Finance Contrôle Stratégie 16-2 (2013) Varia
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Patrice Charlier et Gilles Lambert
Modes de gouvernance et performances des entreprises familiales françaises en fonction des conflits d’agence ................................................................................................................................................................................................................................................................................................
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Référence électronique Patrice Charlier et Gilles Lambert, « Modes de gouvernance et performances des entreprises familiales françaises en fonction des conflits d’agence », Finance Contrôle Stratégie [En ligne], 16-2 | 2013, mis en ligne le 11 juillet 2013, consulté le 10 octobre 2013. URL : http://fcs.revues.org/1314 Éditeur : Association FCS http://fcs.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://fcs.revues.org/1314 Document généré automatiquement le 10 octobre 2013. Tous droits réservés
Modes de gouvernance et performances des entreprises familiales françaises en fonction de (...)
Patrice Charlier et Gilles Lambert
Modes de gouvernance et performances des entreprises familiales françaises en fonction des conflits d’agence Les auteurs remercient les deux réviseurs anonymes pour leurs observations visant à améliorer l’article. 1
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La spécificité de l’entreprise familiale vient du fait qu’elle combine une entreprise et une famille, deux univers qui comportent chacun des besoins et des objectifs qui leur sont propres (Hirigoyen, 2009). L’entreprise familiale est un système composé de trois sous-systèmes en interaction : la propriété (actionnariat), le management et la famille selon le modèle de Davis et Tagiuri (1982). Les entreprises familiales occupent une place importante dans les économies occidentales. En Europe, près d’une entreprise sur deux est familiale et près d’un tiers des entreprises familiales a un dirigeant extérieur, selon l’étude de Faccio et Lang en 2002. En France, elles représentent 83 % des entreprises (dont trois quarts sont des TPE) selon l’étude de PWC (2011), qui utilise la définition de l’entreprise familiale de la Commission Européenne (entreprise majoritairement contrôlée par une ou plusieurs familles dont l’un des membres est impliqué dans le management). Elles suscitent, à ce titre, de nombreuses recherches sur leur performance et leur structure financière. Toutefois, les études sur l’entreprise familiale se caractérisent par une absence de consensus sur leur définition : il y aurait plus de 90 définitions de l’entreprise familiale coexistant en Europe selon PWC (2011). Il en est de même pour les variables utilisées dans le but de comparer ses avantages en termes de performance au sens d’économies de coûts d’agence potentiels. Traditionnellement, les études sur l’entreprise familiale fondées sur la théorie de l’agence considéraient que l’entreprise devait être contrôlée et dirigée par la famille. Elles se fondaient sur la thèse de la « convergence des intérêts » soutenue par Jensen et Meckling (1976) expliquant leurs performances par l’économie de coût d’agence liée à la réunion des fonctions de contrôle et de direction. « The blurring of the boundary between principal and agent in this type of family contracting would make moral hazard largely inconsequential ». Cependant, comme le soulignent notamment Allouche et Amann dans « l’état de l’art sur les entreprises familiales » en 2000, elles se caractérisaient aussi par une absence de consensus sur les notions de contrôle et d’implications de la famille dans l’entreprise, jusqu’au début du XXIème siècle, où ces notions ont été profondément renouvelées dans deux directions. Tout d’abord, Burkart et al. (2003), Anderson et Reeb (2003), Barth et al. (2005), ont établi une distinction entre entreprises contrôlées par la famille et entreprises dirigées par celle-ci. Introduisant une nuance supplémentaire, Neubauer et Lank (1998), Sharma (2001, 2004), Villalonga et Amit (2006), Ali, Chen et Radhakrishnan (2007) ont étendu la notion aux entreprises où la famille ne contrôle plus que la propriété ou le management, et où elle peut être minoritaire. L’analyse réalisée par ces derniers a particulièrement retenu notre attention dans la mesure où les auteurs séparent clairement ce qu’ils appellent le conflit d’agence total en deux types de conflits d’agence I et II. Par ailleurs, les variables retenues par ces auteurs, pour mesurer la performance, sont riches et concernent aussi bien la qualité des informations financières divulguées par les entreprises en vue de prévoir les cash-flows futurs que des indicateurs comme le rendement des fonds-propres. En ce sens, leurs résultats nous fournissent des explications sur la nature des conflits d’agence. Il convient dès lors de prendre en compte les différences culturelles et managériales entre les pays où les entreprises familiales sont généralement caractérisées par une forte concentration de la propriété, comme ceux d’Europe continentale, et les pays anglo-saxons qui sont globalement plus enclins à ouvrir le capital à des actionnaires extérieurs (Enquête KPMG Entreprises, 2007). Cette spécificité de la structure de propriété dans les entreprises familiales Finance Contrôle Stratégie, 16-2 | 2013
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conduit Hirigoyen (2009) à distinguer les actionnaires majoritaires exerçant les fonctions de direction des actionnaires minoritaires. Elles résultent aussi des études publiées par Morck et al. (1988) et Burkart et al. (2003) montrant qu’un dirigeant extérieur à la famille peut être plus performant, notamment lorsque l’entreprise familiale n’est plus dirigée par son fondateur. Il en résulte une « familialisation » des entreprises non familiales, selon l’expression d’Hirigoyen (2009). C’est précisément ces nouvelles définitions de l’entreprise familiale qui sont étudiées ici. L’originalité de cette contribution est de réaliser, de façon exploratoire, sur un échantillon d’entreprises françaises non cotées, des tests empiriques inspiré du modèle proposé par Villalonga et Amit (2006). Ce modèle distingue deux types de conflit d’agence : le conflit classique actionnaire-dirigeant, déjà décrit par Berle et Means (1932) ou Jensen et Meckling (1976) – appelé conflit de type I - et le conflit entre actionnaires majoritaires et minoritaires – dénommé conflit de type II. Cependant, notre étude diffère des études précédentes américaines en raison d’un environnement juridique sensiblement différent, dont trois aspects nous paraissent importants dans le cadre des entreprises familiales françaises. En premier lieu, elle est réalisée dans un cadre de « civil law » ou de « droit codifié » alors que les études américaines s’inscrivent dans un contexte de « common law » ou « droit coutumier ». Ce dernier est considéré comme plus protecteur selon l’indice de protection des actionnaires construit par La Porta et al. en 1998. De plus, selon ces auteurs, le droit français est le plus différent du « common law »: « Common-law countries give both shareholders and creditors - relatively speaking - the strongest, and French-civil-law countries the weakest, protection ». En deuxième lieu, l’étude est réalisée sur des entreprises non cotées alors que les études américaines portent sur des très grandes entreprises familiales cotées (Fortune 500 ou S&P 500). Les raisons de ce choix proviennent du fait que l’absence de cotation a généralement pour conséquence des contraintes légales moins fortes. Il est dès lors intéressant de voir si le lien entre la performance et les modes de gouvernance des entreprises familiales françaises est similaire à celui des grandes entreprises familiales américaines, alors même que les régimes de protection légale sont très différents. En troisième lieu, le droit des sociétés français prévoit des structures juridiques permettant de séparer nettement la direction de l’entreprise de son contrôle par les actionnaires. C’est d’abord le cas de la société en commandite par actions (SCA), dont les origines remonte au Moyen Age, qui comprend deux catégories d’actionnaires ayant des droits très différents, les commandités et les commanditaires. Seuls les commandités nomment et révoquent les gérants, même s’ils sont minoritaires, comme Arnaud Lagardère, sauf disposition contraire dans les statuts. Les commanditaires sont , en revanche, les seuls à pouvoir être membres du Conseil de surveillance, mais ils ne peuvent pas participer à la direction de l’entreprise, même s’ils sont majoritaires. Les particularités de cette structure juridique ont visiblement échappé à Guy Wyser Pratte lors de sa tentative de déstabilisation de Lagardère SCA, en 2006, en Assemblée Générale et devant les juridictions françaises. Si cette structure juridique est peu utilisée, elle l’est par de très grandes entreprises familiales comme Michelin, Hermès International, Financière Pinault ou Lagardère. C’est aussi le cas de la SA à Directoire et Conseil de Surveillance, ajoutée par la loi de 1966 à la SA à Conseil d’administration, qui organise une séparation de la fonction de direction et de la fonction de contrôle. Le conseil de surveillance, élu par l’assemblée générale, ne possède aucune prérogative de gestion mais exerce un contrôle permanent de la gestion menée par le directoire, dont il nomme les membres (Barrédy, 2008). Ses mécanismes de gouvernance sont donc formés de deux organes collégiaux distincts avec une séparation stricte de la direction et du contrôle. Si cette structure n’a connu qu’un succès mitigé, elle est plus fréquente dans les entreprises familiales, selon Godard (1998) et Barrédy (2008). Elle permettrait à la famille-actionnaire n'ayant pas en son sein les ressources managériales adaptées, de confier la direction de l’entreprise à un dirigeant extérieur tout en le contrôlant efficacement par le biais du conseil de surveillance. On peut citer l’exemple de Carrefour, qui est passé de la forme conseil d'administration à la forme conseil de surveillance à la suite de la nomination d'un dirigeant extérieur à la tête de la direction de l'entreprise, en 1993 (Godard, 1998). Cette forme permettrait également de ne plus opposer la
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famille et l’entreprise mais de les intégrer, le conseil de surveillance pouvant être l’arbitre entre le directoire et les actionnaires (Barrédy, 2008). Enfin, la société par actions simplifiées (SAS) a connu, à partir de la réforme de 1999, un succès rapide notamment en raison de la liberté contractuelle qu’elle offre en matière de dissociation entre pouvoir et capital, comme l’illustre l’exemple Renault-Nissan. Cette flexibilité permet aux sociétés d’organiser un équilibre des pouvoirs en permettant à deux partenaires qui ont une différence de poids économique de gommer celui-ci pour faciliter une coopération équilibrée. Selon le Creda1 (2006), la SAS se substitue en général à la SA à conseil d’administration. Fueglistaller et Zellweger (2005) introduisent d’autres nuances concernant l’entreprise familiale. Ils suggèrent que, dans le cas de contrôle par une fratrie, les membres de la famille chercheront à diminuer la prise de risque. Mobilisant des résultats issus de la psychologie des groupes, les auteurs concluent que l’existence de rivalités entre intérêts particuliers (frères et sœurs et plus généralement dans la fratrie) se résolvent souvent par la recherche de compromis au moindre risque (« causion shift »). Ces conflits à l’intérieur de la famille génèrent aussi des dysfonctionnements, mais ils sortent du champ de notre étude centré sur les conflits d’agence de type I et II. Par ailleurs, il existe des outils de résolution de ces conflits utilisés par les entreprises familiales qui ont connu, avec succès, plusieurs transmissions, comme par exemple le conseil de famille. C’est ce que semble confirmer au moins en partie l’étude de PWC (2011) indiquant que 67 % des dirigeants interrogés déclarent que le caractère familial a permis aux dirigeants des entreprises familiales de mieux traverser la crise récente. Les raisons invoquées sont notamment la solidarité, la gestion prudente et l’anticipation (éviter les risques et les projets trop ambitieux) et l’absence de pression des actionnaires. Le modèle étudié ici offre une définition relativement étroite de l’entreprise familiale par rapport à des tentatives récentes de définition qui font apparaître leur caractère protéiforme et en contextuel changement (Hirigoyen, 2009). Notamment il ne tient pas compte d’éventuels coûts d’agence liés aux conflits spécifiques à la famille qui peuvent générer des coûts d’agence propres aux entreprises familiales. Cependant, l’étude de ces conflits et de leurs outils spécifiques de résolution est trop vaste pour pouvoir être intégrée à cette étude, et mérite au contraire des études spécifiques à ces conflits. Après avoir rappelé les principales études sur l’entreprise familiale, nous présenterons la définition de l’entreprise familiale retenue ainsi que nos hypothèses. Les tests ont été réalisés sur un panel d’entreprises françaises à partir de la base de données Amadeus2. Les résultats font apparaître des différences de performances significatives et originales en fonction de la propriété et du management des entreprises.
1. L’évolution dynamique des modes de gouvernance des entreprises familiales dans la littérature 10
Les études sur l’entreprise familiale se sont longtemps focalisées sur le conflit d’agence entre les actionnaires et les dirigeants. Cependant, l’élargissement récent de la notion d’entreprise familiale amène à étudier une deuxième forme du conflit d’agence, celle qui existe entre actionnaires majoritaires et minoritaires, car elle présente un intérêt particulier dans le cadre du droit français. En effet, au cours des dernières années, les études ont établi une distinction entre entreprises contrôlées par la famille et dirigées par celle-ci (Neubauer et Lank, 1998 ; Burkart et al., 2003). Selon Hirigoyen (2009), « cette distinction permet de séparer des entreprises entièrement familiales où la famille ne contrôle plus que la propriété par son degré d’implication actionnariale ou plus que le management par l’occupation de postes stratégiques mais où elle est minoritaire au plan actionnarial ». Pour ces raisons nous allons étudier les modes de gouvernance des entreprises entre les actionnaires familiaux et les dirigeants (familiaux ou non) dans un premier temps, et les relations entre les actionnaires majoritaires et minoritaires de l’entreprise familiale dans un deuxième temps.
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1.1. Des particularités des modes de gouvernance entre actionnaires et dirigeant … 11
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La première forme de gouvernance étudiée dans la littérature de l’entreprise familiale a été celle où la famille réunit les critères de contrôle et de direction. Le développement de la théorie de l’agence, à la suite de l’article de Jensen et Meckling en 1976, a renforcé cette conception de l’entreprise familiale, structure organisationnelle où les risques de comportements déviants des agents sont réduits du fait de la confusion des rôles de principal et d’agent. Les acteurs familiaux n’ont pas d’intérêt à agir contre ce qui représente leur capital et patrimoine (Fama et Jensen, 1983). Il en résulte un avantage en termes de coûts d’agence pour les entreprises familiales. Dans cette acception, l’entreprise familiale se trouve dans une situation d’intendance, au sens de la Stewardship Theory, sans conflit d’agence de type I, l’intendant agissant par nature dans le sens du principal (Donaldson et Davis, 1991 ; Sharma, 2004). Dans cette hypothèse d’alignement des préférences, la logique du contrôle cède la place à une logique d’accompagnement. Pour Donaldson et Davis, la fusion des fonctions de « chairman » et de « CEO » permet de meilleurs rendements. Toutefois, des problèmes spécifiques aux entreprises familiales peuvent apparaître, comme des dissensions dans l'actionnariat familial (Caby et Hirigoyen, 2002), ce qui nécessite de prendre en compte l'évolution des liens familiaux et du cycle de vie de l'entreprise au cours du temps (Hirigoyen, 2008). En effet, les liens entre les membres de la famille « commencent graduellement à s'atténuer et déclenchent des forces qui contribuent à diminuer plutôt qu'à construire la confiance » (Steier, 2001). Une deuxième forme d’organisation est analysée par le modèle théorique de Burkart et al. (2003) : c’est celle où la famille qui contrôle les droits de vote, choisit de recruter un dirigeant extérieur. Ce choix d’un professionnel permet d’avoir un dirigeant plus performant, notamment lors de la transmission aux héritiers, comme le montraient déjà Morck et al. (1988). Cependant, ce modèle a pour effet de réintroduire dans l’entreprise familiale le conflit entre actionnaires et dirigeant en raison du risque que ce dirigeant extérieur à la famille s’approprie des bénéfices privés. Dans cette nouvelle perspective, le degré de protection légale des actionnaires contre une expropriation éventuelle par le dirigeant, constitue alors une variable importante. La variation de cette protection légale suivant les pays expliquerait les différences dans les structures de propriété choisies selon La Porta et al. (1997). Ainsi, la famille a intérêt à conserver la majorité des droits de vote en cas de protection légale moyenne (Burkart et al., 2003), ce qui lui permet de choisir (ou de révoquer) le dirigeant (Allouche et Amann, 2002). Dans ce cadre, la SA à Directoire et Conseil de surveillance permet à la famille de nommer et révoquer le Président du Directoire extérieur à la famille, comme c’est le cas chez les Peugeot. C’est également le cas de la SCA qui permet à un actionnaire familial minoritaire de contrôler et diriger l’entreprise, comme chez Lagardère ou Michelin. Ceci expliquerait, dans des pays à protection légale des actionnaires supposée faible, comme la France, la persistance d’une propriété très concentrée entre les mains, souvent, de la famille fondatrice (Laurent et Wirtz, 2010). Toutefois, ces mêmes auteurs montrent que ce choix peut avoir d’autres motivations, comme dans le système de gouvernance de la famille Mulliez avec le groupe familial Auchan qui « s’écarterait du modèle financier de référence, non en raison de la prétendue faiblesse du droit français à protéger efficacement les investisseurs financiers, mais par choix volontaire par le fondateur du groupe, sur la base de l’enseignement social de l’Église catholique ». Enfin, la troisième forme d’organisation est celle où l’entreprise est dirigée par une famille qui n’a pas (ou plus) la majorité des droits de vote. Cette hypothèse qui a été envisagée initialement par Neubauer et Lank (1998) ajoute ainsi aux deux catégories précédentes d’entreprises familiales (X et Y), une troisième forme (Z) : l’entreprise encore dirigée par un membre de la famille mais où celle-ci ne garde plus qu’une participation minoritaire. Tableau 1 - Matrice propriété-management selon Neubauer et Lank (1998), p. 7 Management Familial Propriété
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Ce type d’entreprise reste familial parce que son dirigeant imprégné de l’héritage culturel, continue à appliquer les valeurs familiales. Deux exemples français célèbres confortent cette approche. C’est d’abord le cas du groupe Danone, ex-BSN. En 1965, Antoine Riboud, petitneveu d'Eugène Souchon prend les commandes des verreries Souchon-Neuvesel, alors dirigée par Marie Neuvesel. Il dirige un an plus tard la fusion avec les glaces Boussois spécialisées dans le verre plat, pour créer le groupe BSN. Après l’échec de son OPA sur Saint-Gobain, Antoine Riboud transforme le groupe pour en faire le premier groupe alimentaire français, puis imposera son fils Franck comme dirigeant de ce géant de l’alimentaire dont la famille ne possède que 3 % du capital. C’est aussi le cas du Champagne Taittinger, racheté en 2006 par la Caisse Nord-Est du Crédit Agricole, et dont le président Pierre-Emmanuel Taittinger, est un petit-fils du fondateur. Rappelons que les 7 branches de la famille Taittinger ont vendu le groupe familial, « la société du Louvre » en 2005, au fond américain Starwood Capital. Deux ans plus tard, Pierre-Emmanuel Taittinger a racheté avec Anne-Claire, Frantz, Victoire et Wladimir à la Caisse Nord-Est Crédit Agricole 37 % du capital de la maison de champagne, celle-ci conservant 20 %, soit un bloc de 57 %. Cet exemple montre aussi que les conflits familiaux ne se terminent pas toujours par la disparition de l’entreprise familiale, celle-ci pouvant être reprise par une branche de la famille. Les valeurs familiales constituent un ensemble de ressources spécifiques à la société familiale, en raison des interactions entre les membres de la famille et les milieux d’affaires que Habbershon et al. (1999) regroupe sous le terme « familiness ». Dans une économie fortement axée sur la performance et le long terme, la notion de « familiness » serait plutôt un avantage concurrentiel selon Fueglistaller et Zellweger (2005). Ainsi, les phénomènes associés aux états historiques uniques d'une entreprise créent des ressources imparfaitement imitables, telle que la valeur de la culture d'organisation basée sur la famille. Il y a un véritable « affectio societatis » entre les actionnaires familiaux, ou pour reprendre l’expression d’Amann (2003), un « affectio familiaris ». Cet « affectio familiaris » est indispensable au fonctionnement de l’entreprise familiale Rector Lesage, selon son président de la 5ème génération, Rémi Lesage3, qui consulte régulièrement les membres de la famille lors du renouvellement de la charte familiale, et dont chaque branche de la famille est représentée au Conseil de famille qui intervient sur toutes les décisions stratégiques. La culture familiale serait à l’origine d’un climat de confiance qui est une explication possible des écarts de performance des entreprises familiales. « In family firms, the economics of trust as well as other phenomena can be examined to advantage in transaction cost economizing terms » (Williamson, 1996). Ainsi, comme le note Arrègle et Marie (2010), l’influence familiale considère des seuils d’actionnariat qui ne supposent pas un contrôle familial unilatéral : la présence de la famille au sein de l’actionnariat et du management permet à la famille d’influer sur les choix stratégiques sans pour autant détenir un contrôle unilatéral selon Sirmon et al., (2008), ce qui permet d’éviter certains effets négatifs d’un contrôle familial trop fort (Chua et al. 1999 ; Klein et al. 2005). Cette troisième forme est envisageable selon Burkart et al. (2003) dans les hypothèses où la protection légale des actionnaires minoritaires est très bonne. On la retrouve aussi sous une autre forme chez Sharma (2001, 2004) qui analyse les degrés de participation familiale sur le plan financier et/ou managérial. Nous allons maintenant étudier une deuxième composante du conflit d’agence dans l’entreprise familiale, le conflit entre actionnaires majoritaires et minoritaires.
1.2. … aux spécificités de la gouvernance entre actionnaires majoritaires et minoritaires 18
Les entreprises contrôlées par la famille constituent l’archétype des sociétés analysées par Shleifer et Vishny (1986) avec un actionnaire important et un ensemble de petits actionnaires ; c’est pourquoi, selon Villalonga et Amit (2006) dans cette forme de société, le conflit classique décrit par Berle et Means (1932) ou par Jensen et Meckling (1976) - qu’ils appellent le conflit d’agence de type I - est atténué par le fait que les actionnaires importants sont incités à Finance Contrôle Stratégie, 16-2 | 2013
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contrôler le dirigeant limitant ainsi l’opportunisme managérial (Demsetz et Lehn, 1985). Un autre effet mis en avant par Chen (2005), dans le cadre des entreprises familiales provient du fait que les actionnaires familiaux majoritaires sont moins manipulables que des actionnaires externes dans la mesure où ils détiennent une meilleure connaissance des activités de la firme. En revanche, un deuxième conflit d’agence apparaît - le conflit d’agence de type II - car l’actionnaire important peut utiliser sa position dominante pour prélever des bénéfices privés aux dépens des petits actionnaires. Dans le cas d’un actionnariat familial majoritaire, il peut contrôler et exproprier en prélevant sur les bénéfices, ce qui tend à substituer le conflit d’agence de type II au conflit d’agence de type I. Ainsi, selon Fueglistaller et Zellweger (2005), les prélèvements privés seraient plus élevés dans les entreprises contrôlées par une fratrie, et seraient moins importants quand un actionnaire exerce le contrôle et qu’un cercle familial élargi participe à l’entreprise. Il peut aussi y avoir des tentatives de manipulation des données comptables, comme l’observent Ali, Chen et Radhakrishnan (2007), en vue d’aider le manager familial dans ses prises de position stratégiques. Pour Villalonga et Amit, en ne prenant pas en compte le conflit d’agence de type II, les études antérieures sur les entreprises familiales ne permettent pas de prendre en compte l’effet du contrôle en tant que tel. En utilisant une base de données issue de Fortune-500 sur la période 1994-2000, leurs résultats montrent que le conflit classique actionnaires-dirigeant est plus coûteux dans les entreprises non familiales que le conflit entre les actionnaires familiaux et non familiaux dans les entreprises familiales dirigées par leur fondateur4. En reprenant ces deux composantes du conflit d’agence Ali, Chen et Radhakrishnan montrent sur les sociétés américaines du S&P 500 en 2007 que le conflit de type II (actionnaires majoritaires-minoritaires) est plus sévère dans les entreprises familiales, alors que le conflit de type I (actionnaire-dirigeant) y est moins sévère que dans les entreprises non familiales. Cela s’explique soit par le fait que l’actionnariat et la direction sont familiaux, soit parce que l’actionnaire familial majoritaire contrôle effectivement le dirigeant non familial. L’étude montre aussi que le conflit d’agence total (conflit de type I et conflit d’agence de type II) est globalement moins sévère dans les entreprises familiales. Dans un même ordre d’idée, une étude de Charlier et du Boys (2011) sur les entreprises françaises du SBF250 montre que les distributions de dividendes sont liées à ces deux composantes du conflit d’agence, qui est globalement moins fort dans les entreprises familiales. Il nous a semblé intéressant de voir, dans le contexte français en matière de règles de gouvernance (protection légale de l’actionnaire, divulgation d’informations comptables et stratégiques, forme juridique séparant contrôle et direction), si de tels résultats restent robustes. En effet, si l’étude de La Porta et al. en 1998 met en exergue des différences en matière de protection légale des actionnaires, d’autres études montrent que les règles extra-légales comme les codes de « bonne gouvernance », l’efficacité du système judiciaire ou le rôle des médias ont également un rôle variable selon les pays (Dyck et Zingalens, 2004 ; Haw et al., 2004). Dans ce cadre, une étude de Crossland et Hambrick (2007) conclut à la supériorité des règles légales et extra-légales américaines, donc anglo-saxonnes sur les allemandes et japonaises, qui reposent sur le « civil law ». L’intérêt d’étudier un échantillon d’entreprises françaises est justifié par des différences institutionnelles fortes qui semblent exister en matière de composition et de mode de gouvernance des CA avec les États-Unis, par exemple. Des auteurs comme Fama - Jensen (1983) avaient attiré l’attention sur ces questions dans un cadre américain. Une des spécificités françaises, fréquemment dénoncée, correspond au caractère « endogame » des conseils d’administrations des entreprises. Le problème est si important que dans sa loi de Nouvelles Régulations Économiques, la France en 2001 a tenté d’imposer aux entreprises françaises de faire entrer dans les CA des membres extérieurs. Deux rapports sur la gouvernance des sociétés cotées, le rapport Viénot en 1999 puis Bouton en 2002, vont proposer qu’un tiers dans le premier, et que la moitié pour le second, des administrateurs soient indépendants. Or, cette valeur de l’indépendance des administrateurs, née dans le contexte anglo-saxon, n’était initialement pas perçue comme un enjeu majeur dans d’autres pays, notamment par la France (Wirtz, 2007). Cette trop grande homogénéité dans la composition des CA en France
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va susciter des travaux de recherche sur la diversité des CA d’un point de vue disciplinaire au sens du contrôle pouvant être exercé sur les managers (Schatt, 2008) pointant l’importance d’administrateurs indépendants (rôle de surveillance et de contrôle du CA). D’autres travaux sur la base d’une approche cognitive (Charreaux, 2002 et 2003 ; Rouby, 2008) vont plus spécifiquement regarder la capacité des administrateurs à créer de nouvelles opportunités pour l’entreprise (rôle d’orientation stratégique du CA). Le constat fait par ces études sur les entreprises françaises cotées est unanime et pointe du doigt le manque d’ouverture des conseils d’administration en ce qui concerne ses capacités de surveillance et d’apport en matière d’orientation stratégique. Le modèle théorique de Burkart et al. (2003) montre qu’une protection légale faible amène la famille à conserver le management alors qu’une protection forte lui permet de recruter un manager extérieur, et qu’entre ces deux extrêmes, le recrutement d’un manager extérieur est accompagné par le maintien d’une grande part des droits de vote dans la famille, afin de pouvoir surveiller le manager. Or, comme dans le cas d’entreprises non cotées, les exigences légales de publications financières sont moins fortes que pour les grandes entreprises cotées, la famille peut avoir intérêt à organiser une coopération entre le manager professionnel et ses membres au conseil d’administration, ainsi que le suggère la théorie positive de l’agence. En effet, elle offre un cadre explicatif intéressant (Charreaux, 1999) à travers l’évolution d’une relation d’agence moins conflictuelle et plus coopérative. Or, pour une entreprise sur des marchés limités, le succès est très souvent lié au réseau relationnel tissé par le créateur de cette activité économique. Et, de ce point de vue, avoir un membre actif de la famille au conseil d’administration, est un gage de continuité dans les relations commerciales et professionnelles en général. Hirigoyen (2009) souligne le rôle des actionnaires familiaux non dirigeants mais actifs car soucieux de préserver les intérêts de la famille. Sans être le principal manager, il va pouvoir maintenir et développer les réseaux technico-économiques indispensables à l’évolution de la société. Or, selon Hoffman et al. (2006) les liens du réseau familial constituent une dimension fondamentale du capital familial. La valeur créée par cette coopération permet de faire fructifier le capital financier des actionnaires en continuant à développer le capital managérial (Charreaux 1999). La séparation des lieux de pouvoir et de management peut ainsi constituer un élément de design organisationnel intéressant dans cette perspective positive de l’agence (Charlier et Lambert, 2009) qui pourrait expliquer une meilleure performance des entreprises familiales avec un dirigeant extérieur, ou avec une famille dirigeante minoritaire. Après cette revue de la littérature, nous allons présenter dans un premier temps la méthodologie et, dans un deuxième temps, nos résultats.
2. Une méthodologie appliquée aux modes de gouvernance des entreprises familiales 24
L’objet de cette communication est de tester le lien entre les performances, en termes d’économie de coûts d’agence, des entreprises familiales et leurs modes de gouvernance en fonction des nouvelles définitions de l’entreprise familiale qui distinguent propriété et direction d’une part, et actionnaires majoritaires et minoritaires d’autre part. Dans ce cadre, l’intérêt de cette étude est de réaliser pour la première fois des tests sur un panel d’entreprises françaises non cotées afin de voir si certaines différences sont significatives selon l’organisation de l’entreprise familiale en fonction des deux types de conflit d’agence dans le contexte légal français, supposé très différent du contexte américain. Après avoir justifié la typologie, on présentera nos hypothèses et nos résultats.
2.1 Typologie des modes de gouvernance 25
Les résultats sur la performance des entreprises familiales étant difficilement comparables en raison de l’absence de consensus sur les variables de mesure, nous avons choisi d’utiliser des variables de performance et de structure financière explicatives communes à celles d’Allouche et Amann en 1997, qui ont par ailleurs été reprises dans leur étude de 2008, dans le but de permettre une comparabilité de nos résultats. En effet, leur étude de la performance porte aussi sur des entreprises familiales françaises d’un seul secteur d’activité. En revanche, notre apport Finance Contrôle Stratégie, 16-2 | 2013
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consiste à appliquer ces variables explicatives aux quatre modes de gouvernance familiale présentés dans le tableau 2 ci-dessous. Le but est de vérifier si les entreprises à contrôle et direction familiales sont plus performantes, comme l’indiquent Allouche et Amann (1997, 2008), ainsi que Anderson et Reeb (2003) sur des entreprises du S&P500 ou si, au contraire, elles sont moins performantes que celles à direction extérieure comme le montrent Barth et al. (2005) sur un échantillon de PME norvégiennes. De plus, et c’est l’apport essentiel de cette contribution, les tests sont appliqués aux entreprises avec contrôle familial majoritaire5 et minoritaire, afin de vérifier la non linéarité des performances des entreprises familiales mise en évidence par Anderson et Reeb (2003) (même si ici les seuils de détention du capital sont légèrement différents), ainsi que les résultats obtenus sur les sociétés familiales de Fortune 500 par Villalonga et Amit (2006) ou sur le S&P500 par Ali, Chen et Radhakrishnan (2007). En outre, notre étude porte sur des entreprises non cotées qui ont un comportement différent des grandes entreprises familiales cotées, comme le rappelle Miller dans son interview à Bloch et Cisneros Martinez (2010) : « … les entreprises familiales non cotées ont un très grand avantage comparativement aux autres et cela transparaît dans toutes les recherches que nous effectuons ». À cet effet, quatre formes d’organisations familiales (A, B, C, D) sont définies de la manière suivante :
A
L’entreprise contrôlée majoritairement et dirigée par la famille présente un conflit d’agence de type II élevé dans la mesure où la direction n’est pas indépendante et peut être dominée par la famille (Anderson et Reeb, 2003). Le conflit d’agence de type I est faible et limité aux conflits entre actionnaires familiaux majoritaires et minoritaires6 ;
B
L’entreprise contrôlée majoritairement par la famille et dirigée par un professionnel extérieur présente un conflit d’agence de type I faible dans la mesure où une famille majoritaire est moins facilement manipulable (moins d’opportunisme managérial) et un conflit d’agence de type II élevé ;
C
L’entreprise dirigée par une famille avec un contrôle minoritaire a un risque de conflit d’agence de type I faible dans la mesure où la famille demeure un actionnaire important7. En effet, le dirigeant familial doit alors être performant vis-à-vis des principaux actionnaires qui peuvent le destituer. Quant au conflit de type II, il est potentiellement faible car la famille a une bonne connaissance de l’entreprise et on suppose que le dirigeant familial ne réalise pas de collusion avec un éventuel majoritaire à l’encontre de l’actionnaire familial minoritaire. En outre, les études de Gugler et Yurtoglu (2003) ou de Charlier et du Boys (2011) montrent que la présence d’un second actionnaire important a pour effet de réduire le conflit d’agence.
D
L’entreprise à actionnariat familial minoritaire et dirigeant extérieur présente un risque de conflit d’agence de type I fort et un conflit d’agence de type II faible, dans la mesure où l’actionnaire familial minoritaire fait partie des trois principaux actionnaires.
E
Les entreprises non familiales sont sujettes aux conflits d’agence de type I et II, dans la mesure où le dirigeant n’est pas un des principaux actionnaires, et où un actionnaire majoritaire peut s’entendre avec le dirigeant pour prélever des bénéfices privés.
Tableau 2 – Catégories d’entreprises familiales en fonction des deux types de conflit d’agence Conflit type I Conflit type II
Dirigeant familial
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Dirigeant extérieur
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Contrôle familial majoritaire
A
Conflit I faible Conflit II fort
B
Conflit I faible Conflit II fort
Contrôle familial minoritaire
C
Conflit I faible Conflit II faible
D
Conflit I fort Conflit II faible
Pas d’actionnariat familial
E
Conflit d’agence I : Actionnaires / dirigeant Conflit d’agence II : Actionnaires majoritaires / minoritaires 27
28
29
Ce modèle permet une analyse du conflit d’agence de type I similaire à Villalonga et Amit (2006) ou Ali et al. (2007), en distinguant entre direction familiale ou non familiale. En revanche, notre analyse du conflit d’agence de type II est un peu différente dans le sens où les deux études américaines opposent les entreprises ayant des mécanismes permettant à l’actionnaire principal d’avoir plus de droits de vote qu’il n’a de droit dans le capital (droit de vote double, participation croisée…), alors que nous opposons les entreprises avec un contrôle familial majoritaire par rapport à celles ayant un contrôle familial minoritaire. Ce choix est guidé par notre souci d’utiliser les modèles théoriques de Neubauer et Lank (1998) ou de Sharma (2004) qui ont les premiers considéré que reste familiale une entreprise dont le contrôle par la famille est minoritaire, et qui correspond à de nombreux exemples, comme chez Danone où Franck Riboud, arrière petit-fils de Jean-Baptiste Neuvesel, détient environ 3 % du capital. Par ailleurs, c’est également la manière d’analyser le conflit de type II effectué par Charlier et du Boys (2011) dans leur analyse de la politique de distribution des entreprises du SBF 250, donc dans le contexte légal et extra-légal français. La possibilité d’un conflit à l’intérieur de la famille, bien que théoriquement possible, est ici supposée faible, et en tout état de cause d’un coût d’agence inférieur au gain d’agence résultant d’un actionnariat familial. En effet, il est supposé ici que soit la famille trouve en interne une solution au conflit, par le changement du dirigeant familial et/ou par la mise en place d’une autre gouvernance familiale (i.e chez les Wendel), soit la famille éclate et finit par vendre la société (i.e les familles Meyer et Moulin (Galeries Lafayette) ou la famille Lur Saluces (Château d’Yquem)). Ce modèle prend en compte les avancées théoriques récentes en matière de direction extérieure ou familiale, d’actionnariat familial majoritaire ou minoritaire et de conflit d’agence de type I et II. Nous allons maintenant présenter les données et variables explicatives.
2.2. Sélection des données et variables explicatives 30
31
Cette étude porte sur des entreprises françaises, afin de prendre en compte les particularités nationales en matière de protection des actionnaires, et sur un seul secteur d’activité. Il s’agit du « Tannage et dressage du cuir, fabrication de bagage, de sacs à main, de sellerie, de harnais et de chaussures » de la base de données Amadeus. Le choix de ce secteur à la fois traditionnel et en forte mutation parait intéressant du fait de la grande variété des types d’entreprises qui s’y trouvent, tant du point de vue de la taille que du type d’architecture organisationnelle. Basé sur une logique métier très forte, ce secteur traditionnel présente l’intérêt d’être constitué de longues histoires de transmission de savoir-faire qui constituent souvent le cœur de l’avantage concurrentiel des entreprises qui le composent. Dans ce contexte, le cadre familial offre les meilleures garanties pour une transmission multi-générationnelle des savoirs. Par ailleurs, ce secteur est particulièrement intéressant du point de vue de sa dynamique d’évolution. Il est composé d’entreprises familiales à forte tradition artisanale, qui ont suivi des trajectoires d’évolution très variées en matière de croissance et de modes de gouvernance. Certaines sont restées très familiales, d’autres se sont plus ouvertes en matière financière et de gouvernance. En outre, nous n’avons sélectionné que les entreprises employant entre 20 et 2000 salariés, pour éviter à la fois les petites entreprises, où les problèmes de gouvernance sont moins importants et les très grandes entreprises cotées, ces dernières ayant des obligations légales plus fortes. Le panel d’entreprises moyennes que nous avons extrait de la base de données Amadeus s’élève à 277 entreprises. Le nombre utilisé dans l’étude statistique a été ramené à 191 pour
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deux raisons : 18 entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, et 68 entreprises pour lesquelles la structure de l’actionnariat n’était pas renseignée, ont été exclues. Les données financières sont celles de l’année 2004. Par ailleurs, en raison du très faible nombre d’entreprises à contrôle familial minoritaire et direction extérieure, nous avons fusionné cette catégorie avec celles des entreprises non familiales, ces deux catégories d’entreprises ayant pour caractéristique de présenter un conflit d’agence de type I élevé. La répartition des entreprises de l’échantillon est donnée dans le tableau 3. Tableau 3 - Répartition des catégories d’entreprises de l’échantillon Conflit type I Conflit type II
34
35
Dirigeant extérieur
Actionnariat familial 62,8 % majoritaire
Conflit I faible Conflit II fort
13,1 %
Actionnariat familial 5,2 % minoritaire
Conflit I faible Conflit II faible
Conflit I faible Conflit II faible
Actionnariat non familial 33
Dirigeant familial
Conflit type I faible Conflit type II fort
18,9 %
On constate qu’un peu plus des trois-quarts des entreprises de l’échantillon, ayant un contrôle familial majoritaire, ont un conflit d’agence de type II fort. Cette proportion paraît conforme à la faiblesse supposée de la protection des actionnaires des sociétés françaises. En outre, un peu plus des deux tiers d’entre-elles ayant un dirigeant familial, présentent un conflit d’agence de type I faible. De plus, parmi les entreprises familiales avec un dirigeant familial qui ont un conflit de type I faible, moins de 8 % présentent également un conflit d’agence de type II faible, du fait d’un actionnariat familial minoritaire8. Là encore, ce faible pourcentage semble conforme au niveau supposé de la protection légale des actionnaires français. Toutefois, comme chez Faccio et Lang (2002), nous sous-estimons vraisemblablement la présence réelle des actionnaires familiaux, la méthode utilisée pour identifier dans l'échantillon un actionnaire dirigeant de l'entreprise familiale étant son nom de famille. Afin de faciliter la comparabilité de nos résultats, nous avons utilisé les ratios9 les plus significatifs de l’étude empirique réalisée par Allouche et Amann (1997) qui se limite également à un panel d’entreprises françaises relevant d’un seul secteur d’activité. Ils portent sur les trois grands axes étudiés par Allouche et Amann : la rentabilité, l’exploitation et la structure financière. Cette approche multidimensionnelle de la performance des entreprises familiales comparativement aux entités non familiales nous a paru d’autant plus intéressante que la plupart des études se focalisent sur un seul axe de la performance. L’étude statistique est basée sur l’hypothèse que les entreprises familiales présentent un conflit d’agence total10 (I + II) moins élevé, de Villalonga et Amit (2006) et de Ali et al. (2007), ce qui leur permet de conserver une plus grande part d’autofinancement et de privilégier une stratégie de longue durée avec des investissements moins risqués. Ainsi, Laurent et Wirtz (2010) relatent dans leur étude sur le groupe Auchan que, dans le financement du développement de ses activités, la famille Mulliez privilégie l’autofinancement et adopte une vision à long terme. Selon Gérard Mulliez : « c’est fondamental de laisser l’argent dans l’entreprise, parce que cela lui apporte de la croissance et donc une meilleure valorisation future. » Cette vision à long terme, leur capacité à réinvestir et leur adaptation à l’environnement en conservant leurs facteurs clés de succès, font d’elles les entreprises les plus pérennes (Miller et Le Breton-Miller, 2005). Nos hypothèses sont directement inspirées de celles testées dans les travaux de recherche essentiellement anglo-saxons. Elles croisent, d’une part, les recherches sur l’entreprise familiale confrontée aux deux types de conflit d’agence (Ali et al., 2007), et, de l’autre, les travaux des auteurs qui distinguent plusieurs catégories d’entreprises familiales (Burkart et al,. 2003 ; Barth et al., 2005). Ce croisement n’a, à notre connaissance, pas encore été réalisé. Il va, de surcroît, nous permettre une meilleure précision dans les résultats que nous pourrons nuancer entre les différentes catégories d’entreprises familiale. Pour élaborer nos hypothèses, nous retenons du travail de Burkart et al. (2003) la prise en compte d’entreprises familiales
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où le dirigeant est extérieur. Des recherches plus récentes de Ali et al. (2007) nous utilisons l’existence de conflits entre actionnaires majoritaire et minoritaire. Enfin, nous empruntons à l’étude de Allouche et Amann (1997) les principaux indicateurs de performance et de risque financier. Le croisement de ces recherches académiques nous permet de voir si en élargissant la notion d’entreprise familiale et des sources de conflit associées, nous retrouvons les résultats en termes de performances mis en lumière par Allouche et Amann (1997). La théorie de l’agence indique qu’en présence de conflits d’agence élevés des mécanismes disciplinaires doivent être utilisés. Ainsi, Schleifer et Vishny (1997) indiquent que lorsqu’un actionnaire a le contrôle de la firme, il préfère générer des bénéfices privés non partagés avec les minoritaires. Cela nous amène à formuler l’hypothèse qu’en cas de conflit d’agence, la performance peut être utilisée par l’actionnaire majoritaire pour contrôler le dirigeant. La performance pourrait également être un signal « de bonne conduite » à l’adresse des actionnaires minoritaires. Nous en déduisons une première hypothèse formulée de la façon suivante : H1a : La rentabilité joue comme mécanisme de gouvernance disciplinaire du conflit d’agence total (I + II) : plus ce conflit est élevé plus la rentabilité doit être importante.
H1b : La rentabilité joue davantage comme un mécanisme de résolution du conflit d’agence de type II que du conflit d’agence de type I. 37
38
La rentabilité est analysée à partir du ratio de rendement des fonds propres (résultat courant avant impôts / fonds propres nets) qui met en évidence les aptitudes de l'entreprise à mobiliser les capitaux que les actionnaires ont engagé en neutralisant les effets de l’impôt et des opérations exceptionnelles. C'est un indicateur de la performance des dirigeants qui mesure la capacité de l’entreprise à rémunérer ses actionnaires, alors que la distribution de dividendes est généralement considérée comme un mécanisme de résolution des conflits d’agence. Dans ce cadre, la rentabilité des fonds propres doit être d’autant plus élevé que le conflit d’agence potentiel est fort, car plus cette rentabilité est élevée, plus la distribution peut être élevée. Les entreprises familiales étant supposées avoir un conflit d’agence total (I + II) moins élevé, on s’attend à ce que leur rentabilité moyenne soit inférieure aux entreprises non familiales. Ainsi, Fueglistaller et Zellweger (2005) expliquent que les entreprises familiales ont la possibilité d’accepter des rentabilités moindres des projets grâce à des coûts (des capitaux propres) moins élevés que celles des entreprises non familiales. En outre, on s’attend à ce que le conflit d’agence de type II y soit plus fortement lié que le conflit d’agence de type I, conformément aux résultats de Ali et al. (2007). L’exploitation est étudiée avec le ratio de capacité d’autofinancement (CAF / chiffre d’affaires) qui exprime la capacité de l’entreprise à financer le renouvellement de ses immobilisations, à développer l’entreprise à partir de ses opérations courantes, mais aussi à rémunérer ses associés. Les études d’Hirigoyen (1984), d’Allouche et Amann (1997), de CalviReveyron (2000), et de Charlier et du Boys (2011) montrant que les entreprises familiales dégagent une capacité d’autofinancement plus importante pour accroître leurs fonds propres sans modifier la structure de l’actionnariat, laissent supposer que le conflit d’agence total (I + II) est lié négativement au ratio de capacité d’autofinancement, et que le conflit d’agence de type II y joue une part plus importante que le conflit d’agence de type I. Ceci nous permet de formuler une seconde hypothèse que nous proposons de tester : H2a : Le conflit d’agence total I + II plus faible des entreprises familiales leur permettant de se financer plus par autofinancement que les non familiales, elles ont un ratio de capacité d’autofinancement plus élevé.
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H2b : L’utilisation de l’autofinancement comme mécanisme de gouvernance disciplinaire du conflit d’agence est plus fréquente en cas de conflit d’agence de type II que de conflit d’agence de type I. 39
40
41
La structure financière est analysée par le ratio d’endettement net ou gearing (dettes financière nette / capitaux propres). Elle mesure le risque de la structure financière de l’entreprise. L’endettement renforce le risque financier (Nam, Ottoo et Thorton, 2003), que cherchent à minimiser les entreprises contrôlées et dirigées par la famille. Elles prennent généralement moins de risque et s’endettent moins que les entreprises non familiales selon Gallo et Vilaseca (1996), Hirigoyen (1984) ou Allouche et Amann (1997). Ce choix est généralement le résultat d’un arbitrage entre indépendance et endettement qui est lié au niveau de risque financier accepté par les dirigeants et leurs familles (Hirigoyen, 2009). L’indépendance est une valeur centrale pour les dirigeants familiaux qui accordent une moindre importance à un gain supplémentaire qu’à un regain équivalent d’indépendance, selon Fueglistaller et Zellweger (2005). Ils estiment également que la psychologie fournit des outils pour expliquer la diminution des risques lors du financement dans les phases de conflits d’intérêts entre frères et sœurs dominants et moins dominants (Schulze et al., 2003). Il est alors nécessaire de forger des coalitions, ce qui a souvent pour conséquence que les décisions comportent une part de risque moindre (« cautious shift »), car ce sont généralement les seules à pouvoir obtenir une majorité selon Ranft et O’Neill (2001). C’est pourquoi, on suppose que le conflit d’agence total (I + II) influence positivement le risque lié à la structure financière, et le conflit d’agence de type II a une influence plus forte que le conflit d’agence de type I. Nous avons également mesuré le ratio de solvabilité (solvency ratio : capitaux propres / passif) qui montre la part des actifs que l’entreprise finance par fonds propres. Les entreprises familiales cherchent d’abord à se financer avec leurs propres fonds, car ceux-ci ne mettent pas en danger l’indépendance de l’entreprise et constituent en outre bien souvent la forme de financement la moins onéreuse. Ainsi, il semble que la théorie de la hiérarchie des instruments de financement ou « Pecking Order Theory » de Myers et Majluf (1984) peut être appliquée aux entreprises familiales, car les coûts du financement représentent le troisième critère dans l’ordre d’importance lors du choix de la forme du financement selon Fueglistaller et Zellweger (2005). Pour Poutziouris (2001), il est évident que le comportement en matière de financement des entreprises familiales peut très bien être expliqué à travers cette théorie. Compte tenu de ce qui précède, nous attendons une liaison négative entre le conflit d’agence et le ratio de solvabilité, et le conflit d’agence de type II y est plus fortement lié que le conflit d’agence de type I. Enfin la structure financière est également testée avec le ratio de liquidité générale (current ratio : actif circulant / dettes à court terme) qui indique la couverture des dettes à court terme par les actifs à court terme. Les ratios de liquidité constituent également des variables indicatives du niveau du risque financier selon Allouche et Aman (2008), et Mishra et McConaughy (1999) constatent que la réticence des entreprises familiales à l’égard de l’endettement est d’autant plus forte qu’il s’agit de dettes à court terme. Dans ce cadre, nous supposons que ce ratio est lié négativement au conflit d’agence total (I + II) d’une part, et que cette liaison soit plus marquée pour le conflit de type II que celui de type I., d’autre part. Nous pouvons formuler notre troisième hypothèse : H3a : Les entreprises familiales ayant un conflit d’agence moins élevé utilisent moins le risque financier comme mécanisme de gouvernance disciplinaire de ce conflit que les non familiales.
H3b : L’utilisation du risque financier comme mécanisme de gouvernance disciplinaire du conflit d’agence est plus fréquente en cas de conflit d’agence de type II que de conflit d’agence de type I.
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Après avoir exposé nos hypothèses, nous présentons maintenant les résultats de nos tests statistiques.
2.3. Les résultats mettent en évidence des effets d’agence sur la performance des entreprises familiales 43
Les hypothèses ont été testées avec la méthode d’analyse de la variance ANOVA à 1 facteur qui permet d’évaluer l’hypothèse d’égalité des moyennes11 en effectuant une analyse de variance univariée sur une variable quantitative dépendante d’une variable indépendante, ici le mode de gouvernance de l’entreprise. Cette technique est une extension du test t pour deux échantillons. Elle ne dépend pas de l'hypothèse de normalité. L'homogénéité de la variance testée par la statistique de Levene donne les résultats suivants : Tableau 4 - Test d’homogénéité des variances et test d’égalité des moyennes Test d'homogénéité des variances Statistique de Levene
44
ddl1
ddl2
Signification
Rendement des fonds 8,963 propres
3
178
0,000
CAF sur CA
5,37
3
176
0,001
Endettement net (gearing)
3,348
3
179
0,020
Solvency ratio
0,821
3
184
0,484
Current ratio
1,503
3
186
0,215
Les variances des cinq premières variables du test de Levene n’étant pas homogènes, nous utilisons le test de Welch pour déterminer s’il y a bien égalité des moyennes. Le tableau suivant montre que c’est le cas pour trois de nos variables : la rentabilité des fonds propres, la capacité d’autofinancement, et le taux d’endettement net (gearing). Tests d'égalité des moyennes de Welch
ddl1
ddl2
Signification
Rendement des fonds 6,124 propres
Statistique(a)
3
45,71
0,001
CAF sur CA
2,518
3
33,25
0,075
Endettement net (gearing)
12,751
3
61,11
0,000
a : Distribution F asymptotique 45
Les variances des deux dernières variables du test de Levene étant homogènes, on recoure au test de F pour déterminer s’il y a bien égalité des moyennes. C’est le cas pour le ratio de solvabilité et plus faiblement (au seuil de 10 %) pour le ratio de liquidité générale. Tests F d'égalité des moyennes
Somme des carrés
ddl
Moyenne des carrés
F
Signification
Inter-groupes
8074,126
3
2691,375
5,791
0,001
85510,695
184
464,732
Total
93584,821
187
Inter-groupes
14,916
3
4,972
2,419
0,068
Intra-groupes
382,278
186
2,055
Total
397,193
189
Solvency ratio Intra-groupes
Current ratio
46
Les tests nous indiquent que les moyennes de population ne sont pas égales, et qu’au moins deux des moyennes diffèrent significativement l’une de l’autre. On peut donc poursuivre nos tests, sauf dans le cas de la variable mesurant la rentabilité nette en raison de son manque de significativité. Pour identifier quelle moyenne diffère de quelle autre parmi toutes celles qui ont été testées, nous poursuivons l’analyse des données dans le but d’isoler les différences entre Finance Contrôle Stratégie, 16-2 | 2013
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des sous-ensembles de moyennes. En comparant toutes les moyennes deux à deux, les tests post-hoc (comparaisons multiples a posteriori) ont l’avantage de ne négliger aucune différence significative entre des moyennes. Les résultats des cinq ratios qui ont passé les tests précédents sont indiqués dans le tableau 5 : Tableau 5 - Test post hoc – comparaisons multiples LSD
A : entreprise à contrôle majoritaire et direction familiale B : entreprise à contrôle familial majoritaire et direction non familiale C : entreprise à contrôle minoritaire et direction familiale ENF : entreprise non familiale 47
48
49
Les résultats montrent d’une manière générale des différences significatives entre les entreprises non familiales et les trois catégories d’entreprises familiales. Par contre, lorsqu’on compare les trois modes de gouvernance familiale les uns par rapport aux autres, les résultats ne sont généralement pas statistiquement significatifs. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y ait pas de différence de résultats selon les modes de gouvernance familiale, mais nous ne sommes pas en mesure de les interpréter ici. L’analyse de la rentabilité
L’analyse de la rentabilité montre que le rendement des fonds propres est moins élevé dans toutes les catégories d’entreprises familiales que dans les entreprises non familiales. Ce sont donc les entreprises qui ont les conflits d’agence I et II les plus forts qui ont le ratio de rendement des fonds propres le plus élevé, ce qui est conforme à notre hypothèse 1a (plus le conflit d’agence est intense, plus ce ratio est élevé). En outre, ce sont bien les entreprises familiales ayant le conflit d’agence le plus faible qui ont le taux de rendement des fonds propres le plus faible. Toutefois, comme ce sont les entreprises où la famille est minoritaire, le fait que le rendement des fonds propres y soit le plus faible pourrait venir d’une influence trop faible de la famille, avec pour conséquence que l’activité des dirigeants ne serait pas suffisamment contrôlée et leurs décisions seraient mal évaluées (Fueglistaller et Zellweger, 2005). Cependant, les différences de rendement des fonds propres entre les trois modes de gouvernance familiale ne sont pas statistiquement significatives. L’analyse de l’exploitation
Le ratio de capacité d’autofinancement montre de meilleures performances pour les trois modes de gouvernance familiale, ce qui est conforme à l’hypothèse 2a selon laquelle cette variable joue moins comme mécanisme disciplinaire dans les entreprises familiales. De plus, le mode de gouvernance qui présente le meilleur ratio est celui qui présente le conflit d’agence
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total (I + II). Toutefois, seul le résultat entre les entreprises à direction familiale minoritaire et les entreprises non familiales est statistiquement significatif : les premières ont en moyenne un ratio de capacité d’autofinancement largement supérieur, de plus de 5 points. 50
51
L’analyse du risque financier
Les ratios de structure financière font également apparaître des différences entre les entreprises non familiales et les entreprises familiales. Le ratio le plus significatif est celui de la solvabilité qui montre que la part des capitaux propres dans les ressources totales des entreprises familiales est plus élevée que dans les entreprises non familiales. Là encore, parmi les entreprises familiales, ce sont celles qui présentent le conflit d’agence le plus faible qui ont l’écart le plus élevé, suivi de celles qui ont un dirigeant extérieur. En revanche, pour les deux autres modes de gouvernance familiale, les résultats ne sont pas statistiquement significatifs. Enfin, le ratio de liquidité générale (current ratio) n’est statistiquement significatif qu’entre les entreprises à direction familiale majoritaire et les entreprises non familiales. Après avoir présenté les résultats, nous allons maintenant les discuter.
3. Discussion des résultats 52
Les deux grandes composantes du conflit d’agence nous ont amenés à répartir les entreprises familiales en trois modes de gouvernance, suivant l’intensité des conflits entre actionnaires et dirigeant d’une part, entre actionnaires majoritaires et minoritaires d’autre part. Nous allons tout d’abord discuter du rôle des composantes du conflit d’agence sur la performance, puis sur la structure financière et le risque financier pris par les entreprises.
3.1. Les effets spécifiques du conflit d’agence dans les entreprises familiales sur l’autofinancement 53
54
55
Les résultats montrent que les entreprises familiales ont des ratios d’autofinancement plus élevés que les entreprises non familiales, ce qui est conforme à l’hypothèse que plus le conflit d’agence total (I + II) est faible, plus ce ratio peut être élevé. Conformément à l’hypothèse 2a, les entreprises familiales ayant le conflit d’agence le plus faible ont l’écart de performance positif le plus élevé avec les entreprises non familiales. Ce résultat est similaire à celui d’Anderson et Reeb (2003) qui montrent également qu’un dirigeant familial minoritaire est plus performant, ainsi qu’à celui d’Ali, Chen et Radhakrishnan (2007) selon lequel les entreprises familiales ayant un conflit d’agence total plus faible que les non familiales, sont plus performantes. En outre, ce résultat est conforme à celui de Fueglistaller et Zellweger (2005) pour qui les entreprises familiales ont tendance à hiérarchiser leurs financements en privilégiant le financement interne, et principalement l’autofinancement. On constate aussi que parmi les entreprises où la famille est minoritaire, ce sont celles qui ont un conflit d’agence de type I faible qui ont les meilleurs ratios, ce qui est conforme à l’hypothèse 2b. Ce résultat est également conforme à l’hypothèse de Burkart et al. (2003) selon laquelle un dirigeant extérieur est plus performant qu’un dirigeant familial. Dans le cadre des entreprises françaises, le contrôle de l’actionnaire familial majoritaire compenserait donc le faible degré de protection légale des actionnaires, comme le supposent Burkart et al., ou La Porta et al. (1998). Néanmoins, il est moins performant que le dirigeant familial lorsque ce dernier n’est pas enraciné, ce qui est plus facilement le cas quand sa famille est minoritaire. Si ces résultats sont globalement similaires à ceux d’Hirigoyen (1984), d’Allouche et Amann (1997), de Calvi-Reveyron (2000), qui étudiaient uniquement la catégorie des entreprises contrôlées et dirigées par la famille, ils les complètent en distinguant les entreprises familiales en fonction des types I et II du conflit d’agence. Cependant, il est à noter que si les résultats du ratio de capacité d’autofinancement sont conformes à ceux attendus, leur manque de significativité statistique limite la portée de leur analyse. Ainsi, les différences sensibles en matière de protection légale et extra-légale des actionnaires français et américains ne semblent modifier ni les effets du conflit d’agence total, ni ceux des conflits de type I et II, lorsqu’on oppose les trois catégories d’entreprises familiales aux entreprises non familiales. Dans le même sens, le comportement des entreprises françaises non cotées ne semble pas très différent de celui des grandes entreprises américaines cotées. Finance Contrôle Stratégie, 16-2 | 2013
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3.2. Les effets du conflit d’agence sur le risque financier dans les entreprises familiales 56
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Les entreprises non familiales de notre échantillon prennent plus de risque financier que les trois catégories d’entreprises familiales, ce qui peut être expliqué par l’intensité plus forte de leur conflit d’agence total. Ainsi leurs ratios de rendement des fonds propres et d’endettement net sont plus élevés que ceux des entreprises familiales. Cela est conforme à nos hypothèses 1 et 3 : les entreprises non familiales prennent plus de risque financier pour doper le rendement de leurs fonds propres, et ce phénomène est plus marqué lorsque le conflit d’agence total est fort. Ainsi, l’endettement net est le plus élevé lorsque le conflit d’agence total est fort et le moins élevé quand ce conflit est le plus faible. Ce résultat est similaire à celui d’Allouche et Amann (1997) qui montrent, en opposant la seule catégorie des entreprises contrôlées et dirigées par la famille aux entreprises non familiales, que les premières sont moins endettées que les secondes. Il est également conforme aux résultats d’Ali, Chen et Radhakrishnan (2007) sur les entreprises du S&P500, alors même que notre échantillon porte sur des entreprises non cotées, où les mécanismes de gouvernance sont très différents. En outre, ce résultat va également dans le sens indiqué par Fueglistaller et Zellweger (2005), c’est-à-dire que les entreprises familiales ont la possibilité d’accepter des rentabilités moindres des projets grâce à des coûts (des capitaux propres) moins élevés. Il serait ainsi intéressant de confronter ces résultats avec ceux obtenus par Fueglistaller et Zellweger (2005) qui, en étudiant la dynamique des différentes générations d’actionnariat familial, mettent en évidence un effet vis-à-vis de l’endettement, conforme à une courbe en U inversé. Ces résultats peuvent aussi être expliqués par le fait que les entreprises familiales privilégient l’indépendance à la rentabilité : en s’endettant moins, elles prennent moins de risques financiers, et donc, conformément à la théorie financière classique, elles ont un rendement moins élevé. Le ratio de rendement des fonds propres des entreprises non familiales est logiquement plus élevé que celui des trois catégories d’entreprises non familiales. De fait, les résultats des tests montrent des différences significatives tant au niveau du conflit d’agence total que de ses deux composantes, le type I et le type II. En effet, ce sont les entreprises familiales ayant le conflit d’agence total le plus faible qui ont le taux de rendement des fonds propres le moins élevé, ce qui est conforme à notre hypothèse 1a. On retrouve ici un résultat similaire à celui d’Ali, Chen et Radhakrishnan (2007), alors que nous étudions des entreprises familiales françaises dans un contexte légal et extra-légal très différent. Par ailleurs, les entreprises familiales avec un dirigeant extérieur constituent la deuxième forme d’entreprise ayant le taux de rendement des fonds propres le moins élevé, ce qui est conforme à l’hypothèse 1b selon laquelle le dirigeant est bien contrôlé par la famille majoritaire, qui n’a pas besoin de recourir à cette forme d’incitation, privilégiant son aversion au risque. Ces résultats peuvent être expliqués par le fait que les entreprises familiales ayant un conflit d’agence moins élevés ont moins besoin de recourir au mécanisme disciplinaire des dividendes, dont le montant est lié à cette rentabilité. De plus, ce résultat peut également être expliqué par le fait que les entreprises familiales peuvent accepter une rentabilité moindre des capitaux propres, suivant l’hypothèse de Fueglistaller et Zellweger (2005). Par ailleurs, le ratio de solvabilité montre que les entreprises familiales privilégient un financement par capitaux propres. On retrouve donc ici des résultats similaires à ceux d’Hirigoyen (1984) et d’Allouche et Amann (1997). Cependant, ces résultats apportent aussi des informations nouvelles, comme le fait que ce sont les entreprises familiales avec le conflit d’agence le plus faible qui utilisent le plus de capitaux propres, ce qui est conforme à notre hypothèse 3a. Les entreprises contrôlées majoritairement par une famille non dirigeante ont le deuxième meilleur ratio moyen, conformément à notre hypothèse 3b. Ce recours plus intense aux capitaux propres des entreprises familiales ayant le conflit d’agence le plus faible est à mettre en rapport avec leur ratio de capacité d’autofinancement plus élevé, Hirigoyen (1984) montrant que les entreprises familiales conservent plus d’autofinancement dans les capitaux propres que les entreprises non familiales. De plus, comme dans l’étude de Fueglistaller et Zellweger (2005), il semble bien que les entreprises familiales cherchent d’abord à se financer
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avec leurs propres fonds, car ceux-ci ne mettent pas en danger l’indépendance de l’entreprise et constituent en outre bien souvent la forme de financement la moins onéreuse. Enfin, le ratio de liquidité générale confirme les résultats du ratio de solvabilité d’une gestion financière plus prudente, car la gouvernance familiale permet un « capital patient » selon l’expression de Sirmon et Hitt (2008). Il semble confirmer le constat de Mishra et McConaughy (1999) d’une réticence des entreprises familiales à l’égard de l’endettement à court terme, qui seraient fortement associées au risque de perte de contrôle. En effet, comme chez Allouche et al. (2008) les entreprises familiales ont généralement un meilleur ratio de liquidité générale que les entreprises non familiales. Cependant, les résultats concernant ce ratio sont peu significatifs sur le plan statistique, ce qui en limite la portée. Au final, il semble bien que comme l’indiquent Fueglistaller et Zellweger (2005), les entrepreneurs familiaux accordent une moindre importance à un gain supplémentaire qu’à un regain équivalent d’indépendance.
4. Conclusion 61
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Nos résultats confirment l’intérêt de distinguer deux types de conflit d’agence dans l’entreprise familiale, comme l’ont suggéré Villalonga et Amit en 2006, puis par Ali, Chen et Radhakrishnan en 2007. Notre objectif étant d’emprunter à l’étude d’Allouche et Amann (1997) les principaux indicateurs de performance et de risque financier et de croiser ces recherches académiques pour voir si en élargissant la notion d’entreprise familiale et les sources de conflit associées, nous retrouvons les résultats en termes de performances mis en lumière par Allouche et Amann (1997). Dans ce sens, notre étude confirme les résultats traditionnels des effets du conflit d’agence entre actionnaires familiaux et dirigeant familial ou non, et met en évidence l’effet du conflit entre actionnaires majoritaires et minoritaires dans les entreprises familiales. C’est une première application aux entreprises françaises non cotées de l’élargissement de la définition des entreprises familiales à celles qui ont un dirigeant extérieur d’une part, et à celles où la famille n’est plus l’actionnaire principal d’autre part. C’est aussi la première application sur des données d’entreprises familiales françaises des deux types de conflit d’agence mis en évidence par Villalonga et Amit en 2006 et Ali, Chen et Radhakrishnan en 2007, ce qui nous a permis de constater que malgré des contextes légaux et extra-légaux très différents, les effets des conflits d’agence I et II semblent similaires des deux côtés de l’Atlantique. Nous nous sommes focalisés ici sur les liens de causalité avec des ratios financiers mais on peut penser que la distinction entre ces deux types de conflit d’agence devrait fournir d’autres champs d’explications à des phénomènes observés comme la valse de PDG, performant sur le plan des ratios financiers, ou encore le comportement stratégique entre maison mère et entreprises filles dans des conglomérats d’entreprises (Hamelin, 2011). Ces résultats confirment d’autres études françaises sur la meilleure performance et la moindre prise de risque des entreprises familiales, en ajoutant des informations relatives aux deux composantes fortes du conflit d’agence. Ceci nous a permis de retrouver des résultats similaires aux études sur des échantillons très grandes entreprises américaines cotées, le S&P500, alors que notre étude porte sur des entreprises françaises non cotées. Ainsi, les entreprises qui présentent le conflit d’agence total le plus faible sont celles qui dégagent le plus de capacité d’autofinancement. Ce sont aussi celles qui prennent le moins de risque financier en ayant le meilleur ratio de solvabilité. En poursuivant le raisonnement, nous pourrions dire que la meilleure manière de ne pas laisser entrer les conflits d’agence pour une entreprise familiale est d’éviter la cotation en bourse à l’image d’entreprises comme Mars, de Dietrich (depuis 2000) Taittinger (depuis 2006) ou Clarins (2008). Mais toutes ne le peuvent pas pour des raisons liées au financement de leur croissance, et dans ce cas la maîtrise d’au moins un paramètre familial de contrôle ou de direction semble importante. De plus, les entreprises contrôlées majoritairement par une famille qui fait appel à un dirigeant extérieur sont celles qui ont généralement les deuxièmes meilleurs résultats aux différents tests. Or, on pouvait objectivement penser que séparer les acteurs de l’organisation en matière Finance Contrôle Stratégie, 16-2 | 2013
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de propriété et de management serait une source supplémentaire de conflits. Ces éléments amènent à considérer une approche de l’entreprise familiale fondée sur la théorie positive de l’agence, où la notion de « conflit d’intérêt » serait prise comme une relation de « coopération », et où le fait que les intérêts des acteurs ne coïncident pas ne signifie pas pour autant qu’un des acteurs cherche à exploiter une des autres parties (Charreaux, 1999). En outre, si les deux composantes du conflit d’agence permettent bien d’expliquer les modes de gouvernance familiales, les limites des résultats viennent probablement de variables explicatives et de contrôles complémentaires, Ainsi, un prolongement de ce travail pourrait être de comparer les déterminants de la performance en neutralisant les effets externes à la gouvernance et aux conflits d’agence par un choix de variables de contrôle dans le cadre d’analyses multivariées. Un autre axe serait d’expliquer la partie de la performance pouvant être attribuée aux dirigeants, selon la « théorie des échelons supérieurs » (Upper Echelons Theory) développée par Hambrick et Mason (1984), notamment lorsque le dirigeant dispose d’un espace discrétionnaire (Hambrick et Finkelstein, 1987). Ce résultat qui semble contraire à la conception classique de la théorie de l’agence, selon laquelle plus l’espace discrétionnaire des dirigeants serait réduit, plus le risque de conflits d’intérêts avec les actionnaires diminuerait et meilleure serait la performance pour les actionnaires (Charreaux, 2008). En revanche, cela pourrait constituer un élément de la meilleure performance des entreprises familiales dans la mesure où celles-ci ayant une stratégie à long terme, cela laisserait une plus grande latitude managériale aux dirigeants. Un développement futur pourrait être de considérer cette latitude managériale comme variable « modératrice » du modèle pour analyser les entreprises familiales. Une autre source d’explication pourrait aussi venir des développements récents autour de la finance comportementale (Thaler, 1996 ; Broihane, Merli et Roger, 2004 ; Charreaux, 2005) qui mettent l’accent sur des dimensions de la décision permettant de rendre compte avec plus de réalisme de ce qui, avec une perspective standard, peut apparaître comme des anomalies. Des biais comportementaux aussi bien individuels que collectifs y sont étudiés en vue d’élargir le pouvoir explicatif des théories de la gouvernance. Ainsi, des caractéristiques présentes avec force dans l’entreprise familiale comme l’égoïsme limité amènent les entrepreneurs familiaux à se sentir débiteurs « des générations passées auxquelles ils devraient leur situation et leur position avantageuse, mais aussi des générations à venir qui étaient en droit de leur demander des comptes » (Hau et Stoskopf, 2005). Enfin, ce travail ouvre des perspectives pour des études ultérieures, notamment sur le rôle du conseil d’administration. En effet, comme l’indique Charreaux (2002), son rôle exclusivement disciplinaire dans la perspective actionnariale, a une autre dimension dans sa fonction cognitive. Le rôle du conseil n’est plus alors uniquement de « surveiller » les dirigeants, mais par le biais des administrateurs non familiaux et de leurs réseaux sociaux, de permettre aux dirigeants ou aux actionnaires familiaux d’accéder à des ressources et à élaborer de nouvelles stratégies. Un autre développement possible est enfin celui de l’étude des conflits d’agence spécifiques à la famille et de leurs mécanismes de résolution. Bibliographie Ali A., Chen T. et Radhakrishnan S.(2007), « Corporate Disclosures by Family Firms », Journal of Accounting and Economics, vol. 44, issue 1-2, p. 238-286. Allouche J. et Amann B. (1997), « Le retour triomphant du capitalisme familial », L'expansion management Review n° 85, p. 92-99. Allouche J. et Amann B. (1998), « La confiance : une explication des performances des entreprises familiales », Économies et Sociétés, n° 8, p. 128-154. Allouche J. et Amann B. (2000), « L'entreprise familiale : un état de l'art », Finance Contrôle Stratégie, vol. 3, n° 1, p. 33-79. Allouche J. et Amann B. (2002), « L'actionnaire dirigeant et l'entreprise familiale », Revue Française de Gestion, vol. 28, n° 141, p. 109-130.
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Notes 1 Centre de recherche sur le droit des affaires de la CCI de Paris. 2 . Analyse MAjor Databases from EUropean Sources recouvrant plus de 6 millions de données d’entreprises européennes. 3 Interview avec un des auteurs (03/10/2011). 4 Cependant, ils montrent également que le conflit entre actionnaires familiaux et non familiaux, dans les entreprises familiales dirigées par les héritiers, est plus coûteux que le conflit actionnaires-dirigeant dans les entreprises non familiales. 5 La base de données Amadeus donne les pourcentages de droits de vote. 6 Comme ce fut par exemple le cas chez Wendel ou parmi les 7 branches familiales chez Taittinger. 7 La famille fait partie des trois principaux actionnaires. 8 5,2 / (62,8 + 5,2) = 7,6. 9 L’étude d’Allouche et Amann comporte 113 ratios, dont 53 ratios économiques et financiers. 10 In general, if the difference in type I agency problems dominates the difference in type II agency problems, then the total agency problems would be less for family firms and their earnings quality would be better, and vice versa. (Ali et al. 2007).
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11 Allouche et Amann ont également utilisé des tests de différences de moyenne.
Pour citer cet article Référence électronique Patrice Charlier et Gilles Lambert, « Modes de gouvernance et performances des entreprises familiales françaises en fonction des conflits d’agence », Finance Contrôle Stratégie [En ligne], 16-2 | 2013, mis en ligne le 11 juillet 2013, consulté le 10 octobre 2013. URL : http://fcs.revues.org/1314
À propos des auteurs Patrice Charlier EM Strasbourg - Université de Strasbourg Large (EA 2364) -
[email protected] Gilles Lambert EM Strasbourg - Université de Strasbourg BETA UMR CNRS 7522 -
[email protected]
Droits d’auteur Tous droits réservés Résumés
Les développements récents de la théorie des entreprises familiales amènent à distinguer les entreprises à contrôle familial - majoritaire ou minoritaire - et à direction familiale ou non familiale. Dans ce nouveau cadre d’analyse, les entreprises familiales présentent deux composantes du conflit d’agence : le conflit classique actionnaire-dirigeant - conflit de type I - et le conflit entre actionnaires majoritaires et minoritaires - conflit de type II -. L’objet de cette étude est de tester ces nouvelles approches nées dans un contexte institutionnel américain sur un échantillon d’entreprises familiales françaises non cotées où des différences institutionnelles sont notables, notamment en termes de régime de protection des actionnaires, de pratiques de divulgation d’informations financières, ou encore de degré d’ouverture du CA à des administrateurs indépendants. Nos résultats montrent des performances différentes pour les entreprises familiales négativement corrélées aux conflits d’agence conformément aux grandes sociétés familiales américaines cotées.
Modes of Organization and Performances of French families firms according to the agency conflicts The recent developments of the theory of the family firms bring to distinguish firms with family control - member of the majority party or member of a minority party - and in family or not family management. In this new frame of analysis, the family firms present two constituents of the conflict of agency: the conflict classic shareholder-leader - conflict of type I - and the conflict between majority and minority shareholders - conflict of type II-. The object of this communication is to test these new approaches for the first time on a sample of private French family firms where the legal rules covering protection of shareholders, disclosure practices, or proportion of independent members in the board of directors differ. Even if the separation between control and management is source of conflict of agency, our results show that the most successful firms are the ones which have the most weakest conflict of agency. Entrées d’index Mots-clés : entreprise familiale, conflit d’agence, actionnaire majoritaire, dirigeant familial, performance Finance Contrôle Stratégie, 16-2 | 2013
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Keywords : family firm, conflict of agency, majority shareholder, family manager, performance Code JEL : G30 - General, G32 - Financing Policy; Capital and Ownership Structure, G35 - Payout Policy, K10 - General, L20 - General
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