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LE CARNAVAL DU CLAN DES SEPT par Enid BLYTON LE carnaval approche. Le Clan des Sept compte bien le fêter joyeusement. Pierre, Jacques, Colin, Georges, Jeannette, Pam, Babette et même le chien Moustique commencent leurs préparatifs malgré les moqueries de cette peste de Suzie. Les garçons fabriquent un superbe mannequin grotesque qui sera, pensent-ils, le clou de la mascarade du Mardi gras. Soudain, le hasard met Pierre et Jeannette sur la trace d'un mystère à éclaircir... un mystère plus passionnant peut-être que tous les autres. Et voilà, une fois de plus, le Clan des Sept sur le sentier de la guerre! Quant au fameux mannequin, il va jouer dans l'affaire un rôle inattendu qui mènera les Sept à la victoire.
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LE CLAN DES SEPT par Enid BLYTON
ILLUSTRATIONS DE JEANNE HIVES
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LE CLAN DES SEPT par Enid BLYTON
ILLUSTRATIONS DE JEANNE HIVES
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PIERRE
Pierre est le chef du clan des sept. C’est lui qui a fondé la société secrète avec le concours de sa sœur Jeannette qui fait partie elle aussi du clan. Autoritaire, il est à cheval sur l’observation des règles du club et tient à ce qu’elles soient respectées. Ne se montre pas très indulgent si un des membres étourdis oublie le mot de passe ou l’insigne d’adhésion (ce qui arrive bien souvent !). Pierre est le propriétaire de l’épagneul mordoré Moustique, le huitième membre de la société. Il va à la même école que ses confrères Colin, Jacques et Georges.
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JEANNETTE
Comme je l’ai dit, Jeannette est la sœur de Pierre et, par conséquent, la copropriétaire de Moustique. Son aide a été, à bien des occasions, extrêmement utile au club. C’est Jeannette qui "met du piment" dans l’existence du Club et fait diversion si son frère s’emporte. Enfin, c’est elle qui convoque les membres du clan des sept quand la vie de leur société risque de se terminer en queue de poisson. Dans le clan des sept à la grange aux loups, Jeannette fait preuve de beaucoup de bon sens, ce qui lui vaut les félicitations de son frère. D’un calme à toute épreuve, elle fréquente la même école que ses compagnes Babette et Pam.
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JACQUES
Jacques, me semble-t-il, est la "main droite" de Pierre. C’est à Jacques que Pierre confie certaines missions qu’il sait que le garçon accomplira avec brio. Les deux garçons font souvent la paire. Sa sœur (cette peste de Suzie !) est son ennemie n° 1. Suzie, aidée de deux de ses amies, Denise et Liliane, tout aussi impossibles, ne cesse de jouer de mauvais tours au clan des sept, simplement parce que Pierre ne l’admet pas comme membre. Le pauvre Jacques perd trop souvent son insigne de par la faute de cette chipie de Suzie qui est une fine mouche ! Une fois même il quitte le clan parce que Suzie met des bâtons dans les roues du groupe. Il se brouille avec Pierre et, ayant jeté son insigne aux pieds du chef du Clan, s’en va, la tête haute. Cependant, il finit par rejoindre la société après avoir élucidé le mystère des chiens volés.
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COLIN
Colin est aussi l’un des personnages clé de la série. Qui met le clan des sept sur la piste de la plupart des aventures que celui-ci résout ? Colin. Qui ne se bat pas autant que les autres garçons du clan ? Colin. Dans le clan des sept va au cirque, c’est Colin qui s’aperçoit de la présence d’un voleur de bijoux alors que les Sept sont en train de jouer aux Indiens. Colin est aussi à l’origine de quelques-unes des bonnes idées du Clan : celle d’observer les faits et les gestes des habitants de Blainville, ou encore celle de monter la garde aux heures périlleuses que vit le Club. Colin se prend aussi pour un poète (le violon du clan des sept).
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GEORGES
Le pauvre Georges a dû une fois donner sa démission au clan des sept à l’issue d’une mésaventure qui lui est arrivée pendant qu’il prenait un homme à l’air louche en filature (Un exploit du clan des sept). Il lui en cuit, l’étranger fait passer à Georges un mauvais quart d’heure et transforme l’innocente équipée du jeune garçon en méfait qui mérite un châtiment exemplaire. Mais les choses s’arrangent à la fin du mystère, Georges reprend sa place et… tout est bien qui finit bien !
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BABETTE
Babette est sans aucun doute la meilleure amie de Pam. Les deux filles vont ensemble à l’école de danse et aux fêtes. C’est une fillette qui a bien souvent des crises stupides de fou rire que Pierre ne tolère pas. Elle a la langue bien pendue et rit toujours. Pourtant, elle fait de son mieux pour se rendre utile. A parfois de bonnes idées. Babette va à la même école que les autres filles du Clan.
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PAM
Un peu plus raisonnable et réfléchie que Babette, Pam est non moins drôle. Les deux amies inséparables vont partout ensemble, en riant, bras dessus, bras dessous. Pam aussi est régulièrement et sévèrement réprimandée par le chef du clan qui n’est pas un ange de patience ! Si on lit bien les aventures du clan des sept, on s’aperçoit que Pam, toute ennuyeuse qu’elle soit, s’efforce de faire plaisir à Pierre. Les autres membres du club lui donnent parfois son vrai nom qui lui est infligé par une grand-tante : Paméla !
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MOUSTIQUE
C’est l’épagneul doré qui appartient à Pierre et à Jeannette. Plus d’une fois, son concours a été vital au clan des sept bien qu’il ne fasse pas partie de la société pour de bon. A plusieurs reprises, il tire les Sept d’embarras. Il adore les biscuits pour chien et vous récompensera d’un coup de langue affectueux si vous lui offrez un os à moelle. S’amuse à chasser les lapins. Moustique n’est pas membre officiel du clan, cependant, l’épagneul a été élu à la place de Georges le jour où le jeune garçon a dû démissionner. Mais, tout au long de la série, Moustique est un ‘resquilleur dont le clan des sept ne peut pas se passer.’
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Blyton Enid Clan des Sept (avec titres originaux en anglais) 1- Le Clan des Sept et les bonshommes de neige 1949 The Secret Seven 2- Le Clan des Sept va au cirque 1950 Secret Seven Adventure 3- Bien joué Clan des Sept 1951 Well Done Secret Seven 4- Le Clan des Sept à la grange aux loups 1952 Secret Seven on the trail 5- Un exploit du Clan des Sept 1953 Go Ahead, Secret Seven 6- Le carnaval du Clan des Sept 1954 Good Work Secret Seven 7- Le Clan des Sept et l'homme de paille 1955 Secret Seven Win Through 8- L'avion du Clan des Sept 1956 Three Cheers, Secret Seven 9- Le Clan des Sept à la rescousse 1957 Secret Seven Mystery 10- Le violon du Clan des Sept 1958 Puzzle For The Secret Seven 11- Le feu de joie du Clan des Sept 1959 Secret Seven Fireworks 12- Le télescope du Clan des Sept 1960 Good Old Secret Seven 13- Surprise au Clan des Sept 1961 Shock for the Secret Seven 14- La médaille du Clan des Sept 1962 Look Out, Secret Seven 15- Le cheval du Clan des Sept 1963 Fun for the Secret Seven 13
LE CARNAVAL DU CLAN DES SEPT
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ENID BLYTON
LE CARNAVAL DU CLAN DES SEPT ILLUSTRATIONS DE JEANNE HIVES
HACHETTE 64
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TABLE 1. LE CLAN DES SEPT SE RÉUNIT 2. CETTE PESTE DE SUZIE 3. LES SEPT DISPOSENT LEUR BATTERIE 4. UNE SURPRISE DESAGREABLE 5. SUZIE GAGNE LA PREMIERE MANCHE 6. QUEL BON GOUTER, MADAME RICHARD ! 7. ET VOILA L’AVENTURE 8. NOUVELLE REUNION 9. LE CLAN DES SEPT SE MET À L’ŒUVRE 10. PIERRE ROUGIT DE HONTE 11. A CHACUN SA TACHE 12. CATASTROPHE ! 13. « CHEZ SIMON » 14. UNE IDEE GÉNIALE 15. UN MANNEQUIN PAS COMME LES AUTRES 16. UNE FILATURE PASSIONNANTE 17. BRAVO, CLAN DES SEPT ! 18. VICTOIRE ET RECOMPENSE
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CHAPITRE PREMIER Le Clan des Sept se réunit
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CHAPITRE PREMIER Le Clan des Sept se réunit QUAND aura lieu la prochaine réunion du Clan des Sept? demanda Suzie à son frère Jacques. — Ça ne te regarde pas, répondit Jacques. Tu n'appartiens pas à notre Clan et tu n'en feras jamais partie, c'est moi qui te le dis. — Bonté divine ! Comme si j'en avais envie ! s'écria Suzie en feignant la plus vive surprise. Qui m'empêcherait de fonder moi-même une société secrète si je le voulais? C'est ce que 19
j'ai fait une fois, tu te rappelles ? Et mes amis et moi nous vous faisions la nique. — Ne dis pas de bêtises, répliqua Jacques, Notre Clan des Sept est la société secrète la plus formidable du monde. Pense à tous les exploits que nous avons accomplis, à toutes nos aventures 1 Je parie que nous ne tarderons pas à nous distinguer de nouveau. — Et moi, je parie que non, dit L’exaspérante Suzie. Depuis des semaines et des semaines, vous vous réunissez dans la remise au fond du jardin de Pierre et de Jeannette... mais de mystère, bernique ! — Les mystères ne poussent pas sur les arbres, les aventures non plus, dit Jacques. Cela commence au moment où l'on s'y attend le moins. Et puis flûte î Le Clan des Sept, c'est mon affaire, pas la tienne. N'essaie pas de
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me soutirer nos secrets, parce que tu en seras pour tes frais, Suzie. File de ma chambre et laisse-moi lire; mon livre est plus intéressant que toi. — Je connais votre dernier mot de passe! cria Suzie, déjà dans le corridor. — Non, tu ne le connais pas, riposta Jacques avec fureur. Je ne l'ai jamais prononcé et je ne l'ai même pas écrit comme je le fais quelquefois de peur de l'oublier. Tu mens, Suzie. — Non I Je t'avertis pour que vous en choisissiez un nouveau », lança Suzie en s'esquivant Jacques la suivit des yeux. Quelle fille odieuse ! Connaissait-elle vraiment le mot de passe ? Non... c'était impossible. Pourtant Suzie avait bien dit la vérité : le Clan des Sept se réunissait depuis des semaines sans avoir le moindre petit mystère à se mettre sous
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la dent. Certes, tous les sept passaient de bons moments ensemble, mais après tant d'aventures palpitantes, les jeux et les simples conversations paraissaient un peu monotones. Jacques consulta son calepin. Quel jour, la prochaine réunion ? Demain soir, dans la remise dé Pierre. Jacques s'en promettait d'avance un grand plaisir. Tous les membres avaient reçu l'ordre d'apporter les fusées qu'ils avaient achetées pour le feu d'artifice du Mardi gras; ce serait une séance amusante et animée. Les écoliers auraient congé du samedi au mercredi. De plus, selon une tradition fort ancienne, de grandes réjouissances marquaient cette fête dans la ville; le clou en était un concours de mannequins grotesques que l'on promenait joyeusement dans les rues; un prix devait récompenser l'invention la plus drolatique et la plus pittoresque; les fantoches étaient brûlés en grande 22
pompe à la fin de la journée et un feu d'artifice clôturerait le carnaval. Le Mardi gras tombait dans huit jours. Jacques se leva et fourragea dans le tiroir où il avait rassemblé ses fusées. Il saisit la chandelle romaine dont il était particulièrement fier. Aucun de ses amis, il en était sûr, n'aurait la pareille. « Sss !... tac, tac, tac, boum ! cria-t-il en tapant du pied. Zim boum boum !... — Jacques I Que fais-tu donc ? Tu es malade ? demanda une voix anxieuse, et sa mère passa la tête à la porte. — Non, maman. Je n'ai rien du tout, affirma Jacques. J'imitais le bruit que fera ma chandelle romaine le soir du Mardi gras. — Tu as fini tes devoirs ? demanda sa mère. Oh ! Jacques ! comme ta chambre est en désordre ! — J'étais en train de la ranger, maman, répliqua Jacques. Dis, maman, tu 23
veux bien me donner quelques-uns de ces sablés aux amandes qui sont dans la boîte en fer ? Demain soir, notre Clan des Sept se réunit. — Bien sûr. Prends-en sept, répondit sa mère. — Huit ! cria Jacques pendant qu'elle sortait. Maman ! Il m'en faut huit. Tu as oublié Moustique. — Mon Dieu !... Bon, prends-en huit. Mais tout de même, un sablé aux amandes pour un chien, quel gaspillage ! » riposta sa mère. « Parfait, pensa Jacques. Chacun de nous apportera quelque chose demain pour le goûter.... Tout le monde aime les sablés aux amandes. Voyons, quel est le mot de passe ? « Mardi gras », n'est-ce pas ? Ce n'était pas celui de la dernière fois ? Non, c'est bien ça. « Mardi gras ».... C'est un mot de passe épatant, puisque le carnaval est dans huit jours. Suzie a dit qu'elle le 24
connaissait... allons donc ! c'est impossible. » La réunion était fixée à cinq heures dans la remise de Pierre, et tous les membres du Clan avaient bien l'intention d'y assister. Avant même que l'horloge de la mairie eût sonné, ils franchirent un à un la grille et traversèrent le jardin. La porte sur laquelle Pierre avait dessiné les lettres C.S. était fermée à clef, mais une lumière brillait à l'intérieur. Il faisait presque nuit et chaque enfant tenait une lampe électrique à la main. Pan pan ! « Le mot de passe, s'il vous plaît ! dit la voix de Pierre à l'intérieur. — Mardi gras ! » répondirent les membres l'un après l'autre. Pam était la première; elle s'appelait en réalité Paméla, mais détestait ce nom choisi par une grand-tante qui le
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portait elle-même; ses amis ne le lui donnaient que lorsqu'ils étaient fâchés contre elle. Jacques arriva en courant de peur d'être en retard. Georges apportait pour le goûter un grand sac plein de pommes rouges. Babette ne savait plus si le mot de passe était « Mardi gras » ou « Carnaval ». Quel ennui I Pan pan ! Elle frappa. « Le mot de passe ? — Carnaval », dit Babette. La porte resta fermée; un silence de mort régnait à l'intérieur de la remise. Babette eut un petit rire étouffé. 26
« Oh ! ça va ! Je le connais ! Mardi gras!» La porte s'ouvrit et elle entra. Tout le monde était là, excepté Colin. « Il est en retard, remarqua Pierre. Quel lambin ! Dites donc... nous avons un goûter formidable ce soir. » Eclairée par deux bougies et chauffée par un petit poêle à pétrole, la remise était intime et accueillante. Moustique, l'épagneul roux de Pierre et de Jeannette, somnolait dans un coin. Sur une table improvisée avec une caisse renversée s'étalaient les provisions du goûter. « Des pommes. Des nonnettes de pain d'épice. Des brioches. Des sablés aux amandes.... Qu'y a-t-il dans ce sac ? Oh ! des noisettes. Et tu as pensé à apporter un cassenoix, Pam ? Bravo. Moi je fournis l'orangeade. Quel bon goûter, dit Pierre. — Je voudrais bien que Colin arrive,
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dit Jeannette. Ah! le voilà enfin!» Un bruit de pas précipités retentissait dehors. Moustique se mit sur son séant et aboya. Quelqu'un frappa à la porte. Pan pan ! « Le mot de passe ! crièrent ensemble tous les six. — Mardi gras ! » répondit une voix. Pierre ouvrit la porte. Vous ne le croirez peut-être pas ! Cette effrontée de Suzie était dehors, le sourire aux lèvres. Suzie ! Cette peste de Suzie!
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CHAPITRE 2 Cette peste de Suzie !
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CHAPITRE 2 Cette peste de Suzie ! « Suzie ! cria Jacques fou de rage en se levant d'un bond. Qui t'a permis ? Espèce de.... » II saisit sa sœur par le bras et la secoua comme un prunier. Elle lui rit au nez. « Tu es bien attrapé ! Je voulais vous faire une surprise, hauts et puissants seigneurs du Clan des Sept. J'ai réussi. Ah ! Ah ! Ah ! vous voyez, je le connais, votre mot de passe ! — Comment l'as-tu appris ? demanda 30
Pierre. Lâche-la, Jacques. Tout à l'heure, nous la mettrons à la porte. Où as-tu trouvé le mot de passe Suzie ? — C'est Jacques qui me l'a dit », répondit Suzie à la surprise générale. Tous les yeux se tournèrent vers le pauvre Jacques qui devint rouge comme une tomate. Il foudroya sa sœur du regard. « Tu es une sale menteuse ! cria-t-il. Je ne t'ai pas révélé le mot de passe; je ne l'ai même pas écrit; je sais que tu fouilles toujours dans mes tiroirs. Comment l'as-tu trouvé ? Tu t'es cachée derrière les arbres près de la remise et tu nous as entendus quand nous sommes arrivés ? — Non; si j'avais été dans le jardin, Moustique aurait aboyé, dit Suzie — et c'était l'exacte vérité. Je t'assure, Jacques, que c'est toi qui l'as dit. La nuit dernière, tu parlais en dormant et tu criais « Mardi gras ! Mardi gras !
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Ouvrez-moi donc la porte ! Mardi gras.» J'ai deviné que tu rêvais du Clan des Sept et que tu donnais le mot de passe. » Jacques poussa un gros soupir. « C'est vrai que je parle en dormant.... Quelle déveine que j'aie révélé le mot de passe. A partir de ce soir, je fermerai la porte de ma chambre. Je regrette beaucoup, Pierre. Qu'allons-nous faire de Suzie ? Elle mérite une punition pour nous avoir dérangés en pleine réunion. — Nous n'avons aucune question importante à discuter. Elle restera assise làbas, dans ce coin, pendant que nous goûterons et nous ne lui offrirons pas une miette, déclara Pierre d'un ton catégorique. Suzie est une peste ! Elle fait tout ce qu'elle peut pour nous ennuyer. Pam et Babette, surveillez-la. » Tous étaient si furieux que Suzie perdit son assurance.
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« Ce n'était qu'une plaisanterie, ditelle. Et à quoi servent vos réunions ? Toutes ces cachotteries, c'est stupide. Qu'est-ce qu'il en résulte ? Rien du tout. Je veux partir. — Donne-nous ta parole d'honneur que tu ne nous joueras plus de mauvais tours et que tu nous laisseras tranquilles, dit sévèrement Pierre. — Non, je ne promets rien, riposta Suzie. Et si vous me forcez à m'asseoir dans ce coin, je crierai à vous crever le tympan. Vous serez bien obligés de m'ouvrir la porte. — Certainement pas, dit Pierre. Nous ne t'avons pas appelée. Tu vas rester et nous regarder pendant que nous mangerons nos.... » Il s'interrompit en entendant le bruit d'une course éperdue dans l'allée du jardin. « C'est Colin », dit Jeannette. Le nouveau venu frappa à la porte 33
à coups redoublés et, d'une voix haletante, cria : « Mardi gras ! Vite ! Vite ! ouvrez-moi!» La porte fut ouverte et Colin resta une minute immobile sur le seuil, ébloui par la lumière après l'obscurité du dehors. « Figurez-vous qu'une aventure m'est arrivée.... C'est peut-être intéressant pour le Clan des Sept. Ecoutez.... — Attends ! D'abord, faisons sortir Suzie », dit Pierre. A la vue de Suzie, Colin resta ébahi. 34
La fillette s'esclaffa et Jacques la menaça du poing. « Que fait-elle ici ? » demanda Colin stupéfait pendant que Suzie était poussée dehors. La porte fut fermée et la clef grinça dans la serrure. Moustique aboya de toutes ses forces. Suzie ne lui inspirait aucune sympathie. Il savait qu'elle ne faisait pas partie du Clan des Sept et qu'elle n'avait pas le droit d'entrer dans la remise. « Je te parlerai plus tard de Suzie, décida Pierre. Raconte-nous ton aventure, Colin. Pourquoi es-tu en retard et que t'estil arrivé ? Mais parlons tout bas : je suis sûr que Suzie écoute à la porte. — Je vais voir, et si elle est là.... » Jacques se levait, mais Pierre le retint. « Assieds-toi. C'est justement ce que voudrait Suzie, que nous lui courions
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après dans le jardin sans prendre le temps de goûter et que notre soirée soit gâchée. Qu'elle écoute à la porte si elle veut.... Nous n'avons qu'à chuchoter et elle ne sera pas plus avancée. Tais-toi, Moustique. On ne s'entend pas parler quand tu aboies si fort. Tu ne peux pas chuchoter, toi aussi ? » Non, Moustique en était incapable. Vexé, il se tut et se recoucha, tournant le dos à Pierre. Mais il changea bientôt de position pour mieux écouter Colin. « J'étais en route pour venir ici, ma lampe électrique à la main; et au coin de l'avenue des Peupliers, j'ai entendu du bruit Vous savez qu'il y a une haie très épaisse à cet endroit. Des gens parlaient tout bas avec beaucoup d'animation.,, et tout à coup un cri a retenti, suivi d'un gémissement... — Mon Dieu ! s'écria Jeannette effrayée.
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— Puis un choc sourd qui ressemblait à une chute. J'ai levé ma lampe électrique vers les buissons, mais j'ai reçu un coup sur la main. Les gens qui étaient là se sont enfuis. J'ai ramassé ma lampe qui ne s'était pas éteinte et j'ai examiné les lieux. Plus personne. — Tu as montré beaucoup de courage, approuva Pierre. A ton avis, que se passaitil ? — Ça, je n'en sais rien, répondit Colin. Des hommes se disputaient, je crois. Mais ce n'est pas tout. Regardez ce que j'ai trouvé dans les buissons. » Au comble de l'émotion, les Sept ne pensaient plus à chuchoter. Ils parlaient à tue-tête et avaient oublié que Suzie était peut-être derrière la porte. Moustique, d'un petit jappement, essaya de les rappeler à l'ordre, mais ils ne l'entendirent même pas. Colin montrait un vieux calepin en lambeaux, entouré d'un élastique. 37
« Je l'ai feuilleté rapidement, dit-il. Je crois qu'il contient des informations importantes. Presque tout est en langage chiffré et je n'ai rien compris. Il y a aussi un tas d'absurdités... du moins ça a l'air d'absurdités, mais c'est peut-être un langage convenu. Regardez. » Tous se penchèrent sur le calepin, en proie à une vive curiosité. Pierre tourna les feuillets et tomba sur une liste qui occupait toute une page. « Ça, par exemple ! s'écria-t-il. On dirait une nomenclature d'objets volés 38
Ecoutez : candélabres en argent à trois branches; cafetière et sucrier en argent; coffret à cigarettes avec les initiales A.B....» Jacques fît un bond. « Je sais de quoi il s'agit ! Papa a lu cette liste dans le journal ce matin en buvant son café au lait. Ce sont les objets qui ont été volés la nuit dernière chez le grand violoniste André Bréval. Oh ! la la ! Pierre, tu ne crois pas que c'est le commencement d'une aventure ?»
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CHAPITRE III Les Sept disposent leurs batteries.
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CHAPITRE III Les Sept disposent leurs batteries. LA vive agitation qui régnait dans le Clan gagna Moustique. Quand tous les Sept parlaient à la fois, il ne pouvait s'empêcher de faire chorus en aboyant. Il agita sa queue frisée et donna de petits coups de patte à Pierre, mais n'obtint pas la moindre caresse. « C'est sûrement un des voleurs qui a perdu ce calepin avec la liste des objets volés. ; — Y a-t-il d'autres renseignements?
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Quel malheur que nous n'ayons pas la clef de ce langage chiffré. Attends.... Vois ces deux lignes griffonnées en travers de la page. Lis-les tout haut, Pierre. — «Mercredi, dix-sept heures, réunion de toute la bande dans le vieux « hangar, derrière le garage Philibert. » Sapristi ! Mais c'est demain ! Eh bien, nous qui souhaitions une aventure, nous sommes servis ! » Ce fut de nouveau un concert d'exclamations et de jappements aigus. Si les enfants ne pensaient plus au goûter, Moustique, lui, avait faim. Les nonnettes de pain d'épice et les sablés aux amandes lui mettaient l'eau à la bouche. Mais il commença par aller à la porte et renifla de toutes ses forces. Oui. Suzie était dehors. Moustique la sentait. Il poussa un petit grognement, mais personne n'y prit garde. Alors, jugeant mutile d'insister, il s'approcha 42
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de la table improvisée qui supportait les friandises du goûter. « Qu'allons-nous faire ? Avertir la police ? » demanda Colin, pénétré de son importance, car c'était lui qui avait apporté au Clan des Sept ces nouvelles sensationnelles. « Non, répliqua Pierre. Ce que nous allons faire, je vais te le dire : demain soir, nous nous cacherons aux alentours du hangar, derrière le garage Philibert, et dès que les bandits seront entrés, l'un de nous filera au commissariat de police pendant que les autres monteront la garde. » Tous approuvèrent ce programme qui leur paraissait à la fois raisonnable et passionnant. Pam poussa un soupir. « Moi, les émotions, ça me creuse, déclara-t-elle. Si nous attaquions toutes ces bonnes choses ?... Oh ! Moustique, tu t'es déjà servi ! Voleur !
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— Moustique ! Tu as pris des gâteaux ! cria Pierre indigné. Au coin, méchant chien ! — Il n'a pris qu'une nonnette et un sablé, dit Jacques qui faisait rapidement l'inventaire des provisions. Il n'y en a plus que sept au lieu de huit. Après tout, c'est lui le huitième et il n'a mangé que ce que nous avions apporté à son intention. — Il n'aurait pas dû commencer avant nous, dit Pierre. C'est d'un sansgêne.... Au coin^ Moustique ! » Le pauvre Moustique se retira tristement dans un coin en léchant ses babines où restaient quelques miettes de sablé. Les fusées et les pétards apportés par les Sept étaient complètement oubliés. La chandelle romaine surmontait la pile, mais Jacques ne lui accordait plus une pensée. Les événements dépassaient en intérêt le plus beau feu d'artifice du monde. 45
Tout en goûtant, les membres du Club dressaient leurs plans. « Et Suzie ? s'écria brusquement Pierre. Nous hurlons à qui mieux mieux. Si elle est là, elle en sait maintenant autant que nous.... Moustique, va voir si Suzie nous épie. » Moustique obéit et alla flairer sous la fente de la porte. Suzie était partie. L'épagneul revint s'asseoir près de
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Pierre, mit sa belle tête rousse sur les genoux du jeune garçon et attendit UB signe de pardon. « Elle n'est pas là; tu aurais grogné si tu l'avais sentie, n'est-ce pas Moustique? dit Pierre en caressant la tête soyeuse du chien et ses longues oreilles. Je vois d'ici le nez de Suzie quand nous aurons fait arrêter les bandits l Ça lui apprendra à se moquer de nous et à venir troubler nos réunions.» Il fut décidé que, le lendemain soir, après l'école, tous les sept se rendraient au garage. Colin connaissait Etienne, le jeune employé de M, Philibert; ils causeraient avec lui en admirant les voitures jusqu'au moment de cerner le hangar. Et ensuite ? Que se passerait-il ? A l'idée des événements qui suivraient, un petit frisson courut le long de l'échiné de Pierre. « Le Clan des Sept est sur le sentier de la guerre, pensait-il. Quel bonheur,
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après ces longues semaines sans aventure et sans imprévu ! » Les heures passaient lentement. Le lendemain matin, les Sept arborèrent leur insigne. Ils avaient l'air si graves que tous leurs camarades de classe devinèrent qu'ils s'apprêtaient à accomplir un nouvel exploit. Suzie se montrait plus exaspérante que jamais. Elle pouffait de rire à tout instant et ne quittait pas des yeux Pam, Jeannette et Babette qui étaient dans sa classe. Chaque fois qu'elle les croisait dans les corridors ou dans la cour de récréation, elle chuchotait à leur oreille : « Mardi gras ! Mardi gras ! » C'était d'autant plus irritant que le mot de passe restait le même que la veille; dans la fièvre de leurs projets, les Sept n'avaient pas pensé à le changer. Pourtant, puisque Suzie le connaissait, il était urgent d'en choisir un autre. 48
A quatre heures, lés Sept coururent chez eux afin de goûter rapidement avant de repartir pour le garage. Colin leur avait donné rendez-vous à cinq heures moins le quart. Les mamans furent étonnées de voir leur hâte à dévorer les tartines, mais par bonheur ne les retinrent pas à la maison. Un à un, ils se rendirent au garage. Moustique fut laissé dans sa niche; c'était plus prudent car il pourrait aboyer mal à propos. Tous étaient au garage à l'heure fixée. Encore quinze minutes à attendre. Où était l'employé du garagiste ? Ils causeraient avec lui un moment, puis, furtivement, s'approcheraient du hangar.... Ce serait palpitant !
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CHAPITRE IV Une surprise désagréable.
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CHAPITRE IV Une surprise désagréable. COLIN cherchait déjà Etienne, le jeune commis qu'il connaissait. Ah ! il était en train de laver une voiture au fond du garage. Colin s'avança vers lui et les six autres le suivirent. « Bonsoir, dit Etienne qui avait une figure rougeaude, une tignasse blonde et des yeux malicieux. Vous venez m'aider ? — Nous voudrions bien qu'on nous le permette, dit Colin. Ça doit être si amusant de s'occuper de voitures ! 51
Nous pouvons jeter un coup d'œil à celles qui sont dans le garage, Etienne ? — Oui, à condition que vous n'ouvriez pas les portières, sans ça gare à vous ! » répondit le jeune homme en le menaçant de son tuyau d'arrosage. . Les Sept se divisèrent en deux groupes, et sous prétexte d'admirer les voitures, les uns s'approchèrent de la porte tandis que les autres se postaient devant la fenêtre. Ainsi les bandits n'échapperaient pas à leurs regards. « Vois celui-ci, il a bien l'air d'un voleur », chuchota Babette en donnant un coup de coude à Jacques pour attirer son attention sur un passant. Jacques le regarda. « Grosse bête ! dit-il. C'est le directeur de mon école. S'il t'avait entendue ! Je reconnais qu'il est plutôt rébarbatif. — Il est cinq heures moins cinq, dit 52
Georges à voix basse. Tu ne crois pas que c'est le moment de nous glisser autour du hangar, Pierre ? — Pas encore, répondit le chef du Clan. Il ne faut pas arriver avant les hommes. As-tu vu quelqu'un qui pouvait appartenir à la bande ? — Je ne suis pas sûr, dit Georges. Les gens qui sont passés n'avaient rien d'extraordinaire. C'est vrai que les malfaiteurs n'ont pas forcément la tête de l'emploi... L'heure approche! je ne tiens plus en place. » Un peu plus tard, quand l'horloge marqua cinq heures une minute, Pierre donna le signal attendu. Les Sept prirent congé du jeune garagiste qui, par jeu, braqua sur eux son tuyau et aspergea leurs chevilles. Ils s'enfuirent en criant. « L'animal !... grommela Jacques. Mes chaussettes sont trempées. Nous passons par cette ruelle, Pierre ? 53
— Oui, je marche le premier et, si la voie est libre, je sifflerai discrètement », dit Pierre. Il s'enfonça dans la ruelle obscure, tenant dans sa main la lampe électrique qu'il n'avait pas allumée. Dans la cour, derrière le garage, s'élevait un petit hangar fermé où l'on entreposait des matériaux de construction. Pierre s'arrêta et réprima une exclamation de joie. Une lumière brillait à l'intérieur : les voleurs étaient là ! Quel beau coup de filet si les Sept les faisaient arrêter tous à la fois ! Pierre siffla. Les autres descendirent la ruelle pour le rejoindre. Leurs semelles de caoutchouc ne faisaient aucun bruit. Ils étaient très émus et Babette pouvait à peine respirer, tant son cœur battait fort. Sept paires d'yeux examinèrent le petit hangar dont l'étroite fenêtre laissait passer une clarté vacillante. 54
« Ils sont sûrement là, chuchota Jacques. Approchons-nous sur la pointe des pieds et cherchons à jeter un coup d'œil par la fenêtre. » Ils se glissèrent vers le hangar. Les vitres se trouvaient très haut; pour les atteindre, Pierre fut obligé d'entasser les unes sur les autres plusieurs briques qui traînaient par là. Quand il redescendit, il chuchota à ses compagnons : « Ils sont là. Je n'ai pas pu les voir mais je les ai entendus. Faut-il avertir 55
tout de suite la police ? Qu'en pensezvous ? — J'aimerais être sûr que ce ne sont pas simplement les hommes du chantier voisin qui sont venus casser la croûte, remarqua Jacques. Les ouvriers s'arrêtent de temps en temps pour manger, et dans ce hangar ils sont mieux que dehors. — Que faire ? Nous ne pouvons pas frapper à la porte et demander : « Etes-« vous des ouvriers ou des bandits 7 » Et nous ne pouvons pas non plus attendre qu'ils sortent », répliqua Pierre. Une détonation les fit sursauter. Babette serra le bras de Georges. « Un coup de revolver ? dit-elle. S'ils nous voient, ils vont tirer sur nous. — Ne me pince pas comme ça, protesta Georges furieux. Un peu plus, je criais. Comment veux-tu que je sache si c'est un coup de revolver ? » Une autre détonation retentit, et les 56
Sept sursautèrent encore plus violemment. Pierre était perplexe. Que faisaient donc les occupants du hangar ? En examinant la porte, il aperçut un trou de serrure qui lui permettrait peut-être de voir ce qui se passait. Il se pencha et colla son œil contre l'étroite ouverture. Oui, une petite partie du hangar, éclairée par une bougie, était visible. Le spectacle qui s'offrit à lui était si extraordinaire qu'une exclamation lui échappa. Il ne pouvait en croire ses yeux. C'était impossible. Il rêvait. « Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est ? cria Pam qui oubliait de parler" tout bas. Ils ont des revolvers ? Laisse-moi regarder. » Elle repoussa Pierre, mit son œil contre la serrure et poussa, elle aussi, un cri d'étonnement. Puis à la surprise de tous les autres, Pierre excepté, elle s'efforça d'ouvrir la porte qui résista. 57
Alors, elle se jeta sur le battant à coups de pied et à coups de poing. « C'est Suzie qui est là ! cria-t-elle.... Suzie et ses amis. Alain, François et Nicole. Elle se tord de rire. Ils se sont munis de grands sacs de papier; ils soufflent dedans et les font éclater; c'est ce bruit que nous avons pris pour des coups de feu. Oh ! cette Suzie, si je la tenais ! » C'était bien Suzie avec Alain, Nicole et François dont l'exubérance, maintenant, n'avait plus de bornes. Ils se roulaient par terre, malades de rire, tant la bonne farce qu'ils avaient jouée au Clan des Sept les remplissait de joie.
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CHAPITRE V Suzie gagne la première manche
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CHAPITRE V Suzie gagne la première manche LES SEPT étaient si furieux qu'ils ne savaient quelle attitude adopter. C'était donc Suzie et ses amis qui avaient manigancé toute l'affaire ! La veille, pendant que Suzie donnait le mot de passe avec l'effronterie qui la caractérisait, et s'introduisait dans le local du clan, Alain, François et Nicole avaient fait semblant de se battre au milieu des buissons pour arrêter Colin et l'intriguer. 60
« Ils m'ont bien roulé, dit Colin. Je croyais que c'étaient des hommes qui se bagarraient... et j'étais si content de trouver ce calepin après leur fuite précipitée ! La nuit était trop noire pour que je les reconnaisse. — Je comprends maintenant pourquoi Suzie riait sous cape quand Colin est arrivé en toute hâte pour nous raconter son aventure, dit Jeannette. Quelle peste ! — C'est la sœur la plus odieuse qu'on puisse imaginer, gémit Jacques. Dire qu'elle a écrit dans le calepin cette liste d'objets volés !... Bien sûr, elle était là quand papa l'a lue en déjeunant. Elle me paiera ça ! » Georges donna de grands coups dans la porte du hangar. A l'intérieur résonnaient toujours de grands éclats de rire. François gloussait de joie; Nicole et Alain se tenaient les côtes. Oh ! la bonne blague ! Ces poseurs du Clan des Sept 61
qui se prenaient pour des héros avaient bien donné dans le panneau ! Ils devaient en faire une tête maintenant ! « Attendez un peu ! cria Jacques. Quand vous ouvrirez, vous verrez ça ! Suzie, je te tirerai les cheveux si fort que tu n'auras plus envie de recommencer un coup pareil ! » De nouveaux éclats de rire lui répondirent. « Nous sommes sept et vous n'êtes que quatre, cria Colin. Nous attendrons jusqu'à ce que vous sortiez. Vous n'aviez pas pensé à ça, hein ? — Oh ! si, répondit Suzie, mais vous serez bien obligés de nous laisser tranquilles, que vous le vouliez ou non. — Jamais de la vie ! riposta Jacques avec fureur. Ouvre la porte 1 — Ecoute, Jacques, dit Suzie. Ce sera une histoire épatante à raconter à tout le monde à l'école.... Ce qu'on va se moquer de vous ! Les Sept ramassent 62
un vieux calepin bourré d'idioties et les voilà heureux comme des rois ! Ils se donnent de grands airs et se croient des génies..., mais ils prennent quatre enfants qui jouent dans un hangar pour une bande de malfaiteurs qui se tirent des coups de revolver, » Les quatre complices firent claquer d'autres sacs en s'esclaffant de plus belle. Les Sept étaient au désespoir. « Vous savez, Suzie criera cette histoire sur les toitsy dit Colin. Nous n'oserons plus regarder personne en face. Elle a raison. Mous sommes obligés de les laisser sortir sans les toucher du bout du doigt. — Non ! s'écrièrent en même temps Pierre et Jacques. —Si, insistai Colin. Nous ne pouvons pas faire autrement Suzie nous tient à la gorge. Il faut que nous achetions son silence. C'est vexant, je le
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sais; mais sans cela tous les gosses des petites classes danseront la sarabande autour de nous en faisant claquer des sacs de papier. Vous voyez d'ici le tableau !» Il y eut un silence. Tous se rendaient compte que Colin avait raison. Suzie remportait la victoire. S'ils refusaient ses conditions, le Clan des Sept dont ils étaient si fiers deviendrait l'objet de la risée générale. Le Clan des Sept, la meilleure société secrète du monde ! Pierre soupira. Suzie ne l'emporterait pas en paradis; plus tard, elle paierait cher sa honteuse supercherie. Pour le moment, il n'y avait qu'à baisser pavillon. Il frappa à la porte. Les cris et les rires se turent. « Suzie ! Tu as gagné, provisoirement tout au moins, dit Pierre. Vous êtes libres de sortir, et nous ne te tirerons même pas les cheveux si tu pro-
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mets solennellement de ne pas souffler mot de cette histoire à l'école. — Marché conclu, répondit Suzie, triomphante. Je savais que vous en passeriez par là. Ça vous rabat votre caquet. Espèces d’idiots qui vous réunissez toutes lès semaines en grand mystère pour bavarder et manger des gâteaux ! Eh bien, nous sortons..., tâchez de tenir parole.» La ponte s'ouvrit et les quatre enfants parurent, un sourire narquois sur les lèvres. Ils défilèrent devant les Sept, le nez en l'air, savourant leur victoire. Jacques tenait ses mains enfoncées dans ses poches car les doigts lui démangeaient de saisir les cheveux de Suzie et de les tirer. « Au revoir ! Merci de cette séance récréative, dit Suzie de son ton le plus exaspérant. Avertissez-nous quand vous voudrez une nouvelle aventure; nous nous ferons un plaisir de vo«s l'offrir
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sur un plateau d'argent. A tout à. l'heure, Jacques. » Ils s'éloignèrent en riant. Humiliés, la rage au cœur, les Sept restèrent dans la cour obscure, écoutant le bruit des pas qui décroissait. « II faut absolument que nous trouvions un mystère quelconque à édaircir, décréta Colin. Comme ça, Suzie et les autres ne pourraient plus se moquer de nous. — Je le voudrais bien, soupira Pierre. Mais on n'a pas toujours un mystère sous la main. » Ils n'étaient pas encore au bout de leurs peines. Le rayon d'une lampe électrique se posa brusquement sur eux et une voix bourrue s'éleva. « Eh bien ! Que faites-vous là ? Filez, les gosses, sinon j'irai dire deux mots à vos parents. » Un agent de police! Voilà qu'ils étaient chassés comme des voleurs, eux 66
qui avaient rêvé de livrer à la police la bande prise au piège dans le hangar ! Triste fin de journée en vérité. En silence, les Sept enfilèrent la ruelle. Ce fut à peine s'ils se dirent au revoir. Oh ! vite, vite une aventure véritable qui ferait de nouveau d'eux des personnages importants et mettrait de l'animation dans leur vie ! Un peu de patience, Clan des Sept, l'imprévu vous attend peut-être au coin de la rue. Qui sait ?
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CHAPITRE VI Quel bon goûter, madame Richard!
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CHAPITRE VI Quel bon goûter, madame Richard! LE LENDEMAIN,
un jeudi, Pierre et Jeannette ne parlèrent que du mauvais tour que leur avait joué Suzie. Pourquoi, oh ! pourquoi étaient-ils si facilement tombés dans le piège ? Moustique écoutait leurs voix lugubres et comprenait que ses jeunes maîtres broyaient du noir. Il allait de l'un à l'autre en remuant la queue. « Il essaie de nous dire qu'il partage notre chagrin, s'écria Jeannette 69
avec un petit rire. Oh ! Moustique, si tu avais été là, tu aurais deviné que Suzie était dans le hangar avec trois garnements et tu aurais trouvé un moyen de nous prévenir. » Moustique poussa un petit jappement, puis s'allongea sur le dos et agita les pattes comme s'il pédalait frénétiquement dans le vide. Il faisait tous ses efforts pour dérider ses jeunes maîtres et il était vraiment très comique. Pierre et Jeannette ne purent s'empêcher de rire et le caressèrent pour le remercier. Cher vieux Moustique ! Leur mère passa la tête à la porte. « N'oubliez pas que vous allez goûter chez madame Richard cet après-midi. — Les pneus de ma bicyclette sont à plat, maman, dit Jeannette. C'est bien loin à pied. Il faut absolument que j'y aille? — Votre père a une course à faire.
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Il vous conduira en voiture, répondit la maman. Apprends tes leçons pour demain, Jeannette, et sois prête à quatre heures; ne te fais pas attendre. Toi, Pierre, tu vas chez ton maître pour ta leçon d'arithmétique, on te prendra en passant. » Jeannette n'eut garde d'être en retard. Son père la félicita de son exactitude. Ils allèrent chercher Pierre, et la voiture les laissa devant la porte de Mme Richard, La vieille dame avait été autrefois la gouvernante de leur mère et elle les aimait beaucoup. Ils oublièrent Suzie et leur déconvenue de la veille quand ils virent le magnifique goûter que Mme Richard avait préparé à leur intention. « Mon Dieu, les beaux choux à la crème ! Est-ce vous qui les avez faits ? s'écria Jeannette. Et des éclairs au chocolat ! Maman les aimait aussi quand elle était petite ? 71
— Oh ! oui, une fois elle en a tellement mangé qu'elle a été malade; j'ai veillé toute la nuit près de son lit. Ce jour-là, elle était insupportable; elle refusait d'obéir et elle s'est bourrée de gâteaux. Aussi quelle indigestion ! J'étais bien inquiète, je vous assure. Mais le lendemain elle a demandé pardon. Elle était si gentille quand elle voulait ! » Pierre et Jeannette ne s'étaient jamais représenté leur maman sous les traits d'une enfant capricieuse et gourmande. Mais c'est si tentant les bons gâteaux, on en mangerait bien une douzaine, pensa Jeannette en admirant les choux débordant de crème fouettée; les éclairs n'étaient pas moins alléchants. Elle se sentit soudain plus proche de sa mère qui avait été une petite fille comme elle. Après le goûter, ils écoutèrent des disques et regardèrent des albums de
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Mais c'est si tentant, les bons gâteaux.
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photographies. Soudain la pendule sonna six coups. « Mon Dieu ! s'écria Pierre en se levant d'un bond. Papa nous a recommandé d'être prêts à six heures ! Dépêche-toi, Jeannette. Merci, madame Richard. Le goûter était sensationnel. Excusez-nous de vous quitter si brusquement, mais.... » Un coup de klaxon l'interrompit. Leur père les attendait dehors. Mme Richard les embrassa tendrement. « Merci mille fois, dit Jeannette. Quel jeudi agréable vous nous avez fait passer !» Ils descendirent, en courant, l'allée du jardin et montèrent dans la voiture. Il faisait nuit noire et les phares jetaient de larges rayons lumineux sur la route. « Vous êtes exacts, dit le père, c'est très bien. Je ne vous ai attendus que trente secondes. »
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Il embraya et pressa sur l'accélérateur. La voiture démarra. « Il faut que je passe à la gare pour y prendre des colis, annonça-t-il. Je laisserai la voiture dans la cour; vous n'aurez pas besoin de bouger. Ce sera l'affaire de quelques minutes.» Arrivé à la gare, le père pénétra dans la cour, mit la voiture en marche arrière et la rangea dans un coin, prête à repartir. Puis il descendit et se dirigea vers le bureau des messageries. Pierre et Jeannette, allongés sur la banquette arrière, digéraient béatement leurs gâteaux. Peut-être en avaient-ils trop mangé. Jeannette ferma les yeux et s'assoupit. Pierre repassait les événements de la veille et tout bas maudissait Suzie. Un bruit de pas le tira de ses méditations; il crut que son père revenait. Les deux portières de devant s'ouvrirent en même temps et deux hommes 75
montèrent et s'assirent sur la banquette. Pierre pensa que son père avait offert une place à un ami rencontré par hasard et il se demanda qui c'était. Dans l'obscurité, il ne distinguait pas les visages. La voiture démarra et sortit de la cour. Elle passa sous un lampadaire. Pierre resta bouche bée de saisissement. L'homme assis au volant n'était pas son père. Il n'avait jamais vu cet individu qui portait un chapeau à bords rabattus et des cheveux trop longs qui descendaient sur son col. Le père de Pierre allait toutes les semaines chez le coiffeur. Qui donc conduisait la voiture ? La surprise paralysait le jeune garçon. Au lampadaire suivant, il regarda l'autre homme. Ce n'était pas non plus son père et il ne le connaissait pas davantage. L'homme portait une casquette et, contrairement à son
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compagnon, il avait les cheveux coupés presque ras. Le cœur de Pierre battait à grands coups. Qui étaient ces deux hommes? Des voleurs de voitures ? Que faire ? Jeannette lit un mouvement Pierre se pencha vers elle et posa les lèvres contre son oreille. « Jeannette, chuchota-t-il Tu es réveillée ? Ecoute-moi. Deux hommes ont volé la voiture de papa... et ils ne se doutent pas que nous sommes là. Laisse-toi glisser sur le plancher sans faire de bruit; de cette façon, s'ils se retournent, ils ne nous verront pas. Fais vite ! »
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CHAPITRE VII Et voilà l'aventure.
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CHAPITRE VII Et voilà l'aventure. était éveillée maintenant, tout à fait éveillée. Elle jeta un regard effrayé vers les deux hommes qu'un lampadaire éclaira rapidement au passage et se laissa glisser sur le plancher. Elle tremblait de tous ses membres. Pierre se pelotonna à côté d'elle. « N'aie pas peur. Je suis là. Tant que les voleurs ne se douteront pas de notre présence, nous ne risquerons rien. JEANNETTE
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— Où nous conduisent-ils ? chuchota Jeannette. — Je n'en ai pas la moindre idée. Us sont passés par la Grand-Rue et ils s'engagent dans une partie de la ville que je ne connais pas, chuchota Pierre. Tiens ! Ils s'arrêtent. Baisse la tête, Jeannette, et ne bouge plus. » Le conducteur stoppa et se pencha à la portière. « Tu peux descendre ici, dit-il à son compagnon. Je ne vois pas un chat. Prends immédiatement contact avec R 80-61. Donne-lui rendez-vous au café Chez Simon un soir à cinq heures. J'y serai. — Entendu », dit l'autre et il ouvrit la portière avec précaution. Mais il la referma aussitôt et se baissa. « Qu'y a-t-il ? Quelqu'un vient ? demanda le conducteur. — Non, je crois que j'ai laissé tomber quelque chose, dit l'autre d'une 80
voix étouffée, tandis qu'il tâtonnait devant lui, sur le plancher. — Tant pis ! File pendant que la voie est libre ! s'écria le conducteur avec impatience. Dans quelques minutes, la police sera à la recherche de cette voiture. Moi je vais Chez Simon et je ne sais absolument rien de toi. Rien de rien.» L'autre grommela quelques mots inintelligibles, mais mit pied à terre et disparut dans l'obscurité. Le conducteur descendit de son côté; les deux portières restèrent ouvertes car les hommes ne voulaient pas faire le moindre bruit pour ne pas attirer l'attention. Pierre se redressa avec précaution. Il ne voyait et n'entendait rien. Les ténèbres avaient englouti complètement les deux hommes. Dans cette rue où les lampadaires étaient très espacés, le conducteur avait eu soin de s'arrêter à l'endroit le plus sombre et avait 81
éteint les phares en même temps qu'il coupait les gaz. Pierre se pencha par-dessus la banquette et alluma les feux de position. Dans l'obscurité un camion ou un autre véhicule aurait pu heurter la voiture et causer un accident. Il regrettait de ne pas savoir conduire..., d'ailleurs il était beaucoup trop jeune pour avoir un permis. Que faire maintenant ? Jeannette s'assit sur les coussins; elle tremblait encore. « Où sommes-nous ? demanda-t-elle. Les hommes sont partis ? — Oui. Nous ne risquons rien, Jeannette; je ne crois pas qu'ils reviennent, dit Pierre. Ma parole, je me demande d'où ils sortent et pourquoi ils ont emprunté la voiture pour venir ici. Quelle affaire I Nous nous lamentions hier soir de l'absence d'aventure et en voilà une qui nous tombe du ciel. 82
— Je n'aime pas beaucoup les aventures quand il fait noir, gémit Jeannette, Qu'allons-nous faire? — Il faut avertir papa, dit Pierre. Il doit être encore à la gare... à moins qu'il ne soit rentré à la maison. Mais le trajet n'a duré que quelques minutes. Je vais essayer de trouver une cabine téléphonique et je téléphonerai à la gare pour demander si papa y est encore. — Je ne veux pas rester seule dans la voiture, s'écria Jeannette. Quel dommage que Moustique ne soit pas avec nous ! Sa présence me rassurerait. — Si Moustique était là, ces hommes se seraient bien gardés de prendre la voiture, déclara Pierre en sautant à terre. Ses aboiements les auraient mis en fuite I Viens, Jeannette, descends. Je vais fermer les portières. » Il joignit l'acte à la parole. Jeannette l’éclairait avec la lampe électrique. 83
Puis ils se mirent à la recherche d'une cabine téléphonique publique. La chance leur sourit; ils en trouvèrent une juste au coin de la rue. Pierre y entra, glissa une pièce de monnaie dans la fente et appela la gare. « Allô ! dit la voix d'un employé à l'autre bout du fil. — Ici Pierre Dufour, dit le jeune garçon. Est-ce que par hasard mon père serait encore à la gare ?
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— Oui, répondit l'employé. Il prend livraison de ses colis. Vous voulez lui parier ? Attendez un moment, je vais l'appeler. » Quelques instants plus tard, Pierre entendit la voix de son père. « Allô ? Qui est à l'appareil ? Comment, c'est toi, Pierre ? Tu n'es pins dans la voiture? Tu as quitté la cour de la gare ? Ou es-tu ?» Pierre expliqua ce qui s'était passé. Son père l’écouta avec stupéfaction. « Ça alors ! Deux voleurs qui ont pris ma voiture sans se douter que tu étais dedans avec Jeannette ! C'est un peu fort. Où es-tu ? — Jeannette vient de demander à un passant, répondit Pierre. Nous sommes dans la rue de la Liberté, pas très loin de la GrandRue. Tu viens nous chercher, papa ? Nous surveillerons la voiture en attendant. — Oui. Je vais prendre un taxi, expliqua le père. Décidément, on aura tout vu !»
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Jeannette et Pierre remontèrent dans la voiture. Ils savaient que leur père arriverait dans quelques minutes et ils n'avaient plus peur. Ils étaient au contraire ravis et pénétrés de leur importance. « Il faut que nous réunissions le Clan des Sept le plus tôt possible, déclara Pierre. La police va rechercher les voleurs et nous l'aiderons. C'est Suzie qui en fera un nez !»
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CHAPITRE VIII Nouvelle réunion.
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CHAPITRE VIII Nouvelle réunion. minutes plus tard, un taxi s'arrêtait près de la voiture et le père des enfants sautait à terre. « Nous sommes là ! » cria Jeannette pendant que son père payait le chauffeur. Il courut à eux, ouvrit la portière et s'assit au volant. « Eh bien ! J'étais loin de me douter que ma voiture avait quitté la cour de la gare. Les voleurs ne vous ont pas maltraités ? QUELQUES
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— Oh ! non, dit Pierre. Nous étions à moitié endormis à l'arrière. Ils n'ont même pas soupçonné notre présence et sont venus tout droit ici. Puis ils sont partis. Ils ont à peine échangé quelques mots. — Ce n'étaient pas de vrais bandits, je suppose, remarqua le père. Sans doute deux jeunes idiots qui ont voulu s'épargner une course à pied. Je ne prendrai pas la peine de porter plainte. On ne retrouverait sûrement pas les coupables et ce serait une perte de temps pour tout le monde. Je rentre en possession de ma voiture, c'est l'essentiel. » Les deux enfants éprouvèrent une vive déception; leur aventure allait finir à peine commencée. « Vraiment, tu n'avertis pas la police ? demanda Pierre tout déconfit. Et si ce sont vraiment des voleurs ? — Tant pis. Je n'ai pas de temps à perdre, dit son père. Un jour ou l'autre, 89
ils se feront arrêter pour d'autres méfaits. Heureusement, vous avez eu le bon sens de ne pas faire de bruit. » Leur mère manifesta une vive émotion mais conclut aussi qu'il s'agissait d'une frasque de deux écervelés. La réaction de Jacques à qui Pierre téléphona pour raconter les événements de la soirée fut toute différente. « Ma parole ! Ça, alors ! J'aurais bien voulu être avec toi ! cria-t-il, la main crispée sur le combiné. Il faut nous réunir le plus tôt possible» Demain après l'école ? Je me charge d'avertir les autres. Je.... Chut! chut ! — Qu'est-ce qui te prend ? demanda Pierre. Ah ! je comprends : c'est cette peste de Suzie qui rôde autour de toi. Bon. A demain. » Le lendemain après-midi, à quatre heures et quart, tous les membres du Clan des Sept étaient réunis dans la remise. Moustique, tout émoustillé, courait de l'un 90
à l'autre. Il devinait que des événements sensationnels se préparaient.. Le poêle à pétrole était déjà allumé et répandait une douce chaleur. Les rideaux étaient bien tirés sur les fenêtres pour protéger les Sept des regards indiscrets. Personne n'avait eu le temps de se munir de provisions pour le goûter, mais heureusement Georges avait reçu de sa grand-mère un sac de berlingots. Il le tendit à la ronde. « Chic ! s'écria Jacques. Tu as de la chance d'avoir une grand-mère qui achète de si gros berlingots; ils mettent un temps fou à fondre dans la bouche. Un seul dure au moins une heure. » Ils s'assirent sur des caisses ou sur de vieux tapis, la joue gonflée par un berlingot à la menthe. Moustique flaira le bonbon qu'on lui offrit et jugea que ce genre de friandises ne convenait pas à un chien. Les enfants lui ordonnèrent 91
de se coucher contre la porte et d'écouter au cas où un intrus approcherait, par exemple cette horrible Suzie où un de ses amis. Pierre raconta ce qui s'était passé la veille; tous étaient suspendus à ses lèvres. « Ton père n'avertit pas la police ? s'écria Colin. Alors nous avons le champ libre. En avant, Clan des Sept ! C'est le moment ou jamais de montrer de quoi nous sommes capables. — C'est palpitant, dit Pam. Mais qu'allons-nous faire ? Qu'y a-t-il à découvrir ? Moi, je ne saurais même pas par où commencer. — Je vais vous dire ce que je pense, déclara Pierre en changeant son berlingot de joue. Je crois que ces hommes complotent un mauvais coup. Je ne sais pas quoi, mais il faut le découvrir. — Comment ? demanda Pam. Et si ce sont de dangereux malfaiteurs... 92
— Toi, si tu ne veux pas participer à cette affaire, rien ne t'empêche de donner ta démission du Clan, dit Pierre avec irritation. Nous ne te retenons pas. La porte est là-bas, mademoiselle Paméla. » Effrayée par cette menace, Pam fit aussitôt amende honorable et oublia même de s'emporter contre le prénom détesté. « Oh ! non, je veux travailler avec vous; je vous aiderai autant que je pourrai. Dis-nous ce qu'il faut faire, Pierre. — Nous ne savons pas encore grandchose, dit Pierre. Excusez-moi, mais je ne peux pas parler avec ce berlingot dans la bouche. Il faut que je l'enlève. Là, c'est mieux. Non, Moustique, ne viens pas le lécher. Tu n'aimes pas les berlingots à la menthe, on t'en a offert un et tu l'as refusé.» Pierre posa le bonbon sur un morceau de papier propre et reprit le fil de son discours. 93
«- Nous sommes encore dans le noir, commença-t-il. Mais nous avons tout de même quelques indices. Par exemple le café Chez Simon. Il faut découvrir où il se trouve et guetter l'arrivée de ces hommes. Alors nous pourrons les prendre en filature. Tous les jours à cinq heures nous surveillerons le café. — Continue, dit Georges. — Puis il y a R 80-61. C'est probablement un numéro de téléphone. Et R représente la ville. Il faudra chercher. — C'est stupide, protesta Pam. Tant de villes commencent par R : Rouen, Romorantin, Roanne, Roubaix, et bien d'autres. » Pierre fit la sourde oreille. « Un des hommes, celui qui conduisait, portait un chapeau à bords rabattus d'où dépassaient des cheveux longs
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qui tombaient sur son col. Et j'ai l'impression qu'une phalange manquait à un des doigts de sa main droite. Je l'ai aperçue juste une seconde à la clarté d'un lampadaire, mais j'en suis presque sûr. — Et l'autre avait les cheveux très courts, presque ras, dit brusquement Jeannette. Je l'ai bien remarqué. Oh I Pierre... tu te rappelles ?... il a dit qu'il avait laissé tomber quelque chose dans la voiture. Tu crois que c'est vrai ? Nous n'avons pas regardé. Je ne sais pas ce que c'était, mais il ne l'a pas retrouvé. — Mais oui, j'avais oublié 1 s'écria Pierre. C'est très important. Allons tout de suite voir ça. Prenez vos lampes électriques, les Sept. »
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CHAPITRE IX Le Clan des Sept se met à l'œuvre.
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CHAPITRE IX Le Clan des Sept se met à l'œuvre. traversa le jardin sur les talons des Sept. Jacques jeta un regard autour de lui pour s'assurer que Suzie et ses amis n'étaient pas cachés derrière un massif, mais Moustique ne fit pas entendre le moindre jappement. Il en conclut donc que sa sœur les laisserait tranquilles ce jour-là. Ils entrèrent dans le garage. Par bonheur la voiture était là. Les enfants OUSTIQUE
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ouvrirent les portières et regardèrent à l'intérieur. « Inutile de chercher à l'arrière, dit Pierre. Les hommes étaient devant. » Il tâta partout et promena dans tous les coins le rayon de sa lampe électrique. Le garage était obscur car, en février, les jours sont encore très courts et le temps était gris. « Rien ! annonça-t-il découragé. — Attends que je regarde à mon tour, dit Jeannette. Une fois j'avais laissé tomber un crayon et je l'ai cherché pendant des heures; il était coincé entre les deux sièges.» Elle glissa les doigts entre les coussins et, après avoir tâtonné un moment, elle poussa un cri et retira un objet. Un étui à lunettes. Elle le brandit en l'air, triomphante. « Regardez ! C'était son étui à lunettes qu'il avait perdu. 98
— Mais il ne portait pas de verres, protesta Pierre. — Il ne les mettait peut-être que pour lire, dit Jeannette. Comme grand-mère ! » Elle ouvrit l'étui. Il était vide. La fillette poussa un autre petit cri. « Regardez. Il y a son nom à l'intérieur. Qu'est-ce que vous en dites ? Et son numéro de téléphone ! Maintenant nous avons une piste. »
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Les autres se groupèrent autour d'elle. Jeannette montra à l'intérieur une petite étiquette qui portait un nom et un numéro : « H. Vermont. Blainville 21-50. » « Blainville... ce n'est pas loin d'ici, dit Pierre. Nous n'avons qu'à prendre l'annuaire et nous trouverons sûrement son adresse ! Nous le tenons, notre bonhomme!» Tous partageaient sa joie. Jacques allait refermer la portière quand il se rappela que personne n'avait regardé sous le siège où le propriétaire des lunettes était assis. Il aperçut dans un coin du garage une petite baguette de bambou et la prit pour fourrager sous la banquette; un bouton roula sur le plancher. « Regardez ! » dit Jacques en le ramassant. Pierre jeta un coup d'œil. « Il a pu tomber de l'imperméable
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de papa et il est peut-être là depuis des mois », remarqua le chef du Clan. Il le mit dans sa poche et tous retournèrent au quartier général du Clan. « Le plus pressé est de trouver l'adresse de ce M. Vermont, déclara Pierre. Nous irons le voir et nous lui mettrons l'étui sous les yeux. Je ne lui laisserai pas le temps de revenir de sa surprise et je lui demanderai : « Que faisiez-vous dans la voiture de mon père ?» Je suis sûr que le commissaire de police serait content que nous lui fournissions le nom et l'adresse d'un des hommes qui se sont emparés de l'auto de papa. Il l'obligerait sans doute à révéler l'identité de son-compagnon. » Après ce long discours, Pierre était à bout de souffle. Les autres le regardèrent avec admiration. « Bien. Cherchons tout de suite l'adresse de ce Vermont, dit Jacques. Il faut battre le fer pendant qu'il est 101
chaud. J'ai une faim de loup et je connais à Blainville une pâtisserie où il y a des macarons formidables. J'en ai mangé cinq l'autre jour. — Tu étais probablement avec quelqu'un qui les a payés, remarqua Colin. Partons vite. Cela commence à devenir intéressant.... Dis, Pierre, tu seras notre porte-parole auprès de M. Vermont. — Vous avez tous vos bicyclettes ? demanda Pierre. Bon. Allons consulter l'annuaire. Monsieur Vermont, vous n'avez qu'à bien vous tenir ! » L'annuaire leur fournit le renseignement désiré. M. Henri Vermont habitait la villa des Glycines, avenue du Parc à Blainville. Numéro de téléphone 2150. Pierre copia avec soin l'adresse. « Vous avez tous assez d'argent pour les macarons ? » Colin n'avait qu'un peu de monnaie; Pierre offrit de lui prêter ce qui lui 102
Il aperçut une petite baguette de bambou. 103
manquerait. Ils n'avaient plus qu'à partir. Pierre avertit sa mère qu'ils partaient en promenade à bicyclette et goûteraient en route. Elle leur recommanda d'être prudents. Le trajet n'était pas long. Bientôt ils arrivèrent à Blainville. « Si nous goûtions d'abord ? proposa Georges en regardant avec envie la vitrine d'une pâtisserie. — Non. Le travail passe avant le plaisir», décida Pierre. 104
Ils se rendirent donc à l'avenue du Parc. La coquette villa des Glycines s'élevait au milieu d'un jardin bien entretenu. « Ce n'est pas ainsi que je me représentais l'habitation d'un bandit, remarqua Jacques. Maïs on ne sait jamais. Vois, Pierre, il y a quelqu'un dans le jardin. Eh bien, nous allons voir comment tu te tires d'affaire. Fais-lui avouer qu'il a laissé son étui à lunettes dans la voiture de ton père. — Vous allez voir ce que vous allez voir », dit Pierre, et il se dirigea hardiment vers la grille. « Bonjour, monsieur. Vous êtes M. Vermont ? »
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CHAPITRE X Pierre rougit de honte.
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CHAPITRE X Pierre rougit de honte. DÉJÂ Pierre était sûr que celui qui se tournait vers lui n'était pas un des voleurs de la voiture. Il avait une grosse tête ronde et un visage poupin; or le jeune garçon avait gardé le souvenir de figures longues et maigres entrevues à la clarté d'un lampadaire. L'homme interpellé parut un peu surpris. « Non, répondit-il, je ne suis pas M. Vermont, mais un de ses amis; je
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passe quelques jours chez lui. Vous voulez le voir ? Je peux l'appeler.» Pierre éprouva un peu d'embarras. Cette coquette villa, entourée d'un joli jardin, n'avait vraiment pas l'air d'un repaire de bandits. « Henri ! On te demande ! » cria l'ami de M. Vermont. Les autres membres du Clan étaient sur des charbons ardents. « Henri » serait-il un des malfaiteurs qu'ils cherchaient ? , Un homme sortit de la maison; il avait des cheveux courts, un visage long. Oui, il répondait à peu près au signalement de l'individu assis à droite du conducteur..., mais il n'avait vraiment pas la tête d'un voleur de voitures. « Les apparences sont parfois trompeuses », pensa Pierre. Le nouveau venu lui jeta un regard interrogateur.
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« Que désirez-vous ? demanda-t-il. — Vous êtes bien M. Henri Vermont, monsieur ? — Oui, répondit l'autre, un sourire amusé au coin des lèvres. Pourquoi ? — Vous n'auriez pas perdu un étui à lunettes ?» Derrière la grille, les Sept attendaient, haletants. Quelle serait la réponse ? « Oui, j'en ai bien perdu un, dit M. Vermont surpris. Vous l'avez trouvé ? Où était-il ? — Dans une voiture, entre les deux coussins de la banquette avant », répliqua Pierre, le regard fixé sur lui. Si M. Vermont n'avait pas la conscience tranquille, il paraîtrait gêné ou nierait. Il comprendrait que l'étui l'accusait et il n'oserait pas dire « Oui, c'est bien le mien I » « Quelle chose extraordinaire ! s'écriat-il. La voiture de qui ? Vous avez un air bien mystérieux, mon garçon. 109
C'est assez banal de perdre un étui à lunettes. — Il a été laissé hier soir dans la voiture de mon père, déclara Pierre, fixant toujours son interlocuteur. — Impossible, répliqua aussitôt M. Vermont. Je l'ai perdu il y a huit jours. L'étui dont vous parlez ne m'appartient pas. Hier je ne suis pas sorti de chez moi. — C'est l'homme que nous cherchons, j'en suis sûre, dit tout bas Pam à Jeannette. Il raconte des mensonges. — L'étui porte votre nom, dit Pierre. Nous savons donc qu'il est à vous. Et nous l'avons trouvé dans la voiture de mon père. — Qui est votre père ? dit M. Vermont perplexe. Je ne comprends pas très bien ce que vous insinuez. Et où est-il, cet étui ? — Mon père habite le faubourg du Vieux Moulin, commença Pierre. IL...
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— Pas possible ! Ce ne serait pas mon ami Raymond, par hasard ? s'écria M. Vermont. Alors tout s'explique. Il a eu la gentillesse de m'offrir une place la semaine dernière; c'est ce jour-là que j'ai dû laisser tomber mon étui. Je l'ai cherché partout chez moi et je n'ai pas pensé à la voiture. Vous me le rapportez ? — Oh î vous êtes l'ami Henri de papa ? dit Pierre déconcerté. Mon Dieu ! Je suppose que vous avez perdu l'étui la semaine dernière et pas hier soir comme je l'ai cru. Le voici, monsieur. Votre nom et votre numéro de téléphone sont à l'intérieur. C'est comme cela que nous avons su qu'il était à vous. » Il tendit l'étui à M. Vermont qui le prit en souriant. « Merci, dit-il, et maintenant expliquezmoi vos airs de mystère; pourquoi étiezvous sûr que j'avais perdu mon
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étui hier soir et pourquoi me regardiezvous d'un air soupçonneux ? » Pierre entendit les rires étouffés de ses camarades et rougit. Il ne savait vraiment que dire. « Eh bien, balbutia-t-il enfin, hier soir, deux hommes ont pris la voiture de papa et l'ont abandonnée dans une rue; aujourd'hui, entre les coussins de la banquette, nous avons trouvé l'étui et nous avons pensé qu'il appartenait à l'un d'eux. » M. Vermont rit de bon cœur. « Vous jouez au détective ? Eh bien, je regrette de vous décevoir, mais je n'ai encore jamais volé de voiture. Merci de m'avoir rapporté mon étui. Prenez ceci et achetez des bonbons; vous les partagerez avec vos jeunes amis qui nous regardent par-dessus la haie. — Oh ! non, monsieur, protesta Pierre avec un mouvement de recul.
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Je ne veux rien. Je suis très content de vous avoir rendu service. Au revoir, monsieur. » Il se hâta de sortir du jardin, pressé de fuir le sourire ironique de M. Vermont. Quelle affreuse méprise ! Il enfourcha sa bicyclette et s'éloigna rapidement, suivi par ses amis. D'un commun accord, ils s'arrêtèrent devant la pâtisserie. « Ouf ! dit Pierre en s'essuyant le front. J'ai eu chaud ! Je ne savais plus où me fourrer. Papa parle souvent de son ami Henri, mais j'ignorais son nom de famille. — Nous qui nous croyons si intelligents, nous avions l'air fin ! renchérit Colin. L'étui n'appartenait pas aux voleurs, soit, mais le bouton ? — Je n'ai pas l'intention d'interpeller tous les hommes dont l'imperméable aura plus de boutonnières que de boutons, déclara Pierre. La gaffe que je 113
viens de faire me suffit. Si M. Vermont raconte l'histoire à papa, je serai grondé. — Ne t'inquiète donc pas d'avance, conseilla Jacques. Nous, nous avons bien ri. Goûtons. Cela te remontera le moral. Oh ! ces macarons, tu ne trouves pas qu'ils sont appétissants ? J'en mangerai au moins trois. » Les macarons à eux seuls valaient le déplacement. Et maintenant, qu'allez-vous faire, Clan des Sept ?
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CHAPITRE XI A chacun sa tâche.
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CHAPITRE XI A chacun sa tâche. LE LENDEMAIN, le Clan des Sept se réunit de nouveau, mais cette fois chez Colin, dans un petit kiosque au fond du jardin, beaucoup moins confortable que la remise de Pierre, car tout un côté était ouvert et les enfants n'avaient pas la permission d'y allumer un poêle à pétrole. Les Sept avaient été invités à goûter par la mère de Colin. Retourner au Vieux Moulin pour y tenir leur réunion 116
leur aurait fait perdre trop de temps. Le petit kiosque, malgré ses inconvénients, leur fournissait un refuge où ils pouvaient parler en toute liberté. « Nous apporterons nos pièces pour le feu d'artifice et nous les passerons en revue, avait dit Pierre. Nous y avons à peine jeté un coup d'œil les deux dernières fois que nous nous sommes réunis et le Mardi gras n'est pas loin. Il faut absolument que nous fassions notre inventaire. » Les Sept arrivèrent donc chez Colin chargés de pétards et de fusées. Ils eurent un excellent goûter, avec toutes les friandises qu'ils aimaient. « Des tartines de miel, un cake bourré de fruits confits, un magnifique moka, des biscuits secs. Dis donc, Colin, ta mère est épatante ! s'écria Pierre d'un ton convaincu. Est-ce qu'elle ne goûtera pas avec nous ? J'aimerais beaucoup la remercier. 117
— Non; elle est chez ma tante qui est malade, et elle rentrera tard, répondit Colin. Elle nous recommande d'être sages et de bien nous couvrir si nous allons dans le kiosque car la soirée sera fraîche. — Bon, dit Pierre. Nous mettrons nos manteaux et nos cache-nez. Les mamans insistent toujours sur ces détails. En ce qui me concerne, je trouve qu'il ne fait pas froid du tout aujourd'hui. » En quelques instants tous les gâteaux avaient disparu et les assiettes étaient vides. Invité lui aussi, Moustique avait croqué des biscuits de chien tartinés de rillettes et, en guise de dessert, il rongeait un os avec tous les signes d'un vif contentement. « Filons au kiosque maintenant, déclara Colin. Nous prendrons une bougie car il fait déjà nuit. Et n'oubliez pas vos manteaux.
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— Ni les fusées », dit Pierre. Chargés de paquets, ils quittèrent la maison. Le kiosque avait un banc de bois pour unique mobilier et son atmosphère était froide et humide. Les Sept s'y trouvaient pourtant très bien. Au fond du jardin obscur, ils étaient à l'abri des oreilles indiscrètes. La bougie, enfoncée dans le goulot d'une bouteille, fut allumée. Comme il n'y avait ni table ni étagère où la poser, Colin la plaça par terre au milieu du kiosque. « Attention que Moustique ne la renverse pas, remarqua Pierre. Où est-il ? — Il est allé à la cuisine faire des amabilités à notre femme de ménage, dit Colin. Il ne tardera pas à nous rejoindre. Mettez les fusées sur le banc pour le moment. Là, c'est bien. Nous les examinerons quand nous aurons réglé les questions importantes. — Commençons tout de suite, dit 119
Pierre. A cause de notre erreur stupide sur l'étui à lunettes, nous n'avons fait aucun progrès. Dépêchons-nous de réparer le temps perdu. D'abord, ce café Chez Simon, avez-vous une idée de ce que c'est ?» Il y eut un silence. « Je n'ai jamais entendu ce nom, dit enfin Jacques. — J'imagine que c'est le lieu de rendez-vous de bandits comme ces deux hommes qui ont volé la voiture de papa, remarqua Pierre. — Etienne pourrait peut-être nous renseigner, dit Colin qui avait grande confiance dans le jeune commis du garage. Il connaît beaucoup de camionneurs et de chauffeurs de taxi; les gens qui circulent tout le temps en ville ont sûrement repéré tous les cafés. — Oui, c'est une bonne idée, approuva Pierre. Colin et toi, Georges, vous irez voir Etienne demain. Que 120
faire de plus ? Et ce numéro dont ont parlé les hommes.... Qu'est-ce que c'était ? — R. 80-61, répondit promptement Pam. Je crois que c'est un numéro de téléphone. Mais R représente quelle ville? Rouen, Roanne, Romorantin.... ? — A moins que ce ne soit Rabat ou Rio de Janeiro, ajouta .Babette en pouffant. — Si vous ne pensez qu'à rire, nous
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n'arriverons à rien, s'écria Pierre avec impatience. Le complice des voleurs ne doit pas être très loin; cherchez si dans les environs il n'y a pas de villages dont le nom commence par R. Qu'y a-t-il encore ? — Le bouton que nous avons trouvé dans la voiture, dit Jacques. — Il appartient sans doute à un imperméable de papa. Je te l'ai déjà dit, répliqua Pierre. — Il faut nous en assurer, déclara Jacques. Tu nous recommandes toujours de ne rien laisser au hasard, Pierre. Il y a des centaines de modèles de boutons. — Tu as peut-être raison, dit Pierre. Oui, je crois que tu as raison. Jeannette, tu regarderas l'imperméable de papa. Je sais qu'un bouton manque; je suppose donc que c'est celui que nous possédons. Mais mieux vaut yérifier.
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— Et moi ? tu ne m'as rien donné à faire ! protesta Jacques. — Eh bien, si Jeannette nous rapporte une réponse négative, tu auras du travail, répondit Pierre en riant Tu te promèneras dans les rues et chaque fois que tu rencontreras un homme en imperméable, tu iras compter ses boutons. — Ne dis pas de bêtises, s'écria Jacques. Si ce bouton n'est pas à ton père, il appartient à l'un des voleurs et c'est une pièce à conviction. Je m'en occuperai. — Bien, dit Pierre. La séance est levée. Parlons un peu du feu d'artifice. »
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CHAPITRE XII Catastrophe !
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CHAPITRE XII Catastrophe ! COLIN et Jacques prirent les paquets sous le banc du kiosque. Tous les Sept s'agenouillèrent par terre et se mirent en devoir de les défaire. C'était très amusant. « Dommage que nous ne soyons pas mieux éclairés; la flamme de cette bougie vacille, dit Pam. C'est très difficile de lire ce qui est écrit sur les boîtes. » Ils s'efforçaient de lire lés noms des fusées à la clarté incertaine quand ils entendirent une course précipitée 125
accompagnée de jappements. Mis à la porte de la cuisine Moustique cherchait ses amis. Où étaient-ils ? Ouah ! Ouah ! Ouah! « Moustique ! cria Jeannette dans le kiosque. Nous sommes ici ! » Moustique arriva à fond de train en aboyant de toutes "ses forces. On aurait pu croire qu'il avait été séparé des sept enfants pendant un mois et non pendant une heure. Il se précipita dans le petit kiosque et, vlan ! renversa le chandelier improvisé. « L'animal ! » s'écria Pierre en tendant la main pour redresser la bouteille. Sans s'éteindre, la bougie était tombée sur un paquet de fusées. Déjà des étincelles jaillissaient, des crépitements se faisaient entendre. « Attention, Pam ! Attention, Babette ! » cria Pierre. Pan ! pan !... boum ! boum !...
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Six fusées au moins éclataient en même temps. Ce fut un sauve-qui-peut général.... Les sept enfants et Moustique s'enfuirent à toutes jambes du petit kiosque et s'arrêtèrent à distance respectueuse. Les papiers des emballages flambaient à leur tour et le feu se communiquait à un fagot que le jardinier avait rangé dans un coin. Pan ! pan !... Boum ! Boum !... Les enfants se serrèrent les uns contre les autres, effrayés et consternés. Moustique, pris de panique, avait complètement disparu. Ssss !... Une fusée jaillit du kiosque et Colin eut juste le temps de sauter de côté pour l'éviter. Pierre entraîna toute la bande un peu plus loin; Colin tomba dans un buisson de houx et hurla si fort que ses amis crurent que la fusée l'avait atteint
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« Il n'y a pas moyen de sauver le reste? cria Jacques, désespéré du destin piteux de leur beau feu d'artifice. — Non. Tu serais asphyxié ou brûlé ! s'écria Pierre. Oh ! mon Dieu ! qu'est-ce que c'est que ça ? — Ma chandelle romaine ! Ma chandelle romaine ! » gémit le pauvre Jacques en voyant des boules de feu, rouges et vertes, s'élever vers les cieux. « Elle m'avait coûté si cher ! — De l'eau ! Vite de l'eau ! ordonna Colin. Le kiosque risque de prendre feu !» Ils coururent chercher des seaux qu'ils remplirent à la pompe. L'eau ruissela sur le brasier qui s'éteignit en grésillant. Des flots d'épaisse fumée noire sortirent du petit pavillon. Les Sept furent à demi suffoqués. « Pouah ! s'écria Jacques en toussant. Quelle horrible odeur ! — Heureuserrent que ta mère n'est
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pas là, dit Pierre à Colin en apportant un dernier seau d'eau. Elle serait affolée. Là, je crois que le feu est éteint. Oh ! cette fumée ! » La réunion qui avait commencé par un si bon goûter s'achevait en désastre. Babette pleurait à chaudes larmes. Pendant des semaines, elle s'était privée de bonbons pour acheter des fusées et tout son argent se transformait en une fumée noire et nauséabonde. « Quelle guigne 1 dit Pierre qui avait la gorge serrée. Au diable Moustique ! C'est sa faute. Où est-il ? — Il est retourné à la maison en quatrième vitesse, je suppose, dit Jeannette. Si au moins il avait un livret de caisse d'épargne comme nous, il nous achèterait d'autres fusées. Adieu notre feu d'artifice ! — Nous aurons un triste Mardi gras, renchérit Jacques. Partons. Excusenous, Colin, d'avoir mis le kiosque dans 129
cet état. Je viendrai demain et je t'aiderai à nettoyer. » Ils allaient franchir la grille du jardin lorsque Jeannette s'arrêta et les retint. « Dites donc, nous avons encore oublié de choisir un nouveau mot de passe ! s'écria-t-elle. Suzie connaît l'ancien et il nous en faut un autre. Elle l'a crié sur les toits. — C'est vrai, approuva Pierre. Je n'y pensais plus. Que diriez-vous de « feu d'artifice » ? Il me semble que ce serait de circonstance. — Tout à fait, dit Colin. Quelle tuile ! Je n'aime pas du tout ce genre d'aventure. Au revoir à tous. A demain. » La tête basse, les enfants regagnèrent la maison. Gros nigaud de Moustique ! Sa maladresse leur coûtait cher !
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CHAPITRE XIII « Chez Simon ».
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Une inspiration lui venait… 132
une inspiration géniale. 133
CHAPITRE XIII « Chez Simon ». LE LENDEMAIN,
qui était un dimanche, n'apportait pas de joyeuses perspectives. Les Sept se retrouvèrent à la fin de la matinée, moroses et silencieux. Tous broyaient du noir. Le congé du carnaval qu'ils attendaient avec tant d'impatience débutait vraiment mal. « Moustique est rentré tout droit à la maison hier soir, dit Jeannette à ses amis. Il s'est caché derrière le divan, tremblant des pieds à la tête; il a terriblement peur des 134
pétards et des fusées. — Comme tous les chiens, remarqua Pam. Nous enfermons toujours le-nôtre le soir du feu d'artifice. — Pauvre Moustique ! Vous lui avez pardonné ? — Il était si malheureux, dit Jeannette. Il n'a pas fait exprès de renverser la bougie, c'est un accident. Nous l'avons caressé et nous lui avons dit des petits mots d'amitié, et quand il a compris que nous ne le gronderions pas, il s'est assis tout près de nous et il a mis sa tête sur mes genoux. — C'est un amour de chien, dit Babette. Mais tout de même, ce qui nous est arrivé est bien affreux. — J'en ai complètement oublié notre aventure, déclara Pam. Demain, sans faute, nous nous en occuperons. N'est-ce pas Babette ? — Il faut que nous trouvions ce 135
numéro de téléphone R. 80-61. Je ne sais pas trop comment. — Attendons à demain, conseilla Babette. Aujourd'hui je ne peux penser qu'à mes pauvres fusées. » Ils se séparèrent pour rejoindre leurs parents et passèrent l'après-midi avec eux. Pas de classe le lundi, veille du Mardi gras. Tous se levèrent tard. Après avoir fait quelques commissions pour leur maman, Georges et Colin se rendirent au garage pour demander des renseignements à leur ami Etienne. Le jeune homme grignotait un sandwich. « Bonjour, Etienne, dit Colin. Est-ce que par hasard tu connaîtrais un café qui s'appelle Chez Simon ? — Non, répondit Etienne. Mais un camionneur ne va pas tarder à venir, il fait tous les jours le plein d'essence à la même heure. Attendez-le; il pourra peut-être vous renseigner. » 136
Le camion arriva trois ou quatre minutes plus tard, et le conducteur, homme aux larges épaules, descendit et interpella gaiement Etienne. « Je m'en vais déjeuner, dit-il. Je reviendrai chercher mon camion d'ici une heure. — Dis, Charles, est-ce que tu vas quelquefois dans un café qui s'appelle Chez Simon ? demanda Etienne. — Non, jamais. — Mais tu connais ? — Oui, vaguement. Il me semble que c'est celui qui fait le coin de la rue du Commerce et de la rue de l'Entrepôt. Une maison pas très recommandable, à en juger par l'apparence.... Tu as l'intention d'y aller? — Oh ! non. Je te demandais ça parce que j'en ai entendu parler, c'est tout. — Bon. Alors, à tout à l'heure, Etienne. N'oublie pas de mettre de 137
l'eau dans mon radiateur, hein ! » Le camionneur s'éloigna. « Merci, Etienne, dit Colin. Viens, Georges, allons jeter un coup d'œil à ce café. Nous avons juste le temps avant le déjeuner. » A l'angle de la rue du Commerce et de la rue de l'Entrepôt, se trouvait en effet un petit café d'aspect assez sordide. Le nom Chez Simon était peint sur la vitre sale de la porte. Les garçons jetèrent un coup d'œil à l'intérieur. Debout devant le comptoir, des hommes mangeaient des sandwiches et buvaient du café ou du vin rouge. Quelques clients un peu mieux habillés, assis à des tables, prenaient un repas chaud servi par une grosse fille rieuse. « Voilà donc Chez Simon, dit Colin. Je me demande où est le propriétaire. — Dans la cuisine peut-être, dit Georges. Je n'aperçois que des serveuses. 138
Eh bien, puisque nous savons qu'un de nos voleurs vient presque tous les jours ici vers cinq heures, l'un de nous montera la garde. — Il faudra que ce soit Pierre, dit Colin. Nous n'avons jamais vu cet homme. Lui le reconnaîtra sans doute au premier coup d'œil. — Oui. Mais ce ne sera pas facile de rôder par là en regardant les gens, dit Georges. On lui demandera ce qu'il manigance. Deux d'entre nous paraîtraient encore plus suspects. — Pierre se débrouillera, répliqua Colin. Nous avons rempli notre mission et trouvé le café. Viens vite, ou nous allons être en retard pour le déjeuner. ». Quand Colin et Georges eurent fait leur rapport, Pierre les félicita. « Bon travail, dit-il. J'irai là-bas ce soir. Je me demande si Pam et Babette ont réussi de leur côté, elles aussi. » 139
Jeannette ne revenait pas avec de bonnes nouvelles. « Pam et Babette n'ont rien pu trouver, apprit-elle à Pierre avant de se mettre à table. — Quelles bêtasses ! s'écria Pierre. Elles n'ont rien fait du tout ? — Il y a aux environs une seule localité dont le nom commence par R. Pam l'a cherchée dans l'annuaire : il y avait plusieurs pages de numéros. Alors Pam a pensé que ce serait très long de les passer tous en revue et elle a demandé conseil à sa mère qui lui a répondu : « Tu n'as qu'à téléphoner et tu verras « bien si on te répond. » — C'était bien simple, dit Pierre. — Un peu effrayées, Pam et Babette ont composé le numéro, en se demandant si la personne à l'autre bout du fil voudrait donner son nom et son adresse. Mais c'est la téléphoniste de la poste qui a répondu et qui leur a dit 140
qu'il n'y avait pas d'abonné à ce numéro. Le complice des voleurs de voitures n'habite sûrement pas une ville aussi éloignée que Roanne, Roubaix ou Romorantin... R. 80-61 représente peut-être autre chose qu'un numéro de téléphone, après tout. — Flûte î dit Pierre. Cette piste n'est pas très bonne, j'en ai peur.... Ah ! voilà maman qui nous appelle, Jeannette. Le déjeuner est servi. Ce soir, je monterai la garde devant Chez Simon et je reconnaîtrai peut-être notre voleur. — Je l'espère bien, répliqua Jeannette. Oui, maman, nous venons ! »
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CHAPITRE XIV Une idée géniale.
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CHAPITRE XIV Une idée géniale. d'être sur place, Pierre partit beaucoup plus tôt qu'il n'était nécessaire et courut à l'angle de la rue du Commerce et de la rue de l'Entrepôt. Oui, le café Chez Simon était bien là comme l'avait dit Colin. Quelle heure était-il? Il consulta sa montre-bracelet. Quatre heures moins dix. Eh bien, il pouvait se préparer à une longue attente ! Tant pis. Qui sait si les voleurs ne seraient pas en avance. PRESSÉ
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Pierre flâna sur le trottoir, guettant les passants et surtout, bien entendu, les hommes qui entraient chez Simon et ceux qui en sortaient. Le café avait pour clients des marchands de quatre-saisons dont les charrettes étaient rangées le long du trottoir, des conducteurs de camions, ou des individus aux yeux fuyants, sales et mal rasés. Soudain le jeune garçon sursauta; un homme sortait du café et l'interpellait grossièrement. « Qu'est-ce que tu fais là, espèce de petit voyou ? Tu veux chiper les fruits de ma voiture, hein ? Ce ne serait pas la première fois que je surprendrais des gamins en train de voler ma marchandise. Allez, file ou j'appelle la police. — Je n'ai aucune envie de vos fruits », riposta Pierre, outré, en regardant les pommes ridées, peu appétissantes, qui garnissaient la charrette. 144
« Ah ! ah ! Alors pourquoi restes-tu là ? Les gamins ne se plantent pas pour rien au coin des rues ! Nous te guettions de l'intérieur du café, mes camarades et moi, et nous avons deviné ton manège. » Pierre était suffoqué d'indignation. Comment cet homme osait-il lui parler sur ce ton ? Dans ce quartier, les enfants volaient peut-être des fruits sur les voitures des quatre-saisons ou aux étalages des magasins. « File ou dis-moi ce que tu fais là ! » répéta l'homme en approchant son visage de celui de Pierre. Le jeune garçon ne pouvait révéler la raison de sa présence; il garda donc le silence et s'éloigna, rouge comme une tomate. « Quel grossier personnage ! pensait-il. Je ne peux plus continuer à surveiller le café. Mais qui sait si j'aurais pu reconnaître le voleur de notre voiture ? 145
Je n'ai distingué que son chapeau et ses longs cheveux, et je crois qu'il avait un doigt mutilé à la main droite. » Tout en marchant, il continuait à réfléchir. « Après tout, cet homme ne va peut-être pas chez Simon tous les soirs. Il peut porter une casquette au lieu d'un chapeau, et avoir fait couper ses cheveux. Et s'il avait les mains dans les poches, je ne verrais pas son doigt. C'est décourageant. » Colin habitait non loin de là. Pierre entra chez lui pour le consulter et le trouva en compagnie de Georges et de Jacques. « Tiens, voilà Pierre ! Tu ne surveilles donc pas le café ? » Pierre leur raconta ce qui s'était passé. « Inutile de retourner là-bas, conclut-il tristement. Ce marchand de fruits et ses amis me reconnaîtraient. Je ne peux pas me rendre invisible.
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— Non, approuva Colin. Ça n'arrive que dans les contes de fées. Que veux-tu, à l'impossible nul n'est tenu. N'y pense plus. Viens avec nous dans le kiosque du jardin. Nous avons tout nettoyé et tu auras une surprise. » Ils traversèrent le jardin. Arrivé devant le kiosque, Pierre fit un bond et poussa un cri. « Oh ! Un mannequin de carnaval ! s'écria-t-il avec admiration. Il est vraiment réussi. » Colin, Georges et Jacques avaient bien employé leur temps. Leur mannequin bourré de paille était vêtu d'un vieux pantalon à carreaux et d'une veste de chasse rouge, à boutons dorés, que Jacques avait dénichés dans une malle du grenier. Colin et Jacques avaient choisi pour lui au bazar un masque grotesque : joues rouges, grand nez, air effaré, sourire niais.
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La perruque d'étoupe était coiffée d'une espèce de chéchia ornée d'un pompon. D'immenses souliers peints d'un jaune éclatant complétaient son accoutrement. « Qui représente-t-il ? demanda Pierre en riant. Cadet Roussel ? — Non, il a plus de trois cheveux. Nous l'avons baptisé Mistenflûte. » Mistenflûte semblait suivre leur conversation et leur souriait béatement. « Dommage qu'il ne puisse pas surveiller le café .Simon, remarqua Jacques. Personne ne l'accuserait de vouloir voler des pommes. Il pourrait passer toute la soirée au coin de la rue. » Tous éclatèrent de rire.... Pierre se tut brusquement et regarda le mannequin. Une inspiration lui venait..., une inspiration géniale ! « Dites donc ! Dites donc ! s'écria-t-il en saisissant le bras de Colin qui,
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étonné, sauta en l'air. Vous me donnez une idée. Si je me déguisais avec les frusques de notre ami Mistenflûte, et si je mettais son masque ? Vous m'emmèneriez sur une brouette près du café de Simon. Il y a des tas d'autres mannequins dans la ville, puisque c'est là coutume de les exhiber dès le lundi, et on n'y verrait que du feu. Je pourrais guetter pendant des heures sans qu'on se doute de rien. — Ça alors ! » dirent les trois autres d'une seule voix, et ils contemplèrent Pierre avec admiration. Colin lui assena une tape vigoureuse dans le dos. « C'est une idée formidable ! approuvat-il. Quand te déguiseras-tu ? — Tout de suite, dit Pierre.-Il n'est pas encore cinq heures, Je vais m'habiller, et l'un de vous me brouettera, tous si vous voulez, en cortège ! Ce sera drôle!
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— Tu demandes la permission à tes parents ? interrogea Colin. — Ils ne sont pas à la maison. Et papa sera bien content, après tout, si je fais coffrer les voleurs de sa voiture. — C'est vrai, dit Colin. Mais n'oublie pas ton rôle ! Ne bondis pas hors de la brouette si tu vois ton homme entrer chez Simon 1 — Je resterai aussi immobile qu'un vrai mannequin, répliqua Pierre. Pendant que je m'habille, allez vite prévenir les filles ! »
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CHAPITRE XV Un mannequin pas comme les autres.
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CHAPITRE XV Un mannequin pas comme les autres. minutes plus tard, Jeannette arrivait en courant. Pierre, qui était déjà habillé et mettait la perruque sur sa tête, lui fit part de ses projets. La petite fille l'écouta attentivement. L'admiration lui coupait le souffle. Quelle idée sensationnelle ! Elle regarda son frère d'un air extasié. Quelle chance pour le Clan des Sept d'avoir un chef si perspicace ! Moustique, qui avait suivi Jeannette, QUELQUES
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aboya de toutes ses forces comme pour dire: «Magnifique, Pierre, tu es un as ! » « Moi aussi j'ai une nouvelle à t'annoncer», dit Jeannette, frappée d'un brusque souvenir. « J'ai regardé l'imperméable de papa; un bouton manque, mais c'est un tout petit sur la manche, pas un grand comme celui que nous avons trouvé. Et il n'est pas tout à fait de la même couleur, Pierre. — Alors notre bouton appartient au voleur, dit Pierre satisfait. Donne-le à Jacques. ÏI cherchera son propriétaire. — Nous n'avons pas encore l'explication de R. 80-61, remarqua Jeannette. Je suis presque sûre que c'est un numéro de téléphone, mais de quelle ville ? II y a de quoi s'y perdre. » Pam et Babette arrivèrent à leur tour. Elles restèrent bouche bée devant Pierre métamorphosé en Mistenflûte. La veste rouge était un peu large 153
pour lui et les manches trop longues recouvraient ses mains, ce qui était très commode car s'il remuait les doigts personne ne s'en apercevrait. « Ce que tu es drôle ! dit Jeannette en riant. Mets le masque, maintenant. » Pierre obéit et devint tout pareil au mannequin qui, quelques instants plus tôt, s'offrait à sa vue dans le kiosque. Moustique se recula en grognant. « N'aie pas peur, Moustique, dit Pierre en riant. C'est moi ! — Je pourrais passer près de toi sans te reconnaître, dit Pam. Personne ne pourrait deviner que tu n'es pas un vrai mannequin.» Pierre s'assit dans la brouette. « Oh ! Que je suis mal ! dit-il. Tu n'as pas un coussin, Colin ? » Colin alla chercher une vieille couverture et trois coussins de jardin qui avaient vu de meilleurs jours. La 154
brouette devint ainsi beaucoup plus confortable. Pierre s'installa, adossé aux coussins, les bras ballants et les jambes pendantes. « Il est presque cinq heures, dit Colin. Dépêchons-nous 1 Pas vous, les filles, le café Simon semble trop mal fréquenté.» Les trois garçons partirent en poussant tour à tour la brouette. Pierre gémissait à chaque cahot et Jacques s'assit sur un banc pour s'esclaffer tout à son aise. Une vieille dame s'arrêta devant eux. « Votre mannequin mérite vraiment un prix, dit-elle. Je n'en ai jamais vu d'aussi réussi ! » Et elle s'éloigna en se retournant de temps en temps pour leur adresser des signes d'amitié. Le petit cortège parcourut la rue du Commerce. Pierre regardait les passants à travers les fentes pratiquées pour ses yeux, 155
et faisait des remarques d'une voix étouffée qui amusaient beaucoup ses camarades. Ils arrivèrent enfin devant le café de Simon. La brouette fut montée sur le trottoir, assez près de la porte pour que Pierre pût voir tous ceux qui entraient et qui sortaient. Ses amis se postèrent près de lui. Dès que Pierre reconnaîtrait le voleur, il ferait un signe discret. Si l'homme sortait du café, Georges et Jacques le prendraient en filature; s'il entrait, ils attendraient. Les passants s'arrêtaient pour regarder le mannequin. L'un d'eux lui donna, par jeu, un coup de son parapluie sur le tibia. Pierre eut beaucoup de peine à retenir un cri. « Il est cocasse, ce pantin ! » dit l'homme en s'éloignant. « Colin ! Jacques ! Ne laissez pas les
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gens me cogner comme ça ! chuchota Pierre. Il m'a fait mal. — Comment veux-tu que nous les en empêchions ? répondit Colin tout bas. — Vous pourriez me surveiller un peu mieux, répliqua Pierre. — En tout cas, tu as beaucoup de succès, mon cher Mistenflûte, murmura Georges à l'oreille de Pierre. Tous les passants s'arrêtent pour t'admirer. » Pierre répondit par un grognement. Il était furieux contre ses trois gardiens qui ne le protégeaient pas. Soudain il oublia ses griefs et se raidit. Cet homme qui arrivait, là-bas, ressemblait à l'un des voleurs de la voiture. Etait-ce bien lui ? Pierre craignait de se tromper. « Pourvu, oh ! pourvu qu'il s'approche ! » pensait le jeune garçon, le coeur battant et la gorge serrée.
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CHAPITRE XVI Une filature passionnante.
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CHAPITRE XVI Une filature passionnante. L'HOMME s'approcha et resta debout près de la porte du café, comme s'il attendait quelqu'un. Il était coiffé d'une casquette et ses cheveux étaient assez longs. Pierre, plus immobile que jamais, ne le quittait pas des yeux. « Notre voleur portait un chapeau à grands bords, pensait-il. Celui-ci a une casquette... mais ses cheveux sont de la même longueur et atteignent son col. L'homme fit quelques pas et eut une 159
petite toux impatiente. Il prit un paquet de cigarettes dans sa poche et en tira une. Il se tourna un peu pour l'allumer à l'abri du vent... et tous les doutes de Pierre furent dissipés. « La première phalange de son médius a été coupée, pensa-t-il. Je l'ai vu nettement à la lueur de son briquet. C'est notre voleur. Il attend peut-être son compagnon. » Presque au même instant, le complice fit son apparition. Sa casquette et ses cheveux presque ras ne pouvaient pas appartenir à un autre. La visière était baissée sur ses yeux, exactement comme dans la voiture. Il portait un vieil imperméable. Pierre essaya de voir si un bouton manquait. Les deux hommes échangèrent quelques mots et entrèrent dans le café. Ils se dirigèrent vers une porte au fond de la salle, l'ouvrirent et disparurent. « Colin ! Georges ! Jacques ! Ce sont eux ! appela Pierre d'une voix vibrante d'émotion. 160
Le premier avait un doigt mutilé. Je l'ai vu. — Et l'autre avait un bouton en moins sur son imperméable, renchérit Jacques. Je l'ai remarqué. Je ne savais pas que c'était notre homme, mais je regarde attentivement tous les imperméables que je vois, c'est la mission dont je suis chargé. Je crois que notre bouton est exactement pareil aux siens. — Bon travail, dit Pierre. Maintenant 161
écoutez-moi : notre tâche n'est pas terminée, le plus important reste à faire. Jacques et Georges, prenez ces individus en filature; s'ils se séparent, vous en ferez autant et chacun de vous en suivra un comme son ombre. Toi, Colin, ramène-moi à la maison. — Bien », dirent les trois garçons qui obéissaient toujours aux ordres de Pierre et admiraient ses qualités de chef. « Approchez-vous d'eux autant que vous le pourrez pour entendre ce qu'ils diront; vous recueillerez peut-être des indications utiles, continua Pierre. Suivez-les jusqu'à leur maison si c'est possible. Et venez faire votre rapport au quartier général dès que ce sera fini. — Compris », dirent Georges et Jacques tout fiers d'être considérés comme des inspecteurs de police en civil. Les deux hommes ne firent qu'une courte halte dans le café. Ils sortirent 162
Georges et Jacques les suivirent de loin. 163
dix minutes plus tard et s'attardèrent sur le seuil sans faire attention au mannequin et aux garçons. Ils paraissaient de très mauvaise humeur. « Simon n'est pas de parole, dit l'homme au doigt amputé. Il ne veut plus me donner que le quart de ce qu'il avait promis. Allons chez R pour l'avertir. Il sera furieux. » Les garçons l'écoutaient attentivement, tout en faisant semblant de jouer avec le mannequin. « Je ne reviendrai plus ici, déclara l'autre individu. Je suis très imprudent de me montrer en ville avant que mes cheveux aient repoussé. Viens, partons. » Ils descendirent la rue. Georges et Jacques, immédiatement, les suivirent de loin, laissant Colin avec le pseudomannequin. « Tu as entendu ! s'écria Pierre qui, dans son excitation, oubliait de jouer 164
son role. Ils comptaient vendre le produit de leur vol à Simon, et Simon ne veut pas leur donner ce qu'il a promis. Ils vont avertir R, ont-ils dit. Eh bien, nous savons maintenant que R est la première lettre .d'un nom d'homme, probablement le chef de la bande. — Tu as entendu ce qu'a dit l'autre à propos de ses cheveux ? demanda Colin, penché sur Pierre. Je parie qu'il sort de prison. On rase la tête aux
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prisonniers, n'est-ce pas ? Ou peut-être qu'il s'est évadé et qu'il se cache! Chic, Pierre ! Nous n'avons jamais eu d'aventure aussi palpitante. — Pousse-moi jusqu'à notre remise, ordonna Pierre excédé par son immobilité forcée. Dépêche-toi ! Les filles y seront déjà, et Georges et Jacques nous rejoindront dès qu'ils le pourront. Vite !... j'ai des fourmis dans les jambes. » Lorsqu'ils furent dans une rue peu fréquentée, Pierre abandonna sa position incommode. « Arrête-toi une minute, Colin, je vais me mettre debout. » Colin s'arrêta et Pierre sauta de la brouette. Un vieux monsieur qui promenait son chien fut témoin de cette petite scène. Il les regarda, sidéré, comme s'il ne pouvait en croire ses yeux, puis s'enfuit de toute la vitesse de ses vieilles
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jambes. Un mannequin qui devenait vivant ! Non, non, impossible, il avait la berlue ! Quelques instants plus tard, Colin et Pierre arrivaient au quartier général du Clan. La brouette fut poussée dans les buissons. Pierre enleva son masque et frappa à la porte de la remise. « Le mot de passe ? demanda une voix de fille. — Feu d'artifice », murmurèrent les garçons. La porte s'ouvrit. Pam poussa un petit cri lorsque Pierre entra, car il était encore très étrange avec sa perruque d'étoupe, sa chéchia et sa veste rouge trop large pour lui. « Nous avons des nouvelles ! dit Pierre. Des nouvelles extraordinaires. Ecouteznous bien. »
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CHAPITRE XVII Bravo, Clan des Sept!
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CHAPITRE XVII Bravo, Clan des Sept! PIERRE raconta rapidement aux filles ce qui s'était passé. Elles l'écoutèrent en silence, captivées par son récit. Ils étaient maintenant sur la bonne piste.... Et le bouton lui-même n'avait pas été inutile ! « Nous croyons que l'homme aux cheveux ras sort de prison ou s'est évadé, dit Pierre. Il a peut-être commis un vol et a caché le butin que son ami et lui essaient à présent de vendre à Simon.
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— Qui est R ? demanda Jeannette. Quel rôle joue-t-il ? — Il recèle probablement les marchandises volées, dit Pierre qui tirait rapidement des conclusions. Et je suppose qu'il abrite le voleur aussi. Si seulement nous pouvions trouver qui est R et où il habite ! Ce sont les seuls détails qui nous manquent. » Tous les cinq parlaient à la fois. Moustique écoutait; de temps en temps il poussait un petit jappement d'approbation ou bien il frappait le sol avec sa queue pour avertir ses amis que la conversation devenait trop bruyante. « Pourvu que Georges et Jacques reviennent bientôt ! s'écria Pam. Je ne voudrais pas être en retard pour le dîner et il est déjà six heures et demie. — Les voilà », dit Colin qui entendait des voix au-dehors. On frappa à la porte. 170
« Mot de passe ! crièrent les cinq. — Feu d'artifice ! » répondirent deux voix. Georges et Jacques entrèrent, rayonnants, le nez rougi par le froid. « Que s'est-il passé ? Vous les avez suivis ? » demanda Pierre tandis que les deux garçons s'asseyaient sur des caisses. « Oui, répondit Georges. Arrivés au bout de la rue, ils sont descendus jusqu'au canal et ont traversé le jardin public. Une seule fois nous avons pu nous approcher assez pour entendre ce qu'ils disaient. — Qu'avez-vous saisi ? demanda Pierre. — L'un d'eux a dit : « Il y a un agent « de faction là-bas. Vite, filons !» Ils se sont sauvés. En effet, un agent sortait de l'ombre, mais il ne les a même pas remarqués. Nous ayons pris le pas de course et de loin nous les avons vus :
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ils essayaient d'ouvrir les portières des voitures en stationnement. — Ils ont sauté dans la première qui n'était pas fermée à clef et sont partis, termina Jacques. Notre filature a pris fin. — Ils ont donc volé une autre voiture ! dit Colin. — La reconnaîtriez-vous ? demanda Pierre. — Oh ! oui ! dit Jacques. C'était un
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modèle courant, mais avec une carrosserie vert foncé et un pare-chocs arrière tout cabossé. J'ai eu le temps d'apercevoir par la glace du fond un petit singe en peluche accroché à l'intérieur. Nous ne sommes pas retournés sur nos pas pour avertir l'agent. Nous avons pensé qu'il valait mieux revenir ici et prendre ensemble une décision. — Vous avez très bien rempli votre mission, dit Pierre d'un ton convaincu. Si nous savions où habite R, la police, sur nos indications, n'aurait qu'à cueillir les voleurs. Et du même coup on retrouverait les marchandises dérobées. Je parie que notre mystérieux Monsieur R les a chez lui. — J'y suis ! J'y suis ! cria Pam si brusquement que tous les autres sursautèrent. Nous n'avons qu'à chercher encore une fois dans l'annuaire. Si Monsieur R habite notre ville, son nom y sera puisqu'il a le téléphone. 173
— Oui, mais les noms commençant par R sont peut-être nombreux et nous ne saurions pas lequel est le bon., objecta Jeannette. Nous connaissons M. Roux, Mme Richard, Mlle Royer.... — Vous ne voyez pas ce que je veux dire, protesta Pam impatiente. Parcourons toute la liste des R, et le nom qui accompagnera 80-61 sera celui que nous cherchons. Vous comprenez ?» Tous les autres approuvèrent, Pierre regarda Pam avec admiration. « C’est une excellente idée, Pam, dit-il. J'ai quelquefois pensé que tu n'étais pas tout à fait digne d'appartenir à notre société secrète, mais je m'aperçois que je me trompais. Je ne t'appellerai plus jamais Paméla. — Je vais chercher l'annuaire », dit Jeannette, et elle partit en courant. Elle revint bientôt avec l'annuaire qu'elle ouvrit à la lettre R. Tous se penchèrent pour regarder. 174
Les noms commençant par R n'étaient pas très nombreux. « Raphaël, 60-15, lut Pam. Raynal 6454. Raynaud, 43-22. René, 61-31. Reynier, 80-61... Le voilà! C'est le nôtre ! André Reynier, entrepôt, 20, avenue des Peupliers.... à l'autre bout de la ville. — Ma parole ! s'écria Pierre enchanté. Nous possédons maintenant toutes les informations nécessaires. Et il y a un entrepôt à cette adresse, c'est-à-dire assez de place pour cacher des marchandises volées. Nous avons fait vraiment du bon travail. Pam, tu mérites une médaille. » Les autres Joignirent leurs compliments à ceux de Pierre. Pam se rengorgeait « Qu’'allons-nous faire maintenant?» demanda-t-elle. Personne n'eut le temps de répondre. Des pas firent crisser le sable de l’allée
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et la mère de Pierre appela très fort : « Pierre ! Jeannette ! Est-ce que Colin et Georges sont là ? Et Pam ? Leurs mamans viennent de téléphoner pour leur dire de rentrer tout de suite; il est déjà tard. — Bien maman, répondit Pierre. Attends-nous. Nous avons une histoire extraordinaire à te raconter ! Attends ! » Mais sa mère était retournée en courant à la maison, car elle avait un gâteau au four.
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Les sept enfants se précipitèrent derrière elle avec Moustique qui aboyait Ils entraient par la porte de derrière quand on frappa à la porte d'entrée. « Va voir qui est là, Pierre ! cria sa mère. Je ne peux pas quitter la cuisine. » Pierre alla ouvrir la porté, escorté par les six autres. Un agent de police était là. Il sourit aux enfants étonnés. « Je viens de la maison du jeune Jacques, annonça-t-il. Sa sœur Suzie m'a dit qu'il était ici... Jacques, je vous 177
ai aperçu ce soir aux environs du jardin public, avec le garçon qui est là prés de vous. Et, un moment après, un habitant du quartier m'a déclaré que sa voiture venait d'être volée tout près de là. Je me demande si l'un.de vous aurait remarqué un personnage suspectâ — Entrez, entrez ! cria gaiement Pierre. Nous pouvons vous donner des tas de renseignements sur les voleurs... et nous pouvons même vous indiquer où vous trouverez la voiture. Entrez, je vous en prie.
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CHAPITRE XVIII Victoire et récompense.
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CHAPITRE XVIII Victoire et récompense. L'AGENT entra dans le vestibule; il paraissait extrêmement surpris. Les parents de Pierre vinrent voir ce qui se passait. « Qu'y a-t-il ? demanda le père. Personne n'a fait de sottises, j'espère ? — Non, dit Pierre. Oli I papa, écoute mon histoire. Elle est vraiment sensationnelle !» Ils entrèrent tous dans le salon. L'agent était de plus en plus éberlué.
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« Je crois que vous trouverez la voiture volée dans un entrepôt situé au numéro 20 de l'avenue des Peupliers, dît Pierre. Et à la même adresse, vous trouverez aussi un certain M. Reynier et des quantités de marchandises volées. — Et un homme à qui il manque la moitié d'un doigt, et un autre dont les cheveux sont si courts qu'il a l'air d'un prisonnier évadé, ajouta Colin. — Attendez ! Attendez une minute ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Un homme à qui manque la moitié d'un doigt ? dit l'agent. Nous le recherchons justement. Il a pour complice un voleur qui s'est évadé de prison la semaine dernière. Tous les deux s'entendent comme larrons en foire, c'est bien le cas de le dire. — Ils se rencontraient au café appelé Chez Simon, dit Pierre qui jouissait de l'étonnement général.
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— Quoi ? s'écria son père. Chez Simon? Ce cabaret borgne ? Ne me dites pas que vous le fréquentez ! — Nous n'avons jamais mis le pied à l'intérieur, affirma Pierre. Ne t'inquiète pas, nous n'avons rien fait de mal, papa. Tout a commencé à la gare, le soir où tu m'as laissé avec Jeannette dans ta voiture, et où deux hommes sont montés dedans sans se douter de notre présence. — Tu n'as pas voulu porter plainte, ajouta Jeannette. Nous avons essayé de retrouver nous-mêmes les voleurs... et nous avons réussi !» Toute l'histoire fut racontée : ils avaient repéré le café Chez Simon, Pierre s'était déguisé en mannequin pour monter la garde, l'homme au doigt amputé avait été rejoint par son ami, Georges et Jacques les avaient suivis et les avaient vus voler une voiture.
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« Et nous savons qu'ils sont allés chez un certain M. Reynier, dit Pierre. Ils le désignaient dans leur conversation par son numéro de téléphone, le 80-61. C'est l'annuaire qui nous a fourni l'adresse. Notre enquête n'est terminée que depuis quelques minutes. — Formidable ! s'écria l'agent qui griffonnait rapidement dans son carnet. Formidable ! Ces gamins en remontreraient à des inspecteurs chevronnés. — Vous êtes nouveau ici, dit le père de Pierre. Sans cela, vous sauriez qu'ils ont beaucoup de succès semblables à leur actif. J'aimerais peut-être mieux qu'ils se tiennent tranquilles, mais certainement ils arrivent à des résultats surprenants. — Nous sommes le Clan des Sept, expliqua Jeannette. C'est une société secrète. Et nous aimons beaucoup les aventures. — Je vous remercie, dit l'agent en 183
se levant. Je vais prendre quelques hommes et demander au commissaire de nous accompagner avenue des Peupliers. Je vous souhaite un joyeux Mardi gras. J'espère que vous avez beaucoup de pétards et de fusées.... Vous méritez un beau feu d'artifice. — Hélas ! Nous ne l'aurons pas, répliqua Pierre. Des fusées, nous en avions des quantités; mais elles ont toutes éclaté samedi, par accident. — Comme c'est dommage î dit l'agent en se dirigeant vers la porte. Je vous suis très reconnaissant à tous. Bonsoir, madame, bonsoir, monsieur. — Quelle histoire ! s'écria la mère de Pierre. C'est inimaginable. Qu'est-ce que vous inventerez encore ? — Maman, est-ce que les autres peuvent rester à dîner ? supplia Pierre. Nous avons tant de choses à nous raconter! Nous nous contenterons des 184
restes qui sont dans le réfrigérateur. Et nous t'aiderons à mettre la table et à laver la vaisselle. - Bien, dit sa mère en riant. Jeannette, va téléphoner aux mamans de tes amis et dis-leur de ne pas s'inquiéter. » Les Sept poussèrent des cris de joie. Le réfrigérateur était bien garni, et quelques instants plus tard ils s'attablaient devant un excellent dîner froid. Le repas fut très animé. Moustique courait de l'un à l'autre en quête de morceaux friands. « Quelle fête inattendue ! pensait l'épagneul roux. Je voudrais que ce soit comme cela tous les soirs. » Soudain le téléphone sonna. Pierre courut répondre. Les nouvelles qu'il apprit lui arrachèrent des exclamations et, quand il eut raccroché, il revint en courant dans la salle à manger. « C'est l'agent. Il a pensé que nous
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aimerions connaître le dénouement de l'affaire, dit-il. — Que s'est-îl passé ? crièrent les autres. — Les policiers sont allés à l'entrepôt, dit Pierre. Devant la porte, ils ont trouvé la voiture volée. Puis ils sont entrés. M. Reynier était vert de peur. Le commissaire l'a accusé d'héberger le prisonnier évadé et son complice. Il a avoué tout de suite. — Les deux hommes ont été arrêtés ? demanda Colin. 186
— Oui. Ils se cachaient dans une cave, dit Pierre. Les marchandises volées étaient là aussi. A propos, la police veut savoir si nous pouvons identifier l'homme aux cheveux ras; j'ai dit que oui, que nous avions le bouton qui manque à son imperméable. — C'est vrai ! s'écria Babette. Nous avons oublié d'en parler à l'agent. Où est-il, ce bouton ? — Le voilà, dit Jacques en le lançant sur la table. C'est une pièce à conviction qui a son importance. Ma parole ! Voilà une des affaires les plus passionnantes du Clan des Sept. Je regrette qu'elle soit terminée. » Les autres étaient bien du même avis. Ils auraient voulu que la soirée se prolongeât indéfiniment, mais le moment vint de se séparer. « La seule péripétie fâcheuse de cette aventure, c'est l'accident arrivé à nos fusées, dit Pierre à Jeannette 187
quand ils eurent refermé la porte. Demain c'est Mardi gras, et il n'y aura pas de feu d'artifice pour nous. Quel malheur!» Ne vous tourmentez pas, Clan des Sept, un paquet va vous être apporté par votre ami l'agent. Que contient-il ? Ah ! Vous ne le devinerez jamais. C'est la récompense de la police reconnaissante : trois cents pièces pour feu d'artifice. Des ailes de moulin, des chandelles romaines, des soleils, des pétards, des gerbes, des comètes !... que sais-je encore ? De quoi embraser le ciel. Quel éblouissement ! Pan ! pan I pan I... Boum ! boum ! boum !... Une si belle aventure ne pouvait pas mieux finir que dans une pluie d'étoiles.
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Enid Blyton
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