CLASSICA LE MEILLEUR DE LA MUSIQUE CLASSIQUE ET DE LA HI-FI
n° 189 l février 2017
Compositeur Modeste Moussorgski Entretien Lucas Debargue Écoute en aveugle La « Symphonie fantastique » d’Hector Berlioz Test hi-fi Convertisseurs : le meilleur choix
KAUFMANN Le retour du prodige
LE GUIDE : 188 CD et DVD • Carnet critique • L’hommage d’André Tubeuf : Fritz Busch Les Chocs • Le jazz • Les programmes radio et TV • Les concerts en France et à l’étranger
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Jonas
M 03813 - 189 - F: 7,90 E - RD
Numéro 189 - février 2017
France métropolitaine 7,90 v - Belgique 8,10 v - Luxembourg 8,10 v - DOM 8,10 v - Espagne 8,10 v - Italie 8,10 v - Portugal 8,10 v - Grèce 8,10 v - Allemagne 8,40 v - TOM/S 1 050 CFP - Canada 11,99 $C - Suisse 13,40 FS - Maroc 85 MAD
Jonas Kaufmann/Feuilleton Monteverdi/Modeste Moussorgski/La Symphonie fantastique de Berlioz/Lucas Debargue/Les écrivains compositeurs
CLASSICA
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À chaque facette son émotion
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SOMMAIRE
N° 189 n FÉVRIER 2017
38 Carnet critique
«LE COQ D’OR» DE RIMSKIKORSAKOV
L’INFORMATION 05 ÉDITORIAL 08 ACTUALITÉS
Hommage à Georges Prêtre, Jean-Efflam Bavouzet, Kaija Saariaho…
24 FEUILLETON MONTEVERDI 27 L’HUMEUR D’ALAIN DUAULT Valse de Vienne.
28 À NE PAS MANQUER
La Folle Journée, Rolando Villazón…
36 HISTOIRE D’UN LIEU L’Opéra de Nice.
38 CARNET CRITIQUE
42nd Street de Warren, Rossini à Toulouse…
44 TOUTE LA MUSIQUE QUE J’AIME
46
En couverture
JONAS KAUFMANN
La chronique de Benoît Duteurtre.
LE MAGAZINE 46 EN COUVERTURE
Jonas Kaufmann: le retour du prodige Après une absence de plusieurs mois des scènes d’opéra, le ténor allemand revient dans Lohengrin à l’Opéra Bastille.
54 LES ÉCRIVAINS COMPOSITEURS
Rousseau, Hoffmann, Bowles… En parallèle de leur production littéraire, de nombreux auteurs se sont essayés à l’écriture musicale.
60 ENTRETIEN
60 Entretien
LUCAS DEBARGUE
Lucas Debargue Rencontre avec un pianiste habité par la musique.
64 EXTRAIT
Vladimir Horowitz La personnalité complexe et ombrageuse du virtuose ukrainien.
66 COMPOSITEUR
Modeste Moussorgski Le musicien russe a forgé un langage où la parole, le geste et le sentiment deviennent mélodies.
70 LE PORTRAIT D’ANDRÉ TUBEUF Fritz Busch, un chef en exil.
76 Disques
CHOCS DU MOIS: EINSTEIN ON THE BEACH
72 ÉCOUTE EN AVEUGLE
La Symphonie fantastique de Berlioz.
138 PASSION MUSIQUE Francis Lai.
LE GUIDE 76 LES DISQUES
76 Les « Chocs » de Classica 86 Les CD de A à Z 108 Rééditions et bonnes affaires 114 Les DVD 117 Le jazz
118 HI-FI
Test: six convertisseurs à moins de 1000 u.
132 RADIO-TV
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 3
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Laissez-vous porter © So Insivik - Nicolas Schul - LICENCES ES : 1-1075037, 1-1075038, 2-1075039, 3-1075040
OPÉRA
LA VEUVE JOYEUSE Hrůša, Stieghorst / Lavelli COSÌ FAN TUTTE Jordan, Stieghorst / De Keersmaeker PELLÉAS ET MÉLISANDE Jordan / Wilson DON CARLOS Jordan / Warlikowski FALSTAFF Luisi / Pitoiset LA RONDE Deroyer / Lutz LA CLÉMENCE DE TITUS Ettinger / Decker DE LA MAISON DES MORTS Salonen / Chéreau LA BOHÈME Dudamel, López-Gómez / Guth JEPHTHA Christie / Guth UN BAL MASQUÉ De Billy / Deflo ONLY THE SOUND REMAINS Martínez / Sellars LE BARBIER DE SÉVILLE Frizza / Michieletto LA TRAVIATA Ettinger / Jacquot LE CHÂTEAU DE BARBE-BLEUE / LA VOIX HUMAINE Metzmacher / Warlikowski BENVENUTO CELLINI Jordan / Gilliam PARSIFAL Jordan / Jones L’HEURE ESPAGNOLE / GIANNI SCHICCHI Pascal / Pelly BORIS GODOUNOV Jurowski, Iorio / Van Hove DON PASQUALE Pidò / Michieletto LE TROUVÈRE Benini / Ollé
BALLET
GALA : VAN MANEN / CHERKAOUI / BALANCHINE, Trois Gnossiennes / Faun / Diamants BALANCHINE, Joyaux
BALANCHINE / TESHIGAWARA / BAUSCH, Agon / création / Le Sacre du Printemps EKMAN, Play (création) NOUREEV, Don Quichotte CRANKO, Onéguine MILLEPIED / BÉJART, Daphnis et Chloé / Boléro BAUSCH, Orphée et Eurydice WALTZ, Roméo et Juliette
ÉCOLE DE DANSE : CLUSTINE / KYLIÁN / NEUMEIER, Suite de danses, Un Ballo, Spring and Fall DE KEERSMAEKER, Quatuor n° 4 / Die Grosse Fuge / Verklärte Nacht
THIERRÉE / PITE / PÉREZ / SHECHTER,
création / The Seasons’ Canon / création / The Art Of Not Looking Back ASHTON, La Fille mal gardée
CONCERTS SYMPHONIQUES, MUSIQUE DE CHAMBRE, RÉCITALS
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CLASSICA
ÉDITO
N° 189 n FÉVRIER 2017
29, rue de Châteaudun 75308 Paris CEDEX 09 Tél.: 01 75 55 10 00 - Fax: 01 75 55 41 11 Abonnements: 01 70 37 31 54 Tarif d’abonnement: 1 an, 10 numéros: 49e
MANAGEMENT ÉDITEUR DÉLÉGUÉ Tristan Thomas Tél.: 01 75 55 40 73. Courriel:
[email protected] PUBLICITÉ Les Échos Médias, Pôle musique. 16, rue du 4-Septembre, 75112 Paris Cedex 02. Tél.: 01 49 53 65 35 - Fax.: 01 49 53 68 97 PRÉSIDENT Daniel Saada DIRECTRICE GÉNÉRALE Cécile Colomb DIRECTRICE COMMERCIALE Anne-Valérie Oesterlé DIRECTRICE ADJOINTE DE LA PUBLICITÉ Stéphanie Gaillard Courriel:
[email protected] CHEF DE PUBLICITÉ Camille Savina. Courriel:
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[email protected] DIFFUSION Alexis Bernard Classica, Service abonnements: 4, route de Mouchy, 60438 Noailles Cedex. Tél.: 01 70 37 31 54. Courriel:
[email protected] Numéro vert: 0 800 42 32 22 DIRECTEUR TECHNIQUE ET PRODUCTION Pascal Delépine FABRICATION: Dominique Savonneau PRÉPRESSE: Maury Imprimeur IMPRIMERIE: Roularta Printing, 8800 Roeselare. Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Distribution: Presstalis Distribution Belgique: NMPP Dépôt légal à parution N° de commission paritaire: 1120 K 78228 N° ISSN: 1966-7892 Classica est édité par Prélude & Fugue, SAS au capital de 30 000v. RCS Paris 397 743 709. Siège social: 29, rue de Châteaudun, 75009 Paris PRÉSIDENT ET DIRECTEUR GÉNÉRAL Alain Weill PRINCIPAL ACTIONNAIRE SFR Presse DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Guillaume Dubois
JEAN-BAPTISTE MILLOT
CETTE ANNÉE, VOTEZ!
V
otez, oui, votez ! Mais Nul doute qu’il y aura des confirmations pourquoi ? Et pour qui ? et des surprises dans ce palmarès. BernPour la sonorité de Ka- stein, longtemps controversé en France, rajan ou le souffle de sera-t-il présent parmi les dix premiers? Fürtwangler ? Pour les Que reste-t-il du mythe Celibidache ? phrasés de Walter, l’énergie de Tos- Les disques de Fricsay ou Markevitch, canini, les idées d’Harnoncourt ? Et souvent réédités, vous inciteront-ils à pourquoi pas Knappertsbusch ou An- voter pour eux ? Sont-ils au contraire cerl, Jochum ou Mravinski, Boulez ou tombés dans l’oubli ? Quid de Solti et Muti, Abbado ou Levine ? C’est à vous Kleiber ? De Reiner et Szell ? De Böhm de décider. Car, en cette année élec- et Klemperer? De Munch et Monteux? torale, Classica vous invite une nou- Sélectionnerez-vous des grands anciens velle fois à donner votre avis. Après les pianistes et les vioCHOISIREZ-VOUS DES lonistes, vous allez pouvoir élire votre chef d’orchestre GRANDS ANCIENS OU DES préféré. Vous trouverez en CHEFS EN EXERCICE ? page 14 de ce numéro toutes les informations pour voter. Il suffit comme Mengelberg ? Ou des chefs en de nous envoyer un courriel, avant exercice, tels Haitink, Rattle, Jansons, le 28 février 2017, à l’adresse classica Ozawa ou Gergiev ? Que de questions
[email protected] en indiquant le pour un vote ! Il est vrai que la liste des nom de votre chef d’orchestre favori artistes susceptibles de figurer dans le ainsi que votre adresse postale. Nous classement est bien longue. À vous de publierons les résultats dans notre choisir et d’élire les dix chefs d’orchestre parution du mois d’avril. que vous aimez. u Bertrand Dermoncourt
AU CŒUR D’UNE ŒUVRE
Les chefs-d’œuvre du piano interprétés par Claire-Marie Le Guay le 13 mars 2017 à 12h30 et 20h30 BRAHMS Sonate n°2 opus 2 Trois Intermezzi opus 117
Retrouvez votre magazine Classica sur tablettes et smartphones. L’application Classica est disponible sur App Store et sur Google Play fonctionnant sous Android. Voir le détail page 22.
JÉRÔME CHATIN
DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Bertrand Dermoncourt Tél.: 01 75 55 43 33 Courriel:
[email protected] RÉDACTEUR EN CHEF Jérémie Rousseau Tél.: 01 75 55 43 35 Courriel:
[email protected] CHEF DE RUBRIQUE DISQUES ET HI-FI Philippe Venturini Tél.: 01 75 55 10 36 Courriel:
[email protected] SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Valérie Barrès-Jacobs Tél.: 01 75 55 43 58 Courriel:
[email protected] ÉDITORIALISTE Alain Duault GRAND REPORTER Olivier Bellamy DIRECTRICE ARTISTIQUE Isabelle Gelbwachs Tél.: 01 75 55 43 53 Courriel:
[email protected] SERVICE PHOTO Cyrille Derouineau. Tél.: 0175554441 Courriel:
[email protected] RÉDACTEURS Camille Arcache, Jérémie Bigorie, Jacques Bonnaure, Vincent Borel, Guillaume Bunel, Jean-Luc Caron, Damien Colas, Jean-Noël Coucoureux, Bernard Désormières, Jacques Doucelin, Francis Drésel, Benoît Duteurtre, Nicolas d’Estienne d’Orves, Dominique Fernandez, Michel Fleury, Pierre Flinois, Clément Follain, Sylvain Fort, Elsa Fottorino, Stéphane Friédérich, Sylvain Gasser, Xavier de Gaulle, Romaric Gergorin, Aénor Gillet de Thorey, Pascal Gresset, Paul Hilarion, Jean-Pierre Jackson, Dominique Joucken, Xavier Lacavalerie, Maxim Lawrence, Michel Le Naour, David Loison, Pierre Massé, Antoine Mignon, Aurélie Moreau, Luc Nevers, Coline Oddon, Antoine Pecqueur,Timothée Picard, Hélène Pierrakos, Cristiana Prerio, David Sanson, Michaël Sebaoun, Lætitia Sergent, Clément Serrano, Sévag Tachdjian, Éric Taver, André Tubeuf, Marc Vignal
RENSEIGNEMENTS ET RÉSERVATIONS : Salle Gaveau, 45-47, rue La Boétie, 75008 Paris Tél. : 01 49 53 05 07 www.sallegaveau.com
Photo de couverture : Julian Hargreaves / Sony Classical • Photos des chroniqueurs : David Ignaszewski/Koboy. Ce numéro comporte un CD CHOC et un message Lire sous enveloppe sur l’ensemble de la diffusion France.
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 5
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À ÉCOUTER / FÉVRIER 2017
LE CD DES
CHOCS Ce mois-ci, la musique baroque fait son carnaval. Deux grands romantiques et un impressionniste s’invitent aux festivités.
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CHOPIN
SCHUBERT
FRANCK
PAR SEONG-JIN CHO Ballade n°2
Extrait du CD Deutsche Grammophon 479 5941
PAR JEAN-CLAUDE VANDEN EYNDEN 7’38
Seong-Jin Cho appréhende les quatre célèbres ballades l’esprit serein et les doigts sûrs, toujours loin des effets de manche et des facilités sentimentales, dans une quête permanente de pureté sonore. À vingt-deux ans seulement, ce jeune pianiste fait montre d’une impressionnante maturité.
Impromptu D.899 n°3 : Andante
Extrait du CD Le Palais des Dégustateurs PDD009
6’49
Les pièces ultimes de Schubert réunies sont interprétées avec une force peu commune. D’un impromptu à l’autre, les partitions offrent des pâtes sonores totalement individualisées. Nul excès dans ces lectures qui n’ont rien de spontané ou d’austère : elles semblent mesurer le temps (celui qui reste) avec élégance.
6 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
PAR VICTOR JULIEN-LAFERRIÈRE ET ADAM LALOUM Sonate pour violon et piano (version violoncelle) : Allegretto poco mosso 6’05 Extrait du CD Mirare MIR 310
La sonorité dense, ductile et la richesse des phrasés du violoncelle de Victor Julien-Laferrière se marient avec bonheur à l’énergie dispensée par le piano d’Adam Laloum, intense et dynamique, en dépit d’une tendance à dominer dans les passages fougueux et puissants.
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4
DEBUSSY
PAR KATIA ET MARIELLE LABÈQUE Six Épigraphes antiques : Pour que la nuit soit propice 2’21 Extrait du CD Deutsche Grammophon 481 4713
Répartis à deux claviers, les Six Épigraphes antiques de Debussy furent composés pour quatre mains. L’élargissement du spectre sonore à deux pianos affine considérablement la perception de l’œuvre. Silences, éclats et résonances prennent alors une dimension inédite. Magnifique.
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MONTEVERDI
TELEMANN
Missa in illo tempore : Kyrie
Suite pour flûte à bec et cordes TWV 55:A2 : Polonoise
PAR PAUL VAN NEVEL ET L’HUELGAS ENSEMBLE
Extrait du CD Deutsche Harmonia Mundi 88875143482
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PAR GIOVANNI ANTONINI ET IL GIARDINO ARMONICO 4’10
La Messe de Monteverdi en miroir avec quatre madrigaux composés par ses prédécesseurs. L’hiératisme byzantin de Tudino, le chromatisme digne de Vicentino, la supplique de Marenzio rythment ce parcours spirituel.
Extrait du CD Alpha 245
3’23
Flûte à bec et chalumeau pour des œuvres concertantes du Cantor de Hambourg interprétées par Il Giardino Armonico. Au gré du soleil de Telemann, les fleurs de l’ensemble italien changent de couleurs et de parfums.
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BEETHOVEN
DVORÁK
Sonate pour violon et piano n°4 : Presto 5’37
Symphonie n°6 : Scherzo (Furiant) 7’55
PAR DAVID OISTRAKH
PAR ISTVÁN KERTÉSZ
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PLAGE 12
WAGNER
BRAHMS
La Walkyrie (Acte II, scène 1) : « Was verlangst 5’16 du ? »
Concerto pour violon : Finale. Allegro giocoso, ma non troppo 8’19
PAR JEROME HINES, REGINA RESNIK ET ASTRID VARNAY
PLAGE
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ALBINONI
PERGOLESI
Sonate pour violon et basse continue opus 4 n°5 : Presto 2’38
Adriano in Siria : « Torbido in volto e nero » (Acte II, scène 11) 7’05
Avec son archet, Thibault Noally fait vibrer avec volupté la sonate vénitienne du XVIIIe siècle dans un répertoire parfois confidentiel. Le violoniste, dans la plénitude de son art, parvient à un savant mélange entre perfection technique des détails et phrasés enveloppants.
L’exceptionnel travail de préparation des récits, le panache des pupitres, l’engagement des rôles, Minenko aussi à l’aise dans le registre tendre que belliqueux, Idrisova aussi pudique qu’émouvante, la vaillance toujours renouvelée de Sancho… Adriano se donne en spectacle.
PAR THIBAULT NOALLY
BONUS: LES RÉÉDITIONS PLAGE 9
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PAR FRANCO FAGIOLI
Extrait du CD Aparté AP128
Extrait du coffret Decca 483 0004
RETROUVEZ CHAQUE MOIS LES CHOCS DE
CLASSICA En écoute et à prix vert à la Fnac du 1er au 28 février. Sur Radio Classique tous les jours de 9 h 30 à 18 h.
PAR GINETTE NEVEU
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 7
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ANGEL BALLESTEROS
ACTUALITÉS
INITIATIVE
Un refuge dans la musique
À Skaramangas, dans un camp grec de réfugiés a été lancée une déclinaison d’El Sistema, un programme d’apprentissage musical: les enfants syriens, irakiens, afghans y chantent l’espoir.
D
ans le port d’Athènes, désormais entre les mains du groupe chinois Cosco, les camions serpentent entre les grues et les conteneurs. Un paysage industriel bien loin de l’Acropole et de l’Athènes de « carte postale ». C’est dans une partie jusqu’alors abandonnée de la zone portuaire, sorte de no man’s land, qu’a été aménagé en avril dernier le camp de Skaramangas. Après ceux de l’île de Lesbos, ce camp est l’un des plus importants de Grèce, avec près de 3 500 réfugiés venus de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan. Ces nationalités sont réunies car, en raison de la nature des conflits dans leur pays, ces hommes et femmes sont en première ligne pour obtenir l’asile politique. Contrairement à d’autres, ils bénéficient donc d’une certaine liberté :
8 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
ils peuvent entrer et sortir comme ils le souhaitent. Deyaa, l’un des réfugiés syriens et membre de l’association Hope School, le confirme : « Ce camp est l’un des meilleurs du pays. Les réfugiés sont majoritairement installés dans des Algecos [constructions préfabriquées], et non dans des tentes. La situation est bien pire dans d’autres campements. L’autre avantage est que la ville d’Athènes est toute proche. » Mais, pour les « habitants » de Skaramangas, les journées restent longues. Les enfants alternent entre quelques cours et des matchs de football, tandis que les adultes font un peu de commerce. « Les besoins alimentaires de première nécessité sont aujourd’hui assurés pour les réfugiés. Depuis les accords entre l’Union européenne et la Turquie, il y a beaucoup moins d’entrées sur le territoire grec. Il faut donc maintenant penser à la vie de ceux qui sont installés dans les camps et qui risquent d’y rester pendant plusieurs mois, voire plus longtemps », constate le Français Anis Barnat, qui vient de lancer El Sistema Grèce, une déclinaison du modèle vénézuélien d’apprentissage de la musique, dans des camps de réfugiés. Celui-ci fut administrateur de la maîtrise de Radio France au moment de son installation à Bondy, puis collaborateur
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ANGEL BALLESTEROS
de l’agence artistique anglaise Askonas Holt (où il gère les tournées de l’Orchestre Simón Bolívar, la phalange du Sistema dirigée par Gustavo Dudamel). Il a passé l’été dernier comme volontaire sur l’île de Lesbos. « C’est alors que j’ai imaginé apporter la musique dans les camps et, grâce notamment à l’aide d’ONG implantées en Grèce, j’ai pu monter très rapidement l’opération », poursuit-il. Quelques mois plus tard, le projet prenait forme: début novembre, les premières leçons étaient déjà dispensées à Skaramangas.
En cet après-midi d’automne, une dizaine d’enfants sont réunis dans une construction préfabriquée, autour de Christophoros, professeur de piano au Conservatoire d’Athènes. Ils apprennent des comptines, entonnent l’« Ode à la joie » de Beethoven – troublant de les entendre chanter l’hymne d’une Europe dont ils restent aux portes. Leurs réactions sont contrastées : certains cherchent de l’affection, se blottissent entre les bras des quelques adultes présents, d’autres au contraire ont des comportements presque violents. « Nous essayons d’interagir avec chacun, ce qui n’est pas aisé. Il faut être un peu autoritaire, mais de façon douce. Nous devons en permanence nous adapter, glisse Christophoros, avant d’avouer : J’ai l’impression d’apprendre plus d’eux qu’eux de moi. » L’enseignant est aidé par des réfugiés un peu plus âgés qui font office de traducteurs improvisés – trois langues sont parlées dans le camp : l’arabe, le farsi et le kurde. Ces « grands » assurent aussi une forme d’autorité sur les plus « petits ». L’une des élèves les plus motivées est une jeune Irakienne, qui dit aimer la musique, car « elle permet d’exprimer ce que nous avons en nous ». Deyaa l’atteste : « Ces cours sont une bonne manière d’apporter un peu de soulagement aux gens à l’intérieur du camp et de les amener à s’exprimer. Par les arts, vous pouvez évacuer votre passé et exprimer vos attentes pour le futur. » Certains ne sont d’ailleurs pas novices en musique, à l’image de Mustafa, originaire d’Afghanistan, qui jouait de l’harmonica à Kaboul. Pour l’implantation de cette antenne du Sistema, Lourdes Sánchez, l’une des responsables pédagogiques de l’association vénézuélienne, est venue spécialement de Caracas. Elle est là pour former les professeurs et les conseiller sur la sélection des partitions. « Il faut bien choisir les œuvres en fonction de la musique mais aussi des paroles, si ce sont des pièces chantées. Le message est très important, observe-t-elle, avant d’ajouter : Ce projet avec les réfugiés correspond parfaitement à la démarche du créateur du Sistema, José Antonio Abreu, qui souhaitait que la musique puisse permettre une meilleure intégration sociale. » Cette initiative intervient également à un moment où le Sistema traverse une période de fortes turbulences au Venezuela. Après avoir été attaquée dans le livre de l’universitaire anglais Geoffrey Baker, El Sistema. Orchestrating Venezuela’s Youth (publié aux Presses universitaires d’Oxford), qui pointait entre autres l’autoritarisme et le machisme des enseignants et la faible représentativité des enfants socialement défavorisés, l’association est aujourd’hui confrontée, comme le certifie Lourdes Sánchez, aux difficultés économiques du pays. Cette nouvelle déclinaison avec les enfants du camp de Skaramangas pourrait donc redorer son blason.
ANGEL BALLESTEROS
Une forme de soulagement
Un dispositif ambitieux
Dans ses bureaux au cœur d’Athènes, Anis Barnat explique comment il imagine le programme pédagogique des prochains mois : « Nous commençons par le chœur. Les enfants abordent des œuvres classiques, importantes pour la discipline de groupe, mais aussi des pièces en grec, afin de les aider à comprendre cette langue. Nous les ferons également chanter des berceuses traditionnelles, provenant des différentes nationalités présentes dans le camp. » Dans un second temps, les enfants s’initieront aux instruments. Un dispositif ambitieux, qui s’appuie sur des financements entièrement privés, européens et américains. Parmi les principaux partenaires figure la Fondation Hilti, installée au Liechstenstein, qui soutient déjà le Sistema au Venezuela. « Notre action permet de rémunérer les professeurs intervenants. Nous mettons également l’un de nos employés à disposition pour aider à l’administration et à la production », commente Christine Rhomperg, la directrice de la fondation, qui ne souhaite pas néanmoins nous communiquer le montant de l’aide octroyé. Pour les musiciens grecs, ces interventions apportent une source précieuse de rémunération au moment où la crise économique continue d’entraîner des baisses de salaires et des retards dans leur paiement. Le président du Conservatoire d’Athènes, Nikos Tsouchlos, souligne aussi que « ce type de projet vise à améliorer le vivreensemble entre les Grecs et les réfugiés ». Mais El Sistema Grèce, dont la marraine est la mezzo-soprano américaine Joyce DiDonato, souhaite aussi inviter des artistes étrangers. Une collaboration est prévue avec les musiciens de l’ensemble baroque italien Il Pomo d’Oro, et un partenariat devrait être mis en place avec le Conservatoire national de Musique de Paris. Fédérant ainsi par la culture une Europe plus que jamais divisée sur la Antoine Pecqueur (à Athènes) question des réfugiés. u
Choisir les œuvres, selon les paroles, car le message est important
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 9
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ACTUALITÉS
ENTRETIEN
JEAN-EFFLAM BAVOUZET
Un piano relevé
Mozart, Haydn, Beethoven… le pianiste français poursuit, avec le label Chandos, les intégrales de compositeurs classiques. Avec un même plaisir gourmand, il associe les saveurs et ajoute ses propres ingrédients. Rencontre en cuisine. du compositeur, je n’avais donc aucune excuse, d’autant que celles que je propose sont en partie hors style. Il est vrai que d’autres musiciens ont commis bien pire avant moi : je songe aux cadences de Gould, Schnittke et Stockhausen !
Vous poursuivez l’intégrale des sonates de Haydn et achevez celles de Beethoven. Passer d’une écriture à l’autre vous pose-t-il problème ?
Travailler les deux compositeurs en même temps fut une aide, puis une gêne. Une aide dans les premières sonates de Beethoven. À partir de la Sonate « Waldstein », je ne pouvais plus revenir à Haydn. Prenons une image : avec Haydn, vous taillez une sculpture en bois avec un petit maillet. Comment utiliser ce même maillet sur le bloc de marbre beethovénien ? Avec Beethoven, l’expansion de l’écriture, les trouvailles inouïes vont de pair avec une facture instrumentale en pleine révolution. Au point, d’ailleurs, que des rapprochements me sont apparus avec les musiciens de l’impressionnisme. Y a-t-il des interprètes qui ont influencé votre conception de l’œuvre de Beethoven ?
PAUL MITCHELL
Tous les interprètes me nourrissent! Des exemples? Sviatoslav Richter, Menahem Pressler et Paul Badura-Skoda. Je me souviens de ce dernier interprétant, au Châtelet, un Premier Concerto pour piano de Beethoven. Il ACTUALITÉS faisait sonner son piano moderne comme un pianoforte et jouait avec une exubérance extraordinaire. â 25, 26 mars,
D
ans votre dernier disque Mozart, vous proposez vos propres cadences du Concerto en sol majeur. Certes, vous ajoutez aussi celles de Mozart. Mais n’est-ce pas un peu osé ?
C’est même une provocation ! J’avais composé ces cadences en 1988. À l’époque, je jouais davantage de jazz qu’aujourd’hui. Je m’étais lancé dans cette aventure parce que j’avais trouvé que le premier mouvement de ce concerto avec ses marches harmoniques d’accords de septième avait des allures, disons, jazzées. Face aux très belles cadences 10 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Printemps des Arts de Monte-Carlo, Orchestre philharmonique de Monte Carlo (dir. Gábor Takács-Nagy) : Concerto pour piano K.466 de Mozart. â 27, 28 avril, Strasbourg, Orchestre philharmonique de Strasbourg, dir. Jérémie Rhorer : Concerto pour piano n°2 de Liszt.
Parlez-nous de vos prochains enregistrements pour Chandos…
Achever le cycle des sonates de Haydn… Il me reste encore beaucoup de disques à graver et d’interrogations à lever, notamment en ce qui concerne les doubles reprises, les cadences… En juin, j’enregistrerai, sous la direction d’Edward Gardner, le Concerto pour piano de Grieg avec l’Orchestre de Bergen. Sortira aussi la Quatrième Symphonie de Charles Ives aux côtés de l’Orchestre symphonique de Melbourne et de sir Andrew Davies: une immense fresque sonore avec 120 musiciens, trois pianos dont un accordé en quart de ton. u Entretien : Stéphane Friédérich
® Voir chronique du CD Mozart page 98. Retrouvez l’intégralité de l’interview dans le magazine Pianiste n°102.
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LA DÉFINITION DE LA PERFORMANCE
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314 rue Paul Milliez - 94513 Champigny Sur Marne Tél : 01 55 09 18 35 - Fax : Tél : 01 55 09 15 31 email :
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ACTUALITÉS
PASCAL GELY
DÉPÊCHES
RENAISSANCE ROYALE
Le Couronnement de Poppée de Monteverdi, selon Klaus Michael Grüber (photo), fut l’événement du Festival d’Aix-en-Provence… en 1999. L’Opéra de Lyon le ramène à la vie pendant le Festival Mémoires, du 7 mars au 5 avril. Autres surprises : le retour à l’affiche de l’Elektra de Ruth Berghaus et du fameux Tristan et Isolde d’Heiner Müller, né au Festival de Bayreuth de 1993.
l Ils nous ont quittés. Jean-Claude Risset, compositeur, 78 ans (21/12/16); Russell Oberlin, contre-ténor, 88 ans (26/11/16); Heinrich Schiff, violoncelliste, 65 ans (23/12/16); Géori Boué, soprano, 98 ans (5/01). l Nominations. La Britannique Ruth Mackenzie, 59 ans, remplace Jean-Luc Choplin à la tête du Théâtre du Châtelet: elle assurera une programmation hors les murs (entre autres, Singin’ in the Rain sous la nef du Grand Palais, la saison prochaine), en attendant la réouverture du théâtre en septembre 2019 après deux ans de travaux. Nathalie Stutzmann a été nommée principal chef invité de l’Orchestre symphonique de la Radio-Télévision irlandaise. Prise de fonctions en septembre prochain. l Vainqueurs. Le Vision String Quartet (Allemagne) a remporté le Premier Prix du Concours de Genève, ainsi que les Prix du Public et du Jeune Public. Le Quatuor Hanson (France) monte sur la deuxième marche du podium et l’Abel Quartet (Corée du Sud) se classe à la troisième place.
Anniversaire
N
ominé sept fois aux Oscars en 1996, ce biopic sur le pianiste australien David Helfgott se voit offrir une sortie Bluray pour son vingtième anniversaire. Retraçant sous forme de flash-backs la vie tumultueuse du génie fou – de son interprétation du Concerto pour piano n°3 de Rachmaninov à ses multiples séjours à l’asile – Shine vaut avant tout pour la prestation de Geoffrey
Rush (Le Discours d’un roi, The Best Offer), parfait modèle d’un maniérisme contrôlé. Le reste a un peu mal vieilli, usant souvent de la larme facile pour susciter le drame. En revanche, si l’on compare le nouveau support avec la version DVD, celui-ci propose une image plus piquée et un son plus doux, le tout étant accompagné d’une heure vingt de bonus inédits : entretiens sur le rôle-titre avec Geoffrey
12 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
MOMENTUM FILM / THE KOBAL COLLECTION
Shine en Blu-ray
Rush, sur le tournage avec Scott Hicks, le réalisateur, et sur le montage son avec David Hirschfelder, le directeur
musical. À conseiller pour les amateurs du genre. u Clément Serrano
® Shine de Scott Hicks (1996).
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ACTUALITÉS
VOTEZ POUR VOTRE CHEF D’ORCHESTRE PRÉFÉRÉ! Vous aimez les chefs ?
Choisissez votre chef d’orchestre préféré, toutes époques confondues, et écrivez-nous ! Envoyez le nom de votre chef d’orchestre préféré et votre adresse postale par courriel et gagnez 50 livres de la collection Actes Sud/Classica. Réponse par courriel jusqu’au 28 février 2017 :
[email protected] Groupe L’Express pour le compte de Prélude & Fugue, éditrice de la publication Classica, organise, du 29 janvier au 28 février 2017, un jeu gratuit et sans obligation d’achat intitulé « Votez pour votre chef d’orchestre préféré ! », ouvert à toute personne majeure résidant en France. Pour participer au tirage au sort, il faut envoyer à l’adresse
[email protected] le nom de son chef d’orchestre préféré, toutes époques confondues. Le tirage au sort, effectué le 6 mars, déterminera les 50 gagnants qui remporteront chacun un ouvrage de la collection Actes Sud/Classica d’une valeur unitaire de 15 euros TTC. Le règlement complet est disponible sur demande écrite à GROUPE L’EXPRESS, jeu « Votez pour votre chef d’orchestre préféré ! », 29, rue de Châteaudun, 75009 Paris.
14 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
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Bruges? Que ça sonne bien!
Inspirée par la musique classique
www.brugessoundsgreat.com
Boléro
Visitez Bruges et découvrez la musique classique durant toute l’année
mer 01.03.2017
sam
04.03.17
Anima Eterna Brugge – Gershwin’s greatest hits
sam
25.03.17
Kammerorchester Basel & Sol Gabetta Tchaïkovski & Beethoven
ven - dim
21 – 23.04.17
Domaine Alexei Lubimov
jeu - sam
18 – 20.05.17
Budapest Festival 2017
ven - dim
04 – 13.08.17
MAfestival – Early music in Bruges
Orchestre Symphonique des Flandres
Concertgebouw de Bruges Un concert avec la musique sensuelle du sud de Ravel, Ginastera, Lalo et Copland et ‘le nouveau son de Bruges’ avec une création de Mathias Coppens. Vous rejoignez-nous pour danser le long de notre Boléro?
avec le soutien de
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ACTUALITÉS
RENCONTRE
KAIJA SAARIAHO
L’astre polaire au firmament
V
MAARIT KYTÖHARJU
Influencée par l’esthétique spectrale, travaillant sur l’électroacoustique, le timbre et le multimédia, la compositrice finlandaise s’est forgé un style personnel, lumineux et poétique, contribuant au renouveau de la musique de son pays. Entretien.
ous faites l’objet d’un hommage au festival Présences de Radio France. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Ces concerts offrent une vision globale de mon travail, avec au programme des ouvrages pour grand effectif et des partitions de chambre au caractère plus intime. Même si ma musique est connue en France, un certain nombre de mes pièces n’y ont jamais été jouées. Seront donc présentées des créations françaises comme Sombre, pour baryton, flûte basse et ensemble, et Trans, mon concerto pour harpe. Une nouvelle œuvre que je suis en train de terminer sera aussi donnée en première mondiale. On pourra également entendre des œuvres de jeunesse, comme Nymphea créé en 1987…
C’est mon premier quatuor à cordes, une commande du Lincoln Center de New York pour le quatuor Kronos. Le point de départ de cette partition a été un travail sur la structure symétrique d’une fleur de nénuphar blanc alimentant une vie sous-marine. Puis j’ai imaginé diverses interprétations de la même image, cassant la symétrie avec des couleurs, des formes, des matériaux variés. L’électronique vient ici prolonger les idées instrumentales et consiste en des transformations des sons du quatuor à cordes en temps réel pendant le concert. Comment définir votre esthétique ?
On a pu m’associer au courant spectral, mais des compositeurs comme Ligeti, Messiaen, Berio m’ont aussi influencée au cours de mes études. Mais, de mon point de vue, je n’appartiens à 16 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
aucun courant. Par exemple, pour Nymphea, la base de la structure harmonique est fournie par des sons complexes de violoncelle, que j’ai analysés par ordinateur avec certains programmes informatiques, processus qui s’apparente à la musique spectrale. En revanche, le matériau musical passe par des transformations rythmiques et mélodiques qui relèvent d’approches musicales et techniques personnelles.
Justement, quelle place occupe le violoncelle dans votre répertoire ?
C’est l’un des instruments qui m’a le plus inspirée, notamment pour ses riches possibilités en matière de timbre. Et je ne peux pas le dissocier du violoncelliste Anssi Karttunen pour qui j’ai composé la plupart de mes pièces. Celui-ci a créé mes concertos pour violoncelle Amers, Notes on Light ou encore Près, une partition pour violoncelle et électronique. Quels sont vos projets ?
J’écris un opéra sur un livret de l’écrivaine finlandaise Sofi Oksanen. La première est prévue en 2020 à Covent Garden. u Entretien : Elsa Fottorino
® Festival Présences de Radio France, « Kaija Saariaho, un portrait ». Du 10 au 19 février à la Maison de la Radio. www.maisondelaradio.fr
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SAMEDI 8 OCT. - 20h30 SOL Y SOMBRA Béatrice Uria-Monzon / mezzo-soprano DIMANCHE 27 NOV. - 14h30 MARDI 29 NOV. - 20h30 Janácek KATIA KABANOVA VENDREDI 30 DÉC. - 20h30, SAMEDI 31 DÉC. - 20h30 DIMANCHE 1er JAN. - 17h00 Lopez LE CHANTEUR DE MEXICO VENDREDI 20 JAN. - 20h30 DIMANCHE 22 JAN. - 14h30 CONCERTS VERDI Direction musicale : Luciano Acocella Patrizia Ciofi / soprano Leo Nucci / baryton MARDI 7 FÉV. - 20h30 PATRICIA PETIBON / soprano L’ Ensemble Amarillis DIMANCHE 19 FÉV. - 14h30, MARDI 21 FÉV. - 20h30 Molière / Lully LES AMANTS MAGNIFIQUES VENDREDI 10 MARS - 20h30, DIMANCHE 12 MARS - 14h30 Matalon L’OMBRE DE VENCESLAO MERCREDI 15 MARS - 20h30 CONCERT ROSSINI Direction musicale : Jean-Marie Zeitouni Marie-Nicole Lemieux / mezzo-soprano DIMANCHE 2 AVR. - 14h30, MARDI 4 AVR. - 20h30 Verdi MACBETH SAMEDI 8 AVR. - 20h30, DIMANCHE 9 AVR. - 14h30 Bock UN VIOLON SUR LE TOIT DIMANCHE 14 MAI - 14h30, MARDI 16 MAI - 20h30 Donizetti ANNA BOLENA VENDREDI 9 JUIN - 20h00, DIMANCHE 11 JUIN - 14h30 Gounod FAUST JEUDI 16 JUIN - 19h30 UNE NUIT À L’OPÉRA
SAISON 2016 2017
Réservations 04 90 14 26 40 www.operagrandavignon.fr
Faire de la culture votre voyage
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ACTUALITÉS
Stravinsky SON CHANT FUNÈBRE RETROUVÉ En décembre, la partition, qui avait disparu depuis plus de cent ans, est interprétée pour la première fois depuis sa création et dirigée par Gergiev.
O
n l’attendait depuis… très longtemps. Plus d’un siècle ! Ce moment historique a finalement eu lieu le 2 décembre dernier, dans la salle de concert du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg. En direct sur Mezzo et medici.tv, Valery Gergiev a dirigé le Chant funèbre opus 5 d’Igor Stravinsky, écrit en 1908 en hommage à son maître, Rimski-Korsakov. Jouée une seule fois, la partition a été perdue pendant la Révolution, au grand dam du compositeur. À la suite du déménagement d’une partie des archives du
ALEXANDER SHAPUNOV
Conservatoire de Saint-Pétersbourg, une musicologue a récemment mis la main sur des copies d’orchestre. Après plusieurs mois de travail, l’œuvre a enfin pu être éditée et jouée au sein d’un programme où elle était encadrée par Kitège et L’Oiseau de feu :
LES COUPS DE R
une indication de son style, entre Rimski-Korsakov et le futur Stravinsky. Ce Chant funèbre, poème symphonique de douze minutes évoquant un voyage de l’âme, laisse également apparaître d’autres influences que le compositeur a rejetées plus tard, comme celles de Scriabine ou même de Wagner. La première française de cette importante découverte aura lieu le 2 mars au Théâtre des Champs-Élysées par l’Orchestre national de France placé sous la direction de James Gaffigan. Courez-y ! u B. D.
CLASSICA n° 188
Alain Duault (France 3)
Christian Merlin (Le Figaro)
Francis Drésel (Radio Classique)
Lionel Esparza (France Musique)
Charpentier: Pastorale de Noël Daucé HM
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Récital « In War & Peace » DiDonato Erato
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Mozart: concertos pour violon Faust HM
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Récital Bach-Telemann Jaroussky Erato
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Récital « Dolce Vita » Kaufmann Sony
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Chostakovitch: Symphonie n°5 Les Dissonances Dissonances records
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Récital Batiashvili Sibelius et Tchaïkovski DG Pergolèse: Stabat Mater Yoncheva/Deshayes Sony
Nous aimons… R un peu RR beaucoup RRR passionnément 18 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
x pas du tout – n’a pas écouté
Marie-Aude Roux (Le Monde)
Voici le classement des 10 meilleures ventes à la FNAC, entre les 2 et 8 janvier 2017 (hors compilations).
1
BRAHMS, KHATCHATURIAN… Camille et Julie Berthollet WARNER
2
LE VIOLON ROI Renaud Capuçon
3
PICTURES OF AMERICA Natalie Dessay
4
MALÈNA Roberto Alagna
5 6 7
ERATO
SONY
DEUTSCHE GRAMMOPHON
NEW YORK RHAPSODY Lang Lang SONY
RACHMANINOV Alexandre Tharaud ERATO
BACH Nemanja Radulovic DEUTSCHE GRAMMOPHON
8
BACH, TELEMANN Philippe Jaroussky
9
BEETHOVEN Gautier Capuçon, Frank Braley
10
CHARPENTIER Ensemble Correspondances
ERATO
ERATO
HARMONIA MUNDI
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ACTUALITÉS
C’est vous qui l’écrivez
Pleurer avec Felicity
Quelle émotion de parcourir les extraits de l’autobiographie de Felicity Lott dans votre dernier numéro. Quand elle dit: « Je pleure très facilement. Pour me protéger, je détourne vers le rire », c’est exactement ce que je ressens en l’écoutant: qu’est-ce qu’elle dégage comme émotion! Du coup, j’ai acheté ce livre, qui porte si bien son nom, Il nous faut de l’amour, écrit main dans la main avec Olivier Bellamy. J’ai A-DO-RÉ! Et tant de souvenirs me sont revenus. Par exemple, je l’avais entendue il y a longtemps à la télévision, dans une émission d’Ève Ruggieri autour des héroïnes de Mozart, et l’air de Pamina m’était resté en mémoire. Et puis, aussi, un Capriccio, je crois au palais Garnier, avec le vieux Theo Adam, où elle était merveilleuse, avec ce mélange de classe et de sensibilité qui n’appartient qu’à elle. Après, hélas, je n’ai plus trop eu l’occasion de la revoir car j’ai déménagé à Bordeaux, mais je me suis procuré tous ses DVD, comme Le Chevalier à la rose dirigé par Carlos Kleiber. Et puis, quand elle a abordé La Belle Hélène et La Grand-Duchesse de Gérolstein avec Laurent Pelly et Marc Minkoswki, j’ai trouvé qu’elle savait se moquer d’elle-même avec une vis comica irrésistible. Dommage qu’elle chante de moins en moins. Madeleine Vincent-Mouré (Mérignac)
Et Enrico, SVP
Merci pour le spécial Maria Callas du dernier numéro. Sachez que nous sommes plusieurs à attendre un article (et un CD) sur le sublime ténor Enrico Caruso dont on ne sait presque rien, hormis qu’il était napolitain. Merci d’y songer !
LA TRIBUNE DES CRITIQUES DE DISQUES TOUS LES DIMANCHES, SUR FRANCE MUSIQUE, DE 16 H À 18 H, JÉRÉMIE ROUSSEAU PRÉSENTE « LA TRIBUNE DES CRITIQUES DE DISQUES ». LE 5 FÉVRIER Musique pour les feux d’artifice royaux de Haendel* LE 12 FÉVRIER Concerto pour piano de Schumann LE 19 FÉVRIER Concerto pour violon n°1 de Prokofiev LE 26 FÉVRIER Les Noces de Figaro de Mozart Enregistrement en public le jeudi soir à 19 h au Studio 109 de la Maison de la Radio. * Émission enregistrée à la Folle Journée de Nantes le 3 février.
Renseignements : www.francemusique.fr
Jacques Neyaz (Nice)
Sur vos tablettes
C
haque mois, Classica vous est également proposé sur tablette et smartphone. Une application est disponible sur l’App Store pour les smartphones et tablettes Apple, et sur Google Play pour les autres marques fonctionnant sur Android. Vous y retrouverez systématiquement le dernier numéro de Classica, ainsi qu’un vaste choix d’anciens numéros (gratuit pour les abonnés). 20 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Le CD Discothèque idéale Furtwängler dirige Schubert
Retrouvez chaque mois notre « Discothèque idéale », constituée d’enregistrements essentiels du répertoire classique choisis pour vous par la rédaction. Avec ce numéro: Furtwängler dirige Schumann.
Vous pouvez obtenir ce CD au tarif de 6,10e (frais de port inclus pour la France métropolitaine; étranger et DOM-TOM, nous consulter) en adressant un courrier à : Classica — Service abonnements — 4, rue de Mouchy — 60438 Noailles Cedex. Plus simple et plus rapide, vous pouvez aussi commander ce CD via notre boutique en ligne https://boutique.lexpress.fr/cd-dvdloisirs/cd/discotheque-ideale-classica.html
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DIPLÔME EN PRATIQUE D’ORCHESTRE JONATHAN NOTT Directeur musical et artistique
L'Orchestre de la Suisse Romande, en collaboration avec la Haute école de musique de Genève propose un programme de formation qui débouche sur un Diploma of Advanced Studies en pratique d'orchestre (DAS) délivré par la Haute Ecole spécialisée de Suisse Occidentale. La formation, dispensée par les deux institutions, a pour but d'approfondir et d'élargir les compétences professionnelles dans le domaine de la pratique d'orchestre (symphonique et lyrique) afin d'optimiser la réussite des candidats aux concours d'orchestres.
L’Opéra Comique s’invite au Théâtre du Châtelet Du 12 au 27 février 2017
Réservée au moins de 29 ans (à la date du 30 avril 2017), sans distinction de nationalité, cette formation est ouverte aux titulaires d'un Master d'interprétation ou d'un titre jugé équivalent. La formation, 900 heures sur 12 mois (1 septembre 2017 - 31 août 2018), est composée de deux parties complémentaires et obligatoires: 1. un stage d'orchestre au sein de l'Orchestre de la Suisse Romande: préparation des partitions et participations aux concerts, représentations, tournées, enregistrements... (720 heures sur 12 mois de septembre à août) La rémunération brute pour ce stage est de CHF 30'000.-
2. un programme d'étude à la Haute école de musique de Genève avec deux modules d'enseignement (180 heures sur 10 mois de septembre à juin) : a. Traits d'orchestre, préparation mentale, simulation de concours b. Musique de chambre, connaissance historique et un travail de diplôme (évalué à 60 heures)
Le coût de cette formation, à la charge du candidat retenu, est de CHF 4'500.Cette formation est proposée dans les disciplines suivantes : • Violon • Alto • Cor (aigu et grave)
Opéra Comique de
Jacques Offenbach
FANTASIO Direction musicale, Laurent Campellone Mise en scène, Thomas Jolly
Chœur Aedes Orchestre Philharmonique de Radio France
Les candidats qui souhaitent participer et/ou prendre connaissance du règlement de cette formation doivent se connecter sur le site www.osr.ch, et suivre la procédure d'inscription décrite sur le site. Les candidats retenus sur dossier seront ensuite convoqués pour une audition à Genève fixée les : • Cor : 5 avril 2017 • Alto : 6 avril 2017 • Violon : 7 avril 2017 Délai d'inscription : 19 février 2017 Invitation et programme communiqués seulement candidats retenus, 1 mois avant chaque audition.
aux
25 35 CHATELET-THEATRE.COM | 01 40 28 28 40 OPERA-COMIQUE.COM | 0825 01 01 23 (0,15€/min) Production Opéra Comique | Coproduction Grand Théâtre de Genève, Opéra de Rouen Normandie, Opéra national de Montpellier, Théâtre national Croate de Zagreb | Coréalisation Théâtre du Châtelet
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S. TRIERENBER
ACTUALITÉS
HOMMAGE.
Georges Prêtre, le dernier lion Une symphonie s’achève : l’un des géants de la direction d’orchestre s’est éteint le 4 janvier, à l’âge de quatre-vingt-douze ans. Portrait.
D
errière la gloire mondiale de Georges Prêtre et sa belle image charismatique se cachent des malentendus. Il était beau, en imposait par le regard et par le charme : le look d’un play-boy. Or, c’était un superpro, parfaitement préparé, adoré de ses musiciens. Ensemble, ils exerçaient un métier, constituaient une famille. Mais c’est de lui que la musique émanait, c’était à lui d’en
22 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
infuser, d’en insuffler le sens, le coloris et la vibration vivante à ceux qui jouaient pour lui. Souvent il lâchait la baguette, pour pétrir la musique à mains nues, dans l’ampleur. Le souffle qui modèle le temps, et les mains, qui modèlent le son, voilà le matériau de base de ce maître plasticien des sons et de la phrase. Humilité était son grand mot : il ne se voulait pas chef, mais interprète, serviteur. Comme Bruno Walter, il mettait
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sa fierté à avoir appris sur le tas, à tous les échelons d’un théâtre, toutes les compétences qui y sont requises ; de là la seule auto-rité qui vaille. La France est plus désinvolte en matière de préparation, les gens de qualité y savent sans avoir appris, c’est déjà dans Molière. Prêtre, avec son aisance à paraître et son physique, pouvait passer pour le type même de l’homme moderne, qui réussit vite, un prédateur, un flambeur. Or, il était l’exact contraire, maintenant les vertus ancestrales du peuple, ténacité, continuité, patience plus, avec sa composante mystique et religieuse : l’humilité. Il a compté ses pas, comme soucieux de ne pas donner aliment à la jalousie ; tout sauf un Rastignac avec son « À nous deux, Paris ! ». Ses étapes de provincial, et qui n’en a pas honte : Marseille (d’abord pour l’opérette seulement : apprentissage du rythme, et du coup d’œil, pour rattraper), Toulouse, Casablanca enfin. Une des chances de sa vie fut que son directeur à Marseille ait été Jean Marny, ténor retiré, qui sut lui placer sa confiance. Juste retour, il épousait sa fille. Suivirent deux bons tiers de siècle de mariage, une vie de famille discrète, cultivant son propre jardin (qui, le succès venu, deviendra château et parc).
Stature viennoise L’Opéra-Comique ne l’accueillait qu’en 1956. La vie lyrique à Paris était au plus bas, mais le boom naissant du disque allait y remettre du chic. En Prêtre, Poulenc clama avoir trouvé le chef de ses rêves. Pathé Marconi l’associa à l’étoile naissante de Crespin et, accélérateur formidable en termes de carrière, aux derniers feux de Callas (ses disques parisiens, ses derniers concerts). Il créait La Voix humaine, qui rendait à Paris le sentiment d’être une métropole musicale. Voyons plus loin, son Capriccio de Strauss, avec Schwarzkopf, le qualifiait pour Vienne qui d’un chef venu de Paris n’attendait pas tel savoir, telle école. Paris, tout en idolâtrant Prêtre, n’a jamais eu idée de la stature que celui-ci acquérait ailleurs. À Vienne, avec les Symphoniker, il assurait l’essentiel des concerts, le Philharmonique étant souvent en fosse. Ce n’est pas son Poulenc que Vienne lui réclamait : c’est son Brahms, son Bruckner (à mains nues, pour l’ampleur). À lui le Nouvel An, deux fois, légitime également dans l’autre Strauss. À Milan aussi il pouvait tout. Ces deux villes à la vraie culture d’opéra appréciaient la maestria d’un chef qui sait tout des pièges d’opéra, produit un son si brillant et vivant, si propre au chant. Paris a vu son phénoménal Turandot, se débrouillant de l’orchestration (et des départs, et des jeux de timbre) de Puccini en sorcier : mais c’est comme si Paris ne l’écoutait que pour ses stars. Prêtre ne voulut jamais se laisser enfermer. Invité, volontiers : mais pour diriger l’orchestre seulement, pas la boutique. Significativement, c’est « live », et ailleurs, qu’il a signé son Berlioz le plus éclatant, le mieux distribué : Les Troyens avec Verrett et Gedda, plus La Damnation (ici, Horne). Et c’était pour la RAI! Individuel jusqu’au bout et hors chapelles. La musique pleure un homme libre. u André Tubeuf
LE CHIFFRE DU MOIS
5,32 millions d’euros
C’est le prix record atteint par la partition manuscrite de la Symphonie n°2 « Résurrection » de Gustav Mahler, lors d’une vente aux enchères chez Sotheby’s, à Londres, en novembre dernier. La partition devient la plus chère de l’Histoire, dépassant les 2,8 millions d’euros auxquels s’étaient vendues neuf symphonies de Mozart en 1987.
NATHALIE GUYON
IL MAINTENAIT LES VERTUS DU PEUPLE, TÉNACITÉ, CONTINUITÉ, PATIENCE PLUS, AVEC SA COMPOSANTE MYSTIQUE : L’HUMILITÉ
Victoires de la musique
C’EST À VOUS DE CHOISIR!
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otez pour les révélations « Artiste lyrique » et « Soliste instrumental » des 24e Victoires de la musique, puis découvrez les résultats le 1er février, lors de la cérémonie diffusée sur France 3 à 20 h 55, en direct de l’Auditorium de la Maison de Radio France. De gauche à droite, Justin
Taylor (clavecin), Adélaïde Ferrière (percussions, marimba), Catherine Trottmann (mezzo), Léa Desandre (mezzo), Raquel Camarinha (soprano) et Guillaume Bellom (piano). Que le meilleur gagne ! u ® Pour voter, rendez-vous sur le site www.france3.fr/ emissions/les-victoiresde-la-musique-classique
PARUTION
L’ESTHÉTIQUE DE REICH
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l’occasion des quatre-vingts ans de Steve Reich, paraît, dans la collection de la Cité de la Musique, un recueil de textes et d’entretiens, sous le titre Différentes phases – Écrits 1965-2016. Enfin ! Adapté et enrichi par rapport à la version américaine, ce livre revient sur les cinquante ans de création du compositeur. Celui-ci y explique les principes de son art, son évolution et donne des clés pour mieux comprendre son esthétique : une référence. u ® Différentes phases, par Steve Reich, La Rue musicale, 480 p., 30 a. www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 23
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ACTUALITÉS
Feuilleton Monteverdi Chapitre I
ÉVOLUTION OU RÉVOLUTION ?
En associant le sens au son, le compositeur italien a posé les bases de la musique moderne occidentale. Classica vous propose de découvrir sa vie et son œuvre à travers dix extraits de la biographie parue chez Actes Sud. Premier chapitre.
24 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
MUSÉE DE L’HERMITAGE
J
e ne me suis jamais considéré comme un théoricien, ni comme un musicologue. J’ai accepté d’écrire un livre sur Monteverdi uniquement par gratitude : sa musique a été ma compagne, ma consolation et mon espoir pendant de nombreuses années (sombres) de ma vie. Il s’agit donc d’un acte public de reconnaissance envers le grand compositeur de Crémone. Mes analyses sont destinées à tous ceux qui veulent connaître Monteverdi d’un peu plus près, mais aussi à ceux qui, tout en admirant déjà l’art de ce compositeur, cherchent de nouveaux modes d’écoute et de réflexion. J’ai voulu autant que possible éviter les termes techniques. Je veux juste dire à tous ceux qui ne sont pas particulièrement experts en terminologie musicale que, lorsqu’on parle d’accords de septième ou de neuvième, on fait référence à certains accords dissonants, très utilisés à l’époque de Monteverdi et particulièrement aptes à créer, grâce à une sage alternance avec des accords consonants, un effet ondulant de tension et de distension. Le récitatif est une technique particulière de composition musicale qui renonce volontairement à la régularité du rythme musical (contrairement à ce qui se produit dans une aria) pour privilégier la déclamation naturelle d’un texte ; l’antienne est un court texte liturgique utilisé comme introduction et comme conclusion d’un psaume. […] Monteverdi a vécu entre deux siècles: le XVIe et le XVIIe. Quels sont les musiciens contemporains de son époque dont nous écoutons aujourd’hui la musique assez
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régulièrement? Caccini? Peri? Les deux Gabrielli? Palestrina? Lassus? Non: on les écoutera de manière sporadique, plus rarement, presque par hasard. Avec intérêt, sans doute, mais certainement pas quotidiennement. On peut, en revanche, se nourrir avec satisfaction de Monteverdi tous les jours. Et c’est ce que fait sans aucun doute un nombre non négligeable de mélomanes. Pourtant, si l’on regarde en arrière, Monteverdi est bien loin. Au moment où j’écris, je peux dire qu’il est né il y a 436 ans et que cela fait 360 ans qu’il est mort. Malgré cela, sa musique n’a aucune difficulté à impliquer émotionnellement (et à bouleverser) des millions de personnes de différentes classes sociales. Ce qui nous reste des œuvres de Monteverdi, c’est essentiellement un grand nombre de recueils de madrigaux, trois œuvres lyriques complètes et beaucoup de musique sacrée en tout genre. La musique purement instrumentale ne l’intéressait pas beaucoup.
Modifications originales Pourquoi une musique aussi éloignée dans le temps et, surtout, une forme aussi désuète aujourd’hui que le madrigal – la forme que Monteverdi cultiva le plus – devrait-elle encore être à l’origine de tant d’émotions subtiles ? Comment la plainte d’Orphée à la mort d’Eurydice ou les scènes érotiques entre Néron et Poppée réussissent-elles à réveiller nos sentiments, au même titre que la triste fin d’Aïda ou de Mimi et que la sensualité exubérante de Carmen ? L’explication réside dans le fait que Monteverdi fut un véritable révolutionnaire ; en réalité, il n’inventa pas de nouvelles formes, mais il les modifia d’une manière totalement originale. Il créa ainsi des effets inédits, impliquant fortement l’auditeur. Aucun imitateur ou compositeur ne sut d’ailleurs égaler ses résultats dans ces étonnantes modifications. Marenzio suivit à Rome un itinéraire parallèle et dépoussiéra, pour sa part, le style du madrigal romain (suscitant la jalousie de Palestrina, qui l’empêcha par tous les moyens de continuer sa carrière à Rome). Gesualdo bouleversa les auditeurs de son époque avec ses inventions harmoniques les plus extrêmes et les passions les plus lancinantes ; Rore, Wert et d’autres musiciens apportèrent aussi, à leur manière, des éléments de renouveau
IL TENTA D’EXALTER MUSICALEMENT LA SUBJECTIVITÉ. IL ENTREVIT LA POSSIBILITÉ D’UN CHOIX ARTISTIQUE OPPOSÉ À L’APPLICATION SERVILES DES RÈGLES à ce langage. Mais tous restèrent liés, de manière inéluctable, à leur milieu ou à des conditions personnelles trop particulières. Aujourd’hui, seul le langage de Monteverdi réussit à garder une dimension universelle. Monteverdi inventa le madrigal moderne, rendant cette forme, alors déjà vieille de plusieurs années, capable des mêmes effets que ceux qu’engendrait la nouvelle monodie. Il le libéra de tout mécanisme de régularité d’écriture, le soumettant à une microscopique analyse et à une exaltation des moindres impacts émotionnels du texte. Il composa une musique qui allait comme un gant aux résonances psychologiques des tourments d’amour décrits dans les vers qu’il mettait en musique. Il détruisit peut-être l’unité du madrigal, mais il inventa un mécanisme qui, en remettant toujours en jeu l’attention de l’auditeur, réussissait à le captiver jusqu’à la fin des quatre minutes.
Nouvelle conception Par ailleurs, en inventant le théâtre lyrique moderne, sa structure, ses mécanismes, ses ressources, ses secrets, en donnant à l’opéra (né depuis quelques années) une manière d’être et une cohérence expressive déjà accomplie et parfaite, il inventa ce qui aujourd’hui, à nos yeux, ne pourrait plus être différent. Il créa cette manière de faire qui, après lui, a présidé à la conception de toute la musique occidentale. Il a été le premier, bien que nous reconnaissions dans sa musique la même théâtralité que celle contenue dans les plus belles œuvres de Mozart, de Verdi, de Rossini et des meilleurs compositeurs d’opéra de tous
les temps. Il a perfectionné ce mécanisme par lequel la musique devient un moyen d’amplifier un texte littéraire et atteint les meilleurs résultats dans la recherche et dans la compréhension de l’expression de la psychologie humaine. Incroyable, non ? Qui penserait aujourd’hui que le contraire soit possible? Qui réussirait à concevoir une composition vocale dont la musique irait dans une direction totalement différente de celle suggérée par le texte? Pourtant, avant lui, c’était ainsi. En ce sens, Monteverdi a été le premier musicien révolutionnaire. Avec Monteverdi est né l’individu en musique, opposé à la collectivité indistincte héritée d’une vieille tradition médiévale. Cet individu est le fils de l’humanisme qui vit le jour en Italie et qui voulut placer l’homme avec son sens critique et sa rationalité au centre du monde. Monteverdi tenta d’en exalter musicalement la subjectivité, en l’opposant à l’objectivité du contrepoint. Il entrevit la possibilité et l’opportunité d’un choix artistique opposé à la continuité et à l’application servile de règles valables pour tous les compositeurs: le risque du compositeur et de l’exécutant dans l’exercice de son goût personnel, avec sa conséquence, la polémique artistique (nous verrons comment !) et tout ce que nous sommes aujourd’hui habitués à vivre dans notre pratique musicale quotidienne, que nous soyons compositeur, musicien ou auditeur. Chez Monteverdi, le madrigal aussi se teinte d’un aspect théâtral. Il dissimule même un effort de théâtralisation encore plus détaillé, car il doit exprimer par la musique seule tout ce qui n’apparaît pas au regard. À cette fin, le madrigal utilise non seulement la théâtralisation d’un effet sonore, mais aussi une alchimie subtile et raffinée, obtenue par le mélange toujours différent du texte à travers les voix. Oui, la musique de Monteverdi parle encore à notre cœur avec une puissance qui ne compte pas les années. Essayons de comprendre pourquoi. Et procédons par ordre. u (À suivre) ® Ce feuilleton est
extrait de la biographie de Monteverdi signée par Rinaldo Alessandrini et parue dans la collection « Classica » d’Actes Sud.
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 25
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30 ANS Centre de musique baroque de Versailles
les
Chantres Direction musicale Olivier Schneebeli
Centre de formation supérieure de chant baroque
Recrutement pour la rentrée de septembre 2017 de chanteuses et chanteurs français et étrangers, de 18 à 30 ans, tous pupitres Une formation professionnelle reconnue
Un cursus à temps complet, de 2 à 3 ans, alliant les acquis théoriques et la pratique quotidienne du chant (technique vocale, interprétation, chœur, musique de chambre, solfège chanteur, ornementation, basse continue, direction de chœur, travail éditorial sur les sources, danse et gestuelle baroques, déclamation française et latine, diction allemande et italienne, culture musicale, connaissance du milieu professionnel) aux masterclasses et à la mise en situation professionnelle (concerts, productions lyriques et enregistrements) Un partenariat avec les Conservatoires de Versailles, de la Vallée de Chevreuse et le Pôle Supérieur d’Enseignement Artistique de Paris – Boulogne-Billancourt
Une insertion professionnelle exemplaire 1er tour sélection sur dossier, à retirer ou à télécharger et à retourner complet avant le vendredi 24 mars 2 tour audition devant le jury, le samedi 20 mai à Versailles 3e tour admissions le lundi 22 mai e
Droits d’inscription : 300€ par an – statut étudiant
[email protected] – www.cmbv.fr – 01 39 20 78 19 Centre de musique baroque de Versailles Hôtel des Menus-Plaisirs 22, avenue de Paris - CS 70353, 78035 Versailles cedex
DIRECTEUR GÉNÉRAL MAURICE XIBERRAS DIRECTEUR MUSICAL LAWRENCE FOSTER
La Ville de Marseille, 860 000 habitants (Bouches-du-Rhône), Capitale euroméditerranéenne, 2e ville de France, poursuit sa dynamique d’ouverture et de progrès.Participerà son rayonnement, c’est devenir acteur d’un service public local de qualité, au plus proche des administrés. L’Opéra Municipal de Marseille recrute pour son Orchestre
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re catégorie) Concours Samedi 25 Mars 2017 à 14h RÉMUNÉRATION BRUTE MENSUELLE : 3 334,48 € Date limite d’inscription : Mercredi 15 Mars 2017 Prise de poste le 16 Juin 2017 re catégorie) Concours Lundi 12 Juin 2017 à 9h30 RÉMUNÉRATION BRUTE MENSUELLE : 3 334,48 € Date limite d’inscription : Vendredi 2 Juin 2017 Prise de poste le 15 Septembre 2017
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Concours Mardi 13 Juin 2017 à 9h30 RÉMUNÉRATION BRUTE MENSUELLE : 2 883,49 € Date limite d’inscription : Vendredi 2 Juin 2017 Prise de poste le 15 Septembre 2017
Salle de répétitions de l’Orchestre 23 Rue François Simon, Belle de Mai 13 003 Marseille
RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS :
Opéra de Marseille – Administration de l’Orchestre 2 rue Molière – 13 233 Marseille Cedex 20
[email protected] Tél. : + 33 (0)4 91 55 21 25
www.opera.marseille.fr
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L’HUMEUR
Valse DE VIENNE
DAVID IG NASZEW SKI-KOB OY
T
ous ceux qui (comme moi) ont si souvent enviée qu’est celle de l’Opéra de Vienne savouré le concert du Nouvel depuis sa venue? Assurément, pas le fait, comme An, donné en direct de la fa- le dit le communiqué officiel, que Bogdan Roscic meuse salle dorée du Musikve- aurait noué des contacts « avec les chanteurs rein par l’Orchestre philharmo- et les chefs d’orchestre les plus importants du nique de Vienne, ne se doutaient monde », car Dominique Meyer a, sur ce peut-être pas que, quelques jours plan, une proximité amicale avec la plupart plus tôt, un faux pas du minis- d’entre eux qui dépasse, ô combien, le simple tère de la Culture autrichien venait de se produire, lien mercantile que peut entretenir le dirigeant qui risque d’avoir de lourdes conséquences sur la d’une major ! Alors ? Est-ce l’indépendance vie musicale viennoise ! De quoi s’agit-il ? Tout d’esprit de Dominique Meyer qu’on lui fait simplement de la nomination du futur directeur payer, lui qui avait affirmé haut et fort qu’il de l’Opéra – dont on dit qu’elle a plus de reten- quitterait l’Autriche en cas d’élection d’un prétissement pour les Viennois que celle du président sident d’extrême droite ? Est-ce la politique fédéral (encore que, cette année, l’élection de ce de refus de l’aventurisme en matière de mise en scène (elle n’a pourtant pas empêché queldernier a été plus disputée que d’ordinaire…). Depuis 2010, tout le monde lyrique se félicitait de ques beaux coups d’éclat comme cette audal’action de Dominique Meyer, le premier Français cieuse Alcina signée par Adrian Noble) qui a conduit à cet affichage markeà avoir été choisi pour diriger ting d’un « projet » en contracette institution si souvent morLA MODERNITÉ diction avec la mission et le putifère, et nul n’aurait imaginé que, blic de l’Opéra de Vienne ? dès le moment où il se proposait N’EST PAS Bien sûr, toute entreprise arde poursuivre son action, on put ne pas renouveler son mandat ! EN SOI UN GAGE tistique doit s’ouvrir à la « modernité » (à condition qu’on déC’est pourtant ce qui vient DE QUALITÉ finisse les contours de cette d’avoir lieu avec la nomination « modernité »), pas comme un (effective à partir de 2020) de Bogdan Roscic, l’actuel président de Sony Music principe de « progrès » automatiquement lié à l’esClassical. Pourquoi ? Afin, selon le communiqué tampille de son autoproclamation, mais comme du ministère autrichien, d’impulser un « Opéra de une curiosité active. Car la « modernité » n’est Vienne 4.0 ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Le aucunement en soi un gage de qualité et le concept 4.0 est pour le moment destiné à l’indus- désir effréné d’« être moderne » peut même trie, avec le projet de créer une « usine intelligente » étouffer toute réflexion interne à une œupar l’interconnexion des systèmes de la chaîne de vre : nombre d’exemples viennent à l’esprit ! Le production. Mais si l’on peut comprendre l’intérêt refus de renouveler le mandat de Dominique Meyer d’une dynamique numérique en ce qui concerne s’apparenterait-il donc à la volonté d’une reprise la fabrication industrielle, on a un peu de mal à en main nationale, car Bogdan Rocsis est autriconcevoir ce que cette révolution technologique chien ? On se perd en conjectures, mais ce qui est peut offrir au si délicat monde de l’art lyri-que où sûr, c’est que l’avenir de cette institution qu’est la subjectivité, le goût et la psychologie semblent l’Opéra de Vienne risque de connaître quelques avoir plus de place dans la chaîne de décision cahots ! En revanche, on peut raisonnablement qu’une numérisation des éléments déterminants penser que l’avenir de Dominique Meyer devrait très vite se dessiner : plusieurs maisons d’opéras qui président à une politique artistique ! Au-delà de ce slogan donc un peu absurde pour un ou quelques grands festivals se trouveraient bien tel domaine, que recouvre cette volonté de ne pas à bénéficier de son expérience acquise durant ces poursuivre avec Dominique Meyer cette politique dix années viennoises. u
Retrouvez ALAIN DUAULT sur Radio Classique, tous les jours de 17 h à 18 h dans « Duault classique » .
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 27
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À NE PAS MANQUER
La Folle Journée
DANSE ET MUSIQUE EN CORPS-À-CORPS Pour cette 23e édition, un ballet d’artistes porteront haut le thème du « Rythme des peuples » et des métamorphoses de la danse, pulsation primale inspiratrice des musiciens qui, par leur génie, l’ont portée au fil des siècles à son acmé.
E
vénement culturel majeur, La Folle Journée investit chaque année la région des Pays de la Loire, et surtout la Cité des Congrès de Nantes qui, pendant cinq jours, accueille de nombreuses manifestations suivies par un public conquis et enthousiaste. L’édition 2017 convoque la danse dans tous ses états, depuis la musique populaire jusqu’à la musique savante, allant du Moyen Âge au XXIe siècle. Par le truchement de 300 concerts donnés par une pléiade d’artistes (environ 2 000) venus du monde entier, on suivra avec beaucoup d’intérêt toutes les déclinaisons des formes de danses qu’ont complexifiées les compositeurs en adaptant
les rythmes à un style purement instrumental. Seront ainsi passés en revue les compositeurs classiques (Bach, Haydn, Mozart, Beethoven), romantiques (Chopin, Liszt, Weber), la création (Adams, Greif, Ligeti, Connesson, Zavaro, Glass), les écoles nationales (Dvorák, Kodály, Bartók, Sibelius, Enesco), les grands ballets, l’influence du folklore sur les musiques de chambre, symphonique ou religieuse, le piano dans ses multiples traductions (marches funèbres, valses, mazurkas, polkas, rondeaux, fandangos, habaneras), le jazz… Solistes de renom, chambristes et chanteurs confirmés, ensembles de chœurs internationaux, orchestres réputés, tous conjugueront leurs talents dans des
28 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
rencontres marquées du sceau de l’excellence. En outre, de nombreux amateurs venus de la région se produiront en même temps que les plus grandes signatures. Impossible de faire un inventaire de tous les artistes invités, mais on notera parmi les fidèles les pianistes Anne Queffélec (qui signe le disque de l’édition 2017 pour Mirare), Marie-Josèphe Jude, Shani Diluka, Boris Berezovsky, le Trio Wanderer, le Quatuor Modigliani, le Quintette à vent Moraguès, les violoncellistes Roland et Raphaël Pidoux, l’ensemble Stradivaria de Daniel Cuiller, Doulce Mémoire, l’Ensemble Vocal Lausanne de Michel Corboz, Les Éléments de Joël Suhubiette, Maud Gratton ou encore Richard Galliano. Il en va de
Camille Poul.
même des phalanges, avec au premier chef l’Orchestre national des Pays de la Loire, mais aussi le Sinfonia ou l’Orchestre de Poitou-Charentes. La Folle Journée mettra aussi en valeur les liens étroits noués entre chorégraphes et compositeurs avec Le Sacre du printemps de Stravinsky, les ballets de Tchaïkovski, Daphnis et Chloé de Ravel, les expérimentations de John Cage et Merce Cunnin-gham. Le folklore sera bien sûr présent avec des formations venues du Mexique, du Japon, ou des instrumentistes chinois. Alors, que la fête commence ! u Michel Le Naour k Cité des Congrès de Nantes du 1er au 5 février 2017. De mars à octobre, à Bilbao, en Espagne, au Japon, à Ekaterinbourg, en Russie, et à Varsovie, en Pologne.
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L’ensemble Stradivaria.
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SDP
Anne Queffélec.
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DEUX VISAGES BAROQUES
LE GRAND ARCHITECTE
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oici trente ans que vous avez monté Boris Godounov : votre conception a-t-elle changé ? Non, Il s’agit toujours de la vision shakespearienne d’une société monstrueuse, confrontée à l’implacable mécanisme de l’histoire humaine, qui broie dans ses engrenages impitoyables toute volonté. Ce roman noir est parsemé de scènes d’épouvante, d’horreur, de folies. La Russie de Boris porte un poids de malheurs terribles dont la vieille Histoire reproduit inlassablement les mêmes schémas. Cette fois, à Marseille, on jouera la version initiale, celle de 1869 en cinq scènes, totalement consacrée à Boris. Je mettrai en lumière la machination qu’échafaude Chuiski avec la complicité de Pimène, qui n’hésite pas à truquer les faits, à manipuler un garçon, le tachant de sang pour incarner le fantôme de Dimitri assassiné. Une idée neuve, jamais encore parue nulle part, qui soulignera le caractère tragique du destin de Boris. Quel sera l’univers visuel ? C’est un décor unique qui se métamorphose en fonction des diverses scènes, un univers symbolique formé d’un assemblage d’icônes orthodoxes, certaines renversées.
Votre nom est lié en France à deux spectacles : Robert le Diable et Otello. Votre style, assez monumental, trouve plus difficilement sa place aujourd’hui à l’opéra, non ? Il faut juste se rappeler qu’à cette époque, le goût et l’attitude socioculturelle en France et dans le monde, sauf en Allemagne, étaient dominés par la tradition italienne, berceau de l’art lyrique, élaborée à la Scala, dont l’apogée se situe dans les productions du Met de New York. La devise ? La grandeur de l’opéra ne se retrouve que dans la beauté visuelle du surdimensionnement, inspirée des proportions classiques – ce qui ne veut pas dire copie d’architecture de l’époque d’un livret. Hélas, suivra une période de vaches maigres et d’économies budgétaires qui fera découvrir aux directeurs d’opéra la vision allemande, minimaliste et, bien sûr, de moindre coût, exécrée jusqu’alors par le public à cause de la violence de ses partis pris tellement radicaux. Finies, les grandes architectures, vive les actualisations en costumes contemporaines. La « vision » allemande fut importée partout… u Entretien : Jérémie Rousseau
k Opéra de Marseille, les 14, 16, 19 et 21 février.
3
DAVID IGNASZEWSKI
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Pétrika Ionesco
la réutilisation des mêmes œuvres), le visage de la Sérénissime s’éclairera des musiques de Willaert et Vivaldi en passant par Dufay et Gabrieli (28/02). Vincent Borel
RAISONS D’ALLER à Toulouse
1
Pour profiter de l’hiver très lyrique du Capitole : après L’Enlèvement au sérail mis en scène par Tom Ryser (3 et 5/02), la scène toulousaine prépare Ernani de Verdi, revu par Brigitte JaquesWajeman (10 au 21/03)
2
Pour découvrir, un seul soir, la basse italienne Ferruccio Furlanetto (photo) endosser le costume de Don Quichotte de Massenet en version de concert le 24/02.
3
Pour entendre les rencontres Raphaël Sévère/Josep Pons dans le Concerto pour clarinette de Mozart (10/02) et Lucas Debargue/Tugan Sokhiev dans le Concerto en sol de Ravel (17/02). www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 29
IGOR SAHAROV
L
Le metteur en scène roumain au style monumental remonte Boris Godounov à l’Opéra de Marseille.
es hasards de la programmation mettent en parallèle deux visions pour le moins contrastées de l’interprétation baroque. À l’Opéra Bastille, Philippe Jordan donne la Messe en si mineur avec, entre autres, l’élégant ténor Pavol Breslik. Un Bach sur un orchestre symphonique comme au temps de Klemperer et Furtwängler peut être jugé suranné. Mais le chef attitré de la grande boutique peaufinant à nouveau Les Maîtres Chanteurs qu’il dirigera cet été à Bayreuth, on est curieux de l’entendre parcourir ce monument de la piété teutonne (14/02). À la Philharmonie de Paris, Jordi Savall (photo), devenu un véritable historien des civilisations, nous raconte Venise. Grâce à ses voyages musicaux bien rodés (parfois trop avec
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Rolando Villazón
SON VOYAGE INTÉRIEUR
«
L
a patrie d’Ulysse, c’était le voyage. La plus grande aventure, c’est le voyage intérieur », nous confie Rolando Villazón, à l’affiche du Retour d’Ulysse dans la
patrie de Monteverdi (TCE, 28/02 au 13/03). À quarantehuit ans, le ténor francomexicain en aura connu des épopées. Le météore s’est hissé très jeune au sommet de
PÈLERINAGE EN DUO
I
OEZGUER ALBAYRA
ls essayaient ensemble leur première « Schöne Müllerin » dans l’île de Rysör, le festival d’Andsnes (photo) en 2003. On y a vu le pianiste, à l’appel de la voix de Goerne, vivre la fin du cycle comme sa propre descente au ruisseau. On attendait depuis
qu’ils s’immergent ensemble, nous immergent, dans tout Schubert. Il en était question au TCE dès 2006 ! Mais où, quand trouver à réunir pareille fusion d’âmes et de timbres ? Dix ans après, Goerne s’étant affirmé (avec tous partenaires) comme le liedersänger essentiel d’aujourd’hui, Andsnes revient au lied et ce seront la « Müllerin », Winterreise et aussi, merveille, Schwanengesang qui se suivront en trois soirs, la D.960 en si bémol venant parfaire le dernier programme : pèlerinage en Schubert avec les meilleurs, moment musical majeur de toute une saison de musique. u André Tubeuf k Paris, Théâtre des ChampsÉlysées, les 6, 8 et 10 février.
30 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
l’Olympe. Son Alfredo à Salzbourg en 2005, aux côtés de Netrebko, a parachevé son succès. Mais, quelques années plus tard, c’est la chute. Un problème aux cordes vocales l’éloigne de la scène. Ses retours seront sévèrement commentés. Ce qu’on lui reproche? On ne peut pas être et avoir été. Villazón est de ces êtres sans concession, au tempérament entier, passionné. « Il m’arrivait de chanter huit heures d’affilée à pleine voix pendant les répétitions. Les gens ont dit: “Il s’est cassé les cordes vocales car il chantait avec trop d’intensité”. » Aujourd’hui, il tire les leçons de ses excès. « Avant, je n’annulais jamais, même quand j’étais malade ! Je ne dois pas seulement comprendre ma voix en tant que chanteur mature, mais aussi en tant qu’athlète qui a souffert d’une maladie et qui a dû en revenir. J’ai transformé ma façon de travailler. J’ai désormais une vraie discipline de chanteur. »
Le ténor garde en mémoire cette phrase glissée par Barenboim, alors qu’il était tout jeune chanteur: « N’oublie pas que la célébrité n’a qu’une vertu : celle de gagner sa liberté artistique. » Villazón s’est plié à cet adage pour mieux orienter ses choix. Et accepter de changer de répertoire. « En enchaînant les grands rôles de Verdi et Puccini, je pensais devoir me conformer à une image de moi attendue par la presse et le public. Pour m’ouvrir à la musique baroque, il m’a fallu désamorcer mes propres jugements. » C’est Emmanuelle Haïm qui l’a initié au baroque. Une rencontre providentielle. « Monteverdi a changé complètement ma vie. Cela ne m’intéresse plus de savoir qui est le meilleur ténor du monde. Je ne cherche plus à prouver quoi que ce soit. » Et le public le lui rend bien. Malgré les aléas de sa carrière, il lui est toujours resté Elsa Fottorino fidèle. u
LA RÉSURRECTION DE « FANTASIO »
L
a saison lyrique de la salle Favart sonne son grand retour. En attendant sa réouverture officielle au mois d’avril, l’Opéra-Comique prend ses quartiers au Théâtre du Châtelet avec une opérette méconnue d’Offenbach : Fantasio. La partition tombée dans l’oubli (elle n’a connu que 14 représentations) a bien failli disparaître pour de bon : elle a brûlé en partie dans un incendie de l’Opéra-Comique. Après un travail de reconstitution en 2013, voici donc une version mise en scène par Thomas Jolly. Le livret, signé Paul de Musset, relate les aventures d’un bouffon qui sauve une princesse… Mélodies irrésistibles, arias
enchanteresses, la partition sera servie par un plateau vocal de premier plan, avec Marianne Crebassa en Fantasio. Rendez-vous du 12 au 22 février avant la fermeture du Théâtre du Châtelet pour travaux. u E. F.
SDP
SDP
À NE PAS MANQUER
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MARS EN BAROQUE FÊTE CONCERTO SOAVE
HAPPY BAROQUE
www.marsenbaroque.com
Liszt : 2 Sonates pour 2 pianos Dans les bacs le
13 janvier 2017 Œuvres pour clavier
Nouvel album
Evénement ! Pour la toute première fois en disque, la Sonate en si mineur de Liszt à deux pianos, transcrite par son grand ami Saint-Saëns. Interprétée par le duo de pianos Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle. Un ensemble fusionnel, entre théâtralité et poésie, virtuosité et intériorité
Vol. 1
Vol. 2
Masterisé pour iTunes Disponible en Haute Résolution sur Qobuz
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À NE PAS MANQUER
Paris et Lyon
MARCO BORGGREVE
LES ORCHESTRES JOUENT LES CHEFS
Une symphonie d’œuvres orchestrales sont au programme dans la Ville lumière et la Capitale des Gaules pour un mois de février très riche.
P
aysage symphonique à large spectre en février. À la Philharmonie de Paris, Yannick NézetSéguin conduit l’Orchestre de chambre d’Europe dans Mozart, Beethoven et Haydn (Concerto pour violoncelle n°1 sous l’archet du subtil JeanGuihen Queyras) (7/02). L’Orchestre philharmonique de Munich et son directeur Valery Gergiev offrent, eux, un programme dense et varié, confrontant le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, la
Symphonie « Titan » de Mahler et le Concerto n°3 de Rachmaninov, terrain d’élection du flamboyant pianiste Daniil Trifonov (21/02). Dans la même salle, l’Orchestre de Paris reçoit Paul Lewis, sous la direction de Daniel Harding, dans le Concerto pour piano n°1 de Brahms (1 er et 2/02), puis Tomas Netopil avec le vainqueur du dernier Concours Chopin de Varsovie: le Coréen Seong-Jin Cho (8 et 9/02). Au Théâtre des Champs-Élysées, le prometteur Robin Ticciati
(photo), aux commandes du Scottish Chamber Orchestra, aura des yeux de Chimène pour Maria João Pires dans le Concerto n°21 de Mozart, lové entre des Légendes de Dvorák et la Symphonie « Londres » de Haydn (3/02). L’Auditorium de la Capitale des Gaules ne sera pas en reste avec la venue de David Zinman, à la tête de l’Orchestre national de Lyon, dans la Symphonie n°3 de Mahler, qui n’a plus de secrets pour lui (2 et 4/02). Hommage à Ravel sous
la houlette de Leonard Slatkin: le comédien André Dussollier dira un texte d’Amin Maalouf sur la Symphonie « Antar » de Rimski-Korsakov revue par l’auteur du Boléro pour les besoins de Diaghilev; Hélène Hébrard se fera la prêtresse de la Shéhérazade du même compositeur avant les fragrances voluptueuses de la Suite n°2 Daphnis et Chloé et une création de Guillaume Connesson à marquer d’une pierre blanche (9/02). Vous n’aurez que l’emM. L. N. barras du choix! u
DES NOTES DANS LA VOIX
LE LIEU DU MOIS Purcell mène la vie de château !
Au cœur de la réserve naturelle du marais de Condette, le théâtre élisabéthain du château d’Hardelot (Pas-de-Calais), inauguré en 2016, est le seul du genre en France. Il accueille le 18 février la très shakespearienne Fairy Queen de Purcell par l’Ensemble Contraste dirigé par Johan Farjot. 32 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
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A
pprocher la musique, non par le biais des musiciens, mais par celui d’un auteur, d’un comédien: les possibilités sont nombreuses cet hiver. La Rive dans le noir de et avec Pascal Quignard mêle récit, projections et pièces de Couperin et Messiaen jouées au piano par l’artiste lui-même. À l’affiche du 104 à Paris (jusqu’au 25/02), cette « performance des ténèbres » part en tournée dans une dizaine de villes jusqu’au printemps après avoir émerveillé Avignon l’été passé. La pièce Alma Mahler, éternelle amoureuse de Marc Delaruelle, elle, convoque, au Petit Montparnasse de Paris, les fantômes de Zemlinsky, Mahler, Kokoschka et Klimt, grâce à la voix inoubliable de la grande Geneviève Casile. Elle est rare, ne la manquez pas. u J. R.
© Léo Andrés
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SAISON 16-17
Chœur & Orchestre Sorbonne Universités
Corinna Niemeyer et Ariel Alonso à la tête du COSU Présentation de saison
Suivez les actualités du COSU
Avec les chefs et les musiciens Mercredi 12 octobre 2016 à 19h30 Centre Clignancourt | Paris 18e
cosu.sorbonne-universites.fr
Collegium Musicæ SORBONNE UNIVERSITÉS
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À NE PAS MANQUER ÉTRANGER
1er
BRUXELLES MONNAIE Wagner, Lohengrin Eric Cutler/Joseph Kaiser, Annette Dasch/Amanda Echalaz, Sabine Hogrefe/Elisabeth Meister, Thomas J. Mayer/Andrew Foster-Williams, Chœurs et Orchestre de la Monnaie de Bruxelles, dir. Lothar Koenigs, ms. Olivier Py (+ 3, 5, 7, 9, 10, 12 et 14)
2
BOSTON SYMPHONY HALL Bach, Messe en si Malin Christensson, Christine Rice, Benjamin Bruns, Chœurs du Festival Tanglewood, Boston Symphony Orchestra, dir. Andris Nelsons (+ 3, 4 et 7)
3
MADRID AUDITORIO NACIONAL DE MÚSICA Penderecki, Mendelssohn Gautier Capuçon, Daniel Müller-Schott, Adolfo Gutierrez Arenas, Orchestre national d’Espagne, dir. Krzysztof Penderecki (+ 4 et 5)
5
VIENNE OPÉRA Verdi, Le Trouvère Roberto Alagna, Anna Netrebko, Ludovic Tézier, Luciana d’Intino, Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Vienne, dir. Marco Armiliato, ms. Daniele Abbado (+ 9, 12, 15 et 18)
6
HAMBOURG ELBPHILHARMONIE Wagner, Gubaidulina Staatskapelle de Dresde, dir. Christian Thielemann
8
ZURICH OPÉRA Charpentier, Médée Stéphanie d’Oustrac, Reinoud Van Mechelen, Orchestre La Scintilla Zürich, dir. William Christie, ms. Andreas Homoki (+ 12 et 18)
9
ROME AUDITORIUM PARCO DELLA MUSICA Schumann, Le Paradis et la Péri Chœurs et Orchestre de l’Académie nationale de Sainte-Cécile, dir. Daniele Gatti (+ 10 et 11)
10
13
MUNICH OPÉRA Strauss, Elektra Nina Stemme, Doris Soffel, Ricarda Merbeth, Orchestre de l’Opéra de Munich, dir. Simone Young, ms. Herbert Wernicke (+ 13 et 17) NEW YORK METROPOLITAN OPERA Dvorák, Russalka Kristine Opolais, Brandon Jovanovich, Chœurs et Orchestre du Metropolitan Opera de New York, dir. Mark Elder, ms. Mary Zimmerman (+ 17, 21 et 25)
SDP
FÉVRIER
Allemagne
SI LA MORT VOUS EN DIT
Février est propice à un itinéraire métaphysique ou spirituel au cœur de Berlin.
C
e mois-ci, Berlin a la peau sur les os. Ce qui ne l’empêche pas d’en noircir la pâleur avec une programmation faite de chair et de sang. À commencer par les dernières représentations de Lohengrin au Deutsche Oper (2 et 5/02). Alliant des décors hallucinés à la Edvard Munch et une scénographie signée par Kasper Holten, ce drame wagnérien sera interprété par le ténor Klaus Florian Vogt et la soprano Manuela Uhl. À la baguette, l’Écossais Donald Runnicles succédera à Axel Kober, mais sera toujours accompagné par l’Orchestre de l’Opéra. Dans une
ambiance tout aussi joyeuse, Alexander Shelley donnera avec le Deutsche SymphonieOrchester des œuvres de Mozart et de Richard Strauss (9/02). Mort et agonie domineront donc le concert avec, d’un côté, l’ouverture du Don Giovanni et la Musique funèbre maçonnique K.427, et de l’autre, le poème symphonique Mort et Transfiguration. À noter un entremets apaisant bien que tourmenté, figuré ici par le Concerto pour piano K.466 et le soliste Lars Vogt. Viendra ensuite l’ambiguïté des émotions avec une Symphonie n°4 de Mahler mêlant rires et larmes. Cette œuvre,
à la fois curieuse et discrète, se fera sous la direction de sir Simon Rattle, suivie de près par Patricia Kopatchinskaja dans le Concerto pour violon de Ligeti, lui-même introduit par une courte pièce de Rihm, Gruß-Moment 2, à la Philharmonie de Berlin (10 au 12/02). Enfin, finissons sur une tonalité post-apocalyptique avec Le Grand Macabre de Ligeti, version révisée de 1996. La mise en scène sera assurée par Peter Sellars et mettra en avant Pavlo Hunka, Peter Hoare, Ronnita Miller ou encore Anna Prohaska à la Philharmonie (17 au 19/02). Une thématique certes peu gratifiante, mais qui promettra aux fins mélomanes de belles heures d’inventivité musicale. u Clément Serrano
Tournée
UN MYTHE NOMMÉ GRIGORY
I
l ne repassera plus en France avant des mois et des mois. Le 16 novembre dernier, il a marqué le public du Théâtre des ChampsÉlysées avec un de ses récitals dont il a le secret, voyage spirituel menant un public dans une quasi-transe, au cours de laquelle Schubert,
34 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Mozart et Schumann se succédèrent. Après un mois de repos, voici Grigory Sokolov qui repart sur les routes d’Europe avec quasiment un concert tous les deux soirs : Elamu, en Allemagne (10/02), Barcelone (12/02), Oviedo (14/02), Bilbao (16/02), Valence (18/02), Madrid (20/02),
la Suisse, la Hongrie, à nouveau l’Allemagne, puis l’Italie, la Russie, le Portugal, etc. Son agenda s’arrête pour l’instant le 1er août au Festival de Salzbourg, et la surprise, toujours, de ne jamais savoir complètement ce que le maître jouera à l’avance. Le prix de son génie. u Pierre Massé
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LE GRAND RENDEZ-VOUS DE LA MUSIQUE ET DES MUSICIENS 28 / 29 / 30 AVRIL 2017
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HISTOIRE D’UN LIEU
Opéra de Nice
D. JAUSSIEN
LE PHÉNIX DE LA CÔTE
Reconstruit à la suite d’un incendie, le théâtre lyrique niçois a su s’ouvrir à la modernité pour devenir une véritable institution.
D
ans la bonne cité de Nice, on a longtemps affirmé que l’opéra de la ville était une-répliqueà-l’identique-dela-Scala-de-Milan. Manière de se hausser du col en se comparant au prestigieux théâtre du grand frère italien ? De vanter une politique artistique locale qu’on espérait de réputation internationale? Ou de louer les lignes d’un monument historique possédant à la fois le charme et la discrétion de son glorieux modèle ? Allez savoir… Les comparaisons de ce genre sont parfaitement absurdes. Chaque maison d’opéra possède son style propre, ses particularités et son histoire, faite de périodes fastes et de jours plus sombres. L’Opéra de Nice n’échappe pas
La salle en forme de fer à cheval accueille le public dans un luxueux décor avec ses habits rouge et or, son imposant lustre de 600 lampes et sa magnifique fresque mythologique qui orne son plafond.
Où : à Nice Quand : Eugène Onéguine de Tchaïkovski, les 15, 17, 19 et 21 février Renseignements : www.opera-nice. org/fr
36 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
à la règle. Au XVIIIe siècle, sur son emplacement actuel il y avait une salle de spectacle, le théâtre Maccarani qui fut racheté, agrandi, démoli, reconstruit, réhabilité et changea même trois fois de nom (Théâtre Royal, Impérial, Municipal) avant de disparaître en fumée, le 23 mars 1881, le soir d’une représentation de Lucia di Lammermoor, catastrophe qui fit plus de 200 morts.
Renaissance La municipalité décide alors de construire un nouveau théâtre sur les cendres de l’ancien, sous la houlette de l’architecte François Aune. Un drôle de bâtiment quand même, inspiré d’un style éclectique, pour ne pas dire bizarre, avec en quelque sorte deux façades : l’une, solennelle, donnant sur la mer, pour attirer le regard des touristes et des piétons longeant le littoral ; l’autre, fonctionnelle, face au Vieux-Nice, formant l’entrée principale. Le hall d’accueil, les couloirs, les bureaux administratifs, le grand
foyer, tout semble un peu étroit, signes d’un aménagement intérieur d’un autre âge et d’une autre époque. Mais la salle, en forme de fer à cheval, avec ses 1100 places environ, est majestueuse, pas seulement par ses dimensions confortables, mais par sa décoration intérieure : velours rouge, fresque au plafond, panneaux décorés par le peintre Emmanuel Costa… Tout le luxe bourgeois de la fin du XIXe siècle, à une époque où l’on avait du goût et où l’on savait s’amuser. L’Opéra de Nice peut s’enorgueillir d’avoir présenté pour la première fois en France quelques œuvres majeures du répertoire (Lohengrin de Wagner en 1881, Eugène Onéguine de Tchaïkovski en 1895) et donné quelques créations mondiales (le drame sacré Marie-Magdeleine de Massenet en 1903), témoins du dynamisme d’une politique artistique qui devait tenir compte des exigences des touristes anglais et russes venus passer l’hiver sous le soleil de la Riviera, très friands de spectacles lyriques. Nice a longtemps été une ville à part, un peu piémontaise, un peu sarde, pas complètement française (annexée par référendum en avril 1860), fréquentée par beaucoup d’étrangers et de retraités. Tout cela formait un drôle de mélange. Au fil des années, la cité s’est transformée, s’est ouverte à la modernité. L’Opéra aussi. A l’image du cours Saleya tout proche, dans le VieuxNice, et de son célèbre marché aux fleurs qui a progressivement perdu son caractère pittoresque, populaire, foutraque et coloré pour devenir une véritable institution, digne d’un tirage photographique sur papier glacé. u Xavier Lacavalerie
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DIRECTION MUSICALE DOMINIQUE MISE EN SCÈNE ROBERTA
ROUITS MATTELLI
TOSCA MÉLANIE MOUSSAY, MICHELLE FRANCIS COOK, CHRYSTELLE DI MARCO CAVARADOSSI EDUARDO SANDOVAL, JAVIER PALACIOS SCARPIA GIULIO BOSCHETTI, PAOLO RUGGIERO ANGELOTTI TIHOMIR ANDROLOV / SACRISTAIN GIANCARLO TOSI SCIARRONE NIKOLAY BACHEV / SPOLETTA DIMITER DIMITROV
ORCHESTRE DE L’OPÉRA DE MASSY CHŒURS OPERA2001
DU 22 AU 26 MARS 2017 réservations
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DIRECTION MUSICALE DAVID
T. HEUSEL FOURNY
MISE EN SCÈNE PAULOÉMILE
SÉBASTIEN GUÈZE / MIREILLE LEBEL ALEXANDRE DUHAMEL / LÉONIE RENAUD CHRISTIAN TRÉGUIER / JULIEN BELLE ÉRIC MATHURIN ORCHESTRE DE L’OPÉRA DE MASSY MAITRISE DES HAUTSODEOSEINE
VENDREDI 24 & DIMANCHE 26 FÉVRIER 2017 réservations
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CARNET CRITIQUE
UN TRÉSOR DE
dérision virtuose Quand le plus inventif des metteurs en scène enchante Le Coq d’or, le chef-d’œuvre désopilant de Rimski-Korsakov, on tient une pépite.
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PHOTOS : BAUS / DE MUNT LA MONNAIE
L
e Coq d’or est une œuvre de rupture chez RimskiKorsakov qui, sous couvert de légende édifiante, osa, en un temps qui ne s’y prêtait guère, la critique à peine voilée d’un régime à bout, celui de la Russie de Nicolas II, à quelques années de son effondrement. Laurent Pelly, qui excelle depuis toujours à magnifier l’absurde, ne pouvait que se couler à l’aise dans cet univers où le loufoque l’emporte sur la morale. Contraint de s’adapter aux moyens réduits d’un palais de la Monnaie sans cintres ni dessous, alors que sa production devait rouvrir un théâtre royal rénové, mais désormais en retard d’une saison, il n’en a pas moins parfaitement tenu son propos. Il s’est servi des princes déjantés, des boyards ridicules et des camionneuses soviétiques pour jouer, non de l’Histoire – trop lourde –, mais de son propre réalisme poétique pour sonder le fonds même du conte qui, de Perrault à Pouchkine, nous dit d’abord de sombres vérités. Installé sur un crassier de charbon, devant un papier peint impérial, voici, materné par Amelfa, le tsar Dodon en pyjama dans son lit royal tout d’argent tendu, qui bientôt sera char d’assaut pour une guerre éclair et un retour triomphal dont les victimes seront exposées clair par le
regard blafard et glaçant de ce peuple russe dont une immense photo dira qui est toujours la victime du jeu des puissants. L’univers visuel de Barbara de Limbourg est certes ici référencé (tour constructiviste effondrée, paysage moscovite en grisaille), mais déformé, tronqué, dans une réalité « brutale, absurde, rêveuse » d’une confondante efficacité où Pelly joue des acteurs avec la virtuosité de la dérision. Ainsi excités, le Tsar un peu fatigué de Pavlo Hunka, le formidable Astrologue ténor d’Alexander Kravets, l’Amelfa d’Agnes Zwierko, le Coq enjoué de Sheva Tehoval qui chante de l’orchestre, tandis que Sarah Demarthe incarne un gallinacé jaune d’or irrésistible, et surtout la Reine de Shemaka de Venera Gimadieva, parfaite, font une distribution de haut vol, sinon d’exception. Triomphe aussi pour l’ensemble de la Monnaie, mené par la battue rutilante d’Alain Altinoglu qui, dès le prélude, joue des mélismes de l’orchestration avec bonheur, tout en ne perdant rien du ton narquois de cette partition aussi enchanteresse que piquante. Une totale réussite, à importer en France : courez à l’Opéra de Nancy qui le reprend du 12 au 21 mars. u Pierre Flinois
LE COQ D’OR
Bruxelles, Palais de la Monnaie, 13 décembre
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BRAVO ELISA HABERER / OPÉRA NATIONAL DE PARIS
JULIEN BENHAMOU / OPÉRA NATIONAL DE PARIS
Iphigénie en Tauride
Les femmes sauvent l’honneur e doublé MascagniHindemith, imposé au forceps conceptuel par Mario Martone, surexpose la mainmise de l’Église sur l’Italie du XIXe siècle : pour Cavalleria rusticana, voilà Pâques et son sacrifice. Le Christ est là, en croix, écrasant ses ouailles qui tournent le dos à la vie des amours défaites, des trahisons, des rancœurs. Esthétisme vide et sans la pulsion mortifère qui fait l’œuvre. Le défaut serait bénin s’il n’ouvrait grand le plateau, privant
Plein les yeux
P
UN SPECTACLE ENCHANTEUR
our voir triompher 42nd Street, la dernière production du Châtelet, JeanLuc Choplin n’a pas eu besoin de recourir à la claque. Les claquettes ont suffi. Voir en effet apparaître ce balancement collectif de jambes, quand le rideau se lève doucement, a suffi à faire chavirer la salle. Il est vrai que le spectacle offre tout ce qu’on attend de l’imaginaire américain des années 1930 : 42ND STREET
de Warren Paris, Châtelet, le 18 novembre
les voix du renvoi nécessaire, les obligeant toutes à forcer, alors même que la direction de Carlo Rizzi, trop en retenue, cherche à éviter les excès: tout se brouille. Même l’éblouissante Elina Garanca, qui porte sa voix à ce dépassement qui lui manque si souvent au disque, doit s’y contraindre, tout en dominant de haut une distribution juste honorable dans laquelle le Turiddu en mal de grave de l’excellent Yonghoon Lee apparaît soudain comme un second couteau. Contraste – le style, le contenu, la durée même –, Sancta Susanna, resserrée sur la même
idée du crucifix, mais empruntée, lourde et plus étrangère de ton encore à Rizzi, laisse la place à une Anna Caterina Antonacci absolue, qui surplombe un cast plus cohérent (Renée Morloc en Klementia, Sylvie Brunet-Grupposo en trop courte vieille Nonne). Soirée à l’évidence sauvée par les femmes et leurs voix ! u P. F.
CAVALLERIA RUSTICANA de Mascagni
SANCTA SUSANNA
de Hindemith Paris, Opéra Bastille, 30 novembre
MN ROBERT / THÉÂTRE DU CHÂTELET
C
UNE DIRECTION TROP EN RETENUE
l’ascension d’une débutante dans une troupe de music-hall aux dépens de la vedette imposée par le producteur, des grands sentiments, une énergie inépuisable, des dizaines de danseurs, des paillettes et des couleurs par brassées généreuses, une musique facile, le tout rythmé par le cliquetis des pas
l Dix ans après le tollé, l’Iphigénie de Warlikowski soulève encore l’hostilité. Qu’importe, trois présences (Véronique Gens, la splendeur, Étienne Dupuis, la flamme, Stanislas de Barbeyrac, le style) s’y font chair et chant, occultant la lecture romantique de l’orchestre maison, élégamment porté par Bertrand de Billy. Vive le répertoire à ce niveau (Paris, palais Garnier, 02/12).
La Petite Renarde rusée
l Exemplaire reprise de l’opéra de Janácek: peut être le meilleur Robert Carsen, Elena Tsallagova en Renarde, et cette fois avec le Philharmonique et Antony Hermus dans la fosse: mieux qu’une première (Strasbourg, Opéra du Rhin, 21/12).
BOF
Don Giovanni
l Si Stéphane Braunschweig considère le dramma giocoso de Mozart comme un cas clinique et l'enferme dans un environnement de carrelage blanc, Jérémie Rhorer et les chanteurs ont un diagnostic moins pessimiste. Leur volonté de vivre est intacte. Les personnages vont au bout de leur passion, fût-elle funeste (Paris, TCE, 05/12).
Owen Wingrave
qui pétille comme du champagne. Le Châtelet a à nouveau sollicité Stephen Mear, considérant que la comédie musicale méritait le même soin et le même professionnalisme que l’opéra ou le ballet. La nouvelle direction du théâtre va-elle lui prodiguer le même amour ? u Philippe Venturini
l On ne pouvait que se réjouir d’entendre une nouvelle production de l’avant-dernier opéra de Britten par l’Académie de l’Opéra de Paris. Las, la mise en scène sans imagination de Tom Creed banalise le propos et peine à dégager les enjeux de l’œuvre (Paris, Amphithéâtre Bastille, 26/11).
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 39
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CARNET CRITIQUE
Quand Rossini rencontre Fellini n Turc en Italie reproduisant jusqu’à la caricature la vie d’un village italien des années 1960, voici l’idée efficace du metteur en scène Emilio Sagi, bien servi par la baguette dynamique d’Attilio Cremonesi. Pietro Spagnoli y campe un Selim bonhomme à souhait, tout en rondeur fellinienne, sa soupirante Zaida étant incarnée par une solide Franziska Gottwald. Sabina Puértolas s’avère une convaincante Fiorilla, se jouant avec affectation de son mari berné, le veule Don Geronio, interprété par le prodigieux Alessandro Corbelli, baryton expérimenté
qui conserve toute sa souplesse vocale et sa très grande présence scénique. Yijie Shi en Narciso démontre la puissance de sa tessiture, celle d’un ténor à la réputation montante. Quant à Zhengzhong Zhou, il s’en sort honorablement dans le rôle ingrat sur le plan lyrique de Prosdocimo, car si peu chantant. Il développe une proposition de jeu très pirandellienne en jouant au poète dépassé par sa création, fidèle à l’esprit de cet opéra créé en 1814, mais qui réussit la prouesse d’être moderne avant l’heure avec sa mise en abyme, tout en prolongeant l’esprit du XVIIIe siècle par cette neutralité heureuse d’un monde achevé. u Romaric Gergorin
ansez d maintenant PAR PAUL HILARION 40 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
SVETLANA LOBOFF / OPÉRA NATIONAL DE PARIS
B
LE TURC EN ITALIE
P. NIN
U
UNE DISTRIBUTION DE HAUT VOL
esoin de rêver, soif de beauté… Lorsque l’époque est rude, et les esprits inquiets, on en revient naturellement aux valeurs refuges, loin de l’esbroufe de certaines productions contemporaines. Quoi de mieux que le classique où l’enchantement est quasi garanti? Le succès du Lac des cygnes à l’Opéra Bastille, pour les fêtes, en est la preuve: salle pleine tous les soirs, applaudissements nourris, yeux embués des spectateurs… Non seulement ce bon vieux ballet touche au cœur – le thème de l’amour trompé est éternel –, mais il révèle des facettes singulièrement… contemporaines. On sait combien cette version signée Noureev, influencée par la psychanalyse, joue sur la dualité: le blanc de l’innocence contredit le noir de la perversité, le faste du château s’oppose à la pénombre délétère du lac, et la partition de Tchaïkovski se déploie tantôt en mineur pour insuffler la féminité, tantôt en majeur pour imposer le désir brutal… Dans un tel écheveau
de Rossini, Toulouse, Théâtre du Capitole, le 22 novembre
d’ambivalences, le cygne, être hybride, mi-ange, mi-démon, mi-humain, mi-animal, s’affiche en symbole de l’ambiguïté sexuelle, insolent héros du « genre » créé par la malice prémonitoire de Noureev. C’est cette fraîcheur qui explose malgré les pantomimes désuètes vite oubliées. On la doit au soin minutieux que les danseurs de l’Opéra accordent à la transmission, ce passage de relais entre les générations pour perpétuer chaque geste, chaque pas, chaque expression, et donner du sens à chaque seconde du ballet… Ainsi, l’étoile Amandine Albisson, parfaitement préparée par la star Agnès Letestu, campe une Odette/Odile touchante et maîtrise à merveille les ports de bras subtils. Noureev aurait aimé. D’autant que son partenaire, Mathieu Ganio, est un rêve de prince: l’élégance, des cheveux aux chaussons, la légèreté mariée à la précision… Un bonheur de couple, pour un bijou de ballet qui a inauguré l’année, oui, en beauté. u
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MICHAEL ZAPF
Cérémonie d’ouverture à l’Elphi
C
e soir, la salle vole la vedette aux artistes. Les quelque 2100 personnalités, parmi lesquelles le président de la République fédérale Joachim Gauck, la chancelière Angela Merkel, invités et autres privilégiés ne sont pas venus écouter l’Orchestre de la NDR, ni les chanteurs Philippe Jaroussky, Bryn Terfel ou Pavol Breslik. Ils sont d’abord venus voir. Voir cette fameuse Elbephilharmonie qui a mis tant de temps et demandé tant d’efforts pour
s’ériger. Il y aura, bien sûr, quelques discours, du maire, du président, d’un des deux architectes (Jacques Herzog) et de l’intendant, glissés dans les premiers temps de la soirée.
Clarté du son Comme à Berlin et à Paris, cette nouvelle philharmonie a choisi l’agencement en vignobles permettant de placer la phalange au centre… et de faire quelques insatisfaits qui se retrouvent derrière l’orchestre et profitent, bien malgré eux, d’un concerto pour timbales. Vaste débat. Quoi qu’il en soit, il aura suffi des premières mesures de l’ouverture bien nommée La Consécration de la maison de Beethoven pour apprécier une lisibilité polyphonique exceptionnelle et un équilibre idéal entre cordes et vents. Thomas Hengelbrock dirige sa formation, principal ensemble en résidence, désormais rebaptisé
NDR Elbephilharmonie Orchester, d’un geste sûr mais souple, qui participe à cette clarté. Enfants de Hambourg, Mendelssohn et Brahms sont naturellement de la partie (en revanche, ni Telemann, ni CPE Bach, qui y ont tant fait, y reposent). L’ouverture de Ruy Blas du premier atteste de la transparence du lieu, qui signale à l’oreille, sans le
Ph. V.
MICHAEL ZAPF
Le 11 janvier dernier à Hambourg, l’Elbphilharmonie a été inaugurée en grande pompe avec un premier concert grandiose et un parterre prestigieux d’artistes et d’invités.
secours de l’œil, les doublures des violoncelles par les clarinettes et le basson et porte le murmure des pizzicatos des cordes avec une infinie douceur. Le finale de la Symphonie n°2 du second évolue dans les mêmes eaux limpides, mais désespérément calmes. On s’étonne en effet qu’en un tel jour de fête Thomas Hengelbrock reste si placide. On ne cherchera donc pas l’exaltation qui fait fondre les vitraux de la cathédrale (finale de la Turangalîla-Symphonie de Messaien), conquiert l’humanité (finale de la Symphonie n°9 de Beethoven) ou la sidère (Prélude de Parsifal). Ce n’était pas un concert historique, mais un concert pour l’histoire, organisé autour d’un programme d’une rare intelligence, faisant se télescoper les genres (de Praetorius à Rihm dont la création apparut comme un pâle reflet de Mahler) et les effectifs (voix soliste avec harpe, grand orchestre, orchestre et chœur) pour mettre en valeur la salle. C’était vraiment elle la diva du soir. Et elle devrait le rester longtemps. u
Thomas Hengelbrock, Hanna-Elisabeth Müller, Wiebke Lehmkuhl, Pavol Breslik et Bryn Terfel étaient de la partie.
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CARNET CRITIQUE
ŒIL!
CHRIS CHRISTODOULOU
MON
Par Nicolas d’Estienne d’Orves
UN RÊVE TROP COURT
B
ravo à l’Athénée de programmer des œuvres méconnues. Bravo aussi à Julien Masmondet et son festival Musiques au Pays de Pierre Loti, qui ont su exhumer cette rarissime Île du rêve de Reynaldo Hahn, créée en 1898, qui s’inspire du Mariage de Loti où il raconte sa découverte sensuelle et amoureuse de Tahiti. Nous sommes en plein fantasme orientalisant. De ce roman, les librettistes ont conservé une intrigue permettant à Hahn d’exhiber la jeune maîtrise de son art et la fraîcheur de son inspiration mélodique. Que de beautés dans cette heure et quart de musique ! On y sent toute l’assise d’une esthétique qui ne bougera plus et les échos de ses maîtres: Massenet et Chabrier. Et puis, il y a cette délicatesse unique, cette voix bien à lui, mélange de suavité courtoise et d’âme canaille. Le danger de cette musique tient en sa fragilité. Elle doit être manipulée avec une infinie précaution. Sans cela, elle se casse. Elle n’est pas assez droite dans ses bottes pour souffrir l’approximation. Et c’est le sentiment qui peut saisir l’auditeur au sortir du spectacle signé Olivier Dhénin. Succession de tableaux souvent jolis à regarder, mais la mise en scène hésite entre le premier et le second degré, si bien qu’on ne comprend plus trop l’intrigue . Plus préoccupant: le traitement de la musique. La réduction que Thibault Perrine a fait de la partition est une sorte de décapage « à l’os » de la pièce, qui en exhale la structure, mais pas les couleurs. La suavité et le moelleux de Hahn disparaissent pour une acidité et une transparence à rebrousse-poil. Malgré les efforts de Julien Masmondet, l’auditeur reste sur sa faim de sensualité fin de siècle et grince parfois des dents. C’est d’autant plus dommage que la jeune distribution défend l’œuvre avec sincérité. Mention spéciale au ténor Enguerrand de Hys dont le nom et le physique semblaient prédestinés pour Hahn et Loti. Saluons également Marion Tassou et Eléonore Pancrazi. Mais le « Hahniste » pinailleur et idéaliste rêverait maintenant de voir cette Île sur la scène de Favart, avec une scénographie onirique, un orchestre crémeux et toutes les arabesques de la Belle Époque. ® Théâtre de l’Athénée, 9 décembre 2016. Nicolas d’Estienne d’Orves est écrivain, journaliste au Figaro et au Figaro Magazine.
42 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Symphonique
Les orchestres ont mené Paris à la baguette La fin d’année a réservé quelques belles surprises de chefs à Paris.
L
’ouverture de l’ultime chronique de l’année fixe le niveau musical avec un Orchestre de l’Opéra au sommet dans la Neuvième Symphonie de Mahler, menée tambour battant par Philippe Jordan (Philharmonie, 16/11). Tout est savamment construit, manque juste l’émotion… Ce que produit Haitink (photo) à la tête d’un National transfiguré (Radio, 17/11) dans Gloria de Poulenc et Daphnis et Chloé de Ravel. Superbe chœur de la radio dans le rôle du Dieu vengeur contrepoint à la bouleversante ambiguïté de Patricia Petibon à la fois Mélisande et Blanche égarée à Rocamadour. C’est le futur de la musique que Gergiev et le Mariinski glorifient avec les concertos de piano de Prokofiev confiés à des lauréats du Concours Tchaïkovski. Le premier volet (Philharmonie, 21/11) est l’occasion de découvrir deux musiciens, George Li, exemplaire dans le jaillissement du Premier Concerto, virtuose et lyrique, et Alexander Malofeev, quinze ans à peine, célébrant dans le Troisième avec autant d’élan que de délicatesse le
retour de Prokofiev au romantisme. Le Deuxième, hérissé de pièges, est confié au quarantenaire broyeur d’ivoire, Denis Matsuev, qui comble les amateurs de décibels. Restons en Russie avec son National fondé par Pletnev en 1990 dans un programme rétro (La Villette, 28/11). Au moment d’entrer en scène, Rozhdestvensky renonce. Pletnev reprend sa baguette au vol pour une prudente Symphonie « classique » de Prokofiev avant d’attaquer au piano l’archiromantique Concerto de Scriabine. L’honneur est sauf ! La Symphonie n°9 de Chostakovitch fait sa fête au « Petit Père des peuples », tout en laissant filtrer l’émotion entre roulements de tambour et ricanements de trompettes. Le renouvellement est assuré, à en juger par la soirée de l’Orchestre Français des Jeunes sous la baguette de Russell Davies (Philharmonie, 19/12). Après un bouquet stylé de Canzone de Gabrielli revues par Maderna, c’est Tout un monde lointain de Dutilleux, dont ces jeunes font leur porte-drapeau, aidés par Marc Coppey au violoncelle. u Jacques Doucelin
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Jean Françaix
TOUTE LA MUSIQUE QUE J’AIME PAR
BENOÎT DUTEURTRE BENOÎT DUTEURTRE EST ÉCRIVAIN. SON DERNIER OUVRAGE, « LIVRE POUR ADULTES », EST PARU CHEZ GALLIMARD.
UN EXILÉ DE L’INTÉRIEUR
Le compositeur est tombé dans l’indifférence de la France qui l’a vu naître, alors qu’il rayonne partout dans le monde.
N
l’obligeait à abandonner ce sillage après-guerre, otre pays, en 2017, ne commésinon les sirènes de l’école de Vienne qu’on fit morera pas les vingt ans de la retentir sans le moindre effet sur lui. mort de Jean Françaix. On n’en Passons aussi sur le reproche qui ressurgit parfois trouvera nulle trace dans les (récemment encore dans une sévère publication grandes institutions musicales, sur Vichy et la musique) d’avoir été beaucoup orchestres ou opéras qui, depuis joué sous l’Occupation. Certes, ce jeune comla fin des années 1960, ignorent obstinément positeur à succès ne se retira pas de la vie musil’un des compositeurs français les plus joués cale pendant les années sombres où son Apodans le monde. Tous les jours, en Allemagne, calypse fut créée sous la direction de Charles aux États-Unis, des solistes et des chambristes Munch. Il n’en rompit pas moins les liens avec donnent sa musique à un public enchanté. Ici son éditeur allemand, au détriment même, Henri Demarquette, Phide ses propres intérêts ; et on a vu lippe Cuper ou Philippe Cassard VICTIME récemment, avec l’affaire Dutilleux, ne cachent pas leur goût pour son combien les procès à distance reart délicat et divertissant. Les DES couvrent de confusions. Le fait est, disques se succèdent pour offrir de nouvelles versions du Concer- ÉTIQUETTES en revanche, que la musique de Françaix a toujours été fort apprétino ou des quintettes à vent. Pourtant, cherchez bien dans QU’ON LUI A ciée outre-Rhin; sans doute parce incarne, jusque par son nom, les programmations lyriques ou ACCOLÉES qu’il une certaine idée de l’esprit français les saisons symphoniques : vous qui perdure en Allemagne : cet n’y trouverez jamais le nom de esprit que l’avant-garde allait combattre vigouFrançaix, ni ses merveilleux concertos pour reusement comme futile et contraire au sens piano ou clarinette, ni son ballet La Dame dans de l’Histoire. Le ver était dans le fruit et la musila lune, ni son opéra La Princesse de Clèves. que de Françaix, encore très présente jusqu’aux Il est rare d’observer pareil décalage entre années 1960 sous les baguettes de Karajan, Prêtre, le rayonnement d’un compositeur et l’indifCluytens ou Dorati, disparaîtrait des saisons férence officielle du pays qui l’a vu naître. musicales touchées par le vent nouveau. Les étiquettes qu’on accole aux artistes y sont Il ne fut pas seul à subir ce mauvais sort qui afpour quelque chose. Ainsi, Françaix n’auraitfecta nombre de ses contemporains. Du moins il été, selon ses détracteurs, que le continuateur eut-il la chance d’être fidèlement soutenu par sans imagination d’une routine « néoclassique » les éditions Schott. Quand je l’avais rencontré triomphant entre les deux guerres. Ce style dans son appartement parisien, à l’occasion de supposément rétrograde n’était pourtant rien ses quatre-vingts ans, il m’avait expliqué : « Je d’autre que la musique « moderne », déclinée suis un exilé de l’intérieur, ravitaillé par l’étrande mille façons par Roussel, Ibert, Honegger, ger. » Ces propos, comme sa musique, recelaient Poulenc ou Martinu. À son tour, Françaix, élève plus d’ironie que de mélancolie ; car Françaix de Nadia Boulanger, encouragé par Ravel et Stravinsky, fut applaudi dès ses débuts pour la connut le bonheur d’être sans cesse redécouvert saveur si personnelle de ses œuvres, brillamment par de nouvelles générations d’interprètes. créées par Scherchen ou Monteux. Rien ne Les clichés, pourtant, courent toujours. u
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72e CONCOURS DE GENÈVE I N T E R N AT I O N A L M U S I C C O M P E T I T I O N
COMPOSITION 2017 CONCERTO POUR CLARINETTE ET ORCHESTRE
DÉLAI D’INSCRIPTION: 4 MAI 2017 CONCOURSGENEVE .CH
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Le 14 janvier dernier, le divo à la voix d’or a excellé dans la composition ambiguë et à contre-courant d’un Lohengrin pleutre, au bord de la crise de nerfs.
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Jonas Kaufmann
LE RETOUR DU PRODIGE VICTIME D’UN HÉMATOME SUR UNE CORDE VOCALE, LE TÉNOR ALLEMAND AVAIT DISPARU DES SCÈNES LYRIQUES DEPUIS PLUSIEURS MOIS. EN JANVIER, IL EST REVENU DANS LOHENGRIN À L’OPÉRA BASTILLE, POUR LE PLUS GRAND BONHEUR DES MÉLOMANES.
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hantera ? Chantera pas ? La question, brûlante, est sur les lèvres de tous les aficionados – sans cesse plus nombreux – du ténor allemand, absent des scènes d’opéra depuis plusieurs mois à la suite d’un hématome sur une corde vocale qui l’a laissé sans voix (voir l’entretien pages 51-53). Nous sommes à Paris, en décembre 2016, et personne n’est encore sûr à 100 % que Jonas Kaufmann assurera les cinq Lohengrin annoncés en janvier à l’Opéra Bastille, dans une production de Claus Guth spécialement conçue pour lui, importée de la Scala de Milan où elle fut créée en 2012. Mauvais présage : ce même mois, il a décliné sa participation au gala d’inauguration de la Philharmonie de l’Elbe à Hambourg. Pourtant, contrairement aux Contes d’Hoffmann de Bastille annulés en octobre, aucun communiqué de l’Opéra de Paris n’est venu préparer les esprits à un possible désistement ; en interne, bien sûr, la question s’est posée, et il se dit qu’un autre fameux interprète de Lohengrin, libre à cette période, a été contacté lll www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 47
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Page de droite: Jonas Kaufmann avait déjà incarné le chevalier au cygne à la Scala de Milan, en 2012.
pour remplacer le divo dans l’éventualité où… Dans Aussi, pour le convaincre, mieux vaut faire preuve ce cas, la pilule n’aurait pas été forcément facile à d’imagination. Des exemples ? Du 4 au 13 février, avaler pour les spectateurs qui avaient acheté des le Barbican Hall de Londres s’est attaché ses serplaces majorées en raison de la présence de la star, vices pour quatre soirées : « The Kaufmann Resimais quelle autre option? Finalement, cette solution dency » alternera un « Liederabend », une soirée de repli a été écartée, Jonas Kaufmann est bien venu wagnérienne, un concert Richard Strauss et une à Paris et a mis fin, avec ce Lohengrin tant attendu, rencontre avec le public – un vrai festival en son honneur ! À Paris, depuis l’arrivée de Stéphane à un long silence: ses dernières apparitions remontaient à l’été 2016, lors d’un récital à Santiago Lissner, des programmes solides ont été mis en place, tels ce Lohengrin ou la version française de du Chili, aux côtés d’Helmut Deutsch. On pourrait continuer longtemps à dresser la liste Don Carlos de Verdi en septembre 2017, qui oblide toutes les rumeurs qui entourent désormais chaque gera le ténor à revoir de fond en comble l’ouvrage apparition de Jonas Kaufmann, tant ses annulations, dont il interprétait jusque-là la version italienne. réelles ou virtuellement possibles, sont devenues monnaie courante: Énée dans Les Troyens de Berlioz au Covent Garden de Londres, à l’été 2012, Turridu Prêt pour de nouvelles dans Cavalleria rusticana, à la Scala de Milan, en aventures Pour être à peu près certain de ne pas le rater, 2015, Des Grieux dans Manon Lescaut, au Metropolitan Opera de New York, en février 2016, etc. mieux vaut se rendre à Munich, sa ville natale où Cet hiver parisien, avec le retour du prodige dans se tient l’Opéra de son cœur, le Bayerische Staatoper. C’est là qu’il a effectué ses récentes prises de rôles : Lohengrin, signera-t-il la fin de ce cycle maudit ? Voir et entendre Jonas Kaufmann serait presque Lohengrin (juillet 2009), Le Trouvère (juin 2013), devenu un privilège : bien des rendez-vous ont été La Force du destin (décembre 2013), Aïda (septembre 2015) puis Les Maîtres ajournés (par exemple, il n’a Chanteurs de Nuremberg plus remis les pieds au Met deS’IL N’EST PAS (mai 2016). C’est à Munich, on puis trois ans). Comme il n’enle devine, même s’il refuse de tend pas se soumettre au rythme AU SUMMUM DE que son Tristan boulimique de certains de ses SES CAPACITÉS, ledeconfirmer, Wagner verra le jour, tout confrères, il s’agit d’être patient. comme son premier Empereur L’intéressé s’en excuserait IL PRÉFÈRE NE dans La Femme sans ombre de presque, bien conscient de frustrer ses milliers d’admirateurs PAS SE PRODUIRE Richard Strauss – le contrat est signé ; on sent Kaufmann prêt lorsqu’il capitule, accompagnant chaque désistement d’un mot de justification: à d’autres aventures au Bayerische Staatsoper, tant c’est sa conscience artistique qui le retient de se que Kirill Petrenko sera aux commandes. produire, s’il n’est pas au summum de ses capacités, Calaf dans Turandot ? « Pourquoi pas, c’est assez et la déception serait alors encore plus grande de court », nous avoue-t-il, entre deux répétitions de les décevoir. Comment lui en vouloir ? Comment Lohengrin. Un bal masqué de Verdi ? Aucune porte ne pas comprendre la fragilité de ce dieu de l’opéra, n’est fer-mée non plus. Peter Grimes ? Le rôle l’inet ne pas prendre en compte la pression physique téresse. D’autres Turridu, Canio tentés rapidement à Salzbourg ? « Finis, les deux dans la même soirée, et vocale qui pèse sur ses épaules ? c’est harassant. » S’il a tourné la page de certains jeunes premiers tels Un rythme éreintant qu’Alfredo de La Traviata – « Je l’ai trop chanté » –, Jonas Kaufmann se serait-il laissé enfermer dans il dit adorer toujours autant Mario Cavaradossi un cycle de rôles trop épuisant pour lui ? Certains dans Tosca. « Je ne m’en lasse pas. C’est le meilleur le laissent entendre, qui s’appuient d’ailleurs sur scénario d’opéra qui existe. Si je ne devais choisir ses déclarations. Remplir son agenda cinq ans à qu’un personnage, ce serait peut-être celui-là. » l’avance est certes confortable financièrement, La musique de Puccini, Luciano Pavarotti y voyait mais peut aussi s’apparenter, glisse le ténor, à le meilleur remède pour les ténors. « Pour La Bohème « une catastrophe artistique », faute de pouvoir ou Tosca, oui, sûrement, admet Kaufmann, mais prédire les évolutions de sa voix plusieurs années la partie de Des Grieux dans Manon Lescaut, elle, à l’avance : il compare cette anticipation impi- est monstrueuse. » Outre Munich, le Covent Garden toyable à une « camisole de force ». Observez d’ail- de Londres reste l’autre point d’ancrage de sa carleurs son planning : des trous de plusieurs semaines rière : il s’essaie, en septembre 2009, à la version en ponctuent çà et là ses engagements, qui lui offrent cinq actes de Don Carlo, aborde Adrienne Lecouvreur la possibilité de dégager des créneaux s’il succombe en novembre 2010, Manon Lescaut en juin 2014, à un projet de dernière minute. Kaufmann ne cesse Andrea Chénier en janvier 2015, et son premier de le répéter : sa seule crainte est de s’ennuyer. Otello est programmé l’été prochain. lll
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TEATRO ALLA SCALA
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E. BAUER / ONP
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De gauche à droite : Christiane Lutz, l’assistante de Claus Guth, le metteur en scène, Jonas Kaufmann et Martina Serafin en pleines répétitions de Lohengrin.
À Paris, place de la Bastille, samedi 14 janvier 2017 elles mélangent l’artiste en scène et l’homme que au soir, les chanceux, triés sur le volet, ne cachent je suis en réalité. Comme si, lorsqu’on achetait un bilpas leur satisfaction d’assister à la générale très let pour m’entendre, on avait le droit en plus d’acheter courue de Lohengrin. Beaucoup sont restés bre- quelque chose de moi et qu’on pouvait me dire ce douilles et n’ont pas pu entrer dans la salle, malgré qu’on voulait. Parfois, ça fait peur. On ne voit plus les tentatives de récupérer une place dès la sortie en vous qu’une attraction de zoo. » du métro. On n’avait pas assisté à pareil engouement autour de l’Opéra depuis longtemps ! Décidément, le phénomène Kaufmann dépasse l’enten- Le jour de la générale dement. « Le succès, on le croit impossible quand Ce samedi 14 donc, la répétition générale affiche on est étudiant, mais on continue à en rêver incons- la distribution promise : Kaufmann en chevalier ciemment, nous confiait-il en 2014. Lorsqu’il arrive au cygne, Martina Serafin en Elsa, le charismatique une fois, vous vous dites que cela ne peut pas être René Pape en Roi Henri et l’Ortrud odieuse d’Evelyn vrai. Et puis, si, ça continue. Une deuxième fois, Herlitzius dont la silhouette et la voix instable une troisième… Et cela ne semble plus s’arrêter. contribuent au poison du personnage, qui lui vauMais, attention, il ne faut pas s’y habituer. Au moment dront le triomphe de la soirée. Un léger frémisseoù vous pensez “succès” et que vous vous dites qu’il ment s’empare du public lorsque le directeur coulera de source quoi que vous fassiez, vous êtes de la scène paraît devant le rideau pour annoncer dans le faux, car vous ne travaillez plus que pour ça. l’impossibilité de Monsieur K… och, souffrant, Vous n’êtes plus passionné, vous d’interpréter Telramund, remn’avez plus peur et vous vous perplacé par Tomasz Konieczny. dez. » Car le succès excite, mais Ouf ! respire la salle, comme souLE TÉNOR N’A effraie aussi. « Certaines personnes lagée de constater que Kaufmann, m’ont proposé des choses très folles, PAS PERDU SON lui, sera bien là. Tout au long du façon pop star, pas jusqu’à vouloir malgré ces quatre mois INTELLIGENCE spectacle, un enfant avec moi, mais pas loin. d’interruption, l’artiste est fidèle MUSICALE J’admire leur passion, mais parfois, à sa réputation : s’il semble se
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ménager pour la première, quatre jours plus tard, il n’a rien perdu de son intelligence musicale et du raffinement princier dont il sertit chaque phrase. De surcroît, il excelle dans la composition ambiguë et à contre-courant du héros wagnérien, un Lohengrin pleutre, au bord de la crise de nerfs, traumatisé par l’inhumanité de sa mission, perdu dans ses rêves davantage encore qu’Elsa, qui fait appel à lui. Un chaste fol avant l’heure. Les premières répétitions de ce Lohengrin ont débuté à la mi-décembre par les traditionnelles « scènes/ piano », durant lesquelles les chanteurs ont travaillé soit avec Claus Guth, soit avec son assistante, Christiane Lutz, par ailleurs compagne à la ville du ténor. Deux semaines se sont écoulées ainsi dans la salle Gounod de l’Opéra Bastille, tandis que les « musicales » avec chœurs se déroulaient en salles Berlioz et Bizet, et que, sur le plateau principal, les techniciens procédaient aux derniers réglages du décor de Christian Schmidt. Constitué de trois hautes façades percées de fenêtres et de balcons, celui-ci a pour avantage de faciliter la circulation des chœurs et de former une conque acoustique commode ; tout juste at-il fallu raboter le premier étage pour l’ajuster à la scène plane de l’Opéra Bastille, puisque la production fut d’abord conçue pour la pente scénique (de 3 %) de la Scala de Milan.
Avec les trompettes Début janvier, les « scènes/piano » ont pris possession du plateau, tandis que Philippe Jordan assurait environ cinq services d’orchestre. Si c’est la première fois qu’il dirige l’opéra de Wagner, il se rappelle parfaitement sa découverte, en 1991, à l’Opéra de Zurich, dans une mise en scène de Bob Wilson. « Quel choc à l’époque ! Il n’avait pas voulu de trompettes sur scène, car l’effet aurait été trop dramatique », s’amuse-t-il. Dans le spectacle de Claus Guth, ces trompettes réclamées par Wagner trouvent naturellement leur place dans les balcons du décor, en jardin et en cour, et contribuent à la dramaturgie sonore de Lohengrin. Lorsque, l’après-midi du mardi 10 janvier, soit quatre jours avant la générale, l’Orchestre de l’Opéra entre en fosse pour la troisième des cinq « scènes/orchestre », la tension accumulée des derniers jours libère une irrésistible poussée d’énergie. Jordan s’en donne à cœur joie, la phalange exulte de jouer avec lui. « C’est bon! lance le chef, répétant le Prélude de l’acte III avec un enthousiasme juvénile. Allezy davantage, les trombones ! Je veux un crescendo bouche de crocodile ! » La moindre indication de Jordan est suivie d’effets immédiats. Sacrée réactivité. Depuis la salle, le Prélude produit un effet ravageur. Et puis, Martina Serafin, René Pape, Evelyn Herlitzius… Jonas Kaufmann : nul n’a fait défaut. Le ténor et le directeur de l’Opéra de Paris affichent une rare complicité. Ce que leur rencontre en tête
ENTRETIEN CROISÉ JONAS KAUFMANN ET PHILIPPE JORDAN Jonas Kaufmann, après plusieurs mois de problèmes de santé, la question logique est : comment allez-vous ?
J. K.: Jusqu’à maintenant, très bien. J’ai l’impression que c’était une bonne décision d’attendre. Pour retrouver, non 100 %, mais 150 % de mes capacités. Si on recommence seulement une semaine trop tôt, le risque est de retarder le vrai rétablissement et de repartir de nouveau à zéro. Donc, à quoi bon ? P. J. : Je m’éloigne, j’ai un rhume (il sourit). Six mois d’arrêt presque…
J. K. : Non, non, moins ! La dernière fois que j’ai chanté et qui m’a vraiment fait comprendre qu’il y avait un problème, c’était à la mi-septembre. L’arrêt a duré quatre mois, cinq jusqu’à la première de ce Lohengrin. J’ai recommencé lentement à chauffer l’instrument mi-décembre. Seulement pour moi. Philippe Jordan, travailler avec un chanteur dont on ignore s’il assurera les représentations installe une certaine pression, non ?
P. J. : C’est la dure réalité. Ce sont des instruments sensibles et fragiles, il faut les soigner et les surveiller continuellement. Nous étions extrêmement tristes pour les Contes d’Hoffmann. J’attendais cette reprise avec Jonas avec tellement d’impatience. Bien sûr, il était important pour moi de diriger ce chefd’œuvre du répertoire avec l’orchestre, mais le voir, lui, dans cette mise en scène de Robert Carsen était ma grande motivation. Il a fallu accepter. Nous avons fait les Contes le mieux possible et patienter qu’il revienne en forme pour Lohengrin. J. K.: Heureusement qu’à ce moment-là, j’ai compris! Lors de ma première consultation, le médecin a laissé entendre que ma convalescence pouvait durer dix jours, trois semaines ou bien plus. C’était le flou total. Décider d’annuler les Contes était indispensable. Si j’avais participé aux premières répétitions, j’aurais été contraint de me désengager immédiatement et cela aurait été encore plus difficile. P. J. : Tu as bien fait, car ça nous a laissé le temps de trouver Ramón Vargas qui a chanté les six spectacles. Tu as pris la bonne décision au bon moment. J. K. : C’était également dur pour moi, vous savez. Il y a quelques années, il était prévu que je chante Hoffmann, et cela ne s’était pas fait. Là, il s’agissait de mon deuxième désistement. C’est un opéra maudit (il rit) ! Pourtant, je pense vraiment que le rôle est idéal pour moi. P. J. : Idéal, oui ! Une production idéale aussi. Avez-vous subi une opération des cordes vocales ?
J. K.: Non, aucune opération. Il s’agissait « juste » lll
ACTUALITÉS. â Lohengrin est à l’affiche de l’Opéra Bastille les 27 et 30/01 avec Jonas Kaufmann, puis les 2, 5, 8, 11, 15 et 18/02 avec Stuart Skelton. Philippe Jordan dirigera aussi Cosi fan tutte au palais Garnier (31/01 au 19/02), puis Béatrice et Bénédict de Berlioz en version de concert au palais Garnier (24/03). â Après « The Kaufmann Residency » au Barbican Hall de Londres, le ténor retrouvera Andrea Chénier à Munich (12/03 au 2/04), puis le chantera un soir en version de concert au Théâtre des Champs-Élysées de Paris (26/03). Suivront un concert à Dubaï (6/04), Tosca à l’Opéra de Vienne (5 au 11/05), un récital à la Philharmonie de l’Elbe de Hambourg (24/05) et Otello à Londres (21/06 au 10/07). â Côté disque, le label Sony annonce Le Chant de la Terre de Mahler (7/04) par l’Orchestre philharmonique de Vienne dirigé par Jonathan Nott.
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C’est votre premier Lohengrin : comment vous êtes-vous préparé pour le diriger ?
Comme d’habitude : j’étudie la partition six mois auparavant et je fais mon analyse. J’ai dirigé tous les opéras de Wagner, Rienzi inclus, mais Lohengrin est un peu différent : cette œuvre est la pièce manquante du puzzle qui permet de mieux comprendre l’architecture générale des drames du compositeur allemand. Je me suis souvent demandé où il avait trouvé ses grandes idées pour la Tétralogie. Certes, Lohengrin en est encore très loin, et il emprunte une dernière fois au grand opéra à la Rienzi, mais il est intéressant de voir à quel point il s’approche çà et là de certaines conceptions qui apparaîtront plus tard dans L’Or du Rhin.
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Que pose-t-il comme difficulté particulière ?
VOCALEMENT, LOHENGRIN EST MANICHÉEN ET PASSE DU NOIR AU BLANC ET DU BLANC AU NOIR d’une toute petite veine qui s’est ouverte sur une corde. Laquelle a généré un hématome qui, du jour au lendemain, m’a rendu aphone. Drôle d’effet : on ouvre la bouche et plus rien ne sort. La veine devait se refermer, et la blessure, cicatriser, mais personne ne savait ni quand ni comment. J’ai seulement pris des médicaments aidant à la contraction des vaisseaux. La cortisone n’aurait pas fonctionné, elle aurait pu, au contraire, me refaire saigner. Je n’avais pas d’autre choix que de faire preuve de patience ; ce qui n’est pas ma spécialité (il rit). Il n’est pas patient ?
P. J.: Avec tout ce qu’il fait, je le trouve très patient. Combien de fois avez-vous collaboré ensemble ?
P. J.: Il s’agit de notre deuxième collaboration. Nous avions déjà travaillé ensemble pour La Damnation de Faust, la saison dernière. En fait, le problème de Jonas me rappelle ceux que j’ai eus assez récemment avec mon hernie discale. D’abord, une fois, puis durant les représentations. J’ai été obligé d’annuler une tournée entière pendant un mois. Et ça a duré, duré ! Ça nous casse. On attend, on reçoit des infiltrations, on prend de la cortisone, et rien d’autre. Au moment où on se croit prêt à reprendre, il faut encore patienter… 52 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Techniquement, c’est l’un des Wagner les plus faciles. La partition file droit et ne bouge pas beaucoup. Elle est aussi très manichéenne : les bons sont bons, les méchants, méchants, il n’y a pas de réelle ambiguïté dans les personnages – à part peut-être Telramund. Malgré quelques doutes au IIIe acte, le personnage de Lohengrin reste clair du début à la fin. Dans l’orchestration, c’est identique : Wagner utilise les cordes pour Lohengrin, les cuivres pour le Roi, les bois pour Elsa, des couleurs graves pour Ortrud et Telramund, etc. L’intérêt est d’aller creuser un peu au-delà, de dénicher le double sens. Il faut éviter le côté statique, trouver une fluidité et une certaine théâtralité à travers des tempi plus allants. A contrario, Lohengrin est souvent le premier rôle wagnérien que les ténors abordent.
J. K. : Avant Lohengrin, j’ai incarné Parsifal. Puis j’ai interprété Walther von Stolzing dans Les Maîtres Chanteurs et Siegmund dans La Walkyrie, lequel me paraît plus simple, car vocalement plus bas. J’ignore si la tradition de ténor lyrique correspond à la volonté de Wagner, mais si on ne privilégie que le lyrisme ou la demi-teinte, ça ne marche pas. Vocalement, Lohengrin est aussi manichéen et passe du noir au blanc et du blanc au noir : lorsqu’il parle avec Elsa, il prend toujours une voix très douce, mais face au Roi, à Telramund ou à Ortrud, il se montre particulièrement agressif. P. J. : C’est même étrange, il échange un peu avec Ortrud, mais n’adresse quasiment aucun mot à Telramund. J. K. : Mais tout le rôle est un peu étrange ! Regardez l’entrée de ce « superhéros » ! Il arrive sur scène en fanfare, dans une entrée triomphante saluée par les chœurs et les tutti à l’orchestre – quelque chose d’énorme – et la première phrase qu’il prononce, ce n’est pas un « Esultate » à la mode Verdi, mais un murmure sur des violons diaphanes où il remercie son cher cygne. P. J. : C’est tout le génie et la magie de Wagner.
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J. K. : Il faut ménager l’énergie et maintenir la concentration au maximum. Lohengrin, c’est presque comme trois opéras. La voix doit être chauffée à son entrée, car les premières phrases du salut au cygne sont délicates. Immédiatement après, c’est l’adresse, très martiale, au Roi : il faut tout donner à pleine voix. Viennent le premier entracte puis le IIe acte : là, Lohengrin ne chante pas pendant quarante-cinq minutes. Il surgit ensuite sur scène pour un ensemble épuisant où les solistes s’époumonent devant des chœurs qui chantent dans leur dos. Nouvel entracte et, enfin, le IIIe acte, au cours duquel Lohengrin donne tout, tout le temps. Le duo avec Elsa est extrêmement beau mais long, et il faut à nouveau trouver un équilibre entre douceur et héroïsme avant de renouer, dans le récit final et les adieux, avec la couleur de l’entrée initiale. Ce caractère manichéen, la mise en scène de Claus Guth lui tord le cou, non ?
P. J. : Heureusement ! Personnellement, sa vision me parle beaucoup. J. K. : Plus humaine, sûrement. Claus Guth a transposé certaines situations de l’intrigue dans la première moitié du XIXe siècle où les personnages connaissent des problèmes plus ou moins identiques. On est un peu plus libre que dans la véritable histoire, mais on acquiert une plus grande gravité. Et plus de fragilité aussi, non ?
J. K. : Oui. Claus Guth nous donne la possibilité de composer des véritables êtres de chair qui souffrent de problèmes psychiques. Si le Roi n’est pas un caractère facile à faire évoluer, Elsa, elle, est très borderline. On sent qu’elle a été traumatisée dans son éducation par Ortrud et Telramund. Pour Lohengrin, Claus établit des analogies avec Kaspar Hauser : c’est un personnage qui ne possède que de vagues souvenirs de lui-même. Vue sous cet angle, l’interdiction de poser la question fatale sur ses origines revêt un autre sens, car Lohengrin l’ignore lui-même… Comment votre conception de ce personnage a-t-elle évolué depuis vos débuts en 2009 ?
J’ai toujours imaginé Lohengrin comme un humain qui se trompe dans ses décisions, et non comme un être surnaturel. J’ai toujours eu du mal à accepter que, dès son arrivée, il lance à Elsa au bout de quatre phrases : « Elsa, je t’aime. » Je me suis souvent demandé si cela faisait partie de sa mission ou si ça relevait de l’erreur. C’est ridicule ! À mon avis, seule une lecture « humaine » permet de jouer avec cela. P. J. : La vision de Claus Guth nous débarrasse de la mythologie, des sorcières, des magiciens… L’univers de la bourgeoisie, avec son décor et ses costumes, facilite la compréhension de l’œuvre. Philippe Jordan, dans quels rôles aimeriez-vous entendre Jonas Kaufmann ?
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Comment qualifier cette production ?
TECHNIQUEMENT, C’EST UN WAGNER DES PLUS FACILES. TOUT L’INTÉRÊT EST DE DÉNICHER LE DOUBLE SENS P. J. : On en a déjà discuté, mais aura-t-on le temps de tout faire ? Je me réjouis énormément du Don Carlos français à la rentrée, l’un des tout premiers projets sur lequel on a décidé de travailler ensemble. Et puis, un jour, j’espère bien qu’on collaborera sur les Contes d’Hoffmann! J’insiste: ce serait I-DÉ-AL. J. K. : Je touche du bois. Vos prochains rôles ?
J. K. : Otello, bientôt au Covent Garden. P. J. : Et un Tristan, Jonas, un Tristan ! J. K. : Ah, Tristan… Un jour… C’est un rôle monstrueux –, très difficile à mémoriser déjà : au IIIe acte, le personnage est seul sur scène pendant une heure! Et c’est comme dans Lohengrin : presque rien au Ier acte, un grand duo très lyrique au IIe acte, qui ne pose pas de problèmes majeurs, et un dernier acte terrible. Aujourd’hui, dans quel rôle vous demande-t-on le plus souvent ?
J. K. : Otello. Et Tristan revient très souvent aussi. La première fois, c’était en 2006. J’ai toujours répondu : « Non, non et non. »
Philippe Jordan va insister et vous finirez par dire oui…
J. K.: Un jour, mais quand? On ne sait pas. u
Propos recueillis par Jérémie Rousseau www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 53
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DOSSIER
Les écrivains compositeurs
DES ACCORDS [IM]PARFAITS
INGI PARIS / AKG-IMAGES
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De nombreux écrivains osèrent s’essayer à la musique. Machaut, Rousseau, Hoffmann, Nietzsche, García Lorca, Savinio, Bowles, Burgess, autant d’auteurs qui tentèrent avec des fortunes diverses de créer un univers musical distinct du monde des lettres. Avec plus ou moins de succès. Dossier réalisé par Romaric Gergorin 54 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
’emblée, il faut faire un constat : il n’existe, à notre connaissance, aucun grand écrivain qui fut aussi un compositeur digne de ce nom, alors qu’à l'inverse, de nombreux musiciens firent d’excellents auteurs. Sans doute l’écriture littéraire, qui fait appel au langage commun, à vocation universelle, permet cette facilité à certains compositeurs spirituels, comme Berlioz ou Debussy, de devenir des écrivains accomplis, tandis que le langage musical nécessite un apprentissage important, moins naturel. C’est surtout l’absence d’originalité qui frappe chez les écrivains qui composent, ainsi que la contradiction entre leurs idées sur la musique et leurs œuvres musicales, souvent à l’opposé de leur univers personnel. Rousseau déteste l’opéra français, et pourtant il compose à la manière de Rameau. Hoffmann imagine des contes fantastiques extravagants, sa musique reste cependant sage et pondérée. Paul Bowles écrit une musique souvent convenue, alors que ses romans, hypnotiques, sont une quête fatale de déracinement exotique. Il apparaît ainsi que nombre d’écrivains musiciens, à partir du XIXe siècle, ont poursuivi une œuvre littéraire car ils ont trouvé le médium approprié pour construire un monde et l’éprouver, auquel ils n’étaient pas parvenus à donner forme par la musique. Naguère, il était plus naturel d’être un artiste aux humanités complètes, comme l’était l’extraordinaire Guillaume de Machaut, l’exception de notre bilan, grand poète et exceptionnel compositeur du XIVe siècle. Plus près de nous, Nietzsche annonce la séparation des arts, piètre compositeur mais habité par la musique, devenant le grand philosophe du dionysiaque. Alberto Savinio s’en sort avec les honneurs, sans doute par sa cohérence entre l’esprit surréaliste de ses écrits et le modernisme fantasque de sa musique. García Lorca comme Anthony Burgess restent à la périphérie du fait musical. Pour que le tableau soit complet, il nous fallait des absents, tel Theodor Adorno, éminent philosophe de l’École de Francfort, mais compositeur ignoré, comme si une malédiction empêchait tout homme de lettres d’accéder à la création musicale. u
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Jean-Jacques Rousseau UN RÉPERTOIRE CONVENU
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ean-Jacques Rousseau (1712-1778) investit la musique comme la littérature et la philosophie avec un talent de polémiste et une vigueur dialectique propre à tout dynamiter. Mais là où son style littéraire repose sur une écriture objective qui annonce les XIXe et XXe siècles, son écriture musicale, fruste et convenue, n’a pas d’épaisseur. Le jeune protégé de Madame de Warens, chez qui il est chef d’orchestre à vingt et un ans, invente aussi un nouveau système de notation musicale dont il espère tirer pro- IL ÉCRIT DÉTESTER fit à Paris. Celui-ci étant refusé par l’Académie, Rousseau n’écoute L’OPÉRA FRANÇAIS, que son tempérament et écrit MAIS COMPOSE en réaction une Dissertation sur la musique moderne. COMME RAMEAU C’est à cette époque qu’il rencontre Marivaux, qui le conseille pour ses tentatives d’opéras, et Rameau dont les théories musicales l’influencent considérablement. Il vit alors pauvrement de leçons de musique, tout en s’essayant à des « opéras tragédies ». Un séjour de deux ans en Italie le familiarise avec l’opéra italien. De retour à Paris, il donne en 1743 Les Muses galantes, un opéra-ballet, chez le fermier général Le Riche de La Pouplinière. Rameau, présent dans la salle, réagit par des propos peu amènes. Une nouvelle tentative, Le Devin du village, opéra en un acte représenté en 1752 à Fontainebleau, devant la cour du roi, contant les aventures des petits paysans Colin et Colette, est cette fois-ci très bien accueilli et sera joué avec succès jusqu’en 1829. C’est à ce moment-là que Rousseau participe activement à la querelle des Bouffons, opposant les partisans du Coin de la reine dont il fait partie, aux côtés de Grimm et Diderot, qui souhaitent italianiser l’opéra français, au Coin du roi, sous la protection de Madame de Pompadour, qui défend avec Rameau la musique lyrique française. Rousseau, qui avait déjà écrit la section musicale de l’Encyclopédie, surenchérit avec sa Lettre sur la musi- Daphnis et Chloé, une pastorale qui, malgré ses que française. Pour lui, notre langue est « peu propre inclinaisons, reste très française, comme l’étaient à la poésie, et point du tout à la musique ». Il moque Le Devin du village et Les Muses galantes, œuvrettes le sérieux, les références mythologiques, le mer- naïves et sans consistance. Ainsi fut le paradoxal veilleux dont est empreint l’opéra français et fait Rousseau, théoricien persuasif dont les écrits, en l’éloge de son versant italien, vantant son réalisme faisant à juste titre l’éloge de la musique italienne, et ses mélodies légères, à l’opposé des laborieuses ne laissaient aucune chance à Jean-Jacques comharmonies françaises. En 1774, il laisse inachevée positeur, bien trop français. u lll www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 55
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DOSSIER
Guillaume de Machaut
Musique et poésie étaient intimement liées chez le compositeur. Son œuvre lyrique comprend près de 400 poèmes dont l’écriture précédait toujours la composition.
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uillaume de Machaut (1300-1377) fut la figure la plus importante de l’Ars nova, qui introduisit l’écriture polyphonique dans l’art musical. Si ses talents de poète sont moins connus, il fut pourtant considéré comme un auteur essentiel de son temps. Après avoir reçu les ordres mineurs, il fut engagé comme secrétaire à la cour de Jean Ier de Bohême à partir de 1323 et le suivit dans ses différentes campagnes jusqu’à sa mort à la bataille de Crécy en 1346. Commença alors une période erratique pour Machaut, qui entra au service de différents princes, dont Charles le Mauvais, Philippe le Hardi (futur Charles V) et Jean de Berry, en étant à la fois poète de la cour et poète solitaire, individu privé qui écrivit des chefs-d’œuvre de la poésie courtoise comme Le Livre du voir dit. Dans les années 1330, il devint chanoine à la cathédrale de Reims, ce qui lui offrit une grande liberté
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LE MAÎTRE DE L’ART NOUVEAU
pour composer. Sortant de la monodie des troubadours pour aller vers la polyphonie, élargissant le plainchant dont il développa et diversifia les motifs, Machaut écrivit des motets complexes, d’une grande beauté. Sa stupéfiante Messe de Notre-Dame, une des premières à être créées par un seul compositeur, apporta au genre une dimension artistique magistrale, notamment par la sophistication de son écriture polyrythmique qui donna naissance à une poésie d’une grande pureté. Les subtils agencements de Machaut portent encore aujourd’hui la trace d’une modernité intemporelle dont l’originalité fut saluée plusieurs fois par Boulez juste avant sa mort. u
E.T.A. Hoffmann
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Ses créatures littéraires fantasmagoriques, perturbées et excessives, s’opposent à ses partitions aux notes sages et pondérées.
i E.T.A. Hoffmann (1776-1822), qui s’appelait en réalité Ernest Theodor Wilhem Hoffmann, substitua son troisième prénom par Amadeus pour honorer Mozart, c’est sa vie entière qui fut placée sous le signe de la musique. Natif de Königsberg en Prusse-Orientale, magistrat en poste dans différentes villes dont Berlin et Varsovie, Hoffmann prit son envol au contact de ses alter ego romantiques, Achim von Arnim, Clemens Brentano, Adelbert von Chamisso et Ludwig Tieck. Écrivain, compositeur, peintre, il plaça le processus de la création comme deus ex machina de toutes ses histoires. À chaque fois, une réalité alternative prend forme par une vision artistique qui permet d’échapper à l’enfer rationaliste. Personnage aussi perturbé et excessif que ses créatures littéraires, l’artiste vouait un
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culte à Mozart, Beethoven et Gluck et cela s’entend dans ses œuvres qui, pour celles d’un homme de lettres, se trouvent néanmoins très accomplies, d’une excellente facture. Son opéra Ondine fut un succès à Berlin en 1817, mais on retiendra aujourd’hui plutôt ses œuvres vocales a cappella et ses quatre sonates pour piano. Les Kreisleriana inspirées de Kreisler, personnage récurrent de son œuvre, Les Contes d’Hoffmann, l’opéra, puis le film musical de Michael Powell, Casse-Noisette adapté d’un de ses contes, autant de chefs-d’œuvre démontrant que son univers fantasque trouva pleinement son accomplissement musical chez Schumann, Offenbach et Tchaïkovski plus que dans sa musique, la quintessence de son inquiétante étrangeté ne quittant pas ses livres. u
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DES PIÈCES SANS EXTRAVAGANCE
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Friedrich Nietzsche
PRODUCTION ERRATIQUE
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LIBRARY OF CONGRESS
riedrich Nietzsche (1844-1900) était un excellent pianiste et improvisateur, d’après les témoignages d’époque. Il écrivit une quarantaine de pièces musicales, pour l’essentiel entre treize et vingt et un ans, de 1857 à 1865, dans lesquelles l’apôtre de la philosophie à coups de marteau semble exprimer une indécision, un romantisme timoré et filandreux. Son Miserere (1860), sans être grandiose, est efficace, avec une belle ferveur vocale. Eine Silvesternacht (1863) pour piano et violon s’avère intéressant, mais souffre d’une structure trop lâche. Nachklang einer Silvesternacht (1871) pour piano seul paraît proche d’un certain romantisme allemand, mais avec une faible détermination, loin du déchaînement d’un Liszt, recelant un climat nocturne sans l’étrangeté indétermination si étrangère à la philosophie d’un Schumann. Si Das zerbrochene Ringlein, un de Nietzsche. Il l’envoya imprudemment à Hans saisissant lied de 1863, expressionniste avant l’heure, von Bülow, alors célèbre chef d’orchestre, qui lui reste sans doute le sommet de l’œuvre musicale de répondit : « Votre méditation, du point de vue musiNietzsche: il est sans doute transcendé par la version cal, n’a d’autre valeur que celle d’un crime dans l’ordre en Sprech-gesang (le chanté parlé) de Dietrich Fi- moral. » Elle lui évoque « un lendemain de bacchanale, scher-Dieskau, son meilleur interprète, accompagné plutôt que la bacchanale elle-même ». L’échec de Nietzsche compositeur, trop erratique, au piano par le compositeur Aribert Reimann. En 1882, à trente-huit ans, Nietzsche composa un a alors ouvert la voie au Nietzsche philosophe, qui lied sur un poème de Lou Andréas-Salomé, Gebet est sorti du romantisme pour forger son concept de l’éternel retour. « Un romanan das Leben, et écrivit à Félix tique est un artiste qu’un grand Mottl : « Je souhaite que cette musiUNE INDÉCISION, malaise en soi rend créateur que devienne le complément de la – qui se détourne loin de luiparole du philosophe qui, comme UN ROMANTISME même et de son ambiance pour tout ce qui est exprimé, doit nécesregarder en arrière », écrivitsairement rester ambigu. Ce qui TROP TIMORÉ il, tandis qu’il s’affranchit de sous-tend ma philosophie, sur le plan ET FILANDREUX Wagner qui fut son grand émotif, trouve son expression dans modèle avec Schopenhauer cet hymne. » Malheureusement, même le duo de haut niveau Fischer-Diskau- avant de les condamner tous les deux comme forces Reimann peine à transfigurer cette plainte poussive. extinctives de la vie. Nietzsche libéré de son surmoi Sa transcription pour chant et orchestre, arrangé de compositeur fit alors l’apologie de Rossini, Bellini par son ami Peter Gast en 1887, Hymnus an das et, ironiquement, de Bizet, « Carmen me délivre », Leben, pire, fait penser à une musique de film amé- pour se moquer de Wagner. Désormais, « il faut ricain moraliste des années 1950, loin de l’essence méditerréaniser la musique », entreprise qui prit fin du dionysiaque nietzschéen. Manfred Meditation dans une rue de Turin en 1889, qui vit Nietzsche (1872) pour piano à quatre mains souffre encore s’effondrer, aphasique, devant un cheval sévèrement une fois de l’absence de nécessité interne, d’une battu par son cocher. u lll
Libéré de son surmoi de compositeur, le philosophe a forgé son fameux concept de l’éternel retour.
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Federico García Lorca
F Le poète, pianiste et compositeur puisa une grande partie de son inspiration dans la tradition folklorique andalouse.
ederico García Lorca (1898-1936) rencontra très jeune Manuel de Falla à Grenade et développa une amitié profonde avec le compositeur du Tricorne. Ils firent tous deux partis de Génération de 27, un mouvement littéraire qui revendiquait l’usage des traditions espagnoles savantes et populaires projetées dans un horizon moderniste flirtant avec l’avant-garde. À Madrid, García Lorca fit la connaissance de Buñuel et Dalí, dont il devint très proche, et qui lui jouèrent un tour de cochon en s’inspirant de son intimité pour leur premier film, Un chien andalou, dont le titre le vise. À côté de ces personnalités écrasantes, il tenta de trouver sa voie par la poésie, avec notamment son retentissant Romancero gitano, mais aussi par la musique. Dès l’âge de dix ans, « l’Andalou professionnel », comme le surnommait perfidement Borges, composa des petits airs, mais ses parents s’opposèrent à ce qu’il poursuive des études musicales. Ainsi bifurqua-t-il vers les lettres. Or, il continuera à écrire toute sa vie des mélodies, de nombreuses chansons, souvent dans un registre flamenco. « Nana de Sevilla »
LEEMAGE
FLAMENCO LYRIQUE
chantée par Victoria de Los Angeles, « Las Morillas de Jaen » par Ginesa Ortega, « Los Pelegrinitos » par Pepe de Cordoba, trois mélodies éblouissantes de García Lorca parmi d’autres, qui associent l’expressivité populaire du flamenco avec un lyrisme intense propre à son univers. Car c’est bien dans la tradition folklorique du flamenco que le poète, pianiste et compositeur puise l’essentiel de sa matière. Il avait organisé avec Falla en 1922 El Concurso del Cante Jondo (Concours du Chant profond) pour célébrer ce chant flamenco primitif dont l’interprétation archétypale suscite le trouble: est-ce une véritable douleur qu’éprouve le chanteur? Arrangeur doué de cette tradition andalouse, García Lorca sera emporté par la guerre d’Espagne. Fervent républicain, alors que Falla et Dalí soutiennent les phalangistes, il fut exécuté par les troupes franquistes à Grenade dans la nuit du 18 aout 1936. La souffrance tragique du cante jondo était bien réelle cette fois-ci. u
Alberto Savinio
UN MODERNISME FANTASQUE
L’esprit surréaliste de ses écrits ne fut jamais absent de sa création musicale.
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LEEMAGE
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lberto Savinio (18911952), écrivain, peintre et musicien, était le frère de Giorgio De Chirico, légendaire peintre métaphysicien. Tous deux furent à eux seuls les précurseurs d’un certain esprit moderne, énigmatique, radical, insaisissable. Après une enfance paradisiaque en Grèce, Savinio étudia la musique auprès de Max Reger, à Munich. À Paris, il se fit remarquer par ses écrits par Apollinaire. Indécis sur l’expression artistique à choisir, il composa beaucoup, fonda le sincérisme, prônant le primat de la dissonance
et du rythme, puis s’adonna à la peinture pendant huit ans avant de se consacrer à l’écriture de nombreux livres sans jamais délaisser la musique. Auteur de ballets et de mélodies, Savinio compositeur s’avéra réjouissant, d’un modernisme jubilatoire dans lequel l’inspiration surréaliste ne renonça jamais à un plaisir évident de l’écoute, issu de la générosité intrinsèque du créateur. En témoigne l’extravagante suite Les Chants de la mi-mort, à mi-chemin des futuristes et des dadaïstes, incarnés par cet humour pince-sans-rire résolument musical. u
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Paul Bowles
MUSIQUE SANS ONIRISME
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’insondable Paul Bowles (1910-1999) étudia la musique avec Aaron Copland, publia son premier poème à dix-sept ans, fit des allers-retours entre New York et Paris pour finalement s’installer à Tanger et y construire un univers fascinant dont l’aura de légende persiste encore aujourd’hui. À Paris, il se lia avec Tzara, subit comme tous ses compatriotes les brimades de Gertrude Stein. À Berlin, il arrangea pour le piano des pièces vocales du dadaïste Kurt Schwitters. À New York, il fut critique musical pour le New York Herald Tribune, sous l’égide de Virgil Thomson, et reconnu comme un excellent compositeur,
il collabora avec Orson Welles, Joseph Losey ou Tennessee Williams. Son opéra The Wind Remains, inspiré par un poème de García Lorca, fut créé en 1943, dirigé par Leonard Bernstein, avec une chorégraphie de Merce Cunningham. Quand il décrocha un substantiel contrat d’édition en 1947, il s’installa définitivement à Tanger. Cette évaporation marocaine ruina sa carrière de compositeur, mais cet éloignement lui permit de trouver la concentration pour écrire. Truman Capote, William Burroughs, Brion Gysin, Jack Kerouac, Gore Vidal lui rendirent visite, tandis qu’il concevait un puissant univers littéraire reposant sur un canevas machinal systématique, qui montrait le basculement progressif dans la folie de l’homme occidental confronté aux civilisations encore sauvages de l’Afrique du Nord et de l’Amérique latine. Sa musique pour piano, désormais souvent jouée, comme en témoignent deux disques récents (Naxos) interprétés par Andrey Kasparov et Oksana Lutsyshyn (voir Classica n°183 et n°186), dévoila l’éclectisme et l’exotisme de Bowles, ses deux traits distinctifs. Derrière un univers hybride, entre folklore américain et airs sud-américains, des rares pièces dissonantes révélèrent une violence sourde et secrète. Cherchant le lien secret entre le monde naturel et la conscience de l’homme, Bowles réussit parfaitement à restituer cet entre-deux magnétique du choc des instincts sauvages et civilisés dans ses romans comme Après toi le déluge ou Un thé au Sahara. Étrangement, sa musique, à quelques notables exceptions – Tamanar, Sonate pour deux pianos –, reste souvent séduisante, loin de sa thématique onirique, alors qu’il n’était fasciné que par la violence et la destruction. u
Son répertoire, très souvent conventionnel, s’éloigna, à quelques rares exceptions, des thèmes de prédilection de ses romans.
Anthony Burgess
UNIVERS DÉVITALISÉ
L. BIRNBAUM/LEBRECHT/LEEMAGE
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nthony Burgess (1917-1993) a longtemps nourri l’espoir de percer en tant que compositeur. Faute d’opportunités pour faire jouer et reconnaître ses symphonies, sonates, concertos dans les salles de concert, il se tourna avec un talent certain vers l’écriture, qui lui apporta la gloire internationale grâce à l’adaptation cinématographique par Kubrick de son roman Orange mécanique, dans lequel la musique tient un rôle sadique. Cette célébrité littéraire relança sa carrière musicale, comme en témoigne un disque paru cette année chez Naxos. Mais il n’y a rien à faire, son univers orchestral demeure guère captivant, entre Holst et Hindemith, mais comme dévitalisés. u
Dans le film Orange mécanique tiré de son livre éponyme, la bande originale captive plus l’auditeur que ses pièces orchestrales sans couleur. www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 59
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ENTRETIEN
Lucas Debargue
UN PIANISTE HABITÉ PAR LA MUSIQUE Il n’a décroché « que » le 4e Prix du Concours Tchaïkovski, et pourtant il a éclipsé les trois premiers lauréats. Après deux disques et de nombreux concerts, l’artiste sera l’invité des Victoires de la musique. Rencontre.
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ous avez déclaré que Vladimir Horowitz était votre « maître à penser ». Pourquoi?
C’est un magicien, un fantaisiste, un prestidigitateur, un menteur, un artiste, bien davantage qu’un pianiste. Bref, Horowitz est une figure complexe, tournoyante et, à lui seul, une école de civilisation.
C’est également un pianiste passionné par le son, comme vous…
S’agit-il vraiment de son? Question difficile. Quand je travaille une œuvre, je me coule littéralement en elle. Mon goût ou ma subjectivité en matière de son passent au second plan. Oui, mais vous choisissez des œuvres qui correspondent à votre goût, non ?
Disons que j’apprends à aimer certains morceaux. Parfois, ils sont ingrats comme la sonate de Beethoven que j’ai présentée au Concours Tchaïkovski [Sonate n°7 en ré majeur opus 10 n°3, ndlr]. Lorsque je l’ai découverte, elle ne me parlait absolument pas. Je ne l’ai aimée que progressivement.
Lucas Debargue 1990 : Naissance à Paris le 23 octobre / 2001 : Début du piano au Conservatoire de Compiègne / 2007 : Arrêt du piano. Faculté de lettres modernes / 2010-2011 : Reprise du piano. Études avec Philippe Tamborini / 2011 : Études au Conservatoire de Paris, auprès de JeanFrançois Heisser, puis aux côtés de Rena Shereshevskaya, à l’École normale de Musique de Paris / 2015 : 4e Prix du Concours Tchaïkovski de Moscou / 2016 : Deux premiers disques chez Sony Classical.
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Alors, pourquoi l’avoir programmée ?
Cette œuvre m’intéressait, primo, parce qu’elle contient des centaines de choses passionnantes, deuzio, parce que je suis têtu, et tertio, parce qu’il faut outrepasser son goût. La musique dépasse tout cela. Aimer ou ne pas aimer Rachmaninov ou Mozart, tout le monde s’en fiche ! Je ne crois pas qu’il existe « un » son Mozart, Schubert ou Ravel. Il y a ce qui est bon et ce qui est mauvais, ce qui est ennuyeux et ce qui est captivant. Le péché ultime en musique, c’est précisément d’être ennuyeux. À la première lecture, je lis une partition belle et qui débute par le silence. L’interpréter, c’est assumer de ne pas ennuyer son auditoire. Comment le captiver ?
Certainement pas en faisant des mimiques! Je vous réponds cela parce qu’il paraît que je bouge beaucoup. Certains trouvent ma manière d’être au piano insupportable. On ne peut captiver qu’en montrant la vie de la musique, le son qui précède et celui qui suit la note que vous jouez. Il s’agit de se concentrer, de faire abstraction du trac, d’abord… Le trac n’est pas que le propre du musicien…
Se retrouver tout nu sur scène, c’est gênant, vous ne trouvez pas ? Il y a comme une forme d’exhibitionnisme et, en même temps, une certaine jouissance à l’être. La concentration, c’est la mémoire. Tous les jours, je fais un exercice de mémorisation. Je possède une excellente mémoire et je peux me rappeler les détails de n’importe quelle journée heure par heure. On affirme que vous avez restitué la Sonate n°3 de Prokofiev de tête, sans l’avoir apprise…
En quoi est-ce exceptionnel ? On écrit aussi que j’ai eu un parcours atypique. En quoi l’est-il ? On me dit qu’il est « normal » pour un pianiste d’être assis dès l’âge de trois ans devant le clavier, puis de travailler à l’adolescence les Études de Chopin dix heures par jour. C’est stupide! Vous imaginez Glenn Gould ainsi ? Les petits singes, qui jouent du piano depuis leur enfance, ont été sélectionnés pour porter le nœud papillon. Cela me donne envie de fuir. Céder au conformisme de passer un concours, en l’occurrence celui de Tchaïkovski, n’est-ce pas un peu contradictoire avec vos propos? lll
FELIX BROEDE
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www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 61
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ENTRETIEN
À droite: En février 2016, Lucas Debargue enregistre son deuxième disque pour Sony Classical dans les anciens locaux de la maison de la Radio de la RDA, à Berlin.
Nullement ! Le principe du concours est intéressant parce qu’il représente une échéance. Nulle échappatoire. Il permet également de se produire sur scène et, pour un pianiste, il n’est pas facile de trouver des engagements. L’épreuve offre des conditions exceptionnelles de jeu. J’étais heureux de jouer dans l’acoustique extraordinaire de la Grande Salle du Conservatoire de Moscou.
Précisément, qu’avez-vous éprouvé quand vous êtes monté sur scène ?
Dès que je me suis mis à jouer, j’ai ressenti une sorte d’intimité musicale bien supérieure à celle que je connais dans des petites salles d’une centaine de spectateurs. C’était une sensation déroutante dans un lieu aussi vaste et impressionnant. Quel piano aviez-vous choisi ?
Quatre modèles étaient à la disposition des candidats. J’ai opté pour le CFX de Yamaha, qui était l’instrument le plus confortable et le meilleur pour les œuvres que je voulais interpréter. Il était très bien réglé, et j’ai retrouvé ma balance sonore.
Durant le concours, votre rapport avec le public moscovite a été extraordinaire. Certains l’ont expliqué par votre ascendance russe…
Cela n’est pas avéré à 100 % et, de toute façon, si je me sens une attache avec la Russie, c’est moins pour des raisons héréditaires que spirituelles. J’ai découvert la musique et la littérature de ce pays lorsque j’étais adolescent et elles m’ont bouleversé. Il est vrai aussi qu’en Russie, les études musicales sont intimement liées à un cursus artistique plus global…
Comment peut-on imaginer qu’il n’en soit pas ainsi ? En France, la spécialisation à outrance de l’enseignement musical professionnel est absurde et mène souvent à l’impasse, tout simplement parce que la musique « dévore » autre chose qu’elle-
LA VRAIE LIBERTÉ N’EST NI POLITIQUE NI SPIRITUELLE, ELLE S’OBTIENT PAR LE LANGAGE même. C’est un monstre qui se nourrit de tous les autres arts. Certains jours, je travaille mieux mon piano en passant des heures dans une bibliothèque. C’est dans ces moments-là que je clarifie ma pensée. C’est autrement plus profitable que de répéter comme un fou un ornement dans une pièce de Chopin – lui, le génial improvisateur –, alors qu’il l’aurait peut-être écrit bien différemment le lendemain. Qui sait ?
Venons-en à votre formation. On vous dit autodidacte…
C’est faux ! Le malentendu vient du fait que la plus grosse partie du travail se fait seul avec la partition. Je n’ai jamais appris à lire la musique, mais enfant, j’avais un besoin vital d’acquérir cet alphabet. 62 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Déchiffrer et jouer, c’était devenu boulimique, addictif. Je lisais et je mettais un maximum de notes à côté avec les moyens techniques dont je disposais, c’est-à-dire pas grand-chose. Harmoniquement, je ne comprenais rien à ce que je faisais. Mes connaissances en théorie musicale étaient minimales. En revanche, j’étais très bon en dictée. Je me suis intéressé à l’harmonie il y a deux ans environ, à la même époque où je me suis initié au jazz. Auparavant, j’improvisais au flair, alors que, paradoxalement, c’est le style musical qui demande le plus de bases techniques. Vous vous mettez au piano assez tardivement, vers l’âge de 11 ans. Vous passez par le Conservatoire de Paris. Vous n’en parlez jamais…
Il y a des gens formidables dans cette institution. J’ai fait l’erreur de ne m’inscrire qu’en classe de piano et, du coup, je n’ai pas rencontré les personnalités qui m’auraient aidé. J’ai très mal vécu mon passage dans ce cours. C’était la concurrence totale, la jalousie, l’espionnage entre pianistes. Tout cela m’était insupportable, et les méthodes de travail ne m’ont pas convaincu. Je n’ai jamais eu l’occasion de présenter un programme de récital en entier.
Vous travaillez désormais avec Rena Shereshevskaya. Ne vous a-t-elle jamais dit que vous aviez de sérieux problèmes, notamment techniques ?
Jamais ! À chaque fois que j’ai abordé un problème technique, elle a renversé la question en me prouvant que j’écoutais « mal ». Avoir une conscience précise de chaque note jouée est essentiel. Ce n’est donc pas une question de doigts ni de répertoire. Je suis par nature un « anarchique » de la musique. Elle a libéré en quelque sorte mon écoute et m’a appris à apprendre rapidement et « bien ». En effet, lorsqu’on est obsédé par des questions techniques, on ne peut pas se consacrer à l’œuvre que l’on veut interpréter. Progressivement, j’ai assimilé le programme du Concours Tchaïkovski – quatre heures de musique tout de même –, qu’elle m’a proposé de tenter dès notre deuxième cours. Comment déterminez-vous votre répertoire ?
Je fonctionne avec des chocs qui proviennent de sources diverses comme l’écoute d’un interprète. J’ai envie de partir de ce qu’il a proposé et de reprendre l’histoire pour la poursuivre à ma façon. Je déroule une narration jusque dans les sonates de Scarlatti. On m’a d’ailleurs reproché de les jouer de manière romantique… N’est-ce pas le cas ?
Pourquoi inventer une dichotomie entre les styles ? Arbitrairement, tout ce qui précède la Révolution française serait baroque. On joue donc au tempo tout ce qui appartient à l’Ancien Régime. Tout ce qui succède à cette période serait romantique, marqué par la « naissance » de l’individu. Il est toutefois étrange que le métronome n’ait pas existé
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à l’époque baroque et que les partitions aient eu si peu d’indications de tempos ou de nuances. On supposait donc que les musiciens allaient comprendre par eux-mêmes. « Jouer droit » est donc absurde dans les répertoires baroque et classique. On ne chante jamais « droit » parce qu’on interprète. Et interpréter suppose de connaître parfaitement le texte pour s’en affranchir. Votre répertoire comporte des pièces rarement jouées, notamment de Nikolaï Medtner. D’où vous vient cette passion pour ce compositeur ?
Elle est née chez Arioso, célèbre magasin de musique de la rue de Rome, à Paris. Publicité gratuite ! J’allais y dépenser mon argent de poche et j’ai découvert l’œuvre de Medtner à l’âge de quatorze ans. J’ai plongé dedans et n’en suis pas ressorti. Parlez-nous de la Ballade n°4 de Chopin, qui figure sur le premier disque que vous avez enregistré…
La spiritualité de l’œuvre doit surgir dès le début. Les premières mesures sont les plus délicates de la partition. Il me semble qu’il faut travailler la main gauche seule. Chopin a commencé avec cette « sérénade » dont il est nécessaire de retrouver le chant et d’éviter à tout prix une lecture académique. Les accords, presque arpégés, sont ceux d’une guitare ou d’une contrebasse dont la mélodie, au-dessus, serait tenue par une flûte fantomatique. Ces divers instruments se croisent avec des intonations dissemblables. Il faut gérer ces antinomies tout en restant lucide, car les déplacements à la main gauche sont techniquement difficiles. Voilà donc une ballade qui est à la fois une forme sonate et une pièce liée à la variation et à la rhapsodie. Pensez-vous que les pianos modernes soient les plus adaptés pour restituer l’extrême finesse de cette polyphonie ?
Vous touchez du doigt un problème crucial. Aujourd’hui, convaincre un label d’enregistrer un disque sur un piano ancien, ce n’est pas facile. Idem pour les organisateurs de concerts ! C’est même aller contre les intérêts de tout le monde, car on construit des instruments de plus en plus puissants, pour que les pianistes et les orchestres jouent encore plus fort. Je préfère évidemment la longueur de son d’un vieux Erard, Pleyel ou Bechstein.
La vraie liberté n’est ni politique ni spirituelle : elle s’obtient par le langage, qu’il s’agisse de littérature – la discipline la plus difficile –, de danse, de peinture, de musique, etc. Travailler son langage fait émerger un style, donc une respiration dans le flot de nos pensées. Un artiste doit en principe discerner ce qui est important de ce qui ne l’est pas. Il est un trafiquant de ses souvenirs, en quête de l’émotion juste. u Entretien : Stéphane Friédérich
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Vous jouez également du jazz. Cela vous donne-t-il davantage de liberté dans votre interprétation du répertoire classique ?
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 63
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L’EXTRAIT
Portrait
HOROWITZ, L’INTRANQUILLE
Dans son nouvel essai, Jean-Jacques Groleau présente la personnalité complexe et ombrageuse du pianiste virtuose ukrainien. Avec des surprises dès le premier chapitre…
LEBRECHT / LEEMAGE
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’est un peu comme si le hasard avait simplement bien fait les choses. Contrairement à la plupart de ses confrères, Vladimir Horowitz n’a pas été à proprement parler un enfant prodige. Des facilités, des dons, il en avait à revendre. Mais sa famille avait eu l’intelligence de le préserver, lui laissant le temps de mûrir et d’assurer son art. Quant à ses professeurs, qui souvent lui préféraient d’autres élèves, ils passaient plus de temps à le critiquer qu’à vanter ses mérites, cherchant à brider les élans les plus naturels de sa personnalité. On comprend que le jeune Horowitz n’ait pas manifesté l’envie de se produire en public trop tôt ! Le trac, déjà enfant, l’envahissait des semaines avant la moindre audition. Peut-être doit-on voir là les premiers signes de son manque de confiance en soi, de ce terrible besoin que l’on relèvera continûment chez lui de vouloir séduire… Composer ! Voilà l’idée fixe du jeune homme. Comme son aîné Serge Rachmaninov, figure tutélaire qui l’accompagnera tout du long de sa carrière, il envisagea très tôt de se consacrer à l’écriture. Mais le destin devait en décider autrement. On ne s’étonnera pas de trouver dans la famille Horowitz une belle pléiade de musiciens dont certains de très bon niveau.
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Sa mère, Sofia (née Bodik), était pianiste amateur. Elle avait été l’élève, à l’École de musique de Kiev, d’un certain Vladimir Puchalski (1848-1933), que nous retrouverons, vingt-cinq ans plus tard, comme premier professeur officiel du jeune Vladimir Horowitz. En 1894, âgée de vingt-deux ans, Sofia décide de mettre un terme à cette aventure musicale pour épouser Samuel Horowitz, d’un an son aîné. Il est étudiant à la faculté de physique et de mathématiques de l’université de Kiev, mais lui aussi, passionné de musique, est un pianiste amateur de bon niveau ; sa propre mère avait bénéficié des encouragements d’Anton Rubinstein. L’un des frères de Samuel, Alexandre, était d’ailleurs devenu pianiste professionnel après être passé par l’École de musique de Kiev et le Conservatoire de Moscou, où il avait eu pour professeur Alexandre Scriabine. Si la musique semble fortement marquer la famille Horowitz, elle n’est pas son seul élément de distinction. Dans cette Ukraine riche, où les juifs subissent encore régulièrement les tracas d’une administration rétrograde, quand ce ne sont pas de véritables pogroms, Samuel a réussi à se bâtir une jolie fortune. Son entreprise vend tous les équipements électriques les plus modernes venus d’Allemagne. Elle lui permet d’offrir à sa famille un train de vie très élevé, comme l’atteste la demeure cossue, sise dans l’une des rues les plus huppées de la ville, et dont le nom est à lui seul un programme : passage des Musiciens ! Sofia et Samuel, en bons bourgeois soucieux de donner à leurs enfants la meilleure éducation possible, incluent bien évidemment la musique dans le cursus obligé. Les deux aînés, Regina et Jacob, étudient le piano ; Gregory, le cadet, préfère le violon. On sait quel instrument échoit au petit dernier, Vladimir, qui attend toutefois l’âge de cinq ans pour se mettre « sérieusement » au clavier. Né le 1er octobre 1903 (18 septembre du calendrier julien alors en vigueur) à Kiev, Vladimir profite de la continuelle effervescence musicale du foyer pour développer très tôt ses qualités d’oreille et sa mémoire musicale exceptionnelle. Mais il n’est aucunement question de forcer la nature du jeune enfant, ni de le mettre au piano avant que, de lui-même, il n’en témoigne l’envie. En bon petit dernier, Vladimir n’est jamais brusqué par ses parents. Choyé, couvé, adoré, gâté, il est le petit prince de la famille, à qui l’on passe chaque caprice sans s’inquiéter de ses (fréquentes) sautes d’humeur. En attendant d’entrer au conservatoire, Vladimir prend ses premières leçons de sa propre mère. Il montre d’emblée beaucoup de facilités : sa mémoire est prodigieuse, il semble capable de découvrir par lui-même avec une facilité déconcertante comment réaliser les passages délicats… Mais cette aisance ne s’accompagne d’aucun véritable enthousiasme pour le clavier. C’est la musique qui l’intéresse avant tout et, plus particulièrement, le chant. Sofia le laisse déchiffrer tout ce qui se présente, que ce soient des partitions trop difficiles pour son jeune âge (il est déjà friand de Rachmaninov) ou des transcriptions d’opéras, domaine qui le fascine. À neuf ans à peine, c’est à la Tétralogie qu’il s’attaque, découvrant avec Wagner un monde musical nouveau qui le bouleverse. Il parvient à mémoriser cette somme de musique alors même que les pièces les plus fondamentales pour la formation d’un pianiste lui manquent encore. Cette curiosité d’enfant, cette boulimie de découvrir toujours plus de musique, et dans des domaines rarement empruntés par les apprentis pianistes, lui vaudront d’engranger dès le plus jeune âge une culture musicale phénoménale et une capacité de déchiffrage hors du commun. Devant les progrès de leur fils, Sofia et Samuel décident de l’inscrire au tout nouveau Conservatoire de Kiev. La vieille École de musique vient en effet de changer de statut : en devenant un conservatoire, l’établissement gagne en prestige, mais aussi en stabilité, gage d’une parfaite formation pour le jeune artiste. Le hasard fait que Vladimir y découvre comme professeur celui-là même qui avait enseigné à sa mère, Vladimir Puchalski. Il dirige l’École de musique depuis 1877, réussissant à faire venir pour y enseigner de jeunes artistes tout fraîchement diplômés des Conservatoires de Saint-Pétersbourg, Moscou, Prague… Vladimir trouve chez le vieux maître un écho à son propre intérêt pour les compositeurs romantiques. En revanche, ses qualités de pédagogue semblent avoir été assez sommaires: si l’on en croit les témoignages laissés par ses élèves, ses cours se résumaient la plupart du temps en une série de hurlements, parfois pour des détails insignifiants. Horowitz n’hésitera pas à dire de lui qu’il « le haïssait ». Y avait-il dans son attitude envers le jeune pianiste une part d’antisémitisme ? « Votre fils est terrible ! Il n’a pas de discipline… Il n’a rien ! Il joue tout trop vite, trop fort. » Une chose est sûre : Vladimir n’a pas l’habitude des contraintes. D’ailleurs, pourquoi chercher à jouer comme tous les autres, avec la même technique, le même son, les mêmes phrasés ? L’individualité, en art, n’est-elle pas l’essentiel ? La voix humaine, qu’il admire tant, est par définition le plus individué des instruments. Et c’est cela qu’il cherche à transposer sur son clavier. Puchalski et Horowitz se supportent néanmoins et, à défaut d’enthousiasme, l’élève a suffisamment de sérieux dans les exercices et les morceaux imposés pour en tirer les leçons utiles. De Bach par exemple, dont il ne saisit pas encore la valeur, il comprend en revanche quel inestimable exercice il offre pour les doigts et le cerveau. Après deux années à ce régime, Vladimir a fait des progrès fulgurants…
VIENT DE. PARAÎTRE. â Après un superbe
Rachmaninov, Jean-Jacques Groleau propose un nouvel essai sur son cadet de trente ans, Vladimir Horowitz. Derrière ce nom mythique se cache un parcours de vie unique, d’une Russie qui est encore celle des tsars à la solitude new-yorkaise, aux dépressions, aux sursauts, aux retours. Pour brosser le portrait d’Horowitz, il ne fallait pas moins qu’un livre, de patience, d’écoute et… d’amour. ® Horowitz – L’Intranquille par Jean-Jacques Groleau, préface d’André Tubeuf, Actes Sud, collection « Classica », 180 pages, 18 euros.
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 65
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COMPOSITEUR
Modeste Moussorgski
LA VOIX DE L’ÂME RUSSE
Rétif à toutes conventions ou stylisations, ardent défenseur de la musique de son pays, le compositeur russe a entremêlé les genres, et forgé un langage où la parole, le geste et le sentiment humain deviennent mélodies. Il a ouvert de nouvelles voies que les musiciens du XXe siècle ont exploré à l’envi.
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ela n’a ni sens, ni couleur, ni forme, ni contour, on peut dire ni queue ni tête. Volontairement pas de plan, pas de conduite, des notes inscrites successivement et comme elles venaient, au cours d’une improvisation, sans aucune idée d’ensemble ou de cohésion. Ce sont là, non pas même des ébauches, mais des divagations bizarres, qu’aucun musicien digne de ce nom n’oserait livrer au public », écrivit Arthur Pougin dans son Essai historique sur la musique en Russie en 1904. Ce jugement des Tableaux d’une exposition par un savant musicologue reflète l’image d’Épinal longtemps attachée au nom de Moussorgski: celle d’un musicien dont l’épanouissement artistique aurait été entravé par une technique déficiente. La paresse et l’alcoolisme complètent le portrait d’un excentrique marginalisé avec, à l’appui, le tableau tristement célèbre de Répine: un « sauvage » dont les maladroites créations n’auraient pas survécu sans Rimski-Korsakov et Ravel. En réalité, ce « primitif » était un homme cultivé, aux manières élégantes et raffinées, doté d’un solide métier, ce qu’attestent les versions originales de ses œuvres redécouvertes depuis les années 1980 (mais éditées par Pavel Lamm dès 1930). Il n’était pas seulement un musicien, mais également un poète et un penseur qui avait élaboré une conception hautement personnelle de son art
Modeste Moussorgski 1839: Naissance à Karevo / 1857: Sous-lieutenant de la garde impériale Préobrajenski / 1859: Quitte l’armée / 1867: Une nuit sur le mont Chauve / 1868-1872 : Boris Godounov, Enfantines / 1872-1881 : La Khovanchtchina / 1874 : Tableaux d’une exposition, Sans soleil / 1877 : Chants et danses de la mort / 1881 : Mort à Saint-Pétersbourg
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et effectué des recherches historiques érudites pour mener à bien les vastes fresques de Boris Godounov et de la Khovanchtchina.
S’affranchir de la tutelle occidentale Issu d’une famille de petits propriétaires terriens, il reçoit sa première formation musicale de sa mère, remarquable pianiste. Très doué, il joue à neuf ans en public un concerto de Field. Élève de l’école des Cadets de la Garde, il est incorporé en tant que lieutenant au régiment aristocratique Préobrajenski (1857). Excellent pianiste, beau, élégant et mondain, ce « petit lieutenant de livre d’images » est recherché dans tous les salons pour tenir le piano. Il fait la connaissance de César Cui, Mili Balakirev et Vladimir Stassov, célèbre critique et mécène, défenseur d’un art russe authentique affranchi de la tutelle occidentale. Moussorgski compose ses premières pièces pour piano et des mélodies, encore influencé par Schumann. Il quitte l’armée pour se consacrer à la musique (1859). Il se joint à Cui, Balakirev, Borodine et Rimski-Korsakov pour former, sous la férule de Stassov, le Groupe des Cinq, opposé aux tendances occidentales du conservatoire officiel. Il acquiert sa technique de compositeur auprès de Balakirev, stimulé par l’objectif commun d’une « vraie » musique russe. Il prend cependant vite conscience que le modèle préconisé par ses camarades est une création hybride, greffant des éléments russes tirés du folklore sur les méthodes et les formules occidentales – au mieux, une réalisation pittoresque visant à la couleur locale. Il donne un but plus direct à son art: la vie même. Il veut « apprendre à lire dans les livres des sages, à s’entretenir avec les hommes doués de raison, à traduire la vie, sous quelque aspect qu’elle se montre, la vérité, si amère qu’elle lll
UNITED ARCHIVESI / LEEMAGE
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COMPOSITEUR
anticipe sur Debussy et l’impressionnisme, comme dans la très belle Nuit (1864) où règne, en plus âpre, un climat qui fait penser à Phidylé de Duparc. Cette transmutation d’un sentiment, d’un décor ou d’une action évoqués par le texte en un équivalent sonore, procédant d’une miraculeuse intuition, fait de Moussorgski le précurseur de l’impressionnisme. Avant Debussy, il s’avère capable de noter l’insaisissable instant vécu. Ce dernier a reconnu tout ce qu’il devait au cycle de mélodies Sans soleil. À l’opposé de la musique germanique fondée sur le développement des idées au sein de formes fixes, l’art de Moussorgski, qui repose sur des gestes musicaux proposant un équivalent à ceux du vécu, s’apparente à celui d’un mime. La parodie d’un mime va de pair avec l’humour et Moussorgski est l’un des créateurs du comique en musique. Ainsi la phase de maturation des années 1860 s’achève-t-elle par la composition d’un opéra « parlé », d’après une comédie de Gogol, Le Mariage. Le compositeur y pousse dans ses extrêmes limites ses expériences de mime musical. Tentative encore imparfaite : il n’achève qu’un acte de cet « essai de musique dramatique en prose » (1868). Fort de cette expérience et de celle des mélodies, il est désormais en possession des moyens lui permettant d’aborder le grand thème suggéré par l’un de ses amis : Boris Godounov, inspiré du drame de Pouchkine.
SERGEY PROKUDIN-GORSKY
Un artiste maudit
Fédor Chaliapine, célèbre interprète du rôle-titre de Boris Godounov, le chef-d’œuvre de Moussorgski (1915).
s’atteste ». À ce but nouveau, il faut des moyens nouveaux, une langue musicale « hardie et sincère ». La musique n’est plus une traduction au moyen de symboles sonores, mais un discours direct et immédiatement perceptible comme la parole. Paroles et musique sont indissociables ; le chant procède des inflexions du parlé : un récitatif « mélodique » dont le profil se calque sur les intonations de la parole, les amplifiant par des intervalles et une courbe mélodique plus continus. La frontière entre récitatif et mélodie s’estompe, l’un s’incorpore dans l’autre. Moussorgski explore cette voie au travers d’une riche moisson d’airs dont il écrit parfois le texte. La partie de piano y apparaît consubstantielle à la ligne vocale ; ses harmonies, sa polyphonie et son rythme deviennent des « gestes sonores » transsubstantiant en musique instrumentale les paroles du chanteur. Cette conception
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Cet épanouissement artistique contraste avec les difficultés rencontrées par le musicien : comme beaucoup de propriétaires terriens, il est ruiné par l’abolition du servage (1861) et devra accepter un emploi mal payé et assujettissant de fonctionnaire subalterne. Dépourvu de moyens, il partagera un logement avec d’autres : étudiants, camarade du Groupe des Cinq (Rimski-Korsakov), poètes ou peintre, et finira même par trouver refuge chez une célèbre cantatrice vieillissante. Il ne sera pas plus heureux sur le plan affectif: il connaît d’intenses amitiés féminines, mais avec des femmes beaucoup plus âgées, comme la sœur de Glinka ou Nadejda Petrovna Opotchinina, la dédicataire de la sensuelle Nuit. Il semble avoir souscrit à une chasteté librement consentie pour se vouer exclusivement à son art, mais son attachement à certains de ses compagnons de cohabitation, tel le poète Golenischev-Koutouzov, suggère une homosexualité latente. Comme Edgar Allan Poe ou Paul Verlaine, c’est un artiste maudit dont l’existence misérable contraste avec des dons immenses. Faible et impulsif, il tombe facilement sous la coupe de fortes personnalités (Balakirev, Stassov). Du moins servent-elles de catalyseurs qui lui font prendre conscience de son génie. Un séjour à Moscou (1859) est une expérience décisive. Écrasé par la majesté du décor, il se sent
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MOUSSORGSKI EN 5 DISQUES
BORIS GODOUNOV
Nicolaï Ghiaurov (Boris), Martti Talvela (Pimène), Chœurs de l’Opéra de Vienne, Orchestre philharmonique de Vienne, dir. Herbert von Karajan 3 CD DECCA
désigné pour faire revivre l’ancienne Russie et l’étrange communion tissée entre le peuple et ses tsars. Les périodes de crise politique sont celles où se révèle le mieux le rôle du peuple dont la pérennité a assuré l’essor de l’empire russe. Aussi Moussorgski choisira deux de ces époques troublées comme sujets pour un nouveau type d’opéra: la mort du tsar Boris Godounov et la révolte des princes Khovanski contre l’occidentalisation de la Russie à l’orée du règne de Pierre le Grand (La Khovanchtchina). « Drame musical populaire », et non opéra : c’est le peuple qui tire les ficelles de l’action et qui est le personnage central. Dans la lignée de la conception impressionniste des mélodies, ces deux vastes fresques juxtaposent des tableaux d’un réalisme intense, qui transposent à une vaste échelle leur caractère de tranches de vie : « Le passé entre dans le présent. » Terminé en 1872 et représenté avec succès en 1874 au théâtre Marie, Boris est entièrement de la main de son auteur. L’expérience de chant parlé du Mariage y est exploitée avec une incomparable finesse psychologique et portée à un insurpassable degré de perfection. Entreprise en 1872, La Khovanchtchina est presque complétée en partition piano et chant à la mort de Moussorgski: la scène finale est ajoutée par RimskiKorsakov, qui en réalise également l’orchestration. C’est le testament musical de l’auteur, son Parsifal. Il y réussit la synthèse parfaite du chant parlé avec une veine mélodique, encore plus généreuse que dans Boris dont témoigne l’ample et poignante mélodie du prélude orchestral.
Maître du fantastique L’angoisse étouffante des scènes d’hallucinations de Boris avec leur carillon spectral impose Moussorgski comme un maître du fantastique en musique. Une nuit sur le mont Chauve (1867) constitue l’accomplissement dans ce domaine. Ce poème symphonique est par la suite adapté par RimskiKorsakov (lui-même un maître du féerique, et non du fantastique), qui en arrondit les angles et adjoint un épilogue lumineux : la clarté de l’aube et le tintement des matines mettent en fuite les créatures de la nuit. Dans la version originale, beaucoup plus sombre, Satan règne en maître : le vrillement des cordes, le grognement des cuivres et le martellement des percussions éveillent une irrésistible terreur et annoncent les partitions de films d’horreur des années 1960 (films de la Hammer). Les Tableaux d’une exposition (1874) comportent trois scènes de fantasmagorie macabre: les inquiétantes transformations d’un gnome, les mystérieuses voix de l’audelà recueillies au fond des catacombes et une sorcière assoiffée de sang traversant les airs sur son balai. Dans les Chants et danses de la mort (sur des textes de Golenischev-Koutouzov) (1875-1877), la Mort se montre à ses victimes sous les traits d’une allégorie médiévale, tantôt jubilante et poussant
La version Karajan de 1970 reste époustouflante. Le Philharmonique de Vienne constitue l’élément fédérateur de l’ensemble, servi par une prise de son exceptionnelle.
LA KHOVANCHTCHINA
Aage Haugland (Ivan Khovansky), Paata Burchuladze (Dossifeï), Marjana Lipovsek (Marfa), Chœurs de l’Opéra de Vienne, Orchestre philharmonique de Vienne, dir. Claudio Abbado 3 CD DEUTSCHE GRAMMOPHON
La Khovanchtchina est ici enregistrée avec l’orchestration de Chostakovitch. C’est l’un des très grands disques d’Abbado, qui invente des couleurs sauvages et ne relâche jamais la tension.
TABLEAUX D’UNE EXPOSITION (VERSION POUR PIANO SEUL) Evgeny Kissin (piano) RCA
Le pianiste russe, gagnant de l’écoute en aveugle du n°182 de Classica, nous conduit dans un univers fantastique proche de l’opéra. Voilà la vision la plus hallucinante, sinon la plus achevée de la discographie.
TABLEAUX D’UNE EXPOSITION (ORCH. RAVEL)
Orchestre philharmonique de Vienne, dir. Valery Gergiev PHILIPS
Autre vainqueur d’une écoute en aveugle (n° 46) : Valery Gergiev, qui fait preuve d’une folle imagination narrative. Entre autres compléments : le Prélude de La Khovanchtchina (orch. Chostakovitch) et Une nuit sur le mont Chauve (orch. Rimski-korsakov).
LES MÉLODIES (INTÉGRALE)
Serguei Leiferkus (baryton), Semyon Skigin (piano) 4 CD BRILLIANT OU SONY
Nous voici au cœur de l’œuvre du compositeur : ses mélodies. Leferkus en donne la seule véritable intégrale : elle est admirable. Un bréviaire.
des cris féroces, tantôt fredonnant des berceuses d’une inquiétante sérénité. La partie de piano sombre et percussive, avec ses échos du Dies Irae et ses cliquetis d’ossements, suggère les funestes évolutions de la terrible Faucheuse. Pour l’auteur, le rendez-vous avec la Camarde ne tarderait plus. Le succès de Boris avait été une brève rémission : la suite n’est qu’une lente déchéance, le musicien trouvant dans l’alcool un exutoire à son isolement et à ses difficultés matérielles. Pauvre, seul et abandonné de tous, il succombe à une crise cardiaque dans un hôpital militaire où il avait été admis par charité. On trouva le traité d’instrumentation de Berlioz à son chevet : il était mort les armes à la main. u Michel Fleury www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 69
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L’HOMMAGE D’ANDRÉ TUBEUF
Fritz Busch
LE DON ET L’HONNEUR Doté d’une oreille absolue, sachant jouer de tous les instruments, le chef d’orchestre allemand, à l’intégrité sans faille, marqua la première moitié du XXe siècle en imposant, entre autres, une nouvelle vision de l’opéra mozartien.
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COLL. ANDRÉ TUBEUF
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l a eu d’emblée deux splendides bonnes fortunes dans sa vie, appelée à connaître tant de rudes traverses. Son oreille absolue d’abord, singulièrement complétée par une diabolique capacité à faire de tout bout de bois un instrument, et à les jouer tous, et bien: il n’y avait qu’à cueillir dans la boutique de papa Busch, luthier amateur et artisan en toutes musiques. Tout entendre ; et savoir tout réduire sous ses dix doigts de pianiste. L’autre don du ciel, ce fut le petit frère, un an plus tard : violoniste, lui, dès pour ainsi dire le berceau. Avec Adolf, Fritz fera aussitôt des comparaisons d’oreille, s’exerçant à isoler la note juste dans le fracas lointain d’une usine ou même le bruit d’une auto qui passe. La famille Busch n’était riche de rien d’autre que de ce don de la musique, et de l’exigence d’y trouver un absolu de justesse sur quoi puissent se modeler la rectitude d’une conduite, son intégrité, sa décence. Qui d’autre que ces deux frères si exemplairement allemands, dans la folie du XXe siècle, fera encore de la décence la première vertu ? L’Histoire allait bientôt leur donner de quoi surabondamment l’exercer. La famille s’était déplacée de Westphalie vers Cologne, pour qu’Adolf puisse travailler son violon sans quitter le nid. Fritz, lui, devint l’homme à tout faire du Conservatoire, requis, et disponible, pour toute tâche musicale : un homme orchestre déjà. Quand Adolf joua (et par cœur)
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à Reger médusé son impossible Concerto pour violon, Fritz à lui seul faisait l’orchestre, ce qui n’était pas un moindre exploit. Très jeune (dix-neuf ans), il fut directeur musical à Riga. La famille, par force, éclatait. Les liens moraux ne s’en resserrèrent que mieux. C’est Fritz qui, dès le tout début des années 1920, avertissait Adolf que la musique, telle qu’ils l’avaient héritée et entendaient la transmettre, était menacée de mort par un nouveau romantisme exacerbé exaltant l’interprète, mettant ses états d’âme plus haut que l’œuvre. Des jeux de l’esprit et de l’art, cet esprit d’outrance, arrogance et chimère débordaient sur le terrain politique, déjà bien assez en proie aux passions. Chef d’orchestre et directeur général de la musique, Fritz était forcément plus réaliste sur le monde tel qu’il se gouverne qu’Adolf, idéaliste à qui son violon suffisait pour qu’il existe et œuvre. L’aîné avertissait le cadet. Ils auraient à combattre.
Admiré puis rejeté De Dresde, Fritz rayonnait. Strauss, à l’évidence le plus grand auteur vivant, lui faisait créer deux ouvrages à risques, Intermezzo et Aegyptische Helena. Arabella aurait dû suivre, mais elle dut attendre les premières années 1930, quand le glas aurait sonné pour la République de Weimar et son utopie culturelle. Le répit des années 1920, Fritz l’avait mis à profit pour initier la « Verdi-Renaissance », qui fut un des hauts faits musicaux d’une Neue Sachlichkeit allemande: un Verdi nerveux et dégraissé, qui fera l’admiration et même l’envie de Toscanini. Busch disposait de Meta Seinemeyer et Tino Pattiera, couple lyrique idéal ; d’où une Forza del Destino, un Don Carlos, un Otello modernes, exemplaires. À Salzbourg, il dirigera, première rencontre avec Ebert, Entführung. Il était partout, et au top, créant Doktor Faust pour Busoni et Cardillac pour Hindemith, affichant
Bartók, Weill, Stravinsky. Adoré de ses musiciens, modèle reconnu dans Brahms et Beethoven, pourtant, un soir de 1933, il fut rejeté par ceux-là mêmes, acquis à la chimère d’un Reich millénaire. Le lendemain, il s’expatriait. Adolf aussi mais par solidarité, lui, avec son partenaire Serkin, juif, soudain jugé pas assez pur pour toucher à Brahms.
Renaissance anglaise La chance fut qu’Adolf, en tournée dans le Sussex, ait appris qu’un châtelain y rêvait de se donner l’opéra en son propre théâtre. S’il en attribuait la direction à Fritz, qui n’avait plus d’orchestre qu’au Danemark et en Amérique du Sud? C’est ainsi que, dès mai 1934, avec Ebert régisseur, un nouveau Mozart mâle, dramatique, ardent, allait renaître avec une vérité scénique inconnue à ce jour. Le récitatif allait enfin filer et vivre, devenir l’action même. Une Mozart Opera Society allait perpétuer et diffuser par le disque ce Mozart vif et neuf : en 1934, Figaro incomplet, en 1935, Don Giovanni et Cosí, aussi complets que le permet le réalisme scénique. Retournement historique: contraints à l’exil, des artistes allemands purs donnaient sa vraie neuve patrie au Mozart le plus nécessaire. Busch eut la fortune de trouver en Ina Souez et Luise Helletsgrüber les deux voix également magiques et également musiciennes, mais étonnamment contrastantes qui, Anna et Elvire, Fiordiligi et Dorabella, permirent le coup de génie, très innovant, de chanter Mozart comme de la musique de chambre. L’Enlèvement et La Flûte suivront, et même Macbeth à la veille de la guerre. Mais c’est en 1950 seulement que Busch, dans Glyndebourne remis pleinement à flot, achèvera son rêve: ayant rendu son honneur et son intégrité à Cosí jusqu’alors réarrangé (et charcuté), il ressuscitait Idoménée entièrement délaissé. Il passa tout l’éreintant été 51 à
LE MEILLEUR DE CE QUI ÉTAIT ALLEMAND S’ÉTAIT REPLANTÉ ET A REVÉCU DU FAIT DE L’EXIL diriger ses Mozart bien-aimés, mais son cœur, plus d’une fois très sérieusement alerté déjà, n’en pouvait plus. L’essentiel d’Idoménée mis au disque, il mourait. L’exil avait été son choix, cruel et constant. En Europe ne lui restait ouverte que la Scandinavie; bientôt ce sera la seule Amérique du Sud. Le Met de New York ne l’accueillit qu’après la guerre. Il ne remit les pieds en Allemagne qu’à la veille de mourir. Il en avait emporté le meilleur avec la terre accrochée à ses souliers, et une intégrité musicale qui n’était plus qu’à lui. Destin unique : ces deux frères qu’un an séparait, et que l’exil faisait jumeaux ! Leur plus beau rêve, adresser depuis Glyndebourne libre la Messe en si au monde entier, ils n’ont pu le réaliser. Mais le meilleur de ce qui est allemand s’est replanté et a revécu, du fait même de l’exil : par Fritz, Mozart dans le Sussex; par Adolf depuis Marlboro, loin dans le Vermont, Brahms, Schubert, Beethoven et même Reger. Les compositeurs, patrimoine et espérance du monde, étaient saufs. Saufs de ce que devenaient l’Allemagne et tant d’interprètes aussi. u André Tubeufííí
Au disque
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n symphonies, en concert, de Beethoven les nos 3, 5, 7 et 9 et le Concerto pour violon avec son frère Adolf, de Mozart la « Linz », de Haydn les nos 88 et 101, de Brahms les nos 2, 4 et la Rhapsodie pour alto (Ferrier ou Anderson). Les tout premiers Vier letzte Lieder de Strauss captés (Jurinac). En opéras, les trois Da Ponte (1934-1935), Cosí et Idoménée incomplets (1950-1951). Du Colón en 1936, Lohengrin (Maison/Hoerner/Lawrence), Holländer (Lawrence/ Kipnis) et Rosenkavalier (Lemnitz/Hoerner/Kipnis). Du Met, Tristan (Traubel/Svanholm, 1946), Otello (Vinay/Warren, 1948). Forza (Édimbourg, 1951). Exceptionnel Maskenball à Cologne (Wegner/Mödl/Fehenberger/Fischer-Dieskau, 1951). u
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L’ÉCOUTE EN AVEUGLE
STÉPHANE FRIÉDÉRICH (SF), BERTRAND DERMONCOURT (BD), PHILIPPE VENTURINI (PV)
LA « SYMPHONIE FANTASTIQUE » D’HECTOR BERLIOZ Ce grand chef-d’œuvre orchestral romantique exige engagement total et imagination. Qui en sera le chef? Classica fait le point.
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epuis la première gravure en 1923 de l’Orchestre Pasdeloup avec RhenéBâton, et de Weingartner en 1925 (Grammofono), on compte plus d’une centaine d’enregistrements. À la suite de Van Beinum (Decca), Mitropoulos (Andromeda), Scherchen (Tahra) ou Walter (Urania), d’autres chefs ont laissé des témoignages marquants en monophonie puis en stéréophonie. La direction de Karajan est incisive avec le Philharmonia (Warner), mais ses deux lectures suivantes à Berlin (DG) et à l’Orchestre de Paris (Warner) déçoivent. Monteux, lui, ne peut être accusé de wagnérisme. À quatre reprises, des années 1930 et jusqu’en 1959, aux côtés du Philharmonique de Vienne (Decca), il propose des versions bien raides. Accompagné de la Philharmonie Tchèque, du Philharmonia puis de la Société de Concerts, en 1964, à Tokyo (Warner), Cluytens possède un tempérament de feu. Un document d’archive inouï, mais trop précaire pour finalement être choisi. À la tête du RSO puis du Philharmonique de Berlin, Markevitch est à son meilleur avec l’Orchestre Lamoureux (DG).
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Parmi les « historiques » reste le cas Munch. Cinq grandes interprétations sont en lice. Nous avons sélectionné celle de 1954 (en stéréo !), plus engagée que celle de 1962 (RCA). En studio, le Symphonique de Boston impressionne et, pour la qualité d’écoute, demeure préférable aux prestations en concert.
Chez les Américains Éliminons les versions ratées : calamiteux Barenboim à Chicago (Teldec) – ce fut à peine mieux à Berlin (Sony) et à Paris (DG) –, Mehta, vulgaire, à New York (Decca), Dutoit, superficiel, à Montréal. Idem pour Ormandy à Philadelphie (Sony), Prêtre à Boston (Warner), Dohnanyi et Maazel à Cleveland (Decca). Performances moyennes d’Ozawa à Boston (DG), Zinman à Baltimore (Telarc), Muti à Philadelphie (Warner), Janowski à Pittsburg (Pentatone), Paavo Järvi à Cincinnati (Telarc), Abbado à Chicago (DG) et Solti à deux reprises à Chicago (Decca). Seuls trois enregistrements de formations américaines sortent du lot. Boulez subjugue avec Cleveland (DG, supérieur au Symphonique de Londres pour Sony). Bernstein et New York (Sony, 1963) impressionne par la puissance du geste. Nous préférons cette lecture à celle aux côtés de l’Orchestre national de France (Warner). Paray à la tête du Symphonique de Detroit (Mercury, 1959) sidère lui aussi par son
inventivité et l’engagement de l’orchestre. Nous réservons ces trois gravures pour l’écoute.
En Europe Déceptions en chaîne du côté des chefs et orchestres francophones. Aucun regret pour écarter Eschenbach (Naïve), Casadesus (HM), Conlon (Erato), Chung, Minkowski (DG), Bychkov (Philips), Roth (Actes Sud), Slatkin (Naxos) et Krivine (Denon). Quelques demi-réussites, toutefois, à la réécoute des Martinon, Beecham, Lombard, Plasson (Warner), Ansermet (Decca)… D’autres déconvenues aussi hors de France : exit Goossens (Everest), Gatti (Philips), Inbal (Brilliant), Nézet-Séguin (Bis), Norrington (Hänssler), Rojdestvenski (Melodiya, BBC Music), Stokowski (BBC Music, Decca), Temirkanov (Royal Philharmonic) et Klemperer (Warner). Jansons, à trois reprises, passe lui aussi à côté de l’œuvre (RCO, Warner, BR Klassik). Nous hésitons à retenir Gergiev, plus libre face au Symphonique de Londres (LSO) que devant le Philharmonique de Vienne (Philips). Nous opterons cependant pour deux performances sur instruments anciens. La première, de Gardiner et l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique (Philips, 1991). Elle fit grand bruit à sa sortie. La seconde, bien que boudée dans ces colonnes, a le mérite d’apporter une approche à la fois radicale et complémentaire du
Les huit versions
S
i Immerseel intéresse SF et PV, il est rejeté par BD qui n’aime pas les sonorités de l’orchestre, tout en remarquant une belle prise de son. Selon lui, l’œuvre est asséchée et reste confinée à « une musique de kiosque, assurée par un orchestre de qualité moyenne ». En revanche, la finesse des timbres
et « une certaine ambiance d’oratorio » séduisent SF. La valse possède une « belle pulsation et beaucoup de saveur » (PV). Dans Un bal, SF apprécie « l’esprit des salons parisiens de 1830, les couleurs pétillantes, la chorégraphie réaliste ». L’interprétation montre toutefois ses limites dans le finale: « Quel dommage que tout cela
L’ŒUVRE EN BREF
GENÈSE ET CRÉATION
En septembre 1827, Berlioz assiste à deux pièces de Shakespeare. L’actrice principale de la troupe anglaise s’appelle Harriet Smithson dont le musicien tombe amoureux. La Symphonie fantastique opus 14 ne se résume pas à la seule expression en musique de cette passion. Sur le plan musical, le compositeur est marqué par les œuvres de Weber et de Beethoven. La symphonie est créée le 5 décembre 1830. Berlioz se présente comme le héros d’un bal délirant, d’une marche à l’échafaud, sauvé jusqu’au Songe d’une nuit du sabbat, puis délirant sous l’effet de l’opium. La symphonie « moderne » vient de connaître une évolution considérable, au point que la Fantastique marquera toute la production pour orchestre ultérieure, de Wagner à Chostakovitch.
MOUVEMENTS ET DURÉE
1. Rêveries. Passions. 2. Un bal. 3. Scène aux champs. 4. Marche au supplice. 5. Songe d’une nuit du sabbat. Durée totale: environ 52 minutes.
LES CONTRAINTES DE L’INTERPRÉTATION
Symphonie ou suite d’états psychologiques mis en musique? Pour les interprètes, il s’agit de restituer la stupéfiante variété de rythmes et de timbres orchestraux souvent inédits, mais aussi d’unifier l’œuvre grâce à « l’idée fixe » qui traverse tous les mouvements. Le caractère des instruments est individualisé, jaillissant du cadre classique. Dans cette œuvre fondatrice du romantisme orchestral, l’imagination des interprètes est sollicitée jusque dans l’expression de la folie et, pourquoi pas, de la laideur.
chef anglais. Jos van Immerseel et Anima Eterna (Alpha, 2008) feront-ils mentir notre premier jugement? Demeure l’un des plus grands promoteurs de Berlioz : Colin Davis. Deux de ses quatre prestations officielles très différentes s’imposent : la première avec le Symphonique de Londres (Philips, 1963) et la seconde aux côtés du Concertgebouw (1974). Quelle sera la meilleure ? u
Retrouvez « La Tribune des critiques de disques » tous les dimanches, de 16h à 18h, sur France Musique. Voir page 20.
tombe à plat ! » (PV). Si, pour BD, « tout est laborieux, appliqué et statique », SF admire des pupitres engagés. Une version âprement débattue lors de l’écoute. Avec Immerseel, il n’y a jamais de demi-mesure ! La septième position de la Colin Davis avec le Symphonique de Londres est une surprise, car lll www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 73
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WALTER STRATE STUDIO
L’ÉCOUTE EN AVEUGLE
« Subjectivité à fleur de peau », « sens du drame romantique »… Paul Paray exalte l’image d’Épinal du compositeur « fou ».
cette version est considérée comme l’une des références historiques de l’œuvre. Si nous affectionnons la souplesse de la direction, la virtuosité du LSO, nous regrettons aussi, au fil de l’écoute, l’absence de climats. Des baisses de tensions apparaissent dans Un bal. La Marche au supplice est efficace, « puissante, grandiose, mais sans beaucoup de caractère et d’enjeu » (SF). Pour BD, « la narration disparaît et on reste à la surface. Voilà une interprétation organique et qui prend certainement toute sa valeur dans une écoute continue ». Si le finale est de la même eau, solide, il semble comme figé dans un carcan. Bref, voilà une lecture spectaculaire, mais assez prévisible. Un peu décevante, pour tout dire.
Comme à l’époque Retour aux instruments anciens avec Gardiner. Captée dans la salle de l’Ancien Conservatoire de Paris, lieu de sa création, la gravure fit grand bruit à sa parution en 1991. Malgré le souci d’authenticité, l’acoustique ultrasèche est un sérieux handicap à l’écoute. Plus intéressé que séduit, BD souligne « la mise en valeur 74 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
des instruments, le peu de vibrato, une exacerbation des contrastes, jusqu’à la fébrilité ». « Les jeux de timbres clairs, habités, très articulés, accentuent le caractère imprévisible de la lecture, alors que la ligne directrice demeure intangible », admire PV. Les climats sont justes, mais l’orchestre est un peu raide. Les atouts de cette lecture se transforment alors en inconvénients. Si la direction est pleine de panache, les atmosphères de La Fantastique se brisent sur le mur de l’acoustique : pourquoi ne pas avoir ajouté une réverbération artificielle ? La sensation de claustrophobie des deux derniers mouvements pose problème. Une volonté expérimentale qui révèle ses limites. Du mystère des premières mesures à l’exaltation du finale, Bernstein, à New York, nous immerge
LA LECTURE DE PARAY EST LA PLUS NARRATIVE, LA PLUS ENGAGÉE
dans la grande symphonie romantique. Pour SF et BD, le « climat est éperdu, lyrique et nostalgique ». Cette élégance n’apparaît guère à PV qui souligne au contraire « l’expression larmoyante de Rêveries, alors qu’il ne s’est encore rien produit ». Tant de sentiments surjoués l’agacent à nouveau dans Un bal, qu’il juge à la fois prosaïque et inutilement démonstratif. La Marche au supplice est impressionnante de puissance. BD et SF regrettent que les détails de la partition ne soient pas assez creusés. Bernstein ne cherche pas à faire « beau », mais à traduire des sentiments de terreur, portés par des timbales géniales. Le finale emporte l’adhésion. Les froissements harmoniques, les trouvailles sonores deviennent expressionnistes, jusqu’à l’exaltation de la laideur. Ce chef « doit être un grand mahlérien », affirme l’un d’entre nous… Une version à part, qui se bonifie de mouvement en mouvement. Charles Munch avec Boston, en 1954, stupéfie. Non seulement grâce à la prise de son, mais surtout par l’interprétation, aux antipodes des a priori sur le chef français. Première sensation :
LE BILAN
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une lecture analytique. Rêveries déroute PV en raison « des forces comme éparpillées, puis spontanément ordonnées ». BD est à son tour interloqué par l’urgence toute « mendelssohnienne, sans véritable direction, comme si nous assistions à l’ouverture d’un lever de rideau ». Un bal offre un contraste saisissant. C’est un « bal aristocratique, raide et sans image » pour BD, « sans griserie », ajoute PV. À l’inverse, SF entend « une musique profondément animée, presque filmique ». La Marche au supplice divise à nouveau. « Une certaine raideur, mais du panache, peu d’effroi et de narration, un véritable dressage d’orchestre » commentent PV et BD. Ils sont en désaccord avec SF qui apprécie « une énergie pure et décantée ». Le finale époustoufle par sa puissance, sa folie. L’instinct prévaut, la panique s’installe, mais organisée de main de maître ! Munch restitue le tempérament impulsif et la géniale modernité de l’écriture. Une grande référence.
Beauté des sons À l’opposé de Munch, Boulez se joue du luxe des timbres de Cleveland : un raffinement des couleurs, mais une émotion sous contrôle dans Rêveries. Pour BD, « il calcule chaque paramètre, au risque de paraître moins virtuose que d’autres », alors que PV « estime qu’il se laisse griser par la masse sonore. Cela est plus évident encore dans Un Bal, corseté par le multimicro ». Assurément, la spontanéité n’est pas le point fort de ce chef qui choisit d’éluder la danse. Peu de noirceur et guère de folie dans la Marche au supplice. Mais une fabuleuse démonstration d’orchestre. Même dans le finale, Boulez passionne davantage par la beauté des sons et l’intelligence de la mise en place. Avouons notre admiration, à défaut d’avoir été captivés. Une lecture caractéristique du Boulez « dernière manière ».
Avec Davis et le Concertgebouw d’Amsterdam, la virtuosité et « la beauté du son d’un orchestre au galbe chaleureux, romantique, sans être échevelé » ravissent BD. Pour PV, « on se laisse emporter par une ambiance presque éthérée dans Rêveries ». L’élégance de la matière sonore, si ronde, sensuelle et sans pathos, se révèle d’un charme fou dans Un bal. Il y a ici davantage de tenue, de virtuosité, d’idées et de sentiment de liberté que dans n’importe quelle autre version. La réserve de puissance paraît illimitée, et pourtant rien n’est forcé. C’est un spectacle pur, « formidable, aussi imaginatif qu’analytique », précise BD. Le Songe d’une nuit du sabbat lâche sa puissance par paliers successifs et nous sommes emportés par la vague sonore. Davis offre la lecture la plus complète de l’écoute, associant beauté et folie, grandeur et clarté. À thésauriser.
Puissant La lecture de Paray avec Detroit fascine tout autant. Elle est de loin la plus narrative, la plus engagée. « Sa subjectivité à fleur de peau » (PV), « le sens du drame romantique » (BD), tout exalte l’image d’Épinal du compositeur « fou ». Un bal est une véritable fête, géniale de vie et de tensions, multipliant les détails illustratifs: « Faire preuve d’une telle puissance, tout en ayant le geste léger, est un véritable tour de force », s’enthousiasme BD. « La course à l’abîme ne sombre jamais dans la caricature », remarque PV. Dans La Marche au supplice, les pupitres deviennent des personnages d’une justesse inouïe. L’extraordinaire prise de son (de 1959 !) exacerbe tout ce que la musique contient d’effets inquiétants et grimaçants. Dans le finale orgiaque, il n’y a aucune limite à l’imagination des interprètes. Paray et Davis comblent décidément toutes nos attentes. u
1
PAUL PARAY MERCURY 1959
Le romantisme de Berlioz à l’état pur. Il n’y aucune limite dans l’imagination des interprètes. Un diamant de la discographie.
2
COLIN DAVIS PHILIPS 1974
La somptuosité et la virtuosité d’un orchestre porté par l’élégance du maestro. Du spectacle pur. Une référence.
3
PIERRE BOULEZ
DEUTSCHE GRAMMOPHON 1996
La modernité de l’écriture magnifiée par la beauté plastique raffinée de l’Orchestre de Cleveland.
4
CHARLES MUNCH RCA 1954
La compréhension viscérale et instinctive de Berlioz par le grand chef français. Irremplaçable.
5
LEONARD BERNSTEIN SONY CLASSICAL 1963
Le charme et la noblesse de Bernstein avec les sonorités typées du Philharmonique de New York.
6
JOHN ELIOT GARDINER PHILIPS 1991
Une reconstitution historique intéressante, avec tous les aléas de l’acoustique de la salle de la création.
7
COLIN DAVIS PHILIPS 1963
L’abattage du LSO dans une lecture plus traditionnelle que vraiment inspirée. Certes spectaculaire, mais prévisible.
8
JOS VAN IMMERSEEL Alpha Classics 2008
Une volonté expérimentale très personnelle, qui a montré les limites de l’exercice. Cette version a divisé les auditeurs.
Stéphane Friédérich www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 75
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LES CHOCS DU MOIS
Einstein on the Beach
UNE FÉERIE HYPNOTIQUE
Cinq heures de musique, de danse et de gestes épurés, mécaniques et répétitifs dans une atmosphère onirique… Telle est l’équation de cet opéra phare du minimalisme dont l’originalité formelle et l’inventivité visuelle ont marqué l’écriture moderne du XXe siècle. Sa sortie en DVD offre l’occasion de plonger dans cette œuvre iconoclaste devenue culte.
76 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
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A
ttention, document historique ! Si vous n’avez rien compris à Einstein on the Beach à l’écoute des enregistrements publiés jadis chez Sony ou Nonesuch, séance de rattrapage en images avec ce DVD Opus Arte. Le spectacle mythique de Philip Glass, Robert Wilson et Lucinda Childs a été filmé en janvier 2014 au Théâtre du Châtelet de Paris, dans des conditions optimales, à la fin d’une tournée triomphale à travers le monde. Trente-huit ans après la création de l’œuvre au Festival d’Avignon, on redécouvrait cet ovni de la scène lyrique, évocation abstraite de la figure d’Albert Einstein en différentes scènes chorégraphiées et répétitives, à l’instar de la musique de Philip Glass qui concluait avec Einstein on the Beach sa période « minimaliste ». Selon ses auteurs, l’opéra avait pour thème « la science, la technologie et l’écologie ». Vraiment ? Il semble plutôt présenter un théâtre sans histoire ni intrigue, volontairement artificiel et mécanique, où la fonction narrative s’est complètement déplacée d’une histoire que l’on raconte à une
Philip Glass
(né en 1937)
Einstein on the Beach
Solistes, The Lucinda Childs Dance Company, The Philip Glass Ensemble, dir. Michael Riesman, mise en scène Robert Wilson DVD Opus Arte OA1178D. 2014. 4 h 34
Son §§§ Images §§§
d’autres, explique-t-il dans le livret d’accompagnement du DVD. Dans tous les portraits de lui, il a les mains dans la même position : le petit espace entre le pouce et l’index est toujours le même. J’ai commencé l’opéra avec ce geste et j’ai continué. Je pensais à cet espace. » Au gré des scènes ou des humeurs, on jugera le résultat fascinant ou soporifique ; d’une beauté diaphane ou proche du vide. Reste qu’Einstein on the Beach a su inventer une forme inédite de rituel,
THEATRE DU CHÂTELET / MARIE-NOELLE ROBERT
C’EST LA FAÇON DONT LE PUBLIC PERÇOIT L’ŒUVRE QUI LUI DONNE SON CONTENU. IL N’EXISTE PAS DANS L’ŒUVRE ELLE-MÊME histoire que l’on vit. Autrement dit, c’est la façon dont le spectateur perçoit l’œuvre qui lui donne son contenu : ce dernier n’existe pas dans l’œuvre elle-même. D’après Bob Wilson, l’idée d’Einstein on the Beach lui est venue de la célèbre photographie du scientifique dans son bureau de Princeton. « J’ai regardé cette photo et beaucoup
revenant aux sources mêmes de l’opéra et donnant au genre, que l’on jugeait alors moribond, un nouvel élan. L’œuvre a été créée en 1976, l’année de la mort de Britten. Par la suite, Glass ne sera jamais en mal de nouveaux sujets, mais ne renouvellera jamais la réussite de cette première tentative. u Bertrand Dermoncourt
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LES CHOCS DU MOIS
CD CHOC / PLAGE 3
MARIAGE HEUREUX
La sonorité dense du violoncelle de Victor Julien-Laferrière s’unit au piano intense et dynamique d’Adam Laloum dans un savant équilibre sonore.
T
ous deux solistes de haut vol, le violoncelliste Victor JulienLaferrière (Premier Prix en 2012 du Concours international du Printemps de Prague) et le pianiste Adam Laloum (vainqueur du prestigieux Concours Clara Haskil en 2009) partagent aussi une même passion pour la musique de chambre ; ils ont d’ailleurs constitué le remarquable Trio Les Esprits avec la violoniste Mi-sa Yang. Leur communion de pensée et leur complicité font florès dans cet enregistrement de trois sonates pour violoncelle et piano dans
lesquelles se confrontent l’art de la construction (pour Brahms et Franck) et la fantaisie pure (pour Debussy). Très engagés dans la Sonate n°1 de Brahms (1865), ils offrent une interprétation romantique à la dimension expressive et d’une sensibilité à fleur de peau (Allegro non troppo initial). La sonorité dense, ductile et la richesse des phrasés du violoncelle se marient avec bonheur à l’énergie dispensée par le piano, intense et dynamique, en dépit d’une tendance à dominer dans les passages fougueux et puissants. On peut préférer la version
originale pour violon et piano de la Sonate en la majeur de Franck (1886) transcrite ici pour violoncelle, mais l’archet frémissant de Julien-Laferrière, l’élan du jeu de Laloum (l’introduction du deuxième mouvement Allegro), le lyrisme (Recitativo-Fantasia), la générosité de ton et la passion (Allegro poco mosso) emportent in fine l’adhésion. Le caractère fantasque de la sonate de Debussy (1915) est rendu avec fluidité, souplesse, éloquence, grâce à un subtil équilibre sonore savamment entretenu. On peut certes continuer à écouter Dupré-Barenboim
Sonates pour violoncelle et piano Œuvres de Brahms, Franck et Debussy
Victor Julien-Laferrière (violoncelle), Adam Laloum (piano) Mirare MIR310. 2016. 1 h 06
Nouveauté
(EMI), Starker-Katchen (Decca) dans la sonate de Brahms, Dupré-Barenboim (EMI) à nouveau ou Maisky-Argerich (EMI) dans Franck ou bien Rostropovitch-Britten (Decca), voire Gendron-Françaix (Philips) dans Debussy, mais ces jeunes instrumentistes pleins de talent, d’imagination et d’une technique parfaite approchent indéniablement de telles références. u Michel Le Naour
CD CHOC / PLAGE 2
LA MESURE DU TEMPS QUI RESTE Jean-Claude Vanden Eynden présente les ultimes partitions de Schubert entre force et élégance.
D
isciple d’Eduardo del Pueyo, Jean-Claude Vanden Eynden fut à seize ans, en 1964, l’un des plus jeunes lauréats du Concours Reine Elisabeth. Il enseigne aujourd’hui au Conservatoire royal de Bruxelles et à la Chapelle Reine Elisabeth. Cette personnalité peu médiatisée en France mérite d’être (re)découverte. Les pièces ultimes de Schubert réunies sont en effet interprétées avec une force peu commune. Le premier des Impromptus, tout d’abord, se construit dans une atmosphère qui juxtapose une
puissance incantatoire à un calme serein. Ambivalence des expressions, dualité entre virilité et féminité… Ce Schubert d’airain, mené avec certitude et une technique impeccable, impressionne. Le toucher se fait aussi chantant dans l’Impromptu n°2, fluide et sans absence. D’un impromptu à l’autre, les partitions offrent des pâtes sonores totalement individualisées. Nul excès dans ces lectures qui n’ont rien de spontané ou d’austère: elles semblent mesurer le temps (celui qui reste) avec élégance comme dans l’opus en la bémol
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majeur, porté par d’infimes respirations. C’est finalement cette rigueur et l’absence de maniérisme qui donnent l’illusion de la simplicité. L’amertume des premières mesures de la Sonate en si bémol majeur place l’auditeur dans un espace d’une magnifique hauteur de vue. Pas de dramatisme inutile, mais un resserrement progressif des tensions. La ligne de chant n’est jamais en rupture dans l’Andante sostenuto qui annonce, ici, les dernières pages de Schubert. Ce testament musical s’ouvre progressivement à la lumière. Jean-Claude Vanden Eynden s’est approprié cet univers sans en trahir l’émotion originelle. Après cet
Franz Schubert (1797-1828)
Impromptus opus 90 D.899. Sonate D.960
Jean-Claude Vanden Eynden (piano)
Le Palais des Dégustateurs PDD009. 2015. 1 h 16
Nouveauté
excellent Schubert, espérons entendre le même interprète dans d’autres répertoires classiques ou romantiques. u Stéphane Friédérich
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CD CHOC / PLAGE 4
LE SACRE DES SŒURS LABÈQUE Le duo célèbre avec jouissance la Russie païenne de Stravinsky dans une version pour deux pianos. Saisissant et personnel.
L
e catalogue discographique comprend à ce jour nombre de versions pour quatre mains et deux pianos du Sacre du printemps. À deux claviers, l’ouverture apparaît une nécessité, comme le précisent les interprètes dans le livret. Une nécessité musicale, mais aussi un confort acoustique plus qu’appréciable, car la stéréophonie offerte par l’emploi des deux pianos recrée la sensation des pupitres de l’orchestre. La maîtrise analytique de la partition, des équilibres rythmiques est, certes, un préalable. Mais il est loin d’être
satisfaisant, ainsi que le démontre cette lecture aussi impressionnante que personnalisée. Il faut avoir une conception de l’œuvre, des « scènes chorégraphiques de la Russie païenne », en traduire les forces physiques, la fraîcheur et le lyrisme. Ces pianos expriment tout cela, et plus encore: une jouissance de la matière sonore que l’on n’avait pas entendue depuis la version du duo Bernard Job et John Patrick Millow (Vogue). L’immense énergie soulevée par les deux pianos est le fruit d’une vision qui, paradoxalement, met en valeur la beauté des instruments. L’impératif
rythmique assuré – et de quelle manière, avec un approfondissement inouï des respirations intérieures –, on entre dans l’émotion d’un drame symphonique. Mystères et ténèbres, soleils éclatants sont portés par la souplesse et l’élégance des gestes. On prend ainsi le temps d’être surpris par des jeux de timbres inattendus qui donnent vie à une partition antérieure à l’orchestration et dont les éléments mélodiques composent avec des paroxysmes de brutalité. Saisissante prestation et référence moderne, assurément.
« Invocations »
Stravinsky : Le Sacre du printemps (version originale pour deux pianos). Debussy : Six Épigraphes antiques (version pour deux pianos) Katia et Marielle Labèque (pianos)
Deutsche Grammophon 481 4713. 2016. 49’
Nouveauté
Répartis à deux claviers, les Six Épigraphes antiques de Debussy furent composés pour quatre mains. Là encore, l’élargissement du spectre sonore à deux pianos affine considérablement la perception de l’œuvre. Silences, éclats et résonances prennent alors une dimension inédite. Magnifique. u
DAVID FRAY - CHOPIN NOCTURNES, MAZURKAS, POLONAISE, VALSE “CHOPIN EST UNE ÎLE, COMME UN MONDE CLOS. C’EST SI FLUIDE, ÉVANESCENT, COMME SI VOUS ÉCRIVIEZ DANS LE SABLE VOUS SAVEZ QUE TOUT SERA EMPORTÉ, MAIS LE SOUVENIR RESTERA…” DAVID FRAY
EN CONCERT
LE 24/03 LYON / SALLE RAMEAU LE 18/04 PARIS / THÉÂTRE DES CHAMPS-ELYSÉES Infos tournée et réservations : magasins Fnac, mobile et fnac.com
Mazurka Op. 9/2 Nocturne Op. 48/1 Nocturne Op. 55/2 Mazurka Op. 63/3 Nocturne Op. 62/2 Mazurka Op. 17/2 Polonaise-Fantaisie Op. 61 Nocturne Op. 55/1 Nocturne Op. 48/2 Impromptu n°3 Op. 51 Nocturne Op. 32/2 Valse Op. 69/1 Mazurka Op. 63/2 *Réservé aux adhérents Fnac pour les achats en magasin sur présentation de la carte adhérent et pour tous sur fnac.com. Eligibilité des produits non garantie. A vérifier sur la fiche article du produit sur www.fnac.com. Voir conditions du service sur www.fnacjukebox.com.
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S. F.
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LES CHOCS DU MOIS
® Le choix de Francis Drésel CD CHOC / PLAGE 1
L’ÉQUILIBRE DES FORCES
Dans un dialogue permanent avec l’orchestre, le jeune Seong-Jin Cho livre une lecture riche en couleurs du Concerto n°1 de Chopin.
A
près un brillant premier récital déjà consacré à Chopin (Classica n°179), Seong-Jin Cho poursuit sous parcours sous la lumière. Le jeune pianiste coréen, Premier Prix du Concours Chopin de Varsovie en 2015, propose un concerto pour piano riche et coloré, accompagné par une formation résolument tournée vers le bel canto. En effet, Noseda dirige avec un sens de la narration inventif
et puissamment lyrique, s’inscrivant dans un climat aux teintes mozartiennes. S’engage alors un dialogue musical où les deux forces se complètent, le premier osant l’intonation légère, là où le second couvre ses arrières par un son robuste. Cette relation n’est pas sans rappeler la musique de Richard Strauss, la voix devant se laisser porter par l’énergie orchestrale pour mieux exister. Aussi l’interprétation semble-t-elle se construire
davantage sur l’impression que sur le sentiment, se différenciant de la couleur appuyée d’un Zimerman (Deutsche Grammophon) ou de la férocité sous-jacente d’Argerich (idem). En témoigne le troisième mouvement dans lequel l’orchestre privilégie la densité de la matière, et non l’aération de la texture. Cela dit, on admire le soin avec lequel le soliste articule son phrasé et le goût avec lequel il dose ses couleurs. Seong-Jin Cho
Frédéric Chopin (1810-1849)
Concerto pour piano et orchestre n° 1. Les quatre Ballades
Seong-Jin Cho (piano), Orchestre symphonique de Londres, dir. Gianandrea Noseda
Deutsche Grammophon 479 5941. 2015. 1 h 18
Nouveauté
appréhende les quatre célèbres ballades l’esprit serein et les doigts sûrs, toujours loin des effets de manche et des facilités sentimentales, dans une quête permanente de pureté sonore. À vingt-deux ans seulement, ce jeune pianiste fait montre d’une impressionnante maturité. u Clément Serrano
LE CHANT DE L’INSPIRATION
Sobre mais généreuse, Isabelle Druet s’affirme dans ce programme poétique porté par un orchestre polychrome ou un piano subtil.
S
ur des poèmes de très grands (Dehmel, Rilke, Bierbaum), Alma Mahler composa des lieder qui valent d’être découverts : alliage de ténèbres post romantiques et de chromatisme pré-schoenbergien. Ils sont ici magnifiquement orchestrés par les compositeurs Colin et David Matthews. L’interprétation polychrome de l’Orchestre Victor-Hugo Franche-Comté retient l’attention et, par-dessus tout, la présence à la fois chaleureuse et retenue d’Isabelle Druet. Le style musical d’Alma Mahler, tout en points de suspension et en inquiétante étrangeté, gagne à cette prestation sobre
mais généreuse. Couplage bienvenu avec le monde de Zemlinsky pour des lieder avec piano tout aussi sombres sur des poèmes de Maeterlinck, surtout en compagnie de l’excellente Anne Le Bozec. Les lieder d’Alexander von Zemlinsky choisis ici dessinent un paysage assez énigmatique, remarquablement porté par un piano subtil et une mise en valeur de la ligne vocale tout en nuances. Ces mêmes lieder sont ensuite interprétés dans la passionnante orchestration réalisée par le compositeur autrichien Gösta Neuwirth. L’occasion d’apprécier à sa juste mesure le travail d’Isabelle Druet dans
80 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
la confrontation de ces deux versions, d’autant que Zemlinsky, qui était un immense orchestrateur, n’a pas eu l’opportunité ni même l’idée de les arranger. Les effets instrumentaux d’essence mahlérienne imaginés par Neuwirth conviennent magnifiquement au monde de Zemlinsky. Même si, dans sa carrière de compositeur et de chef d’orchestre, Marius Constant s’est bien souvent illustré dans des réalisations comparables, sa réduction de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy en une symphonie de vingt minutes semble un peu plus étrange, mais elle est très bien servie par l’Orchestre
« Muses »
Œuvres d’Alma Mahler, Debussy et Zemlinsky
Isabelle Druet (mezzo-soprano), Anne Le Bozec (piano), Orchestre Victor-Hugo Franche-Comté, dir. Jean-François Verdier Klarthe KO26. 2015. 1 h 10
Nouveauté 1re
Victor-Hugo Franche-Comté, que dirige magistralement l’irréprochable Jean-François Verdier. u Hélène Pierrakos
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BEAUTÉS SONORES SAUVAGES
Le chef hollandais Lawrence Renes et son orchestre apprivoisent ces pages symphoniques tirées d’opéras, jouant d’une immense palette sonore.
N
é à Monaco et mort à Berlin en 1934, le compositeur juif autrichien disparut des programmes de concert après-guerre. Pourtant, Schoenberg le considérait comme l’un des plus grands musiciens de son temps. Il connut une véritable renaissance au début des années 1980. Ses opéras, Die Gezeichneten, Der ferne Klang, entre autres, furent présentés à la scène et enregistrés. Par là même, on découvrit la stupéfiante richesse de ses partitions orchestrales. Le livret du disque cite fort à propos Theodor Adorno, l’un des gardiens de l’avant-garde post-1945. Celui-ci reprochait
à la musique de Schreker ce « quelque chose de sauvage qui a pris le contrôle des notes… Schreker, un troubadour dans un monde sans troubadours, ne se joint pas à cette entreprise de renonciation aux instincts ». C’est précisément cette perte relative de contrôle, ce refus de rompre avec la sensualité et, pour tout dire, l’expressivité (sciemment rabaissées au niveau de « l’instinct ») qui rendent ce répertoire si passionnant. En effet, il y a dans les cinq vastes pages réunies dans cet album la révélation de songes gigantesques et de beautés sonores inouïes. Nous voici plongés dans les décors, les atmosphères et les personnages
des drames du compositeur. Lawrence Renes nous conduit dans les territoires hors de la raison, exaltant l’expressivité des timbres, les vibrations d’un orchestre gigantesque, capable d’organiser, en quelques mesures, l’immobilisme puis le chaos. Sans céder à l’exhibitionnisme ou aux accents d’un orientalisme de pacotille (Prélude à un grand opéra), les interprètes jouent d’une immense palette sonore. Celle-là s’étend de Wagner à Reger, de Strauss à Korngold. Les pupitres jettent toutes leurs forces dans ces pièces qui regorgent d’idées, d’effets orchestraux sidérants d’efficacité. À (ré)écouter de S. F. toute urgence. u
Franz Schreker (1878-1934)
Pages symphoniques du Chasseur de trésor (Der Schatzgräber), des Stigmatisés (Die Gezeichneten), du Carillon (Das Spielwerk) et du Son lointain (Der ferne Klang). Prélude à un grand opéra Orchestre royal de Suède, dir. Lawrence Renes Bis-2212. 2015. 1 h 08
Nouveauté
UN HYMNE FLAMBOYANT À LA TERRE
À la tête de la formation bavaroise, Mariss Jansons propose une version plus organique et minérale du poème symphonique que celle d’Amsterdam.
I
l y a dix ans, RCO Live proposait un enregistrement public de la Symphonie alpestre par Jansons à la tête du Concertgebouw d’Amsterdam. La comparaison avec la présente version s’impose. Premier constat : les tempi sont quasi identiques, et pourtant que de différences! Passer d’une lecture à l’autre offre de saisissants contrastes provoqués par la personnalité des pupitres, aux timbres et couleurs diamétralement opposés. Prenons une image : avec le Concertgebouw, l’auditeur assiste à un immense spectacle suggestif, impressionniste souvent, postromantique à coup sûr, et abstrait parfois. Quelque part entre les Symphonies n°6
et n°7 de Mahler et Daphnis et Chloé de Ravel. Il y a tant de détails d’une beauté indicible, d’ivresse dans la pâte sonore que, paradoxalement, le lyrisme en paraît fabriqué à force d’être maîtrisé et fondu dans un moule par un niveau technique sidérant, inconnu depuis Karajan (Deutsche Grammophon, 1980). Dans l’interprétation bavaroise, l’auditeur n’est plus seulement spectateur, mais aussi acteur! Le voici au pied des pentes, au contact de l’immensité minérale, mesurant avec inquiétude l’effort démesuré à accomplir. Le grain, la dureté des cordes lorsque c’est nécessaire, le caractère organique et vivant de la masse minérale du son,
l’éclat aveuglant des cuivres sont proprement fascinants. Ce Strauss, qui puise encore son énergie originelle dans le rougeoiement de L’Or du Rhin, atteint des paroxysmes d’émotions lorsque l’étagement des plans sonores offre une profondeur inouïe dans la gamme des expressions. Il faut donc – et c’est affaire de goût de chacun – choisir entre deux réalisations portées par un chef de génie. À moins, finalement, d’y renoncer, ce qui demeure encore la meilleure des solutions. Mort et Transfiguration évoque l’agonie d’un malade, depuis sa respiration haletante jusqu’à la révolte du mourant. Une fois encore, la comparaison
Richard Strauss (1864-1949)
Une symphonie alpestre. Mort et Transfiguration
Orchestre symphonique de la radio de Bavière, dir. Mariss Jansons
BR Klassik 900148. 2014-2016. 1 h 15
Nouveauté
avec le même chef et le Concertgebouw (RCO Live, 2013) rejoint les mêmes conclusions que la partition précédente. Un disque somptueux. u S. T.
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 81
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LES CHOCS DU MOIS
CD CHOC / PLAGE 6
TELEMANN DANS LE VENT
Flûte à bec et chalumeau pour des œuvres concertantes du Cantor de Hambourg interprétées par Il Giardino Armonico.
U
n ensemble italien qui prépare sa visite à un compositeur allemand par un petit détour en France (un prélude pour flûte à bec de Jacques-Martin Hotteterre) : on ne peut imaginer une géographie musicale plus fidèlement calquée sur celle de Telemann (cela dit, Bach et Haendel auraient volontiers participé au voyage). Et, pour confirmer la visée européenne de cette entreprise, Il Giardino Armonico a pris soin de réunir suite, sonate et concertos qui se jouent des frontières. La suite comprend en effet une ouverture, à la française bien sûr, infiltrée par l’esprit du
concerto, et un « Air à l’italien » dans lequel la flûte se prend pour une chanteuse. L’arc-en-ciel des nations croise celui des instruments puisque Telemann pouvait facilement jouer l’homme-orchestre, sans toutefois rivaliser au clavier avec ses deux contemporains sus-cités. La flûte cède ainsi la place au chalumeau, ancêtre de la clarinette, que le compositeur traite aussi superbement en duo que dans un mémorable concerto révélé par Reinhard Goebel et Musica Antiqua Köln (Archiv). Si l’histoire valide un tel programme, l’oreille l’accueille avec un fol enthousiasme.
Dès l’ouverture de la suite où les musiciens ont le bon goût de ne pas confondre reprise et répétition, le geste se montre décidé et alerte, sans pour cela solliciter le texte, ni accentuer les contrastes ; on perçoit même un brin de mélancolie languide. Mais, au gré du soleil de Telemann, les fleurs du Giardino Armonico changent de couleurs et de parfums, de la grâce aérienne des Plaisirs au maintien des menuets. Et la Réjouissance profite d’une virtuosité électrisante sans excès survoltés. Au velouté des chalumeaux répond l’allure pimpante ou grave de la flûte de Giovanni
Georg Philipp Telemann (1681-1767)
Suite pour flûte à bec et cordes TWV 55:A2. Concertos pour flûte à bec TWV 51:C1 et TWV 43:G3. Sonate pour deux chalumeaux et violon TWV 43:F2
Enrico Onofri (violon), Tindaro Capuano (chalumeau), Giovanni Antonini (flûte à bec, chalumeau et dir.), Il Giardino Armonico Alpha 245. 2013. 1 h 14
Nouveauté
Antonini, admirable par la tenue du souffle et la souplesse du phrasé. Ce triomphe de l’Europe musicale inaugure en beauté une année Telemann qu’on espère féconde. u Philippe Venturini
CD CHOC / PLAGE 5
REFLETS POLYPHONIQUES
La Messe de Monteverdi en miroir avec quatre madrigaux composés par ses prédécesseurs.
M
esse-parodie sur le motet In illo tempore de Nicholas Gombert, la Missa fut choisie par Monteverdi pour ouvrir le recueil dont la seconde partie n’est autre que Les Vêpres. Se mêlaient ainsi prima prattica, renouant avec le hiératisme des anciennes polyphonies, et seconda prattica. « Entre les cinq parties de la Messe de Monteverdi […], nous avons interposé quatre madrigaux de compositeurs de la génération précédente », précise Paul Van Nevel. On perçoit ainsi à quel point Monteverdi reprend à
son compte des formules que d’autres ont trouvées avant lui, reléguant ces novateurs au rang de préfigurateurs tant « chaque artiste de génie crée ses précurseurs, car son apport modifie aussi notre façon de concevoir le passé » (Borges). Certes, ces madrigaux impacteront davantage le corpus profane, mais leur mise en miroir s’impose également pour ses vertus « pneumatiques », en aérant un entrelacs polyphonique d’une grande densité (dont la mise en œuvre coûta, paraît-il, grand peine à Monteverdi).
82 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
L’interprétation bénéficie pourtant d’une belle lisibilité dès le Kyrie et ses mélismes brodés autour du cantus firmus, avec un souci constant du texte – celui-là même qui préside à l’exécution des madrigaux. On admire dans le Credo le superbe équilibre entre les pupitres, comme cette pointe de fragilité au moment d’« Et incarnatus ». Pas de couleurs expressionnistes avec Las Huelgas: la lumière semble toujours filtrée par un vitrail; elle illumine sans éblouir. L’hiératisme byzantin de Tudino, le chromatisme digne de Vicentino, la supplique de Marenzio rythment ce parcours spirituel culminant dans un Agnus Dei d’une suffocante
Claudio Monteverdi (1567-1643)
Missa in illo tempore + Madrigaux de Vicentino, Tudino, Wert et Marenzio
Huelgas Ensemble, dir. Paul Van Nevel
Deutsche Harmonia Mundi 88875143482. 2016. 59’
Nouveauté
beauté. Aux cotés d’Herreweghe (Harmonia Mundi), voilà la nouvelle référence de Jérémie Bigorie l’œuvre. u
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CD CHOC / PLAGE 8
PRODUCTION DE HAUT VOL
L’exceptionnel travail de préparation des récits, l’engagement des interprètes, le panache des pupitres… Adriano se donne en spectacle.
A
driano est une torpille. Avec elle vole en éclats le mythe du naturel de Pergolèse ou l’idée d’une école napolitaine, deux constructions remontant aux malentendus culturels francoitaliens du XVIIIe siècle. Eûton représenté Adriano à Paris, au lieu de La serva padrona, la querelle des Bouffons n’aurait pas eu lieu. Nous devons à Decca et à l’équipe entourant Cencic de nous faire découvrir les grandes pages de Vinci, Hasse et, maintenant, Pergolèse, qui furent autant de jalons dans l’histoire de l’opéra seria. Opéra héroïque, plus que sérieux, où la moindre émotion se donne en spectacle de façon
impudique, éhontée, stylisée. Le naturel, le réalisme? On oublie. Bienvenue dans un théâtre de masques, où chaque héros touche à l’universel et à l’intemporel en faisant oublier par son chant les limites de la finitude humaine. L’intrigue, fondée sur une pastorale à la manière de Racine (Aquilio soupire aux pieds de Sabina, éprise d’Adriano qui convoite Emirena, amante et aimée de Farnaspe), s’entortille en un beau désordre cher au style galant. Elle est impossible à mémoriser en détail, et il n’en reste qu’un feu d’artifice d’émotions en conflit. Cinq ans après le DVD de la production de García, dirigée par Dantone (Opus Arte), cet
enregistrement permet d’approfondir la connaissance d’Adriano, privé cette fois de l’intermezzo Livietta e Tracollo exécuté pendant ses entractes. On fermera les yeux sur les imperfections: certaines variations ne s’inscrivent guère dans les règles de l’art, et la constitution de l’orchestre est étrangère à la tradition italienne du XVIIIe siècle. La partition pose des défis à chaque page, et nous ne pouvons être qu’admiratifs envers les musiciens de les avoir relevés avec autant de panache. Saluons d’emblée un remarquable travail de préparation des récits, souvent le talon d’Achille de ce répertoire. Ils sont aussi
Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736)
Adriano in Siria
Franco Fagioli (Farnaspe), Romina Basso (Emirena), Yuriy Mynenko (Adriano), Dilyara Idrisova (Sabina), Juan Sancho (Osroa), Çigdem Soyarslan (Aquilo), Capella cracoviensis, dir. Jan Tomasz Adamus Decca 3 CD 483 0004. 2015. 2 h 58
Nouveauté
animés que sensibles et émouvants, grâce en particulier au soutien des continuistes. Tout aussi digne d’éloge est l’engagement de chacun des rôles : Minenko aussi à l’aise dans le registre tendre que belliqueux, Idrisova aussi pudique qu’émouvante, Basso aux lamentos douloureux et la vaillance toujours renouvelée de Sancho. u Damien Colas
CD CHOC / PLAGE 7
HOMMAGE À LA SÉRÉNISSIME BAROQUE
Avec son archet, Thibault Noally fait vibrer avec volupté la sonate vénitienne du XVIIIe siècle dans un répertoire parfois confidentiel.
L
a Cité des Doges, à trop déployer son panorama de théâtre sur l’ensemble des arts, nous aurait presque fait oublier le rôle historique qu’elle joua dans la promotion de la sonate. Le présent disque est là pour nous rappeler qu’avant le modèle développé à Rome par Corelli, Venise s’est fait le laboratoire du genre à travers les œuvres de musiciens natifs ou bien de passage ; sans oublier son rôle majeur dans l’édition musicale. On a même déniché deux superbes sonates d’Evaristo Felice
Dall’Abaco et Giuseppe Torelli, enregistrées ici en première mondiale. Le manuscrit de la seconde provient de la collection Pisendel à la Bibliothèque de Dresde. Coutumier des arrangements, le violoniste allemand a-t-il mêlé son encre à celle du compositeur véronais ? Le résultat, quoi qu’il en soit, enchante par son invention mélodique. D’autant que Thibault Noally, dans la plénitude de son art, parvient à un savant mélange entre perfection technique des détails et phrasés enveloppants. On aime le voluptueux
vertige des traits rapides (Vivaldi et Albinoni surtout) et le pathétisme distingué – sans les aspérités aujourd’hui à la mode – dans le « Lamentevole » de l’Invenzione de Bonporti. La sonorité vibrante, comme dotée d’un reflet argenté, magnifie la conduite mélodique des mouvements lents. Il faut enfin saluer Les Accents: la flexibilité dont les musiciens font preuve avec les deux violons solos dans la Chaconne de Caldara ou « La Follia » de Vivaldi s’associe à la précarité harmonique pour conjurer le
«Venezia 1700» Œuvres de Torelli, Bonporti, Dall’Abaco, Vivaldi, Caldara et Albinoni
Thibault Noally (violon), Les Accents Aparté AP128. 2015. 1 h 03
Nouveauté 1re
principe de répétition propre à la basse obstinée. Comme toujours à Venise, il faut de bons guides ; Thibault Noally et ses partenaires sont de J. B. ceux-là ! u
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 83
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&
POUR CONTRE
RE(DÉ)COMPOSITION? Qu’apporte la réécriture de la Symphonie fantastique d’Arthur Lavandier ? Réponses ici même. POUR HHHH
SDP
C
ette « recréation » est le fruit d’une commande émise par le Festival Berlioz. Son directeur, Bruno Messina, a choisi de laisser la place aux jeunes… ce qu’était Hector (ving-sept ans) lorsqu’il composa sa première symphonie: Maxime Pascal (vingt-huit ans) et Arthur Lavandier (vingt-six ans). Ce dernier n’a pas accompli une réduction stricto sensu pour l’effectif de chambre du Balcon, mais a regardé la Symphonie fantastique (1830) à travers la lentille des (presque) deux ans qui nous en sépare. Le résultat est assez jubilatoire: un vrai travail de composition, jouant sur différents paramètres (mélodie, rythme, harmonie…) où délires psychédéliques et décalages (de registres et de temporalités) concourent à créer une nouvelle poétique de l’œuvre, bien que fidèle à l’esprit qui l’anime. Après une introduction au violon solo suivie de distorsions, le premier mouvement reste relativement fidèle à l’original, la réduction donnant lieu à une balance qui penche en faveur des vents. Très réussi, Un bal nous promène dans différentes salles: esprit salon XVIIIe et big band alternent joyeusement. « Nature immense, impénétrable et fière », chante le Faust de La Damnation: c’est le climat, oppressant, de la Scène aux champs où se fait entendre le ronronnement lointain d’un
CONTRE HHHH
N
Hector Berlioz (1803-1869)
Symphonie fantastique, « recréation » d’Arthur Lavandier
Le Balcon, dir. Maxime Pascal Le Balcon Alpha 539. 2016. 51’
Nouveauté 1re
hélicoptère, mais notre imprudent Wanderer semble bien livré à lui-même. Un orphéon amateur se charge de la Marche au supplice avant un finale à la hauteur des espérances sur lequel on préfère laisser planer le mystère. Drapés dans leur indignation, les gardiens du temple crieront au massacre. Séduit par cette première écoute, on se contentera de se demander si cette impression positive ne risque pas de s’émousser à la seconde. u
84 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
J. B.
on, non et non! Mais quelle idée étrange de vouloir revisiter et même « recréer » la Symphonie fantastique… Est-elle si datée ? Si mal orchestrée ? Si bancale qu’il faille ainsi la réécrire ? Plutôt que de chercher à revivre les conditions de la création de l’œuvre, comme a pu le faire un John Eliot Gardiner (voir l’écoute en aveugle de ce numéro pages 72-75), afin d’en rendre la verdeur et la folie d’origine, Maxime Pascal et Arthur Lavandier ont préféré se lancer dans ce projet de recomposition, changeant la lettre pour ne garder que l’esprit. Ils déversent ainsi une certaine modernité, d’accent et de son, dans la vieille partition de Berlioz. Tout cela à petite dose, car on se saurait être révolutionnaire aujourd’hui qu’en prenant des risques limités… Bref, passons.
Au final, c’est un peu comme si une banda de rue voulait à tout prix se fondre avec l’Orchestre de Paris, dans un entre-deux rarement de bon goût. Une manière, sans doute, de choquer gentiment le bourgeois qui, c’est bien connu, sommeille en chaque amateur de musique « classique ». Le résultat fleure bon les années 1970. Rien de neuf dans tout cela. Ces réécritures, éminemment contestables sur le principe, sont bien décevantes à l’écoute. Et déjà datées. Cette « nouvelle » Fantastique n’est donc pas plus éloquente qu’une moustache posée sur le visage de la Joconde. Alors, au risque de passer pour de grincheux gardiens du temple, on dédaignera cette tentative inutile pour retourner à l’écoute (par exemple) de l’enregistrement de Paul Paray: sensations fortes – et originales – garanties. u Pierre Massé
© Thomas Dorn
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EN CONCERT EXCEPTIONNEL AU THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES LE 3 DÉCEMBRE 2017 JEANINE ROZE PRODUCTION
TRIO WANDERER
AntonÍn dvoŘák Piano Trios op.66 & 90 Dumkyssime ! Le Trio Wanderer rend hommage à Dvořák et à ses deux derniers trios, dont le trop rare 3 Trio en fa mineur, intime et sombre. Le célèbre Trio Dumky, auquel les Wanderer doivent leur premier grand succès au disque, ouvre ce nouvel enregistrement. Tour à tour passionné et mélancolique, ce trio est aussi le plus novateur et le plus libre de Dvořák. Bel emblème pour le Trio Wanderer qui vient de passer la trentaine sans jamais cesser de nous surprendre et de nous émerveiller. Bon anniversaire et chapeau bas, Messieurs !
CD HMM 902248
harmoniamundi.com
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LES CD DE A À Z
AZ
de
Johann Sebastian
BACH
(1685-1750)
HHHH
Orgelbüchlein. 24 Chorals Kirnberger Marie-Ange Leurent et Eric Lebrun (orgue)
Monthabor 2 CD 250027-1. 2016. 2 h 36 Nouveauté
Saisir la force d’évocation des chorals de l’Orgelbüchlein, investir pleinement chacun de ces denses moments de méditation musicale, souligner le commentaire sans perdre l’allusion poétique, telle est l’ambition de Eric Lebrun et Marie-Ange Leurent. Il n’est pas question de réduire ces pièces à des exercices pédagogiques (qu’elles sont également) mais de déployer les ressources du fantastiques orgue Grenzig de Saint-Cyprien en Périgord qui fut aussi un des instruments de la si souple et profonde in-
à
terprétation d’André Isoir (Calliope). L’art des deux interprètes consiste à nous plonger d’emblée dans l’univers singulier de chaque pièce. Les deux organistes associent à leurs qualités de lecteurs du texte musical une audace réelle dans la restitution. Ils n’hésitent pas à varier la registration au sein des pièces, à recourir aux anches et mixtures, à surprendre l’auditeur par la mise en valeur d’une voix ou d’un motif caché. Les trouvailles sont puissamment évocatrices, telle cette pédale de 32’ qui prise de langueur décrit la faute d’Adam ou les trompettes qui sonnent l’appel du ciel. C’est une lecture vivante et d’une troublante vérité qui nous est offerte ici, offrant un Bach de chair, de sang et d’esprit. Le deuxième volume de cette intégrale en cours se poursuit avec les vingt-quatre chorals du recueil Kirnberger qui occupent l’essentiel du second disque. Tous n’ont pas tous la puissance évocatrice de l’Orgelbülchlein et certains sont d’ailleurs d’attribution douteuse. Mais la Fantaisie sur « Jesu meine Freude » procède d’un allant joyeux et paisible dans une polyphonie admirable de lisibilité sous les doigts d’Eric Lebrun. On attend la suite avec enthousiasme.
86 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
David Loison
LES DISQUES DU MOIS
HHHH
Les 6 Suites pour violoncelle Alain Meunier (violoncelle) Le Palais des Dégustateurs 2 CD PDD006. 2014. 2 h 19 Nouveauté
Le regard, presque sévère derrière les lunettes, souligné par un mince trait de lèvres, lui donne des allures de professeur. Alain Meunier est en effet un pédagogue recherché et il s'investit encore, comme codirecteur, dans le festival et concours Quatuors à Bordeaux. Mais ses propos sur la musique et ses concerts relèvent plus de l'expérience humaine et spirituelle que de la crainte de la blouse grise. L'artiste rappelle d'ailleurs son credo dans l'entretien qui accompagne ce disque : « La musique c'est l'exaltation ! » Les premières mesures du Prélude de la Suite n° 4, placée en ouverture, le confirme aussitôt. Alain Meunier laisse cette rafale d'arpèges investir l'espace avec la spontanéité d'une improvi-
sation au lieu de régulièrement marquer le premier temps en écrasant la fondamentale. Le métronome est certes un peu bousculé mais la phrase s'épanouit avec la puissance tranquille d'un lever de soleil. On comprend bien vite que ce Bach n'est pas le maître intimidant devant lequel on s'agenouille mais le musicien généreux et l'homme de caractère qu'on a plaisir à rencontrer. Si les sarabandes balisent avec discrétion ce chemlin des suites, les gigues le parcourent d'un pas léger et les courantes n'hésitent pas à gambiller (Suites nos 2 et 3). Comparée à sa première intégrale (Harmonic Records, 1992), la présente se montre plus déliée et plus colorée. Sans doute le changement d'instrument y a-t-il contribué. A un Vatelot moderne succède en effet un Grancino de 1721 monté en cordes en boyau couvertes d'argent et d'aluminium. L’archet devient l’aiguille du sismographe d’une musique en perpétuel mouvement. Et le son a gagné du relief et de la densité. On n’oublie certes pas Fournier (Archiv), Queyras (Harmonia Mundi) et Wispelwey (Channel Classics) mais on retournera bien volontiers vers Alain Meunier, artiste qui, on l’a bien compris, n’a rien d’un donneur de leçon. Philippe Venturini
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Carl Philip Emanuel
BACH (1714-1788)
(1764), il existe quelques versions antérieures très recommandables, mais les présentes les surpassent par leur énergie et leur virtusoité. La sonatine comporte une brillante partie de clavecin, et il en va de même des flûtes et des cors. Le Café Zimmermann s’impose par ses sonorités à la fois pointues et parfaitement intégrées les unes dans les autres, les cors de la Sonatine Wq. 104 constituant à cet égard un modèle. Marc Vignal
HHHH
Der Frühling Wq. 237. Sinfonia Wq.156. Trois airs pour ténor Wq. 211. Sonate en trio Wq. 158. Air « Fürsten sind am Lebensziele » Wq. 214. Cantate « Selma » Wq. 236. Sonatine Wq.104 Rupert Charlesworth (ténor), Café Zimmermann Alpha 257. 2016. 1 h 04 Nouveauté 1re
Ce disque se distingue par la qualité et la variété des oeuvres, servies par une interprétation de haut niveau. Les six titres avec voix, autant premières mondiales, montrent le compositeur sous un aspect peu connu. Les plus anciens sont les brefs Trois airs pour ténor Wq. 211, « composés dans mes jeunes années », sans doute à Francfort-sur-l’Oder et tirés de cantates détruites. Les autres sont plus tardifs, le plus vaste (près de dix minutes) étant la cantate Der Frühling (Le Printemps) Wq. 237, tirée en 1770 d’un simple lied avec accompagnement de clavier de 1760. Reste que c’est dans les trois ouvrages instrumentaux, admirablement servis par le Café Zimmermann, que se manifeste le très grand Bach. Autre première mondiale, la Sinfonia Wq. 156 (1754), qui pourrait aussi bien s’appeler Trio, se termine par un Tempo di Minuetto rendu avec une ardeur rythmique peu commune. De la Sonate en trio Wq. 158 (1754) et de la Sonatine Wq. 104
HHHH
Concertos pour flûte Wq. 22, Wq. 166 et Wq. 169
Emmanuel Pahud (flûte), Kammerakademie Potsdam, Trevor Pinnock (clavecin et dir.) Warner Classics 0825646276790. 2014. 1 h 06 Nouveauté
L’interprétation des concertos pour flûte de Carl Philipp Emanuel Bach relève de la plongée dans un monde en éruption. Tensions et dynamiques s’y affrontent en exigeant des interprètes une virtuosité et une articulation de premier ordre, sans lesquelles nulle limite ne saurait être repoussée. C’est précisément cela ce que demande le compositeur, loin du bon usage musical de la Cour de Frédéric II dans laquelle il officie et pressent les bouleversements musicaux romantiques qui s’annoncent. Les grands solistes ne s’y sont pas trompés et y ont trouvé un terrain de choix pour laisser libre cours à leur talent et déployer une large palette de savoir-faire qui relève aussi bien de la vélocité débridée et de l’articulation la plus pure
que de l’art des coloris et des plans sonores. Leurs versions sont des plus diverses, du jeu classique animé par une pensée visionnaire d’Aurèle Nicolet (Philips, 1977) à la somptueuse version dite historiquement informée d’Alexis Kossenko à la flûte baroque (Alpha, 2005), tout aussi visionnaire et s’affirmant comme l’une des plus marquantes, sans oublier les versions de Patrick Gallois, personnelle et attachante (Naxos 2002), de Jean-Pierre Rampal (Fontana), James Galway (RCA), Raffaele Trevisani (Delos) ou de Konrad Hünteler à la flûte baroque (Erato). Emmanuel Pahud et Trevor Pinock se confrontent à ces pages après avoir laissé chez EMI de mémorables sonates de Johann Sebastian Bach et « Musiques à la cour de Frédéric II » (CHOC de Classica n° 139) dans lesquelles ils mêlent habilement les jeux moderne et baroque. Ils n’hésitent pas à mettre ici, selon leur expression, « les mains dans le cambouis » au profit d’une interprétation incarnée magistrale. Pascal Gresset
Ludwig van
BEETHOVEN (1750-1827)
de Zurich, et en quatre ans. A cette somme, l’éditeur a ajouté un recueil de pièces inédites, inclus dans le coffret ou disponible séparément. Il réunit quelques bis de ses récitals, des « Encores after Beethoven », qui enrichissent le cycle grâce à des pages de Bach, Haydn, Mozart et Schubert. La simplicité est le premier atout de ces interprétations au son direct, délié et dynamique. Le souvenir du pianoforte s’impose avec la puissance du piano moderne. Schiff transpose astucieusement les qualités expérimentales du premier dans le luxe sonore du second. Schiff pense chaque sonate dans sa dimension organique et la restitue dans un pianisme à la fois dense et épuré de toute diaprure. Le résultat est impérial dans les sonates de la période médiane. Les émotions sont contenues au maximum avec des tempi alertes. L’envers de la médaille est une relative uniformisation des couleurs. Ce Beethoven classique, articulé avec énergie (La Chasse) est d’une belle sophistication. De fait, les grands conflits polyphoniques ne jaillissent pas avec leurs tourments (Pathétique, La Tempête). Craindre par dessus tout la moindre surdose de subjectivité, qui serait jugée comme une pollution de l’Urtext, finit par gêner. Les trois dernières sonates, inter-
LES NOTES DE CLASSICA Disque essentiel, coup de cœur
HHHH
Les 32 Sonates pour piano Andras Schiff (piano)
ECM New Series 11 CD 481 2908. 2004-2007. 11 h 48 Nouveauté /Réédition
Andras Schiff a enregistré cette intégrale des sonates en concert, essentiellement à la Tonhalle
HHHH HHHH HHHH HHHH IHHH
: excellent disque : bon disque : disque moyen : disque décevant : disque inutile
: son exceptionnel : bonne prise de son : prise de son moyenne : prise de son gênante Pour les enregistrements mono, les sont remplacés par des .
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 87
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LES CD DE A À Z
prétées avec éloquence, mais dans un son bien peu creusé dans les basses se privent des zones d’ombres et de lumière, propres à l’écriture beethovénienne. Point de philosophie dans ces lectures davantage dédiées au commun des mortels qu’à l’immortalité. Stéphane Friédérich
Sébastien
BÉRANGER (né en 1977)
HHHH « Cracks »
Le Concert impromptu : Yves Charpentier (flûte), Violaine Dufès (hautbois), JeanChristophe Murer (clarinette), Susanne Schmid (cor), Nadav Cohen (basson). Bruno Belthoise (piano) Disques Coriolan COR 330 150. 2016. 56’ Nouveauté 1re
Sébastien Béranger fait partie de cette nouvelle génération de compositeurs qui cherchent de nouveaux territoires pour créer un espace musical raffiné à l’affut de nouvelles formes. Intégrant l’électronique à son écriture, il élabore des atmosphères captivantes où spirales et cascades sculptent la matière sonore pour donner vie à une matière poétique très gracieuse, à l’instar de la première pièce, une longue suite qui étire le temps dans des volutes parfaitement jouées par les musiciens du Concert Impromptu. Les interludes Ainsi Futile pour cor, basson, et clarinette basse développent des formes ouvertes, dont la matière raréfiée explore les dérives sonores du timbre,
édifiant des monologues ondoyants et stridents. Dislocations emploie l’électronique comme véhicule d’un onirisme organique qui s’associe au piano de Bruno Beltoise pour constituer un espace mixte, entre acoustique et électro-acoustique, ouvrant des lignes de fuites fragmentées. Dans chaque pièce un paysage musical en cours de formation s’éploie, donnant l’illusion du temps réel. Ouvert vers l’inattendu, Sébastien Béranger n’oublie jamais aussi l’écologie de l’écoute, par une écriture aérée qui séduit constamment. Se dégage alors de ces saynètes alertes une sureté du geste liée à une félicité réflexive, exprimant une forme de sérénité étonnante, suffisamment rare dans les musiques d’aujourd’hui pour être saluée. La quiétude nocturne de ces canevas épurés engendre autant de plateformes zen qui dessinent un nouveau visage du vide, dans lequel temps et espace flottent vers l’inconnu et libèrent l’esprit des discours autoritaires de la musique. Intégrant les avancées du modernisme le plus tranchant, mais aussi le jazz et les musiques improvisées, cet album monographique de Sébastien Béranger dévoile ainsi une succession d’éclats poétiques qui font de son univers immersif un paysage subtilement addictif. Romaric Gergorin
Hector
BERLIOZ (1803-1869)
HHHH
88 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Roméo et Juliette. Marche troyenne. Chasse royale et orage
Michèle Losier (mezzosoprano), Samuel Boden (ténor), David Soar (basse), Orchestre symphonique de la BBC, dir. Sir Andrew Davis Chandos 2 SACD CHSA 5169 (2). 2015-2016. 1 h 47 Nouveauté
En dépit du luxe avec lequel Chandos soigne sa ligne éditoriale et ses notices historiques, il faut bien reconnaître que le cycle Berlioz entrepris par Andrew Davis et l’Orchestre de la BBC peine à soulever l’enthousiasme. Quid de leur Roméo ? Au concert, on le trouverait aux limites de l’honnête. Au disque, on s’attend à davantage de fini dans l’exécution. Lointaine, la captation, il est vrai, ne facilite pas la tâche : les véritables prodiges d’orchestration que sont la Grande fête chez Capulet et le Scherzo de la Reine Mab baignent dans un magma sonore inextricable. Dans Bruits lointains de concert et de bal, l’on perçoit moins les différents plans que l’on devine leur contour. Il faut dire que la battue nonchalante et sans vigueur d’Andrew Davis n’agit guère comme un stimulus pour l’Orchestre de la BBC qu’on a connu en bien meilleure forme (cf. leur remarquable intégrale des poèmes symphoniques de Liszt avec le très inspiré Gianandrea Noseda chez le même label) : attaques imprécises des vents, cordes indisciplinées participent d’une interprétation bien extérieure (Scène d’amour sans effusion ; un comble !) de ce chef-d’œuvre unique dans la production de Berlioz. Côté voix, seule Michèle Losier, malgré un vibrato à surveiller, tire son épingle du jeu grâce à sa diction incarnée, ce à quoi ne peut prétendre le Père Laurence grossier et fatigué de David Soar. Sans même recourir aux références consacrées (Colin Davis-Philips, Riccardo Muti-EMI, John Eliot Gardi-
ner-Philips), la contribution récente de Robin Ticciati et de l’Orchestre de la Radio Suédoise (Linn) suffirait à attester que le génie du grand Hector inspire toujours les artistes outreManche. Jérémie Bigorie
Johannes
BRAHMS (1833-1897)
HHHH
Concertos pour piano nos 1 et 2 Rudolf Buchbinder (piano), Orchestre philharmonique de Vienne, dir. Zubin Mehta
Sony Classical 2 CD 88985371582. 2015. 1 h 30 Nouveauté
Dès les premières mesures du Concerto n° 1, l’orchestre est à ce point pesant, les traits si accentués, que l’on relit plusieurs fois la pochette pour s’assurer qu’il s’agit bien du Philharmonique de Vienne, capté en concert. Après cette introduction caricaturale, les cordes sombrent dans une langueur avant un sursaut d’héroïsme artificiel (2’30 à 3’15). Rudolf Buchbinder se concentre sur son piano qui, malheureusement, n’est pas bien enregistré (médiums flous etnflottants). Dans ce paysage de désolation, le piano s’englue dans l’atmosphère épaisse de l’Adagio. Il est bien peu émouvant, immobile entre les aigus du soliste et les contrebasses de l’orchestre. Dans le finale, les coups de boutoir du piano n’arrivent pas à s’extraire de l’étouffement de l’orchestre. Le Concerto n° 2 se montre plus
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batailleur : est-ce en raison de l’entrée immédiate du soliste qui dynamise l’ensemble ? Les traits demeurent pourtant forcés, au point que la mise en place laisse à désirer (10’50), le piano essayant de surpasser en puissance un orchestre qui séquence toutes les phrases. A chaque fois, il lui faut revenir à la charge. En 1998 et 1999, le pianiste autrichien enregistrait ces mêmes concertos avec Harnoncourt et le Concertgebouw d’Amsterdam. La direction faisait alors toute la différence, d’une élégance pensive, mais aussi farouche, laissant les pupitres de l’orchestre respirer librement. Enfin, si on se place du point de vue de l’orchestre, deux références s’imposent dans ce répertoire : Pollini avec Böhm et Abbado puis Zimerman avec Bernstein. Stéphane Friédérich
Benjamin
BRITTEN (1913-1976)
HHHH
Les 3 Suites pour violoncelle, Quirine Viersen (violoncelle) Globe GLO 5264. 2013. 1 h 07 Nouveauté
HHHH
Les 3 Suites pour violoncelle, Noémie Boutin (violoncelle) NoMadMusic NMM039. 2016. 1 h 14 Nouveauté
HHHH
Les 3 Suites pour violoncelle, Guillaume Martigné (violoncelle)
Klarthe Records K007. 2014. 1 h 12 Nouveauté
L’engouement des violoncellistes et particulièrement des plus jeunes pour les trois suites pour violoncelle de Britten ne se dément pas. Rappelons brièvement qu'elles furent composées en 1964, 1967 et 1971 pour Mstislav Rostropovitch, qui les créa mais n’enregistra que les deux premières (Decca, 1968). Depuis, Truls Mørk (Virgin, 2000), Pieter Wispelwey (Channel Classics, 2001), Ophélie Gaillard (Aparte, 2003), Daniel Müller-Schott (Orfeo, 2011), Jean Guilen Queyras (Harmonia Mundi, 1998), Alban Gerhadt (Hyperion, 2011) ont inscrit cette trilogie dans leur discographie. J’en oublie d’autres, volontairement ou non. L’excellence de ces interprétation où chacun(e) se transmet les fruits et secrets de sa propre expérience a de quoi, disonsle modestement, désarmer le chroniqueur et comme il n’est pas question de procéder ici à un examen chirurgical de ces vingt-quatre mouvements, reconnaissons, sinon une uniformité du moins l’absence de prise de parti-pris stylistique radical permettant de départager ces trois beaux enregistrements. A peine peut-on dégager une intériorité affirmée chez Qui-
rine Viersen, plutôt en adéquation avec l’approche encore plus intimiste et louvoyante de Guillaume Martigné, s’opposant à l’investissement dramatique plus affirmé de Noémie Boutin, favorisée dans ce sens par une prise de son plus spatialisée et ample, ou encore, pour les connaisseurs, une préférence évidente pour le Guarnerius de 1715 de Viersen face au Rogeri de 1690 de Martigné. Encore faut-il que cette information figure partout. Mon conseil est donc simple, piochez où vous voulez, vous ne serez pas déçu ni surpris. Mais cette connivence appelle aussi une remarque : s’il est légitime qu’un disque soit programmé pour faire connaître un(e) artiste, n’est-il pas du devoir de ce dernier d’apporter une vision nouvelle des œuvres qu’il aborde ? Donc, si je veux les trois suites pour l’île déserte, j’emporte Truls Mørk et tant pis pour Rostro ! Xavier de Gaulle
George
BUTTERWORTH (1885-1916)
HHHH
Fantaisie pour orchestre + Scott : La Mélodiste et les rossignols + Bax : Improvisations
Alekseï Kiseliov (violoncelle), Orchestre national royal d’Ecosse, dir. Martin Yates Dutton CDLX 7326. 2015 . 1 h 01 Nouveauté
Chez Martin Yates, le talent du musicologue est en rapport avec celui du chef d’orchestre :
sa version de la fantaisie laissée inachevée par Butterworth rivalise d’ingéniosité avec celle récemment proposée par Kriss Russman, enregistrée chez Bis. Nettement plus longue que cette dernière, elle fait la part belle au développement car elle se limite strictement au matériau laissé par l’auteur, sur lequel Russman greffait des motifs empruntés à d’autres œuvres. Un généreux lyrisme y alterne avec un pastoralisme proche de Vaughan Williams pour faire surgir les vastes horizons des collines chères au cœur des Anglais. Indéniable plat de résistance de ce programme, le poème de Scott met en scène une illustre « mélodiste », la fameuse violoncelliste Beatrice Harrison. Par les belles nuits d’été des années 1920, son violoncelle dialoguait en direct sur la BBC avec les rossignols de son jardin du Surrey. Scène extatique, évoquée par Scott au fil d’un concerto de forme libre, dont les riches textures deliennes suggèrent un dialogue amoureux au cœur d’une nature opulente et le frémissement et les miroitements du feuillage à la clarté de la lune. Un chant éperdu, d’une ineffable tendresse, monte vers les étoiles, appelant la réponse mélodieuse des rossignols, s’élevant à un climax passionné pour retomber graduellement aux limites du silence. Les variations de Bax sont une page éblouissante, venue sous la plume d’un jeune homme de vingt et un ans déjà pourvu d’une déconcertante aisance technique. Les tournures irlandaises, les envolées d’un lyrisme irrésistible, les inépuisables fastes de l’harmonie et de l’orchestration sont déjà du Bax premier cru et acheminent l’auditeur, le cœur battant, vers une conclusion rayonnante de splendeur. L’engagement des interprètes et leur lyrisme généreux ajoutent encore aux séductions de la musique. Michel Fleury
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 89
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LES CD DE A À Z
John Alden
CARPENTER (1876-1951)
HHHH
Krazy Cat. Concertino pour piano et orchestre. Carmel Concerto. Patterns Michael Chertock (piano), BBC Concert Orchestra, dir. Keith Lockhart Dutton CDLX 7321. 2014. 1 h 12 Nouveauté 1re
Comme Charles Ives, John Alden Carpenter partagea son temps entre une brillante carrière dans les affaires et la composition. Moins audacieux que son compatriote, il sut assimiler des styles très divers en les adaptant aux sujets traités par sa musique. Avant Gershwin, il a fait une large place au jazz, comme en témoignent les deux premiers titres. Le « chat foufou » est le héros d’une bande dessinée éponyme du New York Evening Journal. Pour commenter ses mésaventures, Debussy et la musique cubaine se joignent aux rythmes syncopés et à des timbres jazzy nasillards. Cette sage association est cependant loin d’atteindre l’accomplissement de la future Rhapsody in Blue de George Gershwin. Le Concertino fait lui aussi allégeance au jazz et à Tin Pan Alley, avec davantage de demiteintes impressionnistes et de rythmes hispano-américain, la brillante partie soliste se référant à Rachmaninov. Il est difficile de résister à ce savoureux cocktail, mixé avec savoir-faire par le pianiste Michael Chertock dont le timbre moelleux et les
doigts déliés font merveille. Carmel Concerto est une évocation de la côte californienne à la fois lyrique et suggestive, dans les parages de Copland. Plus austères, les Patterns (Motifs), utilisent une série de douze sons, dont les éléments sont assortis d’un habillage harmonique plus tributaire du romantisme tardif que de Schoenberg. Ces pages habiles mais disparates laissent une impression mitigée. La direction de Keith Lockhart, un peu flasque, arrondit des angles déjà peu marqués, ce qui incite l’auditeur, à l’instar de Krazy Cat à la fin de sa pantomime, à sombrer dans une douce et confortable somnolence… Michel Fleury
Carlo Francesco
CESARINI (1665-1741)
HHHH Cantates
Stéphanie Varnerin (soprano), L’Astrée, dir. Giorgio Tabacco Aparté AP136. 2016. 1 h 10 Nouveauté 1re
Publiées par la Société Editrice de Musicologie (SEdM) en 2014, les six cantates enregistrées ici en première mondiale ont probablement été composées au début du XVIIIe siècle par Carlo Francesco Cesarini, musicien aujourd’hui bien oublié mais qui connut, de son vivant, les faveurs des grandes institutions romaines, telles l’oratorio di San Marcello, l’église dei Fiorentini ou le collège Clementino. Rome où, après un séjour de trois ans à
90 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Bologne, il finit par s’établir en rejoignant la Congrégation de Santa Cecilia et en présidant aux destinées musicales de l’église del Gesù et de l’église Sant’Antonio dei Portoghesi. Cesarini s’est notoirement illustré dans le genre de la cantate (soixante-dix préservées) dont les textes choisis cultivent les fondamentaux : tradition arcadienne, jalousie, non réciprocité du sentiment amoureux cadencent récitatifs et airs. Ces derniers, assez ramassés, semblent tirés d’un opéra vénitien. On goûte l’ingénieux mélange de saveur populaire et de savantes dissonances, à défaut de percevoir une réelle invention dramatique. La musique exige moins une performance technique qu’une connivence de situation et, naturellement, la transmission des affetti. Si elle marque certaines bornes à l’expressivité, la tonalité juvénile de la voix de la jeune soprano Stéphanie Varnerin se distingue par une variété d’accents, une gestion du souffle, une intelligence du texte, une capacité à habiter la ligne et à phraser les ornements. Giorgio Tabacco dirige du clavecin son ensemble à cordes avec un sens du rebond assorti aux situations. Au regard des œuvres contemporaines signées de Vivaldi, Haendel, et Scarlatti, moins une révélation qu’une intéressante découverte. Jérémie Bigorie
Frédéric
CHOPIN (1810-1849)
HHHH
« The Chopin Album » David Fray (piano)
Erato 0190295896478. 2016. 1 h 01 Nouveauté
David Fray ne serait pas David Fray s’il ne prenait pas l’auditeur à contre-pied de son attente. Son dernier disque, la redoutable sol majeur de Schubert, l’a montré comme hypnotiquement lisse et régulier de conduite et de tenue là où on pouvait craindre fluctuation rythmique et sonore. Ce tout neuf ensemble Chopin certes n’est pas de beau ciel nocturne et de salon : mettant au contraire très en évidence la turbulence d’humeur et d’âme, les à-coups, sursauts et spasmes d’une sensibilité (celle de Chopin) tout sauf vouée à modeler de beaux camées. Camée pourrait (et sans doute devrait) être le Nocturne op. 9 n° 2 sur lequel s’ouvre le disque, peut être le plus célèbre, et le plus camée : Fray y laisse entendre d’entrée de jeu (d’entrée de son, pourrait on dire) une sorte d’inquiétude, ou incertitude, ou indécision, en ce qui concerne le poids et le galbe du son, la ligne, et même le rubato. Du flou où s’attend le lisse et le sculpté. Et aussitôt, la turbulence, qui ira jusqu’à se traduire par tel contraste brusqué, tel accord plaqué. De bout en bout, et culminant dans sa Polonaise Fantaisie centrale, le cœur qui bat dans ce Chopin n‘est pas un cœur rêveur, mais dramaturge, déchiré, avec des chutes. Sculpter, galber n’est pas son fort, ni faire dans le joli son : mais laisser affleurer, partout où il peut, le drame latent. L’oiseau bleu montre sa blessure, la note bleue grince. C’est un Chopin non pas noir, ni glauque Dieu merci, mais trouble et surtout troublé ; étonnamment libre et moderne, comme si le pianiste osait, se faisant lui-même Chopin, dire le fond de sa pensée, que la perfection de la forme et la simple beauté du son, chez lui, trop souvent occultent. Ensem-
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ble hardi, un rien dérangeant quant à nos habitudes. Mais se plaindra t on que Chopin, aussi, nous secoue ? Et vivifie ? André Tubeuf
comme si les partis pris ne semblaient pas suffisamment réfléchis. Quant au souffle vital dans le finale, il est presque totalement imperceptible, bien loin de la tempête qu'y fait tonner Ivo Pogorelich (Deutsche Grammophon). Joseph Moog semble encore bien jeune pour enregistrer ce répertoire. Aurélie Moreau
Claude
DEBUSSY HHHH
(1840-1893)
Les 3 Sonates pour piano Joseph Moog (piano) Onyx 4152. 2016. 1 h 17 Nouveauté
Ces trois sonates pour piano de Chopin enregistrées par le jeune Joseph Moog laissent perplexes. Son manque de conviction lasse bien vite. Rien ou presque ne retient en effet l’attention. Les notes sont égrenées, toujours de manière plus ou moins organisées, mais la magie n’opère pas. Où se situe alors le malaise ? Joseph Moog a une technique encore trop fragile pour cette musique qui requiert la plus grande solidité : des doigts d’acier pour mettre en valeur toutes les subtilités harmoniques de ces sonates. Dans la Sonate n° 2, la main gauche marque souvent ses signes de faiblesse : elle s’emballe alors qu’elle devrait agir en chef d’orchestre. Le pianiste trouve un peu de souffle dans la première partie du Scherzo mais dès la mélodie « Piu Lento », Moog nous perd encore une fois le fil. Quant à la Marche funèbre, clef de voûte de cette sonate, elle sonne de manière artificielle. Sa façon de changer la pédale fait se chevaucher les harmonies et dans le trio central, il oublie le legato. La Sonate n° 3 qui clôt ce disque reste dans le même style avare de saveurs. Le premier mouvement Allegro maestoso s’installe dans une forme de mollesse
HHHH
Images. Jeux. La plus que lente Orchestre symphonique de San Francisco, dir. Michael Tilson Thomas
SFS 821936-0069-2. 2013-2014. 1 h Nouveauté
La couleur passe avant la note. Elle guide ce vers quoi la mélodie doit tendre, sans qu’il y ait pour autant une réelle évolution. C’est ce que semble nous dire Michael Tilson Thomas à travers son interprétation des Images pour orchestre : tout doit être joué dans un esprit d’atmosphère, de projections sonores qui alimentent une nébuleuse à moitié vécue, à moitié rêvée. Pour cela, chaque section d’orchestre se focalise sur ce qu’il y a de plus pur dans l’émission du son. On assiste alors à une série d’interactions mélodiques naturelles et sans fausse note. Michael Tilson Thomas semble emprunter une direction similaire à celle de Pierre Boulez et de l’Orchestre de Cleveland (Deutsche Grammophon, 1991) mais il lui ajoute une dimension ludique, que ce
soit ses airs jazzy dans Gigues ou ses cordes bondissantes comme dans Le Matin d’un jour de fête. La deuxième partie, consacrée à Jeux et à l’histoire de ces enfants que l’obscurité et la perdition fascinent, convoque un rapport à la pulsation peu banal qui doit amener l’orchestre à jouer pile sur le temps, à défaut de ne pas pouvoir le précéder. Le tout finit par s’apaiser dans les dernières mesures qui, paradoxalement, sont marquées par l’effacement, ce qui donne à la narration une dramaturgie dénuée de pathos. Un style qui est assez loin de celui d’Ansermet (Decca), lancinant et houleux, ou de la pesanteur crépusculaire de Martinon (EMI), mais qui convainc par son originalité. Le dernier titre, La plus que lente, est en revanche moins convaincant. Son exotisme atteint ses limites, l’ajout du cymbalum dans cet arrangement pour orchestre se révélant anecdotique. Qu’à cela ne tienne, cet album reste une réussite. Clément Serrano
Henri
DUTILLEUX (1916-2013)
HHH
Sonate. Préludes + Szymanowski : Masques Maroussia Gentet (piano)
Studio Passavant PAS 116238. 2016. 1 h 04 Nouveauté
Henri Dutilleux et Karol Szymanowski ? Le couplage n’a jamais pas été tenté, mais pour-
quoi pas, après tout. Voilà deux compositeurs de la couleur à l’écriture harmonique particulièrement sophistiquée. Et après ? Dans la pochette de son disque, Maroussia Gentet nous explique que « l’œuvre de Szymanowski est très présente [dans l’œuvre de Dutilleux] ». C’est aller bien loin en besogne. Dutilleux n’évoquait jamais le Polonais parmi ses préférences, il n’en parle pas dans ses livres d’entretiens, et la grande biographie de Pierre Gervasoni ne le mentionne pas plus. On tique. Et puis on lit la suite : « l’œuvre de Szymanowski est très présente dans son œuvre et l’inverse est également vrai » [c’est moi qui souligne]. Là, on d’indigne… Vrai ?! Non, c’est totalement faux. Szymanowski, né en 1882, est mort en 1937, année où Dutilleux est encore étudiant. Vouloir mettre en miroir deux compositeurs peut être une bonne idée, écrire de telles inepties moins. Et, malheureusement, la suite du texte s’enfonce un peu plus dans l’erreur. On y apprend que la sonate de Dutilleux (créé en 1948, par sa jeune épouse Geneviève Joy, et non 1947 comme indiqué) subit, dans son troisième mouvement, l’influence de Boris Godounov de Moussorgski, suite à la lecture d’une lettre de Soljenitsyne à Rostropovitch. Visiblement pas gêné par cet anachronisme délirant, l’auteur (anonyme) confond la sonate et Correspondances, le cycle de cinq mélodies créé en 2003… Dans ces conditions, est-ce seulement la peine de d’écouter le disque ? Il est très bien enregistré comme toujours chez Passavant. Quant à Maroussia Gentet, jeune artiste prometteuse entendue notamment Salle Cortot à Paris, elle joue avec finesse, avec une tendance à gommer la dimension verticale des partitions enregistrées. Mais le contenu ne rattrape pas le contenant, simplement scandaleux. A oublier. Luc Nevers
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 91
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LES CD DE A À Z
Edward
ELGAR (1857-1934)
HHHH
Concerto pour violoncelle + Martinu : Concerto pour violoncelle n° 1
Sol Gabetta (violoncelle), Orchestre philharmonique de Berlin, dir. Simon Rattle et Krzysztof Urbanski Sony Classical 88985350792. 2014. 55’ Nouveauté
On gardait le souvenir de la magnifique interprétation du concerto d’Elgar par Truls Mørk , accompagné par Simon Rattle et l’Orchestre symphonique de Birmingham (Erato, 1998). Le chef anglais dialoguait alors avec élégance avec le soliste. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. A Berlin, les effets dynamiques se produisent au petit bonheur. L’orchestre surjoue. Aucune vision organique de l’œuvre ne vient porter l’archet de Sol Gabetta. Les atmosphères du concerto sont ainsi mises bout à bout, les climax soulignés audelà du raisonnable avec des duretés amplifiées par la captation en concert. Le son du violoncelle de Sol Gabetta ne cesse de croître grâce à la magie des micros. De petits détails (inappropriés comme les attaques des bois au début du finale) ornementent la partition devenue, pour la circonstance, une pièce de genre alors que le compositeur l’imaginait comme « l’attitude d’un homme face à la vie ». Rappelons que les horreurs de la Première Guerre mondiale sont au cœur de cet ultime hommage au monde
d’avant 1914. Retour donc à Jacqueline Dupré, Truls Mørk, Yo Yo Ma (Sony Classical) et Arto Noras (Finalandia). Angelica May avec Vaclav Neumann (Supraphon) et plus encore Pierre Fournier avec Wolfgang Sawallisch (Cascavelle) ont laissé de superbes interprétations du Concerto n° 1 de Martinu. L’écheveau de la polyphonie et du rythme est considérablement développé dans cette œuvre qui revendique une filiation avec le concerto de Dvorak. L’archet de Sol Gabetta y est plus tranchant que dans Elgar. L’Orchestre, sans véritable ligne directrice laisse les solistes assurer le décor. Stéphane Friédérich
Gabriel
FAURÉ (1845-1924)
HHHH
Pavane. Barcarolles nos 5, 6 et 7. Après un rêve. Suite de Pelléas et Mélisande. Nocturnes nos 4 et 6. 9 Préludes Louis Lortie (piano)
Chandos CHAN 10915. 2016. 1h 15 Nouveauté
Louis Lortie a choisi d’illustrer divers aspects de la musique de Fauré, en mêlant œuvres originales et transciptions. Ce faisant, il met aussi en lumière le paradoxe fauréen, celui d’un compositeur tour à tour grand public, auteur de jolis morceaux d’un style un peu convenu, comme le Nocturne n° 4, Après un rêve ou la Pavane, et exigeant au possible, comme la Barcarolle n° 7 ou certains préludes, qui
92 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
ne s’adressent pas aux oreilles communes. Pour un tel florilège, il était également nécessaire de présenter des chefs-d’œuvre comme la Baracrolle n° 5 ou le Nocturne n° 6, pierres d’angle du piano fauréen qui montrent lui, bien loin de l’image salonnarde et décadente qu’on lui a parfois attachée, un crétaeur solaire et grandiose. Une partie du programme est composée de transcriptions : Après un rêve, à l’origine mélodie pour voix et piano est donné dans la version de Percy Grainger ; la Pavane, à l’origine pour chœur et orchestre dans celle de Lortie lui-même, la musique de scène de Pelléas et Mélisande dans la version originale du compositeur (l’orchestration en fut réalisée pour l’essentiel par Kœchlin). Le Fauré de Lortie est délibérément dépourvu de suavités mondaines. Même dans les pièces les plus mélodiquement complaisantes comme la Pavane, il choisit la plus extrême sobriété et la retenue. Un tel parti pris présente l’avantage d’aller à l’essentiel, de respecter la pureté des lignes mélodiques, et l’originalité de l’écriture polyphonique – tout particulièrement dans certains préludes. En outre, sobriété n’est pas sécheresse et dans l’ensemble, Louis Lortie fait preuve d’un grand raffinement dans les dégradés et les effets de fluidité. Jacques Bonnaure
Stefano
GERVASONI (né en 1962)
HHHH
Le Pré
Aldo Orvieto (piano), Saori Furukawa (violon), Alvise Vidolin (live electronics) Winter & Winter 910 238-2. 2016. 1 h Nouveauté 1re
Stefano Gervasoni est un compositeur actuel dont l’univers, à rebours d’une certaine ostentation de l’époque vers le spectaculaire ou le maniérisme, construit une œuvre tout en délicatesse, dans laquelle l’intériorité poétique et la construction d’un langage semblent primer. Cet album conceptuel nommé Le Pré, inspiré de La Fabrique du Pré de Ponge, égrène de courtes pièces pour piano, éloquentes dans leur transparence. Influencé à ses débuts par Nono et Lachenmann, Gervasoni s’est depuis trouvé un espace propre dans lequel l’inquiétude musicale de ses aînés s’apaise dans un paysage minéral qui exprime une poésie diaphane, n’hésitant pas à revisiter les lieder de Schumann en lui ajoutant une résonnance électronique ou évoquer Mozart. Cette succession de saynètes pour piano possède une unité et un thème, celui du cheminement de la versatilité bienheureuse de l’enfance vers le monde figé de l’âge adulte. Pour exprimer ce passage inéluctable, Gervasoni fait appel à une grande variété de jeux, avec comme horizon une discrète mais bien réelle recherche du beau. Cette quête esthétique est atteinte par un éclatement des formes, par leur diversité constante, changeante comme le monde des enfants. Le compositeur laisse transparaitre à travers ces fragments une définition en suspens d’une certaine beauté du fait musical, qui résiderait dans un alliage de sensualité, d’épure et d’une présence humaine à la fois proche et lointaine. Ce halo de présence-absence apparait particulièrement dans Sonatinexpressive, la pièce la plus longue, parfaitement interprétée par le
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
Les héroïnes de Handel chantées par pianiste Aldo Orvieto et la violoniste Saori Furukawa, avec sa trajectoire à l’expressivité indéniable, qui semble un chemin menant vers une présence ludique au monde, mais paraissant à tout moment se transformer en absence fantomatique. Romaric Gergorin
Carlo
GESUALDO (1566-1613)
HHHH
l’émotion. Les figuralismes consentis à Sospirava il moi core et Dolcissimo sospiro froissent les textures avec un art consommé de la phonation. Idem lors des motifs dépressifs descendants de Ancidetemi pur, grievi martiri et Del bel de’ bei vostri occhi. Le climat anticipe bien souvent celui des Répons : Se vi miro pietosa commence tel un Ave Maria, mais l’image pieuse se trouble sous les assauts du désir. Dans Crudelissima doglia, Gesualdo puise dans sa boîte à outils harmoniques les clous à planter là où ça fait mal ; on en mesure la modernité comparant avec les trois madrigaux de Stella, Luzzaschi et Fontanelli proposés en complément. Mention spéciale à l’assise de la basse Daniele Carnovich sur qui repose cet édifice contrapuntique précaire comme la voute céleste sur le dos d’Atlas.
Glossa GCD 922806. 2015. 1 h 03 Nouveauté
Dans ce Troisième Livre de madrigaux (1595), Carlo Gesualdo s’achemine vers un style incomparable qui culminera dans les Répons de ténèbres. Alors que Monteverdi s’apprête à donner le coup d’envoi de la seconda pratica et que Marenzio cultive l’élégie délicate, le Prince de Venosa explore quant à lui un maniérisme digne des peintures du Greco grâce au glissement continuel des pôles harmoniques. L’auditeur se déplace dans les labyrinthes les plus obscurs où le temps semble suspendu. L’ultime tierce picarde - que les interprètes pourraient davantage prolonger agit toujours comme un soulagement après les affres traversées. La Compagnia del Madrigale sillonne ces dédales sans aucun faux pas. La musique saigne et suinte sous les fausses relations mais sans outrance, la sobriété expressive suffisant à conduire
Airs de Giulio Cesare, Alcina, Theodora*, Rodelinda*, Agrippina, Rinaldo
Jérémie Bigorie
Terzo Libro di Madrigali
La Compagnia del Madrigale
SONYA YONCHEVA
Alberto
GINASTERA (1916-1983)
À paraître le 3 février
HHHH
2 Canciones. 5 Canciones populares argentines. Las horas de una estancia. Pampeana n° 2. Sonate pour violoncelle et piano + Sivak : Tres instantes oniricos Maya Villanueva (soprano), Patrick Langot (violoncelle), Romain David (piano)
*avec Karine Deshayes, Academia Montis Regalis dir. : Alessandro De Marchi Tournée « Baroque Heroïnes » Academia Montis Regalis - Alessandro de Marchi 18 avril 2017 : Philharmonie de Paris
Klarthe Records K016. 2016. 1 h 14 Nouveauté
Ce parcours argentin de près d’un siècle, entre un cycle de www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 93
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LES CD DE A À Z
mélodies de Ginastera de 1938 et un de Gabriel Sivak de 2016, surprendra par son caractère et son unité, malgré le caractère varié des œuvres. Car tout chante vrai, entre le style vocal des mélodies, typique du premier style - le nationaliste - de Ginastera, une modernité plus panaméricaine dans la Pampanea n° 2 pour violoncelle et piano et son intégration des modes d’après-guerre, avec atonalité et sérialisme bientôt décantés dans une sonate qui se partage entre une très grande profondeur d’esprit, un éclat et un lyrisme très envahissants. Des trois cycles vocaux, Las horas, moins célèbres que les deux premiers, offrent les mélodies les plus marquées par ce même caractère intimiste, contemplatif, introspectif, avec de superbes moments suspendus entre larmes et dépression, selon le style du triste local irrésistible. Le beau recueil de trois mélodies de Gabriel Sivak retrouve en héritage une vocalité aussi expressive qu’introspective, tendant ce même rapport à l’Argentine de sonorités qui n’ignorent rien des glissandi de la modernité d’aujourd’hui. Maya Villanueva est idéale ici par le ton, mais aussi l’atmosphère qu’elle sait créer dans chaque mélodie, d’un timbre aérien et clair, ici désincarné, et l’instant d’après, voluptueusement charnu. Le piano brillant, cristallin, mais aussi mélancolique, de Romain David sert parfaitement ces ambiances variées voguant de la sud-américanité vive à l’impressionnisme des Las horas, et le violoncelle, si cher à Ginastera, est pour moitié du CD un soubassement aussi solide que séduisant. Pierre Flinois
Retrouvez ces CD dans notre Club CD MAIL pages 135-137
André-Modeste
GRÉTRY (1741-1813)
HHHH
L’Epreuve villageoise
Sophie Junker (Denise), Talise Trevigne (Mme Hubert), Thomas Dolié (Le France), Francisco Fernandez-Rueda (André), Opéra Lafayette, dir. Ryan Brown Naxos 8.660377. 2015. 54’ Nouveauté 1re
Le sujet de cet « opéra bouffon » s’inscrit bien dans la tradition rustique de la comédie italienne. La jeune et jolie paysanne Denise est fiancée à André mais un monsieur de la ville, La France, tente de la séduire au grand dam du fiancé, ridiculement jaloux. Denise semble éprouver une certaine inclination pour La France mais ce n’était qu’un jeu pour éprouver André qu’elle épousera. Si Grétry a conçu cet ouvrage avec un librettiste peu connu Pierre Desforges, le succès fut au rendez-vous dès la création parisienne, en 1784 et se poursuivit en France et à l’étranger. La musique en est volontairement plus simple que dans d’autres ouvrages contemporains parce que son auteur a souhaité y conserver le charme sans apprêt des paysans à la mode de Rousseau. Cette absence de sophistication est à l’image de la simplicité de leurs mœurs. On ne trouvera donc ici aucune de ces ariettes italianisantes d’une redoutable difficulté. Simplicité, charme et naturel sont les seuls ingrédients de
94 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
cette Epreuve villageoise. Comme souvent, l’essentiel de la partition repose sur un personnage, ici Denise, finement interprétée par Sophie Junker, avec bien du charme dans le timbre et le phrasé. Talise Trevigne, sa mère, chante peu hormis dans les ensembles mais c’est une très estimable Dugazon. Le ténor Francisco Fernadez Rueda est très léger, presque trop puisque dans ses duos avec sa promise, il est en position d’infériorité malgré une jolie émission vocale. La diction française n’est malheureusement pas toujours au niveau de celle, exemplaire, de l’excellent baryton Thomas Dolié. Comme dans chacune de ses réalisations Ryan Brown trouve le ton juste, la légèreté et la délicatesse requises avec son ensemble Opéra Lafayette auquel l’opéra français doit tant. Cristiana Prerio
Georg Friedrich
HAENDEL (1685-1759)
éternels extraits de Giulio Cesare, Alcina, Rodelinda et de Rinaldo relève de la plus condamnable paresse. Aujourd'hui, les vedettes profitent de leur notoriété pour faire découvrir des pages ou des compositeurs méconnus et non pour additionner des tubes. D'ailleurs, il n'est pas dit que lesdits tubes soufflent les mélodies les plus séduisantes qui soient. Les premières notes de « Se pietà di me non senti » de Giulio Cesare (quelle étrange idée de commencer ainsi un récital : on a l'impression de le prendre en cours) surprennent une chanteuse dans une position inconfortable, à l'émission approximative et à la caractérisation psychologique floue. Cette Cléopâtre censée implorer la pitié est-elle vraiment sincère alors qu'elle paraît si peu concernée ? La suite, engangée sur la même pente sombre, comme enfermée dans un tunnel sans fin, n'apporte pas davantage de réponses de la douleur d'Alcina aux tourments de Theordora et d'Agrippine. Et quand le ciel emprunte le bleu azur de l'Arcadie (« Tornami a vagheggiar », air de Morgana dans Alcina), il n'en paraît pas moins trouble et indécis. Oublions bien vite ce disque manifestement réalisé dans la précipitation, indigne de l'immense talent de Sonya Yoncheva. Philippe Venturini
HHHH
Airs d'opéras et d'oratorios Sonya Yoncheva (soprano), Karine Deshayes (mezzosoprano), Academia Montis Regalis, dir. Alessandro De Marchi
Ernest
KRENEK (1900-1991)
Sony Classical 88995302932. 2016. 1 h 04 Nouveauté
A priori, personne ne refuserait d’écouter quelques-uns des plus beaux airs de Haendel par une soprano qui triomphe sur les plus grandes scènes internationales. Mais se satisfaire des
HHHH
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Orpheus und Eurydike
Ronald Hamilton (Orpheus), Dunja Vejzovic (Eurydike), Celina Lindsay (Psyche), Cornelia Kalisch (Erste Furie), Bo Skovhus (Der Narr), Chœur ORF de Vienne, Orchestre symphonique de l’ORF, dir. Pinchas Steinberg
Franz
LISZT (1811-1886)
Orfeo 2 CD 923 162 1. 1990. 1 h 45 Nouveauté
André Tubeuf
HHHH
Emmanuelle Bertrand
Après une lecture du Dante. Ballades nos 1 et 2. Vallée d’Obermann. Consolations Béatrice Berrut (piano) Aparté AP137. 2016. 1 h 13 Nouveauté
CD HMM 902210
Face à ces trois massifs du piano lisztien, on qualifierait le programme de lourd s’il n’était devenu monnaie courante chez les jeunes pianistes. Mais dès les premières mesures de Après une lecture du Dante, on comprend qu’une véritable artiste est à l’œuvre. L’instrument ? Un grand Böserdorfer, dont les basses d’outre-tombe qui inaugurent le sommet de la Deuxième Année de Pèlerinage offrent un bel aperçu des ressources timbriques. Reste à construire le discours : Béatrice Berrut sait où elle va, et si ses tempos semblent parfois frôler l’asphyxie par la tension qu’elle insuffle (17’30) et les phrasés en longues périodes qu’elle adopte, ils servent une architecture cohérente et murement pensée. On retrouve la tendresse nimbant le chant d’amour de Paolo et Francesca dans la trop délaissée Ballade n° 1, d’une fraîcheur rappelant Weber et Mendelssohn. L’oppression des ruminations chromatiques de la Ballade n° 2 découle d’un savant dosage de la pédale. On perçoit d’autant mieux la transfiguration du thème dans le final puissant et déclamatoire, là où d’autres n’évitent pas la vulgarité.
© Niko Rodamel
La vingtaine d’opéras composées par Krenek reste méconnu. Aussi faut-il découvrir cet Orpheus und Eurydike de 1926, programmé au Festival de Salzbourg en 1990 dans une série autour du mythe d’Orphée convoquant également Monteverdi, Gluck et Haydn. Le livret, solide et sobre, est du peintre et écrivain Oskar Kokoschka (1886-1980). La musique en combine toutes les ressemblances possibles dans l’air du temps (et Debussy d’abord, un Debussy à angles et arêtes, germanisé) sans s’inféoder à aucune, remarquable en tout cas tout le temps par sa fluidité discursive et un effet de transparence sur lequel le chant s’entend avec une intelligibilité, une présence parfaites. Chant d’ailleurs conduit par la plus naturelle et légère des prosodies : merveille, en plein boom Strauss et Schrecker, qui en sont bien loin, suffisante pour qu’on en soit curieux. Pinchas Steinberg dirigeant l’ORF (la radio autrichienne) donne relief à cette transparence, sans l’épaissir. Et l’excellence du chant achève de recommander cette nouveauté. Si tous (assez anonymes, sauf un Skovhus débutant) sont impeccables et l’Orphée, Ronald Hamilton, plus que performant, malgré une résonance maigre. L’Eurydike, la soprano croate Dunja Vejzovic au sommet absolu de sa brève carrière, nous offre un des plus sublimes et mieux chantés (inflexions, couleurs, pureté des mots) portraits féminins lyriques que Salzbourg alors ait connus.
Camille Saint-Saëns
Concerto pour violoncelle no.1
Luzerner Sinfonieorchester, James Gaffigan Pascal Amoyel, piano
Un amour de violoncelle. “Enfin la voilà faite, cette maudite sonate ! Plaira-t-elle, ne plaira-t-elle pas ? That is the question…” écrivait non sans humour Saint-Saëns à propos de son deuxième quadrupède pour violoncelle et piano. Le violoncelle ? Il l’adore, bien au-delà du célèbre Cygne… Il ne put pourtant terminer la troisième Sonate, restée à l’état de manuscrit et qu’Emmanuelle Bertrand et Pascal Amoyel ont restituée avec émotion et total respect. Quant au Concerto, il fait aujourd’hui partie des musts absolus du répertoire concertant pour violoncelle.
En concert le 11 mai à Saint-Louis des Invalides
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www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 95
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LES CD DE A À Z
Les sonorités du Böserdorfer font aussi merveille dans Vallée d’Obermann : le thème principal ? Un violoncelle d’une intensité plombée ; le chant épanoui en mi majeur avec sa batterie de double triolets ? Une véritable orchestration cuivrée, que l’artiste s’octroie la licence de prolonger à la dernière mesure par l’ajout d’un bref trémolo. Même les vibrations les plus infimes trouvent, sous les doigts de la pianiste suisse, une plénitude à leur mesure. Qu’importe alors si les Consolations manquent un peu de cette évanescence chopinienne, Béatrice Berrut nous a offert l’un des récitals Liszt les plus remarquables de ces dernières années. Jérémie Bigorie
Pawel
LUKASZEWSKI (né en 1968)
HHHH
« Musica Profana 1 » Haiku. Songs.Two Sonnets. Two Preludes. Stadium. Quasi Sonata. Piano Trio
Anna Mikolajczyk-Niewiedziat (soprano), Anna Lubanska (mezzo-soprano), Robert Gierlach (baryton), Romuald Golebiowski (clarinette), Kamila Wasik-Janiak (violon), Piotr Hausenplas (violoncelle), Ewa Guz-Seroka (piano)
Dux 1276. Date d’enregistrement non précisée. 1 h 09 Nouveauté
Les Deux Préludes pour piano de Pawel Lukaszewski qui ouvrent ce recueil de musique profane (volume 1) ont été
composés en 1992, à l’âge de vingt-quatre ans. Rocailleux, ils n’en conservent pas moins un lien avec des accords de repos consonants, notamment le premier. Toujours pour piano, Stadium (2002) se déploie essentiellement sur les touches blanches du piano, et semble tisser quelques liens avec le premier Ligeti. Les quatre Haiku, pour soprano et piano, qui évoquent les quatre saisons, usent d’une écriture allégée et mélancolique, souvent fragmentée. Two Songs (2000), pour baryton et piano, prolongent le climat des Haiku, la première rappelant Gorecki, avec ses clusters diatoniques répétés. L’influence de Gorecki s’étend dans le premier des Two Sacred Songs (1997) : lenteur, ligne mélodique statique et poignante. Un usage plus traditionnel de la tonalité, dans l’esprit de la grande mélodie russe postromantique, définit la seconde. Quasi Sonata (1991), pour clarinette et piano, mise globalement, comme la plupart des pièces de ce disque, sur une énergie contenue, intériorisée, un discours peu narratif , et la répétition. Quelle émotion, pour clore ce parcours, que celle que nous livre le Lento du Trio pour violon, violoncelle et piano (2008), avec son chant marmoréen des cordes à l’octave. Un court mouvement Vivace conclura l’œuvre et ce parcours dans une « sombre euphorie », la vitesse du tempo s’alliant à de grandes lignes descendantes, couvrant un piano massif et immobile. Formé essentiellement d’oeuvres de jeunesse, voici un nouveau disque de Pawel Lukaszewski à découvrir. Rappelons que dont le disque « Missa de Maria a Magdalena », quatrième volume d’une anthologie de sa musique sacrée, enregistré pour le même label polonais Dux, avait reçu un CHOC de Classica en 2014.
96 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Michaël Sebaoun
Gustav
MAHLER (1860-1911)
HHHH Lieder
Gerhild Romberger (mezzosoprano), Alfredo Perl (piano)
expressifs sous la plume de Mahler, ne sont pas même traités comme ils le méritent – dans toute l’étrangeté d’inspiration d’un poète du son tel que Mahler. Le deuxième lied du cycle n’évite pas l’ornière – une légèreté oiseleuse trop univoque, et le quatrième semble se cantonner dans une mélancolie à peine engagée, si l’on peut dire. Les Kindertotenlieder ne sauvent pas l’affaire – à défaut d’un orchestre, il y faut au piano un sens de la résonance harmonique et une plénitude de la ligne vocale, qualités sans lesquelles l’édifice ne prend pas corps. Dommage. Hélène Pierrakos
MDG 903 1972-6. 2016. 58’ Nouveauté
Mahler composa ses lieder avec un accompagnement de piano pour les orchestrer ultérieurement. La question se pose alors de la légitimité de les enregistrer dans leur état premier. Le jeu d’Alfredo Perl ne semble d’ailleurs pas jouer vouloir convoquer le souvenir de l’orchestre, ce qui se défend, mais laisse un peu dans l’attente d’un accompagnement un peu plus touffu. Dans les Rückert-Lieder, l’extrême intériorité de la musique le permet, ainsi que l’impressionnisme relatif des harmonies. C’est peut-être également une option esthétique bienvenue, si l’on en juge par le type de voix de Gerhild Romberger et son style particulier. Voix chaleureuse et diction de qualité mais une sorte de repli dans une excessive sobriété – Um Mitternacht se chante ainsi sur un mode pensif, comme insuffisamment investi, ce que ne permettrait pas la présence d’un orchestre entier. Mais deux « en creux » ne font pas un « plein » et l’oreille de l’amateur de la musique de Mahler reste sur sa faim d’une véritable densité. Cela se confirme dans les Lieder eines fahrenden Gesellen, où les constants changements de tempo dans le premier lied, si
HHHH
Symphonie n° 2 « Résurrection » Olena Tokar (soprano), Hermine Haselböck (mezzo-soprano), Chœur philharmonique tchèque de Brno, Orchestre national de Lille, dir. Jean-Claude Casadesus
Evidence Classics 2 CD EVCD027. 2015. 1 h 24 Nouveauté
Entre 1984 et 1991, Jean-Claude Casadeus et son orchestre lillois avaient enregistré pour Forlane quelques symphonies (nos 1, 2, 4 et 5) et des lieder (avec José van Dam). Ils avaient laissé un beau souvenir malgré une discographie mahlérienne alors exponentielle. Le chef enrichit ce cycle de la Symphonie « Résurrection », captée en concert. Le plaisir, certainement, de conduire un immense vaisseau sonore comme il les aime alors qu’il passe la baguette au jeune Alexandre Bloch. Le décor se
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dresse dans un effort audible, loin de l’esbroufe. Le choix de tempos retenus accentue l’impression de quête d’énergie, mais souligne aussi les incertitudes des vents. La matière sonore est mise à nu dans l’Andante moderato et les cordes à découvert chantent avec simplicité. La partition s’inscrit dans une continuité romantique et le caractère sobre de l’interprétation gagne en intensité. L’orchestre a pris ses marques dans le scherzo, joué « dans un mouvements tranquille et coulant » comme indiqué sur la partition. Les sonneries de bas étage, les flonflons de valses, les dissonances des cuivres et l’inspiration des couleurs de la Bohême natale de Mahler se placent en retrait. C’est l’orchestre de Berlioz qui s’impose. Ce n’est certes pas très viennois, mais ce n’est pas un contresens non plus. Dans l’Urlicht, la belle voix Hermine Haselböck stimule les pupitres des bois. Le tempo demeure toujours retenu dans le finale. Dans l’étirement des phrases, sans baisse de tension, la vigilance des cuivres est mise à rude épreuve. On est pris par la douceur générale, la tranquillité des grandes dynamiques de l’édifice sonore qui se refuse à tout combat. L’interprétation profondément sincère touche l’auditeur. Un beau témoignage de concert. Stéphane Friédérich
Meredith
MONK
(née en 1942)
HHHH
« On Behalf of Nature »
Meredith Monk (soprano) , ensemble vocal, Bohdan Hilash (instruments à vent), John Hollenbeck (percussion), Allison Sniffin (piano, clavier, violon, cor d’harmonie), Laura Sherman (harpe) ECM New Series 4812794. 2016. 58’ Nouveauté
Meredith Monk nous revient, telle qu’en elle-même. La musique la change en prophétesse aux techniques de jeux étendus, avec ses exercices vocaux entre incantations, murmures et autres tours de passe-passe. Avec aisance elle transforme les strates répétitives du minimalisme en invocations écologiques d’une grande pureté. Pour évoquer les plaies d’un écosystème en perdition, elle fait appel à un lyrisme sans paroles, constituant une world music très personnelle. Des airs passent, berceuses ou complaintes où le son prime le sens pour construire des installations vocales portées par un syncrétisme instrumental issu de divers folklores réinventés par Meredith Monk. En grande forme, la compositrice et chanteuse qui participa aux grandes heures de la Kitchen, haut lieu des avant-gardes new-yorkaises, aux côtés de Laurie Anderson, Glen Branca ou Steve Reich, n’a pas le moins du monde renoncé à sa veine libertaire d’un expressionnisme minimaliste, imposant sa présence incandescente dans chaque titre de cet album. Quand on pense à tous les épigones qu’elle a suscité malgré elle dans la pop music, et qui ont pillé sans vergogne son esthétique pour des résultats aussi pathétiques que Bjork, la singularité unique de son univers n’en ressort que grandi. On regrettera une seule faute de goût, Water/Sky Rant, sonnant un peu trop comme un hymne à la nature avec ses vocalises pénibles. Sinon on ne peut que saluer l’accomplissement de ce style d’une grande transparence,
ISABELLE FAUST
2 CD
MOZART
CONCERTOS POUR VIOLON
IL GIARDINO ARMONICO
Giovanni Antonini Un corpus achevé à 19 ans ! Mozart n’a pas encore atteint les 15 ans lorsqu’il commence à composer des concertos pour violon destinés à servir de toile de fond aux réceptions salzbourgeoises... Pourtant, le jeune Konzertmeister ne va cesser d’y distiller des preuves de plus en plus tangibles de ses velléités d’indépendance : remise en question des formes, détournement des genres, humour et frivolité sont au programme de ces œuvres abordées avec une égale gourmandise par Isabelle Faust et les musiciens d’Il Giardino Armonico dirigé par Giovanni Antonini qui signent ici leur première collaboration.
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LES CD DE A À Z
aux effets apaisant, expression directe de la psyché d’une artiste qui n’a visiblement pas de problème d’écriture pour véhiculer ses émotions d’une manière théâtrale, féminine et jusqu’auboutiste mais toujours harmonieuse. Entre boite à musique amazonienne et jukebox minimaliste fantaisiste, Meredith Monk n’abdique pas et continue à mettre en formes son rayonnement intérieur. Romaric Gergorin
Modeste
MOUSSORGSKI (1839-1881)
HHHH
Tableaux d’une exposition (orchestration de Ravel). Une Nuit sur le Mont chauve (orchestration de RimskiKorsakov) + Tchaïkovski : Valse (extraite du Lac des Cygnes)
Orchestre philharmonique de Vienne, dir. Gustavo Dudamel Deutsche Grammophon 479 6297. 2016. 50’ Nouveauté
Gustavo Dudamel s’est tout simplement tromper d’exposition. Les tableaux exposés, sortis tout droit de l’imaginaire d’Offenbach, appellent en effert une question : où est passé l’Orchestre philharmonie de Vienne que Gergiev avait fondu en une cloche céleste remuant ciel et terre (Philips, 2000) ? Les premières mesures annonçaient pourtant un début prometteur : sonorité claire, puissance contrôlée, maîtrise de la polyphonie. Puis les contrastes se perdent, la tension baisse
d’un cran et les couleurs s’installent dans le confort d’un bel habillage acoustique, frôlant parfois la lourdeur. Ce qui est dommage au vu de la pureté du cor solo (Bydlo) et de la maîtrise de certains contrepoints (Samuel Goldenberg et Schmuyle). Aussi faudra-t-il se tourner vers des versions tout aussi calmes mais plus riches, à l’instar d’Abbado et de l’Orchestre philharmonique de Londres (Deutsche Grammophon), ou d’Ancerl et de l’Orchestre philharmonie tchèque (Supraphon). Les qualités d’atmosphères y abondent et la somptuosité orchestrale demeure au rendez-vous (voir Classica n° 46). Même constat pour la Nuit sur le Mont chauve : la direction est solide mais l’ensemble manque de mystère et d’angoisse. Signalons également l’absence de précision dans le livret quant à l’orchestration choisie, en l’occurrence celle de Rimski-Korsakov. Reste enfin la Valse du Lac des Cygnes qui est peut-être la seule œuvre à tirer son épingle du jeu, proposant une lecture honnête du ballet… Visiteurs, passez votre chemin. Clément Serrano
Wofgang Amadeus
MOZART
HHHH
Airs d’opéras
Maria Bengtsson (soprano), Orchestre de chambre de Lausanne, dir. Bertrand de Billy MDG 940 1973-6. 2016. 1 h 07 Nouveauté
98 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
HHHH « Arias »
Regula Mühlemann (soprano), Orchestre de chambre de Bâle, dir. Umberto Benedetti Michelangeli Sony Classical 89853 37582. 2015. 54’ Nouveauté
Ce n’est pas petite prouesse d’être également à l’aise en Ilia (Idoménée) et en Fiordiligi (Cosi fan tutte) au même stade de sa carrière, n’est pas Jurinac qui veut. Maria Bengtsson, Comtesse (Les Noces de Figaro) ou Anna (Don Giovanni) confirmée à Covent Garden ou la Scala ou Paris, y ajoute un mérite : elle soigne le récitatif à un degré extrême. L’influence de Bertrand de Billy se sent là : d’ailleurs un disque chanté où on apprécie autant l’efficience et la simplicité de la direction, c’est assez rare. Le long récitatif d’entrée d’Ilia est remarquable dans sa modulation et sa mobilité. Mais le récit d’Anna avant « Or sai », l’effroi de Fiordiligi avant « Per pietà » sont aussi expressifs et vivants. On n’aurait que du bien à dire de ce panorama d’héroïnes majeures s’il n’était un rien déparé par la neutralité relative d’un timbre souvent sourd : et on trouvera plus d’individualité dans le traitement des arias que dans la voix de l’interprète. Mais Ilia, Elettra, Pamina, Anna, la Comtesse, Fiordiligi (ces trois, leurs deux airs chacune) ainsi regroupées et servies, bravo ! La demoiselle est ravissante, la voix aussi, pas grande, mais idéalement à l’aise dans un répertoire lyrique léger qui a assez inspiré Mozart pour que la soprano suisse Regula Mühle-
mann puisse s’y tailler le plus satisfaisant et représentatif des programmes. Aux deux extrêmes, « Geme la tortarella » de La finta giardiniera lui offre la touche de pathos délicat sans laquelle un portrait mozartien serait gravement incomplet ; et de l’autre « Durch Zärtlichkeit », de L’Enlèvement au sérail, montre le charme, le brio et un enviable abattage. A côté de cela, en virtuosité pure, mais dans un sentiment toujours exquis, un Mozart surtout décoratif et élégiaque est bien servi: l’air lent d’Exsultate, jubilate ouvre au milieu du motet (dont l’Alleluia est brillant) sa belle plage de sensibilité. Bel ensemble instrumental discret. On n’est pas encore dans le Mozart le plus sensible et humain, mais que de promesses ! André Tubeuf
HHHH
Concertos pour piano nos 17 et 18. Divertimento K. 137
Jean-Efflam Bavouzet (piano), Manchester Camerata, dir. Gabor Takacs-Nagy Chandos CHAN 10929. 2016. 1 h 14 Nouveauté
HHHH
Concertos pour piano nos 17 et 25 Orchestre de Cleveland,
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Decca 483 0716. 2016. 1 h 07 Nouveauté
La composition de concertos pour piano occupa une place essentielle dans la vie créatrice de Mozart, notamment pour s’imposer sur la scène viennoise comme l’illustrent les trois numéros regroupés sur ces deux enregistrements. En parfaite connivence avec un orchestre aux sonorités précises et colorées, Jean-Efflam Bavouzet propose des lectures impétueuses et élégantes. Avec un plaisir raffiné, il communique à ces partitions une franche bonne humeur, jamais simpliste dans le propos, notamment dans les mouvements lents, empreints d’onirisme et de tendre mélancolie. Les textures sont aérées, les lignes mélodiques ciselées avec une lisibilité proche de l’épure. Un Mozart dont l’espièglerie éclate dans les cadences audacieuses au langage anachronique composées par le pianiste. Par comparaison, les lectures de Mitsuko Uchida apparaissent plus classiques comme en témoignent les premières mesures du Concerto n° 17, jouées sur un tempo plus retenu par un orchestre aux sonorités moins franches. Les mouvements rapides du Concerto n° 25 souffrent quelque peu de cette excessive retenue orchestrale malgré l’engagement de la soliste, faisant regretter la fougue d’Olivier Cavé avec Rinaldo Alessandrini (Alpha, Choc). Cette approche introspective se retrouve dans les Andante joués avec profondeur, rappelant le jeu de Geza Anda (Deutsche Grammophon). En conclusion, s’il est difficile de départager les solistes, tous deux éminents mozartiens, en revanche, les musiciens de Manchester surclassent ceux de Cleveland par leur énergie et la précision des dialogues entre les pupitres, qualités que renforce une prise de son remarquable. Jean-Noël Coucoureux
Progressez à votre rythme, votre passion !
vivez
Sigismund
NEUKOMM (1778-1858)
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Marche funèbre « I Miserere mei Deus ». Missa di Requiem
Clémence Tilquin (soprano), Yasmina Favre (mezzosoprano), Robert Getchell (ténor), Alain Buet (baryton), Chœur de chambre de Namur, La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, dir. Jean-Claude Malgoire Alpha 966. 2016. 1 h 01 Nouveauté 1re
Etre l’auteur de plus de deux mille œuvres n’a pas empêché Sigismund Neukomm de tomber dans l’oubli après sa mort. Ce Salzbourgeois de naissance, grand voyageur, étudia avec Michael et Joseph Haydn, mais c’est en France que se déroulera l’essentiel de sa carrière, notamment au service de Talleyrand. Contemporain de la Révolution et de l’épopée napoléonienne, Neukomm n’a jamais abjuré sa foi en la monarchie. Sa Messe de Requiem à la mémoire de Louis XVI, créée lors du Congrès de Vienne le 21 janvier 1815, lui vaudra d’être anobli par Louis XVIII. Elle constitue en réalité une refonte d’une messe écrite deux ans auparavant. A l’écoute, elle trahit sa conception originale pour voix seules, le soutien orchestral s’apparentant à un accompagnement d’orgue amplifié, riche en doubleurs mélodiques et rythmiques. Intimidante par son austère grandeur, la marche funèbre qui fait office d’intro-
AG21200
Mitsuko Uchida (piano et dir.)
Le magazine, les partitions,
le CD ou le DVD pour s’exercer
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 99
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LES CD DE A À Z
duction investit l’espace de la Chapelle royale avec ce vrombissement des cuivres et ces appels de cloches. Comme dans le Requiem, l’écriture vocale se caractérise par son absence de fioritures et ses relents archaïsants (nombreuses quintes à vide). Le compositeur tire moins parti des solistes individuellement que des vertus colorées du quatuor en opposition à la masse chorale. A l’unisson du « Dies Irae », qui reprend les premières notes de l’antienne grégorienne, répond la fugue du « Quam olim Abrahae », rare exemple de contrepoint ouvragé dans une partition conduite par la verticalité. Sans prétendre au statut de chefd’œuvre inconnu (n’oublions pas Cherubini ni Gossec), cette messe des morts bénéficie de l’engagement convaincu des musiciens. Jérémie Bigorie
Giovanni Pierluigi da
PALESTRINA (c. 1525-1594)
L'enregistrement tire parti de l'acoustique particulièrement large de la Chapelle Sixtine. Captées de près, les voix demeurent bien définies, nimbées seulement d'un halo ouaté qui adoucit leurs contours sans noyer la définition des timbres. Bien que Massimo Palombella, qui dirige le chœur depuis 2010, affirme une volonté de rendre aux répertoires anciens leur caractère vivant et de s'affranchir de pratiques d'exécution désuètes, son interprétation reste marquée par une lourde tradition, fort éloignée des canons actuels. En témoignent notamment les ralentis extrêmement étirés aux cadences finales, quasi systématiques, qui occasionnent un long délitement rythmique à chaque fin de section. En outre, il est dommage que le phrasé soit aussi peu conduit sur la longueur, mais manifestement pensé comme une succession de petits emportements ou d'accalmies, qui rendent le rythme globalement assez bancal, emportant la polyphonie dans une instabilité légère, mais constante. En dépit de ces critiques, on notera l'attention portée à la diction du texte, ainsi qu'à sa signification. En effet, chaque moment de l'ordinaire semble investi d'une valeur propre, et ressenti comme tel : aux antipodes d'une récitation terne et uniforme du texte liturgique. Guillaume Bunel
HHHH
Missa Papae Marcelli. Motets
Serge
Deutsche Grammophon 479 6131. 2016. 1 h Nouveauté
(1891-1953)
Chœur de la Chapelle Sixtine, dir. Massimo Palombella
Ce disque, centré sur la Messe du pape Marcel, est le second réalisé au sein de la Chapelle Sixtine, par son chœur historique. Il fait suite à un programme paru l'année dernière chez le même éditeur, dédié à quelques compositeurs actifs à Rome aux XVIe et XVIIe siècles.
PROKOFIEV
HHHH
100 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Sonate pour violoncelle + Rachmaninov : Sonate pour violoncelle + Tchaïkovski : Romance. Méditation
Nina Kotova (violoncelle), Fabrio Bidini (piano) Warner Classics 0190295924607. 2014. 1 h 07 Nouveauté
HHHH
Sonate pour violoncelle. Adagio (extrait de Cendrillon) + Rachmaninov : Sonate pour violoncelle. Vocalise + Scriabine : Romance pour violoncelle Johannes Moser (violoncelle), Andrei Korobeinikov (piano) PentaTone PTC5186894. 2016. 1 h 12 Nouveauté
Ces deux programmes presque identiques offrent des conceptions différentes. Commençons par la sonate de Prokofiev dont les correspondances avec les écritures de Tchaïkovski mais aussi de Rachmaninov et de Miaskovsky sont patentes. Elle nécessite une grande clarté des lignes mélodiques et son style parfois déclamatoire doit, paradoxalement, paraître naturel. L’archet de Nina Kotova et le toucher lumineux de Fabrio Bidini fusionnent dans une belle atmosphère. Johannes Moser et Andrei Korobeinikov ont une interprétation plus creusée, et plus épaisse aussi (Andante grave) qui, dans le finale, tire vers Brahms. Dans la sonate de Rachmaninov, les qualités des deux ensembles divergent plus encore. Moser et Korobeinikov affichent une rigueur parfaite et une ampleur du geste calculée. Chaque nuance est respectée grâce à
un violoncelle impérial et dominateur. C’est, en un sens, la version de grand luxe, à écouter au coin d’un feu de cheminée. Le duo Kotova et Bidini ne possède pas ce fondu des timbres. Et pourtant, il convainc davantage par son mélange d’élégance et de caractère passionné et imprévisible (on songe à Schumann) entre les deux instruments. Le premier mouvement avec son inspiration concertante au piano puis le superbe Allegro scherzando, construit dans la vibration des cordes, le piétinement du rythme, l’esprit du poème lisztien et le souvenir des Fantasiestücke de Schumann emportent l’adhésion. Les compléments de programme sont astucieux, mettant en valeur les qualités des uns et des autres, avec une préférence pour le duo Moser et Korobeinikov, qui propose, outre l’Adagio de Cendrillon, la rare Romance originellement pour cor et piano de Scriabine. Stéphane Friédérich
Henry
PURCELL (1659-1695)
HHHH
Didon et Enée + Eccles-Finger : The Love of Mars and Venus
Raffaella Milanesi (Didon), Richard Helm (Enée), Stefanie True (Belinda), Iason Marmaras (La Sorcière), Michaela Antenucci, Anna Bessi (sorcières), Coro Costanzo Porta, La Risonanza, dir. Fabio Bonizzoni
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
LES 10 ALBUMS DU MOIS JAZZ ET CLASSIQUE SÉLECTIONNÉS PAR LES DISQUAIRES DE LA FNAC Challenge Classics CC72737. 2016. 1 h 16 Nouveauté
« Une reconstruction fascinante de la version de Londres » : c’est ce à quoi nous convie Fabio Bonizzoni en couplant le chef-d’œuvre de l’opéra baroque anglais avec The Love of Mars and Venus, un masque d’après le recueil de songs dû à John Eccles et Godfrey Finger, contemporains de Purcell. On a du mal à percevoir l’enjeu d’une telle entreprise, d’autant que la partition, lacunaire, a obligé Bonizzoni à combler les trous en puisant dans ledit recueil, sans que la notice ne précise les endroits exacts de ses interventions. En outre, conçu tel un prologue à Didon lors de cette représentation londonienne de 1704 prise (on ne sait trop pourquoi) pour modèle, Mars and Venus est ici enregistré à sa suite... Restent les partis pris d’interprétation : plutôt que l’influence de la cantate italienne, de l’opéra lullyste ou du masque anglais, c’est surtout l’esprit madrigalesque qui régit la conduite instrumentale et vocale. Chambriste quand il ne sonne pas un rien rachitique, l’effectif accompagne comme il le ferait d’un madrigal de Monteverdi, réservant au seul postlude des sonorités plus rondes. Autre terrain d’expérimentation, certes peu perceptible aux non anglophones, le travail effectué sur la prononciation d’époque. Ainsi du « wh » aspiré dans le « when » qui ouvre la fameuse lamentation de Didon. La Belinda un peu aigre de Stefanie True renforce la sensualité des deux protagonistes principaux qui respirent la jeunesse. Direction souple et énergique du chef-arrangeur. Mais cette nouvelle proposition ne saurait inquiéter les Didon et Enée de René Jacobs (Lynne Dawson, Harmonia Mundi), William Christie (Guillemette Laurens, idem) et Anthony Lewis (Janet Baker, Decca). Jérémie Bigorie
Erik
SATIE (1866-1925)
DAVID FRAY CHOPIN NOSTALGIA
HHHH
Œuvres pour piano à deux et quatre mains Ludmilla Guilmault et Jean-Noël Dubois (piano) Triton TRI331209. 2016. 1 h 03 Nouveauté
Erik Satie continue de susciter de nouveaux enregistrements. La variété d'interprétation que laisse cette œuvre ouverte, sans véritables indications de jeux et parfois sans barres de mesures, permet de vérifier qu'elle reste toujours fraîche, transparente dans son mystère. Mais à étudier toutes les versions, on finit par assimiler Satie à Ravel dont les œuvres ne pourraient être bien interprétées que par Ravel, contrairement à Beethoven qui laisse libres les musiciens. Curieusement, la musique de Satie, musique de l’enfance comme celle de Ravel, pour être bien jouée ne peut que correspondre aux canons du compositeur, fixés notamment par Aldo Ciccolini : clarté souveraine, souplesse et vigueur, énergie, maestria constante. Ludmilla Guilmault et JeanNoël Dubois s’y essaient avec un certain bonheur, notamment dans des Gnossiennes très incarnées, mais on reste parfois sur sa faim comme dans des Embryons desséchés trop mesurés quand ces pages sont redoutablement virulentes dans le sarcasme pré-dadaïste. Mais néanmoins ces deux jeunes pianistes présentent une intéressante lecture de la littérature
2 CD ACHETÉS
=10€
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3 CD ACHETÉS
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SARAH MCKENZIE PARIS IN THE RAIN
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www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 101
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
LES CD DE A À Z
pour piano du maître d’Arcueil, généreuse et rigoureuse, et excellent surtout dans ses premières œuvres, Valse, Fantaisie-Valse, Gymnopédies. Ce programme donne envie de mieux connaître les pianistes Ludmilla Guilmault et Jean-Noël Dubois dans un autre répertoire. Et Satie, sphinx inexpugnable, continue à mettre à nu ses interprètes en préservant sa propre énigme poétique, ce qui fait toute son insolente grandeur. Romaric Gergorin
Richard
STRAUSS (1864-1949)
HHHH
Symphonie domestique. Métamorphoses
Orchestre symphonique de Baden-Baden et Fribourg, dir. François-Xavier Roth SWR Music SWR19021CD. 2014-2015. 1 h 08 Nouveauté
HHHH
Elektra. Le Chevalier à la rose (suites orchestrales)
Orchestre symphonique de Pittsburgh, dir. Manfred Honeck Reference FR-722SACD. 2016. 58’ Nouveauté
HHHH
Une Vie de héros. Macbeth Orchestre symphonique de la radio de Francfort, dir. André Orozco-Estrada
Pentatone PTC 5186 582. 2014-2015. 1 h 06 Nouveauté
François-Xavier Roth offre une lecture festive de la Symphonie domestique. Un tempo rapide laisse deviner un enthousiasme frénétique d’une vie de foyer, mise en relief par la diversité des timbres. Une certaine retenue vient tout de même freiner les ardeurs de l’orchestre, ce qui n’empêche pas de remplir de multiples couleurs l’espace sonore mis à leur disposition (« Wigenlied » du troisième mouvement). Pour une référence plus posée, mieux vaut réécouter Maazel (Decca). Viennent ensuite les Métamorphoses qui fournissent le parfait exemple d’une pureté chambriste, faisant de ce disque le plus réussi de cette sélection. « Ground Control to Major Strauss », voici ce qu’aurait pu lancer Manfred Honek à bord de son Elektra, suite orchestrale composée en 2016 par Tomas Ille. Les scènes cultes s’enchaînent et se fondent en une atmosphère céleste, soutenue par des vents stationnaires et des cuivres impérieux. Le paradoxe est que ce vol en orbite manque de gravité. La noirceur tant redoutée de Clytemnestre et de sa fille et la violence du verbe se perdent au milieu d’effets spectaculaires, atténuant ce qui faisait la sève auditive de l’œuvre originale : la dissonance, les richesses harmoniques, la fatalité humaine. Assurément, Sinopoli
102 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
(Deutsche Grammophon) et Böhm (idem) restent en tête. La suite du Chevalier à la rose est en revanche plus inspirée, viennoise et élégante. André Orozco-Estrada raconte Une Vie d’un héros qui divisera. Loin de sublimer la figure du surmoi en musique comme Kempe (EMI) et Karajan (Deutsche Grammophon), le chef préfère aborder l’odyssée d’une vie avec pudeur et modestie, jusqu'à ce que le son n’appartienne plus à l’orchestre et qu’elle se mette à narrer d’ellemême les déambulations mystiques d’une profession musicale. Seul Macbeth déçoit un peu. Si les hallucinations du Roi sanguinaire se font entendre avec finesse, les landes écossaises manquent à l’appel… Clément Serrano
Piotr Ilitch
TCHAÏKOVSKI (1840-1893)
HHHH
Symphonie n° 6 « Pathétique ». Roméo et Juliette Orchestre philharmonique tchèque, dir. Semyon Bichkov Decca 483 0656. 2015. 49’ Nouveauté
HHHH
Symphonie n° 6 « Pathétique ». La Belle au bois dormant. Le Lac des cygnes (extraits) + Glazounov : Raymonda (extraits) Matthieu Arama (violon), Orchestre national Bordeaux Aquitaine, dir. Paul Daniel
Musicales Actes Sud ASM 27. 2016. 1 h 09 Nouveauté
L’intensité de la Symphonie « Pathétique » rend son interprétation difficile. Chaque son émis doit être pensé pour ne pas réduire cette danse existentielle à une succession d’émotions futiles. Et en ce sens, Bychkov signe une belle version. Propre et sans vulgarité, l’orchestre creuse une série de reliefs mélodiques dynamisant l’ensemble. On pourra toutefois regretter la conduite du premier mouvement : la grande importance accordée aux cuivres vient occulter les autres pupitres, dédramatisant ainsi l’arrière-plan. On se souvient comment Evgeny Mravinski agissait en véritable « prince des ténèbres » (Deutsche Grammophon, voir Classica n° 40). Ce déséquilibre est toutefois réparé dans les mouvements suivants, avant d’aboutir sur un finale manquant de noirceur malgré la bonne volonté des cordes. Heureusement, l’ouverture de Roméo et Juliette vient clore l’album en beauté, bien que l’héroïsme d’un Gergiev (Decca) aurait été le bienvenu. Sous la conduite de Paul Daniel, la « Pathétique » se montre plus démonstrative et moins prenante. L’orchestre semble en effet limité dans ses capacités à surmonter le grandiose, proposant une rythmique rigoureuse mais s’en tirer véritablement profit du sentiment d’urgence imposé. Ce qui donne lieu à une version assez conventionnelle et sans réelle profondeur. Seules les pages pour violon et orchestre issus de ballets de Glazounov et Tchaïkovski leur rendent justice, avec un soliste efficace au jeu subtil. Clément Serrano
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dir. Jaap van Zweden
Richard
WAGNER (1813-1883)
HHHH La Walkyrie
Stuart Skelton (Siegmund), Heidi Melton (Sieglinde), Falk Struckmann (Hunding), Matthias Goerne (Wotan), Petra Lang (Brünnhilde), Michelle de Young (Fricka), Hong Kong Philharmonic Orchestra,
Naxos 4 CD 8.660394-97. 2016. 3 h 56 Nouveauté
L’Or du Rhin (Classica n° 179) brillait par le chef, et surtout le Wotan imposant de Matthias Goerne, jeune dieu majuscule. Ici, après les grandes colères, très noires de timbre, impressionnantes de ton, puis la détresse de la confrontation à Brünnhilde à l’acte III , les Adieux frapperont par la douceur, la retenue d’une déchirure, d’une déprime quasi murmurées par un chanteur qui semble anéanti. Mais l’introspection du grand récit de l’acte II semblera composée, artificielle, comme si une partie du rôle restait encore à habiter vraiment ou tout simplement à chanter en scène ? Plus absolu, Stuart Skelton, déjà fêté chez Fisch et Young, fait un Siegmund, pé-
nétré, intense, mâle, et si artiste, avec de la lumière dans le timbre, et des « Walse » comme on n’en fait plus. Enthousiaste, jeune, fruitée, la Sieglinde d’Heidi Melton prend des risques, mais le timbre s’assèche dans l’aigu, sonnant trop mat. Petra Lang est dans ses mauvais jours : tendance à prendre les notes par le bas, aigus incertains, graves parfois somptueux, parfois hachés, elle a fait mieux chez Janowski. Struckmann, qui roule les r, a conservé sa noirceur, De Young son vibrato et sa justesse aléatoire. Si les Walkyries sont bonnes, le tout reste donc inégal. Sans laisser non plus l’impression d'une Walkyrie indispensable, Jaap van Zweden dirige large et lent, classique, tout en mettant du contenu, de l’intensité, mais sans porter aux cimes un acte II assez distant.
Son bel orchestre se noie un peu trop dans une prise de son trop favorable aux chanteurs et bien trop réverbérée. On a déjà entendu plus envoûtant. Pierre Flinois
RÉCITALS. INTERPRÈTES.
Sharon
BEZALY (flûte)
HHHH
SIMON GHRAICHY HERITAGES
Un voyage au plus profond des racines musicales hispaniques du pianiste le plus prometteur de sa génération : Marquez, Granados, Debussy, de Falla, Lecuona, Albeniz, Villa-Lobos, Gottschalk ...
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EN CONCERT 4 mars 2017 à 20h Paris Théâtre des Champs-Elysées
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www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 103
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
LES CD DE A À Z
Rautavaara : Concerto pour flûte et orchestre « Dances with the winds » (deux versions)*. Khatchaturian : Concerto pour flûte et orchestre**
Philippe
GUILHON-HERBERT (piano)
Orchestre symphonique de Lahti, dir. Dima Slobodeniouk*, Orchestre symphonique de São Paulo, dir. Enrique Diemecke** Bis-1849. 2016. 1 h 19 Nouveauté 1re
Einojuhani Rautavaara, décédé l’été dernier a quatre-vingtsept ans, s’est imposé grâce à son Cantus arcticus, ses huit symphonies, douze concertos et des opéras qu’on aimerait bien voir en France. En 1974, il écrit son unique concerto pour flûte, en quatre mouvements nécessitant les quatre principales flûtes, du piccolo à la basse. Gunilla von Bahr, la dédicataire, le créé sans l’enregistrer. Son mari, Robert von Bahr, fondateur du label Bis, l'a alors confié à Petri Alanko et à l’Orchestre finlandais de Lahti dirigé par Osmo Vänskä (1996). À leur interprétation éthérée et dramatique, puissante et intérieure s’oppose celle de Patrick Gallois et de l’Orchestre philharmonique d’Helsinki, incisive et brillant de mille feux (Ondine, 1999). Les autres grands noms de la flûte ont boudé l’œuvre jusqu’à ce que l’orchestre de Lahti la reprenne avec Sharon Bezaly. Une seconde version du concerto, jumelle, est jointe à l’originale, ce qui constitue une première. La flûte basse, moins sonore, plus rare et moins jouée, y est remplacée par la flûte alto, mais sa couleur sombre se fait regretter. Le concerto, qui tourne le dos aux démarches novatrices de l’époque, semble taillé pour Sharon Bezaly. Elle y brille autant que dans la transcription du grand et long concerto pour violon d’Aram Khatchaturian, perdant de sa saveur à la flûte, mais malgré tout ici très convaincant grâce à la soliste, impressionnante. Pascal Gresset
HHHH
Tchaïkovski : Roméo et Juliette. Moussorgski : Tableaux d’une exposition. Stravinsky : L’Oiseau de feu (extraits) Calliope CAL1632. 2015. 1 h 02 Nouveauté
Voilà un programme particulièrement cohérent, représentif du romantisme russe. Le disque s’ouvre par la transcription de l’ouverture-fantaisie de Tchaïkovski réalisée par Philippe Guilhon-Herbert. Dans le livret, il explique avoir voulu « restituer le caractère tour à tour follement chevaleresque, amoureux et solennel de ce chefd’œuvre ». Il y est parvenu mais dans une optique purement pianistique. En effet, la réalisation, transposition littérale, sonne juste et dans les limites de l’instrument. Mais, dans un tel défi, on en attend bien davantage, notamment des atmosphères qui portent la narration et jusqu’à la démesure. Les contraintes techniques et sonores du piano doivent être bousculées et l’illusion devenir crédible. Deux transcriptions, abouties et réalisées par les interprètes, en témoignent : Florian Noack (Ars Produktion) tire l’œuvre vers le poème symphonique lisztien alors qu’Emile Naoumoff (Saphir) offre une traduction opératique et slave. Dans les Tableaux d’une exposition, le travail sur les résonances et les équilibres de couleurs est remarquable. La
104 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
conception de l’œuvre est organique, mais relativement monochrome et perd parfois en substance (Il vecchio castello). Il s’agit d’un beau et grand piano tenu dans un cadre strict (Ballet des poussins), n’inventant rien qui ne soit pas justifié sur le papier. Trop propre, assurément. On sera tout aussi passif à l’écoute des trois pièces de L’Oiseau de feu. C’est bien mis en place malgré quelques notes incertaines et une certaine raideur qui conviennent difficilement à l’œuvre originelle. Stéphane Friédérich
Elisabeth
LEONSKAJA (piano)
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« Edition du 70e anniversaire » Schubert : les 8 dernières Sonates Easonus EAS29300 4 CD + 1 DVD. 1993-2015. 4 h 53 (CD) et 1 h 22 (DVD) Nouveauté
Afin de célébrer le soixantedixième anniversaire d'Elisabeth Leonskaja, le label allemand Easonus a réuni dans un coffret de grand format (28 x 28 cm), les huit dernières sonates de Schubert ainsi que le concert Mozart, en vidéo, qu’elle donna, le 26 juillet 1993, à Moscou, avec Sviatoslav Richter. Cet ensemble livre-disques présente, en anglais et en allemand, le parcours de la pianiste accompagné d’interviews et d'une belle iconographie. L’œuvre de Schubert est au cœur du répertoire de la pianiste russe et les huit sonates spécialement gravées pour l’oc-
casion font écho à son anthologie réalisée pour Teldec, entre 1988 et 1996, récemment rééditée par Warner. Le piano est puissant et profond, chargé de couleurs pré-brahmsiennes, avec un velouté et une définition remarquables. Le caractère général ne laisse guère de place à la résignation. Ce Schubert combat un tragique pressentiment. Au lieu de s’assécher, de prendre ses distances, le regard de Leonskaja s'embue de larmes (mouvements lents des Sonates D. 959 et D. 960). La rondeur et la densité du son, l’utilisation millimétrée de chaque résonance, le sens du mouvement permanent appartiennent à une forme d’expressivité propre aux interprètes russes : on songe ici à Richter et à Guilels. Leonskaja resserre souvent le phrasé, créant sans dureté, une dramatisation de la phrase. Ce jeu que l’on pourrait qualifier de féminin (quels finales rayonnants !) semble consoler les peurs du compositeur-narrateur. Le DVD présente trois sonates (K. 283, K. 533/494 et K. 545) ainsi que la Fantaisie K. 478 de Mozart dans leur version pour deux pianos réalisée par Grieg. La confrontation passionnante des deux personnalités (Leonskaja assure la partie du premier piano) nous fait oublier l’incongruité des arrangements et la relative précarité de la captation. Stéphane Friédérich
Andrew von
OEYEN (piano)
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GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
ACTES SUD Saint-Saëns : Concerto pour piano n° 2. Ravel : Concerto en sol. Gershwin : Rhapsodie n° 2
Orchestre Philharmonia de Prague, dir. Emmanuel Villaume Warner Classics 0190295908485. 2015. 1 h 06 Nouveauté
Il a l’air sympa Andrew. Beau gosse en plus. Touchant, même, quand il raconte sa vie parisienne de jeune Américain débarquant façon Minuit à Paris de Woody Allen. Le scénario est crédible. D’ailleurs, le concerto de Saint-Saëns débute exactement dans cette dynamique : rythmiquement ondoyant, suave et enamouré. On imagine le long travelling sur les quais de la Seine embrumés. Saint-Saëns en fourrure avec carlin sur la banquette arrière de la Delahaye. Les ralentis grandioses et d’une veine tragique élargissent le piano à l’infini, qui en dégouline de bons sentiments, inaccessible dans la sécheresse froide du petit matin malgré les derniers accords sèchement coupés. On se dandine dans l’Allegro scherzando qui suit. L’orchestre virevolte au souvenir de Chez Maxim’s. Le dialogue est rondement mené par l’astucieux Emmanuel Villaume, qui évite l’étranglement des pupitres du Philharmonia de Prague malgré une prise de son brouillonne. On ralentit et on accélère. Paris est une fête amère. Inspiré de la tarentelle originelle, le Presto conclusif observe la tarentule, qui après avoir mordu provoque d’irrémédiables lésions. Cela explique certainement que la musique parte en tous sens. Andrew von Oeyen joue Ravel comme Saint-Saëns, avec la même inconstance stylistique. Il papillonne, ralentit, butine de mesure en mesure, surjoue chaque phrase. Curieusement, le mouvement lent est atone et sans idées. Le rubato insistant ne fait pas une interprétation surtout lorsque le rythme fluctue au gré des clins d’œil. Joli final, en revanche, rempli de
mouvements, un brin canaille, d’une veine caf ’conc’ jusque dans les vents pétulants. La technique est assurée dans la Rhapsodie n° 2, page exubérante et pour laquelle presque tout est permis, y compris le mauvais goût, pourvu qu’il soit sincère.
Des livres pour aimer les grands musiciens, découvrir leur vie, leur œuvre.
Stéphane Friédérich
RÉCITALS. TITRES.
Pictures of
AMERICA
HHHH
Airs de Berlin, Bernstein, Carter, Ellington, Ellis, Fischer, Monk, Finzi, Sinatra... Nathalie Dessay (soprano), Paris Mozart Orchestra, dir. Claire Gibault
Sony 2 CD 88985342842. 2016. 1 h 33 Nouveauté
Nombreuses ont été les chanteuses issues de la musique dite classique à vouloir se frotter au répertoire des standards de jazz ou des chansons populaires. Hormis quelques belles réussites offertes par Marian Anderson, Kathleen Battle, Leontyne Price ou, dans une autre approche, Kathleen Ferrier, la plupart ont brillamment côtoyé la catastrophe. Nathalie Dessay a de son côté trouvé une voie très originale méritant l’admiration. Tout d’abord parce que cet album est structuré en disqueconcept autour des images iconiques d’Edward Hopper signant l’atmosphère d’ensemble et conférant unité au projet. Ensuite parce que les arrangements et compositions de Graciane Finzi sont d’une finesse
“Un interprète si essentiellement recréateur, c’est dix mystères en plus d’une magie. Il n’y fallait pas moins qu’un livre, de patience, d’écoute et d’amour.” André Tubeuf
(extrait de la préface)
ACTES SUD www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 105
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
LES CD DE A À Z
harmonique et d’une richesse de timbres remarquables que le Paris Mozart Orchestra et la direction de Claire Gibault mettent magistralement en valeur. Les éléments proprement jazz sont par ailleurs assurés par une groupe de musiciens, dont l’ami Boussaguet, dont l’efficacité et la compétence sont indiscutables. En outre parce que Nathalie Dessay a trouvé la bonne tessiture adaptée à ce répertoire qui fait la part belle aux torch songs mélancoliques et crépusculaires, la voix demeurant claire et agile, les intervalles parfois délicats (Autour de Minuit) étant interprétés avec naturel et aisance, bénéfice d’une technique sans faille. Enfin parce que l’objet lui-même, doté d’un superbe livret illustré de tableaux de Hopper accompagne à merveille l’écoute de cet univers rendu à la fois unique et étrangement familier, et l’on se prend ainsi à rêver à ce qu’auraient pu nous offrir l’inclusion de Lush Life, le Pinky de Sarah Vaughan ou The Boy Next Door. Pour autant, cet album est un enchantement constant et, pour singulier qu’il soit, une délectable réussite. Jean-Pierre Jackson
So
FRENCH
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Saint-Saëns : Introduction et Rondo capriccioso. Franck : Sonate pour violon et piano. Ysaÿe : Caprice d’après SaintSaëns. Massenet: Méditation de Thaïs. Ravel : Tzigane
Stéphanie-Marie Degand (violon), Christie Julien (piano) NoMadMusic NMM035. 2016. 1 h 03 Nouveauté
Ce programme regroupe des œuvres clés du répertoire français pour violon du XIXe siècle servies par une discographie pléthorique. Les deux jeunes artistes parviennent pourtant à apporter un regard nouveau, à penser chaque mesure, tout en gardant la sens de la ligne générale, tout en respirant largement dans un grand mouvement narratif ou dramatique. Prenons des pièces aussi célèbres que le Rondo capriccioso de Saint-Saëns ou la « Méditation » de Thaïs : on n’y trouvera pas la moindre concession à la virtuosité pour l’une ni à la sucrerie sentimentale pour l’autre, et tout ce que ces œuvres pourraient avoir de superficiel disparaît. Même la partie pianistique, qui n’a pourtant rien de très original y est vivante et imaginative. Dans la sonate de Franck, le duo fait merveille par le sens du dialogue sans cesse relancé, par la simplicité des tempos et des choix interprétatifs (en effet, si tout est pensé, rien n’est jamais précieux ni maniéré). Cette version pourrait sans peine se confronter à bien des références connues, de Ferras à Dumay ou Poulet. On découvrira une relative rareté avec le caprice d’Ysaÿe, à la fois transcription et amplification de la célèbre Etude en forme de valse de Saint-Saëns. Ce qui pourrait n’être qu’une pièce de pure virtuosité devient un exercice de voltige profond. Quant à Tzigane, on y trouve, aussi bien au piano qu’au violon, outre la virtuosité transcendante, la magie sonore, que requiert toujours Ravel. Stéphanie-Marie Degand prouve par ce récital qu’elle est une des très grandes violonistes du moment, au niveau international. Et Christie Julien est une belle découverte.
106 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Jacques Bonnaure
On my new
PIANO
s’épanouir. Le malaise persiste dans le romantisme : il y a certes de belles choses dans la Ballade n° 1 de Chopin, jouée à la manière d’un feuillet d’album ; dans Funérailles, l’auditeur est pris à rebrousse-poil de ses habitudes. Mais aucune vision ne transparaît de ce récital qui paraîtra bien anecdotique eu égard aux premiers enregistrements de Daniel Barenboim, d’un tout autre niveau artistique et technique. Jérémie Bigorie
HHHH
Scarlatti : Sonates K. 9, 159 et 380. Beethoven : 32 Variations sur un thème original en ut mineur. Chopin : Ballade n° 1. Wagner-Liszt : Marche vers le Graal de Parsifal. Liszt : Funérailles. Méphisto-Valse n° 1
Une nuit
AMÉRICAINE
Daniel Barenboim (piano)
Deutsche Grammophon 479 6724. 2015. 1 h 08 Nouveauté
Quel pianiste n’a pas rêvé d’un instrument combinant puissance et transparence ? Daniel Barenboim affirme l’avoir trouvé grâce au facteur belge Chris Maene qui lui a conçu un modèle d’après des matériaux fournis par Steinway. A l’écoute, force est de constater que le pianiste n’a pas réussi à apprivoiser les différents paramètres. En outre la prise de son, plutôt étriquée, peine à restituer l’échelle dynamique vantée dans la notice. On ressent en revanche une volonté de chanter, quitte à se fourvoyer dans le joli : bien lénifiante apparaît cette poignée de sonates de Scarlatti comptant parmi les plus célèbres, où le manque de rebond joint à un legato gluant neutralise toute directivité du discours. Aliénées à la préciosité de l’instant, les variations de Beethoven progressent sans ce dramatisme que savait leur insuffler Glenn Gould (Sony). Aussi tel contrechant, tel accent font-ils sursauter, sans que la virtuosité ne parvienne véritablement à
HHHH
Œuvres de Copland, Barber, Feldman, Whitacre...
Ensemble vocal Les Métaboles, dir. Léo Warynski NoMadMusic. NMM036. 2016. 1 h 04 Nouveauté
Les Métaboles proposent un beau panorama d’œuvres vocales, toutes empreintes d’une grande ferveur, sans jamais tomber dans un dramatisme pompier, écueil fatal à nombre de compositeurs américains actuels. Whispers de Steven Stucky est une honnête synthèse de l’histoire de la musique chorale a cappella, état des lieux historique et crépusculaire, rayonnant d’une certaine majesté. Les deux pièces d’Eric Whitacre, Lux Aurumque et Sleep, sans être d’une grande originalité, sont d’une honnête facture, transcendés par un ensemble vocal en état de grâce. La série de pièces de Samuel Barber est lumineuse (dont
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
l’incontournable Agnus Dei) et interprétée avec une présence ardente. Les quatre motets d’Aaron Copland sont de beaux édifices cristallins, au côté duquel O Magnum Mysterium de Morten Lauridsen pâlit par son conformisme, sauvé par les chanteurs. Devant tant de talent on regrette un peu le choix des œuvres : des pages parfois moins convenues ou entendues auraient été bienvenues. Ainsi même la pièce de Morton Feldman, compositeur pourtant parmi les plus extrémistes et les plus provocateurs de l’histoire musicale récente, se montre des plus sages. Malgré cette frilosité élective, il faut saluer la grande beauté de l’ensemble, la pureté des timbres et le raffinement de ces jeunes chanteurs qui leur permettent d’avoir une sonorité unique qu’on aimerait entendre dans
Rothko Chapel de Feldman plutôt que dans l’anecdotique Christian Wolff in Cambridge. Ainsi ce très beau disque nous ravit tout en manquant un peu de chair, d’audaces et de prises de risques. Romaric Gergorin
Reflets et
SYMÉTRIES
HHHH
Brahms : Sonate n° 1. Ligeti : Etudes nos 5 et 13. Boumans : Barcarole n° 3. Prokofiev : Sonate n° 6 Jean Muller (piano)
Soupir Editions S242. 2015. 1 h 07 Nouveauté
Cette belle association d’œuvres présentées en miroir est un programme idéal au concert. A la valeur essentielle du rythme chez Brahms répond l’importance de la mélodie chez Prokofiev, alors son écriture magnifie, en premier lieu, le rythme. Jean Muller démontre ces croisements astucieux. Il éclaire ainsi le premier opus du compositeur allemand avec une attention particulière à la verticalité de l’écriture. La construction de la partition se déploie de manière très assurée et fine. On aurait aimé une texture plus chargée au fond du clavier,
notamment dans l’Andante et le finale. La lecture de la Sonate n° 6 de Prokofiev est d’une clarté tout aussi parfaite. Trop, peut-être car le jeu canalise la violence barbare et l’ironie de l’Allegretto. Jean Muller choisit de respecter le tempo de ce mouvement, en l’occurrence celui des versions de Richter, alors que la majorité des interprètes joue celui-ci plus lentement. En revanche, il assure une belle valse comme indiquée : lentissimo. Entre Prokofiev et Brahms, deux Etudes de Ligeti et la Barcarolle du compositeur luxembourgeois Ivan Boumans, né en 1983, dont l’univers néoimpressionniste se laisse goûter avec plaisir Excellente maîtrise des touchers, goût pour la couleur et les changements de respirations Un interprète à découvrir. Stéphane Friédérich
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LES CD DE A À Z
ÉGALEMENT REÇUS
Ce mois-ci, les Russes battent la mesure, de Tchaïkovski à Scriabine en passant par Chostakovitch et Taneiev. On danse ou swingue aussi avec Dvorák et Gerschwin
ORCHESTRE
M
algré une récolte ce mois-ci bien terne, quelques raretés parviennent à apporter quelques éclats bienvenus. Le cinquième volume consacré par Neeme Jarvi au compositeur suédois Kurt Atterberg (1887-1974) offre ainsi un bel exercice de style. Dans les Symphonies n°7 et n°9, on apprécie la souplesse des couleurs, l’agencement des espaces sonores et la justesse de la polyphonie, mais on peut imaginer davantage de cohérence et d’intensité narrative (Chandos CHSA 5166, HHH). On écoutera également avec profit un programme proposé autour de la musique pour clarinette de Jean Françaix (1912-1997), au style néoclassique, pimpant et tendre, souvent plein d’humour. Les Concerto pour clarinette (1968), Tema con variazioni (1974) et Trio pour clarinette, alto et piano (1992) sont interprétés avec précision et relief par Dimitri Ashkenazy (clarinette), Ada meinich (alto), Bernd Glemser, Yvonne Lang (piano) et l’Orchestre philharmonique de Cincinnati
que mène Christoph-Mathias Mueller (Paladino Music pmr 0074, HHH). Bien plus connus mais toujours agréables à écouter, les deux cycles de Danses slaves opus 46 et opus 72 de Dvorák bénéficient d’un Orchestre philharmonique Tchèque rutilant de couleurs et de la direction inspirée de Jirí Belohlávek. Malheureusement, la réverbération du Rudolfinum de Prague épaissit le son. Antal Doráti, Iván Fischer et Nikolaus Harnoncourt restent des premiers choix (Decca 478 9458, HHH).
Même impression face à une autre Symphonie n°1, celle de Rachmaninov. Malgré les pupitres typés du Philharmonique de Dortmund et une excellente prise de son, la direction massive de Gabriel Felz alourdit une partition déjà surchargée. Le finale est le mouvement le plus réussi
(Harmonia Mundi HMC 902220, HH).
108 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Classique ACDZ 2708, H).
(Dreyer Gaido CD 21100, HH).
Également trop lourd (et trop lent) se révèle le Concerto pour violon de Tchaïkovski par Linus Roth et le Symphonique de Londres conduit par Thomas Sanderling. En revanche, le Concerto pour violon n°2 de Chostakovitch résume à merveille la fin de vie du compositeur: une sagesse d’acier dans un corps malade (Challenge Clas-
sics CC72689. HH).
Du même compositeur, on oubliera les Symphonies n°3 et n°4 que Karel Mark Chichon ne parvient pas à animer. La prise de son plate de ce troisième volume de l’intégrale n’arrange rien et la Deutsche Radio Philharmonie nous fait progressivement sombrer dans l’ennui (SWR Music 19009, H). Dans le domaine russe, on reste à demi-convaincu par la Symphonie n°1 et La Tempête de Tchaïkovski. Pablo HerasCasado dirige avec le soin qu’on lui connaît, mais l’Orchestre of St. Luke’s (New York), qui donne son maximum, se révèle vite dépassé par les événements
raides. Quel intérêt dans l’actuelle discographie ? (Atma
Sans doute pas malade, mais privé d’énergie apparaît le dernier volume de l’intégrale des Symphonies n°3, n°6 et n°7 de Sibelius par l’Orchestre du Minnesota et Osmo Vänskä. Grande déception : pourquoi avoir à ce point coupé tout élan expressif et réduit ces œuvres à de simples pièces d’atmosphère ? La comparaison avec la première version du chef, à Lahti, également chez Bis, est édifiante. Incompréhensible (Bis-2006, H).
D’autres séries orchestrales apportent leur lot de déceptions. La suite de l’intégrale Bruckner de Yannick NézetSéguin avec l’Orchestre Métropolitain affiche la Symphonie n°2 (Haas, 1872-1877): de fréquentes baisses de tension, une formation assez froide et des dynamiques passablement
Stefan Vladar dirige, depuis son piano, l’Orchestre de chambre de Vienne dans les cinq concertos de Beethoven. Il accompagne Isabelle van Keulen dans celui pour violon (avec les deux romances), rejointe par le violoncelliste Julian Steckel dans le Triple Concerto. Ces lectures sont épurées et sans vibrato. L’absence de concession aurait été plus justifiée sur instruments anciens. Là, tout paraît chiche et minimaliste malgré l’énergie déployée. On retient des sonorités forcées dans les pages tardives (Capriccio 4 CD C7210, H).
C’est en revanche le manque de tonus qui marque les interprétations du Concerto en fa, de la Rhapsody in Blue et des Variations on « I Got Rhythm » de Gershwin, sous la baguette de Leon Botstein. Le Royal Philharmonic joue au « minimum syndical » et le pianiste Mark Bebbington a beau s’escrimer à animer l’ensemble, il ne se passe pas grandchose. En bonus, les Huit Préludes pour piano seul sont réunis pour la première fois
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au disque : des pièces charmantes qui inspirèrent d’autres œuvres (Somm CD260-2, HH).
MUSIQUE DE CHAMBRE
Deux romantiques allemands pour commencer. De Schubert le Quatuor Belenus a retenu les Quatuors D.353 et D.112. La prise de son brouillonne ne favorise pas du tout leur lecture bien trop policée, manquant de caractère. En complément, le Quatuor n°4 « Great Places » que Daniel Schnyder (né en 1961) composa en 2006 et 2007. Une suite de pièces composites sur les modes cubains, parisiens, newyorkais… Une partition distrayante jouée assez mollement (Acousence Records ACO-CD 12716, H). Deux Russes pour continuer. Les Quatuors n°1 et n°3 de Tchaïkovski sont joués par le Quatuor Heath, fondé en 2002 au Royaume-Uni. Il arbore une belle sonorité et un grain intéressant, une vraie personnalité, propre à mettre en valeur les climats introspectifs et les mouvements de danse. Un style raffiné (Harmonia Mundi HMU907665, HHH).
Le cinquième et dernier volume de l’intégrale des quatuors à cordes de Taneïev par le Quatuor Carpe Diem réunit le Quatuor n°8 et le Quintette n°2. L’influence beethovénienne est bien restituée dans le premier (1883), alors que l’épaisseur du second (1905) porte l’écriture dans l’univers du post-romantisme. Deux belles versions de pages peu
explorées (Naxos 8.573671, HHH). Terminons par un inconnu, Hans Gál (1890-1987) dont la musique de chambre avec clarinette se décline en Quintette, Trio pour violon, clarinette et piano et Sérénade pour clarinette, violon et violoncelle par l’Ensemble Burletta. Éduqué dans la Vienne d’avant 1914, cet Autrichien d’origine hongroise subit largement l’influence de Brahms. Ces œuvres romantiques, jus qu’au quintette composé en 1977 (une première au disque), sont teintées d’une profonde nostalgie. Une musique agréable à écouter et bien soutenue (Toccata Classics TOCC 0377, HHH).
PIANO
Comme très souvent, Chopin
mobilise de nombreux artistes. Elizabeth Sombart se lance ainsi dans les concertos, aux côtés du Royal Philharmonic Orchestra et de Pierre Vallet. Une technique mise au service d’une sensibilité sincère et une vision limpide sur un superbe piano Fazioli. En revanche, l’orchestre reste trop en retrait et se montre peu propice au dialogue (Lyrida Music LYD001, HHH). Irini Chukovskaya présente six mazurkas, les Variations brillantes, le Boléro, le Scherzo n°4, la Ballade n°4 ainsi que la Valse opus 64 n°2. Malheureusement, elle se satisfait de lectures un peu lointaines et monochromes, sans véritable personnalité. Une carte de visite (Melodiya 1002434, HH). Le premier Scriabine, au programme du récital de Maria
Lettberg, n’est pas très éloigné de Chopin. La pianiste suédoise y a ajouté des pages de son fils Julian, pour réunir 24 pièces posées sur le pupitre d’un Bechstein plein de couleurs. Le piano est chantant et analytique à la fois, isolant le caractère propre de chaque pièce. Une belle introduction à cet univers musical (Es Dur ES2040, HHH). À l’inverse, le piano contemporain de Moussorgsky, choisi par Claire Chevalier pour visiter les Tableaux d’une exposition, ne rachète pas un jeu bien prudent et hésitant. Est-ce parce que nous sommes trop conditionnés par les fulgurances des pianistes virtuoses qui ont marqué la discographie (Cyprès CYP1675, HH) ? Restons en terre russe, guidés par Peter Donohoe qui signe le troisième volume de son intégrale Prokofiev où résonnent les trois sonates dites « de guerre ». Au début des années 1980, le pianiste anglais les grava pour EMI. La netteté de la mise en place et le classicisme de la conception s’imposent aujourd’hui, quand primaient hier l’engagement physique et la prise de risques
suites des ballets de Tchaïkovski. Rachmaninov a ainsi visité La Belle au Bois dormant, Arenski a revu Casse-Noisette, Langer et Debussy ont plongé dans Le Lac des cygnes. La superbe captation des deux pianos souligne la diversité de ces travaux, Casse-Noisette étant le plus réussi. Ces belles interprétations restituent la subtilité d’une musique d’une inépuisable inventivité (Pentatone PTC5186 579, HHH). On retrouve Debussy dans le
deuxième volume que JeanPierre Armengaud et Olivier Chauzu consacrent à sa musique pour piano à quatre mains. Au programme, Prélude à l’après-midi d’un faune, Images et La Mer, et Images respectivement revus par Ravel, Caplet et le compositeur : trois œuvres que l’on entend plus souvent dans des versions pour piano seul ou deux pianos. Le quatre mains referme le son plus qu’il ne l’ouvre. Instructif, mais sans plus (Naxos 8.573463, HH).
(Somm CD259, HH).
C’est la ligne directrice qu’on peine à deviner dans les concertos de Schoenberg et de Bartók (n°3), partagés entre le piano nimbé de Pina Napolitano et les timbres épais de l’Orches-tre symphonique de Liepaja, dirigé par Atvars Lakstigala. La pianiste italienne s’endort sur l’instrument (Bartók) et oublie le caractère (Schoenberg). La phalange lettone n’est pas plus convaincue dans Begleitungsmusik zu einer Licht-spielszene de Schoenberg et scolairement en place dans l’Élégie symphonique de Krenek. Inutile (Odradek ODRCD339, H). Finissons ce parcours du clavier avec le quatre mains. Mari et Momo Kodama ont réuni les arrangements des trois
Le duo Ancelle-Berlinskaya s’illustre dans un répertoire hors des sentiers battus pour deux pianos signé de Liszt et Saint-Saëns. Du premier, on entend l’arrangement de la célèbre Sonate en si mineur par le second. Arthur Ancelle perpétue avec panache l’esprit du XIXe siècle avec ses propres transcriptions (Après une lecture du Dante, Danse macabre) dont l’intérêt ne peut prétendre se hisser au niveau des originaux (Melodiya MEL CD 10 02463, HHH).
J. B., J. Bi., S. F., A. M. et C. S.
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 109
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LES CD DE A À Z
RÉÉDITIONS ET BONNES AFFAIRES
Un Dvorák flamboyant par Kertész, Ginette Neveu et David Oïstrakh à (re)découvrir, un Chopin multigénérationnel, une somme Philip Glass…
ORCHESTRE
à l’ancienne, l’ensemble reproduit les pochettes originales et est accompagné d’un livret joliment illustré. Du très beau travail (Decca 9 CD + 1 Blu-ray audio
483 0744, 1963-1970, CHOC).
L
a série Dvorák (les neuf symphonies, des ouvertures, des poèmes symphoniques, la Sérénade opus 44 et le Requiem) enregistrée par István Kertész dans les années 1960 figure parmi les valeurs sûres de la discographie. La direction flamboyante du chef hongrois, son instinct infaillible, assujetti à un sens du détail et de la pulsation, se combinent idéalement à la sonorité claire de l’Orchestre symphonique de Londres. Cette nouvelle édition, particulièrement soignée (remastérisation en haute définition d’après les bandes originales), permet de capter encore davantage de lumière et d’énergie que dans la précédente parution en Collectors Edition : le plafond du Kingsway Hall semble subitement plus haut et la disposition des pupitres profite mieux de la profondeur de la salle. Les audiophiles pourront apprécier cette restitution sur un Blu-ray audio. Présenté à la façon d’un album photos
Le même éditeur, par l’intermédiaire de sa filière australienne, propose un album Mozart, bien moins convaincant, par Zubin Mehta à la tête des orchestres philharmoniques de Los Angeles, d’Israël et de Londres : ouverture des Noces de Figaro, Symphonies n°34, n°39 et n°40 (ces dernières pour la première fois en CD), puis la Sérénade K.525 et divers autres extraits. Des lectures toniques des années 1970, mais musicalement assez conventionnelles (Decca Eloquence 2 CD 482 4627, HH).
Tout aussi classiques, mais d’une belle puissance dynamique, les Symphonies n°5 et n°7 de Beethoven, sous la baguette de Vladimir Ashkenazy, sont une belle surprise. On apprécie les couleurs et l’énergie du Philharmonia avec une prise de son flatteuse, au début du numérique (Decca
problématique, marqué de fréquents effets de grossissements sonores et de gestes inappropriés (Decca Eloquence
482 3444, 1970-1973, H).
Toujours dans le répertoire russe, on écoutera avec beaucoup plus d’intérêt les œuvres d’Alexander Lokchine (19201987), que Melodiya continue de rééditer. Un nouveau titre associe la Symphonie n°5, par l’Orchestre de chambre de Moscou et Rudolf Barshaï avec le baryton Yan Kratov, le Quintette pour clarinette et cordes, par le Quatuor Komitas et Ivan Mozgovenko, et des Variations pour piano, par Maria Grinberg. Trois œuvres attachantes, embuées des harmonies de Mahler et Chostakovitch (Melodiya CD 10 02446, 19561971, HHHH).
MUSIQUE DE CHAMBRE
Eloquence 482 4951, 1982-1984, HHHH).
Également enregistré à Londres, le disque Stravinsky d’Erich Leinsdorf regroupe Le Sacre du printemps avec l’Orchestre philharmonique de Londres et Petrouchka avec le New Philharmonia. Le premier se montre efficace, mais épais, desservi par une prise de son mate, le second est plus
110 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Scribendum a réuni des gravures d’origine EMI et Decca pour illustrer « The Art of Végh Quartet ». La légendaire formation hongroise signe, au début des années 1950, des intégrales Beetho-
ven, Bartók et Brahms, ainsi qu’une sélec-tion de quatuors de Mozart, Smetana et Kodály. Parfait équilibre, clarté du discours, les Végh demeurent une réfé-rence (Scribendum 14 CD SC803, 1952-1955, HHHH).
Le même label, dont le travail éditorial reste nul (aucun texte de présentation, visuels laids, qualité sonore variable), mais dont les choix se montrent avisés, propose de redécouvrir le Quatuor Barylli. Fondé avant- guerre par des membres de l’Orchestre philharmonique de Vienne, puis de retour sur scène en 1951, ce groupe, baptisé du nom de son premier violon, Walter Barylli, cessa ses activités en 1960. Ce coffret compte pour l’essentiel des bandes Westminster où se côtoient l’intégrale des quatuors de Beethoven, une quasi-intégrale de Mozart avec des divertimenti et quintettes, un quintette de Dvorák avec la pianiste Edith Farnadi, « La Truite » de Schubert, les quatuors avec piano de Brahms par Jörg Demus, un quatuor de Schumann et son quintette. On note quel-ques raretés de Respighi dont Il Tramonto avec la soprano Sena Jurinac, un quintette de Franz Schmidt, le Concertino de Janácek… D’excellentes prises de son restituent la fraîcheur et la subtilité de ces interprétations viennoises d’esprit, forgées dans une tradition (Scribendum 22 CD SC805, 1952-1956, HHH).
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VIOLON
Le hasard des publications réunit deux maîtres de l’archet distingués lors du premier Concours Henryk Wieniawski à Varsovie, en 1935 : Ginette Neveu avait remporté la médaille d’or, et David Oïstrakh celle d’argent. On se souvient de la carrière météorique de la première, disparue en octobre 1949 à l’âge de trente ans dans un accident d’avion. Quelques gravures de légende en studio ont depuis été complétées par des captations de concert. Reparaissent, dans un son propre, deux interprétations irrésistibles d’intensité enregistrées à Baden-Baden : le concerto de Brahms avec l’Orchestre national de la Radiodiffusion-Télévision française dirigé par Roger Désormière et celui de Beethoven avec l’Orchestre symphonique du Südwestfunk de Baden-Baden conduit par Hans Rosbaud. La plénitude de jeu, la luminosité, la poésie naturelle, l’engagement, la clarté d’élocution de l’interprète s’expriment avec une intensité et un bonheur de tous les instants (SWR MUSIC 2 CD
titres, fameux en leur temps (concertos de Bach, des duos avec son fils Igor), et se découvrent des gravures parfois oubliées (des trios de Haydn, Chopin, Smetana, Dvorák, Taneïev, Rachmaninov et Ravel, avec le violoncelliste Sviatoslav Knouchevitski et le violoniste Lev Oborine) ou jamais éditées intégralement en CD (sonates pour violon et clavecin de Bach). Certains témoignages ont vieilli, il faut bien le reconnaître (les pièces baroques, les Mozart), d’autres demeurent d’une singulière autorité et d’une admirable plénitude sonore : les concertos de Glazounov, de Prokofiev (n°1) aux côtés de Kondrachine, de Hindemith avec le compositeur, et de Stravinsky accompagné par Haitink et l’Orchestre des Concerts Lamoureux. De belles rencontres également avec la pianiste Frida Bauer (Janácek, Debussy, Ravel, Profofiev) et les sonates de Beethoven aux côtés d’Oborine gravées à Paris. Si le pianiste reste plus accompagnateur que partenaire et le son est un peu ouaté, la pureté du geste, le naturel de la respiration peuvent encore faire école. Pochettes d’origine, remastérisation partielle, texte de présentation, témoignage de Gidon Kremer : un modèle
(Deutsche Grammophon 22 CD 479 6580, 1948-1966, CHOC).
PIANO
SWR19018CD, 1948-1949, CHOC).
Le concerto de Brahms avec Franz Konwitschny figure bien sûr dans « The David Oïstrakh Edition », coffret additionnant les enregistrements du violoniste russe réalisés pour Deutsche Grammophon, Decca, Philips et Westminster. Outre cette célèbre interprétation associée au concerto de Tchaïkovski, se retrouvent d’autres
« Chopin Deluxe Edition » : le titre n’est pas usurpé. Deutsche Grammophon, puisant parfois dans le fonds Decca, a certes réuni des interprétations
célèbres, telles que les concertos et les ballades par Krystian Zimerman, les études et les scherzos par Maurizio Pollini, les mazurkas par Vladimir Ashkenazy, les nocturnes par Maria João Pires ou les préludes par Rafał Blechacz. Mais l’éditeur y a ajouté des nouveautés signées Jan Lisiecki, Daniil Trifonov, Gabriel Schwabe et José Gallardo, une anthologie de très grands pianistes (Czerny-Stefanska, Harasiewicz, Haas, Anda, Argerich, Richter, Karóly, Michelangeli, Cherkassky, etc.), un portrait de la jeune génération (Trifonov, Grosvenor, Grimaud, Yundi Li, Lang Lang) et un DVD présentant Arthur Rubinstein (Concerto n°2 avec André Previn). Cette collection se glisse dans un épais album de format à l’italienne, associé à un beau livre abondamment illustré retraçant la vie de Chopin. Un cadeau idéal (Deutsche Grammo-
phon 20 CD + 1 DVD 479 6555, 19562016, CHOC).
Décidément toujours dans les starting-blocks quand il s’agit de valoriser son catalogue, Deutsche Grammophon accompagne la parution du dernier disque des sœurs Labèque, consacré à Stravinsky et à Debussy (voir page 79), par un coffret, intitulé Sisters, de leurs enregistrements pour piano à quatre mains et deux pianos, de Mozart (Sonate K.448) au répertoire contemporain (la chanteuse de flamenco Mayte Martin) en passant par Schubert (Fantaisie D.940), Brahms (Danses hongroises), Satie, Ravel (Ma mère l’Oye), Gershwin (Rhapsody in Blue) et Stravinsky (Concerto pour deux pianos). Les artistes à la technique sans faille s’approprient les partitions d’une façon spectaculaire et les investissent avec autant de détermination que d’humour. Cette somme régale jusque
dans la beauté des gravures et des travaux du vidéaste Tal Rosner (Deutsche Grammophon
6 CD + 1 DVD 481 4718, 2006-2013, HHHH).
On complétera cet ensemble par une autre réédition, partielle, de Minimalist Dream House, autrefois parue sous le propre label des artistes, où se côtoient, entre autres, dans un climat d’inspiration maximale, Brian Eno, Arvo Pärt, Michael Nyman et Philip Glass (Deutsche Grammophon 2 CD 481 4468, 2012, CHOC).
CONTEMPORAIN
Ne quittons pas Philip Glass. À l’occasion de ses quatrevingts ans, Sony réunit dans un cube de 24 CD l’intégralité de ses gravures essentiellement éditées chez CBS dans les années 1980. À l’époque, le compositeur américain cherchait à quitter l’avantgarde pour toucher « le plus grand public possible ». Pour cela, il appliquait à son ensemble instrumental minimaliste les techniques d’enregistrement de la pop (Glassworks), redécouvrait le piano ou l’orchestre symphonique traditionnel (Itaipù) et imaginait sa célèbre trilogie lyrique, Einstein on the Beach, Satyagraha et Akhnaten. Un CD inédit complète ce magnifique coffret, agrémenté d’un intéressant livret de 220 pages, en anglais uniquement (Philip Glass : The Complete Sony Recordings, 24 CD 88985337612, 19792008, CHOC). u B. D., S. F., M. L. N. et Ph. V.
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LES CD DE A À Z
ARCHIVES LYRIQUES D’ANDRÉ TUBEUF
Hommage aux K allemands: Kempe dans Wagner et Keilberth avec Strauss.
T
estament avait épaté en révélant récemment Le Ring londonien 1957 de Rudolf Kempe, encore un K, à qui la colossale présence, désormais documentée sur CD, des Karajan, Krauss, Knappertsbusch et Keilberth ne laissait pas de place à Bayreuth. Or, voici qu’en 1961, le Neues Bayreuth de 1951 a cessé d’être neuf. La modernité innovante de Wieland Wagner est devenue un classique et la glorieuse jeune garde, de Mödl à Hotter et Windgassen, voit désormais ses héros bien fatigués. Le nouveau Ring conçu par Wolfgang n’a pas plu ; il n’innovait guère, quoique admirablement construit, et efficace, on y était vilainement grimé, ça grimaçait beaucoup. Un préjugé a fait croire que musicalement et vocalement il était indifférent. Ce coffret montre à quel point c’était injuste. Orchestralement, c’est superlatif, d’une présence sonore, d’une qualité d’exécution et de captation, d’un relief (les cuivres graves !), d’un suivi narratif sans doute jamais atteint à ce degré. Kempe sait non seulement son orchestre mais aussi son chant,
et le rapport de respiration entre fosse et scène. Il en vient aux chanteurs une facilité rarement obtenue à ce point. Astrid Varnay n’est plus Brünnhilde que dans La Walkyrie : mais elle l’est pour l’éternité, fraîche comme l’œil, habitant le moindre mot, faisant tout entendre. Jerome Hines chante le jeune Wotan, toujours un peu minéral, la solidité même, il ne lui manque que d’être Hotter ! Regina Resnik, dix ans après une malheureuse Sieglinde, revient en Fricka, transcendante. Thomas Stewart débute en Donner et Gunther, son emploi wagnérien le plus vrai. Régine Crespin, à son mieux, offre une sublime alternative en public à sa Sieglinde de studio avec Solti. Fritz Uhl, le nouveau Siegmund, dit bien, il a de la couleur, de l’accent, malheureusement, il ne réussit pas son « Winterstürme ». Citons la splendide Erda de Marga Höffgen, Gerhard Stolze en Loge, plus sobre que souvent, Grace Hoffmann, souveraine dans le récit de Waltraute. Otakar Kraus était, dit-on, formidable en scène, mais réduit à sa voix, son timbre et ses façons sans individualité le laissent un peu terne. Birgit Nilsson est phénoménale, évidemment. Mais on ne peut s’empêcher de constater à son réveil, dans l’acte III de Siegfried, que dans ce Ring où tous chantent exemplairement les mots, soudain, c’est surtout du son qu’on entend (mais quel son!) et l’éloquence
112 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
noire émotionnelle de l’acte II du Crépuscule n’est pas dans ses couleurs. Le héros vocal absolu de la soirée est Gottlob Frick en Hunding, et surtout Hagen : la projection, la résonance, la beauté noire de la voix sont uniques. Immense surprise avec Hans Hopf en Siegfried, vrai ténor, voix d’opéra qui sait son Verdi, colorée, maniable, vaillante à la forge, mais capable de tendresses et de moments piano magiques (après « Selige Öde ») comme on n’en a entendu d’aucun autre, juste un peu étranglé en fin de l’acte II du Crépuscule. Une révélation, et une réhabilitation ! Quant à James Milligan en Wanderer, c’est une découverte, tout simplement. La facilité de la voix, sa façon d’aborder les escarpements redoutables du III de Siegfried, l’insolence de ses aigus… Ce Canadien avait trente-trois ans. Bayreuth aurait été son royaume. Il est mort au lendemain de ces stupéfiants débuts. Raison de plus pour écouter ce coffret qui est son Walhalla (Orfeo 13 CD C 928 613 Y, CHOC).
Longtemps cette Femme sans ombre, dirigée par Joseph Keilberth et captée en concert lors de la réouverture de l’Opéra
de Munich en 1963, a été la seule alternative officielle à sa glorieuse homologue de Vienne 1955 par Karl Böhm. Avec Hans Hotter et Martha Mödl dès le lever de rideau, quel ensemble! Ingrid Bjoner et Jess Thomas en couple impérial représentaient la toute nouvelle vague, Inge Borkh et Dietrich Fischer-Dieskau en Teinturiers y apportaient leur très rayonnante jeune maturité. Des réalisations de studio, Sawallisch puis surtout Solti, ont changé cette donne. Que reste-t-il de cette Femme, assez allégée (3 h 05), enregistrée au fil des premières représentations, qui ne fut jamais réputée pour sa qualité de son (rééditions déjà disponibles chez Deutsche Grammophon et Brilliant)? Même ses meilleurs soirs ne peuvent empêcher que Mödl (la Nourrice) ne soit souvent à la limite de ses moyens, quasi étranglée. Mais quel relief ! Hotter en Geisterbote n’est pas moins monumental, mais les jeunes gens, Jess Thomas et Ingrid Bjoner, ne sont jamais beaucoup mieux que simplement satisfaisants, ce qui dans cette tessiture est déjà un exploit. Leur manque la radiance. Restent deux portraits miraculeux, Fischer-Dieskau dans l’endurance et l’humanité, avec ses longues phrases au legato sublime ; et Inge Borkh, écorchée vive, s’étranglant certes plus d’une fois, mais apportant à ses mots comme à la conduite de la phrase une intensité animale qui restera absolument unique. Avec toutes ses limitations, historique
(Deutsche Grammophon Eloquence 3 CD 480 7206, HHH).
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BEETHOVEN (1770-1827)
HHHH
Symphonie n°9
Simona Saturová, Mihoko Fujimura, Christian Elsner, Christian Gerhaher, Chœurs du MDR et de la Radio, Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, dir. Herbert Blomstedt Accentus ACC20381. 2016. 1h14 Son §§§ Images §§§
En 1991, Kurt Masur gravait avec le Gewandhaus de Leipzig la première version de la Neuvième de l’orchestre en vidéo: une superbe interprétation, mais à l’image figée. C’est en revanche la fluidité du mouvement qui domine dans la lecture de Blomstedt, et le découpage millimétré des plans sur la partition donne le vertige! L’impact physique transmet une forme d’exaltation qui n’a rien de mystique sous sa baguette ; le chef suédois dirige avec une précision magistrale dans des tempi relevés. Son Beethoven est encore pastoral et convient aux couleurs subtiles de la phalange. Les phrasés
apaisants, le parfait équilibre s’imposent. C’est du bel ouvrage, d’une veine traditionnelle. Le quatuor vocal, placé sur le balcon au milieu des chœurs (qui chantent par cœur), a fort à faire avec des tempi aussi soutenus. Des quatre solistes, on préférera les femmes. En habituée de la Symphonie n°9 en vidéo (déjà aux côtés de Thielemann à Vienne et de Jansons avec le RSO de Bavière), Mihoko Fujimura et Simona Saturová, à la voix plus puissante encore, offrent une belle prestation. Les hommes, eux, forcent sur leurs cordes. Mais, au final, c’est une version des plus honnêtes. Stéphane Friédérich
Alban
BERG
(1885-1935)
HHHH Lulu
Marlis Petersen (Lulu), Susan Graham (Comtesse Geschwitz), Daniel Brenna (Alwa), Paul Groves (Le Peintre, Un Nègre), Johan Reuter (Dr. Schön, Jack), Martin Winkler (Un Dompteur, Rodrigo), Franz Grundheber (Schigolch), Orchestre du Metropolitan Opera,
114 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
dir. Lothar Koenigs, mise en scène William Kentridge Nonesuch (1 Blu-Ray + 1 DVD) 7559-79453-7. 2015. 3 h 02 Son §§§ Images §§§
Quatorze versions filmées de Lulu (on inclut Wieland Wagner et Chéreau, fondamentaux, mais non publiées officiellement) et chaque nouveauté inspire encore : cette fois, au-delà de l’excellence musicale, c’est l’aspect visuel, signé par un maître, William Kentridge, qui saisit : il nous immerge dans l’ombre d’une fabuleuse explosion de dessins expressionnistes renvoyant à Max Beckmann et à Otto Dix pour le nerf, la crudité, la noirceur. Projections continues de papiers collés et dessins au pinceau en cours de réalisation, l’échelle graphique phagocyte le plateau du Met, mais l’écran permet heureusement le double jeu : plans serrés sur l’action vivante, vision plastique d’ensemble en perpétuelle narration figurative. Kentridge, avant d’être metteur en scène, est bien plasticien. Tout ici, geste, costume, éclairage, se plie à cette esthétisation qui tuerait le théâtre si chacun ne s’y impliquait aussi en être humain. Le Schön supérieur de Reuter, le Schigolch en fin de route de Grundheber, la Geschwitz empâtée de Graham, l’Alwa de Brenna, poupin, sont vrais, et superbes aussi. Marlis Petersen y conclut sa
longue fréquentation du rôle-titre, qu’elle chante à la perfection. Bonne et belle actrice, elle n’a pas ce mystère, cette sensualité personnelle, ce sexappeal, cette vulnérabilité qui font, de Silja à Stratas, de Schäfer à Petibon, les vraies Lulu. C’est la seule faiblesse d’un théâtre que Lothar Koenigs rend fluide, coloré, chaleureux, narratif aussi. À quand l’édition du magistral Nez du même? Pierre Flinois
Hector
BERLIOZ (1803-1869)
HHHH
Symphonie fantastique
La Chambre philharmonique, dir. Emmanuel Krivine Alpha Classics 714. 2014. 2 h 05 Son §§§ Images §§§
Après Jos van Immerseel et John Eliot Gardiner au disque, Emmanuel Krivine propose à son tour, sur instruments anciens, sa version de la Symphonie fantastique. Captée à la Cité de la Musique de Paris, dans des conditions sonores appréciables, cette lecture
ne manque pas d’atouts. Sans conteste le premier est la conception du chef qui dirige sans baisses de tensions, jouant subtilement des couleurs des instruments, des bassons français aux ophicléides en passant par les timbales (sur peaux de veau)! Il faut, dans les premières minutes, s’habituer à une certaine acidité des cordes, une relative absence de vibrato. Après quelques raideurs qui vrillent l’oreille et parfois une sensation de manque d’homogénéité d’ensemble, on s’intéresse aux solistes, en verve, d’autant que la réalisation vidéo se révèle aussi précise que fluide. Les limites de l’orchestre se font sentir en termes de puissance dans les deux mouvements conclusifs. L’interprétation s’enrichit de plusieurs bonus instructifs. La voix « off » du chef, notamment, commente ainsi astucieusement la Symphonie. Plusieurs intervenants présentent aussi des instruments: Antoine Pecqueur pour les bassons, Aline Potin pour les timbales et Christophe Robert pour le violon. Enfin, Emmanuel Krivine revient sur la genèse de l’ensemble et les rapports qu’il entretient avec tous ses musiciens. S. F.
CLASSICA
Retrouvez ces DVD dans notre Club CD MAIL pages 134-137
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La crème des stars OPERA GALA LIVE DE BADEN-BADEN
ET AUSSI…
P
Anja Harteros (soprano), Ekaterina Gubanova (mezzo), Jonas Kaufmann (ténor), Bryn Terfel (baryton-basse), Badische Staatskapelle, dir. Marco Armiliato Sony 89853 716296. 2016. 2 h 19 Son §§§ Images §§§
L
’affiche, évidemment, est féerique : le superluxe Baden-Baden. L’admirable est que le programme soit à sa hauteur. Hormis les « bis » de ces messieurs, on n’aura là que le meilleur répertoire lyrique chanté par les meilleurs. En légitime ouverture, « Dich teure Halle » par Anja Harteros, assoluta d’une soirée qu’elle conclura par un transcendant duo d’Otello avec Kaufmann qui s’y montre à son mieux. Harteros y ajoute, seule, le deuxième air du Bal masqué et le dernier de Don Carlo, plus l’empoignade avec Terfel au II de Tosca jusqu’à « Vissi d’arte » inclus. La part de la lionne. Plus, en « bis », une rose à la main, en toute simplicité chaleureuse, « Son pochi fiori » de L’Amico Fritz. À la fin, elle tend sa rose au très merveilleux violoncelliste qui, dans Un Bal masqué comme Otello, l’a si bien soutenue. Bravo. La très bonne surprise est Gubanova, remplaçant au pied levé la plus glamour Garanca empêchée. Les messieurs sont vocalement moins bien. Terfel cabotine, admirablement certes, mais au point de faire oublier son chant (Le Veau d’or, Mefistofele, sa participation à Tosca), mais il se retrouve archet à la corde dans le monologue de Philippe II. « Bis » indigne dans ce contexte (Fiddler on the Roof). Quant à Kaufmann… Hors un très discret « E lucevan », il n’est présent (abrité) que dans des duos, entraîné d’ailleurs par Harteros à l’excellence dans le duo d’Otello, qui certes ne ressemble pas au reste du rôle… « Bis » minaudé (« Parla più piano » de Rota). Sur quoi, pour finir, le quatuor nous offre sur « Dein ist mein ganzes Herz » un quadrille échangiste simplement éblouissant. Tout le monde voudra sa part de ce gâteau, qui comporte une grande demi-heure de chant sublime. u André Tubeuf
Gaetano
DONIZETTI (1797-1848)
du Teatro Real de Madrid, dir. Bruno Campanella, mise en scène Alessandro Talevi BelAir BAC 130. 2015. 2 h 17 Son §§§ Images §§§
HHHH
Roberto Devereux
Mariella Devia (Elisabetta d’Inghilterra), Marco Caria (Lord Duke of Nottingham), Silvia Tro Santafé (Sara, duchessa di Nottingham), Gregory Kunde (Roberto Devereux), Juan Antonjo Sanabria (Lord Guglielmo Cecil), Chœurs et Orchestre
C’est irréprochable. Mis en scène avec sobriété, distribué avec chic jusqu’aux comprimarii, et il s’agit d’un Donizetti majeur. Mais on a ici le très rare exemple d’une production qui pèche par sa vertu même. On ne peut pas chanter Elisabetta avec plus de soin, de poli, que n’y met Mariella Devia, belcantiste supérieure. C’est un plaisir d’entendre ces phrases aller jusqu’au bout, avec des teintes, des nuances, une virtuosité sans exhibitionnisme, mais… sans un grain de folie. Sans l’audace de la surcharge, il n’est pas sûr
qu’un tel caractère tienne la route ! La robe rouge, la décoloration du cheveu ne suffisent pas. Surtout quand on sait ce qu’est encore le culot vocal et scénique d’Edita Gruberová ! Caria, Tro Santafé sont parfaits: silhouette, accent. Pour Gergory Kunde, on a un peu le même problème : à force de faire tout bien, et si bien (et Berlioz aussi), il fait tout un peu indifféremment: et le charme vocal propre au personnage disparaît un peu, au profit d’une efficience toutterrain. Il est rare qu’un exemplaire travail professionnel suscite ce genre de réserve, mais un tel Donizetti sans la folie… La même Devia ne sera pas moins irréprochable au Carlo-Felice de Gênes l’année suivante, costumée et grimée davantage
selon la tradition, avec un Stefan Pop plus neuf à l’emploi et Mansoo Kim, Nottingham non moins neuf (exotique), qui y mettent de l’ardeur. Ganassi (Sara) est l’emploi même. On préférerait marginalement la touche d’excitation présente ici (Dynamic 57755.
2016. 2 h 18. HHH).
A. T.
Georg Friedrich
HAENDEL (1685-1759)
eter Pears, Janet Baker et John Shirley-Quirk sont les solistes de The Dream of Gerontius d’Elgar dirigé par Adrian Boult, à la tête des Chœurs et de l’Orchestre philharmonique de Londres. Un enregistrement historique de 1968 capté par la BBC (en couleurs), couplé avec un portrait du maestro réalisé par Vernon Handley. Document passionnant (en anglais) qui puise aux sources de l’histoire des chefs, à la fin du XIXe siècle (Ica Classics 2 DVD ICAD5140. 1968. 1h40, HHHH).
K
hatia Buniatishvili offre un récital avec les Concerto n°1 de Beethoven et n°2 de Liszt. Le Philharmonique d’Israël, dirigé par Zubin Mehta, est assez lourd, voire vulgaire dans Liszt. L’énergie de l’interprète demeure canalisée et efficace, mais le toucher est trop dur dans Beethoven. Dommage (Sony 88985369669. 2016. 57’, HH).
D
ie Akte Tschaikowsky – Confession d’un compositeur, documentaire allemand sous-titré en anglais, réalisé par Ralf Pleger, repose sur la correspondance du musicien et traite de la question de son homosexualité. Volontairement provocant, il transpose des éléments biographiques de Tchaïkovski dans notre époque. Effet de mode, probablement, résultat vain, assurément (EuroArts 2061518. 2015. 53’, H). S. F.
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 115
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LES DVD DE A À Z
HHHH Theodora
Katherine Watson (Theodora), Philippe Jaroussky (Didyme), Stéphanie d’Oustrac (Irene), Kresimir Spicer (Septime), Callum Thorpe (Valens), Sean Clayton (Un Messager), Orchestre et Chœurs Les Arts Florissants, dir. William Christie, mise en scène Stephen Langridge Erato 2 DVD 0 1295 88906. 2015. 3 h 02 Son §§§ Images §§§
Il y a de Glyndebourne, voici tout juste vingt ans, une Theodora dirigée par William Christie précisément avec The Age of Enlightenment, dans une mise en scène de Peter Sellars dont l’audace technique certes, mais surtout la ferveur et l’immense engagement spirituel mettaient du vrai drame dans un oratorio qui pourrait rester statique. Tout se renouvelle, il le faut bien ; mais, en l’occurrence, pas pour plus de drame ou de théâtralité. Stephen Langridge fait très élégant, des panneaux commodes coulissent très bien, l’action s’enchaîne en fluidité, mais est-ce une action ? Pour la faire plus proche de ce qu’on suppose être notre attente, il la banalise, commissariats, suspects, portraits de victimes, uniformes, robes du soir chez les mondains, cela devient l’histoire de n’importe qui. L’effroi des persécutés ? De la condoléance conviviale. La dimension de ferveur, les enjeux propres à Theodora s’affadissent. Quand on aura mis la performance des Arts Florissants et surtout
celle du chœur hors pair, on sera obligé de dire que le cast n’encourage pas au drame. La nature même de la voix de Jaroussky, sourde en timbre, lui interdit le mordant, l’élan héroïque de Didyme, qui n’a plus ici que de jolies choses (et longuettes) à (très bien) chanter. Pas plus qu’il ne fait oublier le David Daniels de 1996, Katherine Watson ne fait oublier Dawn Upshaw, ni en rayonnement spirituel, ni en maîtrise vocale : son « Angels Ever Bright and Fair » ne lui ferait pas gagner un concours. Vive et naturellement ardente, Oustrac n’impose pas ici le rayonnement qui faisait de Lorraine Hunt le point focal de la scène. Elle laisse à l’admirable Kresimir Spicer l’auréole humaine qui émanait d’Irene: son timbre franc, sa vocalisation, dès qu’il ouvre la bouche, font disparaître le Didyme ! De sublimes moments, choraux surtout, mais rien de l’action centrée, tendue que Sellars imposait à Glyndebourne. La banalisation dans le beau. A. T.
Engelbert
HUMPERDINCK (1854-1921)
HHHH
Hänsel und Gretel
116 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Adrian Eröd (Peter), Janina Baechle (Gertrud), Daniela Sindram (Hänsel), Ileana Tonca (Gretel), Michaela Schuster (Die Hexe), Orchestre de l’Opéra de Vienne, dir. Christian Thielemann, mise en scène Adrian Noble
Pietro
MASCAGNI (1863-1945)
Ruggero
LEONCAVALLO (1857-1919)
EuroArts 2072984. 2015. 1h53 Son §§§ Images §§§
Il n’a pas manqué de Hänsel und Gretel en DVD, les uns (Solti) en play-back, mais jouant carrément le jeu de la féerie, avec et pour enfants: protagonistes pouvant ressembler aux rôles, et la forêt, et la sorcière, et l’enchantement tels qu’on les imagine ; ou alors, jonglant avec les gags/images, modernisant avec drôlerie. Lorque l’on a entendu l’orchestre, effectivement miraculeux, tel que Thie-lemann le dirige ici, on a à peu près fait le tour des merveilles que propose cette neuve production de Vienne qui, simplement, ne prend jamais aucun parti. Toute magie, tout merveilleux en sont gommés. Les deux enfants sont incarnés par d’admirables chanteuses qui, vues de près (la caméra est impitoyable), ont l’air, Hänsel, d’un escogriffe de quarante ans qui grimace, Gretel, d’une Mimi égarée. Les parents sont à l’avenant. La Sorcière est à peu près la moins drôle, la moins mise en scène qui soit. Impossible d’imaginer réalisation plus terne, que sa qualité musicale exceptionnelle (et superbement restituée) ne sauve pas d’une grisaille fatale. A. T.
HHHH
Cavalleria rusticana
Eva-Maria Westbroek (Santuzza), Aleksandrs Antonenko (Turiddu), Dimitri Platanias (Alfio), Elena Zilio (Mamma Lucia), Martina Belli (Lola)
Pagliacci
Aleksandrs Antonenko (Canio), Carmen Giannattasio (Nedda), Dimitri Platanias (Tonio), Dionysios Sourbis (Silvio), Benjamin Hulett (Beppe), Chœurs et Orchestre du Covent Garden de Londres, dir. Antonio Pappano, mise en scène Damiano Michieletto Opus Arte OA 1210 D. 2015. 2 h 33 Son §§§ Images §§§
Cav et Pag (abréviation affectueuse courante) ont en commun leur âge (à deux ans près), leur foudroyant succès immédiat, leur durée (un seul acte). C’est presque tout: le premier, vérisme littéraire, le second vérisme à idées (et plus cru). Presque d’emblée
ils ont fait affiche commune: un couplage idéal. Bien plus tard, la folie du challenge s’y est mise: un seul ténor pour deux emplois aussi star l’un que l’autre, mais le second, Canio, est autrement large d’impact et périlleux d’aigu. Antonenko a la bravoure des deux dans la gorge, et l’endurance aussi, quand on les réunit, mais pas l’élégie caressante d’un bon tiers du rôle de Turiddu : un tour de force certes, mais que le DVD vide d’une part de son impact. Le metteur en scène fait de son mieux pour souligner ce que Cav et Pag ont de commun, les processions, le poids de la religion, la présence du populo : il va jusqu’à ramener Santuzza enceinte à confesse pendant l’Intermezzo de Pag ainsi meublé. Bof. L’ensemble est vivant, c’est la moindre des choses, astucieux (le décor qui bascule dans Cav comme dans Pag, multipliant ainsi les lieux), jamais vulgaire. L’ennui, c’est que c’est chanté de façon plutôt triviale. Westbroek est artiste, et moderne, sans la couleur du rôle ni son émotion native. Giannattasio a une splendide vivacité scénique, mais de l’aigre dans la voix. Platanias est un baryton à voix certes, malheureusement grosse et sans chic, courte de vision pour le Prologue. Silvio est bien de sa personne, mais grêle de voix, et Lola carrément médiocre. On est loin de l’habituel plateau du Covent Garden. Pappano, son orchestre et ses chœurs, superbes, ne compensent pas vraiment. A. T.
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LE JAZZ DE JEAN-PIERRE JACKSON
JAZZY CARNAVAL
Entre les quatre concerts de Keith Jarrett et les six coffrets de Blue Note réunissant les grands classiques du label, c’est tous les jours Mardi gras en février!
A
Multitude of Angels » réunit quatre concerts donnés en piano solo à Modène, Ferrare, Turin et Gênes, par Keith Jarrett, en 1996. C’est-à-dire il y a plus de vingt ans. À l’écoute pourtant, cette musique semble de toujours, tant le monde sonore que Keith Jarrett tire seul face au clavier paraît intemporelle, réussissant parfaitement la concentration d’univers musicaux habituellement distingués et la mise en œuvre personnelle et engagée de son expansion. Lui-même déclare : « Le jazz est toujours présent ici, même si on peut également y entendre
«
ma profonde proximité avec l’univers de la musique classique – moderne et ancienne, de Charles Ives à Jean-Sébastien Bach » ; on peut évoquer en particulier les Préludes et Nocturnes de Scriabine. Il y pousse jusqu’à une intensité presque douloureuse les exigences de la liberté d’improvisation, atteignant ainsi non seulement une saisissante intemporalité, mais aussi une universalité à laquelle ses prestations en trio ne peuvent point parvenir : « Je ressentais l’énergie spirituelle qui se dégageait, mais parfois, je me trouvais dans une église baptiste, d’autres fois dans une mosquée – ou en Irlande, en Espagne, en Afrique… Bien entendu, je n’avais pas tout ça à l’esprit
LA DISCOTHÈQUE IDÉALE
quand je jouais parce que j’étais totalement impliqué dans l’instant, à jouer comme si c’était la dernière fois », confie-t-il. Jouer comme si l’on allait mourir demain, n’est-ce pas la plus haute ambition souhaitable, et cela ne signe-t-il pas le plus haut accomplissement possible pour l’interprète d’une voix intérieure médiatisée par un piano ? « Il s’agit juste de laisser la rivière s’écouler », conclut-il. Et ce flux qu’il sait si magistralement renouveler (« On ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière », disait Héraclite) entraîne irrésistiblement, attestant des merveilles et mondes magiques que peut faire naître un piano.
(Keith Jarrett, A Multitude of Angels, 4 CD ECM 6025 5702466, CHOC).
On ne manquera pas non plus les six coffrets regroupant des grands classiques du label Blue Note. Ils proposent de retrouver, sous forme de cinq mini-LP dans chaque étui reproduisant la pochette originale, des œuvres majeures de Dexter Gordon, Art Blakey, Kenny Burrell, Herbie Hancock, Wayne Shorter et Joe Henderson. Présentés à un prix très attractif, ils permettent de contribuer à bâtir les fondations d’une discothèque de jazz dans des conditions pratiquement idéales. (5 Original Albums : Blue Note 06025 4711088, 06025 4711091, 06025 5714348, 06025 4711102, 06025 4711099, 06025 4711100, CHOC). u
78
Cyrus Chestnut: Moonlight Sonata Un disque Venus Records publié en 2011.
Sur la voie royale tracée par la fusion de la musique classique et du jazz, le musicien américain érige ce que l’on peut à bon droit qualifier de monument.
I
l a été le pianiste du quintet de Donald Harrison et Terence Blanchard, celui de Betty Carter, de Vincent Herring, de Jesse Davis, et il a enregistré un album avec la cantatrice Kathleen Battle. Il est, ici, en trio avec Dezron Douglas (b) et Neal Smith (dms) sur un répertoire adapté de compositions de musique classique dont il est fin connaisseur ; il a d’ailleurs donné en 2013, au festival Jazz à Foix, une improvisation en trio sur le thème du Lac des cygnes, qu’il assimile avec aisance et finesse à un véritable standard de jazz ; les « racines », ici, ne sont pas folkloriques mais culturelles. Après un brillant
Solfeggietto de Bach au swing contagieux et une Sicilienne tout en retenue, il donne à entendre une vision majestueuse de la Sonate « Clair de lune ». Suivent entre autres Rêve d’amour de Liszt et la pièce Von fremden Landern und Menschen tirée des Kinderszenen de Schumann. Peut-être a-t-il compris mieux que personne que ce répertoire oblige à une démarche harmonique différente des progressions habituelles, induisant des phrasés qui autrement ne seraient pas venus sous les doigts et la recherche de couleurs sonores originales pour le trio. Doté d’une ductilité et d’un entrain contagieux, il donne avec une grande classe la démonstration qu’il est possible d’allier la plus grande rigueur de l’énoncé avec un engagement et une énergie, qui ailleurs peuvent ensemble se révéler contradictoires et se perturber réciproquement. u
www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 117
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LA HI-FI DE PHILIPPE VENTURINI
Banc d’essai
SIX CONVERTISSEURS À MOINS DE 1 000 B De l’ordinateur au téléviseur en passant par la console de jeux et le lecteur réseau, les sources audio numériques s’additionnent. Autant les canaliser vers un convertisseur sachant compter et écouter la musique.
Prix : 990 u Entrées numériques : 2 coaxiales, 2 optiques, 1 USB Sorties numériques : 0 Sorties analogiques : 1 RCA, 1 XLR Sortie casque : non Conversion : 24 bits/192 kHz Conversion USB : 24 bits/192 kHz, DSD 64 et DSD 128 Dimensions (L x H x P) : 22 x 5,3 x 21,5 cm Poids : 1,9 kg Finition : grise Origine : Royaume-Uni Distribution : France Marketing Tél. : 01 60 80 95 77 Pour : la justesse des timbres, l'espace Contre : pas de sortie casque Timbres : Transparence : Restitution spatiale : Finition : Rapport qualité/prix :
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L
Le meilleur choix
MUSICAL FIDELITY MX-DAC
a gamme MX du constructeur britannique dispose de trois appareils de format compact (22 cm de largeur) : le présent convertisseur, un préamplificateur pour cellule de platine tournedisque et un amplificateur pour casque. Pour le confort de l’utilisateur, la façade reste sobre. S’alignent ainsi, de gauche à droite, une clé dédiée à la mise sous tension, une série de diodes lumineuses indiquant la fréquence d’échantillonnage, le nom de l’entrée sélectionnée et deux petites tou ches pour choisir la source musicale et, éventuellement, un filtre. La face arrière distribue, quant à elle, très logiquement les entrées numériques
118 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
(USB-B, deux optiques et deux coaxiales) et les sorties analogiques (RCA et XLR). L’alimentation est assurée par un transformateur externe. Le MX-DAC est capable de convertir les signaux DSD.
Écoute Bien sûr, les esprits chagrins noteront que la médaille est décernée au convertisseur le plus onéreux de cette sélection. Nos lecteurs savent pourtant que nous n’apprécions pas les appareils avec une calculatrice, mais par une écoute musicale. Aussi les comparaisons distinguent-elles le MX-DAC, non parce qu’il offre plus de grave ou plus d’aigu que ses concurrents, mais parce qu’il plonge le
mélomane au cœur de la musique et le préserve de toute sonorité électronique. En effet, les violons ne durcissent jamais le son quand ils s’agitent sur la corde de mi et les flûtes ne jouent pas du sifflet. De même, les voix féminines ne s’égosillent pas dans les aigus et les ténors, même dans leurs envolées lyri ques les plus dépoitraillées, ne font pas se tordre de douleur les haut-parleurs. Ainsi la musique ne brusque jamais l’auditeur : elle se montre toujours disciplinée, très bien organisée dans l’espace (plans sonores nettement distincts) et fermement articulée dans le grave (main gauche du pianiste). Musical Fidelity : la promesse est largement tenue ! u
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FOSTEX HP-A4BL
Fostex HP-A4BL Nous avions présenté en 2014 le HP-A4, le quasijumeau du présent modèle. Tous deux arborent en effet la même série de touches proposant de choisir entre les entrées coaxiales et optiques, les filtres, le gain (niveau d’amplification), la sortie ligne (amplificateur) ou casque et le potentiomètre de volume, qui permet également la mise sous tension. À la sortie casque classique, assurée par une prise jack de 6,35 mm, s’ajoute une prise XLR à quatre points. À l’arrière, on retrouve les même entrées numériques, optique et USB, les sorties analogique et numérique (optique) et le port pour une carte SD. Si le HP-A4BL est capable, à l’instar de la version précédente,
de traiter des signaux 24 bits/ 192 kHz, il peut également accéder au DSD 11,2 MHz. La conversion incombe à un circuit Burr Brown 1792A, et l’alimentation à un transformateur externe.
Écoute Comparé à certains de ses concurrents, le HP-A4BL ne saurait passer pour le plus analytique, le plus technique, le plus géométrique. Il existe
Le DX1 s’inscrit dans la nouvelle HI-FI série Smart de format compact (23 cm de largeur), qui compte pour l’instant l’amplificateur intégré AX1, l’amplificateur de puissance stéréophonique BX1 et attend un lecteur réseau, un préamplificateur et un lecteur de CD. Le DX1 cumule les fonctions de convertisseur et d’amplificateur pour casques : il y a en effet deux sorties pour mini-fiche jack. Un seul sélecteur rotatif permet de contrôler cet appareil très bien conçu. Une pression le met sous tension puis offre de choisir dans un étourdissant menu. Ce modèle peut en effet recevoir des signaux numériques par liaisons optiques, coaxiales (dont une BNC), USB-A (appareils Apple), USB-B (ordinateur) et même AES/
Pour : fluidité mélodique, densité sonore, Contre : pas d’entrée numérique coaxiale Timbres : Transparence : Restitution spatiale : Finition : Rapport qualité/prix :
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pas la franchise des attaques, ni la netteté des contrastes. Et on se laisse facilement séduire par ces textures onctueuses mais jamais lourdes. De l’excellent matériel. u
Advance Paris DX1 CLASSICA
des basses plus impérieuses et plus anguleuses (piano). Mais si le Fostex ne joue pas les instruments de mesure, il se révèle superbe instrument de musique. Il déploie ainsi un large éventail de nuances, et surtout fait complètement oublier l’origine numérique, mathématique et segmentée des signaux pour laisser entendre des phrasés d’une fluidité souveraine. Les voix se montrent alors d’une troublante sensualité et les instruments à cordes laissent résonner leur caisse. Le legato du piano n’interdit heureusement
Prix : 479 u Entrées numériques : 1 optique, 1 USB Sorties numériques : 1 optique Sorties analogiques : 1 RCA Sortie casque : oui Conversion : 24 bits/1 92 kHz Conversion USB : 24 bits/196 kHz, DSD 11,2 MHz Dimensions (L x H x P) : 15 x 3,5 x 15,7 cm Poids : 630 g Finition : noire Origine : Japon Distribution : Hamy Sound Tél. : 01 47 88 47 02
EBU (prise XLR). En option, le module X-FTB01, semblable à une clé USB, peut transmettre des signaux numériques en Bluetooth apt-X. Le réglage manuel du volume donne la possibilité d’utiliser le DX1 comme préamplificateur.
Écoute La conception si habile de cet appareil et sa débauche de connexions feraient facilement craindre que le confort de l’utilisateur n’ait volé la
priorité à la satisfaction de l’auditeur. Heureusement, il n’en est rien. On pourra certes entendre ailleurs basses plus autoritaires et évoluer dans un espace encore plus aéré, mais le DX1 a une qualité essentielle : il ne réduit jamais la musique à de maigres traits, à de plates compositions, à de fades impressions. Il sait au contraire lui conserver son corps, sa densité, son relief, son goût. Si le Paris DX1 n’est peut-être pas l’appareil le plus scrupuleusement rigoureux, il se montre sans conteste un des plus enthousiastes. À la perfection géométrique, il préfère la vibration chromatique. Aussi les sons arborent-ils une appréciable matière : voix superbes de ligne, cordes soyeuses et piano sans dureté. u
ADVANCE PARIS DX1
Prix : 690 u Entrées numériques : 3 coaxiales, 6 optiques, 2 USB, 1 AES/EBU Sorties numériques : 1 coaxiale, 1 optique Sorties analogiques : 1 RCA, 1 XLR Sortie casque : oui Conversion : 24 bits/192 kHz Conversion USB : 32 bits/768 kHz, DSD 11,2 MHz Dimensions (L x H x P) : 23 x 10,5 x 31,5 cm Poids : non communiqué Finition : blanche ou noire Origine : France Distribution : Advance Paris Tél. : 01 60 18 59 00 Pour : la densité sonore, le relief, l'absence de dureté Contre : très léger manque de fermeté dans l'extrême-grave Timbres : Transparence : Restitution spatiale : Finition : Rapport qualité/prix :
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www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 119
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LA HI-FI
NUPRIME DAC-9
NuPrime DAC-9 Peu large, très plat, orné de deux seuls boutons rotatifs pour la sélection de la source et le réglage du volume, le DAC-9 égaie sa façade de quelques caractères alphanumériques désignant l’entrée choisie (optique, coaxiale, etc.), la nature du signal (fréquence d’échantillonnage) et le niveau sonore. Le potentiomètre de volume et la présence d’une entrée analogique offrent à cet appareil la possibilité de jouer les préamplificateurs. Ne reste qu’à lui associer un amplificateur de puissance. Le circuit de conversion porte la référence AK4490 comme certains de ses concurrents. En option, un module permet la CLASSICA
HI-FI
PRO-JECT DAC BOX DS2 ULTRA
Prix : 599 u et 699 u sans ou avec les côtés en bois Entrées numériques : 2 coaxiales, 3 optiques, 1 USB Sorties numériques : 1 optique Sorties analogiques : 1 RCA Sortie casque : non Conversion : 24 bits/192 kHz Conversion USB : 24 bits/768 kHz, DSD 11,2 MHz Dimensions (L x H x P) : 20,6 x 7,2 x 20 cm Poids : 1,1 kg Finition : grise ou noire Origine : Autriche Distribution : Audio Marketing Services Tél. : 01 55 09 55 50 Pour : une écoute équilibrée et sans dureté Contre : pas de sortie casque Timbres : Transparence : Restitution spatiale : Finition : Rapport qualité/prix :
transmission sans fil en Bluetooth et l’écoute en continu (streaming) via le wi-fi.
Écoute La plénitude sonore, la perception du bois des instruments, de la résonance de la table d’harmonie et de la caisse, de la peau des percussions figurent parmi les qualités premières du DAC-9. Le son ne semble jamais anémié ni raboté: il ne trace pas les contours d’un
Prix : 799 u Entrées numériques : 1 coaxiale, 1 optique, 1 USB, 1 AES/EBU Sorties numériques : 0 Sorties analogiques : 1 RCA, 1 XLR Sortie casque : non Conversion : 24 bits/384 kHz Conversion USB : 32 bits/384 kHz, DSD 11,2 MHz Dimensions (L x H x P) : 23,5 x 5,5 x 28,1 cm Poids : 2,3 kg Finition : noire ou grise Origine : États-Unis Distribution : Next Audio Tél. : 06 60 70 63 63 Pour : belle densité sonore Contre : sonorité un peu mate Timbres : Transparence : Restitution spatiale : Finition : Rapport qualité/prix :
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geste cursif et ne craint pas de sculpter la matière. La présence des musiciens se fait alors facilement ressentir. On note cependant une relative matité du registre aigu (piano, violon). u
Pro-Ject DAC Box DS2 ultra Organisé autour du circuit AK4490 du fabricant japonais Asahi Kasei Microdevices, ce modèle peu encombrant s’inscrit dans la très nombreuse famille de Box Design de ProJect. Malgré son esthétique très sobre, le DS2 ultra propose trois modes sonores (modification de l’échantillonnage) et cinq filtres, qui permettent de varier l’équilibre tonal et donc de l’adapter à ses envies ou ses besoins. Il est en outre possible de choisir, à l’arrière de l’appareil, entre deux niveaux de gain, en fonction de la sensibilité de CLASSICA
HI-FI
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120 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
son amplificateur. L’alimentation électrique dépend d’un transformateur externe.
Écoute On apprécie assez vite l’absence de crispation dans le geste, de rigidité dans la conduite, d’agressivité dans le chant. Le violon ne vrille pas les tympans et le piano ne joue pas les célestas. Cela dit, cette restitution sans artifice et ce jeu sans effet de manche pourront passer pour une neutralité un peu sévère. Il est vrai qu’on peut admirer ailleurs des couleurs plus profondes et plus chatoyantes, des cordes bien plus soyeuses, des basses plus enveloppantes. Cet Ultra n’a rien d’un excessif. u
Nad D 1050 Le Nad fait lui aussi office de convertisseur et d’amplificateur pour casque. Mais il se distingue par un dessin original. Des touches tactiles permettent en outre d’accéder aux fonctions et un affichage en grands caractères assure de connaître la qualité du signal. CLASSICA
HI-FI
Écoute Les amateurs de précision et des grands espaces seront comblés: le Nad accueille ainsi les musiciens dans de vastes salles et suit à la loupe leurs moindres faits et gestes. Mais on aurait aimé un peu plus de rondeur dans le médium (voix) et l’aigu (piano, clavecin). 0
NAD D 1050
Prix : 549 u Entrées numériques : 2 coaxiales, 2 optiques, 1 USB Sorties numériques : 0 Sorties analogiques : 1 RCA, 1 XLR Sortie casque : oui Conversion : 24 bits/192 kHz Conversion USB : 24 bits/192 kHz Dimensions (L x H x P) : 18,6 x 5,8 x 20,8 cm Poids : 1 kg Finition : noire Origine : Canada Distribution : France Marketing Tél. : 01 60 80 95 77 Pour : la conception, la restitution détaillée Contre : un léger manque de générosité et de chaleur Timbres : Transparence : Restitution spatiale : Finition : Rapport qualité/prix :
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acoustique premium Fort d’une expérience de plus de 40 ans dans la conception d’acoustiques hifi et home cinéma, Monitor Audio a mis tout son savoir-faire pour la 3ee génération dans sa luxueuse gamme Gold.
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HI-FI / HAUT DE GAMME
L’écoute d’exception CASQUE
Sony MDR-Z1R
Transport de fonds R
A
lors que de moins en moins de fabricants proposent des lecteurs de CD, considérant l’affaire entendue, Accuphase ne désarme pas et offre même un modèle très haut de gamme, le DP-950. La présentation et la construction se montrent, bien sûr, fidèles à la réputation de la marque prestigieuse. Ne demeurent ainsi en façade que les touches de lecture de base, tandis que la distribution interne suit un plan rigoureusement symétrique avec deux transformateurs autour du tiroir central. Ledit tiroir coulisse dans une mécanique de précision en aluminium, et non en plastique comme trop souvent. Sa conception privilégie un centre d’inertie bas, de façon à limiter toutes les vibrations
mécaniques. Cet appareil est ce qu’on appelle un transport: il accepte les CD et les SACD, mais ne dispose d’aucun circuit de conversion. Accuphase lui destine donc le DC-950 (21 490 €). La liaison peut emprunter différentes voies : fibre optique, câble coaxiale ou HS-Link. La sortie analogique, elle, utilise des prises RCA ou XLR. u
Prix : 21 490 u Dimensions (L x H x P) : 44,7 x 15,6 x 39,4 cm Poids : 30,6 kg Finition : couleur champagne Origine : Japon Distribution : Hamy Sound Tél. : 01 47 88 47 02
V
Prix : 2 400 u Dimensions (L x H x P) : 40 x 15 x 35 cm Poids : 7 kg Finition : acrylique transparent Origine : Royaume-Uni Distribution : Audio Marketing Services Tél. : 01 55 09 55 50
le clavecin, le piano, si difficiles à restituer sans que l’aigu vienne éprouver les tympans, sonnent avec un naturel stupéfiant. Cet équilibre entre la netteté des contours et le juste dosage des couleurs permet d’apprécier pleinement les qualités (mais aussi de percevoir les défauts !) d’un enregistrement: les voix se déploient ainsi sur de sereines perspectives. Le Sony MDR-Z1R assure un rapport privilégié entre le mélomane et les musiciens. Superbe! u
Écoute
La platine invisible oilà plus de vingt-cinq ans que Roksan fabrique des platines tournedisques et renouvelle régulièrement sa production. Ainsi, le constructeur britannique
éférencé dans la nouvelle série Signature de Sony, le MDRZ1R ne masque pas ses envies de luxe : sa présentation élégante dans une boîte compartimentée en témoigne et son prix le confirme. Ce casque dispose d’une membrane de 7 cm de diamètre dans chacune des deux coques en titane cerclées d’un coussinet en cuir. Un système de rotules en aluminium permet de s’adapter à la morphologie de chaque crâne et l’arceau assure un bon maintien, sans jamais fatiguer par une trop grande pression. Chaque écouteur entoure l’oreille de façon à l’isoler des bruits ambiants. Le branchement s’effectue par un câble en cuivre garni d’argent, en forme de Y, à visser sur chacun des écouteurs.
présente la Radius 7, développée sur le modèle de la Radius 5 dont elle épouse les mêmes contours et adopte le principe identique de transmission par courroie, déportée sur le côté. Elle s’en distingue cependant par un bloc moteur tout nouveau, piloté électroniquement et isolé du reste de l’appareil. Le changement de vitesse s’effectue électroniquement et une diode, bleue ou rouge, indique laquelle est sollicitée. Le bras Roksan Nima, en alliage d’aluminium, prend place sur un châssis en acrylique transparent du plus bel effet. Parmi les autres innovations de cette platine, on signale la poulie centrale à base d’aluminium. À l’utilisateur de choisir sa cellule. u
122 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Que Sony sache fabriquer d’excellents casques ne date pas d’aujourd’hui : qu’on se souvienne juste du MDRCD3000 qui équipa nombre de studios. Ce nouveau MDR-Z1R se situe d’ailleurs dans la lignée de son brillant aîné, alliant avec une rare dextérité précision et douceur. Précision, parce que l’auditeur perçoit instantanément l’ambiance acoustique dans laquelle la prise de son a été réalisée et comment les pupitres ont été disposés. De même, les outils employés (réverbération, multipistes) se devinent sans peine. Autant dire que ce casque respire large et que les claustrophobes peuvent s’en coiffer sans crainte. Et puis, douceur, parce que le violon,
Prix : 2 200 u Impédance : 64 Ohms Poids (sans câble) : 385 g Longueur du câble : 1,20 m et 3 m Finition : noire Origine : Japon Distribution : Sony France www.sony.fr Pour : le naturel des timbres, la justesse musicale Contre : rien Timbres : Transparence : Restitution spatiale : Finition : Rapport qualité/prix:
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Photos : Laurent Chantreuil et Mary Erhardy
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Situé dans le quartier du Marais, Présence Audio Conseil vous permet de découvrir et d’apprécier en toute tranquillité le meilleur de la haute fidélité dans ses cinq salons d’écoute. Le meilleur des systèmes audio & vidéo. Les produits que nous présentons sont développés par des passionnés de musique. Ils font progresser la reproduction sonore par leur savoir-faire technologique et leur recherche de vérité sonore. Un son à votre mesure. Audiophiles, mélomanes, amoureux de son et de musique, découvrez des produits exceptionnels sélectionnés pour vous.
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Le son, l’émotion.
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HI-FI / NOUVEAUTÉS
Plateau télé
B
eaucoup moins encombrante qu’une collection de hautparleurs distribués dans le séjour, l’enceinte unique et plate se révèle la solution la plus pratique pour améliorer le son de son téléviseur. Le Français Cabasse propose ainsi la Stream Base destinée à se glisser sous l’écran : elle supporte des modèles de 107 cm de diagonale. Dotée d’un filtrage actif à quatre voies, elle rassemble pas moins de sept hautparleurs: deux tweeters et quatre haut-parleurs
de médium, plus un autre de 13 cm de diamètre dévolu au grave à grande course qui rayonne à 360 degrés. Cette enceinte ne réserve pas exclusivement ses talents à la télévision, puisqu’elle offre une liaison au réseau, par câble Ethernet ou wi-fi, donnant
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Prix : 499 u Dimensions (L x H x P) : 65 x 8,6 x 29 cm Poids : 8,6 kg Finition: noire, blanche ou noyer Origine : France Distribution : Cabasse Tél. : 02 98 05 88 88
fichiers audio sur clé USB ou disque dur externe, et du Bluetooth Apt-x, pour une utilisation facile avec tous les smartphones et tablettes. La sonorité se montre très dynamique, claire, bien articulée (le grave ne couvre jamais le reste du spectre), bien répartie dans l’espace et finement détaillée. u
Plus qu’une radio
ous présentions en décembre les enceintes Bluetooth Steljes NS1 (199 u la paire, Choc de Classica). Le constructeur britannique dispose aussi, entre autres, de deux radios portables, la SA20 (199 u) et la présente SA60. Toutes deux reçoivent la FM et la radio numérique (DAB), ainsi que les signaux émis en Bluetooth. Un peu plus volumineuse, la SA60 permet en outre de se connecter à Internet, par câble Ethernet ou wi-fi, et de profiter de milliers
ainsi l’accès aux radios du monde entier et aux serveurs Deezer, Spotify, Qobuz et Tidal. La compatibilité DLNA permet en outre d’écouter les musiques enregistrées sur un ordinateur ou sur un NAS. La Stream Base possède aussi une entrée USB, pour la lecture de
d’émetteurs du monde entier. Spotify y est par ailleurs installé d’origine. L’application Undok offre la possibilité d’associer plusieurs appareils (multiroom) puis de les piloter depuis un seul périphérique, iOS ou Android. L’écoute se montre plutôt équilibrée, sans aigu agressif ni grave envahissant. Le médium pourrait avoir davantage de densité, mais la diffusion du son dans la salle est agréable. u
Prix : 199 u Entrées analogiques : 1 mini-jack de 3,5 mm Sorties analogiques : 2 mini-jack de 3,5 mm Dimensions (L x H x P) : 12 x 20,8 x 13 cm Poids (unité) : 1,6 kg Finition : blanche, noire ou façon noyer Origine : Royaume-Uni Distribution : Audio Marketing Services Tél. : 01 55 09 55 50 124 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Triangle s’active
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es enceintes actives sont décidément dans l’air du temps. Triangle dévoile en effet un modèle issu de la gamme Elara (deux colonnes, un modèle de bibliothèque et une voix centrale), la LN01A. Comme sa référence le laisse supposer, cette enceinte compacte reprend les dimensions de la LN01. Elle associe un tweeter à dôme en tissu de 25 mm et un haut-parleur de médiumgrave de 13 cm. Une des deux enceintes enferme en plus un amplificateur équipé Prix : 599 u la paire Puissance : 2 x 50 W Entrées analogiques : 1 RCA, 1 mini-jack Entrées numériques : 1 Bluetooth, 1 optique, 1 coaxiale Dimensions (L x H x P) : 16,5 x 29,1 x 23,5 cm Finition : noire ou blanche Origine : France Distribution : Triangle Tél. : 03 23 75 38 20
d’une entrée phono, mais aussi d’entrées numériques, d’une connexion sans fil Bluetooth, pour un smartphone ou un ordinateur, et d’une sortie prévue en direction d’un caisson de basse. Il suffit donc de brancher une platine tourne-disque, un lecteur CD ou réseau ou un autre appareil pour disposer d’un système complet et très peu encombrant. u
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HI-FI / NOUVEAUTÉS
LE TEST ENCEINTE ACOUSTIQUE
Bowers & Wilkins CM6 S2
L Nouvelles Planet
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érivés des enceintes qui ont participé à la légende d’Elipson, ces nouveaux modèles ont adopté la forme originale d’une sphère. Les bien nommées Planet existent alors en deux tailles, L et M. La première présente un diamètre Prix Planet L : 399 u l’unité et 799 u la paire Prix Planet M : 249 u l’unité et 499 u la paire Poids Planet L : 7 kg Poids Planet M : 1,7 kg Origine : France Distribution : AV/Industry Tél. : 0 805 69 63 04
de 29 cm et enferme un tweeter à dôme en tissu et un hautparleur de médium-grave à membrane en papier de 16,5cm. Plus compacte avec 15 cm de diamètre, la seconde recèle un haut-parleur coaxial de 10 cm. Toutes deux peuvent fonctionner par paire, en stéréophonie, mais aussi en groupe, de façon à constituer un ensemble 5.1 pour un système audiovidéo. Des supports spécifiques permettent de placer les enceintes à hauteur idéale pour l’écoute. Aux couleurs laquées d’origine, blanche, noire et rouge, s’ajoutent trois autres finitions, mate, grise (deux nuances) et blanche. u
LA PRISE DE SON DU MOIS ® « So French »
Œuvres de Saint-Saëns, Franck, Ysaÿe, Massenet et Ravel
Stéphanie-Marie Degand (violon), Christie Julien (piano)
I
nstallées dans l’auditorium du nouveau Conservatoire de Gennevilliers, Stéphanie-Marie Degand et Christie Julien disposent d’une acoustique à la fois généreuse (la salle est vide) et précise. Hannelore Guittet a manifestement planté ses micros à proximité des instruments : on peut en effet entendre le frottement du crin de l’archet sur la corde, la résonance de la table d’harmonie du violon, la tension qui monte au gré des avancées de la main gauche. Ce ne sont donc pas les conditions du concert, mais plutôt une photographie en plan rapproché. L’auditeur attentif pourra également percevoir les basses voluptueuses du piano, assorties de quelques échos harmoniques, et le jeu de pédale. Cela dit, l’équilibre entre les deux instruments, si difficiles à associer, se montre exemplaire de justesse et le son (n’oublions pas les artistes !) n’est jamais dur ni crispé. Voilà un enregistrement qui a de la matière et de la tenue, de la chair et du nerf. u 126 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
a CM6 S2 et la caractère de ses parCLASSICA tenaires et on aura colonne CM10 HI-FI S2 sont les deux compris qu’il vaut seules à disposer mieux éviter de lui d’un tweeter fixé sur le haut présenter des amplificade l’enceinte et entièreteurs trop lumineux: le mament détaché du coffre riage risquerait fort de tourprincipal. Ledit tweeter, à ner à l’orage. Mais, en bonne dôme en aluminium, loge compagnie, la CM6 S2 peut dans un volume profilé, faire des merveilles. Un médirectement issu de la presdium très dynamique et en tigieuse série Nautilus. Le trois dimensions rejoint un corps principal de l’enceinte grave très articulé (main accueille un haut-parleur gauche du pianiste, violonde médium-grave en Kevcelles et contrebasses) et lar, figure familière de la très bien dosé. u production de Bowers & Wilkins, reconnaissable à sa couleur jaune et de 16,5 cm de diamètre. Sur la face arrière de l’enceinte s’alignent le double bornier et l’évent.
Écoute
Qui penserait encore que les enceintes B&W offrent une écoute bien tranquille et joliment colorée doit impérativement réviser son jugement. La clarté, la limpidité, la netteté et la rapidité sont en effet les qualités premières de cette CM6 S2. Son écoute en haute définition permet ainsi de percevoir les moindres détails d’un enregistrement, de la disposition des musiciens à l’acoustique de la salle en passant par le jeu de pédale du pianiste ou l’attaque de la corde par les crins de l’archet. C’est impressionnant, souvent spectaculaire, mais parfois un peu surexposé. Il ne faut évidemment pas conditionner l’oreille par l’œil, mais ce tweeter posté en guetteur sur le sommet de l’enceinte semble avoir une vue très perçante qui laisse flotter l’aigu, comme s’il se détachait du reste du spectre. Cette enceinte se montre ainsi très sensible au
Prix : 1 900 u la paire Rendement : 88 dB Nombre de voies : 2 Bi-câblage : oui Dimensions (L x H x P) : 34 x 20 x 28,5 cm Poids : 8,9 kg Finition : noire, blanche ou merisier Origine : Royaume-Uni Distribution : B&W Group France Tél. : 04 37 46 15 00 Pour : de l’air, de la vie, beaucoup de détails Contre : l’aigu flotte un peu Timbres : HHH Transparence : HHHH Restitution spatiale : HHHH Finition : HHHH Rapport qualité/prix: HHH
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HI-FI / NOUVEAUTÉS
LE TEST TOUT EN UN
Polyvalent
S
i le lecteur Sony UHP-H1 accepte les disques Blu-ray qu’il traite avec soin (augmentation des performances en UHD 4 K, la très haute résolution), il lit n’importe quel autre support:
Prix : 399 u Sorties vidéo : 1 HDMI Sorties audio numériques : 1 coaxiale, 1 optique, 1 HDMI Connexion Internet : oui Port USB : oui Dimensions (L x H x P) : 36 x 5 x 25 cm Poids : 2,8 kg Finition : noire Origine : Japon Distribution : Sony France www.sony.fr
Tivoli sans fil
L
a firme annonce la commercialisation de deux enceintes Bluetooth inscrites dans la série Art. Habillées de bois et de tissu de la maison norvégienne Gabriel, toutes deux se veulent d’une élégance Prix Orb : 249 u Prix Cube : 199 u Prix ConX : 69 u Dimensions Orb (D x H) : 23 x 5 cm Poids : 1,6 kg Dimensions Cube (L x H x P) : 11 x 11 x 11,7 cm Poids : 1,4 kg Finition : bois, blanche ou noire Origine : États-Unis Distribution : Tivoli Audio France Tél. : 0 800 918 403
CD, DVD et SACD. Il peut aussi recevoir tout signal dématérialisé et se connecter aux différents services de diffusion en ligne. La liaison à Internet s’effectue avec ou sans câble, le Bluetooth et la compatibilité DLNA le transforment en plateforme de diffusion de sons et d’images depuis un ordinateur ou un NAS. La connexion au réseau local permet en outre une circulation des signaux dans différents lieux (multiroom). La conversion audio est assurée par un circuit 24 bits/192 kHz. En plus de cette batterie de fonctions, le Sony UHP-H1 offre une qualité d’écoute particulièrement appréciable. À un bel équilibre des registres (aigu jamais strident) répond un étagement rigoureux et réaliste des plans sonores. u
intemporelle. Capables de fonctionner seules ou en paire, pour de la stéréophonie, ou à plusieurs, elles laissent deviner leur forme par leur simple nom. Orb a bien sûr un dessin circulaire, disque de 23 cm de diamètre, tandis que Cube se déploie sur 11 cm de côté. Les touches de réglages se dissimulent sur le côté de l’enceinte et permettent de choisir la source à écouter et le niveau du volume sonore. Il est possible d’ajouter, en plus des connexions Bluetooth et wi-fi, un appareil par prise mini-jack. Signalons enfin qu’il suffit de relier le ConX, petit boîtier électronique noir, à n’importe quel appareil audio pour que le son soit diffusé dans toutes les pièces (mutiroom). u
128 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Taga Harmony HTR-1000CD
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écemment distribuée en France, la marque Taga Harmony présente un catalogue fourni d’enceintes auxquelles s’ajoutent quelques produits électroniques, amplificateurs, convertisseurs et autres compagnons pour casque. Le HTR-1000CD arbore une belle façade en aluminium brossé sur laquelle s’alignent les potentiomètres et les sélecteurs. Le grand écran central permet de voir rougeoyer les deux tubes 12AX7B destinés au préamplificateur, mais aussi de lire des informations telles que la fréquence de la station écoutée, le niveau sonore ou le réglage des graves et des aigus. Cet appareil très complet réunit, on l’aura compris, un amplificateur, un tuner FM et DAB (radio numérique), mais également un lecteur de CD. Il dispose par ailleurs d’un port USB (clé ou baladeur), de la technologie Bluetooth, pour se relier sans fil à un smartphone ou un ordinateur, et de deux entrées analogiques.
Écoute
L’association du tube et du transistor permet de discipliner la générosité du premier par l’énergie du second : aussi toute tentative de séduction rapide ou d’abandon à une volupté facile est-elle vaine. On apprécie par conséquent l’équilibre des registres, d’un grave à la fois présent mais tenu à un aigu clair mais jamais aveuglant.
Quant à la section centrale, celle sur laquelle se concentre le message musical, elle se montre onctueuse mais aérée, pas collante ni caoutchouteuse. Les voix convainquent par leur lyrisme naturel, leurs phrasés développés sur une large échelle de nuances, sans sifflantes accentuées ni articulation approximative. De même, le violon évite les stridences, sans renoncer à la pré cision des attaques, à la rapidité d’un staccato. La musique profite d’un bel espace dans lequel air et lumière circulent librement. Un appareil de très haute qualité. u
Prix : 469 u Puissance : 2 x 75 W/4 Ohms Entrées numériques : 1 USB, 1 Bluetooth Sortie casque : oui Télécommande : non Dimensions (L x H x P) : 24,5 x 14 x 29,5 cm Poids : 5,7 kg Finition : noire Origine : Pologne Distribution : Hamy Sound Tél. : 01 47 88 47 02 Pour : l’équilibre général, la musicalité naturelle Contre : rien Timbres : Transparence : Restitution spatiale : Finition : Rapport qualité/prix:
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LA MATINALE
GUILLAUME DURAND TOUS LES JOURS, DE 7H30 Ë 9H
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HI-FI / NOUVEAUTÉS
Bluetooth de première classe
A
dibla est une jeune entreprise francocoréenne spécialisée dans la fabrication d’écouteurs Bluetooth intraauriculaires. Signalons deux modèles : le Neckmaster Life et le Neckmaster Elite. Ils se composent d’une paire de Prix Neckmaster Life : 99 u Prix Neckmaster Elite : 499 u Autonomie annoncée : 8 heures Poids : 12 g et 13 g Finition : noire Origine : France et Corée Distribution : Adibla Tél. : 09 54 26 99 40
petits écouteurs reliés par un câble plat d’une cinquantaine de centimètres équipé d’une télécommande. S’y alignent trois touches relatives au réglage de volume, au saut de plages et aux communications téléphoniques, ainsi qu’une mini-prise USB pour recharger la batterie. Le Life offre trois ambiances sonores, tandis que l’Elite, lui, en additionne sept: on ne saurait trop
conseiller d’opter pour la plus neutre et de fuir le renforcement artificiel des basses. Une application Adibla, téléchargeable sur Google Store, permet de disposer de fonctions supplémentaires. Les écouteurs sont livrés avec plusieurs embouts et un étui de transport. Leur autonomie annoncée est de huit heures. L’écoute des deux paires se montre très convaincante. Les
musiciens profitent d’un large espace dans lequel peuvent se déployer des basses naturelles (pizzicatos des cordes graves) et nettes (piano). Cette clarté ne se gagne heureusement jamais au prix d’une accentuation des aigus : les cordes ne laissent pas percevoir la moindre note d’acidité et le triangle ne tinte pas comme un jeu de cloches. À découvrir d’urgence. u
Grande écoute
L
’encombrement est minimal, mais le potentiel est maximal grâce à une conception habile et exigeante. La microchaîne MCR-N670 de Yamaha réunit en effet trois éléments séparés, un lecteur de CD, réseau et tuner CD-NT670, un amplificateur
Prix : 849 u Entrées numériques : 1 optique, 1 USB, 1 Bluetooth Dimensions lecteur (L x H x P) : 31,4 x 7 x 33,8 cm Dimensions amplificateur (L x H x P) : 31,4 x 7 x 34,2 cm Dimensions enceintes (L x H x P) : 17,6 x 31 x 29,7 cm Finition : noire ou grise Origine : Japon Distribution : Yamaha Music Europe Tél. : 01 64 61 58 00
A-670 et une paire d’enceintes. Le premier peut recevoir la FM, mais aussi les webradios via Internet (connexion Ethernet), le Bluetooth et des signaux numériques 24 bits/192 kHz. Le deuxième dispose d’une sortie vers un caisson de basses et les troisièmes sont dotées d’un tweeter à dôme et d’un haut-parleur de 13 cm de diamètre. Ces appareils sont compatibles MusicCast, c’està-dire qu’ils peuvent diffuser la musique en plusieurs endroits (multiroom) et sont pilotables depuis une même application. L’ensemble offre une sonorité plutôt claire et dynamique, richement détaillée et nullement agressive. On pourrait certes imaginer un médium un peu plus dense, mais celuici ne dénature pas les timbres des instruments ni les voix. La Yamaha MCR-N670 dessine en outre une belle image stéréophonique. u
130 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
Onkyo met la barre haut
C
e n’est pas une simple barre de son, mais un système destiné à restituer du son en relief. Le Onkyo LS7200 se compose en effet d’une barre, d’un caisson de graves à transmission sans fil et d’une unité centrale. Cette dernière se charge du décodage et de l’amplification des signaux venus de différents horizons: wi-fi, AirPlay, Bluetooth, quatre entrées HDMI permettant de se relier à un lecteur ou à une console de jeux, des entrées numériques et analogiques. La diffusion en plusieurs lieux (multiroom) est possible, tout comme le paramétrage automatique
des enceintes en fonction de l’acoustique de la salle et de l’écoute en continu (streaming). La barre comprend cinq haut-parleurs. L’ensemble est compatible avec les codages Dolby Atmos et DTS :X qui projettent le son sur les trois dimensions, notamment en hauteur. De la musique d’un smartphone à un film en très haute définition, la LS7200 entend tout. u Prix : 1 199 u Origine : Japon Distribution : Pioneer-Onkyo Europe Tél. : 01 84 88 47 12
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HI-FI / AUDITORIUMS
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www.classica.fr n CLASSICA / février 2017 n 131
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Sur Radio Classique
UNE INTERFACE À LA PAGE Le site de la station a été repensé pour offrir plus d’ergonomie, de contenus et d’interactivité.
L
e site Internet de Radio Classique fait peau neuve! Rouge, noir et blanc, la toute nouvelle interface offre à la fois plus de possibilités et de lisibilité. « Dans le monde du digital où tout va très vite, il était essentiel de se mettre à jour par rapport aux modes de consommation actuels de la radio et à ce qui se fait aujourd’hui dans ce domaine », résume Matthieu Wolf, le directeur digital de la station. Concrètement, pour les auditeurs/ internautes, à présent, le site offre quatre grands changements. Tout d’abord, le passage
au « Responsive Design »: sous cet anglicisme se cache l’actualisation majeure. Le site peut désormais être consulté – et la radio écoutée – sur tous les supports numériques (smartphones, tablettes, etc.), et plus uniquement depuis les ordinateurs. Autre modification notable, la refonte du « player » dont l’ergonomie propose maintenant un accès à de nombreuses informations sur les morceaux en cours, déjà diffusés ou à venir! Les mélomanes les plus exigeants pourront, en quelques clics, trouver le titre, l’interprétation et les détails
de l’enregistrement concerné, alors que les néophytes auront la possibilité de lire, de façon ludique et éducative, biographies de compositeurs et autres éclairages sur certains genres et courants musicaux. Dans sa nouvelle version, le site présente également une partie « Magazine », mise à jour quotidiennement, une sorte de complément à la radio, aux interviews des invités de Laure Mézan ou d’Olivier Bellamy et aux plages d’infos de début et fin de journée.
Enfin, autre innovation importante, l’introduction d’un lecteur video pour regarder « La matinale » de Guillaume Durand ou, plus ponctuellement, certaines émissions sous forme de pastilles vidéo, comme le rendez-vous quotidien d’Ève Ruggieri. Pour Matthieu Wolf, cette fonctionnalité répond « à une tendance pour la radio filmée » et une curiosité des auditeurs de découvrir les coulisses de la radio… u k Rens. : www.radioclassique.fr
STEVE J. SHERMAN
LES PROGRAMMES
Leonard Slatkin dirigera l’Orchestre national de Lyon dans un programme Connesson, Rimski-Korsakov et Ravel, le 9 février en direct de l’Auditorium Ravel, à Lyon.
DU LUNDI AU VENDREDI ® 6 h 15 – 7 h 30 : La Matinale économique de Renaud Blanc ® 7 h 30 – 9 h : La Matinale de Guillaume Durand ® 9 h – 9 h 30 : Ève Ruggiéri raconte… ® 9 h 30 – 13 h : Tous classiques avec Christian Morin ® 13 h 00 – 17 h : Le Plaisir du classique avec Albina Belabiod ® 17 h – 18 h : Duault classique avec Alain Duault ® 18 h – 19 h : Passion classique avec Olivier Bellamy ® 19 h – 20 h : Le 19-20 h de Patrick Poivre d’Arvor (sauf le vendredi) ® 19 h – 20 h (le vendredi) : La Grande Galerie de Radio Classique avec Guy Boyer de Connaissance des Arts ® 20 h - 20 h 15 : Le journal du classique de Laure Mézan ®20 h 15 –23h: Vos soirées classiques avec Francis Drésel ® 23 h – 00 h : Les Discoportraits de Francis Drésel
132 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
LE WEEK-END ® 5 h – 7 h : Les Petits Matins de Radio Classique ® 7 h – 9 h 30 : La Matinale musicale avec Laure Mézan ® 9 h 30 – 13 h : Week-end classique avec Jean-Michel Dhuez ® 12 h : Les Mots de la philo de Luc Ferry (3 min) ® 13 h – 13 h 30 : L’Invité culture de Claire Chazal ® 13 h 30 – 17 h : Le Plaisir du classique avec Albina Belabiod ® 16 h : Les Mots de la philo de Luc Ferry (3 min) ® 17 h – 18 h : Week-end classique avec Élodie Fondacci ® 17 h – 21 h (le dimanche) : Week-end classique avec Élodie Fondacci ® 18 h – 19 h (le samedi) : « Best of » Passion classique avec Olivier Bellamy ® 19 h – 21 h : Week-end classique avec Élodie Fondacci ® 21 h – 00 h (le dimanche) : Le Grand Concert classique du dimanche soir avec Francis Drésel
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
Les grands concerts SUR FRANCE MUSIQUE ® 30/01 à 11 h : Symphonie n°3 de Mahler, par A. Larsson (alto), Orch. philh. de Berlin, dir. I. Fischer. Enreg. à Berlin en 2016. ® 03/02 à 20 h : Nocturne et six Humoresques de Sibelius, Une vie de héros de Strauss, par A. Pogostkina (violon), Orch. philh. de Radio France, dir. M. Franck. En direct de Radio France. ® 04/02 à 14 h : carte blanche à B. Berezovsky (piano). En direct de Nantes. ® 04/02 à 15 h 45 : œuvres de chambre de Chausson, par A. Dumay (violon), J.-F. Neuburger (piano), Quatuor Modigliani. En direct de Nantes. ® 05/02 à 20 h : Rodelinda de Haendel, par M.-N. Lemieux,
K. Gauvin, K. Hammarström, Il Pomo d’Oro, dir. M. Emelyanychev. Enreg. au Théâtre des Champs-Élysées en 2017. ® 12/02 à 20 h : Lohengrin de Wagner, par J. Kaufmann, R. Pape, M. Serafin, E. Herlitzius, W. Koch, Orch. de l’Opéra de Paris, dir. P. Jordan. Enreg. à l’Opéra Bastille en 2017. ® 19/02 à 20 h : Carmen de Bizet, par M.-N. Lemieux, M. Spyres, J.-S. Bou, V. Santoni, Orch. national de France, dir. S. Young. Enreg. au Théâtre des Champs-Élysées en 2017. ® 20/02 à 20 h : œuvres d’Albéniz, Debussy, Granados, Sonate en si mineur de
11/02 : Trio Dali ; 18/02 : Edgar Moreau/Aurélien Pascal ; Léa Desandre, Les Accents, dir. Thibault Noally ; 25/02 : Eduard Belmar et Eloïse Bella Kohn ; Reinoud Van Mechelen ; Olof Hansen
Liszt, par Lang Lang (piano). Enreg. au Théâtre des ChampsÉlysées en 2016. ® 27/02 à 20h : Symphonie n°9 de Mahler, par Orch. de l’Opéra de Paris, dir. P. Jordan. Enreg. à la Philharmonie en 2016.
ARTE
® 05/02 à 17 h 30 : Danse du sabre de Khatchatourian, Totentanz de Liszt, Danses hongroises de Brahms, Danses polovtsiennes de Borodine, par N. Goerner (piano), A. Conunova (violon), Orch. national de Lettonie, dir. A. Poga. En direct de Nantes. ® 05/02 à 02 h 35 : Les Quatre Saisons de Vivaldi/ Richter, par S. Shoji (violon), Polish Chamber Orch. Enreg. à Nantes en 2017. ® 12/02 à 00h25: La Belle Hélène d’Offenbach, par G. Arquez, J.-P. Lafont, M. Sungu, Orch. Prométhée, dir. L. Viotti, ms. G. Barberio Corsetti, P. Sorin. Enreg. au Châtelet en 2015. ® 19/02 à 00 h 15 : Le Coq d’or de Rimski-Korsakov, par
Janine Jansen.
P. Hunka, V. Gimadieva, A. Dolgov, A. Kravets, Orch. de la Monnaie, dir. A. Altinoglu, ms. L. Pelly. Enreg. à Bruxelles en 2016.
MEZZO
® 05/02 à 20 h : Sérénade pour violon de Bernstein, Symphonie n°4 de Nielsen, par J. Jansen (violon) (photo), London Symph. Orch., dir. A. Pappano. En direct de Londres. ® 12/02 à 20h30: Le Chant du rossignol de Stravinsky, Symphonie du Nouveau Monde de Dvorák, par Orch. symph. de la Radio bavaroise, dir. A. Nelsons. Enreg. à Munich en 2011. ® 13/02 à 20 h 30 : Doctor Atomic Symph., Sheherazade.2 d’Adams, par L. Josefowicz, Orch. du Concertgebouw, dir. J. Adams. Enreg. à Amsterdam en 2015. ® 13/02 à 22h15: Rhapsody in Blue de Gershwin, Jazz Suite de Chostakovitch, par F. Say (piano), Orch. de Paris, dir. J. Darlington. Enreg. à la Philharmonie en 2015. ® 18/02 à 20h30: L’Étoile
l Requiem de Mozart, par S. Karthäuser, M.-C. Chappuis, M. Schmitt, J. Weisser, Freiburger Barockorch., dir. R. Jacobs. Enreg. à la Philharmonie en 2016. l Airs d’opéras italiens et mélodies napolitaines, par R. Alagna, N. Dessay, A. Kurzak, P. Yende, B. Uria Monzon, Orch. de chambre de Paris, dir. Y. Cassar. Enreg. à Versailles en 2016.
concert.arte.tv/fr
l Le Paradis et la Peri de Schumann, par C. Karg, K. Royal, M. Goerne, A. Clayton, G. Romberger, Orch. de Paris, dir. D. Harding. Enreg. à la Philharmonie en 2016. l Concert de Noël à Vienne, par A. Denoke, V. Kasarova, G. Haumer, Orch. De l’ORF, dir. E. Ortner. Enreg. à Vienne en 2016.
www.theopera platform.eu/fr
SDP
® 09/02 à 00 h : Il Mondo della Luna de Haydn, par P. Do, G. Bridelli, R. De Candia, H. Le Corre, Le Cercle de l’Harmonie, dir. J. Rhorer, ms. E. Sagi. Enreg. à MonteCarlo en 2014.
www.culturebox. francetvinfo.fr
TOUS LES SAMEDIS DE 14 H À 16 H « Génération Jeunes interprètes » de Gaëlle Le Gallic
À LA TÉLÉVISION FRANCE 2
SUR LE WEB
de Chabrier, par C. Mortagne, S. d’Oustrac. H. Guilmette, J. Varnier, Orch. de la Résidence de La Haye, dir. P. Fournillier, ms. L. Pelly. Enreg. à Amsterdam en 2014. ® 22/02 à 20h30: L’Heure espagnole et L’Enfant et les Sortilèges de Ravel, par S. d’Oustrac, E. Mechain, F. Piolino, P. Gay, K. Kim, London Philh. Orch., dir. K. Ono, ms. L. Pelly. Enreg. à Glyndebourne en 2012. ® 23/02 à 20h30: Così fan tutte de Mozart, par J. Wagner, M. Losier, F. Antoun, P. Sly, P. Szot, Orch. de l’Opéra de Paris, dir. P. Jordan, ms. A. T. De Keersmaeker. Enreg. au palais Garnier en 2017.
l Orphée de Monteverdi, par D. Köninger, J. Novikova, P. Renz, T. Kronthaler, Orch. du Komisch Opera, dir. A. de Ridder, ms. B. Kosky. Enreg. à Berlin en 2016. l Les Perles de Cléopâtre de Straus, par D. Manzel, J. Dunz, D. Köninger, D. Horwitz, Orch. du Komisch Oper, dir. A. Benzwi, ms. B. Kosky. Enreg. à Berlin en 2016.
www.medici.tv
l Concerto pour violon n°1 de Bruch, par N. Znaider (violon), Orch. de la Staatskapelle Dresden, dir. C. Thielemann. Enreg. à Dresde en 2016. l Symphonies de Bruckner, par Orch. de la Staatskapelle Berlin, dir. D. Barenboim. Enreg. à la Philharmonie en 2017.
PAGES RÉALISÉES PAR SÉVAG TACHDJIAN
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BACH, JEAN-SÉBASTIEN : 6 SUITES POUR VIOLONCELLE
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STRAUSS, RICHARD : ELEKTRA, DER ROSENKAVALIER
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BRAHMS, JOHANNES : LES DEUX CONCERTOS POUR PIANO
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STRAUSS, RICHARD : SYMPHONIA DOMESTICA/METARMOPHOSEN STC084324 P.102
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BRITTEN, BENJAMIN : CELLO SUITES
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TCHAIKOVSKI : SYMPHONIE N°6 "PATHÉTIQUE"
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BRITTEN, BENJAMIN : SUITES POUR VIOLONCELLE SEUL
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TCHAIKOVSKI: THE TCHAIKOVSKY PROJECT VOL.1
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BRITTEN, BENJAMIN | BOUTIN, NOÉMIE : CELLO SUITES
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UCHIDA, MITSUKO | MOZART : PIANO CONCERTOS 17 & 25
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BUTTERWORTH :FANTASIA FOR ORCH. VARIATIONS FOR ORCH.
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WAGNER, RICHARD : WALKYRIE
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CARPENTER : CONCERTINO FOR PIANO AND ORCHESTRA
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YONCHEVA, SONYA | HAENDEL : AIRS ET DUOS DE GIULIO
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RACHMANINOV, SERGEI | PROKOFIEV : CELLO SONATAS
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SATIE, ERIK : OEUVRES POUR PIANO A 2 OU 4 MAINS
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CESARINI, CARLOS FRANCESCO : CANTATAS
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CHOPIN, FRÉDÉRIC : COMPLETE PIANO SONATAS
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CHOPIN, FRÉDÉRIC | FRAY, DAVID : CHOPIN
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SCHUBERT : LATE SONATAS (70TH ANNIVERSARY)
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DEBUSSY, CLAUDE : IMAGES POUR ORCHESTRE. JEUX
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TCHAIKOVSKI : ROMEO & JULIET / FIREBIRD
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DUTILLEUX | SZYMANOWSKI : SONATE / PRELUDES
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VON OEYEN : PIANO CONCERTOS DE SAINT-SAENS, RAVEL
STC082663 P.104
18,62 e r
FAURÉ, GABRIEL : RÉCITAL VOL.1 : APRÈS UN RÊVE
STC070874
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19,75 e r
GABETTA, SOL | ELGAR, EDWARD : LIVE
STC076337
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GERVASONI : LE PRÉ, LIVRES 1 À 3. VIDOLIN, FURUKAWA
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GESUALDO, CARLO : MADRIGAUX, LIVRE 3
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GINASTERA | SIVAK : WORK FOR VOICE AND PIANO
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GRETRY : L'ÉPREUVE VILLAGEOISE, OPÉRA COMIQUE....
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KRENEK, ERNST : ORPHEUS UND EURYDIKE
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LISZT | BERRUT : METANOIA : PIANO WORKS BY F LISZT
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LUKASZEWSKI, PAVEL : MUSICA PROFANA VOL 1
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MAHLER, GUSTAV : LIEDER EINES FAHRENDEN GESELLEN
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MAHLER, GUSTAV : SYMPHONIE N° 2 "RÉSURECTION"
STC071487
P.96
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MONK, MEREDITH : ON BEHALF OF NATURE
STC073189
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21,50 e r
MOUSSORGSKI, MODESTE : PICTURES AT AN EXHIBITION
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19,42 e r
MOZART, WOLFGANG AMADEUS : ARIAS
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MOZART : CONCERTOS POUR PIANO K.453 & 456
STC072488
P.98
19,75 e r
MOZART, WOLFGANG AMADEUS | MUHLEMANN, REGULA : ARIAS
STC073422
P.98
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NEUKOMM : REQUIEM A LA MEMOIRE DE LOUIS XVI
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PALESTRINA : MISSA PAPAE MARCELLI, MOTETS
STC072385 P.100
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PROKOFIEV : OEUVRES POUR VIOLONCELLE ET PIANO
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PURCELL, HENRY : DIDO AND AENEAS
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KHACHATURIAN, ARAM | RAUTAVAARA : FLUTE CONCERTOS
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BRAHMS, JOHANNES | LIGETI : REFLETS ET SYMETRIES
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20,72 e r
DEGAND | JULIEN, CHRISTIE : SO FRENCH
STC069955 P.106
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DESSAY, NATALIE : PICTURES OF AMERICA
STC076332 P.105
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MÉTABOLES (LES) : UNE NUIT AMÉRICAINE
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19,62 e r
STC066219 P.108
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ÉGALEMENT REÇUS Orchestre ATTERBERG, KURT : ORCHESTRAL WORKS 5 BEETHOVEN, LUDWIG VAN : THE SOLOS CONCERTOS
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BRUCKNER, ANTON : SYMPHONIE N 2
STC069995 P.108
20.26 e r
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DVORÀK, ANTONIN | BELOHLAVEK, JIRI : SLAVONIC DANCES
STC067609 P.108
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FRANÇAIX, JEAN : OEUVRES POUR CLARINETTE
STC084309 P.108
22.21 e r
STC061611 P.108
20.72 e r
DVORÀK, ANTONIN : SYMPHONIES N 3 ET N 4
GERSHWIN: RHAPSODY IN BLUE - CONCERTO IN F RACHMANINOV, SERGE : SYMPHONIE N 1
STC084318 P.108
24.39 e r
SIBELIUS, JEAN : SYMPHONIES 3/6/7
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TCHAIKOVSKI, PIOTR ILYITCH : SYMPHONIE N° 1
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22.38 e r
TCHAIKOVSKI | CHOSTAKOVITCH : VIOLIN CONCERTOS
STC082448 P.108
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Sous-Total (2)
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
Références
Compositeurs, Œuvres
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Prix promo -12%
SPÉCIAL PROMO 12% DE REMISE
Musique de chambre
déjà calculés sur les articles indiqués dans le listing
GAL : INTEG. DE LA MUSIQUE DE CHAMBRE POUR CLARINETTE
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18.08 e r
MENDELSSOHN, FÉLIX : STRING QUARTETS 5/6
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SCHUBERT, FRANZ | SCHNYDER, DANIEL : STRING QUARTETS
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TANEYEV : COMPLETE STRING QUARTETS VOL 5
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9.65 e r
TCHAIKOVSKI : QUATUORS À CORDES NOS 1 & 3
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CHOPIN, FRÉDÉRIC : ART OF CHOPIN: PIANO CONCERTOS
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CHOPIN, FRÉDÉRIC : CHOPIN
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[email protected] du lundi au jeudi de 14h30 à 17h00 au
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MONTANT DE VOTRE COMMANDE (1 +2 +3)
LISZT, FRANZ : DEUX SONATES POUR DEUX PIANOS
STC084323 P.109
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PARTICIPATION AUX FRAIS DE PORT (Voir ci-dessous)
MOUSSORGSKI : TABLEAUX D’UNE EXPOSITION (1874)
STC072510 P.109
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NAPOLITANO, PINA : ELEGY: SCHOENBERG BARTOK & KRENEK
STC069371 p.109
20.65 e r
PROKOFIEV, SERGE : PIANO SONATAS VOL. 3 N° 6,7 & 8
STC057853 p.109
20.72 e r
SCRIABINE, ALEXANDRE : OPUS POSTHUM
TMB873591 p.109
20.65 e r
DEBUSSY : MUSIQUE POUR PIANO À QUATRE MAINS. VOL. 2
TCHAIKOVSKI : SUITES DE BALLETS POUR DUO DE PIANO
STC073257 p.109
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RÉÉDITIONS Orchestre
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BEETHOVEN, LUDWIG VAN : BEETHOVEN: SYMPHONIES 5 & 7
STC075195 p.110
15.84 e r
LOKCHINE : SYMPHONIE N°5 "SONNETS DE SHAKESPEARE
STC084304 p.110
17.97 e r
GABETTA | CAPPELLA GABETTA : MUSIC AT THE HABSBURG COURT STC048691 p.110
22.31 e r
GLASS, PHILIP : GLASSWORLDS, VOLUME 4, ON LOVE
23.87 e r
STC051277 p.110
Musique de chambre ART OF VEGH QUARTET: BEETHOVEN & BARTOK COMPLETE
STC058720 p.110
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BARYLLI QUARTET : ART OF BARYLLI QUARTET
STC061900 p.110
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Piano LABEQUE, KATIA | LABEQUE, MARIELLE : SISTERS
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DVD – BLU-RAY ABBADO: SYMPHONIE NO. 35, AIRS DE CONCERT DVD
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ABBADO: SYMPHONIE NO. 35, AIRS DE CONCERT BLU-RAY
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BERG, ALBAN : LULU DVD
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BERLIOZ, HECTOR : SYMPHONIE FANTASTIQUE OP 14 DVD
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24.61 e r
BUNIATISHVILI, KHATIA : LISZT | BEETHOVEN DVD
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23.89 e r
BUNIATISHVILI, KHATIA : LISZT | BEETHOVEN BLU-RAY
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DONIZETTI, GAETANO : ROBERTO DEVEREUX DVD
STC088624 p.115
32.68 e r
DONIZETTI, GAETANO : ROBERTO DEVEREUX BLU-RAY
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ELGAR, EDWARD : THE DREAM OF GERONTIUS DVD
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HAENDEL, GEORG FRIEDRICH : THEODORA DVD
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25.82 e r
HUMPERDINCK, ENGELBERT : HANSEL UND GRETEL BLU-RAY
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CAVALLERIA RUSTICANA : PAGLIACCI DVD
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35.97 e r
CAVALLERIA RUSTICANA : PAGLIACCI BLU-RAY
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TCHAIKOVSKY FILES: CONFESSIONS OF A COMPOSER DVD
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137
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PASSION MUSIQUE D’OLIVIER BELLAMY
Retrouvez Olivier Bellamy et son invité dans « Passion classique » chaque jour de 18 h à 19 h.
L’invité du mois
FRANCIS LAI
Alors qu’il fête ses cinquante ans de collaboration avec Claude Lelouch, le compositeur nous transmet son « intime conviction » musicale.
UNE BELLE MÉLODIE, C’EST UN CADEAU DU CIEL. C’EST COMME SI LES ANGES ME L’AVAIENT SOUFFLÉE
138 n CLASSICA / février 2017 n www.classica.fr
SDP
L
a musique me passionne et occupe toute ma vie depuis l’âge de cinq ou six ans. Mais je ne pourrais pas expliquer pourquoi. Mes parents étaient des horticulteurs niçois. Mon père aimait l’opéra, j‘avais un cousin qui jouait de l’accordéon, pas plus. Nous, les gens du Midi, nous avons la réputation d’être des rois fainéants, mais quand on aime ce qu’on fait, on ne voit pas le temps défiler, donc je travaille tout le temps. Je joue souvent pour moi, je laisse glisser mes doigts, jusqu’au moment où un thème m’accroche. Alors, je cherche des harmonies. Quelquefois, je trouve quelque chose. J’ai honte de le dire, mais il peut arriver que cette mélodie me fasse monter les larmes aux yeux. C’est comme si les anges me l’avaient soufflée. Une belle mélodie, c’est un cadeau du ciel. Un grand compositeur, c’est quelqu’un qui arrive à partager ce qu’il a en lui et qui réussit à éveiller des sentiments profonds chez des gens qui ne sont pas forcément musiciens. C’est aussi quelqu’un qui a une signature. Si vous fredonnez la Marche turque, vous savez tout de suite que c’est du Mozart. La Sonate « Appassionata » de Beethoven fut le premier chef-d’œuvre qui m’a ému. J’ai eu envie de pleurer et je me suis dit : « Que
c’est beau! » C’était la version de Claudio Arrau, je me souviens… Mais j’ai également aimé Miles Davis et Dizzy Gillespie. Aujourd’hui, je peux assister à un concert du groupe Muse avec autant de plaisir qu’aller voir Parsifal à l’opéra. Mon œuvre classique préférée est le Concerto n°2 de Rachmaninov. Comment a-t-il pu trouver toutes ces sublimes mélodies? C’est un mystère. Lorsque j’étais accompagnateur d’Édith Piaf, un jour, elle nous a lancé : « On va au cinéma. » Elle venait de voir un chef-d’œuvre et voulait qu’on le regarde aussi. Il s’agissait de West Side Story ! J’étais ébloui, c’était tellement génial et nouveau. Édith Piaf m’a appris à être rigoureux, à ne rien laisser au hasard. Quand je lui jouais une chanson, elle me disait: « Laisse-moi maintenant. » Elle allait dans sa chambre et quand elle revenait, la chanson était à
elle. Elle avait trouvé ses intonations, son geste pour la scène… Pour la musique de film, Michel Legrand est mon idole. Quand j’ai vu Les Parapluies de Cherbourg, je me suis précipité chez Lido Musique et j’ai acheté le disque, que j’ai écouté toute la nuit. Claude Lelouch nous a réunis dans Les Uns et les Autres, moi pour écrire la partie française, lui pour s’occuper de la partie américaine. Il nous avait adjoint aussi un certain Maurice Ravel… Avec Claude Lelouch, nous allons fêter nos cinquante ans. Ma toute première musique de film, c’était avec lui, pour Un homme et une femme. Nous sommes opposés de caractère. Je suis un animal lent et solitaire, c’est un meneur d’hommes qui roule à deux cents à l’heure. Je suis toujours excité quand il me raconte un nouveau film et, à chaque fois, j’ai peur de ne pas être à la hauteur. u
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GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
N O U V E A U T É S 1 er S E M E S T R E 2 0 1 7 Le rythme des peuples Le coffret officiel deux disques pour découvrir les œuvres qui seront jouées à la Folle Journée cette année. La danse, comme rythme des peuples, des Valses de Chopin aux Danses hongroises de Brahms en passant par le Boléro de Ravel…
La Rêveuse / Buxtehude Dietrich Buxtehude est une figure marquante de la musique instrumentale d’Allemagne du Nord pour le violon et la viole. Il a donné ses lettres de noblesse à la sonate en trio allemande, en y intégrant le stylus fantasticus, ce langage instrumental très contrasté et théâtral, où l’imagination et la virtuosité règnent en liberté.
13 janvier 3 février
Ensemble Vocal de Lausanne Orchestre de la Suisse Romande Daniel Reuss / Honegger - Le Roi David
ANNE QUEFFÉLEC
3 février
entrez dans la danse…
Rémi Geniet / Beethoven
POULENC, HAHN, RAVEL, SCHMITT…
La France de la Belle Epoque et de l’entre-deux-guerres oublie les chaos de l’histoire dans l‘ivresse du rythme ; mais, en cet «âge de la danse», il n‘y a qu‘un pas de la fête à la rêverie nostalgique : c’est à un bal crépusculaire que nous sommes ici conviés, où la danse, dans ses formes contrastées, devient le support de nos méditations.
Avec cet ensemble de quatre sonates, le jeune pianiste Rémi Geniet propose un choix très judicieux qui permet d’aborder l’univers exceptionnel que constituent les trente-deux sonates pour piano de Beethoven, ce Nouveau Testament pour les pianistes (selon une formule de Hans von Bülow), l’Ancien Testament étant le Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach. 3 mars
La Symphonie des Oiseaux
3 mars
www.mirare.fr
Avec Le Roi David, Honegger livra à moins de trente ans l’un de ses premiers grands chefs d’œuvres. En vingt-sept numéros d’une stupéfiante richesse d’invention et d’idées musicales, l’oratorio retrace avec éclat un passé biblique lointain, dans un langage résolument moderne. Le succès fut immédiat, populaire et durable.
Shani Diluka, Geneviève Laurenceau, Jean Boucault et Johnny Rasse Né de la rencontre des Chanteurs d’Oiseaux, Jean Boucault et Johnny Rasse, de la pianiste Shani Diluka et de la violoniste Geneviève Laurenceau, ce quatuor unique au monde révèle à travers ce disque le lien ineffable et essentiel qui a toujours uni la musique aux chants des oiseaux. Faisant écho à Mozart, Casals, Schumann, Saint-Saëns, Grieg, Messiaen, Tchaïkovski et bien d’autres… rossignols, pinsons, fauvettes et merles se mettent au diapason pour créer La Symphonie des Oiseaux.