Blyton Enid Deux Jumelles T1 Deux jumelles en pension.doc

July 31, 2017 | Author: alainberbotteau | Category: N/A
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ENID BLYTON

DEUX JUMELLES EN PENSION bons petits diables, ces jumelles, Isabelle et Patricia O'Sullivan ! Parce que leurs parents ne leur demandent pas leur avis pour les mettre en pension au collège Saint-Clair, elles sont bien décidées à se déchaîner ! Pauvre directrice et pauvres professeurs, ils en verront de toutes les couleurs ! Les deux jumelles ont plus d'un tour dans leur sac ! Il est pourtant bien sympathique, ce collège Saint-Clair ! On y travaille, mais on s'y amuse aussi. Les jumelles ne parviendront-elles pas à l'aimer et à. s'y faire aimer ? Enid Blyton a écrit là un de ces récits simples et charmants dont elle a le secret. DEUX

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ENID BLYTON

DEUX JUMELLES EN PENSION ILLUSTRATIONS DE JACQUES POIRIER

HACHETTE 265

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TABLE 1. Isabelle et Patricia 2. L'arrivée a Saint-Clair 3. Un mauvais début 4. Des difficultés pour les jumelles 5. Conflit avec mam'zelle 6. Pauvre miss Kennedy! 7. Les pétards de Pat 8. Le réveillon 9. Une étrange énigme 10. Pauvre Catherine! 11. Encore miss Kennedy! 12. Qui a cassé la vitre ? 13. « Nous irons tout de même au cirque » 14. Une grande déception 15. Une violente querelle 16. Préparatifs pour un spectacle 17. Le secret de Catherine 18. La mèche est éventée! 19. La tricherie d'isabelle 20. La représentation 21. Le dernier jour du trimestre

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CHAPITRE PREMIER ISABELLE ET PATRICIA jumelles Isabelle et Patricia O'Sullivan étaient venues passer la dernière quinzaine du mois d'août chez leurs amies Mary et Sylvia Smith. Assises toutes les quatre sous le grand cèdre, elles buvaient de la limonade bien fraîche après une partie de tennis animée. Isabelle et Patricia se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Seuls leurs parents et leurs amies intimes pouvaient les distinguer l'une de l'autre. Elles avaient toutes deux des cheveux châtains et ondulés, des yeux bleus, un joyeux sourire, un léger accent irlandais très plaisant à l'oreille. Mais, pour le moment, Pat fronçait les sourcils. Elle prit sa raquette et en donna un grand coup sur le gazon. LES

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« Quel malheur que nous n'allions pas toutes les quatre au même collège! Depuis des années nous ne nous sommes pas quittées et voilà que nous allons être séparées. Nous ne nous verrons plus que pendant les vacances. — Comme nous étions heureuses à l'école Tennyson! renchérit Isabelle. C'est bien dommage qu'on n'y garde les élèves que jusqu'à quatorze ans. Je m'y plaisais tant! Dire que nous étions les plus grandes l'année dernière, Pat et moi, et que maintenant nous serons dans la plus basse division! Quelle perspective! Ce collège SaintClair où nous devons aller paraît assez rébarbatif, à en juger d'après les règlements. — J'aurais tant voulu que vous veniez au collège Shelley avec nous! s'écria Sylvia. C'est un établissement très chic! Nous aurons une chambre et un petit bureau pour nous seules. Et puis, il paraît que la cuisine est délicieuse. — Nous, nous allons à Saint-Clair ! Et nous coucherons dans un horrible dortoir avec six ou huit autres filles, dit Pat d'une voix indignée. — Je ne sais pas pourquoi maman tient à nous envoyer là-bas, reprit Isa. Enfin, j'espère que ce n'est pas encore tout à fait décidé. Demain, dès que nous serons de retour à la maison, nous insisterons pour aller avec vous à Shelley. Nous vous téléphonerons le soir pour vous donner des nouvelles. — Quelle joie si elles sont bonnes! s'écria Mary. Je vous plaindrais beaucoup si vous étiez obligées d'aller dans un collège qui vous déplaît! Saint-Clair! Pourquoi s'appelle-t-il ainsi? — Il a pris le nom de la petite ville voisine, expliqua Pat. — Vos parents changeront peut-être d'idée, dit Sylvia. Venez, faisons encore une partie avant le goûter ! » Elles se levèrent d'un bond. Isabelle avait gagné un championnat à l'école Tennyson et s'en montrait fière Pat, elle aussi, était très adroite.

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« Il paraît qu'on joue surtout au hockey à Saint-Clair, dit Pat d'une voix lugubre. C'est un jeu stupide. Encore un inconvénient à faire remarquer à maman. » Les jumelles rassemblèrent tous les arguments qu'elles présenteraient à leurs parents. Le lendemain, dans le train, elles les passèrent en revue. Le soir, dès que le dîner fut terminé, elles lancèrent leur offensive. Pat, la plus hardie des deux, prit la parole la première. « Maman et papa, commença-t-elle, nous avons bien réfléchi, Isabelle et moi, et nous vous prions de ne pas nous envoyer à SaintClair. Tout le monde dit que c'est un collège affreux. » Leur mère se mit à rire. Surpris, leur père posa son journal. « Ne dis pas de bêtises! s'écria Mme O'Sullivan. Vous y serez très bien. — Votre décision est tout à fait prise? demanda Isabelle. — Mais oui, répondit sa mère. Nous pensons, votre père et moi, que Saint-Clair réunit toutes les conditions requises. Jusqu'ici vous avez été dans un établissement de luxe, vous devez apprendre à vivre plus simplement. Là-bas on vous mettra dans la tête des idées raisonnables. Je connais la directrice, elle m'est très sympathique. — Des idées raisonnables! gémit Pat. Je déteste les choses raisonnables... elles n'ont jamais rien de palpitant. Je t'en prie, maman, envoie-nous au collège Shelley avec Mary et Sylvia. — Pour rien au monde! riposta Mme O'Sullivan. C'est un pensionnat snob et je ne veux pas que vous reveniez chez nous pour regarder les gens du haut de votre grandeur. — Nous te promettons de ne jamais devenir pimbêches », dit Isa. D'un froncement de sourcils, elle ordonna à sa sœur jumelle de se taire, En s'emportant, Pat n'obtiendrait rien de son père.

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« Maman, sois gentille, continua-t-elle. Mets-nous au collège Shelley pendant un trimestre ou deux. Si nous commençons à y prendre de grands airs, tu nous enlèveras. Essaie, je t'en prie. A SaintClair, on nous obligera à jouer au hockey. Je déteste ça! » M. O'Sullivan frappa la table avec sa pipe. « Apprendre un nouveau jeu ne te fera pas de mal, Isa, déclara-til. Vous avez bien besoin qu'on vous mette au pas toutes les deux. L'année dernière, vous êtes devenues vaniteuses et suffisantes. Dans un nouveau milieu, vous vous apercevrez vite que vous n'êtes pas des phénix. Ce sera très bon pour vous. » Les jumelles rougirent. Elles étaient irritées, blessées, prêtes à pleurer. Leur mère eut pitié d'elles. « Votre père ne veut pas vous faire de peine, dit-elle. Mais il a raison, mes chéries. Vous avez été très heureuses au cours Tennyson, vous faisiez tout ce que vous vouliez, vous étiez les « grandes » et vous commandiez aux autres.

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Maintenant vous serez en première année et, dans les classes supérieures, il y aura des élèves de dix-sept et dix-huit ans ! Nous allons voir comment vous vous comporterez. » Pat prit son air boudeur. Le menton d'Isa tremblait. « Nous ne serons pas heureuses, nous ne pourrons pas bien travailler. — Allons donc! Dans huit jours vous serez heureuses comme des poissons dans l'eau, s'écria leur père. N'en parlons plus. Ma décision est irrévocable. D'ailleurs, vos places sont déjà retenues. J'espère que vous travaillerez bien et que vous me ferez honneur. » M. O'Sullivan alluma sa pipe et reprit son journal. Sa femme se pencha sur sa couture. La question était réglée. Les jumelles sortirent dans le jardin. Quand elles furent à l'abri des regards derrière un épais rideau d'ifs, elles se jetèrent sur l'herbe. Des larmes brillaient dans les yeux d'Isabelle. «Je n'aurais jamais cru que papa et maman pouvaient être si durs, dit-elle. Jamais ! — Nous devrions pourtant avoir voix au chapitre », s'écria Pat furieuse en plantant un morceau de bois dans le sol. « Je ne veux pas aller à Saint-Clair ! — Il le faut bien, soupira Isabelle. Mais je le déteste d'avance, ce collège! — Moi aussi, dit Pat. Et je le montrerai. Je ne veux pas que ces filles de dix-huit ans nous prennent pour des bébés et nous imposent leurs volontés. Ce n'est pas vrai que nous sommes vaniteuses. Bien sûr, nous savons que nous réussissons dans toutes les matières, que nous sommes jolies et spirituelles... — Si papa t'entendait, il n'aurait pas tort de te traiter de vaniteuse. Il ne faudra pas nous vanter quand nous serons à SaintClair. — Au contraire! s'écria Pat. Il faut que les autres élèves sachent qui nous sommes et de quoi nous sommes capables! Nous éblouirons les professeurs. On verra que

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les jumelles O'Sullivan ne sont pas les premières venues. Tu m'aideras à le prouver, Isa. » Isa hocha la tête. «Je t'imiterai, promit-elle. Saint-Clair ne se doute pas de ce qui l'attend. »

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CHAPITRE II L'ARRIVÉE A SAINT-CLAIR derniers jours des vacances passèrent rapidement. Mme O'Sullivan avait fait la liste de tout ce qui serait nécessaire à ses filles au pensionnat. Les jumelles F étudièrent attentivement. « Nous n'emportons presque rien, fit remarquer Pat. Mary et Sylvia ont de jolies robes pour le dîner. Nous, je suppose que nous resterons en uniforme. Et il n'est pas très élégant ! — Regarde! » s'écria avec indignation Isabelle qui parcourait le règlement. « On indique ce que nous pouvons prendre comme provisions ! Nous ne serons même pas libres de manger ce que nous voudrons ! LES

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— Attends que nous soyons à Saint-Clair! Nous leur montrerons que nous n'en faisons qu'à notre tête, dit Pat. A quelle heure le train demain? — Dix heures à la gare de Paddington, dit Isabelle. Nous aurons un aperçu des élèves de Saint-Clair. Je parie qu'elles ont une drôle d'allure! » Mme O'Sullivan conduisit les jumelles à la gare. Sur le quai étaient réunies les élèves de Saint-Clair reconnaissables à leur manteau gris d'uniforme. Une maîtresse, très simplement vêtue, s'avança vers les arrivantes. Elle sourit à Mme O'Sullivan et consulta la liste qu'elle tenait. « Ce sont des nouvelles, les jumelles Isabelle et Patricia O'Sullivan à en juger d'après leur ressemblance. Je suis votre professeur, Miss Roberts. Soyez les bienvenues. » Jeune, jolie, grande et souriante, Miss Roberts était sympathique... mais elle avait un menton énergique, elle ne tolérait sûrement pas le chahut dans sa classe. « Votre compartiment est là-bas avec d'autres élèves de votre âge, dit Miss Roberts. Embrassez votre maman et montez. Le train part dans deux minutes. » Elle s'éloigna pour accueillir une autre élève. Les jumelles sautèrent au cou de leur mère. « Au revoir, mes chéries, dit Mme O'Sullivan^ Travaillez bien ce trimestre. J'espère que tout ira bien. Écrivez-moi le plus vite possible. » Les jumelles montèrent dans un compartiment où six autres pensionnaires bavardaient avec animation. Sans rien dire, elles regardèrent avec intérêt les élèves qui passaient dans le couloir pour prendre leur place. Quelques instants plus tard, le train s'ébranla. Le voyage fut très amusant. Chaque élève avait un repas froid et le garçon du wagon-restaurant distribuait de la bière, de la limonade, du thé. A deux heures et demie, le train s'arrêta dans une petite gare. Un grand écriteau portait ces mots : « Saint-Clair. Descendre ici pour le collège. » De grands cars attendaient. Les élèves s'y entassèrent

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sans cesser de rire et de bavarder. L'une d'elles se tourna vers Isabelle et Patricia. « Le collège est là-bas. Regardez ! Sur cette colline. » Les jumelles suivirent la direction de son doigt. Elles virent un bâtiment flanqué par deux tours. Il dominait la vallée; des terrains de jeux et des jardins l'entouraient. « Ce n'est pas si agréable que Tennyson, dit Pat à Isabelle. Tu te rappelles comme notre vieille école était jolie au soleil couchant avec ses toits rouges qui brillaient? Elle était si accueillante. Pas rébarbative et blanche comme Saint-Clair! » Pendant quelques minutes, elles eurent la nostalgie de leur ancienne école et de leurs amies. Ici, elles ne connaissaient personne. Elles ne pouvaient pas échanger de joyeux bonjours. Les élèves leur paraissaient bruyantes et antipathiques. « Nous avons de la chance d'être deux, chuchota Isa à Pat. Je n'aurais pas voulu venir ici toute seule. Personne ne nous adresse la parole. » Elle ne se rendait pas compte que leur attitude n'était guère engageante. Toutes les deux jetaient autour d'elles des regards méprisants. « Quelles poseuses! » chuchotait-on derrière elles. Personne n'avait envie de leur parler. Comme il est de règle le jour de la rentrée, les élèves s'empressèrent de défaire leurs valises et de s'installer dans leurs dortoirs. Elles suspendaient leurs robes et posaient des photographies sur les petites tables de chevet. Isabelle et Pat furent conduites dans le dortoir n° 7. Là s'alignaient huit lits blancs tous pareils. Chacun était dans une petite alcôve entourée de rideaux que l'on pouvait ouvrir ou fermer à volonté. A leur grande joie, Isa et Pat se trouvèrent côte à côte. Quand tout fut rangé, une grande élève entra dans le dortoir et cria : « Y a-t-il des nouvelles ici? » Les jumelles s'avancèrent. «Nous! dit Pat.

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— Bonsoir, dit la « grande » en souriant aux deux sœurs. Vous êtes Isabelle et Patricia O'Sullivan, n'est-ce pas? Mme Rey, l'économe, veut vous voir. » Isabelle et Patricia la suivirent et entrèrent dans une pièce confortable, pleine de placards, de commodes et d'étagères. L'économe, qui exerçait en même temps les fonctions d'infirmière en chef, était corpulente et affable, mais elle avait des yeux perçants. « Rien ne lui échappe, chuchota leur guide. Tâchez d'être dans ses petits papiers. » Mme Rey compta leurs draps, leurs serviettes et leurs vêtements. « Vous aurez à raccommoder ce qui vous appartient, annonça-telle. — Pas possible! s'écria Pat. Dans notre ancienne école, des lingères se chargeaient de ce travail. — C'était un tort, répliqua l'économe. Ici il n'y a pas de lingères. Prenez bien soin de vos vêtements, rappelez-vous qu'ils coûtent cher à vos parents. — Nos parents ont de l'argent, déclara Pat. A Tennyson, un jour pendant une promenade dans les bois, je suis tombée dans un buisson de ronces. Ma robe était en lambeaux, la lingère n'a pas pu la réparer et... — Eh bien, ici vous raccommoderez vous-même tous les trous, toutes les déchirures, tous les accrocs, interrompit l'économe, une lueur dans les yeux. Je ne supporte ni le manque de soin ni le gaspillage. Faites attention... Qu'y a-t-il, Emily? » Une autre élève entrait, chargée d'une pile de serviettes. Les jumelles en profitèrent pour s'esquiver. «Je n'aime pas cette Mme Rey, affirma Pat. J'ai bien envie de mettre ma robe en pièces ! Elle verra si je la raccommoderai ! — Faisons un tour d'inspection », proposa Isabelle en glissant sa main sous le bras de Pat. « Ce collège n'est pas intime et sympathique comme notre cher vieux Tennyson. »

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Les jumelles parcoururent les corridors. Les classes ressemblaient à toutes les classes, niais les fenêtres s'ouvraient sur un panorama magnifique. Elles jetèrent un regard dans les salles d'études. Dans leur ancien pensionnat, elles avaient un cabinet de travail pour elles deux, ici seules les grandes qui préparaient des examens jouissaient de ce privilège. Les plus jeunes travaillaient dans une salle commune pourvue d'un poste de radio, d'un électrophone, d'une grande bibliothèque. Des étagères couraient le long des murs, chaque élève avait droit à un petit espace pour ranger ses livres. Il y avait plusieurs petites salles de musique, une grande salle de dessin, un immense gymnase qui servait aussi pour les réunions et les concerts, un beau laboratoire. Les professeurs, en plus de leurs chambres, avaient deux salons à leur disposition. La directrice habitait un appartement dans une tour. « Ce n'est pas si mal, reconnut Isabelle quand elles eurent tout exploré. Les terrains de jeux sont beaux. Il y a

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plus de courts de tennis qu'à Tennyson! Mais il y a aussi beaucoup plus d'élèves. — Je n'aime pas les grands collèges, déclara Pat. J'aime les petits où l'on est quelqu'un et non pas un zéro perdu dans une foule. » Elles entrèrent dans la salle commune. La radio jouait des airs de danse que l'on entendait à peine dans le bruit des conversations. Quelques élèves levèrent la tête. « Bonjour, les jumelles », dit l'une d'elles qui avait des boucles dorées et des yeux vifs. « Comment vous appelez-vous? — Je suis Patricia O'Sullivan et voici ma sœur Isabelle, dit Pat. — Soyez les bienvenues à Saint-Clair, dit une autre. Moi, je m'appelle Henriette Wentworth. Nous sommes dans le même dortoir. Vous avez déjà été pensionnaires? — Bien sûr, dit Pat. Nous étions à l'école Tennyson. — La pension des snobs! s'écria une jolie brune. Ma cousine y était. Il fallait voir ses grands airs. On avait envie de la gifler. — Tais-toi, dit Henriette en voyant que Pat rougissait. Tu parles toujours trop, Margaret. Eh bien, Isabelle et Patricia, notre collège ne ressemble pas à l'école Tennyson. Nous travaillons beaucoup, nous jouons aussi et on nous apprend à nous débrouiller seules. — Nous ne voulions pas venir ici, expliqua Pat. Nous voulions aller au collège Shelley avec nos amies. Au cours Tennyson, SaintClair n'avait pas très bonne réputation. — Voyez-vous ça! » s'écria Margaret en levant si haut ses sourcils qu'ils .touchèrent la frange de ses cheveux noirs. « Eh bien, chères jumelles, l'important ce n'est pas ce que vous pensez de SaintClair, mais ce que Saint-Clair pensera de vous. C'est tout à fait différent. Personnellement, je regrette que vous ne soyez pas allées ailleurs. J'ai l'impression que vous ne serez pas à votre place ici. — Tais-toi, Margaret! ordonna Henriette.

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Elles sont nouvelles. Laisse-leur le temps de s'habituer. Venez, les jumelles. Je vais vous montrer le chemin du bureau de la directrice. Il faut que vous alliez vous présenter à elle avant le dîner. » Isabelle et Patricia bouillaient de rage contre la brune Margaret. Henriette les poussa hors de la salle. « Ne la prenez pas au sérieux, conseilla-t-elle. Margaret dit tout ce qui lui passe par la tête. Ce n'est pas toujours agréable. Vous vous habituerez à elle. — J'espère bien que non, s'écria Pat. J'aime la politesse. On nous l'a enseignée à notre ancienne école, je vois qu'elle n'est pas connue ici. — Inutile de monter sur vos grands chevaux, dit Henriette. Voici le bureau de la directrice. Appliquez vos règles de politesse avec Mme Theobald. » Les jumelles frappèrent. Une voix agréable leur répondit : « Entrez! » Pat ouvrit la porte et entra avec sa sœur. La directrice écrivait, assise à sa table. Elle leva la tête et sourit aux nouvelles venues. « Je n'ai pas besoin de vous demander votre nom, dit-elle. Vous vous ressemblez tant. Vous êtes sûrement les jumelles O'Sullivan. — Oui, madame », répondirent Isa et Pat. Mme Theobald avait des cheveux gris et un visage grave éclairé de temps en temps par un sourire charmant. Elle serra la main de chacune des jumelles. «Je suis très heureuse de vous accueillir à Saint-Clair, dit-elle. J'espère qu'un jour nous serons fières de vous. Nous ferons de notre mieux pour que vous deveniez en grandissant des jeunes filles parfaites, mais il faudra que vous nous aidiez. — Nous essaierons », répondit Isabelle à sa grande surprise. Elle jeta un coup d'œil à Pat pour savoir si ce revirement la contrariait. Mais Pat regardait droit devant elle, le visage impassible.

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«Je connais très bien votre mère, reprit Mme Theobald. Je me réjouis qu'elle ait décidé de vous envoyer à Saint-Clair. Dites-le-lui quand vous lui écrirez et transmettez-lui mes amitiés. - Oui, madame », dit Pat. La directrice hocha la tête avec un sourire et se pencha de nouveau sur ses papiers. « Quelles enfants étranges! se dit-elle. On pourrait croire qu'elles sont furieuses d'être ici. Sont-elles simplement timides ou regrettentelles leur maison? » Pat et Isa n'étaient ni timides ni en proie à la nostalgie. Leurs parents ne les avaient pas envoyées au collège Shelley? Eh bien, elles manifesteraient leur mécontentement.

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CHAPITRE III UN MAUVAIS DÉBUT constatèrent bientôt que, contrairement à l'école Tennyson, la simplicité était de règle au collège Saint-Clair. Les lits, moins douillets, étaient tous recouverts d'un dessus de teinte unie. « A Tennyson nous avions de si jolies cretonnes fleuries ! «lit Pat. On avait l'impression d'être chez soi. - Moi, ce que je déteste le plus, c'est d'être parmi les plus jeunes, gémit Isabelle. Les grandes élèves me parlent i «mime si j'avais six ans. « Hé! là-bas! Laisse-moi passer », « Hé! là-bas, petite, va me chercher un livre à la bibliothèque! » C'est affreux! » Le niveau des études était très élevé à Saint-Clair et LES JUMELLES

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les jumelles, bien qu'elles fussent intelligentes, s'aperçurent qu'elles étaient en retard sur les élèves de leur division. C'était une grande humiliation. Elles qui espéraient éblouir les autres se trouvaient parmi les dernières. Elles connurent bientôt leurs compagnes. Henriette Wentworth et Margaret Baker, qui avait la langue si bien pendue, faisaient partie de leur division, et aussi une fille aux cheveux en baguettes de tambour qui s'appelait Vera Johns. Et une autre très hautaine aux manières arrogantes, Sheila Naylor. Les jumelles la jugèrent très antipathique. «Je ne sais pas pourquoi elle est si dédaigneuse, fit remarquer Pat à Isabelle. Ses parents habitent une belle maison, c'est vrai, elle m'a montré la photographie. Mais elle fait des fautes en parlant et elle a un accent affreux. Ce n'est pas assorti à ses grands airs. » Catherine Gregory, une élève de quinze ans toujours effrayée, fut la seule qui, dès la première semaine, offrit son amitié aux jumelles. La plupart des autres se contentaient d'être polies et de leur indiquer les habitudes du pensionnat. De l'avis unanime, Isabelle et Patricia étaient des « poseuses» et des « pimbêches ». « Catherine est bizarre, dit Pat. Elle nous accable d'avances, elle nous prête des livres et nous offre des bonbons. Elle est à Saint-Clair depuis un an et elle n'a aucune amie. En promenade, elle voudrait que je reste près d'elle, je refuse en disant que je ne peux pas te laisser seule. — Elle me fait un peu pitié, répondit Isa. Elle ressemble à un chien perdu qui essaie de trouver un nouveau maître. — Oui, c'est cela, approuva Pat en riant. Je crois que, de toutes les élèves de notre classe, c'est Henriette que je préfère. Elle est si naturelle et si gaie ! C'est une chic fille. » Les « grandes » inspiraient aux jumelles un respect mêlé de crainte. Celles de la classe supérieure surtout ne paraissaient guère différentes des professeurs. Gladys James, qui faisait fonction de monitrice, adressa quelques mots à Isabelle et Patricia deux ou trois jours après leur arrivée.

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C'était une grande jeune fille à l'expression intelligente, aux yeux bleu pâle et aux jolis cheveux soyeux. Elle jouissait à Saint-Clair d'une grande réputation, car elle n'avait jamais échoué à un examen. « Vous êtes nouvelles, dit-elle. Tâchez de bien travailler. Venez me voir si vous avez des difficultés, je vous aiderai de mon mieux. — Merci », dirent les jumelles intimidées malgré leur aplomb habituel. Gladys rejoignit ses amies et les jumelles la suivirent des yeux. « Elle est gentille, dit Isabelle. Presque toutes les filles de dernière année sont gentilles, même si elles nous regardent du haut de leur grandeur. » Miss Roberts, le professeur qui faisait la plupart des cours dans leur classe, était sympathique en dépit de sa sévérité. Quelquefois Pat essayait de discuter. « C'est ainsi que je faisais au cours Tennyson! — Vraiment? ripostait Miss Roberts. Ici nous avons d'autres méthodes. Tenez-vous-en aux vôtres si vous voulez. Je vous avertis qu'elles ne vous vaudront pas de bonnes notes! » Pat faisait la moue, Isa rougissait, les autres élèves riaient de bon cœur. Ces poseuses avaient besoin d'une bonne leçon ! Le professeur de dessin, Miss Walker, était jeune, gaie, très artiste. Elle complimenta les jumelles qui dessinaient et peignaient avec goût. Isabelle et Patricia aimaient ses cours où elles retrouvaient un peu l'atmosphère de leur ancien pensionnat. Les élèves avaient la permission de bavarder et de rire en travaillant et elles en abusaient parfois. La Française, surnommée « Mam'zelle », était beaucoup moins indulgente. Elle avait dépassé la quarantaine et se montrait sévère et consciencieuse jusqu'à l'intransigeance. Elle portait des lunettes qu'elle mettait sur le bout de son nez, pour pouvoir regarder par-dessus, et qui glissaient toujours.

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Elle avait des pieds immenses, une voix sonore qui déplut tout de suite aux jumelles. Mais Mam'zelle était aussi très gaie; si quelque chose l'amusait, elle partait d'un grand éclat de rire qu'elle communiquait à toute la classe. Dès le début, Isabelle et Patricia encoururent les foudres de Mam'zelle, car si elles parlaient presque couramment le français, elles ne s'étaient jamais donné la peine d'apprendre les règles de grammaire. Et Mam'zelle était inflexible en ce qui concernait la grammaire. « Isabelle et Patricia ! cria-t-elle. Il ne suffit pas de baragouiner une langue. Vous écrivez abominablement le français. Ce devoir est abominable, abominable! » « Abominable » était l'adjectif favori de Mam'zelle. Elle l'employait pour le temps, un crayon dont la mine se cassait, les élèves, ses lunettes quand elles glissaient de son nez! Isabelle et Patricia l'appelaient entre elles « Mam'zelle Abominable », maie tout bas, car elles avaient un peu peur de la Française à la grosse voix et au bon cœur. L'histoire était enseignée par Miss Kennedy et le chahut régnait pendant ses cours. La pauvre Miss Kennedy était gauche et mal fagotée. Désireuse de gagner le cœur de ses élèves et de leur faire faire des progrès, elle répondait à toutes les questions, même les plus saugrenues, sans s'apercevoir que la plupart du temps ses élèves s'amusaient d'elle. « Avant nous avions Miss Lewis comme professeur d'histoire, expliqua Henriette aux jumelles. Elle était merveilleuse. Malheureusement elle est tombée malade au milieu du dernier trimestre et elle a demandé à la directrice de prendre son amie Miss Kennedy jusqu'à son retour. Miss Kennedy a passé des tas d'examens, il paraît qu'elle est d'une intelligence supérieure. On ne le dirait pas à la voir! » Peu à peu les jumelles s'initièrent aux habitudes du collège, mais au bout de deux semaines elles n'étaient pas encore résignées à être « des zéros », selon l'expression de Pat. Une coutume en particulier les exaspérait. A Saint-Clair, comme dans tous les autres collèges anglais, les

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L’histoire était enseignée par Miss Kennedy et le chahut régnait pendant ses cours. « petites » devaient servir les « grandes ». Dans les deux classes de fin d'études, les élèves jouissaient d'un enviable privilège : chacune d'elles partageait avec une amie de son choix une petite pièce pompeusement baptisée « cabinet de travail ». Elles avaient la permission de meubler très simplement ces bureaux et, quand il faisait froid, d'y faire du feu et d'y goûter au lieu de descendre au réfectoire. Un. jour, une élève entra dans la salle de récréation où les jumelles lisaient et appela Margaret. « Hé! là-bas, Margaret, Kay Lindon te demande. Il faut que tu allumes son feu et que tu fasses griller du pain pour son goûter. » Margaret se leva sans un mot et sortit. Surprises, Isabelle et Patricia la suivirent des yeux. « Ça alors! Quel aplomb, cette Kay Lindon, de donner des ordres à Margaret! Moi, je n'accepterais jamais d'allumer le feu d'une autre élève! s'écria Pat. — Moi non plus, renchérit Isabelle. Kay pourrait bien se débrouiller toute seule! » Henriette Wentworth leva les yeux de sa broderie. « Ce sera bientôt votre tour, dit-elle. La semaine prochaine, vous recevrez sûrement des ordres. Quand les élèves des classes supérieures ont quelque chose à faire, c'est à nous qu'elles s'adressent. C'est l'habitude dans tous les collèges, nous ne nous en portons pas plus mal. Cela ne se faisait pas dans votre ancienne école parce qu'il n'y avait pas de grandes classes. Ce sera notre tour de commander quand nous serons dans les grandes classes. — Jamais je ne ferai le travail des autres! s'écria Pat furieuse. Nos parents ne nous ont pas envoyées ici pour que nous soyons au service des paresseuses. Qu'elles allument leur feu, qu'elles fassent griller leur pain! Isabelle et moi, nous ne bougerons pas ! Elles ne peuvent pas nous y obliger ! - Calme-toi! dit Henriette. En voilà une soupe au lait! Reculetoi, Pat. Tu me fais peur! »

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Pat ferma bruyamment son livre et s'élança hors de la salle. Isabelle la suivit. Toutes les autres éclatèrent de rire. «Ce qu'elles sont prétentieuses ces deux-là! s'écria Henriette. Pour qui se prennent-elles? Elles seraient gentilles à elles avaient un peu de bon sens. Essayons de les ramener si la raison, sans cela nous les détesterons bientôt. - Entendu, dit Vera. Elles seront bien obligées d'allumer le feu des grandes. J'espère qu'elles tomberont sur Belinda Towers. J'ai eu à la servir pendant le trimestre dernier et je vous assure qu'elle me faisait courir. Elle s'était mis dans la tête que j'étais paresseuse. Je crois que j'ai perdu deux ou trois kilos en une semaine. » Des rires fusèrent dans la salle. Sheila Naylor prit la parole d'un ton dédaigneux. « Elles font des embarras, mais cela ne veut pas dire qu'elles sont de bonne famille. Je suis sûre que ma mère ne me permettrait pas de les inviter à goûter chez moi. - Cesse de jouer les marquises, Sheila, conseilla Henriette. Les jumelles ne sont pas si mal que ça. Et des surprises leur sont réservées! y C'était vrai. Ces surprises commencèrent la semaine suivante.

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CHAPITRE IV DES DIFFICULTÉS POUR LES JUMELLES UN JOUR, vers cinq heures et demie, les enfants écrivaient à leurs parents quand une élève de quatrième ^^ année passa la tête à la porte. « Hé ! là-bas ! cria-t-elle. Où sont les jumelles O'Sullivan? Belinda Towers a besoin de l'une d'elles. » Pat et Isabelle levèrent la tête. Pat devint rouge comme une pivoine. « Pourquoi? demanda-t-elle. - Comment veux-tu que je le sache? dit la messagère. Elle s'est promenée dans les champs cet après-midi et elle a peut-être des souliers à cirer. En tout cas, si tu ne te dépêches pas, gare à toi! »

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La messagère disparut. Les jumelles ne bougèrent pas. Henriette les regarda. « Allez-y vite ! dit-elle. L'une de vous doit se mettre à la disposition de Belinda. Ne la faites pas attendre. Elle a aussi mauvais caractère que toi, Pat. — J'y vais », dit Isabelle en se levant. Pat l'obligea à se rasseoir. « Non, dit-elle. Je ne cirerai pas les souliers des autres. Toi non plus. — Écoute, Pat, sois raisonnable, intervint Margaret. Tu ne sais pas ce que veut Belinda. Elle te demandera peut-être de jouer dans un match. Elle est capitaine des jeux, tu le sais. — Je ne crois pas, répliqua Pat. A l'école Tennyson, on ne jouait pas au hockey et hier nous n'avons pas particulièrement brillé. — Vas-y tout de même, insista Henriette. Il faudra que tu finisses par là, pourquoi attendre? » Une autre élève passa la tête à la porte.
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