comment gérer le stress au travail
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Lévy-Leboyer-2005-T2 Page 3 Mercredi, 14. décembre 2005 2:50 14
Sous la direction de
Claude
Claude
Jean-Pierre
LÉVY-LEBOYER
LOUCHE
ROLLAND
RH, les apports de la psychologie du travail
2. MANAGEMENT DES ORGANISATIONS
© Groupe Eyrolles, 2006 ISBN : 2-7081-3463-9
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Chapitre 15
Comment gérer le stress au travail ? NICOLE RASCLE
© Groupe Eyrolles
Le stress professionnel est à la fois un problème de santé publique et un problème économique. Si la pénibilité physique et les risques d’accident du travail décroissent actuellement dans certains secteurs, la pénibilité psychologique du travail (charges de travail, urgence, conflits) tend à augmenter. Le stress professionnel coûte cher aux entreprises et à l’économie des pays développés. Aux États-Unis par exemple, la facture est d’environ 200 milliards de dollars par an (absentéisme, turnover, perte de productivité et frais médicaux divers).1 Pourtant, les entreprises françaises et les salariés persistent dans l’ensemble à le considérer comme un sujet tabou. Rares sont les employés qui osent s’avouer stressés par leur travail, même si les conséquences du stress professionnel sur leur santé et sur leur travail sont avérées. De nombreuses études ont tenté d’évaluer les conséquences du stress professionnel, ceci à plus ou moins long terme. Les réactions individuelles de stress les plus fréquemment citées sont soit somatiques (indicateurs biologiques, physiologiques ou médicaux), soit psychiques (indicateurs cognitivo-émotionnels et comportementaux).
1. Les enquêtes successives réalisées en Europe par la DARES mettent en évidence une dégradation constante de la pénibilité du travail depuis le début des années 90. 299
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RH, LES APPORTS DE LA PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL
Le stress au travail se manifeste en effet de diverses façons. Au niveau psychologique, c’est tout d’abord l’insatisfaction qui prédomine. La personne ne prend plus de plaisir à venir travailler. Cet état de stress peut se traduire par des symptômes anxieux et dépressifs et conduire, s’il s’installe durablement, à des pathologies sévères (trouble dépressif majeur, risque de suicide). L’individu est débordé et épuisé. Il n’arrive plus à faire face aux nouvelles contraintes. Sur le plan comportemental, le stress professionnel peut se manifester par l’évitement et le retrait vis-à-vis du travail (absences à répétition), par l’accumulation d’erreurs et par des prises de risque inconsidérées (médicaments, alcool) menant dans des cas extrêmes à des accidents du travail. Au niveau organisationnel, c’est donc la performance du travailleur et sa productivité qui risquent de s’en trouver altérées. Les symptômes physiques sont plus diffus. Ils peuvent prendre la forme de migraines chroniques, d’insomnies, de troubles digestifs, de douleurs lombaires ou encore de crises eczémateuses. Ils peuvent se traduire par le développement d’ulcères gastriques ou de maladies cardio-vasculaires.1
Les phénomènes que nous venons de décrire ne sont pas, bien entendu, imputables au seul stress professionnel, mais leur lien avec de mauvaises conditions de travail a été de nombreuses fois mis en évidence2. C’est ce à quoi les psychologues et les médecins se sont intéressés lorsqu’ils ont cherché à définir d’une manière plus opérationnelle ce problème de société.
1. Au Japon, est apparu à la fin des années 80 un phénomène appelé karoshi. Il s’agit d’une mort brutale par épuisement à la suite d’un excès de travail. 2. Selon Askenazy (2004), la dégradation de la santé au travail est directement attribuable à l’avènement d’un nouveau productivisme : le productivisme réactif. 300
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Cette succession de dysfonctionnements psychologiques, physiques et comportementaux prend des formes particulières selon la profession exercée. Dans certaines professions soignantes impliquant une importante responsabilité quant à la santé et au bien-être (médecins, infirmières, psychologues, …), un état de stress chronique peut aboutir au syndrome d’épuisement professionnel (burnout), traité dans le chapitre 16 de cet ouvrage. L’individu n’arrive plus à répondre à la demande des usagers. Il ne s’implique plus dans les relations aux patients, devient insensible à leurs problèmes et insatisfait de lui-même. Ces attitudes négatives peuvent envahir la sphère de la vie hors travail.
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Gérer le stress et la sécurité
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Répondant à des demandes locales et conjoncturelles, les travaux et enquêtes demeurent assez hétérogènes, tant au niveau des théories de référence que des techniques d’intervention. C’est surtout à la littérature anglosaxonne et suédoise que l’on doit les études les plus sérieuses sur le stress professionnel, à la fois dans ses causes et ses conséquences. La connaissance progressive des mécanismes du stress a permis d’élaborer certaines méthodes d’intervention et de prévention dans le milieu professionnel. Historiquement, trois conceptions du stress se sont succédées : il a d’abord été conçu comme une réponse de l’organisme à tout changement, puis sous la forme d’un stimulus particulier de l’environnement, enfin comme une transaction dysfonctionnelle entre la personne et son environnement. Chacune de ces conceptions débouche sur des modes d’intervention spécifiques que nous allons présenter dans les paragraphes suivants. Si nous adoptons une telle présentation c’est pour mieux faire apparaître, au-delà des divergences et de l’évolution des définitions du stress, toute la complexité d’un phénomène qui ne peut être appréhendé qu’à travers ses multiples facettes. Par ailleurs, démontrer l’efficacité des prises en charge demeure un exercice difficile, car il ne suffit pas pour cela de constater une réduction du phénomène de stress au travail : encore faut-il qu’elle soit uniquement attribuable au programme mis en place. Or, pour des raisons déontologiques, il est impossible d’appliquer des méthodes expérimentales strictes à l’étude de l’efficacité des prises en charge du stress au travail.1 Il faut donc partir des situations concrètes et utiliser des méthodes inférentielles (mesure des covariations entre variables indépendantes et dépendantes). Les études de validité les plus sérieuses, utilisent des groupes expérimentaux (personnes suivant la prise en charge) et des groupes contrôles (employés qui ne bénéficient pas encore de la prise en charge) afin de prendre en compte l’effet placebo. De même, elles mesurent à deux moments différents (avant et après la prise en charge) les critères (conséquences psychologiques, physiques et/ou comportementales) de stress avec des outils validés (validité de construction). Le contrôle de variables dites « parasites » (événements de vie, maturation, sélection, habituation à la mesure, échantillonnage) propres au sujet ou au contexte, est le garant d’une validation optimale de la méthode. Cependant, même si l’efficacité de certaines techniques de prises en charge est attesté, ce n’est souvent qu’au regard de certains critères
1. Il faudrait pour cela créer des situations stressantes et tester sur les mêmes sujets l’effet de plusieurs prises en charge, ce qui paraît à la fois difficile et peu souhaitable. 301
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(amélioration de la satisfaction mais pas d’amélioration des performances par exemple). Il convient dans ce cas de ne pas rejeter globalement une technique de prise en charge mais de profiter de ces résultats discriminants pour analyser le principe de son efficacité. En effet, si un mode de prise en charge s’inspire en principe d’une représentation théorique du phénomène étudié, ses résultats, en terme d’efficacité prouvée, attestent alors de la bonne adéquation du modèle à la réalité. Examinons maintenant, les trois conceptions du stress au travail et les types de prises en charge qui leurs ont été associées.
LE STRESS COMME UNE RÉPONSE DE L’ORGANISME Selon Selye, endocrinologue canadien à qui l’on doit ce terme, le stress décrit l’adaptation de l’organisme à un changement brutal ou durable du milieu. Pour cet auteur, une surcharge excessive et prolongée de ce mécanisme est susceptible de provoquer des troubles somatiques sérieux (ulcères, hypertension par exemple). Toujours identique quel que soit l’agent en cause, la réponse de l’organisme se déroule en trois temps : alarme, résistance, épuisement. La réaction d’alarme met en action les mécanismes de défense (système sympathique et médullo-surrénalien et système hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien) et conduit à la phase de résistance. Lorsque cette seconde phase se prolonge, le sujet épuise son potentiel de défense et ne peut plus résister à l’action de l’agent nocif : c’est la phase finale d’épuisement qui peut conduire à des pathologies somatiques (ulcères, hypertension,…).
Réduire les symptômes de stress Deux grand types de prise en charge répondent à cet objectif : les programmes d’aide aux employés (EAP) et les exercices corporels. Examinons le contenu et l’efficacité de chacun d’eux.
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C’est dans ce cadre conceptuel qu’ont été proposées les premières prises en charge du stress au travail. Ces techniques visent avant tout le traitement des salariés stressés par leur travail ou la réhabilitation de ceux qui reprennent leur travail après une longue maladie.
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Gérer le stress et la sécurité
LES PROGRAMMES D’AIDE AUX EMPLOYÉS (EAP) Mis en place dans les grandes compagnies américaines dès les années 30, ces programmes visaient tout d’abord le recueil systématique des doléances des employés. Les plaintes étaient exprimées dans le cadre d’entretiens entre le supérieur hiérarchique et ses subordonnés, ce qui est censé permettre un meilleur ajustement respectif entre les deux partenaires.1 Cette pratique de l’entretien, pourtant effectuée sans formation préalable des interviewers, a permis la prise en charge durant les années 50 du problème de l’alcoolisme au travail.2 La procédure nécessitait l’engagement et le soutien de tout l’encadrement formé à cette occasion à l’identification du problème. Parallèlement, une campagne de communication visant à informer les employés sur les modalités de ce programme était mise en place de manière à persuader les intéressés de suivre un traitement à l’extérieur de l’entreprise. Enfin, une procédure de suivi et d’évaluation des résultats était prévue. De tels programmes se sont ainsi avérés efficaces pour 60 à 68 % des personnes traitées. Après le sevrage, de 50 à 80 % des salariés (suivant les études) retrouvent leur travail et 50 à 60 % ne boivent plus. Le bénéfice qu’en tire l’entreprise est lui aussi notable : baisse de l’absentéisme, amélioration des performances. Il faut cependant relativiser l’enthousiasme relatif à ce type de prise en charge. Les programmes d’aide aux employés ont rarement bénéficié d’études de validité rigoureuses, conformément aux critères évoqués dans notre introduction. Par exemple, peu d’études ont utilisé des groupes contrôles et aucune, à notre connaissance, la technique de randomisation des sujets.3
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Ce type de programme a été ensuite généralisé à la prise en charge d’autres conduites addictives et à celle de troubles psychiatriques. Toutefois l’encadrement s’est progressivement désintéressé de ces problèmes pour laisser des spécialistes comme les médecins du travail les prendre en charge.
1. Ce type de programme est à rapprocher des groupes d’expression rendus obligatoires dans les entreprises françaises par les lois Auroux en 1982. 2. Problème économique et problème de santé publique, la consommation d’alcool réduit la productivité et augmente par deux ou par trois les risques de mortalité. Des études épidémiologiques ont par ailleurs montré le lien significatif entre la consommation d’alcool d’employés et l’évaluation négative qu’ils faisaient de leurs conditions de travail (surcharge de travail, insécurité de l’emploi, non-participation aux décisions, travail posté). Ce lien est d’autant plus fort chez les personnes souffrant au préalable de tendances dépressives. 3. La technique de randomisation consiste à affecter les sujets à des groupes (contrôle ou expérimental) de manière aléatoire. 303
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Différents programmes d’aide continuent aujourd’hui d’exister pour certaines catégories professionnelles. Par exemple, les travailleurs atteints de stress post-traumatique à la suite d’accidents ou d’agressions se voient proposer un soutien psychologique précoce et durable dans le cadre de techniques psychothérapiques. Enfin, on peut noter que les entreprises proposent depuis longtemps à leur personnel des activités extra-professionnelles (artistiques, sportives,…), qui sont censées permettre à leurs employés de mieux supporter leurs conditions de travail.
LES EXERCICES CORPORELS Dans les années 80, 14 % des employeurs américains proposaient des activités physiques à leurs employés.1 Elles sont censées réduire l’anxiété, les risques de maladies cardio-vasculaires et le recours à des soins médicaux, tout en augmentant la résistance psychologique et le bien-être des sujets. Plus ou moins organisées par et dans l’entreprise, ces pratiques sont assez diverses. Tableau 1 : Exemples d’exercices corporels proposés par les entreprises Fitness, jeux collectifs, jogging
Techniques de relaxation
Relaxation musculaire de Jacobson Travail sur la respiration Méditation : position du « mandra »
Biofeedback
Recevoir des informations sur son fonctionnement physiologique (rythme respiratoire, rythme cardiaque, tension musculaire) à l’aide d’enregistrements (electrocardiogramme, …) afin de mieux le contrôler
L’efficacité de ces pratiques n’a toutefois pas été sérieusement évaluée. Quelques études effectuées à l’aide de mesures avant-après (avec groupe contrôle) montrent que ces techniques induisent chez les participants une réduction significative de l’anxiété, de la dépression, des plaintes somati-
1. Certaines sociétés multinationales, sujettes à une délocalisation, ont d’ailleurs exporté ces activités pour en faire un véritable symbole de leur culture d’entreprise. Ceci est également le cas des entreprises asiatiques. 304
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Exercice physique
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Gérer le stress et la sécurité
ques, et une amélioration de la tension artérielle et musculaire. On a également observé une amélioration des performances et de la satisfaction professionnelle à la fin de ces formations. Ces progrès ne sont malheureusement pas durables et peuvent même parfois s’inverser. C’est notamment vrai pour la satisfaction, ce qui peut s’expliquer par une prise de conscience (différée) par les stagiaires de l’inadéquation de la formation reçue par rapport à leurs besoins. Ces prises en charge ont souvent été critiquées : elles sont centrées sur les individus sans tenir compte de leur environnement de travail ; elles sont surtout proposées à des cadres et leurs effets ne sont pas évalués de façon pertinente. Leur objectif implicite serait d’essayer de détendre ou de divertir le personnel pour l’aider à mieux supporter ses conditions de travail. Mais ces techniques sont décontextualisées et ne permettent pas de modifier le milieu de travail1. C’est plutôt ce que cherche à faire le second type d’intervention dont nous allons exposer la perspective théorique maintenant.
LE STRESS COMME CARACTÉRISTIQUE DE L’ENVIRONNEMENT
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Le stress est souvent considéré comme un ensemble de caractéristiques du contexte. On a cherché à comprendre ce qui était stressant dans les événements et situations affrontées par les individus. Certains aspects de l’environnement sont apparus comme des « stresseurs ». On en distingue deux catégories dans le contexte professionnel qui se rapportent soit aux conditions physiques, soit aux caractéristiques psychosociales du travail. On a décrit dans la première catégorie des facteurs très variés comme la chaleur, le bruit, la ventilation, la poussière ou encore la charge de travail (cadences, urgence, productivité,…) et l’automatisation. A la seconde se rattachent des facteurs comme les contraintes psychologiques du travail et l’insécurité de l’emploi. Parmi ces nombreuses sources organisationnelles de stress2, Karasek en a énoncé deux principales : la charge de travail d’une part (« work load ») qui peut être de nature quantitative (trop de travail à
1. En France, on préfère souvent proposer aux salariés travaillant en secteur pénible des bonifications pour leur retraite plutôt que d’améliorer les conditions de travail. 2. On parle également dans les études épidémiologiques de risques psychosociaux. 305
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effectuer en un temps limité) ou qualitative (travail trop complexe par rapport aux compétences), le degré d’autonomie d’autre part (« job decision latitude »), incluant la variété des tâches, l’utilisation des compétences, le degré de décision et les opportunités d’apprentissages nouveaux. A partir de ces deux caractéristiques stressantes, Karasek a élaboré une typologie des situations de travail : travail très contraignant (charge de travail importante et faible autonomie), travail peu contraignant (charge de travail faible et autonomie élevée), travail actif (charge de travail et autonomie importantes) et travail passif (charge de travail et autonomie faibles). L’objectif de ses recherches est de montrer les effets nocifs d’un travail très contraignant sur la santé émotionnelle (dépression, burnout) comme la santé physique (risque élevé de maladies cardiovasculaires). Certains développements plus récents de ce modèle, proposés par des élèves de Karasek, comportent une troisième dimension : le soutien social disponible sur le lieu de travail. Selon ce dernier modèle, une situation professionnelle extrêmement stressante se caractérise à la fois par de fortes exigences et par un contrôle et un soutien social faibles. Le type de prise en charge du stress professionnel correspondant à cette conception consistera à modifier l’environnement physique et psychosocial du travail de façon à réduire les stresseurs organisationnels. Examinons maintenant les divers axes d’améliorations possibles.
Réduire les stresseurs organisationnels
L’Organisation mondiale de la santé a émis en ce sens quelques recommandations pour améliorer l’organisation du travail, qui ont été depuis 25 ans assez largement reprises dans de nombreux pays. Il s’agit par exemple de permettre à chaque travailleur de choisir sa méthode de travail, de planifier ses activités, de déterminer ses critères de performance, de gérer son temps de travail comme il le souhaite et d’obtenir davantage de responsabilités. Ces principes inspirent les nouvelles formes d’organisation du travail (NFOT), telles que l’enrichissement des tâches et les équipes semi-autonomes, qui sont apparues dans les entreprises à partir des années 70 (voir tableau 2).
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Pour améliorer le bien-être et la santé des employés, il suffirait d’optimiser leurs conditions de travail : réduire les exigences du poste, augmenter l’autonomie des personnes et leur procurer un soutien professionnel.
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Gérer le stress et la sécurité
Examinons plus en détail le contenu et l’efficacité de trois de ces directives de l’OMS : la redéfinition du poste, les groupes semi-autonomes et le coaching. Tableau 2 : Directives de l’OMS concernant l’organisation du travail
Aménagement du temps de travail
Besoin de compatibilité avec les exigences et les responsabilités extra-professionnelles Concernant le travail posté, la rotation doit être stable et prévisible La flexibilité du temps de travail doit être contrôlée par les employés
Contenu du travail
Redéfinir les tâches Enrichir les tâches Permettre de développer de nouvelles compétences Encourager le management par ticipatif Proposer un feed-back sur les per formances Construire des équipes de travail cohésives Augmenter les salaires
L’environnement social
Le travail doit permettre les interactions sociales Besoin de soutien, d’aide et de formation au travail
Évolution de carrière
Besoin de clar té dans les critères de promotion Besoin d’informations sur l’évolution possible de l’entreprise Proposer un développement de carrière
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LA REDÉFINITION DU POSTE La réduction des stresseurs professionnels et la promotion du bien-être psychologique nécessitent parfois le recours à une procédure de redéfinition du travail. La première étape de la mise en œuvre de cette procédure de changement organisationnel passe souvent par celle du diagnostic. Il s’agit de trouver les indicateurs de stress : augmentation de l’absentéisme, du turnover, des accidents du travail. Lors d’une seconde étape, on tente d’identifier les stresseurs professionnels potentiels. Cela peut se faire grâce à des entretiens avec les employés et leur hiérarchie (centrés sur une analyse psychologique ou ergonomique du poste) ou encore à l’aide de questionnaires (voir en annexe quelques items de deux questionnaires de stress professionnel). L’identification des caractéristiques stressantes du travail permettra ensuite d’envisager des changements possibles, que ce soit au niveau du poste de 307
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travail ou de son titulaire1. L’un des exemples de cette redéfinition du travail, en réaction au taylorisme, est la mise en place des groupes semi-autonomes.
LES GROUPES SEMI-AUTONOMES Dans les groupes semi-autonomes, les salariés forment une équipe qui organise librement, sans contrôle hiérarchique, le travail demandé en le répartissant entre ses membres. Le groupe est collectivement responsable de sa production. Ce type d’organisation est censé accroître d’une part la participation des travailleurs aux décisions de l’entreprise, d’autre part leur autonomie dans l’organisation des tâches. Quelques études menées dans différents pays ont évalué l’efficacité de ces pratiques quant à la réduction des stresseurs professionnels et l’amélioration de la santé des employés. Elles ont montré que la participation aux décisions et l’augmentation de l’autonomie réduisaient significativement la détresse émotionnelle des employés, leur absentéisme et leur intention de turnover, tout en augmentant leur implication au travail et leurs performances au poste.
LE COACHING
1. Aux Etats-Unis, la publication officielle à la fin des années 90 de notations sociales des entreprises (en fonction du taux d’accidents du travail et de maladies professionnelles) et la diffusion en parallèle de forums électroniques de discussion entre salariés sur le vécu de leurs conditions de travail, a été un incitateur fort dans la mise en place de plans de prévention des risques professionnels. En France, le Plan Santé-Travail 2005-2009 qui vise une évaluation plus soutenue de la santé et de la sécurité au travail prend en compte « la montée de nouveaux facteurs de risque comme le stress professionnel, la violence au travail et les addictions ». 308
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Une nouvelle pratique issue des États-Unis, le « coaching » est destinée essentiellement aux cadres et dirigeants à haute responsabilité. Cette pratique consiste à faire appel à un expert consultant afin de lui demander conseil relativement à une décision à prendre. Contrairement aux conseils ponctuels traditionnels, le « coach » peut être consulté par le manager à tout moment. Il est censé dispenser des informations, des conseils, ou même un soutien psychologique lorsque c’est nécessaire. Le coaching permet au cadre de prendre ses distances par rapport à un problème tout en l’amenant à combattre l’idée qu’il est seul à pouvoir prendre une décision. Le travail du coach consiste à interpréter les comportements du dirigeant
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Gérer le stress et la sécurité
afin de l’inciter éventuellement à en changer. Ce type de pratique nécessite une extrême confidentialité. Elle doit aboutir à l’épanouissement du client dans son travail. Cependant, l’efficacité réelle de ces pratiques sur la santé physique et émotionnelle des dirigeants concernés n’a pas été véritablement démontrée par des études sérieuses. Ces prises en charge du stress au travail sont souvent lourdes car elles nécessitent des changements organisationnels1. Aussi leur préfère-t-on aujourd’hui des méthodes de gestion du stress centrées sur les personnes. Examinons maintenant le contexte théorique qui les a fait naître.
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LE STRESS COMME TRANSACTION ENTRE LA PERSONNE ET SON ENVIRONNEMENT Dernière en date, la conception transactionnelle du stress a été développée au cours des années 80. Pour Lazarus et Folkman (1984), par exemple, « le stress est une transaction entre la personne et l’environnement dans laquelle la situation est évaluée par l’individu comme débordant ses ressources et pouvant mettre en danger son bien-être ». C’est ici la perception de la situation, sa signification pour l’individu (menace, perte, …) qui en fait ou non une situation stressante. Selon cette conception, il convient de distinguer très nettement les caractéristiques objectives de l’environnement (stresseurs) des caractéristiques environnementales perçues comme menaçantes par un individu donné (stress perçu) ainsi que des conséquences dysfonctionnelles éventuelles de ces divers facteurs sur le bien-être ultérieur de l’individu. En effet, si le stress est une réponse des individus à une modification du milieu, selon la conception originelle de Selye, on s’est très tôt rendu compte qu’elle n’était pas une réponse standardisée à une situation aversive car les réactions de stress étaient très différentes d’un individu à l’autre. Alors que certains sujets seront extrêmement affectés par un événement de vie (maladie, accident, chômage, …), d’autres au contraire le seront faiblement par des événements identiques (on les appelle des individus « résilients »). On s’est donc intéressé aux facteurs individuels pouvant rendre les individus plus ou moins vulnérables vis-à-vis des stresseurs professionnels.
1. Les expériences de prise en compte de la pénibilité psychologique d’un travail dès la conception d’une organisation de travail sont encore trop rares. 309
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Dans le domaine du stress professionnel, deux modèles illustrent la prise en compte de la vulnérabilité individuelle. Le modèle d’ajustement de French considère par exemple que les variables environnementales n’ont pas en elles-mêmes d’effet pathogène. L’origine du stress est plutôt liée à l’inadéquation entre les variables contextuelles (charge de travail, conflit de rôle) et individuelles (compétences, motivations, personnalité). L’inadéquation peut se présenter de différentes manières, par exemple lorsque le degré d’exigence de la tâche est trop important par rapport aux compétences de l’employé ou bien, à l’inverse, lorsque la tâche demandée est jugée trop facile ou ennuyeuse. En fait, le stress va apparaître chaque fois qu’il y a incongruence entre les capacités d’une personne et les exigences de la tâche, d’une part, ou bien entre les besoins de la personne et ceux pouvant être satisfaits par l’environnement professionnel, d’autre part. L’accent est donc mis sur les ressources individuelles nécessaires pour faire face aux situations perturbantes. Parmi ces ressources, certaines sont du registre des compétences, d’autres sont de nature conative. La personnalité va jouer un rôle primordial puisque c’est par son intermédiaire que vont se décliner les besoins et motivations, ou se mobiliser les compétences du travailleur. Selon la manière dont chacun croit qu’il peut maîtriser ce qui lui arrive ou selon son hostilité permanente vis-à-vis des autres, il sera plus ou moins en mesure d’affronter les problèmes professionnels. De même, une personnalité anxieuse aura tendance à envisager toutes les situations à problème comme susceptibles de le menacer directement. D’après la littérature en effet, certaines caractéristiques dispositionnelles contribuent à la vulnérabilité des individus face aux caractéristiques aversives du travail. Le lieu de contrôle par exemple, désigne la façon selon laquelle une personne perçoit ou non une relation causale entre son propre comportement et les résultats qui en découlent. Cette dimension bipolaire distingue donc un lieu de contrôle externe (ce qui m’arrive ne dépend pas de moi mais de forces que je ne contrôle pas, telles que le hasard, la chance, le destin) et un lieu de contrôle interne (ce qui m’arrive dépend de mon comportement, de mes capacités, de mes efforts). Face à des événements professionnels aversifs, le fait de les considérer comme incontrôlables (externalité) ou de s’auto-attribuer les échecs (internalité extrême) augmente les risques de détresse. Seule une internalité modérée, voire contextualisée semble protéger les individus. Par ailleurs, le comportement de type A, mis à jour dans le cadre de vastes enquêtes épidémiologiques, désigne un ensemble structuré « d’actions-émotions » décrivant chez le sujet un sens permanent de 310
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Gérer le stress et la sécurité
la pression du temps, un effort incessant pour accomplir le maximum de choses en un minimum de temps, un sens constant de la compétition et de la concurrence, de l’hostilité envers les autres et enfin un niveau élevé d’aspiration à la réussite. Mobilisant considérablement le système cardio-vasculaire, ce pattern comportemental est censé être associé à un risque de cardiopathie. L’individu de type A se caractériserait par le besoin de contrôler l’environnement afin de réduire son incertitude. Un contexte compétitif favoriserait bien entendu ce style de comportement. L’affectivité négative1 enfin est une dimension de l’humeur qui comprend l’agressivité, le pessimisme et la tendance générale à réagir négativement à la vie et aux contacts avec autrui. Sa définition recoupe d’autres dimensions de personnalité définies antérieurement comme le névrosisme, l’anxiété, la dépression et une faible estime de soi. Les sujets névrosiques ou anxieux ont tendance à percevoir toutes les situations de la vie comme stressantes et à y réagir émotionnellement par une amplification des plaintes somatiques par exemple.
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Ces divers aspects de la personnalité sont des facteurs de vulnérabilité relative qui atténuent ou amplifient l’impact des situations stressantes sur l’ajustement ultérieur des individus. Cependant, leur effet sur la santé n’est qu’indirect. Selon le modèle transactionnel du stress de Lazarus , l’effet nocif des stresseurs environnementaux sur la santé future dépend non seulement des ressources individuelles mais aussi de la manière dont chacun évalue le degré de danger de la situation puis cherche à y faire face. En fonction de l’enjeu de l’événement (perte, menace ou défi) le sujet va élaborer une stratégie d’ajustement que l’on nomme habituellement « coping ». Ces stratégies ont pour objectif soit de résoudre le problème, c’est-à-dire de maîtriser la situation, soit de réduire la tension émotionnelle induite par cette situation. Le coping centré sur le problème peut impliquer diverses tentatives comme élaborer des plans d’action, chercher de l’information, réinterpréter la situation. Le coping centré sur l’émotion peut se traduire par l’expression émotionnelle (se confier à un collègue), la diversion (penser à autre chose) ou l’auto-accusation (se sentir responsable d’un échec).
1. Pour une définition précise de ce terme et de ses incidences sur le processus de stress, voir Rolland, J.P. (1999). Les modèles psychologiques du stress : Analyse et suggestions, Pratiques Psychologiques, 4, 99-122. 311
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RH, LES APPORTS DE LA PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL
Les observations menées dans un contexte organisationnel ont montré que les stratégies émotionnelles, de diversion ou de désengagement, sont plus souvent utilisées dans des situations jugées incontrôlables. En revanche, dans des situations perçues comme contrôlables, ce sont les stratégies centrées sur le problème qui sont mobilisées. Les stratégies centrées sur l’émotion apparaissent comme les plus dysfonctionnelles. Elles induisent plus de dépression et d’insatisfaction professionnelle que les stratégies de confrontation active. C’est pourquoi l’objectif des techniques de gestion du stress qui s’inspirent du modèle transactionnel est d’augmenter les ressources perçues et les capacités de coping des salariés. Très à la mode dès les années 80 aux États-Unis, ces méthodes incluent les thérapies cognitives et comportementales (voir tableau 3) d’une part, et toutes les formations visant à accroître les compétences des travailleurs (la gestion du temps par exemple) d’autre part. Examinons l’objectif et l’efficacité de chacune d’entre elles.
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Évaluation cognitive
Il s’agit d’apprendre aux personnes à évaluer la gravité de la situation stressante, c’est-à-dire à se demander si elle est vraiment importante pour leur sécurité personnelle et professionnelle Ex.: Travail non fait par un collègue dans un temps donné Envisager toutes les conséquences possibles de ce retard
Restructuration cognitive
Il s’agit de combattre l’idée que les autres personnes sont toujours responsables de ses propres réactions (ou de ses échecs) Ex.: Un employé reçoit un client mécontent et en retour se met en colère Apprendre à relativiser, à prendre ses distances. Remplacer ses sentiments négatifs par des af fects neutres ou moins négatifs
Anticipation cognitive
Cette technique permet à l’individu dans une situation de relaxation de s’imaginer un stresseur et sa manière d’y faire face Prendre conscience que les compor tements adoptés sont inefficaces Aider le sujet à changer ses stratégies par l’exposition à des stresseurs plus intenses et en faisant appel à ses expériences antérieures ou à celles d’autres personnes
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Tableau 3 : Exemples de techniques de prise en charge cognitive et comportementale
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Gérer le stress et la sécurité
Augmenter les résistances individuelles LES THÉRAPIES COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES Ces techniques partent de plusieurs postulats : les individus ne répondent pas directement à l’environnement mais le font par l’intermédiaire de certaines représentations. Les pensées, sentiments et comportements sont toujours en étroite relation. C’est pourquoi ces pratiques reposent sur l’évaluation de la situation et l’adoption de stratégies de coping efficaces. A cette fin, diverses procédures peuvent être utilisées. On conseille parfois aux stagiaires de tenir un journal où seront répertoriées quotidiennement toutes les situations qui ont engendré des affects et états désagréables (nervosité, colère, culpabilité, migraine, nausée, angoisse) ainsi que les pensées et comportements associés à ces situations. Ceci aide le consultant à établir un diagnostic et à proposer une intervention très ciblée. Les techniques cognitives et comportementales sont encore peu utilisées dans le contexte du stress professionnel. Aussi est-il difficile de se prononcer de manière sûre quant à leur efficacité concernant le stress. Selon les quelques rares études disponibles, ces interventions réduisent la détresse psychologique, la pression sanguine, le rythme cardiaque et les plaintes somatiques des travailleurs pris en charge.
LA FORMATION DES COMPÉTENCES ET DES RESSOURCES INDIVIDUELLES
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Un autre moyen de préparer le travailleur à faire face aux situations professionnelles stressantes est de développer certaines de ses ressources exigées pour le poste de travail. Pour éviter la surcharge de travail, on peut proposer aux salariés une formation à la gestion du temps, à la résolution de problème, un développement de leurs compétences sociales et de leur confiance en soi (voir Tableau 4).
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RH, LES APPORTS DE LA PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL
Tableau 4 : Exemples de formation au développement des compétences et des ressources Formation à la gestion du temps
Diagnostiquer sa relation au temps Apprendre à planifier, à s’organiser, à déléguer ses tâches
Formation à la résolution de problème
Apprendre en groupe à identifier les problèmes Analyser les causes Rechercher les solutions Préciser la mise en œuvre
Développement des compétences sociales
Développement de la confiance en soi
Donner et recevoir des critiques/des compliments Initier et maintenir un entretien Faire une demande de travail/la refuser Interpréter les messages non verbaux dans le comportement d’autrui Communiquer avec la hiérarchie de manière assurée Exposer les raisons d’un refus de travail
A cette liste non exhaustive, on peut ajouter bien entendu toutes les formations qui visent à développer les compétences techniques des employés, leur permettant ainsi de mieux accomplir leur travail sans risquer une surcharge, liée par exemple à la complexité de la tâche. Appréciées des employés, lorsqu’elles correspondent à leurs besoins véritables, ces formations sont souvent plus efficaces que les techniques d’exercices corporels. Des études comparatives ont en effet montré que la réduction des symptômes physiologiques de stress (pression artérielle élevée par exemple) était bien meilleure chez les personnes qui avaient suivi une formation au développement de leurs compétences.
En définitive, toutes ces pratiques sont palliatives. Elles doivent être utilisées lorsqu’en amont, la sélection du personnel et la gestion des ressources humaines ont été peu efficaces. Si l’on veut prévenir, en effet, un ajustement défectueux entre le salarié et son environnement de travail, il convient de sélectionner le mieux possible les sujets lors du processus de recrutement, c’est-à-dire d’évaluer leurs compétences et leur personnalité avec des outils soigneusement validés et en fonction d’analyses de postes précises. 314
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DISCUSSION
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Gérer le stress et la sécurité
La prise en charge du stress professionnel est une chose complexe. Nous avons montré que de nombreuses méthodes pouvaient être proposées. Elles ont toutes un intérêt mais pas forcément celui souhaité. En fait, comme l’ont montré déjà les psychologues sociaux, c’est souvent l’effet « prise en charge » qui constitue le facteur bénéfique le plus important de ces méthodes. Comme si, pour le travailleur, la méthode importait peu : seule compte l’impression que l’on s’occupe de vous. Pourtant, nous avons montré que des pratiques préventives de réduction des stresseurs et/ou de valorisation des ressources individuelles avaient un effet bénéfique sur le bien-être des sujets. Mais il convient d’être prudent sur la stabilité et la généralisation de ces bénéfices. En fonction du type de culture d’entreprise, du secteur considéré (artisanal, tertiaire ou industriel), en fonction des individus et de leur personnalité, des méthodes de réduction du stress peuvent ne pas avoir le même impact. Moindre mal en période de crise économique, la question du stress professionnel demeure un sujet récurrent qui prend une importance non négligeable en période de croissance. Comme le souligne Éric Albert (1994), le stress manifeste une relation de plus en plus exigeante entre l’homme et son environnement. Pour l’interpréter, certains évoquent l’impact négatif que la complexité croissante des rapports sociaux (crise de l’autorité par exemple) exerce sur les conditions de vie. A l’opposé, d’autres estiment que ce phénomène illustre la vulnérabilité individuelle croissante que produirait paradoxalement l’amélioration de ces mêmes conditions de vie. La prise en charge du stress au travail ne pourrait alors s’effectuer que dans deux directions : améliorer les conditions de travail ou rendre les professionnels plus résistants
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Or, de notre point de vue, une prise en charge efficace du stress professionnel nécessite de concevoir ce phénomène d’une manière multifactorielle, afin de prendre en compte l’environnement objectif et ses contraintes mais également l’individu, avec ses ressources et ses manières de réagir. Tel est l’enjeu des recherches psychologiques à venir dans le traitement du stress professionnel.
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ANNEXE : EXEMPLES DE QUESTIONNAIRES EXEMPLES D’ITEMS DU QUESTIONNAIRE DE STRESS DE KARASEK Pour chacune des questions suivantes, quatre cases de réponse sont proposées : Pas du tout d’accord, pas d’accord, d’accord, tout à fait d’accord La charge de travail 1. Mon métier exige que je travaille très vite 2. On ne me demande pas d’effectuer une trop grande quantité de travail 3. J’ai suffisamment de temps pour faire mon travail Autonomie dans le poste (deux sous-échelles suivantes) • Degré de décision 1. Mon poste requiert que je prenne de nombreuses décisions par moi-même 2. Dans mon poste, j’ai très peu de liberté pour décider sur la manière de faire mon travail 3. J’ai la possibilité d’influencer le déroulement de mon travail
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• Utilisation des compétences 1. Mon métier exige que j’apprenne de nombreuses choses 2. Mon travail implique des tâches répétitives 3. Mon travail demande un haut niveau de compétences 4. J’ai l’occasion de développer mes compétences professionnelles
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Gérer le stress et la sécurité
EXEMPLES D’ITEMS DU QUESTIONNAIRE DE STRESS PROFESSIONNEL DE SPIELBERGER 1ère partie : Intensité du stress professionnel SOURCES DE STRESS PROFESSIONNEL
Intensité du stress Faible 1
2
Moyen 3
4
5
Fort 6
7
8
9
Faire des heures supplémentaires Camarades de travail ne faisant pas leur travail Attribution de responsabilités accrues Gérer des situations de crise Insultes personnelles provenant de clients/consommateurs/collègues
2e partie : Fréquence du stress professionnel SOURCES DE STRESS PROFESSIONNEL
Nombre de jours d’apparition de l’événement durant les six derniers mois 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 +
Faire des heures supplémentaires Camarades de travail ne faisant pas leur travail Attribution de responsabilités accrues Gérer des situations de crise
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Insultes personnelles provenant de clients/consommateurs/collègues
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Bibliographie Albert, E. (1994). Comment devenir un bon stressé, Éditions Odile Jacob. Askenazy, P. (2004). Les désordres du travail : Enquête sur le nouveau productivisme, Éditions du Seuil et La République des Idées. Bruchon-Schweitzer, M. et Dantzer, R. (1994). Introduction à la Psychologie de la Santé, PUF. Bruchon-Schweitzer, M. et Rascle, N. (1997). Stress professionnel et santé, Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 33, 61-74. Karasek, R.A. (1979). Job demands, job decision latitude and mental strain : Implications for job redesign. Administrative Science Quarterly, 24, 285-308. Lazarus, R.S. & Folkman, S. (1984). Stress, appraisal and coping, N.Y. Springer.
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Rolland, J.P. (1999). Les modèles psychologiques du stress : Analyse et suggestions, Pratiques Psychologiques, 4, 99-122.
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