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UNE STÈLE DE MEFKAT (MONTGERON 2007.4) [PLANCHES V-VI] PAR
SYLVAIN DHENNIN IFAO, 37 rue el-Cheikh Ali Youssef – BP 11562 Qasr el-Aïny – LE CAIRE 1141 / AmbaFrance Le Caire IFAO, – 13, rue Louveau, 92438 CHÂTILLON cedex
L’objet présenté ici1 est une stèle funéraire cintrée, conservée actuellement au musée municipal de la ville de Montgeron (Essonne)2. Ce musée, fondé en 1993 par Josèphe Jacquiot (1910-1995), qui fut conservatrice du cabinet des Médailles de Paris à partir de 1959, abrite aujourd’hui une petite collection égyptienne, ainsi qu’un fonds de numismatique, d’histoire locale et d’art extrême-oriental. Cousine d’Étienne Drioton, Josèphe Jacquiot a possédé une partie des archives du chanoine nancéien, qui contiennent des carnets de fouille et de notes, de nombreuses photographies (et plaques), quelques antiquités et des documents privés. À sa mort en 1995, ses archives personnelles et les documents hérités d’É. Drioton ont été intégrés au musée. Depuis quelques années, la conservatrice de cet établissement municipal mène une politique d’achat d’antiquités égyptiennes, visant à développer une collection éducative, notamment à destination des jeunes publics de Montgeron. La stèle a été acquise dans ce but, lors d’une vente publique en 20073. Description (pl. V) La stèle, taillée dans le calcaire, est de bonne facture. Elle mesure 64,5 cm de haut, 42,2 cm de large et son épaisseur est conservée sur 1 cm. De très nombreuses traces de gradine sont visibles sur l’ensemble de la face arrière et la stèle est émaillée de petits éclats sur tout son pourtour, mais qui n’affectent pas le texte qu’elle porte. Une longue cassure entame cependant toute la partie inférieure droite, réduisant son épaisseur sur le bord à quelques millimètres. Cette lacune nous prive d’une fraction importante de la formule d’offrande qui inaugure le texte, ainsi que d’une partie de la titulature d’Ânkhhor, bénéficiaire du texte. 1 Cette stèle a été étudiée dans le cadre d’une thèse de doctorat soutenue à l’université de Lille 3 en 2009, dont le titre était « De Kôm Abou Billou à la Ménoufieh, recherche historique et archéologique dans le Delta égyptien ». 2 Je remercie Michèle Juret, conservatrice du musée, pour toutes les facilités d’étude qu’elle m’a accordées, ainsi que Gérald Hérault, maire de Montgeron, qui a autorisé la publication de ce document. Que soient également remerciés tous ceux qui m’ont donné un avis sur les différents aspects de ce document, particulièrement Ghislaine Widmer, Didier Devauchelle et Olivier Perdu. 3 Drouot Richelieu, Paris, 28 avril 2007 (vente P. Bergé & Associés).
Revue d’égyptologie 63, 67-81. doi∞∞: 10.2143/RE.63.0.2957947 Tous droits réservés © Revue d’égyptologie, 2012.
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Le document est divisé en deux registres séparés par une simple ligne de gravure. La stèle se trouve également partagée en trois tiers de même largeur, par deux lignes de composition que l’on observe dans le cintre. Dans le registre inférieur, ces lignes ont été utilisées pour déterminer l’emplacement des colonnes du texte et sont, avec la ligne centrale, plus profondément incisées que les autres. Les figures comme le texte ont été exécutés en relief dans le creux, d’une faible profondeur qui, combinée à l’érosion de la stèle, rend certains passages difficiles à lire. Le registre supérieur est couronné d’un disque solaire ailé flanqué d’uræi, conservant des traces de couleur rouge. Dans la partie droite, le défunt et son épouse se tiennent debout, les mains tournées vers le bas. Au-dessus, cinq colonnes de texte (A), fortement arasées, donnent leurs noms et titres. Dans la partie gauche est figurée la seule représentation connue de la triade locale de la ville de Mefkat au complet : trois divinités à plus grande échelle que les défunts, chacune accompagnée de sa légende (B). La première figure est celle d’un Osiris emmailloté, arborant les sceptres distinctifs de son pouvoir et la couronne-atef. Il est figuré debout sur une estrade chargée à son extrémité d’une table d’offrandes sur laquelle repose une fleur de nénuphar. Derrière lui se trouve Harsomtous hiéracocéphale, tenant un sceptreouas et une croix-ânkh. Fermant la marche, Hathor de Mefkat, anthropomorphe, enserrée dans une fine robe, porte le même sceptre et sa couronne caractéristique ornée d’un uræus. Le registre inférieur est occupé par une formule d’offrande funéraire et un texte généalogique (C), organisés en onze colonnes, se lisant de droite à gauche. Dans l’angle inférieur gauche, un personnage est accroupi, les bras dirigés vers le sol. Il s’agit de Hersenef, dédicant de la stèle, dont le style et l’attitude sont semblables à ceux que l’on observe fréquemment sur les stèles du Sérapeum4. Dans ce corpus, les dédicants sont majoritairement représentés dans le cintre, face au taureau Apis, mais se trouvent parfois au registre inférieur5. Les mains, quelquefois posées sur les genoux à l’image des figures en rondebosse, sont le plus souvent dirigées directement vers le sol6. Le déplacement de ces personnages du cintre vers le registre inférieur, sous le texte, correspond vraisemblablement à une volonté d’associer la figure du dédicant à la dédicace elle-même, tout en lui conférant parfois un rôle de déterminatif7. De manière générale, les signes hiéroglyphiques sont finement gravés et assez réguliers, ainsi qu’on le constate dans la partie inférieure gauche, la moins arasée. Les signes ne 4
Sur cette position, cf. J.J. Clère, dans H. De Meulenaere – L. Limme (éd.), Artibus Aegypti, Studia in Honorem Bernardi v. Bothmer, 1983, p. 30-31 et fig. 2 (référence D. Devauchelle). 5 Ainsi sur les stèles IM 2717 et AM 2, cf. M. Malinine – G. Posener – J. Vercoutter, Catalogue des stèles du Sérapéum de Memphis, 1968, p. 117-119 et pl. XLI (n° 150) et XLII (n° 152). 6 Par exemple sur les stèles IM 3077, cf. M. Malinine – G. Posener – J. Vercoutter, op. cit., p. 150-151 et pl. LIII (no197) et Copenhague AEIN 895, cf. O. Koefoed-Petersen, RdE 27 (1975), p. 134-136 et pl. 10 et P. Vernus, Athribis (BdE 74), 1978, p. 92-94. 7 On verra ainsi la stèle IM 2807, cf. M. Malinine – G. Posener – J. Vercoutter, op. cit., p. 133 et pl. XLVII (n° 173). Sur ce phénomène, cf. O. Perdu, RdE 57 (2006), p. 162.
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possèdent pas de retours de murs, et les sont rendus par un simple trait, sauf dans les légendes divines du cintre. On notera l’utilisation de deux déterminatifs différents pour les anthroponymes masculins : d’une part le signe habituel A1 dont les bras sont bien visibles, d’autre part un personnage agenouillé et enserré dans une gaine8. Inscriptions (pl. VI) A Au-dessus du dédicant : (1) L’Osiris le prêtre-des-heures (2) d’Hathor maîtresse de Fek(a)t (3) Ânkhhor Au-dessus de son épouse : (1) La maîtresse de maison Nais(2)âaroudj B Au-dessus d’Osiris : (1) Récitation par Osiris-(2)mr(j)tj (3) le grand dieua Au-dessus d’Harsomtous : (1) Récitation par Har(2)somtous le grand dieu (3) qui préside à Fek(a)t b Derrière Hathor : (1) Récitation par Hathor maîtresse de Mefk(a)t c C (1)
Offrande faite par le roi à Osiris-mrj[tj…]d (2) Hathor maîtresse de Fekate (et) aux dieux […] boire de l’eau (3) et respirer le vent du nordf [par] le directeur des prêtres-des-heuresg qui connaît le lever héliaque de Sothish […]i Ânkhhor (4) qu’ils donnent des offrandes du sud et des provendes du nord au supérieur des …(?)j Ânkhhor (5) fils du supérieur des …(?) Padiaset, né de la maîtresse de maison Dis(et)asetenibesk, (6) son père étant le supérieur des prêtres-des-heures Ânkhhor, fils du supérieur des …(?) Neshordjehoutyl ; le fils des (?) filsm : (7) les supérieurs des …(?) Neshordjehouty, Iouefennoubetn, le supérieur des …(?) Nâsenef o, (8) Harbesp, Ânkh-Nimlotq, Dis(et)asetenibes, Nesmout, (9) Herirse(t)enes (?)r, Herirs(et) (?), Padiousir fils (de) Iâas. (10) Tant que tu existeras, les dieux et les déesses (?)t existeront, tant que le ciel existera, ton ka existera. C’est leur fils qui fait vivre leurs noms, (11) le supérieur des …(?) qui connaît le lever héliaque de Sothis, Hersenefu, bien portant, fils du directeur des …(?) Ânkhhor, né de la maîtresse de maison N(a)isâaroudjv.
Ce même signe est employé pour déterminer les titres ímj-wnwt et mr-wnwtjw dans le cintre et col. 3. On comparera, par exemple, avec la stèle de Nesptah, du Sérapeum, cf. M. Malinine – G. Posener – J. Vercoutter, op. cit., p. 130-131 et pl. XLIV (no 169). 8
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Notes de commentaire a
La figure d’Osiris à Mefkat a été définie par J. Yoyotte9 comme un Osiris-de-la-rive (mrjt), à partir du naos Louvre D29 qui lui est consacré, épithète qui doit vraisemblablement être rapprochée des toponymes en mrjt mentionnés sur le Rituel de Mefky10. La documentation privée locale, comme la stèle de Montgeron ou la stèle d’Yverdon-les-Bains11, présente parfois des graphies différentes, qui posent la question de la signification de cette épiclèse et des jeux mis en œuvre avec les formes d’Osiris-le-Bien-Aimé et Osiris-aimé-de-son-père, notamment en tenant compte de formes similaires dans d’autres centres religieux de Basse-Égypte12. b Peu d’occurrences d’Harsomtous, dieu-fils de la triade de Mefkat, ont été relevées. L’existence de celui-ci et sa place dans la ville sont pourtant assurées par ce document, ainsi que par l’un des blocs de calcaire découverts à Kôm Abou Billou et conservé au British Museum13. Ce dernier porte une double invocation à « Hathor de Mefkat, la Dorée sur sa barque » et « Harsomtous le grand dieu à la tête de Mefkat ». En tant que forme d’Horus, Harsomtous a été défini comme fils d’Hathor et de l’Osiris local. Ainsi que me l’a fait observer Olivier Perdu, il est intéressant de constater qu’il est figuré ici devant la déesse, ce qui marque peut-être la prééminence du dieu fils sur sa mère, que l’on observe sur d’autres documents (stèle CG 20564 + Vienne AÖS 19214 ; stèle JE 4133215 ; stèle Berlin 1940016 ; stèle de donation d’Akanosh conservée dans une collection privée17). Le même phénomène peut être observé dans les titulatures de prêtres spécifiques locaux, dans lesquelles le titre de prêtre-Ìw-w∂, lié à Harsomtous18, précède systématiquement celui de prêtre-s()È-Ìt (lié à Hathor), par exemple sur l’appui dorsal de la statue Vatican inv. 2268919, originaire de Mefkat. c Hathor de Mefkat, la déesse principale du lieu, est une forme particulière d’Hathor, vénérée plus spécialement sous l’épithète de « la Dorée » ou « la Dorée est venue »20. Elle adopte à l’occasion 9
J. Yoyotte, « Le grand Kôm el-Ahmar de Menûfîyah et deux Naos du Pharaon Amasis », BSFE 151 (2001), p. 68. G. Daressy, « Une inscription d’Achmoun et la géographie du nome libyque », ASAE 16 (1916), p. 224, IV, 3 et p. 226, VIII, 1. 11 Inv. 83.2.1, cf. J.-L. Chappaz, « Une stèle de Basse Époque au musée d’Yverdon », BIFAO 86 (1986), p. 92-98. 12 Par exemple le sarcophage de la collection Amherst, cf. W. Spiegelberg, OLZ 4 (1901), col. 227. Sur ces formes d’Osiris et l’épithète mrjtj, cf. S. Cauville, La théologie d’Osiris à Edfou (BdE 91), 1983, p. 83, qui indique l’existence d’une forme « le bien-aimé », mais aussi d’une forme d’Osiris triomphant. Voir également Chr. Favard-Meeks, Le temple de Behbeit el-Hagara, essai de reconstitution et d’interprétation (BSAK 6), 1991, p. 348 et, en dernier lieu, P. Koemoth, Osiris-mrjtj (le) Bien-Aimé. Contribution à l’étude d’Osiris sélénisé (CSEG 9), 2009, p. 43. 13 Bloc EA 652, cf. PM IV, p. 68 et Fr.Ll. Griffith, The Antiquities of Tell el Yahûdîyeh and Miscellaneous Work in Lower Egypt during the Years 1887-1888 (MEEF 7), 1890, p. 62, no 8. 14 A. Leahy, GM 108 (1989), p. 55, pour une photographie du cintre, cf. H. De Meulenaere, dans J. Baines et al., Pyramid Studies and Other Essays presented to I.E.S. Edwards (EES OP 7), 1988, pl. 135. 15 H. Selim, SAK 28 (2000), pl. 12. 16 M. Burchardt – G. Roeder, ZÄS 55 (1918), p. 51 ; K. Jansen-Winkeln, GM 152 (1996), p. 27-33 ; T. Mrsich, GM 154 (1996), p. 69-75. Je remercie Camille De Visscher pour ces indications bibliographiques. De nombreux parallèles ont pu être trouvés grâce à la base de données Stèles, rassemblant plus de 2000 stèles privées tardives, qu’elle a constituée dans le cadre de sa thèse de doctorat. 17 O. Perdu, CRAIBL 146/4 (2002), p. 1237, fig. 3. 18 L. Limme, CdE XLVII/93-94 (1972), p. 82-109. 19 B. Turajeff, « Die naophore Statue Nr. 97 im Vatikan », ZÄS 46 (1909-1910), p. 74-77. 20 Notamment sur le Rituel de Mefky, registre inférieur, col x+4 et x+17 (la Dorée) et x+16 (la Dorée est venue), cf. G. Daressy, ASAE 16 (1916), p. 228 (4) et 229 (16-17). Une nouvelle édition du texte est en préparation par l’auteur de cet article. 10
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une forme à tête de vache21 ou est représentée zoomorphe22. Cet aspect bovin est à mettre en relation avec la mythologie locale, dans laquelle la déesse est décapitée avant que Thot ne lui remplace sa tête par celle d’une vache. Elle joue ainsi le rôle d’Isis, comme le montre la place qu’elle occupe au sein de la triade sur la stèle de Montgeron. d La lacune occupe quatre à cinq cadrats. Il faut vraisemblablement restituer une adresse à Harsomtous de Mefkat, figuré et nommé dans le cintre. e Le toponyme Mefkat est écrit sur la stèle indifféremment Mfkt ou Fkt23. Le nom Mefkat renvoyant à une localité du Delta occidental n’apparaît dans la documentation qu’à partir du règne de Chéchonq V24, c’est-à-dire après la fin de l’exploitation des carrières de turquoise du Sinaï, sous la forme du nom d’un sanctuaire : « Pr-Îwt-Îr-nbt-Mfkt ». La documentation plus ancienne fait, quant à elle, état d’épithètes d’« Hathor maîtresse de la turquoise », sans déterminatif toponymique, renvoyant à l’exploitation du minéral dans le Sinaï et sans relation directe avec le lieu. Le toponyme se trouve ensuite plus couramment employé sous une forme raccourcie en « Mefkat », jusqu’à l’époque gréco-romaine dans la documentation religieuse de tradition égyptienne25. f L’expression swr mw Ìnm mÌjt est attestée dans des formules similaires, confirmant ainsi la lecture de ce passage endommagé26. Le formulaire se retrouve sur plusieurs documents des XXVe et XXVIe dynasties (voir le groupe Louvre N 66327, en plus des exemples cités infra) et perdure jusqu’à l’époque ptolémaïque, par exemple dans la tombe de Petosiris, inscription no 8928. g Sur les titres ímj-wnwt ou wnwtj, cf. A. Gardiner, Ancient Egyptian Onomastica, I, 1947, p. 61*-62* ; Ph. Derchain, « Harkhébis, le Psylle-Astrologue », CdE LXIV/127-128 (1989), p. 74-89 ; Kh. Daoud, « An Early Ramesside Stela of a Chief of Hour Watchers in the Memphite Temple of Ptah », JEA 79 (1993), p. 261-265 et J. Dieleman, « Claiming the Stars, Egyptian Priests Facing the Sky », dans S. Bickel – A. Loprieno (éd.), Basel Egyptology Prize, 1 (AH 17), 2003, p. 277-289 et infra. h Pour le sens de « lever héliaque » appliqué spécifiquement à prí, cf. Ph. Derchain, op. cit., p. 76 note 3. i
La lacune, d’un petit cadrat, semble trop petite pour avoir contenu le titre
.
21 Bloc Bolton 14.89, cf. Fr.Ll. Griffith, op. cit., p. 62 et pl. XX, no 11 ; V.A. Donohue, The Egyptian Collection, Bolton Museum and Art Gallery, 1966, p. 9. Sur l’apparition et le développement de cette forme de la déesse, cf. J. Berlandini, BIFAO 83 (1983) p. 33-50. 22 Voir le bloc reproduit par Fr.Ll. Griffith, op. cit., pl. XX, no 10 (localisation actuelle inconnue). 23 Sur l’omission du préfixe /m/, cf. Ph. Collombert, GM 227 (2010), p. 21. 24 Stèle JE 30972, cf. Y. Koenig, « Notes sur la stèle de donation Caire JE 30972 », ASAE 68 (1982), p. 111-113 et K. Jansen-Winkeln, Inschriften der Spätzeit, II, 2007, p. 276-277. 25 Edfou VI, 53, 7-8 et procession des divinités du temple d’Arensnouphis à Philæ, cf. PM VI, p. 211 (50-52). 26 W. Barta, Aufbau und Bedeutung der altägyptischen Opferformel (ÄgForsch 24), 1968, formules 68 et 135. Pour des exemples antérieurs au Ier millénaire, on verra notamment, pour la XVIIIe dynastie, la stèle du mur nord de la tombe de Djéhouty (TT 110), cf. N. De Garis Davies, dans Studies Presented to F. Ll. Griffith, 1932, p. 279-290 et pl. 36 et 39 (ligne 3). Pour le règne de Ramsès II, la statue de Siroï CG 42128 fait référence au même thème mais selon un formulaire différent, cf. KRI III, 496 (15-16) et B-CK/66 (http://www.ifao.egnet.net/bases/cachette/?id=66). On verra également la stèle JE 59636, cf. P. Lacau, dans Mélanges Mariette (BdE 32), 1961, p. 215 et pl. I. 27 Côté gauche du siège, col. 3. E. Otto, MDAIK 15 (1957), p. 206 et I. Guermeur, Les cultes d’Amon hors de Thèbes, recherches de géographie religieuse (BEPHE 123), 2005, p. 113. 28 G. Lefebvre, Le tombeau de Petosiris, II, 1923, p. 68, no 89 et pl. LIV/1 et N. Cherpion – J.-P. Corteggiani – J.-Fr. Gout, Le tombeau de Pétosiris à Touna el-Gebel, relevé photographique (BiGen 27), 2007, p. 151 (scène 100, col. 1-2).
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Le titre apparaît plusieurs fois dans le texte du registre inférieur (col. 4, 5, 6, 7 et 11), avec une occurrence au pluriel (col. 7) et une variante avec mr au lieu de Ìrj (col. 11). Il n’a pas de parallèle à ma connaissance. Pour les hypothèses de lecture, cf. infra. k Le nom Dí-s(t)-st-n-íb=s « Qu’Isis la place dans son cœur » n’est pas attesté dans le PN. Voir néanmoins PN I, 397 (19) et II, 400. l Le nom est incertain. Ns-Îr-ΔÌwtj, « il appartient à Horus et Thot » n’est attesté qu’en démotique29, mais la formation onomastique Ns- suivie du nom de deux divinités associées est courante, à l’exemple de Nes-Shou-Tefnout30. Ici, les deux hiéroglyphes se trouvent disposés l’un en face de l’autre, ce qui semble confirmer la lecture. Notons également que le nom Hor-Djéhouty a été relevé31, de même que l’anthroponyme Khonsou-Djéhouty, associant lui aussi le nom de Thot et d’une autre divinité32. m L’expression s n sw, qui ne m’est pas connue par ailleurs33, fait difficulté. La traduction littérale « le fils des fils » offre peu de sens, même avec une acception étendue du mot34 ; il s’agit vraisemblablement d’introduire la généalogie au sens large, pour afficher l’étendue de la famille, peutêtre en désignant une succession de fils (et filles) issus d’un ancêtre commun. La répartition des premiers ascendants (col. 5-6) est exprimée de manière complète et traditionnelle, sur trois générations (cf. infra fig. 1). Le premier s de l’expression pourrait renvoyer soit au dernier ancêtre mentionné (Neshordjehouty), soit plus probablement au défunt lui-même (Ânkhhor). Une mention de sw n s aurait pu introduire les descendants de manière générale, mais s n ítw, fils des « pères » ou des « ancêtres » aurait paru mieux convenir, introduisant ainsi les ascendants sans se préoccuper de leurs liens généalogiques précis, qu’ils aient été volontairement omis ou que l’on en ait perdu le souvenir. n L’anthroponyme Äw=f-n-Nwbt « Il appartient à la Dorée » fait référence à la forme locale de la déesse Hathor. Il n’est pas relevé dans le PN, mais sa construction est courante. o Le nom Nâsenef est rare mais il a été noté, dans une graphie plus détaillée, par M. Thirion sur une étoffe de lin de Basse Époque35. p PN I, 253 (27). Sur ce nom bien connu, cf. A. Leahy, « ‘Harwa’ and ‘Harbes’ », CdE LV/109110 (1980), p. 43-63 et Chr. Zivie-Coche, « Harbes, encore », dans W. Clarysse – A. Schoors – H. Willems (éd.), Egyptian Religion. The Last Thousand Years, II (OLA 85), 1998, p. 1251-1260. q La stèle fournit une nouvelle mention de l’anthroponyme Ânkh-Nimlot, qui a pour le moment été relevé uniquement sur un sarcophage du musée de Tessé (Le Mans, inv. 1995.187.17) dont les inscriptions demeurent inédites. Il s’agit d’un conducteur de char de pharaon visiblement sans rapport avec le personnage de la stèle de Montgeron36. La construction de cet anthroponyme 29
E. Lüddeckens, Demotisches Namenbuch, I, 9, 1989, p. 688 et PN I, 178 (16). Par exemple sur la stèle Edinburgh 1907.633, P. Munro, Die spätägyptischen Totenstelen (ÄgForsch 25), 1973, p. 249. 31 Sur un sarcophage d’Hawara, cf. PN I, 251 (7) et W.M.Fl. Petrie, Hawara, Biahmu and Arsinoe, 1889, pl. 5 (no 5). 32 PN I, 271 (17) et II, 382. 33 On pourra faire un rapprochement avec les occurrences de l’expression s n s, sans pluriel, désignant le petit-fils, cf. G. Robins, CdE LIV/108 (1979), p. 202. 34 Voir par exemple H. De Meulenaere, BIFAO 60 (1960), p. 121 et note (a). 35 M. Thirion, RdE 36 (1985), p. 143. 36 J. Yoyotte, Kêmi XXI (1971), p. 51, n. 17 ; P.-M. Chevereau, Prosopographie des cadres militaires égyptiens de la Basse Époque (EME 2), 2001, p. 48, no 46 et J.H. Taylor, dans J.F. Borghouts – R.J. Demarée et al. (éd.), The Libyan Period in Egypt. Historical and Cultural Studies into the 21st – 24th Dynasties. Proceedings of a Conference at Leiden University, 25-27 October 2007 (EgUit XXIII), 2009, p. 385 et 395. 30
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formé sur les noms des souverains libyens est courante (Ânkh-Osorkon, Ânkh-Chechonq, ÂnkhTakelot)37. r Le nom , et le suivant , sont très peu attestés sous cette forme. Faut-il les 38 rapprocher de Her(i)irdisetenes / Her(i)irdiset , nom attesté à l’époque ptolémaïque sur la stèle CG 2211039 ? L’absence du signe dans les deux occurrences pourrait plutôt faire pencher pour une lecture Hersenes40, mais l’écriture du nom du dédicant, Hersenef (col. 11) ne comporte pas de signe , qui aurait pu indiquer une manière d’écrire inhabituelle sur la stèle. Les anthroponymes formés sur le modèle Hersenes présentent par ailleurs l’avantage d’être beaucoup plus courants, notamment sur des documents contemporains41. Parmi les noms qui présentent le signe de l’œil, on peut relever sur la stèle IM 593742 et sur la stèle IM 308143, ainsi que des noms semblables, sur un autre document de Mefkat44 et sur une stèle passée dans le mais plus courts : commerce à Genève45, deux documents à l’iconographie proche et qui partagent de nombreux caractères archaïsants. La présence d’un double yod sur ce dernier document et sur la stèle IM 5937 pourrait inciter à ne pas faire du signe de l’œil un déterminatif et à considérer qu’il s’agit d’un autre nom, Hr-ír-s(t) / Hr- ír-s(t)-n=s (?). s À propos du nom Iâa46, on notera l’existence d’une stèle du Sérapeum (IM 272847), datée du règne de Psammétique Ier, qui mentionne également un Padiousir fils d’Iâa ainsi qu’un Harbès, mais rien ne permet d’établir un lien entre les deux. t La lecture n†rw n†rwt est incertaine, notamment en raison de la présente des deux ∑. Une lecture n†rw twt ou n†rw dm∂(w) est également possible, bien que le groupe ne soit pas attesté avec ce sens. 37 A. Leahy, dans A.B. Lloyd (éd.), Studies in Pharaonic Religion and Society in Honour of J. Gwyn Griffith (EES OP 8), 1992, p. 146-163. 38 PN I, 230 (22), PN II, 375 = PN I, 230 (10), cf. M. Thirion, RdE 46 (1995), p. 171. 39 A. Kamal, Stèles ptolémaïques et romaines (CGC), 1905, p. 95 et pl. XXXIII. 40 PN I, 230 (17). 41 Stèle IM 2810, cf. M. Malinine – G. Posener – J. Vercoutter, op. cit., p. 18-19 et pl. VII (no 20) et K. Jansen-Winkeln, Inschriften der Spätzeit, III, 2009, p. 375 (no 50) ; stèles IM 3142 et IM 3082, cf. M. Malinine – G. Posener – J. Vercoutter, op. cit., p. 148-149 et pl. LII (no 194) et LIII (no 195) ; Mobilier funéraire d’Hersenes, de Deir el-Bahari, cf. K. Jansen-Winkeln, Inschriften der Spätzeit, III, 2009, p. 493-494 (no 258) et depuis C.M. Sheikholeslami, dans Z. Hawass – P. Der Manuelian – R.B. Hussein (éd.), Perspectives on Ancient Egypt, Studies in Honour of E. Brovarski (CASAE 40), 2010, p. 405-421 (réf. Gh. Widmer) ; stèle d’Horus sur les crocodiles CG 9405, cf. G. Daressy, Textes et dessins magiques (CGC), 1903, p. 15-17 (l. 19 et 33) et pl. VI (Basse Époque). Pour des documents plus anciens, cf. stèle IM 5947, cf. M. Malinine – G. Posener – J. Vercoutter, op. cit., p. 81-82 et pl. XXVIII (no 100) et K. Jansen-Winkeln, Inschriften der Spätzeit, II, 2007, p. 380 (22) et plus récents : stèle MMA 37.588E, cf. E. Bleiberg (éd.), To Live Forever : Egyptian Treasures from the Brooklyn Museum, 2008, p. 98-99, fig. 99 et stèle CG 31082, cf. W. Spiegelberg, Die demotischen Denkmäler (CGC), I, 1904, p. 9-10 (époque ptolémaïque). Pour Heres, cf. K. Jansen-Winkeln, Inschriften der Spätzeit, III, 2009, p. 330 (no 119) et p. 361 (no 24). 42 M. Malinine – G. Posener – J. Vercoutter, op. cit., p. 53-54 et pl. XVIII (no 59). La lecture initiale de l’anthroponyme, reprise par K. Jansen-Winkeln, Inschriften der Spätzeit, II, 2007, p. 394-395, peut être corrigée à partir de la photographie. 43 M. Malinine – G. Posener – J. Vercoutter, op. cit., p. 49 et pl. XVII (no 53). 44 Stèle d’Yverdon-les-Bains 83.2.1, cf. J.-L. Chappaz, BIFAO 86 (1986), p. 92-98. 45 M. Patanè, GM 166 (1998), p. 58 (stèle B), G. Vittmann, dans M.R. Hasitzka et al., Das alte Ägypten und seine Nachbarn, Festschrift zum 65. Geburtstag von Helmut Satzinger (Kremser wissenschaftliche Reihe 3), 2003, p. 176. 46 PN I, 5 (6). 47 É. Chassinat, RecTrav XXII (1900), p. 173 (no CIX). Je remercie D. Devauchelle qui m’a aimablement fourni une photographie de cette stèle, ainsi qu’une meilleure reproduction de la stèle IM 5937.
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Pour Hersenef, cf. PN I, 230, 16 et 25 et PN II, 37548. Version féminine du nom Néphéritès49. Selon Cl. Traunecker50, l’anthroponyme masculin est connu au moins à partir de la XXVIe dynastie par une stèle du Sérapeum (R.48451). J. Yoyotte indique que la date de la stèle reste à préciser52, bien que celle-ci soit placée parmi les stèles réalisées pour l’Apis mort à la fin de l’an 20 de Psammétique Ier par M. Malinine, G. Posener et J. Vercoutter53. v
Provenance et datation L’histoire récente de l’objet étant inconnue, sa provenance ne peut qu’être déduite des inscriptions qu’il porte. Celles-ci ne laissent que peu de doute : la stèle devait à l’origine être déposée dans la nécropole de Mefkat, ainsi que l’indique la présence de la triade locale dans le cintre. Elle est donc à mettre en rapport avec le site de Kôm Abou Billou. Nécropole gréco-romaine célèbre par les centaines d’épitaphes grecques qui y ont été mises au jour, le site a également comporté des secteurs d’inhumation d’époque pharaonique, depuis l’Ancien Empire jusqu’à la Basse Époque, correspondant probablement à la nécropole de Mefkat54. Ceux-ci ont été fouillés essentiellement lors des opérations de sauvetage menées par le Service des Antiquités, dans les années 1970, à l’occasion de la construction du canal El-Nasseri, transperçant le site de Kôm Abou Billou de part en part. La facture générale de la stèle indique la Basse Époque, mais certains éléments, notamment les nombreuses traces d’archaïsme, rapprochent la stèle du style de la XXVe dynastie et d’autres, éventuellement, du début de la XXVIe. Dans la documentation funéraire privée, des figures similaires à celles de la stèle de Montgeron apparaissent sur des documents archaïsants. On comparera en particulier la forme des défunts de la stèle de Montgeron avec ceux de la stèle Manchester 296555, aux crânes ronds, bras allongés et paumes tendues vers le bas, ou encore à celui de la stèle 48
Voir également L. Limme, dans W. Clarysse – A. Schoors – H. Willems (éd.), Egyptian Religion. The Last Thousand Years, II (OLA 85), 1998, p. 1175, n. 16 et H. De Meulenaere – W. Clarysse, op. cit., p. 239. L’anthroponyme existait vraisemblablement avant la XXVIe dynastie. 49 PN I, 170 (18). 50 Cl. Traunecker, BIFAO 79 (1979), p. 420. 51 É. Chassinat, op. cit., p. 169-170 (no XCVII). 52 H. De Meulenaere – J. Yoyotte, BIFAO 83 (1983), p. 120-121. 53 Cette stèle sera publiée dans le second volume du catalogue des stèles du Sérapeum du Louvre. Je remercie D. Devauchelle qui m’a fourni ces indications ainsi qu’une photographie de la stèle. 54 Quelques données sur ces sépultures anciennes ont été publiées par les fouilleurs, cf. Sh. Farid, « Preliminary Report on the Excavations of the Antiquities Department at Kôm Abû Billo », ASAE 61 (1973), p. 21-26. 55 O. Perdu, RdE 52 (2001), pl. XXVIII. Parmi la bibliographie signalée dans l’article, on se reportera aussi à M. Patanè, op. cit., stèle A, avec, depuis, O. Perdu, RdE 57 (2006), p. 161-162 ; S. Pernigotti, SCO 17 (1968), fig. 5 (stèle Hildesheim no 9) et P. Vernus, GM 29 (1978), pl. 1.
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Francfort 164656. Parmi les documents provenant du site de Mefkat, la stèle Yverdon 83.2.157, datable également de la fin de la XXVe dynastie ou du début de la XXVIe, présente de nombreuses traces d’archaïsme, dans les figures comme dans le texte, comparables à la stèle de Montgeron : on retiendra particulièrement la forme similaire des figures féminines et certains éléments de paléographie (la forme du signe , ou l’alternance des n rendus par un trait simple ou détaillés) ainsi que certaines composantes de l’anthroponymie. De même, la stèle Copenhague AEIN 895 présente, dans la dernière ligne de son texte, une paléographie tout à fait semblable à la stèle de Montgeron58, à laquelle s’ajoute la posture des dédicants, agenouillés les bras posés sur le sol. Elle doit à ce titre être vraisemblablement datée de la même époque. Le style des divinités gravées dans le cintre, leur forme fine et élancée est également comparable à celle que l’on observe sur d’autres documents datés du début de la dynastie saïte. Ainsi, la stèle de donation de champs par le sébennyte Akanosh59 en l’an II du règne de Néchao Ier présente une triade osirienne qui, stylistiquement, est tout à fait comparable à celle de la stèle de Montgeron60. L’observation des textes permet d’apporter quelques précisions supplémentaires, par la présence de formules spécifiques et d’archaïsmes. Ainsi, l’association de la formule swr mw Ìnm mÌjt avec l’offrande des Ìtpw m Sm¨w ∂f3w m MÌw paraît caractéristique de la XXVe dynastie61. On la rencontre par exemple sur le fragment de statue de Padimahès originaire de Tell Moqdam62 ou sur un autre fragment de statue que les inscriptions désignent comme provenant de Saft el-Henne63. De même, l’ajout du qualificatif snb au nom du dédicant (col. 11), pour marquer sa qualité de vivant, se retrouve dans les documents de la XXVe dynastie, tout particulièrement sur les différents objets de Montouemhat A64, puis ne semble plus guère employé avant l’époque ptolémaïque65. En définitive, la stèle s’apparente à certains documents contemporains de la fin de la XXVe dynastie, tout en portant, principalement dans le rendu des figures, des caractères qui annon56 E. Bayer-Niemeier et al., Ägyptische Bildwerke 3, Skulptur, Malerei, Papyri und Särge, dans H. Beck (éd.), Wissenschaftliche Kataloge, Liebieghaus, Museum alter Plastik, 1993, p. 216-218, fig. 49 ; G. Vittmann, GM 141 (1994), p. 97-98. 57 J.-L. Chappaz, BIFAO 86 (1986), p. 92-98. 58 On notera particulièrement la forme du signe A1 dont les bras semblent sortir directement de la tête. 59 Cf. O. Perdu, op. cit., p. 1237, fig. 3. 60 On se reportera également à la stèle CG 20564 + AÖS 192 mentionnée plus haut, cf. A. Leahy, op. cit., p. 55. 61 Je suis redevable à Olivier Perdu de cette indication. 62 Brooklyn 64.146, cf. B. Bothmer, Kêmi XX (1970), p. 39-42 et pl. VI-VII et K. Jansen-Winkeln, Inschriften der Spätzeit, III, 2009, p. 386, no 80. 63 Le lieu de conservation actuel en est inconnu, cf. P. Davoli, Saft el-Henna. Archeologia e Storia di una città del Delta orientale (Archeologia e Storia della Civiltà Egiziana e del Vicino Oriente : Materiali e studi 6), 2001, p. 42-43 et K. Jansen-Winkeln, op. cit., p. 388, no 82. 64 J. Leclant, Montouemhat (BdE 35), 1961, p. 243, 247-248 et K. Jansen-Winkeln, op. cit., p. 451 (nos 194 et 195), p. 481 (nos 230 à 232), p. 490 (no 253, où le qualificatif est aussi appliqué à Nesptah), etc. 65 Pour des exemples de cette époque, cf. L. Coulon, RdE 57 (2006), p. 8, n. (N).
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cent les documents du début de la XXVIe dynastie. Considérant la provenance du document, un site provincial du Delta, et le peu de documents strictement comparables, l’analyse du style ne me paraît pas suffisante pour déterminer plus précisément la datation de l’objet. Généalogie La stèle a été dédiée à Ânkhhor et à son épouse Naisaâroudj par leur fils, Hersenef. En plus du cintre, sur lequel il est représenté et nommé, cet Ânkhhor est mentionné trois fois, col. 3, 4 et 11. Il est lui-même le fils de Padiaset (col. 5) et de la maîtresse de maison Dis(et)asetenibes. La suite du texte ne précise que les filiations paternelles, un autre Ânkhhor étant le grand-père du défunt (col. 6) alors que son arrière-grand-père s’appelait Neshordjéhouty. L’arbre généalogique peut donc être restitué sur cinq générations (cf. fig. 1 ci-après). Le texte comporte encore dix noms, placés les uns à la suite des autres, introduits par l’expression s n sw66. Ces noms, bien qu’ils ne soient pas précédés chacun d’une indication généalogique spécifique, semblent néanmoins organisés. Les deux premiers, Neshordjéhouty et Iouefennoubet sont masculins et déterminés par le signe d’un défunt (?) à genoux, enserré dans une gaine67, suivis de trois autres personnages masculins (Nâsenef, Harbes et Ânkh-Nimlot), déterminés par le signe habituel de l’homme assis. Ensuite sont nommées quatre femmes, Dis(et)asetenibes, Nesmout, Herirse(t)enes (?) et Herirs(et) (?). Seul le dernier nom, Padiousir fils d’Iâa, fait figure d’exception à ce schéma, puisqu’il exprime directement une filiation et que le nom Iâa est déterminé par le signe de l’homme assis. L’ordonnancement particulier de ces anthroponymes reflète peut-être un souvenir imprécis de l’ascendance éloignée, à plus de cinq générations, ou la volonté de faire référence de manière générale aux ancêtres de la famille. ?
Neshordjehouty
?
Ânkhhor Padiaset
Dis(et)asetenibes
Ânkhhor (défunt)
Naisaâroudj
Hersenef (dédicant) Fig. 1 : arbre généalogique.
66 67
Cf. note m. Cf. supra.
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Une famille d’astronomes Au sein des titulatures des personnages mentionnés sur la stèle, plusieurs titres liés aux étoiles et au calcul des heures apparaissent. Dans le cintre, Ânkhhor est qualifié de ímj-wnwt68. Il s’agit d’un titre relatif à la mesure du temps, qui est ici directement attaché à la déesse de Mefkat (ímj-wnwt n Îwt-Îr nbt Fkt). Sa fonction était probablement celle de fixer, par l’observation des étoiles, les différents moments du culte de la déesse. Dans le texte du registre inférieur, le même Ânkhhor est qualifié de mr-wnwtj(w) rÌ pr(t) Spdt (col. 3). La lecture wnwtj, titre bien attesté, semble préférable à celle de wnwnwt69, la duplication du wn pouvant être expliquée comme un duel pour rendre le nisbé, ce qui correspond bien aux tendances archaïsantes du texte70. Il s’agit donc, me semble-t-il, de décrire la même fonction d’Ânkhhor, en employant une version ancienne de ce même titre, délaissé au profit d’ímj-wnwt à partir de la fin du Nouvel Empire71. En plus de la détermination des horaires des rites d’Hathor de Mefkat, il est précisé ici que Ânkhhor était chargé d’observer le lever héliaque de Sothis, les deux attributions étant probablement liées. Cette fonction d’horologue semble avoir été héritée de son grand-père, qui est quant à lui qualifié de Ìrj-wnwtj(w) (col. 6). Il serait surprenant que cette charge ait sauté une génération et, de ce fait, la solution la plus vraisemblable serait de voir dans le titre une fonction à caractère astronomique. En effet, c’est le titre porté par Padiaset, le père d’Ânkhhor (col. 5), ainsi que par plusieurs ancêtres (col. 7), par Ânkhhor lui-même (col. 4) ainsi que par son fils (col. 11). La fin du texte pourrait confirmer cette hypothèse, puisque le fils d’Ânkhhor, Hersenef (col. 11), est qualifié de , faisant curieusement écho au titre de mr-wnwtj(w) rÌ pr(t) Spdt de son père (col. 3). Notons pour terminer que le seul titre du défunt qui soit rappelé dans la filiation clôturant l’inscription (col. 11) est précisément celui de graphie familiale. 68
, montrant ainsi son importance dans la prosopo-
Wb I, 316, 2, cf. S. Sauneron, Kêmi XV (1959), p. 36-37 ; H. Wild, BIFAO 69 (1970), p. 121-125 et J.-L. Fissolo, EAO 21 (2001), p. 14-24. 69 Wb I, 318, 12. La statue de Senty (G. Daressy, ASAE 18 [1918], p. 277), seul exemple cité par le Wörterbuch pour le titre wnwnw « Sternbeobachter », porte une graphie avec un double wn sur le devant de la robe, mais la lecture du mot est incertaine en raison de l’état de conservation de la statue. Il est donc difficile de la considérer comme un document suffisant pour attester un titre d’astronome formé sur le verbe wnwn (Wb I, 318, 11). 70 Une graphie similaire, comme synonyme du titre wnwtj, peut être observée pour le Nouvel Empire dans la tombe de Nakht (TT 52, cf. PM I2/1, p. 99-102), salle transversale, côté nord, paroi ouest, cf. N. De Garis Davies, The Tomb of Nakht at Thebes (MMAEE, R. de Peyster Tytus Memorial Series 1), 1917, pl. VIb, XXII ; Ph. Virey et al., Sept tombeaux thébains de la XVIIIe dynastie (MMAF 5), 1894, p. 480. 71 H. Wild, op. cit., p. 122, suivi par J.-L. Fissolo, op. cit., p. 23.
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Si l’on retient la graphie
comme équivalent du mr-wnwtj(w) rÌ pr(t) Spdt de
, bien qu’elle la col. 3, on pourrait suggérer une lecture Ìrj-wnwtj(w) pour le groupe reste difficile à expliquer pour le moment. D’autres hypothèses sont envisageables, mais aucune ne permet de résoudre avec assurance la lecture de ce groupe récurrent72. Résumé / Abstract Cet article est la publication d’une stèle inédite appartenant aux rares objets funéraires inscrits provenant de la nécropole pharaonique de Mefkat, dans le Delta occidental. Datable de la fin de la XXVe dynastie, elle présente des caractères d’archaïsme dans le texte typiques de cette époque, ainsi que des critères stylistiques qui se retrouvent sur les documents du début de la XXVIe dynastie. Les trois figures divines gravées dans le cintre, organisées en une triade familiale de type osirien, sont les trois divinités principales de la ville de Mefkat, représentées ici ensemble pour la première fois. Les inscriptions font connaître le défunt, Ânkhhor fils de Padiaset et Naisaâroudj, dont la famille a occupé des charges sacerdotales liées à l’observation des étoiles et au calcul des horaires cultuels de la déesse Hathor locale. This paper deals with an unpublished stela, belonging to the rare funerary objects recorded from the necropolis of Pharaonic Mefkat, in the Western Delta. The document can be dated to the XXVth dynasty, it shows features of archaism in the text that are typical of that time, as well as stylistic elements that are found on the documents of the beginning of the XXVIth dynasty. The three divine figures represented on the top, arranged as a family triad of osirian type, are the three main deities of the city of Mefkat, appearing together for the first time. The inscriptions concern Ankhhor son of Padiaset and Naisaaroudj, whose family held priesthoods related to the observation of stars and the calculation of hours for the worship of the local goddess Hathor.
72 Les valeurs connues pour le signe E17 pourraient indiquer une lecture Ìrj-ss, « le supérieur des scribes », la valeur ss étant attestée pour ce signe par des mentions à l’intérieur d’expressions bien connues comme « ss nsw » ou « ss nsw Ìsb Ìt nbt nw Sm¨w MÌw » (cf. E. Graefe, SAK 3 [1975], p. 83 et récemment, I. Guermeur, dans I. Régen – Fr. Servajean [éd.], Verba Manent. Recueil d’études dédiées à Dimitri Meeks [CENIM 2], 2009, p. 178-179) mais cette hypothèse ne convient pas au contexte. De même, on conçoit mal l’utilisation du terme sb, si ce n’est en imaginant un fort peu probable jeu de mot avec sb « l’étoile ». Enfin, on pourrait aussi rapprocher le titre de l’expression sr pr(t) Spdt connue par la statue d’Harkhébis (Ph. Derchain, CdE LXIV/127-128 [1989], p. 77) faisant de l’annonce du lever héliaque de Sothis après son observation la fonction principale d’Ânkhhor et de ses ancêtres. Sur le sens de sr, on se reportera désormais à Chr. Cannuyer, La girafe dans l’Égypte ancienne et le verbe sr (AOB– Subsidia IV), 2010.
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Stèle Montgeron 2007.4, échelle 1/3 (© musée de Montgeron). S. Dhennin, Une stèle de Mefkat (Montgeron 2007.4)
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Stèle Montgeron 2007.4, échelle 1/3 (dessin S. Dhennin). S. Dhennin, Une stèle de Mefkat (Montgeron 2007.4)
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