Une analyse des enjeux, des circulations et de la valorisation symbolique du concept de Massive Open Online Course. L...
UNIVERSITÉ PARIS IV - SORBONNE
CELSA Ecole des hautes études en sciences de l’information et de la communication
MASTER 2e année Mention : Information et communication Spécialité : Médias Informatisés et Stratégies de Communication
COMMENT LA CHARGE IDEOLOGIQUE DES MOOCS AMENE DES ACTEURS A QUESTIONNER DE NOUVEAU L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ? ANALYSE DES ENJEUX, DES CIRCULATIONS ET DE LA VALORISATION SYMBOLIQUE DU CONCEPT DE MASSIVE OPEN ONLINE COURSE
Préparé sous la direction du Professeur Véronique RICHARD
Pour permettre la diffusion de ce mémoire, les différents entretiens réalisés ont été rendus anonymes (certaines phrases modifiées). Les travaux d’analyse ont eux aussi été supprimés de cette version.
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Nom, Prénom : LHOMMEAU Clément Promotion : 2012-2013 Option : Médias informatisés et Stratégies de communication Soutenu le : lundi 28 octobre 2013 Note du mémoire : 19/20 Mention : Très Bien
[email protected]
UNIVERSITÉ PARIS IV – SORBONNE CELSA Mémoire de Master 2e année
COMMENT LA CHARGE IDEOLOGIQUE DES MOOCS AMENE DES ACTEURS A QUESTIONNER DE NOUVEAU L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ? ANALYSE DES ENJEUX, DES CIRCULATIONS ET DE LA VALORISATION SYMBOLIQUE DU CONCEPT DE MASSIVE OPEN ONLINE COURSE
Source de l’image : Ana Albero
Clément LHOMMEAU Étudiant de deuxième année en Master Médias informatisés et stratégies de communication Sous la direction de Mme Véronique RICHARD Professeur des universités et directrice du CELSA Septembre 2013 2
Résumé Les Massive Open Online Courses peuvent se traduire en français par « cours en ligne ouverts et massifs ». Un MOOC est un cours d’université mis gratuitement à disposition des internautes sur certaines plateformes dont les plus connues sont Coursera, EdX et Udacity. Ce concept est caractérisé par un flou notionnel qui contribue néanmoins à faciliter sa circulation et ses appropriations par de multiples univers sociaux : médiatiques, éducatifs et politiques. Tout ceci participe à l’épaississement symbolique de l’objet qui concentre en lui nombre d’imaginaires d’intellectualité ou d’universalité. A l’origine de cette valorisation, nous retrouvons les plateformes de MOOCs elles-mêmes ainsi que leurs concepteurs. Les discours de ces derniers, emprunts d’une inspiration cybernéticienne, se révèlent animer d’un mythe de l’enseignement pour tous participant plus largement à une utopie de la communication. Les Massive Open Online Courses, par leurs circulations et leurs valorisations symboliques, montreraient ainsi une prétention à changer l’enseignement supérieur. En effet, ils amènent les acteurs de ce dernier à prendre position et à questionner l’avenir du « marché » de l’enseignement, la forme actuelle des universités ou encore la place du professeur. Dans cette lutte globale qui ne dit pas son nom, il est à craindre que certaines institutions sortent plus facilement leur épingle du jeu et que d’autres, moins imposantes, sombrent toujours un peu plus. Mots-clés : Massive Open Online Course | Enseignement supérieur | Trivialité | Utopies (Résumé : 218 mots)
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Remerciements En premier lieu, je tiens à remercier Etienne Candel, maître de conférences à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences de l’Information et de la Communication, et Samuel Goëta, doctorant à Télécom-ParisTech. Par le suivi continu de l’avancement de mes travaux, leur disponibilité permanente et leurs précieux conseils, ils m’ont permis de rendre ce mémoire dans les temps impartis et de prendre un réel plaisir à sa réalisation. Aux différents professeurs, maîtres de conférences et responsables administratifs des universités, j’adresse de chaleureux remerciements pour le temps qu’ils m’ont accordé malgré leurs emplois du temps parfois très chargés. Leurs propos ont largement contribué à enrichir cette analyse. Mes remerciements vont aussi aux deux usagers de cours en ligne ouverts et massifs qui m’ont laissé recueillir leurs expériences ainsi qu’à mon ancien maître de stage, Edouard Perrin, pour m’avoir laissé le temps de réaliser mes multiples entretiens. Enfin, j’adresse un dernier (mais tout aussi important) remerciement à Marine, Jacques, Marie-Annick, Colette, Marlène et Aline qui ont dû supporter mon emploi du temps très chargé et qui m’ont largement assisté pour la relecture de ce mémoire.
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Sommaire Introduction ........................................................................................................... 7
Massive Open Online Course, un mythe de l’enseignement pour tous.... 24
I. A.
Un objet encore en définition ......................................................................... 26
B.
Massive Open Online Courses : ouverts et massifs ? .......................................... 38
C.
Le MOOC, un objet éminemment symbolique ............................................ 49
II.
EdX, Coursera et consorts : aux sources de la valorisation symbolique ... 61
A.
Des plateformes Web, outils de valorisation symbolique ............................ 62
B.
Au cœur des MOOCs, une inspiration cybernéticienne .............................. 75
III.
Les MOOCs : outils de prescription du futur de l’enseignement ....... 90
A.
Une prétention à changer l’enseignement supérieur .................................... 91
B.
Une opportunité pour certaines universités ................................................ 102
C.
Vers un Soft Power éducatif ............................................................................. 115
Conclusion .......................................................................................................... 130
Sources documentaires ...................................................................................... 136 Bibliographie ...................................................................................................... 153 Table des annexes .............................................................................................. 157 Table des matières ............................................................................................. 158
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« On ne résiste pas à l’invasion des idées » Victor Hugo, Histoire d’un crime 6
Introduction « Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite 1 ». Le 10 décembre 1948, les 58 États Membres de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptent la Déclaration universelle des droits de l’homme au Palais de Chaillot à Paris. La Seconde Guerre Mondiale a laissé des traces et il est alors nécessaire de tenter de construire un nouvel ordre mondial basé sur des principes tenus comme universaux. L’article 26 relatif à l’éducation est ambitieux mais s’institue comme le cap à suivre par tous les pays soucieux d’un développement durable et humaniste. L’éducation tient une place importante dans toute société. Elle est le fruit d’études approfondies, de prises de position et cristallise en elle nombre d’espoirs. Du latin ex-dūcĕre - conduire vers, en dehors – elle est ce cheminement qui permet d’aboutir à l’existence d’une « personnalité libre 2 ». Il ne faut cependant pas confondre cette notion avec Education en anglais qui lui correspond aux industries de l’apprentissage et de la connaissance 3. Dans la grande majorité des pays, l’éducation institutionnalisée passe par les étapes de l’enseignement élémentaire et fondamental, de l’enseignement secondaire et, le cas échéant, par les études supérieures. C’est plus particulièrement à ces dernières que nous allons nous intéresser dans le cadre de ce mémoire. Au prisme de l’Internet et des changements qu’il amène dans la société et le rapport à l’information et à la communication, l’enseignement supérieur se trouve de nouveau questionné. L’Internet provient de la contraction d’inter-networks qui se traduirait par « réseau de réseaux ». Il est souvent résumé à un système de réseaux disparates communiquant entre eux grâce à la famille des protocoles TCP/IP. L’Internet prend ses racines dans les milieux universitaire et contre-culturel américains : dès ses débuts s’inscrivait donc une certaine idéologie de la diffusion des savoirs 4. Le World Wide Web est quant à lui lancé sur ONU, Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Article 26, Alinéa 1er, 10 décembre 1948 [Disponible en ligne : http://www.un.org/fr/documents/udhr/#a26], consulté le 19 mai 2013. 2 BOUYER, Sylvain, « Éduquer : (d’où) cela mène-t-il ? », Le Portique [En ligne], n°4, 1999, [disponible en ligne : http://leportique.revues.org/269], publié le 11 mars 2005, consulté 19 mai 2013. 3 Distinction soulignée au cours de JEANNERET, Yves, Economies et pratiques de la trivialité, CELSA, Master 2 « Médias informatisés et stratégies de communication », Neuilly-sur-Seine, Année universitaire 2012-2013. 4 Thèse d’une partie de l’ouvrage de TURNER, Fred, Aux sources de l’utopie numérique, Caen, C&F Editions, 2012. 1
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l’Internet en août 1991 depuis le Centre Européen de Recherche Nucléaire (CERN) par le Belge Hubert Cailliau et le Britannique Tim Berners-Lee 5. Il repose donc sur l’Internet et utilise le protocole Hypertext Transfer Protocol (HTTP). Dans Médias et Sociétés, Francis Balle définit le Web comme « un ensemble toujours plus considérable de documents, des textes d’abord, des bandes son et des images vidéos plus tard, reliés entre eux par d’innombrables liens hypertextuels (à l’intérieur d’un même site, ou entre des sites se trouvant sur des serveurs distants), et entre lesquels la circulation est possible, à condition que ces documents soient écrits dans un même langage, le HTML (Hyper Text Markup Language), un langage de balisage hypertextuel » 6. Si la planète comptait 2,4 milliards d’internautes en juin 2012 dont 52,2 millions en France 7, l’Internet reste marqué par une fracture numérique d’usage et d’accès non seulement au niveau mondial mais aussi au niveau national. En effet, selon Olivier Donnat, l’internaute-type est jeune, citadin et avec un fort bagage culturel 8. Plus les gens sont âgés, moins ils utilisent les nouveaux écrans et l’Internet. Par ailleurs, l’accès au haut débit et à la fibre n’est pas le même partout en France. Certaines régions, moins peuplées, sont peu ou pas desservies. Malgré cela, la structure mondialisée de l’Internet entretient souvent l’illusion d’un accès mondial au réseau de réseaux : les discours du type « Aujourd’hui, tout le monde a accès à l’Internet » sont courants. A partir de ce moment-là, il deviendrait plus aisé de croire que la démocratisation du savoir serait en marche et que l’idéal des Lumières serait finalement atteignable. La Déclaration universelle des droits de l’homme nous dit que « l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite 9 ». L’Internet ne serait-il pas le candidat implicitement désigné pour remplir une part de cette tâche ? Rendre l’enseignement supérieur accessible tout le temps, partout et pour tout le monde. En octobre 2011, Sebastian Thrun et Peter Norvig, respectivement professeur à l’université de Stanford et directeur de recherches chez Google, annoncent qu’un de leurs
CASTELLS, Manuel, La Galaxie Internet, Paris, Fayard, 2001, p. 26 BALLE, Francis, Médias et sociétés, Paris, Montchrestien, 15e édition, 2011, p. 218 7 Internet World Stats, 30 juin 2012. Voir www.internetworldstats.com : à noter que le taux de pénétration mondial de l’Internet est de 34,3 % (De 15,6 % en Afrique à 78,6 % en Amérique du Nord). 8 DONNAT, Olivier, Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique : Enquête 2008, Paris, La Découverte, 2009. 9 ONU, Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Article 26, Alinéa 1er, 10 décembre 1948 [Disponible en ligne : http://www.un.org/fr/documents/udhr/#a26], consulté le 19 mai 2013. 5 6
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cours sera bientôt donné gratuitement sur l’Internet 10. En quelques semaines, « Introduction to Artificial Intelligence » réunit plus de 160 000 inscrits prêts à suivre les premières leçons. La taille et le retentissement médiatique de cette aventure en font l’une des plus emblématiques de la courte histoire des MOOCs. Ce mouvement des Massive Open Online Courses tend à s’amplifier depuis l’année dernière et suscite chez ses acteurs et dans les médias un certain enthousiasme. Si elle ne pourra jamais être parfaite, la traduction française qui semble la plus appropriée pour les MOOCs est « cours en ligne ouverts et massifs ». C’est la traduction qui a pour le moment été retenue par la communauté francophone de Wikipédia. Dans la mesure où il est possible de retrouver cet acronyme au pluriel, nous pouvons admettre qu’il qualifie quelque chose de dénombrable : un MOOC ou des MOOCs. Nous préfèrerons donc cette traduction à celle « d’ouverture massive de cours en ligne » qui qualifierait plus le phénomène 11. Il est évident que l’acronyme CLOM ne sera pas pour autant utilisé pour ce mémoire. Proposer une traduction est cependant une étape importante car elle nous permettra de questionner plus tard ce que sous-tend un tel terme. Le contrat des MOOCs est le suivant : via des plateformes Web, chaque personne disposant d’un accès à l’Internet peut s’inscrire et suivre gratuitement les cours d’une grande université ou de spécialistes de différents domaines. Ces formations sont dispensées sous forme de mini-vidéos entrecoupées de questionnaires à choix multiples et d’examens. Tout cela s’effectue dans une certaine temporalité. Si le suivi du cours est asynchrone, l’illusion d’un déroulement chronologique et délimité dans le temps est entretenue. Il faut par exemple s’y inscrire volontairement puis des mails sont régulièrement envoyés pour rappeler des événements comme les examens. Le MOOC se veut aussi être une nouvelle façon d’apprendre grâce à la collaboration entre internautes-étudiants : des outils de discussion permettent d’approfondir le cours et de demander des conseils. Si le cours et les examens ont été finis à temps, ils donnent le droit, pour certain, à un certificat attestant de la réussite aux épreuves 12. Les plateformes proposant des MOOCs sont aujourd’hui très nombreuses.
10 THRUN, Sebastian et NORVIG, Peter, « Introduction to Artificial Intelligence », AI Class [disponible en ligne : http://www.ai-class.com/], consulté le 4 mai 2013. 11 Il est possible de trouver d’autres traductions comme « cours en ligne ouverts aux masses », « cours en ligne multiapprenants » par exemple. Il ne s’agit pas ici de fixer une traduction mais plutôt de choisir celle avec laquelle il sera plus aisé d’évoluer. 12 Nous reviendrons plus tard en détail sur tous ces points.
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Parmi elles figurent EdX 13, Coursera 14, Udacity 15 ou encore Canvas 16. Ces « cours en ligne ouverts et massifs » sont désormais tellement nombreux qu’apparaissent des moteurs de recherches spécialisés comme les sites Web Course Talk 17, OEDb 18, ou Course Buffet 19. Il existe même aujourd’hui des « MOOCs sur les MOOCs ». « Academia and the MOOC » est un cours de Kenneth Ronkowitz disponible sur Canvas qui veut étudier la structure des MOOCs et leur histoire 20. Lorsqu’il s’agit d’évoquer simplement la mise à disposition gratuite de cours sur l’Internet, il est possible de tirer quatre grandes typologies selon Audrey Bardon : les Ressources Educatives Libres (REL), le xMOOC, le cMOOC et les autres plateformes connectant enseignants et apprenants 21. Aucune typologie ne pouvant être parfaite, cellesci peuvent se rejoindre. Parmi les RELs se retrouvent des sites comme Khan Academy 22, le OpenCourseWare Consortium 23 ou encore ItunesU 24. Les xMOOCs sont héritiers du modèle orthographique. Le savoir qui y est transmis est lié à la production scientifique et les contenus présentés sont structurés par la logique de la matière. EdX ou encore Coursera sont des plateformes proposant ce type de contenu. Les cMOOCs reposent sur le modèle connectiviste : tous apprenants, tous enseignants. Il existe une pléthore de plateformes de ce type : Codeacademy 25, DS106 26 ou encore la Française ITyPA 27. Enfin, dans le dernier groupe sont présents des sites Web comme Cup Of Teach 28 ou Unishared 29. Celles-ci sont des plateformes qui encouragent l’apprentissage collaboratif et qui cherchent à favoriser les échanges entre apprenants et enseignants. Ainsi, nous observons que les MOOCs ne sont qu’une certaine forme de cours en ligne et qu’il en EDX, [disponible en ligne : http://www.edx.org/], consulté le 4 mai 2013. COURSERA, [disponible en ligne : http://www.coursera.org/], consulté le 4 mai 2013. 15 UDACITY, [disponible en ligne : http://www.udacity.com/], consulté le 4 mai 2013. 16 CANVAS, [disponible en ligne : http://www.canvas.net/], consulté le 4 mai 2013. 17 COURSE TALK, [disponible en ligne : http://coursetalk.org/], consulté le 4 mai 2013. 18 OEDB, [disponible en ligne : http://oedb.org/open/], consulté le 18 mai 2013. 19 COURSE BUFFET, [disponible en ligne : http://www.coursebuffet.com/], consulté le 4 mai 2013. 20 RONKOWITZ, Kenneth, « Academia and the MOOC », Canvas Network [disponible en ligne : https://www.canvas.net/courses/academia-and-the-mooc], consulté le 4 mai 2013. 21 BARDON, Audrey, « 20 sites qui vous donnent envie d’apprendre », Knowtex Blog [disponible en ligne : http://www.knowtex.com/blog/20-sites-qui-vous-donnent-envie-apprendre/], publié le 17 septembre 2012, consulté le 18 mai 2013. 22 KHAN ACADEMY, [disponible en ligne : http://www.khanacademy.org/], consulté le 4 mai 2013. 23 MIT OPENCOURSEWARE, [disponible en ligne : http://ocw.mit.edu/index.htm], consulté le 8 mai 2013. 24 ITUNES-U, [disponible en ligne : http://www.apple.com/fr/education/itunes-u/], consulté le 8 mai 2013. 25 CODE ACADEMY, [disponible en ligne : http://www.codecademy.com/], consulté le 8 mai 2013. 26 DS106, [disponible en ligne : http://ds106.us/], consulté le 8 mai 2013. 27 ITYPA, [disponible en ligne : http://www.itypa.mooc.fr/], consulté le 5 mai 2013. 28 CUP OF TEACH, [disponible en ligne : http://www.cupofteach.com/], consulté le 5 mai 2013. 29 UNISHARED, [disponible en ligne : http://www.unishared.com/], consulté le 8 mai 2013. 13 14
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existe de nombreuses autres. Il s’est donc, à un moment donné, cristallisé autour du terme MOOC un certain format : celui qui vient d’être décrit un peu plus haut. Autour de ce format se développent aujourd’hui des prises de positions et des idéologies. Nombreux sont ceux qui dans les médias ou dans le monde de l’éducation voient en ces MOOCs un tournant pour l’enseignement. « We are reinventing education […] This will change the world 30 (à propos des plateformes d’enseignement en ligne) » déclare régulièrement Anant Agarwal, président d’EdX et professeur au MIT. Il n’est pourtant pas le premier à prétendre que la technologie va révolutionner l’éducation. Au cours du XXe siècle, les occasions ont été nombreuses d’annoncer un renouveau de l’enseignement. L’histoire de l’enseignement à distance est intimement liée à l’évolution technologique. Il y a plus d’une centaine d’années, il devait déjà connaître un nouvel essor grâce à un nouveau réseau de communication : le système postal moderne. Toute personne avec une boîte aux lettres pouvait désormais s’inscrire à un cours. Les premières traces d’enseignement à distance remonteraient à 1728, date de la parution d’une publicité dans la Boston Gazette où le professeur Caleb Phillips proposait d’envoyer des cours par courrier à quiconque souhaitait apprendre de nouvelles méthodes de sténographie 31. Ce n’est ensuite qu’1852 que le premier cours à distance proposé par une institution apparait aux Etats-Unis. Après avoir répondu correctement et avoir envoyé tous les examens par la poste, les participants au cours du Phonographic Institute in Cincinnati 32 recevaient un certificat de compétences en « stenographic shorthand ». La première université à offrir des cours à distance avec crédits pour certains de ses diplômes serait cependant l’université de Londres en 1858 33. Durant toute la fin du XIXe siècle, le concept « d’enseignement à distance » va continuer de se développer dans plusieurs universités américaines dont celles de Chicago et de Columbia 34. Dans les années 1920, les cours postaux ont trouvé leur public et leur nombre ne cesse d’augmenter 35. A cette époque, les EDX, Vidéo de présentation, [disponible en ligne : http://youtu.be/--Fap0OBYjI], consulté le 18 mai 2013. HOLMBERG, Börje, The evolution, principles and practices of distance education, Oldenburg, Bibliotheks-und Informationssystem der Universitat Oldenburg, 2005, p. 13. 32 CASEY, Denise M., « The Historical Development of Distance Education through Technology », Techtrends, Volume 52, avril 2008, pp. 45-51. 33 LONDON UNIVERSITY, « Timeline of our history », London University Website [disponible en ligne : http://www.londoninternational.ac.uk/our-global-reputation/our-history/timeline], consulté le 20 mai 2013. 34 PITTMAN, Von, « Correspondence Study in the American University: A Second Historiographical Perspective » in MOORE, Michael, Handbook of Distance Education, New-York, Pergamon Press, 2003, pp. 21-36. 35 CARR, Nicholas, « The Crisis in Higher Education », MIT Technology Review [disponible en ligne : http://www.technologyreview.com/featuredstory/429376/the-crisis-in-higher-education/], publié le 27 septembre 2012, consulté le 8 mai 2013. 30 31
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dirigeants d’université espéraient non seulement augmenter l’accès à l’enseignement supérieur en l’amenant dans les endroits les plus isolés, mais aussi repenser la relation à l’étudiant en lui offrant des exercices et des conseils beaucoup plus individualisés. Dès les années 1930, l’engouement des facultés pour ces cours à distance diminue suite à de nombreuses critiques. De plus, l’arrivée des médias audiovisuels n’aura pas l’impact escompté sur l’accès ou l’intérêt pour l’enseignement supérieur. L’Université de NewYork s’essaie à la radio en 1922 36. Il est intéressant de relire certains des articles de la presse de l’époque concernant ce média. En novembre 1924, le magazine Science and Invention écrit :
« With the everyday added perfections in the transmission and reception of radio, such a remark as the above will soon be a thing commonplace. Little Mary Jane will enjoy her radio lessons as much as she now enjoys her bedtime stories. Everything will be an "open book" to her. A complete set in the shape of a leatherette covered book will take the place of bulky primers and readers. Home work will now be a great joy to the kiddies and lesson will be learned with much greater facility. 37 »
Grâce aux cours radiophoniques, la petite Mary Jane allait pouvoir apprendre ses leçons beaucoup plus facilement et avec le sourire. Elle les apprécierait autant que les histoires que lui lisaient ses parents avant de s’endormir. Aujourd’hui, les envolés lyriques de l’époque font doucement sourire. Si l’engouement était important au début, les cours radiophoniques auront pourtant tous disparus dans les années 1940. En 1934, l’université de l’Iowa diffuse certains de ces cours sur la télévision 38. En 1963, la Federal Communications
Commission
(FCC)
crée
« l’Instructional
Television
Fixed
Service » (ITFS), une bande de 20 chaines télévisées, pour donner l’opportunité aux universités de proposer des cours à distance. A chaque fois, le succès n’est pas au rendez-
MATT, Susan; FERNANDEZ, Luke, « Before MOOCs, “Colleges of the Air” », Chronicle of Higher Education [disponible en ligne : https://chronicle.com/blogs/conversation/2013/04/23/before-moocs-colleges-of-theair/?cid=at&utm_source=at&utm_medium=en], publié le 23 avril 2013, consulté le 20 mai 2013. 37 NOVAK, Matt, « This Radio-Book Was The Future of Education », Gizmodo [disponible en ligne : http://paleofuture.gizmodo.com/this-radio-book-was-the-future-of-education-509067457], publié le 21 mai 2013, consulté le 21 mai 2013. 38 CASEY, Denise M., « The Historical Development of Distance Education through Technology », Techtrends, Volume 52, avril 2008, pp. 45-51. 36
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vous. L’Open University naît quant à elle au Royaume-Uni en 1969 39. Elle est la première université à définir les canons de l’Open supported learning – qui deviendra en France la « Formation à distance » (FOaD) 40 – et à connaitre un certain succès : 25000 étudiants s’y inscrivent dès la première année. Parallèlement à l’émergence de l’enseignement à distance, il convient aussi de revenir sur une deuxième racine des MOOCs : « l’enseignement pour tous ». C’est le Danois Nikolai Frederik Severin Grundtvig qui théorise le premier le concept d’universités populaires 41. Celles-ci visent à transmettre des savoirs théoriques ou pratiques à toute personne qui le souhaite, sans conditions d’âge, de moyens financiers ou d’origines sociales. Ce mouvement connaitra en Europe un certain succès tout au long du XXe siècle 42. Les premières formes de cours sur l’Internet sont très basiques. Les cours à distance envoyés avant par mail sont transmis par email et des listes permettant de télécharger des documents à lire ou à rendre sont aussi utilisées. En janvier 1994, le séminaire de James J. O'Donnell de l’université de Pennsylvanie en est un premier exemple 43. Ce professeur décide de créer, parallèlement à son cours résidentiel, une liste d’email et d’inviter qui veut à s’y inscrire : 550 personnes répondent présents. A chaque cours, l’un des étudiants est chargé de faire un résumé de ce qui a été dit et de le poster aux emails de la liste. De la même manière, des lectures, des feuilles d’exercice et des syllabus étaient aussi envoyés pour agrémenter le cours. Avec l’amélioration de la bande passante, la vidéo fait son apparition. Dans un premier temps, le cours en présentiel est filmé dans son intégralité généralement par une caméra en fond de salle de classe - et est mise à disposition sur l’Internet sans être retravaillée. Ici, la théorie de la remédiation de Jay David Bolter et Richard Grusin 44, trouve une nouvelle application. Ces deux chercheurs américains nous disent que toute nouvelle forme médiatique va chercher à capter le média qui la précède
OPEN UNIVERSITY, « History of the OU », Open University Website [disponible en ligne : http://www.open.ac.uk/about/main/the-ou-explained/history-the-ou], consulté le 18 mai 2013. 40 ERTZSCHEID, Olivier, « De qui se MOOCS t'on ? », Affordance [disponible en ligne : http://affordance.typepad.com//mon_weblog/2013/05/de-qui-se-moocs-ton.html], publié le 16 mai 2013, consulté le 18 mai 2013. 41 GROUIX, Pierre, « Grundtvig, figure majeure de la pédagogie européenne », Soleo, magazine de l'Agence EuropeEducation-Formation France, n° 26, 2011, pp. 18-19. 42 UNIVERSITE POPULAIRE, « De l’origine des UP en France à l’AUPF », UniversitePopulaire.eu [disponible en ligne : http://www.universitepopulaire.eu/Une-bref-historique-des.html], consulté le 18 mai 2013. 43 O'DONNELL, James, « Teaching on the Infobahn », Georgetown.edu [disponible en ligne : http://www9.georgetown.edu/faculty/jod/texts/rsn.html], publié en 1994, consulté le 20 mai 2013. 44 Concept développé dans leur ouvrage BOLTER, Jay David et GRUSIN, Richard, Remediation: Understanding New Media, Cambridge, MIT Press, 1999. 39
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pour en faire son contenu : l’Internet capte la TV sans pour autant définir ses propres canons. Le contenu reste le même d’un média à l’autre. Au début des années 2000, le mouvement des Open Educational Ressources (OER) naît aux Etats-Unis. En France, il est traduit par Ressources Educatives Libres (REL) 45. Si certains l’ont peut-être déjà fait avant de façon moins visible, c’est souvent le Massachussetts Institute of Technology (MIT) qui est cité comme pionnier dans cette forme de mise à disposition de cours sur l’Internet. Le 4 avril 2001, le MIT annonce qu’il va bientôt mettre à disposition gratuitement une grande majorité de ses cours sur l’Internet 46. En septembre 2002, la version Beta du MIT OpenCourseWare 47 est ouverte au public. Aujourd’hui, plus de 2000 cours sont accessibles sur cette plateforme. La France n’est pourtant pas en reste dans ce mouvement des RELs. En 1999, la direction de la technologie du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et le Service du film de recherche scientifique (SFRS) prennent conscience de l’émergence de la vidéo sur l’Internet et de son potentiel pour l’éducation. Ils commencent par proposer quelques cours en ligne en 2000, puis ouvrent le site Canal-U.tv 48 en mars 2001. Ce site se présente comme la vidéothèque numérique en ligne de l’enseignement supérieur : il propose gratuitement plus de 6500 vidéos de cours, séminaires, conférences ou entretiens. Il est aujourd’hui dirigé par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et le Centre de ressources et d’information sur les multimédias pour l’enseignement supérieur (CERIMES). Depuis 2005, l’Ecole Normale Supérieure propose aussi des captations vidéo de ses cours, conférences, séminaires, etc. sur sa plateforme SavoirsEnMultimedia 49. Par la suite, plusieurs cours en ligne ont tenté d’adopter une certaine structure avec du son, des vidéos, des diaporamas, des discussions, etc. Mais ce serait en 2007-2008 que les premiers MOOCs – dans l’acception actuelle du terme – auraient vu le jour dans les cours en ligne de David Wiley de l’université d’état de l’Utah et d’Alec Couros de l’université de
ERTZSCHEID, Olivier, « Ressources éducatives libres : quel mode de financement ? », Affordance [disponible en ligne : http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2011/10/ressources-educatives-libres.html], publié le 24 octobre 2011, consulté le 18 mai 2013. 46 MIT NEWS OFFICE, « MIT to make nearly all course materials available free on the World Wide Web », MIT News Office [disponible en ligne : http://web.mit.edu/newsoffice/2001/ocw.html], publié le 4 avril 2001, consulté le 8 mai 2013. 47 MIT OPENCOURSEWARE, [disponible en ligne : http://ocw.mit.edu/index.htm], consulté le 8 mai 2013. 48 CANAL-U, [disponible en ligne : http://www.canal-u.tv/], consulté le 8 mai 2013. 49 SAVOIRS EN MULTIMEDIA, [disponible en ligne : http://savoirsenmultimedia.ens.fr/], consulté le 8 mai 2013. 45
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Regina 50. Le terme Massive Open Online Course est quant à lui utilisé pour la première fois en 2008 par Bryan Alexander et Dave Cormier en référence au cours « Connectivism and Connective Knowledge » (CCK08) de Stephen Downes et George Siemens 51. Ce cours était donné en 2008 à l’université de Manitoba au Canada et suivi par 25 étudiants en présentiel et 2300 internautes. Le contenu du cours était bricolé à partir de différents outils en ligne : wiki, blog, flux RSS, forum Moodle, agrégateur Pageflakes, compte Twitter et plateforme UStream 52. Certains étudiants discutaient même via le monde virtuel Second Life. Un autre premier MOOC est « Introduction to Learning and Knowledge Analytics » proposé en janvier 2011 indépendamment d’une université par Georges Siemens et ses confrères. L’université de Stanford a été le berceau des xMOOCs. Ses professeurs sont notamment à l’origine des deux principaux MOOC providers : Coursera et Udacity. Sebastian Thrun, David Stavens, et Mike Sokolsky lancent Udacity le 20 février 2012 et annoncent aujourd’hui 400 000 inscrits. Andrew Ng et Daphne Koller, professeurs d'informatique, lancent pour leur part Coursera en avril 2012. Selon leurs communiqués de presse, la plateforme réunirait aujourd’hui plus de 3,1 millions d’inscrits provenant de 196 pays différents 53. Enfin, une troisième plateforme, EdX, a été créée par les universités de Harvard et du MIT. Toujours selon leurs chiffres, le site accueillerait pour le moment 800 000 inscrits de 192 nationalités différentes 54. Cette mise en avant des chiffres est assez flagrante chez les fournisseurs de MOOCs. Ils se présenteraient comme des critères d’influence et de succès : leur reprise par la presse garantirait des externalités positives. En sciences économiques, nous parlerions d’effets de réseaux indirects. C’est-àdire que l’utilité d’acheter ou de consommer un bien pour un consommateur dépend du volume de la demande pour un autre bien sur un autre marché. Ainsi, si cette rhétorique du chiffre est très utilisée par les fournisseurs de MOOCs concernant leur nombre de
HILL, Phil, « Online Educational Delivery Models: A Descriptive View », Educause Review [disponible en ligne : http://www.educause.edu/ero/article/online-educational-delivery-models-descriptive-view], publié le 1er novembre 2012, consulté le 8 mai 2013. 51 DOWNES, Stephen, « The Rise of MOOCs », Stephen Downes’ blog [disponible en ligne : http://www.downes.ca/cgi-bin/page.cgi?post=57911], publié le 23 avril 2012, consulté le 8 mai 2013. 52 DOWNES, Stephen, « MOOC and Mookies: The Connectivism & Connective Knowledge Online Course », Stephen Downes’ blog [disponible en ligne : http://www.downes.ca/presentation/197], publié le 10 septembre 2008, consulté le 18 mai 2013. 53 YE, Colby, « Koller emphasizes the importance of MOOCs », The Dartmouth [disponible en ligne : http://thedartmouth.com/2013/04/02/news/coursera], publié le 2 avril 2013, consulté le 8 mai 2013 54 FISHER, Lucy, « Laptop lectures, coming to an armchair near you », The Australian [disponible en ligne : http://www.theaustralian.com.au/higher-education/laptop-lectures-coming-to-an-armchair-near-you/story-e6frgcjx1226625637062], publié le 23 avril 2013, consulté le 8 mai 2013. 50
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cours, le nombre de langues proposées ou encore le nombre d’utilisateurs, cela permet de valoriser leurs plateformes par rapport à celles de leurs concurrents vis-à-vis, non seulement des internautes, mais aussi des universités dont ils aimeraient agréger des cours. Les MOOCs cristallisent un certain nombre d’inquiétudes. La perte de l’humain en est une première : notamment l’annonce de la fin de la classe, de la vidéo qui remplace le professeur ou encore de l’émergence de programmes permettant de corriger automatiquement des copies. Cette peur du recul de l’Homme – en l’occurrence, du professeur – face à la machine est récurrente. La diffusion des cours pose aussi des questions sous l’angle juridique : quid de la propriété des contenus ou de la généralisation de la licence Creative Commons ? Le fait que Google commence aussi à se placer sur ce marché des cours en ligne 55 inquiète sur la marchandisation qui peut en être faite. De même, cette numérisation de l’enseignement n’amènerait-il pas à plus de surveillance des étudiants et de leurs travaux ? Certains s’inquiètent aussi de la concurrence toujours plus faussée qui s’installe entre les meilleures universités et les moins réputées : pourquoi aller étudier à l’université de Poitiers lorsque nous pouvons étudier à Harvard sur l’Internet ? Olivier Ertzscheid parle de l’émergence d’universités low-cost : la différence se jouerait alors entre les étudiants qui peuvent se payer une vraie classe et ceux qui ne peuvent s’offrir que des universités hybrides où la majorité des cours sont donnés via l’Internet 56. Les questions du coût et du modèle économique des MOOCs sont prépondérantes. Aujourd’hui, nous nous dirigerions vers un paiement du diplôme final or, comment être certain qu’identité réelle et numérique coïncident au moment de l’examen ? Nous rejoignons donc ici le débat sur la traçabilité. D’autant plus qu’aujourd’hui, les certificats obtenus sur les MOOCs après des dizaines d’heures de travail sont difficilement valorisables dans le monde professionnel. Enfin, d’autres inquiétudes émergent au niveau de la prépondérance de cours en ligne en langue anglaise. Tout cela ne représente pas une exhaustivité des controverses engendrées par les MOOCs mais permet de montrer qu’il s’agit d’un sujet très discuté et qui touche de nombreuses thématiques.
Nous évoquerons souvent dans ce mémoire le terme de « marché des cours en ligne » ou « marché de l’éducation ». Cette métaphore commerciale est délibérément choisie en échos à la perception de l’enseignement par les concepteurs de MOOCs et, plus globalement, par les acteurs de l’éducation aux Etats-Unis. Pour eux, l’enseignement supérieur est bien un marché comme un autre. 56 ERTZSCHEID, Olivier, « De qui se MOOCS t'on ? », Affordance [disponible en ligne : http://affordance.typepad.com//mon_weblog/2013/05/de-qui-se-moocs-ton.html], publié le 16 mai 2013, consulté le 18 mai 2013. 55
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Jamais le terme MOOC n’a autant circulé que depuis le début de l’année 2012. Rares sont les médias qui ne se sont pas exprimés sur ce sujet. L’insatisfaction grandissante des américains vis-à-vis de leur système d’enseignement a certainement eu un impact sur leur émergence médiatique. Selon une étude réalisée auprès d’étudiants américains, le coût des études supérieures ne cesse d’augmenter alors que la qualité des cours aurait tendance à diminuer 57. En 2013, la dépense moyenne d’un étudiant américain pour obtenir un bachelor’s degree est de 100 000 dollars. Dans certaines universités comme à Harvard, le coût d’une seule année peut atteindre 65 000 dollars 58. Pourtant, près de 60 % des américains pensent que les universités échouent dans leurs missions compte tenue de l’argent dépensée par les étudiants et leurs familles 59. Au Royaume-Uni, l’année 2011 avait elle aussi été marquée par une forte hausse des frais universitaires. Globalement, les coûts de l’accès à l’enseignement supérieur se sont amplifiés dans les dernières décennies, augmentant ce que les économistes appellent les barrières à l’entrée : les barrières financières, auxquelles s’ajoutent les barrières intellectuelles, sociales et culturelles, s’érigent toujours plus hauts. Face à ce constat, les MOOCs se présentent comme une solution permettant de réduire les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur non seulement sur le territoire nationale mais aussi dans le monde entier. Ils apporteraient le savoir à quiconque le recherche et ce, gratuitement. Les MOOCs offriraient aussi une opportunité de développement à de nouvelles formes de pédagogie comme le peer-learning : les étudiants interagissent les uns avec les autres pour atteindre des objectifs pédagogiques 60. Parfois, ils se corrigent même leurs exercices entre eux. Le flipped learning, ou pédagogie inversée, est aussi très souvent évoqué : les étudiants suivent des cours magistraux chez eux en vidéo et viennent en classe pour faire des exercices. Au-delà, les MOOCs questionnent le statut du professeur et son rôle dans l’apprentissage. Certains, en créant des cours très massifs, deviennent aussi de véritables célébrités à l’image de Walter
57 CARR, Nicholas, « The Crisis in Higher Education », MIT Technology Review [disponible en ligne : http://www.technologyreview.com/featuredstory/429376/the-crisis-in-higher-education/], publié le 27 septembre 2012, consulté le 8 mai 2013. 58 PRANDI, Massimo, « Les autorités s'inquiètent des dettes des étudiants », Les Echos [disponible en ligne : http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202758050817-les-autorites-s-inquietent-des-dettes-desetudiants-566547.php], publié le 15 mai 2013, consulté le 18 mai 2013. 59 PEW RESEARCH CENTER, « College Graduation: Weighing the Cost and the Payoff », Pew Research Center [Disponible en ligne : http://www.pewresearch.org/2012/05/17/college-graduation-weighing-the-cost-and-thepayoff/], publié le 17 mai 2012, consulté le 18 mai 2013. 60 Définition développée dans O'DONNELL, Angela & KING, Alison, Cognitive perspectives on peer learning, Taylor & Francis, 1999.
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Lewin, professeur de Physique au MIT 61. La question de la validation des acquis est aussi prépondérante : quelle valeur accorder aux certificats ? Et comme nous l’avons déjà évoqué, comment être certain qu’identité numérique et identité réelle se relient au moment des examens ? Par ailleurs, le problème de l’autodiscipline est récurrent. Le taux d’abandon chez les MOOCs est très élevé : s’inscrire et suivre un cours en ligne sont deux choses totalement différentes. Pour suivre entre six et douze heures de cours par semaine en plus de ses autres activités, l’internaute doit faire preuve d’une excellente discipline. Les MOOCs remettraient aussi en cause l’insertion professionnelle en imposant un glissement dans les pratiques de recrutement des entreprises. Ils ne les feraient plus s’axer sur le nom d’une université ou d’un diplôme mais uniquement sur les compétences certifiées du postulant. Comme nous l’observerons plus tard, les cours en ligne ouverts et massifs véhiculent un certain nombre d’idéologies et ont prétention à changer l’enseignement supérieur. En étant pionnières dans la diffusion massive de cours en ligne, plusieurs universités comme le MIT ou Stanford ont usé des MOOCs comme terrain de communication et de marketing éducatif. Dans la vidéo de présentation d’EdX, Anant Agarwal, professeur au MIT et président de la start-up déclare : « Our goal is to educate a billion people around the world 62 ». Il attribue au fait de donner des cours gratuitement en ligne une aura presque messianique. Harvard et le MIT voudraient éduquer la planète. Sans dénier la sincérité de leurs actions, il y a toujours une part évidente de communication et de stratégie marketing dans le discours que ces institutions émettent. D’une part, cette « ouverture » joue positivement sur l’image de ces universités habituellement réservées à une élite aussi bien intellectuelle que sociale. D’autre part, elle leur permet de dénicher les meilleurs étudiants dans le monde entier pour pouvoir ensuite leur offrir des bourses et les faire venir étudier sur leurs propres campus. Il y a donc bien une prétention communicationnelle derrière l’ouverture de ces cours en ligne. Les MOOCs posent aussi la question du rayonnement des langues et des institutions nationales en termes d’enseignement sur l’Internet. Le fait que toutes ces universités américaines offrent leurs cours sur l’Internet participerait d’une nouvelle forme de soft power. Aujourd’hui, 93 % des cours en ligne sur Coursera sont en langue anglaise et souvent conçus par des universités américaines. Or, de plus en plus, ces cours en anglais 61 62
SAINTOURENS, Thomas, « Le temps des gourous », Usbek & Rica, n° 3, sept/oct/nov 2012, pp. 27-29. EDX, Vidéo de présentation, [disponible en ligne : http://youtu.be/--Fap0OBYjI], consulté le 18 mai 2013.
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d’institutions américaines sont traduits en Français. Certains avancent aujourd’hui le risque d’une cannibalisation de l’enseignement en ligne par les Etats-Unis au détriment des autres langues et cultures 63. Nous le voyons ici, les enjeux qui se cachent derrière le développement soudain des MOOCs sont nombreux. Parce qu’ils sont mis à disposition sur l’Internet, ces cours peuvent-ils pour autant être considérés comme ouverts ? L’expression « ouverture » ne traduit-elle pas elle-même une série d’idéologies ? Un cours peut-il être massif ? Une mythologie de l’enseignement pour tous ne s’est-elle pas installée avec l’émergence des MOOCs ? Comment s’est cristallisé autour d’un format de cours en ligne ce concept de MOOC ? Qui profite le plus de ces cours gratuits en ligne ? Voici certaines des questions auxquelles nous essaierons d’apporter un début de réponse dans ce mémoire. Positionnement théorique Les travaux scientifiques sur l’enseignement et le numérique sont nombreux. Ceux dédiés spécifiquement aux Massive Open Online Course le sont beaucoup moins. Ce mémoire de Master n’aura donc pas l’ambition de s’inscrire dans la continuité de quelconques travaux sur ce thème. Ce travail tentera cependant de se placer sous le signe de l’interdisciplinarité. Il empruntera ainsi plusieurs concepts aux champs des sciences de l’information et de la communication, des sciences de l’éducation, des sciences économiques et même, des sciences politiques et de l’histoire contemporaine. Nous userons notamment des travaux d’Yves Jeanneret sur la trivialité et la circulation des êtres culturels 64. Nous utiliserons aussi en filigrane ceux de Catherine Guéneau sur la valorisation symbolique et la performativité d’un concept 65. L’objet MOOC se prête tout à fait à ces analyses de l’ordre du symbolique. Nous reviendrons d’ailleurs sur le concept d’étiquetage, ou labelling, développé par Howard Becker 66. Ponctuellement, nous nous référerons à la théorie des
ASSELIN, Mario, « La gratuité des contenus universitaires est peut-être à nos portes ! », Huffington Post Québec [disponible en ligne : http://quebec.huffingtonpost.ca/mario-asselin/gratuiteuniversite_b_2475352.html?utm_hp_ref=fb&src=sp&comm_ref=false&just_reloaded=1], publié le 15 janvier 2013, consulté le 19 mai 2013. 64 JEANNERET, Yves, Penser la trivialité : la vie triviale des êtres culturels (Volume 1), Paris, Lavoisier, coll. « Communication, Médiation et Construits Sociaux », 2008. 65 GUENEAU, Catherine. « L'interactivité : une définition introuvable », Communication et langages. n°145, 2005. pp. 117-129. 66 BECKER, Howard, Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, trad. fr. 1985 (1ère éd. 1963). 63
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imaginaires de l’Internet de Patrice Flichy 67. Pour montrer comment les acteurs des MOOCs participent à leur valorisation symbolique, nous utiliserons bien sûr les raisonnements sémiotiques et propres à l’analyse de discours. Concernant les sciences de l’éducation, nous aborderons certains concepts comme la pédagogie inversée. Nous évoquerons aussi certains travaux de Bernadette Bensaude-Vincent 68 sur la médiation scientifique. Pour le volet économique, nous détaillerons notamment les logiques de marché biface et les externalités de réseaux inhérentes au fonctionnement des MOOCs. Nous aborderons aussi le concept de sciences politiques de Joseph Nye : le soft power 69. Enfin, nous évoquerons les travaux de Philippe Breton 70 sur les débuts de l’Internet et les idéologies propres aux cybernéticiens. L’objet principal de ce mémoire sera cependant de s’attacher à l’observation des circulations du concept de Massive Open Online Course et à ses étapes de valorisation symbolique. Sarah Labelle résume parfaitement cette ambition : il s’agit de « peser la teneur de l’expression, en décrire le mode d’existence sémiotique et discursif, explorer la façon dont une telle référence agissante excite des pratiques 71 ». Problématique Ce mémoire s’articulera donc autour de la problématique suivante : Quels sont les soubassements de la valorisation symbolique de l'objet Massive Open Online Course et comment sa charge idéologique amène aujourd'hui des acteurs à questionner de nouveau l'enseignement supérieur ? Trois hypothèses viennent appuyer cette réflexion et nous servirons de lignes directrices tout au long de ce mémoire : Nous supposons dans un premier temps que l’objet Massive Open Online Course comporte en lui-même une puissante charge idéologique : un certain mythe de l’enseignement pour tous. Les circulations de cet objet dans la société contribueraient à le FLICHY, Patrice, L’imaginaire d’Internet, Paris, La découverte, 2001. BENSAUDE-VINCENT, Bernadette, « Un public pour la science : l'essor de la vulgarisation au XIXe siècle ». Réseaux, 1993, volume 11 n°58. pp. 47-66. 69 NYE, Joseph, Bound to Lead: The Changing Nature of American Power, New York, Basic Books, 1990. 70 BRETON, Philippe, L’utopie de la communication : Le mythe du « village planétaire », Paris, La découverte, 2004. 71 LABELLE, Sarah, « La ville inscrite dans la « société de l’information » : formes d’investissement d’un objet symbolique », position de thèse, CELSA, 2007 [disponible en ligne : http://www.parissorbonne.fr/IMG/pdf/LABELLE_Position.pdf], consulté le 19 mai 2013. Cette citation m’a été inspirée par l’introduction de HUTCHINGS, Kevin, « Une « ville numérique » en construction : analyse des aménagements idéologiques et sémiotiques autour du numérique dans l’espace urbain et de leurs enjeux », Mémoire de Master 2 CELSA, 2011. 67 68
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valoriser. Nous supposons cependant que les MOOCs ne sont pas pour autant si massifs et ouverts qu’ils le laissent entendre. Dans un deuxième temps, nous faisons l’hypothèse que les acteurs des MOOCs sont parmi les premiers à participer à la valorisation symbolique de cet objet et à sa circulation dans les différents univers sociaux : ils y attacheraient un sens et des idéologies bien spécifiques. Nous supposons par ailleurs une forte inspiration cybernéticienne au cœur des pratiques, des dispositifs et du discours de ces acteurs. Enfin, par ses circulations, nous supposons que l’objet MOOC a réussi à atteindre une certaine forme de performativité symbolique et sociale : il imposerait une remise en question de l’enseignement supérieur traditionnel. Par ailleurs, nous faisons l’hypothèse que certaines organisations saisissent l’opportunité des MOOCs et sa prétention à changer l’enseignement, pour se poser comme innovante et s’allouer, par là même, une part de ses imaginaires. Présentation du corpus Afin de réaliser ce travail de recherche et de tenter d’apporter des réponses à notre problématique et à nos hypothèses, plusieurs travaux ont été effectués de décembre 2012 à juin 2013. Nous avons cependant délibérément choisi de les restreindre à certaines plateformes par manque de temps : il aurait bien entendu été souhaitable d’augmenter le corpus par d’autres entretiens ou l’analyse de plusieurs sites Web. Six entretiens semi-directifs ont été réalisés et retranscrits 72. Deux d’entre eux ont été effectués avec des personnes à l’initiative d’un MOOC : un enseignant-chercheur d’une école d’ingénieurs du nord de la France et directeur-adjoint d’une prestigieuse école d’ingénieurs française. Cette dernière lancera bientôt plusieurs cours en ligne sur une plateforme américaine. Un autre entretien a été réalisé avec un professeur de cette même insitution qui enseignera aussi dans l’un des futurs MOOCs. De même, deux entretiens ont été réalisés avec des internautes-étudiants. Enfin, un sixième et dernier entretien a été effectué avec la directrice de la communication de cette prestigieuse école d’ingénieurs française. Une observation participante d’une durée d’un mois a été faite du 12 mars au 12 avril 2013. Pour cela, nous nous sommes inscrits au cours de Michael J. Sandel intitulé 72
Vous pouvez les retrouver en annexes de ce mémoire : annexe 1, p. 164.
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« ER22x : Justice » sur le site EdX.org. Ce cours se voulait être une analyse critique des théories classiques et contemporaines de la justice. L’objectif de cette analyse était de décrire nos impressions et nos expériences. Nous avons aussi réalisé une analyse des circulations médiatiques du terme MOOC et des mots connexes pour tenter de révéler les étapes de leur diffusion et pour découvrir ce qui se dit autour de ces termes. Bien que la majorité du travail soit effectué directement sur les données médiatiques, nous utiliserons ponctuellement d’autres outils tels que Sysomos ou Europresse pour faciliter ou compléter les autres analyses. Une grande partie du mémoire s’articule aussi autour de l’analyse de discours sur divers objets : deux vidéos de cours sur EdX, la conférence de presse d’EdX, l’intervention d’un des fondateurs de Coursera à TEDx, les pages d’accueil des sites EdX et Coursera et enfin, les pages d’accueil d’un cours sur ces deux mêmes sites. Nous avons choisi ces deux plateformes car ce sont actuellement les plus importantes sur leur secteur. Elle contribue ainsi à standardiser le format des MOOCs. Une dernière session s’articule autour d’analyses sémiotiques. Nous réaliserons ainsi une analyse comparative des pages d’accueil des sites EdX et Coursera, de leurs pages d’accueil de cours et, enfin, de l’interface de cours sur ces deux mêmes plateformes. Démarche méthodologique L’analyse de ce corpus s’effectue par le biais de méthodes de recherche issues des sciences humaines et sociales. C’est d’abord une démarche socio-anthropologique qui anime ces travaux de recherche avec la réalisation des entretiens et de l’observation participante. Celle-ci est complétée par des démarches sémiotique et sociosémiotique issues des travaux de Roland Barthes 73 et d’Eliseo Veron 74.
Présentation du plan La première partie du mémoire s’attache à déconstruire la notion de Massive Open Online Courses et à décrire le mythe qui entoure aujourd’hui cet objet : celui de l’enseignement
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BARTHES Roland, « Rhétorique de l’image », Communications, n°4, 1964, pp. 40-51. VERON Eliseo, « Il est là, je le vois, il me parle », Communications, n°38, 1983, pp. 98-120.
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pour tous. Elle visera à questionner le terme en lui-même et ce à quoi il renvoie et à montrer qu’il présente une forte charge idéologique. Dans une deuxième partie, nous nous intéresserons aux sources principales de cette valorisation symbolique des MOOCs : les plateformes en elles-mêmes et leurs dirigeants. Nous étudierons les imaginaires et les inspirations cybernéticiennes de ces derniers. Dans une troisième et dernière partie, nous observerons l’objet MOOC comme outil de prescription du futur de l’enseignement. Nous verrons quelles prétentions à changer l’éducation se lisent dans l’émergence des MOOCs et comment certaines institutions en profitent pour se réaffirmer. Enfin, en guise d’ouverture de ce mémoire de Master 2, nous traiterons de la question des Massive Open Online Courses sous l’angle du rayonnement culturel international.
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I.
Massive Open Online Course , un mythe de l’enseignement pour tous
Dans L’imaginaire d’Internet, Patrice Flichy revient sur la définition Barthienne du mythe 75. Il s’agirait d’un métalangage qui « prend comme signifiant un signe existant et lui donne un autre signifié […] Le mythe transforme une histoire particulière en une représentation naturelle 76 ». Cet angle de vue nous semble tout à fait pertinent pour traiter des Massive Open Online Courses. Quand une université met l’un de ses cours gratuitement à disposition des internautes, l’événement prend une autre signification : c’est l’enseignement supérieur qui s’ouvre à tous, partout dans le monde 77. Plus encore, quand l’université Harvard, le Massachusetts Institute of Technology ou Polytechnique mettent à disposition gratuitement un de leurs cours sur l’Internet, ce sont des murs qui tombent et un enseignement d’excellence qui devient, du jour au lendemain, accessible pour tous 78. L’événement qui consiste simplement à mettre à disposition du contenu Pensée développée dans son ouvrage BARTHES, Roland, Mythologies, Paris, Le Seuil, coll. Points, 1970. FLICHY P. (2001), op. cit., pp. 12-13. 77 LEBER, Jessica, « In the Developing World, MOOCs Start to Get Real », MIT Technology Review [disponible en ligne : http://www.technologyreview.com/news/512256/in-the-developing-world-moocs-start-to-get-real/], publié le 15 mars 2013, consulté le 13 août 2013. 78 WIELS, Jason, « À la rentrée, tout le monde pourra devenir (un peu) polytechnicien », Le Point [disponible en ligne : http://www.lepoint.fr/societe/a-la-rentree-tout-le-monde-pourra-devenir-un-peu-polytechnicien-01-03-20131634680_23.php], publié le 1er mars 2013, consulté le 12 août 2013. 75 76
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pédagogique sur l’Internet devient le récit d’un mythe qui ne cesse d’être alimenter. Khadija Niazi, une jeune pakistanaise de 12 ans, a ainsi été mise en avant lors du dernier Forum Economique Mondial de Davos 79. Ayant complétée avec succès plusieurs cours d’université en ligne en intelligence artificielle et en physique, sa présence sur scène aux côtés de Bill Gates, Lawrence H. Summers ou encore Rafael Reif 80 a largement été relayée par les médias. Elle incarne à elle-seule ce mythe des Massive Open Online Courses. Nous débuterons notre étude en montrant que tenter d’effectuer une typologie d’un objet aussi mouvant que les Massive Open Online Courses est très hasardeux. Nous décrirons néanmoins le format de cours en ligne qui semble se cristalliser autour de cette notion et soulignerons la métaphore de la classe à l’œuvre chez les principaux fournisseurs de MOOCs. Nous montrerons alors quelles formes de pédagogie se trouvent remises au goût du jour dans ces plateformes et pourquoi cet ensemble instable de techniques et de pratiques n’est pas encore totalement appréhendable. Nous poursuivrons en revenant sur la notion de Massive Open Online Course. Nous montrerons le flou notionnel qui l’entoure et tenteront de découvrir quelles idéologies se cachent derrière la construction même du terme. Il s’agira ensuite de mettre en avant les avantages liés à l’étiquetage de ce format de cours en ligne dans sa diffusion et son appropriation par différents univers sociaux. Nous mettrons enfin en évidence les circulations et chemins d’appropriation multiples de l’objet Massive Open Online Course. Nous tenterons de montrer comment celles-ci ont contribué à charger symboliquement le terme en lui attribuant un certain nombre d’idéologies liées à son utopie initiale : la démocratisation de la connaissance et de l’enseignement supérieur.
WIRED ACADEMIC, « Davos: 12-Year-Old Pakistani Prodigy Girl Talks About Her Online Learning », Wired Academic [disponible en ligne : http://www.wiredacademic.com/2013/01/davos-12-year-old-pakistani-prodigy-girltalks-about-her-online-learning/], publié le 29 janvier 2013, consulté le 13 août 2013. 80 Lawrence Henry Summers et Rafael Reif sont respectivement, ex-président de l’université Harvard et président du MIT. 79
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A. Un objet encore en définition 1. Des outils multiformes et multilingues : vers une typologie des Massive
Open Online Courses ? Prétendre proposer une typologie des MOOCs est très ambitieux tant les formes qu’ils peuvent revêtir sont multiples et évolutives et tant les appropriations du concept sont variées. Comme nous avons pu le préciser dans l’introduction, les cours en ligne ouverts et massifs évoluent dans la continuité des Ressources Educatives Libres (REL). Ils se noient donc au milieu de nombreux autres types de contenus pédagogiques déjà présents sur l’Internet. En observant les circulations de l’objet MOOC dans les médias, nous en observons une définition large qui semble néanmoins émerger. Voici celle que présente Sylvie Kauffmann dans son article pour le quotidien Le Monde : « Il s'agit de cours dispensés gratuitement sur Internet par les meilleures universités et mis à la disposition de toute personne qui a soif d'apprendre, à travers le monde, par une poignée d'entreprises créées à cet effet 81 ».
Cette définition, bien que propre à la journaliste, résumerait plutôt bien le sens qui est accordé au terme MOOC : c’est sous cette description que nous le retrouvons sous la majorité des publications journalistiques dans la presse française et internationale. Chez les personnes interviewées dans le cadre de ce mémoire, cette définition reste sensiblement la même et laisse ressortir les éléments liés aux universités, à la gratuité et à la mise à disposition sur l’Internet. Celle de l’un de nos interviewés, étudiant français usager de MOOCs, est la suivante : « Pour moi, c’est des cours officiels d’universités qui existent, dispensés en ligne. Pour moi, ça c’est la définition du MOOC82 ».
KAUFFMANN, Sylvie, « Les MOOCs à l'assaut du mammouth », Le Monde [Disponible en ligne : http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/03/25/les-moocs-a-l-assaut-du-mammouth_1853831_3232.html], publié le 25 mars 2013, consulté le 21 juillet 2013. 82 Voir entretien avec Interviewé 4 : Annexe 1.5, p. 214. 81
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Celle d’un autre interviewé, une jeune espagnole et elle-aussi usagère des MOOCs, se présente ainsi : « Des plateformes de cours en ligne qui permettent à n’importe qui de s’y inscrire et normalement elles sont gratuites. Cela fonctionne aussi comme un réseau social et je pense aussi qu’il ne s’agit pas que de cours mais un peu plus que cela 83 ».
Ces deux réponses spontanées viennent illustrer cette acception générale de l’objet « MOOC » : des cours d’universités mis à disposition gratuitement sur l’Internet. Si nous pouvons nous accorder sur cette définition très générale, nous observons cependant que les formats considérés comme des MOOCs par les acteurs médiatiques, politiques ou éducatifs sont variés. Face à cela, des tentatives d’identification et de catégorisation des cours en ligne émergent et contribuent ainsi à restreindre leur définition. Nous avons déjà évoqué les quatre grandes typologies d’Audrey Bardon concernant la mise à disposition gratuite de cours sur l’Internet : le cMOOC, le xMOOC, les Ressources Educatives Libres (REL) et les autres plateformes connectant enseignants et apprenants 84. Ce sont les deux premiers qui nous intéresseront ici. Le cMOOC se base sur le modèle connectiviste. C’est chronologiquement le premier à apparaître. Dans la théorie connectiviste, la présence des réseaux est au centre du processus d’apprentissage. Le cours avance et se construit grâce aux conversations entre individus, ce qui aurait pour effet d’améliorer l’enseignement et l’apprentissage. Les cMOOCs regroupent donc plusieurs internautes autour d’une même thématique et les invitent à contribuer au contenu. Les plateformes fonctionnant sur ce modèle sont nombreuses comme par exemple Codeacademy, DS106 ou encore la Française ITyPA. De son côté, le xMOOC se base sur le modèle instructiviste, héritier du modèle orthographique. Le savoir transmis est lié à la production scientifique et les contenus présentés sont structurés par la logique de la matière. La verticalité de la transmission de la connaissance est la même qu’en amphithéâtre : le professeur délivre un cours à ses étudiants. L’origine du « x » est inconnue mais nous pouvons supposer qu’il représente une variable – comme en mathématiques – ou le « x » d’EdX qui est l’un des Voir entretien avec Interviewé 3 en annexe : Annexe 1.4, p. 198. BARDON, Audrey, « 20 sites qui vous donnent envie d’apprendre », Knowtex Blog [disponible en ligne : http://www.knowtex.com/blog/20-sites-qui-vous-donnent-envie-apprendre/], publié le 17 septembre 2012, consulté le 18 mai 2013. 83 84
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premiers fournisseurs de xMOOCs. Nous retrouvons aussi Coursera et Udacity dans cette catégorie. Dans un article pour le New York Times, Tamar Lewin évoque aussi une autre catégorie appelée MOOSe pour Massive Open Online Seminar 85 : des séminaires proposés en ligne par un réseau d’universités américaines et permettant d’obtenir des crédits. Si cette catégorisation existe et circule chez les acteurs de l’enseignement supérieur, elle reste cependant très peu utilisée. Même s’il n’est pratiquement qu’évoqué sous le terme MOOC dans les publications journalistiques, la catégorie à laquelle il est souvent fait référence est le xMOOC. Là encore, la définition de sa forme reste assez floue. Dans son article pour Le Figaro, Quentin Blanc donne les attributs qui, selon lui, forment un MOOC : des vidéos de 10-12 minutes dans lesquelles sont explicités les concepts, un forum pour favoriser l’entraide, une date de début et de fin et une validation des connaissances par des QCM 86. Des définitions plus ou moins complètes comme celle-ci sont nombreuses et nous interrogent sur leurs origines. Aujourd’hui, Coursera, EdX ou encore Udacity définissent les canons des MOOCs. En tant qu’acteurs principaux et pionniers des xMOOCs, ils ont contribué à l’émergence de l’objet mais auraient tendance à en obscurcir les premières formes que sont par exemple les cMOOCs. Les formats de MOOCs sélectionnés par ces acteurs s’imposeraient ainsi comme standards. Nous retrouvons en partie cet argument dans les propos de l’un des enseignants-chercheurs interviewés dans le cadre de ce mémoire : « Si vous voulez mon grand souci, je voulais faire le premier xMOOC français parce que je voulais qu’il soit bon. Vous comprenez, si les premiers MOOCs français c’est de la merde, après tout le monde va dire, les MOOCs c’est de la merde 87 ».
Il voudrait proposer et imposer sa version des xMOOCs en France à partir des formats qu’il a identifié chez les acteurs dominants du marché. Tous ces acteurs contribuent à restreindre la définition du « MOOC » et à en cristalliser une acception que nous
LEWIN, Tamar, « Instruction for Masses Knocks Down Campus Walls », New York Times [disponible en ligne : http://www.nytimes.com/2012/03/05/education/moocs-large-courses-open-to-all-topple-campuswalls.html?pagewanted=all], publié le 4 mars 2012, consulté le 21 juillet 2013. 86 BLANC, Quentin, « L’éducation supérieure en ligne : mode d’emploi », Le Figaro Etudiant [disponible en ligne : http://etudiant.lefigaro.fr/le-labeducation/actualite/detail/article/l-education-superieure-en-ligne-mode-d-emploi264/], publié le 19 octobre 2012, consulté le 21 juillet 2013. 87 Voir entretien avec Interviewé 5 en annexe : Annexe 1.6, p. 236. 85
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tenterons de définir ainsi 88 : des contenus structurés mis à disposition gratuitement sur des plateformes Web par des universités ou des institutions légitimes et respectant certaines temporalités. Les cours délivrent un contenu pédagogique par des vidéos dans une certaine langue, avec des objectifs et un calendrier précis. Chaque extrait d’une dizaine de minutes explicite un concept ou un chapitre du cours dont la maîtrise est ensuite attestée par un quizz. L’un de nos interviewés, enseignant-chercheur dans une prestigieuse école d’ingénieurs française, nous l’assurait lors d’un entretien à propos du cours en ligne que l’institution va bientôt proposer : « Donc on veut faire des séquences genre euh… entre 10 et 20 minutes, ça dépend des sujets. Mais pas plus de 20 minutes. Et puis même, c’est une façon de s’imposer une tranche qui correspond à un chapitre, à quelque chose de bien défini. Par exemple, la loi forte des grands nombres, boum, on veut faire une séance de 20 minutes là-dessus et donc ce qu’on veut faire c’est préparé un scénario précis 89 ».
Le contenu du cours est donc délivré de façon structurée et des examens ponctuent la formation. Les endroits où sont déposés ces cours peuvent varier. Jean-Marie Gilliot, enseignant chercheur au département informatique de Télécom Bretagne, en définit deux types : les portails et les sites dédiés 90. Les plus connus sont les portails fournisseurs de MOOCs comme Coursera, EdX et consort. Leur technologie repose sur des Content Management System (CMS) ou des Learning Management System (LMS) comme Moodle, Spiral ou Claroline. Parfois, ils préfèrent développer leur propre plateforme et l’ouvrent même en Open Source comme a pu le faire EdX. Quant aux structures qui gèrent ces portails, nous retrouvons aussi bien des entités à but lucratif que non-lucratif : comme nous pourrons le voir, ceci influe sur la gestion de leur activité. Si nous pouvons nous accorder sur une définition très générale des MOOCs, force est de constater que ses formats sont multiples. Nous avons tenté d’en dresser une typologie et d’en faire ressortir une acception généralisée qui semble peu à peu se cristalliser. Une typologie demeure néanmoins assez hasardeuse compte tenu de l’évolution rapide et du Cette définition d’un MOOC et de son déroulement est effectuée à partir d’une observation participante réalisée du 12 mars au 12 avril 2013 sur EdX. Elle est l’acception du terme MOOC la plus largement véhiculée dans les médias. 89 Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, p. 184. 90 GILLIOT, Jean-Marie, « MOOCs, éléments d’un écosystème », Educavox [disponible en ligne : http://www.educavox.fr/actualite/debats/article/moocs-elements-d-un-ecosysteme] publié le 24 janvier 2013, consulté le 21 juillet 2013. 88
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caractère transversal de notre objet d’étude. Si nous voulons l’analyser, nous devrons prendre en compte les plateformes dominantes qui contribuent à standardiser le format et qui proposent une expérience métaphorisée de la classe.
2. La métaphore de la classe Se pencher sur Coursera et EdX semble être la solution la plus appropriée pour étudier un MOOC en lui-même tant ces deux plateformes jouissent aujourd’hui d’un quasimonopole sur le marché. La construction de ces sites ne doit rien au hasard. Comme nous l’avons signalé lors de nos travaux d’analyse 91, il est d’ailleurs étonnant d’observer une grande similitude dans la structuration des interfaces de cours sur ces deux sites Web. Tous deux semblent récupérer les codes de la classe physique pour les transposer à leur plateforme en ligne. Le contenu du cours est le même qu’en présentiel mais c’est bien ici l’expérience de la classe qui change. Dans l’un des nos entretiens, un enseignant-chercheur s’exprimait concernant le contenu du cours de son école sur Coursera : « C’est parce que ça va être quelque chose quand même d’assez différent. Le contenu évidemment… on parle de la même chose. Là en l’occurrence, le cours de probabilité a été plusieurs années ici. Enfin, ça fait 4 ans par [nom d’un autre professeur] 92. »
Le contenu du cours choisi par l’école est déjà au point et c’est donc bien le même qui sera présenté dans leur MOOC : seul le format change. Coursera, EdX et d’autres acteurs tentent donc de recréer la classe – et le cours qui est donné à l’intérieur – sur leurs plateformes respectives. Ils utilisent pour cela divers artifices qui, s’ajoutant l’un à l’autre, vont concourir à la création d’une métaphore de la classe. Par exemple, l’espace de travail se trouve rationnalisé comme peut l’être une salle de classe avec simplement des chaises, des tables et un tableau vierge 93. La temporalité imposée par les dates de début, de fin de cours, de rendu d’exercice, d’examen ou encore par la publication progressive et hebdomadaire des cours rappelle elle-aussi les classes physiques. Le suivi professoral illustré par l’envoi hebdomadaire d’email concernant le cours, par la correction des Voir l’analyse sémiotique des interfaces de cours d’EdX et Coursera : Annexe 3.3, p. 294. Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, p. 181 93 Tous les exemples qui suivent sont issus de mon observation participante en Annexe 5, p. 310 et de l’analyse sémiotique des interfaces de cours d’EdX et Coursera en Annexe 3.3, p. 294. 91 92
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exercices et examens ou par les Office Hours peut lui aussi rappeler l’expérience de la classe en présentiel. Il en va de même pour les groupes de discussion qui peuvent évoquer les intercours ou la récréation. La vidéo représenterait quant à elle le paradigme de la simulation de la présence professorale. La métaphore de la classe est poussée jusque dans les mots choisis : cours, syllabus, examen, espace d’information, espace de discussion, etc. reviennent sur la majorité des plateformes par exemple. Si ces plateformes ne restent qu’une métaphore, c’est parce que contrairement à la classe physique, elles ne proposent pas d’interactivité 94 et le contenu y est délivré de façon asynchrone. L’analogie séduit cependant jusqu’à la presse nationale qui n’hésite pas à titrer : « La salle de classe planétaire 95 ». Sur les plateformes fournisseuses de MOOCs, la vidéo demeure un élément central du cours : les autres outils pédagogiques ne venant que l’appuyer. Dans chacune d’elle, le professeur expose ses connaissances d’un sujet en essayant de les transmettre le plus simplement et doucement possible 96 : une vidéo pour un chapitre. Il use de différents outils comme d’un diaporama, d’une tablette numérique ou encore d’animations pour capter et maintenir l’attention de son audience. L’un de nos interviewés, bientôt enseignant dans un MOOC, semble d’ailleurs y accorder une grande importance : « On va avoir… on va utiliser des tablettes pour présenter les trucs en PDF. Et on va aussi utiliser, parce que nous on est mathématicien, on aime bien montrer des démonstrations de mathématiques et le faire en écrivant, c’est pas du tout le même rythme. […] Parce qu’on voulait avoir, pour rendre la chose plus vivante aussi, on voulait avoir… pouvoir montrer un bon vieux PDF qui est un fil conducteur en fait plutôt et à part, on peut avoir donc cette feuille de papier qui s’appelle PaperShow. C’est un truc d’Oxford. […] On peut vraiment dire ben maintenant, on va switcher et dire maintenant, on va démontrer le théorème machin et écrire tranquillement, en plus on peut paramétrer hein. C’est un papier mais on peut changer l’épaisseur du train, la couleur, enfin, des tas de choses. Mais c’est vraiment un stylo quoi. C’est assez remarquable et en plus, nous on va utiliser la tablette pour montrer des simulations numériques, interactives 97. »
Une exception est à souligner dans le cas des Office Hours où les étudiants ont la possibilité de rencontrer le professeur en personne. « Interactivité » étant entendue ici au sens premier du terme. 95 VASSEUR, Flore, « La salle de classe planétaire », Le Monde Education [disponible en ligne : http://www.lemonde.fr/education/article/2012/08/09/la-salle-de-classe-planetaire_1742909_1473685.html], publié le 9 août 2012, consulté le 27 juillet 2013. 96 Voir l’analyse de discours sur la vidéo d’un cours d’EdX en Annexe 2.1, p. 259. 97 Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, p. 183. 94
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Parmi les autres inquiétudes du professeur de mathématiques, nous retrouvons aussi la qualité du son qui doit selon lui être parfaite. Il veut « rendre la chose plus vivante » : pour maintenir l’attention de l’internaute. Cela participe aussi à la simulation de la présence professorale. La construction du dispositif d’énonciation tente donc de nous faire dire : le professeur est ici avec nous, nous le voyons, il nous donne cours 98. Les interfaces de cours sur Coursera ou EdX étant standardisées, la vidéo est le principal contenu fourni par l’université et se doit donc d’être de qualité : celle-ci va véhiculer du sens autour du cours et de l’institution qui le porte. Un cours mal filmé pourrait ainsi être considéré comme de l’amateurisme ou un manque de motivation et d’engagement de l’université porteuse. Le lieu du cours peut à lui seul véhiculer de nombreuses idéologies. Dans notre observation participante, le cours était filmé en multicaméra dans l’un des plus beaux amphithéâtres de l’université Harvard. Le montage donnait l’impression d’être présent avec les autres élèves et les bois et marbres du bâtiment apportaient un cachet et un prestige certains à l’orateur. Le ressenti du cours ne serait pas le même si la qualité du son et de l’image était très mauvaise. Toute cette symbolique créée à partir de l’espace du discours concoure à valoriser le contenu du cours, le professeur et l’université. Certains n’hésitent donc pas à investir en temps et en argent sur ces projets. La vidéo, format pilier de ces cours en ligne ouverts et massifs, participe de cette métaphore en proposant une simulation de la présence professorale. Avec les MOOCs et les plateformes qui les distribuent, l’expérience de la classe se trouve donc métaphorisée et l’enseignement en ligne, standardisé. Si bien que certains comme John L. Hennessy, président de l’université de Stanford, en viennent à annoncer la mort de la salle de classe telle que nous la connaissons 99. Si les xMOOCs de Coursera ou EdX restent encore très hiérarchisés dans la diffusion de la connaissance, ils laissent place et mettent en lumière des méthodes pédagogiques singulières et peu utilisées jusqu’à aujourd’hui.
Par analogie avec le célèbre texte de VERON Eliseo, « Il est là, je le vois, il me parle », Communications, n°38, 1983, pp. 98-120. 99 DEGLISE, Fabien, « Éducation: le président de l'Université Stanford prédit la mort des salles de classe », Le Devoir [Disponible en ligne : http://www.ledevoir.com/opinion/blogues/les-mutations-tranquilles/351337/education-lepresident-de-l-universite-stanford-predit-la-mort-des-salles-de-classe], publié le 31 mai 2012, consulté le 27 juillet 2013. 98
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3. L’émergence de nouvelles formes de pédagogie L’enseignement en ligne est souvent questionné par la recherche en Sciences de l’éducation. Selon une récente étude américaine, 66 % des professeurs pensent ainsi qu’un cours en ligne donne de moins bons résultats chez les étudiants que les cours traditionnels 100. Néanmoins, l’émergence des MOOCs donne à voir des outils nouveaux et des méthodes pédagogiques singulières qui n’étaient que peu connues auparavant. Inscrits au cœur même des MOOCs, nous retrouvons des logiques de réseaux. Cela se caractérise notamment par le fait que les cours sont délivrés de façon asynchrone. S’agissant de vidéos préenregistrées mises à disposition sur l’Internet, l’internaute peut les regarder quand et où il le souhaite et ce, autant de fois qu’il le veut du moment qu’il possède une connexion au réseau. Cette asynchronie permet aussi de nouveaux usages en donnant plus de pouvoir à l’internaute. Il peut en effet agir sur la vidéo en la stoppant, en la ralentissant, en augmentant le volume sonore ou encore en revenant en arrière 101. Plus encore, il peut afficher des sous-titres dans parfois plus de vingt langues différentes donnant au cours une nouvelle dimension qui tend vers l’universalité. Toutes ces fonctionnalités ne sont possibles que par le fait que le contenu est asynchrone : impossible de mettre pause sur un professeur dans une salle de classe traditionnelle. La pédagogie s’en retrouve donc bousculée car la transmission des connaissances s’adapte à l’apprenant. La présence sur le réseau permet aussi de rentrer dans des logiques collaboratives. Ainsi, les MOOCs sont devenus le terrain de prédilection du peer-learning. Il s’agit d’une pratique éducative dans laquelle les étudiants interagissent les uns avec les autres pour atteindre des objectifs 102. Le peer-learning s’illustre de différentes manières sur les MOOCs. Dans un premier temps, il y a le modèle de peer-assistance ou d’assistance par les pairs qui est très présent. Inspiré de certains sites comme Quora 103, celui-ci s’illustre principalement par l’utilisation de forums très sophistiqués appelés en anglais Social Q&A Forums. Ces outils collaboratifs sont utilisés par les étudiants pour se débloquer sur des exercices, pour Etude réalisée par Inside Higher Ed et Babson Survey Research Group. Plus d’information : KOLOWICH, Steve, « Conflicted: Faculty and Online Education, 2012 », Inside Higher Ed [disponible en ligne : http://www.insidehighered.com/news/survey/conflicted-faculty-and-online-education-2012], publié le 21 juin 2012, consulté le 28 juillet 2013. 101 Voir l’analyse de discours sur la vidéo d’un cours d’EdX en Annexe 2.1, p. 259. 102 Définition développée dans O'DONNELL, Angela & KING, Alison, Cognitive perspectives on peer learning. Routledge, 1999. 103 QUORA [disponible en ligne : https://www.quora.com/], consulté le 16 août 2013. 100
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débattre ou pour aller plus loin dans un sujet 104. Tous les internautes-étudiants peuvent y intervenir mais un système de vote permet de faire remonter les questions ou remarques les plus pertinentes pour la communauté et de faire descendre celles qui ont déjà été postées. Souvent, cet outil est accompagné d’un groupe sur Facebook qui joue, peu ou prou, le même rôle. Sur EdX, un rapport hebdomadaire de l’activité du forum est aussi fourni à tous les participants. Le deuxième modèle présent sur les MOOCs est le peergrading ou la notation par les pairs. Ici, les internautes-étudiants sont amenés à se noter entre eux. En effet, seuls les questionnaires à choix multiples peuvent être automatiquement corrigés par les programmes informatiques. Pour les essais, Andrew Ng et Daphne Koller, les deux fondateurs de Coursera, ont décidé de prendre exemple sur le Mechanical Turk d’Amazon et de donner cette responsabilité aux étudiants eux-mêmes 105. Selon les deux chercheurs, le résultat serait aussi bon voire meilleur que si la copie était donnée à un professeur qui en aurait une centaine à corriger. Compte tenu du nombre important d’internautes étudiant sur un MOOC, ces outils collaboratifs permettent de réduire considérablement le travail de l’enseignant. Au-delà, ils offrent une nouvelle dimension à l’enseignement en ligne : celui de la gestion des données. David E. Pritchard, professeur de physique au MIT, s’exprime ainsi sur le Boston Globe : « When we do research on campus, I have no idea whether the student bought the book, read it, when they read it . . . did they stay awake in lecture? […] Now, I have all of these things 106. »
Cette logique baptisée Big Data Science for Education est issue des pratiques de grands groupes comme Amazon, Facebook ou Google :
ceux-là se servent de données
utilisateurs pour comprendre leurs consommateurs et mieux préparer leurs stratégies marketing. Sur les MOOCs, chaque clic sur les quizz, sur le forum, sur les boutons 104 Dans le cadre de ce mémoire, une observation participante a été réalisée. Les propos présents ici proviennent en partie de l’expérience vécue. Voir observation participante en Annexe 5, p. 310. 105 Mechanical Turk est un service proposé par Amazon et permettant de faire effectuer n’importe où dans le monde des petites taches rébarbatives pour un moindre coût. BOYD MYERS, Courtney, « Coursera raises $16 million and partners with top-tier universities to bring free online education to millions », The Next Web [disponible en ligne : http://thenextweb.com/insider/2012/04/18/coursera-raises-16-million-and-partners-with-top-tier-universities-tobring-free-online-education-to-millions/], publié le 18 avril 2012, consulté le 28 juillet 2013. 106 BOMBARDIERI, Marcella, « Professors take lessons from online teaching », The Boston Globe [disponible en ligne : http://www.bostonglobe.com/metro/2013/06/08/professors-take-lessons-from-onlineteaching/K5XTNA8N1cVGLQ8JJW5PCL/story.html], publié le 9 juin 2013, consulté le 28 juillet 2013.
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pause/rembobiner/1,5x des vidéos est enregistré pour être ensuite analysé. Coursera ou EdX se servent ensuite de ces données pour affiner le contenu et l’interface des cours et pour améliorer l’enseignement en ligne en général. Avec les MOOCs, la construction du cours se trouverait donc dominé par les données utilisateurs plus que la volonté et les partis-pris du professeur. Les Massive Open Online Courses sont caractérisés par le fait qu’il y ait peu ou pas d’interactions 107 entre le professeur et ses étudiants. Les rares exceptions sont les Office Hours, où le professeur définit un lieu de rendez-vous dans une ville pour rencontrer ses étudiants et discuter de son cours : cette pratique reste cependant rarissime. Le rapport enseignant/apprenant, lorsqu’il a lieu, reste dans la majorité des cas médié par un dispositif technique. Tout semble fait pour empêcher cette relation comme pour protéger le professeur du harcèlement potentiel de milliers d’internautes-étudiants. Sur Coursera, plusieurs cours commencent d’ailleurs par des messages indiquant qu’il est interdit d’envoyer un email à l’enseignant ou de l’ajouter comme ami sur Facebook 108. Comme nous l’avons montré précédemment, la présence du professeur est donc simulée par divers artifices : correction automatique des exercices, vidéos de haute qualité, outils de discussion en ligne, mails hebdomadaires signés en son nom, publication des cours progressive et autres interventions directes mais ponctuelles. Un professeur et son équipe passeraient en moyenne 100 heures à préparer un MOOC puis entre huit et dix heures par semaine pour répondre aux sollicitations et mettre à jour les cours 109. L’un des enseignants-chercheurs interviewés n’utilise pas, quant à lui, les méthodes de peer-grading et semble s’en sortir difficilement : « J’ai proposé de lancer un ballon d’essai, aujourd’hui par exemple sur la correction par les pairs, on a des problèmes pour corriger, je croyais avoir 100 copies à corriger, ce qui est énorme parce que ça fait 400, on en a 500, ce qui fait 2000 copies, et c’est des copies qui sont balèzes, vous avez des exercices, c’est 2 pages, ça s’appelle une synthèse mais c’est 2 pages. Vous avez des exercices de diapos, c’est 5 pages, donc il y a des milliers de pages à corriger, là je n’ai pas l’air stressé mais en fait j’ai une piles de corrections comme ça. Et donc qu’est-ce que je fais ? Je lance un appel sur la communauté Google, je dis, venez nous aider. Qu’est-ce Encore une fois, le terme « interaction » est entendu ici dans son sens premier tel que défini dans GUENEAU Catherine. « L'interactivité : une définition introuvable », Communication et langages. n°145, 2005. pp. 117-129. 108 JACOBS, Arnold Stephen, « Two Cheers for Web U! », The New York Times [disponible en ligne : http://www.nytimes.com/2013/04/21/opinion/sunday/grading-the-mooc-university.html], publié le 20 avril 2013, consulté le 28 juillet 2013. 109 KOLOWICH, Steve, « The Professors Who Make the MOOCs », The Chronicle of Higher Education [disponible en ligne : https://chronicle.com/article/The-Professors-Behind-the-MOOC/137905/#id=overview], publié le 24 mars 2013, consulté le 28 juillet 2013. 107
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qui se passe, en 2 jours j’ai 5 personnes qui viennent et qui disent, moi je vais aider. On est dans un modèle de type Wikipédia. Pendant ce temps là à Polytechnique, je ne sais pas comment il va faire s’il veut corriger ses trucs parce que avec les profs surchargés et tout et le fait qu’il dise qu’il va faire ça à l’école, comment il va faire 110 ? »
C’est principalement pour ces raisons de taille d’audience et de temps que le professeur n’est pas présent directement et reste difficilement accessible sur des plateformes comme Coursera et EdX. Des solutions alternatives sont parfois proposées comme des visioconférences. Là encore, le système fonctionne sous forme de loterie et seuls une dizaine de participants sont à chaque fois retenus. La validation des connaissances est un autre problème inhérent à la nature des MOOCs : les examens finaux sont non-surveillés et s’exposent donc à la triche. Pour pallier à cela, EdX et Udacity essaient de mettre en place des partenariats avec des centres d’examen comme ceux de Pearson pour que les internautes-étudiants viennent y passer les épreuves 111. L’Intelligence artificielle est aussi appelée à prendre une place de plus en plus importante. En avril 2013, EdX a annoncé la sortie d’un logiciel permettant de corriger automatiquement des essais dans l’objectif d’évacuer le souci de la correction d’un grand nombre de copies 112. Bien sûr, les réactions du milieu de l’enseignement supérieur ont été virulentes concernant la qualité de la correction et le questionnement de la place du professeur sur cette activité. Mais certains, comme Sebastian Thrun, fondateur d’Udacity et professeur à l’université de Stanford, sont convaincus de ses bienfaits : « We have to really work on artificial intelligence, really understand, like, where can we take a student if they have a certain kind of learning profile? We do some of it manually right now, so we analyze student profiles, we make predictions of what are the success rates, and then we intervene manually right now based on the predictions we get from students’ profiles. But we haven’t automated this yet. So eventually it’s going to be a big piece of artificial intelligence that sits there, watches you learn, and helps you pick the right learning venue or task, so you’re more effective and have more pleasure 113. » Voir entretien avec Interviewé 5 : Annexe 1.6, p. 240. ANDERSON Nick, « MOOCS — Here come the credentials », Washington Post [disponible en ligne : http://www.washingtonpost.com/blogs/college-inc/post/moocs--here-come-thecredentials/2013/01/09/a1db85a2-5a67-11e2-88d0-c4cf65c3ad15_blog.html], publié le 9 janvier 2013, consulté le 28 juillet 2013. 112 FELL, Colleen, « New software EdX grades tests, essays automatically », The Daily Nebraskan [disponible en ligne : http://www.dailynebraskan.com/news/article_e4f5e06a-a24e-11e2-8d26-0019bb30f31a.html], publié le 11 avril 2013, consulté le 28 juillet 2013. 113 METZ, Rachel, « Sebastian Thrun on the Future of Learning », MIT Technology Review [disponible en ligne : http://www.technologyreview.com/news/517181/sebastian-thrun-on-the-future-of-learning/], publié le 19 juillet 2013, consulté le 28 juillet 2013. 110 111
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Petit à petit, les nouvelles technologies viendront donc jouer une part du rôle du professeur et feront parties intégrantes du processus d’apprentissage : l’IA deviendrait l’assistant personnel du professeur sur ses MOOCs. Du côté de l’étudiant, le fait de ne pas être surveillé et encadré par un enseignant suppose une grande autodiscipline et honnêteté vis-à-vis de la matière. Il faut en effet qu’il se force à suivre tous les cours, à passer les examens sans tricher et ce, en plus de toutes les autres activités qu’il peut avoir au quotidien. Dans la mesure où la personne vient chercher ces cours gratuitement et que rien ne lui est imposé, il est évident que le taux d’abandon est très important 114. Finalement, il serait possible de rapprocher les MOOCs de la thèse d’Ivan Illitch dans son ouvrage Une société sans école 115. Il y évoque l’importance de l’autodiscipline et de celle de la recherche et de l’appropriation volontaire de l’information : selon lui, la meilleure façon d’apprendre. Le nombre important de MOOCs et les leviers qu’ils mettent en place pour capter l’attention pourrait permettre de favoriser l’autodiscipline et, in fine, l’appropriation volontaire de la connaissance par les internautes. L’émergence des Massive Open Online Courses participe à la mise en lumière des différents outils et méthodes pédagogiques évoqués ci-dessus – qui existent, pour certain(e)s depuis plusieurs dizaines d’années – et tend, par la même, à valoriser une forme hybride d’enseignement : la pédagogie inversée ou blended learning 116. Celle-ci se caractérise par le fait que les cours magistraux ne sont plus donnés à l’université mais directement sur l’Internet. Les étudiants restent donc chez eux pour regarder le cours et bénéficient ainsi de la possibilité de le réécouter à volonté. En revanche, tous les exercices sont faits en classe avec un professeur. L’objectif est ici de maximiser les interactions entre le professeur et ses élèves autour de problèmes concrets liés au sujet sans perdre du temps avec des cours magistraux très hiérarchisés dans la transmission de la connaissance. Les MOOCs sont donc des outils privilégiés pour la pédagogie inversée et leur développement pourrait marquer une nouvelle étape dans l’évolution de cette méthode d’enseignement. A la San José State University, les MOOCs sont déjà intégrés à des
Moins de 10 % des inscrits vont jusqu’au bout du cours. ILLITCH, Ivan, Une société sans école, Paris, Seuil, 2003. 116 L’expression flipped-learning se retrouve aussi assez souvent. 114 115
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cursus et auraient permis de faire passer le taux de réussite à l’examen de 59 % à 91 % 117. Ils seraient ainsi de très bons outils complémentaires à un enseignement en présentiel : notamment pour combler les lacunes des étudiants avant l’arrivée à l’université. Aujourd’hui, il n’existe pas de preuves qui diraient que les MOOCs sont moins, autant ou plus pertinents qu’un enseignement classique en présentiel. Ils tentent simplement de mettre en lumière des méthodes peu connues et utilisant pleinement les nouvelles technologies dans le but de s’adapter au nombre important d’étudiants-internautes qui s’y inscrivent. Il reste que cet ensemble instable de techniques et de pratiques pédagogiques n’est pas encore totalement appréhendable et demeure, comme le format de cours en ligne qu’il sert, assez diffus. Le terme Massive Open Online Course, bien que rempli d’un flou notionnel, semble véhiculer à lui seul nombre d’idéologies.
B. Massive Open Online Courses : ouverts et massifs ? 1. Une idéologie de l’ouverture Pour étudier plus en détail le concept de Massive Open Online Course, il est nécessaire de revenir aux différents mots qui le composent et qui ont vraisemblablement contribué à son émergence dans l’espace public. Comme le précise Yves Jeanneret, « l'imaginaire contenu dans les mots et les images fait davantage qu'accompagner les objets, il les constitue 118 ». Les termes participent aux processus d’appropriation de l’objet dans les discours sur les médias informatisés. Dans la suite logique des termes qui composent notre objet, c’est Open qui vient caractériser Online Course 119 : les cours en ligne seraient donc ouverts. L’attachement de cette idée d’ouverture semble vraisemblablement jouer un rôle dans l’émergence de ce format de cours en ligne. La théorisation de cette idéologie prend ses racines dans les travaux de Norbert Wiener durant la Seconde Guerre Mondiale. Il postule notamment qu’une société se caractérise par la nature des modèles de communication qu’elle
117 LEWIN, Tamar, « Colleges Adapt Online Courses to Ease Burden », The New York Times [disponible en ligne : http://www.nytimes.com/2013/04/30/education/colleges-adapt-online-courses-to-ease-burden.html?_r=0], publié le 29 avril 2013, consulté le 28 juillet 2013. 118 JEANNERET, Yves, « Autre chose qu’un discours, davantage qu’un accompagnement, mieux qu’une résistance », in La communication entre libéralisme et démocratie, Terminal, n°75, été 2001, Paris, L’Harmattan, p.107-117 119 Le terme Massive est questionné dans la partie suivante.
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privilégie 120. Certains modèles « fermés » auraient pour conséquence d’augmenter l’entropie tandis que d’autres, « ouverts », permettraient au contraire de créer des « ilots d’organisation locale ». Selon la logique cybernéticienne, « la communication […] est le ciment de la société et ceux dont le travail consiste à maintenir libres les voies de communication sont ceux-là mêmes dont dépend surtout la perpétuation ou la chute de notre civilisation 121 ». L’idéologie de l’ouverture remporte depuis plusieurs années un certain succès grâce notamment aux imaginaires perpétués par les Cybernéticiens et encapsulés dans le réseau des réseaux. L’Internet se présente comme la Terre Promise de l’Open tandis qu’apparaissent et se développent les mouvements de l’Open-Source, l’Open-Knowledge ou encore l’Open-Data. Pour Evgeny Morozov, chercheur à l’université de Stanford, l’ouverture est aujourd’hui devenue un terme dangereusement vague : « “openness” has become a dangerously vague term, with lots of sex appeal but barely any analytical content. Certified as “open,” the most heinous and suspicious ideas suddenly become acceptable. Even the Church of Scientology boasts of its “commitment to open communication 122. »
L’ouverture serait aujourd’hui un culte, une religion avec ses propres dogmes. David Brin résume ainsi les idéologies contenues dans le concept d’ouverture : « En un mot, la formule clé de notre nouveau monde est : Ouvert, bon. Fermé, mauvais. Tatouez-la sur votre front. Appliquez-la à la technologie, à la vie des affaires, à la philosophie de la vie. C’est le concept gagnant pour les individus, les nations, pour la communauté globale des années à venir 123. »
Ce mouvement général de l’Open voit en les Massive Open Online Courses un nouvel arrivant. Si nous devions construire une généalogie, les MOOCs s’inscriraient ainsi dans la BRETON P. (2011), op. cit., p. 37. Ibid. p. 37. 122 MOROZOV, Evgeny, « Open and closed », The New York Times [disponible en ligne : http://www.nytimes.com/2013/03/17/opinion/sunday/morozov-open-and-closed.html?_r=0], publié le 16 mars 2013, consulté le 3 août 2013. 123 Traduction de GOETA, Samuel, Open data : qu’ouvre-t-on avec les données publiques ?, Mémoire de Master 2 en Sciences de l’Information et de la Communication, CELSA, 2011. Voir : BRIN, David, « The transparent society », Wired [disponible en ligne : http://www.wired.com/wired/archive/4.12/fftransparent_pr.html], publié le 4 décembre 1996, consulté le 3 août 2013. 120 121
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lignée des mouvements de l’Open Knowledge et de l’Open-Data. Cependant, le couple ouvert/fermé se révèle trop réducteur car un contenu ne peut pas être jugé uniquement bon ou mauvais au prisme d’une ou deux de ses caractéristiques qui seraient considérées dans l’imaginaire commun comme ouvertes ou fermées. L’ouverture est un critère trop généraliste qui peut qualifier des objets ou des situations différentes. Ainsi, quels sont les éléments qui amènent à considérer les MOOCs comme ouverts ? La gratuité semble être l’un des principaux critères de leur ouverture. En effet, l’inscription à la plateforme puis l’accès au contenu sont gratuits – si vous avez cependant réglé les frais de votre fournisseur d’accès à internet – mais le certificat validant la réussite aux examens reste payant. Par ailleurs, pouvons-nous dire qu’un cours en ligne est ouvert si celui-ci est proposé dans une langue que l’internaute ne connaît pas ou si les prérequis nécessaires sont trop élevés ? En fonction de l’individu, un cours en ligne pourra être défini comme ouvert ou fermé concernant l’accessibilité intellectuelle au contenu. Les MOOCs sont considérés comme ouverts car les contenus sont mis à disposition sur l’Internet. Mais quid des individus qui ne savent pas l’utiliser, ou qui n’ont pas ou ont une mauvaise connexion au réseau et qui ne peuvent donc pas regarder les vidéos ? Les fractures numériques géographiques et d’usage sont encore présentes. Si nous faisons la somme des deux précédents arguments, les MOOCs sont considérés comme ouverts car ils sont gratuits et présents sur l’Internet. Nous pourrions alors arguer qu’avant l’émergence des MOOCs, de nombreuses ressources éducatives étaient présentes en ligne : avec les RELs par exemple. Même si ces contenus sont disponibles, les internautes n’en avaient pas toujours connaissances, ils étaient donc fermés par leur non-visibilité. Peut-être l’étaient-ils aussi par leur manque de qualité technique ou par leur restriction à certains sujets précis. Les MOOCs peuvent aussi être considérés comme ouverts par le fait que de nombreuses plateformes soient disponibles en Open-source 124. Pour autant, le pourcentage de personnes capables de toucher au code de telles plateformes est très faible. L’ouverture est relative selon le public concerné. Enfin, si le contenu est libre d’accès pendant la période du cours, il reste soumis au droit Californien et demeure donc la propriété de l’université qui le propose : il n’est donc pas entièrement ouvert.
C’est notamment le cas pour les xMOOCs providers que sont Coursera et EdX et pour nombre de plateformes de cMOOCs qui fonctionnent sous des LMS souvent Open-Source. 124
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Dans l’enseignement supérieur, les tentatives de démocratisation de la connaissance ou des cours d’université ne sont pas nouvelles 125. A son époque, Camille Flammarion donnait à voir l’une des premières formes de médiation scientifique 126. A une science noble, l’astronomie, il liait une science populaire, l’écriture. Par des conférences, des cours du soir, des romans ou encore des articles de journaux, Camille Flammarion contribua à rendre une part des résultats de la science astronomique appropriable par tous. Si la littérature de sciences fictions s’est autant développée au cours du XXe siècle, le scientifique y a joué un rôle certain. Le développement de multiples formes de médiation qui a suivi représente bien une illustration d’ouverture de la connaissance. Concernant les cours d’université, nous pouvons citer l’initiative de Nikolai Frederik Severin Grundtvig et de ses universités populaires 127. Conceptualisée au XIXe siècle, ces organisations pullulent en France au début du XXe siècle : 124 dès 1901 128. Ces structures, souvent regroupées en associations, visent à transmettre des savoirs théoriques ou pratiques à toute personne qui le souhaite, sans conditions d’âge, de moyens financiers ou d’origine sociale. La France, avec ses universités publiques subventionnées par l’Etat, est aussi un autre exemple de démocratisation de la connaissance et du cours. Même dans les écoles les plus prestigieuses et réputées pratiquement inaccessibles, certains cours sont « ouverts » car théoriquement gratuits et accessibles à tous. Dans un entretien réalisé avec le directeuradjoint d’une grande école d’ingénieurs française, il déclarait : « Là aussi, c’est-à-dire que, effectivement, les cours [dans notre école] sont libres, hein. Tout le monde peut venir dans l’amphi écouter les cours des professeurs de [notre école]. Mais force est de constater qu’on a très très peu d’auditeurs libres. Voilà… 129 »
125 Même si nous pouvons retrouver dans de nombreuses publications des formes de cryptomnésie. Comme les Echos : les MOOCs « ouvrent des salles de classe prestigieuses à tout étudiant, sans autre prérequis qu’une connexion internet à haut débit ». Philippe Breton qualifie la cryptomnésie comme suit : « nous identifions comme nouveau quelque-chose que nous connaissons déjà mais que nous avons oublié comme tel ». in BRETON, Philippe, L’utopie de la communication : le mythe du village planétaire, Paris, la découverte, 2011, p. 103. 126 BENSAUDE-VINCENT, Bernadette, « Camille Flammarion : Prestige de la science populaire », Romantisme, n°65, 1989, pp. 93-104. 127 GROUIX Pierre, « Grundtvig, figure majeure de la pédagogie européenne », Soleo, magazine de l'Agence EuropeEducation-Formation France, n° 26, 2011, pp. 18-19. 128 STEINER, Anne, Le goût de l'émeute, Manifestation et violence de rue dans Paris et sa banlieue à la « belle époque », Montreuil, L'Échappée, 2012, p. 120. 129 Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, p. 172.
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La plupart des structures publiques de l’enseignement supérieur français autorisent ainsi les auditeurs libres. Nous pouvons enfin évoquer l’une des premières formes d’inclusion de l’idéologie de l’ouverture dans une institution de l’enseignement supérieur : l’Open University. Cette structure créée en 1969 au Royaume-Uni propose de l’enseignement à distance à tous les niveaux de l’enseignement supérieur. En 2011, elle compte plus de 240 000 étudiants provenant de tous les continents 130. Ici, le terme Open traduit l’ouverture sur le monde de l’enseignement supérieur par les mécaniques de l’apprentissage à distance mais les cours ne sont pourtant pas gratuits : encore une fois, selon l’angle sous lequel nous observons l’objet, nous pouvons le percevoir comme ouvert ou fermé. L’ouverture est avant tout un discours à fortes prétentions. Elle veut véhiculer du sens autour de l’objet en lui attribuant une aura positive héritée de l’époque cybernéticienne : ce qui est ouvert, ce qui circule, ce qui vit, ne peut être que positif. Les formats contemporains de cours en ligne que sont les MOOCs seront donc qualifiés d’ouverts. Mais qu’en est-il du côté massif ? S’agit-il là aussi d’un discours ou d’une réalité ?
2. Un cours peut-il être massif ? Dans les discours sur les médias informatisés, il n’est pas rare de qualifier des outils ou des concepts de massifs. Les imaginaires d’universalité et de globalité encapsulés dans le réseau font flores et mettent de côté de nombreuses disparités sociales et géographiques 131. Chez notre objet d’étude, le Massive vient en supplément du Open et du Online Course : ce sont donc bien les « cours en ligne ouverts » qui sont massifs. Il s’agit cependant de s’interroger sur la signification de ce mot au cœur de l’expression. Pourquoi ces « cours en ligne ouverts » sont-ils considérés comme massifs ? Le fait que ces cours soient sur l’Internet et admis comme ouverts car gratuits, contribuerait à les faire accepter comme tel. Ils seraient ainsi capables de toucher des masses avec tout ce que ce terme peut avoir d’ambiguë. Qu’est-ce qu’une masse et à partir de quand avons-nous affaire à elle ? Les écrits de Serge Tchakhotine s’inscrivent dans ce contexte bien particulier qu’est la Seconde Guerre Mondiale mais il donne une définition de la « masse » très instructive : OPEN UNIVERSITY, « Facts and Figures », Open University [disponible en ligne : http://www.open.ac.uk/about/main/the-ou-explained/facts-and-figures], consulté le 3 août 2013. 131 Thèses développées dans l’ouvrage de FLICHY, Patrice, L’imaginaire d’Internet, Paris, La découverte, 2001. 130
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« La ‘‘masse’’ est généralement dispersée topographiquement, les individus qui la forment n’ont pas de contact immédiat, corporel, et ce fait, du point de vue psychologique, la distingue sensiblement de la foule. Mais il y a un lien, malgré tout, entre les éléments d’une ‘‘masse’’ : une certaine homogénéité quant à leur structure psychique, déterminée par une égalité d’intérêt, de milieu, d’éducation, de nationalité, de travail, etc. 132 »
A partir de cette définition, les MOOCs peuvent être considérés comme massifs car ils réunissent bien des individus autour d’un intérêt commun – le cours en ligne et les connaissances qu’il transmet – sans une coprésence physique. Mais dans l’imaginaire commun, une masse se caractérise aussi par un aspect quantitatif. Les MOOCs deviennent alors massifs car ils permettent à des dizaines, voire des centaines de milliers, d’internautes de suivre le même cours en ligne. Cet aspect massif par le nombre d’inscrits a été alimenté par des exemples très médiatisés comme le cours de Sebastian Thrun et Peter Norvig ou encore celui d’Anant Agarwal qui ont accueilli chacun près de 160 000 internautes-étudiants. Parallèlement à l’idéologie de l’ouverture décrite dans la partie précédente, il y aurait donc une idéologie de la massivité qui se développerait concernant les MOOCs. Les discours d’accompagnement des médias ou des dirigeants de fournisseurs de MOOCs contribueraient à véhiculer des imaginaires d’universalité. Tout cours qualifié de Massive Open Online Course sous-entendrait que sa portée est mondiale et qu’il peut donc toucher des milliers de personne. Les Massive Open Online Courses se poseraient alors en rupture avec une époque où les cours d’université n’étaient pas accessibles à des masses importantes : pour des causes sociales, géographiques ou financières. L’imaginaire Massive devient un argument à forte prétention communicationnelle validant ce qui serait la mission des acteurs des MOOCs : amener un enseignement de haut niveau à tous les humains, peu importe leurs lieux et leurs conditions de vie. C’est notamment ce que défend le président d’EdX, Anant Agarwal : « Our goal is to educate a billion people around the world 133 ». Andrew Ng, fondateur de Coursera, suit le même raisonnement : « Une des idées qui me soit venue de France est cette étincelle née de la Révolution comme quoi l’enseignement doit être accessible à tous, et cette inspiration est le socle de
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TCHAKHOTINE, Serge, Le viol des foules par la propagande politique, Paris, Gallimard, 2009, pp. 149-150. EDX, Vidéo de présentation, [disponible en ligne : http://youtu.be/--Fap0OBYjI], consulté le 18 mai 2013.
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départ de ce que Coursera est devenu, en apportant la possibilité pour chacun d’accéder librement et gratuitement à un enseignement de qualité partout dans le monde 134. »
Comme nous l’avons déjà précisé, cette « ouverture » de l’enseignement à tous est toute relative si les disparités d’usage et d’accès à l’Internet sont prises en compte. Bien sûr, il faut prendre en compte les fractures numériques mais aussi le fait que pour le moment, la majorité des cours sont en anglais 135. En 2013, les fournisseurs de MOOCs peinent encore à trouver des candidats dans d’autres langues comme le précisait indirectement l’un de nos interviewés : « On s’est tout de suite dit en Français ! Même la fille de Coursera elle nous dit que moi ce qui m’intéresse, c’est des cours en Français. Donc j’ai dis ça tombe bien parce que moi aussi ! Ben oui parce que des cours en anglais ils en ont plein, ils en ont autant qu’ils veulent. Et puis certains beaucoup mieux faits que les nôtres 136 ! »
Même si la majorité des cours en anglais sont sous-titrés en Français ou dans d’autres langues, ils restent moins facilement appropriables par l’internaute que s’ils lui étaient dictés dans sa langue maternelle. Si la volonté est d’ouvrir l’enseignement à toute la planète, cela peut poser un problème dans les régions où l’anglais n’est pas ou peu utilisé. Il ne s’agit pas non plus de tomber dans le scepticisme le plus total. Dans une certaine mesure, les MOOCs trouvent leurs usagers dans plusieurs régions du Monde 137. L’ambition Massive 138 des Massive Open Online Courses se révèlerait donc plus être un discours soutenu par une nécessité économique : ils permettraient d’enseigner à plus de monde et serait donc plus rentables. S’ils représentent un coût fixe élevé, les coûts variables très faibles en feraient des outils économiquement viables. Les universités
134 Interview de Andrew Ng in LESOURD, Hélève & DAVIDENKOFF, Emmanuel, « Vidéo. Silicon Valley : la révolution MOOC », Letudiant.fr [disponible en ligne : http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/video-siliconvalley-la-revolution-mooc.html], publié le 3 avril 2013, consulté le 4 août 2013. 135 Le 4 août 2013, 93 % des 415 cours présents sur Coursera l’était en langue anglaise. Sur EdX, deuxième plateforme la plus importante, il n’y a que des cours en anglais. 136 Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, pp. 178-179. 137 Beaucoup proviennent notamment d’Inde, du Brésil, du Royaume-Uni ou de l’Espagne. in WALDROP, Mitchell, « Massive Open Online Courses, aka MOOCs, Transform Higher Education and Science », The Scientific American [disponible en ligne : http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=massive-open-online-courses-transformhigher-education-and-science], publié le 13 mars 2013, consulté le 4 août 2013. 138 Dans sa dimension décrite auparavant : Massive entendu comme touchant un grand nombre sur tout la planète.
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essaient même de minimiser les coûts au maximum comme nous l’explique le directeur adjoint d’une prestigieuse école d’ingénieurs française : « Disons qu’il y a une personne qui est chargée de coordonner les différents services de l’école qui vont s’occuper du e-learning. Puisque… il y a les services qui s’occupent par exemple de la captation vidéo. Il y a des services qui vont s’occuper de la… de la mise en forme des films. Il y a le service informatique, etc, etc. Donc en fait, il y a un certain nombre de services de l’école auxquels il faut faire appel et c’est pas très facile. […] On avait un studio et puis on l’a nettoyé. En fait, on avait un studio télé. Donc en fait on l’a un petit peu nettoyé parce qu’il était plus vraiment utilisé mais du coup euh… […] C’est quelque chose que l’on fait en fond propre. On fait ça en utilisant les compétences qui sont là 139. »
Le coût de création d’un MOOC oscillerait entre $15,000 et $30,000 pour l’université 140 mais offriraient par la suite un gain de temps considérable comme le précise Daphne Koller : « Passer ma vie à aller dans la même salle de classe, faire la même leçon, raconter les mêmes blagues, au même moment..., ce n'est pas une bonne utilisation de mon temps ni de celui des élèves 141. »
La sensation de l’un des enseignants-chercheurs interviewés est exactement la même : « C’est évident que quand il y a 500 personnes dans l’amphi, inutile de dire qu’au-delà du dixième rang, il y a un brouhaha. Et on peut pas travailler. Donc il y a ce côté mythique qu’on est tous ensemble devant… Et la personne qui est sur l’estrade, c’est épuisant quoi. […] Dès qu’on est pas en forme ou qu’on a un fléchissement, c’est terrible quoi. Il y a une inertie énorme quoi. 500… dès qu’il y a un creux ou un bug, c’est terrible quoi. Donc il y a l’idée que chaque année, recommencer ça, c’est un stress énorme quand même. On peut se demander si c’est efficace. Donc on peut se demander si c’est plutôt les cours en présentiel comme ça qui sont une absurdité en fait. […] Une fois qu’on s’est vraiment dépassé, qu’on a fait un bon cours, pourquoi le ressasser quoi ? Et ça, ça fait bondir la plupart des enseignants parce qu’on a l’impression que c’est dans leurs prérogatives d’avoir un cours et de la répéter toute l’année, de l’améliorer et nianiania. Moi je trouve que c’est un peu aliénant de se dire, ah je vais encore rempiler cette année. Je vais encore faire cours devant 500 et la troisième séance, si j’ai un coup de pompe alors que l’année d’avant j’ai super bien réussi mon cours. C’est un peu bête quand même 142. » Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, p. 170. FAIN, Paul, « Paying for proof », Inside Higher Ed [disponible en ligne : http://www.insidehighered.com/news/2013/01/09/courseras-fee-based-course-option], publié le 9 janvier 2013, consulté le 27 juillet 2013. 141 VASSEUR, Flore, « La salle de classe planétaire », Le Monde Education [disponible en ligne : http://www.lemonde.fr/education/article/2012/08/09/la-salle-de-classe-planetaire_1742909_1473685.html], publié le 9 août 2012, consulté le 27 juillet 2013. 142 Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, p. 190. 139 140
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Le temps gagné serait ainsi réinvesti dans des activités produisant plus de valeur comme leurs recherches scientifiques. Cela pourrait aussi signifier une réduction du personnel enseignant. Que cela soit voulu ou non, l’ambition Massive des MOOCs soulève donc des questionnements d’ordre économique. Elle pose aussi des difficultés liées au grand nombre d’inscrits. Nous avons déjà évoqué les problèmes de correction des exercices composés mais un autre souci connexe reste la tricherie. Comment être sûr de l’identité de la personne qui passe l’examen ? Il faudrait pour cela être capable de relier efficacement identité réelle et identité numérique. Pour le moment, outre les centres d’examen, il n’existe pas de solution sûre. Comme le rappelle Olivier Ertzscheid, nous pourrons peut-être voir des réponses venir des protocoles Open ID ou d’acteurs comme Google et Facebook 143. La question du taux d’abandon est, elle aussi, prépondérante. Malgré les milliers d’individus qui s’inscrivent aux MOOCs, ils sont rarement plus de 15 % à en obtenir le certificat 144 : la grande majorité abandonne. A partir du moment où il n’y a plus de structures qui imposent un cadre ou de pression liée à un engagement financier, il est nécessaire pour l’individu de faire preuve d’une grande autodiscipline. Indéniablement, et peu importe la qualité du cours, le nombre d’abandons est important. Ces chiffres sont cependant à mettre au regard de leur méthode de calcul. Mathieu Cisel et Rémi Bachelet précisent ainsi qu’ils sont déterminés sur la base du nombre de simples inscrits et non sur le nombre « d’inscrits engagés » : c’est-à-dire ayant fait au moins le premier examen 145. Pour le moment, le côté massif des Massive Open Online Courses reste donc plus un discours car les difficultés liées au grand nombre d’inscrits ne sont pas encore pleinement résolues par la technologie. Les MOOCs servent aujourd’hui de laboratoire et contribuent à construire l’enseignement à distance de demain. Ces termes Massive et Open participent à la valorisation de notre objet d’étude et facilitent ainsi sa circulation dans différents univers sociaux.
ERTZSCHEID, Olivier, « De qui se MOOCs t-on ? », Affordance.info [disponible en ligne : http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2013/05/de-qui-se-moocs-ton.html], publié le 16 mai 2013, consulté le 4 août 2013. 144 WALDROP, Mitchell, « Massive Open Online Courses, aka MOOCs, Transform Higher Education and Science », The Scientific American [disponible en ligne : http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=massiveopen-online-courses-transform-higher-education-and-science], publié le 13 mars 2013, consulté le 4 août 2013. 145 Le taux d’abandon serait alors moins important. in BACHELET, Rémi & CISEL, Mathieu, « MOOC: ce que les taux d’abandon signifient », La Révolution MOOC [disponible en ligne : http://blog.educpros.fr/matthieucisel/2013/06/01/mooc-ce-que-les-taux-dabandon-signifient/], publié le 1 juin 2013, consulté le 4 août 2013. 143
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3. Etiqueter pour mieux circuler L’origine du terme Massive Open Online Course est à rechercher dans les propos de Bryan Alexander et Dave Cormier en référence au cours « Connectivism and Connective Knowledge » (CCK08) de Stephen Downes et George Siemens 146. Il est cependant possible de déterminer une autre racine à l’émergence du terme en lui-même : celle du jeu et notamment des Massively Multiplayer Online Games (MMOGs) dont l’un des exemples les plus connus reste World of Warcraft. Dans ces derniers, un grand nombre d’individus dispersés sur toute la planète se réunissent autour d’un intérêt commun, le jeu, participent à des projets collectifs, des missions, ou encore se réunissent en groupes appelés guildes, et discutent entre eux pour résoudre des problèmes. Parmi la communauté de joueurs, chacun attend le jeu suivant ou la prochaine extension. Dans les MMOGs, le joueur rencontre, coopère et apprend. L’analogie avec les MOOCs est flagrante concernant le cours, la logique de collaboration autour des exercices, les discussions de groupes ou encore, l’attente du cours suivant. Celle-ci a notamment été soulignée par des chercheurs comme Margarida Romero 147 ou encore Doug Holton 148. Selon Aaron Delwiche de la Trinity University de San Antonio, les MMOGs ont commencé à rentrer dans le milieu de l’éducation par, dans un premier temps, des jeux existants comme Everquest et Second Life mais aussi, dans un second temps, par l’émergence de nouveaux jeux construits pour l’apprentissage, les Massive Multiplayer Online Serious Games (MMOSGs) 149. La popularité des MMOGs, les mécaniques de jeu engageantes et les relations entre individus qu’ils proposent formeraient ainsi un nouveau terreau pour l’apprentissage en ligne. Anant Agarwal déclare lui-même vouloir « gamifier l’apprentissage 150 » sur sa plateforme EdX.org et c’est ce qu’il tente de faire en généralisant les quizz ou la correction instantanée des devoirs écrits. MOOC et MMOG Ceci a déjà été rapidement évoqué dans l’introduction de ce mémoire. DOWNES Stephen, « The Rise of MOOCs », Stephen Downes’ blog [disponible en ligne : http://www.downes.ca/cgi-bin/page.cgi?post=57911], publié le 23 avril 2012, consulté le 8 mai 2013. 147 ROMERO, Margarida, « Game Based Learning MOOC. Promoting Entrepreneurship Education », E-learning Papers [ En ligne], n°33, 2013, p. 2. [Disponible en ligne : http://elearningeuropa.info/sites/default/files/asset/From-field_33_5.pdf], consulté le 10 août 2013. 148 HOLTON, Doug, « What’s the “problem” with MOOCs? », Ed Tech Dev [disponible en ligne : http://edtechdev.wordpress.com/2012/05/04/whats-the-problem-with-moocs/], publié le 4 mai 2012, consulté le 10 août 2013. 149 DELWICHE, Aaron, « Massively multiplayer online games (MMOs) in the new media classroom ». Educational Technology & Society, 2006, pp. 160-172. 150 Traduction de l’anglais par Clément Lhommeau in HILL, David, « Gamification goes to college », Network Computing [disponible en ligne : http://www.networkcomputing.com/content-management/gamification-goes-tocollege/240148110], publié le 7 février 2013, consulté le 10 août 2013. 146
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auraient donc des racines communes et seraient amener à entretenir des relations de plus en plus étroites dans le futur. Ce cadrage des Massive Open Online Courses par l’angle du jeu est intéressant car il donne des pistes sérieuses sur la façon dont le terme lui-même a été forgé. Cela en fait aussi un angle pertinent pour observer le succès de notre objet : aussi bien du terme en lui-même que de ce qu’il représente. Comme nous avons pu le montrer précédemment, le format de cours en ligne entendu comme un MOOC reste encore assez flou. Pourtant, son succès médiatique et sa circulation dans différents univers sociaux ont explosé depuis avril 2012 151, comme peut en témoigner ce titre d’un article du New York Times qui proclame cette même année « The year of the MOOC 152 ». Ici, les travaux de l’Ecole de Chicago et notamment d’Howard Becker peuvent apporter un nouvel éclairage. Dans son ouvrage Outsiders : études de sociologie de la déviance 153, Becker met en évidence ce travail symbolique d’étiquetage de comportements par des groupes sociaux que ces comportements dérangent. Il regarde comment des entrepreneurs de moral vont définir des normes, subjectives et changeantes dans l’espace social, et stigmatiser les individus qui s’en éloignent. Si Becker travaillait sur l’étiquetage de comportements, un parallèle peut être fait avec l’identification puis le nommage de concepts ou de phénomènes. En étiquetant un format plus ou moins précis de cours en ligne comme Massive Open Online Course, des acteurs ont donné prise sur le concept et ont favorisé son émergence. Ils ont facilité sa circulation au sein de multiples univers sociaux – médiatique, politique, éducatif – et son appropriation par les acteurs qui les constituent. En août 2013, il rentre même dans le dictionnaire en ligne d’Oxford 154. Bien sûr, le terme MOOC est un acronyme percutant et qui se retient plutôt facilement. Mais comme nous avons pu le montrer précédemment, son succès serait aussi dû au fait que sa construction renvoie à un terme déjà existant et connu depuis la fin des années 1980, le MMOG.
Voir analyses quantitatives en annexe : Annexe 4, p. 302. PAPPANO, Laura, « The Year of the MOOC », The New York Times [disponible en ligne : http://www.nytimes.com/2012/11/04/education/edlife/massive-open-online-courses-are-multiplying-at-a-rapidpace.html?pagewanted=all&_r=0], publié le 2 novembre 2012, consulté le 10 août 2013. 153 Thèse développée dans l’ouvrage de BECKER H. (2012), op. cit. 154 PARR, Chris, « 'Mooc' makes Oxford online dictionary », Times Higher Education [disponible en ligne : http://www.timeshighereducation.co.uk/news/mooc-makes-oxford-online-dictionary/2006838.article], publié le 28 août 2013, consulté le 30 août 2013. 151 152
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Ces propos nous amènent à introduire une théorie développée par Yves Jeanneret : la Trivialité 155. Selon Jeanneret, « tout ce qui a un statut culturel dans la société connaît une destinée triviale, car c’est par les appropriations dont il est l’objet qu’il se charge de valeur 156 ». Pour lui, parler de trivialité, c’est prendre « la culture par un certain côté : par le fait que les objets et les représentations ne restent pas fermés sur eux-mêmes mais circulent et passent entre les mains et les esprits des hommes 157 ». Pour discuter de l’idée de la trivialité, il utilise une expression laissant volontairement place à l’indéfini : les « êtres culturels ». Ce sont pour lui des « mixtes d’objets, de représentations et de pratiques (qui) fournissent aux formes culturelles d’une société leurs repères d’interprétation et de valeur ; ils servent d’opérateurs pour les représentations du monde, mais aussi pour les postures culturelles et les catégories de jugement qu’une culture peut reconnaître 158 ». Dans notre cas, nous pouvons dire que l’enseignement en ligne est un être culturel du champ éducatif. Le Massive Open Online Course n’est que l’un des objets qui le compose. Depuis l’étiquetage du format en 2008, il circule cependant dans différents univers sociaux et subit de constantes réappropriations. Ces dernières contribuent à charger cet objet de valeurs et font de lui un objet trivial. Dans la suite de ce mémoire, il s’agira justement d’identifier les sources de cette valorisation symbolique et de tenter de dresser un panorama des idéologies attachées et véhiculées par les MOOCs.
C. Le MOOC, un objet éminemment symbolique 1. Les médias, premiers acteurs de la valorisation symbolique En circulant dans différents univers sociaux, l’objet Massive Open Online Courses subit de multiples réappropriations qui tendent à lui attribuer un certain nombre d’imaginaires liés à l’enseignement supérieur et à son avenir. L’une des sphères qui participe le plus à la circulation de l’objet et à sa valorisation reste la sphère médiatique. Par les sujets abordés, l’angle choisi et les formulations ou les mots utilisés, les médias vont contribuer à véhiculer certains imaginaires des MOOCs et de leur impact sur la société.
JEANNERET Y. (2008), op. cit. Ibid., p. 15. 157 Ibid., p. 15. 158 Ibid., p. 15. 155 156
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A partir des travaux de Shanto Iyengar, Rémy Rieffel rappelle quelques spécificités propres aux médias dans son ouvrage Que sont les médias ? 159 : certaines d’entre elles nous intéressent ici. Les médias ont ainsi un pouvoir de sélection et peuvent déterminer quelles thématiques doivent prédominer dans certains domaines. Ils ont aussi la possibilité de cadrer les sujets selon certains angles et d’amorcer la construction d’un point de vue sur ceux-ci. Bien sûr, il ne s’agirait pas d’avancer que les productions médiatiques vont avoir un impact direct sur la perception d’un objet par l’opinion publique : le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur construit sa réception et s’approprie les produits médiatiques. En tant que carrefour d’audiences, les médias jouent cependant un rôle prépondérant dans la perception de notre objet d’étude. La façon dont ils cadrent et amorcent leurs articles n’est pas neutre et illustre certains imaginaires propres aux Massive Open Online Courses. Grâce aux travaux réalisés dans le cadre de ce mémoire, nous avons pu observer le traitement réservé par la presse française aux MOOCs 160. Il ressort que beaucoup d’articles francophones ne sont en fait que des reprises d’articles anglophones publiés généralement aux Etats-Unis. Nous observons peu de publications originales françaises hormis lors de la sortie d’un MOOC francophone ou pour un édito critique. D’ailleurs, il est intéressant d’observer que le sujet a commencé à émerger, en premier lieu, dans les médias anglophones en avril 2012 puis dans les médias francophones en août 2012. Le développement de la thématique aux Etats-Unis correspond avec la période de lancement de Coursera et de l’annonce d’EdX 161. C’est bien à partir de ce moment-là que les MOOCs ont commencé à circuler dans la sphère médiatique et à être discutés par différents acteurs. Par exemple, nous comptons environ 600 articles anglophones liés à cette thématique entre février et mai 2013, soit 5 articles par jour 162 ; une moyenne qui semble sensiblement la même sur une période plus large allant de mai 2012 à août 2013. Du côté français, la production médiatique sur la thématique des MOOCs reste assez soutenue. Entre février et mai 2013, 62 articles ont été publiés. Dans un domaine aussi niche que l’enseignement supérieur et pour un objet aussi précis que les MOOCs, nous pouvons admettre que les médias français ont largement investi le sujet. Depuis mai 2012, les productions médiatiques autour de notre objet ont été relancées principalement en RIEFFEL, Rémy, Que sont les médias ?, Paris, Gallimard, coll. Folio Actuel, 2005, pp. 204-209. Voir analyses quantitatives en annexe : Annexe 4.1, p. 302. 161 Coursera a été lancé en avril 2012. De son côté, EdX est lancé début mai 2012. 162 Voir analyses quantitatives en annexe : Annexe 4.1, p. 302. 159 160
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fonction de l’arrivée de nouveaux partenariats universitaires chez Coursera ou EdX et de moments forts comme la sortie de logiciels de correction automatique de dissertations 163, de la réflexion autour de l’obtention de crédits par l’American Council on Education (ACE) 164, de l’ouverture des plateformes aux développeurs 165, ou encore, de l’échec ou du désaccord d’une université qui retire l’un de ses cours d’une plateforme 166. En France, ce sont peu ou prou les mêmes événements qui ont motivé la production journalistique. Dans le cadre de notre étude, il est intéressant de regarder de plus près la manière dont a été abordé ce thème des Massive Open Online Courses par la presse française. De nombreux articles se révèlent assez descriptifs et se contentent d’expliquer en quoi consiste un MOOC ou d’annoncer qu’une nouvelle université a rejoint une plateforme. La Croix titre par exemple « Les cours en ligne ouverts à tous débarquent en France 167 ». Nous retrouvons aussi des articles du type « Des cours gratuits et à distance : un MOOC c’est quoi au juste ? 168 » sur Le Monde. S’ils mettent bien sûr cet objet en perspective, ils n’apportent pas un point de vue critique. Mais déjà, par la façon dont ils amènent le sujet – cours en ligne, ouverts, gratuits, à distance – ils véhiculent un certain nombre d’idéologies vis-à-vis des MOOCs. Dès que l’angle journalistique est un peu plus affirmé, nous retrouvons alors des titres d’articles de
ce
type 169 :
« Demain,
tous
Polytechniciens 170 », « On peut tous faire Harvard 171 », « Le logiciel qui corrige les copies à
MARKOFF, John, « Essay-Grading Software Offers Professors a Break », The New York Times [disponible en ligne : http://www.nytimes.com/2013/04/05/science/new-test-for-computers-grading-essays-at-collegelevel.html?_r=0], publié le 4 avril 2013, consulté le 11 août 2013. 164 En février 2012, l’American Council on Education a réfléchi à la possibilité d’offrir de véritables crédits universitaires pour les personnes ayant suivies un MOOC. Informations supplémentaires : KOLOWICH, Steve, « American Council on Education Recommends 5 MOOCs for Credit », The Chronicle of Higher Education [disponible en ligne : https://chronicle.com/article/American-Council-on-Education/137155/], publié le 7 février 2013, consulté le 11 août 2013. 165 CARR, David, « edX MOOC Software Goes Open Source », Information Week [disponible en ligne : https://www.informationweek.com/education/online-learning/edx-mooc-software-goes-open-source/240150815], publié le 14 mars 2013, consulté le 11 août 2013. 166 KOLOWICH, Steve, « San Jose State U. Puts MOOC Project With Udacity on Hold », The Chronicle of Higher Education [disponible en ligne : https://chronicle.com/article/San-Jose-State-U-Puts-MOOC/140459/], publié le 19 juillet 2013, consulté le 11 août 2013. 167 NOYON, Rémi, « Les cours en ligne ouverts à tous débarquent en France », La Croix [disponible en ligne : http://www.la-croix.com/Actualite/France/Les-cours-en-ligne-ouverts-a-tous-debarquent-en-France-2013-06-02967772], publié le 2 juin 2013, consulté le 11 août 2013. 168 ROLLOT, Olivier, « Des cours gratuits et à distance : un MOOC c’est quoi au juste ? », Le Monde.fr [disponible en ligne : http://orientation.blog.lemonde.fr/2013/03/24/un-mooc-cest-quoi-au-juste/], publié le 24 mars 2013, consulté le 11 août 2013. 169 Voir analyses quantitatives en annexe : Annexe 4.1, pp. 302-303. 170 POUILLY, Tommy, « Demain, tous Polytechniciens », Regards sur le numérique [disponible en ligne : http://www.rslnmag.fr/post/2013/06/17/Demain-tous-polytechniciens.aspx], publié le 17 juin 2013, consulté le 11 août 2013. 163
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la place des profs 172 », « Les MOOCs à l'assaut du mammouth 173 », « Réinventons ensemble l’amphi 174 », « Les cours en ligne améliorent la réussite aux examens 175 » ou encore « La révolution Mooc : de l'école qui enseigne à l'école où on apprend 176 ». Ces derniers ne sont pas neutres dans leur formulation. Lorsqu’il s’agit d’aller analyser le développement des articles, nous voyons alors se cristalliser des inquiétudes, des questionnements et des espoirs concernant les MOOCs. Les médias ne représentent qu’une des sphères dans lesquelles l’objet Massive Open Online Course circule. Par la place qu’ils occupent dans la société, ils demeurent néanmoins l’un des responsables principaux de l’épaississement symbolique de notre objet. Qualifié de Quatrième Pouvoir 177, ils sont des vecteurs de transmission entre d’un côté, les acteurs des milieux politique et éducatif, et de l’autre, l’opinion publique 178. La façon dont ils cadrent et amorcent leurs articles viennent charger de sens la notion floue de Massive Open Online Courses et ont donc une importance primordiale dans la compréhension des idéologies et des utopies présentes au cœur de cet objet d’étude.
2. Circulations & interrogations du phénomène dans les milieux éducatif et politique Au-delà des acteurs de la sphère médiatique, les Massive Open Online Courses circulent et se trouvent questionnés dans les sphères éducatives et politiques. Dans une étude menée BRIGAUDEAU, Christel, « On peut tous faire Harvard », Le Parisien [disponible en ligne : http://www.leparisien.fr/reactions/espace-premium/air-du-temps/on-peut-tous-faire-harvard-25-08-20133077881.php], publié le 25 août 2013, consulté le 26 août 2013. 172 TAPIA, Morgane, « Le logiciel qui corrige les copies à la place des profs », Le Point [disponible en ligne : http://www.lepoint.fr/insolite/le-logiciel-qui-corrige-les-copies-a-la-place-des-profs-26-04-2013-1660533_48.php], publié le 26 avril 2013, consulté le 11 août 2013. 173 KAUFFMANN, Sylvie, « Les MOOCs à l'assaut du mammouth », Le Monde [disponible en ligne : http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/03/25/les-moocs-a-l-assaut-du-mammouth_1853831_3232.html], publié le 25 mars 2013, consulté le 21 juillet 2013. 174 SENNEQUIER, Nicolas, « Réinventons ensemble l’amphi », Les Echos [disponible en ligne : http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/societe/education/221171680/reinventons-ensemble-amphi], publié le 1 mai 2013, consulté le 11 août 2013. 175 BLANC, Quentin, « Les cours en ligne améliorent la réussite aux examens », Le Figaro [disponible en ligne : http://etudiant.lefigaro.fr/le-labeducation/actualite/detail/article/les-cours-en-ligne-ameliorent-la-reussite-auxexamens-1764/], publié le 25 avril 2013, consulté le 11 août 2013. 176 DAVIDENKOFF, Emmanuel, « La révolution Mooc : de l'école qui enseigne à l'école où on apprend », Huffington Post [disponible en ligne : http://www.huffingtonpost.fr/emmanuel-davidenkoff/mooc-universitefrancaise_b_2907065.html], publié le 20 mars 2013, consulté le 11 août 2013. 177 Concept créé par Edmund Burke et explicité dans l’ouvrage de BALLE, Francis, Les Médias, Paris, Presses Universitaires de France, 2011. 178 Si ce sont bien des vecteurs d’imaginaires comme Patrice Flichy a pu en faire la démonstration, ils ne sont pas pour autant neutres. FLICHY, Patrice, « La place de l’imaginaire dans l’action technique », Réseaux, n°109, 2001, pp. 53-73. 171
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par le Pew Internet sur la perception des MOOCs par les universitaires américains 179, il ressort que 40 % des interrogés pensent que les cours en ligne ne changeront rien dans l’enseignement supérieur à l’horizon 2020 180. En revanche, 60 % estiment que les MOOCs amèneront une individualisation très forte des approches pédagogiques. En France, les premières discussions sur ce thème apparaissent dès 2011 sur quelques sites Web spécialisés 181 mais ne se multiplient qu’à partir d’août 2012. Sur l’Internet, plusieurs chercheurs et acteurs du monde de l’éducation ont alors pris la parole dans deux types d’espace : les médias et les sites Web spécialisés d’un côté et les blogs personnels de l’autre. Dans cette dernière, nous retrouvons d’abord des acteurs comme Christine Vaufrey 182 ou Jean Marie Gilliot 183. Plus tard, ils sont rejoints par un doctorant de l’Ecole Normale Supérieure de Cachan travaillant sur les MOOCs, Matthieu Cisel, qui ouvre son blog : La révolution MOOC 184. Ces trois blogs personnels sont parmi les plus productifs sur le thème des Massive Open Online Courses. Ponctuellement, d’autres chercheurs prennent la parole sur le sujet à l’instar d’Olivier Ertzscheid qui publie « De qui se MOOCs t’on ? 185 » sur son blog de recherche Affordance.info. Il arrive que ces articles ponctuels d’universitaires dont ce n’est pas la spécialité soient repris par des sites spécialisés à plus forte audience comme c’est le cas de ce dernier qui sera repris par EducaVox 186. D’autres chercheurs ont pris le parti de directement publier leurs articles sur des sites de médias ou des sites Web spécialisés à fort trafic. Dominique Boullier publie ainsi son article
179 ANDERSON, Janna et al., « Main Findings: Higher education’s destination by 2020 », Pew Internet [disponible en ligne : http://pewinternet.org/Reports/2012/Future-of-Higher-Education/Main-Findings/Respondentsthoughts.aspx], publié le 27 juillet 2012, consulté le 12 août 2013. 180 Il continuerait d’y avoir des universités, des cours en présentiel, et des validations de connaissances classiques. 181 Christine Vaufrey écrit notamment un article sur les MOOCs en février 2011 sur le site dont elle est rédactrice en chef, Thot Cursus. VAUFREY, Christine, « Des cours massivement multi-apprenants », Thot Cursus [disponible en ligne : http://cursus.edu/article/5540/des-cours-massivement-multi-apprenants/], publié le 22 février 2011, consulté le 12 août 2013. 182 Voir le blog de Christine Vaufrey, rédactrice en chef d’un site Web spécialisé dans l’éducation, [disponible en ligne : http://blog.educpros.fr/christine-vaufrey/], consulté le 12 août 2013. 183 Voir TIPES, le blog de Jean-Marie Gilliot, Maître de conférences à Télécom Bretagne, [disponible en ligne : http://tipes.wordpress.com/], consulté le 12 août 2013. 184 Voir La Révolution MOOC, le blog de Matthieu Cisel, doctorant à l’ENS Cachan, [disponible en ligne : http://blog.educpros.fr/matthieu-cisel/], consulté le 12 août 2013. 185 Olivier Ertzscheid est maître de conférences à l’Université de Nantes. ERTZSCHEID Olivier, « De qui se MOOCS t'on ? », Affordance [disponible en ligne : http://affordance.typepad.com//mon_weblog/2013/05/de-quise-moocs-ton.html], publié le 16 mai 2013, consulté le 18 mai 2013. 186 ERTZSCHEID Olivier, « De qui se MOOCS t'on ? », EducaVox [disponible en ligne : http://www.educavox.fr/actualite/revue-du-web/article/de-qui-se-moocs-t-on], publié le 18 mai 2013, consulté le 12 août 2013.
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« MOOC : la standardisation ou l’innovation187 » sur InternetActu.net puis « Le cycle économique infernal de la financiarisation de l’enseignement supérieur. "MOOC fiction"188 » sur Médiapart. François Taddéi s’exprime quant-à-lui sur le sujet pour Euronews189 et Morgan Magnin choisit de son côté EducPros.fr190. Ce choix de plateformes à forte audience est stratégique pour ces universitaires qui ne possèdent pas forcément tous des blogs personnels très fréquentés. Leurs idées, critiques, inquiétudes ou conseils vis-àvis des MOOCs trouvent ainsi un écho et participent à la mise en perspective de cet objet. Le ton des discours sur les MOOCs et l’attitude des universitaires peut varier fortement. Ainsi, certains ont préféré se lancer directement dans un projet de cours en ligne comme Christine Vaufrey, Jean-Marie Gilliot191 ou Rémi Bachelet. Dans un entretien réalisé avec l’un de nos enseignants-chercheurs, il déclare d’ailleurs : « Donc à l’époque de tout façon, je n’ai pas besoin de [mon école] pour faire ça. Je leur en parle un peu, ils me disent non, je leur dis, tant pis, moi, de toute façon, ce qui m’intéresse, c’est de tester mon truc. Si vous voulez, moi je suis toujours dans cette optique qu’il y a des gens qui parlent et qui font des trucs. Moi, je fais d’abord. Et, une fois que c’est fait, on peut valoriser. Mais le problème des MOOCs aujourd’hui, c’est que vous avez plein de gens qui parlent, qui touchent des subventions mais qui en fait ne savent pas faire192. »
Notre interviewé estime faire partie des gens qui agissent d’abord puis qui regardent le résultat ensuite en essayant de trouver des terrains d’amélioration. D’autres comme Olivier Ertzscheid, François Taddéi ou Yves Epelboin193 se placent en position
187 Dominique Boullier est professeur de sociologie à Sciences Po Paris. BOULLIER, Dominique, « MOOC : la standardisation ou l’innovation », InternetActu.net [disponible en ligne : http://www.internetactu.net/2013/02/20/mooc-la-standardisation-ou-linnovation/], publié le 20 février 2013, consulté le 12 août 2013. 188 BOULLIER, Dominique, « Le cycle économique infernal de la financiarisation de l’enseignement supérieur. "MOOC fiction" », Médiapart [disponible en ligne : http://blogs.mediapart.fr/blog/dominique-g-boullier/130513/lecycle-economique-infernal-de-la-financiarisation-de-l-enseignement-superieur-mooc-ficti], publié le 13 mai 2013, consulté le 12 août 2013. 189 François Taddéi dirige le Centre de recherche interdisciplinaire (CRI) à Paris et est également directeur de recherche à l’Inserm. EURONEWS, « La MOOC wave : quel avenir pour les universités ? », Euronews [disponible en ligne : http://fr.euronews.com/2013/04/05/la-mooc-wave-quel-avenir-pour-les-universites/], publié le 5 avril 2013, consulté le 12 août. 190 Morgan Magnin est enseignant-chercheur à l'Ecole centrale de Nantes. BLITMAN, Sophie, « Morgan Magnin (Centrale Nantes) : "Les MOOC permettent d'attirer les meilleurs étudiants étrangers" », Educpros.fr [disponible en ligne : http://www.letudiant.fr/educpros/entretiens/un-mooc-commun-a-centrale-nantes-et-telecom-bretagne.html], publié le 5 févier 2013, consulté le 12 août 2013. 191 Christine Vaufrey, Jean-Marie Gilliot ont lancé le premier cMOOC français, ITyPA, en 2012. 192 Voir entretien avec Interviewé 5 en annexe : Annexe 1.6, p. 227. 193 Yves Epelboin est professeur à l’université Pierre et Marie Curie (Paris 6) et conseillé spécial du président de l’université sur la question des MOOCs. Il a mené en février 2013 un atelier sur les MOOCs lors de l’inter-UNR.
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d’observateurs mais néanmoins promoteurs de changements dans l’enseignement supérieur. Enfin, d’autres se révèlent beaucoup plus critiques vis-à-vis du format actuel des Massive Open Online Courses, comme Dominique Boullier. Aux Etats-Unis, les discussions d’universitaires autour des MOOCs semblent peu ou prou identiques à la France même si elles ont commencé plus tôt et si les propos n’abordent pas forcément toujours les mêmes questions194. Au cours de nos travaux d’analyse, nous avons identifié une petite communauté virtuelle française concernant les Massive Open Online Courses et leur implantation sur le territoire. Ils se réunissent notamment autour de plusieurs blogs ou sites spécialisés – comme celui de Matthieu Cisel cité précédemment ou encore Thot Cursus par exemple – mais aussi autour d’un wiki, Intercoop.info195, et d’une carte heuristique des MOOCs francophones196. Les principaux acteurs de cette communauté trouvent une origine commune dans le premier MOOC francophone, ITyPA ou « Internet, Tout y est Pour Apprendre »197. C’est notamment ici que des acteurs comme Christine Vaufrey, JeanMarie Gilliot, Morgan Magnin, Rémi Bachelet et Matthieu Cisel ont commencé à travailler ensemble sur les MOOCs. Pendant dix semaines, ITyPA a servi de laboratoire pour explorer les meilleures façons d’apprendre avec l’Internet. Cette expérience a été largement reprise par les blogs personnels des différents acteurs. Au niveau mondial, plusieurs événements ont contribué à placer les Massive Open online Courses au cœur des préoccupations des universitaires. L’Open Education Week198 organisée par l’Open Courseware Consortium a eu lieu du 5 au 11 mars 2013 et a dédié une large partie de son contenu aux MOOCs. Le 6 et 7 juin 2013, l’Ecole Polytechnique Fédéral de Lausanne a, quant à elle, organisé l’European MOOC Summit199. En France, les cours en ligne ouverts et massifs ont aussi été discutés lors de l’inter-UNR200 de février Les USA comptent aussi leurs précurseurs comme Daphne Koller ou Anant Agarwal et leurs détracteurs. Les Perelman, professeur au MIT, s’est par exemple prononcé contre certaines des fonctionnalités d’EdX. 195 INTERCOOP, [disponible en ligne : http://www.intercoop.info/index.php/Accueil], consulté le 12 août 2013. 196 MINDMEISTER, « Cartographie des MOOCs français », Mindmeister.com [disponible en ligne : http://www.mindmeister.com/fr/306359951/cartographie-des-mooc-fran-ais], consulté le 12 août 2013. 197 ITYPA, [disponible en ligne : http://itypa.mooc.fr/], consulté le 12 août 2013. 198 Voir le site de l’Open Education Week, [disponible en ligne : http://www.openeducationweek.org/], consulté le 12 août 2013. 199 EPFL, « MOOCs European Stakeholders Meeting », EPFL [disponible en ligne : http://moocs.epfl.ch/eu-moocsommet], consulté le 12 août 2013. 200 Comme expliqué précédemment, Yves Epelboin y a présenté un atelier. EPELBOIN, Yves, « MOOC, une révolution pour l’enseignement ? », UPMC [disponible en ligne : https://docs.google.com/viewer?url=http://wiki.upmc.fr/download/attachments/9404612/MEN.pdf&embedded =false&chrome=false&dov=1], consulté le 12 août 2013. 194
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2013 puis lors d’une grande journée dédiée au sujet organisée à l’initiative de structures comme Inria ou Systematic le 30 mai 2013, « LeMOOC2013 ». Autant que par les prises de parole des universitaires sur l’Internet ou dans la presse, les circulations et interrogations de l’objet Massive Open Online Course s’illustrent aussi par ces projets ou événements organisés un peu partout dans le monde. En janvier 2013, ils ont même été présents au Forum économique mondial de Davos pendant la table ronde philanthropique qui portait le nom de « RevolutiOnline.edu »201. Les MOOCs attirent l’attention des politiques qui y voient la possibilité d’aider les pays en développement. De leur côté, les dirigeants d’institutions de l’enseignement supérieur sont eux-aussi amenés à prendre position face à l’émergence des Massive Open Online Courses. Lawrence H. Summers, ancien président de l’université de Harvard s’exprime dans Les Echos202 pour défendre les choix faits par son institution. En France, Frank Pacard, directeur-adjoint à l’enseignement à l’Ecole Polytechnique s’exprime dans Le Point203 sur l’arrivée de l’X sur Coursera. Nicolas Sennequier, directeur de la stratégie de l’Institut Mines-Télécom, dresse quant à lui un tableau pertinent des MOOCs pour Les Echos204. Enfin, nous pouvons citer Hélène Lejeune, PDG du groupe Enaco, qui s’exprime elle-aussi dans FrenchWeb205 à propos du lancement de leur propre cours en ligne. Ces acteurs, à mi-chemin entre les univers éducatif et politique, sont une nouvelle preuve de la circulation de l’objet MOOC. En étant ainsi questionné et constamment réapproprié par de nombreux acteurs dans de multiples sphères, un certain nombre d’idéologies et d’utopies mêlant médias informatisés et savoirs universitaires se sont développées autour des cours en ligne ouverts et massifs.
RUET, Joël, « L'éducation en ligne enrichit le capital social des pays émergents », Le Monde [disponible en ligne : http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2013/02/18/l-education-en-ligne-enrichit-le-capital-social-des-paysemergents_1834158_3234.html], publié le 18 février 2013, consulté le 12 août 2013. 202 PRANDI, Massimo, « Larry Summers : ‘‘Les avantages pour Harvard compensent largement les risques’’ », Les Echos [disponible en ligne : http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202756499771-larrysummers-les-avantages-pour-harvard-compensent-largement-les-risques-566500.php], publié le 15 mai 2013, consulté le 12 août 2013. 203 WIELS, Jason, « À la rentrée, tout le monde pourra devenir (un peu) polytechnicien », Le Point [disponible en ligne : http://www.lepoint.fr/societe/a-la-rentree-tout-le-monde-pourra-devenir-un-peu-polytechnicien-01-03-20131634680_23.php], publié le 1er mars 2013, consulté le 12 août 2013. 204 SENNEQUIER, Nicolas, « Réinventons ensemble l’amphi », Les Echos [disponible en ligne : http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/societe/education/221171680/reinventons-ensemble-amphi], publié le 1 mai 2013, consulté le 11 août 2013. 205 RAYNAL, Juliette, « [3 questions à] Hélène Lejeune, CEO d’Enaco: « Notre école de commerce ouvre son premier MOOC », FrenchWeb [disponible en ligne : http://frenchweb.fr/3-questions-a-helene-lejeune-ceo-enaconotre-ecole-de-commerce-ouvre-son-premier-mooc/115590], publié le 13 mai 2013, consulté le 12 août 2013. 201
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3. Idéologies et utopies au cœur du Massive Open Online Course Le projet de Massive Open Online Course, initié par certains universitaires américains, s’appuie sur plusieurs d’utopies et s’accompagne, au fur et à mesure de son développement, d’idéologies qui participent à son épaississement symbolique. Paul Ricoeur a construit autour des notions d’utopie et d’idéologie un cadre conceptuel qui propose une articulation réciproque de ces deux termes206. De son côté, Patrice Flichy nous dit qu’il y a toujours « une articulation entre utopie et idéologie, l’une se manifestant plus dans les périodes de conception technique et l’autre dans celle de la diffusion de la technologie207 ». Ils constitueraient « les deux pôles de l’imaginaire social, l’un cherchant à conserver l’ordre social, l’autre à le bouleverser208 ». L’utopie mobilise les acteurs et permet d’explorer le champ des possibles autour d’un projet-embryonnaire. Celui-ci, en se développant, en circulant dans différents univers sociaux et en étant sujet à de multiples réappropriations va se charger d’idéologies. Comme nous avons déjà pu le préciser auparavant, les imaginaires propres au Massive Open Online Course se sont développés dans la lignée d’un autre mouvement : celui de l’Open Knowledge, lui-même issu de la mouvance Open-Source. Cette dernière est apparue dans le terreau fertile des débuts de l’Internet où il était prédit l’arrivée d’une nouvelle économie. Le MOOC, s’il trouve ses racines au cœur d’utopies précises, s’appuient aussi sur les imaginaires propres au réseau des réseaux : gratuité, partage et diffusion de l’information. L’utopie initiale qui a su mobilier les acteurs des MOOCs est très certainement la démocratisation globale de l’accès à la connaissance et à l’enseignement supérieur209. Suite au développement de premiers exemples de cours en ligne ouverts et massifs et à leur émergence dans la société civile, de nouvelles idéologies vont lui être attachées. Ainsi, nous retrouvons celle de « l’université ouverte » comme l’illustre cet article de La Croix : « Assister aux cours de Harvard ou de la Sorbonne en pyjama n’est plus un rêve. Aujourd’hui des centaines d’universités anglo-saxonnes proposent gratuitement des cours en vidéo sur Internet210 ». Thèse développée dans l’ouvrage de RICOEUR, Paul, L’idéologie et l’utopie, Paris, Le Seuil, 1997. FLICHY P. (2001), op. cit., p. 16 208 Ibid., pp. 13-14. 209 Nous reviendrons plus tard sur les spécificités des discours des concepteurs des MOOCs. 210 Nous retrouvons des articles sur le même thème dans le Courrier International, Les Rencontre Veille Ouest et plusieurs autres publications. Citation : LE DREN, Laurence, « L’université s’ouvre au grand public sur le Net », La Croix 206 207
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Celle d’une « pédagogie beaucoup plus active, sans amphithéâtre » est aussi présente : « Mais c’est bien tous les acteurs de l’enseignement supérieur qui doivent s’emparer de cette nouvelle façon d’enseigner. Il leur faut pour cela prendre acte de la remise en cause profonde du cours magistral, offrir des MOOC de qualité à un public mondialisé, imaginer de nouveaux modèles économiques et accroître leurs efforts d’innovation pédagogique. Bref, inventer de nouveaux espaces pour apprendre ; des espaces ouverts et centrés sur les apprenants211 ».
Il en va de même pour l’idéologie d’un enseignement pour tous et d’un monde plus juste par un accès global à la connaissance universitaire qui permettrait plus d’égalité des chances : « Certes, le concept des MOOC a vu le jour ailleurs mais c’est en Afrique qu’il a trouvé les conditions les plus favorables à son développement et les dernières nouvelles concernant les avancées dans le domaine de l’éducation au niveau mondial nous viennent de ce continent, avec les exemples de très nombreuses initiatives menées à l’échelle locale212 ». « Le capital humain mondial de demain pourrait dès son jeune âge bénéficier du meilleur des sciences de l'éducation, ce qui n'est pas neutre quand les avantages comparatifs entre économies nationales dépendent en grande partie de la qualité du capital social213 ».
Autour des Massive Open Online Courses se développe aussi la crainte d’un dispositif qui vienne remplacer le professeur ou qui crée de la rivalité entre eux : « Mais jamais un programme n'avait encore été inventé pour les devoirs qui nécessitent une réponse approfondie. Reste que de nombreuses critiques s'élèvent contre cette ingérence de plus en plus prégnante de l'informatique. Certains craignent que le logiciel se trompe et donne des notes élevées à des copies qui ne le méritent pas. D'autres s'indignent du fait que l'on puisse croire que la notation d'un logiciel puisse égaler celle d'un humain214 ».
[disponible en ligne : http://www.la-croix.com/Culture/Actualite/L-universite-s-ouvre-au-grand-public-sur-le-Net_EP_-2012-11-23-879572], publié le 23 novembre 2012, consulté le 13 août 2013. 211 SENNEQUIER, Nicolas, « Réinventons ensemble l’amphi », Les Echos [disponible en ligne : http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/societe/education/221171680/reinventons-ensemble-amphi], publié le 1 mai 2013, consulté le 11 août 2013. 212 LE FASO, « TIC : Ces héros locaux discrets qui transforment véritablement l’Afrique », Le Faso [disponible en ligne : http://www.lefaso.net/spip.php?article53950&rubrique6], publié le 26 avril 2013, consulté le 13 août 2013. 213 RUET, Joël, « L'éducation en ligne enrichit le capital social des pays émergents », Le Monde [disponible en ligne : http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2013/02/18/l-education-en-ligne-enrichit-le-capital-social-des-paysemergents_1834158_3234.html], publié le 18 février 2013, consulté le 12 août 2013. 214 HUFFINGTON POST, « Corriger ses copies: des scientifiques inventent un logiciel pour soulager les professeurs », Huffington Post [disponible en ligne : http://www.huffingtonpost.fr/2013/04/17/corriger-copies-
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« À 76 ans, Lewin représente une nouvelle génération d’enseignants, qui utilisent le « je » à tout bout de champ, gèrent leur image comme des vedettes de cinéma et font fructifier leurs talents de pédagogue bien au-delà de leur quota d’heures légal. Cette vogue vient d’Amérique, qui toujours chérit ses self-made men et sait apprécier les performances. Dans le jargon, on les appelle les trophy professors, ceux que les facs s’arrachent chaque été au terme de transferts dignes de la NBA215 ».
Au départ, l’utopie de la démocratisation de l’accès à la connaissance et à l’enseignement supérieur se retrouve dans la construction même des Massive Open Online Courses et dans les discours que les pionniers leur associent. Différents univers sociaux s’approprient de manière plurielle ces dispositifs et contribuent à lui attacher des imaginaires comme ceux précisés précédemment. Ces récits, emprunts de croyances, d’espoirs ou encore d’inquiétudes, viennent nourrir la réflexion des concepteurs des MOOCs et participent donc à leur évolution. Comme le rappelle cette célèbre phrase de Michel de Certeau, « Des récits marchent devant les pratiques sociales pour leur ouvrir un champ216 ». Conclusion du chapitre Dans cette première partie du mémoire, il s’agissait de tenter de déconstruire la notion de Massive Open Online Courses, de la questionner, de déterminer ce à quoi elle renvoie et de montrer qu’elle présente une forte charge symbolique. Nous avons pu démontrer que les MOOCs se caractérisent avant tout par un flou notionnel. Celui-ci les rend plus facilement appropriables et valorisables par les multiples univers sociaux dans lesquels ils circulent. Les deux principales plateformes, Coursera et EdX, tentent de recréer l’expérience de la classe traditionnelle sur l’Internet. Par leur position d’acteurs majoritaires sur le marché, les outils et les méthodes pédagogiques choisies contribuent à standardiser le format même si celui-ci demeure encore instable. Pour faciliter son appropriation, l’objet Massive Open Online Course s’appuie sur des idéologies propres à l’ouverture et à son ambition d’atteindre des « masses ». Ces prétentions se heurtent cependant à des difficultés techniques et à des questionnements scientifiques-inventent-logiciel-soulager-professeurs_n_3098591.html], publié le 17 avril 2013, consulté le 13 août 2013. 215 SAINTOURENS, Thomas, « Les profs Internet », OWNI [disponible en ligne : http://owni.fr/2012/09/18/lesprofs-internet/], publié le 18 septembre 2012, consulté le 13 août 2013. 216 DE CERTEAU, Michel, L’invention du quotidien. I. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1998, p. 185.
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d’ordre économique. Les ambitions Massive et Open des MOOCs prendraient donc ses origines dans les MMOGs mais ne seraient portées que par les discours d’accompagnement qui contribueraient par là-même à construire l’objet. Il reste que le terme Massive Open Online Course possède une forte charge symbolique. Cette dernière a été renforcée par la circulation et les appropriations multiples de l’objet dans différents univers sociaux. La sphère médiatique, par sa place de choix dans la société, est l’un des premiers vecteurs idéologiques. Les milieux éducatif et politique jouent eux-aussi un rôle important dans cette valorisation : ils sont à la fois le théâtre et l’observatoire des changements de l’enseignement supérieur en ligne. Pour continuer l’étude de cet objet, il convient maintenant d’analyser ce que nous considérons comme la source principale de la valorisation symbolique des MOOCs, les plateformes et leurs initiateurs. L’utopie de la démocratisation globale de l’accès à la connaissance et à l’enseignement supérieur semble vraisemblablement animer leur évolution.
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II.
EdX, Coursera et consorts : aux sources de la valorisation symbolique
Dans une étude visant à analyser l’épaississement symbolique d’un objet, il convient de revenir aux dispositifs même qui le composent. Ceux-là, par leur construction, leur structuration, peuvent véhiculer un certain nombre d’imaginaires de la plateforme et de ses objectifs. De même, le discours des concepteurs à l’origine de l’objet nous aident à comprendre leurs motivations initiales et à peut-être remettre leurs actions dans un contexte plus large. Après avoir questionné et déconstruit le terme de Massive Open Online Course, nous avons montré, malgré son flou notionnel, qu’il était devenu un objet à forte charge symbolique. Il s’agit dans cette seconde partie de revenir aux racines de sa valorisation symbolique. Nous débuterons en revenant sur les deux principales plateformes fournisseuses de Massive Open Online Courses : Coursera et EdX. Nous observerons comment par leur histoire, leur construction, leur mode de fonctionnement, leur structuration visuelle ou leur modèle économique, elles peuvent véhiculer certains imaginaires de l’enseignement en ligne. Nous montrerons que les partenariats avec des universités de renom sont un argument majeur participant à la réussite des plateformes et à la valorisation symbolique de l’objet Massive Open Online Course. 61
Dans une seconde partie, nous soulignerons les inspirations cybernéticiennes qui semblent motiver les actions des concepteurs de Massive Open Online Course ou de MOOCproviders. Nous tenterons aussi de mettre en évidence les modalités de leur implication dans la société et de cette responsabilité « par essence » qui paraît leur incomber. Nous ferons enfin ressortir la logique cybernéticienne qui semble sous-tendre leur action et les font s’inscrire dans une utopie de la communication.
A. Des plateformes Web, outils de valorisation symbolique 1. Deux plateformes pour deux projets ? Les fournisseurs de cours en ligne ouverts et massifs ou MOOC-providers n’existent que depuis début 2012. Avec la montée en notoriété de ce format, leur nombre n’a eu de cesse de grandir par la suite. Aujourd’hui, deux plateformes dominent principalement ce marché des Massive Open Online Courses : Coursera et EdX. Coursera est né parallèlement à une troisième plateforme, Udacity, dans les couloirs de l’université de Stanford et par des discussions entre trois collègues : Andrew Y. Ng, Daphne Koller et Sebastian Thrun. Andrew Ng est chercheur en informatique et professeur associé au Département de science informatique de l'université Stanford. Son travail est principalement dédié à l'apprentissage automatique et la robotique. Daphne Koller est professeur au département d'informatique à l'université Stanford et membre de la MacArthur Foundation. Ses travaux touchent à l'intelligence artificielle et à ses applications en biomédecine. Ces deux personnages sont les cofondateurs de la plateforme de MOOCs la plus utilisée, Coursera. Dès la fin de l’année 2010, ils travaillaient déjà ensemble sur la construction d’une plateforme qui se voulait être la préhistoire de Coursera 217. Début 2011, ils décident de montrer leur plateforme au personnel enseignant de Stanford et attirent alors l’attention de Sebastian Thrun, un chercheur en informatique, professeur à l'université et directeur du Stanford Artificial Intelligence Laboratory (SAIL). C’est lui qui aura l’idée d’adapter la plateforme de Ng et Koller en donnant la possibilité à n’importe qui de s’inscrire au cour sur l’Internet. L’expérience qu’il mène sur son cours « Introduction to Artificial
WALDROP, Mitchell, « Massive Open Online Courses, aka MOOCs, Transform Higher Education and Science », The Scientific American [disponible en ligne : http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=massiveopen-online-courses-transform-higher-education-and-science], publié le 13 mars 2013, consulté le 4 août 2013. 217
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Intelligence » réunit plus de 160 000 inscrits et attire l’attention de nombreux universitaires américains et de capital-risqueurs. En janvier 2012, Thrun lance sa plateforme Udacity et est suivi trois mois après par Ng et Koller qui annoncent Coursera : toutes deux des xMOOC-providers à but lucratif. Ces derniers décident de directement établir des partenariats avec des universités de renom et vont alors réussir à attirer les lumières sur leur plateforme. En août 2013, Coursera compte 84 partenaires chez les institutions de l’enseignement supérieur parmi lesquelles l’université de Princeton, l’Ecole Polytechnique, l’université de Yale ou encore celle de Columbia. Le deuxième principal acteur du marché est la plateforme de xMOOCs, EdX. A sa tête se trouve Anant Agarwal, professeur et ancien directeur du laboratoire d’informatique et d’électronique du MIT. En décembre 2011, inspiré par les travaux menés à Stanford, il lance MITx, une société indépendante et à but non lucratif visant à offrir plusieurs cours de l’institution gratuitement sur l’Internet. Le Massachussetts Institute of Technology fait figure de pionnier dans ce domaine. L’initiative d’Anant Agarwal rappelle en effet l’Open Courseware Consortium créé en 2001 et qui avait pour but de mettre en ligne gratuitement tout le matériel éducatif du MIT : une posture extrême liée de près à la culture de l’école et au microcosme qui s’y développe 218. Lorsque que l’université Harvard se rapproche du projet d’Agarwal et que la joint-venture est signée en mai 2012, MITx devient EdX. Le projet EdX compte aujourd’hui 28 universités partenaires. Comme il s’agit d’un projet à but non-lucratif, les fonds qui permettent à la plateforme de fonctionner proviennent des universités elles-mêmes. Par son ticket d’entrée élevé, EdX met donc de côté de nombreuses institutions aux finances limitées. Le directeur-adjoint interviewé dans le cadre de ce mémoire utilise même la métaphore du « club privé » pour décrire le projet : « EdX il fallait payer pour rentrer. Il faut payer pour rentrer dans le club. C’est un club. Donc là, bon… Peut-être pas cette année. Et puis après… Non mais on n’a pas l’expérience, etc. On ne sait pas si ça vaut le coup 219. »
Le MIT est souvent mis en avant pour son mode de fonctionnement singulier et sa culture interne. Respectivement, voir : TELLIER, Emmanuel, « Le MIT : une bulle de savants », Télérama [disponible en ligne : http://www.telerama.fr/idees/le-mit-une-bulle-de-savants,88591.php], publié le 27 octobre 2012, consulté le 14 août 2013. & « Hacks at the Massachusetts Institute of Technology », Hacks MIT [disponible en ligne : http://hacks.mit.edu/], consulté le 14 août 2013. 219 Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, p. 178. 218
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Ces deux principales plateformes évoluent au sein d’un écosystème bouillonnant et grandissant. En plus d’Udacity évoqué précédemment, plusieurs autres fournisseurs de xMOOCs tentent de se développer comme Canvas 220 ou encore le prochain Futurelearn 221. Dans la stratégie de développement des deux principales plateformes, il y aurait une sensibilité inhérente au « style Silicon Valley » tel qu’il est définit par David Krakauer, chercheur à l’université du Wisconsin : « You can design something that's perfect on paper, and then try to build it. Or you can start with a system that's rubbish, experiment and build a better one with feedback. That's the Silicon Valley style — but it's also the scientific way 222 ».
Les deux principales plateformes avancent en essayant et tentent ensuite de trouver des améliorations à leur dispositif. Pour cela, elles tirent parties des données utilisateurs récupérées dans les cours et essayent ensuite de déterminer des axes d’amélioration. En un peu plus d’un an d’existence, les deux plateformes ont ainsi considérablement évolué : elles ont changé de formes, proposent de nouveaux services et donnent à voir une nouvelle facette d’elle-même 223. En effet, même si elles semblent poursuivre le même objectif, ces deux plateformes le font de deux manières bien distinctes inhérentes à leur statut juridique. Comme nous avons pu le souligner à plusieurs reprises lors de nos travaux d’analyse, le fait que Coursera soit une entreprise à but lucratif influe sur son approche du marché et sur le comportement de ses dirigeants : le poids des investisseurs n’est pas neutre. Lors de son intervention à la conférence Technology, Entertainment and Design Global (TEDx Global) en juin 2012 224, Daphne Koller a tenté de montrer par sa maîtrise des techniques de la rhétorique – logos, ethos, pathos – que Coursera était une plateforme qui relevait presque de « l’utilité publique ». Ses arguments, souvent présentés comme « allant de soi », offraient un numéro d’équilibriste entre déterminisme technique, CANVAS, [disponible en ligne : https://www.canvas.net/], consulté le 14 août 2013. FUTURELEARN, [disponible en ligne : http://futurelearn.com/], consulté le 14 août 2013. 222 WALDROP, Mitchell, « Massive Open Online Courses, aka MOOCs, Transform Higher Education and Science », The Scientific American [disponible en ligne : http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=massiveopen-online-courses-transform-higher-education-and-science], publié le 13 mars 2013, consulté le 4 août 2013. 223 Voir l’analyse sémiotique des pages d’accueil d’EdX et Coursera : Annexe 3.1, p. 282. 224 Voir l’analyse de discours de Daphne Koller : Annexe 2.3, p. 267. 220 221
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récits émotionnels et ambitions humanistes. Cette intervention était ainsi plus de l’ordre du discours commercial 225, plutôt que de la démonstration de nouvelles possibilités d’enseignement en ligne liée à ses travaux. Dans la construction même des plateformes, nos analyses ont pu mettre en évidence des spécificités liées à chaque plateforme 226. Coursera est plus dans une posture de séduction. Ils cherchent à construire une communauté d’ambassadeurs autour de la plateforme et de ses produits éducatifs : les utilisateurs de Coursera sont d’ailleurs nommés les Courseriens ou Courserians en anglais. Chez EdX, plus qu’une communauté ou que les cours en eux-mêmes, c’est le projet qui est mis en avant : elle s’ancre plus dans une optique de recherche sur les nouvelles formes d’enseignement. Là où EdX chercherait des variables dans l’éducation 227, Coursera chercherait plutôt à s’imposer commercialement comme la porte d’entrée vers les connaissances produites par les « meilleures » universités. D’un côté, il y aurait une ambition de recherche universitaire, de l’autre, une ambition de réponse à un besoin du marché : deux projets 228 différents. Parallèlement aux fournisseurs de Massive Open Online Courses, de nouveaux entrants font leur apparition et se positionnent en intermédiaires. Google est par exemple très présent grâce à Youtube EDU 229, à ses Google Apps for Education 230 ou encore à son outil Course Builder 231 : la firme de Mountain View ambitionne d’être le principal fournisseur d’outils pour fabriquer des MOOCs 232. Apple, son principal rival est quant à lui déjà placé sur le marché depuis 2007 avec Itunes-U. De son côté, un troisième acteur du Web, Reddit, a créé la University of Reddit 233 : une plateforme qui reste cependant minime par rapport à Coursera ou EdX. Le groupe Orange veut lui aussi se positionner sur ce terrain. En mai 2013, ils ont annoncé vouloir devenir « co-animateur de
225 Un discours commercial susceptible de convaincre de potentiels futurs partenaires présents dans la salle et regardant la vidéo sur l’Internet. 226 Voir l’analyse de discours et l’analyse sémiotique des pages d’accueil d’EdX et Coursera : Annexe 2.4, p. 274 & Annexe 3.1, p. 282. 227 Voici un lien que nous pouvons évoquer avec le « x » de EdX. Le « x » représentant la variable en mathématiques. 228 « Projets » entendu dans le sens de « desseins ». 229 YOUTUBE EDU [disponible en ligne : https://www.youtube.com/education], consulté le 14 août 2013. 230 GOOGLE APPS FOR EDUCATION, [disponible en ligne : http://www.google.fr/apps/intl/fr/edu/], consulté le 14 août 2013. 231 COURSE BUILDER [disponible en ligne : https://code.google.com/p/course-builder/], consulté le 14 août 2013. 232 PALMER, Charis, « Google winning race to capture education market », The Conversation [disponible en ligne : http://theconversation.com/google-winning-race-to-capture-education-market9942?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitte], publié le 2 octobre 2012, consulté le 14 août 2013. 233 UNIVERSITY OF REDDIT [disponible en ligne : http://universityofreddit.com/], consulté le 14 août 2013.
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l'écosystème MOOC 234 » mais aussi se poser comme un « fournisseur de briques logicielles ». Enfin, des agences de conseil comme Unow proposent leurs services pour accompagner « les universités et grandes écoles dans la conception de MOOC » 235. Le lancement de Coursera et d’EdX associé à une intervention très reprise de Daphne Koller à TED, ont fait décoller l’usage du terme MOOC dans les médias puis dans le reste de la société. Les deux plateformes se sont placées comme acteurs principaux et, par la même, participent pleinement à la définition des canons du format. Les techniques utilisées, les discours présentés et les usages suscités par ces plateformes contribuent donc majoritairement à la valorisation symbolique des Massives Open Online Courses et prétendent même bousculer le marché de l’enseignement supérieur.
2. Les vitrines d’un « nouveau » marché de l’enseignement Les principales plateformes que sont Coursera et EdX véhiculent une certaine image du marché de l’enseignement en ligne par la façon dont elles construisent leur plateforme et la valorise. Lors des analyses sémiotiques et sociosémiotiques 236 des pages de présentation de cours, la métaphore commerciale s’est imposée au regard de la structuration du contenu. Chez Coursera et EdX, les pages Web de présentation de cours se révèlent être des transpositions de plaquettes universitaires classiques où le cours nous est présenté dans ses détails. Cet espace de discours standardisé rappelle une page produit de n’importe quel site Web marchand 237 : Ici, il s’agit donc d’un produit éducatif. Des universités délivrent des cours et les « caractéristiques du produit » sont liées aux professeurs, au contenu du cours ou encore aux pré-requis. Pour poursuivre la métaphore, nous pourrions dire que des boutons Sign Up ou Add to watchlist permettent respectivement « d’acheter le produit » ou de le « mettre dans le panier ». L’internaute, comme il irait acheter des livres sur Amazon, vient ici faire son marché de cours en ligne. La principale différence entre les pages de présentation de cours sur Coursera et EdX
JUHAN, Virgile, « Comment Orange veut devenir un pilier des Mooc francophones », JDN [disponible en ligne : http://www.journaldunet.com/solutions/emploi-rh/orange-et-mooc.shtml], publié le 3 juin 2013, consulté le 14 août 2013. 235 UNOW est une start-up française dirigée par Yannick Petit et Jeremy Sicsic [disponible en ligne : http://www.unow.fr/], consulté le 14 août 2013. 236 Voir les analyses sémiotique et sociosémiotique des pages de présentation de cours : Annexe 3.2, p. 290 & Annexe 2.5, p. 278. 237 Voir l’analyse sociosémiotique des pages de présentation de cours sur Coursera et EdX : Annexe 2.5, p. 278. 234
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réside dans les moyens utilisés pour valoriser le contenu du cours 238. En effet, pour favoriser les inscriptions à un cours en ligne – un bien d’expérience dont l’internaute ne connait le contenu que très partiellement – les éléments qui l’entourent vont avoir un rôle important. Chez Coursera, c’est l’université partenaire qui joue un rôle de garant et vient apporter un crédit/cachet au contenu du cours. Chez EdX, la stratégie est un peu différente. L’université est quasi-absente et ce sont les professeurs et leurs biographies qui viennent justifier la qualité du cours. Les professeurs ou les universités allouent au contenu du cours certains de leurs imaginaires de prestige ou de qualité et participent donc à sa valorisation et à son attirance pour les internautes. Ils deviennent, en somme, des arguments commerciaux. Lors d’un entretien réalisé avec un usager des Massive Open Online Courses, il déclare : « Le truc qui était vachement bien avec ce système là c'est que même si t'es pas homologué du point de vue des crédits, etc., tu obtiens quand même un certificat de compétences ou de maîtrise, ce qui fait que ça te valorise quand même un minimum et moi le truc que j'ai bien kiffé c'est le fait que ce soit dispensé par des universités de très très gros calibres. Je veux dire t'as Harvard ! Dans la vie de tous les jours, postuler à l'école, etc. C'est juste quasiment mission impossible, d'autant plus à partir de la France. Là le truc c'est que c'est compliqué de base. Moi j'avais déjà essayé de postuler pour les écoles américaines mais en art, déjà tous les trucs, toute la paperasse à faire c'était monumental. Là on te dit tu t'inscris, le seul truc que t'as à faire c'est travailler et à la fin tu as une « reconnaissance » de l'effort que tu as fourni, donc ça c'est top 239 ».
Ce que l’interviewé apprécie chez les Massive Open Online Courses, c’est qu’en un clic, il peut avoir accès à un cours normalement dispensé dans une prestigieuse université américaine difficile d’accès. Coursera et EdX proposent donc l’accès à un catalogue de produits universitaires à forte charge symbolique : ils seraient les vitrines d’un « nouveau » marché de l’enseignement. En ce sens, les plateformes de MOOCs montrent aussi une prétention à définir le modèle économique des cours en ligne. Pour des acteurs comme Coursera et Udacity qui ont fait appel à des investisseurs extérieurs, cette nécessité de trouver un moyen de rentabiliser les dépenses est appelée à devenir de plus en plus importante. Fin 2012, Dave Cormier, co-inventeur du terme Massive Open Online Course, déclarait au Wall Street Journal :
238 239
Voir l’analyse sémiotique des pages de présentation de cours sur Coursera et EdX : Annexe 3.2, p. 290. Voir entretien avec Interviewé 4 en annexe : Annexe 1.5, p. 206.
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« People have ideas of how to monetize it, but simply don't have any evidence 240 ». Le modèle de financement des plateformes privées est instable mais repose pour le moment sur le freemium. Les internautes-étudiants accèdent gratuitement aux contenus mais doivent par exemple payer pour obtenir le certificat validant la réussite aux examens. Avec le partenariat entre EdX, Udacity et les centres d’examen Pearson VUE, il est probable que ce soit l’accès à l’examen qui devienne payant et non plus le certificat. Son prix oscillerait alors entre 80 et 100 dollars 241. Cette source de revenus semble cependant dérisoire comparée au nombre de personnes qui passent réellement l’examen 242. Coursera et Udacity doivent donc chercher d’autres sources de financement. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le préciser, ces plateformes reposent sur une logique de marché biface où peuvent intervenir différents acteurs : étudiants, universités et sociétés de recrutement. Or, nous avons remarqué lors de nos analyses une utilisation récurrente de chiffres 243. Etant soumises pleinement aux effets de réseaux, leur principal objectif est de faire grossir leurs bases installées d’internautes-inscrits et aussi, dans une moindre mesure, d’universités partenaires. La mise en avant continuelle du nombre d’inscrits sur les différents cours, de la quantité de nationalité présentes sur la plateforme participent d’une rhétorique du chiffre visant à tirer parti de ce que les économistes appellent l’effet de club 244 : le monde attire alors le monde. Plus il y a d’étudiants, plus il y a de possibilités pour les sociétés de recrutement de recruter la perle rare : c’est le deuxième modèle de financement des plateformes de MOOCs qui semble se dessiner. La vente de données sur les meilleurs étudiants aux sociétés de recrutement préfigurerait un nouveau modèle d’insertion professionnelle. D’autres modèles, plus forcément liés au freemium sont aussi explorés. Celui de faire payer directement à l’entrée en est un. C’est notamment ce que fait avec un certain succès l’université de Carnegie Mellon pour ses propres cours en ligne :
KORN, Melissa & LEVITZ, Jennifer, « Online Courses Look for a Business Model », Wall Street Journal [disponible en ligne : http://online.wsj.com/article/SB10001424127887324339204578173421673664106.html?mod=googlenews_wsj], publié le 1er janvier 2013, consulté le 15 août 2013. 241 KORN, Melissa & LEVITZ, Jennifer, « Online Courses Look for a Business Model », Wall Street Journal [disponible en ligne : http://online.wsj.com/article/SB10001424127887324339204578173421673664106.html?mod=googlenews_wsj], publié le 1er janvier 2013, consulté le 15 août 2013. 242 Le taux d’abandon des cours atteignant généralement 90 % des étudiants. 243 Voir l’analyse sociosémiotique des pages d’accueil des sites Coursera et EdX : Annexe 2.4, p. 274. 244 Cette rhétorique joue un rôle d’effet d’annonce, de prophétie auto-réalisatrice. Elle valide et souligne un succès. 240
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l’inscription à certains cours coûte entre 15 et 25 dollars 245. Enfin, celui de la licence de contenu ou Content Licensing semble prometteur. L’université d’Antioch a ainsi annoncé la signature d’un contrat avec Coursera pour pouvoir intégrer plusieurs MOOCs à certaines de ses formations à crédits 246 : ceci moyennant le paiement d’une licence d’utilisation à la plateforme. Au-delà, le cours en ligne ouvert et massif peut devenir une marque. Le cours CS50x sur EdX donne à voir des pratiques directement issues des méthodes marketing de promotion de produits 247. Le cours en ligne devient alors un espace de vente permettant de rentabiliser la création du cours. Le cours CS50x propose par exemple d’acheter des produits dérivés comme des tee-shirts ou des vestes : en plus d’un encart sur la plateforme du cours en elle-même, un magasin en ligne dédié à ces produits a été créé. Le message s’articule autour de la fierté d’avoir participé au cours. Par ailleurs, les cours en ligne peuvent aussi se révéler être une opportunité pour le professeur qui le donne 248. Dans son cours « JusticeX » sur EdX, Michael J. Sandel met ainsi sur chaque page de lecture un lien vers la page Amazon permettant d’acheter son livre 249. Le développement de ces fournisseurs de MOOCs et de leurs modèles économiques pourrait ainsi de bouleverser le marché de l’enseignement et de l’insertion professionnelle. En 2009, Jeffrey Young s’inquiétait déjà de l’apparition d’universités low-cost 250 avec l’émergence d’organisations comme University of the People 251 ou P2PU 252. Lui ou encore le chercheur Olivier Ertzcheid craignent que ces plateformes ne soient intégrées aux formations universitaires que pour des logiques comptables : « La logique de développement de ces « universités Low Cost » ne correspond pas à une volonté réelle de mettre en place un nouveau rapport à l'enseignement et une diffusion la KORN, Melissa & LEVITZ, Jennifer, « Online Courses Look for a Business Model », Wall Street Journal [disponible en ligne : http://online.wsj.com/article/SB10001424127887324339204578173421673664106.html?mod=googlenews_wsj], publié le 1er janvier 2013, consulté le 15 août 2013. 246 KOLOWICH, Steve, « MOOCs for credit », Inside Higher Education [disponible en ligne : http://www.insidehighered.com/news/2012/10/29/coursera-strikes-mooc-licensing-deal-antioch-university], publié le 29 octobre 2012, consulté le 15 août 2013. 247 Voir les captures d’écran : Annexe 6, p. 328. 248 Nous détaillerons ultérieurement ce que les MOOCs impliquent pour le professeur. 249 Voir observation participante en Annexe 5, p. 310. 250 YOUNG, Jeffrey, « New Low-Cost University Plans to Use Social-Networking Tools » , Chronicle of Higher Education [disponible en ligne : https://chronicle.com/blogs/wiredcampus/new-low-cost-university-plans-to-usesocial-networking-tools], publié le 27 janvier 2009, consulté le 15 août 2013. 251 UNIVERSITY OF PEOPLE, [disponible en ligne : http://www.uopeople.org/], consulté le 15 août 2013 252 P2PU, [disponible en ligne : https://p2pu.org/en/], consulté le 15 août 2013. 245
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plus large possible des connaissances et des savoirs, mais répond d’abord à une logique comptable : rassembler des ressources d'enseignement aujourd'hui aussi nombreuses qu'hétérogènes sur le Net, et y attacher la délivrance de diplômes 253 ».
La crainte que l’enseignement supérieur en ligne ne soit représenté que par des universités de renom est aussi présente. Pourquoi choisir un cours de biologie d’une université inconnue lorsqu’il est possible de prendre celui de Yale ? Dominique Boullier pense que les Massive Open Online Courses sont une des étapes du « cycle économique infernal de la financiarisation de l’enseignement supérieur 254 » qui nous mènerait vers un éclatement de la bulle MOOC et de celle de la dette étudiante. Un avenir qui semblerait donc peu radieux. En amenant différents acteurs de la société à questionner la forme et le fonctionnement économique de « l’enseignement supérieur de demain », les MOOCproviders participent à la valorisation symbolique des Massive Open Online Courses. Ces acteurs dominant le marché questionnent le futur modèle économique des plateformes et attisent les craintes de l’emprise globale de logiques commerciale et comptable sur l’université qui se ferait au détriment de la qualité de l’apprentissage et de l’étudiant. En offrant ainsi les cours des institutions les plus réputées du monde, ces plateformes deviennent des méta-universités non-diplômantes qui catalysent en elles les imaginaires propres à chaque organisation qui les composent.
3. EdX, Coursera et consorts : la nouvelle bibliothèque d’Alexandrie Les universités qui se lancent dans l’aventure des Massive Open Online Courses augmentent mois après mois. A son lancement, EdX ne comptait que trois universités : les deux fondateurs, l’université Harvard et le MIT, et leur premier partenaire, l’université de Berkeley. Aujourd’hui, elles ont été rejointes par l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), l’université McGill, celles de Cornell, de Georgetown, de Hong-Kong, ERTZSCHEID, Olivier, « Ressources éducatives libres : quel mode de financement ? », Affordance.info [disponible en ligne : http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2011/10/ressources-educatives-libres.html], publié le 24 octobre 2011, consulté le 15 août 2013. 254 BOULLIER, Dominique, « Le cycle économique infernal de la financiarisation de l’enseignement supérieur. "MOOC fiction" », Médiapart [disponible en ligne : http://blogs.mediapart.fr/blog/dominique-g-boullier/130513/lecycle-economique-infernal-de-la-financiarisation-de-l-enseignement-superieur-mooc-ficti], publié le 13 mai 2013, consulté le 12 août 2013. 253
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de Pékin ou encore de Washington 255. En tout, 28 universités partenaires se sont jointes au projet. Chez Coursera, nous retrouvons le California Institute of Technology, l’université de Princeton, celles de Columbia, de Pennsylvanie, de Stanford, de Chicago, de Yale ou encore l’Ecole Polytechnique. Au total, 84 partenariats ont été signés avec la start-up. Pour Coursera et EdX, les critères de sélection des universités semblent être assez drastiques. Lors d’un entretien, un interviewé initiateur du premier xMOOC français nous racontait son expérience : « En réalité, il y a des écoles françaises qui ont été en contact avec Coursera depuis longtemps, qui ont bien anticipé. Coursera leur a dit vous êtes gentils mais nous on prend que les 5 premières. Et donc en gros, ils ont patienté à la porte pendant 6 mois quoi, 9 mois… et ils sont toujours à la porte ! (Il rigole). Coursera a pas forcément aidé le décollage des MOOCs en France parce qu’en fait Coursera a fait poireauter d’autres écoles qui se sont retrouvées le bec dans l’eau après, avec plus rien. Et Polytechnique leur est passé devant le nez alors qu’ils sont partis plus tard. Mais là vous voyez, globalement, on peut se dire que si Coursera avait pas été aussi restrictive dans sa politique d’acceptation des écoles, il y aurait déjà eu d’autres MOOCs français […] Et donc, ce qui se passe, en aout dernier, Coursera commence à faire le buzz donc comme les autres, je ne suis pas lent à comprendre ce qui se passe. Donc j’écris à Daphne Koller. Donc Bonjour Daphne Koller, regardez, c’est moi, j’ai des supers cours. J’ai une pédagogie super avancée. Daphne Koller qu’est-ce qu’elle répond ? Bonjour, oui effectivement, [votre école] peut peut-être pas mais [votre école à Paris]… Mettez-moi en contact avec [votre école à Paris]. Parce que elle, elle regarde les classements d’école et elle prend celle qui sont au top 256 ».
Alors qu’il était dans les premiers à se manifester, notre interviewé n’a même pas pu présenter son projet à Coursera. Pour accéder à ces plateformes, le prestige, avec tout ce qu’il peut avoir de subjectif, semble donc être la principale barrière à l’entrée. Chez EdX, une deuxième barrière s’ajoute à cause de l’investissement financier à apporter dans la start-up : le « ticket d’entrée au club » comme le présentait l’un de nos interviewés 257. Toute université possède en elle-même certains imaginaires d’intellectualité ou encore de réussite. Plus l’institution est reconnue, plus sa charge symbolique va augmenter car les imaginaires du prestige, de la qualité, de la sélectivité et souvent de l’historicité vont s’ajouter à ceux précédemment cités. Ces institutions vont véhiculer du sens autour de leurs diplômes et apporter une valeur, autre qu’intellectuelle, à ses étudiants et à ses diplômés. Aujourd’hui, différents éléments concourent à valoriser des universités et à Voir la liste exhaustive des universités partenaires d’EdX et Coursera en août 2013 : Annexe 6, p. 330. Voir entretien avec Interviewé 5 en annexe : Annexe 1.6, p. 224. 257 Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, p. 178. 255 256
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leurs attribuer ces imaginaires. Les plus connus restent les classements académiques et la sélectivité financière et intellectuelle à l’entrée. Les professeurs qui officient dans les universités contribuent aussi à la valoriser par leur mérite académique 258 ou par leur célébrité 259. De même, les étudiants ou diplômés qui deviennent célèbres par leur réussite professionnelle participent à cette valorisation. Ils sont de plus en plus nombreux à avoir commencé à monter leur start-up pendant leurs études à l’université : Mark Zuckerberg 260 ou Drew Houston 261 par exemple. Enfin, les imaginaires autour des universités se construisent grâce aux productions culturelles aussi bien internes qu’externes. Parmi les productions internes, nous pouvons retrouver les traditions ou rites d’école : nous avons déjà évoqué les Hacks at the Massachusetts Institute of Technology 262 par exemple. Les productions externes sont entendues ici comme tous les produits des industries culturelles qui mettent en scène des universités. Beaucoup des imaginaires propres aux institutions américaines sont ainsi véhiculés par des séries télévisées ou des films à succès. Avec les Massive Open Online Courses, une part de ces imaginaires va se transposer sur l’Internet. Ceux-là vont jouer pleinement sur l’attractivité du cours pour les internautesétudiants. Nous retrouvons bien cela dans les propos de notre interviewé : « En fait moi je me suis focalisé vraiment dans les sites qui dispensaient des cours entre guillemets officiels. Pas des cours faits par des profs pour les dispenser en ligne sans qu’il y ait vraiment de reconnaissance sur la qualité du cours. […] Mais je veux dire des cours qui soient finalement en ligne ou pas… quand tu dis que ça vient de telle université, tu as la crédibilité de ce cours-là. Tu sais que tu n’apprends pas de la merde en fait ! D’autres cours, tu pourrais te poser la question ou tu vas t’en apercevoir un peu tard donc du coup moi j’ai tout de suite privilégié… d’autant plus que si tu veux, les deux sont accessibles de la même manière donc je me dis voilà, si j’ai l’université de Londres qui fait un cours et l’autre qui vient de quelqu’un dont je n’ai jamais entendu parler de ma vie euh… la question ne se pose pas trop quoi. D’autant plus que c’est à peu près les mêmes thématiques donc moi j’ai vraiment privilégié Coursera et EdX 263 ».
Nombre de publications, distinctions académiques ou reconnaissance globale dans son domaine de recherche. Walter Lewin est ainsi reconnu pour ses cours très particuliers. RIMER, Sara, « At 71, Physics Professor Is a Web Star », The New York Times [disponible en ligne : http://www.nytimes.com/2007/12/19/education/19physics.html?_r=0], publié le 19 décembre 2007, consulté le 18 août 2013. 260 Mark Zuckerberg est le PDG et cofondateur de Facebook qu’il commence à créer alors qu’il était encore étudiant à l’université Harvard. 261 Drew Houston est le PDG et cofondateur de DropBox qu’il commence à créer alors qu’il était encore étudiant au MIT. 262 « Hacks at the Massachusetts Institute of Technology », Hacks MIT [disponible en ligne : http://hacks.mit.edu/], consulté le 14 août 2013. 263 Voir entretien avec Interviewé 4 en annexe : Annexe 1.5, p. 207. 258 259
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Cette attractivité symbolique des universités est mise à profit par les plateformes. Sur la plateforme Coursera, les pages de présentation des cours réservent une place privilégiée au logotype de l’université 264. Cet élément graphique disposé en premier dans le sens de lecture de la page vient ici valoriser le cours en lui apportant un crédit. La position du logotype semble faire partie intégrante d’une stratégie éditoriale. Elle viserait à dire que, par exemple, ce cours d’économie n’est pas un simple cours d’économie, c’est une leçon prestigieuse d’économie de l’université de Stanford. Sur EdX, dès la page d’accueil, ils insistent sur le fait qu’il s’agit de cours des meilleures universités du monde et en profitent pour mettre les logotypes de certaines d’entre elles 265. Sur les pages Web de présentation de cours, ce sont cependant les professeurs et leurs qualifications qui sont mis à l’honneur. Que ce soit le logotype des universités ou la description des professeurs, tous d’eux jouent ici un rôle de caution qui vient légitimer les contenus. Au-delà, dans certaines vidéos de cours, l’espace du discours joue aussi un rôle dans la valorisation symbolique du contenu 266. Certaines universités filment les cours dans de magnifiques amphithéâtres qui soulignent le caractère historique et prestigieux de ces institutions et valident la qualité du cours qui est en train d’être donné. Ils donnent à vivre une expérience de l’université. En son temps, la bibliothèque d’Alexandrie ambitionnait de rassembler dans un même endroit l'ensemble du savoir universel : ceci en achetant mais aussi en saisissant des ouvrages 267. Regroupant aussi des activités muséales et de recherche scientifique, elle était devenue la mine d’or intellectuelle de l’Antiquité. Si l’analogie la plus directe de l’époque contemporaine de cette bibliothèque serait Wikipédia, les fournisseurs de Massive Open Online Courses, en cherchant à réunir le maximum de cours d’université en ligne au même endroit, se présentent eux aussi comme la mine d’or de connaissance des temps modernes. Tous les imaginaires de prestige et d’intellectualité contenus dans les universités partenaires viennent se concentrer sur une seule et même plateforme : les MOOC-providers devenant des méta-universités globalisées. Cette somme d’institutions universitaires et d’imaginaires constituant les externalités positives des plateformes qui attirent les étudiants de l’autre côté de ce marché biface.
Voir l’analyse sémiotique des pages de présentation de cours sur Coursera et EdX : Annexe 3.2, p. 290. Voir l’analyse sociosémiotique des pages d’accueil de Coursera et EdX : Annexe 2.4, p. 274. 266 Voir l’analyse sociosémiotique d’une vidéo de cours sur EdX : Annexe 2.1, p. 259. 267 BALLET, Pascale, La vie quotidienne à Alexandrie : 331-30 avant J.-C., Paris, coll. « Pluriel », 2003, p. 120. 264 265
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C’est bien pour cette raison de l’ordre du symbolique que l’un de nos interviewés, directeur-adjoint d’une prestigieuse école d’ingénieurs française, ne souhaite pas mettre ses cours sur EdX : « Parce que le fait que Coursera soit privé, c’est pour ça que ça attire toutes les universités. C’est comme si on avait un contrat privé avec quelqu’un. C’est pas grave ! Mais par contre si moi, j’ai un contrat avec le MIT, et bien, je serai jamais au niveau du MIT. Tandis que là moi, je suis l’égal de Princeton sur la plateforme Coursera. Moi je m’en suis rendu compte il y a pas longtemps 268 ».
Coursera, en tant qu’entreprise privée, fait office de terrain neutre selon notre interviewé. Bien sûr, son choix s’est aussi orienté vers la plateforme ayant le plus d’inscrits. Comme la bibliothèque d’Alexandrie qui attirait le regard de tous les scientifiques de l’époque, Coursera attire le regard des étudiants-internautes qui cherchent des cours des universités les plus reconnues. Il était donc logique, selon lui, d’aller vers la plateforme qui offrait le plus de visibilité 269. Lors d’un entretien, un interviewé pointait cependant du doigt un problème connexe : « Les marques de grandes écoles sont en train de se diluer dans Coursera qui devient une sorte de supermarché de masse de cours. Polytechnique apparaissant comme une des écoles de Coursera […] Le problème, c’est plutôt la vampirisation par une autre marque en fait. Vous avez vu que le modèle de revenus de Coursera, c’est 85% des revenus, ça va à Coursera et que 15% à l’école. Donc du coup, il alimente Coursera financièrement et avec les cours 270 ».
Il souligne ici l’un des biais de cette convergence des imaginaires d’universités vers une seule et même plateforme : la dilution de la marque. Cette « vampirisation » agit non seulement au niveau du symbolique, mais aussi sous l’angle financier. L’argent versé par l’internaute-étudiant pour obtenir son certificat de complétion profite en majorité à la plateforme Coursera. Les contenus universitaires en ligne existent depuis plusieurs années. Pourtant, les plateformes de MOOCs connaissent aujourd’hui plus de succès que le mouvement des Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, p. 178. Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, pp. 168-169. 270 Voir entretien avec Interviewé 5 en annexe : Annexe 1.6, p. 223. 268 269
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Ressources Educatives Libres (REL) n’en a jamais connu. La caution universitaire apportée aux contenus des MOOC-providers par des institutions de renom aurait donc une certaine opérativité symbolique : elle véhiculerait des imaginaires d’intellectualité, d’élite et de qualité qui susciteraient la confiance et le désir d’apprendre chez les internautes. Si ces fournisseurs de MOOCs participent à la valorisation symbolique de l’objet, il s’agirait aussi d’analyser ce qui a pu pousser des individus à lancer ces plateformes. Les théories et prétentions de la Cybernétique pourraient ici nous apporter un nouveau regard.
B. Au cœur des MOOCs, une inspiration cybernéticienne 1. De la responsabilité et de l’implication sociale des scientifiques Dans cette section du mémoire, nous envisageons d’utiliser la cybernétique comme une clé de compréhension des Massive Open Online Courses. Bien sûr, il ne s’agit pas d’énoncer des généralités mais plutôt de faire ressortir une observation de l’ordre du parti pris scientifique. Nous tenterons donc d’évoquer sous un prisme historique ce qui sous-tend, consciemment ou inconsciemment, l’action contemporaine des concepteurs de plateforme de MOOCs. L’utopie de la démocratisation globale de l’accès à l’enseignement qui les anime pourrait bien trouver ses racines dans les prédispositions des théories cybernéticiennes. Il serait très ambitieux de prétendre résumer les multiples facettes de la Cybernétique en quelques lignes : le lecteur ne s’étonnera donc pas des ellipses qui pourraient suivre. Norbert Wiener, père fondateur de la Cybernétique, la définit comme la science du contrôle et des communications. Elle est « vouée à la recherche des lois générales de la communication, qu’elles concernent des phénomènes naturels ou artificiels, qu’elles impliquent les machines, les animaux, l’homme ou la société 271 ». Il est difficile de dire où et quand la cybernétique a commencé. Beaucoup de ses acteurs considèrent d’ailleurs que ses méthodes d’analyse sont dans la société depuis des temps immémoriaux 272. Une série de texte va contribuer à faire émerger les théories cybernéticiennes parmi lesquels Behavior,
BRETON P. (2011), op. cit., p.19. BOWKER, Geof, « How to be universal: some cybernetics strategies, 1943-70 », Social Studies of Science, Vol. 23, N°1, 1993, pp. 107-127.
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Purpose and Teleology 273 en 1943, The Mathematical Theory Of Communication 274 et Cybernetics 275 en 1948 ou encore The Human Use of Human Beings 276 en 1950. Ces derniers vont contribuer à convaincre la communauté scientifique de l’intérêt de ce nouveau domaine 277. Pour lui en effet, la communication doit devenir une valeur centrale de la société car cette dernière serait menacée par un désordre entropique qui lui est inhérent. D’ailleurs, sa réflexion se positionne toujours sur un axe opposant information et entropie. Dans cette période suivant la Seconde Guerre Mondiale et du début de la Guerre Froide, les propos de Wiener sonnent plutôt biens aux oreilles des chercheurs et ingénieurs. Ces derniers se sentant alors investis d’un sentiment de responsabilité vis-à-vis de l’impact de la science sur la société. « La communication est le ciment de la société et ceux dont le travail consiste à maintenir libres les voies de communication sont ceux-là même dont dépend surtout la perpétuité ou la chute de notre civilisation 278 ». Ceux que Wiener considère comme responsables de la perpétuité du monde, ce sont bien ces chercheurs et ces ingénieurs. Un sentiment de responsabilité vis-à-vis de la société va se développer parmi eux suite aux horreurs de la Seconde Guerre Mondiale et notamment suite à la double utilisation de la bombe atomique. Cette dernière restera un choc moral et psychologique important chez les chercheurs et les ingénieurs occidentaux mais les feront se sentir « investis d’une grande légitimité pour prendre en charge les affaires du monde 279 ». Surfant sur cela, Wiener développera alors l’idée que « c’est la responsabilité des scientifiques comme créateurs d’évaluer les circonstances politiques et sociales qu’ils jugent les plus appropriées pour mettre ou non le résultat de leur travaux dans les mains des dirigeants politiques 280 ». C’est ainsi que leur rôle montera en puissance dans la société à partir du milieu du XXe siècle. Bien sûr, il est possible de mettre au jour des formes d’implication sociale de scientifiques bien avant cette période. Le développement de la médiation scientifique au BIGELOW Julian, ROSENBLUETH Arturo & WIENER Norbert, « Behavior, Purpose and Teleology », Philosophy of Science, Vol. 10, 1943, pp. 18-24 274 SHANNON Claude & WEAVER Warren, « The Mathematical Theory Of Communication », The Bell System Technical Journal, Vol. 27, 1949, pp. 379-423. 275 WIENER, Norbert, Cybernetics, New-York, Wiley and Sons, 1948 276 En France, ce livre a été traduit par Cybernétique et Société. WIENER, Norbert, The Human Use of Human Beings, 1950 277 BRETON P. (2011), op. cit., pp. 31-45. 278 WIENER, Norbert, Cybernétique et Société, Paris, Deux Rives, 1954, p. 183. 279 BRETON P. (2011), op. cit., p. 45. 280 HEIMS, Steve, John Von Neumann and Norbert Wiener, Cambridge, MIT Press, 1982, p. 334. 273
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XIXe siècle en est un exemple : cette pratique vise à rendre les résultats des recherches scientifiques accessibles, appropriables et donc intelligibles par tous. Cette médiation par des cours, des conférences, des magazines, des encyclopédies, et projections ou encore des expositions a d’ailleurs permis à la science de prendre une place plus importante dans la société 281. C’est aussi ce qui a contribué à leur donner une image d’expert neutre et objectif, loin d’idéologies partisanes 282. Il est intéressant de remarquer que parmi les dirigeants de cinq des principales plateformes proposant des MOOCs 283, tous sont des chercheurs ou ingénieurs en informatique, intelligence artificielle ou électronique. Leur ambition de s’impliquer socialement se lit clairement dans leurs propos : Andrew Ng (Coursera) - « Un monde dans lequel l’étudiant n’a pas plus à choisir entre payer ses études et se nourrir, un monde dans lequel un enfant pauvre, issu d’un pays africain a presque les mêmes chances qu’un enfant né dans l’agglomération d’une ville développée… Grâce à toutes ces technologies novatrices, je pense que nous avons l’opportunité de faire de cette environnement une réalité 284 ». Daphne Koller (Coursera) - « Comme beaucoup d'entre vous, je fais partie des chanceux. Je suis née dans une famille où l'éducation était omniprésente. Fille de deux universitaires, je suis la troisième génération à obtenir un doctorat. Quand j'étais enfant, je jouais dans le laboratoire de mon père à l'université. On tenait pour acquis que j'aille étudier dans les meilleures universités, ce qui plus tard m'a offert de nombreuses possibilités. Malheureusement, la plupart des gens dans le monde n'ont pas cette chance. Dans certaines parties du monde, par exemple en Afrique du Sud, l'éducation n'est tout simplement pas accessible. En Afrique du Sud, le système éducatif a été bâti à l'époque de l'apartheid pour la minorité blanche. Et par conséquent, aujourd'hui, il n'y a pas assez d'endroits pour tous ceux qui veulent et méritent une éducation de haute qualité 285 ». Peter Norvig (Udacity) - « Avec mon collègue, Sebastian Thrun, nous avons donc pensé qu'il devait y avoir un meilleur moyen. Nous nous sommes lancés un défi : créer une classe en ligne qui serait de même qualité, voire meilleure, que notre cours à Stanford, mais en la rendant accessible à tous, partout dans le monde, gratuitement 286 ». BENSAUDE-VINCENT, Bernadette, « Un public pour la science : l’essor de la vulgarisation au XIXe siècle », Réseaux, Vol. 11, n°58, 1993, pp. 47-66. 282 BRETON P. (2011), op. cit., p. 45. 283 Plateformes étudiées : Coursera, EdX, Udacity, Canvas et Khan Academy. 284 LESOURD, Hélève & DAVIDENKOFF, Emmanuel, « Vidéo. Silicon Valley : la révolution MOOC », Letudiant.fr [disponible en ligne : http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/video-silicon-valley-la-revolution-mooc.html], publié le 3 avril 2013, consulté le 4 août 2013. 285 Traduction de l’anglais par Elisabeth Buffard in TED, « Daphne Koller : Ce que nous apprenons de l'éducation en ligne », TED conferences [disponible en ligne : http://www.ted.com/talks/daphne_koller_what_we_re_learning_from_online_education.html], publié en août 2012, consulté le 17 août 2013. 286 Traduction de l’anglais par Sarah Labetoulle in TED, « Peter Norvig: Une classe de 100 000 étudiants », TED Conferences [disponible en ligne : http://www.ted.com/talks/peter_norvig_the_100_000_student_classroom.html], publié en juin 2012, consulté le 17 août 2013. 281
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Anant Agarwal (EdX) – « Online education for students around the world will be the next big thing in education. This is the single biggest change in education since the printing press. […] Our goal is to educate a billion people around the world 287 ».
Ces différentes citations nous montrent bien la responsabilité sociale que s’impose ces scientifiques. Il y a chez eux une prétention à aider la société, voire même à la sauver du désordre provoqué par l’augmentation de l’écart de richesse chez les populations. Si la cybernétique voulait lutter contre l’entropie en favorisant la circulation de l’information dans la société, nous retrouvons chez les dirigeants de plateformes de MOOCs ce même dessein. Ne veulent-ils pas, après tout, favoriser la circulation du savoir universitaire dans le monde pour lutter contre l’ignorance, source de désordre ? Dans l’un de nos entretiens, un enseignant-chercheur dans une prestigieuse école française d’ingénieurs déclare : « Parce que je pense que dans des pays comme ça, il suffit qu’une petite fraction qui accède à ça et puis ensuite ça donne des idées de développer dans leur propre pays. Parce que le drame, c’est quand ils partent dans les pays étrangers, ils reviennent rarement hein. Il y a rien qui se fait… on pompe juste leur meilleurs cerveaux quoi. Donc pour moi, ça donnerait vraiment la possibilité de faire avancer vraiment. Je suis d’accord qu’il faut les aider par le bas, mais s’il n’y a pas des gens qui dirigent les choses, qui prennent en main l’enseignement, qui stimulent les gens autour d’eux, ça ne marchera jamais. Il faut aussi que ça se fasse à plusieurs niveaux. Et là pour l’instant, c’est surtout au niveau basique où on veut donner du riz aux gens. C’est tout à fait fondamental ! Mais s’ils restent à ce niveau c’est une catastrophe. Il faudrait qu’ils soient toujours sous la coupe de quelqu’un. Là, s’il y en a qui pense par eux-mêmes et après ils suivent un cours. Et après ils vont former d’autres personnes et puis ça va se disséminer. Actuellement, si on utilise que les moyens purement présentiel quoi, c’est impossible ! A part les gens qui vont faire des cours d’été… Je ne sais pas moi… J’ai des collègues, ils vont en été faire un cours au Burkina Faso mais voilà, c’est une fois par an. C’est ceux qui sont au courant qui vont y assister et il y a son copain qui va lui dire : ah, j’ai vu ça sur Coursera… C’est une force de frappe incroyable quand même 288 ».
Un autre interviewé, enseignant-chercheur dans une autre école d’ingénieurs, va encore plus loin : « Le but du jeu en faisant des MOOCs, c’est de rendre globalement l’humanité plus intelligente pour qu’on trouve des solutions. Moi je vois ça comme ça, c’est que les enjeux, c’est la survie de l’espèce humaine à quelques siècles, si on n’arrive pas à amorcer un nouveau tournant de révolution dans la capacité à être plus économes en énergie, etc., on va dans le 287 288
EDX, Vidéo de présentation, [disponible en ligne : http://youtu.be/--Fap0OBYjI], consulté le 18 mai 2013. Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, pp. 193-194.
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mur, c’est peut-être vous qui allez dans le mur, pas moi, c’est peut-être votre fils qui va dans le mur, mais les enjeux sont considérables 289 ».
La circulation des Massive Open Online Courses contribuerait ainsi à donner directement les clés de leur propre développement aux populations dans le besoin. Le but final étant un recul global de l’entropie et « la survie de l’espèce humaine ». Nos interviewés, Anant Agarwal, Andrew Ng et consorts parieraient sur une capacité d’auto-organisation du monde par la diffusion des connaissances universitaires. Il parait difficile de ne pas voir une inspiration cybernéticienne dans les actions et les discours des dirigeants de MOOCproviders. Encore aujourd’hui, la logique cybernéticienne évolue sur le terrain fertile du devoir sociétal des scientifiques et des ingénieurs. Comme animés d’une responsabilité « par essence », ils usent des machines à communiquer pour continuer à faire reculer l’entropie. Les Massive Open Online Courses, en contribuant à diffuser le savoir universitaire, prétendent ainsi éclairer les humains et participer à l’organisation du monde.
2. L’enseignement pour tous, une volonté des leaders des MOOCs Jusqu’à maintenant, nous n’avons fait qu’évoquer les racines et le contexte d’apparition de l’utopie initiale qui anime les concepteurs des plateformes proposant des Massive Open Online Courses. Il s’agirait ici d’en observer ses émanations dans les multiples prises de parole des concepteurs. Ils fournissent ainsi deux grands types de discours qui viennent illustrer leur implication dans la société. Ils montrent tout d’abord que la démocratisation globale de l’enseignement est bien leur principal objectif. Ils produisent ensuite un discours visant à apporter des preuves de la réussite de leur engagement et de l’avenir prometteur de leurs outils. Nous avons observé plusieurs niveaux d’implication sociale chez les concepteurs de plateformes de MOOCs. Certains développent prioritairement leur plateforme pour améliorer l’enseignement universitaire classique. Au départ, c’était d’ailleurs la priorité de Daphne Koller pour Coursera. Elle cherchait des moyens pour rendre l’apprentissage plus
289
Voir entretien avec Interviewé 5 en annexe : Annexe 1.6, p. 241.
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actif à l’université. Pour son collègue Andrew Ng, l’objectif est d’offrir un nouveau terrain à conquérir : « Ce que fait Coursera, c’est justement de créer de plus grands espaces d’interactivité avec nos partenaires universitaires pour les enseignants et les élèves 290 ».
Comme nous avons déjà pu le montrer, certaines universités emploient aujourd’hui ces méthodes directement dans leurs cursus comme la Brigham Young University of Idaho 291 ou l’université d’Antioch. Certains veulent rendre l’enseignement en ligne plus qualitatif. Sebastian Thrun, cofondateur de Udacity s’exprime ainsi : « My aspiration isn't to reach the 1% of the world that is self-motivating,” says Thrun, “it's to reach the other 99% 292 ».
Thrun travaille ainsi à l’amélioration des outils permettant les relations sociales sur les plateformes d’enseignement et développer les leviers qui amènent l’autodiscipline. Ces discours sur l’amélioration de la qualité de l’enseignement en présentiel ou en ligne se fait souvent au prisme de l’activité de recherche. D’ailleurs, lorsqu’ils lancent leurs plateformes, ils mettent souvent en évidence les avancées scientifiques qu’elles vont permettre en science de l’éducation ou en intelligence artificielle par exemple. C’est ainsi que Drew Faust, présidente de l’université Harvard, présente EdX : « It is however what will happen on our campuses that will truly distinguished EdX. Harvard and MIT are institutions devoted to research and discovery. Through this partnership, we will not only make knowledge available but we will learn more about learning. We will refine proving teaching methods and develop new approaches that take full
LESOURD, Hélève & DAVIDENKOFF, Emmanuel, « Vidéo. Silicon Valley : la révolution MOOC », Letudiant.fr [disponible en ligne : http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/video-silicon-valley-la-revolution-mooc.html], publié le 3 avril 2013, consulté le 4 août 2013. 291 EURONEWS, « La MOOC wave : quel avenir pour les universités ? », Euronews [disponible en ligne : http://fr.euronews.com/2013/04/05/la-mooc-wave-quel-avenir-pour-les-universites/], publié le 5 avril 2013, consulté le 12 août. 292 WALDROP, Mitchell, « Massive Open Online Courses, aka MOOCs, Transform Higher Education and Science », The Scientific American [disponible en ligne : http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=massiveopen-online-courses-transform-higher-education-and-science], publié le 13 mars 2013, consulté le 4 août 2013. 290
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advantage of emerging technology, building on the insight we gained, to enhance educational experiences of students who study in our classrooms and laboratories 293 ».
En cherchant à améliorer la qualité de l’apprentissage en présentiel ou en ligne, les dirigeants ou acteurs des MOOC-providers montrent leur implication envers la société. Il cherche ce qu’il y a de meilleur pour l’étudiant comme l’exprime ici Daphne Koller : « Whenever there’s a decision to be made, we try to figure out what’s best to the students. And that’s the way we’ve been running the entire project 294 ».
Bien sûr, la forme d’implication sociale la plus évidente est celle de vouloir amener la connaissance universitaire à tous les humains. Dans son intervention à la conférence TEDx Global 2012, Daphne Koller répétait ainsi : « Ca établirait l'éducation comme droit humain fondamental, et tous ceux dans le monde qui ont la capacité et la motivation pourraient acquérir les compétences dont ils ont besoin pour rendre meilleure leur vie, celle de leur famille et celle de leurs communautés 295 ».
Anant Agarwal part quant à lui en envolée lyrique lors de la conférence de presse d’EdX : « Online education is disruptive. It will completely change the world. Student from Tunisia, Pakistan, India, New-Zeland, Australia, Columbia, USA, Canada… All working on learning. All collaborating and working together 296 ».
Paroles de Drew Faust, présidente de l’université Harvard, lors de la conférence de presse de EdX. in EDX, « Press conference: MIT, Harvard announce edX », Youtube [disponible en ligne : http://youtu.be/7pYwGpKMXuA], publié le 3 mai 2012, consulté le 18 août 2013. 294 BOYD MYERS, Courtney, « Coursera raises $16 million and partners with top-tier universities to bring free online education to millions », The Next Web, [disponible en ligne : http://thenextweb.com/insider/2012/04/18/coursera-raises-16-million-and-partners-with-top-tier-universities-tobring-free-online-education-to-millions/], publié le 18 avril 2012, consulté le 18 août 2013. 295 Traduction de l’anglais par Elisabeth Buffard in TED, « Daphne Koller : Ce que nous apprenons de l'éducation en ligne », TED conferences [disponible en ligne : http://www.ted.com/talks/daphne_koller_what_we_re_learning_from_online_education.html], publié en août 2012, consulté le 17 août 2013. 296 Paroles d’Anant Agarwal, président d’EdX, lors de la conférence de presse de EdX. in EDX, « Press conference: MIT, Harvard announce edX », Youtube [disponible en ligne : http://youtu.be/7pYwGpKMXuA], publié le 3 mai 2012, consulté le 18 août 2013. 293
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De son côté, l’un de nos interviewés poursuit sur l’intérêt global qu’il y a à diffuser la connaissance au plus grande nombre : « Et tous les mecs en Afrique, à Madagascar, etc., ils sont super contents. Parce qu’ils peuvent, sans sortir de chez eux, accéder à des cours, qui ne sont pas ceux de Polytechnique, on s’en fout, ce sont des cours pratiques qui vont leur servir. C’est ça l’enjeu et donc on a un enjeu qui est francophone, bien sûr, mais qui est sur l’avènement d’une société de la connaissance297 ».
Cette volonté initiale d’un enseignement pour tous se lit aussi à travers la volonté de toucher le domaine de la formation continue. D’ailleurs, 70 % des internautes suivant des Massive Open Online Courses seraient déjà titulaires d’un diplôme dont 30 % d’un niveau Master 298. Daphne Koller l’explique dans une conférence : « College is the first six, eight or 10 years of your adult life, then there’s the next 50 […] And the world around us is now changing far too quickly for the stuff that we learned in college 20 years ago to still be enough to sustain us for the rest of our lives […] A basic course in computer science can, in one course, open up the opportunity for a white collar job that they might not otherwise have 299 ».
Une utilisatrice des MOOCs interrogée dans le cadre de ce mémoire voit en ces outils un moyen d’augmenter ses compétences. Elle choisit d’ailleurs ses cours en fonction de cela : « En fait, je ne me suis pas forcément intéressée aux cours de lettres parce que, c’est vrai, par exemple dans Coursera, il y a des cours plus théoriques de la littérature afro-américaine. J’aime bien la littérature afro-américaine mais, pour moi, ce n’est pas mon objectif. J’aime plus les cours plus transversaux où on peut trouver aussi des professionnels dans des domaines très différents parce que je crois que c’est plus enrichissant ce type de cours en relation avec, la communication, le numérique, la créativité…etc. Je crois beaucoup à ce type de choses qui sont un peu à la mode puisque cela donne des idées pour le métier. […] Il y a plein de professionnels qui ont quarante, quarante-cinq années d’expérience, des jeunes avec des boulots vraiment importants qui s’en servaient en formation continue. Mais il y a aussi
Voir entretien avec Interviewé 5 en annexe : Annexe 1.6, p. 241. PAPPANO, Laura, « The Year of the MOOC », The New York Times [disponible en ligne : http://www.nytimes.com/2012/11/04/education/edlife/massive-open-online-courses-are-multiplying-at-a-rapidpace.html?pagewanted=all&_r=0], publié le 2 novembre 2012, consulté le 10 août 2013. 299 YE, Colby, « Koller emphasizes the importance of MOOCs », The Dartmouth [disponible en ligne : http://thedartmouth.com/2013/04/02/news/coursera], publié le 2 avril 2013, consulté le 18 août 2013. 297 298
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des jeunes comme moi dans les vingt-cinq ans qui essayent d’augmenter leurs connaissances et leurs compétences 300 ».
Actuellement en recherche d’emploi, elle espère pouvoir développer les compétences qui lui manquent grâce aux Massive Open Online Courses et ainsi gagner en efficacité dans son métier de médiatrice culturelle. Le deuxième internaute utilisateur de MOOC avec qui nous nous sommes entretenus les utilise aussi dans cette optique mais aussi pour compléter ses cours en présentiel : « Le fait d’avoir déjà travaillé 3 ans, je sais à quoi peuvent servir les études, je sais quelles sont les choses qui sont reconnues, je sais que travailler c’est fait… dans un certain objectif. Moi, mon objectif là il est clair, il est précis. Je sais où je veux aller. Comment je vais y aller, maintenant, c’est à moi de l’améliorer au quotidien. Et comment le réussir c’est aussi à travers les MOOC. Car aujourd’hui, quand je fais mon cours de finance par exemple à l’ISC, qui est très généraliste, et bien avec ce que j’apprends en parallèle en MOOC, j’ai deux fois plus de connaissances dans le même laps de temps 301 ».
Les acteurs principaux des plateformes de MOOCs cherchent aussi à prouver leur engagement et l’efficacité de leurs outils dans la démocratisation de l’accès à l’enseignement. L’une des méthodes utilisées pour cela est la rhétorique du chiffre que nous avons déjà évoqué précédemment. Coursera publie régulièrement sur son blog des articles mettant en avant le nombre d’internautes inscrits, de nationalités représentées ou d’universités présentes 302. Ses cofondateurs les mettent par ailleurs régulièrement en avant : « Depuis que nous avons ouvert le site en février, nous avons maintenant 640 000 étudiants de 190 pays. Nous avons 1,5 millions d'inscriptions, jusqu'à présent, dans les 15 cours qui ont été lancés, 6 millions de quiz ont été soumis, et 14 millions de vidéos ont été visionnées 303 ».
Voir entretien avec Interviewé 3 en annexe : Annexe 1.4, p. 196. Voir entretien avec Interviewé 4 en annexe : Annexe 1.5, p. 211. 302 Par exemple, voir COURSERA, « Coursera hits 1 million students across 196 countries », Coursera blog [disponible en ligne : http://blog.coursera.org/post/29062736760/coursera-hits-1-million-students-across-196-countries], publié le 9 août 2012, consulté le 18 août 2013. 303 Traduction de l’anglais par Elisabeth Buffard in TED, « Daphne Koller : Ce que nous apprenons de l'éducation en ligne », TED conferences [disponible en ligne : http://www.ted.com/talks/daphne_koller_what_we_re_learning_from_online_education.html], publié en août 2012, consulté le 17 août 2013. 300 301
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Lorsqu’il ne s’agit pas de chiffres, Coursera met en évidence sa réussite avec de la visualisation de données 304. De son côté, Anant Agarwal use de la même stratégie : « In a prototype course that we are offering as we speak, the number of student around the world that are taking it is insane. 120 000 students around the world! 305 »
Ils usent aussi d’exemples symboliques. Nous avons déjà évoqué cette jeune pakistanaise surdouée de 12 ans, Khadija Niazi, exhibée lors du dernier Forum Economique Mondial de Davos 306 : une preuve vivante que l’engagement des concepteurs de MOOCs n’est pas vain, au contraire. Les responsables d’EdX préfèrent quant à eux user d’une vidéo de présentation de la plateforme et la mettre en page d’accueil du site 307. Dans celle-ci, ils font intervenir des internautes de toute la planète et de tout âge : encore une preuve visuelle de l’intérêt de la plateforme. Enfin, du côté de Coursera, la manière dont sont mis en avant les cours sur la page d’accueil de la plateforme suscite la multitude ou l’infinité de cours présents 308 : il y en aurait donc pour tous les goûts et toutes les langues. Avec tous ces discours visant à affirmer leur engagement et à le prouver, les concepteurs de Massive Open Online Courses ou de MOOC-providers se créent un faisceau d’indices qui vient les conforter dans leur idéal de départ. Mais ces acteurs ne sont pas les seuls à désirer montrer leur engagement vers un enseignement pour tous. L’enthousiasme se fait aussi sentir du côté des potentiels investisseurs comme Peter Thiel 309, Jimmy Wales 310, Bill Gates ou encore Lawrence H. Summers. Tous les quatre étaient d’ailleurs présents au Forum Economique Mondiale de
Voir la visualisation de données de Coursera, [disponible en ligne : http://viz.coursera.org/2013-02-20-globe/], consulté le 18 août 2013. 305 Paroles d’Anan Agarwal, président d’EdX, lors de la conférence de presse de EdX. in EDX, « Press conference: MIT, Harvard announce edX », Youtube [disponible en ligne : http://youtu.be/7pYwGpKMXuA], publié le 3 mai 2012, consulté le 18 août 2013. 306 WIRED ACADEMIC, « Davos: 12-Year-Old Pakistani Prodigy Girl Talks About Her Online Learning », Wired Academic [disponible en ligne : http://www.wiredacademic.com/2013/01/davos-12-year-old-pakistani-prodigy-girltalks-about-her-online-learning/], publié le 29 janvier 2013, consulté le 13 août 2013. 307 EDX, Deuxième vidéo de présentation, [disponible en ligne : http://youtu.be/uS-ilvNnlww], consulté le 18 août 2013. 308 Voir l’analyse sémiotique des pages d’accueil de Coursera et EdX : Annexe 3.1, p. 282. 309 Peter Thiel est un spécialiste du financement des initiatives sociales chez Founders Fund et cofondateur/PDG du service de paiement en ligne Paypal. 310 Jimmy Wales est le fondateur de Wikipédia. 304
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Davos en janvier 2013 lors de la table ronde philanthropique ayant pour titre « RevolutiOnline.edu » 311. En communicant sur leur engagement et sur les effets positifs de celui-ci, les concepteurs de Massive Open Online Courses ou de MOOC-providers argumentent et rendent visible leur implication dans la société. Par ailleurs, comme nous l’avons montré précédemment, tous ces discours sur le recul de la pauvreté et de l’ignorance vont dans le sens d’une lutte cybernéticienne contre l’entropie qui guette le monde. Ils démontrent ainsi que l’utopie qui les anime est celle de la démocratisation de l’accès à l’enseignement par la circulation libre des Massive Open Online Courses. Ces discours engagés chargent d’idéologies le terme MOOC : il lui donne une aura humaniste, salvatrice, presque messianique. Mais les Massive Open Online Courses ne seraient-ils pas plutôt qu’une illustration d’un mythe de l’enseignement pour tous ? Tout ceci ne participerait-il pas, finalement, d’une utopie de la communication ?
3. Le mythe de l’enseignement pour tous, une utopie de la communication L’utopie qui anime les concepteurs de Massive Open Online Courses et de MOOC-providers, est bien celle de la démocratisation globale de l’accès à la connaissance et à l’enseignement universitaire. Par leurs discours et certaines de leurs pratiques, ils contribuent à l’alimentation d’un mythe de l’enseignement pour tous dont les Massive Open Online Courses sont une des expressions « réelles ». Autour de ces derniers sont construites des histoires à fortes charges symboliques – comme celle de Khadija Niazi précédemment citée – qui donneraient à voir le succès de leur format d’enseignement en ligne. Au prisme de ce qui a pu être développé dans les parties précédentes, il s’agit ici de se demander si l’utopie initiale que nous avons soulevée ne s’appuierait pas directement sur l’utopie de la communication. Pour Philippe Breton, l’utopie de la communication se caractérise par le fait que « le système de valeur qui s’est construit autour de la communication s’est progressivement affirmé comme une alternative possible aux idéologies et aux représentations classiques de
RUET, Joël, « L'éducation en ligne enrichit le capital social des pays émergents », Le Monde [disponible en ligne : http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2013/02/18/l-education-en-ligne-enrichit-le-capital-social-des-paysemergents_1834158_3234.html], publié le 18 février 2013, consulté le 12 août 2013. 311
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l’Homme 312 ». Avec l’impulsion cybernéticienne à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, la communication est devenue une valeur centrale de la société. Elle exprime la circulation, la vie, la transparence ou encore la démocratie. Elle permettrait surtout de créer des sociétés ouvertes qui font reculer le désordre entropique. L’utopie de la communication s’est installée avec l’arrivée de cette notion moderne de communication. Philippe Breton détermine quatre voies d’arrivée de cette notion dans la société : certaines disciplines scientifiques, la médiation scientifique, la littérature de science-fiction et la voie des futurologues et autres essayistes 313. Le mythe de « la société de la communication » s’ancre et touche tous les domaines. En 1989, l’éducation faisait vraisemblablement partie des prérogatives de la « société de la communication ». Il est étonnant de voir l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov décrire exactement dans une interview ce que sont aujourd’hui les Massive Open Online Course : « Une fois que vous avez un ordinateur dans chaque maison, chacun d’eux se connecte à une immense bibliothèque où n’importe qui peut poser des questions et obtenir des réponses, récupérer des documents originaux sur des choses que vous avez toujours eu envie d’apprendre. […] Vous pouvez faire ça chez vous, à votre propre vitesse, dans le sens que vous voulez… Prendre votre temps ! Ainsi, tout le monde pourra apprendre ! […] Selon moi, c’est à travers ces machines que pour la première fois, nous serons capables d’avoir une relation « un pour un » entre la source de l’information et son consommateur. A l’époque, les gens qui pouvaient se le permettre avait un tuteur pour leurs enfants. Il adaptait son enseignement aux goûts et aux aptitudes de ses enfants. Mais combien de personnes pouvaient se le payer ? La plupart des enfants n’était pas éduqués. Là, nous atteignons le moment où tout le monde doit absolument être éduqué. La seule condition pour le faire est d’avoir un enseignant pour de nombreux étudiants. […] Nous avons soit un enseignement « un pour un » pour une minorité, soit une « un pour beaucoup » pour la majorité. Maintenant, il est possible de faire du « un pour un » pour la majorité314 ».
Ce type de discours contribue à alimenter le mythe de la « société de la communication » : l’Internet en devenant ainsi le paradigme. Nos imaginaires accordent à ce dernier des attributs liés à la collaboration, au partage de la connaissance et à
BRETON P. (2011), op. cit., 167. Ibid., p. 109. 314 Traduction de l’anglais par Clément Lhommeau in OPEN CULTURE, « Isaac Asimov Imagines Learning in the Electronic Age … and Gets It Quite Right (1989) », Open Culture [disponible en ligne : http://www.openculture.com/2012/04/isaac_asimov_digital_learning_in_the_electronic_age.html], publié le 16 avril 2012, consulté le 19 août 2013. 312 313
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l’universalité. Le chercheur et essayiste Evgeny Morozov va plus loin et parle quant à lui d’Internet-centrisme 315 : « Il est à la fois le contexte de l'action sociale et le principal acteur social, une structure et une infrastructure, à la fois une force déstabilisatrice et la seule forme architecturale stable. Cette perspective a-historique imagine l'internet comme une force révolutionnaire autonome engagée dans une bataille rangée avec les institutions qui datent d'avant sa création. L'internet est à la fois la cause des conflits et la seule solution 316 ».
A celui-ci, il lie ce qu’il appelle le risque de solutionnisme. L’Internet serait donc la source de plusieurs problèmes de la société mais en serait aussi la solution. Il serait la décharge constante de tous les maux et la clé unique pour les anéantir. Il y aurait ainsi un service pour tout sur l’Internet, même pour tweeter après sa mort. En 2012, le magazine Wired titrait « l'Afrique, il y a une application pour ça 317 » pour se moquer directement des acteurs de la Silicon Valley. L’Internet, parce qu’il permet une certaine forme d’interconnexion entre les hommes et fait circuler de l’information d’un bout à l’autre de la planète, se trouve en quelque sorte survalorisé : de plus en plus d’acteurs lui accordent le « pouvoir » de changer la société et de l’améliorer. Cet Internet-centrisme dénoncé par Evgeny Morozov est encore une illustration de l’utopie de la communication. L’Internet, comme paradigme du mythe de la « société de la communication », serait ce qui est ouvert, transparent, horizontal. Les Massive Open Online Courses, parce qu’ils sont présents sur le réseau des réseaux, seraient ainsi la solution aux problématiques d’accès à l’enseignement supérieur ou à la formation continue. Ils viendraient guérir l’ignorance et donner aux communautés, peu importe leur situation géographique, les clés pour se développer et améliorer leur quotidien tout seul : voici donc le risque du solutionnisme inhérent au mythe de la « société de la communication ». Il y a bien des différences entre mettre à disposition un cours en ligne et « diffuser » la connaissance, entre trouver ce cours sur l’Internet et se l’approprier ou encore entre se l’approprier et utiliser ce qui a été Concept développé dans l’ouvrage de MOROZOV, Evgeny, To Save Everything, Click Here: The Folly of Technological Solutionism, New-York, PublicAffairs, 2013. 316 GUILLAUD, Hubert, « Du biais de l’internet-centrisme au risque du solutionnisme », InternetActu, [disponible en ligne : http://internetactu.blog.lemonde.fr/2013/04/05/du-biais-de-linternet-centrisme-au-risque-dusolutionnisme/], publié le 5 avril 2013, consulté le 19 août 2013. 317 SOLON, Olivia, « Africa? There's an app for that », Wired [disponible en ligne : http://www.wired.co.uk/news/archive/2012-08/07/africa-app-store-apple], publié le 7 août 2012, consulté le 19 août 2013. 315
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appris dans la vie quotidienne. Ainsi, en continuant notre réflexion au prisme des propos d’Evgeny Morozov, les états démocratiques ne confieraient-ils pas aujourd’hui à l’Internet une part de leur devoir concernant l’enseignement ? Le politique ne succomberait-il au solutionnisme ? S’il est déjà présent depuis longtemps, le mythe de l’enseignement pour tous connait son essor avec l’émergence de l’idée d’une « société de la communication » : Isaac Asimov nous en fait la surprenante prémonition en 1989. Finalement, l’utopie de la démocratisation globale de l’accès à la connaissance universitaire, qui anime les concepteurs de Massive Open Online Courses, s’appuie largement sur celle de l’utopie de la communication, telle que présentée par Philippe Breton. Les discours aujourd’hui véhiculés par les concepteurs de MOOCs et de MOOC-providers s’appuient vraisemblablement sur des idéologies propres à celle-ci. Conclusion du chapitre Coursera, EdX et leurs initiateurs ont participé largement à l’émergence du terme Massive Open Online Courses. Par leur domination du marché, ces deux plateformes définissent les canons du format et de son fonctionnement. Elles font émerger de nouveaux modèles économiques pour l’enseignement supérieur qui prétendent modifier ceux en vigueur actuellement et attisent les craintes de l’emprise de logiques commerciale et comptable sur les universités. Ces dernières apportent une certaine caution et une légitimation aux contenus des MOOC-providers. Elles véhiculent des imaginaires d’intellectualité et de prestige qui valorisent la plateforme et, par là-même, l’objet Massive Open Online Course en lui-même. Dans ce mémoire, nous avons pris le parti d’utiliser la cybernétique comme une clé de compréhension des Massive Open Online Courses. A la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, la logique cybernéticienne s’est installée sur le terrain fertile du devoir sociétal des scientifiques et des ingénieurs. Encore aujourd’hui, les mouvements liés à l’Open dont les MOOCs font parties veulent favoriser la circulation de l’information dans l’objectif de faire reculer toutes les formes d’entropie. Les discours sur le recul de la pauvreté et de l’ignorance qui animent les concepteurs de MOOC ou de MOOC-providers vont ainsi dans le sens d’une lutte cybernéticienne contre un désordre global qui guette le monde : les cours en ligne ouverts et massifs donneraient la possibilité à toutes les communautés de se 88
développer par elle-même. Ces discours engagés chargent d’idéologies le terme MOOC en lui donnant une aura humaniste et salvatrice. L’utopie de la démocratisation globale de l’accès à la connaissance universitaire s’appuierait donc plus largement sur celle de l’utopie de la communication. Il s’agirait maintenant de se demander si cet objet à forte charge symbolique, par ses multiples circulations, n’en acquérait pas une certaine opérativité à même de changer l’enseignement supérieur. Les Massive Open Online Courses ne seraient-ils pas des outils de prescription pour son futur ?
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III.
Les MOOCs : outils de prescription du futur de l’enseignement
Depuis le début de l’année 2012, l’objet Massive Open Online Course contribue à alimenter les discours sur l’avenir de l’enseignement supérieur. De multiples acteurs dans les sphères médiatiques, politiques et éducatives ont ainsi contribué à lui attacher des imaginaires propres, par exemple, à l’universalité de l’accès à la connaissance ou encore à la fin de la classe traditionnelle. Par son succès, ce concept de cours en ligne devient ainsi un outil de prescription pour le futur de l’enseignement. Il pousse des institutions à se positionner et plantent les graines de changements globaux sur le marché de l’enseignement supérieur. Dans un premier temps, nous tenterons de montrer la prétention des Massive Open Online Courses à changer l’enseignement supérieur. Pour cela, nous observerons comment les universités appréhendent cet outil et dans quelle situation inconfortable celui-ci les mettent-elles. Nous analyserons aussi l’évolution de la place du professeur prescrit dans les MOOCs et comment cela peut influer sur leur sélection et la nature de leur travail. Nous montrerons enfin que les MOOCs pourraient contribuer à changer les logiques d’insertion professionnelle et de recrutement des individus. Dans une seconde partie, nous montrerons que l’émergence des Massive Open Online Courses et de leurs plateformes semblent profiter à certaines institutions plus que d’autres. 90
Certaines universités arrivent ainsi à se placer en pionnières de l’avenir de l’enseignement supérieur. Les mêmes en profitent aussi pour travailler leur marque et développer de nouvelles approches de marketing éducatif. Un petit nombre d’institutions semblerait donc se renforcer au détriment d’autres universités qui auraient des moyens financiers moins conséquents et seraient moins réactives. Les MOOCs montreraient donc ici une prétention à reconfigurer le marché de l’enseignement. Dans une dernière partie, nous envisagerons les Massive Open Online Courses comme un outil d’influence culturel relevant du soft power. Il amène en effet sur le devant de la scène une certaine vision de l’enseignement propre à une région du monde. Or aujourd’hui, des plateformes des MOOCs provenant de d’autres continents émergent et envisagent de proposer d’autres styles et modèles d’enseignement. Dans cette continuité, nous montrerons que la question du rayonnement des langues est aussi omniprésente chez les acteurs des MOOCs. En guise d’ouverture, nous tenterons de revenir aux desseins initiaux des cours en ligne ouverts et massifs et d’observer s’ils apportent, ou non, des améliorations dans l’enseignement supérieur des pays émergents.
A. Une prétention à changer l’enseignement supérieur 1. La marche forcée des universités Depuis un peu plus d’un an, les Massive Open Online Courses alimentent les discours sur l’avenir de l’enseignement supérieur. Comme nous avons pu le souligner, un certain nombre d’acteurs contribuent à valoriser les MOOCs et leur prétention à changer l’apprentissage. Les médias, par leur position idéale dans la société, en sont un premier exemple : les articles du type « Massive Open Online Courses, aka MOOCs, Transform Higher Education and Science 318 » sont de plus en plus nombreux. Un deuxième acteur est le milieu de l’enseignement lui-même qui, en prenant la parole dans les médias ou sur leurs blogs personnels, contribuent aussi à questionner l’enseignement supérieur. Nous avons notamment pu voir qu’ils usaient aussi d’autres canaux comme des colloques ou encore des wikis pour partager de l’information et questionner les Massive Open Online
WALDROP, Mitchell, « Massive Open Online Courses, aka MOOCs, Transform Higher Education and Science », The Scientific American [disponible en ligne : http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=massiveopen-online-courses-transform-higher-education-and-science], publié le 13 mars 2013, consulté le 4 août 2013. 318
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Courses. Enfin, le milieu politique participe lui aussi à la valorisation symbolique des MOOCs et de leur prétention à changer l’enseignement. Ceci peut se lire à travers des événements internationaux où des « experts » sont amenés à venir prendre la parole et débattre sur l’avenir des universités et de l’éducation 319. Les circulations et la valorisation symbolique de l’objet Massive Open Online Course dans les milieux médiatiques, politiques et éducatifs en viendraient à imposer des transformations chez les universités ou, tout au moins, les forceraient à prendre position. Souvent attaquée pour sa frilosité ou ses problèmes de gestion 320, l’Ecole Polytechnique n’a par exemple pas hésité longtemps avant de lancer ses propres cours en ligne ouverts et massifs 321. Trois cours seront proposés dès octobre par l’institution et seront l’occasion de montrer qu’elle n’hésite pas à aller de l’avant. Son directeur-adjoint a expliqué qu’ils ne se sont pas trop posés de question et ont saisi l’opportunité MOOC. Avec le bruit médiatique créé par les Massive Open Online Courses, il est difficile pour les universités françaises de les ignorer et de ne pas les inclure dans leurs plans d’actions stratégiques. Cet objet à forte charge symbolique incarnerait presque à lui-seul l’avenir de l’enseignement supérieur et contribuerait par ses circulations à faire évoluer les institutions de l’enseignement supérieur : il posséderait donc une certaine opérativité symbolique 322. Aux Etats-Unis, les Massive Open Online Course ont déjà commencé à prendre une place plus importante dans l’offre de formations des universités. A la San José State University, deux programmes pilotes ont été lancé pour observer l’intérêt des MOOCs. Mohammad Qayoumi, président de l’université, avance l’argument de la présence de l’institution au cœur de la Silicon Valley pour justifier son choix : « We’re in Silicon Valley, we breathe that entrepreneurial air, so it makes sense that we are the first university to try this. […] In academia, people are scared to fail, but we know that
Le mot « expert », très connoté, est ici entendu au sens large : des personnes qui ont eu une « expérience » dans l’enseignement supérieur. Ils n’en ont cependant pas forcément une à l’heure et exerce d’autres fonctions : investisseur, évangéliste dans des grands groupes, etc. Dans notre exemple, nous faisons référence au Forum Economique Mondial de Davos de janvier 2013. 320 AFP, « La gestion de Polytechnique "n'est pas satisfaisante" selon la Cour des comptes », Le Point [disponible en ligne : http://www.lepoint.fr/societe/la-gestion-de-polytechnique-n-est-pas-satisfaisante-selon-la-cour-des-comptes23-06-2012-1476810_23.php], publié le 23 juin 2012, consulté le 20 août 2013. 321 WIELS, Jason, « À la rentrée, tout le monde pourra devenir (un peu) polytechnicien », Le Point [disponible en ligne : http://www.lepoint.fr/societe/a-la-rentree-tout-le-monde-pourra-devenir-un-peu-polytechnicien-01-03-20131634680_23.php], publié le 1er mars 2013, consulté le 12 août 2013. 322 Louis Quéré parlait quant à lui des médias et de la question de leur influence dans son oouvrage QUERE, Louis, Des miroirs équivoques. Aux origines de la communication moderne, Paris, Edition Aubier Montaigne, 1982. 319
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innovation always comes with the possibility of failure. And if it doesn’t work the first time, we’ll figure out what went wrong and do better 323. »
Pour ces deux programmes-pilotes, l’université travaille avec la plateforme Udacity et EdX. C’est avec cette dernière que le professeur Ellen Junn, doyen de l’université, a décidé de tenter l’expérience de la pédagogie inversée. Le mix des cours en classe et de ceux d’EdX aurait ainsi largement amélioré les résultats aux examens : 91 % des étudiants seraient passés contre 59 % habituellement 324. La San José State University s’est donc engagée sur le terrain des MOOCs par souci d’être innovante. L’université d’Antioch suit peu ou prou le même chemin en proposant des formations intégrant directement des Massive Open Online Courses. Nous pourrions avancer que certaines universités sont presque forcées à l’intégration des MOOCs par nécessité de survie dans un environnement de plus en plus compétitif. La Brigham Young University dans l’Idaho a ainsi remanié tous ses programmes grâce à l’enseignement en ligne. Kim Clarck, le président de l’université, espère ainsi non seulement réduire les coûts d’accès à son institution – le nombre d’étudiants a ainsi augmenté passant de 11000 en 2002 à 18000 aujourd’hui – mais aussi améliorer l’enseignement. Mettre la formation de ses étudiants avant tout semble être son objectif principal et les MOOCs l’aident en ce sens : « Nous utilisons l’enseignement en ligne de manière créative pour accroitre nos capacités, approfondir les connaissances de plus en plus d’étudiants et même ouvrir l’université au monde extérieur […] Chaque institution doit prendre une direction précise. On ne peut plus se permettre de suivre la meute. […] Les écoles doivent pouvoir choisir clairement qui elles veulent servir et quels avantages elles veulent offrir 325 ».
Face à la concurrence internationale, les Massive Open Online Courses semblent donc être des alliés pour les petites institutions qui ne veulent pas se retrouver écartées du système. LEWIN, Tamar, « Colleges Adapt Online Courses to Ease Burden », The New York Times [disponible en ligne : http://www.nytimes.com/2013/04/30/education/colleges-adapt-online-courses-to-ease-burden.html?_r=0], publié le 29 avril 2013, consulté le 28 juillet 2013. 324 LEWIN, Tamar, « Colleges Adapt Online Courses to Ease Burden », The New York Times [disponible en ligne : http://www.nytimes.com/2013/04/30/education/colleges-adapt-online-courses-to-ease-burden.html?_r=0], publié le 29 avril 2013, consulté le 28 juillet 2013. 325 EURONEWS, « La MOOC wave : quel avenir pour les universités ? », Euronews [disponible en ligne : http://fr.euronews.com/2013/04/05/la-mooc-wave-quel-avenir-pour-les-universites/], publié le 5 avril 2013, consulté le 12 août. 323
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En août 2013, Georgia Tech est allée encore plus loin en annonçant qu’elle allait proposer en partenariat avec Udacity un diplôme de Master en Informatique entièrement dispensé grâce à des Massive Open Online Courses 326. Les cours seront ainsi accessibles gratuitement mais le diplôme sera quant à lui payant. Pour 6 600 dollars américains, il sera possible d’obtenir le véritable diplôme en informatique de la prestigieuse université. C’est 38 400 dollars de moins que le coût actuel de la formation et il n’y a plus de problème lié au visa. Le doyen de l’université, Zvi Galil, veut montrer qu’il est capable d’offrir des cours de qualité à moindre coût : « We just want to prove that it can be done, to make a high-quality degree programme available for a low cost 327 »
Avec le lancement de Coursera et d’EdX en avril 2012, une autre startup a annoncé vouloir défier les universités de la Ivy League, le Projet Minerva 328. S’inspirant de l’expérience des Massive Open Online Courses, il s’agirait d’une université mondialisée recrutant les meilleurs étudiants de la planète. Tous les cours seraient donnés sur l’Internet mais l’institution possèderait des bâtiments sur chaque continent où les étudiants vivraient en communauté. Ce format amènerait les apprenants à voyager beaucoup plus souvent et à s’imprégner ainsi plus facilement des cultures étrangères. Comme nous avons déjà pu le démontrer, l’objet Massive Open Online Course a été valorisé par ses circulations dans diverses sphères de la société. Cette valorisation perpétuelle des MOOCs comme avenir de l’enseignement supérieur amène certaines universités à se positionner vis-à-vis de lui par peur de « rater le train » ou pour simplement rester compétitif sur un marché de plus en plus concurrentiel. En forçant certaines institutions à avancer, les cours en ligne ouverts et massifs montrent leur
TODAY, « Georgia Tech to offer online master’s degree for S$8,400 », Today [disponible en ligne : http://www.todayonline.com/world/americas/georgia-tech-offer-online-masters-degree-s8400], publié le 19 août 2013, consulté le 20 août 2013. 327 TODAY, « Georgia Tech to offer online master’s degree for S$8,400 », Today [disponible en ligne : http://www.todayonline.com/world/americas/georgia-tech-offer-online-masters-degree-s8400], publié le 19 août 2013, consulté le 20 août 2013. 328 BARSHAY, Jill, « Minerva Aims to be an Online Ivy League University », Time [disponible en ligne : http://nation.time.com/2013/04/23/minerva-aims-to-be-an-online-ivy-league-university/], publié le 23 avril 2013, consulté le 20 août 2013. 326
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prétention à changer l’enseignement : que ce soit dans la structure des formations mais aussi dans la place accordée au professeur.
2. Le professeur starifié Les Massive Open Online Courses imposent une place bien spécifique à l’enseignant. Pendant une courte durée, il est mis sous le feu des projecteurs et devient l’incarnation vivante du cours pour des milliers voire des centaines de milliers d’étudiants. Il devient le représentant de l’école et le garant de la qualité de l’enseignement qui y est prodigué. Au cours de nos analyses et de nos lectures, nous avons pu observer que la perception de ce rôle variait d’un professeur à l’autre et en fonction de la culture du pays. En France, le directeur-adjoint que nous avons interviewé a souligné sa difficulté à trouver des volontaires pour assumer les cours proposés par l’école à la rentrée 2013 : « Ben premièrement il a fallu choisir des professeurs qui étaient volontaires, hein ! Donc ça faisait déjà un premier point. Bah oui, on ne va pas forcer les gens non plus à faire quelque chose qu’ils n’ont pas envie de faire. Il y a un certain nombre de refus vous inquiétez pas 329 ! »
L’enseignant d’un de ces MOOCs proposés par l’école est venu compléter les propos du directeur-adjoint : « Et il (le directeur-adjoint) a proposé… il a demandé s’il y avait des volontaires. Et il n’y a pas eu beaucoup de volontaires. En fait, je pense même sans citer certains ont été plus ou moins forcés. Il est très persuasif. (Il rigole) 330 ».
En France, il n’aura donc pas été évident d’obtenir des volontaires dans le corps professoral pour animer les cours en ligne de l’école. L’un des enseignants interviewés pense que les universitaires français ne sont pas encore prêts à se lancer dans le mouvement des Massive Open Online Courses mais parient sur un avenir plus porteur :
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Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, p. 169. Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, p. 180.
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« Personnellement, je pense qu’en France… pendant un certain nombre d’année, ça va plutôt être perçu de façon neutre ou négative. Parce qu’il y a des gens qui sont contre toutes ces choses pour des raisons purement idéologiques… qui sont… que je ne comprends pas personnellement. Par contre, effectivement à l’étranger, ça va… Parce que quand je me renseigne un peu sur comment sont perçus ces outils, les gens sont très positifs. Ici, on a… à [surnom de l’école] en particulier, mais pas qu’à [surnom de l’école], on a… les gens disent que c’est la marchandisation du savoir… Enfin, ils sortent des tas de choses. Je ne dis pas qu’elles sont fausses mais il ne faut pas résumer cela à des arguments négatifs. C’est un outil, et ça dépend de ce qu’on veut en faire. Il ne faut pas décréter que c’est intrinsèquement mauvais ! Voilà, en ce qui me concerne, localement, je pense que ça ne va pas rajouter grandchose. Par contre, je pense dans quelques années, quand les gens verront que… si ça prend. Ils vont s’y mettre parce que leurs égos, eux, va être un peu blessé quoi. L’autre il a fait ça et pas moi ! Ça risque d’être un moteur négatif mais peu importe, ce qui compte, c’est que les gens s’y mettent. Moi je fais ça simplement parce que ça me plait, c’est excitant, j’aime bien me renouveler… 331 »
C’est bien la marchandisation du savoir et du professeur qui semble inquiéter les collègues d’un des enseignants-chercheurs interviewés. Cette crainte se fait aussi ressentir sur la thématique de la notation des professeurs dans l’enseignement supérieur : une vision trop libérale de l’enseignement selon certain 332. Aux Etats-Unis, la vision de la place du professeur semble différer : ceci, principalement à cause de la structuration du marché. Ce dernier se trouve dominé par quelques universités privées 333 aux coûts de formation exorbitants : il faut par exemple compter environ 260 000 dollars américains pour obtenir un Bachelor à l’université de Harvard 334. Même les universités dites publiques sont très onéreuses avec un coût d’en moyenne 100 000 dollars pour un Bachelor 335. L’enseignement supérieur américain est un marché lucratif au même titre que l’industrie automobile. Il représenterait près de 475 milliards de dollars par an 336. La stratégie de fonctionnement et de développement de ces universités est donc basée sur une logique de rentabilité. Dans cette optique, les Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, p. 182. BRAFMAN, Nathalie, « Noter ses enseignants, ce n'est pas pour demain », Le Monde [disponible en ligne : http://abonnes.lemonde.fr/enseignement-superieur/article/2013/02/22/noter-ses-enseignants-ce-n-est-pas-pourdemain_1835453_1473692.html], publié le 22 février 2013, consulté le 21 août 2013. 333 Dont la majorité est regroupée sous l’appellation Ivy League : universités de Brown, Columbia, Cornell, Dartmouth, Harvard, Pennsylvania, Princeton & Yale. 334 PRANDI Massimo, « Les autorités s'inquiètent des dettes des étudiants », Les Echos [disponible en ligne : http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202758050817-les-autorites-s-inquietent-des-dettes-desetudiants-566547.php], publié le 15 mai 2013, consulté le 18 mai 2013. 335 CARR, Nicholas, « The Crisis in Higher Education », MIT Technology Review [disponible en ligne : http://www.technologyreview.com/featuredstory/429376/the-crisis-in-higher-education/], publié le 27 septembre 2012, consulté le 8 mai 2013. 336 KIM, Joshua, « The NYTimes Highlights the EdTech Opportunity », Inside Higher Ed [disponible en ligne : http://www.insidehighered.com/blogs/technology-and-learning/nytimes-highlights-edtech-opportunity], publié le 20 août 2012, consulté le 21 août 2013. 331 332
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professeurs ne deviennent qu’une « marchandise » comme les autres. Certains sont l’objet chaque année « de transferts dignes de la NBA 337 » : les Trophy professors. Ils sont donc amenés à créer de la valeur autour de leur personne et de leur cours pour s’ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles. Cette structuration économique du marché de l’enseignement supérieur américain combinée à l’émergence des MOOCs réservent à certains professeurs une place de choix 338. Malgré le fait que la majorité de ceux qui se lancent dans les cours en ligne ouverts et massifs déclarent le faire par pur altruisme 339, d’autres enseignants saisissent cette opportunité pour développer autour de leur personne ou de leur cours une véritable marque. Parmi les précurseurs de cette pratique, le cas de Walter Lewin est un bon exemple. Devenu une icône du MIT, ce professeur de Physique de 76 ans a pendant longtemps attiré de nombreux étudiants qui ne venaient à son cours que par curiosité 340. Plus qu’un cours de Physique, c’est un spectacle que Walter donne à ses étudiants. Expériences in situ, déguisements, ton théâtral sont ses recettes. Il a été un des premiers à filmer et mettre ses cours sur l’Internet mais ce n’est qu’avec le MIT Open Courseware en 2001 qu’il a acquis la notoriété mondiale qu’il possède aujourd’hui. Dans un autre style, Michael J. Sandel est lui aussi un pionnier dans la création d’une marque professorale. Depuis plusieurs années, il propose gratuitement sur l’Internet son cours « Justice: what’s the Right Thing To Do? ». Autour de lui, il a construit un écosystème composé d’un site Web 341, d’un livre ou encore d’un cours filmé en multi-caméras dans un amphithéâtre d’Harvard. Aujourd’hui, Michael Sandel et Walter Lewin proposent de nouveau leurs cours sur EdX et poursuivent la valorisation de leur marque. Leurs cours deviennent des spectacles. De plus en plus, avec l’Internet, ces enseignants semblent passer d’une logique « Publish or perish » à celle du « Entertain! 342 ». Il faut rendre le cours attractif et vivant : donner envie à l’internaute de cliquer. Avec SAINTOURENS Thomas, « Le temps des gourous », Usbek & Rica, n° 3, sept/oct/nov 2012, pp. 27-29. Concernant les MOOCs, nous avons pu montrer comment ils étaient mis en avant dans l’analyse sémiotique des pages de présentation de cours sur Coursera et Edx : Annexe 3.2, p. 290. 339 KOLOWICH, Steve, « The Professors Who Make the MOOCs », The Chronicle of Higher Education [disponible en ligne : https://chronicle.com/article/The-Professors-Behind-the-MOOC/137905/#id=overview], publié le 24 mars 2013, consulté le 28 juillet 2013. 340 CARSON, Stephen, « New MITx online physics course combines latest in learning technology with classic videos », MIT News Office [disponible en ligne : http://web.mit.edu/newsoffice/2013/new-mitx-online-physicscourse-combines-latest-in-learning-technology-with-classic-videos-by-walter-lewin.html], publié le 30 mai 2013, consulté le 21 août 2013. 341 JUSTICE HARVARD [disponible en ligne : http://www.justiceharvard.org/], consulté le 21 août 2013. 342 SAINTOURENS Thomas, « Le temps des gourous », Usbek & Rica, n° 3, sept/oct/nov 2012, pp. 27-29. 337 338
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l’émergence des Massive Open Online Courses, les « professeurs-trophées » sont plus nombreux et, surtout, plus visibles. Les plateformes comme EdX ou Coursera leur offrent une visibilité et donc, potentiellement, une notoriété mondiale. C’est ainsi que sont apparus dans les médias David J. Malan 343 ou encore Robert Sedgewick 344. Certains, comme Aswath Damodaran, professeur à la Stern School of Business de l’université de New-York annonce même « Je veux devenir la Lady Gaga de la Finance 345 ». Il est intéressant de voir que certains professeurs souhaiteraient presque un retour à la Grèce antique, époque où le peuple suivait, « ébahis par leur talent, buvant leurs paroles, les Socrate et autres Aristote 346 ». Si les acteurs de Cinéma ont leur Césars ou leurs Oscars, les professeurs ne sont aujourd’hui plus en reste. Bientôt, le meilleur professeur sera récompensé par le prix Minerva. Ben Nelson, le président du projet, veut le placer au même niveau que le prix Nobel qui ne récompense quant à lui que les chercheurs. Chaque année, un enseignant sera donc désigné « la star des professeurs » pour avoir démontré « d’extraordinaires et innovantes méthodes d’enseignement 347 ». Telle une célébrité hollywoodienne, il recevra en prime la somme de 500 000 dollars américains : la starification du professeur est là. Aujourd’hui, un fossé semble se creuser entre une minorité de professeurs starifiés et la majorité des enseignements traditionnels. Les célébrités deviennent des actifs stratégiques pour les universités qui les emploient. Ils se révèlent être des supports de la marque universitaire pouvant amener plus d’étudiant à intégrer l’institution. Grâce aux Massive Open Online Courses, ils participent aussi à la notoriété de l’université au-delà des frontières nationales. Avec les cours en ligne ouverts et massifs, un paradoxe apparait. Le professeur devient à la fois plus et moins accessible. Ceux qui assureront ce rôle de proximité sont bien la majorité des enseignants. Ces derniers sont amenés à devenir, dans l’idéal propre aux supporteurs de la pédagogie inversée, les tuteurs des étudiants : c’est-à-dire la masse
David J. Malan est professeur à l’université d’Harvard. Son cours « Introduction to Computer Science » a réuni plus de 135 000 internautes. Autour de ce dernier, il a construit un site Web et une plateforme e-commerce. 344 Robert Sedgewick est professeur à l’université de Princeton. Son cours « Algorithms: Part I. » a réuni près de 80 000 internautes. 345 KNIGHT, Rebecca, « Lights, camera, action ... an academic star is born », Financial Times [disponible en ligne : http://www.ft.com/intl/cms/s/2/a5e95198-d810-11e2-9495-00144feab7de.html#axzz2ZmSlMdxE], publié le 21 juillet 2013, consulté le 21 août 2013. 346 SAINTOURENS Thomas, « Le temps des gourous », Usbek & Rica, n° 3, sept/oct/nov 2012, pp. 27-29. 347 LEWIN, Tamar, « Yearly Prize of $500,000 Is Created for Faculty », New York Times [disponible en ligne : http://www.nytimes.com/2013/04/22/education/minerva-project-announces-annual-500000-prize-forprofessors.html], publié le 22 avril 2013, consulté le 21 août 2013. 343
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de professeurs chargés de la relation interindividuelle avec l’apprenant qui suivrait l’intégralité de ses cours de façon autonome sur l’Internet. Les Massive Open Online Courses contribuent à renforcer au niveau mondial un phénomène inhérent au marché américain : celui du professeur-trophée. En s’exposant à des milliers voire des centaines de milliers d’internautes-étudiants, ils acquièrent une notoriété et saisissent, pour certains d’entre eux, l’opportunité de la valoriser. Le professeur starifié devient alors une marque comme une autre qui vend ses cours universitaires et leurs produits dérivés au plus offrant. Les Massive Open Online Courses montrent donc une prétention à modifier la place de l’enseignant. De plus en plus, ils suscitent aussi l’émergence d’alternatives liées au recrutement des jeunes diplômés.
3. L’insertion professionnelle remise en question Nous avons déjà montré que la sphère médiatique était très active concernant les Massive Open Online Courses. Parmi les thèmes qui reviennent souvent, nous retrouvons ceux en rapport avec le modèle économique des plateformes de MOOCs. Le Financial Times titre ainsi « Moocs are treated with suspicion by students and recruiters 348 » ou encore le Chronicle of Higher Education annonce « Providers of Free MOOC's Now Charge Employers for Access to Student Data 349 ». Les MOOC-providers entendent ainsi baser une partie de leurs financements sur la vente de certifications et en offrant une place de choix aux recruteurs. Les Massive Open Online Courses questionnent donc les logiques de recrutement des jeunes diplômés. Actuellement, en dehors de l’expérience professionnelle, les critères majoritairement pris en compte sont le niveau du diplôme, le contenu de la formation et la réputation de l’institution qui la dispense 350. Les cours en ligne ouverts et massifs, avec leur logique de certification, se recentrent beaucoup plus sur les compétences propres de l’individu. Ils défendraient un recrutement basé sur les capacités « certifiées » du candidat plus que sur le niveau d’un diplôme ou le prestige d’une université. Néanmoins, il s’agit BRADSHAW, Della, « Moocs are treated with suspicion by students and recruiters », Financial Times [disponible en ligne : http://www.ft.com/intl/cms/s/2/f6f45fc4-0678-11e3-ba04-00144feab7de.html#axzz2cQN6MLot], publié le 18 août 2013, consulté le 22 août 2013. 349 YOUNG, Jeffrey, « Providers of Free MOOC's Now Charge Employers for Access to Student Data », The Chronicle of Higher Education [disponible en ligne : https://chronicle.com/article/Providers-of-Free-MOOCsNow/136117/], publié le 4 décembre 2012, consulté le 22 août 2013. 350 Nous ne retenons ici que les critères majeurs de recrutement d’un jeune diplômé. Bien sûr d’autres peuvent rentrer en ligne de compte : réseau, expérience à l’étranger, connaissance de plusieurs langues, etc. 348
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bien là d’un idéal. Pour le moment, non seulement tous les MOOCs ne proposent pas de certifications finales mais en plus, pour ceux qui en offrent, leurs valeurs ne sont pas non plus égales. Nous pouvons ainsi retrouver des « Certificate of Completion », des « Statement of Accomplishment », des « Certificate of Mastery » ou encore de nombreux « Certificate, with Varied Levels of Accomplishment » 351. De même, selon le cours en ligne suivi, la qualité de l’enseignement peut varier et les attentes de l’équipe éducative aussi. C’est bien cette grande hétérogénéité dans la qualité des certificats et des MOOCs qui rebute aujourd’hui les recruteurs. Pour une utilisatrice de ces cours en ligne interviewée dans le cadre de ce mémoire, les certificats ne servent à rien : « Oui, c’était surtout pour…au niveau des compétences, c’est vrai que… au niveau des types de certificats, il s’agit de certificats qui ne servaient à rien, c’est vrai ; personne ne va les considérer formellement mais c’est vrai qu’au niveau des compétences cela m’intéressait beaucoup […] Pour les défauts, je ne sais pas si c’est un défaut ou pas mais c’est vrai que c’est un cours que tu peux suivre mais à la fin, les certificats ne servent à rien 352 ».
Mais au contraire, pour l’un des étudiants que nous avons interviewé, les certificats sont l’un des principaux avantages des Massive Open Online Courses. Pour lui, c’est un minimum de reconnaissance de la part de l’université « Le truc qui était vachement bien avec ce système là c'est que même si t'es pas homologué du point de vue des crédits etc, tu obtiens quand même un certificat de compétences ou de maîtrise, ce qui fait que ça te valorise quand même un minimum et moi le truc que j'ai bien kiffé c'est le fait que ce soit dispensé par des universités de très très gros calibres 353 ».
Au-delà, il semble convaincu que les cours en ligne ouverts et massifs peuvent avoir un intérêt certain sur le Curriculum Vitae : « Mais Princeton ils ne font pas de certificat. Ils ont décidé de ne pas en faire. Sur tous leurs cours, t’as aucun certificat. Alors ça c’est un point faible parce qu’au final t’as vachement envie de les faire mais si derrière t’as pas un minimum de reconnaissance au point de vue de ton apprentissage, c'est-à-dire que tu ne peux même pas le mettre sur ton CV. OPEN CULTURE, « 550 Free MOOCs from Great Universities (Many Offering Certificates) », Open Culture [disponible en ligne : http://www.openculture.com/free_certificate_courses], consulté le 22 août 2013. 352 Voir entretien avec Interviewé 3 en annexe : Annexe 1.4, p. 196. 353 Voir entretien avec Interviewé 4 en annexe : Annexe 1.5, p. 206. 351
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Enfin, tu peux, mais si tu dis que t’as suivis un cours et que derrière tu n’as rien reçu, t’as aucun certificat… 354 »
De plus en plus d’internautes commencent à les mettre sur leurs Curriculum Vitae 355. Pour l’un de nos interviewés, les certificats auraient une valeur car ils ne seraient pas évident à obtenir et nécessiteraient un engagement certain de l’étudiant. « Oui voilà, parce que le certificat au final, que les pros, les gens, les écoles ne le reconnaissent ou pas, tu peux pas dire que c’est pas un certificat, parce que c’est un certificat. Et pour l’avoir, t’es obligé de travailler. Tu ne peux pas l’avoir si tu restes les mains dans les poches, tu ne peux pas réussir toutes tes évaluations. Donc c’est quand même un élément important ! 356 »
Si les certificats ont encore du mal aujourd’hui à convaincre de leur fiabilité, ils proposent tout de même un nouveau point de vue sur l’insertion professionnelle et sur les moyens de la renouveler. Il est probable qu’à l’avenir, avec les Massive Open online Courses, cette logique visant à certifier des compétences se développe et occupe une place plus importante dans l’appréciation de l’employabilité d’un candidat. Mais l’insertion professionnelle est aussi remise en question par une modalité inhérente au fonctionnement même des MOOC-providers. Comme nous avons déjà pu le préciser, ces plateformes sont soumises à une logique de marché biface où peuvent intervenir différents acteurs : étudiants, universités et sociétés de recrutement. Pour ces dernières, les MOOC-providers deviennent en quelque sorte des supermarchés d’étudiants. Début 2013, le Wall Street Journal annonçait ainsi ce qui suit : « About 350 companies have signed up to access Udacity's job portal in recent months, though it has placed just about 20 students so far. Recruiters pay for successful matches, and Mr. Thrun says Udacity charges "significantly" less than Silicon Valley headhunters, whose cut he says can be two to three months of a candidate's starting salary357 » Voir entretien avec Interviewé 4 en annexe : Annexe 1.5, p. 210. LEBUFNOIR, Maxime, « Les MOOC sont une vraie valeur ajoutée à un CV », Le Nouvel Observateur [disponible en ligne : http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20130813.OBS3119/les-mooc-sont-une-vraie-valeur-ajouteea-un-cv.html], publié le 13 août 2013, consulté le 26 août 2013. 356 Voir entretien avec Interviewé 4 en annexe : Annexe 1.5, p. 210. 357 KORN, Melissa & LEVITZ, Jennifer, « Online Courses Look for a Business Model », Wall Street Journal [disponible en ligne : http://online.wsj.com/article/SB10001424127887324339204578173421673664106.html?mod=googlenews_wsj], publié le 1er janvier 2013, consulté le 15 août 2013. 354 355
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Que ce soit sur Coursera ou Udacity, il est aujourd’hui possible pour les cabinets de recrutement ou les responsables RH de consulter directement les données des étudiants propres aux examens ou aux résultats de quizz. Cette méthode de recrutement se marie parfaitement avec la logique « par compétence » évoquée précédemment : les étudiants ayant les meilleurs résultats et disposant donc de compétences abouties à certains cours peuvent alors être recrutés. En allant plus loin, les Massive Open Online Courses trouvent une utilité dans l’évolution de la vie professionnelle. Ils proposent ainsi une alternative sérieuse à la formation continue classique et montre là encore leur prétention à changer une facette de l’enseignement supérieur contemporain. Avec l’arrivée des Massive Open Online Courses, l’insertion professionnelle serait donc amenée à évoluer. D’une logique axée sur le diplôme et son institution porteuse, nous passerions ainsi de plus en plus à une logique axée sur les compétences propres et certifiées de l’individu. Aujourd’hui, cette mécanique de certification n’est pas encore tout à fait au point et les MOOCs se révèlent donc plutôt être un complément efficace au diplôme traditionnel : eux seuls ne peuvent pas encore permettre de trouver un emploi mais peuvent favoriser l’insertion pour les étudiants déjà diplômés. En plus de montrer une prétention à changer l’enseignement, les cours en ligne ouverts et massifs prouvent ici leur ambition de modifier la phase de recrutement. Mais au-delà, offrent-ils aux universités pionnières d’autres avantages ? Les MOOCs ne seraient-ils pas, pour elles, une nouvelle opportunité pour exprimer leur domination ?
B. Une opportunité pour certaines universités 1. Pionnières d’un nouveau monde ? L’émergence des Massive Open Online Courses dans le paysage de l’enseignement supérieur représente à certains égards une opportunité pour les universités. En premier lieu, celles qui ont décidé de proposer plusieurs de leurs cours sur des plateformes comme Coursera, Udacity ou EdX bénéficient d’un avantage majeur : celui du premier arrivant. Cette loi inhérente aux stratégies marketing nous dit que les premiers acteurs à prendre place sur un marché possèdent, de par leur position même, un certain nombre d’avantages. Ces derniers peuvent être commerciaux mais aussi communicationnels : arriver le premier positionne symboliquement en tant que pionnier ou structure 102
innovante. Avec les Massive Open Online Courses, toutes les premières universités de chaque pays rejoignant les plateformes majeures sont ainsi potentiellement considérées comme pionnières. La principale conséquence d’être pionnier dans sa région va être la couverture médiatique. La directrice de la communication d’une prestigieuse école d’ingénieurs française nous expliquait : « Et comme on était précurseur, on a été beaucoup… [Le directeur-adjoint] a beaucoup parlé dans la presse et exprimé son point de vue, etc. Et puis, c’est toujours bien d’être pionnier plutôt que suiveur 358 ».
Suite à l’annonce, l’école a obtenu des articles et des mentions dans plusieurs publications de la presse nationale comme Le Point 359, l’Express 360, Les Echos 361 ou encore Le Monde 362. Ne pas être un suiveur mais un pionnier permettrait donc de travailler et de valoriser sa marque universitaire. Depuis début 2012, nous avons ainsi assisté à une escalade d’annonces visant à aller toujours plus loin dans la proposition de cous en ligne : chaque université voulant se montrer pionnière sur une action. Au début, il y avait donc celles qui proposaient simplement un cours en ligne comme l’université de Princeton. Par la suite, sont arrivés les premiers certificats récompensant la réussite des examens. La San José State University annonce ensuite qu’elle met en place des programmes pilotes de cours en ligne pour améliorer la réussite aux examens. Les universités Brigham Young et d’Antioch vont encore plus loin et intègrent directement des MOOCs à leurs formations universitaires. Enfin, en août 2013, Georgia Tech a annoncé l’arrivée d’un diplôme de 358 Voir entretien avec Interviewé 6 en annexe : Annexe 1.7, p. 253.| Notons cependant que notre Interviewé 5, initiateur du premier xMOOC français, est assez agacé par le fait que l’Ecole Polytechnique soit considérée comme « pionnière » alors que ce ne serait pas le cas dans les faits. Voir entretien avec Interviewé 5 en annexe : Annexe 1.6, p. 224. 359 WIELS, Jason, « À la rentrée, tout le monde pourra devenir (un peu) polytechnicien », Le Point [disponible en ligne : http://www.lepoint.fr/societe/a-la-rentree-tout-le-monde-pourra-devenir-un-peu-polytechnicien-01-03-20131634680_23.php], publié le 1er mars 2013, consulté le 12 août 2013. 360 DANA, Alexandre, « Cours à distance: les cours en ligne ouverts sont-ils la meilleure solution ? », L’Express [disponible en ligne : http://www.lexpress.fr/actualite/cours-a-distance-les-moocs-sont-ils-la-meilleuresolution_1270382.html], publié le 31 juillet 2013, consulté le 23 août 2013. 361 LES ECHOS, « Polytechnique et la Sorbonne se lancent dans le « Mooc » », Les Echos [disponible en ligne : http://www.lesechos.fr/economie-politique/politique/actu/0202808225220-polytechnique-et-la-sorbonne-selancent-dans-le-mooc-572602.php], publié le 5 juin 2013, consulté le 23 août 2013. 362 ROLLOT, Olivier, « Bientôt des cours filmés de l’École Polytechnique gratuitement sur Internet : l’enseignement supérieur de demain se fera-t-il à distance ? », Le Monde [disponible en ligne : http://orientation.blog.lemonde.fr/2013/02/27/bientot-des-cours-de-lecole-polytechnique-gratuitement-surinternet-lenseignement-superieur-de-demain-se-fera-t-il-a-distance/], publié le 27 février 2013, consulté le 23 août 2013.
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Master en informatique donné entièrement grâce aux cours en ligne ouverts et massifs. L’engouement pour ces derniers s’est donc accompagné de multiples annonces : chaque université cherchant à construire une histoire autour du mythe de l’enseignement pour tous. Au cœur de cette escalade d’annonces par les universités américaines, il est intéressant de constater que le fantasme du retard français est quelque peu présent : « La France, en retard ? En France, les MOOC sont encore confidentiels mais de nombreux établissements y réfléchissent 363 ». « Le fait que nos grandes écoles hésitent à adopter les Massive Open Online Courses (MOOC) est assez symptomatique de la situation en France... 364 » « Ce qui au fond marque le début d’une véritable mutation sera d’autant mieux engagé que les acteurs de l’enseignement supérieur francophones se fédèreront. Car aujourd’hui – pour combien de temps encore ? – la place est à prendre pour un lieu visible d’offre de MOOC destiné aux étudiants qui préfèrent étudier en français. Gageons que nos universités et nos grandes écoles sauront apprécier cette urgence et agir ensemble 365 ». « Alors que 80 % des établissements outre-Atlantique disposent de cours en ligne, ils sont moins de 3 % en France! Un retard inquiétant 366 ».
Si nous observons le nombre de nationalités représentées chez les universités partenaires de Coursera, nous remarquons pourtant que la France ne semble pas plus en retard que les autres pays engagés sur le chemin des Massive Open Online Courses. Face aux nombreuses institutions américaines qui se lancent dans ce format de cours en ligne et aux trois plateformes – Coursera, EdX et Udacity – qui dominent le secteur, l’Europe, et plus particulièrement, le Royaume-Uni, serait décidée à réagir. En décembre 2012, douze universités britanniques annoncent la création d’une plateforme européenne,
BRAFMAN, Nathalie, « Tous diplômés d'Harvard, le fantasme des MOOC », Le Monde [disponible en ligne : http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2013/05/29/tous-diplomes-d-harvard-le-fantasme-desmooc_3420190_3234.html], publié le 25 mai 2013, consulté le 23 août 2013. 364 Propos de Michel Font, fondateur d’un « cabinet spécialisé dans le recrutement de profils à haut potentiel » in LE BOLZER, Julie, « En entrant dans l'ère de la rentabilité, le marché de la formation va se segmenter », Business Les Echos [disponible en ligne : http://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/formation/en-entrant-dansl-ere-de-la-rentabilite-le-marche-de-la-formation-va-se-segmenter-5071.php], publié le 27 février 2013, consulté le 23 août 2013. 365 SENNEQUIER, Nicolas, « Réinventons ensemble l’amphi », Les Echos [disponible en ligne : http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/societe/education/221171680/reinventons-ensemble-amphi], publié le 1 mai 2013, consulté le 11 août 2013. 366 GABIZON, Cécilia, « Les facs françaises se lancent dans la bataille du numérique », Le Figaro [disponible en ligne : http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/les-facs-francaises-se-lancent-dans-la-bataille-du-numerique908/], publié le 13 janvier 2013, consulté le 27 août 2013. 363
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Futurelearn 367. Aujourd’hui composée de 23 institutions, elle envisage de se poser en frontal des grandes plateformes américaines et de proposer une approche qui lui est propre, développée par l’Open University 368. Comme nous avons déjà pu le préciser, les universités d’Harvard et du MIT ont placé EdX, leur plateforme de Massive Open Online Courses, sous le signe de la recherche en sciences de l’éducation et en intelligence artificielle. Régulièrement, ils mettent d’ailleurs en avant les avancées scientifiques qu’elle va permettre 369. Ces deux universités, au lieu de se joindre aux autres au sein d’une plateforme privée comme Coursera ou Udacity, ont donc décidé de créer leur propre « projet scientifique » et d’user de leur notoriété respective pour le faire émerger médiatiquement 370. Elles saisissent l’opportunité MOOC en se plaçant sous un angle différent : celui du pionnier dans la recherche sur l’avenir de l’enseignement en ligne, ce nouveau monde vraisemblablement appelé à prendre une place de plus en plus importante. Elles deviennent ainsi prescriptrices de l’avenir de l’enseignement supérieur – initial et continue – et s’assurent une position de choix sur un secteur mondialisé et concurrentiel de plus en plus soumis aux lois classiques du marché. Les Massive Open Online Courses sont donc l’opportunité pour certaines universités d’être considérées comme pionnières dans la mise à disposition gratuite de leurs cours ou dans la construction de l’enseignement en ligne de demain. En se positionnant ainsi, elles trouvent une occasion de communiquer et d’atténuer leur image d’institutions d’élite. Audelà, les Massive Open Online Courses peuvent devenir de véritables enjeux stratégiques pour des universités à rayonnement international.
367 Notons aussi qu’une autre plateforme européenne a été annoncée, Edunao. Cependant, ses capacités d’avancement sont, pour le moment, assez incertaines. LOMAS, Natasha, « UK Universities Forge Open Online Courses Alliance: FutureLearn Consortium Will Offer Uni-Branded MOOCs Starting Next Year », TechCrunch [disponible en ligne : http://techcrunch.com/2012/12/13/12-u-k-universities-forge-moocs-alliance-futurelearnconsortium-will-offer-uni-branded-open-online-courses-starting-next-year/], publié le 13 décembre 2012, consulté le 23 août 2013. 368 REDDEN, Elizabeth, « Multinational MOOCs », Inside Higher Education [disponible en ligne : http://www.insidehighered.com/news/2013/01/22/foreign-universities-consider-how-best-enter-mooc-market], publié le 22 janvier 2013, consulté le 23 août 2013. 369 Voir la partie II.B.1. Notons aussi que les fondateurs de Coursera placent aussi leur plateforme sous le signe de la recherche en technologies d’enseignement. 370 Voir Analyse de discours de la conférence d’EdX : Annexe 2.2, p. 262.
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2. Harvard, MIT et les autres : quelles prétentions communicationnelles au travers des MOOCs ? A bien des égards, les Massive Open Online Courses peuvent être une opportunité pour les universités. Ils se révèlent être un objet à forte prétention communicationnelle : des institutions de l’enseignement supérieur vont les utiliser parce qu’ils « disent quelque chose ». Ils véhiculent notamment nombre d’imaginaires comme nous avons pu le préciser auparavant. Pour communiquer sur elles-mêmes, les universités ont à leur disposition tous les outils et canaux d’une entreprise traditionnelle. Mais ce n’est pas seulement leurs stratégies de communication qui joueront sur leur prestige et donc sur leur capacité à attirer des étudiants. Un certain nombre de conditions comme des classements académiques se révélant performatifs 371, la sélectivité financière et intellectuelle à l’entrée, l’activité et la qualité des professeurs, le succès des diplômés ou encore les productions culturelles internes et externes vont déterminer le degré d’attractivité d’une institution 372. Aujourd’hui, les Massive Open Online Courses montrent une certaine forme d’opérativité symbolique et vont être capables de véhiculer du sens autour des universités. Celles-ci profiteraient ainsi des multiples circulations de l’objet MOOC pour se positionner. Face à une université opaque, productrice d’élites et inaccessible financièrement, les cours en ligne ouverts et massifs proposent de l’ouverture et de la transparence sur les enseignements qui sont prodigués. En tant qu’objet à forte charge symbolique, les MOOCs permettent de communiquer sur un sujet plutôt tabou : l’accessibilité difficile à cause d’une entrée sélective financièrement ou intellectuellement. Demain, « tout le monde pourra devenir (un peu) polytechnicien 373 » titre Le Point qui illustre bien cette charge symbolique des MOOCs. L’acceptation rapide de ce format de cours en ligne par les universités montre bien cette envie de saisir l’opportunité communicationnelle qui se présente.
L’un des biais des classements académiques est leur capacité à être une technique performative : en disant, elles font. in ANDERSSON, Eva, RUNESDOTTER, Caroline & WÄRVIK, Gun-Brit, « School ranking in media as performative technologies », NERA´s 41st Congress in Reykjavik, 2013. 372 Voir partie II.A.3. 373 WIELS, Jason, « À la rentrée, tout le monde pourra devenir (un peu) polytechnicien », Le Point [disponible en ligne : http://www.lepoint.fr/societe/a-la-rentree-tout-le-monde-pourra-devenir-un-peu-polytechnicien-01-03-20131634680_23.php], publié le 1er mars 2013, consulté le 12 août 2013. 371
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Il n’est pas question d’avancer que le fait de mettre à disposition ces cours gratuitement sur l’Internet n’a rien à voir avec l’altruisme. Bien sûr, certains professeurs et universités créent ce format de cours en ligne pour simplement partager leur connaissance et permettre à d’autres de se l’approprier. Mais que l’effet soit voulu ou non, il y aura tout de même des formes de « retours sur investissements ». L’une d’entre elles est de l’ordre du symbolique 374. La marque universitaire se trouve en effet valoriser par cette mise à disposition de cours sur l’Internet. La directrice de la communication interviewée précise ainsi que son école est toujours associée à l’élitisme avec ses connotations positives mais aussi négatives : « Dès qu’on parle des élites, pouf, c’est nous ! Enfin là je veux dire, il y a un bouquin qui vient de sortir, Elite Academy, en l’occurrence, c’est Sciences Po qui s’en prend plein la tête mais c’est quand même nous que l’on va appeler 375 ».
Elle considère le Massive Open Online Course comme un vecteur de communication pertinent qui va lui permettre de travailler l’image de l’école : « Et puis c’est un formidable moyen aussi en notoriété parce que ça a fait beaucoup parler. Et comme on était précurseur, on a été beaucoup… [Le directeur] a beaucoup parlé dans la presse et exprimé son point de vue, etc. Et puis, c’est toujours bien d’être pionnier plutôt que suiveur. Donc moi j’y crois à fond en communication. C’est un très bon angle et un très bon axe de communication. Maintenant, comme tout, ça fait partie d’une stratégie globale. C’est un des angles, un des axes, un des éléments, un des ingrédients 376 ».
En 2009, l’université de Birmingham s’était déjà rendu compte de ce que leur apportait le fait de diffuser leurs cours sur Itunes-U. Oliver Williams, directeur du « Media Lab » de l’institution expliquait : « iTunes is great for profile. […] We've been up there for only a few weeks, but in the second week we had 15,000 downloads of our content. We wouldn't have got that just off
Pour les MOOCs certificatifs de Coursera, il y aura aussi un ROI financier (assez faible). Voir entretien avec Interviewé 6 en annexe : Annexe 1.7, p. 250. 376 Voir entretien avec Interviewé 6 en annexe : Annexe 1.7, p. 253. 374 375
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our own website. It puts the whole university in a good light, and it is great for people to have a look at your university before they come here or apply - it really works 377 ».
Pour un coût raisonnablement limité, les MOOCs permettent donc à l’université de communiquer et de travailler sa marque. Pour les insitutions ayant des budgets limités, ils peuvent se révéler être une opportunité. La directrice de la communication interviewée nous expliquait que, pour une institution à rayonnement international comme son école, elle aimerait pouvoir acheter des encarts publicitaires dans des grandes publications. Mais elle ne le peut pas à cause d’un budget limité. « Je ne peux pas vous dire le montant mais c’est ridicule. Il est absolument ridicule. Déjà, [au groupe de presse où elle travaillait avant], j’avais un montant ridicule mais l’avantage c’est que vous pouvez faire des échanges médias. Donc pouvoir communiquer… Alors, heureusement là je n’ai pas de pub à faire. Parce que finalement [son école d’ingénieurs], en France, ne fait pas de pub. Mais j’aurais vraiment besoin de faire de la pub à l’international par exemple. Pour que [son école] soit mieux comprise, j’aurais besoin de prendre des pages dans le FT ou dans le New York Times, voilà… je n’ai pas le budget. Le budget de la communication de [son école d’ingénieurs], c’est vraiment tuyau de poils et bouts de ficelles 378 ».
Dans le cas présent, les Massive Open Online Courses vont pouvoir venir remplacer une campagne de communication internationale coûteuse pour l’école et qu’elle n’aurait, de toute façon, pas pu s’offrir contrairement à certaines universités américaines. L’un des objectifs de ces MOOCs est donc d’accroitre la notoriété de l’institution et de favoriser, à terme, son attractivité. L’un des enseignants-cheurcheurs nous soulignait cet aspect dans l’entretien que nous avons réalisé : « Donc si vous voulez, [l’école d’ingénieurs] euh… c’est vachement connu en France mais du coup [le directeur de l’école] notamment et d’autres se sont rendus compte, mais enfin c’est pas possible, il faut utiliser ce moyen pour être plus connu. Donner aussi envie à des gens de venir ! Parce que c’est évident que les gens aujourd’hui, ils vont facilement tomber làdessus, pour diverses raisons rebondir puis tiens ils font ça ! Tiens, je ne savais pas, je vais peut-être candidater. J’en sais rien moi ! Ça peut vraiment déclencher des vocations 379 ».
377 ATTWOOD, Rebecca, « Get it out in the open », Times Higher Education [disponible en ligne : http://www.timeshighereducation.co.uk/features/get-it-out-in-the-open/408300.article], publié le 24 septembre 2009, consulté le 24 août 2013. 378 Voir entretien avec Interviewé 6 en annexe : Annexe 1.7, p. 248. 379 Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, p. 187.
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En 2009, l’université d’Oxford avait dépassé le million de téléchargements de ses cours sur Itunes-U. Carolyne Culver, directrice de la communication de l’institution, s’était alors rendu compte que les téléchargements des documents d’information sur l’admission à Oxford avaient fortement augmenté : plus de 30 000 récupérations des fichiers en quelques semaines 380. Pour certaines universités privées, les Massive Open Online Courses peuvent aujourd’hui s’appréhender comme des échantillons 381. Cette technique issue du marketing vise à offrir gratuitement l’accès à une partie d’un produit pour favoriser ensuite, l’achat de ce dernier dans sa totalité. Aux Etats-Unis, les cours en ligne ouverts et massifs sont apparus dans un contexte particulier : celui de l’augmentation constante des coûts d’accès à l’enseignement supérieur. Ce dernier serait ainsi de plus en plus réservé à une élite sociale ayant les moyens pour payer en moyenne 100 000 dollars pour un diplôme de Bachelor 382. Mettre leurs cours gratuitement à disposition des internautes serait pour eux l’occasion de gommer cette image : un engagement sociétal bénéfique pour la marque et qui participerait presque d’une forme d’eduwashing 383. Cette ambition de communication via les Massive Open Online Courses s’exprime de diverses manières. Comme nous avons déjà pu le préciser, les relations-presse autour de la mise à disposition de cours permettent une couverture médiatique nationale voire internationale pour certaines universités. Cette ambition de communication s’exprime aussi par le choix de la plateforme. Pour son école, le directeur-adjoint interviewé pour ce mémoire a ainsi choisi celle qui proposait l’audience la plus large : « La raison pour laquelle on a pris Coursera plutôt qu’une autre c’est que ben euh… d’une part, Coursera, qu’on le veuille ou pas, à une certaine visibilité. Je sais qu’il existe des plateformes en France hein. Il y a l’Ecole Centrale de Lille et puis… je crois qui ont fait une plateforme. Mais bon, ces plateformes-là n’ont pas la même visibilité qu’une plateforme telle que Coursera. […] Et enfin, il y a non seulement la visibilité mais il y a un problème aussi de promotion. Donc il est clair que Coursera fait de la promotion pour les cours. Donc en tant qu’entreprise privée, ils ont une logique d’entreprise privée relativement agressive de... qu’on 380 ATTWOOD, Rebecca, « Get it out in the open », Times Higher Education [disponible en ligne : http://www.timeshighereducation.co.uk/features/get-it-out-in-the-open/408300.article], publié le 24 septembre 2009, consulté le 24 août 2013. 381 EBERSOLE, John, « Where's the Evidence? », Inside Higher Ed [disponible en ligne : http://www.insidehighered.com/views/2013/06/03/essay-questioning-evidence-moocs-and-learning], publié le 3 juin 2013, consulté le 24 août 2013. 382 CARR, Nicholas, « The Crisis in Higher Education », MIT Technology Review [disponible en ligne : http://www.technologyreview.com/featuredstory/429376/the-crisis-in-higher-education/], publié le 27 septembre 2012, consulté le 8 mai 2013. 383 Néologisme inventé par analogie avec le Green Washing reproché à certaines entreprises.
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peut qualifier de relativement agressive vis-à-vis de la diffusion, vis-à-vis de ce qu’ils font, etc. 384 ».
Sur la plateforme en elle-même, les possibilités laissées aux universités pour travailler leur image sont nombreuses. Elles peuvent notamment choisir les contenus qui vont venir habiller la page de présentation du cours 385. Ici, la vidéo est un espace de discours privilégié pour valoriser sa marque. Il en va de même pour les vidéos de cours en tant que tels qui, en fonction du lieu de tournage, vont véhiculer des imaginaires plus ou moins positifs sur l’université 386. Certaines institutions vont aussi en profiter pour mettre en avant leurs professeurs les plus appréciés, voire même leurs célébrités 387 : eux-mêmes devenant des vecteurs de communication et des sources d’attractivité pour l’université. C’est pour cela que la directrice de la communication veillera sur les contenus produits par son école sur la plateforme américaine : « Donc effectivement, il faut que je regarde tout ce qui est logo, habillage, tout ce qui va permettre par des petites touches de mettre ma touche justement de communication. […] Donc il ne faut pas qu’on soit complétement has been et nul et catastrophique mais je serai un peu plus indulgente que si c’était pour le 20h de France 2. Donc voilà, je vais le dire en amont, je vais regarder comment ça se passe. Si je trouve que c’est une catastrophe je le dirai parce que bien évidemment, ça fait partie de l’image. Mais encore une fois, avec quand même le respect de la matière qui est enseignée 388 ».
Bien entendu, il ne s’agit pas d’oublier la dimension altruiste derrière la mise à disposition gratuite des cours en ligne. Cependant, nous ne pouvons pas non plus ignorer la volonté chez les universités de travailler une image de marque au prisme de cet « engagement sociétal ». Soutenu par des scientifiques bercés par le mythe de l’enseignement pour tous, certaines institutions privées américaines perçoivent dans les Massive Open Online Courses une opportunité pour lutter contre cette image « d’universités d’élites » qui leur est accolée. Pourtant, il semblerait que les cours en ligne ouverts et
Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, p. 169. Voir analyse sémiotique et de discours des pages de présentation de cours sur EdX et Coursera : Annexe 3.2, p. 290 & Annexe 2.5, p. 278. 386 Voir analyse de discours d’une vidéo de cours EdX : Annexe 2.1, p. 259. 387 Walter Lewin, Michael Sandel et consorts. Voir la partir III.A.2. 388 Voir entretien avec Interviewé 6 en annexe : Annexe 1.7, p. 255. 384 385
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massifs participent aussi d’un mouvement inverse et contribueraient donc à renforcer les atouts de ces établissements prestigieux.
3. Vers un renforcement des atouts de ces établissements d’élite En mettant gratuitement à disposition sur l’Internet plusieurs de leurs cours, certaines universités vont contribuer à renforcer leurs atouts. Elles montrent bien par cette action que ce n’est pas les cours en eux-mêmes qui sont importants : « les contenus sont déjà en libre accès sur le Web 389 » explique Andrew Ng. Les universités, reconnues ou non, offrent en effet d’autres avantages plus ou moins exploités que nous avons modélisé sous la forme d’un triple-capital : intellectuel, social et symbolique. Le capital intellectuel offert par l’université est le plus évident. Il s’agit de toutes les connaissances et compétences qui sont transmises à l’apprenant tout au long de son cursus. Dans l’enseignement en présentiel, il représente aussi les possibilités d’interactivité entre le professeur et son élève. La relation privilégiée qui est offerte permet aux étudiants qui le veulent de demander des précisions, d’aller plus loin dans le cours ou d’être aidé en cas de difficultés. Ce capital intellectuel se développe aussi par les travaux de groupe organisés par les universités. Chris Dede, chercheur à l’université de Harvard, nous dit que les aptitudes au leadership, au travail collaboratif ou encore des traits de caractère comme la ténacité ne peuvent se développer qu’en enseignement en présentiel 390. Le capital social correspond aux relations qui se nouent entre les étudiants eux-mêmes et avec leurs professeurs, pendant et après la formation. Pour Lawrence Summers, c’est bien le principal atout d’une université comme Harvard : « Nos étudiants pensent que le fait d'appartenir à la communauté d'Harvard reste leur meilleur atout. La chance de pouvoir constituer un réseau exceptionnel, de faire des voyages d'étude, de rencontrer des professeurs de renom et des personnalités gouvernementales est irremplaçable. Cela demande une présence réelle, et non virtuelle 391 ».
Interview de Andrew Ng in LESOURD, Hélève & DAVIDENKOFF, Emmanuel, « Vidéo. Silicon Valley : la révolution MOOC », Letudiant.fr [disponible en ligne : http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/video-siliconvalley-la-revolution-mooc.html], publié le 3 avril 2013, consulté le 4 août 2013. 390 WALDROP, Mitchell, « Massive Open Online Courses, aka MOOCs, Transform Higher Education and Science », The Scientific American [disponible en ligne : http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=massiveopen-online-courses-transform-higher-education-and-science], publié le 13 mars 2013, consulté le 4 août 2013. 391 LES ECHOS, « Larry Summers : ‘‘Les avantages pour Harvard compensent largement les risques’’ », Les Echos [disponible en ligne : http://www.lesechos.fr/15/05/2013/LesEchos/21436-038-ECH_larry-summers-----lesavantages-pour-harvard-compensent-largement-les-risques--.htm], publié le 15 mai 2013, consulté le 25 août 2013. 389
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Pendant la formation, les occasions sont multiples dans les universités pour nouer des relations entre les étudiants. Bien sûr, il y a les cours avec les travaux de groupe notamment. Mais le reste des activités d’une école comme les soirées, les clubs ou encore les associations permettent de multiplier les rencontres dans des sphères parfois différentes de la leur et de s’enrichir intellectuellement et socialement. De nombreuses institutions font des efforts en ce sens comme le précise Susan Douglas, professeure de Sciences de l’Information et de la Communication à l’université du Michigan : « At most universities, enormous efforts are made to ensure diversity among the students and faculty, so that people meet others not like them, learn from them, and hopefully develop a tolerance for, even an embrace of, difference. It’s not just that white kids and students of color (and of different nationalities) meet each other and even become friends. Straight kids meet LGBT kids. Rural kids meet city kids. And they do so face-to-face, in the classroom, as well as in their dorms, clubs and the like. They form networks and gain social capital that serves them throughout their lives 392 ».
Après la formation, ce capital social continue d’être valoriser par les universités via notamment les fondations ou les associations d’anciens qui utilisent de multiples canaux pour connecter les diplômés : réseau en ligne, journaux, conférences, etc. Ce capital social peut jouer un rôle important l’insertion professionnelle et la carrière des individus. En France, la formation de ce capital social est beaucoup plus favorisée dans les « grandes écoles » par exemple, que dans les universités publiques souvent beaucoup plus impersonnelles. Le capital symbolique est assez peu évoqué mais est lui aussi bénéfique tout au long de la vie professionnelle. Présent presque exclusivement chez les étudiants issus d’universités prestigieuses, il vient en amont des deux autres et leur est totalement lié. Il correspond en quelque sorte à la part de symbole qu’ils ont arraché à leur école. Autour des diplômés rodent ainsi des imaginaires propres aux institutions qui l’ont formé. C’est ce qui fait par exemple dire qu’un étudiant de l’Ecole Polytechnique n’est pas qu’un ingénieur : c’est un Polytechnicien. Nous pourrions avancer la même chose pour des Normaliens ou encore des Enarques. Leur statut, qui parfois a aussi une fonction juridique, a la prétention d’en
DOUGLAS, Susan, « The Digital Education Divide », In These Times [disponible en ligne : http://inthesetimes.com/article/14870/the_digital_education_divide/], publié le 24 avril 2013, consulté le 25 août 2013. 392
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dire plus sur l’individu et ses capacités qu’il ne le laisse paraître. Cette couche symbolique offerte par certaines institutions est liée pour beaucoup à l’histoire de l’école 393. Ce triple-capital est offert par toute institution de l’enseignement supérieur. Cependant, certaines excellent plus que d’autres dans leur fourniture. Les capitaux sociaux et symboliques offerts par Harvard ou l’Ecole Polytechnique à leurs étudiants sont par exemple beaucoup plus développés que ceux de l’université de Pau 394. Les Massive Open Online Courses de ces universités prestigieuses contribuent finalement à valoriser ce qui fait leur principale force : les possibilités d’interaction enseignant-apprenant ainsi que les capitaux sociaux et symboliques des étudiants en présentiel. Pour
ces
universités
réputées,
nous
avons
déjà
évoqué
l’opportunité
communicationnelle que représentent les Massive Open Online Courses : ils les placent pionnières de l’avenir de l’enseignement. Au-delà, les cours en ligne ouverts et massifs se révèlent être une opportunité pour le marketing éducatif. Pour le directeur-adjoint interviewé, cette tactique est lisible dans les actions multiples du MIT pour mettre ses cours à disposition de tous : « Pourquoi tout le monde dit que le MIT c’est formidable ? Sur leur plateforme c’est gratuit ! C’est pas comme ces méchants de Coursera qui vont faire payer les cours. Ce sera gratuit, c’est formidable ! Mais le MIT il fait ça pour quoi ? Il fait ça pour récupérer des élèves. Lui il a les données sur les meilleurs Chinois en math, en physique, les machins-trucs, etc. Et après ils leurs envoient un email en disant ben écoutez mon bon monsieur, venez chez nous ! 395 »
Michel Font, fondateurs d’un cabinet spécialisé dans le recrutement, nous donne quant à lui l’exemple du premier cours en ligne de l’université de Stanford : « Lorsqu'ils ont mis en ligne leurs cours d'intelligence artificielle, près de 160 000 personnes se sont inscrites. Après plusieurs mois d'enseignement, ils n'en restaient que 23 000, et seuls 248 des inscrits ont obtenu la note maximale à l'examen. Aucun n'était étudiant à Stanford ! Qu'ont fait les responsables de l'université ? Ils ont contacté ces 248 personnes pour leur offrir de rejoindre l'établissement. Voilà comment Stanford, et plus généralement
393 Traditions et culture interne de l’institution. Pour certaines, les productions culturelles externes jouent aussi un grand rôle : série TV, film, etc. 394 Exemple pris par Olivier Ertzscheid dans son article de blog. Notons qu’il s’agissait à la base d’un choix aléatoire pour trouver un exemple. 395 Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, p. 177.
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les Business School d'excellence américaines, parient sur les MOOC pour détecter les meilleurs, futurs étudiants ou chercheurs, aux quatre coins du globe 396 ».
En mars 2013, l’exemple d’Amol Bhave, un Indien de 17 ans, a été beaucoup repris par les médias. Parce qu’il a obtenu 97 % à son résultat final du cours « Circuits and electronics » sur EdX, il a été contacté par le MIT pour en devenir l’un des étudiants 397. Les Massive Open Online Courses pourraient donc aussi servir de produits d’appel pour détecter les meilleurs talents. En sélectionnant ainsi les meilleurs étudiants de la planète, les institutions à gros budgets comme Harvard, Stanford ou le MIT contribuent à creuser le fossé qui les séparent du reste des universités. Ces dernières pourraient être amenées à utiliser la logique low-cost décrite précédemment dans ce mémoire pour rester compétitives : par exemple, des MOOCs d’institutions prestigieuses à la place de cours magistraux et des logiciels pour corriger des copies à la place des professeurs. Si nous allons plus loin dans notre raisonnement, les Massive Open Online Courses sont l’illustration d’une nouvelle étape de la mondialisation de l’enseignement supérieur et du recrutement d’étudiants. Avec leurs coûts prohibitifs et ce format de cours en ligne, les universités prestigieuses renforcent l’élitisme des étudiants inscrits dans leurs cursus. Les Massive Open Online Courses contribuent à renforcer l’attractivité de certaines universités prestigieuses ainsi que leur mainmise sur le marché de l’éducation. Ceci, malgré le fait qu’elles deviennent de moins en moins accessibles car de plus en plus onéreuses. Ces coûts exorbitants contribuent à la reproduction d’un modèle social en s’appuyant sur ce qui semble faire la vraie force des étudiants de ces institutions reconnues : les capitaux sociaux et symboliques. Parallèlement, elles creusent l’écart avec le reste des universités qui n’ont pas forcément le même budget et seront obligées de se servir de MOOCs pour réduire leurs coûts d’entrée. Les cours en ligne ouverts et massifs pourraient donc être ce solvant qui va creuser le fossé entre des universités d’élites 398 et des universités « de masse ». Il s’agirait aussi de se demander, dans une dernière partie, si une logique de Soft LE BOLZER, Julie, « En entrant dans l'ère de la rentabilité, le marché de la formation va se segmenter », Business Les Echos [disponible en ligne : http://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/formation/en-entrantdans-l-ere-de-la-rentabilite-le-marche-de-la-formation-va-se-segmenter-5071.php], publié le 27 février 2013, consulté le 23 août 2013. 397 EDGECLIFFE-JOHNSON, Andrew, « Online courses open doors for teenagers », Financial Times [disponible en ligne : http://www.ft.com/cms/s/0/c5a4b932-924c-11e2-851f-00144feabdc0.html], publié le 26 mars 2013, consulté le 25 août 2013. 398 Dans le sens : « qui produisent des élites sociales ». 396
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Power n’émergerait pas avec les MOOCs et si ceux-là ne contribueraient pas à uniformiser globalement l’enseignement supérieur.
C. Vers un Soft Power éducatif 1. Circulations d’une vision et d’un style d’enseignement Selon les régions du globe, les visions de ce que doit être l’enseignement supérieur peuvent diverger. Les modèles et styles d’enseignement diffèrent par exemple selon les cultures, les langues ou encore selon l’ingérence plus ou moins importante des pouvoirs politiques dans la gestion des universités. Aux Etats-Unis, nous avons pu voir que la stature de certains professeurs pouvait aussi influer sur la façon d’enseigner 399 ou de gérer une équipe professorale 400. L’un des enseignants-chercheurs interviewés nous avait ainsi exprimé son opinion sur ce point : « Moi j’ai de très bon rapport avec les américains. Parce qu’il y a toujours un décalage entre l’image des américains en général et notre domaine. Dans le domaine scientifique, on a tous des collègues américains. […] Et donc nous on a des très bons rapports avec les universités américaines. C’est juste qu’on a des spécificités, des traditions et en fait, curieusement, c’est un paradoxe qui est apparent, Internet et Coursera ou des choses comme ça, ça permet de garder son identité et il n’y a pas de contradiction. On est pas en train de défendre quelque chose de microscopique. […] Oui il y a des différences (dans la façon d’enseigner), ça c’est sûr. Il y a des différences à la fois sur le contenu et sur la forme. On n’est pas du tout… On n’enseigne pas du tout comme aux Etats-Unis, c’est sûr. Ou comme en Angleterre. Ca… ça se ressentira. Qui sait ! 401 »
Les Massive Open Online Courses pourraient donc participer à la circulation d’un certain style d’enseignement dans le supérieur. Ici, le concept de soft power, développé par Joseph Nye, professeur de sciences politiques à l’université de Harvard 402, trouve une nouvelle illustration. Appliquée à la culture, cette « puissance douce » se définirait par l’influence d’un pays sur un autre induite par la diffusion de l’information et de produits culturels 403. Elle complète ainsi la puissance traditionnelle, coercitive ou militaire, le hard power. Les Voir l’analyse de discours d’une vidéo de cours : Annexe 2.1, p. 259. Voir la partie III.A.2 401 Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, p. 188. 402 Concept développé dans l’ouvrage de NYE J. (1990), op. cit. 403 Cette définition est bien entendue très réductrice. Pour le besoin de ce mémoire, nous nous en tiendrons cependant à cette courte présentation. 399 400
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MOOCs et leurs plateformes seraient donc de nouveaux véhicules de la culture américaine : cette fois, sous l’angle éducatif. Il est en effet possible de faire une autre analogie entre les MOOC-providers et le modèle de l’enseignement supérieur américain. Aux Etats-Unis, les programmes de Bachelor sont très flexibles. Les étudiants font en effet leur choix parmi une offre importante de cours. Ils peuvent ainsi déterminer ce qu’ils veulent apprendre et passer les examens qu’ils veulent. Souvent les cours de professeurs charismatiques comme Walter Lewin ou Michael Sandel sont ainsi choisis par les étudiants même si le sujet s’éloigne de ce qu’ils souhaiteraient étudier prioritairement. Ce modèle basé sur le choix se rapprocherait donc du mode de fonctionnement des MOOCs-providers. L’étudiant peut naviguer sur le site et « mettre dans panier » les cours qu’ils souhaitent étudier 404. Ce modèle est aujourd’hui utilisé par toutes les plateformes dominantes du marché. Nous aurions cependant pu tout à fait imaginer d’autres systèmes de fonctionnement. Par exemple, il y aurait pu n’y avoir qu’un choix de forfaits de cours. L’internaute souhaitant étudier les sciences de l’information et de la Communication aurait alors eu un cours de sociologie des médias et de la communication, un autre sur l’économie des médias et du numérique, etc. Mais aujourd’hui, l’étudiant a bien la possibilité de choisir chacun de ses MOOCs comme s’il était au supermarché. Au-delà, les Massive Open Online Courses eux-mêmes et le style d’enseignement qu’ils véhiculent joueraient un rôle important. Le « savoir-faire pédagogique 405 » présenté dans les MOOCs, comme le nomme Christine Vaufrey, va être très différent en fonction de la nationalité des cours en ligne et de leur qualité. Selon Cyril Bedel, initiateur d'un projet européen de MOOC-providers, il y a par exemple une grande différence entre la France et les Etats-Unis : « Aux Etats-Unis, l’enseignement est très analytique et la pédagogie largement engagée dans une logique d’apprentissage de connaissance et de validation des acquis, à quelques exceptions près. La France, et l’Europe en générale, est plus ouverte à la formation des esprits. Pour vous donner un exemple, Michel Serres, qui a contribué à notre réflexion,
Voir Analyse de discours des pages de présentation de cours : Annexe 2.5, p. 278. VAUFREY, Christine, « 2013, l'année des Moocs en français ? », Thot Cursus [disponible en ligne : http://cursus.edu/article/19487/2013-annee-des-moocs-francais/], publié le 12 février 2013, consulté le 26 août 2013. 404 405
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rapporte qu’aux Etats-Unis, certains élèves demandent ce qu’est une bonne dissertation et s’étonnent de s’entendre répondre qu’il n’y a pas de réponse univoque 406 ».
Christine Vaufrey explique que ces différences seraient notamment visibles dans les cours en ligne ayant trait au champ des sciences humaines et sociales. En arrivant en premières sur le marché des Massive Open Online Courses, les plateformes américaines définissent les canons de ce format de cours et de leur distribution. L’émergence de plateformes européennes, comme le prochain FutureLearn par exemple, montre une ambition de se poser en frontal du modèle de Coursera, Udacity ou EdX 407. Nous aurions donc bien affaire à une forme de lutte culturelle qu’il serait possible de relier à la thèse de Frédéric Martel dans son ouvrage Mainstream : Enquête sur la guerre globale de la culture et des médias : « Enfin, c’est une bataille internationale des échanges de contenus sur Internet. Cette guerre pour le soft power met en présence des forces très inégales. C’est d’abord une guerre de position entre des pays dominants, peu nombreux et qui concentrent la plupart des échanges commerciaux ; c’est ensuite une guerre de conquête entre ces pays dominants et des pays émergents pour s’assurer le contrôle des images et des rêves des habitants de nombreux pays dominés qui produisent peu, ou pas, de biens et de services culturels. Enfin, ce sont également des batailles régionales pour gagner une nouvelle influence par la culture et l’information 408 ».
Les Massive Open Online Courses participeraient donc à la circulation d’un style de pédagogie et les MOOC-providers à celle d’une certaine vision de l’enseignement supérieur. Les plateformes comme EdX ou Coursera illustrent plutôt bien ce modèle américain flexible où l’étudiant choisit lui-même son mix de cours. Etant donné le caractère global de l’audience des fournisseurs de MOOCs, il y aurait bien ici une logique de Soft Power par l’éducation : une lutte discrète et inconsciente pour définir une vision de l’enseignement
VAUFREY, Christine, « 2013, l'année des Moocs en français ? », Thot Cursus [disponible en ligne : http://cursus.edu/article/19487/2013-annee-des-moocs-francais/], publié le 12 février 2013, consulté le 26 août 2013. 407 REDDEN, Elizabeth, « Multinational MOOCs », Inside Higher Education [disponible en ligne : http://www.insidehighered.com/news/2013/01/22/foreign-universities-consider-how-best-enter-mooc-market], publié le 22 janvier 2013, consulté le 23 août 2013. 408 MARTEL, Frédéric, Mainstream : Enquête sur la guerre globale de la culture et des médias, Paris, Flammarion, coll. « Champs actuel », 2011, p. 527. 406
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supérieur. Certains parlent même de « McDonaldisation » de l’enseignement supérieur 409. Si nous poursuivons notre raisonnement, n’y aurait-il pas aussi un affrontement linguistique ?
2. La francophonie en question ? Chez les trois principaux fournisseurs de Massive Open Online Courses du marché, nous observons clairement la domination des contenus anglophones. En septembre 2013, seuls dix cours sont proposés dans la langue de Molière : tous sur la plateforme Coursera. Si la langue française est l’une des plus parlées dans le monde avec 312 millions d’individus 410, ses acteurs n’ont, semble-t-il, pas été inclus dans la conception des premiers MOOCs. Pourtant, comme le précise l’un des enseignants-chercheurs interviewés, la communauté francophone semble prête pour suivre des cours en ligne, même très pointus : « Je sais qu’aujourd’hui, il y a 1500 préinscrits à notre cours. Ce que je trouve bien pour un cours de mathématiques en Français. Donc, ça prouve bien ce que je disais tout à l’heure. Ça veut dire qu’il y a des gens de par le monde qui sont francophones et qui sont contents qu’on puisse bénéficier de ce genre de chose en Français 411 ».
Aujourd’hui, la quasi-totalité des cours possèdent des traductions parfois dans plus d’une vingtaine de langue. Cela soulève notamment des inquiétudes du côté francophone comme nous l’explique le directeur-adjoint d’une grande école d’ingénieurs : « Ben oui parce que des cours en anglais ils en ont plein (Coursera), ils en ont autant qu’ils veulent. Et puis certains beaucoup mieux faits que les nôtres ! Par contre les cours en Français ce qu’ils vont faire c’est… très rapidement, ils vont doubler les cours en anglais. C’est déjà prévu. Donc en fait… moi mon problème aussi c’était de dire ben quand on s’est lancé là-dessus… c’était de dire ben si [mon école] se lance là-dessus et si il y a une offre de cours en Français sur Coursera et sur d’autres plateformes, etc. Et bien à ce moment-là les Français vont un petit peu occuper du terrain. Autrement, ce qui va se passer, c’est que tous les cours en anglais de Coursera seront traduits en Français. Et là ben, si c’est comme ça ben nous on aura, la France… on aura tout perdu. On n’aura rien. Et ce sera perdu. Tous les cours de base seront sur Coursera traduits en n’importe quelle langue 412 ». LANE, Jason & KINSER, Kevin, « MOOC’s and the McDonaldization of Global Higher Education », The Chronicle of Higher Education [disponible en ligne : https://chronicle.com/blogs/worldwise/moocs-mass-educationand-the-mcdonaldization-of-higher-education/30536], publié le 28 septembre 2012, consulté le 28 août 2013. 410 OIF, [disponible en ligne : http://www.francophonie.org/IMG/pdf/La_francophonie_dans_le_monde_20062007.pdf], publié en 2007, consulté le 27 août 2013. 411 Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, p. 186. 412 Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, p. 179. 409
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Il y aurait donc un « retard » des universités francophones qui auraient raté le virage du numérique en n’osant pas proposer des MOOCs. L’un de nos interviewés abonde en ce sens : « Au niveau mondial, l’enjeu est que tous nos étudiants aillent sur des MOOC en anglais et que du coup toute la construction intellectuelle française qui est déjà sacrément en difficulté ne disparaisse, il faut absolument qu’il y ait des MOOCs francophones et qu’on ne tarde pas 413 ».
Pour Nicolas Sennequier, directeur de la stratégie de l’Institut Mines-Télécom, le constat est le même. Cette domination anglophone sur les MOOCs pourrait avoir un certain impact sociétal : « Ces acteurs (Harvard, le MIT, Berkeley et Stanford) se sont lancés dans les MOOC parce qu’ils veulent mener, et non subir, la transformation de leur activité. Ils parient que ceux qui proposent ces nouveaux cours capteront une grande part de la valeur créée par l’enseignement supérieur. S’agissant d’une activité à l’impact sociétal aussi large, le mot "valeur" doit être lu selon les dimensions du développement des personnes, de la vitalité des territoires, du rayonnement des cultures, aussi bien que de l’économie propre à l’enseignement supérieur lui-même 414 ».
La culture française trouverait donc une nouvelle menace dans les Massive Open Online Courses et l’immobilisme des universités en serait la principale cause. Cette inquiétude pour le rayonnement de la langue n’est cependant pas unanimement partagée. Selon l’un de nos interviewés, il est plus important que des institutions issues de la francophonie soient représentées sur des plateformes majeures plutôt que la langue elle-même. Il envisage d’ailleurs de lancer un cours en anglais : « Moi je ne suis pas francophone par principe, c’est comme si on disait, vous savez, à une époque il y avait la loi Toubon, il disait, les Français, on n’arrive plus à publier en français, il faut publier en français. Mais non, je ne sais pas, le combat est peut-être déjà perdu, pour l’élite, vous vous êtes des gens anglophones, donc vous ne pouvez pas me dire que je ne dois pas aller sur le domaine anglophone puisque vous y êtes. L’enjeu pour la francophonie il est bien, mais il faut faire les 2, francophonie et sur le marché mondial, c’est ce que fait polytechnique. Et je me demande pourquoi Polytechnique n’a pas le culot de faire ses cours Voir entretien avec Interviewé 5 en annexe : Annexe 1.6, p. 241. SENNEQUIER, Nicolas, « Réinventons ensemble l’amphi », Les Echos [disponible en ligne : http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/societe/education/221171680/reinventons-ensemble-amphi], publié le 1 mai 2013, consulté le 11 août 2013. 413 414
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en anglais, comme le fait l’EPFL. […] Théoriquement, s’ils veulent se situer au niveau mondial, ils doivent aller défier les autres grandes universités mondiales en anglais, parce qu’en français ils vont être les premiers, ils sont les seuls, mais il faut aller en anglais 415 ».
La volonté de faire rayonner l’enseignement en langue française par les Massive Open Online Courses est pourtant bien présente. Le directeur-adjoint de la grande école d’ingénieurs que nous avons interviewé souhaitait absolument y aller en français : « On s’est tout de suite dit en Français ! Même la fille de Coursera elle nous dit que moi ce qui m’intéresse, c’est des cours en Français. Donc j’ai dis ça tombe bien parce que moi aussi 416 ! »
Il était largement soutenu par ses professeurs dont l’un de nos interviewés qui trouve dans l’enseignement sur l’Internet, un moyen de donner du sens au fait de parler français : « Si on m’avait proposé en anglais, j’aurais refusé par exemple ! Parce que, ça n’a aucun intérêt, il y a déjà plein de cours en anglais. Et donc, j’ai réalisé qu’il y avait quand même des, a priori, des dizaines, voire des… En fait, on évalue à 300 millions les locuteurs français dans le monde. C’est des chiffres officiels. Après, il y en a qui comprennent le français. Ca fait déjà quand même… Evidemment, la France, la Belgique, la Suisse, le Canada et tous les pays francophones en Afrique, ça représente quand même énormément de gens et donc il y a aussi ce côté que… Internet, précisément ce genre de plateforme permet de rendre… de donner du sens au fait de parler en français parce que ça touche énormément de gens. Alors qu’en France, quand je donne cours, ben je ne donne pas cours devant des milliers de personne. Donc ça donne un sens précisément de le faire en espagnol, en français ou… mais en anglais, je ne vois pas l’intérêt non. Parce qu’il y en a qui font ça à Princeton, etc. Et puis je ne parle pas aussi bien anglais qu’un anglais alors. (Il rigole) 417 ».
Défier les universités américaines dans leur langue d’origine serait vain. Leurs cours seraient quoi qu’il arrive de meilleures qualités et cela demanderait un effort trop important à l’école. D’autres institutions de l’enseignement supérieur proposent cependant des Massive Open Online Courses en français depuis plus longtemps. C’est notamment le cas de l’Ecole 415 Il ne s’agit pas ici d’une contradiction dans le raisonnement de notre Interviewé 5 : il souhaite simplement que les universités y aillent à la fois en Français et en Anglais. Voir entretien avec Interviewé 5 en annexe : Annexe 1.6, p. 242. 416 Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, p. 178. 417 Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, p. 182.
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Polytechnique Fédéral de Lausanne qui offre plusieurs cours sur Coursera et EdX 418. Pierre Aebisher, son directeur, serait d’ailleurs parti à San Francisco pour se former sur les MOOCs et dans différentes universités d’Afrique de l’Ouest pour évaluer les besoins des universités francophones 419. En effet, son institution est liée à la francophonie par le RESCIF : le réseau d'excellence des sciences de l'ingénieur de la francophonie. Ce réseau regroupe quatorze universités technologiques dans le monde et vise à développer la coopération et l’innovation chez ses partenaires. Il est donc probable que de nombreux MOOCs se développent via celui-ci 420. De son côté, HEC Montréal propose aussi des cours en ligne ouverts et massifs en français depuis novembre 2012 421. Ils ont cependant décidé de faire cela sur leur propre plateforme : EDUlib 422. Un autre acteur, l’agence universitaire de la francophonie (AUF), semble lui aussi prêt à apporter sa contribution pour le rayonnement des MOOCs francophones. Le cours de Rémi Bachelet, « ABC de la gestion de projet », a ainsi été lancé en collaboration avec l’AUF qui lui a fait profiter d’un réseau de partenaires internationaux. Comme nous avons pu le voir, de multiples acteurs francophones sont donc en mouvement. Face aux discours prônant « l’immobilisme français », il s’agirait donc de ne pas oublier que notre pays n’est pas le seul à faire la promotion de sa culture. Si la langue française n’est pas encore très représentée sur les principales plateformes de MOOCs, cela pourrait cependant être amené à changer. L’un des cofondateurs de Coursera, Andrew Ng déclarait ainsi à EducPros : « Une grande partie de la planète ne parle que Français comme de nombreuses personnes pauvres en Afrique et si nous sommes capables de leur apporter la connaissance et le langage appropriés, c’est vraiment fantastique ! […] J’espère que cela s’amplifiera dans l’avenir avec eux (Ecole Polytechnique) et d’autres universités françaises afin que davantage de contenus en langue française soient en ligne et gratuits pour le plus grand nombre 423 ». Notons cependant que tous ne sont pas en Français. DENTAN, Geneviève, « [Vidéo] Les MOOCs ou l'université à portée de clic », Nouvo [disponible en ligne : http://www.nouvo.ch/2012/12/les-moocs-ou-luniversit%C3%A9-%C3%A0-port%C3%A9e-de-clic], publié le 2 décembre 2012, consulté le 27 août 2013. 420 RESCIF, « Francophonie : La Suisse propose les MOOCS dans le cadre du RESCIF », RESCIF [disponible en ligne : http://www.rescif.net/fr/content/francophonie-la-suisse-propose-les-moocs-dans-le-cadre-du-rescif], publié le 20 décembre 2012, consulté le 27 août 2013. 421 HEC MONTREAL, « Lancement d’EDUlib », HEC MONTREAL [disponible en ligne : http://www.hec.ca/nouvelles/2012/nouv_201291_Edulib.html], publié le 22 octobre 2012, consulté le 27 août 2013. 422 EDULIB, [disponible en ligne : https://edulib.hec.ca/portal], consulté le 27 août 2013. 423 Interview de Andrew Ng in LESOURD, Hélève & DAVIDENKOFF, Emmanuel, « Vidéo. Silicon Valley : la révolution MOOC », Letudiant.fr [disponible en ligne : http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/video-siliconvalley-la-revolution-mooc.html], publié le 3 avril 2013, consulté le 4 août 2013. 418 419
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Les plateformes sont donc désireuses d’accueillir des cours d’universités françaises. De leur point de vue, cela leur permettrait d’augmenter leur bassin potentiel d’utilisateurs et de faire grossir considérablement leur base installée. Actuellement, le français n’est qu’en troisième position des langues représentées sur Coursera derrière l’anglais et l’espagnol. Pour l’un de nos interviewés, cela serait dû à leur politique de sélection des écoles : « Mais là vous voyez, globalement, on peut se dire que si Coursera avait pas été aussi restrictive dans sa politique d’acceptation des écoles, il y aurait déjà eu d’autres MOOCs français 424 ».
La dimension linguistique est donc prépondérante concernant les Massive Open Online Courses. Chez les différents acteurs francophones, l’enjeu de la place du français dans les cours en ligne semble omniprésent. Si les positions peuvent diverger, il y a bien un mouvement commun qui s’est enclenché pour le développement des contenus francophones face à une offre anglophone pléthorique. Avec les cours en ligne ouverts et massifs, une lutte indirecte et globale aurait ainsi lieu pour la survie de l’enseignement dans certaines langues. Mais finalement, qu’en est-il du dessein initial des MOOCs ? Les pays émergents ou en développement profitent-ils vraiment de ce qu’ils sont censés leur apporter ?
3. Quelle profitabilité pour les pays émergents et en développement ? Nous avons déjà évoqué, tout au long de ce mémoire, les objectifs initiaux des concepteurs de MOOCs ou de leurs plateformes. Andrew Ng et Anant Agarwal s’expriment régulièrement ainsi : Andrew Ng (Coursera) - « Un monde dans lequel l’étudiant n’a pas plus à choisir entre payer ses études et se nourrir, un monde dans lequel un enfant pauvre, issu d’un pays africain a presque les mêmes chances qu’un enfant né dans l’agglomération d’une ville développée… Grâce à toutes ces technologies novatrices, je pense que nous avons l’opportunité de faire de cette environnement une réalité 425 ».
Voir entretien avec Interviewé 5 en annexe : Annexe 1.6, p. 224. Interview de Andrew Ng in LESOURD, Hélève & DAVIDENKOFF, Emmanuel, « Vidéo. Silicon Valley : la révolution MOOC », Letudiant.fr [disponible en ligne : http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/video-siliconvalley-la-revolution-mooc.html], publié le 3 avril 2013, consulté le 4 août 2013. 424 425
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Anant Agarwal (EdX) – « Online education for students around the world will be the next big thing in education. This is the single biggest change in education since the printing press. […] Our goal is to educate a billion people around the world 426 ».
Si cette motivation d’apporter l’enseignement à tous, partout dans le monde, anime les discours de ces acteurs, il s’agirait maintenant de regarder quelles actions sont entreprises et si les MOOCs profitent ou non à toutes les populations. Bien entendu, il est nécessaire d’opérer des distinctions entre les pays pour différents besoins. Celles-ci sont insuffisantes mais ont néanmoins le mérite de proposer une lecture de la situation, si imparfaites soient-elles. La question du développement des Massive Open Online Courses est intimement liée à celui de l’Internet. Dans les pays dits « émergents », l’accès au réseau des réseaux est possible dans la grande majorité des villes et même dans certaines régions plus reculées. Ce sont cependant les populations ayant un accès illimité, régulier et haut-débit à l’Internet qui vont pouvoir utiliser les MOOCs : il s’agit donc là que d’une certaine partie de la population. L’Inde se révèle être l’un des pays les plus représenté sur ce format de cours en ligne. Selon Daphne Koller, les Indiens seraient même la deuxième nationalité la plus importante sur Coursera après les Américains : « Our students in India represent the largest percentage of Coursera students outside of the US, roughly 10%. In the past 6 months, Coursera has seen a 139% increase in India student enrollment 427 »
Sur EdX, ils représenteraient 13 % des inscrits. La population Brésilienne est aussi très importante avec environ 5 % des usagers de Coursera 428 : c’est la troisième nationalité la plus représentée sur la plateforme. Les médias locaux sont aussi une illustration du succès des MOOCs. Le Times of India a par exemple consacré plusieurs articles à ce sujet comme « MOOCs click with Indians », « Open university » ou encore « MOOC to take education EDX, Vidéo de présentation, [disponible en ligne : http://youtu.be/--Fap0OBYjI], consulté le 18 mai 2013. NAIR, Malini, « MOOCs click with Indians », The Times of India [disponible en ligne : http://articles.timesofindia.indiatimes.com/2013-08-18/deep-focus/41422202_1_coursera-moocs-massive-openonline-courses], publié le 18 août 2013, consulté le 28 août 2013. 428 WALDROP, Mitchell, « Massive Open Online Courses, aka MOOCs, Transform Higher Education and Science », The Scientific American [disponible en ligne : http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=massiveopen-online-courses-transform-higher-education-and-science], publié le 13 mars 2013, consulté le 4 août 2013. 426 427
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to every doorstep: M M Pallam Raju ». En 2013, l’Indian Institute of Technology de Bombay a par ailleurs rejoint EdX pour proposer ses propres MOOCs. Du côté du gouvernement indien, ce format de cours en ligne semble plaire. Le ministre du développement des ressources humaines, Pallam Raju, a d’ailleurs exprimé son opinion à ce sujet : « We want to embrace MOOC in a big way to increase the number of literates in the country. Institutions must become creators of knowledge 429 »
Daphne Koller envisage ainsi de proposer sa plateforme comme support du gouvernement en place : « In India, where meeting capacity over the next few years means building and staffing new 1,500 universities, we see Coursera playing a new role in increasing institutional capacity by augmenting in-class teaching with online content 430 »
Toujours en Inde, EdX vient d’établir un partenariat avec Aspiring Minds pour leur programme d’insertion des étudiants ingénieurs, AMCAT. Ce dernier visera à détecter les compétences manquantes chez le postulant et à lui faire suivre les cours EdX correspondants pour décrocher l’emploi. Anant Agarwal trouve ici un moyen d’illustrer son discours initial sur les MOOCs : « The collaboration helps complete the employability circle - from need-gap assessment to addressing and fixing skill deficiencies to finally finding the perfect employer-employee match 431 »
PTI, « MOOC to take education to every doorstep: M M Pallam Raju », The Economic Times [disponible en ligne : http://articles.economictimes.indiatimes.com/2013-08-22/news/41437401_1_m-m-pallam-raju-s-ramadoraisustainable-development], publié le 22 août 2013, consulté le 28 août 2013. 430 NAIR, Malini, « MOOCs click with Indians », The Times of India [disponible en ligne : http://articles.timesofindia.indiatimes.com/2013-08-18/deep-focus/41422202_1_coursera-moocs-massive-openonline-courses], publié le 18 août 2013, consulté le 28 août 2013. 431 PTI, « Aspiring Minds, edX tie up to improve employability in India », Financial Express, [disponible en ligne : http://www.financialexpress.com/news/aspiring-minds-edx-tie-up-to-improve-employability-in-india/1160310], publié le 26 août 2013, consulté le 28 août 2013. 429
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Certains pays émergents saisissent l’opportunité MOOC et semblent y accorder une certaine importance dans leurs stratégies de développement pour l’enseignement supérieur. D’ailleurs, les discours des concepteurs de MOOCs trouvent souvent leurs illustrations avec eux. Si nous regardons maintenant plus en détails le cas des pays dits « en développement », nous remarquons que le problème de l’accès à l’Internet peut devenir prépondérant 432. L’un des enseignants-chercheurs interviewés nous signifiait cependant son étonnement sur les endroits parfois incongrus où un accès au réseau peut être présent : « Ceux qui sont excités comme moi j’étais excité quand j’étais jeune par découvrir tout ça ben ils ont simplement aucun moyen. Et grâce à Internet… encore une fois je dis qu’il y en a qui n’ont pas internet mais quand même maintenant, on trouve des connexions dans des endroits assez incongrus… Ben oui ! Les gens se débrouillent quoi ! C’est la débrouille. Et donc, bien sûr que ça peut changer 433 ».
Reste que dans de nombreuses régions du monde, il n’y a aucun accès à l’Internet. Dans ce cas, la question de l’influence des Massive Open Online Courses ne se pose même pas. Mais même dans les régions qui y ont accès, les populations ne sont pas forcément au courant de l’existence des plateformes, n’ont peut-être pas un accès régulier ou en hautdébit à l’Internet. La question de langue peut aussi poser problème selon Tel Amiel, professeur à la Universidade Estadual de Campinas : « Language alone is a huge barrier and it's not something we can deal with trivially 434 ». Au Rwanda, une initiative a cependant été lancée en 2013 avec une université reposant entièrement sur les MOOCs. Suivant la méthode de la pédagogie inversée, 400 étudiants devraient être enrôlés dans ce programme pilote 435. L’objectif principal de cet essai est de savoir s’il est possible de faire un enseignement de qualité à un coût minime de 1 500 dollars par individu. Le Professeur Johannes Cronje de la Cape Peninsula University of 432 Nous n’aurons pas le temps de détailler en fonction des régions du monde. Bien sûr, tous les pays en développement, si tenté que cette dénomination soit pertinente, ne présentent pas le même déploiement de l’accès à l’Internet et les disparités peuvent être énormes. Pour notre exemple, nous sommes néanmoins obligés de généraliser. 433 Voir entretien avec Interviewé 2 en annexe : Annexe 1.3, p. 193. 434 RIVARD, Ry, « MOOCs' many challenges in developing world », The Australian [disponible en ligne : http://www.theaustralian.com.au/higher-education/moocs-many-challenges-in-developing-world/story-e6frgcjx1226631643302], publié le 30 avril 2013, consulté le 28 août 2013. 435 LEBER, Jessica, « In the Developing World, MOOCs Start to Get Real », MIT Technology Review [disponible en ligne : http://www.technologyreview.com/news/512256/in-the-developing-world-moocs-start-to-get-real/], publié le 15 mars 2013, consulté le 28 août 2013.
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Technology en Afrique du Sud a de son côté mis en place des MOOCs qui, selon le journal Le Faso, « se sont révélés très utiles à de nombreuses personnes, partout dans le monde ». Concernant l’enseignement en ligne, le directeur-adjoint interviewé propose une vision originale de ce qui pourrait se passer dans des pays en développement : « Si vous voulez, moi je pense que le e-learning pour l’Afrique, ça peut être comme le téléphone portable pour l’Afrique ou la Chine, hein… ou l’Asie, une grande partie de l’Asie. En Afrique ou en Asie, ils sont passés directement de pas de téléphone à un téléphone portable. Ils n’ont pas eu besoin de passer par les cabines téléphoniques. Non mais… (il rigole). Il se peut très bien que le e-learning, ça fasse un petit peu le même… le même choc pour des pays comme ça. Enfin, euh… pour un continent comme ça 436 ».
Les initiatives dans les pays en développement restent donc assez mineures. Il ne s’agit pas de remettre en question l’honnêteté des concepteurs des MOOCs ou de leurs plateformes car ils sont bien animés d’ambitions humanistes comme nous avons déjà pu le montrer. Cependant, force est de constater que nous avons plus affaire, pour le moment, à un discours « commercial » qui s’illustrerait par quelques exceptions 437. L’ambition globale des Massive Open Online Courses se heurte aussi à un autre problème qui ne favorise pas son appropriation : la crainte d’un impérialisme américain. Lani Gunawardena, chercheuse en technologies éducatives à l’université du Nouveau-Mexique, pense que les concepteurs de plateformes de MOOCs partent du principe que tout le monde parle anglais et est d’accord avec leurs priorités : « If they are going to democratise education, which is a good goal, you have to go to the different democracies and see what they want […] You cannot put your personal point of view there and say you’re democratising education 438 ».
C’est donc bien la crainte d’une « Mcdonaldisation » de leur enseignement supérieur qui semble ressortir : l’imposition d’une vision américanisée de l’université et des méthodes d’apprentissage. Ry Rivard, journaliste pour The Australian, souligne
Voir entretien avec Interviewé 1 en annexe : Annexe 1.2, p. 175. Nous avons déjà évoqué les exemples de Khadija Niazi ou d’Amol Bhave. 438 RIVARD, Ry, « MOOCs' many challenges in developing world », The Australian [disponible en ligne : http://www.theaustralian.com.au/higher-education/moocs-many-challenges-in-developing-world/story-e6frgcjx1226631643302], publié le 30 avril 2013, consulté le 28 août 2013. 436 437
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l’importance des initiatives locales comme la African Virtual University créée en 1995 439. Ce projet vise à rendre accessible des matériaux éducatifs dans plusieurs pays d’Afrique et laisse la place aux acteurs locaux : ils créent leurs propres cours avec leurs professeurs et cela permet, dans la continuité, de débloquer des budgets pour créer des centres informatiques. Il se créerait donc un cercle vertueux autour de la production et de l’animation de cette plateforme et cela n’aurait pas été possible avec des cours provenant seulement des Etats-Unis. Les Massive Open Online Courses ne permettraient pas encore de respecter les différences culturelles dans l’apprentissage 440. Aisha Al-Harthi, maître de conférences à l’université de Sultan Qaboos en Oman, souligne ces problèmes liés aux cultures locales et à des dispositifs globaux d’assistance par les pairs : « I found in my study that Arab students preferred significantly more rigid structure and more interaction with their instructors compared to American students. […] Arab learners need to know specifically what to do and how to do it. They find the open flexibility and wide chance to provide their input and ideas uncomfortable. […] Different cultures look at feedback, the need for it, and who is giving it differently […] In MOOCs, the use of peer assessment, which is the ‘second best’ when you have so many students, raises questions about the cultural assumptions of peers, especially that young people tend to be more culturally conservative in comparison with more experienced professors 441 ».
Enfin pour d’autre, comme la journaliste Alicia Mitchell, les paroles d’Anant Agarwal et de ses homologues sont tout simplement des mensonges et ne font qu’enjoliver leur propre position : « Anant Agarwal's claim that "MOOCs make education borderless, gender-blind, raceblind, class-blind and bank account-blind", as he wrote in his Observer piece, is patently untrue and belies his own privileged position. The danger is that these claims can go unchecked, leading to a situation in which those with a responsibility to ensuring that access to education really is increased start believing that MOOCs are the answer they have been looking for 442 ».
RIVARD, Ry, « MOOCs' many challenges in developing world », The Australian [disponible en ligne : http://www.theaustralian.com.au/higher-education/moocs-many-challenges-in-developing-world/story-e6frgcjx1226631643302], publié le 30 avril 2013, consulté le 28 août 2013. 440 Nous avons déjà pu l’évoqué dans la partie III.C.1 441 RIVARD, Ry, « MOOCs' many challenges in developing world », The Australian [disponible en ligne : http://www.theaustralian.com.au/higher-education/moocs-many-challenges-in-developing-world/story-e6frgcjx1226631643302], publié le 30 avril 2013, consulté le 28 août 2013. 442 MITCHELL, Alicia, « Africa: The Underlying Inequality of MOOCs », All Africa [disponible en ligne : http://allafrica.com/stories/201308280506.html], publié le 27 août 2013, consulté le 28 août 2013. 439
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Les Massive Open Online Courses se révèleraient donc n’être qu’une prétention américaine 443 à changer l’enseignement supérieur. Dans de nombreux pays, l’arrivée de ce format de cours en ligne est perçue avec appréhension et crainte d’une mainmise occidentale sur les programmes universitaires. Cette volonté d’un enseignement pour tous se retrouve donc principalement dans les discours des acteurs des MOOCs alimentés d’illustrations ponctuelles comme le recrutement d’un étudiant Indien ou par quelques initiatives locales. Cependant, il ne s’agirait pas de nier le succès des cours en ligne ouverts et massifs auprès de certaines populations notamment en Inde ou au Brésil. Devons-nous néanmoins en conclure que les MOOCs sont aujourd’hui profitables pour les pays émergents et en développement ? Conclusion du chapitre Comme nous avons pu le voir dans cette dernière partie, l’objet Massive Open Online Course, par ses circulations et ses appropriations multiples, s’est bien imposé comme un outil de prescription du futur de l’enseignement. Dans leur objectif de rester compétitives sur un marché de plus en plus mondialisé, certaines universités ont été amenées à adopter les MOOCs par peur de prendre du retard. Ce format de cours en ligne donne aussi une nouvelle place aux professeurs qui se trouvent pour certains « starifiés » et deviennent en eux-mêmes des marques pouvant influer sur l’attractivité des formations. Par ailleurs, les MOOCs montrent une prétention à changer les modalités de l’insertion professionnelle. D’une logique axée sur le diplôme et son institution porteuse, nous passerions ainsi de plus en plus à une logique axée sur les compétences propres et certifiées de l’individu. Les Massive Open Online Courses se présentent comme une opportunité pour certaines universités. Les premières à adopter le format bénéficient d’un statut de pionnières qu’elles valorisent par exemple auprès de leurs médias locaux. Certaines trouvent même une occasion de communiquer et d’atténuer leur image d’institutions d’élite. S’il ne s’agit pas d’oublier la dimension altruiste derrière la mise à disposition gratuite des cours en ligne, cet « engagement sociétal » contribue à travailler une image de marque. Néanmoins, il semblerait que les cours en ligne ouverts et massifs participent aussi d’un mouvement inverse et contribueraient donc à renforcer les atouts des établissements prestigieux ; notamment grâce au marketing éducatif. D’un côté, ils permettraient à ces derniers de 443
Et dans une certaine mesure, européenne.
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montrer que leurs véritables forces se situent à d’autres niveaux comme avec les capitaux sociaux et symboliques qu’elles offrent à leurs étudiants. De l’autre, les Massive Open Online Courses augmenteraient le risque de la création d’universités low-cost. Dans une dernière partie, nous avons montré qu’une logique de soft power est présente dans l’émergence des cours en ligne ouverts et massifs. Les plateformes comme EdX ou Coursera imposent une vision de ce que doit être l’enseignement supérieur en ligne et font craindre à une « McDonaldisation » de ce secteur. La question de la langue est aussi omniprésente. Pour le moment, l’anglais domine largement mais les acteurs de la francophonie s’organisent pour proposer une offre de cours en français rapidement. Avec les MOOCs, une lutte indirecte et globale aurait ainsi lieu pour la survie de l’enseignement dans certaines langues. Chez les principales plateformes de MOOC, ce manque de prise en compte de la diversité culturelle dans l’apprentissage viendrait en opposition avec cette volonté initiale d’un enseignement pour tous. Il remettrait ainsi en cause la profitabilité de cet outil pour les pays émergents et en développement : ces derniers craignant notamment une mainmise occidentale sur la définition de leurs programmes universitaires.
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Conclusion Tout au long de ce mémoire, nous avons tenté d’observer les Massive Open Online Courses sous divers angles. Dans un premier temps, nous avons ainsi déconstruit le terme en lui-même et analysé les idéologies qu’il véhicule. Le format de cours en ligne institué par certain comme Massive Open Online Course est en fait bien plus complexe et hétérogène qu’il n’y parait. Néanmoins, les discours d’accompagnement portés par les acteurs médiatiques et du monde de l’éducation tendent à proposer une acception généralisée de l’objet. Son format reste principalement défini par les acteurs majeurs du secteur : Coursera et EdX. Leurs plateformes proposent de métaphoriser l’expérience de la classe par divers artifices et participent ainsi à l’élaboration des canons du format. Ils mettent en lumière des méthodes pédagogiques peu connues ainsi que des nouvelles technologies capables de s’adapter au nombre important d’étudiants-internautes inscrits. Cet ensemble instable de techniques et de pratiques pédagogiques reste cependant diffus. La notion ellemême de Massive Open Online Course est entourée d’un certain flou. Par les mots qui la composent, elle véhicule de multiples idéologies comme celles liées à l’ouverture. Elles attribuent à l’objet une aura positive héritée de l’époque cybernéticienne : ce qui est ouvert, ce qui circule, ce qui vit, ne peut être que positif. De même, l’ambition Massive des MOOCs vient plutôt en appui d’un discours visant à prouver l’universalité de ce format de cours en ligne. Dans les faits, nous avons pu remarquer que les difficultés liées au grand nombre d’inscrits ne sont pas encore pleinement résolues par la technologie. L’étiquetage de ce format de cours, aussi imprécis soit-il, aura donc contribué à lui attribuer des imaginaires et à le faire circuler plus facilement dans différents univers sociaux. Ces multiples appropriations des Massive Open Online Courses ont participé à sa valorisation symbolique et font de lui un objet trivial. Par la place qu’ils occupent dans la société, les médias sont un des acteurs principaux de cet épaississement symbolique. Les sphères politiques et éducatives ont elles aussi contribué à valoriser l’objet par leurs questionnements et leurs prises de position. Leurs récits, emprunts de croyances, d’espoirs ou encore d’inquiétudes, font des Massive Open Online Courses un objet éminemment symbolique. Ils viennent nourrir la réflexion des concepteurs des MOOCs et de leurs plateformes et participent ainsi à leur évolution.
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Dans un deuxième temps, nous avons tenté d’étudier les plateformes distributrices de Massive Open Online Courses et leurs concepteurs. Par les discours de ces derniers et la structuration de leurs sites Web, ils s’imposent comme sources principales de la valorisation symbolique de ce format de cours en ligne. Tout d’abord, ce sont ces acteurs qui ont permis l’émergence de la notion même de MOOC. Ils en définissent les canons et imposent leur vision de ce que doit être l’enseignement en ligne de demain. Ils montrent une prétention à bousculer le fonctionnement actuel de ce secteur en questionnant le futur modèle économique des plateformes et en attisant les craintes d’une emprise globale de logiques commerciale et comptable sur l’université. EdX, Coursera, Udacity et consorts profiteraient donc de la caution universitaire apportée à leurs contenus par des institutions de renom. Ces dernières véhiculeraient des imaginaires d’intellectualité, d’élite et de qualité qui s’attacheraient aux plateformes et susciteraient la confiance et le désir d’apprendre chez les internautes. Par ailleurs, nous avons identifié une inspiration cybernéticienne au cœur de la volonté des concepteurs de MOOCs et de leurs plateformes. Encore aujourd’hui, la logique de ce courant de pensée évolue sur le terrain fertile du devoir sociétal des scientifiques et des ingénieurs. Comme animés d’une responsabilité « par essence », ils participent à la circulation de l’information sous toutes ses formes pour faire reculer l’entropie : ils se battent contre un désordre qui menacerait continuellement notre monde. Cette volonté d’un enseignement pour tous au travers des Massive Open Online Courses est omniprésente chez les concepteurs de MOOCs et de leurs plateformes. Ce format de cours en ligne ne serait ainsi qu’un nouveau moyen de lutter contre l’entropie qui nous guette : il acquiert une aura salvatrice, presque messianique. Finalement, nous pourrions dire que l’utopie initiale des acteurs de MOOCs – la démocratisation globale de l’accès à la connaissance universitaire – s’appuierait plus largement sur celle de l’utopie de la communication. Dans une dernière partie, nous avons analysé notre objet comme outil de prescription du futur de l’enseignement supérieur. En circulant rapidement dans de multiples univers sociaux, notre objet d’étude s’est donc valorisé et a atteint une certaine opérativité symbolique. Il a notamment amené certaines universités à se positionner vis-à-vis de lui par peur de « rater le train » ou pour simplement rester compétitif sur un marché de plus en plus concurrentiel : il les aurait presque « forcé » en installant un environnement oppressif pour les directeurs d’universités. La place du professeur serait aussi amenée à 131
évoluer. Les Massive Open Online Courses contribueraient à renforcer au niveau mondial un phénomène inhérent au marché américain : celui du professeur-trophée. Cet enseignant starifié devient alors une marque comme une autre à même de vendre ses cours et leurs produits dérivés au plus offrant. L’insertion professionnelle est un autre secteur que les cours en ligne ouverts et massifs prétendent modifier. L’objectif des MOOCs serait de faire passer à une logique axée sur les compétences propres et certifiées de l’individu plus que sur le niveau et l’origine de son diplôme. Bien sûr, cela n’est pas encore le cas aujourd’hui mais ils peuvent tout de même favoriser l’insertion pour les étudiants déjà diplômés. Certaines universités ont su saisir l’opportunité MOOC pour se positionner comme pionnière dans le secteur de l’enseignement et travailler ainsi leur image de marque. Bien entendu, il ne s’agit pas de nier la dimension altruiste derrière la mise à disposition gratuite des cours en ligne. Mais cet « engagement sociétal » dont font preuve certaines institutions va influer, qu’elles le veuillent ou non, sur leurs « marques universitaires ». Certaines institutions privées américaines perçoivent d’ailleurs dans les Massive Open Online Courses une opportunité pour lutter contre cette image « d’universités d’élites » qui leur est accolée. Pourtant, ce format de cours en ligne contribue à renforcer ces dernières en les rendant toujours plus attractives : elles augmentent leur capital symbolique. Certaines utilisent aussi ces cours en ligne pour recruter les meilleurs étudiants du monde. Les capitaux sociaux et symboliques offerts par ces universités à leurs étudiants sont ainsi toujours plus importants et creusent l’écart avec le reste des universités. Ces dernières n’ayant pas forcément le même budget, elles seraient obligées de se servir de MOOCs pour réduire leurs coûts d’entrée. Au-delà, il y a bien une logique de soft power en jeu dans l’émergence et le développement de ce format de cours en ligne. Les plateformes actuelles comme Coursera, EdX ou Udacity tendent à faire circuler au niveau mondial une seule vision de ce que doit être un cours d’université sur l’Internet : certains parlent d’ailleurs d’une « McDonaldisation » de l’enseignement supérieur en ligne. Dans la continuité, la question du rayonnement des langues peut aussi poser problème : la majorité des cours en ligne sont en anglais. Ce manque de prise en compte de la diversité culturelle dans l’apprentissage vient finalement en opposition avec cette volonté initiale d’un enseignement pour tous. Il remet aussi en cause la profitabilité de cet outil pour les pays émergents et en développement. 132
Notre problématique de départ était la suivante : quels sont les soubassements de la valorisation symbolique de l'objet Massive Open Online Course et comment sa charge idéologique amène aujourd'hui des acteurs à questionner de nouveau l'enseignement supérieur ? Les trois chapitres de ce mémoire ont contribué, chacun leur tour, à apporter des réponses à cette vaste question. Aujourd’hui, il serait très ambitieux de dire si les Massive Open Online Courses ne sont qu’une mode ou s’ils sont vraiment un tournant pour les universités. Toutefois, ils marquent une nouvelle étape de l’arrivée de la technique dans l’enseignement supérieur. Il est probable que nous nous dirigions vers un équilibre entre enseignement en présentiel et en ligne. Si un bouleversement devait arriver, il est certain qu’il prendrait des dizaines d’années, si ce n’est plus encore. Une crainte demeure concernant ce sujet d’étude et Samuel Goëta posait une question dans son mémoire sur l’Open Data qui pourrait s’y ramener. Qu’ouvrons-nous réellement avec les cours en lignes ouverts et massifs ? La connaissance pour tous ou la cage de celui qui creusera un peu plus le fossé entre un enseignement d’élites et un enseignement des masses.
Perspectives de recherche Des premières pistes de réflexion Le mémoire de Master 2 est une occasion unique de travailler en profondeur une thématique qui nous passionne. Les clés d’analyse développées au CELSA et les outils propres aux sciences de l’information et de la communication pourraient permettre d’envisager l’objet Massive Open Online Courses encore sous de multiples angles. Ils apporteraient à ce sujet, souvent questionné par les sciences de l’éducation ou la sociologie de la technique, un nouveau et riche regard. Par notre modeste contribution, nous avons souhaité lancer quelques pistes de réflexion. Le manque de temps et le rythme imposé par le Master « Médias Informatisés et Stratégies de Communication » auront parfois eu raison de la finesse de nos analyses et de la justesse de notre réflexion. Certaines plateformes de cours en ligne auraient ainsi mérité d’être mieux étudiées. Il en va de même pour les analyses des circulations médiatiques qui, bien que conséquentes, auraient nécessité encore plus d’attention et de temps. Nous avons néanmoins largement pu appréhender l’écosystème des cours en ligne ouverts et massifs : ses acteurs, ses problématiques et ses logiques de fonctionnement. 133
Aller plus loin ? La question de l’avenir de ce sujet d’étude se pose maintenant. Comme nous avons pu le montrer, les Massive Open Online Courses sont déjà un objet de réflexion pour certains chercheurs et notamment un doctorant en sciences de l’éducation de l’ENS Cachan, Matthieu Cisel. Nous sommes convaincus que des places sont encore à prendre et que les MOOCs, sans forcément être un sujet central, peuvent faire l’objet de recherches, notamment sous un angle liant sciences de gestion et sciences de l’information et de la communication. Il serait intéressant de creuser au niveau de la « marque universitaire 444 ». Celle-ci semble prendre une place de plus en plus importante au sein même des dynamiques de compétitivité internationale entre institutions de l’enseignement supérieur. La marque d’une université se construit sur de multiples fronts. Toutes les actions entreprises par ses décisionnaires sont susceptibles d’influer sur celle-ci : y compris les dynamiques internes liées aux prises de décisions et à l’organisation des formations ou de la vie étudiante. La structure et le fonctionnement même d’une institution véhiculent du sens et participent à la valorisation de la marque comme nous avons pu le voir avec le MIT par exemple. Il s’agirait donc d’étudier comment la structure d’une organisation de l’enseignement supérieur, couplée à des outils de communication institutionnelle peuvent permettre d’influer sur la marque et l’image perçue de l’institution. Ainsi, il s’agirait de souligner les leviers d’attractivité de n’importe quel établissement d’enseignement supérieur 445 et de déterminer des terrains de différenciation à même d’attirer plus étudiants. Dans cette perspective, les Massive Open Online Courses ne sont qu’une brique parmi d’autres : ils se présenteraient cependant comme un excellent étalon du succès d’une « marque universitaire ». Si l’occasion nous en est donnée, nous serions ainsi ravis de poursuivre sur ce terrain dans le cadre d’une thèse 446.
444 La marque est ici entendue au sens large comme une « somme symbolique » qui délimite les imaginaires propres à un objet. Notons que, justement, le champ de délimitation de la marque universitaire serait à déterminer. 445 Leviers pouvant se différencier selon l’ambition de l’établissement : rayonnement international ou national. 446 Bien sûr, les perspectives de recherche évoquées ici ne sont que des prémices.
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Recommandations Nos recommandations stratégiques se destinent à quatre types de public : les universités et grandes écoles françaises et étrangères, les étudiants du secondaire, du supérieur ou en formation continue, les sociétés de conseil en création de MOOC qu’elles soient des Start-up ou des directions dédiées d’un grand groupe et, enfin, les potentiels constructeurs de nouvelles plateformes en Europe 447.
Pour consulter les 10 pages de recommandation stratégique, vous pouvez me contacter : Clément LHOMMEAU
[email protected]
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Une autre catégorie serait éventuellement les services ressources humaines (RH) des entreprises.
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Sources documentaires Bibliothèques Bibliothèque du CELSA – 77, rue de Villiers, 92200 Neuilly-sur-Seine Bibliothèque Sainte-Barbe – 4, rue de Valette, 75 005 Paris Bibliothèque Sainte-Geneviève – 10, place du Panthéon, 75005 Paris Bibliothèque de l’Université Paris II, centre Assas – 92, rue d'Assas, 75006 Paris
Bases de données en ligne Amazon.fr, Seattle, Disponible sur http://www.amazon.fr/ CAIRN.info. Chercher, repérer, avancer, Paris, Disponible sur http://www.cairn.info/ Europress, Paris, Disponible sur http://www.europresse.com/ Google Books, Mountain View, Disponible sur http://books.google.fr/ Internet World Stats, Bogota, Disponible sur http://www.internetworldstats.com/ Jstor, Michigan, Disponible sur http://www.jstor.org/ Persée : Portail de revues en sciences humaines et sociales, Lyon, Disponible sur http://www.persee.fr/web/guest/home Revues.org : centre pour http://www.revues.org/
l’édition
électronique
ouverte,
Marseille,
Disponible
sur
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8 avril 2013 – Entretien 4 – Café Parenthèse (Paris) Chef de projet Web actuellement en reconversion dans la Finance. Il suit des cours cours dans plusieurs établissements français. Parallèlement, il suit plusieurs MOOCs dont le « CS50x : Introduction to Computer Science I » de Harvard sur EdX. 17 avril 2013 – Entretien 5 – Hôtel Danemark (Paris) Enseignant-chercheur dans une Ecole d’Ingénieurs reconnue, il est l’initiateur d’un des premiers MOOCs français. 21 mai 2013 – Entretien 6 – Bureau personnel (Ecole d’Ingénieurs Française) Directeur de la communication d’une prestigieuse Ecole d’Ingénieurs Française. Auparavant, la personne exerçait la fonction de directeur de la communication d’un grand groupe de presse.
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GUENEAU, Catherine. « L'interactivité : une définition introuvable », Communication et langages. n°145, 2005. pp. 117-129. GROUIX, Pierre, « Grundtvig, figure majeure de la pédagogie européenne », Soleo, magazine de l'Agence Europe-Education-Formation France, n° 26, 2011, pp. 18-19. JEANNERET, Yves, « Autre chose qu’un discours, davantage qu’un accompagnement, mieux qu’une résistance », in La communication entre libéralisme et démocratie, Terminal, n°75, été 2001, Paris, L’Harmattan, p.107-117 PITTMAN, Von, « Correspondence Study in the American University: A Second Historiographical Perspective » in MOORE Michael, Handbook of Distance Education, NewYork, Pergamon Press, 2003, pp. 21-36. SHANNON Claude & WEAVER Warren, « The Mathematical Theory Communication », The Bell System Technical Journal, Vol. 27, 1949, pp. 379-423.
Of
VERON Eliseo, « Il est là, je le vois, il me parle », Communications, n°38, 1983, pp. 98-120.
Cours magistraux Cours magistraux qui ont inspiré la rédaction de ce mémoire. AIM, Olivier, Les médias dans les SIC, CELSA, Master 2 « Médias informatisés et stratégies de communication », Neuilly-sur-Seine, Année universitaire 2012-2013. AYKUT, Stefan, Regards sociologiques sur la mondialisation de l'information, Institut Français de Presse/Paris II, Master 1 Médias et communication, Année universitaire 2011/2012. CANDEL, Etienne, Idéologies et mobilisations sociales de l’interactivité, CELSA, Master 2 « Médias informatisés et stratégies de communication », Neuilly-sur-Seine, Année universitaire 2012-2013. COMBY, Jean-Baptiste, Sociologie de la communication, Institut Français de Presse/Paris II, Master 1 Médias et communication, Année universitaire 2011/2012. DANEL, Henri, Méthodologie de la recherche, CELSA, Master 2 « Médias informatisés et stratégies de communication », Neuilly-sur-Seine, Année universitaire 2012-2013. DIRIDOLLOU, Cédric, Modèles économiques d’internet, CELSA, Master 2 « Médias informatisés et stratégies de communication », Neuilly-sur-Seine, Année universitaire 2012-2013. GOETA, Samuel, Méthodologie du mémoire en MISC, CELSA, Master 2 « Médias informatisés et stratégies de communication », Neuilly-sur-Seine, Année universitaire 2012-2013.
155
JEANNERET, Yves, Economies et pratiques de la trivialité, CELSA, Master 2 « Médias informatisés et stratégies de communication », Neuilly-sur-Seine, Année universitaire 2012-2013. LETEINTURIER, Christine, Réseaux de Communication - Approche socio-technique, Institut Français de Presse/Paris II, Master 1 Médias et communication, Année universitaire 2011/2012. RIEFFEL, Rémy, Publics et pouvoir des médias, Institut Français de Presse/Paris II, Master 1 Médias et communication, Année universitaire 2011/2012.
156
Table des annexes Annexe 1 : entretiens .......................................................................................... 164 1.1. Guide d’entretien type ............................................................................................... 164 1.2. Entretien 1, le 29/03/2013....................................................................................... 168 1.3. Entretien 2, le 29/03/2013....................................................................................... 180 1.4. Entretien 3, le 07/04/2013....................................................................................... 195 1.5. Entretien 4, le 08/04/2013....................................................................................... 205 1.6. Entretien 5, le 17/04/2013....................................................................................... 221 1.7. Entretien 6, le 21/05/2013....................................................................................... 246 Annexe 2 : analyses de discours ......................................................................... 259 2.1. Vidéo de cours sur EdX ........................................................................................... 259 2.2. Conférence de presse d’EdX .................................................................................... 262 2.3. Daphne Koller à TEDx Global 2012...................................................................... 267 2.4. Pages d’accueil d’EdX et Coursera .......................................................................... 274 2.5. Pages de présentation de cours sur EdX et Coursera ........................................... 278 Annexe 3 : analyses sémiotiques ........................................................................ 282 3.1. Pages d’accueil d’EdX et Coursera .......................................................................... 282 3.2. Pages de présentation de cours sur EdX et Coursera ........................................... 290 3.3. Interfaces de cours sur EdX et Coursera ............................................................... 294 Annexe 4 : analyses quantitatives ...................................................................... 302 4.1. Circulations médiatiques ........................................................................................... 302 4.2. Autres données quantitatives ................................................................................... 304 Annexe 5 : observation participante .................................................................. 310
Annexe 6 : autres données connexes ................................................................. 325 157
Table des matières Résumé… ............................................................................................................... 3 Remerciements....................................................................................................... 4 Sommaire ................................................................................................................ 5
Introduction ........................................................................................................... 7
Massive Open Online Course, un mythe de l’enseignement pour tous.... 24
I. A.
Un objet encore en définition ......................................................................... 26 1.
Des outils multiformes et multilingues : vers une typologie des MOOCs ? ............. 26
2.
La métaphore de la classe ................................................................................................. 30
3.
L’émergence de nouvelles formes de pédagogie ........................................................... 33
Massive Open Online Courses : ouverts et massifs ? .......................................... 38
B. 1.
Une idéologie de l’ouverture ............................................................................................ 38
2.
Un cours peut-il être massif ? .......................................................................................... 42
3.
Etiqueter pour mieux circuler .......................................................................................... 47
C.
Le MOOC, un objet éminemment symbolique ............................................ 49 1.
Les médias, premiers acteurs de la valorisation symbolique ....................................... 49
2.
Circulations & interrogations du phénomène dans les milieux éducatif et politique ....... 52
3.
Idéologies et utopies au cœur du Massive Open Online Course ....................................... 57
II.
EdX, Coursera et consorts : aux sources de la valorisation symbolique ... 61
A.
Des plateformes Web, outils de valorisation symbolique ............................ 62 1.
Deux plateformes pour deux projets ? ........................................................................... 62
2.
Les vitrines d’un « nouveau » marché de l’enseignement ............................................ 66
3.
EdX, Coursera et consorts : la nouvelle bibliothèque d’Alexandrie .......................... 70
158
Au cœur des MOOCs, une inspiration cybernéticienne .............................. 75
B. 1.
De la responsabilité et de l’implication sociale des scientifiques ................................ 75
2.
L’enseignement pour tous, une volonté des leaders des MOOCs ............................. 79
3.
Le mythe de l’enseignement pour tous, une utopie de la communication................ 85
III.
Les MOOCs : outils de prescription du futur de l’enseignement ....... 90
A.
Une prétention à changer l’enseignement supérieur .................................... 91 1.
La marche forcée des universités .................................................................................... 91
2.
Le professeur starifié ......................................................................................................... 95
3.
L’insertion professionnelle remise en question ............................................................. 99
B.
Une opportunité pour certaines universités ................................................ 102 1.
Pionnières d’un nouveau monde ? ................................................................................102
2.
Harvard, MIT, etc. : quelles prétentions communicationnelles au travers des MOOCs ? ......106
3.
Vers un renforcement des atouts de ces établissements d’élite ................................111
Vers un Soft Power éducatif ............................................................................. 115
C. 1.
Circulations d’une vision et d’un style d’enseignement .............................................115
2.
La francophonie en question ? ......................................................................................118
3.
Quelle profitabilité pour les pays émergents et en développement ? ......................122
Conclusion .......................................................................................................... 130 Perspectives de recherche ............................................................................................... 133 Recommandations ............................................................................................................ 135
Sources documentaires ...................................................................................... 136 Bibliothèques..................................................................................................................... 136 Bases de données en ligne ............................................................................................... 136 Sources écrites................................................................................................................... 136 Sources électroniques ....................................................................................................... 137 159