Blyton Enid Série Mystère Divers 5 Le mystère de la péniche 1944 The boy next door.doc

July 31, 2017 | Author: gerbotteau | Category: Trees, Plants, Leisure, Nature
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ENID BLYTON

LE MYSTÈRE DE LA PENICHE par Enid BLYTON * « Non, non, et non ! déclare Bruno avec impatience. Je ne peux pas toujours jouer avec des filles ! » Laurence et Nathalie laissent tomber leurs raquettes et se regardent avec stupeur. Elles qui s'attendaient à faire de si bonnes parties avec l'intrépide Bruno, cousin de l'une et frère de l'autre!... Ce qu'il faudrait, bien sûr, c'est trouver un camarade pour Bruno. Il y a bien un jeune garçon dans la maison voisine, mais on dirait qu'il se cache... Faire sa connaissance, c'est plus facile qu'il ne semble. Mais c'est après que l'aventure commence, quand les enfants découvrent la mystérieuse péniche...

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LE MYSTÈRE DE LA PENICHE ILLUSTRATIONS DE JEANNE HIVES

HACHETTE

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CHAPITRE PREMIER

1. Le jeune voisin 2. Défaite des peaux-rouges 3. Le début d'une aventure 4. Le passage secret 5. Le secret de bob 6. De plus en plus palpitant! 7. La colère de Mr. Marston 8. La péniche sur la rivière 9. « L'hirondelle » 10. Fête d'anniversaire 11. Jean-Louis le muet 12. Est-ce l'oncle Paul? 13. Un visiteur indésirable 14. Une nuit sur la péniche 15. Une surprise désagréable 16. Bob a des ennuis 17. Que d'émotions ! 18. Bruno fait une découverte 19. L'évasion de bob 20. Une nuit mouvementée 21. Quelle coïncidence! 22. Bob l'échappe belle! 23. Le dragon pleure de joie 24. Bob a une excellente idée 25. Un grand bonheur pour Bob ! 26. Un autre gâteau d'anniversaire

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CHAPITRE PREMIER Le jeune voisin C’ETAIT le dernier jour de juin. Nathalie Robin courait dans la maison d'une pièce à l'autre. « Bruno va arriver! Bruno est en vacances! annonçait-elle à tous ceux qui voulaient l'entendre. Et j’attends ma cousine Laurence! Je vais bien m amuser après avoir été si longtemps seule! » Nathalie, qui avait neuf ans, menait en effet une vie solitaire. Son frère Bruno, son aîné de deux ans, était pensionnaire dans un collège de Nantes

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Nathalie, de santé délicate, ne pouvait quitter la maison. Une institutrice venait lui donner des leçons. La villa Les Hêtres, où la petite fille habitait avec ses parents, se trouvait à quelques kilomètres du village de Rochebourg, en pleine campagne. La seule habitation voisine, Les Chardonnerets, qui s'élevait au milieu d'un grand parc, était fermée depuis des années. Mai» la cousine de Nathalie, qui s'appelait Laurence et avait dix ans, passerait les vacances aux Hêtre» et son frère rentrait aussi du collège. Quelle joie d'avoir deux compagnons de jeux!. Laurence arriva la première dans une voiture que conduisait un ami de son père. A peine plus grande que Nathalie, elle ne lui ressemblait guère, Nathalie était une blonde aux yeux bleus, Laurence une brunette avec des boucles courtes et des yeux noisette. Nathalie se précipita vers elle dès que la voiture s'arrêta. « Laurence, je suis si contente de te voir! s'écria-t-elle. Bruno n'est pas encore là, mais il ne tardera pas. Laurence, nous coucherons dans la .même chambre. Monte vite avec moi! — Voyons, Nathalie, laisse-moi la regarder un peut protesta Mme Robin, sa mère, en riant. Que tu as grandi, Laurence! — Tante Annie, j'espère que tu ne seras pas contrariée, dit Laurence, mais j'ai amené Flash. Je ne me sépare jamais de lui. » De la voiture surgit un fox-terrier marron et blanc, à peine âgé d'un an. « Tu veux bien qu'il reste, n'est-ce pas? Insista

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Laurence. Il est très sage. II n'a même pas besoin d'une niche. Il couchera sur mon lit. — Ça, non! protesta sa tante. Mais puisqu'il est ici, nous sommes bien obligés de le garder. Tu veux un os, Flash? — Ouah! Ouah! répondit poliment Flash. —J'espère que vous n'avez pas de chat, déclara Laurence en montant l'escalier avec sa cousine. Flash est terrible avec les chats. — Nous avons Tigre, répondit Nathalie. Et il sait se défendre, tu peux m'en croire! Viens vite défaire ta valise! Bruno sera bien content de te voir! » Mais Bruno ne manifesta pas une grande joie. Etonnée, sa sœur le suivit dans sa chambre. « Bruno, tu n'aimes pas Laurence? Tu n'es pas content d'être à la maison avec moi? Laurence a amené un chien qui s'appelle Flash. — Je suis très content d'être en vacances, répliqua Bruno, Mais c'est ennuyeux d'être toujours avec des filles. J'espère que vous ne m'obligerez pas à jouer à la dînette avec vos poupées. — Bruno, s'écria Nathalie, tu sais bien que je ne joue pas à la poupée quand tu es là! Et maintenant tu vas avoir deux camarades. — Dommage que sur les deux il n'y ait pas un garçon! fit remarquer Bruno en vidant le contenu de sa valise sur son lit. Quand papa est là, il joue au football avec moi, mais il est en voyage d'affaires pour tout l'été. Les filles ne savent même pas lancer un ballon! — Bien sûr que si! protesta Nathalie indignée.

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Nous ferons de bonnes parties ensemble. Tiens, voici Flash! » Flash arrivait en agitant la queue. Il se précipita sur Bruno, posa les pattes sur sa poitrine et lui lécha le bout du nez. « Quel joli petit chien ! «'écria Bruno. Tu viendras te promener avec moi, n'est-ce pas? Tu ne joueras pas tout le temps avec les filles? — Ouah ! Ouah ! répondit. Flash en agitant la queue de plus belle. — Je ne crois pas que Laurence lui permettra de se promener avec toi sans nous, déclara Nathalie d'un air si hautain que Bruno éclata de rire.

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— Ne t'inquiète pas» nous nous amuserons bien ensemble. Mais je voudrais qu'il y ait un autre garçon dans les parages! » Nathalie répéta à Mme Robin les paroles de son-frère, « Ne te tracasse pas pour Bruno, répondit Mme Robin en riant du ton anxieux de sa fille. Il sera content de se promener et de grimper aux arbres avec vous. En tout cas il y aura peut-être bientôt un garçon dans la maison voisine, Les Chardonnerets. — La maison voisine! Mais elle est inhabitée ! fit remarquer Nathalie. Les volets sont fermés depuis une éternité! — Il paraît que des gens l'ont louée meublée pour l'été, expliqua sa mère. Les derniers propriétaires n'ont jamais déménagé. Espérons qu'il y aura un garçon de l'âge de Bruno et peut-être même plusieurs enfants! » Quelle agréable perspective! Les trois enfants furent dès lors sur le qui-vive. Les nouveaux locataires arrivèrent quarante-huit heures plus tard, en pleine nuit. Bruno lut éveillé par un bruit de moteur. Il courut à la fenêtre qui donnait sur la route. Une longue voiture s'arrêta devant le portail de la villa voisine. Plusieurs voyageurs en descendirent. L'un d'eux paraissait plus petit que les autres. « J'espère que c'est un garçon, se dit Bruno en se recouchant Nous le saurons demain. Nous l'entendrons dans le jardin ou nous le rencontrerons dans le village. » Mais le garçon, s'il y en avait un, ne se montra pas. Les trois enfants, bien qu'ils fussent aux aguets, ne virent et n'entendirent rien. Les commerçants

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venaient livrer à domicile, un chauffeur nettoyait la voiture derrière le garage. Les autres locataires étaient invisibles. « Tu as dû te tromper, dit Laurence à Bruno. Tiens, regarde, voici l'épicier. Demandons-lui s'il a vu des enfants dans la maison voisine. - Je n'ai vu que la cuisinière et le chauffeur », répondit l'épicier. De fait, rien ne trahissait la présence d'un enfant. « Montons en haut d'un arbre pour inspecter les lieux, proposa Bruno. Il y a un grand marronnier près de la haie qui nous sépare du jardin voisin. Si nous arrivons aux branches supérieures, nous apercevrons la pelouse. » Ils coururent vers le grand marronnier. Bruno monta le premier pour guider les filles. Nathalie le rejoignit en un clin d'œil. Laurence, moins agile, mit beaucoup plus de temps à atteindre le sommet. Mais, une fois à califourchon sur une haute branche, elle se trouva très -bien. « Cette pelouse aurait besoin d'être tondue î constata Bruno en montrant le jardin voisin. Je ne vois personne, et vous? —- Si, là-bas! » s'écria Laurence. Suivant la direction de son doigt, les autres aperçurent un petit kiosque. Dehors, devant la porte, assise dans un fauteuil de toile, une femme, d'aspect rébarbatif, tricotait. Soudain elle posa son tricot, se renversa en arrière, bâilla et ferma les yeux. « Aucun signe de garçons ni de petites filles! » soupira Laurence.

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Au même moment, un enfant surgit à quatre pattes d'une touffe de buissons et se blottit derrière le fauteuil. « Un Peau-Rouge! chuchota Nathalie étonnée. Quelle belle coiffure de plumes! Que va-t-il faire? » Le Peau-Rouge se leva brusquement, poussa un cri assourdissant, fit en courant le tour du fauteuil, puis disparut dans les buissons. La femme s'éveilla en sursaut. « Bob, je vous 'défends de me jouer des tours pareils, je vous l'ai déjà dit! Enlevez immédiatement votre costume de Peau-Rouge ! Quand vous le portez, vous êtes toujours insupportable! » Mais Bob resta caché. La femme se dirigea vers les buissons et se mit à fourrager avec un bâton. « Sortez! Je me plaindrai à M. Marston ! Votre précepteur vous a défendu de faire du bruit, vous savez très bien pourquoi. Et vous criez à tue-tête! » Bob sortit de sa cachette en poussant de nouvelles clameurs. Son visage était peint de couleurs éclatantes. «, Je vous demande pardon, Miss Taylor, -mais j'en ai assez de rôder sans savoir que faire. De temps en temps il faut que je me détende. Dans un moment, j'enlèverai mon costume et je serai sage comme une image. » A la grande joie des enfants qui le guettaient, Bob se lança dans une danse folle autour de Miss Taylor. Il brandissait une hache en carton et hurlait des cris de guerre. Au bout d'un moment, il enleva son 'bandeau -de plumes et s'agenouilla gravement devant Miss Taylor.

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« La représentation est terminée », annonça-t-il en ôtant son déguisement de Peau-Rouge, comme il l'avait promis. C'était un garçon de onze ou douze ans, aux yeux brillants, aux cheveux courts, au sourire sympathique. Il s'allongea sur l'herbe et ouvrit un livre. Miss Taylor, qui sûrement était sa gouvernante, continua à Je gronder. « II faut absolument que nous fassions sa connaissance! déclara Bruno. Quelle danse guerrière! Il a un drôle d'accent, vous ne trouvez, pas? Il parle en bon français, mais sa gouvernante et lui doivent être Américains. - Il est bien amusant en tout cas! dît Nathalie. Comment arriver à le connaître? Oh! Je sais! Demain, mettons nos costumes de Peaux-Rouges et faufilons-nous à travers la haie. Nous nous jetterons sur lui pour le faire prisonnier. Ce sera très drôle ! — Entendu! » approuva Bruno en se glissant le long de l'arbre.

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CHAPITRE II Défaite des Peaux-Rouges Le lendemain, Bruno, sa sœur et sa cousine mirent leur plan à exécution. « Mais moi, je n'ai pas de costume de Peau-Rouge ! gémit Laurence. Comme j'en ai eu un neuf pour Noël, proposa Bruno, lu prendras mon vieux qui est trop petit pour moi. Je suis sûr qu'il t'ira bien. » Mme Robin fut surprise d'apprendre qu'il y avait un jeune garçon aux Chardonnerets. « Il est très sage, fit-elle observer. J'aimerais que vous soyez aussi silencieux que lui. J'ai quelquefois

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l'impression d'habiter dans la maison des singes du jardin zoologique, ou peut-être dans la -cage des perroquets. Je crois même que j'y aurais plus de tranquillité! » Les enfants se gardèrent de révéler leurs projets. Bruno sortit de l'armoire son vieux costume d'Indien. Laurence s'empressa de le revêtir. Il lui allait très bien. « J'ai l'air d'un vrai chef! » déclara-t-elle quand elle fut coiffée du bandeau de plumes. Lorsqu'ils furent prêts et eurent le visage barbouillé de rouge, de bleu, de jaune et -de vert, Bruno grimpa en haut du marronnier pour voir si le jeune voisin était dans le jardin. Il ne l'aperçut pas, mais il entendit siffler dans le kiosque. Miss Taylor 'était invisible. Bruno descendit pour avertir les autres. « Bob est là, dit-il, mais pas sa gouvernante. C'est le moment de se précipiter sur lui ! — Comment nous introduirons-nous dans le jardin voisin? demanda Nathalie, — Nous nous faufilerons à travers la haie, expliqua Bruno. Ce sera assez facile, bien qu'elle soit épaisse. Venez! » Ils allèrent à la haie qui séparait les deux jardins. Bruno essaya de trouver un passage, mais les buissons d'aubépine étaient très serrés et hérissés d'épines. « Nous allons déchirer nos costumes ! s'écria Laurence. Aïe! Je me suis égratigné le bras! Bruno, nous ne pouvons pas traverser cette horrible haie! » A force de chercher, ils découvrirent une étroite

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brèche. Quelques instants plus tard, ils étaient dans le jardin des Chardonnerets, un jardin qui ressemblait à une jungle! Les mauvaises herbes avaient envahi les allées, les arbustes n'avaient pas été taillés depuis des années. Les trois enfants se dirigèrent vers lia pelouse en se dissimulant sous un bouquet d'arbres. Allongés à plat ventre, ils rampaient à la manière des Peaux-Rouges. Bruno et Nathalie étaient habitués à ce jeu, mais Laurence y jouait pour la première fois. Elle fit craquer une branche sèche. « Attention! chuchota Bruno. Les Peaux-Rouges ne font jamais de bruit. Il ne faut pas alerter Bob! » Ils continuèrent à ramper à travers le bouquet d'arbres. Un merle les vit et s'envola, effrayé, en avertissant les autres habitants du jardin. « Au diable cet oiseau! chuchota Bruno. Ne bougez plus, vous deux ! Bob se demandera peut-être ce qui a fait peur à ce merle. Attendez que je vous ordonne de vous remettre en marche. » Ils restèrent donc immobiles jusqu'à ce que le merle, rassuré, eût cessé ses cris d'alarme. « Allons-y! » chuchota Bruno. Un à un, les trois enfants s'approchèrent de la pelouse où ils espéraient surprendre Bob. Ils ne virent pas les deux yeux brillants qui les regardaient du haut d'un arbre. Ils ne soupçonnaient pas que Bob, perché sur une branche, surveillait les trois intrus qui s'avançaient à la file indienne. Ils ne l'entendirent pas glisser le long de l'arbre

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quand ils eurent passé- II riait sous cape, il devinait lies intentions des enfants et leur réservait un tour de sa façon. Bruno, Nathalie et Laurence 'atteignirent enfin la pelouse. La veille, le chauffeur avait fauché les trop hautes herbes, et ils purent s'approcher sans peine du petit kiosque. Mais où était Bob? « Séparons-nous! ordonna Bruno. Laurence, blottis-toi sous les buissons à gauche, Nathalie à .droite. Moi, je reste là. Quand je sifflerai, vous sortirez de votre 'Cachette et nous sauterons sur Bob dès qu'il paraîtra! » Les deux filles obéirent aux ordres, de leur chef. Soudain Nathalie eut la plus grande frayeur de sa vie. Un sauvage, au visage barbouillé de noir et de rouge, se dressait devant elle. C'était Bob, bien entendu. Il se jeta sur la petite fille et, sans lui laisser le temps de faire un geste pour se défendre, il la poussa contre un marronnier. Il défit une corde enroulée autour de sa taille et, indifférent aux cris qu'elle poussait, il attacha Nathalie au tronc de l'arbre et serra si fort la corde qu'elle ne pouvait pas faire un mouvement. « Une prisonnière! s'écria-t-il. Aux autres, maintenant! » Et il remonta lestement dans son arbre. Laurence, affolée par les clameurs de Nathalie, resta cachée dans son buisson. Mais Bruno vola au secours de sa sœur. « Attention, Bruno! cria Nathalie en voyant accourir son frère. Bob est là-haut dans un arbre! » Mais c'était trop tard. Lorsque Bruno leva les yeux, Bob se laissa tomber sur lui. Les deux garçons

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roulèrent sur l’herbe. Bob fut le plus fort. Quelques minutes plus tard, il était à califourchon sur Bruno et lui liait les bras et les jambes. « Un second prisonnier! » s'écria-t-il avec un grand éclat de rire. Il secoua les plumes qui le coiffaient et poussa une clameur retentissante. « Viens m'aider, Laurence! Vite! » s'écria Bruno. Mais Laurence, paralysée par la peur, ne pouvait bouger. Bob traîna Bruno jusqu'à un arbre près de celui de Nathalie et l'attacha au tronc. Furieux, Bruno se débattait pour essayer de se libérer. Mais Bob avait serré îles nœuds et Nathalie et Bruno étaient vraiment prisonniers! Ce fut ensuite le tour de la pauvre Laurence. Bob la trouva sans peine derrière son buisson. Il la

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ligota à un troisième arbre. Puis, pour les narguer, il se planta devant les trois captifs. « Maintenant, une danse guerrière! Ensuite, peut-être, je lancerai quelques flèches sur vous! » II exécuta autour des arbres une ronde endiablée, accompagnée de cris aigus. Furieux d'être prisonniers, Bruno, Nathalie et Laurence ne pouvaient cependant s'empêcher d'admirer le brio avec lequel Bob jouait son rôle de Peau-Rouge. « Vous espériez sans doute me surprendre, déclara Bob en s'arrêtant enfin. Mais Bob Armstrong est un vrai chef indien. Il a l'oreille fine et l'œil perçant. Je vais chercher mon arc et mes flèches. A tout à l'heure! » Les trois enfants horrifiés le virent courir vers la maison. Mettrait-il sa menace à exécution? Une pluie de flèches s'abattrait-elle autour d'eux? Laurence fondit en larmes. Bruno s'efforça de nouveau de libérer ses mains afin d'ailler au secours des filles. Peine perdue! Les nœuds étaient trop serrés. Soudain ils entendirent des voix. Bob sans doute avait rencontré quelqu'un. Il reparut sans arc et sans flèches. « Le Dragon est revenu de sa promenade, annonça-til. C'est ma gouvernante. Elle sera furieuse si elle vous voit dans notre jardin. Mieux vaut que je vous remette en liberté. Non, je n'ai pas le temps! La voilà qui arrive! Ne bougez pas! Ne faites pas de bruit! Peut-être ne vous verrat-elle pas. Je vais me cacher. Je reviendrai vous libérer quand elle sera rentrée dans la maison. »

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II se dissimula dans les buissons. Presque aussitôt, la gouvernante fit son apparition, un livre à la main. Les enfants sentirent le cœur leur manquer en la voyant prendre un fauteuil dans le kiosque, s'asseoir, puis ouvrir son livre. Elle ne pouvait les voir de l'endroit où elle se trouvait. Nathalie pensait que Bob lui avait donné le surnom qui lui convenait, elle était aussi rébarbative qu'un dragon! Tout à coup, Laurence, qui avait un peu mal à la gorge, ne put s'empêcher de tousser. Miss Taylor leva la tête. « Vous êtes là, Bob? » demanda-t-elle. Il n'y eut aucune réponse. La pauvre Laurence essaya de réprimer une nouvelle quinte de toux, mais elle n'y parvint pas, malgré le froncement de sourcils de Bruno. Le Dragon se leva aussitôt. Elle fit le tour du buisson et aperçut les trois enfants attachés aux arbres. Elle les regarda d'un air si stupéfait que Nathalie eut envie de rire. Le Dragon ne pouvait en croire ses yeux! Personne ne dit mot. Bruno essaya de prendre un air dégagé, comme si c'était tout naturel d'être lié à un arbre dans le jardin d'un voisin! Mais soudain le Dragon recouvra l'usage de la parole. « Que faites-vous ici? demanda Miss Taylor. Comment osez-vous venir dans notre jardin sans permission? Qui êtes-vous? Qui vous a attachés à cet arbre? - Nous sommes les enfants de la maison voisine, expliqua Bruno. Nous sommes venus jouer avec le garçon qui est ici. »

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Alors le Dragon fit une déclaration tout à fait extraordinaire. « Le garçon! s'écria-t-elle. Quel garçon? Il n'y a pas de garçon dans cette maison. Je me plaindrai à vos parents! Et si on vous a dît qu'il y avait un enfant, on vous a menti. » Bruno, Nathalie el Laurence restèrent confondus. Bruno allait protester lorsqu'il aperçut Bob qui, derrière le dos du Dragon, lui faisait signe de se taire. Miss Taylor défit les liens de Bruno. Celui-ci libéra sa sœur et sa cousine. « Si je vous surprends de nouveau ici, je vous punirai! menaça la gouvernante. Et rappelez-vous : il n'y a pas de garçon dans cette maison! » Les enfants retournèrent chez eux, intrigués et effrayés. « C'est un mystère! déclara solennellement Bruno lorsqu'ils furent dans leur jardin. Un vrai mystère! Pourquoi Miss Taylor ment-elle? Mes petites, il faut découvrir la vérité! »

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CHAPITRE III Le début d'une aventure BBUNO,

Nathalie et Laurence entamèrent une longue discussion dès qu'ils se furent débarrassés de leurs costumes de Peaux-Rouges. « II ne faut rien dire à personne, recommanda Bruno. Nous n'aurions pas dû nous glisser dans le jardin des Chardonnerets sans permission. Que Bob est habile de nous avoir capturés tous! Je n'étais pas content d'être attaché à un arbre, mais il avait l'intention de nous remettre en liberté quand le Dragon est arrivé.

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— C'est un garçon sympathique» affirma Nathalie. Je voudrais bien qu'il m'apprenne cette danse guerrière. — Le reverrons-nous? demanda Laurence. Je ne voudrais pas me retrouver en face de sa gouvernante. Elle doit être folle si elle a cru que nous tous étions attachés nous-mêmes aux arbres! — Nous retournerons là-bas demain, décida Bruno. Pas aujourd'hui, car il faut que nous sortions avec maman. D'ailleurs le Dragon pourrait nous guetter. Mais demain n»us essaierons! — Faisons du bruit, conseilla Bruno. Bob saura que nous sommes ici. Il s'approchera peut-être de la haie pour nous parler. Pour une raison quelconque, on ne veut pas que nous sachions qu'il habite là. Vite! Crions! » Tous les trois s'interpellèrent de toutes leurs forces. Mais leur attente fut déçue. « Je vais de nouveau grimper à l'arbre pour voir si Bob est encore dans les parages », dit enfin Bruno. Quand il fut en haut des branches, il regarda dans le jardin voisin. Bob y était bien, mais à côté d'un homme plus très jeune, de mine sévère, qui, selon toute apparence, lui faisait réciter une leçon. Soudain l'homme ferma le livre qu'il tenait et se renversa dans son fauteuil. Sans doute accordait-il une récréation à son élève. Le jeune garçon prit une balle et se mit à jouer. L'homme ne faisait plus attention à lui.. Bob lançait sa balle de plus en plus haut et soudain, de toutes ses forces, il la jeta dans lé jardin des Robin.

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« Bizarre ! » pensa Bruno, les yeux fixés sur Bob qui, maintenant armé d'un canif, écorçait une branche d'arbre. « II faut que je retrouve cette balle! se dit Bruno en descendant de l'arbre. Il nous l'a peut-être envoyée pour nous donner un prétexte d'aller chez lui. » II raconta à Laurence et à Nathalie ce qui s'était passé. Flash participa aux recherches. Il espérait qu'il s'agissait d'une chasse au lapin. Ce fut lui qui, tandis que les enfants fouillaient partout, découvrit la balle sous une touffe de fougères. Il aboya pour appeler ses jeunes maîtres. Bruno ramassa la balle. « Bon chien! dit-il à Flash. Tu vaux au moins cent chats. Tigre n'a pas eu l'idée de nous aider. — Faut-il rapporter la balle à Bob? demanda Nathalie. Moi, je n'oserai pas. — Je m'en charge, affirma Bruno. Bien que cette balle n'en vaille pas la peine. Elle est percée et ne peut plus rebondir. » Laurence prit la balle et enfonça le doigt dans le trou. Elle poussa un petit cri. « Il y a quelque chose à l'intérieur ! Qu'est-ce que c'est? » Quelques secondes plus tard, elle sortait un papier plié en quatre de cette ingénieuse cachette! « C'est un billet! annonça-t-elle. Quelle façon habile d'envoyer un message! — Et sous le nez de son gardien! ajouta Bruno. Bob est un chic type. Il faut qu'il devienne notre

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ami. Donne-moi ce billet, Laurence! Que dit-il? » Laurence obéit. Bruno déplia le papier. Le message ne comprenait que quelques lignes. A mes trois prisonniers. Ne croyez pas le Dragon! Je suis ici chez moi. Elle a ses raisons pour mentir. Je suis très seul, je m'ennuie, j'aimerais vous connaître. Mais il ne faut pas qu'on vous voie ici. Ils ont mis une barrière de fil de fer tout autour du jardin pour vous empêcher d'entrer. Essayez de faire un passage. Renvoyez la balle avec une réponse quand vous le pourrez. BOB.

Quel message intrigant! Les trois enfants échangèrent un regard. Il y avait certainement un mystère que, seul, Bob pouvait expliquer. Il fallait absolument pénétrer dans le jardin voisin... en prenant soin de ne pas se laisser surprendre. Ils relurent le billet. « Nous allons écrire une réponse, décida Bruno. Bien entendu, nous nous débrouillerons pour passer malgré la clôture. Nous ferons un trou. Au fond du jardin où personne ne nous verra. — J'ai le frisson à l'idée de me trouver nez à nez avec le Dragon! s'écria Nathalie. — Qu'allons-nous répondre? » demanda Laurence. 25

Ils allèrent chercher du 'papier et un crayon. Bruno se chargea de rédiger la réponse. Au vaillant Peau-Rouge qui nous a fait prisonniers. Nous nous débrouillerons pour pénétrer chez toi. Peux-tu sortir la nuit? Ce serait le mieux pour nous rencontrer. Ce soir, à minuit, près du kiosque, si possible. Renvoie la balle avec réponse. BRUNO, LAURENCE ET NATHALIE.

Bruno jeta la balle dans le jardin voisin. Nathalie, perchée sur une branche du marronnier, la vit arriver à destination. Elle descendit en riant si fort que les deux autres ne purent entendre ce qu'elle disait. « Oh! La balle est tombée sur la tète de cet homme! expliqua-t-elle. Si vous l'aviez vu sursauter! Bob a saisi la balle et est entré dans le kiosque. - Il est sûrement en train de lire le message, fit remarquer Bruno. Venez. Allons chercher le meilleur endroit pour faire une brèche dans la clôture. Nous commencerons tout de suite. Où est Flash? Il peut venir aussi. Il montera la garde. » Tous les quatre descendirent au fond du jardin, chargés d'outils que Bruno avait pris sur son établi. Ils examinèrent la barrière. « Entre ces deux buissons d'aubépine, décréta Bruno. Nous pouvons écarter les branches pour ne pas être égratignés pendant que nous travaillerons. Puis nous les remettrons en place et personne ne verra la brèche. 26

- Elle n'a .-pas besoin d'être grande, fit observer Nathalie, Nous pourrons nous faufiler comme des PeauxRouges. Laurence, monte la garde! ordonna Bruno. Nathalie et moi, nous allons nous mettre à l'œuvre. Reste avec Laurence, Flash! Tu nous gênes! » Avec des cisailles, ils essayèrent de couper les fils de fer. Le travail était dur et avançait lentement. Les enfants durent s'avouer vaincus avant d'avoir pratiqué une brèche assez grande pour leur livrer passage, Bruno se redressa, s'épongea le front et réfléchit pendant quelques minutes. « II faut creuser un peu en dessous, décida-t-il. Nathalie, va chercher une bêche et une pelle dans je hangar du jardinier. Dépêche-toi! »

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CHAPITRE IV Le passage secret creusèrent jusqu'à midi. Quand leur mère les appela pour le déjeuner, ils étaient fatigués, affamés et couverts de terre. « Mon Dieu! s'écria Mme Robin. A quoi avez-vous donc joué? On dirait que vous avez fait les terrassiers. - C'est presque cela », répliqua Nathalie. Les autres froncèrent les sourcils. Nathalie avait la langue trop longue. « Est-ce que je peux voir vos travaux? » demanda Mme Robin. LES ENFANTS

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Cette proposition fut accueillie sans enthousiasme. « C'est un secret », déclara enfin Bruno. Sa mère savait que les enfants aiment les secrets. Elle hocha la tête. « Eh bien, gardez-le! » dit-elle. Tous les trois poussèrent un soupir de soulagement. Dès qu'ils eurent achevé leur dessert, ils retournèrent à leurs travaux. « Bob doit bien s'ennuyer dans cette maison avec le Dragon et' cet homme qui a l'air si sévère! fit remarquer Bruno à voix basse. Personne avec qui jouer ou rire! - On prétend même qu'il n'est pas là! ajouta Nathalie. Quelle menteuse, cette Miss Taylor! - Chut! » dit soudain Laurence, du haut de l'arbre où elle montait la garde. Quelqu'un vient. » Bruno et Nathalie lâchèrent leurs outils et se blottirent derrière un buisson. Des pas se firent entendre dans le jardin de Bob et des voix s'élevèrent. « Ces haies sont très touffues. Personne ne peut voir de l'extérieur, c'est parfait! - Vous avez bien inspecté la clôture? demanda la voix du Dragon. - Bien sûr, répondit l'autre voix, sans doute celle de l'homme à la mine sévère. Nous sommes à l'abri des indiscrets. » Tous les deux s'approchèrent de l'endroit où les enfants avaient creusé. Flash gronda. Nathalie mit la main sur son collier pour lui imposer silence.

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Les trois enfants tremblaient, ils avaient peur d'être découverts. La chance les favorisa. Les deux promeneurs passèrent lentement, sans voir la brèche et le trou creusé en dessous dans la clôture. Quand ils eurent disparu, le travail recommença. Cette fois Bruno était de garde. A quatre heures, ils avaient presque la place de se faufiler dans le jardin voisin. « Nous finirons après le goûter, annonça Bruno. Que j'ai mal au dos ! Je ne peux plus me redresser ! - Lavons-nous les mains, conseilla Laurence. Tante Annie nous demanderait pourquoi nous sommes si sales. » Ils firent donc un brin de toilette avant de se présenter à la salle à manger. Mme Robin fut surprise de leur appétit. « Bruno, veux-tu_ vraiment une autre tartine? s'écriat-elle. C'est au moins la cinquième! - Tu te trompes, maman! protesta Bruno. C'est la septième! » A six heures, le trou était terminé sous la brèche de la clôture. « Nous nous mettrons à quatre pattes! » dit Bruno. L'un après l'autre ils firent l'essai. Flash les escortait en remuant la queue. « Si .nous dissimulions le trou avec des branches? » proposa Laurence quand ils furent dans le jardin des Chardonnerets. « II est bien visible maintenant.

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- Oui, c'est plus prudent », approuva Bruno en cassant quelques branches. Soudain Flash s'immobilisa, les oreilles dressées, et poussa un petit grognement. « Quelqu'un vient ! chuchota Laurence. Attention ! » Entre les feuillages, ils aperçurent l'homme au visage sévère qui faisait de nouveau le tour du jardin. « Grimpons sur ce marronnier, vite ! ordonna Bruno. Dépêche-toi, Laurence! Je vais t'aider! » II poussa Laurence en haut de l'arbre et monta après elle. Nathalie était déjà perchée sur une branche. L'homme s'approchait. Par bonheur il marchait très lentement. « Et Flash? chuchota Laurence. Il ne peut pas grimper à l'arbre! Couché, Flash! Couché! »

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Mais Flash n'obéit pas. Il restait sous l'arbre, regardant les enfants avec étonnement. « Cet homme va le voir et nous découvrir! » gémit Nathalie. Mais lorsque l'homme s'approcha, Flash s'éloigna du marronnier et s'avança vers lui, montrant les dents et grondant. L'homme fit halte. « Qu'est-ce que cela veut dire? cria-t-il. Un chien dans notre jardin malgré la clôture! Il devait être ici hier et il n'a pas pu sortir. Dépêche-toi de filer! Et cesse de montrer les dents, sinon gare à toi ! » Flash, effrayé, se laissa saisir par son collier et entraîner vers la maison. « II va le faire sortir par le portail, chuchota Laurence à Bruno. Tant mieux!

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- Attendons un moment de peur qu'il ne revienne ! » Ils attendirent en silence, espérant que Bob arriverait. Mais il ne se montra pas. Soudain un bruissement se fit entendre dans les arbustes. « C'est de nouveau Flash! dit Laurence en riant. Il revient nous chercher. Qu'il est intelligent! Heureusement, cet homme est parti! Il serait bien surpris de revoir Flash! — Retourne chez nous avec Flash, proposa Bruno. Tu siffleras quand nous pourrons te rejoindre, Nathalie et moi.» Laurence glissa le long de l'arbre, rampa dans le trou comme une vraie Peau-Rouge et arriva dans le jardin des Hêtres, non sans dommage pour sa robe rosé. Quand elle se fut relevée, elle s'assura que la voie était libre et siffla. Bruno et Nathalie la rejoignirent. Bruno passa le dernier et recouvrit le trou avec les branches cassées. « C'est palpitant, n'est-ce pas? dit-il en se brossant de son mieux. Que nous sommes sales! Que va dire maman? Il faudra que nous prenions nos précautions. » Mme Robin poussa les hauts cris en les voyant et leur ordonna de prendre un bain. « Si cela continue, vous n'aurez bientôt plus de vêtements convenables ! gémit-elle. - Nous ne nous salirons plus, maman », promit Bruno en se dirigeant vers la salle de bains. Ils mangèrent comme des ogres. Mais ils étaient si fatigués qu'ils ne purent s'empêcher de bâiller.

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« C'est de nouveau Flash ! Il revient nous chercher. »

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« Vite au lit! ordonna Mine Robin. Vous avez sommeil. Laurence est toute palet » Pour une fois, les enfants ne protestèrent pas. « II faut nous lever à minuit, déclara Bruno quand ils furent seuls. Alors, autant dormir un peu! — Comment nous réveillerons-nous? demanda Laurence. — J'ai un réveil, répliqua Bruno. Je vais le mettre à minuit moins un quart et je vous appellerai toutes les deux. Vite, couchons-nous ! Je ne peux pas tenir les yeux ouverts! » Ils s'endormirent dès que leur tête eut touché l'oreiller, ils rêvèrent de passages secrets et de dragons menaçants. Enfin le réveil sonna sous l'oreiller de Bruno. Le garçon sursauta, puis courut avertir les deux filles. « Mettez les vieux vêtements que nous avons préparés avant de nous coucher, chuchota-t-il. Dépêchez-vous! Il est minuit moins le quart. » Cinq minutes plus tard, les trois enfants et Flash sortaient à pas de. Loup de la maison. Bruno s'était muni d'une lampe électrique. Ils se dirigèrent vers le trou sous la clôture. Leur cœur battait très fort, d'émotion et de joie.

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CHAPITRE V Le secret de Bob trois enfants longèrent la haie qui séparait les deux jardins. Flash les suivait, étonné -et surexcité. Allaiton à la chasse aux lapins? Deux yeux ronds brillèrent tout à coup à ta clarté de la lampe électrique. Laurence poussa un 'petit cri de frayeur. Flash jappa en se précipitant en avant. Les yeux disparurent et un corps souple bondit sur une branche. « Ce n'était que notre chat! s'écria Nathalie rassurée. Laurence, retiens Flash pour l'empêcher d'aboyer! » LES

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Flash fut arraché à l'arbre au Tigre, le chat, s'était perché. La petite troupe arriva au fond du jardin, devant le passage pratiqué sous 1« clôture. Bruno baissa sa lampe pour mieux le voir. « Passe la première, ordonna-t-il à Nathalie. Puis Laurence. Moi, je vous suivrai. » L'un après l'autre, ils rampèrent et se trouvèrent de l'autre côté de la barrière, Flash sur leurs talons. Bruno promena le rayon de sa lampe électrique dans les buissons. « J'espère qu'on ne verra pas la lumière ! chuchota-t-il. Je vais la dissimuler avec la main. Marchons en file indienne. » Avançant dans l'herbe et les buissons ils atteignirent le petit bois qui entourait la pelouse. « Vite au kiosque! conseilla Bruno. Tiens, qu'est-ce que c'est que ça? » Une lueur rouge brillait à quelque distance. Elledisparut pour reparaître presque aussitôt, puis s'évanouit de nouveau. « C'est une lanterne qui est éteinte et rallumée, chuchota Bruno. Je parie que Bob est dans le kiosque. Donnez-moi la main, les filles; nous irons droit vers la lueur. » Ils traversèrent la pelouse. Quand ils approchèrent du kiosque, la clarté rouge parut et s'éteignit. « C'est toi, Bob? » demanda Bruno. Une voix basse leur répondit. « Oui. Vous êtes exacts! Minuit sonne, vous entendez?» Une horloge sonnait dans la maison. Les enfants entrèrent dans le kiosque avec Flash. 37

« Nous ne risquons rien ici? interrogea Bruno. Qu'estce que tu as là? Une lanterne? - Oui, répondit Bob. Elle m'a servi à vous adresser des signaux. Nous ne risquons rien. M. Marston, mon précepteur, est couché. Le Dragon ne peut pas deviner que je suis sorti. D'ailleurs j'ai mis un traversin au milieu de mon lit, au cas où elle jetterait un coup d'œil dans 'ma chambre. — Bob, c'était une bonne idée de nous envoyer un message dans ta vieille balle! déclara Laurence. Nous avons à présent un passage sous la clôture au fond du jardin. - Très bien, approuva Bob. Je suis content que vous soyez mes voisins. Nous tâcherons de nous amuser. - Bob, pourquoi ta gouvernante a-t-elle dit qu'il n'y avait pas de garçon ici? demanda Bruno avec curiosité. C'est un mensonge ! — Elle a ses raisons, je vous l'ai déjà dit, répliqua Bob. Si je vous confie un secret, me promettez-vous de ne pas le révéler? — Bien sûr! répondirent-ils d'un commun accord. - Tu peux avoir confiance en nous », ajouta Bruno. Flash lécha la jambe de Bob comme pour promettre lui aussi de ne rien répéter. « Eh bien, je vais tout vous raconter », annonça solennellement Bob. Il alluma de nouveau sa lanterne; son visage brilla dans la lumière écarlate. « Quelqu'un veut m'enlever! »

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Les enfants se turent pendant une minute. C'était une chose si étrange! « Que veux-tu dire, Bob? demanda enfin Bruno. — C'est la vérité! affirma Bob. Je suis américain, du moins à moitié. Mon père, qui avait un chantier naval à Saint-Nazaire, avait épousé une Française. Ma mère est morte quand j'étais tout petit. Papa vendait ses bateaux aux Etats-Unis, il allait fréquemment à New York et quelquefois je l'accompagnais. Il gagnait beaucoup d'argent. Quand il a disparu dans un accident d'avion, j'ai hérité de tout. — Oh ! Tu es orphelin ! s'écria Bruno saisi de compassion. - L'avion a pris feu à l'atterrissage, reprit Bob. Tous les passagers ont péri. Le corps de papa n'a pas été retrouvé, mais il est sûrement mort avec les autres. Alors toute sa fortune — des millions -- m'est revenue. - Mais je ne vois pas pourquoi quelqu'un voudrait t'enlever à cause de cela! fit remarquer Nathalie. - Le demi-frère de mon père, mon oncle Paul, veut s'emparer de mon argent, expliqua Bob. C'est un oncle que je n'ai jamais vu. 11 a essayé déjà deux fois de me faire enlever. S'il réussissait, il prendrait le titre de tuteur et ferait main basse sur tout ce que j'ai. » Bruno, Nathalie et Laurence écarquillaient leurs yeux. Un jeune garçon qui avait des richesses immenses, un méchant oncle qui cherchait à l'enlever! C'était un vrai roman d'aventures!

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« C'est pour cela que tu te caches? dit Laurence. Parce que tu te caches, n'est-ce pas? Ton Dragon et ton précepteur te surveillent? - Oui, répliqua Bob. Mon grand-père maternel, qui habite Saint-Nazaire, a loué cette villa pour nous. Il est presque infirme et ne peut s'occuper lui-même de moi. Il a pensé qu'oncle Paul ne viendrait pas me chercher ici. Je suis en sécurité, mais je m'ennuie beaucoup. Mon grand-père avait pris toutes sortes de renseignements. Il avait choisi cette villa parce qu'elle est très à l'écart; il croyait que, dans la maison voisine, il n'y avait qu'une petite fille. - C'est vrai d'habitude, expliqua Nathalie. La petite fille, c'est moi. Mais Bruno rentre du collège pour les vacances et notre cousine Laurence passe l'été avec nous. - Nous nous amuserons bien tous les quatre, décréta Bob. Si vous voulez, je vous apprendrai ma danse guerrière. » Les enfants ne demandaient pas mieux. Bruno avait trouvé le camarade qu'il souhaitait! « Bruno ne pourra plus se lamenter d'être toujours avec des filles, fit remarquer Nathalie. J'espère que nous pourrons jouer avec vous deux, Laurence et moi. - Bien sûr! répondit Bob. J'ai toujours regretté de ne pas avoir de sœur. Quelles bonnes parties nous ferons! — Miss Taylor est très sévère? demanda Nathalie. — Pas tellement, répliqua Bob. Mon grand-père

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l'a engagée, parce que mon père la connaissait depuis longtemps, pour me surveiller afin que personne ne s'approche de moi et ne sache que je suis ici. Je n'ai pas la permission de sortir du jardin et de me montrer. Elle est assez gentille tant que je lui obéis. Papa avait lui-même choisi M. Marston aux Etats-Unis pour me servir de précepteur. — Crois-tu que tu ne risques rien ici? demanda Laurence avec inquiétude. Ce serait terrible si ton méchant oncle venait t'enlever! — Je ne vois pas comment il pourrait deviner que je suis ici, répliqua Bob. Et puis je suis assez grand pour me défendre. Je n'ai pas peur de lui... Faisons des projets : j'aimerais aller de temps en temps dans votre jardin. — Pourquoi ne viendrais-tu pas faire une promenade en bateau avec nous sur la rivière un de ces jours? interrogea Bruno. Nous connaissons un chemin où personne ne passe. Nous avons un bateau. Nous pique-niquons souvent dans une petite île où nous n'avons jamais vu un chat. Tu veux nous accompagner? — Je crois bien! s'écria Bob, les yeux brillants. Je choisirai un jour où le Dragon ira faire ses courses. En attendant, vous viendrez me voir, n'est-ce pas? J'ai une grande salle de jeux au grenier. On m'y laisse toujours seul. — Entendu, promit Bruno. Nous apporterons nos costumes de Peaux-Rouges. — Venez demain, insista Bob. Après déjeuner. Le Dragon fait la sieste et nous pourrons nous

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amuser au fond du jardin. Amenez votre chien, il m'est très sympathique. A demain, n'est-ce pas? — A demain, répéta Bruno. Partons, les filles. Nous ferons le tour de la pelouse avant que j'allume ma lampe électrique. Donnez-vous la main. Bonsoir, Bob. - Bonsoir. Merci d'être venus, répliqua le jeune Américain. Demain j'irai vous attendre au fond du jardin. A bientôt! » Les trois enfants sortirent du petit kiosque avec Flash et retournèrent chez eux. « Bonsoir, chuchota Bruno à la porte de sa chambre. Pas un mot à personne! - Bien sûr! » répondirent sur le même ton Laurence et Nathalie. Elles entrèrent dans leur chambre et se couchèrent. « Quelle aventure palpitante! » murmura Nathalie. Mais elle était loin d'imaginer à quel point...

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CHAPITRE VI De plus en plus palpitant ! LE LENDEMAIN,

les trois enfants sortirent de l'armoire leurs costumes d'Indiens en prévision de leur visite à Bob. « Nous allons les salir en passant sous la clôture, fit remarquer Laurence. - Mettons-les dans un sac que nous traînerons avec une ficelle, proposa Nathalie. - Bravo! » s'écria Bruno. Nathalie se rengorgea. Ils enfermèrent les costumes dans un très vieux sac de toile. Puis, vêtus

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de leurs vêtements les plus usés, ils quittèrent la maison. Mme Robin les rappela. « Ne vous salissez pas trop ! recommanda-t-elle. - Non, nous avons fini de creuser, répondit Bruno. - Vous pouvez cueillir des prunes. Tels que je vous connais, vous aurez faim avant midi », ajouta Mme Robin. Les enfants secouèrent le prunier et remplirent leurs poches de fruits jaunes. Ils prirent la part de Bob. Accompagnés de Flash, ils arrivèrent au Irou dissimulé par des branches. « Passez! ordonna Bruno. D'abord toi, Nathalie, puis Laurence. » Tous les trois étaient bientôt debout de l'autre côté de la clôture et brossaient leurs vêtements. Ils n'entendaient rien, si ce n'est le vent dans les arbres et un merle qui chantait dans les branches. Bruno ramassa le sac plein de costumes de PeauxRouges qu'il avait traîné avec une ficelle. « Je me demande où est Bob, murmura-t-il. Flûte! Il commence à pleuvoir! » En effet, de grosses gouttes de pluie tombèrent sur leurs visages. Quel .ennui! « Cherchons Bob, reprit Bruno. Il nous indiquera un endroit où nous pouvons nous abriter jusqu'à la fin de la pluie. » Ils firent le tour du jardin clôturé par une barrière de fils de fer. Bob était vraiment prisonnier!

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« Ohé! » cria une voix au-dessus de leurs têtes Bob était perché en haut d'un arbre. « Enfin vous voilà! Je vous attends depuis longtemps! - Ohé! répondit Laurence. Dis! nous allons être trempés! Où pouvons-nous nous abriter? » II pleuvait à verse maintenant et les feuillages ne suffisaient pas à protéger les enfants. « Dans le kiosque, mais j'ai peur d'y trouver le Dragon, répliqua Bob. - Et le grenier dont tu nous as parlé? demanda Bruno. Pouvons-nous y monter sans être vus? - Il y a peut-être un moyen, répliqua Bob après réflexion. Vous savez grimper aux arbres? - Oui, très bien, affirma Bruno. Laurence seule a quelque difficulté. -Mais si, je sais grimper! protesta Laurence indignée. - Alors écoutez-moi, reprit Bob, les yeux brillants. En passant de l'autre côté du jardin, nous arriverons à la maison sans être vus parce que les arbres sont très épais. Il y a un énorme frêne, presque aussi haut que la maison. Pour atteindre ses branches, il faudrait monter sur le toit du garage. De là nous pourrions, je crois, nous hisser jusqu'à la fenêtre de ma salle de jeux. - Essayons! proposa Nathalie. Personne ne risque de nous voir? - Il n'y a pas de fenêtres de ce côté de la maison, à part les deux du grenier, répondit Bob. Si vous m'entendez siffler, c'est que la voie est libre. Vous grimperez sur le toit du garage et, de là, dans l'arbre. - Je passerai le premier, annonça Bruno. Si

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c'est trop dangereux pour les filles, je redescendrai. - Bien sûr! approuva Bob. Et le chien? Il ne peut pas grimper! » Que faire du petit fox-terrier? Flash les regardait d'un air interrogateur. Il ne tenait pas à rester en bas. « Ne pourriez-vous pas le mettre dans le sac de vos costumes d'Indiens? demanda Bob. Est-ce qu'il aboierait? Je le monterais au grenier. — Je crois qu'il accepterait, déclara Laurence. Il est habitué à toutes sortes de jeux bizarres. N'est-ce pas, Flash? - Ouah! Ouah! répondit poliment Flash en agitant la queue. - Essayons1 tout de suite », dit Bruno. Ils enfermèrent Flash dans le sac qui avait contenu les costumes, puis Bruno mit le sac sur son épaule. Le chien gémit et se débattit. Laurence lui donna une petite tape. « N'aie pas peur, Flash! dit-elle. Tu ne risques rien. » II se calma aussitôt. « Venez! ordonna Bob. Je vais vous accompagner au garage, puis je ferai le tour de la maison pour m'assurer que la voie est libre. » Ils se mirent en route. La pluie tombait toujours et ils furent contents d'apercevoir, à travers les arbres, le grand garage construit à côté de la maison. Les enfants levèrent la tête. « Comment arriverons-nous sur le toit? demanda Bruno. Nous n'avons pas d'ailes!

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— Je vais chercher une échelle, répliqua Bob. Il y en a une dans le garage. » II disparut et revint une minute ou deux plus tard avec une échelle assez légère. Il la plaça contre le mur du garage. Elle était juste de la dimension voulue. « Tout va bien, dit-il. J'ai fait le tour de la maison, personne n'est en vue. » II parvint sur le toit en terrasse et aida Bruno. « Maintenant vous pouvez facilement monter dans le frêne qui est ici », déclara Bob en montrant un arbre qui étalait ses feuillages sur le toit du garage. « Une fois que vous serez dans l'arbre, vous grimperez de branche en branche jusqu'à ce que vous atteigniez la fenêtre de la salle de jeux. C'est celle-là, à gauche. Moi, je vais rentrer. Je monterai par l'escalier avec le sac sur les épaules. Quand vous m'entendrez siffler, allez-y! » Bob mit sur son épaule le sac qui contenait Flash et disparut pour entrer dans la maison. Deux minutes plus tard, les enfants l'entendirent siffler et l'aperçurent à la fenêtre du grenier. Il leur adressa un signe de tête. « Venez, les filles! » ordonna Bruno. Il tendit la main à Laurence. Puis vint Nathalie. Bruno regarda le frêne et choisit une branche qui s'étendait audessus du toit. « Elle a l'air facile à atteindre, dit-il. Laurence, croistu que tu pourras y arriver? — Bien sûr, répondit Laurence. Je ne suis pas

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aussi agile que vous deux, mais je nie débrouille bien.» Ce n'était pas très difficile de monter à l'arbre. Les trois enfants furent bientôt sur une branche en face de la fenêtre du grenier, mais comment arriver jusqu'au rebord? La branche se pencha sous leur poids quand ils furent à l'extrémité. Bob les regardait. « Une minute! » dit-il. Il disparut et revint avec une grande planche qu'il avait prise dans un débarras. Il la tendit par la fenêtre et Bruno en attrapa l'extrémité. « Attache-la solidement à la branche avec cette corde», ordonna Bob en jetant une corde à Bruno. Celui-ci obéit à ces instructions. Une extrémité de la planche reposait sur une large branche, l'autre sur le rebord de la fenêtre. Il n'y avait plus qu'à glisser le long de la planche jusqu'à la fenêtre. « Parfait! s'écria Bob tandis que, un par un, tous les trois le rejoignaient. Nous pourrons toujours venir de cette façon sans être vus quand nous le voudrons. Nous laisserons la planche ici, personne ne la verra. » Ils étaient dans la grande mansarde, éclairée par un œil-de-bœuf, qui servait de salle de jeux au petit Américain. Des caisses et des malles étaient rangées dans un coin. Les jouets de Bob remplissaient la pièce. Il y avait un train électrique, un établi, un arc et des flèches, d'autres choses encore. « Déguisons-nous! Tu nous apprendras ta danse

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guerrière, proposa Bruno. Est-ce que le Dragon est dans la maison? Et ton précepteur? - Non, ils sont partis tous les deux, répondit Bob. La cuisinière est au marché. Le chauffeur conduit Miss Taylor au village. Nous pouvons faire autant de bruit que nous voulons. Ils revêtirent leurs costumes d'Indiens. « Fermons la porte à clé, proposa Bruno. Ce sera plus prudent. - Si tu veux », répondit Bob en tournant la clé dans la serrure. Puis, imitant les gestes de leur ami, Bruno, Nathalie et Laurence se mirent à crier, à danser et à sauter. Ils s'en donnaient à cœur joie, comme s'ils avaient oublié le reste du monde. Mais ils s'arrêtèrent tout à coup en entendant du bruit dans le couloir. Quelqu'un essayait d'entrer et frappait à la porte. Une voix cria : « Bob, que faites-vous là-dedans? En voilà un vacarme! Ouvrez tout de suite! » « C'est M. Marston, chuchota Bob. Qu'allons-nous faire? »

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CHAPITRE VII La colère de M. Marston enfants et le chien s'immobilisèrent et se regardèrent, consternés. Flash poussa un petit grognement, mais Laurence le fit taire. « II ne faut pas qu'il vous découvre! chuchota Bob. Où vais-je vous cacher? » « Ouvrez la porte, Bob! Ouvrez tout de suite! » cria la voix du sévère précepteur. Les enfants n'avaient pas le temps de s'échapper par la fenêtre. Affolés, ils regardèrent autour d'eux. Bruno aperçut les malles rangées dans un LES QUATRE

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coin et y courut, en faisant signe à Nathalie et à Laurence. Peut-être pourraient-ils s'y cacher? « Oui, monsieur Marston, je vais ouvrir, annonça Bob. Je m'amusais à danser comme les Peaux-Rouges. » II chuchota à l'oreille de Bruno : «Fourrez-vous dans ces malles! Je vais faire semblant de chercher la clé, cela vous donnera un petit moment! » Bruno approuva d'un geste et ouvrit une grande malle. Il poussa Nathalie à l'intérieur et la referma. Puis il aida Laurence à entrer dans une autre et enfin se dissimula dans une troisième dont il fit retomber le couvercle. Pendant ce temps, Bob s'était approché de la porte, faisait tourner le bouton et agitait la clé. Quand il vit que les enfants étaient cachés, il ouvrit. Son précepteur l'appelait impatiemment. « Bob, que faites-vous? Dépêchez-vous, voyons! Une minute, monsieur Marston, répondit Bob. Je crois que la clé était coincée. » Enfin il poussa la porte. Son précepteur se précipita à l'intérieur, la mine sévère. Il regarda autour de lui, comme s'il s'attendait à trouver la mansarde pleine d'enfants. Mais il n'y avait personne, si ce n'est Bob qui avait pris son air le plus innocent. « Est-ce vraiment vous qui faisiez tout ce tapage? s'écria M. Marston d'un ton incrédule. Vous avez la voix sonore, je le sais, mais ces cris, ces piétinements n'étaient pas produits par un seul garçon! »

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Alors une chose terrible arriva! Tout le monde avait oublié Flash. Le petit fox-terrier s'était blotti dans un coin en entendant les coups frappés à la porte. II s'avança pour voir ce qui se passait. Craignant qu'il ne s'approchât des malles où ses jeunes maîtres étaient cachés, Bob le prit dans ses bras. M. Marston regarda le chien avec étonnement. « Encore cet animal! s'écria-t-il. Comment est-il monté? Pourquoi l'avez-vous amené? Et d'où sort-il? Il y a une clôture tout autour du jardin. «a» C'est moi qui l’ai fait monter, déclara Bob. Je Fai trouvé dans le jardin. Je suis si seul, voyez-vous! Et j'aime bien ce chien, — Il appartient sans doute aux voisins, déclara M. Marston. Mais je voudrais savoir comment il entre dans le jardin. — Par un trou qu'il a creusé sans doute, suggéra Bob. Il est petit, il peut se faufiler partout. — Ouah! Ouah! renchérit Flash. — Il faut qu'il parte! décréta le précepteur. Dire qu'avec un petit chien vous avez pu faire tant de vacarme ! Ne refermez pas- la porte à clé 1 — Je ramène le chien chez les voisins? demanda Bob. — Bien sûr que non! trancha le précepteur. Il ne faut pas qu'on vous voie, vous le savez. Et surtout je ne veux pas que ces enfants à côté sachent que vous êtes ici. Ils le raconteraient à tout le monde et le secret serait éventé. » II saisit Flash par son collier et se dirigea vers la porte.

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« Je vais ramener ce chien moi-même, annonça-t-il. Quand je reviendrai, nous travaillerons. Prenez vos livres et descendez dans mon bureau. — Oui, monsieur », répondit tristement Bob. Dès que son précepteur eut quitté la mansarde, il courut à la grande malle où Bruno était caché. « Tu peux sortir! » chuchota-t-il. Bruno était sur le point d'obéir quand, à la grande terreur de Bob, M. Marston revint pour dire quelque chose qu'il avait oublié. Bob s'assit sur la malle. Bruno, qui ignorait le retour de M. Marston, se demandait pourquoi le couvercle ne se soulevait pas. Il poussa de toutes ses forces et appela Bob. Celui-ci, toujours assis sur la malle, tapait du pied et sifflait pour couvrir la voix de Bruno. Le précepteur ne fut pas content. « Bob, ne sifflez pas quand je vous parle! Levez-vous tout de suite! » Bob fut obligé de s'exécuter. Par bonheur, Bruno avait compris qu'il devait rester tranquille et il ne bougeait plus. Les trois enfants tremblaient de crainte. « Je suis venu vous dire de sortir la grande mappemonde, reprit M. Marston. Dépêchez-vous! Je serai de retour dans une minute. Enlevez votre costume d'Indien. » II disparut. Cette fois Bob attendit' qu'il eût descendu l'escalier. Puis il ferma la porte à clé et courut vers les malles. Il aida Nathalie et Laurence à sortir. Bruno sauta à terre. « Nous l’avons échappé belle! murmura Bruno.

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II faut partir tout de suite. Venez, les filles, nous allons passer par la planche et descendre le long de l'arbre. Quand te reverrons-nous, Bob? — Je ne sais pas, répondit tristement Bob. Il pleut toujours. Impossible de jouer dehors. Et je n'ose pas vous faire remonter ici. Demain peut-être. — Nous avions l'intention d'explorer la rivière, déclara Bruno. Elle décrit une grande courbe après notre petite île et nous ne sommes jamais allés si loin. Peux-tu venir avec nous? Pourrais-tu t'échapper pendant quelques heures? Tu passerais pas notre trou. -Je viendrai, promit Bob. Je demanderai au Dragon de me donner des sandwiches pour déjeuner seul au fond du jardin et je vous rejoindrai. A quelle heure? Onze heures? — C'est cela, approuva Bruno en se dirigeant vers la fenêtre. Venez, les filles. Si nous ne nous dépêchons pas, le précepteur de Bob va revenir. » Un à un, ils glissèrent le long de la planche et se trouvèrent sur l'arbre. De là ils arrivèrent bientôt sur le toit du garage. Puis ils descendirent l'échelle et retournèrent chez eux. La pluie avait rempli le trou. Ils couvrirent de boue leurs beaux costumes de Peaux-Rouges que, dans leur hâte, ils n'avaient pas pensé à enlever. « Tant pis! dit Bruno. Nous les brosserons bien quand ils seront secs. Je me demande où est Flash... » Ils le surent bientôt, car le petit chien se précipita vers eux quand ils furent de retour à la mai-

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son. M. Marston l'avait rapporté, à la grande surprise de Mme Robin. « Maman, pouvons-nous faire un pique-nique demain? demanda Bruno. Nous voudrions aller sur cette petite île que nous avons découverte l'année dernière, puis explorer la grande courbe de la rivière. Nous ne la connaissons pas encore. Ce serait amusant! S'il fait beau, nous pourrions aussi nous baigner. - Vous avez ma permission, répondit sa mère Je vous préparerai un bon petit déjeuner froid. » Le lendemain avant onze heures, les trois enfants et Flash descendirent en bas du jardin. Le soleil brillait dans le ciel bleu. La pluie était oubliée. Ils attendirent Bob. Onze heures sonnèrent. Pas de Bob. Soudain Flash courut vers le trou et disparut. Il ne revint pas quand Laurence l'appela, ce qui était très mal de sa part. « II est à la poursuite d'un lapin, je suppose, fit observer Laurence indignée. Pourvu que M. Marston ne l'aperçoive pas! - Il est onze heures un quart, constata Bruno en regardant sa montre. Nous attendrons le retour de Flash, puis nous partirons. Bob ne viendra pas. Quel dommage! Il aurait passé une bonne journée! » « Voici Flash! s'écria Laurence, au bout de cinq minutes. Où étais-tu, vilain chien? - Regarde, Laurence, il a quelque chose à son collier, dit Nathalie. C'est un billet.

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- C'est vrai », convint Laurence et elle détacha le billet qu'elle lut tout haut : « Pouvez-vous m'attendre? M. Marston m'a donné un devoir supplémentaire, je lui ai donc demandé l'après-midi pour m'amuser dans le jardin. Je serai libre à onze heures et demie et je pourrai venir avec mon déjeuner. A tout à l'heure, j'espère. « BOB. — Bon vieux Flash! approuva Bruno en caressant le chien. Tu nous as servi de messager. Nous allons attendre, n'est-ce pas? Après tout, il sera bientôt onze heures et demie. » Comme la demie sonnait, ils entendirent siffler. « Bob! » s'écria Bruno. Au même instant, Bob parut et rejoignit les enfants. « Merci de m'avoir attendu! dit-il. M. Marston m'a donné mon après-midi si je travaillais ce matin. Venez. J'ai l'impression d'être un prisonnier évadé. Quelle joie ! » Le bonheur se lisait sur son visage épanoui. Tous les quatre sortirent par la petite porte au fond du jardin, traversèrent les champs, leur havresac sur le dos. « Nous avons un petit bateau à nous sur la rivière, nous l'avons baptisé L'Intrépide, annonça Bruno. Il nous mènera à notre petite île. Nous y déjeunerons. Cet aprèsmidi, nous explorerons la rivière.

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- Qui sait si un jour je n'aurai pas besoin d'une cachette? fit observer Bob en riant. Nous pourrions en chercher une, un endroit où personne ne me trouverait. - C'est cela, approuva Nathalie. Avec toi, Bob, on a toujours l'impression que des aventures palpitantes vont arriver. Tu vois notre Intrépide ? Dépêchons-nous, il me tarde d'être sur la rivière! » Ils montèrent dans le bateau et s'éloignèrent de la berge. Bruno ramait et tous chantaient en cœur. Quelle bonne promenade en perspective!

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CHAPITRE VIII La péniche sur la rivière. NOTRE petite île te plaira, affirma Nathalie. Tu ne l'as pas encore vue, Laurence. L'année dernière, un cygne y avait fait son nid. Et les martins-pêcheurs sont nombreux. Il y a une petite plage bien commode pour prendre des bains de soleil, après la baignade. __H me tarde d'y être, dit Bob. Donne-moi les rames, Bruno! » Bob ramait très bien. Le petit bateau fendit rapidement les eaux bleues de la rivière. L'île parut bientôt. « Nous y sommes! annonça Bruno. Il n'y a

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qu'un petit bois, quelques buissons de ronces et de l'herbe, mais nous nous y amuserons beaucoup. Pas de lapins, mon pauvre Flash! — Ouah! Ouah ! » répondit Flash. Couché à l'avant du bateau, il regardait l'eau comme s'il avait envie de sauter dedans. Laurence tenait son collier pour l'en empêcher. Les enfants se dirigèrent vers la petite plage. Ils débarquèrent et tirèrent le bateau sur le sable. L'île était en effet très petite. Il ne fallait que quelques minutes pour en faire le tour. « C'est épatant! s'écria Bob. Je voudrais que cette île soit à moi. Nous déjeunons? Ou commençons-nous par nous baigner? — Baignons-nous, conseilla Bruno. Il fait si chaud! » Ils enlevèrent leur short et leur jersey qu'ils avaient mis sur leur costume de bain et se jetèrent à l'eau. Bob nageait -comme un poisson et Bruno, seul, pouvait lui tenir tété. Après la baignade, les quatre enfants et Flash s'allongèrent sur la petite plage pour se sécher au soleil. Ensuite ils déjeunèrent. Ils avaient une faim de loup. Le déjeuner de Bob n'était pas très copieux. Mais Mme Robin, qui connaissait l'appétit robuste de ses enfants, leur avait préparé un repas substantiel et ils mirent tout en commun. Flash eut quelques biscuits et un sandwich. Quand ils eurent mangé, Nathalie proposa une sieste. « Non, ne dormons pas! protesta Bob. Je ne suis pas venu ici pour dormir. Faisons plutôt une petite promenade.» 59

Ils montèrent dans le bateau où Flash reprit sa place à l'avant. Les garçons saisirent les rames. Il faisait délicieux sur la rivière cet après-midi-là. Une brise fraîche soufflait. L'eau clapotait contre les flancs de ['Intrépide. Les enfants étaient très heureux. Ils contournèrent la courbe de la rivière aux berges couvertes d'arbres. « Qu'il fait bon! s'écria Laurence. Il n'y a rien que j'aime comme une promenade en bateau! - Surtout quand tu n'as pas la fatigue de ramer, fit observer Bruno. Je ne vois pas pourquoi les filles ne prendraient pas les rames, et toi. Bob? » Les filles prirent donc les rames et les garçons purent se reposer. « Tiens, il y a une maison là-bas! s'écria brusquement Bruno. Vous voyez, sur la pelouse qui descend jusqu'à la rivière? C'est la première habitation que nous apercevons depuis ce matin. - Et qu'y a-t-il donc près de la rive? » demanda Nathalie. Les trois autres suivirent la direction de son doigt. Ils aperçurent une péniche qui avait vu de meilleurs jours. Sa peinture jadis blanche s'écaillait, ses cuivres étaient ternis. Elle faisait peine à voir et avait l'air d'être abandonnée là depuis des siècles. « Une péniche! s'écria Bob. Elle paraît inhabitée. - J'aimerais voir comment est l'intérieur », fit observer Nathalie. Tous avaient le même désir. Flash lui-même fit entendre un petit jappement.

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« Pourrions-nous approcher et jeter un coup d'œil? demanda Laurence. - Je ne sais pas, répliqua Bruno. Elle appartient peutêtre aux gens qui habitent cette grande maison là-bas. Si nous allions demander la permission? - C'est cela, approuva Nathalie. Vas-y, Bruno. Prends Bob. - Non, merci, répondit aussitôt Bob. Je ne dois pas me montrer en public. - J'avais oublié, dit Nathalie. Vas-y seul, Bruno. » Ils mirent le cap sur la berge. Bruno sauta à terre et se dirigea vers la pelouse au fond de laquelle se dressait la grande maison. Les volets étaient fermés, il n'y avait aucun signe de vie. Le garçon frappa. Une vieille femme ouvrit, la surprise peinte sur son visage. Elle n'avait sûrement pas beaucoup de visiteurs dans ce coin solitaire. « Excusez-moi de vous déranger, commença poliment Bruno. Pourriez-vous me dire à qui appartient la péniche qui est là-bas? Croyez-vous que, mes camarades et moi, nous pouvons jeter un coup d'œil à l'intérieur? - Je ne sais pas, répondit la vieille femme. Je garde la maison jusqu'à ce qu'elle soit louée. Personne ne m'a parlé d'une péniche. Ne faites pas de dégâts! - Oh ! non, nous ne toucherons rien ! » promit Bruno. Il retourna vers ses amis. On ne lui avait pas

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interdit d'entrer dans la péniche, c'était tout ce qu'il désirait. Ils s'en approchèrent, amarrèrent leur bateau et grimpèrent sur le pont. Toutes les portes étaient fermées. Nathalie regarda par une fenêtre et poussa une exclamation. « Une cabine avec des couchettes et un petit lavabo! Que j'aimerais habiter une péniche! - J'ai trouvé une porte dont la serrure est rouillée! cria Bob. Nous pouvons entrer! » La porte s'ouvrit facilement. Les enfants pénétrèrent à l'intérieur. -La petit pièce humide, poussiéreuse, sale, leur parut charmante. Us enviaient les heureux possesseurs de cette maison flottante. Quel plaisir de s'éveiller le matin en entendant le clapotis de l'eau! Quel plaisir de préparer un repas sur le poêle de l'étroite cambuse et de le manger sur le pont! Et le soir de regarder les étoiles poindre au firmament ! « On dirait que le propriétaire a oublié sa péniche, s'écria Nathalie. Je voudrais qu'elle soit à nous! — Faisons comme si elle nous appartenait, proposa Laurence. - Que veux-tu dire? demanda Bruno. — Pourquoi ne camperions-nous pas ici? Nous nettoierions tout, nous laverions le pont, nous ferions briller les cuivres. Nous supposerions que cette péniche nous appartient, expliqua Laurence. Je suis sûre que le propriétaire ne serait pas fâché s'il nous surprenait. Nous pourrions prendre nos repas ici, nous pourrions même y coucher une nuit, si ta maman nous le permettait! »

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Les autres applaudirent à cette idée. Une péniche à eux! Ce serait merveilleux! « Entendu! approuva Bob. Personne ne peut nous en empêcher, excepté la vieille gardienne que Bruno a vue, et elle ne connaissait même pas l'existence de la péniche. Commençons à tout nettoyer demain. Ce serait la cachette rêvée pour moi si jamais j'en avais besoin. Personne ne viendrait m'y chercher. (''est vrai, approuva Bruno. Je suis sûr que ton oncle ne te retrouvera pas, Bob. Mais si tu étais en danger, ce serait exactement l'endroit qu'il te faudrait! - Nous apporterons des torchons et des brosses demain, et nous ferons un grand nettoyage, décréta Laurence. Si nous pouvions dormir une nuit ici! J'aurais l'impression d'être à l'autre bout du monde! » Les enfants explorèrent la péniche. Ils trouvèrent d'abord deux étroites cabines contenant chacune deux couchettes. Ils virent ensuite une minuscule cuisine, presque entièrement remplie par le fourneau et un placard, puis ils entrèrent dans la petite pièce qui, par mauvais temps, pouvait servir de salle à manger. Le pont était très grand, avec des tables et des chaises empilées sous une tente. « Dites donc, il est quatre heures et demie! s'écria Bob consterné. Il faut que je rentre sans tarder. Je suppose que toute la maisonnée nie cherche dans le parc. — Venez! ordonna Bruno en sautant dans 1’Intrépide.

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Prenons chacun une rame, Bob, et partons! Flash, nous t'avions oublié! Saute, nigaud! Saute donc! » . Il ne fallut pas longtemps pour retourner aux Hêtres. Bob passa sous la clôture. Le Dragon l'appelait d'un ton irrité. « Bob! Bob! Où êtes-vous? C'est l'heure du goûter! Vous dormez? Venez tout de suite! — J’arrive ! » répondit Bob. Il adressa un signe d'adieu à ses camarades et partit en courant. Les autres retournèrent dans leur maison. « Demain! s'écria Laurence. Demain cette péniche sera à nous! »

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CHAPITRE IX « L'Hirondelle » le reste de la matinée, Bruno, Nathalie et Laurence ne parlèrent que de la vieille péniche. « Nous n'avons pas demandé à Bob à quelle heure il serait libre demain, fit remarquer Bruno. C'est stupide! Mais il était si pressé de rentrer! — Demandons-le-lui, proposa Laurence. Demain c'est jeudi, Bob ne travaillera sans doute pas. Bruno, grimpe dans le marronnier pour voir si Bob est par là. S'il y est, nous lui jetterons une balle avec un message. » PENDANT

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Bruno grimpa dans l'arbre. Bob était sur la pelouse avec un livre. Le Dragon lisait à côté de lui. Bruno glissa à terre; il écrivit un billet, l'enfonça dans une vieille balle crevée et la jeta dans le jardin. Quelques minutes plus tard, la balle revenait avec une réponse. C'était vraiment un très bon moyen pour communiquer! Bruno lut le billet de Bob. « Je suis libre le jeudi. Bravo! Je sortirai dans le jardin tout -de suite après le petit déjeuner. Personne ne s'occupera de moi avant midi. Je serai dans votre jardin vers neuf heures. — Faisons nos préparatifs, proposa Laurence. Quelle heure est-il? Cinq heures et demie. Les magasins ne sont pas fermés. Allons acheter ce qu'il nous faut. J'ai un peu d'argent. - Maman nous le donnerait si nous le lui demandions, fit observer Nathalie. - Mais elle nous demanderait pourquoi nous avons besoin de lessive et de torchons. Que répondrionsnous? — Tu as raison, répliqua Nathalie. J'ai de l'argent, moi aussi. Partons. » Le village, appelé Rochebourg, se trouvait à quelques kilomètres des deux maisons, Les Hêtres et Les Chardonnerets. A bicyclette, le trajet n'était pas long. Le petit bazar vendait un peu de tout. « Du savon, demanda Nathalie en consultant sa liste. Deux grands torchons, deux serpillières, de la lessive, une brosse. C'est tout. » 66

« Du savon », .demanda Nathalie en consultant sa liste.

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Ils mirent leurs emplettes dans leurs sacoches et retournèrent chez eux. « La péniche a bien besoin d'être repeinte, décida Bruno. Dans notre garage, il y a une grande boîte de peinture blanche et des pinceaux. — Prends-les, conseilla Nathalie. Bob et toi, vous peindrez pendant que, Laurence et moi, nous ferons le ménage. » Enchanté par cette idée, Bruno alla prendre la boîte de peinture, deux grands pinceaux et une petite bouteille de térébenthine pour nettoyer les pinceaux quand ils en auraient besoin. « Cela fait beaucoup de choses à emporter, fit remarquer Laurence. — Nous prendrons aussi du chocolat, des prunes, des biscuits, ajouta Bruno. Si nous partons à neuf heures pour ne rentrer qu'à midi, nous aurons faim. » Une tablette de chocolat, un paquet de biscuits, une douzaine de prunes dorées furent donc ajoutés au reste dans les havresacs. Bruno, Nathalie et, Laurence comptaient les minutes. Quelle joie d'avoir un secret et de le partager avec un ami comme Bob! C'était délicieux de penser à la vieille péniche qui les attendait sur la rivière! Le lendemain, juste avant neuf heures, les trois enfants et Flash attendaient au fond du jardin. Cette fois, Bob fut exact. Il arriva à neuf heures tapantes. Flash se jeta sur lui pour lui lécher le nez. « A bas! s'écria Bob en essayant de détourner la tête. Laurence, appelle ton chien! Il est beau68

coup trop affectueux! Que vous êtes chargés! Donnemoi ton havresac, Nathalie. Au retour, je porterai celui de Laurence. — Nous avons de la peinture blanche pour peindre la péniche, annonça fièrement Bruno. Tu m'aideras, Bob? — Bien sûr, répondit Bob. Je n'ai jamais peint, mais je crois que je me débrouillerai. — Dépêchons-nous ! Il me tarde d'être là-bas! » Quelques minutes plus tard, ils traversaient en courant le champ qui menait à la rivière. Ils détachèrent L'Intrépide. Les garçons prirent les rames et ne cessèrent de ramer que lorsqu'ils furent contre la vieille péniche. « La voilà! s'écria Bruno. Avez-vous vu son nom?

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— Il est là, dit Bob. L'Hirondelle ! C'est un joli nom! Montons vite sur le pont! » Les enfants regardèrent la maison lointaine. Un panache de fumée montait d'une cheminée; sans cela, elle paraissait aussi déserte que la veille. « Je ne crois pas que nous serons dérangés », constata Bruno. Ils restèrent un moment immobiles sur le pont de L'Hirondelle, ne sachant par où commencer leur nettoyage. « Par l'extérieur! décida enfin Laurence. Vous, les garçons, vous peindrez. D'abord les fenêtres et les murs. Puis les portes. — Lavons le pont, proposa Nathalie en prenant de la lessive et une brosse. Qu'il est sale! Nous n'avons pas pensé à apporter un seau! — Nous en trouverons peut-être un dans la cambuse », dit Laurence. Il y en avait un en effet. Elles le plongèrent dans la rivière et se mirent au travail. Elles furent obligées de laver le pont à plusieurs eaux. Pendant ce temps, les garçons étalaient la peinture blanche. Ils s'y prenaient très bien. Quand les vitres furent propres, les filles essayèrent de faire briller les cuivres, mais ils étaient vraiment trop ternis. Vers onze heures, les enfants eurent faim. « Asseyons-nous, mangeons des biscuits, du chocolat et des prunes », proposa Bruno. Ils s'installèrent sur le pont et partagèrent leurs provisions. « Les portes ont un autre air maintenant

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qu'elles sont repeintes, constata Nathalie. Quant au pont, il est magnifique. Nous allons nous occuper de l'intérieur, Laurence et moi. II faudra sortir les coussin», ils sentent le moisi. » Ils se remirent au travail avec ardeur. Laurence et Nathalie portèrent dehors les coussins, les matelas, les oreillers. Elles ouvrirent les portes et tes fenêtres pour laisser entrer l'air. A midi, quand ils partirent, la péniche avait déjà pris un nouvel aspect. « Au revoir, L'Hirondelle ! » cria Nathalie, tandis qu'ils s'éloignaient dans L'Intrépide. « Nous reviendrons bientôt. Demain peut-être. » Ils étaient un peu en retard pour le déjeuner. Mme Robin ne les gronderait sûrement pas, mais pour Bob, c'était différent. Si Miss Taylor et M. Marston découvraient son secret, il n'aurait plus la possibilité de jouer avec Bruno et les deux filles. «Au revoir ! chuchota-t-il en s'éclipsant. A demain ! »

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CHAPITRE X Fête d'anniversaire LE LENDEMAIN,

Bob ne put accompagner ses amis. M. Marston l'avait puni, sur la demande de Miss Taylor. Le Dragon lui avait dit que le jeune garçon se cachait dans le jardin et ne répondait pas quand on l'appelait. Bob, qui était sur la rivière, n'avait pas entendu les appels. Mais il ne pouvait donner cette excuse. Bruno, Nathalie et Laurence continuèrent donc seuls leurs travaux dans la vieille péniche. Avant la fin de la semaine, L'Hirondelle avait changé d'aspect. Toute blanche, elle resplendissait sous

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le soleil, et les cuivres commençaient à briller. Les vitres étaient claires, les ustensiles de cuisine lavés, les couchettes et les sièges débarrassés de leur poussière. « Nous devrions donner une fête, proposa Laurence en regardant son œuvre avec fierté. - En quel honneur? demanda Bruno. Et qui inviter? - Une fête pour nous, reprit Laurence. Mon anniversaire tombe la semaine prochaine. Pourquoi ne le célébrerions-nous pas ici avec un beau gâteau? Qu'en ditesvous? - Excellente idée! approuva Bruno. Nous demanderons à maman la permission de goûter dehors le jour de ton anniversaire. Espérons que Bob pourra venir! » Le jour de l'anniversaire de Laurence, quatre enfants et un chien montèrent sur le pont immaculé de la péniche. Bruno portait le gâteau dans un panier. « Il y a onze bougies, annonça-t-il. Maman nous a donné aussi des biscuits au fromage, des canapés au pâté de foie, des bouchées, de chocolat. » Par bonheur, Bob pouvait disposer de son après-midi. Son précepteur et Miss Taylor étaient sortis. La cuisinière lui offrit une tartine de beurre pour quatre heures, mais Bob lui assura qu'il avait si bien déjeuné qu'il n'aurait pas faim avant le dîner. Il rejoignit les autres. Flash l'accueillit avec un jappement de joie. Quand ils furent sur la péniche, les enfants disposèrent leur goûter sur une table et prirent des

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verres et des assiettes dans la cambuse. Laurence jeta un regard au petit fourneau. « Quel dommage que nous ne puissions pas faire du chocolat! Mais nous avons de la limonade. Un jour, il faudra allumer ce fourneau. » Leurs préparatifs terminés, les enfants s'assirent autour de la table. Flash prit place sur une chaise près d'eux. Il savait très bien se tenir et, s'il léchait son assiette à grands coups de langue, on le lui pardonnait, car après tout ce n'était qu'un petit chien. Le gâteau fut servi sur un grand plat rosé. Malheureusement personne n'avait pensé aux allumettes. « Je vais voir s'il y en a dans la cambuse », déclara Laurence. Elle disparut et revint en courant. « J'en ai une boîte! annonça-t-elle. Je l'ai trouvée dans le petit placard. Tiens, Bruno, allume les bougies! » Hélas! Les allumettes étaient humides et elles ne voulurent pas prendre. Quelle déception! « Eh bien, il faut couper le gâteau sans allumer les bougies, voilà tout ! décida enfin Bruno. Il sera bon tout de même. - Ouah! Ouah! » approuva Flash. Soudain il gronda. Les enfants le regardèrent avec étonnement. « Flash, qu'as-tu? demanda Laurence. — Tu es fâché parce que tu n'as pas encore ton morceau de gâteau? Tu es bien impatient! » ajouta Nathalie.

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Flash gronda de nouveau et ses poils se hérissèrent sur son dos. Qu'avait-il donc? Il tenait les yeux fixés sur les saules pleureurs qui plongeaient leurs longues branches dans la rivière. Quelqu'un venait sans doute. Les enfants n'entendaient rien, car l'herbe était si épaisse qu'elle amortissait le bruit des pas. Quel ennui d'être surpris sur la péniche! Elle ne leur appartenait pas, bien qu'ils l'eussent nettoyée et repeinte. « Ecoutez! chuchota Bob. Si quelqu'un vient, je ferai semblant d'être muet, parce qu'à mon accent on devine toujours que je suis américain. Il ne faut pas qu'on sache qui je suis! » II s'interrompit net. Cette fois, c'était certain, quelqu'un marchait sur la berge. « Espérons qu'on ne nous verra pas! dit tout bas Bruno. Laurence, fais taire Flash. Il va gronder. » Laurence posa la main sur le collier de Flash. Aussitôt le chien se tut. Tous étaient silencieux. Une petite toux résonna derrière les arbres. Mais ils ne voyaient personne et ils espéraient que personne ne les verrait. Puis vint le bruit d'une allumette qu'on frottait et une odeur de fumée de cigarette arriva jusqu'à eux. Ensuite le nouveau venu se remit à marcher et apparut sur la berge entre les saules. C'était un homme de haute taille. En apercevant les enfants, ses yeux s'écarquillèrent d'étonnement. Bruno et les filles ne savaient que dire et que

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faire. Ils restèrent immobiles. Flash gronda de nouveau. « Eh bien! s'écria enfin l'inconnu en montant à bord de la péniche. Quelle gentille petite réception! Une fête d'anniversaire, à en juger par le gâteau? » Personne ne dit mot. L'homme jeta un regard autour de lui et s'approcha d'une vitre pour voir l'intérieur. Il parut plus surpris que jamais. « J'espère que l'un de vous a une langue, dit-il en s'asseyant sur une chaise. Dans ce cas, je voudrais vous poser quelques questions. — Nous avons tous des langues, répliqua Bruno. — Alors j'aimerais savoir ce que vous faites sur ma vieille péniche », reprit l'homme. La péniche lui appartenait! Quel malheur! pensèrent les enfants consternés. « J'aimerais savoir aussi qui a repeint L'Hirondelle, reprit l'homme. Qui a nettoyé les cabines? C'est un mystère! Je suppose que vous ne pouvez pas me répondre? » Bruno ne pouvait s'empêcher d'avoir de la sympathie pour le nouveau venu, mais il se demandait si, par hasard, ce ne serait pas l'oncle Paul de Bob. « La péniche est à vous? interrogea-t-il. Je regrette beaucoup, monsieur, que nous ayons pris la liberté de l'utiliser. J'ai demandé la permission à la gardienne de la maison, mais elle ne connaissait pas l'existence de L'Hirondelle. Nous n'avons rien abîmé. Au contraire, nous avons passé une couche de peinture et nettoyé un peu. On est si

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bien sur cette péniche! C'est dommage de ne pas s'en servir. - Je suis d'accord avec toi, affirma l'homme. Eh bien, vous n'êtes pas comme les autres enfants que je connais. Ils auraient saccagé les cabines. Mais vous, vous vous êtes donné la peine de remettre tout en ordre. Quel est ton nom? - Moi, je m'appelle Bruno, monsieur, répondit le jeune garçon. Et voici ma sœur Nathalie et ma cousine Laurence. - Et toi, qui es-tu? » demanda l'homme en se tournant vers Bob qui, bien entendu, n'avait pas dit un mot de tout le temps et avait pris un air aussi stupide que possible. Bob ne répondit pas. « Jean-Louis, monsieur », répliqua Bruno en disant le premier nom qui lui passa par la tête. « II ne peut pas parler, il est muet. - Pauvre petit! s'écria l'homme qui semblait vraiment ému. Qui sait si je ne pourrais rien faire pour toi? Je suis médecin. Le docteur Charpentier. Il n'y a rien à faire, monsieur, se hâta de répliquer Bruno. Nous allons partir, puisque cette péniche vous appartient. Nous vous présentons nos excuses. - Je vous remercie des travaux que vous avez faits à bord », déclara le médecin Son sourire rassura les enfants. « Vous ne nous permettriez pas de revenir, monsieur? demanda Bruno. - Peut-être, à une condition, répondit le doc-

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leur Charpentier. Que vous m'invitiez à goûter et que vous me donniez un morceau de ce gâteau qui a l'air si délicieux! Pourquoi n'allumez-vous pas les bougies? - Nous n'avons pas d'allumettes », expliqua Laurence. Le médecin sortit une boîte d'allumettes de sa poche et la lui tendit. Elle alluma les onze bougies. Puis elle coupa le gâteau et tendit un morceau à leur hôte. « Merci, Laurence, dit celui-ci. Heureux anniversaire! Et venez dans ma péniche aussi souvent que vous le voudrez. Je vous la loue pour un morceau de gâteau ! » Quel bonheur! Les enfants ravis se regardèrent. Ainsi la péniche était à eux, ils pourraient venir y jouer chaque fois qu'ils en auraient envie!

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CHAPITRE XI Jean-Louis le muet Charpentier savoura son morceau de gâteau et déclara qu'il n'avait jamais rien mangé de meilleur. « Où habitez-vous, les enfants? demanda-t-il. — Nous habitons une des deux villas de l'autre coté de la rivière. Nous sommes venus en bateau. Et vous, docteur? - La maison au fond de la grande pelouse m'appartient, expliqua le docteur Charpentier en faisant un geste. Mais je veux la louer et je crois que j'y suis arrivé. LE DOCTEUR

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— Les locataires se serviront-ils de la péniche? demanda Nathalie inquiète. - Non. Je pensais qu'elle était hors d'usage et je n'en ai pas parlé, répondit le médecin. Vous n'avez pas à vous tourmenter. Si on vous interroge, vous pourrez dire que je vous l'ai louée. J'ajoute que c'est bien payé, ce gâteau est délicieux ! — En voulez-vous un autre morceau ? demanda Laurence en prenant le couteau. — Dans ce cas-là, je vous la louerai pour deux ans, dit le docteur Charpentier. Merci beaucoup! » Pendant ce temps, Bob mangeait son gâteau sans rien dire. Le docteur l'attira à lui. « A-t-il toujours été muet? » demanda-t-il. Bruno rougit. Il ne savait que dire. Il avait horreur de mentir, mais il ne pouvait pas trahir Bob. « Oui, toujours », répondit-il enfin. Comprenant l'embarras de son cousin, Laurence chercha à détourner la conversation. « Un autre morceau de gâteau, Jean-Louis? » demanda-t-elle. Nathalie retint un fou rire. Bob fit entendre un grognement et prit le morceau de gâteau. « Ne peut-il pas faire entendre d'autres sons? » demanda le docteur Charpentier. Les autres pensèrent aux clameurs que poussait Bob quand il jouait au Peau-Rouge. « Oh! si! répondit Bruno. Une bouchée de chocolat, monsieur? - Non, merci. Il faut que je me sauve, répondit le médecin en se levant. Merci beaucoup pour le 80

gâteau. Rappelez-vous : la péniche vous appartient. - Au revoir », dirent les autres, à l'exception de Bob. Flash jappa. Le visiteur lui plaisait beaucoup. Ils suivirent des yeux le médecin qui s'éloignait et disparaissait derrière les saules. Alors Nathalie éclata de rire. « Pauvre Jean-Louis! s'écria-t-elle. J'ai pitié de toi. Tu as toujours été muet? » Bob poussa des petits grognements, au grand amusement de -ses camarades. Puis il recouvra l'usage de la parole. « Merci d'avoir si bien joué la comédie! dit-il. Je crois que le docteur Charpentier est un brave homme, mais on ne sait jamais. Mon oncle a des quantités de complices. En tout cas, si M. Charpentier est l'un d'eux, il pensera que je suis un muet appelé Jean-Louis et non Bob Armstrong. - Je ne crois pas que ce soit un homme malhonnête, protesta Laurence. Il a l'air si franc! Dire qu'il nous loue la péniche pour deux morceaux de gâteau! Les grandes personnes font des choses étranges, n'est-ce pas? - En tout cas, grâce à lui les bougies ont été allumées, répliqua Nathalie. Elles sont presque brûlées. Il n'y a plus qu'à les éteindre. » Tous se réjouissaient à l'idée que la péniche leur appartenait. « Crois-tu que maman nous permettra d'y passer une nuit? demanda Nathalie. Ce serait merveilleux! - Il faudra lui parler de la péniche, fit remarquer Bruno.

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Mais cela a moins d'importance puisque nous avons l'autorisation d'y venir. Je crois qu'elle voudra bien que nous y passions une nuit ou même un week-end. - Et Bob? » interrogea Laurence. Les yeux du jeune garçon brillaient à l'idée d'une telle escapade. « Je m'esquiverai un peu tard et je retournerai de bonne heure le matin, déclara-l-il. Maintenant il faut que je parte, sans cela le Dragon se plaindra à M. Marston. Je ne veux pas être enfermé dans ma chambre. » Les enfants mirent tout en ordre et descendirent dans L'Intrépide, enchantés de leur après-midi. « A bientôt, Hirondelle! cria Nathalie. Tu es à nous! Nous t'avons louée! Nous viendrons bientôt passer une nuit dans tes cabines! » Bob arriva à temps. Personne ne se douta de rien. Laurence lui donna le dernier morceau du gâteau d'anniversaire pour le manger quand il serait seul. « Demandez à votre maman la permission de coucher sur la péniche, recommanda-t-il. Il faut profiter du beau temps. Et demandez-lui aussi si elle a jamais entendu parler d'un docteur Charpentier. S'il habite réellement cette maison, nous ne risquons rien. » Les enfants racontèrent donc à leur mère leur rencontre avec le docteur Charpentier. Elle fut étonnée d'apprendre qu'ils avaient découvert la péniche et l'avaient peinte et nettoyée.

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« Pourquoi ne m'avoir rien dit? s'écria-t-elle. Vous auriez pu avoir des ennuis. C'est très gentil de la part du docteur Charpentier de vous permettre d'y retourner. — Le connais-tu, maman? demanda Nathalie. — J'ai entendu parler de lui, répondit Mme Robin. Il habitait la maison de l'autre côté de la rivière, mais je crois que, maintenant, il veut la louer. — C'est déjà fait, ajouta Bruno. Les locataires n'auront pas la péniche. Maman, pourrions-nous y passer une nuit? Je t'en prie, donne-nous la permission ! — Je verrai d'abord si le docteur Charpentier parlait sérieusement, répondit Mme Robin. Je vais lui téléphoner tout de suite. Je trouverai son numéro dans l'annuaire. »

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Mme Robin alla au téléphone. Les enfants se regardèrent gaiement. « Je parie que nous aurons la permission de coucher sur la péniche, chuchota Bruno. Nous y déjeunerons le matin. Nous préparerons notre chocolat sur le petit poêle. » Quand leur mère revint, elle était l'image même de la surprise. « Oui, c'est bien d'accord, annonça-t-elle. Le docteur Charpentier a été amusé de vous trouver en train de manger un gâteau d'anniversaire et content que vous ayez peint et nettoyé la péniche. Mais il a parlé d'un garçon nommé Jean-Louis qui est muet... » Les enfants furent consternés. Quelle malchance que le docteur Charpentier ait fait allusion a

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Bob! Que dire maintenant? Ils se turent dans l'espoir que leur mère n'insisterait pas. « Qui est ce Jean-Louis? demanda-t-elle. Et pourquoi ne m'avez-vous jamais parlé de lui? Est-il vraiment muet? Où avez-vous fait sa connaissance? - C'est un garçon à peu près de mon âge, répondit enfin Bruno. Nous l'avons rencontré, c'est tout. - Le docteur Charpentier se demande s'il ne pourrait pas faire quelque chose pour lui, continua Mme Robin. Il a pensé que c'était votre frère ou votre cousin. - Oh! » murmura Bruno. Sa mère le regarda avec impatience. « Je vais bientôt croire que tu es muet, toi aussi, déclara-t-elle. Où habite ce garçon? » C'était une question gênante! Très heureusement Flash leur donna l'occasion de changer le sujet de la conversation. Tigre, le chat, fit son apparition. Le foxterrier sauta sur lui et une furieuse bataille s'engagea. Les deux animaux, accrochés l'un à l'autre, roulèrent sur le parquet. Mme Robin poussa un cri. Laurence lui fit écho. Ce fut Tigre qui eut le dessus. Il enfonça ses griffes dans les oreilles de Flash. Le chien hurla de douleur, échappa à son adversaire et courut se cacher derrière Laurence. Tigre le poursuivit. Pauvre Flash! Il voulut s'enfuir, mais le chat bondit sur son dos et les griffes acérées s'enfoncèrent de nouveau dans sa peau. Flash monta en trombe l'escalier, puis le redescendit et revint

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dans la salle à manger, Tigre toujours derrière lui. Enfin Laurence réussit à saisir Flash, et Mme Robin mit Tigre à la porte. « Ce Tigre! s'exclama-t-elle en se laissant tomber dans un fauteuil. Il porte vraiment bien son nom! Laurence, va enfermer Flash dans ta chambre. Je veux avoir au moins deux heures de tranquillité ! » Les enfants emportèrent Flash. Ils l'examinèrent et se rendirent compte avec soulagement que ses blessures n'étaient pas graves. « Tigre est arrivé au bon moment! constata Bruno. Je ne savais que répondre au sujet de Bob. J'espère que maman l'oubliera! » Mme Robin en effet ne posa plus de questions, mais dit simplement que, si les trois enfants étaient très sages pendant quelques jours, ils pourraient passer une nuit sur la péniche. « II faut avertir Bob! décréta Bruno quand il fut seul avec les filles. Il sera bien content! »

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CHAPITRE XII Est-ce l'oncle Paul? faisaient mille projets pour la nuit qu'ils passeraient dans la péniche. « II y a deux petites cabines avec deux couchettes dans chacune, déclara Bruno. C'est très bien pour nous quatre. Flash couchera avec l'un de nous. — Moi, bien entendu, interrompit Laurence. Tu sais bien qu'il ne me quitte jamais. Que ce sera amusant de passer la nuit dans la péniche! Il faudra emporter des bougies. LES ENFANTS

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— Et n'oublions pas l'eau, continua Bruno. Nous ne pouvons pas boire celle de la rivière. — La vieille gardienne nous permettra d'en prendre à son robinet, reprit Laurence. Nous lui dirons que le docteur Charpentier nous a loué sa péniche. — Entendu, approuva Bruno. Nous allumerons le poêle. Maman nous donnera du chocolat, du pain, du lait, tout ce qu'il nous faut. » Mme Robin leur permit de mettre leur projet à exécution le vendredi suivant. Ils se glissèrent dans le jardin voisin pour avertir Bob. « Je vous rejoindrai, promit-il. Je ne pourrai pas passer par la porte d'entrée qui sera verrouillé. Je m'esquiverai par la fenêtre de la mansarde. — Dans l'obscurité? protesta Laurence. — Il fera clair de lune, répliqua Bob. Mais j'en suis bien capable, même dans l'obscurité. — Veux-tu venir pique-niquer avec nous demain? interrogea Bruno. Nous emporterons notre déjeuner sur la colline. Nous pouvons tg prêter la bicyclette de papa. — J'aimerais bien* répondit Bob. Mais c'est impossible. Le Dragon et M. Marston seront là demain. Si je disparaissais encore, ils auraient des soupçons. — Quel dommage! s'écria Bruno. Tant pis! A vendredi! — Comptez sur moi! répliqua Bob. Attention, voici le Dragon! » Miss Taylor arrivait sur la pelouse. Les enfants

se trouvaient derrière le kiosque. Elle appela Bob. 88

« Bob, je voudrais que vous me rendiez un service. Où êtes-vous? » Bob la rejoignit en sifflant. Le Dragon était sur le point de s'asseoir dans un fauteuil de toile quand elle aperçut quelque chose. Un petit mouchoir bleu tombé de la poche de Laurence. Elle le ramassa. « A qui est cela? demanda-t-elle. Un mouchoir avec un L. Bob, ces enfants sont revenus? - Quels enfants? demanda Bob de son ton le plus innocent. - Vous savez bien que je parle des jeunes voisins, expliqua le Dragon avec impatience. Je ne vois pas comment ils pourraient entrer maintenant, avec cette clôture qui fait le tour de la propriété. Mais les enfants savent se faufiler partout. J'espère que vous ne les avez pas attirés dans le jardin, Bob? - Dans le jardin? répéta Bob. Vous parlez de notre jardin, Miss Taylor? Comment pourraient-ils entrer? - Je ne sais pas, répliqua Miss Taylor d'une voix irritée en ouvrant son livre. Je suppose que c'est le vent qui a apporté ce mouchoir ici. Ne me regardez pas comme un idiot, Bob ! Allez me chercher mon tricot dans le salon. Dépêchez-vous! » Bob s'éloigna. Les autres enfants restèrent immobiles derrière le kiosque, osant à peine respirer. Flash avait compris qu'il ne fallait pas bouger. Bob revint. Il aperçut Bruno et lui fit un signe.

« Voilà, Miss Taylor », dit-il en lui tendant un ouvrage. 89

Miss Taylor poussa un soupir d'impatience. « Ce n'est pas cela! protesta-t-elle. Vous m'apportez une broderie. Mon Dieu, que vous êtes stupide quand vous vous y mettez! Il vaut mieux que j'aille le chercher moimême. » Au grand soulagement des enfants, le Dragon se leva et se dirigea vers la maison. « Bravo, Bob! » chuchota Bruno. Les trois enfants et Flash coururent vers le petit bois derrière la pelouse. Quelques minutes plus tard, ils étaient chez eux. « Dommage que Bob ne puisse pas venir demain ! fit remarquer Bruno. Tant pis ! Nous irons tous les trois. - Avec Flash, ajouta Laurence. - Flash ne peut pas monter à bicyclette, répliqua Nathalie. — Nous ne pouvons pas le laisser! protesta Laurence. Je le mettrai dans un panier derrière moi. » Le lendemain matin, tous les trois partirent. Flash, dans le panier de Laurence, trouvait la promenade très agréable, mais le timbre de la bicyclette le faisait sursauter. Les enfants passèrent une agréable journée et mangèrent toutes leurs provisions. Puis ils se mirent à la recherche des premières mûres, mais la plupart étaient encore vertes. « Je meurs de soif! dit enfin Bruno en s'épongeant le front. Nous avons bu toute la limonade?

— Il n'en reste pas une goutte, répliqua Laurence. Si nous allions en acheter? » 90

Ils tâtèrent leurs poches et constatèrent qu'ils avaient assez d'argent. Ils remontèrent sur leurs bicyclettes et prirent la direction du village le plus proche. Sur la place du Marché, une confiserie d'aspect accueillant attira leurs regards. Les trois enfants entrèrent et s'assirent à une table, dans l'intention de commander de la limonade et des glaces. A ce moment, une grande voiture s'arrêta dehors et l'homme qui en descendit pénétra à son tour dans le magasin. « Excusez-moi, dit-il à la vendeuse. De quel côté se trouve Rochebourg? - En sortant du village, prenez la route à gauche, répondit la jeune femme. Puis tournez à droite. — C'est loin? demanda le nouveau venu. - Environ six kilomètres », répliqua la vendeuse en servant aux trois enfants leur limonade et leurs glaces. « Ce n'est pas si loin, déclara Nathalie. J'ai mesuré avec le compteur de ma bicyclette. Ça fait exactement cinq kilomètres. — Vous habitez Rochebourg? interrogea l'homme en s'approchant des enfants. - A côté, pas très loin », répondit Bruno. L'homme s'assit et commanda un verre de bière. « II y a des maisons aux environs? — Deux, répliqua Nathalie. La notre et une villa voisine. - Qui y habite? » avoir bu quelques gorgées.

demanda

l'homme

après

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Nathalie ouvrait la bouche pour répondre. Bruno lui envoya un coup de pied à la cheville et elle faillit avaler sa petite cuiller. « Des gens s'y sont installés ces derniers temps? » interrogea l'homme. A ce moment, Nathalie s'étranglait avec sa glace. Ce fut Bruno qui répondit. « Je rentre du collège et je ne suis pas au courant, affirma-t-il. C'est peut-être une famille d'Esquimaux ! - Ah! Ah! s'esclaffa l'homme comme si la plaisanterie était très drôle. Vous n'auriez pas vu un petit garçon, par hasard? - Petit? Comment? demanda Bruno. — Comme vous. — Je suis grand! protesta Bruno. - Eh bien, grand comme vous! rectifia l'homme avec impatience. — Les yeux de quelle couleur? demanda Bruno. — Bleus, répondit l'homme. — Et les cheveux? — Blonds. - Combien de doigts à chaque main? » interrogea gravement Bruno. Cette fois l'homme ne rit pas. « Vous vous croyez spirituel? demanda-t-il. - Bien sûr », répondit Bruno. Nathalie et Laurence se mirent à rire. L'homme se leva avec un geste d'irritation. « Je vous enverrai un télégramme si je vois un

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petit grand garçon avec des yeux bleus, des cheveux blonds, et... combien de doigts avez-vous dit? demanda Bruno. — Ne soyez pas insolent! » s'écria l'homme. Il paya son verre de bière, sortit, monta dans la voiture, dit quelques mots à un autre individu qui n'était pas descendu et mit le moteur en marche. « Je parie que c'est l'oncle Paul! déclara Bruno. Il a découvert que son neveu est dans notre région. Il faut avertir Bob. Quel malheur! Il sera peut-être obligé de partir. Nathalie, j'ai cru que tu allais faire une gaffe, je t'ai envoyé un coup de pied. - Tu as bien fait, affirma Nathalie. J'ai facilement la langue trop longue. —Venez! ordonna Bruno en se levant. Il faut vite avertir Bob. Mets Flash dans ton panier, Laurence. » Ils pédalèrent de toutes leurs forces. Dire qu'ils s'étaient trouvés dans la confiserie en même temps que l'oncle Paul! Quelle coïncidence bizarre!

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CHAPITRE XIII Un visiteur indésirable retournèrent chez eux le plus rapidement possible. Le pauvre Flash, fort secoué dans son panier, s'étonnait de tant de hâte. « Vous êtes-vous bien amusés? demanda Mme Robin pendant qu'ils rangeaient leurs bicyclettes dans le hangar. — Très bien, déclarèrent les trois enfants. — Venez me raconter votre après-midi », ajouta Mme Robin. Mais le temps manquait. Il fallait avertir Bob sans tarder. LES ENFANTS

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« Vous, les filles, allez parler à maman. Moi, je me sauve », chuchota Bruno. Nathalie et Laurence rejoignirent Mme Robin debout sur le perron. Bruno s'esquiva. Quelques minutes plus tard, il se trouvait dans le jardin des Chardonnerets. Il commençait à pleuvoir. Bob était sans doute dans sa salle de jeux. Bruno se dirigea vers la maison en se dissimulant derrière les arbres et parvint sans encombre au garage. Il prit l'échelle, monta sur le toit, escalada les branches du frêne et se trouva en face de la fenêtre. Il siffla comme un merle. Pas de réponse. Il siffla de nouveau. Cette fois la tête de Bob apparut à la fenêtre. Il eut un large sourire en voyant Bruno. « Viens voir mon train électrique, proposa-t-il. Je l'ai mis en marche. » Bruno glissa le long de la planche et sauta dans la mansarde. La porte était fermée à clé. « Bob, dit Bruno à voix basse, je crois que ton oncle Pau! est dans la région. - Ne dis pas de bêtises! protesta Bob. Il ne peut pas deviner où je suis. » Bruno lui raconta ce qui s'était passé et répéta les questions que l'homme avait posées. « C'est bizarre! s'écria Bob. Tu as très bien répondu. Comment était cet homme? - Assez grand, blond comme toi, les yeux bleus. Très bleus. Mais tu n'as jamais vu ton oncle, n'est-ce pas? - Non, répondit Bob. Il a bien essayé de m'enlever deux fois, mais il a toujours employé des

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complices. Ce n'est pas étonnant que nous nous ressemblions. J'espérais que nous pourrions passer quelque temps ici. C'est si agréable d'avoir des camarades! Faut-il que j'avertisse le Dragon et M. Marston? — Je crois, répondit Bruno. Ecoute, j'entends une voiture! » Ils coururent à la fenêtre et Bruno poussa un cri d'alarme. « Je reconnais la voiture que conduisait ton oncle! Mais il est passé. Il s'arrête devant chez nous. — C'est drôle! constata Bob. Retourne chez toi, tu verras ce qu'il fait. » Bruno retourna donc précipitamment. En entrant dans le vestibule, il se heurta à l'homme. « Bonjour, dit celui-ci. Voici le garçon insolent! » Mme Robin sortait du salon pour accueillir son visiteur. Elle entendit ces paroles. « Bruno! s'exclama-t-elle étonnée. Bruno, tu as été insolent? » Bruno, gêné, garda le silence. L'homme se tourna vers Mme Robin. « Je cherche un jeune garçon qui doit être dans la région, expliqua-t-il. Je suis très désireux de le trouver. J'ai pensé qu'il était peut-être dans cette maison ou dans la villa voisine, puisqu'il n'y a que deux habitations. — Je n'ai ici que Bruno, répliqua Mme Robin. Il n'y a pas d'enfant à côté. Attendez... mais si, il y a un garçon que mes enfants ont rencontré dernièrement dans les environs.

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- Vraiment? s'écria l'homme. Où est-il? Comment estil? — Je ne l'ai jamais vu moi-même, répliqua Mme Bobin. Mais je sais deux choses sur lui qui pourraient peut-être vous aider : il s'appelle Jean-Louis et le pauvre petit est muet. - Ce n'est pas le garçon qu'il me faut, répliqua ''homme. Celui que je cherche s'appelle Bob Armstrong. Vous êtes sûre que vous n'avez pas entendu ce nom? - Eh bien, il n'y a que deux maisons ici, répliqua Mme Robin. Je le saurais s'il y avait un autre garçon que JeanLouis aux environs. Si Jean-Louis n'est pas celui que vous cherchez, je crains que vous ne le trouviez pas à Rochebourg. Merci beaucoup, dit le visiteur en prenant son chapeau pour partir. J'ai dû faire une erreur. Mais, madame, je vous serais reconnaissant de bien vouloir téléphoner à cette adresse si vous entendiez parler d'un garçon de douze ans appelé Bob. - Bien, convint Mme Robin très intriguée. Je regrette que mon fils ait été insolent avec vous. Cela ne lui ressemble pas. — Il voulait simplement plaisanter », déclara l'homme. Il sortit et entra dans sa grande voiture. Il s'éloigna, sans s'arrêter à la maison voisine. « Bruno, qu'est-ce que cela veut dire? Tu as été vraiment insolent à l'égard de ce monsieur? demanda Mme Robin indignée. Que s'est-il passé?

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- Il nous a posé un tas de questions. Je ne vois pas pourquoi j'aurais répondu, répliqua le jeune garçon. Il ne me plaisait pas. - On n'est pas insolent à l'égard d'inconnus simplement parce qu'ils ne vous sont pas sympathiques! dit sa mère. J'ai honte de toi. Je regrette de n'avoir pu aider ce monsieur. Il avait l'air très pressé de trouver ce garçon appelé Bob. Je n'ai pas osé lui demander pourquoi. » Bruno aurait pu le lui dire, mais il s'en garda bien. Il rejoignit les deux filles pour leur raconter ce qui s'était passé. « Par bonheur maman ignore la présence de Bob aux Chardonnerets! Elle a répondu qu'il n'y avait qu'un seul garçon aux environs, un nommé Jean-Louis qui était muet, expliqua Bruno. L'oncle Paul cherchera ailleurs. Je suppose que Bob sera obligé de partir. — Je ne vois pas pourquoi, fit observer Laurence. Son oncle ne reviendra probablement pas. Il vaut mieux que Bob reste où il est. — Tu as raison, Laurence, approuva Bruno. Tout à fait raison. Je conseillerai à Bob de ne parler de rien pour le moment au Dragon et à M. Marston. - Il parlait avec un accent américain, murmura pensivement Nathalie. Il n'avait pas l'air méchant, n'est-ce pas? — Les gens méchants ont souvent l'air bon, fit remarquer Bruno. On ne peut pas juger les gens sur la mine. C'est sûrement l'oncle de Bob parce qu'il lui ressemble beaucoup. — Bruno, Bob pourra passer la nuit sur la

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péniche avec nous si son oncle ne revient pas, n'est-ce pas? demanda Laurence. Il nous manquerait tant! » Bruno et les filles ne purent rejoindre Bob ce soir-là. Il pleuvait à verse. Mme Robin les retint dans la maison et leur conseilla de faire une partie de cartes. A neuf heures, pendant que les enfants se déshabillaient dans leur chambre, une grêle de petits cailloux s'abattit sur les vitres. Bruno courut à la fenêtre. En bas-dans le jardin, il aperçut Bob qui lui faisait des signes. « Tu peux monter », cria Bruno. Bob bondit sur le poirier contre le mur et fut bientôt à califourchon sur le rebord de la fenêtre. Bruno appela sa sœur et sa cousine et raconta à Bob la visite qu'avait reçue Mme Robin. « C'est bien ton oncle, il n'y a aucun doute, conclut Bruno. Sans le savoir, maman a détourné ses soupçons. Nous pensons qu'il ira dans un autre village dont le nom ressemble à Rochebourg. Il y en a plusieurs dans la région. Il ne reviendra pas ici. Mieux vaut ne rien dire à M. Marston et au Dragon. - S'il revenait, tu pourrais toujours te cacher sur la péniche! » s'écria Laurence, les yeux brillants. Bob fit un signe affirmatif. « C'est vrai, approuva-t-il. J'y serais en sécurité. Il faut que je parte. Le Dragon pourrait entrer dans ma chambre. Si elle ne me trouvait pas, elle jetterait feu et flammes! »

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Les enfants se mirent à rire. Bob glissa à terre. A ce moment, Mme Robin tirait les rideaux de la salle à manger. Elle s'étonna de voir une ombre qui tombait sur le sol. « Bruno! cria-t-elle. C'est toi? Que fais-tu? » Bruno poussa une exclamation de désespoir. « Descends vite le long du poirier et puis remonte, conseilla Laurence. Tu arriveras dans ta chambre en même temps que tante Annie. Dépêche-toi ! » Les deux filles retournèrent dans leur chambre. Bruno descendit le long de l'arbre et remonta. Il enjambait l'appui de la fenêtre au moment où sa mère entrait. « Bruno! C'était donc toi? Qu'est-ce que cela veut dire? Tu devrais déjà être au lit! — Pardonne-moi, maman, s'excusa humblement Bruno en se couchant. — Ne recommence pas ! » dit sévèrement sa mère. Elle éteignit la lumière. Vraiment, qu'inventeraient encore ces enfants?

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CHAPITRE XIV Une nuit sur la péniche commencèrent leurs préparatifs pour le vendredi. Mme Robin leur recommanda de prendre des couvertures. Celles de la péniche seraient sûrement humides. « Dès que vous arriverez, mettez les matelas au soleil, ordonna-t-elle. Que voulez-vous emporter pour manger? ----- Des tas de choses, répondit Bruno. Tu ne peux pas t'imaginer comme nous avons faim quand nous sommes sur la rivière, maman! — Je le devine, répliqua Mme Robin en riant. Bon, je vais préparer un panier. Le jardinier vous LES ENFANTS

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aidera à tout porter -jusqu'à L'Intrépide. N'oubliez pas vos pyjamas et vos brosses à dents! C'était un vrai déménagement. Mais Mme Robin les autorisa à laisser une partie de leurs affaires sur L'Hirondelle. «Je crois que nous aurons souvent la permission de passer la nuit là-bas; fit remarquer Bruno. J'espère que Bob pourra venir aussi. Laurence, tu prends des biscuits pour Flash? — Bien sûr, répondit Laurence. — N'oublie pas sa brosse à dents et son pyjama, déclara gravement Nathalie. —-Nigaude! s'écria Laurence. Flash, seras-tu content de passer la nuit sur une péniche, je me le demande? — Ouah ! Ouah ! » répondit Flash en agitant joyeusement la queue. Il était toujours content partout, pourvu qu'il fût avec Laurence. Le vendredi arriva enfin, ensoleillé et chaud. Au grand regret des enfants, Bob ne pouvait partir en même temps qu'eux. «Je ferai semblant de me coucher de bonne heure, promit-il. J'espère être libre vers neuf heures. Tu viendras me chercher avec L'Intrépide, n'est-ce pas, Bruno? — Bien sûr, répondit Bruno. Je t'attendrai à neuf heures. Il fera déjà nuit. Personne ne te verra. » Les trois enfants et Flash partirent au début de l'aprèsmidi. Pierre, le jardinier, les accompagna, chargé du panier et des couvertures. Bruno,

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Nathalie et Laurence avaient chacun une mallette. Ils étaient tous au comble de la joie. Coucher dans une péniche, quel bonheur! Le jardinier posa ce qu'il portait dans le petit bateau. « Voilà, dit-il. Bonne chance f Dormez bien ! — Merci, Pierre », répondit Bruno. Le jeune garçon prit les rames et ils partirent. Il faisait très chaud. Lorsqu'ils arrivèrent à la péniche peinte en blanc, Nathalie et Laurence montèrent les premières sur le pont. Bruno leur fit passer les paquets, puis amarra L'Intrépide et rejoignit les filles. « Mettons les matelas au. soleil, ordonna-t-il. Nous l'avons promis à maman! — Baignons-nous avant, proposa Laurence. II fait si chaud. — Non, les corvées d'abord! décida Bruno. Dépêchons-nous! » Bientôt les matelas des quatre couchettes étaient dehors sur le pont. Après vint le bain. L'eau fraîche était délicieuse. Les trois enfants s'en donnèrent à cœur joie de nager. Flash les suivait en aboyant. Quand ils furent fatigués, ils remontèrent sur le pont de là péniche et se séchèrent au soleil. « Je vais devenir une vraie négresse », constata Laurence. Au bout d'une demi-heure, il fallut s'installer et goûter. Les filles déballèrent les provisions et les rangèrent dans le placard. Puis elles servirent le goûter sur une petite table rouge.

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« Nous avons de la limonade, dit Nathalie. Ce soir, nous ferons du chocolat. — II faudra demander de l'eau à la vieille gardienne, déclara Bruno. J'espère qu'elle nous en donnera. - Tu iras Bruno, répliqua Nathalie. Elle t'a déjà vu. Prends la bouilloire. » Vers six heures, Bruno, chargé de la bouilloire traversa la pelouse en direction de la grande maison. De la fumée montait d'une cheminée. Les nouveaux locataires s'étaientils installés? Il frappa à la porte de service. Personne ne répondit. Après avoir frappé plus fort, il poussa la porte. La vieille gardienne travaillait dans la cuisine. Elle sursauta en voyant Bruno.

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« Vous m'avez fait peur! s'écria-t-elle. Que voulezvous? - Me permettez-vous de prendre un peu d'eau? demanda poliment Bruno. — Pourquoi? Vous pique-niquez par ici? demanda la vieille femme. Je vous conseille de partir! Le docteur Charpentier a loué la maison et ses locataires sont déjà là. Vous aurez des ennuis s'ils vous surprennent dans la propriété ! - Nous sommes dans la vieille péniche sur la rivière, expliqua Bruno.' - La péniche dont vous m'avez parlé l'autre jour? répéta la gardienne. Je ne sais pas si on vous y laissera. -J'espère bien que si! s'écria Bruno. Puis-je prendre de l'eau? - Il y a un robinet dehors près de la porte de la cuisine, répliqua la vieille femme. Ne venez plus me faire peur! — Merci. Excusez-moi de vous avoir dérangée. Je ne recommencerai pas. Je vais prendre l'eau qu'il me faut. » II sortit de la cuisine et trouva le robinet. Pendant qu'il remplissait sa bouilloire, une voix d'homme s'éleva dans la cuisine. « Qui était là? - Un petit garçon, répondit la gardienne. - Que voulait-il? reprit la voix. Je ne veux pas d'enfant par ici. Nous tenons à être tranquilles. - Il a dit qu'il était sur la péniche au fond du jardin, grommela la vieille. Demandez-lui vous-même d'où il vient. Je ne le connais pas. 105

- Une péniche au fond du jardin? répéta l'homme surpris. Je ne le savais pas. Elle doit appartenir à la propriété. M. Charpentier a oublié de m'en parler. Elle me sera utile quand je voudrai m'isoler pour travailler. » Bruno fut consterné. Tous ses projets étaient à vaul'eau. Fallait-il intercéder auprès du nouveau locataire? Mais il avait sans doute quitté la cuisine, car le silence régnait. « Le docteur Charpentier nous a loué ta péniche! pensa le jeune garçon en emportant sa bouilloire pleine. Cet homme ne peut pas nous chasser. J'espère que ce soir au moins il nous laissera tranquilles. » Mais cet espoir fut déçu.

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CHAPITRE XV Une surprise désagréable retourna à la péniche et raconta aux filles ce qu'il avait entendu. Leur joie en fut gâchée. Ce serait horrible d'être chassés de la péniche juste au moment où ils se préparaient à y passer la nuit! « J'espère que ce locataire ne viendra pas ce soir quand tu ne seras pas là, gémit Nathalie. Que lui dirionsnous? - S'il vient, ce sera avant la nuit, décréta Bruno. Je serai ici. Ne vous tourmentez pas. Après tout, BRUNO

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puisque nous avons la permission du propriétaire, nous ne risquons rien! » Mais les enfants restaient inquiets. Ils se baignèrent de nouveau. Puis ils contemplèrent le manège d'un martinpêcheur bleu et vert qui, perché sur une branche, se précipitait de temps en temps dans l'eau pour revenir, un goujon dans son bec. Vers sept heures et demie, alors que les arbres jetaient sur l'eau de longues ombres mauves, des voix lointaines se firent entendre. Flash dressa l'oreille et gronda. « Je crois que quelqu'un vient! » chuchota Nathalie effrayée. Elle ne se trompait pas. Les voix s'approchèrent. Deux hommes parurent près des saules qui cachaient la péniche. Ils n'étaient pas du tout sympathiques. De fait, ils semblaient encore plus rébarbatifs que le Dragon. Les enfants gardèrent le silence. « Que faites-vous là-bas? » interrogea l'un des hommes. Il avait des yeux bleus, des cheveux blonds. L'autre était plus petit et brun. « Nous passons la nuit sur cette péniche, expliqua poliment Bruno. - Il n'en est pas question! protesta le grand blond. Vous allez filer tout de suite! Nous sommes chez nous dans cette propriété et nous ne voulons pas d'enfants ici. - Non, protesta hardiment Bruno. Nous avons loué la péniche! »

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C'était vrai, mais le nouveau venu ne le crut pas. Il eut un rire bref. « Combien payez-vous de loyer? » demanda-t-il, moqueur. Personne ne répondit. « Eh bien, parlez! s'écria l'homme. C'est un mensonge puisque vous ne pouvez pas répondre. Eh bien, prenez vos affaires et soyez partis dans une demi-heure! » C'en était trop pour Nathalie. « Nous avons payé le loyer pour deux ans! s'écria-telle avec indignation. Vous pouvez demander au propriétaire. - Et combien payez-vous? répéta le grand blond d'un ton sarcastique. Dix mille francs par mois? — Non. Nous avons donné deux tranches du gâteau d'anniversaire de Laurence au docteur Charpentier, expliqua Nathalie. Il a dit que c'était suffisant. » Les deux hommes eurent un rire bruyant. « Vous n'imaginez pas que nous allons gober cette histoire? demanda le brun. Allez, allez, disparaissez! » Nathalie fondit en larmes. Flash gronda. Bruno devint rouge de colère. « Téléphonez au docteur Charpentier, il vous dira qu'il nous a donné la permission d'utiliser cette péniche, déclarat-il. Nous ne vous dérangerons pas du tout. Nous n'irons même plus chercher de l'eau si cela vous gêne. - Vous ne mettrez pas les pieds dans notre propriété, c'est certain! affirma le blond. Quant au docteur Charpentier, il est en voyage.

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-Eh bien, téléphonez à maman! insista le pauvre Bruno. Elle est au courant de tout. Son numéro est le 5 à Rochebourg. C'est cela, plaignons-nous à la mère de ces enfants, dit le blond en se tournant vers l'autre, le plus tôt nous serons débarrassés d'eux sera le mieux. Venez. Allons téléphoner.» Ils partirent. Les trois enfants étaient consternés cl irrités. Quel malheur! Le docteur Charpentier leur avait permis de s'installer sur la péniche. Ses doux locataires étaient horribles! Ils avaient tout gâché ! « Je parie que maman dira que nous ne devons pas revenir, gémit Bruno. Je le parie! Pourquoi le docteur Charpentier est-il parti? Nous lui aurions téléphoné, il aurait tout arrangé. Quel dommage qu'il n'ait pas parlé de nous à ces hommes! » Pendant ce temps, les hommes téléphonaient. Ils obtinrent aussitôt le numéro de Mme Robin. D'une voix très polie, le blond exposa sa requête. « Nous pensons qu'il doit y avoir une erreur, dit-il Nous avons loué toute la propriété du docteur Charpentier qui est, comme vous le savez probablement, maintenant en voyage. Nous ne voulons pas d'enfants chez nous. Le docteur nous a assurés que nous serions tout à fait tranquilles. - Je comprends très bien, répondit Mme Robin. Il est pourtant vrai que le docteur Charpentier a

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permis aux enfants de s'installer sur la péniche. Mais puisque cela vous contrarie, je leur interdirai d'y retourner. — Merci, madame. Vous êtes bien aimable. Je sais que c'est une déception pour vos enfants. Pour les dédommager, nous sommes prêts à leur faire un cadeau. - Non, non! protesta Mme Robin. Mais si vous leur laissiez passer simplement cette nuit là-bas, ils seraient contents. Ils ont emporté toutes leurs affaires, voyez-vous. Quel' crève-cœur pour eux de rentrer tout de suite! Je suis sûre qu'ils ne feront aucun dégât. - Bon. Nous leur permettrons de passer la nuit à bord, promit le grand blond. Merci, madame. Au revoir. » II raccrocha et retourna aussitôt à la péniche. Flash gronda pour avertir ses jeunes maîtres. Bruno, Nathalie et Laurence s'attendaient à être expulsés sur-le-champ. Le locataire du docteur Charpentier les interpella. « J'ai eu votre mère au bout du fil. Elle est d'accord avec moi : nous ne pouvons pas accepter votre présence ici. Mais vous pouvez rester exceptionnellement cette nuit et partir demain matin pour ne plus revenir. Compris? - Oui », répondirent tristement les enfants. L'homme tourna les talons. Les trois enfants le suivirent des yeux. Ils le détestaient. « II est encore plus méchant que l'oncle de Bob, fit remarquer Nathalie. Et lui aussi a un drôle d'accent.

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- C'est sûrement un Américain, dit Bruno. Mais il ne connaît sans doute pas Bob. Quel malheur d'être chassés de la péniche! Je ne vois pas pourquoi nous ne reviendrions pas! s'écria Laurence. Pourquoi abandonnerions-nous tous nos droits? Je ne le veux pas! Nous reviendrons chaque fois que nous en aurons envie. Quand cet homme ne sera pas ici. Tu as raison, approuva Nathalie. Après tout, le docteur Charpentier nous a loué la péniche. Nous y sommes chez nous! - Je pourrais demander la permission d'emmener la péniche plus loin sur la rivière, déclara pensivement Bruno. A côté de notre petite île, par exemple. Comme cela, nous ne gênerions plus les habitants de la maison. - Bonne idée! s'écria Laurence. Il doit être déjà tard. - Préparez le dîner, les filles, ordonna Bruno en regardant sa montre. Je vais chercher Bob. Dommage que nous ayons de mauvaises nouvelles à lui annoncer! » Bruno descendit dans L'Intrépide. Les filles entrèrent dans la cambuse, allumèrent des bougies et firent l'inventaire de leurs provisions. « Du jambon, des tomates, de la salade de pommes de terre, du pain, du beurre, du fromage, des biscuits, des prunes, des pêches, énuméra Laurence. Un vrai festin! J'espère que Bob et Bruno ne tarderont pas à revenir. Je suis contente que nous ayons Flash avec nous. Il sauterait à la gorge de ces hommes s'ils revenaient.

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- Je vais allumer le feu pour faire du chocolat », annonça Nathalie. Toutes les deux prenaient très au sérieux leurs devoirs de ménagères. Au bout d'un moment, on entendit un appel dans l'obscurité. « Ohé! de L'Hirondelle ! Nous voici! » Nathalie alluma une lanterne pour éclairer les nouveaux venus. Les deux garçons montèrent sur le pont. A la vue de la table préparée, ils poussèrent des exclamations de joie. « J'ai l'impression d'être un vrai loup de mer qui va faire le tour du monde! » s'écria Bob.

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CHAPITRE XVI Bob a des ennuis était bien sur le pont autour de la table. Les enfants avaient faim. Le jambon, la salade, le fromage disparurent comme par enchantement. Le chocolat de Nathalie était onctueux à souhait. « Bob comment as-tu réussi à t'échapper sans que le Dragon et M. Marston te voient? demanda Nathalie. Raconte-nous! Il n'y a rien à raconter, répliqua Bob. J'ai annoncé que j'avais sommeil, je suis monté dans ma chambre, j'ai mis le traversin au milieu du ON

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lit, puis je suis sorti par la fenêtre du grenier comme d'habitude. Et me voici. Je n'ai attendu que deux minutes l'arrivée de Bruno. » Leur repas terminé, ils admirèrent la lune qui se levait. Elle jetait une clarté argentée sur la rivière. Un hibou ululait au loin. « Qu'il fait bon! s'écria Laurence. Nous pourrons rester là jusqu'à minuit si nous le désirons. - Moi, j'ai sommeil, déclara Bruno en bâillant. J'ai beaucoup ramé, ne l'oubliez pas. Les tilles, rangez tout. Puis nous nous coucherons. » Laurence et Nathalie débarrassèrent la table, lavèrent la vaisselle et disposèrent les bols pour le petit déjeuner. Ensuite elles allumèrent les bougies dans les petites cabines et tirèrent les rideaux des fenêtres. Flash sauta sur la couchette de Laurence et s'y endormit. « Pousse-toi un peu, Flash! protesta Laurence en riant. Tu ne me laisses pas de place! » Les couchettes étaient étroites, mais elles avaient le charme de la nouveauté. « Bonne nuit! » crièrent les filles, et les garçons répondirent : « Bonne nuit, dormez bien! - Ouah! Ouah! » ajouta Flash, maintenant allongé aux pieds de Laurence. Tous s'endormirent immédiatement, à l'exception de Laurence. La petite fille écouta pendant un moment le clapotis de l'eau et les appels du hibou. Enfin elle ferma les yeux à son tour. Les quatre enfants ne se réveillèrent que lorsque le soleil pénétra dans les cabines. Il était presque huit heures.

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« Bob! s'écria Bruno en regardant sa montre. Nous devions nous réveiller à six heures et il est presque huit. On s'apercevra de ton absence. - Sûrement, convint Bob. Nous déjeunons à huit heures. Partons tout de suite. Quel ennui! » Uni no et Bob s'habillèrent précipitamment et descendirent dans L'Intrépide. « Préparez le déjeuner, je serai bientôt de retour! » cria Bruno à l'adresse des filles. Bruno laissa Bob sur la berge ou il l'avait pris la veille el retourna aussitôt à la péniche. Une bonne odeur de chocolat l'accueillit et il s'aperçut qu'il avait une faim de loup. « Pauvre Bob! dit-il en mordant dans une tartine. Que vont lui dire le Dragon et M. Marston? » Un cri résonna sur la berge. Les deux hommes étaient là. « Partez maintenant, ordonna le blond. Et rappelezvous : ne revenez pas! » Bien décidés à revenir, les enfants ne répondirent pas. Ils lavèrent la vaisselle et nettoyèrent tout. Puis ils retournèrent chez eux. Inquiets pour Bob, ils se demandaient s'ils pourraient avoir de ses nouvelles. Bruno grimpa dans le marronnier et, n'apercevant personne, il redescendit. « Peux-tu grimper par la fenêtre du grenier sans qu'on te voie? interrogea Laurence. Le pauvre Bob est peut-être enfermé dans sa chambre. - J'essaierai cet après-midi », promit Bruno. Tous les trois entrèrent dans la maison pour raconter

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conter leur soirée à Mme Robin. Ils ne parlèrent pas de Bob, bien entendu. « Vous ne pourrez pas recommencer, déclara leur mère. Les nouveaux locataires de la maison n'aiment pas les enfants. C'était d'ailleurs bizarre de la part du docteur Charpentier de vous donner cette autorisation. Ne retournez pas sur la péniche! » Ils ne répondirent rien. Pour changer le sujet de la conversation, ils décrivirent à Mme Robin le martinpêcheur si habile à attraper les poissons. Après le déjeuner, Bruno grimpa en haut du marronnier. Mais il ne vit pas Bob. Il passa donc sous la clôture et pénétra dans le jardin des Chardonnerets. Où était Bob? Il se rendit au garage. L'échelle se trouvait encore contre le mur où Bob l'avait laissée. Bruno monta sur le toit, puis grimpa sur le frêne. Il glissa le long de la planche et atteignit la fenêtre. La mansarde était déserte. Sur la pointe des pieds, le jeune garçon s'avança vers la porte. Son cœur battait très fort. Il avait peur d'être surpris par le Dragon ou par M. Marston. Il essaya de se rappeler où était la chambre de Bob. Il sortit sur le palier et se pencha par-dessus la rampe. Il y avait trois portes à l'étage inférieur. Laquelle était celle de Bob? N'entendant aucun bruit, Bruno descendit l'escalier. Il ouvrit une des portes et regarda à l'intérieur. Personne. Il referma et essaya la porte suivante. Elle était fermée à clé, mais la clé était

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sur la serrure. Il frappa doucement. Il n'y eut pas de réponse. Il frappa de nouveau. « Oui est là? » demanda la voix de Bob. Aussitôt Bruno ouvrit et entra dans la pièce. Il renferma et jeta un regard autour de lui. Bob était devant un petit bureau, un livre devant lui. Il avait l'air très malheureux. « Bruno, chuchota-t-il, comment as-tu osé venir ici? Le Dragon peut arriver d'une minute à l'autre! - Il fallait absolument que je sache ce qui Tel ail arrivé. - Le pire! répondit Bob. Pour je ne sais quelle raison, le Dragon est entré dans ma chambre de lionne heure ce matin et elle a vu le traversin dans mon lit. Elle a réveillé M. Marston et tous deux m'ont cherché dans la maison, puis dans le jardin. Ils ne savaient pas comment j'avais pu sortir puisque tout était fermé à clé. Us ignorent mon secret. - Et quand tu es revenu? - Eh bien, je suis monté au grenier et je suis descendu dans ma chambre. En chemin, j'ai rencontré le Dragon. Elle a eu l'air si étonnée que je n'ai pas pu m'empêcher de rire. Elle m'a saisi comme si elle voulait être sûre que j'étais vraiment là. Au fond, je crois qu'elle m'aime bien - Lui as-tu dit où tu avais passé la nuit? demanda Bruno. - Bien sûr que non! Elle croit que je me suis caché dans la maison pour lui faire peur. Je suis puni. Je dois rester enfermé dans ma chambre

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pendant deux jours. M. Marston m'a donné du travail. On me rendra la liberté après-demain. Mais je ne pourrai plus m'évader la nuit. Je serai surveillé de près. Je ne serais pas surpris qu'on m'enferme à clé dans ma chambre chaque soir! » Soudain les garçons entendirent des pas sur le palier. Quelqu'un venait! « Sous le lit! chuchota Bob. Vite! » Le Dragon poussa une exclamation en s'apercevant que la porte n'était plus fermée à clé. Elle entra. « Bob, qui a ouvert la porte? Qui est venu? - On a ouvert la porte? demanda Bob de son air le plus innocent. - Oui. Je l'avais fermée à clé tout à l'heure, ne faites pas semblant de ne pas comprendre! s'écria le Dragon d'un ton irrité. Quelqu'un est venu! Quelqu'un se cache ici! » Elle jeta un regard autour de la pièce et poussa un cri en montrant le bas du lit. Bob suivit la direction de son doigt. Horrifié, il aperçut un des souliers de Bruno. « Qui est là? demanda le Dragon. Sortez! »

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CHAPITRE XVII Que d'émotions ! BRUNO ne bougea pas. Il ne savait pas que son pied dépassait du lit. Le Dragon se remit à crier. « Sortez immédiatement! Je vais vous y obliger, moi ! » Elle saisit le pied de Bruno et le tira violemment. « Oh! C'est le garçon de la maison voisine! s'exclamat-elle avec colère. Je vous avais interdit de revenir!

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- Oui. Vous m'avez dit aussi qu'il n'y avait pas de garçon ici, riposta Bruno. C'était un mensonge! M. Marston arriva. C'était un homme très sévère qui, disait Bob, ne souriait jamais. Il foudroya Bruno du regard, pendant que le Dragon lui donnait des explications. « Monsieur Marston, je vous ai parlé moi-même de mon voisin, déclara Bob. Il sait que je me cache et il sait pourquoi. Il ne le dira à personne. C'est mon ami. - Votre ami! répéta M. Marston d'une voix sèche. Vous êtes un enfant indiscipliné ! Vous savez très bien que nous avons l'ordre de dissimuler votre présence et que personne ne doit s'approcher de vous. Vous nous rendez la vie difficile. Vous méritez d'être sévèrement puni. Ce garçon aussi! » Bruno avait peur de M. Marston. Son ton était si froid, ses yeux si perçants, ses lèvres si minces! « Excusez-moi, monsieur, balbutia-t-il. - Tenez-vous loin de cette maison et du jardin si vous ne voulez pas que je me plaigne à vos parents! - Je vous en prie, ne me faites pas gronder! supplia Bruno effrayé. - Dites-moi comment vous êtes entré chez nous», ajouta M. Marston. Bruno surprit un regard de Bob. Il ferma les lèvres et ne répondit pas. M. Marston perdit patience. Il assena un coup de poing sur le petit bureau.

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« M'entendez-vous? rugit-il. Répondez à ma question!» Bruno eut peur d'être obligé d'avouer son secret. Une idée lui vint. Personne n'était entre lui et la porte. Il pouvait s'enfuir. Sans réfléchir davantage, il exécuta ce plan improvisé. Il se précipita vers la porte, la fit claquer derrière lui, monta à toute allure l'escalier du grenier. M. Marston resta cloué sur place. Quand il fut un peu revenu de sa surprise, il courut ouvrir la porte. Il ne savait pas si Bruno était monté ou descendu. Il appela le Dragon. « Montez au grenier pour voir s'il se cache là-haut, moi je vais descendre. Si je l'attrape, il aura de mes nouvelles! » M. Marston descendit quatre à quatre et le Dragon monta. Bob ne bougea pas; il espérait que Bruno aurait le temps de disparaître. Lorsque le Dragon eut visité les autres mansardes et pénétré dans la salle de jeux, Bruno était déjà presque en bas de l'arbre. Miss Taylor n'eut pas l'idée de se pencher à la fenêtre. Elle imagina que le jeune garçon était descendu et alla rejoindre le précepteur. Quelques instants plus tard, le téléphone sonna. M. Marston répondit. C'était Bruno qui téléphonait des Hêtres. « Monsieur Marston? Ne prenez pas la peine de me chercher, monsieur. Je suis chez moi. Je regrette de ne pas pouvoir vous dire comment je suis entré et sorti. Je vous en prie, ne soyez pas en colère contre Bob! Je garderai son secret, je

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vous le promets. Je n'ai parlé de lui à personne. » Furieux, M. Marston raccrocha le récepteur et annonça la nouvelle au Dragon. « On entre dans cette maison comme dans un moulin! Quelle engeance, ces enfants! Quant à Bob, ne le quittez pas des yeux à l'avenir! » Tremblantes d'émotion, les filles écoutèrent le récit des aventures de Bruno. « C'était terriblement palpitant! conclut le jeune garçon. - Un peu trop palpitant pour mon goût! protesta Nathalie. Bruno, j'ai oublié ma petite montre en argent sur la péniche, sous l'oreiller de ma couchette. Je suis bien ennuyée! Je suis sûre que cet homme horrible s'en emparera! - J'irai la chercher, promit Bruno. Je n'ai pas peur de lui. Nous verrons ça ce soir, car cet après-midi nous devons sortir avec maman. Heureusement elle fait des courses à Rochebourg, sans cela je n'aurais pas pu téléphoner à M. Marston. Le Dragon et lui me cherchaient partout pendant que, moi, j'étais ici! » C'était triste de penser que le pauvre Bob était enfermé. L'après-midi, ils sortirent en voiture avec leur mère pour goûter chez des amis qui habitaient à une dizaine de kilomètres. A leur retour, Bruno décida, après une hésitation, d'attendre au lendemain pour aller chercher la montre de Nathalie. « Les locataires guettent peut-être pour voir si nous retournons là-bas, dit-il. Ce soir, restons tranquilles! »

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Le lendemain, vers cinq heures, les trois enfants prirent le chemin de la rivière. Bruno monta dans L'Intrépide et fit un signe d'adieu aux filles. Il rama en pensant à ses aventures de la veille. « Je déteste M. Marston! se dit-il. Mais pas le Dragon. Je ne la crois pas méchante. Où est donc celte péniche? Je devrais m'en approcher! » II aperçut au loin la maison solitaire, mais la péniche était invisible. Il cessa donc de ramer pour examiner les alentours. L'Hirondelle n'était plus là! Immobile dans son petit bateau, Bruno scruta l'espace vide sous les saules. Rêvait-il? La péniche était là, la veille, ils y avaient passé la nuit. Et maintenant elle avait disparu. C'était extraordinaire! Bruno n'y comprenait rien.

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« A-t-elle coulé à pic? se demanda-t-il. Non, c'est impossible! » Tout de même, il s'approcha de l'endroit où la péniche avait été amarrée et se pencha sur l'eau claire. Mais aucune épave ne gisait au fond de la rivière. « C'est vraiment bizarre! se dit Bruno. Qu'est-il donc arrivé à notre Hirondelle ? » Il décida de percer le mystère. Le grand blond et le petit brun l'avaient emmenée ailleurs. Mais où? Et pourquoi? Le jeune garçon se remit à ramer. Il n'eut pas à aller très loin. La rivière formait une petite anse presque invisible tant les saules étaient épais à cet endroit. La peinture blanche de la péniche brillait vaguement à travers ce rideau de feuillage. « Us l'ont ancrée là pour que nous ne la trouvions pas, je suppose, se dit Bruno. Eh bien, ils se trompent! Je l'ai trouvée! » De fait, elle était si bien dissimulée sous les branches que, si Bruno ne l'avait pas cherchée, il serait passé près d'elle sans la voir. Le jeune garçon resta un moment aux aguets. N'entendant rien, il monta sur le pont et entra dans la cabine où Nathalie avait couché la veille II glissa sa main sous l'oreiller et sentit la petite montre d'argent. Il la mit dans sa poche. « Nathalie sera contente, pensa-t-il. Je n'ai plus qu'à rejoindre les filles. » Il redescendit dans L'Intrépide et se mit à ramer. Il était très intrigué.

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Les deux hommes n'avaient pas pris la peine de cacher la péniche uniquement pour empêcher les enfants d'y entrer. Cependant quelle autre raison pouvaient-ils avoir? Quel dommage que le docteur Charpentier fût en voyage ! Bruno raconta son aventure à Nathalie et à Laurence. « Heureusement que tu as retrouvé la péniche, Bruno! s'écria Nathalie. Je suis bien contente d'avoir ma montre! Bob serait très étonné d'apprendre que la péniche a été déplacée. - J'irai le voir cette nuit vers minuit, annonça Bruno. Tout le monde dormira. Ce sera une surprise pour Bob! » Mais la surprise fut pour Bruno!

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CHAPITRE XVIII Bruno fait une découverte CE SOIR-LA,

Bruno mit son réveil à minuit et le cacha sous son oreiller. Quand la sonnerie le réveilla, il avait si sommeil qu'il hésita à se lever. Mais un bruit de moteur l'alerta. Il sauta du lit. Une voiture s'arrêtait devant le portail des Chardonnerets. Bruno voyait ses phares. Quelle heure indue pour des visiteurs! «M. Marston revient peut-être de Rochebourg, pensa le jeune garçon. Puisque je suis réveillé, j'irai là-bas après tout. Je ferai attention de ne pas me heurter au Dragon ou au précepteur. »

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II enfila un short et un pull-over, se chaussa de sandales et glissa le long du poirier. Quelques minutes plus tard, il arrivait au garage. L'échelle y était encore! Parfait! Il monta, atteignit les branches du frêne, suivit la planche jusqu'au rebord de la fenêtre et fut dans la mansarde. L'oreille tendue, il ouvrit la porte. L'obscurité régnait sur le palier. Toutes let portes étaient fermées. Pas un bruit dans la maison. Aucun signe de visiteurs ou de M. Marston. Tout le monde, semblait-il, était couché. Mais la prudence s'imposait. Sur la pointe des pieds, Bruno descendit jusqu’à palier où se trouvait la chambre de Bob. Il tourna le bouton. A sa grande joie, la porte n'était pas fermée à clé. Il ouvrit. . La chambre avait cependant un aspect un peu différent, remarqua Bruno intrigué. Le clair rie lune entrait à flots par la fenêtre et le jeune garçon vit tout de suite ce qui avait changé. Il y avait deux lits au lieu d'un et chaque lit était occupé! L'un par Bob, l'autre par le Dragon ! Bruno eut froid dans le dos. Par bonheur, Miss Taylor dormait profondément « Ils ont décidé de surveiller Bob nuit et jour, pensa Bruno. Je n'ose pas réveiller Bob, le Dragon risquerait de m'entendre! » A pas de loup, il sortit de la chambre et referma la porte. Il poussa un soupir de soulagement en se trouvant dans l'obscurité. Mais un son le fit tressaillir. Une voix qui montait du bas de l'escalier. Elle avait un accent américain. Pourtant ce n'était pas M. Marston qui parlait.

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Bruno resta immobile. Fallait-il retourner à la mansarde? Il ne savait pas qui venait, car une courbe de l'escalier cachait .les deux personnes qui montaient. Mais elles entrèrent dans une petite pièce du premier étage. « Drôle d'heure pour faire une visite! pensa Bruno rassuré. J'espère que M. Marston n'enverra pas Bob ailleurs, maintenant que je connais son secret. Ce serait trop malheureux! » II descendit plusieurs marches, dans l'espoir d'apprendre quelque chose d'intéressant. Et - ce qu'il entendit lui fit dresser les cheveux sur, la tête. c Vous toucherez cinq mille dollars dès que le garçon sera dans nos mains, disait la voix à l'accent américain. Pas davantage. C'est à prendre ou à laisser ! » Bruno resta cloué sur place. Que signifiaient ces paroles? Pourquoi M. Marston recevrait-il cinq mille dollars? Etait-ce de Bob qu'il s'agissait? Dans ce cas, M. Marston était un traître. Il se faisait payer par les ennemis de Bob. Peut-être en ce moment était-il avec l'oncle Paul? « Demain soir je vous le livrerai, répliqua la voix de M. Marston. Ayez l'argent en espèces. Vous ne pouvez pas le prendre cette nuit. Sa gouvernante a insisté pour dormir dans sa chambre. Avez-vous un endroit sûr où le cacher? Sa disparition fera beaucoup de bruit. Il faudra que j'avertisse la gendarmerie et que je mente! Nous avons une cachette parfaite, reprit la première voix.

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Personne ne pensera à l'y chercher. Soyez prêt demain, à la tombée de la nuit. Amenez-le en voiture à l'endroit convenu et je me chargerai de lui. Si vous êtes habile, personne ne se doutera du rôle que vous avez joué dans l'affaire. — Où le conduirez-vous? demanda M. Marston, — Vous le saurez en temps voulu, répondit l'autre. Maintenant je pars. A demain. Au revoir. » La porte s'ouvrit. Bruno se hâta de remonter quelques marches. Il aurait voulu voir le compagnon du précepteur; Certainement c'était l'homme qui l'avait interrogé dans la confiserie. L'oncle Paul! Il avait découvert le refuge de Bob! Des pas descendirent l'escalier. La porte d'entrée s'ouvrit. Une portière claqua. Le moteur se mit en marche et la voiture démarra. M. Marston revint seul. Bruno monta dans le grenier; il glissa le long de l'arbre et fut de retour dans son jardin en un temps record. Il tremblait. La situation était grave. Il se demandait ce qu'il devait faire. De façon pu d'autre, il fallait prévenir Bob. C'était certain. Et Mme Robin? Non... elle ne croirait pas une histoire si extravagante et irait peut-être interroger M. Marston. Le Dragon? Non... qui sait si elle n'était pas la complice de l'oncle Paul ? Pauvre Bob ! Quel danger il courait ! Bruno entra dans la chambre des filles et leur raconta toute l'histoire. Nathalie fondît en larmes. « Avertissons maman! sanglota-t-elle. Je ne

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veux pas que Bob soit enlevé par son méchant oncle! Allons réveiller maman! - Non, trancha Bruno. J'ai une bien meilleure idée. Nous allons nous-mêmes enlever Bob et le cacher! Nous le garderons à l'abri jusqu'à ce que nous ayons trouvé le moyen de déjouer les plans de ses ennemis. - Mais où le cacher? Ici, dans la maison? demanda Laurence. Ta maman s'en apercevrait. - Bien sûr que non, pas ici! répliqua Bruno. Dans la péniche! - Dans la péniche! répétèrent les filles. Mais oui, quelle bonne idée! - Personne ne pensera à aller l'y chercher, reprit Bruno. Nous serons les seuls à savoir. Nous lui porterons de quoi manger chaque jour. - Entendu! approuva Laurence. Bob ne risquera rien là-bas. Quand remmènerons-nous? - Le plus tôt possible, répondit Bruno. Dès demain. Il faut faire vite, M. Marston doit le livrer le soir. Quel homme horrible! - Il m'a toujours été antipathique, déclara Laurence. - A moi aussi, renchérit Nathalie. C'est un malhonnête homme! — Dormez maintenant! ordonna Bruno. Nous aurons du travail demain! » Ils eurent de la peine à trouver le sommeil. A leur réveil, ils crurent avoir fait un mauvais rêve. Bruno monta dans le marronnier pour inspecter le jardin des Chardonnerets. Bob était sur la pelouse, mais avec le Dragon et M. Marston.

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Bob tourna la tête vers le marronnier.

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Bob tourna la tête vers le marronnier. Bruno agita une branche et Bob répondit par un geste. Il prit une balle et se mit à jouer. Bruno redescendit. « Bob m'a vu, annonça-t-il. Je vais lui envoyer un billet. Pendant que je l'écris, les filles, cher-i-liez la vieille balle percée. » Le message fut lancé dans le jardin voisin. Ni le Dragon ni M. Marston ne remarquèrent la seconde balle qui roulait sur la pelouse. Bob la ramassa et courut derrière le kiosque. Il lut le bref billet. Bob, tu es en danger! Viens chez nous dès que lu le pourras, nous t'attendrons! Bol» cacha le message dans sa poche. Il lança très haut la balle qui retomba dans les buissons. Bob se dirigea vers elle. « Ne vous éloignez pas, Bob! dit sévèrement M. Marston. - Je vais simplement chercher ma balle, monsieur », répondit Bob en pénétrant dans les buissons. Il courut jusqu'à l'endroit de la clôture où il savait trouver ses amis. En quelques mots, Bruno lui raconta comment il avait découvert que M. Marston était un traître prêt à livrer son élève ;'i l'oncle Paul. « Nous te cacherons dans la péniche, chuchota le jeune garçon. Peux-tu venir tout de suite? Oh! M. Marston t'appelle! Enfuis-toi par notre jardin

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dès que tu en auras l'occasion et embarque-toi dans L'Intrépide. Nous te rejoindrons avec des provisions, » Bouleversé, Bob retourna auprès de M. Marston en cherchant «n moyen de s'échapper le plus tôt possible. « Heureusement que nous avons une bonne cachette) pensa-t-il. Dans la péniche, je serai en sûreté ! »

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CHAPITRE XIX L'évasion de Bob trouva M. Marston rouge de fureur. « avais défendu de vous éloigner! » cria-t-il et, première fois, il lui donna une gifle Le Dragon se rebella aussitôt. « Ne battez enfant! Vous n'en avez pas le droit! — Taisez-vous! grommela M. Marston. Il apprendre à obéir ! — Je répète que vous ne devez pas le frapper! BOB

Je vous pour la pas cet faut lui

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reprit le Dragon d'un ton obstiné. D n'a pas nue vie bien gaie, le pauvre garçon! » Bob la remercia au fond de son cœur et ramassa le tricot qu'elle avait laissé tomber. M. Marston s'éloigna en grommelant. « Ne le mettez pas en colère! chuchota le Dragon. Il est de mauvaise humeur aujourd'hui. » . Bob s'assit près de Miss Taylor et fit semblant de lire. Il pensait aux révélations de Bruno et se demandait comment il pourrait s'échapper. L'idée d'être le prisonnierde son oncle Paul le remplissait d'horreur. Si son père n'était pas mort, mais il n'avait que son vieux grand-père qui l'avait confié à la garde du Dragon et de M. Marston. Une fois ou deux, il essaya de s'évader. Avant le déjeuner, il entra dans la cuisine dans l'espoir de se glisser dans la buanderie. Mais M. Marston l'avait suivi. « Que faites-vous ici? demanda-t-il. Je vous ai dit d'aller vous laver les mains et non de déranger la cuisinière. Obéissez tout de suite! » Bob se lava les mains et prit sa place à table. S'il obtenait la permission de jouer dans la mansarde après le repas, il s'esquiverait par le toit du garage. « Pourrais-je m'amuser avec mon train électrique dans la mansarde cet après-midi? demanda-t-il. — Non, vous travaillerez avec moi dans le kiosque », répondit son précepteur, bien décidé à le garder sous ses yeux toute la journée. Le pauvre Bob fut donc obligé de s'asseoir dans

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le kiosque pour y faire une version latine, M. Marston ne le lâcha même pas à l'heure du goûter. Le jeune garçon commençait à désespérer. « Puis-je faire le tour du jardin, monsieur? interrogeat-il enfin. — Oui •», répondit M. Marston. Bob se leva gaiement. Le moment était venu. Mais M. Marston se leva aussi. « Je vous accompagne », déclara-t-il. Et il ne le lâcha pas d'une semelle. «Vous n'avez pas besoin de coucher dans la chambre de Bob cette nuit, Miss Taylor, annonça M. Marston au Dragon à l'heure du dîner. La pièce est trop petite pour deux personnes. — Jaime mieux rester avec lui, protesta le Dragon. — J'ai fait enlever votre lit, dit M. Marston. Je l'aiderai moi-même à se coucher, puis je fermerai la porte à clé. Il ne risquera rien. » Le Dragon s'enferma dans un silence désapprobateur. Bob avait perdu tout espoir. Comment pourrait-il s'échapper si M. Marston l'enfermait dans sa chambre? Impossible de sauter par la fenêtre, il se casserait le cou! « Que vais-je faire? » pensa le jeune garçon. Rien, puisque son précepteur ne le quitterait pas des yeux. Il prit un livre et essaya de dresser des plans. « Vous vous coucherez de bonne heure ce soir, Bob, déclara M. Marston. Vous avez Pair fatigué. Montez tout de suite.

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— Je ne suis pas fatigué, protesta Bob. Il n'est que huit heures et quart. » M. Marston lui prit le bras et l'entraîna. Bob se trouva donc dans sa chambre et fut obligé de se déshabiller. « Couchez-vous! » ordonna M. Marston. Le pauvre Bob se coucha. M. Marston lui dit bonsoir, sortit, ferma la porte et mit la clé dans sa poche. Personne ne pourrait entrer. Bob se leva et se rhabilla. Il enfila son pyjama sur ses vêtements au cas où M. Marston reviendrait à l'improviste. Il avait décidé de s'enfuir quand son précepteur viendrait le chercher.

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« II dira que mon oncle a découvert mon refuge et qu'il faut que je parte, pensa le jeune garçon. Je me sauverai dès que la porte sera ouverte. Je vais enlever l'ampoule de ma lampe. Dans l'obscurité, il me sera plus facile de m'échapper. » II enleva l'ampoule. Puis il s'assit sur une chaise derrière la porte et attendit. Vers neuf heures, des pas résonnèrent dans l'escalier. Bob se leva, le cœur battant. C'était maintenant ou jamais! M. Marston introduisit la clé dans la serrure et ouvrit. Il tendit la main pour tourner le commutateur. Pas de lumière! Le précepteur poussa une exclamation d'impatience et entra dans la chambre pour allumer la lampe de chevet. Bob en profita; en une seconde il avait franchi la porte et atteint l'escalier qui conduisait au grenier. M. Marston l'entendit et le vit sortir, car le palier était éclairé. Avec un cri, il courut après le jeune garçon. Bob ne pouvait s'échapper avec M. Marston derrière lui. Il n'aurait même pas le temps de glisser le long de la planche pour arriver au Irène. Il devait se dissimuler pendant quelques minutes et choisir le moment propice pour enjamber la fenêtre. Prompt comme l'éclair, il monta sur une chaise et, d'un bond rapide, il fut en haut d'un grand placard sur lequel il s'allongea à plat ventre. M. Marston se précipita dans l'escalier. Il passa devant le placard et entra dans la salle de jeux. Personne n'était là. Sa fureur augmenta. « Bob, je vous donnerai une bonne punition pour vous conduire de cette façon! Qu'est-ce que

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cela veut dire? Pourquoi vous cachez-vous? Venez tout de suite! » Allongé sur le placard, Bob se garda de répondre. M. Marston continua à parler d'une voix de plus en plus irritée. Puis un bruit de moteur se fit entendre. Bob devina que son oncle Paul venait voir pourquoi M. Marston n'était pas au rendez-vous. Son cœur battait à se rompre. M. Marston entendit la voiture lui aussi. Il n'osa pas descendre, de peur que Bob n'en profitât pour s'enfuir. Il appela le Dragon. « Miss Taylor, ouvrez la porte et faites monter mon visiteur, s'il vous plaît! » Une minute ou deux plus tard, le nouveau venu le rejoignait. « Qu'y a-t-il? demanda celui-ci à voix basse. Où est le garçon? - Il a quitté la chambre et s'est caché je ne sais où, répondit M. Marston furieux. Attendez que je l'attrape! Je lui donnerai une punition dont il gardera longtemps le souvenir! » Bob resta immobile sur le placard, certain d'être découvert tôt ou tard. Puis une idée lui vint. Il avait une balle dans sa poche. S'il la jetait dans la pièce en face de lui, le bruit attirerait les deux hommes et il profiterait de ce bref répit pour courir à la salle de jeux. Sans plus attendre, il prit la balle et la jeta de toutes ses forces dans le cabinet de débarras en face du placard. Elle retomba avec un bruit sourd. Les deux hommes s'élancèrent dans la petite pièce et se hâtèrent de fermer la porte

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pour que Bob ne pût s'échapper s'il était là. C'était exactement ce que Bob espérait! Il sauta à terre, courut à la salle de jeux et, une fois à l’intérieur, eut soin de fermer la porte à clé.. Il était sauvé! Au premier coup d'œil, M. Marston et son Compagnon constatèrent que le cabinet de débarras était vide. Ils sortirent juste à temps pour voir la porte de la salle de jeux se refermer et entendre le grincement de la clé. Ils frappèrent à coups redoublés. « Ouvrez tout de suite! » cria M. Marston. Bob courut à la fenêtre. M. Marston donna un coup d'épaule à la porte. Dans quelques secondes, elle serait enfoncée. Déjà elle s'ébranlait. Bob glissa le long de la planche, tremblant de tous ses membres. « II faut que je réussisse! pensait-il. Je ne veux pas tomber dans les mains de mon oncle Paul! »

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CHAPITRE XX Une nuit mouvementée de la salle de jeux céda avec grand fracas sous le poids des deux hommes. Bob entendit le vacarme pendant qu'il glissait le long du frêne. Dans son émotion il faillit tomber, mais il put se raccrocher à une branche. M. Marston avait couru à la fenêtre. Il aperçut la planche attachée au frêne. « Regardez-moi ça! cria-t-il. C'est ainsi que le garnement s'échappait de la maison chaque fois qu'il en avait envie et que le jeune voisin entrait ! LA PORTE

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Descendons vite, nous le rattraperons sans peine!» Les deux hommes dévalèrent l'escalier, mais Bob était déjà en bas et s'enfonçait dans les buissons. M. Marston, qui avait une lampe électrique, le vit et s'élança à sa suite. Toujours poursuivi, Bob gagna le fond du parc et se dirigea vers le passage sous la clôture. Il était presque dans le jardin des Hêtres quand les deux hommes arrivèrent. A la lueur de sa lampe électrique, M. Marston découvrit le trou. Il manqua s'étrangler de rage. « Ça alors! cria-t-il. Les petits vauriens! C'est comme cela qu'ils entraient et sortaient! Et le chien aussi! Bob, comment osez-vous vous conduire ainsi? Revenez immédiatement! » Mais Bob se garda bien d'obéir. Il s'enfuit dans l’obscurité. Ni M. Marston ni son compagnon ne pouvaient le suivre. Le trou n'était assez grand que pour des enfants. Bob hésita. Se rendrait-il directement à L'Intrépide ? Il décida d'aller d'abord à la maison. Bruno n'était peutêtre pas encore couché. De la lumière brillait dans sa chambre. Une grêle de petits cailloux amena Bruno à la l'en être. Aussitôt il descendit le long du poirier et rejoignit Bob. « Nous étions inquiets et prêts à tout révéler à maman, déclara-t-il. Les provisions sont dans le bal eau. Viens vite! Je vais te conduire à la péniche. Pendant que je ramerai, tu me raconteras ce qui s'est passé. Partons tout de suite! »

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En quelques minutes ils furent à la rivière. Il y avait dans le bateau un panier de provisions et des bouteilles de limonade. Les garçons montèrent et Bruno prit les rames. Bob raconta les événements de la soirée. Bruno l'écouta avec émotion. Bob s'était vraiment échappé juste à temps! « Tu as été très malin! approuva Bruno. Quelle bonne idée de jeter la balle dans le cabinet de débarras! M. Marston et l'autre homme ont dû être furieux de-te voir passer sous la clôture sans pouvoir te suivre! » Bruno arriva à la petite anse et, avec sa lampe électrique, il montra la péniche à Bob. « Elle est bien cachée! s'écria celui-ci. Personne ne m'y trouvera! » Ils grimpèrent sur le pont de L'Hirondelle, puis entrèrent dans une petite cabine. Quelqu'un était venu! Quelqu'un avait préparé une des couchettes! Quelqu'un avait mis des provisions et de l'eau sur la petite commode! Quelle surprise ! « Un des locataires de la maison là-bas a fait une tournée d'inspection, je suppose, murmura Bruno intrigué. Heureusement, il n'est pas resté! Ouvre une fenêtre, veuxtu, Bob? Il fait très chaud. » Bob voulut suivre ce conseil, mais la fenêtre résista. A la clarté de la lampe électrique, il constata qu'elle avait été clouée. « C'est bizarre! fit-il remarquer. Pourquoi s'enfermer ainsi par une telle chaleur?

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— Il faut que je m'en aille, Bob, déclara Bruno. J'espère que tu ne t'ennuieras pas trop. Personne ne viendra cette nuit, c'est certain. Si tu entends quelqu'un, quitte la péniche et cache-toi sous un saule. Les feuillages sont très épais. - Entendu! promit Bob. Merci de ton aide, Bruno. Reviens demain et nous prendrons une décision. En tout cas, je ne suis pas dans les griffes de M. Marston, c'est l'essentiel! » Bruno redescendit dans son petit bateau. Il cria bonsoir et s'éloigna. Bob se sentit bien seul quand le bruit des rames se fut perdu au loin. Tout habillé, il se jeta sur la couchette et s'aperçut qu'il portait encore son pyjama sur ses vêtements. « J'aurai trop chaud! » pensa-t-il en l'enlevant. Puis il se coucha de nouveau, fatigué après tant d'émotions. Il ferma les yeux et s'endormit bientôt. La péniche se balançait doucement. L'eau clapotait. Une poule d'eau poussa quelques cris, mais Bob n'entendait rien. Bruno ramait de toutes ses forces, pressé de mettre Nathalie et Laurence au courant. Il amarra L'Intrépide et se hâta de retourner chez lui. Il venait de franchir le portail quand un bruit l'alerta. Il s'aplatit contre un arbre. Le rayon d'une lampe électrique se promenait de tous côtés. Il devina que M. Marston et l'oncle Paul s'étaient introduits dans le jardin des Hêtres pour y chercher Bob. Le jeune garçon rit sous cape. Bob était loin, en sûreté. Il avait triomphé de ses ennemis. Ceux-ci,

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ne pourraient plus s'emparer de lui, c'était certain. Bruno resta derrière l'arbre. Il se demandait ce que feraient les deux hommes lorsqu’ils auraient constaté que Bob était introuvable. Pour lui, il décida de tout avouer à sa mère, le lendemain matin de bonne heure. Soudain Bruno sentit quelque chose de froid contre sa jambe nue et il sursauta. Puis il poussa un soupir de soulagement. Ce n'était que Flash qui lui faisait fête sans aboyer. Eh bien, il était temps de rentrer se coucher! Bruno avait sommeil. Il se dirigea donc vers la maison. Mais Flash ne marchait pas avec tant de prudence que lui et un rameau craqua sous ses pattes. Aussitôt les deux hommes s'interpellèrent. « Qu'est-ce que c'est? Est-ce Bob? Vite! Là-bas! » Bruno se cacha derrière un autre arbre. Flash découvrit un terrier de lapin et y enfonça son nez. Puis il se mit à gratter la terre avec ses pattes de devant. Des cailloux volèrent en l'air et retombèrent à grand bruit. Les deux hommes arrivèrent au pas de course. Une petite averse de pierres et de terre s'abattit sur eux. Bruno rit tout bas. Bon vieux Flash ! Il s'esquiva et se dépêcha de retourner à la maison. Flash couvrirait sa retraite. « Ce n'est qu'un chien ! dit M. Marston. Cet horrible chien! Il est toujours dans mes jambes. Venez! Nous ne trouverons plus Bob. Il est caché, mais il ne sera pas si heureux demain matin,

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après une nuit à la belle étoile et pas de petit déjeuner! Il reviendra l'oreille basse. Il me le paiera! - A moi aussi! » affirma l'autre d'une voix farouche. Ils retournèrent aux Chardonnerets. Penché à sa fenêtre, Bruno entendit claquer la porte d'entrée. Les filles, qui étaient trop inquiètes pour dormir, vinrent aux nouvelles. « Tout va bien, assura Bruno. Bob l'a échappé belle, mais il est en sécurité dans la péniche. En revenant, j'ai failli me heurter à M. Marston et à l'oncle Paul qui cherchaient Bob! - Que s'est-il passé? » demanda Laurence, Bruno raconta la fuite mouvementée de Bob. Les deux filles écoutaient, les yeux écarquillés. Un vrai roman d'aventures! « Demain nous parlerons à maman, déclara Bruno. J'ai sommeil. Bonsoir! » Que d'événements le lendemain!

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CHAPITRE XXI Quelle coïncidence ! matin, le Dragon s'étonna de ne pas voir Bob à la table du petit déjeuner. Elle commença à manger et garda le silence pendant quelques minutes, croyant que le jeune garçon allait arriver. Puis elle s'adressa à M. Marston qui lisait le journal. « Pourquoi Bob ne descend-il pas? demanda-t-elle. - Il déjeune dans son lit », répondit M. Marston. LE LENDEMAIN

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C'était un mensonge, bien entendu. Bob était sur la péniche. « Pourquoi? Est-il malade? interrogea le Dragon. - Non, répliqua M. Marston. - Je vais le voir, déclara le Dragon en se levant. - Asseyez-vous! ordonna M. Marston qui, de nouveau, perdait patience. C'est moi qui suis chargé de ce garçon! - Son grand-père me l'a confié à moi aussi! protesta le Dragon. - Vous n'êtes censée vous occuper que de ses vêtements, de sa nourriture, de sa santé, reprit M. Marston. Si vous bravez ma volonté, je vous congédierai!» Le Dragon se leva et, sans laisser à M. Marston le temps de faire un geste, elle quitta la salle à manger et monta l'escalier. Elle arriva à la porte de Bob qu'elle trouva fermée à clé. La clé n’était pas dans la serrure. Le Dragon fronça les sourcils. Cela ne lui plaisait pas du tout. Elle frappa à la porte. « Bob, avez-vous déjeuné? Comment allez-vous? » Elle ne reçut pas de réponse... et pour cause! le Dragon frappa de nouveau. Comme elle n'entendait rien, son inquiétude augmenta. « Bob, êtes-vous là? Répondez-moi! » Mais le silence continua à régner. Le Dragon descendit et s'attaqua à M. Marston. « Je ne crois pas que Bob soit dans sa chambre,

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il ne répond pas quand je l'appelle! J'exige que vous ouvriez cette porte, monsieur Marston! Si voua• refusez, je téléphonerai à la gendarmerie! » M. Marston était lui-même inquiet, non pas pour Bob, mais pour les cinq mille dollars qu'il devait recevoir! Si te jeune garçon ne revenait pas, il perdrait l'argent. Selon toute apparence, Bob s'était évadé. Pourquoi? M. Marston ne pouvait le deviner. Il ne savait pas que Bob avait été averti. Le Dragon donna un coup de poing sur la table. « Monsieur Marston, m'entendez-vous? Si vous n'ouvrez pas tout de suite la porte de Bob, je téléphone à la gendarmerie! » Il n'y avait qu'à s'incliner. Le Dragon exécuterait sa menace et M. Marston aurait des ennuis. Il ouvrirait donc la porte et feindrait d'être très étonné par l'absence de son élève. Il essaierait de persuader le Dragon que Bob s'offrait une petite escapade et serait bientôt de retour. Il se leva de table, prit la clé dans sa poche et monta avec le Dragon. « II boude probablement, il ne veut pas répondre », déclara-t-il en introduisant la clé dans la serrure. Il ouvrit la porte. Miss Taylor poussa un cri. « II n'est pas ici! Son lit est vide! Qu'est-il arrivé à Bob? Monsieur Marston, le savez-vous? » M. Marston s'efforçait de paraître aussi étonné que le Dragon. Il ouvrit de grands yeux et regarda tout autour de la chambre, comme s'il pensait que Bob était caché derrière la porte ou dans un tiroir.

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« Où peut-il bien être? s'exclama-t-il. — Monsieur Marston, Bob a-t-il été enlevé de nouveau? demanda Miss Taylor qui était devenue toute pâle. Comment a-t-il pu disparaître de cette pièce alors que la porte était fermée à clé? — Ne vous tracassez pas, Miss Taylor! répondit M. Marston. Attendons un moment. Il a pu se sauver avant que je ferme et il se cache... Vous savez comme il est espiègle! » Le Dragon regarda M. Marston. Ses explications la laissaient incrédule. « Et ces allées et venues et ces cris que j'ai entendus la nuit dernière? demanda-t-elle brusquement. Après l'arrivée de cet homme blond ! - Des allées et venues et des cris? demanda M. Marston de sa voix la plus innocente. Je ne sais pas. 151

Vous avez dû vous tromper. Terminons notre déjeuner. Bob reviendra avant que nous ayons fini. — Sinon je téléphone à la gendarmerie! » dit le Dragon, les larmes aux yeux car elle s'était attachée à Bob. Ils s'assirent et terminèrent leur déjeuner. M. Marston, furieux de l'intervention de Miss Taylor, dressait rapidement des plans. Il ne pouvait pas l'empêcher de téléphoner à la gendarmerie? Eh bien, il ferait semblant d'être aussi bouleversé et aussi intrigué qu'elle. Personne ne pouvait le soupçonner d'avoir enlevé le jeune garçon! «-Les gendarmes découvriront bientôt Bob, quelle que soit sa cachette, pensa-t-il. On le ramènera. Ce sera l'occasion de le livrer à son oncle. Ainsi j'obtiendrai ma récompense. Oui, je vais permettre à Miss Taylor de téléphoner à la gendarmerie. Si je l'en dissuadais, elle trouverait cela louche! » Lorsque le Dragon alla au téléphone, M. Marston ne protesta donc pas. Il parla lui-même au brigadier et expliqua que Bob avait été enlevé .deux fois déjà. « Mais cette fois je suis sûr que ce n'est pas le cas, conclut-il. Je suis certain qu'il s'est enfui pour nous faire une farce. Si vous le rameniez, ce serait un grand soulagement! » Le brigadier arriva une demi-heure plus tard pour questionner le Dragon et M. Marston. Il convint avec le précepteur que Bob faisait une escapade. « Les garçons sont tous les mêmes, déclara-t-il. Fiezvous à moi. Je vous avertirai dès que nous aurons des nouvelles. D'ailleurs il reviendra sans doute de lui-même dès qu'il aura faim.

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— C'est probable! » approuva M. Marston. Le précepteur aurait bien voulu interroger Bruno. Il était sûr que le jeune voisin était plus ou moins le complice de Bob. Le passage sous la clôture avait sûrement servi très souvent. Quand le brigadier fut parti, le téléphone sonna. M. Marston alla répondre. La voix de l'oncle Paul résonna à l'autre bout du fil. « Pas de nouvelles? — Aucune, répondit M. Marston, sinon que Miss Taylor a averti la gendarmerie. Si l'on trouve le garçon, on nous le ramènera et vous pourrez venir le chercher. — Non, répliqua la voix. Je ne veux pas risquer d'être surpris en venant chez vous. Je vous montrerai la cachette que j'ai préparée pour lui. Vous l'y conduirez vous-même. Venez me retrouver au Café de la Paix à Rochebourg dans une demi-heure! — Où est cette extraordinaire cachette? demanda M. Marston avec impatience. Vous en parlez toujours! » II y eut un silence. « C'est une péniche, répondit enfin l'autre. Vous savez que nous avons loué cette maison solitaire au bord de la rivière? Eh bien, nous avons découvert qu'une péniche allait avec la propriété. Des enfants y jouaient, nous les avons chassés

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Nous avons conduit la péniche dans une petite anse près de la maison et nous l'avons dissimulée sous des saules. Elle est préparée pour Bob. Personne ne devinera qu'il est là. Nous avons cloué les fenêtres et mous avons mis un cadenas à la parte. Il ne pourra pas s'échapper' » M. Marston siffla. « Parfait.! s'écria-t-il A tout à l'heure, a« Café de la Paix ! Vous me montrerez votre péniche. Dès que Bob sera venu, je vous le conduirai. — Je compte sur vous! répliqua Paul Armstrong. — Et mon argent? demanda M. Marston, — Donnant donnant! répondit l'oncle Paul. Dès que Bob sera à bord de la péniche, vous recevrez vos cinq mille dollars! » M. Marston raccrocha le récepteur et alla sortir la voiture, pressé d'inspecter les lieux où Bob serait emprisonné! Il ne se doutait guère que Bob se cachait dans cette même péniche qui était destinée à lui servir de prison. Pas plus Bob ne se doutait qu'il s'était jeté dans la gueule du loup! Quelle étrange coïncidence!

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CHAPITRE XXII Bob, l'échappe belle ! LE MATIN,

Bruno décida d'aller consulter Bob avant de tout raconter à sa mère. Il s'embarqua sur L'Intrépide, passa devant la petite île, la maison solitaire, et arriva dans l'anse sous les saules. Il monta sur le pont de la péniche et se dirigea vers la cabine où Bob avait passé la nuit. « Bob! Tout va bien? cria-t-il. — Tu m'as fait peur! répondit Bob. Mais je suis content de te voir! J'ai dormi comme un loir! - Les deux filles et moi, nous n'avons pas fermé l'œil à cause de toi, riposta Bruno. Ecoute, Bob, il faut prendre une décision. Dois-je dire la

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vérité à maman? J'ai peur qu'elle ne nous croie pas et, si elle interroge M. Marston, il lui racontera des tas de mensonges. - C'est vrai, approuva Bob pensivement. Mais, Bruno, je pense que tu pourrais te confier au Dragon. Je suis sûr qu'elle m'aime bien et je sais qu'elle déteste M. Marston. Va la voir et tâte le terrain. Si elle paraît chagrinée par ma disparition, dis-lui tout. Elle saura ce qu'il faut faire. - Elle est si rébarbative! soupira Bruno, effrayé à l'idée d'aborder Miss Taylor. - C'est pour cela que je l'ai surnommée le Dragon, convint Bob. Mais je crois qu'au fond elle est très bonne. » Soudain, un bruit de voix, qui montait de la berge, fit tressaillir les deux garçons. Qui était là? C'était M. Marston et M. Armstrong, bien entendu. L'oncle Paul montrait à M. Marston la cachette qu'il avait préparée pour Bob. 11 ignorait que son neveu était déjà là. « Quelqu'un vient! chuchota Bruno. - Entre dans la penderie, vite! conseilla Bob Moi, je me cacherai dans celle de la cabine à côté. » II se hâta de franchir la porte de communication. Il était temps. Les deux hommes montaient à bord. Ils s'arrêtèrent un moment sur le pont. Bob écarta le rideau de la penderie et les aperçut à travers la vitre. Son sang se glaça dans ses veines. Un des nouveaux venus était M. Marston, l'autre ne pouvait être que son oncle Paul! Bob en était

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sûr! Il ne l'avait jamais vu, mais ces cheveux blonds, ces yeux bleus... et cet accent américain! « Eh bien, monsieur Marston, que pensez-vous de la cachette que j'ai préparée pour mon neveu? demanda M. Armstrong. - Elle est parfaite! approuva M. Marston. Je prendrai un bateau pour conduire Bob. J'espère que je retrouverai facilement cette anse. — Notre maison vous servira de point de repère, répliqua l'oncle Paul. Venez dans la cabine. Vous verrez que le petit y sera très bien. Nous avons cloué les fenêtres et mis un cadenas à la porte, comme je vous l'ai dit. Il ne pourra pas s'échapper! » A la grande terreur des garçons, les deux hommes entrèrent dans les petites cabines. Bob se demanda s'il n'avait rien laissé traîner. Le panier de provisions était dans la cuisine sous la table, ils ne le verraient peut-être pas, mais son pyjama était resté sur la chaise où il l'avait jeté la veille. M. Marston et l'oncle Paul jetèrent un regard autour d'eux. Ils ne soupçonnaient pas que le garçon qu'ils cherchaient se trouvait à quelques mètres d'eux, derrière un rideau, et qu'ils auraient pu le toucher en avançant la main! Bob et Bruno tremblaient de la tête aux pieds. Ainsi c'était dans la péniche que l'oncle Paul avait l'intention de cacher son neveu! Maintenant ils savaient pourquoi les fenêtres avaient été clouées, pourquoi la cabine avait été préparée et des provisions apportées. Tout était pour Bob...

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Bob qui devait être livré à l'ennemi la veille! Par un étrange hasard, c'était justement là que Bob était venu se réfugier. Rien ne pouvait être plus extraordinaire et plus effrayant! « Je voudrais bien savoir où est ce maudit garçon! s'écria M. Marston. Je l'avais enfermé à clé. Quand j'ai ouvert, il s'est enfui. Mais les gendarmes le recherchent. Il sera bientôt découvert. » Les deux garçons apprirent cette nouvelle avec étonnement. « Dommage que vous n'ayez pas pu empêcher Miss Taylor de téléphoner à la gendarmerie! grommela Paul Armstrong d'une voix irritée. Vous auriez dû la payer pour qu'elle nous laisse agir à notre guise.

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- Impossible! répondit M. Marston. Elle s'est ni lâchée à l'enfant, malgré sa brusquerie et ses ii 1rs rébarbatifs. - Dommage! constata Paul Armstrong. Eh bien, nous nous passerons de son aide! Dès que Bob M-I-ÎI dans mes mains, je l'emmènerai en Amérique. Son grandpère est vieux et malade, il ne pourra s'opposer à ce que j'aie la garde du petit cl de sa fortune. L'essentiel est de mettre la main NUI- ce maudit garnement! » Mob ne perdait pas un mot de cette conversation. M. Marston était donc le complice de son oncle Paul. Mais le Dragon lui restait fidèle.. C’était une consolation. - Venez, dit enfin M. Marston. On étouffe dans

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cette cabine. Dès que j'aurai retrouvé Bob, je l'amènerai ici et je vous téléphonerai : « Le paquet est arrivé! » Vous comprendrez de quoi il s'agit. » L'oncle Paul se mit à rire. « Bien sûr, affirma-t-il. Le cadenas est ici. Venez à la maison boire quelque chose. » Au grand soulagement des garçons, les deux hommes quittèrent la péniche. Ils n'avaient remarqué ni le livre ni le pyjama. Bob sortit de sa cachette et regarda entre les saules pour être sûr qu'ils étaient partis. Puis il rejoignit Bruno. Tous les deux étaient pâles d'émotion. « Dire que je suis venu dans la cachette que mon oncle avait préparée pour moi! soupira Bob. - Reste ici, conseilla Bruno. C'est le dernier endroit où il croira te trouver. Tu as de quoi manger. Je vais aller trouver le Dragon et tout lui dire. Maman sera mise au courant. Elles prendront une décision. Dès que je le pourrai, je reviendrai t'apporter des nouvelles. - Bien, approuva Bob. Si oncle Paul et M. Marston savaient que nous étions si près d'eux dans la cabine, ils seraient furieux! »

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CHAPITRE XXIII Le Dragon pleure de joie redescendit dans son bateau et se mit à ramer de toutes ses forces. Il fallait avertir le Dragon et Mme Robin. L'histoire devenait grave, il ne s'agissait pas d'un jeu! Il commença par aller raconter les événements de la matinée à sa sœur et à sa cousine. Elles furent consternées. « Avertis vite tante Annie! s'écria Laurence. — Maman est en ville. Elle fait des achats et ne rentrera que ce soir, annonça Nathalie. Il faut parler au Dragon. Venez, allons-y tout de suite! BRUNO

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- M. Marston est peut-être revenu », déclara Bruno qui ne tenait pas du tout à se trouver devant le précepteur déloyal. « Je vais voir si sa voiture est devant la porte. » Oui, M. Marston était de retour. Bruno grimpa dans le marronnier. Le Dragon serait peut-être seule sur la pelouse. Dans ce cas, on pourrait l'aborder. Il redescendit, satisfait. « Oui, elle tricote. M. Marston est invisible. Venez, dit-il aux filles. Nous nous glisserons sous la clôture. » Mais à leur grande consternation, le trou était bouché et la barrière réparée. « Au diable M. Marston! s'écria Bruno, rouge de colère. C'est son œuvre, j'en suis sûr. Que faire? Je ne tiens pas à passer par le portail. - Attendons que M. Marston sorte, proposa Nathalie. Je n'entre pas dans cette maison tant qu'il y est! Il serait capable de nous enfermer à clé dans une chambre! - Nous surveillerons tour à tour la maison voisine jusqu'à ce que M. Marston soit sorti, déclara Laurence. Je vais guetter la première. Si je me cache là, dans la haie, je verrai sans être vue. - Bien, approuva Bruno. Nous nous relaierons chaque demi-heure. Dès qu'il sera parti, nous entrerons pour avertir le Dragon. » Laurence se mit à monter la garde. La cuisinière sortit et revint avec un panier plein. Le chauffeur lavait la voiture. M. Marston ne parut pas. Une demi-heure plus tard, Bruno la remplaça, puis ce fut le tour de Nathalie. Le déjeuner accorda un moment de répit.

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A l'heure du goûter, M. Marston ne s'était pas encore montré. Les trois enfants commençaient à désespérer. Enfin, vers six heures et demie, Bruno, qui était de garde, vit à sa grande joie M. Marston descendre l'allée. Il devait sans doute aller à la poste, car il avait une lettre à la main. Parfait! C'était le moment ou jamais! Bruno siffla et les deux filles arrivèrent en courant, Flash derrière elles. « II est sorti, annonça Bruno. Venez. Prenons Flash avec nous, ce sera plus prudent! - Viens, Flash! » ordonna Laurence. Suivis du fox-terrier qui agitait la queue, les enfants se dirigèrent vers la maison voisine. Ils frappèrent. Une servante ouvrit la porte. « Pouvons-nous parler à Miss Dragon? demanda Bruno qui avait oublié le vrai nom de la gouvernante. - Il n'y a personne de ce nom ici, répondit la jeune fille prête à refermer la porte. -Je sais. C'est Miss Taylor! corrigea Bruno. Elle habite ici, je le sais. - Je ne peux pas vous laisser entrer. J'ai l'ordre de ne recevoir personne, dit la femme de chambre hésitante. Mais je vais chercher Miss Taylor, si vous voulez attendre une minute. - Dépêchez-vous! » recommanda Bruno, qui craignait le retour de M. Marston. Elle disparut. Son absence dura longtemps Enfin elle revint, accompagnée de Miss Taylor qui fronçait les sourcils.

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« Que voulez-vous? demanda-t-elle. - Miss Taylor, pouvons-nous vous dire un mot en particulier? demanda Bruno. Nous avons des nouvelles importantes pour vous. » Le Dragon regarda Bruno. « S'agit-il de Bob? » demanda-t-elle. Bruno hocha la tête. Miss Taylor fit signe aux enfants d'entrer. « M. Marston ne tardera pas, dit-elle. Attendons-le. - Non, protesta Bruno. C'est impossible! C'est le complice de l'oncle de Bob! - Quoi? s'écria le Dragon. Comment savez-vous que Bob a un oncle? - Nous savons beaucoup de choses, répliqua Bruno. Ecoutez-nous vite! C'est très important! - Savez-vous où est Bob? » demanda le Dragon tout bas. Bruno hocha de nouveau la tête. Miss Taylor les conduisit dans un petit salon et ferma la porte. Flash était entré aussi. « Quel est ce mystère? demanda le Dragon en s'asseyant. Commencez par le commencement. Dites-moi tout. » Bruno commença donc par le commencement et n'omit aucun détail. Le Dragon ne l'interrompit pas une seule fois. Mais quand elle apprit la traîtrise de M. Marston, elle se leva d'un bond et se rassit. Bruno continua son récit. Quand il s'arrêta, il vit, à sa grande surprise, des larmes briller dans les yeux du Dragon.

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« Pauvre Bob ! » soupira-t-elle

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« Pauvre Bob! soupira-t-elle. Pauvre petit garçon ! » Les enfants la regardaient, étonnés. Ils n'avaient jamais imaginé que le Dragon pouvait verser des larmes. Elle prit son mouchoir et s'essuya les yeux. « Vous êtes des enfants intelligents et courageux! déclara-t-elle. Je suis contenté que vous soyez venus me trouver! » Bruno ouvrit la bouche pour parler, mais à ce moment on entendit sonner et frapper à la porte d'entrée, si fort que tout le monde sursauta. « Qu'est-ce que cela veut dire? s'écria le Dragon étonné. Quel vacarme! » Pourvu que ce ne fût pas M. Marston ! La femme de chambre courut ouvrir. Une voix à l'accent américain s'éleva. La jeune fille entra en coup de vent. « Miss Taylor, un monsieur demande M. Bob. Je lui ai dit qu'il n'était pas ici, mais il ne veut pas me croire. » Des pas résonnèrent dans le vestibule. Un homme parut dans l'encadrement de la porte. Bruno reconnut celui qui lui avait posé tant de questions dans la confiserie. Il paraissait soucieux et irrité. Le Dragon se leva d'un bond. « Robert! s'exclama-t-elle d'une voix étranglée. Robert! Ce ne peut pas être vous? » Le nouveau venu lui adressa un sourire affectueux. « Jane Taylor! dit-il. C'est donc vous qui êtes chargée de Bob? - Robert, nous pensions que vous étiez mort!

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balbutia le Dragon en fondant en larmes. Je crois rêver. Ce n'est pas possible... - Calmez-vous, Jane! conseilla l'homme en riant. Je ne suis pas mort. Je ne l'ai jamais été. Je ne me trouvais pas dans 1 avion qui a pris feu. Mais celui où j'avais pris place a eu un accident. J'ai été emporté à l'hôpital, gravement blessé. Personne ne savait qui j'étais. Pendant des mois j'ai perdu la mémoire. - Oh! Robert, est-ce bien vous? s'écria le Dragon en souriant à travers ses larmes. — En chair et en os! Il y a quelques jours seulement que j'ai quitté l'hôpital, complètement remis. Mon premier soin a été de téléphoner au père de ma femme pour avoir des nouvelles de Bob. Sa gouvernante m'a répondu. Elle m'a appris qu'il venait d'avoir une crise cardiaque et que le médecin avait interdit toutes les émotions. Quant à Bob, mon demi-frère Paul avait deux fois essayé de l'enlever et, pour le mettre à l'abri, on l'avait envoyé dans une maison isolée aux environs de Rochebourg. Les tentatives de Paul ne m'ont pas étonné. Je connais sa cupidité et sa mauvaise foi. Je me suis mis aussitôt à la recherche de mon fils. — Et nous qui avions peur de vous! gémit Bruno. Nous vous avions pris pour l'oncle de Bob. Et voilà que vous êtes son père! - Oui, répondit Robert Armstrong. Je veux voir Bob, où est-il? - En ce moment il n'est pas ici, expliqua Bruno. Il est dans une péniche que nous connaissons,

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dans une petite anse de la rivière. Nous l'avons caché là, quand nous avons su que son oncle le poursuivait. » Bruno avait parlé trop fort! Juste à ce moment M. Marston entrait dans la maison. Il entendit ces paroles. Il s'arrêta net. Puis, sans bruit, il sortit de nouveau et se dirigea vers le garage. Ainsi Bob était bel et bien dans la péniche! Ces enfants l'avaient caché à l'endroit même choisi par Paul Armstrong! Quelle aubaine! « Je vais aller trouver Paul pour lui annoncer que son paquet est arrivé, se dit M. Marston avec un méchant sourire. Nous en prendrons livraison ensemble. Quelle surprise pour Bob! » M. Marston monta dans la voiture et s'éloigna, sans savoir que le père de Bob vivait et revenait pour protéger son fils!

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CHAPITRE XXIV Bob a une excellente idée le petit salon, personne ne se doutait que M. Marston avait entendu les paroles de Bruno. Les trois enfants se relayaient pour raconter au père de Bob tout ce qui s'était passé. Robert Armstrong écoutait comme s'il ne pouvait en croire ses oreilles. « Vous avez fait du bon travail! Passer sous la clôture, grimper jusqu'au grenier, emmener mon fils à la péniche! Vous êtes pour lui des amis dévoués! — Allons vite avertir Bob de votre arrivée! DANS

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proposa Bruno, rouge de plaisir. Il sera si heureux de vous voir, monsieur Armstrong! - Je vais d'abord dire un mot aux gendarmes, déclara M. Armstrong. J'ai idée que M. Marston, Paul et leurs amis seront à leur vraie place dans une prison. Les gendarmes cerneront la maison pendant que vous m'accompagnerez à la péniche. Si ces scélérats essaient de s'enfuir, on leur mettra la main au collet! » M. Armstrong se dirigea vers le téléphone. Le Dragon embrassa les enfants l'un après l'autre. Elle n'était plus du tout rébarbative. « Bob est sauvé! murmura-t-elle. Quel soulagement de penser qu'il ne court plus aucun danger! - Je me demande ce qu'il fait en ce moment, dit Bruno. Heureusement que M. Marston n'est pas encore revenu! Il met longtemps pour aller à la poste. » M. Marston avait rejoint Paul Armstrong. Il lui répétait ce qu'il avait entendu. « Le garçon est dans votre - péniche ! annonça-t-il. Les enfants que vous avez chassés sont nos voisins. Ils se sont liés d'amitié avec Bob, ont connu son secret et, pour une raison quelconque, l'ont caché dans la péniche. — Allons voir! s'écria Paul Armstrong. Quelle chance pour nous! Il n'était sûrement pas là-bas ce matin, nous l'aurions vu! - Venez vite! ordonna M. Marston. Nous allons le prendre par surprise. Il faudra ensuite chercher une autre cachette. »

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Les hommes se dirigèrent vers les saules pleureurs qui cachaient la péniche. Bob ne les entendit pas. Il avait fini son livre et s'ennuyait. Assis sur le pont, il regardait des lapins qui s'ébattaient sur la pelouse. Il n'entendit pas les nouveaux venus, mais soudain il les aperçut. Son cœur se serra. Paul Armstrong et M. Marston venaient droit à la péniche. Bob décida de ne pas les attendre. Il n'y avait pas à bord de cachette assez sûre. Le jeune garçon glissa dans l'eau. A cet endroit, la rivière n'était pas profonde et il avait pied. S'il restait immobile, on ne se douterait pas de sa présence. Les deux hommes montèrent dans la péniche sans faire de bruit. Ils restèrent un moment sur le qui-vive. Bien entendu, ils ne virent personne. « II doit être dans une cabine, chuchota M. Marston. Tant mieux, nous allons fondre sur lui! » Sur la pointe des pieds, ils s'avancèrent vers la porte des cabines. Ils écoutèrent un moment, puis crièrent : « Vous êtes-là, Bob? » Pas de réponse. « Entrons! » proposa Paul Armstrong avec impatience. Tous les deux entrèrent. Les cabines étaient vides. Les hommes cherchèrent sous les couchettes, dans les penderies, partout. Ce fut alors que Bob eut une idée géniale. Tremblant d'émotion, il grimpa sur le pont et

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rampa jusqu'à la porte des cabines. Il prit le cadenas et le mit en place. Puis, d'un mouvement rapide, il ferma la porte, tourna la clé dans la serrure et assujettit le cadenas. Ses ennemis étaient prisonniers. Les deux hommes entendirent claquer la porte. M. Marston fit un bond pour l'ouvrir, mais la clé grinça avant qu'il fût arrivé. « Qui est là? cria-t-il en frappant à coups de poing sur le battant. Ouvrez! - C'est moi, Bob, répondit le jeune garçon. Vous vouliez me faire prisonnier, n'est-ce pas? Eh bien, c'est vous qui le serez. J'espère que vous ne vous trouverez pas trop à l'étroit! » Paul Armstrong inspecta les fenêtres.

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Impossible de sortir par là. Ils étaient vraiment prisonniers. M. Marston perdit la tête et se mit à frapper à coups redoublés sur la porte. « Taisez-vous! lui conseilla son compagnon. Vous faites trop de bruit! Laissez-moi parler à Bob! » Mais Bob n'était pas d'humeur à écouter. Il s'assit sur le pont, heureux d'avoir capturé ses deux ennemis. Quelle surprise pour Bruno quand il viendrait! « Je vais l'attendre, pensa-t-il. Dès qu'il sera là, je l'enverrai téléphoner à la gendarmerie. Je garderai M. Marston et mon oncle jusqu'à l'arrivée des gendarmes. Quel bruit ils font! Pourvu qu'ils n'enfoncent pas la porte! » Bob ne pouvait s'empêcher d'être inquiet en se rappelant qu'ils avaient pu pénétrer dans la salle de jeux. Qui sait s'ils n'arriveraient pas à se libérer? La nuit tombait, il pourrait facilement se perdre dans l'obscurité, il ne risquait plus grand-chose, mais il voulait que son oncle et son précepteur reçoivent le juste châtiment de leur scélératesse! Bob resta assis sur le pont, l'oreille tendue dans l'espoir d'entendre un bruit de rames. Bruno tardait à venir. Le Dragon l'accompagnerait peut-être. Quelle surprise pour eux de trouver M. Marston enfermé dans la cabine avec l'oncle Paul! Soudain un clapotis retentit. Un bateau surgit de l'ombre. Etait-ce bien L’intrépide! Il y avait plusieurs personnes à bord. Entre autres un homme. Les nouveaux venus étaient-ils des promeneurs

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qui entendraient les cris des deux prisonniers et les mettraient en liberté? Mieux valait ne pas faire un mouvement. Si c'était des promeneurs, ils passeraient peutêtre sans voir la péniche amarrée sous les saules. Juste à ce moment-là, les prisonniers poussèrent une clameur stridente. Les occupants du petit bateau cessèrent de ramer pendant quelques secondes, puis glissèrent dans l'anse. Tout à coup, Bob sentit quelqu'un qui sautait sur lui, le saisissait par les épaules et le secouait comme un prunier. « J'en ai un ! cria une voix. Apportez vite une lampe électrique! »

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CHAPITRE XXV Un grand bonheur pour Bob ! avoir téléphoné, M. Armstrong revint, un large sourire aux lèvres. « Le brigadier m'a écouté avec beaucoup d'intérêt, déclara-t-il. Les gendarmes vont se rendre à la maison que je leur ai indiquée. Pendant ce temps, nous irons à la péniche et nous empêcherons les hommes de s'enfuir de ce côté. Venez avec moi, Bruno, je ne connais pas le chemin. - Nous venons aussi! » s'écria Nathalie, et Laurence hocha la tête. « Oh non! Pas vous, les filles! protesta Bruno. APRÈS

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— Pourquoi pas? demanda Laurence. Nous voulons assister à la fin de l'aventure! - Je viendrai et les petites peuvent m'accompagner, annonça le Dragon. Je veux revoir Bob le plus tôt possible. Partons-nous tout de suite, Robert? Il fait déjà nuit. - Oui, tout de suite! répondit M. Armstrong. Montrez le chemin, Bruno. » Bruno les conduisit donc vers L'Intrépide et tout le monde s'embarqua. Bruno prit les rames, et le bateau, avec six passagers car, bien entendu, Flash était là, fendit les eaux de la rivière. « J'espère que nous trouverons Bob sain et sauf, murmura M. Armstrong. Il est si près de son oncle! Un oncle capable de tout! - Bob ne risque rien, affirma Bruno. C'est un garçon courageux et débrouillard. Je regrette d'avoir été insolent avec vous dans la confiserie, monsieur Armstrong. Mais je vous avais pris pour l'oncle de Bob! - C'est sans importance! répliqua M. Armstrong. Mais j'ai cru que je me trompais en cherchant mon fils à Rochebourg. Au téléphone, j'avais pu mal entendre le nom. Je suis allé à Roche-brune. Là, j'ai retéléphoné à la gouvernante de mon beau-père et j'ai eu cette fois une adresse plus complète. Le malade allait mieux. On a pu l'interroger et lui apprendre mon retour. - C'est vous qui êtes riche maintenant et non pas Bob, fit remarquer Laurence. - C'est vrai, convint M. Armstrong. Mais Paul ne trouvera pas si facile de m'enlever!

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- Voici notre petite île, annonça Nathalie. Nous verrons bientôt la grande maison au fond de la pelouse. - Ne parlez pas si fort! recommanda le père de Bob. Il ne faut pas que mon demi-frère soit averti de notre arrivée. » Tout le monde se tut. La péniche se dirigea vers la petite anse. Il faisait nuit, mais Bruno, qui connaissait bien le chemin, guidait adroitement son bateau. « Où est cette péniche? chuchota M. Armstrong - Cachée sous ces énormes saules pleureurs, répondit Bruno sur le même ton. Nous y sommes presque. Oh! Vous entende/? » Des cris montaient de la péniche, accompagnés de bruits sourds. « Monsieur Armstrong, ils ont enfermé Bob dans la cabine! s'écria Bruno effrayé. Ce sont des appels à l'aide, je crois. Et on dirait qu'on frappe à coups redoublés sur la porte. Pourvu qu'il ne soit pas en danger! - Nous allons passer sans bruit devant la péniche et nous nous arrêterons un peu plus loin, décida M. Armstrong. Quelqu'un monte sans doute la garde sur le pont. Je ne veux pas l'avertir de notre arrivée. Plus un mot!» En silence, le bateau glissa le long de la péniche. Puis Bruno cessa de ramer. M. Armstrong saura à terre. Il attacha le bateau à un tronc d'arbre. « Bruno, venez avec moi ! chuchota-t-il. Les filles resteront ici avec Miss Taylor. Ne faites pas de bruit! »

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L'Américain et le jeune garçon se dirigèrent vers les grands saules. Quand ils furent près de la péniche, le père de Bob jeta un regard sur le pont. « Je vois une silhouette! chuchota-t-il. Un gardien, je pense. Je vais sauter sur lui, puis nous irons au secours de Bob. » II ignorait que c'était Bob lui-même qui gardait son oncle et M. Marston. Il s'élança sur le pont puis il fondit sur le jeune garçon et lui saisit les bras. « J'en ai un! cria-t-il à Bruno. Apportez vite une lampe électrique! - Lâchez-moi ! » hurla Bob en se débattant.

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Il croyait qu'un des complices de son oncle venait à la rescousse et il cherchait en vain à lui échapper. « Lâchez-moi! Lâchez-moi! » répéta-t-il. Bruno reconnut aussitôt la voix de Bob. « Monsieur Armstrong, c'est Bob! Lâchez-le! » cria-til. Dans le tumulte, M. Armstrong ne comprit pas les paroles de Bruno. Enfin, se rendant compte qu'il tenait un enfant et non un homme, il prit la lampe électrique que lui tendait Bruno et en dirigea le rayon sur son captif. La lumière tomba sur le visage irrité de Bob. M. Armstrong le regarda avec étonnement. Mais c'était Bob, son fils! Il poussa un cri de joie. « Bob, c'est toi! Tu n'es pas blessé! Oh! Bob, je t'ai retrouvé! » Bob reconnut la voix de son père. "Mais comment était-ce possible? Il était mort. Bruno sauta à bord pour tout expliquer. « Bob, c'est ton père! Il est arrivé ce soir aux Chardonnerets! Il n'était pas dans l'avion qui a pris feu! Il est vivant! » Bob se redressa. Le père et le fils se trouvèrent l'un devant l'autre. Bob se jeta dans les bras de M. Armstrong et se serra contre lui. «Papa! murmura-t-il d'une voix étranglée. Je ne peux pas le croire! — C'est vrai, mon fils, affirma son père en lui caressant les cheveux. Je ne savais pas que c'était toi tout à l'heure quand j'ai sauté sur la péniche. Je croyais que tu étais enfermé dans une cabine. »

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Les cris et les coups de poing recommencèrent. Bruno interrogea Bob du regard. « Qui est là-dedans? demanda-til. — M. Marston et mon cher oncle Paul, répondit fièrement Bob. Ils cherchaient à me surprendre. J'ai attendu qu'ils soient entrés dans la cabine et je les ai enfermés. — Bravo J s'écria Bruno. Tel est pris qui croyait prendre ! — Les gendarmes ont dû arriver, dit M. Armstrong. Je vais les avertir. — Et moi, je vais tout raconter à Miss Taylor et aux filles », ajouta Bruno qui savait que Nathalie et Laurence ne voulaient pas rester à l'écart des événements. « Je vous rejoins tout de suite ! » Bruno retourna à L'Intrépide, tandis que M. Armstrong et Bob se dirigeaient vers la maison. Le Dragon, Nathalie et Laurence écoutèrent, bouche bée, le récit de Bruno. « M. Marston et l'oncle Paul sont enfermés, conclut le jeune garçon. Bob s'est montré très malin, n'est-ce pas? * A ce moment, un grand vacarme retentit sur la péniche. La porte venait de s'effondrer. « Ils s'enfuient! » hurla Bruno en. s'élançant, mais sans espoir d'arrêter les fugitifs. M. Marston et Paul Armstrong savaient qu'ils ne pouvaient retourner à la maison. Ils plongèrent dans les broussailles et furent bientôt invisibles. « J'espère qu'ils n'iront pas trop loin, murmura Bruno. Laurence, que fais-tu ici? Retourné auprès du Dragon !

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-Flash est là, riposta Laurence. Il nous aidera. Voici les gendarmes! » Trois gendarmes descendaient la pelouse avec Bob et son père. « Quel est ce bruit que nous avons entendu? demandèrent-ils. — M. Marston et l'oncle Paul se sont échappés! gémit Bruno. Ils sont cachés dans les broussailles. Je ne sais où! — Flash, va chercher les lapins, les gros lapins! ordonna Laurence. Dépêche-toi! » Flash avait parfaitement compris les ordres de sa jeune maîtresse. Il flaira le sol et partit comme une flèche.

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CHAPITRE XXVI Un autre gâteau d'anniversaire le monde attendit. Soudain des aboiements bruyants retentirent «Sans le silence. « Ouah! ouah!... Ouah! ouah! Ouah !. » « II les a trouvés ! s'écria Laurence. Ce bon Flash !» Guidés par les aboiements, les gendarmes arrivèrent devant d'épais buissons. Tout autour, l'herbe foulée indiquait que les fugitifs étaient sûrement cachés en cet endroit. « Sortez de là sans nous obliger à employer la force! » avertit le brigadier. TOUT

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Après un silence, le précepteur et l'oncle de Bob sortirent des buissons, dans la lumière des lampes électriques. « Emmenez ces hommes à la maison! » ordonna le brigadier. Les deux autres gendarmes se chargèrent des prisonniers et tous retournèrent à la maison. La vieille femme les regarda avec effarement. « Je n'avais encore jamais vu chose pareille! grommela-t-elle. Cela dépasse tout! Demain je m'en irai d'ici! » Personne ne prit garde à ses lamentations. M. Armstrong s'avança. L'oncle de Bob poussa un grand cri. Il avait brusquement vu son demi-frère. « Robert! s'écria-t-il. Non, c'est impossible! Ce n'est pas Robert! Mais alors, qui est-ce? Robert est mort! — Non, il n'est pas mort! répliqua M. Armstrong d'une voix froide. Il est vivant et nous avons des comptes à régler ensemble, Paul! » Paul pâlit. Il aurait pu mentir aux autres... mais il ne pouvait pas tromper le père de Bob qui le connaissait trop bien et l'avait vu avec tristesse s'engager dans la mauvaise voie. « Quant à vous, reprit M. Armstrong en se tournant vers M. Marston, vous vous êtes montré indigne de la confiance que je vous avais témoignée. L'enfant dont vous étiez chargé, vous avez accepté de le livrer pour de l'argent. Vous serez puni comme vous le méritez. » M. Marston ne trouva rien à répliquer. Il n'avait

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jamais montré d'affection à Bob et il ne pouvait donc s'attendre à ce que le jeune garçon intercédât en sa faveur. « Nous allons emmener ces hommes », annonça le brigadier en faisant un signe aux deux gendarmes. « Nous avons une voiture dehors. Peut-être viendrez-vous me voir demain, monsieur? » M. Marston et Paul Armstrong furent emmenés. Les enfants entendirent la porte d'entrée qui se refermait, puis une portière claqua. Le moteur se mit en marche et la grande voiture de police s'éloigna dans la nuit en emportant les coupables. « Nous ne les reverrons plus! s'écria Laurence avec un soupir de soulagement. Bob, tu es heureux, n'est-ce pas? — Plus que je ne puis le dire », répondit Bob. Il se demandait encore s'il ne rêvait pas. Son père était revenu. Il ne risquait plus rien. Quel bonheur! Nathalie bâilla. « II est temps de vous coucher, déclara le Dragon. Retournons vite chez nous! - Je vais dire un mot à la pauvre gardienne, décida M. Armstrong. Elle doit se demander ce qui se passe. - Il y avait un autre homme ici, fit remarquer Bruno. - Les gendarmes s'occuperont de lui », répliqua M. Armstrong. Il donna quelques explications à la vieille femme. Elle secoua la tête.

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« II en arrive des choses ici! Heureusement que le docteur Charpentier est revenu ce soir. Il est à Nantes. Je voudrais bien lui téléphoner, mais je ne sais pas comment on fait. - Ne vous tourmentez pas, je m'en charge, dit M. Armstrong. Connaissez-vous son numéro? » Quelques minutes plus tard, le père de Bob téléphonait au docteur Charpentier. Celui-ci fut bien étonné d'apprendre ce qui s'était passé dans son Hirondelle, « J'irai là-bas demain, promit-il. Nous nous rencontrerons sur la péniche, n'est-ce pas? Mais j'y pense! C'est mon anniversaire! Dites à Laurence que j'apporterai un gâteau ! Il ne sera peut-être pas aussi bon que le sien, mais il ne sera pas mauvais quand même. Nous le mangerons ensemble. A demain, quatre heures! » « Qu'il est gentil! s'écrièrent les enfants. Il se rappellera peut-être qu'il nous a loué L'Hirondelle. » Ils retournèrent chez eux, fatigués et surexcités. Mme Robin, qui était rentrée, s'inquiétait de l'absence des enfants. Elle fut étonnée de voir Bob, son père et le Dragon. « Que s'est-il passé? demanda-t-elle. — Maman, tu te rappelles, nous t'avions parlé d'un garçon appelé Jean-Louis qui était muet? s'écria Bruno. Le voici ! - Je suis très heureux de faire votre connaissance, madame, déclara Bob en tendant la main — Mais il parle! » s'écria Mme Robin. Ils se mirent à rire et racontèrent les événements

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des jours derniers. Mme Robin les écouta avec un étonnement croissant. « Dire que cela s'est passé près de moi et que je ne savais rien! protesta-t-elle un peu indignée. Heureusement, tout s'est arrangé! Vous auriez pu avoir de graves ennuis, Bob et vous! - Oh ! non, madame, des enfants comme les vôtres aident les autres à se tirer d'affaire, fit remarquer M. Armstrong en riant. J'emmène Bob, il est fatigué. Au revoir, mes enfants. A demain. » Le Dragon, M. Armstrong et Bob retournèrent aux Chardonnerets et Mme Robin obligea les trois enfants à se coucher. « Je n'ai pas sommeil ! s'insurgea Laurence. Je vais parler jusqu'à minuit! » Mais quelques minutes plus tard, ils dormaient profondément et ils ne se réveillèrent que le lendemain à l'heure du déjeuner. « C'est l'anniversaire du docteur Charpentier aujourd'hui! déclara Laurence. J'espère qu'il apportera un bon gâteau! Ce sera bien amusant de tout lui raconter! » A quatre heures tapantes, ils arrivaient à la péniche. M. Armstrong, le Dragon et Mme Robin étaient de la fête. Le docteur Charpentier les attendait. Sur la table trônait le plus beau gâteau d'anniversaire que les enfants eussent jamais vu, énorme et recouvert d'un glaçage rosé et blanc. « Pas de bougies! s'écria Laurence étonnée. - Il m'en faudrait trop, je suis si vieux! répliqua le docteur Charpentier. J'ai quarante-deux ans aujourd'hui

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et aucun gâteau ne pourrait contenir autant de bougies! - Oh! Vous n'êtes pas vieux! protesta Nathalie. Et vous êtes si gentil! - Merci, dit le docteur Charpentier. Qui veut un morceau de gâteau avec moi? Toi, Flash? Attends ton tour, s'il te plaît. Les dames d'abord! Bruno, va chercher la limonade, veux-tu? Je l'ai mise dans un seau à glace dans la cabine. » Quel festin! D'énormes tranches du gâteau, le meilleur que les enfants eussent jamais mangé! De la limonade glacée! Le docteur Charpentier entendit toute l'histoire, du commencement à la fin, et inspecta la porte qui avait été enfoncée la veille. « C'est le seul dégât dont ces enfants soient la cause, fit-il remarquer aux grandes personnes. Et encore indirectement! Ils sont extraordinaires! J'ai l'intention de leur vendre mon Hirondelle. » Les enfants le regardèrent avec surprise. « Que voulez-vous dire, docteur? demanda Bruno. - Je ne tiens pas à garder cette péniche, vous le savez, répondit le médecin. Vous pourrez vous en servir, y enfermer des prisonniers, etc. Oui, je suis décidé à vous la vendre! — Nous aimerions bien l'acheter, mais combien en demandez-vous? questionna Bruno. Nous n'avons que le contenu de notre tirelire et quelques billets à la Caisse d'Epargne. - J'en demande très cher, répliqua le docteur Charpentier. Je reviens habiter ma maison. 187

Si vous voulez acheter ma péniche, je vous la vendrai à condition que vous promettiez de me faire au moins, je dis bien au moins, cinquante-deux visites par an. Est-ce trop? » Les enfants, qui s'attendaient à une forte somme, poussèrent des cris de joie. « Mais ce n'est pas un vrai paiement! objecta Laurence. Nous irons vous voir simplement par amitié. - C'est le prix que j'exige! déclara solennellement le docteur Charpentier. - Alors, ce sera un grand plaisir de vous faire une visite chaque semaine! » s'écria Nathalie. Il était si gentil! Et quelle joie d'avoir la péniche, d'y jouer pendant toutes les vacances, d'y coucher quand ils le voudraient! « Et Bob? demanda Nathalie. - La péniche lui appartiendra aussi, répondit le docteur. Mais je suppose qu'il partira avec son père, n'estce pas? - Nous nous installerons à Saint-Nazaire et nous passerons toutes nos vacances aux Chardonnerets », répliqua M. Armstrong, et les enfants poussèrent de nouveaux cris de joie. « Je ne fais jamais de très longs séjours en Amérique. » Ce fut une fête d'anniversaire très réussie. Tous eurent deux parts de gâteau, même Flash, et plusieurs verres de limonade. Ils dirent au revoir au docteur Charpentier en promettant de commencer bientôt à s'acquitter du paiement. « Je regrette que l'aventure soit finie! déclara Bruno.

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- Pas moi! s'écria Bob. Oh! papa, que je suis content de te revoir! Je ne peux pas croire que c'est vrai ! - C'est bien vrai, dit son père. Nous serons très heureux ensemble, Bob. Nous ne nous quitterons plus. - Et L'Hirondelle est à nous! ajouta Laurence. Quel bonheur! - Nous irons très souvent! » renchérit Nathalie. Que de joyeuses journées en perspective!

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