Blanchiment Des Capitaux Diagnostic Et Perspectives Pour Le Cas Marocain

March 3, 2018 | Author: Lahlou Hamza | Category: Currency, Organized Crime, Money Supply, Illegal Drug Trade, Banks
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Blanchiment des capitaux

RAGHAI Sofia

Mémoire de fin d’études

Blanchiment des capitaux: diagnostic et perspectives pour le cas marocain

Réalisé par: Sofia RAGHAI Encadré par: Younes LAHRICHI

Janvier-Mars 2007

1 ISCAE 2006/2007

Blanchiment des capitaux

RAGHAI Sofia

SOMMAIRE Remerciements………………………………………………………………….3 Introduction…………………………………………………………………….4 Partie 1 : Présentation, mécanismes et facettes du blanchiment des capitaux…………………………………………………………………………6 Chapitre 1 : Présentation du blanchiment des capitaux…………………………………...7 I- Définitions du blanchiment des capitaux………………………………………………..7 1- Définition empirique… ..………… ……………………………………………………….7 2- Définition juridique…………………………………………..……………………………9 II1  2 

Sources du blanchiment des capitaux…………………………………………………...9 Catégories d’argent noir……………………………………………………………………9 Evasion des capitaux…………………………………………………………………….....9 Fraude fiscale……………………………………………………………………………..10 Catégories d’argent sale…………………………………………………………………..10 Drogue……………………………………………………………………………………10 Crime organisé et mondialisation criminelle……………………………………………..11

Chapitre 2 : Mécanismes du blanchiment des capitaux……………………………..……12 I123II12-

Processus du blanchiment………………………………………………………………12 Placement, prélavage ou immersion…………………..……………………….…………12 Empilage, dispersion, brassage ou lavage………………………………………………...13 Intégration, recyclage ou essorage………………………………………………………..14 Enjeux et conséquences du processus…………………………………………………..15 Au niveau du placement……………………………………………………..……………15 Au niveau de l’intégration………………………………………………...………………18

Chapitre 3 : Facettes du blanchiment de capitaux...............................................................19 I- Moyens primaires de blanchiment………………………………………………..……19 II- Manipulation des documents commerciaux…………………………………………..21 III- Blanchiment par contrat sous fausse relation contractuelle…………….…..……22 IV- Blanchiment par contrats de sociétés………………………………………………….25 V- Techniques extraterritorialités : paradis fiscaux et bancaires……………………….26 VI- Techniques des institutions financières ……………………………………………….27

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Partie 2 : La lutte contre le blanchiment des capitaux…………………...…31 Chapitre 1 : La lutte contre le blanchiment des capitaux à l’échelle internationale………………………………………………………………….31 IPrésentation des acteurs internationaux…………………………………...………31 1- La mobilisation internationale, le GAFI…………………………………………...……..31 2- Le rôle du FMI……………………………………………………………………..……..32 3- Le rôle de la banque mondiale……………………………………………………………34 IIPlaces off-shore, secret bancaire et surveillance internationale………………….35 1- Principales caractéristiques……………………………………………………………….35 2- Classement du forum de stabilité financière…………………………………...…………36 IIICoopération internationale, volonté réelle ou écran - fumée ?.............................37

Chapitre 2 : la lutte contre le blanchiment des capitaux au Maroc……..…38 IDiagnostic de la situation marocaine ………………………………………………38 1- Techniques de blanchiment de capitaux dans le secteur bancaire………………..………38 2- Mesures préexistantes dans les banques marocaines……………………………..………47 IILes apports du nouveau projet de loi contre le blanchiment des capitaux…..…..52 1- Les grandes lignes du projet de loi …………………………………………………..…..52 2- Exemples concrets de cas atypiques………………………………………………….…..56 III- Conséquences du projet de loi…………………………………………………..…..58 1- Pour les banques marocaines……………………………………………………….…….58 2- Pour l’économie marocaine………………………………………………………………60 IVLimites du projet de loi…………………………………………………….………..61 1- Ignorance du secteur informel……………………………………………………………61 2- Ignorance des délits fiscaux………………………………………………………………62 3- Ignorance du recours aux services financiers sur le Web à des fins de blanchiment de capitaux………………………………………………………………………………..…63 4- Blanchiment de capitaux via les Fiducies et autres structures non constituées en sociétés……………………………………………………………………………………65 5- Avocats / Notaires, Comptables et autres professionnels…………………………...……67 6- Ignorance de l’utilisation abusive des organismes à but non lucratif à des fins de financement du terrorisme………………………………………………………………..67 7- Ignorance de l’importance du blanchiment de capitaux par l’intermédiaire du secteur des valeurs mobilières…………………………………………………………………..……68

Conclusion…………………………………………………………………..…70 Bibliographie……………………………………………………………….….71 Annexes………………………………………………………………………...72

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REMERCIEMENTS

Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à Mme Ghalia Drissi, senior consultante au sein de Valyans Consulting, pour m’avoir encadrée, aidée et soutenue durant toute la période de mon stage.

Je remercie aussi vivement M. Lahrichi, professeur de finance à l’ISCAE pour avoir fourni des efforts inconsidérés afin que ce présent travail puisse aboutir.

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INTRODUCTION Depuis la seconde partie du XXème siècle et parallèlement à l’évolution des règles de la finance mondiale, la criminalité financière s'est progressivement transformée en un phénomène complexe et planétaire. En effet, la libéralisation et la déréglementation financière ont progressivement créé un espace financier international, dans lequel les capitaux peuvent circuler librement et en quelques minutes d'un bout à l'autre de la planète. Démocratisant l'accès au système financier international, autrefois réduit aux échanges entre quelques pays, la mondialisation a aussi fragilisé la portée des réglementations nationales. Cette complexité provient, également, de l'intégration de l'économie criminelle dans l'économie légale ainsi que l'opposition entre le caractère transnational des délits et l'organisation politique et juridique reposant sur le principe de la territorialité. Une telle situation rend très difficile le succès de toutes les initiatives visant à combattre ce fléau. De plus, les technologies nouvelles qui permettent le développement des techniques financières, telles que les produits dérivés, ont radicalement transformé la sphère financière au moins dans trois aspects : elles ont écrasé l'espace et le temps, elles permettent des effets de levier et des déplacements de monnaie sans rapport avec la réalité des échanges et elles donnent à des machines le pouvoir d'agir et de contrôler les actions des hommes. Toutes ces raisons ont permis le développement de la criminalité financière, qui certes a trouvé un environnement d’évolution bien propice, et a donc pris des formes nouvelles mais qui n'est pas, en elle-même un phénomène nouveau: il est aussi ancien que le crime lui-même. Les criminels se sont toujours employés à dissimuler la provenance des valeurs patrimoniales acquises illégalement pour effacer toute trace de leurs méfaits. Cette dissimulation s’effectue grâce à la technique du blanchiment des capitaux, cœur même de la criminalité financière. En effet, c’est grâce à cette technique que les organisations criminelles réussissent à introduire des capitaux illégaux dans une économie supposée constituée de fonds légaux. Cet aspect même de la criminalité financière qu’est le blanchiment des capitaux constitue le sujet central de ce présent mémoire qui s’articule autour d’une problématique ayant un lien direct avec le blanchiment des capitaux.

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C’est dans ce contexte que nous avons cherché à étudier ce phénomène, en connaître les causes principales, les sources, les mesures prises ailleurs et comment le Maroc est notamment les banques marocaines comptent réagir vis-à-vis de ce problème. Voici quelques questions aux quelles nous avons tenté de répondre à travers le présent travail: Quels sont les termes de ce projet de loi ? Que préconise t-il ?comment les banques marocaines réagissent-elles face à ce projet ? Et quelles sont leurs appréciations ? Afin de trouver réponse satisfaisante à ces interrogations, il nous a paru judicieux d’entamer le travail par une présentation claire et précise du phénomène de blanchiment des capitaux, à travers la mise en relief de sa définition, de ses mécanismes de fonctionnement et ses facettes. Après avoir achevé cette étape préliminaire, il a été jugé intéressant de se pencher sur le processus de lutte contre le blanchiment des capitaux à l’échelle internationale, afin de comprendre le vrai sens de la coopération internationale en ce domaine. Enfin, il est nécessaire d’axer la dernière partie sur le cas particulier du Maroc, en essayant d’établir un diagnostic de la situation actuelle de notre pays par rapport au blanchiment de capitaux et de définir précisément les grandes lignes du nouveau projet de loi, ses conséquences et in fine ses limites.

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Partie 1 : Présentation, mécanismes et facettes du blanchiment des capitaux Le blanchiment de l’argent est une expression qui a été employée pour la première fois aux États-Unis pour définir la mainmise de la mafia sur des laveries automatiques. A l’époque de la prohibition, les gangsters américains mirent cette technique au point en investissant leurs revenus illicites dans une chaîne de laveries automatiques, les « laundromats ». Les revenus étant exclusivement encaissés en monnaie fiduciaire, les chiffres d’affaires de ces entreprises devenaient incontrôlables, offrant ainsi la possibilité d’investir des revenus occultes et illicites dans des entreprises légales et respectables.

En effet, dans les années 1920, le gangster AL CAPONE (chef de la famille mafienne de Chicago) racheta une chaîne entière de laveries automatiques où les ménagères payaient leur lessive en argent liquide. L’objet du projet était de camoufler la provenance de ses capitaux. Les recettes étant incontrôlables, il ne restait plus qu’à ajouter l’argent sale du trafic d’alcool à l’argent propre des blanchisseries pour en faire des sommes complètement licites.

En outre, l’expression « blanchiment d’argent » a été utilisée pour la première fois dans le cadre juridique en 1982 lors d’une affaire intéressant les États-Unis et impliquant la confiscation de fonds provenant de la cocaïne colombienne. Il est important de souligner que le terme « blanchiment » l’a emporté sur «blanchissage» après une longue lutte sémantique.

Ce vocable est utilisé avec des sens quelque peu différents selon les latitudes et la nature de ses utilisateurs : politiciens, économistes, juristes, sociologues, financiers ou encore les spécialistes des phénomènes mafieux…

Il est donc pertinent d’essayer de cerner cette notion et de lui donner une définition la plus précise possible.

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Chapitre 1 : Présentation du blanchiment des capitaux Le blanchiment des capitaux n’est pas un phénomène nouveau, il est aussi ancien que le crime lui-même, ce n’est que sa définition qui a évolué au fil des années pour passer d’une définition empirique qui se limite à décrire le phénomène du blanchiment à une définition juridique qui permet de le cerner complètement en distinguant entre ses principales sources.

Le premier chapitre de la première partie nous permettra dans une première section, de donner la définition empirique et juridique, la plus précise, du blanchiment et dans une deuxième section, d’identifier ses deux principales sources qui sont l’argent noir et l’argent sale.

I- Définitions du blanchiment des capitaux 1- Définition empirique

Selon le dictionnaire le Petit Robert, le blanchiment est une opération qui consiste à donner une existence légale à des fonds dont l’origine est frauduleuse ou illicite. Dans d'autres dictionnaires, tel que le Petit Larousse, le blanchiment est désigné comme l'action de faire disparaître toute preuve de ses origines irrégulières ou frauduleuses.

Le Conseil de l’Europe définit le blanchiment à partir de sa finalité qui se résume dans « la transformation de fonds illicites en argent licite, donc réinvestissables dans des secteurs légaux ou utilisables à des fins personnelles» Pour d'autres auteurs, le blanchiment signifie « l'existence d'un argent sale que l'on veut nettoyer, blanchir ou laver de sa saleté» (1)

Dans le langage moderne, il s’agit d’un processus plus complexe, recourant souvent aux derniers progrès de la technique, qui a pour objectif d’assainir l’argent de façon à camoufler sa véritable source. Le but est de justifier le contrôle ou la possession d’argent blanchi. La notion de blanchiment repose sur l’existence d’argent « sale » ou « noir », c’est-à-dire de fonds qui, laissés tels quels, sont susceptibles de permettre de remonter aux auteurs d’une activité illégale.

1Jean-Louis Hérail & Patrick Ramael,"Blanchiment d'argent et crime organisé", PUF, 1996, p. 50

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Comme concept délinquantiel, le blanchiment se caractérise par la recherche des effets suivants : l’effacement de toute trace d’identification, la garantie de l’anonymat des déposants, l’assurance de récupérer rapidement les fonds propres.

Le délinquant recherche les ressources suivantes : 

La fiabilité, par le recours au système bancaire à la fin du processus,



La rapidité, en privilégiant les circuits les plus courts possibles,



La discrétion, en choisissant les pays d’accueil des opérations aux législations favorables» (2)

En effet, l’un des principaux théoriciens dans ce domaine, Paolo Bernasconi a rappelé dans l’une des ses publications, les trois types de raisons pour lesquelles des capitaux peuvent être blanchis: 

« Capitaux exportés d’un pays en violation des normes légales prévoyant des restrictions en matière de change et de devises.



Capitaux en fuite à l’étranger parce qu’ils ont été soustraits à l’imposition fiscale nationale.



Capitaux d’origine criminelle constituant le revenu d’un crime ou d’un délit de droit commun» (3)

« Le blanchiment de fonds désigne couramment le recyclage par l’intermédiaire du système financier de l’argent « sale », habituellement des espèces provenant d’activités criminelles, en argent « légitime » de sorte qu’il est impossible de retracer l’auteur de l’opération ou de prouver l’origine illicite des fonds »

Cette définition semble réductrice et incomplète puisque, comme nous le verrons, le système financier n’est pas le seul circuit emprunté par les blanchisseurs et que pour certains auteurs et économistes, le blanchiment ne renvoie pas forcément à une activité criminelle

2 Les cahiers de la sécurité intérieure, "Noir, gris, blanc : les contrastes de la criminalité économique", n° 36, 2ème ttrimestre 1999, p. 56

b- Définition juridique

3 Paolo Bernasconi, " Flux internationaux d’origine illicite : la Suisse face aux nouvelles stratégies ", Tiers Monde-IUED, Genève 1990.

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2-Définition juridique

La notion juridique de blanchiment est précisée dans des textes conçus par des organisations interétatiques à vocation universelle, comme les Nations Unies, ou à vocation régionale comme le Conseil de l'Europe, ou encore par des entités d'intégration comme l'Union Européenne. « La particularité du blanchiment est qu'il se définit par rapport à une infraction préalable, comme par exemple un trafic de stupéfiants. Mais, le problème majeur est de rapporter la preuve des liens unissant les deux infractions, la preuve que le blanchisseur connaissait l'origine de l'argent qui lui avait été confié.» (4) C’est à partir de 1980 que les premiers textes anti-blanchiment sont apparus et que le contrôle d'identité aux guichets des banques, lors de l'ouverture d'un compte a été institué.

III-

Sources du blanchiment des capitaux

Il est très important de définir les sources du blanchiment afin de comprendre les méthodes d’infiltration de l’argent illégal dans les circuits financiers, et de ne pas confondre l’argent «sale», fruit d’activités criminelles et illégales, et l’argent « noir », fruit d’activités légales mais non déclarées. Quoique générateurs de flux financiers, ces sources ont des objectifs différents. Nous les citerons à travers les activités qui sont à leur origine.

1- Catégories d’argent noir

L’argent « noir », bien qu’il soit représentatif du détournement de la légalité, n’a pas la même portée ni la même ampleur que l’argent « sale » issu des activités criminelles. 

Evasion des capitaux

Lorsque les conditions politico- économiques et que le rapport risques/bénéfices sont défavorables pour les investisseurs, ces derniers soutenus par le système financier, recourent à l’expatriation frauduleuse de leurs capitaux privés. Ceci explique la naissance des marchés Offshore – comme c’est le cas pour le Maroc- qui bénéficient aux contribuables désirant échapper au fisc national.

4 Jean-Louis Hérail & Patrick Ramael, "Blanchiment d'argent et crime organisé", O p. cit. , p. 18

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Fraude fiscale

Il existe deux échappatoires : la fraude fiscale et l’évasion fiscale. La première consiste à falsifier la déclaration des revenus, c’est-à-dire à agir illégalement sur les revenus et les déductions mentionnées dans la déclaration afin de ne pas acquitter ses impôts. La fraude fiscale est souvent passible de sanctions civiles ou pénales. La deuxième consiste à diminuer légalement le poids de l’impôt en manipulant les dispositions de la législation. Les abris fiscaux en sont un exemple. Les paradis fiscaux peuvent ainsi être à la, fois légaux ou illégaux, selon la nationalité, le lieu de résidence de l’intéressé ou le code fiscal du pays concerné.

2- Catégories d’argent sale

Les opérations délictueuses liées au trafic des stupéfiants, à la criminalité organisée et financière continuent d’être responsables d’une large part des flux d’argent « sale » dans le monde. 

Drogue

L'usage des drogues représente un danger éminent pour nos sociétés. Or, malheureusement aujourd'hui, c'est toute une économie qui se développe autour ; et ceci sur le plan mondial.8 De nombreux pays, notamment les plus pauvres, produisent des stupéfiants et la consommation de certains pays riches implique les institutions financières dans des circuits de recyclage de l'argent de la drogue, ce qui rend de plus en plus floue la frontière entre économie illicite et économie légale. « Une des saisies les plus spectaculaires dans ce domaine a eu lieu à Douvres en décembre 1997 : les douaniers britanniques ont découvert dans un camion un chargement multi drogues, composé d'une tonne de haschich, 250 kilos de marijuana, 9 kilos de cocaïne, 25 kilos d'ecstasy et 140 kilos de sulfate d'amphétamines. » (5) A l’heure actuelle, la drogue inonde le monde. « Le chiffre d’affaires mondial de la drogue serait largement supérieur à celui du pétrole et il augmenterait de 10 à 20% par an. Ces marges rémunèrent les risques auxquels s’exposent les stupéfiants. Le chiffre d’affaires généré par la drogue en 1998 était de 500 milliards de dollars environ.

5 Jean-Claude Grimal, "Drogue : L'autre mondialisation", Édition Gallimard, 2000, p. 152.

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Les profits tirés annuellement du trafic de drogue (cannabis, héroïne et cocaïne) représenteraient de 300 à 500 milliards de dollars (sans compter les drogues de synthèse qui sont en développement explosif), soit 8 à 10% du commerce mondial.» (6) Les États ont ainsi pu s’apercevoir au fil des ans de l’importance toujours croissante des fonds en provenance de la drogue dans l’économie mondiale. Le trafic de drogue est l’une des premières activités mondiales, mais surtout elle a largement débordé son secteur car les profits ont été indistinctement réinjectés sous formes de placements légaux de père de famille. Il est donc possible de considérer que des pays entiers de l’économie mondiale sont tenus ou soutenus par ces fonds. 

Crime organisé et mondialisation criminelle

Le terme sous-entend une véritable organisation dotée de sa propre logistique. Il désigne entre autres : les trafics de drogues, d’armes, d’espèces animales protégées, de fausse monnaie, l’exploitation des être humains (prostitution, travail clandestin, filières d’immigration illégale), le racket, le détournement de biens publics et les escroqueries informatiques. Les organisations criminelles s’adaptent facilement à la mondialisation financière et à la libre circulation des biens et des personnes. Le concept est apparu aux États-Unis lors de la prohibition des années 1920 et servit à désigner l’activité des trafiquants d’alcool illégal, les bootleggers. Consacrée au crime organisé, la conférence de Naples du 21 au 23 novembre 1994 le définit comme suit :

« Organisation de groupe aux fins d’activités criminelles, présence de liens hiérarchiques ou de relations personnelles permettant à certains individus de diriger le groupe ; recours à la violence ; à l’intimidation et à la corruption, blanchiment de profits illicites. »

Le crime organisé selon l’Interpol : «Toute association ou tout regroupement de personne se livrant à une activité illicite continue, dont le premier but est de réaliser des profits sans souci des frontières nationales»

Les organisations criminelles peuvent mêler sans difficultés leurs activités illicites à d'autres filières tout à fait légales et investir en particulier dans les marchés financiers. Le recyclage de l’argent sale met en jeu une multitude de « paradis bancaires » et ceci sur un plan mondial. L’existence de réseaux d’organisations criminelles, rend plus difficile la lutte contre l’argent sale. Car les risques de poursuites sont faibles du fait de la complexité de la 6 Le Monde Diplomatique, avril 2000, p. 5.

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coopération policière et judiciaire au-delà des frontières. Les chances de démonter de tels circuits semblent être limités, surtout lorsqu’il y a une complicité de hautes personnalités politiques ou de l’un de leurs proches.

L’infrastructure des organisations mafieuses est strictement invisible. Les traces de toutes les opérations effectuées, par elles, sont immédiatement effacées ; ce qui signifie que ces groupes criminels ne peuvent pas exister sans corruption. Les mass- media n’ont jamais parlé suffisamment de ce que font vraiment les organisations criminelles en raison de la complicité, trop fréquente, de personnalités politiques et la complexité des transactions. « Le crime organisé est solidement imbriqué dans le système économique. »

« Les activités criminelles ont été également intensifiées par l’ouverture des marchés, le déclin de l’Etat providence, les privatisations, le libre mouvement des capitaux, la dérégulation de la finance et du commerce international, etc. » (7) Le crime est, somme toute, en train de connaître un engouement considérable. Alors qu’il était confiné à la manipulation des marchés boursiers et aux détournements de fonds publics, le crime organisé tente d’assurer le contrôle de groupes immobiliers ou de grandes sociétés de travaux publics tout en étendant l’activité à d’autres secteurs rémunérateurs.

Après avoir donné la définition exacte du blanchiment ainsi que l’évolution de cette définition au fil des années, et après avoir expliquer la différence entre l’argent « noir » et l’argent « sale », nous avons jugé pertinent de clarifier, dans un deuxième chapitre, les mécanismes et les facettes du blanchiment

Chapitre 2 : Mécanismes du blanchiment des capitaux I- Processus du blanchiment 1- Placement, prélavage ou immersion

La technique du placement ou du prélavage permet de se débarrasser matériellement d’importantes sommes d’argent en numéraire. Les méthodes d’écoulement les plus utilisées sont entre autres : les dépôts ou achats d’instruments monétaires dans des établissements financiers, l’investissement dans des secteurs brassant beaucoup de liquidités (casinos,

7 Michel Chossudovsky "la mafia, monde diplomatique", p. 25

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négociants en métaux précieux, services d’encaissement des chèques, hôtellerie, restaurants, bar, etc.) ou l’acquisition de biens mobiliers ou immobiliers.

Outre les services des IFB, les techniques de placement utilisées dans les IFNB tels que les bureaux de change, les courtiers en valeur, les services postaux et télégraphiques ainsi que les casinos conservent les mêmes caractéristiques dans l’organisation et la structuration du circuit financier et reposent sur les mêmes complicités internes. L’une des techniques de placement les plus courantes est celle de la fourmi ou (shtroumphage), qui semble à première vue relever du bricolage, permet d’utiliser les outils du système bancaire pour les opérations de placement des capitaux illégaux ainsi que leur transfert à l’étranger, grâce au fractionnement ou la structuration des dépôts en opérations de petites sommes, par la multiplication des prête-noms afin d’éviter les contrôles. Lorsque la première étape du placement est réussie pour le blanchisseur, la détection de son activité sera presque impossible sans informations dites «privilégiées ». C’est en effet au stade du placement que le processus de blanchiment est le plus vulnérable, dans la mesure où les dépôts de grosses sommes en numéraire sont plus facilement détectables, et où la preuve de leur origine illégale peut aisément être apportée par les autorités policières, judiciaires ou fiscales. Cependant, comme nous l’examinerons par la suite, l’existence de paradis bancaires et fiscaux de par le monde, contribue largement à la réalisation à terme des opérations de placement. Étape essentielle dans le processus de blanchiment, les institutions financières bancaires et non bancaires qui la réalisent apparaissent comme les principaux agents de la transmission de fonds occultes, assurant ainsi la jonction de l’informalité au reste de l’économie.

2- Empilage, dispersion, brassage ou lavage

Cette procédure consiste à empêcher toute identification de l’origine illicite des revenus occultes, en créant un système complexe de transactions financières successives telles que la conversion de sommes à blanchir en outils de paiement, comme les chèques de voyage, les lettres de crédits, les billets à ordre, les chèques de caisse, les obligations ou les bons du Trésor, l’achat d’or ou de biens destinés à la revente hors du territoire, ainsi que le transfert électronique ou télégraphique des fonds illicites vers différentes places financières. La conversion des capitaux occultes en outils de paiement rend leurs transports, dépôts et placement plus discrets et moins détectables par les autorités chargées de leur contrôle, tandis 14 ISCAE 2006/2007

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que l’acquisition d’or ou d’oeuvre d’art permet la dissimulation de l’identité de l’acquéreur ainsi qu’une meilleure couverture des produits d’origine illégale. L’utilisation des transferts électroniques ou télégraphiques est actuellement une technique très prisée dans le recyclage, dans la mesure où elle garantit la rapidité et l’anonymat, compte tenu des milliards de dollars échangés quotidiennement dans le monde, par les systèmes SWIFT, et CHIPS faisant ainsi passer les techniques de blanchiment de « l’âge de pierre à la génération de l’atome ». Nous reviendrons plus tard en détail sur les techniques du blanchiment.

3- Intégration, recyclage ou essorage

Cette méthode revient à réintroduire les sommes blanchis dans l’économie après leur avoir donné une légitimité. En effet, l’intégration permet de réinsérer le produit des opérations d’empilage dans l’économie de manière à ce qu’ils apparaissent comme les profits légaux d’une activité économique officielle. A ce stade, la preuve de l’illégalité des revenus devient quasiment impossible à démontrer si les deux précédentes opérations ont été brillamment menées à leur terme par les recycleurs. La réinsertion des capitaux blanchis, qui dépend de l’ingéniosité du recycleur, peut prendre diverses formes et utiliser des techniques sans cesse renouvelées, notamment les sociétés écrans et les prêts adossés. Toujours novateurs, les blanchisseurs de capitaux interviennent de plus en plus souvent sur les marchés à terme de marchandises. Extrêmement spéculatifs, très déréglementés et dépourvus de bases matérielles stables, les échanges s’effectuent sur des contrats anticipant l’évolution des cours. Les marchés à terme fournissent un cadre propice pour le blanchiment de grosses sommes. La détection de « transactions miroirs » noyées dans la masse des transactions légitimes qui se réalisent quotidiennement sur ces marchés devient dans ces conditions irréalisable. Aujourd’hui basé sur les subtilités des techniques financières internationales ainsi que sur les dysfonctionnements des législations bancaires, le blanchiment de l’argent illégal exige la complicité des banques et des institutions de dépôts aux stades initiaux de son processus. L’utilisation des centres Offshore et des paradis bancaires et fiscaux, qui garantissent aux utilisateurs de leurs infrastructures le strict respect du secret, dans le montage des circuits de recyclage de l’argent, apparaît comme le principal obstacle dans l’identification et la saisie des capitaux d’origine illégale. De plus le potentiel financier de certaines activités économiques informelles liées aux activités criminelles et illégales internationales exerceront toujours une fascination irrésistible 15 ISCAE 2006/2007

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sur une multitude d’affairistes et de banquiers. Le blanchiment apparaît désormais comme la condition sine qu non à la réalisation et à la viabilité économique des activités informelles marchandes, dans la mesure où les investissements permettant leur reproduction dépendent en partie de la réintroduction des capitaux illégaux dans le circuit économique officiel.

II- Enjeux et conséquences du processus

La réalisation à terme des opérations de blanchiment de capitaux d’origine illégale révèle clairement les contradictions du système bancaire international, dans la mesure où elle bénéficie à la fois de ses dysfonctionnements internes, dus au désordre engendré par les différentes législations bancaires nationales, et de complicités internes, cumulées au principe du secret inhérent à la profession bancaire. En effet, les circuits de blanchiment utilisent les techniques du droit des affaires et du droit fiscal, ainsi que les « exutoires » de l’économie mondiale tels que les paradis fiscaux ou bancaires, qui interviennent aussi bien dans les montages frauduleux, réalisant ainsi la transmission des canaux économiques illégaux vers l’économie légale, que dans les montages fiscaux légaux relevant de l’ingénierie fiscale ou planification fiscale. Utilisant le moindre des interstices par la juxtaposition des différents systèmes bancaires et fiscaux nationaux à travers le monde, la réinsertion des capitaux illégaux dans les circuits économiques « officiels » entraîne indubitablement une série d’effets sur les agrégats économiques enregistrés par les différents comptables nationaux. Cependant, ces incidences sont très difficilement identifiables car elles dépendent essentiellement des différents circuits occultes de recyclage utilisés dans le montage frauduleux. A ce titre, seules la première et la dernière étape du processus de blanchiment affectent les grandeurs économiques significatives, dans la mesure où la seconde étape, l’empilage, consiste uniquement à travestir l’origine illégale des capitaux à recycler.

1- Au niveau du placement

En effet, lors de l’opération d’empilage, l’agitation des instruments financiers au moyen d’une délocalisation des fonds illégaux par différents transits Offshore successifs, n’a essentiellement lieu que dans les paradis fiscaux ou bancaires (nous verrons la distinction entre ces deux termes ultérieurement). Ces opérations, qui ne sont pas enregistrées par ces territoires en raison du statut de non- résident des sociétés utilisées dans les montages, ne 16 ISCAE 2006/2007

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modifient pas non plus la répartition de ces revenus dans la mesure où les montages financiers ont uniquement pour but de masquer le bénéficiaire en dernier ressort, réel détenteur des fonds occultes. En revanche, au premier niveau du blanchiment, le placement, chaque opération entraîne des effets qui lui sont spécifiques. Sont ainsi dénombrées cinq opérations types :

 L’amalgame de fonds illicites à des fonds licites  La structuration des capitaux illicites en petites sommes  L’achat d’objets de valeur  Le change des fonds en monnaies étrangères  L’évasion des fonds vers des paradis fiscaux ou bancaires. L’amalgame de fonds illégaux à des recettes légales d’une entreprise officielle est l’une des opérations de recyclage les plus couramment utilisées dans la mesure où elle n’exige pas ou peu de complicités au sein du système bancaire. Le gonflement des recettes d’une petite ou moyenne entreprise, qui permet ainsi le blanchiment direct des capitaux illégaux, semble à première vue augmenter les recettes de l'Etat. Il en va de même pour les opérations de structuration des capitaux illégaux en plusieurs dépôts successifs d’un faible montant afin de ne pas éveiller les soupçons. La transformation monétaire est toutefois plus poussée dans la mesure où les fonds peuvent être aussi convertis en disponibilités quasi-monétaires (chèques de voyage, billets à ordre, lettres de crédit, chèques de caisse, comptes épargne-logement). Cette transformation monétaire peut néanmoins être considérée comme faisant partie de la seconde étape du processus de blanchiment, l’empilage, si elle intervient lorsque les fonds ont déjà été convertis en monnaie scripturale.

L’achat d’objets de valeur peut bénéficier de certaines complicités dans les milieux professionnels concernés par les circuits de blanchiment. Fortement taxés par l'Etat, ces transactions entraînent une augmentation de ses recettes. L’achat d’or au moyen provenant d’une activité économique informelle se traduit, au niveau du pays où ont eu lieu les opérations, par une diminution de ses disponibilités monétaires en circulation. De plus, si cet or est par la suite exporté, il se manifestera alors comme un transfert positif au niveau de la balance des capitaux, entraînant de la sorte une augmentation fictive des créances officielles sur l’étranger.

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Le change des fonds en monnaies étrangères, lorsqu’il a lieu sur le marché officiel, diminue les réserves de la banque centrale en monnaie étrangères, ainsi que les avoirs du secteur privé non bancaire résident, parallèlement à l’accroissement du déficit de la balance des paiements qu’il engendre en augmentant les créances sur l’extérieur lorsque ces fonds sont insérés dans les mouvements de capitaux à court terme. Lorsque le change s'effectue sur la base d’un contrat privé, (informel, liant un résident à un non-résident) l’opération assimilable à du troc se réalise sans transfert réel de numéraire vers l’étranger. En effet, les transferts de capitaux qui se réalisent simultanément dans les deux pays, ne modifient que la répartition de ces revenus sans affecter les ressources monétaires des deux États. La dernière opération de placement se réalise, quant à elle, à l’étranger. Les fonds en numéraire sont exportés de préférence dans un paradis fiscal ou bancaire e, où ils sont déposés sur des comptes anonymes. Cette évasion monétaire provoque donc une rétention de la masse monétaire en circulation, qui dépend du temps nécessaire à l’organisation criminelle pour acheminer ces fonds vers la place financière sûre, ainsi que du volume de numéraire récupéré par la banque centrale auprès des banques Offshores. La rétention monétaire s’accompagne ainsi d’une diminution des réserves liquides au niveau de la banque centrale, parallèlement à une augmentation du déficit de la balance des capitaux lorsque ces capitaux sont changés à l’étranger. Si le change est effectué en monnaie fiduciaire dans le cas d’un petit pays, avec contrôle des changes, les devises peuvent être soit conservées sous forme de billets sur le sol national, soit exportés puis déposées dans des banques installées à l’étranger. Il sera alors possible d’évaluer statistiquement les réserves en monnaie étrangères constituées à l’intérieur et les placements effectués à l’extérieur des frontières du pays.

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2- Au niveau de l’intégration

Au niveau de l’intégration, troisième et dernière étape du blanchiment, les incidences de la réinsertion des capitaux occultes sur les agrégats monétaires résultent aussi des filières employées lors du montage financier. Lorsque le processus de blanchiment se réalise en économie ouverte, c’est à dire lorsque les fonds sont déposés à l’étranger et qu’ils ne sont pas réinsérés dans le pays où a eu lieu l’activité économique qui les a engendrés, mais dans un pays tiers par la technique du prêt adossé (nous la développerons dans la partie suivante), cette opération entraîne une création monétaire. En effet, dans ce cas de figure, le prêt accordé en monnaie locale, sera nanti sur une somme déposée en monnaie étrangère, ce qui se traduira alors par une augmentation au niveau de la masse monétaire nationale, inversement proportionnelle à la diminution de sa vitesse de circulation, et parallèlement à l’accroissement des dettes contractées à l’étranger, donc du déficit de la balance des paiements. Cette opération d’intégration déstabilise donc la demande de monnaie, tout en augmentant les recettes de l'État, par la taxation du produit de la transformation des capitaux en biens et services de luxe ou en placements liquides. Lorsque l’opération d’intégration se réalise au moyen d’un montage financier faisant intervenir des sociétés d’import- export, le gonflement fictif des activités du groupe par les techniques de surfacturation ou de double facturation, se traduit par une augmentation positive artificielle des transactions courantes enregistrées dans la balance des paiements. Réalisées par le système bancaire officiel, ces exportations fictives laisseront ainsi à croire à une augmentation de la masse monétaire des agents non bancaires, un gonflement des dépôts interbancaires, ainsi qu’un accroissement des créances à l’étranger, confortant ainsi la situation économique du pays par rapport au reste du monde au travers des bons résultats des balances commerciales, des services, des revenus des facteurs ou des transferts unilatéraux. L’intégration des capitaux illégaux quand elle se réalise en circuit fermé, c’est à dire lorsque le prêt adossé est libellé dans la même monnaie que les dépôts en numéraire ou lorsque les opérations de placement et d’empilage se réalisent sur le sol national, n’engendre pas, quant à elle, de création monétaire. Cette dernière opération permet néanmoins une transformation monétaire et une augmentation artificielle des recettes de l'État lorsque ces fonds servent à acquérir des produits de luxe ou des biens immobiliers ou financiers.

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Il est prouvé que le maillon le plus faible du processus de blanchiment est le stade du placement. C’est la phase la plus délicate où les profits illicites peuvent être facilement détectables. Le recyclage de ces profits dans des circuits financiers peut induire une vulnérabilité. Cependant, la réussite du processus repose essentiellement sur l’efficacité et l’ingéniosité des techniques utilisées.

Chapitre 3 : Facettes du blanchiment de capitaux I-

Moyens primaires de blanchiment

Ce sont des techniques courantes, souvent utilisées dans la phase de placement. Elles consistent à se débarrasser des liquidités trop gênantes par toute une panoplie de moyens soit dans des établissements financiers traditionnels ou sophistiqués, soit dans l’économie de détail, soit complètement en dehors de l'État par des transferts divers (devises, ordres de virements, achat/vente de valeurs mobilières, virements électroniques, etc.). En effet, l’écoulement de l’argent sale ou noir peut emprunter, dans ce cas, trois circuits différents : 

Dépôt ou achat d’instruments monétaires dans des établissements financiers traditionnels (banques de dépôt et de crédit, banques commerciales, caisses d’épargne, etc.…) ou non traditionnels (bureaux de change, maisons de titres, sociétés de bourse, casinos, services postaux).



Investissements nécessitant beaucoup de liquidités (négociants en métaux précieux, restaurants, bars, casinos…).



Acquisition de biens de luxe (voitures, avions, biens immobiliers, oeuvres d’art…).

Parmi les techniques primaires auxquelles les blanchisseurs ont recours, nous citerons :

1- L’amalgame

C’est l’une des opérations les plus simples qui consiste, comme nous l’avons évoqué précédemment, à mêler les revenus illégaux à ceux qui sont issus d’une activité légale, rien de plus facile pour les commerces faisant la plus grande partie de leur chiffre d’affaires en

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espèces. Un antiquaire qui vend une commode Louis XV à 50 000 euros peut très bien prétendre l’avoir vendu à 70 000 euros et blanchir ainsi 20 000 euros qui proviennent d’un trafic de drogue.

2- Acquisition d’objets de luxe ou de biens immobiliers

Elle constitue une méthode de blanchiment non négligeable. Le but de ces achats est tridimensionnel. Ils permettent de s’offrir un style de vie distingué et luxueux, transformer l’aspect voyant des profits colossaux illicites en une valeur à peu près équivalente mais moins voyante et de constituer des avoirs de réserve qui seront utilisés pour la poursuite des activités criminelles.

3- Falsification des résultats de l'entreprise

Les blanchisseurs peuvent recourir à l'utilisation d'entreprises commerciales pour masquer leurs revenus issus des activités illicites. L'une des déviations les plus courantes consiste à falsifier le résultat de l'entreprise de façon à accroître substantiellement les bénéfices. Ainsi, les écritures comptables seront modifiées pour justifier un exercice florissant ou une activité très rentable. La technique est d'autant plus facile lorsque l'entreprise opère au travers d'une chaîne de sociétés, dont certaines réalisent des bénéfices, d'autres pas. Ceci motive les transferts financiers d'une société à l'autre et rend moins apparente l'opération de blanchiment (Accroissement de l'effet de levier des sommes blanchies).

4- Transport physique de l'argent

Cette technique consiste à utiliser les services des passeurs professionnels pour transporter l'argent "cash " vers des intermédiaires financiers complaisants. Avocats et courtiers ont souvent été impliqués pour réceptionner des valises de billets qui devaient alimenter des dépôts anonymes sur des comptes numérotés. L'objectif est donc d'expatrier des profits générés par les activités criminelles pour les injecter dans le système financier international, en profitant des législations et réglementations souples ou laxistes de certains pays. 21 ISCAE 2006/2007

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A part ces méthodes « primitives », la mise en oeuvre de techniques de blanchiment requiert le recours d’expertises juridiques, fiscales et bancaires qui est fourni contre forte rémunération par certains départements spécialisés du secteur bancaire et des avocats d’affaires dont c’est la principale activité. Les procédés utilisés se caractérisent par leur degré de fiction.

II-

Manipulation des documents commerciaux

1- La fausse facture

De très nombreux exemples à base de fausses factures peuvent illustrer des procédés de blanchiment. La technique suppose l’existence de deux sociétés pouvant prétendre à des rapports commerciaux, elle permettra, en outre, aux mafieux de transformer l’argent liquide en monnaie scripturale en justifiant leurs revenus. Le plus souvent, une société X qui est contrôlée par un groupe de criminalité organisée, entre en contact avec une autre société Y soucieuse de récupérer de l’argent liquide pour échapper aux charges fiscales, nourrir sa « caisse noire » ou subvenir aux dépenses personnelles de ses dirigeants. Cette société Y va émettre des chèques ou des effets de commerce, en contrepartie des fausses factures dressées par la société X, et pourra ainsi alourdir fictivement ses charges réelles. Pour sa part, la société X va encaisser ces chèques et remettre des espèces (montant des chèques moins la TVA et le plus souvent une commission) aux dirigeants de la société Y.

2- La fausse vente aux enchères

Il suffit que la valeur des objets à vendre soit difficilement identifiable, quant à leur valeur ou leur origine, pour que cette technique soit mise en oeuvre. Le trafiquant remet une somme d’argent en liquide à un complice qui achète l’oeuvre lors de sa mise aux enchères. Le trafiquant reçoit alors en paiement le montant qu’il voulait blanchir des mains du commissaire priseur. Le complice restitue les objets et reçoit une commission. Le degré de fiction reste dans ce cas relativement faible. La légitimité des transferts sera plus forte si les trafiquants passent de vrais contrats et impliquent des tiers qui peuvent être de bonne foi.

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Blanchiment des capitaux III-

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Blanchiment par contrat sous fausse relation contractuelle

Cette technique ne suppose pas forcément l’existence d’un contrat en bonne et due forme. Elle reste néanmoins très vulnérable.

1- La convention de prêt

L’argent à blanchir fait l’objet d’un transfert à l’étranger, généralement vers un paradis fiscal et/ou bancaire. Le versement se fait sur le compte d’un holding constituée par une organisation criminelle et dont l’anonymat des dirigeants est assuré. Cette société passe une convention de prêt avec une autre société se trouvant sur le territoire de l’organisation mafieuse, et lui appartenant d’une manière plus ou moins directe. Le contrat peut servir à l’achat de biens immobiliers. Les malfaiteurs remboursent le prêt et paient les intérêts qu’ils déduisent de leur revenu imposable.

(8)

2- La cession conventionnelle du prêt

C’est le moyen le plus simple et le plus efficace qui permet de transférer l’argent blanchi du paradis fiscal à la banque du criminel sans que celui-ci ait à rembourser la totalité du prêt. La cession du prêt à une tierce personne nécessite l’autorisation du créancier. La crédibilité de l’opération repose sur la nature des relations contractuelles qu’entretiennent le débiteur principal et la partie tierce à la convention de prêt. La cession de prêt doit, si possible, apparaître comme une forme de compensation.

8 Marie Christine DUPUIS, « Finance criminelle », PUF, juin 1998, p. 89

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Blanchiment des capitaux

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3- Le prêt garanti ou adossé

La technique du prêt adossé a été mise au point par Meyer Lansky

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dans les années

cinquante. Ce financier de la mafia New-yorkaise avait essayé de profiter de la discrétion des banques suisses pour blanchir à moindre risque les ressources du crime organisé américain. L’argent à blanchir est déposé dans une banque Offshore qui délivrera une caution en faveur d’une autre banque située dans l’un des pays de l’Europe. Une demande de prêt sera effectuée auprès de cette banque européenne par les prête-noms ou avocats d’affaires des groupes mafieux, qui se serviront des sommes empruntées pour acquérir des biens immobiliers. L’emprunteur a alors le choix entre deux possibilités : i. Soit il décide de ne pas rembourser le prêt ; à ce moment là, la banque prêteuse fera jouer la caution qui n’engagera pas d’action « récursoire » en vue du recouvrement de la créance qu’elle a sur le débiteur défaillant. Les fonds seront alors légalement transférés de la banque Offshore à la banque de l’emprunteur et s’en trouvent donc blanchis. ii. Soit l’emprunteur rembourse et utilise l’argent sale pour un autre prêt. Le montage peut être affiné en ayant recours à des sous- cautions, l’aval étant constitué par une société propre ayant une renommée et des activités commerciales légales. L’emprunt doit être proportionné à la somme des revenus disponibles. En cas de recours à une société étrangère pour une caution, le mafieux peut toujours se protéger contre les potentielles investigations policières en démontrant qu’il entretient une relation contractuelle, qui peut avoir une forme commerciale, avec cette société étrangère. Il peut notamment, par l’émission de fausses factures, montrer qu’il a une créance sur la société qui se porte caution ou sur la sous-caution. Il est évident qu'un prêt adossé à des comptes de dépôts alimentés par des espèces apparaît vite comme suspect. Cependant, dès lors que ces versements sont effectués dans des places offshores où ils sont autorisés, pour être ensuite transférés vers des places financières respectables, l'intervention des autorités judiciaires et policières devient extrêmement difficile. En nantissant des prêts sur des sommes déposées préalablement à la banque, l'entreprise de couverture à l'opération d'intégration peut ainsi justifier officiellement des rentrées et sorties d'argent. En remboursant le prêt, l'entreprise s'octroie, dans les faits, les intérêts de son emprunt fictif qu'elle défalque par la suite des profits déclarés annuellement.

9 Marie-Christine Dupuis, "Finance criminelle", PUF, juin 1998, p. 89.

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4- Le crédit adossé au contrat d’assurance

Certains assureurs ont trouvé une astuce qui leur évite à la fois une enquête très poussée des autorités et le risque d’être complice d’un blanchiment. Il est courant pour les blanchisseurs d’utiliser les montages financiers des assurances pour blanchir leurs capitaux. Il leur suffit de souscrire des contrats d’assurance-vie, de les payer en liquide et de les dénoncer dans un délai d’un mois. Le blanchisseur se trouve avec un chèque émanant d’une compagnie d’assurance « plus blanc que blanc ».

5- Le crédit documentaire sur un faux contrat principal

Le crédit documentaire est une technique de paiement à l’international qui permet à deux partenaires étrangers qui ne se connaissent pas de vendre en étant certains du paiement et de l'acheminement de la cargaison transportée. L’opération se déroule, schématiquement comme suit :

La société S2 demande à sa banque l’ouverture d’un crédit documentaire en faveur de la société S1. Si la banque accepte, elle consent à son client une ouverture de crédit et elle devra payer le vendeur contre la remise de certains documents (factures et documents de transport entre autres) bien évidemment faux. La banque ne se préoccupe pas du contrat commercial. Une fois, les documents conformes présentés, la banque effectue légalement les transferts réels des fonds et l’argent réintègre le circuit légal. Le crédit documentaire peut être endossé par un troisième intervenant de bonne foi à l’occasion d’un contrat de fourniture. L’opération devient alors plus complexe puisque nous aurons trois sociétés et trois banques. L’intervention d’un tiers de bonne foi renforcera l’apparence légale de la transaction.

6- Le vrai procès sur faux contrats

Une société qui souhaite rapatrier des fonds qu’elle détient dans un paradis fiscal, déposés sur le compte d’une société peut intenter un procès pour faute contractuelle fictive ou inventée (non livraison de biens consomptibles dans les délais). La société implantée dans le paradis fiscal lui laisse volontairement gagner le procès ou bien les deux groupes décident de transiger. Le degré de fiction est dans ce cas moins évident

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puisque les documents qui justifient les transferts de fonds sont vrais, et il faut remonter au rapport primaire pour avoir une chance d’identifier la fausseté de la cause.

IV-

Blanchiment par contrats de sociétés

Il existe quatre types de sociétés assurant l’opacité de l’origine illicite des biens ou des revenus et la justification des mouvements de fonds en créant de faux liens contractuels.

1- Les sociétés de façades

Ces sociétés réalisent une part importante de leur chiffre d’affaire en espèces à travers des activités commerciales, industrielles ou de prestations de service. Par conséquent, elles deviennent la cible prisée des organisations criminelles pour prélever une partie de leurs revenus illicites. La technique la plus utilisée est celle de l’Amalgame. Ces sociétés de façade sont des entités juridiques légalement constituées qui participent plus ou moins à des activités licites qui servent essentiellement à masquer le blanchiment de fonds illicites.

2- Les sociétés de fantômes

Cette société n’existe que de nom et aucun document d’enregistrement n’a jamais été établi. Il s’agit d’une véritable société « ghost » qui apparaît le plus souvent sur les documents officiels et les ordres de transfert de fonds en tant que consignataire, transitaire ou autre et qui sert à cacher le bénéficiaire final des fonds d’origine criminelle. Un exemple d’utilisation des sociétés fantômes a été observé au Nigeria.

Une société sise au Nigeria commande des biens à une société basée aux Etats- Unis pour être expédiés vers une société située au Nigeria. Le gouvernement nigérian avait toutefois signalé l’inexistence de ladite société. En passant la commande auprès du fournisseur américain, la société nigériane a pu obtenir des factures, celles-ci ont été ensuite manipulées pour transférer des capitaux du Nigeria vers les États-Unis par l’intermédiaire de la société nigériane, ceci sans éveiller aucun soupçon.

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3- Les sociétés de domiciles

Il existe une autre forme de sociétés écrans connues sous le nom de sociétés de domiciliation. Celles-ci sont définies par le GAFI comme « des institutions, des sociétés, des fondations, des fiducies, et qui ne se livrent pas à des opérations commerciales ou industrielles ou toute autre forme d’activité commerciale, dans le pays où est situé le siège social, interviennent dans le processus de blanchiment pour procéder à l’empilage des gains d’origine illicite. Elles ne servent pas, comme les sociétés de façade, à placer les gains directement dans le système financier global, mais à masquer les mouvements de fonds d’origine criminelle, à brouiller les pistes.»

4- Les sociétés prêtes à l’emploi ou sociétés en rayon

Aujourd’hui, un grand nombre d'États garantissent le secret financier et bancaire et permettent que des sociétés soient détenues sous la forme d’actions au porteur, sans que le véritable bénéficiaire ne soit mentionné sur quelque registre que ce soit. Ainsi, les personnes souhaitant l’anonymat de la propriété réelle des actions au porteur peuvent créer des sociétés écrans en rachetant des sociétés prêtes à l’usage et faites dans ce but là. La société en rayon est constituée conformément à la législation locale à un certain moment dans le passé et son acte constitutif est depuis cette date là stocké avec ceux d’autres sociétés du même type par un intermédiaire qui est en général un avocat. Dans certains paradis fiscaux comme l’Ile de Man, la vente de sociétés en rayon est une activité importante. Ces sociétés sont référencées et vendues sur catalogue. Le prix variera selon la date d’ancienneté ou le lieu d’immatriculation. Elles sont légalement constituées et prêtes à la vente.

V-

Techniques extraterritorialités : paradis fiscaux et bancaires

Pôles attractifs de capitaux, les « paradis fiscaux » sont des pays qui présentent un régime fiscal privilégié « tax heaven », pouvant exempter d’impôts les personnes physiques (Monaco- Andorre, ou la Polynésie Française), ou encore ne taxer que les opérations réalisées sur le territoire national (Costa rica), tandis que les paradis bancaires garantissent aux utilisateurs de leurs infrastructures le respect absolu du secret couvrant les opérations bancaires à l’égard des autorités nationales et surtout, face aux enquêtes des pays étrangers. 27 ISCAE 2006/2007

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Souvent réduits à de petits territoires à faible population, la réglementation du séjour sur le territoire y étant très stricte, les États qui accordent un secret bancaire général, accompagné dans la majorité des cas d’une absence totale de contrôle des changes, compensent largement la sortie de capitaux des déposants étrangers. La souveraineté nationale en matière de secret bancaire ainsi que l’autonomie fiscale de certains territoires, qui fixent les règles de constitution et de fonctionnement des sociétés ainsi que leurs régimes fiscaux, constituent dès lors un problème majeur dans la mesure où ces autorités sont à même de modifier ces règles à tout moment. Outre l’absence de retenues à la source sur les intérêts et dividendes versés, le respect absolu du secret bancaire au moyen des « blocking laws » qui punissent d’emprisonnement ferme tout employé de banque qui aura livré des informations professionnelles, ces territoires fixent le taux de réserves obligatoires à un niveau extrêmement faible, voire nul. La gestion du crédit par l’émission monétaire des banques de second rang ainsi que l’assurance de la sécurité et de la liquidité des dépôts deviennent dans ces conditions très aléatoires tout en augmentant la vulnérabilité du système bancaire, dans la mesure où la banque centrale n’interviendra pas en tant que prêteur en dernier ressort. Ces paradis fiscaux apparaissent comme de véritables « talons d’Achille » du système bancaire et financier mondial, le FMI ne disposant d’informations, plus ou moins fiables, que pour six d’entre eux : Hong Kong, Singapour, les Îles Caïmans, les Bahamas, Panama et Bahreïn. L’étude attentive des différents régimes fiscaux et bancaires de ces Etats aboutit à des situations paradoxales, qui contredisent les réputations surfaites de certains d’entre eux. En effet, certains paradis fiscaux se révèlent être des enfers bancaires ou réciproquement. A l’inverse, des pays n’en faisant pas à première vue partie (Pays-Bas, Belgique), ont volontairement constitué des créneaux au sein de leurs systèmes fiscaux et bancaires afin de drainer une partie de ces capitaux. Ainsi, l’Autriche a mis au point un système de comptes au porteur pour lesquels le banquier ignore rigoureusement l’identité de ses clients, tandis que la Banque des Étrangers à Moscou propose des comptes de dépôts numérotés et exemptés d’impôts.

VI-

Techniques des institutions financières

Les marchés financiers constituent actuellement la pierre angulaire autour de laquelle les montages des opérations de blanchiment ont lieu. En effet, de plus en plus, les institutions 28 ISCAE 2006/2007

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financières sont soupçonnées de complicité dans le raffinage de l’argent sale. Le nombre croissant de déclarations d’opérations suspectes transmises par les institutions financières non bancaires et le nombre d’affaires de blanchiment dans lesquelles elles sont impliquées, par rapport aux statistiques comparables pour les banques, témoigne de cette évolution. Les opérations les plus fréquemment rencontrées à l’occasion des soupçons de blanchiment sont le change manuel de devises (63%) et les paiements internationaux (11%).

1- Les bureaux de change

Le rôle des bureaux de change dans le processus de recyclage des fonds n’est pas négligeable. Dans son rapport de 1997 sur l’étude des typologies du blanchiment, le GAFI note en effet : « Presque toutes les délégations ont fait état d’une augmentation sensible du nombre d’affaires de blanchiment effectives ou soupçonnées impliquant ce type d’établissement. Ils offrent une gamme de services intéressants pour les criminels : des services de change qui peuvent servir à acheter ou vendre des devises, ainsi que l’échange de paquets de billets de banque de faible valeur faciale contre des billets de gros montants, l’échange d’instruments financiers comme les chèques de voyage, les eurochèques, les mandats et les chèques de particuliers, les mécanismes de virements télégraphiques » Le recours aux bureaux de change dans le blanchiment s’intensifie surtout dans l’absence d’une réglementation aussi efficace et lourde que celle existant pour les institutions financières traditionnelles. Par ailleurs, les bureaux de change, ayant une activité internationale, ne sont pas dotés de systèmes de contrôle internes les protégeant du blanchiment, d’autant que la majorité de leur clientèle est occasionnelle, ce qui rend plus difficile pour ces établissements la connaissance des clients et la gestion de la traçabilité des fonds convertis. Les bureaux de change interviennent à trois niveaux : D’abord, ils sont utilisés pour convertir l’argent liquide de petites coupures à de grosses sommes ou pour échanger des instruments de paiements. Ensuite, ils organisent des transferts de cash à l’étranger. Les bureaux de change peuvent ainsi être impliqués en falsifiant les documents de transfert monétaires internationaux brouillant la destination réelle des fonds. Enfin, les bureaux de change peuvent jouer le rôle d’interface entre fournisseurs et demandeurs de devises, permettant aux criminels d’écouler leur argent illicite liquide et de masquer l’opération sous couvert d’une opération commerciale légitime.

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2- Les entreprises de remise de fonds

Appelées également centrales de virement, elles permettent le transfert de capitaux aussi bien au niveau local qu’à l’international, moyennant une commission souvent inférieure à celle retenue par les banques. Selon le rapport du GAFI de 1997, l’entreprise reçoit des espèces qu’elle transfère par l’intermédiaire du système bancaire vers un autre compte détenu par une société liée dans une juridiction étrangère où les fonds sont mis à la disposition du bénéficiaire en dernier ressort. Il est observé que les transferts les plus importants d’argent liquide se font vers la Russie où l’économie fonctionne avec des espèces. Par conséquent, ce pays est un pôle d’attraction pour les organisations mafieuses et les blanchisseurs opérant pour le compte d’organisations criminelles variées en quête de circuits de recyclage efficace et surtout efficient.

3- Les sociétés d’assurance

Les compagnies d’assurance se sont longtemps cachées derrière l’évidence de la manipulation des systèmes bancaires pour nier toute infiltration des circuits de l’argent sale dans leur réseau.

Les produits d’assurance pouvant être acquis en espèce ou au porteur constituent une réussite pour les blanchisseurs de capitaux. Parmi les produits d’assurance prisés par les organisations criminelles, nous citerons les « bons de capitalisation ». Ce sont des obligations au porteur émises par la compagnie d’assurance, remboursables partout dans le monde. Étant ainsi un produit international liquide, les bons de capitalisation constituent un canal privilégié de transferts des fonds en prenant des risques faibles. Les bons d’assurance à prime unique sont également utilisés. Cet instrument permet la cession desdits bons quelque temps après leur acquisition avec une décote. Il a été observé que les organisations criminelles s’étaient positionnées sur le créneau des polices d’assurance vie.

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4- Le marché boursier

L’implication du marché boursier dans le blanchiment des capitaux reste encore difficile à identifier. Cependant, plusieurs affaires ont révélé l’utilisation de ce marché dans les schémas de recyclage des fonds sales grâce aux transactions réalisées sur les valeurs mobilières.

De par sa nature internationale, le secteur est attrayant vu la rapidité des opérations réalisées par câble et leur liquidité et le faible contrôle de la provenance des fonds. Les blanchisseurs effectuent donc un grand nombre d’opérations d’achat ou de vente de valeurs mobilières, afin de réduire les possibilités de traçabilité des fonds.

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Partie 2 : La lutte contre la criminalité financière

Chapitre 1 : La lutte contre le blanchiment des capitaux à l’échelle internationale

La criminalité financière à grande échelle comporte invariablement des éléments transnationaux. Comme ce type de criminalité est un fléau international, la coopération internationale est une nécessité impérieuse pour le combattre. Un certain nombre d’initiatives ont été prises pour traiter ce problème à l’échelle internationale.

I-

Présentation des acteurs internationaux 1- La mobilisation internationale, le GAFI

Le Groupe d’action financière internationale (Gafi) est l’enceinte internationale de référence en matière de lutte contre le blanchiment. Créé en 1989, à l’initiative de la France, le Gafi a concentré initialement ses travaux sur la définition du standard international en matière de lutte contre le blanchiment, les 40 recommandations du Gafi (annexe). Sur cette base, et en vertu du principe de pression par les pairs et d’évaluation mutuelle fondant cette enceinte, le Gafi a procédé à deux revues de la mise en oeuvre des 40 recommandations par ses États membres. Le Gafi vient d’engager la révision de ses 40 recommandations, pour assurer qu’elles demeurent adaptées aux nouveaux risques nés de l’évolution du système financier international et aux nouvelles pratiques de la criminalité organisée. En 2000, constatant que l’effort international de lutte contre le blanchiment se heurtait aux pratiques non coopératives de plusieurs pays et territoires, dont l’absence de volonté politique et de cadre juridique constituaient des lieux privilégiés pour les blanchisseurs et leur accès au système financier international, le Gafi a engagé des travaux sur les pays et territoires non coopératifs. Le G 7, tout particulièrement la France et les États-Unis, a joué un rôle moteur et déterminant dans le lancement de cette initiative qui a conduit le Gafi à publier en juin 2000 une liste noire de 15 pays et territoires non coopératifs et à identifier les déficiences en matière de lutte contre le blanchiment de 14 autres pays.

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Depuis juin 2001, le Gafi a procédé à un examen attentif des progrès réalisés par plusieurs de ces pays vers le renforcement et la mise en conformité avec les standards internationaux de leurs dispositifs antiblanchiment, sur la base d’une méthodologie mettant l’accent sur la mise en oeuvre effective des réformes législatives adoptées. En juin 2001, le Gafi a décidé, sur la base des progrès accomplis, de sortir quatre pays de la liste noire, tout en maintenant un suivi précis et rigoureux de la mise en oeuvre des réformes visant à assurer la pérennité de ces efforts. En raison de l’absence de progrès accomplis par trois des pays listés en juin 2000, le Gafi a recommandé par ailleurs l’adoption de contre-mesures additionnelles envers la Russie, les Philippines et Nauru au 30 septembre 2001, sauf si ces pays promulguent dans l’intervalle des réformes répondant de manière significative aux déficiences identifiées. Le Gafi a par ailleurs relevé les progrès accomplis à des degrés variables par les huit autres pays listés en juin 2000. Il a considéré que les réformes législatives accomplies aux îles Cook, aux îles Marshall, en Israël et au Liban représentaient des avancées positives dans la réponse aux lacunes précédemment relevées pour passer à la phase d’évaluation de la mise en oeuvre effective de ces réformes. Enfin, sur la base d’une nouvelle revue, le Gafi a inscrit six nouveaux pays sur la liste noire des pays et territoires non coopératifs en juin 2001. Il a dans le même temps identifié les déficiences en matière de lutte contre le blanchiment de quatre autres pays. Au 22 juin 2001, la liste noire des pays et territoires non coopératifs comprend donc les 17 pays suivants : Dominique, Égypte, Guatemala, Hongrie, îles Cook, îles Marshall, Indonésie, Israël, Liban, Myanmar, Nauru, Nigeria, Niue, Philippines, Russie, Saint Christophe et Nieves et Saint-Vincent-et-les-Grenadines. En 2007, cette liste ne comprend plus aucun pays.

2- Le rôle du FMI

Par son mandat visant à la stabilité du système financier international, le FMI a un rôle central à jouer pour limiter les effets adverses associés à la globalisation financière. C’est pourquoi le gouvernement français plaide sans relâche en faveur d’une exemplarité du FMI en matière de lutte contre les "abus financiers" internationaux, et notamment sur les aspects liés à la lutte contre le blanchiment des capitaux, condamnable en soi mais également facteur d’instabilité pour le système financier international. En effet, l’ampleur des flux de capitaux liés au blanchiment constitue aujourd’hui un risque majeur pour l’intégrité du système financier international ainsi que pour les systèmes

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financiers des États membres, et confère à la lutte contre le blanchiment le caractère d’un "bien public mondial". La création du Gafi en 1989 et l’élaboration de ses 40 recommandations en matière de lutte contre le blanchiment visaient à mettre en place l’indispensable coordination multilatérale pour ces questions et à définir le standard international, c’est-à-dire le corps de normes internationales à respecter en la matière. Les recommandations étant désormais reconnues par une très grande partie de la communauté internationale (plus de 130 pays, à travers notamment les groupes régionaux institués sur le modèle du Gafi), il était nécessaire que le FMI reconnaisse la lutte contre le blanchiment comme une part intégrante de son mandat, en complément de son rôle en matière de surveillance et de détection des vulnérabilités financières. Lors de son discours au Comité monétaire et financier international le 24 septembre 2000, Laurent Fabius, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie rappelait cet impératif en indiquant que " la lutte contre le blanchiment d’argent dans le monde doit être au coeur de nos préoccupations. Les effets néfastes du blanchiment d’argent sur la stabilité du système financier international et sur le développement durable de l’économie mondiale, notamment celle des pays émergents, ne sont plus à démontrer (...) Il appartient désormais au FMI et à la Banque mondiale de prendre pleinement en compte, dans la définition de leurs priorités et dans leurs programmes, la question du blanchiment d’argent en général et les conclusions de ces travaux multilatéraux en particulier. Les Institutions financières internationales (IFISs) ont un rôle majeur à jouer pour inciter - voire contraindre- les pays non coopératifs à appliquer convenablement les normes internationales, en particulier les 40 recommandations du Gafi. Pour ce faire, elles doivent envisager de restreindre ou de soumettre à conditions leur soutien à ceux des pays et territoires non coopératifs qui refuseraient de modifier leurs règles et pratiques dommageables ". Le Conseil d’administration du 13 avril 2001 a permis, de ce point de vue, plusieurs avancées significatives, en grande partie du fait des orientations défendues par la France : - le débat au sein du FMI porte désormais sur les modalités opérationnelles de l’intégration de la lutte contre le blanchiment dans le mandat du Fonds et non plus sur son principe ; - cette activité doit à présent être intégrée non seulement dans les fonctions de recherche et d’assistance technique du FMI mais aussi dans ses activités de surveillance, ainsi que celles associées à l’assistance financière accordée aux pays emprunteurs (à condition que l’impact macroéconomique des activités de blanchiment soit avéré) ;

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- le FMI reconnaît enfin que les 40 recommandations du Gafi constituent la norme internationale en matière de lutte contre le blanchiment. Toutefois, les réticences demeurent nombreuses au sein du FMI, notamment de la part de représentants de pays ayant développé des activités financières peu encadrées et sources de revenus substantiels. Lors des débats qui se tiendront dans les mois à venir au Conseil sur la mise en oeuvre opérationnelle des recommandations du Gafi, le Gouvernement français fondera sa position sur les éléments suivants : - renforcement de la collaboration et de l’échange d’informations entre les services du FMI et ceux du Gafi, notamment dans le cadre de l’exercice de révision des 40 recommandations ; - création d’un module Rosc (Rapport sur l’observation des normes et codes) spécifique au blanchiment, et devant servir de support aux missions du FMI dans le cadre de ses activités de surveillance. Enfin, le FMI continue de mener activement des travaux concernant les places financières offshore. Il examine notamment, en collaboration avec la Banque mondiale, comment ces places financières pourraient contribuer à la lutte contre les abus financiers, en particulier le blanchiment d’argent. De ce point de vue, et en liaison avec l’objectif plus général de porter une attention soutenue aux vulnérabilités du secteur financier et d’en améliorer l’analyse dans le cadre des activités de surveillance, le FMI a entrepris, en grande partie sous l’impulsion de la France au sein du G 7, d’aider les places financières offshore à améliorer la qualité de leur contrôle financier.

3- Le rôle de la banque mondiale

La Banque mondiale et ses filiales

sont triplement concernées par la lutte contre le

blanchiment : - en tant qu’établissements financiers, les institutions du Groupe Banque mondiale doivent être particulièrement vigilantes sur toutes les questions relatives au blanchiment et à la lutte contre la criminalité dans la conduite de leurs opérations. Ceci concerne de manière prioritaire les opérations des filiales de la Banque mondiale qui effectuent des opérations avec le secteur privé ; - dans les conseils qu’elle donne aux gouvernements et dans les programmes qu’elle soutient dans le secteur financier, la Banque mondiale doit promouvoir les meilleures pratiques en matière de lutte contre le blanchiment et la criminalité financière ; 35 ISCAE 2006/2007

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- enfin, la Banque mondiale joue un rôle important, avec le FMI, dans la promotion de la stabilité financière internationale, qui constitue un bien public mondial. Dans ce cadre, la Banque participe avec le FMI aux revues des systèmes financiers (FSAP) et des codes et normes (Rosc), et doit donc prendre en compte dans ce cadre les recommandations internationales sur la lutte contre le blanchiment. À la demande de plusieurs actionnaires, dont la France, la question du rôle du FMI et de la Banque mondiale dans la promotion de l’intégrité du système financier international a été inscrite à l’ordre du jour des comités de printemps 2001. Lors des délibérations du conseil, les administrateurs ont cherché à préciser le rôle de la Banque dans la lutte contre le blanchiment : - il existe un consensus assez large pour reconnaître que le blanchiment constitue une activité contre laquelle il convient de lutter, notamment en raison de ses coûts en termes de développement ; - la Banque doit s’attaquer aux sources du blanchiment par le renforcement des cadres économique, financier, juridique et institutionnel de ses clients ; - la Banque doit collaborer totalement avec les institutions en charge de la lutte contre le blanchiment et en particulier avec le Gafi ; - la Banque doit être attentive aux questions liées au blanchiment dans ses travaux de diagnostic et en particulier dans les FSAP et les Rosc, qui restent cependant des exercices volontaires ; - la Banque accentuera ses activités de développement institutionnel et d’assistance technique dans le cadre des stratégies d’assistance pays ; - elle contribuera à la prise de conscience sur ces questions, notamment par des travaux de recherche sur les conséquences du blanchiment, en particulier son impact sur le développement ; - elle reconnaîtra les 40 recommandations du Gafi comme la norme en matière de blanchiment tout en n’approuvant pas nécessairement leur procédure d’élaboration .

II-

Places off-shore, secret bancaire et surveillance internationale 1- Principales caractéristiques  Régime fiscal : comparativement favorable  Droit commercial et financier : complaisant 36

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 Systèmes publics de contrôle : plus légers  Usage de « structures Ad-hoc » : facile  Présence physique d’une société : inutile  Protection légale du secret d’affaires : stricte Ces avantages sont réservés aux non-résidents Utilisation possibles :  Entreprises internationales  Individus et entreprise  Investisseurs  Institutions financières  Compagnie d’assurance  Criminels et délinquants financiers Quantification du problème : Combien de places off-shore ?  47 paradis fiscaux selon l’OCDE  52 centres off-shore, selon l’ U. S. Narcotic Bureau  44 selon le Forum de stabilité Financière Quel volume de capitaux (19 petites places) ?  2370 milliards d’actif en USD fin 12/2004 (BRI) 2- Classement du forum de stabilité financière

Groupe 1 : possèdent moyens de contrôle et pratiques de coopération adaptés au volume d’affaires de la place et de bonne qualité générale. C’est le cas de : Hong-Kong, Luxembourg, Singapour, Suisse, Dublin, Guernesey, Ile de Man, Jersey. Groupe 2 : Niveau intermédiaire Andorre, Bahreïn, Barbade, Bermudes, Gibraltar, Labuan, Macao, Malte, Monaco ;

Groupe 3 : Moyens et pratiques de mauvais niveau C’est le cas de : Anguilla, Aruba, Belize, Iles Vierges Britanniques, Iles Caïmans, Costa rica, Chypre, Liechtenstein, Iles Marshall, Ile Maurice, Nauru, Panama, Bahamas. Constats : Pas d’équation systématique entre places Off-shore et délinquance financière. Pas de nécessité absolue d’une place Off-shore pour procéder à du blanchiment. 37 ISCAE 2006/2007

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Mais opérations considérablement facilitées par leur utilisation. Mesures : Module 1 : auto évaluation Module 2 : intervention d’une équipe de spécialistes extérieurs Module 3 : évaluation d’ensemble correspondant au Financial Sector Assessment Program des membres du FMI.

III-

Coopération internationale, volonté réelle ou écran - fumée ?

Le GAFI a certes rédigé des recommandations et essaie de contraindre les pays à les appliquer, toutefois, cette structure est sans réel pouvoir, et la motivation des pays membres pour appliquer les recommandations du GAFI reste très limitée. Tout en tenant un discours ''antiblanchiment'', le gouvernement français a par exemple créé deux nouveaux paradis fiscaux près de la Guadeloupe. Autre exemple : le GAFI a récemment retiré la Russie de sa liste des pays non coopératifs en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, le gouvernement russe a enfin voté une législation contre le blanchiment. Cependant, aucun système d'application de cette loi n'est mis en place. Notons que la « liste noire » du GAFI, qui comptait plus de 20 pays lors de sa création en juin 2000, n’inclut désormais aucun pays. Le rôle très superficiel du GAFI illustre le manque de volonté des gouvernements concernés pour s'attaquer au coeur du problème.

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Chapitre 2 : La lutte contre le blanchiment des capitaux au Maroc La présente partie a pour objectif principal, dans un premier temps, de traiter les mesures de lutte contre le blanchiment adopté par le Maroc en analysant les grandes lignes de la circulaire n°36, et dans un deuxième temps, d’analyser le point de vue des banques marocaines concernant le phénomène du blanchiment des capitaux, l’apport du nouveau projet de loi ainsi que ses principaux handicaps.

I-

Diagnostic de la situation marocaine 1- Techniques de blanchiment de capitaux dans le secteur bancaire

Le blanchiment d'argent ne peut pas se passer des services substantiels des banques. Ces relations ou liaisons dangereuses, les établissements financiers les dénoncent et les rejettent aujourd'hui sous la pression de leurs autorités de tutelle et des législateurs, après s'être laissées, pendant un moment, ensorcelées par la beauté du diable.

L'argent sale continue de circuler dans les circuits financiers, en particulier, en recourant à un réseau de télécommunications financières internationales. Les techniques traditionnelles bancaires tels les dépôts en espèces et les transferts interbancaires restent encore au goût du jour. Nous dénombrons ci-dessous quelques unes des techniques bancaires couramment utilisées à des fins de blanchiment.

a- Les dépôts fractionnés

Cette méthode consiste à diviser un montant important en plusieurs dépôts pour lesquels la demande légale ne sera pas requise. Concrètement, les gains obtenus des activités illégales sont fractionnés en autant de sommes inférieures au seuil critique qui sont déposés sur des comptes différents par une multitude de petits agents travaillant pour l'organisation. Connue également sous les noms de « smurfing », cette technique demeure très prisée pour introduire de l'argent sale dans le système financier. Le secret de la réussite de cette méthode consiste pour les trafiquants à choisir de grandes agences brassant des sommes importantes, à multiplier les courriers, les comptes, les agences bancaires avant de rassembler peu à peu les dépôts par virements successifs

11 Olivier Jerez, " Le blanchiment d'argent", op -cit, p. 61.

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b- Les comptes anonymes ou sous fausses identités

Selon le rapport du GAFI datant de février 1997, l'utilisation de comptes ouverts sous de faux noms semble diminuer au profit de l'utilisation de comptes ouverts aux noms de parents, d'associés ou de toute autre personne opérant pour le compte du délinquant. « Dans certains pays, des comptes bancaires peuvent être ouverts au nom de mandataires, et les bénéficiaires du contrat de fiducie peuvent être tenus secrets. Les dépôts peuvent être effectués par des hommes de loi au nom de clients auxquels s'applique la règle du secret professionnel des mandataires. Même si les critères d'identité étaient exhaustifs et uniformes, il est possible que les employés de banques se laissent corrompre et acceptent des dépôts de personnes dotées de fausses identités. » (11) « Depuis le 1er août 1996, les comptes anonymes sont prohibés dans tous les pays membres du GAFI, sauf en Autriche où la situation est quelque peu ambiguë. L'Autriche a été accusée de favoriser le blanchiment de l'argent des mafias de l'ex-URSS en maintenant l'anonymat des comptes. Les comptes titres anonymes ont été alors supprimés à partir du 1er juillet 1996, tandis que l'anonymat n'a pas été levé sur les comptes livret. Les banques autrichiennes exigent une pièce d'identité pour l'ouverture de tout compte dépassant 200 000 schillings (17000 dollars). Ces livrets d'épargne anonymes, plus de 26 millions en 1994 pour une population de 8 millions d'habitants », encourageraient encore le blanchiment sous forme de dépôts fractionnés sur plusieurs comptes. Le principal avantage lié à l'utilisation d'un nom d'emprunt, est que, même si l'administration trouve Monsieur Untel en possession d'un relevé de compte émanant d'une banque suisse, celui-ci peut toujours affirmer que ce compte ne lui appartient pas et qu'il reçoit ces relevés pour le compte d'un ami. Monsieur Untel pourra se protéger encore un peu plus (vis-à- vis de ses héritiers par exemple) à l'aide d'une procuration post-mortem combinée à l'utilisation d'une boîte à lettres à numéro par exemple. L'inconvénient de cette procédure est qu'elle oblige à conserver une preuve de l'existence de la procuration post-mortem pour qu'elle puisse, le moment venu, servir aux intéressés. En France, la procuration post-mortem est juridiquement prévue et légale. Pourtant, son utilisation dans le système bancaire est parcimonieuse quand elle n'est pas refusée; pour un service minime et aléatoire, elle génère des litiges entre les héritiers contestataires, le bénéficiaire de la procuration et l'établissement bancaire. (12)

12 Olivier Jerez, " Le blanchiment d'argent", op -cit, p. 77-78.

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c- Le compte numéroté

Son principe est de permettre aux simples employés de banque d'effectuer les transactions courantes sans qu'ils aient connaissance de l'identité du titulaire du compte. Son nom n'est connu que d'un nombre restreint de gens, notamment du directeur de la banque et du chargé de comptes numérotage et de contrôle, mais le but est toujours le même : mettre l'identité du client à l'abri et n'en permettre l'accès qu'à un minimum de personnes responsables.

d- Les comptes collectifs

La technique est souvent utilisée par les ressortissants étrangers. Les immigrants de pays étrangers versent de nombreuses petites sommes sur un compte commun. Ces sommes sont ensuite transférées dans leur pays d'origine. Selon le GAFI 1997, le compte étranger reçoit des paiements d'un certain nombre de comptes apparemment non liés dans le pays d'origine.

e- Les comptes de transit

Il s'agit de comptes à vue ouverts auprès d'institutions financières américaines par des banques ou sociétés étrangères. La banque étrangère verse les dépôts en espèces ou en chèques de sa clientèle sur un compte unique que cette banque étrangère détient auprès d'une banque locale (GAFI, Février 1997). Les clients étrangers ont un pouvoir de signature sur ce compte américain en tant que codétenteurs et peuvent se livrer à des opérations bancaires internationales. Ceci remet en cause les mesures de "connaissance du client".

f- Les guichets automatiques bancaires (GAB ou DAB)

Jusqu'à présent, les guichets automatiques bancaires n'ont présenté aucun danger quant au blanchiment. Cependant, les guichets automatiques de change constituent encore un stimulant potentiel aux opérations de recyclage. En effet, la conversion anonyme de petites coupures en des billets à forte valeur facilite largement le processus de blanchiment des capitaux sales.

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g- Les transferts télégraphiques et interbancaires

Les virements télégraphiques restent un instrument de premier plan, à tous les niveaux du processus de blanchiment, grâce à la célérité à laquelle les transferts sont effectués, rendant ainsi ardue toute tentative de détection du produit d'activités illicites par les autorités, notamment entre plusieurs juridictions. Les virements interbancaires internationaux sont gérés globalement par deux organismes : SWIFT et CHIPS. SWIFT: c’est un système qui chapeaute près de 3 800 banques dans 94 pays et assure 1 600 000 transferts de fonds et crédits documentaires par jour. » (13) Grâce à ce réseau n'importe quelle somme d'argent peut faire le tour du monde en quelques heures. SWIFT a été créé en 1973 sous la forme d'une coopérative de droit privé, constituée par 500 banques européennes et américaines. Son but était de fournir aux banques et à certaines institutions financières le support d'un réseau informatique sécurisé pour réaliser leurs transactions. Par sécurité, les messages sont codés et une vérification systématique de l'émetteur est effectuée grâce à une clé. Le système est opérationnel 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. CHIPS: il traite plus ou moins 950 milliards de dollars de mouvements de fonds par jour, pour le compte de 122 banques. CHIPS reste utilisé aux Etas-Unis où il est le principal opérateur. On estime que 95% environ des transferts interbancaires en dollars passent par CHIPS. A peu près 80% des transferts effectués par CHIPS sont initiés par des messages de SWIFT. Les blanchisseurs peuvent utiliser des comptes ouverts dans différentes institutions au nom de personnes physiques ou morales affiliées à l'organisation criminelle. Cependant, malgré la complexité et la rapidité de ces systèmes, les virements de fonds illicites peuvent être décelés. Les autorités peuvent démanteler l'opération grâce à la récurrence des transferts, qui, cumulés, constituent des montants colossaux. Le blanchiment peut également être révélé par des anomalies ou erreurs produites lors de l'identification des comptes d'origine ou du récipiendaire ou de la falsification de la signature des ordres de virement.

La rapidité des transactions rend difficile mais pas impossible, le contrôle des transferts. Selon Luciano Violante, Président de la chambre des députés italienne, qui fut longtemps président de la commission parlementaire anti-mafia, « Il faut environ 20 minutes pour transférer par voie électronique des fonds d'un pays à l'autre. Il est possible de déplacer ces même fonds 72 13 Jean-Louis Hérail & Patrick Ramael, "Blanchiment d'argent et crime organisé", op-cit, p. 3.

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fois en 24 heures d'une partie à l'autre de la planète. Mais, il faut des semaines pour se procurer les preuves de chacun de ces mouvements » (14) Ses estimations sont quelque peu optimistes puisque parfois la production de la preuve devient une longue marche qui nécessite des mois, voire des années. Elle peut même être impossible dans les zones offshores ou paradis bancaires ou fiscaux où les autorités refusent souvent de coopérer. Pendant que chacun protège sa paroisse, l'argent sale continue de circuler dans les circuits financiers à une vitesse toujours plus grande.

En particulier, grâce au système SWIFT qui est au-dessus de tout soupçon. Rien n'est secret, mais la difficulté est de rattraper cet argent qui court très vite et de savoir déchiffrer un message SWIFT qui laisse peu de traces comptables.

h- La complicité des banquiers : La corruption

Le phénomène ne date pas d'aujourd'hui. La corruption de certains banquiers occupant des postes susceptibles de favoriser le blanchiment de l'argent sale, a toujours constitué une menace pour l'honorabilité et la notoriété de toutes institutions bancaires, quelle que soit la rigueur ou la minutie de leurs procédures de recrutement.

i-

Les banques contrôlées par des organisations criminelles

De plus en plus, les mafias sont en quête de banques qui seraient dévouées à les servir. L'idéal est de posséder le pouvoir de ces banques et les consacrer aux activités de blanchiment. Le contrôle est possible grâce à des prises de participations significatives dans les capitaux de ces banques. Le GAFI rapporte que « la mafia italienne cherche à acheter ou à obtenir des participations, de façon à y installer ses représentants et à s'en servir pour blanchir des capitaux. On a observé aussi des tentatives d'infiltration de personnel bancaire en Suisse » Les banques restent, à leur corps défendant le plus souvent, les acteurs incontournables des opérations de blanchiment. "Incontournables mais pas uniques".

14 Les cahiers de la sécurité intérieure, "Noir, Gris, Blanc", op-cit, p. 11

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Blanchiment des capitaux j-

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Nouvelles technologies et leur implication sur le blanchiment

Les banques en ligne « Ce n’est pas que les sites de banques soient vraiment inquiétants, ce qui pose problème c’est l’ouverture sur Internet de sites de banques en infraction avec la réglementation bancaire. » Olivier JEREZ

 Définition et mise en oeuvre Il apparaît clairement que le nombre d’institutions financières proposant des

services

bancaires en ligne n’a cessé de s’accroître, un pays membre du GAFI a vu le nombre d’institutions financières sur l’Internet décuplé en cinq ans !

Il convient néanmoins de faire une distinction entre la simple présence sur Internet et l’offre de services de transactions (possibilité d’effectuer des opérations financières, telles que les virements directs, les transferts électroniques de fonds, l’émission des chèques, l’achat de valeurs et l’ouverture ou la fermeture des comptes). Les services proposés varient de la vérification de soldes au transfert de fonds vers les comptes d’autres institutions. Les services de transactions peuvent comprendre des activités telles que l’ouverture de nouveaux comptes (comptes courants, comptes d’épargne, etc.…) ; le paiement de factures ; les débits, des GAB et les cartes de crédit ; les prêts en ligne et la collecte de dépôts dans certains cas. Même si certains services bancaires sont proposés par de « vraies » banques en ligne (c’est-à-dire fournissant des services par le biais exclusif d’Internet), les institutions proposant des services de transactions sont pour la plupart des institutions classiques, dont la réputation est faite et pour lesquelles un service en ligne représente un service client supplémentaire.

Le cheminement des communications sur Internet s’effectue de la façon suivante. Toutes les informations retransmises passent par une série de serveurs informatiques. Chaque connexion à partir d’un serveur donné devrait laisser des traces (à savoir un enregistrement de son numéro IP, de la date et de l’heure de la connexion, etc.…) sur les serveurs avec lesquels il communique. Ces renseignements ne sont cependant disponibles que si les serveurs récepteurs à chaque étape ont été paramètres pour créer des « fichiers d’archivage de connexions ». Dans le cas où l’utilisateur opère à l’aide d’un accès par le réseau commuté, il 44 ISCAE 2006/2007

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est possible de retrouver son identité à l’aide des fichiers d’archivage des connexions du fournisseur d’accès à Internet (FAI). Toutefois, si les fichiers d’archivage des connexions ne sont pas maintenus à une étape quelconque du

cheminement, ou si les renseignements sur l’utilisateur du réseau commuté (abonné) sont considérés comme des informations confidentielles, il peut être alors difficile de déterminer le lien existant en dernier ressort entre une activité illégale et un individu précis.

Les préoccupations qui s’expriment vis -à- vis des services bancaires en ligne concernent la réduction évidente des contacts humains entre le client et l’institution financière. Le client peut accéder normalement à son compte à partir d’un ordinateur personnel équipé d’un navigateur sur Internet et disposant d’un accès à Internet fourni par un prestataire de services Internet. L’accès n’est autorisé qu’une fois que le client fournit son code d’identification personnelle au serveur Web de la banque et lorsque le logiciel de chiffrement est utilisé, le navigateur génère automatiquement la bonne clé. Comme ce type d’accès est indirect, les institutions financières n’ont aucun moyen de vérifier l’identité de l’individu qui accède réellement au compte. De plus, du fait du caractère de plus en plus mobile de l’accès à Internet, un client a la possibilité d’accéder virtuellement à son compte de n’importe quel endroit du monde. D’autre part, dans la mesure où l’accès à Internet s’effectue par l’intermédiaire d’un fournisseur d’accès, l’institution n’a aucun moyen de vérifier l’endroit à partir duquel on a accédé au compte. Un individu souhaitant cacher sa véritable identité, blanchisseur ou criminel, peut avoir un accès en ligne illimité à ses comptes en banque et les contrôler en tout lieu.

 Incidence sur le blanchiment de capitaux Il semble que les opérations réalisées en accédant aux services financiers via Internet ne présentent pas en soi et pour soi des risques spécifiques en matière de blanchiment de capitaux. Ce sont plutôt trois caractéristiques de l’Internet qui se conjuguent pour tendre à aggraver certains risques « conventionnels » de blanchiment :  La facilité d’accès via Internet,  La dématérialisation du contact entre le client et l’institution  Et la rapidité des transactions électroniques.

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Bien que l’on puisse considérer que ces facteurs contribuent positivement à l’efficience des services financiers et à la réduction de leur coût, ils rendent en même temps plus difficiles l’identification du client et le suivi de routine des comptes et des transactions par les institutions financières. Tout premier contact entre un nouveau client et une institution financière présente un risque potentiel. Elle doit en effet vérifier l’identité d’une personne physique qui peut, par exemple, présenter des pièces d'identité fausses ou contrefaites.

Elle doit procéder à une identification convenable des personnes morales quand il n’est pas possible de déterminer l’existence ou la nature juridique de l’entreprise. Elle doit vérifier les autorisations de signature de tous les comptes qui sont ouverts lorsque l’on ne sait pas précisément si le client intervient pour son propre compte. Dans le cas des services bancaires sur Internet, les difficultés pour l’institution sont encore plus grandes si les procédures d’ouverture d’un tel compte peuvent intervenir sans contact direct ni lien à un compte traditionnel existant.

Une fois réalisée la première identification, la banque considère que c’est le client identifié qui continue d’effectuer des transactions sur le compte. Cette hypothèse est sans doute valable pour les comptes bancaires traditionnels. En revanche, si l’accès à un compte se fait via Internet, il n’y a pas d’intervention humaine susceptible de contribuer à la détection d’opérations suspectes ou inhabituelles, comme c’est la cas lorsque des individus autres que le détenteur du compte effectuent des opérations sur le compte. Les renseignements sur l’accès au compte à partir d’autres lieux géographiques, autre indicateur possible d’opération inhabituelle, ne seraient également pas nécessairement détectables. De plus, les gestionnaires de compte peuvent avoir la charge d’un trop grand nombre de comptes et donc être moins à même de suivre les opérations des différents titulaires de comptes, même sils sont, en dernière analyse, équipés de logiciels de suivi.

La troisième question relève de la détermination de la juridiction compétente pour l’agrément et la surveillance des services financiers proposés par Internet. Les organismes financiers risquent de ne pas pouvoir vérifier que les services financiers disponibles par l’intermédiaire d’Internet sur leur territoire national (mais transitant par des serveurs situés à l’extérieur du territoire) respectent les procédures antiblanchiment convenables.

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Du point de vue des enquêtes, les questions de compétence se posent pour déterminer le lieu où une transaction en ligne est intervenue afin de déterminer l’endroit où les services d’enquête doivent rechercher les éléments documentaires prouvant l’existence de transactions liées à des opérations de blanchiment de capitaux.

Le « cyberpaiement » Le marché du « cyberpaiement » sur cartes prépayées, autrement dit le paiement électronique, est en forte croissance. Le système entier doit être repensé car les risques appellent une vigilance particulière et ciblée. Même si jusqu’à présent aucun cas de blanchiment n’a été découvert à partir des typologies, il existe certains exemples d’opérations clandestines ou de création de banque.

Que penser du porte-monnaie électronique, peut-on parler de vulnérabilité? On peut, par exemple, limiter le montant des transactions, et puisque les cartes sont distribuées par des organismes en relation directe avec les institutions financières, il est possible d’en contrôler la distribution. De même, leur fonctionnement peut être rattaché à celui d’un compte client connu. Par ailleurs, le système des porte-monnaie électroniques constitue un risque de blanchiment si les seuils étaient modifiés. En effet, tout comme pour l’argent liquide, le smurfing, pourrait trouver à s’appliquer en fractionnant les paiements en deçà des seuils.

Face à cette croissance, divers groupes de travail se sont réunis et des mesures ont été envisagées. Tout d’abord, il serait intéressant d’assujettir à la législation anti-blanchiment non seulement les émetteurs mais aussi les distributeurs d’instruments liés aux nouvelles technologies (compte tenu du recours croissant aux professionnels hors secteur financier). Il faudrait ensuite instaurer une autorisation d’exercer, comme l’agrément pour les banques ; aménager des mesures obligatoires d’identification du client avec leurs pistes d’audit afin d’aider les autorités, etc.… En fait les mesures sont à mettre en place.

Avant de conclure, il est important de noter que les établissements financiers ne sont plus les seuls concernés par la lutte contre le blanchiment. Les notaires, avocats, comptables et autres professionnels proposant des conseils financiers constituent désormais une composante commune dans les mécanismes complexes de blanchiment de capitaux. 47 ISCAE 2006/2007

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Le projet de loi sur le blanchiment rendra obligatoire la déclaration de soupçon par toutes ces personnes juridiques.

2- Mesures préexistantes dans les banques marocaines a- La circulaire n° 36 relative au devoir de vigilance incombant aux établissements de crédit (10) 

L’identification de la clientèle

Les établissements de crédit sont tenus de recueillir les éléments d’information permettant l’identification de toute personne qui Souhaite ouvrir un compte, quelque soit sa nature, ou louer un coffre fort Recourt à leurs services pour l’exécution de toutes autres opérations, mêmes ponctuelles, telles que le transfert de fonds. Préalablement à l’ouverture de tout compte, les établissements de crédit doivent avoir des entretiens avec les postulants et, le cas échéant, leurs mandataires, en vue de s’assurer de leur identité et de recueillir tous les renseignements et documents utiles relatifs aux activités des titulaires des comptes et à l’environnement dans lequel ils opèrent notamment lorsqu’il s’agit de personnes morales ou d’entrepreneurs individuels. Les comptes rendus de ces entretiens doivent être versés aux dossiers des clients. Une fiche d’ouverture de compte doit être établie au nom de chaque client personne physique, au vu des énonciations portées sur tout document officiel. Ce document doit être en cours de validité, délivré par une autorité marocaine habilitée ou une autorité étrangère reconnue et porter la photographie du client. Sont consignés dans cette fiche les éléments suivants :  Le(s) prénom(s) et le nom  Le numéro de la carte d’identité nationale, pour les nationaux ainsi que sa durée de validité ;  Le numéro de la carte d’immatriculation pour les étrangers résidents ainsi que sa durée de validité  Le numéro du passeport ou toute autre pièce d’identité en tenant lieu, pour les étrangers non résidents et sa durée de validité.  L’adresse exacte  La profession

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 Le numéro d’immatriculation au registre de commerce, pour les personnes physiques ayant la qualité de commerçant ainsi que le centre d’immatriculation. La fiche d’ouverture de compte ainsi que les copies des documents d’identité présentés doivent être classées dans un dossier ouvert au nom du client. Il en est de même des comptes rendus des entretiens. Pour le client personne morale, le contenu de la fiche d’ouverture du compte diffère. Elle est fonction de la nature juridique de celle-ci.

Les éléments d’identification sont :  La dénomination  La forme juridique  L’activité  L’adresse du siège social  Le numéro de l’identifiant fiscal  Le numéro d’immatriculation au registre de commerce ainsi que le centre d’immatriculation.

Les établissements de crédit peuvent exiger des documents complémentaires d’identification spécifiques à chaque catégorie de personne morale. Cette fiche doit être conservée dans le dossier ouvert au nom de la personne morale concernée ainsi que les documents complémentaires qui sont exigés suivant sa forme juridique. En vue de s’assurer de l’exactitude de l’adresse donnée par tout nouveau client, « une lettre de bienvenue lui est adressée. En cas d’adresse erronée, l’établissement de crédit doit s’assurer par tous moyens de l’adresse exacte. A défaut, il peut décliner l’entrée en relation et procéder à la clôture du compte. Les établissements de crédit doivent être en mesure de connaître, lors de l’ouverture d’un compte, si le postulant dispose déjà d’autres comptes ouverts sur leurs livres et si c’est le cas, l’historique de ces comptes. Ils se renseignent sur les raisons pour lesquelles la demande d’ouverture d’un nouveau compte est formulée. 

Le suivi et surveillance des opérations de la clientèle

Les établissements de crédit doivent classer leurs clients par catégories, selon leur profil de risque.

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A cet effet, les fiches d’ouverture de compte doivent retracer le profil de risque du client, établi sur la base des documents reçus, des résultats des entretiens préalables à l’ouverture de compte et en tenant compte de certains indicateurs tels que le pays d’origine du client, l’origine des fonds, la nature de l’activité exercée, la nature des opérations effectuées et l’historique du compte. Ils doivent en outre instituer, pour chaque catégorie de clients, des limites au delà desquelles des opérations pourraient être considérées comme inhabituelles ou suspectes. Les établissements de crédit doivent porter une attention particulière aux opérations financières effectuées par des intermédiaires professionnels tels que les notaires, les avocats, pour le compte de clients personnes physiques ou morales et aux opérations exécutées par des personnes dont le courrier est domicilié chez un tiers, dans une boite postale, aux guichets de l’établissement ou qui changent d’adresse fréquemment. Les conditions d’ouverture de nouveaux comptes et les mouvements de fonds d’importance significative doivent faire l’objet de contrôles centralisés en vue de s’assurer que tous les renseignements relatifs aux clients concernés sont disponibles et que ces mouvements n’impliquent pas d’opérations à caractère inhabituel ou suspect. Toute opération considérée inhabituelle ou suspecte doit donner lieu à l’élaboration d’un compte rendu à l’intention d’un responsable chargé d’assurer les relations avec Bank Al Maghrib en ce qui concerne les questions ayant trait au devoir de vigilance et dont la désignation est obligatoire. Enfin, les établissements de crédit doivent se doter de systèmes d’information qui leur permettent, pour chaque client :  De disposer de la position de l’ensemble des comptes détenus de recenser les opérations effectuées  D’identifier les transactions à caractère suspect ou inhabituel. 

La conservation et de la mise à jour de la documentation

Les établissements de crédit doivent conserver pendant dix ans les justificatifs relatifs : a. À l’identité de leurs clients et ce, à compter de la clôture des comptes de ces derniers, à l’identité des personnes b. Aux opérations effectuées avec leurs clients et ce, à compter de leur date d’exécution.

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L’organisation de la conservation des documents doit notamment permettre de reconstituer les transactions individuelles (montant et nature de l’opération) et de communiquer dans les délais requis, les informations demandées par toute autorité habilitée. Les établissements doivent veiller la mise à jour régulière des informations relatives à leurs clients et autant que possible et progressivement, à mettre à jour les dossiers relatifs à l’identification de leurs clients avec lesquels ils sont en relation avant l’entrée en vigueur de la présente circulaire. 

La formation du personnel et autres dispositions

Les établissements de crédit doivent veiller à ce que leur personnel, directement ou indirectement concerné par la mise en œuvre des dispositions de la présente circulaire, bénéficie d’une formation appropriée. Ils doivent sensibiliser le personnel aux risques auxquels pourraient être confrontés leurs établissements s’ils venaient à être utilisés à des fins illicites. Ils devront en outre, du moins pour ceux qui ont des filiales ou succursales installées dans des zones offshore ou dans des pays ne disposant pas de réglementation en matière de réglementation en matière de vigilance au moins équivalente à celle applicable au Maroc, veiller à ce que ces entités soient dotées d’un dispositif de vigilance similaire à celui prévu par la présente circulaire. Enfin, ils devront inclure dans le cadre du rapport sur le contrôle interne qu’ils sont tenus d’adresser à la Direction du Contrôle des Etablissements de Crédit, un chapitre consacré à la description des dispositifs de vigilance mis en place et des activités de contrôle effectuées en la matière.

b- Mesures prises par une banque marocaine

Afin d’anticiper l’entrée en vigueur imminente du texte de loi associé à la circulaire 36/G/2003 de Bank al Maghrib, et de réduire les temps de traitement des opérations suspectes, la BANQUE X a décidé de mettre en place une solution logicielle combinant le filtrage des opérations bancaires et des bases de données d’une part et l’analyse comportementale clientèle d’autre part. Pour cela, BANQUE X a fait appel à Valyans Consulting pour assurer l’intégration du progiciel SIRON-Suite de IMTF (éditeur Suisse spécialisé en Anti Money Laundering AML) 51 ISCAE 2006/2007

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Par la mise en place de cet outil, BANQUE X apparaît aujourd’hui comme un avant-gardiste dans le contexte marocain. BANQUE X pourra ainsi en plus d’être en conformité avec les exigences législatives et réglementaire (GAFI, circulaires de Bank Al Maghrib 36/G/2003), maîtriser le risque de réputation qui peut générer des pertes importantes pour la banque.

Les enjeux pour la BANQUE X sont les suivants : •

Répondre aux exigences réglementaires sous peine d’engager la responsabilité pénale des dirigeants, soit un risque important de réputation pour l’institution financière,



Réduire le temps de traitement des opérations suspectes,



Avoir un seul applicatif pour répondre aux besoins d’anti-blanchiment et de lutte contre le terrorisme

Phase de filtrage : Dans cette première étape, il s'agit de rapprocher les données clients et les transactions des listes noires internes ou fournies par les autorités - Ofac, Gafi, Journal officiel.



Le projet AML a démarré par une phase « Initialisation Projet » qui a permis la mise en place des infrastructures techniques et logistiques, la constitution des équipes projets, l’élaboration du planning global et du plan qualité, l’installation de l’outil de filtrage et la formation de l’équipe projet pour la partie filtrage. Il est ensuite entré dans sa phase «Conception». Cette phase a pour objectif de décrire l’expression des besoins utilisateurs et de s’assurer de leur adéquation dans la solution cible. In fine, le projet a atteint la phase de «Réalisation»: paramétrage, définition et réalisation des scénarios de tests associés.

Phase profilage : L'étape suivante consiste à se doter de progiciels d'analyse comportementale. Ces solutions balaient l'ensemble des données relatives aux clients et aux comptes, puis les comparent à un historique de fonctionnement. Des seuils d'alerte peuvent être définis en fonction de la provenance et de la destination de certaines transactions, de leur nature - apport disproportionné d'espèces, réveil d'un compte dormant, etc. - ou de leur montant.

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Tout d’abord, la phase de « Conception » a consisté à définir les besoins des utilisateurs et s’assurer de leur adéquation dans la solution cible; analyser les facteurs de risques; analyser les données existantes par rapport à la solution cible et déterminer des solutions palliatives.



La phase de « Réalisation des programmes d’alimentation » permet de mettre à disposition de l’outil, l’ensemble des données nécessaires à l’analyse du comportement client (regroupement des comptes clients, données de base clients, transactions…)



En parallèle, les « scénarios de tests » sont élaborés.

II-

Les apports du nouveau projet de loi contre le blanchiment des capitaux 1- Les grandes lignes du projet de loi a- La définition du blanchiment

Selon le projet de loi, constituent un blanchiment de capitaux, les infractions ci-après, lorsqu'elles sont commises intentionnellement:  Le fait d'acquérir, de détenir, d'utiliser, de convertir ou de transférer des biens dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine de ces biens, lorsqu'ils sont le produit, soit d'un crime, soit d'un délit, ou d'aider toute personne impliquée dans la commission d'une infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes;  le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur, soit d'un crime, soit d'un délit, ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect

 Le fait d'apporter un concours ou de donner des conseils à une opération de garde, de placement, de dissimulation, de conversion ou de transfert du produit direct ou indirect, soit d'un crime, soit d'un délit.

b- Les sanctions

Peine d'emprisonnement de 2 à 5 ans et amende de 20.000 à100.000 DH pour les personnes physiques.

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Amende de 500.000 à 2 millions de DH, sans préjudice des peines qui pourraient être prononcées à l'encontre des dirigeants et agents impliqués dans l’infraction. L'ensemble de ces sanctions est porté au double quand les infractions sont commises en utilisant les facilités que procure l'activité professionnelle. Il en est de même pour les bandes organisées, les personnes se livrant au blanchiment de façon habituelle et en cas de récidive.

Les personnes coupables de blanchiment de capitaux encourent, en outre, une ou plusieurs des peines suivantes:  La confiscation partielle ou totale des biens ayant servi à commettre l'infraction et des revenus générés par ces biens, sous réserve des droits des tiers de bonne foi;  L’interdiction temporaire ou définitive d'exercer, directement ou indirectement, une ou plusieurs fonctions ou activités à l'occasion de l'exercice desquelles l'infraction a été commise;  La fermeture temporaire ou définitive des établissements ayant été utilisés pour commettre l'infraction; la dissolution;  La publication des décisions de condamnation par tous moyens appropriés, aux frais de la personne condamnée.

Les peines prévues par la présente loi sont étendues, selon le cas, aux dirigeants et aux préposés des personnes morales impliqués dans des opérations de blanchiment de capitaux, lorsque leur responsabilité personnelle est établie.

c- Création de l'Unité

Chargée du traitement du renseignement financier sous l’autorité du ministre des Finances, l'Unité est composée d'agents publics et les modalités de fonctionnement seront fixées par décret. Elle a pour mission, entre autres, de recueillir et de traiter les renseignements liés au blanchiment de capitaux et de décider de la suite à réserver aux affaires dont elle est saisie. Elle est habilitée à ordonner des enquêtes et inspections et à collaborer avec les autres organismes concernés pour arrêter les mesures à mettre en oeuvre pour lutter contre le blanchiment.

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En outre, l'Unité peut proposer au ministre des Finances toute réforme législative, réglementaire ou administrative nécessaire. Elle est tenue de présenter un rapport annuel de son activité. Par ailleurs, dans le cadre des conventions internationales signées par le Maroc et en application du principe de réciprocité, l'Unité peut échanger les renseignements financiers liés au blanchiment de capitaux avec les autorités étrangères dotées d'une compétence similaire, dans le respect des dispositions légales en vigueur.

L’unité est tenue de constituer une base de données concernant les opérations de blanchiment de capitaux et doit également conserver pendant dix ans, à compter de la date de clôture de ses travaux concernant une affaire dont elle est saisie, tous renseignements ou documents, sur supports matériels ou électroniques.

d- Déclaration de soupçons

Les personnes et entités inscrites dans la liste de l'article 10 du projet de loi (cf. annexe), doivent déclarer à l'Unité, toute somme ou opération soupçonnée d'être liée au blanchiment de capitaux. Elles doivent également déclarer toute opération dont l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire est douteuse. Les indications à porter sur la déclaration de soupçon, ainsi que la nature et le montant minimum des opérations soumises à ladite déclaration, sont fixés par arrêté du Ministre chargé des Finances. Les personnes assujetties doivent communiquer à l'Unité l'identité des dirigeants et agents habilités à effectuer les déclarations de soupçon et à assurer la liaison avec ladite Unité. Les personnes habilitées à faire la déclaration de soupçon, ont pour tâches:  De centraliser les informations recueillies sur les opérations présentant un caractère inhabituel ou complexe;  De tenir leurs dirigeants régulièrement informés, par écrit, sur les opérations effectuées par les clients présentant un profil de risque élevé au sens de la présente loi.

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e- Les obligations de vigilance

Les personnes assujetties doivent mettre en place un dispositif interne de vigilance, de détection et de surveillance, permettant de veiller au respect des obligations prévues par la présente loi. En effet, elles sont tenues de recueillir tous les éléments d’information permettant l'identification de leur clientèle habituelle ou occasionnelle. Lorsque le client est une personne morale, elles doivent vérifier au moyen de tous documents, toutes les informations concernant sa dénomination, sa forme juridique, son activité, l'adresse du siège social, son capital, l'identité de ses dirigeants et les pouvoirs des personnes habilitées à la représenter vis-à-vis des tiers ou à agir en son nom en vertu d'un mandat.

Les personnes assujetties ne doivent pas effectuer toute opération lorsque l'identité des personnes concernées n'a pas pu être vérifiée ou lorsque celle-ci est incomplète ou manifestement fictive . Les personnes légalement habilitées à ouvrir des comptes doivent, avant d'ouvrir un compte, s'assurer de l'identité du postulant, conformément aux dispositions de l'article 488 du Code de Commerce. Elles doivent dans les mêmes conditions:

 s'assurer de l'identité de leurs clients occasionnels qui leur demandent d'effectuer des opérations dont la nature et le montant sont fixés par arrêté du Ministre chargé des Finances;

 s'assurer de l'identité des donneurs d'ordre pour l'exécution d'opérations dont le bénéficiaire est une tierce personne; se renseigner sur l'identité véritable des personnes au bénéfice desquelles un compte est ouvert ou une opération est réalisée lorsqu' il leur apparaît que les personnes qui ont demandé l'ouverture du compte ou la réalisation de l'opération n'auraient pas agi pour leur propre compte;



se renseigner sur l’identité des personnes agissant aux noms de leurs clients en vertu d'un mandat; se renseigner sur l'origine des fonds.

Les personnes légalement habilitées à ouvrir des comptes doivent vérifier, lors de l'ouverture d'un compte, si le postulant dispose d'autres comptes ouverts sur leurs livres. Elles doivent, en outre :  Se renseigner sur les raisons pour lesquelles la demande d'ouverture d'un nouveau compte est formulée;

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 veiller à la mise à jour régulière de dossiers juridiques afférents aux comptes de la clientèle;  assurer une surveillance particulière sur les comptes des clients présentant un profil de risque élevé.

f- Formation du personnel

Les établissements de crédit doivent veiller à ce que leur personnel, directement ou indirectement concerné par la mise en œuvre des dispositions de la présente circulaire, bénéficie d’une formation appropriée. Ils doivent sensibiliser le personnel aux risques auxquels pourraient être confrontés leurs établissements s’ils viendraient à être utilisés à des fins illicites. Le projet de loi sur le blanchiment d’argent est en cours de finalisation. Il complétera l’arsenal juridique permettant de lutter, non seulement contre le trafic de drogue, mais également contre le crime organisé et le terrorisme. Mais il risque d’avoir des impacts sur la relations entre la banque et sa clientèle en général, et sur les dépôts en particulier, d’où la nécessité d’une enquête permettant de déceler l’appréciation du nouveau projet de loi par les banques de la place.

2- Exemples concrets de cas atypiques

Les exemples suivants concrétisent les opérations de blanchiment au sein des établissements financiers et sensibilisent aux différents moyens utilisés par les blanchisseurs de capitaux.

Exemple 1 d’un compte de particulier avec versement d’espèces En 10 mois, un particulier dépose sur son compte en 7 versements en espèces un montant total de 1,1 millions de Dhs. Ce client exerce une activité de commerçant mais pour un chiffre d’affaires de 0,88 millions de Dhs. La banque n’a collecté aucun renseignement ==> Ce qui est atypique c’est :  La disproportion entre les revenus déclarés et les versements.  La forte concentration des versements (7 seulement en 10 mois) alors que les commerçants versent en principe leurs recettes très régulièrement pour éviter les cambriolages 57 ISCAE 2006/2007

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 L’absence de recettes en chèque et cartes bancaires. Exemple 2 d’un compte de particulier avec « rebond » vers un tiers à l’étranger. Encaissement par A d’un chèque de 1,18 millions de dirhams tiré sur un notaire. Emission le même jour d’un virement de même montant au profit de B, qui n’aucun lien connu avec A, sur un compte situé à l’étranger. Réception dans les 2 mois suivants par A de 4 virements de 100milliers de dirhams chacun émis depuis l’étranger.

==> Ce qui est atypique c’est :  La complexité des circuits utilisés  L’absence de connaissance par la banque de la situation de fortune de son client A.  L’absence de justification économique des transactions réalisées par A. Exemple 3 d’un compte de particulier ouvert chez un courtier en instruments financiers Peu après l’ouverture d’un compte censé servir de support à des opérations sur instruments financiers, le client a effectué 2 virements pour un montant total de 153 milliers de dirhams vers des comptes à son nom dans des banques et n’a jamais réalisé aucune opération avec le courtier. ==> Ce qui est atypique c’est :  L’absence de renseignement sur l’origine initiale des fonds du client.  L’absence totale d’opérations avec le courtier  Le transfert immédiat des fonds vers une banque qui permet de faire croire à cette dernière que les fonds sont issus de gains sur des opération de marché.

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Blanchiment des capitaux III-

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Conséquences du projet de loi 1- Pour les banques marocaines

L’intégrité du marché des services bancaires et financiers dépend fortement du sentiment qu’il fonctionne dans le cadre de normes juridiques, professionnelles et déontologiques rigoureuses. En matière d’intégrité, la réputation est l’un des actifs les plus précieux d’une institution financière. S’il est facile de retraiter facilement les fonds générés par des activités criminelles auprès d’une institution particulière – soit parce que ses salariés ou dirigeants ont été corrompus ou parce que l’institution ferme les yeux sur la nature criminelle de ces fonds – l’institution risque de se trouver entraînée dans une complicité active avec des criminels au point de devenir une composante du réseau criminel lui-même. La mise en évidence de telles complicités aura des effets préjudiciables sur l’attitude des autres intermédiaires financiers et des autorités de tutelle, de même que sur celle du client ordinaire. En ce qui concerne les conséquences macro-économiques potentiellement négatives d’un blanchiment de capitaux incontrôlé, le Fonds monétaire international a évoqué des variations inexplicables de la demande de monnaie, des risques prudentiels vis-à-vis de la santé financière de banques, des effets de contamination sur des opérations financières légales ou encore un renforcement de l’instabilité des mouvements internationaux de capitaux et des cours de change en raison de transferts transnationaux d’actifs inattendus. Tous ces aspects poussent à réfléchir qu’une loi sur le blanchiment est devenue primordiale pour une économie comme le Maroc, cependant plusieurs conséquences indésirables relevées au niveau de l’enquête rendent l’application de ce projet de loi plus contraignante pour les banques marocaines.

a- De lourds investissements non immédiatement productifs

Un grand retard est constaté au niveau des banques marocaines. Certains professionnels assurent qu’un nombre important des grandes institutions de la place sont toujours à la case départ. En général, les banques restent muettes à l’état actuel de leur dispositif de lutte antiblanchiment. Seules quelques unes, contactées par la revue la Vie économique, ont accepté d’exposer l’état d’avancement de leurs préparatifs. A BMCE Bank, par exemple, on explique qu’en plus de la création d’un département dédié à la question du blanchiment au sein du pole contrôle général et compliances, la banque est en train d’implémenter un logiciel capable de 59 ISCAE 2006/2007

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filtrage et d’analyse comportementale des comptes et transactions, en liaison avec les profils de risque. Cela est la triste réalité. Bon nombre de banques, celles typiquement marocaines ne se sont pas encore dotées de logiciels adéquats pour lutter contre le blanchiment. Alors que selon l’article 20 contenu dans la circulaire n°36 de Bank Al Maghrib, les établissements de crédit doivent se doter de systèmes d’information qui leur permettent, pour chaque client de disposer de la position de l’ensemble des comptes détenus, de recenser les opérations effectuées et d’identifier les transactions à caractère suspect ou inhabituel. Ceci dépasse le simple cadre d’une recommandation mais plutôt une obligation. Or, l’acquisition de tels progiciels coûte très cher. Il faut payer des redevances annuelles ou prendre les mises à jour et tout cela coûte excessivement cher dans la mesure où l’investissement n’est pas immédiatement rentable. L’investissement en progiciels n’est pas en elle-même source de rentabilité. Au contraire il grève la rentabilité de la banque en venant augmenter les charges et il n’y a pas de contrepartie directe. La contrepartie principale est la garantie du risque d’image. Mais celle – ci ne participe pas directement au développement du résultat net bancaire.

La grande question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les autres personnes assujetties à la déclaration de soupçon et qui sont tenus de mettre en place un dispositif interne de vigilance, de détection et de surveillance permettant de veiller au respect des obligations prévues par le projet de loi seront en mesure de se conformer à cette obligation. Les notaires ou les avocats pourront t-ils investir près de dix millions de dirhams pour se doter de systèmes d’information ?

b- Disparition du secret bancaire

L’article 107 de la loi du 6 juillet 1993 dispose que « toutes les personnes qui, à un titre quelconque, participent à l’administration, à la direction ou à la gestion d’un établissement de crédit, ou qui sont employées par celui-ci, les membres du conseil national de la monnaie et de l’épargne, du Comité des établissements de crédit,de la commission de discipline des établissements de crédit, les personnes chargées, même exceptionnellement, de travaux se rapportant au contrôle des établissements de crédit et, plus généralement, toute personne appelée, à un titre quelconque, à connaître ou à exploiter des informations se rapportant aux établissements de crédit, sont strictement tenus au secret professionnel pour toutes les

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affaires dont ils ont à connaître à quelque titre que ce soit, dans les termes et sous peine des sanctions prévues à l’article 446 du code pénal » Selon l’article 446 du code pénal, «les médecins, chirurgiens ou oficiers de santé ainsi que les pharmaciens, les sages -femmes ou toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession ou par fonction permanentes ou temporaires, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, ont révélé des secrets, sont punis de l’emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de 200 à 1000 dirhams». Les banques, selon la loi de 93 n’échappent pas à cette obligation de ne pas divulguer les informations que leur confie les clients. Des sanctions étaient prévues par la loi pour protéger la vie privée des clients. Selon l’article 11 du projet de loi, « les personnes assujetties sont tenues de communiquer à l’Unité tous renseignements nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Le secret professionnel ne peut être opposé à l’Unité par les personnes assujetties. » Avec l’obligation de déclaration de soupçon, le secret bancaire tombe. Dès lors que le banquier constate ou suspecte des opérations d’être illicites, il a l’obligation de fournir les renseignements sur le client à l’Unité chargée du traitement des renseignements financiers. Le secret bancaire ne sera plus opposable aux demandes de renseignements qui pourraient être formulées par l’entité en charge de la lutte contre le blanchiment. Cependant, la sortie de la loi contre le blanchiment viendra protéger les établissements de crédit. Celui qui dévoile l’information dans un cadre précis ne sera pas poursuivi par la justice.

2- Pour l’économie marocaine

En général, tout projet de lutte contre le blanchiment est anti-commercial. Pourquoi ? Il est clair que les banques vont devoir passer d’une logique de croissance du chiffre d’affaire ou de collecte de dépôt vers une gestion beaucoup plus serrée et fine de leur portefeuille de clients. Les banques vont devoir, à chaque fois qu’ils sont en face des clients vérifier la cohérence de leurs transactions. A ce titre, elles devront refuser certaines sommes. Le problème principal qui risque de se poser est que les banques seront confrontées à un besoin en ressources puisque l’économie est demandeur de financements. Cela aura pour

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conséquence de faire croître les taux créditeurs. Ceci est normal car dans la matière première de la banque : l’argent, devient rare. Si les taux de crédit croissent, les agents économiques, principalement les ménages seront amenés à ne pas vouloir s’endetter pour investir. Or, nous savons que la croissance du produit d’un pays est aussi fonction de la croissance de ses investissements. Donc, s’il n’y a pas d’investissement, cela impliquera un ralentissement de l’économie. Pas de création d’emplois, et donc augmentation du taux de chômage. Tout ceci pour dire que si la mise en place du processus de lutte anti-blanchiment n’est pas bien appréhendé, cela pourrait avoir un effet négatif sur l’économie de tout le pays.

IV-

Limites de projet de loi 1- Ignorance du secteur informel

Une grande faille de ce projet de loi est le fait qu’il ne prenne pas en compte les revenus issus du secteur informel. En effet, Selon Azzedine Maâch, président d’Amos Partenr’s, « il existe deux conceptions du blanchiment, l’une stricte et l’autre plus large ». La première consiste à donner une source légale à des fonds ayant une origine illégale établie. La seconde attribue une source légale à des fonds qui n’ont aucune origine. Autrement dit, la seconde définition intègre tous les revenus issus du travail au noir et de l’économie informelle.

Or, le nouveau projet ne fait en aucun cas référence à ce deuxième aspect du blanchiment. Il faut aussi dire que si cette deuxième définition était retenue, elle allait poser problème vu l’ampleur du secteur informel au Maroc. D'après les chiffres officiels, la contrebande a fait rapporter aux réseaux de distribution près de 15 milliards de DH en 2002. Elle a représenté 12% des importations du Maroc. Les 15 milliards de la contrebande devraient générer en termes de taxe 7,5 milliards de DH chaque année qui sont donc perçus en moins par l'Etat. Ceci montre en effet l’étendue du phénomène. Si la majeure partie de ces personnes allait être poursuivie pour blanchiment, le problème qui risque de se poser est une baisse du taux de bancarisation qui était déjà très peu élevé. Qu’est-ce qui expliquerait cette baisse du taux de bancarisation ? Il faut tout d’abord dire que beaucoup de familles marocaines vivent de l’informel. L’avènement du projet de loi sur le blanchiment va rendre la vie difficile à ces personnes qui, 62 ISCAE 2006/2007

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jadis déposaient leurs revenus dans les banques. Maintenant, les banques vont devoir leur demander à chaque fois de justifier l’origine de leurs revenus, chose qu’ils ne pourraient faire. Ceci aura pour conséquence de les renvoyer vers les systèmes d’antan : la thésaurisation. Ils préfèreront garder leurs revenus sur eux pour ne pas avoir à donner de détails aux banquiers. Ceci aurait porté un dur coup sur les banques car déjà, nous sommes à un taux de bancarisation d’à peu près 20 % et même si l’on ajoutait les clients de Barid Al Maghrib on en serait seulement qu’à 25%. Et donc, en voulant régler un problème (la garantie de la bonne image), les banques marocaines allaient retomber dans une autre difficulté. Mais le problème de bancarisation nous amène à nous poser des questions. La loi sur le blanchiment est-elle applicable dans un pays émergent comme le Maroc ? Rien qu’à considérer les pays d’Europe, nous savons que l’état de bancarisation de la population n’est pas le même qu’au Maroc. En France par exemple, la bancarisation est à saturation. La baisse du taux de bancarisation représenterait-elle en elle même un obstacle à l’activité des banques ? Serait-ce sensible comme variation ? Ceci n’est pas le cas pour le Maroc. Précisons aussi que pour les pays d’Europe, la loi contre le blanchiment n’est pas née «du jour au lendemain ». Elle a connu des étapes précises et s’est établi sur un certain nombre d’années. La question qu’on devrait se poser pour le Maroc est de savoir s’il est prêt pour subir cette nouvelle réglementation

2- Ignorance des délits fiscaux

Suivant l’article 2 du projet de loi, ne sont visés pour l’application de la dite loi que les délits dont la peine d’emprisonnement est d’au moins deux ans. Cela met hors champs d’application les délits fiscaux tels l’évasion fiscale ou la fraude fiscale. En effet, indépendamment des sanctions fiscales en vigueur, la loi prévoit des sanctions pénales à deux niveaux :  Une amende de 5000 à 50 000 Dhs ;  un emprisonnement de un à trois mois, mais qui ne peut être prononcé qu’en cas de récidive avant l’expiation d’un délai de cinq ans qui suit un jugement de condamnation à l’amende, jugement ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Ainsi, puisque la peine d’emprisonnement est inférieure à 2 ans, la personne qui commet un délit fiscal et qui « blanchit » ses revenus ne sera pas poursuivie de blanchiment. Mais cette pratique est –elle tolérable si l’on considère que la définition du GAFI intègre les revenus issus d’infractions telles la fraude ou l’évasion fiscale ? 63 ISCAE 2006/2007

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3- Ignorance du recours aux services financiers sur le Web à des fins de blanchiment de capitaux

Au cours de ces dernières années, le nombre d’institutions financières proposant des mécanismes bancaires en ligne a continué de s’accroître. Pratiquement tous les pays membres du GAFI font désormais état de l’existence, voire d’une présence accrue, de services financiers proposés sur leur territoire par L’intermédiaire de l’Internet. La gamme de services disponibles semble aussi s’élargir – tout comme l’acceptation et l’utilisation des systèmes de paiement électroniques par le grand public. Toutefois, ces tendances varient d’un territoire à un autre. A Hong Kong, Chine, par exemple, les paiements en espèces sont la norme et, même si les banques proposent des services bancaires en ligne, le public préfère actuellement l’utilisation des guichets automatiques de banque (GAB) ou le contact direct avec les institutions financières. En Finlande en revanche, près de la moitié de la population a accès à l’Internet et près de 85% des ordres de paiement des particuliers sont transmis aux banques par voie électronique. Au Maroc le problème ne se pose toujours pas, puisque l’accès à Internet est toujours limité mais le projet de loi ne doit pas ignorer l’aspect technologique comme source de blanchiment.

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Compte tenu de ce scénario, il semble que les jeux sur l’Internet puissent être un « service » idéal à partir du Web pour couvrir un mécanisme de blanchiment par l’intermédiaire de l’Internet. Il existe des éléments dans certains territoires membres du GAFI permettant de penser que des criminels utilisent le secteur du jeu sur l’Internet pour commettre des crimes et pour en blanchir le produit. Contre-mesures possibles En ce qui concerne les difficultés du suivi des liens sur l’Internet entre d’éventuels produits d’activités criminelles et l’individu qui tente de blanchir ces fonds, nous avons proposé les formules suivantes :  Imposer aux fournisseurs d’accès à l’Internet (FAI) la tenue de registres fiables de leurs abonnés avec des renseignements d’identification convenables.  Imposer aux FAI de créer des fichiers d’archivage des connexions comportant des données de trafic reliant le numéro de protocole Internet à l’abonné et au numéro de téléphone utilisé lors de la connexion.  Imposer la conservation de ces renseignements durant une période raisonnable (6 mois à un an7).

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 Veiller à ce que ces renseignements puissent être communiqués à l’échelle internationale en temps utile à l’occasion d’enquêtes criminelles.

4- Blanchiment de capitaux via les

Fiducies et autres structures non

constituées en sociétés.

Les fiducies sont cependant parfois utilisées comme une composante de mécanismes visant à faciliter ou dissimuler une activité illégale, notamment du blanchiment de capitaux. Comme les fiducies relèvent de la sphère privée, on peut en constituer dans certains pays dans l’intention de tirer avantage de règles strictes de confidentialité ou de secret afin de masquer l’identité du propriétaire ou bénéficiaire réel des biens de la fiducie. Elles servent parfois aussi à dissimuler des actifs vis-à-vis de créanciers ayant des droits légitimes, à protéger des biens d’une saisie dans le cadre d’une procédure judiciaire ou à occulter les divers aspects de mouvements de fonds liés à des mécanismes de blanchiment de capitaux ou de fraude fiscale

Contre-mesures possibles  Etablir une réglementation relative à la constitution des fiducies et à l’agrément des professionnels Intervenant dans ces opérations.  Réglementer la forme des fiducies.  Imposer une obligation d’immatriculation aux fiducies. 5- Avocats / Notaires, Comptables et autres professionnels

De toute évidence, dans certaines de ces fonctions, le blanchisseur potentiel ne s’en remet pas seulement à la compétence de ces professionnels, mais il les utilise et se sert de leur statut professionnel pour minimiser les soupçons entourant ses activités criminelles. Un avocat représentant un client dans une transaction financière ou lui ouvrant les portes d’une institution financière confère à ce client une certaine crédibilité aux yeux de la contrepartie ou de l’interlocuteur en raison des normes éthiques censées être associées à l’exercice de ces professions.

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Contre-mesures possibles

Il reste un certain nombre d’obstacles à lever avant de soumettre les divers « ouvreurs de porte » aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux, en particulier dans les professions juridiques. Souvent, ces professionnels ne sont pas les mandants impliqués dans une opération de blanchiment de capitaux et ils ne savent donc pas la façon dont leurs conseils ou les montages juridiques qu’ils proposent sont utilisés en dernier ressort. Même si cette attitude est parfois perçue, à juste titre ou non, comme un aveuglement coupable de la part du professionnel, il y a le facteur supplémentaire lié au fait que de nombreux professionnels du droit voient dans le respect des prescriptions anti-blanchiment une obligation contradictoire avec le privilège de la confidentialité de la communication entre l’avocat et son client. De fait, dans certaines juridictions, la loi interdit la divulgation de telles informations et cette interdiction s’étend à toutes les formes de communication indépendamment de la question de savoir si elles ont trait ou non à la fonction de l’avocat plaidant devant les tribunaux. Les initiatives visant à assujettir les professions juridiques aux prescriptions de la lutte contre le blanchiment se heurtent nécessairement à une forte résistance de ces professions et des partisans du respect de la confidentialité dans ces juridictions.

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6- Ignorance de l’utilisation abusive des organismes à but non lucratif à des fins de financement du terrorisme

L'utilisation potentiellement abusive d'organismes à but non lucratif par les groupes terroristes peut revêtir diverses formes. L'une d'elles est l'établissement d'un organisme à but non lucratif visant un objectif caritatif déclaré, mais dont la seule raison d’être est l’acheminement de fonds vers une organisation terroriste. Autre possibilité, un organisme à but non lucratif ayant un objet humanitaire ou caritatif légitime peut être infiltré par des terroristes ou des personnes qui soutiennent des terroristes et qui, une fois qu'elles ont obtenu des positions clés au sein de l'organisme, détournent une partie des fonds collectés à des fins caritatives légitimes afin de soutenir directement ou indirectement une organisation terroriste. Dans ce dernier cas, ces actes sont souvent commis à l'insu des donneurs, voire du personnel et des dirigeants de l'organisme lui-même. Autre possibilité encore, l'organisme peut servir d'intermédiaire ou de couverture pour des transferts de fonds, en général à une échelle internationale. Dans certains cas, le rôle de l'organisme peut aller jusqu'à assurer les déplacements et le soutien logistique aux terroristes eux-mêmes. Exemple : Utilisation abusive d'un poste au sein d'un organisme à but non lucratif à l'insu des donneurs L'organisme à but non lucratif P avait des bureaux dans différents pays où il mettait en oeuvre des projets de développement coopératif. Des personnes liées à une association terroriste étaient à la tête de certains de ces bureaux. L'organisme P n'avait cependant pas connaissance que les membres influents du personnel de ses bureaux dans le pays X étaient liés à cette organisation terroriste. L'organisme P avait son siège dans le pays X, et l'un de ses bureaux était situé dans un pays bénéficiaire (le pays Y). Monsieur B, à la tête de l'Organisation P dans le pays Y, ne figurait pas sur la liste des salariés dans le pays X, mais recevait néanmoins les dons de différentes personnes ou d'organismes internationaux. Monsieur B a détourné ces fonds en faveur d'une organisation terroriste, tirant parti de sa position et de son anonymat dans le pays X. Ces détournements ont été d'autant plus faciles que le projet a été financé par des donneurs qui n'étaient pas conscients du montant total des capitaux concernés. Il a donc été possible de dissimuler une partie de ceux-ci. En outre, comme les projets étaient réalisés dans des zones éloignées, il fallait un certain temps pour que les bénéficiaires découvrent qu'ils n'avaient reçu qu'une petite partie des sommes attendues. L'enquête a été difficile parce que les donneurs étaient également chargés de vérifier le bon déroulement du projet. Dans ce cas, comme les 68 ISCAE 2006/2007

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donneurs étaient certaines organisations du secteur public, les vérifications n'ont jamais été effectuées. Contre-mesures L’une des Recommandations spéciales publiée par le GAFI en octobre 2001 (la RS VIII) traite spécifiquement de la question des OBNL. Elle propose que les pays prennent des mesures pour s’assurer que les OBNL ne puissent être abusivement utilisés par des terroristes pour financer leurs activités. En 2001, le GAFI s’est efforcé d’élaborer des directives supplémentaires pour la mise en oeuvre de la RS VIII. En octobre 2002, il a publié un document sur les pratiques exemplaires, 6 qui donne des exemples concrets d’initiatives pouvant être prises pour s’assurer que les OBNL ne sont pas infiltrés par des terroristes. La loi marocaine doit s’inspirer de ces recommandations pour couper le chemin à des opérations de ce genre.

7- Ignorance de l’importance du blanchiment de capitaux par l’intermédiaire du secteur des valeurs mobilières.

Comment le marché des valeurs mobilières peut-il servir au blanchiment de capitaux ? Le secteur des valeurs mobilières à l’échelle mondiale se caractérise par sa diversité, la facilité avec laquelle les transactions peuvent désormais se dérouler (par des systèmes de transaction électronique par exemple) et par la possibilité de réaliser des transactions sur des marchés en tenant peu compte des frontières nationales. Ces caractéristiques font que les marchés des valeurs mobilières sont intéressants pour l’investisseur lambda cherchant à obtenir un bon rendement de ses placements. Ces mêmes caractéristiques ainsi que le volume considérable des transactions sur de nombreux marchés, font également que le secteur des valeurs mobilières peut constituer un mécanisme attractif pour le blanchiment de capitaux d’origine criminelle. Acceptation d’espèces et entrée de fonds illégaux dans le secteur des valeurs mobilières Sur de nombreux marchés des valeurs mobilières, seules certaines personnes ou entreprises autorisées, comme les sociétés de bourse, les banques ou certains conseillers financiers indépendants peuvent effectuer des transactions. Ces opérateurs du marché se voient généralement limiter, voire interdire la possibilité d’accepter des espèces pour effectuer de telles transactions. De nombreux experts ont indiqué que les fonds d’origine criminelle sous forme d’espèces doivent donc être introduits dans le système financier avant de pouvoir entrer dans le secteur des valeurs mobilières. En conséquence, l’utilisation du secteur des valeurs 69 ISCAE 2006/2007

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mobilières pour le blanchiment était considérée comme relevant avant tout des phases d’empilage et d’intégration du blanchiment de capitaux. Malgré cette idée que le secteur des valeurs mobilières ne convient pas à la phase de placement du processus de blanchiment, quelques affaires rapportées par des membres du GAFI cette année étaient des exemples dans lesquels un courtier avait accepté des paiements en espèces en contradiction avec la pratique du secteur et en violation des règles formelles applicables à cette pratique. Même si l’acceptation d’espèces représente sans doute la minorité des opérations de blanchiment sur la plupart des marchés, le recours aux commissions comme sources de revenus pour les professionnels du marché des valeurs peut – comme l’ont souligné plusieurs experts – exercer une incitation à accepter des espèces en infraction avec les règles ou procédures. Exemple : Une société de bourse accepte des fonds d’origine criminelle en espèces Un courtier du Pays C a régulièrement accepté d’un client des dépôts en espèces de l’ordre de 7 000 dollars à 18 000 dollars. Ces fonds ont été placés sur un fonds du marché monétaire de la soeur du client et retirés par chèques. À la suite de l’arrestation du courtier pour des accusations de détournement de fonds sans rapport avec l’affaire, l’identité du client a été portée à la connaissance des services opérationnels. Lorsque la police a vérifié les antécédents du client, il s’est avéré qu’il s’agissait d’un trafiquant de stupéfiants connus.

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CONCLUSION Un observateur averti note que s’il s’agit d’une simple opération de relifting politique, le retour de manivelle risque d’être très dangereux pour le Maroc. Le pays a l’obligation de se protéger à l’international, sous peine de devenir l’entonnoir des mafias internationales qui sont aujourd’hui à la recherche de la moindre brèche pour s’installer dans un pays. Il ne faut pas non plus sous-estimer le poids de la pression internationale qui est exercée».

Déjà, aujourd’hui, le pays est montré du doigt. Tanger, Nador et la zone Nord, de façon générale, sont considérées, en l’absence de statistiques officielles, comme les premières régions pourvoyeuses d’argent sale au Maroc en raison de l’économie du cannabis et de l’immigration clandestine qui y fleurissent. Le chiffre d’affaires de ces deux activités à elles seules est estimé à plusieurs dizaines de milliards de dirhams. Le recyclage de cet argent et celui provenant d’autres sources douteuses va dans différents circuits. Il y a d’abord ceux qui ne sont soumis à aucun contrôle ou, lorsqu’il existe, ne verrouillent pas suffisamment le dispositif.

Les spécialistes listent, pêle-mêle, les secteurs de l’agriculture, de l’immobilier, des œuvres d’art, des bijoux, les casinos, les investissements dans les glaciers et même les timbres postaux. Ce circuit est encore aggravé lorsque, et c’est le cas du Maroc, le secteur informel est prépondérant. «L’informel s’érige souvent en écran de fumée devant les actes de blanchiment. Les contrôles des réinjections deviennent quasiment impossibles», affirme un banquier. Lorsque le paiement cash, quel que soit le montant, devient une règle illégale mais bien tolérée, la vente sans facture largement répandue et la non-déclaration au fisc une pratique courante, on peut effectivement s’interroger sur la portée de ce projet de loi.

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BIBLIOGRAPHIE  Jean-Louis Hérail & Patrick Ramael,"Blanchiment d'argent et crime organisé", PUF, 1996  Les cahiers de la sécurité intérieure, "Noir, gris, blanc : les contrastes de la criminalité économique", n° 36, 2ème ttrimestre 1999  Paolo Bernasconi, " Flux internationaux d’origine illicite : la Suisse face aux nouvelles stratégies "  Monde-IUED, Genève 1990.  Fonctionnement ; dysfonctionnements et impact réel du système financier, la criminalité financière, Carine Sontnag, Bourse et marchés financiers, Cahiers Français, n°301.  Le Monde Diplomatique, avril 2000  Jean-Claude Grimal, "Drogue : L'autre mondialisation", Édition Gallimard, 2000  Marie Christine DUPUIS, « Finance criminelle », PUF, juin 1998  Marie-Christine Dupuis, "Finance criminelle", PUF, juin 1998  Michel Chossudovsky "la mafia, monde diplomatique"  Olivier Jerez, " Le blanchiment d'argent", op -cit,  Les cahiers de la sécurité intérieure, "Noir, Gris, Blanc", op-cit,  www.fatf-gafi.org  Criminalité financière, L. François, P. Chaigneau, M. Chesney, éditions organisation, 2002

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ANNEXE: CIRCULAIRE 36/G DE BANK AL MAGHRIB

BANK AL-MAGHRIB LE GOUVERNEUR Circulaire n° 36/G/2003 Rabat, le 29 Chaoual 1424 24 Décembre 2003

CIRCULAIRE N°36 RELATIVE AU DEVOIR DE VIGILANCE INCOMBANT AUX ETABLISSEMENTS DE CREDIT

Considérant les dispositions du troisième tiret du deuxième alinéa de l’article 5 du dahir n° 1-59-233 du 23 hijja 1378 (30 juin 1959) portant création de Bank Al-Maghrib ; Considérant le Code de commerce notamment son article 488 ;

Considérant les normes édictées par le Comité de Bâle en matière de devoir de diligence au sujet de la clientèle et les standards internationaux relatifs à la lutte contre la criminalité financière organisée notamment les recommandations du Groupe d’Action Financière sur le Blanchiment de Capitaux (GAFI) ;

Considérant les dispositions de l’article 70 de la circulaire de Bank Al-Maghrib n°6/G/2001 relative a u contrôle interne.

Bank Al-Maghrib fixe, ci-après, les règles minimales que les établissements de crédit sont tenus d’adopter au titre du devoir de vigilance au sujet de la clientèle.

Article 1 :

Les établissements de crédit sont tenus de mettre en place les procédures nécessaires qui leur permettent : D’identifier leur clientèle et d’en avoir une connaissance approfondie ; D’assurer le suivi et la surveillance des opérations de la clientèle notamment celles présentant un degré de risque important ; De conserver et de mettre à jour la documentation afférente à la clientèle et aux opérations qu’elle effectue. Ils doivent, en outre, sensibiliser leur personnel et le former aux techniques de détection et de prévention des opérations à caractère inhabituel ou suspect. Article 2 73 ISCAE 2006/2007

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Les procédures visées à l’article premier ci-dessus sont consignées dans un manuel qui doit être approuvé par l’organe d’administration de l’établissement de crédit. Ce manuel doit être périodiquement mis à jour en vue de l’adapter aux dispositions légales et réglementaires en vigueur et à l’évolution de l’activité de l’établissement de crédit. I - IDENTIFICATION DE LA CLIENTELE Article 3 Les établissements de crédit sont tenus de recueillir les éléments d’information permettant l’identification de toute personne qui : Souhaite ouvrir un compte, quelle que soit sa nature, ou louer un coffre fort ; Recourt à leurs services pour l’exécution de toutes autres opérations, même ponctuelles, telles que le transfert de fonds. Article 4 Préalablement à l‘ouverture de tout compte, les établissements de crédit doivent avoir des entretiens avec les postulants et, le cas échéant, leurs mandataires, en vue de s’assurer de leur identité et de recueillir tous les renseignements et documents utiles relatifs aux activités des titulaires des comptes et à l’environnement dans lequel ils opèrent notamment lorsqu’il s’agit de personnes morales ou d’entrepreneurs individuels. Les compte rendus de ces entretiens doivent être versés aux dossiers des clients, prévus aux articles 5 et 6 ci-après. Article 5 Une fiche d’ouverture de compte doit être établie au nom de chaque client personne physique, au vu des énonciations portées sur tout document d’identité officiel. Ce document doit être en cours de validité, délivré par une autorité marocaine habilitée ou une autorité étrangère reconnue et porter la photographie du client. Sont consignés dans cette fiche les éléments suivants : Le(s) prénom(s) et le nom ; Le numéro de la carte d’identité nationale, pour les nationaux ainsi que sa durée de validité ; Le numéro de la carte d’immatriculation, pour les étrangers résidents ainsi que sa durée de validité ; Le numéro du passeport ou de toute autre pièce d’identité en tenant lieu, pour les étrangers non résidents et sa durée de validité ; L’adresse exacte ;

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La profession ; Le numéro d’immatriculation au registre de commerce, pour les personnes physiques ayant la qualité de commerçant ainsi que le centre d’immatriculation. Les éléments d’identification ci-dessus doivent également être recueillis des personnes qui pourraient être amenées à faire fonctionner le compte d’un client en vertu d’une procuration. La fiche d’ouverture de compte ainsi que les copies des documents d’identité présentés doivent être classées dans un dossier ouvert au nom du client. Article 6 Une fiche d’ouverture de compte doit être établie au nom de chaque client personne morale dans laquelle doivent être consignés, selon la nature juridique de ces personnes, l’ensemble ou certains des éléments d’identification ci-après : La dénomination ; La forme juridique ; L’activité ; L’adresse du siège social ; Le numéro de l’identifiant fiscal ; Le numéro d’immatriculation au registre du commerce ainsi que le centre d’immatriculation. Cette fiche doit être conservée dans le dossier ouvert au nom de la personne morale concernée ainsi que les documents complémentaires, ci-après précisés, correspondant à sa forme juridique. Les documents complémentaires devant être fournis par les sociétés commerciales incluent notamment : Les statuts mis à jour ; La publicité légale relative à la création de la société et aux éventuelles modifications affectant ses statuts ; Les procès-verbaux des délibérations des assemblées générales ou des associés ayant nommé les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance ou les gérants ; Les noms des dirigeants et les personnes mandatées pour faire fonctionner le compte bancaire.

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Dans le cas de sociétés en cours de constitution, l’établissement de crédit doit exiger la remise du certificat négatif, le projet des statuts et recueillir tous les éléments d’identification des fondateurs et des souscripteurs du capital. Les documents complémentaires devant être fournis par les associations incluent : Les statuts mis à jour ; Le certificat ou récépissé de dépôt légal du dossier juridique de l’association auprès des autorités administratives compétentes ; Les procès-verbaux de l’assemblée générale constitutive portant élection des membres du bureau, du président et la répartition des tâches au sein du bureau ; Les noms des dirigeants et les personnes mandatées pour faire fonctionner le compte bancaire. Les documents complémentaires devant être fournis par les coopératives incluent : Les statuts mis à jour ; Le procès-verbal de l’assemblée constitutive ; L’acte portant nomination des personnes habilitées à faire fonctionner le compte ; La décision portant agrément de la constitution de la coopérative. Les documents complémentaires devant être fournis par les établissements et autres entités publics incluent : L’acte constitutif ; Les actes portant nomination des représentants ou fixant les pouvoirs des différents organes de l’établissement ; Les noms des personnes habilitées à faire fonctionner le compte. Pour les autres catégories de personnes morales (groupement d’intérêt économique, groupement d’intérêt public, société anonyme simplifiée, etc), les établissements de crédit exigent les éléments complémentaires d’identification spécifiques en se référant aux textes législatifs qui les régissent. Article 7 Les établissements de crédit recueillent des personnes qui ne disposent pas de comptes ouverts sur leurs livres et souhaitent louer un coffre fort ou effectuer des opérations ponctuelles auprès de leurs guichets les éléments nécessaires à leur identification et à celle des personnes qui en sont les bénéficiaires. Article 8

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Sont soumises aux mêmes exigences visées aux articles 4, 5 et 6 ci-dessus, les demandes d’ouverture de comptes à distance ( par voie d’Internet, par exemple). Article 9 A défaut des originaux, les photocopies des documents d’identité visés à l’article 5 et celles des statuts, des procès verbaux et des documents délivrés par une autorité administrative prévus à l’article 6 ci-dessus doivent être dûment certifiées conformes par les autorités compétentes. Dans le cas des personnes morales ayant leur siège social à l’étranger, ces documents doivent, sauf dispositions particulières prévues par une convention internationale, être certifiés conformes auprès des services consulaires marocains installés dans leur pays ou auprès des représentations consulaires de leur pays au Maroc. Les documents rédigés dans une langue autre que l’Arabe ou le Français doivent être traduits dans l’une de ces deux langues par un traducteur assermenté. Article 10 Les documents visés aux articles 5 et 6 ci-dessus doivent faire l’objet d’un examen minutieux pour s’assurer de leur régularité apparente et, le cas échéant, être rejetés si des anomalies sont détectées. Lorsque les informations fournies par le client ne concordent pas avec celles figurant sur les documents présentés, des justificatifs complémentaires doivent être exigés. Article 11 En vue de s’assurer de l’exactitude de l’adresse donnée par tout nouveau client, « une lettre de bienvenue » lui est adressée. En cas d’adresse erronée, l’établissement de crédit doit s’assurer par tous moyens de l’adresse exacte. A défaut, il peut décliner l’entrée en relation et procéder à la clôture du compte. Article 12 Les établissements de crédit doivent être en mesure de connaître, lors de l’ouverture d’un compte, si le postulant, dispose déjà d’autres comptes ouverts sur leurs livres et si c’est la cas, l’historique de ces comptes. Ils se renseignent sur les raisons pour lesquelles la demande d’ouverture d’un nouveau compte est formulée. II - SUIVI ET SURVEILLANCE DES OPERATIONS DE LA CLIENTELE Article 13 Les établissements de crédit doivent classer leurs clients par catégories, selon leur profil de risque.

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A cet effet, les fiches d’ouverture de compte doivent retracer le profil de risque du client, établi sur la base des documents reçus en application des dispositions des articles 5 et 6 ci-dessus, des résultats des entretiens visés à l’article 4 ci-dessus et en tenant compte de certains indicateurs tels que le pays d’origine du client, l’origine des fonds, la nature de l’activité exercée, la nature des opérations effectuées et l’historique du compte. Article 14 Les établissements de crédit doivent instituer, pour chaque catégorie de clients, des limites au delà desquelles des opérations pourraient être considérées comme inhabituelles ou suspectes. Article 15 Les opérations inhabituelles ou suspectes visées à l’article 14 ci-dessus, incluent notamment les opérations qui : Ne semblent pas avoir de justification économique ou d’objet licite apparent ; Portent sur des montants sans commune mesure avec celles habituellement effectuées par le client ; Se présentent dans des conditions inhabituelles de complexité. Article 16 Les établissements de crédit doivent porter une attention particulière aux opérations financières effectuées par des intermédiaires professionnels (tels que les notaires, les avocats, les entreprises qui effectuent, à titre de profession habituelle l’intermédiation, le conseil et l’assistance en matière de gestion de patrimoine) pour le compte de leurs clients personnes physiques ou morales. Article 17 Les établissements de crédit doivent prêter une attention particulière aux opérations exécutées par des personnes dont le courrier est domicilié chez un tiers, dans une boîte postale, aux guichets de l’établissement ou qui changent d’adresse fréquemment. Article 18 Les conditions d’ouverture de nouveaux comptes et les mouvements de fonds d’importance significative doivent faire l’objet de contrôles centralisés en vue de s’assurer que tous les renseignements relatifs aux clients concernés sont disponibles et que ces mouvements n’impliquent pas d’opérations à caractère inhabituel ou suspect. Toute opération considérée comme ayant un caractère inhabituel ou suspect doit donner lieu à l’élaboration d’un compte rendu à l’intention du responsable visé à l’article 19 ci-après. Article 19

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Chaque établissement de crédit doit désigner un responsable et un suppléant chargés d’assurer les relations avec Bank Al-Maghrib en ce qui concerne les questions ayant trait au devoir de vigilance. Ce responsable a également pour tâches : De centraliser et examiner les comptes rendus des agences sur les opérations ayant un caractère inhabituel ou suspect ; D’assurer un suivi particulier des comptes qui enregistrent des opérations considérées comme inhabituelles ou suspectes ; De tenir la direction de l’établissement continuellement informée sur les clients présentant un profil de risque élevé. Article 20 Les établissements de crédit doivent se doter de systèmes d’information qui leur permettent, pour chaque client : De disposer de la position de l’ensemble des comptes détenus ; De recenser les opérations effectuées ; D’identifier les transactions à caractère suspect ou inhabituel visées à l’article 14 ci-dessus. III - CONSERVATION ET MISE A JOUR DE LA DOCUMENTATION Article 21 Les établissements de crédit conservent pendant dix ans les justificatifs relatifs : A l'identité de leurs clients et ce, à compter de la clôture des comptes de ces derniers ; A l’identité des personnes visées à l’article 7 ci-dessus ; Aux opérations effectuées avec leurs clients et ce, à compter de leur date d’exécution. Article 22 L'organisation de la conservation des documents doit notamment permettre de reconstituer les transactions individuelles (montant et nature de l'opération) et de communiquer dans les délais requis, les informations demandées par toute autorité habilitée. Article 23

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Les établissements de crédit veillent à la mise à jour régulière des informations relatives à leurs clients. Article 24 Les établissements de crédit doivent veiller, autant que possible et progressivement, à mettre à jour les dossiers relatifs à l’identification de leurs clients avec lesquels ils sont en relation avant l’entrée en vigueur des dispositions de la présente circulaire. IV - FORMATION DU PERSONNEL Article 25 Les établissements de crédit doivent veiller à ce que leur personnel, directement ou indirectement concerné par la mise en œuvre des dispositions de la présente circulaire, bénéficie d’une formation appropriée. Ils doivent sensibiliser le personnel aux risques auxquels pourraient être confrontés leurs établissements s’ils viendraient à être utilisés à des fins illicites. V - AUTRES DISPOSITIONS Article 25 Les établissements de crédit ayant des filiales ou des succursales, installées dans des zones offshore ou dans des pays ne disposant pas de réglementation en matière de vigilance, au moins équivalente à celle applicable au Maroc, doivent veiller à ce que ces entités soient dotées d’un dispositif de vigilance similaire à celui prévu par la présente circulaire. Article 26 Les établissements de crédit incluent, dans le cadre du rapport sur le contrôle interne qu’ils sont tenus d’adresser à la Direction du Contrôle des Etablissements de Crédit conformément à l’article 20 de la circulaire n° 6/G/2001 précitée, un chapitre consacré à la description des dispositifs de vigilance mis en place et des activités de contrôle effectuées en la matière. Article 27 Les dispositions de la présente circulaire entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2004.

Signé : A.JOUAHRI

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