Le terme "temporal-ité" ne coïncide pas avec celui de temporalité. TI vise la temporalité dans la mesure où elle est thématisée comme condition de possibilité de la compréhension de l'être et de l'ontologie comme telle. Le terme "temporal-ité" doit indiquer que dans l'analytique existentiale, la temporalité présente l'hori­ zon depuis lequel nous comprenons l'être. Ce qui est questionné dans l'analytique existentiale, l'existence, se donne comme temporalité qui, de son côté, constitue l'horizon pour la com­ préhension de l'être appartenant au Dasein. ll faut voir l'être dans sa déterminité temporale et en dévoiler la problématique. C'est seulement quand l'être s'offrira au regard phénoménolo­ gique dans sa déterminité temporale que nous serons en état de saisir plus clairement la distinction entre l'être et l'étant et de fixer le fondement de la différence ontologique» 5• Si �ein und Zeit n'en demeure pas moins sans suite, telle une question en attente d e sa réponse à jamais différée, ce n'est pas que, pour des raisons contingentes, Heidegger n'aurait su accéder à la temporal-ité de l'être ni atteindre le but fixé dès l'exposition de la question de son sens, mais l'empreinte d'une ap ?rie sans doute aussi originaire que la question, voire origi­ . naue de la questton elle-même. Semblable à l'écart emre la première et la seconde édition de la Critique de la raison pure qui possède une signification essentielle, l'interruption de Sei n und Zeit est, à elle seule, une question dont le rang ne saurait être inférieur à celui de la question de l'être. Heidegger ne cessa de méditer cet inachèvement pour s'en approprier la source et sa 5. Les problèmesfondamentaux de la pbi!lloménologie, p.

276-277.

pensée ultérieure s'accompagne toujours - jusqu'à s'y confon­ dre parfois - d'une auto-réinterprétation. Ainsi dans la Lettre sur l'humanisme : « Un accomplissement suffisant de cette pensée autre délaissant la subjectivité est assurément rendu difficile du fair que, lors de la publication de Ftre et temps, la troisième section de la première partie, "Temps et être", fut retenue. Ici, le tout se retourne. La section en question fut retenue parce que la pensée manquait du dire suffisant à ce tournant �t ne pouvait le pallier ,à I'aide �e la langu� de la . . métaphysique » . Mats d une pensee par 1, mcerpretanon elle-même n'a jamais lieu qu'à l'intérieur des limites mêmes de cette pensée, en confirme la contrainte jusque dans l'effort pour les déplacer, et pourrait bien entraver sa compréhension, ' c �st-à-dire précisément la saisie de ces limites. Quel que soit le droit propre qu'il convient de reconnaître au mouvement par lequel Heidegger interpréta Sein und Zezi, ce n'est peut-être pas en reparcourant le même chemin qu'on parviendra à élucider de manière féconde et créatrice, fidèlement, l'abandon du projet d'ontologie fondamentale pour une topologie de l'être et pour le dire de l'appropriation Œreignis ). La retenue de la section «Temps et être », qui est plus et autre chose que l'avenir réservé d'une œuvre, ne peut avoir eu pour motif qu'une sollicitation de la question de l'être et du temps. Où rechercher alors le foyer de ce séisme ailleurs que dans la conférence qui, après trente-cinq ans, reprend le titre Temps et être ? Or, parmi les rares références que ce texte fait à Sein und Zeit, une seule est de nature critique et vaut comme . un désaveu explicite : « Dans la mesure où le temps aussi bien que l'être comme dons de l'appropriation ne sont à penser qu'à partir de celle-ci, il faut que, de manière correspondante, le rapport de l'espace à l'appropriation soit pensé. Cela ne peut assurément d'abord réussir que si nous avons au préalable reconnu la provenance de l'espace à partir de la propriété du lieu, elle même suffisamment pensée (cl. Bâtir Habiter Penser). La tentative dans Etre et Temps, § 70, de reconduire la spatialité i à la temporalité n'est pas tenable » 7• La singularité du Dasen du ton - jamais, semble-t-il, J'auto-explicitation de Heidegger 6. 7.

Questions III, p. 97. i 11s IV, p. 46. Questo

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HEIDEGGER.ET LE PROBLÈME DE L'ESPACE

n'a pris l'aspect d'une telle fin de non-recevoir d'un tel constat de non-lieu -, la gravité de la critique qui si e immédiate­ �:nt qu'un existenti�, 1� spatialité, .ne relève pas de la tempora­ hte alors que par pnnc1pe tout extstential est un mode de la temporalisation, et l'importance du contexte - Zeit und Sein appa:tie �t aux ul�UJ:es dém �rches qui s'attachent à penser l'être deputs 1 appropriation - laissent pressentir la portée de cette rem� rque: � ais le pressentiment n'est qu'une invitation au . sav�tr, sot � tct e t pour commencer l'incitation à comprendre les . , i motifs phe�omenologiques pour lesquels la spatialité du Dasen . , �s � trreducttble à son sens ontologique originaire : la tempora­ ltte.

g'run

I LA QUESTION DE L'ÊTRE

La question de l'être, la question du sens de l'être est la question fondamentale de la philosophie. Plus vaste, plus profonde, pl!ls originaire que toutes les questions issues du cercle même de la philosophie, elle est surtout la question la plus pure, la question rendue à sa dignité et à son audace, à sa nue liberté. Rien ne l'atteste mieux que l'amorce de Sein und Zeit. Après avoir établi la nécessité d'une répétition explicite de la question de l'être par référence à l'oubli où elle parvenue et l'ignorance où nous sommes, que nous sommes, après avoir écarté les préjugés qui en maintiennent et justifient l'omission, ouvrant ainsi la possibilité d'une audience, Heidegger analyse la structure formelle de toute question en général afin de faire ressortir la spécificité de la question de l'être. Recherche pré-orientée et com.me provoquée à distance par cela même qu'elle recherche, la question suppose une pré-donnée de ce qu'elle vise à connaître et sans laquelle elle ne saurait tout simplement s'entendre. Aussi le premier moment de toute question (Frage) est-il cela même qui l'inquiète et dont elle s'enquiert : le demandé ( Gefragte). Questionner au sujet de . . . , c'est toujours, d'une manière ou l'autre, adresser une question à quelqu'un ou quelque chose, interroger un étant. La question implique alors -deuxième moment- ce à quoi ou celui à qui la question est posée: l'interrogé (Befragte). Enfin, si la question interpelle un interrogé à propos de ce qui est demandé, c'est pour obtenir quelque chose, atteindre, mettre en lumière, déterminer proprement et rigoureusement un troisième mo­ ment : le questionné Œr/ragte). La question de l'être ne peut

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LA QUESTION

HEIDEGGER ET LE PROBLÈME DE L'ESPACE

surgir que d'une pré-compréhension du sens de l'être. Car si nous ne savons pas ce qu'être veut dire, nous comprenons néanmoins et vaguement tous les énoncés qui convoquent l'être, à commencer par la question : que veut dire « être » ? Une compréhension vague, c'est-à-dire vide, ordinaire, confuse de l'être est un fait et. signifie que l'être est donné préalablement à la question qui s'y consacre. La qu�stion e l'être porte s r � l'être en tant que ce à partir de qu01 tout etant est compns comme tel, ce qui détermine l'étant comme étant et qui, pour cette raison n'est rien d'étant. L'être de l'étant est donc le demandé. si l'être est l'être de l'étant, c'est à l'étant même que la question s'adresse, c'est l'étant qui est l'interrogé. L'étant est apostrophé afin de livrer le sens de son être qui, proprement visé, est le questionné. L'être de l'étant, l'étant, le sens de l'être sont les trois moments structuraux de la question de l'être. Ce développement formel de la question de l'être suscite alors de lui-même le problème suivant : si la question de l'être s'adresse à l'étant, quel étant interroger? Quel étant rassemble le sens de l'être, comment le choisir sans arbitraire et l'atteindre tel qu'en lui-même? « Sur quel étant le sens de l'être doit-il être lu, à partir de quel étant la révélation de l'être doit-elle prendre son départ ? Le point de dép an est-il arbitraire ou bien quelque étant a-t-il préséance dans l'élaboration de la question de l'être? Quel est cet étant exemplaire et en quel sens a-t-il préséance?» Heidegger répond aussitôt : « Si la question de l'être est explicitement posée e t accomplie dans une pleine transparence à soi, alors l'élaboration de cette question requiert, d'après les . éclaircissements précédents, l'explication du mode de visé� de l'être, de la compréhension et de la saisie conceptuelle du sens, la préparation de la possibilité du juste choix de l'étant exem­ plaire, l'élaboration du mode d'accès authentique à cet étant. La visée, la compréhension, la conception, le choix, l'accès sont des comportements constitutifs du questionner et par l à même les modes d'être d'un étant déterminé, de cet étant que nous, les questionnants, sommes nous-mêmes. Elaboration de la question de l'être veut donc dire : élucidation d'un étant - le question­ nant - dans son être. Le questionner de cette question est, comme mode d'être d'un étant, lui-même essentiellement dé­ terminé par ce qui, en lui, est demandé - par l'être. Cet ét�nt que nous sommes toujours nous-mêmes et qui, dans son être,



DE L'ËTRE

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possède entre autres possibilités celle de questionner, nous lui assignons le terme de Dasein. La position expresse et transpa­ rente de la question du sens de l'être réclame une explication préalable et adéquate d'W1 étant Wasein) au regard de son être» 1• L'élection du fil conducteur laisse apparaître sur-le­ champ la spécificité de la question du sens de l'être. En effet, si le questionnement est le mode d'être d'un étant, l'étant qui a pour être de questionner l'être est d'entrée de jeu concerné par l'être en question. L'analyse de la structure de la question de l'être ne conduit pas seulement à privilégier le Dasein comme étant exemplaire, mais surtout à reconnaître qu'en posant cette question le Dasein pose celle de son être. L'implication néces­ saire du Dasein dans la question de l'être sans laquelle aucune ontologie rigoureuse ne saurait se constituer faute, précisément, de fil conducteur dûment motivé est la condition de possibilité de la connaissance ontologique en général. Si l'ontologie n'a peut-être droit qu'à la question, c'est d'abord parce que la question est à la source de son droit. Pourquoi avoir choisi le mot Dasein par lequel Kant, entre beaucoup d'autres, désigne ce dont le Dasen i existentialement compris est ontologiquement distinct? Le problème est dou­ ble : 1) comment, en général, un même mot peut-il appartenir à la langue de la métaphysique et à celle de sa destruction, ou : qu'est-ce qui détermine le caractère métaphysique de la langue au compte duquel Heidegger inscrit la retenue de la section si riche et cramponné que soit le système des catégories dont elle

dispose, demeure au fond aveugle et retournée contre son intention la plus propre quand elle n'élucide pas d'abord et suffisamment le sens de l'être et ne saisit pas cette élucidation comme sa tâche

•,

4.

ACheminemem

métaphysique? ,. in

vtr s

la

parole,

p. 159.

Questions I, p. 75.

Cf.

aussi

Postface à

« Qu'est-œ

que la

HEIDEGGER

20

ET LE PROBLÈME

DE L'ESPACE

fondamentale » 5• Cette priorité ontologique de la question de

l'être s'accompagne d'une primauté antique. Les sciences régio­ nales constituent des comportements du Dasein à l'égard de l'étant qu'il n'est pas lui-même. Cela signifie d'abord que ces sciences possèdent le mode d'être du Dasein qui se distingue par l'existence, c'est-à-dire en ayant une relation d'être à son être, en étant celui pour qui, dans son être, il y va de cet être même, bref, par la compréhension et l'ouverture à son être. « La com­ préhension de l'être est, elle-même, une détermination d'être du "Da­ sein". La distinction ontique du Dasein tient à ce que le Dasein est ontologique » 6 • Cela signifie ensuite que le Dasein saisit nécessairement le sens d'être de l'étant qu'il n'est pas et auquel il se rapporte. L'ouverture d u Dasein à son être est ipso facto ouverture à l'être des étants autres, partant, à l'être en général. «La compréhension· de l'être appartenant au Dasein concerne donc co-originairement la compréhension de quelque chose comme le ·"monde" et la compréhension de l'être de l'étant qui devient accessible à l'intérieur du monde» 7. Cela signifie enfin que les ontologies qui traitent de l'étant dont le mode d'être n'est pas l'existence sont fondées dans la structure ontologique du Dasein lui-même. «C'est pourquoi l'ontologie fondamentale dont tomes les autres ne peuvent que dériver doit être recher­ chée dans l'anal)tique existentiale du "Dasei n "» 8 • La prérogative du Dasein, le droit d'être interrogé en premier et avant tout autre étant, est issue de la fonction centrale qu'il occupe dans le déploiement de la question de l'être et se fonde sur un triple primat : antique - seul il existe - ; ontologique - existant, il comprend l'être -; ontico-ontologique - il est condition de possibilité de toutes les ontologies. Conservant dans une large mesure le schéma, invariant d'Aristote à Husserl, d' une subordination des ontologies régio­ nales à une ontologie générale, l'analytique existentiale ne se maintient-elle pas dans le domaine de l'ontologie et du fonde­ ment, de l'étant en tant que tel et non dans celui de son décèlement, au lieu de la vérité de l'être? N'est-ce. pas d'abord i und Zeit doit être qualifiée de ici que l a langue de Sen 5. Sein und Zeit, p. 11. 6. ld., p. 12. 7. Id., p. 13. 8.

Jbid.

LA QUESTION DE L'tfRE

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métaphysique, puisque l'herméneutique du Dasein cherche à fonder la temporalité vulgaire de l'ontologie traditio u�ell� dans � la temporalité ekstatique avérée co�me sens �ngma �e de _ , L tntttule onto­ l'existence ? Heidegger a reconnu la difftculte. logie fonda mentale, précise-t-il, «se révèle, comme tout aune _ titre dans ce cas, embarrassant. Pensé à partir de la métaphysi­ que, il dit juste, mais c'est pour cela qu'il induit en erreur, car il s'agit d'obtenir le passage de la métaphysique à la pensée de la vérité de l'être. Aussi longtemps que cette pensée se carac­ térise elle-même comme ontologie fondamentale, elle se met elle-même, par cette dénomination, sur son propre chemin et l'obscurcit. En effet, le titre "ontologie fondamentale" suggère que la pensée qui tente de penser la vérité de l'être et non, comme toute ontologie, la vérité de l'étant, est elle-mê� e encore, comme ontologie fondamentale, une sone d, ontologte. Pourtant la pensée de la vérité de l'être, en tant que re� our au fondement de la métaphysique, a délaissé, dès le premier pas, le domaine de toute ontologie» 9• Peut-on cependant accéder à la vérité de l'être sous un nom qui renvoie à la métaphysique et dédire cette dernière en la disant ? Ces questions indiquent d'ores et déjà la charge que supportera l'analyse du mode d'être du discours. L'analytique existentiale est le siège de la problématique 10 philosophique, parce que le Dasein est cette régi ?n de l'étant , où s'annoncent et à laquelle se réfèrent necessairement toutes les autres régions antiques. n convient alors, apr� avoir déter­ , miné l'étant exemplaire, de le rendre accesstble tel qu en lui-même il est, parce que si la primauté ontico-ontologique du Dasein n'implique pas qu'il soit dès l'abord t;ansp�rent qu�nt à son être propre, cette transparence est neanmoms requtse pour que la question de l'être soit rigoureusement posée. Une chose est de reconnaître le rôle capital que la structure de l'interrogation assigne au Dasein, une autre d'en manifester l'être. Sans doute la concession de privilège équivaut-elle à se prononcer sur le propre du Dasein mais, et c'est l à un des �cquis les plus importants de l'analytique existentiale, ce derruer est _ d'ordinaire déponé de son être propre, existe dans une corn9. lntroduetion à « Qu'est·ce que la métaphysique?» in 10. Cf. Sein und üiJ, p. 9.

Queslions

l,

p. 42.

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HEIDEGGER

ET LE PROBLÈME DE L'ESPACE

préhension impropre de soi, des autres et du monde. L'étant que. nous sommes est le plus souvent exilé de son être propre, s1 bten que celui-ci nous est révélé comme à distance. « De fait, le Dasein n'est pas seulement ontiquement proche, voire le plus proche - nous le sommes nous-mêmes. En dépit ou précisément » 11• à cause de cela, il est ontologiquement le plus lointain Comprenant son être, le Dasein se tient toujours dans une certaine interprétation de cet être qui, manquant d' originarité, ne saurait servir de fil conducteur à une thématisation ontologi­ que . En effet, le Dasein a le plus souvent tendance à se com­ prendre à partir de l'étant intramondain auquel i l se rapporte et dont il se préoccupe, de sorte que la compréhension quoti­ dienne du monde fournit le modèle sur lequel se règle celle du Dasein et de l'être en général. C'est donc en raison de sa primauté ontico-ontologique que le Dasein est dissimulé à lui-même. « Ontiquement l e Dasein est "au plus proche" de soi, ontologiquement au plus loin, quoique pré-ontologiquement il 2 n'y soit pas étranger» 1 • De même que, selon Husserl, la subjectivité transcendentale, recouvene par la \PUX(J, surgit, grâce à la réduction, dans son être propre dont la \PUX� n'était que la mondanisation, de même le Dasein se comprend initialement à partir du monde des choses, mieux, s'interprète comme il interprète ce monde depuis ce qu'il y rencontre. Cette compréhension de soi dans l'horizon d'autre que soi est impropre et renvoie, ne fOt-ce qu'au titre d'une modification possible, à une compréhension propre issue d'une ipséité elle-même propre. Le Dasein existe p.r;oprement ou improprement. S i le mode d'être ordinaire du Dase;'n le détourne de sa propriété, il faut alors commencer par le décrire, en ses structures essentielles et constituantes, tel qu'il existe « au plus proche et le plus souvent», dans sa quotidien­ neté moyenne, pour faire ensuite apparaître l'existence pro­ prement comprise, soit aussi la modification existentielle qui permet un tel retournement et ses conditions existentiales de possibilité. L'analytique préliminaire du Daset'n remplit ce programme en associant d'un seul et même mouvement une réduction, une 11. id., p. 15. 12. Id., p. 16.

LA QUESTION DE

L'ÊTRE

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si l'être est construction, une destruction. 1 ) La réduction toujours l'être de l'étant, il ne s'offre et n'est saisissable qu'à partir de l'étant. Le regard phénoménologique doit donc s'orienter sur l'étant pour en laisser ressortir l'ê tre viser l'étant pour s'en éloigner en revenant à son être. «L'élément fonda­ mental de la méthode phénoménologique au sens de la recon­ duction du regard inquisiteur de l'étant naïvement saisi vers l'être, nous le désignons comme réduction phénoménologique» 0. Cette réduction ne panage avec la réduction transcendantale de Husserl que le seul trait formel d'une conversion du regard. 2) La construction : pour aller de l'étant à l'être, il faut préala­ blement se tenir auprès de l'être. Et si l'être n'est pas l'étant, l'ouverture à l'être sera essentiellement différente de la donnée de l'étant. «L'être n'est pas accessible comme l'étant, nous ne le trouvons pas simplement là-devant mais, comme nous le ferons voir, il doit toujours être porté au regard dans un libre projet. Le projet de l'étant pré-donné, eu égard à son être et à ses structures ontologiques, nous le nommons construction phénoménologique» 14• Cette expression, qui n'intervient qu'une fois dans Sein und Zeit, définit dans Kant et le problème de la métaphysique l'idée d'ontologie fondamentale. Après avoir rap­ pelé que seule une compréhension projective est susceptible d'atteindre l'être de tout étant et singulièrement du Dasein, Heidegger en conclut que la mise en œuvre expresse d'un projet compréhensif ne saurait être qu'une construction. Quelle est alors la spécificité de la construction ontologique ? « La cons­ truction ontologico-fondamentale a pour particularité de devoir dégager la possibilité intrinsèque de quelque chose qui règne sur tout Dase n i comme ce qui lui est le plus connu mais indéterminé et par trop évident. Cette construction peut être comprise comme une offensive du Daset'n sur lui-même pour saisir le fait métaphysique originaire qui consiste en ce que le plus fini est, dans sa finitude, bien connu sans être pour autant conçu » 1'. L'accent mis sur la construction porte du même coup sur la finitude originaire du Dasetn. Et comme celle-ci, qui n'est autre que la compréhension de l'être, repose dans l'oubli, toute ,

13. Les problèmes fondamentaux de /4 phénoménologe i , p. 39. 14. Id., p. 40. 15. Kant et le problème de la m&aphysique, p. 289.

1 24

HEIDEGGER ET LE PROBLÈME

DE L'ESPACE

construction sera aussi une remémoration, non pas au sens hégélien d'une relève de la finitude dans l'avènement du savoir absolu, mais comme révélation finie de la finitude elle-même. 3 ) La destruction : le projet constructeur rencontre des obstacles. Le Dasein n'apparaîtra dans sa finitude et comme compréhen­ sion de l'être, en toute propriété, qu'à la condition que soit limitée et restreinte dans sa pertinence l'interprétation qu'il se donne de lui-même. Or l'herméneutique de l'existence quoti­ dienne montre que « le Dasein n'a pas seulement une disposi­ tion à déchoir auprès de son monde, dans lequel il est, et à s'interpréter en retour à partir de celui-ci, le Dasein déchoit aussi et simultanément dans une tradition plus ou moins explicite­ ment saisie. Cette tradition le décharge de sa propre conduite, du questionnement et du choix. Cela vaut surtout pour cette compréhension et ses possibilités d'élaboration qui s'enracine dans l'être le plus propre du Dasein, la compréhension ontologi­ que » 16• C'est dire que le Dasein est son passé, que la question de l'être est essentiellement historique, mais aussi que l'auto-appréhension quotidienne du Dasein est solidaire du devenir traditionnel de l'ontologie grecque où l'être est compris, au fil conducteur du monde naturel, comme oùoia, rrapouoia, Anwesenheit, présence, sans que ce sens temporel soit véritable­ ment mis en question. L'histoire de l'ontologie recouvre la possibilité de la construction ontologico-fondamentale, consti­ tue un oubli des premières expériences de l'être qui sont à l'origine de la métaphysique. Posant la question de l'être, le Dasein revient sur l'oubli des origines, fait l'épreuve de son pouvoir-être le plus propre, détruit les sédiments qui contien­ nent et retiennent la puissance des commencements. La remé­ moration est une destruction parce que les concepts philosophi­ ques disponibles ne sont plus forgés à même ce qu'ils préten­ dent concevoir et qu'ils oblitèrent. « Appartient donc nécessai­ rement à l'interprétation conceptuelle de l'être et de ses structu­ res, à la construction réductive de l'être, une destructon, i urie déconstruction critique des concepts reçus qui sont d'abord nécessairement en usage, remontant aux sources où ils ont été puisés. C'est seulement par cette destruction que l'ontologie peut phénoménologiquement s'assurer pleinement de l'authen16.

Sl!in und Zeit, p. 21.

25

LA QUESTION DE L'ÊTRE

ticité de ses concepts » 17• Si la destruction de l'histoire de l'ontologie est requise pour accéder à l'être propre du Dasein et poser la question du sens de l'être, le Dasein devra néanmoins, pour opérer cette destruction, cesser préalablement de se comprendre dans l'horizon exclusif de ce qu'il détruit. n n'y a là aucune présupposition circulaire, puisque propriété et im­ propriété sont deux manières d'être qui appartiennent structu­ rellement à tout Dasein, mais un problème plus grave qui, à s'en tenir à Set'n und Zeit, demeure irrésolu : si l'oubli de l'être et l'ouverture de l'être sont respectivement corrélatifs de deux modes d'exister constitutifs l'un et l'autre de l'essence du Da­ sein, si le Dasein se tient co-originairement dans la vérité et la non-vérité, pourquoi la question de l'être n'a-t-elle pas toujours été posée comme elle a toujours été omise? En quel sens Seùt und Zeit est-il un événement, fait-il époque, et comment circons­ crire l'époque de Sein und Zeit sans penser l'époqualité de l'être, délaissant ainsi Sein und Zeit même ? Visant à une monstration originaire du Dasein et de l'être, la réduction, la construction et la destruction sont phénoménolo­ giques. Mais que veut dire id « phénoménologique » et de quelle manière Heidegger comprend-il la phénoménologie? « L'expression "phénoménologie" désigne en premier lieu un concept de méthode. Elle ne caractérise pas le contenu quidditif 18• des objets de la recherche philosophique mais son quomodo » Si la phénoménologie est en premier lieu un concept de méthode, elle devra recevoir une seconde signification coordon­ née à la première. Laquelle et comment ? Phénoménologie provient des mots grecs cpalVOIJEVOV et Myoç. Phénomène signifie ce qui se montre en lui-même et cette détermination est au fondement de toutes les autres acceptions que le mot phénomène peut ou a pu prendre. A6yoç se traduit par discours et veut dire ÔT]ÀOÜv, rendre patent ce dont il est discouru. Aristote explicite cette fonction du discours comme un émocpai­ vecr8cu. Le Myoç est un discours apophantique. La relation entre phénomène et Myoç appert aussitôt : . Tenir d'entrée de jeu le concept de Vorhandenheit pour métaphorique, c'est, sans autre forme de procès, inscrire Sein und Zeil dans la partition platonicienne du sensible et de l'intelligib le; 2) Heidegger a lui-même tenté une analyse existentiale de 1' incarnation dont l'examen requiert que nous retournions à l'herméneutique du Dasezn. Le Dasetn est cet étant dont l'être est toujours mien. La

mienneté est étroitement liée à l'existence, car l'être de l'étant que je suis ne peut être mien qu'à la condition que je m'y rapporte, qu'il ne me soit ni indifférent ni originairement fermé au sens ou l'être d'une pierre l'est à celle-ci. La mienneté est le rapport du Dasetn à son être qui rend 'possible le pronom Je. Le Je derive de la mienneté et non la mienneté du Je, le même du moi-même précède le moi. La mienneté constitue par consé­ quent un principe d'individuation autrement ra?ical que le dire-Je qui implique toujours le Tu, le Il, etc. Auss 1, prendre le Je pour point de départ d'une analyse de mon être, c'est le manquer, et on ne saurait reprocher à Heidegger d'avoir négligé « l'évidence première du cogito » , puisque celle-ci, abstraction faite de l'interprétation ontologique qui d'ordinaire l'accompa­ gne, est phénoménologiquement assujettie à la mienneté. Cette propriété première n'est cependant rien dont je sois l'origine mais le rapport à l'être même comme origine du soi : « La détermination "toujours mien" veut dire : le Dasein m'est jeté afin que mon soi-même soit le Dasdn. Dasezn signifie : souci non seulement de l'être humain mais de l'être de l'étant comme tel ekstatiquement révélé dans ce souci. Le Dasez'n est "toujours mien", cela veut dire ni posé par moi ni séparé en un Je individualisé. Le Dasezn est lui-même par son rapport essentiel à l'être en général. Telle est la visée de la proposition, fréquente dans Set'n und Zeit : la compréhension de l'être appartient au Dasein » 4• Le poids et la fonction, la charge, de la mienneté sont considérables. Elle fonde d'abord la distinction de l'existence propre et de l'existence impropre, qui traverse et structure l'ensemble de l'analytique existentiale. Quelle que soit en effet sa manière d'être, le Dasein est toujours mien et se rapporte à son être comme à sa possibilité propre. « Le Dasein est toujours sa possibilité et il ne la "possède" pas au titre d'une propriété en tant qu'étant devant-la-main » '. Etant sa possibilité, le Da­ sdn peut se perdre ou s'atteindre, être proprement ou impro­ prement, être ou ne pas être son être. Ensuite, si le Dasein est, dans son ipséité, rapport à l'être même, c'est l'être lui-même qui est toujours mien. Sans cela, l'être au sens du demandé de la

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2. Les problèmes/ondammtaux de fa phénoménologie, p. 130 er 133. Cf. aussi p. 138. 3. Cf. Le principe de raison, p. 126.

4. In1roduction à

la métapbysiqut, 42.

.5. Sein und Zeil, p.

p. 40.

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HEIDEGGER ET LE PROBLÈME DE L'ESPACE

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NEUTRALITÉ ET INCARNATION

question ne serait pas l'être même de l'étant interrogé et aucune ontologie ne verrait le jour. L'analytique existentiale est onto­ logie fondamentale parce que l'être toujours mien du Dasetn est l'être en tant que tel. La mienneté, enfin, annonce l'Ereignis. Alors que dans Sein und Zeit mienneté et propriété sont conçues à partir de l'être, après Sezn und Zezt l'être sera pensé depuis l'appropriation. . . A ces deux premières déterminations omologtques du Dasem il faut en ajouter une troisième, thématiquement absente de Sezn und Zeit et dont l'élucidation nous conduira à l'analyse exis­ rendale de la possibilité de l'incarnation. En 1928, dans le cou.r:s sur les Fondements métaphysiques iniJiaux de la logique, après avotr identifié la compréhension de l'être à la transcendance origi­ naire, Heidegger expose « le problème de Sein und Zeit » en douze propositions directrices articulées sur l'essentielle neutra­ lité du Dasein. Subordonnée à l'unique question de l'être, l'analytique existentiale n'est ni une anthropologie ni une éthique. Aussi - et c'est la première proposition - : « Pour l'étant qui est le thème de l'analytique, ce n'est pas le titre "homme" mais le titre neutre "das Dasein " qui a été choisi. Est désigné par là l'étant auquel, en un sens déterminé, sa propre manière d'être n'est pas indifférente » 6• Inséparable de la mienneté et de l'existence, puisque l'ipséité est constituée par le rapport à l'être qui, en outre, n'est pas un genre, la neutralité soustrait le Dasetn au domaine anthropologique. Quelle est l'extension de la région « anthropologie » ? Elle englobe tout ce qui concerne la nature de l'ho�e . e� tant qu'être spi �ituel, psychique et chamel, tout ce qw le dtstmgue des autres vtvant� ou pourrait l'en rapprocher, comme la différence des sexes 7. �1 . la sexualité et l'incarnation sont bien des tratts anthropologt­ ques, la neutralité d'essence entraîne cette deuxième proposi­ . tion : « La neutralité spécifique du titre "Daset"n " est essenttelle parce que l'interprétation de cet étant doit être accomplie avant toute concrétion factice. Cette neutralité signifie aussi que le Dasetn n'est aucun des deux sexes. Mais cette asexualit��est ativité pas l'indifférence de la nullité vide, l'irnpuissant d'un rien ontique indifférent. Le Dasein dans sa neutralité n'est



6. Metaphysische An/angsgründe der Logik, C.A., Bd. 26, p. 171. 7.

Cf. Kant et le problème dt la métaphysique, S 3 7.

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pas indifféremment personne et tout le monde mais la positivité et la puissance originaires de l'essence » 8• Le Dasein neutre n'est donc jamais tel ou tel existant incarné de fait mais la possibilité de toute existence incamêe qui s'appartient elle-même. S'il ne saurait, par conséquent, se confondre avec l'individualité anti­ que factice, le Dasezn n'est pas pour autant la concrétion indiffé­ rente d'une essence prétendument universelle, J'affirmation de la neutralité équivalant ici à celle de l'individuation la plus radicale : l'ipséité. Dans l'essai de 1929 consacré à L'essence du fondement, directement issu du cours cité, Heidegger précise en quel sens l'ipséité est neutre : « C'est seulement parce que le Dasezn comme tel est déterminé par l'ipséité qu'un moi-même peut être en relation avec un toi-même. L'ipséité est la pré­ supposition pour la possibilité de l'égoïté qui ne se révèle jamais que dans le toi. Mais l'ipséité n'est jamais liée au toi- elle le rend d'abord possible -, au contraire elle est neutre à l'égard de l'être-moi et de l'être-toi, plus encore à l'égard de la sexua­ lité. Toutes les propositions essentielles d'une analytique onto­ logique du Dasetn en l'homme considèrent par avance cet étant dans cette neutralité » 9. Les analyses que développe l'hermé­ neutiqu� existemiale, aussi bien-·celle de l'existence propre, où le Daset"n se comprend à partir de soi et de son être-vers-la-mort que celle de l'existence m i propr� où il se comprend dans l'orbe de l'être devant-la-main, sont régies par cette neutralité d'es­ sence. 0;: l'ipséité propre essentiellement neutre est une modifi­ cation existentielle du on, pronom qui décline P identité du Dasezn quotidien, déchu, irrésolu, improgre. Et ce on est, lui aussi, mais en un sens second, neutre 0• Il y a donc deux neutralités et non une seule et même neutralité marquée deux fois, la neutralité essentielle du Dasetn n'étant pas celle d'un « personne et tout le monde », c'est-à-dire du on 1 1 • Dès lors, comment va-t-on et surtout qui - quel Dasezn, sous quel mode d'être - va pouvoir discriminer la neutralité d'origine de la neutralité en déchéance d'origine ? Etant donné que le Dasetn ne peut poser la question de l'être comme question de son être qu'en s'arrachant à l'emprise du on pour être ipséité propre, la 8.

GA., Bd. 26, p. 171·172. 9. Qllestz()JIS I, p. 133·134 .

10. Cf. Sein und Zeit, p. 126. 11. a. u., p. 12a ct 253.

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HEIDEGGER

Er LE

démarcation rigoureuse de ces deux sens de la neutralité ne . supporte rien moins que la possibilité de la question de l'être elle-même. L'introduction thématique de la neutralité menace donc gravement, par contrecoup, l'économie générale de l'onto­ logie phénoménologique. Nous retrouvons, transformée, la question de savoir comment Sein und Zeit se laisse comprendre dans une histoire existentialement construite. A quels motifs cette adjonction de la neutralité obéit-elle ? i aux de la C'est sans doute dans les Fondements métaphysiques niti logique que Heidegger réitéra une dernière fois ou réinterpréta pour la première fois le projet d'une ontologie fondamentale en tant qu'analytique du Dasein. Les refontes y témoignent de l'émergence progressive de la différence ontologique. L'ontolo­ gie fondamentale demeure interprétation de l'existence et analytique de la temporalité de l'être mais celle-ci, qui devait prendre place dans la section « Temps et être », est désormais simultanément comprise comme « le tournant par lequel !'onto­ logie elle-même retourne explicitement dans une antique métaphysique où elle se tient toujours implicitement » 12. L'in­ terprétation temporale de l'être s'infléchit vers la différence ontologique et pour poser le problème de la métaphysique il faut « porter l'ontologie au virage ( Umschlag, qui traduit JlE:Ta­ �oM) en elle latent. Là s'accomplit le tournant et le virage a lieu dans la métontologie » 1-'. Ce revirement de l'ontologie fonda­ mentale en métontologie répond à trois impératifs intrinsèque­ ment liés : 1 ) celui, d'abord, de ne pas absolutiser la question de l'être en thématisant aussi la totalité de l'étant, car « penser l'être comme être de l'étant et saisir de manière radicale, universelle, le problème de l'être signifie en même temps thématiser l'étant en totalité à la lumière de l'ontologie » 14• De ce point de vue, la métomologie accentue la finitude du philoso­ pher lui-même ; 2) celui, ensuite, de rendre compte, en couvrant le champ des problèmes philosophiques que l'ontologie fonda­ mentale n'épuise pas à elle seule, de ce qui sera plus tard nommé la constitution onto-théo-logique de la métaphysique : « Ontologie fondamentale et métontologie forment dans leur 12. C.A., Bd. 26, p. 201. 13. Ihid. 14. Id., p. 200.

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PROBLÈME DE L'ESPACE

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unité le concept de métaphysique. Cela ne fait qu'exprimer la transformation du problème fondamental de la philosophie elle-même, déjà effleuré avec le double concept de la philoso­ phie comme TTPWT'Tl q>tÀOO'Oq>ÎlX et 8t0/..oyia. Et ce n'est là que la concrétion de la différence ontologique, c'est-à-dire la concré­ tion de l'accomplissement de la compréhension de l'être » u ; 3) celui , enfin, de rassembler la philosophie comme métaphysi­ que d : l'existence sur la différence ontologique, bref, de penser celle-ci dans la conceptualité de Sein und Zeit. TI faut alors que le Dasein en tant �u'il comprend l'être soit assimilé à la diffé­ rence ontologique 6• Et comment le pourrait-il sans être essen­ tiellement neutre ? La neutralité vise, du même mouvement, à préserver l'ana­ lytique existentiale de toute déviation anthropologique et per­ met de trancher l'ambiguïté résiduelle de, quelques énoncés de Sein und Zeit où le Dasein paraît se confondre avec l'homme 17• Mais l'essence est l'essence de son propre fait et, si l'essence de l'homme s'écarte de l'homme, c'est néanmoins le Dasein neutre qui constitue la possibilité dè l'existant factice. Or celui-ci est toujours incarné et sexué. Mfirmer la neutralité du Dasein c'est en retour, se donner à élucider la possibilité existential� de 1� c air. Le problème peut alors prendre la forme suivante : à quel tttre le Dasein détient-il la possibilité de son incarnation, sous quel existential la chair se laisse-t-elle comprendre ? L'incarnation se présente comme une dispersion : « Le Dasein recèle la possibilité intrinsèque de la dispersion factice dans la chair et, avec cela, dans la sexualité. [...] Le Dasein est, en tant qu� factic �, �oujours éparpill� dans une chair et du même coup tou�ours divisé en une sexualité déterminée » 18• A l'évidence, la chrur sexuée du Dasein ne doit pas être ontologiquement in­ compatible avec le mode d'être de cet étant. Par conséquent, les concepts de di�persion, d'éparpillement, de division, qui décri­ vent l mcarnauon et la sexualité ne peuvent avoir de significa­ tion axiologique ou être tributaires d'une représentation de l'un et du multiple issue de l'ontologie de l'être devant-la-main, mais



«

15. Id., p. 202. 16. Cf. Les problèmes fondamenJaux de la phérzoméno/cgi e, p. 383. 17. Cf., par exemple, p. 1 1 , 2 5 et 57 à propos de laquelle Heidegger note en marge : Etre-homme (Memch-sein ) et Da-sein ici équivalents •· 18. G.A, Bd 26, p. 173.

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désignent une démultiplication à l'œuvre en tout Dasein factice et dont l'analytique existentiale indique d'autres possibilités par le rappel desquelles s'achève la sixième proposition directrice : a) le Dasein factice est dispersé dans et par les modes de sa préoccupation, et « ne se comporte jamais à l'égard d'un seul objet », sauf « par abstraction des autres étants qui toujours co-apparaissent antérieurement et simultanément » 19• Cette dispersion ne dépend pas d'une pluralité préalable d'objets, à l'inverse, la multiplicité des objets se fonde dans l'être-dispersé du Dasein ; b) la ruspersion concerne également le Dasein dans son rapport à lui-même, c'est-à-dire dans son historicité, puis� qu'en s'abandonnant à l'histoire du monde il se disperse dans l'inconstance du soi 20 ; c) « une autre possibilité essentielle de la dispersion factice du Dasein est sa spatialité. Le phénomène de la dispersion du Dasein dans l'espace se montre par exemple en ceci que toutes les langues sont primairement déterminées par des significations spatiales. Ce phénomène, il est vrai, ne pourra s'édairdr qu'une fois posé le problème métaphysique de l 'espace, qui ne deviendra visible qu'en passant par celui de la 21• temporalité (radicalement : métontologie de la spatialité) » Toutes ces possibilités dispersives sont liées à la déchéance, autrement dit à une compréhension dérivée, impropre, de l'existence. Aussi s'enracinent-elles nécessairement dans une structure originaire et propre du Dasein. Si , « à l'essence du Dasein en général, conformément à la neutralité métaphysique de son concept, appartient déjà une dissémination (Streuung) originaire, qui, d'un point de vue déterminé, est une dispersion (Zerstreuung) » 22, c'est la dissémination originaire et neutre, que Heidegger nomme plus souvent dispersion transcendantale, qui rend possible sa propre modalisation déchue : la dispersion factice. Et si la déchéance est un concept relatif au mouvement ontologique du Dasei n pour autant qu'il est jeté dans son être, la dispersion transcendantale prend son fondement dans l'être-jeté qui assure finalement la possibilité existentiale de l'incarnation sexuée. 19. Ibid., Cf. Sein und ZeiJ, p. 67. 20. Cf. G.A., Bd. 26, p. 17.3 et Sein und Zt>il, 21. G.A., Bd. 26, p. 173-174. 22. Id., p. 173.

p.

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Le trait phénoménal qui autorise à penser la chair comme relevant de l'être-dispersé est la division sexuelle et c'est par la sexualité, formellement réduite à une démultiplication, que la chair est rapportée à la dispersion factice du Dasen i afin d'être fondée sur l'être-jeté. Cette interprétation exige que la sexualité soit elle-même comprise de manière existentiale. Or la neu­ vième propositi�n ·atteste, td n'est pas le cas : « La dispersion essentiellement Jetee du Dasem, entendue de façon tout à fait neutre, s'annonce notamment en ceci que le Daseùz est être-avec avec le Dasein. Cet être-avec avec ... ne surgit pas sur le fond d'une coexistence factice ; non seulement il ne s'explique pas s� e fonden ent d'un être générique, prétendument plus : . ongtna1re, des etres charnels sexuellement divisés mais cet élan sénérique commun et l'union générique ont po� présupposi­ . tion métaphysique la dispersion du Dasein comme tel c'est-à-dire l'être-avec en général. Ce caractère métaphysiqu� fo�dame?t�l du Dasen i ne se laisse jamais dériver de l'organi­ . s�t10n genenqu des uns avec les autres » 23• � et L analyse est clatre : 1 e tr e - av� · est un mode de la dispersion transcendantale suppo�oute coexistence factice et toute incarnation sexuée. L'être-avec est donc l'a prion· existential de toute relation charnelle-sexuelle entre des existants factices i l'a prori de toute « union génériqu e » . Mais comment l'être� générique qui, par le genre, ressortit à l'être devant-la-main peut-il trouver sa possibilité dans un existential dont le mode d'être est absolument autre ou, c'est la même question, peut-on comprendre les relations charnelles-sexuelles entre Dasein facti­ comme uni n sénériqu sans concevoir subrepticement � � . 1 ex1stence dans 1 homon de 1 être devant-la-main contredisant ainsi l'effort le plus soutenu de Sein und Zeit ?' Il y a plus. « L'être-avec est une détermination métaphysique fondamen­ tale de la dispersion » 24 qui forme la condition existentiale de P?Ssibilité de toute coexistence, qu'elle soit soumise à la dictature du on ou qu'elle ait le statut d'une alliance entre Dasein librement résolus à leur être propre. Nonobstant, la dispersion qualifie aussi le mode d'être du Daset'n quotiruen déchu dans le on : « En tant que on-même, le Dasein singulier est dispersé dans



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23. Id., p. 174·175. 24. Id., p. 175.

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NEUTRALITÉ ET INCARNATION

le on et doit d'abord se trouver. Cette dispersion caractérise le "sujet" du mode d'être que nous connaissons comme absorption préoccupée dans le monde rencont ré .à proximi.té :} ;z,. Et la , dispersion déchéante est le mode d existence qu1 s opp�se 1� plus à la résolution, puisqu,elle est un moment de la c�osite qui a pour sens temporel le présent fuyant et sautillant, c'est-à-dire « ce mode du présent [qui) est le phénomène le plus contraire à l'instant. Dans celui-là, le Dasein est partout et nulle part. Celui-ci porte l'existence dans la situation et révèle le "là" propre » 26. Dès lors, si la dispersion transcendantale neutre, sous la figure de l'être-avec, est l'a priori de la coexistence dispersée dans le on neutre comme de la coexistence fondée sur la résolution qui est une contre-dispersion, comment va-t-on et qui - quel Dasein, sur quel mode d'être - va pouvoir discerner la dispersion transcendantale neutre de la dispersion dans le on neutre, la coexistence déchue de la coexistence résolue, d'autant que, nous l'avons vu, les deux sen� de la neutralité �e se laisse�t pas dissocier et contraster ? En d autres termes : � quel Daset� assigner cette dispersion essentiellement neutre qw rend possi­ ble l'être-avec selon les deux modes de la propriété et de l'impropriété quand, d'une part, « le Dasein existe toujours dans l'un de ces deux modes ou dans une indifférence modale à leur égard »27 et que, d'autre part, la neutralité d'essence n'est pas une indifférence ? La thèse de la neutralité originaire du Dasein pose le pro­ blème de son incarnation que le recours à la dispersion trans­ cendantale est destiné à résoudre. Mais l'introduction de ces deux concepts dans l'analytique existentiale n'a-t-elle pas pour effet d'en perturber gravement l'équilibre interne, ne soustrait­ elle pas le Dasein à la différence du propre et de l'improl?re, n'entraîne-t-elle pas que l'étant que nous sommes ne pwsse s'incarner sans s'excepter de son sens temporel, puisque pro­ 28 priété et impropriété sont des modes de la temporalisation ? Cette exception n'est-elle pas analogue, voire identique, à celle de la spatialité que toute dispersion, et le mot même de dis.

25. Sein und leif, p. 129. 26. Id., p. 347. Cf. p. 172-I73. 27. Id., p. 53. 28. Cf. Id., p. 304.

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perston, implique, spatialité dont nous savons qu'elle est irréduc­

·

tible à la temporalité ? N'est-il pas d'ores et déjà manifeste que les questions et apories soulevées par la chair et l'espace conduisent aux limites de la conceptualité dont Sein und Zeil déploie les ressources au service de la surpuissance du temps ?

LA MAlN ET LE MONDE

rn LA MAIN ET LE MONDE

L'herméneutique de l'e$pace prend place dans celle de la mondanité. Aussi, pour comprendre comment la spatialité déroge à la temporalité, devons-nous procéder à l'étude de l'être-au-monde qui, constitution fondamentale du Dasein , est le point de départ obligé de l'analytique existentiale. L'être-au-monde est un phénomène unitaire qui articule une pluralité de moments et dont l'élucidation prendra la forme d'un examen ordonné des trois questions suivantes : qu'est-ce que le monde ? qui est au monde ? que veut dire être-à ? Si l'être-au-monde est le Dasein lui-même, il importe, pour com­ mencer de le laisser se présenter tel qu'li se donne à l'accoutu­ mée s �ns lui imposer de l'extérieur une quelconque idée de l'exi�tence. Etant exemplaire, possédant un mode d'être dis­ tinct, le Dasein, parce qu'il répond de l'être, doit, dans le cadre d'une ontologie fondamentale, faire l'objet d'une vigilance phénoménologique redoublée et sans éfaillance, être �hématisé . . alyse, le Dasezn ne doit i promptu. « Au seuil de 1 an tel qu'il est n justement pas être interprété selon la différence d'un exister déterminé mais être mis à jour tel qu'il apparaît, indifférem­ ment, au lus proche et le plus souvent » 1• Sous le libre regard phénoménologique, le Dasein s'offre initialement dans sa bana­ lité journalière, à son ordinaire. Heidegger nomme cette indiffé­ ichkeit : être-moyen, que l'on rence quotidienne Durchschnittl pourrait encore traduire par médiocrité, à condition d'entendre ce mot dans son sens vieilli et sans connotation axiologique.





1. Sein und Zeit, p. 43.

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Décrire phénoménologiquement le monde, et telle est la première tâche, ce sera donc d'abord décrire le monde quoti­ dien dont le Dasein est familier au point de le passer sous silence. A cette fin, il importe de délimiter au préalable ce qui est recherché et de distinguer plusieurs concepts de monde. Une fois posé que les catégories sont les structures ontologiques de l'être devant-la-main et les existentiaux, celles du Dasez'n, le « monde » peut avoir quatre sens : a) ontico-catégorial : la totalité des étants présents dans le monde ; b) ontologico-caté­ gorial : l'être de cette totalité ; c) ontico-existential : ce dans quoi « vit » le Dasein factice ; d) ontologico-existential : l'a priori de la mondanité en général par quoi tout monde est monde. Si l'être-au-monde est un existential et son interprétation phéno­ ménologique, c'est-à-dire ontologique, l'enquête devra établir le caractère existential du monde usuel et de la mondanité comme telle, avérer le sens ontologico-existential du concept de monde tout en renouant avec certaine signification du KOO'IJOÇ grec 2 • Quelle démarche suivre pour atteindre le phénomène de monde, l'être du monde ? TI n'est d'autre méthode que celle qui consiste à faire ressortir la mondanité de l'étant que le Dasez'n rencontre dans le monde quotidien qui lui est le plus proche : le monde ambiant (Umwe!t). Mais parler de monde ambiant, n'est-ce pas dire que le monde est primitivement spatial, l'exten­ sio n'a-t-elle pas été reconnue depuis Descartes pour le trait essentiel de la nature et du monde ? Outre que la préposition Um- ne signifie pas exclusivement autour mais aussi pour, le monde ne peut recevoir sa spatialité que de son seul être de monde. L'espace n'est compréhensible qu'à partir de la monda­ nité parce que l'espace est dans le monde et non le monde dans l'espace. Cette hiérarchie, nous le verrons, engage déjà la réduction de la spatialité à la temporalité ekstatique.J Comment, dans le monde quotidien, le Dasez'n rencontre-t-il l'étant ? Celui-ci apparaît-il d'entrée comme objet d e connais­ sance ? Si tel était le cas, connaître serait le mode d'existence le plus courant du Dasez'n en tant qu'être-au-monde. Or, d'une part la connaissance, qui vise toujours le monde, suppose l'être-au-monde et, d'autre part, elle est une modification de la préoccupation journalière. En effet, si on définit formellement 2. Cf. « De l'essence du fondement » , in Questions 1, p. 113.

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HEIDEGGER ET LE PROBÙME DE L'ESPACE

la connaissance comme la relation par laquelle un sujet « encap­ sulé » 3 sur lui-même s'assure de la vérité d'un objet, alors connaître implique que soit préalablement ouverte la dimension au sein de laquelle le sujet s'objecte ce dont il prend connais­ sance, et tout savoir s'institue dans l'ouverture du sujet à l'objet qui, ni subjective ni objective, n'est autre que l'être-au-monde même. De quelle façon la connaissance modifie-t-elle l'être-au-monde préoccupé ? « Pour que la connaissance en tant que détermination contemplative de l'étant devant-la-main soit possible, une déficience de la préoccupation affairée au monde est auparavant requise. S'abstenant de toute production, de toute manipwation, etc., la préoccupation emprunte l'unique mode de l'être-à qui lui reste : le pur demeurer auprès de... C'est sur le fondement de cette manière d'être-au-monde que l'étant intramondain ne se laisse plus rencontrer que sous son sel.Ù aspect (dboç) » 4• Ces précisions étaient doublement néces­ saires qui montrent comment l'ontologie traditionnelle, prenant son fil conducteur dans la connaissance, se condamne à man­ quer le phénomène de l'être-au-monde et mettent en relief le tour et la fonction de la destruction phénoménologique. Assi­ gner la connaissance éidétique à une déficience, c'est retracer une genèse existentiale de la métaphysique platonicienne en la référant à l'un des modes d'être du Dasein. L'ontologie catégo­ riale conserve alors un droit que restreint la possibilité d'un autre mode d'être du Dasein, originaire et propre, donnant lieu à une ontologie autre : fondamentale. La destruction phénomé­ nologique qui libère les puissances ontologiques du Dasein, c'est-à-dire ses puissances finies les plus créatrices, est donc à l'œuvre dans toute construction existentiale. Le monde ambiant, dont le paradigme est « le monde de travail du travailleur manuel »', est un monde où nous allons et venons, où, comme on dit, nous nous préoccupons de mille choses à la fois, rencontrons l'étant dans et par l'usage que nous en faisons. Le monde ambiant esc un monde dont nous avons les usages, et le pluriel est essentiel qui marque la dispersion d'un Dasein diversement occupé. « L'être-au-monde du Dasein 3. Sein und Zeit, p. 62. 4. Id., p. 61. 5. Id., p. 117.

Cf.

aussi p. 162.

LA MAIN

ET LE MONDE

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s'est toujours déjà, par la facticité de celui-ci, dispersé, voire éparpillé, en modes déterminés de l'être-à .. . » 6. Le pasein se trouve donc quotidiennement jeté parmi des étants mtram�n­ dains avec lesquels il a toujours maintes choses en tram. Comment rencontre-t-il cet étant de tous les jours ? L'analyse de l'être de l'étant intramondain qui vise à manifester la mondanité elle-même sera phénoménologique si, sans quitter l'être-au : monde journalier, elle permet un retour aux Grecs. Or ceux-cl « avaient pour les "choses" un terme adéquat : npayJ.lc:xTa, c'est-à-dire ce à quoi on a affaire dans l'usage préoccupé (npUXTl Ta ovra nwç È> ; 4) que l'étant nuisible approche et, ce faisant, accroît la menace ; 5) que cette approche a lieu dans la proximité, un étant lointain ne pouvant éveiller la peur; 6) que l'étant néfaste s'avance comme ce qui peut nous atteindre ou nous épargner, ce qui intensifie la peur. L'avoir-peur lui-même manifeste l'étant en s'en laissant affecter, s'empare intégralement de l'être-au-monde. L'étant qui suscite la peur n'est pas d'abord une chose perçue à laquelle s'ajouterait ensuite une couleur axiologique, il a d'emblée le visage de la menace. La peur révèle le monde en tant que ce d'où surgit le . danger et, �i « l'approche dans la proximité appartient à la 16 structure de rencontre de l''etant menaçant » , c'est pour etre �

14. Id., p. 346. 15. Cf. introduction à « Qu'est-ce que la métaphysique? », in QuestionsI, p. 36 et « Protocole d'un séminaire sur la conférence "Temps et être" », in Questions IV, p. 57. 16. Sein tmd Zi!it, p. 142.

fondée sur la spatialité existentiale de l'être-au-monde. Enfin,

ce-pour-quoi le Dasein prend peur n'est autre que soi. Seul peut

être apeuré un étant pour qui, en son être, il y va de cet être. Le pour-quoi du sentiment de la situation est un pour-qui dont l'antécédent est l'étant qui existe à dessein de soi. L'interprétation de l'angoisse prend son point de départ dans la déchéance, mouvement ontologique par lequel le Dasein se perd et se disperse dans le on, se détourne de lui-même en évitant son pouvoir-être le plus propre qu'il lui faut donc s'être auparavant révélé comme dangereusement menaçant. L'an­ goisse est cette révélation privilégiée. Déchéant, le Dasein ne fuit pas un étant dont la finalité provoque la peur - au contraire, il se reto�rne vers l'étant intramondain pour s'y . . 17 ' 18 - mats « decampe » devant 1a reve'1auon « cramponner » angoissée de lui-même. Aussi, « le détour de la déchéance se '

fonde-t-il dans l'angoisse qui rend tout d'abord possible la peur » 19.

L'angoisse, à laquelle la déchéance soustrait quotidiennement le

Dasen, i l'avère à lui-même dans son être-jeté-au-monde. A la

différence de la peur, l'angoisse ne s'angoisse pas de tel ou tel étant mais de l'être-au-monde en tant que tel. Ce qui (Wovor) angoisse est par conséquent dénué de finalité et, dans l'an­ goisse, le monde comme référence-signifiante vire et sombre dans l'insignifiance. « Voilà pourquoi l'angoisse ne "voit" ni "ici" ni "là-bas" déterminés d'où s'approche la menace. Que le menaçant soit nulle part caractérise le ce-devant-quoi de l'an­ goisse. Celle-ci "ne sait pas" ce qu'est ce dont elle s'angoisse. Néanmoins, "nulle part" ne signifie pas rien, mais la contrée en général, la révélation du monde en général pour un être-à par essence spatial. C'est la raison pour laquelle le menaçant ne peut pas davantage s'approcher dans la proximité depuis une direc­ tion déterminée, il est déjà "là" - et pourtant nulle part, il est si proche qu'il oppresse et coupe le souffle - et pourtant nulle » 2o. part L'angoisse assure dans l'analytique existentiale une fonction méthodique cardinale, analogue à celle de la réduction trans­ cendantale pour l'analytique intentionnelle de la subjectivité : 17. 18. 19. 20.

Id., p. 191. Id., p. 341. Id p. 186. Ibzd. .,

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HEIDEGGER ET LE PROBLÈME DE L'ESPACE

elle révèle le Dasein à lui-même dans son être-au-monde vers la . . uement angoisse » 21 -, mort - « l'être vers-la-mort est essentte c'est-à-dire le pouvoir-être proprement un tout dont la cons­ cience atteste la possibilité existe�tielle et sur le��el sera lu le _ sens ontologique propre du Dasezn : la temporalite ekstatlque. Révélatrice du monde et de la contrée en général, l'angoisse est bien le « second » mode d'accès à la contrée. Dès lors, le problème, laissé en suspens, de l'unification des co��rée� ne se _ pose plus. Quelle pourrait être, en effet, la stgniftcatlon cl� « contrée en général » parallèlement à « monde en général » st multiples étaient les contrées ? Et comment y aurait-il plusieurs contrées si le monde est un unique complexe d'ustensiles et de. places nécessairement assignées à une contr�e ? Pourquoi, �près avoir décrit une pluralité de contrées, Hetdegger parle-t-il de « contrée en général », au singulier ? Qu'implique ici la diffé­ rence de nombre ? L'angoisse « révèle le monde en tant que monde » 22• Toute révélation phénoménologique étant ontologi­ quement dépendante de l'être de ce qu'elle met �n lumièr�, à . chaque phénomène correspond un mode approprte de donation dont l'identité est la seule preuve phénoménologiquement recevable de celle, ontologique, des phénomènes. Autrement dit, si la même angoisse révèle le monde et la contrée comme ce « nulle part » où tout étant peut prendre place, le monde est la contrée, la contrée est le monde. Vexpression singulière de « contrée en général », qui suppose l'identité du monde et de l'espace, infirme la thèse d'après laquelle celui-ci est �� dans » celui-là et annonce l'abrogation du paragraphe 70. A l mverse, la multiplicité des contrées au sein du monde permet de maintenir la priorité ontologique du temps sur un espace à jamais_F.tiv_é d'unité propre et de concevoir la spatialité comme un mode de la disp_ersion, par essence déch��te, ce dont témoigne, faut-il le rappeler, la domination des « représenta­ tions spatiales » dans 1' articulation discursive de l'explicitation quotidienne que le Dasein offre de lui-même. N'est-il pas toutefois imprudent, voire arbitraire, d'interpré­ ter t'angoi sse comme manifestation de t'espace à partir de l'anomale expression de « contrée en général » ? Aucunement, 21. Id., p. 266. 22. Id., p. 187

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car cette interprétation est confirmée par un texte tardif, L'art où, après avoir remarqué que « demeure indécis en quelle manière l'espace est et si, en général, un être peut lui être attribué », Heidegger poursuit en demandant : « L'espace - appartient-il aux phénomènes originaires près desquels, suivant une parole de Goethe, quand les hommes viennent à s'en apercevoir, une sorte de crainte allant jusqu'à l'angoisse les saisit. Car derrière l'espace, à ce qu'il semble, il n'y a plus rien à quoi il puisse être reconduit. Devant lui, il n'y a pas d'évite­ ment vers autre chose. Ce qui est propre à l'espace doit se montrer à partir de lui-même »2>. L'angoisse envers l'espace est aussi inévitable que face à la mort (l'évitement nomme le rapport d u Dasein déchu à son pouvoir-être le plus propre que l'angoisse lui ouvre en tant que mort à venir 24) parce que, selon le mot même de la conférence Zeit und Sein, l'espace ne peut être reconduit à autre que lui, ni apparaître dans l'horizon du temps. L'espace dévoilé par l'angoisse est un phénomène indérivable, fût-ce de la temporalité. Qu'est-ce alors qu'un phénomène originaire dont l'être et le temps ne répondent plus ? Reprenons le fil de l'herm�neutique existentiale de l'angoisse. L'angoisse devant ... est également angoisse pour... Le Dasein s'angoisse pour soi-même. Qu'est-ce qui, à cet égard, distingue la peur et l'angoisse? Face à un étant menaçant, le Daseù1 prend peur pour une possibilité déterminée de lui-même, devant t'être-au-monde il s'angoisse pour celui-ci. L'angoisse « rejette le Dasein vers ce pour quoi il s'angoisse : son propre pouvoir­ être-au-monde. Elle individualise le Dasein sur son être-au­ monde le plus propre qui, compréhensif, se projette essentiel­ lement sur des possibilités » 25 • L'angoisse avère le pouvoir-être propre du Dasein auquel il se· résout, ou qu'il évite et fuit dans la déchéance. D'où l'angoisse tire-t-elle d'être cette épreuve de vérité ? Ce devant quoi le Dasein s'angoisse (l'être-au-monde) est aussi ce pour quoi il s'angoisse. Et la coïncidence de ces deux premiers moments constitutifs du sentiment de la situa­ tion s'étend jusqu'au troisième, le s'angoisser même, qui est une manière d'être-au-monde. « L'identité existentiale de la révélation

et l'espace,

23 . Questons i IV, p. 100 ct Goethe, Maximen wu/ Re/lexionen, n• 412. 24. CL Srin und Zeil, p. 254. 25. Id., p. 18ï.

HEIDEGGER ET LE PROBLÈME DE L'ESPACE

L'ANGOISSE, LA CHAIR ET L'ESPACE

révélé, où se révèle le monde en tant que monde, l'être-à en tant i é, montre clairement qu'avec que pouvoir-êtrejeté, pur et ndividualis le phénomène de l'angoisse tm sentiment privilégié de la situaton i est . L'angoisse individualise et devenu le thème de notre interprétation " . " 26 rev ' èle le Dase.m comme solus zpse » . En révélant ainsi le Dasein, l'angoisse exhibe la possibilité

de puissance qui reprend l'analyse du sentiment en général.

76 et du

d'une existence et d'une compréhension propres sans lesquelles la question du sens de l'être ne saurait être posée. Dès lors, la nécessité de cette dernière repose sur celle de l'angoisse. Mais comment l'angoisse, qui, à l'instar de toute disposition, nous « tombe dessus » 27, a-t-elle lieu sous le règne de la déchéance ? Comment le Dasei n déchu peut-il s'angoisser si le monde de la préoccupation oblitère ce que l'angoisse éclaire, si les honnête­ tés tyranniques du on répriment l' appd à la « liberté vers la mort >> 28 ? Sur les origines de l'angoisse, comparables aux motivations naturelles de la réduction transcendantale, Heideg­ ger ne fournit qu'une étrange indication. La voici : « L'angoisse "authentique" est rare sous l'empire de la déchéance et de l'opinion publique. Souvent l'angoisse est "physiologiquement" conditionnée. Ce fait est, dans sa facticité, un problème onto­ logique et non quant à sa causalité et sa forme d'évolution ontiques . Le déclenchement physiologique de l'angoisse n'est possible que parce que le Dasein s'angoisse dans le fond de son être » 29• N'est-ce pas admettre, toute considération ontique étant exclue, que, du fond de son être tempord, le Dasein est incarné et l'angoisse un mode de l'incarnation? Est-ce possible, sauf contradiction, si la chair n'est pas et s'incarne sans être ni temps ? Plus radicalement : lorsque l'angoisse qui donne accès au thème propre de l'analytique existentiale est une disposition de la chair, l'ontologie fondamentale ne se subordonne-t-elle pas au fait de l'incarnation, qui, dans sa facticité, est inassimilable à l'être-jeté solidaire d'un système de concepts dont la tempo­ ralité est la règle d'unité et où la chair est impensable ? Le lien que nous venons d'établir entre la chair et l'angoisse est corroboré par un passage du premier cours sur La volonté 26. 27. 28. 29.

Id, p. 188. Id., p. 136. Id., p. 266. Id., p. 190.

Cf. G.A.. Bd. 20. p. 401.

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« Le sentiment en tant que se-sentir est précisément la manière dont nous sommes charnels. Etre charnd ne signifie pas qu' une

âme serait encore attachée à un boulet nommé chair mais que, dans le se-sentir, la chair est d'avance intégrée à notre soi en sorte d'affluer de tous ses états à travers nous-mêmes. Nous n'"avons" pas une chair comme nous portons un couteau dans la .poche, la chair n'est pas un corps qui ne fait que nous accompagner et dom nous constaterions simulta­

nément, explicitement ou non, l'être devant-la-main. Nous "' ·, . nous " sommes " charne1s. A J'essence n avons pas une chaLr, de cet être appartient le sentiment en tant que se-sentir. Le sentiment opère par avance l'inclusion et l'intégration de la chair n. Et comme le sentiment en tant que se-sentir dans notre Dasei est toujours par essence sentiment pour l'étant dans son ensem­ ble, tout état charnel vibre selon la façon dont, à chaque fois, nous sommes ou non en sympathie avec les choses ambiantes et les hommes » 30. S'inscrivant dans une exégèse de la physiolo­ gie nietzschéenne de l'art, ce texte, qui n'en est pas moins situé dans le prolongement direct de Sein und Zei t, puisqu'il définit d'entrée le sentiment comme la manière dont « nous nous trouvons auprès de nous-mêmes et des choses » li, se retourne contre l'analytique existentiale. En effet, l) le sentiment est, hors ·de toute métaphysique de l'âme et du corps, un régime de l'incarnation et « le mode fondamental sur lequel nous sommes extérieurs à nous-mêmes » ,;2• La chair n'est donc pas un corps devant-la-main ni un étant operculé. Est-ce à dire qu'elle possède une constitution ekstatique ? Nullement, et pour deux raisons : a) si, Heidegger l'affirme dans la même page, q nous ne sommes pas d'abord "vivants" ni n'avons ensuite et de surcroît un appareil nommé chair mais vivons tandis que nous nous incarnons » 33, le Dasein ne peut être charnd et le sentiment mode de cette incarnation qu'à condition que la vie elle-même soit ekstatique et temporelle. Nous avons suffisamment vu qu'il n'en est rien; b) la chair ne peut avoir de sens existential qu'à cette autre condition que la spatialité dont elle est indissociable 30. Nietzsche, I, p. 95 96. · 3 1 . Nietzsche, I, p. 95 et Sein 32. Id., p. 96. 33. ibid.

und Zeil, p. 135.

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HEIDEGGER

ET LE PROBLÈME DE L'ESPACE

soit réductible à la temporalité. Derechef nous savons qu'il n'en est rien. Cela ne signifie pas, en récurrence, que l'autonomie « ontologique » de l'espace implique l' endôture de la chair et la désincarnation du sentiment mais uniquement que l'analytique existentiale n'est pas à la mesure du phénomène charnel. 2 ) L'introduction de la chair dans le Dasein soulève une diffi­ culté supplémentaire. La chair est se-xuée et à ce titre présup­ pose l'être-avec. Dès lors, son insertion dans le soi interdit toute ipséité propre, annule la différence entre propre et impropre et la chair vient limiter, par exception, le cadre conceptuel le plus large de l'ontologie fondamentale puisque, vivante, elle infirme le partage entre existence et être devant-la-main. Cela n'aurait qu'une importance secondaire si, par la langue où elle s'élabore et s'expose, la question de l'être ne s'instituait dans le domaine de la main et de la chair. 3) L'angoisse est le sentiment de la situation qui fonde tous les autres et ce qui caractérise l'essence au sentiment en général constitue par excellence celle de l'an­ goisse. Si tout sentiment est « uqe .incarnation disposée, une disposition incarnée » H, l'angoisse comme sentiment originaire doit être révélation de la chair elle-même. L'angoisse q'est-elle pas alors ce mode de l'incarnation où Ie Dasen i s;angoisse devant l'espace et pour sa chair, laissant ainsi ressortir la relation de celle-ci à celui-là ? Cette réinterprétation de l'angoisse n'a pas encore pour conséquence de la soustraire à la temporalité, car, si le sentiment est toujours compréhensif35, tant que la compréhension affé­ rente à l'angoisse aura un sens temporel, cette dernière ne saurait être tenue pour la manifestation d'une chair et d'un espace irréductibles au temps. Que comprend, c'est-à-dire révèle, l'angoisse ? L'angoisse « révèle le monde en tant que monde >>. Est-ce là une proposition compréhensible si les deux significations de l'en tant que distinguées a u cours de l'analytique existentiale articulent la révélation préalable du monde ? En effet, comprendre le monde, c'est pouvoir rencontrer l'étant à-portée-de-main dans sa finalité possible et le découvrir dans son être-pour. Or « l'indication du ce-pour-quoi n'est pas simplement la nomination de quelque chose mais ce qui est 34. Ibid. 35. Cf. Sein und ZeiJ, p. 142.

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dénommé est compris en tant que ce en tant que quoi ce dont il s'agit est à prendre. Ce qui est révélé dans la compréhension, le compris, est toujours déjà accessible de telle sorte qu'en lui cet ''en tant que quor' puisse être expressément dégagé » J6. C'est parce qu'il recèle la structure de l' en tant que que l'étant intrainondain à-portée-de-main s'offre à la circonspection en tant que table pour écrire, marteau pour frapper, etc. Non seulement il n'est' pas nécessaire que la préoccupation exprime cet en tant que herméneutique il lui suffit de l'avoir « vu » mais en outre l'énoncé prédicatif le transforme, par démondani­ sation, en un en tant que apophantique relevant d'une théorie du jugement liée à l'ontologie de l'être devant-la-main 37. La com­ préhension de l'en tant que dépend donc de celle du monde soit positivement dans le cas de l'en tant que herméneutique origi­ naire, soit négativement pour celui de l'en tant que apophantique dérivé, et le syntagme « le monde en tant que monde » est incompréhensible au regard du concept existential de compré­ hension dont l'en tant que est un « constituant apriorique » 38. Dès lors, si « le sens est ce en quoi se tient la compréhensibilité de quelque chose » 39 et que la temporalité est celui de l'être, la proposition : L'angoisse révèle le monde en tant que monde ne saurait avoir de sens temporel. Excepter l'angoisse de la temporalité en développant ce qu'entraîne l'observation portant sur son « étiologie », c'est établir qu'il y a, au centre de l'analytique du Dasein, un phé­ nomène qui échappe à sa tu.tclJe. Quel est le fondement de cette situation ? Seul, finalement, le rapport de l'être à l'en tant que est susceptible de fournir une réponse. Que signifie, dans l'horizon de la question de l'être, « en tant que » ? Après avoir affirmé, dans le traité sur La détermnation i ontologico-historale i du nihzl isme que, si « la métaphysique pense l'étant en tant que tel, elle ne pense pas le "en tant que tel" lui-même », Heidegger grécisait :
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