Daniel Bensaïd - La Política Como Arte Estratégico - Compilado

January 30, 2018 | Author: Carlos Wagner | Category: Revolutions, Marxism, Communism, Politics, State (Polity)
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Descripción: La política como arte estratégico compilado de artículos marxismo...

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La política como arte estratégico – Daniel Bensaïd Daniel Bensaïd ou la politique comme art stratégique (par Antoine Artous, Contretemps n°7) «Eloge de la politique profane comme art stratégique», ainsi se conclut le dernier livre de Daniel Bensaïd 1. La référence à la politique comme art stratégique est chez lui récurrente. En revanche l’ajout de l’adjectif «profane» a parfois étonné. Il est sans nul doute lié pour partie à la conjoncture historique actuelle (remontée du sacré), mais, plus profondément, il illustre la place occupée par la catégorie de stratégie dans son dispositif de relecture de Marx. Ainsi, dans Marx l’intempestif, il est question «d’une nouvelle écriture de l’histoire» qui passe «du sacré au profane» en déconstruisant une vision fétichiste de l’histoire universelle. La problématique de la rationalité historique ne renvoie plus alors à «une normalité transcendantale, mais à une rationalité immanente exprimant, sur le mode du choix stratégique, un souhaitable qui serait à la fois un nécessaire optatif et un possible effectif». Il s’agit d’essayer de penser une «causalité historique» qui ne relève pas d’un déterminisme historique, mais d’une «possibilité objective». Emerge alors une «autre rationalité. Où l’histoire se noue au politique. Où la connaissance devient stratégique 2.» C’est pourquoi, «chez Marx, le rapport de classe n’est pas un concept sociologique classificatoire, mais un concept stratégique: les classes se posent réciproquement dans leur lutte», écrit Daniel Bensaïd, en mai 2006, dans «Moment utopique et refondation stratégique» 3. Les classes sociales n’existent pas en soi, comme données sociologiques (ou, déjà constituées, comme sujets de l’histoire). Existe un rapport d’exploitation, générant certaines contradictions et conflits à travers lesquels des groupes sociaux se constituent en classes. Ainsi, écrit-il en 2003, dans Un monde à changer: «Le rôle central attribué par Marx à la classe ouvrière ne relève pas d’un déterminisme sociologique qui conduirait mécaniquement le prolétariat à agir conformément à son essence. Il est d’ordre stratégique: rassembler les griefs particuliers et dépasser les différences dans un combat commun dans un procès d’universalisation 4.» «Renversement du pouvoir politique bourgeois» On voit que, si l’on déroule les fils, la catégorie de stratégie s’articule à un marxisme rompant avec toute transcendance, au profit d’une rationalité historique qui se construit à travers le conflit et sous le mode du choix stratégique possible. Reste que cette vision extensive de la catégorie de stratégie ne doit pas faire oublier que Daniel

Bensaïd traite d’abord de la lutte politique et, plus précisément, de la lutte pour le pouvoir. Il est explicite à ce propos. Ainsi, à la fin des années 1980, dans Stratégie et parti, où il dresse le bilan de l’élaboration stratégique de la Ligue 5 sur ces questions: «Le stratégique pour nous, ce qui définit la base sur laquelle rassembler, organiser, éduquer des militants, c’est un projet de renversement du pouvoir politique bourgeois. Car la révolution socialiste commence par cet acte politique 6.» Il faut éviter les fausses interprétations. Durant les quelques années qui ont suivi 1968, La Ligue a développé un «avant-gardisme» et un «hyper léninisme» dont le bilan a été tiré dès le milieu des années 1970 7/. Mais ce n’est pas ce qui est en cause dans les formules citées ici. Elles visent beaucoup plus large: en fait l’ensemble de l’histoire du mouvement ouvrier. Elles proposent deux grandes hypothèses stratégiques, sur lesquelles je vais revenir. Auparavant une deuxième remarque. D’aucuns diront que ces formules sont typiques d’une «tare» qui a marqué le mouvement ouvrier de tradition communiste (léniniste): la fascination pour l’appareil d’Etat. Le constat demanderait de longues discussions. En revanche, il faut signaler que, à cette époque, Daniel Bensaïd (et d’autres dans la Ligue et l’extrême gauche) avait engagé, notamment sous l’influence des travaux de Michel Foucault 8, un retour critique sur une certaine tradition marxiste d’analyse du pouvoir trop centrée sur le seul pouvoir étatique. Ce qui sans doute avait des conséquences sur la façon dont on pouvait imaginer – sur la base de l’expérience historique – l’organisation du pouvoir socialiste, et donc sur la façon de formuler un projet stratégique de lutte pour le pouvoir. Mais cela n’impliquait nullement de renoncer à la référence à une stratégie révolutionnaire qui fasse de l’Etat un enjeu central. La catégorie de stratégie relève d’une histoire dans le mouvement ouvrier. Elle a pris une place centrale au tournant des années 1920, après la révolution d’Octobre 17, et à travers les débats des premières années de l’Internationale communiste. Avant 1914, fait remarquer Trotsky, on parle seulement de tactique. La place prise par la catégorie de stratégie vient sans doute en partie de la terminologie militaire, mais traduit surtout une période historique qu’à l’époque on appelle l’actualité de la révolution prolétarienne (ce qui ne veut pas dire que la révolution est possible chaque jour…). Dans ce cadre, «la stratégie révolutionnaire couvre tout un système combiné d’actions qui, dans leurs liaisons et leur succession, comme dans leur développement, doivent amener le prolétariat à la conquête du pouvoir» 9.

Ces débats visent, notamment sur la base de l’expérience de la révolution allemande, à définir une stratégie révolutionnaire mieux adaptée aux pays de l’Europe de l’Ouest. D’où la volonté d’articuler le niveau stratégique et les niveaux tactiques. Avec, par exemple, l’élaboration d’un programme de revendications transitoires, d’une politique de front unique, d’une perspective de gouvernement ouvrier qui ne soit pas simple propagande pour la dictature du prolétariat et le pouvoir des soviets, etc. C’est ce type de problématique que tente de systématiser Trotsky contre la politique de l’Internationale stalinisée. Daniel Bensaïd s’inscrit explicitement dans cette tradition. Plus généralement une particularité de la Ligue des années 1970 est de tenter d’inscrire les débats stratégiques, qui jaillissent à cette époque (Europe du Sud, Amérique latine…), dans la continuité de ceux de l’Internationale communiste des années 1920, se livrant à un travail historique important sur les révolutions allemande et espagnole. Ce va-et-vient entre le passé et le présent des traditions révolutionnaires européennes, doublé d’une bifurcation par l’Amérique Latine, est significatif du travail sur la stratégie réalisé alors par la Ligue. Je vais m’en tenir à deux thèmes particulièrement systématisés par Daniel Bensaïd. D’une part, la rupture introduite par Lénine sur la question de la lutte politique, plus exactement sur la place du politique. D’autre part, sur la question – déjà indiquée – des hypothèses stratégiques. Comme il n’est pas possible dans le cadre du présent article de multiplier les citations, je me contenterai de renvoyer aux textes déjà cités de Daniel Bensaïd, auxquels on peut ajouter «Sur le retour de la question politico-stratégique» (août 2006) et «Stratégie et politique: de Marx à la III e Internationale» (mai 2007). Lénine et la politique Daniel Bensaïd aimait citer la formule de Lénine «la division en classe est, certes, l’assise la plus profonde du groupement politique […] mais cette "fin de compte", c’est la lutte politique qui l’établit 10.» Tout en étant un héritage du marxisme, elle souligne l’apport spécifique de Lénine sur la spécificité de la politique. Dès Le Manifeste communiste, Marx et Engels expliquent que le prolétariat doit prendre le pouvoir politique, afin de s’ériger en classe dominante. Et, à la lumière de la Commune de Paris, Marx insiste sur le fait qu’il faudra briser l’appareil bureaucratique de l’Etat pour mettre en place une démocratie similaire à celle des communards insurgés. Marx s’intéresse donc à lutte politique, tout en étant vigilant quant aux nouvelles formes d’invention démocratique.

Mais il le fait, pour reprendre la formule de Daniel Bensaïd, dans le cadre d’un certain «déterminisme sociologique». Le développement industriel et la croissance de la classe ouvrière, en nombre et en conscience, portent un mouvement historique dont la dynamique règlera d’elle-même l’accès du prolétariat au pouvoir politique. A la fin du siècle cette problématique va s’amplifier, selon une logique gradualiste, avec le développement de la II e Internationale, ses partis de masse (notamment en Allemagne) et l’évolution vers le suffrage universel. Des courants critiques (Rosa Luxemburg, le jeune Trotsky) se méfient de ce qu’ils estiment être un opportunisme. Sans pour autant remettre en cause ce «déterminisme sociologique», ils mettent l’accent sur l’auto-développement du prolétariat en force et en conscience à travers les mobilisations de masse (notamment la grève générale). La politique du prolétariat – et la politique tout court – est donc, d’une part, prise dans une temporalité linéaire et, d’autre part, elle apparaît comme un simple prolongement organique du mouvement économique. Ainsi comprise, la politique ne relève pas d’une stratégie, elle se contente de réaliser ce qui est déjà là, inscrit de façon inconsciente dans les rapports sociaux, d’une problématique de la prise de conscience et du dévoilement. Lénine a rompu avec cette approche sur – pour ce qui nous concerne ici – deux points. Tout d’abord, le fait que la politique n’est pas le simple prolongement de la lutte sociale et économique : elle n’est pas le produit d’un simple conflit entre l’ouvrier et le patron, mais de la confrontation de l’ensemble des classes dans la société. Non seulement la politique présente une certaine autonomie par rapport au socio-économique, mais elle a une fonction structurante du social. La politique a donc sa propre épaisseur sociale, ses propres institutions, son propre langage à décoder qui n’est pas seulement l’ombre portée de l’économique. Et cette analyse politique de la société est un élément déterminant pour comprendre les possibles dynamiques d’ensemble des luttes de classes. Ainsi comprise, la spécification du niveau politique est donc un élément-clé de la pensée stratégique, qu’il convient d’articuler avec le concept de crise systématisé par Lénine sous le choc de la guerre d’août 1914. Lénine ne se contente pas de critiquer le gradualisme de la II e Internationale (en particulier de Kautsky) pour engager une réflexion sur l’Etat qui va aboutir à L’Etat et la Révolution. Il élabore également le concept de crise révolutionnaire, qui va devenir un élément de l’élaboration stratégique. Sans ériger celle-ci en modèle, il indique trois indices: ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner comme avant, ceux d’en bas ne veulent plus être gouvernés comme avant, ceux du milieu hésitent. La politique est en permanence centrale. Lénine décrit en fait une crise politique du système de domination. Ce qui explique qu’il parle

souvent de «crise nationale», étant donné la place occupée alors par l’Etat national dans la domination. Sur cette base se développe une logique de double pouvoir. Tout cela ne relève donc plus d’une temporalité linéaire se développant dans un espace homogène. Non seulement la politique a une temporalité propre, mais la crise exprime un «temps brisé», selon une formule de Daniel Bensaïd, dans un espace différencié lui aussi en crise (double pouvoir). Et rien n’est jouéd’avance : d’où l’importance accordée par Lénine au parti pour dénouer positivement la crise. Hypothèses stratégiques On a souvent reproché aux trotskystes d’ériger l’expérience de la Révolution russe de 1917 en modèle stratégique. Si ce fut parfois le cas, il faut rappeler que déjà au début des années 1930 Trotsky, pourtant très attaché à défendre la portée universelle d’Octobre 17, évoquait deux possibilités pour les pays capitalistes avancés. Soit une crise d’effondrement de l’Etat national, créant un vide dans lequel se développe rapidement un double pouvoir. Soit une crise prolongée, plus lente, par paliers, avec le développement d’expériences de contrôle ouvrier (à l’époque les staliniens s’opposaient à ce mot d’ordre) autour desquelles il faudrait développer une politique de front unique et une perspective de gouvernement ouvrier. Manifestement Trotsky se souvient alors de l’Allemagne des années 1920, où la crise avait duré de 1918 à 1923. En fait, il ne s’agit pas d’élaborer des modèles normatifs, mais des hypothèses stratégiques. Dans le premier cas, tout se passe comme si l’on cherchait à définir une norme qui, en quelque sorte, reflète la «vérité» du processus historique: un modèle à copier. Alors qu’une hypothèse est un guide pour l’action, construit sur la base des expériences passées et susceptible d’évoluer en fonction de nouvelles expériences. L’hypothèse stratégique relève d’un choix stratégique, et non d’un déterminisme historique. C’est l’un des apports de Daniel Bensaïd que d’avoir tenté de formuler deux grandes hypothèses stratégiques: la grève générale insurrectionnelle et la guerre révolutionnaire prolongée, dont Mao dès 1927 a perçu la possibilité dans sa brochure «Pourquoi le pouvoir rouge peut exister en Chine». Dans ce cas, le développement du double pouvoir prend une forme territoriale, à travers des zones libérées auto-administrées, et passe par le développement d’une armée populaire. Dans une telle perspective, l’implantation dans des zones rurales est décisive, et la dimension de «lutte de libération nationale» devient importante. L’hypothèse de la grève générale insurrectionnelle présente un profil plus «classique» par rapport à l’histoire du mouvement ouvrier européen: le développement d’un double pouvoir est principalement urbain (et sociologiquement ouvrier et populaire), engageant une

logique d’affrontement plus rapide. Cela ne veut pas nécessairement dire un surgissement rapide de soviets, comme en Octobre 17, la crise pouvant prendre un caractère plus prolongé, avec une articulation entre auto-organisation, développement du mouvement ouvrier et problématique de gouvernement ouvrier dans les institutions parlementaires (au sens large). Cela dit, la problématique structurante est bien la grève générale comme forme de mobilisation et d’affrontement (en défense, par exemple, face à des offensives réactionnaires), avec des formes d’organisation militaire de type urbain (milices…). Bien sûr, ainsi présentées, ces hypothèses sont épurées. Historiquement elles ont existé sous diverses variantes, certaines comportant des traits de l’une et de l’autre. Mais, dans les années 1970, elles se cristallisaient à travers des discussions réelles (en termes de choix de construction et d’orientations tactiques) avec d’autres courants révolutionnaires ou «réformistes de gauche». A propos de «l’éclipse du débat stratégique» Tout au long de la décennie passée, Daniel Bensaïd a souligné «l’éclipse du débat stratégique» apparue dès le début des années 1980. Ainsi, le chapitre IV de son dernier livre est intitulé:«L’éclipse de la politique», et il se décline en «une crise de l’historicité, «le degré zéro de la stratégie», «la théorie en miettes»... En France, les discussions allaient s’accélérer au début des années 2000, suite notamment à des dossiers que consacre Critique communiste (n° 179 et 180) aux débats sur la stratégie révolutionnaire 11. Daniel Bensaïd publie de nombreux textes (déjà cités plus haut) où se mêlent retour sur l’histoire des débats stratégiques et considérations d’actualité. C’est sur ces derniers points que je vais poursuivre, en avançant quelques éléments de discussion. Daniel Bensaïd souligne alors que le champ stratégique n’a cessé de se dilater dans le temps et dans l’espace. Plus que dans le passé, il faut distinguer une stratégie globale (à l’échelle mondiale) et une stratégie «restreinte, la lutte pour la prise du pouvoir sur un territoire déterminé» dessinant ce qu’il appelle une «échelle mobile des espaces stratégiques». Cela dit, même si les Etats nationaux sont affaiblis par la mondialisation, l’échelon national, qui structure les rapports de classe et articule un territoire à un Etat, reste un maillon décisif. Cela est vrai, mais restent les effets de la crise des Etats-nations et des territoires. Au demeurant, de longue date, Daniel Bensaïd analyse précisément ceux-ci 12, montrant qu’il ne s’agit pas d’une crise conjoncturelle, mais d’une crise structurelle des éléments qui ont façonné la modernité autour des catégories de territoire, de souveraineté et de pouvoir politique. Il note aussi que cette crise a

touché également de plein fouet le mouvement ouvrier (réformiste ou révolutionnaire) qui, depuis le XIXe siècle, s’est fondamentalement – et inévitablement – construit autour de ces catégories. A la crise issue de l’évolution «sociologique» du salariat, vient se joindre celle liée à la crise des territoires politiques. Disons pour préciser qu’à la crise des référents politiques basés sur la marginalisation des grandes concentrations socio-économiques s’ajoute celle du territoire national comme cadre d’exercice de la citoyenneté. Cette double crise a eu des effets dévastateurs sur les formes d’organisation et de représentation politique du mouvement ouvrier. Et donc sur ses capacités de recomposition. Daniel Bensaïd ne pensait pas qu’un discours sur le cosmopolitisme pouvait régler le problème. On peut regretter qu’il n’ait pas mis plus nettement en relation ces nouvelles données historiques avec ce qu’il appelle parfois la «crise de la raison stratégique», et plus généralement avec les grandes périodisations historiques. Ainsi, en 2007, dans «Temps historique et rythmes politiques», soulignant que les années 1980 représentent une «défaite historique» il s’interroge: «Défaite historique des politiques d’émancipation ou simple alternance des cycles de mobilisation?». Ainsi formulée la question paraît trop simplifiée. Il conviendrait de procéder à une double périodisation: l’une des cycles de mobilisation, l’autre de la période historique au sens plus large. Depuis les années 1980, il a bien existé une alternance des cycles de mobilisation. Ainsi 1995 en France, 1999 avec le Forum social de Seattle, le premier Porto Alegre en 2001… Mais ces mobilisations (et leurs bilans) ont fait apparaître que, au moins depuis la chute du mur de Berlin, est en cours de cristallisation une nouvelle période historique qui clôt celle issue du court vingtième siècle; c’est-à-dire le cycle historique ouvert par la révolution russe d’Octobre 17. Il ne s’agit pas, comme le craint Daniel Bensaïd dans le même texte, «de nouer dans une même temporalité historique une pluralité de temps sociaux désaccordés» et, au nom d’un déterminisme historique à sens unique, de gommer le présent comme «pluralité de possibles». Simplement, nous ne sommes plus dans les années 19601970 lorsqu’il semblait possible de rétablir – pour définir une problématique d’émancipation – une liaison directe avec les traditions issues d’Octobre 17. A nouveau sur la politique Parler d’éclipse du débat stratégique ce n’est donc pas laisser croire qu’une fois le soleil réapparu, les grands dispositifs stratégiques qui se sont construits dans l’histoire peuvent revenir comme tels. Au demeurant tel n’est pas le propos de Daniel Bensaïd. Pour lui, seules de nouvelles expériences historiques permettront d’avancer dans

l’élaboration stratégique. Mais, en attendant, loin de laisser croire que l’on peut repartir de zéro, il faut défendre certains principes stratégiques acquis, notamment la problématique de la crise révolutionnaire et du double pouvoir. On peut même ajouter, comme Daniel Bensaïd dans son Eloge de la politique profane, que s’il est légitime d’avoir abandonné la formule de «dictature du prolétariat», à cause de sa connotation historique, on ne peut contourner le problème d’un régime d’exception, lié en tant que tel à l’idée de révolution. Ce faisant, il défend, avec raison, des principes inhérents à toutes les révolutions modernes, et pas à la seule «révolution prolétarienne». Abordons à présent une autre question. Daniel Bensaïd se prononce, avec raison, pour la perspective d’une double assemblée: l’une élue sur la base du suffrage universel, l’autre élue sur la base d’une représentation du social. C’est une perspective que nous critiquions fortement dans les années 1970, et qui en outre ouvre sur d’autres questions, par exemple la place précise du suffrage universel. Ou encore une perspective de démocratisation radicale du pouvoir politique 13. Sans chercher à dresser un catalogue, je soulignerai seulement deux idées. Tout d’abord, existent (depuis pas mal d’années…) des discussions sur certains fondamentaux programmatiques de la tradition marxiste radicale (révolutionnaire et au-delà….) qu’il convient de traiter comme tels. La référence à la stratégie n’y suffit pas. C’est manifeste pour ce qui concerne la démocratie. Il est possible d’articuler une stratégie sur la base d’une perspective de démocratie radicale ou d'une perspective de pouvoir soviétique; mais il faut opter pour une des deux approches. Ensuite, il existe un écart important entre le rappel de quelques principes et l’élaboration d’une hypothèse stratégique qui soit un guide pour l’action, à la manière dont, par exemple, l’hypothèse de grève générale insurrectionnelle fonctionnait pour la Ligue dans les années 1970. C’est une difficulté «objective» pour des révolutionnaires de ne pas disposer d’une telle orientation permettant d’articuler le moment présent à une perspective plus générale. Il faut sans doute l’accepter, mais en étant conscient des nombreuses contradictions en résultant. «Les lendemains de grandes défaites sont fertiles en repousses et en effervescences utopiques. Ce fut le cas sous la Restauration, c’est aussi le cas lors des dernières décennies, sous les coups de la poussée libérale. Lorsque le nécessaire et le possible ne jointent plus, le temps vire à l’utopie», écrit Daniel Bensaïd 14. Il vise, notamment, un auteur comme John Holloway et son livre Changer le monde sans prendre le pouvoir (Syllepse, 2007). Si l’on veut

poursuivre les analogies avec le XIX e siècle, on pourrait rappeler qu’après la défaite de 1848, le mouvement ouvrier a connu un retrait important du politique, avec le développement de courants ouvriéristes et syndicalistes. En ajoutant que la décennie passée n’a pas été seulement marquée par des courants utopistes, mais par la poussée d’un radicalisme «social» et «mouvementiste» qui a fortement marqué l’extrême gauche… Naturellement cela renvoie à une situation «objective», et l’évolution du PT brésilien et du PRC italien n’a pas amélioré la situation. Mais ici, plus que le Lénine de la crise révolutionnaire, il faut citer le Lénine de la spécificité de la politique. On peut très bien gommer la lutte politique et faire de la propagande sur la stratégie révolutionnaire. Reste que la politique (révolutionnaire) ne peut se contenter d’exprimer la radicalité des mouvements sociaux. Elle doit trouver les voies propres pour, d’une part, investir le terrain proprement politique, et, d’autre part, pousser à la cristallisation de courants politiques radicaux sur le terrain politique. Or fait défaut l’actuelle absence d’une hypothèse stratégique articulée permettant de mettre en œuvre une telle problématique. Un «parti-stratège» Je voulais indiquer quelques exemples des difficultés, dans la situation actuelle, à déployer un discours stratégique, ce que le style flamboyant de Daniel Bensaïd estompe parfois. On pourrait en relever d’autres exemples. Reste la fécondité de la méthode: pour penser la politique, mais aussi, plus généralement, pour éclairer le statut du marxisme comme théorie critique. Pour lutter contre un marxisme «scientiste» et/ou «économiste», de nombreux auteurs ont souvent «ontologisé» ou «substantifié» des éléments du social qui seraient, par eux-mêmes, porteurs de la critique et de l’émancipation: le prolétariat comme sujet latent de l’histoire, le travail comme cadre de réalisation de l’essence humaine, etc. C’est, explique avec raison Henri Maler, un «concept ontologique du possible qui neutralise son concept stratégique» 15. Le possible est déjà là, comme une forme sociale en suspension qui ne demande qu’à se réaliser. Rien de tel chez Daniel Bensaïd: il récuse tout substantialisme au profit d’une approche relationnelle du social. Comme l’écrit Marx dans les Grundrisse: «La société ne se compose pas d’individus, elle exprime la somme des relations, conditions, etc., dans lesquelles se trouvent ces individus les uns par rapport aux autres 16.»Cette problématique relationnelle du conflit social est l’autre face d’une démarche stratégique. Comme je l’ai signalé au début de l’article, s’il n’existe pas de classe sujet, il existe bien des rapports de domination et d’exploitation qui génèrent des conflits de classes.

Certes, constate Daniel Bensaïd dans Eloge de la politique profane, les classes et le capitalisme sont ce que les sociologues appellent des «construits», ou des «classes probables» selon Bourdieu. «Mais sur quoi repose la validité ou la pertinence de leur "construction"? Pourquoi "probable" plutôt qu’improbable?» 17. Insister unilatéralement sur la construction conceptuelle, afin d’éviter une approche essentialiste, escamote une question, simple mais décisive: celle de l’analyse des rapports sociaux qui, sans cesse, produisent du «matériau social», lequel permet de construire des classes, et non une autre forme sociale. C’est avec ce type de problématique que Daniel Bensaïd nous invite à revisiter une série de problèmes de la tradition marxiste. Je terminerai par la question épineuse du parti comme avant-garde, censé être le dépositaire des intérêts du prolétariat, vision qu’il convient évidemment de remettre en cause. «Mais cela n’oblige en rien à renoncer aussi à l’idée d’un partistratège, engagé dans l’incertitude de la bataille, plongé dans l’inconstance des rapports de force, tenu de prendre des décisions en termes de pari raisonné, sans garantie de vérité scientifique ou historique, ni bien sûr de volonté divine. Dans la mesure où le rapport d’un tel parti aux intérêts sociaux devient irréductiblement problématique, le pluralisme politique (mais aussi la pluralité des acteurs sociaux) se trouve fondé en principe 18.» Antoine Artous. Pour s'abonner à la revue Contre temps : http://www.contretemps.eu/node/56 [Cet article est l’introduction à un recueil de textes de Daniel Bensaïd à paraître début 2011 chez Syllepse : La Politique comme art stratégique.] Notes 1 Daniel Bensaïd, Eloge de la politique profane, Albin Michel, 2008. 2 Daniel Bensaïd, Marx l’intempestif, Fayard, 1995, p. 50 et 297. 3 Les textes de Daniel Bensaïd cités dans cet article sont consultables sur le site www.europe-solidaire.org. 4 Daniel Bensaïd, Un monde à changer - Mouvements et stratégies, Textuel 2002, p. 95. 5 La Ligue communiste a été crée dans la foulée de Mai 68. Dissoute par le gouvernement en juin 1973, elle a pris ensuite le nom de Ligue communiste révolutionnaire (LCR).

6 Daniel Bensaïd, Stratégie et parti, La Brèche, 1987, p. 8. 7 Antoine Artous, Daniel Bensaïd, «Que faire? (1903) et la création de la Ligue communiste (1969)», Critique communiste, n°6, mars 1976. 8 Voir l’article indiqué dans la note précédente et Daniel Bensaïd, La Révolution et le Pouvoir, Stock, 1976. 9 Trostky, L’Internationale communiste après Lénine, PUF, 1969, t.1, p. 171. 10 Lénine, «Les tâches de la jeunesse révolutionnaire» (1903), Œuvres, Editions sociales, 1966, t.7, p. 470. 11 On en trouve la plupart des articles sur le site www.europesolidaire.org. 12 Au moins depuis Le Pari mélancolique, Fayard, 1997. 13 Sur ces questions, je me permets de renvoyer à Antoine Artous, Démocratie, citoyenneté émancipation, Syllepse, 2010. 14 Daniel Bensaïd, Eloge de la politique profane, op. cit., p.179. Il faudrait discuter plus en détail la liste des auteurs mis dans un même sac. 15 Henri Maler, Convoiter l’impossible, Albin Michel, 1995. 16 Karl Marx, Grundrisse, La Pléiade, t.2, p. 281. 17 Daniel Bensaïd, Eloge de la politique profane, op. cit., p. 336. 18 Ibidem, p. 337.

Daniel Bensaïd juillet 2002 Lenin : ¡Saltos ! ¡Saltos ! ¡Saltos ! Una política sin partidos termina, en la mayoría de los casos, en una política sin política : ya sea en un seguidismo sin objetivos a la espontaneidad de los movimientos sociales, o en la peor forma de vanguardismo individualista elitista, o finalmente en una represión de lo político en favor de lo estético o de lo ético.

A Hannah Arendt le angustiaba que la política pudiera desaparecer completamente del mundo. El siglo había atestiguado tales desastres que la pregunta de si acaso “la política todavía tiene significado alguno” se había vuelto inevitable. Los problemas que se debatían en estos miedos eran sumamente prácticos : “La falta de significado en el que el conjunto de la política ha terminado está confirmada por la vía muerta en la que se acumulan las cuestiones políticas específicas” [1]. Para ella, la forma que tomaba esta temida desaparición de la política era el totalitarismo. Hoy nos enfrentamos a una forma diferente de peligro : la tiranía del mercado. Aquí la política se encuentra aplastada entre el orden de los mercados financieros – que presentan como natural – y las prescripciones moralizantes del capitalismo ventrílocuo. El fin de la política y el fin de la historia coinciden entonces en la repetición infernal de la eternidad de la mercancía en la que se escuchan las voces apagadas de Fukuyama y Furet : “La idea de otra sociedad se ha vuelto casi imposible de concebir, y nadie en el mundo de hoy ofrece algún tipo de consejo sobre el tema. Aquí estamos, condenados a vivir en el mundo tal como es” [2]. Esto es peor que la melancolía – es desesperación, como hubiera dicho Blanqui, la eternidad de la humanidad basada en los índices de las bolsas. Hannah Arendt pensaba que podía ponerle una fecha al principio y al fin de la política : inaugurada por Platón y Aristóteles, pensaba que encontró “su culminación definitiva en las teorías de Marx” [3]. Anunciando el fin de la filosofía, dice que Marx también, por alguna broma de la dialéctica, pronunció eso de la política. Esta idea no reconoce la política de Marx como la única concebible frente a la violencia capitalizada y los fetichismos de la modernidad : “El Estado no es válido para todo”, escribió, pronunciándose claramente contra “la exageración presuntuosa del factor político” que hace del Estado burocrático la encarnación del abstracto universal. Más que una pasión unilateral por lo social, su esfuerzo se dirige a la emergencia de una política de los oprimidos que empieza desde la constitución de órganos políticos no estatales, que preparan el camino para la necesaria extinción del Estado como un órgano separado. La cuestión vital, urgente, es aquella de la política desde debajo, política para los excluidos y marginados de la política estatal de la clase dominante. Tenemos que resolver el enigma de las revoluciones obreras y sus tragedias repetidas : ¿cómo nos sacamos de encima lo muerto y ganamos el premio ? ¿Cómo una clase que ve impedido su desarrollo físico y moral en su vida diaria debido a la servidumbre involuntaria

del trabajo forzado puede transformarse en el sujeto universal de la emancipación humana ? Las respuestas de Marx en este punto derivan de una apuesta sociológica – el desarrollo industrial lleva al crecimiento numérico y la concentración de la clase trabajadora, que a su vez hace progresar su organización y su conciencia. Así, se dice que la lógica del capital por sí sola lleva a “la constitución de los proletarios como clase dominante”. El prólogo de Engels de 1890 a la edición del Manifiesto Comunista confirma esta suposición : “En cuanto al triunfo final de las tesis del Manifiesto, Marx ponía toda su confianza en el desarrollo intelectual de la clase trabajadora, fruto obligado de la acción conjunta y de la discusión [4].” La ilusión según la que la obtención del sufragio universal le permitiría al proletariado inglés, que era la mayoría de la sociedad, ajustar la representación política a la realidad social deriva de esta apuesta. En el mismo espíritu, en su comentario de 1898 sobre el Manifiesto, Antonio Labriola expresó la opinión de que “la deseada fusión de comunistas y proletarios es de ahora en adelante un hecho cumplido”. La emancipación política del proletariado fluía necesariamente de su desarrollo social. La historia convulsiva del siglo pasado muestra que no podemos escaparnos tan fácilmente del mundo embrujado de la mercancía, de sus dioses sanguinarios y de su “caja de repeticiones”. La relevancia intempestiva de Lenin necesariamente es el resultado de esta observación. Si la política hoy todavía tiene una oportunidad de apartar el peligro doble de una naturalización de la economía y una fatalización de la historia, esta oportunidad requiere un nuevo acto leninista en las condiciones de la globalización imperial. El pensamiento político de Lenin es el de la política como estrategia, la de los momentos favorables y los eslabones débiles. El tiempo “homogéneo y vacío” del progreso mecánico, sin crisis ni rupturas, es un tiempo no político. La idea sostenida por Kautsky de una “acumulación pasiva de fuerzas” pertenece a esta visión del tiempo. Una versión primitiva de una fuerza calma, este “socialismo por fuera del tiempo” y a velocidad de tortuga, disuelve la incertidumbre de la lucha política en las proclamadas leyes de la evolución histórica. Lenin, por el contrario, pensaba la política como un tiempo lleno de lucha, un tiempo de crisis y derrumbamientos. Para él, la especificidad de la política se expresa en el concepto de una crisis revolucionaria, que no es la continuación lógica de un “movimiento social”, sino una crisis general de las relaciones recíprocas entre todas las clases de la sociedad. La crisis se define entonces como una “crisis nacional”. Actúa para poner al desnudo las líneas de batalla, que ha sido oscurecidas por la fantasmagórica mística de la mercancía.

Entonces, por sí sólo, y no en virtud de alguna inevitable maduración histórica, puede transformarse el proletariado y “volverse aquello que es”. De esta forma se unen estrechamente la crisis revolucionaria y la lucha política. “El conocimiento que puede tener de sí misma la clase obrera está indisolublemente unido a un conocimiento preciso de las relaciones recíprocas de todas las clases en la sociedad contemporánea, un conocimiento que no es sólo teórico, más bien debiéramos decir que es menos teórico que fundado en la experiencia de la política”. Ciertamente es a través de la prueba de la política práctica que se adquiere este conocimiento de las relaciones recíprocas entre las clases. Transforma “nuestra revolución” en una “revolución de todo el pueblo”. Este enfoque es absolutamente opuesto a un obrerismo crudo, que reduce lo político a lo social. Lenin categóricamente rechaza “mezclar la cuestión de las clases con la de los partidos”. La lucha de clases no se reduce al antagonismo entre el obrero y su patrón. Enfrenta a la clase trabajadora con “el conjunto de la clase capitalista” en el nivel del proceso de la producción capitalista como un todo, que es el objeto de estudio del Volumen III de El Capital. Esta, además, es la razón por la cual es perfectamente lógico que el capítulo inconcluso de Marx sobre las clases, entre en este punto y no en el Volumen I sobre el proceso de producción o el Volumen II sobre el proceso de circulación. Como partido político, la socialdemocracia revolucionaria representa entonces a la clase trabajadora, no sólo en sus relaciones con un grupo de patrones, sino también con “todas las clases de la sociedad contemporánea y con el Estado como una fuerza organizada”. El tiempo del momento propicio en la estrategia leninista ya no es más el de las Penélopes y Danaides electorales, cuyo trabajo es constantemente desecho, sino el que le da un ritmo a la lucha y se sostiene sobre la crisis – el tiempo del momento oportuno y de la coyuntura singular, donde la necesidad y la eventualidad, acción y proceso, historia y evento se encuentran entrelazados. “No deberíamos imaginar a la revolución en la forma de un hecho singular : la revolución será una rápida sucesión de explosiones más o menos violentas, alternándose con fases de calma más o menos profundas. Por eso es esencial la actividad de nuestro partido, la focalización de su actividad, siendo posible y necesario trabajar tanto en los períodos de la más violenta explosión como en aquellos de calma, esto es, realizar un trabajo de agitación política unificada en toda Rusia”. Las revoluciones tienen su propio ritmo, marcado por aceleraciones y desaceleraciones. También tienen su propia geometría, donde la línea recta es interrumpida en bifurcaciones y giros repentinos. El partido entonces aparece bajo una nueva luz. Para Lenin, este ya no

es el resultado de una experiencia acumulativa, ni el modesto maestro con la tarea de elevar a los trabajadores del oscurantismo y la ignorancia hacia la iluminación de la razón. Se vuelve un operador estratégico, una suerte de caja de velocidades para la lucha de clases. Como Walter Benjamin claramente reconoció, el tiempo estratégico de la política no es el tiempo homogéneo y vacío de la mecánica clásica, sino un tiempo fracturado, lleno de nodos y matrices donde se conectan y gestan eventos. Sin ninguna duda existe, en la formación del pensamiento de Lenin, una interacción de rupturas y continuidades. Las mayores fracturas (que no son rupturas epistemológicas) pueden ser ubicadas en 1902, en el trabajo ¿Qué hacer ? y Un paso adelante, dos atrás, o de nuevo en 1914-1916, cuando fue necesario repensar el imperialismo y el Estado a la luz de la guerra, retomando el hilo de la lógica hegeliana. Al mismo tiempo, a partir del Desarrollo del capitalismo en Rusia, un trabajo fundacional, Lenin establecerá el marco que le permitirá luego hacer correcciones teóricas y ajustes estratégicos. Las confrontaciones en el curso de las cuales los bolcheviques se definieron son una expresión de su revolución dentro de la revolución. Desde las polémicas de ¿Qué hacer ? y Un paso adelante, dos atrás, los textos clásicos esencialmente preservan la idea de una vanguardia centralizada con disciplina militar. El punto clave se encuentra en otro lado. Lenin está luchando contra la confusión a la que él describe como “desorganizadora”, entre el partido y la clase. La construcción de una distinción entre el partido y la clase tiene como contexto las grandes controversias entonces en curso en el movimiento socialista, especialmente en Rusia. Esto es, en oposición a las corrientes populistas, economicistas y mencheviques que a veces convergían para defender al “socialismo puro”. La aparente intransigencia de esta ortodoxia formal en realidad expresa la idea de que la revolución democrática debe ser necesariamente una etapa en el camino a la revolución histórica. Mientras espera fortalecerse y alcanzar la mayoría social y electoral, el naciente movimiento obrero se supone que abandona el liderazgo en favor de la burguesía y se contenta con actuar en apoyo de la modernización capitalista. Esta confianza en la dirección de la historia, según la cual todo llegaría a su tiempo para aquellos que esperan, es la base de las posiciones ortodoxas de Kautsky en la Segunda Internacional : “debemos avanzar pacientemente por las rutas del poder hasta que el poder caiga como una fruta podrida”. Para Lenin, en oposición, la meta es lo que guía al movimiento, la estrategia antecede a las tácticas, la política a la historia. Por eso es necesario separarse antes de unirse, y para unirse, “utilizar cualquier manifestación de descontento, haciéndolo sin importar lo pequeña que pueda ser”. En otras palabras, concebir la lucha política

como “más extensa y compleja que la lucha económica de los trabajadores con los patrones y el gobierno” [5]. Así, cuando Rabocheye Dyelo deduce los objetivos políticos de la lucha económica, Lenin lo critica por “bajar el nivel de la variada actividad política del proletariado”. Es una ilusión imaginar que “el movimiento obrero puro” es capaz por si mismo de elaborar una ideología independiente. El propio desarrollo espontáneo del movimiento obrero, por el contrario, lleva a “subordinarse a la ideología burguesa”. Para la ideología dominante no es una cuestión de manipulación de conciencias, sino el objetivo resultante del fetichismo de la mercancía. A su puño de hierro y servidumbre forzada solo se puede escapar a través de la crisis revolucionaria y la lucha política de partidos. Esta es verdaderamente la respuesta de Lenin al enigma sin resolver de Marx. Para Lenin todo lleva a la concepción de la política como la entrada en escena de lo que estaba ausente : “la división en clases es ciertamente, en última instancia, la más profunda base para el agrupamiento político”, pero esta última instancia se “establece solo mediante la lucha política”. De esta forma, “el comunismo, literalmente, irrumpe desde todos los puntos de la vida social : decididamente, florece en todas partes. Si una de sus salidas es bloqueada con particular empeño, entonces el fenómeno encontrará otra, a veces la más inesperada”. Por eso es que no podemos saber “qué chispa comenzará el fuego”. De aquí la consigna que, de acuerdo con Tucholsky, resume la política leninista : “¡apróntense !”. Listos para lo improbable, lo inesperado, lo que suceda. Si Lenin pudiera describir la política como “economía concentrada”, esta concentración significaría un cambio cualitativo en las bases según las cuales la política no puede fallar en “imponerse sobre la economía”. “Al defender la fusión de los puntos de vista económicos y políticos”, Bujarin, por otro lado, se “desliza hacia el eclecticismo”. Igualmente, en su polémica de 1921 contra la Oposición Obrera, Lenin critica este “infeliz nombre” que otra vez reduce la política a lo social y la demanda de que la administración de la economía nacional debería ser directamente dada a los “productores agrupados en sindicatos”, lo que terminaría reduciendo la lucha de clases a una confrontación de intereses particulares o regionales sin síntesis. La política, por el contrario, tiene su propio lenguaje, gramática y sintaxis. Tiene sus propias latencias y deslices. En el escenario político, la lucha de clases transfigurada tiene “su más completa, rigurosa y mejor definida expresión en la lucha de partidos”. Derivado de un registro específico que no puede ser reducido a sus determinaciones inmediatas, el discurso político es más cercano al álgebra que a la aritmética. Su necesidad es de orden diferente, “mucho más compleja”, que aquella vincula directamente las demandas sociales a la relación de explotación. Al contrario de lo

que los “marxistas vulgares” imaginan, la política “no sigue dócilmente a la economía”. El ideal del militante revolucionario no es un sindicalista con un estrecho horizonte, sino la “tribuna de la gente” que aviva el fuego de la subversión en todas las esferas de la sociedad. El “leninismo”, o más bien el leninismo estalinizado concebido como ortodoxia estatal, muchas veces es hecho responsable por el despotismo burocrático. La noción de vanguardia de partido, separada de la clase trabajadora, es de esta manera concebida como portadora del germen de la sustitución del vivo movimiento social por el aparato, en los círculos de un infierno burocrático. Sin embargo, a pesar de lo injusta que pueda ser, esta acusación pone sobre la mesa una dificultad real. Si lo político no es idéntico a lo social, la representación de unos por otros necesariamente se vuelve problemática – ¿sobre qué se basa la legitimidad ? Para Lenin, hay una gran tentación de resolver la contradicción suponiendo que existe algún agente que representa de manera completa y adecuada a quienes los han elegido, culminando en el vaciamiento de la política. Las contradicciones en la representación no permiten que ningún agente pueda de manera exclusiva y constante abarcar la pluralidad constitutiva sobre la que se eleva sin eliminar la misma. Este aspecto de la cuestión abarca a otro no menos importante, considerando que Lenin no parece reconocer el alcance de su innovación. Al parafrasear un texto canónico de Kautsky, lo distorsiona significativamente de la siguiente forma : Kautsky escribió que la “ciencia” llega a los proletarios “desde fuera de la lucha de clases” a través de la “intelectualidad burguesa”. Por medio de un giro verbal extraordinario, Lenin lo traduce como “la conciencia política de clase” (más que la “ciencia”) llega “desde fuera de la lucha económica” [6] (más que desde fuera de la lucha de clases, que es tanto política como social), ya no a través de los intelectuales como categoría social, sino a través del partido como un agente que estructura específicamente el espacio político. La diferencia es muy sustancial. Tanta insistencia en el lenguaje de la política, donde la realidad social se manifiesta a través de la permanente interacción entre desplazamientos y cristalizaciones, debería lógicamente resultar en una forma de pensamiento basada en la pluralidad y la representación. Si el partido no es la clase, la propia clase debería ser representada políticamente por muchos partidos, expresando sus diferencias y contradicciones. La representación de lo social en lo político, debería entonces volverse el objeto de una elaboración jurídica e institucional. Lenin no llega tan lejos. Un detallado estudio, que trasciende el alcance de este artículo, sobre sus posiciones respecto de la cuestión nacional y

la cuestión sindical en 1921, y sobre la democracia en 1917, nos permitiría verificar esto [7]. De esta manera, Lenin sujeta la representación a reglas inspiradas por la Comuna de París, apuntando a limitar la profesionalización política : los representantes electos deben percibir un sueldo igual al de un obrero calificado, vigilancia constante sobre los favores y privilegios para los funcionarios, la responsabilidad de los elegidos hacia aquellos que los eligieron. Contrariamente a un mito persistente, no planteaba el mandato imperativo de los delegados por parte de sus representados. Éste era el caso en el partido : “los poderes de los delegados no deben estar limitados por mandatos imperativos” ; en el ejercicio de sus poderes “son completamente libres e independientes” ; el congreso o asamblea es soberano. Igualmente a nivel de los órganos estatales, donde “el derecho de revocar a los diputados” no debe confundirse con un mandato imperativo que reduciría la representación a la suma seccional de intereses particulares y puntos de vista estrechamente locales, sin posibilidad de síntesis alguna, que privaría a la deliberación democrática de toda sustancia y relevancia. En cuanto a la pluralidad, Lenin afirmó constantemente que “la lucha de matices de opinión” en el partido es inevitable y necesaria, en tanto tenga lugar dentro de los límites “aprobados por acuerdo común”. Sostuvo “que es necesario incluir en las reglas del partido garantías de derechos para las minorías, para que los descontentos, las irritaciones y los conflictos que constante e inevitablemente surgirán, puedan ser sustraídos de los acostumbrados cauces filisteos de querellas y disputas, y ser dirigidos hacia los cauces todavía desacostumbrados de una lucha constitucional y dignificada por las propias convicciones. Como una de estas garantías esenciales, proponemos que a la minoría se le permita uno o más grupos de escritores, con el derecho a estar representados en los congresos y con completa libertad de expresión” [8]. Si la política es una cuestión de opción y decisión, implica una pluralidad organizada. Ésta es una cuestión de principios de organización. En cuanto al sistema de organización, puede variar según las circunstancias concretas, a condición de no perder el hilo que guía los principios en el laberinto de las oportunidades. Así es que incluso la notoria disciplina en la acción parece menos sacrosanta que lo que admitiría el mito dorado del leninismo. Conocemos cómo Zinóviev y Kámenev fueron culpables de indisciplina, oponiéndose públicamente a la insurrección, y aún así no se los removió permanentemente de sus responsabilidades. El propio Lenin, en circunstancias extremas, no dudó en exigir el derecho personal de desobedecer al partido. Así, consideraba resignar sus responsabilidades para retomar la “libertad de agitar” en la base del partido. En el momento crítico de la decisión, escribió

bruscamente al comité central, “me fui a donde ustedes no querían que fuera (al Smolny). Adiós”. Su propia lógica lo llevó a visualizar la pluralidad y la representación en un país sin tradiciones parlamentarias ni democráticas. Pero Lenin no sacó todas las conclusiones. Hay por lo menos dos razones para esto. La primera es que había heredado de la Revolución francesa la ilusión de que, una vez que el opresor ha sido derrocado, la homogeneización del pueblo o de la clase es sólo una cuestión de tiempo : las contradicciones entre el pueblo pueden ahora sólo provenir del extranjero o de la traición. La segunda es que la distinción entre lo político y lo social no es una garantía contra una inversión fatal : en lugar de llevar a la socialización de lo político, la dictadura puede significar la estatización burocrática de lo social. ¿Acaso no se aventuró el propio Lenin a predecir “la extinción de la lucha entre los partidos dentro de los soviets” ? En El Estado y la Revolución, los partidos pierden ciertamente su función en favor de una democracia directa, que no se supone que sea completamente un estado separado. Pero, al contrario de las esperanzas iniciales, la estatización de la sociedad triunfó sobre la socialización de las funciones estatales. Absorbido en los principales peligros del cerco militar y la restauración capitalista, los revolucionarios vieron crecer bajo sus pies el peligro no menos importante de la contrarrevolución burocrática. Paradójicamente, las debilidades de Lenin están ligadas, más a sus inclinaciones libertarias que a sus tentaciones autoritarias, como si un eslabón secreto uniera las dos. La crisis revolucionaria aparece como el momento crítico de la posible resolución, donde la teoría se vuelve estrategia : “La historia en general y más particularmente la historia de las revoluciones es siempre más rica en su contenido, más variada, más multifacética, más viva, más ingeniosa que lo que pueden concebir los mejores partidos, las vanguardias más conscientes de las clases más avanzadas. Y eso es entendible ya que las mejores vanguardias expresan la conciencia, la voluntad y la pasión de decenas de miles de hombres, mientras que la revolución es uno de los momentos de especial exaltación y tensión de todas las facultades humanas – el trabajo de la conciencia, la voluntad, la imaginación, la pasión de centenares de miles de hombres incitados por la más áspera lucha de clases. De aquí surgen dos conclusiones prácticas de gran importancia : primero, que la clase revolucionaria, para poder llevar a cabo su tarea, debe poder tomar posesión de todas las formas y todos los aspectos de la actividad social sin la más mínima excepción ; segundo, la clase revolucionaria debe estar lista para reemplazar rápidamente una forma por otra y sin advertencia”.

De esto Lenin deduce la necesidad de responder a eventos inesperados donde a menudo la verdad oculta de las relaciones sociales se revela repentinamente : “No sabemos y no podemos saber qué chispa… encenderá la conflagración, en el sentido de elevar a las masas ; por consiguiente, debemos, con nuestros principios nuevos y comunistas, ponernos a trabajar para revolver todas y cada una de las esferas, incluso las más viejas, mohosas y aparentemente irremediables, ya que de no ser así no podremos resolver nuestras tareas, no nos prepararemos comprensivamente, no estaremos en posesión de todos las armas” [9]. ¡Revolver todas las esferas ! ¡Estar prestos para las soluciones más imprevisibles ! ¡Permanecer listos para el cambio súbito de formas ! ¡Saber emplear todas las armas ! Éstas son las máximas de una política concebida como el arte de los eventos inesperados y de las posibilidades efectivas de una coyuntura determinada. Esta revolución en la política nos devuelve a la noción de crisis revolucionaria sistematizada en La Bancarrota de la Segunda Internacional. Se define por una interacción entre varios elementos variables en una situación : cuando los de arriba ya no pueden seguir gobernando como antes ; cuando los de abajo no toleran ser oprimidos como antes ; y cuando esta imposibilidad doble se expresa por una efervescencia súbita de las masas. Adoptando éstos criterios Trotsky enfatiza en su Historia de la Revolución Rusa “que estas premisas se condicionan mutuamente es obvio. Mientras el proletariado actúe más decidida y confiadamente, más éxito tendrá en ganarse a las capas medias, más aislada estará la clase dominante, y más aguda será su desmoralización. Y, por otro lado, una desmoralización de quienes dominan llevará agua al molino de la clase revolucionaria” [10]. Pero la crisis no garantiza las condiciones de su propia resolución. Esa es la razón por la cual Lenin hace de la intervención de un partido revolucionario el factor decisivo en una situación crítica : “No es cada situación revolucionaria lo que da lugar a una revolución. La revolución sólo surge de una situación en la que los cambios objetivos antedichos son acompañados por un cambio subjetivo, a saber, la habilidad de la clase revolucionaria de emprender la acción revolucionaria de masas lo suficientemente fuerte como para romper (o dislocar) el viejo gobierno, que nunca, ni siquiera en un período de crisis se cae, si no es derrocado” [11]. La crisis sólo puede resolverse por la derrota, a manos de una reacción que a menudo será sanguinaria, o por la intervención de un sujeto resuelto. Esta era la interpretación del leninismo en Historia y Conciencia de Clase de Lukács. Ya en el V° Congreso de la Internacional Comunista esto lo valió el anatema de bolchevique termidoriano. Lukács en

realidad insistía en el hecho de que “Sólo la conciencia del proletariado puede señalar el camino que nos lleve fuera del callejón sin salida del capitalismo. En tanto esta conciencia esté ausente, la crisis continúa permanente, regresa a su punto de partida, repite el ciclo…”. Lukács argumenta que, “la diferencia entre el período en el que se libran las batallas decisivas y el período anterior no estriba en la magnitud y la intensidad de las batallas en sí mismas. Estos cambios cuantitativos son meramente sintomáticos de las diferencias fundamentales de calidad que distinguen estas luchas de las anteriores… Ahora, sin embargo, el proceso por el cual el proletariado se vuelve independiente y “se organiza como clase” se repite e intensifica hasta el momento en que se alcance la crisis final del capitalismo, el momento en que la decisión se encuentra cada vez más en manos del proletariado” [12]. Esto tiene resonancias en los años treinta cuando Trotsky, enfrentando al nazismo y la reacción estalinista, produjo una formulación que equipara la crisis de la humanidad con la crisis de dirección revolucionaria. La estrategia es “un cálculo de masa, velocidad y tiempo”, escribió Chateaubriand. Para Sun Tzu, el arte de la guerra ya era el arte del cambio y de la velocidad. Este arte requería adquirir “la velocidad de la liebre” y “llegar a decisiones inmediatamente”, porque está probado que la victoria más famosa podría haber sido una derrota “si se hubiera entrado a la batalla un día antes o unos días después”. La regla de conducta derivada de esto es válida tanto para los políticos como para los soldados : “Nunca permita que se le escape cualquier oportunidad, cuando la encuentre favorable. Los cinco elementos no están en todas partes, ni se encuentran igualmente puros ; las cuatro estaciones no se suceden de la misma forma todos los años ; la salida y la puesta del sol no siempre se encuentran en el mismo punto en el horizonte. Algunos días son largos y otros cortos. La luna crece y mengua y no siempre ilumina con la misma intensidad. Un ejército bien dirigido y bien disciplinado imita idóneamente todas estas variaciones” [13]. La noción de crisis revolucionaria hace suya esta lección de estrategia y la politiza. En ciertas circunstancias excepcionales el equilibrio de fuerzas llega a un punto crítico. “Toda ruptura de los ritmos produce efectos de conflicto. Molesta y perturba. También puede producir un hueco en el tiempo, que hay que llenar con una invención, con una creación. Esto ocurre, individual y socialmente, sólo atravesando una crisis”. ¿Un hueco en el tiempo ? ¿Un momento excepcional ? Por medio de la cual puede surgir el hecho incumplido que contradice la fatalidad del hecho cumplido.

En 1905 Lenin coincide con Sun Tzu en su valoración de la velocidad. Es necesario, dice, “comenzar a tiempo”, para actuar “inmediatamente”. “Formar inmediatamente, en todos los lugares, grupos de combate”. Debemos realmente ser capaces de tomar al vuelo aquellos “momentos fugaces” de los que habla Hegel y que constituyen “una definición excelente de la dialéctica”. Esto se debe a que la revolución en Rusia no es el resultado orgánico de una revolución burguesa que se extiende en una revolución proletaria, sino un “entrelazamiento” de dos revoluciones. Si el desastre probable puede evitarse depende de un sentido agudo de la coyuntura. El arte de la consigna es un arte del momento favorable. Una instrucción particular que era válida ayer puede no serla hoy pero puede ser nuevamente válida mañana. “Hasta el 4 de julio de 1917, la consigna de Todo el poder a los soviets era correcta”. Luego ya no era más correcta. “En este momento y sólo en este momento, quizás sólo durante algunos días a lo sumo, o durante una semana o dos, semejante gobierno podría sobrevivir”. ¡Unos días ! ¡Una semana ! El 29 de septiembre de 1917, Lenin escribió al dubitativo comité central : “La crisis ha madurado” [14]. La espera estaba volviéndose un crimen. El 1° de octubre los llamó a “tomar el poder de una vez por todas”, a “recurrir a la insurrección de una vez por todas” [15]. Unos días después intentó nuevamente : “Estoy escribiendo estas líneas el 8 de octubre… El éxito de la revolución rusa y la revolución mundial depende de dos o tres días de combate” [16]. El todavía insistía, “estoy escribiendo estas líneas en la noche del 24. La situación es crítica en extremo. De hecho ahora está absolutamente claro que retardar el levantamiento sería fatal… Ahora todo pende de un hilo. Por eso es necesario actuar esta misma noche”. “Rupturas en la gradualidad”, anotó Lenin en los márgenes de la Ciencia de la Lógica de Hegel, al comienzo de la guerra. Y enfatizó, “La gradualidad no explica nada sin saltos. ¡Saltos ! ¡Saltos ! ¡Saltos !” [17]. Tres comentarios breves para concluir la relevancia de Lenin hoy. Su pensamiento estratégico define una disposición capaz de actuar respecto a cualquier evento que pudiera ocurrir. Pero este evento no es el Evento absoluto, que no proviene de ninguna parte, que algunas personas han mencionado con referencia al 11 de Septiembre. Se sitúa en las condiciones de una posibilidad históricamente determinada. Eso es lo que lo distingue del milagro religioso. Así, la crisis revolucionaria de 1917 y su resolución por medio de la insurrección se vuelven estratégicamente pensables dentro del marco trazado en El Desarrollo del Capitalismo en Rusia. Esta relación dialéctica entre la necesidad y la contingencia, la estructura

y la ruptura, la historia y el evento, establece las bases para la posibilidad de una política organizada en el tiempo, en tanto que la apuesta arbitrariamente voluntarista a la explosión súbita de un evento puede permitirnos resistir el humor de los tiempos, que generalmente lleva a una posición de resistencia estética en lugar de un compromiso militante para modificar el curso de las cosas pacientemente. Para Lenin – al igual que para Trotsky – la crisis revolucionaria se forma y comienza en la arena nacional, que en el momento constituye el marco de la lucha por la hegemonía, y prosigue hasta ocupar su lugar en el contexto de la revolución mundial. Por lo tanto, la crisis en la que surge el doble poder, no se reduce a una crisis económica o a un conflicto inmediato entre el trabajo asalariado y el capital en el proceso de producción. La pregunta leninista – ¿quién se perfilará en las alturas ? – es aquella de la dirección política : ¿qué clase será capaz de resolver las contradicciones que están ahogando a la sociedad, capaz de imponer una lógica alternativa a la de la acumulación de capital, capaz de trascender las relaciones de producción existentes y de abrir un nuevo campo de posibilidades ? La crisis revolucionaria, por consiguiente, no es una simple crisis social, sino también una crisis nacional : en Rusia tanto como en Alemania, en España al igual que en China. La pregunta hoy es indudablemente más compleja dada la magnitud en que la globalización capitalista ha reforzado la imbricación de los espacios nacionales, continentales y mundiales. Una crisis revolucionaria en un país central tendría una dimensión internacional inmediatamente y requeriría respuestas en términos que son al mismo tiempo nacionales y continentales, o incluso directamente globales en cuestiones como la energía, la ecología, la política de armamentos, el movimiento de los migrantes, etc. No obstante, sigue siendo una ilusión creer que podemos evadir esta dificultad eliminando la cuestión de la conquista del poder político (bajo el pretexto de que el poder hoy está divorciado del territorio y se esparce en todas partes y en ninguna parte) en favor de una retórica de los “contra-poderes”. Los poderes económico, militar y cultural quizás se esparcen más ampliamente, pero también se encuentran más concentrados que nunca. Uno puede pretender ignorar el poder, pero el poder no lo ignorará a uno. Uno puede actuar básicamente negándose a tomarlo, pero desde Cataluña en 1937 hasta Chiapas en 1994, pasando por Chile en 1973, la experiencia demuestra hasta la actualidad que el poder no dudará en tomarnos de la forma más brutal. En una palabra, una estrategia de contra-poder sólo tiene algún sentido en la perspectiva del doble poder y su resolución. ¿Quién se perfilará en las alturas ? Finalmente, los detractores identifican a menudo al “leninismo” y al propio Lenin con una forma histórica de partido político que se dice que ha muerto junto con el colapso de los partidos-estados burocráticos. En este juicio apresurado hay mucha ignorancia

histórica y frivolidad política, que sólo pueden ser explicadas parcialmente por el traumatismo causado por las prácticas estalinistas. La experiencia del siglo pasado plantea la cuestión de la burocratización como un fenómeno social, más que la cuestión de la forma del partido de vanguardia heredada del ¿Qué Hacer ? En lo que concierne a las organizaciones de masas (no sólo las políticas, sino igualmente los sindicatos y los movimientos) están lejos de ser las menos burocráticas : en Francia los casos del Partido Socialista, del supuestamente renovado Partido Comunista, o de los Verdes, son completamente elocuentes sobre este punto. Pero por otro lado – como hemos mencionado – en la distinción leninista entre partido y clase hay algunos senderos fecundos para pensar las relaciones entre los movimientos sociales y la representación política. Igualmente, en los principios superficialmente desacreditados del centralismo democrático, los detractores enfatizan principalmente el hipercentralismo burocrático ejemplificado en forma siniestra por los partidos estalinistas. Pero un cierto grado de centralización, lejos de oponerse a la democracia, es la condición esencial para que exista – porque la delimitación del partido es un medio de resistir los efectos descomponedores de la ideología dominante, y también de apuntar a una cierta igualdad entre los miembros, contraria a las desigualdades que son generadas inevitablemente por las relaciones sociales y por la división del trabajo. Hoy podemos ver muy bien cómo el debilitamiento de estos principios, lejos de favorecer una forma más alta de democracia, lleva a la cooptación por parte de los medios de comunicación y la legitimación por parte de un plebiscito de líderes que incluso son menos controlados por la base. Más aún, la democracia en un partido revolucionario apunta a producir decisiones que son asumidas colectivamente para actuar sobre la relación de fuerzas. Cuando los detractores superficiales del leninismo proclaman haberse liberado de una disciplina sofocante, en realidad están vaciando la discusión de toda su relevancia, reduciéndola a un foro de opiniones que no compromete a nadie : después de un intercambio de libertad de expresión sin ninguna decisión común, todos pueden salir igual que como vinieron y ninguna práctica en común hace posible probar la validez de las posiciones contrapuestas que se encuentran en consideración. Finalmente, el énfasis puesto en la crisis de la forma de partido – en particular por parte de los burócratas reciclados que provienen de los antiguos partidos comunistas – a menudo les permite evitar hablar sobre la crisis de contenido programático y justifica la ausencia de preocupación estratégica. Una política sin partidos (como quiera que se llamen : movimiento, organización, etc.) termina, en la mayoría de los casos, en una política sin política : ya sea en un seguidismo sin objetivos a la espontaneidad de los movimientos sociales, o en la peor forma de vanguardismo individualista elitista, o finalmente en una represión de lo político en favor de lo estético o lo ético.

Este artículo fue publicado originalmente en la edición 95 de International Socialism Journal, la publicación teórica y política trimestral del Socialist Workers Party de Gran Bretaña, correspondiente al verano boreal de 2002. La traducción es en gran parte de Guillermo Crux y fue publicada en Panorama Internacional. Una parte del original en inglés ausente en dicha publicación, fue traducido por Marina Rivero para la presente edición Haut de page Notes [1] H. Arendt, ¿Was ist Politik ?, Munich, 1993, pp. 28, 31. [2] F. Furet, The Passing of an Illusion, Chicago, 1999, p. 502. [3] H. Arendt, op. cit., p. 146. [4] K. Marx y F. Engels, Collected Works, vol. 27, Londres, 1975, p. 59. [5] 5/ V.I. Lenin, Collected Works, vol. 5, Moscú, 1960, pp. 430, 452. [6] Ibid., pp. 383, 422. [7] Así en el debate de 1915 sobre el ultraimperialismo, Lenin percibe el peligro de un nuevo economicismo, donde la madurez de las relaciones capitalistas de producción a escala mundial sería el preludio a un derrumbamiento final del sistema. Encontramos nuevamente esta preocupación por evitar cualquier reducción de lo político a lo económico o lo social en los debates de comienzos de los años 20s. en la caracterización del Estado soviético. A aquellos que hablan de un Estado obrero, Lenin les contesta que “el punto es que no se trata exactamente de un Estado obrero”. Su formulación es entonces más descriptiva y compleja que una caracterización sociológica : es un Estado obrero y campesino “con deformaciones burocráticas”, y “allí tenemos la realidad de la transición” [V.I. Lenin, op. cit, vol. 32, p. 24]. Finalmente, en el debate sobre los sindicatos, Lenin nuevamente defiende una posición original : ya que no son un órgano del poder político, los sindicatos no deben transformarse en “organizaciones estatales coercitivas”. [8] V.I. Lenin, op. cit., vol. 7, p. 450. [9] V.I. Lenin, op. cit., vol. 31, p. 99. [10] L. Trotsky, The History of the Russian Revolution, Londres, 1997, p. 1024.

[11] V.I. Lenin, op. cit., vol. 21, p. 214. [12] G. Lukács, History and Class Consciousness, Londres, 1971, pp. 76, 313. [13] H.Lefebvre, Eléments de rythmanalyse, París, 1996. [14] V.I. Lenin, op. cit., vol. 26, p. 82. [15] Ibid., pp. 140-141. [16] Ibid., pp. 179-181. [17] V.I. Lenin, op. cit., vol. 38, p. 123.

Daniel Bensaïd 19 mai 2007 Stratégie et politique De Marx à la IIIe Internationale Contribution présentée au Séminaire Marx : « Marx au XXIe siècle : l’esprit et la lettre ». Chez Marx et Engels, la question stratégique est peu développée. Il existe un hiatus entre l’attention qu’ils portent à la spontanéité sociale et à ses inventions (attention à la mesure de leur méfiance envers le volontarisme blanquiste et le culte conspiratif de l’action minoritaire), et une pensée stratégique parfois rabattue sur son aspect directement militaire, pour lequel se passionnent non seulement Engels, mais Marx aussi dans ses articles sur la guerre de Sécession ou la guerre de Crimée. Il arriva même à Engels d’évoquer la révolution comme « un phénomène purement naturel commandé par des lois physiques [1] ». La question stratégique émerge donc de façon intermittente, en rapport étroit avec les moments d’intensité révolutionnaire (révolutions de 1848, Commune de Paris). L’énigme de la métamorphose du « rien » en « tout » – d’une classe exploitée, dominée, et mutilée par le travail – en classe hégémonique capable de changer le monde, semble résolue par un pari sociologique sur le fait que la croissance et la concentration du prolétariat entraîneraient mécaniquement une élévation de sa conscience collective et un progrès de ses modes d’organisation.

L’intermittence de l’organisation politique, que Marx appelle aussi « le parti éphémère » pour le distinguer du « parti historique » qui ne serait rien d’autre que le mouvement d’auto-émancipation de la classe en tant que telle, apparaît comme la conséquence des intermittences de l’occasion révolutionnaire. C’est pourquoi Marx a prôné par deux fois la dissolution des partis qu’il avait contribué à fonder, la Ligue des communistes en 1852 et l’Association internationale des travailleurs en 1874 : « Je te ferai observer qu’après que, sur ma demande, la Ligue (des communistes) eut été dissoute en novembre 1852, je n’ai appartenu et n’appartiens à aucune organisation secrète ou publique, autrement dit le parti, dans le sens tout à fait éphémère du terme, a cessé d’exister pour moi depuis huit ans. En outre, j’ai essayé d’écarter ce malentendu qui ferait comprendre par parti une Ligue morte depuis huit ans ou une rédaction de journal dissoute depuis douze ans. Lorsque je parle cependant de parti, j’entends le terme parti dans son sens large, historique [2]. » Autrement dit, il faut savoir se défaire d’un parti prétendu révolutionnaire quand la défaite le transforme en « pépinière de scandales et de bassesses ». Quant à Engels, c’est ainsi qu’il commente, dans une lettre à Becker [3], la dissolution de l’AIT après l’écrasement de la Commune et la réaction qui s’ensuivit : « Au demeurant, l’Internationale continue effectivement de subsister. La liaison entre les ouvriers révolutionnaires de tous les pays, pour autant qu’elle puisse être efficace, est là…, et je ne vois pas en quoi le regroupement de tous ces petits centres autour d’un centre principal pourrait donner une force nouvelle au mouvement, cela ne ferait qu’augmenter les frictions. Néanmoins, le moment venu, il importera de rassembler les forces pour toutes ces raisons, il faudra une longue préparation. » Engels recommande donc de ne pas « galvauder » cette nécessité par la reconstitution prématurée d’une « Internationale officielle », réduite par la force des choses à une société de propagande. L’opposition entre « Internationale officielle » et « Internationale de fait » prolonge la distinction de Marx entre parti éphémère et parti historique. Au début du XXe siècle, le jeune Trotski et Rosa Luxemburg restèrent dans une large mesure tributaires de ce déterminisme sociologique. Pour Trotski, les « intérêts du prolétariat [sont] si puissants et si inéluctables qu’ils le contraignent finalement à les faire passer dans son champ de conscience, c’est-à-dire à faire de la réalisation de ses intérêts objectifs son intérêt subjectif. » Périlleuse dialectique de l’objet et du sujet, de l’en-soi et du pour-soi ! Qui aboutit à un véritable credo : « la foi dans la destinée révolutionnaire de la classe ouvrière [et] dans la réception inévitable des idées révolutionnaires comme celles qui conviennent le mieux au mouvement historique du prolétariat [4] ». Il s’agit bien là d’un acte de foi dans le sens de l’histoire. De même pour Rosa Luxemburg, la social-démocratie n’est

rien d’autre que le « mouvement propre de la classe ouvrière », formule au demeurant très proche de celles du Manifeste du Parti communiste. Débats fondateurs Les débats stratégiques fondateurs prennent donc forme au début du XXe siècle dans les rangs de la grande social-démocratie allemande. L’État parlementaire rend alors la lutte politique plus complexe et semble ouvrir, grâce au suffrage universel, une perspective de conquête graduelle du pouvoir : il devient ainsi imaginable que la majorité politique (électorale) finisse par rejoindre, ainsi que le répétera François Mitterrand au soir de sa première élection à la présidence, la majorité sociale. Cette perspective traduit et entretient l’illusion d’une homogénéité ou d’une continuité entre le politique et le social. D’autre part, la période de croissance du capitalisme dément les illusions de son effondrement inéluctable. Enfin, la croissance du prolétariat n’entraîne pas la disparition des classes moyennes (de la petite bourgeoisie), sans cesse renaissantes. Édouard Bernstein en tire plusieurs conséquences. Celle, d’abord, d’une longue marche dans les institutions comme voie d’accès à l’exercice du pouvoir. Celle, ensuite d’une continuité idéologique entre libéralisme et socialisme : « Pas une idée libérale qui n’appartienne en même temps aux idées socialistes. » Il relativise en conséquence la question de la propriété, pourtant cruciale depuis la naissance du mouvement socialiste, au profit d’une simple régulation juridique des rapports sociaux : « La moindre loi de fabrique renferme plus de socialisme que toute nationalisation. » Il en tire enfin la conclusion logique : « Là où l’État est moins rentable, il faut donner l’avantage au privé. » C’était presque aussi beau que du Rocard en 1977 devant le Forum patronal de L’Expansion ou comme du Ségolène Royal. Ce socialisme parlementaire relooké donne une importance nouvelle à la question des alliances de classes – notamment sur le terrain électoral – et diminue d’autant l’importance de la spontanéité ouvrière. Dès lors que le mouvement est tout, et que le but n’est rien, cette vision laisse peu de places à la question stratégique. C’est déjà la « force tranquille » qui s’avance – sans rupture ! – à pas de sénateur sur la voie romaine de l’histoire. Angelo Tasca a parlé à ce propos d’un « socialisme hors du temps », sans cibles ni échéances, sans solutions de continuité, ni changements de rythme. Or, le temps stratégique est précisément un temps brisé, « kairotique », scandé d’instants propices et d’opportunités qu’il faut saisir, tout le contraire, donc, d’une durée uniforme, « homogène et vide ».

Face à ce qui apparut comme une grave révision de l’orthodoxie, Kautsky s’en fit le champion contre Bernstein. Lénine, virtuose pourtant de la « lecture symptômale », fit des Chemins du pouvoir (1909) son livre de chevet. Il se déclarait en parfait accord et restait aveugle à ce qui, quand on connaît sa propre logique, aurait dû lui apparaître comme des énormités : « Le Parti socialiste est un parti révolutionnaire. Il n’est pas un parti qui fait des révolutions. Nous savons que notre but ne peut être atteint que par une révolution, mais nous savons aussi qu’il ne dépend pas de nous de faire une révolution, ni de nos adversaires de l’empêcher. Nous ne songeons donc nullement à provoquer ou à préparer une révolution. Et comme nous ne pouvons pas faire une révolution à volonté, nous ne pouvons pas dire le moins du monde quand et sous quelle forme elle s’accomplira. » Qu’on ne puisse décréter une révolution, ou tout autre événement, ni déclencher à volonté un soulèvement de masse, cela relève du bon sens. Prétendre que les adversaires n’ont aucun moyen de l’empêcher est déjà beaucoup plus imprudent et rassure à trop bon compte, comme les coups d’État en Indonésie (1965) ou au Chili (1973) l’ont cruellement rappelé : la détention du pouvoir d’État et de ses organes répressifs permet aux dominants en situation critique de prendre l’initiative et d’écraser dans l’œuf une révolution naissante. C’est une des conséquences stratégiques élémentaires de l’asymétrie entre dominés et dominants. S’il est vrai de dire, comme Kautsky, qu’on ne « fait » pas une révolution à sa guise, il est en revanche fort discutable d’en conclure comme il le fait qu’on ne saurait donc la préparer et s’y préparer. C’est cette position passive qui lui valut de la part de ses opposants, en l’occurrence de Pannekoek, la caractéristique pertinente de « radicalisme passif ». Pour Kautsky, la révolution se limite en effet à « un déplacement de forces dans l’État » et à « la conquête des pouvoirs publics ». La dictature du prolétariat, dont il se réclame en bon orthodoxe, se réduit alors à l’occupation « d’une position dominante dans l’État » et à « l’expression de l’hégémonie politique du prolétariat ». La conquête du pouvoir signifie l’investissement de l’État et des institutions existantes, dans la mesure où, si l’État moderne demeure un « instrument de domination de classe », ses fonctions sociales augmentent, provoquant d’ailleurs la réaction manchestérienne (libérale) contre l’État social naissant : « L’action économique de l’État moderne est l’origine naturelle de l’évolution qui conduit à la société socialiste [5]. » Il s’agit donc de transformer l’État en « grande coopérative économique » conformément à une « nécessité implacable de l’évolution économique ». Dans ce grand État moderne, il ne peut être question de rendre le parlement superflu, mais tout au plus d’en corriger l’action dans certains cas particuliers : « Tant qu’existera l’État moderne, le centre de l’action politique sera toujours le parlement », et dans la république parlementaire, la question politique cruciale est celle du suffrage [6].

À la différence de Bernstein, Kaustky relativise la question des alliances en misant sur la croissance organique de la masse ouvrière qui deviendrait « de plus en plus nombreuse et de plus en plus puissante ». Mais il rejette aussi l’anarchisme en tant qu’« utopie prolétarienne » qui « aboutit tôt ou tard à un syndicalisme purement corporatif ou à un corporatisme antipolitique ». Il prône enfin « une défiance totale à l’égard de tous les partis bourgeois », s’érigeant en gardien d’un « socialisme pur » auquel la logique du progrès et la victoire promise au happy end garanti de l’histoire épargneraient les compromissions. Il suffirait donc de se livrer patiemment à une accumulation passive de forces : « Il est nécessaire de garder notre poudre au sec pour la prochaine grande bataille » – c’est-à-dire pour les prochaines élections au Reichstag ! À la différence de Kropotkine prétendant que « le peuple sent toujours correctement la situation », Kautsky se méfie par conséquent des foules à la spontanéité brouillonne, vulnérable aux provocations susceptibles de perturber la marche tranquille sur les chemins du pouvoir : « La masse ne peut réaliser que des actions qui ne durent que quelques heures, et ne peuvent être que des actes de destruction » ; de sorte que l’action de masse peut vaincre, « mais ne peut engranger les fruits de la victoire [7] ». La controverse sur la grève générale illustre ces réticences. Devant les grèves belges et russes du début du siècle, Rosa Luxemburg a vite compris qu’il y avait là la manifestation d’une énergie sociale capable de bousculer l’inertie conservatrice des appareils. À la différence des bonzes syndicaux, carrément hostiles à ces mouvements spontanés, Kautsky adopte une position médiane, qui oppose la grève générale « coercitive » ou offensive (russe ou orientale), à la grève générale simplement « démonstrative », ultime recours défensif face à un adversaire qui ne jouerait plus le jeu. Car « une grève de masse politique – coercitive – et une lutte électorale s’excluent totalement l’une l’autre [8] ». En l’absence de droits politiques, la grève était en Russie le seul moyen de protestation, et elle représentait en soi une victoire, mais en Allemagne les socialistes disposent d’autres moyens, de sorte que la grève sera « l’arme ultime qui permet de porter le coup décisif », le moment venu [9]. Il n’est donc pas étonnant que le terme d’évolution revienne sans cesse dans son propos. Il exprime une inébranlable confiance dans la téléologie historique associée au déterminisme économique : l’agonie catastrophique du capitalisme est « nécessaire » et « inévitable ». La Commune de Paris aurait en revanche apporté la preuve que les temps de « l’anéantissement étaient provisoirement révolus [10] ». Cette stratégie révolue, dont le terme est emprunté à la grande histoire militaire de Delbrück, pouvait encore valoir là où les transports sont peu développés et où prédomine une grande métropole urbaine. Kautsky reprend ainsi à son compte la fameuse

préface d’Engels de 1895 à La Lutte des classes en France, pour plaider une « stratégie d’usure » correspondant au suffrage universel. Engels n’imagine cependant pas que l’usure puisse dispenser de la lutte finale [11]. En insistant sur la détention par L’État moderne d’un monopole sur les armes efficaces et en réfléchissant sur « l’architecture des villes modernes », Engels aurait voulu signifier à ses héritiers « l’impossibilité d’une insurrection armée » : le temps des « coups de main » et « des révolutions exécutées par des minorités à la tête de masses inconscientes » était désormais révolu [12]. La masse organisée dispose à présent de ses propres institutions, bien qu’il fût vraisemblablement impossible d’organiser la totalité de la population dans le cadre du mode de production capitaliste. La référence à la guerre d’usure ou de position, par contraste avec les insurrections de décision rapide, met l’accent sur la dimension de la durée : « Le sort d’une Révolution sociale ne peut pas être décidé d’un seul coup […]. Les révolutions se préparent dans des luttes politiques et économiques qui durent des dizaines d’années ; elles se poursuivent à travers des alternances, des changements continuels dans la force des classes et des partis, et sont souvent interrompues par de longues périodes de réaction [13]. » Kautsky est donc bien, avant Gramsci, celui qui introduit le vocabulaire militaire dans le débat du mouvement ouvrier à partir de l’opposition entre guerre d’usure et guerre d’anéantissement : il s’agirait face à l’État moderne d’affaiblir, d’user l’adversaire, et de se mettre en situation de légitime défense. Cette stratégie rêve à la possibilité de n’avoir jamais à livrer bataille. C’est ainsi que la guerre mondiale et le fascisme seront d’abord perçus comme de simples parenthèses (détours ou contretemps) sur la voie rectiligne du progrès, sur son escalier que l’on monte et jamais ne descend, ainsi qu’ironisait déjà Péguy. C’est ce quiétisme historique que Walter Benjamin accusa, dans son pathétique testament philosophique, d’avoir endormi la vigilance révolutionnaire face aux périls : « Rien n’a plus corrompu le mouvement ouvrier allemand que la conviction de nager dans le sens du courant […]. Dans sa théorie, et plus encore dans sa pratique, la social-démocratie a été guidée par une conception du progrès qui ne s’attachait pas au réel mais émettait une prétention dogmatique. » Ce progrès, « tel qu’il se peignait dans la cervelle des sociauxdémocrates », était d’abord un progrès de l’humanité en tant que telle et non simplement de ses connaissances et de ses capacités ; c’était aussi un progrès illimité répondant à un dogme de perfectibilité tout aussi illimitée ; c’était enfin un progrès irrésistible et irréversible inscrit dans « un temps homogène et vide ».

Ce que ne précisait pas Benjamin, c’est qu’un reproche comparable pouvait déjà être adressé au mouvement communiste stalinisé et bureaucratisé [14]. Dès la polémique de 1902 autour de Réforme et Révolution, Rosa Luxemburg a compris l’enjeu et le danger du conservatisme d’appareil en politique. Elle perçut ensuite la spontanéité ouvrière comme un antidote : « 1905 ouvre une époque nouvelle pour le mouvement ouvrier » grâce à l’irruption d’un élément nouveau, « la manifestation de la lutte prolétarienne dans la révolution ». La grève générale n’est donc pas pour elle un ultime recours défensif mais l’irruption qui rend pensable une stratégie révolutionnaire. Kautsky lui concède alors la distinction entre « grève générale russe » et « grève générale occidentale », qui concrétise la différence paradigmatique entre Orient et Occident [15]. Pour Rosa, l’opposition entre guerre d’usure et d’anéantissement est formelle, et l’opposition entre la Russie asiatique et l’Europe parlementaire trop abrupte. Mais, quelques années plus tard, c’est le Hollandais Anton Pannekoek qui fait scandale en affirmant qu’il ne s’agit pas de conquérir les pouvoirs publics, ministère après ministère, mais bien de briser l’appareil d’État [16]. Ce débat rebondit, à la lumière du traumatisme d’août 1914, par un article de Boukharine accueilli dans un premier temps avec incrédulité par Lénine [17]. Pannekoek insiste sur l’époque de l’impérialisme, sur l’importance de la course aux armements, sur la montée de la pression fiscale qui rejettent la classe ouvrière à la défensive. Il souligne la supériorité culturelle et organisationnelle des classes dominantes par le biais de la maîtrise du pouvoir d’État, alors que, « dans son être même, l’organisation du prolétariat est quelque chose d’intellectuel qui représente un total bouleversement de l’identité des travailleurs [18]. » L’élimination de la domination de classe n’est donc possible que « parce qu’existe un pouvoir populaire permanent, qui se construit pas à pas et de façon inexorable, jusqu’au point où sa force sera telle qu’il écrasera le pouvoir d’État de la bourgeoisie et le dissoudra dans le néant ». Avant, il suffisait qu’une partie des classes populaires « s’ameute dans la capitale », désormais une minorité agissante peut entraîner des secteurs de plus en plus large, mais Kautsky ignore la composition sociale spécifique des classes modernes, ce qui le conduit, en érigeant en système la « vieille tactique éprouvée », à développer une théorie de « l’expectative passive » et du « radicalisme passif » opposés à l’activité révolutionnaire. Kautsky lui répond que, dans un contexte de montée des conflits, « l’élément cataclysmique de la situation » réside dans la combinaison de l’action d’un prolétariat organisé avec celle des grandes masses inorganisées. Pour Pannekoek, les masses, qui étaient naguère encore bourgeoises, sont devenues prolétariennes,

mais l’instinct de classe ne va pas toujours dans le bon sens. Il ne dispose cependant pas d’une théorie de l’idéologie, du fétichisme, de la réification, qui lui permettrait de comprendre qu’il n’est d’issue au cercle vicieux de la reproduction du rapport social que par la rupture avec la temporalité homogène et linéaire, par une pensée des crises et des situations révolutionnaires. Pour Anton Pannekoek, la nouvelle tactique se limiterait à préconiser que « la direction du parti organise la révolution ». Dépassant la controverse entre anarchistes et sociaux-démocrates (ou prétendant le faire), il entend à la fois « s’emparer du pouvoir d’État et le détruire ». Mais que s’agit-il au juste de détruire ? La centralisation ? Mais la vieille Ligue des communistes de 1848 voulait exactement le contraire… Supprimer l’administration ? Ou plutôt l’élire… ? Et quels ministères supprimer ? Pour Kautsky la question n’est vraiment pas la destruction du pouvoir d’État mais plutôt l’affirmation « d’une prééminence » du législatif sur l’exécutif et le judiciaire, et la démocratisation du système électoral par l’élimination des chambres hautes, « mais jamais, au grand jamais, ce processus ne peut déboucher sur la destruction du pouvoir d’État, mais toujours sur un déplacement des rapports de forces au sein du pouvoir d’État [19] ». Contre le « crétinisme de l’action de masse », la voie royale reste donc la conquête de la majorité parlementaire. Pour Pannekoek, au contraire, la révolution sociale se présentait jusqu’alors comme un but « à distance inaccessible ». Le réformisme était absorbé par l’action syndicale et parlementaire, alors que, « pour nous, la révolution est un processus qui, dès ses premières phases, permet d’aller de l’avant ». Dans cette perspective, le parti est un « transformateur d’énergie », qui entreprend des actions révolutionnaires [20]. L’erreur de Kautsky, c’est son incapacité à concevoir la transition comme processus dialectique. Il réduit par conséquent le Parti à un rôle de pédagogue qui cultive et organise le prolétariat plus qu’il ne prend d’initiatives : « Développer l’organisation, enlever toutes les positions que nous pouvons conquérir par nos propres forces, que nous pouvons tenir, étudier l’État et la société, éduquer les masses : nous ne pouvons nous assigner et assigner à nos organisations de façon consciente et méthodique d’autres tâches aujourd’hui. Nous pouvons réfléchir sur l’imprévisible, mais nous ne pouvons anticiper sur l’avenir en prenant à l’avance des décisions de caractère tactique [21] ». L’esprit d’Erfurt cherchait à réunir le mouvement ouvrier réel et la doctrine socialiste nés séparément : « Le socialisme et la lutte de classe surgissent parallèlement et ne s’engendrent pas l’un l’autre ; ils surgissent de prémisses différentes. La conscience socialiste aujourd’hui ne peut surgir que sur la base d’une profonde connaissance scientifique […]. Or le porteur de la science n’est pas le prolétariat mais les intellectuels bourgeois (souligné par Kautsky). Ainsi donc la conscience socialiste est un élément importé du dehors

(von Austen Hineingetragenes) dans la lutte de classe du prolétariat et non quelque chose qui en surgit spontanément [22]. » Lénine cite cette page avec approbation. Mais vingt pages plus loin, il la paraphrase en disant tout autre chose : « La conscience politique de classe ne peut être apportée à l’ouvrier que de l’extérieur, c’est-àdire de l’extérieur de la lutte économique, de la sphère des rapports entre ouvriers et patrons. Le seul domaine où l’on pourrait puiser cette connaissance est celui des rapports de toutes les classes et catégories de la population avec l’État et le gouvernement, le domaine des rapports de toutes les classes entre elles […]. Pour apporter aux ouvriers les connaissances politiques, les sociauxdémocrates doivent aller dans toutes les classes de la population, ils doivent envoyer dans toutes les directions des détachements de leur armée [23]… » Cette interprétation (très) libre est en effet cohérente avec sa compréhension des spécificités de la lutte politique, irréductible à la seule revendication sociale. Salué par Trotski comme « éclectique de génie », Jaurès développe sa conception du socialisme en revisitant l’héritage de la Révolution française, mais aussi en écho à la controverse allemande. Principe d’organisation de la société, la république est conçue comme une république sociale jusqu’au bout [24]. Sa thèse latine était déjà consacrée aux rapports entre État et propriété. La critique luthérienne de l’usure préfigure à ses yeux la critique socialiste de « la puissance reproductive de l’argent abandonnée à elle-même ». Il en résulte un « socialisme moral », héritier de la critique chrétienne de l’argent, et une réhabilitation de l’État comme contrat rationnel et levier nécessaire de l’émancipation politique : « Les droits politiques et économiques de chaque citoyen ne se discernent pas en dehors de l’État et du contrat social ; donc l’individualisme et le socialisme ne s’opposent pas, mais s’unissent et se concilient [25]. » Entre socialisme d’État et collectivisme subsiste cependant un abîme : le premier est, en fait, « un capitalisme d’État dans les services publics », alors que le socialisme est « l’intervention de la société dans les rapports économiques que crée entre les hommes l’existence de la propriété » : le collectivisme est donc le seul moyen de « rétablir et d’universaliser la propriété personnelle » dans le cadre de la « souveraineté économique de la nation ». Jaurès adhère ainsi à la perspective de dépérissement de l’État, au fur et à mesure que la fonction publique devient « fonction sociale ». Il revendique la Constitution de 1793 et considère que tout ce qui, dans les constitutions modernes, s’en éloigne constitue une concession à l’esprit de défiance conservatrice et de privilège où survivent les habitudes monarchiques. Alors que pour Rosa Luxemburg la démocratie bourgeoise n’est qu’une « démocratie imaginaire abstraite », il se propose de « greffer la révolution prolétarienne sur la révolution démocratique bourgeoise ». En bon cartésien, il conçoit « la méthode socialiste » comme une méthode

scientifique qui « comprend la loi d’évolution et impose à toute pensée révolutionnaire une longue période de préparation économique et politique ». « Evolutionnaire », autant ou plus que révolutionnaire, le but visé est pour lui toujours préformé, et la transformation sociale présuppose une « idée préalable de la justice et du droit », un « idéal préconçu que poursuit l’humanité ». Il reproche par conséquent à Blanqui, mais aussi à Marx et à Engels, une conception conspirative, encore bourgeoise, de la révolution, qui maintiendrait le prolétariat dans une situation subalterne. C’est pourquoi le Manifeste du Parti communiste appartient encore à « la période de l’utopie » : c’est « chimère d’espérer que le communisme puisse être greffé sur la révolution bourgeoise ». Il ne souscrit pas pour autant à l’orientation de Bernstein qui lui semble « dissoudre dans les brumes de l’avenir le but final du socialisme [26]. » Malgré ces critiques, Jaurès reste discret et évasif dans la controverse stratégique. Lors de la polémique sur la participation du socialiste Millerand à un gouvernement bourgeois, il considère, avec Kautsky, la question comme tactique, alors que pour Rosa Luxemburg l’État républicain est la forme pratique de l’hégémonie bourgeoise. Révolution dans la révolution Lors de la controverse allemande, Lénine reste fidèle à l’orthodoxie incarnée par Kautsky, contre le révisionnisme de Bernstein, mais aussi contre le radicalisme de Rosa Luxemburg. Pourtant sa propre démarche l’engage dans une problématique fort différente, dont il mettra lui-même bien du temps à prendre la mesure. Contre l’économisme qui prédomine dans le socialisme russe naissant, il insiste très tôt sur la nécessité d’une « ample campagne politique de dénonciation de l’autocratie ». S’affirme ainsi un primat de la politique contre les limites corporatives d’une vision étroite des intérêts de classe. Il s’agit chez lui d’une idée-force dont on retrouvera la logique dans la polémique de 1921 contre l’Opposition ouvrière. Pour affronter le despotisme tsariste au niveau de l’organisation étatique de sa domination, les luttes économiques locales ne suffisent pas, il faut « un parti pour toute la Russie ». Sa critique de la spontanéité (stikhiinost, en russe, signifie cependant désorganisation autant que spontanéité) semble alors s’apparenter aux réticences de Kautsky envers les mouvements de foule improvisés : « Il est tout à fait possible et historiquement vraisemblable que l’autocratie tombera sous la pression d’une de ces explosions spontanées ou de ces complications inattendues qui la menacent sans cesse de tous côtés. Mais à moins de tomber dans l’aventurisme, aucun parti politique ne peut fonder son activité exclusivement sur l’attente de telles explosions et complications. Nous devons suivre notre propre voie, et moins nous spéculerons sur

les opportunités imprévisibles, moins il y aura de risque qu’un tournant historique nous prenne au dépourvu [27]. » Jusqu’à la guerre Lénine demeure donc un kautskyste apparemment orthodoxe. Il faudra le choc du vote des crédits de guerre (que, dans un premier temps, il eut du mal à croire) pour qu’il prenne conscience de la fracture qui s’était produite entre sa propre démarche stratégique et l’orientation majoritaire de la II e Internationale. Dans La Faillite de la IIe Internationale la notion de « crise révolutionnaire », mûrie depuis 1905 au fil de ses articles, prend alors toute sa portée. Elle est en rapport logique avec celles de conjoncture et de situation qui singularisent politiquement le moment opportun et brisent la linéarité temporelle du socialisme hors du temps : la lutte a ses propres rythmes, ses battements et ses pulsations. C’est donc bien le choc traumatique d’août 1914 qui fait sauter à la pensée stratégique de Lénine le pas décisif en donnant leur cohérence à diverses réflexions théoriques : une prise de conscience soudaine de la banqueroute social-démocrate et de ses causes (formation d’une aristocratie ouvrière, conservatisme bureaucratique des appareils, enlisement dans les routines parlementaires ; élaboration du concept d’impérialisme comme surdétermination mondiale des formations sociales nationales ; réexamen de la question de l’État qui trouvera son aboutissement dans L’État et la Révolution ; redécouverte, consignée dans ses Cahiers philosophiques, de la dialectique à la lecture de la Grande Logique de Hegel [28]. C’est dans ce contexte que Lénine systématise la notion de crise révolutionnaire, qui guidera sa démarche entre février et octobre 1917. Elle permet de briser le cercle vicieux de la soumission et rend enfin concevable la prise du pouvoir par une classe soumise à toutes les dominations (y compris idéologique), lorsque se déchire la routine de la reproduction sociale. La description générale est connue : la crise survient quand ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner comme avant… ; quand ceux d’en bas ne le supportent plus… ; quand ceux du milieu hésitent et basculent dans le camp de la révolution… Ces trois éléments sont étroitement interdépendants. Une crise révolutionnaire est donc une crise politique, et non le simple prolongement d’une lutte revendicative ou corporative, fûtelle purement ouvrière. C’est une « crise nationale » de l’ensemble des rapports sociaux (Lénine y insiste à maintes reprises). Elle est étroitement associée à un autre concept stratégique essentiel, celui de dualité de pouvoir entre deux légitimités antagoniques. Une telle situation n’est concevable que si surgissent des instruments qui commencent à remplir mieux ou autrement des fonctions que le vieil appareil d’État paralysé, en voie de dislocation, ne parvient plus à remplir.

Encore faut-il que les formes nouvelles apparaissent, non seulement plus démocratiques, mais plus efficaces pour remplir les fonctions nécessaires à la vie quotidienne de la majorité des populations. La crise nationale implique donc la question de l’hégémonie. Pour que la crise puisse déboucher sur un dénouement victorieux, il faut encore qu’aux trois éléments énumérés par Lénine s’en ajoute un quatrième : un projet conscient et une force capable d’initiative – de décision [29]. Le parti n’est plus alors le pédagogue kautskyen, dont la tâche se limite à rendre consciente l’expérience inconsciente et à éclairer le chemin déjà tracé de l’histoire. Il devient un opérateur stratégique capable de saisir le moment propice, d’organiser s’il le faut une retraite en bon ordre, de prendre l’initiative de la contre-attaque et de passer à l’offensive, de faire la décision en rapport avec les flux et reflux de la lutte des classes. Si la révolution est avant tout un soulèvement social, son sort se décide politiquement et militairement, dans une conjoncture où les heures comptent pour des mois et où les jours valent des années. C’est pourquoi il faut « préparer » (contrairement à ce qu’affirmait Kautsky) la révolution en construisant un collectif capable d’agir dans les situations extrêmes, sans être paralysé à la première épreuve, sans se diviser devant le premier obstacle. Ce qui permet de décider et d’agir, ce n’est pas la simple accumulation passive de forces et la seule bonne éducation des cadres du parti, c’est la qualité des liens tissés avec le mouvement social et la légitimité politique et morale de sa direction [30]. Une stratégie révolutionnaire axée sur les notions de crise révolutionnaire et de dualité de pouvoir implique donc une conception du parti fort différente de la tradition erfurtienne. Ce parti n’est plus simplement le produit de la croissance sociale et de la maturité du prolétariat. Il agit pour modifier les rapports de forces et nouer les alliances nécessaires. Autrement dit, il fait de la politique. La pensée stratégique de Lénine se distingue ainsi radicalement de la pensée mécanique et gauchiste de la « théorie de l’offensive ». On le vérifiera encore dans le bilan qu’il tirera de l’action désastreuse de mars 1921 en Allemagne, et dans le reproche fait à ses inspirateurs d’avoir interprété « l’actualité de la révolution » non dans un sens épocal mais dans un sens immédiat et permanent. Ils n’ont plus réfléchi en termes de cycles économiques, de cycles d’expérience, de flux et reflux des luttes (et de la conscience), mais selon une linéarité temporelle, symétrique à celle du réformisme parlementaire à pas de tortue. Le temps était devenu pour eux aussi irréversible que l’accumulation électorale. La stratégie finit alors par se réduire à une offensive permanente hors du temps, sur le terrain organisationnel, politique, militaire, et rejoint une conception évolutionniste du mouvement ouvrier [31].

Face aux « économistes » qui sont l’objet de la polémique, Lénine cite élogieusement dans Que Faire ? un article de Kautsky paru dans la Neue Zeit [32] sur le nouveau programme du parti socialdémocrate autrichien. Ce texte s’inscrit dans la stricte logique erfurtienne, de fusion entre la réalité du mouvement ouvrier et la doctrine socialiste : « Le socialisme et la lutte de classe surgissent parallèlement et ne s’engendrent pas l’un l’autre ; ils surgissent de prémisses différentes. La conscience socialiste d’aujourd’hui ne peut surgir que sur la base d’une profonde connaissance scientifique. En effet, la science économique contemporaine est autant une condition de la production socialiste que, par exemple, la technique moderne, et malgré tout son désir le prolétariat ne peut créer ni l’une ni l’autre ; toutes deux surgissent du processus social contemporain. Or, le porteur de la science n’est pas le prolétariat, mais les intellectuels bourgeois […] et c’est par eux qu’elle a été communiquée aux prolétaires intellectuellement les plus évolués. Ainsi donc la conscience socialiste est un élément importé du dehors (von Aussen Hineingetragenes) dans la lutte de classe du prolétariat, et non quelque chose qui en surgit spontanément. » Kautsky plaide ainsi pour l’autonomie relative de la théorie et pour le rôle pédagogique du parti, en revendiquant le rapport inégalitaire entre l’enseignant et l’enseigné. En le citant à témoin de sa propre cause contre les courants économistes de son parti, Lénine se protège derrière une autorité alors incontestée. Trente pages plus loin, il transforme cependant (consciemment ou non) les termes et le sens du texte : « La conscience politique de classe ne peut être apportée à l’ouvrier que de l’extérieur, c’est-à-dire de l’extérieur de la lutte économique, de l’extérieur de la sphère des rapports entre ouvriers et patrons. Le seul domaine où l’on pourrait puiser cette connaissance est celui des rapports de toutes les classes et catégories de la population avec l’État et le gouvernement, le domaine du rapport de toutes les classes entre elles […]. Pour apporter aux ouvriers les connaissances politiques, les sociaux-démocrates doivent aller dans toutes les classes de la population, ils doivent envoyer dans toutes les directions les détachements de leur armée. Si nous avons choisi cette formule anguleuse, si notre langage est acéré et simplifié à dessein, ce n’est nullement pour le plaisir d’énoncer des paradoxes, mais bien pour inciter les « économistes » à penser aux tâches qu’ils dédaignent de façon si impardonnable, à la différence entre la politique trade-unioniste et la politique social-démocrate qu’ils refusent de comprendre. » Ce passage rappelle clairement le contexte et l’enjeu de la polémique avec les économistes. Paraphrasant Kautsky, et sans nul doute convaincu de lui être fidèle, Lénine dit tout autre chose. Tout d’abord que la conscience politique naît de l’extérieur de la lutte économique, de la seule sphère de la production, et non de l’extérieur de la lutte des classes. Ensuite que la connaissance des

rapports sociaux exige non pas une science monopolisée par les intellectuels mais la connaissance du rapport réciproque de toutes les classes entre elles et avec l’État, autrement dit un point de vue de la totalité des rapports de production, de circulation, de reproduction qui caractérisent le capital. Enfin, que pour produire une telle connaissance, la politique de parti, à la différence de la politique trade-unioniste doit synthétiser l’intervention de ses détachements dans toutes les classes de la population, et non dans la seule enceinte de l’usine. Il définit ainsi une logique d’hégémonie aux antipodes d’un ouvriérisme ou d’un déterminisme économique étroits. Il s’affirme ainsi comme un authentique penseur de la politique comme art stratégique. Au cours de la séquence cruciale de février à octobre 1917, cette pensée stratégique donne sa pleine mesure, par sa capacité à épouser les flux et reflux, à déchiffrer les rapports de forces, à saisir le moment favorable de l’action, à varier les mots d’ordre, à passer à l’initiative [33]. L’entre-deux-guerres fut une période d’effervescence et d’instabilité, marquée par les répercussions de la Révolution russe et par la lutte contre le fascisme. Les grandes controverses qui aboutirent alors à la séparation entre la IIe et la IIIe Internationales portaient sur « les leçons d’Octobre », sur la conception de l’État et de la démocratie, sur le type de parti révolutionnaire, sur la question coloniale. Au-delà des premières synthèses théoriques et organisationnelles, les implications stratégiques des expériences russe, allemande, italienne ne furent cependant que partiellement dégagées [34]. Dès le cinquième congrès de l’IC, le bilan de l’échec en 1923 de l’octobre allemand fut hypothéqué par la lutte fractionnelle initiée dès le lendemain de la mort de Lénine. Le débat à peine initié sur les revendications transitoires, le front uni et le gouvernement ouvrier tourna court. Il se poursuivit cependant par le biais d’une réflexion isolée de Gramsci ou par les contributions de l’Opposition de gauche. L’opposition paradigmatique entre Orient et Occident soulignait la différence entre des États rétractés autour de leurs appareils répressifs et des États aux fortes ramifications dans la société, avec pour corollaire une forte institutionnalisation syndicale et parlementaire du mouvement ouvrier. Il en ressortait que le pouvoir semblait plus difficile à prendre, mais plus facile à garder, en Occident, et qu’il fallait distinguer la portée universelle des leçons d’Octobre de leur spécificité orientale ou russe. Ainsi Trotski envisage-t-il l’éventualité d’un effondrement brutal de l’État national, qui laisserait un vide d’où pouvait surgir rapidement une forme alternative de pouvoir. Mais il envisage aussi l’hypothèse d’une crise longue et lente, permettant un apprentissage progressif du pouvoir. Le contrôle ouvrier n’est pas alors réservé, comme le prétendait l’orthodoxie naissante, au moment paroxystique de la dualité de pouvoir. Il pouvait commencer à s’exercer dans des expériences locales. La différence d’approche vaut en général pour les

revendications transitoires, les coopératives, etc. L’important, pour Trotski, est d’éviter le fétichisme des formes organisationnelles et des mots d’ordre, détachés des rapports de forces et des situations concrètes. Les grandes controverses inachevées de l’entre-deux-guerres tournent donc autour d’une systématisation stratégique des notions de revendications transitoires, de front unique, d’hégémonie. La discussion sur le Programme de l’IC s’engagea dès l’été 1922 en vue du IIIe congrès et se poursuivit jusqu’au cinquième, à la lumière de l’Octobre allemand et de son échec [35]. Elle se cristallisa dans une large mesure sur les « revendications transitoires », censées dépasser la coupure traditionnelle entre programme minimum et programme maximum, et l’antinomie formelle entre réforme et révolution. Il s’agissait d’attribuer aux revendications non plus une valeur intrinsèque mais une fonction dynamique destinée à modifier les rapports de forces. Leur formulation et leur agencement étaient donc liés à la question du Front uni dans l’action et à son débouché gouvernemental. La formule algébrique de « gouvernement des travailleurs » devait durablement donner lieu aux interprétations les plus diverses et parfois les plus opposées. La formule du Front unique fut expérimentée avec la « lettre ouverte » de Radek et Paul Lévi en janvier 1921, pour proposer une action commune aux alliés sociaux-démocrates. Devançant le tournant du IIIecongrès de l’IC, elle constitue  une sorte d’avantpremière. Dans ses « Remarques provisoires » de juillet 1922 « sur la question du programme de l’IC », Radek tente d’en tirer les premières leçons : « L’époque de la révolution qui, à l’échelle mondiale, durera probablement des décennies, rend impossible, du fait de sa durée même, de s’en tirer par une perspective générale. Cela place les partis communistes face à une série de questions concrètes qu’ils ont jusqu’à présent résolues de façon empirique. Il s’agit des questions économiques et politiques comme, par exemple, l’attitude à l’égard de la défense de la démocratie bourgeoise, l’attitude à l’égard de la politique mondiale du capitalisme […]. Derrière toutes ces questions se pose le problème du caractère de la phase actuelle de la révolution mondiale, c’est-à-dire la question de savoir si nous devons émettre des revendications transitoires, qui ne sont en aucune façon la concrétisation de la dictature du prolétariat comme l’étaient par exemple les revendications concrètes du programme Spartacus, mais des revendications qui doivent porter la classe ouvrière à une lutte qui pourra devenir une lutte pour la dictature du prolétariat. » Radek récuse en conséquence la séparation entre tactique et principes programmatiques : « Une telle distinction rigide entre les questions tactiques et les questions de programme était jusqu’alors une caractéristique de l’opportunisme, qui préservait volontiers la propreté du programme pour garder les mains libres d’accomplir des saletés de toutes sortes sur le terrain pratique. »

Artisan du projet de programme en 1922, mais opposé à l’expérience de la Nep et au tournant du front unique, Boukharine fut converti à la nouvelle orientation après le Xe congrès du Parti communiste de l’Union soviétique et après le IIIe congrès mondial de l’IC. Il revient alors sur la lutte entre marxisme orthodoxe et marxisme révisionniste allemands pour constater la « totale capitulation » du premier devant le second : « Nous ne l’avions pas remarqué auparavant mais aujourd’hui nous pouvons le constater de façon claire et transparente, et nous pouvons aussi comprendre pourquoi c’est arrivé ». Il met alors l’accent sur le rôle mal compris de l’État, mais continue à minimiser les revendications transitoires, réduites à de simples mots d’ordre provisoires. Dans son rapport aux IVe congrès, Thalheimer reprend les raisons de la rupture théorique qui s’est produite dans la social-démocratie allemande à propos de la grève de masse : « Il n’est que de repenser à l’histoire de la IIe Internationale et de sa désagrégation pour reconnaître que c’est précisément la séparation entre les questions tactiques et les grands objectifs qui constitue le point de départ de son dérapage opportuniste. » Cela a commencé par la controverse entre Bernstein et Kautsky sur la tactique, mais « chemin faisant, ce sont les objectifs finaux qui furent perdus de vue » : « La différence spécifique entre nous et les socialistes réformistes ne consiste pas dans le fait que nous voudrions détacher de notre programme les revendications de réformes, quel que soit le nom qu’on leur donne, pour les mettre dans « une chambre séparée », mais dans le fait que nous situons ces revendications transitoires, ces mots d’ordre transitoires, dans la relation la plus étroite avec nos principes et avec nos buts. » Pour résoudre la confrontation avec Thalheimer, Lénine, Trotski, Radek, Boukharine, Zinoviev cosignèrent une déclaration conciliante : « Le débat sur la question de savoir quelle formulation devait être donné aux revendications transitoires, et surtout quelle place elles devaient occuper dans le programme, ont donné l’impression tout à fait fausse qu’il existait des divergences sur les principes mêmes. La délégation russe confirme que l’inclusion des revendications transitoires dans le programme des sections nationales, ainsi que leur formulation générale et leur justification théorique dans la partie générale du programme, ne peuvent être considérées comme entachées d’opportunisme. » Cette déclaration œcuménique n’en tranche pas moins le débat dans un sens cohérent avec la démarche de front unique, de conquête de la majorité des masses, opposé aux tentations putschistes révélées par l’action de mars 1921. Au Ve congrès, Boukharine et Thalheimer font front commun contre le « tournant gauche » et la « bolchevisation » prônés par Zinoviev en réaction à l’échec de l’Octobre allemand. Le rapport de

Thalheimer s’efforce de différencier les situations selon le degré de développement du capitalisme dans les pays respectifs pour envisager leurs conséquences sur la question agraire, sur la question nationale, sur la place des intellectuels. Il aborde pour la première fois le problème du fascisme. Laissée en suspens, la question du programme rebondit à l’approche du VI e Congrès, mais elle prend la forme d’un manifeste, dont la tournure proclamatoire tend à refouler la discussion stratégique [36]. Gramsci et Trotski poursuivent parallèlement une réflexion stratégique dont le programme dit de transition constituera, pour le second, la synthèse provisoire [37]. Ce programme « doit exprimer les tâches objectives des travailleurs plutôt que refléter leur arriération politique ». Il ne s’agit donc pas de s’adapter à la mentalité des masses mais de tracer une perspective à la hauteur de la situation et de ses défis : « Évidemment, si je fermais les yeux, je pourrais rédiger un beau programme bien rose, que tout le monde accepterait, mais ce programme-là ne correspondrait pas à la situation et le propre d’un programme est d’abord de répondre à la situation objective. » Dans sa discussion avec les militants américains, Trotski insiste : « Le début du programme n’est pas complet. Le premier chapitre n’est qu’une suggestion et non une expression achevée. La fin du programme n’est pas non plus complète, car nous n’y parlons pas de la révolution sociale, de la prise du pouvoir à travers l’insurrection, de la transformation de la société capitaliste en dictature et de la dictature en société socialiste. Cela mène le lecteur sur le pas de la porte : c’est un programme d’action actuel jusqu’au début de la révolution socialiste […]. Il y a deux dangers dans l’élaboration du programme. Le premier est de s’en tenir à des lignes générales abstraites et de répéter les mots d’ordre généraux sans aucune relation avec les syndicats locaux. C’est la direction du sectarisme abstrait. Le danger opposé consiste à trop s’adapter aux conditions spécifiques et de relâcher la ligne révolutionnaire. » Il cite pour exemple les réticences, dans les milieux militants américains, sur l’armement des piquets de grève. Les discussions des années 1920 aboutissent à une clarification relative au niveau des principes. Elles ne délivrent pour autant ni recette programmatique générale ni modes d’emploi ou discours de la méthode, en dehors de l’analyse concrète des situations concrètes, de l’évaluation précise des rapports de force et niveaux de conscience. Elles restent surtout confuses sur la question gouvernementale et ses rapports aux institutions, ainsi que sur les rapports entre classe, parti et État : l’indépendance des mouvements sociaux et syndicaux envers l’État et les partis, ainsi que l’enjeu principiel du pluralisme politique, ne commenceront en effet à être envisagés que dans les années trente [38].

Hypothèses stratégiques La stratégie révolutionnaire articule une pluralité de temps et d’espaces. Elle combine l’histoire et l’événement, l’acte et le processus, la prise de pouvoir et « la révolution en permanence ». Les révolutions du XXe siècle permettent de dégager de grandes hypothèses stratégiques. Celle de la grève générale insurrectionnelle s’inspire de la Commune de Paris et de l’insurrection d’Octobre. Elle implique un affrontement de dénouement rapide, avec pour enjeu central la prise de contrôle d’une capitale et des centres du pouvoir étatique. Celle de la guerre populaire prolongée s’inspire des révolutions chinoise et vietnamienne ; elle implique l’instauration durable d’un double pouvoir territorial et de zones libérées autoadministrées. De la révolution allemande à la révolution nicaraguayenne, en passant par la guerre civile espagnole, les guerres de libération nationale, ou la Révolution cubaine, les expériences du XXe présentent une combinaison variable de ces grandes caractéristiques. Mais toutes les stratégies subversives ont emprunté en les retournant les catégories politiques de la modernité : souveraineté, mais démocratique et populaire ; citoyenneté, mais sociale ; libération territoriale et internationalisme ; guerre, mais guerre populaire. Il n’est donc pas surprenant que la crise du paradigme politique de la modernité trouve son reflet dans la crise des stratégies de subversion, à commencer par le bouleversement de leurs conditions spatiotemporelles. Henri Lefebvre soutient que le développement des connaissances requiert la mise en œuvre d’hypothèses stratégiques. Elles engagent sans prétendre à une vérité éternelle : tôt ou tard « le jeu stratégique se voit déjoué ». L’espace stratégique est un champ de forces et un jeu de rapports. L’espace de la domination étatique est celui où se déploient des stratégies qui déterminent des lieux à occuper, des cibles à atteindre, des centres de décision à investir [39]. La question abordée ici se limite à la lutte pour la conquête du pouvoir politique à l’échelle nationale, que nous appellerons « stratégie restreinte » pour la distinguer de la « stratégie élargie » dans le temps et dans l’espace, dont relève la théorie de la révolution permanente. Dans le cadre de la mondialisation, les États nationaux sont affaiblis et certains transferts de souveraineté ont lieu au profit d’institutions supranationales. Mais l’échelon national structure juridiquement les rapports de classe, articule un territoire à un État, et demeure décisif dans l’échelle mobile des espaces stratégiques [40]. Les critiques d’une vision « étapiste » du processus révolutionnaire (qui ferait de la prise du pouvoir un « préalable absolu » à toute transformation sociale), sont caricaturales ou ignorantes des débats

au sein des mouvements révolutionnaires. Si la question stratégique a parfois pu être résumée par la formule « comment de rien devenir tout ? », c’était pour souligner que la rupture révolutionnaire est un saut périlleux, dont peut profiter un troisième larron (la bureaucratie). Il faut donc la nuancer. Il n’est pas vrai que le prolétariat ne soit rien avant la prise du pouvoir – et il est douteux qu’il doive devenir tout ! Empruntée au chant de l’Internationale, cette alternative du tout et du rien vise seulement à souligner l’asymétrie structurelle entre révolution (politique) bourgeoise et révolution sociale, la première prolongeant des positions de pouvoir, économiques et culturelles, acquises, alors que la seconde doit affronter une domination aussi bien économique que politique et culturelle. Les catégories du front unique, des revendications transitoires, du gouvernement ouvrier, défendues, chacun à sa manière, par Trotski, Thalheimer, Radek, Clara Zetkin dans les débats programmatiques de l’Internationale communiste jusqu’au VIe congrès de l’IC visaient précisément à articuler l’événement révolutionnaire à ses conditions de préparation, les réformes à la révolution, le mouvement au but. Les notions d’hégémonie et de « guerre de position » allaient dans le même sens [41]. L’opposition entre l’Orient (où le pouvoir était supposé plus facile à conquérir, mais plus difficile à garder) et l’Occident relevait de la même préoccupation. Ces démarches s’opposaient à la théorie fataliste de l’effondrement (Zusammenbruch Theorie) défendues à la fin des années vingt par les économistes et idéologues de l’orthodoxie stalinienne naissante. Contre les visions spontanéistes du processus révolutionnaire et contre l’immobilisme structuraliste, nous avons mis l’accent dans les années 1960 sur le rôle du « facteur subjectif » et sur l’importance, non de modèles, mais d’« hypothèses stratégiques ». Il ne s’agissait pas là d’une coquetterie terminologique. Un modèle, c’est à copier, avec un mode d’emploi. Une hypothèse, c’est un guide pour l’action, nourri des expériences passées, mais ouvert et modifiable à la lumière d’expériences nouvelles et de circonstances inédites. Il ne s’agit pas de spéculations mais de ce que l’on peut retenir des expériences passées (qui sont le seul matériau disponible), sachant que l’avenir n’est jamais leur simple répétition : les révolutionnaires courent toujours un risque analogue à celui des militaires, dont on dit qu’ils sont toujours en retard d’une guerre. À partir des événements révolutionnaires du XXe siècle (la Révolution russe et la Révolution chinoise, mais aussi la révolution allemande, les fronts populaires, la guerre civile espagnole, la guerre de libération vietnamienne, Mai 68, la révolution portugaise des Œillets, l’Unité populaire et le coup d’État au Chili, les révolutions d’Amérique centrale…), deux grandes hypothèses se sont donc dégagées. Elles correspondent à deux grands types de crises, deux formes de double pouvoir, deux modes de dénouement de l’antagonisme de classe.

Dans l’hypothèse de la grève insurrectionnelle, la dualité de pouvoir revêt une forme principalement urbaine de type Commune (non seulement la Commune de Paris, mais le soviet de Petrograd, l’insurrection de Hambourg, l’insurrection de Canton, celles de 36 et 37 à Barcelone…). Deux pouvoirs opposés ne peuvent coexister longtemps sur un espace concentré. Un dénouement rapide s’impose, qui peut déboucher sur un affrontement prolongé : la guerre civile en Russie, la guerre de libération au Vietnam après l’insurrection de 1945… Dans cette hypothèse, le travail d’organisation des soldats et de démoralisation de l’armée (dans la plupart des cas de conscription) joue un rôle important [42]. Dans l’hypothèse de la guerre populaire prolongée, le double pouvoir revêt une forme plutôt territoriale (de zones libérées et autoadministrées) qui peut coexister conflictuellement plus durablement avec l’ordre établi. Mao en a résumé certaines conditions dans sa brochure de 1927 « Pourquoi le pouvoir rouge peut exister en Chine ». L’expérience de la république de Yenan en a fourni l’illustration dans les années 1930. Alors que dans la grève générale insurrectionnelle les organes du pouvoir alternatif sont socialement déterminés par les conditions urbaines (Commune de Paris, soviets, conseils ouvriers, comité des milices de Catalogne, cordons industriels et commandos communaux au Chili…), dans la guerre populaire ils se concentrent dans une « armée du peuple » à prédominance paysanne. Entre ces deux hypothèses épurées, se présente toute une gamme de variantes et de combinaisons intermédiaires. En dépit de sa légende foquiste (simplifiée entre autres par le livre de Debray Révolution dans la révolution), la révolution cubaine articule ainsi le foyer de guérilla, comme noyau de l’armée rebelle, et les tentatives d’organisation syndicale et de grèves générales urbaines à La Havane et Santiago. La relation entre les deux fut problématique, comme en témoigne la correspondance de Frank Païs, de Daniel Ramos Latour, du Che lui-même, sur les tensions récurrentes entre « la selva » et « el llano » [43]. Le récit officiel magnifiant l’épopée héroïque du Granma et de ses survivants, a pour fonction de renforcer la légitimité du Mouvement du 26-Juillet et du groupe castriste dirigeant au détriment d’une compréhension plus complexe du processus et de ses acteurs. Érigeant la guérilla rurale en modèle, cette version mythifiée de la révolution cubaine a inspiré les expériences des années soixante (au Pérou, au Venezuela, au Nicaragua, en Colombie, en Bolivie). Les morts au combat de De la Puente et Lobaton, de Camillo Torres, de Yon Sosa, de Lucio Cabanas au Mexique, de Marighela et Lamarca au Brésil, l’expédition tragique du Che en Bolivie, le quasi-anéantissement des sandinistes en 1967 à Pancasan, le désastre de Teoponte en Bolivie, ont marqué la fin de ce cycle.

Au début des années 1970, l’hypothèse stratégique du PRT argentin et du Mir chilien s’inspirait plutôt de l’exemple vietnamien de la guerre populaire (et, dans le cas du PRT, d’une vision mythique de la guerre de libération algérienne). L’histoire du Front sandiniste jusqu’à sa victoire de 1979 sur la dictature somoziste illustre la combinaison de ces différentes orientations. Celle de la tendance « guerre populaire prolongée » (GPP) de Tomas Borge mettait l’accent sur le développement de la guérilla dans la montagne et sur la nécessité d’une longue période d’accumulation graduelle de forces. Celle de la Tendance prolétarienne (dirigée par Jaime Wheelock) insistait sur les effets sociaux du développement capitaliste au Nicaragua et sur le renforcement de la classe ouvrière, en maintenant une perspective d’une accumulation prolongée de forces dans la perspective d’un « moment insurrectionnel ». Celle de la tendance « tercériste » (des frères Ortega), qui synthétisait les deux autres, a permis d’articuler le front du sud et le soulèvement de Managua. A posteriori, Humberto Ortega a résumé les divergences en ces termes : « J’appelle politique d’accumulation passive de forces la politique qui consiste à ne pas intervenir dans les conjonctures, à accumuler des forces à froid. Cette passivité se manifestait au niveau des alliances. Il y avait aussi de la passivité dans le fait que nous pensions qu’on pouvait accumuler des armes, s’organiser, réunir des ressources humaines sans combattre l’ennemi, sans faire participer les masses [44]. » Il a aussi reconnu que les circonstances avaient bousculé les plans des uns et des autres : « Nous avons appelé à l’insurrection. Les événements se sont précipités, les conditions objectives ne nous permettaient pas de nous préparer davantage. En fait, nous ne pouvions pas dire non à l’insurrection. Le mouvement des masses a pris une telle ampleur que l’avant-garde était incapable de le diriger. Nous ne pouvions pas nous opposer à ce fleuve ; tout ce que nous pouvions faire, c’était d’en prendre la tête pour le conduire à peu près et lui donner une direction. » Et de conclure : « Notre stratégie insurrectionnelle a toujours gravité autour des masses et non autour d’un plan militaire. Ceci doit être clair. » L’option stratégique implique en effet un ordonnancement des priorités politiques, des aires d’intervention, des mots d’ordre, et elle détermine la politique d’alliances. De Los dias de la selva à El trueno en la ciudad, le récit par Mario Payeras du processus révolutionnaire guatémaltèque marque un retour de la forêt vers la ville, et un changement des rapports entre lutte militaire et lutte politique, ville et campagne. Dès 1974, La Critique des armes de Régis Debray enregistrait le bilan et l’évolution des stratégies sur le continent latino-américain depuis la révolution cubaine. En Europe, les histoires désastreuses de la Raf (fraction armée rouge, plus connue comme « bande BaaderMeinhof ») [45] et les autres tentatives de traduire en « guérilla

urbaine » l’expérience de la guérilla rurale, se sont achevées de fait avec les années 1970. Les mouvements armés significatifs qui sont alors parvenus à durer sont ceux qui trouvaient leur base sociale dans des luttes contre l’oppression nationale (en Irlande ou en Euzkadi) [46]. Les hypothèses stratégiques évoquées ne sont pas réductibles à une orientation militaire. Elles déterminent un ensemble de tâches politiques. Ainsi la conception du PRT de la révolution argentine comme guerre nationale de libération conduisait à privilégier la construction de l’armée (l’ERP-armée révolutionnaire du peuple) au détriment de l’auto-organisation dans les entreprises et les quartiers. De même, l’orientation du Mir, mettant l’accent, sous l’Unité populaire, sur l’accumulation de forces (et de bases rurales) dans la perspective d’une lutte armée prolongée, conduisait à relativiser l’épreuve de force imposée par le coup d’État et à en sous-estimer les conséquences durables. Miguel Enriquez avait pourtant bien saisi, au lendemain du coup d’État avorté (tankazo) de juin 1973, qui était une répétition générale du coup réussi de septembre, le court moment propice à la formation d’un gouvernement de combat préparant l’épreuve de force. La victoire sandiniste de 1979 a marqué un nouveau tournant. C’est ce que soutient Mario Payeras. Il affirme qu’au Guatemala (et au Salvador), les mouvements révolutionnaires ne furent dès lors plus confrontés à des dictatures fantoches vermoulues mais aux conseillers israéliens, taïwanais, états-uniens, et aux stratégies sophistiquées de « basse intensité » et de « contre-insurrection ». Cette asymétrie croissante de la lutte s’est élargie depuis à l’échelle mondiale avec les nouvelles doctrines stratégiques du Pentagone, les nouveaux armements, et la guerre « hors limites » au « terrorisme ». C’est une des raisons (ajoutée aux révélations sur le goulag stalinien, aux dégâts de la révolution culturelle en Chine, à l’hyperviolence de la tragédie cambodgienne) pour lesquelles la question de la violence révolutionnaire, hier encore perçue comme innocente et libératrice (à travers les épopées du Granma et du Che, ou à travers les textes de Fanon, de Giap, de Cabral), est devenue aussi épineuse. On assiste ainsi à certaines recherches tâtonnantes d’une stratégie asymétrique du faible au fort qui réaliserait la synthèse de Lénine et Gandhi [47], ou s’orienterait carrément vers la non-violence [48]. Depuis la chute du Mur de Berlin, le monde n’est pourtant pas devenu moins violent, et il serait imprudemment angélique de miser désormais sur une hypothétique « voie pacifique » que rien, dans « le siècle des extrêmes », n’est venu valider. L’hypothèse stratégique qui a servi de fil à plomb à la plupart des mouvements révolutionnaires dans les pays développés est celle de la grève générale insurrectionnelle. Elle s’opposait, dans les années

soixante et soixante-dix, aux variantes de maoïsme acclimaté et aux interprétations imaginaires de la Révolution culturelle. C’est de cette hypothèse que nous serions « orphelins ». Elle aurait eu hier une « fonctionnalité », aujourd’hui perdue. D’une part, dans des pays aux rapports de classe complexes et de longue tradition parlementaire, une dualité de pouvoir ne saurait surgir soudainement du néant sous forme d’une pyramide des soviets ou des conseils en totale extériorité des institutions existantes. Si tant est qu’une telle vision ait pu avoir cours dans le gauchisme juvénile de 68, elle fut assez vite corrigée [49]. Il est clair, a fortiori dans des pays de tradition parlementaire plus que centenaire, où le principe du suffrage universel est solidement établi, qu’on ne saurait imaginer un processus révolutionnaire sans un transfert de légitimité au profit des formes de démocratie directe ou participative, en interférence avec les formes représentatives. Lors de la révolution nicaraguayenne, le fait d’organiser des élections « libres » dans un contexte de guerre civile et d’état de siège pouvait se discuter, mais non le principe de telles élections. Il pouvait en revanche être reproché aux sandinistes la suppression d’un « conseil d’État » des mouvements sociaux qui aurait pu constituer une sorte de deuxième chambre sociale et un pôle de légitimité alternative face au Parlement élu [50]. Le problème essentiel n’est pas celui des rapports entre démocratie territoriale et démocratie d’entreprise (la Commune, les soviets, l’assemblée populaire de Setubal en 1975 étaient aussi des structures territoriales), ni même celui des rapports entre démocratie directe et démocratie représentative (toute démocratie est partiellement représentative, et Lénine lui-même n’a jamais soutenu l’idée d’un mandat impératif), mais celui de la formation d’une volonté générale. Le reproche adressé (par les eurocommunistes ou par Norberto Bobbio dans les années soixantedix) à la démocratie de type soviétique visait sa logique corporatiste : une somme (une pyramide) d’intérêts particuliers (de clocher, d’entreprise, de bureau), liés par mandat impératif, ne saurait former une volonté générale. La subsidiarité démocratique a également ses limites : si les habitants d’une vallée s’opposent au passage d’une route ou une ville à une déchetterie, pour les refiler à la vallée ou à la ville voisine, une forme de centralisation arbitrale apparaît nécessaire pour résoudre les litiges en cherchant, sans garantie d’y parvenir, l’intérêt commun [51]. La médiation des partis (et leur pluralité) est nécessaire pour dégager des propositions synthétiques à partir de points de vue particuliers. Il est aussi reproché à la démarche transitoire de s’arrêter au seuil de la question du pouvoir et de s’en remettre à un improbable deus ex machina ; elle supposerait la question du pouvoir résolue par la déferlante spontanée des masses et l’irruption généralisée de

démocratie soviétique. Une discussion sur la formulation des revendications transitoires et sur leur variation en fonction des rapports de forces et des niveaux de conscience est légitime. Mais les questions touchant à la propriété privée des moyens de production, de communication et d’échange y occupent inévitablement une place centrale, qu’il s’agisse d’une pédagogie du service public, de la thématique des biens communs de l’humanité, ou de la question de plus en plus importante de la socialisation des savoirs (opposée à la propriété privée intellectuelle). De même est-il important d’explorer les formes possibles de socialisation du salaire par le biais de systèmes de protection sociale, pour aller vers le dépérissement du salariat. Enfin, à la marchandisation généralisée, s’opposent les possibilités ouvertes par l’extension des domaines de gratuité (ou de « démarchandisation ») non seulement aux services mais à certains biens de consommation nécessaires. La question la plus épineuse d’une démarche transitoire est celle, laissée en jachère par les discussions et les expériences de l’entredeux-guerres, du « gouvernement ouvrier » ou du « gouvernement des travailleurs ». Les débats sur le bilan de la révolution allemande et du gouvernement de Saxe-Thuringe, lors du V e congrès de l’Internationale communiste, montrent toute l’ambiguïté non résolue des formules des premiers congrès de l’IC et l’éventail des interprétations auxquelles elles ont pu donner lieu. Dans son rapport devant les délégués de ce congrès, Treint souligne que « la dictature du prolétariat ne tombe pas du ciel : elle doit avoir un commencement, et le gouvernement ouvrier est synonyme du début de la dictature du prolétariat ». Il dénonce en revanche « la saxonnisation » du front unique : « L’entrée des communistes dans un gouvernement de coalition avec des pacifistes bourgeois pour empêcher une intervention contre la révolution n’était pas fausse en théorie, mais des gouvernements comme celui du Parti travailliste ou celui du Cartel des gauches font que la démocratie bourgeoise rencontre un écho dans nos propres partis. » Dans le débat sur l’activité de l’Internationale, Smeral déclare devant ce même congrès : « Quant aux thèses des communistes tchèques de février 1923 sur le gouvernement ouvrier, nous étions tous convaincus en les rédigeant qu’elles étaient conformes aux décisions du IVe congrès. Elles ont été adoptées à l’unanimité ». Mais, ajoute-t-il, « à quoi pensent les masses quand elles parlent de gouvernement ouvrier ? » : « En Angleterre, elles pensent au Parti travailliste, en Allemagne et dans les pays où le capitalisme est en décomposition, le front unique signifie que les communistes et les sociaux-démocrates, au lieu de se combattre quand se déclenche la grève, marchent au coude à coude. Le gouvernement ouvrier a pour ces masses la même signification, et quand on utilise cette formule elles imaginent un gouvernement d’unité de tous les partis ouvriers ». Et Smeral de poursuivre : « En quoi consiste la profonde

leçon de l’expérience saxonne ? Avant tout en ceci : on ne peut sauter d’un seul coup à pieds joints sans prendre d’élan. » Ruth Fisher lui répond qu’en tant que coalition des partis ouvriers, le gouvernement ouvrier signifierait « la liquidation de notre parti ». Mais dans son rapport sur l’échec de l’Octobre allemand, Clara Zetkin affirme inversement : « À propos du gouvernement ouvrier et paysan, je ne peux accepter la déclaration de Zinoviev selon laquelle il s’agirait d’un simple pseudonyme, un synonyme ou dieu sait quel homonyme, de la dictature du prolétariat. C’était peut-être juste pour la Russie, mais il n’en va pas de même dans les pays où le capitalisme est vigoureusement développé. Là, le gouvernement ouvrier et paysan est l’expression politique d’une situation où la bourgeoisie ne peut déjà plus se maintenir au pouvoir mais où le prolétariat n’est pas encore en condition d’imposer sa dictature. » Zinoviev définit en effet comme « objectif élémentaire du gouvernement ouvrier » des mesures aussi peu élémentaires que l’armement du prolétariat, le contrôle ouvrier sur la production, la révolution fiscale… À relire ces interventions, et d’autres encore, il en ressort une impression de grande confusion. Elle traduit une contradiction réelle et révèle un problème non résolu, bien que la question fût posée « à chaud », dans une situation réellement révolutionnaire ou prérévolutionnaire. Elle ne saurait être réglée par un mode d’emploi valable en toutes circonstances. Il est cependant possible d’en dégager des critères combinés de participation à une coalition gouvernementale : qu’une telle participation s’inscrive dans une situation de crise et de montée significative de la mobilisation sociale ; que le gouvernement en question s’engage à initier une rupture avec l’ordre établi (par exemple, plus modestement que l’armement exigé par Zinoviev, une réforme agraire radicale, des « incursions despotiques » dans le domaine de la propriété privée, l’abolition des privilèges fiscaux, une rupture avec les institutions – celles de la Ve République en France, celles des traités européens ou des pactes militaires…) ; enfin, que le rapport de forces permette aux révolutionnaires, sinon de garantir la tenue des engagements pris par leurs alliés, du moins de leur faire payer au prix fort d’éventuels manquements. La question du gouvernement ouvrier fait écho à celle de la dictature du prolétariat. Aujourd’hui, ce terme de dictature évoque bien davantage les dictatures militaires ou bureaucratiques du XX e siècle que la vénérable institution romaine d’un pouvoir d’exception dûment mandaté par le Sénat pour un temps limité. Marx ayant vu dans la Commune de Paris « la forme enfin trouvée » de cette dictature, mieux vaut pour être compris évoquer la Commune, les Soviets, les conseils ou l’autogestion, que de s’accrocher à un mot fétiche devenu par l’histoire source de confusion [52].

On n’en est pas quitte pour autant avec la question de fond soulevée par la formule de Marx et avec l’importance qu’il lui accordait. La dictature du prolétariat évoque généralement l’image d’un régime autoritaire synonyme des dictatures bureaucratiques. Il s’agit au contraire, dans l’esprit de Marx, de la solution démocratique d’un vieux problème grâce à l’exercice, pour la première fois majoritaire, du pouvoir d’exception réservé jusqu’alors à une élite vertueuse ou à un « triumvirat » d’hommes exemplaires [53]. Le terme de dictature s’opposait alors à celui de tyrannie en tant qu’expression de l’arbitraire. La dictature du prolétariat avait aussi une portée stratégique, souvent évoquée dans les débats autour de son abandon par la plupart des partis (euros) communistes à la fin des années soixantedix. Pour Marx, il est clair en effet qu’un droit nouveau, exprimant un nouveau rapport social, ne peut naître dans la continuité du droit ancien, par une sorte d’auto-engendrement juridique : « entre deux droits égaux » et deux légitimités sociales contraires, « c’est la force qui tranche ». La révolution implique donc, pour les socialistes de la IIe Internationale (y compris pour Kautsky, et pour Blum au congrès de Tours) un passage obligé par la dictature comme forme prolétarienne d’un état d’exception lié à un état de guerre ou de guerre civile [54]. Ce qui permet de pérenniser ces mesures d’urgence, c’est la confusion entre l’exception et la règle, confusion d’autant plus tenace que la révolution est aussi un processus permanent du point international, et que la question des rapports entre parti, État et conseils ou soviets demeure un point obscur des premiers congrès de l’Internationale communiste. La dictature du prolétariat peut alors être interprétée comme dictature du parti, voire du parti unique, comme le fait Trotski dans Terrorisme et communisme : « On nous a accusés plus d’une fois d’avoir substitué à la dictature des soviets celle du Parti […] Dans cette substitution du pouvoir du Parti au pouvoir de la classe ouvrière il n’y a rien de fortuit, et même, au fond, il n’y a là aucune substitution. Il est tout à fait naturel qu’à une époque où l’Histoire met à l’ordre du jour la discussion de ces intérêts dans toute leur étendue, les communistes deviennent les représentants de la classe ouvrière en sa totalité [55]. » La dictature du prolétariat signifie alors « en substance » – dans le feu de la guerre civile – « la domination immédiate d’une avant-garde révolutionnaire qui s’appuie sur les lourdes masses et qui oblige, quand il le faut, les traînards à se rallier. Cela a trait aussi aux syndicats : après la conquête du pouvoir par le prolétariat ces syndicats prennent un caractère obligatoire […] Plus on va, plus les unions comprennent qu’elles sont les organes producteurs de l’État soviétique [… ] Elles se chargent d’établir la discipline de travail, elles exigent des ouvriers un travail intensif dans les conditions les plus pénibles […] L’obligation du travail serait impossible sans

l’application dans une certaine mesure des méthodes de militarisation du travail [56]. » Il lui faudra avoir pris toute la mesure des dangers professionnels du pouvoir et de la logique du monopole bureaucratique du pouvoir pour que Trotski en vienne, dans La Révolution trahie, à une critique théorique du régime du parti unique et à une défense principielle du pluralisme. Dans la période de la guerre civile, Lénine reste plus proche de l’esprit de Marx. Face à la résistance désespérée des possédants, la victoire du prolétariat « ne peut être qu’une dictature », mais ce doit être « une dictature démocratique », dont le but est « d’introduire la démocratie de façon totale et conséquente, jusqu’à la proclamation de la république » et « d’extirper les survivances du despotisme asiatique » [57]. Il rappelle notamment que les tâches assignées par Marx à la dictature en 1848 n’impliquaient « rien d’autre que la dictature démocratique révolutionnaire ». Il insiste donc : « En période de guerre civile, tout pouvoir victorieux ne peut être qu’une dictature, mais il peut y avoir une dictature de la minorité sur la majorité, d’un groupuscule policier sur le peuple, et il peut aussi y avoir une dictature de l’immense majorité sur un groupuscule d’oppresseurs [58]. » Il définit la dictature comme « un pouvoir qui n’est limité par aucune loi », ou comme « un pouvoir illimité, en dehors de la loi, s’appuyant sur la force au sens le plus direct du mot », ou encore comme « rien d’autre qu’un pouvoir sans aucune limitation, qu’aucune loi, aucune règle ne viennent restreindre, qui s’appuie directement sur la violence [59] ». De telles formules évoquent une dialectique de la force et du droit, et le rôle de la violence comme moment de fondation du droit : « La dictature est un pouvoir qui s’appuie directement sur la violence et n’est lié par aucune loi [60]. » Ce pourrait être l’exacte définition de la « dictature souveraine », distinguée par Schmitt de la dictature commissaire. La source du pouvoir n’est pas la loi parlementaire mais « l’initiative des masses », « un coup de force direct », autrement dit l’exercice d’un pouvoir constituant [61]. Dans la mesure où la « suppression des classes » suppose celle de l’État bourgeois et le renversement de la dictature du capital, « la question de la dictature du prolétariat est la question essentielle du mouvement ouvrier moderne dans tous les pays capitalistes [62] ». C’est dire à quel point, pour Lénine comme pour Marx, cette question « essentielle » porte moins sur les formes institutionnelles et sur la durée du régime d’exception (Lénine va jusqu’à affirmer, fidèle à l’esprit de L’État et la révolution que cette dictature est un pouvoir « sans aucune police [63] ») que sur la nécessaire rupture de continuité, y compris juridique, entre deux dominations et deux légitimités. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, non seulement la dictature du prolétariat ainsi comprise n’est pas pour Lénine incompatible avec la perspective du dépérissement de l’État, mais elle en est le premier épisode.

19 mai 2007 Haut de page Notes [1] Lettre à Marx de février 1851. [2] Lettre à Freiligrath, 1860. [3] Lettre à Becker du 10 février 1882. [4] Trotski, Nos tâches politiques, 1902. [5] K. Kautsky, Le Programme socialiste, p. 130 et 134. [6] Ibid. p. 217. [7] Karl Kautsky, « L’action de masse », Neue Zeit, in La Voie occidentale, Henri Weber éditeur, Paris, Puf. Il y a dans cette défiance répulsive de Kautsky envers la spontanéité et l’improvisation ou les instincts de la foule des échos qui rappellent La Psychologie des foules de Le Bon, ou encore La Psychologie des crimes de foules et de masses de Sighele. [8] « Entre Bade et Luxembourg », in Neue Zeit. [9] Karl Kautsky, « Une nouvelle stratégie », 1910, in La Voie occidentale, op. cit. En revanche Kautsky reste alors tout à fait orthodoxe en ce qui concerne le programme économique : « Si l’on veut substituer à la propriété privée capitaliste la propriété coopérative des moyens de production », il faut faire un pas de plus que les anarchistes et les libéraux, « il faut aller jusqu’à la suppression de la production marchande » par la réunion en une seule grande coopérative (autrement dit un plan). [10] Karl Kautsky, « Et maintenant ? », 1910, La Voie occidentale, op. cit. [11] Pas plus que la logique de l’hégémonie chez Gramsci n’élimine l’épreuve de force et la rupture révolutionnaires (cf. Perry Anderson, Sur Gramsci, Paris, PCM). [12] Karl Kautsky, « L’action des masses », op cit. [13] Karl Kautsky, Le Programme socialiste, commentaire du programme d’Erfurt, 1892-1898, éd. Les bons caractères, Paris 2004. [14] Walter Benjamin, Thèses sur le concept d’Histoire, thèses XI et XIII.

[15] Distinction banale chez Lénine, Trotski, Radek, Gramsci. [16] Dans ses articles de 1910 et 1912 dans la Neue Zeit. [17] Voir Marian Sawer, « The Genesis of State and Revolution », Socialist Register, 1977. [18] À. Pannekoek, « Action de masse et révolution », 1912, in La Voie occidentale, op. cit. [19] Karl Kautsky, « La nouvelle tactique », 1912, in La Voie occidentale. [20] À. Pannekoek, « Théorie marxiste et tactique révolutionnaire, 1910, ibid. [21] Karl Kautsky, « L’action de masse », ibid. [22] Neue Zeit, XX, 1, n° 3, p. 79, 1901-1902. [23] Lénine, Que Faire ?, éditions Science marxiste, Paris, 2004, p. 81 et 123. [24] Bruno Antonini, État et socialisme chez Jean Jaurès, Paris, L’Harmattan, 2004. [25] Cité in Antonini, op. cit., p. 71. [26] Ibid., p. 187. [27] Lars Lih, Lenin Rediscovered, HM, Brill, 2005, p. 310. [28] Voir Michael Löwy, De la Grande Logique de Hegel à la gare de Finlande à Petrograd, in Paysages de la vérité, Paris, Anthropos, 1971. [29] Voir Daniel Bensaïd, « La politique comme art stratégique », in Un monde à changer, Paris, Textuel, 2003. [30] Lénine revient sur la notion de crise révolutionnaire dans La Maladie infantile du communisme. [31] Voir le bilan de l’insurrection de Reval dans Hans Neuberg, L’Insurrection armée, Paris, Maspero, 1970. La conception évolutionniste d’un mouvement ouvrier parcourant, à l’instar de l’humanité, une échelle des âges, de la petite enfance à la maturité, à laquelle correspondraient des formes d’organisation spécifique fut partagée à des degrés divers par Görter, Pannekoek, Bordiga, les dirigeants du KAPD en Allemagne, Zinoviev, Bela Kun et Rakosi dans l’IC.

[32] Neue Zeit, 1901-1902, XX, n° 3. [33] Cf. Les Thèses d’avril, La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer, ou encore les télégrammes comminatoires adressés à la direction depuis son refuge de Finlande pour appeler à l’insurrection. [34] Voir Lénine, Le Renégat Kautsky ; les Quatre premiers congrès de l’Internationale communiste (Paris, Maspero, 1968) ; Rosa Luxemburg, La Révolution russe ; L. Trotski, Les Leçons d’octobre… [35] Raggioneri, Studi Storici, 4, décembre 1972, in Cahiers d’Histoire de l’Institut Maurice Thorez, n° 22 1977. [36] Voir Léon Trotski, L’Internationale communiste après Lénine, Paris, Puf, 1970. [37] La discussion avec des membres du SWP, voir « Classique rouge » n° 11, Discussion sur le Programme de transition, Paris, Maspero, 1972. [38] Notamment chez Trotski, La Révolution trahie. [39] Henri Lefebvre, La Production de l’espace, Paris, Anthropos, p. 354. Cf. l’initiative des commandos d’Amadora en novembre 1975 au Portugal, l’assaut de la Telefonica de Barcelone en mai 1937, la prise du Palais d’Hiver en 1917 en Russie, l’assaut de la Moneda par les putschistes en septembre 1973 au Chili… Ou encore la tentative d’incendie symbolique de la Bourse en 1968. [40] Voir Critique communiste, n° 179 (mars 2006) et 180 (nov. 2006). [41] Voir le petit livre de Perry Anderson sur Les Antinomies de Gramsci, Paris, PCM. [42] Cf. « Classiques rouges », Crosse en l’air ; Alain Brossat et J.-Y. Potel, Anthologie de l’antimilitarisme révolutionnaire (Paris, 10-18) ; Le procès de Draguignan (Paris, 10-18, 1976) ; voir aussi l’expérience des comités de soldats en France, des SUV au Portugal, et dans une perspective plus confirmative, le travail du Mir dans l’armée chilienne. [43] Voir le Journal de Révolution cubaine, de Carlos Franqui. [44] « La stratégie de la victoire », interview à Martha Harnecker. Interrogé sur la date de l’appel à l’insurrection, Ortega répond : « Parce qu’il se présentait toute une série de conditions objectives toujours plus favorables : la crise économique, la dévaluation monétaire, la crise politique. Et parce qu’après les événements de

septembre nous avons compris qu’il était nécessaire de conjuguer en même temps et dans un même espace stratégique le soulèvement des masses au niveau national, l’offensive des forces militaires du front et la grève nationale dans laquelle était engagé ou qu’approuvait de fait le patronat. Si nous n’avions pas conjugué ces trois facteurs stratégiques en un même temps et en un même espace stratégique, la victoire n’aurait pas été possible. On avait appelé plusieurs fois à la grève nationale, mais sans la conjuguer avec l’offensive des masses. Les masses s’étaient déjà soulevées, mais sans que cela soit conjugué avec la grève et alors que la capacité militaire de l’avant-garde était trop faible. Et l’avant-garde avait déjà porté des coups à l’ennemi mais sans que les deux autres facteurs soient présents. » [45] Sans parler de l’éphémère tragicomédie de la Gauche prolétarienne en France – et des thèses de July et Geismar dans leur inoubliable Vers la guerre civile. [46] Voir Dissidences, révolution, lutte armée et terrorisme, volume I, L’Harmattan, 2006. [47] C’est le thème de textes récents d’Étienne Balibar. [48] Le débat sur la non-violence dans la revue théorique (Alternative) de Rifondazione Comunista n’est pas sans rapport avec son cours actuel. [49] Voir Ernest Mandel notamment, dans ses polémiques contre les thèses eurocommunistes. Voir son livre sur l’eurocommunisme dans la petite collection Maspero, sa réponse à Althusser et Ellenstein (La Brèche) et surtout son interview dans Critique communiste en 1978. [50] À une échelle plus modeste, il serait utile de revenir sur la dialectique entre l’institution municipale élue au suffrage universel et les comités du budget participatif de Porto Alegre. [51] L’expérience du budget participatif à l’échelle de l’État du Rio Grande do Sul offre des exemples concrets d’attribution de crédits, de hiérarchie de priorités, de répartition territoriale d’équipements collectifs, etc. [52] La Commune, disait Jean-Baptiste Millière (1817-1871, député de la Seine), n’est pas une Assemblée constituante, mais un conseil de guerre. Elle ne doit avoir qu’une loi, « celle du salut public ». L. Trotski poursuit : « La Commune a été la négation vivante de la démocratie formelle, car, dans son développement, elle a marqué la dictature du Paris ouvrier sur la nation paysanne. » [53] Voir Alessandro Galante Garrone, Philippe Buonarotti et les révolutionnaires du XIXe siècle, Paris, Champ Libre.

[54] Pour Trotski, il est « évident » que si la révolution s’assigne pour tâche l’abolition de la propriété individuelle, « il n’est pas d’autre moyen que de réaliser la concentration de tous les pouvoirs de l’État entre les mains du prolétariat, la création d’un régime d’exception pendant la durée duquel la classe gouvernante ne se laisserait pas guider par l’observation de normes calculées pour un temps très long mais par des considérations révolutionnaires en conformité au but […] La dictature est indispensable parce qu’il s’agit non d’un changement d’un caractère privé mais de l’existence même de la bourgeoisie. Sur cette base, nul accord n’est possible […] Reniant la dictature révolutionnaire, Kautsky délaie la question de la conquête du pouvoir par le prolétariat dans celle de la conquête d’une majorité au cours d’une prochaine campagne électorale […] Le fétichisme de la majorité parlementaire n’implique pas seulement le reniement brutal de la dictature du prolétariat, mais aussi celui du marxisme et de la révolution en général » (Trotski, Terrorisme et communisme, UGE 10/18, 1963, p. 46/47). Trotski se prononce contre la peine de mort infligée par des cours martiales, mais en faisant exécuter des conspirateurs contre-révolutionnaires, il affirme agir « conformément aux lois de la guerre » (ibid., p. 105). [55] L. Trotski, Terrorisme et Communisme, op. cit., p. 170. [56] Ibid., p. 173. [57] Maurice Andreu, L’Internationale communiste contre le capital, Paris, Actuel Marx, Puf, 2004 ; Lénine, La Dictature du prolétariat, Paris, UGE 10/18, 1970, p. 105. [58] Ibid., p. 129. [59] Ibid., p. 131-133. [60] Ibid., p. 279. [61] Ibid., p. 185. [62] Ibid., p. 436. [63] Ibid., p. 133.

Daniel Bensaïd Frente único y hegemonía Publicamos a continuación el resumen de una contribución presentada por Daniel Bensaïd, en el marco del “ciclo estrategia”, de

la Universidad de verano de la LCR que se desarrolló en Port Leucate del 24 al 29 de agosto de 2007. Plan 1. Los orígenes de la cuestión 2. ¿La hegemonía es soluble en el revoltijo posmoderno ? 3. Metamorfosis políticas de los protagonistas sociales 4. Hegemonía y movimientos sociales 5. Pluralidad de lo social o sociedad en migas Durante los años setenta, la noción de hegemonía sirvió de pretexto teórico para el abandono sin un debate serio de la dictadura del proletariado por la mayoría de los partidos “eurocomunistas”. Como lo recordaba entonces Perry Anderson, ella no eliminaba sin embargo, en Gramsci, la necesaria ruptura revolucionaria y la transformación de la defensiva estratégica (o guerra de desgaste) en ofensiva estratégica (o guerra de movimiento) [1]. Los orígenes de la cuestión La noción de hegemonía aparece en las reflexiones de Marx sobre las revoluciones de 1848. Ledru-Rollin y Raspail son para él “los nombres propios, aquél de la pequeña-burguesía democrática, éste del proletariado revolucionario”. Frente a la coalición de la burguesía, los partidos revolucionarios de la pequeña-burguesía y del campesinado deben “aliarse al proletariado revolucionario” para formar un bloque hegemónico : “Al desesperarse de la restauración napoleónica, el campesino francés abandonará la fe en su parcela y todo el edificio del Estado levantado sobre esta parcela se derrumbará y la revolución proletaria obtendrá el coro sin el cual su solo deviene en un canto fúnebre en todas las naciones campesinas.” [2] Esta oposición entre el “coro” victorioso y el “solo” fúnebre vuelve de nuevo en 1871. La Comuna es entonces definida como “la representación verdadera de todos los elementos sanos de la sociedad francesa” y “la revolución comunal” representa a “todas las clases de la sociedad que no viven del trabajo de otros”. A partir del final del siglo XIX, los revolucionarios rusos utilizan el término de hegemonía para caracterizar el papel dirigente del proletariado en una alianza obrera y campesina contra la autocracia y en la conducción de la revolución democrática burguesa. A partir de 1898, Parvus prevé así la necesidad, para el proletariado, “de establecer su hegemonía moral”, y no solamente un poder mayoritario sobre poblaciones urbanas heterogéneas. Esta es la

razón por la que, según Lenin, los socialdemócratas “deben estar en todas las clases de la población”, ya que la conciencia de la clase obrera no podría ser verdaderamente política “si no se acostumbra a los obreros a reaccionar contra todo abuso, toda forma de arbitrariedad, de opresión y violencia, cualesquiera que sean las clases que sean las víctimas” : “A cualquiera que no atrae la atención, el espíritu de observación y la conciencia de la clase obrera sobre sí misma y la sociedad no es un socialdemócrata, ya que, para conocerse bien ella misma, la clase obrera debe tener un conocimiento preciso de las relaciones recíprocas de todas las clases de la sociedad contemporánea.” Este Lenin está más próximo a la actitud de Jaurès ante el asunto Dreyfus, que de las de un Guesde, abogado de un “socialismo puro”. Si el término de hegemonía no aparece en la controversia entre Jaurès y Guesde sobre las implicaciones del Asunto Dreyfus, su lógica no está menos presente [3] : “Hace horas, afirma Jaurès, es del interés del proletariado el impedir una fuerte degradación intelectual y moral de la propia burguesía […] Y esto porque, en esta batalla, el proletariado tiene que volver su deber hacia sí mismo, hacia la civilización y la humanidad, pues se convirtió en el tutor de las libertades burguesas que la burguesía es incapaz de defender.” Tiene razón, pero Guesde no tiene totalmente culpa en su advertencia contra las derivas y las consecuencias posibles de la participación en un Gobierno dominado por la burguesía. Para Jaurès, en la medida en que crezca la fuerza del partido, crece también su responsabilidad. La hora vendrá entonces “de ir a sentarse en los Gobiernos de la burguesía para controlar el mecanismo de la sociedad burguesa y para colaborar lo más posible en las obras de reforma” que son “obras que comienzan la revolución”. Para Guesde, al contrario, un socialista en un Gobierno burgués no es nunca más que un rehén. La ironía de la historia quiso que Guesde, el intransigente, terminara su carrera como Ministro de Gobierno de Unión nacional y patriótica, y que Jaurès fuera abatido como posible obstáculo a esta Unión. Es Gramsci quien amplía la cuestión del frente único fijándole por objetivo la conquista de la hegemonía política y cultural en el proceso de construcción de una nación moderna : “El Príncipe moderno debe, y no puede no ser el campeón y el organizador de una reforma intelectual y moral ; lo que significa crear el terreno para un desarrollo superior de la voluntad colectiva nacional popular, hacia la realización de una forma superior y total de civilización.” [4] Este planteamiento se inscribe en una perspectiva donde se trata de pasar de la guerra de movimiento característica de la lucha revolucionaria en el “Este”, a una guerra de desgaste (o de posición), “sola posible” en Occidente : “Tal me parece ser el significado de la fórmula del frente único, pero Illitch [Lenin] no tuvo tiempo de profundizar en su fórmula” [5]. Esta comprensión ampliada del concepto de hegemonía

permite precisar la idea según la cual una situación revolucionaria es irreducible a la confrontación corporativa entre dos clases antagónicas. Ella pone en juego la resolución de una crisis generalizada de las relaciones recíprocas entre todos los componentes de la sociedad en una perspectiva que se refiere al futuro de la nación en su conjunto. Al batirse para hacer a Iskra “un periódico para Rusia en su totalidad”, Lenin ya no abogaba solamente en favor del instrumento “organizador colectivo adecuado”, oponía también al localismo corporativo de los comités un proyecto revolucionario a escala de todo del país. Después del fracaso de la revolución alemana de 1923 y con el reflujo de la ola revolucionaria de posguerra, no se trataba sin embargo de declarar la situación constantemente revolucionaria y de predicar la ofensiva permanentemente, sino de emprender una lucha prolongada por la hegemonía para la conquista de la mayoría de las clases explotadas y oprimidas en un movimiento obrero europeo profunda y duraderamente dividido, política y sindicalmente. La táctica del “frente único obrero”, destinada a movilizarlo en la unidad respondía a este objetivo. El debate programático sobre un cuerpo de “demandas transitorias”, a partir de las preocupaciones diarias para plantear la cuestión del poder político, era el corolario. Este debate, que fue objeto de una confrontación polémica entre Thalheimer y Boukharine en el V congreso de las IC, fue relegado al segundo plan y después desapareció de la orden del día, al compás de las purgas sucesivas en la Unión Soviética y en la Internacional comunista. Al oponerse a la dictadura del proletariado un concepto de “hegemonía” reducido a una simple extensión de la democracia parlamentaria o a una larga marcha en las instituciones, los eurcomunistas endulzaban el alcance de los Cuadernos de Prisión. Ampliando el campo del pensamiento estratégico, hacia atrás y más abajo de la prueba de fuerza revolucionaria, Gramsci articula la dictadura del proletariado a la problemática de la hegemonía. En las sociedades “occidentales”, la toma del poder es inconcebible sin una conquista previa de la hegemonía, es decir, sin la afirmación de un papel dominante/dirigente en un nuevo bloque histórico capaz de defender, no solamente los intereses corporativos de una clase particular, sino de establecer una respuesta totalizadora a una crisis global de las relaciones sociales. La revolución no es ya solamente una revolución social, sino también e indisociablemente “una reforma intelectual y moral”, destinada a forjar una voluntad colectiva a la vez nacional y popular [6]. Esta perspectiva exige que sea examinada nuevamente el concepto de “desaparición del Estado”, en cuanto el momento revolucionario no desembocaba en su rápida extinción, sino en la constitución de un nuevo Estado político y ético, opuesto en el Estado corporativo antiguo.

El concepto de hegemonía implica entonces en Gramsci la articulación de un bloque histórico en torno a una clase dirigente, y no la simple adición no diferenciada de la categoría de descontentos, la formulación de un proyecto político capaz de solucionar una crisis histórica de la nación y del conjunto de las relaciones sociales. Son estas dos ideas que tienden a desaparecer hoy de algunos usos poco rigurosos del concepto de hegemonía. ¿La hegemonía es soluble en el revoltijo posmoderno ? Al final de los años setenta, el recurso confuso a la noción de hegemonía pretendía no sólo responder a las condiciones contemporáneas del cambio revolucionario, sino también a colmar el vacío abierto dejado por la liquidación sin examen de la dictadura del proletariado [7]. El marxismo ortodoxo, de Estado o Partido, parecía entonces a punto de expirar. La cuestión rebota en los años noventa en un contexto diferente. Para abrir una brecha en el horizonte gris del liberalismo triunfante, Ernesto Laclau y Chantal Mouffe hacen su interpretación de la hegemonía, concibiéndola como una cadena de protagonistas sin un fuerte eslabón, o como una coalición de sujetos sociales que se niegan a supeditarse a una contradicción conocida como la principal. La hegemonía exclusiva de una clase en una composición de alianzas más o menos tácticas y variables sería sustituida por “cadenas de equivalencias” : “Mantenemos que las luchas contra el sexismo, el racismo, las discriminaciones, los daños ecológicos deben articularse a las de los trabajadores para fundar un nuevo proyecto hegemónico a la izquierda.” La dificultad reside en las modalidades de esta articulación. Para Boudieu habría una “homología” postulada entre distintos campos sociales. Pero si se renuncia a toda estructuración del conjunto de los campos por una lógica impersonal – la del capital en este caso –, la articulación o la homología ya no está incluida más que en el decreto de una vanguardia o de un voluntarismo ético. Este es el corazón de la controversia entre Žižek y Laclau. Este último prevé una primera estrategia que conservaría la categoría de clase, esforzándose en reconciliarlo con la multiplicación de las identidades representadas por los nuevos movimientos sociales, e inscribiéndolo en una cadena enumerativa (movimientos de raza, clase, etnia, etc., ¡ “sin olvidar en este orden al viejo movimiento obrero” !). El concepto marxista de clase se integra, no obstante, difícilmente a esta cadena enumerativa, en la medida en que, al resignarse a convertirse en un simple eslabón más de una cadena, el proletariado perdería su papel privilegiado. Una estrategia alternativa pretendería dilatar el concepto de clase obrera a riesgo de disolverlo en el magma de un asalariado sin orillas o de todo del pueblo, haciéndole perder así de otra manera su función estratégica.

Los “nuevos movimientos sociales” pondrían, entonces, a dura prueba una definición del socialismo basada en el carácter central de la clase obrera y la Revolución con mayúscula. Slavoj Žižek responde que la proliferación de las subjetividades políticas, que parece relegar la lucha de clases a un papel de segundo plano, no es más que el resultado de la lucha de las clases en el contexto concreto del capitalismo globalizado : “No acepto que los distintos elementos que se producen en la lucha por la hegemonía sean en principio equivalentes. Siempre habrá uno que, aunque parte involucrada de la cadena, la sobredetermina. Esta contaminación del universal por el particular es más fuerte que la lucha por la hegemonía : ella estructura por adelantado el terreno mismo sobre el cual una multitud de contenido particular luchan por la hegemonía.” [8] Es decir, la lucha de clases no es soluble en el caleidoscopio de las pertenencias identitarias o comunitarias, y la hegemonía no es soluble en un inventario de las equivalencias a la Prévert. Metamorfosis políticas de los protagonistas sociales Cuestionando una entrevista en la que Stalin justificaba frente a un periodista americano el partido único para una sociedad donde los límites entre las clases se supone que están en curso de borrarse, Trotski exclamaba, en la Revolución traicionada : “¡Como si las clases fueran homogéneas. Como si sus fronteras estuvieran netamente determinadas de una vez por todas. Como si la conciencia de una clase correspondiera exactamente a su lugar en la sociedad ! El análisis marxista de la naturaleza de clase del partido se convierte así en una caricatura. El dinamismo de la conciencia social está excluido de la historia, en interés del orden administrativo. En realidad, las clases son heterogéneas, desgarradas por antagonismos interiores, y sólo llegan a sus fines comunes por la lucha de las tendencias, de los grupos y de los partidos. Se puede conceder con algunas reservas que un ‘partido es parte de una clase’. Pero como una clase está compuesta de numerosas capas – unas miran hacia adelante y otras hacia atrás –, una misma clase puede formar varios partidos. Por la misma razón, un partido puede apoyarse sobre capas de diversas clases. No se encontrará en toda la historia política un solo partido representante de una clase única, a menos que se consienta en tomar por realidad una ficción policíaca.” [9] De esa manera, se comprometía en una nueva vía. Si la clase es susceptible de una pluralidad de representaciones políticas, es que hay un margen de juego entre la política y el social. Los teóricos de la II Internacional habían constatado que “la fragmentación económica impedía realizar la unidad de clase y hacía

necesario su recomposición política”, pero lamentaban que esta recomposición fuera “incapaz de establecer el carácter de clase de los protagonistas sociales”. El concepto de hegemonía se introduce para conjurar este vacío. En ruptura con las ilusiones de un progreso mecánico y de una temporalidad histórica de dirección única, exige la consideración de la incertidumbre histórica. No se puede, dice Gramsci, prever sino la lucha pero no sus resultados [10]. La divergencia sostenida entre lo social y la política permite pensar su articulación como una posibilidad determinada. Trotski reprocha así a sus contradictores de quedar presos de “categorías sociales rígidas, en vez de concebir fuerzas históricas vivas”. Él experimentaba el aplanamiento de la política sobre las categorías formales de la sociología como un yugo teórico. A falta de llegar a concebir a la política según sus categorías propias (a pesar de fuertes intuiciones sobre el bonapartismo o el totalitarismo), se limitó, sin embargo, a invocar a estas enigmáticas “fuerzas históricas vivas”, y apelar a la creatividad de lo vivo. Para él, como para Lenin, sólo quedaba considerar a la revolución rusa como una anomalía, una revolución a contratiempo, condenada a sostenerse cueste lo que cueste, a la espera de una revolución alemana y europea, que no venía. En el discurso leninista, la hegemonía designaba un liderazgo político en una alianza de clases. Pero el campo político permanecía concebido como una representación o un reflejo directo y unívoco de intereses sociales presupuestos. Lenin fue, con todo, un virtuoso de la coyuntura, del momento propicio, de la política practicada como un juego estratégico de desplazamientos y condensaciones, como las contradicciones del sistema que puedan hacer irrupción bajo formas imprevisibles (por ejemplo una lucha estudiantil o una protesta democrática), allí donde no se les espera. A diferencia de los socialistas ortodoxos que veían en la Guerra Mundial un simple rodeo, un deplorable paréntesis en la marcha al socialismo sobre los caminos balizados del poder, él fue capaz de pensar la guerra como una crisis paroxística que requería una intervención específica. Esta es la razón por la que, al revés de una ortodoxia que postulaba la adecuación natural entre base social y dirección política, la hegemonía leninista supone una concepción de la política “potencialmente más democrática que todo lo que se encuentra en la tradición de la II Internacional” [11]. La distinción fundadora entre el partido y la clase abría, en efecto, la perspectiva de una autonomía relativa y de una pluralidad de la política : si el partido no se confunde ya con la clase, esta última puede dar lugar a una pluralidad de representaciones.

En el debate de 1921 sobre los sindicatos, Lenin fue lógicamente de los que experimentaron la necesidad de sostener una independencia de los sindicatos hacia los aparatos del Estado. Incluso si no sacara todas las consecuencias, su problemática implicaba el reconocimiento de una “pluralidad de antagonismos y puntos de rupturas”. La cuestión de la hegemonía, prácticamente presente pero dejada en barbecho, podía así desembocar en un “cambio de dirección autoritario”, y en la sustitución de la clase por el partido. La ambigüedad del concepto de hegemonía debe ser despejada, ya sea en el sentido de una radicalización democrática o en el de una práctica autoritaria. En su acepción democrática, permite vincular una multiplicidad de antagonismos. Es necesario entonces admitir que las tareas democráticas no se reservan únicamente para la etapa burguesa del proceso revolucionario. En su acepción autoritaria, la naturaleza de clase de cada reivindicación es fijada a priori (como burguesa, pequeño-burguesa o proletaria) por la infraestructura económica. La función de la hegemonía se reduce, entonces, a una táctica “oportunista” de alianzas que fluctúan y varían de acuerdo a las circunstancias. La teoría del desarrollo desigual y combinado obligaría, en cambio, “a una extensión incesante de las tareas hegemónicas” en detrimento de un “socialismo puro”. Hegemonía y movimientos sociales La concepción gramsciana de la hegemonía sienta las bases de una práctica política democrática “compatible con una pluralidad de temas históricos”. Es también lo que implica la fórmula de Walter Benjamin según la cual no se trata ya, en adelante, de estudiar el pasado “como antes, de manera histórica, sino de manera política, con categorías políticas” [12]. La política no es ya no es una simple actualización de leyes históricas o determinaciones sociales, sino un campo específico de fuerzas recíprocamente determinadas. La hegemonía gramsciana asume plenamente esta pluralidad política. Es cada vez más difícil hoy presuponer una homogeneidad de la clase obrera. Kautsky y Lenin ya habían comprendido que la clase no tiene la conciencia inmediata de sí mismo, que su formación pasa por experiencias y mediaciones constitutivas. Para Kautsky, la intervención decisiva de los intelectuales aportando “del exterior” la ciencia a los proletarios, representaba la mediación principal. Para Lukacs, residía en el partido, personificando la clase en sí ante la clase para sí. La introducción del concepto de hegemonía modifica la visión de la relación entre el proyecto socialista y las fuerzas sociales susceptibles de realizarlo. Impone renunciar al mito de un gran Sujeto de la emancipación. Modifica también la concepción de los movimientos sociales, que no son más movimientos “periféricos”

subordinados a la “centralidad obrera”, sino protagonistas de pleno derecho, cuyo papel específico depende estrictamente de su lugar en una combinatoria (o articulación hegemónica) de fuerzas. La hegemonía evita ceder a la simple fragmentación incoherente de lo social o a conjurarla por un golpe de fuerza teórico, incitando a pensar el Capital como sistema y estructura, cuyo conjunto condiciona las partes. Ciertamente, las clases son lo que los sociólogos llaman “constructos”, o también, según Bourdieu, las “clases probables”. ¿Pero en qué descansa la validez de su “construcción” ? ¿Por qué “probables”, más bien que improbables ? ¿De dónde viene esta probabilidad si no es de una cierta obstinación de lo real por invitarse en el discurso ? Hacer hincapié en la construcción de las categorías por el lenguaje ayuda a resistir a las representaciones esencialistas, en términos de raza o etnia. Falta aún cierta construcción de un material conveniente, sin el cual se tendrían dificultades para comprender cómo la lucha real y sangrante de las clases ha podido atormentar a la política desde hace más de dos siglos. Laclau y Mouffe admiten tomar sus distancias hacia Gramsci, para que “los sujetos hegemónicos se constituyen necesariamente a partir de las clases fundamentales, lo que supone que toda formación social es estructurada alrededor de un solo centro hegemónico.” ¿Pluralidad de actores, pluralidad de hegemonías ? Esta hegemonía en migas es contradictoria con el sentido estratégico original del concepto, como unidad de soberanía y legitimidad, o “capacidad dirigente”. En una formación social dada existirían, según ellos, varios “nudos de hegemonía”. Por inversión pura y simple de la relación entre unidad y pluralidad, singularidad y universalidad, la pluralidad no es ya entonces lo que es necesario explicar, sino el inicio de toda explicación. Pluralidad de lo social o sociedad en migas Después de la era de las oposiciones simples (Pueblo/Antiguo Régimen, Burgués/Proletario, amigo/enemigo), las líneas de frente de los antagonismo político se vuelven más inestables en sociedades cada vez más complejas. Así pues, la oposición de clase no permitiría más dividir la totalidad del cuerpo social en dos campos claramente delimitados. A diferencia de los “antiguos”, los “nuevos movimientos sociales” tendrían así en común la preocupación de distinguirse de la clase obrera y de impugnar las nuevas formas de subordinación y mercantilización de la vida social. Resultaría una multiplicidad de exigencias autónomas y la creación de nuevas identidades con un fuerte contenido cultural, de modo que la reivindicación de la autonomía se identificaría entonces con la libertad. Este nuevo “imaginario democrático” sería portador de un nuevo igualitarismo, preocupante a los ojos de los neoconservadores. Para Laclau y

Mouffe, renunciar al mito del sujeto unitario hace posible el reconocimiento de antagonismos específicos. Esta renuncia admite concebir un pluralismo radical que permite poner al día los nuevos antagonismos, los nuevos derechos, así como una pluralidad de resistencias : “El feminismo o la ecología, por ejemplo, existen bajo múltiples formas, que dependen de la manera en que se construye discursivamente el antagonismo. Tendríamos así un feminismo que se toma a los hombres como tales ; un feminismo de la diferencia que pretende revalorizar la feminidad ; y un feminismo marxista para el cual el capitalismo sigue siendo el enemigo principal, indisolublemente vinculado al patriarcalismo. Habría por lo tanto una pluralidad de formulación de los antagonismos basados sobre los distintos aspectos de la dominación de las mujeres. Del mismo modo, la ecología puede ser anticapitalista, antiproductivista, autoritaria o libertaria, socialista o reaccionaria, y así sucesivamente. Por lo tanto, los métodos de articulación de antagonismo, lejos de ser predeterminados, resultan de una lucha por la hegemonía.” [13] Detrás de este pluralismo tolerante se perfila el espectro de un politeísmo de valores subrogado a toda prueba de universalidad. La guerra de los dioses no está ya muy lejos. En vez de combinar los antagonismos en marcha en el campo de las relaciones sociales, Laclau y Mouffe apuestan por una simple “extensión democrática”, donde las relaciones de propiedad y explotación no serían más que una imagen entre otras del gran caleidoscopio social. La “tarea de la izquierda” no sería ya entonces combatir la ideología liberal-democrática, sino apoderarse de ella “para profundizarla y ampliarla en dirección de una democracia pluralista radical.” Los distintos antagonismos exacerbados por la crisis social y moral excusan entonces los desperfectos del mundo, los desórdenes de la mercantilización generalizada, los desajustes de la ley del valor, que, bajo pretexto de racionalizaciones parciales, generan una irracionalidad creciente. ¿Y cuál es el gran factor de convergencia de los movimientos reunidos en los Foros sociales o los movimientos antiguerra si no el propio capital ? Laclau y Mouffe terminan, lógicamente, por criticar incluso el concepto de revolución, que implicaría necesariamente, a sus ojos, la concentración del poder en la perspectiva de una reorganización racional de la sociedad. El concepto de revolución sería por naturaleza, incompatible con la pluralidad. ¡Welcome la pluralidad ! ¡Adiós a la revolución !

¿Y qué es lo que permitiría, entonces, elegir entre los distintos discursos feministas, o entre los múltiples discursos ecologistas ? ¿Cómo desempatarlos para volverlos “articulables” ? ¿Y “articulables” a que ? ¿Cómo evitar que la pluralidad se hunda sobre sí mismo en un magma informe ? El proyecto de democracia radical se limita en definitiva, para Laclau y Mouffe, a celebrar la pluralidad de lo social. Deben renunciar para ello a un espacio único de la política en favor de una multiplicidad de espacios y sujetos. ¿Cómo evitar entonces que estos espacios coexistan sin comunicarse, y que estos sujetos cohabiten en la indiferencia recíproca y el cálculo del interés egoísta ? Según una “lógica de la hegemonía”, en la articulación entre antirracismo, antisexismo, anticapitalismo, los distintos frentes son empujados a unirse y reforzarse los unos con los otros, para construir una hegemonía. Esta lógica amenazaría, sin embargo, a los espacios autónomos a aplanarse en un combate único e indivisible. Una “lógica de la autonomía” (o de la diferencia) le permitiría, al contrario, a cada lucha mantener su especificidad, pero al precio de un nuevo cierre entre distintos espacios que tienden a cerrarse los unos a los otros. Sin convergencias entre distintas relaciones sociales, la autonomía absoluta no sería ya más que una yuxtaposición corporativa de diferencias identitarias. Tomada en un sentido estratégico, el concepto de hegemonía es irreducible a un inventario o a una suma de antagonismos sociales equivalentes. En Gramsci, hay un principio de reunión de fuerzas alrededor de la lucha de clases. La articulación de las contradicciones alrededor de las relaciones de clase no implica, sin embargo, su clasificación jerárquica en contradicciones principales y secundarias, no más que la subordinación de movimientos sociales autónomos (feministas, ecologistas, culturales) a la centralidad proletaria. Así pues, las pretensiones específicas de las comunidades indígenas de América Latina son doblemente legítimas. Históricamente, han sido expropiadas de sus tierras, oprimidas culturalmente, desposeídas de su lengua. Víctimas del rol opresivo de la mundialización mercantil y la uniformación cultural, se rebelan hoy contra los daños ecológicos, contra el saqueo de sus bienes comunes, por la defensa de sus tradiciones. Las resistencias religiosas o étnicas a los efectos de la globalización presentan la misma ambigüedad que las revueltas románticas del siglo veinte, desgarradas entre una crítica revolucionaria de la modernidad y una crítica reaccionaria y nostálgica por el tiempo pasado. La división entre estas dos críticas viene determinada por su relación con las contradicciones sociales inherentes a las relaciones antagónicas entre el capital y el trabajo. Eso no significa la subordinación de los distintos movimientos

sociales autónomos a un movimiento obrero en reconstrucción permanente, sino la construcción de convergencias en donde el capital mismo es el principio activo, el gran sujeto unificador. El concepto de hegemonía es especialmente útil hoy para pensar la unidad en la pluralidad de movimientos sociales. Se vuelve problemático en cambio cuando se trata de definir los espacios y las formas de poder que se supone ayuda a conquistar. Traducción : Andrés Lund Medina http://www.vientosur.info/articulosweb/ noticia/index.php ?x=2347 Haut de page Notes [1] Perry Anderson, Sobre Gramsci, París, 1978, Pequeña colección Maspero. [2] K. Marx, El dieciocho Brumario, París, Folio Gallimard, 2002, p. 308. [3] Le Monde, 16 de mayo de 2003. [4] A. Gramsci, Cuadernos de prisión n° 13, París, de Gallimard, 1978, p. 358. [5] A. Gramsci, Cuadernos de prisión, n° 7, París, Gallimard, 1983, p. 183. [6] La idea de una “reforma intelectual y moral” repite a Renan y Péguy, cuyo pensamiento pudo encontrar eco en Italia por medio de Sorel. [7] Ver a Etienne Balibar, Sobre la dictadura del proletariado, París, Maspero, 1976 ; Louis Althusser y Etienne Balibar, Lo que no puede durar más en el Partido comunista, París, Maspero ; Ernest Mandel, Crítica del eurocomunismo y Respuesta a Louis Althusser y Jean Ellenstein, París, La Brèche, 1979. [8] Butler, Laclau, Žižek, op. cit., p. 297-298 y 319-320. [9] L. Trotski, La revolución traicionada, París, Medianoche, 1963, p. 177. [10] A. Gramsci, Cuadernos de Prisión, 6, París, Gallimard.

[11] E. Laclau et C. Mouffe, Hegemony and socialist Strategy, op. cit., p. 55. Ver a Daniel Bensaïd, “La política como arte estratégico”, París, Cambiar el mundo, Textual, 2003. [12] Walter Benjamin, París, capital del Siglo XIX, París, Ciervo, 1989, pp. 405-408 [13] Ibid., p. 168.

Daniel Bensaïd 26 janvier 2007 Tiempos históricos y ritmos políticos Al contrario de lo que muchos suponen, Marx no es un “filósofo de la historia”. Es más bien – y mucho antes que la segunda Consideración intempestiva de Nietzsche, La Eternidad por los Astros de Blanqui, el Clio de Péguy, las tesis “Sobre el concepto de la historia” de Walter Benjamin, o el libro póstumo de Siegfried Kracauer La Historia – uno de los primeros en haber roto categóricamente con las filosofías especulativas de la historia universal : providencia divina, teleología natural, u odisea del Espíritu. Esta ruptura con respecto a las “concepciones verdaderamente religiosas de la historia” está sellada por la formulación definitiva de Engels en La Sagrada Familia : “¡La historia no hace nada !”. Esta constatación lapidaria deja de lado toda representación antropomórfica de la historia como un personaje todopoderoso que maneja los hilos de la comedia humana a espaldas de los seres humanos reales. Esto está desarrollado y expresado muchas veces en La Ideología alemana. La historia no hace nada Marx y Engels rechazan esa visión apologética de la historia según la cual todo lo que ocurre debía necesariamente producirse para que el mundo sea hoy lo que es y para que nosotros deviniéramos lo que somos : “gracias a artificios especulativos, se nos puede hacer creer que la historia por venir era la meta de la historia pasada”. Esta fatalización del devenir histórico sepulta una segunda vez “los posibles laterales” (según la expresión de Pierre Bourdieu) que, sin embargo, no son menos reales (en el sentido de un Reale Möglichkeit) que el hecho consumado resultante de una lucha incierta. Esta crítica marxiana de la razón histórica y de la ideología del progreso, anticipa la crítica despiadada hecha por Blanqui al positivismo como ideología dominante del orden establecido. En sus notas de 1869, en vísperas de la Comuna de París, el indomable

insurrecto escribía, en efecto : “En el juicio del pasado ante el futuro, las memorias contemporáneas son los testigos, la historia es el juez, y el fallo es casi siempre una iniquidad, ya sea por la falsedad de las declaraciones, por su ausencia o por la ignorancia del tribunal. Afortunadamente, la convocatoria sigue abierta para siempre, y la luz de nuevos siglos, proyectada desde lejos sobre los siglos transcurridos, denuncia los juicios tenebrosos”. Así como no es un deus ex-machina, ni un demiurgo, la historia no es tampoco un tribunal. Y cuando pretende serlo, no es realmente más que un cenáculo de jueces que se valen de falsos testigos. En efecto, el recurso al juicio de la historia conduce, como escribió Massimiliano Tomba, a bloquear la cuestión de la justicia. Es lo que constataba ya Blanqui : “De su pretendida ciencia de la sociología, así como de su filosofía de la historia, el positivismo excluye la idea de justicia. No admite mas la ley que la del progreso continuo, fatalizada. Cada cosa es excelente en su momento puesto que ocupa su lugar en la sucesión de perfeccionamientos. Todo es mejor siempre. Ningún criterio para apreciar lo bueno o lo malo”. Para Blanqui, el pasado sigue siendo pues un campo de batalla en el cual el juicio de las flechas, la suerte de las armas y el hecho consumado no prueban nada en cuanto a la discriminación de lo justo y de lo injusto : “Puesto que las cosas siguieron este curso, no habrían podido seguir otro. El hecho consumado tiene una potencia irresistible. Es el destino mismo. El espíritu se abruma y no se atreve a rebelarse. ¡Terrible fuerza para los fatalistas de la historia, adoradores del hecho consumado ! Todas las atrocidades del vencedor, su larga serie de atentados, se transforman fríamente en una evolución regular ineluctable, como la de la naturaleza”. Pero “el engranaje de las cosas humanas no es fatal como el del universo : es modificable a cada momento”. Porque, añadirá Benjamin, cada minuto es una estrecha puerta por la que puede surgir el Mesías. Al culto que hace de la Historia una simple forma secularizada del antiguo Destino o de la Providencia, Marx y Engels oponían, desde La Ideología alemana, una concepción radicalmente profana y desencantada : “La historia no es mas que la sucesión de generaciones que vienen unas después de otras”. Darle sentido es asunto de los hombres y no de los dioses. Lógicamente, esta crítica de la Razón histórica implica una crítica del concepto abstracto de progreso. Después de La Ideología alemana, en muy pocas ocasiones Marx hizo consideraciones generales sobre la historia. La “crítica de la economía política” es en acto, en la práctica, esa “otra escritura de la historia”, esa escritura profana anunciada. Apenas si se encuentran, a lo largo de su obra, algunas consideraciones dispersas a este respecto, en particular, algunas notas telegráficas incluidas en la introducción a los

Grundrisse. Se trata de notas de trabajo personales (un “Nota bene”, escribía Marx), un tipo de pensamiento “en bruto”, no elaborado sino para él mismo, volcado al papel en un estilo sucinto y a veces enigmático. Dos de esas ocho breves observaciones merecen una atención especial. En la sexta, Marx recomienda “el concepto de progreso no debe ser concebido de la manera abstracta habitual”, sino teniendo en cuenta “el desarrollo desigual” entre las relaciones de producción, las relaciones jurídicas, los fenómenos estéticos ; teniendo en cuenta, por lo tanto, los efectos del contratiempo y la no contemporaneidad. En la séptima, más lapidariamente aún, recuerda que su concepción de la historia “se presenta como un desarrollo necesario” (subrayado por él mismo), aunque precisa inmediatamente “Pero justificación del azar. Cómo. (Entre otras cosas, también de la libertad). Influencia de los medios de comunicación. La historia universal no siempre existió ; la historia como historia universal es un resultado)” [1]. Se trata de dialectizar efectivamente la necesidad en su relación con lo contingente, sin lo cual no habría ya ni historia ni acontecimiento. La historia universal ya no es pues una teodicea, sino un devenir, una universalización efectiva de la especie humana, a través de la universalización de la producción, la comunicación, la cultura, como lo afirma ya el Manifiesto del Partido comunista. Esta problemática resulta nuevamente confirmada en la famosa carta de 1877 de respuesta a los críticos rusos, en la que Marx rechaza “una teoría histórico-filosófica general cuya suprema virtud consiste en ser suprahistórica” [2]. En efecto, esa suposición de un sentido de la historia que se superpondría a la historia real, a sus luchas y sus incertidumbres, guardaba continuidad con las grandes filosofías especulativas, con las que había roto mucho tiempo antes. Y esta ruptura teórica no deja de tener consecuencias prácticas. En una historia abierta, ya no existen norma histórica preestablecida, ni desarrollo “normal”, que puedan ser opuestos a anomalías, desvíos o malformaciones. Lo prueban las cartas a Vera Zassoulitch, avizorando para Rusia diversos desarrollos posibles que le evitaran recorrer el calvario del capitalismo occidental. Son cartas abren paso al estudio de Lenin sobre El desarrollo del capitalismo en Rusia y a las tesis de Parvus y Trotsky sobre el desarrollo desigual y combinado. A contramano de las filosofías especulativas de la Historia universal y su temporalidad “homogénea y vacía”, la crítica de la economía política – desde los Manuscritos de 1844 hasta El Capital, pasando por los Grundrisse – se presenta pues como una conceptualización del tiempo y los ritmos inmanentes a la lógica del capital, como una escucha del pulso y las crisis de la historia. Marx, según resume Henryk Grossman, “debe forjar en primer lugar todas las categorías conceptuales relativas al factor tiempo : ciclo, rotación, tiempo de rotación, ciclo de rotación” [3].

Esta crítica radical de la razón histórica siguió siendo sin embargo parcial, propicia entonces a los malentendidos e incluso los contrasentidos a los que pueden dar sustento a veces las expresiones contradictorias del mismo Marx. Estos equívocos provienen en gran medida de la gran cuestión estratégica irresuelta : ¿Cómo es que los proletarios, frecuentemente descritos en El Capital como seres mutilados física y mentalmente por el trabajo, podrían transformarse en clase hegemónica en la lucha para la emancipación humana ? La respuesta parece residir en una apuesta sociológico, según la cual la concentración industrial acarrearía el correspondiente crecimiento y concentración del proletariado, con un nivel creciente de resistencia y organización, que se traduciría en una elevación del nivel de conciencia hasta que la “clase política” llegaría finalmente a unirse con la “clase social”, pasando de clase-en-sí a clase-para-sí. Esta secuencia lógica permitiría a la “clase universal” resolver el enigma estratégico de la emancipación. Pero el Siglo XX no quiso confirmar esa visión optimista que permitió a numerosos interpretes atribuirle a Marx una teoría determinista de la historia a Marx. Su argumentación se apoyó principalmente en : – El formalismo dialéctico tal como aparece en el penúltimo capítulo del Libro I de El Capital sobre la negación de la negación. Dio pié a tantas simplificaciones que en el AntiDühring Engels debió corregirlas (y no solamente las interpretaciones abusivas, sino en cierta medida su mismo espíritu) : “¿...qué papel juega en Marx la negación de la negación ? […] no se le pasa por las mientes demostrarlo mediante ese argumento como un fenómeno de necesidad histórica. Por el contrario : es después de haber probado históricamente que el fenómeno ha ocurrido ya, en parte, y en parte tiene necesariamente que ocurrir cuando lo define como un fenómeno sujeto en su ejecución a una determinada ley dialéctica” [4]. Semejante comentario de texto parece sin embargo muy forzado. Más adelante es más claro : “¿Qué es, pues, la negación ? Una ley extraordinariamente general, y por ello extraordinariamente eficaz e importante que rige el desarrollo de la naturaleza, de la historia y del pensamiento […]. Dicho se está que cuando digo que el proceso que recorre, por ejemplo, el grano de cebada desde que germina hasta que muere la planta que lo arroja es una negación de la negación, no prejuzgo para nada el contenido concreto de ese proceso”. Claro que si ella “consiste en esa puerilidad de escribir en una pizarra una a para luego tacharla, o en decir que una rosa es una rosa para afirmar en seguida que no lo es, no puede salir nada, como no sea la idiotez del que se entregue a semejantes operaciones” [5]. – La controversia remite también al concepto de necesidad de tal modo que puede ser interpretado, sobre todo a partir de la “Introducción” de 1859 como necesidad mecánica, mientras que en

buena lógica dialéctica es indisociable de la contingencia que la acompaña como su sombra ; pero es un hecho que a veces resulta difícil establecer si Marx utiliza el concepto de necesidad en un sentido predictivo o en un sentido performativo. El gran giro Para discriminar entre estas interpretaciones, los escritos políticos sobre la lucha de clases en Francia, la colonización inglesa en la India, las revoluciones españolas, o la Guerra de Secesión, son por cierto más útiles que las especulaciones lógicas. El carácter central de la lucha de clases y sus inciertos desenlaces exige, en efecto, una parte de contingencia y un concepto no mecánico de causalidad, una causalidad abierta cuyas condiciones iniciales determinan un campo de posibles, sin determinar mecánicamente cuál triunfará. La lógica histórica se emparenta entonces más con el caos determinista que con la física clásica : no todo es posible, pero existe una pluralidad de posibilidades reales, entre las cuales la lucha decide. También aquí es necesario recurrir al Blanqui de La Eternidad por los Astros, para quien después de las derrotas recurrentes de 1832, 1848 y 1871 “sólo el capítulo de las bifurcaciones” está “abierto a la esperanza”. El término “bifurcación”, poco utilizado en esa época, tendría un brillante futuro en el vocabulario de la física cuántica y en el de las matemáticas de la catástrofe de René Thom. En la época de las guerras y las revoluciones, esta concepción de una historia en la que el pasado condiciona el presente sin determinarlo mecánicamente, se reforzó en el período que va de la Primera a la Segunda Guerra Mundial con desarrollos teóricos paralelos de Gramsci y Benjamin. El primero subraya : “realmente, no se puede prever científicamente sino la lucha, y no sus momentos concretos”. Y añade : “Solamente la lucha, y no su resultado inmediato, sino aquel que se expresa en una victoria permanente dirá lo que es racional o irracional”. El desenlace de la lucha y no una norma preestablecida determina entonces la racionalidad del desarrollo. Pero este desenlace no se limita al resultado inmediato, a las victorias y a las derrotas, que pueden revelarse, a largo plazo, como simples episodios. No puede establecerse sino retrospectivamente, a la luz “de una victoria permanente”. ¿Qué es entonces lo permanente de la victoria en una historia abierta, en una lucha que, a diferencia de los juegos en la teoría del mismo nombre, no tiene “fin del juego” ? ¿Qué es vencer para siempre si, como dice Blanqui, “la convocatoria está siempre abierta” ? En Benjamin, para terminar con los arrullos anestesiantes de la historia, con los engranajes y las ruedas dentadas del progreso, con el juicio final del tribunal de la historia, la relación entre historia y política es definitivamente invertida. Se trata desde ahora de abordar el pasado “ya no como antes, de manera histórica, sino de

manera política, con categorías políticas”. Y más lacónicamente : “la política precede desde ahora la historia”. La frase parece hacerse eco, sacando las consecuencias, de aquella de Engels diciendo que la historia no hace nada. La resultante es un radical reordenamiento de la semántica de los tiempos históricos. El presente ya no es más un eslabón efímero y evanescente en el encadenamiento del tiempo. El pasado ya no contiene en germen al presente, así como el futuro tampoco es ya su destino. El presente es el tiempo por excelencia de la política, el tiempo de la acción y la decisión, donde se juega y vuelve a jugarse permanentemente el sentido del pasado y el del futuro. Es el tiempo del desenlace entre una pluralidad de posibles. Y la política que desde ahora precede la historia es precisamente este “arte del presente y el contra-tiempo” (Françoise Proust), dicho en otras palabras un arte estratégico de la coyuntura y el momento propicio. Historia y estrategia Esta inversión que restablece la primacía de la política sobre la historia, no dice sin embargo que es lo que ocurre con su relación invertida. Con la ayuda de la pulverización postmoderna de los relatos y también del tiempo histórico, ciertos discursos teóricos retienen la idea de una política desarraigada de todas las determinaciones y condiciones históricas, que se reduciría desde ahora a una yuxtaposición de acciones día por día, de secuencias flotantes, sin vínculo lógico ni continuidad. Este estrechamiento de la temporalidad política alrededor de un presente efímero continuamente recomenzado, trae como consecuencia la exclusión de todo pensamiento estratégico, de un modo simétrico a la forma en que lo hicieran las filosofías de la historia. Gran aficionado a los escritos y juegos estratégicos, Guy Debord subrayó con energía el vínculo entre una temporalidad histórica abierta y un pensamiento estratégico capaz de desplegarse de modo duradero, y de integrar a sus cálculos probabilísticos una parte irreductible de acontecimientos contingentes. Afirmaba así que un partido o una vanguardia con un proyecto que sufriera un grave déficit de conocimientos históricos ya no podría orientarse o “ser conducido estratégicamente”. Las derrotas acumuladas en “el siglo de los extremos” oscurecieron el horizonte de la espera y congelaron la historia en la desgracia. Es la época del zapping, del quick, del fast, de lo rápido y lo instantáneo. El tiempo estratégico se desgrana y se fragmenta en episodios anecdóticos. La saludable rehabilitación del presente se transforma así en el culto a lo transitorio y lo perecedero, en una sucesión de hechos sin pasado ni futuro : “Un eterno presente se impone, hecho de instantes efímeros que brillan con el prestigio de una ilusoria novedad, pero no hacen más que sustituir cada vez más rápidamente, lo mismo con lo mismo.” (Jérôme Baschet).

El hecho es que las resistencias inmediatas a la Contra-Reforma liberal carecen frecuentemente de interés y de cultura histórica. Ya la moda estructuralista de los años 60 había conducido a tratar el relato histórico como el pariente pobre de las “ciencias humanas”. El gesto platónico reivindicado hoy por Alain Badiou tiende a absolutizar al acontecimiento para hacerlo el acto fundante de una “secuencia” autónoma, cerrada por un “desastre”, sin antecedentes ni consecuencia. El imperativo categórico de una resistencia estoica a la moda se encarga entonces de eximirnos de interrogantes sobre las citas fallidas de la historia pasada así como de proyectos y sueños hacia adelante. Carpe diem. No futur. “Point de lendemanin”, ya escribían los libertinos del siglo XVIII (en este caso, Dominique Vivant de Non). A la pretensión “de hacer la historia” (de contribuir, dicho de otro modo, a la realización de un fin programado), Hannah Arendt oponía la incertidumbre de la acción política. A sus ojos, en efecto, la sustitución de la historia por la política eludía la responsabilidad de la acción enfrentada a “la contingencia deplorable de lo particular”. La des-fatalización de la historia, provocada a partir de la Primera Guerra Mundial por el hundimiento de los mitos del progreso, podía sin embargo revestir varias formas : la de la decisión incondicional en Schmitt ; la de la irrupción mesiánica en Benjamin ; y finalmente la del acontecimiento milagroso en Arendt : “Solo una especie de milagro permitirá un cambio decisivo y saludable”. Todos caen en la tentación de absolutizar el acontecimiento. La événementialité regresó con fuerza, en las retóricas posestructuralistas, pero la espera de un acontecimiento redentor, incondicionado, surgido del Vacío o la Nada (¿de la eternidad ?) se relaciona más bien con el milagro de la Inmaculada Concepción. La esperanza en un acontecimiento absoluto y el “radicalismo pasivo” del viejo socialismo “ortodoxo” de la II Internacional pueden entonces unirse inesperadamente : la revolución, como decía Kautsky, no se prepara, no se hace. Simplemente ocurre cuando llega la hora, según una ley casi natural, como un fruto maduro, o como una divina sorpresa événementialle. Muy lejos de las exigencias de la revolución permanente o de la continuidad estratégica en la acción partidaria de Lenin, la escasez de política en autores como Badiou o Rancière es el corolario de la escasez de tales irrupciones. El tiempo quebrado de la estrategia La revolución en la revolución, asociada al nombre de Lenin, empuja por el contrario hasta sus últimas consecuencias la ruptura con la representación del tiempo de reloj, “homogéneo y vacío”, según el cual se supone que marcha el engranaje del progreso. El tiempo estratégico está lleno de nudos y de giros, de aceleraciones súbitas y

sensibles detenciones, de saltos hacia adelante y saltos hacia atrás, de síncopes y contra-tiempos. Las agujas de su cuadrante no siempre giran en el mismo sentido. Se trata de un tiempo quebrado, acompasado por las crisis y los instantes a aprovechar (como lo testimonian las notas de Lenin en octubre de 1917 urgiendo a los dirigentes bolcheviques a tomar la iniciativa de la insurrección mañana o pasado mañana, porque después sería demasiado tarde), sin lo cual la decisión ya no tendría sentido y el papel del partido se reduciría al de un pedagogo que acompaña la espontaneidad de las masas, y no al de un estratega organizando la retirada o la ofensiva según los flujos y reflujos de la lucha. Esta temporalidad de la acción política tiene su propio vocabulario : el período, concebido en sus relaciones con el antes y el después de los que se distingue ; los ciclos de movilización (a veces a contra-tiempo de los ciclos económicos) ; la crisis el la que el orden fracturado deja escapar un abanico de posibles ; la situación (revolucionaria) en la que se preparan los protagonistas de la lucha ; la coyuntura o el momento favorable que debe captar “la presencia de ánimo” necesaria en todo estratega. La gama de estas categorías permite articular, en vez de disociar, el acontecimiento y la historia, lo necesario y lo contingente, lo social y la política. Sin tal articulación dialéctica, la idea misma de estrategia revolucionaria quedaría vacía de sentido, y no restaría más que “el socialismo fuera del tiempo” (Angelo Tasca), tan caro a las Pénélopes parlamentarias. Réquiem por el tiempo presente ¿De dónde venimos ? De una derrota histórica, es necesario admitirlo y apreciar su dimensión, de la que la cual la contra-ofensiva liberal del último cuarto de siglo es tanto causa como consecuencia y coronamiento. Algo se acabó con el cambio de dirección del siglo, entre la caída del Muro de Berlín y el 11 de septiembre. Algo… ¿Pero que ? ¿El “corto siglo veinte”, y su ciclo de guerras y revoluciones ? ¿El tiempo de la modernidad ? ¿Ciclo, período, o época ? Fernand Braudel distingue tres tipos de duración : – El acontecimiento, que es “el más caprichoso y engañoso”, inasible (¿impensable ?) para las ciencias sociales ; – La “larga duración” de los movimientos económicos, demográficos, climáticos ; –El ciclo o la coyuntura, aproximadamente decenal, que establecería un vínculo entre el acontecimiento y la estructura, el tiempo largo y el tiempo corto. Esta temporalización tiene el inconveniente de establecer en una misma temporalidad histórica una pluralidad de tiempos sociales discordantes, sin explicitar otras modalidades de tiempos mas que la

simple descripción de sus combinaciones y conexiones. Esta unificación del tiempo histórico tiende así a anular los efectos de contra-tiempos y no contemporaneidad. Entonces : ¿fin del “corto siglo veinte” o fin del “siglo de los extremos” ? ¿Cambio de período o cambio de época ? ¿Derrota histórica de las políticas de emancipación o simple alternancia de los ciclos de movilización ? Hans Blumenberg destaca que sólo la época Moderna se pensó como época, según la nueva “semántica de los tiempos históricos” analizada por Reinhardt Koselleck. Porque de ninguna manera es la historia misma – que, lo recuerdo por última vez, no hace nada – la que marca el final, recorta el tiempo o fecha el acontecimiento, sino quien lo observa a posteriori : “Un giro de época es un límite imperceptible que no está vinculado a ninguna fecha o acontecimiento destacado”. El hombre hace la historia, pero no hace la época. Representación construida de una secuencia histórica, la delimitación de una época sigue estando pues indefinidamente en litigio, tal como lo ilustran las distintas dataciones de la “modernidad”. En cuanto “a la frágil unidad de un período”, Kracauer la compara con la sala de espera de una estación, donde no se establecen sino encuentros azarosos o aventuras pasajeras. Más que emerger del tiempo, instaura una relación paradójica entre la continuidad histórica que representa y las rupturas que implica. Cambio de época, de período, o de ciclo, el alcance de este cambio que está en curso sólo se determinará a la luz de lo que, confusamente, está comenzando. ¿Después de la “Belle époque”, del período de entre-guerras y la “guerra civil europea”, de los “Treinta gloriosos” y la Guerra fría, de la Restauración liberal… ¿qué ? Una reorganización política se dibuja. La globalización mercantil y la guerra infinita producen nuevas escalas espaciales, una nueva configuración de sitios y lugares, nuevos ritmos de la acción. Un nuevo paradigma quizá, al que no conviene ciertamente llamar posmoderno, porque la palabra parece inscribirse en una sucesión cronológica y la manía estéril de los “post-ismos”. No es pues más que el principio de algo que todavía apenas percibimos, entre el frágil “ya no más” y el “aún no”. Será largo, anunciaba al profeta Jeremías… Pero “el futuro dura mucho tiempo”. Otro mundo es necesario. Es urgente hacerlo posible antes de que el viejo mundo nos destruya y arruine el planeta. Revista Herramienta n° 40 Notes [1] H.Arendt, ¿Was ist Politik ?, Munich, 1993, pp. 28, 31.

[2] F.Furet, The Passing of an Illusion, Chicago, 1999, p. 502. [3] H.Arendt, op. cit., p. 146. [4] 4/ K. Marx y F.Engels, Collected Works, vol. 27, Londres, 1975, p. 59. [5] Anti-Duhring, pags. 146-148.

Les dépossédés. Entrevue avec Daniel Bensaïd. Partie I Publié le 1 mars, 2009 Par Louis-Philippe Lavallée

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Professeur de philosophie à l’Université de Paris VIII, théoricien et militant de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Daniel Bensaïd a remarquablement contribué à la littérature tant pour le grand public que pour les spécialistes avec son livre Les dépossédés. Karl Marx, les voleurs de bois et le droit des pauvres, réédité en 2008 aux Éditions Lux. Nous l’avons rencontré afin de l’interroger sur l’actualité de Marx dans la lutte anticapitaliste d’aujourd’hui et de demain. Matt Callow, Certains

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Les dépossédés nous introduit à l’article de Marx «Débats sur la loi relative au vol de bois» paru dans La Gazette rhénane (Rheinische Zeitung) entre le 25 octobre et le 3 novembre 1842. Dans cet article où il s’attarde particulièrement à l’enjeu du vol de bois, Marx passe de la critique philosophique à celle de l’économie politique et des questions sociales. Dans le contexte d’accroissement du paupérisme rural de l’époque, l’enjeu du vol de bois soulevait la question de la légitimité de l’appropriation «illégale» des produits forestiers en général et de la collecte de bois mort en particulier. L’analyse de Marx visait à souligner l’opposition des droits coutumiers de la paysannerie aux droits de propriété des propriétaires fonciers, une véritable «guerre sociale des propriétés» entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas. Dans Le Capital, Marx analyse le mouvement des enclosures dans les campagnes anglaises, lequel marqua «l’appropriation des terres communales par les grands propriétaires fonciers»(1) et attesta la

transformation des rapports de propriété. L’histoire de la «transition» du féodalisme au capitalisme impliqua ainsi la suppression de la propriété conditionnelle féodale, la déchéance de la petite paysannerie libre, la généralisation de la propriété privée capitaliste du sol et des moyens de production. Le corollaire d’un tel mouvement fut la séparation radicale du travailleur immédiat de ses moyens de subsistance de même que la formation d’une classe de salariés forcés à vendre leur force de travail. En bref, la transition impliqua la «séparation du travail libre d’avec les conditions objectives de sa réalisation»(2). Première partie: Les dépossédés Louis-Philippe Lavallée: À la lecture de votre livre, la «globalisation» capitaliste apparaît comme un mouvement d’expropriation, de privatisation et de marchandisation du monde. Vous reprenez de David Harvey la formule «d’accumulation par dépossession» pour caractériser les procédés d’accumulation primitive des politiques néolibérales. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce concept? Daniel Bensaïd: L’accumulation par dépossession correspond en quelque sorte à une accumulation originaire par expropriation, ou si vous voulez à l’accumulation primitive dans le chapitre du Capital où Marx traite du mouvement des enclosures. Les traductions varient: accumulation primitive, originaire, par dépossession. Le trait marquant, c’est qu’il s’agit bel et bien d’une expropriation forcée d’une propriété collective ou de biens communs, théorisée sous la forme du jus nullius quand il a été question de légitimer les «prises de terres» coloniales. La formule permet d’établir la distinction entre l’expropriation fondatrice et l’accumulation capitaliste fondée sur l’exploitation et la reproduction d’ensemble du capital telle qu’elle est exposée aux livres II et III du Capital. Elle semble particulièrement fonctionnelle aujourd’hui dans la mesure où on assiste à une expropriation et à une privatisation massive de biens communs, de la terre bien sûr, mais aussi de la ville (voir encore Harvey) comme réponse à l’essoufflement de la rentabilité du capital. C’est ce qui rend la suppression des droits coutumiers au XIX siècle, évoquée par Marx à propos du vol de bois ou par Polanyi à propos de Speenhamland aussi intéressante pour penser le présent. L-P.L.: N’est-ce pas ce même procès d’expropriation qui est illustré en ce début de XXIe siècle par la domination mondiale de l’agrobusiness et la dépossession des paysans des pays dits «en voie de développement»? D.B.: Bien sûr. Mais cette notion de dépossession devrait être élargie aujourd’hui, au-delà de la question, toujours aussi cruciale, de la terre, à tout ce qui peut être considéré comme bien commun : l’eau

comme bien inappropriable, la ville comme espace public, mais aussi les productions du savoir socialisé soumis de plus en plus au brevetage, le vivant (brevetage de molécules naturelles, de séquences géniques, etc.). L-P.L.: Dans Les dépossédés, vous soulevez les conséquences et les limites écologiques de la marchandisation, tous azimuts des ressources les plus élémentaires à la survie humaine. Pour reprendre vos termes, «l’extension de la marchandisation du monde au savoir et au vivant pose avec une acuité nouvelle la question du bien public et du bien commun de l’humanité». Comment envisagez-vous les luttes anticapitalistes dans un contexte où la protection de la propriété privée prime sur la protection de la vie humaine, le droit à l’existence? D.B.: La question est centrale, car la marchandisation aboutit à donner une commune mesure à l’incommensurable et à attribuer une valeur monétaire à ce qui n’a pas de prix. Ainsi, la commission européenne mandate un directeur de banque, Pavan Sukhdev, pour évaluer le prix de la biodiversité ou du changement climatique, autrement dit pour ramener des processus naturels séculaires à la mesure marchande immédiate fondée sur la loi de la valeur. Cette logique est génératrice de dégâts écologiques et sociaux, et d’irrationalité croissante. Au-delà de la crise économique et financière, c’est ce qui fait de la crise actuelle une crise systémique, la première sans doute de la société salariale. Les luttes dont vous parlez, elles existent déjà, de manière inégale, avec les mouvements de paysans sans terre, les luttes pour le logement, les mouvements sur les logiciels libres. Mais le problème, c’est le fardeau des désillusions et des échecs du siècle passé qui nous enferme dans le moment du négatif. La gestion bureaucratique a discrédité d’une certaine manière la propriété sociale en l’identifiant à un étatisme envahissant. C’est pourquoi il est important de repartir d’une pédagogie du service public pour reconstruire une perspective de domaine public dans la double dimension économique et politique. Car là où l’espace public est privatisé, la démocratie est nécessairement étouffée. L-P.L.: «La privatisation ne vise plus seulement les ressources naturelles ou les produits du travail. Elle convoite de plus en plus les connaissances et les savoirs». Croyez-vous qu’on puisse s’inspirer de l’éthique politique et du régime de propriété institués par le mouvement du Libre (GNU/LINUX) afin de promouvoir et mettre en pratique un idéal de «bien commun» en rupture avec l’imaginaire capitaliste dominé par le fétichisme de la marchandise et l’individualisme possessif? D.B.: Oui. Car il faut aller jusqu’au bout. La démarchandisation, cela devrait signifier concrètement l’extension des domaines de gratuité,

non seulement à des services (éducation, santé), propriété intellectuelle, mais aussi à des biens de première nécessité, alimentaires notamment. Ce qui signifierait une révolution des mentalités : en finir avec la malédiction biblique de devoir gagner son pain à la sueur de son front. Étant donné les rapports de forces sociaux et politiques actuels dans le monde, nous n’en sommes évidemment pas là, mais au début d’une reconstruction. Ce sera long. Mais quand on se met en marche, il est utile d’avoir une idée du but, même si le chemin peut varier en route. Et le corollaire de la gratuité, c’est une extension de la socialisation du revenu, dont la protection sociale par répartition est une ébauche, mais qui devrait être étendu s’il se vérifie que la rapide évolution des connaissances et des techniques tend à faire de tous et toutes des intermittents du travail. Aujourd’hui, nous en sommes seulement à défendre des acquis menacés en essayant de reformuler ce que pourraient être des services et des biens publics fonctionnant autrement que des administrations bureaucratiques. L-P.L.: Vous montrez que l’appropriation privative du monde s’accompagne de dispositifs disciplinaires qui constituent de nouvelles «lois sur les pauvres». Vous dénoncez ainsi que sous couvert de la «sécurité» et de la «lutte au terrorisme», on assisterait à une criminalisation de la résistance aux politiques néolibérales et aux prédations du capitalisme? D.B.: C’est tout à fait logique. Là où le bien commun recule, où l’espace public dépérit, l’État pénal vient en force. Ce que j’ai essayé de dire dans L’Éloge de la politique profane, c’est que ce phénomène s’inscrit dans une grande transition où le paradigme politique classique, avec les catégories héritées du 17e et 18e siècles (peuples, nations, souveraineté, droit interétatique) s’épuisent sans être encore remplacées. Dans cet entre-deux incertain, tend à s’installer un état d’exception ordinaire ou rampant, et pas si rampant que ça quand les États-Unis officialisent leur doctrine de la guerre préventive. À plus modeste échelle, la peine de rétention de sûreté, la multiplication des fichages, la détection de la pré-délinquance dès la petite enfance, l’emprisonnement des mineurs, les lois antiterroristes, etc., ce sont la contrepartie nécessaire du marché libre et non faussé, de l’individualisme possessif et concurrentiel. Notes (1) BENSAÏD Daniel, Les dépossédés. Karl Marx, les voleurs de bois et le droit des pauvres, Montréal: Lux Éditeur, 2008, p.39. (2) MARX Karl, Manuscrits de 1857-1858 («Grundrisse»), Tome I, Paris, Éditions Sociales, 1980, p. 411. Professeur de philosophie à l’Université de Paris VIII, théoricien et militant de la Ligue communiste révolutionnaire

(LCR), Daniel Bensaïd a remarquablement contribué à la littérature tant pour le grand public que pour les spécialistes avec son livre Les dépossédés. Karl Marx, les voleurs de bois et le droit des pauvres, réédité en 2008 aux Éditions Lux. Nous l’avons rencontré afin de l’interroger sur l’actualité de Marx dans la lutte anticapitaliste d’aujourd’hui et de demain. Deuxième partie: Nos vies valent plus que leurs profits: «Debout les dépossédés du monde!» Louis-Philippe Lavallée.: Dans les Thèses sur Feuerbach, Marx affirmait que «les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières; ce qui importe, c’est de le transformer». Sous forme de slogan, la Ligue communiste révolutionnaire lance aujourd’hui un appel: «Pour changer le monde, luttons, prenons parti! Pour un nouveau parti anticapitaliste». Comment concevezvous le rôle des intellectuels et des partis politiques dans le cadre d’un projet révolutionnaire? Daniel Bensaïd: Vaste question. Le rôle des partis politiques, c’est pour moi une question cruciale. On en connaît les dangers: professionnalisation de la politique, clientélisme, bureaucratisation, etc. Mais le phénomène bureaucratique n’est pas spécifiquement lié à «la forme parti», mais plus généralement à la division sociale du travail dans des sociétés modernes complexes. De sorte que les partis, cela dépend de leur conception, peuvent être le moins mauvais moyen de résistance collective aux puissances de l’argent et des médias qui sont souvent en partie au moins les mêmes. Et pour les intellectuels, être non pas un intellectuel engagé, mais un engagé (militant) intellectuel, c’est à mes yeux un principe élémentaire de responsabilité et de réalité. C’est être confronté en permanence aux conséquences pratiques de ses idées et être rappelé en permanence à la responsabilité de ses actes. Dans une société très individualiste où les médias flatteurs peuvent faire croire à tout un chacun qu’il est génial tout seul et qu’il a réinventé l’eau chaude, ce rappel à l’intellectuel collectif et à la modestie est nécessaire: que chacun apporte sa part d’expérience et de compétence sans avoir l’illusion de la maîtrise et du surplomb. L-P.L.: On peut lire à l’entrée du portail de la Ligue communiste révolutionnaire: «Donnons-nous un parti qui s’approprie l’expérience des luttes: d’hier et d’aujourd’hui, ouvrières, altermondialistes, internationalistes, écologistes, féministes, antiracistes. Un parti luttant contre l’exploitation, contre toutes les oppressions, les discriminations et pour l’émancipation humaine, individuelle et collective. Construisons un parti internationaliste qui refuse la politique de pillage des pays du Sud et la logique guerrière de la

France, de l’Union Européenne et des États-Unis. Un parti indépendant, qui à l’inverse notamment du Parti Socialiste, refuse de cogérer ce système. Un parti en rupture avec le capitalisme et les institutions de la classe dominante […]»(1). Quelle importance accordez-vous à «l’intersectionnalité» (oppression liée au genre, à l’ethnie, l’orientation sexuelle) dans l’effort de théorisation et dans la pratique anticapitaliste? D.B.: Je crois que c’est un acquis important par rapport aux socialismes que de s’être débarrassés de l’idée d’une société homogène, La Grande Société, qui est une forme fétichisée au même titre que la Science, l’Histoire, ou l’Art majuscule. Toute société est faite de rapports sociaux multiples et croisés, de champs (Bourdieu), de pouvoirs (Foucault), irréductibles à une contradiction unique. Et cela renvoie à une prise de conscience de la discordance des temps: le pluralisme social et politique fait écho à la pluralité des temps sociaux (des temps économique, écologique, politique, juridique, qui ne sont pas synchrones). D’où l’autonomie relative des différentes contradictions et des mouvements qui en résultent. Le problème devient alors l’inverse: sur quoi fonder l’unification ou la convergence de cette pluralité? L’hypothèse, c’est que le grand unificateur c’est le capital lui-même. Non que le renversement du capitalisme résoudrait du même coup, automatiquement, l’oppression des femmes ou la question écologique. Mais à un moment donné, les formes de l’oppression ou de l’exploitation de la nature sont surdéterminées par le mode de production, de sorte que des mouvements divers peuvent se retrouver dans les Forums sociaux parce qu’ils se découvrent un ennemi commun au présent, sans pour autant renoncer à leurs rythmes propres et à leurs revendications spécifiques. L-P.L.: Marx termine Le Capital sur l’expropriation des expropriateurs. Pour les dépossédés, l’enjeu ne réside-t-il pas dans la réappropriation des moyens de production? À cet égard, comment concevez-vous un mouvement tel l’économie sociale? D.B.: Le problème, c’est ce qu’on entend par économie sociale. Ce qui est souvent proposé sous ce nom alléchant se limite à un complément ou une béquille du marché, un «tiers secteur». Il faut savoir ce qui prévaut dans l’organisation des rapports sociaux, des choix économiques et écologiques, le marché ou la démocratie autogestionnaire. Et il faut être clair: un autre partage des richesses est inconcevable sans un contrôle de la production elle-même, sans une transformation radicale de l’organisation du travail, sans une réduction drastique du temps de travail contraint, etc. Donc, sans expropriation des expropriateurs. Encore faut-il préciser qu’il s’agit de l’expropriation des moyens de production, d’échange, de

communication, et non des biens d’usage immédiat, tant la propagande libérale a semé sur ce point la confusion. Notes (1)Portail de la ligue communiste révolutionnaire, « Adresse du congrès national de la LCR pour un nouveau parti anticapitaliste », [en ligne] Consulté le 29 novembre 2008

Entrevista : Daniel Bensaïd 2 octobre 2009 Ha llegado el momento de definir la estrategia El filósofo francés Daniel Bensaïd acaba de publicar su Elogio de la Política Profana (Península), una obra densa y compleja, con la que este pensador espera contribuir a un contraataque de la izquierda transformadora capaz de sacar a la gente modesta del marasmo de la crisis que no pasa. En su elogio, este pensador eminentemente político, es desconcertante. En el contexto presente, el del « autoritarismo liberal », y sin ocultar su pertenencia al Nuevo Partido Anticapitalista (NPA) francés, Bensaïd intenta hallar dónde se encuentran los polos de resistencia fértiles. Y, entre ellos, intenta separar la paja del grano, cargando a veces con virulencia contra algunos teóricos que, so pretexto de describir la « sociedad civil », « el movimiento alterglobalista » o « el nuevo radicalismo », definen teorías que lo condenan a la esterilidad. Publico : Elogio de la Política Profana es un título que suena bastante misterioso. ¿Qué es eso ? Daniel Bensaïd : ¡Ah ! ¿suena misterioso ? « Términos como alter evitan tener que definir el proyecto » Publico : A mí me lo pareció. Daniel Bensaïd : Bien pues, vayamos por partes. Esta obra es, primero, un elogio simplemente de la política, de la política verdadera frente a la situación actual. Como dijo Hannah Arendt : unos automatismos de mercado administrados por un poder político gestor sin verdadero pluralismo. También es una obra que elogia la política profana, frente al advenimiento de la religiosidad en la política por todas partes. Ese renacimiento es evidente en la Cruzada

del bien contra el mal de EEUU. También en Europa, donde es fuerte la tentación con Nicolas Sarkozy a la cabeza de redefinir a la UE como cristiandad, expulsando a Turquía. Hay un tercer ejemplo. No sé en España, pero aquí el vocabulario religioso está penetrando cada vez más el discurso jurídico. El condenado no sólo debe cumplir su pena, sino que además debe abjurar, decir que se ha vuelto bueno. Es algo que no viene del Derecho, sino de la religión. Publico : También alude usted a la invasión religiosa en el campo crítico. Daniel Bensaïd : Sí, la dimensión religiosa está clara en pensadores como Toni Negri, y sus alusiones a San Francisco. Badiou tiene algo de religioso por su teoría del acontecimiento, irrupción de un posible venido de la nada… Lo religioso se extiende sobre todo en « el seno del pueblo », como dice usted, por la vía de la disolución del espíritu de clases. La ofensiva liberal ha logrado destruir muchas solidaridades de clase. Ese es un revés del que todavía no nos hemos repuesto. En consecuencia, hay solidaridades religiosas, comunitarias, que se están disparando. En Francia se insiste mucho en el velo islámico, cuando en realidad ese repliegue comunitarista se observa también en círculos judíos. Publico : Con la inestimable ayuda de Benjamin, Arendt y Schmitt, radiografía usted la dominación actual. Luego examina los polos de resistencia para devolver la Historia hacia la emancipación. ¿Pesimista u optimista ? Daniel Bensaïd : Sólo intento percibir con claridad el momento político. Todo sigue dominado por la derrota de los años ochenta, cuando desaparece la idea de emancipación. Pero hubo un punto de inflexión de las ideas a finales de los años noventa. Es incuestionable. El movimiento alterglobalista reúne a cientos de miles de personas y lanza los foros. Pero yo creo que todos esos hechos clave nos han llevado a un momento utópico. Es decir, unas ideas de emancipación que no se confrontan a la aplicación práctica de lo posible. De ahí que usen y abusen del término « alter », « otro », « otra »… « Otro mundo es posible », « la otra izquierda », « la otra campaña »… Eso evita tener que definir, eso demuestra que no hay madurez. No soy ni pesimista ni optimista. Creo que hay que pasar de esta etapa y definir la estrategia. Publico : ¿Qué va a pasar ? Daniel Bensaïd : Hay que introducir una nueva idea, que fue formulada por Marcuse en los sesenta : « ¿Es posible romper el círculo vicioso de la dominación ? ». Con una sociedad de consumo cada vez más obsesiva e inquietante, con una sociedad del espectáculo que ya se ha convertido en sociedad del simulacro…

estoy inquieto y pienso que hay que empezar a buscar las fórmulas para salir. Las resistencias no bastan por si solas, hay que relacionarlas con una o varias fuerzas políticas. Publico : Claro, por ello usted es del NPA, el partido de Olivier Besancenot. Daniel Bensaïd : Repito : una o varias fuerzas políticas, porque la novedad hoy es el surgimiento de izquierdas radicales reformuladas, capaces de tomar el poder, como lo hemos visto en América Latina. Cuando se piensa en la derrota histórica que sufieron, en el siglo XX, las izquierdas escleróticas y burocratizadas una de las causas que permitieron la ofensiva del autoritarismo liberal lo de ahora es importante. En Francia, el NPA y el Frente de Izquierdas. En Alemania, Die Linke. En Portugal y Grecia también sube la izquierda radical, mientras que las socialdemocracias están en plena decadencia y las izquierdas de aparato peligran. Asia la conocemos menos, pero el ocaso del maoísmo militante libera fuerzas para una nueva alternativa. Publico : Sí, pero últimamente vemos en las elecciones que el ascenso del Frente, del NPA o de Die Linke no compensa el descenso de la izquierda tradicional. Daniel Bensaïd : Es que la dominante de la época sigue siendo la derrota histórica de los años ochenta. Todavía no hemos salido de ahí. Es una carrera contrarreloj que no está ganada. Claro que de momento el renacimiento de la izquierda radical no compensa el ocaso de la tradicional. Ahora bien, lo que veo en la nueva generación militante del NPA es que una corriente joven ve todo esto de una manera diferente a nosotros. Conocimos el ideal de la revolución. Ellos tienen una visión más práctica y directa de la confrontación en la que están metiendo mucha energía. En Francia, Sarkozy prosigue su contrarreforma liberal. La gente sabe que si él consigue su objetivo, ya no viviremos en el mismo país. Habrá saltado el principio de solidaridad y de igualdad. Algo que es fundamental desde 1789. Publico : Los sondeos dicen que la crisis le sienta bien a Sarkozy. Daniel Bensaïd : Sí, pero no olvide que una crisis oculta otra, mucho más fundamental. De esta crisis no se va a salir, porque en el fondo es una crisis de valores. El autoritarismo liberal estaba expandiendo las áreas del mercado a todos las relaciones humanas. Reduce todo intercambio al valor acumulable, y eso en un mundo de redes y de saber es absurdo. Esa voluntad de cuantificar lo incuantificable, de medir lo inconmensurable, para apropiarse del valor es ridícula.

Publico : ¿Qué motivos hay hoy para la lucha ? Daniel Bensaïd : Antes teníamos una religión de la Historia que nos decía : habrá una lucha final y necesariamente ganaremos. Ahora tenemos que desembarazarnos de los fetiches, de esa religión de la Historia, aceptar la incertidumbre y adoptar una política profana como arte estratégico. Publico : ¿No tiene ganas de llamar camarada a Sarkozy con sus discursos ? Daniel Bensaïd : Él se mantiene en su liberalismo autoritario. Por una razón de fondo : el paro se ha instalado de forma duradera. Nadie sabe cómo van a reaccionar las sociedades modernas, que ya no tienen reserva de empleo rural, ni estructuras de solidaridad familiar. Si remontamos a la crisis de los años treinta, en Francia todavía el 35% de la población era rural. Había amortiguadores. Ahora, nuestras sociedades son asalariadas al 90%. ¿Cómo van a reaccionar las sociedades, en términos de delincuencia, de urbanismo ? Publico : ¿Quizás más de lo mismo ? Daniel Bensaïd : No van a poder más que persistir en el autoritarismo liberal. El gran invento de rescatar a Keynes para hablar de relanzamiento keynesiano no puede funcionar. Acabo de releer atentamente a Keynes. Dice que para que el relanzamiento funcione, debe haber un espacio económico homogéneo, para que los capitales públicos entern rápidamente en circulación. Publico : ¿Por qué funciona la propaganda moral del capitalismo salvaje ? Daniel Bensaïd : La izquierda tradicional ha contribuido activamente a la puesta en marcha del autoritarismo liberal. Por ejemplo, con el desmantelamiento de servicios públicos y del Estado social. Esta es una crisis de valores y una crisis de las soluciones, porque no hay recambios, no hay alternativas. Por lo tanto, si usted acepta que de esta crisis no salimos así como así, también acepta la idea de que la gente, de momento, no se da cuenta de que le están arrebatando el estado social. La conciencia no llegará de la noche a la mañana. De momento la gente está entre el miedo y la ira. Miedo de lo que les pasará mañana. Ira, por la injusticia. Publico : ¿Pueden suplantar los discursos a la realidad ? Daniel Bensaïd : Ha habido tal degradación de la vida democrática, que hemos llegado al momento del storytelling en política. Alistair Campbell, consejero de Tony Blair, lo escribió : el objetivo es ganar

las elecciones y para ganar las elecciones hay que decirle a la gente lo que quiere oír y hay que encontrar a quien lo dice bien. ¿El programa ? Ya veremos luego. El resultado es que no hay debate, no hay convicción, no hay propuestas ni argumentos. Ya no estamos en democracia, estamos en demagogia. Estamos en el plebiscito permanente. Publico : ¿Cómo son las formas del llamado biopoder ? Daniel Bensaïd : El biopoder de Foucault es la generalización de una sociedad de control difuso de la persona. Desde las cámaras de videovigilancia hasta los tickets de metro, desde el hecho de que la gente acepte e interiorice la obligación de pegarse horas de embotellamientos para ir a trabajar, hasta el aceptar que rentabilicen tu tiempo libre mental bombardeándote con publicidad que tú pagas… Todo eso son formas de biopoder y es una tiranía difusa, quizá más penetrante que la disciplina a la antigua. Publico : ¿Quiere decir que los colectivos que se montan para escapar a la videovigilancia no sirven ? Daniel Bensaïd : No, no. Al contrario. Respeto total de todas las prácticas de resistencia. Son la base de esa fermentación de la utopía y del proyecto, son la condición de todo. El problema existe con autores que teorizan esos experimentos en el sentido inverso a lo necesario. No digo que o el NPA o nada. El NPA no es más que una etapa. Digo que si la crisis es profunda, como creo, todo el paisaje político, sindical y social va a sufrir una sacudida. En diez años no estaremos en el mismo paisaje. Publico, 2 octobre 2009

Potencias del comunismo Publicamos a continuación el último texto escrito por Daniel Bensaid para el n° 4 de la revista Contretemps, de la que era fundador y uno de los directores. El texto forma parte del sumario de Viento Sur n° 108. En un artículo de 1843 sobre “los progresos de la reforma social en el continente”, el joven Engels (recién cumplidos los 20 años) veía el comunismo como “una conclusión necesaria que se está claramente obligado a sacar a partir de las condiciones generales de la civilización moderna”. Un comunismo lógico en suma, producto de la revolución de 1830, en la que los obreros “volvieron a las fuentes

vivas y al estudio de la gran revolución y se apoderaron vivamente del comunismo de Babeuf”. Para el joven Marx, en cambio, este comunismo no era aún más que “una abstracción dogmática”, una “manifestación original del principio del humanismo”. El proletariado naciente se había “echado en brazos de los doctrinarios de su emancipación”, de las “sectas socialistas”, y de los espíritus confusos que “divagan como humanistas” sobre “el milenio de la fraternidad universal” como “abolición imaginaria de las relaciones de clase”. Antes de 1848, este comunismo espectral, sin programa preciso, estaba presente pues en el aire del tiempo bajo las formas “poco pulidas” de las sectas igualitarias o de ensueños icarianos. Sin embargo, ya entonces la superación del ateísmo abstracto implicaba un nuevo materialismo social que no era otra cosa que el comunismo : “Igual que el ateísmo, en tanto que negación de Dios, es el desarrollo del humanismo teórico, también el comunismo, en tanto que negación de la propiedad privada, es la reivindicación de la vida humana verdadera”. Lejos de todo anticlericalismo vulgar, este comunismo era “el desarrollo de un humanismo práctico”, para el cual no se trataba ya sólo de combatir la alienación religiosa, sino la alienación y la miseria sociales reales de donde nace la necesidad de religión. De la experiencia fundadora de 1848 a la de la Comuna, el “movimiento real” que busca abolir el orden establecido tomó forma y fuerza, disipando las “locuras sectarias”, y dejando en ridículo “el tono de oráculo de la infalibilidad científica”. Dicho de otra forma, el comunismo, que fue primero un estado de espíritu o “un comunismo filosófico”, encontraba su forma política. En un cuarto de siglo, llevó a cabo su muda : de sus modos de aparición filosóficos y utópicos a la forma política por fin encontrada de la emancipación. 1. Las palabras de la emancipación no han salido indemnes de las tormentas del siglo pasado. Se puede decir de ellas, como de los animales de la fábula, que no han quedado todas muertas, pero que todas han sido gravemente heridas. Socialismo, revolución, anarquía incluso, no están mucho mejor que comunismo. El socialismo se ha implicado en el asesinato de Karl Liebknecht y Rosa Luxemburg, en las guerras coloniales y las colaboraciones gubernamentales hasta el punto de perder todo contenido a medida que ganaba en extensión. Una metódica campaña ideológica ha logrado identificar a ojos de muchos la revolución con la violencia y el terror. Pero, de todas las palabras ayer portadoras de grandes promesas y de sueños de porvenir, la de comunismo ha sido la que más daños ha sufrido debido a su captura por la razón burocrática de Estado y de su sometimiento a una empresa totalitaria. Queda sin embargo por saber si, de todas estas palabras heridas, hay algunas que vale la pena reparar y poner de nuevo en movimiento.

2. Es necesario para ello pensar lo que ha ocurrido con el comunismo del siglo XX. La palabra y la cosa no pueden quedar fuera del tiempo de las pruebas históricas a las que han sido sometidos. El uso masivo del título “comunista” para designar el Estado liberal autoritario chino pesará mucho más durante largo tiempo, a ojos de la gran mayoría, que los frágiles brotes teóricos y experimentales de una hipótesis comunista. La tentación de sustraerse a un inventario histórico crítico conduciría a reducir la idea comunista a “invariantes” atemporales, a hacer de ella un sinónimo de las ideas indeterminadas de justicia o de emancipación, y no la forma específica de la emancipación en la época de la dominación capitalista. La palabra pierde entonces en precisión política lo que gana en extensión ética o filosófica. Una de las cuestiones cruciales es saber si el despotismo burocrático es la continuación legítima de la revolución de Octubre o el fruto de una contrarrevolución burocrática, verificada no sólo por los procesos, las purgas, las deportaciones masivas, sino también por las conmociones de los años treinta en la sociedad y en el aparato de Estado soviético. 3. No se inventa un nuevo léxico por decreto. El vocabulario se forma con el tiempo, a través de usos y experiencias. Ceder a la identificación del comunismo con la dictadura totalitaria estalinista sería capitular ante los vencedores provisionales, confundir la revolución y la contrarrevolución burocrática, y clausurar así el capítulo de las bifurcaciones, único abierto a la esperanza. Y sería cometer una irreparable injusticia hacia los vencidos, todas las personas, anónimas o no, que vivieron apasionadamente la idea comunista y que la hicieron vivir contra sus caricaturas y sus falsificaciones. ¡Vergüenza a quienes dejaron de ser comunistas al dejar de ser estalinistas y que no fueron comunistas más que mientras fueron estalinistas ! [1] 4. De todas las formas de nombrar “al otro” necesario y posible del capitalismo inmundo, la palabra comunismo es la que conserva más sentido histórico y carga programática explosiva. Es la que evoca mejor lo común del reparto y de la igualdad, la puesta en común del poder, la solidaridad enfrentada al cálculo egoísta y a la competencia generalizada, la defensa de los bienes comunes de la humanidad, naturales y culturales, la extensión a los bienes de primera necesidad de un espacio de gratuidad (desmercantilización) de los servicios, contra la rapiña generalizada y la privatización del mundo. 5. Es también el nombre de una medida diferente de la riqueza social de la de la ley del valor y de la evaluación mercantil. La competencia “libre y no falseada” reposa sobre “el robo del tiempo de trabajo de otro”. Pretende cuantificar lo incuantificable y reducir a su miserable común medida, mediante el tiempo de trabajo abstracto, la inconmensurable relación de la especie humana con las condiciones

naturales de su reproducción. El comunismo es el nombre de un criterio diferente de riqueza, de un desarrollo ecológico cualitativamente diferente de la carrera cuantitativa por el crecimiento. La lógica de la acumulación del capital exige no sólo la producción para la ganancia, y no para las necesidades sociales, sino también “la producción de nuevo consumo”, la ampliación constante del círculo del consumo “mediante la creación de nuevas necesidades y por la creación de nuevos valores de uso”… “De ahí la explotación de la naturaleza entera” y “la explotación de la tierra en todos los sentidos”. Esta desmesura devastadora del capital funda la actualidad de un eco-comunismo radical. 6. La cuestión del comunismo es primero, en el Manifiesto Comunista, la de la propiedad : “Los comunistas pueden resumir su teoría en esta fórmula única : supresión de la propiedad privada” de los medios de producción y de cambio, a no confundir con la propiedad individual de los bienes de uso. En “todos los movimientos”, “ponen por delante la cuestión de la propiedad, a cualquier grado de evolución que haya podido llegar, como la cuestión fundamental del movimiento”. De los diez puntos que concluyen el primer capítulo, siete conciernen en efecto a las formas de propiedad : la expropiación de la propiedad terrateniente y la afectación de la renta de la tierra a los gastos del Estado ; la instauración de una fiscalidad fuertemente progresiva ; la supresión de la herencia de los medios de producción y de cambio ; la confiscación de los bienes de los emigrados rebeldes, la centralización del crédito en una banca pública ; la socialización de los medios de transporte y la puesta en pie de una educación pública y gratuita para todos ; la creación de manufacturas nacionales y la roturación de las tierras sin cultivar. Estas medidas tienden todas ellas a establecer el control de la democracia política sobre la economía, la primacía del bien común sobre el interés egoísta, del espacio público sobre el espacio privado. No se trata de abolir toda forma de propiedad, sino “la propiedad privada de hoy, la propiedad burguesa”, “el modo de apropiación” fundado en la explotación de unos por los otros. 7. Entre dos derechos, el de los propietarios a apropiarse de los bienes comunes, y el de los desposeídos a la existencia, “es la fuerza la que decide”, dice Marx. Toda la historia moderna de la lucha de clases, de la guerra de los campesinos en Alemania a las revoluciones sociales del siglo pasado, pasando por las revoluciones inglesa y francesa, es la historia de este conflicto. Se resuelve por la emergencia de una legitimidad opuesta a la legalidad de los dominantes. Como “forma política al fin encontrada de la emancipación”, como “abolición” del poder de Estado, como realización de la república social, la Comuna ilustra la emergencia de esta legitimidad nueva. Su experiencia ha inspirado las formas de autoorganización y de autogestión populares aparecidas en las crisis

revolucionarias : consejos obreros, soviets, comités de milicias, cordones industriales, asociaciones de vecinos, comunas agrarias, que tienden a desprofesionalizar la política, a modificar la división social del trabajo, a crear las condiciones de extinción del Estado en tanto que cuerpo burocrático separado. 8. Bajo el reino del capital, todo progreso aparente tiene su contrapartida de regresión y de destrucción. No consiste in fine “más que en cambiar la forma de la servidumbre”. El comunismo exige una idea diferente y unos criterios diferentes de los del rendimiento y de la rentabilidad monetaria. A comenzar por la reducción drástica del tiempo de trabajo obligatorio y el cambio de la noción misma de trabajo : no podrá haber completo desarrollo individual en el ocio o el “tiempo libre” mientras el trabajador permanezca alienado y mutilado en el trabajo. La perspectiva comunista exige también un cambio radical de la relación entre el hombre y la mujer : la experiencia de la relación entre los géneros es la primera experiencia de la alteridad y mientras subsista esta relación de opresión, todo ser diferente, por su cultura, su color, o su orientación sexual, será víctima de formas de discriminación y de dominación. El progreso auténtico reside en fin en el desarrollo y la diferenciación de necesidades cuya combinación original haga de cada uno y cada una un ser único, cuya singularidad contribuya al enriquecimiento de la especie. 9. El Manifiesto concibe el comunismo como “una asociación en la que el libre desarrollo de cada cual es la condición del libre desarrollo de todos”. Aparece así como la máxima de un libre desarrollo individual que no habría que confundir, ni con los espejismos de un individualismo sin individualidad sometido al conformismo publicitario, ni con el igualitarismo grosero de un socialismo de cuartel. El desarrollo de las necesidades y de las capacidades singulares de cada uno y de cada una contribuye al desarrollo universal de la especie humana. Recíprocamente, el libre desarrollo de cada uno y de cada una implica el libre desarrollo de todos, pues la emancipación no es un placer solitario. 10. El comunismo no es una idea pura, ni un modelo doctrinario de sociedad. No es el nombre de un régimen estatal, ni el de un nuevo modo de producción. Es el de un movimiento que, de forma permanente, supera/ suprime el orden establecido. Pero es también el objetivo que, surgido de este movimiento, le orienta y permite, contra políticas sin principios, acciones sin continuidad, improvisaciones de a diario, determinar lo que acerca al objetivo y lo que aleja de él. A este título, es no un conocimiento científico del objetivo y del camino, sino una hipótesis estratégica reguladora. Nombra, indisociablemente, el sueño irreductible de un mundo diferente, de justicia, de igualdad y de solidaridad ; el movimiento permanente que apunta a derrocar el orden existente en la época del

capitalismo ; y la hipótesis que orienta este movimiento hacia un cambio radical de las relaciones de propiedad y de poder, a distancia de los acomodamientos con un menor mal que sería el camino más corto hacia lo peor. 11. La crisis, social, económica, ecológica, y moral de un capitalismo que no hace retroceder ya sus propios límites más que al precio de una desmesura y de una sinrazón crecientes, amenazando a la vez a la especie y al planeta, vuelve a poner al orden del día “la actualidad de un comunismo radical” que invocó Benjamin frente al ascenso de los peligros de entre guerras. Traducción : Alberto Nadal para Viento http://www.vientosur.info/articulos... index.php ?x=2711

Sur

Notes [1] Ver D. Mascolo, 2000, A la recherche d´un communisme de pensée, Paris, Editions Fourbis, p. 113. La Comuna, el Estado y la Revolución

Daniel Bensaid Viento Sur

Resumen de una segunda contibución presentada por Daniel Bensaid en el marco del « ciclo Marx », en la Universidad de verano de la LCR desarrollada en Port Leucate del 24 al 29 de agosto de 2007

Muchos lectores de Marx le reprochan un implacable determinismo económico. Es necesario creer que eso es, en la mayoría de los casos, por ignorancia de sus escritos políticos, como su trilogía sobre Las luchas de las clases en Francia, El 18 Brumario de Louis Bonaparte, y La Guerra civil en Francia. [ 1 ] Si una veintena de años separan al primer texto del último, no constituyen menos una trilogía ya que se dibuja en estos textos una concepción de la política, de la representación, del Estado, de la democracia. Estos tres textos constituyen, hasta cierto punto, la otra cara de la crítica marxista a

la modernidad, a menudo ignorada por lectores tapados por el gran sol de la crítica de la economía política -El Capital. De la República tout court a la República social "Al imponer la República" el proletariado parisiense conquistó en 1848 el terreno para su propia lucha para la emancipación, pero "de ninguna manera la propia emancipación", ya que la clase obrera era "aún incapaz de realizar su propia revolución". [ 2 ] Michelet lo había presentido a partir de 1846: "Una mitad de siglo bastó para ver a la burguesía salir del pueblo, elevarse por su actividad y su energía, y repentinamente, en medio de su triunfo, desplomarse sobre sí misma." [ 3 ] Así maduraba "el germen indeterminado de esta revolución desconocida" que se percibía en los sans-culottierie parisienses de 1793: "Los republicanos clásicos tenían detrás un espectro que marchaba rápidamente y había ganado velocidad: el republicanismo romántico de centenares de cabezas, de mil escuelas, que llamamos hoy socialismo." [ 4 ] Es este mismo espectro el que viene a atormentar a Europa en las primeras líneas del Manifiesto del Partido comunista redactado en los últimos días de 1847 y que hará su irrupción algunas semanas más tarde sobre el escenario europeo. Marx data el nacimiento oficial de la II República el 4 de mayo. Pero el lugar y la fecha de su nacimiento real, "no es la revolución de febrero, sino la derrota de junio". El proletariado vencido forza la República apenas declarada a aparecer como el Estado cuyo objetivo declarado era "la perpetuación de la esclavitud asalariada" : "la burguesía no tiene rey, la forma de su reino es la República" que realiza en su "reino anónimo" "la síntesis de la Restauración y la Monarquía de Julio". En su forma acabada, la República constitucional realiza la coalición de intereses del partido del orden, al cual se opone. No habrá ya en adelante República tout court. Será social o no será mas que una caricatura de sí misma, la máscara de una nueva opresión. En el momento en que Marx publica El 18 Brumario, Blanqui encarcelado a la fortaleza de Belle-Ille, escribe algo similar a su amigo Maillard: "¿Qué es pues lo que se nos obliga a hacer después de mucho tiempo, si no la guerra civil? ¿Y contra qué? ¡Ah! He aquí precisamente la cuestión que se esfuerza en embrollarse por la oscuridad de las palabras: ya que se trata de impedir que las dos banderas enemigas se planten sencillamente enfrente una de la otra." [ 5 ] Y por eso los socialistas deben en adelante distinguirse de los simples republicanos burgueses que quieren "reiniciar febrero, pero no más." En La lucha de las clases en Francia y en El Dieciocho Brumario, Marx comenzó a extraer, invocando el nombre de Blanqui, las implicaciones estratégicas de la prueba de junio del 48: "El

proletariado se agrupa cada vez más en torno al socialismo revolucionario, en torno al comunismo, para el cual la propia burguesía inventó el nombre de Blanqui; este socialismo es la declaración de la revolución permanente." [ 6 ] Fórmula famosa, que retoma en forma de consigna en la conclusión de su Carta a la Liga de los comunistas:" ¡El "grito de guerra" de los trabajadores debe ser en adelante ‘la revolución permanente’!" Enigmática consigna, que aúna problemáticamente juntas, el acto y el proceso, el momento y la duración, el acontecimiento y la historia. La revolución permanente tiene una dimensión inmediatamente europea. Los territorios nacionales son los campos de batalla parciales de una guerra civil de una mayor amplitud. Hasta el aplastamiento, entre 1918 y 1923, de las revoluciones alemana, húngara, italiana, los revolucionarios europeos, comenzando por los bolcheviques, pensarán su acción en esta representación europea del espacio estratégico. Es la conclusión que saca Marx, a partir de Las luchas de clases en Francia: "La nueva Revolución francesa se ve obligada a dejar inmediatamente el suelo nacional y a conquistar el terreno europeo, el único donde puede realizarse la revolución social del sglo XIX", ya que "nadie podría afirmar que el mapa de Europa sea definitivo." [ 7 ] La relación entre guerra y revolución, entonces, se inscribe de inmediato en esta perspectiva continental. Introduciendo, en 1891, en la re-edición del texto de Marx sobre La guerra civil en Francia, Engels vuelve a profetizar: "¿Es que la anexión de las provincias francesas no empujó a Francia a los brazos de Rusia? ¿Y se no ve diariamente suspendida sobre nuestra cabeza, como la espada de Damocles, la amenaza de una guerra, el primer día en el cual todos los Tratados de alianza de los príncipes se volverán humo? De una guerra en la que nada es seguro sino la absoluta incertidumbre de su desenlace, de una guerra de raza que se librará en toda Europa afectando de quince a veinte millones de hombres armados." ¡Una guerra de raza! Al igual que la guerra que desató la Comuna, de la Gran guerra surgirá la revolución de Octubre, y de la segunda Guerra Mundial las revoluciones china, griega, vietnamita, yugoslava, pero a qué precio: sobre un montón de ruinas y cadáveres cada vez más imponente, cuyo peso muerto pesará cada vez más sobre la vida y el cerebro de los (sobre) vivientes, hasta el punto de tansformar en pesadillas los sueños de emancipación. Un nuevo Leviathan burocrático 1850-1871: De Las luchas de clases en Francia a La Guerra civil en Francia. Entre los dos escritos, alza, declinación y caída del Imperio. Como lo puso de relieve muy bien Maximilien Rubel, esta secuencia ofrece a Marx la materia para meditar ese extraño fenómeno político moderno que es el "bonapartismo" y de reconsiderar a través él la cuestión del Estado y su relación con la sociedad civil. [ 8 ]

Resurge así, a la luz de los braseros de la Comuna, la crítica de la burocracia empezada a partir de 1843 en el Manuscrito de Kreuznach y dejada después en obra o reanudada solamente de manera dispersa en escritos de circunstancia. El espíritu corporativo del antiguo régimen sobrevive, escribía entonces, en la burocracia como producto de la separación entre el Estado y la sociedad civil: "El mismo espíritu que, dentro de la sociedad crea a la corporación, crea, en el Estado la burocracia [... ] La burocracia es el formalismo de Estado de la sociedad civil". Ella es "la conciencia del Estado, la voluntad del Estado, el poder del Estado, personificada en una corpoación, formando una sociedad particular y cerrada dentro del Estado." Ella "no puede ser un tejido de ilusiones prácticas: es la ilusión misma del Estado", y el espíritu burocrático es "un espíritu fundamentalmente jesuítico y teológico: los burócratas son los jesuitas del Estado y los teólogos del Estado; la burocracia es la República sacerdotal." [9] En cuanto al burócrata "tomado individualmente", el fin del Estado "se convierte en su objetivo privado: preocupado en subir a los puestos más elevados, es el carrerismo." La supresión de la burocracia sólo no sería posible hasta que "el interés general pase a ser efectivo y no como en Hegel sólo en el pensamiento, en la abstracción del interés particular, lo que sólo puede hacerse si el interés particular se convierte en el interés efectivamente general". Forma finalmente encontrada de la emancipación, la Comuna de París aparece precisamente a los ojos de Marx como la crítica en acto del Estado burocrático y de cómo el interés particular que se han convertido en efectivamente el interés general. Y es que "la mayor medida" que haya tomado la Comuna no es una invención doctrinaria o un paraíso artificial, no es el establecimiento de un falansterio o de un Icaria, sino "su propia existencia", incluyendo sus límites y contradicciones. La Comuna fue así "la antítesis directa del Imperio", o también "la forma positiva de la República social", soñada desde los Tres gloriosos de 1830 y los días sangrientos de junio de 48. El poder de Estado es "en adelante abolido", escribe entonces Marx con respecto a las seis semanas de libertad comunal. ¿Abolido? La palabra parece contradecir las polémicas contra Proudhon o Bakounine, en las cuales Marx se oponía a la idea que tal abolición, del trabajo asalariado o del Estado, pudiera decretarse. Se trataba más bien de un proceso en el que era necesario comenzar por reunir las condiciones para la reducción del tiempo de trabajo, la transformación de las relaciones de propiedad, la modificación radical de la organización del trabajo. En el segundo ensayo de redacción de La guerra civil matiza mucho lo que se puede entender por abolición. En tanto "que antítesis directa del Imperio", la Comuna "debía estar compuesta de concejales elegidos por el sufragio de todos los ciudadanos, responsables y revocables en cualquier momento". Ella "debía ser un cuerpo activo y no parlamentario, ejecutivo y legislativo al mismo tiempo". Los funcionarios y los propios miembros de la Comuna debían "realizar

su tarea con salarios de obreros": "En una palabra, todas las funciones públicas, incluso las raras funciones que habrían sido incluidas en el Gobierno central debían ser asumidas por agentes comunales y colocadas por lo tanto bajo la dirección de la Comuna. Es entre otras cosas un absurdo decir que las funciones centrales, no las funciones de autoridad sobre el pueblo, sino las que son requeridas por las necesidades generales y ordinarias, no podrían ya estar garantizado. Estas funciones debían existir, pero los propios funcionarios no podían ya, como en el viejo aparato gubernamental, elevarse sobre la sociedad real, porque las funciones debían ser asumidas por agentes comunales y sometidas por lo tanto a un control verdadero. La función pública debía dejar de ser una propiedad personal." [10] No se trata pues de interpretar la desaparición del Estado como la absorción de todas sus funciones en la autogestión social o en la simple" administración de las cosas". Algunas de estas "funciones centrales" deben seguir existiendo, pero como funciones públicas bajo control popular. En este caso, la abolición del Estado no significa la abolición de la política o su extinción en la simple gestión racional de lo social. Puede significar tanto la extensión del ámbito de la lucha política por la desburocratización de las instituciones como la puesta en deliberación permanente de la cosa pública. Escritos al calor de los acontecimientos, los textos sobre la Comuna permiten ajustar cuentas con el mito de un Marx ultrajacobino, hiper-estatista y centralizador a ultranza, frente a un Proudhon girondino, libertario, y descentralizador. Ciertamente, subraya que la constitución comunal, que rompe el poder del Estado moderno, "se tomó erróneamente por una tentativa de romper en una federación pequeños Estados, conforme a los sueños de Montesquieu y de los Girondinos, esta unidad de las grandes naciones que, aunque generada en su origen por la violencia, pasó a ser ahora un potente factor de la producción social". Y se quiso ver también erróneamente en la Comuna "que rompe con el poder del Estado moderno, un llamado la vida de las comunas mediavales" que precedieron a este poder del Estado [11]. La centralización estatal pudo desempeñar un papel útil para vaciar los particularismos feudales y ampliar el horizonte, luego para defender a la revolución contra las conspiraciones del Antiguo régimen. Pero contra el Estado parásito y burocrático victorioso y su centralización gubernamental, Marx sostiene una lógica de descentralización solidaria en una perspectiva de alianza entre los campesinos oprimidos por la capital-París y los trabajadores parisienses oprimidos por la reacción provincial: "París, capital de las clases dominantes y de su Gobierno, no puede ser una ciudad libre y la provincia tampoco puede ser libre, porque París es la capital. La provincia no puede ser libre sino con la Comuna de París." [12] Este antagonismo entre la capital París y la Comuna de París es el escenaio original de una lucha entre dos fuerzas sociales y dos principios políticos." Las clases dominantes no cesan de querer conjurar el espectro de la Comuna de París, varias veces resucitado

(en 1936 con las huelgas del Frente Popular, en 1945 con la insurrección y la liberación de París, en 1968 con su huelga general y sus barricadas). Lo que quiso la Comuna de París era "romper el sistema de unidad artificial que se opone a la verdadera unión viva de Francia", ya que la unidad impuesta hasta entonces era "una centralización despótica, ininteligible, arbitraria y onerosa". La unidad política en torno a la Comuna había sido lo contrario: "la asociación voluntaria de todas las iniciativas locales" y "una delegación central de las comunas federadas." [13] El Marx de la Comuna llega entonces hasta retomar por su cuenta la fórmula de Montesquieu de una República federativa concebida como "una sociedad de sociedades que hacen una nueva que puede crecer por sus numerosos asociados". ¿Qué es la dictadura del proletariado? ¿La Comuna como forma finalmente encontrada de la emancipación, o de la dictadura del proletariado, o las dos, indisociablemente unidas? Eso es lo que declara Engels, veinte años después, en la conclusión de su introducción a La guerra civil: "Muy bien, señores, ¿quieren saber lo que es esta dictadura que está en el aire? Observen la Comuna de París. Esa era la dictadura del proletariado." [14] Si, como lo declara Engels, la Comuna "era la dictadura del proletariado", importa saber precisamente lo que era la Comuna. Ella suprime "todos los misterios y las pretensiones del Estado" dotándose con mandatarios bajo control popular permanente, remunerados como obreros calificados. Su medida más importante es "su propia organización, que se improvisó con el enemigo extranjero en una puerta y el enemigo de clase en la otra" [15]. La Comuna "no suprime la lucha de clases" sino que representa "la liberación del trabajo", como "condición fundamental de toda vida individual y social". Crea así "el ambiente racional" en el cual puede comenzar -comenzar solamente - a desarrollarse la emancipación social. [16] Es "esa esfinge que preocupa al entendimiento burgués": es simplemente "la forma bajo la cual la clase obrera toma el poder político" [17]. Ante la violencia despótica de los poseedores, Marx retoma entonces "la audaz divisa revolucionaria": "¡Abajo la burguesía! ¡Dictadura de la clase obrera!" [18] Esta forma, es necesario destacarlo tanto como es fácil olvidarlo, mantiene el sufragio universal y la representación territorial de las comunas y barrios: "La Comuna debía componerse de concejales de los distintos distritos (como París fue el iniciador y el modelo, ésa será nuestra referencia) elegidos por sufragio de todos los ciudadanos, responsables y revocables en cualquier momento. La mayoría de esta asamblea se componía naturalmente de obreros o de representantes reconocidos de la clase obrera." [19]

En la Carta del 31 de mayo de 1871 al Consejo general de la AIT, Marx insiste:" "el sufragio universal debía servir al pueblo constituido en comunas" y "nada podía ser más extraño al espíritu de la Comuna que de sustituir al sufragio universal por una investidura jerárquica". No prevé restricción sobr los criterios sociales al derecho de voto. Expresa solamente su convicción de que la mayoría política corresponderá "naturalmente" a la mayoría social. En cuanto a la relción entre los representantes y los representados, de los mandatarios y sus mandantes, es la de un control permanente concretado por los principios de responsabilidad y revocabilidad. Los representantes tienen permanentemente que dar cuenta de sus actos y en caso de litigio con el representados, a poner en juego su mandato. En este pasaje del segundo ensayo de redacción de La guerra civil, no se hace mención de mandato imperativo, como en el caso de la Carta a la AIT del 31 de mayo de 1871, donde se menciona como una constatación que, hasta en las más pequeñas aldeas, las comunas rurales debían "administrar sus asuntos por una asamblea de delegados, en cualquier momento revocables y vinculados por el mandato imperativo de los electores." [20] Tanto la revocabilidad es la consecuencia de la responsabilidad del cargo electo frente a sus electores, como el mandato imperativo logra paralizar la deliberación democrática: si el mandatario no es más que el portavoz del interés particular de sus componentes, sin posibilidad de modificar su opinión en función del debate, ninguna voluntad general puede surgir, la adición de los intereses particulares o corporativos se neutraliza, y la esterilidad del poder constitutivo termina por hacer la cama de una burocracia que se eleva sobre esta voluntad en migas pretendiendo personificar el interés general. Si para saber lo que era la dictadura del proletariado en el espíritu de Marx y Engels, bastaba con observar a la Comuna, esta "dictadura" parece muy respetuosa del sufragio universal y del pluralismo político. Sus primeras medidas consisten en una desburocratización y desmilitarización del Estado Leviathán, en disposiciones que revelarían lo que se llamaría hoy una democracia participativa, y en medidas elementales de justicia social. No tiene mucho de un poder dictatorial y muy pocas cosas de un régimen de excepción, si no es la suspensión del orden legal existente en favor del ejercicio del poder constitutivo inalienable de un pueblo soberano. La Comuna, el Estado y la revolución Para Lenin como para Marx y Engels, la cuestión del Estado es indisociable a la de la dictadura del proletariado, como organización de la fuerza y la violencia, "tanto para reprimir la resistencia de los explotadores como para dirigir a la gran masa de la población". Si

esta "dictadura" tiene un carácter de clase, no se concibe sin embargo como una dictadura corporativa. Se trata de tomar el poder "para conducir al pueblo entero al socialismo". La fórmula evoca al concepto de hegemonía, que tomará curso en la socialdemocracia rusa para definir la relación entre el proletariado y el campesinado en la alianza obrera y campesina, mucho antes de que Gramsci le dé un nuevo alcance estratégico, cuando se trate de formar un bloque histórico, sin olvidar que "por el papel que desempeña en la gran producción, el proletariado es el único capaz de ser la guía de todas las clases trabajadoras explotadas pero incapaces de una lucha independiente para su liberación". Después de la toma del poder, el Estado subsiste inicialmente, pero "como Estado burgués sin burguesía". Esta fórmula paradójica servirá de nuevo a Lenin para pensar de manera inédita el tipo de Estado resultante de la revolución rusa. Pero un Estado burgués sin burguesía no es entonces un Estado proletario. El Estado burgués sin burguesía va así a convertirse en la fuente sobre el cual se abren los peligros profesionales del poder y el refugio en el cual se desarrolla una nueva forma de excrecencia burocrática parásita de la sociedad. En El Estado y la Revolución, Lenin rompe radicalmente con "el cretinismo parlamentario" del marxismo ortodoxo, pero conserva la ideología gestionaria. Así, se imagina aún que la sociedad socialista "no será mas que una oficina, un taller, con una igualdad de trabajo e igualdad de salario". Tales fórmulas recuerdan algunas páginas donde Engels sugiere que la desaparición del Estado significará también la desaparición de la política en favor de una simple "administración de las cosas", cuya idea se toma de los saint-simonianos; es decir, a una simple tecnología de gestión de lo social, donde la abundancia postulada eximiría establecer prioridades, de discutir sobre elección, de hacer vivir a la política como espacio de pluralidad. Como ocurre a menudo, una utopía de apariencia libertaria se vuelve una utopía autoritaria. El sueño de una sociedad que no sería "mas que una única oficina y un único taller", no revelaría en efecto más que una buena organización administrativa. Del mismo modo, un "Estado proletario", concebido como un "cartel del pueblo entero", puede fácilmente conducir a la confusión totalitaria de la clase, el partido y el Estado. Al querer torcer el cuello al legalismo institucional del II° Internacional, Lenin lo dobla el bastón de la crítica en el otro sentido. Rompe con las ilusiones parlamentarias, pero se prohíbe al mismo tiempo pensar las formas políticas del Estado de transición. Es este punto ciego el que Rosa Luxemburg va a poner en evidencia. Si asume plenamente el concepto de dictadura del proletariado en su sentido amplio -"ninguna revolución ha sido terminada sino por la dictadura de una clase"- pone también en guardia a los

socialdemócratas rusos: "Al parecer, ningún socialdemócrata se deja llevar por la ilusión de que el proletariado pueda mantenerse al poder. Si podía mantenerse, entonces implicaría el dominio de sus ideas de clase. Sus fuerzas no son suficientes actualmente, ya que el proletariado, al sentido más estricto de esta palabra, constituye precisamente en el imperio ruso, la minoría de la sociedad. Ahora bien, la realización del socialismo por una minoría se excluye incondicionalmente, puesto que la idea del socialismo excluye precisamente el dominio de una minoría." Este artículo de 1906 prefigura y anuncia el famoso folleto de 1918 sobre la Revolución rusa. Contrariamente a los socialistas ortodoxos de la socialdemocracia alemana, saluda la revolución y a los bolcheviques que "se atrevieron" a abrir la vía al proletariado internacional tomando el poder. Destaca las responsabilidades que resultan para los revolucionarios europeos, comenzando por los Alemanes: "En Rusia, el problema no podía sino plantearse. No podían solucionarse en Rusia. En este sentido, el futuro pertenece por todas partes al bolchevismo." El futuro de la revolución rusa se juega pues, en gran parte, en la arena europea y mundial. No obstante los bolcheviques rusos tienen también su parte de responsabilidad. Rosa critica sus medidas relativas a la reforma agraria y la cuestión nacional. Cuando crean, no una propiedad social, sino una nueva forma de la propiedad privada agraria, la parcelación de los grandes dominios "aumentan las desigualdades sociales en el campo" y genera masivamente una nueva pequeñaburguesía agraria cuyos intereses entrarán inevitablemente en contradicción con los del proletariado. Del mismo modo, la aplicación generalizada del derecho a la autodeterminación para las naciones del imperio zarista sólo consigue "la autodeterminación" de las clases dirigentes de estas nacionalidades oprimidas, ya que "el separatismo" es "una trampa puramente burguesa". Lenin y sus amigos "inflaron artificialmente a pose de algunos profesores de Universidad y algunos estudiantes para hacer un factor político". En cuanto a la política agraria y la política de las nacionalidades, los bolcheviques habrían pecado por exceso de ilusión democrática, mientras que, inversamente, subestimaron lo que está en juego a nivel democrático de la cuestión institucional. La cuestión de la Constituyente Es el famoso debate sobre la disolución de la Asamblea Constituyente. Rosa no es sorda a los argumentos según los cuales era necesario "romper esta constituyente caduca", y que por tanto "nació muerta", que estaba atrasada respecto a la dinámica revolucionaria, tanto por sus modalidades electivas como por la imagen deformada que daba del país. Pero entonces, "¡era necesario promover sin demora nuevas elecciones para una nueva Constituyente !" Ahora bien Lenin y Trotski (en su folleto de 1923

sobre Las lecciones de Octubre) excluyen por principio toda forma de "democracia mixta" predicada por los austromarxistas. Para Trotski, aquellos que, en el partido, fetichizan a la Constituyente, son los mismos, según él, que habían vacilado por el legalismo ante la decisión de la insurrección. Si, en octubre, la insurrección "se canalizó en la vía soviética y conectada con el 2º congreso de soviéts", no se trataba a su modo de ver de una cuestión de principio, sino "de una cuestión puramente técnica, aunque de una gran importancia práctica". Este choque entre la decisión militar y la institución democrática propicia la confusión de los papeles entre el partido y el Estado, y también entre el estado de excepción revolucionario y la norma democrática. Esta confusión se eleva a su cima en Terrorismo y comunismo, folleto redactado también en la urgencia de la guerra civil que es la forma paroxística del estado de excepción. El enfoque de Rosa Luxemburg es diferente. Acepta los argumentos formulados por los bolcheviques para disolver la Constituyente, pero se preocupa por esa confusión entre la excepción y la norma: "el peligro comienza allí donde, haciendo de necesidad virtud, ellos [los dirigentes bolcheviques] pretenden fijar en todos los puntos de la teoría, una táctica que les ha sido impuesta por condiciones inevitables y a proponerlo al proletariado internacional como modelo de la táctica socialista". Esto que está en juego, más allá del asunto de la Constituyente, es la vitalidad y la eficacia de la democracia socialista misma. Rosa destaca la importancia de la opinión pública, que no podría reducirse a un señuelo o a un teatro de sombras. Toda la experiencia histórica "nos muestra al contrario que la opinión pública irriga constantemente a las instituciones representativas, las penetra, las dirige. ¿Cómo explicar si no las cabriolas archi-ridículas que, en todo Parlamento burgués, los representantes del pueblo a veces nos dejan ver, cuando, animados repentinamente de un nuevo espíritu, hacen oír acentos perfectamente inesperados? ¿Cómo explicar que, de vez en cuando, momias archi-desechadas toman aires de juventud, que el pequeño Scheidemann encuentre repentinamente en su corazón acentos revolucionarios cuando la cólera truena en las fábricas, en los talleres y en las calles? ¿Esta acción constantemente viva de la opinión y la madurez política de las masas debería pues, justo en el período revolucionario, declararse delito ante el esquema rígido de los signos de partidos y padrones electorales? ¡Todo al contrario! Es precisamente la revolución que, por su efervescencia ardiente, crea esta atmósfera política vibrante, receptiva, que permite a las olas de la opinión pública, al pulso de la vida popular actuar instantáneamente, prodigiosamente sobre las instituciones representativas.

En lugar de comprimir este "pulso de la vida popular", los revolucionarios deben dejarle dirigir, ya que constituye un potente correctivo al pesado mecanismo de las instituciones democráticas: "Y si el pulso de la vida política de la masa late más rápido y más fuerte, su influencia se hace entonces más inmediata y más precisa, a pesar de los clichés rígidos de los partidos, las listas electorales obsoletas, etc. Ciertamente, toda institución democrática, al igual que toda institución humana, tiene sus límites y sus lagunas. Pero el remedio que encontraron Lenin y Trotski -suprimir sencillamente la democracia - es peor que el mal que supuestamente curan: bloquea la fuente viva de donde habrían podido brotar los correctivos a las imperfecciones congénitas de las instituciones sociales, la vida política activa, enérgica, sin obstáculos de la gran mayoría de las masas populares." Las advertencias de Rosa toman, entonces, retrospectivamente todo su sentido. Temía en 1918 que las medidas de excepción temporalmente justificables se convirtieran en la regla en nombre de una concepción puramente instrumental del Estado como aparato de dominio de una clase sobre otra. La revolución consistiría solamente entonces en hacerlo cambiar de manos: "Lenin dice que el Estado burgués es un instrumento de opresión de la clase obrera, el Estado socialista un instrumento de opresión de la burguesía, que no es hasta cierto punto sino un Estado capitalista invertido. Esta concepción simplista omite la parte fundamental: para que la clase burguesa pueda ejercer su ddominio, no necesita enseñar y educar políticamente al conjunto de la masa popular, al menos no más allá de algunos límites estrechamente trazados. Para la dictadura proletaria, ese es el elemento vital, la respiración sin la cual no podría existir. " La nueva sociedad se inventa sin modo de uso. El programa del partido sólo ofrece "los grandes trazos que indican la dirección", y aún estas indicaciones sólo tienen un carácter orientativo, de balizaje y advertencia, más bien que un carácter preceptivo. Ciertamente, el socialismo "presupone una serie de medidas coercitivas contra la propiedad, etc.", pero, si "se puede establecer el aspecto negativo, la destrucción", no ocurre lo mismo con el "aspecto positivo, la construcción: nueva tierra, mil problemas." Para solucionar estos problemas, la libertad más amplia, la actividad más amplia, y de la más amplia parte de la población son necesarias. No es la libertad, sino el terror que desmoraliza: "Sin elecciones generales, sin una libertad de prensa y de reunión ilimitada, sin una lucha de opinión libre, la vida se marchita en todas las instituciones públicas, vegeta, y la burocracia permanece como el único elemento activo." En El Estado y la Revolución, el mismo Lenin entrevió esta funcionalidad social de la democracia política. A algunos marxistas, para los cuales el derecho de autodeterminación de las naciones oprimidas era irrealizable bajo el capitalismo y se volvería superfluo bajo el socialismo, respondía por adelantado: "Este razonamiento,

probablemente espiritual pero en realidad erróneo, podría aplicarse a toda institución democrática, ya que un democratismo rigurosamente consecuente es irrealizable en el régimen capitalista, y en el régimen socialista, toda democracia terminará por apagarse [... ] Desarrollar la democracia hasta el final, buscar las formas de este desarrollo, someterlas a la prueba de la práctica, ésta es por tanto una de las tareas esenciales de la lucha por la revolución social. Tomada en parte, ningún democratismo, cualquiera que sea, llevará al socialismo: pero en la vida, el democratismo nunca se tomará sólo en parte. Se tomará en su totalidad. Ejercerá también una influencia sobre la economía cuya transformación estimulará. "[21]" Notas [1 ] Las luchas de clases en Francia (1850) y El 18 Brumario de Louis Bonaparte, París, colección Folio, 2002. La guerra civil en Francia, París, ediciones sociales, 1968. [2 ] Marx, Las luchas de clases en Francia, p. 18, 22. [3 ] Michelet, El Pueblo. En 1832 ya Blanqui declaraba en su Informe a la Sociedad de Amigos del pueblo: "No es necesario disimular que hay una guerra a muerte entre las clases que componen la nación" (Blanqui, Son necesarias las armas, París, La fábrica, 2007, p 80). [4 ] Michelet, Historia de la Revolución francesa, Laffont 79, volumen II, p. 474. [5 ] Blanqui, op. cit., p 176. [6 ] Marx, Las luchas de clases en Francia, p 122. En su duodécima Tesis sobre el concepto de historia, Walter Benjamin acusará en bloque a la socialdemocracia "casi haber llegado en el espacio de tres década el nombre de un Blanqui cuyos acentos de bronce habían sacudido el XIXe siglo". [7 ] Engels, El Po y el Rin. [8] Ver a Maximilien Rubel, Karl Marx ante el bonapartismo, publicado en Karl Marx, Las luchas de clases en Francia, op. cit. París, Folio, 2002. [9 ] Marx, Crítica de la filosofía del Estado de Hegel, París, 10-18, 1976. [10 ] Marx, La guerra civil en Francia, p. 260. [11 ] La guerra civil en Francia, p. 45.

[12 ] Ibid. p. 227. [ 13 ] Ibid., p. 231. [14 ] La guerra civil en Francia, p 302.. [15 ] Ibid, 215.. [16 ] Ibid, 216.. [17 ] Ibid, 256.. [18 ] Las luchas de clases en Francia, p 41.. [19 ] Ibid, p. 260.. [20 ] En Lenin, en El Estado y la revolución, en particular, se encuentran los principios de responsabilidad y revocabilidad pero no el de mandato imperativo. [ 21 ] Lenin, El Estado y la Revolución, en Ouvres, volumen 25, ediciones de Moscú, p. 489. Traducción: Andrés Lund Medina Daniel Bensaïd Interview The party and the period (19 November 2005)

Published in International Viewpoint Online magazine, IV, No.376, March 2006. Downloaded with thanks from the Europe Solidaire Sans Frontières Website. Marked up by Einde O’Callaghan for the Marxists’ Internet Archive.

The following interview with Daniel Bensaïd was conducted during the Ernest Mandel Symposium held in Brussels on November 19th, 2005 (see IVP, No.372, November 2005). Bensaïd outlines his views on the role of a revolutionary organisation in the present period and recalls his first encounters with Ernest Mandel. The interview appeared in the

January 2006 issue of La Gauche, which is published by the POS (Belgian section of the Fourth International).

La Gauche: Some people are talking about a new kind of organization, a new kind of party. What do you think about it? Daniel Bensaid: Today, a party, in its organisation and in its internal life, has to take into account the diversity of social movements. It can benefit from technological advances: a telephone conference, exchanges on the Internet, which can facilitate horizontal exchanges ... That is already very important because one of the powers of bureaucracies was the monopoly of information and of the transmission of information. We are far from the vertical and military conception of the party. Delimitation in relation to social movements is a condition for respecting these movements and their autonomy. It is less manipulative than hiding inside them and it also respects democratic life within the political organisations and parties themselves. If we have debates, congresses, if we make the effort to produce bulletins, to exchange contradictory positions, there has to be something at stake, otherwise it is democracy without an objective. The objective concerns major questions. We are not going fight to the death over questions of local tactics. We can have various kinds of agreements on electoral tactics, when a local branch wants to try out something that is not within the framework of the general orientation at national level. The famous democratic centralism is often criticised, because we have an image of the way it was practised by bureaucratic organisations. But by approaching the question in this way we forget that centralism and democracy are not antinomies, but that each is the condition of the other. We conduct a democratic debate with the aim of taking decisions to which we are all committed. I think – I don’t know if we’ll always avoid this – that what has particularly enabled the LCR to avoid up to now the crises that have destroyed other organisations, is that we didn’t have the pretension of founding a theoretical orthodoxy. From the beginning, at the end of the 1960s, there were among us followers of Althusser and Sartre, there were Mandelites, and obviously there is no question of a congress voting on the law of value or on the Freudian unconscious. We agree on tasks, on the interpretation of events and common political tasks. There is a whole space for debate.

A revolutionary party can be the bearer of historic memory, but that does not prevent it from missing out on things, for example on ecology. How can we act today so as to not miss out on the movement of ethnic minorities or the revolt in the suburbs? Every continuity can lead to a certain type of conservatism. There can also be a religion of memory. For me, political memory is necessary, and it is all the more important for the oppressed, who do not have the same institutions to perpetuate memory as the ruling classes do. For the ruling classes, memory is passed on by a whole series of state institutions, and there is a memory of struggles, of the oppressed, of the defeated, which is carried forward by revolutionary organisations. We have to deal with what is new, but we do not deal with it starting from nothing. The real problem is to know whether we are capable of welcoming what is new without making it fit into the repetition of what we already know. That is the challenge. When we say “we were late, we missed the rendezvous”, yes again. But precise rendezvous, even in love, are somewhat rare. I make less use of the term vanguard, because the notion has a military connotation that can create confusion. It is rather a question of a metabolism, of an exchange between the social movements and the political struggle. It would be paradoxical to have a certain idea of the vanguard as being more “advanced” than the masses, and then reproaching it with not having invented feminism or ecology. It is after all quite normal that it should come in the first place from social processes on a mass scale, which are then expressed on the political level. On the other hand today in France we can see very well the specific function of he party. That is why there is for me a “comeback” (of politics). We have had years of social resistance since the end of the 1980s. We almost had, given the bankruptcy of the policies of reform and of the revolutions of the 20th century, illusions in the selfsufficiency of social movements. They are necessary, everything starts from there, but everything doesn’t finish there. We can see the repeated waves of struggle in Argentina, in Bolivia. If that does not lead to a transformation at every level, including on the level of the structures of power, it becomes an endless, infernal repetition. You overthrow three governments in Bolivia, two in Argentina and afterwards you are still where you were before. So we have to pose the problem in these terms. During the presidential campaign in France, we are going to ask the social

movements for a position on feminism, we are going to ask the ecology movement for a position on energies of substitution. At a meeting in Brest, our candidate, Olivier Besancenot, is asked about his position on the size of fishing nets. He can say: “I don’t know everything, I have no opinion about that”. We are a political organisation which seeks to offer an orientation to the country as a whole, but the political organisations and the different social movements are obliged to synthesise at least the answers to the big questions. Today, that is the difficulty that an organisation like ATTAC is experiencing. It is very good that ATTAC is a unitary organisation, an organisation for popular education, but we clearly saw, when we got to the European referendum, that it was the political organisations that were the moving force of the mobilisation. I think that we are at a turning point, the moment of transition from one cycle to another. We saw it with the German elections. We will see it again with the Italian elections, we will see what happens politically afterwards. Because resistance is a pre-condition that is necessary but not sufficient. If we want to respect the autonomy of the mass movements, then paradoxically, political organisations are necessary. Obviously, we need to have created a culture of pluralism, of respect, but at the same time, we have to firmly defend political positions. We are also emerging from a period where the key word is consensus. To defend your convictions is not necessarily authoritarian. If you do it correctly, it is rather an expression of respect for others. If you are convinced of what you think, you try to convince others of it, because they are not any more stupid than you, they can reach the same conclusions. By discussing seriously with others, we also run the risk of being convinced by them. That is in fact the logic of a real debate. On that point, Ernest Mandel was not at all sectarian, but he was very convinced of and very firm about his own positions. That is better than defending sloppy ideas. My first encounter with Ernest Mandel was here in Brussels: at a meeting during May ’68. The meeting had been banned, but I had not been stopped at the border, because I arrived from the Ardennes. Cohn-Bendit had been turned back. It was already a pluralist meeting, because Cohn-Bendit was an anarchist; as for me, I can’t say I was a Trotskyist, I was more a Guevarist. The meeting was finally besieged by the police, who succeeded in getting hold of me and taking me back to the border. It was my first contact with Ernest, but it was ephemeral, because I was immediately kicked out of Belgium. Afterwards we did in fact meet

on many occasions. I would like to say that the contact was quite affectionate and respectful. We never had the cult of the personality. Perhaps we were arrogant and insufferable, because we were young cocks. At the age of 20 we thought we had started a revolution. We discussed on what was really quite an equal footing. Ernest did not entirely persuade us when he tried to convince us to join the Fourth International on the basis of a rather favourable presentation of what forces it had. Well, it wasn’t very convincing, because there weren’t many forces. We were more convinced by logical reasoning: the world was – less than today – globalised, an International was necessary, there is one, it isn’t what we wanted, but it is very honourable, it hasn’t betrayed, it fought Stalinism, so let’s go, and it will change with us. We will contribute to its transformation. At the end of the day, Ernest underestimated the strength of logical arguments. That was unusual for him. He had great confidence in the power of ideas, but he tried to convince me on the basis of the material force of the Fourth International, which was relatively modest. But it worked all the same. Sobre el retorno de la cuestión político-estratégica Daniel Bensaid IPS Esta contribución inicialmente fue presentada oralmente en un seminario del Projet K, el 17 de junio de 2006 en París. Se refiere, en particular, a los textos sobre estrategia publicados en la revista Critique communiste Nº 179 de marzo de 2006. Ha sido completada teniendo en cuenta el debate que siguió a su presentación. (Texto extraído del Sitio Marx au XXIème Siècle, http://semimarx.free.fr ) Todos hemos notado un "eclipse del debate estratégico" desde principio de los años 80, en comparación con las discusiones nutridas en los años 70 por las experiencias de Chile y de Portugal (o incluso, a pesar de las características muy diferentes, las de Nicaragua y de América central). Frente a la contraofensiva liberal, los años '80 han sido situados (en el mejor de los casos) bajo el signo de las resistencias sociales y caracterizados por una situación defensiva de la lucha de las clases, incluso cuando las dictaduras (en América latina particularmente) debieron ceder frente a el empuje popular democrático. Este repliegue de la cuestión política pudo traducirse en lo que podríamos llamar simplificando una "ilusión social" (en simetría con "la ilusión política" denunciada por el joven Marx, en aquellos que creían ver en las emancipaciones "políticas" – los derechos cívicos- la última palabra de "la emancipación

humana"). Hasta cierto punto, la experiencia inicial de los Foros sociales desde Seattle (1999) y el primer Porto Alegre (2001) refleja esta ilusión en cuanto a la autosuficiencia de los movimientos sociales y al rechazo de la cuestión política, como consecuencia de toda una primera fase de ascenso de las luchas sociales a finales de los años '90. Es lo que llamo (simplificándolo) el "momento utópico" de los movimientos sociales, ilustrado por distintas variantes: utopías liberales (de un liberalismo bien regulado), keynesianas (de un keynesianismo europeo), y sobre todo utopías neo libertarias de poder cambiar el mundo sin tomar el poder o contentándose con un sistema equilibrado de contrapoderes (J. Holloway, T. Negri, R. Day). El ascenso de las luchas sociales se tradujo en victorias políticas o electorales (en América Latina: Venezuela y Bolivia. En Europa, salvo la excepción (particularmente el CPE) en Francia, se han sufrido sobre todo derrotas y estas no impidieron la continuidad de las privatizaciones, de las reformas de la protección social, del desmantelamiento de los derechos sociales. Esta contradicción hace que las expectativas, a falta de victorias sociales, vuelvan hacia las soluciones políticas (particularmente electorales), como lo demuestran las elecciones italianas[1]. Este "retorno de la cuestión política" empieza con un relanzamiento, todavía balbuceante, de los debates estratégicos, de los que dan prueba las polémicas en torno a los libros de Holloway, Negri, Michael Albert, del balance comparado del proceso venezolano y de la legislatura Lula en Brasil, o también en la inflexión de la orientación zapatista ilustrada por la sexta declaración de selva Lacandona y "la otra campaña" en México. Las discusiones sobre el proyecto de manifiesto de la LCR en Francia o el libro de Alex Callinicos[2], se inscriben igualmente en este contexto. La fase de la gran negación y de las resistencias estoicas - el "grito" de Holloway, los eslóganes "el mundo no es una mercancía", "el mundo no esta en venta" - se agotan. Se vuelve necesario precisar cuál es este mundo posible y sobre todo explorar las vías para alcanzarlo. Hay

estrategias

y

estrategias

Los nociones de estrategia y táctica (más tarde las de guerra de posición y de guerra de maniobra) han sido importadas al movimiento obrero a partir del vocabulario militar (particularmente de los escritos de Clausewitz o Delbrück). Su sentido sin embargo ha variado. Hubo un tiempo donde la estrategia era el arte de ganar una batalla, una táctica se reducía a las maniobras de las tropas sobre el campo de batalla. Después, de las guerras dinásticas a las guerras nacionales, de la guerra total (hoy) a la guerra global, el campo estratégico no dejó de dilatarse en el tiempo y en el espacio. Uno puede en lo sucesivo distinguir una estrategia global (a escala mundial) de una "estrategia limitada" (la lucha por la conquista del

poder sobre un territorio determinado). En cierta medida, la Teoría de la revolución permanente representaba un esbozo de estrategia global: la revolución comienza sobre la arena nacional (en un país) para extenderse al nivel continental y mundial; franquea un paso decisivo con la conquista del poder político, pero se prolonga y se profundiza por "una revolución cultural". Combina pues el acto y el proceso, el acontecimiento y la historia. Frente a Estados potencias que tienen estrategias económicas y militares mundiales, esta dimensión de la estrategia global es más importante aún de lo que lo era en la primera mitad del siglo veinte. La emergencia de nuevos espacios estratégicos continentales o mundiales lo demuestra. La dialéctica de la revolución permanente (contra la teoría del socialismo en un solo país), dicho de otro modo la imbricación de las escalas nacional, continental, mundial, es más estrecha que nunca. Uno puede apoderarse de palancas del poder político en un país (como Venezuela o Bolivia), pero se plantea inmediatamente la cuestión de la estrategia continental (el ALBA contra el ALCA, la relación al Mercosur, al Pacto andino, etc.) como una cuestión de política interior. Más prosaicamente en Europa, las resistencias a la contrarreforma liberal pueden afirmarse en las relaciones de fuerzas, sobre las experiencias y los apoyos legislativos, nacionales. Pero una respuesta transitoria sobre los servicios públicos, sobre el sistema de pensiones, sobre la protección social, sobre la ecología (por una "refundación social y democrática de Europa") exige de golpe una proyección europea[3]. Hipótesis

Estratégicas

La cuestión abordada aquí se limita pues a lo que llamé "la estrategia limitada", dicho de otro modo la lucha para la conquista del poder político a escala nacional. Estamos aquí todos de acuerdo[4] sobre el hecho de que los Estados nacionales pueden estar debilitados, en el marco de la universalización, y que existen ciertas transferencias de soberanía. Pero el escalón nacional (que estructura las relaciones de clase y articula un territorio en un Estado) es decisivo en la escala móvil de los espacios estratégicos, es a este nivel del problema al cual se refiere esencialmente el dossier publicado en el número 179 de Critique communiste (marzo de 2006)[5]. Descartemos inmediatamente las críticas (de J. Holloway a Cédric Durand[6]) que nos imputan una visión "etapista" del proceso revolucionario (según la cual haríamos de la toma del poder el "absoluto previo" a toda transformación social). El argumento está tomado de la caricatura o de la simple ignorancia. Nunca hemos sido de los adeptos al salto de garrocha sin impulso. Si a menudo he planteado la cuestión "cómo de nada devenir todo", para señalar que la ruptura revolucionaria es un salto peligroso del que puede sacar provecho el tercer ladrón (la burocracia). Guillaume (Liégeard) tiene razón de matizarlo recordando que no es verdad que el proletariado

no sea nada antes de la toma del poder - y que es dudoso de querer hacerse todo! La fórmula de todo y de la nada tomada del himno de La Internacional no apunta solo a señalar la asimetría estructural entre revolución (política) burguesa y revolución social. Las categorías - de frente único, las reivindicaciones transitorias, del gobierno obrero- defendidas por Trotsky, pero también por Thalheimer, Radek, Clara Zetkin en el debate programático de la Internacional comunista hasta el VIº congreso de la I.C. precisamente pretenden articular el acontecimiento en sus condiciones de preparación, las reformas a la revolución, el movimiento y el objetivo... Paralelamente, los conceptos de hegemonía y de "guerra de posiciones" en Gramsci van en el mismo sentido[7]. La oposición entre Oriente (donde el poder sería más fácil conquistar pero más difícil de conservar) y Occidente, releva la misma preocupación (ver a propósito los debates sobre el balance de la revolución alemana en el quinto congreso del I.C.). De una vez por todas, jamás fuimos adeptos de la teoría del derrumbe (Zusammenbruch Theorie)[8] .Ver en relación a esto el libro de Giacomo Marramao. Contra las visiones espontaneistas del proceso revolucionario y contra el inmovilismo estructuralista de los años 60, nosotros insistimos tomando revancha, en la parte del "factor subjetivo" y sobre lo que llamamos, no "modelo", sino -como lo recuerda Antoine (Artous) en su artículo de Critique Communiste- "hipótesis estratégicas". No se trata aquí de una simple coquetería de vocabulario. Un modelo, es algo a copiar, un manual. Una hipótesis, es un guía para la acción, a partir de las experiencias del pasado, pero abierta y modificable en función de experiencias nuevas o de circunstancias inéditas. Los revolucionarios corren por consecuencia el mismo riesgo que los militares sobre quienes se dice que siempre están atrasados una guerra. A partir de las grandes experiencias revolucionarias del siglo XX (revolución rusa y revolución china, y así también la revolución alemana, los frentes populares, la guerra civil española, la guerra de liberación vietnamita, mayo de 68, Portugal, Chile...), distinguimos dos grandes hipótesis: la huelga general insurreccional (HGI) y la de la Guerra popular prolongada (GPP). Ellas resumen dos tipos de crisis, dos formas de doble poder, dos métodos de desenlace de la crisis. En el caso del CGI, la dualidad de poder reviste una forma principalmente urbana, del tipo Comuna (no sólo Comuna de París, sino también el Soviet de Petrogrado, la insurrección de Hamburgo, de Cantón, de Barcelona). Ambos poderes no pueden coexistir mucho tiempo sobre un espacio concentrado. Se trata pues de una confrontación de desenlace rápido (que puede desembocar en una confrontación prolongada: guerra civil en Rusia, guerra de liberación

en Vietnam después de la insurrección de 1945...) En esta hipótesis, el trabajo de desmoralización del ejército y de organización de los soldados juega un papel importante (los Comités de soldados en Francia, los SUV en Portugal, y en una perspectiva más conspirativa el trabajo del MIR en el ejército chileno, son para mi las últimas experiencias significativas en la materia). En el caso del GPP, se trata de un doble poder territorial (de las zonas liberadas y auto administradas) que pueden coexistir mucho más tiempo. Las condiciones son percibidas por Mao desde su folleto de 1927 ("¿Por qué el poder rojo puede existir en China?") y son ilustradas por la experiencia de la República de Yenan. En la primera hipótesis los órganos del poder alternativo socialmente son determinados por las condiciones urbanas (Comuna de París, Soviet de Petrogrado, consejos obreros, comité de las milicias de Cataluña, Cordones industriales y comandos comunales, etc.), en el segundo, ellos se centralizan en "el ejército del pueblo" (con predominio campesino). Entre estas son dos grandes hipótesis depuradas, encontramos toda una gama de variantes y de combinaciones intermediarias. Así, a pesar de su leyenda foquista simplificada (particularmente por el libro de Debray, "Revolución en la revolución", de 1964), la revolución cubana articula el foco de guerrilla como núcleo del ejército se rebela y las tentativas de organización y de huelgas generales urbanas en La Habana y Santiago. Su relación fue problemática, así como lo demuestra la correspondencia de Frank Païs, de Daniel Ramos Latour, del Che mismo sobre las tensiones entre "la selva" y "el llano"[9]. A posteriori, el relato oficial, valorizando la epopeya heroica del Granma y sus sobrevivientes, contribuyó a reforzar la legitimidad del componente 26 de julio y del grupo castrista que dirigía en detrimento de una comprensión más compleja del proceso. Esta versión simplificada de la historia, erigiendo en modelo la guerrilla rural, inspiró las experiencias de los años sesenta (en Perú, en Venezuela, en Nicaragua, en Colombia, en Bolivia). Los muertos al combate de De la Puente y Lobaton, Camillo Torres, Yon Sosa, Lucion Cabanas en México, Carlos Marighela y Lamarca en Brasil, etc., la expedición trágica del Che en Bolivia, la cuasi destrucción de los sandinistas en 1963 y 1967 en Pancasan, el desastre de Teoponte en Bolivia, marcan el fin de este ciclo. La hipótesis estratégica del PRT argentino y del MIR chileno hace referencia, al principio de los años 70, al ejemplo vietnamita de la guerra popular prolongada (y, en el caso del PRT, a una versión mítica de la guerra de liberación argelina). La historia del Frente sandinista hasta su victoria de 1979 sobre la dictadura somozista revela la combinación de las diferentes orientaciones. La tendencia GPP y de Tomas Borge pone el acento en el desarrollo de la guerrilla en la montaña y la necesidad de un largo período de acumulación gradual de fuerzas. La Tendencia proletaria (Jaime Wheelock) insiste sobre los efectos sociales del desarrollo capitalista en Nicaragua y en el fortalecimiento de la clase obrera, manteniendo la perspectiva de

una acumulación prolongada de fuerzas en la perspectiva de un "momento insurreccional". La Tendencia "tercerista" (los hermanos Ortega) que sintetiza los otros dos y permite articular el frente del sur y el levantamiento de Managua. A posteriori, Humberto Ortega resumió las divergencias en estos términos: "llamo política de acumulación pasiva de fuerzas a la política que consiste en no intervenir en las coyunturas, a acumular fuerzas en frío. Esta pasividad se manifestaba al nivel de las alianzas. Había también una pasividad en el hecho que pensábamos que se podía acumular armas, organizarse, reunir recursos humanos sin combatir al enemigo, sin hacer participar las masas"[10]. Reconoce sin embargo que las circunstancias trastornaron los diferentes planes: "Llamamos a la insurrección. Los acontecimientos se precipitaron, las condiciones objetivas no nos permitían prepararnos más. De hecho, no podíamos decir no a la insurrección. El movimiento de las masas tomó tal amplitud que la vanguardia era incapaz de dirigirlo. No podíamos oponernos a este río; todo lo que podíamos hacer era encabezarlo, para conducirlo más o menos y darle una dirección". Y concluye: "nuestra estrategia insurreccional siempre gravitó alrededor de las masas y no alrededor del plan militar. Esto debe estar claro". En efecto, la opción estratégica implica una planificación de las prioridades políticas, las eras de intervención, las ordenes, y determina la política de alianzas. Los días de la selva a El trueno en la ciudad, ensayos y artículos de Mario Payeras sobre proceso guatemalteco, ilustra una vuelta de la selva hacia la ciudad y un cambio de las relaciones entre lo militar y lo política, la ciudad y el campo. La crítica de las armas (o la autocrítica) de Régis Debray en 1974 registra igualmente el balance de los años 60 y la evolución iniciada. En Europa y en los Estados Unidos, las aventuras desastrosas de la RAF en Alemania, Weathermen en los Estados Unidos (sin hablar de la tragicomedia efímera de la Gauche prolétarienne en Francia -y tesis de July/Geismar en su inolvidable Hacia la guerra civil) Y otras tentativas de traducir en "guerrilla urbana" la experiencia de la guerrilla rural, se terminaron de hecho con los años 70. Solo los casos de movimiento armados que perduraron son los de las organizaciones que encontraban su base social en las luchas contra la opresión nacional (Irlanda, Euzkadi)[11]. Estas hipótesis y experiencias estratégicas no son reducibles a una orientación militarista. Ellas ordenan un conjunto de tareas políticas. Así, la concepción del PRT de la revolución argentina como guerra nacional de liberación conducía a privilegiar la construcción del ejército (el ERP) en detrimento de la autoorganización en las fábricas y los barrios. Lo mismo, la orientación de la MIR, poniendo el énfasis sobre la Unidad popular en la acumulación de fuerzas (y de las bases rurales) en una perspectiva de una lucha armada prolongada, conducía a relativizar la prueba de fuerza del golpe de Estado y

sobre todo a subestimar las consecuencias duraderas. Miguel Enríquez había percibido después del golpe del "tanquetazo" el momento corto propicio para la formación de un gobierno de combate que preparaba la prueba de fuerza. La victoria sandinista de 1979 marca sin duda un nuevo giro. Es por lo menos lo que sostiene Mario Payeras subrayando que en Guatemala (y en el Salvador) los movimientos revolucionarios no estuvieron confrontados con dictaduras fantoches carcomidas, sino a los consejeros israelíes, taiwaneses y estadounidenses en guerras de "baja intensidad" y de "contra insurrección". Esta asimetría creciente después se extendió a escala mundial con la nueva doctrina estratégica del Pentágono y la guerra "sin fronteras" declarada al "terrorismo". Es una de las razones (añadida a la hiper violencia trágica de la experiencia camboyana, de la contrarrevolución burocrática en URSS, de la revolución cultural en China), para las cuales la cuestión de la violencia revolucionaria, era aún percibida como inocente y liberadora (a través de las epopeyas de Gramma y del Che, o a través de los textos de Fanon, de Giap, de Cabral), se volvió espinosa, incluso tabú. Asistimos así a la búsqueda de una estrategia asimétrica del débil al fuerte, realizando una síntesis entre Lenin y Gandhi[12] u orientándose hacia la acción sin violencia[13] (el debate en Alternative y Rifondazione). El mundo, después de la caída del Muro de Berlín, no es por tanto menos violento. Seria imprudentemente angelical apostar hoy sobre una hipotética "vía pacífica", que el siglo de los extremos, no vino a confirmar. Pero es otra historia, que desborda los límites de mi exposición. La

hipótesis

de

la

huelga

general

insurreccional

La hipótesis estratégica que nos sirvió de plomada en los años 70 es pues la del GGI opuesta la mayor parte del tiempo a las alternativas de maoísmo aclimatado y a las interpretaciones imaginarias de la Revolución cultural. Es de esta hipótesis que seríamos, según Antoine (Artous), en lo sucesivo "huérfanos". Habría tenido un cierto "carácter funcional" perdido hoy. Reafirma sin embargo la pertinencia siempre actual de las nociones de crisis revolucionaria y de doble poder, insistiendo en la necesaria reconstrucción de una hipótesis seria mucho más que relamerse de la palabra ruptura y de las escaladas verbales. Su preocupación se cristaliza sobre dos puntos. Una parte, Antoine Artous insiste en el hecho de que la dualidad de poder no podría situarse en total exterioridad de las instituciones existentes, y surgir repentinamente de la nada en forma de una pirámide de los soviets o de los consejos. Puede que hayamos cedido hace poco a esta visión más que simplificada por los procesos revolucionarios reales que estudiábamos detalladamente en las escuelas de formación (Alemania, España, Portugal, Chile, y la Revolución rusa misma). Dudo, en tanto cada una de estas

experiencias nos confrontaba con la dialéctica entre las formas variadas de autoorganización y las instituciones existentes parlamentarias o municipales. En cualquier caso, si tanto sostuvimos una visión tal, rápidamente fue corregida por ciertos textos[14]. En el mismo punto nos hallábamos enturbiados o golpeados en la época por la adhesión de Ernest Mandel a la "democracia mixta" a partir de un reexamen de las relaciones entre soviets y constituyente en Rusia. Es evidente en efecto, con más razón en países de tradición parlamentaria más que centenaria, donde el principio del sufragio universal está establecido sólidamente, no se podría imaginar un proceso revolucionario de otro modo sólo que una transferencia de legitimidad que consagrase la preponderancia al "socialismo por la base", pero en interferencia con las formas representativas. Prácticamente, evolucionamos sobre este punto, en la ocasión por ejemplo de la revolución nicaragüense. Podíamos impugnar el hecho de organizar elecciones "libres" en 1989, en un contexto de guerra civil y estado de sitio, pero no poníamos en causa el principio. Reprochábamos a los sandinistas la supresión del "consejo de Estado" que habría podido constituir una suerte de segunda cámara social y un polo de legitimidad alternativa ante el Parlamento elegido. Del mismo modo, a una escala más modesta, sería útil volver de nuevo sobre la dialéctica en Porto Alegre entre la institución municipal elegida por sufragio universal y los Comités del presupuesto participativo. Realmente, el problema planteado no es el de las relaciones entre democracia territorial y democracia de fabrica (el Municipio, el Soviético, la asamblea popular de Setubal eran estructuras territoriales) ni incluso el de las relaciones entre democracia directa y representativa (toda democracia es parcialmente representativa y Lenin no era partidario del mandato imperativo), sino de la formación de una voluntad general. El reproche generalmente dirigido (por los eurocomunistas o por Norberto Bobbio) a la democracia de tipo soviética contempla su tendencia corporativa: una suma (o una pirámide) de intereses particulares (de campanario, empresa, buró) que vinculados por mandato imperativo no podría lograr voluntad general. La subsidiariedad democrática tiene también sus límites: si los habitantes un valle se opone al paso de una carretera, es necesario una forma de centralización arbitral[15]. En el debate con los eurocomunistas, insistíamos en la mediación necesaria de los partidos (y sobre su pluralidad) para lograr propuestas sintéticas y contribuir a la formación de una voluntad general a partir de opiniones particulares. La segunda preocupación de Antoine (Artous), en su crítica del texto de Alex Callinicos particularmente, se refiere en el hecho de que su planteamiento transitorio se detendría en el umbral de la cuestión del poder, abandonado en un deus ex machina improbable o supuestamente resuelto por el ascenso espontáneo de las masas y la irrupción generalizada de democracia soviética. Si la defensa de las

libertades públicas figura en su programa, no habría en Alex ninguna reivindicación de tipo institucional (sufragio proporcional, Asamblea constituyente o única, democratización radical). En cuanto a Cédric Durand, concebiría a las instituciones como simples enlaces de las estrategias de autonomía y protesta, que puede muy bien traducirse en la práctica en un compromiso entre "la base" y el "arriba", es decir por un vulgar lobbying del primero sobre el segundo, dejándolo intacto. Hay en realidad, entre los protagonistas de la controversia de Critique communiste, convergencia sobre el corpus programático inspirado de La catástrofe inminente o el Programa de transición: reivindicaciones transitorias, política de alianzas (frente único[16]), lógica de hegemonía, y sobre la dialéctica (y no la antinomia) entre reformas y revolución. Así, nosotros nos oponemos a la idea de disociar y de fijar un programa mínimo ("antiliberal") y un programa "máximo" (anticapitalista), convencidos que un antiliberalismo consecuente acaba en el anticapitalismo, y que los dos son integrados por la dinámica de las luchas. Podemos discutir la formulación exacta de las reivindicaciones transitorias en función de las relaciones de fuerzas y de los niveles de conciencia existentes. Pero fácilmente nos pondremos de acuerdo sobre el lugar que tienen las cuestiones que se refieren a la propiedad privada de los medios de producción, de comunicación y de cambio, ejercer una pedagogía del servicio público, de la temática de los bienes comunes de la humanidad, o de la cuestión cada vez más importante de la socialización del saber (opuesta a la propiedad privada intelectual). Del mismo modo, estarán fácilmente de acuerdo en explorar las formas de socialización del salario por medio de los sistemas de protección social, para ir hacia la desaparición de salario. Por último, a la mercantilización generalizada, oponemos las posibilidades abiertas por la extensión de los ámbitos de gratuidad ("desmercantilización" pues) no solamente de los servicios también de algunos bienes de consumo necesarios. La cuestión espinosa del planteamiento transitorio es la del "Gobierno Obrero" o del "Gobierno de los trabajadores". La dificultad no es nueva. Los debates sobre el balance de la revolución alemana y del gobierno de Sajonia-Turingia, luego del quinto congreso de Internacional comunista, muestran la ambigüedad no resuelta de las fórmulas nacidas de los primeros congresos de la I.C. y el abanico de las interpretaciones prácticas a las cuales han dado lugar. Treint subrayaba en su informe que "la dictadura del proletariado no cae del cielo; debe tener un comienzo, y el gobierno obrero es sinónimo del principio de la dictadura del proletariado". Denuncia en cambio "la sajonización" del frente único: "el ingreso de los comunistas a un gobierno de coalición con pacifistas burgueses para impedir una intervención contra la revolución no era falsa teóricamente, pero gobiernos como el Partido laborista o el del Cartel de las izquierdas

hacen que "la democracia burguesa encuentre eco en nuestros propios partidos". En el debate sobre la actividad de la internacional, Smeral declara: "en cuanto a las tesis de nuestro congreso [de los comunistas checos] de febrero de 1923 sobre el gobierno obrero, estuvimos totalmente convencidos redactándolas que ellas estaban conformes a las decisiones del cuarto congreso. Fueron adoptadas por unanimidad". Pero "¿en qué piensan las masas cuando hablan de gobierno obrero?": "en Inglaterra, piensan en el Partido laborista, en Alemania y en los países dónde el capitalismo está en descomposición, el frente único significa que los comunistas y socialdemócratas, en lugar de combatirse cuando se pone en marcha la huelga, marchan codo a codo. El gobierno obrero tiene para estas masas el mismo significado, y cuando se utiliza esta fórmula imaginan un gobierno de unidad de todos los partidos obreros. Y Smeral prosigue: "¿en qué consiste la lección profunda de la experiencia sajona? Ante todo en esto: no podemos saltar de un solo golpe sin tomar impulso". Ruth Fisher le responde que en tanto que coalición de los partidos obreros, el gobierno obrero significaría "la liquidación de nuestro partido". En su informe sobre el fracaso del octubre alemán, Clara Zetkin afirma: "A propósito del gobierno obrero y campesino, no puedo aceptar la declaración de Zinoviev según la cual se trataría de un simple seudónimo, un sinónimo o dios sabe cual homónimo, de la dictadura del proletariado. Esto puedo ser justo para Rusia, pero no es lo mismo en los países dónde el capitalismo esta vigorosamente desarrollado. Allí, el gobierno obrero y campesino es la expresión política de una situación donde la burguesía ya no puede mantenerse en poder y donde el proletariado todavía no está en condición imponer su dictadura". Zinoviev define en efecto como "objetivo elemental del gobierno obrero" el armamento del proletariado, el control obrero sobre la producción, la revolución fiscal... Se podría seguir citando las distintas intervenciones. Quedaría la impresión de una gran confusión que es la expresión de una contradicción real y de un problema no resuelto, mientras que la cuestión se planteaba en relación a una situación revolucionaria o prerrevolucionaria. Sería irresponsable resolverla con un manual, válido para toda situación; podemos sin embargo despejar tres criterios combinados de modo variable de participación en una coalición gubernamental en una perspectiva transitoria: a) que la cuestión de tal participación se plantea en una situación de crisis o al menos de un ascenso significativo de la movilización social, y no en frío; b) Qué el gobierno en cuestión se haya empeñado en iniciar una dinámica de ruptura con la orden establecida (por ejemplo - más modestamente que el armamento exigido por Zinoviev - reforma agraria radical, "incursiones despóticas" en el dominio de la propiedad privada, la abolición de los privilegios fiscales, la ruptura con las instituciones - de la V República en Francia, los tratados

europeos, los pactos militares, etc.); c) finalmente que la relación de fuerza permita a los revolucionarios si no de garantizar el cumplimiento de los compromisos al menos de hacer pagar un fuerte precio frente a posibles incumplimientos. A la luz de un enfoque tal , la participación en el Gobierno Lula parece errónea: a) desde una decena de años, a la excepción del movimiento de los sin -tierra, el movimiento de masas estaba en retroceso; b) la campaña electoral de Lula y su Carta a los brasileños había anunciado el color de una política claramente social-liberal y había hipotecado con anticipo la financiación de la reforma agraria y el programa "hambre cero"; c) En fin la relación de fuerzas social , en el seno del partido, y en el seno del gobierno era tal, que con un semi-ministerio de la agricultura no era cuestión de sostener el gobierno "como la cuerda sostiene al ahorcado", mas bien como un cabello no podría sostenerlo. Dicho esto, teniendo en cuenta la historia del país, su estructura social, y la formación del PT, expresando al mismo tiempo oralmente nuestras reservas en cuanto a esta participación y al alertar a los camaradas sobre sus peligros, no hicimos una cuestión de principio, prefiriendo acompañar la experiencia para extraer con los camaradas el balance, más que de administrar lecciones "desde lejos"[17]. A

propósito

de

la

dictadura

del

proletariado

La cuestión del gobierno obrero nos devolvió inevitablemente a la de la dictadura del proletariado. Un congreso precedente de la Liga [la LCR francesa] decidió con una mayoría de más de los dos tercios suprimir la referencia en el texto de los estatutos. Era razonable. Hoy, el término de dictadura evoca mucho más las dictaduras militares o burocráticas del siglo XX que la institución venerable y romana del poder de excepción debidamente autorizado por el Senado y limitado en el tiempo. Marx vio en la Comuna de París "la forma finalmente encontrada" de esta dictadura del proletariado, es mejor pues evocar la Comuna, los Soviets, los consejos o la autogestión, que tomarse a una palabra fetiche que ha devenido en la historia en fuente de confusión. No nos hemos librado por tanto de la cuestión planteada por la fórmula de Marx y con la importancia que le daba en su carta célebre a Kugelmann. Generalmente, tendemos a investir en "la dictadura del proletariado" la imagen de un régimen autoritario y a ver allí un sinónimo de las dictaduras burocráticas. Para Marx, se trataba al contrario de la solución democrática de un viejo problema, de un ejercicio por primera vez mayoritaria (por el proletariado) del poder de excepción reservado hasta entonces para una elite virtuosa (comité de salvación pública - aunque el comité en cuestión haya terminado en una emanación de la Convención revocable por ella) o un "triunvirato" de hombres ejemplares[18]. Añadamos que el término de dictadura a menudo se oponía entonces al de tiranía

como expresión de la arbitrariedad. Pero la noción de dictadura del proletariado tenía también un alcance estratégico, a menudo recordada en el debate de los años setenta con ocasión de su abandono por la inmensa mayoría de los partidos (euro) comunistas. En efecto, quedaba claro para Marx que el nuevo derecho, expresando una nueva relación social, no podría nacer en la continuidad del derecho antiguo: entre dos legitimidades sociales, "entre dos derechos iguales, es la fuerza la que corta". La revolución implica pues un paso obligado por el estado de excepción. Lector atento de la polémica entre Lenin y Kautsky, Carl Schmitt tomo perfectamente lo que esta en juego distinguiendo la "dictadura comisario", cuya función en situación de crisis es preservar un orden establecido, y la "dictadura soberana" que instituye un orden nuevo por el ejercicio del poder constituyente[19]. Si, cualquiera que sea el nombre que se le de, esta perspectiva estratégica permanece, necesariamente emana una serie de consecuencias sobre la organización de los poderes, sobre el derecho, sobre la función de los partidos, etc. Actualidad e inactualidad de un planteamiento estratégico La noción de actualidad tiene una doble acepción: un sentido amplio ("la época de guerras y revoluciones"), y un sentido inmediato o coyuntural. En la situación defensiva donde se encuentra el movimiento social después de más de veinte años en Europa, nadie afirmará que la revolución sea de actualidad en este sentido inmediato. En cambio sería arriesgado, y no sin consecuencias, borrarla del horizonte de la época. Si es esta distinción que propone Francis (Sitel) en su contribución, prefiriendo, para evitar "una visión alucinada de los relaciones de fuerzas actuales", en "perspectiva actual", una "perspectiva en acto que instruye los combates presentes a las salidas necesarias de estos mismos combates", no esta allí la materia en litigio. Más discutible es la idea según la cual podríamos mantener el objetivo de la conquista del poder "como condición del radicalidad pero admitiendo que su actualidad está hoy por encima de nuestro horizonte". Él precisa que la cuestión gubernamental - ¿vista debajo de nuestro horizonte? - no está vinculada a la cuestión del poder, sino "a una exigencia más modesta" que consiste en "protegerse" de la ofensiva liberal. El cuestionamiento sobre las condiciones de participación gubernamental no entra entonces "por el porche monumental de la reflexión estratégica", sino "por la estrecha puerta de los partidos amplios". Se puede temer que el programa no sea necesario (o la estrategia) que comanda entonces la construcción del partido, sino la amplitud de un partido algebraicamente amplio que determina y limita el mejor de los mundos y de los programas posibles. Pero, a menos de caer en la clásica disociación del programa mínimo y el programa máximo, un "problema de orientación" no esta desconectado de la perspectiva estratégica. Y, si " amplio" es

forzosamente más generoso y más abierto que estrecho y cerrado, hay, en materia de partidos, amplios y amplios: las amplitudes del PT brasileño, del Linkspartei, del ODP, del Bloc des Gauches, de Rifondazione, etc., no son de la misma naturaleza. "Los desarrollos más sabios en materia de estrategia revolucionaria parecen muy etéreos, concluye Francis, comparado con la cuestión de: cómo actuar aquí y ahora". Ciertamente, esta máxima pragmática de buena calidad habría podido ser pronunciada en 1905, en febrero de 1917, en mayo de 1936, en febrero de 1968, reduciendo así el sentido de lo posible al sentido prosaico de lo real. El diagnóstico de Francis y su ajuste programático al nivel o debajo del horizonte no es tal sin implicancias prácticas. Desde que nuestra perspectiva no se limita a la toma del poder, sino se inscribe en un proceso más largo de "subversión de los poderes", habría que reconocer que "el partido tradicional (¿Tradicional designa aquí los partidos comunistas o más generalmente los partidos socialdemócratas orientados también a la conquista del poder gubernamental por las vías parlamentarias?) concentrado sobre la conquista del poder tiene que ajustarse a este mismo Estado", y, por consecuencia, a transmitir en su seno los mecanismos de dominación que minan la dinámica misma de la emancipación". Una dialéctica nueva tendría que inventar pues entre lo político y lo social. Ciertamente, y nos ocupamos en eso prácticamente y teóricamente rechazando también "la ilusión política" como "la ilusión social" o sacando conclusiones de las principales experiencias negativas pasadas (sobre la independencia de las organizaciones sociales hacia el Estado y los partidos, sobre el pluralismo político, sobre la democracia en el seno de los partidos). Pero el problema no reside tanto en la transmisión por un partido "conforme al Estado" de sus mecanismos de dominación, como en el fenómeno más profundo y mejor compartido de burocratización (arraigado en la división del trabajo) inherente a las sociedades modernas: afecta el conjunto de las organizaciones sindicales o asociativas. De hecho, la democracia de partido (por oposición a la democracia que se dice popular y plebiscitaria "de opinión") sería más bien, si no un remedio absoluto, por lo menos de los antídotos a la profesionalización del poder y a la "democracia de mercado". Es lo que se olvida demasiado a menudo viendo el centralismo democrático como la falsa nariz de un centralismo burocrático, mientras que una determinada centralización es la condición incluso de la democracia y no su negación. La conformidad señalada del partido con el Estado hace eco del isomorfismo observado (por Boltansky y Chiapello en El Nuevo espíritu del capitalismo) entre la estructura del mismo Capital y las estructuras subalternas del movimiento obrero. Esta cuestión de la sub-alternidad es crucial, y no se escapa ni se resuelve fácilmente: la

lucha por el salario y el derecho al empleo (también llamado "derecho en el trabajo") es una lucha subalterna (isomorfa) a la relación capital/trabajo. Hay detrás de esto todo problema de la alienación, del fetichismo, del reificación[20].Pero creer que las formas "fluidas", la organización en red, la lógica de las afinidades (opuesta a las lógicas de la hegemonía) escapan de esta subalternidad y de la reproducción de las relaciones de dominación releva un la ilusión grosera. Estas formas son perfectamente isomorfas a la organización moderna del capital informatizado, a la flexibilidad del trabajo, a la "sociedad líquida", etc. eso no significan que las formas antiguas de subordinación eran mejores o preferibles a estas formas emergentes, sino solamente que no se sale por calzadas reales de la red del círculo vicioso de la explotación y la dominación. Del

"partido

amplio"

Francis (Sitel) teme que las nociones "eclipse" o de "retorno" de la razón estratégica "significan el simple cierre de un paréntesis y una vuelta idéntica o a la recuperación de la cuestión en los términos dónde fue puesta por la tercera internacional. Insiste en la necesidad de "redefiniciones fundamentales", una reinvención, una "nueva construcción" la que necesita el movimiento obrero. Por supuesto. Pero, ninguna tabula rasa: "¡Siempre se vuelve a empezar a partir de la mitad!" (Deleuze-NdT.) ¡La retórica de la novedad no garantiza recaídas en lo viejo, lo más antiguo! También hay auténticos (en materia de ecología, en materia de feminismo, de guerra y en materia de derecho), muchas "novedades" de las que la época se alimenta, son sólo efectos de modas (que como toda moda se alimentan de citas de lo viejo), y reciclajes de viejos temas utopistas del siglo diecinueve y del movimiento naciente obrero. Las cuestiones son cuantiosas, pero en la medida de nuestros medios, intentamos - por el rodeo del Manifiesto ( de la LCR-NdT.) entre otros - aportar algunos elementos de respuesta a algunas de ellas, y nos gustaría que nuestros socios las tomasen. Teniendo - con razón - que recordar que reformas y revolución forman en nuestra tradición una pareja dialéctica, y no una oposición de términos mutuamente exclusivos (aunque las reformas puedan según las situaciones transcrecer en proceso revolucionario o al contrario oponérsele). Francis arriesga la predicción según la cual un "partido amplio se definirá como un partido de reformas". Puede ser. Posiblemente. Pero es una idea muy especulativa y normativa por anticipación. Y no es este sobre todo nuestro problema. No tenemos que poner el arado delante de los bueyes e inventar entre nosotros el programa mínimo (de reformas) para un "partido amplio" hipotético. Esto no es nuevo: participamos en la formación del PT (para construirlo y no en la óptica de táctica entrista) seguimos defendiendo nuestras posiciones; nuestros camaradas militan como corriente en Rifondazione; son parte involucrada del Bloc des

gauches en Portugal, etc. pero todas estas configuraciones son singulares y no podrían reunirse en las categorías rastreras del "partido amplio". El dato estructural de la situación abre indiscutiblemente un espacio a la izquierda de las grandes formaciones tradicionales (socialdemócratas, stalinistas, populistas) del movimiento obrero. Las razones son múltiples. La contrarreforma liberal, la privatización del espacio público, el desmantelamiento "del Estado social", la sociedad de mercado, aserraron (con su propia asistencia activa), la rama en la cual se basaba la socialdemocracia (así como la gestión populista en algunos países latinoamericanos). Los Partidos comunistas por otro lado sufrieron la repercusión de la implosión soviética al mismo tiempo que la erosión de sus bases sociales obreras conquistadas en los años treinta o en la Liberación (de posguerra), sin que las nuevas implantaciones tomen verdaderamente el relevo. Existe pues completamente lo que se llama a menudo "un espacio" de radicalidad que se expresa diversamente por la emergencia de nuevos movimientos sociales y de expresiones electorales (Linkspartei en Alemania, Rifondazione en Italia, Respetc en Gran Bretaña, SSP en Escocia, Bloc en Portugal, coalición rojo-verde en Dinamarca, extrema izquierda en Francia o en Grecia). Es lo que funda la actualidad de las recomposiciones y de los reagrupamientos. Pero este "espacio" no es un espacio (newtoniano) homogéneo y vacío que bastaría con ocupar. Es un campo eminentemente inestable de fuerzas, como lo testimonia espectacularmente la conversión en menos de tres años de Rifondazione, pasando del movimientismo lírico, al momento de Génova y Florencia[21], a la coalición gubernamental de Romano Prodi. Esta inestabilidad proviene de que las movilizaciones sociales sufren más derrotas que victorias, y de que el vínculo con la transformación del paisaje de la representación política queda muy distendido. En ausencia de victorias sociales significativas, la esperanza del "mal menor" ("¡todo salvo Berlusconi - o Sarkozy, o Le Pen!"), a falta de cambio real, se prorroga en terreno electoral donde el peso de las lógicas institucionales sigue siendo determinante (en Francia, la del presidencialismo plebiscitario y de un sistema electoral particularmente antidemocrático). Es porque la simetría del justo medio (a la moda ya con Felipe El Hermoso: ¡guarde usted a la derecha, guarde usted a la izquierda!) entre un peligro oportunista y un peligro conservador hay un engaño: ellos no pesan lo mismo. Si hay que saber tomar decisiones arriesgadas (el ejemplo más extremo es la decisión insurrecional de octubre), el riesgo, para no hacerse aventura pura y simple, debe ser medido y sus chances evaluadas. Nos embarcamos, es necesario apostar, decía a un gran dialéctico (Pascal- NdT.). Pero los turfistas saben que una apuesta a 2 contra 1 es un juego de mediocres, y que una apuesta a 1000 contra 1, si puede producir beneficio grande, es un golpe desesperado. El margen es entre los dos. La audacia también tiene sus razones.

La evolución de derecha a izquierda de corrientes como los expresadas por Rifondazione o la Linkspartei siguen siendo frágiles (o incluso reversibles) en razón misma de los efectos limitados de las luchas sociales sobre el campo de la representación política. Depende en parte de la presencia y el peso en su seno de organizaciones o tendencias revolucionarias. Más allá de datos comunes muy generales, las situaciones son muy diferentes según la historia específica del movimiento obrero (según entre otras cosas que la socialdemocracia es totalmente hegemónica o que subsisten partidos comunistas importantes) y las relaciones de fuerzas el seno de la izquierda: no se mueven determinados aparatos sólo por la ideología sino por también por las lógicas sociales, soplando en la oreja de sus dirigentes, sino modificando las relaciones reales de fuerzas. La perspectiva de una "nueva fuerza" sigue siendo una fórmula algebraica de actualidad (lo era para nosotros antes de 1989-91, y lo sigue siendo). Su traducción práctica no se deduce mecánicamente de fórmulas tan vagas y genérales como el Partido amplio o los reagrupamientos. Estamos solamente al principio de un proceso de recomposición. Es importante trabajar con una brújula programática y una mirada estratégica. Es una de las condiciones que nos permitirá encontrar mediaciones organizativas necesarias, de tomar riesgos calculados, sin lanzarse a cuerpo perdido en la aventura impaciente y sin disolverse en la primera combinación efímera que aparezca. Las fórmulas organizativas son en efecto muy variables, según se trate de un nuevo partido de masas (como el PT en Brasil en los años 80, pero este caso hipotético es poco probable en Europa), de rupturas minoritarias de una socialdemocracia hegemónica, o incluso de partidos que antes probablemente habríamos calificado de centristas (Rifondazione a principios de los años 2000) o de un frente de corrientes revolucionarias (como en Portugal). Esta última hipótesis sigue siendo por otra parte la más probable para países como Francia donde las organizaciones (PC, extrema izquierda) tienen una larga tradición y donde, a menos de un potente movimiento social (y aún!), se imagina mal la pura y simple fusión a corto o medio término. Pero, en todos los casos, la referencia a un bagaje programático común, lejos ser un obstáculo identitario a recomposiciones futuras, es al contrario su condición. Permite jerarquizar las cuestiones estratégicas y las cuestiones tácticas (en vez de rasgarse sobre tal o cual vencimiento electoral), de distinguir el zócalo político sobre la cual se unifica una organización de las cuestiones teóricas abiertas, de medir los compromisos que hacen de ir antes de y los que van detrás, de modular las formas de existencia organizativa (tendencia en un partido común, componente de un frente, etc.) según los socios y su dinámica. Señalemos solamente para memoria que cuestiones extremas en

relación a esta discusión no son abordadas, pero deberán serlo en reuniones posteriores. Previmos que el próximo encuentro anual del Proyecto K (en 2007) debería tratar, más allá del debate sobre "clases, plebes, multitudes", de las fuerzas sociales del cambio revolucionario, de sus formas de organización, de sus convergencias estratégicas. Esta cuestión tiene también una relación, más allá de la fórmula general del frente único, con la cuestión de las alianzas, por lo tanto con la evaluación de la sociología y las transformaciones de los partidos tradicionalmente cualificados "obreros", así como del análisis de las corrientes resultantes, en América Latina por ejemplo, de las formaciones populistas ---------------------------------------------------------------[1] Es lo que subrayaba, inmediatamente después de la victoria de "No" al referéndum constitucional francés, el artículo de Stathis Kouvélakis sobre "El retorno de la cuestión política". Ver Contretemps n°14, Textuel, Paris, septiembre de 2005. [2] Alex Callinicos, An anti-capitalist Manifesto, Polity Press, Cambridge, 2003 [3] No iré más lejos sobre este aspecto de la cuestión. Se trata de un simple recordatorio (ver a propósito las tesis propuestas al debate organizado por Das Argument). [4]

En

la

reunión

de

trabajo

preparatoria

de

Project

K

[5] En el sitio del ESSF (www.europe-solidaire.org), se encuentra disponible al francés el dossier completo del numero 179 de la Revista Critique Communiste de la LCR de Francia: los artículos de Antoine Artous, "Orphelins d'une stratégie révolutionnaire ?"; Alex Callinicos, "Qu'entend-on par stratégie révolutionnaire aujourd'hui" ; Francis Sitel, "Stratégie révolutionnaire : résurgences et cours nouveaux..." Guillaume Liégard, "Quelques réflexions sur la stratégie révolutionnaire" ; François Sabado, "Quelques éléments clés sur la stratégie révolutionnaire dans les pays capitalistes avancés", Cédric Durand, "Pour un nouveau modèle stratégique", entre otros [NdT]. [6] Quién, en su artículo de Critique Communiste 179 parece asignarnos una "visión etapista del cambio social" y "una temporalidad de la acción política centrada exclusivamente en la preparación de la revolución como instante decisivo" (a la cual él opone "un tiempo histórico altermundialista y zapatista"??!!). En cuanto a John Holloway, ver la crítica de su desarrollo en Cambiar el Mundo (Daniel Bensaïd, Madrid, Los libros de la catarata, 2004), en Planète altermondialiste (collectif, Textuel, 2006), y en los artículos de Contretemps [7] Ver el pequeño libro de Perry Anderson sobre Las antinomias de

Antonio

Gramsci,

México,

Fontanamara,

1998

[8] Ver a propósito de esto el libro de Giacomo Marramao, Il politico e il transformazioni, así como el folleto Stratégies et partis (La Breche). La teoría del derrumbe era sostenida por un sector ultra izquierdista de la III internacional [NdT]. [9] Ver también Diario de Revolución cubana de Carlos Franqui. [10] "La estrategia de la victoria", entrevista de Martha Harnecker. Interrogado sobre la fecha del llamamiento a la insurrección, Ortega responde: "porque se presentaba toda una serie de condiciones objetivas cada vez más favorables: la crisis económica, la devaluación monetaria, la crisis política. Y porque después de los acontecimientos de septiembre comprendimos que era necesario conjugar al mismo tiempo y en el mismo espacio estratégico el levantamiento de las masas a nivel nacional, la ofensiva de las fuerzas militares de la frente y la huelga nacional en la cual fue empeñado o qué aprobaba de hecho la patronal. Si no hubiéramos conjugado estos tres factores estratégicos de una misma vez y en el mismo espacio estratégico, la victoria no habría sido posible. Habíamos llamado muchas veces a la huelga nacional, pero sin conjugarlo con la ofensiva de las masas. Las masas ya se habían sublevado, pero sin que esto sea conjugado con la huelga y cuando la capacidad militar de la vanguardia era demasiado débil. Y la vanguardia ya le había llevado golpes al enemigo pero sin que los dos otros factores estén presentes". [11] Ver Dissidences, "Révolution, Lutte armée et Terrorisme", volumen 1, L'Harmattan, Paris, 2006. [12] Este es notablemente el tema de los textos recientes de Etienne Balibar. [13] El debate sobre la acción sin violencia en la revista teórica (Alternative) de Rifondazione, guarda estrecha relación con su curso político actual. [14] Mandel particularmente, en sus polémicas contra las tesis eurocomunistas. Ver su libro en la pequeña colección Maspero y sobre todo su entrevista en Critique communiste. [15] La experiencia del presupuesto participativo a la escala del Estado de Rio Grande do Sul ofrece muchos ejemplos concretos a propósito: de atribución de créditos, de jerarquía de prioridades, de repartición territorial de equipamientos colectivos, etc., [16] Aunque esta noción de frente único, o con más razón la de frente único antiimperialista, puesto al día por ciertos revolucionarios en América latina

[17] Lo que estaba aquí en juego, lo mismo que la orientación a tener Brasil, era una concepción de la Internacional y de su relación con las secciones nacionales. Pero es una cuestión que desborda el marco de este texto. [18] Ver Alessandro Galante Garrone, Philippe Buonarotti et les révolutionnaires du XIXe siècle, Paris, Champ Libre [19]

Ver

Carl

Schmitt,

La

Dictature,

Paris,

PUF.

[20] Sur le fétichisme, ver Jean-Marie Vincent, Antoine Artous... [21] Ver el libro de Fausto Bertinotti (en 2001!): Ces idées qui ne meurent jamais (Paris, Le temps des cerises), y la presentación critica de sus tesis (aparecidas en el momento del FSE de Florencia) en Un monde à changer (Daniel Bensaïd, Paris, Textuel 2003). Traducción de Julio Rovelli Lopéz

Estrategia y partido. Daniel Bensaid ESTRATEGIA Y PARTIDO Daniel Bensaïd Reproducimos el registro del curso de formación impartido por Daniel Bensaïd en el Campo de Jóvenes de la IVº Internacional en julio de 2007 en Barbaste (France). Los subtítulos son de la redacción de Inprecor. La palabra y la cuestión de la estrategia vuelven de nuevo en nuestros días. Ello puede parecer banal, pero éste no era el caso en los años ochenta y en los principios de los años noventa: entonces se hablaba, sobre todo, de resistencia y los debates sobre la cuestión estratégica prácticamente habían desaparecido. Se trataba de aguantar, sin necesariamente saber cómo se iba a salir de esa situación defensiva. Si se reinicia hoy un debate sobre los problemas estratégicos -ya se dirá de qué tratan éstos- es que la propia situación evolucionó. Para decirlo de manera simple: a partir de los Foros Sociales, la consigna de “otro mundo es posible” se convirtió en un slogan de masas o, en todo caso, una consigna extensamente difundida.

Las cuestiones que se plantean ahora son: ¿qué otro mundo es posible?, o: ¿qué otro mundo queremos? Y sobre todo: ¿cómo llegar a ese otro mundo posible y necesario? La cuestión de la estrategia es ésta: no se trata solamente de la necesidad de cambiar el mundo sino de encontrar la respuesta a la cuestión de cómo cambiarlo: ¿cómo llegar a cambiarlo? Observaciones preliminares Una primera observación: el vocabulario que trata de ‘estrategia’, ‘táctica’ e incluso, en la tradición de los camaradas italianos familiarizados con la obra de Gramsci, los conceptos de ‘guerra de desgaste’, de ‘guerra de movimiento’, etc., todo este vocabulario que se volvió parte del movimiento obrero a principios del siglo XX, se tomó prestado del lenguaje de los militares y, en particular, de los manuales de historia militar. Dicho esto, no debemos equivocarnos: desde el punto de vista de los revolucionarios, hablar de estrategia no es solamente hablar de confrontaciones violentas o confrontaciones militares con el aparato de Estado, etc., sino referir una serie de consignas, de formas de organización política, de una política que trata de transformar el mundo. Una segunda observación: la cuestión estratégica tiene dos dimensiones complementarias en la historia del movimiento obrero. Trata, de entrada, de la cuestión de cómo tomar el poder en un país. La idea de que la revolución comienza por la conquista del poder en un país, o en varios, pero en cualquier caso en naciones en las cuales se organizaron las relaciones de clases, las relaciones de fuerzas, a partir de una historia dada, a partir de conquistas sociales, a partir de relaciones jurídicas. Esa cuestión -la conquista del poder en un país, Bolivia, Venezuela, esperemos que el día de mañana sea un país europeo- sigue siendo una cuestión a la orden del día y una cuestión fundamental. Contrariamente a lo que pretenden algunas corrientes, como las inspiradas por Tony Negri en América Latina o en Italia, que piensan que la cuestión de la conquista del poder en un país es una cuestión pasada e incluso eventualmente reaccionaria, ya que mantiene las luchas en los cuadros nacionales, pensamos que la cuestión de la lucha por el poder comienza sobre el terreno de las relaciones de fuerzas nacionales, aunque cada vez más estrechamente combinada con la segunda dimensión de la cuestión estratégica: la de una estrategia a escala internacional, continental y hoy mundial.

Éste ya era el caso a principios del siglo XX -y era el sentido de la idea de la revolución permanente: comenzar a solucionar la cuestión de la revolución en uno o en varios países, aunque la cuestión del socialismo se planteaba inmediatamente por la extensión de la revolución a un continente y al mundo entero. Esa idea era fundamental para los revolucionarios de la generación de Lenin, Trotsky, Rosa Luxemburgo y lo es más aún para nosotros. Y es posible comprobar su vigencia: en Venezuela se puede nacionalizar el petróleo, tener una determinada independencia con relación al imperialismo, pero esta posibilidad tiene límites si no se extiende el proceso revolucionario a Bolivia, a Ecuador, y con un proyecto para toda América Latina de lo que es la revolución bolivariana. Tenemos pues este doble problema: tomar el poder en algunos países con el fin de que sirvan como trampolín para una extensión internacional de la revolución social. Una última observación introductoria: el problema de la estrategia revolucionaria responde a un verdadero reto, que no se soluciona en Marx. Si se considera que los trabajadores en general, la clase obrera, son mutilados física y también moral e intelectualmente por las condiciones de la explotación -y Marx describe esto en páginas y páginas de El Capital, que tratan de la degradación por el trabajo, de la ausencia de tiempos de ocio, de la imposibilidad de tener tiempo para vivir, leer, cultivarse…-, entonces se plantea la cuestión de cómo una clase que sufre una opresión total podría, al mismo tiempo, ser capaz de concebir y construir una nueva sociedad. Había en Marx la idea de que el problema se solucionaría de manera casi natural, que la industrialización de finales del siglo XIX crearía una clase obrera cada vez más concentrada, por lo tanto cada vez más organizada, cada vez más consciente, y que esta contradicción entre las condiciones de vida, donde es explotada, y la necesidad de construir un nuevo mundo sería regulada por una suerte de dinámica casi espontánea de la historia. Ahora bien, toda la experiencia del último siglo es que el Capital reproduce permanentemente las divisiones entre los explotados, que la ideología -dominante- domina también a los dominados, que no es solamente porque hay manipulación de la opinión por los medios de comunicación -que desempeñan un papel cada vez más importante, es verdad- sino que las condiciones de dominación y compromiso ideológico de los explotados encuentran sus raíces en las relaciones del propio trabajo, por el hecho de no ser propietarios de sus herramientas de trabajo, por no ser quienes deciden los objetivos de la producción, por ser -como lo decía Marx- instrumentos de las máquinas, más que sus amos. Todo eso hace que muchos fenómenos del mundo moderno se nos presenten, a los seres humanos que

somos, como potencias extrañas y misteriosas. Se nos dice: no es necesario hacer eso porque los mercados van a enfadarse, como si los mercados fueran personajes omnipotentes, como si el propio dinero fuera un personaje omnipotente, etc. No puedo desarrollar esta idea más, pero es importante decir que las relaciones sociales capitalistas crean un mundo de ilusiones, un mundo fantástico, que sufren también los dominados y del que deben liberarse. Esta es la razón por la cual las luchas espontáneas contra la explotación, contra la opresión, contra las discriminaciones, son necesarias. Ellas son, si se quiere, el combustible de la revolución. Pero las luchas espontáneas no bastan para romper el círculo vicioso de las relaciones entre el Capital y el trabajo. Es necesaria que intervenga una parte de conciencia, una parte de voluntad, un elemento consciente -la parte de la acción política, de la decisión política que es llevada por un partido. Pero un partido no es extranjero a la sociedad en la cual está inserto. Incluso en la organización más revolucionaria se padecen los efectos de la división del trabajo, se sufren los efectos de la enajenación -de la enajenación deportiva, por ejemplo, porque está a la orden del día este veranopero al menos una organización revolucionaria se da los medios para resistir colectivamente y para romper el hechizo, el encanto, de la ideología burguesa. ¿“Tomar” el poder? A partir de lo anterior, es necesario decir algunas cosas simples. Se nos pregunta: ¿Qué quiere decir ser revolucionario en el siglo XXI? ¿Están a favor de la violencia? En primer lugar, como decía el Presidente Mao, la revolución no es una cena de gala. El adversario es feroz, es poderoso, por lo tanto, la lucha de clases es una lucha y una lucha en muchos aspectos despiadada y no somos nosotros quienes así lo decidieron. Por ello existe una legítima violencia revolucionaria, a la que no es necesario rendir culto, porque no es lo que caracteriza para nosotros principalmente la revolución. Hasta se desearía ser pacífico y que se amaran los unos a los otros. Pero para ello es necesario, en primer lugar, crear las condiciones que lo permitan. Por eso, lo que define para nosotros una revolución es transformar el mundo, que, justamente, cada vez más, resulta más injusto y más violento. Y para cambiar el mundo es preciso pasar por la conquista del poder. ¿Pero qué quiere decir “tomar el poder”? No es apoderarse de una herramienta, no es alcanzar puestos, no es ocupar los aparatos del Estado.

Tomar el poder es: transformar las relaciones de poder y las relaciones de propiedad. Es hacer que el poder sea cada vez menos el de los unos sobre los otros para que sea, cada vez más, una acción colectiva y compartida. Y por eso es necesario cambiar las relaciones de propiedad -la propiedad privada de los medios de producción, de los medios de intercambio y, hoy cada vez más, la propiedad de los saberes (porque por medio de las patentes o la propiedad intelectual hay una privatización de los conocimientos que son un producto colectivo de la humanidad… llegando pronto a patentar genes, mañana las fórmulas matemáticas o las lenguas), privatización del espacio (hay cada vez menos espacio público: los camaradas mexicanos les contarán que en la ciudad de México las calles son privatizadas, y esto comienza a desarrollarse también en Europa), privatización de los medios de información, etc. Entonces, para nosotros, tomar el poder es cambiar el poder y para cambiar el poder es necesario cambiar radicalmente las relaciones de propiedad e invertir la tendencia actual a la privatización del mundo. ¿Cómo superar este dominio del Capital, que se reproduce casi naturalmente a través de la organización del trabajo, a través de la división del trabajo, a través de la mercantilización de los ocios, etc.? ¿Cómo salir de este círculo vicioso que hace finalmente adherirse a los oprimidos al sistema que los oprime? Durante la última campaña electoral oí a un obrero decir en la televisión en Francia: ¿“Cómo puede ser que los burgueses saben votar en función de sus intereses y que a menudo los trabajadores, o incluso una mayoría de ellos, votan por intereses que les son contrarios?” Es que, precisamente, están bajo la dominación de la ideología dominante. Entonces, ¿cómo salir de ese dominio? La respuesta de los reformistas fue apostar por la erosión de ese poder: con un poco más de organización sindical, un poco más de votos electorales, etc. Obviamente, todo eso es importante. El nivel de la organización sindical e incluso los resultados electorales son índices de las relaciones de fuerzas. En los países capitalistas desarrollados, que tienen ahora cerca de un siglo o más de un siglo de vida parlamentaria, no se pasará de un grupo de algunos centenares o millares de militantes al asalto del poder si no se construyen relaciones de fuerzas en el terreno sindical, social y también, incluso si está muy deformado, en el terreno electoral. Entonces, hay cambios. Pero la ilusión reformista es que, para retomar una fórmula que ya ha sido utilizada, la mayoría electoral terminará por incorporarse a la mayoría social y, en consecuencia, el cambio de la sociedad puede ser el resultado de un simple proceso electoral.

Todas las experiencias del siglo XIX y del siglo XX muestran lo contrario. Sólo hay posibilidades revolucionarias en ciertas condiciones relativamente excepcionales. Hay condiciones de crisis revolucionaria, de situación revolucionaria, donde se produce una verdadera metamorfosis, no simplemente un pequeño progreso sino una transformación súbita en la conciencia de centenares de millares y millones de gentes. Los últimos ejemplos en Europa fueron Mayo de 68 en Francia, el Mayo rampante italiano, 1974-1975 en Portugal… Se puede discutir si la situación era verdaderamente revolucionaria o en qué medida, etc. Se trata, en todo caso, de experiencias donde se ve que la gente, como se dice, aprende más en algunos días que en años y años de discusiones, de escuelas de formación, etc. Hay una aceleración en la toma de conciencia. Ritmos, auto-organización, internacionalismo

conquista

de

la

mayoría,

En primer lugar: toda concepción de estrategia revolucionaria debe partir de la idea de que hay ritmos en la lucha de clases, hay aceleraciones, hay reflujos, pero, sobre todo, existen períodos de crisis en los cuales las relaciones de fuerzas pueden transformarse radicalmente y poner realmente en la orden del día la posibilidad de cambiar el mundo, o, en todo caso, de cambiar la sociedad. En segundo lugar: examinamos ideas muy generales, como la de que en todas las experiencias revolucionarias, victoriosas o vencidas, que se puede examinar del siglo XIX o del siglo XX, desde la Comuna de París hasta la Revolución de los claveles (de Portugal), o a la experiencia de la Unidad Popular en Chile, en todas las situaciones de crisis más o menos revolucionaria, surgen formas de doble poder, es decir, órganos de poder exteriores a las instituciones existentes. Tales son los consejos de fábrica en Italia en 1920-1921, los soviets en Rusia, los consejos obreros en Alemania en 1923, los cordones industriales y los comandos comunales -es decir, las asociaciones de vecinos- en Chile en 1971-1973, las comisiones de moradores que ocupan las fábricas hasta la asamblea de Setubal en Portugal en 1975. Por lo tanto, en toda situación intensa de lucha de clase hacen su aparición órganos que llamamos de auto-organización, de organización democrática propia de la población y de los trabajadores, que opone su legitimidad a las instituciones existentes. Eso no quiere decir que es una oposición absoluta. Los bolcheviques combinaron durante todo el año de 1917 la reivindicación de una Asamblea Constituyente por sufragio universal con el desarrollo de los soviets. Hay una transferencia de legitimidad de un órgano a otro que no tiene nada de automático, es necesario hacer la demostración práctica de que los órganos de poder popular son más eficaces en

una crisis, son más democráticos, son más legítimas que las instituciones burguesas. Pero no hay situación revolucionaria real sin que aparezcan al menos elementos de lo que llamamos la dualidad del poder o un doble poder. En tercer lugar: resulta central la idea de la conquista de la mayoría como condición de la revolución. Lo que distingue a la revolución de un putsch o golpe de Estado es que la primera es un movimiento mayoritario de la población. Es necesario tomar al pie de la letra la idea de que la emancipación de los trabajadores es la obra de los propios trabajadores y que pese a lo determinados y valiente que sean los militantes revolucionarios, éstos no hacen la revolución en lugar de la mayoría de la población. En esto radica todo el debate de los primeros congresos de la Internacional Comunista, en particular del tercero y del cuarto, después del desastre de lo que se llamó la “acción de marzo” de 1921 en Alemania, una acción efectivamente golpista, minoritaria (a escala de la Alemania de la época, es decir, a pesar de que participaron cientos de millares de personas). Esto abrió un debate en la Internacional Comunista respecto a los que creían poder copiar de manera simplista a la Revolución rusa; se afirmó entonces que era necesario conquistar a la mayoría, no en el sentido electoral -no se trataba de ser legalistas diciendo que mientras no se tenga la mayoría en el Parlamento, no se puede hacer nada- pero sí como una legitimidad mayoritaria en las masas, lo que es una concepción diferente. Aquellos entre ustedes que puedan leer -siempre es útil leerla- la Historia de la Revolución rusa de Trotsky, verán cómo está atento incluso al menor movimiento en los municipios, en las elecciones locales, etc., en tanto que índices de lo que madura como posibilidad en las masas. La conquista de la mayoría se convirtió en el problema en la Internacional Comunista a partir del tercer congreso de 1921 e hizo aparecer los conceptos de frente único, demandas transitorias y más tarde, con Gramsci en particular, de hegemonía. Es decir, se trata de conquistar la hegemonía: la revolución no es simplemente la confrontación capital-trabajo en la empresa, es también la capacidad del proletariado de demostrar que otra sociedad es posible y que es éste la fuerza principal para construirla. Esta demostración se hace, en parte, antes de la toma del poder, porque si no es así es un mero salto en el vacío, es un salto de pértiga sin impulso o un golpe de mano, un putsch. Es por eso que las ideas de demandas transitorias y de frente único son herramientas para la conquista de la mayoría. Las demandas transitorias pueden parecer elementales. En Francia estamos muy contentos de la campaña de Olivar Besancenot, pero,

francamente, “SMIC a 1500 euros y una mejor distribución de las riquezas”, no son consignas muy revolucionarias; hace algunos años incluso habrían parecido muy reformistas. Parecen radicales hoy porque los reformistas ni siquiera hacen ya ese trabajo. Las consignas no tienen un poder mágico, no valen en sí mismas sino en una situación dada, como inicio de una toma de conciencia. Cuando se dice hoy que no se puede vivir decentemente en un país como Francia con menos de 1500 euros al mes, se ve a responder que eso no es realista: si se elevan los salarios, los capitales se van a ir. Eso plantea un nuevo problema: ¿cómo impedir que los capitales se vayan? Es necesario entonces atacar la especulación financiera, es necesario atacar la propiedad… El derecho al alojamiento plantea el problema de la propiedad de la tierra e inmobiliaria… Pues se trata de consignas que, en un momento dado, cristalizan los problemas que pueden ser comprendidos y que pueden ser una palanca de movilizaciones para millares o cientos de millares de personas, a partir de las cuales se pueden hacer demostraciones pedagógicas, progresivas, en la acción y no solamente en el discurso, de lo que es la lógica del sistema capitalista y por qué incluso demandas tan elementales y tan legítimas chocan de frente con la lógica del sistema. Esta discusión puede parecer elemental hoy. Pero en los debates de la Internacional Comunista aquellos que querían copiar a la Revolución rusa avanzaban la consigna de armar al proletariado… Sí, por supuesto, si se quiere resistir al enemigo, es necesario llegar a eso. Pero antes de llegar allí, es necesario, en primer lugar, que esté operando toda una toma de conciencia que parta de demandas más elementales, como la escala móvil de salarios, de la división del tiempo de trabajo, etc., etc. Estas cosas que son banales para nosotros distaban mucho de ser compartidas, y fueron objeto de debates muy violentos y muy duraderos en la Internacional Comunista. Y en torno a estas demandas, que se sienten como necesarias y vitales por la mayoría de las personas, se propone la unidad más amplia a todos los que están dispuestos a luchar seriamente por ellas. Es esta la razón por lo que las demandas transitorias están vinculadas al problema del frente único. Se sabe muy bien que los reformistas no irán hasta el final. Se sabe muy bien que cederán al chantaje y que si el Capital lanza un ultimátum, capitularán. Sin embargo, el camino que se habrá hecho tendrá un valor de demostración pedagógica a los ojos de los que quieren realmente luchar hasta el final por las necesidades vitales, las necesidades culturales, los derechos a la vida, a la salud, a la educación, al alojamiento, etc., y a partir de allí se puede avanzar.

En cuarto lugar, porque no pensamos que la revolución pueda conseguir una sociedad más igualitaria en un solo país, cercado por el mercado mundial, desde el principio tenemos la preocupación de construir relaciones de fuerzas internacionales favorables. El hecho de construir un movimiento internacional -una Internacional de ser posible, y también redes, una izquierda anti-capitalista europea, los encuentros de la izquierda revolucionaria en América Latina, etc.- es parte del programa, no es un mero instrumento técnico, es la traducción práctica de una visión política sobre la dimensión internacional de la revolución. Dos hipótesis estratégicas y no un modelo En lo que resta abordaré los últimos puntos. En primer lugar, se nos pregunta si acaso tenemos un modelo de sociedad. No tenemos un modelo de sociedad. No se puede decir al mismo tiempo que la emancipación de los trabajadores será la obra de los propios trabajadores y pretender tener en nuestro equipaje los planes con las dimensiones de la ciudad futura, etc. Tenemos, en cambio, la memoria de una serie de experiencias de luchas, revoluciones, victorias y derrotas, que podemos llevar, transmitir y no dejar que se borren. Lo que tenemos no es un modelo de sociedad pero sí las hipótesis de una estrategia revolucionaria. Para los países capitalistas desarrollados, en donde los asalariados constituyen la gran mayoría de la población activa, se trabaja con la idea estratégica de una huelga general insurreccional. Para algunos eso puede parecer una idea del siglo XX, incluso del siglo XIX, pero eso no quiere decir que la revolución tomará forzamiento la forma de una huelga general perfecta, de una huelga general con piquetes armados y que será insurreccional. Eso quiere decir, más bien, que nuestro trabajo se organiza en esa perspectiva, que a través de luchas y huelgas locales, huelgas regionales y huelgas de ramas, se intenta familiarizar a los trabajadores con la idea de la huelga general. Esto es muy importante, porque en una situación de crisis es eso lo que puede permitir que espontáneamente haya una reacción de masa en ese sentido. En Chile, en el momento del golpe de Estado de Pinochet en septiembre de 1973, el Presidente Allende, que disponía aún de la radio, no llamó a la huelga general. Si hubiera existido un trabajo metódico, sistemático, en esta dirección, habría estallado una huelga general espontánea con ocupación de las fábricas, que quizá no habría impedido el golpe de Estado pero en cualquier caso lo hubiera vuelto mucho más difícil. Y una lucha que se pierde en la batalla, se recupera siempre más rápidamente que una lucha que se pierde sin

dar batalla. Es una norma casi general de todas las experiencias del siglo XX. Trabajar con la idea de una huelga general no es proclamarla permanentemente sino hacer madurar la idea, para que se convierta casi en un reflejo de respuesta del mundo asalariado ante una agresión patronal, ante un golpe de Estado, ante una represión antidemocrática. El levantamiento de julio de 1936 en Cataluña y en España contra el golpe de Estado, habría sido difícilmente concebible sin el trabajo previo, sin la experiencia de Asturias en 1934, sin el trabajo del POUM y los anarquistas, etc. Trabajar con una perspectiva de huelga general no quiere decir que se le proclama estúpida y abstractamente en todo momento, sino que se le intenta unir con todas las experiencias de lucha que ya son habituales, se familiariza con la idea, se cultiva como reflejo en el movimiento obrero. Una insurrección no es forzosamente la insurrección de Octubre vista de manera lírica por la película de Eisenstein -no lo es, incluso si es magnífica; la insurrección puede consistir en cosas muy simples: formar un piquete de autodefensa en una huelga, el trabajo en el ejército, formar Comités de soldados cuando había reclutamiento en Francia o Portugal, etc., es decir: todo lo que desorganiza las fuerzas de represión de la burguesía. Tales son, pues, los hilos conductores que nos permiten vincular las luchas diarias, incluso más modestas, y el objetivo que perseguimos. Actualmente muchos camaradas en Italia, en Francia y yo creo un poco por todas partes, insisten en la necesidad de organizaciones independientes de los partidos sociales liberales, socialdemócratas, etc. Pero, ¿por qué se quieren organizaciones independientes? Porque perseguimos otro objetivo, porque tenemos una idea de hacia dónde queremos ir. Sabemos que con participar en un gobierno burgués junto con los socialdemócratas se podría quizá ganar una pequeña reforma pero nos alejaríamos de nuestro objetivo en vez de acercarnos a él, y con eso aumentaría la confusión y la falta de claridad. Evidentemente, si no tenemos el criterio para determinar qué objetivo queremos avanzar y si no se tiene al menos, si no la respuesta definitiva, sí una idea sobre la manera de avanzar, entonces vamos a ser sacudidos por el menor cambio en la situación táctica, por la menor decepción electoral, por cualquier derrota, etc. Para construir de manera duradera es necesario tener una idea precisa de los objetivos, de las estrategias y las tácticas. Probablemente la revolución nos sorprenderá. Las revoluciones futuras nunca serán la simple repetición de las últimas revoluciones, simplemente porque las sociedades no son ya las mismas.

Repito a menudo que estamos un poco en la situación de los militares: ellos aprenden en las escuelas de guerra a partir de las batallas del pasado, pero las nuevas batallas nunca serán las mismas; es por eso que se dice que los militares están siempre retrasados en la guerra. Pero nosotros corremos siempre el riesgo de estar retrasados con respecto a la revolución. Incluso los más revolucionarios son sorprendidos por ella. Los bolcheviques, a pesar de su reputación, se dividieron en el momento de pasar a la insurrección en Octubre. Ninguna organización revolucionaria es un partido de acero, monolítico… La prueba última será cuando la ocasión se presente. La cuestión del partido El último punto que quiero abordar es el de la cuestión del partido. Esta no es una mera cuestión técnica: si se tiene una estrategia, se va a construir una herramienta para llevarla a cabo. La cuestión del partido forma parte de la cuestión estratégica. Intentar imaginar una estrategia sin partido, es como un militar que tiene en sus manos las cartas del estado mayor y los planes de guerra, pero sin tener tropas ni ejército. Sólo hay estrategia realmente si hay, al mismo tiempo, la fuerza que la lleva a cabo, que la encarna, que la traduce día a día en la práctica, etc. Aquí radica toda la diferencia entre la idea del partido en los grandes partidos socialdemócratas antes de 1914 y la de Lenin (hoy día Lenin no es muy popular, incluso en la izquierda y en la propia izquierda radical, pues aparece como autoritario, etc., y creo que hay allí una gran injusticia, pero no es el tema hoy). ¿En qué cambió Lenin, de manera revolucionaria, la idea del partido? Para los grandes partidos socialdemócratas su tarea era esencialmente pedagógica, una tarea de educador, fundada sobre la concepción de una suerte de lógica espontánea del movimiento de masa en la que el partido aportaba ideas, con escuelas muy interesantes, etc. Para retomar la fórmula de un famoso dirigente socialdemócrata de antes de 1914, el partido no tenía que preparar una revolución. La idea de Lenin es lo contrario: el partido no debe limitarse a acompañar y esclarecer la experiencia de las masas, sino que debe tomar iniciativas, proponer objetivos de luchas, lanzar consignas que correspondan a una determinada situación y, en un momento dado, ser capaces de orientar la acción. Para resumirlo en una fórmula: la idea que dominaba en la Segunda Internacional, en su gran época, era la de un partido pedagogo o educador; a partir de Lenin y la Tercera Internacional, la idea es la

de un partido estratega, un partido que organiza las luchas proponiendo sus objetivos y que puede, por otra parte, organizar y limitar las derrotas, preparando la retirada cuando fuera necesario. Hay un episodio famoso: una derrota, porque era una derrota la sufrida por los trabajadores de Petrogrado y Moscú en julio de 1917, habría podido ser definitiva si no hubiera habido el partido para organizar la retirada y reanudar luego las iniciativas. Por ello, el partido no es una herramienta cualquiera. Es indisociable del programa y del objetivo que nos fijamos. En fin, y quizá sea la última palabra en lo que concierne al partido, tenemos otra cosa que decir al respecto. No se trata simplemente, para nosotros, de un partido de lucha, combate, acción, etc., se trata de un partido democrático, pluralista. A veces entre nosotros es un defecto, hay excesos, manías de formar tendencias, etc. A veces es útil, a veces lo es menos… Sin embargo, y a pesar de los inconvenientes, ganamos mucho porque el pluralismo en la organización significa que no tenemos una verdad definitiva y que hay un intercambio permanente entre el partido que queremos construir y las experiencias del movimiento de masas. Y como estas experiencias son diversas, esta diversidad puede traducirse en tal o cual momento también en forma de corrientes en nuestras propias filas. Pero existe otra razón a su favor: si se está por una sociedad pluralista, si se considera que existe la posibilidad de una pluralidad de partidos, incluida una pluralidad de partidos que se reclaman del socialismo, si ésta es una de las consecuencias sacada de la experiencia del estalinismo, entonces es necesario que de una determinada manera desarrollemos la democracia en nuestras propias organizaciones, en nuestras organizaciones de juventud, en nuestras secciones de la Internacional y también en la práctica que intentamos aplicar en los sindicatos y en las organizaciones. La democracia es necesaria desde ya, porque es eficaz para las luchas, porque la unidad no va sin la democracia, porque si queremos construir frentes amplios contra Sarkozy o contra cualquier otro, es necesaria también para que las distintas visiones del mundo puedan reconocerse. Pues la democracia es una condición y no un obstáculo para la unidad. Y es también una cultura democrática que servirá para el futuro, porque la burocracia y la burocratización no es solamente el estalinismo. Algunos se imaginan que el asunto de la burocracia ha terminado con el fin del estalinismo. ¡No!

Lo que produce la burocracia no es el partido o, como algunos dicen hoy, “la forma partido”, sino la división social del trabajo, la desigualdad. Las organizaciones sindicales, las organizaciones asociativas no son menos burocráticas que los partidos, a menudo lo son aún más, porque hay intereses materiales. Las organizaciones no gubernamentales en el Tercer mundo, que viven de subvenciones de la Fundación Ford o de la Friedrich Ebertschiftung, en gran parte también se burocratizan y a veces se corrompen. No es la forma de organización la que crea la burocracia. Las raíces de la burocracia están en la división del trabajo entre trabajo intelectual y manual, en la desigualdad ante el tiempo libre, etc., etc. Por tanto, la democracia tanto en la sociedad como en nuestras organizaciones es la única arma que tenemos contra ella. Hoy esto es muy importante, y quiero terminar estas reflexiones con ello. La gente tiene una visión de que un partido es un alistamiento, es militar, es la disciplina, es la autoridad, es la pérdida de su individualidad, etc. Yo pienso exactamente lo contrario. Hoy no se es libre solo, no se es brillante de manera asilada, no se despliega la individualidad sino en una organización de lucha colectiva. Y si se toman las recientes experiencias políticas, los partidos, con todos sus inconvenientes, con sus riesgos de burocratización -incluidos nuestros pequeños partidos- son, a pesar de todo, la mejor forma para resistir a formas todavía peores de burocratización, de corrupción por el dinero. Porque se está en una sociedad donde el dinero está por todas partes y corrompe todo. ¿Cómo resistir en una sociedad así? No por la mera moral, sino por una resistencia colectiva a la potencia del dinero. Además, se tiene también frente a nosotros, y a veces es el mismo poder, el poder de los medios de comunicación. Los medios de comunicación tienden a quitar a las organizaciones sociales y a las organizaciones revolucionarias de sus propias palabras y de sus propios portavoces. Hay un mecanismo de cooptación del personal político por los medios de comunicación. Son las cadenas de televisión las que deciden: aquél tiene una buena cabeza, éste refleja bien la luz, aquélla es más bien simpática, etc. Los fabrican. Nosotros queremos conservar el control de nuestra palabra y de nuestros portavoces. No creemos en el salvador supremo ni en los individuos milagrosos. Sabemos que lo que hacemos es el resultado de una experiencia y de un pensamiento colectivo. Ésta es una lección de responsabilidad y de humildad. El peso de los medios de comunicación en nuestras sociedades sólo des-responsabiliza a la gente. Cuánto gente defiende en la televisión una idea completamente excéntrica y una semana más tarde pasan a otra cosa, sin nunca tener que explicarse, o tener que rendir cuentas sobre lo que dijeron.

Lo que dicen nuestros portavoces, como Francisco Louça en Portugal, Olivar Besancenot en Francia o Franco Turigliatto en Italia, lo hacen siendo responsables frente a centenares y millares de militantes. No son individuos que hablan según sus caprichos o lo que sienten en el momento; ellos hablan en nombre de una colectividad y tienen responsabilidades frente a los militantes que los eligieron. Eso es para nosotros una prueba de democracia. Contrariamente a lo que se dice, los partidos políticos tal como los concebimos -sin tomar en cuenta a los grandes aparatos electoralesconstituimos la mejor resistencia justamente democrática en un mundo que los es muy poco y es uno de los eslabones, una de las partes de lo que entendemos por estrategia revolucionaria. ■

Traducción: Andrés Lund Medina Entrevista inédita a Daniel Bensaïd "La hipótesis de un 'leninismo libertario' sigue siendo un desafío de nuestro tiempo”

Jorga Sanmartino Democracia Socialista

El siguiente reportaje fue realizado por Jorge Sanmartino con motivo de la visita de Daniel Bensaïd a nuestro país en abril de 2006.

-Jorge Sanmartino: En la conferencia que diste en Buenos Aires, en la sede de CLACSO, mencionaste que la globalización no elimina los paradigmas con los cuales pensamos la política pero sí sacude todo el sistema de conceptos de la modernidad abierta en el siglo XVII. ¿En qué medida estos conceptos han sido reformulados, o mejor dicho, qué debemos reformular y qué consecuencias tiene para la lucha de clases socialista?

-Daniel Bensaïd: Sólo quería destacar la amplitud del cambio de época. Desde la caída del Muro de Berlín y la desintegración de la URSS, los historiadores hablan mucho del “corto siglo XX”, como si simplemente se hubiera vuelto a cerrar un paréntesis abierto por la Primera Guerra Mundial y la Revolución Rusa y acabado con lo que ellos consideran “el fin del comunismo”. Esta periodización permite tratar a Marx y a su herencia como un perro muerto, presentando el retorno a los filósofos liberales del siglo XVII -Hobbes, Locke- o a Tocqueville y a los “padres fundadores” de Estados Unidos como la última palabra de la filosofía política. Es notorio además que los ‘90 estuvieron marcados en el debate intelectual, al menos en Europa, por la vuelta de tuerca de esta filosofía que intenta reducir la política a una moral de gestión rechazando la carga conflictiva de la cuestión social. Alain Badiou lo subrayó mucho en ¿Podemos pensar la política? (1985) y en su Metapolítica (1998), así como lo hizo Jacques Rancière en Al costado de lo político. En realidad el problema es mucho más profundo. Lo que trastorna la globalización es el conjunto del paradigma político de la modernidad tal como se constituyó y se sistematizó, de la Revolución Inglesa de Cromwell a la Revolución Francesa: los conceptos de soberanía, territorio, frontera, pueblo, nación, derecho internacional interestatal y guerras nacionales se articularon para proporcionar el marco del pensamiento político. Hay una ilustración muy interesante de esto en el curso de Foucault sobre Seguridad, territorio y población, que se refiere justamente a este período. Lo importante es que las políticas -revolucionarias- de subversión del orden establecido utilizaron prácticamente el mismo dispositivo conceptual dándolo vuelta: ciudadanía pero social, soberanía pero popular, liberación del territorio, socialismo estatal o nacional, etc. Es totalmente banal en las relaciones de subalternidad, tal como Gramsci las entendió bien. Pero es también lo que determinó las grandes hipótesis estratégicas resultantes de las experiencias de las revoluciones rusa, china, vietnamitas, así como de las derrotas de las revoluciones alemana y española de los años 20 y 30. La huelga general insurreccional -hipótesis de Octubre- tiene por desafío la toma de la sede de un poder oficial centralizado: la capital, “cabeza” de la nación, transformada en Comuna. No solo la de París en 1871, sino también la de Petrogrado en 1917, Hamburgo en 1923, Barcelona en 1937, etc. La “guerra popular prolongada” tiene por desafío la liberación de un territorio como desenlace de un doble poder institucionalizado territorialmente. Se trata obviamente de “modelos” límite o de ideales-tipo cuya realidad presenta siempre variantes híbridas, y es por eso que prefiero el término más flexible -por estar sujeto a la prueba de la práctica- de hipótesis estratégicas. Ahora bien; desde el inicio del contraataque y la contrarreforma liberal -los años de Thatcher y Reagan-, el debate estratégico parece haber caído a su grado cero -lo que yo llamo un eclipse de la razón estratégica- en favor, por un lado, de las retóricas estoicas de la

resistencia: “mantenerse”, no ceder, seguir siendo fiel, ante lo inaceptable, incluso si no se cree más en otro mundo posible. Y por otro lado, en favor de lo que yo llamo una teología del milagro circunstancial: Badiou y, bajo formas más moderadas, Holloway o Negri. Es justamente porque las categorías en las cuales se teorizaron las últimas experiencias revolucionarias, sin ser completamente permitidas, y sobre todo sin ser sustituidas, se tornan insuficientes para pensar el presente de la política. No tomaré más que dos ejemplos. Toda estrategia implica cuestiones de espacio y de tiempo, y de relación entre ambos -lo que resumía bien la fórmula de Mao: ceder espacio para ganar tiempo-. Desde hace dos siglos, las clases antagónicas se enfrentan principalmente, no exclusiva pero sí principalmente, en un espacio estratégico común que es el espacio nacional delimitado por sus fronteras y centralizado por un Estado. Por supuesto, vivimos desde hace tiempo una pluralidad de espacios: hogar, barrio o pueblo, región, nación, continente y mundo. Pero entre estos espacios había hasta cierto punto uno dominante: el nacional. Contrariamente a lo que tienden a decir Negri y Hardt, ese espacio no desapareció. Pero si por un lado se imbrica cada vez más estrechamente a espacios continentales o mundiales, a la vez se disgrega por las llamadas políticas de descentralización. Además los distintos estratos sociales de la población tienden a evolucionar en espacios de representación y representaciones del espacio diferentes: si las élites europeas que siguen el curso de la Bolsa de Tokio y Nueva York y circulan habitualmente por los aeropuertos internacionales tienen una experiencia vivida del espacio europeo o mundial, es probable que jóvenes relegados en los guetos de suburbio y surgidos de una reciente inmigración vivan en otra dimensión de espacio. En particular, no es seguro -dada la crisis del sistema escolar y la precariedad masiva- que ellos conciban el espacio nacional como una referencia concreta o que el espacio europeo sea algo más que un espacio monetario: su espacio vivido está más probablemente encuadrado entre el horizonte limitado del barrio o la ciudad y el espacio imaginario del país de origen -que la mayoría no conoció y al que no volverán- o de un espacio también imaginario de una comunidad religiosa. Definir un espacio estratégico común, en el cual el nivel nacional sigue siendo probablemente el eslabón decisivo, supone entonces una especie de escala móvil de los espacios estratégicos que articulan estrechamente las acciones a nivel local, nacional e internacional, más todavía de lo que los articulaba la teoría de la revolución permanente, aun siendo pionera en la materia. Por eso, habiendo más o menos asimilado al pensamiento revolucionario los conceptos de no contemporaneidad, contratiempo o discordancia del tiempo, me parece hoy igualmente necesario

pensar la producción y la discordancia de los espacios. Los trabajos de Lefebvre o David Harvey pueden ayudarnos a eso. El segundo ejemplo a debatir, aunque habría otros, sería el del “sujeto revolucionario”. No pretendo aquí -lo intenté en otros lugares- tratar sobre la pluralidad y la unidad estratégica de los movimientos sociales, sino más bien de la representación en términos de sujeto, categoría también involucrada en lo que yo llamo el paradigma político de la modernidad surgido, entre otras cosas, con el ego cartesiano. Esta categoría es en cierta medida solidaria de la psicología clásica y de su vínculo con la política: la ciudadanía, la conciencia cívica, la opinión del elector, etc. En realidad los grandes sujetos del cambio revolucionario -sobre todo las tres P mayúsculas: Pueblo, Proletariado y Partido- fueron fantasmas como grandes sujetos colectivos, en consecuencia con una discutible dialéctica del en sí y el para sí, del consciente y el inconsciente. El problema hoy debería plantearse de otro modo: cómo de una multiplicidad de protagonistas que pueden reunirse por un interés negativo común -de resistencia a la mercantilización y privatización del mundo-, hacer una fuerza estratégica de transformación sin recurrir a esta dudosa metafísica del sujeto. No obstante, aclaro que para mí la lucha de clases no es una forma de conflicto entre otras, sino el vector que puede atravesar los otros antagonismos y superar los límites de clan, capilla, raza, etc. Abordé estos temas en Cambiar el Mundo, editado en español. Todo esto para decir que el nuevo ciclo, aún balbuceante, iniciado desde hace una quincena de años, no reclama un retorno a las filosofías políticas pre (o contra) revolucionarias -incluso la vuelta a las Luces, cuando se opone su humanismo abstracto a la Revolución Francesa y al Terror, puede volverse reaccionaria-, sino una profundización y ampliación del legado de Marx, cuya actualidad es la del propio Capital, a la prueba de la globalización capitalista. Como decía Derrida: no hay futuro sin Marx; ¡con, contra, o más allá, pero no sin él! Esto no significa un peregrinaje religioso a las fuentes de un marxismo original, sino que no se pensará el presente sin pasar por allí; tan cierto es -como repetía Deleuze- que “se reinicia siempre por el medio”. -JS: ¿Cómo deberíamos pensar una “escala móvil de espacios estratégicos” y qué asociación puede hacerse con el concepto de la reformulación espacio-temporal estudiada por David Harvey? -DB: Ya hice referencia a la utilidad que pueden tener a este respecto los trabajos de Harvey. Pero pienso que se trata de sacar las consecuencias políticas. Tomaré un ejemplo de esta escala móvil un poco misteriosa si uno se queda en las generalidades, en el caso de Francia y Europa. Creo, a diferencia de Negri, como lo dije en la

pregunta anterior, que el eslabón nacional sigue siendo importante ya que el Estado-nación se debilita pero no desapareció. Sigue estructurando las relaciones de fuerzas sociales: el mercado laboral sigue segmentado nacionalmente y no tiene la fluidez de la circulación de las mercancías y capitales. Estas relaciones de fuerza están en parte incluidas en relaciones jurídicas -derechos sociales, sistemas de protección social, código laboral- determinadas por las historias nacionales y las luchas sociales correspondientes. Por otra parte, incluso si una parte creciente del derecho es producida a nivel europeo, son aún los Estados los que deben decidir, por unanimidad en la mayoría de cuestiones o por mayoría cualificada. Asimismo más del 90% del derecho internacional sigue siendo un derecho de tratados, o sea un derecho interestatal, en ausencia de poder constituyente o legislativo supranacional. Así, si el referéndum sobre el Tratado Constitucional Europeo -en efecto, es un tratado ratificable por los Estados- hubiera tenido lugar por mayoría en un espacio europeo común, es probable que el Sí al Tratado liberal hubiese ganado y sido ley para todos los países miembros, incluso aquellos como Francia u Holanda donde el No era mayoritario. En cambio la victoria del No en Francia y Holanda revela -más que provoca- una crisis del proyecto liberal de la construcción europea, modifica la relación de fuerza, deslegitima las políticas liberales y puede servir de palanca o de aliento a la lucha en países vecinos cuya población percibía el Tratado sin entusiasmo como una fatalidad a la cual resignarse. El nivel nación sigue siendo entonces importante, sobre todo como punto de apoyo para la defensa de conquistas sociales, y no es inevitablemente “nacionalista” o chauvinista” como parecía creer Negri. Al contrario: en Francia, el “No de izquierda” superó al “No de derecha” oponiéndose a él, en particular, sobre la cuestión de la inmigración, la solidaridad con los indocumentados, contra la guerra en Irak y oponiendo un proyecto de Europa social y democrática a la Europa liberal. Pero al mismo tiempo, cuando se trata de formular, más allá de la “defensa de las conquistas sociales”, propuestas transicionales de contraofensiva -sobre los servicios públicos, la moneda común, las políticas presupuestarias, la armonización de los derechos sociales, las políticas ecológicas, etc.- es preciso tomar la iniciativa al menos a nivel europeo, ya que es a este nivel que hoy se puede iniciar eficazmente una reactivación económica y social, un ordenamiento ecológico del territorio, una red de transportes públicos, una política de energía, etc. A la vez, hay que oponer a la descentralización liberal competitiva en las regiones -que transfieren las cargas presupuestarias en materia de educación o equipamientos sociales a las provincias-, una descentralización autogestionaria y democrática. Lo mismo sobre cuestiones como las políticas de salud, los acuerdos sobre medio ambiente y hasta los temas militares.

Efectivamente, la discordancia de los espacios no se refiere a una escala política sino a la disociación de distintas funciones espaciales. Retomemos el espacio de la Unión Europea. Existe un espacio institucional -Comisión de Bruselas y Parlamento de Estrasburgo-, un espacio judicial y policial -llamado de Schengen-, uno e incluso varios espacios militares -la OTAN y también los pactos intra europeos-, un espacio jurídico -el Tribunal de Luxemburgo-, sin hablar de las “cooperaciones reforzadas” que asocian un número variable de países socios en función de los temas en cuestión. Estos distintos espacios no se superponen. En cada caso cubren conjuntos territoriales diferentes y asocian socios estatales diferentes. Por eso creo, aunque el nivel de los Estados nacionales sigue siendo determinante en la cadena de poderes, que debemos acostumbrarnos a una clase de gimnasia estratégica para intervenir simultáneamente a estos distintos niveles y establecer las alianzas estratégicas correspondientes desde el punto de vista de los oprimidos. -JS: En los últimos años han tenido una importante repercusión dos espacios teóricos muy diferentes. Uno se refiere a lo que se denomina genéricamente el autonomismo, que ha hecho hincapié en la idea de la “dispersión del poder”, el anti-poder y la celebración idealizada de la espontaneidad desorganizada y horizontal. El otro, revaloriza la acción política como momento del acontecimiento contingente. El posmarxismo en particular estructura su teoría mediante espacios articulatorios discursivos constitutivos de hegemonías, pero rechazan algún anclaje social para sus prácticas articulatorias. ¿Qué espacios quedan entre el territorio espontáneo y anti-estatal del autonomismo, y la política sin anclajes sociales o condicionantes estructurales, expresados tanto en el acontecimiento inesperado y acondicionado de Badiou, como en el anteriormente mencionado “pluralismo contingente” de Laclau? -DB: A menudo escribí, sobre todo en polémicas acerca de los libros de Negri y Holloway, que en esas retóricas del antipoder -o de cambiar el mundo sin tomar el poder- hay más bien la señal de una dificultad o una impotencia que de un comienzo de solución. La “dispersión de los poderes” tiene una parte, pero solo una parte de verdad, en la medida en que la fórmula abarca una multiplicación de las formas, lugares y relaciones de poder. Pero en esta dispersión todos los poderes no son equivalentes: el poder del Estado y el poder de la propiedad no se disuelven en las redes -o rizomas- de poderes, y siguen siendo los desafíos estratégicos centrales. Además, mientras que estos discursos sobre la espontaneidad, la acción descentralizada y una “lógica de las afinidades” opuesta a la “lógica de la hegemonía” -tema de un reciente libro de Richard Day publicado en Canadá-, la sociedad líquida contra la sociedad sólida, etc, pretenden superar las trampas de la hegemonía del capital sobre

las formas de oposición de los dominados, en realidad los movimientos flexibles en red no hacen más que reflejar de nuevo la organización flexible y reticular del capital globalizado. Más allá de tu pregunta sobre Badiou -he publicado en un reciente número de Contretemps una nota crítica hacia él sobre este tema -, creo que dos tipos de problemáticas filosóficas expresaron valientemente, desde los ‘80, una negativa a capitular y a someterse al clima -liberal- del momento. Por una parte, un imperativo categórico de resistencia (en Francia, autores inspirados por Foucault como Françoise Proust y yo mismo si se observan los títulos de algunos de mis libros: Elogio de la resistencia al clima del momento, Teoremas de la Resistencia, Resistencias. Ensayo de topología general). Por otro lado, una apuesta sobre el acontecimiento no condicionado, surgido de la nada, a la luz de milagros, que me parece presente en Badiou incluso si él intenta atenuar esa observación. Además muchos textos de Negri o Badiou tienen un tono claramente teológico. Lo importante es que si el acontecimiento surge de la nada, si nada lo anuncia ni lo prepara, si no hay más que subjetividades post y no-pre-acontecimientos, entonces todo pensamiento y organización estratégica resultan imposibles. No queda más que “la fidelidad al acontecimiento” una vez producido éste. JS: En tu libro Marx Intempestivo reconsiderás los temas fundamentales que Lenin abordara sobre las crisis nacionales, las oportunidades decisivas y en fin rescatás la política como arte frente al determinismo social o la filosofía de la historia. ¿En qué medida ese hincapié imprescindible para revalorizar la vigencia de la acción política revolucionaria no debilita la política en tanto espacios de poder cotidianos? Me explico: la moda de las políticas contingentes, atemporales, imprevistas, descuidan hasta extinguir las disputas de poder que todo acto cotidiano de la lucha de clases atraviesa. Rancière, por ejemplo, rechazando la idea de que “todo es política”, considera que la dominación del capital en la vida cotidiana entra en la esfera de las normas de gobierno, pero no de la política propiamente dicha. En el campo del marxismo, ¿no tenemos el peligro de despolitizar las fuerzas y dispositivos de poder permanentes, resaltando sobre todo los momentos decisivos y las coyunturas revolucionarias? Después de todo, sólo una acumulación de fuerzas sociales y políticas de largo plazo, la educación política y la constitución de hegemonía según Gramsci pueden resolver favorablemente una crisis revolucionaria intempestiva. ¿Cómo conjugar la acumulación paciente de campos políticos de fuerza con la irrupción violenta de la crisis revolucionaria?

-DB: Tu pregunta es enorme y plantea muchos -demasiadosproblemas al mismo tiempo. 1. La fórmula de Benjamin según la cual “desde ahora la política precede a la historia” está, en su brevedad, llena de consecuencias mayores. Elimina en efecto una concepción determinista de la historia, o una forma secularizada de predestinación hacia un paraíso reencontrado. Si la política precede a la historia, el resultado de la lucha nunca está dicho de antemano. El presente no es un simple eslabón de la cadena temporal que emanaría necesariamente del pasado y prepararía un futuro igualmente necesario: es un momento, plenamente político, de decisión entre varios posibles. De ahí la importancia del acontecimiento. Pero éste no es un milagro caído del cielo (del “Vacío”, según Zizek o Badiou): se inscribe en un campo de posibilidades históricamente determinadas. Por eso el concepto de crisis, a diferencia del “Vacío”, es un concepto estratégico esencial que articula lo necesario y lo contingente, las condiciones históricas y el acontecimiento impredecible, etc. Como lo destacaba pertinentemente Gramsci: no se puede prever más que la lucha y no su desenlace. 2. De allí se desprende la respuesta sobre la relación o vínculo entre el movimiento y el fin, entre la lucha diaria y el objetivo estratégico de la lucha por el poder. Cuando Rancière y Badiou hablan de escasez de la política, en oposición a “la policía” de la gestión ordinaria -Rancière- o a la institución que sea -Badiou, así como opone la verdad, que es precisamente del orden de la revelación circunstancial, al conocimiento-, reducen la política a momentos excepcionales, iluminaciones intermitentes, que vuelven difícilmente concebible la acción permanente cotidiana, la acumulación de fuerzas, la acción sobre las relaciones de fuerzas, en resumen la articulación entre estrategia y táctica. Prueba de esto es por ejemplo, en Badiou, la oposición de principio a toda participación electoral, mientras que si bien es cierto que el terreno electoral es tramposo no por eso es menos constitutivo de las relaciones de fuerzas de conjunto. Marx a veces coquetea, a su estilo y en un contexto muy diferente, con esta concepción intermitente de la política reservada a momentos de ascenso del movimiento social o de crisis abierta (1848-1852, 1864-1872). Por eso es que en los períodos de reflujo, disuelve las organizaciones que se han vuelto nidos de intrigas mezquinas: la Liga de los Comunistas y luego la Primera Internacional. Se puede decir que su pensamiento, extraordinario en su potencia crítica del orden existente, permanece en estado embrionario -en relación al estado naciente del movimiento obrero en su época- a nivel estratégico: El 18 Brumario, los textos sobre La Comuna… La “revolución en la revolución” es Lenin, pensador de la continuidad política y organizativa entre el movimiento y el objetivo final. Sobre este punto, te remito a mi artículo sobre la política como

arte estratégico en Cambiar el Mundo. Es él quien sistematiza los conceptos de crisis revolucionaria, doble poder y el partido como operador estratégico. Los debates de la Tercera Internacional sobre el frente único y las reivindicaciones transitorias -y el aporte decisivo de Trotsky sobre estos temas- y la problemática de la hegemonía en Gramsci se inscriben directamente en este legado. 3. Me preguntás “cómo combinar la acumulación paciente de fuerzas políticas con la irrupción violenta de la crisis revolucionaria”. Es nuestro problema. No hay recetas ni “manuales de uso”. Sería necesario aquí hacer intervenir la sociología de las organizaciones. Toda organización genera sus rutinas y sus conservadurismos, sus formas más o menos desarrolladas de burocratización. Podemos encontrar formas de resistirlo, pero no escapamos totalmente ya que son efectos del fetichismo, la enajenación y la división del trabajo que caracterizan a las sociedades en las cuales luchamos. Y se lucha siempre en concreto, y en parte en las condiciones de los sectores dominantes. Por eso la pregunta “cómo de nada hacer todo” es también riesgosa. El discurso revolucionario más intransigente no garantiza nada sobre el comportamiento, ante situaciones críticas, de quienes lo sostienen. Como prueba están las divisiones del Partido Bolchevique y sus cuadros más combativos en el momento de la decisión de Octubre. 4. Al mismo tiempo, sin la experiencia colectiva acumulada ni la educación de una red de cuadros, etc., el Lenin de las Tesis de Abril y la insurrección no hubiera podido sostener la decisión contra la inercia y la rutina de los “cuadros” formados en la acción clandestina. La crisis es un cambio de ritmo brutal. Por eso hablo del partido como de una “caja de velocidades”. -JS: El neoliberalismo con su globalización planetaria se parece mucho a lo que Marx describió en el Manifiesto Comunista. En estas nuevas circunstancias quizás las condiciones de la lucha revolucionaria sean distintas que en el pasado. Vos dijiste que el pensamiento estratégico desapareció de la agenda en el movimiento de la izquierda. ¿En qué condiciones deberíamos pensar hoy la revolución? ¿Sobre qué bases podemos pensar la idea de ruptura, que sea capaz de aprender las experiencias del pasado y conservar la idea de pluralidad como esencia de la capacidad revolucionaria de la clase trabajadora? Pienso sobre todo en “los peligros profesionales del poder”, en el hiper-politicismo autoritario del estalinismo, que instrumentó desde los soviets hasta la ideología socialista en función de sus intereses de casta. En resumen, ¿cómo conjugar la lucha de poder y la aspiración libertaria que Lenin expresara en textos como El Estado y la Revolución? A la vez, ¿cómo pensar la política revolucionaria

cuando la globalización reconstruye terrenos mundializados de acción política? -DB: También es una pregunta enorme y múltiple. 1. Yo no dije que el pensamiento estratégico “desapareció” del orden del día: hablé de un “eclipse” de la razón estratégica desde, digamos, los ‘80. ¿Cómo superarlo? Para eso será necesario acumular nuevas experiencias fundantes. Ninguna respuesta surgirá del cerebro fértil de algún genio. Basta pensar en el tiempo que hizo falta y en las experiencias acumuladas -1848, La Comuna, 1905, 1917, la Revolución Alemana de 1918-1923, la República de los Consejos de Baviera, etc.- para que tome forma la problemática estratégica de la Tercera Internacional. Ahora bien; no estamos más que al inicio de un nuevo ciclo en un nuevo contexto. Ya se ve, bajo el efecto de las situaciones en Venezuela y Bolivia, el balance -negativo- del gobierno de Lula y la explosión de 2001 en Argentina, que el debate se reaviva. 2. La retórica un poco hueca de Holloway, por ejemplo, parece ya en parte muy fija y envejecida. En todo caso, no permite siquiera entrar en la discusión concreta de las situaciones presentes. El giro de “la otra campaña” zapatista, cualquiera sea su resultado inmediato, es otro indicio de esta reactivación de las cuestiones políticas de orientación, tanto a nivel nacional -qué hacer en Bolivia o Venezuela en el contexto concreto de las relaciones de fuerza mundiales-, como qué alternativa continental al ALCA, etc. 3. Vos planteás más ampliamente la cuestión de la propia idea de revolución. La palabra evoca una historia larga y compleja. En parte se inscribe en el paradigma político de la modernidad que yo citaba: concepción dinámica de la aceleración, la nueva semántica de los tiempos analizada por Koselleck y el vínculo con la idea de progreso. Entonces se vuelve problemático cuando el paradigma mismo es quebrantado. Por eso me parece útil distinguir diferentes contenidos evocados por el concepto de revolución. 4. Lo más general es la aspiración milenaria a otro mundo -mejorposible y un levantamiento contra la injusticia y la desigualdad. El objetivo revolucionario es la expresión, en el marco de la modernidad, de esta gran esperanza de larga data. Está cargada de un contenido más concreto durante el siglo XIX con el nacimiento de los movimientos socialistas, como lo prueba sobre todo la distinción establecida por Marx, desde Sobre la cuestión judía (1844), entre “la liberación solamente política” o cívica (la revolución política) y “la liberación humana” (o social), así como los revolucionarios franceses de la época oponían el tema de la República Social al de la mera República, que puede ser una República reaccionaria o colonialista. Este contenido programático de la revolución social se cristaliza, a

través de las diferencias entre corrientes libertarias, socialistas o comunistas, en torno a la cuestión de la propiedad y la apropiación social -cooperativa, autogestionaria, nacionalizada- como alternativa al despotismo del mercado y la propiedad privada. Este tema sigue siendo más actual que nunca e incluso abarca desde la problemática de las empresas y servicios públicos hasta las cuestiones cruciales de los bienes comunes de la humanidad y la propiedad intelectual. En mi opinión, es el punto clave y el contenido que caracteriza a una política revolucionaria hoy y que da sentido a la palabra revolución, mientras que nuestros adversarios quieren hacerlo un sinónimo de violencia. La tercera dimensión más específicamente estratégica, de las formas de luchas por el poder, de la palabra revolución hoy está oscurecida tanto por los avatares del siglo XX como por las consecuencias de la globalización. Sobre este punto hay que observar “el movimiento real de abolición del orden existente”, las nuevas formas que surgen de la lucha de los oprimidos, etc. Nadie había imaginado la Comuna antes de la Comuna, los Soviets antes de los Soviets, los Consejos Obreros de Turín o las Milicias de Cataluña antes de su aparición. Esta es precisamente la fuerza de innovación del acontecimiento a la cual los revolucionarios deben seguir estando atentos y abiertos. Por otra parte, aunque no es éste el lugar para abordarlo demasiado superficialmente, habría un debate específico importante sobre la violencia revolucionaria y la violencia social a la luz de las pruebas del último siglo. 5. Con respecto a la burocratización, ya mencioné anteriormente la cuestión de los “peligros profesionales del poder”. Hoy tenemos la ventaja de saber que existen y de conocer mejor sus mecanismos para también intentar evitarlos mejor. Para nosotros las relaciones entre movimientos sociales independientes de los partidos y Estados, y organizaciones políticas, quedan más claras. Son las cuestiones de democracia sindical y también democracia en el seno de los partidos. De aquí en adelante consideramos el pluralismo político como un principio, conclusión a la que Trotsky mismo en verdad no llegó más que en La Revolución Traicionada. Más en general, la cultura democrática progresó y se apoderó de los nuevos medios de comunicación que permiten, en particular, romper el monopolio de los aparatos centralizados -políticos o sindicales- sobre la información. La diversidad de los movimientos sociales y el impacto del feminismo sobre el conjunto de la sociedad y la cultura juegan a nuestro favor. Eso no significa que no siga habiendo una tensión inevitable entre las lógicas de poder y las exigencias de la autoemancipación, entre lo colectivo y el individuo, entre la norma mayoritaria y el derecho de las minorías, entre el socialismo por la base y un grado necesario de centralización y síntesis. Es decir, la hipótesis de un “leninismo libertario” sigue siendo un desafío de nuestro tiempo. Fuente original: http://www.democraciasocialista.org/?p=2562

La política como estrategia Autor(es): Bensaïd, Daniel Daniel Bensaïd avril 1972 Revolución socialista y contrarrevolución burocrática I. Marx y la revolución permanente en Rusia En los años 1870, el movimiento revolucionario ruso se interroga acerca del futuro y de la naturaleza de su revolución. Una “intelligentsia” privada de sus raíces de clase por el raquitismo de una burguesía nacional sin vigor histórico, se enfrenta a la autocracia zarista. Su aislamiento social la empuja frecuentemente al terrorismo desesperado ; pero al mismo tiempo, esta “intelligentsia” siente que la situación no podrá ser resuelta realmente más que por una de las clases sociales fundamentales. Se forman entonces varias corrientes. Una se pone a remolque de una burguesía débil, esperando poder imprimirle la audacia necesaria para hacerse con el poder. Otra, atraída por un campesinado potente en número y en tradición, desemboca en el populismo, confiando en este campesinado para mantener a raya las crueldades del capitalismo naciente. La clase obrera, todavía en sus comienzos, no aparece en absoluto como polo social suficientemente sólido para ponerse a la cabeza del movimiento. No obstante y por los canales de la emigración, el debate rebasa los propios círculos de la “intelligentsia” revolucionaria rusa. Solicitado por Vera Zasulitch, Marx aporta su contribución. La famosa carta que dirige a aquella tiene nada menos que cuatro borradores, En el tercer borrador, traza con claridad las características del proceso evolutivo de la comuna agrícola de tipo ruso. “1. Todas las demás comunidades descansan sobre las relaciones de consanguinidad entre sus miembros. No se entra en la misma, a manos de ser pariente natural o adoptado. Su estructura es la de un árbol genealógico. Las “comunas agrícolas” fue el primer agrupamiento social de hombres libres no ligados por los lazos de la sangre”. “2. En la comuna agrícola, la casa y su complemento, los corrales, pertenecen como propiedad particular al campesinado. La casa común y la habitación colectiva formaban, por el contrario, la base económica de las comunidades más primitivas, y esto ya mucho tiempo antes de la introducción de la vida de pastoreo o agrícola. Es

cierto que se encuentran comunas agrícolas donde las casas, aunque hayan dejado de ser lugares de habitación colectiva, cambian periódicamente de propietario. El usuario individual se combina así con la propiedad común. Pero estas comunas llevan aún su marca de nacimiento : se encuentran en estado de transición desde una comunidad más arcáica a la comuna agricola propiamente dicha. “3. La tierra cultivable, propiedad inalienable y común, se distribuye periódicamente entre los miembros de la comuna agrícola, de modo que cada uno explota por su propia cuenta los campos que le han sido asignados, y se apropia por tanto de los frutos en forma privada. En las comunidades más primitivas, el trabajo se realiza en común y el producto común, salvo la parte alícuota reservada a la reproducción, se reparte a medida de las necesidades de consumo. Se comprende que el dualismo inherente a la constitución de la comuna agrícola puede dotarla de una vida vigorosa. Emancipada de los lazos, fuertes peto estrechos, del parentesco natural, la propiedad común del suelo y las relaciones sociales que de ella se derivan, le garantizan un cimiento sólido, al mismo tiempo que la casa y los corrales, dominio exclusivo de la familia individual, el cultivo parcelario y la apropiación privada de sus frutos, dan una salida a la individualidad, incompatible con (la estructura) el organismo de las comunidades más primitivas. “Pero no resulta menos evidente que, con el tiempo, este mismo dualismo puede convertirse en gérmen de descomposición. Dejando aparte todas las influencias malignas que le llegan de afuera, la comuna lleva en su propio seno sus elementos disolventes. La propiedad privada de los bienes raíces se ha introducido ya en forma de una casa con sus corrales, que puede transformarse en plaza fuerte desde la cual se prepara el ataque contra la tierra común. Así ha sucedido ya. Pero lo esencial es el trabajo parcelario como fuente de apropiación privada. Da lugar a la acumulación de bienes muebles, por ejemplo animales, dinero, y a veces incluso esclavos o sirvientes. Esta propiedad mueble, incontrolable por la comuna, sujeta a modificaciones individuales, donde la astucia y el accidente tienen un buen campo de juego, pesará más y más sobre toda la economía rural. He aquí cómo se disuelve la igualdad económica y social primitiva. Introduce elementos heterogéneos, que provocan en el seno de la comuna conflictos de intereses y pasiones que servirán para hacer mella primero en la propiedad común de las tierras cultivables, seguidamente en la de los bosques, la de los pastos, eriales, etc., que una vez convertidos en anexos comunales de la propiedad privada, a la larga se incorporarán a ella.” Pero desde el primer borrador, Marx, admitía ya la posibilidad de que la sociedad rusa se ahorran la etapa capitalista y sus sufrimientos. Veía en la contemporaneidad internacional de la comuna agrícola y del desarrollo industrial de los países capitalistas mas desarrollados,

el presupuesto para esta posibilidad. En efecto, la combinación del trabajo colectivo de la tierra con las técnicas más avanzadas de explotación del suelo (abonos químicos, máquinas agrícolas, etc.) permitían de entrada que un trabajo colectivo alcanzara una productividad más elevada que la de la empresa capitalista en el campo : “Yo respondo : porque en Rusia, gracias a una combinación de circunstancias únicas, la comuna rural, establecida todavía escala nacional puede desprenderse gradualmente de sus caracteres primitivos y desarrollarse directamente como elemento de la producción colectiva a escala nacional. Es justamente gracias a la contemporaneidad con la producción capitalista por lo cual puede apropjarse de todos los demás adelantos positivos, sin pasar por sus peripecias (terribles) horrorosas,” La posibilidad que existía para Rusia de quemar la etapa capitalista, no es una simple hipótesis tardía de Marx. Tres años antes defendía ya firmemente esta idea en una polémica con Mijailovsky, refiriéndose a esta cuestión. “He llegado a este resultado : si Rusia continúa por el camino seguido desde 1861, perderá la mejor ocasión que la historia haya ofrecido jamás a un pueblo, para sufrir todas las peripecias fatales del régimen capitalista”. Finalmente, prolongando la reflexión de Marx, en 1894 Engels reafirma las condiciones políticas de un avance acelerado de la revolución socialista en Rusia. Trata ante todo de la combinación entre la revolución rusa y una revolución proletaria en un país desarrollado, lo cual le permitiría a aquella beneficiarse, en el marco de una colaboración interncionalista, de los últimos descubrimientos tecnológicos : “Tendrá la comuna rusa una suerte diferente y mejor ? Esto no puede depender de ella sola, sino exclusivamente de la circunstancia de haber sobrevivido con determinado vigor en un país europeo, hasta una época en que ya no es principalmente la producción mercantil, sino su forma más desarrollada y última, la producción capitalista, la que ha entrado en Europa occidental en contradicción con las fuerzas productivas que ella misma ha creado ; y donde estas contradicciones internas y los conflictos de clase correspondientes la llevan a la ruina. Resulta de ello que la comuna rusa no puede salir de su estado por sí sola, sino únicamente en unión con el proletariado industrial de Occidente. La victoria del proletariado sobre la burguesía en la Europa Occidental ;, la sustitución – ligada a ello – de la producción capitalista por la producción socialmente dirigida, ésta es la premisa necesaria para elevar la comuna rusa al mismo nivel”.

Dos ideas surgen pues forzosamente de estos textos : – la idea, todavía no sistematizada, del desarrollo desigual y combinado, que hace posible el transcrecimiento de la revolución burguesa en revolución socialista ; – la idea de que la condición para este transcrecimiento es de orden internacional, es decir que se basa en la combinación entre la revolución rusa y una victoria revolucionaria en un país capitalista desarrollado de Europa occidental. He aquí el marco estratégico de la revolución permanente según Trotsky, y de la estrategia internacional desarrollada por Lenín y Trotsky en los primeros Congresos de la Internacional Comunista. No hay nada sorprendente en ello si pensamos que a Trotsky, que convivió durante varios años en Londres con la propia Vera Zasulitch, le debían ser familiares estas tesis de Marx. II. De la revolución rusa a la estalinización El fenómeno de degeneración y de burocratización del estado obrero soviético no se debe a la malevolencia o a una traición deliberada por pacte de la dirección del PCUS ; sino que se inscribe en la contradicción fundamental que debe superar una sociedad en transición, temporalmente aislada en el plano internacional, y cuyo nivel de desarrollo sigue siendo muy inferior al de las grandes potencias capitalistas. En efecto, en la Rusia de comienzos de siglo, la burguesía, todavía débil pero ya con el proletariado pisándole los talones, es incapaz de desembarazarse del estado autocrático zarista y de su murocracia parasitaria. De este modo hace posible el transcrecimiento de la revolución democrática burguesa en revolución proletaria. Pero la clase obrera se encuentra, por ello mismo, confrontada con dos tareas simultáneas : para tener la fuerza de acabar con el viejo orden feudal, decide aliarse a la masa aplastante del campesinado, apenas emancipado de la servidumbre, O sea que tan sólo realizando para el campesinado las tareas de la revolución democrática burguesa – “la tierra para los campesinos !” – es como el proletariado industrial sella su alianza revolucionaria con el mismo. Pero el proletariado se compromete, al mismo tiempo, a asumir y dirigir dos procesos revolucionarios combinados, que se sobreponen y a veces se contradicen : cumplir a la vez con las tareas dejadas por la revolución burguesa abortada y con las de la propia revolución proletaria. No se trata aquí de un problema abstracto y formal, sino de una realidad social apremiante, pues tan sólo conservando el apoyo de las masas campesinas es como el estado obrero podrá resistir los asaltos de la contrarrevolución. Trotsky subrayó claramente, en su Historia de la Revolución Rusa, que los soviets de

soldados, que tuvieron un papel decisivo a partir de la insurrección, en el fondo no eran otra cosa que soviets de campesinos vestidos de uniforme. Su agrupación en el ejército de campesinos desarraigados de sus tierras, les permitirá actuar colectivamente ; éste fue también el caso del Octavo Ejército de Marcha en China. Al distribuir la tierra a los campesinos, el proletariado acelera el desarrollo de la propiedad privada y de las relaciones capitalistas en el campo. Asienta de este modo su poder sobre un terreno minado, esperando a corto plazo el relevo por una revolución proletaria victoriosa en un país capitalista desarrollado, lo cual le proporcionaría el meso social necesario para resolver, en beneficio suyo, la contradicción subsistente entre los dos procesos desencadenados. La crisis del imperialismo en guerra, la existencia de una clase obrera concentrada y combativa, la presencia de una vanguardia experimentada y curtida, convertían a Rusia en un eslabón débil, propicio a la victoria ce la revolución. En cambio, el aislamiento en el cual quedó confinada la revolución rusa por las derrotas de los proletariados húngaro y alemán, ponían en peligro su futuro. La burocratización del PCUS y del estado soviético no fue, en este contexto, ni un hecho propio de la fatalidad ni el resultado de un complot. Es resultado más que nada de la desmovilización y de la pasividad obrera consiguientes a la sangría de la guerra civil, a la decepción nacida de las dificultades económicas. La muerte de Sverdlov, tuberculoso, no es más que un índice de las precarias condiciones de salud compartidas con grandes masas de la población. Resulta útil, para comprender la amplitud del fenómeno, recordar que en 1919 los efectivos del PCUS se habían evaluado en 250 000 miembros, de los cuales sólo un 10% pasaba de los 40 años y un 50% tenía menos de 30 años ; el 8% solamente eran miembros del P.C. antes de la revolución. Pero un 70% ocupaba funciones de autoridad en el partido o en los servicios del Estado. En 1921, los efectivos habían pasado a 730 000 miembros, de los cuales un 57% eran analfabetos. Este fenómeno social masivo de adhesión al partida en el poder, en un contexto de retroceso y de aislamiento internacional, de dificultades económicas internas y de atraso cultural, engendrará con tanta mayor seguridad una burocracia en cuanto que la vanguardia ha quedado diezmada y que los recién llegados a la revolución aspiran a un descanso y a vivir mejor. Las Memorias de un bolchevique leninista [1] dan cuenta de este lento proceso, con una sinceridad y una ingenuidad conmovedoras. Ante esta situación, dos eran los problemas centrales que se planteaban a los dirigentes soviéticos :

– resolver la tensión interna entre el mercado capitalista arraigado en el campo, y la planificación económica apoyada en la apropiación colectiva de los principales medios de producción ; – romper el aislamiento, desarrollando, gracias a la Internacional Comunista, una estrategida revolucionaria internacional. Estos dos problemas están íntimamente ligados. Resulta evidente, por ejemplo, que las soluciones económicas avanzadas por la oposición de izquierda, no pretendían resolver el problema de la construcción del socialismo en un sólo país. Permitían dominar las contradicciones, ligándolas con una estrategia internacional alternativa a los zig-zags oportunistas de la dirección estaliniana. 1. El primer gobierno soviético tenía en 1917 objetivos económicos limitados ; el acento estaba puesto en : – la instauración del control obrero sobre los medios de producción, entendiéndose esta fase como un aprendizaje indispensable para el poder obrero ; – una banca nacional única ; – la abolición de las deudas al extranjero ; – la nacionalización del suelo y del subsuelo, y la distribución de la tierra a aquellos que la trabajaran. Pero la intervención extranjero, el sabotaje de la burguesía, y la guerra civil, impusieron medidas de urgencia y precipitaron la profundización de la revolución. La fase del conrol obrero se superó rápidamente. Los bancos, el comercio y la industria quedaron nacionalizados. Se instauró el monopolio del comercio exterior. Se organizó la planificación económica desde un principio,esencialmente con fines de racionamiento. Estas medidas radicales, que son el resultado de una economía de guerra, nacen pues de la dinámica misma del enfrentamiento de clases en el plano nacional e internacional, que sobrepasa los ritmos previstos por los propios bolcheviques. De este modo surge pues el problema con el cual tuvo que enfrentarse el estado soviético y posteriormente, en condiciones menos dramáticas, el estado chino. En una sociedad capitalista desarrollada, la agricultura representa un sector con débil composición orgánica de capital. La nivelación del índice de beneficios juega por lo tanto en desfavor suyo, y favorece la acumulación de capital industrial. Esta transferencia operada por el cauce del mercado supone, sin embargo, por una parte que la producción agrícola haya alcanzado un nivel de

desarrollo elevado como para producir un excedente que permita liberar una mano de obra que a partir de entonces quedaría disponible para la industria, alimentar las clases urbanas y formar un fondo de acumulación inicial ; por otra parte, que el sector industrial sea bastante fuerte como para responder a la demanda procedente del campo. Ahora bien, en una Rusia debilitada por la guerra y devastada por guerra civil, la primera condición sólo se cumple apenas, y segunda no se cumple en absoluto. Resulta de ello que acumulación agrícola privada sigue siendo netamente superior a acumulación nacionalizada. Este desequilibrio comporta en importantes procesos sociales.

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En efecto, si los productos de la industria socializada empiezan a faltar, los campesinos empresarios, privados de ellos, se dirigirán naturalmente al mercado mundial, para obtener allí a mejor precio los productos industriales que necesitan. Seguidamente intentarán invertir en el extranjero los ahorros que no pueden colocar rentablemente en el propio país. Así pues, como a principios de los años 20 el lento crecimiento de la industria soviética no permitía satisfacer la demanda del sector agrícola, los precios industriales aumentaron en vertical. Antes que vender sus productos agrícolas a las tarifas fijadas por el estado, para pagar después a precios elevados los productos industriales, los paisanos prefirieron acumular aquellos y con ello hacer pasar hambre a las ciudades y poner en tela de juicio el monopolio del comercio exterior. Su presión en este sentido se hace sentir en las mismas filas del partido donde, mientras todavia vivía Lenin, Stalin ya se hizo portavoz de aquellos (véase a este respecto El Último combate de Lenin, de Mosche Lewin, ediciones de Minuit). Se abren entonces dos posibles vías principales. La primera consistiría en bajar los precios industriales para apaciguar al campesinado. Se favorecería así una transferencia de valor hacia el sector agrícola. Los capitales privados acumulados de este nodo serían evacuados hacia el sector nacionalizado, por la vía del empréstito y del impuesto. Se derivaría de ello un fondo de inversión, que permitiría desarrollar la industria, al mismo tiempo que la existencia de una burguesía afianzada le aseguraría una salida. Este es el sentido del socialismo “a paso de tortuga” y del “enriquecéos”, lanzado por Bujárin al campesinado. Pero este proceso se traduce muy rápidamente por la prole tarización de una parte importante del campesinado. De este modo resulta que en el momento del 22Q Congreso del PCUS, en 1924, Kamenev estimaba ya que un 8% de las granjas, que reagrupaba a un 14% de campesinos, poseía el 25% de animales y el 34% de las

tierras sembradas. En 1926, sólo dos años después, un 4% de las granjas poseía un 50% de las máquinas agrícolas. Esta agravación de las desigualdades sociales se desarrolla con tanta mayor facilidad, cuanto que las operaciones de partición y distribución de las tierras, en vista de la debilidad del aparato de estado y de la movilización desigual de la población, no siempre había sido ecuánime. La diferenciación social en el campo tiende pues a la reconstitución de una burguesía rural, y la lucha por la abolición del mono polio del comercio exterior constituye uno de sus objetivos más importantes. La otra vía consistiría en realizar una sangría forzada en el sector agrícola, en el marco de una planificación economica central, asegurando un ritmo de industrialización rápida, indispensable para proceder a una colectivización de la tierra en condiciones favorables. 2. Dentro del marco de esta contradicción es donde se inscriben los zigs-zags de la burocracia estaliniana. De 1923 a 1927, los kulaks se reafirman y hacen valer sus exigencias. En 1923 habían sumido ya a las ciudades en el hambre, negándose a suministrarles sus productos. Una nueva huelga de suministros durante el invierno de 1927, amenaza ba el equilibrio sobre el cual se asentaba la burocracia del estado. Para sobrevivir y mantenerse, esta última tuvo que romper con el kulak a quien había dirigido y favorecido (particularmente con la política internacional derechista del comité anglo-ruso, en el caso de la revolución china, en 1926-1927). Frente a la amenaza de los kulaks se forma la corriente izquierdista de la burocracia soviética, Este es el saque de centro del tercer período de la Internacional Comunista. En el plano interno, la colectivización forzada de la tierra y la industrialización acelerada. Pero es una colectivizacion operada en las peores condiciones ; la industrialización lenta del periodo anterior no permite proporcionar a los campesinos los abonos y las máquinas agrícolas que pudieran convencerles de la superioridad y de las ventajas de la agricultura colectivizada sobre grandes superficies. De ahí la resistencia de los campesinos, y no únicamente de los kulaks, la destrucción de la riqueza ganadera y de las cosechas. Para llevar a cabo un golpe de fuerza contra el campesinado, la burocracia tuvo que buscar un nuevo equilibrio y una nueva base de apoyo : lo encontró con la constitución de una nueva élite privilegiada y seleccionada a través del movimiento estajanovista. Pero esta reorientación brutal y típicamente burocrática, al mismo tiempo que rompe la importancia del kulak. rompe la alianza entre el proletariado y el campesinado, y abre una herida permanente en el flanco de la sociedad soviética.

A principios de los años 40, la guerra proporciona al campesinado la ocasión de una revancha temporal. Con el apara to de estado movilizado por el esfuerzo militar le es posible entonces, por medio de un chantaje con la alimentación, reconquistar una fuerte posición social : se desarrollan los mercados rurales, los koljosianos se enriquecen, a la espera de que el retorno de la paz permita a la burocracia central reto mar las riendas en sus manos. Estos zigs-zags burocráticos ilustran la conexión apremian te que .existe entre política y economía en urja sociedad de transición. Si baja el nivel de vida de las masas, la productividad del trabajo tenderá a bajar también, a menos que se mantenga por vía de apremio, lo cual multiplicará los gastos improductivos (ejército, policía, jerarquía burocrática). La economía de transición no puede dar prueba de una superioridad convincente más que orientándose hacia un desarrollo óptimo, y no hacia un desarrollo máximo ; es decir, principalmente si mediante un desarrollo armoniosamente combinado de la agricultura, la industria pesada y la industria ligera, consigue que la comprensión y la movilización de las masas se convierta en un factor consciente de este desarrollo. Ahora bien, el desarrollo óptimo es radicalmente antagónico a los intereses de la burocracia, en la medida en que supone la capacidad del Plan de registrar y sintetizar las necesidades efectivas de la población, lo cual implica con toda evidencia una democracia política y económica tal que los trabajadores puedan dar a conocer su voluntad, participar en las decisiones fundamentales y asumir voluntariamente su realización. III.

La Unión Soviética “segunda potencia mundial” El fin del aislamiento soviético aporta nuevas contradicciones

El final de la Segunda Guerra Mundial creó una situación favorable pata un nuevo ascenso de la revolución mundial. Las fuer zas adiestradas en la resistencia podían proseguir su acción hasta el derrocamiento de la burguesía, particularmente en Francia y en Grecia. Pero antes incluso de poder manifestarse, esta energía revolucionaria fue aplastada en Yalta por la burocracia estaliniana, preocupada en mantener el equilibrio de las fuerzas internacionales. Pero las clases que hacen la historia, los combatientes revolucionarios, no habían sido invitados a la mesa de negociaciones de Yalta y de Postdam, y ningún diplomático, aunque fuese Stalin en persona, podía comprometerse en su nombre. La victoria de la revolución yugoslava, y después la de la revolución china, alteraron las relaciones de fuerzas internacionales. Antes de la guerra no existía más que un único estado obrero, ligado por la Internacional Comunista a una red de partidos comunistas todavía débilmente implantados. Después de la guerra la URSS se convierte en segunda potencia mundial, y se rodea de un muro fortificado, se alía con China y recibe el apoyo de partidos comunistas fuertemente

implantados, como en Francia y en Italia. La situación de retroceso y de aisla miento en la revolución, durante la cual la burocracia estaliniana tomó cuerpo, ha quedado pues radicalmente modificada. La relación global de fuerzas se ha transformado en sentido doble. Por una parte entre el campo del imperialismo y el de la revolución, por otra parte entre la burocracia y las masas. Pero al mismo tiempo que evolucionan estas relaciones, Stalin, presentado como el gran vencedor de Stalingrado, está en la cima de su prestigio, y con él el crédito del régimen estaliano se sitúa en el plano más elevado dentro del movimiento obrero internacional. Esta situación compleja y contradictoria favorece el desgajamiento de corrientes centristas, oscilando entre el estalinismo y el marxismo revolucionario, y su revés ultraizquierdista.. Conforme indicaba el espíritu de Yalta, la burocracia estaliniana había hecho todo por congelar el proceso revolucionario. De 1944 a 1947, las direcciones de los P.C. proclaman la formación de gobiernos de coalición y la creación de sociedades mixtas, que permanecen fundamentalmente dentro del enmarque capitalista. Pero la revolución colonial amenaza ya el equilibrio de Yalta, conduciendo a la guerra fría y a la estalinización acelerada en los países que forman el muro de fortificación. Las coaliciones gubernamentales se rompen, se nacionalizan los medios principales de producción y se establece el monopolio del comercio exterior. La burocracia soviética aporta principalmente los métodos policiales y las sucursales de la GPU. A despecho de su voluntad moderadora, la burocracia estaliniana es obligada así, por la fuerza de la historia, a definir su posición de clase, aportando de este modo la respuesta a la cuestión formulada principalmente por Trotsky algunos años atrás, en el momento del pacto germano-soviético, en su obra La URSS en guerra : “En el momento en que escribimos estas lineas, sigue siendo desconocida la cuestión de la suerte de las provincias ocupa das por el Ejército Rojo. Las informaciones telegráficas son contradictorias. Porque por ambos lados se miente mucho, y las relaciones reales que reinan localmente están, desde luego, todavía extraordinariamente poco definidas. Una determinada parte de los territorios ocupados entrará sin duda alguna a formar dentro de las fronteras de la URSS. En qué forma exactamente ? “Admitamos por un instante que, de acuerdo con Hitler, el gobierno de Moscú deje intactos en las provincias ocupadas los derechos de la propiedad privada, y se limite a un “control” de tipo facista. Una concesion de este tipo tendría un profundo carácter de principio, y podría convertirse en punto de partida de un nuevo capítulo del régimen soviético y, por consiguiente, de una nueva apreciación por parte nuestra de la naturaleza del estado soviético.

“Lo más probable, sin embargo, es que en las provincias que deban formar parte de la URSS, el gobierno de Moscú tomará medidas de expropiación respecto a los grandes propietarios, y de nacionalización de los medios de producción. Una vía así es la más probable, no porque la burocracia sea fiel al programa socialista, sinó porque no quiere compartir ni el poder ni los privilegios que detenta, con las antiguas clases dominantes de las provincias ocupadas. Aquí se nos ofrece por sí mismá una analogía. El primer Bonaparte frenó el curso de la revolución con ayuda de las dictadura militar. No obstante, cuando las tropas francesas invadieron Polonia, Napoleón firmó el decreto :” la servidumbre queda abolida”. Esta medida no había sido dictada por las simpatías que Napoleón sintiera por los campesinos, ni por principios democráticos, sino por el hecho de que la dictadura de Bonaparte no se apoyaba en la propiedad feudal, sinó en la burguesa. Como la dictadura bonapartista de Stalin no se apoya en la propiedad privada, sinó en la propiedad del estado, la invasión de Polonia por el Ejército Rojo debe conllevar, naturalmente, la liquidación de la propiedad privada capitalista, para que el régimen de los territorios ocupados corresponda al de la URSS”. Pero la instauración brutal del poder burocrático crea nuevos problemas. En la URSS, la burocracia parasitaria se había asentado, con ocasión del reflujo, sobre las conquistas de Octubre. En polonia, en Rumania, en Checoslovaquia, en la República Democrática Alemana y en Hungría, intenta imponer directamente las mismas opciones económicas (prioridad absoluta a la industria pesada), y las mismas estructuras políticas que en la URSS no fueron más que el resultado de su acceso al poder. No obstante, en los países de fuerte tradición rural, cono Polonia, los partidos comunistas locales tienen la preocupación comprensible de evitar la colectivización forzada de los años 30, que formó en la URSS la base de la industrialización acelerada. En estos países, en efecto, el campesinado conserva un peso preponderante, mientras que el proletariado urbano, que no se ha visto desmovilizado por un largo reflujo, parte frecuentemente de un nivel de vida sensiblemente más elevado que aquel hacia el cual tiende a llevarle la prioridad estricta asignada a la industria pesada. Además, este ataque dirigido contra el nivel de vida de la clase obrera, en el momento en que ésta accede al poder, pasa por la puesta en marcha de un fuerte dispositivo represivo directamente ligado a los servicios soviéticos. Este proceso origina desde un principio crisis previsibles. Las grandes luchas que sacudirán después a Polonia, a Checoslovaquia y a Hungría, están ya inscritas en la victoria de las revoluciones yugoeslava y China, que escapan al control de la burocracia estaliniana. En 1943 se crea en Yugoslavia un gobierno provisional de coalición, que se apoya no obstante en auténticos comités populares de masas,

nacidos de la resistencia. El empuje de las masas lleva en 1945 a la ruptura de la coalición y a la creación de un estado obrero en 1948 ; la dinámica de la revolución yugoslava se revela así más fuerte que los compromisos burocráticos acordados en Yalta, lo cual le vale al partido comunista yugoslavo una excomunión sin posible recurso, por parte de Stalin. Es verdad que el ejemplo yugoslavo encarnaba peligros considerables : el peligro de ver configurarse, de forma diferente y superior en sus resultados, a una sociedad de transición ; el peligro de ver los partidos comunistas con implantación de masas afirmar su independencia ; el peligro de verles reclamar una igualdad de partidos en el seno del movimiento comunista internacional ; el peligro, finalmente, de ver a los comunistas yugoeslavos retomar por cuenta suya una parte de las tesis de la oposición de izquierda sobre la degeneración burocrática. Ante tal cúmula de nubes negras Stalin prefirió, sin dudarlo un instante, sacrificar a Yugoslavia. No se trata de una simple denuncia ideológica ; los argumentos más absolutamente materiales no dejan de pesar : movimiento de tropas y bloqueo económico ! Amenazada en su existencia, la dirección yugoslava no tardará en buscar su cura en cualquier tipo de operaciones centristas que le permitan romper su aislamiento. El abandono de la revolución coreana permitió inaugurar una política de intercambio mercantil internacional que prosigue todavía, cargado sobre la espalda de la revolución vietnamita. De esta forma, la primera ruptura en el bloque estaliniano no hace más que aumentar la confusión : el oportunismo de unos y el dogmatismo de otros pueden ser interpretados a posteriori como simétricos y complementarios. Se trata de una simplificación burda, por que el alcance histórico de la crisis yugoslava reside en la reaparición, en el seno del movimiento obrero oficial, de ideas de las cuales la oposición de izquierdas había sido durante muchos años única depositaria. La emergencia de lo que llegó a considerarse como un segundo “modelo’ socialista, abre públicamente la crisis del movimiento comunista internacional. Aunque sus efectos no sean tan inmediatamente visibles, la revolución china rompe con carácter irremediable la situación internacional que había permitido la aparición del fenómeno estaliniano. Empíricamente, la dirección del PC Chino se dedicó, al final de la guerra contra el Japón, a la aplicación de la política estalinisna. La conferencia de Chungkin en Enero de 1945, avanzó el proyecto de una asamblea constituyente y de un gobierno de coalición, y de un programa de paz social. Los expertos estadounidenses y Marshali en persona, llegaron a imputar incluso la profundización de la revolución a lo que ellos llamaban “los siete errores de Chang Kai-Chek”, particularmente el error de haber emprendido una expedición intempestiva para la reconquista de la Manchuria, mientras que el PC Chino parecía contentarse con el status-quo y frenar el empuje impetuoso del campesinado hacia la aplicación radical de la reforma agraria (véase a este respecto Jack

Belden, en La Chine ébranle le monde). Pero estos “errores” de Chang tenían raices de clase, respecto de las cuales los expertos americanos cerraban los ojos. El poder de la burguesía china no podía ser duraderamente compartido con un PC sacudido por una base social campesina, aguerrida por varios años de lucha en las filas del Ejército Rojo. La desintegración del poder central condujo así en 1948 a la entrada del Ejército Rojo en Pekín, y a la toma del poder por el PC Chino. Pero este período deja rasgos duraderos de desconfianza en el PC Chino respecto a la dirección estaliniana. En efecto, los comunistas chinos pueden difícilmente olvidar que en el momento de desaparecer los japoneses y de la carrera competitiva para la ocupación de China septentrional, Stalin concluyó un acuerdo con Chang, reconociéndole como único gobierno legal de China ! Del mismo modo les resulta difícil olvidar que a principios de la guerra civil, en el 1945-1946, el Kremlin instaló en Manchuria a los funcionarios del Kuomirttang, esperando la llegada de las tropas internacionalistas, y que después de la evacuación de Kharbin, las autoridades soviéticas protegieron a los responsables del KM para ponerles a buen recaudo en territorio nacionalista ! Cuando en 1947, a la víspera de la ofensiva, Stalin les desaconsejó ocupar las ciudades y les aconsejó contentarse con los campos, para continuar allí con la guerrilla ! Cuando después del levantamiento popular del Sin Kiang, Stalin ayudó a Chang a disolver el nuevo poder insurrecional, y a restablecer un gobierno de coalición que incluía a los feudales, a quienes las masas tuvieron que derrocar por segunda vez ! Las condiciones de la victoria revolucionaria en China, su peso internacional, su alcance histórico, permiten prever que, al transformar radicalmente las condiciones que habían presidido el ascenso del estalinismo, precipitarían su decadencia. Esto es lo que ha venido desarrollando Ernest Mandel desde 1950 en un artículo de la revista Cuarta Internacional, anunciando las condiciones de la ruptura chino-soviética : “No obstante, seria extraño esperar en un futuro inmediato una ruptura entre Pekín y Moscú. Hay potentes fuerzas objetivas y subjetivas que convierten una ruptura así en algo improbable. La intervención de la burocracia soviética en China Popular es diferente, en cuanto a forma y a sustancia, de lo que fue en la fortaleza europea. Contrariamente a las sociedades mixtas constituidas por el Kremlin en Europa Oriental, que significaban todas una simple explotación de las instalaciones industriales y de la mano de obra ya existentes, por la burocracia soviética, las sociedades mixtas fundadas en China (Sociedad petrolera chinosoviética, sociedad chinosoviética para la explotación de metales noférricosy raros en el Sin-Kiang, sociedad chino-soviética de aviación civil), implican una verdadera y real inversión de capitales por parte de la URSS, y favorecen así el desarrollo de las fuerzas productivas,

objetivo número uno de los comunistas chinos [2]. Y si el tratado chino-soviético concluido por Mao Tse Tung en Moscú tras laboriosas negociaciones, prueba de la independencia de espíritu de los chinos, impone a la República Popular Gdna el pago de indemnizaciones a la URSS, por las construcciones realizadas en el ferrocarril chino de Tchangtchung, de Port-Arturo y de Dalny, el retorno de estos enclaves soviéticos a China repre senta una satisfacción, como lo indica explícitamente el acuerdo “para el honor nacional y la dignidad nacional del pueblo chino” [3]. Moscú ha sacado determinadas conclusiones de la ruptura con el PC yugoslavo, y se esfuerza en no irritar a los comunistas chinos cuya actitud condescendiente en cuanto a cuestiones secundarias. La desconfianza que siente el Kremlim respecto de Pekín, se confirma no obstante por el hecho de que los suministros de material moderno de armamento, principalmente aviones a reacción, parecen hacerse en condiciones tales que el material siga sometido al control soviético ; además parece que los rusos han conseguido establecer bases militares en Sin Kiang. “Mientras los chinos conserven el control principal del movimiento comunista en una serie de paises asiáticos (Vietnam, Malasia, etc.) y se encuentren de este modo en conflicto directo con el imperialismo, se verán obligados a mantener relaciones estrechas con el Kremlin. Mientras el imperialismo mantenga un bloqueo de hecho contra China, en lo que se refiere a las principales materias primas y al utillaje llamado “estratégico”, la ayuda económica restringida que pueden obtener de la URSS les parecerá tanto más apreciable. Y sobre todo mientras las fuerzas revolucionarias independientes del Kremlin no puedan aparecer como un factor político importante en Asia o en otras partes, el PC Chino, sacando a su vez conclusiones de la evolución actual de la cuestión yugoslava, no se arriesgará más que con extrema prudencia a emprender un movimiento de ruptura respecto del Kremlin. “A la larga, sin embargo, serán las fuerzas sociales de la revolución china y las consideraciones políticas o económicas de sus dirigentes lo que decida las relaciones entre Pekín y Moscú. El desarrollo de la burguesía rural, las posibles dificultades de aprovisionamiento con utillaje industrial, la modificación eventual de las relaciones de fuerza internaciona les en favor del imperialismo, la aparición de tendencias derechistas capituladoras en el Partido Comunista Chino podrían, en condiciones de debilidad y de pasividad prolongada del proletariado, provocar un giro en la política extranjera china. Una tentativa todavía no del todo excluida, por parte del Kremlin, para llegar a un acuerdo con el Departamento de Estado a espaldas de China, podría actuar en el mismo sentido. En cambio, un nuevo desarrollo de la revolución china, el refuerzo del movimiento obrero, la escisión de una orientación hacia la izquierda en el PC, el desarrollo favorable de fuerzas revolucionarias en el mundo, en

primer lugar en la India, en el Japón y en Europa Occidental, podrían permitir en una etapa ulterior una ruptura “hacia la izqüierda” del comunismo chino con el Kremlim. Las dos eventualidades exigen, no obstante, para realizarse que se produzca una ruptura en el nuevo equilibrio entre las clases, tal como se nos ofrece hoy día en China, equilibrio sobre el cual el Partido Comunista Chino ha basado su poder.” IV. El desarrollo de las tensiones en la URSS Como toda dirección revolucionaria de recambio había sido preventivamente decapitada con ocasión de los procesos de Moscú, el final de la guerra no se tradujo en la URSS misma en un ascenso revolucionario. La guerra había desorganizado la economía, había destruido una parte importante del potencial industrial, había significado una destrucción pasiva de la mano de obra, favoreciendo la resurrección de un nacionalismo centrífugo ; en Ucrania principalmente, donde aparecieron incluso movimientos colaboracionistas. La burocracia se vió por lo tanto aprisionada entre una nueva clase obrera joven, estimulada por la victoria, y la masa de los koljosianos enriquecidos por la especulación durante el periodo de la guerra. Reacciona y se defiende, adoptando un curso a la izquierda : ofensiva resuelta contra los paisanos enriquecidos, esfuerzo para reafirmar la propiedad colectiva en los campos, intensificación de la propaganda marxista a la moda estaliniana. No obstante, se dibujan tensiones perdurables en la sociedad soviética. En el campo coexisten los sovjoses (granjas del estado), los koljoses (cooperativas propietarias de los animales, pero no de las máquinas pesadas), y finalmente la parcela privada. En la industria, la planificación burocrática se traduce por un sistema de primas demencial : la base de atribución es a veces el precio de reventa (lo cual incita a los directores a utilizar materias primas caras), a veces el peso (lo cual les lleva a utilizar materias primas pesadas), a veces el número de unidades producidas (lo cual les incita a producir objetos reducidos a su esqueleto). En lo que se refiere a los grupos sociales, la clase obrera aparece como la clase ascendente ; se desarrolla en número y en importancia, en una sociedad en la que la población urbana tiende finalmente a suplantar a la población rural. Aunque la cuestión agraria continúa planteándose permanentemente, no parece ya que el peso social derivado del campesinado le permita oponerse seriamente a la apropiación colectiva de los medios de producción. Finalmente, si la burocracia se consolida en torno al desarrollo de las fuerzas técnicas y administrativas, su crecimiento numérico se traduce también por una pérdida de homogeneidad, por una diferenciación interna, en el mismo momento en que, de conquistadora en sus inicios, se

convierte definitivamente en una fuerza de conservación social perpetuamente ligada a sus privilegios. a) El “nuevo curso”, de 1953 a 1956 En este contexto, la muerte de Stalin en 1953 no se inscribe como una simple anécdota : la desaparición del Bonaparte abre en el seno de la burocracia la lucha por, la sucesión. El derrocamiento de Beria en Julio de 1953 es el primer resultado de ello. Desde entonces, la política económica de la burocracia se verá jalonada por una serie de reformas contradictorias. La primera gran reforma será impulsada por una corriente que representan Malenkov y Mikoyan. Estos, comprobando la penuria de bienes de consumo y la desproporción entre las inversiones industriales y agrícolas, proceden a una reducción del impuesto que grava a los campesinos, medida que se considera que va a asegurar a estos últimos unos ingresos suplementarios de 80 mil millones de rublos. Una reforma así representa un sacrificio libremente consentido de la burocracia que, para asegurar la paz social, renuncia así a una parte del excedente social que ella desviaba en beneficio suyo. Simultáneamente, un curso de autorreforma análogo, pero más importante, se desarrolló en Hungría, donde las resoluciones del Comité Central de Junio de 1953, son comentadas de este modo por la prensa oficial del Partido : “En sus tres resoluciones importantes de Junio de 1953, el Comité Central de nuestro partido constaté que la industrialización excesiva del país había sido un error. Esa concepción, lejos de considerar la edificación del socialismo en todos sus importantes y múltiples aspectos, la restringía a la industrialización, y más especialmente al desarrollo de determinadas ramas de la industria pesada ; esta concepción era pues errónea. Partiendo de esa consideración, hemos subordinado la política general del partido a la política económica, a los intereses de una industrialización más potente, sin tener suficientemente en cuenta la evolución de la situación de las masas trabajadoras, ni las exigencias fundamentales para el mantenimiento y el reforzamiento de la alianza obrero-campesina. (...) Las numerosas desproporciones originadas de este modo, así como el ritmo demasiado tenso de desarrollo, paralizaron la marcha igual y planificada de la producción y la utilización juiciosa de los créditos a la inversión, que se había sobrevalorado. La sobreindustrialización llevó a una reducción temporal del nivel de vida de los trabajadores, y a la restricci6n en las relaciones entre el partido y las masas trabajadoras. (...)” “Las resoluciones adoptadas en las sesiones del Comité Central de Junio, de Octubre y de Diciembre 1953, después del III Congreso del partido, indicaban claramente que conforme a la ley fundamental de

la economía socialista – en esta nueva fase de la edificación del socialismo – la elevación sistemática del nivel de vida del pueblo trabajador debería situarse en primer plano de nuestra política (…). Sólo la política de la nueva etapa, tal como la ha elaborado nuestro partido, es conforme a los intereses de la clase obrera y de todo el pueblo, y por esto ha sido acogida con una alegría sin límite por los trabajadores de las ciudades y los campos (…). “El factor fundamental de nuestras dificultades económicas reside en las dilaciones observadas en la realización de la política de la nueva etapa, en la resistencia que encuentra bajo formas más o menos camufladas, Esta resistencia es alimentada por conceptos erróneos, desprovistos de todo fundamento ideológico. Concepciones que proponen resolver las dificultades económicas por medio de una “contracción del poder adquisitivo”, o sea, por la reducción del nivel de vida de la clase obrera y del campesinado. (...) Estas concepciones son incompatibles con los principios marxistaleninistas (no con los marxistas-leninistas-estalinianos, y con mucha razón ! EG) de la edificación del socialismo ... El socialismo no puede ser una realidad más que si los trabajadores disponen no solamente de más derechos y de libertad, sino también de un bienestar material creciente. En condiciones pacíficas de edificación del socialismo, la reducción del nivel de vida destruiría la confianza puesta por los trabajadores en la obra de la construcción socialista, reduciría el entusiasmo de trabajo y la productividad, y aflojaría los lazos de las masas con el partido. La reducción del nivel de vida no es una vía de edificación determinada del socialismo, sino la de una capitulación ante las dificultades, la vía de la renuncia a la edificación del socialismo.” (Boletín dé Información, publicado por el CC del Partido de los Trabajadores húngaro, 62 año, n° 10, páginas 15, 16, 17). Pero el intento de Malenlcov reveló rápidamente sus debilidades. La reforma preveía que los 80 mil millones de ingresos suplementarios serían recuperados mediante la venta a los paisanos de productos industriales en serie. Ahora bien, la penuria es tal que los campesinos se orientan prioritariamente hacia los productos alimenticios agrícolas, como la carne, los huevos, los frutos y otros productos de primera necesidad, que no pueden producirse mediante una reconversión rápida de las empresas de la industria pesada. El resultado de ello es que el campesino vende caro y sin comprar proporcionalmente a la industria, que se desarrolla el mercado negro y que surge en las empresas un movimiento reivindicativo contra el sistema de salarios pagados al destajo. Frente a estos problemas, Malenkov es acusado de haber violado la prioridad sacrosante y absoluta de la industria pesada. No se trata aquí de una simple querella doctrinal, sino de una puesta en duda de la autonomía de la burocracia en su relación con las masas. Los fracasos de la reforma determinan ya los límites entre los cuales es

posible una autorreforma de la burocracia. En el SovIet Supremo de Febrero de 1959, Malenkov dimite. A partir do ahí, la sucesión de reformas intentadas expresará las oscilaciones de una burocracia que, para conservar su posición parasitaria, intentará paso a paso consolidar la propiedad colectiva y estatal de los medios de producción y ganarse mediante concesiones cada vez más importantes, los favores del campesinado. La primera reforma del equipo Jruschov-Bulganín, que sucede a Malenkov, comporta como medida esencial la roturación y el cultivo de nuevas tierras. Implantando allí la entrada de unos sovjoses roturados por brigadas de comsomoles voluntarios, se trata de ‘asediar al campesinado” y de derrotarle en el propio terreno de :a competencia. En efecto, las granjas del estado directamente implantadas en grandes superficies y altamente mecanizadas, estaban destinadas a provocar un descenso natural de los precios agrícolas. Para que las cosas no fuesen demasiado bruscas, se mantienen al mismo tiempo las concesiones de Malenkov, mientras que para controlar mejor a los koljoses, se refuerza el papel de las MTS [4] y de los presidentes nombrados de los koljoses. Pero la pieza maestra de esta reforma demostraría ser aún deficiente. La anarquía burocrática en la elección de las tierras, en la organización del trabajo, y sobre todo el desequilibrio fundamental persistente entre la agricultura, industria pesada e industria ligera, no permitieron que las tierras vírgenes recién roturadas para ser destinadas particularmente al cultivo de cereales, tuviesen un rendimiento significativo y superior al de los koljoses. Al revés, algunas regiones abusiva y anárquicamente despobladas de sus blosques, se convirtieron en peligrosos colectores de polvo b) Del XX° Congreso a la caída de Jruschov En 1956, el VI Plan mantiene el ritmo de crecimiento anual de un 10%. No obstante, la discusión del Plan viene marcada por un debate importante sobre los salarios, donde se expresan una vez más las diferentes corrientes de la burocracia. Bulganin y Kaganovitch defienden una revisión de los salarios y un refuerzo de los derechos de los directores. Jruschov es partidario de un aumento de los salarios bajos. Mikoyan finalmente, se pronuncia por un aumento de los salarios bajos y un recortamiento de los salarios más elevados. Está claro que estas preocupaciones no son el resultado espontáneo de burócratas ilustrados, sino que son resultado de nuevas presiones sociales, en presencia de nuevas exigencias de una clase obrera en pleno desarrollo. En Enero de 1958, Jruschov pronuncia en Minsk un discurso que inaugura la tercera gran reforma económica después-de la muerte de Stalin. Esta reforma intenta siempre prioritariamente, desbloquear la

situación en el frente agrícola. Se comprueba en efecto que la producción de cereales, que era de 80 millones de toneladas en 1913, no llega en 1950 a más de 84 millones de toneladas, mientras que la población ha aumentado en un 20%. En 1954, lá producción no llega todavía más que a 90 millones de toneladas, es decir, es inferior, por cabeza de habitante, a la producción de 1913. Lo mismo sucede con la cabaña. En 1957, como primer resultado de las reformas, la producción de cereales no ha subido más que a 105 millones de toneladas y la productividad del trabajo agrícola es diez veces inferior a la de los Estados Unidos. Una de las razones principales, política y no técnica, de este cuasiestancamiento agrícola, reside en la pasividad desconfiada que manifiesta el campesinado después de la colectIvización forzada de los años 30. La burocracia ha intentado siempre vencer esta pasividad : el aumento de los precios del estado, la compra de los productos agrícolas, el estímulo a la crianza particular de animales, la reducción del impuesto, la amenaza de confiscar el huerto particular a los Icoijosianos absentistas, el asedio al campesinado tradicional por la pues ta en servicio de fábricas de cereales en tierras vírgenes. En el discurso de Minsk, Jruschov va más lejos en sus con cesiones a los koljosianos : les concede la venta de máquinas agrícolas. Este paso del derecho de usufructo al derecho de propiedad sobre determinados medios de producción, tiende naturalmente a replantear la cuestión de la apropiación privada de la tierra misma. Los periódicos soviéticos de entonces informan de una anécdota significativa según la cual, en 1955, con ocasión de una importante recepción en el Kremlin, Liskin, presidente del rico koljós de Kubán, se dirigió a Jruschov en estos términos llenos de insolencia satisfecha : “Y bien, Nikita Sergeievich, cuando me venderás la MTS que suministra los instrumentos de trabajo a nuestro koljós ? Te ofrezco por ella 15 millones de rublos. Piénsalo bien. El año que viene no te ofreceré una suma igual.” Se explica también que Liskin se nombrara a sí mismo, pocos meses después, presidente de la MTS Así pues, el discurso de Minsk se nos ofrece como la legislación y el estímulo a un proceso ya emprendido en la práctica, y vivamente defendido por una escuela de reformadores partidarios de interesar a los campesinos. Estas nuevas medidas se inician paralelamente con una ofensiva política dirigida contra el grupo Molotov, calificado de grupo antipartido. Este grupo había sacado argumentos del Octubre polaco y de la revolución húngara para atacar los peligros del ‘liberalismo jruschoviano”. El XXI Congreso del PCUS está marcado por la eliminación del grupo “antipartido”, y por el abandono del plan

quinquenal en curso, en beneficio de un plan septenal más modesto en sus ambiciones. En este Congreso, de 1269 delegados sólo 8 son veteranos del partido de antes de 1917. No obstante, aunque menos visible, otro fenómeno social está a punto de configurarse. Los efectos ideológicos del XX Congreso penetran lentamente en la juventud. Así pues, en la revista socialdemócrata americana The New Leader, David Burg, joven emigrante soviético que fue estudiante en la URSS hasta 1957, describe de este modo la corriente “neo-bolchevique” que se manifiesta en la juventud : “Sienten una fuerte nostalgia del período presoviético y de los primeros años del período pos-revolucionario. Hoy día la juventud soviética manifiesta frecuentemente su oposición al régimen, presentándole a la realidad contemporánea el eApejo de los clásicos del marxismo-leninismo. En su opinión, las depuraciones de 1937 liquidaron a los verdaderos dirigentes de la revolución. Oponen el Termidor al Octubre.” “... Idealizan la revolución y piden un retorno a las primeras ideas del leninismo, que creen poder encontrar en determinadas obras de Lenin (El estado y la revolución). Hablan frecuentemente de degeneración burocrática del régimen, de la aparición de una burocracia reinante y privilegiada, que ha establecido una dictadura contra el pueblo. “Ven a esta burocracia como a un tumor maligno que puede ser extirpado por una operación quirúrgica, a fin de permitir el desarrollo normal de un organismo fundamentalmente sano.” De 1953 a 1959 la burocracia ha tomado, aunque con bastan tes vacilaciones, una serie de medidas que intentan estimular la iniciativa de los koljosianos. Con la compra de la maquina ria, el movimiento se acelera ; se ven aparecer y multiplicar las fábricas Tcoljosianas, los mercados koljosianos, los almacenes lcoljosianos. Pero este proceso provoca una diferenciación social en el campo. Particularmente la venta de máquinas suscita la protesta de los koljosianos pobres que, incapaces de comprar sus propias máquinas, se ven frecuentemente obligados a alquilar las de los koljosianos ricos, que refuerzan de este modo todavía más su posición. No obstante, hay teóricos que inspirándose en la experiencia gomulkiana que entonces estaba en curso en Polonia, exigen la plena restauración de las leyes del mercado para la agricultura. Estiman que es preferible liberalizar y rentabilizar abiertamente la agricultura, que retener a duras penas el fenómeno de parcela o el huerto propio. No obstante, el poder creciente los koljosianos tendría su propia lógica, que no es exactamente la misma que la de la burocracia política central. Esta empieza a reaccionar a partir de 1959, denunciando la huerta privada y reforzando el mercado cooperativista bajo control estatal, frente al mercado koljosiano. En esta óptica es donde se inscribe la nueva reforma votada por el

Comité Central en Enero 1961. Tiene la vista puesta en una mejora de aprovisionamiento de los lcoljoses con máquinas, en la reorganización de las compras agrícolas por el Estado, en la limitación de los mercados koljosianos por el desarrollo de cooperativas de compra, en la represión del desbarajuste y de los robos. Las medidas principales tienden, sin embargo, a limitar la autonomía y la independencia de los koljosianos. Pero una vez más no se trata de llegar a ello merced a una democratización económica y política, dando mayor peso a las aspiraciones obreras, sino de la creación de nuevos órganos de control administrativos y burocráticos, que harán más pesada aún la maquinaria del Estado. c) La caída de Jruschov y sus consecuencias La esencia burocrática del poder jruschoviano no le permitía atender al mismo tiempo al triple objetivo de la mejora del nivel de vida de las masas, de armamento y participación en la carrera del espacio, y de ayuda indispensable a la burguesía colonial en el marco de la coexistencia pacífica. A principios de los años 60, su política internacional su frió una serie de reveses ilustrados particularmente por la crisis de los misiles en Cuba, por la derrota del Congo, por el cese de la ayuda técnica a China. El fracaso de las soluciones agrícolas en el interior y la degradación de la situación internacional, precipitan la caída de Jruschov. Esto es lo que confirma en términos velados el XXIII Congreso del PCUS en 1966, y lo que se confirma en la práctica por la serie de medidas que siguieron a su caída. En el plano agrícola, el plan septenal preveía que una inversión de 50 mil millones de rublos permitiría un aumento del 70% en la producción ; de hecho, la inversión de 56 mil millones no proporcionó más que un aumento del 12%. Es por esta razón que los sucesores de Jruschov deciden el aumento de las inversiones agrícolas y salen en defensa del koljós y de la parcela privada, cuya extinción había sido anunciada en el XXII Congreso. En el plano industrial, Kossiguin acentúa la corriente en favor del consumidor, lo cual explica en parte la pasividad de la población ante la caída de Jruschov. La jornada de 6 horas, prometida por el XXII Congreso, es abandonada, contentándose con prometer para 1976 la semana de 40 horas. Finalmente y sobre todo, se pone en práctica la célebre reforma Liberman-Trapeznikov, que distribuye el beneficio planificado de las empresas : el 75% pasa al Estado y el 25% restante a disposición de la empresa, junto con un 70% del beneficio no planificado, que es mucho menos importante. De este modo en el año 1965 se quedan 12 mil millones de rublos, contra 10 en 1960, en las cajas de las empresas. La reforma tiende evidentemente a sustituir por estímulos económicos las decisiones administrativas, gracias a una autonomía mayor de las empresas y a un interés de la burocracia

de las empresas, en la medida en que el control descentralizado es técnicamente más eficaz, sin que no obstante se precisa una desnacionalización. En el XXIII Congreso, un 46% de los miembros del partido son funcionarios del aparato del partido o del Estado. Están representados en el Congreso por 3.000 delegados entre 5.000, frente a 1000 “obreros” y 800 campesinos. Tvardovsky y Polevoi, considerados como intelectuales liberales, son eliminados del Comité Central. Se producen debates que se refieren a la rehabilitación militar de Stalin. Finalmente, las agencias de prensa mencionan un hecho diferente significativo : el 12 de Abril de 1966, un joven soviético de 25 años, Nikolai Didyk, se inmoló por el fuego reclamando el envío de brigadas de ayuda a la revolución vietnamita ... V. El alcance del debate sobre la naturaleza de la URSS Cómo caracterizar pues a la burocracia que en esta sociedad ha confiscado el poder por cuenta suya ? Debate antiguo, en el cual Trotsky conserva todavía, sobre la mayoría de sus contradictores. la ventaja de la claridad. Tanto es así que en un texto de finales de su vida, titulado La XV° Internacional y la URSS, vuelve en forma sintética sobre la distinción entre casta y clase : “Ocupémonos sin embargo, de la “teoría” misma. La clase representa para un marxista, una noción excepcionalmente importante, y por lo demás científicamente definida. La clase se determina no solamente por la participación en la distribución del producto nacional, sino también por un papel independiente en la estructura general de la economía, por raíces independientes en los fundamentos económicos de la sociedad. Cada clase (feudal, campesinado, pequeño-burguesa, burguesía capitalista, proletariado) elabora sus formas particulares ‘de propiedad. La burocracia está desprovistá de todos estos rasgos sociales. No tiene un lugar independiente en el proceso de producción y de distribución. No posee raíces independientes de propiedad. Sus funciones se limitan, en lo esencial, a la técnica política del dominio de clase. La presencia de una burocracia, con todas las diferencias posibles en sus formas y en su peso específico, caracteriza a todo régimen de clase. Su fuerza es un reflejo. La burocracia, indisolublemente ligada a la clase económicamente dominante, es alimentada por las raíces sociales de la misma, y las mantiene y cae con ella.” Para concluir dice algunas páginas más adelante : “Cuando la burocracia, por decirlo con palabras sencillas, roba al pueblo, nos las tenemos que ver no con una explotación de clase en

el sentido científico de la palabra, sino con un parasitismo social, aunque sea a muy gran escala. El clero de la Edad Media es una clase o un estado social, en la medida en que su dominio se apoyaba en un sistema determinado de propiedad, de bienes raíces y de servidumbre. La Iglesia actual no es una clase explotadora, sino un cuerpo parásito. Sería absurddo, en efecto, hablar del clero americano como de una clase dominante particular ; no obstante, es indudable que los predicadores de diferentes matices se embolsillan en los Estados Unidos una gran parte de la plus-valía. Por sus rasgos de parasitismo, la burocracia, al igual que el clero, se emparenta conel lumpenproletariado, que no representa tampoco, como es sabido, una clase independiente. (...) “Un tumor puede alcanzar dimensiones enormes e incluso ahogar a un organismo vivo, pero el tumor jamás puede convertirse en un organismo independiente.” Trotsky considera pues que hablar, a propósito de la URSS, de un capitalismo de Estado, constituye por lo menos un abuso conceptual. La Alemania hitleriana o la Italia fascista han podido merecer esta caracterización, en la medida en que la burguesía había sido allí políticamente expropiada – por lo demás por sus propios defensores – pero no socialmente expropiada. Es muy diferente la situación en la URSS, sobre todo después del período de colectivización forzada. Pero caracterizar así a la Unión Soviética y a la burocracia que allí detenta el poder, no impide en absoluto pensar que cumple en el mundo un papel de conservación social y de reacción política, con el fin de perpetuar su propia existencia y de reproducir las condiciones que le permitieron nacer. 1. El núcleo del debate Debe quedar claro que el concepto del modo de producción es un instrumento teórico y que ninguna formación social concreta, históricamente situada, puede reducirse a un modo de producción puro. Cada una combina, por el contrario, diferentes modos de producción que se disputan la hegemonía. Es perfectamente sabido que Lenin distinguía, en la formación social rusa después de la toma del poder, cinco principales formas económicas entrelazadas : la economía campesina patriarcal, la pequeña producción mercantil, un sector capitalista privado, un sector capitalista del estado, y un sector socialista. La cuestión que se plantea ahora es la de saber cuál es el modo de producción dominante, el que da el tono a los demás. Para responder a esta cuestión, en lo que se refiere a la Unión Soviética, hay que estudiar primero qué es lo que constituye el motor principal de la acumulación. ¿Es la competencia entre productores

independientes unos de los otros, que buscan el. beneficio máximo, y cuyo resultado son desplazamientos de capitales hacia las regiones donde una mano de obra barata permite un índice elevado de beneficios, con la consiguiente anarquía en la estructura del empleo, cuya utilidad social de trabajo no se reconoce más que a posteriori, por el veredicto del mercado, es decir, no siempre ? ¿O bien se trata de un plan de acumulación social centralizado, organizando a priori, en función de objetivos centralmente definidos, la división social del trabajo ? Esta es la cuestión fundamental. Responder a ella por la segunda hipótesis, no prejuzga la fuerza del poder político ni significa al mismo tiempo que esta planificación sea democrática. Ni, con mucha mayor razón, que este sistema carezca de toda tensión social. Pero entonces se trata de buscar las contradicciones allí donde realmente existen. Existe en primer lugar la contradicción entre la forma socializada de la parte más importante de la producción, y la perpetuación de las normas burguesas de distribución. En efecto, mientras que los principales medios de producción, desprovistos de su forma de mercancía, son fabricados directamente como valores de uso, durante el tiempo que exista penuria, los bienes de consumo siguen siendo una mercancía. La penuria de valores de uso prolonga pues, en este plano, la existencia de valores de cambio y la necesidad de un equivalente monetario. El mantenimiento de estas normas de distribución favorece el giro parasitario operado por la burocracia. Pero se trata siempre de parasitismo, en el sentido de que se trata de la extensión de privilegios de consumo, y no de la cristalización de unas relaciones sociales que se reproducirían automáticamente, como las relaciones capital-trabajo. A diferencia del capital, la burocracia tiene necesidad, para reproducirse, de la intervención política y policial del Estado, que garantiza sus privilegios. Existe después la contradicción entre el plan y el mercado. No se trata aquí de técnicas económicas cuyos méritos respectivos pudieran sopesarse, sino de la condensación de relaciones sociales. Queda abierta la alternativa entre la consolidación del plan y la restauración del mercado ; pero no puede ser trazada por simple evolución gradual, porque cada rama de la alternativa se apoya en el refuerzo o la reaparición de relaciomes sociales determinadas, de clases sociales definidas. Para decirlo con otras palabras, es una alternativa que todavía debe se trazada por la lucha de clases a escala nacional e internacional. Nos contentaremos con citar extensamente a este respecto un artículo de Ernest Mandel sobre “Las inconsistencias del capitalismo de Estado” :

“Así pues, las reformas económicas tienen que desencadenar un conflicto constante entre el plan y los bur6cratas que administran las unidades de producción. El antiguo conflicto se centraba esencialmente en la asignación de los recursos (los burócratas sobrevaloraban sistemáticamente las necesidades de las empresas en cuanto a los trabajadoras, a materias primas y a máquinas, y subestimaban sistemáticamente la capacidad de producción de las propias fábricas). El conflicto nuevo se centrará en el poder de decisión. Los directores de empresa reclamarán el derecho a emplear o despedir a los obreros según mejor les parezca. Solicitarán el derecho a “negociar” los salarios (regionalmente, localmente e incluso por ramas o por empresas) según las “condiciones del mercado de trabajo”). Solicitarán el derecho a conservar la mayor parte del “beneficio” de “su” empresa, para ser reinvertido en la misma. Reclamarán que una parte creciente y específica de las inversiones sea realizada por ellos mismos, en forma autónoma, en el seno de “su” empresa. Demandarán sobre todo el poder determinar libremente los precios de los productos que “venden”, de la manera que les parezca más adecuada (es decir, según los imperativos del “mercado”), Y los “planificadores” se opondrán evidentemente con todas sus fuerzas a todas estas reivindicaciones, que se oponen a los principios elementales y a las necesidades de la planificación central. “Supongamos por un instante que los directores de fábrica hayan obtenido satisfacción en sus reivindicaciones, y que conquistarán gradualmente estos derechos suplementarios ¿cuál será el resultado final de este proceso ? En este caso, tendremos evidentemente que tachar las comillas puestas en torno a las palabras “mercado”, “comprar” y “vender”. Cuando cada fábrica decida sus propias inversiones, esforzándose por establecer sus propios precios y negociando sus propios salarios, se convertirá en una firma independiente, y el mercado “arbitrará” entre estas empresas, y Jará origen a precios que ya no serán determinados por el plan, sino que serán el resulta do del juego de fuerzas en el mercado. En este caso, el capital migraría de los sectores menos beneficiosos hacia los sectores más beneficiosos. Ya no sería el plan , sino que sería este flujo y reflujo de capitales el que determinaría las líneas generales del crecimiento de la economía. Cada vez más firmas encontrarían -más beneficio en exportar sus productos que en venderlos en el mercado interior, y establecerían relaciones directas con las empresas extranjeras, que venderían igualmente, en medida creciente, en el mercado ruso, y exportarían capitales hacia este país. El crecimiento de inversiones autónomas por las empresas desembocaría inevitablemente en una sobreinversión, que una economía de mercado no podría corregir más que a través de crisis periódicas de sobreproducción y de paro...

“En este caso, evidentemente, la economía soviética se habría convertido en una economía capitalista, que todo el mundo, incluso Mandel, tan dogmático y miope, reconocería como tal. Pero ¿no sería ésta una “economía capitalista de Estado” ? Todo el proceso comenzó porque los ingresos de los directores de fábrica quedaron ligados al “beneficio” de la empresa, y por que estos directores recibieron así un potente estímulo económico para aumentar dicho “beneficio” a través de sus propias decisiones (es decir, estableciendo su control sobre la mayoría de las decisiones de las. cuales depende el beneficio). Pero si consiguiesen realmente llegar a este punto, tendrían un estímulo aún más potente para quedar ligados a “sus” fábricas para el resto de sus días, y a transmitir estos “lazos” a su hijos y familias. Se imagina entonces fácilmente cómo se sentirían lesionados si, después de haber conseguido transformar una fábrica en una firma “rentable”, fuesen trasladados a otra fábrica que funcionase con pérdidas (con todas las pérdidas de ingresos que esto significaría para ellos !). Todo este proceso no puede desembocar por lo tanto más que en una reintroducción de la propiedad privada. Y mucho antes de llegar al punto final de este proceso, éste se vería incluso acelerado por el establecimiento de lazos con empresas extranjeras particulares, con la compra de villas en las costas o de casas de verano enla montaña, en el extranjero, abriendo cuentas en bancos extranjeros, y por la utilización de estas cuentas bancarias para realizar “inversiones beneficiosas” (es decir, compra de acciones y de obligaciones extranjeras) [5].” 2. El revisionismo moderno Recientemente, el revisionismo dió algunos pasos difíciles con la publicacion del libro de Bettelheim, Calcul économique et formes de propieté ; es imposible tratarlo aquí a fondo, porque el vicio esencial de este libro no se refiere a sus aspectos económicos, sino al conjunto de la revisión metodológica con la cual procede. Participa en la tarea de vulgarización estructural-positivista, a la cual Althusser. y algunos de sus condiscípulos en teoría académica están sometiendo al marxismo desde hace algunos años. Aquello que en el libro de Bettelheim nos interesa no obstante particularmente, es que muestra con claridad sorprendente y por medio del absurdo, hasta qué punto la discusión sobre la URSS no debe ser abandonada en manos de los economistas. Es el conjunto de la teoría, no aquello que la universidad burguesa llama una disciplina, lo que se moviliza con este debate. Por esta razón, y antes de entrar en sus detalles en un próximo artículo, nos contentaremos aquí con mencionar lo que nos parece ser esencial de la revisión metodológica.

Desde un principio, Bettelheim aplica en forma indiferente los conceptos elaborados para el análisis de la sociedad capitalista a la sociedad en transición. Trata así dos estructuras socialmente distintas, como un medio homogéneo en el cual los mismos conceptos pueden ir y venir, sin transformarse en sus relaciones con la realidad. Así, la pirámide de órganos económicos, sociales y políticos sigue siendo simétrica antes y después de la toma del poder por el proletariado. Por consiguiente, si el primer paso de la revolución proletaria se define por la conquista del poder político, como clave de su emancipación económica y social, la desposesión del poder político parece significar para Bettelheim un simple retorno a la situación anterior, es decir al capitalismo. Sin que se tenga en cuenta una posible inadecuación entre poder político y relaciones sociales. Seguidamente se observa en Bettelheim una tendencia varias veces reafirmada, a concebir el renacimiento de las relaciones de producción capitalistas en la URSS como el resultado de haber mantenido a la empresa como unidad de producción y como resultante de una determinada forma de estado. Estas estructuras tendrían el papel de matrices que engendran y reproducen las relaciones de explotación capitalista. Una vez más aparece aquí una fuerte deformación estructuralista, que hace nacer las relaciones de clase de unas unidades básicas de producción, y no del conjunto estructurado de las relaciones sociales, articuladas sobre el modo de acumulación y el contenido de clase del poder político. Todo esto no resulta nada sorprendente, si se considera que la postura de Bettelheim participa a la vez de un voluntarismo ideológico pedido más o menos en préstamo a la corriente maoista, de una fetichización del saber científico, marginado de la historia por lo que Althusser llama, siguiendo con ello a Bachelard, una “ruptura epistemologica”. Voluntarismo y positivismo constituyen por lo demás en este caso una pareja lógica, en la misma medida en que el poderío absoluto de la ciencia (en este caso el cálculo económico concebido como proyecto), está destinado a resolver las contradicciones sociales, que son bien reales, y a paliar las impotencias de una política que, a falta de ser revolucionaria, necesita de la coartada de la ciencia para cubrir sus desviaciones oportunistas. En esta vía, Bettelheim, predicador de la dirección maoista después de haberlo sido de la dirección estaliniana del PCF, y Althusser, que jamás rompió sus ligazones iniciales, se dan justamente la mano, En cierto modo por encima de la historia, sin duda alguna, en el campo del marxismo académico. 3. El criterio de la práctica Para eliminar toda desviación formalista en el debate sobre la naturaleza de la URSS, Trotsky ha explicado varias veces que el último criterio de enjuiciamiento sería el acuerdo o el desacuerdo en

relación con las tareas políticas. Así por ejemplo, sería conveniente luchar de acuerdo con los militantes que califican a la URSS de sociedad “capitalista de Estado”, con la condición de que exista acuerdo sobre el programa de la revolución en la URSS misma. Del mismo modo, si Modzelevsky y Kuron definen en su “Carta abierta al partido comunista polaco” a la burocracia como una clase, no existe ya divergencia de fondo entre el programa que avanzan y el que fue formulado en el programa de transición, a en los textos del V° Congreso de la IV° Internacional. En su programa, Modzelevsky y Kuron insisten en la prioridad de la organización de la clase obrera en forma de consejos obreros, en el pluralismo de partidos que se reclaman del socialismo, en la supresión de la censura preventiva, en el derecho de huelga y en la independencia de los sindicatos en relación con el Estado, en la representación de los campesinos a escala nacional. El programa elaborado por el congreso mundial de la IV° Internacional reivindica la libertad de organización para todos los partidos que se sitúen dentro del marco de la legalidad soviética, la libertad de prensa y de reunión, la disolución de los órganos permanentes y secretos de seguridad interior, la elección y la revocabilidad mediante escrutinio secreto de los representantes políticos, la limitación de los sueldos de funcionario, el armamento general de los trabajadores, la distinción entre Estado y partidos, la gestión de las empresas en el marco del plan por los consejos obreros, la garantía del derecho de huelga... No aparece pues por aquí diferencia alguna de fondo en lo que se refiere a los objetivos centrales de la revolución en la URSS y en las democracias populares, que constituyen la esencia de lo que nosotros llamamos programa de la revolución política. Consideremos en cambio las posiciones políticas publicadas por el grupo “Revolution”, no en razón de la importancia propia de este grupo, sino porque se esfuerza en concretar sobre el terreno político las posiciones teóricas de Bettelheim, que prefiere en general comentar lo que está pasando en este terreno, desde el banco del observador “económico”. En su texto sobre el estalinismo, “Revolution” caracteriza a la burocracia como una clase, cuidándose no obstante de precisar : “El dominio que esta clase ejerce sobre las relaciones de producción es directamente político, es decir, directamente estatal. (...) Ha conquistado el poder en el interior de la dictadura del proletariado, y su dominio ha sido desde un principio, político.” Es una curiosa aplicación, decididamente, de la noción de clase social : una clase cuya única característica reside en el ejercicio del poder político, y que está llamada a crear totalmente de nuevo sus bases sociales – después del golpe. Y con qué dificultades, puesto que “debe fundar su poder en forma estable y automática, a nivel de las relaciones de producción” ; para conseguirlo debe “ir hacia la reconstitución de relaciones de producción de tipo capitalista, y por lo tanto, si no

hacia su propia desaparición, al menos hacia su desplaza miento y su recomposición”. Este verbalismo bastante impreciso atestigua las dificultades en las cuales se enreda uno cuando pretende dar a cualquier precio una coherencia de clase a una capa social cuyo carácter irreductiblemente inestable, transitorio y contradictorio, se basa fundamentalmente en que no inserta sus raíces en el centro de las relaciones sociales, sino que se perpetúa tan sólo por su incrustración parasitaria en el poder político. Por esto nosotros consideramos mucho más claro definir a la burocracia como a una casta. Pero más allá de las definiciones, la posición de los camaradas de “Revolution” les lleva a incoherencias prácticas. Ellos dicen, en efecto : “Si hacemos nuestras las consignas democráticas para estos países, diremos que en la fase actual se disponen a profundizar la inestabilidad fundamental de la clase dirigente ;” Y más adelante avanza la perspectiva de un “frente con la democracia liberal (tecnócratas) en pro de las libertades políticas ...” En la perspectiva de la revolución política, la revalorización de las reivindicaciones democráticas es perfectamente coherente, puesto que la neta de esta revolución es la estructuración y el fortalecimiento en el ejercicio del poder político, y no la modificación de las relaciones sociales. En cambio si la URSS se define como un estado capitalista, hay que precisar el significado de clase que tienen las reivindicaciones democráticas. Dado que la burguesía liberal clásica jamás ha podido consolidarse allí, no puede tratarse por lo tanto de proponerle una lucha común avanzando consignas democráticas que la clase en el poder no podrá ya satisfacer. Al contrario, los camaradas describen las reformas económicas del tipo Liberman-Trapeznikov o de Ota Sik como participantes en un proceso de restauración del capitalismo clásico. Con una óptica así las reivindicaciones democráticas constituirían estrictamente la parte política de la liberalización económica. Hacer suyas, por lo tanto, las consignas democráticas, no significaría otra cosa que afirmar en la práctica que la burguesía liberal clásica está llamada a jugar un papel históricamente más progresista que la que los camaradas de “Revolution” llaman, entre otras cosas, “la burguesía de Estado”. De ahí a reafirmar las tesis menchevique-estalinianas sobre la revolución por etapas y a considerar la misma Revolución Rusa de 1917 como un error imputable a la impaciencia utópica de Lenin y de Trotsky, no habría más que un paso, que el pudor revolucionario se niega a franquear, mientras que la lógica de la razón incita a ello. Otros puristas intransigentes se han mostrado por lo demás recientemente más atribulados aún. Este es principalmente el caso de Alain Gillerm, que al publicar en Cahiers Spartacus un folleto sobre el luxemburguismo de nuestros dias, llega a decir que la Revolucion Rusa “no podía no degenerar tal corno lo hizo”, lo cual viene a dar la razón a aquellos que están siempre dispuestos a

capitular ante la fuerza de las cosas y poner con ello la historia concreta entre paréntesis. En el plano internacional, las posiciones de “Revolution” hallan sus prolongaciones lógicas. En caso de conflicto entre China y la URSS, apoyo incondicional a la china Roja. Tendría uno derecho a preguntarse hoy día si un apoyo tal debe extenderse a los sistemas de alianzas, porque en este caso habría que apoyar a Pakistán contra la India... O bien habría que preguntarse por las razones de la política diplomática de China, lo cual además exigiría aún una caracterización de la dirección china y de sus contradicciones, que la cualificación lírica de China Roja no consigue apenas esquivar. Dentro de la misma lógica, los camaradas de “Revolution” piensan que en caso de conflicto entre la URSS y el imperialismo “la postura de los revolucionarios es la sedición revolucionaria”. “Postura a matizar”, añaden entre paréntesis, para dejar rugar a la incertidumbre y a la vergüenza. Así pues, no existe un error teórico fundamental que pueda considerarse políticamente gratuito. Y la práctica aclarara en última instancia algún día con mayor crudeza, los matices y las divergencias que parecían conciliables sobre el terreno de una determinada teoría, que no es ciertamente la nuestra. Esto es lo que hemos querido ilustrar al poner en evidencia el hecho, para nosotros seguro, de que se trata principalmente y antes que nada de un debate estratégico sobre el contenido de clase y las contradicciones de la revolución socialista en nuestra época. Es por esto que no concebimos que se pueda disociar en último análisis, este debate de aquel otro sobre la revolución permanente ; ni que se pueda separar, por comodidad “teórica”, una sociedad viva de la historia sobre la cual se ha constituído. Separar con escalpelo el materialismo histórico del materialismo dialéctico, la sociedad de la historia, la economía de la lucha de clases, es propio de profesores y de ideólogos estalinianos. Entenderse al menos sobre este punto, que es fundamental, nos permitiría situar la discusión en un terreno mucho más fecundo, que es el de la elaboración de una estrategia revolucionaria por medio de las fuerzas vivas que la ponen en práctica. VI. El ascenso do la revolución política El debate sobre la caracterización de la URSS no puede ser decididamente uno argumentación académica. Es mil veces más eficaz abordarlo bajo el ángulo do tareas políticas prácticas. Ahora bien, si en la época en que Trotsky elaboraba el programa de transición, la noción de revolución política todavía podía aparecer como un objetivo lejano y bastante abstracto, los veinte últimos años de historia real so han encargado ampliamente de darle un contenido

vivo. De las experiencias de Berlín. Este en 1953, de Polonia y Hungría en 1956, de Checoslovaquia en 1968 y nuevamente de Polonia en 1970, emergen las líneas de fuerza de la revolución política. El levantamiento obrero en Berlín. Este en 1953 constituye el primer ascenso importante de la revolución política. La guerra fría había reclamado de la burocracia una intensa política de rearme, que se traducía por la colectivización forzada de la tierra y la prioridad absoluta acordada a la industria pesada. El resultado de ello fue una penuria sensible y la huída al oeste de las clases medias, con lo cual se agrava la desorganización de la distribución. Después de la muerte de Stalin, el “nuevo curso” de la burocracia en la RDA consistía más que nada en hacer concesiones a la pequeña burguesía y a las clases medias, al precio de una agravación creciente de las condiciones laborales de la clase obrera ; las normas se aumentaron entonces en 10%. Desde entonces, en lucha contra el trabajo al destajo los obreros de la construcción fueron los primeros a ponerse en acción mediante huelgas y manifestaciones. Su movimiento se convirtió rápidamente en una mancha de aceite, arrastrando a los bastiones obreros tradicionales, como los de la fábrica Leuna de Merseburg, viejo centro del movimiento obrero alemán. El contenido de clase de este movimiento se revela claramente a través de las declaraciones de sus líderes espontáneos (“los verdaderos comunistas somos nosotros...’), pero en forma más demostrativa aún a través de las iniciativas que tomaron. Por ejemplo, los huelguistas de Berlín Este lanzaron una llamada a todos los trabajadores del Gran Berlín para unirse a su lucha. Esta llamada va dirigida a la extensión y a la profundización de la revolución en toda Alemania, sin que ningún contrarrevolucionario o burócrata adherido al statusquo lo hubiera previsto. Ante un tal movimiento de masas, la burocracia política central se divide en cuanto al mejor medio para canalizarla, y hace determinadas concesiones en relación con la organización del trabajo. En 1956, el Octubre polaco se inscribe en el contexto político de la desestalinización. En primavera, los obreros de la fábrica de Poznan entran en lucha con las normas de trabajo ; la burocracia, desbordada, ha hecho disparar sobre los manifestantes ; algunos de ellos han sido arrestados. Un gran movimiento de indignación subleva a la población. El proceso de los amotinados de Poznan, a diferencia clásica de los procesos estalinianos, finalmente se transforma en verdadero proceso a la sociedad burocrática. Si se considera lo que pudo publicar muy oficialmente desde el 29 de Abril la revista Nova Kultura, en forma de llamamiento al 1° de Mayo, puede imaginarse mejor qué olas de fondo sacuden en aquel entonces a Polonia y a su clase obrera, rica en una gloriosa tradición de lucha :

“El 1° de Mayo estaliniano, es el 1° de Mayo acostumbrado de la Polonia popular” ? Esto es, conjuntamente, la revolución y la contrarrevolución. Los obreros al lado de los ladrones que les roban impunemente. Los viejos revolucionarios con los pequeños conformistas de la juventud comunista. Los devotos de la Santísima Virgen con los devotos del culto a la personalidad (...) “La revolución nos ha dotado de un aparato completo de gobierno. Ha cubierto con el mismo a todo el país, ha colocado a miliares de personas, todas interesadas en salvaguardarlo y reforzarlo. Jamás controlado por las masas y suprimiendo muy pronto con suma habilidad todo medio de control, este aparato ha degenerado ; ha formulado él mismo sus principios y ha definido sus propios objetivos ; se ha rodeado de una policía que le es devota, que defiende los intereses de la casta oficial ; ha producido su propia mitología en torno a una fé ya un jefe infalible ; ha formado sus propias alianzas de clase mediante una combinación entre la casta oficial y las profesiones privilegiadas ; ha derivado su propia estética de la versión shdanoviana del realismo socialista. Lo único que le falta a los privilegiados del sistema es la hereditariedad material y nobiliaria. Esta casta ha sido un elemento antiprogresista, y sus intereses eran contrarios a los de los trabajadores. (...) “Esto que está pasando entre nosotros (ahora) es una revolución. Hay que inscribir en las pancartas del primero de Mayo las siguientes consignas : – “El poder a los obreros y campesinos, que sus votos sean decisivos para la administración de la industria y en la lucha por una nueva agricultura”. – “El poder al pueblo, con nuevos consejos nacionales dota dos de poder efectivo, en una forma totalmente democrática”. – “El respeto de la ley, una libertad completa de palabra y de discusión, una jurisdicción independiente, el respeto a la Constítución”. – “El estandarte rojo de la clase obrera y su himno consus palabras : “Toma lo que te es debido, conforme a tu propia ley, y busca tu salud en tu propia voluntad !”. Un auténtico movimiento de masas nace en efecto de las fábricas. Al pasarse masivamente las milicias al lado de los trabajadores, vacila primero y recula después la dirección soviética, que después de un viaje de Jruschov, renuncia a hacer intervenir directamente a las tropas del mariscal Rokosovsky. Frente al ascenso de las masas el partido comunista polaco se muestra dividido, y Gomulka, encarcelado bajo Stalin y recientemente liberado, juega un papel de árbitro que le vale una considerable popularidad. Al igual que en la RDA. En 1953, el partido comunista se ha dividido en la prueba. A

diferencia de lo que pasó en Yugoslavia sin embargo, el movimiento ha partido esta vez realmente de la base. No obstante, la ausencia de una vanguardia, aunque fuese poco organizada y preparada, constituye la mayor debilidad de un movimiento que ha llegado a los limites extremos de su entusiasmo espontáneo. Seguirá siendo no obstante, una de las más importantes experiencias de autoorganización de los trabajadores, cuyo efecto se encontrará en las luchas do 1970 y cuya profundidad ha sido desde entonces subrayada justamente por el redactor de Prostu : “Todo esto rebasa evidentemente el marco puramente económico. No se pueden ni siquiera definir estos fenómenos como “trasfondo político de consignas económicas”, porque se trata simplemente de una política pura, y no de un aspecto táctico, sino de un aspecto estratégico, que afecta al problema político decisivo : se trata del problema del poder. La clase obrera, desplazada a un segundo plano durante la época estaliniana por el aparato burocrático, que se había alienado de la sociedad, exige ahora una participación directa en el poder, y tiende la mano hacia él como hacia una cosa que le pertenece, tomando en sus manos, como debe hacerlo, su destino. “Estas propuestas, a primera vista modestas, de autogestión de las empresas, contienen una dinámica formidable. El fondo de la cuestión está encerrado en ellas como en una semilla, y el que no comprenda esto no comprenderá la tendencia de evolución fundamental que existe en todo el país. “Cuando los elementos reaccionarios y burocráticos consiguen parar este proceso en una fábrica, en una ciudad o un distrito, el fermento pasa a otra fábrica, a otra ciudad u otro distrito, hasta que todas las cadenas burocráticas hayan saltado.” El movimiento húngaro fue más repentino y brutal que el movimiento polaco. Hay varias razones para ello, por un lado, la diferencia de tradiciones en el movimiento obrero : después de la derrota de Bela Kun, éste había estado reducido la mayor parte del tiempo a la clandestinidad, lo cual no había favorecido en nada la educación a gran escala de la clase obrera, pero tampoco había permitido que pudiera ser penetrada en profundidad por el estalinismo ; la personalidad de Imre Nagy, ligado al nuevo curso de 1953, seguía siendo muy popular. Finalmente, el círculo Pétöfi jugaba un papel nada despreciable de fermento intelectual. El 23 de Octubre, una manifestación compuesta en su origen esencialmente por estudiantes, pasó a última hora de la tarde, con el refuerzo de los trabajadores, de 10 000 a 200 000 personas, reclamando una política nacional independiente, la revisión de los tratados comerciales, la amistad con la URSS sobre una base de igualdad, las fábricas para los trabajadores, la libertad para los

campesinos, un cambio de dirección en el partido y elecciones libres y secretas. La aparición de consejos obreros, la adhesión al movimiento de partes importantes del ejército húngaro desaconsejan, al igual que sucedió en Polonia, la intervención soviética y llevan al retorno de Nagy al poder. Pero la actitud atentista de este último, su desconfianza burocrática hacia la organización de las masas, dan a la dirección soviética, sorprendida, el tiempo de reponerse. El 4 de Noviembre, las tropas soviéticas entran nuevamente en Hungría, para llevar al poder al equipo Kadar, preparado entretanto. Los trabajadores húngaros oponen entonces una resistencia política y militar que lleva el movimiento a su más alto nivel de madure, como lo atestiguan los documentos adoptados por los consejos obreros, del 11° distrito de Budapest, y por el consejo central obrero de Budapest publicamos aquí. Resolución de los consejos obreros del distrito 11° de Budapest Budapest, 12 de Noviembre 1956 Los representantes de los obreros de de las fábricas del distrito 11° han decidido unánimemente que, en interés de la construcción socialista de Hungría y del porvenir del pueblo húngaro, están dispuestos a reanudar el trabajo en las condiciones siguientes : 1. Subrayamos expresamente que la clase obrera revolucionaria considera que las fábricas y la tierra son propiedad del pueblo trabajador. 2. El parlamento obrero reconoce al gobierno Kadar como parte negociante, con la condición previa de que se reorganice con el fin de asegurar su legalidad, para responder así a la voluntad del pueblo. 3. El pueblo ha otorgado su confianza a los consejos de trabajadores para asegurarse de gue’la voluntad del pueblo será finalmente realizada. Exigimos una ampliación de las atribuciones de los consejos obreros, así como su confirmación por parte del gobierno, en los campos económico, cultural y social. 4. En interés del mantenimiento del orden y del restablecimiento de la paz, exigimos que se fije un plazo para celebrar elecciones libres. En las mismas no podrán participar más que los partidos que reconocen y han reconocido siempre el orden socialista. Este orden se basa en el principio de que los medios de producción pertenecen a la sociedad.

5. Exigimos la liberación inmediata de los miembros del gobierno Imre Nagy que han sido elegidos por la revolución : del mismo modo exigimos la liberación de todos los combatientes por libertad. 6. Exigimos el establecimiento inmediato de un cese-el-fuego, así como la retirada de las tropas soviéticas de Budapest, dado que las autoridades húngaras pueden asegurar el orden con ayuda del poder obrero. Exigimos además que el gobierno húngaro inicie negociaciones para la retirada gradual y ordenada de las tropas soviéticas fuera del territorio húngaro, tan pronto como los trabajadores hayan reanudado el trabajo, y que la opinión pública sea informada de la marcha de estas negociaciones. 7. La policía debe ser reclutada entre los obreros de fábrica sinceros y las unidades del ejército leales al pueblo. 8. Se solicita que los puntos arriba mencionados sean publicados por el gobierno, por medio de la radio y de la prensa. Conclusión : empezaremos a trabajar inmediatamente en la reconstrucción, así cono para asegurar el aprovisionamiento del pueblo y a restablecer sus medios de transporte ; pero no tomaremos en consideración otras tareas más que después de habernos sido reconocidas nuestras reivindicaciones y puestas en prácica las mismas. Budapest, 14 de Noviembre 1956 Hoy, 14 de Noviembre de 1956, los delegados de los consejos obreros de barrios han formado el consejo central obrera del Gran Budapest. El consejo central obrero ha recibido poderes para negociar, en nombre de los obreros de todas las empresas situadas en el territorio de Budapest, y de decidir el paro o la reanudación del trabajo. Proclamamos nuestro riguroso respeto a los principios del socialismo. Consideramos que los medios de producción son una propiedad colectiva que estamos siempre dispuestos a defender. 1. Nosotros, los obreros, estimamos que el restablecimiento de la calma y del orden exige la atribución de la dirección a una personalidad que goce de la confianza del pueblo. Proponemos por lo tanto que el camarada Imre Nagy asuma la dirección del gobierno. 2. Protestamos contra el hecho de que en el seno de los nuevos órganos de seguridad se nombren a los miembros de antiguos servicios de seguridad del estado (AVH). Queremos que los hombres que constituyan estos nuevos organismos de seguridad sean reclutados entre los jóvenes revolucionarios, los miembros de la policía y del ejército que sigan fieles al pueblo y los obreros de

fábrica. El nuevo organismo de seguridad no puede en ningún caso asegurar la defensa de intereses de partido o de particulares. 3. Exigimos que se garantice una libertad absoluta a todos aquellos que luchan por la libertad, entre otros a Pâl Maléter y a sus camaradas. Exigimos la liberación de todos los detenidos actuales. 4. Exigimos la retirada rápida de las tropas soviéticas, con el fin de reforzar la amistad entre nuestro pais y la URSS. Debe sernos garantizada la posibilidad de una reconstrucción pacífica de nuestro país. 5. Reivindicamos que la radio y la prensa no difunda más informaciones que no correspondan a los hechos. 6. Mientras no sean satisfechas nuestras exigencias, no permitiremos más que el funcionamiento de las empresas indispensables para asegurar la vida cotidiana de la población. Los trabajos de mantenimiento y de reconstrucción no serán proseguidos más que en la medida en que respondan a las necesidades inmediatas de la economía nacional. 7. Exigimos la abolición del sistema unipartido y el reconocimiento exclusivamente de partidos elle se basen en el socialismo. Un octavo punto de esta resolución anunciaba que el trabajo no sería reanudado más que una vez satisfechos los demás puntos. Pero el desarrollo desigual del movimiento a escala nacional, la desorganización de la vida social por la parálisis de la producción, arrastró consigo contradicciones que en el contexto internacional de entonces, una vanguardia nacida de la lucha, sin raíces históricas ni teóricas, no podía vencer, Los trabajadores tuvieron que aceptar finalmente la reanudación del trabajo, ante el temor de que la división rompiera sus propias filas. Más cerca de nosotros, la primavera de Praga, donde la movilización contra la censura tuvo un papel decisivo, la lucha de los trabajadores polacos en el Báltico, para los cuales las reivindicaciones políticas de independencia de los sindicatos en relación con el Estado, de separación entre partido y Estado, de reducción en la jerarquía de salarios, pasaban por delante de la reivindicación de la semana de cinco días, ofrecen nuevas indicaciones sobre el contenido de la revolución política. Del mismo modo, durante la revolución cultural en China, cuando la burocracia se esforzaba, gracias al ejército principalmente, por conservar el control del movimiento, la aparición de grupos tales como del 16 de Mayo, aunque mal conocido, nos proporcionan datos útiles. En efecto, en su libro sobre la revolución cultural, Jean Daubier cita los textos oficialmente publicados por los dirigentes del grupo, en la época en que ocupaban un lugar muy

importante en el colectivo encargado de la revolución cultural, particularmente los textos donde reclaman el armamento de las masas, para que el movimiento de crítica pudiese alcanzar al ejército mismo. De todas estas experiencias resalta un rasgo distintivo de las movilizaciones obreras, en relación con las movilizaciones obreras en los países capitalistas. De entrada, e incluso donde la vanguardia es muy débil o casi inexistente, las reivindicaciones políticas aparecen en ellas como prioritarias, en relación con las reivindicaciones salariales, por ejemplo. La atención se centra espontáneamente en la forma del poder político (censura, supresión de policías especiales, autonomía del sindicato en relación al Estado, separación entre partido y Estado) y de los órganos de gestión en la empresa. Espontáneamente vemos resurgir formas de organización de la clase tales como los consejos y las milicias. A menos que se vea en ello una simple coincidencia, hay que admitir por fuerza que las raíces sociales de estas movilizaciones son bastante diferentes de las raíces de las movilizaciones anticapitalistas que conocemos. En lugar de poner en duda las relaciones sociales fundamentales, basadas en la apropiación colectiva de los medios de producción, lo que hacen es reafirmar su ligazón y aportan todo su esfuerzo contra la confiscación del poder político. De esta forma se han actualizado, concretizado y enriquecido en la práctica los ejes de la revolución política avanzados por Trotsky en el Programa de Transición, y desarrollados por la IV° Internacional en las resoluciones de su V° Congreso mundial. Ediciones Rojas n° 32, España, 1977 Traducción del artículo publicado en la revista francesa “Critiques de l’économie politique”, n° 7-8, 1972 Notes [1] Memoires d’un bolchevik-léniniste, Edición Maspero, colección libros “Rouge”. [2] Boletín de la New Chine News Agency, del 2 de Octubre de 1950 [3] Pour une paix durable... [4] Estaciones de tractores y máquinas, propiedad del Estado. [5] Ernest Mandel, The Incosistencies of State Capitalism, IMG Pamphlet, Londres, 1969, p.14-15 Bensaïd, Daniel. Nació en 1946 en Toulouse y falleció en París en 2010. Fue uno de los pensadores marxistas contemporáneos más innovadores y un consecuente militante “práctico”. Tuvo destacada participación en las luchas de mayo del ’68 y, a partir de entonces,

como dirigente de la Liga Comunista Revolucionaria de Francia y del Secretariado Unificado de la Cuarta Internacional, intervino activamente y durante décadas en las actividades y debates del movimiento trotskista y la izquierda revolucionaria en general. Como pocos supo combinar la intensa actividad política, la docencia, la producción teórica y literaria. Fue profesor de filosofía en la Universidad de París VIII Saint Denis, escribió numerosos artículos, fundó y dirigió la revista Contre-Temps y publicó muchos libros: Mai 68 : une répétition générale(1968) fue el primero de ellos; el último, La Politique comme art stratéguique (2011). Hay entre ambos unos cuarenta títulos, entre los que destacan La Discordance des temps. Essais sur les crises, les clases, l’histoire (1995) “contrapunto y complemento” de Marx l’intempestif. Grandeurs et misères d’un aventure critique (XIXe-XXe siècles) editado en francés el mismo año y en 2003 por Ediciones Herramienta.

A Hannah Arendt le preocupaba que la política pudiera desaparecer completamente del mundo.1 Ante los desastres del siglo, resultaba inevitable establecer si "en definitiva la política todavía sigue teniendo algún sentido". Lo que estaba en juego en esos temores era algo eminentemente práctico: "El sinsentido alcanzado por toda la política queda puesto de manifiesto por el callejón sin salida en que se precipitan las cuestiones políticas particulares"2. Para Arendt, el totalitarismo era la forma que tomaba esa temida desaparición. Hoy día nos topamos con otra cara del peligro: el totalitarismo con rostro humano, propio del despotismo de mercado. En él, la política está comprimida entre el orden establecido de los mercados financieros y las prescripciones moralizantes del capital ventrílocuo. El fin de la historia y el de la política coinciden, pues, en la infernal repetición de la eternidad mercantil donde resuenan las voces blancas de Fukuyama y de Furet: "La idea de otra sociedad se ha vuelto casi imposible de concebir y, por otra parte, hoy día nadie se adentra en el tema. Henos aquí condenados a vivir en el mundo en que vivimos"3. Más que melancólica es desesperada -podría haber dicho Blanqui- esta eternidad del hombre a causa del Dow Jones y del Cac 40.4 Así, el éxito popular del programa de televisión C’est mon choix5 representa un consuelo ilusorio ante la falta de alternativa y de libertad verdaderas. La elección puramente subjetiva que allí se otorga entronca con los caprichos (tan indiscutibles como los gustos y los colores) de un individuo cuyos deseos inconstantes rechazan las necesidades sociales, y cuya libertad está rigurosamente encuadrada por las necesidades económicas y sociales. La alternativa se circunscribe estrictamente a elegir entre lo peor y lo menos malo. La anónima consigna de Mayo del 68 que afirmaba que en política la única opción realista consistía en "pedir

lo imposible", señalaba a su manera el peligro al que estaba expuesta la política desde entonces. Hannah Arendt creía poder ponerle fecha al comienzo y el fin de la política: inaugurada por Platón y Aristóteles, habría encontrado "en las teorías de Marx su final definitivo". Mediante una astucia de la razón dialéctica, anunciando el fin de la filosofía habría pronunciado en realidad el de la política. Esto es desconocer la política de Marx como la única forma contemporánea de la política frente a la violencia capitalista y los fetichismos de la modernidad: "El Estado no vale por todo", escribe en sus notas de 1848 sobre la filosofía hegeliana del Estado. Se rebela claramente contra «la exageración presuntuosa del factor político» (o «la ilusión política») que hace del Estado burocrático la encarnación de lo universal abstracto. Pero no le contrapone una pasión unilateral por lo social. Su defensa de la política, opuesta a la ilusión libertaria por lo social -desde Proudhon hasta Bakunin- atestigua, por el contrario, la constancia de su pelea en ambos frentes. Consagra sus esfuerzos a la emergencia de una política del oprimido, anunciando la necesaria desaparición del Estado en tanto que cuerpo separado de la política profesional. Para él, la cuestión urgente, vital, es la de la política desde abajo, la de quienes están excluidos de la política estatal de los dominadores, la de las víctimas de esta política confiscada. Se trata, entonces, de resolver el enigma de las revoluciones proletarias y de sus repetidas tragedias: ¿cómo lograr de la nada el todo? ¿Cómo puede una clase mutilada día a día, física y mentalmente, por la servidumbre involuntaria del trabajo obligatorio, transformarse en sujeto universal de la emancipación humana? En este aspecto, las respuestas de Marx son tributarias de una hipótesis sociológica: el desarrollo industrial trae consigo la masificación del proletariado; el crecimiento numérico y la concentración de las clases trabajadoras provocan un progreso en su organización y conciencia. La propia lógica del capital llevaría de esta forma a "la constitución de los proletarios en clase dominante". El prólogo de Engels a la edición de 1890 del Manifiesto comunista confirma este presupuesto: "Para la victoria definitiva de las propuestas enunciadas en el Manifiesto, Marx contaba con el desarrollo intelectual de la clase obrera, que surgiría de la acción y discusión comunes". De esta apuesta deriva la ilusión de que la conquista del sufragio universal permitiría al proletariado inglés, socialmente mayoritario, acoplar la representación política a la realidad social. En 1898, Antonio Labriola consideraba "que la deseada conjunción de los comunistas y de los proletarios es a partir de ahora una hecho consumado"6. La emancipación política del proletariado derivaría, necesariamente, de su desarrollo social. La convulsiva historia del siglo pasado probó que no es tan fácil escaparse del mundo encantado de la mercancía, de sus dioses sanguinarios y de su «caja repetidora». La actualidad intempestiva

de Lenin se desprende imperativamente de esta constatación. Si existe hoy una oportunidad para que la política pueda conjurar el doble peligro de convertir en natural la economía y en fatalidad la historia, esta oportunidad pasa por una nueva actitud leninista en el marco de las condiciones de la mundialización imperial, que cuestione la coherencia del orden liberal-capitalista mundial tal y como lo hiciera el cristianismo original atacando los fundamentos de la dominación imperial romana.7 El pensamiento político de Lenin es el de la política como estrategia, el de los momentos favorables y de los eslabones débiles. El tiempo "homogéneo y vacío" del progreso mecánico, sin crisis ni rupturas, es un tiempo impolítico. La idea de una "acumulación pasiva de fuerzas" alimentada por Kautsky se inscribía en esta temporalidad sin acontecimiento. Versión primitiva de "la fuerza tranquila"8, este "socialismo fuera del tiempo" y "a paso de tortuga" disuelve la incertidumbre de la lucha política en las leyes proclamadas de la evolución histórica. Lenin, por el contrario, piensa la política como un tiempo pleno, de lucha, de crisis y de bancarrotas. En él, la especificidad de la política se expresa en el concepto de crisis revolucionaria, que no es la prolongación lógica de un "movimiento social", sino una crisis general de las relaciones recíprocas entre todas las clases de la sociedad. La crisis se define entonces como una "crisis nacional". Momento de la verdad política, que actúa como revelador de las líneas de choque oscurecidas por las fantasmagorías místicas de la mercancía. Solo entonces, y no en virtud de una ineluctable maduración histórica, puede el proletariado transfigurarse y "convertirse en lo que es". Crisis revolucionaria y lucha política están estrechamente ligadas: "El conocimiento que la clase obrera pueda tener de sí misma está indisolublemente ligado a un conocimiento preciso de las relaciones recíprocas de todas las clases de la sociedad contemporánea, conocimiento no solo teórico; digamos más bien, menos teórico que basado sobre la experiencia de la política"9. Es en la prueba de la práctica política donde se adquiere este conocimiento de las relaciones recíprocas entre todas las clases. Este enfoque está en las antípodas del obrerismo vulgar, que reduce la política a lo social. En efecto, Lenin rechaza categóricamente "confundir el problema de las clases con el de los partidos". La lucha de clases no se reduce al antagonismo entre el obrero y su patrón. Confronta al proletariado con "la clase capitalista entera", en la "reproducción de conjunto" de la que es objeto el libro tercero de El capital. Por esta razón, el inacabado capítulo de Marx sobre las clases aparece lógicamente en este sitio y no en el libro primero, consagrado al proceso de producción, ni en el libro segundo, sobre el proceso de circulación. En tanto que partido político, la

socialdemocracia revolucionaria representa pues a la clase trabajadora no en sus relaciones con un grupo de patronos, sino en sus relaciones con "todas las clases de la sociedad contemporánea y con el Estado en tanto que fuerza política organizada"10. El tiempo roto de la estrategia leninista no es el de las Penélopes y Danaidas electorales cuya obra se deshace sin cesar, sino un tiempo acompasado por la lucha e interrumpido por la crisis. Es el del momento oportuno y de la coyuntura singular, donde se engarzan necesidad y contingencia, acto y proceso, historia y acontecimiento: "No podríamos representar la propia revolución como un acto único: la revolución será una sucesión rápida de explosiones más o menos violentas, que alternan con fases de calma más o menos profunda. Por ello, la actividad esencial de nuestro partido, el foco esencial de su actividad debe ser un trabajo posible y necesario tanto en los periodos más violentos de la explosión como en los de calma, es decir, un trabajo de agitación política unificada para toda Rusia". Las revoluciones tienen su propio tempo, acompasado por aceleraciones y marchas lentas. También tienen su propia geometría, donde la línea recta se rompe en las bifurcaciones y giros bruscos de la historia. El partido se nos muestra así bajo un nuevo prisma. En Lenin ya no es el resultado de una experiencia acumulativa, ni el modesto pedagogo encargado de guiar a los proletarios desde la oscura ignorancia hasta las luces de la razón. Se convierte en un operador estratégico, una especie de cambista y señalero de la lucha de clases. Walter Benjamin lo percibió muy bien: el tiempo estratégico de la política no es el de la mecánica clásica, lineal, sino un tiempo discontinuo, enzarzado en nudos de acontecimientos. En la formación del pensamiento de Lenin hay, sin duda, un juego de rupturas y de continuidades. Las principales rupturas se pueden descubrir en 1902, con el Qué hacer y Un paso adelante, o en 19141916, cuando a la luz crepuscular de la guerra debió examinar el imperialismo y el Estado, retomando el hilo de la lógica hegeliana. Pero Lenin, desde El desarrollo del capitalismo en Rusia, obra basal de juventud, estableció la problemática que le permitirá posteriormente correcciones teóricas y ajustes estratégicos. Los enfrentamientos a través de los que se constituye el bolchevismo descifran este revolución en la revolución. De las polémicas de Qué hacer o de Un paso adelante, dos pasos atrás, la vulgata retiene esencialmente la idea de una vanguardia centralizada y militarmente disciplinada. Sin embargo, lo esencial está en otra parte. Lenin lucha contra la confusión "desorganizadora" entre partido y clase, entre la política y lo social. Esta confusión, que en realidad disuelve la política en la sustancia social, paradójicamente hunde raíces en el divorcio entre lo social y lo político que aparece desde el nacimiento del movimiento obrero. Después de la revolución de 1830, espantados por el espectro de la República social los nuevos

republicanos se refugian en la ilusión política, mientras que la desconfianza popular a las soluciones estatales se transforma en "indiferentismo político" (indiferencia ante las formas de gobierno). Esta despolitización de lo social flirtea con la utopía tecnoburocrática saint-simoniana, que reemplaza las incertidumbres de la lucha política por la administración científica de las cosas.11 La distinción entre lo social y lo político restituida por Lenin -inscrita en las grandes controversias que agitan al movimiento socialista que aflora en Rusia- se opone a las corrientes populistas, economicistas y mencheviques, que coinciden a veces en negar la especificidad de lo político, creyendo defender así un "socialismo puro". La aparente intransigencia de esta ortodoxia formal hace de la revolución democrática una etapa necesaria en el camino de la evolución histórica. A la espera de conseguir la mayoría social y electoral, el emergente movimiento obrero debía dejar el papel dirigente a la burguesía y conformarse con ser fuerza de apoyo de la modernización capitalista. Esta confianza en la fusión de la historia y de lo social, según la cual todo llegaría en el momento preciso para quién supiera esperar acompañó a la ortodoxia reformista de la Segunda Internacional: hay que saber recorrer pacientemente los "caminos del poder" hasta que este caiga cual fruto maduro. Para Lenin, por el contrario, el fin orienta el movimiento, la estrategia prima sobre la táctica, la política sobre la historia. Por eso es importante delimitarse antes de unirse, "utilizar todas las manifestaciones de descontento y elaborar hasta los más mínimos elementos de una protesta, aunque sea embrionaria". O dicho de otra manera: la lucha política es "mucho más amplia y compleja que la lucha de los obreros contra la patronal y el gobierno"12. Así, cuando Rabotcheie Dielo13 deduce los objetivos políticos directamente de la lucha económica, Lenin le reprocha "reducir el nivel de la actividad política multiforme del proletariado". Considera ilusorio imaginar que "el movimiento puramente obrero" sea por sí mismo capaz de elaborar una ideología independiente. Por el contrario, el desarrollo espontáneo del movimiento obrero termina "subordinándolo a la ideología burguesa". La ideología dominante no es una manipulación de las conciencias, sino el efecto objetivo del fetichismo de la mercancía. Solo se puede escapar del círculo de hierro de esa involuntaria servidumbre por medio de la crisis revolucionaria y de la lucha política de los partidos. Esta es la respuesta leninista al irresoluto enigma de Marx. En Lenin, todo lleva a concebir la política como la irrupción de lo que está ausente: "En efecto, la división en clases es, a fin de cuentas, el cimiento más profundo del agrupamiento político", pero este a fin de cuentas es "la lucha política solamente quien lo establece.14 Así, "el comunismo surge literalmente de todos los puntos de la vida social; surge claramente por todos lados. Aunque se tape con sumo cuidado una de las salidas, el contagio encontrará otra, a veces la más

imprevisible"15. Por eso no se puede saber nunca "qué chispa prenderá el incendio". Según Tucholsky, la consigna que mejor resume la política leninista es: "¡Estad preparados!". ¡Preparados para lo improbable, para lo imprevisible, para el acontecimiento! Si Lenin pudo definir la política como "la expresión concentrada de la economía", esta concentración entraña un cambio cualitativo, a partir del cual la política no puede dejar "de tener primacía sobre la economía". "Al preconizar la fusión de los puntos de vista económico y político", Bujarin por el contrario "se desliza hacia el eclecticismo". Asimismo, en su polémica de 1921 con la Oposición Obrera, Lenin critica ese "feo nombre" que abate la política en lo social y atribuye la gestión de la economía nacional directamente a los "productores agrupados en sindicatos de productores", lo que reduce la lucha de clases a un enfrentamiento sin síntesis de intereses corporativos. La política tiene su idioma, su gramática y su propia sintaxis. Sus estados latentes y lapsus. En el escenario político, la lucha de clases transfigurada encuentra "su expresión más rigurosa, más compleja, y mejor definida, en la lucha de los partidos"16. Respondiendo a un registro específico, irreductible a sus determinaciones inmediatas, el discurso político entronca más con el álgebra de la revolución que con la aritmética. Su necesidad es de otro orden, "mucho más complejo" que el de las reivindicaciones sociales directamente deducidas de la relación de explotación. Contrariamente a lo que imaginaban los "marxistas vulgares", la política no "sigue dócilmente a la economía". Y el ideal del militante revolucionario no es el sindicalista corporativo, sino el "tribuno popular", que atiza las brasas de la subversión en todos los dominios de la sociedad. Se atribuye al "leninismo" erigido por Stalin en ortodoxia de Estado la responsabilidad del despotismo burocrático. Así, la noción de un partido de vanguardia distinto de la clase habría llevado el germen de la sustitución del movimiento social real por el aparato, y anunciado todos los Círculos del infierno burocrático. Aunque injusto, este cargo plantea una dificultad real. Si la política no se confunde con lo social, la representación de uno por el otro se vuelve problemática: ¿en qué se basa su legitimidad? Es clara la tentación de resolver la contradicción postulando una adecuación tendencial entre representantes y representados, que culminaría con el languidecer del Estado político. Al no admitir ningún depositario exclusivo, las aporías de una representación constantemente ejercitada en la pluralidad de las formas constituyentes se encuentran a su vez eliminadas. Pero esta cuestión puede ocultar otra, no menos importante. Creyendo parafrasear un texto canónico de Kautsky, Lenin lo deforma de manera decisiva. Kautsky escribió que "la ciencia" les llega a los proletarios "desde el exterior de la lucha de clases", traída por "los intelectuales

burgueses". Por un extraordinario deslizamiento de pluma, Lenin traduce que la "conciencia política" (y no ya la "ciencia") viene "del exterior de la lucha económica" (y ya no de la lucha de clases, que es tanto política como social), traída no por intelectuales como categoría sociológica, sino por el partido en tanto que actor específico del campo político. La diferencia es enorme. Una insistencia tan constante en el lenguaje político, donde la realidad social se manifiesta a través de un juego permanente de desplazamientos y condensaciones, debería llevar lógicamente a conceptualizar la pluralidad y la representación. Si el partido no es la clase, una misma clase debería poder estar representada políticamente por varios partidos que expresaran sus diferencias y contradicciones internas. Así pues, la representación de lo social en la política debería ser objeto de una elaboración institucional y jurídica. Desde luego, Lenin no llega hasta ahí. Sin embargo, abre un espacio político original y explora sus pistas. Un estudio detallado de sus posiciones -que excedería nuestro propósito- sobre la cuestión nacional, la cuestión sindical en 1921 y sobre la democracia a lo largo del año 1917, permitiría verificarlo. Así, somete la representación a reglas inspiradas en la Comuna de París que tratan de limitar la profesionalización de la política: un salario idéntico de los electos al del obrero cualificado, una vigilancia continua contra los favores y los privilegios de la función, la responsabilidad de los representantes ante los representados. Contrariamente a una tenaz leyenda, no preconiza el mandato imperativo. En el partido, "los poderes de los delegados no deben estar limitados por mandatos imperativos", en el ejercicio de sus funciones "son completamente libres e independientes", el congreso o la asamblea son soberanos. En los órganos del Estado "el derecho de revocación de los diputados" no se confunde con un mandato imperativo que reduciría la representación a la suma corporativa de intereses particulares y locales sin síntesis posible, vaciando así la deliberación democrática de toda sustancia y desafío. En cuanto a la pluralidad, Lenin afirma con insistencia que "la lucha de matices" en el partido es inevitable y necesaria, dentro de límites "aprobados de común acuerdo". Afirma "la necesidad de garantizar los derechos de cualquier minoría en los estatutos del partido, con el fin de alejar las continuas e inagotables fuentes de descontento, irritación y conflicto del habitual curso filisteo de escándalos y mezquinas peleas, para reconducirlas por el todavía desacostumbrado conducto de una lucha regular y digna en defensa de sus convicciones. Entre estas garantías absolutas, incluimos otorgar a la minoría uno (o varios) grupos literarios, con derecho de representación en el congreso y total derecho de expresión"17. Si la política es un asunto de elección y de decisión, naturalmente implica pluralidad organizada. Se trata en este momento de

"principios de organización". El "sistema de organización" puede variar en función de situaciones concretas, sin perder el hilo conductor de los principios en el laberinto de las oportunidades. Incluso la famosa disciplina en la acción parece entonces menos intangible que lo que quisiera la dorada leyenda del leninismo burocrático. Es conocida la indisciplina de Zinoviev y Kamenev oponiéndose públicamente a la insurrección de octubre de 1917, sin ser por ello separados prolongadamente de sus responsabilidades. El propio Lenin, en circunstancias extremas, no duda en reivindicar el derecho personal a la desobediencia. Así, evalúa dimitir de sus responsabilidades para recobrar "su libertad de agitación" en las filas del partido. En el crítico momento de decidir sobre la insurrección, escribe claramente al comité central: "Me he ido allí donde no deseáis que vaya [al Smolny]. Adiós". Así pues, la propia lógica de Lenin lo empuja a cavilar sobre la pluralidad y la representación, en un país desprovisto de tradiciones parlamentarias y democráticas. Sin embargo, no llega hasta ahí. Hay -al menos- dos razones para ello. La primera, es que hereda de la Revolución francesa la ilusión de que, una vez expulsado el opresor, la homogeneización del pueblo (o de la clase) solo es cuestión de tiempo: las "contradicciones dentro del pueblo" solo pueden llegar por el otro (el extranjero) o por la traición. La segunda, porque la distinción entre la política y lo social no inmuniza contra la inversión fatal: en vez de iniciar la socialización de lo político, la dictadura del proletariado puede significar en cambio la estatización burocrática de lo social. ¿No se aventuró el propio Lenin a pronosticar "la extinción de la lucha de los partidos dentro de los soviets"?18 En El Estado y la revolución, los partidos son llamados a perder enteramente su función en provecho de una democracia directa que ya no sería un Estado completamente separado. Contrariando las esperanzas iniciales, la estatización de la sociedad prevaleció sin embargo sobre la socialización de las funciones estatales. Por el peligro principal -de cerco militar y de restauración capitalista-, los revolucionarios no vieron crecer sobre sus talones (o lo vieron demasiado tarde) el peligro secundario de la contrarrevolución burocrática. Paradójicamente, las debilidades de Lenin en este aspecto se deben tanto o más a sus inclinaciones libertarias que a sus tentaciones autoritarias. Como si, paradójicamente, un lazo secreto uniera las unas a las otras o, en términos de Marx, "la ilusión política" (estatal) a "la ilusión social" (libertaria). La crisis revolucionaria se manifiesta como el momento crítico en el que la teoría se vuelve estrategia: "La historia en general y la de la revoluciones en particular es más rica en contenidos, más variada, más multiforme, más viva, más ingeniosa que lo que piensan los mejores partidos, las vanguardias más conscientes de las clases más avanzadas. Y esto se comprende, puesto que las mejores vanguardias expresan la conciencia y la voluntad, la pasión de decenas de miles

de hombres, mientras que la revolución es uno de los momentos de exaltación y de tensión particulares de todas las facultades humanas, la obra de la conciencia, de la voluntad, de la imaginación, de la pasión de cientos de miles de hombres espoleados por la más áspera lucha de clases. De aquí se desprenden dos conclusiones prácticas de gran importancia: la primera, que la clase revolucionaria para cumplir con su tarea debe saber tomar posesión de todas las formas y de todos los flancos de la actividad social, sin la menor excepción; la segunda, que la clase revolucionaria debe estar preparada para remplazar rápida y bruscamente una forma por otra"19. Contra los hábitos de la rutina y de la costumbre, Lenin deduce la necesidad de estar prestos para lo imprevisto del acontecimiento que revela, repentinamente, la verdad oculta de las relaciones sociales: "No sabemos, no podemos saber, qué chispa prenderá el incendio en el sentido de un despertar particular de las masas. También debemos poner en movimiento nuestros principios comunistas para preparar el terreno, todos los terrenos, incluso los más viejos, los más amorfos y los, en apariencia, más estériles. Si no, no estaremos a la altura de nuestra tarea, seremos excluidos, no empuñaremos todas las armas". ¡Cultivar todos los terrenos! ¡Estar al acecho de las salidas más imprevisibles! ¡Estar preparado para el cambio brusco de las formas! ¡Saber tomar todas las armas! Tales son las máximas de una política concebida como el arte de los contratiempos y posibilidades en una coyuntura determinada. Esta revolución en la política nos hace volver a la noción de crisis revolucionaria, anticipada en 1915 en La quiebra de la Segunda Internacional. Se define como una interacción entre diversas variables de una situación: cuando los de arriba ya no pueden gobernar como antes y los de abajo ya no soportan ser oprimidos como antes; y cuando esta doble imposibilidad se traduce en una repentina efervescencia de las masas. Retomando estos criterios, Trotski subraya en su Historia de la Revolución Rusa "su reciprocidad condicional: cuanto con más resolución y seguridad actúe el proletariado, y cuanto mayor sea la posibilidad de arrastrar a las capas intermedias, mayor será el aislamiento de la clase dominante y se acentuará su desmoralización; y, en cambio, la disgregación de las capas dirigentes lleva agua al molino de la clase revolucionaria". La crisis abre el campo de posibilidades, pero no garantiza las condiciones de su propio desenlace. Por eso la intervención de una fuerza revolucionaria se convierte en el factor decisivo de una situación crítica: "La revolución no surge de toda situación revolucionaria, sino solo en el caso de que se sume, a todos

los cambios objetivos enumerados, un cambio subjetivo, a saber, la capacidad de la clase revolucionaria de llevar a cabo acciones suficientemente vigorosas como para hacer completamente añicos al viejo gobierno, que nunca caerá, incluso en época revolucionaria, si no se lo hace caer". La crisis solo puede ser resuelta por la derrota a favor de una reacción a menudo mortífera, o por la enérgica intervención de un actor decidido. Esta es precisamente la interpretación del "leninismo" para Lukács en Historia y conciencia de clase. Lo que le valió los anatemas luego del quinto congreso de la Internacional Comunista (1925) de los "bolchevizadores termidorianos". Él insiste en que "solo la conciencia del proletariado puede enseñar cómo salir de la crisis del capitalismo; mientras no se dé esta conciencia, la crisis se hace permanente, vuelve al punto de partida y repite la situación":"La diferencia entre la ‘última crisis’ del capitalismo, su crisis decisiva, y las crisis anteriores no reside, pues, en una metamorfosis de su extensión y profundidad; en resumen, de su cantidad en calidad. O más bien esta metamorfosis se manifiesta en esto: el proletariado deja de ser simple objeto de la crisis y se despliega abiertamente el antagonismo inherente a la producción capitalista"20. A esto hace eco la fórmula de Trotski en los años treinta cuando frente al nazismo y a la reacción estalinista, reduce la crisis de la humanidad a su "crisis de dirección revolucionaria". Chateaubriand define la estrategia como "un cálculo de masa, velocidad y tiempo". Para Sun Tzu, el arte de la guerra es el arte del cambio y de la rapidez. Este arte exige adquirir "la velocidad de la liebre" y "tomar partido de repente", porque está demostrado que la más ilustre victoria hubiera podido trastocarse en derrota "si la batalla se hubiera librado un día antes o algunas horas después". El código de conducta que se desprende vale tanto para los políticos como para los militares: "No dejéis escapar ninguna ocasión cuando os sea favorable. Los cinco elementos no están en todas partes ni con igual pureza; las cuatro estaciones no se suceden de la misma forma todos los años; el amanecer y el ocaso del sol no están siempre en el mismo punto del horizonte. Entre los días, algunos son lentos; otros, cortos. La luna crece y decrece y no brilla siempre por igual. Un ejército bien dirigido y disciplinado imita todas estas variaciones". La noción de crisis revolucionaria retoma, politizándola, esta lección de estrategia. En ciertas circunstancias excepcionales, el equilibrio de fuerzas alcanza un punto crítico: "Cualquier desbarajuste de los ritmos provoca efectos conflictivos. Perturba y confunde. También puede producir un vacío en el tiempo que se debe llenar con inventiva, con creación. Lo que, individual y socialmente, solamente sucede al pasar por una crisis"21. ¿Un vacío en el tiempo? ¿Un momento de excepción?

¿Por dónde puede surgir el hecho no consumado que contradice la fatalidad del hecho consumado? Durante la revolución de 1905, Lenin recupera el elogio de la prontitud conforme a Sun Tzu. Es necesario, dice, "comenzar al instante", actuar "sobre la marcha": "Formad en el acto, en todos sitios, grupos de combate. En efecto, hay que saber atrapar al vuelo esos "momentos que desaparecen" de los que habla Hegel y que constituyen "una definición excelente de la dialéctica"22. Porque la revolución en Rusia no es el resultado orgánico de una revolución burguesa que se prolonga en revolución proletaria, sino "un enmarañamiento" de dos revoluciones. Que se pueda conjurar la catástrofe probable o inminente depende del agudizado sentido de la coyuntura. El arte de la consigna es el arte del momento propicio. Una consigna, válida ayer, puede ya no serlo hoy y volver a serlo mañana: "Hasta el 4 de julio [de 1917], la consigna de entregar la totalidad del poder a los soviets era justa". Después, ya no. "En ese momento, y solo en ese momento, durante quizás algunas días todo lo más, o durante una semana o dos, tal gobierno podría..."23. ¡Unos días! ¡Una semana! El instante crítico del clinamen (de la declinación del átomo). La oportunidad a aprovechar. El momento de la verdad. El 29 de septiembre de 1917, Lenin escribe al comité central que vacilaba: "La crisis está madura". Esperar se convierte en un crimen. El primero de octubre, lo acucia a "tomar el poder al instante", a "pasar en el acto a la insurrección". Algunos días después, vuelve a la carga: "Escribo estas líneas el 8 de octubre. El éxito de la revolución rusa depende de dos o tres días de lucha". E insiste: "Escribo estas líneas en la noche del 24. La situación es extremadamente crítica. Ahora es claro que retrasar la insurrección es la muerte. Todo pende de un hilo". Hay, pues, que actuar "esta tarde, esta noche". "Ruptura de la gradualidad", escribía Lenin al comienzo de la guerra en los márgenes de su ejemplar de la gran Lógica de Hegel. Y subrayaba: "La gradualidad no explica nada sin los saltos. ¡Los saltos! ¡Los saltos! ¡Los saltos!"24. El pensamiento estratégico de Lenin otorga un lugar extraordinario al acontecimiento que se pueda presentar. Pero este acontecimiento no es un acontecimiento absoluto, procedente de ninguna parte o surgido de la nada. Se inscribe en condiciones de posibilidad históricamente determinadas. Esto lo distingue del milagro religioso. La crisis revolucionaria de 1917 y su desenlace insurreccional resultan comprensibles estratégicamente dentro del horizonte trazado por El desarrollo del capitalismo en Rusia. Esta relación

dialéctica entre necesidad y contingencia, estructura y ruptura, historia y acontecimiento, crea la posibilidad de una política que se despliegue duraderamente, en tanto que la apuesta voluntarista y arbitraria a la irrupción de un acontecimiento libre de condiciones, aun si permite resistir a lo que se impone desemboca más en una postura de resistencia estetizante que en un compromiso militante para modificar el curso de las cosas. Para Lenin -como para Trotsky-, la crisis revolucionaria se urde y se inicia en la arena nacional, que constituye a la sazón el marco de la lucha por la hegemonía, pero se inscribe en la dinámica de la revolución mundial. Así pues, la crisis de la que emerge una situación de doble poder no se reduce a una crisis económica o a un conflicto inmediato entre trabajo asalariado y capital en el proceso de producción. La pregunta leninista -"¿Quién se impondrá?"- es la de la hegemonía política: qué clase será capaz de resolver las contradicciones que asfixian al conjunto de la sociedad, de imponer una lógica alternativa a la de la acumulación del capital, de superar las relaciones de producción existentes para abrir un nuevo campo se posibilidades. La crisis revolucionaria no es, pues, una simple crisis social, sino también nacional (o internacional) o, dicho de otra forma, una crisis política: tanto en Rusia como en Alemania, en España como en China. Hoy día la cuestión es más compleja, en la medida en que la globalización capitalista refuerza la imbricación de los espacios nacionales, continentales y mundiales. Una crisis revolucionaria en un país importante alcanzaría inmediatamente una dimensión internacional y exigiría respuestas en términos nacionales, continentales, e incluso directamente mundiales, sobre cuestiones como la energía, la ecología, la política de armamento, los flujos migratorios, etcétera No por ello deja de ser ilusorio pretender escapar a esta dificultad eliminando la cuestión de la conquista del poder político (con el pretexto de que hoy estaría desterritorializado y diseminado, "en todas y en ninguna parte") en provecho de una retórica de "contrapoder". El poder económico y militar parece más disperso que nunca, pero también (lo que no es contradictorio) más concentrado que nunca. Es posible fingir que se ignora el poder, pero él no nos olvidará. Es posible hacerse el bravucón aparentando que no se lo quiere tomar, pero hasta el día de hoy la experiencia demuestra que él no duda en tomarnos de la manera más brutal. En pocas palabras: una estrategia de contrapoder solo tiene sentido en la perspectiva de un doble poder y de su desenlace: ¿quién se impondrá? El "leninismo" y el propio Lenin son identificados por sus detractores con una forma histórica de partido político que habría muerto con el derrumbe de los partidos-Estado burocráticos. Si bien este juicio sumario se explica en cierta medida por el traumatismo de las prácticas estalinistas, trasmite sin embargo mucha ignorancia

histórica y frivolidad política. Más allá de la cuestión del partido de vanguardia, la experiencia del pasado siglo plantea el problema de la burocratización como fenómeno social generalizado. Las organizaciones sindicales y asociativas no están menos burocratizadas que los partidos, de ninguna manera; tampoco los partidos de masas son menos burocráticos que los minoritarios: los ejemplos en Francia de la CFDT, del Partido Socialista, del Partido Comunista "renovado" o de los Verdes son elocuentes al respecto. En la distinción leninista entre partido y clase hay, por el contrario, una invitación a pensar de otro modo las relaciones entre movimientos sociales y representación política. Asimismo, aunque los detractores de los criticados principios del centralismo democrático se detienen ante todo en el hipercentralismo burocrático siniestramente ilustrado por los partidos estalinistas, sin embargo cierta forma de centralización lejos de oponerse a la democracia, es una condición previa. Por una parte, porque la delimitación del partido es un medio de resistir en cierta medida a los efectos disolventes de la ideología dominante, y de tender a cierta igualdad entre miembros en sentido inverso a las desigualdades generadas inevitablemente por las relaciones sociales dominantes y por la división del trabajo. Hoy podemos ver cómo el debilitamiento de estos principios lejos de favorecer una democracia superior conducen a la cooptación mediática y a la legitimación plebiscitaria de los dirigentes, aún menos controlados por la colectividad voluntaria de los militantes. Por otra parte, la democracia de un partido toma decisiones colectivas que tratan de actuar sobre relaciones de fuerza para modificarlas. Cuando los apresurados detractores de la "forma partido" pretenden liberarse de una disciplina asfixiante, en realidad vacían cualquier discusión de lo que está en juego reduciéndola a un foro de opiniones que no compromete a nadie: después de un intercambio de palabras sin decisión compartida, cada uno puede volver a irse tal como vino, sin que ninguna práctica común permita comprobar la validez de las posiciones en presencia. Por último, poner el acento en la crisis de la forma-partido sirve a menudo -principalmente entre los burócratas reciclados de los antiguos partidos comunistas- para no hablar de la crisis de contenidos y para justificar el grado cero de su pensamiento estratégico. Una política sin partidos (sea cual sea el nombre que se les dé: movimiento, organización, liga, partido) desemboca pues en una política sin política: una veces en un seguidismo sin proyecto para con la espontaneidad de los movimientos sociales; otras veces en la peor forma de vanguardismo individualista y elitista; otras, por último, en una renuncia a la política en provecho de una postura estética o ética.

El presente escrito fue enviado por su autor especialmente para su publicación en nuestra revista. Es un capítulo de un libro suyo actualmente en preparación. Traducción del francés: José Marín. Notas: 1. Este capítulo retoma una intervención realizada en el marco del coloquio sobre Lenin organizado, en enero de 2001, por Slavoj Zizek en Essen. Se publicó una primera versión en inglés en la revista International Socialism, n.° 95, julio 2002, bajo el título Saltos! Saltos! Saltos! 2. Hannah Arendt: Qu’est-ce que la politique, París, Seuil. 3. François Furet: Le passé d’une illusion, París: Robert LaffontCalmann-Lévy, 1995, pág. 572. 4. El Dow Jones y el Cac 40 son los principales índices de cotización de valores en las bolsas de Nueva York y de París, respectivamente (N. del T.). 5. Programa de la televisión francesa dedicado al relato de vivencias y experiencias de "gente corriente", desconocida por la audiencia (N. del T.). 6. Antonio Labriola, "En Mémoire du Manifeste du parti communiste" (1898), en Essais sur la conception matérialiste de l’histoire, París: Giard et Brière, 1902. 7. Véase Slavoj Zizek: "Lenin’s Choice", postfacio a Revolution at the Gates, Londres: Verso, 2002. 8. El autor hace referencia al eslogan de Mitterrand para propiciar el cambio político en Francia en el decenio de los setenta: la force tranquille (N. del T.). 9. Lenin: Obras completas, tomo 9, pág. 15, y tomo 15, pág.298. 10. Lenin: Obras completas, tomo 5, pág. 408. 11. Al analizar esta secuencia fundadora del movimiento socialista -partiendo principalmente de "la invención de lo social" en la obra de Moses Hess-, Eustache Kouvélakis señala que "lo social" se vuelve entonces "el nuevo nombre del fundamento ontológico", al que la sociología, tomando el relevo de una filosofía extenuada, está destinada a suministrar ciencia (Kouvélakis: Philosophie et Révolution, París: PUF, Actuel Marx, 2003, pág.175).12. Lenin: Obras completas, tomo 5, págs. 440-463.

13. Órgano de la "Unión de los socialdemócratas rusos en el extranjero". Apareció en Ginebra entre abril de 1899 y febrero de 1902 (N. del T.). 14. Lenin: Obras completas, tomo 7, pág. 41. Así, en el debate de 1915 sobre el ultraimperialismo, Lenin percibe el peligro de un nuevo economicismo, para el que la madurez de las relaciones de producción capitalistas a escala mundial sería el preludio del desmoronamiento final del sistema. Volvemos a encontrar también esta preocupación por evitar reducir lo político a lo social o a lo económico en los debates de los años veinte sobre la caracterización del Estado de los soviets. A los que hablan de Estado obrero, Lenin les responde que "este Estado no es del todo obrero, ahí está el quid" (tomo 32, pág. 16). Su fórmula es entonces más descriptiva y compleja que una caracterización sociológica: será un Estado obrero y campesino con "deformaciones burocráticas"; he ahí "toda la transición en su realidad". Por último, en el debate sobre los sindicatos, Lenin defiende también una posición original: puesto que no son un órgano de poder político, los sindicatos no pueden transformarse en "organizaciones de Estado coercitivas". 15. Lenin: Obras completas, tomo 31. 16. Lenin: Obras completas, tomo 10, pág. 15. 17. Lenin: Obras completas, tomo 7, pág. 470. 19. Lenin: La enfermedad infantil del comunismo. 20. G. Lukacs: Histoire et conscience de classe, París: Minuit, 1967. 21. Henri Lefebvre: Eléments de rythmanalyse, París: Syllepses, 1996. 22. Lenin: Cahiers Philosophiques, París: Éditions sociales, 1973, pág. 257. 23. Lenin: Obras completas, tomo 25, págs. 17 y 277. 24. Lenin: Cahiers Philosophiques, o. cit., págs. 118-119.

Daniel Bensaïd 1983 Revolución Permanente en América Latina

y Revolución

por Etapas

La crítica insuficiente de Shafik Handal En 1981, Schafik Jorge Handal secretario general del Partido Comunista Salvadoreño, publicó un articulo denominado “El poder, el carácter, y la vía revolucionaria y la unidad de la izquierda”, en el cual, trataba una serie de problemas de la revolución salvadoreña y latinoamericana a la luz de la experiencia nicaragüense. El 15 de noviembre de 1982, en una entrevista con la periodista chilena Marta Harnecker, Handal desarrolla las ideas presentadas un año atrás y critica la política de los PCs en América Latina. Desde entonces, la polémica – y la confusión – recorre a gran parte de la vanguardia latinoamericana : se trata de un PC distinto ? lo de Handal significa una rectificación de la clásica concepción stalinista de la revolución por etapas ? no se trata de un giro táctico presionado por los acontecimientos políticos en El Salvador ? Por la importancia que el tema tiene para los revolucionarios latinoamericanos, Inprecor ofrece hoy, un artículo del dirigente de la IV Internacional Daniel Bensaid, y aunque escrito en agosto de 1983, mantiene plena vigencia tanto en el análisis como en las conclusiones que se extraen de la posición del dirigente salvadoreño y miembro de la comandancia general del frente Farabundo Martí de Liberación Nacional. Los problemas abordados por Handal bajo la presión de los hechos políticos, no son problemas nuevos para el Partido Comunista Salvadoreño, sino, que han sido objeto de debates internos y de convulsiones desde hace dos décadas [1]. Por otra parte, y mas allá de las autocriticas, Handal insiste en mantener una continuidad en la política concreta del PC. En 1979 después del golpe de Estado que derribó al general Romero, el PC entró al gobierno junto a los demócratas cristianos de Duarte y a los militares reformistas encabezados por el coronel Majano. En 1982, después de las elecciones orquestadas por el imperialismo norteamericano, Handal en persona reafirmaba la posibilidad de una alianza estratégica con un sector del ejército y que no se podía concebir por fuera de una negociación global en la región, “…Seria falso pensar que en el ejército hondureño, no existen más que partidarios de la política de represión y de intervención. Existen en él, otras opiniones, verdaderamente democráticas provenientes de los adversarios de que el ejército sea utilizado de esa manera. Veremos a su tiempo, un cuadro análogo también en El Salvador” (Proceso Revolucionario, n° 2, agosto de 1982, pág. 13). Estos hechos concretos de la política del PC salvadoreño es bueno tenerlos presentes la hora de cualquier análisis. En su artículo, Handal se propone tratar cuatro puntos decisivos para la estrategia revolucionaria en América Latina y que parten de una constatación indiscutible : “dos grandes revoluciones tuvieron lugar en Cuba y en Nicaragua, sin que, en ninguna de las dos, el

Partido Comunista haya estado a la cabeza”. Esos cuatro puntos, son según Handal, él de la cuestión del poder, el carácter de la revolución, el de las “vías de la revolución” y finalmente el de la “unidad de la izquierda revolucionaria”. 1. El fracaso de los partidos comunistas tradicionales (Handal habla de la “experiencia desastrosa del hermano partido nicaragüense”) encierra efectivamente motivos suficientes para cuestionar el conjunto de su orientación. Para Handal, su debilidad fundamental reside en el abordaje del problema del poder : “Estamos convencidos que la ausencia practica de una clara dirección del combate por el poder es el principal factor que explica esos resultados. El mismo problema ha estado en la base, pensamos, de la caracterización incorrecta de ciertos procesos sociales y políticos reformistas en América Latina como “revoluciones en la práctica”, esta caracterización ha colocado a los partidos comunistas hermanos de los diferentes países, en un rol de fuerzas de colaboración”. 2. En cuanto al carácter de la revolución, Handal, escribe, “No podemos llegar al socialismo más que la vía democrática antiimperialista, pero recíprocamente, la revolución democrática antiimperialista no puede alcanzarse sin ir hacia el socialismo. En la medida en que existe entre las dos un lazo esencial e indivisible, se trata de dos facetas de una misma revolución y no de dos revoluciones…” “La revolución democrática antiimperialista no la veremos como una revolución separada, sino mas bien, como el cumplimiento de las tareas de la primera fase de la revolución socialista”. 3. En cuanto a la vía revolucionaria, Handal la deduce lógicamente del carácter mismo de la revolución : “Si aceptamos la idea de que la revolución democrática antiimperialista es una parte de la revolución socialista, la revolución no puede entonces, llevarse a cabo a través de la conquista pacífica del poder, sino que será indispensable, de una manera u otra, desmantelar la maquina del Estado capitalista y de sus amos imperialistas, para construir un Estado y un poder nuevo. En esas condiciones, se torna evidente que la vía pacifica no es la vía de la revolución. A propósito de la vía revolucionaria en América Latina, partir del dogma según el cual, es indiscutible verdad, por principio, que la vía armada y la vía pacifica son igualmente posibles y acertadas, nos parece un error muy grave”. 4. Finalmente, en relación con todos esos problemas, está “el asunto de la unidad de las fuerzas de izquierda revolucionaria y de la actitud de los comunistas hacia las organizaciones revolucionarias que han surgido por de las estructuras del partido”. Respecto a ello, Handal dice : “Es curiosamente sintomático, que los partidos comunistas hayan demostrado en las décadas pasadas, una gran capacidad para

entenderse con sus vecinos de la derecha, mientras que no hemos sido capaces, sin embargo, en la mayor parte de los casos, de establecer relaciones y alianzas progresistas estables con nuestros vecinos de la izquierda… ; no somos capaces de comprender el fenómeno de sus existencias, sus características y su significado histórico”. Sobre el caracter de la revolución en america latina Luego de haber afirmado claramente que la revolución democrática antiimperialista y la revolución socialista no podían existir separadas, y que se trata de “dos facetas de una misma revolución”, Handal que no es un novato del movimiento comunista, desliza con una increíble mala fe : “Yo no sé de donde nos ha venido la idea, que nuestro partido, y me parece que otros partidos y dirigentes comunistas en América Latina, han trabajado durante decenas de años con la idea de las dos revoluciones, y que hemos considerado a la revolución cubana como una experiencia particular”. ¡Es una maniobra ideologica ! ¡De dónde puede venir esa idea de dividir a la revolución en dos etapas ? Handal ha perdido de pronto la memoria. Es necesario refrescársela. La separación de la revolución en dos etapas, es ajena totalmente a los escasos documentos de la Internacional Comunista (IC) sobre América Latina, en sus primeros años. “Llamando a la clase obrera de las dos Américas” (La Internacional Comunista, n° 15, enero de 1921), inscribe al contrario, la lucha democrática en la perspectiva de la revolución proletaria : “La unión revolucionaria de la clase campesina pobre y de la clase obrera es indispensable ; sólo la revolución proletaria puede liberar al campesinado, quebrando el poder del capital, sólo la revolución agraria puede preservar la revolución proletaria del peligro de ser aplastada por la contrarrevolución”. Y dos años más tarde, en la proclama “A los obreros y a los campesinos de América del Sur” (Correspondencia Internacional n° 2, 20 enero 1923) afirma lo siguiente : “Luchad contra nuestra propia burguesía y luchareis contra el imperialismo yanqui”. Los pioneros del marxismo revolucionario en América Latina, los gigantes revolucionarios como el cubano Mella y el peruano Mariategui, se ubicaban directamente en esta tradición, apuntalándola con una lucidez fundada en la experiencia concreta y en el conocimiento preciso de su continente. En un texto magnifico de 1928, “La lucha revolucionaria contra el imperialismo”, Mella explica : “Las traiciones de las burguesías y pequeñas burguesías nacionales, tienen ya, una causa que todo el proletariado comprende. Ellas no luchan contra el imperialismo extranjero para abolir la propiedad privada, sino para defender su propiedad contra el robo que los imperialistas cometen en su

perjuicio. En su lucha contra el imperialismo (el ladrón extranjero), las burguesías (los ladrones nacionales) se unen al proletariado, buena carne de cañón. Sin embargo, acaban por comprender que vale más la pena hacer alianza con el imperialismo, ya que al final de cuentas, persiguen un interés similar. Los progresistas se tornan reaccionarios. Las concesiones que la burguesía daba al proletariado, para tenerlo a su lado, son traicionadas por aquella cuando este trata de avanzar y con ello se vuelve peligroso, tanto para el ladrón extranjero como para el ladrón nacional… Para hablar concretamente : la liberación nacional absoluta, solamente la obtendrá el proletariado, y será a través de la revolución obrera”. Esta línea de pensamiento era también desarrollada por Mariategui, que en 1929 en su texto “El proletariado y su organización” afirmaba : “La revolución latinoamericana no será nada más ni nada menos que una etapa, una fase de la revolución mundial. Ella será pura y simplemente la revolución socialista. Ustedes pueden apegar a esta palabra, según el caso, todos los objetivos que quieran : antiimperialista, agraria, nacionalista, revolucionaria. El socialismo las implica, las precede, las abarca a todas”. No se debe pensar que se trataba de planteos de principios y nada más. Mariategui sabia al contrario, sacar de ellos las consecuencias estratégicas esenciales : “Para nosotros, el antiimperialismo no constituye en sí mismo un programa político, un movimiento de masas apto para la conquista del poder. Incluso si admitimos que pueda movilizar al lado de las masas obreras y campesinas a la burguesía y a la pequeña burguesía nacionalista (nosotros ya hemos refutado formalmente esta posibilidad), el antiimperialismo no suprime el antagonismo entre las clases, no anula las divergencias entre sus intereses. Ni la burguesía, ni la pequeña burguesía pueden llevar al poder una política antiimperialista… La toma del poder por el antiimperialismo en tanto que movimiento demagógico-populista, si fuere posible, no equivaldría jamás, a la toma del poder por las masas proletarias por el socialismo. La revolución socialista encontraría ese enemigo más decidido y más fanático (peligroso en su confusionismo y su demagogia) en la pequeña burguesía afirmada en el poder conquistado bajo estas consignas. Sin descuidar el empleo de ningún elemento de agitación antiimperialista, ni ningún medio de movilización de los sectores sociales que eventualmente puedan participar en esta lucha, nuestra misión es explicar y demostrar a las masas que sólo la revolución socialista es capaz de oponer una barrera verdadera y definitiva al imperialismo” (Punto de Vista Antiimperialista, 1929). He aquí pues, cual es la tradición del comunismo revolucionario nacido de la influencia que tuvo en América Latina la revolución bolchevique de octubre de 1917. Y fue también, bajo la bandera inseparable del antiimperialismo y del socialismo, que el joven Partido Comunista Salvadoreño, bajo la dirección de Farabundo Martí, condujo la insurrección campesina de enero de 1932.

La idea de mutilar la revolución, de truncarla en su fase antiimperialista, y que Handal en 1981 declara “no saber” de donde proviene, es en efecto, una idea importada. Es la proyección en el continente de la corriente derechista de la Internacional Comunista ya burocratizada, de la tentativa de alianzas entre la URSS y las democracias burguesas (pacto Stalin-Laval) y de la sistematización a escala internacional, de la política de los “frentes populares” adoptada en el VII Congreso de la IC en 1935. A partir de entonces, el objetivo estratégico de los partidos comunistas subordinados a Moscú, no va más allá de una etapa democrática y antiimperialista de desarrollo capitalista. El fin implica los medios : una alianza durable con las burguesías nacionales en la cual, los partidos comunistas – como lo admite a posteriori Handal – se convierten en fuerzas de apoya y colaboración y que periódicamente, se ven expuestas a la represión implacable por sus aliados de la víspera. En ese cuadro general, la aplicación concreta de la política sigue las necesidades de la diplomacia soviética. A fines de los años 30, está lo de los “frentes populares” que llevan al PC a ir de remolque del Partido Radical. En 1945, al final de la guerra, es la euforia de la alianza entre Stalin y el imperialismo norteamericano, lo que se refleja inmediatamente en la política de los partidos comunistas. En la Argentina. Codovila, el stalinista “modelo”, flama a una alianza contra el peronismo de “todos los partidos tradicionales, de la parte más consciente y combativa del movimiento y del campesinado, de la mayoría de los industriales, comerciantes, agricultores, ganaderos y financistas, de la mayoría del ejército y la marina, y de una parte de la policía de uniforme”. (Informe a la Conferencia del PC argentino de diciembre de 1945). En Brasil, el Partido Comunista de Prestes, se coloca bajo la tutela de Getulio Vargas, pues se había ubicado en la guerra del lado de los aliados. En fin, como decía Carlos Fonseca Amador, fundador del Frente Sandinista ; el Partido Socialista Nicaragüense (partido comunista) había nacido “En 1944 antes del fin de la guerra mundial, en una época en que las tesis de Earl Browder, secretario del PC de los EE.UU., que impulsaba la conciliación con la clase capitalista y con el imperialismo norteamericano en América Latina, estaban en pleno vigor. Es cierto, se trataba de la política oficial de Moscú, de la cual Brodwer no era él (inicio abanderado. Peor, el PSN nació en el curso de un mitin cuyo objetivo era proclamar el apoyo al gobierno de Somoza. Esto fue el 3 de julio de 1944 en el Gimnasio de Managua” (Carlos Fonseca, Nicaragua Hora H, Tricontinental, setiembre de 1969). El agujero en la memoria de Handal es más bien una fosa o un abismo, en el cual desaparece medio siglo de historia del movimiento obrero latinoamericano.

Inclusive, admitiendo que Handal sufre de tales olvidos, habría tenido más de 20 años después de la victoria de la revolución cubana, para volver a encontrar en su frágil memoria, el hilo de la historia. Porque Castro, Guevara y Fonseca Amador, no esperaron 20 años para extraer las enseñanzas de la revolución cubana y retornar a las fuentes de los grandes ancestros como Mella y Mariátegui. A partir de su histórico discurso del 2 de diciembre de 1961, luego de la nacionalización de las empresas imperialistas, Fidel Castro vuelve explícitamente a esta tradición : “No hay término medio entre el capitalismo y el socialismo. Los que se obstinan en buscar una tercera vía, caen en una posición errónea y utópica… Tal es el camino que hemos seguido : el camino de la lucha antiimperialista, el camino de la revolución socialista. Pues no existía otra posición posible. Debíamos hacer una revolución antiimperialista, una revolución socialista. Pero esto no era sino una sola revolución, pues no puede existir más que una. Esta es la gran verdad dialéctica de la humanidad : el imperialismo no tiene frente a él más que al socialismo”. Castro estaba categóricamente por la unidad dialéctica del contenido antiimperialista y socialista de la revolución. Le fueron necesarios 20 años a Handal para convencerse de ello. Más vale tarde que nunca. Sin embargo, el “descubrimiento” de Castro no ha sido la confidencia oculta entre las líneas de un discurso. Fue compartida y propagandeada sobre el continente por toda una generación de revolucionarios. Por el Che que proclamaba “o revolución socialista o caricatura de revolución” por el informe de la delegación cubana en la Conferencia de la OLAS en 1967 y por las tesis de la propia Conferencia [2]. Handal no puede pretender que esta perspectiva no hubiera alcanzado a América Central. En el artículo citado de Carlos Fonseca escrito en 1969, se afirmaba : “La lucha se desarrolló (de 1926-1936) sin que existiera un proletariado industrial. La burguesía naciente traicionó al pueblo nicaragüense y se abandonó a la intervención yanqui…” “es necesario actualmente insistir sobre el hecho de que nuestro principal objetivo es la revolución socialista, una revolución que presupone denotar al imperialismo yanqui, sus agentes locales, a los falsos opositores y a los falsos revolucionarios”. No hemos escatimado citaciones y referencias para demostrar claramente hasta qué punto las revelaciones de Handal son tardías y generales en relación a un debate que sacude desde hace medio siglo al movimiento obrero latinoamericano. Fue necesario el formidable encadenamiento de los hechos y sobre todo el surgimiento de la propia revolución en El Salvador a contrapelo de la política concreta del PC salvadoreño, para que apareciera la autocritica que tratamos. Sin embargo, ya en los años veinte, los alcances del problema estratégico estaban definidos y bien planteados. Encontrábamos por

un lado, una corriente populista que tendía a insistir sobre la especificidad de América Latina, de su historia, de su estructura social, para fundamentar en teoría la perspectiva de una colaboración de clases. Era esa, la posición del peruano Haya de la Torre y de su partido, el APRA, que se presentaba en sus inicios en 1924, como un movimiento antiimperialista. Más tarde, vendría una corriente marxista-economicista que alimentaba con coartadas teóricas, las políticas de alianzas y de subordinación a las burguesías nacionales, seguidas por los partidos stalinistas. Se trataba de considerar a las sociedades latinoamericanas como sociedades feudales para justificar mejor, la perspectiva de un desarrollo capitalista nacional y antiimperialista, lo que implicaba una alianza estratégica con la burguesía nacional de cada país. Esta orientación, continúa siendo, aun con variantes, la de los partidos comunistas (en Brasil, en Chile, en Uruguay, en Bolivia, en Perú, etc.). Debe entenderse esta orientación, en el marco general de la política internacional de la burocracia soviética y de sus necesidades. Esta dependencia con la burocracia soviética, tiene raíces materiales, y lo que Handal no dice, es que para tener una política revolucionaria en América Latina, los PCs tendrían que romper definitivamente con la política de Moscú y con los lazos de dependencia que los subordinan. Finalmente, la corriente marxista revolucionaria, encarnada desde la década del veinte por Mella y Mariátegui, ha considerado siempre a las sociedades latinoamericanas como sociedades en las cuales el carácter capitalista esta directamente imbricado en la dominación imperialista y marcado por ella. De allí, el lazo indisoluble entre la lucha antiimperialista y la revolución socialista. Esta corriente, rechaza la doctrina de un feudalismo latinoamericano y define la estructura social, incluyendo al campo, como esencialmente capitalista. Critica el concepto de “burguesía nacional progresista” y rechaza la perspectiva de un posible “desarrollo capitalista independiente”. Ve en el fracaso de las experiencias populistas, la consecuencia lógica de la naturaleza de las fuerzas sociales dependientes del imperialismo. Encuentra la fuente del “retraso” económico no en el feudalismo o en los obstáculos pre capitalistas, sino en las características mismas del capitalismo dependiente. En conclusión, excluye la posibilidad de una vía de desarrollo democrático-nacional y afirma la necesidad de la revolución socialista como única respuesta coherente a la dependencia y al subdesarrollo. La cuestion del poder Handal considera que los deslices reformistas cometidos por los partidos comunistas en América Latina, se debe a que perdieron de

vista la cuestión del poder. ¡Razonamiento perfectamente circular ! ¿Y porqué perdieron de vista la cuestión del poder ? Todo está encerrado en ésta cuestión. Handal no establece claramente la relación entre este problema y el asunto sobre el carácter de la revolución. Es sin embargo, evidente que un partido no se plantea la cuestión del poder de la misma manera, si quiere compartirlo con una clase “aliada” o si quiere tomarlo para ejercerlo. Era esa ya, la gran línea divisoria desde 1905 entre mencheviques y bolcheviques y así lo entendía Lenin que afirmaba : “Las fracciones bolcheviques y mencheviques han llevado ellas mismas todas las divergencias a la siguiente alternativa : el proletariado debe ser “el guía”, “el dirigente” de la revolución, y arrastrar tras de sí al campesinado, o debe ser “el motor” que sostiene tal o cual vía de la democracia burguesa” (Obras Completas, tomo 15, pág. 388). Lenin, entonces, defendía contra los mencheviques una posición claramente anticapitalista desde el punto de vista de la conquista del poder político. A la luz de la experiencia revolucionaria de 1905, y desde 1906, el debate se clarificó aun más. Para los bolcheviques, “solo el proletariado está en condiciones de conducir hasta el fin, la revolución democrática, pues es la clase completamente revolucionaria de la sociedad contemporánea”. Y “arrastra tras de sí al campesinado” (idem). El litigio con los mencheviques se resume en tres puntos capitales para Lenin y los bolcheviques : 1) que el proletariado debe jugar el rol dirigente, el rol de guía de la revolución. 2) que el objetivo de la lucha es la conquista del poder por el proletariado con la ayuda de las otras clases revolucionarias. 3) que en ese terreno, el campesinado puede ser la primera y tal vez la única ayuda. Para los mencheviques, el proletariado debía ser “el motor” (y no la dirección como planteaba Lenin) de la revolución, y debía “sostener” a través de una presión de masas de vías de la democracia burguesa que no estaban en contradicción con su propio programa. “Desde el punto de vista del poder político, esto significa resignarse a una etapa en la cual el poder es abandonado en manos de la democracia burguesa” (Lenin, idem). Handal, reconoce a su manera, que los partidos comunistas en Latinoamérica se han colocado en la mayoría de los casos, en el terreno menchevique, al adjudicarse el papel de “fuerzas de apoyo” en cuanto al problema del poder, y en “fuerzas de colaboración”. Sin embargo, en “su vuelta a Lenin”, Handal no recorre más que la mitad del camino. De un lado, el pretende abolir la separación entre las dos revoluciones. Pero por otro lado, tiende a establecer esta etapa distinguiendo radicalmente “el problema del poder” del “programa socio-económico de la revolución”.

Es cierto que en 1905-1906, la polémica de Lenin contra los mencheviques se limitaba al asunto : quién debe tomar el poder ? Y el respondía “el proletariado arrastrando tras de sí al campesinado”. Pero al mismo tiempo, Lenin continuaba caracterizando al programa de la revolución por las tareas a realizar como democrático burgués, concebía incluso, la posibilidad de que luego de la conquista del poder por el proletariado, se mantuviera en la sociedad un cuadro general que se podría definir como capitalista. Sobre este punto, la revolución rusa de octubre del 17 completó las lecciones de 1905. Es cierto que la revolución proletaria comienza por la conquista del poder político, (Marx hablaba de la dictadura del proletariado como instrumento para empezar las transformaciones económicas y sociales). Es cierto que la conquista del poder politico y las transformaciones de las relaciones de producción, no coinciden en el tiempo. Lo primero (la conquista del poder) es un acto, el resultado revolucionario de una prueba de fuerzas entre clases antagónicas. Lo segundo (las transformaciones económicas y sociales) es un proceso sobre el cual no podemos pre-fijar ritmos ni plazos y que está determinado por un conjunto de factores internos y externos. Lo que si está claro, es que sin el primer acto revolucionario, lo segundo es imposible. Existe sin embargo, una relación dialéctica entre los dos. Pues la conquista del poder político, y principalmente su conservación frente a toda intentona contrarrevolucionaria, implica la mayor movilización de las masas, en primer lugar de la clase obrera y el campesinado pobre, las únicas capaces de aplastar la resistencia burguesa e imperialista. Pero esta movilización no puede nutrirse de promesas, sino de conquistas sociales concretas. El Partido Comunista Vietnamita (PCV) lo sabía muy bien, por eso, para preparar la ofensiva contra las tropas francesas en Dien Bien Phu en 1954, lanzó una campaña de profundización de la reforma agraria en los territorios liberados. Lo mismo en la revolución rusa, la resistencia a la agresión de las potencias capitalistas europeas y a la contrarrevolución interna durante la guerra civil, llevó muy rápidamente a la radicalización del contenido social de la revolución, la ruptura con la burguesía, la estatización de los medios de producción, a las diferenciaciones de clase en el campo, etc. Esta lección, se ha visto confirmada por las revoluciones derrotadas como la china de 1926-27, o por la victoriosa de China en 1949, la vietnamita, la cubana, y más recientemente la de Nicaragua. Este problema fue sistematizado por Trotsky en 1928 en la teoría de la revolución permanente. La batalla que él condujo contra la teoría stalinista de la revolución por etapas, se inscribe en la continuidad de la batalla librada por Lenin contra los mencheviques y su etapismo, y Trotsky la enriqueció a la luz de la victoria de la revolución rusa y de la derrotada revolución china a mediados de la década del veinte.

La teoría de la revolución permanente afirma, la necesidad de transformar la revolución democrática en revolución socialista en los países dominados, no niega, contrariamente a lo que han hecho creer los stalinistas, la existencia de etapas en un mismo proceso revolucionario : “Yo no he negado jamás, el carácter burgués de la revolución en cuanto a sus tareas históricas inmediatas, yo lo he negado únicamente, en cuanto a sus fuerzas motrices y sus perspectivas…” “La historia ha unido, no confundido, sino unido orgánicamente el contenido fundamental de la revolución burguesa a la primer etapa de la revolución proletaria” (Trotsky, La Revolución Permanente). Del mismo modo, Trotsky no excluye para nada, las alianzas tácticas con fracciones de la burguesía : “Es evidente que nosotros, no podemos en el futuro, renunciar a tales acuerdos rigurosamente limitados y sirviendo cada vez a un objetivo claramente definido la única condición de todo acuerdo con la burguesía, acuerdo separado, practico, limitado a medidas definidas y adaptadas a cada caso, consiste en no mezclar las organizaciones y las banderas, ni directa ni indirectamente, ni por un día, ni por una hora, y a no creer jamás que la burguesía es capaz de conducir una lucha real contra el imperialismo y a no poner obstáculos a los trabajadores y campesinos” (idem). Para derrotar a la dictadura de Batista, Fidel Castro hizo con sectores burgueses un pacto limitado, que “definió una estrategia común para derrotar a la dictadura con la insurrección armada”. Pero desde la caída del dictador, Castro consolida alrededor del ejército rebelde, las bases del poder revolucionario fuera de todo control de los órganos formales del gobierno recién instalado e integrado por dirigentes burgueses. En la medida que el proceso revolucionario avanza, y se profundiza, que se desarrolla la reforma agraria, que se constituye el ejército revolucionario, los representantes de la burguesía van a retirarse unos tras otros, para pasar a la oposición abierta y a la contrarrevolución. Cada presión o agresión imperialista, conduce a la necesidad de ir apurando el proceso de transformaciones sociales y económicas, de radicalización de la reforma agraria, de nacionalización, de expropiaciones, etc., con el fin de resguardar el poder revolucionario y de avanzar en las conquistas sociales de las masas. Al mismo tiempo, estas conclusiones que han sabido sacar los revolucionarios mas consecuentes, también hay que decirlo, las ha sacado la propia burguesía. La evolución de las posiciones burguesas en la medida que avanzaba el proceso revolucionario nicaragüense con una prueba de ello. La dictadura oligárquica se impuso en Nicaragua en los 30 con el apoyo del imperialismo yanqui. Desde el inicio de la década del 60, una contradicción se desarrolló entre la vieja oligarquía reagrupada en tomo a la familia Somoza, y

fracciones de la burguesía industrial que deseaban una liberalización del régimen para poder insertarse en el desarrollo económico ligado a la implantación del mercado común de América Central. Esta burguesía encabezó una oposición liberal con la proclamación de la Unión Democrática de Liberación (UDEL). En 1977, luego de dos años de Estado de Sitio, que supuestamente había liquidado al Frente Sandinista, los liberales creen poder aprovechar la campana democratizante del presidente Carter para pasar a la ofensiva sin correr el riesgo de un desbordamiento del movimiento de masas. En enero del 78, luego del asesinato de su líder Joaquín Chamorro, son los patrones quienes toman la iniciativa de lanzar una huelga general. Pero una carrera contra el tiempo se plantea entonces para la dirección revolucionaria. En febrero del 78, el Frente Sandinista pasa nuevamente a la acción. La patronal se asusta y suspende la huelga general. En julio se constituye el Frente Amplio de Oposición (FAO) por un lado y que reagrupa a la burguesía opositora. Y por otro lado, se forma el Movimiento Popular Unificado (MPU) que nuclea a veintidós organizaciones de masas (barrios, estudiantes, mujeres). A fines de agosto y comienzos de septiembre de ese año, con el repunte de la movilización autónoma de las masas, y con ello la iniciativa vuelve a estar en manos de los sandinistas. A fines de agosto, un comando del FSLN ocupa el Congreso Nacional y obtiene la mayoría de sus demandas. El MPU llama a la Huelga general y en setiembre el FSLN a la insurrección popular. A cada paso del movimiento de masas, la burguesía se retrae y busca la negociación con la dictadura apoyándose en el gobierno de EE.UU., que a esa altura busca una “transición” pacifica y controlada. El ala “tercerista” del FSLN toma esta capitulación como argumento para retirarse del FAO y se unifica con las otras dos tendencias del sandinismo. En febrero del 79 se constituye el Frente Patriótico Nacional (FPN), incluye a los sandinistas y a sectores burgueses significativos representados por Alfonso Robelo y Violeta Chamorro. Pero, mientras que la burguesía era hegemónica en el FAO, ahora el centro de gravedad se ha desplazado, debido a que la lucha toma un curso favorable a los trabajadores y campesinos. Esto es lo que se traduce de la formación del FPN donde el rol dirigente – político y militar – le corresponde al FSLN. Denotada la dictadura, y a medida que el proceso revolucionario se iba profundizando, nuevos sectores de la burguesía son llevados a retirarse del Gobierno de Reconstrucción Nacional y a pasar a la oposición. Esto se confirma con el retiro de Robelo y Chamorro en la primavera de 1980.

En ese proceso de ruptura con la burguesía, la dirección sandinista permaneció fiel a los consejos de Carlos Fonseca, que el articulo antes citado agregaba : “Se debe prestar atención al peligro de que la insurrección no le sirva de trampolín a la fuerza reaccionaria de oposición a Somoza. El objetivo del movimiento revolucionario es doble. Por un lado, se trata de derrotar a la camarilla criminal y traidora que, durante largos años ha usurpado el poder, y por otra parte, debemos impedir que la fuerza capitalista de la oposición, cuya sumisión al imperialismo es sabida, no aproveche de la situación desatada por la lucha de la guerrilla y tome el control de poder”. De este modo, el comunicado del 9 de diciembre de 1978, que sella la unidad entre las tres tendencias del sandinismo, confirma la necesidad de continuar la lucha hasta la destrucción de la columna vertebral de la dictadura (la Guardia Nacional) y de avanzar en la conquista de la democracia y las transformaciones sociales y económicas. Una autocritica a medias Las otras dos cuestiones abordadas por Handal, la vía armada y la unidad de la izquierda revolucionaria, son decisivas sin duda, sin embargo, como en casi todo, el compañero salvadoreño no va a fondo en el asunto. 1. Primero : él constata que “la idea de la vía pacifica de la revolución en América Latina se relaciona con el reformismo”. La lucha armada es la primera palabra de la estrategia revolucionaria, pero no la ultima. Si la lucha armada es necesaria porque se trata de destruir el aparato del Estado burgués, ella no constituye en sí misma, una línea divisoria suficiente entre reforma y revolución existe también un reformismo armado que practica la conciliación de clases. El caso de los Montoneros argentinos particularmente bajo el gobierno de Campora en 1973 y luego con Perón – es una muestra elocuente de lo que afirmamos. Pero sobre todo, la afirmación de la necesidad de la lucha armada no dice nada sobre la forma de esa lucha armada y su relación con el conjunto de una estrategia revolucionaria. Existe respecto a este tema una amplia experiencia de más de veinte años en el continente. En la “Revolución en la revolución”, Regis Debray sacó de la experiencia cubana una visión simplista y errónea, privilegiando el foco de guerrilla rural y subordinado a esto la construcción del partido revolucionario A la luz de los fracasos verificados en los años 60, el propio Debray tuvo que hacerse una autocritica, las que formuló en su libro “La crítica de las armas”.

De la misma manera, el ejemplo mal asimilado de la revolución rusa, pudo nutrir en la década del 20, corrientes putchistas en el seno de la Internacional Comunista, y el ejemplo mal comprendido de la revolución cubana, llevó a errores y fracasos político-militares que tuvieron nefastas consecuencias para el conjunto del movimiento de masas en muchos países, y lo que es peor, no sirvieron para hacer avanzar al movimiento popular en sus niveles de comprensión respecto al rol de los aparatos reformistas. La revolución nicaragüense al contrario, aportó una combinación original de formas de lucha armada culminando en la huelga general y en la insurrección de las principales ciudades : en ese caso, la insurrección supone una preparación particular y una organización en profundidad de las masas urbanas. Hoy en El Salvador, la relación entre las zonas controladas militarmente por el FMLN y la perspectiva final de lucha por el poder, están en el corazón del debate entre las diversas organizaciones revolucionarias salvadoreñas. Al pronunciarse categóricamente por la lucha armada, Handel da un paso decisivo, pero no irreversible. Ya hemos visto en 1967 en la Conferencia de la OLAS, a dirigentes stalinistas tradicionales como el uruguayo Rodney Arismendi, “pronunciarse” por la lucha armada, sin embargo en la política concreta de su país, el PC uruguayo puede calificarse como absolutamente reformista, consecuente con las tesis etapistas de la revolución, y defensor acérrimo de la vía pacífica. Hoy mismo, el PC chileno se declara a favor de la lucha armada y por la “sublevación popular”, sin que esto signifique un abandono de su estrategia de conciliación con la burguesía democrática y los militares “patrióticos”. En 1970, Carlos Fonseca ya había dicho respecto al PC nicaragüense : “Podemos afirmar que los cambios operados en la dirección de esta organización no son más que cambios formales. La pretendida nueva dirección no cesa de hablar de lucha armada, mientras que en la práctica, concentra toda su energía en una acción pseudo-legal”, 2. Segundo : Sobre la unidad de la izquierda revolucionaria, Handal reconoce, y es positivo, que pueden aparecer otros partidos revolucionarios por fuera de los PCs oficiales : “La vieja concepción dogmatica según la cual el Partido Comunista es por definición “el partido de la clase obrera”, la vanguardia del combate antiimperialista, etc. limita e incluso bloquea nuestra capacidad para comprender que en las condiciones sociales y políticas de América Latina, es imposible que no aparezcan esas organizaciones de la izquierda armada”. Debemos reconocer, a menos que neguemos obstinadamente la realidad, que Handal no tiene otra elección, ya que el PC salvadoreño fue colocado en una situación de minoría en las organizaciones de masas urbanas, por formaciones

revolucionarias armadas como el Bloque Popular Revolucionario (BPR) y por las Ligas Populares 28 de Enero (LP208). Además, la marginalización del PC de Nicaragua en el proceso revolucionario, también le sirvió a Handal, para la autocritica. Pero a partir de ese reconocimiento forzado de la realidad, “la unidad de la izquierda revolucionaria” puede desembocar en dos casos diferentes. O bien se trata de encontrar la unidad en la acción, a nivel sindical, político, de todas las organizaciones que hablan en nombre de los trabajadores y campesinos, lo que significa un frente único de movilización y de combate, respetando la identidad y diversidad de sus integrantes, O bien, se trata de la construcción a través de un proceso de fusiones, de un nuevo partido revolucionario En este caso, un llamado a la unidad no alcanza. Existe entre esas organizaciones (las que componen el FMLN) programas y perspectivas distintas desde el punto de vista del objetivo final de la revolución, así como de sus visiones respecto a la situación internacional. Estas diferencias pueden ser superadas por la experiencia de la practica común es cierto, pero no, sin la discusión clara de las diferencias existentes, y sin afirmar al mismo tiempo, la necesidad de la unidad y de la democracia que permita, en el marco de una misma organización, coexistir a corrientes y compañeros con posiciones distintas. Artículo publicado por primera vez en agosto de 1983 en la revista Quatrieme International Haut de page Notes [1] En 1969 se produjo la escisión más importante dentro del PC. Allí un grupo de militantes encabezados por Cayetano Carpio, secretario general del partido, cuestionando la finca reformista del PC, formó las Fuerzas Populares de Liberación (FPL), que hoy es una de las organizaciones más fuertes del FMLN. [2] Contrariamente, la historia de la lucha de clases en América Latina ofrece múltiples ejemplos de revoluciones derrotadas y traicionadas. Handal habla sobre las elecciones de la derrota chilena en 1973, a la considera como un “laboratorio” : “Es cierto que a lo largo de la experiencia chilena, dos vías se opusieron constantemente : la vía de la conciliación y colaboración de clases por un lado, y la de la movilización revolucionaria de masas por otro”. Luego que la ofensiva reaccionaria de octubre de 1972 alrededor de la huelga de los camioneros, Allende podía apoyarse sobre la movilización espontanea del movimiento popular, sobre la forma no de las Juntas de Abastecimiento Popular (JAP), de los Cordones Industriales, de los Comandos Cominales, para pasar a la ofensiva contra la derecha fascista. Sin embargo, prefirió reafirmar el respeto a la -“legalidad burguesa” y a aumentar la presencia de los militares

“constitucionalistas” en su gabinete ministerial. Después del ensayo de golpe de Estado de junio del 73 (“el tancazo”) y cuando preparación del golpe gorila se hacía evidente y abierto, Allende otra vez, y apoyado por el PC y el PS, se dedicó a ofrecer garantías constitucionales a la oposición burguesa encabezada por la Democracia Cristiana, desarmando a los obreros de los Cordones Industriales y permitió la represión sobre los marinos de Valparaiso que se oponían a los militares golpistas. Por otra parte, Handal parece ignorar completamente la autocritica del Partido Guatemalteco del Trabajo (comunista) que ya en 1955, evaluaba la derrota popular de 1954, tras el derrocamiento del gobierno burgués-reformista de Jacobo Arbenz : “El PGT no ha -seguido una línea de trabajo independiente en relación con la burguesía nacional. Es la alianza con la burguesía democrática, obtuvo los éxitos señalados, pero a la vez, la burguesía ejerció una influencia sobre nuestro partido, influencia que en la práctica frenó numerosas actividades. El PGT, no evaluó correctamente la débil capacidad de resistencia de la burguesa y no tuvo permanentemente presente en carácter conciliador frente al imperialismo y a las clases reaccionarias, lo que explica algunas ilusiones que se tuvieron sobre el patriotismo, la lealtad y la firmeza de la burguesía nacional frente a los asaltos del imperialismo norteamericano” La femme est l’avenir du Spectre BENSAÏD Daniel janvier 2000 Les spectres, dit-on, n’ont pas d’âge. Ont-ils un sexe ? Personne n’est allé vérifier. On appelle désormais mesdames la ministre, la pédégère, l’auteure. Pourquoi pas la spectre ? La division sexuelle du travail traverse différents modes de production. Les sociétés capitalistes ne se contentent cependant pas de reproduire et de prolonger une oppression millénaire. Elles l’intègrent et la remodèlent en fonction de leurs besoins spécifiques. La cristallisation de la famille conjugale au détriment de la famille élargie et le rôle assigné aux femmes correspondent ainsi à une redéfinition de la distribution entre espace privé et espace public, entre lieux de travail et lieux d’habitat, entre production et de reproduction sociales. La direction du ménage devient “ un service privé ” et l’institution familiale moderne fait l’objet d’une “ une stratégie de familiarisation des couches populaires ”. Les fonctions de reproduction de la force de travail se trouvent pour une large part refoulées dans la sphère privée et accomplies sous forme d’un travail domestique non rémunéré et socialement occulté. La situation sociale des femmes se trouve alors symboliquement dévalorisée, de même que le statut de l’enfance, de la vieillesse, et de toute activité qui n’entre pas dans la norme du travail désormais reconnu comme seul productif [1]. En 1848, le ministre de l’Instruction publique pouvait encore évoquer sans détours la fonction du travail

domestique non payé : “ Plus il sera permis à la mère d’être chez elle, moins l’Etat devra la suppléer par des soins étrangers ”. L’apparition, dans les années soixante et soixante-dix d’un nouveau mouvement féministe a alimenté un riche débat sur la notion de mode de production domestique et sur ses rapports avec le mode de production capitaliste. Il s’agissait notamment de fournir à la critique de l’économie domestique ou patriarcale un fondement comparable à la critique de l’économie politique par Marx. La démarche soulève cependant d’importantes difficultés théoriques liées notamment à la transposition aux rapports domestiques de concepts comme l’exploitation, la plus-value, le profit, dont le statut est défini précisément dans le cadre des rapports capitalistes de production [2]. Le travail domestique des femmes est alors considéré comme un surtravail gratuit que s’approprie le mari, singeant au foyer le rôle du patron dans l’entreprise. La simple analogie masque pourtant des différences décisives. Si le travail domestique gratuit peut être comparé à une corvée, il ne produit pas de marchandises dont la mise en vente sur le marché permettrait d’établir la valeur en validant le temps de travail moyen socialement nécessaire à leur production. Le travail de reproduction non-salarié ne rapporte donc pas au mari un profit accumulable qu’il pourrait faire fructifier sous forme de capital. L’extorsion de ce surtravail ne passe pas par un contrat de travail, mais par un lien de dépendance personnelle, juridiquement et symboliquement codifié dans le mariage qui fait généralement du mâle au foyer un vulgaire petit-bourgeois dominateur et possessif. Sa valeur sociale n’est qu’indirectement reconnue à travers le salaire, censé couvrir les frais d’entretien “ du travailleur et de sa famille ”. Le travailleur en question est aujourd’hui de plus en plus souvent une travailleuse, mais le présupposé reste le même : en prétendant couvrir le coût de reproduction de la force de travail, le salaire escamote en réalité le travail domestique gratuit. Comme ce dernier est toujours fourni essentiellement par les femmes, l’exploitation cachée du travail domestique permet de justifier l’infériorité moyenne persistante des salaires féminins par rapport aux salaires masculins, à poste et qualification équivalents. Le travail domestique produit des valeurs d’usage directement consommées dans le cadre de la famille. Non, comme l’ont souligné à juste titre de nombreuses féministes, en raison de la nature de ces travaux : la préparation des aliments, le blanchissage, le nettoyage, de même que les soins ou l’éducation peuvent parfaitement faire l’objet de production et d’échange marchands. Mais du fait des conditions de leur production et de leur consommation : il n’y a pas de commune mesure entre des travaux domestiques atomisés qui ne tombent pas sous l’arbitrage du marché. La plupart des tentatives de quantification du volume de travail domestique gratuit fourni par les

femmes prennent pour référence le temps de production reconnu pour les mêmes tâches effectuées dans le cadre de rapports marchands (entreprises de nettoyage, restauration, etc.). Légitime dans la mesure où il s’agit de rendre visible de manière approximative un travail réel socialement occulté, le procédé n’en demeure pas moins théoriquement problématique [3]. L’existence d’un mode de production domestique spécifique pose aussitôt le problème, lourd de conséquences pratiques, de son articulation ou non au mode de production capitaliste. Certaines féministes ont cherché en les séparant radicalement à donner un fondement théorique et historique au mouvement autonome des femmes : s’il existe deux modes de production juxtaposés, il devrait exister aussi des luttes parallèles (de classe et de sexe), et des mouvements parallèles (ouvrier et féministe), qui peuvent nouer et dénouer des alliances mais qu’aucune solidarité organique ne rapproche. On peut parler d’exploitation du travail domestique. Il s’agit alors d’une exploitation spécifique, dont les modalités (hiérarchiques et symboliques) diffèrent de la vente “ libre ” de la force de travail sur le marché du travail et de l’appropriation de la plus-value par le capital). La question reste alors de définir la relation que le mode de production domestique entretient avec l’accumulation du capital, si tant est qu’il y en ait une. Une piste, suggérée par Claude Meillassoux consisterait à étudier manière concrète dont se nouent deux temporalités sociales distinctes : “ Une économie comme l’économie domestique où la force de travail n’est pas une marchandise s’accommode encore moins du calcul horaire ; pour saisir dans leur cohérence les modes de production et de circulation qui s’accomplissent à l’échelle de plusieurs générations successives, il faut y substituer le calcul viager ”. En effet, dans la circulation de produits entre générations, “ l’énergie de chaque producteur est le produit social et temporel de la communauté et des rapports de production et de reproduction noués sur une durée de trois générations successives ” [4]. Un des arguments fréquemment avancés en faveur d’un strict parallélisme entre oppression des femmes et exploitation du prolétariat est celui de l’antériorité chronologique de l’oppression. C’est ce qui explique l’enjeu des débats passionnés et peu concluants sur l’origine de l’oppression. L’argument généalogique ne saurait en effet résoudre la question des liens synchroniques entre diverses sphères ou différents champs de la formation sociale globale. Il y a chez Marx un lien logique fort entre procès de production, procès de circulation et procès de reproduction d’ensemble, qui font l’objet des trois livres du Capital. La reproduction ( ” l’entretien du travailleur et de sa famille ”) contribue en effet à déterminer le temps de travail socialement nécessaire à reconstitution de la force collective de travail et les rapports domestiques sont fondés sur le contrôle des moyens de reproduction. Rapports de production et de reproduction,

insiste Meillassoux, “ se recoupent donc mais ne se confondent pas ”. Toute la difficulté est dans ce recoupement, dans ce qui se joue au point de rencontre ou de chevauchement entre exploitation et oppression. Depuis le début des années soixante-dix, Christine Delphy a développé une analyse dont elle résume elle-même les trois thèses fondamentales : 1) le patriarcat est un système de subordination des femmes aux hommes dans les sociétés industrielles contemporaines ; 2) ce système a une base économique ; 3) cette base est le mode de production domestique. La troisième thèse implique une théorie du patrimoine comme mode de circulation caractérisé non par l’échange marchand mais par le don et les règles de parenté. L’économie familiale se caractérise ainsi par la non-valeur marchande de sa production [5]. Par une curieuse réduction économiste, Delphy en vient à conclure que l’exploitation dans le cadre de l’institution conjugale fonde une oppression commune de toutes les femmes dont les appartenances de classe sont dès lors abolies : “ l’exploitation partriarcale ” (l’obligation de fournir un travail domestique socialement nié) constitue “ l’oppression spécifique, commune, et principale ” des femmes. Christine Delphy soutient ainsi avec consistance la thèse de deux modes de production indépendants : un mode de production marchand, auquel correspondrait l’exploitation capitaliste, et un mode de production domestique, auquel correspondrait l’exploitation familiale ou “ plus exactement patriarcale ”. Elle souligne justement que ce rapport domestique ne saurait être compris comme la trace ou la survivance de rapports précapitalistes vouée à un dépérissement rapide et naturel. L’une des erreurs d’Engels dans son livre sur Les origines de la famille, de la propriété privée et de l’Etat, a en effet consisté à voir dans le rapport d’oppression domestique un archaïsme hérité de la société féodale appelé à s’éteindre au fur et à mesure de la salarisation massive des femmes. Il y avait dans cette prévision un grain de vérité - un grain seulement, broyé dans l’engrenage d’un mauvais déterminisme sociologique : la féminisation massive de la force de travail dans les années 1860 a bel et bien stimulé l’essor d’un mouvement féministe. De même, la scolarisation massive des femmes et la féminisation du salariat dans les années 1960-1970 sont déterminantes dans le surgissement du nouveau mouvement féministe [6]. Cela ne signifie nullement un dépérissement spontané de l’oppression. Rien n’est jamais acquis aux femmes. Christine Delphy note bien que le mode de production domestique n’explique pas toute la dimension économique de la subordination des femmes et ne recouvre pas exactement l’aire de l’exploitation patriarcale, dont elle donne une définition à la fois plus vaste et plus étroite “ puisque l’exploitation de la femme dans la famille s’appuie sur leur exploitation dans le marché capitaliste du travail ”. [7] Elle

n’en récuse pas moins la “ prééminence ” du mode de production capitaliste sur le mode domestique et nie même la possibilité de les articuler théoriquement : “ Le mode de production domestique, en tant qu’ensemble des rapports de production, existait antérieurement au mode de production capitaliste. Il n’y a pas de lien théorique entre eux. Mais il y a évidemment des liens concrets. ” Cette idée de liens concrets sans aucun rapport avec des liens théoriques est assez curieuse. Elle entérine un divorce conceptuel du concret et de l’abstrait, comme si les “ liens concrets ” n’avaient aucune incidence théorique et comme si la théorie ne pouvait rester indifférente à la réalité concrète. Cet embarras est simplement révélateur d’une difficulté non résolue. Pour Christine Delphy et Diana Léonard, il existe bien deux modes de production distincts, “ empiriquement et historiquement entremêlés ” qui “ s’influencent et se structurent l’un l’autre ”. [8] Si, à défaut de liens théoriques, il y a bien entre eux des “ liens concrets ”, “ empiriquement et historiquement ” attestés, c’est ce nœud, cet entremêlement, cette influence réciproque qu’il s’agit précisément d’élucider. Devant la difficulté réelle de cette tâche, les deux auteures tirent de leur constat une conclusion précipitée, aussi inattendue que peu convaincante, consistant à “ envisager que la libération des femmes puisse s’accomplir sous le capitalisme et que le capitalisme puisse vaincu sans que le patriarcat soit affaibli. ” Cette conclusion pratique est pourtant assez cohérente avec la prémisse théorique des deux modes de production, non seulement distincts mais disjoints. Si, au contraire, “ l’oppression fait système ” comme le soutient par ailleurs Delphy, et si, comme le dit Josette Trat, division sexuelle et sociale du travail forment “ un tout cohérent articulé ”, il devient peu vraisemblable que la libération effective des femmes soit compatible avec les rapports de production et de domination capitalistes. Réciproquement, s’il ne garantit pas la libération automatique des femmes, le renversement du capitalisme n’est guère concevable avec une domination patriarcale maintenue en l’état. La désarticulation entre mode de production domestique et capitaliste s’intègre fort bien, dans une problématique fort différente, à la théorie des champs selon Pierre Bourdieu. Ce n’est donc pas par hasard si, dans La Domination masculine, il s’intéresse assez peu du salariat féminin et préfère insister sur “ l’extraordinaire autonomie des structures sexuelles par rapport aux structures économiques ”. [9] Pour lui, c’est essentiellement l’évolution de l’école et de la famille qui explique que la domination masculine “ ne s’impose plus avec une évidence qui va de soi ” ; et c’est la violence symbolique, dimension de toute domination, “ qui fait l’essentiel de la domination masculine ”. Certes, Bourdieu met en garde contre une interprétation éthérée du symbolique, qui minimiserait le rôle de la violence physique. Il le

conçoit cependant bien comme le fondement principal qui commande un rapport réciproque et symétrique de domination (masculine) érotisée et de soumission ou subordination (féminine) érotisée. Il reprend ainsi le schème d’adhésion du dominé à sa propre oppression, à la fois “ imposée et subie ”. Cette dominationsoumission serait donc un effet de la violence symbolique s’exerçant “ pour l’essentiel par les voies purement symboliques de la communication, de la connaissance, ou, à la limite, du sentiment ”. [10] Comment échapper à cette “ inscription sociale dans les corps ” ? Si “ les effets et les conditions d’efficacité ” de l’habitus sont “ durablement inscrits au plus intime des corps sous forme de dispositions ”, le corps devient une sorte de destin auquel il est difficile de se soustraire. Bourdieu rappelle à juste titre les limites de la conversion individuelle ou du “ simple effort de volonté ”. Il refuse l’illusion consistant à croire que la violence symbolique puisse être vaincue par les seules armes de la conscience et de la volonté. Mais il est aussi conduit à minimiser ainsi les résistances et les expériences à travers lesquelles se développent dans la durée une conscience et une mémoire collective qui font mouvement. Seuls resteraient ouverts à l’espérance “ quelques accidents historiques ” ouvrant une brèche éphémère dans l’horizon plombé de la domination. S’étant enfermé dans le cercle vicieux de la domination masculine, Bourdieu a le plus grand mal à se placer du point de vue de l’oppression des femmes et à s’intéresser réellement à l’histoire des mouvements féministes comme aux débats qui le traversent [11]. Nous maintenons pour notre part l’hypothèse selon laquelle l’oppression contemporaine des femmes est étroitement imbriquée à une structure dominée par la logique marchande, où le capital s’empare des différentes formes de domination et leur donne cohérence. Le “ lien concret ” non théorique admis par Christine Delphy entre exploitation domestique et exploitation capitaliste, est en effet largement vérifié historiquement. Depuis la Révolution française, les flux et reflux du mouvement féministe témoignent d’un rapport étroit, tantôt souterrain tantôt découvert, avec les fluctuations du mouvement social dans son ensemble. Sous la Révolution française, les revendications féminines font irruption dans l’espace public avec les clubs de femmes, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges, l’agitation des Tricoteuses. En 1832, Auguste Blanqui s’indigne que trente millions de Français, dont une moitié de Françaises, soient exclus du suffrage universel. À la veille des révolutions de 1848, fermente un féminisme radical symbolisé par Flora Tristan, héritier du féminisme politique et universaliste des tricoteuses. Ce sont alors les ouvrières qui appellent les femmes bourgeoises à la révolte : “ Femmes de la classe privilégiée, vous vous croyez heureuses lorsque, dans vos salons, vous respirez les

flatteries de l’encens.... Vous régnez, mais votre règne est de peu de durée... Rentrées chez vous, vous redevenez esclaves... ”. [12] Elizabeth Guigou elle-même se souvient que c’est sous la Commune de Paris que “ pour la deuxième fois dans l’histoire de France, les femmes entrèrent massivement en politique ”. Ce n’est pas fortuit. La grande mutation sociale, liée à l’industrialisation, de la fin du XIX e siècle voit l’émergence d’un féminisme militant. Ce n’est parce qu’on est féministe qu’on travaille, mais parce qu’on travaille qu’on devient féministe, notamment chez les institutrices [13]. En quarante ans, de 1866 à 1906, le nombre des femmes considérées comme “ actives ” (catégorie qui entérine la négation sociale du travail domestique) passe de 5 millions à 7,5 millions et de 40 % à 59 % de la population féminine adulte. Dans cette même période, le nombre de femmes salariées dans le tertiaire est multiplié par 4 (elles sont 800 000 sur un total de 2,2 millions d’employés). Le Progrès de Lyon les décrit alors comme “ les reines du prolétariat urbain ”. Peu ouvrier, le féminisme militant reflète cette réalité : les institutrices et les fonctionnaires y jouent un rôle déterminant. Cette poussée féministe est à bien des égards comparable à celle des années 1960-1970. La période qui précède la Première guerre mondiale est également marquée par une importante activité législative, avec les lois de 1884 (reconnaissant aux femmes le droit à l’activité syndicale sans autorisation du mari !), de 1892 sur la réglementation du travail des femmes et des enfants, de 1907 (qui permet à la femme de disposer librement de son salaire), de 1910 (qui impose onze heures de repos consécutif quotidien pour les femmes), de 1913 (qui instaure un congé de maternité de huit semaines). L’essor du travail salarié est cependant gros de contradictions. Il déstabilise la fonction de mère et d’épouse au foyer assignée à la femme par la stratégie familiale bourgeoise. Les réponses vont alors osciller, en fonction de la conjoncture, entre politique familiale et politique d’emploi, entre renvoi des femmes au foyer et prise en charge publique des services collectifs d’éducation, de santé, de crèches et de cantines. Inversement l’évolution économique et sociale de la fin du siècle fera surgir la question de savoir pourquoi continuer à fabriquer à la maison ce qui coûte moins cher au-dehors. La notion centrale de salaire d’appoint est le point d’équilibre autour duquel gravitent les représentations bourgeoises du travail des femmes, qui trouvent leur fidèle reflet au sein du mouvement syndical. Les premiers pas d’une législation protectrice du travail des femmes sont ainsi perçus par les syndicats presque exclusivement masculins comme un moyen de faire pression sur les salaires et d’attiser la concurrence entre main d’œuvre féminine et masculine. Dans un premier temps, le mouvement féministe luimême s’oppose majoritairement à une législation protectrice qui institutionnalise le salaire d’appoint. En 1900, le Congrès

international de la condition et des droits des femmes exige “ une égalité dans la protection ou une égalité dans la liberté de travail car la protection du travail de la femme aura le désavantage de parfaire l’idée de salaire d’appoint, créant ainsi une inaptitude à la révolte et permettant d’établir le bas prix de la main d’œuvre ”. Alors que certaines pionnières du syndicalisme féminin réclament une réglementation pour “ protéger la femme contre son courage ”, Madeleine Pelletier, féministe intransigeante proclame : “ Pas de privilèges pour les femmes si elles veulent se libérer !”. Les débats animés sur le temps partiel, le travail de nuit, ou le travail dominical ne datent décidément pas d’hier. Ces contradictions trouvent leur écho dans le mouvement syndical sous la forme d’un sexisme ouvrier coriace, idéologiquement nourri des influences positivistes En 1848, le ministre de l’Instruction publique insistait ouvertement sur la fonction du travail domestique non payé : “ Plus il sera permis à la mère d’être chez elle, moins l’Etat devra la suppléer par des soins étrangers ”. Pour Auguste Comte, la femme n’a d’existence sociale que par sa fonction familiale. Pour Michelet, “ la femme ne vit pas sans l’homme, pas plus que l’enfant sans la femme ”. Quant à Proudhon, dont la pensée exerce une influence durable sur le syndicalisme révolutionnaire, il écrit dans La Pornocratie que la nature a consacré la femme aux “ fonctions purement domestiques ” : “ Soyez ménagères ! ”, leur conseille-t-il. Comme le mouvement féministe, le mouvement syndical en formation est profondément divisé sur la question du travail salarié féminin. En 1907, L’Almanach féministe revendique un “ juste salaire pour le noble travail maternel ” de la mère, “ ouvrière de vie ”. Madeleine Pelletier défend au contraire que le travail salarié donne accès à la reconnaissance sociale et permettra à la femme de “ cesser de se croire femelle pour se sentir un individu ”. En 1890, une résolution du quatrième congrès des Fédérations syndicales considère que, “ pour des raisons morales et sociales, la place des femmes est au foyer et non à l’atelier ”. En 1900, le cinquième congrès de la CGT, fondée en 1895, “ décide que les syndiqués doivent prêcher l’exemple et ne pas faire travailler leurs femmes dans l’industrie où elles prennent la place des hommes. ” Outre le poids de l’héritage idéologique et de la domination symbolique, les tensions récurrentes entre mouvement syndical et mouvement féministe apparaissent clairement liées à la crainte d’une concurrence sur le marché du travail pesant à la baisse sur les salaires. Le travail féminin est confusément perçu comme une part de l’armée industrielle de réserve sur laquelle peut jouer le patronat en fonction des fluctuations de la conjoncture. C’est pourtant en 1879, lors de la création du Parti ouvrier français, que l’émancipation des femmes et l’égalité des sexes sont inscrites pour la première fois au programme d’un parti politique. Après bien des

hésitations, Jules Guesde déclare : “ Non, la place de la femme n’est pas plus au foyer qu’ailleurs, elle est partout où son activité peut et veut s’employer. Pourquoi la parquer et l’enfermer dans son sexe transformé qu’on le veuille ou non en métier ? ” [14] Sous le choc de la question sociale, le féminisme se différencie. Émerge un féminisme socialiste distinct du féminisme bourgeois libéral (plus ou moins lié à la franc-maçonnerie) ou d’un féminisme chrétien social. À la différence des pays anglo-saxons, ce féminisme est dans l’ensemble peu suffragiste. Il est davantage préoccupé par les questions d’éducation scolaire, de formation professionnelle, et d’égalité au travail. D’une part, la franc-maçonnerie se méfie durablement du vote des femmes soupçonnées de subordination à l’Eglise ; d’autre part, le syndicalisme révolutionnaire se méfie des illusions parlementaires et électoralistes. Officieusement parrainé par les ministères, le Congrès du travail féminin de 1907 se réunit de manière significative dans la salle du Grand Orient de France. Bien qu’il soit l’occasion de discussions intéressantes sur le travail des femmes, ce n’est pas à proprement parler un congrès féministe. La résistance à l’occupation allemande et la Libération a donné un nouvel élan aux droits des femmes et notamment à leurs droits civiques avec la reconnaissance du droit de vote et de l’éligibilité en 1944. Mais c’est à nouveau la grande transformation sociale de l’après-guerre qui a impulsé à l’échelle internationale l’apparition d’un nouveau mouvement féministe. Après les travaux de groupes pionniers et d’individualités comme Simone de Beauvoir, il a pris son nouvel essor au lendemain de 1968. Ce n’est pas par hasard si on le retrouve à nouveau étroitement lié aux luttes sociales à la veille et au lendemain des grandes grèves de l’hiver 1995. Après luttes à forte composante féminine des infirmières, des institutrices, des assistantes sociales, la manifestation des femmes pour le droit à l’avortement du 25 novembre 1995 apparaît ainsi comme le prélude symbolique des grèves dans les services publics. Les Assises unitaires de mars 1997 pour les droits des femmes en sont la poursuite et le prolongement. Comme les années 1880, les années 1970-80 ont connu une importante vague de réformes législatives, des lois de 1970 sur l’autorité parentale, à la loi Veil sur l’avortement de 1975, et à la loi Roudy sur l’égalité professionnelle de 1983, en passant par la loi de 1972 sur l’égalité salariale ou par la réforme du Code pénal et la reconnaissance juridique des violences faites aux femmes. Il y a bien sûr loin des lois à leur application. Comme le montrent les batailles incessantes sur la contraception et l’avortement rien n’est définitivement acquis qui ne soit garanti par les rapports de forces. Sans entraîner automatiquement, comme on pouvait le craindre, un renvoi massif des femmes au foyer, la crise économique et les mutations du travail se traduisent par des attaques plus subtiles : la remise en cause des services publics et de la protection sociale

s’accompagne d’une revalorisation de la famille. La flexibilisation du marché du travail et le temps partiel imposé aux femmes créent de nouvelles forme de concurrence. En même temps, malgré la multiplication des “ familles monoparentales ”, l’institution familiale retrouve devant la crise une fonction élémentaire de solidarité et de sécurité : les jeunes sans emploi vivent de plus en plus longtemps chez leurs parents ou aspirent à fonder au plus vite un foyer. On retrouve ainsi l’ambivalence de l’institution nationale, à la fois matrice de l’oppression et cellule de solidarité élémentaire, avec son cortège de pathologies névrotiques. La segmentation sociale qui pousse à dissocier ce que BoltanskiChiapello appellent la critique artiste et la critique sociale, ou ce que d’autres ont décrit comme une “ gauche morale ” et “ gauche sociale ”, trouve un écho dans l’écart entre des réformes gouvernementales de modernisation “ sociétale ” (la loi sur la parité en fait partie)) et une politique sociale globalement régressive illustrée par les privatisations, les atteintes à la protection sociale, ou les lois Aubry sur le temps de travail. On voit ainsi se dessiner à nouveau le divorce possible entre un mouvement féministe civique et un mouvement féministe social qu’a connu la fin du XIX siècle. Les divergences (et les malentendus) apparus dans la discussion sur la parité l’ont bien illustré. Le constat de scandale fait pratiquement l’unanimité, sincère ou non : plus de 46 % des femmes officiellement reconnues dans les statistiques de la “ population active ” et 12 % seulement à l’Assemblée nationale après les élections de 1997, c’est intolérable et ça ne peut plus durer. Les arguments échangés lors du débat législatif à propos ont cependant des logiques profondément contradictoires. Comme le souligne Evelyne Pisier, la stricte parité institutionnelle imposée par des mesures obligatoires signifie “ une injonction à l’altérité et à la différence sous prétexte de produire davantage d’égalité. ” En faisant de la dualité sexuelle un principe constitutif de l’humanité et de la citoyenneté, la gauche changerait d’idéal, dans le sens d’une naturalisation et d’une biologisation de la politique (parallèle à la racialisation et à l’ethnicisation de la question nationale) : ramener l’Un à Deux priverait l’universalisme de sa portée subversive et mettrait le doigt dans l’engrenage de la fragmentation communautaire de l’espace public. “ Entre une femme de droite et un homme de gauche, le programme importe plus que le sexe ”, affirme Pisier pour qui la parité est en définitive “ un leurre réactionnaire ”. C’est l’inégalité qu’il s’agit d’effacer et l’on ne saurait y parvenir par l’institutionnalisation de différences naturelles qui feraient des femmes “ non des différentes parmi les différents, mais des différentes des autres différents ” [15]. L’extrême-droite intellectuelle n’a pas manqué de saisir au bond le discours différencialiste pour appliquer aux femmes les recettes de la

sociobiologie sur la reconnaissance et l’enfermement des différences et lancer l’offensive contre le théorème de Simone de Beauvoir : “ On ne naît pas femme, on le devient ”. L’universalité proclamée par les hommes sert souvent de paravent et de masque à l’oppression bien réelle des femmes. C’est vrai. Il serait bon de s’en souvenir aussi quand on invoque l’Humanité universelle pour légitimer le nouvel ordre impérial du monde. On ne peut accepter cependant les allégations d’Elizabeth Guigou, selon lesquelles l’exclusion des femmes de la vie politique trouverait son origine “ dans la République de 1791 ” [16]. Un tel postulat idéalise passablement le temps perdu de l’amour courtois et de la chasse aux sorcière. Il exonère au passage le rôle de l’Eglise, de la francmaçonnerie, et même l’ordre moral stalinien cher à Jeannette Vermersch. En définitive, l’article 3 amendé de la Constitution reste relativement prudent : “ La loi favorise l’égal accès des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ”. L’article 4 “ incite les partis politiques à contribuer à la mise en œuvre ” de ces dispositions. Ce n’est pas l’aspiration à une culture universelle à travers l’expérience indissociable de l’altérité des sexes et de l’unité de l’espèce qui devrait être en cause, mais la contradiction sociale et historique entre une universalité proclamée en théorie et constamment contredite en pratique : si l’universalisme abstrait est la bonne conscience des vainqueurs de toujours, le relativisme communautaire des vaincu(e)s et des dominé(e)s ne lui donne pas la bonne réplique. La “ mauvaise abstraction ” du chiffrage de l’égalité est une surenchère à l’abstraction de l’universel plutôt que sa négation. La véritable question reste la promotion effective de l’égalité et non l’inscription institutionnelle de la différence qui naturalise une affaire politique. Car l’humanité dans sa diversité n’est pas duelle, mais multiple. Et c’est bien ce multiple qui est le véritable enjeu de la démocratie à venir. Christine Delphy estime que “ là où les paritaristes veulent inscrire dans la Constitution la dualité de l’espèce humaine, la philosophie de l’action positive veut au contraire affirmer l’unicité de celle-ci et la traduire dans les faits ”. Les Assises nationales de mars 1997 pour les droits des femmes ont adopté l’unanimité des 160 organisations participantes une plate-forme refusant de dissocier les problèmes du droit à un emploi qualifié à temps plein, de la réduction massive du temps de travail pour toutes et tous sans réduction de salaire, de la suppression du temps partiel contraint, du partage des tâches domestiques et éducatives, des conditions pratiques de l’autonomie dans la vie publique et privée (service public d’accueil de la petite enfance, statut de l’élu(e), etc.). La question de la parité, qui divisait les participantes, fait l’objet d’un compromis ne préjugeant pas des évolutions constitutionnelles : “ Nous portons l’exigence de parité qui s’exprime dans la société. La parité est un des moyens de construction d’une réelle égalité. ” Elle passe par la “ promotion

d’une représentation égalitaire des femmes et des hommes dans les fonctions électives, à la direction des partis, et dans toutes les instances décisionnelles, l’interdiction du cumul des mandats et la limitation de leur renouvellement, la généralisation des scrutins de liste à la proportionnelle avec alternance homme-femme. ” L’objectif demeure l’égalité, une égalité globale, tant politique, sociale, que culturelle. Au lieu de cristalliser une représentation sur base sexuelle, la parité apparaît seulement comme un moyen transitoire pour l’atteindre. Car le “ nouvel esprit du capitalisme ” signifie aussi un aménagement et parfois un renforcement de l’oppression. Ainsi, 31 % des femmes actives ont un travail à temps partiel, contraint dans la majorité des cas, contre 5 % des hommes. La dualité du marché du travail se transforme sans disparaître. Les politiques de l’emploi soit favorisent systématiquement les solutions de garde individuelle des enfants et la création d’emplois de service, soit encouragent le retrait des femmes du marché du travail. Les horaires flexibles, le temps partiel contraint, les salaires inférieurs, la protection sociale limitée, tout concourt à perpétuer la notion de salaire d’appoint des femmes. La revalorisation de l’institution familiale et les discours natalistes sont propices aux menaces contre le droit acquis à l’interruption volontaire de grossesse dont l’application rencontre toujours bien des obstacles. La lutte pour la libération des femmes n’est pas dissociable du contexte dans lequel elle s’inscrit. Le danger de réaction antiuniversaliste face aux effets de la mondialisation marchande peut aussi se traduire par l’essentialisation des identités et par la cristallisation des corporatismes communautaires au détriment de l’en-commun. La logique de la singularité devient alors celle de la fragmentation des différences dans un potage post-moderne et de d’une individualisation sans horizon collectif. Le goût rhétorique de l’identité tend à absolutiser une appartenance au détriment des autres. Craignons un “ avenir identitaire ” aux relents totalitaires : on est toujours le différent ou la différente de quelqu’un. Ce ne sont pas seulement les sociétés mais aussi les personnes qui sont “ multiculturelles ” (comme le dit Amy Gutman). Plutôt que les identités exclusives, vivent donc les singularités qui font passage et qui font lien, à la jonction de l’universel et du particulier ! Et vive la différence qui se différencie à son tour ! Penser une égalité qui ne soit pas homogène, qui prenne en compte l’hétérogénéité et l’infinie singularité, c’est très exactement ce que Derrida appelle “ la démocratie à venir ”. Dans le réseau d’alliances et de conflits où chacun(e) est engagé(e), il est sans doute nécessaire de chercher le fil rouge qui permet, à un moment donné, dans une situation historique déterminée, de démêler la pelote des appartenances sans que toutes les formes de la discorde et de la dissidence soient pour autant réductibles à ce fil unique. Les intérêts contraires (de classe, de sexe, de génération, de

nation) s’enroulent, se croisent, se tressent, à des rythmes différents, selon des temporalités sociales, sexuelles, psychiques différentes. Sous la férule despotique du Capital et de ses fétiches vindicatifs, la diagonale du front de classe traverse et recoupe celui du féminisme comme celui de l’écologie. Contre l’universalité à sens unique des dominants et contre les oppressions auxquelles elle sert de masque, l’aspiration à l’égalité passe bien par la nécessaire rébellion des différences et par les discriminations positives en faveur de l’opprimé(e). Au risque inévitable d’un retour au ghetto et au péril de voir la tyrannie ressentimentale de la différence fétichisée répondre à la celle de la norme subie. En élaborant une critique des “ rapports de genre ”, le nouveau mouvement féministe est déjà parvenu à déjouer le piège essentialiste attaché à la représentation platement biologique des rapports de sexe. La reconnaissance, à travers la notion de genre, de la dimension historique et sociale des antagonismes de sexe, incite à penser conscience de classe et conscience de genre non comme des résistances parallèles et mutuellement exclusives, mais comme convergeant dans une alliance stratégique conflictuelle. La femme Et réciproquement.

est

l’avenir

du

spectre.

Notes 1. Voir Travail des femmes, pouvoir des hommes. Coordonné par Nicole Chevillard et Sébastien Leconte, La Brèche, Paris 1987. Ainsi que la collection des Cahiers du féminisme et les trois numéros spéciaux de la revue Critique communiste : “ Féminisme, famille, sexualité, (n°4, décembre 1975), “ Femmes, capitalisme, mouvement ouvrier ” (n°20, décembre 1977), “ Le féminisme en mouvement ” (n°154, hiver 1999), avec notamment l’article d’Antoine Artous sur “ Oppression des femmes et capitalisme ”. 2. Voir notamment Etre exploitées, collectif féministe italien, Paris, Editions des femmes, 1974. 3. Voir Les femmes dans la société marchande, sous la direction d’Andrée Michel, Paris, PUF, 1978. 4. Claude Meillassoux, Femmes, greniers, capitaux, Paris, Maspéro, 1975. 5. Christine Delphy, L’ennemi principal. 1. Économie politique du patriarcat, Paris, Syllepse, 1998.

6. À la fin des années soixante, le taux d’activité masculine était de 70 % contre 40 % seulement pour le taux d’activité féminine. Trente ans plus tard, en 1996, la proportion était respectivement de 79 % et 64 %. Les hommes représentent désormais 54 % du salariat contre 46 % pour les femmes. Voir Hommes et femmes dans le mouvement social, Cahier du Gedisst coordonné par Jacqueline Heinen et Josette Trat, Paris, L’Harmattan, 1997. Voir aussi les nombreux travaux de Danielle Kergoat et Margaret Maruani. 7. Christine Delphy, op. cit., p. 15. 8. Christine Delphy et Diana Cambridge, Polity Press, 1992.

Leonard,

Familiar

Exploitation,

9. Pierre Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Seuil, coll. Liber, 1998. 10. Pierre Bourdieu, op. cit., p. 7. 11. Voir à ce propos les articles de Nicole-Claude Mathieu et MarieVictoire Louis, “ Réponses à Pierre Bourdieu ”, in Les Temps Modernes, n°604, mai-juin-juillet 1999 Et Josette Trat, “ Bourdieu et la domination masculine ”, Cahiers du féminisme, n°81, automne 1998. 12. In La Femme libre, journal créé en 1832. 13. Voir Marie-Hélène Zylberberg-Hocquard, Féminisme et syndicalisme en France, Paris, Anthropos, 1978, p. 150 ; Madeleine Guilbert, Les femmes et l’organisation syndicale avant 1914, Paris, Editions du CNRS, 1966. 14. Le Socialiste, 9 oct. 1889. 15. Evelyne Pisier, Le Monde, 11 février 1999, Rouge, 25 février 1999. Voir aussi les articles d’Elizabeth Roudinesco, Le Monde, 11 février 1999 ; Danièle Sallenave, Le Monde 21 janvier 1999 ; ou Elizabeth de Fontenay, Le Monde 25 février 1999. 16. Elizabeth Guigou, Etre femme en politique, Paris, Plon, 1997. BENSAÏD Daniel * Ce texte constitue le chapitre 3 (Partie III : « Métamorphoses du spectre ») de l’ouvrage : Daniel Bensaïd, « Le sourire du Spectre, nouvel esprit du communisme », Ed. Michalon, Paris 2000. Cette version ne comprend pas nécessairement les corrections faites au moment de la publication. Mis en ligne le 30 juin 2006

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